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Version finale

39e législature, 1re session
(13 janvier 2009 au 22 février 2011)

Le jeudi 6 mai 2010 - Vol. 41 N° 65

Étude des crédits budgétaires 2010-2011 du ministère de la Justice


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Table des matières

Justice

Adoption de l'ensemble des crédits

Documents déposés


Autres intervenants

 
M. Claude Bachand, vice-président
M. François Ouimet, président suppléant
M. Gerry Sklavounos
Mme Stéphanie Vallée
* M. Louis Dionne, Directeur des poursuites criminelles et pénales
* M. Michel Bouchard, ministère de la Justice
* M. Denis Roy, Commission des services juridiques
* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures trente minutes)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes... Si vous avez des cellulaires, s'il vous plaît, bien vouloir les fermer, ou toute autre chose qui pourrait nuire à notre concentration, et Dieu sait qu'on en aura besoin aujourd'hui.

La commission est réunie afin de procéder à l'étude des crédits budgétaires du portefeuille Justice pour l'exercice financier 2010-2011.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, pour ce qui est du déroulement de la séance, je vous indique que nous procéderons à une discussion d'ordre général pour 20 minutes, des blocs, incluant les questions et les réponses, et sur l'ensemble des crédits du portefeuille Justice. Quelques minutes avant la fin de la période, donc six heures, nous avons... allouée pour l'étude de ces crédits, nous procéderons à la mise aux voix du programme.

Ce que je vais vous dire, c'est que principalement nous avons 30 minutes de retard que nous devrions reprendre, en principe. Donc, au lieu de terminer vers 13 h 30... vers 13 heures, on terminerait vers 13 h 30. Est-ce qu'il y a consentement pour cela? Et j'ai cru comprendre aussi que, dans l'organisation des travaux, il y aurait aussi deux périodes consécutives de questions de la part... pas tout à fait consécutives parce qu'il y a le deuxième groupe d'opposition qui va se présenter, à ma compréhension. Il y aura un temps déterminé pour eux, et ensuite c'est le parti de l'opposition qui reprendra aussi la parole, compte tenu de la disponibilité des gens qui sont avec nous.

Et d'ailleurs, ces gens... permettez-moi, Mme la députée, de vous saluer et de les saluer. Mme la députée de Joliette, bienvenue à notre commission. C'est toujours un plus de vous avoir avec nous. M. le député de Marquette et M. le député de Laurier-Dorion, en ce qui vous concerne, c'est toujours un plaisir de vous voir. Mme la ministre, bien là, je manque de mots pour vous dire à quel point on est heureux de vous voir aujourd'hui ici et de rencontrer aussi votre équipe, l'équipe hautement performante qui vous accompagne. Et vous avez, à votre droite, quelqu'un que nous aimerions sûrement connaître et que je vais vous donner le privilège de présenter.

Mme Weil: Oui. Alors, j'ai un discours de...

Justice

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, simplement, présentez les personnes qui sont avec vous, et on va procéder aux remarques préliminaires tout de suite après.

Mme Weil: O.K., d'accord. Alors, il y a, qui m'accompagnent -- je vais peut-être présenter l'équipe en entier: Me Michel Bouchard, le sous-ministre de la Justice; Me Dominique Langis, sous-ministre associée à la Direction générale des affaires juridiques et législatives; Me Denis Marsolais, sous-ministre associé à la Direction générale des services de justice et des registres; M. Fernand Archambault, sous-ministre associé à la Direction générale des services à l'organisation; Me Renée Madore, directrice des orientations et politiques; Me Louis Dionne, à ma droite, Directeur des poursuites criminelles et pénales; Me Denis Roy, président de la Commission des services juridiques; M. Gaétan Cousineau, président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse; et le personnel de mon cabinet.

Remarques préliminaires

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la ministre. Donc, nous allons poursuivre sans plus tarder en remarques préliminaires. Vous avez 15 minutes pour les faire. À vous la parole, Mme la ministre.

Mme Kathleen Weil

Mme Weil: Alors, merci, M. le Président. Alors, dans un premier temps, je souhaite remercier l'équipe qui m'accompagne aujourd'hui pour le travail extraordinaire qu'ils ont fait pour préparer la documentation. Je voudrais aussi saluer la députée de Joliette et les députés du parti ministériel.

M. le Président, notre gouvernement s'est résolument engagé en faveur d'un système de justice humain, transparent et accessible pour l'ensemble de la population. À mon arrivée au ministère de la Justice, j'ai fait de l'accessibilité à la justice ma grande priorité. Avec le concours des partenaires, dont la magistrature, le Barreau du Québec, la Chambre des notaires et les différents barreaux locaux, nous avons mis de l'avant une série de mesures destinées à faciliter l'accès à la justice et à rapprocher le système de justice des citoyens. J'aurai l'occasion d'y revenir.

Dans un premier temps, les crédits du portefeuille Justice pour l'année financière 2010-2011 augmentent de 8,7 millions de dollars par rapport aux crédits accordés en 2009-2010, pour un total de 717,4 millions, soit une hausse de 1,2 % par rapport aux crédits comparatifs de 2009-2010. Je voudrais d'abord faire un survol des différentes réalisations de l'année qui vient de se terminer. Je parlerai ensuite des projets pour 2010-2011.

Pour commencer, je vous parlerais de différents projets visant à améliorer l'accès à la justice. En 2009, en partenariat avec les acteurs du milieu juridique et communautaire, nous avons annoncé un projet pilote d'une durée de trois ans visant la mise en place de trois centres de justice de proximité. Le principe du centre de justice de proximité est de simplifier l'accès aux services de justice. Ainsi, les citoyens pourront obtenir dans un guichet unique des services d'information juridique et de référence juridique et communautaire. L'offre de service sera gratuite et variera en fonction des priorités, des ressources et des besoins de la communauté. J'espère faire une annonce très bientôt dans ce dossier.

Dans le dossier de l'aide juridique, les seuils d'admissibilité à l'aide juridique ont été augmentés le 1er janvier 2010. Ainsi, le revenu annuel maximal des personnes seules les rendant admissibles à l'aide juridique gratuite est rehaussé de 5,6 %. Cette hausse complète le plan d'augmentation graduelle des seuils d'admissibilité qu'avait annoncé le gouvernement en 2005 et qui s'échelonnait jusqu'en 2010. Ces hausses successives auront jusqu'à présent permis l'ouverture de 44 394 dossiers d'aide juridique.

Le gouvernement s'était aussi engagé à contrer les atteintes à l'intégrité de la personne et à faciliter l'accès à la justice aux personnes qui en sont victimes. À cet égard, je pense notamment aux initiatives à l'encontre des agressions sexuelles. Ainsi, le 21 mars dernier, en collaboration avec le ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine et la ministre des Aînés, j'ai fait le lancement de la troisième phase du Plan d'action gouvernemental 2008-2013 en matière d'agressions sexuelles. Le 16 avril, j'ai lancé la ligne SOS Agression sexuelle. Une ligne téléphonique de référence, sans frais, vouée à orienter autant les personnes victimes d'agression sexuelle que les intervenants vers les services appropriés a été mise en place. Toute victime d'agression sexuelle peut maintenant recevoir de l'aide en composant 1 888 933-9007.

De plus, en matière de prévention, nous avons également mené, en collaboration avec le ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, plusieurs campagnes de sensibilisation à la violence conjugale.

D'autres projets qui me tenaient également à coeur ont été réalisés en 2009-2010 ou sont en cours de réalisation. C'est notamment le cas pour la lutte contre l'homophobie, dont j'ai rendu publique en décembre dernier la Politique québécoise de lutte contre l'homophobie et des modifications législatives en matière d'adoption. À cet égard, j'ai déposé en octobre dernier un avant-projet de loi proposant d'élargir l'éventail des possibilités d'adoption et de transfert de l'autorité parentale. Nous avons d'ailleurs tenu des consultations en janvier et février. Nous sommes maintenant à analyser l'ensemble des mémoires et présentations que nous avons eus en commission, et j'espère déposer un projet de loi dans les mois à venir.

Dans le... pour ce qui est des projets de loi, j'ai eu l'occasion de piloter et faire adopter neuf projets de loi, dont quatre avec la députée de Joliette, quatre avec la députée de Mirabel et un avec le député de Saint-Maurice.

Finalement, il y a eu un certain nombre de projets immobiliers. D'ailleurs, le Plan québécois des infrastructures 2009-2014 a prévu un investissement total de 175,5 millions pour le réseau des palais de justice.

En septembre dernier, j'ai inauguré le palais de justice de Cowansville, que l'on pourra dorénavant désigner sous le nom d'édifice Jean-Jacques-Bertrand, en l'honneur de l'ancien premier ministre et ministre de la Justice. Restauré et modernisé au coût de 11 millions, il est sécuritaire et adapté aux nouvelles technologies.

Au palais de justice de Salaberry-de-Valleyfield, les travaux de rénovation et d'agrandissement commencés en janvier dernier régleront les problèmes liés au manque d'espace, à l'exiguïté des locaux, la désuétude des installations et la sécurité. Le coût du projet est de 59,2 millions, et la fin des travaux est prévue pour décembre 2012.

Le centre de services judiciaires Gouin avait été établi en 2001 pour faire face à l'évolution de la criminalité ainsi qu'aux exigences particulières de certaines causes. Pour les besoins de certains procès à venir, nous avons procédé à des réaménagements des lieux et mise à niveau de la technologie, terminés en novembre. Ces travaux ont coûté 3,9 millions.

L'accessibilité à la justice continue d'être une grande priorité dans l'année à venir. Les résultats encourageants enregistrés durant l'exercice écoulé nous convainquent de la justesse des gestes posés et nous incitent à poursuivre dans la même voie. Dans la foulée de la publication de la Politique québécoise de la lutte contre l'homophobie, nous sommes déjà au travail afin d'élaborer le plan d'action de lutte contre l'homophobie.

Au sujet de l'avant-projet de loi en matière d'adoption et d'autorité parentale, nous analysons le contenu des interventions produites au cours de la consultation publique, et j'apporterai en conséquence des ajustements à l'avant-projet, qui pourrait devenir un projet de loi d'ici la fin de l'exercice.

La deuxième phase de la modernisation du Code de procédure civile se poursuit, avec la ferme volonté de simplifier les procédures civiles afin que les justiciables puissent se prévaloir de la justice dans les délais et à des coûts proportionnels aux résultats recherchés, un projet énorme, M. le Président, où on souhaite réduire la taille du Code de procédure civile pour une justice avec célérité et accessible.

Maintenant que j'ai fait le tour des principaux dossiers du ministère de la Justice, je demeure à la disposition des membres de la commission afin de répondre à leurs questions. Merci, M. le Président.

**(11 h 40)**

Le Président (M. Ouimet): Alors, merci, Mme la ministre, pour vos remarques préliminaires. Je reconnais maintenant Mme la députée de Joliette et porte-parole de sa formation politique en matière de justice.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon: Merci, M. le Président. Je suis heureuse, à mon tour, d'entreprendre cette étude des crédits pour une deuxième année consécutive à titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice parce que, on le sait, l'étude des crédits, c'est un moment charnière de reddition de comptes et c'est l'occasion pour l'opposition mais aussi pour la population d'avoir des réponses à ses questions, des questions non seulement en matière budgétaire, mais également, comme le veut la tradition, sur l'ensemble des actions posées ou non posées par la ministre et sur la vision qu'elle a de son rôle, de sa mission et celle de son ministère.

En ce début de travaux, je tiens, bien entendu, à vous saluer, M. le Président, et à vous dire que je compte sur vous et sur notre habituelle collaboration, votre diligence et votre impartialité. Et je veux également saluer les membres de cette commission, les collègues du parti ministériel qui sont des fidèles de nos travaux en matière de justice, mais surtout, bien entendu, saluer la ministre, qui se prête, elle aussi, évidemment à sa deuxième étude des crédits, et toute l'équipe de hauts fonctionnaires et le personnel de son cabinet qui l'accompagne. Je pense particulièrement ici à Me Michel Bouchard, sous-ministre, au sous-ministre associé, à Me Dionne, à aussi M. Cousineau et, bien entendu, au président de la Commission des services juridiques. Je suis, pour ma part, accompagnée de Cyril Malouet, qui est recherchiste pour notre aile parlementaire.

Le ministère de la Justice, c'est un ministère d'une grande importance, pas tant par son budget, malheureusement, qui ne représente que 1 % de l'ensemble du budget de l'État, mais par sa mission fondamentale en démocratie: de voir à ce que l'intégrité du système de justice soit assurée, de voir à ce que la justice soit accessible, crédible, fiable, qu'elle inspire confiance. On n'a pas besoin de rappeler longtemps que, sans justice, sans véritable système de justice, il n'y aurait évidemment pas de démocratie digne de ce nom.

Cette année a été marquée par beaucoup d'événements en matière de justice, et non les moindres. D'un point de vue administratif, toutefois, elle l'a été par le dépôt d'un important rapport du Vérificateur général, qui a examiné les pratiques en cours en matière de soutien aux activités judiciaires et qui a relevé de nombreux et sérieux problèmes autant au sujet de l'utilisation des salles des palais de justice, de l'absence d'indicateurs de suivi fiables pour mesurer la performance du réseau, de l'absence de mesures uniformes entre les palais, par exemple dans l'imposition des tarifs, et ce, sans compter les dérives importantes dans la mise en place d'un projet informatique d'envergure, le système intégré d'information de justice, qui, après 10 ans de cheminement, de multiples recommencements et restructurations et des dizaines de millions de dollars dépensés, n'est toujours pas en place, loin de là. Vous aurez compris, M. le Président, que nous reviendrons sur les conclusions importantes de ce rapport.

Par ailleurs, nous savons à quel point la question de l'accessibilité à la justice est centrale et à quel point elle est problématique, particulièrement en matière civile. Je ne reprendrai pas l'ensemble des propos que j'avais tenus à ce sujet l'année dernière, mais il m'apparaît quand même important de réitérer qu'on assiste depuis plusieurs années à une crise de confiance de la population à l'endroit de son système de justice. Et je ne parle pas, encore une fois, des événements choquants qui se sont produits au cours des derniers mois et qui ont encore davantage remis en question cette confiance.

Je parle ici, dans un premier temps, simplement de la désaffection générale que l'on constate depuis un bon moment déjà dans la population à l'égard du système. D'ailleurs, je rappelle que le sondage effectué par le ministère de la Justice en 2006, sur la confiance de la population à l'endroit du système, révélait que plus de 40 % des citoyens n'ont pas confiance dans le système, que 46 % en ont une image négative, que près de 80 % le considèrent comme un véritable labyrinthe et que, sans surprise, le même taux, 80 % croient qu'ils n'auraient pas les moyens de faire valoir leurs droits devant les tribunaux si un problème survenait. Et on sait que le problème de l'accès en est un de taille quand on voit notamment que de plus en plus de gens n'ont pas d'autre choix que de se représenter seuls ou de carrément abandonner leur recours.

Or, on constate, après bientôt un an et demi en poste, un décalage important entre les intentions que la ministre a véhiculées lors de son arrivée en fonction, à savoir qu'elle faisait de l'accessibilité à la justice sa priorité, et le peu de moyens qui ont été déployés à ce jour pour s'y attaquer véritablement ou les retards dans le déploiement de ces moyens.

Mais, M. le Président, les problèmes ne s'arrêtent pas à l'accessibilité à notre système. Vous le savez, certains événements récents remettent carrément en cause le système lui-même. Or, à titre de première responsable de la justice au Québec, de son administration, de son intégrité, la ministre est celle qui doit rendre compte et qui doit aussi rassurer la population. Elle doit répondre aux questions, faire preuve de leadership, de responsabilité, d'imputabilité.

La ministre le sait de par les questions que je lui pose en Chambre, j'estime qu'il y a des problèmes dans sa manière de concevoir et de remplir sa fonction de ministre de la Justice. Je pense notamment qu'elle devrait être plus proactive quand des problèmes surviennent, surtout quand on sait comment la confiance du public envers le système judiciaire est déjà mise à mal. Je pense aussi, bien entendu, qu'elle se doit d'être imputable de tout ce qui se passe sous sa gouverne car elle est la seule personne qui peut répondre des actions de son ministère et des organismes qui relèvent d'elle devant l'Assemblée nationale.

Et je voudrais ici revenir sur deux événements récents qui ont soulevé l'indignation de la population et où je n'ai pas compris la réaction qui a été celle de la ministre.

Le premier, celui de l'affaire Norbourg, de l'avortement du procès des coaccusés de Vincent Lacroix. Alors que la consternation et la désolation étaient généralisées face à un échec important du système, la ministre a eu comme réaction de dire que la justice roulait bien au Québec. Par la suite, en Chambre, elle n'a voulu assumer aucune responsabilité, voire aucune imputabilité dans cette affaire. Nous allons revenir dans nos questions pour comprendre comment la ministre perçoit son rôle et confronter nos visions, parce que, je le répète, on estime fondamental qu'elle soit imputable.

Et le second, bien évidemment, M. le Président, c'est l'affaire des allégations de l'ex-ministre de la Justice, Marc Bellemare, concernant le processus de nomination des juges. La chronologie des événements a de quoi laisser pantois. Multitude d'allégations troublantes, de corroborations, de révélations, y compris de par la ministre elle-même, d'incohérences, et de contradictions, et, à travers tout ça, encore une fois, des questionnements quant à la manière dont la ministre perçoit son rôle et assume ses responsabilités.

Je pense qu'il convient de prendre quelques minutes pour faire un rappel de ce qui s'est passé depuis le 12 avril dernier, jour où Marc Bellemare a indiqué, entre autres choses, avoir été contraint par des gros collecteurs de fonds du Parti libéral de nommer ou promouvoir au moins trois juges, en prenant soin d'ajouter que le premier ministre était au courant de la situation et qu'il n'avait pas bronché.

Le lendemain, la ministre fait part de sa première réaction en déclarant aux journalistes qu'il n'y a pas de problème, qu'elle a pleinement confiance, que son système de justice fait l'envie de plusieurs dans le monde. Elle ajoute plus tard qu'elle ne pense pas que le processus de nomination peut être amélioré.

Pourtant, le premier ministre vient juste d'annoncer, de son côté, la mise en place d'une commission d'enquête précisément sur la base des allégations de Marc Bellemare en lien avec le processus de nomination des juges, le tout, bien sûr, à la surprise générale, puisque le premier ministre refuse depuis des mois, malgré la demande d'à peu près tout ce qui bouge au Québec, y compris les corps policiers et les procureurs de la couronne, la mise en place d'une commission d'enquête sur les problèmes dans l'industrie de la construction, parce qu'il dit que ce n'est pas nécessaire, que c'est trop compliqué, que c'est trop long. Mais là, soudainement, en moins de 24 heures, sur la base des allégations de Marc Bellemare, allégations que le premier ministre dit par ailleurs être fausses, tellement fausses qu'il le poursuit pour pas moins de 700 000 $, il met une commission d'enquête en place. Déjà, c'est plutôt difficile de ne pas y voir pour le moins de graves problèmes de logique et de cohérence.

Mais il existe un autre problème fondamental, selon nous, pour peu que l'on veuille suivre les règles de justice naturelle les plus élémentaires. On souligne dès le départ à la ministre qu'il y a un grave problème dans le fait que ce soit le premier ministre qui mette en place la commission, qui en nomme le président et le mandat, alors qu'il est directement visé par les allégations de Marc Bellemare et qu'il apparaît donc comme juge et partie. Or, la ministre nous dit qu'elle cautionne totalement la démarche.

Mais ça se complique encore plus. Alors que les allégations de l'ex-ministre son corroborées au fil des jours par des collecteurs de fonds du parti, l'attaché de presse de l'actuelle ministre indique, pour sa part, que le processus de nomination a été modifié depuis 2003, en précisant que les noms des candidats aptes à être nommés juges sont désormais connus du Conseil des ministres. Le jour même, autant la ministre que le premier ministre affirment que l'attaché de presse a fait une erreur et répètent que le processus n'a pas changé depuis 2003, que la liste est confidentielle et que la ministre en est la seule garante.

**(11 h 50)**

Or, le lendemain, nouveau coup de théâtre, M. le Président, lors d'une entrevue, la ministre indique que le premier ministre est impliqué dans les nominations. Et, en réponse à des questions, elle ajoute qu'elle ne peut nier qu'il soit possible que d'autres personnes le soient également, par exemple des membres de l'entourage du premier ministre ou du Parti libéral. À la suite d'une autre question, elle ajoute qu'elle connaît effectivement Chantal Landry, responsable des relations avec le Parti libéral au cabinet du premier ministre. Et pourquoi la connaît-elle? Précisément parce que c'est elle qui est responsable des nominations, de nous dire la ministre.

Et que se passe-t-il par la suite? Eh bien, le premier ministre déclare tout d'abord qu'il est normal qu'il s'ingère dans les nominations de juges, malgré la pratique constante de nomination qui n'est pas à cet effet, tel que confirmé notamment par d'anciens ministres de la Justice et même un ancien premier ministre. Mais, quelques heures plus tard, on ne semble plus trop considérer ça si normal que le premier ministre intervienne, puisque les anciens ministres de la Justice de l'actuel gouvernement, soit le député de Vaudreuil et le ministre de la Sécurité publique, refusent de répondre aux journalistes qui leur demandent s'ils consultaient également le premier ministre pour les nominations. Et puis, rendu au lendemain, c'est le premier ministre lui-même qui refuse désormais de répondre à toute question en lien avec le processus de nomination des juges, et de redire ce qu'il avait pourtant dit deux jours auparavant, soit qu'il est normal qu'il discute des nominations de juges.

Depuis le 18 avril, c'est donc silence radio, alors que, toute la semaine précédente, la ministre discutait du dossier, donnait des entrevues. Dès lors, plus aucune réponse à nos questions. C'est étrange. Et c'est non seulement étrange, mais c'est inquiétant pour notre démocratie de voir que, comme élus, on ne peut pas avoir de réponses aux questions légitimes que nous nous posons, mais surtout que les Québécois se posent, alors que les révélations continuent à se multiplier, comme ce matin, alors que nous apprenons maintenant qu'un collecteur de fonds du Parti libéral a non seulement siégé sur un comité de sélection de juges du Québec, mais aussi qu'il a été désigné par des prédécesseurs de la ministre comme représentant du Québec sur des comités consultatifs sur les nominations à la magistrature fédérale.

Alors, en terminant, M. le Président, aujourd'hui, sur ce sujet mais sur aussi bien d'autres, nous allons poser des questions. En le faisant, nous assumons notre rôle d'opposition, notre devoir de poser ces questions et d'être ainsi le relais de la population, qui, elle aussi, se pose une foule de questions. Et nous espérons, tout comme la population, que la ministre comprendra toute l'importance de donner de véritables réponses à ces questions en toute transparence. Sur ce, je nous souhaite de bons travaux, M. le Président, et merci de votre écoute.

Le Président (M. Ouimet): Merci à vous, Mme la députée, pour vos remarques préliminaires. Je vais maintenant reconnaître la députée de Lotbinière pour un temps de parole de cinq minutes pour ses remarques préliminaires. Mme la députée.

Mme Sylvie Roy

Mme Roy: Merci, M. le Président. Je veux saluer Mme la ministre, M. le Directeur des poursuites pénales et criminelles, le personnel de la ministre, les collègues de l'opposition et du parti ministériel ainsi que le personnel de la commission.

Donc, on entreprend encore une fois les crédits de la Justice, cette année, et on l'entreprend dans un moment ou une époque où, il faut bien l'avouer, tous ici on a des remises en question de la population quant à nos institutions. Donc, je pense que l'exercice qu'on doit faire doit être le plus transparent possible, aller le plus loin possible pour rétablir le plus possible la confiance du public en l'administration de la justice. Et c'est à ça que je vais m'employer, et j'imagine que mes collègues sont dans un même esprit.

Étant tous membres du Barreau, ici, on a quand même un devoir d'officier de la justice, selon notre code de déontologie. Et c'est bien sûr que les questions que je vais poser, c'est dans le but d'avoir des réponses. Et je ne veux pas que le personnel de la ministre pense que je remets en question leur travail, parce que je crois que ce travail-là est fait convenablement, mais que l'exercice ici est afin... est là pour nous aider à éclaircir certaines dépenses, ou situations, ou décisions de la ministre, et ça peut être fait d'une façon tout à fait convenable. Je m'engage à vous donner la collaboration que je peux avoir malgré le peu de temps qui m'est dévolu pour les échanges avec la ministre, étant donné que je suis la représentante du deuxième groupe de l'opposition.

Maintenant, puisque je préfère avoir des échanges, j'aimerais, M. le Président, prendre le temps qui m'est alloué pour les remarques préliminaires et l'appliquer, comme on l'a prévu dans l'entente, aux échanges avec la ministre.

Discussion générale

Le Président (M. Ouimet): Très bien, Mme la députée. Alors, je vais préserver les quelques minutes qu'il vous restait, 3 min 15 s, à peu près. Mais je vais maintenant commencer la période d'échange en reconnaissant Mme la députée de Joliette pour un premier bloc de 20 minutes.

Représentation du Québec à la dernière
réunion fédérale-provinciale-territoriale
des sous-ministres de la Justice

Mme Hivon: Merci, M. le Président. Alors, on a compris que le Directeur des poursuites criminelles et pénales était avec nous uniquement pour ce matin, alors nous allons concentrer nos questions sur les matières criminelles, ce matin, et nous aurons une foule d'autres sujets à aborder plus tard dans la journée.

Avant d'aborder spécifiquement les dossiers comme tels en matière criminelle, j'aimerais soulever quelque chose qui m'est apparu très problématique et, de plus, totalement contradictoire avec les propos répétés de la ministre sur l'indépendance du Directeur des poursuites criminelles et pénales par rapport au ministère et à la ministre.

C'est qu'on a appris, à la suite d'une demande d'accès, que, lors de la dernière rencontre fédérale-provinciale-territoriale des sous-ministres de la Justice, c'était le Directeur des poursuites criminelles et pénales qui représentait le Québec à la table. Il n'y avait pas de sous-ministre en titre, pas de sous-ministre associé dans la délégation. Le seul haut fonctionnaire qui pouvait parler à la table au nom du Québec en matière de justice, c'était Me Dionne, le Directeur des poursuites criminelles et pénales. On ne remet pas en cause sa compétence, mais ce qu'on remet en cause, c'est le respect, justement, comme la ministre le plaide tellement, de l'indépendance de l'institution.

Alors, juste pour situer le contexte, on sait que, lors de ces rencontres-là, on parle d'une multitude de sujets. On parle d'aide juridique, on parle de droit de la famille, on peut parler de droit constitutionnel, on peut parler de victimes d'actes criminels. Alors, je m'explique vraiment mal ce choix. Et j'aimerais ça que la ministre nous explique comment elle a pu admettre un mélange de genres aussi surprenant et inadmissible et une telle incohérence par rapport aux propos qu'elle nous tient.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Merci, Mme la députée. Donc, Mme la ministre, pour cette première question.

Mme Weil: Écoutez, moi, j'étais là aussi pour une partie. C'était au Nouveau-Brunswick, au mois d'octobre, donc...

Mme Hivon: Mais, moi, je parle... Moi, je parle de la rencontre des sous-ministres, pas des ministres, évidemment, des sous-ministres...

Mme Weil: Ah! Rencontre des sous-ministres. Mais c'est...

Mme Hivon: ...où Me Dionne était le représentant du ministère.

Mme Weil: Oui. Écoutez, je ne suis pas au courant exactement de cette rencontre. Mais c'est normal que le Directeur des poursuites criminelles et pénales soit à ces rencontres de sous-ministres. C'est vrai aussi pour le Directeur des poursuites criminelles et pénales du Nouveau-Brunswick, donc, pour parler de ces dossiers. Mais, dans l'instant, je vais peut-être céder la parole à Me Dionne.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Juste avant de céder la parole, Mme la ministre, j'ai besoin d'un consentement des parlementaires. Et je n'ai pas un consentement à ce moment-ci.

Mme Hivon: Pas pour l'instant, non. Moi...

Le Président (M. Ouimet): Pas pour l'instant.

Mme Weil: Bien, il faudrait que je m'informe de la situation.

Mme Hivon: O.K.

(Consultation)

Mme Weil: ...m'informe, c'est la première fois en 20 ans que Me Bouchard a manqué la rencontre pour des raisons personnelles. Mais ce ne... Bon, il y avait Michel Bouchard, donc, qui normalement aurait été là, M. Lafrenière, de la Sécurité publique, et Me Dionne, pour représenter le Directeur des poursuites criminelles et pénales. 85 % des sujets discutés touchaient exactement la compétence de Me Dionne, donc, le Directeur des poursuites criminelles et pénales, donc c'étaient des matières criminelles.

Je vous dirais... Puis je pense qu'il y a lieu de clarifier une notion que la députée ne semble pas comprendre: l'indépendance. Lorsqu'on parle d'indépendance du Directeur des poursuites criminelles et pénales, et il faut le voir dans la genèse de la création de ce poste... Et j'aurai l'occasion... d'ailleurs, j'en profite pour peut-être citer le député... l'ancien ministre de la Justice. Lorsqu'ils ont créé le poste de Directeur des poursuites criminelles et pénales, c'est l'indépendance vis-à-vis le Procureur général, et c'est justement pour donner confiance au public. Et je pense que peut-être la notion échappe... Et j'inviterais la députée à vraiment écouter les explications.

Donc, vous... la députée met en question le fait que le Directeur des poursuites criminelles était là pour remplacer deux autres fonctionnaires, alors qu'il n'était pas là pour remplacer la ministre de la Justice et la Procureur général du Québec, mais deux autres fonctionnaires, pour parler de questions de justice, alors que 85 % des matières touchaient exactement son expertise. Moi, j'ai de la difficulté à voir en quoi ça remet en question son indépendance.

Le Président (M. Ouimet): Bien. Mme la députée.

**(12 heures)**

Mme Hivon: Le problème, Mme la ministre, c'est qu'il n'y a pas... il y a une confusion des genres, je pense, qui est assez évidente, là. Il n'y avait pas de sous-ministre en titre, je ne comprends pas, il n'y avait pas de sous-ministre associé qui pouvait être là pour représenter le ministère. On nous plaide cette indépendance-là. Cette indépendance-là est du directeur par rapport au ministère, mais pas le ministère par rapport au directeur. Le directeur, lui, peut prendre la parole au nom du Québec sur les autres dossiers: aide juridique, droit de la famille. Franchement, je ne suis pas capable de m'expliquer ça puis je ne suis pas capable de comprendre qu'on n'ait pas délégué un sous-ministre associé.

Quand on dit que 85 % des sujets étaient en matière criminelle, je veux juste rappeler à la ministre elle-même qu'elle nous plaide de manière répétée qu'elle demeure responsable des orientations et mesures, comme ministre, en matière d'orientation criminelle, alors il fallait qu'il y ait quelqu'un du ministère qui soit là. Le Directeur des poursuites criminelles et pénales, c'est le poursuivant, c'est celui qui applique, c'est celui qui prend les décisions, les choix, qui fait les stratégies, ce n'est pas celui qui détermine les orientations. Je m'explique très mal qu'il n'y avait personne du ministère pour défendre la position du Québec et que c'est le Directeur des poursuites criminelles et pénales qui était là, alors que j'ai appris, en plus, qu'il y a un comité fédéral-provincial des poursuivants où Me Dionne siège, où, j'imagine, les questions qui le concernent sont discutées.

Le Président (M. Ouimet): Mme la ministre, oui.

Mme Weil: M. le Président, c'est M. Lafrenière qui a représenté le gouvernement. Je répète, Me Bouchard a été rappelé d'urgence. Me Bouchard a été rappelé d'urgence, il aurait été là, et c'était vraiment à la dernière minute, pour une situation personnelle. Il aurait fait tout, tout pour être présent, mais il ne pouvait pas. C'est Me Lafrenière, donc, de la Sécurité publique, qui a représenté le gouvernement. Me Dionne n'a pas eu à faire des représentations pour le gouvernement parce que toutes les positions étaient déjà prises. Et le Directeur des poursuites criminelles et pénales était là pour représenter les positions du Directeur des poursuites criminelles et pénales dans des matières de sa compétence.

Le Président (M. Ouimet): Mme la députée.

Mme Hivon: En tout cas, en terminant, je veux juste dire que, dans la demande d'accès qu'on a faite, on nous a vraiment mentionné: un seul haut fonctionnaire présent qui était, pour la Justice, Me Dionne. Et je peux comprendre les situations personnelles, je ne remets surtout pas en doute le travail de Me Bouchard. Je ne comprends juste pas qu'au ministère on n'ait pas désigné un sous-ministre associé, quelqu'un qui puisse parler sur l'ensemble des sujets qui concernent le ministère à la table. Je trouve ça franchement inadmissible comme type de comportement et de représentation du Québec. Et, justement, ça envoie un message de mélange des genres que je ne comprends pas. Mais, ceci dit, je ne veux pas m'attarder outre mesure, outre... de manière trop détaillée là-dessus, j'invite juste, pour la suite des choses, peut-être, la ministre à la prudence. Sur ce, la ministre parlait...

Des voix: ...

Le Président (M. Ouimet): M. le député de Laurier-Dorion, vous me laissez présider. Je n'ai pas vu que la ministre voulait apporter un complément de réponse, donc je vais reconnaître la députée de Joliette.

Annulation du procès de cinq accusés
dans l'affaire Norbourg

Mme Hivon: Merci. Alors, la ministre parlait, il y a quelques minutes, de l'importance du rôle du Directeur des poursuites criminelles et pénales, alors je voudrais justement, maintenant, aborder ça, toute la question de l'indépendance, et je veux le faire à la lumière de l'affaire Norbourg dont j'ai parlé dans mes remarques préliminaires.

On sait que, le 26 janvier dernier, on a assisté à l'avortement du procès des coaccusés de Vincent Lacroix dans cette affaire. On sait que ça implique plus de 9 000 victimes, que ça a impliqué cinq ans de procédures judiciaires, que ça a impliqué des sommes de plus de 6 millions de dollars dépensées dans le système. Et on arrive à un avortement complet du processus, un gâchis, je qualifierais ça de gâchis, évidemment un gâchis d'abord pour les victimes, hein, qui ont soif de justice, pour les jurés et pour le juge, qui ont investi ces efforts-là pendant des semaines, des mois et qui ressortent de l'exercice avec un sentiment bien désagréable, même si évidemment ce n'est pas leur faute, et que tout le monde leur a dit, mais un sentiment bien désagréable de ne pas avoir été en mesure de rendre justice.

Et je pense que les réactions, à la suite de l'avortement du procès Norbourg, sont là pour prouver l'inconfort et l'indignation de la population et aussi la remise en cause du travail qui a été fait dans le dossier. Alors, juste quelques... quelques idées: La Presse, Le procès fait naufrage. Ensuite, qu'est-ce qu'on peut lire? Dans le Journal de Québec, Le fiasco Norbourg; Confiance ébranlée dans Le Soleil; dans Le Devoir, Le désenchantement; Les victimes blâment la couronne, Un avortement prévisible, selon les criminalistes; Procès Norbourg: l'avortement était prévisible; «Un non-sens juridique...»

