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Version finale

40e législature, 1re session
(30 octobre 2012 au 5 mars 2014)

Le mardi 23 avril 2013 - Vol. 43 N° 39

Consultation générale et auditions publiques sur le rapport « Technologies et vie privée à l'heure des choix de société »


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Table des matières

Auditions (suite)

MM. Martin M. Samson et Elhadji M. Niang

M. Jean-Hugues Roy

M. Louis Clapin

Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE)

Association sur l'accès et la protection de l'information (AAPI)

Institut de gouvernance numérique

Protecteur du citoyen

Mémoires déposés

Remarques finales

M. Christian Dubé

Mme Rita de Santis

M. Bernard Drainville

Autres intervenants

M. Pierre Reid, président suppléant

M. Pierre Marsan, vice-président

Mme Christine St-Pierre

M. Gilles Ouimet

M. Alain Therrien

M. Henri-François Gautrin

*          M. Jean Baril, CQDE

*          M. Alexandre Chabot, AAPI

*          Mme Hélène David, idem

*          M. Jean-François Gauthier, Institut de gouvernance numérique

*          M. Stéphane Dion, idem

*          M. Michel Cartier, idem

*          M. Mario Perron. idem

*          Mme Raymonde Saint-Germain, Protectrice du citoyen

*          M. Jean-François Bernier, bureau du Protecteur du citoyen

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures trois minutes)

Le Président (M. Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires et je vais commencer par la mienne.

La commission est réunie afin de terminer la consultation générale et les auditions publiques sur le rapport de la Commission d'accès à l'information Technologies et vie privée à l'heure des choix de société.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme De Santis (Bourassa-Sauvé) remplace M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys) et M. Dubé (Lévis) remplace M. Duchesneau (Saint-Jérôme).

Auditions (suite)

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous recevons ce matin MM. Samson et Niang. Et, messieurs, je vous demanderais tout d'abord de vous présenter, et ensuite vous avez la parole pour une période de 10 minutes, après laquelle nous aurons une période de questions.

MM. Martin M. Samson et Elhadji M. Niang

M. Samson (Martin M.) : Oui, Martin Samson, je suis directeur exécutif associé chez Nurun en technologie et sécurité de l'information.

M. Niang (Elhadji M.) : Bonjour. Mon nom est Elhadji Niang, je travaille dans la même compagnie que M. Samson à titre de conseiller en sécurité et technologie.

M. Samson (Martin M.) : Avant de débuter, si vous permettez, mon collègue aurait un petit mot personnel à adresser.

M. Niang (Elhadji M.) : Exactement, c'était juste pour saluer ma mère, qui, certainement, par la magie de cette technologie qui nous préoccupe aujourd'hui, va regarder cette intervention. C'était pour lui dire : Bonjour, maman, et de lui dire l'honneur et le plaisir que j'ai aujourd'hui d'être devant des représentants du peuple québécois.

M. Drainville : Nous nous joignons à vous pour saluer votre maman également.

M. Samson (Martin M.) : Merci. Alors, si vous permettez, je vais débuter ma courte présentation qui est un résumé du document qu'on a déposé.

Les technologies de l'information sont devenues un tremplin privilégié pour les pouvoirs publics. On a vu évoluer rapidement les technologies, ça a permis de faire plein de choses, entre autres d'améliorer la participation citoyenne et la relation Administration-administrés avec la prestation électronique de services, le gouvernement ouvert, et ça va tellement à une grande vitesse, c'est incroyable. L'utilisation toujours plus grande des technologies de l'information comporte aussi de réels enjeux en ce qui concerne la vie privée des citoyens, c'est ce qui nous a portés à venir discuter de ça devant vous.

Ce qu'on voit, c'est un accroissement exponentiel des possibilités de collecte de renseignements personnels. Avant, quand on était sur Internet, on pouvait naviguer assez facilement, on était relativement anonymes. Aujourd'hui, à chaque fois qu'on va sur un site, on nous demande, en cliquant ici, qu'on a bien lu le texte de 14 pages de long, qu'on est d'accord avec l'utilisation qu'on va faire des renseignements personnels qu'on va y déverser. Les technologies de téléphonie sans fil sont capables de dire maintenant, à quelques mètres près, où vous êtes, où vous étiez dans la journée. J'ai une telle application dans mon téléphone qui permet de voir exactement le trajet de ma journée au complet en comptant le nombre de pas puis si j'ai fais du jogging. Alors, il y a eu un accroissement qui est tellement rapide, puis ça va continuer comme ça.

Il y a aussi la problématique de la juridiction applicable dans le contexte d'infonuagique, communément appelé le cloud computing. Aujourd'hui, les données peuvent être déversées dans des endroits qu'on ne connaît pas. Si on fait affaire avec des compagnies de cloud, ils peuvent entreposer nos données un petit peu partout, ça fait que le côté légal lié à ça est très important. Entre autres, une fois que les contrats vont être terminés avec ces compagnies-là, il faut s'assurer que les données personnelles vont être bel et bien détruites.

La question suivante, c'est le contrôle des couplages technologiques. On a des caméras de surveillance un petit peu partout. Les technologies nous ont permis maintenant de faire de la reconnaissance faciale, entre autres. Il y a des puces qui peuvent être insérées dans les billets d'avion, ce qui permet de savoir que M. Untel, qui est dû pour le vol 123, est à tel endroit dans l'aéroport. Puis, on parle de reconnaissance faciale, la petite tablette que j'ai dans les mains permet de faire de la reconnaissance faciale pour la débarrer. C'est rendu à ce point-là. Avant, on avait besoin de«supercomputers» pour être en mesure de faire ce type de chose là. Aujourd'hui, c'est de la technologie qui est disponible à M. et Mme Tout-le-monde.

L'avènement de la nanotechnologie, qui est invisible, élaborée, indétectable, on ne sait pas qu'est-ce qui va se passer avec ça. Je pense que c'est important, au niveau légal, que ça soit encadré.

Donc, ça nous amène à la nécessité de prendre appui sur les bonnes pratiques en sécurité de l'information. On parle de mise en oeuvre d'un référentiel de bonnes pratiques en sécurité pour que les gens qui ont à travailler avec les renseignements personnels soient en mesure de comprendre, un, qu'est-ce qu'ils ont à protéger, mais aussi quels moyens ils peuvent utiliser pour le faire.

Donc, ce qu'on suggère, c'est de concevoir des processus qui permettent de s'assurer, dès la conception, de l'équilibre entre les exigences de respect de la vie privée puis les finalités du système. Je vous fais une image, c'est un petit peu comme quand on commence à avoir une idée. Il faut vraiment être en mesure de déterminer, à l'intérieur du système informatique qu'on va monter, de l'idée qu'on va faire, qu'est ce qu'il y a comme renseignements personnels qui va naviguer à travers ça?

On a vu trop souvent — puis j'ai travaillé dans le domaine des TI depuis plusieurs dizaines d'années — des systèmes qui sont sur le point d'être mis en service et qu'il n'y a pas eu de questionnements qui ont été faits sur les aspects de sécurité de l'information et de protection des renseignements personnels, et on réalise qu'il y a des données, comme des numéros d'assurance sociale, des identités quasi complètes, qui vont circuler en clair ou librement sur les réseaux, sur Internet, ou des choses comme ça. C'est très important, au niveau légal, qu'on soit en mesure de s'assurer que, dès qu'il y a un début d'un projet, qu'on soit en mesure de catégoriser l'information, puis de prendre cette information-là, puis de suivre le cycle de vie complet de l'information pour s'assurer qu'on la protège pendant tout son cycle de vie.

• (10 h 10) •

L'autre point qu'on apporte, c'est de réaliser, suivant une périodicité définie, des analyses de vulnérabilité des systèmes contenant les renseignements personnels afin de s'assurer de leur niveau de sécurité. Ce n'est pas tout de les bâtir, ces systèmes-là, ce n'est pas tout de dire : Tel item, il faut le sécuriser. Il faut aussi s'assurer, pendant qu'ils sont entreposés, pendant qu'ils sont en transit, pendant qu'ils sont utilisés, que nos données sont toujours sécuritaires. Donc, pour faire ça, il faut s'assurer, via le biais de tests de vulnérabilité, qu'on est en mesure de prouver que nos données sont toujours sécuritaires.

Gérer les accès utilisateurs en fonction de la sensibilité des renseignements personnels contenus dans le système. Là, je vous conte une petite anecdote. On est dans un ministère, un organisme, une compagnie privée, peu importe. La personne A travaille dans le département des finances. Il a une promotion, il s'en va travailler au département des ressources humaines. Ça fait longtemps qu'il est dans l'entreprise, il s'en va dans une vice-présidence. Je suis presque assuré que, si je fais un audit des accès qu'il a, il a encore les accès de tous les endroits où il a passé dans l'entreprise, donc accès à des renseignements personnels. C'est important de gérer les accès des utilisateurs puis de s'assurer, lorsque les gens quittent, surtout à l'intérieur d'une entreprise, que les accès dont il n'a pas besoin pour son travail sont révoqués.

Favoriser la mise en oeuvre de solutions de lutte — technologie et humaine — contre la fuite d'information pour les systèmes sensibles. Il n'y a pas juste des solutions technologiques à apporter, il y a le côté humain, le côté sensibilisation aussi qui est important pour que la personne soit en mesure de comprendre l'importance des renseignements avec lesquels elle travaille. C'est un petit peu… Une image que j'utilise, là, c'est comme la personne qui est au casino, là, puis qui compte les billets, là, à la fin de la journée. Il lui passe des millions et des millions dans les mains. Mais, pour elle, c'est juste du papier qu'elle est en train de compter puis de mettre dans des machines.

Souvent, quand on utilise des renseignements personnels, c'est un petit peu ça. Je travaille aux ressources humaines, j'ai accès au dossier complet d'une personne, son numéro d'assurance sociale, son nom, son adresse, son téléphone. Je peux prendre cette information-là, puis la revendre facilement, puis faire un petit peu d'argent avec ça. Mais, pour les gens, c'est quelque chose qui est standard. Ils travaillent avec ça, les numéros d'assurance sociale, à tous les jours. Dans certains systèmes, on a besoin de savoir qu'il y a un numéro d'assurance sociale, par exemple pour créer le dossier, mais on n'est peut-être pas obligé de l'afficher à tous les jours à tout le monde, à moins que la personne en ait vraiment besoin. Tout ce qu'elle a besoin de savoir, c'est : Est-ce qu'il y a un numéro d'assurance sociale valide qui est dans ce dossier-là puis qui permet de le faire cheminer? Donc, il y a des méthodes qui sont simples pour permettre de continuer à travailler avec l'information, mais de s'assurer de sa sécurité.

Promouvoir la formalisation de processus de gestion des incidents. La gestion des incidents, c'est très important. Souvent, on banalise un incident de sécurité : Ah, ce n'est pas grave, c'est arrivé; oui, Charles a réglé ça. Mais il faut vraiment que ça soit formalisé puis qu'on soit en mesure de suivre, quand il y a des incidents qui mettent en jeu des renseignements personnels, qu'est-ce qui s'est passé, comment ça a été réglé et comment on va faire pour éviter que ça se reproduise de nouveau.

Implanter une véritable stratégie de défense en profondeur pour la sécurité des systèmes contenant des renseignements personnels. Puis là je vous ai fait un beau dessin, c'est un vieux château fort. Mais, si vous remarquez, le château fort, il a plusieurs étages, il a plusieurs parties. On parle de lignes de défense. J'aime ça utiliser aussi le principe de l'oignon. On a notre donnée qui est au milieu de notre oignon puis on a des pelures qui sont autour pour la protéger. Donc, la première ligne de défense qu'on préconise, c'est l'analyse des risques. Il faut… Oui?

Le Président (M. Reid) : Il vous reste deux minutes. C'est très intéressant, mais...

M. Samson (Martin M.) : Deux minutes, oui. Je vais arriver dans deux minutes.

Le Président (M. Reid) : C'est beau.

M. Samson (Martin M.) : Donc, on parle d'analyse des risques, analyse des impacts, mesures de mitigation, être en mesure de savoir à quoi on s'attend, catégoriser les actifs pour en connaître leur importance. La deuxième ligne de défense : les politiques de gestion, l'autoévaluation des contrôles, les tests de sécurité. Et la troisième : les contrôles internes, ne pas arrêter, encore une fois, une fois que les systèmes sont en place, de les contrôler.

Donc, les règles de droit ne peuvent pas à elles seules régir la protection de la vie privée des citoyens face à des technologies de plus en plus complexes et mieux élaborées. Ce qu'on dit, c'est qu'il ne faut pas qu'on base la loi sur les technologies existantes, il faut qu'on base la loi sur les grands principes de gouvernance et qu'on soit en mesure de s'appuyer sur des bonnes pratiques de sécurité pour, à ce moment-là, réaliser ce qu'on veut. Et voilà.

Le Président (M. Reid) : Merci de votre présentation. Nous allons passer maintenant à la période de questions, en commençant par le bloc gouvernemental. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Drainville : Merci, M. le Président. J'en profite pour vous saluer. On est bien contents de vous accueillir parmi nous. Je salue les collègues également, que je retrouve avec plaisir.

Merci pour votre présentation. Écoutez, on n'a pas beaucoup de temps, ça fait qu'on va aller directement dans le vif du sujet. Vous êtes visiblement préoccupés, sinon inquiets par la présence de mécanismes qui sont susceptibles d'identifier ou de localiser une personne lors de l'utilisation de produits, d'appareils. Est-ce que vous pouvez nous donnerdes exemples d'incidents qui sont survenus et qui sont liés justement à l'existence et à la présence de ces mécanismes-là dans des produits que nous utilisons tous les jours, des exemples connus, là, qui illustrent les risques qui viennent avec cette fonction, donc, de géolocaliser une personne quand elle utilise un appareil électronique?

Le Président (M. Reid) : M. Niang.

M. Niang (Elhadji M.) : Oui, exactement. Je dirais que, par rapport à votre question, des incidents connus qui font état de cette problématique, à ma connaissance, il n'y en a véritablement pas, hormis l'une des choses que vous connaissez ou que vous avez dû entendre parler, Big Brother en Europe, où le gouvernement américain, si ma mémoire est bonne, avait mis en place des mécanismes de surveillance des citoyens à leur insu et contre leur corps défendant.

Dans le fond, le fondement de notre préoccupation, c'est d'inciter le législateur d'avoir une position avant-gardiste par rapport à cette problématique, parce que, nous, nous pensons, de l'endroit où nous sommes, qu'il serait vraiment dommage et dommageable qu'on attende qu'il y ait des incidents d'une envergure telle que la vie privée des citoyens — qui sont des droits fondamentaux reconnus et protégés par les chartes — puisse être mise à mal par justement l'utilisation de technologies dont on a de la misère à contrôler l'usage qui peut en être fait.

Parce que, si vous voulez, si je poursuis ma réflexion de manière beaucoup plus avancée, à l'heure actuelle, la question que l'on devrait se poser, ce n'est pas, à proprement parler, les technologies en elles-mêmes qui posent problème, mais c'est plutôt l'usage qui peut en être fait. Donc, c'est de ce point de vue là que, justement, comme je le disais tantôt, que nous, nous pensons qu'il va falloir véritablement avoir une position avant-gardiste, initier une véritable réflexion autour de l'usage de ces technologies-là, que ce soient des technologies de géolocalisation ou des technologies relatives à l'utilisation de puces RFID pour pouvoir coupler des technologies autres, afin de protéger, justement, la vie privée des citoyens. Donc...

M. Drainville : …s'il y a des cas très concrets, là, des États, par exemple, qui ont mis en place des politiques de prévention. Dans le fond, c'est ce que vous nous dites, là. Il faut prévenir plutôt que d'attendre qu'il y ait un problème. Alors, est-ce qu'il existe déjà des lois, des règlements, ou est-ce qu'on serait les premiers, là, à agir sur ce front-là, là, sur toute la question de la géolocalisation?

M. Niang (Elhadji M.) : Les premiers, je dirais que non, parce que, moi, j'ai vécu... j'ai fait aussi mes études en France et j'ai eu, dans le cadre de travaux de doctorat sur, justement, la problématique technologie et sécurité de l'information par rapport à la protection de la vie privée, j'ai eu à m'intéresser à ces questions-là. Et je peux vous dire qu'aujourd'hui, au niveau de l'Europe, si ma mémoire est bonne, il y a eu des réflexions qui ont été initiées par rapport, justement, à l'utilisation des technologies de puces RFID couplées à des technologies de reconnaissance faciale, par exemple. C'est, je pense, si ma mémoire est bonne, le système ou le projet OpTag. L'objectif…

M. Drainville : Comment vous écrivez ça?

M. Niang (Elhadji M.) : OpTag. Je pense que c'est O-p-T-a-g.

M. Drainville : O.K.

M. Niang (Elhadji M.) : Et l'idée qui était recherchée à ce niveau, c'est de regarder jusqu'à quelle mesure, sous le prétexte d'utiliser ou de s'assurer de la sécurité des usagers au sein des aéroports, on pouvait justement utiliser ces technologies-là. En d'autres termes, l'idée qui était recherchée, c'est de véritablement réfléchir pour s'assurer que… C'est vrai que, pour des impératifs de protection de la sécurité des citoyens au niveau de l'espace public, que ce soit dans les aéroports ou dans les aérogares, il était intéressant d'avoir à recourir à ce type de technologie, mais comment allons-nous faire pour assurer l'équilibre de la protection de la vie privée des citoyens par rapport à l'usage de ces technologies?

• (10 h 20) •

M. Drainville : Expliquez-nous, là, faites un peu notre éducation là-dessus, là. Ce dont on parle, par exemple, c'est la capacité, par exemple, qu'un gouvernement ou qu'un État pourrait avoir de capter un signal provenant d'un appareil que j'aurais, un iPhone, par exemple, ou un iPad, ou un BlackBerry, et donc ce serait possible, pour un gouvernement, pour un État, de se donner le pouvoir de capter ce signal-là en provenance de mon appareil, et donc de savoir où je me trouve, quels sont mes déplacements. C'est de ça dont on parle?

M. Niang (Elhadji M.) : Absolument. Et...

M. Drainville : Et ça, ça existe déjà, ça, cette capacité-là?

M. Niang (Elhadji M.) : Absolument, parce qu'au niveau... Je ne sais pas si nos amis de la GRC ou de la Sûreté du Québec me contrediront, mais je peux vous assurer qu'à quelque part ailleurs, aujourd'hui, quand on regarde les possibilités technologiques qui existent sur le marché, il est possible d'aller capter des fréquences ou même d'utiliser des technologies qui vont me permettre de repérer des citoyens.

Alors, bien évidemment, ce que je voudrais dire à ce niveau, c'est qu'il m'est impossible de penser que ce sont des choses que les gouvernements peuvent… surtout dans le contexte québécois, vont pouvoir faire parce que ça leur tente, dans la mesure où nous savons tous qu'il existe des instruments — que ce soit la charte québécoise des droits et libertés — qui apportent une certaine forme de protection qui va faire de sorte qu'on puisse préserver notre intimité, ou, si vous voulez, la bulle à l'intérieur de laquelle on vit, contre le regard de l'État.

Je suis conscient qu'un citoyen qui est poursuivi pour un acte criminel revêtant une certaine gravité — à titre d'exemple ce qui fait la une des médias aujourd'hui — il est possible de recourir à des technologies pour pouvoir géolocaliser la personne avec la collaboration des compagnies, ou des fournisseurs de services de téléphonie, ou les compagnies fournisseurs des services Internet afin de pouvoir le repérer. Donc, la possibilité existe, mais je reste fondamentalement persuadé que nous avons en place des instruments qui nous permettent justement d'éviter qu'il y ait des abus à ce niveau.

M. Drainville : Encore une fois, je pose des questions très ouvertes parce que je veux que nous soyons tous sur la même longueur d'onde et que nous comprenions tous le potentiel assez effrayant de certaines technologies, là. Est-ce que vous nous dites qu'actuellement tout appareil électronique sophistiqué peut être retracé?

M. Samson (Martin M.) : On l'a vu dans des cas d'enquêtes policières où on retrouve, exemple, le pédophile par rapport à l'adresse IP qui est branchée sur Internet, qui est une adresse physique. Ils peuvent retracer, via la compagnie fournisseur de services, à quel endroit est situé cet appareil-là. Ça, c'est un exemple.

M. Drainville : Mais, à ce moment-là, il faut que la compagnie collabore?

M. Samson (Martin M.) : Absolument.

M. Drainville : Il faut que la compagnie donne accès au signal ou identifie le signal pour qu'après ça les autorités puissent le capter.

M. Samson (Martin M.) : Et les corps policiers sont en mesure de faire ça, ils ont des équipements sophistiqués qui leur permettent de faire ça puis de retracer, effectivement.

M. Drainville : Alors, je vois mal comment quand vous dites que vous souhaiteriez que les organismes publics et les entreprises privées soient dans l'obligation de signaler la présence de mécanismes de géolocalisation. Vous trouvez qu'actuellement les citoyens ne sont pas suffisamment informés sur le fait que d'être propriétaire d'un iPhone, ou d'un Black, ou d'un iPad vous rend vulnérable? Ça, vous croyez que les citoyens ne sont pas au courant de ça, hein?

M. Samson (Martin M.) : Absolument. Absolument. Si on regarde, à l'intérieur du iPhone, si vous allez voir toutes vos applications, vous avez tous un petit bouton, puis là, quand vous partez votre application, vous l'installez : Acceptez-vous que vous receviez des données «push» ou acceptez-vous que l'application sache où vous êtes géolocalisé? Puis, par défaut, tout le monde, on dit : Oui, oui, il n'y a pas de problème, c'est mon iPhone. Ça fait que mon iPhone à moi, il est capable de me dire partout où j'ai marché aujourd'hui puis même quand je me suis déplacé en voiture de telle place à telle place.

M. Drainville : Si on coche non, est-ce qu'à ce moment-là on est...

M. Samson (Martin M.) : Sinon...

M. Drainville : Est-ce qu'on pourrait être encore... Est-ce que ce serait encore possible d'être identifié?

M. Samson (Martin M.) : Pour l'application comme telle, non, mais, pour le téléphone en général, oui, parce que, le téléphone, il reste que, lui, il est sur le réseau de Bell, ou de Rogers, ou etc., donc il est relié à un réseau, comme l'ordinateur, avec son adresse IP, est relié à Internet.

M. Drainville : O.K. Alors, qu'est-ce que ça... Disons que les... Prenons pour acquis, là, qu'on réussisse effectivement à éduquer davantage nos concitoyens, qu'ils soient davantage... dis-je, conscients du risque réel que représente cette possibilité-là, donc, de te localiser à partir de l'appareil que tu as. Je veux dire, ça n'empêchera pas les autorités éventuellement de demander l'accès à ton signal?

Une voix :

M. Drainville : En d'autres mots, ce n'est pas parce que tu es informé puis que tu connais le risque que tu ne seras pas soumis au même risque.

M. Niang (Elhadji M.) : Absolument, j'en conviens parfaitement avec vous. Et, pour étayer mon raisonnement ou ma réflexion, je dirais que, fondamentalement, la problématique devrait être posée de cette façon : Quelles peuvent être les dérives qui peuvent résulter de l'utilisation sur une base volontaire ou volontariste, si vous voulez, de l'utilisation des technologies de l'information dans une perspective de protection de la vie privée? Et, de ce point de vue là, de l'endroit où nous sommes, nous pensons que le Parlement devrait approfondir sa réflexion sur un axe à trois niveaux.

C'est, de part et d'autre, le problème du consentement une fois que je rentre dans un système informatique ou une fois que je donne des données identifiantes qui peuvent permettre de m'identifier à un opérateur privé ou à un organisme public.

Le deuxième point, c'est la question de la transparence. Autrement, si j'accepte de rentrer dans un réseau social ou si j'accepte de confier mes informations personnelles à un organisme gouvernemental parce que j'en attends des services en retour, que le législateur puisse faire de sorte à ce qu'il ne puisse pas y avoir des dérives, autrement que la finalité pour laquelle mes informations personnelles ont été communiquées, ne peuvent pas être détournées.

Et, de ce point de vue là, je veux juste ouvrir une petite parenthèse, parce que l'idée me vient en tête. J'avais entendu M. Mark Zuckerberg, le président fondateur de Facebook, dire, il y a quelques années de cela, qu'on devrait repenser le concept de vie privée à la lumière des technologies de l'information. Pour ma part et me concernant, je m'inscris totalement en faux par rapport à cette affirmation-là dans la mesure où les technologies de l'information en tant que telles, comme je l'avais dit tantôt, sont là et que ce n'est pas les technologies elles-mêmes qui peuvent porter atteinte à notre vie privée, mais plutôt l'utilisation qui peut en être faite. Donc, je ne pense pas que l'idée ici, c'est vraiment de remettre en cause la protection de la vie privée des citoyens en regard à l'utilisation des technologies de l'information telle quelle, mais plutôt l'usage qui peut en être fait.

Le dernier point, selon moi, qui devrait être débattu au sein du Parlement, c'est la question du droit à l'oubli. Ça veut dire : Une fois que je décide de sortir du système, est-ce que véritablement mes informations ont été effectivement supprimées? Et, de ce point de vue là, le risque, c'est ce qu'on appelle la question de la persistance des données. En d'autres termes, si on prend la technologie aujourd'hui ou l'informatique en tant que telle, à partir du moment où on écrit sur un disque dur et qu'on clique sur «effacer», par exemple, ou «mettre à la corbeille», ce qui se passe en réalité, c'est juste le chemin d'accès qui est supprimé, mais la donnée en elle-même peut être tout le temps retracée. Et, de ce point de vue là, quand tu es dans la Loi sur l'accès à la protection des renseignements personnels, on parle de suppression, mais «suppression», en français standard, par rapport à une personne raisonnable, je la comprends comme étant la possibilité de supprimer une chose sans possibilité de la retrouver. Donc, à partir du moment où on regarde cette disposition de la loi en regard avec la réalité technologique, il y a comme deux poids, deux mesures. Donc...

• (10 h 30) •

M. Drainville : Mais je vous repose la question, là. Vous posez... enfin, vous nous soulevez des questions qui sont fondamentales. Mais est-ce qu'il existe des États qui ont commencé à légiférer là-dessus? Est-ce qu'il y a un modèle à suivre? Est-ce qu'il y a un État qui a pris les devants, qui est avant-gardiste ou est-ce que, pour le moment, en tout cas, à votre connaissance, ça n'existe pas, ce cadre-là très...

Écoutez, vous nous soulevez, là, des questions d'une grande complexité, là. Vous nous dites, en d'autres mots... Je pense bien vous comprendre si je dis que vous nous posez la question de la gestion des données, par exemple, que les compagnies de télécommunication pourraient conserver à notre insu, éventuellement d'autres entreprises privées également, dans le domaine de la gestion de l'information, qui pourraient éventuellement être assujetties à un cadre comme celui-là, là. Vous vous rendez compte de la complexité, là, de ce que vous nous posez comme problème, là, et pour lequel problème vous nous demandez d'apporter des solutions, là.

D'ailleurs, je me pose la question : Est-ce qu'un État comme le nôtre pourrait voter un cadre réglementaire? Est-ce qu'on pourrait assujettir des entreprises comme Bell, et Rogers, et Telus, et Québecor, par exemple, à un cadre comme celui-là ou est-ce qu'en vertu de la juridiction du gouvernement fédéral sur la radiodiffusion… Est-ce que c'est vraiment de notre compétence que de se pencher là-dessus? Je pense qu'il faut en débattre, il faut en discuter, puis votre intervention est très utile là-dessus, elle nous amène là où on n'avait pas encore discuté. Mais je me pose la question : Est-ce que vous, vous vous êtes posé cette question-là de la juridiction québécoise sur ces questions-là?

M. Niang (Elhadji M.) : Oui, tout à fait. Et là je vais endosser mon manteau de... surtout devant le député, l'ancien bâtonnier de l'Ordre des avocats de Québec. Je disais donc que j'allais enfiler mon manteau d'étudiant  de l'École du Barreau de Québec pour probablement dire qu'aujourd'hui, quand on regarde les dispositifs légaux, effectivement, avec la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, à Québec, les entreprises privées doivent respecter les dispositions de la loi ou les dispositions subséquentes.

Et, d'autre part, quand je prends le Code civil du Québec — si ma mémoire est bonne, c'est vers les articles 34 ou 35, dans ces eaux-là — il y a une obligation, pour une compagnie privée qui constitue des dossiers sur des citoyens, de respecter leur droit au consentement, ça veut dire que les citoyens doivent consentir à la constitution d'un dossier qui peut comporter des renseignements personnels, mais également leur consentir des droits d'accès, d'opposition, de modification et de suppression.

Fondamentalement, ce qui pose problème au niveau du privé, c'est l'effectivité de la mise en oeuvre de la loi. Je m'explique. La substance de notre intervention n'est pas à l'effet d'inciter le Parlement à créer une loi pour, mettons, mettre à l'oeuvre des contraintes quelconques. La substance de notre raisonnement, c'est de dire : Quand on regarde l'évolution des technologies de l'information aujourd'hui, il est prétendument impossible de suivre la cadence ou la frénésie des technologies de l'information avec un texte de loi. Et c'est à ce niveau qu'on se dit : Est-ce que ce n'est pas plus intéressant d'imaginer inciter les organismes publics à prendre appui sur un référentiel gouvernemental qui va, par exemple, venir préciser les bonnes pratiques afin de protéger l'identité et la vie privée des citoyens dans un contexte d'utilisation à grande envergure des technologies de l'information?

Par rapport à votre question : Est-ce qu'il y a des États qui ont initié cette démarche?, l'exemple que je pourrais vous citer est l'exemple du gouvernement français. Dans le cadre des travaux de modernisation de l'État, pour prendre appui davantage sur les technologies de l'information dans la prestation d'une mission des services publics, ils ont mis en oeuvre quelque chose qu'on appelle le RGS, le référentiel gouvernemental de sécurité.

L'objectif qui est recherché à ce niveau, c'est d'uniformiser les façons de faire afin d'en arriver à des objectifs qui vont pouvoir garantir l'idée à l'effet que le citoyen qui va confier ses informations à un organisme public, bien, peut avoir des attentes ou peut être raisonnable dans la mesure où l'organisme à qui il a confié ses informations personnelles sont protégées et que le système, en tant que tel, dispose de certains mécanismes qui vont faire de sorte qu'une personne qui n'y a pas accès ne puisse pas venir là-dessus. Donc, c'est en gros la substance de notre réflexion.

Le Président (M. Reid) : Merci. M. le ministre.

M. Drainville : Merci, M. le Président. Là, il me reste six minutes, hein? Un référentiel gouvernemental, là, en quelques mots, c'est quoi, ça, un référentiel gouvernemental? C'est quoi? C'est une politique gouvernementale qui fixe un certain nombre de normes?

M. Samson (Martin M.) : En fait, le référentiel, ce qu'on rechercherait, c'est quelque chose qui permettrait à tous les organismes gouvernementaux… et aussi qui pourrait être utilisé dans le privé, pour s'assurer que, premièrement, on identifie correctement quels sont les renseignements personnels avec lesquels on travaille, ensuite, comment les protéger — encore là, dans les grandes lignes — et être en mesure aussi que, durant toute la durée du cycle de vie de l'information, on soit en mesure de s'assurer de sa protection et, à la fin, de sa destruction sécuritaire.

M. Drainville : O.K. Donc, dans le fond, c'est la gestion de l'information et de son cycle de vie.

M. Niang (Elhadji M.) : Oui. D'ailleurs, de ce point de vue là, je dirais que, de mémoire, il y a eu une initiative assez intéressante qui avait été réalisée par le ministère des Services gouvernementaux d'alors à travers un modèle de pratique en protection des renseignements personnels. C'est une sorte de référentiel ou, si vous voulez, un recueil de bonnes pratiques que j'ai eu à consulter.

C'est sûr, pour un profane, son intelligibilité peut poser problème, mais, personnellement, pour ceux qui sont capables de comprendre les préoccupations en matière de protection de la vie privée, c'est un outil sur lequel, je pense, aujourd'hui, on pourrait capitaliser, qui peut servir de base de travail pour justement en arriver à une meilleure prise en charge et une meilleure protection des renseignements personnels que les citoyens confient à des organismes publics.

M. Drainville : Par ailleurs, dans votre mémoire, bon, vous dites que la Commission d'accès à l'information pourrait jouer un rôle comme réceptacle des déclarations de failles de sécurité. Donc, vous dites que, s'il y a failles de... s'il y a incidents de sécurité, dis-je, il faut effectivement que ce soit rendu public, il faut que ce soit connu, il faut que les personnes qui en sont victimes en soient informées. Hein, je pense que vous êtes d'accord avec ce principe-là.

Et là, dans un langage que j'ai peine à décoder, vous donnez une certaine responsabilité à la CAI, mais vous dites en même temps : Il devrait y avoir un autre organisme public avec l'expertise dans ce domaine-là. Et là vous dites : Par exemple, le Secrétariat aux institutions démocratiques pourrait développer éventuellement l'expertise qui lui donnerait… donc, qui pourrait lui permettre éventuellement d'assumer une responsabilité dans la déclaration des failles de sécurité et la gestion des failles de sécurité. Précisez-nous un peu votre pensée là-dessus, là, le rôle de la CAI, le rôle du secrétariat ou d'un autre organisme. En d'autres mots, la question plus directe, c'est : Pourquoi vous ne dites pas  «ça devrait être la responsabilité de la CAI», point à la ligne?

Le Président (M. Reid) : M. Samson.

M. Samson (Martin M.) : Il faudrait en discuter. En fait, c'est une idée qu'on lance. Et ce qu'il est important de comprendre, c'est que la sécurité de l'information, ce n'est pas quelque chose que M. et Mme Tout-le-monde est capable de comprendre en profondeur assez facilement. Donc, il faut qu'on soit en mesure, si on met dans... peu importe l'organisme, là, qui va être le réceptacle, des gens qui vont être en mesure de comprendre de façon approfondie la sécurité puis aussi de faire avancer les choses.

Donc, lorsqu'il va y avoir un incident, il va falloir qu'il y ait un postmortem pour qu'on soit en mesure d'éviter que ce type d'incident là se reproduise, qu'on rende public aussi... sans aller dans trop de détails, mais qu'on rende public qu'est-ce qui s'est passé puis qu'on avise les entreprises, les gouvernements municipaux, provinciaux, des façons potentielles de régler ces problèmes-là.

Donc, ce qu'on veut, c'est un genre de principe d'amélioration continue. Quand on se rend compte qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas bien, on le règle, il y a un incident, on le règle, on regarde qu'est-ce qui s'est passé, on fait un postmortem puis on s'arrange pour ne pas que ça se reproduise. Donc, on publicise l'information puis on s'assure que tout le monde est au courant, peu importe dans quel réceptacle, là, ça peut se retrouver. Mais ce qu'on dit grosso modo, c'est que ça prend des spécialistes qui vont être en mesure de faire avancer le processus.

M. Drainville : Donc, est-ce que ce serait possible que le référentiel gouvernemental, donc l'ensemble des normes de gestion de sécurité, là — on résume ça comme ça — puisse être sous la responsabilité d'un organisme qui gérerait également les incidents de sécurité, en d'autres mots, que la mise en place d'une politique générale sur la sécurité des renseignements personnels, les bonnes pratiques, relève du même organisme qui serait également responsable de recevoir les déclarations d'incidents de sécurité puis qui serait chargé éventuellement aussi d'informer les personnes victimes de ces incidents-là? On peut-u tout mettre ça à la même place ou est-ce qu'il faut séparer ça?

M. Samson (Martin M.) : Deux choses : en autant qu'on y retrouve de la transparence, donc qu'il n'y ait pas, comme on dit en bon québécois, des petites cachettes; et, deux, qu'on soit en mesure, après ça, d'utiliser ça, et de le reproduire ailleurs, puis de faire progresser tout le gouvernement, toutes les entreprises des incidents qui vont se produire. Il faut éviter qu'on...

Je dirai, on a déjà vu ça : Ah, il y a un incident de sécurité? Ah, c'est correct, ça a été réglé, c'est beau, on n'en parle plus, alors que ce n'est pas ça qu'il faut qui se produise. Ça fait que l'organisme qui va être en charge de ça, il faut qu'il soit capable de dire en toute transparence : Oui, il y a un incident, oui, ça a été pour telle, telle, telle raison, voici comment ça s'est réglé et voici comment on peut faire pour éviter...

M. Drainville : Pour éviter que ça se reproduise.

M. Samson (Martin M.) : ...que ça se reproduise. Oui.

M. Drainville : Je veux vous remercier. C'est très utile. Et je veux juste vous dire, en terminant, que vous êtes conscients du fait, sans doute, qu'il y a beaucoup de groupes qui sont venus nous voir pour dire que le problème avec la Loi d'accès, c'est l'accès, l'accès à l'information, et qu'ils nous ont même dit, dans certains cas, que le fragile équilibre entre l'accès et la protection des renseignements personnels avait été brisé en faveur d'une trop grande protection des renseignements personnels, que c'était devenu une espèce de prétexte pour empêcher l'accès. Et vous, vous nous dites : Attention, la question des renseignements personnels est encore très, très, très pertinente, peut-être plus que jamais, et vous devez vous en occuper dans la mise à jour sur laquelle vous réfléchissez.

M. Samson (Martin M.) : C'est exact.

M. Drainville : C'est ce que je retiens de votre message. Je vous en remercie.

• (10 h 40) •

Le Président (M. Reid) : Merci, M. le ministre. Nous allons passer maintenant au bloc de l'opposition officielle. Et je passe la parole à la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Merci, M. le Président. Merci, MM. Samson et Niang. La protection des renseignements personnels, de la vie privée, est très, très importante, dans une démocratie comme la nôtre. Ce que j'aimerais comprendre...

Je veux commencer au tout début. O.K.? Je vois un article dans La Presse du 15 avril 2013, et on dit : Les Québécois, moins inquiets que les autres Canadiens quant à la protection de la vie privée. Et les Canadiens ne sont pas vraiment tellement préoccupés, environ 20 %, 23 % sont préoccupés. Donc, on parle de quelque chose dont le public n'est pas vraiment...

M. Samson (Martin M.) : ...

Mme de Santis : Oui. Allez-y.

M. Samson (Martin M.) : Sauf si ça vous arrive, sauf si vous vous faites voler votre identité et que vous vous retrouvez avec : plus de permis de conduire, plus de carte d'assurance maladie, que quelqu'un a vendu votre maison sans que vous ne vous en rendiez compte parce qu'ils ont volé votre identité.

Le petit pourcentage, c'est des gens qui ont déjà vécu ça. Moi, personnellement, ça m'est arrivé. Heureusement, ce n'était pas dans le temps où Internet existait, là, on recule dans les années 80. Je me suis fait voler mon porte-monnaie, et, à l'intérieur de 30 minutes, les voleurs, après avoir coupé le cadenas qui était sur ma case, étaient déjà rendus au centre-ville à Montréal en train de faire des achats, manger dans un restaurant, ils ont même acheté des meubles en faisant des faux chèques à mon nom.

Si ça vous arrive, à ce moment-là vous êtes très intimement lié à ça. C'est sûr que, quand on ne voit pas les risques, on a tendance à dire : Ah, c'est plus ou moins important parmi les autres choses de la vie.

Mme de Santis : Donc, c'est très important de sensibiliser la population québécoise...

M. Samson (Martin M.) : Exact.

Mme de Santis : ...aux risques associés à la perte de sa vie privée.

M. Samson (Martin M.) : Exactement.

Mme de Santis : Maintenant, j'aimerais vous poser la question. On utilise cette expression-là, «vie privée», on utilise aussi l'expression «renseignements personnels». De quoi, exactement, on parle? O.K.? Parce qu'il y a beaucoup... dans ces deux expressions-là, qui ne sont pas exactement les mêmes, ne veulent pas dire exactement la même chose, mais j'aimerais comprendre, de votre point de vue, de quoi on parle.

M. Niang (Elhadji M.) : Là, je vais, encore une fois de plus, me lancer à une définition devant l'ancien bâtonnier, l'honorable député Ouimet. La protection de la vie privée, si vous voulez, la façon dont je pourrais probablement essayer de la vulgariser, c'est la protection que la loi apporte à des attributs. Par exemple, droit à l'honneur, droit à la réputation, tout le kit. Ça, on appelle «protection de la vie privée».

Par «renseignements personnels», d'un point de vue spécifique, un renseignement personnel, au sens de la Loi sur l'accès et de la protection des renseignements personnels, c'est toute donnée qui peut permettre d'identifier une personne au sens du Code civil du Québec.

Par exemple, mon nom et mon prénom que je vais saisir dans un système d'information est une information… surtout que mon nom de famille est Niang. Ça aurait été Tremblay, on pourrait dire que le doute aurait été permis. À partir du moment où, mettons, je saisis un nom, mon prénom, l'adresse, toutes ces informations-là qui peuvent, de manière directe ou indirecte, servir à identifier une personne, eh bien, c'est un renseignement personnel. Donc, c'est quelque chose de beaucoup plus précis par rapport à la vie privée qui est un concept beaucoup plus global.

Mme de Santis : D'après la Loi sur accès aux documents, on parle de renseignements personnels dans un document, O.K., dans un document. Mais la vie privée, et je crois que vous êtes d'accord, c'est aussi où je peux être à n'importe quel moment de la journée, n'est-ce pas?

Une voix :

Mme de Santis : Parfait. Donc, ça va au-delà de données qu'on peut avoir d'un document, et vous en avez précisé au tout début de votre présentation.

Maintenant, quand je regarde votre mémoire, je lis que, dans la section sur l'infonuagique, on peut avoir un serveur aux Indes qui sert à garder des renseignements qu'on donne à quelqu'un ici, au Québec. Maintenant, est-ce que c'est réaliste de croire qu'on peut vraiment garder confidentiels une vie privée ou des renseignements personnels avec une loi seulement ici, au Québec, si les renseignements concernant Rita vont se retrouver sur un serveur aux Indes?

M. Samson (Martin M.) : En fait, les données comme telles... Je ne suis pas un spécialiste en loi du tout, du tout, mais la loi peut permettre d'encadrer certaines choses. C'est plus au niveau contractuel, à ce moment-là, qu'on peut voir, avec les contrats qui vont être liés avec la compagnie d'infonuagique, comment les données vont être protégées.

Parce que la technologie pour protéger, elle existe. Avant, quand on recule un 10, 15 ans dans le temps, quand on arrivait puis on disait au spécialiste réseau : Il faut chiffrer, exemple... — quand on dit «chiffrer», là, c'est de la cartographie — à ce moment-là, on veut chiffrer les données, bien on se faisait dire : Ah, c'est impossible, ça va ralentir le réseau, ça va être trop lourd, ça prend des grosses, grosses machines. Aujourd'hui, la technologie permet de chiffrer un champ — exemple, le numéro d'assurance sociale — à l'intérieur d'une base de données immense. Alors, la technologie nous permet de faire ça. La loi ne doit pas aller jusque dans ce détail-là, mais doit peut-être parler, à ce moment-là, de lien contractuel sécuritaire pour s'assurer de protéger la donnée.

Mme de Santis : Mais comment on... Je m'excuse, mais je ne comprends pas exactement comment je peux protéger ça uniquement avec un contrat ici, au Québec, quand mes données se retrouvent aux Indes.

M. Niang (Elhadji M.) : Je dirai que la substance de notre raisonnement à ce niveau, c'était de montrer effectivement que, compte tenu du critère d'extraterritorialité de l'usage qui peut être fait des technologies de l'information, la loi, à elle seule, ne peut pas régir la vie privée.

L'objectif... ou, si vous voulez, ce qu'on recommande, plutôt, c'est : Est-ce que le Parlement ne devrait pas plutôt initier une réflexion, à savoir passer des conventions — parce que ce sont des instruments qui existent en droit international privé ou public — afin de faire de sorte à ce que, dans un contexte où je vais confier mes données à un fournisseur d'infonuagique qui va impartir ces données aux États-Unis, lequel va l'impartir en Inde, l'autre va l'impartir au Sénégal… de faire de sorte à ce qu'au niveau de cette chaîne de possession à ce qu'on fixe, si vous voulez, d'une certaine façon, les règles du jeu?

En définitive, comme on le souligne dans notre mémoire, vouloir appliquer la loi privée à un fournisseur qui est physiquement localisé en Inde, c'est prétendument impossible parce que je ne vois pas en quoi le gouvernement indien va autoriser l'application de la loi québécoise au niveau du territoire indien. Par contre, est-ce que l'idée, ça ne serait pas d'initier une réflexion pour dire à nos collègues... aux autres collègues ou aux autres États internationaux : Est-ce que ce ne serait pas intelligent, compte tenu du fait que nous avons une technologie aujourd'hui qui se joue des frontières, d'initier une réflexion afin de mettre en oeuvre des conventions internationales qui vont régir ou qui vont servir à protéger la vie privée dans un contexte d'utilisation des technologies de l'information?

De ce point de vue là, on a voulu attirer l'attention du Parlement sur le fait que voici une possibilité de dérive technologique qui existe, à savoir — l'exemple qu'on donne — une compagnie québécoise qui va faire du commerce en ligne mais, pour préserver son compte d'exploitation, va recourir aux services d'un fournisseur d'infonuagique qui est situé en Inde. C'est sûr que le fournisseur qui est à Québec, il reste assujetti aux dispositions de la Loi pour la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, mais par contre le fournisseur qui est en Inde et qui contrôle physiquement les serveurs, l'application de la loi peut être problématique. Donc, grosso modo, l'idée qu'on recherche ici, c'est plus de sensibiliser le Parlement ou d'attirer l'attention à l'idée que, avec les critères d'extraterritorialité des technologies de l'information, il peut y avoir problématique à ce niveau en regard à la protection de la vie privée.

