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Version finale

40e législature, 1re session
(30 octobre 2012 au 5 mars 2014)

Le vendredi 15 février 2013 - Vol. 43 N° 17

Ministère des Relations internationales, de la Francophonie et du Commerce extérieur, volets Affaires bilatérales et Commerce extérieur


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trois minutes)

Le Président (M. Ferland) : Alors, bon matin, tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs cellulaires.

Affaires bilatérales et commerce extérieur

La commission est réunie afin de procéder à l'étude du volet Affaires bilatérales et commerce extérieur des crédits budgétaires relevant du portefeuille Relations internationales, Francophonie et Commerce extérieur pour l'exercice financier 2013-2014.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Pelletier (Rimouski) remplace M. Cardin (Sherbrooke); M. Breton (Sainte-Marie — Saint-Jacques) remplace M. Leclair (Beauharnois); M. Arcand (Mont-Royal) remplace Mme St- Pierre (Acadie); et M. Le Bouyonnec (La Prairie) remplace M. Duchesneau (Saint ‑ Jérôme).

Le Président (M. Ferland) : Merci. Alors, nous allons débuter pour les remarques préliminaires, puis nous allons procéder à une discussion d'ordre général par blocs d'environ 20 minutes, incluant les questions et les réponses, en alternance avec le gouvernement et les députés de l'opposition.

Puisque nous avons débuté nos travaux à 9 h 3 et qu'une période de quatre heures doit être consacrée à l'étude de ce volet ce matin, y a-t-il consentement pour poursuivre nos travaux au-delà de l'heure prévue, jusqu'à 13 h 3? Je constate qu'il y a... Il est tôt, hein, vous avez le droit de dire : Il y a consentement. Alors, merci beaucoup.

En terminant, je vous invite, aux fins de l'exercice de l'étude des crédits, à poser de courtes questions et incidemme nt à fournir des réponses tout aussi brèves, de façon à favoriser le plus grand nombre d'échanges possible.

Remarques préliminaires

Alors, M. le ministre, il y a des remarques préliminaires... Oh! c'est vrai, nous débutons sans plus tarder avec des remarques préliminaires. Alors, M. le ministre des Relations internationales, de la Francophonie et du Commerce extérieur, vous disposez de 10 minutes pour vos remarques préliminaires. M. le ministre.

M. Jean-François Lisée

M. Lisée : Merci beaucoup, M. le Président. M. le vice-président, M. le porte-parole du... Ah! je ne vois pas le porte-parole du deuxième groupe d'opposition; il n'est pas là, alors on le saluera lorsqu'il arrivera. Mmes, MM. les députés, mesdames messieurs, il me fait plaisir de rencontrer pour la première fois les membres de la Commission des institutions.

Vous me permettrez d'abord de souligner la présence de mes collaboratrices et collaborateurs : le directeur de cabinet, M. François Ferland; le sous-ministre, M. Michel Audet; le sous-ministre adjoint aux Affaires bilatérales, M. Jean-Stéphane Bernard; le sous-ministre adjoint aux Politiques et aux affaires francophones et multilatérales, M. Éric Théroux; le sous-ministre adjoint au Commerce extérieur, M. Jean Séguin; la sous-ministre adjointe et chef du protocole, Mme Juliette Champagne; le directeur général de l'administration, M. Bernard Dubois; ainsi que certains de leurs collaborateurs.

Je tiens à saluer leur travail colossal de même que celui de leurs collaborateurs ci-présents et de l'ensemble des employés du ministère, qui offrent un rendement tout à fait remarquable ces dernières années et encore aujourd'hui dans l'organisation de la politique internationale du Québec et dans cet énorme travail qu'est la préparation des crédits.

C'est un peu particulier cette année parce que les crédits qu'on nous demande de présenter couvrent une période antérieure à celle de l'élection du gouvernement que je représente, donc antérieure au 4 septembre, ce qui nous a conduits évidemment à nous intéresser à des dépenses qui ont eu lieu sous le gouvernement libéral précédent. Et, à mesure que nous faisions ces vérifications, nous avons découvert qu'il y a eu, au cours des trois dernières années, à partir de 2009, un changement dans la façon de comptabiliser et de présenter aux membres de cette Assemblée, dans les crédits, aux journalistes et au public le coût réel des missions à l'étranger du premier ministre et des ministres du gouvernement libéral antérieur.

C'est une décision politique qui a été prise en 2009 à la demande expresse … u ne décision politique, donc, prise en 2009 à la demande expresse du chef de cabinet du ministre des Affaires internationales de l'époque, M. François Émond, qui a déclaré que, dorénavant, il ne fallait plus comptabiliser dans les crédits ou présenter sous la rubrique des missions, dans les crédits du ministère, l'ensemble des dépenses qui étaient liées aux missions particulières et qu'il fallait plutôt détourner ces dépenses et les mettre ailleurs dans les crédits du ministère, de façon à ce que, lorsque les membres de cette Assemblée viennent aux crédits et posent des questions, ou lorsque les journalistes posent des questions, ou lorsque des demandes d'accès à l'information sont faites, on donne au public et aux membres de cette Assemblée une information tronquée, une information qui minimise le coût réel des missions à l'étranger.

Nous n'avons pas trouvé, dans cette recherche, de fraude, de volonté de ne pas payer les coûts réels, de volonté de cacher complètement certains coûts. Ce que nous avons trouvé, c'est une volonté politique de tronquer le message qui est donné au sujet des coûts des missions. Ça a commencé en 2009, avec une somme relativement faible, 50 000 $, 50 000 $ qui est le coût d'admission au forum de Davos, donc le cabinet du ministre a décidé que ce coût-là ne devait pas apparaître au coût de la mission du premier ministre, mais ça s'est déployé en 2009-2010 sur 51 missions. 51 missions. M. Charest, par exemple, est allé à Atlanta, le coût réel était de 14 400 $, le coût déclaré a été de 4 900 $. M. Bachand est allé à Atlanta, le coût réel était de 16 000 $, le coût déclaré a été de 4 000 $. M. Arcand est allé à Washington, le coût réel était de 12 800 $, le coût déclaré a été de moins de 3 000 $. En 2010-2011, encore là, 40 missions dont la comptabilité a été tronquée. M. Hamad est allé à Paris et à Londres, le coût réel était de 14 400 $...

Le Président (M. Ferland) : Je vous demanderais d'être prudent pour ne pas nommer les noms, mais par leurs titres...

M. Lisée : Par leurs titres?

Le Président (M. Ferland) : ...les ministres et les députés.

M. Lisée : D'accord. Et les anciens ministres?

Le Président (M. Ferland) : Les anciens ministres, ça va.

• (9 h 10) •

M. Lisée : Les anciens, ça va? Très bien. Les futurs anciens ministres?

Alors, dans le cas du député, alors le coût réel était de 14 000 $ et le coût déclaré, le coût libéral déclaré, de 4 000 $. 2011-2012, 56 missions. Missions de M. Charest en Europe, le coût réel, 34 500 $, le coût déclaré, moins de 10 000 $. Et ça continue comme ça. M. Charest en Chine, le coût réel, 110 000 $, le coût déclaré, 16 000 $. Cumulativement, nous arrivons à un écart, sur trois ans, de 1,5 million de dollars qui ont été cachés, camouflés au public québécois…

Le Président (M. Ferland) : ...M. le ministre, également aux termes, c'est comme au salon bleu, « caché » , « troqué » . Juste être prudent pour les termes.

M. Lisée : …une double comptabilité visant à tromper le public québécois, à hauteur de 1 474 000 $.

Alors, il est évident que le gouvernement du Parti québécois a mis un terme absolu à cette double comptabilité, à cette volonté de minimiser les coûts des missions et qu'à partir de maintenant nous revenons à la pratique antérieure, donc la pratique du gouvernement du Parti québécois précédent, de dire la vérité aux Québécois sur le coût des missions, coût des missions qui est généralement... Et, encore là, je ne me prononce pas sur le fait qu'il y avait trop de coûts pour chaque mission, peut-être que c'est le cas, peut-être que ce n'est pas le cas, mais sur le fait que l'activité internationale du Québec est une activité essentielle pour notre commerce international, nos réseaux internationaux, la culture, la science, et qu'il faut avoir le courage d'assumer le coût que ça représente, d'expliquer pourquoi c'est un bon investissement et de dire la vérité à l'Assemblée nationale et aux Québécois et Québécoises. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. Alors, vous n'avez... Il restait du temps, à peu près 3 min 20 s. Ce sera ajouté sur la partie ministérielle.

Alors, maintenant, pour les remarques préliminaires, j'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle pour le commerce extérieur et député de Mont-Royal à faire ses remarques préliminaires, pour un maximum de 10   minutes. M. le député.

M. Pierre Arcand

M. Arcand : Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais profiter de l'occasion pour saluer, évidemment, les collègues parlementaires qui sont ici présents également, que ce soient ceux du Parti québécois ou ceux de l'opposition, saluer M. le ministre, saluer également certains visages connus, au niveau des relations internationales, que j'ai eu l'occasion de côtoyer pendant quelques années et qui me rappellent d'ailleurs d'excellents souvenirs. Alors, je peux simplement souligner, d'une part, leur présence aujourd'hui.

Je pense que plus que jamais le commerce extérieur est quelque chose de très important. Je pense que ça fait partie de l'avenir. Lorsque je voyais certains chiffres, par exemple, qui démontraient jusqu'à quel point le Québec était un État qui avait... qui vivait par son commerce extérieur, par ses exportations, je pense que c'est un volet qui devient de plus en plus important pour l'avenir.

Maintenant, je souhaite évidemment, au cours de cette discussion, qu'on puisse regarder de façon assez précise certaines des orientations du ministère du Commerce extérieur. Je sais que le ministre nous a habitués, et je dois lui rendre hommage aujourd'hui, nous a habitués à être quand même très différent de certains autres. Le ministre, n'est-ce pas, a l'habitude de ne pas nécessairement, je dirais, faire de la poudre aux yeux, de jeter de la poudre aux yeux. Il a l'habitude de faire en sorte que le crédit doit revenir… il l'a fait à de nombreuses reprises auprès de M. Charest, sur le plan de la politique internationale, il a dit que le travail qui avait été fait était un excellent travail. Je sais également que, lorsqu'il a été nommé ministre au niveau du ministère des Relations internationales, il a bien sûr fait... je ne sais pas si c'était par vidéoconférence ou autre, mais il a eu l'occasion de dire : Écoutez, vous continuez dans la même direction, sur le travail qui avait été fait par notre gouvernement. Alors, le ministre a toujours fait ça. Et, quand on regarde la période de questions, on voit qu'il y a peu d'endroits où, évidemment... peu de ministères où il y a une telle candeur.

Alors, j'espère que le ministre va continuer à aller dans cette direction-là, surtout qu'il a la lourde tâche de rétablir un peu une crédibilité à l'étranger. Parce qu'évidemment il y a eu un peu d'incertitude, c'est le moins qu'on puisse dire, aux premières décisions du Parti québécois, à l'arrivée au pouvoir, que ce soit la question du gaz de schiste, que ce soit le plan des redevances minières, que ce soit la loi sur la gestion des mines et des hydrocarbures qui tarde à arriver, que ce soit également l'incertitude créée par l'éclatement du ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, qui a été éclaté supposément pour simplifier la vie des entrepreneurs. On pourra voir, au cours des discussions que nous aurons aujourd'hui, en quoi ça simplifie la vie comme telle des entrepreneurs.

Et j'ai hâte d'entendre également le ministre sur sa vision du commerce extérieur. Alors, je pense que c'est... Et je souhaite que le ministre, donc, ait la même candeur qu'il a depuis qu'il est ministre, qu'il dise les choses... Il y a toujours une espèce de tradition ici; lorsque votre prédécesseur, le député de Rosemont, avec qui j'ai eu l'occasion de discuter lors de crédits... ça a toujours été un élément où on allait à un niveau un peu plus supérieur, je dirais, de débats et de discussions. Je souhaite donc que cela continue au cours de la discussion que nous aurons au cours des quatre prochaines heures et je pense que c'est quelque chose qui sera intéressant pour les Québécois, parce qu'on va pouvoir vraiment entendre, véritablement, votre vision d'avenir et on pourra ensemble discuter des gestes qui ont été posés jusqu'ici par le gouvernement, et aussi votre vision d'avenir, qui m'apparaît très importante.

Alors, en ce sens-là, ce sont mes premiers commentaires, et on aura l'occasion de revenir sur un ensemble de sujets.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le député. La même chose pour votre parti, il reste à peu près cinq quelques minutes, alors ce sera ajouté sur votre bloc de temps, dont vous disposez bien sûr. Alors, merci.

Je cède la parole... du deuxième groupe d'opposition officielle en matière de relations internationales, de francophonie et de commerce extérieur et député de La Prairie, à faire ses remarques préliminaires. Et vous disposez d'un bloc de cinq minutes. M. le député.

M. Stéphane Le Bouyonnec

M. Le Bouyonnec : Merci, M. le Président. Bonjour, M. le ministre, collègues de Sainte-Marie — Saint- Jacques, Rimouski et Mont-Royal.

Alors, au niveau de mes remarques préliminaires, évidemment, le commerce extérieur, plusieurs l'ont mentionné, est extrêmement important. Je crains cependant qu'il ait été un peu délaissé sous le régime libéral et je crains aussi, en même temps, que le nouveau gouvernement n'y porte pas assez attention. Et je m'explique.

Au niveau des 10 dernières années, nous avons eu un retournement, au niveau de la balance commerciale, de l'ordre de 26 milliards, c'est-à-dire, au début des années 2000, nous étions positifs de presque 7 milliards, pour nous retrouver en terrain négatif de l'ordre de 20 milliards. C'est énorme, parce que ça représente à peu près 8 %, là, du PIB du Québec. Et, même si, par exemple, nous découvrions, à Gaspé, du pétrole, suffisamment pour nous rendre autosuffisants, ça ne serait même pas encore suffisant pour compenser, au niveau de la balance commerciale, nos importations de pétrole. Alors, évidemment, on se dit : À partir d'un constat comme ça, il y a un redressement, il y a un coup de barre à donner.

Je suppute que les investissements du précédent gouvernement dans les infrastructures, entre autres, ont fait en sorte qu'il n'a pas été possible de véritablement soutenir nos entreprises et d'avoir de véritables stratégies nous permettant d'exporter davantage. Maintenant, nouveau gouvernement, je vois que notre ministre prend la chose au sérieux. On a eu l'occasion   —   et je le remercie   —   d'avoir des discussions, d'ailleurs, sur les stratégies futures, entre autres autour de l'Afrique. Et, en réfléchissant à cette question, sachant que l'Afrique représente 3 % du PIB mondial, grosso modo, sachant aussi que la Chine et l'Inde sont extrêmement présents, je me suis dit : Bien, peut-être que l'Afrique, oui, ça serait intéressant, puis, oui, à long terme, nous devrions y porter attention, mais, à court terme, nous devrions surtout porter attention à l'accord de libre-échange en négociation avec l'Europe. On sait aujourd'hui que, probablement, le précédent gouvernement, l'ancien premier ministre avait déjà compris que nous étions en difficulté au niveau des exportations et du commerce extérieur, a voulu ouvrir un nouveau front, et, en ça, on peut dire qu'on peut lui lever notre chapeau. Mais cependant il appartient au nouveau gouvernement de s'assurer que cet accord-là puisse voir le jour.

• (9 h 20) •

Cet accord-là est important parce qu'il représente quand même une augmentation de l'ordre de 20 % de nos échanges avec l'Europe. On parle, au niveau du Canada, d'environ 12 milliards de dollars d'activité économique additionnelle, 80 000 jobs, environ 1 000 $ de plus par famille québécoise en termes de revenus additionnels, si ça devait voir le jour.

Je suis inquiet en ce moment, quand je vois les positions très fermes des négociateurs sur certains aspects, sachant que nous négocions avec un bloc de 500 millions d'habitants et sachant qu'ils vont bientôt ouvrir aussi des discussions avec les États-Unis. Et j'ose espérer que la négociation fera en sorte que nous trouverons des solutions, de telle sorte que cet accord puisse être signé, quitte à ce que nous fassions certains compromis. Aucun échange… aucune entente d'échange n'est parfaite. Et évidemment c'est délicat pour les politiciens, mais j'espère que vous entreprendrez ça, M. le ministre, avec le courage qui, je sais, est le vôtre.

Aussi, au niveau du commerce extérieur, on peut aussi s'interroger sur le fait que, souvent, on a l'impression, à tort ou à raison, que le commerce extérieur ou les relations internationales servent à davantage entretenir, si vous voulez, des cocktails diplomatiques à l'étranger que davantage de faire en sorte que nous ayons de véritables pénétrations pour certaines de nos industries. Ces industries, on les connaît : il y a l'aéronautique, évidemment, connue; il y a eu les pharmaceutiques, c'est un peu moins vrai maintenant; les technologies de l'information. Mais on sait aussi qu'il y a de nouvelles entreprises de la nouvelle économie, au Québec, qui méritent aussi d'avoir tout le support du gouvernement, même si ces entreprises sont pour l'instant modestes. Avec l'Europe, on sait que... on connaît leurs difficultés économiques à l'heure actuelle. Cependant, on peut raisonnablement penser qu'ils vont se relever. On peut raisonnablement penser qu'avec l'écart de taux de change en ce moment, c'est un bon vecteur de pénétration pour nous...

Le Président (M. Ferland) : ...M. le député, à peu près, qu'il vous reste.

M. Le Bouyonnec : Oui, merci . E t j'aimerais vraiment entendre, ce matin, en fait, la vision du ministre. En présumant que l'accord de libre-échange soit véritablement signé, quelles sont les stratégies immédiates pour que nous soyons, à travers le Canada, les premiers à sortir des blocs? Parce que c'est un peu comme une course, lorsqu'on abat des barrières tarifaires ou non tarifaires, c'est la course de chevaux. Où on attaque d'abord? Qu'est-ce qu'on privilégie? Quel rythme on veut donner à nos nouveaux échanges avec l'Europe? Et je plaide en faveur d'une grande intensité, à la fois politique, diplomatique, au niveau de la réflexion...

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci. Merci, M. le député de La Prairie. Le cinq minutes étant écoulé...

M. Le Bouyonnec : ...secondes de plus à mon prochain bloc, M. le Président.

Le Président (M. Ferland) : Ça sera enlevé sur votre temps de toute façon. Mais, pour les préliminaires, je préfère qu'on s'en tienne au temps alloué.

M. Le Bouyonnec : Très bien. Alors, j'étais arrivé à la conclusion, mais je la garderai pour plus tard. Je vous remercie.

Le Président (M. Ferland) : Vous aurez l'occasion de conclure dans votre prochain bloc. Alors, je vous remercie pour ces remarques préliminaires.

Je suis maintenant prêt à reconnaître une première intervention de l'opposition officielle pour un premier bloc d'échange, d'environ 20 minutes, je crois? C'est ça? 20 minutes. Alors, M. le député de Mont-Royal, la parole est à vous.

Discussion générale

M. Arcand : Merci beaucoup, M. le Président. Nous allons commencer ce premier bloc évidemment en tentant une autre fois de clarifier les propos que vous avez eus au sujet bien sûr de la question du libre-échange Canada-Europe. Je pense que c'est un élément qui est très important. Et moi, je ne mets pas en doute votre parole, je pense que c'est clair, vous avez dit effectivement que la question de la gestion de l'offre, c'était quelque chose auquel vous teniez.

Là où on commence à se poser un certain nombre de questions, et j'aimerais avoir certaines des réponses là- dessus, c'est que… Le problème que j'ai toujours avec le Parti québécois, c'est que, lorsqu'on parle de commerce extérieur, sous‑jacent à vos positions, il y a toujours une espèce de dominante politique qui est très, très, très présente dans chacune de vos interventions, vous... et on ne sait jamais le degré de sincérité que vous avez sur la question du libre-échange Canada-Europe, par exemple.

Évidemment, notre formation politique, je pense que c'est la même chose du côté de la CAQ et du côté du Parti québécois, on est tous d'accord avec le principe du libre-échange avec l'Europe. Mais, là où ça me semble être un peu plus problématique, c'est lorsque... L'attitude que vous avez eue, c'est un peu de dire : Bien, j'entreprends ces négociations-là de bonne foi, mais je veux avoir également le beurre et l'argent du beurre. En d'autres termes, bien : Je négocie de la meilleure façon possible, mais, s'il y a quelque chose qui ne fait pas mon affaire, je vais faire en sorte qu'ou bien on va adopter des lois qui feront en sorte, par exemple dans le cas du fromage, que ça ne passera pas, dans le cas du médicament, on va exiger des compensations à Ottawa, etc.

Alors, moi, je veux essayer de comprendre un peu votre raisonnement à travers ça. Est-ce qu'à quelque part vous êtes prêt à sacrifier des choses? Qu'est-ce que le Québec est prêt à sacrifier dans une négociation? Comme vous le savez, ce que je comprends de la situation, c'est que, par exemple, dans la question du 100 millions de litres de lait, là, qui est en jeu, à peu près, là, sur la question du fromage, ce que les Européens veulent, c'est évidemment avoir plus de fromages européens au Québec et au Canada, et, en échange, probablement que les producteurs de porc vont avoir un accès encore beaucoup plus facile à ce marché de 500 millions qui fait notre affaire. Alors, ça, c'est très clair de ce côté-là. Mais est-ce que pour vous il y a des... Est-ce qu'il faut avoir le beurre et l'argent du beurre ou s'il y a des choses que vous êtes prêt à sacrifier?

Le Président (M. Ferland) : M. le ministre.

M. Lisée : Ce qui est certain, c'est qu'on ne veut pas sacrifier le beurre, on ne veut pas sacrifier le lait, on ne veut pas sacrifier nos producteurs de lait et on ne veut pas sacrifier l'emploi dans les régions du Québec qui sont liées à l'industrie laitière.

Maintenant, je vous remercie, M. le député de Mont-Royal, de votre question. Vous dites : On a l'impression qu'il y a un cadre politique lorsque le Parti québécois discute de la question du libre-échange. Bien oui, heureusement, parce que nous, on est pour l'emploi, mais on est contre la dictature du marché. On pense qu'il est essentiel, dans nos accords de libre-échange, de ne pas sacrifier la capacité politique qu'a la démocratie québécoise de faire ses choix. Et on pense aussi qu'il est essentiel d'associer les Québécois de façon transparente à la négociation de l'accord de libre-échange.

Alors, on était très inquiets, lorsqu'on était dans l'opposition, de l'opacité avec laquelle le gouvernement libéral précédent et le gouvernement canadien menaient ces négociations. Et c'est pourquoi mon collègue Nicolas Marceau et moi-même, nous avons innové en arrivant, en disant : C'est un accord qui aura un impact important sur le reste... sur l'économie québécoise, sur plusieurs secteurs d'activité, et donc il faut faire ça de façon transparente.

Nous avons organisé, en octobre, un premier colloque, en fait une séance d'information et de commentaires avec une cinquantaine de membres de la société civile, des gens du patronat, des gens des syndicats, des organisations communautaires, culturelles. Nous avons refait la chose en janvier avec une conférence téléphonique assez longue, avec les mêmes. Nous avons demandé à notre négociateur de rencontrer   —   M. Pierre Marc Johnson   —   des acteurs, de rencontrer l'opposition. Encore en décembre, je pense que vous avez eu l'occasion de les rencontrer et de discuter avec eux. Et, pour nous, ce n'est pas quelque chose qui doit se faire en secret. Ça, c'est la première chose.

La deuxième chose, c'est qu'il est évident que, lorsqu'on a pris le pouvoir, on a voulu s'assurer que la démocratie québécoise et la capacité des Québécois de décider de leurs politiques environnementales, sociales n'allaient pas être, d'aucune façon, amenuisées par cet accord. Alors, on a fait en sorte que l'éducation, la santé, l'eau, la gestion de l'offre ne seraient pas négociables, et d'ailleurs ce n'est pas négocié. Rien dans l'accord n'incite nos gouvernements ou nos villes à privatiser quelque service que ce soit, rien n'entame notre capacité de favoriser des choix sociaux ou environnementaux. Il s'agit tout au plus d'élargir le nombre de contrats auxquels les entreprises européennes peuvent avoir accès par le mode de la compétition, de l'appel d'offres. Mais, dans le cadre légal québécois actuel et à venir, rien ne nous empêche de continuer à modifier notre encadrement législatif, environnemental ou autres.

• (9 h 30) •

Et nous avons aussi beaucoup insisté pour un balisage très sévère de ce qui préexistait au début de l'ALENA, c'est-à-dire la capacité des investisseurs de poursuivre un gouvernement parce qu'il aurait modifié une législation de façon à réduire ses profits. On a toujours été contre cette disposition. Et effectivement, dans les années qui ont suivi l'ALENA, grâce à la pression populaire, syndicale, politique, un balisage important a été fait pour qu'une entreprise ne puisse plus forcer un gouvernement à modifier une législation ou un règlement, ne puisse plus avoir de décision punitive, et que ce soit limité à lorsqu'un investisseur considère qu'une règle vexatoire ou discriminatoire le concernant particulièrement... dans ce cas-là, il peut se plaindre. Et également nous avons fait en sorte que… Sur la question culturelle, nous voulions nous assurer absolument que la protection de la capacité de l'État québécois à faire la promotion et d'appuyer ses industries culturelles soit parfaitement protégée dans ce nouvel accord, et donc nous avons fait en sorte que les libellés qui ont été discutés, qui sont parfois divers, reçoivent l'aval des experts de la Coalition de la diversité culturelle et de nos propres experts. Donc, là-dessus, oui, on est très, très, très politiques. Nous voulons absolument que ce ne soit pas le marché et les investisseurs qui décident des orientations politiques du peuple québécois, ça, c'est certain.

Maintenant, vous posez la question : Qu'est-ce qu'on leur offre en échange? Bien, ce qu'on leur offre en échange, c'est ce qu'ils ont demandé. Quelle est la principale demande des Européens? C'est l'accès au marché public de l'État québécois et des municipalités, et c'est ce qui est nouveau. C'est ce qu'on apporte à la table, la capacité pour leurs entreprises de faire des soumissions dans le cadre de notre cadre légal, et c'est le grand gain.

Ensuite, ils demandent autre chose. Bien, nous aussi, on peut demander autre chose, mais il y a des choses sur lesquelles on est très fermes puis il y a des choses sur lesquelles on est plus parlables. La culture, le recours des investisseurs, la gestion de l'offre, les quotas de fromage, on est très fermes. Et on leur dit : Si vous voulez autre chose, on est plus parlables sur autre chose. Alors, bien sûr, une négociation, c'est donnant, donnant. Mais je ne veux pas interpréter de vos propos que vous pensez qu'il faut donner sur les quotas de lait; corrigez-moi.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. M. le député.

M. Arcand : Je pense que vous avez vu la question qui a été posée hier, à l'Assemblée nationale, par mon collègue du comté de Huntingdon, je pense que c'est assez clair, notre position, à cet effet-là.

Alors, ma question, puisqu'on parle de ça... Puis, quand je parlais de politique d'abord et avant tout, évidemment il y a toujours l'ombre de la souveraineté qui est toujours présente, c'est surtout ça, ce dont je parlais. Vous voulez faire la promotion de la souveraineté, et une des façons, pour vous, de faire la promotion de la souveraineté, c'est prouver que ça fonctionne mal au Canada, qu'il y a des différences, etc. Donc, pour vous, c'est très important d'en arriver là et c'est en ce sens-là. Chaque geste qui est fait n'est pas nécessairement fait pour que ça fonctionne bien sur le plan économique. Plusieurs des gestes sont faits pour que ça fonctionne de façon à favoriser la souveraineté.

Ma question, donc, par rapport à cette question de quotas de fromage : Si demain matin... Parce que vous l'avez dit en entrevue, je crois, à Gérard Filion, vous l'avez dit de façon très claire, vous avez dit : Écoutez, ça, ce n'est pas... c'est du ressort fédéral, c'est eux à signer l'entente, etc. La première ministre a dit : Si l'entente ne fait pas l'affaire du Québec, il n'est pas possible qu'on puisse se retirer, on s'est donné l'obligation d'entériner les accords par un vote à l'Assemblée nationale. Dans les faits, cet accord s'appliquera, puisque c'est le Canada qui a la responsabilité des ententes commerciales avec le reste du monde. Alors, si demain matin les quotas de fromage sont augmentés, est-ce qu'à ce moment-ci vous... qu'est-ce que vous allez faire?

Le Président (M. Ferland) : M. le ministre.

M. Lisée : Bien, M. le député, je ne veux pas déduire de votre intervention que le parti que vous représentez serait prêt à entériner une entente négociée par le Canada quelle qu'elle soit. Je ne peux pas croire que vous êtes en train de nous dire que, puisque vous, vous n'êtes pas pour la souveraineté, si le Canada signe une entente, vous allez dire oui même si elle n'est pas dans l'intérêt du Québec. Je pense que vous avez à coeur les intérêts du Québec, quand même, et qu'il arrive que le Canada fasse des choses qui ne soient pas dans l'intérêt du Québec.

Alors, nous, nous avons beaucoup insisté pour être très actifs dans les négociations. Et d'ailleurs... et ça, je vais reconnaître la contribution du gouvernement antérieur pour faire en sorte que, jamais auparavant, le Québec n'a été aussi impliqué dans une négociation internationale, et nous espérons que ce sera le cas pour les négociations suivantes avec l'Inde, avec le Japon et dans l'accord transpacifique. C'est la demande que nous formulons. Et, puisque, dans nos discussions avec le ministre fédéral du Commerce extérieur, M. Fast, il nous dit qu'il est très, très heureux de la façon dont ça fonctionne, on dit : Bien, pourquoi ça ne fonctionnerait pas encore comme ça pour la suite?