Alors, écoutez, je ne remets pas en cause, de manière générale, le travail du Directeur des poursuites criminelles et pénales, je sais que c'est une organisation excessivement compétente, mais je pense qu'il y a des questions qui se posent à la suite de l'avortement de ce procès-là. Et je pense qu'il est aussi important de noter que le juge qui présidait le procès, le juge Wagner, lui-même, a appelé... -- et ce n'est pas rien, ce n'est pas quelque chose qu'on voit tous les jours -- il a appelé de manière totalement inusitée les autorités publiques à faire un examen de conscience quant à la stratégie, quant à la gestion de cette affaire.

Alors, moi, j'aimerais savoir: Plus de trois mois après l'avortement du procès, est-ce que la ministre de la Justice, mais surtout la Procureur général, a fait un examen de conscience par rapport à ces événements?

Mme Weil: Vous savez...

Le Président (M. Ouimet): Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Merci. J'ai déjà eu à exprimer que je suis outrée. La députée de Lotbinière nous a rappelé qu'on est tous membres du Barreau. Le premier principe, c'est des accusés qui sont devant les tribunaux, en tant que poursuivant, on n'a pas d'attente par rapport aux résultats des procédures criminelles... des procédures. On n'a pas de présomption de culpabilité ici, au Québec. Et je trouve extrêmement périlleux de parler de ces questions ici, lors des crédits. Elle sait très bien que le procès continue, et je suis tout à fait choquée que la députée de Joliette poursuive dans cette veine.

Alors, moi, je ne vais pas parler de ce procès-là. Je ne remets pas en question le travail du Directeur de poursuites criminelles et pénales, extrêmement compétent. Ça arrive de temps en temps qu'il y ait des avortements. Le procès continue. Moi, je n'ai pas d'attente dans un sens ou dans l'autre. Et donc l'important, ma priorité, c'est que la justice suive son cours sans que les politiciens s'en mêlent. Et ça, c'est le plus grand danger. Le plus grand danger, c'est lorsque le chef... la chef de l'opposition se lève pour politiser et lorsque la députée de Joliette se lève en Chambre pour politiser un processus qui doit être... qui doit rester indépendant, autonome. C'est justement là que les gens perdent confiance dans leur système de justice. Et de miner la crédibilité des plus grands acteurs qui sont aux premières loges, qui sont les personnes qui sont en mesure d'évaluer les stratégies... C'est justement ça, le rôle de la ministre de la Justice et procureur de la couronne.

Le Président (M. Ouimet): Mme la députée.

Mme Hivon: Alors, avec égard, Mme la ministre, je veux simplement dire qu'on n'est pas là du tout pour politiser, on est là parce qu'il y a des citoyens qui n'ont pas compris. Et la Procureur général, si elle parle de miner la confiance, je pense qu'une attitude de dire que tout va bien après qu'un avortement de procès aussi important se soit produit, ce n'est pas quelque chose qui donne confiance à la population et ce n'est pas quelque chose qui fait en sorte que la population se sent écoutée.

Là, je ne sais pas, je pense qu'elle est tout à fait consciente comme nous qu'il y a eu une foule d'articles et de commentaires à la suite de cet avortement-là, autant qui avaient trait à l'indignation de la population, des victimes, mais autant aussi de remises en question. Je pense que c'est tout à fait légitime, dans une démocratie, de pouvoir remettre en question les décisions et les gestes posés par les acteurs publics. Je ne vois pas le problème de ça du tout. Et ce n'est pas parce qu'il y a une cause en cours que ça fait en sorte que l'imputabilité de la ministre n'existe pas.

Ici, je ne suis pas en train de dire s'ils sont coupables ou pas coupables, on n'est pas en train de se prononcer sur le fond des choses, on est en train de parler de la stratégie, des choix qui ont été faits. Et le Directeur des poursuites criminelles et pénales a lui-même commenté la stratégie. Alors, je ne sais pas comment on peut dire, aujourd'hui, qu'on ne peut même pas poser de question. Lui-même, il l'a dit: Si c'était à refaire, je referais la même chose. Et, le 8 mars, quand les nouvelles accusations ont été déposées, on a expliqué pourquoi on déposait... pourquoi on avait retiré des accusations. Je ne suis pas en train de vouloir une discussion sur le fond des choses, sur la culpabilité ou non des accusés. Ce sur quoi j'interpelle la ministre, c'est sur les choix qui ont été faits. Le directeur lui-même en parle dans les médias.

Alors, je ne comprends pas du tout l'espèce de réserve. C'est très pratique d'utiliser le fait qu'une cause est pendante pour invoquer le silence. Mais là ça ne s'applique pas du tout. Et je pense qu'au contraire c'est le rôle de la ministre de donner son opinion sur l'examen de conscience qui a été fait. S'il n'y a pas d'examen de conscience qui a été fait, contrairement à ce que le juge a demandé, qu'elle nous le dise. Moi, ce que je lui demande, c'est quel examen de conscience elle a fait.

**(12 h 10)**

Mme Weil: Alors, je demanderais à la députée de faire attention à son vocabulaire. Elle doit montrer de la neutralité, autant que le Procureur ou la Procureur général du Québec. Lorsqu'on parle de fiasco, lorsqu'on remet en question les stratégies des acteurs de la justice, qui sont les personnes compétentes mandatées pour s'assurer que la justice suive son cours... Ce n'est pas à des députés péquistes, ou des membres de l'opposition, ni au ministre de la Justice de remettre en cause... à moins d'avoir des raisons de remettre en question. Et je vous dirais qu'il n'y a jamais eu d'instance, au Québec, depuis toujours, même avant la création du DPCP, qu'un Procureur général s'est mêlé à ces questions-là.

Il arrive de temps en temps qu'il y ait des causes très complexes, ça arrive. Le cas Norbourg est un de ces cas très complexes. Il y a des fraudes, il y a plusieurs accusés. Évidemment, les victimes sont les premières personnes à s'exprimer. Évidemment, c'est ce qu'on voit dans les manchettes. Mais, jusqu'à temps que les gens soient déclarés coupables, il y a des présumées victimes, des présumés accusés. C'est pour ça qu'il y a l'importance de garder sa distance et de ne pas prendre fait et cause pour l'un et l'autre. Et ce principe-là vaut en tout premier lieu pour le Procureur général, mais aussi pour toutes les personnes qui siègent en Chambre.

Le principe de sub judice, si on le comprend bien, a sa raison parce que, dès qu'on politise les processus judiciaires, on met en péril la justice. C'est tellement évident que j'ai de la misère à comprendre pourquoi la députée de Joliette ne comprend pas ce principe de sub judice. Ce n'est pas une excuse. On a juste à y réfléchir deux secondes et on se rend compte à quel point c'est important pour le ministre de la Justice de ne pas se prononcer lorsqu'il y a des causes qui se déroulent.

Alors là, la stratégie a été revue par le Directeur des poursuites criminelles et pénales, et vous avez remarqué qu'il y a eu très peu de couverture médiatique depuis ce temps-là. Mais, moi, je ne peux pas présumer du résultat de cette deuxième stratégie. L'important, c'est que j'ai confiance dans l'institution qu'est le Directeur des poursuites criminelles et pénales, et je le réitère. J'ai aussi... et ça ne me gêne pas du tout de le répéter, on a un excellent système de justice au Québec, on a une excellente magistrature, on a des procédures judiciaires qui font en sorte qu'on préserve la qualité de ce système de justice. Mais de dire ça ne veut pas dire que tout va bien tout le temps. C'est sûr qu'il y a des problèmes, je le reconnais. Mais, si je devais... si un ministre de la Justice devait s'immiscer à chaque fois qu'il y a un problème, d'intervenir -- oui, on va aller en appel, on n'ira pas en appel, ce n'est pas le résultat que je voulais -- on nuirait tout à fait à l'indépendance, et on aurait un système de justice qui ne pourrait pas fonctionner.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui.

Mme Hivon: Juste, encore une fois, ce n'est pas du tout ça que je demande à la ministre et Procureur général. Je ne lui demande pas de déterminer la stratégie et de s'ingérer dans toutes les affaires, je lui demande de nous dire quel examen de conscience elle a fait comme Procureur général du Québec. Il me semble qu'il y a encore une Procureur général du Québec en matière criminelle. Et là c'est beau, nous dire qu'elle a pleinement confiance dans son Directeur des poursuites criminelles et pénales, nous aussi, on estime que le... c'est une organisation très compétente, mais la population a un gros problème de confiance. Et vers qui elle se tourne, dans ce temps-là? Vers sa ministre de la Justice et Procureur général.

Et, si elle ne veut pas parler du cas précis, puis je pense qu'on n'aura pas de réponse sur l'examen de conscience, donc je présume qu'il n'y en a pas qui a été fait malgré l'appel en ce sens du juge Wagner, moi, je veux demander à la ministre comment elle perçoit alors, de manière générale, maintenant, son rôle, maintenant que le Directeur des poursuites criminelles et pénales existe dans une loi qui est en vigueur depuis 2007, comment elle perçoit son rôle de Procureur général en matière criminelle.

Parce que je veux lui dire deux choses. Je pense que c'est inacceptable de refuser de donner toute réponse quand il y a des questions qui sont posées en Chambre, pas sur des éléments super techniques qui ne sont que de la responsabilité du poursuivant, du Directeur des poursuites criminelles et pénales, mais sur comment la Procureur général, qui est la première responsable de la justice criminelle au Québec, réagit quand il y a un avortement de procès, quand il se passe quelque chose de grave dans le système de justice, quand il y a quelque chose qui a l'air de mal fonctionner. Parce que je ne sais pas vers qui d'autre on peut se tourner en Chambre, parce que malheureusement le Directeur des poursuites criminelles et pénales n'est pas un élu, et il ne siège pas en Chambre, et il n'est pas Procureur général.

Et je veux juste lui rappeler quelque chose que je lui avais rappelé en Chambre. Mais, quand il y a eu les travaux entourant l'adoption du projet de loi, M. Pierre Lapointe, qui est procureur-chef, avait dit qu'il n'y a pas d'indépendance fonctionnelle parfaite, que la Procureur général conserve ses fonctions. Et, savez-vous quoi, je suis allée sur le site du procureur... du Directeur des poursuites criminelles et pénales, et on parle bien du principe qui demeure de l'imputabilité du Procureur général. Je vous lis quatre lignes...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...

Mme Hivon: Je termine là-dessus.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): En conclusion. O.K.

Mme Hivon:«Trois principes fondamentaux ont sous-tendu le projet de loi n° 109 -- sur le directeur -- et ressortent bien des dispositions de la loi. D'abord, le but premier poursuivi par la création du DPCP était de garantir l'autonomie institutionnelle et fonctionnelle du directeur dans l'exécution de ses activités quotidiennes. La démarche visait aussi à assurer la transparence du processus de poursuite, notamment en distinguant les orientations générales de politique publique -- qui sont du ressort de la ministre -- des décisions quotidiennes relatives aux poursuites. Enfin -- et je surligne -- on a souhaité maintenir l'imputabilité du Procureur général, à titre d'élu, devant l'Assemblée nationale.»

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la députée de Joliette. Nous allons devoir y revenir, Mme la ministre. Gardez votre réponse en mémoire. Je vais permettre au député de Laurier-Dorion de prendre la parole. M. le député.

M. Sklavounos: Merci, M. le Président. D'abord, dire que je suis heureux de pouvoir participer à ces crédits de Justice aujourd'hui avec vous. Je profite pour vous saluer, M. le Président, et votre excellente présidence de nos débats. Je profite également pour saluer la députée de Joliette, porte-parole pour l'opposition officielle en matière de justice, notre collègue de Lotbinière, mes collègues... mon collègue de Marquette qui est présent, la ministre, l'entourage de la ministre, le sous-ministre, le sous-ministre adjoint et d'autres responsables qui sont dans la pièce pour nous permettre d'aller au fond des choses, poser nos questions, avoir les réponses nécessaires en toute transparence, avec tous les détails qui sont nécessaires, et des deux côtés de cette Chambre.

J'aimerais commencer en faisant quelques remarques, M. le Président. J'ai suivi attentivement les remarques préliminaires de notre collègue de Joliette, qui est consoeur du Barreau également, et qui me laissent quelque peu perplexe. Veux veux pas, nous nous trouvons dans une situation où on parle de l'indépendance de nos tribunaux, de l'indépendance de notre système, et on se trouve à questionner, même en posant des questions, cette indépendance dont on dit vouloir protéger et chérir.

Nous savons tous que, suite aux allégations... Et c'est ma collègue qui a soulevé le nom de M. Marc Bellemare. Moi, je connais ce nom, mais je n'ai jamais rencontré ce monsieur, évidemment, qui a fait certaines allégations. Suite à ces allégations, il y a eu nomination du juge Bastarache, ancien juge de la Cour suprême du Canada, pour aller au fond des choses, et scruter ces allégations, et pouvoir faire rapport en dedans de six mois aux parlementaires sur cette affaire-là.

Par contre, de l'autre côté, on ne semble pas satisfait de cette décision-là. D'abord, il y a eu des questions sur la nomination du juge. Et, deuxièmement, on semble vouloir court-circuiter ce processus en faisant des commentaires à chaque occasion qu'on peut se trouver une tribune. Donc, ici, aux crédits, on semble vouloir faire le procès. Maintenant, premièrement, certains commentaires, puis par la suite je pense que nous avons tous intérêt à laisser le commissaire qui a été nommé dûment, un juriste éminent, avec une crédibilité testée, faire son travail, sans faire ce qu'on fait. Et c'est une tangente ici, du côté de l'opposition officielle, de vouloir refaire ce qui se passe devant les tribunaux ou devant les commissions ou essayer de les faire avant qu'elles se passent à ces endroits-là pour profiter le maximum de la couverture médiatique ou l'occasion qui est offerte par ces tribunes-là pour essayer de, peut-être, je ne sais pas, semer une certaine idée dans l'esprit de la population.

Concernant M. Bellemare, je me suis posé certaines questions lorsque j'ai entendu ses allégations, en tant qu'avocat. Il y a certaines... J'ai pratiqué en droit criminel, j'étais avocat de la défense. Il y a certaines questions qui sont venues à mon esprit lorsque j'ai entendu ses allégations.

Première question qui me vient à l'esprit concernant M. Bellemare, c'est: Pourquoi M. Bellemare n'a rien dit pendant qu'il a été ministre de la Justice? C'est la première question que je me pose. Je pense que toute la population doit se poser la même question. On est là, on se dit qu'on voit des choses qui ne sont pas casher, si on veut, ou qui sont hors normes, ou qui remettraient en question notre serment, et on ne dit absolument rien. Alors, on est là, on ne dit absolument rien. On participe. On devient, pour le moindre, complice en ne disant rien et on devient acteur, acteur dans ce stratagème qu'on dénonce par la suite. Pourquoi rien n'a été fait par Me Bellemare pour se distancer de ces prétendues activités qu'il dénonce aujourd'hui?

**(12 h 20)**

Troisièmement, c'est bizarre, c'est très bizarre, c'est, pour le moindre, pour le moindre, bizarre de se lever en Chambre avant de quitter l'Assemblée nationale pour louanger le premier ministre, pour louanger le premier ministre, pour louanger le gouvernement, pour parler de son expérience au sein de ce gouvernement, de toute la confiance qu'il avait manifestée au sein de... envers le premier ministre et le gouvernement si, pendant qu'il était en fonction, il avait vu effectivement toutes ces choses-là. Pour le moindre, il y a une énorme contradiction.

Autre question que je me pose, M. le Président, c'est l'attente. Il me semble, il me semble qu'il a attendu six ans, ce monsieur-là, avant de dire quoi que ce soit. Je vais vous dire une affaire, ma collègue invoque le tribunal populaire -- et je vais y revenir tout à l'heure dans d'autres commentaires -- moi, j'ai l'impression que le tribunal populaire, informé de ces faits, va se dire: Comment ça se fait que, quand il était là, il n'a rien dit? Comment ça se fait que, quand il partait, il a louangé le premier ministre? Comment ça se fait qu'il a attendu six ans avant de dire quoi que ce soit?

Et dernièrement, et ça, ça va vraiment frustrer le citoyen moyen qui reçoit une assignation pour aller à un tribunal et qui pourrait se voir en situation de mandat d'arrestation, qu'un mandat d'arrestation soit émis contre lui, pourquoi ce même monsieur refuse de respecter une assignation du Directeur général des élections, qui... Pourquoi il questionne l'indépendance de cette personne-là?

Alors, il y a quelques questions. Je ne veux pas faire le débat ici, mais, je crois, pour le moindre, il y a des questions en suspens, et ce serait dangereux pour n'importe qui, surtout du côté de l'opposition... On semble vouloir faire du chemin sur les paroles et sur les allégations de ce monsieur-là, alors qu'il y a, juste sur ce que je viens d'énumérer, plusieurs questions. Et je ne veux pas présumer de quoi que ce soit, mais il faut dire qu'il y a des questions qui vont directement à la crédibilité de cette personne-là qui vont être regardées, je présume... je suis assuré que ces questions seront regardées par la commission Bastarache, qui étudiera cette affaire.

En même temps, j'aimerais aborder un autre sujet. Notre collègue nous parle de l'énorme confiance qu'elle voue à notre système, aux acteurs, au Directeur des poursuites criminelles et, à peine quelques minutes plus tôt, elle nous brandit des coupures de journal dénonçant la couronne. Écoutez, il y a des limites à ce qu'on peut faire, de parler des deux côtés de la bouche. Moi, il y a longtemps que le tribunal, les tribunaux populaires ont été abolis, et il y a une bonne raison pour ça, parce que... Et on ne peut pas empêcher les citoyens de se prononcer. Ils ont le droit de se prononcer, les citoyens. Ils ont le droit de se prononcer des fois émotivement, et c'est normal. On est des politiciens. On est une démocratie. Ce qu'il faut comprendre, par exemple, c'est que, lorsqu'on brandit des coupures de journal, des commentaires du citoyen moyen, des commentaires, des sondages faits auprès de citoyens moyens, il faut rappeler quelque chose qui a été dit souvent devant les tribunaux, qu'il faut que, lorsqu'on se met dans la place du citoyen, il faut que ce soit le citoyen raisonnablement informé des faits et des principes en cause.

Maintenant, moi, je ne sais pas, je ne sais pas, je n'ai pas vu les sondages, je ne sais pas qui qui fait partie de l'échantillon dans le sondage. Mais je trouve ça pour le moins dangereux qu'on cite des sondages, des coupures de journaux, puis dire: Les citoyens ne sont pas contents. Écoutez, la seule chose que ça peut vouloir dire, c'est que les citoyens ne sont pas contents d'un résultat parce qu'il n'y a pas eu de condamnation, comme possiblement, dans le temps, les citoyens n'étaient pas contents avant de voir quelqu'un pendre ou avoir un petit peu de... voir un petit peu de sang. C'est dangereux. C'est dangereux de le dire, c'est dangereux de le faire et c'est, à quelque part, questionnable de venir dire: J'ai confiance dans le système, j'ai confiance dans M. Dionne, le Directeur des poursuites criminelles et pénales, mais là ce n'est pas moi, là, mais je brandis le journal qui dit que les citoyens ont perdu confiance dans la couronne. À quelque part, là, il ne faut pas se cacher en arrière des coupures de journaux. Si on veut dire quelque chose, il faut le dire. Si on n'a pas confiance dans le système pour lequel on a prêté serment de servir comme officier de justice, il faut le dire.

Autre chose, il faut rappeler autre chose: il n'y a personne ici, et ce n'est pas la ministre elle-même qui a jamais refusé, refusé de prendre la responsabilité en tant que Procureur général. Elle est responsable, elle est imputable. Par contre, de là à inviter la ministre, en période de questions ou en période de crédits, à se substituer ou à mettre les mains, à mettre les mains dans un procès devant les tribunaux, ça, c'est extrêmement, extrêmement dangereux. Et, moi, oui, je vois, M. le Président, une ligne qui est mince mais qui doit être respectée entre l'imputabilité de la ministre et le fait de demander à la ministre de désavouer les acteurs du système et se substituer dans la stratégie.

Et, oui, M. le Président, des fois, les avortements de procès arrivent. Ça arrive. Ça arrive. Et ça ne veut pas nécessairement dire que quelqu'un a fait quelque chose de mauvais. Ça arrive. Lorsque les jurés ne sont pas d'accord puis n'arrivent pas à s'entendre, ça arrive. Et ces personnes-là, M. le Président, Mme la ministre, la ministre de la Justice, Procureur général, elle ne peut pas prendre part pour les victimes. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas une certaine empathie de tout le monde envers les victimes... Et il faudrait dire, je vais vous dire, il faudrait dire «les prétendues victimes», parce qu'évidemment, les personnes qui sont accusées... il y a eu quand même condamnation, mais il faut faire attention même avec le langage. Il faut faire attention.

Mme la ministre de la Justice n'est pas l'avocate ou la procureure des victimes, n'est pas l'avocate ou la procureure de la foule, n'est pas l'avocate ou la procureure de personne à part toute la population du Québec, le système de justice. Elle n'a pas d'intérêt dans un résultat en particulier. Elle ne peut pas, lorsqu'il n'y a pas de condamnation, se lever en Chambre puis dire qu'elle est malheureuse parce que... personne qui a été condamnée. Elle ne peut pas dire ça. Si elle était pour dire ça, ça voudrait dire qu'elle présume de la culpabilité de ces personnes, et les chartes, ma collègue les connaît bien, il y a une présomption d'innocence. Elle ne peut pas. Elle n'était non pas...

Et, deuxièmement, je ne pense pas qu'elle était présente pour toutes les procédures. Même les meilleurs briefings au monde ne pourraient pas la substituer aux personnes qui étaient dans la salle de cour, qui ont entendu la preuve, qui ont vu les témoins, qui ont entendu les contre-interrogatoires. Elle ne pourrait pas se substituer, puis donner son opinion, puis dire: Ce n'est pas le bon résultat. Elle était ici, c'est la ministre de la Justice, elle n'était pas là.

C'est dangereux, ce qu'on fait. C'est dangereux, M. le Président. Et j'invite tout le monde à une extrême prudence. On a un système de justice qui regarde cette affaire-là. Il y aura décision prise, il y aura éventuellement un autre procès, comme il y aura commission d'enquête sur la nomination des juges. Laissez faire. Faites confiance. Ce n'est pas ça que la population veut. La population ne veut pas que la ministre s'implique dans le dossier, décide quel témoin on va appeler en premier, lequel témoin on va appeler le deuxième, dans quel ordre on va présenter les exhibits. Ce n'est pas ça, la ministre de la Justice. Ce n'est pas ce que ça veut dire, l'imputabilité. Puis elle ne doit pas approcher ça d'une façon émotive. Elle ne peut pas exprimer des opinions sur des résultats. S'il y a un problème structurel à quelque part, un problème systémique à quelque part à l'intérieur du système de justice, c'est là que la Procureur général pourrait se prononcer et faire des suggestions, pas au niveau d'un résultat de...

Qu'est-ce qu'on va demander par la suite? Est-ce qu'on va aller regarder chaque dossier, des dossiers de vol à l'étalage pris par voie sommaire à la cour municipale? On n'est pas d'accord avec le résultat, on va faire une question à l'Assemblée nationale demandant à la ministre si la personne qui a été accusée d'avoir volé la lame de rasoir... si le juge a fait une bonne job, si l'avocat du juridique a suffisamment pris du temps pour préparer sa cause? Ce n'est pas ça. Ce n'est pas ça qu'on fait ici. Il reste combien de temps, M. le Président? Je me suis emporté.

**(12 h 30)**

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sklavounos: Je me suis emporté un petit peu.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça allait bien, là. Et puis ça passe tellement vite, il vous reste six minutes.

M. Sklavounos: Combien?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Six minutes.

Lutte contre les gangs de rue

M. Sklavounos: Six minutes. Ceci étant dit, M. le Président, j'aimerais poser une question concernant un phénomène bien connu dans les médias et où il y a évidemment commentaires dans les médias, à la télévision ou ailleurs: les gangs de rue. Les gangs de rue.

Nous savons tous qu'il y a eu... Et on ne veut pas commenter, on ne veut pas violer le règlement 35.3 qui nous demande de ne pas parler des dossiers qui sont devant les tribunaux, mais on sait qu'au Québec nous avons un historique, depuis au moins la dernière décennie, de lutte contre le crime organisé. Il y a des personnes qui ont été arrêtées, il y a eu des condamnations, il y a des enquêtes d'envergure qui ont été bien menées par les autorités policières et par la couronne. On a l'exemple de SharQc, où il y a eu des accusations. Je ne veux pas trop commenter, je ne veux pas faire ce... Je veux faire exactement ce que je dis de faire et ne pas faire ce que je dis de ne pas faire. Il y a eu Printemps 2001 également. Nous savons, par exemple, par exemple, que les organisations criminelles continuent d'évoluer, les gangs de rue sont pareils. Ils deviennent de plus en plus sophistiqués, ils recrutent nos jeunes. Alors, c'est quelque chose qui dérange.

C'est un phénomène que je connais bien. Mon comté est contigu au comté de Viau, qui est Saint-Michel. Je connais bien Montréal-Nord. J'étais avocat de la défense. Il y a une problématique. On le voit à l'intérieur des jeunes... principalement, on le voit souvent dans les jeunes des communautés culturelles, puisqu'ils sont... et des minorités, des minorités visibles. Souvent, ce sont des jeunes qui sont souvent déjà marginalisés pour d'autres raisons que je ne veux pas discuter ici. Mais ce type de criminalité est en émergence. C'est préoccupant pour la population.

J'aimerais savoir -- et c'est peut-être une question pour le Directeur des poursuites criminelles et pénales -- qu'est-ce qu'on fait pour renforcer nos mesures de lutte contre les activités criminelles reliées aux gangs de rue. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, M. le député de Laurier-Dorion. Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Alors, je remercie le député de Dorion pour cette question importante sur toute la question des gangs de rue et le rôle du Directeur des poursuites criminelles et pénales dans cette lutte.

Alors, à titre de partenaire dans la réalisation du plan d'intervention québécois sur les gangs de rue 2007-2010 du gouvernement du Québec, le Directeur des poursuites criminelles et pénales a procédé à l'implantation d'une équipe spécialisée, maintenant composée de 36 procureurs chargés de dossiers liés au phénomène des gangs de rue. Un procureur est également dédié aux affaires concernant la contrebande d'armes à feu. Un procureur en chef adjoint coordonne l'ensemble des travaux de cette équipe.

Ces procureurs ont pour mandat de conseiller les policiers dès le début de leurs enquêtes. Ils assument aussi les poursuites criminelles liées à ce phénomène pour l'ensemble du territoire québécois. Ces procureurs sont également appelés à offrir un soutien aux plaignants, à leurs proches et aux témoins, au cours des procédures. De plus, deux procureurs sont affectés au programme, qui s'appelle le Programme de suivi intensif de Montréal -- Gangs de rue, depuis le mois de novembre 2009. Le projet vise à harmoniser et soutenir les efforts consentis par tous les intervenants dans leurs activités axées sur la prévention et la répression. Il favorise aussi une synergie permettant d'interpeller et d'encadrer des jeunes âgés de 15 à 25 ans, à haut risque de récidive et associés aux gangs de rue. Le projet cherche plus particulièrement à réduire la délinquance et à prévenir l'adhésion des jeunes aux gangs de rue dans deux arrondissements de la ville de Montréal, soit Villeray-- Saint-Michel--Parc-Extension et le quartier... l'arrondissement de LaSalle.

Une concertation est née entre plusieurs partenaires, cliniciens, psychologues, travailleurs de rue, intervenants sociaux, policiers, agents de services correctionnels et procureurs aux poursuites criminelles et pénales, pour mener à terme ce modèle d'intervention. Celui-ci s'inspire d'autres projets pilotes ayant obtenus des résultats probants notamment à Boston et Philadelphie. Avec votre permission, M. le Président, je demanderais à Me Dionne de rajouter des éléments d'information.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Est-ce qu'il y a consentement?

Une voix: Consentement.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, consentement. Me Dionne.

M. Dionne (Louis): Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Si c'est possible de vous présenter, Me Dionne, si ce n'est pas déjà fait, là...

M. Dionne (Louis): Non, ce n'est pas déjà fait.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Allez-y, Me Dionne.

M. Dionne (Louis): Alors, Louis Dionne, Directeur des poursuites criminelles et pénales. En fait, ce que je pourrais rajouter à ce que la ministre vient de mentionner en regard du phénomène des gangs de rue, c'est une... c'est une activité criminelle qui représente manifestement un problème, un problème de société qui est de plus en plus important, qui par conséquent a amené le gouvernement du Québec à adopter, en février 2007, le 2 février 2007, ce que l'on a appelé le plan d'intervention québécois sur les gangs de rue, un plan d'intervention sur trois ans, 2007 à 2010. L'adoption du plan en question préconisait une approche globale et concertée où se côtoient tant les gens s'occupant de mesures préventives que de mesures répressives en vue de contrer le phénomène des gangs de rue, témoignant, par là, de ça, de la volonté du gouvernement de faire de la résolution de cette problématique une priorité.

Alors, l'aspect plus répressif, bien que nous participions, comme l'a dit la ministre, à l'aspect préventif dans le Programme de suivi intensif de Montréal, l'aspect répressif s'articule autour d'une équipe pour laquelle le DPCP a reçu des ETC et des crédits sur trois années financières, comme je le disais tout à l'heure: 2008-2009, 2009-2010 et 2010-2011. Au total, nous avons eu 19 ETC, équivalents... 18, je m'excuse, ETC, équivalents temps complet. Mais, voulant effectivement étendre notre lutte, un peu à l'image de ce qui avait été développé dans Carcajou, à l'époque, qui est devenu les escouades régionales mixtes, qui sont devenues Printemps 2001 et plus tard, comme vous le savez, SharQc 2009, on a voulu avoir un modèle où la poursuite était présente partout au Québec, on a rajouté 18 procureurs, 18 ETC procureurs et gens de soutien à l'équipe, coordonnés par un procureur en chef adjoint qui est à Montréal, qui relève du procureur en chef du BLACO, ce que l'on appelle le BLACO, chez nous, étant le Bureau de lutte au crime organisé. Et on a fait ça sur une base de procureurs dédiés, procureurs désignés, puisqu'on ne pouvait pas, avec les ressources dont nous disposions, dégager 36 procureurs ou gens de soutien à temps plein sur la mission. 18 y sont à temps plein de façon dédiée, et 18 sont désignés comme si, dans leur localité, arrivait un phénomène de gangs de rue, pas tellement que les gangs de rue...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. Dionne, M. Dionne, je vais devoir vous interrompre. C'est fort intéressant. Malheureusement...

M. Dionne (Louis): O.K.

M. Sklavounos: ...la réponse sur notre temps.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Est-ce que...

M. Sklavounos: ...compléter la réponse sur le temps du prochain bloc?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Sur votre temps? Ça va.

M. Sklavounos: Oui? Merci. Allez-y.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Allez-y.

M. Dionne (Louis): Bien, je finirai sur cette lancée. Pas tellement que le phénomène des gangs de rue soit répandu mur à mur au Québec, en fait il part des grands centres, mais la criminalité associée aux gangs de rue a tendance à déborder les limites des grands centres souvent et à se faire dans les régions... ou certains types de criminalité à se faire, à se dérouler dans des régions plus éloignées des grands centres, et c'est ce qu'on a constaté. Donc, ayant constaté cela, 18 procureurs, dont une partie de leur tâche... Si des impacts de criminalité gangs de rue arrivaient chez eux, bien, ce seraient des gens qui seraient dédiés... désignés pour prendre ces dossiers-là. Et ils reçoivent la même formation spécialisée que les procureurs désignés pour ce faire.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Alors, merci, Me Dionne.

M. Sklavounos: Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Donc, Mme la députée de Lotbinière.

Mme Roy: Merci, M. le Président. Je voudrais commencer mon bloc en m'adressant à vous, par vous, à la présidence. Mon collègue de Laurier-Dorion a posé plein de questions. S'il y a... On l'a vu, comme un très bon plaideur, s'enflammer, mais, si on avait accepté, au Parti libéral, la comparution de Me Bellemare devant cette commission, il aurait pu les lui poser à lui, ses questions. Mais c'est le Parti libéral qui a refusé d'appeler Me Bellemare ici, en commission. Donc, peut-être qu'il devra s'adresser à son leader, à son whip ou à son premier ministre, parce qu'il a l'air de vouloir lui en poser, des questions. Je pense qu'il n'est pas d'accord avec son caucus.

Rôle et fonctions du Directeur des
poursuites criminelles et pénales

Maintenant, je vais profiter de la présence de Me Dionne ici pour éclaircir le rôle du DPCP, le Directeur des poursuites criminelles et pénales, parce que c'est une nouvelle institution dans notre système judiciaire. On a eu... J'étais ici, je siégeais ici, en Chambre, lorsqu'on l'a adopté, ce projet de loi là. Sauf qu'à l'usage je ne connais pas, sur le plancher, ce que ça donne, parce que je ne plaide plus, je suis ici.

Je voudrais savoir: Le Directeur des poursuites pénales, est-ce qu'il... criminelles et pénales, est-ce qu'il... J'imagine que les procureurs de la couronne ont toujours la même indépendance lorsque les policiers leur amènent un dossier, puis ils décident de l'évaluer, décident de porter ou non des accusations, qu'il y a aussi les procureurs... il y a aussi un responsable à chaque unité, dans chacun des districts judiciaires où il y a des procureurs généraux, des procureurs généraux. Vous n'avez pas, j'imagine, la tête par-dessus l'épaule de tous les procureurs de la couronne du Québec qui décident... qui ont la latitude nécessaire pour faire leur travail.

**(12 h 40)**

M. Dionne (Louis): Oui puis non, si je peux me permettre de nuancer pour répondre à la question. Vous avez tout à fait raison, le DPCP, avec un petit d, que je suis, comme individu, n'est pas à pied d'oeuvre à tous les matins, dans les 17 quelques mille dossiers et plus à Montréal et les 14 quelques mille et plus à Québec. Alors, nous sommes répartis dans 39 points de service. Ces points de service là... Il y a certains satellites qui gravitent autour de ces points de service là. Ces points de service relèvent d'un procureur en chef. Le procureur en chef, dépendant de la dimension du district ou de la région, peut compter sur un ou plusieurs procureurs en chef adjoints pour l'assister.

Non, en ce sens qu'il n'y a pas plusieurs procureurs généraux, il n'y a qu'un seul Procureur général, et c'est, au Québec, la ministre de la Justice. Et il y a un sous-procureur général, au sens du Code criminel, qui est moi-même, parce que j'occupe la fonction de Directeur des poursuites criminelles et pénales, par voie de conséquence. Alors, je suis aussi sous-procureur général du Québec, donc. Et c'est comme ça que la hiérarchie s'exerce.

