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Version finale

39e législature, 2e session
(23 février 2011 au 1 août 2012)

Le mercredi 29 février 2012 - Vol. 42 N° 71

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 46, Loi concernant les enquêtes policières indépendantes


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Table des matières

Journal des débats

(Quinze heures trois minutes)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît!

Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de vos téléphones cellulaires.

Alors, la commission est réunie cet après-midi afin de poursuivre les consultations particulières sur le projet de loi n° 46, la Loi concernant les enquêtes policières indépendantes.

Alors, M. le secrétaire, avons-nous des remplacements cet après-midi?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Ouellette (Chomedey) remplace M. Bernard (Rouyn-Noranda-- Témiscamingue).

La Présidente (Mme Vallée): Merci.

Auditions (suite)

Alors, cet après-midi, nous allons recevoir Solidarité Montréal-Nord, l'Alliance des groupes d'intervention pour le rétablissement en santé mentale et le Service de police de la ville de Montréal.

Alors, sans plus tarder, j'invite les représentants de Solidarité Montréal-Nord à se présenter et faire leur exposé. Alors, Mme Reyes, M. Bérard, bienvenue à l'Assemblée nationale. La parole est à vous.

Solidarité Montréal-Nord

M. Bérard (François): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je veux d'abord remercier, au nom de Solidarité Montréal-Nord, le comité parlementaire pour nous avoir invités pour nous exprimer sur le projet de loi n° 46.

Je vous présente ma collaboratrice dans le dossier, Mme Brunilda Reyes, qui est directrice des Fourchettes de l'Espoir et porte-parole de Solidarité Montréal-Nord. Quant à moi, je suis François Bérard. Je suis directeur d'un organisme communautaire qui s'occupe d'insertion sociale d'ex-détenus, qui est situé à Montréal-Nord, et coordonnateur, suite aux événements de 2008, du groupe qu'on appelle Solidarité Montréal-Nord.

Solidarité Montréal-Nord, c'est un regroupement d'organismes communautaires et d'intervenants d'institutions publiques qui se sont réunis suite à l'émeute de 2008 pour tenter de calmer le jeu d'abord dans le quartier Nord-Est, en termes de trouver des solutions pour réduire les tensions qui pouvaient exister entre policiers et citoyens à ce moment-là, et, par la suite, de pouvoir trouver un peu plus les causes et travailler sur les causes qui avaient amené des gens à éventuellement faire une révolte populaire dans le quartier nord-est de Montréal-Nord.

Peut-être, d'entrée de jeu, on doit vous indiquer que nous ne sommes pas a priori des spécialistes des questions policières. J'ai une formation en criminologie, Mme Reyes, une formation en service social, mais nos bases comme telles n'étaient pas orientées vers les questions policières, mais les événements de la vie nous ont amenés à nous intéresser de façon plus particulière à cette question-là. Donc, c'est plus à partir d'une expérience terrain et aussi de réflexion commune qu'on a pu faire dans notre milieu que nous allons vous exposer aussi notre point de vue cet après-midi.

Pour nous, il est clair, à Solidarité Montréal-Nord, qu'il doit y avoir une réforme de la façon de procéder actuelle. La situation des policiers où un corps policier enquête sur une situation qui impliquait un policier d'un autre corps policier peut être une formule plus intéressante que lorsqu'un corps policier enquête sur lui-même. Mais, par rapport à des exigences de perception au niveau des citoyens et de réalités aussi qui ont pu être vécues, cette formule-là n'est plus crédible selon nous.

Elle n'est d'ailleurs pas crédible aussi au niveau de l'ensemble de la population du Québec. Il y a quelques semaines, il y a un sondage qui est sorti dans les médias, je pense, c'était dans le journal La Presse, où les gens exprimaient que, par rapport au travail policier en général, la population considère que les policiers font un excellent travail, mais, lorsqu'on parle d'enquête policière faite par d'autres corps policiers, il y a, à ce moment-là, plus des deux tiers de la population qui considéraient que c'était une situation qui était inacceptable pour elle.

Cette situation-là, à partir de ce qu'on a vécu dans notre communauté, elle est encore plus importante chez un certain nombre de membres de communautés ethnoculturelles. Les situations que nous avons vécues au lendemain de l'émeute nous ont amenés à constater que des gens, notamment ceux qui proviennent de pays où ce sont des dictatures qui sont au pouvoir, des gens qui sont réfugiés ici, au Canada, ou encore des gens qui ont décidé de déménager, d'émigrer au Canada, ce sont des gens qui ont fait face à des dictatures, à des services de police corrompus, à des services de police qui aussi participaient parfois, on pense à des gens du Guatemala, du Honduras, Salvador, à accompagner des escadrons de la mort. Alors, en termes de crédibilité, déjà la police part avec trois «strikes», comme on dit en langage de baseball, par rapport à la crédibilité face à des gens de ce type de communauté là.

L'expérience terrain qu'on a vue... vécue en 2008, parce qu'on a eu l'occasion, suite à l'émeute populaire, d'essayer de comprendre qu'est-ce qui s'était passé, pourquoi il y avait eu une réaction aussi forte suite à une intervention policière qui a mal tourné où un jeune est décédé dans notre communauté, M. Fredy Villanueva, on a rencontré nous-mêmes, mais aussi des intervenants du milieu, des centaines de citoyens du quartier nord-est de Montréal-Nord pour essayer de comprendre ce qui s'était passé. Et, lorsqu'on rencontrait les gens, une grande difficulté qu'on avait à ce moment-là, c'était de convaincre les citoyens qu'il y aurait une enquête policière, qu'elle se ferait de façon impartiale, de façon indépendante, qu'elle serait transparente aussi, cette...

Il y avait une résistance très forte, que ce soit chez les francophones de souche, les gens d'origine maghrébine, des gens d'origine latino-américaine, en fait dans la population générale du quartier nord-est de Montréal-Nord, ce qui a rendu notre tâche extrêmement ardue pour essayer de calmer le jeu parce qu'à partir du moment où on dit: Écoutez, il y a des institutions qui existent et qui vont nous permettre de pouvoir éventuellement comprendre ce qui s'est passé, et que les gens ne croient pas à la qualité du travail qui sera fait par les institutions en question, ça devient difficile de pouvoir calmer le jeu. Donc, ça a été une problématique qu'on a vécue.

L'impression qui se dégage de façon plus générale des enquêtes faites par un corps policier sur une intervention qui a mal tourné ou apparemment mal tourné, faite par un policier d'un autre corps policier, elle est un peu, au niveau de cette perception-là, légitimée ou en fait déjà une perception qu'au fond -- je vais utiliser une expression populaire -- c'est des chums qui enquêtent sur des chums et que tout ça va rester un peu dans la famille et que, au bout de la ligne, il n'y aura pas vraiment de sanction.

**(15 h 10)**

C'est au niveau de la perception, et cette perception-là peut être légitimée, selon nous, entre autres, par le très grand esprit de corps qui existe non seulement au sein de chaque corps policier, mais aussi entre les corps policiers, parce qu'ils ont des fonctions similaires à exercer sur le territoire québécois et qu'ils vont participer dans des opérations communes aussi par rapport, entre autres, à des activités touchant le crime organisé. Cette impression-là donc de fort esprit de corps...

Et aussi ce qu'on a pu constater notamment dans le dossier Villanueva, c'est également un biais qui malheureusement, ou peut-être heureusement, à quelque part, a fait ressortir de façon assez claire le malaise que les gens pouvaient percevoir ou imaginer lors de l'enquête du coroner où j'ai représenté Solidarité Montréal-Nord. L'inspecteur en chef responsable de l'enquête Villanueva a fait une déclaration qui révélait au fond, pour nous, le fond de la pensée de plusieurs policiers, à savoir que les policiers... puis je vais vous le citer: «Les policiers, on est réputés [pour être] honnêtes.» Et je n'en doute pas, au niveau de Solidarité Montréal-Nord, de l'honnêteté de la grande majorité des policiers, mais en même temps vous comme moi et aussi les autres personnes présentes dans la salle vont convenir que, dans toute organisation, on a toujours des éléments qui sont problématiques et que ce n'est malheureusement pas tous les policiers qui sont honnêtes. Mais, à partir du moment où on part avec un préjugé ou un biais et que, par voie de conséquence, on peut considérer que l'autre partie n'est peut-être pas aussi honnête ou crédible qu'il faut, ça donne, à ce moment-là, déjà une allure biaisée à une enquête.

Le problème de fond, pour nous, c'est que, même si une enquête menée ou quelle que soit une enquête qui serait menée avec les plus hauts standards et la plus grande rigueur, parce qu'il y en a, des enquêtes de cette nature-là qui existent et qui se font, même s'il y avait les plus hauts standards, le problème de perception va demeurer. Dans la formule actuelle, les gens vont considérer encore, à quelque part, que des chums enquêtent sur des chums. Donc, pour nous, c'est que la situation actuelle crée et stimule la méfiance envers la police, la situation actuelle crée et éventuellement stimule un malaise aussi au sein du système de justice. Juste voir... vous n'avez pas eu l'occasion d'assister aux audiences de l'enquête du coroner, mais de juste voir tous les efforts qui ont été faits par les procureurs de la couronne pour défendre des gens qui les alimentent au quotidien, qui sont des policiers, et la perspective policière, parfois au détriment de situations mêmes qui pouvaient dépasser ce qui était la limite du raisonnable, ça, à ce niveau-là, c'est très problématique. Ça crée un malaise et des gens hors cour, hors enquête, me disaient qu'ils vivaient un malaise par rapport à cette situation-là, que ce soit du côté de gens qui défendaient un point de vue ou de l'autre, il y avait vraiment un problème qui se vit, et ça, il faut y mettre un terme.

L'élément aussi qui nous apparaît important, c'est que le problème va aller en s'accentuant, selon nous, parce qu'avec l'arrivée de cohortes, et surtout dans la région montréalaise, de cohortes de gens qui proviennent de pays différents, pour toutes sortes de raisons, ils ont décidé d'immigrer au Canada, au Québec, la proportion de gens venant de pays extérieurs augmentant, la problématique de la perception risque d'être encore plus forte. Il faut donc, pour nous, passer à autre chose.

Pour nous, l'objectif d'une réforme, c'est de convaincre la population que les policiers sont réellement imputables des gestes qu'ils posent dans l'exercice de leurs fonctions. Pour nous, le moyen à utiliser, ce sont des enquêtes qui sont rigoureuses, impartiales et transparentes. À travers ce qui est proposé aujourd'hui, pour nous, on considère que c'est courageux de la part du gouvernement d'aller de l'avant avec un projet qui aurait dû être amené il y a plusieurs années mais qui finalement aboutit sur la table des discussions à l'Assemblée nationale.

Il y a des éléments intéressants dedans à l'effet, par exemple, de payer les frais d'avocat lors d'enquêtes de coroner. Cet aspect-là, si vous vous souvenez, ça a amené une espèce de cirque médiatique, la démission ou enfin la suspension des travaux de la commission d'enquête menée à ce moment-là par le juge Sansfaçon, donc on trouve que c'est un élément fort intéressant. Et l'idée de créer effectivement un bureau de surveillance en soi est une bonne nouvelle.

Au niveau de la formule retenue, au lieu d'une formule complètement indépendante où le bureau mène lui-même ses enquêtes, comme le recommandait la Protectrice du citoyen, on a opté pour une approche que nous, on appelle une approche mixte, où un corps policier enquête sur un incident impliquant un ou des policiers d'un autre corps policier, tout en faisant lui-même l'objet d'une surveillance par le bureau.

Si cette approche peut être intéressante, ce qui reste, selon nous, encore largement démontré publiquement, là où le bât blesse dans le présent cas, est qu'il s'agit d'une surveillance à distance. Le membre du bureau qui sera sur le terrain lors d'une situation devra passer par un agent de liaison plutôt que de travailler directement avec les enquêteurs. L'information ainsi obtenue indirectement fera l'objet d'un filtre dans un contexte où on ne peut challenger, d'une certaine façon, les enquêteurs au dossier. On constate, on est à distance, et c'est le filtre finalement qui peut orienter un certain nombre de choses.

Donc, on fait jouer ici un rôle, selon nous, passif au bureau, ce qui pour nous fait en sorte que le contenu et la formule retenue actuellement est décevante. On considère que cette formule-là, à nos yeux, est un peu comme une coquille vide. Dans ce contexte, on peut comprendre les réactions favorables émanant de certains milieux policiers, mais ce projet ne répond pas au problème de fond réel, dans le contexte où on veut changer la perception du public, que des chums enquêtent sur des chums.

Que faire? Selon nous, la meilleure solution, c'est la création d'un bureau ayant ses propres enquêteurs civils pour mener des enquêtes indépendantes. Par contre, pour permettre à ce bureau d'avoir la capacité de développer une expertise qu'il n'aurait probablement pas dès le départ, ou en partie dès le départ, le bureau comme tel, pour le volet enquête, devrait être composé d'une équipe mixte composée de civils, mais aussi d'ex-policiers à la retraite qui ont des expériences en enquête, et ce, pendant une période d'environ trois ans, permettant ainsi aux civils de pouvoir prendre de l'expérience, se familiariser non seulement à travers des formations qu'ils pourraient avoir, mais également à travers un partage d'expertise et de travail sur le terrain.

L'autre élément qui nous semble important, parce qu'on voit un peu la polarisation qui se fait actuellement entre tenants, d'un bord, d'un tel bureau et les gens qui considèrent que la formule soit actuelle ou la formule proposée devrait être retenue... On n'est pas fermés, nous, à des solutions de rechange, puis, si vous voulez, tout à l'heure, on pourrait peut-être échanger sur quelques idées qu'on peut avoir là-dessus.

Parmi les autres sujets qui nous importaient aussi à travers le processus, c'était la question de l'interdiction de communication entre policiers impliqués. Nous, on trouve inconcevable que des policiers, dans le cas de l'affaire Villanueva... les deux policiers sont partis dans la même ambulance pour se rendre à l'hôpital, situation qui permettait à ce moment-là la communication ou l'échange de perceptions, et, dans l'affaire Villanueva, lorsque les policiers sont revenus au poste de police, un des policiers a fait une déclaration sur ce qu'il percevait de la situation, sur ce qui s'était passé, à un représentant syndical, mais en présence de sa collègue. Cet aspect-là vient à ce moment-là potentiellement brouiller des preuves quant à chacun... la perception que chaque policier peut avoir de la situation qui s'était produite.

L'autre élément aussi, c'est que les rencontres avec les principaux témoins et les personnes impliquées, notamment les policiers impliqués, selon nous, devraient pouvoir se faire sans délai, et même avant la production d'un rapport, de telle sorte qu'à ce moment-là on procède avec les policiers exactement comme on le ferait avec des citoyens qui sont impliqués dans une situation où il y a eu le décès d'une personne. Il y a des fois des éléments de témoignage ou des choses qui peuvent ressortir à chaud qui sont... qui peuvent être pertinents pour la poursuite d'une enquête. Le rapport écrit des policiers aussi devrait être, selon nous, rédigé dans un délai maximal d'une semaine. La situation actuelle, c'est qu'on pourrait être encore aujourd'hui en attente d'un rapport provenant du policier impliqué dans l'événement, parce qu'il n'y a aucun délai fixé dans la loi ou dans la directive actuelle ordonnant à un policier de produire dans un délai x un tel rapport.

Également, on avait, nous, dans notre mémoire au coroner, souligné l'importance d'apporter éventuellement une aide psychologique, tant du côté des personnes, des policiers impliqués, ce qu'ils ont pu avoir soit de la part du SPVM ou encore de soutien apporté par leur syndicat, ce qui est tout à fait louable... mais il y a des gens aussi qui ont été des victimes directes, dans le cas de la personne décédée, des blessés aussi qui ont... eux et des familles, et malheureusement aucun soutien... il n'y a pas eu de démarche pour faire en sorte que ces gens-là puissent avoir accès à un soutien psychologique. Il y a un des effets de ça, c'est qu'on le voit il y a énormément d'amertume qui est gardée par un certain nombre de personnes, et qui va perdurer dans le temps, parce qu'au moment opportun, suite à un choc post-traumatique, il n'y a pas eu d'intervention appropriée qui a été faite.

En conclusion, le modèle... la situation actuelle nécessite, selon nous, une réforme, car le modèle actuel ne tient plus la route. Pour nous, le problème, avec la solution proposée, c'est qu'on propose un bureau qui est émasculé, donc qui n'a pas de... l'expression... on dirait «il n'a pas de couilles, il n'a pas de dents», avec ce qui est proposé, ce qui est mis sur la table actuellement. Et Solidarité Montréal-Nord n'a pu appuyer ce qui semble être actuellement plus un leurre qu'une solution réelle au problème.

J'aimerais peut-être laisser deux minutes, si vous nous le permettez, Mme la Présidente... ma collègue, pour qu'elle puisse...

**(15 h 20)**

La Présidente (Mme Vallée): Oui, parce qu'on a déjà dépassé. Je vous ai laissé aller d'une minute et demie. On est déjà rendus à 16 minutes, mais, si j'ai le consentement de tout le monde, il n'y a pas de problème.

Des voix: Consentement.

La Présidente (Mme Vallée): D'accord. Alors, allez.

Mme Reyes (Brunilda): Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vais être très, très courte, et, comme il a dit, mon collègue, on n'est pas ici de secteurs techniques, mais, par contre, comme intervenants, et pour une expérience de ma vie professionnelle et aussi de ma vie personnelle. On trouve que c'est important de représenter les citoyens dans une question d'importance, comme on sait, la confiance dans nos institutions et surtout dans nos corps policiers.

Pour nous, le travail de policier est indispensable au maintien d'une démocratie en santé. Basé à ça, il y a la démocratie que moi, je crois, parce que je suis ici au Québec justement parce qu'on la pratique à tous les jours; c'est important de pouvoir protéger ses corps policiers. Et la façon de les protéger, c'est, quand il y a des enquêtes qui impliquent un policier, il faut de la transparence, et les enquêteurs, ils aient une autonomie absolue, et que ça, ça soit perçu par la population. C'est la seule façon qu'on peut développer ces démocraties, développer la confiance...

Vous savez, on a une minute pour perdre la confiance dans une institution, ça prend des années pour la reprendre, cette confiance-là. C'est de là, l'importance que... Vous avez eu la volonté de pouvoir présenter ce décret de loi; on vous demande d'avoir le courage de continuer et de faire des grands changements, malgré qu'on sait que ce n'est pas facile dans la conjoncture donnée. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Alors, je vais maintenant céder la parole à M. le ministre.

M. Dutil: Merci beaucoup pour votre présentation, qui est fondée sur une expérience assez dramatique dans les circonstances, là. Vous semblez pessimistes pour le futur quant au climat social. J'espère que vous avez tort, mais vous avez probablement plus d'expérience que j'en ai, comme je viens de le mentionner, là-dessus. Donc, ce que vous nous dites, c'est qu'il y a une difficulté d'intégration, là, qui est très réelle, et difficulté de la bonne rencontre entre les policiers qui sont là pour maintenir l'ordre, hein, ils sont là pour... Comme vous le mentionniez, madame, le rôle des policiers est parfois très ingrat, très difficile. On a besoin d'un service de maintien de l'ordre dans une société, sinon c'est le chaos. Et, par contre, on doit avoir une relation avec des citoyens... et les policiers doivent avoir une relation avec les citoyens qui est la meilleure possible, là, pour que ça se passe. Malheureusement, il y a des circonstances où ça ne se passe pas bien.

Mais vous avez fait ce constat-là. Vous mentionnez que ce doit être un système rigoureux, impartial et transparent. On a regardé diverses façons de procéder, et, hier, je pense qu'on a résumé ça en trois morceaux. Il y a trois façons, semble-t-il, qui existent. Il peut y avoir des nuances, là, mais il y a trois façons qui existent, c'est-à-dire un bureau complètement indépendant, formé totalement de civils, qui sont en charge de l'ensemble de l'enquête, donc qui se privent d'expertise d'enquêteurs professionnels, mais qui sont... à ce moment-là, on a une situation qui est absolument indépendante.

La deuxième situation, c'est celle de l'Ontario, où il y a effectivement un bureau qui existe, qui est indépendant mais qui est formé en partie d'ex-policiers, et qu'on a regardé en profondeur, on a vérifié ça, qui a des difficultés. Il y a des rapports qui se sont produits sur ce qui se passe en Ontario, et ça ne fonctionne pas toujours aussi bien qu'on semble le croire ici, là. On dit souvent que l'herbe est toujours plus verte chez le voisin. On a l'avantage, ici, de pouvoir regarder ce que d'autres provinces ont fait. Il y a eu d'autres expériences qui existent, et ce qu'ils ont fait...

Le modèle qu'on propose ici, c'est un modèle où on a un bureau impartial, où on refuse que, dans le bureau, il y ait d'ex-policiers. On refuse qu'il y ait, dans le bureau, d'ex-personnes qui ont travaillé pour des corps de police. Mais on veut utiliser l'expérience des enquêtes policières. Ma compréhension de votre intervention, c'est que cette façon-là ne semble pas pouvoir fonctionner, à votre point de vue, même s'il y avait de meilleurs pouvoirs ou de plus grands pouvoirs au niveau des observateurs, de ceux qu'on appelle observateurs, là, des surveillants. Le terme «surveillants» serait peut-être meilleur, parce que c'est un bureau de surveillance. Ma question est la suivante: Est-ce que cette formule-là... Parce que notre objectif était de garder l'expertise d'enquête. Hier, on a eu une présentation de la directrice générale de l'École nationale de police, qui nous a expliqué le cheminement de formation d'un enquêteur. Et une des prémisses, c'est une expérience comme patrouilleur. Ils ont une formation de base comme patrouilleur et, entre autres, d'enquête. Ils ont cinq ans avant de pouvoir devenir enquêteur ou à peu près. Par la suite, il y a une formation qui s'ajoute. Je les ai additionnées, les heures, là, il y a à peu près 600 à 700 heures de plus pour devenir enquêteur. Donc, être enquêteur, c'est une formation complexe et longue, et on ne voulait pas se priver de ça, bon. Vous nous dites que la perception ne serait pas bonne si tel était le cas.

