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Version finale

39e législature, 1re session
(13 janvier 2009 au 22 février 2011)

Le mardi 2 février 2010 - Vol. 41 N° 43

Consultation générale et auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives en matière d'adoption et d'autorité parentale


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-deux minutes)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Si vous avez des cellulaires, veuillez les fermer, s'il vous plaît, pour la bonne marche de nos travaux.

Je vous rappelle, le mandat de la commission est de tenir des audiences publiques dans le cadre de la consultation générale sur l'avant-projet de loi intitulé Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives en matière d'adoption et d'autorité parentale.

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gauvreau (Groulx) remplace M. Cloutier (Lac-Saint-Jean).

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, avant même de vous lire l'ordre du jour, je tiens à vous saluer, messieurs mesdames; bon retour à l'Assemblée nationale. Monsieur du côté de... mesdames monsieur du côté de l'opposition et, à ma droite, Mme la ministre, bienvenue à la commission. Mais mes bienvenues spécifiques seront pour nos invités, parce que vous savez que vous êtes les bienvenus. Non seulement vous êtes les bienvenus, mais vous êtes essentiels à cette commission, parce que par vos propos vous allez nous permettre d'avancer un peu plus loin dans notre réflexion.

Donc, pour ceux qui vont vous suivre, Mme la Protectrice du citoyen et M. le vice-protecteur, je vais vous donner rapidement un peu l'ordre du jour: la Centrale des syndicats du Québec, vers 10 h 30; ensuite viendra le Barreau du Québec; nous allons suspendre les travaux quelques instants, pour finalement rencontrer la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse; l'Association des avocats et des avocates en droit familial du Québec; Fondation Gilbert... et là je... soyez indulgents envers moi, c'est C-l-a-e-s, donc la prononciation, ça doit être Claes -- pour l'instant, on va s'en tenir à Claes, mais on va vérifier ça; et, à 17 heures, Association des grands-parents du Québec; et nous ajournerons, si le Dieu qui nous aime tant nous le permet.

Donc, sans plus tarder, je vous donne les petites... les petites directives, qui sont fort simples: il y a en tout 60 minutes; nous avons 10 minutes pour votre présentation et 50 minutes pour les échanges qui seront de part et d'autres, du côté de l'opposition et du côté gouvernemental.

Auditions (suite)

Donc, sans plus tarder, je vais... je vous resouhaite la bienvenue. Je vais demander de vous présenter, même si c'est un peu fortuit compte tenu que tout le monde vous connaît bien, Mme la Protectrice, mais quand même, pour le bénéfice de nos auditeurs, et de faire votre présentation, s'il vous plaît.

Bureau du Protecteur du citoyen

Mme Saint-Germain (Raymonde): Alors, merci, M. le Président. Je suis donc Raymonde Saint-Germain, Protectrice du citoyen, et je suis accompagnée de M. Claude Dussault, qui est le vice-protecteur.

Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, cet avant-projet de loi qu'examine la commission pose d'emblée le défi de respecter un principe fondamental, celui de la primauté de l'intérêt de l'enfant sur toute autre considération et, dans la mesure du possible, de concilier ce principe avec d'autres enjeux d'importance. Parmi ceux-ci se posent avec acuité l'établissement d'une autorité parentale réelle des adoptants et le respect du désir ou du refus des parents d'origine de maintenir un lien de filiation avec leur enfant.

La complexité de ce dossier réside dans la mise en place de conditions qui, dans la réalité, garantiront cet intérêt de l'enfant. Par ailleurs, les deux nouvelles formes d'adoption qu'introduit cet avant-projet de loi, soit l'adoption sans rupture du lien de filiation et l'adoption ouverte, sont proposées dans un contexte d'exception bien ciblé. Il faut comprendre que l'adoption plénière demeurera la règle, ce à quoi je souscris entièrement.

Mon examen de cet avant-projet de loi s'est en conséquence appuyé sur cinq préoccupations principales: le respect réel de la primauté de l'enfant dans la mise en oeuvre concrète des modifications proposées; le respect de l'autonomie et de l'autorité parentale des adoptants; le respect de la volonté des parents d'origine sans que ce soit au détriment de l'intérêt de l'enfant et de l'autorité parentale conférée aux adoptants; la capacité des services publics concernés, au premier chef les centres jeunesse et les directeurs de protection de la jeunesse, d'assumer les responsabilités additionnelles que l'éventuelle loi leur confiera; et la prévention d'une judiciarisation excessive de décisions qui devraient relever de l'autorité parentale ou qui pourraient être administrées sans le recours au tribunal.

Si je suis d'avis que la plupart des modifications que propose l'avant-projet répondent à un réel besoin d'actualiser les règles en cours, j'ai des préoccupations pour la mise en place de la réforme. Je crains que l'on ne perde rapidement de vue l'enfant. Comment tiendra-t-on compte de son intérêt? Certains aspects m'interpellent, notamment: la discrétion laissée aux tribunaux au regard de l'adoption sans rupture du lien de filiation; le manque de précision entourant l'adoption ouverte; la judiciarisation de la procédure en cas de bris d'entente ou à l'égard de la divulgation d'antécédents médicaux; et la solidité de mesures qui seront mises en place pour assurer la bonne gestion de la réforme, dans le respect des diverses dispositions.

Plus spécifiquement sur l'adoption sans rupture du lien de filiation, c'est une nouvelle forme d'adoption qui effectivement permet d'actualiser les règles et peut être souhaitable pour certains enfants plus âgés ou encore dans le cadre d'une adoption intrafamiliale. Je crois qu'il y aurait lieu de limiter cette forme d'adoption aux deux situations que décrit l'article 14 et de supprimer le libellé du mot «notamment». Il faut rappeler que nous sommes en présence d'une forme particulière d'adoption dans un contexte où l'adoption plénière demeure la norme. Je m'interroge aussi sur l'expression «enfant plus âgé». Je comprends que l'intention du législateur est de limiter cette forme d'adoption aux enfants suffisamment âgés pour avoir tissé des liens d'appartenance significatifs et positifs avec leurs parents d'origine. Tout en étant consciente de la difficulté qui est inhérente à cet exercice, je suis toutefois d'avis qu'il y aurait lieu d'apporter des précisions sur cette expression et sur sa portée.

Les effets juridiques de l'adoption sans rupture du lien de filiation. L'avant-projet prévoit que, lorsque le tribunal décide de ne pas rompre le lien de filiation, l'enfant conserve, à l'égard de son père et de sa mère biologiques dits d'origine, le droit à des aliments s'il ne peut les obtenir des adoptants ou encore s'il ne peut les obtenir à un niveau suffisant. Ma préoccupation est la suivante: je comprends que le droit aux aliments serait unilatéral en faveur de l'enfant. En d'autres termes, le parent d'origine ne pourrait pas réclamer des aliments à l'adopté majeur. Est-ce bien le cas? Qu'en sera-t-il par ailleurs des droits successoraux en l'absence d'un testament? Je n'ai rien noté à ce sujet. Je crois que cette disposition concernant le droit à des aliments va au-delà de l'esprit de l'avant-projet de loi. L'objectif de l'adoption sans rupture du lien de filiation d'origine n'est-il pas de répondre aux besoins identitaires de l'enfant, dans les deux situations que mentionne l'article 14? Encore ici, en toute cohérence avec les principes fondamentaux du Code civil, il y aurait lieu d'apporter des précisions sur tous les effets juridiques possibles de l'adoption sans rupture du lien de filiation.

**(9 h 40)**

Sur l'adoption ouverte, la situation que veut prévoir cette forme d'adoption est celle où il y a eu consentement à l'adoption de la part des parents ou, plus fréquemment, lorsque le tribunal a déclaré l'enfant admissible à l'adoption en vertu de l'article 559 du Code civil. Selon les intervenants en adoption, les cas les plus souvent soumis à l'attention du tribunal sont ceux d'enfants dont ni... dont ni le père ni la mère n'ont de fait assumé le soin, l'entretien ou l'éducation depuis au moins six mois, d'où mon interrogation: Les parents d'origine seront-ils en mesure de respecter l'entente conclue avec les parents adoptants? En cas de non-respect de cette entente, quels seront les impacts sur l'enfant?

En l'absence de données concluantes sur cette forme d'adoption, il est impératif, à mon avis, de prévoir dès à présent la procédure et les services requis afin d'éviter qu'en fin de compte les enfants soient pénalisés. Je pense ici aux évaluations psychosociales, aux services de soutien aux parents, au suivi post-adoption. Je ne crois pas qu'il faille les rendre obligatoires, cependant, mais il faut qu'ils soient accessibles lorsqu'ils sont nécessaires. Les centres jeunesse détiennent-ils ou détiendront-ils alors les ressources suffisantes pour dispenser ces services?

Par ailleurs, compte tenu des impacts possibles d'une adoption ouverte, ne serait-il pas indiqué d'offrir également aux parents une forme d'adoption semi-ouverte? Il s'agit ici d'une forme plus restrictive d'accès à des données jusqu'à ce que l'enfant soit en mesure de décider de la présence ou non d'un lien et de sa nature. En d'autres termes, il s'agit de limiter les ententes de communication à des échanges de renseignements non identificatoires et à des messages par un intermédiaire qui pourrait être le centre jeunesse.

Quelques commentaires, maintenant, sur la procédure. L'avant-projet de loi prévoit que les ententes de communication pourront être entérinées ou ne pas l'être. Elles pourront subséquemment faire l'objet d'une modification ou encore d'une révocation devant le tribunal. En cas de désaccord sur l'application de l'entente entérinée, les parties pourront avoir recours à une procédure de règlement des différends ou encore s'adresser au tribunal. Ces dispositions mériteraient des précisions: Qui aura la responsabilité du règlement des différends? Les centres jeunesse, les juristes, avocats ou notaires, des médiateurs privés accrédités? Par ailleurs, la judiciarisation des procédures post-adoption ne comporte-t-elle pas le risque de placer et de maintenir l'enfant dans une situation conflictuelle? De plus, ces dispositions semblent au service de la négociation entre parents, avec peu de place à l'avis de l'enfant ou à l'évaluation de son intérêt par les personnes compétentes.

Sur le caractère confidentiel des dossiers d'adoption, je note que présentement la règle, c'est la confidentialité, que l'adopté majeur ou mineur de 14 ans et plus ainsi que le parent d'origine peuvent cependant obtenir des renseignements s'il y a consentement de leur part. La divulgation deviendrait le principe si l'avant-projet devient loi, à moins d'un veto de la part des parties. Quel sera le véritable impact de cette distinction? Les modifications proposées traduisent une volonté d'ouverture et reflètent le souci d'équilibre entre l'accès aux origines et le respect de la vie privée. Toutefois, on peut se demander pourquoi le fardeau d'inscrire un veto est imposé de la même manière à l'enfant. Il apparaît plus respectueux de son intérêt de toujours solliciter son consentement.

Concernant... Et ce seront mes derniers commentaires, sur les antécédents médicaux. À mon avis, la divulgation des antécédents médicaux est un droit. Si l'on hésite à le qualifier de droit fondamental et, ce faisant, à le rattacher au droit à la vie et à la préservation de la vie, on peut le qualifier de droit implicite, compte tenu des pratiques médicales contemporaines. En effet, la médecine privilégie de plus en plus une approche préventive et personnalisée qui permet d'adapter le traitement des maladies en fonction des caractéristiques génétiques ou des prédispositions de la personne. Il va sans dire que la divulgation des renseignements d'ordre médical ne doit pas être confondue avec la transmission du dossier médical ou des dossiers médicaux, le cas échéant. On parle ici d'informations sur les maladies héréditaires. Par ailleurs, cette divulgation ne doit aucunement compromettre la volonté du parent d'origine de conserver l'anonymat, puisqu'elle s'effectue par un intermédiaire.

Alors, dans cette perspective, je formule trois recommandations: que toutes les personnes adoptées aient accès, lorsqu'elle existe, à l'information sur les antécédents médicaux de leurs père et mère d'origine, dans le respect de l'anonymat de ces derniers -- cette recommandation aurait un caractère rétroactif; que la possibilité d'un veto de l'un ou l'autre parent à cet égard soit exclue; et qu'à la demande de l'adopté une mise à jour des données médicales de ses père et mère d'origine soit effectuée par l'entremise des centres jeunesse.

Alors, voilà. En conclusion, je dirai que, parce que cet avant-projet tient compte de l'évolution de réalités familiales et sociales qui favorisent de nouvelles avenues d'adoption, il faut l'accueillir avec ouverture. La culture antérieure du secret va à l'encontre de la volonté et de l'intérêt de certains enfants. Pour d'autres, la nouvelle culture de divulgation automatique ne répondra pas à leurs souhaits. Assurer la primauté de l'intérêt de l'enfant, c'est mettre en place les balises législatives et un règlement d'application qui permettent de respecter ces deux volontés, toutes aussi légitimes les unes que les autres. Et, à cette fin, autant le gouvernement que l'ensemble des législateurs pouvez compter sur l'entière collaboration du Protecteur du citoyen. Je vous remercie.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la Protectrice. Donc, pour la période d'échange, Mme la ministre.

Mme Weil: Bonjour. Merci beaucoup d'être venue vous présenter ici, Mme Saint-Germain, M. Dussault. Je voudrais peut-être commencer... Il y a beaucoup de grands principes dans ce projet de loi... cet avant-projet de loi, certaines notions qui créent de l'inquiétude, certains qui voudraient qu'on aille plus loin dans un sens, d'autres qui voudraient qu'on aille moins loin. Alors, je vais y aller sur certains des grands principes. Vous avez touché à beaucoup de ces éléments-là.

Je vais peut-être commencer par votre notion d'adoption semi-ouverte. Si je comprends bien, vous, vous appelez adoption semi-ouverte où il y a peut-être échange de communications, de photos, ce genre d'entente de communication, lorsque vous parlez de semi-ouverte.

Mme Saint-Germain (Raymonde): M. le Président, effectivement, l'adoption semi-ouverte serait une mesure ou un mode d'adoption qui serait plus restrictif que l'adoption ouverte et qui comprendrait l'échange de renseignements non identificatoires, ce qui exclurait les photos, contrairement à ce que j'indiquais dans ma note de transmission, parce que nous avons fouillé davantage le dossier depuis. Le Conseil canadien de l'adoption considère que l'adoption semi-ouverte doit transmettre... doit permettre la transmission de photos, mais je pense que c'est un renseignement identificatoire. Alors, oui, ce serait un mode d'adoption plus... de communication plus restrictif que celui de l'adoption ouverte.

Mme Weil: ...qu'il faudrait le préciser en tant que tel, comme une autre forme, clairement, dans l'avant-projet de loi. C'est à dire que l'avant-projet de loi n'exclut pas cette forme, parce que finalement c'est les parties qui s'entendent sur le niveau, degré de communication, mais, vous, ce que vous recommandez, c'est qu'on le prévoie clairement, qu'on le définisse, en quelque sorte.

Mme Saint-Germain (Raymonde): Cette recommandation, oui, nous est venue parce que nous pensions que présentement l'adoption ouverte allait au-delà et excluait cette stricte forme qui exclut donc la communication interpersonnelle directe.

Mme Weil: Et est-ce que vous...

Mme Saint-Germain (Raymonde): Alors, ce sera soit par précision, si cela vous agrée, ou sinon... par précision, donc, de l'adoption ouverte ou encore par l'introduction de cette notion de l'adoption semi-ouverte.

Mme Weil: Et est-ce que vous vous inspirez d'un modèle que vous avez vu ailleurs, dans d'autres juridictions?

Mme Saint-Germain (Raymonde): Non. On s'inspire plus de commentaires reçus notamment de parents ou d'intervenants... de parents qui sont les parents d'origine ou d'intervenants au moment de... notamment des intervenants des centres jeunesse. Et c'est toujours selon l'intérêt de l'enfant. Dans certaines situations, la communication ouverte telle que décrite pourrait aller trop loin. Alors, c'est pour ça que ces précisions m'apparaissent nécessaires.

Mme Weil: Oui. Bien, en fait, ceux qui ont vécu l'expérience... Il semble que généralement les parties s'entendent, et c'est ce qui se passe actuellement. Souvent, il y a très peu de communications à moyen, long terme. Donc, il y a certains qui nous disent: Ne mettez pas trop de précisions, parce que finalement, avec le temps, souvent il y a en fait très peu de communications. Alors, en tout cas, c'est des éléments qu'on aura à analyser.

Le «sans rupture de filiation», toute cette question-là qui... Là aussi, il y a une préoccupation. Mais évidemment l'entente de communication, je ne sais pas si vous l'aviez bien évaluée, c'est que l'entente de communication accompagne soit l'adoption plénière ou l'adoption sans rupture de filiation. Il pourrait ne pas y avoir d'entente de communication. Donc, je ne sais pas si, dans vos recommandations, vous étiez... vous avez pris connaissance de cette...

Mme Saint-Germain (Raymonde): Notre compréhension est effectivement, M. le Président, que ces ententes de communication s'appliquent à toutes les formes d'adoption. Et, en entendant vos commentaires, Mme la ministre, ce que je pense, c'est qu'au fond l'entente de communication fera foi de tout et qu'il sera donc important de préciser que les parents... que toutes les parties soient bien informées que les précisions, s'ils veulent des restrictions à l'entente de communication, elles devront être dans cette entente de communication. Je comprends que la solution serait peut-être à ce niveau-là.

**(9 h 50)**

Mme Weil: C'est vraiment une entente entre les parties, ce n'est pas le... ce n'est pas le juge ou le tribunal qui l'impose. Ça ne sera pas nécessairement entériné, si les parties ne veulent pas que ça soit entériné. Donc, a priori, j'imagine que très souvent, dans les adoptions sans rupture de filiation, il n'y aurait même pas peut-être de volonté d'avoir des communications. Il y avait un reportage hier soir, d'ailleurs, à Radio-Canada -- je pense que beaucoup l'ont vu -- et on voit cette inquiétude. Les gens s'imaginent -- et c'est peut-être beaucoup dans les mots qui sont utilisés dans l'avant-projet -- quand on constate qu'il y a des liens entre les parents biologiques, qu'on pourrait décider de l'adoption sans rupture, mais ça ne... ça ne vient pas confirmer qu'on doit maintenir des liens. Donc, je pense qu'il y a une clarification à amener là, parce que j'ai vu qu'il y a beaucoup d'inquiétude. Les spécialistes le recommandent, c'est ce qu'on a beaucoup vu ici, avec les intervenants de... juristes des centres jeunesse, etc., qui trouvent que c'est une forme d'adoption intéressante.

Dans votre cas, si, disons... Est-ce que... Si tout le monde était d'accord pour une adoption sans rupture de lien de filiation... Et, vous, vous recommandez que ce soit limité, c'est-à-dire que les cas prévus soient... qu'il n'y ait pas de «notamment», que ce soit... ce ne soit pas une liste ouverte. Est-ce que le juge, même si l'enfant... disons que l'enfant est âgé, semble bien comprendre la notion que les parents adoptants, que les parents biologiques... Si tout le monde est d'accord, selon vous, est-ce qu'un juge, un tribunal pourrait néanmoins décider de ne pas aller dans ce sens-là et d'avoir tout simplement l'adoption plénière dans l'intérêt de l'enfant? Parce que vous mettez l'accent là-dessus, et évidemment je pense que beaucoup mettent l'accent là-dessus, c'est que l'intérêt de l'enfant prime, et que souvent c'est le... c'est le tribunal qui devra évaluer.

Mme Saint-Germain (Raymonde): Bien, je pense qu'il y a un principe fondamental qui est que, lorsque les parties s'entendent et que l'enfant, s'il le peut, a émis son point de vue et est d'accord, l'autorité parentale devrait prévaloir. Le juge... Moi, je suis d'avis que la judiciarisation, si elle est d'emblée accordée, ce sera difficile, après, d'y contrevenir. On le voit, par exemple, avec certains dossiers ou, par exemple, la révision des pensions alimentaires pour enfants, lorsque les ex-conjoints s'entendent: une fois que c'est judiciarisé, c'est complexe de déjudiciariser, et je suis très consciente de ça. Donc, dans la perspective actuelle, si on peut éviter la judiciarisation, je pense que c'est souhaitable.

Cela étant, les motifs qui, à mon avis, pourraient convaincre, si c'était judiciarisé, un juge d'aller au-delà de la volonté des parents, ce serait à partir de l'expertise des intervenants du centre jeunesse, qui, eux, sont aussi effectivement bien placés. Alors, c'est le seul motif pour lequel je pourrais voir qu'un juge aille au-delà de la volonté des parents, surtout quand l'enfant qui est en mesure de se prononcer aurait été consulté et serait d'accord.

Mme Weil: Peut-être vous entendre sur la question de confidentialité. On a eu beaucoup de discussions là-dessus, beaucoup d'experts, beaucoup qui nous... qui nous invitaient à aller un peu plus loin et de faire au moins autant que l'Ontario. Évidemment, là, on est dans le débat du droit à l'identité, d'une part, et on va entendre la Commission des droits de la personne cet après-midi, et, d'autre part, des acteurs comme le Barreau du Québec, qu'on va entendre, qui mettent beaucoup plus l'accent sur le droit à la vie privée, donc question de deux ans après le décès, bon, droit de veto, etc. Est-ce que je pourrais entendre votre opinion, votre perspective là-dessus?

Mme Saint-Germain (Raymonde): Alors, M. le Président, vous aurez droit à une confidence. Au Protecteur du citoyen, nous avons eu des débats sur cette question, et effectivement il y a plusieurs points de vue qui prévalent. C'est mon point de vue qui a prévalu, je le dis, mais je pense qu'on n'est pas en conflit, quand même, ouvert non plus.

Moi, je suis d'avis qu'il faut être particulièrement prudent sur cette question et qu'il y a eu jusqu'à maintenant, avec la législation, quand même un pacte social qu'il faut respecter, et je crois que... Notamment s'agissant des parents d'origine et des parents décédés qui avaient consenti, dans certains cas, à la divulgation d'information, mais en retour d'une entière confidentialité, je ne crois pas que cela puisse être rétroactivement brisé.

À mon avis, par ailleurs, s'agissant des dossiers médicaux, allant jusqu'aux antécédents médicaux, y compris, là, la divulgation de renseignements récents sur une maladie génétique découverte, là, plus tardivement, je pense qu'il y a moyen, tout en respectant l'anonymat et la confidentialité, de rendre accessibles ces documents-là autant aux enfants qu'aux parents adoptants, dans l'intérêt des enfants.

Mais, sur le plan de la confidentialité, moi, je suis d'avis qu'il faut respecter la confidentialité concernant les parents biologiques, à moins que ce ne soit au détriment de l'enfant. La solution des antécédents médicaux, je pense, elle est... elle est relativement simple à gérer. Toute cette question de recherche d'identité, par ailleurs, n'est pas obligatoirement parfaitement satisfaite par l'accessibilité ouverte. Il y a d'autres façons de la satisfaire. Alors, moi, ma ligne, c'est vraiment une ligne de prudence et de respect de la confidentialité.

Mme Weil: Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? D'autres questions? Monsieur... Non? D'accord. Donc, Mme la porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Alors, bonjour, Mme la Protectrice. Merci beaucoup de votre présentation très claire et qui s'appuie sur des principes aussi clairement énoncés. Donc, merci, je pense que vous avez fait un bon survol de tous les enjeux que comporte cet avant-projet de loi.

Donc, je vais rester sur la question de la confidentialité. Effectivement, à ce jour, je vous dirais que la très, très grande majorité des gens qui sont venus ici, experts, personnes de terrain, personnes concernées par l'adoption, autant adoptés qu'adoptants, nous ont dit que l'avant-projet de loi n'allait pas assez loin et qu'il fallait considérer davantage le point de vue des personnes adoptées. Alors, c'est certain que j'aimerais voir avec vous... Parce qu'il y a beaucoup de juridictions au Canada qui ont ouvert, vous n'êtes pas sans l'ignorer -- la Colombie-Britannique, il y a maintenant plus de 12 ans, l'Ontario plus récemment, Terre-Neuve aussi -- en essayant d'avoir une approche qui concilie à la fois le droit à la vie privée des parents biologiques et le droit des personnes adoptées de connaître leurs origines, d'où l'idée des veto et de certaines balises. Et c'est beaucoup ce qu'on nous... ce qu'on nous plaide quand on vient ici.

Et je ne sais pas si vous avez entendu certains des témoignages, mais vraiment il y a des témoignages très percutants de personnes adoptées qui nous disent: En fait, c'est comme si vous donniez toujours préséance au droit à la vie privée de ces gens-là des années quarante, cinquante, soixante, et que personne ne tient compte de notre souffrance à nous, de notre douleur à nous, et que, du fait qu'on décide, comme société, de dire qu'il y a un pacte social immuable, en quelque sorte, bien, nous, on ne sera jamais entendus. Donc, c'est des cris du coeur assez puissants qui se sont... qui ont résonné ici. Et, en plus, certains remettent en cause -- et là on a même des professeurs de droit qui nous ont parlé de ça -- la notion de pacte social, en disant: Est-ce qu'il y avait vraiment un pacte? Parce que les mères, à l'époque, est-ce qu'elles donnaient vraiment un consentement? Plus ou moins, elles n'avaient pas le choix, et tout ça.

Donc, j'aimerais savoir un peu ce que vous répondez à la conciliation des intérêts et si vous ne pensez pas qu'il y aurait moyen d'essayer de trouver une solution pour le passé aussi, pour faire droit à cette demande-là très insistante et, je pense, aussi très humainement fondée des personnes adoptées.

Mme Saint-Germain (Raymonde): Alors, M. le Président, je pense que, pour ce que vous dites pour le passé, concernant les mères, est-ce qu'un consentement forcé en raison des moeurs de l'époque est un consentement? c'est effectivement... Il faut se poser la question.

Écoutez, notre angle a été... et, encore là, après plusieurs échanges, notre angle a été qu'il y avait dans cet avant-projet... et, peut-être, il pourra y avoir, là, davantage, dans le projet de loi, des façons de satisfaire le besoin d'identité de l'enfant tout en ne créant pas d'effets collatéraux négatifs non seulement sur l'un ou l'autre des parents d'origine, mais aussi sur la famille, sur la fratrie d'origine. Et ces effets collatéraux négatifs peuvent aussi avoir un effet rebond sur les enfants. On l'a vu avec des éléments dans les mouvements Retrouvailles, entre autres, et dans certains dossiers qu'on a examinés en provenance des centres jeunesse, où l'enfant a été rejeté par sa famille au moment où il y a eu ces retrouvailles-là. Il y a eu des conséquences sur une famille qui a découvert à ce moment qu'il y avait un frère ou une soeur biologique ignoré avec le temps. Il y a eu des conflits de valeurs. Donc, c'est particulièrement délicat comme question.

Il est exact que le seul point de vue de l'enfant qui veut retrouver ses parents nous amènerait à dire: Ah oui! Et, au fond, c'est la primauté de l'enfant, là aussi, et, peu importe la volonté des parents, c'est un droit de l'enfant. Mais je pense que, quand on l'examine sérieusement, il y a beaucoup d'autres considérations qui peuvent être tout aussi nocives et pour l'enfant et pour d'autres personnes. Et, pour moi, c'est ça qui milite en faveur de la plus grande prudence, ce qui n'exclut pas que tout soit tenté pour obtenir l'adhésion et faciliter la tâche à l'enfant, et je pense qu'il y a des mesures quand même qui sont là, mais... Je crois que la mesure de l'ensemble des dommages possibles, y compris à l'enfant, fait en sorte qu'on doit être très prudents sur des questions comme celle-là.

**(10 heures)**

Mme Hivon: Puis, pour rester sur cette question-là, une autre... je dirais, une autre raison pour laquelle les personnes adoptées militent aussi beaucoup pour ça: premièrement, ils nous disent que toute la question des retrouvailles, il y a déjà une ouverture qui a été faite depuis 1980, et donc que ces risques de choc là... En fait, le législateur a déjà pesé le pour et le contre, parce qu'il y a eu une décision, dans les années quatre-vingt, de réformer le droit pour permettre des retrouvailles, donc que des personnes soient contactées, que leur passé resurgisse, pour savoir si elles sont ouvertes à revoir, par exemple, leur enfant, et qu'il y a donc un peu l'équilibre, où est-ce que vous dites: le secret, en quelque sorte, oui, c'est avec la personne, mais ça peut susciter toute une cascade de réactions, comme vous le dites, mais ça, c'est déjà... c'est déjà permis dans notre droit depuis plus de 20 ans.

Ce qu'ils nous disent aussi beaucoup, c'est que, si on ne change pas la loi, toutes les mères... parce que c'est essentiellement, là, des mères, évidemment, biologiques... qui sont décédées, ça fait en sorte qu'il ne sera jamais... on ne sera jamais capables d'obtenir le consentement et que donc les personnes adoptées n'auront jamais accès à connaître le nom de leur mère d'origine, plus de détails sur leurs antécédents biologiques. Est-ce que vous avez un point de vue sur la question de la réalité particulière des parents biologiques qui sont décédés et l'espèce de cul-de-sac dans lequel se retrouvent les personnes adoptées qui voudraient en savoir plus sur leurs origines?

Mme Saint-Germain (Raymonde): M. le Président, j'aurais d'abord un commentaire lié à ce qui se fait depuis, bon, les années quatre-vingt avec le Mouvement Retrouvailles. Ce n'est pas... ça pas primauté sur le respect du droit au consentement, donc du droit de veto, des parents biologiques, et c'est ça, moi, que je crois important de maintenir. C'est-à-dire, le parent biologique peut et pourra toujours être contacté par l'intermédiaire des centres jeunesse et pourra donner son accord ou non, et c'est ce que je faisais valoir précédemment.

Quant à la question des parents décédés, bien c'est, quant à moi, la même logique. C'est que le parent décédé qui n'avait pas donné son consentement, on ne peut pas présumer qu'il l'aurait donné. Et même, je trouve que la disposition qui parle de deux ans, elle est minimale, parce que, bon, c'est le temps de régler, je pense, toutes les questions liées à la succession, et tout, mais je crois que ce serait rétroactivement ouvrir dans des situations où il y a vraiment eu un engagement du législateur envers des citoyens sur des questions qui sont importantes, qu'on ne mesure pas toutes les autres considérations, qu'on n'est pas en mesure de prendre la décision pour un parent décédé qui, seul, connaissait les autres considérations qui ont un impact sur des personnes encore vivantes, qui ont un impact peut-être négatif sur l'enfant, et, moi, c'est pour ça que je suis en faveur de la plus grande prudence.

Mme Hivon: Donc, si je comprends bien, en fait, vous, vous dites que la question du pacte social doit primer sur un droit possible de la connaissance des origines?

Mme Saint-Germain (Raymonde): Oui. La seule exception que je fais, c'est celle qui concerne les antécédents médicaux.

Mme Hivon: O.K. Parfait. Je vais vous amener sur deux autres toutes petites questions, n'est-ce pas, l'adoption ouverte et l'adoption sans rupture du lien de filiation.

Je partage avec vous un peu la préoccupation de s'assurer qu'il n'y ait pas une surjudiciarisation du fait des possibilités d'entente de communication. Je me demande s'il faut vraiment s'en aller dans la voie de la reconnaissance judiciaire de ces ententes-là. Et je veux comprendre, de votre point de vue... Vous nous invitez à la prudence, vous invitez la ministre à la prudence, mais est-ce que, selon vous, ça va jusqu'à remettre en cause peut-être l'idée que ces ententes-là soient entérinées par le tribunal, en disant... Moi, je réfléchissais, là, lorsqu'on s'est quittés, il y a 10 jours, et je me disais: Est-ce que ces ententes-là pourraient simplement être consignées peut-être au dossier de la protection de la jeunesse, du centre jeunesse, un peu avec l'ensemble du dossier, pour éviter justement que ce qui peut paraître très consensuel au départ et qui peut même faire en sorte que des parents consentent à l'adoption fasse en sorte qu'au fil du temps les choses changent un peu et que, de part et d'autre, on ne soit plus à l'aise avec l'entente et que l'enfant se retrouve pris un peu au centre de contestations judiciaires, comme vous l'évoquez dans votre mémoire? Est-ce que vous pensez qu'on devrait vraiment se détacher de la possibilité de judiciarisation de ces ententes-là?

Mme Saint-Germain (Raymonde): Moi, je suis de l'avis qu'effectivement ces ententes-là ne peuvent pas être conclues de gré à gré entre les parents, compte tenu de l'importance de la question et de l'impact, sans qu'il y ait une forme officielle de consignation, que ce soit par un greffier au tribunal ou encore, et ce serait personnellement mon premier choix, à la direction, c'est-à-dire au centre jeunesse. Je pense que ce serait vraiment important. Et ça permet par la suite... D'abord, ça permet d'en constater le sérieux, ça permet de s'assurer que les parents la signent de part et d'autre en toute connaissance de cause et que l'enfant, lorsqu'il est en mesure de se prononcer, a pu être associé. Alors ça, c'est important. Mais effectivement, au niveau de la judiciarisation... Et, nous, au Protecteur du citoyen, on a souvent des commentaires de parents qui considèrent que, lorsqu'il y a entente sur différentes questions, et c'est le cas de la révision des pensions alimentaires lorsque les ex-conjoints s'entendent, qu'il y a trop de judiciarisation, avec à la fois les frais que ça nécessite et aussi les délais.

Mais, dans le cas présent s'ajouterait, je pense, pour l'enfant éventuellement d'être au coeur de conflits qui ne se régleraient pas de la manière la plus conciliable possible. Je sais qu'on veut favoriser effectivement la médiation même dans les cas de judiciarisation, mais, à mon avis, ce n'est pas nécessaire.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Il vous reste encore trois minutes.

Mme Hivon: Et toujours sur ce point-là, il y a des gens qui sont venus nous dire, qui se questionnaient à savoir si l'entente de communication, en fait, ce n'était pas là -- et puis je vous dirais que le reportage d'hier m'a aussi fait me poser des questions -- si ce n'est pas là davantage dans l'intérêt des parents biologiques que dans l'intérêt de l'enfant lui-même, à savoir: Est-ce que c'est une manière de faciliter éventuellement des consentements à l'adoption en disant que les parents biologiques, sachant qu'il pourrait y avoir de l'information qui circulerait, pourraient être plus ouverts à consentir à l'adoption, et que ce n'est pas vraiment toute la question de l'intérêt de l'enfant, du moins dans ses premières années, qui est prise en compte, parce qu'il va être plutôt ignorant de cet échange-là d'information?

Évidemment, si ça va jusqu'à des contacts, c'est une autre histoire, puis là l'intérêt de l'enfant devrait être encore plus regardé. Mais je pense que vous soulevez fort à propos qu'il faut faire attention à toute la question du mélange pour l'enfant, du manque de stabilité, puis tout ça. Mais est-ce que c'est une réflexion que vous avez portée, à savoir si ces ententes-là se veulent vraiment dans l'intérêt de l'enfant ou plutôt pour aller chercher un consentement ou pour accommoder un peu les parents qui sont face à la réalité de devoir se départir de leur enfant?

Mme Saint-Germain (Raymonde): Nous, on l'a quand même beaucoup interprété comme étant important dans la situation des enfants qui connaissent leurs parents, et qui les connaissent pas parce qu'ils sont un poupon, là, qui savent vraiment, même s'ils ont sept ans, huit ans, qui savent déjà qui sont leurs parents, et, dans cette perspective-là, ça nous semble positif. Mais c'est les balises de ces ententes-là qui nous préoccupent, parce que, si elles sont une entente de communication trop ouverte, est-ce que ce n'est pas là que l'enfant sera placé en situation, au fond, d'être lui-même en conflit de valeur et d'attachement par rapport à quatre parents, là, éventuellement? Alors, c'est plus à ce niveau-là. Ça peut aussi être dans l'intérêt de l'enfant dans la mesure où, si ça contribue à ce que des parents biologiques qui ne sont pas... des parents d'origine qui ne sont pas en mesure d'assumer leur autorité parentale, ce qu'on voit beaucoup dans les dossiers qui viennent chez nous... Si ça peut permettre de faciliter l'adoption ou de comprendre l'intérêt de l'adoption pour l'enfant, moi, je pense que ça vaut la peine d'aller dans ce sens-là, et ça milite peut-être en la faveur aussi de le faire d'une manière qui ne soit pas judiciarisée, pas trop formelle, pour qu'on puisse, tout en le consignant, tout en associant les centres jeunesse, qu'on puisse aussi y mettre fin lorsqu'on voit que ça crée des problèmes.

Mme Hivon: O.K. En fait, je veux juste comprendre, là. Vous dites: Dans des cas particuliers, l'entente de communication pourrait vous apparaître intéressante. Là, il y a deux réalités. Il y a la réalité de l'adoption sans rupture du lien de filiation puis l'entente de communication, c'est-à-dire ce qu'on appelle l'adoption ouverte. Est-ce vous pensez que ce qui est prévu comme cas de possibilité pour l'adoption sans rupture de lien de filiation devrait être aussi prévu pour les ententes de communication? C'est-à-dire, est-ce que vous avez une vision que les ententes de communication aussi, ça devrait être une mesure exceptionnelle, et qu'on devrait prévoir expressément les cas où ça peut s'appliquer?

**(10 h 10)**

Mme Saint-Germain (Raymonde): Nous, sur l'entente de communication, et ça démontre que c'est pertinent, là, d'avoir un avant-projet de loi, parce que ça soulève des questions et même parfois des incompréhensions, on la voyait plus naturellement dans le cas de l'adoption sans rupture du lien de filiation. Parce que, quelque part, quand on parle, dans le fond, de l'adoption plénière, mais, en soi, ça dit bien qu'il y a différentes limites aussi à la conservation de liens, et c'est là que l'idée du semi-ouvert, qui correspondait, selon nous, à la réponse, au fond, à ce besoin d'identité de l'enfant, on disait: Bien, ça peut permettre qu'il sache, au fond, qui était, de manière socioéconomique, ses parents, qu'il ait les antécédents médicaux, qu'il ait un certain nombre de renseignements, mais qui n'allait pas jusqu'à une communication, là, plus ouverte que ça. Donc, c'est plus dans ce sens-là que, nous, on le voyait.

Et je sais que le projet de loi, évidemment, n'aborde pas la question de l'adoption internationale, mais on se disait aussi, effectivement, dans le cas des adoptions internationales, manifestement, il faut que ce soit l'adoption plénière dans la plupart des cas, et ça, ce n'est pas que la volonté du législateur québécois qui entre en jeu, là, c'est une condition de plusieurs, sinon une majorité de pays d'adoption. Alors, on voyait quand même plus que ce soit de l'intérêt, et gérable, facilement gérable, dans les situations d'adoption sans rupture du lien de filiation et de manière idéale. Mais on n'est pas dans l'idéal, on est dans la réalité. Si l'enfant était en mesure d'y consentir, évidemment, c'est une garantie de plus.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Merci, Mme la députée de Joliette. Mme la ministre.

Mme Weil: Oui, j'aimerais peut-être revenir sur la question des antécédents, parce que vous êtes vraiment les premiers à aller un peu plus... plus en profondeur, et je trouve vos propositions intéressantes. Ce qui me frappe, évidemment, on parle toujours de la confidentialité des dossiers médicaux... Mais, lorsqu'on est l'enfant naturel, on le sait, parce qu'on habite avec ses parents, que le père est diabétique ou la mère, elle a eu le cancer du sein, sans connaître le dossier. Il y a une réalité qu'on constate. Et on n'arrivait pas à franchir cette question de confidentialité, c'est toujours la réponse qui est donnée. Je trouve que la manière que vous le présentez, puis vous faites cette distinction entre connaître la maladie, disons, génétique et le dossier médical... Juste parce que vous êtes vraiment les seuls à aborder cette question. Je ne sais pas, vous allez peut-être être les seuls qui vont l'aborder, puis, moi, je vais vraiment porter attention à vos recommandations, j'aimerais vous entendre sur cette question de distinction entre les deux et ce que vous proposez dans vos recommandations.

Mme Saint-Germain (Raymonde): Là-dessus, je vais demander, M. le Président, avec votre permission, au vice-protecteur de compléter ma réponse. Je vous dirai dans un premier temps qu'on a exactement fait le raisonnement que vous avez fait, c'est de se dire: Comment compenser le fait que l'enfant n'a plus accès à un... lorsque c'est le cas, à un parent vivant pour lui dire qu'il avait le glaucome ou... on parle effectivement de maladies héréditaires qui ont de fortes probabilités de survenir et qui ont vraiment une conséquence importante pour la santé. Là, on ne parle pas d'allergies banales. La distinction que nous faisons, c'est de dire: Il est possible d'obliger les parents à donner leur consentement, dans la mesure où la garantie de l'anonymat leur est donnée, pour que le ou les dossiers médicaux -- parce qu'on n'a pas... souvent, on a plus qu'un dossier médical -- soient rendus accessibles à l'enfant et qu'en plus il y ait une forme de déclaration obligatoire d'une maladie de nature héréditaire, qu'un parent vivant, bien sûr, connaîtrait plus tard, découvrirait plus tard dans sa vie, et qu'il aurait l'obligation, par l'intermédiaire du centre jeunesse, de divulguer dans l'intérêt de son enfant. Alors, c'était notre approche dans ce sens-là.

Nous sommes conscients que, pour les centres jeunesse, c'est plus de travail, et ce ne sera pas toujours simple d'y accéder, mais on pense que ce serait quand même une ouverture importante. Dans le cas de parents qui seraient décédés, il y a quand même moyen d'aller vérifier, et ça, ça peut être vraiment sur demande, si on... pour la santé d'une personne, ça peut être l'enfant adopté devenu adulte... le médecin pose beaucoup de questions sur des maladies de nature génétique ou héréditaire, qu'il puisse y avoir une recherche particulière dans ces situations-là, en disant: C'est important, on aurait besoin de savoir, ça pourrait aider pour prendre des décisions quant à la nature du traitement, etc. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on réfléchissait.

M. le vice-protecteur, M. Dussault, M. le Président.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, M. Dussault, vous souhaiteriez ajouter?

M. Dussault (Claude): Très brièvement. La préoccupation qu'on avait ici, c'était... On essaie toujours de réconcilier différents droits, et, ici, on pense qu'avec la proposition qu'on amène il y a moyen à la fois de donner l'information qui est nécessaire à l'enfant adopté pour sa santé, tout en préservant justement la confidentialité des parents biologiques ou des parents d'origine. Donc, c'est vraiment ça, en garantissant l'anonymat, sauf qu'évidemment ça implique un rôle; l'intermédiaire, c'est le centre jeunesse qui pourrait avoir ce rôle-là. Mais on pense que, là-dessus, justement, le pacte social, entre guillemets, justement, il est bien respecté ici, puisqu'on garantit l'anonymat des parents tout en donnant l'information. Donc, on pense que, pour les antécédents médicaux, il y a une solution qui est possible, qui permet de répondre aux besoins de l'enfant adopté... de répondre pleinement à ses besoins de connaissance des antécédents médicaux, sans avoir de contre-effet, là, négatif par rapport aux parents d'origine, même s'ils sont décédés. Sinon, quand on le fait, on est conscients, là, qu'évidemment il y a... quand il y a des demandes de cette nature-là, il faut être conscient du travail que ça peut impliquer, là, au niveau des centres jeunesse, de retracer l'information.

Mme Weil: Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Très brièvement, sur le même sujet. Au niveau des paramètres juridiques par rapport au droit à la vie privée, la proposition que vous faites, avez-vous eu la chance de la valider avec quelques juristes? Je la trouve aussi intéressante que la ministre. Ça m'a frappé également lorsque vous avez fait la proposition avec trois recommandations bien précises. Je posais juste la question des paramètres du droit à la vie privée.