Nous avons... Nous pensons que c'est dans l'intérêt du Québec que cette entente soit conclue. Nous pensons, comme le député de La Prairie l'a dit tout à l'heure, que c'est un extraordinaire potentiel de croissance pour l'économie québécoise, que les tarifs douaniers qui frappent un certain nombre de nos produits à hauteur de 6 % à 14 %, ils disparaissent va nous permettre de prendre des parts de marché importantes dans un marché de un demi-milliard de personnes. Et donc, oui, nous, comme nous le voulions pour l'ALE et l'ALENA précédemment... Et d'ailleurs je voudrais rappeler que M. Parizeau était favorable à la négociation avec les États-Unis, alors que M. Bourassa était contre, donc nous avons été des précurseurs là-dedans, M. Lévesque aussi était pour, alors que les libéraux étaient contre. Alors, on vous a finalement convaincus que c'était une bonne chose et on en est contents, on vous en remercie. Mais c'est sûr qu'on veut que ça marche, mais on ne veut pas que ça marche à n'importe quel prix. Et donc, tant que la négociation n'est pas terminée, comme tout bon négociateur, nous disons : On verra au mérite.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. M. le député.

M. Arcand : Alors, vous savez des choses, vous êtes au courant des négociations, vous savez probablement beaucoup plus de choses que nous savons au moment où on se parle. Et donc est-ce que vous croyez, à ce stade-ci, ou il est trop tôt pour le faire, quoiqu'on dit que, d'ici quelques semaines, ce sera déterminant, est-ce que vous croyez que nous serons appelés à rejeter certains éléments de l'accord, au moment où on se parle, ou vous ne le savez pas?

Le Président (M. Ferland) : M. le ministre.

M. Lisée : Bien, c'est-à-dire, ce n'est pas comme ça que ça va se passer. Alors, il y a un moment... Et d'ailleurs c'est pourquoi le rapport de force du Québec est très important dans cet accord, notamment parce que la Belgique... À Bruxelles on a insisté pour la présence des provinces, puisque le gain que les Européens veulent faire dépend de la volonté des provinces de leur laisser faire ce gain, hein? Ce n'est pas seulement le Québec, c'est toutes les provinces. Si l'Ontario était très en désaccord avec l'accord, il pourrait décider de ne pas voter les lois habilitantes, donc d'ouvrir ses marchés publics, et là le fédéral serait obligé de payer des compensations. C'est comme ça que ça fonctionne.

Alors, lorsque l'accord sera complété, nous, nous n'aurons la capacité que de dire oui ou non, dire oui ou non. Nous ne pourrons pas dire : On dit oui à tout sauf aux quotas de lait. Ça ne se présente pas comme ça. Et c'est pourquoi notre participation avant la conclusion de l'entente de principe est si importante, parce qu'on veut être en position, lorsque l'entente de principe sera faite, de pouvoir dire oui à l'accord. Notre objectif, c'est un oui. On aime ça, les oui, nous. On veut dire oui, hein? On veut que la majorité de l'Assemblée dise oui. Mais, pour se rendre à un oui, il faut être satisfait de ce qu'il y a à l'intérieur.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. M. le député.

M. Arcand : Est-ce que la volonté exprimée par le président américain, là, de vraiment entreprendre des négociations ne place pas le Canada dans une position un peu plus difficile actuellement? Parce qu'une des choses qui étaient vendues, entre autres, aux Européens, c'était de dire : Bien, écoutez, avant de faire une négociation avec les États-Unis, c'est plus facile de le faire avec le Canada, donc il faudrait que vous entreprendriez des négociations avec le Canada. Est-ce qu'il n'y a donc pas urgence de régler ça relativement rapidement?

M. Lisée : En fait, le président américain nous aide, parce que, s'il n'avait pas repris à son compte cette volonté américaine d'entamer des négociations avec l'Europe, les Européens auraient eu plus de temps, mais là ils ont moins de temps parce qu'ils sont pressés de passer à cette seconde étape. Et c'est très important pour eux de régler avec le Canada et avec le Québec pour pouvoir avoir des précédents dans cet accord transatlantique qu'ils vont vouloir faire valoir dans la négociation qui va s'ouvrir avec les Américains. Alors, non, ce n'est pas... ça ne nous gêne pas, au contraire, je pense que ça donne encore... ça donne un sentiment d'urgence plus important aux Européens. Mais, de toute façon, on est dans la phase finale, quoi qu'il en soit.

Maintenant, pour les Américains, ils sont au début d'un processus qui va être assez long. Je veux dire, nous, ça nous a pris trois ans. Bon, évidemment, ils vont profiter un petit peu des précédents que nous avons posés, et c'est pourquoi, par exemple sur la culture ou sur les investisseurs, il est si important pour nous de mettre nos lignes rouges dans l'accord avec l'Europe, parce que, lorsque l'Europe se retournera vers les États-Unis, ces lignes rouges seront présentes, et donc on pourra les exporter aux États-Unis, en un certain sens, et ne pas les affaiblir. Comme, dans le cas des investisseurs, les Américains ont finalement été d'accord avec nous, s'il fallait que ce soit plus faible avec l'Europe, ça pourrait affaiblir notre position. Donc, c'est une des raisons pour lesquelles on est si fermes.

Mais évidemment l'avantage comparatif que nous allons avoir en Europe, c'est qu'on sera... nos entreprises, nos produits seront sur le marché européen, avec un avantage comparatif de 6 % à 14 %, pendant tout le temps que prendra la négociation avec les États-Unis. Ça peut prendre deux ans, trois ans, quatre ans, c'est suffisant pour bien s'installer sur le marché. Et il n'est pas dit que l'accord avec les États-Unis va se conclure, parce que nous, on n'a pas le « Buy Québécois Act » dans nos marchés publics. Eux, ils ont le Buy America Act, et ça va être très, très, très difficile pour les Américains de convaincre les États de surseoir à un certain nombre de ces mesures-là, ce que nous, on a accepté de faire.

• (9 h 40) •

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. M. le député.

M. Arcand : Alors, si on revient sur la question des quotas de fromage, si vous n'êtes pas satisfait de ce qui est négocié, qu'est-ce que vous faites?

M. Lisée : Nous, notre stratégie, c'est de tout faire en sorte pour être satisfaits de ce qui sera négocié.

Le Président (M. Ferland) : M. le député.

M. Arcand : En fait, c'est parce que le problème que j'ai, c'est que vous avez quand même laissé un peu sous- entendre qu'à un moment donné, dans une négociation, on gagne, on perd, etc. S'il y a des éléments sur lesquels on perd, vous laissez sous-entendre que, bon, bien, on ne l'appliquera pas, cet élément-là en particulier. Est-ce que c'est toujours votre volonté d'agir en ce sens-là, et concrètement comment vous allez faire?

Le Président (M. Ferland) : M. le ministre.

M. Lisée : La négociation est en cours. Nos positions sont claires. Laissons travailler les négociateurs, et vous et moi et les autres membres de l'Assemblée, nous jugerons du résultat.

Le Président (M. Ferland) : M. le député.

M. Arcand : Et, sur la question des médicaments, sur la question des brevets, vous avez dit... Si demain matin ces éléments-là entrent en ligne de compte, vous allez faire une bataille avec Ottawa, mais vous allez respecter l'entente, de façon générale, que le Canada aura conclue, s'il conclut l'entente au niveau des brevets.

M. Lisée : Bon, ça, c'est une discussion qui a cours à l'intérieur de la délégation canadienne, donc, des provinces, et c'est évident que toutes les provinces disent au Canada que, s'il veut accepter la demande des Européens de la règle des 15 ans sur les médicaments, ça veut dire que ce sont les provinces qui vont payer ce surcoût et que cette...

Le Président (M. Ferland) : ...M. le ministre, à peu près, pour conclure.

M. Lisée : Pardon?

Le Président (M. Ferland) : Une minute environ.

M. Lisée : Très bien. Et que, donc, ce serait une concession canadienne que nous ne souhaitons pas, mais, s'il souhaite la faire, il devra compenser toutes les provinces. Alors, c'est une question que nous posons au fédéral a priori. Nous ne voulons pas faire cette bataille a posteriori. Nous voulons lui dire : Si vous voulez faire ça, voici ce que ça signifie.

Le Président (M. Ferland) : 30 secondes.

M. Arcand : Est-ce que vous avez une idée de la compensation que vous pourriez exiger du fédéral si demain matin ils acceptaient cette notion de brevet?

M. Lisée : Ça dépendrait du libellé, de la nature exacte du type de règle de la couverture. C'est trop tôt pour le dire. On travaille sur le principe.

M. Arcand : D'accord.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. Alors, c'est... Je veux juste vous informer que, si vous avez une question, il reste 30 secondes. Le ministre peut toujours répondre à la question si vous le désirez, mais le temps qui va dépasser sera enlevé de votre bloc à ce moment-là, mais c'est votre...

Une voix : ...

Le Président (M. Ferland) : Et voilà, aucun problème. Alors, merci.

Alors, maintenant, nous allons aller du côté de la partie ministérielle, et je reconnais le député de Sanguinet pour un bloc de 20 minutes.

M. Therrien : Merci, M. le Président. Je voudrais saluer les membres de la commission, les amis de l'opposition, le président, le ministre et son équipe.

Écoutez, j'écoutais le député de Mont-Royal, là, c'est bien difficile de négocier quelque chose dans un cadre fédératif canadien, vous ne trouvez pas, M. le ministre, que... je ne voulais pas parler de ça, là, mais d'essayer d'influencer le gouvernement fédéral qui, lui, prend la décision pour nous, puis de dire : Bien, si lui, il accepte, qu'est-ce qu'on peut faire? Je pense que ce serait plus simple si on était souverains, n'est-ce pas, M. le ministre? Je ne veux pas partir un débat là-dessus, mais, les gens qui nous écoutent, je pense qu'il n'y a pas de meilleur argument pour la souveraineté que les dernières 10 minutes du député de Mont-Royal qui se casse la tête à essayer de trouver une façon de représenter le Québec à travers quelqu'un qui ne représente pas le Québec, qui représente l'ensemble du Canada.

Puis j'avais déjà discuté avec son collègue de Huntingdon, qui représente les agriculteurs puis qui était bien inquiet de la gestion de l'offre, alors qu'on sait très bien que, si nous, on parlait en notre nom, la gestion de l'offre, ce ne serait même pas sur le tapis, on n'aurait même pas mis ça sur la table. Mais, bon, c'est comme ça. On est dans des aberrations, souvent, en politique, bien, c'en est une, aberration. Puis j'ai hâte, à un moment donné, qu'on arrête de parler de ça puis qu'on puisse avoir tous nos leviers pour parler en notre nom dans le concert des nations. Mais en tout cas ça dépasse le mot « pays » ou « province » , ça va compliquer toutes les relations qu'on a avec l'étranger. Je ne voulais pas parler de ça, mais je voulais juste glisser un mot, parce qu'on est devant une aberration, c'est tout.

Par rapport à ce que le député de Mont-Royal disait, que, quand les Québécois allaient à l'étranger, on faisait des efforts, surtout les souverainistes, pour montrer qu'on était différents, mais on n'a pas besoin de faire des efforts, ils voient bien qu'on est différents, ils ne sont pas caves, là   —   moi, je suis à la limite, là, hein? O.K.

Le Président (M. Ferland) : Moi, je n'ai pas dit un mot, mais effectivement il y a une ligne à ne pas franchir...

M. Therrien : Non, bien, à un moment donné, je suis allé en voyage...

Le Président (M. Ferland) : ...et vous êtes rendu à la rivière, là.

M. Therrien : O.K.

Le Président (M. Ferland) : Ne traversez pas le pont. Alors, allez-y, M. le député.

M. Therrien : Je suis allé… À un moment donné, avec le député de Marquette, on est allés représenter le Parlement québécois à Austin, au Texas, puis c'étaient des parlementaires des différents États américains et les provinces canadiennes. Et combien m'ont dit qu'il n'y avait pas de commune mesure entre l'approche du gouvernement québécois... puis là j'incluais mon collègue qui est du Parti libéral là-dedans, parce que lui aussi, il était très société distincte dans sa façon de présenter les dossiers. Ils disaient : Vous êtes plus énergiques, vous avez plus ça à coeur, vous intervenez plus; je veux dire, il n'y a pas de commune mesure avec les autres provinces canadiennes.

Alors, on n'a pas besoin de commencer à dire : On est Québécois, on est différents, raconter 200 ans d'histoire. Ce n'est pas à eux qu'on devrait raconter ça, c'est aux députés qui n'ont pas encore compris l'histoire du Canada. Alors donc, je pense qu'on n'a pas nécessairement besoin, là, de commencer à avoir un tee-shirt avec la fleur de lis, je pense qu'ils l'ont compris.

Autre chose que je voudrais discuter avec le ministre, puis là je vais vous laisser parler, M. le ministre, cette fois-ci : Un des premiers gestes... vous avez posé plusieurs gestes, mais un des premiers gestes, puis vous en avez parlé tantôt, c'était d'organiser un colloque avec la société civile  —  moi, j'étais là, on était une cinquantaine  —  pour justement faire le point sur les négociations avec l'Europe, et M. Johnson était là, et ça a été...

Moi, je ne sais pas si ça a été à vos oreilles, mais les gens de la société civile sont venus me voir, parce que, bon, ils ont vu que j'étais député du Parti québécois, et ils étaient enchantés, ils disaient : Mais c'est merveilleux, enfin on peut discuter, enfin on peut poser des questions, parce qu'il y a eu beaucoup de questions qui se sont posées. Ça fait dont changement d'avec l'opacité qu'on avait avant, qu'on ne savait pas trop où ce qu'on s'en allait, que tout était en danger, selon nous.

Et là il y a plusieurs intervenants qui sont allés au micro pour justement poser des questions à M. Johnson puis à notre ministre, puis, écoutez, ça a été un succès, et ça marquait une brisure dans le comportement du gouvernement du Québec, et ça a été salué. Je ne sais pas, est-ce que vous avez eu des échos, à part... parce que moi, j'étais à ce moment-là avec la société civile, mais avez-vous eu des échos de ça, de ce que je vous dis?

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Lisée : Oui, bien, merci de le rappeler. D'ailleurs, le député de Mont-Royal était présent. Le député de La Prairie, est-ce que vous étiez présent à...

Une voix : Non.

M. Lisée : Non. Mais nous avons organisé des briefings pour les membres de l'opposition. Le député de Mercier était présent aussi. Et même on avait invité des journalistes spécialisés. Pour les portions de présentation, on leur a demandé de se retirer pour laisser les membres de la société civile poser toutes les questions sans se demander si, oui on non, ça allait être dans les médias, mais ensuite ils pouvaient leur parler, bien sûr, ce qu'ils ont fait.

Non, on a eu beaucoup de... Ensuite, on a eu des sous-questions, tu sais, on a dit : Envoyez-nous des commentaires, des propositions, des questions, donc on en a eu. On a eu aussi... Bon, moi, j'ai fait analyser tout ce qui nous a été envoyé de différents groupes, à savoir : Est-ce que là il y a un argument qu'on n'a pas vu? Est-ce que... Et puis ça a alimenté nos conversations, de moi et de Nicolas Marceau, avec Pierre Marc Johnson. Et c'est important pour nous d'avoir... Parce que, vous savez, même les meilleurs négociateurs, on a tous confiance en M. Johnson et son équipe, bien, ils sont quand même dans cette bulle de négociations et puis ils cherchent le compromis, ils cherchent... bon. Puis il y a des moments où tout se tient, mais c'est la responsabilité du politique de prendre un pas en arrière puis dire : Bon, bien là, est-ce qu'on est en train de se mettre le doigt dans un engrenage, ou ça a une logique interne dans la négociation commerciale, mais on est trop loin de la volonté politique démocratique?

• (9 h 50) •

Alors, ça a permis... Moi, ça m'a beaucoup rassuré parce que j'ai pu confronter les points de vue puis même, parfois, des libellés qui m'étaient envoyés de différents groupes, disant... bon. Et ça a approfondi ma connaissance et celle de mes collaborateurs et de Nicolas Marceau, des arguments et des contre-arguments. Et on a pu voir aussi qu'il y a des contre-arguments qui, à cause de l'opacité antérieure, ont comme pris racine et qu'il faut déraciner. Bon, par exemple, il y a énormément de craintes sur la privatisation de l'eau, la privatisation des services municipaux de l'eau. Ils disent : Ah oui! si des grandes entreprises européennes françaises dans l'eau viennent, ça va être privatisé. Bien non! Il n'y a rien dans l'accord qui parle de privatisation, rien n'incite à la privatisation. Et, si une municipalité décide de donner un contrat, bien, elle donne un contrat et, à la fin du contrat, elle peut arrêter le contrat et reprendre à sa charge, donc au service public, la gestion de l'eau ou une usine d'eau, etc. Donc, il y a un certain nombre de mécanismes qu'on a expliqués en disant : Écoutez, il faudrait vraiment qu'une municipalité... la démocratie municipale décide de se départir complètement d'un secteur sans garder de lien pour que ça soit une privatisation. Mais ce sera la municipalité qui le décidera, et tout le monde sera là pour dire que ce n'est pas une bonne idée. On peut faire en sorte que le privé participe à certains services sans se départir de cette capacité. Alors, il y a des contrats, il y a des licences, il y a des sous-contrats qui peuvent... Et puis moi, je le dis  —  c'est ma position  —  j'invite les municipalités qui veulent faire affaire avec des entreprises privées extérieures de toujours garder la capacité de reprendre les choses à leur compte, si elles le décident, et de ne rien laisser partir.

Alors, même chose pour la santé, pour l'éducation. Dans le portrait, parce que c'est opaque, les gens s'attendent au pire. Et puis on a pu dire : Non, non, c'est dans la liste d'exceptions, c'est complètement blindé. Les Européens ne le demandent même pas. Des gens craignaient qu'on donne ce que les Européens ne demandaient pas. Alors, c'est pour ça que... Et la lumière, c'est... le meilleur désinfectant et le meilleur pédagogue, c'est la lumière. Alors, on va continuer. Mais, même s'il y a beaucoup de lumière, il y a des gens qui continuent à être contre en principe, et ça, je respecte ça. Il y a des gens qui pensent qu'il ne faudrait pas faire d'accord de libre-échange. Moi, je considère que, si on est très fermes sur la prérogative de la démocratie et qu'on ne se laisse pas dicter nos politiques, bien là, c'est un accompagnement de nos entreprises et de la création d'emplois, qui peut être significative, et, ça, c'est bon pour nous.

Et puis, je vais vous dire, dans les... Le député de Mont-Royal parlait de la mauvaise réputation du Québec. Tout est relatif, mais effectivement la corruption qu'on a vue dans l'attribution des travaux publics au cours des dernières années et le retard qui a été pris par le gouvernement précédent à créer cette commission d'enquête ont pu entacher, effectivement, un peu, la réputation du Québec, et nous sommes ici pour réparer le tort causé par le gouvernement précédent. Et probablement que d'avoir un peu plus de compétition dans les travaux publics avec des entreprises européennes, ça pourra aider à faire baisser les prix... à faire baisser les prix.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. M. le député.

M. Therrien : Oui. Merci. Oui, j'oubliais de dire que le ministre des Finances aussi était à cette journée. Et c'est vrai, ce que vous dites, M. Johnson l'avait bien spécifié, par rapport à l'ouverture des marchés publics, là, que ça permettait, là, comme vous dites, là, peut-être d'éliminer d'une certaine façon la corruption.

Tantôt, j'ai fait une erreur. Je parlais de la souveraineté du Québec, j'ai oublié de mentionner que notre collègue de la CAQ, le député de La Prairie, a dit que, lors du grand jour du référendum, il serait à nos côtés, du côté du oui. Je le salue, d'ailleurs.

Je voudrais aussi parler un peu de l'entente avec l'Europe, très rapidement, parce qu'on a l'expérience avec les États-Unis en... bon, dans les années 80, ça a été signé en 1988, appliqué en 1989, mais, quand on étudie l'économie puis qu'on étudie les relations économiques internationales, on a toujours comme conclusion d'entente commerciale qu'il y a certains nivellements soit des niveaux de vie, soit des prix, ou de plusieurs choses, et c'est comme si on ne pouvait pas y échapper. Avec les États-Unis, on voit qu'il y a quand même une grande disparité au niveau des salaires, au niveau des protections sociales et tout ça, et on avait beaucoup à craindre, dans les années 80, à cause de ça. Bien, en tout cas, il y a des gens qui pensaient que ça changerait beaucoup notre niveau de vie. Mais on ne remarque pas ça avec l'Europe, cet écart-là de niveau de vie, de la taxation, ainsi de suite. Est-ce que, pour vous, c'est plus rassurant de négocier une entente avec quelqu'un qui nous ressemble peut-être plus que d'avoir négocié avec les Américains, puis ça prouve à quelque part qu'on ne peut qu'avoir des bonnes nouvelles de négociations comme ça?

Le Président (M. Ferland) : M. le ministre.

M. Lisée : Moi, je pense que c'est bien qu'au cours des... Depuis l'Accord de libre-échange, en 1984, avec les États-Unis, puis ensuite, avec l'ALENA, avec le Mexique, les Québécois ont développé un sain scepticisme envers les accords de libre-échange. Et c'est bien d'avoir développé ce sain scepticisme là.

Au moment de l'accord avec les États-Unis, il y avait beaucoup, au Canada anglais, un peu chez nous aussi, cette crainte qu'on soit nivelés vers le bas sur la protection sociale. On disait : Bien, les entreprises, elles vont dire : Puisque j'ai le choix, davantage qu'avant, d'aller au Canada ou aux États-Unis, je vais aller aux États-Unis, où le filet social est moins lourd. Ça ne s'est pas produit. Et ça ne s'est pas produit, entre autres, parce que l'assurance maladie québécoise et canadienne libère les entreprises d'un coût très important qu'ils doivent assumer aux États-Unis, de façon... C'est ce qui a presque conduit GM à la faillite, c'est que les coûts d'assurance maladie qu'il devait assumer pour l'ensemble de ses retraités étaient quasi insupportables. Alors, en fait, on s'est rendu compte que la couverture sociale peut être plus... supérieure, au Canada et au Québec, peut être un facteur d'attractivité. Ce n'est pas vrai dans tous les cas, mais c'est vrai dans certains cas.

On a vu aussi que, finalement, ce qui s'est produit aux États-Unis par rapport au Québec… Pour prendre cet exemple, au cours des années de libre-échange, c'est que nous, on a augmenté la générosité de notre assurance médicaments. Le Parti québécois a créé l'assurance médicaments; les Américains en ont créé une. Les Québécois ont donné un régime d'assurance parentale plus généreux; pour la première fois, sous Clinton, les États-Unis ont adopté le droit   —  le droit  —   pour les salariés, de prendre des congés de maternité non rémunérés. Ils partaient de loin, là. Donc, ils se sont légèrement approchés de nous. Et puis finalement, avec l'administration Obama, enfin, les Américains se sont dotés d'une assurance maladie universelle de type privé, pas de type public.

Mais donc c'est le contraire qui s'est produit. Et je ne pense pas que c'est parce que le Québec et le Canada avaient une couverture sociale plus large, mais en tout cas, ceux qui disaient que ça conduirait à l'affaiblissement du filet social québécois, bien, c'est le contraire, hein, on a amélioré le nôtre, et les Américains ont légèrement amélioré le leur.

Alors, pour l'Europe, évidemment ça ne se pose pas ou ça se pose à l'envers, parce qu'eux, ils ont une couverture sociale qui est généralement plus généreuse que la nôtre. Alors, la question du nivellement… Moi, je pense que ce que le libre-échange a démontré, c'est que, malgré le libre-échange, la capacité des États, qui en ont la volonté politique, de gérer leurs affaires comme ils le veulent, elle est inchangée. Elle est inchangée et elle doit rester inchangée. Alors, ça, c'est une grande découverte.

Et évidemment il faut rester vigilants, et c'est pourquoi nous sommes si fermes sur toutes ces questions de politiques publiques, privatisation, eau, santé, etc., pour que ça ne soit absolument pas dans le champ. Et parfois il faut résister fermement; dans le champ de la culture, il faut résister fermement. Les Américains voudraient que le champ culturel soit complètement ouvert pour qu'ils augmentent leur part de marché en musique, faire sauter les quotas dans les radios, etc. Donc, il faut se défendre, mais une fois... quand on se défend, la tendance générale n'est pas au nivellement.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. M. le député, environ 5 min 30 s.

M. Therrien : Merci. Oui, vous avez raison par rapport à ce qui s'est passé aux États-Unis, le nivellement est venu un peu plus de l'autre côté.

J'aurais une question, mais je ne sais pas à quel point... C'est vraiment une question que je me pose, puis j'aimerais ça avoir vos lumières là-dessus. Quand on parle de gestion de l'offre au Québec, des dangers liés à la gestion de l'offre, on parlait de négociations, le député mentionnait bien tantôt, là, qu'à un moment donné tu mets sur la table puis tu espères, hein, de protéger tes acquis en laissant du lest ailleurs. Mais moi, j'aurais une question par rapport à la PAC. Parce qu'en Europe ils ont des subventions liées à l'agriculture, puis surtout la France, c'est à peu près la moitié de toutes les subventions de l'Europe, et je ne sais pas à quel point que les Européens, s'ils subventionnent comme ça l'agriculture… s'ils peuvent être exigeants puis cassants au niveau de la gestion de l'offre. Ça, ça m'échappe. Avez-vous une idée ou... Est-ce que ça se discute? Est-ce qu'on peut menacer avec les subventions liées à la PAC? Est-ce que c'est sur le tapis? Est-ce qu'ils n'en parlent pas du tout? Je ne sais pas.

• (10 heures) •

M. Lisée : D'abord, la PAC, c'est la Politique agricole commune de l'Europe, où les pays du Nord financent les pays du Sud, y compris la France, sur la production agricole, et qui protège le marché européen, avec des tarifs importants, des importations agricoles du reste du monde. D'ailleurs, on a souvent dit : Si on voulait aider durablement les pays du Sud, il faudrait abolir les subventions à l'agriculture à la fois en Europe et aux États-Unis, qui sont très, très importantes. Et, comme on sait qu'il y a le tiers de l'humanité qui vit avec moins de 1 $ par jour, bien, la vache européenne moyenne, elle, elle a 2 $ de subvention par jour. Alors, ça vous donne une idée, là, de l'importance de ces subventions.

Alors, non, la Politique agricole commune et la gestion de l'offre ne sont pas à la table de la négociation, parce qu'effectivement, je veux dire, ça serait comme impossible, les... Ça leur a pris un an à renégocier, là, récemment, le plan budgétaire quinquennal européen avec cette idée de la PAC, donc le renouvellement de la PAC. Et ce sont des éléments qui sont en négociation ou en tout cas qui sont sur la table pour la ronde de Doha, c'est-à-dire la ronde de négociations commerciales internationales qui ne va nulle part, et qui ne va nulle part parce qu'on ne s'entend pas sur la réforme de la PAC et des subventions américaines à l'agriculture.

Donc, effectivement, c'est... la discussion se fait sur les quotas, boeuf, lait... boeuf, fromage et porc, qui sont des exceptions à la règle, des exceptions préexistantes, et savoir si ces exceptions vont rester à leur niveau actuel ou vont être modifiées. Mais c'est intéressant parce qu'hier après-midi je rencontrais le ministre délégué aux Affaires étrangères d'Allemagne et puis je lui disais, comme à vous, qu'on était très fermes sur les quotas de fromage, et il disait : Ah oui! on connaît ça, parce qu'on négocie à la PAC. Alors donc, ce n'est pas... c'est dans leur univers mental, là. Je veux dire, pour eux, ce n'est pas dramatique, notre position, ils la comprennent, ils sont là-dedans tout le temps. Bon.

Et effectivement, comme vous disiez tout à l'heure, il y a un bout qui nous échappe, là, en ce sens que l'agriculture est une compétence partagée dans la fédération, mais cette question de quotas est vraiment sous l'égide fédérale. Et, si nous étions souverains, nous pourrions avoir un degré de certitude beaucoup plus grand. Ça, c'est le cas. On est souvent...

Dans cette négociation, les relations sont très bonnes avec le Canada. Dans d'autres négociations précédentes, surtout quand les libéraux étaient au pouvoir, c'était exécrable. Mais on est toujours en position de demander des permissions, hein, on est...C'est ça, la difficulté.

Le Président (M. Ferland) : M. le député, 1 min 15 s.

M. Therrien : Bien, juste en terminant, vous avez raison par rapport au cycle de Doha : ils ont essayé de limiter les subventions des pays riches, puis ça ne fonctionne pas du tout. C'était une façon de stimuler l'économie des pays en voie de développement. Ça ne fonctionne pas. Puis l'ancêtre du cycle de Doha, l'Uruguay Round, bien, il y a... à un moment donné, ils avaient mis en doute la PAC, et puis ce qu'on avait vu, c'est les Français... on avait vu des moissonneuses-batteuses sur les Champs ‑ Élysées, ainsi de suite.

Alors, c'est pour ça que, dans toute cette histoire-là, là, des quotas, là, je pense toujours à la PAC, je me dis : Je pense qu'ils ne sont pas nécessairement en position d'être très fermes dans leurs exigences, parce qu'ils voient la brindille dans notre oeil, mais ils ne voient pas la poutre dans le leur. Alors donc, moi, je vais m'arrêter ici, parce que je n'ai plus grand temps, je... tant qu'à poser une question...

M. Lisée : Avec votre permission, quelques secondes?

M. Therrien : Allez-y.

Le Président (M. Ferland) : Oui, allez-y. Il reste 30 secondes, M. le ministre.

M. Lisée : Juste pour dire à ceux qui nous écoutent, là, que, lorsqu'on parle de quotas d'importation de fromages européens, on ne parle pas de camembert puis on ne parle pas de parmesan, là. Ce n'est pas... ça ne serait pas... ça ne ferait pas en sorte que les fromages fins français coûteraient moins cher, ce qu'on aimerait bien. C'est du fromage industriel qui va dans la confection de plats préparés ou... Ce n'est pas du camembert.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. Alors, maintenant, je vais aller du côté du deuxième groupe d'opposition officielle et je reconnais le député de La Prairie pour un bloc de 21 minutes. M. le député.