Donc, vous voyez, on est pris entre on veut être efficaces donc utiliser quand même les ressources qui existent, et celle d'enquêteur est importante, bien qu'on le chapeauterait pour les raisons de transparence que vous avez mentionnées, ou aller dans un modèle où il n'y a pas personne qui a une formation d'enquêteur, donc il faut les former. Puis, quand on regarde la quantité de temps que ça prend, former des enquêteurs, on n'est pas sûrs que c'est très efficace pour, en tout cas, le départ, mais où, là, on a une apparence d'impartialité qui est plus grande.

J'aimerais que vous élaboriez: Est-ce que notre modèle, si le... par exemple, parce qu'il y a eu des propositions à cet effet-là, si le bureau de surveillance a plus de pouvoirs, peut fonctionner, parce qu'on garde l'expertise d'enquête, qui est importante, ou si vous estimez que non?

M. Bérard (François): En ce qui concerne une formule mixte, il y a... quelque part, selon nous, on prend une chance. Et, quand on vous disait tout à l'heure qu'on est prêts à considérer des solutions de rechange, ça pourrait être de prendre une chance comme ça.

La base comme telle, c'est qu'il faut que le public ait vraiment l'impression que les enquêtes sont menées de façon rigoureuse, transparente et impartiale. Et, pour que les gens puissent dire: O.K., enfin, on essaie quelque chose... Et que ça soit présenté à ce moment-là aussi comme: on l'expérimente, par exemple, pendant un certain nombre d'années, trois ans par exemple... Puis, si on en vient à la conclusion que ça ne marche pas, bien qu'on irait vers, à ce moment-là, un modèle plus indépendant avec uniquement des civils.

Parce que ça se peut que ça ne fonctionne pas. Dans ce qu'on a pu voir ou lire, c'est qu'il n'y a pas de solution magique, il n'y a personne qui a trouvé des solutions magiques par rapport à ça.

Pour nous, ce qui est important, c'est... Il y a deux options possibles: soit qu'il y a une séparation très claire entre le bureau, avec ses propres enquêteurs, qui fait en sorte qu'on s'assure le plus possible que les gens perçoivent clairement que ça, ce ne sont pas de l'ordre d'un corps policier mais quelque chose de différent, ou encore qu'il y ait un compromis qui puisse être trouvé, un compromis suffisamment appuyé par différents groupes ou en fonction d'une approche mixte, mais une approche mixte avec des dents.

Puis, pour nous, ce que ça veut dire, c'est... Vous dites: Bon, il y a eu des expériences au niveau de l'Ontario, bon, ça a plus ou moins fonctionné. Il faudrait sortir les documents pour qu'on puisse voir qu'est-ce qui a marché, qu'est-ce qui ne marche pas, c'est quoi, les enjeux, les contraintes, etc., ce qui n'a pas été rendu public -- en tout cas, nous, on n'a pas eu accès à ça -- pour qu'on puisse dire: Bon, O.K. En Ontario, il y a un modèle x, plus indépendant, mais, par rapport à ce modèle-là, il y a une difficulté, par exemple, que les corps policiers, bien, ils ne veulent pas collaborer, par exemple, dans certaines circonstances, ce qui fait que le bureau n'est pas capable de vraiment pouvoir jouer son rôle.

Mais ça, ça reste encore de l'ordre de ce que vous avez comme information. Il faudrait que vous la sortiez, que ça soit plus clair, de telle sorte que les groupes comme nous, donc, puissent pouvoir dire, bien, c'est quoi véritablement, les enjeux généraux autour de la gestion de ce genre de modèle là.

L'autre possibilité, c'est au niveau d'une situation où il y aurait une situation mixte active. C'est que la personne reste dans un rôle d'observateur, mais elle est active. Ce n'est pas un observateur passif qui, en plus, on tient à distance. L'objet comme tel, ça demeure... ce n'est pas à cette personne-là de faire l'enquête, mais la personne devra avoir la possibilité de se concentrer sur la qualité de la démarche de l'enquête faite par les policiers.

Et, pour ce, il faut qu'elle puisse par exemple accompagner physiquement les policiers, pas de parler rien qu'avec un agent de liaison qui peut lui conter des bobards sur ce qui se passe vraiment. Parce que ça aussi, ça va faire... si on a un agent de liaison, ça peut faire partie de... bon, une nouvelle affaire qui fait qu'au fond tout est filtré. Ça fait qu'on entretient à ce moment-là le doute quant à la qualité de la démarche d'enquête policière.

S'il y a un accompagnement qui est fait, physiquement, les gens, la personne, ce n'est pas elle qui mène l'enquête, mais elle peut voir qu'est-ce qui se passe, qu'elle ait accès la scène, aux pièces à conviction, qu'elle puisse avoir directement accès aux témoins, aux victimes, voir les victimes directes ou indirectes, les policiers mis en cause, même aussi elle-même poser des questions sous l'angle toujours de la qualité du processus, pas sur le contenu de l'enquête; ça, ça appartient à ce moment-là... Là, on se donne des moyens pour faire en sorte que l'intervention de type mixte ou la solution mixte ait plus de force, plus de valeur, et qui soit plus probante.

Quand le directeur du bureau signera un document, ça va être beaucoup plus étayé, solide en disant: Ça, c'est une enquête qui a été menée de façon rigoureuse. Et ça peut même challenger des policiers qui sont là en disant: Aïe, on va avoir des hauts standards d'enquête à ce niveau-là. Et, en plus, il faut que la personne puisse rendre des comptes régulièrement avec les responsables de son propre bureau en disant: Bien, voici où on en est rendus, voici... pour qu'il y ait une émulation qui se fasse à l'intérieur du bureau par rapport au processus d'enquête. Est-ce qu'on est plus clairs?

**(15 h 30)**

M. Dutil: Oui. Je pense que ça clarifie... Je vous mentionne entre autres qu'effectivement dans le projet de loi il est prévu qu'au bout de trois ans il y ait des recommandations qui poussent être faites de sorte qu'on puisse y faire évoluer le projet de loi. Ce que je veux dire, c'est qu'on ne rejette pas, là, qu'il puisse avoir des bonifications du projet de loi actuel, mais, pour ce qui est de l'évolution, du futur, ça, on l'avait prévu. Puis je pense que vous avez raison de ce côté-là. Quand on crée quelque chose, on apprend de l'expérience de ce qu'on a créé, puis c'est comme ça qu'on peut évoluer plus rapidement. Mme la Présidente, je pense que le député de Chomedey...

La Présidente (Mme Vallée): Bien, en fait, il reste 10 secondes...

M. Dutil: Ah, d'accord, bon.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, peut-être les conserver pour le prochain bloc d'échanges?

M. Dutil: Oui.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, M. le député de Chambly.

M. St-Arnaud: Oui. Merci, Mme la Présidente. Je vais poursuivre sur les pistes soulevées par le ministre. D'abord, je pense que vous avez raison, et je le dis, Mme la Présidente, là, je pense que le ministre a fait preuve de courage en présentant ce projet de loi là. Ça aurait été bien simple de dire: On reporte ça dans un an, un an et demi. Et là il y a une vraie réflexion, et moi, je suis... je trouve qu'on fait les vrais débats, là, depuis lundi.

Ce que je comprends, c'est que, grosso modo, vous connaissez les différents modèles, effectivement, qu'on a entendus. Grosso modo, vous êtes assez d'accord avec l'approche de la Protectrice du citoyen, c'est-à-dire qui prévoit une unité indépendante d'enquête composée à la fois d'anciens policiers et de civils qualifiés.

Je vois mon collègue de Laurier-Dorion. Tout comme lui, j'ai exercé en pratique privée pendant plusieurs années -- en droit criminel -- et, à l'époque, les équipes des homicides, les enquêteurs aux homicides étaient par équipe de deux, c'est-à-dire qu'il n'y a pas un dossier de meurtre à Montréal où il y a un enquêteur tout seul qui mène le dossier. À l'époque, là, je parle des années 90, aux homicides, il y avait toujours deux enquêteurs, ils travaillaient en équipe de deux sur chaque dossier. Et ça m'amène à la réflexion suivante: Est-ce que...

Parce que je comprends la préoccupation du ministre. Tantôt, il vous a expliqué qu'hier on a rencontré la directrice de l'École nationale de police, qui nous a dit: Bien, vous savez, être enquêteur, ça ne se fait pas en trois fins de semaine. On n'apprend pas ça en trois fins de semaine. Et, le ministre vient de le répéter, son objectif, c'est de garder l'expertise d'enquête.

Alors, ma réflexion... parce qu'on pourra revenir au bureau, là, moi aussi, je vois beaucoup de failles dans le bureau tel qu'il est présenté dans le projet n° 46. Alors, je me dis: Est-ce que, par exemple, s'il y avait une unité indépendante pour enquêter sur les actes commis par des policiers... des actes qui impliquent des policiers, là, il y a un certain nombre d'actes qui sont prévus à 289.1, est-ce que, si on combinait à la fois des enquêteurs à la retraite et des civils qualifiés, est-ce que ça ne serait pas une piste intéressante? Et, si oui, qu'ils travailleraient toujours en équipe de deux, un des deux étant un enquêteur qui a l'expertise de 25 ans de métier comme enquêteur aux homicides... comme enquêteur et notamment aux homicides, et un civil?

Et, si oui, quel serait le profil des gens que vous verriez dans cette fonction d'expert... d'enquêteur civil qualifié? Qui pourrait être appelé? Parce que c'est vrai qu'il faudrait qu'il y ait aussi une formation... Alors, qui verriez-vous comme... quel serait le profil de ces gens-là qui accompagneraient des enquêteurs à la retraite qui feraient partie de cette unité indépendante?

M. Bérard (François): Par rapport à la première question, oui, c'est une avenue qui nous semble intéressante, là, l'idée d'avoir une mixité. Peut-être qu'on n'était pas clairs, tout à l'heure, on paraissait peut-être plus radicaux, d'une certaine façon, que la Protectrice du citoyen, là. Pour nous, ce qu'elle a proposé est fort intéressant.

D'abord, par ailleurs, une mixité... policiers... d'avoir au fond deux personnes, un ex-policier donc avec une expérience terrain au niveau des enquêtes avec une personne civile, du côté des personnes civiles, si on ne se résumait qu'à des avocats, on pourrait avoir... perdre certaines autres expertises. Donc, ça peut être effectivement des avocats, par exemple, qui ont une longue expérience en droit criminel, des criminologues, on pourrait avoir des médecins peut-être, ou des gens qui, à quelque part, à travers leur formation, peuvent comprendre assez facilement la mécanique, ça pourrait être un travailleur social, pas monsieur et madame... pas n'importe qui, là, mais des gens qui pourraient rapidement saisir ce qui se passe au niveau d'une dynamique d'enquête, et d'être critiques finalement par rapport à est-ce que la démarche est conduite correctement.

M. St-Arnaud: Si j'ajoute, M. Bérard, des enquêteurs qui ne sont pas nécessairement au service d'un corps de police, mais qui enquêtent dans le secteur public ou dans le secteur privé, pour des entreprises, est-ce que ça pourrait être un profil intéressant également pour ces enquêteurs civils qualifiés?

M. Bérard (François): Oui.

M. St-Arnaud: Et, est-ce que... Parce que vous savez qu'il y a des gens, qui ont témoigné depuis lundi, qui nous ont dit: On ne veut absolument pas que... même dans l'hypothèse où on créerait une unité indépendante, on veut que ça soit des civils, des gens qui n'ont jamais touché de près ou de loin à l'activité policière. Il y a des gens qui sont venus, notamment la Ligue des droits et libertés, venus nous dire: Nous autres, les anciens policiers, on ne croit pas ça à plus qu'à des policiers actifs. Est-ce que vous croyez que la proposition que vous faites serait suffisante pour rassurer... parce que c'est toujours ça, l'objectif, rassurer, redonner confiance aux citoyens envers ce processus-là, d'enquête, par rapport à des actes commis par les policiers, est-ce que ça serait suffisant?

Et je voyais, là, dans les... J'aimerais vous entendre sur un élément en particulier. D'abord, est-ce que ça serait suffisant? Puis, à la fois dans le rapport de la Protectrice du citoyen, en 2010, que dans le rapport de la Commission des droits de la personne, il y a quelques mois, l'an dernier, on disait: Peu importe le modèle retenu, que ce soit une unité indépendante d'enquête ou que ce soit un bureau civil de surveillance, comme le projet de loi n° 46, il serait important d'avoir, et je cite la Protectrice du citoyen, que «la diversité ethnoculturelle québécoise [soit] favorisée» dans les postes soit d'enquêteur civil qualifié, soit d'observateur, pour reprendre le modèle du 46.

Alors, est-ce que votre proposition est suffisante pour rassurer? Et qu'est-ce que vous avez à me dire sur la proposition, là, à la fois de la Protectrice du citoyen et de la commission des droits de la personne et de la jeunesse, quant à la présence, là... quant à un élément supplémentaire susceptible de rassurer? Est-ce qu'il y en a d'autres... est-ce que vous en avez d'autres en tête pour aider à rassurer -- parce que c'est ça, l'objectif ultime -- la population sur le processus?

M. Bérard (François): On voit que vous êtes habitué à la période des questions. Il y a une question principale et plusieurs sous-questions en même temps, là.

M. St-Arnaud: Voyez ça dans un bloc.

M. Bérard (François): Ah! oui. Bon. Pour l'aspect d'avoir des policiers, des civils, là-dessus, en fait, on est dans un mode, je pense, d'expérimentation. On peut essayer d'avoir quelque chose au niveau du bureau d'enquête qui soit vraiment indépendant, et, si, au bout de quelques années, ça ne marche pas parce qu'il y avait la présence d'ex-policiers, et qu'encore une fois il y a une distorsion qui se place au niveau du public, bon, il faudrait amener un changement. Mais ça peut dépendre aussi beaucoup comment c'est amené. Si le public sent que les toutes premières enquêtes, au fond, c'est du pareil au même comme avant, que l'attitude de la commission ou du bureau, c'est plutôt mou, il n'y a pas vraiment de challenge qui est fait par un bureau indépendant, on va avoir le même problème, là. Ça fait qu'il y a vraiment une question de comment on démarre les choses qui va être importante.

L'autre... par rapport à une solution, quand on dit: On est ouverts à une autre approche qui est mixte, c'est vraiment autour de l'idée d'établir un consensus, à partir du moment où des acteurs comme la Protectrice du citoyen, des gens qui sont impliqués au niveau parlementaire, des syndicats policiers, des gens finalement disent: On va essayer de travailler ensemble à bâtir quelque chose qui fait qu'avec ça on pense que ça peut être gagnant. D'abord, une approche mixte, mais que ça sort comme crédible, et non pas quelque chose qui sort comme donnant l'impression qu'au fond c'est les syndicats policiers qui avaient la main sur le crayon pour écrire un projet de loi. Cette dimension-là, c'est vraiment au niveau d'une perception. À partir du moment où il y a un consensus assez fort autour d'un projet fort, avec des dents, ça peut changer toute la dynamique.

**(15 h 40)**

M. St-Arnaud: Ce qui, semble-t-il, a été atteint dans certains coins du Canada, parce que j'ai cru comprendre que, dans certaines provinces de l'Ouest où on a mis de l'avant un modèle nouveau, ça avait même, dans certains cas, été fait à l'initiative des policiers, qui souhaitaient... qui ont adhéré à la nouvelle structure.

M. Bérard (François): C'est ça, il y a vraiment l'importance qu'au niveau des corps policiers mais aussi des syndicats policiers que les gens voient qu'ils peuvent y gagner en crédibilité. Parce que le processus, ce n'est pas de dénigrer les policiers. Ils font un travail important dans notre société, et on le reconnaît d'emblée. Si on n'avait pas de policiers, ça serait un peu l'anarchie, et beaucoup l'anarchie. On l'a vécu en 1969, là, quand il y a eu une grève à Montréal. Ça prend un service pour maintenir l'ordre, même s'il n'est pas très gros, mais ça prend un service de cette nature-là. Mais, au niveau du comportement, si les gens sont rassurés que le travail d'enquête se fait de façon rigoureuse, transparente et impartiale, ils vont y gagner en crédibilité.

M. St-Arnaud: Et... Et la... J'en ai perdu mon idée.

Mais l'élément aussi... J'aimerais vous entendre, là, sur la diversité de la composition des gens, soit des enquêteurs ou des observateurs... des enquêteurs civils ou des observateurs.

Mais il y a aussi un élément qui intervient dans le projet de loi, qui est de faire en sorte que, s'il n'y a pas d'accusations criminelles de portées contre le policier, il y a, à tout le moins, un résumé... en fait, ce n'est pas dans le projet de loi, c'est la Protectrice du citoyen qui nous a proposé ça, qu'il y ait au moins un résumé de l'enquête policière et qu'il y ait aussi une explication, là, des motifs qui font en sorte qu'il n'y a pas d'accusation criminelle, là. Est-ce que ça pourrait être aussi des éléments? Et, si vous en avez d'autres, n'hésitez pas, on est là pour les accueillir.

Mme Reyes (Brunilda): Oui, une question de... justement du manque de confiance des citoyens, c'est quand il y a des enquêtes qui sont très privées, et il y a des recommandations qui... on ne sait pas qu'est-ce qui arrive avec ça. Oui, il y a la fin d'une enquête avec un résultat, mais il y a toujours, toujours... il y a eu une enquête parce qu'il y a eu une problématique, et il y a toujours façon de pouvoir ou annuler cette problématique-là ou améliorer les conditions pour qu'elle n'arrive plus, et ça, on n'est pas en mesure de pouvoir le faire. Ce sont des enquêtes très longues, et qu'à la fin le citoyen ne sait pas qu'est-ce qui arrive avec le résultat. C'est important de... à la fin des assemblées publiques... Quand il y a un problème, le citoyen, c'est le premier acteur qui doit être bien informé. Et c'est la façon qu'il va pouvoir laisser travailler les personnes, les expertises, parce qu'ils vont savoir qu'à la fin de ce travail-là ils vont savoir quoi faire et pourquoi les choses sont arrivées.

M. St-Arnaud: Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Vimont.

M. Auclair: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mme Reyes, M. Bérard, bonjour. Merci pour vos commentaires... Comme l'a bien noté le ministre, oui, vous avez vécu directement sur le terrain les événements, donc vous êtes au fait et, surtout, vous avez le pouls de la population, qui est peu dire, là, dans un contexte comme ici, où on répond également... un projet de loi comme celui-ci répond justement à des besoins qui ont été clairement manifestés par la population, dont les gens de Montréal-Nord, entre autres, là, que vous représentez.

Dans vos commentaires, si je vous lisais... parce que vous avez fait un commentaire au niveau de ce que l'observateur pouvait et ne pouvait pas faire, au projet de loi, à l'article 289.17, il est dit que «[l']observateur peut, s'il le juge utile dans le cadre de la surveillance de l'enquête indépendante, visiter les lieux où s'est déroulé l'événement ayant mené au déclenchement de cette enquête au moment où ceux-ci sont protégés par un corps de police». Donc, une de vos questions, de vos commentaires tantôt, une inquiétude que vous aviez manifestée, c'est justement, c'est que l'observateur ne pourrait pas avoir accès aux lieux, ne pourrait pas avoir accès aux... certaines pièces. Donc, l'article 289.17, quand même, comme il est rédigé, fait état de ça.

Est-ce que... dans les... Puis là je vais vous demander, parce que vos impressions sont importantes, surtout que vous rapportez des impressions des gens qui ont vécu les événements, donc des citoyens. Est-ce que, si on leur disait: L'observateur peut se rendre sur les lieux, ça, est-ce que c'est quelque chose qui a été manifesté, qu'ils ont l'impression que ça ne pourrait pas se faire? C'est quoi que... à cet égard-là? Comment... quelle est la perception là-dessus?

M. Bérard (François): En fait, ce qu'on disait tout à l'heure, c'était au niveau des conditions générales. Quand tu parles d'accès à la scène, aux pièces à conviction, aux témoins, aux policiers impliqués, aux enquêteurs aussi, c'est beaucoup plus large. On sait qu'au niveau de la scène c'était déjà couvert. L'objet du débat, pour nous, ce n'était pas de dire: Est-ce que c'est couvert ou pas?, mais de dire: Il y a un portrait, il y a un paquet auquel on doit peut-être travailler, et que la majorité gouvernementale devrait travailler autour de ce paquet-là pour être en mesure de pouvoir rallier ou tenter de rallier, si c'est possible.

M. Auclair: On pourrait rajouter beaucoup plus de possibilités...

M. Bérard (François): Beaucoup plus de possibilités...

M. Auclair: ...donc, vous dites au ministre, là...

M. Bérard (François): ...pour qu'à ce moment-là... Parce qu'on peut avoir quelqu'un... n'oubliez pas, dans le projet de loi, il y a un filtre, qui est l'agent de liaison. L'agent de liaison, il peut conter bien des affaires, qui n'est pas nécessairement ce qui se passe réellement sur le terrain.

M. Auclair: J'ose espérer que cette... là, on parle beaucoup de méfiance, hein, parce que...

M. Bérard (François): Tout à fait.

M. Auclair: ...je vois qu'il y a de la méfiance, et c'est l'objectif du projet de loi, puis je pense que -- on l'a entendu de la grande majorité des groupes qui se sont présentés -- même les corps policiers reconnaissent qu'il y a de la méfiance de la population. Ça, ils sont bien conscients de ça.