À l'occasion, on pourrait avoir des chefs, des chefs d'équipe dans des projets particuliers, mais ils vont toujours relever soit d'un procureur en chef adjoint, ou le procureur en chef adjoint, ou un procureur en chef qui définitivement... Les procureurs en chef se rapportent à un directeur adjoint, qui est mon directeur adjoint, qui est un cadre... pas un cadre, je m'excuse, mais qui relève des emplois supérieurs, et ultimement à moi pour tout ce qui concerne les opérations de poursuite, les opérations ayant pour objet de conseiller les policiers en enquête et aussi toutes les matières en appel.

Mme Roy: Est-ce que vous pourriez me dire combien il y a d'escouades de procureurs de la couronne dédiées... et dédiées à quoi? On a entendu parler de la lutte aux gangs de rue. Il y a des escouades, je suppose, dédiées à la cybercriminalité ou...

M. Dionne (Louis): Il n'y a pas de... En fait, il y a... ça se balance, ça se balance, sept régions, sept bureaux, ce qu'on appelle, bien, les bureaux régionaux dans notre jargon à nous, qui sont les procureurs qui oeuvrent au quotidien dans les palais de justice pour faire face au jour le jour au fardeau de poursuites criminelles.

On a sept équipes spécialisées, dont le Bureau de lutte aux produits de la criminalité; le Bureau de lutte au crime organisé; ce qu'on appelle le BQSP, le Bureau de la qualité des services professionnels; le BACJ, le Bureau des affaires criminelles et jeunesse, qui est dirigé par Me Lapointe, qui est juste derrière moi, qui est un peu le conseiller juridique du directeur, si je peux m'exprimer ainsi, pour vulgariser; le BAP, le Bureau des affaires pénales, Me Moulin, qui dirige les poursuites pénales au nom du directeur pour l'État; le Bureau de la jeunesse, le tribunal... les gens de la jeunesse à Montréal, qui sont spécialisés en matière de criminalité contre les adolescents et... Je ne me souviens plus, là, je n'ai pas tenu le compte. Mais il n'y a pas d'équipe spécialisée, spécifique en matière de cybercriminalité. On a cependant quelques procureurs... il y en a un particulièrement qui me revient à l'esprit, qui en fait une spécialité et lequel on a formé aussi pour cette spécialité-là.

Mme Roy: Bon. M. le Président, j'ai bien... Vous me cédez la parole, là? J'ai bien compris qu'il y avait un genre de hiérarchie à partir de la ministre, de vous, et des procureurs chefs, et des procureurs qui sont au jour le jour, au corps à corps avec les policiers. Maintenant, est-ce que ces procureurs de la couronne là doivent, dans certains dossiers, vous parler de tout ce qu'ils font?

M. Dionne (Louis): Non, je dirais que la majorité des dossiers, au jour le jour, cheminent au sein des unités où sont les procureurs. Les procureurs ont encore cette indépendance de poursuivre, mais elle n'est plus celle que l'on connaissait avant, lorsque nous avions la Direction générale des poursuites pénales qui relevait du ministère de la Justice, parce que, ce faisant, avec la Loi sur le DPCP, depuis mars 2007, depuis le 15 mars 2007, l'autorité fonctionnelle de poursuite de la Procureur général m'est attribuée, m'est déléguée. Et, en fait, les procureurs sur le terrain n'ont pas plus d'autorité que j'en ai moi-même, ils exercent mon autorité de poursuivre; c'est là qu'est venue la différence.

Mais je ne suis pas... ni moi ni mon adjoint, on n'est pas à tous les jours dans les dossiers courants. Il arrive à l'occasion que certains dossiers soient... peuvent devenir d'intérêt général, tel que le prescrit un article de la Loi sur le Directeur des poursuites criminelles, qui fasse en sorte que ça va attirer mon attention, que je vais poser des questions à un procureur chef et je vais vouloir être briefé. Ou, ou un procureur chef pourrait vouloir m'informer d'un dossier particulier, ça arrive régulièrement.

Mme Roy: Est-ce que le procureur... Est-ce que, dans votre fonction, vous pouvez demander à tous les procureurs de la couronne ou à certains procureurs de la couronne de vous informer de tout ce qui a rapport à une affaire particulière?

M. Dionne (Louis): Théoriquement, oui, je pourrais.

Mme Roy: En pratique, le faites-vous?

M. Dionne (Louis): En pratique, je ne le fais pas. Je ne le fais pas, sauf quand je vous dis qu'un dossier particulier d'intérêt général, qui va présenter une problématique particulière en droit, qui va peut-être même nous amener à prendre des décisions, c'est-à-dire à réunir un comité d'appel pour aller jusqu'à la Cour suprême ou qui va avoir un impact par le fait de la personnalité de l'accusé peut-être ou par la nature de l'événement qui va être... dont va faire l'objet l'accusation. Ça peut arriver.

Reddition de comptes des centres
d'aide aux victimes d'actes criminels

Mme Roy: Merci. Sur un tout autre sujet -- je suis obligée de parler de plus qu'un sujet parce que je n'ai pas beaucoup de blocs -- l'année dernière... voilà deux ans, j'ai demandé au ministre de la Justice, qui est actuellement le leader du gouvernement, si... Parce qu'il était très fier de dire qu'on avait dépensé beaucoup d'argent dans les CAVAC, centres d'aide aux victimes d'actes criminels, qui sont des organismes liés au ministère de la Justice. Et à l'époque c'était 9 millions des fonds publics, en 2007. Et je lui avais demandé de soumettre les CAVAC à la loi sur l'accès à l'information.

J'ai demandé à la ministre, l'année dernière, si elle voulait continuer l'engagement de son prédécesseur ou si elle voulait y renoncer. Vous m'aviez répondu, Mme la ministre, que vous ne renonciez pas... «à ce que mon prédécesseur a fait, mais je dois me faire une tête avant de me prononcer aujourd'hui». Est-ce que, depuis l'année dernière, vous vous avez fait une tête? Et pouvez-vous vous prononcer aujourd'hui?

Mme Weil: Donc, la réponse, c'est... Donc, les CAVAC, c'est des organismes à but non lucratif constitués en vertu de la Loi sur les compagnies et ils ne sont pas, donc, soumis à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics. Les mêmes règles s'appliquent pour tous les organismes communautaires. Pour soumettre les CAVAC à la loi, il faudrait qu'ils deviennent des organismes publics au sens de la Loi sur l'accès. Et, de plus, rien dans la Loi sur l'accès aux documents n'oblige la ministre à rendre publique l'utilisation détaillée des fonds. Je pense que l'essentiel de la question, c'est que c'est des organismes qui sont constitués en vertu de la Loi sur les compagnies, donc ce n'est pas des organismes publics. C'est le statut même de ces organismes qui fait en sorte qu'ils ont cette indépendance.

Mme Roy: M. le Président, si on veut faire modification d'un statut d'un organisme, là, législativement, ici, à l'Assemblée nationale, on peut le faire, et puis c'est une question de volonté. On ne peut pas se retrancher derrière ça. Moi, je vois la ministre... les ministres des...

Mme Weil: Je pourrais rajouter quelque chose? Parce qu'en vertu de Revenu Canada je suis sûre que tous ces CAVAC... il faudrait que je regarde puis que je m'informe, mais ils ont des déclarations, les états financiers vérifiés, on peut avoir beaucoup... des redditions de comptes, beaucoup d'informations par cette voie-là. Si c'est des états financiers que la députée souhaite connaître...

Mme Roy: M. le Président, je les ai déjà consultés, ces états financiers là, puis c'est... on ne peut pas savoir à quoi a été dépensé l'argent des fonds publics, quand on regarde ça. On voit «dépenses en immobilisation», «dépenses en...», mais on ne peut pas savoir, là, à quel projet on... quel projet on a financé avec l'argent que... La ministre va faire le tour du Québec et donner toutes les enveloppes à tous les CAVAC, puis on ne saura pas où a été cet argent-là. Puis je pense que, pendant qu'on demande aux Québécois de se serrer la ceinture, on devrait faire cet exercice de transparence là pour les CAVAC. Et, comme M. le leader du gouvernement s'était engagé à le faire, je pense que... Là, vous vous retirez de son engagement? C'est parce que ce qu'allègue Mme la ministre à l'heure actuelle, c'était la même situation que lorsque le leader du gouvernement nous a dit que, oui, il voulait le faire. Donc, je ne vois pas sa réponse.

**(12 h 50)**

Mme Weil: J'aimerais... Non, mais j'aimerais mieux comprendre les éléments d'information. Il y a une reddition de comptes qui est faite, qui est accessible sur l'Internet, donc, le ministère de la Justice aussi qui a des réponses, on peut aussi adresser les questions au ministère de la Justice. Je ne dis pas non, pour l'instant, j'essaie de comprendre les informations que souhaiterait la députée pour comprendre qu'est-ce qui pourrait... quel type d'informations serait souhaité. De savoir comment l'argent est dépensé? Avez-vous... Est-ce que la députée a déjà tenté d'avoir cette information au ministère de la Justice?

Mme Roy: Bien, M. le Président, je vais être très simple, là, on veut savoir si l'argent va à des programmes en soutien pour les victimes puis s'il va à des rénovations de bureau, s'il va à des dépenses d'immobilisation ou des dépenses de voyage. On ne sait rien, on ne peut pas le lire à la... On ne peut pas le lire exactement à la lecture des états financiers, où vont, comme on le fait à l'étude des crédits, toutes les sommes que le CAVAC obtient du gouvernement.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): En une minute, Mme la ministre.

Mme Weil: Avec votre permission, M. le Président, je demanderais à Me Bouchard peut-être de répondre plus précisément sur les informations qui sont disponibles par ailleurs sur le site Internet.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Est-ce qu'il y a consentement, Mme... Est-ce qu'il y a consentement? Il n'y a pas de consentement. Il n'y a pas de consentement, Mme la ministre.

Mme Roy: Pour terminer -- il me reste une minute -- ce que je veux vous dire, c'est que je n'ai pas besoin qu'il me dise ce qu'il y a sur le site Internet, j'ai été le voir...

Mme Weil: Non, mais c'est...

Mme Roy: ...sauf que ce que je voudrais, c'est plus que ça. Ce n'est pas compliqué.

Mme Weil: La reddition de comptes n'est pas assez complète.

Mme Roy: C'est ça. C'est ça.

Mme Weil: On ne voit pas «rénovation de bureau», par exemple, dans ce que vous dites? J'essaie de comprendre.

Mme Roy: Bien, on peut...

Mme Weil: Parce que normalement une reddition de comptes, c'est assez détaillé, on voit exactement où l'argent est dépensé.

Mme Roy: C'est ça.

Mme Weil: Mais, vous, vous n'êtes pas satisfaite avec ce que vous avez vu?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Malheureusement, c'est tout le temps qu'on a, je suis désolé. Donc, nous en sommes à l'opposition officielle. Mme la députée de Joliette.

Rapport du Commissaire au
lobbyisme au Directeur des
poursuites criminelles et pénales

Mme Hivon: Oui. Merci, M. le Président. J'aimerais maintenant aborder avec la ministre et le Directeur des poursuites criminelles et pénales... Peut-être que je reviendrai cet après-midi sur d'autres questions en lien, là, avec ce qu'on a discuté auparavant, mais pour l'instant je veux profiter... maximiser les profits qu'on peut tirer de la présence du Directeur des poursuites criminelles et pénales. Alors, je voudrais aborder la question du rapport du Commissaire au lobbyisme, qui a été soumis le 26 janvier, je crois, à la fin du mois de janvier, au Directeur des poursuites criminelles et pénales.

On sait que, le 26 janvier, le Commissaire au lobbyisme indiquait par voie de communiqué qu'il avait, de son côté, complété son enquête sur les activités de lobbyisme dans le Bas-Saint-Laurent et qu'il avait donc transmis son rapport au Directeur des poursuites criminelles et pénales, comme le prévoit la loi. Alors, on se souvient, là, que, dans son communiqué, le Commissaire au lobbyisme, là, décrivait quand même de manière fort détaillée les activités de lobbyisme pour lesquelles des manquements avaient été trouvés, et donc qu'il estimait qu'il y avait eu 27 de ces manquements pour lesquels la prescription n'était pas écoulée encore.

On comprend que la loi est relativement nouvelle et que c'est une des premières enquêtes aussi étoffée et aussi très médiatisée du fait qu'elle a impliqué un élu, l'élu de Rivière-du-Loup. Or, toute la démarche est méconnue du public et elle suscite beaucoup de questions, y compris de notre côté, à l'opposition officielle. Alors, on aimerait comprendre comment ça fonctionne pour le traitement avec la loi.

Et ce qui nous intrigue un peu, c'est que visiblement, du fait que ça s'étale dans le temps, du fait qu'il y a des constats qui ont semblé être émis très, très rapidement, parce que dès le... je pense, le 2 février, le député de Rivière-du-Loup plaidait coupable et payait son amende, on a fait une demande d'accès et on a reçu, en date du 11 mars, 13... on a été informés que 13 constats sur 27 possibles infractions avaient été émis en date du 11 mars.

Donc, on aimerait ça comprendre ce qui fait en sorte que, même si le DPCP reçoit une enquête très fouillée du Commissaire au lobbyisme, il y a ensuite beaucoup de temps qui doit être pris au DPCP pour analyser les choses. Donc, est-ce que vous pourriez nous dire où en est l'étude du rapport qui vous a été soumis? Est-ce que c'est terminé? Sinon, quand ça va être finalisé? Puis qu'est-ce qui explique de tels délais? Est-ce que c'est parce qu'il y a eu des problèmes dans la manière que le rapport a été fait par le Commissaire au lobbyisme?

Mme Weil: Oui. La question était pour le...

M. Dionne (Louis): La question m'est adressée, j'imagine.

Mme Weil: Oui. Bien, c'est...

Mme Hivon: La ministre peut répondre, mais l'enquête est...

Mme Weil: Bien, l'indépendance, justement. Ça, c'est un cas, exactement, qui illustre l'importance de l'indépendance.

Mme Hivon: Tout à fait, et c'est pourquoi je pose ma question au directeur.

Mme Weil: C'est ça.

Mme Hivon: J'ai quand même compris quelque chose.

Mme Weil: Mais ça vient refléter l'importance de l'indépendance du Directeur des poursuites criminelles et pénales, justement.

M. Dionne (Louis): Alors, M. le Président, ce que je peux dire sur des infractions en matière de lobbyisme auxquelles on réfère ici, qui sont reliées à la firme d'ingénierie BPR, là, qui ont défrayé la manchette, c'est qu'au moment où on se parle... Bien, peut-être, avant, je vais remettre en situation le dossier.

Je parlais d'unités spécialisées, tout à l'heure, à une autre question, je parlais du Bureau des affaires pénales, le BAP, qui... C'est ce bureau-là qui agit pour le Directeur des poursuites criminelles et pénales comme poursuivant dans les affaires qui découlent de l'application de cette loi-là, la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme dont il est question ici. Le rôle du Bureau des affaires pénales, au nom du directeur, consiste à examiner les rapports d'enquête soumis par le Commissaire au lobbyisme pour un manquement aux dispositions de cette loi, et, le cas échéant, il représente l'État devant le tribunal. Il fait le même genre d'analyse qu'un autre procureur pourrait faire dans un dossier, une demande d'intenter des procédures pour une infraction sommaire ou pour une infraction criminelle.

Ici, il ne faut pas perdre de vue que, puisqu'on est en matière pénale, le Code de procédure pénale entre en jeu, et le Code de procédure pénale du Québec prévoit qu'en principe toute poursuite pénale se prescrit par un an à compter de la date de la perpétration de l'infraction, une prescription très courte, très courte, très rapide. Donc, il faut être très vigilant. Et les procureurs aux poursuites criminelles et pénales du Bureau des affaires... le sont, vigilants.

En matière de cette loi-là, la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme, elle prévoit que, oui, effectivement, le Commissaire au lobbyisme peut faire des enquêtes s'il a des motifs raisonnables de croire qu'il y a un manquement à une disposition de cette loi ou au Code de déontologie qui régit les activités de lobbyisme. C'est ainsi que le 29...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. Dionne...

M. Dionne (Louis): Oui, excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Me Dionne, je suis obligé de vous interrompre. C'est fort intéressant, mais la députée de Joliette a beaucoup de questions à poser. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. En fait, c'est ça, je veux juste qu'on... vu qu'on n'a pas beaucoup de temps avec vous, je veux juste qu'on aille directement au but, là, de savoir qu'est-ce qui fait en sorte que ça prend autant de temps pour vous de revoir le rapport. Et pourquoi un étalement dans le temps des constats d'infraction?

M. Dionne (Louis): Alors, on a eu 27... J'y arrivais. Le 29 décembre 2009, 27 rapports d'infraction ont été soumis, vous l'avez dit, 13 constats d'infraction ont été délivrés et signifiés à ce jour. Dans neuf cas, on a conclu à l'étude qu'il n'y avait pas lieu d'émettre de tels constats d'infraction, et les cinq autres dossiers sont toujours à l'étude.

Et la réponse la plus probable à ça, c'est que des demandes de compléments d'enquête ont dû être faites au Commissaire au lobbyisme pour aller chercher des éléments permettant de faire la démonstration de la culpabilité en relation avec la loi en question. Alors, ça peut être différentes demandes de compléments, mais c'est ça qui m'est rapporté dans ce dossier-là. Il reste cinq dossiers à l'étude.

Mme Hivon: Parfait. Et, sur les neuf pour lesquels vous avez émis des constats, combien ont plaidé coupable à ce jour?

M. Dionne (Louis): C'est 13 constats qui ont été émis, 13 qui ont été émis...

Mme Hivon: 13. Excusez, 13. Neuf, non; cinq toujours en enquête.

M. Dionne (Louis): De mémoire, en tout cas, certainement au moins un, le constat émis à D'Amours, Jean D'Amours, M. Jean D'Amours, il y a eu un plaidoyer de culpabilité. Pour les autres, s'il y a eu plaidoyer de culpabilité, je devrais vérifier pour vous donner la réponse, je n'ai pas cette réponse présentement.

Mme Hivon: Est-ce que ce serait possible de transmettre l'information à la commission?

M. Dionne (Louis): À la commission?

Mme Hivon: Oui.

M. Dionne (Louis): Tout à fait, tout à fait.

Mme Hivon: O.K. Merci. Et est-ce qu'une même personne peut recevoir un constat d'infraction à deux moments différents dans votre processus d'analyse, pour deux infractions ou manquements différents?

**(13 heures)**

M. Dionne (Louis): C'est possible, dépendant de la base factuelle sur laquelle repose la demande, l'accusation. Dans un cas, ça peut être plus rapide à analyser. Dans l'autre cas, il peut y avoir une demande qui, à sa face même, tous les éléments essentiels y sont présents, on n'a pas besoin de compléments d'enquête et on pourrait accuser immédiatement. Alors, oui, chaque dossier est traité individuellement.

Poursuite pour incitation
à la haine envers un groupe

Mme Hivon: O.K. Merci beaucoup. Une autre question, et, encore une fois, c'est pour le Directeur des poursuites criminelles et pénales. Il y a eu un cas qui a notamment été médiatisé, un cas où le Directeur des poursuites criminelles et pénales avait déposé un chef d'accusation en vertu de l'article, je crois, 319 du Code criminel, concernant l'incitation à la haine. C'était dans le cas d'un homme qui tient un blogue, M. Rochefort, qui est accusé de... je dirais, de propos inacceptables, diffamatoires à l'égard de femmes, de la population féminine, notamment en lien avec ce qui s'est passé à Polytechnique, la tuerie de Polytechnique. Et ce que j'ai compris, c'est que, parmi les chefs d'accusation qui avaient été déposés, il y en avait un qui était déposé en vertu de l'article 319 du Code criminel, qui a trait à l'incitation à la haine envers un groupe. Et ce chef d'accusation là a été rejeté, de ce que je comprends toujours -- vous me corrigerez si j'ai tort -- lors de l'enquête préliminaire parce que la juge aurait dit que ce n'était pas un groupe identifiable et identifié au sens du Code criminel. Et, moi, je voulais comprendre ce qui avait motivé le Directeur des poursuites criminelles et pénales à déposer ce chef d'accusation là, à penser, donc, qu'il y avait une base solide pour avoir un chef d'accusation en vertu de cet article-là. Et, dans un... En fait, je vais entendre votre première réponse puis je reviendrai.

M. Dionne (Louis): En fait, ma première réponse va être très prudente. Ce n'est pas que je ne veux pas répondre, mais là l'enquête préliminaire est manifestement terminée. De mémoire, il y a eu citation à procès. Le procès est toujours... la cause est toujours pendante devant le tribunal. Et, si je devais expliquer la stratégie quant au choix des accusations, un, je devrais moi-même me faire briefer parce que je n'ai pas participé à cette décision-là. Ça vient de Montréal, je pense, ce dossier-là, de mémoire. J'avais été informé, par exemple, du dossier. Et, deux, je ne le ferai certainement pas ici publiquement. Je demanderais le huis clos pour faire une chose comme celle-là.

Mme Hivon: Je comprends. Je vais juste invoquer peut-être le souci qu'on a, c'est-à-dire que, s'il devait y avoir une réflexion qui soit poussée par la suite en lien avec cette matière-là, je pense que ce serait intéressant que la ministre, lors peut-être de rencontres avec son homologue fédéral, explore cette voie-là, si les tribunaux ne reconnaissent pas cette possibilité-là, de voir si des modifications au Code criminel pourraient être apportées aux articles 318 et 319 pour justement voir si l'infraction d'incitation à la haine pourrait être aussi possible envers un groupe, donc les femmes.

Mme Weil: ...complément d'information.

M. Dionne (Louis): ...donner, M. le Président, un complément d'information sur la question qui est posée. Ce genre de chose là, on est très sensibles, au DPCP, à ça. Annuellement, au niveau de différents organes qui gravitent autour des rencontres fédérales-provinciales-territoriales des ministres de la Justice, le CCHF, les hauts fonctionnaires, ou au niveau des conférences sur l'harmonisation des lois, quand on a un problème de cette nature-là, plus souvent qu'autrement la juridiction qui l'a vécu peut le soulever et peut aller en demande de modification législative au Code criminel. Cette instance sert à ça, au niveau de la Conférence sur l'harmonisation des lois.

Stratégie de poursuite dans les cas
de crimes à caractère économique

Mme Hivon: Merci. Maintenant, j'aimerais aborder... Je reviendrais au cas Norbourg, mais dans une autre perspective, toute la question des interactions qu'il y a eu dans les poursuites entre l'AMF, l'Autorité des marchés financiers, et le Directeur des poursuites criminelles et pénales. On sait que, ça aussi, ça a été l'objet de critiques, à savoir que certains ont dit qu'il y avait eu une certaine précipitation de l'Autorité des marchés financiers à intenter des recours et que ceci potentiellement avait pu nuire au recours criminel. Moi, je voulais juste savoir... Notamment, le juge avait émis des commentaires, et beaucoup d'analystes, là, par rapport à, je dirais, la séquence dans le temps du dépôt des poursuites.

Moi, ce que j'aimerais savoir: Est-ce qu'il y a eu des discussions entre le Directeur des poursuites criminelles et pénales et l'Autorité des marchés financiers pour se doter d'une stratégie commune dans l'avenir si d'autres situations du genre se déclenchent?

Mme Weil: Moi, je voudrais répondre dans un premier temps parce que c'est un sujet évidemment sur lequel je me suis beaucoup penchée pour qu'on s'assure qu'on ait une stratégie, que tout le monde s'assoie à la table ensemble pour la suite des choses. Donc, il y a eu l'événement Norbourg, un certain historique, et là Me Dionne pourra répondre, mais je peux vous dire qu'il y a une volonté absolument d'intégrer le DPCP dans ce processus de faire l'analyse commune de chacun des dossiers avec l'AMF et de décider ensemble de la meilleure stratégie pour la suite des choses, poursuite pénale ou poursuite criminelle. Mais je céderai la parole à Me Dionne pour...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Me Dionne.

M. Dionne (Louis): La réponse à la question, c'est oui. Il y a beaucoup de choses qui... Dans Norbourg, il y a beaucoup de choses qui ont été dites, il y a beaucoup de choses qui ont été écrites, le procès pénal avant le procès criminel. Mais j'ai beaucoup de... j'ai beaucoup de réserves à suivre le courant populaire pour tirer la pierre à qui que ce soit. Il faut voir qu'on était face à un problème où il y avait une hémorragie. Les fonds des petits épargnants disparaissaient avec une rapidité telle que les seuls qui étaient placés pour poser un geste rapidement, à mon humble avis, en vertu de la loi constitutive, c'étaient les gens de l'AMF à ce moment-là.

Et c'est sûr qu'après ça ça amène toute une dimension, par la suite des choses, quand le procès criminel s'installe après le procès pénal, où la question fondamentale que le directeur et ses procureurs devaient se poser était à l'effet de dire: J'arrive en deuxième avec un procès criminel, avec des accusations de fraude. Des accusations que l'AMF a portées pourraient déclencher la théorie du double péril, «double jeopardy». On pourrait se voir confrontés rapidement à une requête pour arrêt des procédures parce que, «autrefois acquit», «autrefois convict», c'était assez particulier à démêler.

Donc, on a fait avec et on a cheminé dans ça. On a tellement cheminé que, même avant Norbourg, on avait des discussions avec les autorités de la Sûreté du Québec, avec la GRC, avec l'AMF dans un modèle qu'on appelle, nous, le protocole Québec, qu'on veut mettre en place, qui permettra... dans ces grands dossiers de fraudes en valeurs mobilières, qui permettrait l'échange d'information et l'aiguillage, si je peux m'exprimer ainsi, des dossiers, c'est-à-dire, comme on l'a... comme la Cour suprême l'a exprimé dans Jarvis, l'échange d'information au préalable pour prendre la décision avant de traverser le Rubicon: Est-ce qu'on fait un dossier administratif? Est-ce qu'on fait un dossier pénal? Est-ce qu'on fait un dossier criminel ou un mélange de tout ça? Et qui fait quoi?

Alors ça, c'est essentiel pour lutter efficacement contre ce genre de criminalité là. Et ça, on discute de ça depuis 2006-2007, en tout cas, moi, à ma connaissance. J'ai même été coprésident d'un groupe de travail FPT avec un M. Wilson, qui est le président de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, où on a fait des recommandations en ce sens-là. Et on parle du protocole Québec ou du modèle Québec, qu'on est en train de mettre sur pied avec les différents partenaires dont je viens de faire état et qui amènerait effectivement à ne pas inutilement revivre une situation comme celle-là. Mais je fais attention quand je dis ça parce que je ne veux pas la qualifier, cette situation-là, en jetant la pierre à l'un ou à l'autre étant donné que chaque stratégie de poursuite doit être en fonction des faits de l'affaire que l'on connaît au moment où effectivement on doit poser un geste. Il faut avoir une réserve. Et l'AMF est aussi un poursuivant, a aussi un pouvoir de poursuite en vertu de sa loi.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la députée.

Mme Hivon: Oui. En fait, je suis contente de voir que c'est une réflexion importante, parce que je pense que ça a mis en lumière en tout cas un pan qu'on n'avait peut-être pas soupçonné de... en tout cas de potentielles difficultés, qui peuvent être vues d'une manière ou d'une autre, là, mais enfin. Donc, je vois que c'est quelque chose qui est regardé de près, ce qui est bien.

Je voulais une... Il me reste deux questions. J'espère que ça va rentrer dans mon bloc. Une première...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Je vous le souhaite. Je vous le souhaite.

Représentativité féminine aux
postes de procureur en chef

Mme Hivon: Une première très courte, puis l'autre peut-être un peu plus longue. J'ai lu dans votre rapport annuel qu'il y a... 57 % des procureurs sont des femmes, au DPCP, mais qu'à ce jour il y a seulement deux femmes sur 15 procureurs-chefs. Alors, je voulais savoir qu'est-ce qui expliquait cette situation-là puis s'il y avait une volonté évidemment -- comme c'est le cas généralement d'ailleurs au ministère de la Justice, il y a beaucoup de femmes en poste de direction -- d'augmenter la représentativité des femmes en poste de direction.

M. Dionne (Louis): M. le Président...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y, allez-y.

M. Dionne (Louis): ...je pense que, depuis... en tout cas, depuis l'information au rapport annuel, j'ai nommé deux autres femmes au poste de procureur-chef. Ma secrétaire... la secrétaire générale des DPCP est une femme. Elle était procureur, elle est maintenant procureur en chef. Bon, malheureusement, elle nous a quittés pour un problème de santé, mais elle revient au travail progressivement au moment où on se parle. À Longueuil, sur la Rive-Sud de Montréal, nous avons une procureur en chef féminine, à Montréal aussi. Le tribunal de la... pas le tribunal, mais à la jeunesse, notre section jeunesse est dirigée par une procureur-chef féminine.

Et manifestement, manifestement, il faut se rendre à l'évidence, et j'ai eu le... pas le choc, mais je l'ai constaté moi-même, ayant oeuvré à la Sûreté du Québec dans un milieu très masculin et revenant à la poursuite dans un milieu maintenant très féminin, je suis entouré de femmes au quotidien, et ça n'empêche nullement, nullement et d'aucune espèce de façon, de réaliser et de faire avancer la mission du DPCP, au contraire ça amène une tout autre dimension dans certaines pratiques, et c'est un phénomène de société qui se répercute à l'université. Maintenant, plus de 60 % des diplômés sont féminines. Alors, nécessairement, à terme, j'ai l'impression qu'on aura de plus en plus de femmes au poste de procureur en chef chez nous, chef adjoint aussi, on a plusieurs femmes chefs adjoints.

**(13 h 10)**

Mme Hivon: Donc, je comprends que vous avez une préoccupation, vous aussi, pour la chose, pour que les femmes soient aussi bien représentées dans la hiérarchie.

M. Dionne (Louis): Moi, à compétence égale, à valeur égale, il n'y a aucun problème avec ça.

Responsabilités du Procureur général
en matière de justice pénale

Mme Hivon: Ma dernière question. Je voudrais revenir juste... Tantôt, on a parlé de toute la question de l'imputabilité de la Procureur général, là, je veux y revenir et je veux quand même qu'on ait encore la présence du DPCP pour en parler. Vous le... la ministre le sait, on a échangé là-dessus, je lui ai posé des questions là-dessus, moi, j'estime qu'il reste une imputabilité importante du Procureur général malgré la mise en place de la Loi sur le Directeur des poursuites criminelles et pénales, sinon ça voudrait dire qu'il n'y a plus de Procureur général en matière criminelle au Québec, et, selon moi, c'est inadmissible en démocratie, ce n'est pas ce que la loi veut dire. Et je suis retournée lire les débats, et ce n'était pas ce que la loi voulait dire.

Alors, je sais que, dans l'affaire Norbourg, on a décidé de procéder par acte d'accusation direct, et ça, ça veut dire notamment, bon, qu'on a sauté l'enquête préliminaire. Mais, en fait, ce que je voulais soumettre à la ministre, c'est que, dans les orientations qu'elle donne, une de ces orientations-là, la huitième, est celle qui est liée au pouvoir de déposer un acte direct. Donc, elle, elle dit, dans son orientation, au Directeur des poursuites criminelles et pénales: Vous pouvez en certaines circonstances déposer un acte d'accusation direct.

Selon moi, en soi, c'est une indication que le Procureur général garde ses pouvoirs de poursuivant malgré la nouvelle loi, mais, selon moi, c'est aussi une indication que, dans le cas de Norbourg, la Procureur général n'était pas totalement... on ne peut pas plaider la totale indépendance, parce que qu'est-ce que ça prévoit, cette orientation-là? Ça prévoit que la Procureur général ou le DPCP, mais à titre de sous-procureur général, peut déposer un acte d'accusation direct. Donc, ça montre que la ministre pourrait tout à fait, à titre de Procureur général, signer l'acte d'accusation direct. On sait que, dans les activités quotidiennes, c'est le procureur de la couronne qui signe l'acte d'accusation, mais, dans des cas exceptionnels, quand on décide de procéder ainsi, de par son orientation, la ministre dit: Je peux, à titre de Procureur général, autoriser cela, ou le DPCP mais à titre de sous-procureur général.

Alors, j'aimerais comprendre quelle est la vision de la ministre. Est-ce qu'elle ne trouve pas qu'en soi c'est une preuve claire, qu'elle demeure imputable et responsable, et possiblement encore plus particulièrement quand on procède par acte d'accusation direct?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Alors, il faut bien lire l'article 3. C'est un pouvoir exceptionnel qui vise à accélérer le déroulement de la procédure et toujours exercé dans des circonstances très particulières, notamment lorsque la protection des témoins est compromise, lorsque l'urgence sociale requiert que le procès ait lieu sans tarder ou lorsque les fins de la justice ne pourront être atteintes autrement. Il est bien important de comprendre que les orientations sont là pour donner... Justement, c'est des orientations au Directeur des poursuites criminelles et pénales. Mais d'intervenir, lorsque le Procureur général est tout fait à l'aise avec les fonctions et les décisions du Procureur... du Directeur des poursuites criminelles et pénales, serait... irait à l'encontre de l'intention de cette loi. Donc, je pense qu'il faut bien comprendre l'article 3... l'article 8, les orientations, l'orientation 8, et le lire dans sa totalité.

Il n'y a jamais eu d'instance, dans l'histoire du Québec, où le Procureur général est intervenu dans une poursuite. Il faudrait remonter peut-être à une époque où le premier ministre était aussi ministre de la Justice pour voir des interventions directes du ministre de la Justice. Donc, il n'y a pas de précédent. Il faudrait vraiment qu'il y ait un manque de confiance flagrant. Et on n'était pas du tout, mais pas du tout dans cette situation-là.

Donc, moi, je profiterais de l'occasion, je pense, puis c'est important de revenir sur l'histoire de cette... premièrement, du rôle du Procureur général et de la création du Directeur de poursuites criminelles et pénales. Alors, historiquement, je le répète, le Procureur général n'intervient pas personnellement dans la conduite des affaires devant les tribunaux, même s'il en a théoriquement le pouvoir.

On parle... La député parlait tantôt d'examen de confiance... examen de conscience. Évidemment, l'examen que j'ai fait lorsque je suis rentrée en poste, c'est d'examiner mon mandat, et j'ai très bien saisi le mandat que j'avais en tant que Procureur général. J'ai lu beaucoup, beaucoup de littérature sur la création de l'organisme de Directeur de poursuites criminelles et pénales. En Irlande, c'est en Australie, au Nouveau-Brunswick et maintenant le fédéral qui s'est inspiré du Québec. J'ai compris tout à fait ce qui était voulu par le législateur lorsqu'il a créé cette institution qui est le procureur... le DPCP.