M. Le Bouyonnec : Oui. Merci, M. le Président. Je vais me permettre un peu, là, en saluant mon voisin, le comté voisin, le député de Sanguinet, de revenir sur la question de la souveraineté, puisque ça a un petit peu alimenté la session d'aujourd'hui.

Sur cette question de la souveraineté, d'abord je douterais que le Québec seul, dans le cas où le Québec eût été souverain, puisse à lui seul engager une discussion bilatérale avec l'Europe. Donc, en ce sens-là, je pense que le fait que nous soyons dans le Canada nous sert, comme ça nous a servi aussi, probablement, dans l'Accord de libre-échange, et comme ça nous sert en ce moment, compte tenu de notre dette importante, comme ça nous sert d'avoir une espèce de bouclier économique canadien pour préserver, finalement, nos capacités d'emprunt.

Ceci dit, je reconnais aussi que, dans... Et c'est un peu les Européens, aussi, qui ont voulu aussi que les provinces soient très impliquées. Je réalise que le Québec est relativement autonome, puisque, même dans des négociations internationales, nous sommes effectivement à la table, invités, et, en ce sens, ça me rassure sur la capacité du gouvernement québécois, de l'Assemblée nationale de pouvoir performer aussi sur la scène internationale, à l'intérieur de notre cadre fédératif.

Je rajouterais à ça, concernant la question de la souveraineté : Oui, on veut éventuellement exporter davantage. On en a parlé, c'est important pour nous. Mais j'aimerais aussi qu'on exporte davantage à l'intérieur du Canada, parce qu'en réalité on voit que la part des exportations interprovinciales du Québec n'a jamais cessé de diminuer. Donc, nous importons davantage des autres provinces que nous exportons, et ce n'est pas à cause du pétrole albertain, parce qu'il n'est même pas encore dans l'équation, d'une part. D'autre part, même au niveau des exportations internationales, par rapport à notre part... la part canadienne, nous sommes aussi en descente.

Pourquoi j'aime l'accord du commerce extérieur avec l'Europe? Parce que justement, au niveau des barrières interprovinciales, cet accord-là, qui est l'accord le plus ambitieux que la terre n'ait jamais vu, en termes de libéralisation d'échanges, ferait en sorte aussi qu'il y aurait une libéralisation par effet sur les relations interprovinciales.

M. le ministre, une question... Puis moi, j'ai trouvé que la question, au salon bleu hier, de la part de l'opposition officielle était… Bon, c'est la période des questions, c'est normal, c'était... la démagogie a sa place dans la période des questions. Mais, la réalité, comme vous l'avez mentionné, effectivement, ce n'est jamais la gestion de l'offre qui a été remise en question. Ça n'a jamais été ça, ça a vraiment été la question de ce qu'on appelle les quotas à tarif nul. Et les quotas à tarif nul bougent un peu. On a 10 000 tonnes au niveau des fromages, les Européens en demandent le double. Peut-être qu'éventuellement il y a une question de négociation. Est-ce que c'est 1 000 tonnes de plus, 2 000 tonnes de plus ou... bon. Et je pense que là les négociateurs doivent avoir une certaine flexibilité.

Sur la question des brevets pharmaceutiques, et c'est ma question, il faut comprendre que, pendant longtemps… et j'avais cette discussion-là avec votre collègue, là, de la politique industrielle aussi; moi, je pense que les libéraux ont laissé tomber l'industrie pharmaceutique au Québec pendant les 10 dernières années. Nous avions une industrie florissante, et c'est pour ça que nous avions la règle des 15 ans, qui d'ailleurs, cette règle-là, est une règle comparable à la règle des Américains. La règle des 15 ans, qu'est-ce que c'est? C'est qu'à partir du moment où le brevet est « filé » il n'est pas mis en marché; il est en marché environ 10 ans après. Le Québec rajoutait 15 ans, ce qui donnait 15 ans à l'entreprise pour faire un peu de profit pour recouvrer ses investissements. Les Européens ont une formule un peu différente : c'est le fameux 20 ans que nous avons tous, mais ils ajoutent un cinq ans, qui donne de facto à peu près le même 15 ans.

Je sais qu'il est peut-être trop tard et je sais que notre formation a aussi appuyé le gouvernement dans sa volonté de réduire les dépenses publiques et puis d'abandonner la règle des 15 ans, mais, lorsque je regarde ce qu'il y a sur la table puis lorsque je regarde ce qu'a déjà été l'industrie pharmaceutique au Québec, je me demande s'il n'y a pas lieu là de revoir ce que pourrait faire le Québec pour redynamiser son industrie pharmaceutique et biotechnologique, à l'intérieur ou dans l'avancée de ces négociations-là.

Donc, éventuellement, je pense que ce front-là pourrait être un front qui pourrait être quelque chose que le gouvernement du Québec pourrait reconsidérer à l'intérieur... avec ou sans compensation du fédéral d'ailleurs, de ce point de vue, reconsidérer dans ses négociations éventuelles. Et, particulièrement sur ça, lorsque nous regardons la situation économique du Québec en général, ne croyez-vous pas qu'il y a donc une opportunité, au niveau de l'industrie pharmaceutique, dans le cadre de ces échanges avec l'Europe, de trouver une solution qui puisse plaire aux deux parties et nous permettre de relancer notre industrie pharmaceutique?

Le Président (M. Ferland) : M. le ministre.

M. Lisée : Merci beaucoup, M. le député de La Prairie. C'est sûr qu'on a vécu une dégradation de la présence pharmaceutique, surtout dans la métropole, ces dernières années, malgré l'application de la règle des 15 ans, et c'est clair que, donc, le rendement qui avait été espéré lorsque ça avait été établi diminuait considérablement. Donc, on a dit : On fait la règle des 15 ans, mais, en échange, les pharmaceutiques ont de l'emploi, de la recherche, des centres de recherche à Montréal.

Le fait est que les pharmaceutiques ont modifié leur modèle d'affaires au cours des dernières années, ce qui a réduit l'emploi ici, mais ailleurs aussi. Je veux dire, nous ne sommes pas... le Québec ne s'est pas singularisé dans la réduction de l'emploi dans le pharmaceutique. Comme on concentrait au Canada beaucoup de pharmaceutiques, ça a été pire ici, mais, en proportion, le modèle d'affaires a été modifié. Alors, avec mon collègue de l'Économie et des Finances, Nicolas Marceau...Je ne peux pas le nommer. Je retire les mots « Nicolas Marceau » . Je ne dirai plus « Nicolas Marceau » .

Le Président (M. Ferland) : Vous approchiez la porte. Allez, M. le ministre.

• (10 h 10) •

M. Lisée : Donc, le ministre de l'Économie et des Finances, M. le Président, propose plutôt un nouveau modèle d'affaires. Je crois qu'il faut relancer l'industrie pharmaceutique au Québec. On le fait avec un crédit d'impôt bonifié, pour la recherche. On le fait avec une première initiative qui s'appelle Neomed   —   c'est ça?   —   Neomed, qui a été lancée récemment, avec un genre de collaboration entre plusieurs pharmaceutiques, avec des molécules qui vont être développées. Il y a plusieurs projets qui sont en ce moment dans le pipeline, aux Finances et à l'Industrie, de collaboration de ce nouveau modèle d'affaires, et je pense qu'on est en train de reconstruire petit à petit la présence pharmaceutique dans la région de la métropole.

Sur le 15 ans, nous, on pense que ce n'est pas ça, le levier, maintenant. Ça l'a déjà été mais ce n'est plus le bon levier. Alors, c'est pourquoi on dit : Écoutez, nous, notre décision démocratique et de stratégie industrielle, c'est que ce n'est pas le levier. Si le fédéral veut nous imposer ce levier, il génère des coûts importants d'achat des médicaments. Donc, évidemment   —   pour expliquer   —   comme le médicament breveté ne devient pas générique plus tôt, le générique est moins cher, nos hôpitaux achètent du générique, nos patients achètent du générique, on rembourse. Si on n'a pas cette capacité-là, il y a évidemment des coûts importants qui sont liés à ça.

Dans sa stratégie de négociation, si les fédéraux veulent donner ça, ils doivent nous compenser. C'est aussi simple que ça. Parce que ce n'est pas eux qui vont assumer les coûts, ce sont les provinces qui assument les coûts de cette décision-là. Alors, c'était une question tout à fait de logique interne, il me semble.

Le Président (M. Ferland) : M. le député.

M. Le Bouyonnec : Est-ce qu'on réalise, dans cette discussion bilatérale… Puis je reviens sur les accords de Doha, où justement les négociations multilatérales ont capoté, finalement, donc maintenant certains pays ou certains grands blocs se sont retournés vers des négociations bilatérales comme celles que nous voyons. Et d'ailleurs je ferais remarquer que, O.K., on veut dire : Le Québec n'est pas seul à la table, parce qu'il n'est, par exemple, pas souverain, mais, de ce point de vue là, même l'Allemagne n'est pas seule à la table. L'Allemagne se met derrière l'Europe et puis pourtant elle a un point économique beaucoup plus important.

Mais, à l'intérieur de cette négociation-là, compte tenu de la complexité, M. le ministre, est-ce que vous croyez qu'aujourd'hui le Québec est en situation… Compte tenu de ces exigences, compte tenu aussi que certaines provinces canadiennes ne sont tout simplement pas représentées, parce qu'elles n'ont pas la capacité puis la fonction publique suffisamment sophistiquée et importante pour suivre ces négociations, est-ce que vous pensez que le Québec est en situation, de par ses demandes, de faire capoter cet accord-là? Incroyable! j'ai une réponse...

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Lisée : Non, mais, écoutez, les demandes... Il y a d'autres provinces lourdes, comme l'Ontario, la Colombie- Britannique et l'Alberta, qui sont présentes, qui sont actives, qui ont leurs propres intérêts. Et, moi, tout ce que je comprends de la discussion, c'est qu'il y a une discussion parfois vive, mais qui fait partie de la négociation normale. Le Canada doit composer avec les uns et les autres, a ses propres objectifs de négociation. On comprend les objectifs de négociation européens, mais je ne pense pas que...

C'est vrai que nous sommes particulièrement insistants sur la gestion de l'offre et la culture. Ça, c'est clair que, si on n'y était pas, le niveau de demandes serait moindre. Ça fait partie un peu de notre mission en politique internationale en général. Mais moi, je ne vois pas qu'on pose un problème particulier. Je pense qu'on fait tout simplement partie de la négociation.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. Alors, M. le député.

M. Le Bouyonnec : Oui. Sur la question que vous avez abordée un petit peu tout à l'heure, la question des contrats publics, effectivement c'est la grande ouverture que souhaitaient les Européens. Et puis, pour nous, ce que ça signifie, ça signifie que, lors d'appel d'offres, des conditions de contenu local, contenu québécois, contenu canadien deviennent des conditions qui deviennent inacceptables à l'intérieur de ça. Donc, on sait à ce moment-là qu'on va toucher, surtout dans les grands travaux de transport en commun... Contrairement à l'Europe, nous sommes un peu en retard dans le déploiement de nos infrastructures de transport en commun. Donc, on sait que, de ce point de vue là, il y a plus de chances qu'il y ait plus de contrats à venir, hein, toutes proportions gardées, à Montréal puis au Québec, qu'il pourrait y en avoir dans les pays européens qui sont plus développés, comme la France par exemple, à cet effet.

Ça pose la question de dire, par rapport à certaines de nos industries clés, comme Bombardier, Nova Bus, que l'espèce de petite protection que nous avions déjà, eh bien nous la mettons à risque à l'intérieur de ces négociations-là si ça devait voir le jour. Et en plus on comprend aussi que les contrats, ce ne sont pas que les gros contrats, ce ne sont pas que les contrats des municipalités, mais c'est aussi des contrats au niveau des écoles, des hôpitaux, donc des contrats avec une plus basse granularité.

Avec mon collègue le député de Saint-Jérôme, grand soldat de la lutte anticorruption, anticollusion, nous avons eu, à l'intérieur de notre caucus, sur cet aspect, des discussions, là... la relation entre les mécanismes que le gouvernement met en place pour surveiller, en fait, les entreprises, octroyer le certificat, là, de probité, par l'AMF, pour les entreprises qui soumissionnent sur des contrats publics. Et la question qu'on se posait au moment où nous contribuions à améliorer la loi, c'est : Comment allons-nous éventuellement gérer ça dans le cadre... s'il devait y avoir un accord de libre-échange, le CETA, et comment pourrions-nous étendre, autrement dit, les prérogatives de l'AMF à des sociétés externes? Alors, bon, elles remplissent une demande, etc. Comment... Quels mécanismes de vérification allions-nous avoir? Quel impact ça allait avoir sur le nombre d'enquêteurs, sur le côté équitable de l'évaluation? Parce qu'évidemment les sociétés québécoises seraient davantage contrôlées, ayant accès à davantage d'information, versus, par exemple, une société italienne qui viendrait de Naples puis qui soumissionnerait sur l'entente.

À l'intérieur de nos discussions, si je vous pose la question, M. le ministre, c'est que nous n'avons pas résolu le problème. On a trouvé que c'était un problème réel, que c'était un problème sérieux qui méritait davantage de réflexion. On s'est dit : Probablement que le gouvernement y a aussi songé, pour faire en sorte que nos entreprises ne soient pas, de ce point de vue là, désavantagées par rapport à ces entreprises extérieures. J'aurais aimé vous entendre, là, sur ces...

Le Président (M. Ferland) : M. le ministre.

M. Lisée : Merci. Je vais laisser le président du Conseil du trésor revenir avec ça. Mais, oui, nous avons ces discussions, comme vous, dans l'élaboration du projet de loi n °  1, et donc le principe général, c'est que toutes les entreprises qui veulent avoir des contrats publics doivent avoir leur certificat d'intégrité de l'AMF, y compris les entreprises étrangères. Alors, un certain nombre... Bon, il y a 600 entreprises européennes sur le marché québécois en ce moment, qui sont installées, il y a 600 entreprises américaines, et elles doivent répondre au cadre légal québécois, elles savent comment et elles vont s'adapter.

La question qui est posée, c'est : Si on a un appel d'offres pour une infrastructure majeure et qu'il y a une entreprise espagnole... Par exemple, pour le PPP sur l'autoroute 30, c'est une entreprise espagnole qui s'est conformée aux lois québécoises pour le faire et qui, si je me souviens bien, n'avait pas pignon sur rue. Bien, ça va être la même chose. Alors, ils vont venir à l'AMF, ils vont devoir remplir... Il y a des modalités qui peuvent être... d'abord qui sont... qui peuvent être à la charge de l'entreprise. L'entreprise doit démontrer qu'elle a utilisé un tiers accrédité pour faire sa démonstration qui a satisfait aux conditions de l'AMF ou autrement. Ça, ce sont des dispositions qui sont en voie de discussion, et effectivement notre objectif, c'est de faire en sorte qu'il n'y ait pas de... que tout le monde soit sur un pied d'égalité en matière d'intégrité.

Et ça va donner quelques beaux cas, c'est sûr que ça... on sait déjà que ça va donner quelques beaux cas. Et il y a peut-être des entreprises européennes, là  —  il y en a des milliers et des milliers, hein  —  peut-être quelques-unes, qui savent que ça ne vaut même pas la peine de demander, parce qu'elles ont à leur actif ou à leur passif une condamnation pour fraude en Italie, ou en Allemagne, ou ailleurs, qui fait en sorte qu'elles ne seraient pas éligibles. Donc, ça, il n'y a aucun doute là-dessus.

Sur le matériel roulant, cependant, il y a une exception. Alors, vous parlez de Nova Bus ou de Bombardier. La position de négociation, c'est que nous exigeons toujours 65 % de contenu canadien pour le matériel roulant, ce qui signifie que, si une entreprise étrangère veut soumissionner, elle devra produire localement. De la même façon, pour tout ce qui est infrastructures routières, les gens disent : Oui, mais ça va être à l'étranger. Bien non! Alors, cette entreprise espagnole qui a fait la 30 est arrivée ici, a embauché des salariés québécois, a pris... a loué du matériel ou acheté du matériel au Québec, et l'essentiel du contrat qu'elle a eu a été retourné dans l'économie québécoise

Alors, c'est pourquoi, là, on n'est pas en situation de délocalisation, on est en situation de localisation, en fait. On entraîne des capitaux étrangers qui vont soumissionner et qui vont faire travailler des Québécois.

Le Président (M. Ferland) : M. le député.

M. Le Bouyonnec : M. le Président, combien me reste-t-il...

Le Président (M. Ferland) : Il vous reste un gros 5 min 38 s.

M. Le Bouyonnec : Alors, je vais réserver une bonne question pour M. le ministre, là. Alors, je peux même prendre plusieurs secondes pour y réfléchir, éventuellement, pour...

Le Président (M. Ferland) : Ils vous appartiennent, M. le député.

M. Le Bouyonnec : ...puis avoir une réponse aussi claire que celle qu'il a donnée à l'autre question tout à l'heure.

M. Lisée : Pensez-y.

• (10 h 20) •

M. Le Bouyonnec : Et là je vais abuser du fait que je suis critique aussi pour la métropole et puis que vous l'êtes. Il est venu à ma connaissance que  —  et c'est une question de commerce extérieur  —  il est venu à ma connaissance que l'AMT, finalement, avait lancé un appel d'offres pour la rénovation d'un certain nombre de locomotives, lequel appel d'offres suit son cours, et éventuellement il y aura des résultats. Seules deux entreprises, en fait, sont capables, entre guillemets, de répondre à ça : une entreprise canadienne basée à Montréal et une entreprise américaine. Il n'est pas clair que l'entreprise, à ce stade-ci, canadienne  —  même si on a des jobs en jeu dans la région de Montréal  —  va l'emporter. Puis, de toute façon, les appels d'offres, pour l'instant, sont privés, donc je n'en connais pas la teneur, vous n'en connaissez pas la teneur.

Mais, en regardant cette situation-là, je me suis rappelé, comme vous l'avez souligné, que nous avons le « Buy America Act » . Nous savons aujourd'hui qu'une entreprise canadienne ou québécoise qui voudrait la même chose ne pourrait pas le faire dans le cadre de la situation américaine, et nous permettons à une société américaine de venir, avec d'autres règles, soumissionner sur nos contrats.

Comme ministre du Commerce extérieur, porte-parole de la métropole, j'aurais aimé avoir de vous une réponse à cet effet-là pour, dans un beau nationalisme économique d'à-propos, faire en sorte de pouvoir… faire en sorte... je ne sais pas comment, intervenir pour que ce qui m'apparaît, moi, comme étant inéquitable pour nos travailleurs et puis notre économie puisse être, dans ce cas-là particulier, adressé par le gouvernement du Québec.

Le Président (M. Ferland) : M. le ministre.

M. Lisée : Bien, je vais prendre votre question sous considération, parce que je n'ai pas une réponse spécifique. Cependant, sur le « Buy America Act » , il faut savoir qu'on a négocié avec les Américains des exemptions dans, si je me souviens bien, 23 États   —   Jean, combien d'États pour le « Buy America Act » , nos exemptions?

Une voix : ...

M. Lisée : 27, oui. Il me semble que, donc, c'est ça, 27 sur 50 États ont accepté de donner une exemption aux Canadiens et aux Québécois   —   alors, je ne sais pas où est cette entreprise, évidemment. Donc, on a réussi, et ça, ça a été dans les négociations post-11 septembre et « PATRIOT Act » , de faire en sorte, pour la première fois dans l'histoire commerciale américaine, qu'on avait un accès privilégié.

Ce qui ne veut pas dire que c'est toujours appliqué à la lettre, mais en tout cas c'est le cas. Et, lorsque je suis allé à Washington en décembre, j'ai rencontré les gens du commerce et, comme il y a de nouveaux projets de loi de relance économique partielle, et souvent les représentants américains essaient d'attacher des clauses « Buy America » à chaque projet de relance, j'étais content de voir que les représentants du commerce, donc, à des niveaux assez élevés, avaient une veille là-dessus et pouvaient nous dire que, pour l'instant, ils n'en voyaient pas, mais, à chaque fois qu'ils en voyaient, ils intervenaient auprès des représentants pour leur demander de le retirer, parce que souvent, bon, les représentants font ça pour des raisons politiques ou ne savent pas qu'il y a un accord Canada — États-Unis sur les exemptions. Donc, on a un accès privilégié.

Sur la suite, bien, je serais curieux aussi de voir quelle est la proportion, puisque c'est du matériel roulant, de contenu canadien, québécois qui doit être respectée par cette entreprise américaine qui fait la soumission, et que, donc, il devrait y avoir de la production locale.

Le Président (M. Ferland) : M. le député, 40 secondes environ.

M. Le Bouyonnec : Oui. Dans ce cas-là, il semblerait que les locomotives soient envoyées  —  j'oublie l'État, là, j'aurais pu l'avoir par cœur, mais je l'ai oublié  —  carrément aux États-Unis pour être refaites et ramenées à Montréal par la suite.

M. Lisée : Ah! Je vois. On va se renseigner.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci, M. le député. Merci...

M. Le Bouyonnec : Merci, M. le Président. Merci, M. le ministre. C'était ma dernière intervention. On n'a pas beaucoup de temps, vous savez...

M. Lisée : Pour la journée?

M. Le Bouyonnec : Pour les gens qui nous écoutent, nous n'avons pas beaucoup de temps, la deuxième opposition.

Le Président (M. Ferland) : Non, mais les échanges ont été très intéressants et...

M. Lisée : On ira prendre un café.

Le Président (M. Ferland) : Je ne peux juger de la qualité ni des questions et des réponses, mais je peux vous dire que c'est très bien à date.

Alors, maintenant, je vais aller du côté de la partie ministérielle avec... Je reconnais le député de Rimouski, je crois, avec un temps de 20 minutes. M. le député.

M. Pelletier (Rimouski) : Merci, M. le Président. D'abord, il me fait plaisir de saluer M. le ministre et les gens qui l'accompagnent, saluer mes collègues d'en face : MM. le député de Mont-Royal, le député de La Prairie, mes collègues aussi du côté ministériel. Et, vous aussi, quand même, M. le Président, je vous salue.

Une voix : Quand même, quand même.

M. Pelletier (Rimouski) : Je voudrais, avant de... Avant de m'adresser au ministre, je vais peut-être faire quelques remarques sur ce que j'ai entendu à date.

D'abord, lorsque mon collègue de Sanguinet disait que, quand il dit qu'il n'était pas cave, il se demandait s'il avait atteint une certaine limite, c'est vrai que, dans des débats entre collègues, on se respecte puis c'est facile, on se respecte facilement. Mais je veux dire à mon collègue de Sanguinet que, lorsqu'on parle de soi, le président peut être très tolérant.

Le Président (M. Ferland) : Vous voulez que je réponde absolument à votre...

M. Pelletier (Rimouski) : Ensuite, on a parlé ce matin, et c'est inévitable… Lorsqu'on parle de commerce extérieur, c'est inévitable que des termes comme la « souveraineté » et le « fédéralisme » viennent sur la table. Et ce que j'ai apprécié ce matin… Et le premier qui a parlé de souveraineté, c'est le député de Mont-Royal, le député de Mont-Royal qui… à mon avis, c'est un grand fédéraliste puis c'est un grand nationaliste aussi. Et puis le fédéralisme, c'est une option que l'on respecte. Par contre, la souveraineté, du côté de certaines personnes du Parti libéral, c'est un peu la paranoïa, là. On a peur de la souveraineté. À chaque fois qu'on fait un geste, on a peur que ça soit pour faire la souveraineté. Parce que la souveraineté, ça semble être pour eux un drame terrible qui va nous tomber sur la tête si jamais ça arrive. Mais ce n'est pas ça. Ce n'est pas ça. Je pense que la souveraineté, c'est... 40 % des Québécois la souhaitent. Alors, il faut respecter ça, puis il faut l'aborder avec sérénité. Vous savez, ça ne fera pas mal à personne.

Et puis je pense que le Québec, qui est une nation distincte, qui est un peuple… je ne pense pas que c'est un peuple hégémonique, puis je ne pense pas qu'il va l'être demain non plus. Alors, il ne faut pas paniquer avec ces grands concepts. Contrairement à mon collègue de La Prairie, moi, vous savez, M. le ministre, je n'ai pas baissé les bras devant la capacité des Québécois et des Québécoises à s'affirmer sur la scène internationale et à négocier ses propres affaires. Je pense qu'on est un peuple, qu'on est capables de s'occuper de nos affaires puis je pense qu'on l'a prouvé dans le passé.

M. le ministre, dans ce bloc-ci, je voudrais aborder peut-être avec vous trois sujets. Je voudrais parler peut- être de la balance commerciale actuelle. Je voudrais peut-être qu'on revienne aussi sur la gestion de l'offre sous un autre angle. Peut-être, ce qu'on a parlé jusqu'à date, c'est... Jusqu'à date, la gestion de l'offre, on en a parlé comme si elle était en péril. Mais moi, je voudrais qu'on en parle... dire pourquoi qu'elle n'est pas en péril, parce que... la nécessité de cette mesure-là pour notre agriculture au Québec.

Et, troisièmement, le troisième sujet que j'aimerais parler avec vous, c'est les mesures de soutien à nos fabricants et exportateurs québécois, nos PME, nos petites entreprises, moyennes entreprises qui exportent à l'extérieur; puis il y a un programme, je pense que c'est le programme PEX, puis il pouvait... qui était géré par le MDEIE, l'ancien MDEIE, maintenant avec le Commerce extérieur, est transféré sous votre ministère. J'aimerais qu'on parle aussi des mesures qui sont en place dans votre ministère pour continuer à soutenir ces entreprises-là, dont certaines, je vous avouerais, là… et je vous amènerai des cas que, dans ma région, certaines sont un petit peu inquiètes actuellement et ont besoin d'être rassurées, d'être informées sur les nouveaux programmes qui sont mis en place et les nouvelles visions aussi, qui viendront dans le futur.

Et, au niveau de la balance des paiements... Je vous parle de la balance des paiements, je ne vous parle pas de déficit commercial parce que... Je vous parle de balance commerciale et non pas de déficit commercial parce qu'au Québec, depuis quelques années, lorsqu'on parle de ce concept-là, on est rendus qu'on parle de déficit commercial. On parle toujours de déficit commercial. Pourtant, est-ce qu'au Québec on est condamnés à vivre éternellement avec un déficit commercial? Est-ce qu'un surplus commercial, ça peut exister pour nous aussi? Moi, je pense que oui. Alors, c'est pour ça que je vous parle de balance commerciale.

Et puis d'ailleurs le député de La Prairie, dans ses remarques préliminaires, a justement abordé la question, disant que, 2000-2001, je pense, on était en surplus puis que maintenant on est dramatiquement en déficit. Alors, c'est pour ça que je voudrais revenir là-dessus.

Vous savez, au Québec, c'est une pépinière de PME, hein? Puis l'agriculture, la forêt, c'est extrêmement important au Québec. Et puis moi, je place les activités commerciales, économiques, au Québec, sous trois niveaux. Le premier niveau, puis j'irai par exemple, je pense, pour être bien compris… Parce qu'il faut penser que ce matin aussi il y a à peu près... entre 2 et 3 millions de Québécois et Québécoises qui nous écoutent par le truchement de la télévision. Alors, si on veut bien se faire comprendre de tout le monde, je pense qu'on peut prendre des exemples concrets. Alors, je suis issu de l'enseignement, aussi, puis je suis habitué à prendre des messages concrets. Parce que, vous savez, dans l'enseignement, le but, ce n'est pas tellement de livrer la marchandise, c'est de s'assurer qu'elle a été comprise.

• (10 h 30) •

Alors, dans... Je vous donnerais comme exemple… Ici, au Québec, par exemple, nous avons des producteurs de produits... Prenons un producteur de pommes de terre. Un producteur de pommes de terre dans une région X fait ses récoltes, vend ses pommes de terre. Supposons qu'il les vend à l'intérieur du Québec, restons à l'intérieur du Québec. Alors, dans sa région, il produit ses pommes de terre et il les vend partout au Québec. Alors, c'est sûr que sa région profite, justement, de cette augmentation de PIB dans sa région. Dans les autres régions du Québec, bien là, eux achètent la pomme de terre. Alors, ce n'est pas, certainement, ces régions-là qui en profitent, de l'activité économique. Par contre, dans d'autres régions, il se fait d'autre chose qui revient dans la première région de production de pommes de terre.

Mais, lorsqu'on produit des pommes de terre et d'autres produits semblables, on fait la semence au printemps, on fait la récolte à l'automne, puis on fait la consommation durant l'hiver, de sorte qu'au printemps suivant il ne reste plus rien de ça. Il ne reste plus rien de ça, sauf les avantages économiques dans la région productrice. Mais, au niveau du Québec, l'argent a tourné à l'intérieur du Québec, elle est restée dans les murs du Québec. Puis je ne vous dis pas que ce n'est pas une activité économiquement intéressante, bien oui, mais, dans les barèmes, là, qu'on s'entend, c'est resté à l'intérieur du Québec.

Une deuxième forme de production, si on parle, par exemple, de la fabrication, construction d'infrastructures , comme des routes, des hôpitaux, des palais de justice , c'est la même chose, en supposant que tous les contracteurs, le personnel qui a travaillé... qui ont oeuvré à ces travaux-là, ce sont des gens du Québec et ça sert les gens du Québec. Ici, on a une valeur ajoutée, parce qu'il va rester quelque chose. Tout à l'heure, les pommes de terre étaient disparues l'année suivante, mais ici il va rester quelque chose. Je prends l'autoroute 30, par exemple, la construction de l'autoroute 30, c'est sûr que ça crée des emplois, ça donne du travail à des contracteurs locaux et donc ça crée une forme d'économie, encore là, régionale, mais peut-être régionale un peu plus étendue, et puis... mais ici on vient de créer une infrastructure qui va durer 30, 40, 50 et plus et qui a une valeur économique ajoutée au patrimoine québécois... aux infrastructures québécoises. Et, troisièmement, ça va aussi servir, dans les années futures, à des activités économiques. Mais, encore là, c'est de l'argent qui est retourné au Québec puis qui reste à l'intérieur du Québec. Puis c'est loin d'être mauvais, là, parce qu'on vient d'augmenter la valeur des infrastructures québécoises; puis les municipalités sont bien contentes de ça aussi.