Mme Saint-Germain (Raymonde): Alors, oui, M. le Président, au Protecteur du citoyen, les équipes sont multidisciplinaires, mais il y a effectivement une majorité de juristes, et comptez sur eux pour me rappeler à l'ordre lorsque j'ai parfois certaines volontés d'aller tester au maximum le droit. Alors, oui, ça a été validé, et ce serait absolument gérable.

M. Ouimet: Très bien. Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va, pas d'autre question? Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui, c'est ça. Alors, je veux bien comprendre aussi sur ce sujet-là. Vous, vous dites: Ce n'est pas une question d'accès au dossier médical, c'est aux informations médicales, d'où la nécessité d'un intermédiaire. Parce qu'effectivement je me suis posé beaucoup de questions, à savoir comment on pourrait essayer dans le concret de faire fonctionner ça, un accès aux antécédents médicaux. Alors, je comprends que, vous, vous faites vraiment jouer un rôle central à ceux qui le jouent déjà en matière d'adoption, donc aux centres jeunesse, en disant: Il va falloir évidemment que les ressources suivent et qu'il y ait une facilitation pour leur permettre de jouer ce rôle-là.

Et je vous ramène... Donc, vous, vous avez dit: Évidemment, pour les gens décédés, ce ne serait pas possible. Donc, pour vous, il n'y aurait pas de rétroactivité, si les parents biologiques sont décédés et que, par exemple, il y aurait des informations potentiellement utiles dans le dossier mais qu'il n'y aurait pas eu de consentement à la divulgation, il n'y aurait pas possibilité de les transmettre?

Mme Saint-Germain (Raymonde): Alors, M. le Président, dans ce cas-là, oui, il y aurait possibilité, dans la mesure où ce serait par l'intermédiaire du médecin que l'information serait communiquée, c'est-à-dire qu'on irait... on demanderait au médecin s'il y avait des maladies de nature génétique, connues ou non, dans le dossier médical, mais connues du ou des médecins traitants, qui pourraient être communiquées dans l'intérêt de l'enfant, toujours par l'intermédiaire, ce qui permet effectivement de respecter l'anonymat même après le décès.

Mme Hivon: Je pense que mon collègue... sur ce sujet-là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. le député de Groulx.

M. Gauvreau: Oui, sur ce sujet-là en particulier. Ce n'est pas le propre de l'ensemble de la population du Québec de ne pas avoir de médecin, de ne pas avoir d'information centralisée. Si, moi, je veux connaître... Je ne connais même pas le nom du médecin de ma mère, je suis un non-adopté, je n'ai pas accès à son dossier médical parce que les dispositions de l'article 19 et suivants de la Loi sur les services de santé et les services sociaux ne m'y donnent pas accès, sauf si elle est déclarée inapte. Alors, il faudrait, quoi, avoir un système de... Si l'adopté veut avoir accès à des informations médicales concernant sa mère biologique, actuellement c'est pratiquement impossible, puisqu'on va dans des cliniques médicales qui sont ouvertes quand elles veulent bien nous recevoir. Très peu de Québécois ont un dossier unique.

**(10 h 20)**

Mme Saint-Germain (Raymonde): Deux éléments, et avec votre permission, M. le Président, je passerai à nouveau la parole au vice-protecteur. Deux éléments. Sur la question du dossier unique, nous y avons pensé, c'est pourquoi nous parlons... nous abordons la question du ou des dossiers médicaux, d'une part. D'autre part, il reste que la majorité des Québécois, et ça vaut même pour des enfants adoptés qui connaîtraient leurs parents... Lorsque le parent est vivant, on peut quand même demander à son parent s'il y a une difficulté, là, s'il y a un problème de santé qui peut être d'origine héréditaire, demander aux parents de donner une certaine information.

Mais, dans le cas des enfants qui sont adoptés, qui ne connaissent pas leurs parents, c'est une façon tout à fait respectueuse et de la vie privée et de l'anonymat des parents de pouvoir donner accès, via le centre jeunesse et le dossier médical, à l'information qui serait disponible et accessible. Je pense que c'est dans un intérêt, je dirais, autant d'ailleurs de la médecine et du réseau de la santé que de l'enfant adopté, parce que ça peut permettre de prendre les bonnes décisions, ça peut permettre de faire les bonnes investigations, maintenant, en évitant une batterie, dans certains cas, de tests. Alors, on l'a passé dans ce sens-là.

M. le Président, je...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y, M. Dussault.

M. Dussault (Claude): Bien, écoutez, bien... Très brièvement là-dessus. D'une part, il y a de l'information qui existe déjà dans le dossier d'adoption, où on pourrait transmettre déjà l'information, là, toujours de façon anonyme. Pour répondre à votre question, évidemment, quand les personnes sont décédées, c'est difficile pour le centre jeunesse évidemment de... Par contre, écoutez, il y a toujours moyen de le faire, notamment, parce qu'on le sait, avec les dossiers médicaux des gens, on peut aller à la... Ça demande évidemment un certain travail, mais on peut aller à la Régie de l'assurance maladie, identifier par les facturations des médecins traitants, remonter... Il y a toujours moyen de remonter les chaînes, mais ça implique quand même une certaine complexité, là. C'est pour ça qu'il faudrait vraiment juger, là... c'est pour ça que ça prend un intermédiaire pour juger, là, du volet de la demande, puis, à un moment donné, il y a un... Parce que ça peut être une quête infinie, là, la recherche d'antécédents médicaux, ça fait qu'il faut qu'il y ait un filtre, là, qui s'exerce là-dessus, puis on pense que les centres jeunesse peuvent jouer ce rôle-là.

Je vais faire la parenthèse aussi par rapport à la question, tantôt, qui a été évoquée, le droit à la vie privée. Il y a des dispositions qui existent en ce moment en matière d'accès à l'information qui disent... La règle, c'est qu'on ne peut pas faire indirectement ce qu'on ne peut pas... ce qu'on... on ne peut pas faire indirectement ce qu'on veut faire directement. C'est-à-dire que c'est sûr que, si on demande des antécédents médicaux... Il ne faut pas que ça devienne un moyen, les antécédents médicaux, de retrouver la personne, parce que c'est sûr, si on parle de telle pathologie, puis que la personne vient d'une région, puis on croise plein d'informations, à un moment donné on peut faire indirectement... arriver à une identification. Donc, c'est pour ça que ça prend un intermédiaire, qu'il faut s'assurer, comme les mêmes principes qu'on a en matière d'accès à l'information, avant de donner l'information, justement de ne pas permettre de retrouver indirectement, là... d'identifier indirectement via les antécédents médicaux. Ça, il y a moyen de baliser ça, puis ça existe déjà dans les dispositions d'accès à l'information.

La question pour nous est... Nous, on a mis ici le principe, pour venir à la dernière question, on a mis le principe de base, qu'il est légitime de la part des enfants adoptés d'avoir accès à leurs antécédents médicaux, tout en préservant la confidentialité du parent, et on est conscients que ça prend un intermédiaire, et que, dans l'état actuel, de la manière que l'information médicale est consignée, que ça peut être problématique, à un moment donné, de dire jusqu'où on va en termes de collecte d'information, parce que les gens peuvent avoir consulté trois, quatre, cinq, six médecins différents dans leur vie. Donc, il peut y avoir... Il y a une certaine complexité là-dessus. C'est pour ça que c'est important qu'il y ait un intermédiaire. Autrement dit, quand la personne, par exemple... Je vais faire un exemple fictif... c'est tout au cas par cas. Mais, si, par exemple, je ne sais pas, moi, un jeune homme ou une jeune femme se présente au centre jeunesse, est au début de la vingtaine, il savait déjà, par exemple, qu'il venait du Saguenay--Lac-Saint-Jean, il y a des questions qu'il se pose, il dit: Je m'apprête à fonder une famille, il y a certaines pathologies qui existent dans cette région-là, j'aimerais ça faire une recherche là-dessus. Bien, à ce moment-là, le centre jeunesse peut faire une recherche ciblée en fonction des besoins.

Donc, nous, ce qu'on disait, c'était d'établir le principe d'avoir l'accès, mais évidemment il faut être conscient que ça peut être une quête infinie. C'est pour ça que ça prend absolument un filtre. Mais c'est difficile d'y répondre parce que c'est vraiment de l'analyse au cas par cas qui doit être faite.

M. Gauvreau: Sur l'obligation alimentaire qui est dans l'avant-projet de loi, seriez-vous d'avis qu'on devrait éliminer ce paragraphe-là, compte tenu de tout ce que ça ouvre comme boîte de Pandore? Parce que l'enfant âgé de plus de 14 ans pourra donner un mandat à un avocat pour réclamer lui-même des aliments d'un parent biologique qu'il ne connaît pas, mais l'obligation alimentaire demeure, imaginez le bordel potentiel. Et, dans la plupart des cas, là -- soyons réalistes, là -- dans une majorité de cas, la situation économique des parents biologiques, dans des cas d'admissibilité à l'adoption notamment, ce n'est pas une situation financière qui est très viable. Alors, ce serait finalement ouvrir quelque chose qui va créer plus d'incidents que d'avantages pour l'enfant adopté.

Mme Saint-Germain (Raymonde): Sur cette question-là, effectivement on a beaucoup d'interrogations, là, j'en faisais état, et notre interrogation allait même jusqu'à se dire: Est-ce qu'on devrait limiter, voire enlever les effets judiciaires de cette forme d'adoption? Parce qu'au fond on dit déjà, si on a bien compris: c'est une obligation unilatérale, l'obligation liée aux aliments, ce serait des parents vers l'enfant. Donc, il y a déjà une première restriction. Toute la question des droits successoraux, on n'a pas noté, en tout cas, qu'elle était abordée. S'il n'y a pas de testament, ce qui est le cas dans la majorité des situations, est-ce qu'on considère que l'enfant adopté est un héritier en ligne vraiment de descendance? Donc, toutes ces questions-là, effectivement, nous apparaissent particulièrement délicates. Et la question, moi, je la pose, et je n'aurais pas d'objection à ce que ce type d'effet soit vraiment enlevé de l'avant-projet... de la loi éventuelle.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci, M. le député de Groulx. Merci, Mme Saint-Germain, merci infiniment, M. Dussault, de vous être présentés en commission, merci infiniment pour votre contribution, et bon retour chez vous.

Je vais suspendre quelques instants, le temps que la Centrale des syndicats du Québec prenne place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 10 h 25)

 

(Reprise à 10 h 28)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Nous allons reprendre les travaux. Donc, bonjour, messieurs, bienvenue à notre commission. Votre présence est importante. Vous êtes les bienvenus ici. Non seulement les bienvenus, mais c'est un privilège pour nous de vous recevoir aujourd'hui à notre commission.

Je vous rappelle les règles. Je sais que vous étiez présents pour un certain moment à la présentation de la Protecteur du citoyen. Je vous rappelle quand même les règles, à toutes fins pratiques. Vous avez 10 minutes de présentation pour vous permettre d'échanger votre point de vue, et ensuite on pourra prendre un temps de discussion, 25 minutes de part et d'autre, là, en blocs de... c'est des blocs d'à peu près 10 minutes qui permettront les échanges pour mieux comprendre... apporter vos recommandations et ce que vous avez à nous parler.

Donc, sur ce, je vais vous demander de vous présenter, et puis à vous la parole, messieurs.

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

M. Jobin (Pierre): Merci beaucoup, M. le Président, de nous recevoir ici ce matin. Je me présente, je suis Pierre Jobin, vice-président à la Centrale des syndicats du Québec. À ma gauche, M. Gabriel Danis, qui est conseiller syndical à cette même centrale syndicale, et, à ma droite, M. Jacques Pétrin, qui est président de notre Comité pour la diversité sexuelle, qui était auparavant notre Comité pour la défense des droits des gais et lesbiennes.

Permettez-moi tout d'abord, M. le Président, même si ce n'est pas tout à fait dans l'objet de l'ordre du jour, de remercier Mme Weil de la politique de lutte contre l'homophobie. Vous pouvez être certain qu'elle a été fort appréciée de la CSQ et, j'imagine, de l'ensemble de la société québécoise.

Je vais présenter l'introduction, et mes collègues à ma droite et à ma gauche vont présenter l'ensemble du mémoire, et je reviendrai en conclusion mais pour les recommandations.

**(10 h 30)**

La Centrale des syndicats du Québec est interpellée par la consultation entourant l'avant-projet de loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives en matière d'adoption et d'autorité parentale. En 2002, nous avions été aussi interpellés par des changements législatifs touchant l'adoption, lors de consultations quant au projet de loi instituant l'union civile des personnes de même sexe. Nous avions alors recommandé au ministre de la Justice d'accorder le droit à la filiation et à l'exercice de l'autorité parentale pour les couples de même sexe qui partagent un projet parental dans le cadre de l'union libre, de l'union de fait ou de l'union civile. La CSQ avait alors aussi recommandé au ministre de la Justice d'accorder aux deux conjoints d'un couple de même sexe le droit d'adopter un enfant et d'être reconnus légalement comme parents.

Au cours des dernières années, la CSQ a aussi participé a une consultation touchant ces questions lors des auditions publiques concernant le projet de loi n° 125, qui modifiait la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions législatives. L'importance de la notion de projet de vie permettant pour... permanent pour l'enfant était au coeur de nos préoccupations et de nos recommandations.

Par le présent avis, nous voulons saluer les intentions du... gouvernementales visant à mieux refléter la réalité et la diversité des familles québécoises. Par exemple, nous accueillons favorablement des dispositions visant à simplifier la vie des familles recomposées -- exemple, partage de l'autorité parentale -- la reconnaissance des coutumes d'adoption chez les peuples des premières nations et chez les Inuits, de même que l'adoption sans rupture de filiation d'origine de l'enfant du conjoint.

Toutefois, nous nous questionnons sur certains éléments du projet de loi qui pourraient avoir pour effet de diminuer l'attrait de l'adoption pour de futurs parents tout en n'améliorant pas nécessairement la vie de l'enfant adopté. Nous croyons que ces effets pervers risquent de toucher particulièrement les familles homoparentales, grandes oubliées de la démarche ayant mené à la rédaction de l'avant-projet de loi. En effet, on retrouve une carence majeure dans le projet de loi et à la... et dans la recherche effectuée par le groupe travail dirigé par Mme Carmen Lavallée. Cette carence est qu'ils ne prennent nullement en compte la réalité des familles homoparentales, pourtant très concernées et préoccupées par les changements proposés par le gouvernement avec cet avant-projet de loi.

La CSQ travaille à plus... à une plus grande reconnaissance sociale et juridique de la diversité sexuelle. C'est dans cet esprit que la CSQ a créé son Comité pour la diversité sexuelle et c'est pourquoi nous souhaitons vous soumettre nos réflexions sur l'avant-projet de loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives en matière d'adoption et d'autorité parentale.

Avant toute chose, on aimerait vous faire part d'une définition, même si on pense que vous avez été extrêmement sensibilisés à la réalité des familles homoparentales, d'une définition qu'on retrouve dans la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qui présente ce type de famille: «Une famille sera dite homoparentale lorsqu'elle comprend au moins un parent homosexuel. Les familles homoparentales sont diverses quant à leur structure. Tout comme les familles hétéroparentales, elles peuvent être monoparentales, biparentales ou multiparentales. On distingue plusieurs types de familles homoparentales selon la manière dont elles sont constituées: recomposition familiale à la suite d'une union hétérosexuelle rompue; adoption ou garde en famille d'accueil d'un enfant par une personne homosexuelle ou un couple de même sexe; couple de même sexe ou femme lesbienne ayant un enfant par procréation assistée médicalement ou non.» Excusez-moi, je me mélange dans mes pages. «Lorsqu'il s'agit d'un donneur connu, celui-ci peut [être] ou non [...] associé au projet parental selon des modalités diverses.»

Les statistiques concernant l'adoption au sein des familles homoparentales sont rares. Malgré tout, on estime tout de même, selon le site Québecadoption, que 30 % des dossiers Banque-mixte du Service d'adoption de Montréal sont des couples homosexuels. Alors, on comprend difficilement que l'adoption homoparentale n'ait pas fait l'objet d'aucune véritable attention au sein du rapport du groupe de travail dirigé par Mme Lavallée.

Et je laisserais ma... la parole à mon collègue pour la suite.

M. Danis (Gabriel): Bonjour.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, bonjour, M. Gabriel Danis.

M. Danis (Gabriel): Gabriel Danis, oui.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Allez-y, monsieur.

M. Danis (Gabriel): Alors, concernant l'adoption sans rupture de lien de filiation, qui... concerné par l'article 14 de l'avant-projet de loi, on s'inquiète beaucoup de la portée du mot «notamment» qui est utilisé au sein de cet article. Celui-ci suggère, comme vous le savez, que les raisons invoquées par le tribunal pour prononcer une adoption sans rupture de lien pourraient inclure des cas de figure autres que ceux mentionnés expressément au sein de l'article. La marge de manoeuvre qui est laissée au juge quant à l'interprétation de l'actuel libellé de l'article 14 nous laisse perplexes. Nous craignons que certains juges ayant des difficultés avec les familles homoparentales puissent estimer préférable, sur la base de convictions personnelles, de maintenir une filiation d'origine plutôt que de créer une filiation associée uniquement à une famille homoparentale. La Commission des droits de la personne et de la jeunesse reconnaissait récemment qu'il subsistait beaucoup d'homophobie au sein de la société québécoise.

En ce moment, les familles homoparentales sont protégées contre cette possible homophobie dans la mesure où les tribunaux n'ont qu'une seule option en matière d'adoption, l'adoption fermée. Afin de réduire au minimum une trop grande discrétion judiciaire, nous proposions en lieu et place que l'énumération des cas de figure qui est faite à l'article 14 soit exhaustive afin de réduire la marge d'interprétation. Je pense que c'était un peu la même position que défendait l'Association des centres jeunesse récemment.

Concernant le nom de l'enfant, l'article 15 de l'avant-projet de loi propose de permettre au tribunal d'attribuer à l'adopté un nom de famille formé du nom de famille d'origine de l'adopté et de celui de la famille de l'adoptant. Selon nous, cette proposition comporte plus d'inconvénients que d'avantages pour une famille adoptante. Qu'on pense aux voyages à l'étranger. Comment expliquer qu'un de nos enfants porte un nom de famille qui n'appartient à aucun des deux parents? Plus particulièrement, on pense que cette possibilité viendrait compliquer encore plus la vie des familles homoparentales, qui sont déjà stigmatisées lors de voyages à l'étranger. De même, l'acte de naissance est un papier juridique qui statue l'autorité parentale, et à ce chapitre les parents ou les... la personne adoptée doivent à plusieurs occasions présenter l'acte de naissance, lors de l'inscription de l'enfant à l'école, au cégep, à l'université. Conséquemment, les parents ou l'adopté risquent d'être souvent confrontés à devoir expliquer la relative complexité de l'acte de naissance.

Il est également permis de mettre en doute le possible impact qu'aura ce double nom sur l'intégration de l'enfant au sein de son nouveau milieu. Premièrement, un enfant portant un nom différent de celui de ses deux parents pourrait facilement être identifiable comme enfant adopté, ce qui pourrait avoir des répercussions sur son identité et sur son intégration. Deuxièmement, le nom de famille commun est un moyen qu'on juge important pour favoriser l'appartenance de l'enfant à la famille et l'aider à forger son identité, particulièrement chez les familles homoparentales. Par conséquent, ces familles, les familles homoparentales, ont besoin de plus de moyens pour favoriser l'appartenance de l'enfant à la famille, et une de ces façons est de donner le nom des parents adoptants à l'enfant. Et finalement, sur la question du nom de l'enfant, on peut aussi s'interroger sur les conséquences, sur le plan de l'identité, d'une famille où tous les enfants adoptés ne porteraient pas le même nom.

Alors, je passe la parole à Jacques pour la suite.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, M. Pétrin, allez-y.

M. Pétrin (Jacques): Oui. Alors, sur la question de l'adoption ouverte en entente de communication, on sait que les recherches, donc, démontrent que ces ententes de communication peuvent être bénéfiques pour certains cas d'adoption. Particulièrement, cette pratique correspond à un choix de la part des parents biologiques et adoptifs. Le groupe de travail sur le régime québécois a souligné cette question.

Nous savons que la majorité des adoptions internes se réalisent à la suite d'un jugement de la cour. On peut légitimement se demander si l'introduction d'une telle mesure est justifiée au Québec, parce que la grande majorité des cas des parents biologiques ne consentent pas à l'adoption par leur enfant... de leur enfant.

L'interprétation de l'article 581.1 nous laisse perplexes. Dans cet article, nous comprenons que l'entente de communication peut être demandée par les parents biologiques dont l'enfant est rendu admissible à l'adoption en raison d'une décision judiciaire. Est-ce que cela... Je vais trop vite. Est-ce que cela signifie que, dans tous les cas où la DPJ favorise la voie à l'adoption pour l'enfant, les parents biologiques pourraient demander une entente de communication? S'il n'y avait pas d'entente, est-ce que le tribunal peut imposer une entente de communication? Est-ce que ça veut dire qu'en pratique, donc, l'adoption fermée n'existerait plus, sauf lorsque les parents biologiques sont totalement absents?

Il est difficile d'anticiper quel sera le niveau de confort des parents biologiques avec le fait que leur enfant soit placé en vue d'adoption dans une famille homoparentale. Pour certains parents biologiques ayant encore des préjugés importants à l'égard de l'homosexualité, négocier une entente de communication avec des gais ou lesbiennes pourrait s'avérer impossible.

Les familles homoparentales pourraient ainsi se voir imposer une telle entente par le juge, rendant possiblement difficile l'intégration de l'enfant dans leur famille. Il y a un risque donc de l'homophobie chez les parents biologiques ou dans le système judiciaire, ce qui fragiliserait une famille qui a déjà eu à passer donc à travers l'épreuve difficile de l'adoption par la Banque-mixte.

Vous avez un extrait, donc, de la Commission des droits qui soulève toute la question de... du phénomène de l'homophobie dans les différents paliers de la société québécoise.

Selon nous, l'avenue de l'adoption ouverte est retenue, il faut... si elle était retenue, il faut qu'elle demeure une exception, au risque d'envoyer un curieux message aux parents réfléchissant à la possibilité d'adopter. N'y a-t-il pas lieu de penser que la présence de cette possibilité d'adoption ouverte peut décourager plusieurs couples voulant adopter? L'option de l'adoption pourrait devenir moins intéressante pour des parents qui ne veulent pas nécessairement avoir à entretenir une relation avec les parents biologiques de leur enfant adopté.

**(10 h 40)**

M. Jobin (Pierre): Et, si vous permettez, M. le Président, en conclusion, l'avant-projet de loi dans sa forme actuelle propose des changements importants au régime d'adoption québécois en introduisant la notion d'adoption sans rupture de lien de filiation, ce qui rompt avec la logique de l'adoption plénière qui prévaut au Québec depuis un bon nombre d'années. Selon nous, ce changement de paradigme se doit d'être encadré, et la possibilité qui est faite d'opter pour ce type d'adoption de même que pour l'adoption ouverte se doivent de demeurer des mesures d'exception. De plus, certaines précisions et certains éclaircissements sur ces deux types d'adoption devront également être apportés afin que cette réforme permette véritablement de concilier les besoins des familles québécoises, qu'elles soient hétéroparentales ou homoparentales, tout en visant l'intérêt des enfants adoptés.

Par ailleurs, si une amélioration de l'offre de service d'accompagnant pour les parents adoptifs était essentielle avant ce projet de réforme, elle l'est d'autant plus avec les changements proposés par l'avant-projet de loi. Rappelons à cet égard le rapport Lavallée: «Les orientations proposées se veulent novatrices. Elles nécessitent néanmoins une allocation de ressources suffisantes à leur pleine réalisation.»

Finalement, nous estimons également que ces nouvelles mesures requièrent que l'appareil juridique québécois soit davantage conscientisé au phénomène de l'homophobie. Rappelons ici une des nombreuses recommandations de la CDPDJ qui est jusqu'à aujourd'hui restée lettre morte: «Le besoin de connaissances généralisées sur le phénomène de l'homophobie et sur les réalités touchant des personnes de minorités sexuelles concerne également les juges de la Cour du Québec, des cours municipales du Québec, ainsi que les membres des tribunaux administratifs et le personnel administratif de ces tribunaux.»

En conclusion, nous recommandons:

Que les circonstances pouvant mener à une ordonnance d'adoption sans la rupture de lien de filiation soit nommément identifiées au sein du projet de loi;

Que l'aspect consensuel de l'entente de communication soit primordial et par conséquent qu'aucune entente de communication ne puisse être imposée par un tribunal;

Que les juges de la Cour du Québec, des cours municipales ainsi que les membres des tribunaux administratifs et le personnel administratif de ces tribunaux soient conscientisés et informés sur le phénomène de l'homophobie et sur les réalités touchant les personnes de minorités sexuelles;

Qu'une allocation de ressources humaines et financières suffisantes soit faite afin de permettre une application efficace des mesures proposées.

Et on tient à vous rappeler deux recommandations qu'on a déjà faites mais qui restent tout aussi pertinentes:

Que le principe de continuité des soins, de stabilité des liens et des conditions de vie de l'enfant soit d'abord mentionné comme devant guider toutes les décisions prises à l'égard de l'enfant en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse; et

Que la Loi sur la protection de la jeunesse prévoie un mécanisme permettant d'assurer que les parents reçoivent les services nécessaires au rétablissement de leurs capacités parentales au cours du délai prévu par la loi et avant que leur enfant ne leur soit retiré.

Merci beaucoup de votre attention.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): C'est moi qui vous remercie, M. Jobin. Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Merci beaucoup pour votre présentation. Et évidemment, nous, la semaine... il y a quelques semaines, on a entendu la Coalition des familles homoparentales, Gary Sutherland en particulier, et donc qui a évoqué exactement les mêmes préoccupations. Mais je pense utile peut-être de revenir sur ces grandes préoccupations.

Évidemment, je fais des parallèles avec un plan d'action de lutte contre l'homophobie que je dois préparer et je vous dirais que ce que vous apportez aujourd'hui me donne déjà des éléments dans certains aspects de ce plan d'action. Alors, je vous remercie beaucoup pour votre contribution et votre contribution à venir, j'espère, pour essayer de voir en quoi notre plan d'action pourrait répondre aux préoccupations particulières que vous avez.

Évidemment, tout ce projet de loi, si on parle un peu d'évolution de la société... Et, vous, vous évoquez aussi évolution et besoin d'évolution de la société, mais que tout n'est pas encore au point où on voudrait avoir d'une société idéale, vraiment ouverte. Mais évidemment ce projet de loi vient constater que la société a évolué, donc, pour ce qui est du secret de l'adoption, tout ce qui entourait le... la confidentialité puis le fait que c'était finalement un péché d'avoir un enfant hors mariage. Vous, vous évoquez une autre réalité aussi, c'est-à-dire une certaine évolution, mais pas aussi loin qu'on le voudrait, concernant peut-être l'attitude de certains acteurs du réseau de la justice, et autres, par rapport à la réalité des parents homoparentaux.

Donc, je trouve ça intéressant, parce qu'on voit à quel point c'est important de continuer à pousser la société vers l'ouverture. Et ça va nécessiter une sensibilisation. Je veux dire, à un moment donné, le droit peut faire... il y a une limite à ce que le droit et les textes de droit peuvent faire. Il faut continuer dans la sensibilisation. Alors, j'apprécie beaucoup vos réflexions là-dessus. Comme je vous dis, ça m'alimente pour une partie de ce plan d'action.

Vous comme d'autres, pour ce qui est... et c'est vraiment le constat de Gary Sutherland, c'était cette préoccupation autour de l'adoption sans rupture de filiation, qu'il pourrait y avoir des préjugés et qu'un juge, face à ça, pourrait dire: Non, non, on va rester avec l'adoption plénière. Donc, moi, j'ai été sensibilisée à ça, puis les membres de la commission ici... pour vous dire que c'était... c'est... c'était prévu comme une mesure exceptionnelle, beaucoup, la recommandation du comité Lavallée et des... du milieu des centres jeunesse, d'un enfant qui connaît déjà, certainement, ses parents, et donc évidemment il y a une question identitaire qui est déjà là. Il n'y aura pas nécessairement d'entente de communication. Vous... Et donc il y a peut-être un peu de confusion. Peut-être pas nécessairement vous, mais généralement, dans la population, les gens s'imaginent qu'on va imposer ou que le tribunal pourrait imposer une communication. Est-ce que dans la loi, tel que, nous, on l'a mis sur les ententes de communication, vous, vous voyez le besoin de le clarifier, d'autant plus... Parce que là c'est vraiment consensuel. Il faudrait absolument que les parents adoptants soient d'accord avec une entente de communication. Et l'entente pourrait être très, très restreinte. Le Protecteur du citoyen a parlé d'une adoption semi-ouverte, voulant dire qu'on pourrait... il y aurait échange, peut-être cartes d'anniversaire... ça pourrait être très, très limité. Mais est-ce que, vous, dans la... ce qu'on propose, vous voudriez qu'on aille encore plus loin sur cette question-là et sur l'adoption sans rupture de filiation? Si je comprends bien, vous voulez vraiment qu'on soit très précis par rapport aux types de cas envisagés. Donc, amener un peu plus de clarification sur ces deux éléments-là.

M. Jobin (Pierre): Oui, effectivement, on pense que la... l'adoption sans rupture du lien de filiation doit rester une exception et que la loi doit expressément les nommer, peut-être en enlevant le mot «notamment», qui pourrait ouvrir sur autre chose. Nommer les cas. On convient fort bien aussi qu'effectivement ce type d'adoption, O.K., dans certains cas, entre autres dans le cas d'un enfant plus âgé, peut ou pourrait répondre au bien de l'enfant, et ce serait profitable de... effectivement de... aussi de maintenir une certaine entente de communication. Mais encore là on pense que le critère ultime restera toujours le bien de l'enfant. Est-ce que, pour cet enfant de sept, de huit ans, qui a connu ses parents, il y aura un avantage à maintenir un certain lien de filiation et à faire une entente de communication?

Au niveau de l'entente de communication, on dit: C'est vrai, elle doit être consensuelle. Et on peut s'interroger aussi beaucoup, puis on n'est probablement pas le seul organisme qui s'interroge, sur l'évolution de cette entente. On peut avoir une entente au point de départ qui semble répondre à la situation, O.K., mais qui éventuellement, à cause d'une situation qui évolue, pourrait être dénoncée par les parents adoptifs, les parents d'origine, l'enfant lui-même aussi, qui dirait: Bien, cette communication avec mes parents, là, je voudrais soit l'agrandir, ou elle n'est pas satisfaisante, elle m'apporte plus d'inconvénients que d'avantages. Mais c'est plus au niveau de l'interrogation. Je ne sais pas si mes collègues veulent compléter?

M. Pétrin (Jacques): Peut-être juste un élément. C'est: au moment où il y aurait discussion par rapport à l'entente de communication, c'est... est-ce qu'il n'est pas possible que les intervenants, donc, dans les centres jeunesse ou les centres de santé et services sociaux soient amenés à essayer de... d'amener comme une discussion puis dire: Bon, bien, oui, vous allez avoir option de l'adoption, mais à la condition que vous ayez une entente de communication. Et là-dessus il y a des craintes, là, assez importantes de comment va se composer toute cette discussion-là qui va se faire autour, là, durant tout le processus. Il y a des craintes à ça, principalement par rapport à ça.

M. Jobin (Pierre): Et j'ajouterais, et je pense que le Conseil de la famille et de l'enfance l'a souligné également -- je me permets de le souligner, je suis également membre du Conseil de la famille et de l'enfance -- d'éviter autant que possible les risques de... de...

Une voix: ...

M. Jobin (Pierre): Ah! mon Dieu!

Mme Weil: ...moi aussi, j'ai des problèmes avec ce mot-là...

M. Jobin (Pierre): Vous savez de quoi...

Mme Weil: ...et je dois le dire souvent.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...

M. Jobin (Pierre): Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...avec vous, M. Jobin.

**(10 h 50)**

Mme Weil: Oui. C'est ça. Donc, vous prônez un genre d'accompagnement des experts, finalement, et certains qui ont même demandé une évaluation psychosociale, dans un cas d'adoption sans rupture de filiation ou d'entente de communication, que les parties comprennent bien dans quoi ils s'embarquent. Alors, ça résonne...

Maintenant, vous entendre sur le nom. Là aussi, Gary Sutherland a apporté exactement les mêmes préoccupations, et je vous entends, je comprends ce que vous dites. Donc, pour vous, c'est un peu cette confusion, et que les parents adoptants puissent choisir le nom. Ça ne veut pas dire que l'acte de naissance ne comporterait pas les... l'origine de filiation, mais, vous, c'est plutôt le nom de l'enfant, là, qui créerait... qui pourrait créer beaucoup de confusion, comme vous dites, les enfants qui auraient des origines différentes et... à l'école, en voyage, dans son passeport, etc. Donc, je comprends votre préoccupation à ce niveau-là. Pour l'instant, ça va, M. le Président.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va, oui? Oui, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Merci beaucoup de votre présentation. Pour en revenir aux ententes de communication, vous, de ce que je comprends, c'est que vous dites, d'une part, que c'est peut-être un peu illusoire, dans le contexte actuel des choses où la plupart des adoptions se font par déclaration d'admissibilité à l'adoption et non par consentement des parents biologiques, de penser qu'il y aurait vraiment, de manière volontaire, une belle entente entre toutes les parties impliquées et que donc les ententes de communication risquent de rester quelque chose de très, très marginal. Est-ce que vous dites ça, dans un premier temps?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. M. Pétrin, peut-être? Allez-y.

M. Pétrin (Jacques): C'est en plein ça. Mais où il y a... il peut y avoir une difficulté, c'est que... c'est comment va être perçue éventuellement cette entente de communication. Parce que, quand... si c'est des éléments mineurs, je ne pense pas qu'il y ait nécessairement de problème. C'est au fur et à mesure qu'on va essayer de mettre le plus d'éléments possible à l'intérieur de l'entente de communication où, là, il risque d'y avoir, selon... en tout cas selon nous, un certain nombre de problématiques. Et, plus il y aura des discussions, ça peut être interprété éventuellement... par exemple, que ça pourrait être assimilable à un partage... une entente de garde partagée. Et ce n'est pas ça, l'objectif. Mais, dans la... toutes les discussions, c'est quelque chose que soit les parents d'origine pourraient être tentés de dire: Bien, c'est un peu... j'ai un certain nombre de droits... Donc, les ressources qui devront être affectées à ça, je veux dire, de clarifier carrément le rôle de... quel est l'objectif qu'on recherche par rapport à l'entente de communication... Et là il y a... pour nous, oui, il y a des difficultés et il risque d'y en avoir... pas beaucoup. Oui, il va y en avoir, mais pas beaucoup.

Mme Hivon: Vous avez peur en fait que -- ça rejoint peut-être un petit peu ce que la Protectrice du citoyen nous disait -- qu'à l'origine il puisse y avoir une belle entente, et que donc il y ait entente de communication mais qu'au fil du temps il puisse y avoir une ou l'autre des parties qui en veuille plus ou qui en veuille moins, et que donc on se retrouve avec des conflits et la judiciarisation des conflits. Vous aussi, de ce que je comprends, vous partagez la crainte d'une surjudiciarisation des choses si la question de l'entente de communication devient de plus en plus présente.

L'autre préoccupation que je perçois puis qu'on nous a aussi transmise dans les premiers jours de nos auditions, c'est la conditionnalité, un peu, du consentement des parents biologiques, qui pourraient en venir à dire: Moi, je vais consentir à l'adoption dans la mesure où il y aura entente de communication pour que je puisse avoir des informations ou peut-être même un contact. Et évidemment, même si on dit que ça prend consentement de toutes les parties, on comprend aisément qu'une famille de parents adoptifs qui auraient déjà, comme famille d'accueil mais qui vise l'adoption, un enfant avec eux depuis un an risquent un peu d'être prêts pratiquement à consentir à tout pour se dire: On va simplifier les choses puis, si les parents biologiques sont prêts à consentir, avec une entente de communication, bien, nous, on va dire oui à l'entente de communication parce qu'on craint tellement qu'il puisse y avoir des événements qui fassent en sorte que cet enfant-là nous soit retiré ou qu'on ne puisse pas se rendre au processus d'adoption qu'on serait prêts à dire oui. Ça aussi, c'est quelque chose qui vous inquiète?

M. Jobin (Pierre): Oui. Et j'ajouterais aussi que, dans le contexte où les parents d'origine doivent se séparer d'un enfant -- et c'est... dans aucun contexte, j'imagine que c'est quelque chose de facile à faire -- savent en plus que leur enfant va être adopté par une famille homoparentale, eh bien, on se dit qu'effectivement il risque là d'y avoir une complication supplémentaire.

Et, dans le fond, on a énormément d'interrogations face aux ententes de communication, parce que c'est... ça peut être du simple envoi d'une carte à l'anniversaire de l'enfant à une foule d'autres dispositions, de visites, de droit de rencontre... Bon. Et, comme vous le souligniez aussi à juste tire, ça peut évoluer dans le temps, c'est-à-dire que tant les parents adoptifs, les parents d'origine, l'enfant peuvent vouloir que cette entente de communication soit modifiée. Et comment ça va se réaliser toujours en maintenant un consensus? On peut assez... Bon, on va dire, une fois qu'on a eu un consensus de départ sur une entente précise, c'est une chose, mais, comme on se doute bien que la situation va... risque d'évoluer, comment maintenir cette entente, ce... cette démarche consensuelle dans le temps, alors que les parties peuvent, pour une raison ou une autre, vouloir faire différemment de l'entente originale?

Mme Hivon: Puis d'ailleurs ça, c'est juste un point... c'est un peu... ce n'est pas tout à fait en lien, mais il y a beaucoup de parents adoptifs qui disent d'ailleurs, parce qu'ils suivent nos débats, ou tout ça, que des fois on a l'air d'un peu minimiser l'effet d'une lettre ou même d'une carte d'anniversaire. Parce qu'un enfant adopté, la date de son anniversaire, ça apporte une grande charge émotive, et souvent c'est une période très bouleversante pour lui, à chaque année, parce que ça lui rappelle tout ce qu'il ne sait pas ou toute sa vie. Et donc, des fois, on parle comme ça, une simple carte d'anniversaire, mais il paraît que, pour des enfants adoptés, une carte d'anniversaire, déjà, qui arrive une fois par année, ça peut être un... quelque chose de très lourd à porter émotivement. Donc, je pense que c'est important de toujours garder en tête l'intérêt de l'enfant quand on pense aux ententes de communication.

Puis ça, ça m'amène à vous demander la même chose que j'ai demandée à la Protectrice du citoyen: Est-ce que vous pensez qu'on ne devrait pas aller jusqu'à faire en sorte que ces ententes de communication là soient entérinées par le tribunal et permettre, plutôt, peut-être qu'elles soient consignées au dossier, qu'elles aient comme une certaine portée, mais pas jusqu'à une portée vraiment judiciaire, pour éviter tous les risques justement de judiciarisation, de révision systématique, d'avocats dans le portrait, et tout ça?

M. Pétrin (Jacques): C'est en plein ça.

Mme Hivon: Mais vous pensez quand même qu'il doit y avoir une portée formelle. Est-ce...

M. Pétrin (Jacques): Non, pas du tout. Nous, on pense que ça pourrait... Elle pourrait être carrément au dossier, et on pourrait carrément... Si jamais il y avait des difficultés parce qu'il y aurait un mouvement quelconque, là, de la part des intervenants ou de la part de l'enfant, ce qui serait peut-être possible, c'est de mettre peut-être, là, un mécanisme de médiation, mais sans mettre ça trop formel, là, justement, parce que sinon on va se retrouver à différentes périodes de la vie de l'enfant, peut-être trois, quatre, cinq fois, je veux dire, à retourner devant le tribunal. Alors, on pense qu'il y a peut-être d'autres façons, là, de... et qu'on aurait quand même franchi un pas sans aller dans le judiciaire.

Mme Hivon: Parfait. Je vais vous amener sur la question de l'adoption sans rupture du lien de filiation. Je comprends que vous dites: Il faut garder ça très, très exceptionnel. Donc, comme plusieurs autres intervenants, vous dites: Enlevez... vous dites à la ministre d'enlever le «notamment». Mais vous parlez aussi des effets, en fait, qui sont plutôt limités, dans ce qui est prévu à l'heure actuelle, qui essentiellement ont trait au nom et à la possibilité d'avoir un acte de naissance qui ferait état des deux réalités, donc de la réalité primitive, biologique, et de la réalité adoptive. Et, si je vous suis bien, vous, vous avez des réserves pour l'un et l'autre, un peu, de ces effets-là.

Pour le nom, je comprends ce que vous dites, que c'est particulièrement, peut-être, important, dans le contexte d'une adoption, que les enfants aient le nom de famille de leurs parents adoptifs, et d'autant plus dans le milieu... dans des familles homoparentales. Puis vous dites aussi: Un acte de naissance, ça peut compliquer les choses si on a toute l'information. Bon. De ce fait-là, est-ce que vous pensez... C'est parce qu'il y en a qui nous ont dit: Vous êtes... Il y a une volonté, dans l'avant-projet de loi, de créer une nouvelle réalité mais, un, pour des cas très, très exceptionnels et, deux, pour des effets que l'on pense qui pourraient se concrétiser d'autre manière, qui exprimaient un peu les mêmes craintes que vous et qui disaient: Dans le fond, le tribunal peut toujours, dans des cas exceptionnels, c'est une possibilité qu'il a déjà aujourd'hui, faire en sorte qu'un enfant conserve son nom mais que ce ne soit pas la règle, parce qu'on est, par exemple, dans l'adoption sans rupture du lien de filiation. Ils nous disent aussi: Dans des cas, on pourrait prévoir que l'acte de naissance primitif puisse être remis mais que ce ne soit pas l'acte de naissance dans la vie de tous les jours qu'on utilise. Donc, il y aurait deux actes de naissance. L'enfant pourrait avoir son acte de naissance d'origine mais son autre acte de naissance...

Dans ce contexte-là, est-ce que vous pensez qu'il est quand même pertinent de garder la nouvelle idée d'une adoption sans rupture du lien de filiation, ou vous dites: Bien, peut-être que, si c'est si exceptionnel, on devrait plutôt y aller par des mesures concrètes pour obtenir les effets voulus, mais sans la réalité pour laquelle vous pensez qu'il pourrait aussi y avoir une généralisation ou peut-être une abondance d'utilisations qui ne serait pas souhaitable?

**(11 heures)**

M. Danis (Gabriel): Je pense que je peux répondre en partie à votre question. Pour ce qui est des mesures d'exception, dans le fond, ce qu'on veut éviter, c'est qu'un juge décide non pas pour les raisons évoquées dans le «notamment», là, entre autres, compte tenu de l'âge de l'enfant, mais dise: Parce qu'il s'agit d'une famille homoparentale, plutôt que de privilégier l'adoption plénière, je vais choisir l'adoption sans rupture du lien d'affiliation. Pour nous, ce n'est pas un bon motif, ce n'est pas en lien avec le bien de l'enfant. On pense qu'une famille homoparentale qui a passé à travers le processus, là, d'évaluation est une famille tout aussi capable d'accueillir un enfant qu'une famille hétérosexuelle. Et c'est pour ça qu'on veut le limiter.

Sur la question du nom, je vous avoue que... Je ne sais pas si mes collègues ont..

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, M. Pétrin.