M. Samson (Martin M.) : Et de là… Si vous permettez? Et de là l'importance des contrats qui lient l'entreprise avec son fournisseur d'infonuagique, de s'assurer que les contrats ne sont pas juste une photocopie du contrat original puis qu'on signe dans le bas, mais s'assurer qu'on a des clauses de sécurité qui permettent de protéger ces données-là — encore une fois je reviens avec l'expression — «durant tout son cycle de vie».

Mme de Santis : Est-ce qu'il y a déjà des démarches au niveau international dans cette direction-là?

• (10 h 50) •

M. Niang (Elhadji M.) : La seule démarche que je connais... Je vais me lancer à donner l'exemple du gouvernementfrançais ou, de manière générale, de tous les États européens qui ont signé la convention sur la protection des données personnelles. Ça a été fait, si ma mémoire est bonne, dans les années 2001, 2002. L'idée qui était recherchée à ce niveau, c'est de dire : Tout gouvernement qui est signataire de la présente convention ne devrait pas favoriser la divulgation de données personnelles des citoyens dans un État où la protection est moindre.

En d'autres termes, si, par exemple, un jour, le gouvernement français décide d'envoyer mes informations nominatives dans mon pays d'origine, à partir du moment où le gouvernement sénégalais n'accorde pas le même niveau de protection, normalement il ne devrait... en tout cas, si on le fait, ce sera en violation de la convention. Mais, pour répondre à votre question succinctement, oui, il y a des accords à ce niveau, mais c'est plus pour tout ce qui a trait au transfert d'informations à caractère nominatif ou des renseignements personnels.

Mme de Santis : Mais il n'y a pas de charte de la vie privée.

M. Samson (Martin M.) : À l'international, non, pas à notre connaissance.

Mme de Santis : Et il n'y a personne qui est en train de lancer ça comme projet.

M. Samson (Martin M.) : On ne suit pas ça au niveau international, malheureusement.

Mme de Santis : J'aimerais comprendre un peu ce que vous prévoyez comme étant des problèmes qui peuvent survenir de l'avancement avec la nanotechnologie. Ce n'est pas quelque chose que je connais du tout et, pour beaucoup de personnes, ce n'est pas compréhensible. Donc, si c'est quelque chose dont on devrait se préoccuper, pourquoi? Où est-ce que ça va nous amener, la nanotechnologie?

M. Samson (Martin M.) : La nanotechnologie, ça peut être... C'est une technologie qui est en avancement. Ça va permettre, à ce moment-là, peut-être de guérir des maladies, à un moment donné, mais ça va aussi permettre, via soit une puce ou quelque chose que vous allez ingérer, d'être en mesure de vous géolocaliser. C'est sûr qu'on n'est pas rendus là encore, là. Ce qu'on dit, c'est qu'il faudrait ne pas oublier le facteur des nanotechnologies dans l'avenir.

M. Niang (Elhadji M.) : Je vais également intervenir par rapport… dans la même lignée que mon collègue Martin. En fait, la problématique que soulèvent les nanotechnologies aujourd'hui, c'est, d'une part, encore une fois, l'usage qui pourrait éventuellement en être fait. Parce que la nanotechnologie, c'est de réduire quasiment à un milliardième de mètre une technologie quelconque. Donc, le problème à ce niveau, c'est qu'on va peut-être se retrouver dans un contexte où on ne saura pas si on a une technologie qui est à côté de nous, à l'intérieur de nous, au-dessus de nous et qui nous surveille dans tous nos mouvements.

L'idée qui est recherchée ici, c'est, encore une fois, de sensibiliser le Parlement à l'effet que c'est une technologie qui est en train de se développer, et même à l'intérieur du Québec avec nanoquébec.org, si ma mémoire est bonne, et que, de ce point de vue là, il est important d'initier une réflexion afin d'instituer une gouvernance, en quelque sorte, de l'utilisation qui peut éventuellement être faite des nanotechnologies. Et, de ce point de vue là, je pense que la position du Parlement devrait être à l'effet qu'on devrait, tout le temps, en toute époque et en tout lieu, essayer de nous assurer de l'équilibre entre la protection de la vie privée des citoyens et l'utilisation qui pourrait éventuellement en être faite.

Et l'exemple que je pourrais aussi vous rapporter. J'ai suivi récemment un reportage, en Europe, justement par rapport à l'utilisation de la nanotechnologie, où des magasins, à des fins d'exploitation ou à des fins commerciales, installaient de petits appareils à l'entrée des magasins, qui permettent de décompter le nombre de personnes qui passent et le nombre de personnes qui en ressortent après avoir acheté quelque chose.

Alors, bien évidemment, aujourd'hui ça ne pose pas problème parce que tout ceci est fait de manière anonyme. Mais, imaginez-vous, à partir du moment où on aura des technologies qui seront capables, avec une technologie de reconnaissance faciale ou je ne sais quelle autre technologie, de pouvoir savoir qui nous sommes, qu'est-ce que nous avons dans nos poches, quels types de cartes de crédit, quelle est notre capacité de paiement. Donc, l'idée, c'est vraiment de lever un drapeau pour que, au moins, à ce stade-ci, on institue un débat, une réflexion à savoir jusqu'où on pourra aller dans l'utilisation des nanotechnologies.

Mme de Santis : Si on regarde un peu le secteur privé, je crois que vous avez souligné qu'un problème que nous avons, c'est de vérifier qu'en effet les lois qui sont là sont respectées. Est-ce que vous pouvez commenter plus là-dessus?

M. Niang (Elhadji M.) : Oui. Je dirais que, quand on regarde aujourd'hui le corpus légal qui est en vigueur à Québec, que ce soit la charte québécoise des droits et libertés, que ce soit le Code civil du Québec ou toute autre loi, mais principalement ces deux-là, les mécanismes pour permettre de sanctionner l'usage abusif qui peut être fait d'un droit connu et protégé est là.

Le problème qu'on essaie de soulever, c'est que nous pensons, de l'endroit où nous sommes, que la véritable position du législateur devrait être en quelque sorte d'éviter qu'une violation de la vie privée puisse arriver et sanctionner par la suite. Parce qu'en bout de ligne la norme ou la règle de droit, en quelque sorte, sert à sanctionner, mais sert aussi à prévenir les usages abusifs en fixant les règles du jeu et en précisant quelle sanction on encourt une fois qu'on aura franchi le pas. Je ne sais pas si vous suivez mon raisonnement.

Et, d'autre part, ce qu'on préconise, c'est, quand on regarde l'utilisation des technologies de l'information… Évidemment, comme je le disais tantôt, la loi peut sanctionner les usages abusifs qui peuvent en être faits. Donc, en gros ou en bout de ligne, ce qu'il faudrait faire, c'est comment on pourrait, d'une certaine façon, vu qu'il s'agit d'une technologie, avec des moyens technologiques, arriver à un niveau de protection encore plus élevé. Et, de ce point de vue là, comme on le dit en substance dans notre mémoire, à ce niveau, ce qui devrait être recherché par le législateur n'est pas à l'effet de mettre en place des règles de droit incontrôlables qui, d'une certaine façon, ne pourront jamais suivre l'évolution des technologies, et que la solution passerait par un recueil ou un référentiel de bonnes pratiques qui va harmoniser les façons de faire pour apporter des solutions technologiques, et que, donc, en bout de ligne, avec une seule disposition dans la Loi sur l'accès, on pourrait atteindre cet objectif-là.

Mme de Santis : S'il me reste un peu de temps, je vais poser une autre question avant que je passe à mes collègues. J'aimerais savoir, maintenant : La Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et la protection des renseignements personnels protège les renseignements personnels des individus. Est-ce qu'il y a une place pour la protection de renseignements, entre guillemets, personnels de personnes morales?

M. Niang (Elhadji M.) : Les personnes morales, en tant que telles, sauf... Il y a certains attributs que la loi ne leur reconnaît pas. Par exemple, le droit à la vie privée, ce n'est pas quelque chose que la charte... Tous les droits et libertés fondamentaux sont reconnus à des personnes identifiées comme étant des personnes physiques.

Mme de Santis : Je vous demande : Est-ce qu'une personne morale aurait droit aussi à la protection de renseignements quant à cette personne morale? Je parle de petites et moyennes entreprises, par exemple.

M. Niang (Elhadji M.) : Si je comprends très bien le sens de votre question, mettons, ce serait le cas de protéger des renseignements confidentiels…

Mme de Santis : Oui.

M. Niang (Elhadji M.) : …de la petite ou moyenne entreprise. Bien, de ce point de vue là, je pense que présentement, que ce soit au niveau du champ de compétence provinciale qu'au niveau du champ de compétence fédéral, il existe des outils pour permettre de protéger la confidentialité de certaines informations.

L'exemple que je pourrais donner, c'est : si, aujourd'hui, je m'amuse à aller rentrer dans les serveurs d'une personne morale, à regarder ses états financiers, à regarder ses planifications, ses projets d'affaires, et autres, je peux être poursuivi tant au criminel qu'au civil. Donc, pour les personnes morales, à véritablement parler, je pense qu'on a aujourd'hui des mécanismes ou des textes de loi qui vont faire de sorte qu'un pirate informatique ou un citoyen non avisé qui se permettrait d'aller regarder des informations confidentielles auxquelles il n'a pas accès peut être poursuivi aussi bien au civil qu'au criminel, avec l'actuel dispositif légal que nous avons.

Le Président (M. Reid) : Merci, M. Niang. Il reste deux minutes au bloc de l'opposition. Je vais passer la parole à la députée de l'Acadie.

Mme St-Pierre : Oui. C'est très, très court, ma question. Vous avez parlé de la convention qui a été signée par la France puis d'autres pays. C'est une convention internationale? Est-ce que c'est une convention internationale de l'UNESCO, de l'ONU, de...

M. Niang (Elhadji M.) : C'est une convention qui est en vigueur au sein des États membres de l'Union européenne.

Mme St-Pierre : O.K., l'Union européenne.

M. Niang (Elhadji M.) : Exactement.

Le Président (M. Reid) : Oui. Le député de Fabre. M. le député de Fabre.

M. Ouimet (Fabre) : Il reste une minute?

Le Président (M. Reid) : Mais il vous reste de moins en moins de temps si vous parlez plus... Allez-y.

M. Ouimet (Fabre) : Merci. En fait, je veux simplement... Bonjour à tous les collègues.

Merci pour vos remarques. Vous m'avez... Plusieurs groupes en ont parlé, mais, je pense, ce matin, ça m'a frappé plus qu'à l'habitude, le formidable défi que nous avons, comme société, d'établir un équilibre entre la vie privée, la protection de la vie privée et, dans une perspective d'intérêt public, la sécurité publique. Et c'est deux forces qui... Nous sommes confrontés, comme parlementaires, à trouver, à rechercher cet équilibre. Et le message que vous nous livrez d'être proactifs et d'être visionnaires, dans le fond... On veut un cadre légal qui va être visionnaire, qui va nous permettre de régler des questions qu'on n'est pas capables d'imaginer aujourd'hui. Mais, très clairement, ce défi est posé à tous les parlementaires. Et moi, je crois que c'est aux parlementaires de l'aborder et non pas simplement laisser cette question aux tribunaux. Merci, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Reid) : Vous avez encore une minute si vous voulez commenter.

• (11 heures) •

M. Samson (Martin M.) : En fait, ce qui est important, c'est que, quand on parlait de recueil de bonnes pratiques, c'est qu'il ne faut pas que le recueil de bonnes pratiques se retrouve attaché à l'intérieur de la loi. Il faut que ça soit quelque chose que les spécialistes vont être en mesure de faire évoluer au fur et à mesure que les technologies de l'information vont évoluer. Puis c'est de là l'importance, là, d'avoir un recueil de bonnes pratiques qui va être libre et pas trop attaché après la loi.

Le Président (M. Reid) : Merci, M. Samson. Je vais passer la parole maintenant au député de Lévis pour le bloc de l'opposition… du deuxième groupe d'opposition.

M. Dubé : Merci beaucoup. En fait, je salue mes collègues aussi de revenir pour cette dernière journée. Vous avez une excellente présentation, je dois vous dire. Je souscris beaucoup à la préoccupation de tout le monde ici de regarder qu'est-ce qu'on peut faire dans la vie privée. Ce que j'ai trouvé intéressant, votre point, c'est la... J'aimerais vous entendre parler un petit peu sur la mouvance entre les jeunes et les gens plus comme moi, là, qui sont moins jeunes, et, en fait, d'essayer de tenir compte comment ces jeunes-là, aujourd'hui, sont peut-être moins préoccupés par la vie privée — on peut voir qu'est-ce qui va sur les réseaux sociaux — et de penser que c'est ces jeunes-là qui vont faire les prochaines lois un jour.

Alors, quand vous parliez de cette mouvance-là et de certaines bonnes pratiques, je veux vous entendre un petit peu là-dessus. Parce que vous faites référence, aux pages 9 et 10, là, à des meilleures pratiques. Mais, par exemple, je peux penser à la France, où il y a... je pense qu'il y a un avancement assez important du côté des réseaux sociaux là-bas. Alors, je voudrais vous entendre sur la question de passer de… les gens qui font les lois aujourd'hui, mais de s'assurer qu'il y a un cadre réglementaire qui va tenir compte de cette mouvance-là au cours des prochaines années. Puis je reviendrai un petit peu sur la technologie, s'il me reste quelques minutes.

Le Président (M. Reid) : M. Niang.

M. Niang (Elhadji M.) : Par rapport à ça, je pense que la question, elle a été développée en substance dans le rapport quinquennal de la commission sur l'accès, à l'effet qu'il faut davantage sensibiliser les jeunes, et c'est une démarche à laquelle on souscrit beaucoup. Et, fondamentalement...

M. Dubé : Les sensibiliser à la protection de la vie privée, c'est ça que vous dites?

M. Niang (Elhadji M.) : Oui, exactement. Ou, amplement, je dirais que… les sensibiliser sur les possibilités d'utilisations qui ne seraient pas conformes, qui pourraient éventuellement en être faites. J'ai conscience que souvent il m'arrive, quand je parle à des jeunes, surtout à mes jeunes frères ou à mes jeunes soeurs qui sont restés au Sénégal, sur les problématiques qui peuvent découler aujourd'hui, à 18 ans, quand ils vont se prendre en photo dans une situation plus ou moins compromettante… Est-ce qu'ils ont idée de qu'est-ce que ça va être 40 ans plus tard ou quand ils auront la cinquantaine? Et je pense que, de ce point de vue là, effectivement, il serait intéressant que le Parlement initie une réflexion sur les formes que doit revêtir la sensibilisation à l'égard des jeunes, qui, comme vous le dites, tantôt, sont les personnes qui ultérieurement vont devoir légiférer sur ce genre de question là. Et est-ce qu'ailleurs...

M. Dubé : Je veux juste vous interrompre. Mais, dans cette analyse-là qui a été faite, est-ce qu'on a écouté les jeunes aussi pour leur demander ce qu'eux en pensaient? Parce que, là, je comprends que vous dites : On devrait les protéger. Mais est-ce qu'on a écouté un peu leur demande ou de ce qu'ils s'attendent de ces limitations-là?

M. Niang (Elhadji M.) : Alors, indubitablement, je dirais que, basé sur ma propre expérience — donc, ce que je dis, ça n'engage que moi — généralement, quand je parle avec des jeunes pour comprendre un tout petit peu c'est quoi, la motivation qui les pousse à aller vers les réseaux sociaux, à aller sur Facebook, souvent c'est pour garder... pour être en contact avec leurs amis. Donc, l'idée, à ce niveau, c'est de regarder, comme je l'avais dit tantôt par rapport aux questions de M. Drainville… c'est de faire de sorte, à partir du moment où le jeune va confier ses données identifiantes ou ses renseignements personnels à un réseau social, par exemple, qu'il y ait un consentement, qu'à partir du moment où il n'y a pas une possibilité de consentement qu'il y ait au moins un droit à l'information, qu'on lui dise : Vous nous confiez vos informations pour tel ou tel autre usage. Pendant qu'il est à l'intérieur du système : transparence. Autrement, on ne devrait pas faire un profilage commercial ou faire je ne sais quoi d'autre, chose à laquelle il n'a pas consenti au moment où il est rentré dans le système.

Et le troisième point, c'est le droit à l'oubli. Parce que, comme je le disais, pour un jeune, évidemment c'est toujours le fun, quand on 18 ans, d'être avec ses chums de fille ou ses chums de gars lors d'un party, de se prendre en photo et de le mettre sur Facebook à la disposition de tout le monde. Par contre, je doute fort que ce jeune-là, rendu à 40 ans, 50 ans, devenu père de famille, il serait très content qu'on lui ressorte des photos compromettantes à ce niveau. Donc, comme je le disais, aujourd'hui la seule défaillance que je vois au niveau de la loi, si vous me le permettez, est la notion de suppression de droit à l'oubli. Parce qu'avec l'informatique...

M. Dubé : ...

M. Niang (Elhadji M.) : Exactement.

M. Dubé : Oui. O.K. O.K. Je vous suis très bien. Donc, dans ces bonnes...

Le Président (M. Reid) : Il reste 30 secondes, M. le député de Lévis.

M. Dubé : Alors, je veux juste vous féliciter, s'il me reste juste 30 secondes, pour vous dire que vous avez insisté plusieurs fois sur la différence entre les technologies et l'usage, et ça, je pense que c'est important de le mentionner parce que, souvent, vous l'avez bien dit, ce n'est pas les technologies qui sont le problème, mais l'usage qu'on en fait. Alors, comme je n'ai pas beaucoup de temps, je voulais vous souligner ça et de s'assurer qu'on va plus travailler, au cours des prochains mois, prochaines années, sur l'usage et non de se limiter par la technologie, qui va continuer d'évoluer, si je comprends bien votre point de vue. Merci beaucoup.

Le Président (M. Reid) : Merci, M. le député de Lévis. Merci, M. Samson. Merci, M. Niang.

Nous allons suspendre nos travaux quelques instants.

Et je demanderais à M. Jean-Hugues Roy de prendre place à la table.

(Suspension de la séance à 11 h 5)

(Reprise à 11 h 7)

Le Président (M. Reid) : Oui. La commission reprend ses travaux.

Je souhaite maintenant la bienvenue à M. Jean-Hugues Roy. M. Roy, je vous demanderais de vous présenter d'abord, et ensuite vous aurez 10 minutes pour faire votre exposé.

M. Jean-Hugues Roy

M. Roy (Jean-Hugues) : Merci à tous de me recevoir. Alors, je suis professeur depuis deux ans au programme de journalisme de l'École des médias de l'Université du Québec à Montréal. Je viens ici à titre non pas de représentant de l'UQAM, mais à titre personnel, là. Ça n'engage que moi. Et je viens vous présenter trois recommandations, trois recommandations qui complètent des choses que vous avez déjà entendues ici des présentations qui vous ont été faites par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, la FPJQ, par la citoyenne Monique Dumont, par exemple, ainsi que par Québec ouvert et Nord ouvert.

Alors, trois recommandations, on va y aller avec une à la fois. La première, c'est de... je vous recommanderais d'abroger un article de la loi, l'article 15, l'article 15 qui se lit comme suit : «Le droit d'accès ne porte que sur les documents dont la communication ne requiert ni calcul, ni comparaison de renseignements.»

Pourquoi je vous demande ça? Pour comprendre ma recommandation, je vais vous raconter une anecdote. On recule en 2001, à l'époque où j'étais journaliste dans la salle de nouvelles, télévision, donc, de Radio-Canada. Je couvrais les élections de Laval à ce moment-là. Et, à l'époque, il y avait une opposition à la ville de Laval, il y avait trois conseillers sur 21, là, qui étaient dans l'opposition contre le maire Gilles Vaillancourt. Et donc, lorsqu'est venu... Et là j'avais couvert la campagne, l'opposition avait fait une bonne campagne, et, le jour du vote, j'ai été surpris de constater, bien, que Gilles Vaillancourt, bon, pas qu'il ait été réélu — ça, on s'y attendait — mais qu'il anéantisse son opposition comme il l'a fait. Donc, 21 conseillers sur 21 étaient de son parti politique. Ça, ça a été une surprise pour moi.

Alors, dans les années qui ont suivi, j'ai cherché à comprendre un peu plus comment ça fonctionnait à Laval. Et, au fil de différents contacts, je suis venu, donc, à parler à des personnes qui connaissaient bien les systèmes informatiques utilisés par la ville, et ils m'ont dit, en gros, là : Bon, c'est le fun de regarder tels contrats qui ont été attribués par la ville de Laval, mais allez voir plus profondément, allez voir derrière, allez chercher le fichier des factures qui sont payées aux fournisseurs, là vous allez peut-être trouver des patterns intéressants. Ah bon! Alors, j'ai demandé cette base de données là, les factures payées aux fournisseurs, à la ville de Laval; on m'a refusé l'accès. Je suis allé en révision, et, en révision, le commissaire Michel Laporte m'a débouté à chaque fois, donc, s'appuyant sur ce fameux article 15 là.

Le calcul, il était où, hein, dans le refus de la ville? Où est-ce qu'il y avait calcul dans ma demande d'accès à l'information, c'est que, la façon qu'une base de données est construite... Vous savez, vous, vous faites des... Quand vous utilisez un fichier, un traitement de texte, vous travaillez sur Word ou sur OpenOffice, et parfois il peut vous être arrivé d'exporter un document en PDF, hein? Bon, bien, ça, ça peut être assimilé à un calcul. Alors, ce que je demandais, c'était un peu la même chose. Je demandais un seul fichier informatique à partir d'une myriade de fichiers informatiques.

• (11 h 10) •

Une base de données, de la façon que c'est fait, là, très, très synthétiquement, c'est composé... Une base de données relationnelles fait des relations entre différentes feuilles Excel, si vous voulez. Alors, moi, je demandais une feuille Excel construite à partir de quelques-unes. Et donc l'exportation d'une base de données vers une autre base de données, c'était assimilé à un calcul, c'était assimilé à la création d'un nouveau document, et ma demande d'accès a été refusée.

Donc, pour moi, il faut abroger cet article-là parce que, pour moi, toute donnée publique, hein — on s'entend sur le mot «publique», hein, ça exclut évidemment tous les renseignements personnels qui sont possédés dans les bases de données possédées par l'État — donc, toute donnée qui est publique, qui est contenue dans une base de données qui est gérée par ou au nom d'un organisme public, bien, à mon sens, elle devrait être divulguée dans un format ouvert à tout citoyen qui en demande l'accès, en tout ou en partie.

Et donc cette demande-là, elle m'amène à la deuxième recommandation,  la notion de base de données gérée au nom ou par un organisme public, deuxième recommandation qui est de déclarer organisme public le système électronique d'appel d'offres, le SEAO, que vous connaissez sans doute, là. Depuis une dizaine d'années, tous les organismes publics du Québec gèrent leurs appels d'offres et tout ce qui concerne leurs contrats publics avec ce SEAO là, sauf qu'il y a un petit problème.

Justement, moi, dans le cadre de mes activités comme professeur, j'enseigne ce qui s'appelle le journalisme de données. Le journalisme de données, qu'est-ce que c'est? Oui, c'est une nouvelle façon de faire du journalisme d'enquête, si on veut, là, en allant puiser dans des bases de données publiques. Vous en avez eu un exemple il y a quelques jours. Si vous lisez le Journal de Montréal et le Journal de Québec, là, ils avaient une carte interactive très intéressante où on pouvait voir toutes les condamnations des restaurants pour insalubrité, et tout ça, puis c'est... Donc, ça, ça en est un, exemple de journalisme de données.

Alors, je me suis dit : Tiens, je vais aller... je vais demander au SEAO sa base de données pour faire des activités en classe avec les contrats, hein, les contrats publics au Québec. Ça m'a été refusé, on m'a dit non. Et là je me suis dit : Bon, O.K., on me refuse, est-ce que je peux aller en révision? Est-ce que je peux faire une demande d'accès au SEAO? Bien non, ça ne fonctionne pas parce que ce n'est pas un organisme public, le SEAO, c'est un partenariat public-privé entre, d'une part, le Conseil du trésor et, d'autre part, CGI, compagnie de consultants en informatique, et Transcontinental.

Ils disent même que... Oui, le SEAO est la propriété de CGI dans leurs conditions d'utilisation, et ça, ils parlent du contenant, évidemment, les systèmes informatiques, mais ils vont même plus loin dans leurs conditions d'utilisation. À l'article 4, ils laissent même entendre que le contenu leur appartient, en disant : «Le droit d'auteur sur le contenu de ce site, [...]appartient à CGI et Médias Transcontinental.» Ça, je trouve ça un peu fort. Évidemment, le SEAO dit bien, toujours dans ses conditions d'utilisation, que l'accès aux données qui sont publiées sur son site peut être rendu public à tout organisme qui lutte contre la corruption, l'évasion fiscale ou le travail au noir. C'est intéressant, c'est louable, sauf que le verbe opérateur, là-dedans, c'est «peut», et, si CGI... bien, c'est ça, si le SEAO refuse l'accès, bien on n'a pas de recours, le citoyen n'a pas de recours.

L'État peut avoir eu des raisons d'externaliser la gestion des contrats, là, des avis publics, mais j'ai l'impression qu'on a perdu... qu'on a malencontreusement privatisé le contenu au passage. Alors, je recommanderais donc que le gouvernement affirme le caractère public du SEAO par décret ou par tout autre moyen et qu'il l'assujettisse à la loi d'accès à l'information.

Enfin, ma troisième recommandation, elle est toute simple : de rendre gratuit l'accès aux données publiques qui sont contenues dans les bases de données publiques. Déjà, dans les portails de données ouvertes qui ont été mis sur pied récemment par plusieurs organismes publics — je pense à la ville de Québec, la ville de Montréal, le gouvernement du Québec également — l'accès est gratuit, mais le gouvernement possède beaucoup de jeux de données qui sont tout aussi intéressants, qui favorisent tout autant la participation citoyenne.

Je vais vous donner un seul exemple de ça. Le ministère des Ressources naturelles possède une base de données de tous les forages qui ont été effectués à la recherche de gaz naturel ou de pétrole dans l'histoire du Québec. C'est fascinant, ça recule à... on remonte... Le premier de ces forages-là a été effectué en 1860. C'est fascinant comme base de données. Elle est publique. On peut y accéder à la pièce, aller voir un puits à la fois. Mais, si on veut avoir une vue d'ensemble, si on veut toute l'avoir sur notre ordinateur, il y en a 960, ce n'est pas une très, très grosse base de données, eh bien, là, il faut sortir son chéquier, il faut sortir sa carte de crédit. Pour avoir l'ensemble, avec tous les rapports d'inspection et tous les rapports qui touchent chacun de ces puits-là, ça coûte 1 600 $. Si on veut juste la base de données des points pour faire une carte, ça, juste ça, ça coûte 125 $, incluant TPS et TVQ. O.K.?            Alors, pour moi, ça ne fait pas de sens, parce que cette base de données là, c'est un document numérique public. Pourquoi payer? Voilà. Je pose la question.

Et donc je conclus en comptant sur vous, sur votre volonté politique, votre leadership pour changer la loi afin : de faciliter l'accès aux bases de données publiques qui contiennent des données publiques, en excluant évidemment celles qui contiennent des renseignements personnels ou, en tout cas, les parties de ces bases de données là qui contiennent des données, des renseignements personnels; deux, d'étendre la portée de la loi aux bases de données privées, comme le SEAO, mais qui contiennent des données publiques; et, troisièmement, d'éliminer les coûts d'accès aux données publiques qui sont sous format numérique, donc qui seraient facilement téléchargeables pour tout citoyen qui s'intéresse à la vie publique. Voilà. J'espère que j'ai respecté mon temps d'antenne.

Le Président (M. Reid) : À la seconde près.

M. Roy (Jean-Hugues) : À la seconde près?

Le Président (M. Reid) : Oui. Alors, merci, M. Roy. Je passe maintenant au premier bloc d'échange avec le gouvernement et je donne la parole au ministre.

M. Drainville : Merci, M. le président. Bonjour, Jean-Hugues. Ça va?

M. Roy (Jean-Hugues) : Bonjour. Vous-même?

M. Drainville : Très bien, et content de vous voir. Merci pour la présentation. J'aimerais ça qu'on passe une par une, là, vos trois recommandations, qui sont très précises, d'ailleurs. Je trouve ça très utile que vous soyez aussi concret, là. Parlons d'abord, donc, de cette première recommandation, l'élimination, donc l'abrogation de l'article 15, qui dit : «Le droit d'accès ne porte que sur les documents dont la communication ne requiert ni calcul, ni comparaison de renseignements.»

Bon, on comprend le principe, là, qui vous guide. L'exemple que vous donnez avec le cas de Laval est très parlant. Est-ce que ça pose des difficultés particulières? Mettez-vous un peu à notre place, là. Vous voyez les avantages de votre côté, mais, de notre côté, on risque d'être confrontés à un certain nombre de difficultés si on souhaite aller de l'avant avec ça. Vous ne pensez pas?

M. Roy (Jean-Hugues) : Lesquelles?

M. Drainville : Bien, je me demande, par exemple : Est-ce qu'il peut y avoir un enjeu de renseignements personnels, de protection de renseignements personnels si on décide, par exemple, de rendre publics l'ensemble des documents ou même l'ensemble des banques de données publiques?

M. Roy (Jean-Hugues) : Bien, c'est clair qu'à chaque fois où je demandais ça je disais évidemment : À l'exception des données nominatives, tu sais, les bases de données... Je ne demanderais pas l'ensemble des déclarations de revenus de tous les Québécois, là. Je comprends bien que, s'il s'agit de documents de données nominatives, il y a des renseignements personnels très, très...

M. Drainville : Mais aidez-nous un peu à voir… Est-ce que ça existe ailleurs, ça, je dirais une politique comme celle-là, qui dit : Les banques de données publiques sont publiques et, à part la restriction, évidemment, là, sur la protection des renseignements personnels, un accès aussi large et aussi ouvert, si je peux me permettre?

M. Roy (Jean-Hugues) : Dans d'autres États?

M. Drainville : Oui, dans d'autres États.

M. Roy (Jean-Hugues) : Je n'ai pas fait la recherche à savoir quelles étaient les protections, mais ce que j'ai fait, par contre, avant de venir vous voir, je suis allé consulter une amie, une bonne amie, elle ne veut pas que je la nomme, mais elle est responsable de l'accès dans une institution publique puis elle connaît bien cet article-là. Elle m'a dit : En général, on en fait, des exportations, on le fait, là, quand même, là, quand un citoyen nous demande justement une partie d'un document qui est informatisé, puis, si c'est dans un autre format, on va le faire si ce n'est pas trop long. Mais...

M. Drainville : On va faire quoi?

M. Roy (Jean-Hugues) : On va le faire, on va faire l'exportation d'un document informatisé d'un format à un autre, on va faire de l'exportation. Donc, elle pourrait refuser des demandes d'accès en se basant sur l'article 15, mais, si c'est dans un souci de transparence, si ce n'est pas trop compliqué pour ses employés, bien, elle ne refusera pas la demande d'accès en se basant sur l'article 15. Mais c'est...

• (11 h 20) •

M. Drainville : Qu'est-ce que ça implique? Qu'est-ce que ça implique, très concrètement? Quand elle fait ça, là, qu'est-ce que ça implique mécaniquement, là? Elle fait quoi? Elle fait la saisie puis elle la transpose?

M. Roy (Jean-Hugues) : Oui. Ça peut être... Elle ne m'a pas donné d'exemple précis, mais ça peut être, dans une base de données, Oracle, par exemple… c'est d'exporter une partie de la base de données en format CSV, par exemple. Alors, ça le requiert, oui, du temps de calcul. Je ne sais pas combien de temps ça prend, mais ça... De ce que d'autres personnes me disent, ce n'est pas très, très compliqué de faire ça. Et donc, si c'est pour rendre service aux citoyens, si le temps n'est pas trop long, si ce n'est pas un fardeau trop important sur les épaules de ses employés, bien elle va donner accès aux documents que demande le citoyen en créant un nouveau document, bien qu'elle pourrait s'appuyer sur l'article 15.

Alors, si vous voulez, je vous donne un autre cas, un cas, donc, d'un organisme public qui penche plutôt vers l'accès…

M. Drainville : …la transparence.

M. Roy (Jean-Hugues) : …vers la transparence en faveur du citoyen. L'autre exemple que je vous ai donné dans mon mémoire était plutôt un organisme public qui… non, en fin de compte, qui fait le contraire. Alors, j'aimerais que, dans la loi, ça soit plutôt le deuxième exemple, où on favorise l'accès, qui prévale.

M. Drainville : Avant de passer à votre deuxième recommandation, parlons un peu du site donnees.gouv qui existe. Bon, dans un article qui a été publié dans Le Devoir en fin de semaine, vous disiez que l'État québécois méritait un E pour ce qui est de...

M. Roy (Jean-Hugues) : Un D. Un D, quand même.

M. Drainville : ...méritait — non, attendez, laissez-moi terminer — méritait un E si ce n'est du fait qu'il y avait dorénavant ce nouveau site, donnes.gouv.qc.ca, qui faisait en sorte qu'au net vous accordiez à l'État québécois un D. Donc, le site données.gouv nous permettait d'éviter le E et de se retrouver, donc, avec un D.

M. Roy (Jean-Hugues) : Oui. C'est une bonne initiative, en effet.

M. Drainville : Alors, parlez-nous-en, de ce site-là, justement. Vous semblez dire, là, que c'est un pas dans la bonne direction.

M. Roy (Jean-Hugues) : C'est un pas dans la bonne direction, mais, pour l'instant, les données qu'il contient, c'est, bon, c'est encore bien peu de choses. Hein, ce qu'on voit sur le portail des données ouvertes du gouvernement ou des municipalités, on voit des polygones, comment, hein, faire... des polygones des municipalités, des régions du Québec, les arrondissements lorsqu'on est sur le portail d'une municipalité. Sur le portail de la ville de Québec, par exemple, il y a la localisation des lieux de culte. À Montréal, on peut localiser des arbres. C'est intéressant, mais ce n'est pas… Pour favoriser réellement une participation citoyenne, je pense qu'il faudrait aller encore plus loin : divulguer les contrats, tous les contrats des organismes... tous les organismes publics, comme le fédéral le fait, et même, à la limite, divulguer l'ensemble des chèques qui sont faits à des fournisseurs pour repérer des patterns.

Je reviens au SEAO, là. Si, le SEAO, on avait pu avoir accès à l'ensemble de la base de données il y a quelques années, vous ne pensez pas qu'on aurait vu émerger des patterns dans l'attribution des contrats dans les municipalités avant que la commission Charbonneau ne nous le dévoile? Alors, je crois que la transparence numérique est extrêmement utile.

M. Drainville : C'est assez troublant de vous entendre dire et de lire dans votre mémoire qu'effectivement le caractère public des données contenues dans le système électronique d'appel d'offres nous aurait peut-être permis de découvrir les patterns de collusion avant qu'on soit obligés d'attendre des reportages journalistiques, d'enquête notamment, et par la suite les révélations que nous avons entendues devant la commission Charbonneau. Pouvez-vous élaborer un peu là-dessus? Parce que c'est quand même assez lourd comme affirmation, assez lourd de conséquences comme affirmation. Qu'est-ce qui vous permet de dire ça?

M. Roy (Jean-Hugues) : C'est que, justement, j'avais... Moi, j'avais commencé, en 2009, quand j'étais encore à Radio-Canada, à constituer... J'avais fait une demande d'accès auprès de toutes les municipalités de la région de Montréal, leur demandant toutes leurs listes de contrats de plus de 50 000 $ dans les cinq dernières années, et ce que j'ai eu comme... J'ai eu des documents papier. Je les ai encore dans mon bureau. Ça fait à peu près trois pieds de haut. Et là j'ai commencé à faire la saisie des données, puis c'était fastidieux.

Et, si j'avais pu avoir ça en format électronique, faire les recoupements, déjà je pense, je... Parce que, déjà à l'époque, on avait, en parlant à des sources, des gens qui nous disaient : Il y a... Par exemple, la ville de Laval, c'est un gâteau qui est partagé toujours entre les mêmes entreprises. On en parle, là, en ce moment à la commission Charbonneau. Bien, à l'époque, on aurait déjà pu identifier... mettre le doigt, identifier certains patterns en faisant ce travail-là de recoupement, en ayant, donc, la vision d'ensemble. En ayant toutes les données, on aurait... oui, on aurait peut-être pu voir ces patterns-là. Je ne dis pas qu'on les aurait nécessairement vus, mais j'ai l'intuition qu'on les aurait peut-être vus.

M. Drainville : Est-ce qu'il y a des exemples dont on doit s'inspirer, des exemples existants?

M. Roy (Jean-Hugues) : Ailleurs?

M. Drainville : Oui, ailleurs. Est-ce que vous avez pu... dont vous avez pu prendre connaissance. Disons les États avant‑gardistes desquels on devrait s'inspirer, là.

M. Roy (Jean-Hugues) : Si on parle de la divulgation des...

M. Drainville : Des données.

M. Roy (Jean-Hugues) : Des données. Bien, les contrats publics, bien, juste sur les sites Internet des ministères du gouvernement fédéral, tous les sites web sont construits de la même façon. À gauche, en bas, il y a toujours une section Divulgation proactive. Quand on clique là-dessus, ce qu'on a, d'une part, on a tous les contrats octroyés par ce ministère-là, par cet organisme public là...

M. Drainville : Tous les contrats ou à partir d'un certain montant?

M. Roy (Jean-Hugues) : Peut-être à partir d'un certain montant, mais, effectivement, peut-être... Je ne me souviens plus quel serait le seuil, mais on en a plusieurs. Pour avoir compilé ceux du ministère de la Défense nationale, il y en a vraiment beaucoup.

M. Drainville : Elles sont en données ouvertes?

M. Roy (Jean-Hugues) : Elles sont en données... C'est une simple liste. Non, ils ne sont pas en données ouvertes. Ils sont en liste, là. Il faut...

M. Drainville : Donc, vous n'avez pas accès à la banque de données sur laquelle on s'est appuyé pour...

M. Roy (Jean-Hugues) : Non, on n'a pas accès à la banque de données. Il faut faire un petit transfert, là, il faut faire du copier-coller...

M. Drainville : ...saisir, là. Oui, c'est ça.

M. Roy (Jean-Hugues) : Oui. On a accès aussi également — ça, c'est intéressant — aux demandes d'accès qui sont faites par d'autres citoyens avant nous. Et là… Déjà, donc, si on a une idée... Dans peut-être... pas dans toutes les organisations, mais, dans plusieurs organisations fédérales, on a une liste de... bien, quelles sont les demandes d'accès qui ont été... auxquelles on a répondu favorablement dans les derniers mois. Et là on a une liste, justement, par mois puis par année. Alors, on peut aller consulter ça, voir si notre demande... la demande qu'on a ou la demande qu'on veut faire n'a pas déjà été faite par un autre citoyen. Alors, ce n'est peut-être pas des exemples de données ouvertes nécessairement, mais ça, c'est des exemples, je crois, dont le gouvernement du Québec pourrait s'inspirer.

Le Président (M. Reid) : Merci. M. le ministre.

M. Drainville : Par ailleurs, sur la question des coûts, vous n'êtes pas le premier à nous en parler. Moi, ce qui me... ce qui a piqué ma curiosité, c'est la distinction, là, c'est-à-dire la donnée est disponible — je parle, bien entendu, là, des données de forage — alors, la donnée est disponible, mais la saisie de la donnée, elle, implique un coût qui est assez élevé. Donc, si vous voulez vous saisir de la banque de données, des chiffres, puis, si vous voulez les transporter sur votre ordinateur pour, après ça, faire des recoupements, et tout ça, là, vous devez payer. J'essaie de... D'abord, est-ce que c'est fréquent, ça?

M. Roy (Jean-Hugues) : Que? C'est fréquent que quelqu'un veuille faire ça?

M. Drainville : Est-ce qu'il y a d'autres exemples comme ceux-là au sein de l'État québécois?

M. Roy (Jean-Hugues) : Je n'en ai pas retrouvé, à part peut-être le SEAO, où ça pourrait être intéressant également d'avoir l'ensemble de la base de données sur son ordinateur ou une partie, en tout cas, d'avoir la possibilité de demander au SEAO, par exemple, tous les contrats de plus de 50 000 $ dans toutes les municipalités de la région de Montréal, par exemple. Ce serait intéressant de pouvoir télécharger ça.

Mais donc, pour revenir au SIGPEG, là, du ministère des Ressources naturelles, est-ce qu'il y a d'autres exemples? Je n'en connais pas, honnêtement. Je n'ai pas fait de recherche. Il n'y en a pas qui me viennent à l'esprit. Mais, c'est ça, c'est intéressant, parce que ce système-là du ministère des Ressources naturelles, il est ouvert. On peut aller obtenir toutes les informations d'un puits donné, un puits à la fois. Mais il y en a 960. Et ce qui est intéressant pour un citoyen qui s'intéresse à ce phénomène-là, au phénomène de l'exploration pétrolière ou gazière, c'est d'avoir une vue d'ensemble, et ce n'est pas possible de la façon que la base de données est structurée en ce moment.

• (11 h 30) •

M. Drainville : Et vous, votre position…

M. Roy (Jean-Hugues) : C'est possible — pardon — mais il faut payer. Il faut payer. Voilà.

M. Drainville : Oui, puis j'ai été surpris par le montant d'argent qu'il faut effectivement débourser. C'est quand même... Comme vous l'écrivez, je pense, dans votre mémoire — ou est-ce que c'est dans l'entrevue au Devoir — vous dites : «Une entreprise peut peut-être se payer ça, mais un citoyen qui voudrait le faire, ça finit par coûter cher.»

M. Roy (Jean-Hugues) : Exact. Donc, pour favoriser la participation citoyenne, je pense qu'il y a des données... Hein, les ressources naturelles, ça appartient à tout le monde. Le ministère a produit des rapports ou a reçu des rapports des entreprises pétrolières, qui sont déjà rendus publics, mais un à la fois, je pense que, si on souhaite avoir une vue... Mais, même si on peut… Par exemple, sur un puits donné, on peut aller chercher ces rapports-là et ne pas débourser 1 600 $, mais, à chaque fois, il faut payer 15 $, 20 $, 25 $ pour obtenir des rapports. Et, pour obtenir l'ensemble, il faut payer le 1 600 $.

Mais pourquoi, pourquoi payer pour un document déjà numérisé, qui appartient au public? Il n'y a pas de photocopies… Il n'y a pas d'employé qui va faire des photocopies, là, qui va... Il n'y a pas de temps… de temps-homme, de temps d'employé, là, qui va être utilisé si on télécharge un document numérisé qui est public? Je ne comprends pas pourquoi il faut devoir payer pour obtenir ce genre de document là déjà numérisé.

M. Drainville : Est-ce qu'il y a, à votre connaissance, d'autres banques de données privées mais contenant des données publiques comme la banque de données du SEAO?

M. Roy (Jean-Hugues) : À ma connaissance, non.

M. Drainville : O.K. Et, à votre avis, pour quelle raison est-ce que la banque de données SEAO n'est pas publique?

M. Roy (Jean-Hugues) : Je pense qu'ils le précisent bien dans leur... Ils considèrent que ça leur appartient. Ils ont mis au point un système, ils considèrent que... Mais je trouve ça audacieux de dire : Le droit d'auteur appartient à CGI et Médias Transcontinental. C'est fort. Pourquoi ils le...

M. Drainville : Et ça, est-ce que ça veut dire qu'à partir du moment où ils sont propriétaires puis à partir du moment où ces données-là sont... Bien, en tout cas, peut-être qu'il y a des entreprises qui argumenteraient, qui soutiendraient que ces données-là ne sont pas des données publiques. Mais moi, je suis plutôt du même avis que vous, là. À partir du moment où il est question de deniers publics, il me semble que ça devient des données publiques.

M. Roy (Jean-Hugues) : Oui.

M. Drainville : Est-ce que ça veut dire que ces données-là pourraient éventuellement être commercialisables par soit CGI ou Transcon?

M. Roy (Jean-Hugues) : Oui. Je pense que l'objectif de CGI et de Transcontinental, c'est de donner un service qui est surtout utilisé par des entrepreneurs, dans le domaine de la construction, par exemple, ou des consultants qui veulent voir quels sont, hein, les appels d'offres des organisations publiques pour pouvoir déposer une soumission. Alors, ce qui arrive... Là où il y a un volet... Là où je pourrais avoir une objection, justement, à ma demande de faire en sorte que le SEAO devienne public, ce serait de dire : Bien, CGI et Transcontinental, ça fait partie de leurs affaires, ça, de vendre cet accès aux documents d'appels d'offres à d'éventuels soumissionnaires.

Ce que je répondrais à ça, c'est : Bien, oui, je comprends, il y a une partie qui peut demeurer payante parce que, dans une soumission, par exemple, pour faire un ouvrage d'art en génie civil, il y a des plans, il y a des devis, donc tout ça, ça peut intéresser le citoyen, mais ça intéresse surtout les soumissionnaires. Donc, ça, je pense, ça pourrait continuer à être vendu aux soumissionnaires. Mais tout le reste, tout ce qui en découle, les appels d'offres eux-mêmes, et, après, les octrois de contrats, les listes de contrats de plus de 50 000 $ dans les municipalités, pour moi, ça, c'est entièrement public et ça devrait être ouvert.