Donc, vous, comme premier... comme une recommandation, vous diriez au ministre: Dans votre projet de loi, élargissez. Vous laissez déjà l'accès à la scène du crime, mais donnez-nous accès... donnez à l'observateur ou aux membres du bureau la possibilité de parler directement aux enquêteurs, de parler directement aux policiers. Peut-être moins au policier qui est... fait l'objet de l'enquête, parce que là il y a un rapport et tout ça, mais au moins d'aller chercher le maximum. Éliminons le filtre, qui est, dans le fond, l'agent de communication, si je peux parler ainsi.

M. Bérard (François): C'est ça. Bien, en fait, je rappelle: notre recommandation, c'est d'avoir un bureau indépendant, composé de civils. C'est ça, notre recommandation.

M. Auclair: Pour vous, il n'y a aucun policier...

M. Bérard (François): La première...

M. Auclair: Aucun policier possible.

M. Bérard (François): Notre recommandation, c'est d'avoir, vraiment, un bureau indépendant.

M. Auclair: O.K.

M. Bérard (François): On est ouverts à l'idée de... notre suggestion, s'il y a une alternative, on est ouverts, mais il faut que ça soit quelque chose qui soit significatif. Et notre première recommandation, c'est: à défaut qu'il y ait d'ententes et de possibilités de consensus autour d'un projet où il y aurait une unité ou une approche mixte, où il y a... plus active, bien, c'est de se rabattre sur la recommandation de la Protectrice du citoyen. C'est ça, notre première recommandation. Mais on dit: On voit qu'il y a, à quelque part, une polarisation qui peut exister. Il y a peut-être des avenues qui pourraient à quelque part satisfaire tout le monde et, à quelque part, surtout, où tout le monde pourrait y trouver peut-être son compte, mais, aussi, dans une optique où on est dans une démarche où on expérimente. Mais il faut que, dès le départ, on ait quelque chose de solide à mettre sur la table, sinon les gens vont dire: C'est un leurre. On se conte des histoires, puis on va reporter pendant un trois, quatre ans encore la problématique, on va pelleter en avant.

M. Auclair: Dans vos commentaires, vous, vous dites, au niveau du rapport, d'avoir accès au rapport pour le policier qui vit l'événement, vous dites: Vous êtes prêts à vivre une semaine. Le barreau, lui, était sans délai. En vertu du processus normal, selon lui, d'un enquêteur, il doit faire son rapport immédiatement.

Donc, vous, vous êtes prêts, avec votre expérience, là -- là, je m'adresse à vous comme des gens qui ont de l'expérience -- que, selon vous, les citoyens vivraient avec le fait que le policier aurait une semaine à produire son rapport. Pour vous, vous êtes à l'aise avec lui donner le délai d'une semaine.

M. Bérard (François): Oui. C'est ce qu'on avait recommandé au coroner. Il peut arriver des circonstances où les policiers sont dans l'incapacité psychologique, par exemple, parce qu'il y en a qui vivent aussi des chocs importants, des chocs post-traumatiques, parce que c'est quand même traumatisant pour les policiers qui vivent une telle expérience, mais pas la situation qu'on a actuellement, où il n'y a aucun délai.

Ça fait que, nous, on trouvait que ça peut être plus court, en disant: Il y a peut-être des circonstances qui font que ça pourrait aller jusqu'à une semaine. Mais nous, on se disait: Ça peut être vendable au niveau de la population. Mais par contre...

M. Auclair: O.K., ça, c'est important, ça.

M. Bérard (François): ...que le représentant du bureau puisse avoir rapidement et directement accès aux policiers, comme on le fait dans le cadre d'une enquête régulière. Par exemple, quelqu'un qui se bat dans une taverne, il y a quelqu'un qui tombe et qu'il y a un homicide involontaire, on n'attend pas une semaine ou un mois avant d'aller l'interroger, là. On va, au niveau des enquêtes criminelles, procéder rapidement, puis là d'essayer d'avoir les premiers éléments, puis, après ça, l'avocat va se présenter.

Là, la procédure actuelle, le policier aurait pu passer des semaines et des semaines sans rien remettre. Ça a été le cas.

M. Auclair: O.K. Là, on parle d'actuel sans le projet de loi, là. On s'entend, là.

M. Bérard (François): Oui.

**(15 h 50)**

M. Auclair: O.K. Au niveau du processus, est-ce que... Parce qu'il y a certains commentaires qui ont été faits en ce qui touchait le projet de loi: certaines personnes avaient des doutes au niveau de l'application de «blessure grave», la définition de «blessure grave» et tout ça. Parce que, bon, on dit: Par balle, ça, c'est clair, il n'y a pas de doute là-dedans. Mais est-ce que vous seriez... vous, voyez-vous d'un oeil en disant: Bon, «blessure grave», on va chercher un peu, parce qu'en Ontario qu'on fait beaucoup... qui fait... dans lequel on utilise beaucoup comme point de référence, il y a une question de définition de «blessure grave»; il y en a qui veulent limiter, il y en a qui veulent élargir. Dans votre approche, dans les commentaires encore des citoyens que vous avez rapportés, comment vous voyez ça?

Mme Reyes (Brunilda): Moi, je vais être très sincère avec vous, on n'est pas allés à ce niveau-là. Le citoyen, il ne veut pas savoir si c'est quel... quel degré de gravité. Ce qu'il veut: c'est qui, qui va enquêter, c'est qui, le responsable de me dire pourquoi les choses sont arrivées et c'est qui, le responsable qui va faire en sorte qu'elles n'arrivent plus? Parce que, dans des événements tristes comme le cas Villanueva, par exemple, ce n'est pas une question: C'est qui, le coupable et c'est quoi, la gravité de la situation, est-ce qu'il a tiré ou n'a pas tiré, il voulait tirer ou ne voulait pas tirer? C'est un jeune qui est décédé, on veut savoir pourquoi et on veut qu'il n'arrive plus jamais. En réalité, c'est ça. C'est qu'au niveau des citoyens on ne peut pas aller à ce type de «finura» comme ça, parce que les citoyens, ils ne sont pas à ce niveau-là.

La Présidente (Mme Vallée): Oui. Il reste 30 secondes.

M. Bérard (François): C'est ça. C'est parce que, comme on disait au départ, on n'est pas des spécialistes de la question, donc de circonscrire le champ d'action où il y aurait... le bureau commencerait à s'activer, là-dessus, on était moins... Nous...

M. Auclair: Non, mais merci beaucoup, parce que vous avez quand même le retour direct des citoyens, puis c'est juste pour voir, puis je comprends très bien que vous ne voulez pas tomber dans la finesse.

Puis peut-être aussi que le projet de loi devrait être beaucoup plus large, dans ce que je perçois comme commentaires, c'est-à-dire que, dès qu'il y a un événement malheureux, spécifiquement, là, qu'il y ait une blessure et autres, là, pour vous, ça serait ouvert à, justement, qu'il y ait une vérification et/ou enquête, selon le cas.

La Présidente (Mme Vallée): Je vous remercie. Alors, je vais maintenant céder la parole à M. le député de Chambly...

M. St-Arnaud: Oui.

La Présidente (Mme Vallée): ...pour une période de 7 min 25 s.

M. St-Arnaud: 7 minutes. Merci, Mme la Présidente. Je vais m'attarder au bureau parce que vous avez dit, dans votre témoignage, là: C'est une coquille vide, c'est de la surveillance à distance. Et je comprends. Et vous dites: Finalement, il a très peu de pouvoirs, l'observateur, quand on regarde le projet de loi n° 46. Et je partage votre point de vue, parce que c'est ce que j'ai dit en remarques préliminaires: L'observateur civil aurait très peu de pouvoirs selon 46, selon le projet de loi.

Le problème, c'est que, si on commence à regarder des hypothèses -- et vous en donniez tantôt -- en lui donnant plus de pouvoirs, là, on arrive avec d'autres problèmes. Parce qu'il y a des gens depuis deux jours qui nous ont suggéré de... En fait, quand ils nous décrivent ce que devrait faire l'observateur, c'est presque une enquête parallèle, et, à partir du moment où il parle aux policiers impliqués, où il parle à... et mon collègue de Chomedey, qui a été lui-même enquêteur, comprend le problème... à partir du moment où on élargirait les pouvoirs de l'observateur à pouvoir parler un peu à l'enquêteur ou aux policiers impliqués et à un peu tout le monde, bien là ça pose des problèmes qui finalement... Alors, on est très... c'est très embêtant, la situation de l'observateur, parce que présentement on ne lui a à peu près pas donné de pouvoirs, puis là on trouve... bien des gens trouvent comme vous que c'est une coquille vide, que c'est de la surveillance à distance; il parle à un agent de liaison. Mais l'autre problème, c'est que, si on lui donne plus de pouvoirs, bien là, je vais vous dire, on complique la situation en quelque part.

Et c'est pour ça que moi, quand je regarde ça, je vois... j'essaie de voir comment, comment on peut améliorer concrètement le Bureau civil de surveillance sans qu'il y ait des implications au plan juridique puis sans que finalement ça devienne -- j'allais presque reprendre l'expression de mon collègue de Verchères, là -- que ça devienne une patente à gosses un peu difficilement gérable, difficilement gérable pour la suite des choses.

Parce qu'il y a des implications juridiques à tout ça. Si l'observateur peut commencer à parler à n'importe qui, il devient à ce moment-là un témoin dans une éventuelle cause criminelle, il devient éventuellement... Puis je pense que... On me faisait remarquer qu'il y avait des dispositions aussi où il pourrait éventuellement être témoin dans des recours déontologiques. Comment concrètement, là, vous pouvez améliorer le Bureau civil de surveillance sans avoir les problèmes que je soulève rapidement... au plan juridique?

M. Bérard (François): Bien, en fait, comme je vous dis, et comme je vous disais tout à l'heure, notre position de base, c'est de parler d'un bureau où il y a des enquêteurs qui sont des civils. En fait, ce ne sont pas des corps policiers qui enquêtent, mais vraiment quelque chose de complètement indépendant, et c'est le bureau qui enquête et non pas un corps policier. Ça, c'est notre position de base.

Ce qu'on essayait de mettre sur la table, ou ce qu'on met sur la table, c'est: si on veut parler d'une coquille qui n'est pas vide, il faut que l'observateur ait la possibilité de pouvoir poser des questions, mais des questions qui doivent être circonscrites à la démarche, pas sur le fond de l'enquête. Et là, là-dessus, c'est sûr que ça peut être exigeant de définir c'est quoi, la question de la démarche, mais c'est autour de ça. Est-ce que la démarche faite par l'enquêteur d'un corps policier, elle est rigoureuse ou pas, poser des questions pour comprendre pourquoi la personne a agi de telle ou telle façon, mais pas d'aller s'immiscer dans l'enquête et refaire l'enquête; ça, pour nous, effectivement, ça va créer plus un bordel que d'autre chose.

M. St-Arnaud: En tout cas, pour moi, ça reste un problème difficile à résoudre, je vous le dis, là, on va avoir l'occasion amplement de revenir là-dessus.

Deux petites questions, Mme la Présidente. Une première: vous avez parlé d'aide psychologique. Le projet de loi, vous avez raison là-dessus, là, il y a des éléments très intéressants sur les frais, notamment sur les frais juridiques, là, ça nous rappelle un débat auquel j'avais été associé en 2009, en mai 2009. Alors, concrètement, qu'est-ce que vous ajouteriez au projet de loi quant à l'aide psychologique? Je vous écoute là-dessus.

M. Bérard (François): Sur l'aspect de l'aide psychologique, il existe des CAVAC, des centres d'aide aux victimes d'actes criminels, au niveau du Québec, par exemple. Et, lorsqu'une personne est victime d'un événement, elle peut être référée vers un CAVAC. Ce qui pourrait peut-être être inscrit dans le projet de loi, c'est que, lorsqu'il y a un événement où des victimes directes qui sont blessées ou encore des victimes indirectes, par exemple des membres de la famille qui sont traumatisés par une situation, qu'on veille à les informer, à les orienter vers un CAVAC. Pour nous, ce n'est pas normal que des gens qui sont moins nantis... parce que les psychologues, ça coûte cher, là, que des gens qui sont moins nantis finalement... parce que leur enfant ou une personne a vécu, comme c'est le cas avec la famille Villanueva, n'ont pas... la famille n'avait pas la capacité d'abord, au départ, de faire les funérailles, tout ça, mais aussi la capacité financière d'aller chercher l'aide de psychologues et peut-être même ne savait pas où c'est qu'il y avait des CAVAC.

M. St-Arnaud: Mais qu'on...

M. Bérard (François): Donc, dans le projet de loi, ce serait de peut-être inscrire une obligation de vérifier que quelqu'un puisse, soit du bureau ou d'une autre instance, ait l'obligation d'aller vérifier auprès des victimes directes ou indirectes s'ils avaient besoin de leur offrir un support ou un soutien ou une aide, pas directement, mais dire: Voici, on peut vous orienter, par exemple, vers un CAVAC.

M. St-Arnaud: O.K.

M. Bérard (François): Parce que ce que...

M. St-Arnaud: Donc, ce serait... Dans le projet de loi, ce serait une obligation de... Parce que comment on pourrait rédiger ça? Ce serait une obligation de...

M. Bérard (François): De référer.

M. St-Arnaud: De référer.

M. Bérard (François): D'orienter. Oui. Ou qu'il y ait des ententes, par exemple, entre les CSSS et le ministère, par exemple, de la Sécurité publique ou le ministère de la Justice, qu'il y ait des ententes prévoyant qu'un intervenant, par exemple, psychosocial ou d'un CLSC viendrait sur place, verrait et ferait une référence à ce moment-là, par exemple, vers un CAVAC, qui pourrait être une avenue.

M. St-Arnaud: ...question. Vous avez dit, et je pense que plusieurs, ou c'est tout le monde ici, autour de la table, convient qu'il faut que les policiers impliqués fassent leur rapport sans délai. Enfin, le Barreau nous a dit hier qu'on appelle ça un rapport d'événement, un rapport journalier, là, ça doit être fait sans délai.

Vous dites, vous parlez d'un délai, vous parlez d'un délai de sept jours. Hier, le Barreau nous a parlé plutôt du modèle ontarien, où le policier impliqué dans un tel événement doit faire son rapport, là, qu'on appelle journalier ou d'événement, à la fin de son quart de travail. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Bérard (François): Comme je vous disais tout à l'heure, il peut arriver des circonstances où les policiers sont dans l'incapacité de rédiger. Ils pourraient rédiger quelque chose, mais, si la personne est tellement sous le choc, ça pourrait être boiteux comme contenu. L'alternative, c'est de permettre à ce moment-là aux enquêteurs de rencontrer directement et rapidement le policier. Mais, pour l'aspect de l'écrit, des fois, ça peut prendre quelques jours avant de se remettre.

M. St-Arnaud: En ce sens-là, vous rejoignez les... entre autres la Fédération des policiers municipaux, qui nous a dit lundi: Il faut quand même laisser un certain temps au policier qui est impliqué directement dans un événement comme ça de reprendre ses esprits, là. C'est une des expressions...

M. Bérard (François): Oui.

M. St-Arnaud: ...qui était... Enfin, vous partagez ce point de vue là. Excellent. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, M. Bérard.

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Alors, merci beaucoup d'avoir participé aux travaux de la Commission des institutions. J'appellerais maintenant le groupe de l'Alliance des groupes d'intervention pour le rétablissement en santé mentale à s'approcher.

Nous allons suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 heures)

 

(Reprise à 16 h 2)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, nous allons reprendre. Nous accueillons maintenant l'Alliance des groupes d'intervention pour le rétablissement en santé mentale. Alors, M. Charles Rice, Mme Caroline Busque, bienvenue devant la Commission des institutions. La parole est à vous. Vous disposez de 15 minutes pour nous faire votre présentation.

Alliance des groupes d'intervention pour le
rétablissement en santé mentale (AGIR en santé mentale)

M. Rice (Charles): Oui. Merci, Mme la Présidente. Je ne sais pas si on va prendre les 15 minutes. On va être relativement brefs. On a été convoqués quand même à la dernière minute, mais on a quelques idées, en fait, quelques propositions, qu'on aimerait soumettre pour votre considération. Dans un premier temps, j'aimerais vous remercier de nous avoir invités en cette auguste enceinte. Pour nous, c'est un honneur d'être ici cet après-midi.

L'AGIR en santé mentale, qui veut dire Alliance des groupes d'intervention pour le rétablissement, est un regroupement d'organismes communautaires en santé mentale dans la région de Québec. On représente une quarantaine d'organismes, qui ont la particularité d'intervenir en santé mentale. On est un regroupement qui est très hétéroclite. On regroupe entre autres des centres de crise, mais aussi des groupes d'entraide, des groupes de parents, des groupes... des milieux de vie, des centres de jour, des ressources d'hébergement. Donc, on a une diversité, une panoplie de ressources qui ont la particularité d'intervenir dans la communauté puis d'intervenir dans le champ de la santé mentale.

Un peu comme les gens de Solidarité Québec-Nord, on a été interpellés par la question de l'intervention policière, parce qu'on n'est pas des spécialistes, nous non plus, des questions policières, mais on a été interpellés par rapport à l'affaire Castagnetta, Claudio Castagnetta, qui était un résident de Québec, qui a été... je ne sais pas si les gens sont familiers un peu, mais on va vous relater un peu les grandes lignes de cette histoire. C'est un fait divers, mais c'est un fait divers, pour nous, qui est très parlant, et on a eu à accompagner en fait les proches de Claudio Castagnetta, les amis, ses collègues de travail qui ont été choqués, qui ont été scandalisés par la façon que cette personne-là a été traitée... qui est décédé d'ailleurs, suite à la façon dont il a été traité.

Donc, Caroline, qui est à ma droite, qui est membre du conseil d'administration mais aussi directrice de l'APUR, qui est l'association... Elle va vous présenter un peu c'est quoi, l'APUR, mais elle va vous relater un peu c'était quoi qui s'est passé avec M. Castagnetta.

Mme Busque (Caroline): Donc, bonjour tout le monde. L'APUR, c'est l'Association des personnes utilisatrices de services en santé mentale de la région de Québec. Nous représentons les membres qui sont actuellement atteints d'une problématique de santé mentale ou qui, à un moment ou à un autre de leur vie, ont été atteints d'une problématique.

En 2007, Charles le disait, on a été interpellés par rapport à l'affaire Castagnetta, et c'est à ce moment-là, je vous dirais, qu'est née un peu notre position par rapport à un projet de loi comme celui qui est proposé aujourd'hui.

Donc, je vous relate brièvement les événements. On est en septembre 2007. Claudio Castagnetta est sur la rue Saint-Joseph, il se promène pieds nus. Visiblement, il est perturbé. Il est entré dans une épicerie et il dérange les clients. Il y a deux appels qui sont logés au corps policier, puisqu'il dérange justement les clients et qu'il ne semble pas interagir avec les gens quand on lui parle.

À ce moment-là, les policiers se présentent. Il n'est pas armé. Il n'est pas violent. C'est quelqu'un qui n'a pas d'antécédents judiciaires, qui a 32 ans, qui est un étudiant à la maîtrise en économie. C'est quelqu'un qui est sportif. C'est un artiste, quelqu'un qui est engagé dans sa communauté et qui est apprécié de celle-ci.

Pour le maîtriser, on a utilisé, à au moins cinq reprises, le Taser gun. Et la réaction de Claudio a été de dire aux policiers qu'ils le chatouillaient. Donc, c'était, à ce moment-là, un exemple flagrant du fait qu'il n'était pas dans son état normal. Est-ce qu'on peut parler d'un manque de formation des policiers, qui auraient dû, à ce moment-là, faire des liens et l'amener au centre hospitalier? Probablement. Est-ce qu'on aurait pu utiliser d'autres moyens comme, par exemple, à Québec, on a des moyens alternatifs, on aurait pu faire appel à un groupe qu'on appelle PECH, qui a des protocoles pour intervenir dans toutes les crises psychosociales et pas juste en santé mentale? Probablement qu'on aurait dû le faire. D'ailleurs, ça devrait être systématisé.

Donc, deux jours plus tard, le 20 septembre, Claudio Castagnetta va mourir. Est-ce que ça aurait pu être évité? Probablement, parce que, quand il a été amené au parc Victoria, il chantait dans sa cellule, il était très désorganisé. Il s'est même dénudé. Le lendemain, on l'a amené au bloc cellulaire du parc Victoria. Il a été malade à plusieurs reprises. Il s'aspergeait le visage d'eau de toilette. Il a même fait une crise convulsive. Est-ce qu'à ce moment-là on aurait dû l'amener à l'hôpital? Probablement. D'ailleurs, il existe des protocoles à cet effet-là pour s'assurer en tout temps que la sécurité puis que la vie de la personne passent en premier. On l'a quand même ramené au centre de détention.

Pendant le trajet jusqu'au centre de détention, il se frappait fortement la tête dans les grillages qui séparent les détenus. Ce qu'on a fait, c'est qu'on lui a mis un casque de hockey pour éviter qu'il se blesse. Rendu là-bas, il était déjà dans le coma. Mais ça a quand même pris 40 minutes entre son arrivée au centre de détention et son départ vers l'hôpital.

En réaction à ça, on a été amenés justement à se positionner. À ce moment-là, on a demandé à la coroner en chef, Louise Nolin, de faire une enquête publique. On avait plusieurs questionnements, plusieurs questions justement à répondre. Onze mois plus tard, la décision est tombée. Il n'y a évidemment pas eu d'accusations qui ont été portées, aucune, même pas de négligence criminelle, et en conséquence on disait qu'il n'y aurait pas d'enquête publique. Donc, c'est à ce moment-là qu'on s'est positionnés par rapport à un projet de loi comme aujourd'hui.