M. Pétrin (Jacques): On est d'accord à ce qu'il y ait comme deux actes de naissance. Nous, une des hypothèses, c'est à dire: Il y a un acte de naissance dans le dossier, mais il peut y avoir carrément un acte administratif qui est utilisé au quotidien, dans le cadre des inscriptions dans les écoles, et ainsi de suite, que le jeune n'ait pas à éventuellement se faire poser des questions parce qu'il apparaît plein d'information au niveau de l'acte de naissance. Donc ça, d'en avoir deux, je pense, c'est une solution possible.

L'autre élément, que j'ai perdu...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...nous y reviendrons, M. Pétrin, parce que je vais céder la parole du côté ministériel, à Mme la ministre.

Mme Weil: Peut-être, vous ne vous êtes pas penchés là-dessus, mais vous avez peut-être une opinion, toute la question de la confidentialité. Il y a eu beaucoup de débats là-dessus, évidemment, et beaucoup de juristes qui ont des opinions différentes sur, d'une part, le droit à l'identité, d'autre part, le droit à la vie privée, connaître ses antécédents, bon. Avec votre expérience, les familles qui vivent l'adoption, vous avez certainement vu des enfants et des adultes en quête de leur identité. Je ne sais pas si vous avez le goût de vous exprimer sur cette question, si vous avez des opinions, si... Vous n'avez peut-être pas... vous n'avez peut-être pas de consensus, aussi. D'ailleurs, le Protecteur du citoyen nous disait que, même au sein de son organisme, il a fallu qu'elle tranche et que donc... C'est comme ça dans la société québécoise, on n'est pas tous d'accord avec tout. Alors, je me demandais si, vous, vous aviez...

M. Jobin (Pierre): Si je devais répondre à cette question, je pense, je répondrais beaucoup plus comme membre du Conseil de la famille et de l'enfance que comme... que dans le cadre de notre mémoire. La question de la confidentialité est une question extrêmement importante. Je ne crois pas que les ententes qui ont été faites sur cette base de confidentialité dans le passé devraient être ouvertes de nouveau. Je pense qu'il y avait une espèce de contrat social tacite avec les personnes, tant les adoptés que les parents d'origine, là. Je ne pense pas que... ce serait ouvrir une boîte de Pandore.

Ceci dit, ça ne dispose pas de toute la question du besoin de l'enfant adopté d'avoir accès à des antécédents médicaux. Mais je vous avoue que je laisse ça... je laisse cette question à des gens plus ferrés que moi et en matière de dossiers médicaux et en matière de droit juridique. Mais effectivement on peut reconnaître qu'il va avoir trouver le moyen pour, tout en respectant une certaine confidentialité, permettre aux enfants adoptés d'avoir accès à une information qui peut être éventuellement importante pour leur santé.

Mme Weil: Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Mme la députée de Joliette, oui.

Mme Hivon: Oui. C'est ça, en fait peut-être pour revenir à ce que je vous disais, puis j'ai mis plein de choses dans ma question, donc c'est normal que vous ne saviez plus où vous en étiez, ce que je voulais savoir, c'est: Est-ce que vous pensez qu'il est quand même pertinent de garder la nouvelle notion d'adoption sans rupture de lien de filiation, compte tenu que peut-être que les effets qui sont les seuls, à peu près, qui sont associés à ça, soit la possibilité du nom avec les deux particules et l'acte de naissance, pourraient être obtenus autrement? C'est-à-dire: Est-ce que vous trouvez qu'il y a une valeur en soi au fait qu'une personne puisse avoir un double lien de filiation, même s'il n'y a pas d'effet associé à ça, dans l'hypothèse où il n'y aurait pas d'effet associé à ça ou que les effets pourraient être obtenus autrement?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. M. Pétrin? M. Jobin?

M. Pétrin (Jacques): Bien, on a... Moi, je n'ai pas de... À savoir si c'est plus utile de l'intégrer ou de... actuellement, que c'est permis par rapport à la question des tribunaux, on n'a pas poussé la réflexion jusque-là, là, mais disons qu'on a des appréhensions à partir du moment où ça apparaît.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, madame... M. Jobin, oui, peut-être?

M. Jobin (Pierre): Oui. Si j'ai bien compris la question, est-ce qu'il y a... il y aurait quand même, malgré la... si on réglait la question du nom, un avantage à conserver ou à... pas à conserver, mais à innover en mettant un principe d'adoption sans rupture d'affiliation, on pense que oui. Il y a des cas où effectivement ça pourrait être profitable à l'enfant.

Mme Hivon: Non, je vous pose la question parce qu'il y a quelques regroupements, notamment de familles adoptantes, qui nous ont dit qu'ils ne voyaient pas... qu'ils trouvaient que ce qu'on voulait faire faire à ça, avec cette nouvelle réalité là, ça pouvait être obtenu autrement et que dans le fond on venait peut-être créer quelque chose de très gros, une toute nouvelle réalité dans notre droit de l'adoption, alors que, les effets comme tels, on pourrait les obtenir autrement. Et, eux, ils remettaient en cause toute la question de l'importance, juste pour le point de vue identitaire, de la filiation, en disant que, pour eux, le besoin identitaire, il pourrait être répondu avec l'acte de naissance primitif, avec éventuellement entente de communication ou accès à des informations dans le dossier, mais que ça ne passait pas par la double filiation. C'était pour ça que je vous demandais ça. Mais je comprends que, vous, vous estimez que c'est quelque chose qui a sa place, mais dans la mesure où on limite vraiment les cas où ça peut s'appliquer. C'est ça?

M. Jobin (Pierre): Effectivement, parce qu'on...

Mme Hivon: O.K. Je pense que mon collègue a une question.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...M. le député de Groulx.

M. Gauvreau: Merci d'être venus. On dit souvent, entre juristes, que le diable se cache dans les détails. Et j'ajouterai que les dérives s'en nourrissent. Relativement à l'adoption sans rupture des liens de filiation, ou avec une entente de communication, on s'entend tous, et tous les tribunaux, depuis les 40 dernières années, s'entendent pour dire que toutes les décisions doivent être prises dans le seul intérêt de l'enfant. Donc, famille adoptive, famille biologique, l'entente de communication, normalement, devrait se faire dans le seul et unique intérêt de l'enfant.

Tout à l'heure, je vous ai entendu me dire, et je vais vous citer dans le texte: «Les parents d'origine ont un certain nombre de droits.» Nulle part, nulle part dans l'avant-projet de loi qui est présenté par Mme la ministre il n'est question des droits donnés aux parents d'origine, mais des droits donnés aux enfants adoptés, d'accès aux dossiers, d'avoir un acte de naissance différent, et autres. Ne voyez-vous... Ne voyez-vous pas dans vos paroles, encore une fois -- parce que vous n'êtes pas le premier groupe à qui... que je coince comme ça -- que, même en commission parlementaire, on commence déjà à dériver en donnant des droits à des parents d'origine, des parents biologiques, qui ne sont même pas encore nés dans l'avant-projet de loi, qui ne sont même pas existants dans l'avant-projet de loi? Ne voyez-vous pas là une dérive importante éventuellement, que les parents biologiques viennent dire: C'est mon enfant, j'ai des droits; je veux que la cour tranche mon différend, comme ça se fait normalement devant les tribunaux? Il y a des dispositions dans le Code civil, générales, et qui pourraient s'appliquer. N'est-ce pas? Il fallait une question.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): C'est compliqué comme question, hein? M. Jobin.

M. Jobin (Pierre): Est-ce que M. Pétrin a dit que c'étaient les parents adoptifs qui avaient des droits, ou les parents d'origine?

M. Gauvreau: À ma connaissance, ce qu'il a dit, c'est: «Les parents d'origine ont un certain nombre de droits.» Ce sur quoi j'ai accroché. Puis j'ai pris la peine d'écrire parce que, parfois... Si, en commission parlementaire, on se mêle un peu dans certains concepts juridiques -- le Barreau viendra tout à l'heure nous... en corriger un certain nombre -- imaginez qu'est-ce que ce sera dans l'application quand les parents d'origine réclameront leurs enfants.

Une voix: ...commentaire.

M. Gauvreau: C'est un commentaire. Mais je me posais la question: Où irons-nous?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Il a bien dit qu'il voulait vous coincer, hein?

Une voix: Oui. C'est fait. Je suis dans le pétrin.

M. Gauvreau: Ah, non! ce n'est pas dans le pétrin, c'est une excellente illustration que vous faites.

**(11 h 10)**

M. Jobin (Pierre): Non, je vous demandais de préciser parce qu'effectivement... Et je comprends très bien qu'il y a là une dérive dangereuse, parce que, si on commence tout de suite à affirmer des droits pour les parents d'origine, effectivement je vois très bien là où ça pourrait éventuellement nous conduire. Par contre, il nous apparaît aussi important, pour les parents adoptifs, de savoir dans quoi ils s'engagent. Et, en ce sens-là, il y a comme une espèce de droit de respecter une espèce de contrat, là, social, ne serait-ce qu'à partir du moment où ils ont adopté ça l'a un caractère un peu définitif, là. D'ailleurs, on va aussi leur demander en contrepartie... Quand tu as adopté, tu es responsable de l'enfant, hein?

M. Gauvreau: Oui, je comprends bien.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. J'ai peut-être une dernière question. Je comprends qu'à la page 10 de votre mémoire, là, vous prônez pour... vous prônez une approche prudente pour l'adoption ouverte. Est-ce que vous craignez aussi qu'il y ait un risque qu'il y ait moins de familles, de parents potentiellement adoptifs qui soient ouverts à l'adoption? On sait déjà qu'en Banque-mixte c'est pas mal complexe du fait qu'il y a une période de transition où généralement les parents biologiques ont encore certaines... certains droits de visite avec l'enfant. Il y a de... C'est très lourd émotivement. Est-ce que vous craignez, du fait de ces nouveaux concepts là, dont l'adoption ouverte, qu'il y ait une réduction de l'intérêt de parents ici pour l'adoption interne?

M. Pétrin (Jacques): Oui. Puis on pense... on pensait même, dans notre réflexion, que possiblement qu'il va y avoir plus de parents qui vont aller à l'adoption internationale plutôt que carrément à l'adoption au Québec. C'est dans nos discussions de départ. Au moment où on regardait l'avant-projet de loi, c'était un peu notre façon de voir, que plusieurs vont s'orienter plus vers l'adoption internationale.

Mme Hivon: C'est pour ça, tantôt, que je parlais de la conditionnalité, c'est parce que... En tout cas, moi, c'est un argument qui a beaucoup résonné. Je comprends qu'il y ait des gens qui disent: On a peur que ça devienne un peu une mesure pour nous forcer à accepter les choses, avec une entente de communication, même si on est peut-être moyennement à l'aise. Et puis on sait qu'il y a déjà quand même peu, entre 300 et 400, à peu près, par année, d'adoptions internes, et il y a beaucoup moins de postulants que ce qu'on souhaiterait. Et effectivement il y a beaucoup de gens qui n'adoptent pas via la Banque-mixte parce qu'ils ont peur de tout ce vécu-là avec la famille d'origine, et là, s'ils voient que c'est quelque chose qui est vraiment reconnu noir sur blanc et même peut-être encouragé... que ça puisse les rendre plus réfractaires. Donc, bien, je vous remercie. Je vous remercie de votre point de vue, c'était... c'était bien éclairant. Donc, moi, ça conclut.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? M. Jobin, M. Pétrin, M. Danis, merci infiniment pour votre contribution à cette commission. Je vous souhaite un bon retour. Vous saluerez votre président, M. Jobin, de ma part.

M. Jobin (Pierre): Je n'y manquerai pas.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Je vais donc suspendre les travaux quelques instants, le temps que le Barreau du Québec puisse prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 13)

 

(Reprise à 11 h 15)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Nous allons reprendre nos travaux. Donc, messieurs, madame, bienvenue à notre commission. J'ai remarqué que vous avez pris place. Donc, j'ai M. Sauvé, Mme Gladu et M. Goubau, c'est bien ça?, à ma droite. Donc, vous êtes en terrain de connaissance, puisque vous n'avez que des avocats pour vous poser des questions. Donc, il y en a certains qui vont se faire un malin plaisir de vous poser plein de questions.

Vous êtes en terrain de connaissance, donc je vais vous donner les règles, que vous connaissez bien puisque vous avez été témoins un peu de nos échanges: il y a un 10 minutes pour votre présentation, et le reste se fera dans une partie d'échange de part et d'autre, du côté de l'opposition, ministériel. Donc, sans plus tarder, à vous la présentation, messieurs, madame.

Barreau du Québec

M. Sauvé (Marc): Alors, M. le président de la Commission des institutions, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés. Mon nom est Marc Sauvé. Je suis directeur du Service de recherche et législation au Barreau du Québec. Pour la présentation du Barreau, j'ai le privilège d'être accompagné de connaissants, de spécialistes en la matière: alors, à ma gauche immédiate, Me Carole Gladu, qui est membre du comité du Barreau du Québec en droits de la jeunesse, qui est aussi directrice du bureau d'aide juridique, section jeunesse, division criminelle, à Longueuil; et aussi, à ma gauche, Me Dominique Goubau, qui est professeur à l'Université Laval, à la Faculté de droit. Il est aussi avocat-conseil à un bureau de Québec.

Alors, le Barreau du Québec est heureux de participer à la consultation sur l'avant-projet de loi portant sur l'adoption et l'autorité parentale. Le Barreau du Québec, comme vous le savez, a pour mission la protection du public, et c'est à la lumière de ce mandat général qu'il intervient devant la Commission des institutions.

Le Barreau a fait part de ses commentaires et observations au sujet de l'avant-projet de loi dans la lettre du bâtonnier du 4 décembre dernier adressée à Mme la ministre de la Justice. Sans diminuer l'importance de l'ensemble de nos préoccupations et surtout afin de laisser le plus de temps possible aux députés et aux parlementaires pour poser des questions aux représentants du Barreau, je limiterai mon exposé à trois dispositions proposées dans l'avant-projet de loi, à savoir: l'article 573 du Code civil, portant sur le jugement d'adoption; l'article 582.2 du Code civil, portant sur le droit de veto après le décès, quant à la divulgation d'information; et finalement l'article 600.1 du Code civil, portant sur la délégation de l'autorité parentale.

Alors, l'article 573 du Code civil, jugement d'adoption et rôle du tribunal. Le Barreau s'interroge sur les intentions poursuivies par le législateur. Cette modification semble ouvrir la possibilité au tribunal de passer outre au consentement donné par les parties et de prononcer une adoption qui n'a pas pour effet de rompre le lien préexistant de filiation. Si tel est le cas, le Barreau du Québec soumet qu'il faut préciser les conditions permettant au tribunal de ne pas donner suite au consentement donné.

L'ajout proposé à l'article 573 prévoit en outre que le tribunal doit s'assurer, avant de décider que l'adoption n'a pas pour effet de rompre le lien préexistant de filiation, que l'adoptant et les parents d'origine connaissent les effets d'une telle décision. Actuellement, seuls les parents adoptants sont présents lors de l'audition devant le tribunal portant sur l'adoption d'un enfant. Le Barreau du Québec croit qu'il y a lieu de préciser, compte tenu du devoir dévolu au tribunal, que toutes les parties intéressées doivent être appelées et présentes lors de l'audition.

Enfin, la proposition de l'article 573 ajoute un énoncé non limitatif des cas d'adoption qui n'aurait pas pour effet de rompre le lien préexistant de filiation. Le Barreau du Québec est d'opinion que l'adoption sans rupture du lien de filiation devrait être limitée aux cas énumérés à cet article et qu'en conséquence la liste des situations mentionnées devrait être exhaustive.

Deuxième série de commentaires, sur l'article 582.2, le droit de veto après le décès quant à la divulgation de l'information. Le Barreau du Québec est en désaccord avec le dernier alinéa de cette proposition législative. Le droit au respect de la vie privée est expressément prévu à l'article 5 de la charte québécoise et implicitement protégé par l'article 7 de la Charte canadienne. Le Barreau soutient que le respect de ce droit milite en faveur du respect de la volonté exprimée par l'auteur du veto quant à la divulgation d'information à son décès. Le Barreau propose de remplacer le troisième alinéa par le suivant: «L'inscription -- on parle de l'inscription du veto -- subsiste deux ans après le décès de son auteur, à moins d'une mention, en marge de celle-ci, de sa volonté de prolonger cette période.» Fin de l'alinéa.

Dernier... Dernière disposition qui fait l'objet de ma présentation sommaire: article 600.1 du Code civil, délégation de l'autorité parentale. En matière de protection de la jeunesse, le Barreau considère que les pouvoirs prévus à l'article 91n de la Loi sur la protection de la jeunesse, concernant la délégation de certains attributs de l'autorité parentale, sont suffisants et de nature à protéger adéquatement les droits des parties.

Le Barreau soumet que la nature de la délégation complète de l'autorité parentale correspond à une déchéance de cette même autorité. Permettre ainsi la délégation forcée de tous les éléments de l'autorité parentale sans le critère habituel des motifs sérieux nous apparaît dangereux et contre-indiqué, d'autant plus que cette disposition s'appliquerait même en dehors des exigences de la Loi sur la protection de la jeunesse.

Le Barreau du Québec ne croit pas que l'intérêt de l'enfant est servi par cette disposition. Nous soumettons que la tutelle dative pourrait être une solution à envisager, y compris dans les dossiers en protection de la jeunesse.

Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. députés, nous vous remercions de votre attention, et nos experts sont disponibles pour répondre à vos questions. Merci.

**(11 h 20)**

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, merci. Donc, Mme la ministre, sans plus tarder.

Mme Weil: Merci, merci beaucoup. Donc, vous avez beaucoup, beaucoup de suggestions dans votre mémoire, et on va essayer de s'y... de prêter attention un peu à certains d'entre eux. Mais peut-être, dans un premier temps, parce que vous êtes le Barreau du Québec, et c'est une opportunité pour moi de vous poser des questions plus d'ordre général... Le débat est lancé, c'est pour ça qu'on a fait un avant-projet de loi. Beaucoup de juristes, évidemment, le comité... le groupe de travail de Carmen Lavallée, il y a Alain Roy aussi qui... souvent cité dans ce domaine-là...

Le droit québécois n'avait vraiment pas évolué, donc il y avait un constat d'un besoin d'aller de l'avant avec des nouvelles formes d'adoption, l'adoption ouverte, parce que toutes les juridictions l'ont. Mais il y a quelque chose qui ressemble un peu à un modèle européen, qui va dans le sens de l'adoption simple mais sans être l'adoption simple, un peu hybride, mais qui va dans ce sens de reconnaître cette notion identitaire. Donc, on... il y a une rupture avec un peu... On ouvre. On n'a pas juste l'adoption plénière, mais on ouvre sur tout ce domaine de droit qui est l'identité. Et donc il y a une cohérence, dans les recommandations de ce comité, qu'on a préservée dans ce qu'on propose.

Donc, j'aimerais vous entendre un peu sur votre opinion. Vous... vous, vous dites... vous dites que vous êtes d'accord avec ça mais qu'il faut peut-être enlever le mot «notamment». Par ailleurs, la Chambre des notaires et Alain Roy disent: Non, il ne faudrait surtout pas enlever le «notamment», parce qu'il faut faire confiance aux juges et aux tribunaux. La société évolue, puis ce n'est pas tous les jours qu'on ouvre le Code civil, alors... Donc, on va vous entendre un peu d'abord sur cette nouvelle forme. Je pense que c'est important de vous entendre sur... votre réaction par rapport à ça. Est-ce que c'est la modernité? Est-ce qu'on dessert la société en ouvrant cette nouvelle voie?

M. Goubau (Dominique): Alors, Mme la ministre, la... non seulement le Barreau est d'accord avec cette idée de... d'adoption ouverte, d'abord, mais je pense bien que le Barreau applaudit à cette réforme. Ça fait longtemps que plusieurs membres du Barreau, qui sont membres de différentes commissions, comités, suggèrent cette possibilité-là. Vous savez qu'elle se fait déjà sur le terrain, mais de façon un petit peu anarchique. Et l'adoption ouverte est certainement quelque chose que les milieux réclament, et de l'avoir reconnue dans la loi, comme ça se fait dans d'autres provinces, donnera certainement une garantie.

Enfin, vous savez sans doute que plusieurs... On voit souvent des juges refuser l'adoption parce qu'ils considèrent que, dans un cas particulier, il est dans l'intérêt d'un enfant d'être adopté, peut-être, mais aussi de garder contact avec sa famille d'origine. Et ces juges-là, il y a plusieurs exemples, constatent que l'adoption ouverte n'existe pas en droit québécois et que, par conséquent, il est mieux de ne pas prononcer l'adoption, alors que ce même juge avait constaté qu'au fond l'adoption serait dans son intérêt. D'autres juges vont en sens inverse et vont dire: Eh bien, le maintien des contacts est dans l'intérêt de cet enfant-là, l'adoption aussi. Je vais préférer le maintien de contact et refuser l'adoption, alors qu'un autre juge va dire: Je vais préférer l'adoption et refuser le maintien de contact. On était dans une contradiction.

Les juges sont dans une position impossible, puisqu'on leur demande de traiter le dossier, vous l'avez rappelé, dans le seul intérêt de l'enfant, et les juges sont obligés d'être arbitres de deux facettes de cet intérêt, alors qu'il est tellement simple de constater que les choses sont plus subtiles et qu'il peut être dans l'intérêt d'un enfant d'être adopté tout en maintenant certains contacts. Et donc, la seule possibilité, c'est évidemment une adoption qui permet le maintien de contacts, mais ça doit être reconnu par la loi, parce qu'aujourd'hui, n'étant pas dans la loi, on voit des décisions totalement contradictoires et qui, en gros, desservent l'intérêt de l'enfant.

J'ai... Et j'ajouterais juste un point sur l'adoption ouverte, et j'ai... En parcourant les travaux et les questions qui ont été posées dans les 13 et 14 janvier au sein de cette commission-ci, la question s'est posée de savoir: Est-ce que c'est logique d'avoir une adoption ouverte, alors qu'on sait qu'au Québec l'essentiel, la quasi-totalité des dossiers d'adoption interne sont des adoptions qui sont prononcées à la suite d'une déclaration d'admissibilité à l'adoption? Notre réponse à cela, c'est que, oui, c'est encore plus nécessaire.

Parce que la conviction du Barreau... et c'est appuyé sur plusieurs études qui démontrent que bien des dossiers qui sont aujourd'hui contestés, et pour lesquels les parents ne consentent pas à l'adoption, et pour lesquels, pour aboutir à l'adoption, on est obligé de passer par la déclaration d'admissibilité à l'adoption, en réalité, le parent consentirait s'il avait la possibilité de maintenir certains contacts. Et par conséquent il est très probable que bien des dossiers qui aujourd'hui sont des dossiers contentieux, c'est-à-dire de déclaration d'admissibilité à l'adoption, deviendront des dossiers consentis parce que cela se fera dans le cadre où le maintien de contacts sera reconnu par la loi, là où l'intérêt de l'enfant le dicte. Donc, nous sommes tout à fait en faveur de cette possibilité de l'adoption ouverte telle qu'elle se pratique sur le plan clinique et administratif. Et, sur le plan juridique, cela lèvera l'incertitude qui existe actuellement.

Sur l'adoption plénière, il faut voir quel est l'objectif. Si l'objectif est de maintenir un lien de filiation dans les cas d'adoption intrafamiliale, alors l'idée est très bonne. Et cette idée de garder l'enfant dans sa lignée, inscrit dans une lignée qui est la sienne, est une très bonne idée, dans la mesure où il s'agit effectivement d'une adoption intrafamiliale. Notre appréhension par rapport à ce terme «notamment», c'est que nous y voyons un nid à procès, et que par conséquent, dans bien des dossiers, on tentera d'obtenir ce que la loi à prime abord ne donne pas, et cela donnera lieu à des débats.

Maintenant, sur l'adoption sans rupture telle que proposée ici, bon, on sait fort bien qu'elle a été suggérée par Carmen Lavallée, et très inspirée qu'elle était par l'adoption simple en France et dans d'autres pays comme la Belgique. Dans ces pays-là, l'adoption simple est la seule possibilité, sauf exception, en cas d'adoption intrafamiliale. C'est prévu par le projet de loi ici aussi, que cette possibilité-là. Mais il faut savoir que, dans ces pays-là, l'adoption simple a essentiellement pour objet de maintenir l'enfant dans sa lignée généalogique et surtout de préserver son droit successoral, dans un contexte où, en France comme en Belgique, il existe une réserve héréditaire, et, par conséquent, dans des pays où il n'existe pas, comme chez nous, ici, une liberté totale de tester et de faire des testaments... Par conséquent, dans le cadre de l'adoption simple dans ces pays-là, on garantit à l'enfant qu'il... qu'au moment du décès de son parent d'origine il sera bénéficiaire de cette part réservataire qui lui est réservée. Alors...

Et par conséquent, dans la logique de cette idée de maintenir l'enfant dans sa lignée d'origine, il serait tout à fait souhaitable, et c'est ce que nous suggérons, qu'un effet de cette adoption avec... sans rupture du lien puisse, à tout le moins, maintenir le droit successoral en cas de décès du parent d'origine qui n'aurait pas fait de testament. Ce n'est pas prévu dans le projet, et je pense même que c'est exclu par le projet, puisque le projet prévoit que l'effet de l'adoption sans rupture est de maintenir le lien alimentaire. Et donc, a contrario, s'il maintient le lien alimentaire, si c'est ça qui est prévu dans le projet, dans l'avant-projet, a contrario, le droit successoral, lui, est exclu.

**(11 h 30)**

Finalement, une remarque d'ordre général, le... on a le sentiment, à la lecture de l'avant-projet, qui est, sur ce point-là, fortement inspiré des travaux de Carmen Lavallée, que l'adoption sans rupture a notamment pour objet le maintien du contact, de certains contacts. Alors ça, c'est intéressant parce que ça fera double emploi avec l'adoption ouverte qui est prévue par le projet.

Et il faut savoir aussi que l'adoption simple dans les pays dont nous nous inspirons n'a pas du tout pour objet le maintien du contact. Lorsque les juristes français ou belges lisent ce qui se passe au Québec ou dans certains États américains sur l'adoption ouverte, c'est-à-dire une adoption avec maintien de contact, ils sont très surpris et ils considèrent cela comme quelque chose de très intéressant mais qui n'existe pas chez eux. Donc, il faut savoir, nous, que l'adoption simple dans ces pays-là n'est pas un mécanisme visant le maintien du contact, c'est un mécanisme qui vise le maintien symbolique de l'appartenance de l'enfant dans sa famille d'origine, avec essentiellement le droit successoral. Et je pense que c'est important de le souligner parce que ça permet de montrer à quel point l'adoption sans rupture ici est fondamentalement différente de l'adoption simple proposée dans les pays dont pourtant nous nous inspirons.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la ministre.

Mme Weil: Pour continuer sur cette question de droits successoraux, en fait il y en a plusieurs comme vous, Chambre des notaires, Alain Roy, il y a aussi Françoise Ouellette, l'Association des centres jeunesse, qui vont dans le même sens que vous, c'est-à-dire pour les droits successoraux. En plus, on a la liberté de tester, donc il n'y a vraiment pas de risque, et que c'est plus en ligne avec cette notion identitaire. Et par ailleurs ces mêmes intervenants qui recommandent d'enlever l'obligation alimentaire, que ce serait mieux d'avoir les droits successoraux. Donc, vous, vous seriez d'accord avec ces propositions, vous allez dans le même sens?

M. Goubau (Dominique): Sur le droit successoral, oui. Maintenant, sur la question du droit alimentaire, l'avant-projet dit bien qu'il est subsidiaire, et donc je pense que c'est une soupape de sécurité, et le résultat ne sera certainement pas une multiplicité de recours, puisque j'ai bien compris que ce n'est qu'à défaut pour les parents adoptifs de satisfaire à leur obligation alimentaire que le parent d'origine pourra éventuellement être poursuivi, et donc il y a là une garantie.

Mme Weil: Je vais vous dire l'argument parce que c'est important... parce que vous êtes le Barreau puis même si c'est mon avant-projet de loi, là... Parce que les arguments sont quand même intéressants, qui ont été présentés. Ils disent qu'en gardant l'obligation alimentaire on vient confirmer une certaine obligation parentale, et que ça vient... ça crée d'autant plus de craintes parmi tous ceux qui ont déjà eu une certaine crainte par rapport à l'adoption sans rupture de filiation, mais qu'ils seraient beaucoup plus à l'aise si on enlevait cette obligation qui vraiment... qui donc... Le message de l'adoption sans rupture, ce n'est pas qu'on vient confirmer des liens qui devront se perpétuer dans le temps, mais... alors que l'obligation... ou les droits successoraux n'ont pas cet impact-là. Alors, c'est dans ce sens-là.

M. Goubau (Dominique): Et j'ajouterai qu'il y a même une logique juridique à ce raisonnement, puisque l'obligation de soutien est un effet de l'autorité parentale. Or, ce sont les parents adoptifs qui vont être titulaires de l'autorité. Il y a donc une logique dans cette conclusion-là.

Mme Weil: C'est ça. Les antécédents, toute cette notion de confidentialité. Je vous dirais que beaucoup, beaucoup, incluant la Chambre des notaires et d'autres, trouvaient qu'on était trop conservateurs dans l'approche qu'on prenait concernant les antécédents. Le Mouvement Retrouvailles, c'est vraiment le grand mouvement représentant les gens qui croient qu'il y a un droit identitaire. On va entendre la Commission des droits de la personne cet après-midi, eux aussi qui vont beaucoup dans ce sens-là, qui disent que c'est un droit qui est reconnu en droit international.

Évidemment, les grands débats sur le droit à la vie privée, bon, le droit à l'identité, et j'ai souvent décrit ce droit à l'identité, on dirait que c'est un droit qui flotte jusqu'à temps que la personne qui a l'identité le retrouve et que, là... une fusion du droit et de la personne qui cherche son identité, et là, eux, ces gens-là, lorsqu'ils viennent plaider pour la reconnaissance de ce droit, c'est très, très passionné, hein, on sent qu'il y a quelque chose là que, même si notre droit et nos tribunaux ne le reconnaissent pas, eux le ressentent.

Évidemment, donc, l'effort qu'on a à faire, c'est de voir comment concilier tout ça, où est le compromis? Alors, d'autres juridictions au Canada sont venues, et une décision aussi de la Cour supérieure de l'Ontario qui est venue baliser tout ça. Qu'est-ce que vous pensez de ce débat-là qui a eu lieu en Ontario, puis il y a eu les modifications par la suite qui viennent trouver finalement un compromis, mais que, nous, au Québec, on dit non... c'est-à-dire, dans l'avant-projet, on reste avec le... plus ou moins un statu quo, on l'ouvre pour les adoptions postérieures, mais, vous, vous allez encore plus, plus loin que nous. Je veux juste vous entendre sur toutes ces questions.

Mme Gladu (Carole): En fait...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme Gladu, oui.

Mme Gladu (Carole): Oui. M. le Président, en fait, Mme la ministre, ce qu'on a... Ce qu'on a fait dans le cadre de notre travail, quand on a lu l'avant-projet de loi, c'est qu'on s'est un peu limités à l'article 582.2, plus particulièrement au deuxième paragraphe. On considère que le droit de veto, surtout après la mort... parce que c'est beaucoup... parce que le droit de veto, à partir de la personne... elle est vivante, elle peut... elle décide de ne pas donner ses informations. Par contre, à partir du décès, c'est là-dessus, nous autres, qu'on a plus travaillé, et on considérait que ça allait effectivement à l'encontre des droits fondamentaux de la personne qui avait posé le veto, d'autant plus qu'après le décès elle n'est plus là pour faire valoir son droit. C'est pour ça qu'on proposait un changement dans le libellé du deuxième paragraphe.

On considère effectivement que c'est un choix que la personne fait au moment de l'adoption de ne pas donner son identité, de garder ses... elle veut garder confidentielles des informations qui la concernent. Alors, on trouve... Oui, c'est vrai que les personnes qui sont en recherche d'identité, c'est un problème qui est vrai, qui est existant pour tous ceux qui sont à leur recherche, mais, en même temps, il y a peut-être beaucoup de personnes qui ont été adoptées qui, elles, ne recherchent pas, et, celles-là, on ne les entend pas. Et on n'entend pas non plus les personnes qui insistent pour garder leur confidentialité. Malheureusement, ils ne viennent pas se présenter à la commission pour dire: Nous, on ne veut pas que l'enfant qu'on a fait adopter vienne maintenant dans notre vie. Alors, c'est vrai que c'est une balance, mais jusqu'où la loi doit s'immiscer dans la vie de ces personnes-là? Je pense que, si on maintient effectivement un principe où la personne ne veut pas donner l'information... elle a des raisons, et ces raisons-là sont tout aussi importantes pour la personne qui veut garder la confidentialité versus les personnes qui cherchent à avoir cette information-là.

Et évidemment, moi, je pense qu'il faut avoir énormément de prudence dans la façon de libeller ces articles-là qui vont toucher à la confidentialité. C'est aussi... et je parle... puis c'est un peu l'idée du Barreau, c'est que c'est aussi criant pour les personnes qui désirent garder la confidentialité, il faut leur donner également des façons et des... des façons concrètes de faire respecter leur point de vue. Ce sont souvent des personnes qui sont silencieuses, qui ne vont pas se présenter pour dire: Nous autres, on ne veut pas parce que... En fait, ça fait partie du problème, elles ne veulent pas être... elles ne veulent pas être affichées, hein, elles ne veulent pas que ce soit public, la situation. Donc, ces personnes qu'on n'entend pas, je pense que le Barreau a le devoir de dire: Écoutez, s'il y a des personnes qui désirent garder la confidentialité, ça appartient au législateur d'organiser une loi pour permettre que cette confidentialité demeure pour plusieurs personnes, d'ailleurs. Alors, je pense qu'au niveau du droit de veto il va falloir effectivement réorganiser peut-être le libellé de l'article qui permet le droit de veto.

Par ailleurs, il y a toute la notion de la... du... voyons, au niveau des maladies, au niveau de tout ce qui est... les informations médicales. Ça, par ailleurs, je pense que, même actuellement, ça fait partie du dossier... de la plupart des dossiers des enfants qui sont... que c'est la DPJ qui s'en occupe, et on a plusieurs informations médicales. Je pense qu'on peut aller les chercher sans nécessairement couper la confidentialité. Ça pourrait effectivement... et le directeur de la protection de la jeunesse sera appelé de toute façon à organiser probablement tous ces transferts d'information là. Mais je ne pense pas qu'on devrait toucher à la confidentialité dans le cadre également des informations médicales. Ça peut se faire d'une façon parallèle par le biais de la directrice de la protection de la jeunesse.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Joliette.

**(11 h 40)**

Mme Hivon: Oui. Bonjour. Merci beaucoup de votre présentation. Je vais continuer sur la question de la confidentialité des dossiers d'adoption, parce que je dirais que vous êtes... vous êtes dans un... vous avez une position qui, à ce jour... on n'a pas entendu beaucoup, là, vraiment qui demandent le maintien du statu quo et pas l'ouverture vers le passé. Puis je veux juste comprendre comment vous réconciliez un peu, parce que c'est sûr que... Vous dites d'entrée de jeu, dans votre mémoire, que vous évaluez chaque mesure avec la lorgnette de l'intérêt de l'enfant ou de la personne adoptée, mais, évidemment, quand on arrive dans la question de l'ouverture de la confidentialité pour le passé, là vous nous dites en fait que vous êtes à l'aise avec l'avant-projet de loi du fait qu'il respecte le contrat social.

Les personnes adoptées vous diraient: Mais l'intérêt de l'enfant adopté, là-dedans, pour le passé, qu'est-ce que vous en faites? Et ce qu'ils nous disent beaucoup, et en fait c'était assez intéressant de les entendre, parce que, comme vous le dites, on n'est pas capables d'avoir le point de vue des mères biologiques ou des parents biologiques qui ne veulent pas cette levée-là de la confidentialité, puis c'est un problème, ils ne viendront pas, de par évidemment toute la confidentialité qu'ils désirent, mais les personnes adoptées qui nous lancent un cri du coeur comprennent cette réalité-là. Mais ce qu'ils nous disent, c'est: Pourquoi ne pas être capables d'en venir à une solution où il y a le respect, oui, de cette confidentialité-là et qu'on fait un peu la part des choses entre les droits de chacun et qu'on arrive avec un compromis en permettant l'inscription de veto? Et même, à la limite, des gens qui auraient déjà été contactés, qui auraient dit non à des retrouvailles, pourraient voir le veto, par exemple, être automatiquement inscrit. C'est ce qu'a fait la Colombie-Britannique, c'est ce qu'a fait l'Ontario, c'est ce qu'a fait Terre-Neuve. Pourquoi vous ne pensez pas qu'il y a une conciliation des droits qui est possible?

Mme Gladu (Carole): Le veto, tel qu'il est inscrit au projet de loi, le veto, deux ans après la mort de la personne, il est levé.

Mme Hivon: Moi, je vous parle plus pour les adoptions qui ont déjà eu lieu. Donc, la question de savoir: Est-ce qu'on ouvre pour le passé, en sachant qu'il pourrait y avoir des droits de veto, droits de veto de contact, de divulgation possible?

Mme Gladu (Carole): La difficulté que j'y vois, d'une certaine façon, c'est que les personnes... on va parler des femmes parce que c'est les femmes qui sont le plus visées, les femmes, qui ont peut-être 70 ans maintenant, 80 ans, qui sont peut-être en institution, qui ont peut-être des maladies, Alzheimer, démence précoce, qui sont sous tutelle, on ne sait pas, on ne sait pas où elles sont rendues, ces femmes-là. Comment on va être capables de les rejoindre pour leur permettre de signifier, par exemple, qu'elles veulent inscrire un veto? C'est là la difficulté, c'est que... Je ne sais pas quel moyen. C'est parce qu'il va falloir trouver un moyen pour trouver effectivement, permettre à ces personnes-là... d'abord les trouver, puis aussi leur permettre de signifier leur désir de soit s'inscrire ou ne pas s'inscrire, là, au niveau du veto.

Mme Hivon: O.K. Parce que les autres provinces qui ont fait ça, en fait, ont fait de vastes campagnes d'information, ont regardé ce qui était déjà consigné au dossier, et tout ça. Est-ce que, s'il y avait une certaine assurance... Même l'Association des centres jeunesse, eux disent, par exemple, dans le cas d'une personne sous curatelle, le consentement pourrait... ou le veto pourrait être inscrit par un proche, ou le curateur, ou le tuteur, là. Est-ce que, si ces garanties-là étaient données que ces personnes-là vont être rejointes, ou tout ça, vous pourriez être ouverts?

Moi, je vous explique. C'est que je pense que les personnes qui sont adoptées et qui sont en recherche ont, la grande majorité, déjà fait la démarche pour des retrouvailles. Et déjà, au dossier, il y a déjà eu un contact de pris, dans la plupart des cas avec la mère, donc elle a déjà, si vous voulez, vu resurgir cette question-là. Et, dans les cas où elle a pu inscrire une volonté de dire: Je ne veux pas de retrouvailles, c'est déjà au dossier. Il n'y aura pas tant de nouveaux cas, de demandes de gens qui n'auraient pas fait la démarche de retrouvailles. Vous me suivez?

Mme Gladu (Carole): Oui, je vous suis tout à fait. Mais effectivement c'est dans la... Parce que je pense qu'il faut quand même protéger ces personnes-là, parce qu'il y avait un contrat social à l'époque, puis il faut aussi le respecter. C'est vrai que peut-être, comme j'ai entendu tantôt... on disait: Oui, mais le contrat social d'une mère qui consent en se faisant tordre un bras, est-ce que c'est un consentement? C'est vrai, mais je pense qu'il faut quand même, comme État, s'assurer qu'on est capables de rejoindre ces personnes-là et de s'assurer également qu'elles vont être bien informées de leur droit de se retirer ou d'être impliquées dans une retrouvaille.

Mme Hivon: Mais, si vous aviez une certaine garantie qu'il y aura... Parce qu'en Ontario, par exemple, ils ont fait une vaste campagne, là. Ici, même, on était sensibilisé, pour les gens qui auraient pu vivre au Québec. Ça, ça pourrait être quelque chose qui rassurerait un peu votre... le Barreau?

Mme Gladu (Carole): Ça, je pense que ça pourrait être rassurant, oui.

Mme Hivon: Oui. O.K. Parfait. Je vais venir à la question du décès. Parce qu'encore une fois on regarde ce qui se fait ailleurs, et, à peu près partout, au décès, il y a ouverture automatiquement de la confidentialité. Des fois... en Ontario, je pense que c'est automatiquement. En Colombie-Britannique, c'est un an ou deux après. Même, dans les Provinces maritimes, il y a des endroits où ils n'ouvrent pas la confidentialité comme telle des dossiers d'adoption, mais ils le font lors du décès, il n'y a rien qui l'empêche. Vous, vous dites que, s'il y a un veto d'inscrit, absolument pas de possibilité d'ouverture ou de connaissance.

Je veux comprendre. Vous appuyez ça sur le respect du droit à la vie privée de la personne. Vous êtes les experts, là, le Barreau. De ce que je comprends, il y a deux courants en matière de droit à la vie privée, jurisprudentiels. Il y en a qui disent que ça s'éteint parce que, la personnalité juridique s'éteignant au décès, le droit à la vie privée s'éteint. Il y aurait un courant plus minoritaire mais qui dirait que ça se continue après le décès. Et là vous comprenez qu'on est toujours dans la recherche d'une solution qui fait la part des choses et qui essaie du mieux possible de réconcilier, et je pense que c'est pour ça que les autres juridictions, au décès, ont décidé d'ouvrir en disant: Bien, à un moment donné, on peut frustrer les droits de un, mais, quand la personne est décédée puis que la personnalité juridique n'est plus, est-ce qu'il ne faut pas laisser place davantage aux droits des adoptés? Donc, qu'est-ce que vous répondez à ça?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. Goubau, ça semble vous intéresser, cette question-là.

M. Goubau (Dominique): Ah! mais tout, tout m'intéresse ici. Tout est intéressant.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, j'ai cru voir ça dans votre langage non verbal.

Une voix: ...

M. Goubau (Dominique): Non, mais tout m'intéresse. Mais vous avez raison, c'est une question d'équilibre, il faut chercher un équilibre, et nous pensons que l'avant-projet, sur ce point-là, arrive à un équilibre qui est intéressant. Les règles du jeu changent, et par conséquent, aujourd'hui, à partir d'aujourd'hui, les personnes qui s'engagent dans un processus d'adoption, ou quelque partie que ce soit, connaissent les règles et peuvent prendre des décisions en conséquence: veto, ouverture, etc. Mais modifier des règles a posteriori de façon aussi fondamentale que cela pose effectivement une question du respect des droits des personnes à l'époque. Et, ceci dit, il y a tout de même une possibilité malgré cela pour l'adopté d'avoir accès à des antécédents dénominalisés, d'avoir des informations sur l'état de santé, sur des maladies héréditaires, donc ce n'est pas la rupture et le secret total, il y a tout de même un certain nombre d'informations qui peuvent être données, qui peuvent être utiles. Alors, oui, c'est une recherche d'un équilibre, et, justement parce qu'il faut un équilibre, celui-ci nous paraît tout à fait convenable parce qu'il respecte aussi un peu le droit à la vie privée.

Mme Hivon: Pour ce qui est du décès, je veux vraiment bien comprendre votre position. Vous, vous trouvez que, dans l'avant-projet de loi, ça va trop loin?