Le Président (M. Reid) : Merci, M. Roy. Je passe la parole maintenant au député de Sanguinet.

M. Therrien : Merci, M. le Président. Je reviendrais sur votre exemple de puits, là. J'ai trouvé ça très intéressant, d'ailleurs.

M. Roy (Jean-Hugues) :

M. Therrien : Ça, c'est des données gouvernementales?

M. Roy (Jean-Hugues) : Ce sont des données gouvernementales, oui, qui sont hébergées sur le site du ministère des Ressources naturelles.

M. Therrien : O.K. Là, je ne connais pas ça du tout, là, donc je vais vous poser des questions relativement, là, à la compilation de ces informations-là. Donc, quand vous demandez un puits à la fois, c'est gratuit. Quand vous demandez les 900 puits sur un fichier quelconque où est-ce qu'on peut le voir, là, ça coûte, vous avez dit, 1 000 $?

M. Roy (Jean-Hugues) : Bien, il y a plusieurs produits, entre guillemets, qui sont vendus. Si on veut juste des coordonnées géographiques — latitude, longitude et la profondeur des puits — ça, c'est 125 $ avec taxes, là, à peu près. Mais, si on veut... Ce qui coûte 1 600 $, c'est ça, plus tous les rapports qui sont associés à chacun des puits. Il y a des diagraphies, il y a des rapports... les relevés géologiques, des rapports de forage où sont consignées à tous les jours la quantité de ciment, de boue... Enfin, bref, si on veut avoir l'historique complet, c'est 1 600 $.

M. Therrien : Bon. Là, mon autre question, c'est : Moi, je désire prendre les données un puits à la fois et faire une structure, là, avec un logiciel, je ne sais pas quoi, là, pour avoir les 900 puits…

M. Roy (Jean-Hugues) : Je l'ai fait moi-même.

M. Therrien : Combien ça prend de temps, faire ça?

M. Roy (Jean-Hugues) : Écoutez, j'ai couvert le gaz de schiste pour Radio-Canada, donc, dans les années 2010‑2011, alors ça fait longtemps que je veux le faire. Je sais qu'il y a moyen… J'ai des compétences... certaines compétences en informatique mais pas jusque-là. Je n'ai jamais réussi à automatiser cette saisie de données là. Chaque fois que je programmais un petit machin, le système du ministère était très bien fait, il me disait : Non, accès refusé, il faut passer par la porte d'entrée, manuellement. Bref, je l'ai faite manuellement, donc, cette saisie de données là. Ça a pris plusieurs dizaines d'heures.

M. Therrien : O.K. Donc, si on charge un montant d'argent pour les 900 puits, c'est parce qu'il y a un effort qui est associé à ça. Là, là, dites-moi si je me trompe, là. Moi, je suis au ministère des Ressources naturelles, je me dis : Écoutez, on devrait faire une marque disponible de 900 puits. Bon. Ça fait que, là, les gens autour de la table trouvent que c'est une bonne idée, et là on se met au travail. Mais ça, ça coûte des sous, ça demande des efforts de la part des fonctionnaires, ainsi de suite.

Et là tu dis : Oui, mais là, je veux dire, il faut rentabiliser cet effort-là à quelque part. On a beau être legouvernement, mais, je veux dire, si on décide de mettre beaucoup d'énergie là-dedans, il faut, à quelque part, rentabiliser l'expérience. Donc, ils disent : Bien, ce qu'on va faire, c'est que le fruit de notre labeur, bien, ça va être justement un montant d'argent que les gens devront payer pour avoir déjà tout fait cette information-là.

Alors, là, je vous pose la question mais vraiment de façon débonnaire, je ne veux pas vraiment, là, tu sais, condamner qui que ce soit. Mais je me dis : Si vous dites au gouvernement : Maintenant, il faut que ce soit gratuit, est-ce que les gens du MRN vont tout simplement dire : Ah bien, si c'est gratuit, ils s'arrangeront avec, je ne vois pas pourquoi on passerait tant d'heures à travailler dans le vide pour faire en sorte de donner par la suite l'information, moi, je ne vois pas l'intérêt? Ça fait que, si on rend ces informations... On est tous, hein, des économistes à petite échelle. Ça veut dire que, si on se dit : Bien, regarde, si on n'est pas plus payés pour faire tout cet ouvrage-là, bien, à ce moment-là, ça ne donne rien de le faire. Ça fait que, si vous voulez avoir un composé de 900 puits, bien faites comme vous l'avez fait, faites-le vous-même. Il n'y a pas ce danger-là d'avoir une gratuité de l'ensemble des données qui va faire en sorte qu'on va rapetisser l'offre des données disponibles pour les citoyens? Je vous pose la question…

M. Roy (Jean-Hugues) : Je ne vois pas comment on rapetisserait l'offre de données parce que les données existent déjà. Toutes les coordonnées géographiques, elles existent déjà. Le gouvernement, le ministère des Ressources naturelles a déjà en sa possession cette base de données là. Et d'autre part les citoyens du Québec sont de plus en plus capables de faire des choses, de produire leurs propres cartes avec ces données-là si elles étaient gratuites. Alors, on ne demandera pas d'effort supplémentaire à l'État.

M. Therrien : Donc, ce que vous me dites, c'est que ce travail-là, ils le font déjà de toute façon. C'est ce que vous me dites?

M. Roy (Jean-Hugues) : Le travail a déjà été fait. Les données sont... le gouvernement les possède déjà dans le cas des puits, là, de forage. Alors, pour moi, c'est ça, je ne comprends pas pourquoi on demande de l'argent pour un citoyen qui voudrait avoir cette base de données là entre ses mains et avoir la vue d'ensemble qu'il lui manque.

M. Therrien : Mais le travail de synthèse d'information est déjà fait pour d'autres raisons que pour des raisons pécuniaires.

M. Roy (Jean-Hugues) : Il n'y a pas de travail de synthèse qui est fait. Je veux dire, c'est des données brutes, c'est des données... c'est des coordonnées géographiques brutes avec des... Je veux dire, chaque puits est une ligne avec plusieurs colonnes. Une colonne : le nom du puits, la latitude, la longitude, la profondeur, et ainsi de suite. C'est tout simplement un gros... un immense fichier Excel qui est déjà là...

M. Therrien : Je repose ma question : Ça veut dire que le traitement de l'information qui nous amène dans un schéma de 900 puits, ils le font déjà de toute façon.

M. Roy (Jean-Hugues) : Oui.

M. Therrien : Donc, ce ne sont pas pour des raisons pécuniaires qu'ils font ça.

M. Roy (Jean-Hugues) : Honnêtement... C'est-à-dire que ce n'est pas... Je ne sais pas pourquoi on charge. Je n'en sais rien.

M. Therrien :

Le Président (M. Reid) : Oui? Il reste encore une minute, si vous voulez, M. le ministre.

M. Drainville : Non, moi, ça me convient.

Le Président (M. Reid) : Oui? Alors, nous allons passer...

• (11 h 40) •

M. Drainville : Je vais céder mon temps aux gens de l'opposition.

Le Président (M. Reid) : D'accord. Merci. Alors, nous allons passer au bloc de l'opposition officielle. Et je passe la parole à la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup pour votre mémoire et pour les points qui sont très clairs, mais j'ai quelques questions, quand même. Quand vous dites que vous recommandez que l'article 15 de la loi soit abrogé, j'aimerais lire l'article 15 pour les gens qui nous écoutent : «Le droit d'accès ne porte que sur les documents dont la communication ne requiert ni calcul, ni comparaison de renseignements.» Donc, il n'y a pas de travail additionnel qui devra être fait pour remettre les renseignements.

J'aimerais maintenant venir à votre mémoire, vous faites référence à votre expérience avec la ville de Laval et vous dites quand même qu'on vous a répondu qu'on pouvait vous donner des extraits sur papier, ce que vous avez refusé.

M. Roy (Jean-Hugues) :

Mme de Santis : O.K. Est-ce qu'on voulait vous remettre des extraits sur papier parce qu'il y avait des éléments dans les renseignements que vous demandiez qu'eux considéraient étaient confidentiels?

M. Roy (Jean-Hugues) : On ne m'a pas dit ça, non.

Mme de Santis : Est-ce que vous n'avez jamais obtenu les extraits sur papier?

M. Roy (Jean-Hugues) : Je ne les ai pas obtenus, non, parce que ce qui m'apparaissait... Et ça de plus en plus de citoyens vont demander ça, de plus en plus de citoyens sont capables de traiter, ils trouvent plus facile de traiter, de faire parler des documents informatisés, des bases de données, et c'est ce que je cherchais à faire à l'époque. Donc, le document papier ne m'était d'aucune utilité, il aurait fallu que je numérise, que je fasse une saisie de données de cet ensemble de documentation papier là, ça aurait été fastidieux.

Et c'est d'autant plus étrange qu'à la base des documents papier, ils sont sur base informatique, ils sont dans une base de données informatisée. Alors, pourquoi s'obstiner à me donner ça sur support papier, alors que le support informatisé, plus pratique, plus facile, qui favorise davantage la participation démocratique, à mon sens… pourquoi refuser d'en exporter une version au citoyen qui en fait la demande?

Mme de Santis : Est-ce que vous pouvez nous expliquer qu'est-ce qu'eux voulaient dire par «ils devaient créer une vingtaine de fichiers externes»?

M. Roy (Jean-Hugues) : Je n'ai pas compris trop, trop moi-même. Parce que c'est peut-être... ils faisaient peut-être référence à... C'est peut-être mal rapporté aussi dans la décision. Mais, une base de données relationnelles, il s'agit schématiquement de plusieurs fichiers Excel, si vous voulez, plusieurs tableaux Excel entre lesquels on fait des liens. Et, quand on fait un affichage à partir d'une base de données, bien on va puiser dans un fichier Excel qui peut être la liste des fournisseurs par exemple, dans un autre fichier Excel qui est la liste des jobs, des travaux qu'on fait faire, et un troisième fichier Excel qui est la liste des factures, par exemple, ou enfin... Donc, c'est ça, une base de données relationnelles. C'est difficilement exportable en soi, en entier, là, c'est difficilement exportable, mais, dans leur vie courante, les organisations publiques demandent des affichages particuliers, font des exportations de ces bases de données là. Alors, je ne vois pas pourquoi ils ne pourraient pas le faire pour un citoyen qui en fait la demande.

Mme de Santis : Je comprends que, peut-être dans ce cas-là — je ne sais pas la situation, je n'ai pas lu le jugement — peut-être, ça aurait été facile de vous donner accès à ce que vous demandiez. Mais, si on abroge l'article 15, est-ce que ça veut dire que, si vous voulez avoir accès à des renseignements, et avoir accès à ces renseignements voudrait dire que les fonctionnaires devraient faire des calculs ou devraient faire une comparaison de renseignements, que vousdemanderez à l'État de vous fournir ça gratuitement, que les fonctionnaires doivent vous donner ces renseignements, et ces renseignements-là, après le travail qu'eux vont faire pour vous remettre les renseignements-là, doit être gratuit?

M. Roy (Jean-Hugues) : Je suis conscient que... Je vois où vous voulez en venir et je suis conscient que je demande où est le ciel. Ce que je demande, c'est que cette excuse qu'ont certains organismes, hein, qui se réfugient derrière l'article 15 pour refuser d'exporter les bases de données, elle soit éliminée. Pour faire ça, il ne faut peut-être pas abroger l'article 15, mais ce que je vous demande, comme législateurs, c'est de faire en sorte que... c'est ça, que les organisations publiques ne puissent plus se réfugier derrière l'article 15 pour exporter des bases de données qu'elles possèdent. Voilà l'essence de mon message.

Mme de Santis : Alors, vous vous objectez à la façon que l'article 15 est appliqué...

M. Roy (Jean-Hugues) : Oui.

Mme de Santis : ...et pas nécessairement au fond de l'article 15. Parce qu'il y a un sens à cet article qui peut-être a un rôle à jouer dans la loi.

M. Roy (Jean-Hugues) : Oui, absolument. Les organismes publics ne sont pas forcés de créer des documents qui n'existent pas. Ça, je peux comprendre, absolument, pourquoi ça a été écrit comme ça à l'époque. Mais, à mon sens, il est utilisé abusivement dans le cas de bases de données. Et je ne sais pas par quel moyen vous pourriez lever cet obstacle-là, mais c'est ce que je demande dans cette recommandation-ci.

Mme de Santis : Je comprends votre position et je l'accepte. Maintenant, quant à rendre gratuit l'accès aux données publiques,  maintenant, si on rend gratuit accès à toutes les données publiques contenues dans les bases de données publiques à tout le monde, ça veut dire que c'est tout le monde, ce n'est pas nécessairement seulement des journalistes ou des citoyens, c'est à tout le monde. Et ça coûtait un certain montant d'argent déjà aux citoyens de collecter ces renseignements-là à travers nos taxes, impôts, etc.

Il y a des tiers qui peuvent prendre ces renseignements et se faire, dépendant comment ils vont potager… je m'excuse, ce n'est pas le bon mot, mais mettre ensemble, ils peuvent produire de nouveaux produits qu'ils peuvent vendre. Est-ce que l'État aurait droit à une certaine redevance si quelqu'un prend ces renseignements-là qui sont disponibles gratuitement et en fait un beau profit? Qu'est-ce qu'est votre opinion là-dessus?

M. Roy (Jean-Hugues) : Écoutez, je n'ai pas l'esprit aussi retors, donc je n'ai pas réfléchi en ce sens-là. Il s'agit de renseignements publics, donc, si les gens font un profit avec le bien public, mon Dieu! peut-être que, oui, effectivement. Comme les sociétés minières vont puiser dans le sous-sol québécois et vendre une ressource qui appartient à tout le monde, on va chercher des redevances auprès d'elles, peut-être qu'il y aurait des redevances à aller chercher auprès de gens qui exploitent les données publiques. Mais je n'ai pas réfléchi à ça.

Mme de Santis : O.K. Parce que la recommandation 3 est très large parce que vous dites : «Rendre gratuit l'accès» à tout le monde. Et là, moi, je pense : Wow! O.K., parfait. Alors, j'ai fait mon point.

Là, maintenant, vous, vous avez dit — et c'est ma dernière question avant que je laisse la parole à ma collègue — que vous êtes d'accord avec le mémoire de Québec ouvert.

M. Roy (Jean-Hugues) : Oui.

Mme de Santis : O.K. Dans le mémoire de Québec ouvert, on parle de «proactivement rendre disponible toute information non nominative à travers le portail de données ouvertes du gouvernement». O.K.?

Maintenant, alors, «toute information sauf information nominative devrait être disponible», mais qu'est-ce que vous voulez dire par ça? Est-ce que des renseignements qui pourraient être importants pour la sécurité de l'État, est-ce que c'est nominatif, ça? Est-ce que des renseignements qui touchent les dossiers de personnes morales, leurs dossiers financiers, est-ce que ça, c'est nominatif? Alors, pouvez-vous me décrire qu'est-ce que vous voulez dire par «nominatif»?

M. Roy (Jean-Hugues) : Bon, ce qui est nominatif, c'est ce qui touche à la vie privée…

Mme de Santis : C'est ça.

M. Roy (Jean-Hugues) : …hein, des renseignements personnels de personnes physiques. Maintenant, vous parlez de… bon, les exemples que vous donniez : Est-ce que des données qui pourraient compromettre la sécurité de l'État? Non, je pense qu'il y a des balises qui existent déjà, là. Pour les secrets, oui, professionnels, le secret d'entreprise, ça, à ma connaissance, il y a déjà des articles de la loi qui empêchent ça.

Mais moi, ce à quoi je pense quand je suis d'accord avec cette recommandation-là de Québec ouvert, c'est par exemple aux données du ministère des Ressources naturelles, qui sont, oui, publiques mais difficiles d'accès et qui, si elles étaient rendues publiques dans un format ouvert et intégralement permettraient aux citoyens une bien meilleure participation à la vie démocratique.

• (11 h 50) •

Mme de Santis : Je comprends. Sauf que la recommandation va beaucoup…

M. Roy (Jean-Hugues) : Oui, elle va beaucoup plus loin.

Mme de Santis : ...est beaucoup plus large, parce que…

M. Roy (Jean-Hugues) : …mais elle était libellée par des gens qui ont une moins bonne connaissance, hein, des processus législatifs. Donc, pour eux, ça s'arrête à tout ce qui est nominatif et ils n'ont peut-être pas pensé aux exemples que vous donnez. Mais je pense que les exemples que vous donnez sont déjà bien protégés par la loi, là.

Mme de Santis : Et vous êtes d'accord avec ces protections?

M. Roy (Jean-Hugues) : Je suis généralement d'accord, hein, bien qu'encore une fois le secret d'entreprise, il est interprété souvent abusivement, à mon sens. Donc, là aussi, il y a un équilibre à atteindre entre des renseignements qui sont possédés par le gouvernement mais qui viennent de tiers, qui viennent d'entreprises, par exemple, je crois que parfois on les interprète abusivement… on les protège abusivement.

Mme de Santis : Merci beaucoup.

Le Président (M. Reid) : Merci. Je passe maintenant la parole à la députée d'Acadie.

Mme St-Pierre : Merci. Il reste combien de temps?

Le Président (M. Reid) : Huit minutes, environ. Huit, neuf minutes.

Mme St-Pierre : Parfait, merci. Alors, évidemment, étant donné le décorum de l'endroit et la commission parlementaire, je peux me permettre de vous appeler M. Roy, même si nous nous connaissons personnellement. Alors, bienvenue à cette commission parlementaire qui est fort intéressante. Je ne sais pas si vous avez suivi tous les travaux, mais vraiment on a eu des choses absolument incroyables qui nous ont été dites. On a découvert des champs sur lesquels on avait... enfin, dont on n'avait pas soupçonné, je pense, l'ampleur, et c'est fort intéressant.

Vous avez entendu aussi, certes, cet appel pour une refonte de la loi, refonte qui semble être assez urgente. Vous êtes de cet avis-là. Vous enseignez, vous êtes dans le milieu universitaire, vous avez été à Radio-Canada, vous comprenez très, très bien l'enjeu. Selon vous, est-ce qu'il devrait y avoir, dans des délais assez courts, un dépôt d'une nouvelle loi sur l'accès à l'information?

M. Roy (Jean-Hugues) : Absolument. Je pense qu'il y a, parmi les parlementaires, à l'heure actuelle, un nombre record d'anciens journalistes, alors je pense qu'il faudrait... hein, qui sont sensibles à cette ouverture ou, en tout cas, qui savent où est le bobo, où sont les obstacles. Mme Dumont vous en a parlé, la FPJQ aussi. Je pense que, oui, cette refonte de la loi est urgente.

Mme St-Pierre : …à Radio-Canada?

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme St-Pierre : Je voudrais vous poser... Moi aussi, je veux parler de la gratuité, parce que, oui, si on le regarde du côté, bon, du citoyen, je pense que ça serait tout à fait normal, mais, lorsqu'on regarde des entreprises, et peut-être du côté des organismes sans but lucratif, les médias communautaires, et tout cela, ça, ça peut être compréhensible, mais, si on regarde des entreprises aussi importantes que Radio-Canada, La Presse, Le Journal de Montréal, Québecor, à mon avis, il y aurait quelque chose de pas tout à fait juste en disant : Bon, bien, c'est la gratuité totale. Parce que Radio-Canada, même si c'est payé par les contribuables, a quand même des revenus aussi, là. On est capables de demander à ces entreprises-là qui vendent des produits de contribuer pour une recherche qui est quand même... C'est précieux, là, ce qu'on demande, ça vaut quelque chose. Alors, je pense que j'aurais un petit peu de difficultés à dire «la gratuité totale». Je serais prête à écouter, bien sûr, à entendre des commentaires là-dessus, mais de dire : Il faut que tout ça soit tout à fait… entièrement gratuit, je ne suis pas sûre que je partagerais votre opinion là-dessus.

M. Roy (Jean-Hugues) : Je pensais, évidemment, surtout aux citoyens, aux journalistes indépendants que... ou à la personne, à l'individu, oui, que je suis devenu. Comme professeur, je n'ai pas de doctorat, je n'ai pas de fonds de recherche, donc, hein, il faut que je paie tout ça de ma poche, là. J'en ai acheté, des produits du SIGPEG, mais je les ai payés de ma poche. Et je ne comprenais pas pourquoi, et c'est pour ça que j'ai ajouté la gratuité. Mais je comprends votre point de vue. Je ne suis pas le seul, la seule personne qui pourrait avoir un intérêt pour des données possédées par le gouvernement.

Alors, une tarification... oui, peut-être que je serais d'accord à mettre de l'eau dans mon vin sur la troisième recommandation et à admettre une certaine tarification, mais je pense qu'il faudrait qu'elle soit modulée, là, en fonction de la capacité de payer. Parce que c'est ça, la base de données du SIGPEG, à 1 600 $, les citoyens qui veulent en savoir… n'ont pas les moyens. Ce ne sont que les entreprises pétrolières et gazières qui peuvent se payer ces montants-là. C'est peut-être fait juste pour eux aussi, là, le système a peut-être été conçu seulement pour l'entreprise, sans qu'on imagine que les citoyens puissent s'y intéresser. Mais, sur la gratuité, donc, c'est ça, effectivement, il y aurait peut-être moyen de faire une tarification modulée en fonction de la capacité de payer.

Mme St-Pierre : J'aimerais vous entendre, puisque vous êtes dans le milieu universitaire et, encore une fois, vous avez été journaliste, j'aimerais vous entendre sur la protection des sources journalistiques. C'est une question qui, à mon avis, est fondamentale et très, très, très importante. Et, bien sûr, les journalistes demandent à avoir accès, le plus de transparence possible, mais évidemment un journaliste a besoin que son matériel soit sécurisé, que son matériel soit protégé, et je pense que ça, ça doit être très, très clair.

Il y a une déclaration qui m'a vraiment fait sursauter, il y a deux semaines, de la première ministre, qui réclamait et disait même vouloir faire la bataille avec le premier ministre Stephen Harper pour aller chercher et obtenir des renseignementssur des Québécois qui auraient de l'argent dans des paradis fiscaux et de forcer ce consortium de journalistes international vraiment à livrer ces informations-là. J'en appelle vraiment à tous ceux qui pratiquent la profession de journaliste en leur disant : S'il vous plaît, levez-vous pour dénoncer cette demande, dénoncer cette attitude. Et, pour moi, c'était très, très, très surprenant, d'autant plus qu'il y a trois anciens éminents et grands journalistes qui siègent autour du Conseil des ministres. Alors, vraiment, là, j'étais tout à fait abasourdie.

Est-ce que vous verriez quand même un endroit ou un point où, à un moment donné, le matériel journalistique — pas uniquement les sources, parce qu'on parle de matériel journalistique — pourrait, dans certaines circonstances, être rendu public ou, si, selon vous, ça doit être... Moi, selon moi, ça doit être l'étanchéité totale, à moins qu'on parle peut-être de terrorisme ou de pédophilie ou de... Mais est-ce que ça, c'est vraiment sacré, dans l'esprit des journalistes de 2013? Moi, ça fait longtemps, ça fait depuis 2007 que j'ai abandonné le métier, puis ça a beaucoup, beaucoup changé. Est-ce que, pour vous, comme chercheur, comme professeur, comme ancien journaliste, c'est quelque chose d'absolument sacré?

M. Roy (Jean-Hugues) : Bon, je reviens sur la déclaration de Mme Marois. J'ai été surpris aussi, hein, d'autant plus que ce qu'elle demandait, bien, c'est un peu bizarre. Elle demandait juste la liste, hein, des contribuables québécois qui se trouvaient dans cette base de données là, alors que ce qui est plus sensible, c'est le fameux disque dur qui a permis aux journalistes de faire enquête. Alors, avec juste la liste, il y aurait… Je ne vois pas qu'est-ce que... En tout cas, oui, ça aurait permis d'aller cogner aux portes de chacun de ces contribuables-là, mais ça n'aurait pas permis à personne de trouver les sources qui ont été, donc, à la source, à la base de cette enquête journalistique là. Mais, non, moi, j'ai été très surpris aussi d'entendre cette demande-là et je pense que les journalistes autour de la table du Conseil des ministres ont dû sursauter.

Mais par ailleurs, pour la deuxième partie de votre question, comme… oui, comme professeur maintenant, et je l'ai dit, j'appuie tous les principes de gouvernement ouvert, dans toute ma vie, dans toute ma carrière, j'ai tâché de faire un journalisme aussi ouvert que possible. Hein, on demande de la transparence au gouvernement, on demande de la transparence à… oui, aux entreprises privées, mais je pense que les entreprises de presse aussi devraient être transparentes et montrer comment elles fonctionnent aussi, mais jusqu'à un certain point.

Dans le cas de sources journalistiques comme celles qui ont permis de dévoiler ces paradis fiscaux là, non, ça, non, je pense que des sources sensibles, ça, là, il faut les protéger au maximum. J'ai été très prudent quand j'ai parlé des gens qui m'ont permis… qui m'ont expliqué comment ça fonctionnait à Laval, là. Je veux les protéger aussi, là, tu sais? Alors, ce principe-là de la protection des sources journalistiques, pour moi, il est fondamental, mais c'est selon, ce n'est pas toutes les sources qui ont besoin d'être protégées, là.

Mme St-Pierre : Est-ce qu'il devrait y avoir...

Le Président (M. Reid) : …il reste 30 secondes.

Mme St-Pierre : O.K. Bien, est-ce que des secteurs devraient être soumis à la loi d'accès à l'information? Je pense aux syndicats, par exemple.

M. Roy (Jean-Hugues) : Hum...

Une voix : ...

Le Président (M. Reid) : ...secondes à répondre, hein?

• (12 heures) •

M. Roy (Jean-Hugues) : Excusez-moi. Est-ce que les syndicats devraient être soumis à la loi d'accès à l'information? Je n'ai pas réfléchi à ça, mais mon premier réflexe, c'est de dire non. Je ne verrais pas pourquoi. Leurs membres pourraient avoir un intérêt, oui, savoir comment ça fonctionne. Je ne sais pas qu'est-ce qui est... Mais autrement… Je n'ai pas assez réfléchi à ça pour offrir une réponse éduquée.

Le Président (M. Reid) : …au deuxième groupe d'opposition. Peut-être que le député de Lévis aura des questions à poser sur ce sujet-là.

M. Dubé : Écoutez, avec beaucoup d'intérêt, M. le Président. M. Roy, merci beaucoup d'être là. Trois petites choses. Comme je n'ai pas beaucoup de temps, je vais vous poser ça rapidement. Je suis limité à cinq minutes.

Alors, la première chose. Sur votre recommandation n° 2 sur le système électronique, là, d'appel d'offres, juste vous... je suis certain que vous êtes au courant, mais il y a une pétition, en ce moment sur le site de l'Assemblée nationale, que nous avons supportée depuis le tout début avec M. Duchesneau. Je pense qu'elle va bien, mais elle continuerait. On a plus de 500 signatures dessus maintenant. Alors, je voulais vous le rappeler. Je suis content que vous soyez au courant puis je pense qu'il faut le partager.

M. Roy (Jean-Hugues) : Je l'ai signée, je crois bien.

M. Dubé : Très bien. Merci beaucoup. Deuxièmement, on a parlé, tout à l'heure, de donneesgouvernementales.qc.ca. Vous savez qu'un des éléments, là, qui est là-dessus, c'est le fameux tableau des données informatiques. En tout cas, je vous suggère d'aller le voir parce que, selon moi, c'est... On en a parlé ici, à la Commission de l'administration publique. J'avais demandé à obtenir des informations sur comment avancent les différents dossiers informatiques. Je vous suggère d'aller le voir parce que je pense que, quand vous allez voir ce document-là, je pense que vous allez revenir à un E à votre évaluation parce qu'en ce moment le gouvernement s'était engagé à le mettre à jour… Parce que tout le monde sait que les données qui sont là, elles ne sont pas à jour, elles sont... Même le DPI nous a dit qu'il y avait des données qui étaient fausses dedans, qui n'étaient pas correctes. Et on s'était engagé à les mettre à jour avant le 31 mars, puis, comme vous savez, on est rendu le 23 avril puis, vous irez voir sur le document, ce n'est vraiment pas à jour. Alors, je pense que votre évaluation d'un E ne vient pas s'améliorer avec le site de donnees.gouv.

C'est mon commentaire. Et j'aimerais vous demander si vous allez continuer à pousser ça. Parce que je pense que vous auriez intérêt à aller voir ce document-là avec beaucoup, beaucoup de rigueur.

M. Roy (Jean-Hugues) : D'accord. Je vais y jeter un coup d'oeil, effectivement. On va voir si la note va changer, mais déjà, un D, ce n'est déjà pas très, très fort.

M. Dubé : Ce n'est pas très fort. Maintenant, s'il me reste encore un petit peu de temps, sur la vision de gouvernance des données… Parce que je pense que vous aviez soulevé un point, puis ça, on va le mentionner plusieurs fois au cours des prochaines semaines, en tout cas, en suivi à cette commission-là, ce que vous avez dit tout à l'heure, c'est que vous avez dit… Bon, si je regarde le principe des données, de la façon dont elles sont construites — je pense à vos puits de forage ou à toutes sortes de données que vous avez données comme exemple — ces données-là ont été faites en fonction d'une certaine technologie. Les gens qui ont la vision, ce sont des technologues et pas des gens qui ont une vision de gouvernance de l'information. Et je ne sais pas comment vous avez réfléchi à ça, mais — parce que vous êtes un professeur aussi, si je comprends bien — c'est un des enjeux, je pense, du gouvernement qui veut vraiment aller vers un gouvernement ouvert. Nos bases de données sont pensées sur une base de technologie et non de dire qu'elles doivent être pensées pour les gens qui vont avoir à s'en servir. Alors, je ne sais pas si vous pouvez commenter là-dessus. Mais, avec vos étudiants, là, c'est sûrement un sujet qui va vous intéresser dans les prochains mois.

M. Roy (Jean-Hugues) : Oui. Je sais qu'il y a plusieurs systèmes. Le Québec, à certains égards, est un pionnier, hein, dans la constitution de bases de données. Si on a un plumitif aussi facile d'accès, c'est grâce à des pionniers au ministère de la Justice, si je me rappelle bien, ou, en tout cas... ou si c'étaient des avocats, je ne sais plus qui a pris l'initiative, mais l'informatisation de tous les dossiers des tribunaux, c'est quelque chose de... Je ne sais pas si c'est unique en Amérique du Nord, mais c'est assez unique d'avoir des dossiers qui ont commencé en 1975, donc. Et là le SIGPEG, donc, si on revient à cet exemple-là, je ne sais pas quand est-ce que ça a commencé à être constitué, mais j'ai... Je ne sais pas quelle est la base de données qu'il y a en dessous de ça, mais... Puis, tous les systèmes, il y en a une variété, des bases de données en… Oracle, là, il y a des vieux systèmes qui utilisent encore du Cobol. Je veux dire, c'est un cafouillis complet.

M. Dubé : Le point dont je veux vous faire prendre connaissance, puis je pense qu'avec vos recherches ou ce que vous faites avec vos étudiants… Les données sont faites pour être traitées par le gouvernement avant d'être rendues disponibles. C'est pour ça que je vous inviterais à aller voir le tableau de bord sur l'informatique, parce qu'on ne publie pas... on n'a pas encore la vision de gouvernance de l'information de publier le «raw data». On veut y faire une transformation, et c'est ce qui retarde. Et je pense que, lorsque vous demandez la gratuité des services dont vous parliez tout à l'heure, il pourrait y avoir un échange, qu'on rend les données disponibles, mais que l'extérieur doit faire un traitement là-dessus. Alors, c'est peut-être un échange qui... C'est d'ailleurs le principe d'un vrai gouvernement ouvert. Puis je vous demanderais... vous avez... quelqu'un vous a posé la question tout à l'heure, à savoir : Est-ce qu'il y a des beaux exemples...

Le Président (M. Reid) : ...secondes.

M. Dubé : Je vais terminer, ce ne sera pas long. Il me restait une minute que le gouvernement m'avait offerte. Alors, le point que je veux vous faire, c'est que, dans le gouvernement ouvert, exemple, je vous inviterais à aller voir le site de la ville de New York sur leur base de données puis d'aller voir de nombreux exemples qui ont été mis en liste pour justement des données qui sont, en fait, très gratuites et très pertinentes.

M. Roy (Jean-Hugues) : Merci de cette invitation-là. Je suis allé voir, évidemment, le site du gouvernement américain, mais pas celui de la ville de New York. Alors, je vais aller y jeter un coup d'oeil.

M. Dubé : C'est intéressant. Il y a 8 millions de personnes. Alors, c'est...

M. Roy (Jean-Hugues) : Oui, c'est vrai.

M. Dubé : ...assez comparable à ce qu'on essaie de faire ici.

M. Roy (Jean-Hugues) : Au Québec, effectivement. Merci.

M. Dubé : Merci. Merci beaucoup, M. Roy.

M. Roy (Jean-Hugues) : Merci à vous.

Le Président (M. Reid) : Merci, M. Roy. On a peut-être eu l'impression, de temps en temps, qu'on s'enlignait vers un conventum d'anciens journalistes de Radio-Canada avec la présence du ministre et de la députée d'Acadie. Alors, merci de votre contribution.

Nous allons maintenant suspendre les travaux jusqu'après les affaires courantes, soit vers 15 heures, et je vous demande de ne rien laisser, il y aura d'autres activités dans la salle.

(Suspension de la séance à 12 h 6)

(Reprise à 15 h 53)

Le Président (M. Marsan) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre sans plus tarder la consultation générale et les auditions publiques sur le rapport de la Commission d'accès à l'information Technologies et vie privée à l'heure des choix.

Je souhaite la bienvenue à M. Louis Clapin. Et je vous demanderais tout d'abord de vous présenter, et vous disposerez ensuite d'une dizaine de minutes pour nous présenter votre point de vue. La parole est à vous.

M. Louis Clapin

M. Clapin (Louis) : D'accord. Merci beaucoup, M. le Président. Donc, je suis Louis Clapin de Démocratie ouverte. Tout d'abord, merci beaucoup de me donner la chance de pouvoir m'exprimer. Je suis en premier lieu un simple citoyen et je suis un technicien en télécommunications. Je ne suis pas un expert en données ouvertes ou en gouvernement ouvert, mais, depuis quelques mois, j'ai la chance de faire partie du collectif Démocratie ouverte et je crois fondamentalement aux valeurs du numérique. J'ai été le genre de citoyen plutôt cynique qui allait voter tous les quatre ans sans s'intéresser vraiment à la politique. Depuis que j'ai connu le collectif Démocratie ouverte, Québec ouvert, Cocoriko et plusieurs autres, j'ai pris espoir que les simples citoyens pourront, dans les années ou les décennies qui suivront, avoir une réelle influence sur le processus décisionnel et devenir à la fois plus responsables.

En premier lieu, j'appuie totalement le mémoire de Québec ouvert concernant les données ouvertes. En voici un extrait : «Le but ultime du mouvement des données ouvertes est de transformer notre gouvernement fermé par défaut [en] un gouvernement ouvert par défaut. Avec la création de plus en plus d'informations par le gouvernement, il devient essentiel de mettre en place une politique de données ouvertes qui s'applique à toutes les instances du gouvernement pour améliorer l'efficacité de l'accès à l'information par les citoyens et entreprises.»

La pierre angulaire d'un gouvernement ouvert est de veiller à améliorer l'accès des Québécois à l'information publique. Donc, rendre accessibles les données est une chose, mais il faut que ces données soient compréhensibles pour le citoyen moyen. Les ressources naturelles, les ressources économiques, les ressources humaines sont trois types de ressources très vastes et très complexes à la fois. Si l'ensemble des données non nominatives concernant ces ressources pouvaient être rendues publiques de façon ouverte et permanente, il faudrait encourager les initiatives pour les rendre facilement compréhensibles et manipulables pour le commun des mortels. Elles pourraient être transformées par la suite sous forme de cartes géographiques, de diagrammes, de graphiques ou de plateformes, etc., le tout étant le plus interactif possible.

D'une façon générale, j'ai été aidé par Nicolas Gignac, de Démocratie ouverte, on s'est posé quelques questions. D'abord, pourquoi viser une démocratie ouverte au Québec? Pour afficher plus de transparence dans le service donné au public; rendre publiques les données détenues par les gouvernements, les institutions, les entreprises à capitaux ou contrats publics, tant que ces données ne sont pas confidentielles ou personnelles; développer et stimuler les services de géolocalisation et de géomatique; appliquer un système d'appels d'offres ouvert avec la possibilité d'organisation de concours ou défis ouverts pour les entreprises et citoyens; atténuer le cynisme politique, particulièrement chez la jeunesse; stimuler la participation citoyenne aux débats par le numérique, sans égard à ses moyens techniques; impliquer la société civile — par exemple, Démocratie ouverte, Institut de la gouvernance numérique, Québec ouvert, Nord ouvert — dans la recherche de solutions.

Deuxième question : De quoi le Québec a-t-il besoin pour devenir un leader dans le domaine? Il faudrait : un leadership fort venant des hautes sphères politiques, du poste de premier ministre jusqu'aux hauts fonctionnaires; une stratégie claire pour garantir une réutilisation facile des données, données ouvertes, service Web ouvert, API, indexation de données; catalyser les forces émergentes citoyennes vers l'innovation ouverte et se placer en situation compétitive avantageuse dans le domaine des TI; une divulgation proactive obligatoire des données ouvertes et des objectifs précis par les ministères et les organismes; le développement de nouveaux outils collaboratifs conjoints — par exempleParlement & Citoyens — pour favoriser la coopération entre la société civile, l'administration publique, les entreprises privées, le milieu universitaire, les citoyens, etc.

Démocratie ouverte a recensé sept valeurs du numérique : premièrement, le partage d'informations, d'idées, de contenus; la liberté avec, notamment, les logiciels libres, la gratuité, l'échange plutôt que l'achat, l'effacement des frontières; la mise en capacité d'actions — beaucoup d'informations, de données et d'actions deviennent accessibles rapidement et facilement pour un grand nombre de personnes; la transparence — on le voit, par exemple, avec le mouvement de l'«open data»; les modèles collaboratifs et le faire ensemble, par exemple dans la création sur Wikipédia... dans la rédaction sur Wikipédia et dans la conception de logiciels «open source»; la participation sur les réseaux sociaux avec les commentaires sur les plateformes de mobilisation comme Avaaz; la transversalité et l'horizontalité, l'échange et la production de pair à pair, les organisations en réseau.

Je mentionne toutes ces valeurs, car elles sont toutes interreliées. Les finalités du numérique tendent vers la transparence, la collaboration, la participation, tandis que les finalités du système actuel tendent plus vers le secret, la compétition. Bien qu'il n'y ait pas qu'une seule bonne façon de faire, il y a toujours des meilleures pratiques que d'autres. Le gouvernement, les organismes, les coopératives et même les entreprises pourraient collaborer pour adopter les meilleures pratiques possible. Plus les données seront ouvertes, intelligibles ou manipulables, plus les chances d'avoir les meilleures pratiques pourront être atteintes.

J'ai ici quelques recommandations de personnes politiques. Amir Khadir, de Québec solidaire, a notamment soulevé quatre paramètres pour pouvoir être plus accessible au niveau de l'industrie minière. Il s'agit des tonnages extraits, des produits dérivés, du niveau des redevances payées et de l'ampleur des profits réalisés, en incluant les profits délocalisés par le «transfer pricing». Je rajouterais les différents produits dérivés de ces ressources naturelles.

Toutes ces données et plus pourraient être ouvertes, et les entreprises minières pourraient être géolocalisées. Nous aurions une carte géographique assez étoffée que nous pourrions rendre le plus simple d'approche possible pour que les citoyens puissent interagir avec ces nouveaux outils.

• (16 heures) •

Il y a Philippe Couillard, du Parti libéral du Québec, qui écrit dans un communiqué : Je propose de divulguer de manière proactive des renseignements gouvernementaux via Web. Les citoyens pourraient ainsi consulter les dépenses en temps réel, notamment les frais de voyage et d'accueil, les subventions accordées, les coûts des conférences et des formations. De plus, des tableaux de bord interactifs permettraient de suivre l'évolution des échéanciers et des budgets alloués aux projets gouvernementaux.

Et quatre autres points plus techniques ont été suscités dans le communiqué : qu'un portrait financier produit par un tiers indépendant du gouvernement soit déposé à l'Assemblée nationale avant le déclenchement d'une élection générale; que l'accès aux renseignements demandés par les partis d'opposition soit facilité; que l'exercice des crédits budgétaires, en collaboration avec les élus de l'Assemblée nationale, soit revu dans le but d'en faire un véritable forum de reddition de comptes pour les ministères et les organismes; que les partis d'opposition aient, de manière plus formelle, accès à des sessions de renseignements relatives au contenu des projets de loi présentés par le gouvernement avant son étude détaillée en commission parlementaire. L'administration publique pourrait ainsi répondre aux questions soulevées par les parlementaires, et ceux-ci seront mieux préparés à légiférer.

 Les deux ont abordé des points au niveau soit des ressources naturelles ou des ressources financières. Je crois que ces deux éléments seront les plus difficiles à rendre plus transparents et qu'il faut un grand courage politique pour s'y attaquer. Philippe Couillard met aussi l'accent sur ces éléments : l'interactivité, le temps réel, le dynamisme. Pour un domaine aussi complexe que la finance, il faudrait peut-être un nouveau genre de plateforme permettant aux citoyens de suivre en temps réel et de façon claire l'évolution des finances de la province. Les citoyens pourraient ensuite commenter, voter, etc. Il pourrait y avoir une plateforme semblable aussi au niveau des ressources naturelles. L'idée est de donner les outils aux citoyens moyens leur permettant d'avoir le plus d'influence décisionnelle et les rendre à la fois plus responsables de leur destinée.     

Par exemple, le budget et la mortalité. Au niveau du budget, il faudrait qu'il y ait plus d'ouverture et qu'il soit mis à jour quotidiennement et à perpétuité, autant au niveau des dépenses que des revenus, consultable sous plusieurs formes, par organigrammes, par catégories, par graphiques, etc., facilement accessible pour le citoyen moyen et que ces données soient accessibles 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

L'année dernière, LeJournal de Montréal a publié un graphique assez complet sur les dépenses du gouvernement. Cependant, je crois que rien n'a été fait au niveau des revenus et, cette année, rien n'a été fait du tout. Donc, les initiatives restent sporadiques, et nous sommes un peu à la merci de ce que la presse peut nous offrir. Cette année, nous avons droit à un graphique sur la mortalité. C'est très bien, mais ces données pourraient être mises à jour régulièrement et à perpétuité, consultables sous plusieurs formes, par organigrammes, par catégories, par graphiques, facilement compréhensibles pour le citoyen moyen, et que ces données soient accessibles de façon permanente.

 Donc, à propos de la démocratie ouverte, la démocratie ouverte est un système de gouvernance, un mode d'organisation démocratique de la société fondé sur des principes de transparence, de participation et de collaboration. Une démocratie ouverte implique chaque partie prenante dans les décisions et la mise en oeuvre des politiques publiques. Elle permet d'améliorer l'efficacité et la responsabilité des organisations, gouvernements, collectivités, entreprises, syndicats, institutions, associations, etc.

Le Président (M. Marsan) : Alors, merci, M. Clapin. Et nous allons immédiatement commencer la période d'échange. Je vais donner la parole à M. le ministre des Institutions démocratiques.  M. le ministre.

M. Drainville : Merci. Merci, M. Clapin. D'après vous, là, quelles devraient être les informations qui devraient être rendues publiques prioritairement, des informations qui ne le sont pas présentement et qui devraient l'être? C'est quoi, là, si vous deviez, là, prioriser, là, vous commenceriez par quoi, vous, là, là?

M. Clapin (Louis) : C'est sûr qu'entre les ressources naturelles puis les ressources financières c'est deux grands domaines de ressources, disons qu'avec les ressources naturelles je n'ai pas trouvé beaucoup d'information sur Internet à cette date, ou dans les journaux, nous informant clairement des ressources dont on a au Québec.

M. Drainville : O.K. Donc, les données financières puis les données sur les ressources naturelles. Vous, vous souhaitez, là — vous revenez beaucoup là-dessus, là — vous souhaitez une licence Open Gouv, donc une licence gouvernement ouvert ou ouverte, là, pour les données. Pour les gens qui nous écoutent, là, qu'est-ce que ça changerait, ça? Qu'est-ce que ça permettrait de faire qu'on ne peut pas faire dans le contexte actuel, dans le cadre actuel?

M. Clapin (Louis) : Exactement, ce qu'on ne pourrait pas faire… Déjà, on s'en sort quand même très bien, mais ça pourrait améliorer l'efficacité, je crois, au niveau des finalités, soit au niveau des ressources naturelles, la durabilité, comment qu'on pourrait les exploiter, ces ressources-là.

Des voix :

M. Drainville : Quand vous dites qu'une politique de gouvernement ouvert générerait beaucoup, beaucoup de bénéfices, la libération des données engendrerait des bénéfices importants pour la société, donnez-nous des exemples concrets de bénéfices que ça nous apporterait collectivement. C'est quoi, les avantages de libérer les données?

M. Clapin (Louis) : Ça pourrait donner un certain poids au citoyen, comme un genre de lobby citoyen. On sait qu'il y a des lobbys pour les grandes entreprises qui peuvent influencer, mais il pourrait y avoir un consensus populaire qui pourrait exister puis qui pourrait avoir plus des qualités s'il y en a moins au niveau de l'économie, au niveau des ressources.