Alors, moi, j'ai choisi d'exercer ma fonction en respectant ce principe, comme tous mes prédécesseurs l'ont fait avant moi. Ma responsabilité est de maintenir la distance nécessaire et de mettre à l'abri de toute ingérence politique la prise de décision de poursuivre ou non et le choix des moyens -- je pense, c'est ça qui est très important -- le choix des moyens pour y parvenir afin de préserver la confiance des citoyens dans notre système de justice.

Cependant, il est vrai de dire qu'ultimement le PG, le Procureur général, doit répondre devant l'Assemblée nationale, et j'inviterais la députée à lire tout ce qui est écrit sur le sujet. En common law, dans les juridictions de common law, on parle d'«ensurability» justement pour expliquer qu'en Chambre le Procureur général doit répondre des questions mais que le Procureur général ne doit pas s'immiscer même lorsqu'il y a des craintes, des inquiétudes, lorsqu'il y a des manchettes, lorsqu'il y a beaucoup de couverture médiatique. Et d'ailleurs je soulignerais que c'est justement dans ces instances-là que le Procureur général doit avoir la tête très froide et calme et se rappeler de son rôle de préserver l'indépendance, de ne pas se laisser influencer par ces manchettes, et de prendre la pleine mesure de ce qui se passe malgré les questions de l'opposition en Chambre, et de comprendre lorsqu'on serait vraiment dans une situation d'urgence sociale tel qu'il était invoqué dans les orientations.

Mais, lorsqu'on a la confiance dans nos acteurs de la justice, tel que je les ai... Ça ne veut pas dire que le Directeur des poursuites criminelles et pénales ne m'informe pas. Il m'informe. Et, lorsqu'il m'informe... pas de ses décisions... Je ne suis pas impliquée du tout. Et vous avez... la députée a invoqué justement la situation du directeur du lobbyisme, un cas parfait qui montre l'importance pour le Procureur général de toujours permettre à ces organismes d'agir en indépendance. Parce qu'on pourrait imaginer... on me demande d'intervenir dans un cas, puis c'est sûr que, dans l'autre cas, on ne voudrait pas que le Procureur général intervienne.

Donc, je pense qu'il est important de bien comprendre que la confiance que j'ai dans cette institution fait en sorte qu'il n'y aucune raison de m'immiscer dans les prises de décision. Par ailleurs, si je constatais -- je pense que c'est ça, l'important -- que les gestes posés étaient de nature à déconsidérer l'administration de la justice, ou encore qu'ils pouvaient être apparentés à des abus de procédures, ou qu'un refus d'agir pouvait mettre en péril l'intérêt public, je n'hésiterais pas à intervenir.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la ministre, je suis désolé, je vais devoir...

Mme Weil: Ça complète ma réponse.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Merci. Parce que, là, je vous interromps, M. Dionne, j'interromps Mme la ministre, je suis désolé. J'ai une tâche ingrate, celle de la gestion du temps pour l'équité de chacun des parlementaires. Et tout le monde me fait des gros yeux, et je vous comprends.

Là, on a déjà dépassé cinq minutes du temps de l'opposition officielle, et je me vois dans l'obligation de céder la parole, avec quand même un certain plaisir, au député de Marquette. M. le député.

Comité de lutte contre les crimes
économiques et financiers
à incidence fiscale

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Je salue la ministre, les collègues parlementaires autour de la table, les collaborateurs également de la ministre, toute son équipe tant au cabinet qu'au niveau du ministère.

La députée de Joliette en a parlé un peu tantôt, la question des crimes économiques, notamment l'affaire Norbourg. J'aurais peut-être voulu aborder ce dossier-là avec la ministre mais, de façon plus large, les crimes économiques qui ont retenu l'attention au cours des derniers mois, pour ne pas dire les dernières années, les poursuites pénales qui ont été entreprises et qui ont abouti à ce jour à des condamnations par les tribunaux à l'encontre des principaux acteurs de ces crimes odieux, et c'est à la demande des procureurs que les peines importantes ont été par la suite imposées. Mais je pense que ce que ces procès ont démontré, c'est peut-être l'importance d'avoir une action concertée peut-être en amont des procès. Et la question que j'aimerais poser à la ministre de la Justice: De quelle façon le DPCP collabore-t-il avec ses partenaires pour réprimer cette forme de criminalité?

**(13 h 20)**

Mme Weil: Merci. Alors, je remercie le député de Marquette. Évidemment, un dossier qui a retenu l'attention de toute la société québécoise en 2008-2009, évidemment, et ça continue en 2010. Donc, au cours des derniers mois, des dossiers mettant en cause des crimes économiques d'envergure ont touché personnellement des milliers de citoyens et retenu l'attention de toute la population. Des poursuites pénales et criminelles ont été entreprises et ont abouti à ce jour à des condamnations par les tribunaux à l'encontre des principaux acteurs de ces crimes odieux. À la demande des procureurs, des peines importantes ont par la suite été imposées afin de refléter la gravité de ces infractions qui entraînent des conséquences pour les citoyens victimes et risquent même de mettre en péril la stabilité de l'économie. Il est nécessaire de poursuivre une action concertée de tous les intervenants du système judiciaire, à l'image de la démarche entreprise par le passé en matière de crime organisé, afin de mener une lutte efficace contre ce type de criminalité.

De quelle façon le DPCP collabore-t-il avec ses partenaires pour réprimer cette forme de criminalité? Le Comité de lutte contre les crimes économiques et financiers à incidence fiscale a été mis en place en 2004-2005. Il est composé de la Sûreté du Québec, de l'Autorité des marchés financiers, des ministères des Finances, du Revenu du Québec, de la Sécurité publique et de la Justice ainsi que du Directeur des poursuites criminelles et pénales.

Le comité de lutte permet une approche globale pour lutter contre ce type de criminalité en assurant notamment une meilleure circulation de l'information entre les partenaires. Il constitue aussi un forum privilégié permettant aux participants de bénéficier mutuellement d'une expertise de qualité, laquelle est particulièrement sollicitée dans ces secteurs du droit complexes et mouvants.

Cinq projets d'enquête ont été conduits dans ce cadre. Le Bureau de lutte aux produits de la criminalité du DPCP est responsable des procédures criminelles dans ces affaires. À ce jour, ces projets ont permis de démanteler des stratagèmes frauduleux dans les secteurs de la construction, projets Dorade et Béquille; des métaux précieux, projet Anergie; de la livraison de mazout, projet Conspiration; et des bureaux de change, projet Pezeta.

De nombreux biens ont déjà été saisis et feront l'objet d'une demande de confiscation de la part du DPCP, par exemple ceux d'une valeur de plus de 3 millions de dollars saisis dans le projet Dorade. De même, dans le projet Pezeta, c'est plus de 2,5 millions de dollars qui ont été confisqués au profit du Procureur général du Québec. Aussi, à titre d'exemple, une somme de 112 000 $ a été confisquée, et la vente des camions à titre de biens infractionnels a rapporté la somme de 171 000 $ dans le projet Conspiration. Plusieurs des personnes accusées par des procureurs du DPCP à la suite de l'aboutissement de ces projets d'enquête ont déjà plaidé coupables devant le tribunal.

Par ailleurs, un comité spécialisé dans les crimes commis sur les marchés financiers, qui relève du comité de lutte, poursuit ses travaux en vue de développer des outils permettant un meilleur échange d'information entre les partenaires, soit la Sûreté du Québec, l'AMF les ministères des Finances, de la Sécurité publique et finalement le DPCP. Ces mesures permettront d'optimiser l'efficacité des enquêtes, le dépôt de poursuites criminelles, tout en respectant les missions et les compétences de chaque intervenant.

Enfin, le comité ACCES Construction regroupe les forces vives de la lutte à l'évasion fiscale dans le domaine de la construction, soit la Commission de la construction du Québec, la Régie du bâtiment du Québec, le ministère du Revenu du Québec ainsi que le DPCP. Le Bureau des affaires pénales du DPCP est responsable de ces dossiers. Au cours de l'année 2009, près de 10 000 constats d'infraction ont été délivrés relativement à la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction et à la Loi sur le bâtiment. On estime que les amendes et frais qui pourraient être imposés dans ces affaires seraient d'environ 4 millions de dollars. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Oui. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Alors, je me demandais... peut-être Me Dionne pourrait répondre à la question. Mais la concertation avec les représentants des autres provinces du palier fédéral pour lutter contre ce type de criminalité, est-ce qu'il y a des échanges, est-ce qu'il y a des interventions, est-ce qu'il y a des stratégies, peut-être pancanadiennes, par rapport à ce type de criminalité?

M. Dionne (Louis): Alors, M. le Président, il n'y a pas de stratégie pancanadienne développée au moment où on se parle, mais les différentes instances fédérales-provinciales-territoriales, et plus particulièrement ce qu'on appelle la table des chefs de poursuite... Bon, les chefs de poursuite, alors mes vis-à-vis, qui occupent le même poste que moi partout au Canada, nous nous rencontrons de trois à quatre fois par année, et effectivement il est question de cette lutte-là, il est question des façons de faire, il est question d'importer, d'échanger les meilleures pratiques en la matière aussi. Même, même, à l'occasion, nous avons un sous-comité, au niveau du comité des chefs de poursuite, qui se penche sur certaines recommandations pour faciliter la poursuite des enquêtes criminelles en la matière et aussi la poursuite devant les tribunaux de ces crimes sur les marchés financiers. Ou on pourrait aller jusqu'à éventuellement échanger des procureurs si on avait besoin de faire une espèce de joint venture, entre guillemets, entre l'Ontario et le Québec ou un autre collègue, ça se fait. C'est assez ouvert. La loi constitutive du DPCP permet cela aussi.

Alors, c'est dans cette optique-là que ça se passe, là, et c'est sur une base régulière, et c'est fait annuellement, pas juste pour ça, mais pour l'ensemble de différentes problématiques en matière de poursuites criminelles aussi. Mais le contact, il est perpétuel.

Administration des biens
issus de la criminalité

M. Ouimet: Dans sa réponse, un peu plus tôt, la ministre parlait du projet Pezeta, qui a, je pense, permis au Procureur général de confisquer plus de 2,5 millions de dollars. Qu'est-ce qui arrive avec les fonds une fois qu'on confisque 2,5 millions de dollars? La ministre disait tantôt que c'était au profit du Procureur général du Québec. J'essaie de comprendre le sens du mot «profit».

M. Dionne (Louis): Alors, la Procureur général ne s'envole pas avec la poche, ça, c'est sûr. Mais, en fait. c'est l'expression utilisée par le législateur dans le Code criminel et dans la réglementation sur les produits de la criminalité. Ces biens-là qui sont confisqués tombent dans deux catégories: soit ils deviennent des produits de la criminalité au sens de la partie XII.2 du Code criminel, soit ils sont des biens infractionnels. Et, dans les deux cas, lorsqu'ils sont reliés à une infraction désignée tel qu'on les connaît au Code criminel, le Procureur général ou le DPCP peut demander la confiscation, après culpabilité, de ces biens-là pour qu'il en soit disposé au profit du Procureur général. Il doit y avoir culpabilité d'abord.

Ces biens-là sont... Bon, si c'est de l'argent liquide qui est saisi, ça va dans un compte... un compte qui est en attente jusqu'à la confiscation... Il y a deux comptes, en fait, qui sont gérés par le Bureau de lutte aux produits de la criminalité. Et, lorsqu'on a une décision de confiscation, l'argent passe d'un compte en transition vers le compte confiscation. Et ces argents-là servent, en vertu du règlement, servent à assumer certains frais d'opération du DPCP pour la mise en place de ses équipes. Et il y a le résiduel... selon les proportions réglementaires, ils sont partagés entre les corps policiers qui participent aux enquêtes, les organismes communautaires qui viennent en oeuvre aux jeunes, Info-Crime Québec et... Info-Crime Québec et son pendant à Montréal, là, ils sont deux qui peuvent partager. Et, quand il y a un résiduel jusqu'à hauteur de 5 millions, le résiduel de ça, si une année on confisquait plus, est renvoyé dans les coffres de l'État, donc c'est l'État qui en profite, c'est renvoyé au fonds consolidé. Alors, c'est... Et je pense que, depuis la création du DPCP, c'est plus de 15 millions qu'on a renvoyés comme ça. On a sorti de l'argent du milieu criminel pour le renvoyer vers les coffres... vers les coffres de l'État ou au partage.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, M. Dionne. Merci, M. le député.

Donc, je vais suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures... Oui?

M. Dionne (Louis): Je m'excuse, mais j'aurais la réponse...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Pas de faute.

M. Dionne (Louis): ...à la députée concernant les constats en matière de lobbyisme: qu'un seul plaidoyer de culpabilité à ce jour.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci, M. Dionne, merci infiniment pour votre... Vous pouvez laisser votre matériel ici. Je vous souhaite un bon dîner.

(Suspension de la séance à 13 h 30)

 

(Reprise à 15 h 5)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre nos travaux.

Je vous rappelle que nous sommes réunis afin de procéder à l'étude des crédits budgétaires du portefeuille Justice pour l'exercice financier 2010-2011.

Et, lors de la suspension de nos travaux, la parole était à la députée de Joliette, et je comprends qu'on lui céderait aussi la parole de nouveau pour les 20 prochaines minutes.

Mais avant je vais demander: Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Gaudreault (Hull) est remplacée par Mme Charlebois (Soulanges).

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oh! Mme la députée de Soulanges, bienvenue à notre commission. C'est un plaisir de vous voir, vous ne savez pas à quel point, là, je vous en parlerai une autre fois. Bienvenue, Mme la députée de Gatineau, M. le député de Marquette et Mme la députée de Joliette. Donc, à vous la parole, Mme la députée. Et rebienvenue, Mme la ministre, ainsi qu'à votre équipe.

Responsabilités du Procureur
général en matière de
justice pénale (suite)

Mme Hivon: Merci, M. le Président. Avant d'aborder la question de la nomination, du processus de nomination des juges, je voudrais juste qu'on termine sur un sujet qu'on a abordé ce matin bon, celui de l'imputabilité de la Procureur général en matière criminelle au Québec, du fait de l'existence, depuis trois ans maintenant, du Directeur des poursuites criminelles et pénales.

Donc, je ne voudrai pas passer énormément de temps là-dessus, mais juste peut-être deux petites questions parce que je pense que c'est quand même important d'aller au fond des choses par rapport à ça parce que c'est une nouveauté importante dans notre système de fonctionnement et c'est important de comprendre quelle est la vision, la perception qu'a la ministre de son rôle, et qui, je pense, n'est pas exactement la même que celle que, nous, on perçoit.

Je veux comprendre parce qu'en fin de matinée la ministre a dit qu'elle exerçait une imputabilité. Elle se référait à d'autres ouvrages qu'elle avait lus sur ce qui pouvait se faire dans d'autres pays anglo-saxons et elle nous a dit, donc, que le concept d'«ensurability» était celui qui avait... qui était noté et que, pour sa part, ça voulait dire qu'elle était imputable devant la Chambre. Et c'est exactement ce que je dis, il faut que la Procureur général demeure imputable devant la Chambre.

Donc, je veux comprendre comment elle perçoit cette imputabilité-là. Parce qu'à ce jour, autant quand il y a eu l'avortement du procès des coaccusés de Vincent Lacroix dans Norbourg que, quelques mois auparavant, la cause du jeune Ellis, dans laquelle il y a aussi eu avortement, la ministre, quand elle s'est levée en Chambre, ça a été uniquement pour dire qu'elle ne pouvait pas parler et que, le Directeur des poursuites criminelles et pénales étant totalement indépendant, elle ne pouvait rien dire. Donc, je veux comprendre où se situe l'imputabilité, alors.

Et deuxièmement, deuxième volet, ce que je me demande, c'est le Directeur des poursuites criminelles et pénales, lui, il faut bien qu'il soit imputable à quelqu'un. Donc, quand il se passe des choses, quand on peut questionner ses choix de stratégie, des erreurs qu'il a pu faire, je comprends que c'est une institution très compétente, mais personne n'est parfait, là, puis il n'y a pas une organisation qui ne commet jamais d'erreur, alors comment la ministre peut-elle nous dire qu'il est totalement indépendant? Il faut bien que, comme institution, il rende des comptes à quelqu'un. Or, la ministre ne nous a jamais dit à ce jour qu'elle demandait des comptes ni dans l'affaire Ellis ni dans l'affaire de l'avortement du procès Norbourg.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Je pense que ce serait opportun, à ce moment-ci, de citer le député de Vaudreuil, lorsqu'il était ministre de la Justice, expliquer la Loi sur le Directeur des poursuites criminelles et pénales -- qui a été adoptée par l'Assemblée nationale le 1er décembre 2005, avec entrée en vigueur le 15 mars -- alors, au moment de son adoption, et je le cite: «Ce projet de loi constitue un geste très significatif dans l'évolution de notre système de justice au Québec. Ainsi, en créant le poste de Directeur des poursuites criminelles et pénales, nous contribuons à accentuer les garanties d'indépendance qui sont liées à la fonction de la poursuite publique et nous renforçons la transparence du processus judiciaire. Nous contribuons ainsi à accroître la confiance de la population dans notre système judiciaire. Nous posons les bons gestes en modernisant notre approche à l'égard du processus accusatoire. En somme, l'institution de la fonction de Directeur des poursuites criminelles et pénales contribuera à mieux satisfaire aux impératifs fondamentaux de justice.»

Donc, comme je le disais ce matin, historiquement, le Procureur général n'intervient pas personnellement dans la conduite des affaires. Donc, dans un cas comme Ellis ou Norbourg, où évidemment le Procureur général ne fait pas de commentaire pour justement... et son imputabilité est en partie pour s'assurer que la justice suit son cours, l'ingérence d'un procureur général et des commentaires publics nuiraient au processus de justice.

**(15 h 10)**

L'imputabilité, évidemment, dans les juridictions qui ont adopté des DPCP, je vous dirais que le commentaire qui est fait par tous les DPCP dans ces quatre ou cinq juridictions, c'est le défi d'expliquer évidemment ce rôle indépendant parce qu'en même temps l'imputabilité évidemment reste toujours là, mais que c'est une façon de rassurer la population de l'indépendance et qu'en bout de ligne la population est rassurée lorsque l'indépendance entre le poursuivant et le ministre de la Justice est consacrée. Et, s'il y avait perception d'ingérence, c'est là que la confiance du public est minée. Donc, faire en sorte que le Directeur des poursuites criminelles et pénales a les ressources dont il a besoin, s'il a des problèmes de gestion, le ou la ministre de la Justice, Procureur général, est informé des problématiques qu'il pourrait avoir pour bien mener ses fonctions. Aussi, évidemment, si je constatais, comme je l'ai dit ce matin, que les gestes posés étaient de nature à déconsidérer l'administration de la justice, ou encore qu'ils pouvaient être apparentés à des abus de procédure, ou qu'un refus d'agir pouvait mettre en péril l'intérêt public, évidemment je n'hésiterais pas à intervenir. Et c'est là la question d'imputabilité.

Évidemment, M. le Président, moi, je pense, c'est important que je rassure, et je rassure, et je rassure les gens qui pourraient nous écouter. On n'a pas été dans ce type de situation avec Norbourg. Il arrive... C'est un cas particulier, c'est un cas complexe, c'est un cas difficile, le Directeur des poursuites criminelles et pénales a eu l'occasion de le confirmer ce matin, mais ce n'est pas une complexité qui effraie par ailleurs les gens qui sont dans le domaine criminel. Il y a des causes comme ça, semblables, très complexes ailleurs au Canada, évidemment aux États-Unis, et j'ose croire, bien que ce n'est pas mon espoir... mon souhait, qu'il y en aura d'autres. Et je pense que l'importance dans ces causes-là, justement c'est de bien connaître son rôle lorsqu'on est Procureur général et de faire en sorte que les procédures se poursuivent sans cette ingérence.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...

Mme Hivon: En terminant, je veux juste dire, je pense qu'on ne s'entendra pas aujourd'hui, visiblement, mais, moi, je pense qu'il y a une grande, grande différence entre être imputable et s'ingérer. Et effectivement l'indépendance fait en sorte que la Procureur général ne s'ingère pas, sauf pour motif exceptionnel, comme c'est prévu dans la loi, mais ça ne veut pas dire qu'elle n'est pas imputable, et qu'elle ne doit pas demander des comptes au directeur, et qu'elle ne doit pas, devant la Chambre, dire ce que le Directeur des poursuites criminelles et pénales a pu lui rendre comme comptes. C'est la nuance que je fais. Et franchement je pense que c'est important, parce que sinon, en gros, ça veut dire qu'il n'y a pratiquement plus de procureur général en matière criminelle qui est imputable devant la Chambre.

Processus de nomination des juges

Sur ce, j'aimerais passer au dossier du processus de nomination des juges. J'en ai parlé ce matin dans mes remarques préliminaires. C'est certain que je pense que ce n'est pas un dossier qu'on peut éviter, du fait de l'importance qu'il a pris autant dans les médias mais, je dirais, dans la population. J'imagine que la ministre s'en fait parler tout autant que je m'en fait parler et que mes collègues s'en font parler. Alors, aujourd'hui, j'aimerais savoir si la ministre peut nous dire si, à titre de garante de l'intégrité du processus de nomination des juges et de garante aussi, je dirais, de la confiance -- dont elle parle souvent -- de la population envers son système, elle estime que c'est normal et souhaitable que le premier ministre s'ingère dans le processus de nomination des juges et potentiellement des personnes de son entourage, et aussi qu'elle nous dise, à la lumière de ce qu'on a appris ce matin, si elle estime que c'est normal et souhaitable que deux de ses prédécesseurs aient nommé un collecteur de fonds important du Parti libéral pour siéger sur des comités de sélection de juges autant au Québec qu'au niveau consultatif au fédéral.

Responsabilités du Procureur
général en matière de
justice pénale (suite)

Mme Weil: Je veux, oui, avec votre permission, juste revenir sur le Directeur des poursuites criminelles et pénales. Évidemment, il dépose un rapport annuel à l'Assemblée nationale, et il y a l'étude des crédits, évidemment, qui est aussi un exercice important d'imputabilité. Donc, je pense qu'on peut rassurer les gens qu'il est imputable, et moi aussi imputable.

Processus de nomination des juges (suite)

Pour la question de la députée de Joliette, bon, je réitère le mandat de la commission Bastarache, un mandat qui est clair, c'est d'enquêter sur les allégations formulées par Me Marc Bellemare concernant le processus de nomination des juges de la Cour du Québec, notamment au regard de l'influence qu'auraient exercée de tierces personnes dans ce processus ainsi que sur le processus de nomination des juges des cours municipales et des membres du Tribunal administratif du Québec, et de formuler des recommandations, le cas échéant.

Donc, la commission Bastarache a été mise sur pied pour faire la lumière sur les allégations de Marc Bellemare, les allégations qui touchent en particulier notamment l'influence qu'auraient exercée... et, par la même occasion, et la députée l'a soulevé ce matin, l'occasion de formuler des recommandations. En effet, moi, dans le couloir, on m'a posé la question: Est-ce qu'on a le meilleur système? J'ai quand même dit: Je crois bien. Mais l'idée, c'est qu'on a voulu que Me Bastarache aurait l'occasion de pouvoir se pencher sur cette question, parce que tout est perfectible dans la société, et il aura l'occasion d'observer un processus de nomination, un système de nomination et de nous faire des recommandations, s'il y a lieu. Donc, c'est ça.

Alors, je pense que, moi, ma réponse aujourd'hui, ça va être la même réponse que je donne depuis quelques semaines, c'est que cette commission Bastarache, c'est vraiment l'endroit pour faire la lumière sur toutes ces questions-là, on aura l'occasion de regarder précisément le processus de nomination.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la députée, oui.

Mme Hivon: Alors, je comprends que la ministre ne souhaite pas répondre à savoir si elle juge normale l'ingérence du premier ministre ou d'autres personnes, ou la nomination sur les comités... c'est-à-dire l'assignation, sur des comités de sélection de juges, de personnes qui sont connues pour être des collecteurs de fonds du Parti libéral. Je veux juste dire que je trouve ça regrettable. Contrairement à ce que mon collègue le député de Laurier-Dorion a dit ce matin, je ne pense pas que l'idée ici, c'est de faire un tribunal populaire en posant des questions à la première responsable de la justice au Québec. Au contraire, je pense que, comme opposition, quand on pose des questions dans ce dossier-là, c'est parce qu'en démocratie les gens sont en droit de s'attendre à des réponses, à des réponses de la personne qui est titulaire du ministère de la Justice. Et, je dois vous dire, je l'ai souligné ce matin...

Une voix: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Question de règlement.

M. Sklavounos: Question de règlement. M. le Président, vu que ma collègue est là-dessus, j'aimerais juste rappeler qu'il faut être prudent. L'article 35.6° de notre règlement. On est en train d'imputer des motifs au premier ministre, et le premier ministre n'est pas ici pour se défendre. Alors, je pense qu'on a un rôle... On est en train d'imputer des motifs lorsqu'on dit qu'il intervient ou qu'il y a de l'ingérence de la part du premier ministre. J'invite ma collègue à la prudence, M. le Président.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, vous pouvez faire les invitations qui vous semblent normales, M. le député. Je reçois ça comme ça. Allez-y, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Alors, je veux dire à la ministre que, ce qui est surprenant aujourd'hui, on se bute à un refus, à un silence total depuis le vendredi 16 avril, je crois. Mais c'est que, dans les jours qui ont suivi la mise en place de la commission... Elle a été annoncée le mardi, et publiquement, le mercredi, le premier ministre a fait une conférence de presse, et la ministre a commenté, elle a répondu à des questions, elle a parlé des allégations, des révélations de son attaché de presse, elle a donné de multiples entrevues. Et je ne comprends pas pourquoi, dans cette semaine-là, c'était correct de répondre, et que maintenant, parce qu'il y a une commission d'enquête en place, ce n'est plus acceptable, et que là on ne peut plus répondre aux questions de l'opposition ou des journalistes.

Mme Weil: Oui, M. le Président. Évidemment, dans les premiers jours: important d'expliquer le mandat de la commission Bastarache, donner un certain éclairage. Mais le gouvernement, de toute façon, a déjà annoncé que le gouvernement participera à la commission Bastarache. C'est le forum approprié pour répondre à ces questions en toute impartialité et neutralité, et Me Bastarache, c'est vraiment la personne pour gérer cette enquête. Et, je l'ai dit à quelques reprises, on ne fera pas d'enquête parallèle ni ici, ni en Chambre, ni dans les couloirs, c'est vraiment au sein de la commission Bastarache qu'on fera cette enquête.

**(15 h 20)**

Mme Hivon: Je veux juste rappeler à la ministre, et je pense qu'elle le sait, elle a quand même répondu aux questions dans la première semaine et elle a expliqué comment le premier ministre pouvait intervenir, elle a expliqué ce que son attaché de presse avait voulu dire, elle a parlé du processus qui était le même ou pas le même qu'avant 2003, donc elle s'est permis une multitude de commentaires. Donc, je m'explique mal maintenant ce changement d'attitude.

Mais, je voudrais dire, au-delà du problème démocratique, je pense, que ça soulève, de ne pas répondre à nos questions, j'aimerais savoir si la ministre a une connaissance de l'étendue du mandat que la commission Bastarache va vraiment avoir. On peut lire... Le décret est sorti cette semaine, je l'ai vu dans la Gazette officielle. Ce que ça dit, bien franchement, c'est d'enquêter sur les allégations de l'ex-ministre Marc Bellemare en lien avec le processus de nomination des juges. Or, il n'y a rien là-dedans qui dit si le processus, pendant toute l'époque du gouvernement libéral, va être étudié. On ne sait pas si c'est uniquement pour l'année où M. Marc Bellemare a été en poste. Donc, les questions que l'on pose à la ministre, qui concernent beaucoup plus largement les décisions, les agissements des autres ministres de la Justice, il n'y a rien qui nous dit que ça va être regardé par la commission Bastarache.

Et en plus, ce matin, l'allégation a trait à des nominations à la magistrature fédérale, aux comités consultatifs pour la sélection des magistrats fédéraux. Alors, j'aimerais ça que la ministre me dise... peut-être qu'il y a quelque chose qui m'a échappé, mais est-ce que ça aussi va faire partie du mandat du juge Bastarache? Donc, si elle a les indications, j'aimerais qu'elle nous les communique.

Mme Weil: Il y a deux questions, si je comprends bien. Pour la première question, évidemment c'est Me Bastarache qui est maître d'oeuvre, donc il décidera des informations dont il a besoin pour bien mener son enquête. Il n'y aura pas d'ingérence ni de la ministre de la Justice en tant que Procureur général ni du gouvernement. Il a vraiment toutes les coudées franches, toute la latitude pour faire le travail qu'il doit faire, et je pense que c'est important de souligner son indépendance dans cet exercice.

Par ailleurs, le processus de nomination de la magistrature canadienne, évidemment ça relève du gouvernement fédéral.

Mme Hivon: C'est ce que je croyais, alors c'est pourquoi je pense que c'est difficilement acceptable pour l'opposition de se buter à un mur, parce que le mandat de Me Bastarache, justement, il risque d'être très circonscrit, et nos questions sont beaucoup moins circonscrites, parce qu'il y a eu beaucoup d'autres révélations par la suite qui touchent aussi d'autres ministres de la Justice, vos prédécesseurs. Et, ce matin, il y a aussi l'allégation, la révélation que quelqu'un a été nommé comme représentant de la ministre ou du ministre de la Justice sur un comité fédéral, et je n'ai pas de réponse à ça, à savoir si la ministre juge ça normal, sous prétexte que la commission Bastarache va agir. Or, ce que je veux dire, c'est que, tout comme nous, la ministre, ne voulant pas s'ingérer, ce qui est tout à fait dans l'ordre des choses, ne sait pas l'étendue du mandat, qui risque d'être très restreint.

Alors, ce que je voudrais savoir, puisque la ministre refuse de répondre à nos questions, c'est: Est-ce qu'elle s'engage à aller témoigner, qu'elle soit assignée ou non, devant la commission Bastarache, pour répondre à toutes les questions qu'on lui pose en lien avec toutes les années de gouvernement et de nominations libérales pour les juges?

Mme Weil: Oui, M. le Président. Évidemment, le gouvernement, tous les membres du gouvernement, on a déjà déclaré qu'on va participer à la commission Bastarache. Donc, je réitère que, par rapport au mandat -- est-ce qu'il est restreint ou pas -- c'est vraiment Me Bastarache qui décidera de la latitude dont il a besoin pour aller au fond des choses. Donc, le mandat est le bon mandat. Le mandat lui donne la capacité d'aller aussi loin qu'il a besoin d'aller pour faire... pour jeter de la lumière sur le processus de nomination de la magistrature québécoise. Pour ce qui est de la magistrature... le processus de nomination de la magistrature canadienne, évidemment ça relève d'un autre gouvernement.

Mme Hivon: Ça relève d'un autre gouvernement, mais est-ce que la ministre peut me dire si elle trouve ça normal que la personne qui est désignée par le ministre de la Justice soit un collecteur de fonds important du Parti libéral pour siéger à ce comité consultatif là?

Mme Weil: Bien, écoutez, le processus fédéral fait en sorte que, lorsqu'il nomme, dans une province, un représentant, évidemment il y a une consultation avec les ministres de la Justice de la province, mais ça relève du ministre de la Justice fédéral d'accepter, oui ou non, le nom qui est désigné. Mais les personnes qui sont proposées par, j'imagine, tous les ministres de la Justice provinciaux, évidemment c'est des personnes qui sont compétentes, qui ont de l'expérience, et c'est vraiment les... sans que les critères soient nécessairement écrits, c'est les critères évidents, c'est que les ministres de la Justice provinciaux vont recommander des personnes qui sont compétentes, avec l'expérience.

Mme Hivon: Peut-être deux choses, en terminant, sur le sujet. Je pense que la ministre vient de le dire aussi, on ne peut pas connaître le mandat que M. Bastarache... Me Bastarache va se donner. Mais, quand on lit ce qui apparaît dans le mandat qui lui est donné par le gouvernement, ça peut être excessivement limité et ça peut effectivement se limiter à l'année où Marc Bellemare a été ministre de la Justice.

Et, moi, je veux soumettre respectueusement à la ministre que les questions qu'on lui pose comme opposition débordent beaucoup de ce cadre-là et que j'ai un grand malaise qu'en démocratie la ministre de la Justice utilise... fasse référence constamment à la mise sur pied de la commission Bastarache pour ne pas répondre à toutes nos questions. Je pense qu'en soi elle devrait y répondre. Et en plus, quand on sait que le mandat risque d'être très restreint et qu'on n'aura pas de réponse à nos questions nécessairement via la commission, je pense que c'est une raison de plus qui milite pour nous donner les réponses qui s'imposent.

Finalement, par rapport au point de... de ce qu'on a appris ce matin par la voix du quotidien Le Soleil, évidemment que le processus de nomination relève du fédéral, mais ce qui est au coeur ici du problème, c'est que la personne qui est désignée sur le comité consultatif par le Québec, c'est le ministre de la Justice qui la désigne. Et d'ailleurs, dans l'article, on voit que les autorités fédérales ont dit qu'eux, en fait, ils prenaient la désignation du Québec, c'est pour ça que j'aurais aimé que la ministre nous dise si elle jugeait ça normal.

Et, puisqu'elle nous parle de compétences et que ces gens-là sont là pour leurs compétences, je me demandais si, les deux autres personnes, donc la personne qui a remplacé M. Champagne, donc qui a été désignée par l'actuelle ministre de la Justice, donc M. Marc-André Dionne -- c'est de l'information qui est toute disponible sur le site Web fédéral -- et celui pour l'Ouest, M. Jean Robert Lessard, ce serait possible qu'elle dépose à la commission leur curriculum vitae.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Très rapidement, Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. J'aimerais revenir sur une question bien importante. Il y a une insinuation de la députée de Joliette qu'on... et je pense qu'il faut qu'elle fasse preuve de beaucoup de prudence. L'immunité parlementaire ne lui permet pas de dénigrer la magistrature. Et le fait d'avoir mis sur pied cette commission... cette commission d'enquête Bastarache, c'était justement parce que le gouvernement sentait l'urgence de confirmer la confiance du public dans notre magistrature et dans le processus de nomination. Ce n'est pas l'occasion ici d'insinuer que la magistrature est moins compétente parce que le processus est mis en question.

Mme Hivon: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Mme la députée.

Mme Hivon: Bien, je pense que la ministre, là, en disant que je dénigre la magistrature, ce qui n'est pas du tout, mais loin de là, mon intention, elle m'impute des propos, puis ça va à l'encontre de l'article 35 du règlement.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Bon, écoutez, sincèrement... De toute façon, le temps était écoulé, Mme la ministre, avec tout le respect que je vous dois et à tout le respect que je dois aux parlementaires, et c'est du côté ministériel que je dois m'adresser maintenant. Vous aurez, Mme la ministre, l'occasion de continuer et de terminer votre réponse si la députée de Gatineau vous en donne l'occasion. Mme la députée, à vous la parole.