Mme Gladu (Carole): Dans le cadre de nos discussions, on disait: Ce que ça touche, c'est les personnes qui ont fait adopter un enfant il y a peut-être 30, 40 ans, bon, il y a longtemps. Ces personnes-là ont peut-être refait leur vie, ont une autre famille, puis elles n'en ont peut-être par parlé de leur première situation. Deux ans après leur décès, on va leur apprendre, à ses autres enfants, on va apprendre qu'ils ont, par hasard, un demi-frère, une demi-soeur à quelque part. La personne qui va être décédée, là, elle n'est pas là pour expliquer, elle n'est pas là pour faire comprendre, elle n'est pas là pour dire: Oui, c'était dans une autre... c'était dans des circonstances, c'était ci, c'était ça. Alors, c'est important, on pense que c'est important pour la personne qui n'a pas voulu donner l'information avec les gens qui l'entouraient. Parce qu'on sait qu'à l'époque les personnes venaient à Québec ou allaient à Montréal pour accoucher dans une grande ville, elles revenaient, puis ça ne paraissait pas, puis là on refaisait notre vie, on se remariait... on se mariait, on faisait des enfants. Alors, tout ce côté-là caché de l'époque, il est encore... il existe encore. Si on dit «deux ans après le décès», comment, premièrement, les enfants légitimes de cette personne-là vont prendre le demi-frère ou la demi-soeur qui va arriver dans leur vie comme ça? On fait quoi? On s'est posé la question, et c'est pour ça qu'on est arrivés avec: peut-être qu'on devrait assouplir le veto, le deux ans après la mort.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la députée.

Mme Hivon: C'est sûr... en tout cas, Me Goubau notamment, je ne sais pas si c'est la même chose pour Me Gladu, Me Sauvé, vous dites que vous avez regardé les débats un peu, vous avez...

Une voix: ...

**(11 h 50)**

Mme Hivon: O.K. Bon. C'est parce que je ne sais pas si vous avez vu les témoignages de personnes adoptées, mais c'est vraiment un sentiment très, très fort et un cri du coeur qu'ils nous disent, que c'est comme si on faisait toujours passer les droits du passé avant leurs droits à eux. Parce qu'en fait le maintien du statu quo, comment ils le vivent, c'est une négation un peu de la reconnaissance de leur réalité et de leur besoin de connaître l'identité, et c'est vraiment l'identité, là. Les antécédents médicaux, c'est quelque chose, mais ils ont un besoin identitaire, une recherche identitaire. Et donc ils nous disent: Là, quand vous en venez à nous dire: après le décès, mais les proches puis vos possibles demi-frères, ou tout ça, c'est comme si c'est non seulement le droit de la mère biologique, puis, eux, ils disent qu'il y a quand même une responsabilité qui est associée au fait d'avoir un enfant et qu'on devrait en tenir compte aussi dans le contexte, ils disent: Vous mettez les droits potentiels, mais qui ne sont nullement reconnus, là, du frère, ou de la soeur, ou du conjoint qui pourrait potentiellement vivre un choc avant nous.

Donc, ils nous disent: Mais comment on peut vous convaincre d'arriver avec une solution qui essaie... qu'il n'y en aura pas, de solution neutre, il n'y en aura pas, de solution parfaitement sans choc pour personne, sans effets collatéraux pour personne? Mais c'est comme s'ils nous disent: Pourquoi c'est toujours nous, au nom d'un pacte social qu'ils remettent en cause, parce qu'ils disent: Le consentement était-il vraiment éclairé et le choix était-il vraiment là? pourquoi c'est toujours nous et nos droits à nous qui doivent être brimés?

M. Goubau (Dominique): Mais je comprends de l'article 582.2 que l'inscription ne survit que deux ans et qu'au...

Mme Gladu (Carole): Elle subsiste deux ans, oui.

M. Goubau (Dominique): C'est ça, «à moins d'une mention en marge de celle-ci de sa volonté de prolonger cette période et de ses motifs». C'est ce que prévoit le projet.

Mme Hivon: Ça, c'est pour le futur. Puis je comprends que, pour le futur, vous êtes à l'aise avec le veto deux ans.

M. Goubau (Dominique): C'est ça.

Mme Hivon: Vous dites: Après, on peut le lever. Vous êtes à l'aise avec ce qui est écrit dans l'avant-projet de loi.

M. Goubau (Dominique): Oui, sauf qu'on a des réticences quant au pouvoir du tribunal de refuser la prolongation qui est décidée. Et d'ailleurs, en passant, cette disposition va être très difficile à appliquer, parce que: quel est le critère qu'on donne au tribunal? On dit: «s'il estime que les motifs ne sont pas justifiés». Quels motifs? Et pensez-vous réaliste que la femme qui consent à l'adoption de son enfant va expliquer les motifs pour lesquels elle veut la prolongation même au-delà du deux ans? C'est tout à fait irréaliste. Et que va-t-elle écrire? Comment ces motifs vont-ils être jugés par le juge? Moi, je pense que ça, c'est une partie de disposition qui est impraticable, et donc elle devrait disparaître. Il ne faut pas demander au juge de faire quelque chose qu'il ne pourra pas faire. Comment jauger, comment juger des motifs et comment juger que ces motifs-là qui ont été donnés à l'époque ne sont pas des motifs suffisants? Difficile d'imaginer un scénario.

Mme Hivon: Donc, mais, pour vous, pour ça, c'est dans le futur, parce qu'on comprend que, pour le passé, il n'y a pas de possibilité, avec ce qui est proposé dans l'avant-projet de loi, d'inscrire un veto. C'est le statu quo. Et, vous, vous dites que c'est normal, malgré le courant un peu qu'on voit dans les autres juridictions au Canada, même en Europe, en Angleterre, tout ça, vous estimez qu'il ne faut pas ouvrir même après un décès. Et là je suis dans le passé, là.

M. Goubau (Dominique): C'est ça, mais... Le Barreau pense que l'idée de consentement est importante ici. Et on en tire d'ailleurs toutes les leçons, parce qu'on a noté dans notre mémoire que... Vous savez, toute la question des origines et de l'accès aux informations qui identifient, nous proposons d'aller même plus loin que ce que fait le projet. Nous soutenons que, si toutes les parties sont d'accord dès le départ, cet accord devrait être inscrit, et il n'y a aucune raison que les parties ne puissent pas avoir accès à l'acte de naissance originel. Si tout le monde est d'accord, pourquoi, pourquoi les en priver? Pourquoi dire, comme législateurs, ce que les gens peuvent faire, si de toute façon tout le monde est d'accord là-dessus? Et donc, en cas de consentement de toutes les parties, nous pensons que non seulement les informations, mais l'acte originel de naissance devraient être disponibles. Et c'est le résultat et c'est l'effet de ce consentement. Mais l'idée de consentement a tout de même une valeur. Et les consentements qui ont été donnés avant cette réforme ont une valeur également. Et c'est vrai que c'est une recherche d'équilibre, c'est vrai qu'il faut tenter de le trouver. Nous pensons que, pour le passé, le maintien de cette règle-là constitue un bon équilibre.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Merci, Mme la députée. Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. J'aimerais peut-être vous amener sur la question de consentement et l'entente de communication. Je trouve votre suggestion intéressante, c'est-à-dire d'avoir une conformité harmonisée. Donc, la question de l'âge, donc l'enfant... Ce que vous proposez, c'est que l'enfant de 10 ans devrait consentir, au lieu de faire cette distinction entre un enfant de 14 et de 10 ans. Peut-être vous entendre un peu là-dessus.

Mme Gladu (Carole): Oui. En fait, ce serait pour uniformiser. Un enfant qui a 10 ans peut accepter pour une adoption. Alors, on trouvait que dans cette... Dans le libellé de l'article 581.1, on augmentait à 14 ans la possibilité que l'enfant donne son avis sur les ententes de communication. En fait, je pense qu'on devrait aller à 10 ans. Un enfant de 10 ans est en mesure de dire s'il veut ou pas une communication avec son parent d'origine. Alors, je pense que ce serait important qu'il puisse participer à l'entente et que ce soit par la voix d'un procureur qui lui sera assigné, mais je pense que c'est important que l'enfant soit présent, c'est lui qui est le premier concerné par ce lien-là, par l'entente. Alors, je pense que c'est important, à partir de 10 ans, que cet enfant-là soit... Et ça va avec même le droit à l'adoption, là, si, à 10 ans, il a le droit de consentir à l'adoption. Alors, je pense que ce serait préférable de le faire au niveau de l'entente également, parce que...

L'entente, ça, c'est un autre élément, là. Je pense qu'on se demande qui est partie à l'entente. Est-ce que l'enfant en fait partie? Je pense que oui. Il doit donner son... peut-être en faire partie, pourrait être intéressé à l'entente, peut-être une partie qui aurait peut-être son mot à dire, mais sans être une partie au sens légal du terme. Alors, à partir de 10 ans, l'enfant est capable de donner son opinion sur une entente.

Mme Weil: Et d'ailleurs les centres jeunesse, ou l'Association des centres jeunesse, ont beaucoup évoqué la possibilité d'avoir des évaluations psychosociales dans des cas... surtout avec des enfants plus âgés, pour être sûr que finalement l'entente et... la communication qui serait établie, les liens qui seraient un peu préservés dans les faits, si pas en droit... Est-ce que vous serez d'accord avec ça aussi, que, dans le cas d'un enfant plus âgé, il y aurait une évaluation?

Mme Gladu (Carole): Bien, je pense que ça va de soi que ça prend une évaluation parce que... On a des parents adoptifs, on a des parents d'origine, puis on a un enfant. On a quand même beaucoup de personnes. C'est quoi, le meilleur intérêt de l'enfant? Je pense qu'une personne neutre, qui pourrait être la protection de la jeunesse, le directeur de la protection de la jeunesse, pourrait effectivement faire une vérification auprès du jeune, une évaluation psychosociale pour s'assurer que c'est vraiment dans l'intérêt de l'enfant de maintenir des contacts, et à quelle fréquence, ou... Tu sais, on pourrait avoir... Au niveau de l'organisation, de la mise en place, ce serait important d'avoir la directrice de la protection de la jeunesse dans ça.

Mme Weil: Là, je vous amènerais sur le terrain des dommages, des mesures dissuasives concernant le veto de contact, parce que vous êtes des avocats, et ce serait intéressant de vous entendre là-dessus. Évidemment, il y en a plusieurs qui n'étaient pas très chauds à l'idée d'avoir des dommages, là, qui seraient imposés pour les personnes qui ne respecteraient pas le veto de contact. Évidemment, en droit, là, si on a des mesures puis qu'il n'y a pas moyen de les faire respecter, ça cause un problème juridique. Est-ce qu'on pourrait vous entendre? Et d'ailleurs, vous, vous allez un peu plus loin: que les tiers qui ne respecteraient pas puis qui feraient des recherches de contact pourraient aussi subir des dommages. Est-ce qu'on pourrait vous entendre sur le besoin d'avoir ces dommages? D'ailleurs, l'Ontario va plus loin que nous, je pense.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, M. Goubau, allez-y.

M. Goubau (Dominique): Oui. Bien... non, nous, on est d'accord avec cette idée. C'est sûr que ça lance un message de sérieux. On espère que ce ne sera pas appliqué. Mais l'idée, c'était d'être dissuasif, et donc cette espèce de sanction importante qui est indiquée là envoie un message que le droit de veto est quelque chose de très sérieux, et qu'il faut le respecter, et que, si on ne le respecte pas, il y a des sanctions. Maintenant, est-ce que ça va être appliqué? Bon, espérons que ce ne soit pas nécessaire. Mais je pense que, sur le plan pédagogique, et c'est un des rôles de la loi, il est important de dire que, si on instaure un mécanisme, ce mécanisme est sérieux et que, s'il est sérieux en droit et qu'il n'est pas respecté, bien il est sanctionné.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Alors, je vais maintenant traiter de la question de l'adoption sans rupture du lien de filiation. Vous avez fait, je pense, un très bon tour d'horizon tantôt en disant qu'en fait, ici, dans l'avant-projet de loi, il y a deux nouvelles notions d'introduites: adoption ouverte, ce qui n'est pas du tout présent dans les juridictions comme en France et en Belgique où l'adoption simple existe, mais aussi un dérivé de l'adoption simple qu'on appelle l'adoption sans rupture du lien de filiation. Et ce que vous nous dites, c'est que vous seriez favorables à ce que l'adoption sans rupture du lien, en fait, ait plus d'effets juridiques, ce qui, encore une fois... Il y en a quelques-uns qui vont dans ce sens-là, mais il y en a beaucoup qui vont dans l'autre sens. Et, malgré le fait qu'ici il y a la liberté testamentaire, donc tout parent biologique pourrait décider de laisser sa succession à son enfant, même s'il a été adopté, mais, vous, vous dites: Il faut mettre plus d'effets à la réalité de l'adoption sans rupture du lien de filiation. Je vous comprends correctement?

**(12 heures)**

M. Goubau (Dominique): Oui, mais c'est-à-dire qu'il nous apparaît beaucoup plus logique d'insister sur le droit successoral, puisque l'idée de ne pas rompre la filiation est de maintenir l'enfant inscrit dans cette lignée, et donc le droit successoral représente très bien cette inscription. Et donc, plutôt que d'insister sur le droit alimentaire, qui relève bien plus de l'autorité des éducateurs et donc des parents adoptifs, l'idée d'un droit successoral qui serait maintenu, c'est sûr, à la libre discrétion du parent d'origine, puisqu'on est, et ça, on ne va tout de même pas le changer, dans un système qui reconnaît la liberté de tester... Mais, en dehors de cette liberté -- et, tout de même, la plupart des gens ne font pas de testament -- en dehors de cette liberté, l'idée du maintien de ce droit successoral me semble tout à fait dans la logique de la non-rupture du lien de filiation d'origine.

Mme Hivon: Mais justement, du fait qu'il y a beaucoup... la plupart des gens ne font pas de testament, ça veut donc dire que, dans l'hypothèse où le parent biologique aurait des biens, ça reviendrait à l'enfant avec qui, par exemple, il peut ne plus avoir eu aucun contact parce que ça ne va pas de pair avec l'adoption ouverte et l'entente de communication. Et beaucoup de gens qui ont des réserves déjà très, très marquées avec ce qui est proposé dans l'avant-projet de loi, je pense, nous diraient: Vous proposez quelque chose qui va faire en sorte qu'il va vraiment y avoir un peu deux paires de parents ou enfin... des premiers parents, des deuxièmes parents, si on va mettre plus d'effets juridiques, parce que ce lien-là va clairement être là, l'enfant va savoir qu'un jour il va peut-être hériter. Ça crée une notion de filiation beaucoup plus forte et une réalité beaucoup plus présente dans la vie de l'enfant qu'un lien de filiation qui était plus là, de ce que j'ai compris du rapport Lavallée, beaucoup plus pour des notions d'identitaire, dans certains cas très, très précis. Alors, est-ce que vous ne craignez pas que ça fasse en sorte que la réalité pour l'enfant soit beaucoup plus complexe parce que beaucoup plus lourde de conséquences juridiques?

M. Goubau (Dominique): La réalité de l'enfant, c'est la réalité au quotidien. Ce n'est pas la réalité quand s'ouvre une éventuelle succession et qui peut être neutralisée par un testament. Mais la réalité de l'enfant, c'est au quotidien. Et donc, cette espèce de crainte d'avoir deux sets de parents se retrouve bien plus dans la disposition sur le partage de l'autorité parentale. Là, ce danger existe effectivement -- on aura peut-être l'occasion d'en dire quelques mots tout à l'heure. Mais il ne nous apparaît pas que, sur le plan successoral, il y a un quelconque danger de confusion entre deux sets de parents, il y a tout simplement la reconnaissance que cet enfant est inscrit dans une lignée d'origine qui est la sienne, que le droit reconnaît, parce que c'est une adoption sans rupture avec pour effet, à tout le moins, le maintien d'un droit successoral, si le parent d'origine n'a pas décidé le contraire.

Mme Hivon: Qu'est-ce que vous faites de l'argument, notamment, de certains professeurs mais aussi de beaucoup de parents adoptifs de dire qu'en donnant une telle résonance à la filiation biologique on vient amoindrir la réalité de la filiation adoptive, et c'est comme si, encore une fois, on montrait... on voulait montrer, comme société, que les liens de sang sont des liens excessivement importants et qu'on diminuait l'importance de la réalité adoptive, alors qu'ils vont vous dire qu'un enfant qui vient d'être adopté a justement besoin de tous ces ancrages, de toute la sécurité et de toute la solidité possible dans tous les signaux qu'on peut envoyer comme législateur pour qu'il prenne bien racine dans sa nouvelle famille?

M. Goubau (Dominique): Je crois vraiment que c'est un faux argument. Ce n'est pas parce qu'on accorde un droit successoral de cette façon-là qu'on enlève quoi que ce soit au lien parental adoptif. Encore, ici, ce danger de confusion et de non-ancrage de l'enfant se pose beaucoup plus dans la question du partage de l'autorité parentale que dans le cadre de l'adoption sans rupture de filiation avec une possibilité de maintien du droit successoral.

Mme Hivon: Je sais que vous aimeriez beaucoup qu'on parle de l'autorité parentale, on va peut-être y venir, mais je trouve que votre mémoire était très clair, donc peut-être... Mais, pour ce qui est de... C'est parce qu'en fait l'argument, c'est de dire: Si cette nouvelle réalité là de l'adoption sans rupture du lien de filiation, elle a une valeur, et cette valeur-là, ce qu'on plaide dans le rapport Lavallée... c'est qu'elle a une valeur, dans certains cas, pour des enfants pour qu'il y ait une référence identitaire, O.K... Donc, elle n'est pas dépourvue de sens, parce que... Je vous suis, là, c'est parce que j'ai beaucoup réfléchi, puis effectivement, dans le quotidien, on peut se dire: Bien, la filiation, ça ne change absolument rien dans le quotidien de l'enfant, mais, puisqu'on nous plaide qu'il faut introduire ça pour tenir compte de la réalité identitaire, c'est donc dire que ça a un certain effet sur l'enfant, puisqu'on est supposé faire ça -- vous me suivez? -- dans l'intérêt de l'enfant. Donc, ensuite, d'aller dire que d'y accorder plus d'effets juridiques, dans le fond, ça ne change rien, moi, je vous suis. Dans le quotidien, ça ne change rien, mais, si c'est assez important d'introduire ça pour les effets identitaires potentiels, ça doit quand même avoir une importance d'aller y mettre plus d'effets juridiques.

Donc, on est beaucoup dans la fiction, là; la filiation, je pense que c'est aussi une fiction juridique, mais c'est de savoir jusqu'où on veut pousser ce concept-là pour lui donner aussi une résonance chez l'enfant, parce qu'on nous dit que, pour l'enfant, ça peut être très, très important de maintenir cette double filiation là. Alors, disons que ça... Je pense que ça susciterait beaucoup de commentaires de gens qu'on a déjà entendus, si les effets étaient plus importants.

M. Goubau (Dominique): Je sais que c'est un débat qui est très délicat et très passionnel lorsqu'il s'agit d'opposer filiation adoptive et filiation par le sang, hein, et on marche sur des oeufs. Mais franchement nous ne voyons pas en quoi la reconnaissance d'un éventuel droit successoral vient amoindrir le lien de filiation adoptif. Et je pense qu'il ne faut pas opposer les deux. Dès lors qu'on reconnaît l'importance de l'inscription de l'enfant dans sa filiation d'origine par une adoption sans rupture, bien la logique veut qu'il y ait au moins comme conséquence que cette inscription se fasse réellement, c'est-à-dire avec le droit successoral. Par contre, effectivement, les remarques qui ont été faites sur l'obligation alimentaire méritent, elles, peut-être réflexion.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Oui, M. le député de Groulx.

M. Gauvreau: Au troisième item, vous parlez de la délégation de l'autorité parentale en faisant référence à l'article 91n de la Loi sur la protection de la jeunesse. Moi, j'ai compris du scénario type de l'avant-projet de loi qu'on visait, par exemple, une mère monoparentale qui vit avec un conjoint qui agit parens patriae pour l'enfant, à qui on veut déléguer un certain nombre de choses. Et j'ai essayé de comprendre pourquoi vous référez à l'article 91n, puisque ça... il y a une condition primaire qui est de se retrouver dans les dispositions de l'article 38, donc dans un processus de protection de la jeunesse, ce qui n'est pas... ne me semble pas être l'intention du législateur ici. Au contraire, c'est de pouvoir donner à des conjoints de fait un rôle légalement reconnu, alors que, même 91n, il y a un certain nombre de jugements de la Cour supérieure qui disent qu'on ne peut pas déléguer que... autre que certains attributs de l'autorité parentale et non pas tout, que ça relèverait de la Cour supérieure, etc. Là, je vous...

M. Goubau (Dominique): Mais, sur la délégation et aussi le partage, parce que, si j'ai bien lu, il y a une possibilité de partage de l'autorité parentale et puis il y a une... volontaire et entérinée par le tribunal, et puis il y a une possibilité de délégation volontaire, entérinée par le tribunal, et une possibilité de délégation forcée.

Alors, d'abord, sur la première catégorie, le partage volontaire de l'autorité, ça, ça peut créer des problèmes, parce que ça veut dire que, sur des décisions importantes qui relèvent de l'autorité parentale, vous pourriez vous retrouver avec trois décideurs: la mère qui a la garde de l'enfant, son nouveau conjoint et l'ex-conjoint, qui devraient décider à trois, par exemple, de l'inscription de l'enfant dans une école ou dans une activité parascolaire, ce qui nous paraît tout à fait contraire à l'intérêt de l'enfant.

La délégation conventionnelle, c'est-à-dire autorisée, nous paraît reposer toute la question de l'interdiction actuelle de démissionner de l'autorité parentale. L'autorité parentale, il ne faut pas l'oublier, c'est une obligation des parents. Par le fait de la filiation, ils ont l'autorité et, cette autorité, ils peuvent la déléguer actuellement de façon temporaire et pour une raison bien particulière, mais, dans le projet de loi, cette possibilité de déléguer conventionnellement est en réalité une possibilité de démissionner. Il y a donc un danger de déresponsabilisation d'un parent à l'égard de son enfant.

Troisièmement, sur la question de la délégation forcée, et ça, on l'a dit en introduction, ça nous paraît de toute évidence une déchéance de l'autorité parentale sans les garanties qui existent actuellement. Or, ces garanties nous paraissent tout à fait essentielles. La jurisprudence en matière de déchéance de l'autorité parentale, qu'elle soit partielle ou qu'elle soit totale, est une jurisprudence qui est très stricte sur les conditions de cette déchéance; des motifs graves sont interprétés comme ne visant que les scénarios de... où les parents ont vraiment failli à leur rôle de parents de façon grave, et de permettre à un tribunal de déléguer l'autorité parentale en tout ou en partie sans passer par la déchéance nous paraît une fiction. En réalité, c'est la même chose que la déchéance. Et il faudrait donc ne pas avoir ce mécanisme-là autrement que dans le cadre précis de la déchéance de l'autorité parentale.

**(12 h 10)**

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Ça va, Mme la députée? Merci, M. Goubau, Mme Gladu, merci infiniment de vous être présentés, M. Sauvé aussi, de vous être présentés en commission. Merci pour votre expertise. Je vous souhaite un bon retour chez vous.

Et je vais suspendre les travaux jusqu'à 14 heures. Vous pouvez laisser vos choses ici, bien entendu.

(Suspension de la séance à 12 h 11)

 

(Reprise à 14 h 3)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît, même si l'ordre est bien installé. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Et, si vous avez des cellulaires, pour le bon fonctionnement de notre commission, pour l'ensemble de nos travaux, s'il vous plaît, bien les fermer.

Nous allons poursuivre sans plus tarder les auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives en matière d'adoption et d'autorité parentale.

Permettez-moi de vous saluer, madame, messieurs -- c'est déjà fait en privé -- mais publiquement. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse nous fait le bénéfice d'être avec nous cet après-midi. Je vous souhaite la bienvenue. C'est un privilège pour nous de vous recevoir, parce que c'est important pour les gens, pour l'ensemble des gens de la commission, de vous entendre puis de partager avec vous, en fait partager avec vous l'ensemble de ce que vous avez fait comme réflexion à l'intérieur de votre mémoire. Et puis on aura l'occasion donc... Dans la procédure, il y a un 10 minutes qui nécessairement va vous permettre de présenter votre mémoire, et il y aura une cinquantaine de minutes qui vous permettra aussi d'échanger avec les parlementaires pour en savoir un peu plus longuement sur votre présentation. Donc, sans plus tarder, je vais vous demander de vous présenter pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent, s'il vous plaît.

Commission des droits
de la personne et des droits
de la jeunesse (CDPDJ)

Mme Godin (Sylvie): Alors, Sylvie Godin, vice-présidente de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

M. Carpentier (Daniel): Daniel Carpentier, directeur adjoint de la recherche.

Mme Bernard (Claire): Claire Bernard, conseillère juridique à la... au service de la recherche.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Bienvenue.

Mme Godin (Sylvie): Merci. Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mme la députée de l'opposition officielle, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a pour mission d'assurer la promotion et le respect des principes énoncés dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Elle doit également veiller à la protection de l'intérêt de l'enfant et assurer la promotion et le respect des droits conférés à l'enfant en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse.

La commission se réjouit que l'Assemblée nationale soit saisie d'un projet de réforme législative qui a pour objectif de répondre aux besoins des enfants et de mieux respecter leurs droits. Nos commentaires et recommandations porteront principalement sur le régime de confidentialité régissant l'adoption. Nous exposerons ensuite nos commentaires et recommandations sur les autres aspects principaux de l'avant-projet de loi.

La commission considère que les modifications proposées portant sur le régime de confidentialité de l'adoption répondent en bonne partie aux préoccupations exprimées depuis les 30 dernières années. La commission formule cependant un certain nombre de recommandations.

Nous sommes d'abord satisfaits que le droit de l'enfant d'être informé de son statut soit reconnu sur le plan législatif. Cette reconnaissance répond à une recommandation dans ce sens formulée par la commission en 1979 dans le cadre de la réforme du Code civil. Toutefois, l'obligation d'informer l'enfant de son statut d'adopté ne devrait pas se limiter aux adoptions postérieures à l'entrée en vigueur des modifications. Nous recommandons que l'obligation d'informer la personne de son statut d'adopté devrait s'appliquer également aux adoptions réalisées avant l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions. La commission recommande en outre que le droit de la personne d'être informée de son statut d'adopté soit clairement inscrit dans le Code civil.

Nous considérons que le droit à la reconnaissance de ses origines trouve son fondement dans des droits reconnus par la charte, soit le droit à l'intégrité, à la liberté de sa personne, la reconnaissance de la personnalité juridique, le droit à la sauvegarde de sa dignité, le droit au respect de la vie privée et le droit à l'information. De plus, le droit à la connaissance de ses origines est reconnu dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l'enfant, notamment la Convention relative aux droits de l'enfant. La commission accueille par conséquent très favorablement les modifications qui reconnaîtraient aux personnes adoptées et aux parents d'origine le droit d'obtenir des renseignements leur permettant d'identifier ou de retrouver le parent ou l'enfant, selon le cas.

La commission est d'avis que la procédure de veto à la divulgation et au contact proposée favorise le respect des droits des personnes cherchant à obtenir des renseignements, tout en permettant de protéger le droit au respect de la vie privée des personnes concernées.

La commission accueille aussi favorablement la disposition proposée concernant l'incidence du décès sur le veto à la divulgation de l'identité. En revanche, nous déplorons le fait que les modifications n'auraient pas d'effet rétroactif et recommandons que le régime proposé dans l'avant-projet de loi s'applique aux adoptions antérieures à l'entrée en vigueur de la loi.

Par ailleurs, la commission recommande que le droit du parent d'origine d'opposer un veto à la divulgation soit assujetti à l'obligation de démontrer un motif... qu'il existe un motif sérieux. Cette exigence favoriserait la mise en oeuvre du droit de l'enfant à connaître ses origines, tout en permettant d'équilibrer ce droit avec le droit du parent d'origine au respect de sa vie privée.

La commission est favorable à l'allégement du fardeau de preuve requise pour être autorisé à obtenir les renseignements pour raisons de santé. Nous nous interrogeons cependant sur la modification proposant que les renseignements soient dorénavant transmis directement aux autorités médicales. La commission est d'avis que la personne concernée devrait aussi pouvoir recevoir communication des renseignements, étant donné qu'il s'agit de renseignements touchant son intégrité.

Finalement, bien que le projet de loi... que l'avant-projet de loi ne propose pas de modification concernant le sommaire des antécédents de l'enfant adopté ou de l'adoptant, la commission profite de cette consultation parlementaire pour recommander au gouvernement d'adopter un règlement qui définirait le contenu des sommaires à être transmis en vertu de l'article 71.1 de la Loi sur la protection de la jeunesse.

La commission appuie l'introduction de dispositions permettant l'établissement d'une entente de communication. Elle appuie pareillement l'introduction de dispositions permettant l'adoption sans rupture du lien de filiation d'origine. Elle partage le constat que les règles législatives actuelles ne permettent pas de répondre aux besoins de certains enfants.

**(14 h 10)**

En ce qui concerne les ententes de communication, la commission note avec satisfaction que le consentement de l'enfant devra être obtenu. Il est en effet essentiel que l'enfant soit consulté, qu'il soit informé des effets de l'entente et qu'il puisse donner son accord lorsqu'il est capable de discernement, et cela, conformément à l'article 12 de la Convention relative aux droits de l'enfant. À cet effet, le Comité des droits de l'enfant affirme que l'adoption est une des principales questions sur lesquelles l'enfant doit être entendu et il souligne l'obligation des États d'informer l'enfant, si possible, des effets de l'adoption et de veiller, au moyen de la législation, à ce que l'opinion de l'enfant soit entendue.

C'est pourquoi la commission s'interroge sur des motifs... sur les motifs justifiant de fixer à 14 ans l'âge minimum auquel un enfant pourrait consentir à une entente de communication. Rappelons qu'en vertu des règles actuelles du Code civil le consentement de l'enfant à son adoption est requis dès qu'il atteint l'âge de 10 ans.

D'autre part, la commission recommande que le directeur de la protection de la jeunesse soit tenu d'expliquer à l'enfant, avec des termes adaptés à son âge et à sa capacité de compréhension, le contenu et les effets de l'entente de communication. De même, il devrait être tenu de lui expliquer les effets juridiques de l'adoption avec rupture du lien de filiation et de l'adoption sans rupture du lien de filiation.

En ce qui concerne l'adoption sans rupture de lien de filiation, la commission considère que cette nouvelle forme d'adoption peut effectivement favoriser le respect des besoins de certains enfants et qu'il est souhaitable que le droit québécois permette au tribunal de prononcer des adoptions sans rupture du lien de filiation d'origine.

Il sera cependant essentiel que cette détermination se fasse du point de vue des besoins et de la situation de l'enfant, conformément aux critères établis par l'article 33 du Code civil et l'article 3 de la Loi sur la protection de la jeunesse. Il sera par conséquent important que l'enfant ait été entendu, lorsque son discernement le permet, même lorsqu'il est âgé de moins de 10 ans, conformément à l'article 34 du Code civil.

À cet égard, la commission rappelle que les instances administratives comme les instances judiciaires doivent prendre des mesures qui sont adaptées à l'âge et au degré de maturité de l'enfant afin qu'il puisse exercer son droit d'être entendu. Elles doivent notamment lui offrir un contexte qui tient compte de sa situation personnelle et sociale et qui lui permet de se sentir respecté et en sécurité.

L'avant-projet de loi crée une présomption en faveur du nom composé à partir des deux filiations de l'enfant, présomption qui peut être renversée si le juge considère que l'attribution de ce nom ne serait pas dans l'intérêt de l'adopté. La commission s'interroge sérieusement sur les effets que pourrait entraîner cette nouvelle règle sur l'intégration de l'enfant dans sa nouvelle famille et se demande s'il est dans l'intérêt des enfants de généraliser ce principe.

La commission appuie les modifications proposées en matière de partage et de délégation de l'autorité parentale. Les règles proposées conféreraient une reconnaissance juridique aux situations de plus en plus courantes où des personnes tiennent lieu de parents à l'enfant.

Enfin, la commission accueille favorablement la modification proposée en vertu de laquelle le tribunal pourrait ordonner une évaluation psychosociale de l'adoptant qui soit effectuée par le DPJ et dans le cas d'un consentement spécial à l'adoption. La commission considère que cette modification contribuera à permettre au tribunal de s'assurer que l'adoption est conforme aux besoins et aux droits de l'enfant.

Finalement, la commission constate que l'avant-projet de loi ne propose pas de modification visant spécifiquement l'adoption traditionnelle en milieu autochtone. En effet, le gouvernement a confié à un nouveau groupe de travail le mandat de documenter les différentes pratiques d'adoption coutumière ou traditionnelle chez les communautés autochtones et de mesurer les effets d'une éventuelle reconnaissance de la coutume autochtone en matière d'adoption. La commission suivra avec intérêt l'issue de ces travaux, d'autant que, dans le rapport d'enquête portant sur les services de protection de la jeunesse au Nunavik, de 2007, on retrouve une recommandation spécifique visant l'adoption traditionnelle pratiquée chez les Inuits. Merci de votre attention.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): C'est nous qui vous remercions, Mme Godin. Donc, Mme la ministre, pour la période d'échange.

Mme Weil: Merci beaucoup. Je vous félicite pour votre mémoire. D'un point de vue historique, juridique, c'est très, très fascinant. Évidemment, vous, vous avez été vraiment présents tout au long du débat, et je... c'est intéressant de constater que ce... comment dire, que l'évolution du droit familial... Mais certaines recommandations remontent à très, très loin, et des fois il y a eu des amendements, des changements, mais peut-être pas aussi loin que même la commission proposait à l'époque.

Alors, j'aimerais revenir sur, peut-être, les grands, grands éléments de cet avant-projet de loi pour vous entendre. On a entendu le Barreau, la Chambre des notaires, la semaine dernière, l'Association des centres jeunesse, des juristes, et il y a vraiment deux points de vue sur certains éléments, et je... on va y aller sur les... peut-être commencer avec les formes d'adoption.

Donc, vous, vous êtes favorables à cette nouvelle forme d'adoption qui est le sans rupture de filiation... de lien de filiation, qui cause un certain émoi, on le voit, dans la population. Peut-être parce qu'il faut mieux l'expliquer, il faut que les gens comprennent mieux c'est quoi, les conséquences de ça, et on est en train de réfléchir à tout ça. Mais, vous, vous voyez là quelque chose qui pourrait aider l'adoption de certains enfants. Nous, on... l'idée de l'avant-projet de loi, c'était vraiment des circonstances très spécifiques. La recommandation qui a été amenée par certains, pas tous, c'était qu'on précise les circonstances et qu'on ne mette pas «notamment» dans des cas d'adoption intrafamiliale, etc. Je ne sais pas si vous avez un point de vue là-dessus? Alors que d'autres ont dit: Non, laissez le «notamment», la situation évolue, ce n'est pas tous les jours qu'on ouvre le Code civil, et le tribunal devrait avoir la discrétion pour déterminer si c'est la forme d'adoption la plus appropriée dans les circonstances. Avez-vous un point de vue sur ça?

C'était Alain Roy, l'Association des centres jeunesse, qui avaient, il me semble... l'Association des centres jeunesse, mais en tout cas Alain Roy, qui avait dit... et la Chambre des notaires, qui avaient dit: Non, gardez le «notamment» pour plus d'ouverture. D'autres, comme le Barreau ce matin, plusieurs groupes ce matin, qui ont dit: Non, il faudrait vraiment que cette forme d'adoption soit très limitée.

Mme Godin (Sylvie): Écoutez, évidemment, je pense que vous avez fait référence à la valeur historique de notre mémoire. Effectivement, Me Claire Bernard, qui a fait une contribution fort précieuse à ce travail et qui travaille à la commission depuis fort longtemps, a... Je vais l'inviter à peut-être répondre à cette question à savoir... sur les possibilités, parce que malheureusement je n'ai pas pris connaissance... Mais, nous, on avait évidemment au point de départ une ouverture quant à cette nouvelle forme d'adoption, parce que ça respecte les droits fondamentaux, et c'est un peu le fondement de notre argumentation, à savoir que... Et, vous avez pu l'apprécier, de... la... je pense, la position historique de la commission fait état, et ça a toujours été la même position depuis toutes ces années, qu'il fallait qu'il y ait un équilibre des droits, mais principalement que les droits fondamentaux des adoptés et des adoptants soient respectés. Donc, en ce qui me concerne, la position est assez claire, à savoir que nous favorisons...

Une voix: ...

Mme Godin (Sylvie): Oui, que nous sommes favorables...

Mme Weil: Vous n'avez pas de crainte, finalement, comme certains?

Mme Godin (Sylvie): Non, on n'avait pas de crainte, parce que ce qui nous rassure, somme toute, c'est que les mécanismes que vous mettez en place nous donnent des assurances quant à l'application... Évidemment, nous, on se prononce sur les principes généraux. L'application, on n'est pas... on n'est pas dans la pratique. Mais ce qui nous rassurait, c'est qu'il y avait des mécanismes, pour les craintes, les appréhensions que certains pourraient avoir. Alors, sur les principes... Et depuis... Et je pense que l'historique le démontre. Et les propositions que nous faisons aujourd'hui, elles sont celles que nous avons faites au moment de la réforme du Code civil. Ce sont les mêmes. Donc, le fondement, le respect des droits, l'équilibre des droits, je pense que c'est le même argumentaire qui sous-tend notre ouverture, mais au surplus avec les mécanismes, les garanties supplémentaires. Et je pense qu'effectivement il faut que ce soit bien expliqué. Mais je pense que les mécanismes nous rassuraient quant au respect et à l'équilibre des... du respect des droits des deux parties et des parties en cause.

**(14 h 20)**

Mme Weil: Bon, pour poursuivre un peu sur cette logique-là, là, je comprends évidemment que vous êtes ouverts, parce que, vous, en effet, vous... Il y a toute une discussion sur le droit à l'identité. Ça fait partie de la personnalité juridique de la personne, etc. Vous reconnaissez le droit à la vie privée, donc de là le fait que vous mettez beaucoup de valeur, d'importance et d'existence de ce droit-là. Parce que pas tous les juristes sont d'accord que ce droit existe dans notre droit. Ce n'est pas clair et net. Mais de là découle donc, pour vous, la logique de cette nouvelle forme d'adoption qui est le sans rupture de lien de filiation.

Alors là, je vais vous amener sur les conséquences, donc, juridiques de cette forme d'adoption. Dans l'avant-projet de loi, on parle d'une obligation alimentaire subsidiaire, et je vous dirais que plusieurs, dont le Barreau, la Chambre des notaires, Alain Roy... ils ont mentionné que ce serait plus logique d'avoir des droits successoraux qu'une obligation alimentaire, parce que l'obligation alimentaire découlerait d'une relation continue et d'autorité... qu'il y aurait en fait un constat d'autorité parentale, alors que ce n'est pas le cas, c'est les parents adoptants. Donc, eux, et dans un contexte de liberté de tester, ils ne voyaient aucun problème et que ce serait plus logique d'avoir un droit successoral au cas où les parents biologiques avaient un certain héritage, que l'enfant pourrait hériter. Je ne sais pas si vous vous êtes penchés sur... Donc, c'est les effets juridiques, les effets... Il y a le nom, d'une part, le certificat de naissance, vous vous êtes prononcés là-dessus...

Mme Godin (Sylvie): On s'est prononcés sur le nom. Sur l'obligation alimentaire, je dois vous dire qu'il y a eu des discussions par l'ensemble des membres, parce que, comme vous le savez, la position de la commission a été discutée et adoptée par les membres, cependant il n'y a pas de position qui a été retenue quant à l'obligation alimentaire, quoique que cette discussion ait eu lieu, et donc il n'y a pas de position... Je ne me vois pas exposer... parce qu'il y avait des opinions partagées. Et ce n'est pas l'absence de consensus qui a fait que nous ne nous sommes pas prononcés. Mais évidemment je vous rappellerai que, dans un contexte d'un avant-projet de loi, il y aura sûrement d'autres occasions de se prononcer. Alors, pour nous, ce n'était pas l'absence de consensus, mais plus... Bon, on s'est limités à d'autres champs qui nous interpellaient à ce moment-ci. Mais la... il y a eu certaines discussions, sans avoir de prise de position formelle là-dessus.

Mme Bernard (Claire): Si je peux...

Mme Godin (Sylvie): Oui, allez-y, Claire, allez-y...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y, Mme Bernard.

Mme Bernard (Claire): Je voudrais quand même permettre une précision d'ordre juridique. C'est que l'obligation alimentaire n'est pas nécessairement un corollaire de l'autorité parentale, puisque, même en cas de déchéance d'autorité parentale, l'obligation alimentaire peut persister. Alors, je pense, ce serait insuffisant de justifier... Il y a eu d'autres points dans les discussions. Je pense que la proposition de la... des successions est intéressante. Évidemment, c'est des débats nouveaux, alors on est en train de regarder les effets juridiques qu'on pourrait attacher concrètement, et des effets évidemment qui seraient à l'avantage de l'enfant. L'un n'empêche pas l'autre, hein, le droit de succéder n'empêcherait pas nécessairement le... enfin de préserver une obligation alimentaire.

Je pense aussi qu'il y a des inquiétudes pour certains sur la réalité des familles, des parents biologiques qui pourraient être touchés. Bon, on nous dit: Certains sont démunis. Mais, dans d'autres cas, quand on pense à l'adoption et... qui préserverait le lien dans les cas de familles recomposées, tous les parents, par exemple, divorcés qui se verraient touchés par cette mesure-là ne sont pas nécessairement démunis. Donc, il faut penser à tous les cas de figure et donc tout simplement, peut-être, corriger la perception de... du statut de l'obligation alimentaire par rapport à l'autorité parentale.

Mme Weil: Donc, pour en venir alors à toute cette question de confidentialité, je crois que votre pensée a peut-être évolué au fil des années sur l'ouverture des antécédents pour les adoptions antérieures, c'est-à-dire que peut-être, dans les années quatre-vingt, c'est ce que j'ai vu un peu dans la recherche, que vous étiez un peu plus fermés à ça mais que là vous... Mais je pense que l'important, c'est de connaître votre opinion maintenant, là, et donc là, non seulement vous trouvez qu'on a besoin d'ouvrir un peu plus sur le postérieur, de vraiment montrer un motif sérieux à la divulgation, mais, pour les adoptions antérieures, vous pensez, là aussi... Et ça, c'est parce que vous attachez évidemment beaucoup d'importance dans le droit à l'identité, sur cette notion que ça appartient à l'individu.

Je pense que ce serait important de vous entendre là-dessus, parce que je dirais que vous êtes un des organismes qui va très fort là-dessus. C'est important pour la transcription aussi de... que vous mettez... mettez de l'avant. C'est très bien fait, évidemment, dans le mémoire et c'est déposé aussi, le mémoire, mais peut-être vous entendre un peu sur la conciliation de ces deux droits et les limites de l'un ou de l'autre. Jusqu'où... J'imagine que vous voyez quand même qu'on peut... qu'il peut y avoir une limite à ce droit à l'identité, et c'est le droit à la vie privée. Mais où est-ce que... où est la frontière? Après le décès? Est-ce que c'est pour ça que vous ouvrez pour après le décès, donc que la... un peu... il y a une certaine déchéance, après le décès, de ce droit-là ou...

Mme Godin (Sylvie): Bien, à prime abord, ce qu'on a constaté, c'est que dans l'avant-projet de loi on avait mis en place des mécanismes. Parce que, si on compare l'avant... le postérieur et l'antérieur, dans le fond, l'antérieur, les craintes qui sont manifestées, c'est le caractère de vulnérabilité, les... le contrat...