M. Drainville : O.K. Donc, vous, dans votre esprit, là, la libération des données, c'est une façon de donner plus de pouvoir aux citoyens.

M. Clapin (Louis) : Oui.

M. Drainville : Le Règlement sur la diffusion de l'information et sur la protection des renseignements personnels, est-ce que vous connaissez ça un petit peu?

M. Clapin (Louis) : Pas vraiment.

M. Drainville : Non? Parce que c'est un règlement qui ne s'applique pas à l'ensemble des activités gouvernementales. Puis le président de la Commission d'accès à l'information, lui, dit que ce règlement-là, qui prévoit la diffusion proactive, dans le fond, de l'information...

C'est un règlement qui dit : Les ministères doivent rendre publique l'information et ne pas attendre qu'elle leur soit demandée. O.K.? Je résume, là, très succinctement. Ce règlement-là, il ne s'applique pas à l'ensemble de l'administration publique actuellement, puis le président de la Commission d'accès à l'information souhaiterait que le règlement en question s'applique au réseau de la santé, au réseau scolaire, aux municipalités. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Clapin (Louis) : Je crois que ça pourrait être une bonne idée. Je crois qu'on est... Je ne suis pas tout seul à penser comme ça. Puis les arguments que j'ai entendus, c'est qu'il pourrait peut-être y avoir des déchirages de chemise ou que les gens pourraient être inconfortables... certaines personnes pourraient être inconfortables en divulguant plus d'information. Mais, tant que les données ne sont pas nominatives, là, il ne faudrait pas s'arrêter à ça, il faudrait y aller, parce que je crois qu'il y a beaucoup plus de bénéfices qu'il pourrait y avoir de...

M. Drainville : ...de désavantages.

M. Clapin (Louis) : ...de désavantages.

M. Drainville : Puis le déchirage de chemise dont vous parlez, c'est le déchirage de... Qui c'est qui déchire sa chemise dans cette histoire-là?

M. Clapin (Louis) : Ah bien, c'est les personnes qui pourraient être embarrassées par la divulgation de données, qui pourraient peut-être avoir des intérêts personnels en lien avec ces données-là.

M. Drainville : O.K. Donc, vous, là, dans le fond, si on voulait résumer, vous nous dites qu'on est dus, au Québec, pour un bon changement de culture, là, dans la façon de gérer notre information, dans la façon de gérer notre État. Il faut se sortir d'une certaine culture pour aller vers une autre culture qui va favoriser davantage la transparence, puis l'accès à l'information, puis...

M. Clapin (Louis) : Oui, c'est un peu ça que j'ai à l'esprit. Puis ce que j'ai entendu aussi en faisant des recherches sur le sujet... Je suis quand même... Je suis passionné un peu par la démocratie ouverte. Puis il y a beaucoup de personnes qui disent que le changement est en train de se faire, qu'on est dans ce changement-là, que le changement est inéluctable, ça dépend du temps que ça va prendre. Donc, tout dépendant le leadership qui va être exercé dans cette voie-là, soit qu'on peut arriver dans les premiers, au Québec ou au Canada, ou qu'on puisse suivre la parade par rapport aux autres pays.

M. Drainville : Qu'est-ce qui vous a amené à ça, à vous intéresser à ça?

• (16 h 10) •

M. Clapin (Louis) : C'est vraiment depuis l'avènement des réseaux sociaux. J'ai vu qu'il y avait plus d'horizontalité avec toutes les valeurs qui étaient arrivées avec l'Internet, avec Wikipédia, comment que ça s'est fait. Ça m'a impressionné, puis je me suis dit que peut-être qu'avec un meilleur Internet, optimisé, on pourrait avoir une meilleure démocratie. Puis je suis tombé sur ces groupes-là, Québec ouvert, Démocratie ouverte, Cocoriko aussi au Québec. Donc, j'ai vu qu'il y avait d'autres personnes qui pensaient comme moi, puis en plus c'est des personnes que je trouve assez brillantes, là.

M. Drainville : Assez comment?

M. Clapin (Louis) : Brillantes.

M. Drainville : Donc, dans le fond, est-ce que je me trompe ou si je vous... je saisis bien votre intervention? Dans le fond, vous vous voyez un peu, je pense, comme le citoyen intéressé, impliqué, qui vient parler, d'une certaine façon, au nom des citoyens. Est-ce que c'est un peu comme ça que vous vous percevez?

M. Clapin (Louis) : Oui, un peu, oui. Donc, que je m'intéresse à ça… Les personnes, je crois que, s'ils peuvent avoir plus de pouvoirs puis qu'ils puissent en être conscients, je crois que tout le monde aime avoir un certain contrôle ou un certain pouvoir, donc, si on peut répartir plus équitablement ce pouvoir-là, je crois que les citoyens embarqueraient dans ce bateau-là.

M. Drainville : On en sortirait gagnants comme citoyens et comme démocratie.

M. Clapin (Louis) : Oui.

M. Drainville : Merci. Merci.

Le Président (M. Marsan) : Alors, je vais maintenant donner la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

M. Therrien : Excusez-moi.

Le Président (M. Marsan) : Oups! Excusez-moi. Oui. Oui. Il resterait du temps, oui. Excusez.

M. Therrien : Y reste-tu beaucoup de temps ou...

Le Président (M. Marsan) : Deux minutes, à peu près.

M. Therrien : Juste très, très, très rapidement. Bonjour, M. Clapin, merci d'être ici. J'aurais une petite question très simple. Je vais vous parler de modèle coopératif comme Wikipédia, mais au niveau des données. Moi, la question qui me hante un peu quand on parle de données comme ça, c'est au niveau de la fiabilité. Alors, si on s'échange des données, ce que je comprends, c'est que les gens vont s'échanger les données, mais comment peut-on vérifier la fiabilité de ces données-là? Est-ce que vous avez une tête de comment on pourrait fonctionner pour justement voir que les données qu'on reçoit d'une tierce personne, c'est des données qui sont crédibles?

M. Clapin (Louis) : Oh, c'est sûr que, d'une personne inconnue, je ne sais pas exactement, mais, si les données sont accessibles via le ministère, les ministères, le gouvernement, je crois qu'il n'y aurait aucun problème, là, à ce que les données soient correctes, là.

M. Therrien : Mais, quand vous parliez de modèle coopératif, à ce moment-là, c'était avec les ministères, avec les différents... avec des sources compétentes?

M. Clapin (Louis) : Oui, c'est sûr. Il faut toujours se fier à la source des informations. Donc, c'est toujours en soutien à ça. Donc, les citoyens, si on voudrait s'échanger des données ou collaborer, il faudrait donner notre vraie identité, donc il faudrait être retraçable.

M. Therrien : O.K. Bon. C'est parce que vous parliez de Wikipédia, parce que, là, je posais la question, mais là vous avez bien répondu à ma question.

M. Clapin (Louis) : Ah! O.K. Parfait. Merci.

M. Therrien : Merci beaucoup. Merci.

Le Président (M. Marsan) : Alors, maintenant, je vais reconnaître... Merci, M. le député de Sanguinet. Alors, maintenant je vais reconnaître Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Merci, M. le Président. M. Clapin, merci d'être là, merci d'avoir présenté un mémoire et d'avoir pris le temps de venir ici, devant nous. Je trouve ça très intéressant et aussi très important. Et vous avez expliqué... je crois, j'ai compris que toutes ces démarches vers un gouvernement plus ouvert, ça vous a donné plus le goût de participer dans la vie démocratique du Québec.

M. Clapin (Louis) : Absolument.

Mme de Santis : Et est-ce que vos amis se rallient avec ce point de vue?

M. Clapin (Louis) : Disons que je me suis fait de nouveaux amis pour l'instant. Donc, les personnes... Mais ceux à qui j'en parle, ils trouvent ça un peu compliqué, ils sont un peu... il y a encore un peu de cynisme par rapport à ça. Mais je crois qu'avec les nouvelles plateformes, par exemple, Parlement et Citoyens qui est en branle en Europe, en France, cette plateforme-là... puis il y a de plus en plus de participation, ça fait que peut-être qu'elle va venir au Québec aussi. Donc, comme j'ai dit tantôt, si on donne plus de pouvoir décisionnel aux gens puis que les gens puissent voir que c'est efficace, que ça marche, bien là il y aurait plus de gens qui pourraient embarquer.

Mme de Santis : J'aimerais comprendre comment vous faites le lien de recevoir plus de renseignements et exercer plus de pouvoirs. Si on reçoit plus de renseignements, ça, c'est une chose, mais qu'est-ce qu'il faut faire, en tant que citoyens, pour exercer plus de pouvoirs?

M. Clapin (Louis) : Oui, c'est… Mais, comme dans les réseaux sociaux, on peut commenter beaucoup puis on peut voter aussi. Donc, le vote, c'est un pouvoir si on peut voter sur quelque chose. Donc, si on peut voter plus souvent, s'il peut y avoir plus de référendums, disons, les gens ont un pouvoir de plus.

Mme de Santis : Est-ce que Démocratie ouverte, c'est une organisation?

M. Clapin (Louis) : C'est un collectif à but non lucratif. Donc, c'est vraiment... C'est vaste. Les personnes qui croient en ça peuvent être membres. Ici, au Québec, il y a Jean-François Gauthier, qui va venir à la commission un peu plus tard, là, qui a donné un autre bras directeur au collectif, c'est l'Institut de gouvernance numérique. Donc, ça, c'est un peu plus formel au Québec, là.

Mme de Santis : Mais, Démocratie ouverte, combien de membres il y a?

M. Clapin (Louis) : Combien de membres? Il doit y avoir une vingtaine de membres à travers l'Europe, le Québec puis la Tunisie.

Mme de Santis : Ça, c'est des personnes, des individus ou des groupes?

M. Clapin (Louis) : Ah oui! Des individus, environ une vingtaine.

Mme de Santis : O.K. Alors, j'aimerais comprendre les données qui seraient rendues publiques, les renseignementsqui seraient rendus publics par un gouvernement. On parle de données brutes, O.K.? Est-ce que cela, c'est ce que vous voulez? Parce que des données brutes, ce n'est pas nécessairement quelque chose que M. Mme Tout-le-monde ou même moi peut nécessairement comprendre. Comment vous vous attendez de recevoir les renseignements, dans quelle forme?

M. Clapin (Louis) : Surtout en données brutes, mais principalement pour les ressources naturelles puis les finances. C'est quand même des données assez importantes, si on peut dire, donc. Puis c'est vraiment très interrelié avec le gouvernement. Donc, soit lancer des initiatives populaires ou faire appel à des groupes. Il y en a de plus en plus qui émergent, des groupes, pour faire soit des applications Web ou des plateformes pour que ces données soient intelligibles pour les citoyens.

Mme de Santis : Les données qui seraient disponibles seraient disponibles à tout le monde, pas nécessairement seulement aux citoyens ou aux résidents du Québec. On peut prendre ces données et on peut en faire d'autres produits qui pourraient être lucratifs pour la personne qui fait le nouveau produit. Donc, quelqu'un prend les renseignements qui sont donnés par le gouvernement, les rend dans une autre forme et fait payer d'autres pour ce nouveau produit. Quand le gouvernement a collecté ces renseignements, il l'a mis disponible au public, il y a des frais pour le gouvernement, et ces frais, c'est tous les citoyens qu'on paie pour ça. Est-ce que vous trouvez normal, après, que quelqu'un ait accès à ces renseignements gratuitement et en fait argent avec?

M. Clapin (Louis) : Oui. C'est... Non, ce n'est pas une des meilleures pratiques. Je ne crois pas que ce serait vraiment avantageux, mais, s'il y a des gens qui sont prêts à payer pour ça, qu'est-ce qu'on peut faire?

Mme de Santis : Est-ce que vous croyez que celui qui va faire de l'argent doit une redevance au gouvernement et au peuple du Québec?

M. Clapin (Louis) : Oui, absolument…

Mme de Santis : Pardon?

M. Clapin (Louis) : Oui.

Mme de Santis : Oui?

M. Clapin (Louis) : Oui.

Mme de Santis : O.K. Bon. Vous avez dit que vous êtes d'accord avec Québec ouvert, et Québec ouvert dit que tout renseignement devrait être public, autre que des renseignements nominatifs, O.K., qui touchent la personne, des renseignements personnels. Mais vous ne croyez pas que des renseignements qui pourraient faire du tort à la sécurité de l'État devraient être confidentiels ou qu'il y a des secrets industriels ou d'affaires qui devraient être gardés confidentiels?

• (16 h 20) •

M. Clapin (Louis) : Oui, c'est sûr que c'est quand même assez épineux dans ce contexte-là. Peut-être pas du jour au lendemain, mais je crois que même les entreprises... Il faudrait peut-être l'essayer avec quelques entreprises. Mais le fait de se rendre plus transparent à la population, peut-être que ça pourrait donner des opportunités, justement, aux entreprises, au lieu de la culture du secret.

Mme de Santis : Alors, c'est tout pour moi. Merci beaucoup, M. Clapin. Est-ce que vous avez des questions?

Le Président (M. Marsan) : Oui. Mme la députée de l'Acadie, la parole est à vous.

Mme St-Pierre : Bonjour, monsieur, je vous remercie d'être ici, à cette commission parlementaire qui s'achève, mais qui a été fort intéressante et même passionnante et qui nous a amenés sur des volets qu'on ne soupçonnait pas. Vous venez de dire que, pour les entreprises, ça peut être avantageux pour elles d'être plus transparentes, mais, en même temps, ça peut être très dangereux, parce que, là, il y a une question de secret, ça peut être dangereux aussi non pas uniquement au Québec, mais aussi s'il y a des compétiteurs sur la scène internationale. Maintenant, avec l'Internet, il n'y a plus de frontières. Comment une entreprise peut essayer de gérer ça, le risque et l'avantage?

M. Clapin (Louis) : Oui, exactement. Mais le risque aussi, c'est que l'entreprise ne va peut-être pas avoir... si elle a une bonne idée, une idée géniale, peut-être qu'elle ne va pas en bénéficier tout de suite en faisant beaucoup de profits, peut-être qu'elle va avoir un peu plus de compétition, mais je crois que les compagnies ne vont pas être perdantes à tout casser. Peut-être qu'il va y avoir des gens qui ont beaucoup, beaucoup de pouvoir, qui ont beaucoup, beaucoup d'argent, ils ont peut-être moins intérêt à devenir plus transparents, mais, au bout du compte, peut-être que ça va avoir un effet d'un meilleur équilibre, là, au niveau des entreprises.

Mme St-Pierre : Est-ce que vous considérez que cette transparence que vous souhaitez… et, pour le citoyen, cette transparence devrait être à tous les niveaux? Je pense évidemment au niveau gouvernemental, les paliers aussi de gouvernement, municipal, provincial, national. Est-ce qu'on devrait également faire en sorte que les syndicats soient aussi assujettis à une loi d'accès à l'information?

M. Clapin (Louis) : Oui.

Mme St-Pierre : Êtes-vous syndiqué, vous?

M. Clapin (Louis) : Non, je ne suis pas syndiqué.

Mme St-Pierre : O.K.

M. Clapin (Louis) : Je ne suis pas syndiqué. Je l'ai déjà été.

Mme St-Pierre : Puis?

M. Clapin (Louis) : Puis... Bien, je crois que, oui, ça peut rendre plus responsables les personnes. Des fois, les personnes vont trop se cacher derrière les syndicats, puis les compagnies vont trop... ça va être une ambiance souvent lourde. La compagnie dans laquelle j'étais syndiqué nous mettait dans une ambiance quand même lourde, là, il y avait toujours les chicanes entre les syndicats puis les entreprises. Je crois qu'en étant plus transparents les employés pourraient moins se cacher en arrière d'un syndicat puis devraient être plus responsables, devraient devenir plus responsables.

Mme St-Pierre : Mais, encore là, il y a avantages, désavantages. Par exemple, dans le cas d'un conflit de travail, le syndicat n'a pas intérêt à dévoiler toutes ses cartes parce que ça peut être aussi néfaste pour les travailleurs.

M. Clapin (Louis) : Oui.

Mme St-Pierre : En fait, c'est cet équilibre-là qui va être difficile à trouver. Et moi, je me dis : Bien oui, il faut... Aujourd'hui, on est dans un monde moderne, on est en 2013, il faut vraiment regarder ces questions-là de façon globale et il faut faire en sorte qu'on puisse analyser tous les secteurs de la société. Je vous remercie encore d'être ici, parmi nous. Je pense que mon collègue a une question.

Le Président (M. Marsan) : Très rapidement, il reste un peu... une minute.

M. Ouimet (Fabre) : En fait... Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marsan) : Un commentaire?

M. Ouimet (Fabre) : Un bref commentaire. Merci, monsieur, d'être là. Vous savez, la démocratie, ça se décline de différentes façons, et la participation des citoyens aux débats, aux échanges à l'Assemblée nationale, c'est un geste important dans cette recherche de l'avancement de notre société, c'est la démocratie en action. Et je tenais à joindre ma voix à mes collègues, vous remercier d'être venu, d'avoir partagé vos réflexions, et on va en tenir compte. Alors, merci.

Mme St-Pierre : Merci.

Le Président (M. Marsan) : Merci bien, M. le député. Nous poursuivons, et je vais donner la parole à M. le député de Lévis.

M. Dubé : Merci beaucoup, M. le Président. Et je voudrais dire à mon collègue ici que je partage son commentaire tout à fait parce que, lorsqu'on a des gens qui viennent nous donner la réalité du terrain, je pense qu'il faut profiter de ces occasions-là. Alors, je vous remercie.

J'aimerais peut-être vous demander de nous parler un petit peu de la démocratie, mais plus chez les jeunes parce que... Est-ce que vous sentez… Parce que vous avez dit au début, vous avez parlé un peu de cynisme politique. Dites-moi ça dans vos mots, de ce que vous entendez, là, des gens qui viennent vers votre mouvement pour... En fin de compte, ça doit être encourageant de voir des jeunes s'y intéresser puis de voir ça comme une façon de contrer le cynisme politique. Parlez-moi-z-en un petit peu, dans votre quotidien ou lorsque vous avez vos rencontres, qu'est-ce que ça fait.

M. Clapin (Louis) : Dans mon quotidien, je sais que... Dans les personnes plus vieilles que moi, dans les baby-boomers, il y avait beaucoup de chialage. L'expression «la dictature, c'est : Ferme ta gueule, c'est moi qui mène, puis la démocratie, c'est : Gueule tant que tu veux, c'est moi qui mène», bien je trouve qu'ici elle était vraiment en application de la génération des baby-boomers.

De ma génération, j'ai 31 ans, on n'en parle pas, on n'en parle pas, de politique. Puis la génération qui est après moi, puis ce que j'ai embarqué parce que justement ça venait soulever des questions puis ça venait vraiment rentrer en jeu, même si ça a été quand même assez lourd… Mais le printemps étudiant, le printemps érable, les jeunes se sont mobilisés, se sont plus intéressés à la politique, puis, bon, bien, c'était sur un point vraiment spécifique, les frais scolaires, mais il y a eu quand même 200 000 personnes qui ont tapé dans des casseroles puis qui ont dit : On a de quoi à dire. Donc, si on peut leur donner les outils avec l'Internet, si on peut optimiser ça... Puis on voit qu'il y a des émergences, je ne sais pas comment que ça va finir, mais, si on peut travailler là-dessus, c'est...

M. Dubé : ...il me reste encore une petite minute. Pour pousser ça un petit peu plus loin, parce que, tout à l'heure, il y a un de mes collègues ici qui a demandé que vous donniez des exemples, vous avez parlé des ressources naturelles ou vous avez parlé des données financières. Ça me semble, surtout les données financières, peut-être des choses qui sont moins intéressantes, là. Est-ce que vous avez des exemples peut-être plus proches des jeunes, le genre de choses auxquelles le gouvernement devrait réfléchir, qui susciteraient cet intérêt-là par rapport à leurs centres d'intérêt justement, en dehors des ressources naturelles puis des chiffres?

M. Clapin (Louis) : Oui, oui, oui, exactement. En politique, ce qu'on parle le plus, c'est vraiment au niveau des universités, donc la gérance des universités. Mais ça, il pourrait sûrement y avoir des plateformes puis optimiser ça, ces plateformes-là, pour justement que la gérance puisse être plus transparente puis qu'on puisse avancer dans ça.

M. Dubé : Je vous remercie beaucoup. Merci encore une fois.

Le Président (M. Marsan) : Merci, M. le député. Merci, M. Louis Clapin, de nous avoir donné votre point de vue.

Et j'inviterais maintenant les représentants du Centre québécois du droit à l'environnement de venir prendre place.

Et nous allons suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 28)

(Reprise à 16 h 30)

Le Président (M. Marsan) : …nos travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir les représentants du Centre québécois du droit de l'environnement. Et je vais demander à M. Baril, je crois, de nous présenter... de vous présenter, de présenter les gens qui vous accompagnent. Et vous avez par la suite une dizaine de minutes pour nous présenter votre point de vue. La parole est à vous.

Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE)

M. Baril (Jean) : Oui, merci. Présentation. Mon nom est Jean Baril, je suis avocat, administrateur du Centre québécois du droit de l'environnement. Je viens de finir une thèse de doctorat en droit qui porte sur le sujet du droit à l'accès à l'information environnementale au Québec. C'était mon fantasme le plus cher qu'une fois la thèse soutenue il y ait une commission parlementaire sur ce sujet-là; il se réalise.

J'en profite pour remercier les parlementaires présents parce que, vous ne le savez peut-être pas, mais l'Assemblée nationale m'a donné, pour cette thèse-là, il y a deux semaines, la Médaille de l'Assemblée nationaleL'annonce du prix pour M. Baril...

http://www.assnat.qc.ca/fr/actualites-salle-presse/communiques/CommuniquePresse-2403.html

, le prix Jean-Charles-Bonenfant pour la meilleure thèse de doctorat, donc, en tant que parlementaires, vous êtes impliqués dans ce processus-là. Ceci dit, en tout respect, j'échangerais n'importe quand la Médaille de l'Assemblée nationale contre un projet de loi de l'Assemblée nationale portant sur le droit d'accès à l'information. J'espère que ce qui a été annoncé en début va se réaliser dans les plus brefs délais.

Je suis accompagné par mon jeune confrère du Centre québécois du droit de l'environnement, M. Alexandre Desjardins, qui est aussi avocat, qui est détenteur d'une maîtrise en droit de l'environnement à l'Université Laval à Québec.

Le CQDE, très rapidement parce que le temps nous est compté, c'est un organisme sans but lucratif qui existe depuis 1989, qui regroupe des juristes, des étudiants en droit, des professeurs, mais aussi des gens intéressés par l'environnement qui ne sont pas des juristes. C'est un organisme qui ne bénéficie d'aucun financement public.

Je vous remercie d'avoir accepté de nous entendre, même si le rapport de la Commission d'accès à l'information ne porte absolument pas sur la question du droit de l'accès à l'information en matière d'environnement. D'ailleurs, le mot «environnement», dans le rapport de la Commission d'accès, n'apparaît qu'à «environnement technologique». Ça nous déçoit, c'est sûr, parce qu'on est des juristes en droit de l'environnement, mais aussi parce que ça nous semble écarter plusieurs événements juridiques importants qui sont survenus depuis le dernier rapport de la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès, qui touchent le droit de l'environnement, mais qui touchent aussi le droit de l'accès.

En premier lieu, en 2006, le gouvernement, l'Assemblée nationale, a adopté la Loi sur le développement durable, qui est le nouveau mode de gestion de l'ensemble des organismes publics qui sont visés par la Loi sur l'accès. Dans la Loi sur le développement durable, on a reconnu le principe de transparence, d'accès au savoir, d'accès à l'information, de participation du public. Mais il y a d'autres principes qui sont importants parce qu'ils ne peuvent pas être mis en oeuvre si le citoyen n'est pas informé. Je pense, entre autres, au principe de prévention qui est dans la loi. Comment voulez-vous prévenir une situation si vous n'êtes pas au courant des risques éventuels, des problèmes qui peuvent survenir, des mesures d'urgence qui sont prévues, des plans d'urgence?

Comment voulez-vous appuyer ou que la population puisse jauger la mise en oeuvre du principe de pollueur-payeur par le gouvernement si on n'est pas au courant du niveau de pollution? Parce que, le principe pollueur-payeur, pour voir s'il s'applique correctement, il faut connaître le niveau de pollution et il faut connaître le prix qui est payé en contrepartie. Il faut connaître, par exemple — un exemple concret sur les mines — la quantité de minerai extraite et le niveau de redevances qui est payé à l'État pour avoir extrait cette ressource non renouvelable.

Le principe de capacité de support des écosystèmes, qui est aussi dans la Loi sur le développement durable, comment le citoyen, la population, les groupes environnementaux peuvent contribuer à la mise en oeuvre du principe de capacité de support des écosystèmes s'ils n'ont pas accès à l'ensemble des informations détenues sur l'état des écosystèmes? Donc, il y a plusieurs principes juridiques qui interpellent la question de l'accès à l'information.

En 2006, on a aussi, par la même occasion, mis dans la charte québécoise des droits et libertés de la personne un droit fondamental à un environnement sain et respectueux de la biodiversité. Donc, ça veut dire qu'au Québec,théoriquement du moins, on a deux droits fondamentaux qui appuient le droit d'accès à l'information environnementale : l'article 44, le droit à l'information, qui est là depuis 1975; l'article 46.1, le droit à un environnement sain.

L'article 53 de la charte dit qu'en cas de problème d'interprétation d'une disposition législative, que ça soit une disposition de la Loi sur l'accès ou une disposition de la Loi sur la qualité de l'environnement, les dispositions doivent être interprétées à partir des droits fondamentaux qui sont affirmés dans la charte, dont le droit à l'information, en particulier s'il porte sur les informations environnementales qui permettent de mettre en oeuvre le droit à un environnement sain et respectueux.

En 2006, on a aussi modifié la Loi sur l'accès de différentes façons. Ça faisait longtemps qu'elle n'avait pas été modifiée. En 2006, on a introduit dans l'article 41.1 de la Loi sur l'accès une disposition qui était depuis 1978 dans la Loi sur la qualité de l'environnement, c'est la disposition 118.4 de la Loi sur la qualité de l'environnement, qui donne à toute personne le droit de demander — à l'époque, c'était seulement au ministère de l'Environnement — les renseignements concernant la présence de contaminants ou les contaminants émis, dégagés dans l'environnement.

En 2006, on a — c'est 41 — on a pris l'article 118.4 de la Loi sur la qualité de l'environnement, on l'a introduit dans la Loi sur l'accès, ce qui était une réforme intéressante, et, depuis ce temps-là, cet article-là ne s'applique pas seulement au ministère de l'Environnement, il s'applique à l'ensemble des organismes publics, donc tout ministère, mais aussi les municipalités.

En 2009, il a été aussi adoptée la loi sur l'eau — je vais résumer le titre, là, la loi sur l'eau — qui fait d'un de ses quatre principes le principe de transparence et qui dit textuellement, donne à toute personne le droit d'avoir accès aux informations concernant les ressources en eau au Québec.

Donc, nous, ce qu'on s'attendait dans un rapport de mise en oeuvre de la Loi sur l'accès, c'est que ces événements-là devaient être minimalement traités, à savoir : Est-ce que ces changements-là ont changé quelque chose à l'accès à l'information, au Québec, pour les citoyens, pour les groupes environnementaux, pour les groupes de citoyens? Malheureusement, on n'aura pas de réponse dans le rapport quinquennal de cette année.

C'était aussi important pour nous parce qu'il faudrait peut-être le rappeler, le droit de l'environnement, au Québec, a joué un rôle précurseur sur la question de l'accès à l'information. La première fois qu'on a donné à un citoyen québécois le droit de demander à un organisme public de lui rendre des informations qu'il demandait, c'est en 1978, par la Loi sur la qualité de l'environnement, l'article 118.4, qui faisait en sorte… C'était quatre ans avant l'adoption de la Loi sur l'accès québécoise. Il n'y avait pas de loi sur l'accès au Canada — qui a été adoptée aussi 1982. C'était très novateur, en 1978, d'introduire ces mécanismes-là.

Et, par la même occasion, on a créé aussi un registre public. On parle beaucoup de gouvernement… «open government» et de distribution automatique de l'information. En 1978, on a créé l'article 118.5, le registreenvironnemental, qui obligeait et qui oblige toujours le ministère à rendre publics les demandes d'autorisation, les certificats d'autorisation. Et aujourd'hui, si vous allez voir l'article 118.5, vous allez voir, il y a 17 rubriques, là. Au fil des années, le législateur a cru bon rendre de plus en plus accessibles un certain nombre de documents. Par contre, si vous allez sur le site 118.5, n'essayez pas de cliquer sur le site pour avoir accès aux documents qui sont mentionnés, contrairement à ce qui existe en Ontario et en Colombie-Britannique. Ça, ça n'a pas besoin de changement législatif et réglementaire. On ne le fait pas. Ça avait d'ailleurs été dénoncé dans le dernier rapport du Commissaire au développement durable. Ça, ça pourrait être fait sans changement législatif, réglementaire.

Donc, un des points qui nous apparaît important d'apporter à votre attention, c'est que, de façon très paradoxale, la loi sur l'accès à l'information vient très souvent contrecarrer, depuis son adoption, les mécanismes particuliers qui avaient été adoptés en 1978 pour permettre l'accès à l'information environnementale à des citoyens, l'article 118.4, l'article 118.5. Et là on n'aura pas le temps d'embarquer dans les détails, mais le mémoire en fait... survole ça aussi. La thèse a 500 pages, elle va être éditée le mois prochain aux Éditions Yvon Blais. Il y a peut-être des gens parmi vous qui auront le temps de lire ça dans vos temps libres.

Mais donc il y a trois problèmes qui sont généraux, là, à l'application des lois, mais qui sont… dans ce cas-ci, qui nous apparaissent importants. Il y a un problème de texte de loi : le texte même de la loi sur l'accès à l'information, particulièrement l'ensemble des restrictions. Parce que l'article 9, son principe, il est très clair, là. Pour un citoyen normal, là, tout citoyen a droit aux documents détenus par un organisme public. Tu ne fais pas une thèse de doctorat, là-dessus, là, c'est clair et net.

Malheureusement, le texte des restrictions… Pour donner un exemple rapide, la restriction, l'article 23 sur les renseignements à caractère industriel, financier, technique, en 1982, quand ça a été adopté, il n'y a personne qui a pensé qu'une information de nature environnementale qui est demandée par un citoyen, ou un groupe de citoyens, ou un groupe environnemental… Une information environnementale, c'est très souvent de caractère industriel, financier, technique ou scientifique; c'est rarement une information à caractère culturel, une information de nature environnementale. En vertu du texte de l'article 23, il y a une quantité incroyable, il y a plus de 300 décisions de la Commission d'accès à l'information qui sont étudiées là-dedans, où les citoyens n'ont plus accès aux certificats d'autorisation, en vertu des restrictions de la Loi sur l'accès, autant 118.5, autant 118.4.

Le texte des restrictions, qui vous concerne particulièrement, les parlementaires — une minute — c'est les restrictions… puis, entre autres, les articles 37 à 39 sur les avis, les recommandations, c'est la même chose au niveau environnemental, on ne peut... Les citoyens… Il y a des grands débats publics qui se passent à l'heure actuelle — gaz de schiste, pétrole éventuellement, peu importe, stratégie énergétique — et on ne peut pas avoir accès à l'expertise payée, financée par les citoyens au sein des ministères, qui est une expertise compétente. Toutes les analyses, tous les avis qui sont préparés ne sont pas disponibles. Il y a seulement les avis du BAPE, les analyses du BAPE qui sont disponibles parce que c'est prévu textuellement dans la Loi sur la qualité de l'environnement. Parce que le même type d'analyse, de rapport qui n'est pas fait par le BAPE mais qui est fait par la Direction des services hydriques, par exemple, ne sera pas communicable en vertu des restrictions de la Loi sur l'accès.

Donc, le développement durable, pour revenir là-dessus et conclure, le développement durable, c'est aussi un changement parce que ce n'est pas seulement connaître la décision une fois qu'elle est prise, c'est participer à la prise de décision. C'est ça, le développement durable, puis c'est écrit dans la loi, et au niveau international aussi. Pour participer à la prise de décision, il faut connaître les avis, les recommandations qui sont faits par la fonction publique.

• (16 h 40) •

Le Président (M. Marsan) : Je vous remercie. Et nous allons immédiatement débuter la période d'échange. Et je vais donner la parole à M. le ministre responsable des Institutions démocratiques.

M. Drainville : Bien, d'abord, félicitations pour votre prix Jean-Charles-Bonenfant. Vous avez remporté le prix du ministère des Relations internationales également, je pense, n'est-ce pas? Mes sources sont bonnes, hein? Elles ont toujours été pas mal bonnes, mes sources. Je dis ça... manque un petit peu à l'humilité élémentaire, là.

Alors, sérieusement, je vous félicite pour votre mémoire. Je dirais que c'est... C'est un aspect qu'on n'a pas couvert jusqu'à maintenant, pour être bien franc avec vous. Si je vous demandais de nous résumer en une minute les deux ou trois choses qu'on ne peut pas faire avec la Loi d'accès présentement et qu'on pourrait faire si on appliquait les recommandations que vous nous suggérez, les deux ou trois choses, là, qu'il vous semble nécessaire de divulguer, les deux, trois choses auxquelles on devrait avoir accès, auxquelles on n'a pas accès et on l'aurait, cet accès-là, si on allait de l'avant avec les suggestions législatives que vous proposez.

M. Baril (Jean) : Juste spécifier que les propositions, nos constats, ils concernent l'environnement, mais pas seulement l'environnement. Par exemple, on parle beaucoup de transparence, le niveau de corruption, commission Charbonneau. C'est la même chose. Les avis, les recommandations d'un service d'urbanisme qui étaient défavorables au fait qu'on dézone un milieu humide pour permettre le développement d'un développement domiciliaire, si la population y avait accès avant la décision du maire de favoriser éventuellement ce développement-là, il pourrait y avoir des gens qui posent la question : M. le maire, pourquoi vous allez à l'encontre des recommandations de vos services spécialisés? C'est vrai au niveau environnemental. Il y a des projets qui sont mis de l'avant, et on sait particulièrement qu'il y a des différences, il y a différents services spécialisés qui sont remplis de gens compétents avec des diplômes, des biologistes, des... peu importe, et les citoyens ont besoin de cette contre-expertise-là.

Je vais faire le lien, entre autres, avec la question aussi des firmes de génie-conseil. Vous savez tous, le BAPE, le Bureau d'audiences publiques en environnement, sur les grands projets, l'étude d'impact, elle est préparée par le promoteur. La loi le prévoit ainsi, c'est correct. On se rend compte de plus en plus... Par exemple, le projet la Romaine, 8,5 milliards de dollars, les études d'impact du projet la Romaine pour les audiences du BAPE ont été faites par les firmes de génie-conseil, tout le temps les mêmes, Genivar, Dessau, Cima+, Soprin, etc., les mêmes firmes de génie-conseil qui vont éventuellement, si le projet est approuvé, construire. Où est l'expertise citoyenne, là, la façon de développer une contre-expertise citoyenne qui… La seule façon de l'avoir, c'est celle qui est développée à l'intérieur des ministères pour les audiences, mais qui n'est pas accessible et qu'en vertu de ce qui est écrit dans les articles 37, 38, 39 ne sera rendue accessible qu'une fois la décision prise.

Donc, tantôt, les différents intervenants… Parce que j'ai suivi vos travaux sur Internet. Il y a plein de gens qui sont venus vous dire — orphelins de Duplessis, M. Roy, les journalistes : Si on veut participer de façon intelligente puis développer une contre-expertise, il faut avoir accès au maximum d'information. Je ne dis pas nécessairement que tout est divulgué. Il y a toujours des restrictions qui vont devoir rester, mais, à l'heure actuelle dans notre Loi sur l'accès, c'est les restrictions qui ont pris toute la place. Donc, on n'est pas capable d'avoir les avis spécialisés, on n'est pas capable même d'avoir les autorisations, les conditions d'autorisation. En 1978, on a donné un droit à tous les citoyens — l'article 19.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement, qui était précurseur — de prendre une injonction pour faire respecter les conditions d'autorisation des projets.

Donc, pour faire respecter les conditions d'autorisation des projets, il faut que vous soyez au courant des conditions d'autorisation des projets. Je dois vous dire que, dans la grande majorité des cas, à cause des décisions de la Commission d'accès à l'information, à cause comment sont libellés les articles 23, 24 sur les tiers, on n'a pas accès aux conditions d'autorisation. Parce que si, dans le certificat d'autorisation qui est délivré par le gouvernement ou le ministère — vous en avez souvent vu, vous êtes des législateurs — on fait référence, on dit...

Par exemple — un exemple concret — sur la rivière Magpie, sur la Côte-Nord, on disait : Le débit réservé, qui est la quantité d'eau qui devait... que le promoteur doit laisser circuler dans son barrage, c'est selon la lettre qui nous a été envoyée par le directeur général de la compagnie X. Bon. Ça fait que, là, on a un certificat d'autorisation, on l'a, la lettre de deux, trois pages, puis, même si, à la fin du certificat d'autorisation, ça dit : Tous les documents mentionnés font partie intégrante du certificat d'autorisation, on n'a pas, en vertu de la décision, d'accès aux documents des tiers. Donc, il n'y a personne... Il y a eu des audiences du BAPE sur ces projets-là, il y avait eu des engagements publics du promoteur, il y avait eu des recommandations du BAPE dans son rapport sur... il y a eu un décret d'autorisation publié à la Gazette officielle, puis encore aujourd'hui Fondation Rivières ni personne ne peut savoir quel est le débit réservé qui a été accordé, à cause de l'article 23, 24. Donc, c'est des exemples, là.

M. Drainville : À cause de l'article 23, 24, parce que la divulgation pourrait...

M. Baril (Jean) : Parce que ça dit que c'est un document qui a été fourni par un tiers. Parce que c'est sûr que la lettre du monsieur sur les débits réservés, c'est un document qui a été fourni par un tiers, parce que, dans le domaine de l'environnement, le ministère de l'Environnement, ce n'est pas un promoteur. La majorité des documents qui sont dans les mains du ministère de l'Environnement, ils viennent de promoteurs, de gens qui, pour demander une autorisation, un permis, une subvention quelconque, ils sont obligés de fournir des renseignements.

Ces renseignements-là, comme ils sont fournis par un tiers et que, le tiers — les critères qui ont été établis à partir du texte de 23, 24 — si lui, il dit : Bien, moi, là, c'est traité confidentiel, j'ai mis le sceau confidentiel là-dessus, puis, le soir, c'est fermé dans une armoire à clé, c'est confidentiel, et le ministère de l'Environnement n'a aucune latitude, là. Ce n'est pas comme les autres restrictions que le ministère peut divulguer. 23, 24, c'est restrictif : il n'a pas le droit de divulguer, il ne se pose même pas la question. Sur les gaz de schiste, là, qui étaient un débat fondamental, on a fait une demande d'accès à l'information qui a duré presque trois ans avant que les entreprises acceptent de divulguer la liste des produits utilisés.

M. Drainville : Alors, quelle est la solution que vous proposez à ça?

M. Baril (Jean) : C'est de réécrire l'ensemble des restrictions et de faire en sorte... Vous avez parlé, il y a 15 jours, de peut-être une déclaration de la première ministre. Moi, je pense que ça prend une déclaration de l'Assemblée nationale, qui… un peu comme le président Obama a fait. Son premier geste juridique quand il est rentré au pouvoir, en 2009, ça a été un «executive order», en disant : La présomption, c'est la divulgation; l'exception — parce qu'il va toujours y en avoir — c'est les restrictions à l'information. À l'heure actuelle, ce n'est pas ça qui se passe.

Et, quand tantôt, je parlais du texte de loi, bien il y a un problème d'application. Par exemple, le registre public, là, le registre public de 118.5, on peut régler ça demain matin. À l'exemple de d'autres juridictions au Canada ou ailleurs, l'accès au certificat d'autorisation, il se fait par un simple lien Internet. Je ferai remarquer que le ministère del'Environnement reçoit, en moyenne, 13 000 demandes d'accès à l'information par année. C'est énorme, là, en termes de temps puis d'énergie qui se gaspillent là-dedans, quand, si vous aviez... Vous cliquez dessus, le certificat d'autorisation, vous l'avez. Mais là vous voyez qu'il existe parce que c'est écrit «date d'émission», «date de demande», «date d'émission», «nom du demandeur» puis «objet». C'est tout ce que vous savez. Là, vous êtes obligé de faire une demande d'accès, avec les délais, avec tout ce que ça signifie. Donc, ça, c'est un exemple de gouvernement ouvert, de transparence puis qui favoriserait une participation publique plus intelligente au débat.

M. Drainville : Où est-ce que vous tirez la ligne, vous, là, là? Est-ce que vous êtes en train de dire que, dans... Enfin, c'est des tiers qui fournissent l'information, qui ont préparé l'information, qui l'ont soumise, cette information-là. Où est-ce que vous tirez la ligne, là, si... Parce que c'est ce que vous proposez. Vous proposez un changement législatif. Vous remettez en cause la définition de «secret industriel» notamment, puis la nature confidentielle aussi, là. Mais où est-ce que vous tirez la ligne entre ce qui devrait être divulgué, dévoilé dans une éventuelle nouvelle mouture de la Loi d'accès et ce qui pourrait rester confidentiel? Vous avez réfléchi à ça, j'imagine.

M. Baril (Jean) : Si on regarde, par exemple, au Québec comme au Canada, il n'y a pas de définition de «secret industriel» dans aucune loi. C'est des définitions qui se sont bâties au fil des décisions des tribunaux. Il y a une convention internationale très importante sur ces questions-là, qui s'appelle — elle a un grand nom, là — convention sur l'accès à l'information, la participation du public et l'accès à la justice en matière d'environnement, qui a une définition de «secret industriel».

Le New Jersey voisin, l'État du New Jersey, le secret industriel est respecté tant et aussi longtemps qu'il est en usine. À partir du moment qu'il sort dans l'environnement, il perd toute protection. Ça oblige les promoteurs... Puis je ne pense pas que le New Jersey est tombé en faillite. Le capitalisme continue là pareil. Mais ça oblige les promoteurs à prendre les moyens, à mettre les filtres qu'il faut, à prendre des moyens techniques, technologiques pour empêcher que leurs supposés secrets industriels...

Parce que c'est une notion tellement vaste que le dernier rapport du Commissaire à l'information au Canada dénonçait cette question-là, que lui, dans toute sa carrière, il avait vu des milliers et des milliers de documents puis il dit : Si j'ai vu une fois ou deux des véritables secrets industriels, c'est beau. Mais il dit : Mes fonctionnaires, d'un clignement d'oeil, acceptent la revendication de secret industriel. Le secret industriel, c'est sûr que ça doit avoir un traitement particulier, mais il faut le définir, et on ne peut pas accepter que tout soit du secret industriel.

• (16 h 50) •

Juridiquement, l'air et l'eau sont des choses communes dans notre système juridique, puis, en 2009, on a fait de l'eau un patrimoine commun de la nation. Comment ça se fait que les informations sur l'eau, sur l'air pourraient être appropriées au nom du secret industriel quand on a dit que c'est des choses communes qui nous appartiennent à tous, qui appartiennent au patrimoine commun de la nation? On ne dit pas : Il faut absolument abolir tout, mais on dit : L'expérience de 30 années — parce que depuis 1982 — sur ces restrictions-là fait en sorte qu'au niveau environnemental, là, c'est très clair, et on parlait de cynisme tantôt, les citoyens, les groupes de citoyens, les groupes environnementaux ne croient plus à la Loi sur l'accès ni à la Commission d'accès à l'information.

Le Président (M. Marsan) : Je vous remercie. Nous allons poursuivre cette période d'échange, et je vais donner la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé. Madame.

Mme de Santis : Merci beaucoup, M. le Président. Félicitations pour les prix que votre thèse électorale a bien reçus pour, je présume, la qualité. J'aimerais savoir si c'est possible d'avoir copie de votre thèse ou il faut attendre que vous allez la publier. Je vois que vous nous avez remis la table des matières, mais ça, ça ne me dit pas beaucoup.

M. Baril (Jean) : J'ai remis ça en vous écoutant, il y a 15 jours, parce que vous avez eu un échange, par exemple, sur les standards internationaux, puis, bon, dans notre mémoire, on n'a pas parlé de ça. Et je me suis dit : Bon, je vais leur remettre, parce que la table des matières peut vous donner des indications qu'il y a peut-être différents sujets que vous pensez qui peuvent être traités là-dedans. Lire une thèse, je ne souhaite pas ça à tout le monde. Mais, oui, elle va être publiée, mais elle est déjà disponible sur le site de la bibliothèque de l'Université Laval. Mais elle va être publiée, comme j'ai dit, aux Éditions Yvon Blais, là, mais ça ne fera pas un best-seller.

Mme de Santis : Disponible sur le site de l'Université Laval.

M. Baril (Jean) : Oui.

Mme de Santis : Merci beaucoup. Que pensez-vous du règlement sur la divulgation automatique? Je présume que vous croyez que ça devrait être bonifié. Et, si oui, comment?

M. Baril (Jean) : Bon, je suis content que vous me posiez cette question-là parce que c'est une des principales recommandations du rapport de la commission pour améliorer l'accès à l'information. J'ai fait une petite recherche parce qu'entre autres ce règlement-là, il contient toujours que les ministères, les organismes publics doivent mettre à la disposition du public, sans qu'on en fasse la demande, les demandes d'accès à l'information qu'ils ont reçues et qui ont un caractère d'intérêt public.