**(16 h 10)**

M. Rice (Charles): Voilà. En fait, dans le rapport du coroner, suite à l'affaire Castagnetta, le coroner soulevait une chose très importante, selon nous... Selon lui, une partie du problème réside dans la culture qu'on va retrouver dans le milieu policier, dans le milieu carcéral. Ça nous apparaît une affaire centrale. Il faut-u vraiment s'indigner de ça? On pense que non. C'est un peu humain, c'est un peu normal, là, dans les milieux de travail, qu'il y ait une certaine culture, puis que le réflexe finalement, c'est un peu de protéger ses collègues de travail. Donc, je pense qu'il ne faut pas s'indigner ou s'offusquer de ça, mais il faut aussi mettre en place des mécanismes pour contrer cet effet-là, compte tenu des pouvoirs puis des responsabilités qu'on accorde aux policiers.

On reconnaît d'emblée, nous, que le travail d'un policier, ce n'est pas un travail facile. On travaille là-dedans, nous aussi, et on sait ce que c'est, quand on est confrontés à des problématiques sociales. Des situations de personnes qui sont en psychose ou en crise, ce ne sont pas des situations qui sont faciles, même pour nous. Mais on pense qu'il faut mettre en place des mécanismes, des mesures pour s'assurer au moins que les citoyens sont protégés là-dedans.

Ce matin, Yves Boisclair, qui est chroniqueur dans Le Devoir, soulevait une question qui m'apparaît extrêmement importante. En fait, je vais vous le citer, parce que je trouvais que c'était intéressant comme propos, sur une question extrêmement importante. Il disait: «On se demande comment enquêter pour savoir s'il y a [...] un crime et c'est une excellente question.

«Mais, quand on aura répondu non, on n'aura pas posé les autres questions.» Puis c'est ça qui est important, les autres questions. «Parce qu'on se concentre sur le moment où le policier appuie sur la détente. Le moment où il est trop tard, parce que c'est sa vie ou celle de l'autre.

«Et c'est tout ce qui vient avant qu'on ne regarde pas. Pourquoi et comment on s'est rendu à ce moment fatal. Comment la mort est devenue inévitable. Et comment faire pour ne pas y arriver.

«Un bon système d'enquête devrait aussi nous aider à répondre à cette question en ne nous contentant pas de nous fournir une conclusion.

«Il devrait nous montrer clairement comment on s'est rendu là où il n'y a plus rien d'autre à faire que de tuer un homme.»

Puis je pense que cette question-là devrait être aussi être abordée, en tout cas. Peut-être que ça déborde de la question d'un projet de loi, mais comment qu'on fait pour éviter d'en arriver à ces situations-là?

Nous, à l'AGIR, évidemment, dans le cadre de l'affaire Castagnetta, on a fait beaucoup de représentations, mais on a aussi documenté ça de notre côté. Entre autres, bon, on s'est inspirés un peu de ce qui s'est fait, entre autres, dans d'autres provinces, mais aussi aux États-Unis, parce qu'évidemment je pense que c'est une problématique qui dépasse les frontières du Québec, je pense que les corps policiers sont de plus en plus appelés à intervenir dans des situations psychosociales.

Puis comment qu'on fait pour répondre à ces situations-là? Comment qu'on fait pour épauler nos policiers par rapport à ça? Et je pense qu'il y a eu des réflexions qui ont été faites. Entre autres, il faudrait voir comment qu'on ne pourrait pas mettre en place ce qu'on appelle des mesures de contournement. En anglais, ils appellent ça «diversion program». C'est faire en sorte que les personnes ne se ramassent pas dans le dédale des procédures ou... du processus judiciaire ou du processus correctionnel.

Par exemple, Castagnetta, dans... Claudio Castagnetta, si on aurait fait appel à un service de crise -- et d'ailleurs, il existe un protocole d'entente à Québec entre le service de police et un organisme qui est membre chez nous, qui s'appelle PECH -- on aurait peut-être pu éviter que cette situation-là se détériore puis que la personne se ramasse, évidemment, à la fois au poste de police puis aussi au centre de détention.

Donc, les mécanismes comme PECH, je pense, c'est des mécanismes qu'il faut mettre en place. Je sais que le service de police de Montréal a aussi un policier qui est affecté spécifiquement à ce genre de situation là. Donc, on pense que ce genre de mécanisme là, c'est à généraliser, puis il faudrait se pencher là-dessus.

Autre domaine sur lequel il faudrait se pencher, c'est toute la question de la formation des policiers. Et, encore là, nous aussi, on a documenté ça. Et, aux États-Unis, le Conseil des gouverneurs d'État américain a produit en 2002 un document qui est un peu un document de référence qui recommande évidemment des formations, mais que les policiers aient minimalement jusqu'à 20 heures par tranche de trois ans de formation en formation continue par rapport à la problématique de santé mentale.

On a vérifié par rapport au Québec; on est très loin du nombre d'heures de formation qui est accordé à la santé mentale aux policiers. Je pense qu'il y aurait des efforts à faire de ce côté-là.

Au niveau du contenu de ces formations-là, on recommande qu'on y aille avec des formations plus expériencières, c'est-à-dire que... des mises en situation. Il ne s'agit pas de faire des policiers des intervenants psychosociaux, mais au moins qu'ils aient des habiletés ou des attitudes de base interreliées dans des situations comme ça. Donc, voilà.

En gros, c'est un peu notre propos, c'est-à-dire que, par rapport au projet de loi comme tel, évidemment on ajoute notre voix aux autres organismes de la société civile ici qui demandent le retrait du projet de loi, pas parce qu'on est contre à ce qu'on mette en place un mécanisme indépendant, mais on souhaiterait que le mécanisme qui est sur la table soit un petit plus musclé que ce qui est présenté présentement, et on souhaiterait que ce soit accompagné aussi de d'autres mesures pour éviter que des situations comme on a vécues avec Castagnetta et aussi avec d'autres personnes ne se reproduisent. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. Rice. Alors, je vais maintenant céder la parole à M. le ministre.

M. Dutil: Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vous mentionne juste pour les fins de votre information, oui, on a des délais à un moment donné qui sont concentrés pour la convocation, mais c'est un... la raison pour laquelle je voulais déposer le projet au mois de décembre, c'était pour dire aux gens: Préparez-vous, parce qu'il va y avoir une consultation, qui a été demandée par l'opposition, qu'on a acceptée volontiers et où on vous invite, mais vous avez jusqu'au 20 mars pour ajouter au mémoire. Vous pouvez nous déposer un mémoire jusqu'au 20 mars. Les mémoires, là, moi, je me fais un devoir, je pense, c'est le cas des membres de la commission, de les lire pour justement alimenter notre réflexion pour faire le meilleur projet de loi possible.

Vous avez soulevé également les problèmes de formation, puis vous avez tout à fait raison. D'ailleurs, les formations, en général, on les améliore constamment. On a une école de police, je pense, qui est un modèle. On a reçu hier la directrice générale de l'école de police... et on essaie d'améliorer constamment, puis, je pense, depuis 40 ans qu'existe l'école de police, il s'est fait beaucoup de travail.

Mais il y a des millions d'interventions par année puis ce que vous soulevez, là, c'est... Effectivement, si on savait quelle intervention va mal tourner avant qu'elle arrive, là, on interviendrait avant qu'elle arrive. Malheureusement, sur les millions d'interventions, il y en a qui auraient pu mal tourner, qui n'ont pas mal tourné et dont on n'entend jamais parler. Il y a des policiers qui font un travail fantastique puis justement ils ne passeront jamais dans les journaux parce qu'ils ont fait un travail où ça n'a pas mal tourné pour... Parce qu'ils ont fait un bon travail sans doute, mais aussi parce que les circonstances ont fait qu'il n'y a pas eu le dernier bout où il y a eu malheureusement un coup de feu.

D'ailleurs, je pense -- il faut le préciser, ça -- qu'il y a une vingtaine ou une trentaine d'événements malheureux qui donnent des blessés graves ou des morts sur les millions d'interventions. Mais, quand on regarde les policiers qui sont intervenus, c'est jamais les mêmes, hein, il y a peut-être 50, 60 policiers sur les 15 000 policiers, dans une année, qui sont intervenus, qui ont eu la malchance de tomber sur une intervention qui a mal tourné. Et donc il n'y a pas de complot policier, là; il y a une situation où c'est eux autres, cette année, qui ont eu malheureusement ces événements difficiles, puis c'est eux autres qui se sont retrouvés avec la situation. Je voulais quand même le préciser.

Maintenant, vous avez mentionné, votre position, c'est dire: Retirez le projet de loi puis recommencez. Moi, je vais vous dire mon opinion là-dessus: Il vaut mieux un projet de loi qui n'est pas parfait, où on va cheminer ensemble, puis on va essayer de le bonifier, puis avoir quelque chose à la fin qui est mieux que ce qu'on avait, que d'essayer de viser la perfection, donc de retirer le projet de loi puis qu'il ne se passe rien. Je vous le mentionne parce que vous n'êtes pas le premier qui nous dit ça. Moi, de mon expérience politique, c'est... Si on veut avancer, là, bien, il faut avancer. Il faut, à un moment donné, dire: On en dépose un, projet de loi, avec des faiblesses, peut-être, puis l'objectif de la commission, c'est de l'améliorer, le projet de loi, et, à la fin, d'arriver avec un projet de loi qui est adopté, qui ne sera jamais parfait parce que la perfection n'existe pas, parce qu'il ne fera jamais l'unanimité parce que, dans notre société, quand on fait de la politique, on sait ça: quand on a pris une décision, elle n'est jamais unanime.

Donc, je comprends que vous n'avez pas eu... vous ne vous êtes pas penchés... Puis c'est normal, votre point sensible -- puis vous avez raison là-dessus -- c'est la santé mentale, puis il y en aura peut-être de plus en plus, des difficultés avec la santé mentale. Donc, la formation -- je prends une bonne note de ça -- à l'école de police, là, davantage sur la santé mentale, ça, ce n'est pas dans le cadre du projet de loi, mais, je pense, c'est une remarque importante.

Mais, quant au projet de loi lui-même, à la fin, il faut finir par trouver un chemin ensemble avec tous les intervenants, qui est convenable, pour que la transparence, quand il arrive des événements malheureux comme ça, soit plus grande tout en étant efficace.

Alors, je voudrais quand même vous demander: Est-ce que, dans le cadre de ça, il y aurait des améliorations à apporter au-delà de votre demande de retrait? Vous avez un modèle peut-être pour vous qui vous apparaît plus intéressant, plus important, que vous voulez nous proposer.

M. Rice (Charles): Oui. Je dois dire qu'on n'est pas contre le progrès, M. le ministre. Au contraire, nous, tout ce qui peut améliorer la situation, on va être évidemment favorables, sauf que, nous, c'est toute l'architecture du projet de loi qui est à revoir de fond en comble. On pense qu'actuellement le projet de loi, ça vient un peu figer le statu quo. Actuellement, le statu quo, c'est quoi? C'est un autre corps de police qui enquête sur un corps de police. On ajoute à ça un bureau, mais, pour nous, ce n'est pas suffisant. Donc, si on veut vraiment amener une réforme là-dedans, il faut revoir puis s'inspirer évidemment de ce qui s'est fait dans d'autres projets. Et j'ai toujours aimé penser que le Québec est à l'avant-garde sur ces questions-là.

Or, quand on compare un peu les autres modèles qui ont été mis en place, que ce soit l'Ontario... et, encore là, j'ai lu la série d'articles qui avait été faite par le Toronto Star, voilà quelques années, puis, par rapport au modèle ontarien, puis je n'étais pas nécessairement impressionné, mais ce que j'ai compris du problème qui était soulevé dans la série qui avait été faite par le Toronto Star, c'était justement la mixité puis le fait que le processus est un peu contaminé par des anciens policiers. C'est cette culture-là dont je parlais tantôt.

Donc, comment qu'on fait, nous, ici, au Québec, en s'inspirant d'expériences qui ont été faites ailleurs? C'est quand même d'autres provinces canadiennes, c'est nos voisins. Comment qu'on fait, en s'inspirant de législations ou de juridictions qui ont expérimenté des modèles, comment on peut arriver avec un modèle encore meilleur que...

On pense qu'on devrait revoir complètement le projet de loi. On comprend la volonté qui est en arrière de ça puis on salue ça, là, on est très favorables à ça. Est-ce qu'on assure une certaine indépendance au processus? Parce que, quand on est intervenus, quand on est intervenus dans l'affaire Castagnetta, on ne sentait pas aucune ouverture du côté gouvernemental de ce côté-là, puis on est bien contents que finalement il y ait une commission parlementaire qui porte là-dessus, puis qu'il y ait une volonté de votre part, je pense, qui est manifestée de vouloir assurer une certaine indépendance.

Mais on pense qu'on devrait aller quand même beaucoup plus loin puis que... On souscrit un peu aux commentaires qui ont été faits par la Protectrice du citoyen puis les autres intervenants, là, à l'effet que le projet de loi ne va pas assez loin, à notre avis... C'est notre opinion.

**(16 h 20)**

La Présidente (Mme Vallée): Est-ce qu'il y a d'autres commentaires, d'autres interventions? M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos: ...

La Présidente (Mme Vallée): Il reste quatre minutes.

M. Sklavounos: ...quatre minutes. Peut-être une question très rapide. Bonjour, M. Rice, Mme Busque. D'abord, ce que vous dites ne nous prend pas par surprise. Je préside une autre commission, la Commission santé et services sociaux, qui a étudié récemment le phénomène de l'itinérance, et nous avons entendu plusieurs groupes qui nous parlent un petit peu de certaines difficultés sur le terrain avec des personnes qui... Dans le cas de l'itinérance, il y a beaucoup de questions... beaucoup question de santé mentale. Et on a parlé de différentes choses: possibilité de non-judiciarisation, déjudiciarisation dans le cas de constat, de différents règlements municipaux qui causent des problèmes et que des fois c'est là où il y a un... ça commence très petit, et tout d'un coup il y a une escalade. Alors, ce que vous nous dites aujourd'hui ne nous prend pas par surprise.

Et, je pense, aussi, ce qui... Je n'étais pas ici hier, mais j'ai entendu un petit peu l'attitude, l'esprit d'ouverture qu'a notre école nationale. Je pense qu'il y a eu du changement dans les dernières années au niveau de la façon de voir cette question-là. Évidemment, il y a de la place à l'amélioration.

Vous dites ici que le projet de loi consacre un certain statu quo. Moi, je vous pose la question: Veut, veut pas, lorsqu'on a des personnes qui sont nommées de l'extérieur, qui n'ont jamais fait partie d'un corps de police puisqu'ils sont non éligibles pour pouvoir siéger là-dessus -- c'est un article de la loi qui le prévoit -- en quoi ajouter de la transparence peut nuire? Ou comment est-ce qu'un ajout de transparence peut consacrer un statu quo? Dans le sens que... Je comprends ce que vous dites. Peut-être, vous souhaiteriez qu'on aille plus loin, et ça, c'est compréhensible, mais il y a quand même...

Vous ne voyez pas là-dedans des personnes indépendantes qui n'ont jamais été policiers, qui n'ont jamais été membres du personnel policier, qui sont indépendantes, qui sont à l'extérieur, qui ajoutent une certaine transparence au processus? Pour vous, ce n'est même pas un début d'une bonne réponse, là, pour pouvoir au moins ajouter un éclairage? Le mot clé devrait... n'est pas «transparence» là-dedans? Ça ne devrait pas à quelque part être vu comme étant quand même un pas positif?

M. Rice (Charles): Oui. Bien, l'ajout du bureau, c'est sûr que c'est un plus par rapport à la situation actuelle, donc... Ça n'existe pas, puis c'est... Sauf que, tu sais, ça va être quoi, les pouvoirs des observateurs par rapport à des enquêtes qui sont menées par les policiers, compte tenu, hein, de ce que je vous ai dit tantôt, la culture aussi? Puis c'est un peu l'impression qu'on a eue, tu sais.

Et, encore là, tu sais, après avoir, tu sais, pris connaissance du rapport du coroner, après avoir regardé le fil des événements, tu sais, moi, je me suis posé la question, puis je ne suis pas juriste, là: Dans l'affaire Castagnetta, est-ce qu'il y avait matière à accusation criminelle? Je ne suis pas sûr. Je ne suis pas sûr que... Je pense qu'il y a eu négligence là-dedans. Je pense qu'il y a eu négligence, mais est-ce qu'il y avait négligence criminelle? C'est ça, la grande question. Puis je pense que non. Je pense qu'il n'y avait pas de négligence criminelle, mais il y avait... il y a sûrement... certainement eu négligence puis abus.

Et je pense que, par rapport à cette situation-là, ce fait divers là, le système aurait pu apprendre de ça, comment on fait pour éviter ça. Je ne pense pas qu'il y a personne... Dans le processus, il y a eu peut-être une quinzaine de personnes, une dizaine de personnes qui ont côtoyé Castagnetta dans les 48 heures qu'il a été pris en charge par les services policiers, et je pense qu'il n'y a personne là-dedans qui souhaitait la mort de cet homme-là, hein, on va être clairs là-dessus. Sauf qu'il est mort pareil. Puis comment que le système peut apprendre d'une situation comme ça?

Et, nous, ce qu'on a vécu, c'est qu'à un moment donné on a appris que, bon, de un, le Directeur des poursuites criminelles et pénales nous annonce qu'il n'y aura pas d'accusation qui est portée. Bon, O.K., correct. Puis après ça, bon, il y a un règlement hors cours qui se fait entre l'État et la famille. Encore là, on ne sait pas trop. Nous, on a demandé une enquête du coroner publique dans cette affaire-là au moins pour qu'on puisse voir... que les gens se fassent poser des questions, qu'on puisse au moins cheminer là-dedans, voir ce qui s'est passé puis comment on pourrait éviter. Encore là, ça aussi, ça nous a été refusé.

M. Sklavounos: Mais, si...

M. Rice (Charles): Donc, tout ça s'est passé entre des portes closes, puis, bon, on se ramasse, au lendemain de tout ça...

M. Sklavounos: Je comprends, mais, si je vous ramène au projet de loi, parce que...

M. Rice (Charles): Oui.

M. Sklavounos: ...le projet de loi, nous ajoutons quand même un palier de plus qui va regarder... Moi, je ne sais pas, juste logiquement, sachant que, moi... Il ne reste plus de temps?

La Présidente (Mme Vallée): Malheureusement.

M. Sklavounos: En tout cas, je vais finir la phrase...

La Présidente (Mme Vallée): D'accord.

M. Sklavounos: ...et peut-être ça ira après.

Une voix: ...prochain bloc.

M. Sklavounos: Logiquement, sachant que quelqu'un est en train de regarder mon travail, je vais faire tout pour maintenir une ligne très droite. Juste logiquement. Je vous lance ça. Moi, si je sais que quelqu'un écoute ce que je dis au téléphone, parce qu'il est dans l'autre chambre puis il tient le téléphone, je vais faire attention à ce que je dis. Si je sais que quelqu'un va regarder mon travail, alors que je fais mon travail d'enquête, et regarde ce que je fais, je vais vouloir me conformer. Je ne peux pas que de voir là-dedans un pas très positif pour encourager, inciter du peuple... des policiers qui sont en train d'enquêter, de marcher très droit.

Parce que vous dites: Il n'y aura pas de pouvoirs, mais juste le fait de pouvoir dire ou faire ce rapport au ministre, ça va déclencher une certaine alarme, une certaine sonnette. Et, sachant un petit peu comment ça fonctionne, il va y avoir plein de personnes qui vont vouloir prendre ça et faire du chemin avec ça. Alors, moi, dans ma tête, c'est ça. On pourra reprendre dans le prochain bloc, parce que le temps commence à courir... On pourra continuer après.

La Présidente (Mme Vallée): Ça fait deux minutes.

M. Sklavounos: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Alors, je suis désolée. M. le député de Chambly.

M. St-Arnaud: Oui, merci, Mme la Présidente. Alors, à mon tour, je salue M. Rice et Mme Busque pour leur témoignage qui nous... qui élargit beaucoup le débat, là, par rapport à notre petit projet de loi, là, si je peux mettre le «petit» entre guillemets.

Et, vous avez raison, moi aussi, ce matin, j'ai vu Yves Boisvert, puis j'ai pensé un peu à notre rencontre de cet après-midi, parce que, ce qu'il dit, Boisvert, dans La Presse, ce matin, c'est... et je vais le reciter également: «On se demande comment enquêter pour savoir s'il y a eu un crime et c'est une excellente question.» Mais, il dit, après: «...c'est tout ce qui vient avant qu'on ne regarde pas. Pourquoi et comment on s'est rendu à ce moment fatal. Comment la mort est devenue inévitable. Et comment faire pour ne pas y arriver.» Je pense que tout est dans ce paragraphe-là. Et ce n'est pas simple comme... au-delà de notre projet de loi, là, ce n'est pas simple.

Mais, au moins, je pense qu'aujourd'hui vous sensibilisez les membres de la commission, puis, parmi les membres de la commission, le ministre de la Sécurité publique, qui est membre, et qui est responsable des services policiers, puis j'ajouterais qui est responsable aussi des services correctionnels.