Mme Weil: Le pacte social, tout ça.

Mme Godin (Sylvie): C'est ça, le pacte social de l'époque. Mais il reste que, pour le postérieur, à partir du moment où on a des mécanismes, on a des... mis en place un veto... Évidemment, nous, c'est le motif sérieux. On a ajouté ce critère-là. À partir du moment où on a, pour ces adoptions... on met en place un mécanisme des... évidemment qui assure le respect des droits et l'équilibre, bien il n'y a pas... ces aspects de vulnérabilité n'ont pas autant de valeur si on l'applique pour les antérieurs. Alors, c'est un peu la... le raisonnement qui nous a guidés dans cette voie.

Et j'estime que, le législateur ne s'employant pas à tous les cinq ans à revoir ses... et compte tenu des précédents et de l'histoire, je pense qu'on réfère à... les premières demandes que nous avons eues en semblable matière, il y a 30 ans... remontent à 30 ans. Alors, à partir du moment où on a un bon mécanisme, qui nous assure l'équilibre des droits, c'est un peu la motivation qui nous a incités à aller de l'avant sur le regard qu'on jetait sur le postérieur et l'antérieur. Je pense que... Pour nous, il y avait les garanties. Les garanties étaient mises en place. Alors, il n'y a pas de raison que ces garanties ne soient pas aussi applicables pour les situations, indépendamment du pacte social. Le respect de ces personnes et le droit, l'opposition au droit, le veto peuvent aussi bien s'appliquer pour les dossiers antérieurs. Alors, je ne sais pas si vous voulez ajouter à ça?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Est-ce qu'il y a des ajouts, madame? Ça va? Oui, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui, bien, merci beaucoup. J'ai lu avec beaucoup, beaucoup d'intérêt la section, qui comporte plus d'une vingtaine de pages, sur toute la question de la confidentialité, puis je dois vous dire que c'est vraiment éclairant. Vous êtes vraiment ceux qui sont allés le plus loin en termes de recherche juridique, de jurisprudence, de droits, de chartes. C'est votre mandat, donc c'est pour ça qu'on est bien contents de vous avoir. Mais c'est vraiment précieux que ce soit aussi fouillé, parce que depuis le début qu'on patauge un peu dans toutes les questions de droits et d'opposition des droits, droit à l'identité, est-ce qu'il existe vraiment un droit à l'identité, droit à la vie privée?, puis ce que je trouve vraiment intéressant, c'est que vous dites qu'en fait le droit à l'identité ou de connaître ses origines peut aussi être vu comme faisant partie du droit à la vie privée, et la reconnaissance de la personnalité juridique, et tout ça, donc c'est vraiment un point de vue qui est de grand intérêt pour nous. Alors, je vais avoir... le coeur de mes questions va vraiment être là-dessus, puis je vais avoir des questions assez techniques.

Si on regarde le futur, donc à partir de ce qui serait prévu déjà dans l'avant-projet de loi, je comprends que vous êtes à l'aise avec le fait qu'il y ait deux formes de veto. C'est parce qu'il y a certains groupes qui nous ont dit que pour le futur il pourrait n'y avoir que le veto de contact, du fait que les parents qui en fait confient un enfant à l'adoption ou qui voient leur enfant retiré sauraient un peu à quoi s'attendre. Vous, ce que je comprends, vous êtes à l'aise avec les deux, mais vous dites: Pour le veto de divulgation, il faudrait vraiment que les parents inscrivent les motifs sérieux, donc que ce soit bien documenté, de savoir pourquoi. Et vous allez jusqu'à dire -- mais là vous me corrigerez -- qu'un tribunal... Est-ce qu'un tribunal pourrait juger du caractère approprié ou non des motifs sérieux? C'est bien ça?

Mme Godin (Sylvie): C'est ça.

Mme Hivon: O.K. Donc, vous maintenez les deux. Bon, maintenant, pour ce qui est du décès, ce qui est prévu, c'est une période de deux ans après le décès, donc pas ouverture automatique. Dans les autres juridictions qui ont bougé sur la question, comme en Ontario, je crois, c'est tout de suite, il n'y a pas de période tampon. Ce qui est prévu aussi, c'est: le veto pourrait être prolongé, s'il y a une mention express à cet effet-là, lorsque le veto est inscrit. Ça, pour vous, ça vous apparaît correct qu'une personne puisse dire que le veto doit survivre après son décès? Puis je vous pose aussi un peu la question en lien avec le droit à la vie privée. Parce que certains nous disent que le droit à la vie privée s'éteint à la mort. D'autres disent qu'il y a un courant jurisprudentiel qui dit qu'il perdure. Donc, vous, vous êtes les mieux placés pour nous dire ce qu'il en est du respect du droit à la vie privée. Donc, j'aimerais vous entendre sur la question du décès, comme tel.

Mme Godin (Sylvie): On était favorables évidemment à cette proposition-là. Je ne sais pas si Claire ou Daniel veulent ajouter, sur le plan...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Mme Bernard.

Mme Godin (Sylvie): À la proposition faite, nous sommes favorables.

**(14 h 30)**

Mme Bernard (Claire): Donc, on n'a pas regardé... on n'a pas examiné... Bon, vous l'avez... vous l'avez lu. On n'a pas examiné... On a compris les circonstances, c'est-à-dire de laisser à la famille le temps de vivre le deuil, et on n'a pas regardé est-ce que c'était trop long, trop court. Ça nous apparaissait, je pense, sans que ce soit fondé sur un droit fondamental, et je ne pourrais pas vous dire... Bon, dans le Code civil, il y a, il me semble, des dispositions, mais là je ne les ai pas regardées à la lumière de... des dispositions. Donc, on pourrait... On était à l'aise, je dirais. Bon, c'est un avant-projet de loi, puis là, effectivement, nous aussi, il y a des mécanismes qu'on... qu'on s'est dit qu'on revisiterait, une fois qu'il y aurait un projet de loi, à la lumière des faits et des preuves qui auraient été présentés.

Mme Hivon: O.K. Et l'idée que le veto puisse être maintenu s'il y a une demande expresse à cet effet-là... Parce que, là, ça, c'est la proposition de l'avant-projet de loi, là, donc levé normalement après... deux ans après le décès. Mais, s'il y a une volonté clairement exprimée au moment de l'enregistrement du veto que ce soit maintenu après, ça, est-ce que vous... est-ce que vous trouvez que c'est... disons que, quand on essaie d'équilibrer les droits, que c'est une mesure qui est... qui est correcte ou vous pensez que c'est trop conservateur?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y, M. Carpentier.

M. Carpentier (Daniel): Oui. Bien, c'est parce... C'est que vous avez dit tantôt: Au décès, il n'y a plus de vie privée, peut-être, d'une certaine façon.

Mme Hivon: ...posé la question, oui.

M. Carpentier (Daniel): Oui. Bien, certains ont affirmé. Je ne trancherai pas le débat juridique là-dessus. La question, s'il y a eu un veto et, comme nous le proposons, qu'il y ait des motifs sérieux, alors, au décès d'une personne, ces motifs sérieux touchent encore la réputation de cette personne qui est décédée. Alors, ça aussi, c'est un des droits qui a à être pris en cause. Alors, dans ce sens-là, il peut... l'hypothèse qu'on prolonge la période de non-divulgation, de non-communication peut s'expliquer dans certains cas.

Mme Hivon: O.K. Mais tout ça, il faudrait toujours que les motifs sérieux soient exprimés?

M. Carpentier (Daniel): Absolument.

Mme Hivon: Et puis à l'appréciation du tribunal aussi dans le cas où quelqu'un voudrait soulever ça en remettant en cause. O.K.

Ça, ça m'amène au passé. Donc, vous proposez clairement... Et il y a beaucoup de groupes qui sont venus, je dirais la majorité, qui ont proposé qu'on ouvre aussi pour le passé. Mais certains, ce matin, étaient plus dans... dans la lignée, je dirais, conservatrice, comme... comme le Barreau. Alors, vous, je comprends que vous vous appuyez vraiment sur la reconnaissance du droit de connaître ses origines, c'est ce qui motive tout... tout votre positionnement, et vous dites en quelque sorte: Il y a une recherche d'équilibre entre les droits de chacun, et vous pensez qu'avec la possibilité de veto on est capables d'atteindre l'équilibre. Et qu'est-ce que vous dites... Parce que, vous savez, vous l'avez évoqué vous-mêmes, l'argument principal, c'est vraiment l'idée d'un pacte social. Je comprends que vous le... vous le déconstruisez un peu, mais j'aimerais ça savoir ce que vous répondez aux gens qui disent qu'on était dans une autre réalité et que cet argument-là du pacte social doit être pris en considération quand on veut regarder le passé.

Mme Godin (Sylvie): Bien, on leur dit... Effectivement, je pense que c'est le même... c'est toujours... c'est la base de notre... L'équilibre, c'est... Vas-y, Claire, répond, parce que, là, je suis... Évidemment, je répète, je répète toujours la même chose parce que ça a été tout au long de nos... de notre réflexion, ça a été évidemment la recherche de cet équilibre. Alors, pourquoi le pacte social prévaudrait? Parce qu'aussi, pour certains qu'on entend, même pour les adoptions... On l'entend, cet argument-là, pour les adoptions, aussi, futures. Ça aussi, on l'a entendu. Dans l'opinion publique, on l'entend également. Mais, si tu... Abstraitement, si tu regardes l'équilibre, la recherche de cet équilibre, le respect des droits fondamentaux, je pense que c'est... c'est la base de notre raisonnement et c'est... c'est ce qui doit guider aussi le législateur dans l'application de ces nouvelles mesures, alors...

Mme Bernard (Claire): Bien, on pourrait ajouter deux choses, que vous avez entendues aussi ici, c'est que les enfants qui sont visés ne faisaient pas partie de ce pacte. Alors, je pense que c'est... et c'est leurs droits fondamentaux dont on parle, au départ.

Et, deuxièmement, dans ce... cette situation sociale, elle existait, mais les... les valeurs ont changé, y compris pour les... pour les gens qui... qui s'étaient engagés dans ces processus à l'époque mais qui évaluent avec les valeurs d'aujourd'hui, ils ne sont pas restés dans les années vingt, trente ou quarante. Et je pense que les... Ce qui n'apparaît pas, évidemment, dans le projet de loi mais ce qui est beaucoup discuté, c'est tout l'accompagnement qui doit se faire pour expliquer, pour amener les gens à se préparer, bon, dans le contexte des modifications.

Et, troisièmement, je pense qu'il y a aussi, quand même, certaines personnes qui ont souligné, et c'est aussi notre avis... C'est que ce n'était pas nécessairement un secret qui était volontairement assumé par les parents biologiques et par les mères biologiques. Alors, évidemment, après ça a été construit, ça s'est consolidé. Mais il faut faire attention aussi de ne pas se protéger derrière ce... ce faux secret, alors qu'on voit qu'il y avait beaucoup de règles qui leur étaient imposées.

Mme Hivon: O.K. Il reste du temps dans les...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, absolument.

Mme Hivon: Les motifs sérieux que vous suggérez de mettre vraiment pour le veto à la divulgation, dans le mémoire, là, à moins que j'aie... je pense, c'est à la page 29, vous semblez le suggérer uniquement pour le futur. Mais, pour le passé, admettons qu'il y avait une modification et qu'on ouvrirait... et qu'on ouvrait pour le passé, est-ce que ce serait la même logique, et que donc... Parce qu'il y a des gens, là, des adoptés qui nous ont envoyé un cri du coeur, là, des adoptés âgés qui nous ont dit... Eux, ils sont pour... Le veto de contact, personne ne remet ça en cause. Veto divulgation, ils semblent dire déjà que l'équilibre est peut-être moins évident, parce que, pour eux, c'est vraiment important d'avoir l'identité. Donc, je pense que l'idée de motifs sérieux pourrait peut-être leur plaire. Donc, je voulais savoir si, pour vous, ça s'appliquait aussi au passé, s'il y avait ouverture.

Mme Godin (Sylvie): On l'a présenté dans le mémoire, évidemment, parce qu'on répondait à la proposition qui était faite pour le postérieur, donc on n'a pas fait, évidemment, le parallèle. Mais effectivement, à partir du moment où nous recommandons que les deux, antérieur et postérieur, devraient être examinés parce qu'à la lumière des mécanismes nous estimons...

Mme Hivon: Ce serait la même chose.

Mme Godin (Sylvie): ...que ça pourrait, par extrapolation, s'appliquer aussi pour l'antérieur.

Mme Hivon: O.K. Et dernière question là-dessus: le décès, mais pour le passé. Parce que vous savez, encore une fois, que plusieurs personnes adoptées viennent nous dire: Nous, on est un peu dans un cul-de-sac, parce qu'on sait que notre mère biologique est décédée, et s'il n'y a pas ouverture pour le passé, et si on ne considère pas cette situation-là, pour nous, c'est fini, on n'aura jamais accès à l'information sur nos origines.

Alors, qu'est-ce que vous... qu'est-ce que vous voyez comme... comme possibilité pour ça? Est-ce que vous dites que, si les personnes sont décédées et qu'ils n'ont pas inscrit de veto, bien il y aurait une levée même pour le... pour le passé?

Mme Godin (Sylvie): À moins d'opposer un...

Une voix: ...

Mme Godin (Sylvie): C'est ça. On s'est posé la question, on ne l'a pas explorée, mais on s'est posé...

Mme Hivon: Vous ne vous êtes pas... Vous n'avez pas pris position, hein, c'est ça?

Mme Godin (Sylvie): On s'est posé la question ce matin en échangeant, mais nous ne nous sommes pas... Non.

Mme Hivon: O.K. Vous n'avez pas de position officielle.

Mme Godin (Sylvie): On n'est pas... On n'a pas examiné ces aspects-là, mais effectivement on s'est... Par la suite, en tentant de décortiquer chacune des possibilités et, évidemment, en ayant eu l'occasion d'entendre les débats auxquels, évidemment, vous étiez assujettis, on s'est posé la question. Mais on n'avait pas... On ne s'est pas prononcés là-dessus.

Mme Hivon: Je l'assumais... Oui.

Mme Godin (Sylvie): La question est fort pertinente. La question est fort pertinente. Effectivement, par extrapolation, ça pourrait... on pourrait... Tu sais, c'est une des hypothèses. Ça pourrait être aussi dans le même... le délai... Le même délai pourrait peut-être... On s'est posé la question sans se prononcer, malheureusement.

Mme Hivon: O.K. Je la soumets à votre réflexion...

Mme Godin (Sylvie): Oui. Oui, oui, c'est pertinent. C'est très...

Mme Hivon: ...parce que c'est... c'est une... bien c'est une réalité qui nous a été beaucoup soumise, parce que plusieurs des personnes qui sont venues... Puis le Mouvement Retrouvailles en a parlé aussi, c'est que de plus en plus de ces parents biologiques là sont décédés, et donc...

Mme Godin (Sylvie): C'est une réalité.

Mme Hivon: ...même si on ouvre pour le passé, si on ne tient pas en considération la question du décès, ces personnes-là ne pourraient jamais avoir droit à avoir accès à leurs origines. Alors, je pense que c'est une question qui se pose, oui. O.K.

Mme Godin (Sylvie): Très pertinente. O.K.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va?

Mme Hivon: Oui, ça va.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la députée. Mme la ministre.

Mme Weil: Je ne sais pas si vous vous êtes penchés sur la question des amendes lorsque le veto de contact n'est pas respecté? On a demandé au Barreau ce matin, évidemment, leur opinion là-dessus. Certains... certains groupes ont trouvé que c'était, comment dire... Ils étaient réfractaires un peu à cette notion, mais évidemment les juristes qui disent: Bon, bien, si... s'il y a une obligation en vertu de la loi, il faut bien qu'il y ait des dents pour faire respecter. Est-ce que vous seriez un peu dans ce sens-là, c'est-à-dire que...

Mme Godin (Sylvie): Je sais qu'il y eu aussi des échanges quant à la nature de l'amende, mais, nous, on se prononce davantage sur le principe, évidemment, à partir du moment où, le non-respect d'un droit, la sanction est nécessaire. Alors, je pense qu'il appartient à l'État de déterminer la nature, mais nous sommes favorables à l'imposition d'une sanction.

**(14 h 40)**

Mme Weil: Le nom. On va peut-être... peut-être... Vous avez parlé de la question de nom, et sans rupture, de cette forme d'adoption. Donc, vous... Il y a quelques groupes, surtout ceux qui représentent les familles homoparentales, eux, une autre... Eux... une crainte... J'aimerais vous entendre là-dessus, parce qu'on touche vraiment aux droits, ils ont une crainte, aux droits et préjugés, qu'évidemment une certaine homophobie puis que... Leur crainte, c'est que peut-être les juges, face à l'option de ce genre d'adoption, c'est-à-dire sans lien de filiation, sachant que c'est un couple du même sexe, dans la Banque-mixte, voudraient pouvoir garder les liens avec les parents biologiques, alors que la vision derrière cette forme d'adoption, c'était vraiment consensuel.

C'est vraiment presque une recommandation des centres jeunesse, il restera à vraiment bien encadrer les circonstances qui vont mener à cette recommandation, mais c'était vraiment dans l'intérêt de l'enfant, l'enfant qui connaissait déjà ses parents mais ne les voyait peut-être pas souvent, qui avait besoin d'un projet de vie. Et c'était pour débloquer son projet de vie que cette idée de cette forme d'adoption est venue.

Mais, eux, leur crainte... Et je pense qu'il faut être très sensibles à cette crainte. Et je suis responsable de la lutte contre l'homophobie et de... éventuellement de déposer un plan d'action, alors je vois, je suis sensible à ce qu'ils disent, ils veulent s'assurer qu'éventuellement il y ait même une formation de la magistrature pour leur expliquer qu'un couple homosexuel, ça... évidemment est aussi sain pour un enfant qu'un couple hétérosexuel. Est-ce que, vous, vous vous êtes penchés sur cette question de préjugés par rapport à ça? C'est peut-être deux, trois groupes qui sont venus nous présenter ce point de vue. Et ça touche carrément un domaine qui... qui vous concerne aussi.

Mme Godin (Sylvie): Bon. On ne s'est pas penchés spécifiquement sur cette question-là, mais effectivement ce qu'on soulève, c'est que... c'est les craintes au fait que ce principe soit généralisé.

Une voix: ...pas pour le nom, c'est...

Mme Godin (Sylvie): Pas pour le nom? Bien, c'était pour le nom, vous avez...

Mme Weil: ...il y avait cette question-là, mais pour le nom. Alors, ensuite, donc le... Et les mêmes groupes avaient le même point de vue sur le nom, c'était le problème d'intégration dans la famille, comme vous, vous le soulevez aussi.

Mme Godin (Sylvie): Ah! O.K. L'intégration, oui.

Mme Weil: Donc, c'est deux... deux choses différentes.

Mme Godin (Sylvie): Deux choses. Mais, sur le nom...

Mme Weil: Le premier, je ne l'ai pas vu dans votre mémoire, c'est-à-dire cette crainte, c'est-à-dire, d'une certaine... de certains préjugés qui pourraient faire en sorte que les juges vont recommander la... sans rupture de filiation pour justement préserver les liens avec la famille biologique. Mais, si vous ne vous êtes pas penchés là-dessus... Sur le nom, donc, vous, ce serait de préserver les noms d'origine dans le certificat de naissance, mais que le nom de l'enfant pourrait être au choix des parents adoptants.

Mme Godin (Sylvie): Bien, c'est-à-dire qu'on a exprimé une crainte au fait que ça soit généralisé, dans le maintien des noms composés.

Mme Weil: ...au choix finalement de la famille...

Mme Godin (Sylvie): Oui. On estimait qu'il y avait des...

Mme Weil: ...adoptive.

Mme Godin (Sylvie): Oui. C'était très important que ça ne soit pas généralisé, que le principe... Et c'est la crainte qu'on a exprimée, sans donner de cas particulier, mais il y avait une crainte certaine au fait que ça soit généralisé comme principe. Il faudrait qu'il y ait...

Mme Weil: Donc, pas... Parce que vous mettez beaucoup, beaucoup d'accent sur l'identité de l'enfant. Donc, vous, en tant que... L'adoption sans lien de filiation en tant que tel, sans qu'il y ait nécessairement de nom qui reconnaît les origines de l'enfant, sans nécessairement vous pencher sur les conséquences juridiques, vous verriez ce genre d'adoption comme un reflet du droit à l'identité, dans un sens. Parce qu'on a beaucoup de discussions sur où se trouve cette forme, dans notre monde juridique à nous, où se trouve cette forme d'adoption, ce nouveau régime légal, juridique. Et, si je comprends bien, avec tout l'argumentaire que vous avez sur l'identité, ça, en soi, ce serait suffisant.

Il y en a d'autres aussi, des juristes, Alain Roy et d'autres, qui le voient comme ça. C'est que cette existence, ce droit en tant que tel mérite... ou est suffisant, même s'il n'y avait pas de conséquence juridique. C'est en soi l'existence de la personne qui est reflétée par ce genre d'adoption, ce modèle d'adoption. Et, si je comprends bien, vous, vous êtes un peu dans cette zone-là, c'est-à-dire que l'identité même de l'enfant explique qu'on pourrait avoir cette nouvelle forme d'adoption, en plus d'être très pratique, dans le sens de... de, comment dire, débloquer peut-être aussi un projet de vie pour un enfant. Parce que ça, à l'origine, c'était vraiment l'argument qui était venu du milieu des centres jeunesse, c'était pour donner un projet de vie à un enfant dans une Banque-mixte, qui par ailleurs, étant donné qu'il connaissait déjà ses parents d'origine, ne voudrait peut-être pas renoncer à ses origines et à son nom d'origine. Alors, c'était une façon de lui dire: Il n'a pas besoin de renier. Ce n'est pas comme s'il prenait son passé, puis qu'il le déchirait, puis que ça n'existe pas, ça n'existe plus en fait ou en droit. Alors, c'était... c'était ça.

Mme Godin (Sylvie): Ce n'est pas uniquement ça, parce que, pour nous, ce qui est important, c'est que les droits de l'enfant soient évidemment respectés, donc son état, sa situation psychologique, physiologique, donc toute la notion de lien significatif. Et, pour nous, cet aspect-là est très important, vient équilibrer aussi et donc les droits de l'enfant par rapport à son origine mais aussi sa situation, qui doit être analysée, qui doit être respectée et qui doit être bien évaluée, alors...

Mme Weil: Mais le juge constaterait les liens significatifs. Mais, là où il y a de la confusion dans la compréhension de ce modèle d'adoption, c'est que -- et je l'ai vu hier soir en regardant Radio-Canada -- les gens s'imaginent que le juge va dire: Et là vous allez maintenir ces liens significatifs. Mais il y a un saut, là, que ce n'est pas vrai. Il va falloir que les parties s'entendent. Et c'est ça qu'il faut vraiment clarifier.

Mme Godin (Sylvie): Ça, vous avez raison.

Mme Weil: Donc, l'important, c'est plus d'essayer de trouver la logique juridique à cette forme d'adoption. On a beaucoup de discussions sur ça pour... pour qu'il y ait cohérence dans notre droit civil. Parce que là on vient emprunter un peu une notion d'adoption simple de l'Europe, on vient chercher l'adoption ouverte de l'Amérique du Nord, et on fait un nouveau régime ici, au Québec, qui prend un peu des deux.

Mais là le grand débat des juristes, c'est de trouver l'ancrage à cette nouvelle forme d'adoption. Comme je le disais, il y a un côté très pragmatique, débloquer un projet de vie pour l'enfant qui ne veut pas renoncer, qui connaît son identité. Il ne peut pas renoncer à son identité, son identité fait partie de qui il est depuis toujours. Alors, c'est pour ça qu'on imagine que c'est plus des enfants plus âgés. Alors, c'est... c'est toute cette question.

Donc, le nom, finalement, pour vous, le nom, il ne faudrait pas avoir de règle stricte là-dessus. Ce serait la famille adoptive qui pourrait décider ce qu'il y a de mieux pour l'enfant, le nom qui serait choisi pour l'enfant.

Mme Godin (Sylvie): Et l'enfant.

Mme Weil: C'est ça.

Mme Godin (Sylvie): Et l'enfant.

Mme Weil: Mais l'enfant, oui, en...

Mme Godin (Sylvie): Il faut trouver la façon, et ça, on a insisté beaucoup sur...

Mme Weil: Et surtout, oui...

Mme Godin (Sylvie): Il ne faut pas présumer puis il faut que ce soit adapté à son âge, à sa capacité de discernement, mais de prendre les moyens de consulter les enfants.

Mme Weil: Tout à fait. Et...

Mme Godin (Sylvie): Et ça, c'est très important.

Mme Weil: ...ce serait cohérent aussi avec les types de situations où on verrait ce genre... C'est des enfants généralement plus âgés.

Mme Godin (Sylvie): Plus âgés.

Mme Weil: C'est ça.

Mme Godin (Sylvie): Il faut vraiment respecter ça. Me Carpentier.

M. Carpentier (Daniel): Bien, c'est qu'il y a beaucoup d'éléments dans ce que vous avez amené. On comprend que le régime se base sur quand il y a... afin... Quand on dit «ce type d'adoption», c'est afin de préserver des liens d'appartenance significatifs. D'accord? Qu'est-ce que ça peut être? Une foule de choses. Alors, sur cette base-là, oui, on est favorables à cette forme d'adoption parce qu'il y a cette réalité que des enfants ont des liens significatifs avec leurs parents d'origine, mais qui devraient être adoptés, avoir d'autres liens avec des personnes.

La nuance, qui n'est pas l'élément majeur mais le commentaire qu'on vous fait, c'est: Pourquoi on dit que le tribunal attribue les deux noms? Parce qu'un enfant peut avoir des liens significatifs avec ses parents d'origine, et ça fait partie de son identité, ces liens-là, mais l'identité ne se résume pas au nom. L'identité, c'est une foule de choses: c'est de savoir que ses parents d'origine sont ces personnes sans nécessairement porter leur nom.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Joliette.

**(14 h 50)**

Mme Hivon: Oui. Et peut-être juste un commentaire sur la question du nom. Il y en a qui ont aussi souligné, fort à propos, que, quand vient le moment du jugement de l'adoption, il y a toujours possibilité, déjà dans le droit actuel, que l'enfant conserve son nom si c'est jugé dans son intérêt et qu'il le demande, et tout ça. Alors, je pense que peut-être que cette possibilité-là existe déjà.

Puis je vous remercie pour, je dirais, toute la lumière ou le focus que vous amenez sur: avoir l'avis de l'enfant dès que son discernement est là. Et ça, ça ne se fixe pas à un âge. Évidemment, avant 10 ans, beaucoup d'enfants vont avoir une opinion, notamment quand vous abordez la question de l'adoption sans rupture du lien de filiation. C'est vrai que jusqu'à maintenant il y a peu d'intervenants ou... enfin, même nous, on n'a pas beaucoup parlé d'obtenir l'avis de l'enfant, mais ça allait un peu de soi, dans la question de l'intérêt de l'enfant. Mais je pense que vous mettez l'accent là-dessus, puis c'est fort à propos.

Moi, je reviens avec mes questions techniques sur... Vous recommandez donc que l'enfant soit informé de son statut de personne adoptée et vous voulez que ce soit consacré législativement. Donc, pour le futur, on peut... on peut comprendre. Et vous dites: «aussi pour le passé». Donc, je sais que, vous, vous n'êtes pas dans la mécanique, là, vous êtes plus dans les droits, mais comment... comment ça pourrait se faire? C'est-à-dire, comment vous voyez qu'on... la mécanique qui pourrait faire en sorte que, les personnes qui sont déjà adoptées, on puisse s'assurer, législativement parlant, qu'elles soient informées de leur statut? Avez-vous réfléchi à ça? Est-ce que ça viendrait quand il y a une demande d'accès... C'est parce qu'en fait, s'ils ne savent pas qu'ils sont adoptés, ils ne feront même pas de demande d'accès, là. Donc, est-ce que ce seraient les centres jeunesse, les services sociaux qui auraient pour mandat de contacter? Est-ce que c'est plus une obligation de principe? Donc, si les parents étaient toujours vivants, on leur dirait qu'ils doivent informer du statut leurs enfants? Comment vous voyez ça, un peu?

Mme Godin (Sylvie): Dans notre mémoire, on référait évidemment à l'exemple du directeur de la protection de la jeunesse, surtout dans les adoptions... Et c'est, oui, postérieur. Antérieur, forcément, ça peut aussi s'appliquer, mais effectivement ça se résumait à mettre en place un mécanisme qui permettrait de s'assurer, pour les enfants, d'avoir... d'être consultés. Mais c'était le directeur de la protection de la jeunesse, pour donner cet exemple-là, auquel on référait dans le mémoire. Mais Claire peut peut-être ajouter. Elle va vous répondre, peut-être...

Mme Bernard (Claire): C'est qu'on voyait une reconnaissance par la mécanique qui est proposée, dans les propositions dans la Loi sur la protection de la jeunesse. Donc, on voit, là, que c'est... On présume que les parents adoptifs vont le faire, mais, s'ils ne l'ont pas fait au moment où l'enfant aura 18 ans, à ce moment-là, la responsabilité de le faire serait au directeur de la protection de la jeunesse. Mais c'est comme... c'est presque invisible comme reconnaissance. Alors, on voudrait que ce soit reconnu aussi dans le Code civil comme principe, et, à partir de là, c'est comme d'autres droits: c'est d'abord aux parents adoptifs de le faire, et de le faire en temps et lieu, de... c'est de le faire comme on exerce les autres obligations parentales. Mais effectivement, à un certain moment donné, s'ils ne l'ont pas fait, et notamment dans les situations transitoires actuelles, ce serait au directeur de la protection de la jeunesse. Donc, la mécanique qui est... Il nous semblait que la mécanique est déjà proposée. Mais ce qu'on recommande en plus, c'est l'inscription du principe.

Mme Hivon: Puis j'aimerais que vous parliez un peu de toute la question de l'évaluation psychosociale, dans le cas d'un consentement spécial à l'adoption. Je veux bien comprendre à quels cas vous faites référence. Est-ce que c'est lorsque l'autorité parentale... Non, parce qu'on est en cas de... Est-ce que c'est dans le cas, par exemple, d'un conjoint qui adopterait, un cas comme ça? Vous voulez que les gens qui consentent à l'adoption soient vraiment bien conscients de tous les impacts? Quels cas types vous avez en tête quand vous parlez de l'évaluation psychosociale pour le consentement spécial à l'adoption?

Mme Bernard (Claire): Là, ce qu'on faisait, c'est souligner... À moins qu'on ait fait erreur, ce qu'on a compris, c'est que l'avant-projet de loi proposait cette évaluation psychosociale du parent adoptant. Donc, on... Comme c'est des discussions qu'on avait déjà eues antérieurement à la commission, on soulignait qu'on trouvait que c'était... Mais c'est... c'est dans les... dans les règles actuelles du consentement spécial. Donc, effectivement, pour les conjoints...

Mme Hivon: ...général, quand il y a consentement spécial.

Mme Bernard (Claire): Oui. Mais effectivement on n'a pas fait... Bon, à la lumière des discussions, on n'a pas fait de recommandation de nouvelle forme d'évaluation psychosociale pour les nouvelles formes d'adoption. Et je pense que ça va sans dire qu'il faut que ces décisions-là soient prises sur des preuves qui démontrent que c'est dans le respect des besoins des enfants.

Mme Hivon: C'est ça. Parce que l'Ordre des travailleurs sociaux, évidemment, nous a... a beaucoup mis l'accent sur l'importance qu'autant en matière d'entente de communication ou en matière d'adoption sans rupture du lien de filiation il devrait y avoir une évaluation psychosociale pour savoir si cette forme-là nouvelle d'adoption puisse être... serait indiquée dans les circonstances, et que donc on regarde un peu les parties impliquées pour évaluer la capacité de vivre dans cette nouvelle réalité là. Mais, vous, je comprends que vous ne vous êtes pas positionnés du tout là-dessus. O.K. Parfait. Moi, ça va, de mon côté.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Alors, merci, Mme la députée de Joliette. Donc, Mme Godin, Mme Bernard et M. Carpentier, merci de vous être présentés à la commission. Je vous souhaite un bon retour chez vous.

Et je vais suspendre les travaux quelques instants, le temps que l'Association des avocats et avocates en droit familial du Québec vienne s'asseoir.

(Suspension de la séance à 14 h 56)

 

(Reprise à 14 h 58)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre nos travaux. J'ai le plaisir... en fait nous avons le plaisir de recevoir l'Association des avocats et des avocates du droit familial du Québec. Mme Kirouack, Mme Gervais, bienvenue à notre commission. Donc, je sais que vous avez assisté à d'autres présentations, vous connaissez les règles, mais je vous les répète pour le bénéfice des gens.

Mme Kirouack (Marie Christine): ...pour laquelle on a assisté à d'autres présentations...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, pour savoir comment ça fonctionnait.

Mme Kirouack (Marie Christine): Bien, c'est parce qu'il n'y en a jamais une qui fonctionne de la même façon, de mon expérience, là, mais c'est la 13e ou 14e à laquelle j'assiste. Donc, en termes de temps de présentation, ça nous a permis de nous ajuster.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Bon, bien, en tout cas, là, je vous écoute, et puis vous allez faire monter nos cotes d'écoute, j'en suis convaincu. Donc, il va y avoir 10 minutes pour votre présentation, et puis il y aura un échange d'à peu près 25 minutes de part et d'autre. Allez-y, Mme Kirouack.

Association des avocats et avocates
en droit familial du Québec (AAADFQ)

Mme Kirouack (Marie Christine): Alors, écoutez, juste brièvement, là, ce n'est pas la première fois que l'association intervient dans ce type de commission. On représente, grosso modo, bon an, mal an, un peu plus de 500 avocats qui ne font que du droit de la famille, ou presque exclusivement du droit de la famille, à travers le Québec. On n'est pas une association spécifique à Montréal, là, on est à la grandeur de la province. Et en conséquence, effectivement, le mémoire a eu l'aval de nos membres.

Pour ce qui est de l'avant-projet de loi tel quel, écoutez, on se réjouit, nous, des modifications apportées à 545 et ses articles correspondants, c'est-à-dire 547, entre autres, qui met fin une fois pour toutes au débat jurisprudentiel à savoir: est-ce qu'un ex-conjoint peut adopter un enfant sur consentement spécial ou pas? L'insertion du tel article pourrait nous permettre effectivement de mettre fin... Parce qu'on a un problème avec 61.1, là, à moins de le dévoyer, présentement l'ex-conjoint ne peut pas répondre à la définition de 61.1 de la Loi de l'interprétation, et on se réjouit de la modification proposée.

**(15 heures)**

Pour ce qui est des modifications de 547.1, en lien avec l'adoption sans rupture de lien de filiation, d'une part, effectivement je vous dirais que l'association donne son aval à l'inclusion de ce nouvel animal, O.K., juridique. Par contre, là où on se pose de sérieuses questions comme juristes, c'est: Où commence l'animal et où finit l'animal juridique? O.K.? Parce que, bon, il est... 579.2 de l'avant-projet nous dit: l'enfant conserve ses droits alimentaires. 569 nous dit: les adoptants auront l'autorité parentale. 577 nous dit: bon, l'adoption se substitue à la filiation d'origine, sauf dans les cas où il n'y a pas rupture de lien de filiation. Est-ce à dire qu'on a donc, je vous dirais, deux parents sur la ligne de front ès qualités parents à l'enfant? Et, comme, par ailleurs, l'obligation alimentaire étant d'ordre public, il n'y a pas d'article qui dit qu'on met fin à l'obligation alimentaire de l'enfant envers sa famille d'origine... Écoutez, l'objet de notre propos, c'est surtout, comme association, de dire: On apprécierait que l'animal juridique soit clarifié, parce que ça soulève toutes sortes de questions. Et, comme c'est en matière de filiation, on ne voudrait pas créer 10 ans de jurisprudence pour décider quelle est la nature de cet animal. Parce qu'on voit, entre autres... Qu'en est-il des grands-parents? Est-ce que les grands-parents de la famille d'origine vont pouvoir réclamer des droits d'accès? Parce qu'à partir du moment où le code dit que le lien de filiation n'a pas été abrogé, qu'est-ce qui en est... Puis ça a été amplement discuté ce matin, toute la question des droits successoraux, O.K.? dont notamment le droit au partage du patrimoine familial. Parce que la Cour d'appel est claire, là: maintenant, les héritiers effectivement peuvent aller le réclamer... Donc, avez-vous une idée de toutes les conséquences juridiques que ça peut avoir effectivement si d'aventure la version finale ne venait pas éclaircir la nature de l'animal juridique, O.K.?

On est cependant aussi, je vous dirais, très conscients, comme association, que l'inclusion de ce type d'adoption là, c'est-à-dire l'adoption sans rupture du lien de filiation, vient répondre fortement, je vous dirais, à une espèce de besoin quasi symbolique, O.K.? de reconnaissance. Je pense, entre autres, à des dossiers où, quand... et même sur des consentements spéciaux, hein? Mettons que vous avez un enfant qui a perdu son père, dont il se souvient encore très bien, puis là il y a un consentement spécial parce que le nouveau conjoint qui s'en occupe... peut-être qu'il ne veut pas perdre officiellement qu'il a déjà eu un père. Moi, j'ai déjà eu des questions comme ça effectivement dans mon cabinet, et ça fait partie des applications pratico-pratiques auxquelles je pouvais voir, là, par rapport à ça. O.K.? Donc, pour moi, ça pouvait aller. Puis je lance la question, là, qui n'est pas dans notre mémoire, ça fait partie de mes réflexions au cours des dernières nuits: Qu'en est-il même des gens qui sont décédés, O.K.? par rapport à ça, là, en termes de ici et là? Je pense qu'on peut se poser aussi la question par rapport à ça. Est-ce que la... sans rupture est juste à l'égard de parents vivants ou est-ce que ça peut être effectivement qu'il n'y a pas disparition d'un parent qui a existé, à partir du moment où c'est important pour l'enfant, on s'entend? O.K.?

Autre question: Est-ce que, 573, il est clair que, dans les situations où il n'y aura pas de rupture de lien de filiation, que ça va être des cas d'exception, O.K.? et que le tribunal ne pourra pas ordonner -- deuxième question -- un autre type, effectivement, d'adoption que ce à quoi les parents ont consenti? Il nous semble clair dans le libellé que, si les parents ont consenti à sans rupture de lien de filiation, on ne pense pas que le tribunal pourra aller outre, dans le libellé actuel de l'avant-projet de loi.

Par contre, l'inverse n'est pas aussi clair. C'est-à-dire que, si les parents effectivement ont donné une pleine et entière autorisation, peut-être que le tribunal pourra juger approprié de restreindre l'adoption, et on n'est pas certains, ça, que c'est une bonne idée, d'autant plus que, dans le cadre de la façon dont les choses se passent actuellement et dans le cadre du projet de loi, tout ça se décidera au moment du jugement d'adoption, hein? Rendus là, on est six mois plus tard, on est six mois après l'ordonnance de placement, et là on pourrait avoir des parents qui, rendus là, disent: C'est parce que ce n'est pas ça que, nous autres, on avait entrevu, là; nous, on s'embarquait pour une pleine adoption; si vous nous dites qu'on garde quelqu'un dans le portrait, on débarque. Là, on a un enfant qui a déjà eu des contacts avec sa famille adoptive, qui parfois a été déjà habiter avec avant l'ordonnance initiale de placement, et là on est, six mois plus tard, au moment de l'ordonnance finale.

Peut-être qu'il serait intéressant que tout ça soit décidé au moment de l'ordonnance de placement, c'est-à-dire que l'ordonnance de placement soit ordonnée dans le cadre et avec vue d'une ordonnance ultime d'adoption qui sera de type pleine ou qui sera de type sans rupture de lien de filiation. Ça aurait l'avantage que tout ça est déjà dans un corridor qui est déjà décidé d'avance, et, au moment où on arrive, six mois ou trois mois plus tôt, là, dans les cas où effectivement, là, il y a déjà eu de la vie commune avec l'enfant, puisque le tribunal a le pouvoir de restreindre les délais à trois mois, bien on saura déjà où est-ce qu'on s'en va, et je pense que ça, ce sera relativement facile à faire au niveau du projet de loi.

Les ententes de communication. Écoutez, on comprend, entre autres, des interventions de ce matin qu'il semble clair que c'est un contrat purement consensuel et qu'il ne saurait être imposé aux parties. Par contre, il est certain que, comme association, on a de graves craintes de chantage. Les Banques-mixtes, là, où les familles risquent de dire: Bien, on va signer, nous autres, le consentement, à condition que vous allez autoriser a, b, c: quatre contacts par année, trois lettres, copie des bulletins. Je vous donne des exemples, là, O.K.? Ne nous accrochons pas dans mes exemples, O.K.? Mais je pense qu'il y a une possibilité de chantage.

Ceci étant dit, puis on est conscients comme juristes qu'on a de la difficulté à faire un mur de béton qui serait complètement, je vous dirais... qui éviterait toute forme de chantage, de quelque nature que ce soit. Par contre, je sens que... on reconnaît que l'avant-projet de loi est clair, en ce sens qu'on ne peut pas, sur la base qu'il n'y a pas eu entente, vicier le consentement à l'adoption, et inversement, là, il y a quand même une frontière claire. Mais on est conscients que ça risque effectivement, dans la vraie vie, de se passer, et ça risque de ne pas être effectivement, je vous dirais, dans l'intérêt des enfants, dans ces cas-là.

Par ailleurs, on soulève aussi, comme d'autres... c'est-à-dire qu'on ne voit pas pourquoi l'enfant de 10 à 14 ans n'est pas partie prenante, étant donné que 549 le prévoit déjà. Un enfant de 10 à 14 ans doit consentir à son adoption. À partir de 14, la différence, c'est que le tribunal ne peut pas passer outre son refus, ce qui n'est pas le cas de 10 à 14 ans. On pense que les ententes de communication devraient effectivement être soumises aux mêmes barèmes que 549, parce qu'à ce moment-là il y aura un concordat au niveau du code, au niveau de la logique, aussi, en termes de comment on traite les enfants selon leur degré de maturité, parce qu'il y a une présomption, on présume que l'enfant de 10 à 14 et versus 14 et plus, vu les dispositions qu'on a.

On est également d'accord comme association à ce que la règle actuelle en matière de confidentialité soit inversée, c'est-à-dire en matière tant veto de contact que veto d'information, pour le futur. On fait partie des associations qui sont d'avis qu'on a passé un contrat social avec plusieurs générations de femmes qui, en échange effectivement des documents qu'on leur a fait signer... ils leur ont promis le secret, ils leur ont promis effectivement que personne ne devrait cogner. Et le fait que la règle ne soit pas rétroactive ne fait pas qu'il n'y aura pas des retrouvailles, parce que les retrouvailles sont encore possibles, et elles existent présentement. Ça fait juste que la règle d'inversion du fardeau de preuve est pour le futur et non pas pour le passé.