Si vous allez voir aujourd'hui sur le site du Bureau d'audiences publiques en environnement, en vertu du règlement, il y a zéro document qui n'a jamais été publié là-dessus. Si vous allez sur le site du ministère de l'Environnement, Développement durable, Faune et Parcs — il change souvent de nom — il y en a quatre depuis 2008, il n'y en a pas eu en 2012. Si vous allez sur le ministère des Ressources naturelles, il y a une demande d'accès à l'information qui a été jugée d'avoir de l'intérêt public.

Donc, moi, qu'on assujettisse quelque chose qui fonctionne, à mon avis, très peu… Parce que, que lesorganigrammes des organismes publics soient disponibles, c'est comme un minimum, là, en 2013. Mais que les demandes d'accès qui leur sont envoyées, et ils en reçoivent beaucoup, qu'ils en considèrent si peu d'intérêt public pour les diffuser en vertu du règlement, ça montre qu'ils n'ont pas une grosse vocation à divulguer l'information.

Et, un exemple concret, nous, encore là, le CQDE, on a fait une demande d'accès à l'information au ministère de l'Environnement sur les fameux produits chimiques utilisés par l'industrie des gaz de schiste que les entreprises, au bout de deux ans et demi, ont divulgués. C'était certainement une question d'intérêt public, ça l'est encore, on est dans un processus d'évaluation environnementale stratégique sur les gaz de schiste, et il va y avoir un Bureau d'audiences publiques en environnement en 2014 là-dessus. Alors, n'essayez pas de trouver ça sur le site du ministère de l'Environnement. Vous devez venir sur le site du CQDE, qui, bénévolement, on a essayé de recoller toutes les informations qu'on a reçues des entreprises au fur et à mesure quand normalement c'est très clairement, à notre avis, une demande d'accès à l'information qui revêt un intérêt public et qui devait, en vertu du règlement, être publiée.

Donc, l'élargissement, assujettir plus d'organismes à ce règlement-là, on ne peut pas être contre, mais ça aurait été bien, dans un rapport de mise en oeuvre, qu'on fasse le bilan : Depuis 2008, est-ce que ça a vraiment donné des résultats, ce règlement-là? Est-ce que les changements — tantôt, j'ai mentionné d'autres changements — est-ce qu'ils ont donné les résultats avant de dire : On va l'élargir, la portée du règlement? À notre avis, en tout cas, du point de vue environnemental, sur les ministères concernés, ça n'a pas facilité l'accès à l'information.

Mme de Santis : D'après vous, est-ce c'est qu'il y a une réticence par le ministère de fournir ces renseignements-là, même s'ils sont, dans certains cas, obligés de les divulguer?

M. Baril (Jean) : C'est clair. Ça, ce n'est pas particulier au Québec, là. La tradition de secret dans lesadministrations publiques, dans le parlementarisme britannique, entre autres, c'est quelque chose qui date de centaines d'années et qui ne va pas se transformer du jour au lendemain. Le Québec, en 1982, quand on a adopté notre Loi sur l'accès, on a fait un grand pas en avant, on était parmi les précurseurs. En 1989, sur la planète, il y avait 13 États qui avaient des lois sur l'accès à l'information. C'est à partir de la chute des régimes communistes, de la fin des dictatures d'Amérique du Sud qu'aujourd'hui on a près d'une centaine d'États qui ont des lois sur l'accès. À l'époque, il y a 30 ans, on était d'avant-garde. On n'a pas bougé, on n'est plus d'avant-garde. Si on regarde les standards internationaux, si on regarde ce qui est mis de l'avant puis si on regarde l'expérience réelle, concrète des citoyens dans différents domaines avec notre Loi sur l'accès, elle a besoin d'une sérieuse réforme.

Mme de Santis : Vous recommandez que les avis, les recommandations et les analyses en matière d'environnement soient rendus publics avant qu'une décision ne soit prise. Vous êtes les premiers à suggérer une telle approche. Tous ceux qui demandent que la restriction sur la divulgation des avis et des recommandations soit modifiée plaident pour que le libellé actuel de l'article qui permet de refuser de le divulguer pendant un délai de 10 ans soit changé pour que les avis, les recommandations soient divulgués en réponse à une demande d'accès après qu'une décision a été rendue. Vous, vous demandez que cette divulgation soit faite avant que la décision se prenne. Est-ce qu'il y a une juridiction ailleurs, au Canada ou dans le monde, où c'est le cas? Et...

Une voix : Oui.

Mme de Santis : O.K. Et est-ce qu'il y a des lois d'accès qui ont des dispositions qui vont dans ce sens-là?

M. Baril (Jean) : Certainement. De plus en plus. Par exemple, en vertu de la convention que j'ai mentionnée tantôt sur… ce qu'on appelle, pour résumer, la convention d'Aarhus, là, la ville où est-ce que ça a été signé, la convention sur l'accès à l'information qui a été ratifiée par l'Union européenne, il y a plus d'une trentaine de pays européens qui… Et là les détails… parce que chaque pays ajuste un peu, fignole, là. Mais les avis, les recommandations sur des sujets précis doivent être divulgués avant la décision parce que — le développement durable, dans Rio, 1992 — c'est que les citoyens doivent participer, au même titre que les décideurs, que les entreprises, que les milieux sociaux, que les milieux économiques, à la prise décision. Comment voulez-vous participer si l'expertise… Parce que n'importe quel citoyen ordinaire... j'en suis un aussi, là, il y a plein de débats que je vois, je ne connais rien dans ces domaines-là, mais je sais pertinemment qu'au sein des ministères il y a des gens qui connaissent très bien ça et qui font des avis documentés. Je voudrais les avoir pour vérifier si ce qui m'est dit par l'avis documenté du promoteur — parce que c'est la seule autre source — est-ce que ça se tient, est-ce que c'est véridique et que je puisse faire un débat public avec l'ensemble des faits.

Donc, oui, au niveau environnemental, ça saute aux yeux qu'il faut absolument avoir ça. À mon avis, ce n'est pas juste au niveau environnemental, comme je disais tantôt, même au niveau de la transparence, les avis internes dans les municipalités, ça devrait être connu, et puis ça allumerait peut-être des petits signaux «wake-up call» sur ce qui est en train de se passer.

Mme de Santis : Combien de temps il reste?

Le Président (M. Marsan) : 5 minutes.

Mme de Santis : O.K. Alors...

Le Président (M. Marsan) : Mme la députée de l'Acadie.

Mme de Santis : Merci.

Mme St-Pierre : Merci et bravo. Moi aussi, je joins ma voix à mes collègues pour vous féliciter pour vos prix. On pourrait vous entendre, je pense, pendant plusieurs heures, ça serait fort intéressant. Je me demande, avec tout ce que vous nous dites, je vous écoute, là, depuis tout à l'heure, un peu bouche bée, mais je me dis : Les groupes de pression, là, ils prennent où leur information pour être contre…

M. Baril (Jean) : Malheureusement...

Mme St-Pierre : …d'à peu près tout, là?

M. Baril (Jean) : Malheureusement...

Mme St-Pierre : Ils se basent sur des choses qui sont...

M. Baril (Jean) : Malheureusement, et je suis obligé de l'admettre...

Mme St-Pierre : …erronées, qui n'existent pas?

M. Baril (Jean) : …ça fait partie des lacunes. Et ça, collectivement, on en souffre tous, là. Moi, je me considère comme un écologiste, comme un environnementaliste, mais je vois des débats qui... Il y a des discours… Je reprends l'exemple des gaz de schiste. On a des discours des deux bords. On avait un discours lunettes roses : Les produits qui sont utilisés, vous les avez en dessous de votre évier — je ne nommerai pas de nom — ce n'est pas pire qu'un pet de vache. Les renseignements qu'on a obtenus, ils ne montrent pas ça du tout. Si ça avait été connu au moment où on l'a fait, là, en octobre 2010, avant les audiences du BAPE… Parce qu'on a fait notre demande pour que ces renseignements-là soient justement débattus intelligemment. Mais on avait leur contrepartie : les discours de fin du monde. À soir, on fait peur au monde. Bon.

Et donc comment on peut remédier à ça? À mon avis, c'est en rendant public et en étant de plus en plus transparent, parce que, comme j'ai dit… Et moi, je travaille sur l'évaluation environnementale stratégique des gaz de schiste. Ce matin, j'étais au ministère de l'Environnement pour déposer un autre rapport, là, sur les recommandations législatives, sur l'encadrement de cette industrie-là. Et, dans les recommandations… Et c'est ce qui se fait ailleurs sur ces questions-là, parce que les débats sont les mêmes partout, là, on n'inventera rien, là. Les gaz de schiste, par exemple, c'est les mêmes débats. Ils sont vrais en Colombie-Britannique, ils sont vrais en Pennsylvanie, mais la quantité d'information qui est disponible, elle varie énormément. Donc, nous, on peut améliorer ça.

• (17 heures) •

Mme St-Pierre : Le président Obama s'est quand même fait réélire là-dessus, là, sur les avantages... Une partie de sa réélection, c'est sur les avantages du développement du gaz de schiste. Mais, moi, c'est vraiment…je suis vraiment étonnée et même inquiète, un peu comme ce que vous venez de le dire : À soir, on fait peur au monde. Alors, ça veut dire que les groupes de pression, les gens, là, qui s'investissent là-dedans se basent sur de l'information... ils n'ont pas d'information, ils imaginent l'information, ou ils finissent par en avoir?

M. Baril (Jean) : Bien, je veux dire...

Mme St-Pierre : Comment on peut leur donner, à la télévision, des heures, et des heures, et des heures d'antenne, si ce que vous nous dites... Enfin, vous avez écrit une thèse de 500 pages pour dire qu'il n'y a rien d'accessible. Expliquez-moi ça, là.

M. Baril (Jean) : Bien, il n'y a rien d'accessible en vertu de notre Loi sur l'accès, mais il y a des problématiques environnementales qu'il y a plein d'information qui circule ailleurs. Avec Internet aujourd'hui, puis ça, on n'y pourra pas, personne, là… c'est facile, tu mets des mots clés puis tu peux aller voir les études. Par exemple, l'évaluation environnementale stratégique de New York porte sur exactement les mêmes problématiques que nous autres. Il y a eu des études scientifiques beaucoup plus développées que les nôtres. Et, à partir de ça, il y a des gens qui peuvent se faire une opinion en disant : Ce n'est pas bon… puis, je veux dire, tu peux partir. Ce n'est pas parce que notre Loi sur l'accès ne fonctionne pas, surtout avec Internet, que les gens ne peuvent pas être informés et que les gens ne peuvent pas prendre des positions qui, si elles ne font pas notre affaire, peuvent être informés. Mais l'information qu'ils ont, elle ne vient sûrement pas en vertu des mécanismes d'accès à l'information québécois.

Mme St-Pierre : Ce que vous nous dites, c'est que l'information n'est pas complète, elle est parcellaire.

J'aurais une autre question — c'est ma dernière, peut-être que mon collègue va avoir des questions : Si, dans le domaine de l'environnement et du développement durable, on retrouve ces lacunes-là d'accès à l'information, il y a quand même... il y a certainement d'autres secteurs. Je comprends que votre spécialité, c'est l'environnement. Mais est-ce qu'il y a d'autres secteurs où c'est la même chose, que c'est toujours un blocage à cause du caractère industriel? Je pense à l'agriculture, par exemple, ça peut être aussi un autre secteur, le secteur minier, qui ne sont pas nécessairement des choses environnementales mais qui sont sur d'autres sujets, d'autres affaires, d'autres...

M. Baril (Jean) : Bien, effectivement, parce que c'est pour ça que, bon, c'est sûr qu'on parle… comme exemples concrets, on amène des exemples concrets vécus dans la question de l'environnement, mais, quand on lit les décisions de la Commission d'accès à l'information sur les ressources naturelles, que ce soit la forêt, que ce soit l'agriculture, que ça soit sur les questions municipales, c'est les mêmes restrictions qui s'appliquent, là. C'est soit, si c'est un document qui vient d'un tiers, on dit non parce que, si le tiers dit non, c'est un veto, peu importe, là, qu'on peut être en désaccord ou en accord; et, si c'est une recommandation, peu importe d'où elle vient, là c'est à la discrétion de l'administration. Si vous êtes, donc... Si c'est une information qui vous est favorable à vos idées politiques, vous dites oui, puis, si ce n'est pas favorable, bien vous êtes tenté de dire non. C'est un des problèmes de la discrétion...

Le Président (M. Marsan) : Je vous remercie. Ceci termine la période d'échange avec l'opposition officielle. Le deuxième groupe d'opposition, et je vais donner la parole à M. le député de Lévis.

M. Dubé : Bien, écoutez, je me rallie non seulement à mes collègues, mais je vous félicite pour ce que vous avez eu. J'espère que vous n'aurez pas à sacrifier votre médaille pour un projet de loi. Je pense que vous aurez tout le mérite de garder votre médaille puis d'avoir un projet de loi. Je vous dis ça, là. Vous l'avez dit tout à l'heure, mais on ne vous en tiendra pas rigueur si vous gardez votre médaille.

J'aimerais rapidement vous demander... Vous avez parlé un petit peu tout à l'heure de l'Europe, puis là je vous ai perdu. C'est parce que c'est assez impressionnant, ce que vous avez dit. Mais je ne suis pas certain que j'ai tout retenu exactement chaque mot. Si je vous demandais s'il y a un pays ou une région qui a l'ensemble de ces meilleures pratiques là dans sa loi — vous avez parlé tout à l'heure de ce qui se faisait en Europe — si j'avais à vous le demander, rapidement, là, ce serait quoi, votre modèle?

M. Baril (Jean) : Il n'y en aurait pas. Il n'y a pas une place… Ce n'est pas tout blanc, tout noir, puis il y a un beau pays où tout va bien puis un autre pays où tout va... Mais il y a…

M. Dubé : ...sur une échelle de 10, là.

M. Baril (Jean) : Sur différents points, il y a des pays qui sont plus à l'avant-garde puis, par contre, sur d'autres, ils vont l'être moins.

M. Dubé : Dans les pays scandinaves ou dans...

M. Baril (Jean) : Les pays scandinaves faisaient partie de la première vague d'accès à l'information environnementale, mais, comme beaucoup de pays occidentaux, se sont un peu assis sur leurs lauriers. C'est un peu paradoxal, mais les endroits où on a favorisé, dans les lois les plus récentes, le maximum d'information, c'est les endroits où on avait souffert de la dictature,  les pays de l'Est et les pays latino-américains.

M. Dubé : Tout à l'heure, vous avez... moi, en tout cas, vous m'avez surpris. Puis je fais le lien avec une autre présentation qu'on a eue d'un journaliste qui nous avait parlé de certains problèmes à avoir de l'information au niveau municipal. Le commentaire que vous faites, est-ce qu'il s'applique autant au municipal qu'au provincial, ou il y aurait des...

M. Baril (Jean) : Il s'applique autant au niveau municipal, sinon plus, parce que, les municipalités étant petites, souvent, tu connais le demandeur d'accès, puis il y a déjà une espèce de...

M. Dubé : C'est parce que vous avez dit tout à l'heure que vous aviez...

M. Baril (Jean) : ...de tamisage de réponses qui peut se faire, tamisage qui existe au niveau fédéral. Le rapport du juge Gomery l'avait bien mentionné, là, dépendant qui fait la demande, il y avait déjà des logiciels… Ça, quand c'est gros, tu peux le faire par logiciel, puis, quand c'est petit, c'est assez facile de le faire parce que tu sais qui est en train de te faire la demande puis tu as une idée de ce que peut-être il ferait avec ce résultat-là.

M. Dubé : Puis dernière sous-question — parce que j'en aurais plusieurs autres. Le développement durable, il y a un volet social, il y a un volet environnement puis il y a un volet économique. Les études dont vous parlez, est-ce que vous demandez que ce soit également disponible sur les trois aspects, incluant l'économique? Parce que, là, j'essaie de voir comment des fois, lorsqu'on rentre dans l'économique, comment c'est un petit peu plus stratégique. Parce que je vois que vous avez écouté d'autres commissions, d'autres mémoires qu'on a entendus, je voudrais vous entendre sur l'aspect économique des études.

M. Baril (Jean) : Bien, très rapidement. À Québec, il y a 15 jours, il y avait M. Joseph Stiglitz, qui est l'ancien président de la Banque mondiale, qui a écrit beaucoup sur la question du «open access» au niveau économique. Parce que, lui, ce qu'il dit, c'est «levelling the playing field», c'est que tout le monde, toutes les entreprises devraient avoir le même accès à l'information. Et là c'est les meilleurs, dans la théorie libérale, c'est les meilleurs qui vont survivre. Et donc, lui, il défend l'idée que toutes les exemptions commerciales qu'on retrouve très fréquemment dans les premières législations de droit sur l'accès devraient être écartées aujourd'hui. Il va en rester quelques-unes. Si vous avez une définition du secret industriel, le brevet va rester, il y a plein de choses qui vont rester, mais l'idée générale, défendue même par les gens des secteurs économiques, Banque mondiale, OCDE, c'est de libéraliser l'accès aux informations.

M. Dubé : Donc, le principe que vous confirmez… en tout cas, que vous avez référé tout à l'heure, que l'essentiel devrait être disponible puis l'exception devait être la… Je dirais, la confidentialité devrait être l'exception, vous dites que ça s'applique aussi au niveau économique, si je vous comprends.

M. Baril (Jean) : Oui. Vous aviez dit, vous aviez tout à fait raison, il y a 15 jours, que c'est l'interprétation large et libérale des droits qui sont... le droit, à l'article 9, qui devrait être la règle, et que c'est une interprétation restrictive des exceptions, là, ça ne devrait pas... Tandis qu'aujourd'hui dans ma tête, je dis, à un moment donné, qu'on devrait changer le nom de la loi pour la loi sur comment empêcher l'accès à l'information et la protection des renseignements commerciaux.

M. Dubé : Mais, s'il me reste à peu près 50 secondes, rapidement, je voudrais vous entendre sur ce modèle-là que vous avez dit tout à l'heure. Est-ce que vous pensez qu'étant donné l'ouverture qu'on sent du gouvernement en ce moment, de dire : O.K., on avait un problème d'accès à l'information, mais la gouvernance de l'information... Est-ce que vous en traitez? Je regardais votre thèse : là-dedans, vous en parlez un peu, de la gouvernance de l'information sur l'environnement.

M. Baril (Jean) : Qu'est-ce que vous appelez de la... Parce qu'il y a des débats sur le terme «gouvernance», là. Mais qu'est-ce que vous appelez par...

M. Dubé : Oui. Bien, je voudrais vous entendre... Parce qu'on a dit que c'était peut-être un principe de base, là, ce qu'on vient de dire. Est-ce que vous voyez ça comme... ou on devrait continuer d'aller essayer de faire nos améliorations dans l'accès à l'information ou de prendre ça à part puis de traiter la gouvernance, de façon générale, de l'information?

Le Président (M. Marsan) : Vous avez le mot de la fin, Me Baril.  C'est parce que...

M. Baril (Jean) : Oui. Bien, moi, je pense que, oui, l'accès à l'information fait partie de ça et qu'il faut changer, libéraliser la loi, là, mais ce n'est pas seulement par la Loi sur l'accès que ça va se passer, mais les modifications à la Loi sur l'accès font partie de ce mouvement de transparence là.

Le Président (M. Marsan) : Alors, Me Baril, à mon tour de vous féliciter pour ce prix d'excellence, de vous remercier également, vous et Me Desjardins, de nous avoir présenté le point de vue du Centre québécois du droit de l'environnement.

J'inviterais maintenant les représentants de l'Association sur l'accès et la protection de l'information à venir se présenter à notre table.

Et je vais suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 8)

(Reprise à 17 h 10)

Le Président (M. Marsan) : Alors, nous reprenons nos travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir les représentants de l'Association sur l'accès et la protection de l'information. Et je vais d'abord donner la parole à M. Alexandre Chabot et vous demander de vous présenter et de présenter la personne qui vous accompagne. Et vous avez une dizaine de minutes pour nous faire la présentation de votre point de vue sur le sujet.

Association sur l'accès et la
protection de l'information (AAPI)

M. Chabot (Alexandre) : À tout seigneur, tout honneur. Vous me permettrez de passer la parole à Mme Hélène David, c'est la présidente de notre association.

Le Président (M. Marsan) : Parfait.

Mme David (Hélène) : Alors, bonjour. Merci de nous recevoir. Alors, je suis la présidente de l'Association pour l'accès et la protection de l'information, l'AAPI, mieux connue sous le sigle AAPI. Je suis avocate de formation, je suis conseillère d'affaires juridiques et responsable de l'accès et de la protection de l'information pour mon organisme, la Société québécoise d'information juridique, plus connue sous le nom de SOQUIJ. J'ai avec moi M. Alexandre Chabot, qui est… Chabot — excuse, Alexandre — vice-président de l'association, de l'AAPI, et secrétaire général de l'Université de Montréal... de l'Université de Montréal. Voilà.

Alors, l'AAPI, c'est un organisme à but lucratif qui a été fondé en 1991, qui a pour mission de favoriser le développement et la compétence en accès à l'information et en protection de renseignements personnels. Nous avons environ 500 membres, soit à titre de membres individuels ou comme employés de nos membres corporatifs. Les membres sont principalement des intervenants en accès à l'information et en protection des renseignements personnels, des juristes, des gestionnaires et des archivistes. Nos membres proviennent de différents milieux, milieu municipal, de l'éducation, secteur de la santé et services sociaux, du secteur privé, mais surtout du secteur gouvernemental.

Je vais laisser mon confrère Alexandre vous présenter les grandes lignes de notre mémoire.

M. Chabot (Alexandre) : Très rapidement. Je ne couvrirai pas tous les aspects, compte tenu du peu de temps qu'on a. Et, vous me permettrez, pour avoir suivi vos travaux, je sais que vous avez entendu beaucoup parler d'accès et de gouvernement ouvert et je voudrais peut-être insister davantage sur le volet protection des renseignements personnels parce que c'est un défi très important à l'ère du numérique et de l'infonuagique et des nouvelles technologies.

D'abord, cependant, je voudrais mentionner — on le mentionne dans le mémoire — le rôle... rappeler le rôle des responsables d'accès et de protection des renseignements personnels dans les organismes et dans les ministères. Peu importent les choix que vous ferez comme législateurs, ça appellera un changement de culture dans nos organisations, et nous croyons que les responsables d'accès et de protection — parce que souvent on a tendance à leur accoler juste l'étiquette «d'accès» parce que c'est ce qui est le plus visible, mais nous sommes aussi responsables de la protection des renseignements personnels — c'est beaucoup plus que des gens justement qui répondent aux questions... aux demandes des journalistes ou aux demandes d'accès, et ça peut être des acteurs de changement. Et, peu importent les choix qui seront faits par le législateur, nous croyons que ces personnes peuvent jouer un rôle clé dans la mise en oeuvre des virages que nous avons à prendre tant au niveau de l'accès que de la protection des renseignements personnels.

Protection des renseignements personnels. Évidemment, je le mentionnais tout à l'heure, dans l'enjeu du numérique, de l'infonuagique, des logiciels qui gèrent les données de façon intégrée, c'est un défi criant, défi dont on parle peu mais qui va bien au-delà du simple vol d'identité, qui est peut-être le volet le plus visible, et défi qui n'est pas sans menace. Certains intervenants parlaient — je fais le parallèle avec le gouvernement ouvert — de risques pour la démocratie. Bien, au niveau de la protection des renseignements, pour le citoyen il y a des défis. Et je pense que, comme État, comme société, on doit se poser ces questions-là.

Je vous donne simplement l'exemple qui a été publié récemment au niveau de profilage. Les chercheurs de l'Université de Cambridge, juste avec les données Facebook — où, vous savez, dans Facebook, on peut cliquer «j'aime» ci, ça, ça — ils ont réussi à faire des profilages des individus en fonction des réponses données, et des profilages fiables à 80 %, 85 %, 90 %, où, selon les réponses fournies, ils étaient capables de déterminer le sexe, l'orientation sexuelle, le niveau de revenu, l'origine ethnique, et tout ça. Et donc tout ça pour dire qu'au-delà du renseignement personnel la donnée comme telle est aussi source de certains pièges pour nos citoyens et qu'il faut s'en préoccuper.

Ça appelle aussi un défi au niveau de la formation, de l'éducation d'abord, de l'éducation des jeunes notamment, parce qu'au niveau des médias sociaux… je parlais de Facebook tout à l'heure, mais aussi un défi dans nos organisations, défi de formation. Et malheureusement il y a peu de fonds, il y a peu de ressources pour ces formations-là, pour la formation des gens tant au niveau scolaire que dans les organisations comme telles, et là aussi on pourra y revenir avec vos questions, mais il y aurait beaucoup à faire.

La protection des renseignements personnels à l'ère du numérique appelle également, évidemment, certaines normes, certaines réglementations au niveau des logiciels et des outils. Et, comme on parle d'un environnement numérique qui est de plus en plus ouvert, nous croyons que le gouvernement du Québec ne peut pas faire cavalier seul et qu'il y aura nécessité inévitablement que certaines normes soient faites en concertation avec d'autres législations, que ce soient d'autres provinces, d'autres États américains, de sorte que les fournisseurs de logiciels, les fournisseurs de solutions numériques puissent arriver avec des produits qui seront, entre guillemets, standardisés. Parce que, malheureusement, la taille du marché québécois n'est pas suffisamment intéressante pour eux et nous craignons que, si le Québec cherche à être trop, trop spécifique sur certaines mesures de sécurité, par exemple, bien il y a un coût supplémentaire à l'adaptation des plateformes logicielles qui sont développées par les grands fournisseurs informatiques.

Je reviendrais également sur le rôle des responsables d'accès dans l'entreprise privée. La CAI, et nous souscrivons tout à fait à ces recommandations-là, dans sa série de recommandations suggère que  l'entreprise privée... qu'on permette au privé de désigner des responsables d'accès. Bien, avec justement tout ce défi de la protection des renseignements personnels à l'ère du numérique et d'essayer de protéger l'identité, bien on croit qu'effectivement la désignation de responsables dans le secteur privé est un élément intéressant et pourrait contribuer aussi à développer des communautés de bonnes pratiques, parce qu'au-delà de la législation les technologies évoluent tellement vite. Et c'est un peu aussi ce que fait l'AAPI, c'est-à-dire de permettre aux responsables, chacun dans leur milieu, de mettre en commun des communautés de bonnes pratiques et de développer à cet égard des pratiques innovantes tant dans le secteur privé que dans le secteur public.

Autre élément — j'y vais très, très rapidement — soulevé dans le rapport et sur lequel on voulait revenirrelativement — toujours en lien avec la protection des renseignements — aux divulgations des failles de sécurité. Comme certains groupes qui ont comparu devant vous... Évidemment, on souscrit tous au fait qu'il faut gérer les failles de sécurité, il faut agir rapidement. Le cas échéant, il faut les divulguer aux citoyens lorsque les risques de vol d'identité ou les risques d'atteinte à l'intégrité sont importants.

Cela dit, on n'est pas nécessairement convaincus de la pertinence que la CAI joue un rôle de premier plan dans ces questions-là, compte tenu notamment que ces questions-là doivent être traitées avec diligence. Est-ce que d'ajouter une strate supplémentaire, une intervention de la CAI qui viendrait guider l'organisation dans la recherche d'une solution… On pense que c'est juste un ajout de délai et que l'établissement de bonnes pratiques par les différents intervenants va permettre une forme d'autoréglementation, là, des milieux à cet égard.

Je m'en voudrais de ne pas souligner quand même, même si on a dit qu'on parlerait beaucoup de protection des renseignements personnels, un mot sur le gouvernement ouvert parce qu'évidemment nous sommes favorables. Il faut mettre des balises. Vous me permettrez, très rapidement, de faire une allégorie : On est pour la transparence, mais pas pour la nudité. Il y a une nuance, et on pense qu'à cet égard il y a quand même des balises qui doivent être établies par le législateur. On pourra peut-être revenir, compte tenu que le temps nous manque, sur notamment le droit à l'anonymat dans le contexte d'un gouvernement ouvert. Je ne sais pas si tu veux dire deux mots là-dessus?

• (17 h 20) •

Mme David (Hélène) : En fait, à SOQUIJ, on diffuse les décisions, toutes les décisions des tribunaux judiciaires et administratifs des organismes juridictionnels, et, on voit… c'est très ouvert, c'est public, alors c'est de l'information, toutes les décisions sont diffusées sur Internet. Et moi, je reçois des appels de citoyens en panique parce que, oui, il y a des balises sur certains... En famille, nous, on appelle ça du «caviardage», parce qu'on enlève plus que les noms, on enlève tout ce qui peut identifier une personne. Ce n'est pas juste son nom qui permet de l'identifier, parce que, même dans la loi, on dit que le nom tout seul, ce n'est pas un renseignement personnel, mais souvent il y a des informations beaucoup plus larges qui nous permettent d'identifier une personne. Donc, nous, on fait du caviardage dans les jugements. Et même parfois, quand c'est des jugements qui sont caviardés, je reçois des appels, souvent de demandeurs d'accès, pour qu'on...

Le Président (M. Marsan) : ...

Mme David (Hélène) : Pardon?

Le Président (M. Marsan) : En terminant.

Mme David (Hélène) : C'est ça. Alors, je pense que le droit... unanimement, ce qu'on disait, c'est que, pour les jugements en droit criminel, les gens ont droit au pardon, alors ils ont le droit, un jour, que leur décision soit retirée, mais, en droit civil, c'est là pour toujours. Alors, le droit à l'anonymat, les gens ne l'ont pas. Alors, c'est important, quand on pense à un gouvernement ouvert, que ça soit vraiment caviardé, qu'il n'y ait rien qui permette d'identifier quelqu'un, puis d'avoir un souci très important à ce niveau-là, parce que les gens… comme on dit, pas dans ma cour.

Le Président (M. Marsan) : Merci pour votre présentation. Nous allons immédiatement débuter la période d'échange. Je vais donner la parole à M. le ministre des Institutions démocratiques.

M. Drainville : Bonjour, merci d'être là. Est-ce que vous diriez que, de façon générale, les responsables d'accès ont toute la liberté pour faire respecter la Loi d'accès?

M. Chabot (Alexandre) : C'est une très bonne question. Je parlais de culture d'organisation tout à l'heure et, je vous dirais, même, je pense, d'un ministère ou d'une organisation à l'autre, ça peut varier. Ça dépend du… Comment dire? Ça dépend du responsable. C'est-à-dire que la liberté, on l'a si on exerce vraiment notre rôle, qui est vraiment un rôle de faire appliquer la loi. Donc, je ne pense pas que, dans la loi… Les textes sont clairs sur le rôle du responsable et sur notre capacité d'aller à l'interne chercher de l'information, de poser un jugement sur cette information-là et après ça de juger qu'est-ce qui doit être divulgué ou pas, en prenant pour acquis que la prémisse de base est : par défaut, on divulgue — sauf les cas d'exception que vous connaissez. Cela dit, il est vrai que, dans certaines organisations, peut-être que certains responsables sont moins à l'aise de jouer ce rôle-là, moins confortables, surtout sur des dossiers sensibles. C'est possible.

M. Drainville : Si j'étais journaliste, je vous dirais : Ça, c'est une réponse de politicien. Madame, est-ce que vous pouvez préciser la réponse?

Mme David (Hélène) : ...moi, je suis responsable pour mon organisme, et c'est sûr que je relève de mon directeur général, je relève d'un conseil d'administration également. Je pense que c'est la volonté de la personne qui est au-dessus du responsable qui fait que le responsable va être à même de remplir bien son rôle. Alors, la loi est claire, on a une responsabilité, on doit appliquer certaines dispositions, mais je pense que parfois, si le responsable... Comme, moi, c'est une délégation que j'ai eue. Alors, normalement, c'était mon directeur général qui aurait dû être responsable en titre, il m'a délégué sa tâche. Comme dans plusieurs organismes et ministères, c'est la volonté qui est au-dessus de nous, qui fait qu'on peut... Moi, je peux parler pour mon organisme. Et l'accès est la priorité, chez nous. Alors, on donne accès, c'est très rare qu'on ne donne pas accès.

M. Drainville : Alors, sentez-vous... D'abord, je comprends très bien votre réponse. Je savais très bien dans quelle position je vous plaçais, d'ailleurs, en vous posant la question. Est-ce que vous sentez justement, chez les cadres supérieurs, chez les dirigeants, de façon générale, les dirigeants des ministères, pour ne pas dire les responsables au sens très large, y compris les responsables politiques, est-ce que vous sentez qu'on est mûrs pour un changement de culture dans la façon de gérer l'information, pour justement passer à une autre étape qui favoriserait davantage, qui privilégierait davantage l'accès à l'information, sans pour autant — puis ça, c'est une des leçons, je pense, qu'on va tous retenir de nos journées d'audience — sans pour autant compromettre la protection des renseignements personnels? Est-ce que vous pensez qu'on est mûrs pour passer à une autre étape?

M. Chabot (Alexandre) : Ça ne sera pas facile. Ça ne sera pas facile. Il y a un changement de culture... Je vous dirais, comme responsable d'accès, par exemple quand j'ai une demande d'accès puis que je me tourne vers un directeur de service pour obtenir le document, la première question, très, très souvent, qui est posée, ce n'est pas tant de savoir : Est-ce que ce document-là est confidentiel, et tout ça, c'est de savoir : Qui a posé la question? Qui a fait la demande d'accès? Qu'est-ce qu'il va faire avec ça?

Mme David (Hélène) : Pourquoi?

M. Chabot (Alexandre) : Pourquoi? Et donc, c'est...

M. Drainville : Ça, c'est une réaction politique.

M. Chabot (Alexandre) : ...de culture, les gens, comme vous dites, le gèrent politiquement plutôt que de se dire : Bien, est-ce que ce document-là, oui ou non, à sa face même, est un document qu'on peut transmettre, peu importe qui l'a demandé, peu importe l'usage qu'il va en faire? Et nous...

M. Drainville : C'est une réaction de protection, hein? C'est ça, hein?

M. Chabot (Alexandre) : …dans la majorité des cas, c'est souvent ça.

M. Drainville : Et ce que vous dites, c'est que ça ne sera pas facile de... Parce que c'est un réflexe très humain de vouloir se protéger.

M. Chabot (Alexandre) : Oui.

M. Drainville : Alors, justement, est-ce que... Vous, ce qui est intéressant dans votre mémoire… Puis vous êtes des praticiens de l'information, de l'accès à l'information, donc, c'est pour ça que votre témoignage est si important. Ce que vous dites, c'est : Ce n'est pas nécessairement par une voie législative qu'il faut passer, hein? Vous parlez d'autorégulation. Pensez-vous vraiment que ça peut marcher, l'autorégulation, quand on s'est fait dire — en tout cas, comme on se l'est fait dire, nous — que, là, la loi avait besoin d'être refondée, réformée, dépoussiérée, modernisée… C'est ça, les messages qu'on a eus. Est-ce que vous pensez que l'autorégulation peut être suffisante pour nous permettre de procéder au rajeunissement de cette loi-là, qui, semble-t-il, en a bien besoin, en tout cas d'après les témoignages qu'on a eus?

M. Chabot (Alexandre) : Bien, évidemment, les gens focussent sur les quelques dossiers qui se retrouvent devant la Commission d'accès puis qui font les médias. Mais je vous dirais que, pour un dossier où on va à la CAI, chez nous, en tout cas, il doit y avoir 10 dossiers où on règle, on répond à la demande et dont on n'entend jamais parler. Et même dans les dossiers qui vont à la CAI, et là ce n'est pas notre fait, si on ne faisait que raccourcir les délais de traitement — parce que, vous le savez, ça peut prendre un an, un an et demi, voire deux ans avant de comparaître, dans certains cas — bien, je pense que le citoyen serait beaucoup mieux servi. Donc, tout ça, on est dans les processus beaucoup plus que dans de la législation, là. La loi permet déjà beaucoup de choses et donne déjà énormément d'accès à beaucoup de choses. Mais ce que les gens...

M. Drainville : …vous trouvez que la loi fonctionne plutôt bien, si je vous comprends bien, là.

M. Chabot (Alexandre) : Bien, du point de vue du responsable de l'accès, évidemment on l'applique, mais, oui, à prime abord, au-delà de...

Mme David (Hélène) : C'est dans son application, c'est de la façon qu'on l'applique. Ce n'est pas la loi comme telle, c'est la façon... Monsieur disait tantôt : Les restrictions, on applique... Bon, c'est quoi, la restriction qu'on peut appliquer? Le réflexe de certaines personnes, c'est ça, mais ce n'est pas ça que la loi, elle dit, là. Alors, c'est de la façon qu'on l'applique, la loi.

M. Drainville : Et vous, là, est-ce que vous souhaitez qu'on la change, la loi, ou vous souhaitez qu'on la garde?

M. Chabot (Alexandre) : Bien, c'est-à-dire qu'on est favorables… Il y a un certain nombre de recommandationsqui sont faites par la commission avec lesquelles on est favorables; vous les retrouvez dans le mémoire. Mais, je vous dirais, on parle plus de modifications plutôt que d'une refonte en profondeur,  là.

M. Drainville : Est-ce que vous êtes favorables à ce que le Règlement sur la diffusion soit étendu aux réseaux scolaire, de la santé et des municipalités?

M. Chabot (Alexandre) : Tout à fait. Et je vous dirais même, écoutez, nous, pour l'Université de Montréal, on le fait déjà. Par exemple, je vous donne un exemple — puis, comme responsable de l'accès, ça fait mon affaire parce que ça m'enlève du travail — les conditions salariales des officiers, du recteur, vice-recteur, et tout ça, on les met sur Internet. On n'a pas attendu la réglementation pour décider de le faire de façon proactive. Puis ça nous évite d'avoir des demandes d'accès parce que ça vient… Mais donc, tout à fait.

M. Drainville : Mais ça, c'est un bon argument, ça, pour... Comment je dirais bien ça? On s'est fait dire qu'il fallait... Le système était... enfin, croulait sous les demandes et les délais que génèrent ces demandes-là, et on s'est fait dire, à un moment donné : Une gestion proactive des documents pourrait peut-être justement permettre de diminuer les délais parce que ça diminuerait le nombre de demandes, parce que l'information, plutôt que de la demander, elle serait rendue disponible en mode proactif. Vous confirmez, vous, que c'est ce qui s'est passé chez vous, là.

M. Chabot (Alexandre) : Absolument. Absolument. Pour ce type de demande là. Évidemment, il y en a de d'autres types, mais les demandes standard, là, où on veut savoir la rémunération, les primes, etc., ça revient presque à chaque année dans les universités, mais nous, on le divulgue et ça va très bien.

• (17 h 30) •

M. Drainville : Oui. Le critère d'intérêt public, qui est mentionné dans le Règlement de diffusion, comment vous l'interprétez, vous? Est-ce que c'est difficile de déterminer ce qui est d'intérêt public? Est-ce que ça vous arrive de vous gratter la tête puis de dire : Oui, là, ce qu'ils me demandent là, c'est-u d'intérêt public, est-ce que c'est autre chose? Comment vous gérez ça?

M. Chabot (Alexandre) : Bien, comme on fait déjà beaucoup de divulgations au niveau de tout ce qui est salarial, primes, comptes de dépenses, et tout ça, je vous dirais, ce qui reste en termes de demande d'accès, on... La question ne s'est pas posée chez nous, bien honnêtement, là, ou on n'a pas eu à définir ce qui était un enjeu d'intérêt public qu'on aurait dû divulguer suite à une demande d'accès.

M. Drainville : Sur la protection des renseignements personnels, est-ce que vous voyez poindre à l'horizon des dangers auxquels il faut s'attaquer dès maintenant, pour lesquels il faut trouver des solutions rapidement? Est-ce que vous sentez qu'on est à une étape cruciale sur la question de la protection des renseignements personnels?

M. Chabot (Alexandre) : Bien, toute cette question de profilage, là, de comportement des individus où on arrive... Je pourrais vous donner un autre exemple, puis ça aussi, c'est préoccupant. Vous savez, il y a beaucoup d'analyses qui se font au niveau de la génétique et de la génomique, où on diffuse sur Internet les profils génétiques. Il y a une étude qui a été faite aux États-Unis, une banque de données où on donne les profils génétiques des individus, de façon très anonyme, en ne donnant que le sexe, l'âge, et c'est tout... et l'État, et l'État de provenance. Et cette base-là est disponible pour les chercheurs, etc.

Cette base-là a été croisée à une autre base de données, toujours de profilage génétique, où, cette fois-ci, c'est une divulgation volontaire où les individus divulguent leur génétique. Et ça sert notamment à des fins généalogiques où les gens veulent retracer leurs ancêtres par les profils génétiques. Et, en croisant la base de données où les gens divulguaient leur profil génétique sur une base volontaire avec celle qui était une base de données complètement anonyme mais en ayant seulement l'âge, le sexe et la provenance mais sur une base très confidentielle, les gens ont pu identifier les participants de la base de données confidentielle en disant : Bien oui, mais lui, on est capables de croiser l'information avec l'autre. Comme certains profils génétiques sont très, très particuliers, ils ont été capables d'identifier certains, pas tous, mais certains, là, des participants à l'enquête.

Donc, toute cette question du profilage des individus est certainement un enjeu dans un univers où la donnée, prise isolément, ne veut pas dire grand-chose mais, agglomérée avec un ensemble d'autres données puis en combinant différentes données...

Mme David (Hélène) : ...

M. Chabot (Alexandre) : ...l'interconnexion, comme dit Hélène, permet de faire énormément de choses. Et il ne faut pas s'étonner que des choses comme Twitter, Facebook sont gratuites, c'est que ça devient une base de données extraordinaire pour les entreprises, pour le profilage des consommateurs, et tout ça. Même chose pour tout ce qui est points Air Miles, Aéroplan, et compagnie. Encore là, c'est une façon de suivre le comportement du consommateur. Et cette donnée-là vaut une fortune pour les entreprises. Donc, sur ce plan-là, il y a des questions, effectivement, à se poser…

M. Drainville : L'exemple que vous venez de donner, en passant, c'est un exemple d'interconnexion, ça? Parce que vous utilisez le mot.

M. Chabot (Alexandre) : Celui de la génétique? Oui, tout à fait.

M. Drainville : Oui? C'en est, ça, de l'interconnexion?

M. Chabot (Alexandre) : Bien, ça pourrait en être un. Oui, parce que c'est deux bases de données différentes.

M. Drainville : Donc, c'est du recoupement. Dans le fond, l'interconnexion, c'est du recoupement.

M. Chabot (Alexandre) : Oui, oui, oui.

M. Drainville : Excusez-moi, je vous ai interrompu. Vous alliez rajouter?

M. Chabot (Alexandre) : ...

M. Drainville : Je vous ai fait perdre votre idée, je suis désolé. Je vais juste revenir sur le Règlement de diffusion. Vous nous avez dit : On est favorables effectivement à ce que son application soit élargie aux écoles, hôpitaux et municipalités. Par contre, vous dites, dans votre mémoire, que ceux qui appliquent ce Règlement sur la diffusion des documents publics par les ministères et organismes n'ont pas tous les mêmes moyens d'assurer l'objectif de transparence qui est poursuivi par le Règlement sur la diffusion. Là, vous nous dites : Oui, il faut continuer à élargir l'application, mais vous nous dites que les organismes qui sont déjà assujettis n'ont pas nécessairement tous les mêmes moyens pour répondre à la commande de diffusion proactive...

M. Chabot (Alexandre) : Essentiellement, ça, c'est une question très pratico-pratique, là. Dans les petites organisations ou... je pense à des petites municipalités notamment, où le responsable de l'accès est aussi responsable de sept, huit, neuf autres dossiers, là, évidemment... Parce que la diffusion, ça veut dire formater le document, le mettre en ligne, s'assurer d'une mise à jour, et tout ça. Passez-moi l'expression, il y a de l'huile de bras derrière ça, là, ça ne se fait pas tout seul.  Et évidemment, dans les petites organisations, même si tout le monde souscrit au principe, ça peut être un peu plus demandant pour une seule personne qui a aussi sept, huit, neuf autres tâches à accomplir. Mais, cela dit, c'est juste une question très pratico-pratique, là, sur la faisabilité. Si, par exemple, on devait exiger que cette diffusion-là se fasse dans un délai très, très précis au niveau de la mise à jour des documents, ça pourrait être difficile pour certaines organisations qui ont peu ou pas de ressources pour le faire, là.

Mme David (Hélène) : Plus tu diffuses de documents, plus il faut que tu les mettes à jour. Alors, quand tu es seul dans ton organisation, puis tu es responsable d'accès, puis tu ne fais pas ça à temps plein parce que c'est 5 % aux tâches connexes… Plus je vais diffuser de documents sur Internet, plus il va falloir que je les mette à jour et plus, bien, la tâche augmente, augmente, ce qui fait que c'est que les documents ne sont pas toujours mis à jour comme on le voudrait, à chaque année, à un délai x, y, là, qui serait idéal pour une diffusion systématique de documents.

M. Drainville : Il me reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Marsan) : Trois minutes.

M. Drainville : Trois minutes? Je veux revenir sur l'interconnexion. Parce que, dans le fond, ce que vous nous dites, c'est comme une mise en garde, ça, sur la divulgation des bases de données, hein, c'est un petit peu ça, là, le message, là. Vous dites, c'est...