Mme Vallée: Merci, M. le Président. Alors, Mme la ministre, aviez-vous quelque chose à ajouter avant que je...

Mme Weil: Bon, bien, écoutez, ce que je veux dire par là, c'est que ce n'est pas une question de vouloir se cacher, c'est que, si le gouvernement a agi aussi rapidement pour mettre sur pied la commission Bastarache, c'est justement pour protéger l'intégrité de la magistrature et de confirmer la confiance du public en la magistrature. Nous avons agi rapidement, dans l'espace de trois jours. Et évidemment, toutes ces questions, on aura l'occasion de répondre à ces questions dans le cadre... Je l'ai répété à plusieurs occasions, mais c'est vraiment l'endroit pour le faire. Et, le mandat, je répète, le mandat, c'est... il appartient à Me Bastarache d'interpréter son mandat. Et, moi, je ne vois rien dans ce qui est dans le mandat qui rétrécie sa capacité d'agir ou d'aller chercher des informations qui seraient pertinentes pour lui. C'est le bon mandat. Et il sera maître d'oeuvre. Il n'y a pas d'ingérence de la part du gouvernement dans l'exercice de ses fonctions. Il pourra poser toutes les questions nécessaires pour faire la lumière sur, je le rappelle, les allégations de Marc Bellemare.

**(15 h 30)**

Mme Vallée: Merci. Alors, M. le Président, je pense qu'il est opportun de faire un petit peu... de revenir, de faire un... de revenir un petit peu sur l'histoire. Je suis un peu surprise, depuis le dernier mois, de voir un petit peu la façon dont notre collègue de Joliette traite de ce dossier, d'autant plus que notre collègue de Joliette a également un passé. On parle d'une collègue qui a une connaissance approfondie de la façon dont le système judiciaire fonctionne et surtout, surtout de la façon dont la nomination des juges procède, puisque notre collègue de Joliette a été attachée politique, si je ne me trompe pas, respectivement des cabinets des ministres de la Justice M. Serge Ménard et de Mme Linda Goupil. Et, fait intéressant, d'ailleurs, M. le Président, alors qu'elle était au cabinet de M. Ménard, le directeur de cabinet de M. Ménard était M. Pierre Audet, et qui est maintenant... et qui a été nommé par le ministre Bégin juge à la Cour du Québec. Alors...

Et je sens également qu'on doit faire attention parce que, honnêtement, notre système de nomination des juges est un système qui a fait l'objet de beaucoup, beaucoup d'éloges au cours du dernier mois. C'est un système qui est reconnu à travers le pays. C'est un système d'ailleurs, qui a été... qui a eu... qui a fait l'objet d'éloges de la part de M. Gilles Duceppe la semaine dernière, en Chambre des communes, alors... Et c'est aussi un système qui a fait l'objet d'éloges de la part de l'ancienne ministre de la Justice, et ancienne ministre pour laquelle la députée de Joliette travaillait.

Dans un entretien que Mme Goupil avait, le 16 avril dernier, avec M. Poirier, avec Claude Poirier, l'informateur... le vrai négociateur, pardon. Alors, il est intéressant de voir que M. Poirier, dans un entretien avec Mme Goupil, disait: Comment vous vous sentez? Vous êtes une avocate, vous avez été ministre de la Justice, comment vous vous sentez de voir tout ce qui se passe, qu'on crucifie un peu la crédibilité des personnes sur la place publique?

Alors, Mme Goupil, qui est l'ancien patron de la députée de Joliette disait: Alors, monsieur, non seulement je trouve que c'est inacceptable et je suis attristée par ça... parce que je peux vous confirmer hors de tout doute, comme membre du Barreau pour bientôt 25 ans, avocate émérite, nous pouvons être fiers de la façon dont, au Québec, nous avons instauré un système pour la nomination de la magistrature, qui est un système qui a fait ses preuves -- exact -- et qui est pris en exemple dans d'autres endroits à travers le monde.

Alors, c'est une collègue du Barreau, une avocate émérite et surtout ancienne ministre de la Justice qui parle et qui commente la saga -- je l'appellerais la saga -- que nous connaissons depuis bientôt un mois. Et j'invite notre collègue de Joliette à un petit peu de prudence parce que, là, dans les questions qui sont posées et les questions qui ont été posées en Chambre également, c'est comme si on attaquait un petit peu la crédibilité du juge Bastarache, qui est un juge de la Cour suprême qui, lui aussi, a une très belle feuille de route. Et on attaque aussi le processus de la commission d'enquête.

Et je pense que l'objectif, ce n'est pas d'en arriver à faire une commission parallèle, là. On n'est pas ici pour ça. Il y a une commission d'enquête qui a été instaurée par le premier ministre, et cette commission d'enquête là va faire un travail. Et je crois que, comme parlementaires, on doit s'élever au-delà de la partisanerie politique et on doit laisser à la commission d'enquête faire son travail. Et, je dirais même plus, non seulement à titre de parlementaire, mais à titre de membre du Barreau, chère collègue, je vous tends la main et je vous invite à la prudence parce que notre profession demande à ce qu'on agisse avec un petit peu de retenue, et, dans l'ensemble des questions qui ont été posées, je sens... je sens le fil... la retenue très fragile, et je sens la glace très mince, et je sens qu'on tend vers la mise en place d'une commission parallèle, puis je pense qu'on doit s'élever au-dessus de ça, et d'autant plus que le processus de nomination des juges est quand même un processus très, très, très... qui est très reconnu.

Et, pour les gens qui nous écoutent, n'oublions pas que, sur le processus de nomination des juges, il y a d'abord et avant tout un comité composé d'un représentant du Barreau, d'un représentant de la Cour du Québec et d'un représentant citoyen et qu'il s'agit de bâtonniers, de juges, des gens expérimentés, et il ne faudra pas laisser sous-entendre que ces gens-là effectuent un travail partisan et un travail motivé par d'autres raisons que les raisons du meilleur intérêt de la justice, et les...

Alors, ceci étant dit, je crois que c'est important de faire ces mises à jour et puis ces mises au point parce que la députée de Joliette prend une attitude un petit peu blanche comme neige, là, je ne voudrais pas... Mais la députée de Joliette sait très bien comment ça fonctionne. Elle a été très impliquée politiquement dans la passé. Elle a été dans les cabinets de différents ministres de la Justice qui se sont succédé et elle-même a été à l'emploi d'un chef de cabinet qui a été nommé à la magistrature par un ancien ministre de la Justice péquiste. Alors, je pense, ça, c'est quand même important de le souligner. Est-ce qu'il me reste un petit peu de temps?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Deux minutes.

Mme Vallée: Deux minutes. Alors, ceci étant dit, je sais... Je crois que mon collègue de Laurier-Dorion avait peut-être un petit commentaire additionnel à faire.

M. Sklavounos: Écoutez, je pense que ça a été dit pas mal par ma consoeur, mais ce que je voulais dire, M. le Président, ici, c'est qu'on approche dangereusement d'un désaveu de monsieur... Me Bastarache. C'est dangereux. Parce que, lorsqu'on confie un mandat à un éminent juriste de sa trempe pour évidemment arriver au fond de ces questions-là qui préoccupent tout le monde suite aux allégations de M. Bellemare, je pense que -- c'est juste pour renchérir un petit peu à ce que ma collègue a dit -- il faut faire attention de ne pas désavouer, ne pas préjudicier cette commission d'enquête qui va avoir lieu bientôt. Il faut y arriver avec un esprit ouvert. Je pense que la ministre a réitérer à plusieurs reprises qu'elle va collaborer au meilleur de sa capacité, elle va collaborer avec cette commission d'enquête. Je pense, c'est à partir de là qu'il faut faire attention.

Et je pense aussi encore une fois que le 35.3° de notre règlement s'applique. Il s'agit d'une commission d'enquête qui étudiera une affaire. Il faut éviter la multiplicité des enquêtes, là, avoir une enquête en commission alors qu'il y aura une autre enquête. Ça risque de devenir très compliqué et très ambigu. Il faut maintenir ça dans un forum et il faut respecter... il faut faire attention de ne pas désavouer cet éminent juriste à qui on a accordé le mandat d'étudier cette affaire.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci beaucoup, M. le député de Laurier-Dorion. Vous avez tous en main la proposition de répartition de temps. Ceux qui ne l'ont pas, en tout cas... ceux qui avaient à y porter un jugement, vous l'avez. Est-ce que j'ai le consentement pour cette répartition de temps? Mme la députée de Joliette, est-ce que...

Mme Roy: M. le Président, je m'excuse. Ce n'est pas une proposition, c'est une entente. C'est une entente qu'il y a eu lieu avec le BAN et les autres partis.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): O.K. Bon. Regarde, on ne jouera pas sur les mots, là, il faut s'entendre, là. Est-ce que le temps qui vous a été proposé, il est acceptable puis est-ce qu'il y a consentement pour procéder de cette façon-là? Est-ce qu'il y a consentement?

Mme Roy: Bien oui.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci. Donc, à la partie gouvernementale, ça va. Nous étions... l'opposition officielle... Deuxième groupe de l'opposition. On est au gouvernement. Ça va, 10 minutes. Deuxième groupe de l'opposition. Mme la députée de Lotbinière.

Mme Roy: Merci, M. le Président. Je pense que la ministre conviendra avec moi que ce qui garantit le plus l'apparence d'impartialité, l'apparence de justice et même pas... plus encore que... Parce que, dans ce cas-ci, on parle d'apparence de la fonction de magistrat, puis c'est la même chose ici pour notre secrétaire général, c'est l'inamovibilité des juges à la Cour du Québec, à la Cour supérieure, Cour d'appel, Cour suprême. On peut convenir de ça.

Maintenant, il y a déjà eu un projet de loi pour les tribunaux administratifs du Québec qui aussi entraînait l'inamovibilité des juges au Tribunal administratif du Québec, par un prédécesseur de la ministre actuelle de la Justice. Est-ce qu'elle envisage revenir à cette solution?

**(15 h 40)**

Mme Weil: Actuellement, cette question précise est devant les tribunaux pour d'autres organismes. Donc, vous, vous parlez des organismes administratifs. Cette question précise est devant les tribunaux actuellement sur la question du mandat, la durée du mandat. Donc, il serait imprudent, inapproprié de ma part de faire des commentaires...

Une voix: ...

Mme Weil: ...même, on me dit, illégal même.

Délai de traitement des dossiers au
Tribunal administratif du Québec

Mme Roy: Alors, pour parler du Tribunal administratif du Québec, on voit, à la page 73 des cahiers, le délai moyen du traitement total pour les dossiers fermés. C'est-à-dire, le délai mesure le temps écoulé entre la requête présentée devant le tribunal, j'imagine, et le moment où le dossier du requérant est fermé à la suite soit d'une décision, soit d'un règlement, soit d'un désistement ou soit encore d'une conciliation. Malgré toutes les bonnes paroles qu'on a eues pour réduire le temps de délai de traitement de ces requêtes-là, on se rend compte qu'il a augmenté à peu près dans tous les domaines.

Assurance automobile, c'est passé de 21 mois à 22 mois, c'est presque deux ans, la moyenne pour fermer un dossier. L'immigration, c'est passé de neuf mois et demi à 11 mois et demi. L'indemnisation de victimes d'actes criminels, c'est précisément cette donnée qui a le plus augmenté, c'était de 17 mois à 22,7 mois, c'est-à-dire presque deux ans, la moyenne pour fermer un dossier, ça veut dire qu'il y en a qui vont beaucoup plus loin que ça aussi. Le Régime de rentes, c'est passé de 16 mois à 18,4 mois; la sécurité du revenu, de 13 mois à 17,4 mois; services de santé et sociaux, de 10 mois, ça a diminué un petit peu, à 9,6. C'est donc dire que le traitement des décisions est de plus en plus long, puis ce qui est un petit peu... Ah! il y a aussi l'expropriation, c'est passé de 27 mois à 30 mois, ça veut dire deux ans et demi, la moyenne; la fiscalité municipale, 12 mois à 14 mois; territoires, de 12 mois à 16 mois. Partout, ça a augmenté partout. C'est donc dire qu'on s'était doté de ces tribunaux-là pour que ça soit plus souple, plus rapide. C'est une procédure qui n'est peut-être pas aussi compliquée que si on était à la Cour supérieure pour régler des litiges, mais là, quand on voit les délais qui s'écoulent là, je me demande, là, s'il remplit vraiment sa mission.

Mme Weil: Je suis désolée, mais on a offert que la présidente du TAQ soit présente, mais on nous a dit que ce n'était pas nécessaire qu'elle soit présente. C'est normalement elle qui répond de ces questions. Mais je peux vous assurer, je m'engage à vous donner des réponses à toutes les questions que vous avez posées, par écrit, réponses étoffées pour expliquer ces délais. Mais c'est vraiment elle qui pourrait répondre avec précision sur les raisons des délais.

Mme Roy: Mais je m'excuse, là, Mme la ministre, mais je suis du bureau du leader, et c'est moi qui gère...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Je vais demander à Mme la députée de s'adresser à la présidence.

Mme Roy: Je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Je vais vous demander, Mme la député -- permettez-moi de terminer -- de vous adresser à la présidence.

Mme Roy: Bien oui, c'est ça que je fais. Je m'excuse, M. le Président -- c'est ce que je viens de dire -- mais je suis au bureau du leader et je n'ai pas eu cette demande pour Mme la présidente du Tribunal administratif du Québec. C'est la raison pour laquelle... Je vous aurais dit oui. Mais c'est bien, si vous vous engagez à me donner les réponses par écrit...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la députée, sincèrement et en toute délicatesse, je vous demanderais de vous adresser à la présidence, ça permet un meilleur échange et ça diminue la tension qui pourrait peut-être exister ou subsister. Mme la députée.

Mme Roy: M. le Président, en tout respect, je ne vois pas la tension qui se passe, là. On est en train de collaborer plutôt que le contraire. Bon.

Sécurité dans les palais de justice

Écoutez, il y a un autre sujet que j'aimerais aborder avec vous, c'est la sécurité dans les palais de justice. Je l'avais abordé l'année dernière. On eu une réponse, M. le Président, du ministre de la Sécurité... actuel ministre de la Sécurité publique, qui était ministre de la Justice... Parce que le palais de justice de Montréal est un des palais de justice où circulent énormément de personnes, et il y a eu des questions relevant de la sécurité de ce palais de justice là qui avaient fait écho, M. le Président, il y a quelques années. Maintenant, on voulait savoir où on en était rendus. Ce que je constate, à la page 223, c'est qu'il y a des arches de détection, mais temporaires à Montréal. Pourquoi vous n'avez pas... Pourquoi, M. le Président, ce n'est pas un système permanent? Ça fait des années qu'on parle de ce dossier-là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la ministre.

Mme Weil: Bon, les arches de détection dont vous parlez, là, qui assurent les mesures de contrôle, c'est un projet pilote, on parle d'arches de détection transitoires, et on décidera -- si je comprends bien, la Sécurité publique -- si on doit mettre des arches ailleurs dans le palais de justice et les rendre permanentes. Mais je demanderais peut-être au sous-ministre de la Justice de rajouter des compléments d'information sur cette question, avec votre permission, monsieur...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui?

M. Bouchard (Michel): M. le Président...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Bien sûr. C'est possible de vous présenter... Me Bouchard ou M. Bouchard? Maître?

M. Bouchard (Michel): Michel Bouchard.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va... C'est parce qu'il y a beaucoup de maîtres ici, je dois vous l'avouer, là. Et donc, M. Bouchard, simplement vous présenter pour qu'on reconnaisse votre voix, là.

M. Bouchard (Michel): Merci, M. le Président. Je voudrais rassurer la députée de Lotbinière. Les arches qui ont déjà été installées sont installées de façon permanente. Lorsqu'on dit qu'elles sont transitoires, on réfère aux mesures de sécurité, qui, elles, sont transitoires. Elles ont été installées dans le palais de justice de Montréal. Il faut bien comprendre de quel édifice on parle. C'est un édifice à plusieurs étages, si ma mémoire est bonne, tout près de 17 ou 19... 17, et la sécurité est installée aux endroits, à l'intérieur de ce projet qu'on peut qualifier de projet pilote, aux endroits où il y a le plus de possibilités que des incidents visant la sécurité se produisent, aux étages où se traitent les affaires criminelles et les étages où se traitent les affaires familiales. Les arches ont donc été installées à ces endroits.

Pourquoi uniquement à ces endroits pour l'instant? Bon, je ne vous cacherai pas qu'il y a une question de coûts. C'est très dispendieux, installer ce genre d'appareils, parce qu'il ne suffit pas d'installer des appareils, il faut avoir du... il faut accompagner les appareils d'un personnel de sécurité qui fait la fouille des sacs, des sacs à main, des attachés-cases, et donc la machine ne fait pas le travail elle seule. Donc, il y a un coût récurrent avec le personnel qu'il faut également engager.

Et aussi il y a une question de circulation sur tous les étages. Il y a des gens qui n'ont pas à aller aux endroits où la sécurité doit être plus grande. Parce qu'il y a beaucoup de gens qui vont déposer des procédures, vont déposer des documents pour fins testamentaires, etc. Donc, on ne voulait pas congestionner les entrées principales. Et, à Montréal, Dieu sait, il y en a, des entrées principales. Il y en a, si ma mémoire est bonne, au moins quatre, peut-être cinq. Donc, installer des arches à ces cinq entrées-là aurait pu causer des embouteillages, ce qui fait que les gens qui doivent se présenter à 9 h 30 pour témoigner auraient été admis dans l'édifice vers 11 heures.

Donc, il faut faire attention lorsqu'on parle de sécurité. Et on pense que le projet pilote va nous permettre de juger s'il faut accentuer ces mesures-là à d'autres étages. Mais, pour l'instant, les arches sont permanentes, elles seront toujours là, mais le projet lui-même est transitoire en attendant de vérifier ce que ça peut donner.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Mme la députée de Lotbinière.

Mme Roy: M. le Président, le 21 décembre 2007, sur les ondes de Radio-Canada, les demandes répétées des juges et des procureurs de la couronne, on faisait état que c'était déjà depuis plusieurs années, en 2007, qu'on faisait ces demandes-là. On est rendus en 2010 et on n'est pas plus avancés que ça. Puis je comprends également que les arches de détection -- vous allez me corriger si je me trompe, là -- ne sont pas installées non plus à la chambre de la jeunesse. Parce qu'il faut comprendre qu'à Montréal la chambre de la jeunesse est à l'extérieur du palais de justice de Montréal, dans un autre bâtiment complètement séparé. Puis, pendant qu'on parle de... Bien, c'est là où on traduit les jeunes membres des gangs de rue notamment, à la cour pénale. Et puis je voudrais savoir qu'est-ce qu'il en est, Mme la... M. le Président.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Bon, premièrement, je pense que c'est important de souligner qu'on a adopté le projet de loi... la loi n° 15 en novembre dernier afin d'instituer le cadre légal nécessaire pour mettre en place des mesures de sécurité accrues aux endroits où les risques sont plus élevés. Pour ce qui est de la chambre de la jeunesse, la mise en place des installations pour le MJQ est de 2 millions, au coût de 2 millions, et, pour le MSP, donc c'est un projet conjoint... a été autorisée par le Conseil du trésor le 19 janvier 2010. Donc, un délai de livraison de 20 mois est prévu pour ces installations pour la chambre jeunesse, dont vous parlez.

Mme Roy: Ça va. Mais écoutez, je comprends qu'un projet de loi, c'est...

Mme Weil: Bien, la loi est adoptée...

**(15 h 50)**

Mme Roy: ...une loi adoptée qui l'autorise. Mais, lorsqu'on a commencé le processus de cette loi-là, il fallait prévoir les budgets. Parce qu'un projet de loi, c'est ce qui coûte le moins cher, ça coûte le papier sur lequel il est imprimé. On mesure l'urgence et l'importance de l'affaire, soit la sécurité dans les palais de justice, à l'effort que le gouvernement fait en suivant sa législation. Je pense qu'il faudrait vraiment prendre ce sujet-là... comme on dit, le taureau par les cornes et puis avancer au niveau de la sécurité dans les palais de justice. On a vu un événement malheureux mardi dernier, un constable spécial qui a dû faire feu sur un homme qui prenait la fuite à l'extérieur du palais de justice, mais vous voyez que ça démontre le bien-fondé de prendre la sécurité des personnes qui transitent aux palais de justice au sérieux.

Mme Weil: Moi, j'aimerais confirmer, M. le Président, que le gouvernement prend très au sérieux la sécurité du public. Et donc évidemment c'est beaucoup mon collègue le ministre de la Sécurité publique qui a cette responsabilité. Mais jamais le gouvernement ne laisserait le public en danger. Et c'est pour ça que la loi habilitante, c'était quand même une loi importante, il fallait poser ce geste-là. Mais ça n'a pas empêché de toute façon des mesures de sécurité partout, dans tous les palais de justice, dans des endroits névralgiques importants. Donc, je pense que c'est important de rassurer, que le gouvernement trouve les moyens de sécuriser le public partout au Québec.

Mme Roy: Est-ce que, M. le Président, on a l'intention de mettre d'autres arches ailleurs? Et, si oui, où? Est-ce qu'il y a d'autres autorisations de fonds pour en déployer sur d'autres palais de justice que ceux situés à Montréal?

Mme Weil: M. le Président, je sais qu'à Gouin il y a des arches, mais je laisserais Me Bouchard répondre à la question pour des intentions ailleurs au Québec.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. Bouchard, allez-y.

M. Bouchard (Michel): Merci, M. le Président. Oui, pour confirmer ce que la ministre vient de dire, il y en a dans le centre de services de Gouin où se tiennent les procès et mégaprocès, il y en a également au Tribunal de la jeunesse, comme vous l'avez signalé tout à l'heure, Mme la députée... il y en aura, c'est-à-dire, et il y en a à la Cour d'appel du Québec, à Montréal, qui est située de biais, en face du palais de justice de Montréal.

Pour répondre à votre question: Est-ce qu'il y en aura à d'autres endroits?, je ne vous cacherai pas que l'expérience que nous vivons actuellement à Montréal va nous permettre d'évaluer ce que j'appellerais, sous un horizon de quelques années -- il ne faut pas se cacher, là, ce n'est pas une question qui va être décidée dans les prochains mois -- l'utilité, il va sans dire, et la faisabilité d'installer des arches de sécurité partout, avec la... en collaboration avec le ministère de la Sécurité publique, cette étude-là sera faite à la lumière des résultats que donneront les projets pilotes de Montréal.

Moi, je dois vous dire qu'actuellement, en attendant que ces décisions soient prises, il y a quand même de la sécurité dans tous nos palais de justice, il y a quand même des agents de sécurité qui y oeuvrent, dans tous ces endroits où il y a des auditions du tribunal. Et je ne veux pas tenter le sort, mais les incidents dans nos palais de justice au Québec sont très rares, extrêmement rares. Vous avez signalé un cas, celui de la semaine dernière, mais c'est un cas à l'extérieur du palais de justice. Il n'y a pas une arche de détection qui aurait pu détecter l'intention de l'individu au moment où il a posé ces gestes.

Donc, c'est une question très importante. C'est exact que la magistrature et les gens qui utilisent les palais de justice sont préoccupés par cette question, et nous partageons cette préoccupation, mais il y a des études à faire avant de savoir si on va installer partout des arches de détection dans tous nos palais de justice.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...dont nous disposons. Merci à Mme la députée de Lotbinière. Du côté gouvernemental, l'intervention vient de monsieur... madame... Mme la députée de Gatineau.

Prestation de services aux citoyens

Mme Vallée: Alors, merci, M. le Président. J'avais certaines préoccupations... j'ai certaines préoccupations, vous savez, sur les services de proximité dans les régions du Québec. Vous savez, M. le Président, j'en parle abondamment, je suis issue d'un comté qui est très vaste, et j'habite dans une région rurale, dans la Vallée-de-la-Gatineau, et je me suis toujours préoccupée beaucoup de l'accessibilité aux différents services gouvernementaux pour les citoyens, les différents citoyens du Québec. Je crois qu'il est important qu'un citoyen qui fait le choix de s'établir en région rurale ne soit pas lésé face à son accessibilité à la justice ou face à son accessibilité aux services gouvernementaux.

Et je sais que nous avons un excellent service d'aide... régime d'aide juridique au Québec. C'est un régime qui est destiné, entre autres, à donner des services de proximité sur l'ensemble du territoire. D'ailleurs, je tiens à saluer l'équipe du Bureau d'aide juridique de Maniwaki et d'ex-collègues du Bureau d'aide juridique de Maniwaki avec qui j'ai eu la chance de pratiquer et de croiser le fer dans une autre vie. Et il y a également, en Outaouais, des services d'aide juridique un petit peu partout sur le territoire. Et il existe par contre certaines réalités. Il existe parfois des disparités régionales qui sont dues à différents facteurs, par exemple la distance, la densité de la population, la démographie, les différents types de besoins, les ressources qui sont disponibles, les réalités économiques et sociales.

Moi, compte tenu de ma préoccupation, j'aimerais vérifier ou demander à la ministre de quelle façon on s'assure, dans le contexte du régime d'aide juridique, que chaque citoyen du Québec, peu importe où il réside, puisse avoir un véritable accès adapté à sa réalité, un véritable accès aux services d'aide juridique adaptés à sa réalité et j'aimerais pouvoir entendre la ministre sur cette question.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Bon, alors, je remercie la députée pour sa question. Donc, elle m'apparaît comporter deux volets, donc permettez-moi de vous formuler une réponse qui se veut en deux temps afin de bien répondre au questionnement que vous soulevez.

Tout d'abord, le réseau d'aide juridique est parmi les organismes les plus décentralisés et régionalisés de tout l'appareil étatique. Divisé en 11 régions, il compte 118 points de service, dont 89 bureaux à temps plein répartis dans 96 villes, incluant les Îles-de-la-Madeleine et Kuujjuaq. Chacun de ces territoires est desservi par des avocats permanents, dévoués et connaissant les besoins de leur clientèle et par des avocats du secteur privé de ces régions qui adhèrent au régime. Chacun des 11 centres communautaires juridiques est géré par un conseil d'administration composé de personnes impliquées dans leur communauté. Aussi, en comptant les commissaires et les membres des conseils d'administration, près de 150 bénévoles s'impliquent dans la gestion du régime. C'est donc en fonction des besoins spécifiques à chaque communauté que sont prises les décisions relatives à la prestation de services aux citoyens.

De plus, la participation des avocats permanents à la vie communautaire fait partie intégrante de leur rôle. Ils agissent comme personnes-ressources ou membres de conseils d'administration auprès de nombreux organismes, associations ou comités reliés à la mission de l'aide juridique. Ils diffusent de l'information juridique adaptée via les médias régionaux. Et finalement ils oeuvrent au sein de leurs Barreaux régionaux, de membres... qu'au comité de la commission.

Dans un autre ordre d'idées, la Commission des services juridiques s'est dotée d'un outil de gestion pour connaître et maintenir la rigueur et l'homogénéité de l'admissibilité à l'aide juridique, assurant ainsi la conformité à la loi et au règlement dans l'ensemble du réseau.

En conclusion sur ce point, le réseau de l'aide juridique est constitué de façon à assurer la cohérence de l'application de la loi mais modulée en fonction des réalités et besoins régionaux. Donc, voilà qui répond au premier volet de votre question.

Pour ce qui est de l'accessibilité à un service de consultation téléphonique, permettez-moi d'apporter la réponse suivante. Pour se conformer à son obligation de fournir un service de consultation téléphonique en matière criminelle et pénale à toute personne pour lui permettre d'avoir recours, à titre gratuit, à l'assistance d'un avocat au moment de son arrestation ou de sa détention, la Commission des services juridiques a mis sur pied un service de garde téléphonique opérant sept jours sur sept, 24 heures par jour.

Depuis février 2002, dans le but d'améliorer la prestation des services et en collaboration avec les centres régionaux d'aide juridique, la gestion du service de garde a été confiée au centre régional de l'aide juridique de Montréal, qui assure la garde téléphonique le soir, la nuit et la fin de semaine. Les 11 centres régionaux assurent la garde téléphonique de jour. Le service de garde téléphonique est offert dans toutes les régions du Québec, le soir, la nuit, la fin de semaine et durant les jours fériés afin de répondre rapidement aux personnes arrêtées et détenues.

Durant l'année 2005-2006, les services de garde téléphonique avaient reçu 29 243 appels téléphoniques. Pour l'année 2006-2007, ils en ont reçu 31 309, soit une augmentation de 7 %. Pour 2007-2008, leur nombre est passé à 33 731, soit une hausse de près de 8 %. Pour 2008-2009, leur nombre est passé à 34 072, soit une hausse de 1,1 %. Et, pour, finalement, 2009-2010, les résultats partiels laissent présager une baisse de près de 10 %. Par ailleurs, pendant les heures normales de bureau, les appels des personnes arrêtées et détenues sont acheminés vers les avocats du réseau, qui ont répondu à près de 3 000 appels. Voilà qui, je crois, apporte à votre questionnement un éclairage.

**(16 heures)**

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? D'autres interventions? M. le député de... il vous reste trois minutes.

Lutte contre la violence conjugale,
familiale et sexuelle

M. Sklavounos: Trois minutes. Alors, très rapidement. Merci, M. le Président. Très rapidement, parce qu'il reste uniquement trois minutes, ma question porte sur les agressions sexuelles. Nous savons qu'il y a plusieurs mesures qui ont été prises par le ministère de la Justice afin d'aider les victimes d'actes criminels de ce genre-là et de contrer ces crimes-là.

Évidemment, il y a eu l'adoption de la Loi sur l'aide aux victimes d'actes criminels en 1988, qui a permis la création des CAVAC à travers le territoire québécois. 1er mars 2001, il y a eu les Orientations gouvernementales en matière d'agression sexuelle ainsi qu'un premier plan d'action qui se terminait en février 2006, dans lequel le gouvernement était venu affirmer sa volonté de combattre ce fléau, M. le Président. Le 17 avril 2008, il y a eu le nouveau Plan d'action gouvernemental 2008-2013 en matière d'agression sexuelle, qui a été annoncé et dévoilé lors de la Semaine nationale de sensibilisation aux victimes d'actes criminels.

J'aimerais savoir, parce que je sais que ce nouveau plan contient un plan d'action qui implique 10 ministères pour contrer cette problématique et compte au-dessus de 100 mesures... environ 100 mesures qui interpellent directement le ministère de la Justice, j'aimerais savoir si la ministre de la Justice pourrait nous expliquer le rôle du ministère de la Justice pour contrer ce grave problème.

Mme Weil: Oui, M. le Président. Je remercie le député de Dorion. Une question très, très importante qui est au coeur des préoccupations de notre gouvernement, c'est de s'attaquer... de mieux protéger les femmes victimes de violence conjugale et sexuelle. Donc, le ministère de la Justice préside, conjointement avec le ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, le Comité interministériel de coordination en matière de violence conjugale, familiale et sexuelle... Il est donc très impliqué dans la lutte contre les crimes de nature sexuelle. Il est responsable de 14 mesures du Plan d'action gouvernemental 2008-2013 en matière d'agression sexuelle et veille aussi à ce que les neuf autres ministères concernés exécutent leurs propres engagements.

Comme par les années passées, nous continuons à financer les 16 centres d'aide aux victimes d'actes criminels, les CAVAC, qui offrent des services de première ligne à toute personne victime d'un acte criminel et à ses proches ainsi qu'aux témoins d'un acte criminel. Pour l'année financière 2008-2009, le financement versé a été d'un montant de 10 231 829 $ et, pour l'année financière 2009-2010, de 10 845 750 $.

De plus, le ministère de la Justice poursuit ses efforts visant à accroître l'accès des populations autochtones aux services des CAVAC. Il soutient le développement des services du CAVAC du Nunavik, ouvert depuis 2004. Le CAVAC cri est en cours d'implantation. Une première intervenante crie embauchée est en formation et une autre sera embauchée. Des intervenantes autochtones ont aussi été engagées au CAVAC de l'Abitibi et à celui de la Côte-Nord, et ce dernier CAVAC compte des membres autochtones à son conseil d'administration.

Et je voudrais souligner une initiative particulièrement innovatrice, celle de l'implantation, le lancement de la ligne 1 888 agression sexuelle, une ligne téléphonique de référence sans frais qui est destinée à orienter les personnes victimes d'agression sexuelle et les intervenants vers les services appropriés. Le Centre pour les victimes d'agression sexuelle de Montréal est l'organisme qui a été choisi pour fournir ce nouveau service aux victimes et aux intervenants. Le ministère de la Justice s'est engagé à verser 3 163 000 $ sur cinq ans, de 2009 à 2014, pour la mise en oeuvre et le fonctionnement de cette ligne sans frais. En 2009-2010, il a effectué un premier versement de 200 000 $.

Je tiens à souligner, M. le Président, que c'est une première en Amérique du Nord, on n'a pas trouvé une autre juridiction avec une ligne semblable. J'ai eu l'occasion, moi, personnellement, de visiter le centre juste quelques jours avant le lancement, de rencontrer les intervenants. J'ai pu voir la... constater évidemment la formation qu'elles ont reçue et la passion qu'elles ressentent, la dédication qu'elles ont envers cette mission et aussi de voir qu'on a vraiment bien choisi l'organisme qui va chapeauter cette initiative, le Centre pour les victimes d'agression sexuelle de Montréal, qui a une longue histoire d'intervention auprès des victimes.

Il faut savoir que c'est un service de référence, donc que la personne soit allée au CAVAC intenter des poursuites ou si la personne a tout simplement besoin d'aide médicale ou de parler avec un psychologue, c'est vraiment au choix de la personne qui va appeler. Elle peut rester dans l'anonymat si la personne le souhaite. Et c'est Marie-Chantal Toupin qui a été choisie comme la personne qui est porte-parole. Elle-même victime d'agression sexuelle, elle a pu constater que finalement 70 %... -- comment dire? -- de pouvoir reprendre sa vie, si on veut, c'est les premières heures et c'est... les premiers jours, et de pouvoir échanger avec un professionnel pour pouvoir se vider le coeur et d'expliquer ce qui s'est passé... Évidemment, le reste, c'est le temps. Et, si la personne choisit de poursuivre, c'est une voie. Mais il y a des personnes qui ne choisissent pas de poursuivre. Mais ils ont besoin d'aide. Et elle a témoigné de l'excellence de ce qu'elle a pu voir puis de son enthousiasme par rapport à cette initiative. Donc, je pense qu'elle a... On a se féliciter pour cette initiative. Moi, je suis très optimiste par rapport à l'aide que cette ligne de référence pourra apporter aux victimes d'agression sexuelle.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la ministre. Merci, M. le député de Dorion. Mme la députée de Joliette.