Comme juriste, on a aussi, je vous dirais, de gros problèmes sur la question que le droit de veto post mortem soit révisable, et je suis totalement d'accord avec Me Goubau, et on l'était comme association, et c'est ce qu'on avait d'ailleurs mis dans notre mémoire. L'évaluation de mes motifs post mortem... ne peuvent être que subjectifs, O.K.? Le juge qui aura à évaluer si mes motifs, effectivement, moi... qu'il n'y ait pas de contact ou il n'y ait pas d'échange d'information, il peut juste évaluer ça, selon lui, comment il voit la vie. Alors, c'est la nature de la bête. Je pense qu'on va tomber dans l'arbitraire, d'autant plus que personne ne va prendre fait et cause pour le de cujus, là. Ce n'est pas une mécanique, là. Le de cujus est mort depuis deux ans, on va avoir un requérant qui dit: Moi, je veux qu'on lève la confidentialité dont... je suis donc, je présume, l'adopté de cette personne, personne ne va aller prendre fait et cause pour le cujus. Donc, qui va aller défendre les motifs de cet individu-là? Personne. On a beaucoup de difficultés effectivement avec un droit qui, on le reconnaît... de son vivant, et tout à coup prendrait fin potentiellement deux ans après sur révision judiciaire. On ne voit pas pourquoi est-ce qu'on fait une différence. Et je dois vous dire qu'on entrevoit que, si tel devait être le cas, il y a des gens qui risquent de décéder, sur leur lit de mort, probablement en n'ayant pas, je vous dirais... Si vous avez déjà accompagné des mourants, le fait que, quand les gens meurent, ils ont mis leurs choses en ordre et ils savent que certaines choses n'arriveront pas leur donne un certain calme. Le fait que les gens puissent savoir que leur veto pourrait être révisé deux ans après, moi, je pense qu'il y a risque effectivement d'être soulevé. Et je ne vois pas quelle est la différence.

N'oubliez pas, puis je ne trancherai pas, moi non plus, le débat, à savoir la question du droit au secret, le droit à la vie personnelle, mais je vais juste vous donner un exemple. Nos dossiers médicaux demeurent confidentiels après notre décès. Ce n'est pas parce que je suis morte que mon conjoint peut aller fouiller dedans. Exemple. O.K.? Ce n'est pas parce que mon enfant de 19 ans est mort que je peux aller obtenir une copie de son dossier médical. O.K.? Je vous donne ça seulement à titre d'exemple. Mais je ne trancherai pas le débat de façon finale sur cette question-là, mais je vous dis qu'effectivement notre position, c'est que ça ne devrait pas effectivement être révisable.

Si, par ailleurs, on se félicite que le test pour pouvoir obtenir des informations médicales soit désormais moins élevé, O.K., c'est-à-dire qu'on n'ait plus à justifier le préjudice grave mais seulement le préjudice, on comprend mal pourquoi les proches n'ont pas pu bénéficier effectivement qu'on descende le test, c'est-à-dire le deuxième alinéa, on continue à parler de préjudice grave. Il me semble que, si on était pour le modifier, on aurait pu effectivement ouvrir la porte tant aux proches de l'adopté qu'à l'adopté lui-même, O.K.?

**(15 h 10)**

Par ailleurs, je vais vous dire, comme association, et en ce sens on est conformes aux commentaires qu'on avait déjà faits lors du dépôt de la Loi instituant l'union civile, à l'époque, on ne comprenait pas que l'article 542 faisait en sorte que, en matière de procréation assistée, les gens qui effectivement obtiennent des informations médicales et qui, dans ce cas-ci, parce qu'on n'a pas changé 542, doivent justifier le préjudice grave, O.K... Les informations médicales sont effectivement données aux autorités médicales. À l'époque, on ne comprenait pas puis on était contre, parce qu'on disait qu'effectivement ce droit-là devrait être de première main à l'individu même pour pouvoir lui permettre, entre autres, de les posséder, de les analyser, de faire des recherches et de les donner à ses descendants, comme l'ensemble d'entre nous. Or, bien, voyez-vous, la modification qui est prévue fait en sorte que désormais les adoptés perdraient un droit qu'ils ont présentement, c'est-à-dire qu'on leur donne ces informations-là de façon personnelle. On se comprend, les informations ne seront pas nominatives. Ça ne change rien, mais on ne comprend pas pourquoi ce seraient les autorités médicales.

Pour ce qui est de la question, je vous dirais, la grave... la grosse réforme, c'est-à-dire la proposition qu'on puisse désormais avoir une délégation complète, contractuelle, de l'autorité parentale de même qu'une délégation forcée, laquelle serait faite par déclaration du tribunal à la demande de toute tierce partie, je vais vous dire, comme association, on a cherché vainement la raison de l'inclusion d'une telle modification et on ne peut pas y donner notre aval, pour toutes sortes de raisons.

D'une part, la délégation partielle existe déjà et répond déjà, je vous dirais, aux difficultés, s'il en est, de tous les jours des familles recomposées. Tout le monde peut dire à son conjoint: Amène-le chez le dentiste, il n'y a pas de problème. C'est prévu au code, et on vous a donné la jurisprudence à cet effet. Il n'y a même pas de formalité prescrite, O.K.? Les urgences médicales, ce n'est pas une raison non plus, l'article 13 est clair. On a une urgence médicale, les autorités médicales peuvent faire tout ce qu'ils ont à faire sans même l'autorité des parents, O.K.? Parce qu'à ce moment-là, je vous dirais, le cas d'urgence est plus important que d'obtenir l'autorité des parents.

Et, par contre, ce qu'on voit parce qu'on est des praticiens, c'est qu'on voit dans la vie de tous les jours, nous, les difficultés en matière d'autorité parentale entre les deux parents. Je faisais des farces ce midi, je disais que j'étais pour dire qu'on était des... on n'est pas des théoriciens, nous, on est des avocats des tranchées. On est dans la vraie vie. Nous, on a les clients au téléphone, et on est devant les tribunaux, et on les calme. O.K.? On a deux parents. À partir du moment où on va donner une multiplicité de titulaires d'autorité parentale, nous vous garantissons qu'on va multiplier les litiges et que c'est l'enfant qui, en bout de course, va payer. C'est notre expérience qui nous le dit, parce que, même dans les cas où il y en a juste deux, avec tous les beaux efforts qu'on fait et toutes les belles discussions qu'on a entre procureurs, il y a des fois où on se ramasse quand même devant le tribunal, et c'est le tribunal qui doit trancher des choses... vous l'avez vu: un voyage scolaire, le choix de l'école, l'orthodontie, des affaires de base, là, des affaires qui, dans la vraie vie, on se dit, ne devraient pas être devant le tribunal.

Mais, à partir du moment où les nouveaux conjoints, qui par ailleurs... je vous dirais, un rôle proactif important, O.K.? ils sont des, je vous dirais... sans aucun doute important pour ce qui est de l'entourage, là, aimant de l'enfant... Mais, à partir du moment où ces gens-là pourront aussi avoir voix officielle au chapitre, on va multiplier les litiges, et ça, on ne pense pas que ça va être dans l'intérêt de l'enfant, surtout qu'entre-temps je vous dirais que les délégations partielles sont possibles. Et d'autant plus que, vous savez, à ce jour, les délégations permanentes et complètes...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Madame, c'est fort intéressant, je le savais d'ailleurs, j'avais pressenti ça, Mme Kirouack.

Mme Kirouack (Marie Christine): Quoi?

Mme Gervais (Danielle): Il avait pressenti que ce serait intéressant.

Mme Kirouack (Marie Christine): ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, je l'avais pressenti, sauf que là vous avez dépassé le temps de neuf minutes, et c'est mon erreur...

Mme Kirouack (Marie Christine): C'est beau, j'avais fini.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...j'étais absorbé. Non, non, mais je vais demander le consentement, si... Si vous voulez continuer, allez-y.

Mme Kirouack (Marie Christine): Non, bien, en fait, je viens de finir, M. le Président, il me restait deux mots...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Allez-y.

Mme Kirouack (Marie Christine): ...qui étaient comme: Merci et alors...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Kirouack (Marie Christine): Ça fait que c'était fini, c'était le dernier propos que je voulais aborder. Alors, voilà.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. De toute façon, vous aurez l'occasion d'échanger. Mme la ministre.

Mme Weil: Bon. Alors, vous êtes dans les tranchées puis vous avez des clients. Je vous remercie beaucoup pour votre présentation, puis je vois que vous avez beaucoup, beaucoup d'expérience du très concret. Évidemment, on a des discussions avec beaucoup de juristes. Il y a vraiment deux... il y a deux approches. Vous l'avez peut-être entendu. Et, juste, juste avant vous, la Commission des droits de la personne, qui va vraiment très loin dans le sens de reconnaître ce droit à l'identité, et d'autre part le Barreau, ce matin, avec d'autres... Parce que, du côté de la Commission des droits de la personne, il y en a d'autres aussi, la Chambre des notaires, etc., qui reconnaissent ce droit, et donc qui va éventuellement toucher la confidentialité postérieure, antérieure. Bon.

Je dirais qu'entre les deux il y a des gens qui disent: À tout le moins, faites comme les autres provinces canadiennes; ce n'est pas vrai que la société québécoise est différente des autres sociétés canadiennes, et toute cette question de pacte social, ce n'est pas différent ici qu'ailleurs, et les gens vivent très bien avec ça là-bas, et que... ils nous disent: Vous êtes trop conservateurs là-dessus, vous n'allez pas assez loin, et que... Je dirais, j'ai essayé de voir avec la Commission des droits de la personne: Est-ce que la limite, dans un sens, du droit... ou la frontière entre le droit à l'identité et le droit à la vie privée, c'est peut-être quelque part après le décès?

Et il y en a qui ont évoqué un peu cette notion qu'avec le décès finalement c'est toujours cette balance d'inconvénients. L'impact sur la personne qui recherche son identité, c'est bien plus important que l'impact que ça pourrait avoir sur quelqu'un qui est décédé -- c'est un peu comme ça que les gens analysaient un peu tout ça -- et qu'à un moment donné il faut trouver dans le temps une façon de concilier tout ça. Pour vous, si je comprends bien, vous, vous serez plus comme le Barreau, je pense, c'est-à-dire qu'il y avait une entente, et que cette entente doit être respectée. On ne peut pas présumer l'impact que de défaire cette entente pourrait avoir sur une personne.

Mme Kirouack (Marie Christine): Surtout, Mme la ministre, si je puis me permettre, vous n'aurez pas devant vous l'association des mères ayant donné leur enfant en adoption; elles ne veulent pas être connues, elles ne sont donc pas représentées devant cette commission. C'est une des difficultés, je vous dirais, de la représentativité adéquate de toutes les voix au chapitre. O.K.? On n'aura pas l'association des enfants adoptés ne voulant pas que ça se sache sur la place publique, non plus. Ces enfants-là ne veulent pas avoir une voix publique, donc n'auront pas d'association, ne viendront pas revendiquer pour leur groupe, parce que justement ils veulent l'anonymat. Et c'est peut-être un peu une difficulté.

Ce qu'on sait statistiquement, c'est que les enfants effectivement qui veulent connaître leurs origines ne sont pas la majorité, ne représentent pas la majorité des dossiers d'adoption, puis ça, vous pourrez le vérifier avec Me Lavallée demain ou... en tout cas, je sais qu'elle est là plus tard cette semaine, là, parce que je le tiens, entre autres, d'elle, là, de ses travaux. Donc, on sait que ça, ce n'est pas une majorité, d'une part.

D'autre part, et je reconnais sans aucun doute que, pour certains adoptés, ça peut être un problème, je vous dirais, criant, déchirant, O.K.? mais on ne peut pas non plus regarder juste d'un côté de la médaille et regarder juste du côté des adoptés et oublier, de l'autre côté, qu'il y a aussi une personne. Il y a deux parties à cette transaction-là, si tant est qu'on puisse l'appeler une transaction, je ne trouve pas que j'ai un très bon mot, mais enfin, à ce problème. O.K.? On a la personne qui a donné, ou les personnes qui ont donné en adoption, parce qu'on a de plus en plus des personnes qui donnent en adoption, contrairement à avant, et on a l'adopté. On ne peut pas juste regarder du côté de l'adopté, de façon unidirectionnelle, sur la base du droit à l'identité.

Et je reconnais effectivement que les pays poussent de plus en plus. Écoutez, on le sait, là, c'est à la suite de l'Argentine, et on comprend les sources historiques de l'Argentine. Je veux dire, le droit à l'identité est criant parce qu'ils ont eu les 20 ans de guerre sale, et ils sont en train, sur la base de génétique, là, d'être en train de remonter des crimes et des gens qui ont effectivement été élevés par des familles qui les avaient kidnappés. On peut comprendre les sources. O.K.? Mais on ne peut pas, je pense, regarder juste d'un côté de la clôture et juste du côté des adoptés et pas regarder du côté effectivement des personnes qui ont donné en adoption. Et le juste équilibre n'est pas nécessairement facile à trouver, j'en conviens tout à fait.

Mme Weil: Vous avez entamé la question des dossiers médicaux. Ce matin, la Protectrice du citoyen avait comme une solution mitoyenne, c'est d'avoir accès au moins à des informations importantes, surtout de nature génétique, par ailleurs, et que ça appartient à l'adopté de connaître cette information. Et la discussion qu'ils auraient eue chez eux, au sein de son bureau, c'est un peu que... bon, un enfant dans sa famille va toujours savoir les problèmes, sans connaître le dossier médical de sa mère ou de son père, va savoir quelles sont les maladies qu'ils ont ou s'ils sont décédés du cancer, par exemple, tandis qu'un enfant adopté ne le saura pas.

Donc, est-ce que vous seriez d'accord pour ouvrir dans ce sens-là, de connaître... ce n'est pas dans l'avant-projet, on n'avait pas fait cette distinction, mais de faire cette distinction entre certaines informations importantes et le dossier médical?

Mme Kirouack (Marie Christine): Je pense qu'on va être conformes à la position qu'on avait au moment du dépôt de la loi sur l'institution de l'union civile, c'est-à-dire qu'on n'a aucun problème avec ça. À partir du moment où ce n'est pas nominatif, je pense qu'effectivement il n'y a aucun problème. Et on va aussi être cohérents avec notre position. Et on s'entend, ce n'est pas les autorités médicales qui détiendraient ça, mais... c'est-à-dire, l'adopté, de premier chef, qui à ce moment-là peut effectivement chercher plus loin, il peut poser des questions, il peut aller voir son médecin et poser des questions, il peut le transmettre à ses enfants, à son conjoint. On n'a aucun problème par rapport... avec ça, là, aucun. On serait tout à fait favorables.

Mme Weil: O.K. Ça va pour l'instant.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Mme la députée de Joliette.

**(15 h 20)**

Mme Hivon: Oui. En fait, merci beaucoup, c'était rendu avec beaucoup de passion aussi, et je pense que vous avez très bien résumé votre mémoire fort étoffé. Donc, merci, c'est un outil de référence très intéressant pour nous.

Juste pour poursuivre sur la question de la confidentialité, bien c'est ça en fait, c'est un peu une chance pour nous parce que vous venez... vous avez un point de vue passablement différent de la Commission des droits, qui vient de présenter sa position. Et évidemment, eux, ils vous diraient... Vous dites: Il faut regarder des deux côtés, donc vous regardez beaucoup du côté de la mère biologique ou des parents biologiques et du pacte social. Et eux et, je pense, beaucoup de personnes adoptées nous disent: Il faut regarder des deux côtés, il faut regarder notre côté aussi. Et c'est un peu le cri du coeur qu'ils nous lancent, que le statu quo fait en sorte qu'on ne regarde pas de leur côté assez, parce qu'on dit: C'est bien tant pis pour vous, mais il y a eu un pacte social; c'est vrai que vous ne faisiez pas partie du pacte, mais, nous, on décide d'honorer ce pacte-là plutôt que d'honorer vos droits à la connaissance de vos origines. Donc, c'est un peu ça. Et je pense que ce qui doit nous habiter, nous, comme parlementaires, comme législateurs, c'est la recherche du meilleur équilibre, et on est tous conscients qu'il n'y aura jamais de solution parfaite, parfaitement neutre, et c'est toute l'idée, là, donc des veto, et tout ça.

Mais je comprends que la position de la Commission des droits de la personne ne vous ébranle pas du tout dans votre position et que, vous, vous regardez ça purement d'un point de vue juridique, et, vous, ce qui doit primer, c'est le pacte social, et, les droits des personnes adoptées, pour vous, ça vient en second, en fait?

Mme Gervais (Danielle): Pas uniquement...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme Gervais.

Mme Gervais (Danielle): Oui, si vous me permettez de répondre. On en a discuté beaucoup lors du conseil d'administration, entre autres, et on a vu, là, tout ce qui s'est passé depuis ce matin. Parfois, je vous dirais même: et qui sommes-nous pour décider de ça par la suite? Il pourrait même être parfois dans l'intérêt de l'enfant de ne pas nécessairement savoir qui était sa mère, par exemple.

Mme Hivon: Mais c'est son choix.

Mme Gervais (Danielle): C'est son choix, mais il ne sait pas pourquoi. Surtout si on va antérieurement, qui vous dit que sa mère, c'est peut-être la personne qu'il a toujours pensé qui était sa tante ou sa soeur, et cette personne-là, en tout état de cause, a décidé, elle, de ne pas le divulguer. Et là, nous, on va aller, après ça, décider ce qui serait dans le meilleur intérêt de l'enfant sans savoir ce qui se cache de l'autre côté? Parce qu'une fois qu'on aura un nom on aura peut-être beaucoup d'autres événements, et vraiment, de savoir ce qui est arrivé avec ça, en plus du fait que ça pourra affecter beaucoup d'autres personnes qui sont aussi peut-être des enfants, et ça, on ne peut pas le prévoir... Alors, pour aller avant et antérieurement, ce n'était pas possible. Et je vous dirais que, pour moi, quelqu'un qui n'est plus là et qui n'aura pas personne, même postérieurement, après sa mort ou après la loi qui passerait, ça n'aurait pas tellement de bon sens non plus, et c'est à ce consensus-là.

On comprend, c'est délicat. Oui, il y a un équilibre, mais, si vraiment les gens savent ce que c'est, un veto -- puis on leur a expliqué pour les prochaines adoptions -- qu'ils décident d'écrire ça, nous, on va décider par la suite que ce n'était pas suffisant comme motif? Et ça dépendra comment ce sera rédigé, qui l'aura écrit, comment eux se sont sentis. Si effectivement il peut toujours y avoir des retrouvailles après, je trouve ça difficile de décider ça, quand la personne n'aura pas été entendue et qu'il n'y aura personne qui pourra effectivement représenter le décédé, la personne décédée.

Mme Kirouack (Marie Christine): D'autant plus que l'inversion du fardeau de la preuve, qui n'est que pour l'avenir, ne change pas le fait que, pour le passé, les gens peuvent effectivement communiquer, là. Les adoptés peuvent communiquer avec les centres jeunesse, ça se fait présentement, puis dire: Moi, je voudrais retrouver ma mère; puis ils appellent. Effectivement, le centre jeunesse communique avec la mère, et la mère dit si effectivement elle veut communiquer ou pas avec. Ça ne change pas ce principe-là, ça ne remet pas ça en cause.

Mme Hivon: Non, ça, c'est pour le...

Mme Kirouack (Marie Christine): C'est deux mécaniques différentes, je vous l'accorde.

Mme Hivon: C'est ça. Ça, c'est pour les retrouvailles. Mais ce que les personnes adoptées nous disent beaucoup, c'est qu'eux souhaiteraient -- au-delà des retrouvailles, tout le monde accepte le veto de contact pour le passé, là; moi, c'est de ça que je vous parlais -- que: Est-ce qu'on peut voir un compromis possible en permettant l'inscription de veto pour le passé, veto de contact? On peut dire que toute personne qui a déjà dit non à des retrouvailles aurait dans les faits un veto de contact, donc il n'y aurait pas possibilité. Mais, eux, ils nous disent... C'est que, dans l'état actuel des choses, tout est axé sur les retrouvailles. Mais, eux, au-delà des retrouvailles, ils aimeraient avoir l'information, et, du fait qu'il n'y a pas de possibilité du tout pour le passé, c'est comme s'ils se disent: Nous, on est complètement, un peu, sacrifiés dans ce processus-là, et donc d'où la recherche d'une solution qui pourrait faire l'équilibre entre les droits et les réalités en présence. Mais je comprends que, vous, votre position est beaucoup sur le décès, même davantage que sur le passé, là. Donc, je pense que le message est clair.

Je vais vous amener sur la question de l'adoption sans rupture du lien de filiation. Je trouve que vous avez un message très intéressant quand vous faites ressortir tout ce à quoi il faut penser et à quoi on n'a peut-être pas pensé, et j'avoue que, nous aussi, plus on réfléchit, plus on entend des gens, plus on a des questions. Puis, la question des grands-parents -- puis on va entendre l'Association des grands-parents tout à l'heure -- aussi, elle est là, c'est que: Est-ce qu'on est en train de créer quelque chose que vous appelez, je ne sais pas, un animal?

Mme Kirouack (Marie Christine): Oui.

Mme Hivon: Oui, c'est ça, ce nouvel animal. Est-ce qu'en fait il va faire en sorte qu'en théorie il va y avoir comme quatre parents potentiels dans les faits...

Une voix: Ou plus.

Mme Hivon: ...avec deux qui ont l'autorité parentale mais avec toute...

Mme Kirouack (Marie Christine): Et huit grands-parents.

Mme Hivon: ...et peut-être huit grands-parents et... bon, tout ça. Effectivement, je pense que la question se pose. Moi, je veux savoir. Puis, si vous étiez là, vous avez vu, je pose souvent ces questions-là. C'est que c'est une espèce... un nouvel animal qui est proposé, beaucoup, dans le rapport Lavallée, en termes d'identité et de besoin identitaire beaucoup plus que d'effets juridiques. Et beaucoup viennent nous dire: Si le but, il est identitaire, la filiation n'étant pas quelque chose qui dans le quotidien affecte les enfants, est-ce qu'on ne peut pas trouver des moyens autres, comme pouvoir remettre un acte de naissance primitif, comme pouvoir choisir le nom devant le tribunal, ce qui est déjà possible, plutôt que de vraiment créer un mécanisme de filiation formel? Vous, est-ce que vous pensez que c'est bon qu'il y ait vraiment un... le nouvel animal soit là, si on est juste en termes identitaires, là? Mettons qu'on met de côté les effets successoraux potentiels, et tout ça, est-ce que vous pensez que c'est quand même une bonne chose de créer l'animal, ne serait-ce que pour la notion identitaire?

Mme Kirouack (Marie Christine): Bien, je pense que les conclusions du rapport étaient claires par rapport à ça, effectivement, de la nécessité effectivement de cet animal juridique là, là, au point de vue identitaire. Je pense que, par ailleurs, on ne peut pas non plus faire cavalier seul, le Québec. Si on regarde à travers le monde, il y a d'autres formes effectivement d'adoption que ce qu'on a connu à ce jour, et je pense qu'on ne peut pas effectivement, je vous dirais, cristalliser le Code civil ainsi puis dire: Bon, bien, ce qu'on a toujours connu va rester. Tu sais, là, la réforme de quatre-vingt, grosso modo, si on regarde en termes de réalités sociales, je pense que, non, effectivement... il doit y avoir de nouvelles choses.

Par contre, et c'est pour ça qu'on a soulevé beaucoup de questions... C'est-à-dire, oui, on est en faveur de, mais, dans sa rédaction actuelle, ce qu'on voyait, nous, c'était: Oh! mille questions, O.K.? parce qu'il n'était pas clair effectivement que cette filiation-là n'avait pas tout l'ensemble des effets de la filiation juridique normale et habituelle, et on ne voulait surtout pas, nous, qu'un enfant se ramasse justement avec, par exemple, huit grands-parents qui réclament des accès. Parce qu'effectivement, si vous avez deux parents, si vous faites le... O.K. Puis, s'ils sont séparés en plus, bien là vous avez autant de couples recomposés. Je veux dire, à un moment donné, effectivement c'est sur la clarté de cette question-là. O.K.? Mais est-ce que, pour certains individus, puis je pense que je m'en remets, par rapport à ça, effectivement aux recommandations du rapport...

Mme Hivon: O.K.

Mme Kirouack (Marie Christine): Comme association, là, ça, on y avait donné notre aval.

Mme Hivon: Puis, en termes d'effets, donc vous dites, là, que ce n'est pas clair. Mais admettons que vous créez vous-même l'animal, c'est votre association qui crée l'animal, quels effets juridiques... Est-ce que vous embarqueriez vraiment, à l'instar possiblement de certains qui sont venus ici, dans les droits successoraux, donc pour y donner vraiment une portée juridique importante ou, au contraire, comme beaucoup nous disent, il faut que ça reste très, très, très restreint, autant en cas de figure qu'en effets juridiques?

Mme Kirouack (Marie Christine): Je vais vous dire, notre position est à l'effet que plus on va reconnaître d'effets, que ce soit successoral, que ce soit, par exemple, en lien avec les grands-parents, que ce soit, par exemple, au niveau alimentaire, plus on va reconnaître d'effets, plus les parents qui ont donné en adoption, il va falloir qu'on leur reconnaisse des droits et un statut. On ne sera plus dans la reconnaissance symbolique de quelque chose, d'un lien qui a été, on va être dans plus que ça. Et notre objectif comme association, on reconnaît la nécessité de ce nouvel animal là, mais on ne reconnaît pas la nécessité qu'on se ramasse avec deux, deux groupes de parents à peu près égaux, où on va avoir comme des parents, je vous dirais, à temps plein puis des parents de droit d'accès de fin de semaine. Je mets ça gros, mais je pense que vous comprenez l'objet de notre propos, là, par rapport à ça, là.

Mme Gervais (Danielle): Et plus de conflits, beaucoup plus de conflits.

Mme Kirouack (Marie Christine): Et donc notre vision et notre compréhension de la nécessité de la création de cet animal-là étaient beaucoup plus au niveau d'une reconnaissance de ce qui a été, d'une importance de ce qui a été, ce qui implique qu'effectivement, juridiquement, ça aurait peu d'effets au sens où on l'entend normalement, en termes de filiation, là.

**(15 h 30)**

Mme Hivon: O.K. Et j'aimerais vous entendre sur l'adoption ouverte, donc avec entente de communication. Beaucoup soulèvent les risques du fait que ces ententes-là, maintenant, seraient formalisées, entérinées par le tribunal, les risques que ce soit... Et vous êtes, comme vous dites vous-même, dans un droit de trancher, donc les risques que ça judiciarise à outrance et que l'enfant se retrouve... outre le fait que ses parents adoptifs peuvent aussi se séparer, avoir des nouveaux conjoints, tout ça, ils vivent dans une famille normale comme toute autre famille, mais que, du fait qu'il y aurait une entente avec les parents biologiques pour certains, certains contacts, ou tout ça, que ça aussi, ça peut judiciariser les choses. C'est quoi, votre point de vue là-dessus? Est-ce que vous pensez qu'il faut aller vers la voie de la judiciarisation et que ce soit entériné par le tribunal ou est-ce que ces ententes-là devraient plutôt être consignées, par exemple, dans le dossier de la protection de la jeunesse, avoir une certaine reconnaissance mais pas nécessairement un statut juridique?

Mme Gervais (Danielle): Si vous permettez, on y a pensé évidemment, étant là depuis un bon moment, depuis le matin, mais on y avait pensé avant, à tout ça, en disant: Est-ce qu'on va plus loin? Qu'est-ce qu'on fait si on se fait poser ce genre de question là? Sans penser à nécessairement judiciarisation, chicane, je pense qu'il faut qu'un juge se penche sur ce qu'il adviendra de cet enfant-là. Parce qu'on parle de l'intérêt de l'enfant. L'intérêt de l'enfant doit... Il y a un juge qui doit regarder ça: Est-ce que ça a du bons sens? Ça n'a pas de bon sens? Il y a peut-être des questions. Tous les consentements qu'on dépose en cour ne sont pas toujours entérinés. Parfois, les juges ont des questions à poser, peuvent avoir même des questions à poser avec l'enfant: Es-tu à l'aise avec ça? Est-ce que ça va ou pas? Si vous ne mettez qu'un papier dans le dossier, ça donne quoi, si personne ne l'a regardé? Et qu'est-ce qu'il va arriver si on veut le modifier, le document, si personne ne l'a regardé avant?

Moi, je ne pense pas que ça va être plus compliqué. Il faut que ça, ce soit encadré, et notre position, ce serait que, oui, s'il y a une entente de communication, qu'elle soit limpide ou le plus claire possible, pas que ce soit quelque chose qui se fasse à côté, comme ça, mais que ce soit produit effectivement au dossier, qu'on sache ce à quoi les parties doivent se tenir. Parce que, si quelqu'un veut plus, si quelqu'un veut moins, on s'en va où, s'il y a juste le petit morceau de papier mais que ça n'a pas fait partie effectivement du jugement qui devra être rendu? Et ça, qui devra être rendu... pas à l'adoption... Je suis... Ça, vraiment, là, il faut le souligner. Parce que, nous, je vous dis, c'est une des choses qui nous a fait très peur quand on a regardé ça, et on s'est empressées de le souligner. Alors, oui...

Mme Kirouack (Marie Christine): Par ailleurs, il y a juste le tribunal qui peut servir de chien de garde du meilleur intérêt de l'enfant, pour ce qui est du contenu de l'entente. Et d'autre part, O.K., mettons qu'ultimement le choix, O.K., de vous comme parlementaires, c'était que le tribunal ne l'entérine pas puis qu'on le verse au dossier de la cour, admettons, option de travail: ça ne changera pas, qu'il y ait plus ou moins de débats par la suite. Si effectivement il y a des difficultés par la suite quant au contenu de l'entente, qu'elle ait été ab initio, au moment de l'ordonnance d'origine, déposée au dossier de la cour ou pas ne changera pas effectivement, s'il y a des difficultés quant à son application par la suite ou pas. Ça n'aura pas d'impact à savoir s'il y aura plus ou moins de litiges par la suite. Moi, je pense que c'est plus la nature des relations entre les parties et ce... le contenu de l'entente qui va faire en sorte qu'il y aura plus ou moins, effectivement... et la personnalité des gens.

Mme Hivon: Parce que les centres jeunesse pourraient nous dire que tout le processus, je veux dire, avant que ça aille de... C'est sûr qu'il y a l'ordonnance de placement, puis tout ça, mais ils suivent de très, très près le dossier, et c'est eux, de toute façon, qui vont décider si un enfant peut entrer dans la logique de la Banque-mixte, parce que les chances que sa famille ne puisse pas s'en occuper, tout ça... Donc, ces gens-là suivent quand même de très près... Donc, certains pourraient penser... je pense, la Protectrice du citoyen l'évoquait aussi, qu'ils peuvent être à même de juger de la pertinence, peut-être, d'une entente de communication dans l'intérêt de l'enfant sans que ce soit nécessairement judiciarisé. Ce n'est pas quelque chose qui a été beaucoup discuté, mais c'est parce qu'on réfléchit un peu tous ensemble là-dedans.

Mme Kirouack (Marie Christine): C'est sûr. Mais, dans le cadre des ordonnances qui sont rendues au niveau des placements, DPJ est là aussi, ès qualités, recommandations au tribunal, dans les dossiers qui ne sont pas sur consentements spéciaux, là, O.K.? Ça fait que... C'est parce qu'à ce moment-là leur demander d'être juge et partie du contenu, bien je pense qu'il y a juste le tribunal qui peut le faire de façon totalement, je vous dirais, neutre.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci, Mme la députée. Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Dans votre mémoire, vous parlez d'une situation où l'enfant, dans... lorsqu'il était enfant, l'adoption était sans rupture de lien de filiation, et qu'il pourrait choisir éventuellement l'adoption plénière, mais que, nous, on...

Mme Kirouack (Marie Christine): Oui, on a soulevé ça comme hypothèse.

Mme Weil: ...que ça pourrait... J'aurais une question. Évidemment, ce n'était pas du tout dans la vision de cet avant-projet, mais on... je suis bien consciente qu'il va falloir clarifier, bonifier, communiquer puis poser beaucoup de bonnes questions. L'idée, c'était de ne pas créer de confusion dans la vie de l'enfant et ni des parents adoptifs, que, premièrement, l'adoption plénière serait vraiment la norme et que l'autre forme d'adoption est plus exceptionnelle, pour répondre aux besoins de certains enfants qui connaissent leur identité et pour qui ce serait tout à fait incompréhensible qu'on efface son identité de l'ardoise de sa vie, impossible parce qu'il la connaît. Alors, c'est un peu ça. C'est un constat de ce fait-là, qu'on ne peut pas dire à l'enfant: Ton passé, tes origines, fais semblant que... fais abstraction de tout ça maintenant, on refait ta vie. C'est impossible à un... Il a un certain âge, il le comprend.

Donc, c'était: ce lien de filiation, quelle est la portée juridique? Donc, là, il y a eu quelques questions, puis je vous dirais que la proposition la plus sérieuse qui a été faite, ce serait d'avoir une portée juste peut-être au niveau testamentaire, parce que ça vient reconnaître ce lien de filiation. Puisqu'il y a la liberté de tester ici, au Québec, ce ne serait pas préjudiciable, finalement. Et que ce serait cohérent avec cette notion d'identité, mais pas... sans imposer de relation continue. Je pense que c'est ça beaucoup, la crainte que, moi, j'ai entendue dans la population. C'est que les parents adoptifs craignent que quelqu'un va imposer des relations continues, alors que non, et c'est ça qu'il va falloir clarifier. S'il y a eu une entente de communication, par ailleurs...

Mme Kirouack (Marie Christine): C'est autre chose.

Mme Weil: ...ça, c'est autre chose. Et finalement que la réalité, c'est que la situation de ces enfants, c'est souvent des parents qui sont inaptes à s'occuper des enfants, ils sont en Banque-mixte, les parents ne sont vraiment pas présents, ils ne seront pas présents. D'ailleurs, je... peut-être que, dans 99 % des cas, il n'y aura même pas d'entente de communication. C'est plus pour répondre au besoin de l'enfant de débloquer son désir d'être adopté, de dire: Oui, c'est correct, je suis prêt à être adopté.

Mme Kirouack (Marie Christine): C'est dans ce sens-là qu'on a... qui nous est venu aussi... puis on a poussé un peu plus loin. Étant donné qu'on est au... qu'on était au stade de l'avant-projet, on s'est promis... on s'est permis peut-être des questions qu'on ne se serait pas permises dans le cadre d'un projet de loi, où c'est quand même plus strict, là, O.K., dont notamment, effectivement: Qu'est-ce qu'on fait de l'enfant adopté de façon ouverte, qui est rendu adulte, majeur, comme un autre majeur, qui aurait le droit de demander, par exemple, que la personne qui l'a élevé l'adopte formellement? Est-ce que ce droit-là existerait pour l'enfant qui, par exemple... on aurait gardé effectivement une adoption ouverte parce que notre évaluation de cet enfant-là, à cet âge-là, était qu'il en avait besoin...

Mme Weil: Sans rupture. Vous, vous avez dit «sans rupture».

Mme Kirouack (Marie Christine): ...sans rupture au départ, O.K., sans rupture au départ, mais qui, une fois majeur, voudrait effectivement changer son statut en une adoption pleine et entière de la part de ses adoptants parce que son évaluation plus tard, jeune adulte par exemple, O.K., ou à 25 ans, c'est que: Bon, peut-être qu'ils ont fait ça à l'époque, là, mais, moi, ce n'est rien, ça ne représente rien. Il y a des adultes qui ont pris une décision, sans doute bien fondée pour moi à l'époque, mais, comme un autre adulte qui a le droit de demander que les gens qui se sont occupés de moi m'adoptent de façon pleine adulte, est-ce que ces gens-là vont aussi avoir le droit, par exemple, de réclamer la même chose? C'est cette question-là qu'on mettait sur la table, parce qu'effectivement on s'est comme rendu compte qu'à partir du moment où il y avait un autre statut et que des majeurs peuvent se faire adopter par les personnes qui ont tenu lieu effectivement de leurs parents, bien est-ce qu'effectivement ceux-là pourront aussi passer d'un statut à l'autre au moment adulte?

Mme Weil: Il faut quand même dire que les parents adoptifs, dans les deux cas, c'est les parents. C'est vraiment les parents...

Mme Kirouack (Marie Christine): Oui, oui. La question ne se pose pas, effectivement.

Mme Weil: ...avec pleine autorité parentale.

Mme Kirouack (Marie Christine): La question ne se pose pas. Mais, de la même façon que pour un enfant ou pour un individu ça pourrait être important qu'il n'y ait pas de rupture, de la même façon, pour un enfant rendu adulte, il pourrait être important qu'il y en ait une.

Une voix: Bien, en fait...

Mme Kirouack (Marie Christine): C'est parce que ça fonctionne dans les deux sens, là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui? Ça va? Oui, Mme la députée.

Mme Hivon: Oui. Juste en terminant, sur la question de la délégation de l'autorité parentale, je veux bien comprendre. Vous semblez dire en fait que ce qui est prévu dans l'avant-projet de loi, ce n'est pas vraiment une avancée, parce que, même, ça peut entraîner beaucoup de confusion et de complexité supplémentaire, parce que, dans le quotidien, avec les règles actuelles, on est déjà capable de vivre et de donner des responsabilités au nouveau conjoint. Mais, est-ce qu'il manque quelque chose, dans l'état actuel, en matière d'autorité parentale ou dans comment le partage de responsabilités peut se faire, que vous dites: Ce serait le temps de venir corriger, ou, selon vous, la pratique fait en sorte qu'il n'y a pas de problème, on est en train de s'attaquer à quelque chose sans raison?

Mme Kirouack (Marie Christine): Nous on a... Non, on ne voit pas vraiment de problèmes, effectivement, pratico-pratiques, parce que la délégation partielle est possible. La garde aux tierces parties, si c'est le meilleur intérêt de l'enfant, est possible aussi. Vignaux-Fines nous a réglé ça, là, depuis 25 ans.

Une voix: Il y a longtemps, oui.

**(15 h 40)**

Mme Kirouack (Marie Christine): Donc, je veux dire, ce n'est plus une nouveauté, ça non plus. Alors, on n'a pas besoin de penser et de créer un... D'abord, je vais vous dire, la délégation par voie judiciaire, ce serait comme créer une deuxième déchéance d'autorité parentale, mais sans l'ensemble, je vous dirais, des paramètres de protection qui existent actuellement. On trouve ça très dangereux. Ça donne... de type... Écoutez, ma soeur n'aime pas la façon dont j'élève mes enfants, ça fait qu'elle m'amène devant le tribunal pour que... obtenir mon autorité parentale? C'est ça que ça veut dire, là, pratico-pratique. Et là il va falloir que, moi, je me défende contre ma soeur parce qu'elle n'aime pas la... Par exemple, je suis gaie, hein, ça fait qu'elle n'aime pas ma blonde, elle n'aime pas le fait que j'élève des enfants avec une blonde. Ça peut être un des exemples qu'on peut voir, pratico-pratique.

Une voix: Et d'autres.

Mme Kirouack (Marie Christine): O.K. Mais d'autres... une multitude... Et effectivement on trouve que le Code civil répond déjà... permet déjà une... Effectivement, il n'y a aucun problème à ce que je dis.

Mme Hivon: ...pas de noeud dans la pratique, dans la jurisprudence.

Mme Kirouack (Marie Christine): Non, du tout, non.

Mme Gervais (Danielle): Alors, on a regardé et on... vraiment, on s'est dit: O.K., il y a quelque chose qu'on ne voit pas, il y a quelque chose qu'on ne sait pas. Nous n'avons pas compris. Il doit y avoir un problème, mais...

Mme Kirouack (Marie Christine): ...est-ce que, dans la vraie vie, il y a des gens qui sont bêtes et méchants? Oui, mais de la même façon qu'on a des parents qui se font dire... on des papas qui, quand ils vont à l'école puis ils disent: Je voudrais voir le bulletin, l'école lui dit: Vous n'avez pas le droit, monsieur, parce que vous n'avez pas la garde, ce qui juridiquement est totalement faux, on s'entend.

Mme Gervais (Danielle): On écrit des lettres.

Mme Kirouack (Marie Christine): Mais on leur écrit des petites lettres puis là on fait de l'éducation, de la vulgarisation juridique. Bon, est-ce qu'effectivement il peut y avoir des couples reconstitués qui vivent des difficultés, parce que, dans la vraie vie, il y a des gens qui ne savent pas comment ça marche? Ça se peut. Mais ce n'est pas une raison pour modifier le Code civil pour autant, comprenez-vous?

Mme Gervais (Danielle): Mais, plus que ça, le pauvre enfant, le pauvre enfant qui va avoir peut-être pas juste deux, mais quatre qui vont peut-être pouvoir décider quelque chose, moi, je pense que ce serait vraiment affreux. Alors, les choses vont plutôt bien de ce côté-là. Il y a assez déjà... suffisamment de difficultés à régler pour ajouter autre chose. Je ne pense pas qu'il ne manque rien présentement, et ce, pour l'enfant.

Mme Hivon: Merci, parce que ce n'est pas une... Il y a tellement d'enjeux dans l'avant-projet de loi que le focus n'a pas été mis beaucoup sur l'autorité parentale. Puis, vous, vous êtes les mieux placées parce que vous êtes dans la pratique quotidienne des choses, donc... Bien, merci beaucoup. Moi, ça complète.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Donc, Mme Kirouack, Mme Gervais, merci infiniment de vous être présentées devant nous, à la commission. Je vous souhaite un bon retour chez vous.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Je vais suspendre quelques instants, le temps que M. Claes prenne place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 15 h 42)

 

(Reprise à 15 h 43)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Nous allons reprendre nos travaux. Donc, j'ai avec moi la Fondation Gilbert Claes. M. Claes, j'ai torturé votre nom ce matin. Toutes mes excuses. Alors...

M. Claes (Gilbert): J'ai suivi.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Vous avez suivi? Alors, malheureusement, vous avez témoin de ça. Bon, soyez-en sûr, je m'en excuse. Donc, on a corrigé un petit peu le tir. Et, Mme Durocher, vous êtes la bienvenue à la commission. Pour me faire pardonner, je vais vous dire toute la joie que j'ai de vous recevoir ici et de vous... d'anticiper votre mémoire, parce que vous savez que c'est important pour nous, pour l'ensemble des gens de la commission, votre expertise. Et le fait d'avoir préparé un mémoire, c'est d'autant plus important pour nous parce que vous avez... L'intérêt qu'on va y porter, vous allez voir, va aussi concilier avec les propos que j'ai actuellement. Je veux vous remercier donc d'être ici avec nous.

Je vous rappelle les... rapidement quelles sont les règles, qui sont fort simples. Vous avez 10 minutes pour la présentation de votre mémoire, et puis ensuite vous avez un échange, à peu près 25 minutes de part et d'autre, là, pour clarifier un peu, s'il y a certains points litigieux ou plus obscurs dans votre présentation. Donc, sur ce, je vous souhaite la bienvenue et je vous cède la parole pour les 10 prochaines minutes.

Fondation Gilbert Claes

M. Claes (Gilbert): Merci, M. le Président. Je veux faire une petite anecdote concernant la prononciation de mon nom. Ça fait plus d'un demi-siècle que je suis ici. Ça m'a pris 30 ans à accepter, dans l'environnement québécois, de me faire massacrer mon nom. Toutefois, ce qui est intéressant, mes enfants, qui sont des enfants, donc, nés ici, ils ont eu la fierté de porter ce nom, ce qui est intéressant. Moi, j'ai été complexé, tandis qu'eux, ils sont fiers. Et ils sont curieux aussi à retracer leurs origines. Des Claes, il n'y en a pas beaucoup. Il doit peut-être y avoir aujourd'hui 20, 25 Claes dans toute la province de Québec.

Alors, écoutez, bon, je vous remercie de me donner l'occasion de présenter le mémoire. Mme Durocher va faire la présentation, moi, je finirai avec la conclusion.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Allez-y, Mme Durocher.