Mme David (Hélène) : Protéger les renseignements personnels, comme je vous dis, ce n'est pas juste en dénominalisant... en enlevant les noms des personnes. Il y a plein de renseignements. Si tu croises deux, trois bases de données ensemble, tu vas pouvoir peut-être identifier quelqu'un, puis c'est un risque qui est quand même assez grave.

M. Drainville : Mais c'est un risque qui est gérable. C'est un risque qui est gérable.

Mme David (Hélène) : Mais, c'est ça, il faut le gérer. Il faut le gérer, c'est ce qu'on dit.

M. Drainville : Puis on gère ça comment?

Mme David (Hélène) : Je pense que d'avoir le souci qu'il n'y ait vraiment aucune information qui permette... Je donnais l'exemple, en droit de la famille, on caviarde toutes les décisions, on enlève... Bon, bien, si le juge dit que monsieur était, je ne sais pas, moi, politicien et madame était commissaire à ta, ta, ta, bien, juste ces deux informations là, on peut essayer de savoir c'est qui. Alors, ça peut permettre d'identifier quelqu'un. Alors, ce n'est pas juste les noms, ça peut être... Tu sais, tantôt, Alexandre, il parlait... on avait, juste dans la première base de données, l'âge, le sexe puis…

Une voix : L'État, je pense.

Mme David (Hélène) : L'État. Alors, ces trois informations là ont permis d'identifier les gens de la base confidentielle. C'est ça qu'il faut...

M. Drainville : On s'entend que, dans ce cas-ci, tu peux avoir une très, très bonne loi, mais tu n'es pas nécessairement à l'abri d'incidents comme ceux-là. Puis, à un moment donné, ça relève quasiment du bon jugement de la personne qui rend publique l'information, qui gère la demande d'accès de voir le danger potentiel. Je ne sais pas, moi, il me semble que c'est difficile d'écrire une loi qui va nous protéger contre toutes les possibilités d'incident ou de dévoilement malheureux, de divulgation malheureuse ou malencontreuse ou encore d'interconnexion, comme vous l'appelez.

Mme David (Hélène) : Bien, c'est pour ça qu'on dit que, nous, le rôle du responsable des conseillers en accès, là… Parce que, bon, dans certaines organisations il y a un responsable en titre, mais il y a plusieurs conseillers parce que, disons, l'organisation est plus grande. C'est ça, le rôle des responsables… Je pense qu'il faut favoriser puis sensibiliser nos responsables puis leur donner une certaine… sans dire on leur donne du pouvoir, mais une certaine autorité sur ça, parce que, selon le Règlement sur la diffusion, le responsable de l'accès a un comité, que nous, on appelle le comité AIPRP, conformité législative, etc., il a un rôle à jouer. Mais, pour ça, il faut qu'il connaisse un petit peu la sécurité informatique, il faut que ses connaissances soient plus élargies que juste être en possession de sa Loi d'accès puis...

Le Président (M. Marsan) : Alors, merci. Nous allons poursuivre avec l'opposition officielle. Je vais donner la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

• (17 h 40) •

Mme de Santis : Merci beaucoup, M. le Président. Merci d'être venus ici pour nous présenter votre mémoire. C'est fort intéressant. J'ai quelques questions. D'abord, vous vous occupez de l'accès à l'information à l'Université de Montréal. Est-ce que les procès-verbaux des réunions du conseil d'administration sont publiés?

M. Chabot (Alexandre) : C'est-à-dire que les résolutions, oui, prises par le conseil d'administration sont publiées. Oui, tout à fait.

Mme de Santis : Mais pas les procès-verbaux.

M. Chabot (Alexandre) : C'est ça. Oui, c'est-à-dire la délibération comme telle est publiée, mais pas les verbatims des échanges.

Mme de Santis : Mon expérience a été que, quand on sait que quelque chose va être publié, on fait très attention pour s'assurer qu'on donne le minimum d'information. Est-ce que ça a été votre expérience?

M. Chabot (Alexandre) : On est une organisation publique. Non, puis, je vous dirais, pas particulièrement. Non, je ne pourrais pas dire ça comme ça.

Mme de Santis : Non?

M. Chabot (Alexandre) : Pas chez nous, à tout le moins, là.

Mme de Santis : O.K. Je retourne à votre mémoire et j'aimerais comprendre, parce que je ne comprends pas tout à fait. Quand on parle des incidents de sécurité, les failles à la sécurité, vous dites : «À notre avis, l'alliance entre les responsables de la sécurité [d'une part] et ceux de la protection des renseignements personnels [d'autre part] est davantage porteuse...» Maintenant, je ne comprends pas exactement ces mots. C'est qui, les responsables de la sécurité, et c'est qui, ceux de la protection des renseignements personnels? C'est quoi... De quelle alliance vous parlez?

M. Chabot (Alexandre) : Bien, souvent, quand on parle des responsables de la sécurité, ici, on parle... on fait beaucoup référence aux responsables de la sécurité informatique parce que souvent dans les ministères, les organisations, le... Parce qu'évidemment on parle de fuite de documents, mais souvent par l'entremise informatique. Donc, les responsables qui vont être responsables des codes, de l'encryptage des données, et tout ça, c'est souvent les gens des services informatiques, d'un côté, et, de l'autre côté, il y a les responsables de l'accès et de la protection, que nous sommes, qui sont habilités à juger en fonction de la loi aussi de ce que... du risque que peut représenter cette fuite au niveau de la donnée personnelle et pour l'individu, là.

Mme de Santis : Alors, vous croyez que c'est deux personnes à l'intérieur de la même entité qui devraient collaborer pour trouver la solution. Et vous ne voyez pas de rôle pour la Commission d'accès.

M. Chabot (Alexandre) : Bien, pas dans la recherche de la solution à tout le moins. Parce qu'une des choses qui est importante, c'est la rapidité d'exécution pour répondre au problème une fois qu'on constate, par exemple, qu'un employé a perdu son ordinateur avec des données personnelles à l'intérieur. La combinaison des deux… Donc, la personne à l'informatique va être capable de nous dire quel est le niveau de risque. Est-ce que l'ordinateur a un mot de passe? Est-ce que l'information qu'on y retrouve est encryptée et donc ne pourra pas être décodée par quelqu'un qui n'a pas la clé d'encryptement? Et...

Une voix : ...

M. Chabot (Alexandre) : Exactement. Est-ce qu'elle peut être détruite à distance aussi? Parce qu'il y a des logiciels qui permettent, pour l'administrateur du réseau, d'aller effacer le disque dur à distance. Donc, ça, c'est notre responsable de sécurité informatique qui va nous permettre d'évaluer notre risque. Et après ça nous, comme responsables de la protection des renseignements, bien là on peut juger, en fonction du risque, les actions à prendre, est-ce qu'il y a lieu ou pas d'informer la personne qui a été victime... pour laquelle l'information a été égarée, par exemple, et des mesures correctrices à prendre, là, notamment pour prévenir le vol d'identité, mais aussi faire en sorte que ça ne se reproduise plus dans le futur.

Mme de Santis : Donc, vous laissez ça à la discrétion de quelqu'un à l'interne. Est-ce que, dans le privé, dans des entreprises petites, moyennes, larges, il y a toujours deux personnes qui sont responsables, comme… Vous dites ici : Un est responsable de la sécurité et l'autre de la protection des renseignements personnels.

M. Chabot (Alexandre) : Il n'y a pas... Souvent, dans... Bien, puis c'est un peu ce qu'on disait tout à l'heure, où on souscrit à la recommandation de la commission de désigner dans le secteur privé... de permettre la désignation d'un responsable de l'accès et de la protection, parce que, dans l'entreprise privée, ce n'est pas le cas. En fait, ce n'est pas le cas… ça dépend des entreprises. Si vous allez dans le domaine de l'assurance, dans le domaine bancaire, très souvent il y a des gens qui ont cette responsabilité-là, mais ce n'est pas systématique.  

Mme de Santis : Mais ça veut dire que vous voyez une personne dans une entreprise, pas deux maintenant… Parce que vous parliez d'une alliance, tout à l'heure, entre deux personnes. Vous me parlez maintenant d'une personne.

Mme David (Hélène) : En fait, la personne responsable de la sécurité existe, je pense, dans toutes les entreprises, qu'elles soient privées ou publiques, mais, au niveau du privé, la personne qui a la responsabilité de la protection des renseignements personnels présentement, c'est souvent le CIO ou le dirigeant de l'entreprise. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est qu'au niveau du secteur privé il y ait vraiment une personne d'identifiée, c'est sa tâche, ça fait partie… Parce que, bon, parmi les multiples autres tâches, souvent, des dirigeants, bien, c'est une chose qui... je ne vois pas... en tout cas, les gens se parlent peut-être moins à certains niveaux que si on a deux personnes du même niveau, sécurité et protection des renseignements personnels.

Mme de Santis : Mais, d'après vous et d'après votre mémoire, vous dites que cette obligation ne devrait pas être imposée à toutes les entreprises. Vous savez, même les petites entreprises avec très peu de personnes peuvent collecter énormément de renseignements personnels sur des individus. Donc, je ne comprends pas tout à fait votre déclaration.

Mme David (Hélène) : Bien, en fait, ce qu'on voulait dire, c'est que, dans une petite entreprise, que ça ne soit pas une personne... ça pourrait être le dirigeant de l'entreprise qui a le chapeau responsable de la protection des renseignements personnels ou responsable même de l'accès. Alors, c'est ça qu'on voulait faire comme différence. C'est que, dans certaines entreprises où il n'y a pas beaucoup d'employés, bien, de créer un nouveau poste, c'est peut-être plus lourd que de le faire assumer par le dirigeant ou un des dirigeants, là.

Mme de Santis : Vous dites aussi que vous appuyez la recommandation de la commission «que soit modifiée la Loi sur l'accès afin d'assujettir tous les organismes dont le fonds social est détenu à plus de 50 % par l'État». Maintenant, dans leur rapport, pour moi, il y a... d'un côté, ils font une recommandation qui n'est pas une recommandation formelle, mais ils disent que tous les organismes dont le financement est largement assuré par l'État devraient être assujettis, et leur recommandation formelle, c'est les entités dans lesquelles ils ont… 50 % et plus est détenu par l'État. C'est quoi, votre opinion? Est-ce que c'est ou l'État investit un montant important d'argent ou ça semble être un contrôle par l'État?

M. Chabot (Alexandre) : Bien, écoutez, on n'a pas travaillé à ce niveau de nuances là. Le principe était : là où l'État contrôle, où l'État met... où il y a une grande quantité de fonds publics, c'est normal qu'on assujettisse ces organismes-là à la loi, là. Mais on n'a pas creusé à savoir est-ce que c'est 50 % ou...

Mme de Santis : Comment vous croyez qu'on devrait s'assurer que le public soit sensible à la protection de leur vie privée et des renseignements personnels?

M. Chabot (Alexandre) : Bien, écoutez, ça commence effectivement dès le primaire d'abord, parce que, on le voit, il y a des campagnes... Si vous regardez ce qui se fait au niveau du commissaire à la vie privée au fédéral... L'AAPI a aussi fait une trousse qui est utilisée dans certaines commissions scolaires. Sensibiliser le jeune, à l'ère des médias sociaux et de tout ce qui se passe de ce côté-là, sur les traces qu'il laisse à chaque fois qu'il utilise les médias sociaux et sur l'importance de son identité virtuelle versus ses renseignements personnels, ça, c'est une première chose.

On a le même phénomène à l'autre bout du spectre, si vous me passez l'expression, au niveau de nos aînés, nos aînés qui n'ont pas été familiers avec ces outils-là et qui découvrent aussi les nouvelles technologies. Là aussi, il y a des défis de formation, de sensibilisation qui sont importants. Il y a des choses à démystifier parce que certains ont trop peur des nouvelles technologies, mais, en même temps, il y a de la formation à donner puis de l'éducation à faire. Et dans nos organisations également parce qu'il y a des changements de culture à faire aussi. Donc, c'est vraiment à tous les niveaux.

Mme de Santis : D'après un article récent dans La Presse, il y a moins que 20 % des Québécois, beaucoup moins, environ 14 %, 15 % des Québécois qui sont préoccupés par la protection de la vie privée. Comment vous répondez à ça? Comment on informe les gens qui sont entre 18 et 65 ans? Vous parliez de ceux qui sont jeunes, ceux qui sont plus âgés. Si on ne fait rien à ce moment-ci, on va avoir toutes... quelques générations de personnes qui vont avoir perdu le contrôle de leur identité. Quoi faire?

• (17 h 50) •

M. Chabot (Alexandre) : C'est une vaste question. C'est sûr qu'il faut d'abord que les gens prennent conscience des conséquences susceptibles, que ça soit un étudiant, par exemple, au niveau de ses premiers emplois, toute la question des relations de travail qui est impliquée, l'individu au niveau du vol d'identité pour les secrets bancaires ou les assurances, toutes les questions liées à la santé également, à la maladie... Ça prend différentes facettes. C'est sûr que plus… — malheureusement, parce que, des fois, l'être humain n'apprend que par les erreurs — plus les médias vont relayer des histoires d'horreur, de vol d'identité ou de situation où un individu a été pris par son compte Facebook puis ça... malheureusement, c'est peut-être par ces quelques cas là, médiatisés, qui vont... ou ça fera la leçon à d'autres. Mais on pense quand même qu'avant d'en arriver à ces cas extrêmes là l'éducation permettrait déjà, si on commence au primaire, de sensibiliser beaucoup, beaucoup.

Le Président (M. Marsan) : Je vous remercie. M. le député de Fabre.

M. Ouimet (Fabre) : Oui, oui, merci, M. le Président. Je voulais revenir, si vous me permettez… Vous avez mentionné tantôt… vous avez fait référence au pardon. Vous avez fait un parallèle entre le pardon et le jugement, les conséquences pour une partie au niveau civil. Et je ne suis pas certain que j'étais tout à fait d'accord avec le parallèle et je voulais revenir sur ça. Le pardon n'efface pas le passé. Le pardon vise à éliminer, à l'avenir, les conséquencesdécoulant d'une condamnation. Bon, je vais rapidement, là, mais c'est ça, l'essentiel. Mais ça n'efface pas le passé, de sorte que quelqu'un qui aurait été jugé, il y a un jugement qui a été rendu en matière criminelle, on ne va pas retourner cinq ans ou, maintenant, 10 ans en arrière pour effacer, caviarder ce jugement-là. Alors, pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent, je ne voulais pas que...

Une voix :...

M. Ouimet (Fabre) : Et, en fait, je vais vous donner l'occasion... peut-être qu'on vous a bousculé parce qu'on n'avait pas beaucoup de temps dans la présentation que vous avez eu à faire, mais j'avais compris qu'on pouvait laisser entendre qu'en matière criminelle il y avait un régime plus favorable qu'à l'égard des personnes impliquées au niveau de la justice civile.

Mme David (Hélène) : Présentement, oui, parce qu'on retourne en arrière. On va caviarder les décisions cinq ans plus tard, parce que c'est la finalité du pardon. Si vous allez au palais de justice, le dossier, il est scellé, le dossier, il est inaccessible. On retire le plumitif de la banque informatisée. Nous, on diffuse le jugement. Alors, là, le citoyen s'adresse à nous, il nous demande de retirer le jugement. Nous, ce que j'ai dit, on ne retire pas le jugement. Le jugement va demeurer, mais on va le caviarder. Alors, il est accessible, mais la personne... la finalité du pardon est respectée. Et on a eu la commission des libérations conditionnelles pour ça. Alors, c'est pour ça que je faisais le parallèle. Le droit à l'anonymat sur Internet, oui, au niveau criminel, il n'y a plus de noms, c'est anonymisé, puis, de l'autre côté, en droit civil, bien, non, ça va rester tout le temps.

Puis c'est très récent que je reçois des demandes de gens du civil pour faire retirer les décisions. Alors, c'est pour ça que je faisais le parallèle. Ça fait juste montrer que, sur Internet, puis le papier, puis le troisième sous-sol du greffe, il y avait... il y avait quand même une distance. Internet aujourd'hui, là, c'est mondial, n'importe qui... Et ça crée certaines paniques chez certaines personnes. Alors, c'est pour ça que nous, ce qu'on disait, c'est que, oui, gouvernement ouvert, oui, on est pour ça, mais de faire attention à la protection des renseignements personnels et de sensibiliser tous les gens qui diffusent l'information dans le gouvernement ouvert à cette problématique-là, parce que ça vient vite.

M. Ouimet (Fabre) : Je vous remercie pour cette précision, je vais me coucher moins niaiseux, comme on dit. Ça valait la peine d'écouter attentivement.

Dernier point, un commentaire en terminant, il ne reste plus de temps. Quand on parle de changement de culture, et puis on a… au cours de nos auditions, on a beaucoup parlé de ça, et, pour moi — puis je l'ai vécu, j'ai été au gouvernement, je l'ai vécu de différentes façons, le réflexe du secret, la culture du secret — et, pour moi, le changement de culture, ce n'est pas tant de changer le moyen, c'est-à-dire la Loi d'accès, que de changer l'objectif qu'on poursuit. Et l'objectif qui doit être intégré par tout le monde, c'est la reddition de comptes. La journée qu'on acceptera une véritable obligation de reddition de comptes, on pourra atteindre le souhait du père de la loi d'accès à l'information puis de se débarrasser de la loi, ce ne sera plus nécessaire de l'avoir. C'était mon commentaire, M. le Président.

Le Président (M. Marsan) : Alors, je vous remercie, M. le député de Fabre. Et nous terminons. Et je vais laisser la parole au député de Lévis du deuxième groupe d'opposition. M. le député.

M. Dubé : Merci, M. le Président. Et j'espère qu'on a pris bonne note de votre recommandation, parce que ça… c'est intéressant, ce que vous...

M. Ouimet (Fabre) : Le fait que je me couche moins niaiseux?

M. Dubé : Oui… Non, non, l'autre, la dernière. J'aimerais vous... Quand je regarde le titre de votreassociation, où je vois l'Association sur l'accès et la protection de l'information, si j'avais à vous demander lequel des deux vous préférez, est-ce que c'est l'accès ou la protection? Puis, avant de répondre, je vais vous dire pourquoi je vous demande ça, parce que ça change un peu de ce qu'on a entendu depuis plusieurs semaines. Parce qu'on a entendu beaucoup de favoriser l'accès. Mais vous avez aussi entendu d'autres rapports, d'autres mémoires. Et, je me demande, si on isolait en trois catégories l'information, dont une qui est de nature très personnelle, si on changeait un peu le ton de votre mémoire... Vous comprenez ce que je veux dire?

Parce qu'on a discuté beaucoup au cours des dernières semaines, que ce soit, là… on a des gens qui nous ont parlé d'environnement cet après-midi, on a des gens qui ont parlé d'information de gestion. Si on excluait l'information de gestion, est-ce que vous auriez le même ton, la même, je dirais, crainte par rapport à l'accès à l'information?

Donc, j'ai deux questions. Qu'est-ce qui est le plus important pour vous, c'est la protection ou l'accès? Puis, si on prenait une catégorie à part, est-ce que vous seriez plus confortable avec certaines des recommandations? Vous me suivez?

M. Chabot (Alexandre) : Pour votre première question, évidemment c'est difficilement dissociable. Je ne vais pas… à exprimer de préférence, mais c'est sûr que le côté accès est plus... (panne de son) …parce que c'est souvent les médias, c'est la partie médiatisée et dont on parle beaucoup. Mais, si vous me posez la question : Qu'est-ce qui vous empêche de dormir?, c'est beaucoup plus la question des protections. Parce que, si j'ai des préoccupations, puis nos défis, dans nos organisations, puis de s'assurer que toutes les personnes qui ont accès à la donnée sont les bonnes et l'usage qu'ils en font...

M. Dubé : Vous dites que c'est plus l'accès, très bien. Maintenant, est-ce que vous donnez la même préoccupation aux trois catégories d'information dont j'ai parlé tout à l'heure, que ce soit de nature personnelle, de nature, on va dire, stratégique, par exemple, et... Est-ce que vous donnez la même préoccupation à l'accès de ces trois catégories d'information là?

M. Chabot (Alexandre) : Bien, c'est sûr qu'on parlait du règlement sur la divulgation volontaire, il y a toute une partie information de gestion qui va de soi, en tout cas, qu'on devrait donner… Il reste la partie analyse stratégique. Vous savez, j'ai un bien, je travaille dans une université, quand on parle du gouvernement ouvert, quand on dit : La donnée est accessible... Souvent, quand nos profs font de la recherche, il va y avoir, sur l'utilisation de la donnée, tout un chapitre sur la méthodologie, puis sur la façon dont la donnée a été collectée, puis qu'est-ce qu'elle veut dire. Et donc il y a plein de nuances.

Si vous me permettez d'exprimer une crainte, et là c'est plus mon chapeau Université de Montréal, quand on parle de gouvernement ouvert, même si j'y souscris, c'est que ces nuances-là ne seront peut-être pas toujours faites par les utilisateurs de la donnée finale. Et donc, là, il y a des balises, puis il y a des questions éthiques qui vont se poser également quant à l'utilisation de ces données-là, sans parler aussi des risques d'utilisation à l'étranger. Parce que, si c'est ouvert, c'est ouvert à travers le monde. Donc, oui, on veut favoriser les entreprises, mais est-ce qu'on serait très heureux que le développement se fasse par une entreprise chinoise ou indienne ou est-ce qu'on ne serait pas mieux de favoriser l'utilisation de ces données-là par des entreprises québécoises, par exemple? Je n'ai pas les réponses.

Le Président (M. Marsan) : Je vous remercie, M. le député de Lévis. Et à mon tour de vous remercier, Mme David, M. Chabot, pour nous avoir donné le point de vue de l'Association sur l'accès et la protection de l'information.

Et, sur ce, la commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30. Vous pouvez laisser vos effets ici, les portes devraient être barrées. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

(Reprise à 19 h 30)

            Le Président (M. Marsan) :  À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre sans plus tarder la consultation générale et les auditions publiques sur le rapport de la Commission d'accès à l'information Technologies et vie privée à l'heure des choix de société.

Une voix : M. le Président?

Le Président (M. Marsan) : Monsieur… oui?

M. Gautrin : Je sollicite le consentement unanime des membres...

Le Président (M. Marsan) : Je voulais le faire, M. le député de Verdun.

M. Gautrin : Vous allez le faire pour moi.

Le Président (M. Marsan) : Mais auparavant, bien, puisqu'on est dedans, est-ce que vous êtes d'accord à ce que le député de Verdun puisse prendre la parole pendant nos débats?

M. Drainville : M. le Président, est-ce que c'est possible de demander réflexion?

Le Président (M. Marsan) : Bien, c'est oui ou non.

M. Drainville : Non, mais c'est une taquinerie. C'est une taquinerie.

Le Président (M. Marsan) : J'ai compris ça.

M. Drainville : Comment pourrions-nous refuser à l'honorable député de Verdun de pouvoir siéger parmi nous?

M. Gautrin : Est-ce qu'on est en ondes…

M. Drainville : On est en ondes.

Le Président (M. Marsan) : Oui, on est en ondes.

M. Drainville : Il nous fait l'honneur d'être parmi nous, M. le Président, comment pourrions-nous refuser de lui donner le consentement?

Le Président (M. Marsan) : Alors, je comprends qu'il y a consentement. Et maintenant je...

Une voix :...

Le Président (M. Marsan) : Oui, c'est ça. Alors, je souhaite la bienvenue...

M. Gautrin : …consentement.

Le Président (M. Marsan) : Je souhaite la bienvenue à l'Institut de gouvernance numérique. M. Gauthier, je vous demanderais de vous présenter et de nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Et vous disposerez par la suite d'une dizaine de minutes pour nous faire valoir votre point de vue. Soyez les bienvenus.

Institut de gouvernance numérique

M. Gauthier (Jean-François) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, les membres de la commission. Grand, grand plaisir d'être avec vous ce soir. Donc, mon nom est Jean-François Gauthier, je suis président-directeur général d'un nouvel organisme qui s'appelle l'Institut de gouvernance numérique. Je vous présente sans plus tarder les personnes qui m'accompagnent. Peut-être, Stéphane, si tu veux te nommer, à ma droite.

M. Dion (Stéphane) : Stéphane Dion, secrétaire trésorier de l'Institut de gouvernance numérique et président de Paradigme Affaires publiques.

M. Gauthier (Jean-François) : M. Cartier?

M. Cartier (Michel) : Michel Cartier. Je suis dans plusieurs réseaux de veille à travers le monde.

M. Perron (Mario) : Mario Perron, administrateur de l'Institut et président de société à base numérique.

M. Gauthier (Jean-François) : Également, j'ai un autre administrateur qui est derrière nous, M. Jean-Yves Fréchette, qui nous accompagne, qui est notre vice-président de l'Institut de gouvernance numérique, également.

Une voix : ...

M. Gauthier (Jean-François) : M. Jean-Yves Fréchette.

Le Président (M. Marsan) : Jean-Yves?

M. Gauthier (Jean-François) : Exact. Alors, merci beaucoup de nous accueillir ce soir. Essentiellement, notre propos vise à discuter avec vous un peu d'innovation ce soir. On veut vous amener dans des nouveaux paradigmes, dans des nouveaux champs. On sait qu'il y a beaucoup de personnes que vous avez entendues dans le cadre de vos travaux, qui vous ont parlé de gouvernement ouvert, qui vous ont parlé de ce vers quoi on pourrait amener notre gouvernement et notre nouvelle relation avec les citoyens.

On a voulu déposer un mémoire qui s'inspire des meilleures pratiques. Parce que moi, personnellement, ça fait deux ans que j'ai cette chance-là de me consacrer à temps plein sur les approches de gouvernement ouvert à travers le monde, étudier comment les pays sont en train de se transformer, comment les gouvernements sont en train de se transformer pour, à quelque part, faire face aux changements qui s'en viennent. Parce que les défis qui confrontent le Québec ne sont pas uniques au Québec. Évidemment, il y a une tendance très forte, à travers les différents pays dans le monde, vers le gouvernement ouvert.

Vous avez peut-être entendu parler du Partenariat pour un gouvernement ouvert, qui regroupe actuellement 57 pays dans le monde, qui est présidé par le président Obama et par la présidente du Brésil. Et on constate que, dans ces 57 pays là, actuellement les pays francophones sont assez largement absents, donc, ce qui m'a conduit personnellement, il y a deux ans, à créer un mouvement citoyen qui s'appelle Démocratie ouverte, qui se veut et qui se voulait un nouveau moyen de coopter l'intelligence et le savoir-faire des gens de la société civile pour aider les gouvernements à prendre le virage qu'on souhaite qu'ils prennent, donc prendre les avantages du gouvernement ouvert.

Donc, essentiellement, ce qu'on veut vous entretenir, c'est qu'on pense qu'au niveau de notre organisme il y a urgence d'agir. Il y a urgence de se doter de nouvelles façons de faire, d'un nouveau modèle d'affaires au niveau de notre gouvernement. Et ce modèle d'affaires là... ce nouveau modèle d'affaires là, qu'on voit émerger dans plusieurs pays à travers le monde, à travers les leaders à travers le monde, dans le gouvernement ouvert, à travers les pays de l'OCDE particulièrement, est un modèle d'affaires qui est basé sur la transformation assez profonde des gouvernements, c'est-à-dire qu'on passe d'un statut dans lequel les gouvernements produisent des services, se dotent d'infrastructures importantes pour répondre aux besoins de la population en matière de services publics, particulièrement sur le Web évidemment, et on passe dans un statut dans lequel on se transforme progressivement vers un rôle beaucoup plus de diffuseur et de récepteur d'information à partir du patrimoine informationnel qu'on a amassé collectivement à travers les différentes années, à travers les investissements qu'on a faits dans chacun des pays, dans les technologies de l'information particulièrement.

On a collectivement un patrimoine informationnel immense qui est très, très, très largement, vous le savez, vous en avez sans doute entendu parler, qui est largement inutilisé actuellement et qui est, à quelque part, la matière première qui devrait servir à la transformation de notre gouvernement et assurer l'avenir de la prestation de services publics, parce que c'est le modèle qu'on voit émerger de plus en plus.

Donc, ce nouveau modèle d'affaires là, évidemment il est basé sur un grand principe qui est celui du rétablissement de la confiance. On le voit partout dans le monde, il y a une crise de confiance majeure. Les citoyens décrochent des institutions publiques, les citoyens n'acceptent plus le vote aux quatre ans et n'acceptent plus de se faire interpeller seulement à cette fréquence-là. Les citoyens veulent participer à la décision publique beaucoup plus activement. Et on pense qu'à travers la mise à profit intelligente du patrimoine informationnel les gouvernements sont en mesure de se doter d'une nouvelle façon d'interagir avec le citoyen et de rétablir la confiance par la transparence que les gouvernements doivent se donner.

La solution aux matières... à tout ce qu'on a entendu, aux enjeux de corruption, enfin, tout ce qu'on voit à la commission Charbonneau, si on avait eu, il y a cinq ans, un gouvernement ouvert, au Québec, si on avait mis en place une stratégie de gouvernement ouvert, probablement qu'on n'aurait pas eu besoin d'une commission Charbonneau. Je pense que ça, il faut être conscient de ça, là. La transparence, la publication de l'information sur ce qui se passe à l'intérieur des ministères, des organismes publics, ce qui se passe à l'intérieur des municipalités, la façon de contracter, tout ça peut et devrait être rendu public massivement, dans un format qui permet la récupération puis qui permet au citoyen de jouer le rôle de chien de garde, donc de créer des applications avec... de cocréer avec le gouvernement des services publics à forte valeur ajoutée. Et ça, c'est tout un potentiel économique qui pourrait permettre la création de richesse au Québec qu'actuellement on ne fait à peu près pas.

Donc, il y a un changement dans le rôle de l'État — et j'y reviens — parce que le gouvernement doit se transformer dans une plateforme de collaboration avec les citoyens. Cette vision-là du gouvernement comme plateforme, c'est la vision qu'on voit émerger du côté américain, qu'on voit émerger en Angleterre. En Australie, dans la plupart des pays à travers le monde qui sont les leaders en gouvernement ouvert, c'est cette vision-là qu'on tend à voir émerger, donc un gouvernement qui met à profit son information et qui dorénavant se limite à sécuriser l'information qu'il a, la rendre disponible à travers des API, des services Web qui permettent aux gens d'utiliser cette information-là pour créer dorénavant, à l'avenir, les nouveaux services publics.

Donc, le gouvernement cesse de produire et se met dans un rôle de réception puis de production, avec la société civile, de ces nouveaux services là. Et ça, c'est la transformation qu'on doit faire à l'interne pour le gouvernement. Puis les impacts que ça a à l'externe, bien, évidemment, c'est la création de richesse, c'est la création d'une nouvelle économie numérique qui est absolument fondamentale pour l'avenir du Québec. Parce que l'économie numérique, à mon avis, c'est le fondement même de ce que doit se doter une société, c'est-à-dire que toutes les sociétés modernes...

Le numérique, aujourd'hui il est partout, il intervient de façon horizontale dans tous les domaines d'activité. Donc, quand on parle de se doter d'une stratégie numérique pour l'avenir du Québec, on parle de se doter des fondements d'un projet de société pour le Québec. Et ça, je pense que, dès maintenant, on doit comprendre cette nouvelle façon d'interagir avec les gens à travers le numérique parce que l'avenir est numérique. Voilà.

Le Président (M. Marsan) : Alors, je vous remercie pour cet exposé. Nous allons immédiatement débuter notre période d'échange. Et je vais reconnaître M. le ministre des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne. M. le ministre.

• (19 h 40) •

M. Drainville : Oui. Dans votre mémoire, vous recommandez l'adoption d'une directive similaire à celle adoptée par l'administration Obama, qui se lit comme suit, et, je pense, ça vaut la peine de la citer, cette directive. C'est votre traduction, si je ne m'abuse, mais elle me semble plutôt bien faite.

Alors, je cite, donc, cette directive : «Face au doute, c'est l'ouverture qui prévaut. Le gouvernement ne doit pas maintenir la confidentialité de l'information au seul motif que des responsables publics puissent se trouver dans l'embarras après sa révélation ou à cause des erreurs ou des échecs qu'elle révélerait, ou à cause de peurs spéculatives ou abstraites. La non-divulgation ne devrait jamais se justifier par l'entreprise de protéger des intérêts personnels de responsables gouvernementaux aux dépens de ceux qu'ils devraient servir.»

Vaste chantier, vous l'admettrez. Vous avez quand même déjà travaillé, vous, dans le domaine politique dans un passé pas si lointain. Vous comprenez très bien ce que ça implique, ça, cette directive-là. Ça implique éventuellement un responsable... Ça pourrait vouloir dire que des responsables politiques pourraient décider de doter le Québec, de doter l'État québécois d'une nouvelle loi qui pourrait faire en sorte qu'éventuellement de l'information pourrait se retourner contre eux.

Alors, comment vous voulez convaincre... Je me fais l'avocat du diable, vous l'aurez compris, là. Comment on convainc des responsables politiques, peu importe le parti politique, qu'une directive comme celle-là est dans leur intérêt? On comprend que c'est dans l'intérêt de la démocratie, et que c'est dans l'intérêt de la société, et que c'est dans l'intérêt du fonctionnement de l'État, au nom de la transparence, de l'efficacité et de la participation citoyenne, mais comment vous convainquez les responsables politiques, peu importe le parti, d'adhérer à une vision comme celle-là?

M. Gauthier (Jean-François) : Bien...

M. Drainville : …mettre à risque.

M. Gauthier (Jean-François) : Tout à fait. Tout à fait. Tout à fait. Il faut qu'on comprenne maintenant que la politique a changé et que les façons de faire la politique ont changé. Donc, les exigences des citoyens, les exigences de ce qu'on voit actuellement c'est... moi, ça m'apparaît très clair, en tout cas, qu'à cause des nouvelles façons de communiquer l'information, à cause du fait que jamais dans l'histoire du monde les citoyens n'ont eu accès aussi rapidement à l'information et à la communication entre eux de cette information-là…

Il faut que les politiques comprennent que tout ce qui est public n'est pas de la nouvelle. Donc, ça veut dire que, si, vous-même, vous êtes proactif dans la divulgation de l'information, vous êtes en mesure de rétablir la confiance avec vos commettants. Et ça, ça ne sera même plus, à mon avis... Une directive comme celle-là, c'est Obama qui l'a adoptée quand il est arrivé au pouvoir parce que, dès le départ, il a compris qu'il y avait une crise de confiance majeure et qu'il y avait des solutions majeures à mettre en conséquence de ça. Il faut absolument qu'on prenne le virage le plus tôt possible pour changer le modèle d'affaires, changer la culture du gouvernement.

M. Drainville : Mais est-ce que je viens de vous entendre dire qu'à partir du moment où l'information est publique ce n'est plus de la nouvelle? Est-ce que c'est ça que vous avez dit?

M. Gauthier (Jean-François) : Absolument! Absolument! Moi, je...

M. Drainville : Donc, ça, c'est l'argument à la question... C'est la réponse à la question que je vous pose. Vous dites aux responsables politiques : Si vous rendez publique l'information, cette information-là, même si elle est révélatrice d'une erreur, par exemple, ou d'un manquement, ou d'une faiblesse, ou d'une faille, le fait que vous la rendiez publique par vous-mêmes va limiter le dommage que vous allez vous-mêmes vous infliger parce que, de par cette attitude d'ouverture et de transparence, vous en diminuez l'impact médiatique. C'est ça?

M. Gauthier (Jean-François) : Absolument. Absolument. C'est toute l'idée de la donnée ouverte, à quelque part. Il faut que nos politiciens comprennent qu'à l'heure de l'information dans laquelle on vit actuellement tout se sait. Donc, il ne s'agit pas de... Le rôle de l'État dorénavant, c'est de protéger les vraies informations nominatives, s'assurer que ce qu'on rend public, ce sont des informations qui ne portent pas à conséquence sur la sécurité nationale ou qui ne mettent pas en cause les individus. Donc, ça, c'est le rôle de l'État, sécuriser l'information publique, une fois qu'on a compris ça... puis rendre accessible l'information de façon massive. Tout ce qui concerne la sécurité nationale ou qui concerne des informations nominatives, tout le reste sans exception devrait être publié massivement par nos gouvernements et faire en sorte que les citoyens puissent utiliser ces informations-là pour jouer le rôle de chien de garde qu'on veut qu'ils jouent actuellement.

M. Drainville : Mais est-ce que... D'abord, je trouve votre réponse très intéressante. Le problème, évidemment, c'est que le seul moyen de savoir si ça marche, c'est de l'essayer, n'est-ce pas? Tant et aussi longtemps qu'on reste dans un modèle théorique, on ne peut pas vraiment savoir si ça fonctionne ou pas, donc il faut se mettre à risque pour savoir si votre théorie fonctionne.

Là où elle a été essayée, en tout cas sous la forme d'une directive... puis plus qu'une directive, il faut être honnête, là, il y a quand même toute une vision qui a été déployée par Obama, est-ce que... Là, ça fait quoi, là, ça fait, disons, cinq ans qu'il est là, Obama, plus ou moins, là. Est-ce qu'on peut déjà tirer quelques leçons de l'expérience américaine en matière de gouvernement ouvert? Qu'est-ce que ça a changé véritablement, là?

M. Gauthier (Jean-François) : Bien…

M. Drainville : Parce que, moi, je suis quand même assez au fait de l'actualité américaine, là, je me considère assez bien informé sur ce qui se passe aux États-Unis et je n'ai lu nulle part que ce virage-là avait provoqué unetransformation radicale et profonde du fonctionnement de l'État américain, là. Ça, je n'ai pas lu ça nulle part. Qu'il ait posé des gestes qui vont dans la bonne direction, dans la direction que nous souhaitons tous ici et que vous souhaitez aussi, ça, je ne mets pas ça en doute, là, mais, de là à dire que l'approche d'Obama et de son administration sur le gouvernement ouvert a provoqué une révolution dans le fonctionnement de l'administration publique américaine, ça, je demande à être convaincu parce que je n'ai pas lu ça nulle part.

M. Gauthier (Jean-François) : Bon. D'abord, plusieurs éléments de réponse à ce que vous interpellez. Il faut comprendre que, dès l'arrivée au pouvoir d'Obama, il est allé chercher 3 milliards d'économies dans un an par la divulgation proactive des projets en technologie de l'information. Vous savez comment il s'y est pris, c'est bien simple, il a fait prendre une photo de lui en train de regarder le fameux tableau de bord, sur lequel tableau de bord, si vous y allez, sur itspending.gov, vous allez voir la photo des gestionnaires, vous allez voir les contrats que ces gestionnaires-là donnent, tout est accessible, et les citoyens peuvent commenter directement sur le Web ce qui est publié parl'Administration. Quand il a fait ça, une semaine après avoir lancé le tableau de bord, il a envoyé une photo de lui-même à tous les administrateurs publics, les présidents d'organismes, en disant : Voici qu'est-ce qui va se passer, les citoyens dorénavant auront accès à l'information sur comment vous gérez.

Et donc les gestionnaires publics, le premier impact que ça a eu, il y a une agence, entre autres, qui a radié 42 projets dans 30 jours, et ça, ce sont des vrais chiffres que je vous mentionne là, et ça a donné, en bout de ligne, 3 milliards d'économies sur 80 milliards de projets.

M. Drainville : Qui a chiffré ça, ce chiffre-là, 3 millliards?

M. Gauthier (Jean-François) : C'est le gouvernement américain. Ce sont des chiffres qui sont accessibles sur les sites américains. Vous allez voir, c'est très facile d'accès, ce sont des vraies données que je vous mentionne là.

M. Drainville : Donc, c'est des contrats qui avaient été accordés?

M. Gauthier (Jean-François) : Oui, des contrats qui avaient été accordés pour 80 milliards de projets. Dans un an, on est allé chercher 3 milliards d'économies sur 80 milliards de projets. Ce que ça veut dire, ça, ça veut dire que la publication, la transparence, l'imputabilité qu'on donne aux gestionnaires qui engagent les fonds publics en publiant ce qu'ils font sur le Web, c'est-à-dire en leur demandant… On prend carrément une photo et on leur dit : Donnez-nous votre opinion sur comment va votre projet. Il ne s'agit pas de mettre en place un outil de BI compliqué, avec des indicateurs à ne plus finir, il s'agit… «keep it simple». C'est ce qu'ont fait les Américains : Dites-nous, comme administrateurs publics, ce que vous pensez de votre projet, cotez-le par niveau de risque de zéro à 10. Et les gens peuvent, à ce moment-là, réagir sur l'évaluation que les gens font de leurs propres projets, et là le mouvement est amorcé.

Il s'est passé la même chose en Angleterre. Vous savez, ce que je cite souvent comme exemple, c'est l'exemple que David Cameron donne sur toutes les tribunes depuis deux ans. David Cameron, ça lui a pris un an à faire le changement… amorcer le changement de façon très importante au niveau du gouvernement ouvert. Il est allé chercher 50 % d'économies, il est allé chercher 50 % — excusez-moi — de réduction du taux de mortalité en chirurgie cardiaque, 50 % de moins de mortalité en chirurgie cardiaque dans un an. Comment il a fait ça? Il a fait ça en publiant les données, les taux de succès, par hôpital, par type de chirurgie, en format ouvert. Et là il y a des gens dans les... des citoyens qui ont pris ces données-là, qui ont créé des applicatifs qui permettent… Si vous résidez à Londres, vous êtes capables, avec votre téléphone mobile, de savoir à quel hôpital vous devriez vous faire traiter en fonction de la maladie que vous avez. Et ça, ça a eu un impact majeur sur la performance des établissements.

Parce qu'il ne s'agit pas de mettre un outil de contrôle pour en mettre un, il s'agit, à travers un geste comme celui-là, de permettre le partage des meilleures pratiques. Les gens qui sont impactés par ça, les hauts fonctionnaires doivent comprendre que, oui, ça fait mal, peut-être, sur le coup, d'ouvrir le kimono, comme on dit, mais, une fois qu'il est ouvert, ce n'est pas juste pour la population qu'il est ouvert, il est ouvert pour nos pairs. Donc, les hauts fonctionnaires, tous les gens qui sont dans le réseau sont capables de prendre le téléphone et d'appeler pour dire : Telle, telle expérience que vous avez faite, ça a marché comment? Comment vous vous y êtes pris pour atteindre cette performance-là? Et là le résultat de ça, c'est l'amélioration de la performance de l'État, parce que les bonnes pratiques se propagent. C'est comme ça qu'il faut le comprendre. Un tableau de bord, ça sert à ça. La divulgation proactive, ça a un impact économique fantastique et ça peut générer des économies puis ça peut surtout améliorer la performance de l'État.

M. Drainville : Quand vous dites : Ça peut créer de la richesse, le gouvernement ouvert et, de façon plus générale, le plan numérique, là…

M. Gauthier (Jean-François) : Oui?

M. Drainville : Parce que ce que je comprends, puis corrigez-moi si je me trompe, j'en sais plus que j'en savais au début de ces consultations-là, mais je réalise à quel point ce champ d'études puis d'action est vaste. Moi, j'avais, sincèrement, sous-estimé, je vous dirais, le niveau de complexité que tout ce débat-là, dis-je bien, soulève, là. Alors, ce que je comprends, c'est que le gouvernement ouvert, c'est une des dimensions du plan numérique, n'est-ce pas?

M. Gauthier (Jean-François) : Tout à fait.

M. Drainville : Alors, j'aimerais ça que vous nous expliquiez où est-ce qu'elle est, la création de richesse là-dedans?

• (19 h 50) •

M. Gauthier (Jean-François) : Bon. Là-dessus, je vais demander à M. Cartier de parler parce que M. Cartier, évidemment, vous savez, c'est un des trésors nationaux qu'on a, au Québec, sur ces questions-là, en termes de réflexion sur comment on devrait prendre la route vers une société de la connaissance. Parce que c'est de ça dont il est question quand on parle d'un plan numérique au Québec, c'est : Comment peut-on se faire un projet de société collectif qui soit rassembleur puis qui permet justement à toutes les composantes de la société d'utiliser l'intelligence, d'utiliser l'information pour justement créer une nouvelle richesse, créer une nouvelle économie numérique? Et donc c'est là qu'il est, le capital. C'est-à-dire que, quand on parle du patrimoine informationnel, il faut le comprendre comme une richesse naturelle pour l'avenir. Et c'est comme ça qu'il faut concevoir qu'on pourra susciter la création de richesse à travers le développement d'applications, à travers le développement de nouveaux services à très forte valeur ajoutée pour les citoyens. Puis je peux vous donner un exemple dans le domaine de la santé, par exemple. Puis je…

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Gauthier (Jean-François) : …je passe la parole à M. Cartier là-dessus, qui pourrait en parler plus que moi, là. Mais il y a énormément d'exemples qu'on pourrait donner sur les services à valeur ajoutée.

M. Drainville : Alors, M. Cartier, expliquez-nous en quelques mots — parce qu'on n'a pas tant de temps que ça, là — un plan numérique, c'est quoi? Dit simplement pour que M. et Mme Tout-le-monde, là, les très nombreux téléspectateurs qu'on a ce soir, là, qui n'écoutent pas le hockey mais qui nous écoutent, là, pour que tout le monde saisisse bien c'est quoi, ça, un plan numérique.

M. Cartier (Michel) : O.K. Deux exemples. J'ai été longtemps, 23 ans, à l'UQAM, donc, en tant que professeur. Je sais très bien, en analysant les 40 pays de l'OCDE, qu'à peu près en dedans de 10 ans 30 % des jobs vont disparaître et 30 % des nouvelles jobs vont apparaître. Est-ce qu'il y a, en quelque part, une analyse, exemple, dans nos universités des jobs qui s'en vont puis des jobs qui s'en viennent? Moi, je peux vous dire non.