Et, en ce sens-là, moi, j'aimerais vous entendre. Quand vous dites, là: Il y aurait des améliorations à faire sur le terrain, moi, j'aimerais vous entendre là-dessus. Parce que, dans une autre vie, quand j'étais sur le terrain, il y a une dizaine d'années, à Montréal, s'il y a des cas qui sont problématiques, c'est bien les cas de santé mentale. Et, à l'époque, et je ne suis pas sûr que ça a beaucoup évolué, c'était d'une tristesse terrible, parce que les policiers... Puis on blâme souvent les policiers, mais, je vais vous dire, là, être policier, c'est un métier extrêmement difficile, particulièrement à Montréal, dans le centre-ville de Montréal, où il y a énormément de cas de... et, de plus en plus, j'ai l'impression, de cas de santé mentale.

Qu'est-ce qui arrive? Bien, les policiers se retrouvent avec des cas, je vais vous dire, là, ce n'est pas drôle, Et, pour en avoir côtoyé, moi, je veux dire... pour en avoir côtoyé plusieurs, des fois, au téléphone pendant deux, trois minutes, moi, j'en avais déjà... je me disais: Les pauvres policiers qui sont pris avec ces gens-là. Et, souvent, c'est pour des choses comme des accusations comme des voies de fait, là, des choses... des méfaits. Qu'est-ce qui arrive? Le policier l'arrête. Ils le font comparaître à la cour municipale. L'individu n'a pas d'adresse. Alors, qu'est-ce qu'on fait? Plaide coupable, sept jours de prison. Le juge le condamne à sept jours de prison. Il s'en va à Bordeaux une journée ou deux. Il se retrouve dans le centre-ville de Montréal quelques heures plus tard, et le cycle continue: il refait... les policiers l'arrêtent parce qu'il a encore fait un méfait, des voies de fait, on le... il n'a pas d'adresse... J'aimerais savoir, au niveau... d'abord, au niveau des services policiers, ce que vous proposez concrètement.

Puis, moi, je pense qu'il y a quelque chose à faire, monsieur -- j'en profite, par votre intermédiaire, Mme la Présidente, pour passer un message au ministre -- je pense qu'il y a aussi beaucoup à faire au niveau des services correctionnels, qui, souvent, on nous dit... Parce que c'est la même chose, là: ces gens-là arrivent en prison, puis, des fois, ce n'est plus juste sept jours, 14 jours, là, c'est deux mois, puis c'est trois mois de prison, puis c'est six mois de prison, six mois moins un jour. Puis il arrive... Les services correctionnels ne sont souvent pas équipés, ne sont souvent pas... les agents des services correctionnels ne sont pas formés. Alors, ces gens-là, les détenus qui ont des problèmes de santé mentale, qui sont de plus en plus nombreux, à mon sens, dans les prisons, sont laissés là jusqu'au jour où on les remet sur la rue, puis, là, les policiers reviennent.

Et, à un moment donné, il m'était venu une idée, puis je pense même qu'on l'a mise dans le programme de notre formation politique, c'était de dire: Est-ce qu'on ne devrait pas, dans certaines prisons, et... un jour, il y aura une prison en Montérégie, M. le ministre, et est-ce qu'on ne devrait pas, par exemple, dans cette prison-là, consacrer une aile toute spéciale aux problèmes de santé mentale, où on mettrait des ressources, puis tous les cas, par exemple, de la région de Montréal, au lieu de les envoyer dans l'aile x, ou y ou z à Bordeaux, on les enverrait tous dans une aile où on ferait un certain... un minimum de travail pendant les quelques mois où ils sont en prison, pour qu'on tente de solutionner... on les aide véritablement. Parce que, présentement, je pense que le problème, il est au niveau des services policiers, mais il est aussi au niveau des services correctionnels, qui n'ont pas de moyens, qui n'ont pas de ressources. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. Vous nous dites, et moi, je suis très content que vous nous sensibilisiez à ça, mais vous nous dites, là: Le problème, il est avant, en termes de ressources, en termes d'effectifs, en termes d'encadrement, c'est tout ça qui est à repenser. J'aimerais que vous nous lanciez des pistes de solution par rapport à cette problématique-là.

**(16 h 30)**

M. Rice (Charles): Oui, parce qu'évidemment ça comporte des coûts énormes, des coûts en termes budgétaires évidemment, quand la personne se ramasse dans... mais aussi des coûts en termes humains, des personnes qui vivent une... qui sont en détresse psychologique puis qui se ramassent au travers de tout ça. Évidemment, non seulement on ne les aide pas, là, mais on rempire la situation. Puis des fois il y a certaines interventions policières, ce que j'appelle des interventions Rambo, là, par rapport à une personne qui est en crise, on vient exaspérer la situation. On ne vient pas aider, là, on vient exaspérer la situation. Puis je pense qu'il y a certaines façons d'aide. Puis je pense que ça, ça s'apprend, là, je pense que ça peut se faire en termes de formation. Puis ça, c'est important, ce que M. le ministre a dit tantôt, il faut investir dans la formation.

Mais, au-delà de la formation, il faut aussi mettre en place des mécanismes qui font que les gens ne se ramassent pas dans le réseau judiciaire puis correctionnel. L'idée, ce n'est pas de créer une unité spéciale, un centre correctionnel. Il faut se poser la question: Comment ça, ces gens-là sont en détention, puis comment faire en sorte pour éviter qu'ils se ramassent en détention? Puis je pense qu'il y a des choses qu'on peut mettre en place.

Il existe des... Moi, j'ai parlé tantôt de PECH. À Montréal, il y a un policier qui est affecté à ça. Ce qui arrive, c'est que c'est laissé au bon vouloir, puis c'est selon la sensibilité des corps policiers. Puis, bon, à Québec, il y a des collaborations qui se font, puis qui sont très correctes, là. Je dirais que Montréal aussi. Mais je dis: Comment qu'on fait pour multiplier ces initiatives-là, faire en sorte qu'il y en ait partout? Puis je pense qu'il faut se pencher là-dessus.

Puis la question de fond qu'il faut se poser, c'est: Comment ça se fait que ces gens-là se retrouvent là? Pas: Qu'est-ce qu'on fait un coup qu'ils sont là? Une personne qui est en psychose, qu'est-ce qu'elle fait dans le système judiciaire? Il faut se poser cette question-là. Puis est-ce qu'on l'aide en la mettant dans le système judiciaire?

Puis souvent c'est des gens qui se ramassent là pour des délits mineurs, là, c'est: troubler la paix, c'est, bon, une personne qui est là, qui entend des voix, qui est devant l'église puis qui récite l'Ave Maria. C'est des affaires comme ça qu'on va retrouver. Puis je ne parle pas des gros crimes, là. Ça, c'est d'autre chose. Mais je te parle des gens qui se ramassent dans les réseaux judiciaires par rapport à des délits mineurs, les coûts que ça engendre parce que la personne se ramasse devant le tribunal, se ramasse devant la cour, tout l'appareillage qui vient là-dedans. Puis on ne vient pas en aide à la personne. Je pense qu'il faut adresser cette question-là. C'est sûr que c'est au-delà du projet de loi, mais c'est des questions extrêmement importantes.

M. St-Arnaud: Mais, M. Rice, vous faites quoi? Vous faites quoi concrètement, là? Les policiers, ils sont dans le centre-ville de Montréal. Ils voient quelqu'un qui justement trouble la paix, là, sur la rue Sainte-Catherine. Vous proposez quoi, comme... Puis vous me dites, là, il y a des choses déjà qui se font, mais c'est un peu à la bonne franquette, là, pour reprendre l'expression populaire. Il y a quelques policiers qui ont développé un désir d'aider de ce côté-là puis qui le font, là. Mais vous faites quoi?

Un policier, il voit quelqu'un qui trouble la paix ou qui a fait un voie de fait sur un passant, là, un voie de fait simple. Il l'arrête. Puis eux autres, là, leur réflexe, c'est: on l'envoie dans le système, là. Il s'en va à la cour municipale puis il s'en va en prison. Vous proposez quoi, comme... Parce qu'il y a un acte criminel, entre guillemets, qui a été commis. Vous proposez quoi, comme solution? Qu'est-ce qu'on devrait faire plutôt que de l'envoyer pour comparaître à la cour municipale?

M. Rice (Charles): Bien, il faudrait à tout le moins que le policier ait accès à un service de crise rapidement, hein? Puis qu'il ait accès à des services de santé mentale relativement rapidement pour ne pas qu'il attende trois heures au service d'urgence. Mais ça, à Québec, c'est ça. Le protocole d'entente qu'on a avec PECH, là, en dedans de 30 minutes, il y a deux intervenants en situation de crise qui arrivent sur place, accessibles 24 heures sur 24, sept jours semaine. 30 minutes ou votre pizza est gratuite, comme on dit, hein? Donc, tu sais, c'est un... Puis à 90 % des situations, on répond à ça.

M. St-Arnaud: Et ça, c'est une collaboration avec le service de police de Québec?

M. Rice (Charles): De Québec.

M. St-Arnaud: Et l'organisme, c'est quel genre d'organisme?

M. Rice (Charles): C'est un organisme qui s'appelle PECH. En fait, Caroline pourrait vous en parler, parce que Caroline a déjà travaillé là avant d'aller à l'APUR, mais c'est un organisme qui intervient... qui se donne comme mission beaucoup par rapport à la clientèle qui ont des problèmes de santé mentale judiciarisés, donc... mais qui a développé au fil des ans différents volets de services, dont un volet d'intervention de crise. Puis c'est un organisme qui avait quand même tissé des collaborations quand même assez étroites avec les services de police de Québec. Donc, on parle d'un organisme, là, qui a un budget annuel de 2 millions par année, là. Ce n'est pas... On ne parle pas d'un petit groupe d'entraide. On parle d'un organisme quand même relativement bien structuré, là.

M. St-Arnaud: Mais il y a une collaboration. Et là on tente de déjudiciariser le cas, là, qui vient de se produire, là.

M. Rice (Charles): Carrément. Carrément.

M. St-Arnaud: Carrément. Donc, il n'y aura pas...

M. Rice (Charles): C'est vraiment éviter... Parce que le policier, lui, il a un pouvoir discrétionnaire. O.K.? Quand il est confronté à des situations comme ça, il a le choix de judiciariser ou pas la situation. Puis souvent il est poigné avec ça. Il faut qu'il fasse de quoi. La personne est là, elle délire devant... donc je fais quoi avec? Je l'amène en dedans? Je ne suis pas pour la laisser toute seule. Sauf que, si on lui donne cette possibilité-là, cette opportunité-là qu'on relate de 30 minutes. Il y a deux personnes qui arrivent, puis, là, eux autres, ils vont s'en prendre... le policier peut dire: Écoute, correct, je vous laisse aller, prenez-le en charge, puis la personne... si la personne est consentante, bien sûr. Bon, évidemment, je pense qu'on peut réussir à dévier, à dévier une bonne partie du trafic des gens qui se ramassent dans les réseaux correctionnels qui, à mon avis, n'ont pas d'affaire là.

M. St-Arnaud: À Montréal, est-ce qu'il y a la même chose?

M. Rice (Charles): À Montréal, il y a UPS-Justice, qui remplit à peu près le même rôle, qui... UPS-Justice est géré par un CSSS ou un CLSC, puis il y a aussi... j'ai eu écho aussi... puis, ça, j'ai vu ça par des reportages, là, parce que nous, on couvre plus la région de Québec, mais je sais qu'à Montréal il y a un policier qui est dédié spécifiquement au niveau de l'intervention de crise.

Évidemment, il existe différents modèles. C'est différents modèles, puis, bon, je pense que chaque modèle a ses avantages, d'autres a ses inconvénients, mais...

M. St-Arnaud: ...au niveau du ministère, ça devrait être encadré, ce modèle-là. C'est ça que, quand vous dites, là: Il faudrait à un moment donné qu'il y ait un encadrement, puis qu'on essaie le plus possible de dévier le trafic vers... de cette façon-là. Mais, évidemment, il y a une partie du trafic qui risque de rester dans le système judiciaire des fois parce que les gestes sont, justement, plus graves. Ça peut être des voies de fait causant des lésions, tout ça, ça peut être des...

Mais ces gens-là se retrouvent aussi dans le système correctionnel. Généralement, ils ne vont pas au fédéral, ils s'en viennent dans le système correctionnel québécois, dans nos prisons, puis là aussi je ne sais pas si vous avez une connaissance... Là aussi, il me semble qu'il y a un manque de formation de nos agents correctionnels, puis là aussi... C'est pour ça, la piste que je disais tantôt: il me semble qu'il faut trouver une façon de... Parce que, moi, les échos que j'ai, là, des gens qui sont dans les prisons, c'est des agents correctionnels, c'est: Nous autres, on n'a pas de formation pour ça, ça fait qu'on les garde, puis on les ressort, puis ils ressortent aussi pire sinon pire que quand ils sont rentrés.

Il y a aussi une autre partie là, parce que des fois tu ne peux pas tout déjudiciariser.

M. Rice (Charles): ...donc, on va en échapper quelques-uns aussi, puis vous avez parfaitement raison pour dire aussi: Le milieu correctionnel devrait bénéficier de la formation. Et d'ailleurs, quand on regarde ce qui s'est passé dans l'affaire Castagnetta, c'est beaucoup du côté correctionnel, je dirais, que ça a dérapé pas mal, là, tu sais. Donc, moi, je pense que oui, il faut intervenir aux deux niveaux.

Mais, tu sais, je pense qu'il faut se pencher... Il y a eu aussi un comité interministériel qui a remis un rapport l'an dernier, hein, qui s'était penché... Nous, on avait demandé d'élargir le mandat de ce comité-là pour se pencher sur la question des mécanismes de déjudiciarisation puis de contournement dont je vous ai parlé, et on n'a pas fait ça. Finalement, on a parlé essentiellement d'intendance, hein, entre la psychiatrie légale puis...

Je ne dis pas que ces questions-là ne sont pas importantes, je dirais que, tu sais, si on se limite juste à faire ça, c'est dire: Bien, écoute, qu'est-ce qu'on peut faire par rapport aux gens qui sont en dedans? Mais on ne se pose pas la question: Comment ça se fait... comment on aurait pu éviter que les gens se ramassent en dedans? Je pense qu'on passe à côté de la question.

Donc, moi, je pense que cette question-là, elle demeure en entier, elle va être de plus en plus présente. Les policiers vont être de plus en plus confrontés à des situations comme ça. Ce n'est pas des situations faciles, comme je disais tantôt, mais comment qu'on fait pour les épauler par rapport à ça? Moi, je pense, c'est ça, le fond de la question qui déborde beaucoup le projet de loi, je conviens, là, mais je me dis: Comment qu'on fait pour éviter que les gens, les policiers se retrouvent devant... avant de tirer la gâchette, là, qu'est-ce qu'on aurait pu faire pour prévenir ces situations-là? C'est un peu ça, le but de notre propos aujourd'hui.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, je vais maintenant céder la parole à M. le député de Chomedey.

M. Ouellette: Merci, Mme la Présidente. Je vais avoir juste une question. Merci d'être là. Vous avez abondamment parlé du dossier Castagnetta. Est-ce que... Vous avez aussi parlé qu'il y a un contact, c'est-à-dire il y a un policier de formé au service de police de la ville de Québec... Non?

M. Rice (Charles): ...

M. Ouellette: O.K., j'avais l'impression...

M. Rice (Charles): Non, je disais qu'à Montréal il y a un policier qui est dédié à...

M. Ouellette: Oui, ça, c'est correct, mais, dans votre présentation initiale, j'avais compris qu'il y avait un protocole avec la ville de Québec et qu'il y avait un policier qui était dédié à cette relation-là.

Je vais y aller plus spécifiquement avec mes questions. Depuis le dossier Castagnetta, depuis les conclusions du dossier Castagnetta, sûrement qu'il y a eu des rencontres avec le service de police de la ville de Québec. Est-ce que le protocole qu'il y avait est issu du dossier Castagnetta, ou il existait avant? Est-ce que c'est mieux?

Je sais qu'à Montréal, oui, il y a un policier puis, oui, à Montréal, même, je pense qu'ils sont en train de regarder pour avoir en disponibilité 24/24, avec un policier en devoir, une ressource disponible à intervenir sur-le-champ, sur toute situation, parce que vous savez que les situations impliquant des policiers très souvent dégénèrent dans des secondes, des minutes, c'est très, très, très rapide, et très souvent, 30 minutes, c'est fini, là. On est rendus avec d'autres éléments. Et je pense que, dans la ville de Montréal, il y a peut-être quelque chose qui est en train de se mettre sur pied de façon à avoir une ressource disponible 24 heures par jour.

Mais je veux revenir à Québec, je veux revenir au dossier Castagnetta, que vous avez abondamment fait état. Depuis ce dossier-là, est-ce qu'il y a eu des démarches de faites soit par votre organisme ou soit par d'autres, des rencontres avec la police de Québec? Est-ce qu'il y a eu amélioration du protocole? Est-ce qu'au niveau du Service de police de la ville de Québec il y a des policiers qui sont spécifiquement dédiés à ce genre de situation-là ou qui sont en liaison ou qui sont en rapport avec vous et prêts à intervenir sur toutes les relèves, 24 heures par jour?

**(16 h 40)**

M. Rice (Charles): Oui. En fait, le modèle de Québec, c'est que l'intervention de crise est assumée par un organisme. Donc, il n'y a pas de policer qui est dédié spécifiquement à ça, c'est l'ensemble des corps policiers... l'ensemble des policiers peuvent avoir accès à un numéro de téléphone unique qu'uniquement les policiers ont, et, de là, bien, évidemment, il y a un processus qui s'enclenche, puis il y a deux intervenants qui peuvent venir sur place. Donc, c'est le modèle de Québec.

Avant, je vais vous dire, avant l'affaire Castagnetta, ce protocole-là existait. Et d'ailleurs c'est un des reproches qu'on a faits, c'est: Comment ça se fait qu'on n'a pas fait appel à ce service-là dans l'affaire Castagnetta? Parce que le service était en place. Le policier a eu le choix d'appeler ou de ne pas appeler. Dans ce cas-ci, ils n'ont pas appelé. On le déplore. On pense que.. Encore là, on n'était pas sur place, mais on pense qu'on aurait dû essayer d'autres alternatives avant d'arriver avec une intervention musclée comme le Taser. Mais, encore là, c'est un des reproches qu'on a faits.

Mais, tu sais, à savoir si les relations se sont améliorées avec les services de police... Il n'était pas mauvais non plus avant, là. Tu sais, les relations étaient plutôt correctes à Québec, je dirais, avec le service de policiers et un organisme qui est en partenariat de façon plus étroite avec les policiers que les autres organismes. Mais, tu sais, je te dirais que les relations n'étaient pas nécessairement mauvaises avant; c'est que, dans ce cas-là, je pense qu'on l'a échappé. Castagnetta, je pense qu'il a été échappé dans le système. C'est dommage, tu sais.

Mais comment qu'on fait pour éviter que des situations comme ça se reproduisent? C'est ça, la grande question que nous, on se pose.

Je crois que Caroline pourrait peut-être renchérir, puisqu'elle-même elle a travaillé directement par rapport au service dont on parle, là.

Mme Busque (Caroline): Bien, justement, à Québec, le protocole existait avant l'histoire Castagnetta, puis, à ma connaissance, il n'a pas été bonifié par la suite parce que le système fonctionne très bien. La seule chose, c'est que c'est encore à la discrétion du patrouilleur de téléphoner ou non au service de crise. Pour l'avoir fait, pour avoir été intervenante sur ce service-là, ça donne des très bons résultats. Les gens sont là en dedans d'une trentaine de minutes, puis, comme nous, on est disponibles et qu'on a le temps à consacrer, on peut calmer la crise puis éviter ce genre de situation là.

Une solution qui pourrait être importante, qui pourrait être intéressante, c'est de systématiser l'appel aux ressources qui sont disponibles, qui sont dédiées à ça, parce que les policiers font un bon travail, mais ce n'est pas le principal de leur travail de faire de l'intervention psychosociale et de calmer les crises de ce type-là. Donc, en systématisant l'appel aux ressources disponibles, ça faciliterait puis ça éviterait bien des difficultés.

Puis je reviens à ce qui était demandé tout à l'heure concernant des ailes spécifiques dédiées à la santé mentale dans les pénitenciers. Je ne crois pas que ce soit souhaitable. C'est sûr que je n'ai pas fouillé, là, à fond la question, mais je ne pense pas que ce soit souhaitable. Ce qui serait important par contre, c'est qu'on rende disponibles les ressources, quand la personne... on ne peut pas éviter la judiciarisation pour toutes sortes de raisons. C'est que les ressources soient disponibles, tant le psychiatre que des infirmières, de la médication dont la personne a besoin au moment où elle en a besoin.

La Présidente (Mme Vallée): M. le député de Chomedey.

M. Ouellette: Mme la Présidente, merci. D'où l'importance de la suggestion de votre cinq heures de formation?

M. Rice (Charles): Oui, oui, oui.

M. Ouellette: Pour nous, et je vous dirais qu'en partant du moment où ce sera dans la formation de base, et Mme Gagnon, de l'école de police, hier, avait toute l'ouverture du monde, et je sais qu'ils ont amélioré leurs programmes dans différentes sphères d'activité sur des rapports du coroner, sur des enquêtes et sur des conclusions d'enquêtes, de façon à toujours offrir les plus hauts standards... Donc, si c'est dans la formation de base, pour que le policier ait l'information de base, soit en mesure de reconnaître, et que ça puisse après être dans le protocole des organisations au niveau des interventions, que ce sera des directives internes au niveau de chacune des organisations, bien, en partant du moment où tout le monde aura eu la formation de base, on avance, là. Et effectivement on pourra, à un moment donné, prévenir, et on pourra, à un moment donné, éviter de se poser la question: J'appelle-tu? J'appelle-tu pas, là? Je veux dire, pose-toi la même pas, la question: il y a des ressources qui sont là.

Et, vous l'avez mentionné, je le répète, les policiers font un travail très professionnel et... à Québec, à Montréal, mais à Québec, pour l'avoir expérimenté dans le passé, j'abonde absolument dans le sens que vous dites.