Mme Durocher (Colette): Alors, bonjour. Alors, on est une fondation qui est très jeune. Elle a seulement deux ans. Par contre, notre expérience par rapport à la famille... comprenant mon âge, j'ai quand même 30 ans d'expérience familiale. Et aussi, on a eu, dans les 10 dernières années aussi, une approche au niveau des familles qui se séparaient, dont les pères surtout. Alors, c'est dans ce créneau-là que la fondation a été fondée, surtout pour... à cause de la rareté des recherches sur l'évolution de la paternité dans un contexte social et familial. Alors, nous, on veut informer, divulguer et soutenir des recherches sur la famille et promouvoir encore la famille traditionnelle.

Nous voulons faire des activités de recherche sur la relation hommes-femmes dans un contexte familial, voir l'avancement des connaissances et l'éducation en matière de parentalité, notamment le rôle de la mère versus le rôle du père, avec tout le contexte social d'aujourd'hui. Ce rôle se traduit souvent dans l'autorité parentale et tout ce qui est le contexte de l'autorité parentale. Nous sommes préoccupés aussi de cette portée parentale là sur l'identification de l'enfant. Alors, c'est pour ça que nous nous présentons devant vous aujourd'hui, parce que la commission a interpellé trois de nos préoccupations. La première, c'est tout le concept famille, la deuxième, l'autorité parentale, et la troisième, le droit de l'enfant.

Le concept familial. Alors, on sait que, depuis 50... depuis les dernières années... 50 dernières années, la composition de la famille traditionnelle s'est graduellement transformée, c'est sûr. Aujourd'hui, nous nous retrouvons avec des familles de différentes définitions: familles nucléaires, recomposées, monoparentales, homoparentales, etc.

La modernité a transformé les liens sociaux unissant les membres de la famille en une recherche de liberté de droit, tournée vers le moi souvent, le besoin de consommation et d'influence aux biens artificiels où l'égoïsme devient un besoin personnel à combler. On se demande des fois si le fait d'avoir un enfant n'est pas de combler un besoin personnel sans vraiment s'attarder sur le besoin futur de l'enfant.

Permettez-moi de citer à ce sujet M. Jean-Marie Colombani dans son rapport sur l'adoption: «La cour estime que l'importance à privilégier les intérêts de l'enfant par rapport à ceux de parents est accrue dans le cas d'une relation fondée sur l'adoption, car, ainsi qu'elle l'a déjà affirmé dans sa jurisprudence, l'adoption consiste "à donner une famille à un enfant et non un enfant à une famille".»

Jean Zermatten, un juriste suisse qui siège actuellement comme vice-président du Comité des droits de l'enfant à l'ONU, rappelle pour sa part ceci: «On peut dire que l'avènement de l'individualisme a libéré tous les membres de la famille de l'autorité parentale du père et a amené des échanges horizontaux et non plus verticaux dans le cadre de la famille. Celle-ci n'est donc plus qu'un élément du puzzle [de l']État et pas forcément l'élément principal.»

Plusieurs cas mentionnés dans notre mémoire font état de cette mouvance sociale. Pour définir sa propre identité, l'enfant devra naviguer dans un contexte familial particulier. La notion de famille tout comme celui du mot «parent» sont aujourd'hui très élargis, ce qui nous fait dire que dorénavant il faudra établir dans les textes de loi les termes «père et mère biologique».

Une famille construite par l'homme et la femme est aujourd'hui une simple relation entre deux personnes. La définition de parentalité se retrouve tout aussi modifiée. L'apparition régulière d'un nouveau conjoint dans la famille peut remplacer celui du parent absent, une situation particulière que, nous, on a vue ces 10 dernières années, si vous voulez, même plus, qui est souvent vécue par le père qui n'est pas le parent gardien, si vous voulez.

Le concept «famille élargie» sera sans doute le même pour le contexte d'adoption, une situation qu'on retrouve régulièrement dans les familles d'accueil. Si l'adoption plus rapide de ces enfants vers une famille stable risque d'améliorer son bien-être, il n'en demeure pas moins que les ruptures d'union sont aujourd'hui monnaie courante. L'État devra-t-il imposer aux couples une forme de stabilité relationnelle, et ce, pour le meilleur intérêt de l'enfant? L'État, pour le meilleur intérêt de l'enfant, pourra-t-il exiger une évaluation des qualités parentales à tous les couples désirant un enfant? Le faire pour une partie de la population et ne pas le faire pour l'autre sera-t-il une forme de discrimination?

**(15 h 50)**

La famille biologique ne semble pas avoir d'ambiguïté. On sait que ça prend un spermatozoïde et un ovule pour faire un enfant. Alors, c'est très basique. Cependant, comme mentionné dans le rapport de la Commission de l'éthique de la science et de technologie de... l'éthique et procréation assistée, la famille nucléaire, homme, femme, bien qu'il soit le modèle dominant, n'est plus le seul modèle socialement accepté.

La procréation assistée ouvre des horizons sur différentes situations, comme les femmes seules, les couples homosexuels souhaitant avoir un enfant sans avoir recours à l'adoption. Mais, pour la famille adoptive, qu'en est-elle? Allons-nous provoquer ces différentes avenues: personnes de sexe différent, personnes de même sexe, personnes seules? Mme la ministre, tantôt, elle l'a quand même mentionné, par rapport aux parents homosexuels, entre autres, là. On l'a quand même soulevé.

Comment nous assurer que, lors de la construction identitaire de l'enfant ou, si vous voulez, lors de l'établissement de sa filiation, nous ne provoquerons pas certaines ambiguïtés? Qui est qui? C'est-à-dire, qui sont mes parents? Ou c'est-u mes parents adoptifs, mes parents biologiques, etc.? Et on a, dans la procréation assistée, tout l'aspect confidentialité, qu'on a soulevé tantôt aussi: parent, adopté, celui qui a donné l'adoption; toute cette partie confidentielle a une mainmise.

Ce qui m'amène à parler aussi de l'autorité parentale. Pour l'avoir nous-mêmes vécu, lorsqu'on fonctionne dans une saine communication entre deux personnes, qu'il y a absence... où on peut quand même avoir des discussions sur quand on a des litiges, on n'a pas besoin de... d'avoir recours à un système judiciaire. Dans des situations litigieuses, les conflits seront construits sur des luttes de pouvoir alimentées souvent par la vengeance. Il va y avoir des émotions en cause, la violence des sentiments aussi, sans oublier aussi l'aliénation parentale. Dans ces cas, est-il sain d'ouvrir les portes aux guerres judiciaires? S'il le faut, est-ce qu'on peut avoir des options de règlement telles que la médiation familiale aussi? Lorsque devant le juge... lorsque devant juge, aura-t-il en main les preuves de tentative de règlement? Le rapport de force entre l'un et l'autre sera-t-il présent? Et l'État aura-t-il à fournir des outils pour éviter les quérulences?

La question de l'autorité parentale soulève beaucoup d'interrogations. Les modifications proposées contiennent invariablement: «Le tribunal peut, dans l'intérêt de l'adopté, passer outre...» Le législateur doit offrir d'autres avenues. La Chambre des notaires nous a sensibilisés sur une approche plus neutre et moins conflictuelle. Son rôle devra s'élargir tout en s'éloignant du processus judiciaire. Un tribunal de la famille y trouvera plus d'adeptes.

L'intérêt de l'enfant est l'axe de toutes les décisions concernant l'enfant mineur. De nombreux écrits sur la définition du même intérêt ou de l'intérêt supérieur de l'enfant soulignent la complexité de cerner une définition claire et sans équivoque. L'intérêt supérieur prime-t-il l'intérêt du bien-être de la famille, lieu de croissance de l'enfant, ou son meilleur intérêt prime sur l'État d'assumer la stabilité des familles?

Ceci nous amène à la dernière tentative législative d'inscrire dans la Loi du divorce les paramètres dictant le juge sur les critères du meilleur intérêt, ce qui se pratique d'ailleurs depuis des années implicitement. Malgré cela, le pouvoir discrétionnaire des juges sont souvent incontestables, laissant sur le carré deux perdants et, des fois, à la longue, une troisième personne qui est l'enfant. Le projet de modification du Code civil offre au législateur une occasion d'inclure la définition du meilleur intérêt de l'enfant. Ce n'est pas à nous qui va... ce n'est pas nous qui va amener cette définition, comme tel, là, parce que c'est assez complexe, comme on a pu voir.

Un enfant est un être dont nous avons tous l'obligation de protéger ainsi que de l'éduquer à la vie adulte, tout en lui garantissant des droits qu'il ne peut faire valoir qu'à sa majorité. Un des droits de l'enfant est de... à mon avis... à notre avis, est d'avoir accès à sa lignée familiale, qui fait partie de son identité. Et, nous, on rajoute son code génétique, tout l'aspect santé, qu'on a vu tantôt, qu'on a entendu parler.

Comme l'État est le seul ayant tous les pouvoirs et les mécanismes autant techniques que législatifs, il est donc de son obligation de conserver le bagage génétique de chaque nouveau-né. La seule preuve scientifique actuelle de garantir l'identité de chaque individu est le test d'ADN. Nous proposons qu'on aille plus loin en obligeant, au moment de la naissance, de valider scientifiquement la lignée biologique de cet enfant avec ses parents géniteurs. Leurs signatures de l'acte de naissance devront être obligatoires.

Nous avons présentement une excellente occasion de moderniser l'acte de naissance. Les recherches sur le génome, les maladies héréditaires, font des pas de géant. Nous sommes conscients qu'il est impossible de modifier le Code civil et l'acte de naissance sans consultation au préalable. Le groupe sera composé d'experts issus du monde médical, de recherche scientifique, droits de la personne, représentants de la famille, etc. Alors, c'est quand même assez complexe, quand on commence à toucher le code génétique et toute l'éthique qui tourne autour de ça. Alors...

M. Claes (Gilbert): En conclusion, écoutez, quand on a fait la recherche... On n'est pas des experts en adoption et on est partis avec... enfin je suis parti quand même avec une approche. Je suis un inconnu et j'ai pris, bon, un mois, un mois et demi à faire la lecture... tout ce qui touche sur l'adoption et qui tourne alentour, les aspects légaux et émotifs. Alors, je me suis dit: Il va falloir peut-être aller au-devant, puisqu'on a une occasion d'ouvrir le Code civil. Et, dans les propositions... les recommandations que je fais, je dis, écoutez:

L'État devrait, parce qu'il est titulaire aussi du bien... du meilleur intérêt de l'enfant, l'État devra garantir à tout enfant le droit de connaître sa lignée biologique. Et je pense qu'il y a un consensus ici, depuis que je suis le débat;

Ouvrir davantage l'accès à l'origine des enfants adoptés. Donc, on voit, la question du veto, on pourra... je pourrais vous répondre là-dessus;

Développer des banques de données sur l'historique génétique des nouveau-nés. Actuellement, il y a un test pilote qui va, à travers le Canada, sur 20 000 personnes, d'une façon très libre et éclairée, donner leur consentement pour faire une étude sur l'analyse biologique et par le test d'ADN;

Préserver ce qui est transmis dans les gènes et la lignée biologique, garder une porte ouverte pour la science et retracer les déformations génétiques. Garantir aux enfants, une fois adultes, des mécanismes de guérison par l'accès, naturellement, à la banque de données et éviter la transmission de gènes porteurs de maladies -- ce que, moi, j'appelle le bagage héréditaire ou le bagage génétique de l'enfant.

L'autre aspect que je pense qui n'a pas été mentionné, ce serait de modifier l'acte de naissance par l'inscription «père et mère biologiques».

Il faudrait faire un ajout ou un complément à l'acte de naissance, où on pourrait inclure, à ce moment-là: «parent éducateur, adoptif, tuteur, adoptant», bon, un ajout variable; et

Confirmer le lien biologique. Je crois que la seule façon de prouver hors de tout doute l'identité par une personne demeure encore le test d'ADN. Et je regarde ce qui se passe actuellement en Haïti. Comment va-t-on prouver hors de tout doute des personnes qui sont vraiment non identifiables? Ca sera par le test d'ADN. Donc, il faudra confirmer le lien biologique aussi du père et de la mère par un test d'ADN au moment que l'enfant vient au monde. Je ne dis pas retourner en arrière, mais, à un moment donné, commencer à l'an zéro, on fait le test d'ADN pour tout enfant qui vient au monde.

Et on demande la signature du père et de la mère biologique -- je sais qu'il va y avoir des problématiques là-dessus -- et inclure dans chaque naissance cette signature-là du père et mère déclarés comme parents biologiques. Je vous remercie.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, M. Claes. Merci, Mme Durocher. Mme la ministre.

Mme Weil: Donc, par rapport à votre notion que tout le monde devrait connaître sa lignée biologique, pour vous, connaître ses antécédents, connaître son histoire, son identité, il n'y a aucun problème là, vous, vous serez pour vraiment ouvrir les dossiers pour un enfant adopté, c'est-à-dire qu'il y ait une entente de... c'est-à-dire que toute la question... Je ne sais pas si vous avez suivi le débat sur les adoptions antérieures, postérieures, la confidentialité, le droit à la vie privée? Vous, comment vous traitez tout ça, par rapport à ce droit de connaître ses...

**(16 heures)**

M. Claes (Gilbert): Écoutez, c'est difficile de faire un équilibre entre la confidentialité et le respect, naturellement, des ententes qui ont été signées à ce niveau-là. Je me suis positionné dans un cadre précis. Je suis un enfant. Comment mes droits seront protégés, le temps et la durée que je suis un enfant? Je n'ai pas accès... je n'ai pas la maturité... Même à 14 ans, des fois, je me doute si on a une maturité. On est à l'aube de l'expérience de la vie, on est en construction identitaire. Est-ce que je peux, à ce moment-là, être assez éclairé pour... valoir mon droit à l'information?

Alors, je me suis posé... positionné. Je dis: Écoutez, ce droit-là, il doit être garanti quelque part, il doit être enchâssé, inscrit et bien déterminé, pour que l'enfant ait la libre... Écoutez, il faut qu'il soit libre, une fois... en tant qu'adulte, d'avoir accès à l'information sans aucune contrainte. Cette information-là, il doit être libre... Il pourra le prendre, oui ou non, à 40 ans, 50 ans, 60 ans. Moi, j'ai 64 ans puis, depuis deux ans, je suis intéressé à savoir qu'est-ce que c'est, ma lignée biologique, et, mon Dieu! ce n'est pas évident. Alors, je pense qu'un enfant, lorsqu'il devient adulte, va évoluer et va vouloir prendre conscience c'est quoi, ses origines. Et là je me retourne et je dis: Qu'est-ce que l'État avait comme obligation versus moi, enfant, quand j'étais mineur? Et c'est là, je me dis, là, l'État...

Et d'ailleurs la convention -- on pourra faire le tour des conventions internationales -- est très claire là-dessus: il faut garantir de l'information et les liens entre l'enfant et les parents, les parents biologiques. Je n'enlève pas la question de parents éducateurs, parents adoptants, ça, ça fait partie de sa vie. Mais je veux que, hors de tout doute, il peut accéder à son bagage, bagage biologique, donc sa lignée, et naturellement son bagage génétique qui comprend naturellement tout l'aspect santé, héréditaire.

Mme Weil: Tout en préservant la confidentialité, c'est-à-dire, ce ne serait pas nominatif?

M. Claes (Gilbert): Bien, écoutez, la confidentialité, c'est un volet qu'on me dit: Écoutez, on amène deux pôles, lequel va primer sur l'autre?

Mme Weil: On a aussi le droit, hein?

M. Claes (Gilbert): On a eu des débats là-dessus, oui.

Mme Weil: C'est la limite, un peu, de la science, il y a le droit, la science et la psychologie, puis on est vraiment dans tout ça. Il y a deux... il y a un autre organisme, l'Institut généalogique, qui allait beaucoup dans le sens de connaître ses antécédents, mais on a de la jurisprudence qui dit: Il y a une limite à ça. Et l'Ontario a dû gérer cette limite et apporter un projet de loi parce qu'il y a cette notion de vie privée dans un contexte d'adoption et que, le droit de l'enfant, il faut le prendre aussi par l'optique de l'intérêt de l'enfant. Et l'intérêt de l'enfant, traditionnellement, dans un contexte d'adoption, c'était d'avoir cette nouvelle identité dans un contexte de famille adoptive. Donc, même de regarder droits de l'enfant, intérêt de l'enfant, c'est là que tout est le débat: Jusqu'où il faut aller?

Donc, nous, on amène évidemment un avant-projet de loi pour ouvrir, pour au moins constater des nouvelles façons de vivre et de faire, une société qui est plus ouverte, donc qui regarde les contextes d'adoption d'une autre façon, c'est-à-dire vraiment, dans l'intérêt de l'enfant, de reconnaître une certaine réalité. Ce n'est pas une approche biologique, scientifique de connaître ses antécédents, parce que la logique de l'adoption, elle est plus loin, dans un sens. Bien, puis loin... Oui, pour connaître ses antécédents médicaux, parce que ça, c'est important, mais pas dans le sens nécessairement parce que c'est un droit qu'il doit absolument connaître son héritage. On a eu beaucoup de discussions là-dessus, mais, pour vous, si je comprends, vous iriez dans le sens d'ouvrir beaucoup, sans vous prononcer nécessairement sur le droit. Vous seriez plus dans le groupe qui voudrait voir plus d'ouverture pour l'enfant, ou l'adopté, parce que ça peut être un adulte, de connaître ses parents biologiques, par exemple, d'avoir l'information?

M. Claes (Gilbert): Oui. Ce que j'essaie d'axer ma pensée, c'est que l'État est gardien, d'une certaine façon, de ses citoyens. L'État est gardien du meilleur intérêt de l'enfant. En tant que meilleur intérêt de l'enfant, il devrait avoir cette obligation-là de conserver de l'information sur tout enfant qui vient au monde, que ce soit un enfant naturel ou un enfant en adoption, ou maintenant on va avoir le problème de la procréation assistée, les mères porteuses, etc. Il se voit justement des problèmes qui s'en viennent. D'un autre côté, la science actuelle, sur le génome, fait des pas extraordinaires. À chaque jour, je reçois l'information là-dessus, c'est phénoménal, tout ce qu'on trouve. Et ça va se développer naturellement, avec une recherche médicamentée, plus personnalisée en fonction des groupes sanguins, en fonction... etc. Alors là, je me dis: Écoutez, on sort du cadre de l'adoption, on ouvre un projet d'ouverture... accès aux origines, on ouvre le Code civil. Ce n'est pas souvent qu'on ouvre... on a l'occasion d'ouvrir le Code civil. Pourquoi ne pas aller plus loin et dire: Écoutez, on propose que l'État soit gardien? La gestion, la mécanique, ça, ce sera des sujets à discussion. Il est gardien, en fin de compte, d'une identité hors de tout doute de tout enfant et tout le bagage qui contient cette information-là.

La question de l'accès et de, bon, la confidentialité, moi, dans ma tête, je vois surtout l'enfant une fois adulte et indépendant, mature, lorsqu'il est capable de prendre une décision pour rejoindre ou pour atteindre l'information sur son dossier génétique ou biologique. Je pense qu'un enfant de 18 ans s'en fout comme l'an quarante que son troisième arrière-grand-père était marié avec Gertrude Marie Tremblay, je ne pense pas... C'est quelque chose qui est évolutif. Mais il doit être toujours présent, dans une boîte quelque part.

D'un autre côté, pour la période qu'il est en charge... ou qu'il est sous la charge ou la responsabilité de parents, adoptants, ou réguliers, ou normaux, n'importe quoi, les parents ont l'autorité et en même temps la responsabilité. Quand on parle de responsabilité, il y a aussi le meilleur intérêt de ses enfants. Si... Pour une raison quelconque de santé, question d'hérédité, etc., le parent, il a la charge aussi et l'obligation de faire des recherches pour le meilleur intérêt des enfants dont il a la responsabilité.

Moi, je me tourne encore une fois vis-à-vis l'État. L'État doit avoir quelque part une information qui pourra aider le parent qui a la responsabilité à améliorer le meilleur intérêt de l'enfant. Parallèlement aussi, lorsque l'enfant devient majeur, si, pour une raison quelconque, il veut retracer, je ne sais pas, moi, une maladie quelconque, ou une tare, ou un défaut physique, ou n'importe quoi, qu'il dit: Je veux aller plus loin, il faut qu'il y ait une banque de données qui soit accessible.

L'autre volet que j'ai remarqué que c'est intéressant: Est-ce qu'on ne crée pas deux types d'enfants dans une société où on prône l'égalité? Les enfants normaux, là, qui sont mariés, donc... en fait qui sont issus d'un mariage normal, et l'autre, toute classe des enfants, ceux qui sont adoptés, ceux des bébés-éprouvette, puis etc. On fait deux classes des enfants. Est-ce qu'on va faire, pour un groupe d'enfants qui n'ont pas les mêmes avantages que l'autre groupe d'enfants... Là, c'est une question que je me pose. La société québécoise est très axée sur les droits sans discrimination, là, vous êtes... vous êtes ministre de la Justice, je n'ai pas vu qu'on a posé cette question-là, le respect de l'égalité. Est-ce que... Est-ce qu'un enfant adopté a les mêmes droits qu'un enfant non adopté?

Mme Weil: La vision, la philosophie, depuis toujours, c'est de... Ce qui est dans le meilleur intérêt de l'enfant, dans un premier temps, c'est qu'il ait un milieu stable. Donc, c'est beaucoup plus axé sur les relations harmonieuses des parents qui vont s'occuper de lui, moins préoccupés par un bagage génétique, biologique, parce qu'éventuellement ça pourrait avoir une conséquence, une pertinence, parce qu'il a un problème quelconque de santé, mais que la santé psychologique, émotive, c'est vraiment... L'État s'est concentré beaucoup sur ça, parce qu'un enfant de deux, trois, quatre, cinq ans, c'est ça qu'il a besoin pour être un adulte épanoui, qui va être capable de contribuer à la société.

Donc, c'est beaucoup plus par l'angle, je vous dirais, de la psychologie, stabilité, d'où, évidemment, tous ces enfants sont égaux. Qu'ils soient adoptés ou non, c'est de s'assurer donc que, même dans un contexte où l'enfant n'est pas adopté, tous les services sociaux... On a le ministère de la Santé et des Services sociaux qui nous accompagne dans tous ces travaux, le directeur de protection de la jeunesse, les centres jeunesse, c'est la préoccupation quotidienne de ces gens-là de s'assurer que les enfants aient un milieu de vie sain. Et, quand il y a un problème, évidemment ça peut aller jusqu'à l'adoption, si les parents sont déchus de l'autorité parentale.

Donc ça, c'est la logique de ça, et, nous, on s'inscrit donc dans cette logique-là. Ce n'est pas dans une logique biologique, c'est-à-dire qu'on ne prend pas... Jusqu'à date, vous êtes vraiment, peut-être, le premier groupe qui met vraiment beaucoup l'accent là-dessus. À un moment donné, oui, pour des raisons médicales, c'est important de connaître, et donc, si l'enfant a besoin de connaître ses antécédents, évidemment c'est pour sa santé, et c'est important. Donc, juste pour vous dire: C'est l'optique dans lequel on est lorsqu'on regarde ces modes et ces nouvelles formes d'adoption.

Alors, je vais vous poser une question; vous ne vous êtes pas penchés là-dessus, je ne sais pas si vous avez une opinion là-dessus. On propose une nouvelle forme, qui est l'adoption sans rupture de filiation, mais ça vient toucher des notions d'identité. Mais, vous, d'après ce que je lis, votre approche à l'identité, elle est plus biologique qu'émotive, psychologique, alors que ceux qui sont... les débats qu'on a eus jusqu'à date sont beaucoup plus à... dans une autre zone que vous. Alors, je ne sais pas si vous avez une opinion sur cette notion, cette nouvelle forme de... d'adoption qui ressemble un peu, un peu beaucoup à cette forme d'adoption en Europe, qui est l'adoption simple, mais qui va moins loin que l'adoption simple. C'est plus pour permettre à certains enfants qui sont dans un contexte où ils connaissent déjà leurs parents et ils ne sont pas prêts, ils veulent être... Ce serait bon pour eux d'être adoptés, mais ils doivent y consentir, c'est pour... un peu pour leur permettre d'avoir ce qu'on appelle un projet de vie, débloquer ce projet de vie, leur permettre de garder leur identité, de ne pas renier leur identité. Je ne sais pas si, vous, vous avez une opinion sur cette forme d'adoption qui est une nouvelle forme d'adoption?

**(16 h 10)**

M. Claes (Gilbert): Oui. Je félicite d'ailleurs la ministre de s'ouvrir à ces nouvelles formes d'adoption. Je ferais juste un bémol, une autre forme... Et j'ai vu avant, là, l'animal, un autre animal. Alors, non, je suis ouvert, et puis c'est... je pense, c'est dans la tendance. Dans la lecture que j'ai vue, ce qui a été présenté déjà dans l'adoption, les enfants connaissent, d'une façon ou d'une autre, leurs parents. Je suis ouvert là-dessus. D'ailleurs, je recommande d'aller plus de l'avant.

Toutefois, il y a encore beaucoup de questions dans... dans l'écriture du projet de loi, il y a beaucoup de zones grises, etc. Je comprends que, la notion du meilleur intérêt, l'État est tributaire, il est responsable du meilleur intérêt des enfants, et, lorsque l'intérêt nécessite... l'intérêt de l'enfant nécessite donc de dire: Bien, une telle famille n'a pas la capacité, et que le... l'enjeu de l'enfant rentre en ligne de compte, bien, qu'on donne l'enfant à une famille qui a les capacités de s'en occuper. Là-dessus, je suis très confortable. Je suis très confortable aussi que... qu'on garde un lien avec les parents biologiques. Et je suis... Je comprends très bien, j'ai lu des jugements où on voit la mère, écoutez, elle est droguée, elle est crackpot, bon, elle est mentalement inapte à jouer son rôle de parent. L'État, qui est gardien du meilleur intérêt de l'enfant, doit agir et justement remettre l'enfant à une famille adoptante.

Mais, pour l'enfant, et c'est là que je me positionne, l'enfant, lorsqu'il atteindra une majorité et que son père était un alcoolique ou violent, que sa mère était une droguée, ce choix de maintenir le lien lui appartient. Si, pour une raison quelconque -- je n'ai pas vu rien, rien comme tel, corrigez-moi -- si, pour une raison quelconque, moi, enfant adopté, je suis rendu adulte et je découvre qu'on m'a caché certaines choses qui seraient à l'encontre de mon intérêt à moi, mettons la santé ou une connaissance qui m'affecte psychologiquement, et qu'on a décidé de couper des liens ou réduire l'information, est-ce que je pourrais aller contre l'État? Est-ce que j'ai des outils pour aller contre l'État en disant: Écoutez, vous, vous étiez gardien de mon meilleur intérêt, je suis adulte et je découvre: certains éléments n'ont pas été respectés, dans le contexte du meilleur intérêt de l'enfant? Est-ce que j'aurais le droit à des recours en tant qu'enfant adulte versus non pas les parents qui m'ont adopté, parce que j'aurais quand même un conflit... un confit de... Ce serait difficile, peut-être pas contre mes parents qui m'ont laissé, parce que c'est un geste... Je dois vous dire, ça ne doit pas toujours être facile de laisser ses enfants. Est-ce que j'aurais, à ce moment-là, une opportunité de me tourner contre l'État et dire: Vous m'avez restreint à certains choix, certains accès, certaines informations qui sont aujourd'hui... -- et je parle du futur -- qui sont contre mon meilleur intérêt? Est-ce que ça va être quelque part dans... bien décrit dans un projet de loi? Je vous pose la question.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...revenir à Mme la ministre. Donc, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Alors, merci, je vais poursuivre sur la question du meilleur intérêt de l'enfant, parce que, Mme Durocher, vous avez dit quelque chose tantôt, vous avez dit: Il faudrait définir le meilleur intérêt de l'enfant. Vous avez dit: Ce n'est pas nous, aujourd'hui, qui allons vous dire comment le définir. Mais je veux comprendre où, selon vous, se situe la lacune dans l'état du droit actuel, quand vous dites ça. Vous trouvez qu'il faudrait exposer ce que signifie le meilleur intérêt de l'enfant avec certains paramètres ou avec certains types de sujets sur lesquels l'État devrait se positionner? Je veux comprendre un peu le sens de votre remarque.

M. Claes (Gilbert): Dans le mémoire... Vous permettez? Dans le mémoire... Je ne sais pas si vous vous souvenez quand il y a eu le projet de réforme de la loi du divorce, en 2002-2003, bill C-22, il y a eu une tentative d'inscrire dans le projet de loi les critères du meilleur intérêt de l'enfant. Il y en avait 14, 14 ou 16. Le projet de loi est mort au feuilleton, malheureusement, mais les critères restent toujours, sur lesquels un juge s'assoit pour rendre jugement. Donc, il s'appuie sur plusieurs critères qui sont subjectifs.

Dans ces critères-là... elle est large... En tant que père séparé, j'ai vécu tout le processus, parce que je n'ai pas la garde de mes enfants, et là, l'autorité, je sais qu'est-ce que ça veut dire, alors j'ai une mère germaine qui est très possessive puis j'ai un père qui est peut-être un peu plus large et peut-être plus, bon, tolérant, peut-être plus ouvert sur certaines choses, et là il y avait un conflit entre l'autorité et les critères du meilleur intérêt. J'ai vécu, par mon divorce, ce que le juge a dit: le meilleur intérêt. Puis j'en vois beaucoup, de divorces où le juge dit: C'est pour le meilleur intérêt, puis il se base sur certains faits qui sont présentés devant lui. Donc, ce sont des critères, et, parmi ces critères-là, il va prendre une décision, il va dire: Voilà le meilleur intérêt de l'enfant, je prends une décision quelconque.

Il doit exister la même chose dans les cas d'adoption où, lorsqu'un juge dit: Voilà, on va envoyer l'enfant en Banque-mixte; il se base sur des critères qui emploient une évaluation psychosociale, le dépôt de, peut-être, témoins, et ainsi de suite, et ainsi de suite. Ce n'est pas, à ma connaissance, défini d'une façon claire et hors de tout doute sur papier. Dans la pratique, ça se fait. La jurisprudence est là, il y a des jurisprudences qu'on peut retourner assez loin. Donc, le juge va se baser sur des éléments comme ça.

Alors, quand on parle du meilleur intérêt, j'ouvre une parenthèse, le meilleur intérêt, je pense, ce n'est pas d'aller dans le processus judiciaire, parce que là c'est une guéguerre à n'en plus finir. Le meilleur intérêt, c'est de trouver des pistes de solution, de résolution de conflits, éliminer des problèmes d'émotion, éliminer des problèmes de vengeance et donner donc aux belligérants des outils pour se concentrer sur le meilleur intérêt de l'enfant. Si, d'un côté, on a un parent trop exigeant ou on a un autre parent qui n'a pas la capacité intellectuelle de pouvoir défendre son droit, il doit y avoir, toujours pour le meilleur intérêt, un équilibre des forces où les parties en cause vont être capables de présenter ce qu'eux veulent pour l'enfant. Donc, c'est un rôle... parent, c'est un rôle qui dure jusqu'à la mort mais qui est bien important tant et aussi longtemps que l'enfant est malléable pour construire son identité. Alors, je ne sais pas si je vous rejoins dans ce que vous cherchez...

Mme Hivon: Bien, je pense, je comprends, puis je vois, à la page 10 de votre mémoire, ce à quoi vous faites référence, là. Le projet de loi, donc, vous, en fait vous dites qu'il faudrait, selon les contextes, qu'il y ait comme des critères qui viennent dire les éléments qu'il faut prendre en compte pour juger si on est dans le meilleur intérêt de l'enfant. O.K. Donc, je vous comprends bien.

Pour ce qui est de... pour ce qui est... la ministre y a fait allusion, là, mais de la question de la confidentialité des dossiers d'adoption, je comprends que vous... En fait, vous, vous venez un peu aujourd'hui en disant: Vu que vous ouvrez... vu que l'avant-projet de loi vient ouvrir le Code civil en matière familiale, on veut vous faire part de nos préoccupations, qui ne sont pas nécessairement collées sur la réalité de l'adoption mais qui ont certains liens avec cette réalité-là, mais qui sont beaucoup plus générales. Mais, si on vous ramène à la question de l'adoption et de l'accès aux origines, vous, je comprends que vous estimez que, sur l'acte de naissance, tout enfant devrait avoir un acte de naissance où le nom de ses parents biologiques apparaît. Est-ce que donc vous pensez que, qu'importent les possibles veto qui pourraient être inscrits, si on allait dans cette voie-là, là, en disant que la confidentialité peut être levée sauf s'il y a un veto inscrit... Est-ce que vous jugez que, malgré un veto, un enfant devrait toujours pouvoir avoir droit à son acte de naissance primitif, donc l'acte de naissance avec le nom de ses parents biologiques?

M. Claes (Gilbert): Quel est le meilleur intérêt d'avoir un veto sur un accès à quelque chose qui lui appartient?

**(16 h 20)**

Mme Hivon: C'est... Vous avez sans doute suivi les débats depuis tantôt, alors c'est toujours ce qu'on me dit. Vous avez vu ceux qui étaient juste avant vous, qui, eux, ne sont pas... pour le futur, voient ça possible, mais avec des veto. Et c'est tout le temps la question de l'équilibre des droits. Donc, de ce que je comprends de votre point de vue, la confidentialité des dossiers d'adoption, en fait c'est quelque chose que vous ne maintiendriez pas. Vous ouvririez complètement au nom de l'intérêt de l'enfant et du droit de l'enfant de connaître ses origines. C'est bien ça?

M. Claes (Gilbert): Je pense qu'on doit toujours faire l'intérêt, et puis, là-dessus, tout le processus juridique concernant l'enfant, on fait le test. Le meilleur intérêt de l'enfant prime sur d'autres choses, à part du jugement que j'ai montré où l'intérêt de l'enfant surpassait, à ce moment-là, une légalité, et le juge n'a pas pu déposer son jugement -- je l'ai mis dans mon mémoire. Mais, encore là, le droit de veto passé... Ce qui est passé, c'est un peu difficile de dire: Bon, on retourne en arrière et on change des lois qui étaient présentes. Je pense qu'on peut être évolutif et dire: À partir d'aujourd'hui vers le futur, on prend la chose d'une autre façon où le veto...

Soit dit en passant, je ne suis pas pour un veto, je suis peut-être plus pour dire: On est le meilleur intérêt si le dossier devient litigieux pour l'accès de l'information sur sa lignée biologique ou son bagage génétique -- j'en fais une différence entre les deux. Si ça devient un élément que les juristes doivent coucher sur papier, une ordonnance, n'importe quoi, ils devront se baser sur le meilleur intérêt. Quel est le meilleur intérêt dans une telle situation? Alors, le veto, je pense qu'il doit être levé. Et, en passant, je remarque aussi, souvent «le juge peut», etc., donc, même s'il y a un veto, le juge peut lever le veto. Alors, je me dis: Levons le veto et mettons tout simplement le meilleur intérêt qui doit primer.

Mme Hivon: Et est-ce que, dans votre... dans votre logique, ça veut donc dire que le principe même de la confidentialité des dossiers d'adoption ne serait plus... ne serait plus un principe, qu'on devrait, pour l'avenir, ne plus avoir ça comme... comme, je dirais, principe dans le décor, au nom du meilleur intérêt de l'enfant?

M. Claes (Gilbert): Je répondrais oui. Puis j'ai vu l'étude qui dit: 92 % à 93 %, les adoptés ont, avec les adoptants, un contact régulier, irrégulier, mais ils ont quand même un contact avec les parents biologiques. Alors donc, sur... Mettons, aujourd'hui, il y a 300, 340 adoptions ici, 400 internationales -- internationales, c'est un autre volet -- mais, sur les 300 adoptions, combien en réalité n'ont pas, ou ne veulent pas, ou sont exclues de tout contact entre parents adoptants et parents biologiques, là? Le nombre est vraiment très minime.

Mme Hivon: Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Donc, M. Claes, monsieur... Mme Durocher, merci infiniment de vous être présentés à notre commission, puis je vous souhaite un bon retour. Et en souhaitant que votre nom ne soit plus jamais torturé.

M. Claes (Gilbert): Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Bonne fin de journée. Je vais suspendre les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 23)

(Reprise à 16 h 48)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre nos travaux. D'accord. Donc, nous reprenons nos travaux. Donc, nous recevons l'Association des grands-parents du Québec. Bonjour, messieurs. Je vous souhaite la bienvenue. On vous a un peu pressés. C'est nous qui sommes un peu plus tôt, donc je vous remercie de vous être prêtés, là, à cet exercice-là, c'est le vrai cas de le dire. On vous a fait faire un peu d'exercice pour que vous arriviez plus rapidement à notre commission. Je veux vous souhaiter la bienvenue.

Je vais vous dire que votre expertise est fort importante pour nous, et c'est la raison pour laquelle je vais vous donner rapidement les règles. Vous allez voir, il y a 10 minutes d'échange... 10 minutes de présentation, que dis-je, avec votre collègue, et vous organisez ça comme vous le voulez bien, et il y aura un 25 minutes, de part et d'autre, d'échange pour nous permettre de mieux comprendre la portée de votre intervention. Donc, sur ce, je vous souhaite la bienvenue. Et à votre présentation, messieurs.

Association des grands-parents
du Québec (AGPQ)

M. LaFrance (Henri): Bonjour. Je me présente, Henri LaFrance, président de l'Association des grands-parents. Me Luc Trudeau, notre conseiller juridique et membre du conseil d'administration. Merci de nous donner l'occasion de nous exprimer devant la commission. Merci, Mme la ministre. Merci, mesdames, merci, MM. les députés.

**(16 h 50)**

D'abord, je veux vous présenter brièvement l'Association des grands-parents. On est un organisme de terrain. L'association comme telle existe depuis 20 ans cette année. Par contre, depuis 2004... À l'origine, c'était une association qui oeuvrait très principalement sur le territoire de Beauport. Maintenant, nous avons des membres. On a des appels à travers tout le Québec. On couvre l'ensemble du Québec. On a une ligne d'écoute où on... les gens nous appellent, les grands-parents en difficulté, qui vivent des difficultés suite à des conflits familiaux, ou encore des cas de protection de la jeunesse. On est un organisme de terrain, on est en... On a au-delà de... Depuis l'ouverture de notre ligne d'écoute, on peut dire qu'on a au moins 3 000 grands-parents qui, à un moment ou à un autre, ont requis nos services, nous ont demandé de les accompagner dans leurs difficultés puis de les conseiller ou de les référer à des ressources du milieu.

Je vais vous présenter brièvement nos principales recommandations. On ne relira pas le texte.

Nous recommandons que le Code de procédure civile prévoie la convocation des grands-parents lorsqu'il y a une demande d'adoption avec rupture du lien de filiation. En effet, il est important que le tribunal puisse entendre toutes les parties afin d'être vraiment en mesure de rendre une décision dans l'intérêt de l'enfant.

Nous recommandons, dans les cas d'adoption faisant l'objet d'un placement dans le cadre de la Loi de la protection de la jeunesse, que l'adoption sans rupture du lien de filiation soit la norme, sauf si cela n'est pas dans l'intérêt de l'enfant.

Nous recommandons que l'on accorde le droit de connaître leurs origines, sans aucune restriction, à tous les adoptés, particulièrement ceux dont les parents biologiques sont décédés et... ou qui n'ont jamais formellement manifesté d'objection à ce que leurs enfants connaissent leur identité. En effet, on a beaucoup de grands-parents qui ont été adoptés eux-mêmes, dont les parents sont décédés, mais qui, en vertu de la présomption de veto de la loi actuelle, fait en sorte qu'ils n'auront jamais le plaisir de connaître leurs origines.

Nous recommandons que le projet de loi éventuel maintienne la ligne de pensée de l'avant-projet en matière d'adoption ouverte et d'échange de communication. On est d'accord avec ça, même si ça touche moins les grands-parents.

Nous recommandons de faire beaucoup plus de place à l'adoption sans rupture du lien de filiation et au droit de connaître leurs origines, pour les adoptés.

Nous recommandons de considérer très sérieusement l'article 8 de la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant.

Je vais laisser la parole à Me Trudeau concernant certaines recommandations que nous faisons quant à... Me Trudeau plaide tous les jours, il est sur le terrain, mais sur un autre terrain que le nôtre.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, M. Trudeau, allez-y.

M. Trudeau (Luc): Oui. Alors, merci. Mme la ministre, mesdames messieurs. Alors, mon nom est Luc Trudeau. Comme M. LaFrance vous l'a dit, je suis un praticien avant tout. Je pratique depuis 26 ans approximativement. Je regarde Mme la ministre parce que je pense que nous sommes du même Barreau...

Une voix: ...

M. Trudeau (Luc): Oui. Et effectivement ce qui m'a beaucoup intéressé au niveau des modifications projetées au niveau des dispositifs concernant l'adoption résulte dans le fait que les grands-parents qui nous consultent, souvent pour intervenir au niveau d'une déclaration en admissibilité d'adoption, se voient à toutes fins pratiques niés à peu près tous leurs droits, dans le sens qu'intervenir en vertu de l'article 208 du Code de procédure est une tâche très ardue pour les grands-parents. Vous savez, démontrer qu'il est dans l'intérêt de l'enfant d'intervenir est une chose, mais la balance des inconvénients, si je peux m'exprimer ainsi, fait en sorte que nos tribunaux nous disent: C'est dommage, mais, comme il y a rupture du lien de filiation, les grands-parents biologiques n'ont pas leur mot à dire devant nos tribunaux. Ils sont un peu plus polis lorsqu'ils le disent, mais, dans les faits, c'est ça. Également, des cas tout à fait pratiques, que je vois dans ma pratique, où le grand-parent vient me consulter, et on intente une requête pour droit d'accès en vertu de l'article 611 du Code civil du Québec. Et, finalement, en défense, on nous apprend qu'il y a eu adoption de l'enfant. Et, lorsqu'il y a eu adoption de l'enfant, malheureusement, 611 ne s'applique plus. Cette présomption qui est favorable aux grands-parents ne s'applique pas.

Alors, nous sommes pris dans une situation qui est très difficile. Et, entre autres, un grand-parent qui voyait son petit-fils à toutes les semaines, qui en prenait soin, et, du jour au lendemain, la mère dit: Non, moi, ça ne me convient plus, pour x raisons, et finalement il intente un 611, et on se fait dire, parce que le père est décédé: «By the way», l'enfant a été adopté. Tout ça, c'est évidemment sous l'égide de la confidentialité. Alors, nous sommes à peu près sans recours. Il reste évidemment les recours... une requête par un tiers, mais vous savez fort bien que c'est presque impossible.

À ce niveau-là, l'association m'a interpellé, et je me disais: Il faut ouvrir les règles de l'adoption. Il faut l'ouvrir. D'ailleurs, plusieurs jugements en ont fait mention, que ce soit en Cour supérieure ou en Cour du Québec, chambre de la jeunesse, on nous dit: C'est malheureux, mais nous sommes dans une situation x où il y a rupture du lien de filiation, et maintenant, malheureusement, vous n'avez plus de droits. Mais, lorsque je dis «vous n'avez plus de droits», c'est qu'en réalité ce sont les enfants concernés par l'adoption qui perdent leur droit d'avoir accès, entre autres, puisqu'il s'agit de l'Association des grands-parents, qui perdent accès auprès de leurs grands-parents qui était tout à fait significatif. Parce que, vous savez, dans les cas où j'ai plaidé, les liens avec l'enfant étaient des liens considérés comme significatifs par nos tribunaux. Que ce soit au niveau de la Cour supérieure ou la chambre de la jeunesse en adoption, ils étaient reconnus comme étant des liens significatifs, mais la loi fait en sorte que, malheureusement, on ne peut donner accès aux grands-parents.