Processus de nomination des juges (suite)

Mme Hivon: Oui, merci. Avant d'aborder un autre sujet, je voudrais juste dire qu'on m'a prêté, là, beaucoup d'intentions et de connaissances du fait que j'ai été notamment attachée politique. Alors, je veux juste clarifier, là -- parce qu'on me prête beaucoup d'intentions -- que je ne remets pas en cause le bien-fondé du processus général de nomination des juges. Je pense que c'est perfectible, comme tout est perfectible, et que c'est quelque chose, oui, qui peut être regardé.

Ce que je mets en cause, ce n'est pas le processus, c'est plus les liens qui sont allégués entre le financement du Parti libéral, certains collecteurs et des nominations qui pourraient avoir été faites ou être faites, alors voilà... pas plus que j'ai désavoué, pas plus que d'autres collègues de l'opposition ont désavoués le juge Bastarache. Alors, voilà.

Et puis, quand la confidentialité est assurée, quand le processus est bien fait et l'étanchéité assurée, les attachés politiques, aux cabinets des ministres, ils n'ont aucune idée du processus et des nominations, là, je... La ministre elle-même a dit, quand les... l'entrevue avec... En fait, son attaché de presse a dit des déclarations. Elle-même, la ministre, a dit que ses attachés politiques n'étaient pas au courant. Les attachés politiques ne sont pas au courant. Moi, j'ai fait un cours accéléré en processus de nomination de juges, comme bien des Québécois, depuis trois semaines. Donc, je voulais juste que ça soit clair.

Et, juste pour terminer sur ce point-là, je ne sais pas, dans un objectif de transparence, j'ai posé la question tout à l'heure à la ministre concernant la désignation par la ministre de la Justice des personnes qui représentent le Québec sur le comité consultatif fédéral. Je ne pense pas que ce soit des désignations qui passent par décret. Peut-être me le confirmer, s'il y a un décret quand on désigne ces gens-là. Je ne crois pas. Est-ce que, donc, par des fins de transparence, puisqu'elle nous dit que ces gens-là ont été retenus pour leurs compétences, est-ce qu'elle pourrait déposer ou s'engager à déposer auprès de la commission les curriculum vitae de M. Jean Robert Lessard et Marc-André Dionne?

Mme Weil: Évidemment, c'est un processus de nomination fédéral, donc je prends note de la demande.

Mme Hivon: On apprécie.

Actions envisagées pour récupérer certaines
sommes versées à Mme Lise Thibault,
ex-lieutenant-gouverneur

Je voudrais aborder maintenant la question des poursuites qui ont été intentées contre l'ex-lieutenant-gouverneur, Mme Lise Thibault, pas du tout pour parler de l'aspect criminel des choses. C'est qu'en septembre, à la suite du dépôt des poursuites au criminel contre l'ex-lieutenant-gouverneur, la ministre a indiqué, en réponse à nos questions en Chambre, que tout était analysé pour annoncer prochainement l'introduction de poursuites possibles au civil afin de réclamer les montants qui auraient été perçus en trop par l'ex-représentante de la reine.

Et d'ailleurs, déjà en octobre 2008, le secrétaire général du gouvernement, M. Gérard Bibeau, lors de la commission parlementaire qui s'était penché sur la question, avait dit que déjà les services d'une firme de juricomptables avaient été retenus pour analyser toute la question des sommes perçues en trop dans l'optique éventuellement de déposer des poursuites au civil. Alors, je voulais simplement savoir si la décision était prise ou imminente, puisqu'en septembre on nous disait qu'incessamment on allait faire part de notre décision.

**(16 h 10)**

Mme Weil: Oui. Alors, je peux confirmer que c'est toujours sous analyse. Et, si je comprends bien, je pense que c'est jusqu'au mois de juin. La prescription, c'est au mois de juin. Donc, on connaîtra la décision sous peu.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la ministre, j'ai compris que les curriculum vitae dont il était question seraient déposés via la commission, hein?

Mme Weil: Pardon?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Dans la mesure où c'est possible, les curriculum vitae transiteraient par la commission pour qu'ils soient déposés à la députée de Joliette. C'est la procédure.

Mme Weil: On a pris note de la demande.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Voilà.

Mme Hivon: Maintenant, j'aimerais aborder certains sujets en lien avec toute la question de l'accessibilité à la justice pour faire le lien avec trois dossiers dont on a discuté l'année dernière et pour lesquels la ministre avait pris des engagements qui malheureusement ne se sont pas concrétisés à ce jour, donc je veux voir pourquoi.

Centres de justice de proximité

Le premier dossier, c'est la question des centres de justice de proximité, donc, qui, je pense, est une initiative intéressante dans une optique de rapprocher la justice des citoyens et de fournir un endroit où les citoyens peuvent s'adresser comme lieu de référencement et d'offre de services hors palais de justice, pour un peu aussi déformaliser la justice.

Or, lorsqu'elle a fait l'annonce l'année dernière, la ministre a dit que les trois projets pilotes à Sherbrooke, Rimouski et Québec seraient mis en place avant la fin de l'année 2009. Or, à ce jour, il n'y en a pas qui ont vu le jour. Et même j'ai appris, en rencontrant des avocats du Barreau de Sherbrooke, que le Barreau de Sherbrooke s'était retiré dernièrement du projet parce qu'il y avait mésentente sur certains aspects de la collaboration, ce qui est un peu inquiétant. Alors, puisque c'est un projet sur lequel la ministre avait dit beaucoup miser, je voudrais savoir où on en est et quel est le nouvel échéancier, puisque celui qui avait été énoncé n'a pas été respecté.

Révision du système automatique
de perception des pensions alimentaires

Le deuxième point -- je vais vous dire mes trois points puis ça vous donnera le temps de répondre -- c'est celui concernant l'annonce qui avait été faite dans rien de moins que le discours du trône du premier ministre en 2006 concernant l'implantation d'un système facilitant la révision des pensions alimentaires, un système automatique de révision de pensions alimentaires.

Parce qu'on sait que souvent les conditions de l'un ou l'autre des ex-conjoints changent. On peut avoir une baisse de salaire, changer d'emploi, perdre son emploi, il y a toutes sortes de circonstances qui peuvent arriver. Et, dans l'état actuel des choses, il doit y avoir une entente au minimum, quand ce n'est pas une contestation, et ça se rend devant les tribunaux, et ça occasionne beaucoup de frais et de délais.

Donc, depuis 2006 que ça est annoncé, et, à chaque année, à l'étude des crédits, on pose la question, et, à chaque année, on nous dit que c'est incessant et que les discussions avec le Barreau vont bon train. Et, l'année dernière, la ministre nous avait dit qu'elle estimait que ça allait se régler en 2009. Donc, j'aimerais savoir où c'en est.

Rapport sur l'indemnisation
des victimes d'actes criminels

Et finalement le denier sujet sur lequel la ministre avait pris un engagement, c'était le rapport du comité Lemieux sur toute la question de l'indemnisation des victimes d'acte criminel, qui, on le sait, lui aussi, devait être remis il y a déjà trois ans. Et, l'année dernière, ce qu'on a appris lors de l'étude des crédits, c'est que la ministre avait le rapport en main depuis presque un an et qu'elle faisait toujours des analyses complémentaires.

Et elle s'était engagée... elle nous avait dit qu'elle devrait être en mesure de le déposer d'ici le 24 juin de l'année dernière. Or, au début juillet, par voie de communiqué, la ministre annonçait qu'elle avait besoin de compléments d'information, ce qui nous est apparu surprenant, parce que ça faisait quand même plus de un an qu'elle l'avait entre les mains. Donc, pourquoi retourner le rapport à Me Lemieux pour avoir encore des compléments quand ça faisait quatre ans que ça cheminait?

Alors, on aimerait savoir ou c'en est, parce que la ministre n'est pas sans ignorer que c'est un dossier qui est suivi de très près par les groupes d'aide aux victimes d'acte criminel et qu'il y a certaines craintes à savoir qu'est-ce qui se trame avec ce dossier-là. Et, par souci de transparence encore une fois, on aimerait bien que le rapport soit déposé et connaître les intentions de la ministre.

Centres de justice de proximité (suite)

Mme Weil: Alors, écoutez, pour la première question, je remercie la députée de poser la question sur les centres de proximité de la justice. Je pourrais donner beaucoup de détails, si ça intéresse la députée de Joliette?

Mme Hivon: Bien, vu que j'ai un bloc assez restreint...

Mme Weil: Pas trop de détails.

Mme Hivon: ...je voudrais savoir quelles sont les intentions à court terme, quand on pense que ça va être mis en place.

Mme Weil: Donc évidemment, c'est un élément important de la question d'accessibilité à la justice. Donc, c'est vrai, à l'origine, on avait annoncé les trois sites: Québec, Rimouski, Sherbrooke. Et donc c'est un grand partenariat. Donc, l'objectif est de créer trois organismes à but non lucratif qui seront des entités distinctes pouvant refléter des différences régionales et adapter les services selon la volonté de la communauté. Donc, ça prenait un partenariat avec les Barreaux. Et, dans le cas de Sherbrooke, c'est là qu'il y a eu un problème, et qu'on n'avait pas l'adhésion du Barreau de Sherbrooke. Donc, on cherche actuellement un troisième site. Mais on va de l'avant très prochainement avec le centre de Rimouski, très, très prochainement. Donc, Québec et Rimouski, ça va bien, je veux dire, on avance.

Évidemment, ces genres de partenariat, ça prend toujours un peu plus longtemps que ce qu'on espère, mais je pense qu'on reste quand même dans des délais assez raisonnables. Et je voudrais publiquement féliciter le travail des gens du ministère de la Justice. Honnêtement, c'est beaucoup leur travail, c'est eux qui... Bâtir des partenariats, quand on est le gouvernement, ce n'est pas évident. On a plus de facilité à bâtir des partenariats quand on est dans la communauté. Mais, pour qu'un gouvernement puisse aller chercher l'adhésion... Et c'est des partenaires financiers, hein? C'est chacun qui va mettre de l'argent, dont la Chambre des notaires, le Barreau. Chapeau! Je pense, c'est à eux de prendre le crédit. Évidemment, moi, je m'intéresse beaucoup à ça, je le suis de près, mais c'est vraiment les communautés locales qui vont décider de l'offre de services qu'il... Donc, on est actuellement à la recherche d'un troisième site pour remplacer le site de Sherbrooke et, à cette date-ci, on ne sait pas encore où sera... Il y a beaucoup d'intérêt, on l'a dit, Montréal est intéressée. Mais Montréal, évidemment c'est très gros, c'est très grand. Mais il y a un intérêt à Montréal, mais on ne sait pas encore le troisième site.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la députée.

Mme Hivon: Oui. Peut-être juste nous dire, Rimouski, quand vous pensez que ça va ouvrir, puisque vous dites que c'est le prochain. Puis peut-être, pour les détails, si c'était possible, puisqu'on n'a pas beaucoup de temps, malheureusement, de déposer un état de situation écrit, ce serait très apprécié.

Mme Weil: Mon engagement, c'est l'engagement du sous-ministre, qui me dit: Cet été.

Une voix: Cet été.

Mme Hivon: O.K. Donc, merci. C'est ça. Ma deuxième question, c'était... Bon, les deux autres sujets, là, la révision des pensions alimentaires puis la révision de la loi sur l'indemnisation des victimes.

Révision du système automatique
de perception des pensions
alimentaires (suite)

Mme Weil: ...je connais bien le dossier, mais je n'ai pas la bonne fiche, là, pour expliquer les détails. Mais c'est vraiment le... encore là, c'est le ministère de la Justice qui travaille beaucoup ce dossier-là. Encore une fois, oui, ça prend un peu plus longtemps que ce qu'on aurait voulu. On a l'intention de déposer un projet de loi d'ici la fin de l'année, d'ici la fin de l'année.

Alors, il y a des négociations en cours actuellement avec le Barreau du Québec. Et je pourrais peut-être demander à Me Bouchard, de... qui est la personne vraiment qui est dans ces négociations. On a l'intention, comme je vous le dis, de déposer un projet de loi d'ici la fin de l'année. On suit le dossier de près, mais c'est vraiment le sous-ministre qui est en discussion avec le Barreau du Québec dans ce dossier-là.

Mme Hivon: Peut-être, si je peux simplement...

Mme Weil: Puis, évidemment, je pense, c'est important de le souligner, vous l'avez évoqué d'entrée de jeu...

Mme Hivon: ...qui m'intéresse.

Mme Weil: ...simplification des procédures, réduction des coûts, diminution des délais, c'est vraiment tout... ça, c'est vraiment l'importance de ce dossier-là, hein?

Mme Hivon: Bien, c'est pour ça que je vous pose la question...

Mme Weil: Tout à fait.

Mme Hivon: ...et que je l'ai posée l'année dernière.

Mme Weil: Oui. Mais on...

Mme Hivon: Donc, je voulais savoir s'il y avait de l'espoir dans les négociations. Parce que je sais que ça fait plusieurs années qu'on pense que ça va aboutir, donc...

Mme Weil: Oui. Oui. Oui, il y a de l'espoir. Il y a de la volonté, une volonté ferme de la ministre de la Justice et du ministère de la Justice, et donc on va aboutir dans ce dossier-là, on continue.

Mme Hivon: Parce que je suis convaincue que c'est une autre clé importante...

Mme Weil: Absolument.

**(16 h 20)**

Mme Hivon: ...c'est une mesure vraiment pour l'accessibilité. Et, pour ce qui est du rapport Lemieux, qui n'en finit plus de ne pas être déposé ou de requérir des compléments?

Rapport sur l'indemnisation des
victimes d'actes criminels (suite)

Mme Weil: Donc, vous l'avez soulevé au mois de... je pense, c'est un communiqué, au mois de juillet, que j'ai émis parce qu'on avait... Lors des crédits de l'année dernière, j'avais déclaré mon intention de déposer ce rapport sous peu, à l'époque; c'était sous peu, je pense même avant le 24 juin. Ensuite, on a eu le rapport. Il y a eu des analyses, analyses des coûts qui étaient dans le rapport. Le rapport a circulé parmi plusieurs ministères, donc le ministère de l'Emploi et Solidarité sociale, ministère de la Santé, ministère des Finances, Conseil du trésor, Régie de l'assurance maladie du Québec, Commission de la santé et des services sociaux. Donc, c'est un grand chantier de travail qui implique beaucoup de ministères.

Là, certains ont noté qu'il y avait des chiffres à corriger. Donc, la commande est passée au comité Lemieux d'amener des correctifs. Moi, j'ai eu... au ministère de la Justice, on a eu le rapport avant les fêtes, à la fin de 2009. Donc, encore là, des analyses de tout ce groupe de travail, si vous voulez, qui devait vraiment regarder les chiffres pour s'assurer que les chiffres reflétaient la réalité. Et ensuite le budget, et je pense que ça, c'est important de le souligner, un budget déposé en fin de mars qui exige de tous les ministères de revoir l'ensemble des programmes.

Donc, les travaux se poursuivent, mais, dans cette optique-là, il faut évidemment... Et, moi, j'ai l'intention absolument de déposer ce rapport, mais il est important pour moi d'avoir une bonne compréhension globalement -- évidemment, ça comprend beaucoup de ministères -- savoir exactement quels sont nos... l'impact financier. Et tout ça, dans l'optique, et je pense que c'est important de le souligner, que le Québec a le système le plus généreux d'indemnisation des victimes d'actes criminels au Canada. Les chiffres... écoutez...

Une voix: ...

Mme Weil: ...100 millions au total. Et, en Ontario, qui a un taux de criminalité similaire... a dédié 35 millions à son régime d'indemnisation des victimes. Donc, il faut comprendre que, dans ce dossier-là, ce n'est pas comme si on a un trou béant et que les gens ne sont pas desservis. On a un système qui est très, très, très généreux. Et donc l'importance de prendre le temps, surtout pour moi, de vraiment bien saisir que... lorsqu'on va produire ce rapport -- et on le produira, j'ai l'intention de le déposer -- qu'on ait une idée des chiffres, des impacts financiers avec les collègues, hein, tous ces ministères qui sont concernés, parce que l'impact est sur plusieurs ministères, pas évidemment juste sur le ministère de la Justice. C'est vraiment un impact sur le gouvernement...

Mme Hivon: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, madame.

Mme Hivon: Je comprends. Je comprends la complexité du dossier. Mais, par souci de transparence et aussi parce qu'il y a beaucoup d'inquiétudes quand même chez les groupes d'aide aux victimes d'actes criminels... Parce qu'on sait qu'il y a notamment un surplus important dans le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels. Là, j'ai fait un calcul rapide, depuis 2003, depuis que les amendes sont imposées sur les constats d'infraction et que ça va au FAVAC, j'en suis à 28 millions de surplus. Alors, évidemment, il y a des besoins importants qui ne sont pas comblés d'une part en matière d'aide aux victimes. Puis là les groupes qui voient le report et le report du dépôt du rapport se disent: Est-ce qu'on va aller fusionner tout ça, et que l'aide aux victimes et l'indemnisation des victimes ne va faire qu'un? Et quelles vont être les balises?

Alors, moi, je me demande, si, par souci de transparence... Je comprends que la ministre veuille se faire une tête, mais elle n'ignore sans doute pas que, quand il y a eu la réforme de l'aide juridique, le rapport Moreau a été déposé même s'il n'y avait pas finalisation des impacts... même si ce n'était pas terminé, par souci de transparence. Alors, bien sincèrement, je lui demanderais de déposer le rapport. Parce qu'on sait qu'il existe, qu'il est analysé, qu'il circule dans bon nombre de ministères. Donc, je pense que ce serait intéressant pour les parlementaires de pouvoir y avoir accès.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Alors, évidemment, je confirme l'intention et je répète: Évidemment, dans le contexte de ce budget, il reste encore d'autres... -- comment dire? -- on a besoin d'une compréhension globale gouvernementale. Maintenant, il serait utile, je pense, de donner une perspective globale de l'aide aux victimes.

Une voix: ...

Mme Weil: Non. Ça va. Parce qu'il y a beaucoup, beaucoup de mesures, mais là je pense que c'est important qu'on dise que le Québec a quand même amené des modifications et des améliorations au fil des années. Je pense surtout à l'aide psychologique aux victimes. Je pense que la députée de Joliette est bien consciente de ça. Donc, ce rapport s'inscrit dans une perspective très globale où le Québec fait déjà beaucoup pour les victimes d'actes criminels. On considère que l'aide aux victimes d'actes criminels, c'est un... c'est plus qu'un filet social, là, c'est vraiment un service de même nature que des services de santé et services sociaux.

Mme Hivon: Je comprends. Mais la question aujourd'hui, c'est de savoir quand...

Mme Weil: Quand.

Mme Hivon: ...le rapport va être déposé pour que la démarche puisse se faire en toute transparence...

Mme Weil: Évidemment...

Mme Hivon: ...ça fait quatre ans qu'on l'attend.

Mme Weil: Oui. Alors, moi, je vais confirmer que j'ai l'intention de déposer ce rapport, mais je ne contrôle pas tous les ministères et tous les partenaires dans ce dossier-là, et c'est très complexe, il y en a plusieurs. On a l'intention, et ça se fera prochainement... On doit le faire de toute façon, on doit revoir tous nos programmes. Donc, on va le faire, on va le déposer. Je veux juste être sûre d'avoir une bonne compréhension de l'impact financier, et non seulement moi, mais le gouvernement devra bien connaître l'impact financier de ce rapport. Donc, j'ai l'intention, je le confirme, de le déposer.

Mme Hivon: Alors, on espère que ce sera bientôt, parce que vous savez que... la ministre sait que ça fait plusieurs années et qu'il y a au moins trois ministres qui nous ont dit que le dépôt était incessant, et la ministre nous l'a dit l'année dernière. Pour continuer sur le...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Vous ne pouvez pas conclure, Mme la députée de Joliette, en une minute?

Mme Hivon: En une minute? O.K. En fait, je voulais savoir, en matière d'aide aux victimes d'actes criminels -- ma collègue la députée de Lotbinière le mentionnait ce matin -- moi, ma compréhension en matière de reddition de comptes des CAVAC, c'est que c'est très, très disparate entre les CAVAC. Il y a effectivement des CAVAC qui remettent des rapports financiers, mais il y a des CAVAC qui ne font qu'un rapport annuel d'activité.

Alors, moi aussi, j'ai le souci... À partir du moment où il y a des sommes très importantes -- on les voit dans le livre des crédits -- qui sont octroyées par le ministère, par le BAVAC, j'ai ce même souci de reddition de comptes et j'aimerais donc savoir quelles garanties on a minimalement que tous les CAVAC rendent compte de leurs dépenses et que leurs rapports annuels soient complets à cet égard-là, parce que ce n'est pas le cas à l'heure actuelle.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la ministre...

Mme Weil: Oui...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...ça sera pour le prochain bloc. Si vous le permettez...

Mme Weil: O.K. Excusez!

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...je vais permettre à l'opposition de poser ses questions. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): À l'opposition...

Loi modifiant le Code de procédure
civile pour prévenir l'utilisation
abusive des tribunaux et favoriser
le respect de la liberté d'expression
et la participation des citoyens
aux débats publics

M. Ouimet: J'aimerais aborder un autre sujet avec la ministre de la Justice, faire le bilan d'une loi qui a été adoptée il y a un peu moins de un an, au mois de juin dernier, à la suite de consultations générales, le projet de loi contre les poursuites abusives, projet de loi qui a été adopté en juin 2009, donc contre les procédures-bâillons.

L'objectif poursuivi par la loi était bien sûr de prévenir l'utilisation abusive des tribunaux et de favoriser le respect de la liberté d'expression et la participation des citoyens au débat public. Le projet de loi... ou la loi maintenant introduit des dispositions qui permettent notamment au tribunal de prononcer rapidement l'irrecevabilité de toute procédure jugée abusive et elle prévoit ce qui peut constituer une procédure abusive et autorise, lorsque l'abus est sommairement établi, le renversement du fardeau de la preuve.

Alors, je pense qu'il serait peut-être intéressant si la ministre pouvait faire le bilan, même si la loi est relativement jeune, nous dire si elle a été invoquée devant les tribunaux, quel bilan elle en fait et comment le tout se déroule par rapport à l'intention du législateur, qui était d'éviter ce genre de poursuites qui visent, dans le fond, de limiter la liberté d'expression des citoyens.

**(16 h 30)**

Mme Weil: Bien, je vous remercie. D'ailleurs, la députée de Joliette et moi avons pu adopter cette loi ensemble. Et je pense qu'on a pu lire certains articles dans les journaux qui ont fait état de ce projet de loi très attendu, très apprécié. Je pense qu'on avait mis même une clause dans la loi qui dirait qu'après deux ans, trois ans... trois ans, qu'on ferait une évaluation. Donc, pour l'instant, on suit, comme à peu près tout le monde, on suit l'évolution.

Mais, pour les gens qui nous écoutent, peut-être revenir sur cette loi n° 9 sur les poursuites abusives, et dont, moi, j'étais particulièrement fière de pouvoir piloter -- évidemment, j'ai hérité de ce beau dossier de mes collègues avant moi -- parce que, là, on est encore une fois la seule juridiction actuellement au Canada à avoir une loi de cette nature. Il y avait la Colombie-Britannique qui avait une loi semblable mais qui l'a retirée quelques mois plus tard, suite à un changement de gouvernement. Donc, on est actuellement une des seules juridictions. Il y a à peu près 25 États aux États-Unis qui ont des lois semblables. Donc, on va suivre l'évolution de l'implantation de ces mesures avec beaucoup d'intérêt.

Donc, le but, évidemment, de cette loi est de contrer les poursuites stratégiques contre la mobilisation publique ou poursuites-bâillon et de permettre finalement la liberté d'expression puis la participation des citoyens dans la vie collective, dans les débats. Et le phénomène de ce qu'on appelle les SLAPP, «strategic lawsuits against public participation», c'est un phénomène qui est relativement récent au Québec, et c'est quand même intéressant de voir que le gouvernement a agi quand même avec beaucoup de célérité, pour un phénomène qui est très récent.

On a vu, donc, des démarches judiciaires entreprises dans le but de museler des organismes ou des citoyens qui s'exprimaient sur des enjeux collectifs dans divers domaines, tels l'environnement, les affaires municipales et de la consommation. La poursuite stratégique est une manoeuvre d'intimidation par laquelle les poursuivants recourent aux tribunaux pour faire porter un lourd fardeau économique et psychologique aux opposants en réclamant un montant disproportionné avec les moyens financiers de ces derniers. En faisant peser la menace assez longtemps sur les défendeurs, ils épuisent leurs ressources et brisent leur détermination. Ce procédé évidemment brime la liberté d'expression de ces personnes et évidemment neutralise leur action. En même temps, il constitue un usage abusif de la justice et de nos tribunaux.

Alors donc, sans attendre que le phénomène prenne de l'ampleur chez nous, notre gouvernement a agi. Et c'est mon collègue l'ex-ministre de la Justice, député de Vaudreuil, qui a constitué dès 2006 un comité d'experts avec le mandat de proposer des mesures pour contrer ces poursuites stratégiques. À la suite de la publication du rapport en mars 2007, la Commission des institutions a tenu une consultation publique.

Ainsi, depuis leur entrée en vigueur, les articles 54.1 et suivants du Code de procédure civile ont été invoqués dans une centaine d'affaires devant les tribunaux judiciaires, soit 21 fois en Cour d'appel, 61 fois en Cour supérieure, 16 fois en Cour du Québec et une fois au Tribunal des droits de la personne. D'ailleurs, à peine quelques mois après l'entrée en vigueur de cette loi, un juge de la Cour supérieure, dans une décision rendue le 4 août 2009, a affirmé que «les tribunaux ont, avec cet article de droit nouveau -- l'article 54.1 -- un outil précieux pour freiner ce genre de procédure, et il ne faut pas hésiter à l'utiliser». Alors ça, c'est une citation de National Bank of Greece contre 9042-8897 Québec inc.

Dans une décision plus récente rendue le 30 avril 2010, alors que ces articles étaient évoqués, la Cour supérieure, après avoir cité les notes explicatives de cette loi et mes propos lors des travaux parlementaires, examina l'objectif de la poursuite et conclut que les nouvelles dispositions du Code de procédure civile avaient pour but de mettre un terme au genre de débat nourri par le défendeur, c'est-à-dire un débat visant à limiter l'expression. La cour, invoquant l'article 54.2, renversa le fardeau de la preuve et conclut que la demanderesse n'a pas réussi à démontrer que son geste a été exercé de manière raisonnable et qui se justifiait en droit, et, invoquant l'article 54.4, elle ordonna le paiement de dommages-intérêts en faveur de la défenderesse. Et c'est la cause Les Constructions Infrabec inc. contre Martin Drapeau.

Je suis donc très fière que notre gouvernement ait pris les moyens permettant d'assurer la protection de la liberté d'expression des Québécois à l'encontre des recours abusifs. Et je pense qu'en tant que parlementaire c'est quand même intéressant de voir, finalement, la rapidité avec laquelle une loi peut avoir un impact important dans la société. Et je suis particulièrement fière de ce projet de loi.

M. Ouimet: Donc, vous disiez une centaine de fois: 21 fois en Cour d'appel, 61 fois en Cour supérieure, 16 fois en Cour du Québec et une fois devant le Tribunal des droits de la personne.

Êtes-vous... avez-vous l'impression que ce recours va être utilisé de plus en plus, ou est-ce qu'avec la jurisprudence qui commence à s'établir ça va avoir un effet dissuasif, et donc il y aura moins de recours de cette nature-là, on va invoquer moins souvent cet article-là du Code de procédure civil?

Mme Weil: C'est une très bonne question. Évidemment, lorsqu'on fait des modifications de ce genre, on espère aussi amener de la prévention. Et c'est une mesure préventive. Alors, un avocat qui regarde ça, qui représente son client, qui va regarder la jurisprudence va être très prudent avant de procéder devant les tribunaux. Donc, on a bon espoir, on a bon espoir, parce qu'évidemment l'idée de tout ça, c'est de réduire les coûts, de ne pas encombrer les tribunaux et de faire en sorte que les citoyens puissent se sentir à l'aise et libres de s'exprimer. Donc, plus la jurisprudence va confirmer l'intention qu'on avait en tant que législateur, c'est très sain. Et, oui, moi, j'abonde dans le sens de votre question.

M. Ouimet: Merci. Est-ce qu'il reste un peu de temps?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ah! Très peu de temps, une minute, peut-être.

M. Ouimet: On reviendra, alors.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): On reviendra. Donc, Mme la députée de Lotbinière.

Avant-projet de loi modifiant le
Code civil et d'autres dispositions
législatives en matière d'adoption
et d'autorité parentale

Mme Roy: Merci, M. le Président. Vous savez qu'il y a un dossier qui me tient à coeur. Depuis longtemps, je travaille avec ces personnes du Mouvement Retrouvailles qui veulent voir évoluer l'ouverture des dossiers d'adoption. Pour elles, je pense... Elles ont eu l'occasion d'en parler une fois, ici, en commission, mais, même si c'est une discussion qu'on a eue seulement une fois avec ces personnes-là, elles doivent y penser chaque jour, de cette quête d'identité. Certaines sont venues nous faire des témoignages très, très touchants.

Pour eux, c'est une question de temps. Elles se demandent si leur mère adoptive n'est pas... Étant donné que c'est des personnes qui ont été adoptées dans les années cinquante, on peut présumer que leurs mères adoptives sont peut-être malades. Et puis, pour eux, à chaque fois qu'une journée passe, c'est comme la chance de moins savoir... la chance que leur identité, les données sur les maladies qui pourraient être héréditaires, les maladies qui... les questions que les médecins posent à toutes les visites à peu près, lorsqu'on fait un examen général, qu'elles ne peuvent répondre. Donc, j'aimerais savoir où en est le travail sur l'avant-projet de loi.

Mme Weil: Oui. Alors, je remercie la députée de sa question. Et je sais que la députée a joué un rôle important dans ce dossier-là, au fil des années, même avant d'être élue. J'ai suivi avec beaucoup d'intérêt ce débat-là et je sais... je sais bien le rôle de l'ADQ dans ce dossier-là. Je pense que, pour nous trois qui avons assisté, qui avons participé, écouté les témoignages... Pour moi, ça a été un des moments forts de mon expérience en tant que ministre de la Justice. Les plaidoyers de ces personnes en quête... -- comment dire? -- de connaître leur identité, m'a beaucoup émue, beaucoup, beaucoup émue.

Et on a eu la chance de faire des comparaisons avec d'autres juridictions, on a eu l'occasion d'écouter des grands experts, mais aussi des gens qui sont venus témoigner avec leur coeur et leur expérience. Et, moi, j'ai l'intention... Évidemment, j'ai l'intention de ramener ça rapidement, le plus rapidement possible, évidemment. Il y a des consultations interministérielles dans ce dossier-là. Donc, l'intention, c'est, d'ici la fin de l'année, d'amener le projet de loi. Donc, on aura l'occasion de revisiter... Ce qu'on me dit, c'est que les travaux ne seront pas terminés avant le printemps, mais que c'est à l'automne qu'on pourra amener le projet de loi. Mais ce sera en 2010.

Lutte contre la violence conjugale,
familiale et sexuelle (suite)

Mme Roy: Je vous remercie. Il y a un autre dossier sur lequel je me suis aussi attardée, c'est la lutte aux agressions sexuelles. Je sais qu'il y a une certaine partie qui relève surtout des questions qu'on pourrait poser au ministre de la Sécurité publique. Il y avait une observation que j'avais faite à l'occasion des rencontres avec plusieurs intervenants, des psychiatres, les CAVAC, l'IVAC, des personnes de Québec, de Montréal, de Trois-Rivières, Shawinigan, puisqu'il y a le Centre Sainte-Thérèse, à Shawinigan. Et j'avais vérifié, et puis ça m'avait étonnée, que les lignes sans frais -- il y avait certaines lignes sans frais pour les victimes d'agression sexuelle -- étaient disponibles seulement pour les femmes, alors que les psychiatres nous disaient qu'il y a une large partie... mais ce n'est pas toujours le cas, des personnes qui ont... qui abusent, de sexe masculin, qui ont été aussi également abusées. La clé de voûte était probablement d'aider ces hommes aussi qui ont été abusés sexuellement. Est-ce que la ligne sans frais dont vous avez fait état s'adresse aux hommes et aux femmes?

Mme Weil: Vous parlez de la ligne 1 800?

Mme Roy: Que vous venez de...

**(16 h 40)**

Mme Weil: Oui, c'est vraiment pour les hommes et les femmes, absolument. Et vous noterez peut-être que, la dernière campagne contre les agressions sexuelles, on voit les deux sexes. Alors, on voit, dans un cas, c'est un homme qui parle de son expérience, on voit qu'il est père de famille, on voit une petite bicyclette dans son salon. Et donc l'intention, c'est de montrer que, oui, en effet, il y a aussi des hommes. Souvent, c'est des hommes... Donc, cette personne-là qu'on voit dans la pub, il a peut-être dans la quarantaine, mais il parle de son expérience lorsqu'il était au secondaire. Donc, c'est des gens qui ont vécu ça soit en tant que jeune garçon... Je n'ai pas les statistiques devant moi, mais c'est... Évidemment, 80 %... au-delà de 80 %, c'est des femmes qui sont victimes, mais il y a une portion, c'est des adolescents, des garçons, des garçons et des jeunes adolescents masculins. Donc, oui, en effet, la ligne est pour les deux sexes.

Plaintes pour pratique illégale de la
profession d'avocat ou de notaire
dans les ministères et organismes

Mme Roy: Merci. Dans un tout autre ordre d'idées, dans un tout autre registre, M. le Président, il a émergé un débat, au mois de mars dernier, au niveau de l'Association des juristes de l'État, à l'effet qu'il y avait des avocats plaidants au Contentieux du Revenu qui... Il y avait tout un questionnement. Le questionnement était qu'«en rapprochant les avocats du ministère-client, il y a un risque que les avocats perdent cette distance et prennent fait et cause pour le client». C'était le président, M. Lajoie, qui mentionnait ses craintes. Et puis il s'inquiétait puis il se disait qu'à un moment donné, «"si la corde est trop étirée, ce seront les tribunaux qui devront remettre le ministère à l'ordre.[...]" D'après le président de l'Association des juristes de l'État, le ministre de la Justice abdique de son pouvoir en faveur de son collègue du Revenu.» Et il se préoccupait au fait que «[la] ministre de la Justice s'affaiblit».

Là, vous ne le savez peut-être pas, mais il y a un communiqué qui vient d'être émis aujourd'hui, à 15 h 34, et puis... «L'Association des juristes de l'État, [...]qui représente [...] les avocats et notaires des ministères et organismes, a transmis au Barreau du Québec et à la Chambre des notaires huit plaintes pour exercice illégal de la profession...» Ils auraient «des motifs [...] de croire qu'il y [a] cinq employés [au] Conseil du trésor et trois employés [au] ministère des Finances qui donnent des avis et des consultations d'ordre juridique sans être membres de l'un ou l'autre des ordres professionnels».