Troisième forme d'activité économique, c'est nos entreprises qui fabriquent, qui, en fabriquant, produisent de l'emploi au Québec, font travailler aussi des entreprises, d'autres entreprises au Québec et puis... mais qui exportent à l'extérieur du Québec. En exportant à l'extérieur du Québec, là on a une entrée; l'argent qui rentre dans la région, là, elle ne vient pas d'une autre région du Québec, là, elle vient de l'extérieur du Québec. Alors là, on a un troisième niveau d'intéressement économique, c'est d'augmenter... d'améliorer la balance commerciale des Québécois et des Québécoises. Et, en bout de ligne, l'enrichissement réel, global et d'avenir, c'est évidemment les fonds, les argents qui viennent de l'extérieur. Alors, je pense que c'est... On comprend pourquoi que le ministère   —   votre ministère, en fait   —   était très intéressé à mettre l'emphase, justement, sur les relations avec l'extérieur pour favoriser, justement, le commerce extérieur, pour améliorer notre balance commerciale.

Alors, ma question, justement, sur la balance commerciale : J'aimerais que vous nous traciez un portrait, M. le ministre, de l'évolution de la balance commerciale, peut-être pas aller aussi loin que mon collègue de La Prairie, puis on le mentionnait, là, tout à l'heure, là, 2000-2001, mais en supposant... Partons du fait qu'en 2000-2001 on était positifs. Où on en est rendus aujourd'hui? Par quels chemins a-t-on passé? Je comprends que le pétrole y est pour beaucoup, là, dans notre déficit commercial, mais l'achat de pétrole à l'extérieur; si on parle de 16, 17 milliards puis si notre balance est déficitaire de 26, 27, il y a d'autres choses, là, il n'y a pas juste du pétrole. Alors, j'aimerais que vous nous traciez un tableau de la balance commerciale : où elle en... comment elle était, comment elle a traversé à travers les ans, comment elle est aujourd'hui et quelles sont les perspectives d'avenir sur ce sujet-là.

Le Président (M. Ferland) : Alors, M. le ministre.

M. Lisée : Merci. Juste un petit point d'information, là, sur le « Buy America Act » . Donc, c'est 37 États qui ont ouvert leurs marchés publics avec cet accord canado-américain, en échange de l'ouverture des nôtres. C'est ça qui s'est produit, et on continue à travailler sur les 13 récalcitrants.

Oui, bien, l'évolution du déficit commercial, donc, justement j'ai une petite diapo que je peux vous montrer pour illustrer la chose. Donc, effectivement, en 2002, on avait un surplus commercial de 4,2 milliards de dollars. Et, si on avait le graphique précédent... Je veux dire, le fait que le Québec a profité de façon massive de l'ALE et de l'ALENA, c'est intéressant parce qu'au départ la... On a combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Ferland) : Ah! il vous reste environ 8 min 30 s.

M. Lisée : O.K. Au départ, il y avait des études pancanadiennes sur la projection des économies des provinces à l'étranger qui montraient que le Québec était, malgré la forêt et le minerai, la province qui avait le moins d'exposition à l'étranger et qui était la plus dépendante du marché canadien, alors que d'autres provinces avaient une exposition beaucoup plus forte à l'étranger. Il y avait déjà du pétrole, mais, plus généralement parlant, évidemment, l'Ontario avait l'automobile.

Et donc il y a cet économiste, John Helliwell, que le député de La Prairie connaît peut-être de nom, qui disait : Voilà pourquoi le Québec n'a pas intérêt à un libre-échange, parce que son infrastructure, ses entreprises ne sont pas bien prédisposées à s'ouvrir. Et pourtant, dans le débat sur le libre-échange dans les années 80, ça a été les entreprises québécoises… et l'élite politique québécoise qui a été la plus favorable. Et le fait est que, dans les années qui ont suivi, le Québec est passé de la queue de peloton de l'ouverture économique au sommet du peloton dans les provinces canadiennes.

Donc, on a démontré , nos entreprises ont démontré … L'accompagnement que le ministère du Commerce extérieur et d'autres ont fait a démontré qu'on avait une capacité de se projeter, d'ouvrir des marchés, de vendre nos produits qui a été vraiment remarquable. Ce qui a fait qu'au début, avant le libre-échange nord-américain, 66 % de nos exportations allaient dans le reste du Canada, 33 % dans le reste du monde, et, à la fin, c'était 33 % dans le reste du Canada, 66 % dans le reste du monde. Donc, on a complètement modifié, on a décanadianisé, en un sens, l'économie québécoise et on l'a mondialisée, ce qui est très bon pour la résilience de l'économie québécoise, donc la diversification de nos consommateurs.

Mais évidemment... On est devenus une des cinq nations à l'économie… les plus ouvertes au monde, ce qui fait que, quand il y a un ralentissement mondial, bien, il y a un ralentissement des achats mondiaux, donc il y a un ralentissement de nos ventes, et donc ce sont des conditions qui créent une faiblesse qui est plus grave pour nous. Une nation qui est plus autarcique va être moins frappée par un ralentissement mondial qu'une nation qui est plus ouverte comme la nôtre.

Donc, on a un déficit qui était déjà de 10 milliards avant la crise de 2008 et que... moins 25 milliards après la crise de 2008, en 2010, et ça commence à se résorber un peu : moins 23 en 2011. Puis vous avez tout à fait raison de noter que ce n'est pas que le pétrole, parce que c'est vrai que les prix du pétrole ont augmenté, ce qui a creusé notre déficit commercial, mais on importait du pétrole lorsqu'on était en surplus, hein?

Alors, que faire? Bien, effectivement, il y a deux choses à faire. À l'interne, c'est réduire nos importations de pétrole ; ce qu'on devrait faire même si on était en surplus. Alors, comment le faire? On en a de deux façons : d'abord, en réduisant la consommation de pétrole dans le transport, qui est le principal poste de consommation. Alors, c'est pourquoi nous avons des cibles très ambitieuses : on veut que d'ici 2020 le quart des voitures québécoises soient électriques et d'ici 2030 75 % des transports publics soient électriques. Je ne me trompe pas, là, M. le député de Sainte-Marie — Saint-Jacques, c'est ça, ce n'est pas loin? Alors donc, c'est majeur. Donc, réduire nos importations de pétrole. Et, deuxièmement, effectivement, si on peut utiliser notre propre pétrole pour remplacer le pétrole étranger, ça va nous donner un avantage considérable, à l'économie québécoise.

• (10 h 40) •

Maintenant, regardons ce qui s'est passé, donc, depuis la crise, nos exportations chez notre principal client, les États-Unis, de 40 milliards en 2009 à 43 milliards en 2012. Alors, ça, c'est la prévision sur les 11 premiers mois. Donc, on voit qu'on a légèrement rétabli nos exportations aux États-Unis, alors que l'économie est très, très lente. Alors, pourquoi? C'est essentiellement parce qu'on a bien ciblé... Bon, l'État de New York qui continue... mais qui est un point d'entrée pour l'ensemble de l'économie américaine, donc on a passé de 4,6 à 5,9. Mais, par exemple, le Texas, où on a augmenté de 2,5 à 3, on voit qu'il y a un potentiel de croissance important. Donc, dans notre politique commerciale, notre objectif, c'est de bien cibler les zones en croissance. Ça peut être des zones dans des marchés matures, comme le marché américain. Il y a des zones qui sont en croissance, comme le Texas. Et on voit ici, donc, depuis 2002 à 2011, la progression du PIB texan par rapport à la production du PIB américain. On voit bien que là, si on a du potentiel de croissance des exportations, c'est dans la partie des États-Unis qui est en forte croissance. Donc, il y a une partie ciblage qui est importante pour nous.

Maintenant, si on regarde nos exportations en Europe, on voit que ça s'est dégradé avec le marché européen. Donc, on exportait 8,5 milliards en 2009 et maintenant 7,6 milliards, donc on a perdu 1 milliard. Le marché européen ne sera pas en croissance pendant des années, hein, on est pour des années de croissance molle. Et donc, effectivement, notre potentiel de croissance   —   c'est celui qu'indiquait le député de La Prairie tout à l'heure   —   c'est de prendre pleinement la... entrer dans la porte que va nous ouvrir l'accord de libre-échange et de faire en sorte, oui, d'avoir une stratégie très forte, dès que les tarifs vont tomber, de 6  % à 14  % , à 0  % , de faire en sorte d'accompagner nos entreprises dans l'occupation du terrain pour gagner des parts de marché, pour faire en sorte de revenir à notre position antérieure ou de la dépasser, en sachant qu'on va prendre des parts de marché existantes, mais on ne sera pas portés par une augmentation du marché européen pendant les années qui viennent.

Mais j'entendais tout à l'heure dire : Oui, l'Afrique, c'est intéressant, mais c'est une petite partie du marché mondial. C'est vrai, sauf qu'on se rend compte que même, pour nous antérieurement, le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine ne constituaient que 7 % de notre marché d'exportation. On a dit : Bien, pourquoi mettre des efforts dans ce qui n'est que 7 %? Bien, c'est parce que le potentiel de croissance est très grand. Alors, quand on regarde la croissance de nos exportations depuis 2009 sur notre marché principal, on a crû de 3,4 milliards de dollars, donc 3,4 sur notre marché principal, mais, sur ce petit marché qui n'est que de 7 % de nos exportations, on a augmenté de 2,3 milliards nos exportations, hein? Donc, s'occuper d'un marché où on n'est pas nous a donné presque autant d'exportations supplémentaires que s'occuper d'un marché où on est très présents.

Alors, c'est pourquoi la diversification, c'est vraiment la clé du rétablissement de nos exportations et de leur croissance. Et c'est dans la stratégie commerciale que nous sommes en train de développer. On essaie de bien cibler nos forces intérieures, quels sont les secteurs d'emploi qui sont présents à l'étranger et qui veulent s'étendre ou ceux qui ont la capacité de croître, et donc les accompagner là-dedans, mais aussi bien cibler à l'étranger, géographiquement et par secteurs, là où le potentiel de croissance est le plus grand.

C'est sûr que, si on va travailler à peu près n'importe où avec une délégation commerciale, on va finir par trouver des contrats, hein? Et c'est très, très rare, une délégation commerciale qui ne revient pas avec un maillage, avec un contrat. Mais, comme nos moyens sont limités, hein, nous, ce qu'on veut faire, c'est faire en sorte de faire la délégation commerciale ou l'accompagnement dans le lieu où le potentiel de croissance est le plus grand. Il faut que chaque dollar qu'on investit donne le plus grand...

Le Président (M. Ferland) : ...M. le ministre, pour...

M. Lisée : Pardon?

Le Président (M. Ferland) : ...30 secondes environ.

M. Lisée : 30 secondes.

Le Président (M. Ferland) : Mais vous pouvez déborder sans problème, ça sera enlevé...

M. Lisée : O.K. Mais essentiellement c'est ça. Donc, pour montrer notre grande... Le mot clé, c'est la diversification. Dans le BRIC, on continue; en Afrique, on veut accompagner le décollage africain et on pense qu'il y a des potentiels de croissance qui sont très grands dans ces endroits-là.

Le Président (M. Ferland) : Merci. Merci, M. le ministre. Maintenant, nous allons aller du côté de l'opposition officielle, et je reconnais le député de La Prairie pour un bloc de 20 minutes. M. le député...

Une voix : ...

Le Président (M. Ferland) : Mont-Royal, excusez. Mont-Royal.

M. Arcand : Merci beaucoup, M. le Président. M. le ministre, j'aimerais aborder un certain nombre de questions, peut-être répondre rapidement au député qui parlait de souveraineté. Et je pense que le ministre sera d'accord avec moi que souvent, en matière de relations internationales, c'est souvent une affaire de gros joueurs. Et donc je ne suis pas convaincu, effectivement, que, dans un Québec souverain, l'Europe aurait répondu aussi rapidement à une demande de négociation de cette sorte. Alors, ça, je pense que c'est un point extrêmement important.

Deuxièmement, je peux simplement vous dire que le Québec a beaucoup profité du Canada, surtout dans les périodes où j'étais là. Il y avait des raisons, je dirais, idéologiques du gouvernement canadien. Entre autres, le gouvernement Harper ne s'intéressait pas à l'Europe à ce moment-là, beaucoup, il ne s'intéressait pas beaucoup à l'Asie, c'était surtout... Ils voulaient avoir leur siège sur le Conseil de sécurité des Nations unies. Donc, leur politique, elle était très centrée vers les États-Unis. Ça a permis au Québec de vraiment bénéficier d'une foule de services du gouvernement canadien à ce moment-là. Et nous étions reçus par les ambassadeurs canadiens, ils nous ont ouvert beaucoup de portes; il aurait été plus difficile de le faire autrement. Alors, ça, ça fait partie parfois des avantages qu'on peut trouver à l'intérieur du fédéralisme.

Maintenant, je voulais poser la question au ministre sur un peu de structure, si vous me permettez, durant ces échanges que l'on va faire. Moi, à l'époque où j'étais ministre des Relations internationales, M. le ministre, j'étais ministre des Relations internationales et responsable de la Francophonie. Pour moi, je dirais, 75 % de mon temps était consacré, si on veut, à accompagner les entreprises sur le plan international. Je n'avais pas le commerce extérieur, mais quand même le rôle de facto était d'accompagner, d'ouvrir ces marchés-là aux entreprises. C'était une grande partie de mon temps, c'était 75 %. Le 25 %, c'était de m'occuper de la Francophonie, des relations avec la France, des relations avec, entre autres, Haïti, qui est un joueur évidemment, pour nous, qui est important, et également de s'occuper, évidemment, de l'organisation de la Francophonie avec M. Diouf, avec Clément Duhaime, et compagnie. Donc, c'était un peu la définition de tâches qui m'était... qui m'incombait à ce moment-là.

Ma question à vous… Parce que vous êtes ministre des Relations internationales, Commerce extérieur, vous vous occupez encore de la Francophonie, vous êtes ministre responsable de Montréal, vous vous occupez en plus des anglophones spécifiquement à Montréal, et en plus vous trouvez le temps d'aller sur Twitter, des blogues, etc. Donc, vous êtes quelqu'un d'extrêmement occupé. Alors, dans ces proportions-là, j'aimerais que vous m'expliquiez quel est le pourcentage que vous attribuez à ces différentes fonctions?

Le Président (M. Ferland) : M. le ministre.

M. Lisée : Alors, c'est 100 % à chacune.

Je reviens à la question qui a été posée, et qui est une vraie question : Est-ce que le Québec aurait pu seul négocier une entente de libre-échange avec l'Union européenne? C'est une bonne question. On n'a pas la réponse à ça, mais la réponse... on n'a pas la réponse non plus, parce qu'Israël, 7 millions d'habitants, a négocié un accord de libre- échange avec l'Union européenne; la Norvège, moins de 5 millions d'habitants, a négocié un accord de libre-échange avec l'Union européenne; le Maroc, qui a le tiers du PIB du Québec, l'a fait aussi; l'Égypte, qui a les deux tiers du PIB du Québec, l'a fait aussi; et le Pérou, qui a 60 % du PIB du Québec, l'a fait aussi. Si l'Europe voulait faire un projet pilote sur l'Amérique du Nord, ils n'étaient pas dans la situation stratégique où le Québec est. Mais le Québec a voulu un accord de libre-échange avec l'Union européenne et, contrairement à Israël, la Norvège, le Maroc, l'Égypte et le Pérou, il a été obligé de demander la permission, il a été obligé de faire le tour  —  M. Charest l'a fait, et je salue sa persévérance  —  il a été obligé d'aller convaincre les premiers ministres un par un que c'était important.

Et, comme vous l'avez dit tout à l'heure, le gouvernement Harper, ça ne les intéressait pas, l'Europe. Tout ce qu'ils voulaient, c'était leur poste au Conseil de sécurité. Ils ne l'ont même pas eu. Alors donc, il a fallu demander à 10 autres personnes plus Harper, que ça n'intéressait pas : S'il vous plaît, nous, on pense que c'est dans l'intérêt du Québec, est-ce qu'on ne devrait pas commencer cette négociation-là? Alors, je peux vous dire que, si Québec avait été souverain, on aurait pu aller directement à Bruxelles puis dire, comme nos amis Israël, Norvège, Maroc, Égypte, Pérou : Nous aussi, on voudrait un accord de libre-échange, et ce serait tellement extraordinaire pour vous, parce que ça vous permettrait d'avoir un canevas à partir duquel, ensuite, demander l'équivalent au Canada, nos bons voisins, le pays souverain, le Canada qui serait notre voisin et ami, et ensuite, peut-être, aux États-Unis. Alors, lorsqu'on fait des scénarios, tous les scénarios sont possibles.

• (10 h 50) •

M. Arcand : C'est parce que... M. le Président, est-ce que je pourrais... Je comprends, là, que le ministre ne veut pas répondre à la première question, mais je pense que c'est une question qui est très importante et je voudrais juste qu'il réponde à la question, si c'était possible.

Le Président (M. Ferland) : Non, mais je... Oui. Là, il n'y a pas de problème, je pense qu'il y venait.

M. Lisée : Oui. Ah oui, tout à fait.

Le Président (M. Ferland) : Moi, je surveille le temps...

M. Lisée : Mais c'est parce que vous avez soulevé ça. C'est la première chose que vous avez dite, donc c'est la première chose à laquelle je réplique.

Le Président (M. Ferland) : Allez-y, M. le ministre.

M. Lisée : Et, deuxièmement, vous... Donc, la question, c'est comment je répartis mon temps? C'est ça?

Une voix : Oui.

M. Lisée : Oui. Bien, je pense que j'ai donné aussi cette réponse. Le fait de... C'est intéressant, vous avez dit que vous, vous n'aviez pas la responsabilité du commerce extérieur mais de facto vous accompagniez les entreprises, mais vous n'aviez pas la capacité de modifier les politiques, avoir... vous n'aviez pas le pouvoir de signature sur le commerce extérieur. Donc, vous étiez un peu délégué du ministre des Finances et de l'Économie ou du Développement économique pour faire ça. Donc, moi, je fais ce que vous faites mais en ayant... La première ministre a décidé de me donner la responsabilité du développement des politiques, de la fusion des deux ministères, de leur adéquation, d'augmenter leurs politiques. Donc, j'accorde probablement le temps que vous accordiez.

Je me suis rendu compte, pour la métropole, que l'adéquation entre la métropole et les Affaires internationales et le commerce était très, très grande. Et ça me permet de... Lorsque je rencontre des gens qui sont actifs dans les grappes industrielles ou autres choses, on parle du développement de la métropole et de leurs exportations, et le fait... et je les revois dans les tables d'exportateurs et je les revois dans les tables des grappes. Alors, pour moi, je trouve que c'est un avantage, c'est un avantage.

Et puis, quant aux blogues, bien, ça fait 30 ans que j'écris, alors... C'est un muscle. Et c'est vrai que j'écris plus rapidement que d'autres. Mais, pour l'instant, je pense que mon activité ministérielle est très grande, est très active et... C'est ce que je fais lorsque j'ai fait tout le reste.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. M. le député.

M. Arcand : Bien, M. le ministre, premièrement, je veux juste démystifier. Tout le monde parle des relations avec le Canada comme étant toujours très complexes. Évidemment, il y a des dossiers complexes, mais je peux simplement vous dire, pour y avoir été impliqué : Quand M. Charest a discuté, au sein du Conseil de la fédération, avec les principaux premiers ministres des principales provinces, je peux vous dire que ça s'est réglé très rapidement, tout le monde a été d'accord avec ça. Il a discuté par la suite avec M. Harper. Alors, ce n'était pas tellement compliqué.

La question à laquelle vous ne semblez pas très intéressé de répondre, c'est la question sur la répartition de votre temps. Parce que vous êtes un être humain, je sais que vous êtes certainement très compétent, mais vous êtes humain, le temps est compté dans la vie. Et moi, je considère, sur le plan strictement de la structure, que vous avez beaucoup de fonctions, fonctions qui sont importantes. Vous êtes en plus un député, là. Je n'ai pas ajouté le fait que vous exercez, dans votre comté de Rosemont, la fonction de député. Alors que le Québec vit d'exportations, alors qu'il est fondamental pour le Québec...

D'ailleurs, j'avais des chiffres, à un moment donné, qui montraient que, toutes proportions gardées, par rapport à son PIB... Je pense que le Québec exporte presque autant, évidemment toutes proportions gardées, que les deux principaux pays exportateurs au monde, soit la Chine et l'Allemagne, là. Toutes proportions gardées, le Québec exporte à un pourcentage très important. Et donc c'est fondamental qu'on ait un ministre du Commerce extérieur à temps plein.

Alors, c'est pour ça que je pose la question, qui m'apparaît assez importante, parce que vous avez quand même beaucoup de chapeaux, et ce sont des éléments qui m'apparaissent très importants. Et donc : Est-ce que vous ne sentez pas une certaine difficulté à exercer toutes ces fonctions-là de façon... Il y a 24 heures dans une journée, alors il y a une... Je pense que c'est une question qui est légitime.

Le Président (M. Ferland) : M. le ministre.

M. Lisée : Oui. Et la réponse, c'est non. Alors, évidemment, il y a eu des cas où le ministre des Finances, et de l'Économie, et du Commerce extérieur, et des Institutions financières, et du Conseil du trésor, hein, accumulait ces fonctions. Donc, en fait, je cumule moins de fonctions que plusieurs de mes prédécesseurs l'ont fait. Et il est essentiel de bien s'entourer. Alors, l'équipe du Commerce extérieur qui travaille avec moi, mon cabinet, les sous-ministres et parfois... C'est un travail d'équipe, le gouvernement. Comme vous le savez, vous n'avez pas fait toutes les missions commerciales, parfois vous avez demandé à d'autres membres du cabinet ministériel de les faire. Alors, par exemple, François Gendron, comme il y avait un volet agricole important à la mission en Chine à l'automne dernier, donc c'est le vice-premier ministre… et, pour les Chinois, c'était important, c'était le vice-premier ministre qui est allé faire la mission en Chine. Dans d'autres cas, ça va être Mme Zakaïb qui va faire une mission pour...

Le Président (M. Ferland) : ...interdit de nommer les personnes par leurs titres. Je vous demande juste de… J'étais convaincu que ça...

M. Lisée : Ah oui! Excusez-moi. La ministre, la ministre de l'Industrie va pouvoir faire une mission, le ministre de l'Économie et des Finances va faire une mission. Le gouvernement parle d'une seule voix et peut être représenté par plusieurs d'entre nous. Donc, ça n'a pas été une difficulté   —  m a réponse à cette question.

Mais je reviens aussi, puisque vous l'avez évoquée, sur la question du Canada. Vous dites : Ça a été relativement simple. Peut-être que ça a été simple. Bien, je me souviens que ça a pris un certain temps, et puis il fallait convaincre le gouvernement canadien de l'importance... Et, même si tout le monde est d'accord, une fois que tout le monde est d'accord, il faut mettre ça en quelque part dans la liste des priorités, il faut que ça devienne une priorité. Et on sait bien que, donc, la volonté politique était à Québec, et il a fallu que Québec convainque Ottawa d'avoir la volonté politique de le faire. Ça a été fait, bravo!, mais c'est une étape supplémentaire qu'il faut faire, puisque nous ne sommes pas souverains, que nous n'aurions pas à faire.

Moi, je vois aussi qu'en plusieurs cas... Je vois les ambassadeurs canadiens, les hauts-commissaires, les consuls généraux, et on a de très bons rapports avec eux, ça se passe très bien dans la plupart des cas, mais... Je vais vous donner l'exemple de l'Inde, puisqu'on en revient.

Vous dites : Est-ce que le Québec a le poids? J'ai été agréablement surpris de voir que le Québec, comme gouvernement, était plus présent dans l'État du Maharashtra, l'État de Mumbai, où vous êtes allé, qui est la métropole, le Toronto, le New-York de l'Inde, plus présent que n'importe quelle province canadienne, plus présent que n'importe quel État américain et que sa présence de délégations de toutes sortes était plus forte que celle du Canada   —   du Canada   —   alors qu'on a moins de moyens et qu'on paie 20 % des frais de la diplomatie canadienne. Alors, c'est bien la moindre des choses qu'ils nous offrent des services puisqu'on paie pour 20 %.

Mais ce que ça m'a dit, c'est que, écoutez, avec les moyens que nous n'avons pas, nous faisons en sorte que ce joueur qu'est le Québec a une présence réelle plus grande que beaucoup d'autres. Alors, imaginez ce qu'on pourrait faire si on avait ce 20 % qui va à la diplomatie canadienne, si on l'avait, nous, ce serait encore mieux. Alors, l'idée que le Québec est petit et ne fait pas le poids, bien, on est tellement actifs qu'on fait le poids, on fait le poids.

Mais, pour cette visite, qui s'est très bien déroulée, il a fallu demander la permission pour voir même des gouverneurs d'État. Des fois, ils disaient : Êtes-vous certains que le Canada est d'accord? Êtes-vous certains? Alors, ça crée même, chez nos interlocuteurs, une incertitude, il faut qu'ils vérifient deux fois, ça ajoute des délais. Est-ce qu'on peut vraiment signer un accord sur la sécurité sociale entre l'Inde et le Québec alors que le Québec n'est pas souverain? Il faut demander la permission, il faut qu'Ottawa dise oui, il y a des délais. Alors, tout ça, quand ça va bien, il y a des délais qui grèvent notre efficacité.

Et parfois ça va très mal. Parce que moi, j'ai vécu, lorsque j'étais conseiller de M. Bouchard et de M. Parizeau, mais surtout à M. Bouchard, qui avait une grande activité internationale, que le gouvernement libéral de Jean Chrétien avait décidé de ne nous mettre que des bâtons dans les roues et, en certains cas, de refuser de transmettre nos demandes de rencontre avec des personnalités politiques étrangères. Et là c'est de la volonté de nuire. Alors, en tant que province du Canada, nous sommes à la merci de la bonne ou de la mauvaise volonté d'un autre.

Le Président (M. Ferland) : M. le député.

M. Arcand : C'est sûr que, quand on a un gouvernement qui veut la souveraineté, c'est peut-être plus difficile, effectivement, de négocier avec le gouvernement canadien, ce qui est normal. L'expérience que j'ai eue en politique, ça a toujours été, évidemment, le contraire, jusqu'ici. Ce qui ne veut pas dire qu'on n'a pas eu des différends quand même avec Ottawa.

Je reviens, M. le ministre, à une question qui... Et je vous sais d'ailleurs particulièrement assez intelligent pour ne pas répondre ce que vos autres collègues ont répondu par le passé quand on parle de coupures. Quand je regarde dans les crédits aux Affaires internationales, on s'aperçoit que les crédits 2012-2013, c'était 30 millions pour le commerce extérieur. On est rendus à 22 millions, soit une réduction de 7,5 millions de soutien au commerce extérieur. Je sais que, quand on pose des questions sur les coupures à vos autres collègues, ils nous disent toujours que c'est des réinvestissements. On joue avec les chiffres, et là, soudainement, ce n'est pas des véritables coupures.

Alors, ma question, elle est bien simple : Qu'est-ce que vous allez couper dans ce 7,5 millions là? Qu'est-ce que ça représente?

• (11 heures) •

Le Président (M. Ferland) : M. le ministre.

M. Lisée : Oui. Bien, je suis très content que vous me posiez cette question, parce que je ne suis pas de bonne humeur, pas de bonne humeur avec ça du tout. Parce qu'on a... on doit accompagner nos entreprises dans le commerce extérieur, on doit reprendre des parts de marché et on doit pouvoir déployer autant de fonds que possible.

Et il y a un programme qui a été créé sous l'administration précédente, qui s'appelle le Programme d'exportation, dans lequel on dit aux entreprises : Nous allons vous aider à organiser vos missions à l'étranger. Vous pouvez nous déposer des projets, 100 000 $ par projet, par année financière, maximum de 40 % des dépenses admissibles, 50 % de l'aide financière est remboursable. Il y a des seuils d'admissibilité. C'est bien fait. C'est selon le chiffre d'affaires, donc ça coûte moins cher pour une PME que pour une grande entreprise. On a des territoires de destination. Les forfaits de déplacement sont ajustés selon la destination, une allocation journalière qui est raisonnable, 75 $, 100 $, 125 $. Et les entreprises ont dit : C'est très, très bon.

Et les entreprises, j'ai pu le voir... Je l'avais vu sous le gouvernement Bouchard quand on faisait des maillages d'entreprises. Et même, quand on allait dans Team Canada, parfois les entreprises ontariennes voulaient venir dans les séances de maillage québécoises parce que c'était mieux organisé que celles du reste du Canada. Alors, vraiment, nos entreprises savent que nos services d'accompagnement commerciaux sont excellents.

Et donc ils se sont rués sur ce programme, parce que le gouvernement libéral avait annoncé 79 millions de dollars : 79 millions de dollars vont être disponibles pour l'accompagnement au commerce extérieur. Et ensuite on a dit : Ah, bien non, ce n'est pas 79, en fait, parce qu'on va recycler 20 millions qui étaient déjà dans un programme précédent, alors en fait on passe de 79 à 59. Et puis ensuite le gouvernement a dit : Ah, bien non, mais ce n'est pas 59, finalement, parce qu'on a besoin de faire des compressions, alors ça va être moins. Mais ne vous inquiétez pas, a dit le ministre, même si c'est moins que prévu, on va trouver l'argent.

Alors, ce qui fait que l'administration publique, en toute bonne foi, a accepté un grand nombre de demandes des entreprises et a surengagé le programme. Il l'a surengagé de façon très significative. Et, lorsqu'on est arrivés, on s'est rendu compte qu'il avait surengagé au-delà de ce que le gouvernement précédent avait budgété. Alors, maintenant, nous sommes en situation de devoir gérer à la fois le succès du programme et à la fois le défaut de paiement dans les crédits du gouvernement précédent, parce que les promesses n'ont pas été tenues.