Effectivement, on l'a peut-être échappée, celle-là, mais je pense que votre suggestion de formation, le ministre, je pense, a été très réceptif et va exactement dans le même sens de la présentation que Mme Gagnon nous a faite hier et de l'ouverture que l'École nationale de police a. Parce que, dans les faits, la protection du public, c'est très important, et tout ce qu'on est en mesure d'offrir comme outil aux gens qui ont à intervenir... Parce qu'il y a toujours la fraction de seconde, hein, parce que ça prend juste une fraction de seconde pour dégénérer dans une situation, mais savoir reconnaître les signes, c'est très important. Ça fait que... Je ne sais pas si vous avez un autre commentaire relativement à celui-là?

M. Rice (Charles): Oui, mais peut-être préciser... En fait, ce qui est proposé, ce qui est suggéré par le rapport américain dont je vous ai parlé tantôt, c'est huit à 15 heures pour les aspirants policiers, donc à l'école de formation à Nicolet, et la formation permanente -- ça, ça m'apparaît le morceau important -- on parle de 20 heures par tranche de trois ans. Vingt heures par tranche de trois ans, on est loin de ça ici. Je sais qu'à Québec on a des... tu sais, on a des fois des invitations, mais, tu sais, encore là c'est laissé au bon vouloir de chacun des corps policiers, selon leur sensibilité, puis... Mais je me dis: On peut-u structurer ça puis garantir que chaque corps policier ait minimalement 20 heures de formation permanente par tranche de trois ans?

Puis, quand on parle de formation, c'est des formations qui sont liées à des situations réelles, là. Tu sais, l'idée, ce n'est pas de leur apprendre la pyramide de Maslow, là, tu sais, c'est d'apprendre... quand tu arrives... quand tu es confronté à une situation, tu fais quoi? C'est quoi, la façon d'être qui est plus gagnante dans cette situation-là?

Et on suggérerait aussi qu'il y ait des visites de faites dans les groupes communautaires. Nous, on serait très ouverts à ça, nous, on est un regroupement d'organismes communautaires, mais on serait très ouverts à faciliter ça, de la part des corps policiers qui voudraient se familiariser un peu avec notre domaine.

La Présidente (Mme Vallée): Je vous remercie. On a épuisé tout le temps qui nous était alloué. Alors, je vais maintenant céder la parole au député de Chambly, pour un bloc de 7 min 45 s.

M. St-Arnaud: Merci, Mme la Présidente. Ce sera bref. J'aurais peut-être une dernière question. Pour revenir au projet de loi n° 46 que nous étudions, il prévoit, à l'article 289.1, là, le champ d'application d'une enquête indépendante, et on dit: «Une enquête indépendante doit être tenue lorsqu'une personne, autre qu'un policier en devoir, décède, est blessée gravement ou est blessée par une arme à feu utilisée par un policier lors d'une intervention policière ou lors de sa détention par un corps de police.»

En 2010, la Protectrice du citoyen, dans son rapport sur ces questions, disait... proposait d'ajouter «les blessures résultant de l'utilisation d'un dispositif à impulsion électrique, [le Taser,] puisque l'utilisation de cette arme est normalement limitée aux situations graves et exceptionnelles qui menacent la vie ou la sécurité physique des policiers impliqués ou d'autres personnes. De plus, l'utilisation de cette arme peut conduire à des conséquences graves pour la santé d'une personne et peut aussi entraîner la mort.»

Et, dans son mémoire qu'elle nous a présenté lundi, elle allait dans le même sens, c'est-à-dire qu'elle nous recommandait d'élargir le champ d'application des enquêtes indépendantes à toute intervention policière où le Taser, le pistolet à impulsion électrique, a été utilisé. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Rice (Charles): Bien, écoutez, on abonderait dans le même sens. Et d'ailleurs nous, on a demandé... en fait, on a fait partie d'une coalition qui a demandé le retrait purement et simplement du Taser, compte tenu des inconnues qu'il y a par rapport à ça.

Mais, ceci dit, tu sais, si on continue d'utiliser le Taser, on pense que oui, s'il y a eu utilisation du Taser, que les enquêtes devraient... il devrait y avoir la possibilité pour les enquêtes de porter là-dessus. Ça, là-dessus, on serait nettement favorables à ça. Ça, il n'y a pas de doute, là.

M. St-Arnaud: Excellent. Bien, ça complète pour moi, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Merci beaucoup. Alors, s'il n'y a pas d'autres interventions, nous allons maintenant céder la place au Service de police de la ville de Montréal. M. Rice, Mme Busque, je vous remercie de votre participation aux travaux de cette commission, puis je vous souhaite un bon retour.

Nous allons suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 49)

(Reprise à 17 h 18)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, nous allons reprendre. Dans un premier temps, compte tenu de l'heure et compte tenu que nous avons dû nous absenter pour une période de 20 minutes, je vais demander le consentement des membres de cette commission pour aller au-delà de l'heure qui est prévue à l'ordre du jour. Il y a consentement.

Alors, je souhaite la bienvenue au Service de police de la ville de Montréal. Alors, M. Marc Parent, M. Brochet, M. Cardinal, merci d'être présents. Je vous demanderais de bien vouloir présenter les autres membres de votre équipe qui vous accompagnent. Vous disposerez par la suite d'une période de 15 minutes pour vos représentations, et nous aurons des échanges avec les membres du gouvernement et de l'opposition.

Service de police de la ville de Montréal (SPVM)

M. Parent (Marc): Alors, juste à la gauche du directeur adjoint, Pierre Brochet, Peter Lambrinakos, qui est inspecteur chez nous aux crimes majeurs, et juste à sa gauche, au bout, Patrice Carrier, qui est lieutenant-détective aux crimes majeurs.

La Présidente (Mme Vallée): La parole est à vous. Merci.

M. Parent (Marc): Alors, merci, M. le Président, M. le ministre. En fait, c'est Mme la Présidente, c'est marqué M. le Président, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Vallée): Je n'ai pas l'impression d'avoir l'air d'un monsieur.

**(17 h 20)**

M. Parent (Marc): On a le droit de... Députés et membres de la commission, madame, monsieur, bonjour. Alors, je me présente, évidemment, Marc Parent. Vous avez les gens autour de moi qui vous ont été présentés. Vous devez comprendre aussi que Me Cardinal, bien, chez nous, est chef du Service des affaires juridiques et des affaires internes.

Je tiens d'abord à remercier le ministère de la Sécurité publique ainsi que les membres de la Commission des institutions d'avoir invité le Service de police de la ville de Montréal à venir soumettre ses commentaires à l'égard du projet de loi n° 46, déposé le 2 décembre dernier par le ministre de la Sécurité publique, M. Robert Dutil.

D'entrée de jeu, je tiens à informer la commission que le Service de police de la ville de Montréal appuie l'intention du projet de loi n° 46 d'emmener plus de confiance et une meilleure perception de transparence et d'intégrité dans le processus actuel des enquêtes indépendantes.

Mais, avant d'entrer dans le coeur du sujet, permettez-moi dans un premier temps de vous présenter le Service de police de la ville de Montréal. Le SPVM a juridiction sur l'ensemble du territoire de l'agglomération de Montréal depuis 1972. Notre territoire est de 500 kilomètres carrés et couvre les 19 arrondissements de la ville de Montréal et les 15 villes de banlieue reconstituées en 2006. Le SPVM offre des services policiers de base et des services spécialisés à environ 2 millions de résidents, soit approximativement le quart de la population du Québec. À ce chiffre s'ajoutent quotidiennement près de 300 000 personnes de l'extérieur qui viennent pour le travail, les études et les loisirs. En 2010, plus de 474 000 appels ont été répartis aux policiers du SPVM, pour une moyenne de 1 300 appels par jour. Près de 120 000 infractions au Code criminel ont été enregistrées, ce qui représente 32 % de l'ensemble des crimes rapportés au Québec.

De plus, les policiers du SPVM doivent composer avec des problématiques urbaines complexes, telles que l'itinérance, la prostitution, les problèmes de santé mentale, la toxicomanie, les gangs de rue, pour ne nommer que celles-là. Il est d'ailleurs difficile d'établir le nombre d'itinérants sur l'île de Montréal. Toutefois, les différentes études dans le domaine mentionnent qu'il y aurait entre 15 000 et 30 000 itinérants sur le territoire montréalais.

En date d'aujourd'hui, le SPVM compte 4 652 policiers, ce qui en fait le deuxième service de police municipal le plus important au Canada. Ses effectifs représentent 30 % de l'ensemble des policiers du Québec et près de la moitié des policiers municipaux.

Le SPVM est une organisation policière engagée dans une démarche où nos relations avec les citoyens sont basées sur le respect, l'intégrité et l'engagement du personnel envers les citoyens. Les propos que je vais tenir aujourd'hui tiennent compte de l'importance de la transparence et de l'éthique. La confiance qui doit régner et guider nos policiers dans la communauté et le respect mutuel qui existe entre les policiers et les citoyens sont aussi des éléments essentiels dont nous venons... ou nous devons, pardon, tenir compte. Aujourd'hui, le besoin de partager l'information doit remplacer le besoin de savoir, puisque nous traitons les acteurs de la communauté comme de réels partenaires afin qu'ils deviennent des alliés dans le maintien de la sécurité publique. Auparavant, la loi était orientée pour un citoyen qui avait peu besoin de savoir, alors que, maintenant, la population a besoin de savoir plus, et le fait de ne pas partager nous coupe souvent d'une grande partie de collaboration et d'information auprès de ces partenaires.

Le rôle des policiers. Dans un premier temps, il est important de rappeler que les policiers jouent un rôle essentiel dans une société libre et démocratique. Ils ont pour mandat d'assurer la paix, la sécurité publique, de servir et de protéger les droits des citoyens. Ils doivent également combattre le crime, faire respecter les lois, les règlements municipaux et répondre aux appels d'urgence, ce qui représente environ 1,5 million d'interventions par année uniquement pour les policiers du SPVM. Dans ces circonstances, et puisque la sécurité des personnes est la première préoccupation des policiers, il peut se produire des situations nécessitant l'usage de la force, pouvant conduire à des blessures graves ou à la mort. C'est dans de telles circonstances que les enquêtes indépendantes sont déclenchées.

À titre de renseignement, au cours des cinq dernières années, le SPVM a fait 40 enquêtes indépendantes sur d'autres corps policiers et en a fait l'objet de 34. La loi est claire: une enquête indépendante est déclenchée dès qu'un citoyen est tué ou blessé grièvement au cours d'une intervention policière ou pendant une détention. Le déclenchement d'une enquête indépendante ne signifie donc en rien qu'il y a de facto une enquête sur une erreur présumée d'un policier. L'enquête indépendante vise, dans les faits, à démontrer s'il y a eu une infraction criminelle ou non dans l'intervention du ou des policiers impliqués. L'objectif poursuivi par une enquête indépendante étant méconnu, on peut comprendre que des personnes ou des groupes de personnes critiquent le nombre peu élevé d'accusations criminelles déposées contre les policiers par rapport au nombre total d'enquêtes indépendantes déclenchées au cours d'une année.

Si nous sommes ici ce soir, c'est pour se questionner sur le processus des enquêtes indépendantes qui, nous en conviendrons tous, suscitent des questionnements et une perception de manque de transparence, donc peu crédible parce que la confiance mutuelle n'est pas établie. Cette perception de manque de transparence est une source de frustration et d'incompréhension pour les familles qui sont touchées et pour la population en général. Il faut changer nos façons de faire afin que ces gens puissent connaître les circonstances dans lesquelles un événement est survenu.

La police qui enquête sur la police. Il faut également se rappeler que le dépôt du projet de loi n° 46 fait suite aux nombreuses critiques de la société civile sur le processus des enquêtes indépendantes, décrit par plusieurs comme un système où la police enquête sur la police. Au Québec, il existe déjà un contrôle de la société civile sur les enquêtes mettant en cause les policiers. Je parle ici de la déontologie policière, un système encadré par la Loi sur la police, qui vise une meilleure protection des citoyens en veillant au respect de leurs droits et libertés. Il faut se rappeler qu'une enquête déontologique ou même une enquête interne peuvent être demandées au même moment qu'une enquête indépendante.

Bien que ces enquêtes doivent être menées une fois que l'enquête indépendante est terminée, elles existent et sont pertinentes. De plus, tout policier a l'obligation de dénoncer à son directeur le comportement d'un autre policier susceptible de constituer une infraction criminelle ou en déontologie. Le directeur d'un corps de police doit, lui, sans délai, informer le ministre de toute allégation criminelle. L'actuel processus d'enquête indépendante prévoit depuis longtemps que le rapport d'enquête soit soumis à un procureur du Directeur des poursuites criminelles et pénales et que c'est le DPCP, et non un service de police, qui prend la décision, en dernier lieu, de porter ou non des accusations criminelles contre un policier. Tout cela pour dire que l'actuel processus accorde une place à la surveillance civile des actions policières.

Les enquêtes indépendantes. Cela étant dit, dans le passé, j'ai dit publiquement qu'il y avait une nécessité de revoir le modèle actuel des enquêtes indépendantes, et ce, afin d'amener plus de transparence et de redonner confiance envers ce système à la population. Les délais sont trop longs et aucun élément d'enquête n'est communiqué. J'ai aussi déclaré que le travail d'enquête nécessite une expertise policière dans la cueillette des informations et la préparation de la preuve que seuls les policiers aguerris peuvent maîtriser. Les policiers ont une solide expertise dans la prise en charge et l'analyse de scènes et dans la rédaction de précis de faits, que je pourrais aussi appeler rapports d'enquête. Les policiers sont formés à l'École nationale de police du Québec, mais nos enquêteurs spécialisés reçoivent aussi des formations et des perfectionnements très pointus.

Je comprends toutefois la perception de la population de remettre en question l'impartialité des enquêtes indépendantes, notamment puisque la loi limite nos capacités à communiquer les éléments en enquête ou sa conclusion, laissant ainsi place à toute interprétation.

Cela étant dit, dans une entrevue qu'accordait le 22 juillet 2010 Me Serge Ménard, ancien ministre de la Justice et de la Sécurité publique du Québec, et dont les propos sont repris dans le livre d'André Fiset, Qui doit policer la police?, Me Ménard mentionnait: «Faire une enquête, c'est un métier, c'est une profession. Cela demande une formation et ça demande de l'expérience. Il n'y a pas d'autre endroit où que l'on puisse développer une expertise dans la conduite d'enquête que dans un corps de police.» Il ajoutait: «C'est dans la nature des choses que les enquêtes sur des actes criminels soient faites par des gens compétents, et cette compétence n'est acquise que dans les corps de police.»

Cet extrait ne veut pas dire que le processus doit être exclusivement géré par des policiers et qu'il n'y a pas de place à une implication significative pour des civils. Pour le SPVM, la création du Bureau civil de surveillance des enquêtes indépendantes est un pas de plus dans la place que doivent occuper les civils dans le processus d'enquêtes indépendantes. Il devrait permettre d'atteindre un meilleur équilibre entre le maintien de l'expertise policière et la contribution que peuvent apporter les civils afin que les enquêtes indépendantes soient davantage perçues transparentes et crédibles.

Quelques commentaires plus particuliers. Par ailleurs, tel que nous l'avons mentionné préalablement, le Service de police de la ville de Montréal appuie l'intention du projet de la loi n° 46, qui vise à amener plus de confiance et une meilleure perception de transparence et d'intégrité dans le processus actuel des enquêtes indépendantes.

**(17 h 30)**

Afin d'y arriver, nous croyons qu'il est important que les délais d'enquêtes soient réduits. C'est pourquoi nous proposons que la remise du rapport d'enquête se fasse simultanément au Bureau civil de surveillance et au Directeur des poursuites criminelles et pénales.

De plus, nous croyons que ce qui suscite la critique du système actuel, c'est le fait que les éléments d'enquête soumis au Directeur des poursuites criminelles et pénales par les policiers ne soient jamais communiqués soit à la famille, aux proches ou à la population. La réaction de colère, d'incompréhension et de déception de ces derniers est parfaitement compréhensible. Il faudrait donc regarder la possibilité de rendre publics les éléments d'enquête et les conclusions des enquêtes lorsqu'aucun processus judiciaire n'est enclenché.

En terminant, le SPVM croit que le projet de loi n° 46 dans sa forme actuelle est un pas important vers un meilleur équilibre entre le maintien de l'expertise policière et le rôle clé que peuvent jouer les civils dans la conduite des enquêtes indépendantes. Je crois personnellement qu'en assujettissant le processus d'enquête mené par des policiers avec des instances civiles qui assurent l'impartialité quant à la méthodologie, le protocole, l'analyse des enquêtes et qu'en tenant compte que nous rendions publics des éléments d'enquête pendant et après cette dernière, qu'en réduisant les délais d'enquête le gouvernement du Québec répondrait à l'une des critiques maintes fois entendues par les citoyens au plan de la crédibilité, de l'impartialité et de la transparence.

Je vous remercie, membres de la commission, de votre attention.

La Présidente (Mme Vallée): Merci beaucoup, M. Parent. Alors, je vais maintenant céder la parole à M. le ministre.

M. Dutil: Merci, Mme la Présidente. Merci de votre présentation. Je vais être relativement bref, je veux laisser à mon collègue de Chomedey le plus de temps possible, mais je veux revenir sur un point bien important et qui semble faire l'unanimité, c'est la communication des éléments de l'enquête. J'ai évoqué ça hier devant un autre groupe où... il y a une différence entre une enquête qui est faite sans que le public soit au courant qu'il y ait une enquête...

Une enquête criminelle souvent peut être faite par les corps de police. Elle se fait... Les éléments sont envoyés au DPCP s'il y a matière à accusation criminelle, et, s'il n'y a pas d'accusation criminelle, le DPCP ne le révèle pas publiquement pour une raison qui me semble évidente. C'est parce qu'il estime avoir affaire à quelqu'un qui est innocent ou dont on ne peut pas prouver la culpabilité de façon... hors de tout doute raisonnable. Puis c'est correct, je pense que c'est correct que quelqu'un qui n'est pas accusé et dont on ne sait pas qu'il y a eu une enquête le fasse. On n'est pas dans cette configuration-là.

La configuration qu'on a, c'est qu'on sait qu'il y a une enquête. Dans ce cas-là, quand il y a eu mort d'homme ou blessure grave, on sait qu'il y a une enquête, et donc la population est bien au fait de cela, et vous mentionnez qu'il y a une frustration de ne pas connaître les éléments de cette enquête-là. Donc, vous corroborez, vous êtes d'accord avec, je pense, tous les intervenants qu'on a eus à date et qui sont intervenus sur ce sujet-là à l'effet qu'il y aurait une grande partie de la tension qui existe qui diminuerait si, au niveau du DPCP, on révélait les éléments de l'enquête et pourquoi il n'y a pas d'accusation au criminel ou pourquoi il y en a une. Évidemment, ça, ça serait automatique, mais pourquoi il n'y en a pas.

M. Parent (Marc): On soutient cette approche-là, et, même en cours d'enquête, je pense qu'il pourrait être possible, peu importe quelle instance, ça pourrait être le bureau de surveillance qui pourrait faire un état de situation parfois sur... disons qu'on envoie des exhibis ou qu'on a de la balistique, il y a une analyse approfondie, on attend des tests d'ADN. On peut avoir aussi, en matière de toxicologie, des résultats qui peuvent prendre plusieurs mois, et les gens ne savent pas ça. Et le fait de venir exprimer des fois les délais dans le processus, ça peut justement clarifier certains points. Ça ne nuira pas au procès, ça ne nuira pas à l'enquête, lorsque ce sont des faits quand même connus.

Évidemment, il y a toujours la question de venir... est-ce qu'on peut parler entre autres... Si, exemple, il y a une personne concernée dans l'intervention qui était sous l'effet de drogues, peut-être qu'on ne veut pas le dire à ce moment-là, mais il y aurait une décision qui pourrait être prise à savoir qu'est-ce qu'on veut divulguer ou non, en collaboration entre le DPCP, le bureau de surveillance. Mais il est clair qu'il y a un besoin de communiquer plus, et je pense que la société d'aujourd'hui s'attend à plus aussi en termes d'informations.

Et je pense que, du même coup, ça nous permet aussi d'éduquer la population sur, parfois, la complexité des enquêtes policières et ce que ça peut représenter comme délais normaux. Ce n'est pas anormal que ça puisse prendre parfois 125, 200, 250 jours avant de déposer un dossier au DPCP. Et, par la suite aussi, le DPCP peut avoir des raisons qui leur sont propres pour prendre un certain temps pour faire l'analyse d'un dossier.

Alors, je pense qu'il y a moyen de trouver et de baliser comment on pourrait communiquer et qu'est-ce qu'on pourrait communiquer pour rendre ça d'une façon, disons, plus uniforme, puis qui répondrait sûrement à une grande préoccupation, là, de l'ensemble des citoyens et souvent aussi des familles, parce qu'on veut bien supporter les familles lors d'une enquête indépendante. Toutefois, il y a des choses qui nous sont impossibles à leur transmettre compte tenu de la loi.

La Présidente (Mme Vallée): M. le ministre.

M. Dutil: Merci, M. Parent. Alors, comme vous mentionnez, je vous demanderais de céder la parole au député de Chomedey.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, M. le député de Chomedey.

M. Ouellette: Merci, Mme la Présidente. Je ne voulais pas bousculer M. le ministre, mais on a d'autres obligations à 18 heures et on va devoir vous quitter.