Alors, je me suis dit: Si le législateur, en vertu de 611, a créé cette présomption favorable pour les grands-parents, il ne l'a pas créée pour les frères ou pour les soeurs, les tantes, les oncles, spécifiquement pour les grands-parents. 611 qui précise qu'on doit préserver les liens, sauf pour des motifs sérieux, mais 611 est là. À ce moment-là, pourquoi ne pas l'étendre au niveau des dispositions législatives concernant l'adoption?

Alors, j'ai tenté de faire un effort en regardant les dispositions qu'éventuellement vous pourrez amender et au niveau du Code civil et au niveau du Code de procédure civile. De façon pratique, je me disais: Quand vous discutez, ou lorsqu'il est proposé, à l'article 33, de le modifier -- on connaît tous, évidemment, l'article 33: toute décision doit être prise dans l'intérêt de l'enfant, et on prend en considération, outre les besoins moraux, etc., de l'enfant -- vous nous dites... enfin l'avant-projet de loi mentionne: «Un désaccord sur les modalités relatives au maintien des relations personnelles avec un enfant est réglé par le tribunal, après avoir favorisé la conciliation des parties.» Je me posais la question à l'effet de savoir si l'article 33 ne devrait pas contenir une disposition particulière relative aux grands-parents, en ce sens que 33 va directement toucher les parents, hein, mais les grands-parents pourraient peut-être être également cités, ce qui donnerait aux tribunaux une indication claire qu'il s'agit de la famille élargie.

Par la suite, ce qui m'apparaissait primordial, c'est: lorsque les grands-parents ont créé des liens significatifs avec les petits-enfants, il serait opportun qu'ils soient avisés des procédures d'adoption. À ce moment-là, ce que je croyais pertinent, je relisais vos modifications à 823 et 824 du Code de procédure civile, bien sûr, et ce que je voyais comme peut-être pertinent, même si 824 n'est pas touché par votre... par le projet de réforme...

**(17 heures)**

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. Trudeau, si vous le permettez, je vais demander le consentement, compte tenu qu'on dépasse le temps permis. Ça vous va? Allez-y. Je vous rappelle, il y a 10 minutes pour la présentation.

M. Trudeau (Luc): Oui.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Vous aurez aussi l'occasion d'échanger avec Mme la ministre et puis aussi Mme la députée de Nicolet.

M. Trudeau (Luc): D'accord.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Nicolet! Qu'est-ce que j'ai dit, là, moi, Joliette, pardon!

M. Trudeau (Luc): Alors, je vais faire très, très vite...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Non, non, allez-y. Absolument, j'ai le consentement.

M. Trudeau (Luc): Alors, merci. Ce que je... ce que je lisais, entre autres, à 824, qui n'est pas touché par vos modifications, il est dit à 824.1: «La demande en déclaration d'admissibilité à l'adoption est signifiée aux père et mère de l'enfant s'ils sont connus, au tuteur de l'enfant, le cas échéant, et à l'enfant s'il est âgé de 14 ans ou plus. Elle est aussi signifiée à l'enfant de 10 ans [...] si le juge» opportun, le trouve... le juge opportun. Il me semble qu'on pourrait rajouter le mot «grands-parents», créant ainsi... ou étant conforme à l'intention du législateur lorsqu'il a créé sa présomption favorable en vertu de 611 du Code civil du Québec.

Également, et là je vais vraiment terminer là-dessus, au niveau de votre modification à 573: «Le tribunal peut décider que l'adoption n'a pas pour effet de rompre le lien préexistant de filiation afin de préserver [les] liens d'appartenance significatifs pour l'enfant avec sa famille d'origine.» Il est prévu que le tribunal doit s'assurer «au préalable que l'adoptant et les parents d'origine connaissent les effets d'une telle décision». Ne devrait-on pas, à ce moment-là, rajouter le mot «grands-parents»?

Je vous disais que j'étais vraiment pour terminer là-dessus, mais j'aimerais quand même repréciser une modification à la recommandation que l'on retrouve au rapport... à notre mémoire plutôt, à la page 7. Alors, ce que l'association recommandait, c'était que le Code de procédure civile et, bien sûr, le Code civil, il va sans dire, prévoient la convocation des grands-parents lorsqu'il y a demande d'adoption avec rupture du lien de filiation. Ce qu'il serait peut-être sage d'indiquer, c'est: en autant que l'on prouve qu'il y a un lien significatif entre l'enfant qui fait l'objet de la demande d'adoption et les grands-parents. Parce que, vous savez comme moi, si on parle d'un nourrisson qui a deux mois, il n'y a pas de liens qui ont été créés avec les grands-parents. Alors, il me semble que cet... cet ajout m'apparaît important, et ça viendrait rejoindre tous les critères jurisprudentiels de l'intérêt de l'enfant, en passant par les liens significatifs.

Et, vraiment en terminant, je vous le dis, vraiment, ce qui pourrait également être ajouté, c'est que l'on puisse également faire une réserve quant au lien significatif. Parce qu'on le sait qu'à l'occasion les grands-parents, entre autres, n'ont pas pu créer... ou les parents n'ont pas pu même créer de liens significatifs parce que l'enfant était placé en famille d'accueil de Banque-mixte, entre autres, et le directeur, pour plusieurs motifs, a décidé de ne pas permettre l'accès. On pourrait préciser que l'absence des liens significatifs n'étant pas imputable aux grands-parents, afin de contrer, là, cet... cet aspect très particulier, mais cet aspect qui existe. Fréquemment, lorsqu'il est question d'adoption, on nous servira, en chambre de la jeunesse: Me Trudeau, pensez-vous qu'on va donner accès à vos grands-parents pour créer des liens significatifs et venir bloquer l'adoption? Alors, je pense qu'on contourne la loi, et il faudrait voir à cet... à cet aspect complémentaire. Alors, voilà.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, M. Trudeau. Vous êtes... vous êtes bien le seul à avoir présenté un mémoire et d'avoir terminé quatre fois ce mémoire-là! Vous êtes un... vous êtes un bon plaideur. Mme la ministre.

Mme Weil: Merci. Bienvenue, contente de te revoir. Et... ce que je trouve vraiment intéressant, vous êtes vraiment la première organisation à nous parler des grands-parents. Alors, vraiment, c'est tout nouveau pour nous. Il y a... Et on va revoir...

J'aimerais vous poser beaucoup de concepts sur des... des questions de modèles, nouvelles formes d'adoption, donc sans rupture de filiation, les ententes de communication, etc., et comment le... vous voyez le... le grand-parent, qui évidemment n'est pas inscrit nécessairement dans ce triangle. Donc, votre... votre point de vue et le rôle que joue le grand-parent déjà dans la vie de l'enfant, mais qui n'a pas nécessairement un droit de parole, ce grand-parent, dans le processus d'adoption, vous allez nous sensibiliser, vous nous avez sensibilisés, mais par les échanges qu'on aura. Puis on sera en réflexion par rapport à tout ça.

Vous, vous voyez... Vous recevez avec enthousiasme ce... le mode d'adoption sans rupture de filiation. Si je comprends bien, vous aimeriez voir ce modèle d'adoption prévaloir sur l'adoption plénière, hein, ou quelque... qu'on le voit un peu plus fréquemment. Vous l'encouragez.

M. LaFrance (Henri): Oui, tout à fait.

Mme Weil: Je vous dirais que l'écho qu'on a beaucoup, c'est... Les gens nous disent, bon: Vous avez mis «notamment», dans quelles circonstances... Par exemple, intrafamiliale, beaucoup de groupes qui sont venus nous dire qu'il faudrait restreindre la portée de ce type d'adoption. Ils ont une crainte, surtout ceux qui veulent que l'adoption plénière soit vraiment la forme conventionnelle et usuelle prédominante. Mais, vous, vous dites non, vous trouvez que... parce que justement ça préserve la filiation.

Maintenant, les grands-parents ne sont pas nommés dans cette nouvelle forme. Mais on pourrait imaginer que, couplé à une entente de communication... évidemment, s'il y a... dépendant de l'entente de communication... Si l'enfant est plus âgé, surtout, et qu'il y a eu... et que le tribunal constate un lien, un lien qui existe déjà, préexistant, il n'y a rien dans le projet de loi ou dans l'avant-projet de loi qui dit qu'il devrait... qu'on devrait maintenir un lien, c'est un constat d'un lien. Et ensuite ce sera aux parties de décider de l'entente de communication.

Beaucoup nous ont dit: Avec peut-être une évaluation psychosociale qui pourrait peut-être comprendre justement la situation familiale élargie, dans cette évaluation psychosociale. Ce sera au centre jeunesse de déterminer jusqu'où. Parce que ce serait finalement, peut-être, en bout de ligne une recommandation qui viendrait dire: Oui, l'adoption sans rupture de lien de filiation est vraiment le modèle approprié pour cet enfant-là. Mais, nous, on avait vu plutôt dans des cas très précis où l'enfant connaît déjà ses parents, ou ses grands-parents, ou ses oncles, ses tantes, bon, toute la famille.

Donc, je voulais juste clarifier. Je ne sais pas si vous avez des questions par rapport à ça, mais ce serait... S'il y a un contact qui doit... qui est souhaité par la suite, il faudrait plus que ce soit par l'entente de communication que par le constat d'un lien de filiation. Le lien de filiation pourrait être utile quand l'enfant est plus âgé et que l'enfant dit: Bon, bien, je sais que ça, c'est mon nom, c'est mon héritage. Je sais qui sont mes grands-parents. Puis, moi, je souhaite rétablir... peut-être, à son âge, à un âge adulte. Au moins, ce n'est pas secret, ça fait partie de son identité. Il n'y a rien dans l'avant-projet de loi qui va dans le sens, je pense, que vous souhaitez. Alors, je ne sais pas si vous avez des questions là-dessus? C'est plus un constat d'un lien de filiation.

**(17 h 10)**

M. Trudeau (Luc): J'ai une observation à Mme la ministre, c'est que, moi, je ne suis pas aussi tranché, qu'il faut absolument que ce soit une adoption ouverte, ou que ça devienne la norme, ou que ce soit une adoption sans rupture du lien de filiation. Je ne pense pas que l'association, malgré son texte qui est quand même assez fort... J'aurais dû réviser plus avant le texte, mais le texte est fort, mais nous sommes, je pense, M. LaFrance et moi, d'accord là-dessus: si nous réussissons à démontrer au tribunal qu'il est dans l'intérêt de l'enfant de ne pas avoir cette rupture de lien de filiation, nous sommes en accord avec, mais ça ne devrait pas nécessairement être la norme, cette adoption ouverte ou simple, ou peu importe comment vous allez l'appeler, mais ouverte. Parce que, quant à moi, le modèle de l'adoption plénière correspond à une certaine réalité, ou correspondait peut-être plus à une réalité passée. Les choses étant ce qu'elles sont, tout est plus ouvert maintenant. Alors, peut-être devrions-nous tendre un peu plus...

Et, moi, ma réflexion était... entre autres suite aux décisions de M. le juge Hurtubise, entre autres, en Cour supérieure, ou M. le juge Dubois, en Cour du Québec, là, les décisions très célèbres où il disait: Là, malheureusement, le lien était tellement fort avec les grands-parents, mais on ne peut rien faire parce que nous sommes pris avec cette brisure ou cette rupture du lien de filiation. À ce moment-là, si les grands-parents pouvaient démontrer qu'il existe des liens significatifs, possiblement que là ça pourrait nous ouvrir la porte.

Et, vous savez, si nous avions, et c'est peut-être une question en même temps qu'une... qu'une argumentation, si nous avions des décisions par lesquelles on ne rompt pas ce... ce lien de filiation, je vous dirais que les grands-parents seraient très heureux, dans le sens que 611 continuerait de s'appliquer, les grands-parents pourraient demander d'avoir des accès parce que le lien de filiation n'est pas rompu. Et ma question était: Est-ce que j'erre en disant... Parce que le lien de filiation n'est pas rompu, mais les décisions que nous avons eues de nos tribunaux en vertu... Lorsque nous demandions des accès sous 611, on nous disait: Comme l'enfant est adopté, eh bien, maintenant, nous avons rompu le lien de filiation, ce ne sont plus les grands-parents biologiques de cet enfant-là, donc vous n'avez plus accès à cette présomption de 611. Mais ce n'est pas juste, parce que 611 crée une présomption, mais c'est toute la possibilité d'une requête pour accès de grands-parents et non pour accès d'un tiers.

Mme Weil: La vision... la vision, puis je pense qu'il y a lieu de... Parce que je vous dirais que la majorité des gens qui sont venus faire des représentations vont dans le sens contraire, ils veulent s'assurer qu'il y a vraiment une famille responsable de l'enfant et qu'il y a une famille, c'est la famille adoptive. Donc, parents, grands-parents... D'ailleurs, l'Association des avocats et avocates, qui était ici juste avant, parlait de cette confusion, qu'il y avait peut-être deux sets de grands-parents, etc. Étant donné... Donc, donc, les parents, les parents adoptifs seraient les parents avec l'autorité parentale, et, s'il y a une entente de communication, les parents ne sont pas... les grands-parents ne sont pas prévus dans cette entente. Alors, c'est vraiment une entente entre les parents biologiques et les parents adoptifs. Donc, il n'y avait pas... Ce n'était pas prévu qu'il y avait des droits qui découlaient pour les grands-parents biologiques.

Mais vous constatez... Puis vous le dites, c'est qu'on est dans une société plus ouverte, là, déjà l'enfant connaît sa filiation. Et puis c'est un constat de liens affectifs qui existent déjà peut-être, dans certaines situations; avec l'entente de communication, on ne peut pas... Je ne sais pas, ce n'était pas prévu que les grands-parents étaient dans l'entente, mais il y a... Peut-être, si les grands-parents avaient un rôle important à jouer... Nous, on n'avait pas prévu... Les grands-parents ne sont pas inscrits dans ce qu'on a vu. Et je pense qu'on... Le message qu'on a eu, c'était d'être très clairs là-dessus, sur le rôle des parents, le rôle un peu exclusif d'autorité parentale, et que les... des parents adoptifs, et qu'en fait les parents adoptifs devaient vraiment consentir d'une part au modèle sans rupture de filiation, parce que c'est un nouveau modèle, et aussi, évidemment, à toute entente de communication. Donc ça, c'était la logique de cette nouvelle forme d'adoption.

Pour ce qui est des antécédents, j'aimerais vous entendre un peu. Mais... mais on vous écoute, votre mémoire est très clair là-dessus, puis, si vous avez d'autre chose à rajouter, évidemment, nous, on prend tout en considération, on écoute tout ça. Vous, vous avez amené des éléments nouveaux par rapport à d'autres dispositions dans le Code civil. Il va falloir qu'on analyse tout ça, qu'on regarde tout ça pour justement refléter sur les impacts. D'ailleurs, les avocats l'ont mentionné juste avant vous, qu'il fallait regarder l'impact de cette nouvelle forme d'adoption sur les droits des grands-parents biologiques. Alors, on va regarder tout ça. Je ne sais pas si vous aviez quelque chose à rajouter là-dessus?

M. LaFrance (Henri): Oui, j'aimerais ajouter quelque chose qu'on vit sur le terrain, c'est-à-dire, sur notre ligne d'écoute, on a souvent des grands-parents, suite aux carences des parents, qui ont pris en charge l'enfant, des fois pendant des mois, voire des années. À ce moment-là, les grands-parents, des fois ils sont épuisés, ils sont plus âgés, et ils demandent de l'aide au CLSC. Le CLSC leur dit: Bien, c'est un cas de DPJ, donc on va appeler la DPJ, c'est un cas de protection de la jeunesse. Les grands-parents, pour avoir... pour avoir demandé de l'aide, ils se retrouvent dans une situation où ils sont très attachés, d'une part, à l'enfant parce que... Puis l'enfant aussi est très attaché à eux, c'est eux qui pendant un certain temps ont sauvé la situation, ont pallié aux carences, puis ils sont pénalisés, puis l'enfant est pénalisé parce qu'ils ont ouvert... ils ont demandé de l'aide.

Puis, dans certains cas aussi, c'est encore plus dramatique, les grands-parents hésitent: Est-ce qu'on doit... Ils nous appellent, ils nous demandent: Est-ce qu'on doit appeler la DPJ? Si on appelle la DPJ, on risque de les faire adopter, puis, à ce moment-là, on s'est investis, les enfants nous aiment, et on a une très belle relation. Sauf qu'ils sont pris entre l'arbre et l'écorce. Puis, la loi actuelle... Puis éventuellement, s'il n'y a pas des amendements qui... qui permettent de sauver la situation, avec l'orientation qu'on a actuellement, les grands-parents seraient encore pris dans un dilemme: ou signaler à la DPJ ou s'épuiser à la tâche, puis, à un moment donné... Ou, tout simplement, des fois ils constatent une situation où les parents ont des gros problèmes de toxicomanie, puis ils sont tout à fait inadéquats, ils voudraient protéger l'enfant, mais ils ne voudraient pas que ça signifie une rupture brutale par l'adoption. Puis, nous, qu'est-ce qu'on doit leur dire? Bien, on leur donne l'heure juste, ce n'est pas nous qui décidons, mais sauf que c'est ça, la situation actuelle, puis on voudrait que, la situation, pour ces grands-parents, on ait des bonnes nouvelles à leur apprendre, que ce n'est pas dangereux de signaler, qu'ils ne perdront pas leur accès suite à une adoption qui pourrait être une adoption sans rupture du lien de filiation. C'est ça qu'on aimerait dire aux grands-parents éventuellement, après une réforme de la loi de l'adoption.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, M. LaFrance. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui, merci beaucoup. C'est très intéressant d'avoir votre point de vue, puis vous nous... vous nous amenez une réalité qui est importante, évidemment -- juste vos derniers propos, je pense, illustrent bien la complexité -- c'est que j'imagine que, dans l'informel, sans que la DPJ entre dans le dossier, souvent les grands-parents répondent un peu aux carences de certains parents en donnant du soutien, ou en prenant l'enfant une partie de la semaine avec eux, ou en essayant de parer le plus possible aux problèmes qui sont vécus. Et vraiment vos derniers commentaires sont, je pense, très précieux parce qu'ils nous allument aussi sur cette réalité-là, que, sans que ce soit formalisé, il y a beaucoup d'aide qui se fait, et le grand-parent se retrouve dans une situation très difficile de dire: Si j'appelle à l'aide, je risque de ne plus pouvoir voir mon petit-enfant.

Dites-moi, je veux juste savoir, sur votre ligne, vous parlez de la ligne d'aide où les gens appellent, ou un peu la clientèle de votre association, est-ce que... j'imagine que c'est les deux, là, mais c'est beaucoup des cas où, par exemple, les grands-parents ne verraient plus leur petit-enfant à la suite de, par exemple, l'intervention de la protection de la jeunesse, parce que les parents sont en situation vraiment de difficulté et ne peuvent plus s'occuper de l'enfant, ou s'il y a aussi beaucoup la réalité, par exemple -- vous y avez fait allusion tout à l'heure -- d'un... d'un enfant... c'est-à-dire l'enfant du grand-parent qui serait décédé, par exemple, puis il y aurait un nouveau conjoint qui aurait adopté l'enfant, ce qui fait en sorte que peut-être les grands-parents d'origine sont moins dans le portrait? Est-ce que c'est les deux réalités ou c'est surtout, là, la réalité vraiment de la... de la protection de la jeunesse?

M. LaFrance (Henri): Bien, sur notre ligne d'écoute, disons que c'est... Il y a, on peut dire, 50 %... selon les périodes, là, il y a des périodes qui sont plus chaudes, dans un domaine ou dans l'autre, mais c'est... c'est 50 % des conflits familiaux, et ça inclut les décès de parents ou encore des conflits, toutes sortes de conflits qui peuvent... qui peuvent survenir entre les parents puis les grands-parents, qui font en sorte qu'il y a rupture, puis c'est souvent... Il y a aussi un gros 50 % de cas de protection de la jeunesse, où les... la DPJ est dans le décor, ou la DPJ pourrait éventuellement devenir dans le décor si les grands-parents appelaient à l'aide à la DPJ.

**(17 h 20)**

Mme Hivon: Et est-ce qu'il y a quand même... C'est parce que je... Évidemment, on n'est pas confrontés à cette réalité-là souvent, puis, vous, vous la vivez quotidiennement. Est-ce qu'il y a quand même plusieurs grands-parents qui deviennent en quelque sorte familles d'accueil de leurs... de leurs petits-enfants, ou éventuellement même parents adoptants, donc, qui en fait font le rôle, là, dans... dans la Banque-mixte, de familles qui vont accueillir les petits-enfants pour une longue période et de manière formelle?

M. LaFrance (Henri): D'une façon formelle, il y en a très peu. On a essayé d'avoir des statistiques des différents centres jeunesse du Québec, on nous l'a refusé en disant qu'on... En vertu de la loi d'accès à l'information, on nous l'a refusé en disant qu'on n'avait pas de statistiques formelles d'un document écrit, etc. Sauf que, dans un premier temps, on a reçu des réponses de certains centres jeunesse, puis après c'est comme si on s'était fermé. Il y aurait eu un... Je ne peux pas dire qu'il y a eu un mot d'ordre de ne pas nous donner l'information, mais c'est comme si. Dans un premier temps, c'était très rare que... Les centres jeunesse qui nous ont répondu, il y avait très peu de cas d'adoption ou... puis aucune tutelle en vertu...

Mme Hivon: De la loi.

M. LaFrance (Henri): ...des nouvelles dispositions de la Loi de la protection de la jeunesse.

Mme Hivon: Puis comment vous expliquez ça? Est-ce que c'est parce que les grands-parents en fait ne veulent pas assumer l'ensemble de la charge parce que, comme vous dites, des fois ils sont plus âgés, puis tout ça? Ou c'est peut-être qu'il y a une difficulté pratique à vivre ça?

M. LaFrance (Henri): Bon, c'est peut-être certains praticiens qui... bon, qui n'aiment pas, disons entre guillemets, avoir la grand-mère fatigante dans le décor -- excusez l'expression. Des fois, c'est parce que moins qu'il y a d'intervenants... c'est plus facile à gérer, ou c'est pour d'autres considérations. Me Trudeau.

M. Trudeau (Luc): Oui, de façon pratique, pour répondre à deux de vos questions, les grands-parents, pour une raison parfois que j'ignore, sont un peu éloignés du processus judiciaire, dans le sens que, lorsque nous tentons d'intervenir pour les grands-parents, que ce soit en vertu de la loi sur la protection ou l'adoption, les grands-parents n'ont pas nécessairement bonne presse. Et, même au niveau des critères d'intervention, où l'association avait fait des grandes représentations au niveau du projet de loi n° 125, à l'époque, on avait cru, par la nomenclature... Parce que je suis également sur le comité du Barreau, où j'ai eu à analyser les principaux articles, dont 4 et 81, et nous nous sommes aperçus qu'il y a une interprétation maintenant très, très restrictive de l'intervention des grands-parents, même comme partie devant la chambre de la jeunesse, pour être présents lors des auditions et faire valoir leurs droits comme partie. Alors, c'est très restrictif.

Et, au niveau de l'adoption, c'est la même chose. Et je répète ce que je disais, on ne veut pas donner trop de droits. Nous nous sommes adressés à une directrice de la protection de la jeunesse à l'effet de savoir pourquoi nous étions rendus là, et on a un peu comme réponse de la part des intervenants: Vous savez, si les enfants sont placés, c'est parce que les parents sont souvent carencés. Si les parents sont carencés, est-ce que ça ne vient pas des grands-parents? Et c'est encore une image que les intervenants ont.

Et je discutais, sur mon comité, avec un procureur du DPJ, et c'est encore confronté dans la pratique quotidiennement. Et là les contentieux vont dire à leurs intervenants: Oui, mais avez-vous vérifié? La loi le dit à 4, là: le milieu élargi, les grands-parents. Et la réponse est presque automatique: Non, parce qu'on n'a pas d'information des parents, parce que, bon, on a trouvé une famille d'accueil, on a trouvé une famille d'accueil de Banque-mixte aussi, à cause des modifications à la loi qui prévoient une adoption possible ou un placement à long terme, là. Alors, à ce moment-là, les grands-parents n'y sont pas, sur le terrain.

C'est très difficile, vous savez, de représenter les grands-parents. Je ne vous dis pas, au niveau de 611, pour avoir des droits d'accès, ça, il n'y a pas de problème. Mais, que ce soit en chambre de la jeunesse, au niveau même d'intervention comme partie, pour un placement, ou que ce soit vouloir s'infiltrer dans la requête pour déclarer admissible l'enfant, bien les grands-parents n'ont pas vraiment leur place. Et ça, je le vis régulièrement. Et je ne suis pas le seul à dénoncer. Les avocats de pratique en matière de grands-parents et en matière d'enfants, de jeunesse, nous sommes tous à penser, ou à peu près... à penser la même chose.

Mme Hivon: O.K. Et, pour revenir à la question de l'adoption sans rupture du lien de filiation, je comprends qu'en fait, si vous êtes... vous vous montrez très favorables à ça, c'est pour la possibilité que ça pourrait permettre aux grands-parents de garder des contacts avec leurs petits-enfants. Mais en fait il n'y a pas de garantie avec l'adoption sans rupture du lien de filiation, parce que c'est plus là qu'est... quelque chose qui est soumis dans l'avant-projet de loi pour toute la notion identitaire, et que donc un enfant plus vieux ou dont le parent serait décédé pourrait garder ce double lien de filiation, mais ça ne sous-tend pas du tout de contact.

Donc, il y a une autre notion, par exemple, qui est introduite, qui est l'adoption ouverte, qui, elle, comme vous le savez, là, vient prévoir une possible entente de communication qui pourrait aller jusqu'à des contacts. Si vous sentiez qu'il y a une ouverture pour que vous puissiez être considérés, les grands-parents, comme éventuelle partie à une entente de communication, O.K., est-ce que, pour vous, l'idée d'une adoption sans rupture du lien de filiation conserve encore toute sa pertinence ou, en fait, vous, c'est vraiment plus l'idée de maintenir des contacts dans la... je dirais, un peu dans le quotidien ou de penser qu'il n'y aura pas une rupture complète, qu'il pourra y avoir de l'échange d'information, qui vous importe plus que la notion, là, plus juridique de filiation?

M. LaFrance (Henri): Bien, Me Trudeau, l'aspect juridique, pourra vous répondre après moi. Moi, ce qui m'interpelle, ce qui m'importe le plus, c'est de pouvoir répondre, sur notre ligne d'écoute, aux grands-parents qu'ils n'ont pas de crainte à avoir de demander de l'aide du centre jeunesse, ou du CLSC, ou du DPJ, que, si leurs liens d'attachement avec les enfants sont forts, ils vont être respectés même s'il y avait une adoption. J'aimerais que nos bénévoles sur la ligne d'écoute puissent répondre, de façon tout à fait honnête, à nos grands-parents cela. Ça, ça me rassurerait. Que ce soit par la porte juridique...

Mme Hivon: La forme, ça vous importe peu. C'est vraiment...

M. LaFrance (Henri): Oui, c'est d'avoir que les grands-parents puissent être rassurés, qu'ils ne soient pas pris entre l'obligation légale de dénoncer une situation de compromission et le lien d'affection qu'ils peuvent avoir pour leurs petits-enfants. Au niveau de l'aspect juridique, je laisse Me Trudeau...

M. Trudeau (Luc): Je reviens juste sur 573, là. Lorsqu'on parle de préserver les liens d'appartenance significatifs, dans vos modifications, pour l'enfant avec sa famille d'origine, «famille d'origine», est-ce que c'est vraiment juste «parents», pour vous, dans votre esprit?

Mme Weil: Non, et je pense que... Parce que Me Roy en a beaucoup parlé, puis d'ailleurs je vois les citations. Puis, vous touchez à quelque chose qui est dans... Quant à moi, ce serait quelque chose d'important pour vous. Comment ça va se dessiner à l'avenir, c'est à voir. Il y aura une évolution, dans le sens que cette question identitaire est considérée comme vraiment fondamentale. Et on a eu toutes sortes de discussions avec différents groupes sur, d'une part, le droit à l'identité pour l'enfant, de connaître ses origines et qu'on ne puisse pas effacer ça de son... de sa vie, s'il est à l'âge où c'est raisonnable de proposer ce genre d'adoption, et tous ceux qui prônaient beaucoup plus -- bon, c'était dans... dans un contexte de connaître ses antécédents -- bon, la confidentialité, etc., donc le conflit entre ces deux concepts-là: et le droit à la vie privée, d'une part, et le droit identitaire. Dans le contexte de droit identitaire et tout ce qu'a écrit Alain Roy là-dessus, c'est beaucoup cette notion qui était très fondamentale, qui fait partie de son héritage un peu, et donc j'imagine -- et j'ai vu ce qui a été écrit -- pour les grands-parents, ils s'inscrivent à quelque part là-dedans, parce qu'ils font partie de...

Bon. Ceci étant dit, je dirais, un peu le consensus, ça a été que la stabilité de la vie de l'enfant nécessite une famille, une famille qui s'occupe de lui, et c'est ses parents adoptifs, et ça, tout le monde... à peu près tout le monde s'entendait là-dessus, et qu'on peut quand même donner ce projet de vie à l'enfant sans nier le reste. Donc, je ne sais pas si...

M. Trudeau (Luc): C'est parce qu'où j'ai de la difficulté, Mme la ministre, c'est le suivant: lorsque vous parlez de sans rupture de lien de filiation, il faudrait le définir, parce que nos tribunaux nous disent: On ne peut pas accorder des accès, exemple, aux grands-parents parce qu'il y a rupture de lien de filiation. Mais, la journée où vous allez ouvrir la porte en disant «sans rupture de lien de filiation», si ce n'est pas plus défini que ça, bien, évidemment, les tribunaux vont sûrement l'interpréter en disant: Bon, bien, c'est dans l'intérêt de l'enfant d'avoir des accès, parce qu'il n'y a pas eu rupture.

**(17 h 30)**

Mme Weil: On a eu des discussions là-dessus, c'est: Quelles sont les conséquences juridiques? La Chambre des notaires s'est prononcée, le Barreau et d'autres, Alain Roy, et le principal, ça a été, je dirais: qu'il préserve son identité. Ça, en soi, c'était considéré comme un effet ou une réalité juridique. Et, nous, on avait prévu une pension, dans l'avant-projet de loi, des obligations alimentaires subsidiaires. Beaucoup de discussions là-dessus qui diraient: Ce serait plus logique d'avoir des droits successoraux, parce que ce serait plus cohérent avec cette notion identitaire, alors qu'on a la liberté de tester au Québec, donc ce ne serait pas vraiment quelque chose de très menaçant, mais que l'autre, l'obligation alimentaire ferait en sorte de préserver un lien, alors qu'on dit qu'on ne préserve pas nécessairement un lien de contact.

M. Trudeau (Luc): Je comprends.

Mme Weil: Donc, quel est l'impact juridique de tout ça? On vous écoute, on vous entend, on va regarder tout ça, qu'est-ce qu'il y a à clarifier dans un contexte d'adoption.

Par ailleurs, pour ce qui est de la préoccupation que vous avez soulevée sur le problème des grands-parents qui sont un peu dans cette situation où, s'ils appellent le DPJ, bon, tout le risque... Juste vous dire qu'il y a des gens, ici, du ministère de la Santé et des Services sociaux. Nous, on touche l'adoption, on touche le Code civil, et tout ça, et... mais que votre point de vue va être pris en compte. Je pense que les gens ont été sensibilisés. Je ne veux pas que vous pensiez que vous partez, ici, puis, parce qu'on n'a pas une solution juridique, qu'il n'y a pas des gens qui vous écoutent qui vont transmettre, qui vont essayer de trouver des façons de répondre. Vous, vous ne parlez pas d'une solution juridique mais vraiment d'une solution...

M. Trudeau (Luc): Pratique.

Mme Weil: ...pratique. Je voulais aussi, peut-être, vous parler de l'article 33, qui n'est pas dans un concept de... qui est nouveau, hein, le troisième paragraphe...

M. Trudeau (Luc): Oui, tout à fait.

Mme Weil: ...qu'on a rajouté, qui pourrait être intéressant pour les grands-parents, qui parle de maintenir des liens, pas dans un contexte d'adoption. Donc, lorsqu'on parle de maintenir des relations personnelles avec un enfant, ça, je voulais vous entendre là-dessus, comment vous voyez ce rajout.

M. Trudeau (Luc): Bien, on a déjà 611 qui répond à ça.

Mme Weil: O.K.

M. Trudeau (Luc): 611 crée la présomption qu'on doit maintenir les liens, à moins de motifs sérieux. Alors, 611 répond.

33 me paraissait intéressant si ça avait... si on avait pu y dire ou mentionner «notamment dans les cas d'adoption», parce que, là, on ouvrait la porte plus facilement. Mais je comprends que ce n'est pas l'intention du législateur, mais c'était ma réflexion.

M. LaFrance (Henri): Pour ajouter à ça, il y a des... Cet article-là, ce paragraphe-là pourrait peut-être ouvrir la porte au-delà des grands-parents. Par exemple, il y a des fratries, il y a des... des fois il y a des liens très forts qui sont créés avant l'adoption, entre des frères, des soeurs, ou même avec une tante, un oncle, qui sont significatifs, que le nouveau paragraphe peut-être pourrait couvrir parce que... À l'association, en plus des grands-parents, on a eu parfois des cas de frères, de soeurs qui tenaient à avoir des accès entre eux, et puis qui étaient sous le coup d'ordonnance de la protection de la jeunesse, puis qui ne pouvaient pas exercer ces relations-là, ce qui créait des problèmes.

Mme Weil: Est-ce que vous vous êtes penchés sur toute la question... bien, j'imagine, j'ai lu votre mémoire, sur toute la question de confidentialité? Évidemment, vous, vous aimeriez, je pense, ouvrir tout ça beaucoup plus largement que ce qu'on propose.

M. Trudeau (Luc): La réponse, c'est oui. M. LaFrance est plus calé que moi là-dessus. Mais la réponse, c'est oui, dans le sens, plus particulièrement lorsque les personnes sont décédées, il me semble que...

Mme Weil: Oui, le droit finit avec le décès, c'est...

M. Trudeau (Luc): Ça va de soi.

Mme Weil: Il me semble que c'est la formule que vous avez utilisée.

M. Trudeau (Luc): Nous avions également soumis la charte des droits de l'enfant, là -- je pense que, ça aussi, l'article 11, si ma mémoire est bonne -- qui peut être inspiratrice de droits, je pense, à ce niveau-là. M. LaFrance.

M. LaFrance (Henri): Bien, c'est nos grands-mères puis nos grands-pères qui sont âgés qui ne peuvent pas... Justement, leur identité, ils ne l'ont pas eux-mêmes. À ce moment-là, ils ne peuvent pas donner d'information à leurs petits-enfants là-dessus. Puis aussi, il y a des personnes âgées qui nous contactent... des aînés, excusez, mais... et qui aimeraient bien... dont les parents biologiques sont décédés, des fois depuis 30 ou même 40 ans -- on a des cas comme ça à l'association, des grands-mères en particulier -- puis que, à cause de la présomption de refus... On voudrait à tout le moins que la présomption de veto soit renversée. Actuellement, il y a une présomption de veto si tu ne dis rien. Il y a un adage populaire qui dit: Qui ne dit mot consent. On aimerait qu'au niveau juridique: Qui n'a jamais dit mot puis qui est décédé depuis de nombreuses années consent. Parce que c'est... Puis, ceux qui invoquent la vie privée de personnes décédées depuis de nombreuses années, je ne suis pas juriste, mais le gros bon sens dit qu'avant d'avoir une vie privée on a la vie tout court.

C'est sûr qu'on aimerait qu'il y ait beaucoup plus d'ouverture, lorsqu'on regarde ce qui s'est passé au niveau de l'ouverture des dossiers d'adoption dans les autres juridictions, comme l'Ontario, il y a beaucoup plus d'ouverture qu'on retrouve dans l'avant-projet de loi. C'est sûr qu'on aimerait que ça... qu'il y ait un peu d'ouverture, là. Lorsque la personne est décédée, comme on parlait d'une période de deux ans dans le rapport Lavallée... après deux ans, là, je pense que la personne qui est décédée, ça ne changera pas sa situation qu'on révèle qu'elle a eu un enfant hors mariage voilà 40 ans ou plus, là. On était à une certaine époque, c'était l'infamie d'avoir un enfant hors mariage, c'étaient des bâtards, des enfants du péché. Ma propre conjointe a appris à l'âge de huit ans qu'elle est... par son frère adoptif que: Tu es juste une bâtarde de crèche! Donc, ce n'était pas la bonne façon de lui apprendre. Mais, aujourd'hui, elle aimerait avoir accès à ses origines.

Comme il y a beaucoup de grands-mères comme elle qui ont des problèmes de santé, dire que... demander une ordonnance pour savoir que... est-ce que c'est préjudiciable qu'on continue indéfiniment à cacher ton dossier médical? Bien, je pense que généralement on... on le sait, s'il y a un préjudice après avoir l'information. On est vraiment au courant. Bon. Il y a des personnes qui ont des problèmes de coeur, d'arthrite, etc., puis tous les problèmes congénitaux qui font qu'elles auraient besoin... Moi, si je vais chez le médecin, je peux dire: Il y a un tel de mes frères qui souffre... qui est mort du cancer, un autre a des problèmes de telle ou telle sorte au niveau de sa santé, ma mère avait tel problème, alors que les grands-parents, les aînés qui n'ont pas cette information-là, qui ont été adoptés dans les années quarante, dans les années cinquante, ils ne peuvent pas dire quoi que ce soit à ce sujet-là. Ils ont des problèmes. Puis, ensuite de ça, voilà quelques mois, j'écoutais une émission de LCN, où il y a un frère puis la soeur qui se sont mariés. Il y a une interdiction. La loi fait en sorte qu'on interdit à des frères et soeurs biologiques de se marier, puis... Sauf que la loi leur interdit l'information. Il y a une certaine incohérence à ce niveau-là. Ça fait qu'on aimerait avoir beaucoup plus d'ouverture.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la ministre. Merci, M. LaFrance. Mme la députée de Joliette.

**(17 h 40)**

Mme Hivon: Oui. Merci beaucoup. Je pense que les paroles que vous venez de prononcer sur la question de la confidentialité, c'est du gros bon sens, beaucoup, puis, vous, vous n'êtes pas avocat, donc vous prenez ça avec vos lunettes de citoyens et d'aînés qui vous interpellent, et je pense qu'il faut avoir ça en tête aussi. C'est vraiment fascinant, parce que, là, nous, ça fait quatre jours intenses, et on entend tous les points de vue, et une chose et son contraire dans la même journée, et avec beaucoup de passion de chaque côté, donc il faut faire la part des choses.

Et, vous, de ce que je comprends, c'est que... parce que c'est très clair dans votre mémoire, vous dites: Si quelqu'un est décédé, qu'il devrait y avoir une levée complète de la confidentialité. Malheureusement, vous n'étiez pas là, mais, cet après-midi même, l'association des avocats du droit de la famille disait: Non, il faut maintenir cette volonté-là après le décès, la possibilité de dommages collatéraux. Alors, je veux juste peut-être vous soumettre l'argument qu'ils disent, qu'en fait la personne, si elle n'a pas voulu que ça se sache de son vivant, normalement elle ne voudrait pas que ça se sache quand elle est décédée. Je comprends que vous estimez qu'il y a un équilibre à faire entre les droits de chacun et qu'une fois que quelqu'un est décédé, normalement, le droit à la vie privée doit céder le pas au droit de la personne adoptée. C'est ça?

M. LaFrance (Henri): Il y a des grands secrets d'État qui sont dévoilés après 30 ou 40 ans, sauf que... Là, c'est plus qu'un secret d'État.

Mme Hivon: O.K. Bien, merci beaucoup. Puis, est-ce que vous avez... Je comprends que c'est sur ce point-là principalement que vous axez votre mémoire, là, quand la personne est décédée, parce qu'évidemment vous faites affaire avec des gens qui sont...

M. LaFrance (Henri): Âgés.

Mme Hivon: ...assez âgés et qui, eux, ont vécu ce problème-là, mais est-ce que vous avez réfléchi à la possibilité que, si on ouvre pour le passé la confidentialité des dossiers d'adoption, donc pas juste pour les cas où les parents d'origine seraient décédés, mais de manière générale, on peut imaginer une personne de 50 ans qui est adoptée, dont la mère biologique a peut-être 68, 70 ans... est-ce que vous pensez qu'il devrait aussi y avoir une ouverture dans ces cas-là, pour le passé, pour que ces personnes-là, si on devait ouvrir dans la loi, que ce ne soit pas juste pour le futur mais aussi pour le passé?

M. LaFrance (Henri): Bien, à tout le moins, on devrait inverser la présomption de veto, à tout le moins. Puis, pour avoir fréquenté des aînés qui ont vécu, disons, des situations où... Je vais vous parler, à titre personnel, de ma soeur qui a caché pendant 30 ans le fait qu'elle s'était mariée obligée, entre guillemets. Vous connaissez, à l'époque, il y avait les femmes qui se faisaient... c'est-à-dire qui s'en allaient dans une autre ville pour faire adopter leur enfant, parce que c'était l'infamie, mais il y avait aussi celles qui se mariaient obligées, sauf que, ces femmes-là, on les a culpabilisées. C'est que, moi, ce que je dis, pour avoir fréquenté des cas comme ça, ces personnes-là, c'est plus d'une thérapie qu'elles ont besoin que de garanties juridiques, parce que... pour assumer, bon: Voilà 50 ans, j'ai eu un enfant hors mariage, et, à l'époque, c'était l'infamie. Mais, en 2010, là, on n'est plus à cette époque-là, puis il n'y a personne qui va tirer des pierres aujourd'hui, en 2010, parce qu'elle a eu un enfant hors mariage. On ne les qualifiera plus de filles-mères, de pécheresses, etc., comme c'était à l'époque.

Il faudrait peut-être s'adapter à la société moderne et non plus vivre dans le passé. Ces femmes-là, ce n'est pas des pécheresses, c'est des femmes normales, tout simplement, puis, aujourd'hui, c'en est risible, aujourd'hui, c'est presque 50 % des enfants qui naissent hors mariage. On est loin des années trente, où c'était l'infamie.

M. Trudeau (Luc): Mais nous sommes par ailleurs conscients que le critère de rétroactivité, c'est un critère d'exception au niveau des lois. Alors, on est conscients de ça.

Mme Hivon: Je pense que c'est ça, on est tous face à la question de l'équilibre, donc d'où la question des veto, mais où quelqu'un devrait peut-être inscrire le veto. Et, quand vous dites: Qui ne dit mot consent, bien c'est ça, il y aurait un peu un inversement de la règle, la règle deviendrait peut-être l'ouverture, mais avec possibilité d'inscrire un veto si on ne veut pas que ça se sache, là. Bien, merci beaucoup. Merci beaucoup de ces propos pleins de sagesse et de vécu. Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Donc, M. LaFrance, M. Trudeau, merci infiniment de vous être présentés précipitamment à notre commission, on vous en remercie énormément. Et, sur ce, je vais suspendre les travaux... Je vais vous souhaiter un bon retour chez vous, bien sûr. Et je vais ajourner, plutôt, les travaux, et je vous souhaite à tous une bonne fin de journée.

(Fin de la séance à 17 h 44)

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