Donc, vous êtes aussi la ministre responsable des lois professionnelles. Il y a déjà les 14 autres plaintes effectuées la semaine dernière pour pratique illégale. Est-ce que vous entendez surveiller ce dossier-là de près en tant que ministre de la Justice?

Mme Weil: Oui. Pour la première... la première question, parce qu'il y a une entente administrative entre Revenu Québec et... le ministère du Revenu et le ministère de la Justice et parce que Me Bouchard est très au fait de cette entente administrative et du transfert de ces avocats au ministère du Revenu, avec votre permission, je demanderais à Me Bouchard de répondre à mes questions. M. le Président, avec votre permission, je demanderais à Me Bouchard...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, absolument. Excusez-moi. M. Bouchard.

Mme Weil: Merci.

M. Bouchard (Michel): Merci, M. le Président. Si vous me permettez, je vais prendre 30 secondes pour décrire un peu ce que peut représenter l'organigramme de la Direction des affaires juridiques et législatives, qui, par le biais des avocats et des avocates à l'emploi du ministère de la Justice, dispense des services juridiques à l'ensemble des ministères.

Il y a... il existe au ministère du Revenu, comme dans tous... presque tous les autres ministères gouvernementaux, une direction des affaires juridiques, une DAJ, composée d'avocats et d'avocates qui donnent du service de conseils juridiques ou de préparation des lois aux ministères sectoriels, mais toujours sous la supervision du ministère de la Justice, de la ministre de la Justice ou du sous-ministre de la Justice.

Il existe aussi au ministère du Revenu une direction des affaires juridiques, mais il existe en plus, ce que d'autres ministères n'ont pas, un contentieux, c'est-à-dire un groupe d'avocats et d'avocates dont le rôle est essentiellement celui d'aller représenter le ministère du Revenu dans des poursuites devant les tribunaux. On appelle donc cette portion-là d'avocats un contentieux. Le ministère de la Justice a aussi lui-même deux contentieux, un à Montréal, un à Québec, qui représentent les intérêts du gouvernement devant les tribunaux.

Dans la Loi sur le ministère du Revenu, une disposition spécifique précise que ces avocats et avocates qui représentent le ministère du Revenu le font sous la directive ou les directives du sous-ministre du Revenu et non pas du sous-ministre de la Justice, ce qui est différent dans tous les autres ministères. Donc, il existait, avant ce transfert administratif, une double dépendance très hypothétique pour le sous-ministre de la Justice qui ne pouvait donner des instructions aux avocats du Revenu, du contentieux, pour les poursuites, car il les recevait, en vertu de la loi, du sous-ministre ou de la sous-ministre du Revenu. Alors, deux et deux font quatre: si tu relèves d'un sous-ministre pour des instructions, il est normal que tu en relèves aussi au niveau administratif, d'où l'entente administrative.

Pour le reste, la deuxième question, je peux introduire les... Vous apprenez... vous faites état d'un communiqué émis cet après-midi par l'Association des juristes de l'État. Je pense qu'il s'agit de laisser aux organismes à qui ces demandes sont adressées le soin d'examiner ces affaires, et on verra ce que l'examen en donnera. Mais, pour l'instant, je ne pense pas qu'on puisse aller plus loin.

Mme Roy: M. le Président, c'est parce que la ministre de la Justice a un rôle particulier au sein des ministres, du Conseil des ministres: gardienne de la loi, gardienne des sceaux, Procureur général et responsable des lois professionnelles. Lorsque les allégations touchent un membre du Conseil des... bien, un ministère de son gouvernement, qu'on a des allégations de pratique illégale du droit sans être membre du Barreau ou de la Chambre des notaires, il me semble que ce n'est pas... ce n'est pas une simple allégation de pratique illégale, là, de quelqu'un qui aurait donné... un conseiller qui aurait donné... qui aurait écrit une mise en demeure pour quelqu'un d'autre, là, les pratiques illégales qu'on voit fréquemment.

Donc, j'aimerais savoir qu'est-ce qu'elle entend... quelle attention elle entend porter à cette affaire.

Mme Weil: Ce qu'on... On m'informe que c'est déjà devant le syndic. Les cas dont vous... dont la députée évoque, c'est devant les syndics, actuellement.

Mme Roy: Oui.

Mme Weil: Donc, les syndics vont... vont enquêter, c'est comme une instance indépendante. Évidemment, je suis, en tant que ministre de la Justice et responsable des ordres professionnels, tout à fait intéressée à connaître la suite des choses, mais évidemment les syndics vont faire leur travail, et on verra la conclusion de leur enquête.

Mme Roy: Je comprends, M. le Président, qu'à l'égard de n'importe quelle plainte pour pratique illégale, les syndics respectifs sont... doivent se pencher sur la plainte et rendre une décision. Ça, je le comprends, c'est une partie de... c'est une partie de l'équation. L'autre partie de l'équation, c'est: Est-ce que -- je vais être plus claire, là -- la ministre de la Sécurité publique a l'intention de discuter de cette pratique-là au Conseil du trésor et au ministère du Revenu... des Finances avec ses collègues qui siègent également autour de la même table du Conseil des ministres et s'enquérir de qu'est-ce qui se passe?

Mme Weil: Je dois être honnête avec vous, moi, j'apprends à l'instant, là... Parce que vous avez dit que c'est un communiqué que vous venez de recevoir.

Mme Roy: Oui, oui.

Mme Weil: Je dois quand même... J'étais ici, en étude des crédits, alors vous me permettrez, là...

Mme Roy: Moi aussi.

Mme Weil: Mais je n'ai pas reçu cette note. Je vais quand même m'informer, là, sur le dossier.

Mme Roy: Je vous remercie. Ça fait le tour des questions que j'avais l'intention de...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci, Mme la députée de Lotbinière. Donc, du côté du gouvernement, M. le député... ou Mme la députée de Gatineau.

Politique québécoise de lutte
contre l'homophobie

Mme Vallée: Merci, M. le Président. Alors, j'aimerais prendre le temps, aujourd'hui, pour adresser un dossier qui est relativement important et qui a fait l'objet, en mars 2007, d'un rapport de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, un rapport qui s'intitulait De l'égalité juridique à l'égalité sociale. Et c'est un rapport, M. le Président, qui présentait des réalités qui étaient vécues par les personnes des minorités sexuelles. Donc, pour les gens qui nous... nous écoutent, pardon, c'est l'expression qui inclut les lesbiennes, les gais, les personnes bisexuelles, les transsexuels et les transgenres.

Et, dans ce rapport-là, on soulevait différentes problématiques qui affectaient l'ensemble de ces personnes dans différents secteurs d'activité. Et la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse énonçait une série de recommandations. Et l'une des recommandations, c'était d'adopter... En fait, la commission recommandait au gouvernement d'adopter et de mettre en oeuvre une politique nationale de lutte contre l'homophobie, une politique qui aurait un certain nombre d'objectifs bien précis, entre autres: «de reconnaître les réalités des personnes de minorités sexuelles dans la société et les différentes sphères de vie, et de promouvoir le mieux-être de ces personnes; de soutenir les personnes de minorités sexuelles qui éprouvent des difficultés; d'améliorer les connaissances sur les réalités des personnes de minorités sexuelles; de soutenir les organismes communautaires [qui sont] voués à l'amélioration de la situation des personnes de minorités sexuelles».

Je dois vous dire, M. le Président, c'est aussi un dossier qui me préoccupe beaucoup, étant responsable du dossier jeunesse, adjointe parlementaire au premier ministre pour le dossier jeunesse. On rencontre régulièrement des jeunes qui, à l'adolescence, font face à toutes sortes de mesures d'exclusion, de taxage, de rejet, en lien avec leur orientation sexuelle. Et puis on sait qu'à l'adolescence c'est une période déjà qui est relativement trouble. Alors, de faire l'objet d'une exclusion sociale, pour ces jeunes-là, c'est un élément très, très traumatisant. Et donc j'ai été sensibilisée à cette particularité-là.

Et j'aimerais que la ministre puisse nous indiquer, M. le Président, les gestes qui ont été posés par le gouvernement suite au dépôt du rapport de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. Est-ce qu'on a mis en place des mesures pour soutenir les jeunes et aussi les moins jeunes qui font face à de l'exclusion sociale en raison de leur orientation sexuelle?

**(16 h 50)**

Mme Weil: Oui. Alors, je remercie très chaleureusement la députée de poser cette question, ça me permet de revenir sur un dossier auquel je tiens au plus haut point, un dossier qui me tient à coeur et dont je suis très fière, là aussi un dossier où le Québec se positionne comme un leader. Et là il semble que, même, on serait un leader mondial. On a fait des recherches, il semble qu'on est peut-être la première juridiction à adopter une politique de ce genre. Et ça me permet aussi de louanger un autre organisme dont on est fiers, c'est la Commission des droits de la personne, parce que c'est la Commission des droits de la personne qui a produit le rapport qui m'a inspirée.

Évidemment, en tant qu'êtres humains, là, je pense qu'on est tous sensibles lorsqu'on voit des gens qui ne sont pas traités de façon équitable. Mais comment trouver des solutions pour ces gens-là qui souffrent, qui souffrent parce qu'il y a des préjugés puis parce qu'on ne veut pas les intégrer dans le «mainstream» de la société? Ça a toujours été une question qui m'a préoccupée. Et là je voyais l'opportunité de faire quelque chose, et c'est la beauté du ministère de la Justice. On parle souvent d'accessibilité à la justice, et on le voit de façon souvent, quant à moi, de façon très... Comment dire? C'est le Code de procédure civile, bon, c'est des... c'est administratif, un peu. Moi, je vois l'accès à la justice de façon très, très large, très vaste, et c'est peut-être beaucoup mon implication dans la communauté, au fil des années, surtout dans la communauté où j'ai vu les souffrances des personnes au niveau social. C'est aussi un dossier d'accessibilité à la justice, comme le projet de loi n° 60, dans la Loi sur la protection du consommateur. C'est tous des dossiers d'accès à la justice pour créer une société plus juste. Et c'est la justice sociale. Et là on est vraiment dans un domaine de justice sociale. Alors, je remercie la députée pour sa question.

Donc, la discrimination, on le sait, existe, et, dans le rapport, on appelait... on dit qu'on a l'égalité des droits mais pas dans les faits. Et l'idée de cette initiative, c'est de faire en sorte que les personnes de minorités sexuelles puissent bénéficier de l'égalité des faits, pas juste dans le droit.

Alors, les besoins sont importants, des besoins de sensibilisation et de formation, d'adaptation des services, de soutien aux organismes communautaires, ainsi que de développement de connaissances scientifiques pour mieux comprendre les réalités et cibler des actions répondant aux besoins des personnes de minorités sexuelles. C'est d'ailleurs ce que confirmait en mars 2007 le rapport de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Alors, le gouvernement a tout de suite annoncé qu'il entendait donner suite à la recommandation de la commission d'adopter une politique de lutte contre l'homophobie. Ainsi, en décembre dernier, je posais, à titre de ministre responsable de la lutte contre l'homophobie et au nom du gouvernement du Québec, un geste hautement symbolique en lançant la première Politique québécoise de lutte contre l'homophobie. Notre gouvernement a ainsi voulu faire un pas de plus avant de faire d'une égalité de droit une égalité de fait.

Notre Politique québécoise de lutte contre l'homophobie privilégie des orientations et des choix stratégiques qui visent à améliorer la situation des personnes de minorités sexuelles, au Québec, pour l'atteinte de l'égalité sociale. En effet, comme l'a dit le premier ministre, «en adoptant [cette politique], le gouvernement entend insuffler dans nos institutions et dans la population une volonté ferme d'agir contre le phénomène de l'homophobie sous tous ses formes. [...]le gouvernement se donne la mission de lever les obstacles à la pleine reconnaissance de l'égalité sociale des personnes de minorités sexuelles, dans tous les milieux. Le message est clair: notre société gagne à s'ouvrir à la diversité sexuelle et à condamner l'intolérance à l'égard de celle-ci.»

Dans cette politique innovatrice -- je crois d'ailleurs que c'est, comme je l'ai dit, une première mondiale -- nous proposons des orientations qui visent essentiellement: d'une part, à reconnaître les réalités des personnes de minorité sexuelle; deuxièmement, à favoriser le respect de leurs droits; troisièmement, à favoriser leur mieux-être, notamment en leur offrant des services adaptés à leurs besoins; et, quatrièmement, à assurer une action concertée de tous les acteurs sociaux dans la lutte contre l'homophobie. Je cite, à ce titre, M. Laurent McCutcheon, président de la Fondation Émergence et de Gai Écoute, qui disait récemment que «cette avancée sera à l'égalité sociale ce qu'aura été la Charte des droits pour l'égalité juridique».

Afin d'assurer la mise en oeuvre, le suivi et l'évaluation de la Politique québécoise de lutte contre l'homophobie, j'ai annoncé, comme je m'étais engagée de le faire le 29 janvier dernier, la formation du Comité interministériel de lutte contre l'homophobie. Et j'ai eu le plaisir d'annoncer que Me Michel Bouchard, en tant que sous-ministre de la Justice, avait accepté de présider ce comité. Et, je peux le dire, on a un des meilleurs sous-ministres au gouvernement et je suis très fière qu'il ait accepté de présider ce comité. Ça me donne l'assurance qu'il va s'assurer que les travaux vont continuer de bon train. Alors, les ministères qui siègent à ce comité, c'est... il y a le ministère de la Sécurité publique, de la Santé et des Services sociaux, de l'Éducation, du Loisir et du Sport, la Famille et les Aînés, de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Immigration et des Communautés culturelles, ministère du Travail et le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale.

Donc, le rôle du comité sera de veiller, dans un premier temps, à l'élaboration du plan d'action, qui contiendra des mesures concrètes visant à contrer l'homophobie. Ce plan reflétera les orientations et les choix stratégiques retenus dans la politique. Je peux vous confirmer que le ministère est déjà au travail afin d'élaborer le plan d'action. En effet, le comité interministériel des sous-ministres en matière de lutte contre l'homophobie s'est rencontré le 20 avril dernier et a confié à un groupe de travail le mandat de procéder à la rédaction du plan d'action. Ce groupe de travail formé de représentants des ministères sollicités a à son tour eu sa première rencontre le 28 avril, et deux autres réunions sont prévues en mai et en juin.

J'en suis convaincue, les actions qui suivront la politique feront évoluer le Québec vers une société plus juste, plus tolérante et plus riche de sa diversité, tant au bénéfice de ses citoyennes et citoyens qu'à celui des prochaines générations. C'est une avancée dont je suis très fière. C'est un domaine des droits de la personne où le Québec est un leader mondial.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la ministre. Merci, M. le député de Marquette. Donc, nous en sommes rendus à l'opposition officielle. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Merci. Alors, il me reste deux blocs, et je dois simplement dire qu'il me reste beaucoup de questions, donc je vais essayer d'y aller rapidement puis j'apprécierais la même chose de la part de la ministre. Je voudrais aborder, dans ce bloc-ci, quelques questions sur les victimes d'actes criminels et aussi sur l'accès à l'aide juridique.

Accès à l'aide juridique

Alors, tout d'abord, pour ce qui est de l'accès à l'aide juridique, une question en trois temps. Quand la réforme, à la suite du dépôt du rapport Moreau, a été mise en place par un de vos prédécesseurs, l'actuel député de Vaudreuil, on s'attendait à une hausse substantielle des demandes acceptées à l'aide juridique. On avait l'objectif de rejoindre un potentiel de 900 000 Québécois de plus et donc on avait prévu 30 millions de plus sur cinq ans pour accompagner cette hausse anticipée de demandes. Et ce qu'on sait, c'est que le premier 6 millions, pour la première année, a été retourné au Conseil du trésor parce que cette hausse-là de demandes ne s'est pas concrétisée. Et d'ailleurs, là, quand on prend les chiffres, les derniers chiffres qu'on a, on voit que c'est resté à peu près stable depuis 2003-2004. Cette année, on... L'année dernière, on était autour de 265 000 demandes, ce qui était le chiffre de 2003-2004. Et, entre les deux, ça a même baissé un peu, remonté un peu, mais on s'est situé essentiellement entre 257 000 et 265 000 demandes.

Alors, j'aimerais savoir, dans un premier temps, ce qui est arrivé du 30 millions. Est-ce que c'est de l'argent qui, en quelque sorte, a été... avait été destiné à la commission et qui a dû être retourné ou qu'on n'a jamais vu au ministère ou à la commission?

Deuxième volet, c'est que, l'année dernière, la ministre nous avait dit, à la suite de nos questions à l'étude des crédits, quand on lui demandait d'évaluer la réforme et les résultats... Parce qu'effectivement on peut se perdre en conjectures sur les raisons pour lesquelles la hausse anticipée ne s'est pas concrétisée. Et elle nous avait dit qu'à la fin de l'année 2009 elle ferait une évaluation -- j'ai les citations, là, dans les débats de l'étude de l'année dernière -- elle ferait une évaluation pour voir quels résultats avaient été donnés par cette réforme sur cinq ans et quelles seraient les prochaines étapes pour la suite des choses. Donc, j'aimerais savoir -- on est rendus quatre mois de passés dans l'année 2010 -- où elle se situe.

Et finalement le troisième volet de ma question, c'est que j'ai vu, dans le livre... dans le budget et dans le livre des crédits, que les crédits pour la commission demeurent stables, essentiellement, cette année. Et on le sait parce qu'on travaille présentement sur le projet de loi n° 83, qui, s'il est adopté, viserait à ce que la Commission des services juridiques paie les frais d'avocat des accusés qui bénéficient, en vertu d'ordonnances Rowbotham ou Fisher, de services gratuits de l'aide juridique... Donc, j'aimerais savoir, puisque je vois que les crédits restent stables, à partir de quelle enveloppe on va financer ces nouveaux services qui vont être contrôlés par la Commission des services juridiques.

Donc, un: Qu'est-ce qui est arrivé du 30 millions? Deux: Où en est la réflexion de la ministre au terme du cinq ans de la réforme? Et trois: Comment justifier des crédits stables, alors qu'on s'attend à de nouvelles responsabilités importantes si le projet de loi est adopté?

**(17 heures)**

Mme Weil: Je cherche l'information sur le 30 millions qui avait été... C'est dans... à l'époque de l'ancien ministre de la Justice.

Mme Hivon: Du député de Vaudreuil, oui, c'est ça.

Mme Weil: Oui. Il n'y a pas eu de demande, mais je cherche l'information précise à ce sujet, là.

Mme Hivon: O.K. Bien, vous pouvez peut-être, pendant que le président cherche, nous dire si vous avez entamé la réflexion que vous aviez annoncée l'année dernière.

Mme Weil: Je pense que, lorsqu'on regarde les suites du rapport Moreau, et l'augmentation des seuils, et l'indexation qui a été aussi implantée à partir de... donc 2006, 2007, 2008, 2009, 2010, la seule juridiction avec l'indexation, ça, c'est important... et on a le système le plus complet de tous les systèmes d'aide juridique. Je pense que l'expression, c'est «complet». Je ne sais pas si c'est «généreux»...

Une voix: Le panier de services.

Mme Weil: Le panier de services le plus complet, dont on peut être fiers, au Québec, et qui aussi couvre beaucoup de champs, dont le droit civil, matrimonial. Ce n'est pas juste le criminel, mais c'est vraiment très complet comme services.

Donc, pour l'instant, le programme et le seuil d'admissibilité qui a été rehaussé fait en sorte qu'on a la réforme la plus importante qui ait été faite au régime d'aide juridique, et que toutes les tentatives auparavant sous le Parti québécois n'avaient pas débouché sur rien du tout, et finalement c'est sous le règne du Parti libéral, du gouvernement libéral qu'on a vraiment réussi à donner un coup de barre important aux services d'aide juridique.

L'indexation, c'est peut-être un élément extrêmement important, parce que l'indexation va continuer. Je veux juste vous donner un exemple de ce que ça représente. En 2010, pour une personne seule, sans indexation -- juste pour comprendre -- le seuil d'admissibilité est de 12 093 $, mais en réel, en chiffres réels, avec l'indexation, ça représente 12 844 $. Donc, juste l'élément d'indexation est un élément très important qui fait qu'on a... et qui va se poursuivre, qui fait en sorte qu'on a un système d'aide financière... d'aide juridique qui est très généreux, très complet et qui répond à la demande.

Par ailleurs, c'est un système qui répond à toutes les demandes. Donc, pour revenir à la question du 30 millions, peut-être avec l'aide de...

Des voix: ...

Mme Weil: Peut-être que je vais demander à Me Roy de revenir en arrière pour cette période-là. Mais donc il y a le ministre de la Justice de l'époque qui avait... qui s'était engagé ou qui avait promis un 30 millions mais qui n'avait pas été... Bien, écoutez, peut-être je vais demander à Me Roy de revenir sur cette question-là.

Mme Hivon: ...puis je suis tannante, là, c'est parce que j'ai... si on peut avoir une réponse assez rapide, sur le 30 millions, de ce qui est arrivé.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Bon. Alors, comme on m'a demandé le consentement, je sais que nous allons l'obtenir facilement. Mais, à toutes fins pratiques, vous présenter aussi, même si c'est chose déjà faite depuis longtemps.

M. Roy (Denis): Merci, M. le Président. Messieurs dames les parlementaires. Denis Roy, président de la Commission des services juridiques.

À l'époque, en 2005, il y avait eu des estimations qui avaient été faites, qui n'ont pas, comme vous l'avez mentionné, été atteintes en termes de nombre de dossiers d'aide juridique. Et il n'est pas tout à fait exact de dire que les argents ont été retournés à ce moment-là. Ils n'ont tout simplement pas été versés, parce que les subsides étaient accompagnés d'une règle budgétaire en vertu de laquelle il nous fallait démontrer qu'il y avait des coûts supplémentaires, dans le régime d'aide juridique, reliés aux augmentations de seuil.

Alors, cependant, il est important d'ajouter qu'il y a eu une embellie économique très importante dans ces années-là et que nous avons la certitude qu'au moins, si les dossiers sont restés à un nombre égal, comme vous l'avez mentionné, c'est un peu grâce au seuil. Et, depuis deux ans, on voit une augmentation assez sensible, même significative des demandes, des demandes d'aide juridique et traitées et acceptées.

Et je voudrais tout simplement terminer en vous... en répétant que, sur... au Canada, suivant un rapport statistique de 2007-2008, il y a eu en tout, dans les régimes d'aide juridique, 447 000 demandes acceptées de dossiers complets, et là-dessus le Québec en a eu 222 000, donc exactement la moitié de l'ensemble des demandes au Canada. C'est dire que... peut-être pas le rêve, c'est-à-dire que tout le monde souhaiterait, dans le meilleur des mondes, que les seuils soient plus élevés, mais il reste qu'on répond, le régime d'aide juridique, au Québec, répond à la moitié de l'ensemble des demandes de l'aide juridique au Canada à un prix extrêmement avantageux quand on se compare aux autres.

Mme Hivon: Je vous entends, M. le Président, mais je trouve ça à la fois... C'est sûr qu'on peut toujours faire dire beaucoup de choses aux chiffres, mais on se rappelle que l'ancien bâtonnier avait lancé un cri du coeur dans Le Journal du Barreau pour dire qu'on était trop nombreux à ne pas être assez pauvres, au Québec, pour pouvoir bénéficier des services. Et, dans son article, il disait qu'au Québec on dépensait en moyenne 17 $ par habitant, alors que la moyenne canadienne était de 25 $ par habitant.

Donc, je comprends, je suis ce que vous dites, mais je pense qu'il y a quand même beaucoup de gens qui n'ont pas accès. Et on sait qu'une personne qui travaille au salaire minimum à temps plein n'a toujours pas accès. Donc, je pense que c'est quand même une réalité dont on doit être conscient.

Mes deux questions à la ministre, c'est ça, je comprends de sa réponse qu'il n'y a pas vraiment de réflexion sur un peu les effets que cette réforme-là sur cinq ans aura produits. Parce que l'année dernière elle nous avait dit que fin 2009 elle regarderait ça. Juste peut-être me dire si, oui ou non, il y a quelque... une réflexion.

Mme Weil: ...des chiffres très intéressants. Je le soulignais tantôt, c'est vraiment sous le gouvernement libéral qu'on a vu une nette amélioration du système d'aide juridique et de l'accessibilité à l'aide juridique. Donc, un rappel: donc la réforme 2006-2010 qui a entraîné le rehaussement des seuils pour une cinquième année consécutive le 1er janvier dernier, donc qui a permis de renverser le processus de diminution en relevant ces seuils. En 2007-2008, le système d'aide juridique au Québec a traité 45,6 % des 472 221 dossiers ayant bénéficié de l'aide juridique au Canada. Les seuils seront dorénavant indexés, comme je l'ai mentionné. Grâce au volet contributif, tous les ménages à revenus modestes peuvent bénéficier des revenus... des services d'un avocat, moyennant une contribution financière proportionnelle à leurs revenus. Le gouvernement investit 130 millions annuellement dans le programme d'aide juridique, et ainsi, en 2008-2009, aucun des 222 885 dossiers admissibles au programme n'a été refusé. Le gouvernement poursuit la mise en oeuvre du rapport Moreau, lequel a permis à plus de 44 000 personnes de bénéficier de l'aide juridique, et ce, notamment en raison de l'accroissement de 44,8 % du seuil pour les personnes seules.

Donc, je pense que c'est un bilan très positif qui montre la volonté de supporter l'accessibilité à l'aide juridique de façon impressionnante. Et on se compare très, très bien aux autres juridictions au Canada. Évidemment, c'est toujours important de se comparer aux autres juridictions du Canada. Et je pense qu'on peut en être fiers.

**(17 h 10)**

Mme Hivon: Donc, je comprends que c'est ce qui constitue l'analyse dont la ministre nous avait parlé l'année dernière, ce sont ses conclusions-là. On ne peut pas s'attendre à une autre analyse à court terme de la ministre.

Ma dernière question, c'était le fait que les crédits soient stables, malgré qu'on s'attend, si le projet de loi n° 83 est accepté, que, donc, des accusés puissent bénéficier de services financés par la commission. Qu'est-ce qui explique que les crédits restent stables?

Mme Weil: Oui. Je vais demander, avec votre permission, à Me Roy de répondre à la question.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...allez-y, M. Roy.

M. Roy (Denis): Je dirais que c'est parce que la loi n'est pas encore adoptée, parce qu'ici on a les crédits à venir dans le régime régulier d'aide juridique, si je puis dire. Si la loi n° 83 est adoptée, comme nous l'espérons et comme ça a été dit abondamment en commission parlementaire, il y aura, à ce moment-là, des crédits affectés à ce chapitre III de la loi que vous connaissez bien et qui viendront évidemment des argents qui sont déjà déversés par le Procureur général aux avocats qui représentent les gens qui font l'objet d'ordonnances. Alors, ce ne sera pas du nouvel argent, ce sera de l'argent qui va changer d'endroit.

Mme Hivon: Donc, la démarche va se faire auprès du Conseil du trésor lorsque... si le projet de loi est adopté. Et, essentiellement, l'argent qui est en ce moment entre les mains du ministère va être géré par la Commission des services juridiques. Ma compréhension est correcte? O.K.

Je voudrais passer maintenant, donc, à quelques... J'invite quand même la ministre, en terminant, peut-être... Parce qu'il y avait eu un engagement qu'au bout du cinq ans de cette réforme Moreau il y ait une analyse plus scientifique. Donc, je l'invite quand même à peut-être pousser plus loin son raisonnement à savoir comment. Est-ce que ce sera le statu quo pour l'avenir? Comment elle entrevoit l'avenir?

Financement de l'aide aux
victimes d'actes criminels

Maintenant, quelques petites questions sur les victimes d'actes criminels. Je l'ai mentionné tout à l'heure, il y a un surplus imposant qui apparaît dans le cahier des crédits du ministère en ce qui concerne le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels. On voit que, depuis 2003, donc, il y aurait un 28 millions qui s'est accumulé. Alors, j'aimerais comprendre comment cet argent-là... pourquoi on accumule de tels surplus quand on sait qu'il y a quand même des besoins très, très importants en matière d'aide aux victimes d'actes criminels. Comme je le disais tout à l'heure, est-ce que c'est parce qu'on a une intention de fondre le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels avec l'indemnisation des victimes d'actes criminels?

Ça, c'est vraiment le premier aspect mais en lien avec un autre élément qu'on voit dans les crédits: l'argent qui est consenti à partir du fonds, donc du FAVAC, aux différents CAVAC. Et j'aimerais comprendre, parce qu'on ne voit pas les autres organismes. On sait que, oui, les centres d'aide sont subventionnés, mais il y a d'autres organismes, par exemple l'association des personnes assassinées ou disparues, Plaidoyer-Victimes, centre Marie Enfant. Ils n'apparaissent pas, et on sait qu'ils sont subventionnés dans une mesure beaucoup moins importante que les CAVAC et qu'ils ont des besoins. Et je pense qu'ils vous en font part fréquemment, périodiquement.

Donc, pourquoi on ne les voit pas apparaître là? Et, je vous dirais, comment se fait le choix de la distribution de l'argent du FAVAC entre les CAVAC et entre les CAVAC et ces organismes qui, on le sait, font beaucoup de représentations parce qu'ils estiment qu'ils étaient souvent... des fois là en même temps que les CAVAC, avant les CAVAC? On sait que Plaidoyer-Victimes a fêté ses 25 ans cette année, est beaucoup moins subventionnée qu'un CAVAC. Donc, j'aimerais comprendre quelle est la logique derrière l'attribution des fonds.

Mme Weil: Bon, dans un premier temps, donc, vous le souligniez, ce fonds-là sert à financer les CAVAC. C'était le... J'allais répondre à cette question, mais vous avez répondu. Donc, c'est un fonds qui est là pour desservir et venir en aide aux victimes d'actes criminels par différentes voies, dont les CAVAC et les organismes communautaires qui viennent, eux aussi, en aide. Donc, c'est le BAVAC, le Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels, qui a cette mission, le mandat de s'assurer que l'argent est distribué de façon responsable et que l'argent est distribué... et qui fait l'analyse des organismes, leurs demandes et regarde les états financiers de ces organismes.

Mais, avec votre permission, je demanderais à Me Bouchard peut-être d'aller un peu plus en détail sur le fait peut-être qu'on ne voit pas, comme vous dites, les organismes. Et on le verrait sur le site, le site du ministère de la Justice, mais peut-être...

Mme Hivon: Peut-être les critères surtout...

Mme Weil: Les critères, c'est ça.

Mme Hivon: ...en fonction du fait qu'il y a un 28 millions de surplus.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, M. Bouchard, allez-y.

M. Bouchard (Michel): Oui. Merci, M. le Président. Bon, en même temps que la loi qui a été mise sur pied créait le... tout le réseau d'aide, de l'aide aux victimes d'actes criminels au Québec, on a prévu donc des centres qu'on appelle les CAVAC et qui sont, d'une certaine façon, supervisés ministériellement par le BAVAC, le Bureau d'aide aux victimes d'actes criminels, qui est une entité qui relève du bureau du sous-ministre, qui fait partie de la Direction des orientations et politiques.

Bon, le choix, comment s'opère la distribution des sommes d'argent qui servent au fonctionnement des CAVAC, c'est une analyse des besoins. Évidemment, vous comprendrez que le CAVAC de Montréal, de la région de Montréal, requiert des sommes beaucoup plus importantes que le... qu'un CAVAC situé en région moins périphérique des grands centres. Et cette analyse budgétaire là se fait suite à des propositions que soumettent les centres d'aides aux victimes d'actes criminels quant à leurs besoins. Une analyse budgétaire, financière est faite, et, au fil des ans, s'est développée une technique qui, à chaque année, se perfectionne pour qu'on puisse allouer à chacun des centres les sommes dont ils ont besoin pour opérer au cours de l'année qui vient. Ça a été encore le cas cette année.

Bon, le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels peut paraître une entité qui comporte un surplus que je qualifierais d'intéressant, c'est exact. Il faut comprendre que ce fonds-là a été constitué pour beaucoup grâce à une mesure que vous connaissez très bien, qui fait en sorte que, si vous commettez des infractions, par exemple, au Code de la sécurité routière, vous allez contribuer d'une somme de 10 $ à chaque fois que vous le faites, à chaque fois que vous opérez votre paiement. Ce qui m'amène, lorsque je rencontre les centres d'aide aux victimes d'actes criminels, à leur faire toujours la même blague, qu'ils continuent à rire par respect pour ma personne, j'imagine, en leur disant que j'ai l'honneur de leur dire que je n'ai pas contribué d'un seul sou aux CAVAC cette année, puisque je n'ai pas commis d'infraction au Code de la sécurité routière.

Ceci étant dit, ces sommes-là très intéressantes ont permis de développer plus encore les CAVAC que les scénarios qui avaient été prévus lors de leur création. Ces sommes-là servent également... accumulées par le fonds, servent aussi à faire en sorte qu'on puisse dégager des sommes pour permettre à des organismes qui viennent en aide aux victimes d'actes criminels de soumettre des projets de recherche, des projets d'aide. Ils ont leurs projets suite à une analyse grâce à un comité de sélection qui est interne au ministère et qui fait en sorte qu'on puisse analyser le sérieux des demandes de subvention. Donc, le fonds peut servir à ces... à défrayer les sommes d'argent nécessitées par soit des projets de recherche soit des programmes mis sur pied par des groupes qui viennent en aide aux victimes d'actes criminels.

Ceci étant dit, le fonds... Oui?

Mme Hivon: ...précision. Sur ce point-là spécifiquement, comment on... pourquoi on décide qu'il y a tant d'argent à un organisme et que les CAVAC, eux, ont tant d'argent, mais que les autres organismes d'aide ou qui font de la recherche sur les victimes ont moins?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Mme la députée de Joliette, je suis désolé, on va devoir revenir. Il vous reste quand même un bloc de 17 minutes. Je vais... Merci, M. Bouchard. Désolé de vous interrompre. Je vais donc céder la parole à mon collègue député de Laurier-Dorion. C'est bien ça?

Accès à l'aide juridique (suite)

M. Sklavounos: Merci, M. le Président. J'aimerais, si vous me permettez, M. le Président, aborder quelque peu les questions de l'aide juridique, plus particulièrement, peut-être avant de commencer, de juste faire un commentaire rapide, que c'est clair pour tout le monde qui a suivi ces affaires-là qu'il n'y a pas eu, pendant longtemps, avant le gouvernement libéral, une indexation au niveau des barèmes d'admissibilité de l'aide juridique. Il faut que ce soit répété et mentionné parce que c'est bien un fait. Et je pense que c'est facile, lorsqu'on est dans l'opposition, de poser des questions à ce sujet-là, mais, veux veux pas, notre passé comme gouvernement nous rattrape. Et il n'y a pas eu d'indexation, et il faut... ça mérite d'être répété, quelque chose que notre gouvernement a fait et quelque chose qui a permis à un plus grand nombre de personnes de pouvoir avoir accès à ce recours pour pouvoir être représentées devant les tribunaux.