Et j'ai été surpris, l'autre jour — parce qu'on m'a demandé d'y retourner, de visiter l'UQAM — de voir qu'on donnait des cours de photographie, quand, dans l'avenir, la photographie — il est où ton petit bidule, là? O.K. — quand la photographie, elle va se faire en grande partie là et que les nouveaux emplois vont être dans des formes d'intelligence, c'est-à-dire de traitement de l'information. On aurait grand avantage, par rapport au monde de l'éducation, à faire une étude des emplois qui s'en vont, des emplois qui s'en viennent, et, pour ça, ça nous prend une série de recherches sur ce type d'emplois là.

La deuxième chose, je relève, moi et mon épouse, d'une période pas facile, qui a été neuf ans de... c'est une question de cancer dans un hôpital du nord de la ville. Ce n'est pas moi qui étais atteint, c'était mon épouse, mais je servais de secrétaire. Elle faisait affaire avec l'infirmière, l'infirmière pivot, le médecin, l'administratrice et finalement la pharmacienne. Comment se fait-il qu'une personne qui ne connaissait rien à un hôpital devait faire face à cinq dossiers différents pour gérer son cas à elle? Comment ça se fait qu'on n'a pas un maudit dossier patient? C'est impossible, dans le monde de l'éducation et dans le monde de la santé, aujourd'hui, qu'on n'ait pas un dossier patient puis un dossier étudiant en 2013. Voyons donc!

M. Drainville : …peut-être pour ça, en passant, là, que j'étais porte-parole en santé. Je ne veux pas m'étendre là-dessus. Mais disons qu'on a demandé que ça se fasse, et ça ne se faisait pas. Mais, encore une fois, je n'ai pas le goût de lancer le débat là-dessus. Ça commence à se faire, là. Ça commence à se faire, mais ça a pris du temps. Ça a pris du temps. Mais vous m'avez...

M. Cartier (Michel) : …je revenais d'Amérique du Sud où tous les dossiers patients, en Amérique du Sud, étaient en cinq langues. Comment ça se fait que ça prend 10 ans pour que je me présente devant une assemblée telle que la vôtre pour vous dire qu'il y a 10 ans déjà on en parlait à Montréal?

M. Drainville : …plan numérique, là, un plan numérique, c'est quoi, c'est…

M. Cartier (Michel) : ...

M. Drainville : …c'est l'idée de développer… développer une série de...

M. Cartier (Michel) : C'est gérer des milliers et des milliers, pour ne pas parler de milliards de données qui sont dans les 26 ministères, de façon croisée, à aider les gens qui vont passer sur le pont Champlain, qui vont aller à l'Hôpital Sacré-Coeur ou qui vont aller à l'UQAM, là. C'est ça.

M. Drainville : Et ce que vous dites, vous, votre hypothèse, c'est que, si on libère ces données, on va nécessairement susciter des idées, des...

M. Cartier (Michel) : …dans 20 pays à travers le monde, c'est déjà fait. C'est l'administration de toutes les données que tous les ministres et les ministères mettent ensemble, les décloisonner pour empêcher d'avoir 28 silos et de créer des applications pour que le gars qui s'en va sur le pont Champlain ou à l'hôpital Untel ou à l'université Untel soit capable, avec les applications, d'être mieux servi par son État. C'est tout simplement ça.

M. Drainville : …ça, je comprends l'intérêt pour le citoyen. Mais ma question portait sur la création de la richesse à travers ça. C'est que cette disponibilité d'information donne naissance à des entreprises, par exemple, c'est ça…

M. Cartier (Michel) : Non seulement ça...

M. Drainville : ...qui offrent des services, qui développent des applications?

M. Cartier (Michel) : …ou, à la fois, vous avez des nouvelles entreprises, vous avez des nouveaux emplois, mais surtout — et c'est là, notre message d'aujourd'hui — vous allez avoir probablement 40 % de moins de choses à faire et 30 % que vous allez gagner avec l'information que vous avez déjà. Le problème, c'est que vous avez déjà tout ça, vous êtes assis dessus. Excusez, ce n'est pas tellement poli de vous dire ça. Mais vous êtes assis sur toute cette information-là et vous ne la... je ne dis pas vous personnellement, mais elle n'est pas gérée correctement. Il faut que chaque information ait quatre dimensions, qu'elle soit rentrée pour être gérée par l'autre ministère, par Untel ou par Untel. Le coût de ça, c'est 30 % plus de bénéfices. Elle est là, la valeur ajoutée, c'est dans le service ajouté grâce à tout le matériel que vous avez déjà.

Le Président (M. Marsan) : M. le député de Sanguinet.

M. Therrien : …combien de temps?

Le Président (M. Marsan) : Il reste environ sept minutes.

M. Therrien : O.K., merci. Merci beaucoup. Merci. Écoutez, tantôt, vous avez parlé des hôpitaux. J'ai comme allumé une cloche, là, parce que moi, j'ai lu quelque chose récemment sur la productivité, parce qu'on essaie toujours d'améliorer la productivité des hôpitaux, et, aux HEC, ils ont une chaire, là, qui étudie la productivité. Et Robert Gagné, qui est en charge de ces études-là, a écrit quelque chose, à l'automne, de très intéressant. Il mentionnait que, pour améliorer les services au niveau des hôpitaux, il fallait les rendre concurrentiels, il fallait instaurer de la concurrence entre les services hospitaliers pour faire en sorte de faire plus avec moins, puis diminuer les coûts, puis améliorer même les services à la population. Moi, j'ai trouvé ça très, très intéressant, mais...

C'est des dossiers que... Votre réflexion est très profonde, et moi, je n'ai pas cette réflexion-là. Ça fait que j'ai lu ça puis j'ai mis ça de côté. J'ai dit : Ah bien, c'est intéressant! Puis là, quand vous avez parlé tantôt — j'ai pris ça en note — là j'ai allumé. En Europe, ils le font. Les pays scandinaves, ils le font. Ils sont capables d'irriguer l'argent vers les hôpitaux qui sont performants. Il faut que la population soit informée des hôpitaux performants, et les argents sont envoyés pour les encourager à devenir performants.

Moi, j'aimerais ça vous entendre sur... Et là je viens de comprendre que, sans ce que vous dites, c'est impossible. Moi, j'aimerais ça que vous me parliez rapidement, là, de l'expérience de ces pays-là et à quel point on pourrait transférer ces applications-là ici, si ça se fait, parce qu'on est sur quelque chose de très, très intéressant.

M. Gauthier (Jean-François) : Tout à fait. Et je vais vous donner un exemple qui ne sera pas de l'extérieur, qui va être du Québec. Nous, dans le cadre des mandats qu'on a faits, Mario et moi, entre autres, on a fait un mandat chez SOGIQUE, qui est un gestionnaire d'actifs important dans le réseau de la santé. On a évalué les actifs... Parce que vous savez que SOGIQUE, à l'époque... parce que, maintenant, c'est intégré au ministère, là... mais SOGIQUE gère des actifs très, très, très critiques pour, entre autres, le maintien des personnes âgées à domicile.

Si on pense... Puis je vous amène dans cette réflexion-là. Pensez à l'impact de la libération des informations qui concernent les besoins au niveau du maintien des personnes âgées à domicile, pensez-y dans le sens qu'on est capables de libérer cette information-là, pas sur les besoins de Mme Gagnon sur la rue... Il faut que ça soit dénominalisé, on s'entend, là. Mais il y a une possibilité de sécuriser, libérer cette information-là pour faire en sorte que les entreprises... Le réseau capillaire, comme dit souvent mon ami Mario, dans toutes les entreprises d'économie sociale qui veulent cette information-là pour être capables d'être plus performantes, ne serait-ce que pour céduler, par exemple, les besoins, les soins de pied, la popote roulante, les ci, les ça… Vous savez comment ça se fait actuellement. Il y a un préposé au téléphone, à tous les jours, qui prend le téléphone puis qui «booke» ces soins-là pour les personnes âgées à domicile. Le jour où on rend accessibles de façon intelligente ces données-là, bien il y a des gens dans le champ...

Parce que, vous le savez, la différence entre l'informatique moderne puis l'informatique du passé, là, c'est de créer une application sur iPhone. Aujourd'hui, pour des gars comme ça, qui sont des spécialistes, là, on parle de quelques jours, on ne parle pas de semaines, ni de mois — l'application iPhone qui est sur App Store, là — donc on parle de peut-être entre 10… peut-être entre 10 et 20 jours de travail. On n'est pas du tout dans la même dimension. Donc, cette information-là peut permettre à des entreprises d'utiliser cette information-là puis de permettre, par exemple, aux proches aidants, sur leurs téléphones mobiles, d'être capables d'accéder à un applicatif qui va permettre de supporter la prise en charge des personnes âgées à domicile. Et ça, on l'a démontré dans le cadre de l'étude qu'on a faite chez SOGIQUE. Puis, Mario, si tu veux compléter la réponse...

• (20 heures) •

M. Perron (Mario) : Pour répondre à la question sur la création de richesse, je vais vous donner un exemple passé puis un exemple moderne. L'exemple passé : grâce à la social-démocratie du Québec ou nos grands programmes, on avait, à la Société d'assurance automobile, créé, dans les années 80, un excellent système de dossier unique du permis de conduire et de l'immatriculation qui n'avait pas d'égal en Amérique du Nord. Les firmes qui avaient créé ça avec l'aide du gouvernement se sont mises à en faire la promotion aux États-Unis, et on a commencé à déployer cette solution-là, à faire rentrer de l'argent au Québec, à nos firmes à nous, qui étaient des firmes d'informatique, au lieu d'être des firmes qui construisaient des barrages comme au bon vieux temps. Donc, ces firmes-là ont commencé à revendre cette expertise qui avait été créée par la conjonction de l'innovation québécoise et du modèle sociétal québécois, qui est légèrement différent, qui avait permis la création d'un fichier unique dont les Américains ne s'étaient pas dotés avant. Il y avait un potentiel de 2 milliards de dollars de revente de ces technologies-là qu'on avait créées ici, souveraineté numérique dans ce cas-là.

Prenons l'exemple, aujourd'hui même, du réseau de santé américain, que vous connaissez bien. L'ObamaCare est basé en grande partie sur la transformation des organisations américaines sous la forme de ACO, Accountable Care Organization, modèle, comme par hasard, que nous avons déjà commencé à déployer avec les GMF, de sorte que, si vous ouvrez les données, des compagnies comme les nôtres vont créer des applications pour les GMF qu'on va aller revendre aux États-Unis parce qu'on est en avance sur ce modèle sociétal là, puisqu'effectivement, si on met la conjonction, encore une fois, de l'ouverture de la donnée, de la collaboration de la société civile dont je fais partie, créateurs de logiciels et du numérique, on est capables de créer avant les autres parce qu'on a déployé le modèle avant les autres. Il y a un immense appétit chez nos amis américains, chez qui on fait la promotion de ces solutions-là. Et on pourrait créer de la richesse. C'est un bel exemple, au niveau de la santé, qui est énorme en termes de production de richesse.

M. Therrien : Autrement dit, l'économie de marché fonctionne avec l'information des prix. C'est-à-dire qu'on va orienter nos allocations de richesse au niveau des prix, puis c'est l'appât du gain qui va faire en sorte qu'on soit efficaces, puis c'est ça qui attire l'efficacité. Dans le cas de la fonction publique puis la bureaucratie, on n'a pas ce stimuli-là parce qu'on n'axe pas vers la profitabilité nos actions et on manque d'information parce que le système des prix ne fonctionne pas à ce niveau-là.

Et ce que je viens de comprendre, je viens d'allumer, là, c'est qu'on peut réaliser de la création de richesse puis une amélioration de l'efficacité de la fonction publique, de la bureaucratie justement par la transmission d'informations qui va faire en sorte qu'on aura une amélioration de l'utilisation des ressources, des ressources humaines au sein de notre gouvernement.

Le Président (M. Marsan) : Alors, M. le député de Sanguinet. On termine en même temps... Le temps est écoulé. Nous poursuivons avec l'opposition officielle. Et je vais donner la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé. Madame.

Mme de Santis : Merci beaucoup, M. le Président. Merci et merci beaucoup d'être là pour présenter votre mémoire. C'est très, très intéressant. Alors, je vais laisser la parole plutôt à mon collègue, mais j'ai une ou deux questions. Vous faites trois recommandations. La première recommandation, c'est que le gouvernement s'associe aux leaders de la société civile et amorce le chantier qui dotera le Québec d'une véritable stratégie nationale du numérique. C'est qui, ces leaders de la société?

M. Gauthier (Jean-François) : Bon, les leaders de la société... Moi, je pense que la question, j'aurais envie de l'inverser : Qui ne devrait pas être dans cette réflexion-là? Parce que, je vous l'ai dit tout à l'heure, les leaders de la société qui sont impactés par le numérique en général, je ne pense pas... moi, je ne suis pas capable de penser à un groupe qui, à quelque part, ne sera pas impacté par le numérique, par la transmission de l'information. Parce que l'information est absolument le nerf de la guerre dans l'avenir. Donc, on parle de gouvernance de l'information, de se donner un modèle de transport de cette information-là puis de valorisation de cette information-là. Donc, pour moi, c'est toute la société.

Évidemment, quand on parle du numérique, traditionnellement, on a toujours le réflexe de penser aux technologies. Il faut arrêter de penser aux technologies quand on pense au numérique. Ça a l'air drôle à dire ce que je vous dis là, parce que le numérique, ce n'est plus un enjeu technologique, c'est un enjeu de société qui doit rejoindre tout le monde. Tous les citoyens sont impactés par ça. Savez-vous combien... Puis M. Cartier me donne l'information puis il a parfaitement raison. À chaque jour, on transige pour 2 milliards de dollars en valeurs avec les Américains, tous les jours. Les Américains, on le sait, sont déjà équipés pour transiger électroniquement avec les entreprises.

J'entendais l'exemple de Boeing tout à l'heure, Mario nous le donnait, Boeing, le plus gros de ses affaires vient de la vente de pièces qui se fait sur Internet. On ne vend plus des avions, on vend des pièces sur Internet. Le volume d'affaires qui est en train de se transiger électroniquement à travers ce virage-là, il est gigantesque.

Actuellement, au Québec, malheureusement on est en retard là-dessus. Donc, ça impacte au niveau sociétal, au niveau économique, au niveau culturel. Il n'y a pas un secteur d'activité de la société québécoise, à mon avis, qui n'est pas concerné par cette réflexion-là sur l'avenir de la modernité de ce qu'on doit aller. Parce qu'actuellement le problème qu'on vit, c'est que, pendant qu'on réfléchit, nous, là, il y a des technopoles qui se créent à travers le monde, il y a des pays qui sont en train de prendre une avance qu'on va avoir beaucoup de difficultés à rattraper malgré la créativité de nos entrepreneurs, malgré notre bonne volonté. Il y a vraiment... Puis moi, c'est ce qui me désole, on prend du retard, un retard important.

Mme de Santis : Si j'ai compris, il y a 20 pays qui ont adopté déjà un plan numérique. Lesquels?

M. Gauthier (Jean-François) : Les Américains, l'Australie, les villes sont en train de se doter de plans numériques, l'Asie, la Malaisie — bon, nommez-les tous — Taiwan. La plupart des pays modernes industrialisés sont déjà avec des plans numériques.

Je vais vous donner l'exemple, celui de la ville de New York, parce que celui-là est très fort. Quand Michael Bloomberg est arrivé... La semaine dernière, on a organisé une conférence téléphonique avec la directrice des affaires numériques de la ville de New York, un nouveau poste, une nouvelle dénomination de poste, qui est très parlante, à mon avis. On ne parle plus de technologie, on parle du numérique. Donc, la directrice des technologies de la ville de New York, elle a 29 ans, et c'est elle qui, depuis deux ans avec Michael Bloomberg, avec un leadership politique très fort, a réussi à livrer un des meilleurs plans numériques au monde pour la ville de New York.

Mme de Santis : Si on va vers un gouvernement ouvert et les renseignements deviennent disponibles pour tout le monde, c'est énormément de renseignements. Et les renseignements, c'est le pouvoir. Dans une société comme la nôtre, où on est aujourd'hui, où on n'a pas une population qui est rendue à ce niveau-là, est-ce que c'est possible qu'on va laisser des gens derrière nous? Vous parlez d'un monde qui est très «futuristic», et alors je me demande comment nous faisons pour faire suivre la population vers cette direction et est-ce qu'on va en perdre.

M. Gauthier (Jean-François) : Bien, vous avez raison, il y a...

Mme de Santis : Il y a toute une discussion à avoir là-dessus.

M. Gauthier (Jean-François) : Tout à fait. Il y a une fracture numérique au Québec, puis, quand on parle de cette fracture-là, on pourrait en parler longuement, mais il y a effectivement à se doter de moyens puis à penser à comment on ne largue pas le 40 % de la population qui n'est pas... qui ne sont pas tous au même niveau, la difficulté que ces gens-là vont avoir à suivre. Mais il reste qu'au niveau de notre rôle, en tout cas, au niveau du gouvernement, c'est de marquer le pas puis d'amener l'innovation. Et c'est maintenant, je pense, qu'il faut le faire. Oui, il y aura un enjeu évident pour ramener, pour s'assurer qu'on ne largue pas personne en cours de route, effectivement, mais on ne peut pas, à cause de ces préoccupations-là, s'empêcher de faire ce qu'on doit faire pour rattraper le retard qu'on doit se donner. Moi, je pense que c'est absolument fondamental là-dessus. M. Cartier.

M. Cartier (Michel) : Le point intéressant, c'est qu'on parle du Québec, mais on pourrait parler des 40 pays de l'OCDE ou des 57 pays qui sont à peu près les mêmes. Tous les pays, on est comme tous alignés sur la piste de course ensemble, et là tout le monde essaie d'avancer. Il y a une vingtaine de pays qui sont en avance par rapport à ce qu'on fait, mais, d'une façon ou d'une autre, ils ne sont pas rendus... je ne veux pas dire très loin, ils ont des avances — exemple, les Américains, les Australiens ou les Malaisiens — où ils sont rendus très loin. Mais le problème qui s'est posé, c'est que, partout, les mêmes problèmes concernant ceux qui sont analphabètes, handicapés, ou etc., ils sont partout pareils à travers le monde.

Moi, ce que je pense, c'est qu'à un moment donné c'est un peu comme la débâcle au printemps quand les glaces partent. Et il y a des pays qui vont aller plus vite que d'autres. Je vous envoie juste — pas à vous, mais à tout le monde — quelques chiffres intéressants. Il y a 10 ou 12 ans, à l'OCDE, le Canada était le cinquième pays au monde au ratio de personnes connectées sur Internet. Aujourd'hui, le Canada est le 15e pays, et le Québec, dans l'ensemble des 10 provinces canadiennes, est la cinquième province. Autrement dit, aujourd'hui, on est le 20e pays, où on était cinq.

• (20 h 10) •

Le Président (M. Marsan) : M. le député de Verdun.

M. Gautrin : Je vous remercie. J'ai quelques questions à vous poser. Je vais d'abord répondre à mon collègue le ministre. À l'heure actuelle, vous avez posé, tout à l'heure, une question qui est : Qu'est-ce qui incite les gens à donner une information exacte? Et c'est vrai qu'un des grands...

M. Drainville : C'est se mettre à risque.

M. Gautrin : C'est se mettre à risque, justement. Vous avez remarqué, et je crois que c'est vous qui êtes responsable, actuellement, du site www.gouv.qc... Des données gouv., c'est vous qui l'avez ou pas?

M. Drainville : Non, c'est le Trésor.

M. Gautrin : C'est le Trésor. Vous avez regardé, au Trésor, à l'heure actuelle, la difficulté qu'on avait d'avoir une information qui soit cohérente? On a, par exemple, le tableau de bord sur les données en informatique, et vous regardez que la tendance sur les tableaux de bord, c'est que tous les projets marchent très bien. Comme vous le connaissez, actuellement, il y a un certain nombre de projets qui ne marchent pas bien, et parce que là, là, c'est la difficulté qu'on a, à l'heure actuelle, de pouvoir s'assurer que l'information qu'on donne soit une information exacte. Parce que, vous avez parfaitement raison, il y a une réaction de la part de ceux qui génèrent l'information de devoir...

M. Drainville : De vouloir se protéger.

M. Gautrin : …de vouloir se protéger. Donc, il ne faut pas lire que toute l'approche gouvernement ouvert n'est pas sans avoir un certain nombre de problèmes inhérents, quand même, derrière ça, et vous avez parfaitement raison lorsque vous l'avez soulevé.

Le deuxième élément que je voudrais aborder avec vous, vous avez parlé, tout à l'heure, de la question : Quel était l'avantage de création de richesse? Le problème, c'est qu'à partir du moment où l'information est divulguée, l'information est accessible, là, à ce moment-là, vous pouvez retravailler, à partir de cette information brute, construire quelque chose — c'est ce que mon collègue a appelé l'implication — et qui devienne quelque chose qui a une valeur économique. Donc, à partir de quelque chose qui, au départ, n'a pas de valeur et qui est dans l'ensemble de l'information que vous détenez ou qu'on détient tous et qui est l'intervention gouvernementale, on peut permettre, à ce moment-là, de créer des objets qui viennent de valeur... Le collègue...

M. Drainville : C'est littéralement… si vous me permettez, c'est littéralement une mine d'informations...

M. Gautrin : Absolument.

M. Drainville : Une mine d'informations.

M. Gautrin : Le collègue a donné, tout à l'heure, l'exemple de la santé. Je vais vous donner un exemple qui s'est fait ailleurs. Vous prenez, par exemple, les temps d'attente dans les urgences, les cartes et la position des hôpitaux, et, à ce moment-là, vous pouvez alors créer quelque chose qui est commercialement utile et vendable, à ce moment-là, pour vos citoyens. Vous avez créé un bien nouveau qui devient, à ce moment-là, commercialisable. C'est comme ça que le gouvernement ouvert va dire la richesse.

Je voudrais rentrer sur deux questions que je voudrais vous poser. La première, c'est… C'est clair que donner l'information est quelque chose d'important, mais il faut savoir aussi comment le citoyen peut réagir. C'est-à-dire que moi, la participation du citoyen… et ces lois... Vous êtes ministre, actuellement… Je m'excuse, je m'adresse, M. le Président, au ministre, à travers vous. Mais savoir comment on va être en mesure de baliser la participation des citoyens pour pouvoir après exactement savoir que le gouvernant que vous êtes et que le parti… ne va pas seulement dire : La participation... Mais il faut participer pour le plaisir de participer, mais on va vouloir en tenir compte et comment on va pouvoir tenir compte d'une véritable participation.

Vous avez soulevé, tout à l'heure, tout à fait à juste titre... Prenez par exemple la surveillance que… l'imputabilité qu'on peut faire en dévoilant les données. Mais il faut que le citoyen puisse réagir et que le décideur puisse tenir compte de cette réaction du citoyen. Et, je vous dis très franchement, je n'ai pas résolu ce problème-là, hein? C'est un problème que je trouve qui est ouvert, qu'il faut qu'on réfléchisse et qu'on avance. Comment on peut être en mesure de baliser, de ne pas non plus tomber dans quelque chose où quelque personne va contrôler parce qu'elle contrôle les lignes informatiques, etc., ou Internet, mais dans lequel on tient vraiment compte aussi du point de vue du citoyen? Je pense que c'est un débat qui est sérieux.

Et c'est non seulement dans le gouvernement ouvert, la transparence, qui est un élément important, mais il est aussi important d'avoir le deuxième élément qui est de vouloir mieux baliser la participation des citoyens. Et, quand je dis «participation», ce n'est pas le mécanique, technique, pour dire… trouver un… mais savoir comment le dirigeant que vous êtes… Enfin, je dis «vous» et, M. le Président, j'entends… à travers ça, je dis le gouvernement comme tel, le dirigeant. Et je voudrais savoir aussi si vous pouvez… Ça, c'était ma première question. Ma deuxième question, je pourrais donner...

M. Drainville : C'est une excellente question.

M. Gautrin : Non, non, mais...

M. Drainville : La commission est terminée, malheureusement.

M. Gautrin : Mais j'ai encore une deuxième question.

Le Président (M. Marsan) : Rapidement, M. le député.

M. Gautrin : Non, non, mais, peut-être, ils peuvent répondre à ma première question?

Le Président (M. Marsan) : Oui. Allez-y, M. Gauthier.

M. Gauthier (Jean-François) : C'est une question très, très, très fondamentale, comment on assure la participation citoyenne, comment on devient un gouvernement plus intelligent, donc un gouvernement qui se connecte avec l'intelligence citoyenne et qui permet effectivement de bénéficier de l'intelligence qui aujourd'hui est partout. La connaissance, elle est partout, on est capables de se connecter dessus.

Donc, nous, l'Institut de gouvernance numérique, c'est au coeur de notre mission, ça, de rendre disponibles des plateformes qui sont créées par l'intelligence citoyenne à partir des nouvelles approches qui vont permettre justement aux citoyens de participer activement aux décisions publiques.

Et je vous en parle très, très rapidement, il y en a deux. Il y en a une que vous avez déjà entendu parler, qui s'appelle Parlement & citoyens. Vous le savez, on est allés à Paris pour en discuter. Il reste que c'est une approche pour permettre aux citoyens de participer à l'élaboration des processus législatifs, qui est très structurée, très méthodologique, qui actuellement est en cours d'expérimentation en France à travers nos partenaires.

La deuxième plateforme, qui, à mon avis, qui est... deuxième idée, il faut globalement trouver des sujets qui vont aller chercher vraiment l'intérêt des citoyens, ce qui les concerne directement. Entre autres sujets qui concernent légèrement les citoyens actuellement dans l'actualité, c'est toute la question des appels d'offres. On peut penser développer des façons de faire qui pourraient permettre aux citoyens de participer activement à l'élaboration des critères et la priorisation des critères dans les appels d'offres dans le secteur public. Donc, ça, c'est une autre façon qu'on peut faire pour aller chercher le citoyen avec les préoccupations qu'il a et l'amener dans la décision publique.

M. Gautrin : Est-ce que je peux soulever une autre dimension?

Le Président (M. Marsan) : Oui, M. le député de Verdun.

M. Gautrin : Je comprends ce que vous avez dit. Une autre dimension qui est… Et je vais revenir tout à fait sur la protection des renseignements personnels parce que, dans le fond, l'objectif de cette commission, c'est de regarder le rapport, actuellement, de la CAI. Or, autant j'ai plaidé, j'ai plaidé beaucoup pour le gouvernement ouvert et l'importance de donner accès à l'ensemble de l'information, autant je suis un défenseur de la protection des renseignements personnels. Et jusqu'à quel point on est en mesure de faire des couplages de fichiers, etc., de découvrir des renseignements qui deviennent des renseignements personnels? Autrement dit, si je prends trois ou quatre fichiers et je vais finir par tomber… il n'existe qu'une personne… Je ne sais pas quelle auto vous conduisez, M. Drainville… enfin, M. le député de Marguerite...

M. Drainville : Une Sentra.

Des voix :

M. Gautrin : Non, non, mais excusez, là. Mais c'est ce que je prenais comme exemple. Vous connaissez la marque de l'automobile, vous prenez les fichiers d'endroits et vous finissez, à ce moment-là, par avoir une information qui est une information à caractère personnel. Donc, dans la réflexion qu'on doit dire, tout à l'approche du gouvernement ouvert, et c'est important parce qu'on est ici dans le rapport de la Commission d'accès à l'information… être en mesure, lorsqu'on dévoile des fichiers qui sont des fichiers en principe extrêmement généraux, et on va dire : Il n'y a aucun danger, dans le fichier, de donner un renseignement personnel… le fait qu'on puisse coupler de nombreux fichiers peut avoir comme effet de dévoiler des renseignements à caractère personnel. Et je n'ai pas de réponse encore à ça, hein? Mais je dois dire qu'on doit avoir une sensibilité… une sensibilité... Non, mais il faut qu'on ait cette sensibilité.

M. Perron (Mario) : ...c'est une préoccupation essentielle.

Le Président (M. Marsan) : M. Perron.

M. Perron (Mario) : Et elle est tellement essentielle, cette préoccupation, que, depuis une dizaine d'années, s'est développée toute une technologie qu'on appelle l'anonymisation, qui permet a priori, avant même de projeter ces données-là, de s'assurer exactement de ce que M. Gautrin nous rappelle, qu'on ne va pas projeter quelque chose qui va nous permettre d'aller croiser des données pour tomber sur un seul individu. Donc, il y a des solutions informatiques qui devront absolument être mises en oeuvre, étant donné que l'État est, bien entendu, le fiduciaire de ces données-là et de la protection des renseignements personnels, pour s'assurer qu'au moment du dévoilement il n'y a aucune possibilité de recouper des données. Et, je vous dis, ces solutions-là, elles existent depuis environ une dizaine d'années et se développent à chaque année davantage pour être rigoureusement exactes. C'est un domaine de l'informatique qui est très nouvellement développé, mais qui fonctionne très bien.

Le Président (M. Marsan) : Alors, M. le député de Verdun, il reste encore trois minutes.

M. Gautrin : Ah! Il reste... Est-ce que madame ma collègue voudrait peut-être intervenir? Parce que, moi, je peux les prendre, hein? Vous savez, j'ai...

• (20 h 20) •

Mme de Santis : Je vais poser la question à mon collègue : Est-ce qu'on ne va pas vers un monde où il y aura la tyrannie de l'information? Parce que le dernier point qui a été soulevé, c'est quelque chose qui me préoccupe beaucoup. Je ne suis pas assez fourbe — je reconnais mes limites — je ne suis pas assez fourbe de savoir quelle information peut être couplée avec quelle information pour arriver à d'autres renseignements. Et je ne crois pas qu'il y a un moyen de s'assurer que quelqu'un n'est pas capable de prendre des renseignements là et arriver à des fins qui sont moins souhaitables pour la société. Pouvez-vous m'aider à mieux comprendre?

M. Perron (Mario) : Je pense qu'il y a une énorme oeuvre éducative à faire auprès de la population. Et c'est quelque chose de fondamental dans un plan numérique et dans un projet de société que de se doter collectivement de l'éducation nécessaire pour que... Par exemple — puis je vais vous donner des exemples concrets qui n'ont pas besoin du gouvernement ouvert pour ramener des problèmes réels à la population en général — sur les médias sociaux, les gens, aujourd'hui, indiquent des choses aussi horribles que, par exemple : Nous sommes, toute la famille, en vacances à Cancun. Je pense que ce n'est pas exactement une bonne idée de faire ça, par exemple, sur Facebook, O.K., donc d'aller dire à la population en général...

Puis là on n'est pas rentrés du tout dans les problèmes d'anonymisation. Donc, il y a toute une éducation collective à se faire, entre nous, de la gestion de notre propre identité, de la gestion de notre identité numérique. On commence à citer des cas, notamment aux États-Unis, où des gens, lors d'entrevues d'embauche, ont préalablement fait des recherches sur tous les médias sociaux et sont allés vérifier, dans les 10 dernières années, qu'est-ce que vous avez bien pu inventer comme partys de fin de session et de photographies compromettantes. Donc, c'est le genre de choses dont il faut absolument discuter entre nous pour voir comment on se dote des meilleurs outils et de l'éducation nécessaire pour ne pas tomber dans ces travers.

M. Gautrin : J'ai une dernière question, si vous me permettez.

Le Président (M. Marsan) : Rapidement, M. le député de Verdun.

M. Gautrin : Oui. Hier, madame ma collègue de... — vous permettez, une toute petite question, je veux... — regardez, a soulevé la question de : trop d'information, ça équivaut à pas d'information. Et ça, vous le savez parfaitement, la manière, par exemple, de ne pas... de cacher quelque chose, c'est donner énormément d'informations. Donc, c'est important, ce que vous dites, dans le gouvernement ouvert. Bien sûr, il faut dévoiler l'information, mais il faut être en mesure de savoir la hiérarchiser, de savoir l'archiver et savoir de la manière dont on... à laquelle on va pouvoir l'utiliser. Parce que, si on donne un énorme paquet d'information, ça équivaut à dire... à chercher une aiguille dans une botte de foin, en disant : On vous donne du foin, puis, vous savez, il y a une aiguille quelque part, trouvez-la. Allez-y.

M. Gauthier (Jean-François) : Vous avez raison, M. Gautrin. Ce qu'il faut passer, c'est qu'il faut passer dans une ère de gouvernance de l'information. Et là on ne parle plus de la gouvernance des technologies, on parle de la gouvernance de l'information. Et, je vous le mentionne dans mon mémoire, à mon avis, on est largement en train de se faire un peu arnaquer dans le vocabulaire, hein? Parce que, je le mentionne dans mon mémoire, on parle des ressources informationnelles au Québec, on parle de dirigeant principal de l'information, alors que, dans les faits, ce ne sont pas ça. On parle de dirigeant principal de l'informatique et on parle des ressources informatiques et non pas des ressources informationnelles. Donc, ça, c'est une chose qu'il faudra comprendre. Il y a toute une dimension qu'il faut qu'on réfléchisse par rapport à ça.

Le Président (M. Marsan) : Merci, M. Gauthier. Nous poursuivons avec le deuxième groupe d'opposition. Et je vais donner la parole à M. le député de Lévis.

M. Dubé : Merci beaucoup, M. le Président. En fait, j'aimerais mentionner au ministre… Je trouvais ça intéressant lorsqu'il a fait la comparaison avec la mine d'information. J'aimerais peut-être penser que le plan numérique va peut-être faire plus d'argent que le Plan Nord. Mais ça, on pourra y revenir. Ça serait intéressant de faire la comparaison. Parce que ce que vous avez indiqué tout à l'heure, monsieur, avec le potentiel autant d'économies que de création de revenus, je pense que vous avez frappé un clou qui doit commencer à résonner dans notre économie. C'est un excellent point que vous avez fait.

J'aimerais citer, un peu comme l'a fait le ministre tout à l'heure, un des paragraphes dans votre communiqué. Vous dites : «La fonction de contrôle du député est primordiale. C'est essentiellement lors de l'étude des crédits que les parlementaires remplissent cette fonction.» J'aimerais vous dire qu'on n'a peut-être pas toujours l'information, mais, en tout cas, je continue la citation : «L'instauration d'un gouvernement ouvert permettra à tous les citoyens intéressés d'étudier ces crédits, [et par conséquent] de participer à cette surveillance des décisions prises par les gestionnaires publics…»

Je ne sais pas où est-ce que vous avez pris ça, mais j'aimerais vous remercier de cette citation parce que je crois qu'on devrait tous se rallier derrière ce point-là, qu'il y a une raison derrière le gouvernement ouvert. Cette transparence-là de l'information, on veut la donner aux citoyens pour que les citoyens soient informés des changements qu'on veut faire. Quand ils sont informés, habituellement les changements sont plus possibles.

Et j'aimerais peut-être vous donner quelques minutes, parce que, moi, je n'ai pas beaucoup de temps… de vous dire : J'ai vu dans d'autres technologies, puis on peut penser aux cellulaires, où des pays n'avaient pas l'ancienne technologie, des vieux téléphones avec les poteaux, etc., et, le fait de pouvoir passer tout de suite aux cellulaires, ils ont fait des bonds énormes.

Je vous ai entendu tout à l'heure. Je pense que le retard qu'on a peut-être dans le gouvernement ouvert, on pourrait le reprendre assez rapidement s'il y avait une volonté du gouvernement ici de pouvoir le faire. J'aimerais vous entendre un peu là-dessus, parce que je pense qu'on a la chance de faire ce genre de rattrapage, pardon, mais aussi de dépasser bien d'autres. C'est un peu ce que vous avez dit tout à l'heure. J'aimerais vous entendre quelques minutes là-dessus, si vous permettez.

M. Gauthier (Jean-François) : Bien, tout à fait. Je pense que c'est fondamental. On parle ici de gouvernance, donc, de la mise en place de ce qu'on doit faire à très court terme, là, pour réussir à rattraper le retard du Québec puis à se donner une gouvernance de l'information qui va être efficiente, qui va nous permettre de mettre à profit toute la créativité puis le savoir-faire qu'on a au niveau de nos entrepreneurs, etc. Il y a là un leadership à prendre et une transformation profonde de l'État — on s'en est parlé — un changement de culture magistral à opérer à l'intérieur de la fonction publique.

Partout dans le monde, on le voit, il y a deux éléments majeurs. Premièrement, ça prend un leadership au plus haut niveau de l'État. Ça ne peut pas être un ministère sectoriel, quel qu'il soit, qui a cette capacité de transformer puis d'avoir le leadership suffisant pour assurer que l'ensemble des ministères vont suivre, parce que c'est transversal, parce que ça concerne tout le monde et parce que tout le monde est en compétition, on est dans un monde de compétition. Donc, le leadership au plus haut niveau de l'État, dans ce cas-ci, le leadership de la première ministre, partout où ça a réussi dans le monde, on le voit, ce sont les premiers ministres directement qui ont le leadership, Obama, Michael Bloomberg, Cameron. Partout dans le monde, les leaders, ce sont eux qui s'impliquent personnellement dans la mise en oeuvre de cette nouvelle gouvernance-là puis dans la transformation de leur gouvernement.

Une voix : ...

M. Gauthier (Jean-François) : Tu peux peut-être compléter, Stéphane, sur le volet de l'étude des crédits. Vous aviez raison, là, c'est parce que...

M. Dion (Stéphane) : Oui, rapidement. En fait, là, la citation que vous avez soulevée est de moi, en fait, bien humblement. L'idée...

Une voix : ...

M. Dion (Stéphane) : Merci. Bien, en fait, l'idée, c'est d'imaginer, nous, à l'institut, le député qui a une fonction importante de contrôle de la gestion des deniers publics, on l'imaginait avec des centaines, voire des milliers de recherchistes, là — la cave de l'Assemblée nationale ne serait pas suffisamment grande pour les poster là — qui seront ou sont des citoyens intéressés à la gestion de leurs deniers publics et qui vont pouvoir, dans le fond, vous accompagner dans cette fonction-là de surveillance de dépense des deniers publics.

J'aimerais aussi rapidement dire, quant aux risques que les politiciens pourraient être appelés à prendre en ouvrant le kimono, si je reprends l'expression de mon collègue Jean-François, nous, on pense que ce risque-là que des politiciens pourraient être appelés à prendre, que d'autres ont pris à travers le monde par ailleurs, serait plutôt un partage de l'imputabilité. Et je pense que les gens qui seraient plus à risque, bien ce ne sont pas tant les politiciens que les gestionnaires de l'État, les fonctionnaires, qui des fois prennent des mauvaises décisions. Il faut se le dire, ça arrive, il y en a eu pour au moins 3 milliards sur 80 milliards de projets de TI aux États-Unis, des mauvaises décisions qui ont été prises, mais qui, comme par enchantement, les décisions ont été renversées par les gestionnaires eux-mêmes qui, parce qu'ils étaient surveillés publiquement, bien là, tout à coup, prenaient des meilleures décisions.  Alors, l'imputabilité du politicien, elle est claire, vous êtes clairement aux premières lignes. Le gouvernement ouvert, pour nous, permet d'amener à la première ligne également les gestionnaires de l'État qui gèrent nos sous, dans le fond.

Le Président (M. Marsan) : Bien, merci beaucoup. Ceci termine cette période d'échange. Et, M. Gauthier, M. Dion, M. Cartier, M. Perron, M. Fréchette, merci de nous avoir donné le point de vue de l'Institut de gouvernance numérique.

J'inviterais maintenant la Protectrice du citoyen de même que les gens qui l'accompagnent à venir prendre place à cette table. Nous allons ajourner pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 20 h 29)

(Reprise à 20 h 33)

Le Président (M. Marsan) : Alors, nous reprenons nos travaux.

Et c'est avec plaisir que nous accueillons Mme la Protectrice du citoyen. Je sais que vous n'avez plus besoin de présentation, je vais quand même vous demander de présenter la personne qui vous accompagne. Et vous avez environ une dizaine de minutes pour nous dire ce que vous pensez de ce dossier. Alors, la parole est à vous, Mme la protectrice.

Protecteur du citoyen

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Merci, M. le Président. Je suis accompagnée de Me Jean-François Bernier, qui est secrétaire général et directeur des affaires juridiques au Protecteur du citoyen et il est également responsable de l'accès et de la protection des renseignements.

M. le Président, M. le ministre, Mmes MM. les membres de la commission, je vous remercie de me permettre, avant de conclure vos travaux, de partager avec vous certaines réflexions énoncées dans le mémoire que nous vous avons adressé. Je ferai un effort pour être très succincte, compte tenu de l'heure et des nombreuses auditions auxquelles vous avez assisté aujourd'hui. Pour respecter, donc, le temps qui m'est imparti, je me limiterais à vous présenter quelques constats qui découlent de nos activités d'enquête auprès de la Commission d'accès à l'information et des observations par suite de notre analyse de son rapport quinquennal 2011, avant de vous formuler une recommandation précise de modifications législatives.

Le Protecteur du citoyen a compétence sur les fonctions de nature administrative qu'exerce la CAI, il traite annuellement une trentaine de plaintes à son endroit, pour lesquelles le premier motif de celles qui sont jugées fondées concerne la problématique des délais d'inscription au rôle d'audiences. Le délai moyen de fixation des audiences serait passé de 10 à huit mois à Québec et de 18 à 13 mois à Montréal, selon les données que m'ont fournies les autorités de la CAI au mois de mars dernier.

Si les résultats des efforts de la commission sur ce plan sont encourageants, l'écart demeure important pour satisfaire pleinement les objectifs de célérité et d'accessibilité énoncés à l'article premier de la Loi sur la justiceadministrative, car, entre la fixation de la date d'une audience, la tenue de cette audience et la publication de la décision du commissaire, les délais peuvent varier en moyenne de 434 jours, dans les cas où il n'y a pas de remise, à 870 jours, dans les cas où il y a une remise, selon les données qui sont rendues publiques par la CAI dans son rapport annuel de gestion 2011‑2012. Nous avons également constaté des délais non négligeables dans l'exercice des fonctions de surveillance de la CAI, le délai moyen de traitement des enquêtes étant de 470 jours, selon le même rapport annuel de gestion.

Mais quelles sont donc les causes de cette difficulté récurrente de la CAI à entendre diligemment les citoyens qui s'adressent à elle et à effectuer plus rapidement ses enquêtes en matière de protection des renseignements personnels? L'une d'elles, plausible, serait le nombre insuffisant de commissaires pour entendre les causes et d'employés affectés aux enquêtes, situation que le président de la commission a lui-même soulevée lors de son audition devant vous le 9 avril dernier.

Bien que n'étant vraisemblablement pas la seule cause des délais au sein de ces deux sections, force est de constater que le niveau de ressources actuel freine l'optimisation de la performance de la commission et la pleine réalisation de sa mission. C'est en gardant en tête ce constat que nous avons examiné le rapport quinquennal 2011 et ses recommandations. Ce constat, vous le verrez, trouve écho dans le cadre des autres sujets que j'aborde à l'instant.

L'impact de la Loi sur l'accès sur la mission du Protecteur du citoyen en matière de santé et de services sociaux. Comme vous le savez, le Protecteur du citoyen exerce depuis 2006 les fonctions qui étaient auparavant dévolues au Protecteur des usagers en matière de santé et de services sociaux. Il est donc chargé d'assurer le respect des droits des usagers, notamment par une intervention en deuxième niveau à la suite de conclusions rendues par les commissaires locaux ou régionaux aux plaintes et à la qualité des services.

Or, l'exercice de cette mission est freiné par l'article 173 de la Loi sur l'accès, qui impose au Protecteur du citoyen l'obligation de transmettre à la CAI toute plainte relative à une matière qui relève de sa compétence. Cet article, qui existe depuis les origines de la Loi sur l'accès en 1982, a été pensé à une époque où le Protecteur du citoyen n'intervenait qu'auprès des ministères et organismes publics, donc auprès de l'Administration, sans évidemment considérer la réalité propre au réseau de la santé et des services sociaux et certaines modalités prévues à la Loi sur les services de santé et les services sociaux relativement au dossier de l'usager. En effet, les droits des usagers introduits aux articles 17 et suivants de cette loi incluent l'accès et la confidentialité des informations. Ces dispositions, qui ont préséance sur la Loi sur l'accès, ont eu pour effet d'autoriser les commissaires aux plaintes et à la qualité des services à se saisir, indépendamment des responsables de l'accès et de la protection des renseignements personnels, de récriminations d'usagers relatives à la protection des renseignements personnels inscrits dans leur dossier.

Il est également pertinent de noter que l'article 27 de la LSSSS permet à un usager de contester devant la CAI, mais également devant trois autres instances, soit la Cour supérieure, la Cour du Québec et le Tribunal administratif du Québec, contester, donc, le refus d'accès à son dossier par un établissement. On constate donc que la CAI ne détient pas une compétence exclusive en matière d'accès aux renseignements personnels inscrits dans un dossier d'usager.

Conformément au régime de traitement des plaintes prévu à la LSSSS et à la Loi sur le Protecteur des usagers en matière de santé et de services sociaux, ce dernier se saisissait légitimement, en deuxième niveau, jusqu'en 2006, de telles plaintes puisque l'article 73 de la Loi sur l'accès ne s'appliquait qu'au Protecteur du citoyen. Or, depuis avril 2006, alors qu'il a pour mandat non équivoque de veiller au respect des droits des usagers prévus à la LSSSS, dont ceux spécifiquement consacrés au dossier de l'usager, le Protecteur du citoyen doit dorénavant en référer à la CAI et ne peut plus légalement agir en deuxième niveau.