Alors, on a été obligés de dire aux entreprises, puis je sais que mon collègue doit avoir des cas : Écoutez, n'appelez plus...

Le Président (M. Ferland) : Une minute pour conclure.

M. Lisée : O.K. N'appelez plus parce que là on est en décaissement, c'est-à-dire qu'on décaisse cette année, on décaisse l'an prochain et l'année suivante pour des engagements qui ont déjà été pris. Mais malheureusement le 79 millions qui avait été promis par les gouvernements précédents n'a pas été au rendez-vous. Donc, voilà la situation.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. Il reste 30 secondes, si...

M. Arcand : Donc, c'est la faute des libéraux. Ah, c'est absolument la faute des libéraux, encore une fois, s'il y a moins de 7 millions.

M. Lisée : Oui.

M. Arcand : Ah bon! C'est toujours la faute des libéraux.

M. Lisée : Non, pas toujours, non. Pourquoi... mais...

M. Arcand : C'est toujours la faute du gouvernement libéral dans des choses comme ça. Moi, je...

Des voix : ...

Le Président (M. Ferland) : Je vous demanderais juste de... Là, c'est... On assiste à un échange et non des questions, là.

M. Lisée : Vous savez... Je vais prendre juste 30 secondes, avec votre permission.

Le Président (M. Ferland) : Oui, il reste à peu près ça.

M. Lisée : Comme vous l'avez dit tout à l'heure, il m'arrive de dire que M. Charest a fait la bonne chose ici, vous avez pris la bonne décision là. Et, quand je dis que c'est votre faute, c'est vraiment votre faute.

M. Arcand : Oui, mais...

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci, M. le ministre. Maintenant, je vais aller du côté de la partie ministérielle. Je reconnais le député de Sainte-Marie — Saint-Jacques pour un bloc de 20 minutes. M. le député.

M. Breton : Merci, M. le Président. Écoutez, à la lumière des documents qu'on a reçus ce matin de la part du ministre, effectivement c'est de la faute des libéraux. Je regarde les coûts de voyage, voyez-vous : voyage du premier ministre à Atlanta, 2009-2010, ça a coûté trois fois plus cher que ce que c'était écrit initialement; le voyage du ministre des Finances, ça a coûté cinq fois plus cher; le voyage du premier ministre, ensuite, à Los Angeles, cinq fois plus cher; le voyage du premier ministre à Washington, huit fois plus cher. Donc, avec des factures comme ça, c'est sûr qu'on se retrouve dans des situations financières compliquées. CQFD, comme on dit.

Je voudrais revenir sur les remarques préliminaires du député de Mont-Royal, qui parlait d'incertitude avec les compagnies, les multinationales, etc., sur les gaz de schiste, sur les mines, sur les hydrocarbures. Écoutez, en fait, c'est très simple, c'est que, quand on ne met pas la charrue devant les boeufs, c'est-à-dire lorsqu'on décide de mettre en place un cadre rigoureux d'exploitation, de conservation pour faire en sorte que, quelle que soit la ressource, ça soit fait de façon sérieuse, on ne se retrouve pas dans une situation d'incertitude.

On ne peut pas avoir meilleur exemple de mauvaise gestion de ressources naturelles que celle des gaz de schiste. Et je pense que monsieur, qui était ministre de l'Environnement à l'époque, est en mesure de témoigner. Écoutez, on a été face à une levée de boucliers historique à cause justement d'un problème de gestion monumental.

Il y a aussi, dans le dossier des ressources naturelles… Je voulais vous parler du BRIC, ou du BRICA, depuis 2011 il y a l'Afrique du Sud. Ça, ça correspond, selon les chiffres les plus récents, à environ 20 % du produit intérieur brut mondial, 40 % de la population mondiale, environ 3 milliards de personnes, et on calcule qu'en 2025 on devrait se retrouver avec à peu près 40 %, aussi, du produit intérieur brut. Et, moi, une chose qui m'intéresse particulièrement, M. le ministre, c'est justement les relations avec les multinationales et les autres pays par rapport à nos ressources.

Vous vous en doutez bien, ça fait des années que je parle de ça, le fameux Maîtres chez nous phase II, je vais faire un petit retour historique, chose que j'aime et que vous appréciez aussi. Lorsque... Et vous en avez même parlé dans votre blogue, que je trouve par ailleurs très intéressant, et continuez à le faire. En 1956, pendant la campagne électorale, on avait Georges-Émile Lapalme, qui était à l'époque chef de l'opposition, qui dénonçait le fait que Maurice Duplessis et son gouvernement donnaient nos ressources pour des peanuts, on disait : Une cenne la tonne. Et, à cette époque-là, le gouvernement... pas le gouvernement, mais le Parti libéral s'était engagé à exiger qu'il y ait des efforts de transformation de la part des compagnies qui venaient prendre nos ressources. Et, comme j'avais dit lors de conférences où je me promenais à travers le Québec, je disais : Ça, on a dit ça en 1956 et, 56 ans plus tard, on avait le ministre délégué aux Mines, un ministre qui était député de Dubuc, qui avait dit que d'exiger de la transformation au Québec, ça appauvrirait, ça créerait de la pauvreté. Je suis certain que vous vous rappelez de ça.

Et là, quand je regarde la façon dont les ententes ont été faites, avec des compagnies multinationales pour beaucoup, dans l'aluminium… Je ne sais pas si vous vous rappelez la fameuse entente que M. Landry avait faite avec la compagnie Alcan, exigeant qu'il y ait de la transformation faite au Québec; quand le gouvernement libéral est arrivé au pouvoir, il y a eu l'entente Rio Tinto Alcan où on a laissé tomber cette exigence de transformation.

Évidemment, j'ai parlé des gaz de schiste, je pourrais parler aussi de la cession de nos droits d'exploration sur à peu près tout le territoire québécois sans jamais que ce gouvernement-là en ait obtenu le mandat, sans jamais que ce gouvernement-là en ait même parlé aux Québécois. Tout ça s'est fait en catimini. Ce qui est en totale contravention... en totale contradiction, une trahison, ni plus ni moins, de l'héritage de Jean Lesage et de René Lévesque, du fameux Maîtres chez nous.

Donc, moi, ce que je vois là, c'est qu'on est en train de redonner le contrôle de notre énergie, de nos ressources à des entreprises privées, pour la plupart étrangères. Je n'ai pas de problème personnellement à ce qu'on fasse affaire avec des compagnies privées, mais il faut qu'on en ait le contrôle. Et on avait des exemples qui étaient éloquents, lorsqu'on a parlé, entre autres, de Stornoway, la compagnie minière où, pendant que ce gouvernement-là disait qu'il n'y avait pas moyen d'exiger de la transformation, les représentants de la compagnie disait : Nous, on n'a rien contre, mais personne au gouvernement ne nous l'a demandé. Moi, je n'en revenais pas. Je me suis dit : Être maire de Matane, il me semble que je serais allé faire un tour à Québec; parce que, vous le savez, il y avait des infrastructures de transformation de diamant qui avaient été installées là avec les deniers publics.

• (11 h 10) •

Il y a évidemment l'éolien, qu'on a laissé aller. On disait : On n'est pas capables de développer de l'éolien. Et on a laissé ça à des compagnies comme EDF et d'autres. Mais un cas qui m'intéresse particulièrement, c'est que, dans le BRIC, si vous prenez la Chine, par exemple, les Chinois savent la valeur des terres rares et ont fermé la porte à l'accès aux terres rares à tout pays étranger, à toute multinationale. Nous, non seulement on n'a pas fermé la porte, mais on ne fait même pas d'exigence de transformation.

Quand je regarde tout ça, quand je regarde le fait que… Je ne sais pas si vous le savez, mais notre premier produit d'exportation, c'est des blocs, c'est des lingots d'aluminium, ça veut dire que c'est de l'aluminium non transformé. Bien, l'avenir du Québec, à mon avis, ça ne peut pas se faire comme ça se fait dans le reste du Canada, je m'excuse. Je considère que la vision économique du gouvernement de Stephen Harper est une vision économique coloniale. Je veux dire, j'ai même entendu le premier ministre aller dire en Corée du Sud, en 2009 : Vous êtes les leaders mondiaux per capita dans le développement des nouvelles technologies de l'énergie verte et de l'électrification des transports. Il dit : Je vous félicite. Nous, on va vous fournir les matières premières. Pour moi, ça, c'est colonial.

Donc, moi, j'aimerais beaucoup vous entendre là-dessus. J'aimerais beaucoup vous entendre sur les relations avec l'international, les multinationales et ces exigences-là qu'on doit avoir, de se tenir debout, d'exiger comme des pays d'Afrique maintenant le font, comme des pays d'Amérique du Sud le font ,  et que nous, sous le gouvernement précédent, on n'a jamais osé exiger.

M. Lisée : Voilà. Une bien bonne question .

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Lisée : Vous entrez beaucoup sur le terrain de notre collègue des Ressources naturelles, mais je peux vous dire : Moi, j'ai accompagné la première ministre à Paris, à New York   —   et moi-même, j'étais à Washington et à New York dans une visite séparée   —   et en Inde, et notre message aux investisseurs étrangers, il est double. On dit d'abord : Vous êtes bienvenus, on a un développement nordique majeur, on a énormément de ressources naturelles. Et d'ailleurs nous avons fait, dans un contexte budgétaire difficile, où on va atteindre l'équilibre budgétaire l'an prochain… Puis ça, je peux vous dire que ça arrête la conversation un peu partout dans le monde, en Europe et aux États-Unis, quand on leur dit : On va atteindre l'équilibre budgétaire l'an prochain. Ils se regardent entre eux, puis ils disent : Est-ce possible? Parce qu'eux sont tellement loin de ça, tellement loin de ça. Et on leur dit : Malgré cet effort budgétaire majeur, on a fait en sorte que les projets d'investissement de plus de 300 millions de dollars vont avoir un congé fiscal de 10 ans. Ça aussi, ça arrête la conversation. Alors, voilà combien on est intéressés à vos investissements.

Cela dit, dans le développement nordique, il y a des infrastructures à construire, et ces infrastructures-là, elles ne seront pas à la charge du public québécois, elles seront partagées avec vous. Et, comme dans le cas des monts Otish, Stornoway, d'avoir réussi et de renégocier la route pour économiser l25 millions aux contribuables québécois pour ouvrir cette route-là, c'est le genre de chose qui n'était pas faite avant et qui est faite par nous.

Et on leur dit : On est intéressés à la transformation des ressources ici. On sait que certains d'entre vous n'en faites pas, certaines entreprises qui ne sont pas dans la transformation. Mais on sait que certaines d'entre vous, ailleurs, êtes associées à une autre entreprise pour la transformation, où certaines d'entre vous le font. Alors, nous, nous allons faire en sorte, et on verra comment ça se fait dans la pratique, nous allons faire en sorte de vous inciter fortement à transformer, pour que ça soit une bonne opération d'affaires pour vous et pour nous. Et il n'y a aucune surprise autour de la table. Ils se font dire ça par tout le monde. En fait, la surprise, c'était qu'on ne le leur demande pas avant, hein? Je veux dire, il y a eu un genre d'aveuglement, au gouvernement libéral précédent, qui disait : Il faut être très, très, très gentils. Mais non, il faut être d'affaires. Il faut être d'affaires, il faut être clairs, il faut être intègres.

Moi, je dirais que l'effort que le gouvernement précédent a fait sur la mise en marché du Plan Nord est un effort positif, en ce sens que ça a vraiment attiré l'attention sur le Nord québécois et sur le Québec. Et donc, encore une fois, un cas où je ne suis pas critique, je dis : Ça fait partie de l'actif québécois qui a été développé ces dernières années d'attirer l'attention sur le Nord québécois.

Maintenant, nous étions très déçus, en arrivant au gouvernement, de voir qu'il y avait si peu de projets dans le pipeline et que donc les règles étaient non seulement pas claires, mais n'arrêtaient pas de changer, parce que la critique était tellement forte que… Par exemple, un jour, M. Parizeau critique parce que c'est le bar ouvert, on se fait dire par l'ancien ministre des Finances que ça n'a pas de sens, et, dans le budget suivant, ah, il y a une correction qui est faite, disons, la clause Parizeau apparaît.

Alors, pour les minières, il dit... Mais là le gouvernement dit qu'il ne pose pas de condition, mais, à mesure que le débat public se fait à l'extérieur de la zone gouvernementale… Parce qu'il n'y a jamais eu de débat public sur ce que devraient être les paramètres du Plan Nord; le gouvernement Charest était difficile à suivre. Bon, alors, nous, on veut avoir ce débat-là. Nous allons l'avoir avec les minières et avec les autres, et on va définir un cadre clair, prévisible, exigeant et rentable. On va l'avoir. Donc, c'est ça.

Et, la réputation du Québec à l'étranger, moi, je me demandais si la corruption, les manifs étudiantes, etc... On n'entend pas ça, parce qu'il se passe des choses à l'étranger aussi, ils ont des manifs, ils ont de la corruption, ils ont... Alors, tu sais, pour nous, c'est grave, on doit s'en occuper, on doit s'en occuper correctement. Et d'ailleurs j'essaie de commencer à dire : Écoutez, moi, je voudrais qu'un peu partout dans le monde, que ce soit à Miami, ou à Milan, ou à Londres, ou à Moscou, quand on lit dans le journal qu'il y a une énorme commission d'enquête contre la corruption à Montréal, qu'il y a des lois innovantes pour battre la corruption, la réputation que l'on gagne, c'est que le Québec est l'endroit où on se bat le mieux contre la construction, le Québec…   —   contre la construction : contre la corruption   —   que le Québec, oui, que le Québec est un endroit exemplaire de lutte à la corruption au début du XXIe siècle et que donc on peut venir y apprendre deux ou trois choses.

Parce qu'il faut se souvenir que, lorsque René Lévesque a proposé, en 1976, la première loi sur le financement public des partis politiques, c'était la plus avancée en Occident. Éventuellement, les fraudeurs ont trouvé des façons de la contourner, et c'est pourquoi maintenant on agit. Mais, le Québec, lorsqu'il a voté cette loi-là, c'est parce qu'on avait des problèmes de financement de partis politiques, parce que ce n'était pas très beau, ce qui se passait avant. Mais on est devenus un modèle. Et, pendant plusieurs années, on a cité le Québec en modèle de comment assurer l'intégrité dans le financement des partis politiques. Alors, c'est ainsi que je pense qu'il faut faire du judo avec notre problème de corruption ici, en disant : Qu'est-ce qu'il y a d'exemplaire au Québec sur la corruption, bien, c'est sa volonté de s'y attaquer, c'est sa volonté de rendre le Québec très inhospitalier aux fraudeurs. Et, en ce sens-là, on va pouvoir progresser.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. M. le député...

M. Breton : En combien de temps?

Le Président (M. Ferland) : Il vous reste 6 min 30 s.

M. Breton : O.K. En fait, disons les choses franchement, des problèmes de corruption, si on parle de l'Inde, de la Chine, de la Russie, si on suit les médias un peu, on sait qu'eux autres aussi ont à faire face avec ce genre de problèmes là.

Il y a une chose, pendant qu'on est dans le BRIC, dont j'aimerais vous parler, parce que je sais que vous avez fait un voyage récemment en Inde, et il y a un dossier qui m'a interpellé, pour lequel je suis intervenu sur la place publique, et qui interpelle aussi le député de Mont-Royal, c'était celui de l'amiante. Parce qu'à l'époque du gouvernement de M. Charest on avait un gouvernement qui disait qu'il n'y avait pas de problème, ça pouvait se faire de façon sécuritaire, et tout ça. Et l'Organisation mondiale de la santé, l'Institut national de santé publique et Santé Canada disaient que l'amiante, que ce soit l'amiante ou l'amiante chrysotile, posait des problèmes de santé et que c'était cancérigène. Et moi, je vais vous dire honnêtement, j'étais estomaqué, parce qu'à l'international, s'il y avait une autre tache qui me semblait très claire, c'était la réputation du Québec et le lien avec cette volonté-là que le gouvernement avait de continuer à exploiter l'amiante.

Puis rappelez-vous que, lorsqu'initialement le projet de la Mine Jeffrey avait été appuyé, c'était une garantie de prêt. Mais, la garantie de prêt, ils n'ont pas pu faire de ça une garantie de prêt puisqu'il n'y a pas personne qui voulait leur prêter de l'argent. Donc, c'est devenu un prêt, un prêt de nos deniers publics pour nuire à la réputation. Et, rappelez-vous, quand le premier ministre libéral est allé en Inde, c'est l'année passée, si je ne m'abuse, il s'est fait interpeller de façon assez sérieuse justement sur ce dossier-là. Et j'aimerais que vous me parliez justement de ça et de votre visite en Inde, s'il vous plaît.

• (11 h 20) •

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Lisée : Ah! écoutez, moi, j'ai visité le « slum » de Mumbai, où il se fait énormément de récupération, un « slum » très industrieux, où il n'y a pas de mendiant, où les gens travaillent, et puis donc il se fait de la récupération de papier, de plastique, de matériel. Et, les conditions sanitaires, on n'en parle pas, là, tu sais, il n'y a pas de conditions sanitaires. Alors, d'avoir pensé et d'avoir prétendu qu'on pouvait exporter de l'amiante en Inde et qu'elle serait utilisée selon des conditions sanitaires que l'on connaît ici, c'était de l'aveuglement, c'était de l'aveuglement.

Alors, évidemment, on disait : Oui, mais il y en a d'autres qui en exportent. Oui, mais, nous, là, il faut vivre avec ça. Moi, je viens de l'amiante, moi, je viens de Thetford Mines, alors je connais bien le dossier, j'ai travaillé dans des moulins d'amiante lorsque j'étais étudiant. Et je sais les efforts qui ont été faits pour rendre les moulins d'amiante... pour les monter à des niveaux sanitaires satisfaisants pour nos travailleurs à nous, mais c'est un effort colossal, ça demande des investissements majeurs, ça demande un traitement continu.

Et j'ai pu voir, moi, du temps où j'étais, au siècle dernier, en 1974-1975… j'en respirais, de la poussière d'amiante. J'étais... D'abord, les étudiants étaient chargés de balayer la poussière d'amiante deux fois par année, c'était ça, notre job, donc on baignait dedans. Et je suis allé revisiter après puis j'ai dit : Wow! Maintenant, on dirait une usine de yogourt, tu sais, je veux dire, c'est... Bon. Mais de penser que les Indiens, avec leur niveau de développement technologique et la précarité de leurs moyens, pouvaient l'utiliser d'une façon comme celle-là, c'était refuser la réalité.

Alors, ce sont... l'Inde continue à importer de l'amiante. L'Inde continue à... Et nous n'étions que 9 %, à peu près, de leurs importations d'amiante. En un sens, nous ne faisons plus partie du problème, et on espère que les Indiens vont régler leurs problèmes de leur façon, à leur rythme, mais il est important que nous ne fassions plus partie du problème.

Le Président (M. Ferland) : 1 min 20 s... 10 s, à peu près.

M. Breton : En fait, moi, une chose dont je suis fier justement, c'est qu'un gouvernement comme celui du Parti québécois, qui aspire à faire du Québec un pays, veut faire en sorte que la réputation de ce pays-là soit à la hauteur de nos aspirations les plus élevées. Et, pour moi, le dossier de l'amiante est un symbole de ce qu'il ne fallait pas faire si on veut montrer qu'on est un pays digne de ce nom. Et c'est pour ça que je suis très fier à la fois de la décision qu'on a prise sur l'amiante et à la fois qu'on sorte le Québec du nucléaire. Moi, je pense que c'est deux décisions qui font de nous, au point de vue de la santé publique, au point de vue environnemental, au point de vue de la responsabilité et du symbole international, des leaders.

Le Président (M. Ferland) : Il reste environ une minute et...

M. Lisée : Bien, moi, je veux juste faire un peu de pouce là-dessus. J'entendais notre collègue de Mont- Royal dire, en début : Oui, la réputation du Québec avec les décisions sur le gaz de schiste... Alors, prenons ça, le gaz de schiste. Il y a un moratoire en France, il y a un énorme débat dans l'État de New York, où le gouverneur doit décider si, oui ou non, il va autoriser l'exploration et l'exploitation. Le Québec fait partie de la conversation mondiale. Il ne faut pas penser que, parce qu'on a des préventions et qu'on pose de très bonnes questions, ça fait de nous qu'on est hors norme. On est hors norme sur plusieurs aspects, mais, lorsqu'on débat de nos ressources naturelles, de la transformation, de l'opportunité du gaz de schiste, les autres nous regardent en disant : Bien, vous avez la même conversation moderne que nous, nous avons en ce moment, et il n'y a pas de difficulté avec ça.

Ce qui aurait été un peu troublant pour une partie de l'opinion, c'est la précipitation avec laquelle le gouvernement précédent a dit : Oui, oui, oui, on va aller faire les gaz de schiste, il n'y a pas de problème avec ça, résisté longtemps à la volonté populaire d'avoir un BAPE là-dessus, proposé qu'il y ait un BAPE très court, le plus court possible sur le moins de questions possible, et que le BAPE dise : Non, tout ce que les opposants ont dit vaut la peine d'être étudié en long et en large, et donc nous allons le faire.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci, M. le ministre.

M. Lisée : Alors, c'est cette précipitation-là qu'il aura été plus difficile à expliquer.

Le Président (M. Ferland) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, je vais aller du côté de l'opposition officielle avec... je reconnais le député de Mont-Royal pour un bloc de 20 minutes.

M. Arcand : Merci, M. le Président. Peut-être une petite question sur le gaz de schiste : étant donné que Gaz Métro a dit qu'il y aurait du gaz de schiste américain qui entrerait au Québec, dans la composition, n'est-ce pas, du gaz naturel, est-ce que le ministre du Commerce extérieur va demander à Gaz Métro qu'il n'y ait pas de gaz de schiste américain qui entre au Québec?

Le Président (M. Ferland) : M. le ministre.

M. Lisée : Ce n'est pas sur ma liste.

M. Arcand : Donc, vous allez laisser le gaz de schiste entrer alors qu'il y a actuellement un moratoire au Québec, le gaz de schiste américain qui va être fait par Gaz Métro, que Gaz Métro va acheter aux États-Unis. Donc, on va laisser rentrer le gaz de schiste américain au Québec. Vous ne trouvez pas qu'il y a comme une incohérence dans ça, entre un moratoire que l'on décrète et le gaz de schiste américain qu'on laisse entrer au Québec?

M. Lisée : Il y a quelque chose de bien qui s'appelle la souveraineté nationale, c'est-à-dire que chaque démocratie est libre de décider comment elle va exploiter ses ressources naturelles. C'est la démocratie. Nous, notre démocratie a décidé que nous allions avoir un moratoire sur l'exploration et l'exploitation de nos gaz de schiste. C'est ça, le moratoire.

Alors, sur les flux de gaz naturel qui vont ou qui viennent, je vais prendre votre question en délibéré, je vais voir ce qui en est. Mais le moratoire dont on parle, c'est un moratoire qui protège nos citoyens, nos propriétaires dans la vallée du Saint-Laurent contre un développement non ordonné ou dangereux, et c'est strictement là-dessus que ça porte.

M. Arcand : Non, c'est juste que, quand on veut être souverains, il faut aussi être cohérents dans son approche aussi. Il faut essayer de voir que, si le gaz de schiste, c'est mauvais, c'est mauvais au Québec, c'est mauvais quand ça vient des États-Unis également.

M. Lisée : Bien, je pense que la souveraineté, c'est être maîtres de nos affaires. Ce n'est pas toujours de se mêler des affaires des autres.

M. Arcand : Oui, mais « maîtres de nos affaires » exige d'avoir une certaine cohérence. Là, on parle de Gaz Métro qui achèterait du gaz de schiste américain.

M. Lisée : Vous, vous êtes opposé à ça?

M. Arcand : Je ne sais pas. Je n'ai pas... C'est moi qui pose les questions.

M. Lisée : Non, mais, on essaie de...

M. Arcand :  Alors, je voulais simplement avoir votre opinion. Moi, j'attends le rapport de l'Évaluation environnementale stratégique que j'avais commandé, alors je vais voir ce qu'ils vont dire.

M. Lisée : Oui, et je suis sûr...

M. Arcand : Mais, en attendant, vous, vous avez décidé qu'il y aurait un moratoire, que c'était quelque chose qui de facto était dangereux. En principe, le gaz de schiste américain, si c'est quelque chose de dangereux, ne devrait pas entrer au Québec.

M. Lisée : Bien, dangereux pour quoi? On est très vigilants au fait que, si un jour il y avait de l'exploitation du gaz de schiste au Québec, ce ne serait pas dangereux pour la nappe phréatique. Alors, le fait qu'il y ait du gaz de schiste qui soit fait en Pennsylvanie n'a pas d'impact sur nos nappes phréatiques.

M. Arcand : Bien, ça dépend. Tout d'un coup il y a une fuite?

M. Lisée : Je pense que vous êtes... Vous exagérez un peu, M. le député. Il me semble...

M. Arcand : Bien, écoutez, j'essaie juste d'avoir un peu de cohérence dans ce domaine-là, là.

M. Lisée : Bien, l'exploitation du gaz de schiste est une chose, le commerce est une autre chose. Bon, par exemple, il y a des cas où nous, on interdit l'utilisation de mercure ou de...   —   j'ai le mot anglais, « lead »   —   du plomb, évidemment, dans les jouets pour enfants, et donc on va interdire qu'il y ait des jouets pour enfants qui soient importés au Québec avec du plomb dedans. Alors, il peut y avoir des cas où on fait la détermination qu'un produit est dangereux, donc on ne veut pas l'importer.

Maintenant, il y a du gaz naturel, d'après ce que vous me dites, qui va venir, du gaz naturel qu'on utilise déjà, de différentes formes, et donc une partie de la source serait celle-là. Je ne vois pas très bien pourquoi ce gaz naturel là en soi serait dangereux, mais je vais soumettre la question au ministre de l'Environnement, et on va vous revenir.

• (11 h 30) •

M. Arcand : Je voulais vous parler, M. le ministre, un peu de la structure qui existe actuellement. Hier, mon collègue de la région de Thetford   —   je pense que c'est Thetford-Lotbinière maintenant, le nom du comté   —   a parlé de la banque de développement, de celle qu'on veut créer. Et là il semble qu'il y a une confusion. Il y a des gens qui viennent me voir et qui me disent : Bien, moi, je ne sais plus où aller. Vous avez, depuis l'éclatement du ministère du Développement économique... Lorsque la première ministre en avait parlé durant la campagne électorale : Je peux simplement vous dire que la création de cette nouvelle banque là, ça va être plus efficace parce que l'entrepreneur n'aura pas à frapper à trois ou quatre portes, ce que je peux vous dire aujourd'hui, c'est qu'il a à frapper à plusieurs autres portes également. Et, lorsqu'on va, par exemple, au niveau de... on ne sait plus si c'est la Direction de la recherche, de l'innovation, de la science, de la société, on ne...

Alors, j'aimerais que vous m'expliquiez, pour des entreprises qui veulent exporter, à quel endroit elles doivent aller actuellement, qu'est-ce qui se passe lorsqu'on va au ministère des Relations internationales, qui s'occupe de commerce extérieur, et qu'on parle de commerce extérieur; à ce moment-là, bien, on va sur le site Web, on les renvoie au ministère des Finances et de l'Économie. Il semble y avoir, dans la structure actuellement, une espèce de confusion. Et donc est-ce que le ministère des Relations internationales est en pleine possession de ce dossier?

Le Président (M. Ferland) : M. le ministre.

M. Lisée : Bien, le nombre de portes, en ce moment, c'est le nombre de portes que vous nous avez laissé. Tant que la banque n'est pas créée, la situation est telle qu'elle était auparavant. Donc, en ce moment, les entreprises qui veulent exporter frappent exactement aux mêmes portes qu'elles avaient précédemment.

Nous avons fait... Le ministère du Commerce extérieur a fait des ententes régionales avec ce qu'on appelle les ORPEX, dans toutes les régions, souvent avec des chambres de commerce. Je visitais récemment la Chambre de commerce de l'est de Montréal, et ils ont présenté les trois agents de commerce extérieur qui travaillent là, en lien avec le commerce extérieur. Donc, les entreprises connaissent ces voies d'entrée. Lorsque les projets sont de plus grande envergure, bien, à ce moment-là, on va au bureau régional du commerce extérieur. Lorsqu'il s'agit de financement majeur, bien là, on peut aller à Investissement Québec.

Avec la banque de développement, ça va être encore plus simple. Mais, vous verrez, je laisserai la ministre déposer son projet de loi et en donner l'exclusivité aux membres de l'Assemblée, bien sûr, mais il n'y a pas de hiatus, il n'y a pas de trou entre le régime actuel et le régime qui va être introduit. Pour l'exportation en particulier, puisque c'est votre question, les entreprises continuent à frapper aux mêmes portes.

Le Président (M. Ferland) : M. le député.

M. Arcand : Bien, c'est parce qu'avant il y avait un ministère qui s'occupait de développement économique. Là, aujourd'hui, il y en a plusieurs. On dit même, bon, que, pour les entrepreneurs qui ont besoin de soutien à la recherche et à l'innovation, il faut qu'ils aillent au ministère de l'Enseignement supérieur. Est-ce que je dois comprendre ça?

M. Lisée : Bien, les entreprises ne sont jamais venues au ministère, elles sont allées aux points d'entrée pour leurs services. Alors, les points d'entrée, ça peut être les CLD. Les points d'entrée, ça peut être les ORPEX. Le point d'entrée, ça peut être Investissement Québec. Alors, pour l'instant, c'est ça. Là, jamais personne n'est allé frapper au ministère lui-même, ils sont allés dans les services.

M. Arcand : Mais, M. le ministre, pourquoi, sur le site Web du MRI, actuellement, lorsqu'on veut faire une demande, ça nous renvoie toujours au ministère de l'Économie et des Finances?