**(17 h 20)**

J'aimerais aussi aborder la question de ce qu'on appelle, nous, dans le jargon, les requêtes Rowbotham-Fisher et l'admissibilité à l'aide juridique. Dans des cas où il y a une certaine complexité, les gens, je pense, le Québécois moyen qui suit un petit peu les nouvelles, lorsqu'il y a des procès où il y a plusieurs coaccusés, entend parler des fois que certaines de ces personnes-là qui sont accusées et bien sûr présumées innocentes... dans de telles circonstances où ils sont dans une situation où ils font appel à l'aide juridique pour pouvoir se faire représenter et payer les honoraires de leurs avocats qui doivent assurer leur défense pleine et entière devant les tribunaux, dans des cas qui sont complexes, où il y a évidemment, je pense... Pour les avocats qui sont autour de la table -- nous sommes plusieurs membres du Barreau -- ces dossiers-là sont complexes. Il y a beaucoup d'écoute électronique, il y a beaucoup de filatures, il y a des boîtes et des boîtes de divulgation de preuve, et ça prend beaucoup de temps. C'est complexe aussi. Il y a aussi l'aspect où, quand il y a plusieurs coaccusés dans un dossier, il y a, veux veux pas, certaines... un travail supplémentaire à faire entre les coaccusés dans le dossier pour assurer que le procès se déroule bien.

Par contre, je sais et je l'ai entendu, je l'ai entendu de citoyens, des fois, qui se demandent comment, des fois, des pères de famille, des mères de famille qui sont juste au-dessus de ce qu'est le seuil de l'admissibilité gratuite ou avec contribution... Ceux qui connaissent un petit peu le fonctionnement de notre tarif d'aide juridique et nos barèmes, se demandent, des fois, comment ça se fait que des personnes qui sont accusées -- et, je répète encore une fois, des personnes qui sont présumées innocentes jusqu'à temps que la preuve est faite hors de tout doute raisonnable -- sont... bénéficient de cette aide de l'État afin de pouvoir présenter une défense pleine et entière. Les gens se posent la question, ils se demandent s'il y a deux règles. Ils se demandent pourquoi les personnes qui ne sont pas accusées ou qui ne sont pas impliquées dans de telles affaires ont de la misère à se... à qualifier et que ces personnes-là bénéficient de ces services-là.

Évidemment, ceux qui connaissent un petit peu le monde du droit criminel, vous direz aussi que ce n'est pas... il ne faut pas juste le regarder du point de vue de l'accusé qui est présumé innocent et le reste, mais il y a aussi une question d'efficacité de l'administration de la justice. Je peux vous dire, ayant participé à des procès avec des coaccusés où il y avait juste un coaccusé qui n'était pas représenté par avocat, et ça impose un fardeau énorme, énorme non seulement sur le juge qui est là pour assurer... qui a quand même une obligation pour assurer qu'il défend... que la défense pleine et entière et tout le droit est connu et que cette personne-là qui est représentée, qui se représente lui-même, qui ne connaît peut-être pas les détails, les fins détails de notre système juridique... Le juge doit jouer ce rôle-là. Alors, en quelque sorte, des fois, pour assurer que c'est équilibré, le juge doit jouer ce rôle-là.

Ça impose un fardeau particulier également sur le procureur de la couronne dans le dossier. Et, pour ceux qui ne savent pas -- et c'est quelque chose, des fois, qui passe inaperçu -- le procureur de la couronne... Puis il y a de la jurisprudence de la Cour suprême qui confirme ça, mais je pense que le grand public peut-être n'est pas au courant du fait qu'un procureur de la couronne, à quelque part, doit agir quasiment comme un ministre de la Justice. Un procureur de la couronne n'a pas de cause à gagner. Le procureur de la couronne représente l'État et doit s'assurer que justice soit rendue. Alors, si jamais, dans un cas en particulier, il a l'impression qu'il y a quelque chose qui pourrait nuire aux droits d'un accusé qui se représente seul, il a quand même une obligation, en tant qu'officier de justice, d'assurer que c'est porté à l'attention, ce qui cause évidemment... ajoute un fardeau important au déroulement du procès et des frais à l'administration de la justice.

J'aimerais, M. le Président, à ce niveau-là, que la ministre puisse nous expliquer un petit peu et pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent, qui suivent nos travaux et qui se demandent des fois pourquoi, dans ce type de dossier, les accusés bénéficient de l'aide juridique pour pouvoir se défendre, alors que, dans d'autres cas, on a l'impression qu'il y a une autre règle, d'autres règles qui s'appliquent... Alors, c'est ma question. J'aimerais que la ministre, pour le bénéfice de tout le monde, puisse clarifier le pourquoi.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Alors, M. le Président, je pense que la réponse simple, c'est: la justice. Mais j'ai une réponse quand même qui est plus longue et qui explique. Et c'est une question très pertinente, évidemment. On a souvent des réactions du public, on le voit dans ce qu'on appelle les ordonnances Fisher et Rowbotham et on a... J'aurai l'occasion d'expliquer un peu plus en détail ce que représentent ces ordonnances.

Donc, il faut faire attention, dans un dossier comme ça, de bien distinguer l'accès au régime d'aide juridique et les ordonnances des tribunaux sur le droit à l'avocat, un droit fondamental. Le régime d'aide juridique est appliqué en vertu de la loi et des règlements de la même manière pour tous les justiciables, y inclus évidemment les accusés. Toutefois, la Commission des services juridiques agit comme agent-payeur à la demande du ministère de la Justice dans les dossiers de type Rowbotham, c'est-à-dire les dossiers où le Procureur général s'est vu ordonner par le tribunal de payer des frais d'un avocat qui représente un accusé qui n'est pas admissible à l'aide juridique. Compte tenu des ententes intervenues entre le ministère de la Justice et la Commission des services juridiques relativement au dossier des mégaprocès, cette dernière s'assure que les avocats respectent les normes fixées par les juges et que les paiements assumés par le ministère de la Justice ne sont pas exagérés et sont conformes au travail réellement effectué.

Par ailleurs, la Commission des services juridiques administre le paiement des honoraires d'avocats qui ont obtenu du juge une majoration des honoraires à leur être versés en vertu d'un mandat d'aide juridique. Dans ce type de dossier, connu sous le nom de Rowbotham-Fisher, les préposés de la Commission des services juridiques assurent la vérification de la facturation, paient les honoraires en fonction du jugement et réclament du ministère de la Justice les sommes versées qui excèdent les honoraires prévus aux tarifs des avocats de la pratique privée.

À la demande du ministère de la Justice, les commissions... la Commission des services juridiques administre le paiement des honoraires d'avocats qui ont obtenu que les honoraires de leurs clients soient payés par le ministère fédéral de la Justice. Pour ce faire, la Commission des services juridiques perçoit des honoraires de 15 % qui couvrent tous les frais occasionnés par la gestion de ces dossiers, qui ont été au nombre de trois au cours de l'année financière 2008-2009.

En conclusion, les honoraires qui sont facturés dans le cadre de ces dossiers spéciaux sont traités avec la même minutie que ceux facturés en vertu d'un mandat d'aide juridique, conformément aux tarifs des avocats de la pratique privée. Dans tous ces dossiers, les communications entre la Commission des services juridiques et le ministère sont constantes. Ceci assure un meilleur suivi et une garantie de reddition de comptes accrue.

D'ailleurs, j'ai déposé, en février dernier, le projet de loi n° 83 qui viendra encadrer toute la gestion des honoraires payés à la pratique privée dans les situations visées ci-haut, en plus de prévenir les requêtes de type Fisher. La Commission des services juridiques sera, le cas échéant, responsable de la gestion des comptes, en plus de s'engager à fournir des avocats lorsque les prévenus en auront besoin.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci, madame. Merci, M. le... Quelques minutes... pas quelques minutes, quelques secondes. Ça va?

M. Sklavounos: On va laisser ça au prochain bloc. Ça va, oui, merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci de votre bonté. Je suis sûr que la députée de Joliette se... Vous n'avez pas vu le sourire de la députée de Joliette quand vous avez dit ça, M. le député de... Mme la députée de Joliette, à vous.

Mme Hivon: Oui. Alors, merci beaucoup. On pourra peut-être revenir sur le complément d'information pour ce qui est du fonds d'aide, mais je voulais aborder le rapport du Vérificateur général, qui s'est penché sur toute la question du soutien aux activités judiciaires. Et je dois dire que c'est un rapport qui est bien fait et qui devrait intéresser toute personne qui s'intéresse à l'administration des services de justice parce qu'il fait vraiment un tour très complet. Mais, malheureusement, je pense qu'il note plusieurs problèmes, sérieux problèmes en ce qui a trait aux services judiciaires.

C'est assez frappant de voir qu'il y a des choses qu'on pense évidentes mais qui ne sont toujours pas faites au ministère. Je pense notamment à tout ce qui est soulevé en ce qui a trait à avoir des mesures fiables de contrôle et de suivi des délais, avec des cibles aussi quant aux délais qu'on veut se fixer conjointement avec la magistrature. Je pense que, quand on parle d'accès à la justice et de réduction des délais, évidemment le premier pas, c'est de savoir ce qu'on aimerait viser pour pouvoir l'atteindre. Ça fait que ça, je pense que c'est un problème... un premier problème sérieux qui a été soulevé.

L'autre problème, évidemment, a trait à certaines utilisations de palais de justice qui semblent très, très faibles. Et on apprend dans le rapport qu'un palais de justice a même été rénové au coût de 11 millions alors qu'il était utilisé à un taux de 14 % et qu'il se situait à une trentaine de kilomètres d'un autre palais qui, lui, était utilisé uniquement à un taux de 35 %. Donc, je pense que ça aussi, c'est... on peut se questionner quand on sait à quel point les budgets de justice ne sont pas élevés. Est-ce que ce 11 millions là était le 11 millions qui était le mieux investi?

Et on sait qu'il y a eu aussi beaucoup de pratiques, en ce qui a trait à la tarification non uniforme dans les différents palais, qui ont été découvertes, c'est-à-dire qu'il semblait y avoir un problème d'application et que souvent le mauvais tarif était appliqué.

**(17 h 30)**

Alors, c'est autant de choses inquiétantes. Mais j'ai lu les commentaires que le ministère a dits. Je pense qu'ils ont pris bonne note et je souhaite profondément que toute l'attention soit portée à ça pour qu'il y ait une meilleure gestion au quotidien de toutes les ressources, une meilleure uniformité. Mais je dois vous dire qu'on va suivre ça avec beaucoup de vigilance, les mesures de correction que le ministère va apporter.

Système intégré d'information de justice

Mais ce qui m'a, moi, beaucoup, beaucoup préoccupée, c'est tout ce qui concerne le Système intégré d'information de justice. Et, quand on prend la page du rapport du Vérificateur général, le tableau 10, qui fait l'historique de ce projet-là qui est en marche depuis 10 ans, c'est assez incroyable de voir qu'il y a déjà 30 millions qui ont été engagés, il y a un autre 65 millions qui a été annoncé il y a deux ans et demi, et il n'y a toujours rien.

Ce que je comprends dans l'étude... dans le cahier des crédits, c'est qu'il y aurait un 30 % à peu près de développé. Or, on est allés de recommencement en recommencement, de nouvelle structure de gouvernance en nouvelle structure de gouvernance. Et on sait que ce n'est quand même pas rien quand on engage une somme aussi importante -- ça va être un projet de 100 millions au minimum -- de voir qu'on est partis, et qu'il a dû y avoir autant de réajustements au fil du temps, et qu'on ne semble pas nécessairement toujours savoir où on s'en va. En tout cas, au moment du dépôt du rapport, il n'y avait pas eu de suivi depuis un an à peu près de fait, de reddition de comptes, donc je pense que c'est très inquiétant.

Alors, j'aimerais qu'on m'explique pourquoi de tels délais, pourquoi toujours pas de résultat. Est-ce que le ministère garde toujours le cap pour réaliser le projet? Si oui, quand? Parce qu'on sait que, selon l'échéancier qui a été discuté en 2007, on devrait être maintenant à un an de l'échéancier. Est-ce que c'est réaliste? Est-ce que ce projet-là va se concrétiser d'ici un an et avec les sommes qui ont été prévues qui sont quand même colossales? Donc, j'aimerais entendre la ministre là-dessus.

Et j'aimerais aussi l'entendre, parce que, dans les engagements financiers, on a découvert, et je pense que c'est en lien -- mais vous me corrigerez si ce n'est pas le cas -- on a découvert qu'il y a deux contrats fort importants, de 13 millions et de 15 millions, deux contrats informatiques qui ont été octroyés sans appel d'offres à DMR Conseil et à R3D Conseil et donc pour le développement des systèmes Justin et Cornet, pour l'adaptation à ces systèmes-là notamment. Et donc j'aimerais qu'on m'explique un peu, parce qu'évidemment c'est très surprenant de lire que ce sont des contrats négociés pour des sommes aussi importantes.

Mme Weil: Dans un premier temps, oui, je voudrais... Bon. Le Vérificateur général, dans son rapport, a reconnu, puis, c'est à la page... Je n'ai pas la page ici, mais, moi, je l'avais noté tout de suite, il y a une collaboration du ministère de la Justice, et il signale que le ministère a adhéré à toutes les recommandations, donc a reconnu que le ministère de la Justice a adhéré à toutes ses recommandations. Je pense que c'est important de le souligner. Et le redressement du projet est bien amorcé, la direction générale du projet SIIJ se consacre actuellement à mettre en place les éléments nécessaires pour s'assurer d'une bonne maîtrise des travaux avant de poursuivre le projet.

Il y a trois entités impliquées dans ce projet fort complexe qui est SIIJ: le DPCP, Sécurité publique, ministère de la Justice. Un projet très complexe, on m'a briefée là-dessus. Évidemment, moi, j'ai l'intention de suivre tout ça de très près. Et on va de l'avant avec le projet. Tout ce qui a été signalé par la députée de Joliette, elle a tout à fait raison de le signaler, c'est exact. Et donc je pense que la meilleure personne pour peut-être expliquer aux gens qui nous écoutent et pour la transcription des éléments importants...

Moi, ce que je souligne par ailleurs, c'est que le ministère de la Justice a quand même agi de façon responsable dans ce dossier fort complexe par la mise sur pied d'une vérification interne, dans un premier temps, une vérification qui a été quand même transmise au Vérificateur général, qui a pu... été très utile, j'imagine, pour le Vérificateur général. Donc, lorsque les problèmes ont été soulevés, c'est avant évidemment mon arrivée, là, mais peut-être en 2007...

Une voix: ...

Mme Weil: ...2008, le sous-ministre, qui était très impliqué dans le dossier, a tout de suite pris les moyens pour arrêter un peu la saignée qu'on voyait puis décider que, bon, il fallait vraiment prendre ce dossier puis... prendre un virage dans ce dossier pour faire en sorte que... assurer la viabilité. Donc, moi, avec votre permission, parce que c'est un dossier important qu'il va falloir suivre...

Mme Hivon: Juste avant, juste peut-être pour préciser, là, comment ces dérapages-là ont pu en quelque sorte se produire? Et, deuxièmement, l'échéancier... Je veux dire, c'est deux points qui m'intéressent particulièrement. Et, deuxièmement, l'échéancier, est-ce qu'on est toujours dans l'échéancier de 2007, c'est-à-dire que, dans un an, tout ça serait mis en place? On en doute quand on voit l'état d'avancement, qui est à 30 %. Donc, être peut-être le plus transparent possible, parce que je pense que tout ce qui est gestion de fonds informatiques, de projets informatiques, il faut regarder ça scrupuleusement.

Mme Weil: Je pense que, pour le dérapage, bien comprendre le dérapage, on me l'a expliqué, mais j'aimerais mieux que Me Bouchard l'explique.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, M. Bouchard.

M. Bouchard (Michel): Oui. Merci, M. le Président. Juste avant d'aborder ces deux questions qui vous intéressent plus particulièrement, vous avez fait allusion à deux contrats DMR sans appel d'offres. J'ai sursauté lorsque vous avez dit ça parce que des contrats sans appel d'offres, je n'en ai pas vu beaucoup. Et on m'a susurré à l'oreille que c'était une inexactitude, pas de votre part, mais c'est une erreur...

Mme Hivon: Dans les engagements?

M. Bouchard (Michel): Oui. Mais qu'il y aurait eu des appels d'offres. Mais on va vérifier parce qu'on me dit qu'il y a eu des appels d'offres.

Mme Hivon: O.K. En fait, je pourrai vous souligner les...

M. Bouchard (Michel): Mais on va vérifier.

Mme Hivon: C'est ça. C'est deux contrats de près de 16 millions et 13,5 millions.

M. Bouchard (Michel): Semble-t-il que ce serait une erreur.

Mme Hivon: Moi aussi, je trouvais ça plutôt surprenant. Mais c'est écrit...

M. Bouchard (Michel): Ce serait une erreur cléricale, là, mais on va vérifier. L'autre...

Mme Hivon: Vous allez revenir à la commission avec l'information?

M. Bouchard (Michel): Oui, oui. Oui, oui, on va vous fournir les informations.

Je voudrais également reprendre, là, pour... rapidement, là, reprendre. J'entends des mots assez... avec une définition assez importante. Dérapage, moi, personnellement, je ne qualifierais pas ça de dérapage, mais de retard, de retard important apporté en raison de ce que j'appellerais des difficultés d'implantation. Mais je vais m'expliquer.

D'abord, vous avez dit aussi tout à l'heure que, depuis 10 ans... Le projet SIIJ, on y réfléchit depuis 10 ans, mais il n'a pas... l'implantation, le développement n'a pas commencé il y a 10 ans, il a commencé de façon plus précise suite à une permission obtenue du Conseil du trésor, et les argents qui ont été investis... Dès mon arrivée... mon retour au ministère, on avait eu les autorisations du Conseil du trésor. Donc, ça se situe à l'automne 2007. Donc, c'est depuis 2007 que le développement informatique de ce qu'on appelle le Système intégré d'information de justice se déroule.

Ce qui s'est déroulé avant, depuis 1999, ce sont justement des étapes essentielles, et qui ont été faites, des analyses préliminaires, des options, des choix, surtout ce que j'appellerais l'examen de ce qui s'est passé ailleurs. Parce qu'en bout de piste il y a eu un choix important de fait en 2006, celui d'avoir recours à un système déjà existant de système intégré d'information de justice, celui de la Colombie-Britannique. Et ce système-là, lui, a pris 15 ans... on me signale qu'il a pris 15 ans à être développé.

En matière de développement informatique, là, il n'y a rien de facile, hein? Ou bien c'est supposé aller très, très bien, dans les délais et dans les coûts prévus, ou bien, à l'autre extrême, rien ne se déroule comme prévu, puis on va au-delà des budgets, de façon importante, qui avaient été prévus. On a encore la prétention, avec le Système intégré d'information de justice, de se situer dans un juste milieu. Il y aura des retards, des retards qu'on va essayer de minimiser, il y aura des coûts peut-être plus importants, mais les décisions qui ont été prises, bien avant, bien avant que le Vérificateur général ne produise son rapport...

Parce que, comme l'a signalé la ministre, c'est dès, je dirais... six mois après qu'on ait reçu la permission du Conseil du trésor de se lancer dans le développement informatique, c'est six mois après que j'ai demandé à la vérification interne du ministère de me faire un premier rapport d'étape, comment ça se déroule, ayant en tête des dérapages de d'autres systèmes informatiques et surtout des dérapages au niveau des systèmes intégrés d'information de justice de l'ampleur qu'ont connue l'Ontario et le Nouveau-Brunswick dans les années quatre-vingt-dix. J'avais ça en mémoire parce que ça fait assez longtemps que je suis dans le milieu pour savoir qu'on ne se lance pas dans une opération comme ça en disant: Tout va bien aller, puis on verra dans trois ans comment ça se déroule. Non. J'avais demandé à la vérification interne: Dites-moi où on se situe. La vérification interne a fait son travail et a dit: Hum! On allume une lumière jaune, il y a des problèmes, et, si on ne résout pas ces problèmes, si on n'arrive pas avec des correctifs rapidement, ça risque de dégénérer en dérapage.

Donc, on a apporté, avec... Le hasard des carrières a fait en sorte qu'un nouveau directeur a été nommé parce que l'autre prenait sa retraite, puis je n'impute aucune responsabilité à l'autre, mais on a eu l'apport d'un nouveau directeur qui a vu ça d'un oeil neuf, donc le nez non collé sur la vitre, et qui a pris des décisions importantes, qui les a fait avaliser par les comités stratégiques et directeurs, et qui fait en sorte que maintenant on pense qu'on va arriver avec un développement informatique d'un système qui est très attendu, dans des délais respectables, qui ne pourront pas être les délais initiaux prévus, mais qui feront en sorte que le Québec pourra se doter d'un système qui lui permettra de faire en sorte que tous les acteurs du système de justice communiquent rapidement entre eux.

Et c'est là, la particularité du Système intégré d'information de justice -- si vous me permettez encore 30 secondes -- ce n'est pas un ministère qui développe son système informatique, c'est trois ministères qui essaient de développer ensemble un système informatique pour pouvoir se parler plus tard, et ça, c'est du pas déjà-vu ailleurs. Alors, on verra ce que ça donnera. Mais je pense que le VG a reconnu qu'on avait bien pris connaissance de nos problématiques et je pense qu'il faut être confiants et dire: Il y aura un système intégré d'information de justice au Québec rapidement.

**(17 h 40)**

Mme Hivon: Est-ce qu'on peut avoir une idée de, à ce jour, quel échéancier vous vous donnez?

M. Bouchard (Michel): Le directeur me parle de 20 mois.

Mme Hivon: 20 mois.

M. Bouchard (Michel): Permettez-moi de prendre ça avec réserve. S'il m'arrivait en 24 mois, il aurait toutes mes félicitations.

Mme Hivon: O.K. Et les sommes supplémentaires qui peuvent être envisagées au moment où on se parle...

M. Bouchard (Michel): Ça, on est à la recherche de la façon... on est en train de préciser ce que représenteraient ces coûts supplémentaires et aussi comment on pourrait trouver des sources de financement à l'interne pour faire en sorte qu'on puisse aller de l'avant. Il y a des possibilités de dégagement, de transfert de sommes d'argent, de prioriser certaines... parce qu'on est bien conscients que de l'argent neuf est difficile à obtenir.

Mme Hivon: O.K. C'est parce que, c'est ça, on est tous conscients de ça. On est conscients du contexte. Donc, quand on voit ça, une telle ampleur de tel budget déjà engagé, les montants qui doivent venir et qu'on n'est pas sûrs que ce sera suffisant, c'est sûr que c'est inquiétant. Donc, je prends bonne note que le ministère s'enligne pour un échéancier quand même serré, et tout ça, mais c'est sûr qu'on va suivre ça avec intérêt puis...

M. Bouchard (Michel): Si vous me permettez, juste un... là. De 2001 à 2006, il s'est développé sept systèmes par l'équipe du SIIJ, là. Il n'y a pas eu de l'argent tiré par les fenêtres, là. Il y a eu sept systèmes dont le ministère de la Justice profite ainsi que ses partenaires.

Financement de l'aide aux
victimes d'actes criminels (suite)

Mme Hivon: O.K. En terminant, là, parce qu'on aurait pu aborder chaque question pendant à peu près une heure, j'aimerais juste qu'on revienne sur le Fonds d'aide aux victimes d'actes criminels, à savoir ce qui fait en sorte qu'on décide de donner essentiellement la part du lion aux CAVAC et moins aux organismes. Et après, s'il me reste une minute, j'aurais une petite question de citoyen pour la ministre. Donc, si on peut expliquer peut-être rapidement.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Il vous reste trois minutes.

M. Bouchard (Michel): Oui, très rapidement, pour rassurer la députée de Joliette, M. le Président. Il y a des procédures d'attribution d'aide financière de deux ordres: pour des missions de base et pour les projets spécifiques. Pour obtenir du financement pour une mission de base, tout dépend s'il s'agit d'une personne morale ou d'une personne physique.

Puis, pour aller rapidement, les demandes sont évidemment présentées au BAVAC. Le BAVAC est amené à conseiller la ministre, qui, en bout de piste, autorise les subventions, mais ce conseil-là est précédé d'un examen. Le demandeur doit signer évidemment une convention d'aide financière qui prévoit un échéancier dans la réalisation, qui prévoit son engagement à n'utiliser l'aide financière que pour les fins spécifiques pour lesquelles ça lui a été accordé. Il doit faire une reddition de comptes, un rapport d'activité, un rapport financier.

Je vous fais grâce de tous les autres détails, mais il y a des critères d'admissibilité, la nature des services qui vont être dispensés, des prévisions budgétaires pour assurer leur fonctionnement, est-ce qu'ils reçoivent du financement d'ailleurs, etc.? Donc, il y a une analyse sérieuse faite par des gens, chez nous, compétents, qui connaissent la chose, qui disent: Voici, avec les sommes d'argent dont on dispose, quels sont les meilleurs organismes pour obtenir ce financement de base.

Le financement des projets spécifiques est un peu semblable, mais il s'adresse... les critères sont un petit peu plus serrés parce que, là, ce n'est pas... souvent, ce n'est pas des organismes avec qui on a des relations permanentes. Donc, ça peut être un groupe de recherche, ça peut être des individus qui nous font une demande. Et, là encore, il y a un comité qui examine... comité consultatif, composé du directeur et de la conseillère juridique au BAVAC, un représentant du Secrétariat à l'action communautaire et autonome, qui analyse les demandes, des recommandations sont faites à la ministre, qui autorise les subventions sur rapport de ces recommandations-là. Et, encore là, on demande des échéanciers de réalisation et des rapports d'activité. Donc, il y a une analyse sérieuse. En bout de piste, c'est un jugement de valeur qui est porté par des personnes en qui on a confiance.

Mme Weil: Juste sur l'autre question, on confirme qu'il y a eu appel d'offres. C'est l'information dans les deux cas.

Mme Hivon: O.K., si c'est possible de...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Deux minutes, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Deux minutes?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui.

Lutte contre la violence conjugale,
familiale et sexuelle (suite)

Mme Hivon: Alors, peut-être... C'est ça. Le cas, en fait, c'est qu'on a parlé tout à l'heure de la ligne pour les agressions sexuelles, et, je pense, la ministre a été mise en copie, ce n'est vraiment pas quelque chose de dramatique, mais je voulais le porter à son attention parce qu'un citoyen de ma circonscription, donc quelqu'un de très proche, une femme très proche a fait une plainte, s'est décidée, après une trentaine d'années, de déposer une plainte en lien avec une agression sexuelle. Et la question du citoyen, c'est de savoir si, avant de lancer cette ligne-là, on s'était assurés que les ressources étaient disponibles, les ressources policières notamment, pour faire les enquêtes, parce qu'on peut peut-être s'attendre aussi à ce que ça puisse entraîner plus de plaintes ou des gens qui vont plus décider de dénoncer.

Et cette personne-là, donc, fait une plainte le 8 mars et, le 13 avril, elle n'avait toujours pas eu de nouvelles. Donc, elle a recommuniqué avec la section des enquêtes. On lui a dit qu'on allait lui redonner des nouvelles. Finalement, elle a rappelé deux semaines et demie plus tard, n'ayant toujours pas eu de nouvelles, pour apprendre que son dossier et 20 autres avaient été transférés à un autre service, aux enquêtes criminelles. On est au SPVM, là, je sais que ça, ce n'est pas de votre... Je veux juste expliquer peut-être le contexte. Je sais que c'est du ressort de votre collègue. Mais on lui a dit: Malheureusement, on n'a pas les ressources disponibles pour traiter cette vingtaine de nouvelles plaintes là à brève échéance.

Alors, vous pouvez imaginer... la ministre peut imaginer un peu le désarroi. Et je pense qu'il faut en être conscients pour ne pas que ça démotive aussi quand on entend un tel message. Heureusement, depuis, il y a eu... en tout cas, cette personne-là a écrit à la ministre le 3 mai, a écrit au service d'enquête, et là on l'a rappelée pour lui dire qu'on lui donnerait des nouvelles en juin, et tout ça, mais ça paraît quand même très long pour le traitement.

Alors, je voulais juste porter le cas à l'attention de la ministre pour qu'elle s'arrime bien peut-être avec son collègue pour s'assurer que des cas comme ça ne se reproduisent pas, parce que ça a eu, pour elle, un effet terrible d'avoir eu le sentiment qu'elle a finalement décidé de porter plainte et qu'on lui a dit que, malheureusement, à court terme on ne pouvait pas s'occuper de sa plainte.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la députée de Joliette. Oui, allez-y, Mme la ministre, rapidement.

Mme Weil: Je voudrais remercier ma collègue de Joliette de porter ce dossier à mon attention et je vais faire un suivi, absolument, avec mon collègue le ministre de la Sécurité publique.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la ministre.

Mme Hivon: ...j'apprécie.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la députée de Joliette. M. le député de Marquette.

Fonds d'aide aux recours collectifs

M. Ouimet: Merci, M. le Président. J'aimerais aborder le dossier du Fonds d'aide aux recours collectifs. À la suite de la loi qui avait été adoptée en 1978, législateur rempli de bonnes intentions, mais, avec le temps et la pratique, on se rend compte que ça prend 10 ans ou presque pour pouvoir obtenir un jugement au mérite. Donc, ça avait l'effet contraire souhaité par le législateur. 2003, réforme du Code de procédure civile pour simplifier le déroulement, réduire les délais, procédure qui a été tellement efficace que ça a eu l'effet contraire, on a eu une augmentation de causes, fulgurante des recours collectifs, qui a donné lieu, en 2005, à la création de la chambre des recours collectifs. Le nombre élevé des recours collectifs, au cours des dernières années, a provoqué une surcharge du système judiciaire ayant comme résultat le retour des délais.

Alors, face à cette situation-là, j'aimerais que la ministre puisse nous expliquer comment le Fonds d'aide aux recours collectifs va pouvoir atteindre ses objectifs. Et comment allons-nous prendre des moyens pour tenter de réduire les délais, et l'engorgement des tribunaux, et la multiplication de ces causes?

Mme Weil: M. le Président, je remercie le député de Marquette de poser cette question, alors, qui va me permettre de répondre en deux temps à la question. Alors, tout d'abord, le fonds d'aide a pour mission d'assurer le financement des recours collectifs en la manière prévue par les lois et ses règlements. L'application rigoureuse du Règlement sur le pourcentage prélevé par le Fonds d'aide aux recours collectifs ainsi que le suivi serré des remboursements de l'aide versée sont des mécanismes mis en place afin d'assurer l'autofinancement du fonds d'aide.

La procédure administrative qui régit la tenue des auditions des demandes d'aide ainsi que les critères d'attribution établis favorisent une répartition équitable des sommes disponibles. De surcroît, les sommes sont attribuées progressivement dans chaque dossier, et ce, selon l'évolution des procédures judiciaires. De cette manière, le fonds d'aide a l'occasion d'évaluer l'état du dossier et les motifs à l'appui de chacune des demandes d'aide.

En ce qui a trait au second volet de votre question, le fonds d'aide a déjà mis en place des services afin de répondre aux questions du public concernant les recours collectifs intentés, les conditions d'attribution de l'aide ou le déroulement de ce type de procédure judiciaire. En effet, le personnel du fonds est disponible par voie téléphonique ou par courriel pour répondre aux interrogations du public et des avocats. Les employés permanents du fonds d'aide sont spécialisés dans le domaine et ont toutes les ressources nécessaires à leur disposition pour répondre adéquatement aux questions posées.

Le fonds d'aide publie également un rapport annuel qui fait état de l'ensemble de ses activités et constitue un outil grandement apprécié par le public.

Le fonds d'aide collabore avec l'Office des personnes handicapées dans le cadre de la politique À part entière: pour un véritable exercice du droit à l'égalité. Il s'agit d'une politique sociale visant à accroître la participation des personnes handicapées et à faciliter la consultation des services du gouvernement.

Un développement notable fut la mise en ligne récemment d'un site Internet exclusivement consacré au fonds d'aide. L'ère technologique étant clairement arrivée, le fonds d'aide devait se munir d'un site adapté à la réalité. Le site Internet du fonds d'aide va permettre au public de mieux connaître les activités de l'organisme ainsi que sa mission et son rôle. La facilité d'accès et la popularité de ce moyen de communication sont indéniables. Le site comprend les rapports annuels des années antérieures, des modèles de formulaires à utiliser, une section foire aux questions ainsi qu'une multitude d'informations utiles. Il s'agit d'une version primaire du site qui pourra prendre de l'expansion dans les années à venir afin de renforcer l'engagement du fonds d'aide, assurer l'accomplissement de sa mission d'information du public.

**(17 h 50)**

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Une dernière question, M. le Président. Quelles sont les démarches qui sont faites pour mieux informer le public sur la mission du fonds d'aide?

Mme Weil: Bien, les démarches passent beaucoup évidemment par le site Internet. Donc, les gens qui... quand on va sur le site du ministère de la Justice, on peut retrouver le fonds, et donc c'est surtout par cette manière-là que le public est informé.

M. Ouimet: Très bien. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci, M. le député de Marquette. Donc, je veux savoir, est-ce qu'il y a consentement pour procéder à la mise aux voix du programme? Consentement, Mme la députée?

Mme Hivon: Pour voter? Oui, oui.

Adoption des crédits

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Nous allons maintenant procéder à la mise aux voix des programmes 1, 2, 3, 4 et 6 du portefeuille Justice. Le programme 1, Activité judiciaire, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Mme Hivon: Sur division.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Sur division. Le programme 2, Administration de la justice, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Mme Hivon: Sur division.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Sur division. Le programme 3, Justice administrative, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Mme Hivon: Sur division.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Adopté sur division. Le programme 4, Aide aux justiciables, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Mme Hivon: Sur division.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Adopté sur division. Le programme 6, Poursuites criminelles et pénales, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Mme Hivon: Sur division.

Adoption de l'ensemble des crédits

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Sur division. L'ensemble des crédits budgétaires du portefeuille Justice pour l'exercice financier 2009-2010 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Mme Hivon: Sur division.

Documents déposés

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Je dépose les réponses aux demandes de renseignements de l'opposition.

Et, compte tenu de l'heure et du bon travail, messieurs mesdames, que vous avez fait, je lève donc la séance. La commission ajourne ses travaux au vendredi 7 mai 2010, à 9 heures, où nous procéderons à l'étude des crédits du portefeuille Conseil exécutif, volet Affaires intergouvernementales canadiennes.

Bon retour chez vous. Merci pour votre collaboration.

(Fin de la séance à 17 h 53)

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