Je veux revenir, M. Parent, et je vais annoncer une couleur: hier, on a eu la directrice de l'école de police hier et on faisait état, parce qu'on a beaucoup entendu parler, dans les différents groupes que nous avons vus, d'expertise policière, et je mentionnais hier qu'il y a environ 15 000 policiers au Québec, je disais qu'il y en avait peut-être une centaine qui étaient superspécialisés ou qui étaient très spécialisés dans ce genre de dossier là. Je veux rectifier mon chiffre factuel, il faut descendre à 82: on me disait qu'il y en avait 24 au SPVM, il y en a tout près de 48 à la Sûreté du Québec, il y en a une dizaine au corps... au service de police de Québec, donc on est à 82 enquêteurs qui ont plus d'expertise, qui ont plus d'expérience et qui vont être appelés à jouer un rôle dans les enquêtes indépendantes au premier chef.

Je pense qu'il est important pour les gens qui nous écoutent, parce qu'il faut savoir comment ça fonctionne, et ma première question va toucher le déploiement... Quand vous avez un appel pour enquêter, bon, il y a un événement qui arrive sur le territoire de la Sûreté du Québec et le ministre, le bureau du ministre vous appelle, et vous devez déployer des effectifs pour une enquête indépendante, je vais avoir besoin de savoir: Vous partez à deux, vous partez à 20, vous partez à 10, compte tenu du fait que vous avez 24 personnes qui sont spécialisées?

L'autre élément qu'on a beaucoup fait état, c'est parce que, dans le projet de loi, on parle d'un agent de liaison, et, dans un souci de transparence, les gens sont inquiets, les gens se disent: Il n'y a pas de communication avec les proches, avec la famille. La police ne nous tient pas au courant de ce qui se passe. Je pense que c'est important que vous rassuriez les gens et que vous nous disiez, au Service de police de la ville de Montréal, comment ça se passe.

Donc, je veux savoir le déploiement et, au niveau du contact, de la liaison, de la relation qu'il y a avec les proches, la famille, qu'est-ce qui est fait dans ce déploiement-là compte tenu du fait que vous avez la responsabilité de l'enquête indépendante qui vous est confiée par le ministre.

M. Parent (Marc): Évidemment, c'est toujours en fonction aussi de l'envergure de la scène. De base, normalement, c'est six enquêteurs au dossier, là, qui vont débarquer sur la scène avec un superviseur, un chargé d'enquête. Puis là il faut ajouter à ça évidemment l'identité judiciaire, donc toute la logistique aussi qui vient supporter l'équipe d'enquêteurs qui va être déployée.

Nous, une des raisons pourquoi Patrice Carrier est ici aujourd'hui, c'est qu'il est lieutenant-détective. Je vais le laisser préciser peut-être comment est-ce que ça se passe dans la vraie vie, là, comme on dit en langage de police, sur l'asphalte. Donc, une fois qu'on débarque sur les lieux puis qu'on fait une intervention en matière de scène de crime, qu'il vous donne les grandes lignes, là, quand même bien résumées... Et aussi, au niveau du support aux familles, je pense que c'est quelque chose qui peut être éclairé par Patrice. Parce qu'effectivement on fait un support aux familles, là, lorsqu'on est chargés de l'enquête.

M. Carrier (Patrice): Alors, Mme la Présidente, oui, lorsqu'on est appelés à être déployés n'importe où en province où on est appelés, la structure de commandement demande qu'il y ait un superviseur d'enquête, en l'occurrence un lieutenant détective accompagné, on donne le chiffre de six enquêteurs, parce qu'en moyenne c'est toujours effectivement six enquêteurs. Mais c'est selon les circonstances: si on nous annonce qu'on doit, par exemple, se rendre à Gatineau et qu'il y a une vingtaine de témoins, bien, vous comprendrez qu'on risque d'y aller à plus d'enquêteurs pour réduire les délais d'enquête justement, mais le chiffre de six enquêteurs est en fait la moyenne.

À cela s'ajoutent deux techniciens d'identité judiciaire et à tout cela s'ajoutent aussi des experts médico-légaux, que ce soient des experts en balistique du Laboratoire des sciences judiciaires et de médecine légale ou de biologie ou d'autres unités qui pourraient être mises à contribution.

Alors, ça, c'est la structure normale, mais c'est très malléable dépendamment, comme je vous dis, des éléments que l'on aura à enquêter sur la scène. Et c'est pourquoi qu'avant de se rendre on demande d'avoir un sommaire de l'événement pour savoir à quoi on a affaire justement et qu'est-ce qu'on va devoir accomplir comme travail.

Vous avez aussi abordé le volet des familles. Comme dans tout événement que l'on enquête dans notre travail policier, notamment aux crimes majeurs, il y a des enquêteurs effectivement qui vont être appelés, dès les premiers instants de l'enquête, à rencontrer la famille de la personne blessée ou décédée pour lui expliquer un peu les circonstances de notre intervention. Et c'est certain que les gens, lorsqu'on va à quelque part en province, ne sont pas habitués de voir débarquer des policiers de Montréal. Alors, on explique exactement c'est quoi, notre rôle dans pareille situation, et on maintient un contact avec ces familles-là tout au long du cheminement de l'enquête, qui peut durer, comme disait notre chef, plusieurs mois. Alors, les étapes de l'enquête leur sont expliquées, et, lorsque l'on a la conclusion de l'enquête, bien, c'est aussi nos enquêteurs qui sont attitrés à faire le suivi avec la famille, qui vont leur annoncer les conclusion du DPCP, sans toutefois donner les raisons des conclusions parce que là on ne les possède pas de toute façon. Alors, on fait le lien. On est en quelque sorte en liaison avec la famille en tout temps.

**(17 h 40)**

La Présidente (Mme Vallée): ...

M. Ouellette: Merci, Mme la Présidente, deux autres questions. Hier, j'ai aussi annoncé mes couleurs, parce qu'on a beaucoup parlé de rapport d'événement. Et je pense que c'est très important qu'on fasse le lien et qu'on explique aux gens qui nous écoutent: dans un service de police, il y a des rapports journaliers qui est un droit de gérance, il y a des rapports d'événement sur les différents événements, il y a... Non?

La Présidente (Mme Vallée): Vous n'avez plus de temps. On devra reprendre cet intéressant questionnement dans notre prochain bloc. Alors, M. le député de Chambly.

M. St-Arnaud: Merci, Mme la Présidente. Alors, je salue M. Parent et les gens qui l'accompagnent.

Vous êtes conscient, M. Parent, que ce que plusieurs sont venus nous dire et ce qu'on entend souvent dans la population, c'est... Et tantôt il y a un témoin, un peu plus tôt cet après-midi, qui nous disait: Le problème qu'on a avec le système actuel, et je reprends les termes utilisés par un témoin cet après-midi, c'est: On a l'impression que c'est des chums qui enquêtent sur des chums. C'est ce que quelqu'un est venu nous exprimer en des termes très, très simples, là, un peu plus tôt cet après-midi. Est-ce que vous croyez que... parce que, présentement, le projet de loi vise à maintenir le système actuel où un corps de police enquête sur un geste posé par un policier d'un autre corps de police qui aurait été impliqué dans un événement malheureux, est-ce que c'est suffisant?

Est-ce que la création du bureau civil vous apparaît, tel qu'il est dans le projet de loi... est-ce que c'est suffisant pour rassurer la population? Parce qu'on ne le sent pas vraiment, là, présentement, quand, depuis deux jours, on entend les différents intervenants qui se prononcent. Et autant, d'un côté, les policiers viennent nous dire -- et on a eu M. Côté de la fédération des policiers municipaux, lundi, qui est venu nous le dire -- autant les policiers nous disent: Non, il faut que ça demeure comme c'est au niveau de l'enquête, autant, quand on écoute la population et les différentes personnes qui sont venues témoigner devant nous, de façon quasi unanime, sont venues nous dire: Il faut changer ça. Est-ce que... Alors donc, comment on fait pour rassurer la population si on ne change pas le système qui fait en sorte que des policiers enquêtent sur des policiers?

M. Parent (Marc): Au départ, j'en ai parlé, là, dès le début de mon allocution, c'est la perception de transparence, et, comme vous dites, ça donne l'impression peut-être, effectivement, que ce sont des membres d'une même communauté professionnelle, donc des policiers qui enquêtent sur des policiers.

Mais il faut se rappeler au départ, premièrement, les gens des crimes majeurs, les policiers, ce sont des gens qui sont professionnels qui sont, à la base, intègres. Ils ont été choisis aussi pour leurs valeurs. Donc, c'est des gens qu'on a choisis, qu'on a triés sur le volet parce qu'on considère qu'ils ont les bonnes valeurs pour accomplir cette profession-là.

Et malheureusement ce que je perçois quand j'entends ces commentaires-là, c'est un manque d'information. Puis je ne veux pas utiliser le terme «on doit éduquer la population» pour avoir l'air de donner l'impression qu'ils n'ont pas nécessairement la connaissance ou... Je pense que de plus en plus les gens sont éduqués et savent ce qui se passe, là, dans la communauté policière. Mais c'est un domaine qui est beaucoup plus, je vous dirais, spécialisé, et on a peut-être besoin d'expliquer davantage comment est-ce que ça fonctionne.

Et, quand M. Carrier vous dit qu'il est déployé à l'extérieur, qu'il s'en va à Gatineau, il s'en va dans un autre corps de police quelconque dans le Québec, là, on comprend au départ que normalement les chances que vous connaissiez la personne sur qui vous allez enquêter sont extrêmement minces. Il existe d'ailleurs des formulaires, des déclarations pour demander si la personne peut être en situation de connaissance par rapport à ce corps de police là, pour éviter ces situations de conflit d'intérêts.

Évidemment, moi, je pense que ce qui est très rassurant dans ce cas-ci, c'est qu'on va être accompagnés dorénavant justement de personnel civil, donc d'instances civiles qui vont amener cette impartialité-là. Mais moi, je ne démords pas du fait que, si on veut continuer à avoir des enquêtes de qualité, il faut que ce soient nos experts terrain des crimes majeurs.

Et la question de perception, de transparence, de crédibilité et de confiance, on va devoir la bâtir à travers la communication et d'expliquer aux gens comment ça fonctionne et de faire savoir aussi... d'expliquer les délais et de quelle façon qu'on doit mener ces enquêtes-là pour qu'elles soient bien faites.

M. St-Arnaud: Le problème, M. Parent, nous, comme parlementaires, là, je comprends qu'il y a la population, mais on a des gens comme la Protectrice du citoyen, qui est nommée aux deux tiers par l'Assemblée nationale, qui a étudié la question, qui, après avoir étudié la question pendant plusieurs mois, avoir consulté, avoir regardé des modèles à l'étranger, nous dit: Il faut changer ça. Et elle propose...

Et on a le président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse qui même va encore plus loin que la Protectrice du citoyen dans son rapport de l'an dernier, vous connaissez, sur le profilage racial.

Alors, et ce qu'ils nous disent, ce que nous dit entre autres la Protectrice du citoyen, c'est: Il faut changer ça. Il faut une unité qui soit indépendante. Et on en est... Je partage l'opinion du ministre.

Et, hier, on a reçu la directrice de l'École nationale de police, qui est venue nous expliquer toute la formation qu'un enquêteur qui finit aux homicides, là, a.

Alors, est-ce qu'il n'y a pas une solution qui ferait en sorte que, dans une unité indépendante, on pourrait avoir, par exemple, des policiers à la retraite, des policiers qui ont été aux homicides, par exemple, chez vous, combinés à un expert civil désigné?

Et je faisais référence un peu plus tôt, cet après-midi -- on a eu l'occasion d'en discuter à une époque lointaine, en fait, c'était au siècle dernier, où je pratiquais le droit à Montréal -- lorsque je faisais des procès aux assises criminelles, avec des policiers du corps de police que vous dirigez, c'étaient toujours des équipes de deux enquêteurs pour chaque cause de meurtre, là. Il y avait deux enquêteurs qui menaient le dossier. Souvent, c'était une équipe, puis ils faisaient plusieurs dossiers, ils menaient leurs dossiers par équipe de deux.

Et, en réfléchissant, je me disais: Est-ce qu'on ne pourrait pas envisager une unité indépendante où on travaille en équipe de deux, où l'un des deux est un ancien policier qui a l'expérience et donc qui a l'expérience d'un enquêteur des homicides, l'autre étant un enquêteur civil désigné qui pourrait être pris... évidemment, là, qui travaillerait de pair dans le cadre... Et est-ce que cette façon de faire ne serait pas plus propice pour rassurer la population en quelque sorte?

M. Parent (Marc): Moi, je pense qu'on se priverait d'avoir des enquêteurs aguerris, qui font des dizaines d'enquêtes de scènes différentes en cours d'année, dans différentes situations, et, vous le savez comme moi, surtout à Montréal, mais dans différentes scènes, là, qu'on voit à travers la province, ce sont des scènes très médiatisées. Il y a une énorme pression. On nous demande des délais rapides. Ça prend des enquêteurs aguerris qui savent où est-ce qu'ils s'en vont, donc qui en font beaucoup, qui ont de la formation pointue.

Et le développement de tes compétences dans ce domaine-là est souvent dans le savoir tacite, ce que tu développes au fil du temps parce que tu en fais, tu le pratiques régulièrement, tu partages dans une unité d'enquête les façons de faire, les méthodes, et il y a du...

Et ça, là, c'est du savoir, puis là on peut tomber dans la gestion, mais le savoir justement dans ton expertise au quotidien, ça se développe en équipe de travail. Ces gens-là se parlent constamment, échangent sur des dossiers, regardent dans la méthode d'enquête qu'est-ce que je pourrais faire au niveau de l'interrogatoire quand je vais rencontrer tel témoin. Et ça, là, dans une équipe qui travaille ensemble au quotidien, une équipe importante, c'est sûr que l'expertise qui s'y développe est majeure.

Ceci étant dit, je pense qu'au niveau de l'expertise qui est développée dans cette unité-là est justement en collaboration et en partenariat avec une instance de surveillance qui a un rôle de justement s'assurer de l'impartialité, moi, je trouve que c'est une formule gagnante. Parce que, premièrement, on ne se prive pas de cette expertise-là. On a des gens en place qui ont les compétences pour le faire, et, en plus, on a des instances civiles qui s'assurent que tout est fait dans la transparence.

Puis je ne veux pas tomber dans les comparaisons, mais on a souvent cité l'exemple de l'Ontario, qui a aussi ses travers. Et même M. Marin, dans son dernier rapport en 2010, amenait beaucoup d'éléments qui nous sont reprochés à nous actuellement, qui sont reprochés à cette unité-là, qui est indépendante totalement pourtant. Alors, je pense que question aussi d'investir l'argent au bon endroit.

On parlait tout à l'heure... Normalement, une scène, c'est six enquêteurs, mais ça peut être très élastique. Moi, j'ai déjà vu des enquêteurs de la Sûreté du Québec, compte tenu du nombre de témoins, arriver à 12 ou 15 à la ville de Montréal. Donc, ça aussi, il faut avoir cette capacité-là de pouvoir manier une équipe, puis d'être prêts à débarquer tous ensemble.

**(17 h 50)**

M. St-Arnaud: Mais, en ce sens-là, moi, je vous rejoins sur beaucoup d'éléments, M. Parent, et, je vais vous dire, j'en ai déjà discuté avec Serge Ménard, qui était ministre de la Sécurité publique quand ma formation politique était au gouvernement, et puis je connais très bien sa position sur toutes ces questions, et...

Mais j'essaie de voir... Si vous aviez une unité indépendante où il y aurait une douzaine, ou une quinzaine, ou une vingtaine de personnes, incluant une dizaine de personnes qui ont été des enquêteurs aux homicides chez vous à la SQ et qui travailleraient avec... et dont... On pourrait même envisager que l'une de ces personnes, un policier chez vous qui a fait 10 ans aux homicides, qui a fait 15 ans aux homicides, soit même responsable en quelque sorte du duo, ou du trio, ou des cinq personnes qui vont enquêter sur un cas impliquant un policier. Parce que l'expertise, c'est sûr que l'expertise, elle est avant tout chez les gens qui... puis j'en ai tellement côtoyés dans une autre vie que je sais qu'est-ce que c'est quand on finit comme enquêteur aux homicides.

Mais on a un problème avec la perception populaire. On a la Protectrice du citoyen qui nous propose un modèle, qui est un peu semblable à... puis moi, je le retravaille. On a le président de la Commission des droits... Est-ce qu'il n'y a pas... On pourra y revenir tantôt dans l'autre bloc, parce que le mécanisme de... Parce que vous dites: Oui, il faut qu'il y ait une implication significative des civils. Honnêtement -- on pourra y revenir tantôt -- je ne la vois pas beaucoup dans le projet de loi n° 46 par le biais de l'observateur, tel qu'il est défini, là, dans la version actuelle du projet de loi.

Alors, il n'y aurait pas... ça ne vous apparaît pas un modèle qui serait intéressant, parce que l'expertise, quand vous... L'équipe, elle serait constituée... une équipe de 10. Il y aurait probablement cinq anciens enquêteurs des homicides, chez vous ou à la SQ ou dans un autre corps de police, et les autres seraient des enquêteurs civils qualifiés, qui pourraient être des procureurs de la couronne de 20 ans d'expérience, qui, après, s'en vont comme enquêteurs civils dans ce bureau, qui travaillent en collaboration, comme vous le faites dans certaines escouades.

L'équipe de deux, c'est un expert qui est quelqu'un qui a 25 ans d'expérience de police puis qui a été 10 ans aux homicides. Puis le deuxième dirigeant de cette équipe, c'est un procureur de la couronne qui a 20 ans d'expérience, qui sait c'est quoi, qui connaît le droit pénal sur le bout de ses doigts, avec qui, par exemple, vous êtes déjà habitués de travailler, parce que vous le faites dans certains... Est-ce qu'il n'y aurait pas là un modèle, tout ça dirigé par une personne qui soit un civil et par un directeur adjoint qui soit aussi un civil, qui donnerait... qui rassurerait la population. Il me semble que... j'essaie de voir... il me semble que cette piste-là n'est pas... a du sens.

M. Parent (Marc): Je veux revenir sur l'expertise des enquêteurs. Une chose qu'on doit aussi prendre en considération, c'est la vitesse effarante à laquelle évoluent les exigences en termes de compétence et de préparation de dossiers à la cour. Et il faudrait prendre la peine de parler avec les chargés d'enquête et les enquêteurs. Quand je vous dis que l'expertise est nécessaire et qu'ils doivent être aguerris, c'est parce qu'ils sont constamment en adaptation en fonction des nouvelles lois, des pratiques, des façons de faire, la nouvelle technologie. Avant, l'ADN n'existait pas; maintenant, on doit en tenir compte dans une enquête.

Écoutez, c'est extrêmement exigeant, puis je ne veux pas avoir l'impression, là, d'être chauvin puis de vous faire du protectionnisme. Ça n'a rien à voir, parce que, sincèrement, dans nos enquêtes, on n'a rien à cacher. Ça donne cette perception-là, mais, malheureusement, je pense qu'il faut aussi se donner le temps d'essayer avec une nouvelle instance, qui va peut-être justement venir démystifier, donner plus d'information, laisser comprendre aux gens, aussi, comment est-ce qu'une enquête se déroule. Et le fait de communiquer beaucoup plus, selon moi, va amener beaucoup plus, justement, de confiance dans le système qu'on propose de mettre en place.

Et moi, je continue à penser que la meilleure façon, c'est d'avoir des enquêteurs, qui sont, au quotidien, nos experts, puis qui évoluent en fonction des exigences et de l'expertise qu'ils développent à tous les jours.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. Parent. Alors, je vais céder la parole à M. le député de Chomedey.

M. Ouellette: Merci, Mme la Présidente. Donc, je reviens dans mon envolée oratoire de tantôt, là, par rapport au rapport, parce que je l'ai mentionné hier et on en a fait grand état dans les gens qui sont venus déposer. Même le Barreau disait que, sur une scène, après un événement, il faudrait que le rapport... il faudrait que le policier fasse immédiatement un rapport d'événement qu'on mettrait sous scellé, et que, si, en cours d'enquête, il s'avérait qu'il y avait des accusations ou que ça prenait une tangente x, ça ne pourrait pas servir de preuve ou ça ne pourrait pas servir contre le policier. Et je sais que, dans les différents corps de police -- je le sais par expérience, là -- qu'il y a différentes sortes de rapports: rapport journalier, qui est un droit de gérance sur les événements qui se sont passés dans la journée, le rapport d'événement... Je pense qu'il est très important de démystifier ce genre de choses là pour camper la position du Barreau, qu'on dit: Il faudrait faire un rapport d'événement immédiatement après les faits, de ce que le policier a vu.

L'autre élément que je veux aborder avec vous... vous avez parlé du DPCP. Et c'est vrai qu'en partant du moment où l'enquête est faite c'est remis au directeur des poursuites civiles et pénales, qui a à prendre la décision. Ça serait peut-être une très bonne suggestion qu'aussitôt qu'il y a une enquête indépendante qu'il y ait un procureur du DPCP avec le Bureau civil, qui est directement... et qui est appointé, un peu comme il se fait dans le crime organisé ou à l'UPAC ou ailleurs, où il y aura un procureur qui est appointé, qui suit, avec le Bureau civil, et qui apporte médiatiquement certains éléments, et qui, publiquement, selon les conclusions auxquelles il en arrive à la fin, transmet la communication à la population sur le déroulement de l'enquête, sur ce qu'il peut transmettre, et quelles en sont les raisons pour lesquelles il en arrive à ces conclusions-là.

Parce que, c'est bien beau mettre le singe sur les épaules du monde tout le temps, mais vous en avez... vous n'avez aucune relation dans la décision du DPCP: la police fait son enquête, soumet son rapport, et c'est une décision qui est prise... Donc, s'il y a un suivi du début à la fin, il sera plus en mesure d'apporter cette communication-là, parce que je pense qu'il y a dans la perception publique... Et, je le dis souvent à mes collègues, la différence entre la politique et la police, c'est qu'un est factuel, l'autre, on a des perceptions, très souvent.