M. Lisée : Bien, parce que la banque n'a pas été créée encore. Alors, lorsque la...

M. Arcand : Non, non, mais je parle juste... Sans aller vers la banque comme telle, là, je parle simplement de crédits pour la recherche, pour l'innovation, pour le soutien au commerce extérieur, etc., ça nous ramène toujours au ministère de l'Économie et des Finances. Alors, est-ce que ça veut dire que ce que j'ai... ce qui était l'embryon de l'ancien ministère du Développement économique, ce n'est pas encore complété comme transformation, que vous n'avez pas encore tout à fait le plein contrôle du commerce extérieur, qu'il y a encore certaines directions qui sont au ministère de l'Économie et des Finances, par exemple?

M. Lisée : Ah, bien, c'est-à-dire que, oui, on a le plein contrôle du commerce extérieur, donc de l'exportation. L'accompagnement, on accompagne aussi les questions de négociation avec le ministre de l'Économie et des Finances, mais nous ne sommes pas chargés de la totalité de l'accompagnement économique des entreprises. Nous, c'est Commerce extérieur. Alors, pour le développement de l'entreprise, pour le capital patient, pour ces crédits d'impôt... Vous parlez de crédits, bien sûr, les crédits, c'est toujours le ministre des Finances qui accorde les crédits et ces services qui vont donner les formulaires qui donnent accès aux crédits d'impôt.

Alors, oui, cette distinction-là sera toujours existante dans le ministère, mais notre objectif, c'est que ce ne soit pas une distinction importante pour l'entrepreneur. L'entrepreneur va pouvoir frapper à une porte et dire : Moi, je veux exporter. Alors, O.K., on va te dire quel est ton accompagnement pour aller exporter. Moi, je veux développer; moi, je veux démarrer; moi, je veux du financement; alors, à cette porte-là, on va faire en sorte de l'accompagner pour sa demande, et lui, il n'a pas besoin de savoir quel est l'organigramme du gouvernement québécois, ce n'est pas ses affaires. Ses affaires, c'est les affaires.

M. Arcand : ...M. le ministre, je veux bien croire tout ce que vous me dites, mais, quand on parle à certains entrepreneurs, quand on parle à des chambres de commerce, quand on parle à la fédération des entreprises indépendantes, je pense qu'ils trouvent le système extrêmement complexe actuellement, et ce n'est pas tellement bon, je pense, pour susciter un engouement sur le plan du partenariat. Alors, je ne veux pas faire un grand débat théorique avec vous là-dessus, mais je suggère simplement... Vous savez, un des grands succès, souvent, c'est la simplicité. Ça aide beaucoup à améliorer le succès, et je vous invite à regarder ça de façon importante.

M. Lisée : Bien, j'accepte votre invitation avec plaisir. Et je sais que, justement, la ministre de l'Industrie et de la Banque de développement travaille là-dessus. Je suis au comité prospérité, on a vu... on a travaillé là-dessus aussi, et cet objectif de simplicité est au centre du projet de la banque. Et, encore une fois, l'Assemblée nationale aura, comme il se doit, la première... sera la première informée, et vous pourrez juger au mérite de la simplification qui sera introduite par la création de cette banque.

M. Arcand : D'accord. J'avais maintenant une question... parce que je sais que vous... J'avais lu certains de vos livres, évidemment, et vous trouvez… Particulièrement durant la période 2003 à 2012, dans votre livre, vous indiquez que le Québec s'en est bien sorti, que le Québec est performant sur le plan économique, et on vit actuellement des périodes qui sont, je dirais, un peu, sur le plan mondial, d'instabilité, etc., et il va falloir, donc, continuer à améliorer notre performance là-dessus. Et j'aimerais quand même vous poser certaines questions relativement, entre autres, à ce que j'appelle le développement futur du Québec.

Je vous dirais même que j'avais été un peu surpris, lorsque vous avez fait votre mission en Inde, entre autres, parce que, pour moi, ça a toujours été particulièrement clair, ce que vous aviez... ce que vous pensiez, etc. Et, quand vous avez commencé votre mission, vous mettiez un peu en doute la nécessité du Québec d'être là, en Inde. Vous avez même dit dans un blogue, et je cite, là : « J'aurais pensé que le commerce avec l'Inde ne serait qu'une infime fraction du commerce Canada-Inde[...]. J'aurais pensé que [notre] croissance [...] serait lente. [Elle a] doublé en six ans, pour atteindre [...] 500 millions. » Bon.  « Nos comptes sont équilibrés » , avec l'Inde, etc.

Et donc je me posais la question… Parce que, quand on regarde différents articles, c'est marqué de façon nette et claire depuis au moins les cinq dernières années : la Chine et l'Inde, puissances mondiales. On dit même que, d'ici 2040 ou 2050, ils auront 46 % de la puissance mondiale. Alors, c'est pour vous dire jusqu'à quel point il est important d'aller là. Et moi, j'aimerais vous poser la question et connaître votre opinion sur un potentiel accord de libre-échange Canada-Chine : Est-ce que vous êtes favorable à ça et est-ce que vous comptez entamer des démarches pour initier cette avenue?

Le Président (M. Ferland) : M. le ministre.

M. Lisée : Bien, écoutez, oui, alors, moi, c'est évident que toute... sur ce que j'ai écrit, sur la bonne performance de l'économie québécoise dans la dernière décennie, et malgré la crise, c'est un événement essentiel de notre vie économique, c'est que les Québécois, qui avaient, pour toutes sortes de raisons, un sentiment d'infériorité économique face au reste du Canada ou de l'Amérique, se sont rendu compte qu'après la crise de 2008 leur taux de chômage était inférieur à celui de l'Ontario   —   notre grand voisin riche   —   inférieur à celui des États-Unis   —   alors ça, personne ne se souvenait de ça   —   et inférieur à celui de l'Europe. Alors, on se dit : Wow! il se passe quelque chose, là, il y a une force intrinsèque à l'économie québécoise qui est au-delà de ce qu'on croyait.

Donc, l'estime de soi québécoise en économie est quelque chose qui a émergé au cours des dernières années. Ce qui fait que nos amis de L'idée fédérale   —   André Pratte   —   avaient posé une question de sondage en disant : Si le Québec était un pays indépendant, dans le contexte de la crise économique, est-ce qu'il aurait fait mieux, aussi bien ou moins bien qu'une province du Canada? Et il y a eu 54 % des Québécois, là, tous Québécois confondus, qui ont dit que le Québec aurait fait aussi bien ou mieux, comme pays indépendant, dans la crise, que le Canada. C'est extraordinaire. Jamais on n'aurait eu un chiffre comme celui-là en 1980 ou même pas en 1995. Donc, il y a effectivement une maturation de l'économie québécoise.

Et je sais que votre collègue député d'Outremont  —  j'étais en débat avec lui  —  avait la liste de toutes mes citations; vous l'avez peut-être dans vos cartons. Mais j'ai dit oui. Oui, oui. Oui, oui, ça aurait pu être mieux, ça aurait pu être mieux. Par exemple, on sait que vous avez dépensé 12 milliards de dollars en infrastructures. Et maintenant on sait que 2,5 % sont allés à la mafia, 3 % sont allés à un parti politique et que la collusion qui a résulté de cette corruption a dû faire augmenter les coûts de 15 % à 30 %, 15 % à 30 % de 12 milliards par année.

• (11 h 40) •

M. Arcand : M. le Président...

Le Président (M. Ferland) : Oui.

M. Arcand : C'est parce que j'ai posé une question sur la Chine, on est rendus dans la mafia. Alors, il y a peut-être de la mafia en Chine, là, sauf que moi, je voulais connaître votre opinion sur un potentiel accord Canada-Chine.

M. Lisée : Je vais vous en parler...

M. Arcand : Êtes-vous en faveur de ça, oui ou non?

Le Président (M. Ferland) : M. le député, je sens que le ministre s'en venait justement à la...

M. Lisée : J'essaie de suivre la logique de votre intervention, parce qu'elle y est, vous êtes très intelligent, très structuré. Vous avez commencé par le fait que j'avais dit du bien de l'économie québécoise, je commence par ce que j'ai dit du bien de l'économie québécoise. Vous avez continué par l'Inde, je vais parler de l'Inde. Vous avez fini par la Chine, je vais finir par la Chine. Ça va?

Alors, ce qui fait que ça aurait été quand même extraordinaire : si votre gouvernement avait créé cette commission d'enquête contre la collusion bien avant, pour qu'on économise 3 milliards par année  —  imaginez, sur le PIB du Québec, c'est quand même significatif  —  et qu'on l'investisse de façon productive plutôt que chez les corrupteurs. Donc, notre économie aurait été encore meilleure, voilà.

Pour l'Inde, je n'ai jamais eu de doute sur le fait que le Québec devait exporter en Inde. J'avais un doute sur notre succès relatif par rapport aux autres. Par exemple, dans le reste du Canada, la diaspora indienne est tellement forte, les liens historiques sont tellement forts que je me serais dit : Bon, peut-être que notre commerce, ça doit être 5 % ou 6 % du commerce canadien vers l'Inde. Non, c'est 20 %. C'est juste au-dessus de notre poids économique. Alors, c'est quand même intéressant. Je me serais dit : Avec la production de produits à bas prix indiens, on doit être en déficit commercial. Non, on est équilibrés, et notre croissance est forte. Donc, ça va au-delà de mes espérances. Il fallait y aller, et j'ai... Et donc un but de mon voyage, c'était de voir, puisque nos moyens sont limités, est-ce qu'on doit continuer ou augmenter nos efforts. Alors, j'y vais, le ministre y va, rencontre les gens, etc., et ma conclusion, c'est : Non seulement il faut continuer, mais il faut amplifier nos efforts.

Bon, sur la Chine, la négociation qui est en cours entre le Canada, les États-Unis et les pays du Pacifique   —   c'est le transpacifique   —   n'inclut pas la Chine, n'inclut pas la Chine. Ce qui fait que, pour l'instant, la stratégie est une stratégie d'encerclement, si je puis dire. Évidemment, la Chine est entrée à l'OMC. Ça a permis un certain nombre de développements. Moi, je pense qu'il serait une bonne chose que, dans une étape ultérieure, soit la Chine entre dans le transpacifique, soit qu'il y a un accord bilatéral. Je n'ai pas de religion là-dessus, mais il est évident que, dans la mesure, évidemment, de toutes les lignes rouges que l'ont met en place, il y ait un développement. Je n'ai pas de prévention à ce sujet. Mais je ne sache pas que ce soit une priorité du gouvernement canadien en ce moment.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. En à peu près 30 secondes, M. le député.

M. Arcand : Oui, bien, je le remercie de sa réponse, le fait qu'il ne semble pas y avoir d'obstacle a priori à une future collaboration avec la Chine.

Juste pour terminer, là, sur la question de la banque de développement, en terminant, je n'ai pas de question précise, mais je rappellerais simplement... et c'est pour ça que je dis toujours qu'avec le Parti québécois il y a toujours une notion de politique partisane qui entre toujours en ligne de compte, lorsqu'on a parlé de la banque de développement, je regarde l'article de Jean-Philippe Décarie, de La Presse, du mois de septembre, où il a dit : « Le but ultime de la Banque de développement économique du Québec [va être] de rapatrier les enveloppes budgétaires [des] programmes fédéraux de développement économique régional pour les gérer elle-même. » Alors, c'est ce qu'il a dit de la banque.

Le Président (M. Ferland) : M. le député, c'est tout le temps, donc... Le bloc de 20 minutes étant terminé, je m'en vais du côté de la partie ministérielle. Je reconnais le député de Sanguinet pour un bloc de 20 minutes.

M. Therrien : Merci, M. le Président. Je vais revenir un petit peu sur ce que nos deux collègues d'en face ont soulevé. D'abord, le député de La Prairie qui a un peu répondu à ce que j'avais dit, et, dans sa réponse, on a entendu le traditionnel : On est nés pour un petit pain, le petit Québec, on est trop petits; on ne peut pas négocier, on est trop petits; les gens ne voudront pas nous parler, on est trop petits. Le ministre a ensuite répondu, là, qu'il y avait des ententes qui avaient été signées entre l'Union européenne, puis c'est là-dessus que j'en serais venu de toute façon, mais il avait dit... il a dit qu'il y a des petits pays qui avaient négocié avec l'Union européenne, ça se pouvait. Même si on est 7, 8 millions d'individus, il y a des gens qui sont prêts à négocier avec nous, et c'est de bon aloi puis ça se fait à travers la planète. Et donc ça, il faudrait arrêter de dire qu'on est des petits puis de se diminuer tout le temps, de dire qu'on n'est pas bons, qu'on n'est pas capables, qu'on est nés pour un petit pain. Ça, c'est nos grands-parents qui disaient ça. Il faut arrêter de se dire ça.

Par rapport à ce que le député de Mont-Royal a dit tantôt, il a fait une petite erreur, mais ce n'est pas grave, c'est des choses qui arrivent, là, je vais vous faire un peu d'histoire, là, pour venir... pour appuyer mes propos, là. Avant, la richesse économique... c'était la terre qui déterminait la richesse d'un pays. Plus il y avait de terres, plus on disait qu'il était riche. Par la suite, on a évolué, on a dit : Bien non, ce n'est pas nécessairement la terre, c'est le marché. Donc, plus le marché est grand  —  puis le député de La Prairie va être d'accord avec moi  —  plus le marché est grand, plus tu peux te spécialiser, plus tu peux atteindre d'économies d'échelle. C'est comme ça que tu t'enrichis.

Alors, pour une ou l'autre des raisons, qu'est-ce qu'on a fait, on a décidé de coloniser. Il y a des gens qui se sont dit : Bien, on va acquérir des terres, on va acquérir des marchés par la force des armes. On va arriver dans des pays puis on va les coloniser. À un moment donné, il y a un gars bien, bien brillant, Adam Smith, en 1776, qui a dit : Vous n'avez pas besoin d'aller à l'étranger avec des fusils. Vous pouvez négocier avec eux autres, puis faire des ententes, puis avoir accès à leurs marchés librement. Puis Ricardo, par la suite, va renchérir. Bien, il était tellement brillant que les gens à l'époque n'ont pas trop compris. Ils ont dit : Qu'est-ce qu'il dit là, lui? Il dit : Oui, oui, tu peux aller à l'étranger puis négocier, tu n'as pas besoin de les tuer ou de les torturer. Ils vont négocier avec toi parce qu'ils vont avoir avantage à faire ça.

Mais ça a continué pareil, et donc on a continué à aller chercher des marchés par la force des armes. Le 14 août 1941, il s'est passé quelque chose sur un bateau, le USS Augusta, au large de Terre-Neuve...

Une voix : ...

M. Therrien : Pardon?

Une voix : Continue.

Le Président (M. Ferland) : ...M. le député.

M. Therrien : Oui. Churchill et Roosevelt ont négocié ce qu'on a appelé la Charte de l'Atlantique. Roosevelt disait : Si jamais je vais aller à la guerre... nous allons aller à la guerre, il faut changer les choses. Il ne faut pas aller juste battre le règne nazi, mais dire : Il faut que ça arrête, cette histoire-là de toujours se piler sur les pieds. Et, dans la Charte de l'Atlantique, c'est écrit que tous les peuples ont le droit à l'autodétermination, et il faut protéger ça. Il faut faire en sorte que les petits peuples puissent prospérer, puissent être libres et puissent être aussi riches que les pays qui sont plus gros puis qui sont plus riches. Alors, ça, c'est la Charte de l'Atlantique, puis ça a fait naître, entre autres, le GATT, en 1945, et ensuite l'Union européenne  —  au départ, c'était la CEE, en 1957   —   et c'est là qu'on a connu une croissance vertigineuse du commerce entre les pays.

Tout ça pour vous dire qu'on peut être un petit pays mais prospérer grâce au commerce extérieur. Puis là j'arrive avec des chiffres. Quand le député de Mont-Royal disait que la Chine et l'Allemagne exportent le plus dans le monde au prorata de... en toutes proportions, puis c'est correct, il faut l'évaluer comme ça, puis on comparait le Québec... J'ai sorti le coefficient d'ouverture de quelques pays, puis, vous allez voir, ce ne sera pas long, là, vous allez être capables de faire la corrélation, si vous êtes le moindrement bon dans les chiffres, là : États-Unis, 14; Japon, 15; Chine, 31; Allemagne, 50; Belgique, 84; Islande, 59; Luxembourg, 176; Singapour, 209; Pays-Bas, 83 et Québec, 62.

Quelle est la morale de l'histoire? Plus tu es petit, plus tu as accès au commerce. Moins tu as de carcans politiques, plus tu es libre de tes décisions, plus tes politiques économiques sont adaptées à tes besoins, parce que tu es plus petit. Qu'est-ce qui arrive en bout de ligne? Sur les 10 pays les plus riches par habitant, le PIB par habitant, qui est la mesure de richesse des individus, neuf sur 10 ont des populations de moins de 14 millions. Et là-dessus cinq ont des populations inférieures au Québec. Ça fait que je pense que là il faut arrêter de se dire qu'à cause qu'on est petits on ne peut pas être souverains, puis à cause qu'on est petits on ne peut pas être riches, puis à cause qu'on est petits, puis tout le kit. Ça suffit! Arrêtez de vous diminuer! Arrêtons de nous diminuer : c'est la leçon que j'aimerais que vous reteniez, M. le député de La Prairie. C'est correct? Ça va?

• (11 h 50) •

Le Président (M. Ferland) : ...vous adresser à...

M. Le Bouyonnec : M. le Président, je n'ai pas de leçons à recevoir, là, d'un député du... gouvernemental, là.

Le Président (M. Ferland) : Effectivement, M. le député, vous avez raison. Je vous demanderais de vous adresser à la présidence.

M. Therrien : Ah! Bien, d'abord, excusez-moi.

Le Président (M. Ferland) : Et je vais juger si le message mérite d'être transmis.

M. Therrien : J'espère que le député de La Prairie prend bonne note de mes propos. C'est correct, ça?

Le Président (M. Ferland) : À travers la présidence, peut-être.

M. Therrien : À travers la présidence?

Le Président (M. Ferland) : Alors, continuez, M. le député de...

M. Therrien : O.K. Juste rapidement... Mais on est des voisins, on aura le temps de s'en reparler, mais on n'a pas de mesquinerie entre nous, vous le savez bien, collègues.

Une voix :

M. Therrien : Bien, ça pourrait être intéressant. Je n'ai pas de problème avec ça.

Le Président (M. Ferland) : Alors, ça va très bien, M. le député. C'est pour ça que je laisse quand même une certaine souplesse.

M. Therrien : Oui, il n'y a pas de problème. Je vais juste poser ma question rapidement, parce que mon collègue a aussi une question à poser. Il trépigne d'impatience.

Alors, on a vu qu'historiquement   —   je ne referai pas encore l'histoire, je vais essayer de couper un peu, là   —   l'Accord de libre-échange a été signé avec les Américains en 1988, appliqué en 1989. Il y a des gens qui disaient... qui applaudissaient parce que ça nous permettait d'avoir accès au plus gros marché du monde ou à peu près, parce que ça nous permettait d'éviter le protectionnisme américain, ça donnait un cadre juridique qui nous protégeait.

Les conservateurs étaient d'ailleurs très, très pour ça, au niveau fédéral, mais les libéraux disaient : Bien non, c'est dangereux, parce que, si on met tous nos oeufs dans le même panier, on va arriver à une situation où on va être trop dépendants d'eux autres, puis ce qui va arriver, c'est qu'on ne sera pas capables de résister à une récession forte si notre partenaire s'effondre. Et donc ils proposaient plus de faire affaire à travers le GATT, ce qui n'est pas mauvais en soi, là.

Et donc, ce qui est arrivé, bien, dans les années 90, 80 % de nos exportations étaient vers les États-Unis, c'était notre principal exportateur... pardon, client. Même, on vendait plus aux États-Unis que dans le reste du Canada. Mais, avec ce qui est arrivé, l'augmentation du taux de change, avec la récession américaine puis la difficile reprise, avec aussi le protectionnisme, le « Buy American Act » entre autres, ça a comme coupé les ailes de cette entente-là ou de cette relation avec les États-Unis.

Rapidement, vous en avez parlé tantôt, mais juste revenir rapidement sur votre stratégie par rapport, maintenant, au fait que notre principal client, là, nous a un peu laissé tomber, vous avez parlé de l'Afrique, entre autres, mais j'aimerais ça que vous fassiez un petit topo, là, sur la stratégie de commerce, là, que vous entamez ou que vous avez idée d'entamer.

Le Président (M. Ferland) : Alors, M. le ministre, on vous écoute.

M. Lisée : Tout à fait . M. le député de Sanguinet a tout à fait raison, la diversification de nos exportations est essentielle à la résilience de l'économie québécoise. Alors, je vous montre ici : en 2002, 85 % de nos exportations étaient aux États-Unis; en 2011, c'est 67 %. Donc, c'est toujours notre principal client, mais on est moins dépendants du marché américain qu'on ne l'était, et ça, c'est la direction dans laquelle il faut se prolonger. En Europe, en 2002, on avait 9 % des exportations, maintenant 14 %; en Afrique, 1,2 %... Afrique et Moyen-Orient, 1,2 %, maintenant 3,8 %; Amérique latine et Antilles, c'était 1,5 %, maintenant c'est 4,7 %; et Asie, Océanie, donc essentiellement la Chine et l'Inde, c'était 4,4 % et ça a monté à 9,3 %. Alors, c'est la tendance dans laquelle il faut s'inscrire pour la suite.

Et je vous montre aussi que nos importations sont très diversifiées. Vous voyez, au Canada, 54 % des exportations viennent des États-Unis. Au Québec, c'est 30 %, hein? Donc, l'Europe, c'est massif, là, 11 % au Canada, 30 % au Québec; Asie, c'est à peu près la même chose; l'Amérique latine aussi. Mais, nous, c'est vraiment... le différentiel... Afrique aussi, on a le double du Canada. Mais c'est l'Europe. Vraiment, on est le partenaire européen au Canada. Et ça, c'est important, parce que ça veut dire à la fois une diversification non seulement des produits commerciaux qu'on achète au supermarché ou dans les grands magasins, mais aussi des intrants, c'est-à-dire que les intrants dans nos industries au Québec sont diversifiés, et ça donne donc un transfert technologique plus diversifié aussi, qui permet à nos entreprises, dans les grappes...

Ce qui est intéressant dans les grappes québécoises, c'est la présence d'entreprises européennes, d'entreprises américaines qui travaillent ensemble. On sait qu'il y a du transfert de technologies qui se fait parce que les ingénieurs, les techniciens passent d'une entreprise à l'autre ou créent leur propre entreprise. Alors, ça, c'est vraiment... on a un creuset à cause de la diversification des importations d'entreprises et des importations qui créent de la résilience dans notre économie, et ça, c'est excellent, et il faut continuer à le faire.

Alors donc, notre stratégie, comme on le sait, et c'est quand même facile à dire, on va essayer d'être plus présents en Inde, plus présents en Chine, au Brésil, en Russie, où on voit une progression de nos exportations qui est forte. Je vais vous la montrer. Moi, j'aurais pensé que la difficulté de pénétration serait plus grande. Alors, on est passés de 188 millions  —  là, on a des millions  —  en 2009 à 689 millions en 2012, et on sait que c'est sous-estimé, parce qu'il y a une partie de nos exportations en Russie... En fait, on vend à des importateurs russes qui prennent livraison de nos produits en Allemagne ou en Scandinavie, entre autres en aérospatiale. Alors, en fait, dans notre commerce avec l'Allemagne, il y a une partie qui est du vrai commerce avec la Russie. Mais quand même on voit qu'il y a une capacité de croissance qui est forte.

Alors, un peu comme je le disais tout à l'heure, la diversification étant notre principe général, nous allons cibler les zones d'intervention qui ont le plus fort potentiel. Alors, ça peut vouloir dire, bon : pour l'Inde, donc, on est bien établis au Maharashtra. On a fait, avec la visite de la ministre de l'Industrie et de moi-même, un pas supplémentaire en ouvrant une présence pour Madhya Pradesh, qui est le lieu du corridor industriel qui va passer de Delhi à Mumbai avec cinq nouvelles villes industrielles, énormément de construction, des métros, etc. Donc, ça, on n'arrose pas l'Inde en entier, on concentre sur...

Bon, en Chine, c'est la même chose, il y a quelques régions chinoises dans lesquelles on concentre notre présence, notre accompagnement, et, à l'intérieur de ces zones-là, des filières. Il y a des filières où on sait que là on est très compétitifs ou on va le devenir, le potentiel de croissance est le plus fort, on se concentre là-dessus. Encore une fois, libre à toutes nos entreprises d'aller où elles veulent, comme elles veulent, etc., mais nous, notre accompagnement, on va le cibler... avec elles. D'ailleurs, on fait ce... on est en train d'élaborer cette nouvelle politique commerciale en consultation. Et d'ailleurs j'ai demandé que notre collègue de la deuxième opposition, et de l'opposition officielle, soit rencontré dans ce processus de consultation. Je le réitère, je veux qu'on vous montre les brouillons et que vous puissiez collaborer à la conception de cette politique commerciale.

Maintenant, je voudrais revenir juste sur un point que mon collègue de Mont-Royal a indiqué à la fin de sa dernière intervention, avec votre permission, M. le Président. Il dit : Il y a un article de journal qui dit que, la banque de développement, son but, c'est d'aller chercher les fonds régionaux du gouvernement fédéral et que donc il y a toujours un peu de souveraineté ou de politique là-dedans. Bien, la revendication québécoise de pouvoir être maître d'oeuvre de l'ensemble des sommes de développement régional, c'est bipartisan, c'est peut-être même tripartisan. Les gouvernements libéraux antérieurs ont souvent demandé qu'il n'y ait pas duplication de l'intervention de développement régional et ont demandé le rapatriement de ces sommes pendant plusieurs années. Alors, j'espère que vous ne vouliez pas nous signaler ce matin, là, que vous abandonnez cette revendication. Merci.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. Alors, je reconnais le député de Rimouski.

M. Pelletier (Rimouski) : Merci, M. le Président. M. le ministre, je vais vous ramener de la Chine, de l'Inde, d'Afrique, je vais vous ramener au Québec, et plus précisément dans le Bas-Saint-Laurent, vous allez voir, c'est le fun. Au Bas-Saint-Laurent, il y a... C'est parce qu'il reste peu de temps, puis on a encore beaucoup de questions, ce qui ne semble pas le cas de notre collègue de Mont-Royal, peut-être qu'il accepterait de nous donner un peu de son temps pour finir... M. le ministre, dans ma région, au Bas-Saint-Laurent, il y a une centaine d'entreprises d'environ... exportatrices qui, avec les années, avaient l'habitude de travailler avec un organisme régional qui s'appelait la CORPEX, qui était soutenu financièrement par Investissement Québec, probablement dans le programme PEX, là, du MDEIE, et puis Développement économique Canada, qui est aussi un organisme régional pour des entrepreneurs régionaux. Alors, ça complétait un budget, puis c'est ce qui faisait fonctionner la CORPEX, qui donnait une assistance à ces entreprises-là.

La CORPEX a cessé ses opérations ça fait à peu près un an et demi. Et puis pourquoi elle a cessé ses opérations? Bien, ce qui est arrivé, à un moment donné, c'est qu'Investissement Québec et développement... en tout cas les partenaires financiers ont retiré leur argent, et puis la CORPEX a fermé ses portes. Maintenant, aujourd'hui, puis durant toute l'année, on pose la question à 10 personnes différentes, on a 10 versions différentes. Est-ce que c'est la CORPEX qui a fermé ses portes puis que les fonds ont été retirés ou est-ce que c'est parce que les fonds ont été retirés que la CORPEX a fermé ses portes? On ne le sait pas, puis c'est très difficile de le savoir.

Mais ce n'est pas le sens de ma question. C'est qu'aujourd'hui ces entreprises-là, elles sont un peu, semble-t- il, orphelines. Puis cette version-là ne vient pas des entreprises, là, parce que les entreprises qui sont déjà en opération puis qui exportent, ils sont capables de... C'est des adultes, et vaccinés, ils sont capables de... Ils connaissent leur marché, puis ils opèrent, puis ça va bien. Mais on peut se poser une question pour les nouvelles entreprises : Est-ce qu'ils vont avoir l'assistance nécessaire pour démarrer des marchés exportateurs?

Ma question  —  puis là, dans votre réponse, M. le ministre, j'aimerais que vous vous adressiez à ces gens-là de ma région, puis en même temps, bien, je pense que ce fait-là existe partout dans toutes les régions du Québec  —  c'est : Aujourd'hui, ces entreprises-là... Je sais qu'il y a le programme Export Québec, il y a la démarche d'établir des bureaux d'Expansion Québec à l'étranger. Il y a tout ça. Mais est-ce que vous voulez dire à nos entreprises québécoises exportatrices, pour maintenant et dans le futur, comment elles pourront continuer à être supportées et à être animées par le volet de financement qui est maintenant rendu dans votre ministère?

• (12 heures) •

Le Président (M. Ferland) : M. le ministre.

M. Lisée : Merci. Alors, pour ce qui est de l'ORPEX du Bas-Saint-Laurent, effectivement c'est un cas particulier, hein? Il y a des ORPEX dans toutes les régions du Québec, qui fonctionnent bien. Celle du Bas-Saint-Laurent a terminé ses activités en juin dernier, et on essaie de travailler avec le milieu pour rebâtir l'ORPEX, parce que c'est important. En fait, c'est un mécanisme qui permet d'arrimer l'aide administrative et les intervenants de chambres de commerce, en particulier localement, alors c'est important. On est à la merci de la vitalité du partenaire local aussi. Alors donc, on est en train de revoir ça.

En attendant, il y a toujours les directions régionales du développement économique. Donc, les entreprises peuvent s'adresser directement aux directions régionales, ça, c'est certain. Et, dans le développement de la banque de développement, on va pouvoir clarifier également les portes... ou la porte d'entrée pour vos entreprises, à vous et les autres.