Et je vous dirai que je pense que c'est très, très, très important que cette séparation-là se fasse et que la communication soit à son plus haut niveau, parce que, vous l'avez mentionné, quand il y a des délais, les gens ne comprennent pas, et, quand les gens ne comprennent pas, très souvent, ils se font des histoires, ils vont s'inventer des histoires. Et il y a toujours une pression parce que... Ça, ce sont mes deux éléments.

Et je reviendrai sur le policier après qui est l'objet d'une enquête... qui est l'objet, je veux dire, qui est impliqué dans une enquête indépendante. Ça ne finit pas, là, pour lui, là. Il y a la déontologie policière après qui passe par-dessus, puis il y a la discipline à l'interne qui passe par-dessus. Donc, trois fois, lui... Il a trois instances à traverser avant que le dossier soit complètement terminé. Et ça, on ne voit pas ça nulle part. Et ça, très souvent, les gens ne sont pas conscients de ce genre de choses là.

Donc, en réponse à mes deux premières interrogations, je ne sais pas si vous êtes en mesure de nous donner certains commentaires.

M. Parent (Marc): Oui, bien, pour les rapports, plus précisément, ce que je pourrais faire, c'est demander à Me Cardinal de vous expliquer justement la notion et la définition autour des rapports. Puis je reviendrai par la suite pour l'autre point. Vous me préciserez sur quel élément vous voulez que je vous réponde exactement.

La Présidente (Mme Vallée): Me Cardinal.

M. Cardinal (Alain): Merci, Mme la Présidente. Je pense que M. le député sait très bien qu'un rapport d'événement -- ce n'est pas à lui que je vais l'apprendre, mais c'est peut-être aux autres membres de la commission -- c'est un rapport administratif complété par des policiers à la suite d'un événement. Donc, un rapport d'événement, ça peut avoir un début et une fin, mais pas nécessairement la même journée, puisqu'il y a plusieurs éléments qui vont s'y retrouver.

Ce qui est peut-être la préoccupation du Barreau, ce sont les déclarations... Ce que le Barreau voulait savoir sans doute, c'est que le policier -- et ça aussi, c'est une préoccupation qui nous vient de l'Ontario, qui nous vient d'André Marin, qui a été soulevée dans certaines enquêtes chez nous -- que les policiers puissent donner une déclaration rapidement après les faits, de façon à ce que cette déclaration soit communiquée au service qui fait l'enquête.

Et vous savez qu'en vertu de la Loi de police les policiers au Québec ont cette obligation-là. C'est assez exceptionnel qu'un témoin soit obligé par la loi de donner une déclaration, mais c'est le cas des policiers. Ils ont aussi une autre obligation, qui est de collaborer à l'enquête. Ça aussi, un témoin, un témoin normal peut toujours dire à des policiers: Je ne collabore pas à votre enquête, je refuse de vous parler, je ne vous fais pas de déclaration. Ce qui n'est pas le cas de nos policiers.

M. Ouellette: Mme la Présidente, pour mon autre... le commentaire que je vous avais fait au niveau du DPCP, est-ce que ça pourrait être une suggestion qui améliorerait la communication?

M. Parent (Marc): Vas-y, puis je vais compléter sur... J'ai une idée par rapport au bureau de surveillance par la suite que je pourrais amener...

**(18 heures)**

M. Cardinal (Alain): Eh bien, sur le DPCP, écoutez, dans l'affaire du décès de Fredy Villanueva, Me François Brière a joué ce rôle-là. Et on a vu que Me Brière, à la fin, a fait exactement ce que vous avez suggéré, c'est-à-dire que Me Brière... c'était assez exceptionnel qu'un procureur au bureau du Directeur des poursuites criminelles et pénales donne une conférence de presse et fasse un rapport et explique les raisons pour lesquelles il n'y avait pas d'accusation de déposée. C'est un rapport qui a été verbal, il n'y a pas eu de rapport écrit.

Ce que le projet de loi propose, et je pense que ça serait possible de l'intégrer de façon très clairement, c'est qu'à cette étape-là il y aurait des conclusions et des éléments de l'enquête -- ce que Me Brière a fait -- qui seraient rendus publics. Et ce que M. Parent suggérait, c'est que, peut-être, le cas échéant, selon la nature de l'événement, qu'il y ait des points de presse ou qu'il y ait des éléments communiqués pour informer la population. Ça pourrait être fait par le DPCP, ça pourrait être fait par d'autres instances, mais c'est une suggestion qui est très valable.

Une voix: ...un commentaire additionnel, oui.

M. Parent (Marc): Ce que j'allais compléter... c'est ça. Est-ce que le bureau de surveillance, avec l'agent de liaison du corps de police qui a, sous sa charge, l'enquête, pourrait justement, dans certaines situations, pouvoir donner certaines informations en cours d'enquête, évidemment en faisant une évaluation des impacts et la possibilité de le faire? Donc, je pense qu'aussi le projet de loi doit amener certains éléments, là, qui vont justement évoluer au fil du temps, en termes d'applicabilité, puis... Parce que l'objectif ultime, c'est quoi? C'est la transparence, c'est de communiquer, et c'est de rassurer la population sur l'efficacité de cette approche-là.

M. Ouellette: Et mon troisième commentaire, c'était un commentaire, effectivement, que les policiers, en plus de l'enquête indépendante, auront, quand il y aura les conclusions du procureur qu'il n'y a pas d'accusation, ils auront à commencer le processus de la déontologie policière et, très souvent, de la discipline interne. Donc, ce n'est pas terminé pour le policier, là.

M. Parent (Marc): Non, et c'est ce que je disais pendant... Dans mon allocution, je faisais référence au fait que nous, on peut, pendant une enquête indépendante, justement, alerter soit le commissaire à la déontologie ou regarder du côté disciplinaire. L'enquête va commencer à la fin de l'enquête indépendante. Toutefois, on peut, dès le départ, lever un drapeau rouge sur une inquiétude quelconque, et c'est déjà arrivé, dans le passé, qu'en matière de déontologie il y a des accusations qui soient portées sur des enquêtes indépendantes en cours.

Une voix: ...M. Parent. M. Brochet.

M. Brochet (Pierre): Oui, si vous me permettez d'ajouter à ça... Très souvent, il y a aussi la possibilité de poursuites civiles contre ce policier-là. Et aussi, régulièrement, il y a des déplacements administratifs dès le début de l'enquête indépendante. Donc, nous avons une décision à prendre immédiatement dans ce dossier-là. Alors, ce n'est pas sans impact. On a vu des dossiers qui ont commencé avec une enquête indépendante durer sur huit, neuf, 10 ans, par exemple, en raison de l'ensemble des processus.

M. Ouellette: Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Merci beaucoup. Alors, M. le député de Chambly.

M. St-Arnaud: Oui, merci, Mme la Présidente. D'abord, je note, dans les dernières pages de votre mémoire, vous considérez, M. Parent, qu'il serait approprié que les rapports d'enquête soient éventuellement rendus publics, c'est ce que je comprends. Toujours dans un souci de transparence, là, ce que vous dites, c'est que peu importe qu'il y ait dépôt ou non d'accusation criminelle, vous considérez qu'un élément de transparence, là, supplémentaire serait de rendre publics les rapports d'enquête. C'est ce que je comprends.

M. Parent (Marc): Je vais laisser Me Cardinal préciser ce point-là, là, sur l'aspect juridique et légal.

M. Cardinal (Alain): En fait, Mme la Présidente, notre recommandation, c'est que certains éléments de l'enquête, parce que vous savez qu'une enquête, ça peut être assez complexe, il peut y avoir des tiers, il peut y avoir des témoins, des méthodes d'enquête particulières... donc que les éléments essentiels de l'enquête et les conclusions soient rendus publics de toute façon. C'est-à-dire que, s'il n'y a pas le dépôt d'accusations criminelles, il devrait y avoir une divulgation ou une communication de l'information.

Dans l'éventualité où il y a dépôt d'accusations criminelles, évidemment, il ne faut pas nuire à l'enquête criminelle qui sera en cours. Et le DPCP, ou le bureau, ou le corps de police devrait avoir une certaine retenue.

Mais il pourrait y avoir des cas où, malgré qu'il y ait le dépôt, que la population soit insatisfaite ou certains éléments... Je vais vous donner un exemple: On le sait, ça arrive régulièrement, vous avez pratiqué le droit criminel, vous le savez que des individus décident de plaider coupable pour éviter que la preuve soit révélée. Donc, dans ces cas-là, le DPCP ou le bureau pourrait décider que, puisque la population n'a pas eu le droit à la communication des renseignements essentiels reliés à cet événement-là, qu'il y aura, par la suite, après que l'individu aura été sentencé, la divulgation des éléments essentiels.

M. St-Arnaud: Et, dans les cas où il n'y a pas d'accusation, ce serait...

M. Cardinal (Alain): Ce serait automatique quant à nous.

M. St-Arnaud: Ce serait automatique. Plusieurs sont venus nous dire cette semaine que l'observateur avait peu de pouvoirs comme tels. Et... en fait, peu de pouvoirs pour remplir son mandat, qui est de vérifier si l'enquête est impartiale. C'est ça, son mandat, c'est de savoir s'il y a eu une enquête impartiale. Et la Protectrice du citoyen dit même: «...les pouvoirs et le mandat limités accordés à ces observateurs ne leur permettront pas de vérifier adéquatement et véritablement l'impartialité des enquêtes menées par le corps de police désigné...» C'est quand même gros, là, ce que la Protectrice du citoyen nous dit. Elle nous dit: Il n'aura pas les moyens pour vérifier l'impartialité avec les pouvoirs qu'il a présentement. Pouvez-vous nous dire en quoi, selon vous, avec les pouvoirs qu'il a présentement, dans le projet de loi n° 46, l'observateur va être en mesure véritablement de juger de l'impartialité?

M. Parent (Marc): Je vais commencer, puis je vais laisser Me Cardinal compléter, mais je vais aller sur le principe. Et, pour moi, déjà, d'avoir justement des instances civiles, c'est un grand pas, et il est clair qu'il restera à déterminer le modus vivendi justement de nos... On les qualifie d'observateurs aujourd'hui. Et jusqu'à quel point ils peuvent justement garder leur indépendance? Parce qu'il y a une volonté aussi que ça demeure, d'une certaine façon, une instance de surveillance pour l'impartialité de l'enquête en cours. Donc, il y a des notions là qui doivent vraiment faire en sorte qu'ils gardent une certaine indépendance, une certaine distance non pas de l'information, mais de la proximité avec les enquêteurs. Donc, voir comment tout ça va s'articuler concrètement sur le terrain, je pense que, là, il y a un petit peu de raffinement et de précision à avoir.

Mais moi, je veux juste exprimer, par rapport au projet de loi actuel... J'accueille très favorablement le fait qu'ils puissent justement participer, être présents, observer, recueillir de l'information, poser des questions aux personnes déterminées, représentantes. Et peut-être qu'il y aura des ajustements à apporter dans le futur, mais c'est quand même là une volonté qui est claire et qui est totalement nouvelle par rapport à ce qu'on vivait avant.

M. St-Arnaud: Mais, M. Parent, si vous me permettez, parce que le temps presse...

M. Parent (Marc): Oui.

M. St-Arnaud: ...puis on va avoir à peine quelques minutes. Mais présentement l'observateur, là, il ne peut parler qu'à l'agent... ce que j'appelle l'agent de liaison, là. Il ne peut parler qu'à une seule... Il ne peut pas parler aux enquêteurs, il ne peut pas parler aux... qui mènent l'enquête, il ne peut pas parler... Et il y a... Et je vois des raisons pour lesquelles il ne peut pas faire ça, éventuellement, au plan juridique, là. Mais il ne peut pas assister aux interrogatoires, il ne peut pas parler à aucun policier du corps de police impliqué. Il peut aller sur la scène de crime, mais là je crois comprendre que vous, vous mettez déjà une balise, là, sur... pour... dans certains cas, de façon à ce que... En fait, ce que vous dites, c'est qu'on devrait amender le projet de loi pour dire: Sous réserve de préserver la scène de l'événement et de ne pas nuire à l'enquête qui s'y déroule. Il peut demander des renseignements, mais vous proposez que, par contre, là, il y a... là aussi vous mettez une certaine restriction sur le type de renseignement qu'il peut obtenir.

Quand je regarde tout ça, comment il va vérifier l'impartialité, là, de... Tout ce qu'il peut faire, il peut aller sur la scène de crime, s'il arrive à temps, là, parce que ça va... il risque de prendre quelques heures. Et après ça il s'adresse à l'agent de liaison, puis il demande des... Il joue un rôle... Il ne sait pas ce qu'il y a dans le dossier, mais il s'adresse à une seule personne, puis éventuellement il doit rendre un rapport sur l'impartialité de l'enquête.

J'ai de la difficulté à saisir à quel point il y a une... Je comprends que c'est une avancée -- on va s'entendre là-dessus, M. Parent -- mais où est l'implication significative des civils là-dedans? Il me semble qu'il n'y a pas grand-chose. Puis c'est ce que la Protectrice du citoyen nous dit. Elle, elle nous dit: On est en train de construire une structure qui va être inefficace, puis il ne pourra pas remplir son mandat. C'est ce qu'elle nous dit noir sur blanc. Nous, on est des parlementaires, on écoute ça. Elle nous fait ce rapport-là. C'est embêtant. J'aimerais ça que vous essayiez de nous dire à quel... comment il va pouvoir faire avec...

M. Parent (Marc): Bien, on... Puis, écoutez, là, je vous donne une opinion en fonction d'un projet de loi qui est proposé aujourd'hui, mais on le qualifie d'observateur. Est-ce qu'on devrait le qualifier éventuellement d'accompagnateur? Et quel serait exactement son rôle?

Puis il faut faire attention. Effectivement, l'enquêteur, quand il est en train de se concentrer, il est sur la scène, il a des gens à rencontrer, il prend des déclarations de témoins... Eux aussi ont des méthodes d'enquête où est-ce qu'ils respectent cette indépendance-là. L'enquêteur, il ne veut pas être sollicité par d'autres enquêteurs, d'autres policiers, par le superviseur. À un moment donné, ça prend une certaine latitude pour bien faire ton travail. Puis l'analogie que je ferais: Moi, je ne vais pas sur les scènes de crime. Je ne m'en vais pas piétiner une scène de crime, je ne m'en vais pas contaminer une scène, je ne veux pas être contraignable. Donc, c'est un peu sur certains principes semblables.

Mais ce que je veux vous dire, rapidement, pour faire le point: Moi, je pense, c'est déjà une belle avancée, et, oui, il y a des choses à raffiner sur l'applicabilité puis comment on va opérationnaliser ça. On l'a appelé observateur. Moi, je suis totalement ouvert à ce qu'il ait un rôle plus significatif, plus présent, mais c'est toujours dans la même préoccupation, l'expertise...

M. St-Arnaud: Il me reste-tu une minute? Deux minutes? Il me reste deux minutes?

M. Parent (Marc): ...policière terrain qui font les enquêtes. Mais c'est vraiment dans ce sens-là.

**(18 h 10)**

M. St-Arnaud: Si vous me permettez, M. Parent, parce qu'il nous reste à peu près une ou deux minutes... Je partage votre point de vue. Puis c'est compliqué, là, c'est compliqué à un moment donné parce qu'effectivement, s'il assiste aux interrogatoires ou s'il parle aux policiers impliqués, il peut être amené éventuellement comme témoin, puis là ça... il y a des conséquences qui peuvent être problématiques.

J'aimerais vous entendre sur le champ d'application. «Blessure grave», on nous dit... certains nous disent qu'on devrait préciser les mots «blessure grave», quant au moment où une enquête indépendante se tient. On nous dit, dans le projet de loi: Quelqu'un qui décède ou qui est blessé gravement... Est-ce que, selon vous, il y a lieu de préciser ça?

On nous dit aussi: On pourrait peut-être l'élargir à l'utilisation du pistolet... du Taser; dès que le Taser est impliqué, il devrait y avoir une enquête indépendante. Certains nous disent... la Protectrice du citoyen nous dit: Comme en Ontario, peut-être même dans le cas d'allégations d'agression sexuelle dans l'exercice des fonctions du policier.

Sur le champ d'application en général, est-ce que ça devrait être plus large que ce qui est dans le projet de loi, à 289.1?

M. Parent (Marc): Je vais laisser Me Cardinal, surtout sur la partie, là, au niveau des blessures graves, là, on a eu beaucoup d'échanges là-dessus dans le passé.

La Présidente (Mme Vallée): Me Cardinal.

M. Cardinal (Alain): Mme la Présidente, ce qui est surprenant, c'est que le débat ontarien s'invite chez nous, alors que, vous savez, la notion de blessure grave, il y a une directive ministérielle qui existe depuis de nombreuses années. Cette directive-là est en vigueur. Il n'y en a pas, de problème à ma connaissance, et ce que... J'ai lu les commentaires de Me Marin sur les difficultés que l'unité indépendante rencontre en Ontario, et c'est un système qui est complètement différent, le système ontarien, où c'est la police qui non seulement enquête sur la police, mais c'est la police qui poursuit, alors qu'au Québec, depuis des années, on est habitués de faire rapport au ministre et on est habitués de faire rapport au Directeur des poursuites criminelles et pénales, la couronne autrefois, la décision se prend là. Donc, cette difficulté-là... Je comprends qu'en Ontario l'ancien juge LeSage a émis un rapport, M. Marin a des préoccupations. Je vous le dis, à moins que je sois déconnecté d'une certaine réalité, je ne crois pas que c'est une difficulté qu'on connaît au Québec.

M. St-Arnaud: Mais dans la politique ministérielle actuellement on parle de «blessures [...] laissant craindre pour la vie», hein, je pense que c'est ça, les termes? Et là on remplace ça par «blessure grave». Est-ce que... Ça veut dire quoi? On va jusqu'où, là, quand on parle de «blessure grave»? Parce qu'il y a eu un changement entre... La politique ministérielle, c'est des «blessures [...] laissant craindre pour la vie», donc la gravité est déjà là, et là, dans le projet de loi n° 46, on nous parle de «blessure grave» sans plus de détails. C'est là que je vois une imprécision qui peut être problématique éventuellement, parce que c'est vous qui avez à décider éventuellement d'à quel moment vous entrez en jeu...

M. Parent (Marc): En fait, nous, on...

M. St-Arnaud: ...ou à quel moment l'enquête indépendante doit se faire.

M. Parent (Marc): Oui. On communique avec le ministère, mais je ne sais pas s'il est venu sur la table des exemples jusqu'à maintenant, mais à titre d'exemple on pourrait même, dans certains cas, on arrive sur une personne suicidaire et on commence à dialoguer avec, et cette personne-là décide de mettre fin à sa vie d'une quelconque façon...

La Présidente (Mme Vallée): Parce qu'on a déjà dépassé de deux minutes votre temps.

M. Parent (Marc): O.K.

M. St-Arnaud: Sur le Taser, est-ce qu'on devrait, à chaque fois que le Taser est utilisé, avoir une enquête indépendante, question simple?

M. Parent (Marc): C'est que le Taser, dans son application, de façon générale, laisse très peu de séquelles, là, lorsqu'une intervention se déroule bien, parce qu'on intervient en delirium agité, la personne est intoxiquée, il peut y avoir un combat au sol, là, ça peut changer les choses. Mais c'est en fonction justement des blessures ou, selon la définition du Code criminel, je pense qu'il faut aussi guider notre décision.

M. St-Arnaud: Et blessure...

La Présidente (Mme Vallée): Écoutez... je suis désolée, là, on a vraiment débordé.

M. St-Arnaud: Me permettez-vous une dernière question, M. le ministre, de consentement? Merci, M. le ministre.

La Présidente (Mme Vallée): Bon, de consentement.

M. St-Arnaud: Blessure grave, juste pour finir -- Mme la présidente va me chicaner, M. le directeur -- mais blessure grave, par rapport... ça ne vous cause pas de problème?

M. Parent (Marc): Pas au Québec, en tout cas pas à ma connaissance.

M. Brochet (Pierre): Je peux... Bien, pour rejoindre Me Cardinal là-dessus, j'ai vu le débat qu'il y avait, dans les derniers jours, au niveau de l'Ontario, au niveau des blessures graves, et moi, comme responsable des opérations, à chaque déclenchement d'enquête indépendante, nous avons des discussions avec le ministère et les autres corps de police, et ce n'est vraiment pas une problématique au niveau de la province de Québec, ça, le volet blessure grave. D'ailleurs, dans le doute, on est même portés à déclencher l'enquête au cas où il y aurait des répercussions. Donc, on tend vraiment vers une transparence, une impartialité. Au Québec, ce n'est vraiment pas une problématique.

M. St-Arnaud: Vous n'avez pas de problème avec ça?

Brochet (Pierre): Non, non, il n'y a pas cette problématique.

La Présidente (Mme Vallée): D'accord.

M. St-Arnaud: Ça va. J'aurais le goût de continuer, mais je pense que je ne pourrai pas, monsieur...

La Présidente (Mme Vallée): Mais non, malheureusement, vous ne pourrez pas, M. le député de Chambly, parce qu'il y a des limites à notre collaboration et au temps que cette commission peut... dispose, malheureusement. Par contre, il n'y a rien qui vous empêche de prolonger vos discussions en dehors de ces travaux.

Alors, M. Parent et votre équipe, je vous remercie infiniment d'avoir participé aux travaux de la Commission des institutions. Bon retour.

Alors, compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux à demain, après la période des affaires courantes. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 15)

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