Alors, nous, c'est certain que, comme le commerce extérieur est une priorité du gouvernement, est une priorité de notre développement, on est en train de préparer ce plan du développement du commerce extérieur. Évidemment, c'est notre souhait que le ministre des Finances, dans les années à venir, soit généreux avec cette politique. Donc, on est plusieurs à frapper à sa porte pour le budget 2014-2015, c'est certain, il en est parfaitement conscient.

Mais les sommes, aussi, qui sont présentes à Investissement Québec pour l'aide au développement international sont toujours présentes, elles seront présentes dans la nouvelle banque, et également l'accompagnement que le ministère du Commerce extérieur fait. L'an dernier, sans parler d'aucun programme d'aide, il y a 3 000 entreprises qui ont été accompagnées individuellement par les services du Commerce extérieur, les délégations à l'étranger, qui ont leur personnel économique aussi, qui participent à organiser des rencontres, à organiser des programmes.

Et, comme vous l'avez dit… puis je suis content que vous me donniez l'occasion de le souligner, ce nouvel outil qu'on introduit, qui s'appelle Expansion Québec , qui sert à la fois au partenariat d'entreprises, l'implantation, et au commerce extérieur. Alors, on sait qu'il y a des entreprises québécoises qui sont suffisamment développées pour penser à l'étranger, mais c'est toujours un pas difficile à franchir : Je m'en vais dans un autre pays, je ne connais pas les lois. Est-ce que je vais me faire avoir? C'est cher? Est-ce que j'ai les reins assez solides? Par exemple, si quelqu'un veut essayer de démarcher à New York, ou à Mumbay, ou à Tokyo, bien, il faut qu'il se trouve un bail de 12 mois. C'est cher. Il faut qu'il se trouve un consultant. Est-ce qu'il le connaît? Est-ce qu'il est bon? Est-ce qu'il travaille vraiment pour lui? Peut-être que oui, peut-être que non. Donc, c'est un gros effort.

Alors, nous, ce qu'on a décidé, c'est de baisser le niveau de risque et de baisser le coût pour que plus d'entreprises puissent faire ce pas-là. Et donc on leur propose, dans 40 pays, donc déjà dans 29, et bientôt dans 42 pays, d'ici cinq ans, des bureaux qui s'appellent Expansion Québec. Évidemment, il y en a déjà plus d'une vingtaine qui existent avec nos partenaires de Rhône Alpes international et qui nous donnent accès. Ils ont dit : Bon. Vous pouvez venir pour trois mois. Si ça ne marche pas après trois mois, vous repartez. Pas de problème. Le bureau existe, il n'y a pas besoin de le trouver, pas besoin de le chercher. Il y a un téléphone, il y a un secrétariat et il y a un chef de bureau, qui est un consultant. C'est un Québécois ou une Québécoise qui connaît les entreprises québécoises, et qui connaît le marché local, et qui peut vous aider à faire votre plan de pénétration du marché, peut vous aider à organiser vos rendez-vous. Et, après 18 mois, on va vous aider à vous trouver un local ailleurs si vous êtes en expansion.

Le Président (M. Ferland) : ...30 secondes, M. le ministre, à peu près.

M. Lisée : Voilà. Et donc c'est un outil extraordinaire pour permettre l'expansion, l'expansion internationale des entreprises québécoises.

Le Président (M. Ferland) : Vous pouvez continuer si vous voulez, M. le ministre. Je vous mentionne toujours le temps qu'il vous reste, mais, si vous voulez déborder, ça sera tout simplement enlevé sur le dernier bloc ou...

M. Lisée : Alors donc, simplement pour dire qu'on a annoncé le premier bureau québécois d'Expansion Québec à New York en décembre dernier avec la première ministre. Il y a déjà plusieurs entreprises québécoises qui y sont. On a eu quelques dizaines d'entreprises qui se sont montrées intéressées à aller soit au bureau de New York... Il y en a déjà qui sont à Shanghai, qui est un bureau préexistant, donc, de Rhône Alpes international. On va bientôt en ouvrir, nous, un autre au Brésil et en Californie. Et donc on va créer cette habitude de faire le saut à l'étranger dans un incubateur, finalement, d'entreprises.

Et ce qui est intéressant pour elles, ces entreprises, c'est qu'elles sont aussi... dans ces bureaux, il y a plusieurs espaces de bureaux, elles sont avec d'autres entreprises québécoises ou d'autres entreprises françaises, donc on peut se parler entre francophones sur les difficultés, les trucs, les contacts. Donc, il peut même y avoir un maillage entre les entreprises à l'intérieur des bureaux. Moi, je suis très enthousiaste face à cette formule.

On fait un investissement de départ pour l'installation, mais ensuite, évidemment, c'est tarifé. Et donc c'est très concurrentiel, c'est tarifé, et donc le programme va s'autofinancer pour la suite des choses.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. Alors, maintenant, je vais aller du côté de l'opposition officielle et je reconnais le député de Mont-Royal, pour un bloc de 20 minutes.

M. Arcand : Merci beaucoup, M. le Président. Je m'en voudrais évidemment de ne pas au moins consacrer une bonne partie de ce bloc, évidemment, aux États-Unis, parce que c'est quand même notre client le plus important.

Je vous dirais, M. le ministre, avant juste d'aller vers ça, une question toute simple encore une fois, j'ai vu beaucoup de vos articles, j'ai vu beaucoup de vos déclarations depuis les derniers mois. Et, je vous promets, il n'y a pas de piège là-dedans, là, alors ne vous en faites pas, soyez bien à l'aise de répondre, mais c'est parce qu'on est toujours là, aux relations internationales; on dit que la France, c'est très important, on dit que les pays émergents, c'est important, les États-Unis, c'est important, la Chine, enfin tout ce que vous pouvez imaginer, tout est important en matière de relations internationales et en matière de commerce extérieur. Chacun des pays est très, très important. Si j'avais à vous demander vos trois priorités de façon toute simple, quelles seraient-elles?

M. Lisée : Bien, je vous dirais qu'elles ne sont pas régionales. Je dirais que la priorité, le mot clé, comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est la diversification, y compris à l'intérieur de notre principal partenaire commercial qu'est les États-Unis. Comme vous savez  —  vous avez été ministre des Relations internationales  —  c'est le lieu de notre principale présence internationale. On a une délégation majeure à New York, qui d'ailleurs a fêté un anniversaire, c'est... Depuis combien de temps on est à New York?

Une voix : ...

M. Lisée : 75 ans? Bientôt 75 ans, alors, bon... On est à Boston, on est à Chicago, on est à Atlanta, on est à Los Angeles. Qu'est-ce que j'oublie?

Une voix : Boston.

M. Lisée : On est à Boston, oui. Donc, la...

Une voix : Washington.

M. Lisée : Et Washington. Donc, la présence est réelle, elle est importante, elle est continue. Notre intérêt avec les Américains est bien sûr commercial, mais pas seulement. Vous savez le nombre d'accords que nous avons sur un grand nombre de sujets, allant des contraventions, à la sécurité sociale, à... La sécurité est un élément que nous avons avec les États-Unis que nous n'avons pas avec les autres. La gestion de la frontière, lorsque j'étais à Washington... Et d'ailleurs, vous voyez, en quatre mois, nous avons fait trois missions aux États-Unis. Moi, j'en ai fait deux, et la première ministre en a fait une, alors ce qui montre notre intérêt pour les États-Unis. On n'est allés dans aucun autre pays trois fois. C'est le seul pays où on est allés trois fois.

Et donc la sécurité est un élément important dans nos discussions avec les autorités américaines, avec le bureau... Homeland Security   —   j'ai rencontré un cadre supérieur   —   où on discute du prédédouanement. Alors, on veut faire en sorte que... Évidemment, les Américains ont augmenté les normes de sécurité à la frontière, qui ont eu un effet dépressif sur le flot commercial. C'est plus compliqué pour les entreprises d'exporter de part et d'autre. Heureusement, on a eu beaucoup d'appuis des États frontaliers américains, qui, eux aussi, ont considéré que c'était une mauvaise chose pour eux, et donc qui ont fait des pressions pour faire en sorte que la frontière soit la plus sécuritaire possible mais aussi la plus fluide possible pour les importateurs et les exportateurs.

Et on travaille sur du prédédouanement. On va d'abord massivement au port de Montréal. Alors, d'abord, il y a eu un projet pilote qui a été fait à Thunder Bay l'an dernier et qui va s'étendre au port de Montréal et au port de Vancouver cette année. Ça, on appuie fortement ce projet-là. Deuxièmement, on travaille sur le prédédouanement des passagers à la gare Centrale de Montréal, pour le train vers New York. Ce prédédouanement-là réduirait de près de deux ou trois heures le temps... parce qu'ils doivent s'arrêter à la frontière en ce moment pour faire la vérification de douanes. Et on a introduit la question du prédédouanement à l'aéroport de Québec, Québec, comme vous le savez, qui est un pôle de croissance économique super au Québec, et même un des premiers, sinon le premier au Canada, on le voyait encore cette semaine. Et donc je pense que ça serait bon pour l'économie de la région de Québec, la Capitale-Nationale, d'avoir ce prédédouanement.

Mais, en réponse à votre question, la diversification. Alors, on regarde notre principal partenaire commercial, qui est les États-Unis, et on se dit : Puisqu'on va avoir une croissance molle pour plusieurs années, où est-ce que nous, on pourrait avoir une croissance forte? Et donc c'est pour ça qu'on parle du Texas . D onc, on est très présents ces dernières années   —   avec votre prédécesseur, et nous, on va continuer ça   —   dans le sud-ouest, Texas, Arizona, Colorado, des États qui sont en croissance, où on peut avoir une présence qui est plus forte. Mais on voit que, dans l'État de New York aussi, le potentiel de croissance reste réel. Donc, lorsqu'on pense au monde entier et à notre premier partenaire commercial, on pense diversification.

• (12 h 10) •

Le Président (M. Ferland) : M. le député.

M. Arcand : D'accord. Et là je vais vous faire un clin d'œil, parce que vous avez oublié une priorité majeure pour les Québécois actuellement, priorité très importante dans leurs relations avec les États-Unis, j'ai reçu des appels à mon bureau, un peu partout c'est un peu la panique actuellement, c'est toute la question du permis de conduire international en Floride. Je sais que ça, peut-être, ne touche pas... Parce que je ne suis pas sûr que ça touche les camionneurs, je pense que c'est plus résidentiel. Mais l'État de la Floride a suspendu, je pense, ce qu'il devait faire, c'est-à-dire annoncer, dès le mois de janvier, un permis de conduire international. Et donc ça touche quand même pas mal de centaines de milliers de Québécois qui se rendent là-bas et qui sont un peu paniqués à l'idée de devoir faire ça.

Je voudrais simplement, dans vos priorités américaines, que vous vous assuriez justement que, pour les camionneurs…   —   je pense que ça ne touche pas nécessairement le commercial, mais je n'en suis pas certain   —   alors que vous vous assuriez justement qu'il y ait une discussion avec l'État de la Floride pour, encore une fois, au maximum simplifier ce genre de chose là.

Une des choses également qui m'apparaît importante, pendant des années, le Québec avait une présence au Texas  —  quand j'étais là, on en a parlé. À un moment donné, c'était le bureau de Los Angeles qui s'occupait du Texas. Atlanta s'en est occupée, je pense que Chicago aussi. Est-ce que c'est dans les plans du gouvernement d'avoir un bureau au Texas?

Le Président (M. Ferland) : M. le ministre.

M. Lisée : Oui. Alors donc, on m'informe que le dossier de Floride, là, du permis de conduire international, c'est un dossier qui est actif au ministère des Transports et à la SAAQ. Mais vous attirez mon attention, puis je vais me faire renseigner plus avant là-dessus; parce que moi aussi, j'ai de la famille en Floride, et puis ça me surprend qu'ils ne m'en aient pas parlé.

Écoutez, pour le Texas, bon, il est certain qu'à mesure que notre activité économique croît la question d'une présence au Texas va être posée. Alors, de quelle façon cette présence doit-elle être déployée? Est-ce que ce serait un bureau d'Expansion Québec? Est-ce que c'est un représentant commercial? Est-ce que... C'est une question qui est posée et c'est une bonne question. Pour l'instant, on y réfléchit.

Le Président (M. Ferland) : M. le député.

M. Arcand : Je suis un petit peu inquiet des relations que l'on a actuellement avec les États-Unis, non pas qu'il y ait des problèmes particuliers, mais il ne semble pas y avoir une volonté nécessairement d'aller très loin. Évidemment, les Américains ont, je dirais, une certaine retenue actuellement à cause de leurs problèmes économiques, ils veulent... même s'ils ont... On a fait l'entente dont vous parliez, avec les 37 États, et… se soustraire au « Buy America Act » , il en reste quand même qu'il y a certains mouvements actuellement, aux États-Unis, qui sont réfractaires. Et même des gens, à un moment donné, ont écrit, dans plusieurs journaux, que finalement peut-être que l'ALENA avait ceci de mauvais, c'est qu'on mettait le Canada dans le même sac que le Mexique, alors que les problèmes ne sont pas nécessairement les mêmes, et qu'il y avait donc, de la part de plusieurs sénateurs du Sud principalement, une espèce de retenue par rapport à l'élargissement, si on veut, de nos relations.

Moi, ce qui m'inquiète un peu, c'est qu'il y a eu la visite que vous avez faite à New York avec la première ministre, et vous avez dit : Ça a bien fonctionné, ça a été merveilleux, il y a eu une très belle réception, le Québec est bien perçu, ça va bien. Moi, je me suis retrouvé, pendant le temps des fêtes ... E t je vous le dis sans partisanerie, c'était vraiment une rencontre que j'ai eue. Et, une semaine après votre visite, la cote de Standard & Poor's pour la Banque Laurentienne, pour la Banque Nationale et pour le Mouvement Desjardins a été abaissée. Alors, je me posais la question... Et la personne à qui je parlais, c'était quelqu'un qui travaillait pour une institution financière et qui m'a dit : Écoutez, nos prêts n'ont jamais été d'aussi bonne qualité, on n'a pas de problème, etc. Et donc il y avait vraiment là une inquiétude.

On voit aussi dans votre décision  —  pas la vôtre, mais celle de votre collègue aux Ressources naturelles  —  de fermer un peu les minicentrales d'électricité comme si on disait : Bon, bien, il y a des surplus d'électricité, on ne sera pas capables de les vendre, ces surplus-là. Il y a comme une attitude où on dirait que les Américains, actuellement... parce qu'il y a beaucoup de gaz disponible aux États-Unis; on a un peu baissé les bras au niveau de la vente d'électricité.

Je voudrais que vous me disiez, actuellement, si votre niveau d'optimisme par rapport à ça... Je sais que vous êtes en général optimiste, mais les résultats ne semblent pas suivre actuellement les nombreuses démarches qui ont été faites tout au cours des dernières années par plusieurs gouvernements du Québec pour justement vendre cette électricité, s'améliorer. Je sais qu'il y a le projet, là, de pipeline, enfin de tuyau qui passe au lac Champlain, etc., mais il ne semble pas y avoir actuellement d'événement concret. On sait qu'au New Hampshire aussi il y a eu des problèmes. Alors, je voudrais que vous me fassiez le point là-dessus et me dire qu'est-ce qui bloque, d'après vous.

Le Président (M. Ferland) : M. le ministre.

M. Lisée : Bien, d'abord, sur la crédibilité financière du Québec aux États-Unis, du Québec, elle est excellente, puisqu'alors que plusieurs États peinent à financer leurs emprunts à des coûts abordables le ministère des Finances du Québec a réussi à faire la quasi-totalité de ses besoins d'emprunt pour l'année bien avant la fin de l'année avec des coûts historiquement très bas, alors ce qui fait que le signal que nous envoie Wall Street sur la crédibilité des finances du gouvernement du Québec est un signal qui est très positif.

Sur la question de l'exportation d'électricité, il est bien de vouloir exporter un produit, mais une entreprise qui augmenterait constamment sa capacité de production sans se rendre compte que, sur son principal marché, il y a de moins en moins d'acheteurs, ce n'est pas une entreprise qui aurait une très bonne réputation. Et le président d'Hydro-Québec est venu dire, peut-être même dans cette pièce, ces jours derniers que le gouvernement précédent lui avait commandé une augmentation de sa production sans égard à la capacité du marché de l'acheter. Alors, ça, ça m'inquiète. Des décisions qui ont été prises, des commandes qui ont été données à Hydro de façon inconsidérée, oui, ça, c'est inquiétant, et heureusement qu'on est là pour redresser les choses.

Sur les petites centrales, écoutez, c'est très clair que les communautés qui ont développé des projets de petite centrale le faisaient non pas pour générer de l'électricité, mais pour se générer un revenu pour financer des projets locaux tout à fait légitimes, louables, positifs, structurants. Mais donc on a calculé que, pour 1 million de revenus que ces petites centrales allaient générer dans ces projets, il en coûterait 4 millions de dollars de pertes à Hydro-Québec. Alors, il y a peut-être une autre façon de financer ça que de faire ça à perte. Alors, encore une fois, je ne pense pas que c'était un très bon modèle d'affaires, ce qui nous était proposé jusqu'à ce qu'on arrive. Donc, pour ceux qui s'intéressent à l'intégrité commerciale et aux bons modèles d'affaires, je pense qu'ils doivent être rassurés par le fait qu'il y a un gouvernement qui connaît les affaires qui est maintenant en train de prendre de bonnes décisions.

• (12 h 20) •

Effectivement, l'arrivée sur le marché américain de gaz de shale en quantité a baissé le coût de la génération d'électricité dans une partie des États-Unis, et donc rend plus difficile l'exportation à profit de l'électricité québécoise. Le bon côté des choses, c'est que, comme le gaz naturel ainsi généré coûte moins cher que le charbon, il y a une partie des génératrices à charbon qui sont mises de côté pour des génératrices à gaz naturel, et donc les émissions de gaz à effet de serre et de pluies acides sont moins fortes qu'avant, et donc ça sera peut-être un bénéfice pour les lacs du Québec et les forêts du Québec. Mais ça, c'est un déplacement de génération d'électricité qu'on voit aux États-Unis.

Pour nous, il y a effectivement deux projets. Il y a deux projets qui étaient sur la table quand on est arrivés, seulement deux, O.K.? Il y a le premier projet, celui du Northern Pass, qui passerait par le New Hampshire, lequel suscite énormément d'opposition, à l'intérieur du New Hampshire, de toutes sortes. Et j'en ai discuté avec le commissaire à l'énergie du New Hampshire l'automne dernier. Et, bon, le processus suit son cours mais avec un niveau d'optimisme, disons, inférieur à ce que ça pourrait être. Mais ça, c'est une discussion pour la souveraineté des Américains, ils doivent décider s'ils veulent avoir le Northern Pass sur leur territoire.

L'autre projet  —  en fait, on a eu une très bonne nouvelle lors de la visite à New York, c'est que...   —   c'est ce projet de vente de 2 000 mégawatts jusqu'à vers la ville de New York, en passant, comme vous l'avez dit, par le lac Champlain. Notre compréhension, jusque-là, c'était que ce projet était conditionnel à la fermeture de la centrale nucléaire d'Indian Point, qui génère 4 000   mégawatts, et dont la production serait remplacée pour moitié par d'autres générations d'électricité locale et pour moitié par nos exportations.

Mais il appert, parce qu'on a rencontré des autorités importantes au gouvernement et dans l'industrie, que, non, fermeture d'Indian Point ou non, la vente de ces 2 000 mégawatts fait partie du projet des promoteurs de la ligne Champlain, et ils ont la certitude de pouvoir l'écouler à un prix qui, pour nous, est raisonnable. Alors, ça, c'est une bonne nouvelle. Donc, c'est une discussion... Encore là, nous sommes tributaires du processus d'approbation environnementale et économique de New York, mais c'est un projet qui nous semble prometteur.

Le Président (M. Ferland) : M. le député.

M. Arcand : Lorsque vous allez à New York, actuellement, vous allez vendre le Plan Nord, qu'on appelle maintenant le plan nord pour tous. Et il y a toujours eu une espèce de tradition, encore une fois, qui fait que, la partisanerie, dans le domaine international, on essaie de la mettre de côté. Et ma question, c'est : Il est clair, pour avoir eu l'occasion de discuter avec certaines des entreprises... Ce qu'on a de la difficulté à comprendre... Tout le monde sait que l'étude qui a été faite par Price Waterhouse démontre que les redevances que le gouvernement du Québec applique sont des redevances qui étaient valables , c'est ça qu'il y a dans l'étude ,  et cette étude-là n'est pas rendue publique parce qu'elle dirait que les redevances qui sont là sont de bonnes redevances.

Est-ce que vous ne pensez pas que, si demain matin cette étude-là était rendue publique, qu'elle confirmait que nous avons appliqué les bons taux de redevances, ça enlèverait un peu d'insécurité? Parce qu'actuellement le Plan Nord, à toutes fins pratiques, auprès de certains investisseurs mondiaux, je dirais, pas seulement américains mais mondiaux, est actuellement bloqué, parce qu'ils ne savent pas à quoi s'attendre.

Le Président (M. Ferland) : M. le ministre.

M. Lisée : Bien, d'abord, ce n'est pas le cas. Je veux dire, les grands projets actuels en cours dans le Grand Nord continuent à opérer, et plusieurs des projets en développement, à différents stades de développement, continuent à être développés, que ce soit avec Tata Steel ou avec d'autres; la ministre des Ressources naturelles en faisait la liste cette semaine à l'Assemblée nationale. Et, sur des projets qui durent plusieurs années, de savoir que, d'ici quelques semaines, nous aurons une discussion, une concertation et ensuite une décision, ça ne rend personne nerveux parmi des minières qui travaillent parfois dans des démocraties et parfois dans des lieux où c'est plus compliqué.

Alors, vous demandez la publication de l'étude. J'ai entendu le ministre de l'Économie et des Finances dire que cette étude, parmi d'autres, sera rendue disponible pour la discussion éclairée que nous pourrons avoir, dans les semaines qui viennent, autour de ce sujet-là. Donc, ne vous inquiétez pas, donc, nous avons pris l'engagement de rendre cette étude publique.

Ce n'est pas exactement de mon ressort, et la remarque que je vais faire n'est pas exactement de votre ressort, mais nous pourrions faire les messages de part et d'autre : Nous sommes toujours à la recherche des 10 études sur le fédéralisme qui ont été faites sous votre gouvernement, payées par les fonds publics, et dont nous ne trouvons pas la trace. S'il vous plaît, pouvez-vous demander à vos anciens collègues qui ont ces études dans leurs filières, dans leurs caves, dans leurs archives, ou au Parti libéral du Québec, de, s'il vous plaît, remettre cette propriété publique, des études que vous avez fait faire avec des deniers publics, au gouvernement du Québec?

Le Président (M. Ferland) : Une minute, M. le député.

M. Arcand : Bien, vous savez, je pense que, quand on fera la lecture des 30 dernières années de gouvernements libéral et péquiste, je pense qu'au niveau de ces deniers-là… Je pense bien que je serais prêt à vous mettre au défi, M. le ministre, de savoir qui a dépensé le plus des argents publics pour la promotion de sa cause. Je pense que c'est très clair.

Maintenant, il y a une chose que, cependant, j'aimerais vous dire, c'est que, les gens qui sont à New York puis les gens qui sont à Davos, il y en a beaucoup c'est les mêmes, hein? On s'entend là-dessus. Et les gens disent... Et ça, ça a été reconnu par la première ministre à la fin janvier. Les investisseurs qui étaient tellement heureux, qui trouvaient le Québec tellement fantastique à New York au mois de décembre, bien, ces mêmes investisseurs, selon la première ministre, étaient inquiets. «  Nous avions   —   dit-elle   —   à l'égard de certaines entreprises des inquiétudes quant à la fragilité de leurs investissements et leur volonté de continuer à travailler avec le Québec… » Alors, je voulais juste savoir comment vous conciliez votre optimisme et son pessimisme.

Le Président (M. Ferland) : Est-ce que vous voulez la réponse? Parce que le temps est écoulé, là. Il peut revenir sur la réponse...

M. Lisée : Ah! mais je vais répondre avec plaisir.

Le Président (M. Ferland) : Allez-y, M. le ministre.

M. Lisée : Je tiens à apporter une correction, là, parce que je veux être très rigoureux. La ligne Champlain- Hudson, j'ai dit que c'était 2 000 mégawatts, c'est 1 000 mégawatts, donc, en remplacement de la moitié de la production d'Indian Point, et maintenant ce n'est plus en réduction de la moitié d'Indian Point.

C'est intéressant, la citation de la première ministre que vous avez lue, parce qu'elle dit qu'elle avait des inquiétudes sur la fragilité des investisseurs. Elle ne dit pas que les investisseurs avaient des inquiétudes, elle dit qu'elle avait des inquiétudes   —   c'est la... vous venez de la lire, vous venez de lire la citation   —   et qu'elle voulait s'assurer que ces inquiétudes n'existaient pas, et elle est satisfaite que les inquiétudes n'existent pas.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. Le temps est écoulé, malheureusement, M. le...

M. Arcand : Les investisseurs sont inquiets   —   c'est le titre de l'article...

Le Président (M. Ferland) : Il vous reste un dernier bloc.

M. Arcand : ...alors   —   reconnaît la première ministre .

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci, M. le député. Alors, maintenant, pour... j'irais du côté de la partie ministérielle. Je reconnais le député de Sainte-Marie — Saint-Jacques pour un temps de 14 minutes.

M. Breton : Je voudrais revenir brièvement sur le fait que M. le député de Mont-Royal a parlé de gaz de schiste venant des États-Unis. Je vais être bref là-dessus, mais tout ce que je peux dire, c'est que, M. le Président, si le gouvernement précédent avait mis sur pied une stratégie énergétique qui allait dans le sens du monde, on n'en serait pas à essayer de repatcher les choses à gauche et à droite pour essayer de ramener dans le bon sens. Et c'est pour ça qu'on va avoir un débat sur l'avenir de notre stratégie énergétique cette année et que le gaz naturel... Et je suis certain que M. le ministre et Mme la ministre des Ressources naturelles vont en convenir, l'avenir va passer vers des sources d'énergie plus vertes comme le biogaz. Donc, si j'étais à la place du député de Mont-Royal, je ne me mettrais pas trop, trop sur le dossier de l'énergie des ressources naturelles, parce que votre bilan est pitoyable, et vous le savez.

• (12 h 30) •

J'aimerais ça parler un peu   —  nous p arlons de ressources naturelles   —   de géopolitique internationale du pétrole. On est dans les relations internationales. Je ne sais pas si vous êtes familier   —   en fait, il n'y pas grand monde qui est familier avec ça, parce que tout à l'heure, en fait, c'est mon collègue qui m'a allumé une cloche   —   avec le pacte de Quincy . C'est un pacte qui a été signé en 1945 sur le croiseur Quincy entre le roi Saoud d'Arabie saoudite et le président américain Roosevelt, de retour de la conférence de Yalta, qui s'articulait sur les cinq points suivants : stabilité de l'Arabie saoudite faisant partie des intérêts vitaux des États-Unis, qui assurent en contrepartie la protection inconditionnelle de la famille Saoud et, accessoirement, celle du royaume d'Arabie saoudite contre toute menace extérieure éventuelle. Par extension, la stabilité de la péninsule arabique et le leadership régional de l'Arabie saoudite font partie des intérêts vitaux des États-Unis. En contrepartie, le royaume d'Arabie saoudite garantit l'essentiel de l'approvisionnement énergétique américain, la dynastie saoudienne n'aliénant aucune parcelle de son territoire. Et les autres points portent sur le partenariat économique, commercial et financier. Cet accord-là a été renouvelé en 2005 sous le gouvernement de George W. Bush.

Et ça, c'est une brève illustration de l'importance du pétrole dans la géopolitique mondiale. Je suis certain que ceux qui connaissent un peu cette géopolitique-là vont être conscients du fait que l'Iran s'est retrouvé avec un gouvernement fantoche, avec celui du schah d'Iran, justement à cause d'intérêts pétroliers. L'Irak a vu se retrouver, de la même manière, avec un gouvernement fantoche, pendant des années, pour des intérêts pétroliers. La guerre du Koweït, pas de secret là, si on est allés défendre, supposément, la démocratie et le Koweït, c'est pour des intérêts pétroliers.

Moi, je me rappelle, quand j'étais jeune, fin des années 1960, début 1970, le premier dossier dont j'ai entendu parler par rapport à la famine, quand j'étais jeune  —  vous vous en souvenez peut-être —  c'était le Biafra. Et j'ai appris, il y a quelques années à peine, que la famine n'était pas due à des problèmes d'approvisionnement. C'était dû à une guerre, une guerre entre des intérêts pétroliers britanniques et français pour le contrôle du pétrole sur le territoire.

Vous avez certainement entendu parler de l'Accord de libre-échange nord-américain qui a fait en sorte qu'alors que les Mexicains ont inscrit dans leur constitution que les hydrocarbures appartiennent au peuple mexicain le Canada, lui, a dit : Non, nous, on n'a pas de problème, on a signé la clause de proportionnalité qui fait qu'on doit s'assurer de fournir en hydrocarbures les Américains, toujours dans une proportion au moins croissante. C'est-à-dire que, si 40 % de l'exploitation pétrolière en hydrocarbures canadiens s'en va vers les États-Unis, ça ne peut pas descendre en bas de 40 %, quitte à ce que le reste du Canada en manque, ce qui est, somme toute... on ne peut pas avoir plus colonial que ça.

Dans cette optique-là, quand je regarde les gestes qui ont été posés par le gouvernement américain, entre autres sous le gouvernement de George W. Bush, qui était un gouvernement qu'on dit républicain, conservateur, de droite, ouvert au libre marché... Vous vous souvenez certainement qu'ils ont opposé leur veto sur trois dossiers importants : un sur les ports de mer, qui auraient été vendus à des intérêts étrangers; un autre sur la compagnie IBM, pour raison de sécurité nationale; le troisième, sur la compagnie Unocal, que les Chinois voulaient acheter. Finalement, c'est Chevron qui a acheté ça.

Pendant ce temps-là, on se retrouve au Canada et on a la compagnie Chinalco qui vient investir des sommes importantes au Canada pour exploiter du pétrole des sables bitumineux. Et que voit-on le lendemain dans le journal? Un communiqué de presse de la Maison-Blanche qui dit, et je cite : Nous sommes inquiets pour la stratégie... pour la sécurité énergétique des Canadiens. Je pense qu'il y avait un sous-texte qui voulait dire autre chose, que je ne dirai pas ici, mais, là où je veux en venir, c'est que l'avenir de notre stratégie énergétique, l'avenir géopolitique du Québec reposent en bonne partie, d'après ce que beaucoup de gens avec qui je travaille et moi-même disons depuis des années, sur notre indépendance énergétique : ça passe par la géopolitique du pétrole.

Donc, j'aimerais que cet avenir pétrolier ou cet avenir d'indépendance au pétrole que le Québec va décider cette année ne se transforme pas en ce qui est qualifié, dans beaucoup de pays, de la malédiction du pétrole. Il y a beaucoup de pays où on appelle ça la malédiction du pétrole. C'est-à-dire: Il y a des pétrolières qui débarquent chez vous, puis ils foutent le bordel. On a eu un aperçu de ça avec la façon dont ont été gérés les hydrocarbures avec le gouvernement précédent. J'aimerais ça que vous nous disiez un peu de la façon dont vous voyez, justement, en tant que ministre des Relations internationales, l'apport que le Québec peut avoir comme leader pour devenir à la fois indépendant énergétiquement, pour montrer l'exemple par rapport à l'indépendance des énergies fossiles et de dire qu'on peut devenir un modèle en Amérique du Nord.

Le Président (M. Ferland) : M. le ministre.

M. Lisée : J'ai combien de temps?

Le Président (M. Ferland) : Alors, il vous reste sept minutes, environ.

M. Lisée : O.K. Bien, écoutez, il est clair que plus le Québec sera indépendant en matière énergétique, plus son économie sera résiliente. Ça, c'est la première chose. On le voit dans les chiffres du commerce extérieur, il y a une partie importante qui est due à nos achats de pétrole. Si on peut à la fois réduire notre empreinte pétrolière tout en produisant notre propre pétrole… Et ça, effectivement, c'est essayer de contourner la malédiction, c'est-à-dire qu'en parlant du Canada il y a tellement du pétrole qu'il y a très peu de pression populaire, de pression politique ou de volonté politique de réduire la consommation de pétrole : Bien non, on est des producteurs de pétrole, on va le consommer.

Alors, nous, notre défi, c'est de dire : Il est possible qu'on devienne des producteurs de pétrole, mais en même temps on va essayer d'en consommer le moins possible, le moins possible. Et la première ministre, lorsqu'elle était chef de l'opposition, est allée en Norvège pour voir comment les Norvégiens, eux, ont eu cette politique à la fois environnementaliste, mais de production pétrolière, et de rétention de la richesse créée par le pétrole pour l'économie nationale, et même pour non seulement l'équilibre budgétaire, mais le surplus budgétaire. Ils sont en surplus budgétaire, hein, ils n'ont pas de dette. Ils n'ont pas de dette nette. Ils ont une dette brute, mais ils n'ont pas de dette nette.

Et donc c'est un peu l'orientation générale qui a été indiquée par la première ministre, c'est qu'on va suivre et articuler dans la particularité québécoise. Et ensuite on pourra se demander : Bon, bien, si on produit davantage que ce que l'on consomme, est-ce qu'il faut exporter le reste ou est-ce qu'il faut réduire la production pour la garder pour nous pour plus tard, etc.? Ça sera un très beau débat à avoir, un très, très beau débat à avoir. Mais il est certain qu'on doit décarboniser au maximum le marché québécois, et c'est une...

Nous sommes condamnés à l'exemplarité. Et c'est un peu ce que j'ai dit en Inde, lors du sommet sur le développement durable à Delhi, que, bon, si on pense que… Puisque Copenhague est un échec, puisque nous n'avons pas réussi à réduire suffisamment l'émission de gaz à effet de serre pour éviter le deux degrés supplémentaire qu'on va connaître en 2050  —  puis maintenant on pense que c'est trois, et beaucoup pensent que c'est quatre, et, si c'est quatre, ça peut être plus élevé d'ici la fin du siècle  —  qu'est-ce qu'il nous reste à faire?

Bien, il nous reste à faire en sorte que ce soit le moins grave possible. Mais on sait, l'écueil, qu'est-ce qu'il est. L'écueil, il est double. C'est le principal producteur au monde, les États-Unis, et le second, la Chine, qui disent chacun : Puisque l'autre ne fait rien, j'en fais le moins possible. En politique intérieure, il y a beaucoup d'États, beaucoup de villes, y compris en Chine, qui font beaucoup de choses. Mais donc ils refusent de prendre des engagements fermes de réduction dans une... d'une ampleur nécessaire a éviter le réchauffement planétaire.

Alors, nous, et, encore là, je vais faire un coup de chapeau à nos prédécesseurs, on a déjà réussi à faire un levier continental sur un sujet important, lorsque la Californie et le Québec ont décidé d'appliquer des mesures strictes de réduction des émissions de voitures. Évidemment, le gouvernement d'Ottawa et Washington ont dit : Mais ça n'a pas de sens. Vous êtes aux deux bouts du continent, vous allez avoir des règles d'émission, et puis le reste... Bon, en un sens, ils avaient raison, ça n'avait pas de sens. Ça n'avait pas de sens parce qu'eux refusaient de bouger, les républicains et les conservateurs.

Mais ensuite d'autres États américains, d'autres provinces canadiennes se sont ajoutés à cette coalition, et il y a un moment où la décision a été prise de s'aligner sur ce qu'on a fait. Donc, c'est à dire que, même si on est une... on n'a pas de poids politique direct sur les décisions américaines en matière de gaz à effet de serre, on a réussi, par des coalitions, à faire bouger les deux gouvernements nord-américains, sans parler du Mexique, de façon majeure.

Bien là, on est en train de le refaire avec le marché du carbone. Vous savez très bien, cette année 2013 est l'année où la Californie et le Québec vont mettre en place le premier marché nord-américain du carbone. L'Australie est intéressée à faire le lien. On espère que l'Ontario, la Colombie-Britannique, l'État de Washington vont se joindre à nous, et ensuite peut-être quelques-uns, et là on va faire en sorte d'obliger, d'embarrasser suffisamment les deux gouvernements nationaux pour qu'ils se disent : Bon, bien, il faut mettre un peu d'ordre là-dedans; et on va avoir un marché continental du carbone. Et là le gouvernement américain va se retourner vers les Chinois puis dire : Bien, regardez ce qu'on vient de faire. À cause de la Californie puis du Québec. Mais, je veux dire, ils vont en prendre le crédit, puis c'est très bien.

Alors donc, on peut être dans un État de levier pour avoir un impact assez grand sur ces décisions-là. Évidemment, si on était tout seuls... La Californie a un grand rôle à jouer, mais la Californie est contente d'avoir quelqu'un, à l'autre bout du continent, qui appuie son développement. Et, en ce sens-là, on est un peu précurseurs et donc on va de l'avant avec ce projet-là. Mais il faut aussi démontrer, et là c'est la politique industrielle qui va le faire… Puisque nous avons des surplus d'électricité, puisque nous voulons réduire notre empreinte énergétique, puisque nous voulons consommer moins de pétrole, puisque nous produisons des autobus, des métros et du matériel roulant, faisons en sorte d'électrifier notre transport public et d'augmenter l'apport du transport public dans nos transports en créant de l'emploi chez nous, en créant de l'emploi, en rétablissant notre balance commerciale. Et ainsi...

• (12 h 40) •

Le Président (M. Ferland) : ...M. le ministre, pour conclure.

M. Lisée : …   —   je conclus   —  e t ainsi, ailleurs en Amérique du Nord, des gens vont pouvoir dire : Ça a l'air de marcher, au Québec, pour leur économie, l'énergie verte. Et leur chômage est toujours inférieur au chômage américain, leur croissance économique est bonne. En plus, ils réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre. Peut-être que ceux qui disent que c'est mauvais pour l'économie, le virage environnemental, ils ont tort, puisque, sur notre continent, une région industrielle, une région avancée a réussi à relever ce pari-là. Et donc on a un devoir d'exemplarité.

Le Président (M. Ferland) : Merci. Merci, M. le ministre. Alors, maintenant, pour le dernier bloc, je vais aller du côté de l'opposition officielle. Je reconnais le député de Mont-Royal avec un temps de 18 minutes.

M. Arcand : Merci beaucoup, M. le Président. J'ai connu le ministre à une certaine époque où il était marxiste- léniniste, je pense, à cette époque-là. Il était bien jeune. Sa pensée a évolué au fil du temps, et Dieu merci, d'ailleurs. Et je dois vous dire que je suis quand même parfois inquiet de certaines de ses orientations, malgré tout. Et je voulais profiter de l'occasion, dans ce dernier bloc, d'aborder la question que le député de La Prairie a brièvement abordée au sujet de certaines des orientations, et, entre autres, là, vous semblez avoir un intérêt marqué pour l'Afrique.

Oui, c'est un fait que l'Afrique va devenir ou a commencé, d'ailleurs, à être un pays en forte croissance... qui commence à avoir une certaine croissance, effectivement. Mais, encore une fois, quand on regarde l'évolution, ça va se faire sur une période de temps qui risque d'être quand même assez longue. Et, deuxièmement, dans le cas de l'Afrique, on part de très loin. Donc, c'est sûr qu'on voit des taux de croissance importants actuellement, mais ce sont des taux de croissance, là, qui partent de très, très loin.

Dans les entrevues que vous avez données, entre autres, je pense que c'est aux Affaires que j'ai vu ça, vous avez dit : Écoutez, pour nous, il est très important... Vous martelez  —  et vous l'avez dit dans votre discours au CORIM  —  l'importance de la solidarité comme étant un élément majeur sur lequel on ne peut pas être en désaccord. Ce qui m'inquiète dans la stratégie africaine, c'est que les trois pays, en Afrique, qui sont les plus importants, c'est l'Égypte, c'est le Nigéria, je pense, et l'Afrique du Sud, sans trop me tromper, là, ou, en termes de PIB, là, je pense que ce sont les trois plus importants. Les pays, entre autres, qui sont parmi les pays qui ont la plus forte croissance de leur PIB, au cours en tout cas de la dernière année, là, je pense qu'il y a le Ghana, dans ça, il y a le Congo. Et vous, vous dites : Nous, ce qu'on veut faire, c'est vraiment... Vous avez mentionné, entre autres, le Sénégal et la Côte d'Ivoire, où vous vouliez vraiment faire des efforts de solidarité particulière avec ces pays-là.

Alors, c'est un cas, pour moi, où, actuellement, il me semble encore une fois y avoir une confusion entre une espèce de politique économique qui est importante et tout l'aspect, je dirais, francophonie, partisanerie, et ainsi de suite. Et je voulais simplement vous entendre là-dessus, parce qu'il me semble qu'à ce niveau-là, actuellement… À travers toutes les priorités que nous pouvons avoir, je voudrais m'assurer que le Québec se concentre véritablement là où ça va se passer d'ici les trois ou quatre prochaines années. Non pas que... Je n'ai rien contre le fait d'aller en Afrique, mais je pense que l'économie des trois, quatre prochaines années, il va y avoir des taux de croissance encore importants, et, dans les pays, je dirais, de l'Orient, actuellement, ça devrait demeurer, je pense, une très importante priorité. Alors, je voulais simplement essayer de comprendre ce raisonnement-là que vous avez, et qui a été abordé d'ailleurs par le député de La Prairie.

Je terminerais aussi en vous parlant rapidement… Mais peut-être que je vais attendre tout à l'heure, si votre réponse n'est pas trop longue, on pourra parler d'autre chose également dans vos orientations. Alors, je vous écoute.

Le Président (M. Ferland) : M. le ministre.

M. Lisée : Je suis un peu inquiet parce que le député de Mont-Royal est très inquiet. Presque à chacune de vos interventions, vous dites : Je m'inquiète de ceci, je m'inquiète de cela, je m'inquiète de cela. Je vous trouve très inquiet. Soyez moins inquiet, je dis, en général, soyez moins inquiet.

Et ensuite vous dites qu'il y a de la confusion. Oui, je constate qu'il y a de la confusion dans votre compréhension de notre intérêt pour l'Afrique. Vous dites : La solidarité. Alors, la solidarité, c'est une chose, et le développement économique, c'est une autre chose. Et on voit qu'il y a de la confusion au gouvernement fédéral en ce moment, en disant que l'action de l'ACDI, ça doit bénéficier aux entreprises canadiennes. Tu sais, ce n'est pas le but. Le but de la solidarité internationale, c'est d'aider des pays tiers à se tirer d'un mauvais pas ou de les mettre sur les rails d'un développement durable. C'est ça, la solidarité. S'il y a un effet secondaire bénéfique pour une de nos entreprises, tant mieux, mais ça ne doit jamais être le but.

De la même façon, lorsqu'on aborde l'Afrique comme étant un continent qui est en instance de décollage... enfin qui a commencé son décollage, notre but, c'est d'accompagner ce décollage-là, comme on a accompagné le décollage en Inde et en Chine. Dans les premières années, il y avait des sceptiques, il y avait des gens qui étaient inquiets. Pourquoi est-ce que vous investissez en Inde et en Chine, alors que c'est les États-Unis... Il y a toujours eu ce discours-là. Et c'est les États-Unis, on est aux États-Unis, c'est là que ça devrait être. La France, c'est pour les parfums puis les baguettes, hein? C'est notre troisième plus grand investisseur, la France, tu sais. La diversification devait, doit et devra être le mot clé.

Alors, vous avez mentionné qu'en Afrique il y a plusieurs pays anglophones, où l'Égypte, qui est un pays qui n'a pas réussi encore sa transition démocratique  —  on espère qu'ils vont réussir dès que possible  —  qui ont le plus gros PIB. C'est vrai, mais ce n'est pas ceux dans lesquels nous avons un avantage comparatif. Côte d'Ivoire, 7 %, 8 % d'augmentation du PIB, ces dernières années, des prévisions à 10 %, peut-être 11 % dans les années à venir, on a un avantage comparatif non seulement parce qu'on parle la même langue, non seulement parce qu'on est dans la francophonie avec eux, donc on a des relations personnelles, mais aussi parce que plusieurs de leurs dirigeants d'entreprises, de leurs ministres, de leurs conseillers, de leurs banquiers ont été formés chez nous, dans nos universités, dans nos HEC, et donc nous connaissent, nous estiment et nous font confiance.

Alors, comme vous le savez, quand on perce un nouveau marché, établir la confiance, c'est quelque chose qui est intangible et incalculable, mais c'est énorme, ça prend du temps. Il y a des différences culturelles. Est-ce qu'il faut se regarder dans les yeux ou pas se regarder dans les yeux? Est-ce qu'il faut parler tout de suite d'argent ou attendre le troisième jour, etc.? Bon. Alors là, on a avec ces gens que nous avons formés un avantage comparatif considérable.

Et moi, j'ai vu, lorsqu'on est allés à Kinshasa avec la première ministre, et le nombre de rencontres bilatérales qu'on a eues, pas seulement avec des ministres des Affaires étrangères, mais beaucoup avec des ministres de l'Économie, la demande : ils veulent qu'on vienne, ils veulent que nous soyons des partenaires, ils veulent que nos entreprises soient présentes. Et des fois ils le disent, des fois ils ne le disent pas, mais ils veulent que nous y allions parce que nous ne sommes pas des Français ou des Belges, donc on n'a pas de bagage colonial, nous ne sommes pas des Américains et nous ne sommes pas des Chinois. Et donc ce que nous ne sommes pas nous donne un avantage comparatif.

Je dois dire aussi qu'il est évident que, lorsqu'on dit : On va essayer de cibler les endroits où la croissance va être la plus forte, lorsqu'on regarde l'Afrique, on regarde ça aussi. Il y a des endroits en Afrique où la production minière est en forte expansion, où nos minières québécoises veulent être présentes, et les infrastructures, évidemment, qui est un des éléments où nous sommes dominants, en infrastructures, en ingénierie, il y a des programmes de développement importants.

• (12 h 50) •

Alors, on est en train d'élaborer, donc, notre présence en Afrique. Nous n'allons pas déshabiller Shanghai ou Beijing pour habiller le Sénégal ou la Côte d'Ivoire. Non, on fait une expansion. Et on a cet autre outil d'Expansion Québec qu'on peut utiliser. On ne dit pas qu'on aura une présence politique à chacun des endroits, on va faire ça progressivement, mais on veut envoyer un signal clair.

Et, à la fois… Par exemple, pour le tourisme, il y a maintenant une classe moyenne africaine qui se développe. On veut qu'ils viennent à Québec. On veut qu'ils viennent à Montréal. On veut qu'ils viennent dans Charlevoix. Puis, nos touristes québécois qui sont toujours à la recherche de nouvelles plages, bien, il y en a, des plages, maintenant, puis il y a du développement touristique dans plusieurs de ces pays africains, et autres choses à voir. Donc, on veut aussi faire ça.

Donc, ne soyez pas inquiet, nous avons vraiment la volonté de faire des investissements qui vont nous être très rentables et qui vont être rentables pour nos collègues africains.

Et c'est vrai que nous allons cibler les endroits qui semblent donner le plus de garanties démocratiques d'État de droit , c 'est le cas du Sénégal, par exemple, et maintenant de la Côte d'Ivoire , où le climat d'affaires est le mieux. Et nous savons que nous allons aussi accompagner les institutions, parce qu'il y a une demande de présence économique et il y a une demande d'accompagnement institutionnel. Ce qu'on fait en Haïti en ce moment, ça, vous le savez, d'aider la fonction publique haïtienne à devenir plus professionnelle, on va le faire aussi avec certains pays d'Afrique. Alors, il y a des cas où la solidarité va s'ajouter à notre élément, mais nous voulons constamment faire en sorte qu'il y ait une distinction entre ces deux éléments.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. M. le député.

M. Arcand : Bien, c'est parce que moi, je ne veux juste pas qu'on s'éparpille. Je pense que c'est très important, les ressources. Vous avez eu des coupures, les ressources du Québec sont limitées, il ne faut juste pas s'éparpiller. Je ne peux pas être en désaccord avec l'orientation générale, mais, à un moment donné, il faut aller où est-ce que ça compte, où est-ce que se trouve principalement l'argent et là où on a des chances, pour le Québec, de tirer, à court et à moyen terme, notre épingle du jeu. Je pense que c'est ça qui est important.

J'étais aussi inquiet, M. le ministre, quand je vois tout l'intérêt qui a été porté, non pas par vous cette fois-ci, mais par... je pense que c'était votre collègue du Lac-Saint-Jean, qui a des liens avec le parti écossais, et qui nous envoie faire une mission, dit-il d'ailleurs, une mission économique  —  il a dit ça, en Chambre cette semaine, que c'était une mission économique  —  dans une nation où ce n'est même pas 1 % des exportations du Québec qui sont là. Alors, il s'en va là avec la première ministre; pas très bien reçus d'ailleurs, je ne veux pas élaborer là-dessus. Il y avait même un article où on parlait que les Écossais ne voulaient pas rencontrer des losers. J'ai vu ça dans la Gazette, je pense, un article là-dessus.

Alors, ça me démontre qu'on confond encore une fois le commerce extérieur avec certaines notions de politique partisane. Et, moi, si c'était quelque chose à refaire, peut-être que vous auriez dû amener la première ministre avec vous en Inde. Et, s'il y avait une... et je le dis vraiment avec un clin d'oeil et en souriant un peu, mais, si vous aviez voulu faire un voyage économicopolitique partisan, bien, peut-être que vous auriez pu aller au Cachemire, à ce moment-là, en Inde. Au moins, vous... en Inde. Et puis il y aurait vraiment beaucoup plus d'argent, beaucoup plus d'efforts, beaucoup plus d'investissements, puis la première ministre aurait pu aller faire la promotion de la souveraineté du Cachemire, ou je ne sais pas quoi. Je suis donc... C'est que vous mêlez constamment l'économie avec l'aspect politique partisane.

Le Président (M. Ferland) : M. le ministre.

M. Arcand : C'est ce qui me dérange actuellement dans ce que vous faites.

M. Lisée : Donc, si je comprends bien, vous êtes inquiet?

M. Arcand : Je suis toujours inquiet, surtout face à vos orientations.

Le Président (M. Ferland) : Alors, M. le ministre.

M. Lisée : O.K. Alors, je veux juste revenir un instant, parce que c'est un peu la même chose avec l'Écosse, sur... Vous dites : il ne faut pas s'éparpiller, il ne faut pas s'éparpiller. Vous savez, il y a cet exemple du vendeur de chaussures français et du vendeur de chaussures américain qui arrivent au Maghreb, et ils ont le mandat d'ouvrir le marché, et le Français rappelle la maison mère et dit : Il n'y a rien à faire ici, ils sont tous nu-pieds, et l'Américain dit : On va faire des affaires d'enfer, ils sont tous nu-pieds. Vous voyez? Alors, vous nous dites : En Afrique, en ce moment, c'est une petite part de nos exportations qui y vont. Oui, mais j'ai remarqué que les Chinois viennent de doubler leurs crédits pour leur présence en Afrique et que le gouvernement américain vient d'annoncer une initiative africaine. Alors, ils ont l'air à penser que ça va augmenter et ils ont l'air à penser qu'ils devraient être là au moment du décollage, parce que ça va monter vite. Et c'est ce qu'on pense aussi.

Et d'ailleurs la visite qu'a faite la première ministre en Écosse, ça ressemble un peu aux premières visites qu'on a faites en Bavière. On n'était pas présents en Bavière, il y avait peu de rapports commerciaux, ou politiques, ou quoi que ce soit. Mais, cette année, l'Allemagne, surtout à cause de nos relations en Bavière, est devenue notre premier client en Europe, devant la France et devant l'Angleterre. Alors, ça veut dire que les 30 ans qu'on a faits en disant : Ce n'est pas pour s'éparpiller, c'est pour ouvrir un marché où nous ne sommes pas, et nous allons développer ce marché, ça a payé en Bavière, ça a payé dans plusieurs autres pays, ça paie en Inde, ça paie en Chine, ça va payer en Afrique et ça va payer en Écosse. Alors, en Écosse, on a une entente économique, culturelle et en énergie. Ça a été discuté entre les deux premières ministres… entre les deux premiers ministres, et on a bien l'intention que ça se traduise par davantage de commerce, davantage d'échanges, scientifiques et autres, et par de la création d'emplois.

Alors, c'est comme si vous me disiez : À chaque fois que vous allez quelque part où on n'est pas, vous vous éparpillez. Non! À chaque fois qu'on va quelque part où on n'est pas, c'est parce qu'on veut étendre notre commerce, nos emplois.

Maintenant, moi, j'ai eu un rapport de la rencontre qui a eu lieu entre le premier ministre et la première ministre, la rencontre a été très chaleureuse, très productive, la volonté de collaboration, elle est très forte. Les journalistes ont été choqués de ne pas avoir de point de presse  —  si j'avais été journaliste avec eux, j'aurais été de mauvaise humeur aussi  —  mais je pense que, lorsqu'on fera le bilan de l'accroissement du commerce Écosse-Québec et des relations au cours des prochaines années, le fait qu'il y ait eu ou non un point de presse sera oublié dans les livres d'histoire, et l'important, ça va être la croissance de notre coopération croisée.

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. M. le député.

M. Arcand : Bien, c'est... Je comprends tout ça. On ne peut pas être contre ça. La seule chose, et je ne vous dis pas qu'on est contre, je vous dis juste qu'actuellement il y a une... Lorsque vous allez, par exemple, dans certains de ces pays... D'ailleurs, vous êtes allé en Inde, ce n'est pas pour rien, vous êtes allé en Inde parce que vous estimiez ou, enfin, le ministère estimait que là c'était très, très, très prioritaire. Il y a de nombreux contrats qui se donnent, il y a beaucoup d'entreprises québécoises qui sont là. Si on nous déposait une liste d'entreprises québécoises, là, qui sont prêtes à investir demain matin au Sénégal ou qui ont des possibilités d'exportation importante au Sénégal… déposez-la. Je veux juste être rassuré sur l'ordre de vos priorités, parce qu'encore une fois, dans le domaine des relations internationales, on peut faire toutes les priorités : la France, c'est important, les États-Unis, etc. Alors, moi, j'essaie juste de ramener ça à un niveau où, là, vraiment, on cible là où on peut avoir des dividendes à court terme, parce que ce dont le Québec a besoin, je pense, ce sont des dividendes qui sont le plus possible à court terme.

Le Président (M. Ferland) : M. le ministre, environ trois minutes.

M. Lisée : Bien, écoutez, le FMI nous dit que l'Afrique est aujourd'hui là où était la Chine il y a 20 ans. Avant d'avoir des dividendes en Chine, ça a pris plusieurs années, et vous savez qu'il y a des entreprises québécoises qui se sont cassé les dents avant d'avoir les niveaux...

M. Arcand : ...avait compris ça assez rapidement.

M. Lisée : Oui, tout à fait. Et puis il y en a d'autres aussi qui se sont cassé les dents, il y en a d'autres que ça a été long, très long. Et nous n'avions pas en Chine l'avantage comparatif qu'on a en Afrique francophone. Il y avait très peu de Chinois qui avaient été formés chez nous, ils ne parlaient pas la même langue, n'avaient pas le Code civil. En fait, même l'environnement juridique est similaire au nôtre, donc on a beaucoup plus d'avantages lorsqu'on commence en Afrique qu'on en avait lorsqu'on a commencé en Chine.

Alors, si votre prédécesseur avait été là à l'époque où le gouvernement du Québec a décidé de commencer à être présent en Chine, peut-être aurait-il dit : Je suis bien inquiet parce qu'en ce moment c'est les États-Unis qui sont nos... puis on ne connaît rien à la Chine, puis on ne sait pas si ça va marcher, puis on va-tu avoir des dividendes dans les deux ou trois prochaines années, puis... Heureusement que vous avez eu des prédécesseurs visionnaires qui ont dit : Écoutez, c'est un marché émergent, on va être là au départ, on va finir par avoir des dividendes. Il faut être patients, il faut être visionnaires, il ne faut pas être constamment inquiets qu'à chaque pas qu'on va poser ça va être au détriment du Québec, au contraire.

Alors, désinquiétez-vous. Nous avons des analyses par secteurs, par pays, par entreprises, et encore une fois on va essayer de faire en sorte que chaque intervention donne un maximum de rendement pour le Québec, rendement économique mais aussi rendement politique. Parce que, vous savez, parfois on rencontre des gens qui n'auront pas un impact économique important mais qui vont nous aider ensuite, lorsqu'on va vouloir, comme on l'a fait, voter une convention internationale qui protège la culture, qui va nous aider lorsqu'on va vouloir défendre le multilinguisme, qui va nous aider lorsqu'on va vouloir défendre la diversité culturelle.

Et ça aussi, ça fait partie de l'environnement international du Québec et des intérêts premiers du Québec. L'intérêt premier du Québec, c'est de développer des alliés dans le monde qui sont d'accord avec son idée que le multilinguisme est important, que la défense des cultures et des langues sont importantes. Puis il y a des gens là-dedans qui n'ont pas des gros PIB mais qui ont cet extraordinaire avantage que nous n'avons pas : ils ont droit de vote à l'ONU, ils ont droit de vote à l'UNESCO.

• (13 heures) •

Le Président (M. Ferland) : Merci, M. le ministre. M. le député, environ une minute et des poussières.

M. Arcand : Encore une fois, on ne peut pas être contre la vertu. Je tiens simplement à rappeler au ministre qu'il est important de cibler vraiment ce qui est, à travers toutes nos priorités, le plus prioritaire.

J'aurai l'occasion de revoir le ministre, probablement, je pense que c'est mardi, sur la question montréalaise, entre autres, sur ce qui se passe au niveau de la métropole. Je dois vous dire que vous avez répondu... Justement, parce que vous, vous répondez toujours : « Don't worry » , hein? Dans une des questions, entre autres, on disait que, dans le secteur des technologies, une immigration principalement francophone fait en sorte qu'on se prive de cerveaux en provenance de pays où la langue anglaise domine. Alors, la question était : Que leur répondez-vous? Vous dites : Ce n'est pas grave, un chirurgien spécialiste du cerveau en provenance de Shanghai, s'il n'a pas une bonne connaissance du français, il va venir quand même, car on a besoin de lui. Et, pour développer des entreprises au Québec et faire du commerce extérieur, on a besoin...

Le Président (M. Ferland) : M. le député, je dois vous arrêter parce que nous allons...

M. Arcand : …on a besoin... O.K.

Le Président (M. Ferland) : ...manquer de temps. Nous avons débordé le 13 h 3. Nous avions convenu de terminer les travaux...

M. Lisée : ...d'accord avec moi, alors ça va bien.

Le Président (M. Ferland) : ...à 13 heures. Mais vous pourrez échanger vos inquiétudes après la période de questions, si vous voulez, s'il en reste d'ailleurs, mais je pense qu'il y en a beaucoup qui ont été dissipées.

Alors, moi, en deux secondes, je voulais vous remercier pour les échanges très intéressants, je suis convaincu, pour les gens qui nous écoutent aussi. Ils ont appris beaucoup concernant les affaires internationales, le commerce extérieur. Les échanges ont été de haut niveau. Je vous remercie, tous les parlementaires d'ailleurs, merci beaucoup.

Alors, la commission ajourne ses travaux au lundi 18 février 2013, à 14 heures, où elle entreprendra l'étude du volet Relations internationales des crédits du portefeuille Relations internationales, Francophonie et Commerce extérieur. Sur ce, bon dîner et bonne fin de semaine.

(Fin de la séance à 13 h 3)

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