Cette situation est souvent source de confusion et de frustration pour les usagers qui s'adressent à nous à la suite de conclusions rendues par des commissaires aux plaintes et à la qualité des services sur des questions de bris deconfidentialité, confusion, frustration et inefficacité puisque, pour les dossiers que nous lui référons, la CAI demandera aux usagers de s'adresser, obligatoirement par écrit, de nouveau à l'établissement pour exiger du responsable de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels une décision formelle qui, elle, pourra être contestée devant la section juridictionnelle de la CAI, avec les délais que l'on connaît. La CAI pourrait aussi décider de saisir sa section de surveillance de tels cas, là encore avec les importants délais d'enquête constatés, si elle le juge opportun et si l'usager est en mesure de fournir des pièces justificatives, ce qui n'est pas toujours possible.

• (20 h 40) •

À la lumière de mes précédents commentaires relatifs aux ressources actuelles de la CAI et de ses difficultés à traiter diligemment les demandes de révision et les dossiers relevant des fonctions de surveillance et par souci d'efficacité pour les usagers, je ne peux qu'insister sur la pertinence de remédier à ce dysfonctionnement qui n'a malheureusement pas été porté à l'attention du législateur en 2005. Il m'apparaît avisé de permettre au Protecteur du citoyen, sans qu'il y ait nécessité de le doter d'aucune ressource additionnelle, de se saisir des situations concernant les droits des usagers relatifs à la confidentialité de leur dossier, parce que, dans la plupart des cas, le motif de manquement à la protection desrenseignements personnels n'est que l'un des motifs de nos dossiers d'enquête. Cette modification à la loi n'aurait pas un impact significatif sur les ressources du Protecteur du citoyen ni sur ces délais.

J'ajoute que mes délégués ont toute l'expertise nécessaire, étant déjà formés sur l'interprétation des articles de la Loi sur les services de santé et les services sociaux consacrés aux dossiers d'usagers et à la confidentialité à y accorder.

Maintenant, je ferai quelques commentaires sur les autres... les recommandations du rapport quinquennal 2011. Le Protecteur du citoyen recherche et promeut la transparence optimale de l'administration dans le respect des impératifs de la bonne gouvernance. Je souscris donc généralement aux recommandations du rapport quinquennal de la CAI qui visent cette transparence directement ou par incidence. Je souligne que la majorité des 21 recommandations de la CAI n'a pas d'incidence budgétaire ou, s'il en est, elles ne sont pas importantes.

J'ai aussi noté, et je le salue, la forte préoccupation de prévention qui se traduit notamment par la recommandation d'imposer des obligations accrues aux organismes publics et aux entreprises afin de prévenir les préjudices en matière de confidentialité et de protection des renseignements personnels. Il en est ainsi des recommandations qui prônent le passage vers le gouvernement ouvert et l'assujettissement de tous les organismes publics, incluant le Protecteur du citoyen, et les instances du réseau de la santé et des services sociaux au Règlement sur la diffusion de l'information et sur la protection des renseignements personnels.

Nous l'avons constaté, et le président de la CAI lui-même le souligne, la commission n'a pas présentement les ressources nécessaires pour remplir pleinement sa mission. Et certaines des recommandations formulées dans son rapport quinquennal auront, si elles sont suivies, un impact indéniable sur sa capacité d'exercer les fonctions additionnelles qui lui seraient alors dévolues par la Loi sur l'accès. C'est pourquoi je veux attirer votre attention sur la recommandation 9 concernant le rôle de la CAI en ce qui a trait à la déclaration des failles de sécurité. La commission réclame ici un pouvoir additionnel, celui — je cite la recommandation — «d'ordonner aux organismes publics et aux entreprises d'aviser, aux conditions qu'elle déterminera, les personnes concernées d'une faille de sécurité impliquant leurs renseignements personnels et de prendre les mesures qu'elle jugera nécessaires pour assurer une protection adéquate de leurs renseignements personnels». Fin de la citation.

La philosophie qui sous-tend cette recommandation en est une de contrôle a priori. Il me semble qu'une recommandation de faire obligation aux organismes publics d'aviser, à certaines conditions, dont celle de le faire sans délai, les personnes concernées par de telles failles serait du plus grand intérêt. Cela aurait aussi l'important avantage que cet avis soit communiqué en temps opportun pour prévenir au maximum les préjudices. Cette obligation faite aux organismes publics étant dorénavant légale, la CAI aurait automatiquement le pouvoir d'agir en cas de non-respect.

L'obligation parallèle qui devrait être faite aux organismes publics d'informer la CAI sans délai de ces failles ou incidents lui permettrait, de plus, d'assurer son rôle de surveillance d'application de la loi. Sur le plan de la surveillance, je souligne que le Secrétariat du Conseil du trésor est l'organisme central qui régit, pour une majorité d'organismes publics, la gestion des technologies de l'information. Il me semble manifeste que la CAI peut jouer, avec pertinence et en priorité, un rôle important en matière de prévention des préjudices à ce chapitre, ce qui serait également source d'optimisation de ses efforts.

Finalement, je ne peux passer sous silence mon entier appui à la recommandation 20 à l'effet d'assujettir à la Loi sur l'accès les organismes dont le fonds social est détenu à plus de 50 % par l'État. L'obligation d'une transparence accrue dans le respect des prérogatives de bonne gouvernance s'inscrirait dans l'effort de renforcement de la démocratie qui a été salué à l'ouverture de cette commission parlementaire. Je vous remercie.

Le Président (M. Marsan) : Alors, merci, Mme la Protectrice du citoyen. Et immédiatement je vais donner la parole à M. le ministre des Institutions démocratiques. M. le ministre.

M. Drainville : Sur les failles de sécurité... D'abord, bonsoir. Merci d'être là. Sur les failles de sécurité, je trouve ça intéressant, ce que vous suggérez. Donc, si je vous ai bien compris, ce que vous dites, c'est que les organismes qui ont connaissance qu'il y a une faille devraient avoir la responsabilité d'en informer la victime ou les victimes de cette faille-là pour qu'elles le sachent rapidement, pour qu'elles puissent se gouverner en conséquence. Et ce que vous dites, c'est que, parallèlement à ça, il faudrait que l'organisme en question ou éventuellement l'entreprise informe aussi la CAI qu'il y a eu incident pour que la CAI puisse jouer son rôle de surveillante, pour qu'elle puisse assumer son pouvoir de surveillance.

Donc, le pouvoir d'informer la personne qui a fait l'objet de l'incident de sécurité ne serait pas entre les mains de la CAI, il resterait aux mains de l'organisme ou de l'entreprise dont ce serait la responsabilité. Comme c'est elle... ou c'est chez elle ou au sein de cette entreprise ou de cet organisme-là que s'est produite la faille, je suis assez d'accord avec vous que la première responsabilité échoit à celui ou à celle qui est à l'origine du problème. Et donc elle aurait... cette entreprise-là ou cet organisme-là aurait la responsabilité, donc, de s'assurer que les personnes concernées soient informées le plus rapidement possible de ce qui s'est produit. Par ailleurs, la CAI s'assurerait, dans le fond, que tout se fasse dans les règles et que l'information a été transmise aux personnes concernées. Donc, ils auraient un pouvoir, si je vous suis bien, de vérification, hein? C'est ça? De contrôle?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Tout à fait. En fait, l'obligation serait faite dorénavant aux organismes publics de déclarer ces incidents, d'en tenir le registre.

M. Drainville : ...les entreprises aussi parce que...

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Et les entreprises, tout à fait, tout à fait...

M. Drainville : Voilà, O.K.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : ...de déclarer ces incidents, d'informer, lorsqu'il y a matière bien sûr, la ou les personnes concernées, que ce soient des citoyens ou des entreprises, des incidents le plus tôt possible — donc, moi, je suggère que ce soit écrit «sans délai» — et d'informer parallèlement la CAI non seulement de la nature de l'incident, mais de confirmer que l'information a été donnée aux personnes concernées et de confirmer aussi les mesures qui seront prises pour prévenir la répétition de ces incidents, ce qui permettrait à la CAI de pouvoir contrôler a posteriori et d'obtenir ce qu'elle souhaite, le mandat ou le pouvoir d'ordonner, lorsque ça n'aurait pas été fait à la satisfaction de la CAI, d'ordonner à l'organisme public ou à l'entreprise d'informer les citoyens et d'agir de la manière qui est souhaitable.

M. Drainville : Et vous soulevez la question des ressources limitées de la Commission d'accès à l'information. Est-ce que vous croyez qu'elle a les ressources pour assumer les responsabilités dont vous parlez, que vous nous recommandez?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Bien, tenant compte de ces ressources limitées, qui sont même limitées par rapport à sa capacité de remplir son mandat actuel, ce que je propose justement tient compte de cela et fait en sorte que les organismes publics et les entreprises assumeraient leurs responsabilités et que cela serait facilitant pour assumer le rôle de surveillance de la CAI. Faudrait-il ajouter des ressources additionnelles? Possiblement, ce serait à voir, mais, certainement, moins de ressources seraient nécessaires que ce que recommande elle-même la CAI dans sa recommandation 9.

En fait, le contrôle a priori non seulement serait plus avantageux pour les citoyens parce qu'il permet... et je dirais pour les administrations parce qu'il permet d'agir plus rapidement, il responsabilise les organisations, mais, en même temps, il permet à la CAI de cibler là où il y a des problématiques et d'intervenir à ce niveau-là, et non pas de déresponsabiliser, d'une certaine manière, les organismes et les entreprises.

M. Drainville : Je suis tout à fait d'accord avec vous sur la responsabilisation. Je pense que c'est un principe qui doit nous guider de façon générale. Maintenant, est-ce que vous avez eu connaissance, vous, de failles de sécurité dont nos concitoyens auraient été victimes, dont certains de nos concitoyens auraient été victimes? Dans le cadre de votre travail, est-ce qu'il y a des cas de failles de sécurité qui ont été portés à votre attention à un moment donné et qui vous auraient rendus sensibles à cette question-là, justement?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Notamment, dans le réseau de la santé et des services sociaux, deux plaintes récentes que nous avons, transmission d'un dossier d'usager à un autre usager...

M. Drainville : Par erreur.

• (20 h 50) •

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Par erreur, évidemment, des noms qui se ressemblent. Et ce n'est pas une question technologique dans ce cas-ci, c'est vraiment une erreur humaine. Et on parle de dossiers papier. Alors, c'est quand même préoccupant parce que ce que ça démontre, c'est qu'il n'y a pas de vérification de sécurité avant de transmettre des dossiers dans certains cas et dans certains établissements, là. Je ne veux pas généraliser, parce que ça, c'est un autre risque de toujours généraliser. Alors, ça, ça peut être un... c'est un exemple concret.

On a eu aussi, encore une fois... ce qui est allégué, parce que nous n'avons pas pu enquêter, nous avons dû référer à la commission, c'est un usager qui s'est adressé au commissaire local d'un CSSS parce que l'employée… en fait, d'un centre hospitalier parce que l'employée de ce centre, qui s'avère être une des voisines de l'usager, a partagé avec son conjoint des informations inscrites au dossier de l'usager. Donc, vous voyez un problème de manque de discrétion de la part d'un employé.

Je ne sais si Me Bernier, qui m'accompagne, avec votre permission, aurait d'autres exemples à donner. Nous en avons aussi dans le domaine de l'administration publique, là, mais je pensais au réseau de la santé, pour lequel nous souhaitons pouvoir agir.

M. Bernier (Jean-François) : C'est relativement difficile pour le Protecteur du citoyen de témoigner de ce type d'incident puisqu'en vertu de l'article 173 dont nous parlions tout à l'heure, surtout en matière d'administration publique, c'est clair, depuis 1982, que tout élément relatif à la compétence, là, de la CAI inscrite à sa loi, le protecteur a l'obligation de transférer immédiatement la plainte ou le dossier à la CAI. Donc, ça va être rare, des cas majeurs, je vous dirais, de failles, mettons, relatives aux technologies de l'information qu'on aurait pu constater ou qu'on aurait reçu la plainte. On ne va jamais assez loin dans le traitement de la plainte pour être en mesure de faire des constats sérieux puisqu'on envoie le dossier rapidement à la CAI puis c'est elle qui s'en saisit dès ce moment-là. On transfère donc le citoyen ou le plaignant vers la CAI.

M. Drainville : O.K. Très bien. Changement de sujet. Dans votre mémoire, page 3, je cite : «Tout en appuyant le principal enjeu de transparence soutenant [la] recommandation...» C'est la 12, la 13 ou la 14... C'est la 12, pardonnez-moi. Alors : «Tout en appuyant le principal enjeu de transparence soutenant cette recommandation — la 12 — le Protecteur du citoyen invite à une certaine prudence et à la recherche d'un équilibre entre, d'une part, le respect des obligations légales et les réalités relatives à la confidentialité des données chez certains organismes publics et, d'autre part, le degré de transparence attendu par les citoyens.»

Alors, la 12, c'est l'élargissement de l'application du Règlement sur la diffusion aux organismes publicsactuellement exemptés, donc, pour résumer, là, l'application du règlement de diffusion proactive aux municipalités ainsi qu'aux secteurs scolaire et de la santé. Donc, vous dites : Attention, il faut être prudent et il faut établir un équilibre entre le respect des obligations légales relatives à la confidentialité des données au sein de certains organismes et l'obligation d'être transparent, donc de donner accès à l'info. Qu'est-ce que vous voulez dire? Élaborez un petit peu là-dessus, Mme la Protectrice.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, c'est un enjeu d'équilibre. Si, au départ, nous favorisons la transparence, il est clair que la majorité des documents et des informations qui sont de nature à éclairer le citoyen pour les débats publics, à éclairer un citoyen sur son propre statut, son propre dossier dans une organisation, c'est tout à fait souhaitable que ce soit rendu public. Mais l'invitation à la prudence, c'était pour faire en sorte qu'on évite un certain mur-à-mur et qu'on oblige, avec les mêmes exigences, toutes les organisations sans faire les nuances sur la nature, par exemple, des dossiers particuliers qui sont possédés ou qui sont entre les mains des organisations.

Prenons le seul exemple du Protecteur du citoyen. Bien que la transparence soit une de nos valeurs, il est évident que nous ne pourrions pas, par exemple, publier, dans certains cas, le résultat de toutes nos enquêtes, même en les dénominalisant, parce que, dans certaines situations, les préjudices, le contexte sont tels qu'on pourrait deviner que... on pourrait identifier, en d'autres termes, la personne, deviner que cette personne provient de telle région, que ça s'est passé, l'incident ou les incidents, dans tel établissement.

Alors, c'est l'idée de ne pas y aller d'une manière théorique, mais de considérer que l'équilibre doit être constant entre les enjeux d'accès et les enjeux de protection des renseignements personnels. Pour l'essentiel, c'est ça.  C'est qu'il y a souvent une tendance à être un peu dogmatique ou théorique sur ces questions-là et à dire, au fond, que tout devrait être accessible, sauf l'exception, mais une exception qu'on n'est jamais capable de nuancer ou de moduler selon les contextes particuliers. Et je pense que c'est cette importance de tenir compte de tous les contextes, de tous les enjeux… elle est vraiment fondamentale.

M. Drainville : Pouvez-vous être plus précise? Pouvez-vous nous... Vous nous suggérez justement d'être près du terrain puis de prendre acte des circonstances très particulières des scénarios qui pourraient se poser. Moi, j'aimerais ça vous entendre sur... Parce que, j'ai l'impression, quand vous avez écrit ça, vous deviez avoir quelque chose à l'esprit, là. On parle santé, scolaire et municipalités. Est-ce que c'est davantage au secteur de la santé auquel vous pensez quand vous tenez de tels propos?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Non, et je pense davantage... Ce n'est pas fonction des secteurs, c'est fonction de la nature des dossiers et des informations et, je dirais, de la nature des risques qui sont encourus si certaines informations sont rendues publiques, des informations qui sont de nature à avoir un impact sur des personnes ou sur un groupe de personnes, par exemple.

On peut penser... Entre autres, on le voit, les dossiers de fiscalité sont vraiment protégés par la Loi sur la fiscalité, mais, dans d'autres situations, les dossiers ne sont pas toujours protégés d'une manière aussi ferme par la loi. Prenons l'exemple, notre propre exemple, Protecteur du citoyen, il est évident que nous ne pourrions pas publier, comme je le disais, tous les dossiers qui contiennent des renseignements personnels, même en les dénominalisant.

Si l'obligation faite aux organismes publics était large au point de dire : Tous les dossiers de nature personnelle dénominalisés doivent... la liste doit être publiée, moi, j'aurais un problème par rapport à cette nécessité que nous avons de protéger non seulement la confidentialité, mais le caractère, je dirais, très privé des renseignements que les citoyens nous confient. Dans certains cas, ne protégeant pas suffisamment ces renseignements, ça pourrait aussi entraîner des préjudices aux citoyens. Me Bernier, avez-vous d'autres exemples, peut-être...

M. Bernier (Jean-François) : Je vais essayer d'être le plus pragmatique possible, à votre demande, M. le ministre. Je vais prendre l'exemple du Protecteur du citoyen qui, dans sa loi constitutive, a des dispositions très particulières et presque uniques — il y en a d'autres, organismes, qui ont ce genre de dispositions là — par exemple, une qui dit qu'il est incontraignable devant les tribunaux, il ne peut pas être obligé de dévoiler un renseignement obtenu dans l'exercice dans ses fonctions. Bon. Donc, l'aspect confidentialité... Et il y a un autre article qui dit que nos enquêtes sont conduites privément. Donc, il y a manifestement une volonté du législateur, à l'époque, de dire : Ce qui se passe au protecteur, c'est protégé, c'est superconfidentiel, il faut faire attention.

Si, dans le cadre du règlement... D'ailleurs, je tiens à souligner que le règlement actuel sur la diffusion de l'information, qui est applicable à la très, très grande majorité des ministères et organismes, n'est pas applicable au Protecteur du citoyen, mais il s'est doté d'une politique relative à la diffusion qui est calquée, je vous dirais, à 98 %, sur le règlement. Donc, c'est assujetti volontairement déjà aux dispositions du règlement.

Mais, si on constatait qu'une des dispositions du règlement qui favoriserait la diffusion d'un type de renseignement particulier mettrait le protecteur en porte-à-faux avec ses propres obligations légales en regard de la confidentialité… c'est là qu'on vous dit que le mur-à-mur est un peu dangereux dans certaines situations, parce qu'il y a des organismes qui ont des dispositions très particulières en regard de la confidentialité, qui, si on ne fait pas attention puis on dit : On applique le règlement à tout le monde aveuglément, pourraient poser problème. Donc, avant de faire ça, peut-être s'assurer que tous les fils sont bien attachés avec ces organismes-là qui sont plus sensibles, je vous dirais, au niveau de la confidentialité des données des citoyens ou de certaines autres données plus confidentielles qu'ils détiennent.

• (21 heures) •

M. Drainville : De façon générale, moi, j'entends bien votre appel, Mme la Protectrice, à l'équilibre, à cenécessaire équilibre entre la transparence, la divulgation de l'information et la protection des renseignements personnels. Et je dois vous dire qu'on a eu beaucoup, beaucoup de témoignages, beaucoup d'appels de groupes qui ont participé à ces consultations que nous terminons ce soir — vous êtes d'ailleurs notre dernière intervenante — donc beaucoup d'appels de groupes qui sont venus nous dire : La Loi d'accès ne sert plus l'objectif d'accès qui était le sien au départ, elle a perdu… elle a perdu de... Je ne dirais pas qu'elle a... Ils ne disaient pas qu'elle avait perdu de son sens, mais son utilité pour permettre l'accès, pour obtenir l'accès, était mise en doute par beaucoup, beaucoup de groupes.

Par ailleurs, d'autres personnes nous ont mis en garde et nous ont rappelé l'importance d'assurer la protection des renseignements personnels. Et ce qui est intéressant, c'est qu'il y a des groupes qui disent : L'accès a été diminué au nom d'une plus grande protection des renseignements personnels. C'est comme si… l'un étant affaibli par le renforcement de l'autre. Et, moi, je pense qu'un des grands dilemmes ou un des grands défis auxquels nous allons être confrontés comme législateurs, ça va être de renforcer à la fois l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels. Il va falloir trouver l'équilibre qui va nous permettre… pas de renforcer l'un au détriment de l'autre, ce qui, pour certains groupes, est survenu ces dernières années, depuis, en fait, que la loi a été votée en 1982. Il y a certains groupes, notamment les journalistes, qui soutiennent que, si l'accès a diminué, c'est parce qu'on a mis trop l'accent sur la protection des renseignements personnels. En tout cas, il y a eu des cas où ça a été ça. Je ne dis pas qu'ils ont raison, je vous dis que c'est ça qu'ils nous ont dit. C'est certainement une hypothèse qui circule.

Moi, je pense qu'il faut s'assurer du renforcement des deux et je... On est un peu plus philosophiques, là, mais on peut se le permettre. Moi, j'aimerais vous entendre là-dessus. Vous avez quand même une bonne expérience de l'administration publique. Est-ce que vous croyez que c'est... Avez-vous réfléchi à ça, vous, cette double mission qui est la nôtre, qui est incorporée dans la loi? Puis est-ce que vous croyez que c'est réaliste qu'on se donne ce mandat-là de dire : Il ne faut surtout pas que l'un souffre de l'autre, il faut s'assurer que les deux soient portés et renforcés dans une éventuelle nouvelle législation ou une loi refondée, réformée? Appelez ça comme vous voulez.

Le Président (M. Marsan) :

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, M. le Président, je vous remercie. M. le ministre soulignait que j'ai une certaine expérience de l'administration publique, et j'ai aussi un certain âge, qui fait qu'en 1981 j'étais au ministère des Communications et j'étais la répondante du ministère pour ce qu'on a appelé la commission Paré, donc. J'ai même le rapport avec moi.

M. Drainville : Ah bien, vous auriez dû nous dire ça dès le départ.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : J'ai même le rapport avec moi et je ne vous dirai pas mon âge.

M. Drainville : Je ne vous le demanderai pas.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : C'est un renseignement personnel, il faut le protéger. Cela étant, à l'époque — et je vais revenir à mon interprétation de ce qui est peut-être à corriger — à l'époque, il était entendu que l'équilibre devait être assuré entre l'accès le plus large possible à l'information d'intérêt public et la protection des renseignements personnels. Ce n'était pas l'un plus que l'autre, c'était l'un et l'autre. C'était fondamental. À l'époque aussi, il était convenu — et nous avions discuté un certain temps — que ce serait, oui, un organisme d'adjudication, donc qui devait avoir certains pouvoirs d'un tribunal, mais surtout un organisme facilitateur, un organisme de surveillance qui ferait rapport à l'Assemblée nationale.

Et ça m'amène aux causes, et c'est une interprétation qui est personnelle, qui n'engage que moi, mais je pense que les causes, je dirais, d'un certain manque de fluidité dans à la fois l'accès et l'équilibre entre les enjeux de protection, qui ne doivent pas non plus devenir des freins à l'accès lorsque ces... ou des prétextes au non-accès... J'y vois deux causes. J'y vois, d'une part, une résistance de l'administration, qui, avec le temps, il faut le dire, pour certaines administrations, s'est beaucoup atténuée, mais, dans certaines organisations, il y a un profil ou une culture qui fait en sorte que la fermeture est plus automatique ou est davantage recherchée que dans d'autres, donc une certaine fermeture de l'administration qui, oui, dans ces situations-là, peut facilement trouver dans la loi des articles et des dispositions qui vont justifier un refus, qu'il soit un refus total ou un refus partiel.

Et la deuxième raison, à mon avis, c'est qu'avec le temps — et ce n'est pas une critique de la Commission d'accès, c'est un constat — comme d'autres tribunaux administratifs, il y a eu une approche juridictionnelle quand même formaliste, même si je reconnais que la commission a fait beaucoup d'efforts. Elle fait de la médiation. Il y a quand même eu des efforts. Mais je pense quand même que la fonction du tribunal administratif prend beaucoup d'importance. Et c'est pour ça que je suis d'avis, moi, qu'il faut continuer de travailler les deux de pair. C'est une législation qui doit avoir cette double fonction d'accès et de protection parallèles, qui ne s'opposent pas, mais qui se complètent et se renforcent.

Et également il faut responsabiliser davantage certains organismes publics. Et là-dessus ce n'est pas qu'une seule responsabilité. On dit toujours : Ça doit être le plus haut niveau du gouvernement, mais on pourrait le dire pour toutes les fonctions. Je pense que ça doit de plus en plus… Parce que moi, je reconnais une évolution, mais ça doit de plus en plus être une responsabilité qui est valorisée au sein des administrations et qui, à terme, sert très souvent la compréhensiondes enjeux et la complexité de ce que font les organisations. Donc, voilà une interprétation personnelle, je le redis encore une fois, mais c'est mon interprétation des enjeux qui nous ont amenés à, je dirais, un certain retard dans l'atteinte des objectifs qui étaient visés à l'époque par la commission Paré.

M. Drainville : Mais, dans votre esprit… Puis là, encore une fois, je vous sors un peu de votre rôle, là, mais, si je vous pose la question, c'est parce que je fais confiance à votre... enfin je veux entendre votre opinion. Mais donc, vous, vous croyez que la structure actuelle, où cohabitent les deux missions, renseignements et accès, et où s'ajoute à ces deux missions la fonction judiciaire, enfin de tribunal quasi judiciaire, ça, cette structure-là, là, ce modèle de gouvernance, pour utiliser un terme à la mode, pour vous, ça, ça va, cette structure-là, elle est toujours... ça va, on n'est pas obligé d'aller jouer dans cette structure-là?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Bon, moi, je pense que cette structure-là, ça peut aller dans la mesure où le président de la commission pourrait avoir plus de marge de manoeuvre pour répartir les ressources entre ce que sont les fonctions juridictionnelles et les fonctions de surveillance. Hein, on sait que la loi, en 2006, a été modifiée, et on a été très précis, on nomme un commissaire, qu'on appelle juge administratif, pour le secteur de la surveillance, et les six autres, incluant le président... c'est-à-dire, les cinq autres sont pour le secteur juridictionnel, et le président, lui, peut agir dans un secteur comme dans l'autre. Je pense qu'il faudrait laisser plus de marge de manoeuvre au président de la commission dans ce sens-là.

Mais ce que je pense surtout, c'est qu'un tribunal administratif avec cette fonction de surveillance et, je dirais, à la fois une fonction de promotion et de soutien aux instances publiques, ça peut très bien survivre. Et je trouve que la situation qui pourrait être contraire, c'est-à-dire celle de séparer dans deux organisations ces fonctions-là, à mon avis, créerait une dualité et, je dirais même, dans certains cas, un dédoublement, parce que certains dossiers comportent à la fois des enjeux qui sont liés à l'accès et à la protection des renseignements personnels. Alors, je ne vois pas l'intérêt de diviser à ce niveau-là.

Et je dois aussi ajouter, et ça, ça fait partie des progrès, le Secrétariat du Conseil du trésor est responsable, je dirais, du contrôle des technologies de l'information, planification, contrôle, soutien aux organismes publics. Donc, il vient faire un travail opérationnel, pour le gouvernement, qui a une grande importance. Et, si la commission cible bien ses enjeux de surveillance et travaille en amont tout en respectant les prérogatives d'un tribunal administratif… mais, dans la fonction, je dirais, de surveillance, il y a une dimension support qui est très importante. Et il y a aussi les propres responsabilités du ministre et du ministère, donc, du Secrétariat aux institutions démocratiques, qui sont des responsabilités très importantes au niveau de la mobilisation, des enjeux de la responsabilisation des dirigeants, et je pense qu'il faut voir ça comme un tout dans l'appareil étatique. Et donc le rôle de la commission, il est là, à son niveau, mais, en même temps, il faut reconnaître que l'administration s'est dotée de structures, de ressources d'encadrement qui n'ont pas encore toutes fait leurs preuves, mais qui justement vont de plus en plus être de nature à permettre l'atteinte des objectifs.

Le Président (M. Marsan) : Je vous remercie, Mme Saint-Germain. Ceci termine cette première période d'échange avec le parti ministériel. Nous poursuivons avec l'opposition officielle. Et je donne la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Merci beaucoup, M. le Président. Merci d'être là ce soir pour présenter votre mémoire. C'est déjà 9 h 10. J'aimerais revenir un moment sur les failles de sécurité. Il y a une différence entre une faille de sécurité et un incident de sécurité, comme vous avez indiqué dans votre mémoire. Faille de sécurité est beaucoup plus large qu'incident. Les incidents devraient être rapportés. Est-ce que vous croyez vraiment que toutes les failles de sécurité devraient être rapportées, même s'il n'y a pas d'incident et... Alors, je pose la question.

• (21 h 10) •

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Alors, je pense que le critère doit être la conséquence de l'incident ou de la faille et non pas, de façon générale, le rapport d'un incident ou d'une faille. En d'autres termes, s'il n'y a pas de bris de confidentialité, s'il n'y a pas de préjudice anticipé pour le citoyen, un ou des citoyens ou une entreprise, je ne vois pas l'intérêt de rapporter à ce citoyen, ces citoyens ou cette entreprise qu'il y a eu un incident ou qu'il y a eu une faille. L'intérêt, c'est de constater qu'il y a eu l'incident qui a pu mener à une faille, et de juger s'il y a ou non des préjudices potentiels, et là de le rapporter à ces citoyens. Et c'est aussi un intérêt pour l'organisation, dans tous les cas, d'aller chercher la cause de l'incident, d'en mesurer les impacts et de trouver, de prendre les mesures pour que ça ne se reproduise pas.

Mme de Santis : Même s'il n'y a pas d'incident. Mais est-ce que les...

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Même s'il n'y a pas de conséquence.

Mme de Santis : De conséquence.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Tout à fait.

Mme de Santis : O.K. Mais, s'il y a une faille de sécurité, est-ce que ça ne serait pas approprié de le rapporter à la commission, même s'il n'y a pas de conséquence?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Tout à fait. À mon avis, il faut les rapporter à la commission. D'ailleurs, la commission a commencé à travailler dans ce sens-là. Et il faut voir aussi que le Secrétariat du Conseil du trésor qui est responsable, entre autres, de la politique de diffusion de l'information, ce n'est pas encore obligatoire, mais il travaille de plus en plus dans le sens de demander aux organismes publics de prévoir un registre des incidents et éventuellement un registre des failles et que ces incidents-là soient systématiquement rendus accessibles à la Commission d'accès à l'information.

Alors, ça permettrait à la commission de voir non seulement s'il y a eu des failles et des incidents, mais où ça a eu lieu et si l'organisme public concerné a bien agi, a bien réagi, a bien pris les mesures. Et, dans les cas où c'est positif, tant mieux, la commission le constate, son rôle de surveillance est assuré; dans les cas où ce ne l'est pas, à ce moment-là, la commission, là, elle intervient. Et, à mon avis, cette intervention ciblée serait efficace, ce serait une façon efficace d'utiliser les ressources de la commission.

Mme de Santis : J'aimerais maintenant regarder la recommandation 14 qui a été faite par la commission etje lis la recommandation 14 : «La commission recommande qu'un débat public regroupant l'ensemble despartenaires — parlementaires, citoyens, associations, experts — soit instauré afin d'établir un modèle pour l'ouverture du gouvernement québécois fondé sur la participation et la collaboration.» Vous dites, vous, que vous êtes d'accord que ce débat public se fasse. Pouvez-vous m'expliquer comment ce débat devrait se faire, me donner plus de détails de ce débat que vous prévoyez?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Bon, ce n'est pas, quant à moi, quelque chose… un débat où on doit tout réinventer. Je pense qu'il y a eu, il faut le souligner, le rapport Gautrin, qui est un rapport...

Une voix :

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Non, mais il faut le souligner. C'est quand même un travail qui a été un travail quand même de longue haleine, qui a déjà, en soi... qui comporte, en soi, le fruit de différentes consultations et différentes recommandations. Moi, je pense qu'une commission parlementaire serait bien placée, à partir de ce qui existe, à partir même des réflexions de la présente commission, pour mettre sur la table, au fond, des comparables, l'étalonnage avec d'autres administrations et, à partir de ce qui existe au Québec, voir jusqu'où on est prêts à aller ou jusqu'où ce serait possible d'aller pour atteindre davantage des objectifs qui sont ceux d'un gouvernement ouvert, mais dans le respect des prérogatives de la saine gouvernance.

Et, quand je dis «débat public», ça ne veut pas dire que tout ce qui est dit dans un débat public ne doit pas être contrevérifié ou documenté. Mais ça permettrait — et le rapport quinquennal le souligne aussi — dans certaines situations où il y a un manque de sensibilisation, si ce n'est un manque d'information qui conduit à un manque de sensibilisation de certains citoyens, de certains groupes au Québec, et je pourrais même dire de certains membres des services publics… et ça pourrait être une occasion, un débat comme celui-là, de faire également oeuvre d'information et de sensibilisation. Alors, je le vois dans ce sens-là. Mais je ne vois pas… Comment dire? C'est un débat qui quand même devra être encadré et ne pas — le sujet est déjà assez vaste — ne pas trop s'étendre ou s'élargir. Mais il y a quand même des assises à un débat comme celui-là. Et, je le redis, le rapport Gautrin, ce rapport quinquennal, les conclusions auxquelles cette commission en arrivera sont déjà des éléments intéressants d'encadrement du débat.

Mme de Santis : J'ai d'autres questions, mais mon collègue de Verdun...

M. Gautrin : Non, non, non, mais... Est-ce que je peux entrer une toute, toute brève…

Le Président (M. Marsan) : Allez-y, M. le député de Verdun.

M. Gautrin : Parce que vous avez abordé cette question, j'aimerais le faire avec vous et tester une idée que j'ai. Alors donc, on reste dans une notion de gouvernement ouvert. Les gens insistent beaucoup sur la dimension transparence. Moi, j'insiste maintenant sur l'étape participation, c'est-à-dire, comment faire en sorte que les gens participent. Et je vais vous interpeller à l'heure actuelle.

Est-ce que, jusqu'à maintenant, vous réagissez aux plaintes quasiment individuelles? Autrement dit, monsieur, ici, m'a maltraité parce qu'il y a...  Donc, il est un officier public, et je me plains à la Protectrice du citoyen. Vous avez glissé au fur et à mesure, depuis que vous êtes Protectrice du citoyen, bon, en prenant des fois des sujets qui vous étaient propres… Je fais référence à votre rapport, par exemple, sur les prisons, la situation à l'intérieur des prisons, etc. Est-ce que vous ne pourriez pas être, dans le temple de participation citoyenne, l'endroit vers lequel se dirigent les plaintes ou les remarques des citoyens, non pas sur le plan individuel, mais sur le plan des failles ou des éléments qui ne marchent pas à l'intérieur d'un gouvernement, ce qui est à l'origine d'un débat? Parce que le problème que j'ai, moi, au niveau de la participation, c'est : Tout le monde dit «la participation», mais je participe, j'envoie ça où, et il se passe quoi après avec? Je ne sais pas si vous comprenez ma question ou pas. Je vais prendre... ou sinon je pourrais expliciter un peu encore.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Je comprends...

M. Gautrin : C'est-à-dire, j'étends votre mandat. Est-ce que vous comprenez bien?

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Disons qu'il ne faudrait pas que ce soit au détriment de l'extension dans d'autres domaines. Mais je comprends...

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Je comprends de votre question que vous… — vous me corrigerez — que vous considérez que les citoyens, présentement, qui considèrent avoir un déficit de participation ou de ne pas avoir la possibilité de participer... à manifester au gouvernement certaines de leurs idées ou certains de leurs enjeux, pourraient, à travers le Protecteur du citoyen... Je ne suis pas certaine...

M. Gautrin : Autrement dit, je vais m'expliquer. Regardez, étape un, je donne accès à l'information. Donc, je ne sais pas si vous avez entendu tout le débat qu'on a eu au niveau... on donne accès aux données gouvernementales. Étape deux, évidemment, on peut utiliser les données gouvernementales pour produire des biens, etc., des éléments d'amélioration, mais on peut aussi avoir, dans ces données gouvernementales, un élément pour dire... c'est un élément de surveillance sur le gouvernement.

Autrement dit, soyons plus concrets, voici. Je remarque, après avoir fait trois études de corrélation dans les contrats qui sont donnés dans le ministère de la Culture — volontairement, j'ai pris le ministère de la Culture — qu'il peut y avoir une forme de collusion. Est-ce que je peux m'adresser... voyez-vous comme… l'élément du citoyen, de… oui, de s'adresser à quelqu'un. Et, dans ma réflexion personnelle, j'en arrive à m'adresser vers le Protecteur du citoyen. Je ne sais pas si vous comprenez mon...

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Je comprends...

M. Gautrin : J'ai pris volontairement la Culture. Je n'ai rien contre le ministère de la Culture. J'aurais pu prendre les Transports, mais ça aurait été trop facile.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Je pense que l'angle, dans un cas comme celui-là, serait l'article 13 de notre loi, dans le cas où le Protecteur du citoyen a déjà un pouvoir d'initiative lorsqu'il constate qu'il y a un préjudice potentiel pour un groupe, une association ou une personne. Dans cet exemple-ci, en plus, le Protecteur du citoyen a compétence sur le ministère de la Culture. Par contre, l'exemple que vous donnez appelle, je dirais, dans ce cas-ci, l'angle de cet exemple-là appelle, quant à moi, beaucoup la compétence du Vérificateur général. Donc, ce serait une situation où je référerais ces allégations au Vérificateur général.

M. Gautrin : Je poursuivrais le débat avec vous, mais vous voyez un peu dans quelle direction j'aimerais... Ce n'est pas seulement parce qu'il y a eu préjudice. C'est parce qu'il y a un préjudice sociétal. Vous voyez le concept que j'essaie... Et je sais que vous n'avez pas beaucoup de compétences dans la loi actuelle, mais ici on est des législateurs, on peut changer les lois, vous savez.

• (21 h 20) •

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Le protecteur est une institution de l'Assemblée nationale, M. le Président, qui acceptera tous les mandats que l'Assemblée nationale voudra bien lui confier.

Le Président (M. Marsan) : C'est ça. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme de Santis : Vous dites que vous êtes d'accord que les organismes dans lesquels l'État a une participation de 50 % soient assujettis à la loi sur... à la loi. Est-ce que... Dans leur mémoire ou dans leur rapport, la Commission d'accès avait aussi fait référence aux organismes dont le financement est largement assuré par l'État, qui n'est pas nécessairement des organismes dans lesquels l'État a une participation de 50 %. Est-ce que vous avez une opinion là-dessus?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Moi, je considère raisonnable ce qui est proposé, c'est-à-dire que ce soient les organismes au sein desquels l'État a une contribution minimale de 50 %.

Mme de Santis : 50 % de quoi?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : C'est 50 % du financement, 50 % des fonds publics, des fonds de l'organisme qui sont d'origine publique. Je pense que c'est...

Mme de Santis : Alors, ce n'est pas le contrôle, c'est le financement que vous regardez.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Pour moi, c'est le financement, oui. Et c'est comme ça que j'interprète la recommandation du...

Des voix :

Mme Saint-Germain (Raymonde) : …c'est ça, dont le fonds social est détenu à plus de 50 % par l'État. Donc, pour moi, c'est...

Mme de Santis : Pour vous, c'est le financement.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Pour moi, c'est le financement. Est-ce qu'il faut le lire autrement?

Mme de Santis : Si c'est des actions, je pense à 50 % des actions… Alors, c'est clair, pour vous, c'est le financement.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Pour moi, c'est... Et les actions, s'il y avait une participation sous forme de parts du gouvernement, donc investissement de fonds publics, pour moi, c'est également couvert.

Mme de Santis : Parfait. Ce qui est intéressant, c'est que vous êtes les seuls avec la fondation des archivistes qui suggèrent que les délais soient augmentés. Je parle maintenant des 20 jours plus 10 jours. Vous dites, si les autres mesures qui sont proposées sont adoptées, vous dites qu'on devrait aller plutôt à des jours ouvrables. Donc, c'est 20 jours ouvrables plus 10 jours ouvrables. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous croyez que ce délai devrait être augmenté?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Je vais demander, avec votre permission, M. le Président, au secrétaire général, Me Bernier, de répondre à cette question.

Le Président (M. Marsan) : Me Bernier.

M. Bernier (Jean-François) : Compte tenu de la nature de la recommandation de la Commission d'accès à l'information qui dit, dans le fond : On constate qu'il y a parfois des abus au détriment des citoyens qui se présentent ultimement devant la commission, dans sa section juridictionnelle, et qui se font opposer, à ce moment-là, soit des nouvelles exceptions soulevées, à ce moment-là, par l'organisme ou... Et même, des fois, ces situations-là sont une des causes des longs délais actuellement, parce qu'on est souvent obligé d'accorder des remises parce que le commissaire juge que le citoyen est pris un petit peu au dépourvu et par surprise. Alors, s'il y a une demande de remise, il va plus facilement l'accepter.

Bref, notre réflexion était plutôt à l'effet de dire... Écoutez, on est tout à fait d'accord avec le principe, au nom de l'équité procédurale aussi, de dire : Il faut annoncer ses couleurs et, d'emblée, dire : Voici les exceptions que je soulève, et ne pas permettre ultimement, plus tard dans le cadre du processus, d'en soulever des nouveaux. Ça, on est tout à fait à l'aise avec ça.

Cependant, en contrepartie de ça, il faut accorder le temps requis. Et là on cite aussi surtout l'exemple des gros organismes qui ont un gros volume de demandes d'accès et qu'il faut qu'ils traitent tout ça, mais souvent ils n'ont pas 32 personnes qui travaillent là-dessus, ils en ont un, deux ou trois maximum. Et ces personnes-là, si elles veulent bien analyser la nature de la demande et évaluer, à la lumière des exceptions prévues à la commission... de la Loi sur l'accès, pardon, si l'une ou l'autre de ces exceptions doit être soulevée ou s'ils souhaitent la soulever, il faut leur accorder le temps requis.

On constate, puis c'est souvent une coïncidence, mais on le constate, qu'il y a beaucoup de demandes d'accès à l'information ou de renseignements personnels qui arrivent dans les moments de l'année où il y a le moins de personnel en place, les vacances d'été, les vacances de Noël, etc. On le vit tous comme organismes publics, le protecteur inclus. Parce qu'on n'est pas une grosse équipe qui s'occupe de l'accès à l'information. Il y a moi, il y a une conseillère qui m'assiste dans ce rôle. Mais le fait de donner des jours ouvrables et d'en faire une condition de rigueur, de dire : Une fois ce délai-là écoulé, tu ne peux pas arriver plus tard puis soulever une nouvelle exception, je pense que ça... On est toujours à la recherche de cet équilibre dont Mme Saint-Germain parlait plus tôt, là. C'est bien d'imposer des nouvelles obligations aux organismes, on est d'accord avec le principe, mais, en contrepartie, il faudra laisser la chance de bien analyser le dossier, surtout sachant qu'ils ne pourront plus soulever quoi que ce soit par la suite. C'est pour ça, la notion du ouvrable.

Mme de Santis : Vous êtes la Protectrice du citoyen, et je veux examiner avec vous le fait que les citoyens ne sont pas sensibilisés suffisamment à la protection de leur vie privée et leurs renseignements personnels. Le citoyen est en train de perdre, avec les nouvelles technologies, avec leur participation sur le Web, etc., contrôle de leur identité. Qu'est-ce que vous avez à proposer quant à sensibiliser les jeunes et les moins jeunes? Et qu'est-ce qu'on peut faire pour s'assurer que le citoyen comprend vraiment c'est quoi, sa vie privée, et qu'est-ce que sont les enjeux s'il perd contrôle de cette identité?

Mme Saint-Germain (Raymonde) : Je pense qu'il y a des recommandations intéressantes de la part de la commission, notamment — je n'ai pas les numéros des commissions, là — celle qui préconise qu'il y ait, entre autres au niveau scolaire, plus de formation et d'information dans les programmes scolaires, qu'on ait une préoccupation à ce niveau-là, qu'on ait aussi des modifications à la Loi sur la protection du consommateur pour donner aussi des obligations à certaines entreprises. Et je pense que… Comment le faire et est-ce que c'est toujours une responsabilité du gouvernement? Mais je pense que la CAI pourrait elle-même faire de la sensibilisation et faire de l'information.

Mais, vous savez, je voudrais apporter une nuance, si vous me le permettez, M. le Président. On a tendance à faire souvent le lien entre nouvelles technologies et menace pour la sécurité de la protection des données. Je pense qu'il faut être conscient que, dans certaines situations — et je pense, entre autres, au domaine de la santé et des services sociaux — la non-informatisation des données est une menace au moins aussi grande, les dossiers papier sont une menace au moins aussi grande.

Je sais que vous référez aux nouvelles technologies et à tout ce qu'on appelle les médias sociaux, lesFacebook, etc., c'est une dimension importante aussi, mais il y a une notion de responsabilisation qui doit être celle qui doit être partagée entre les utilisateurs et ceux qui tirent profit de ces médias sociaux là. Donc, c'est pour ça que moi, ça me plaît, cette possibilité de modifier la Loi sur la protection du consommateur.

Il y a certaines responsabilités qui sont de niveau fédéral aussi, au niveau du... entre autres ce qui concerne le CRTC. Alors, je pense qu'il faudrait réfléchir sur tous les enjeux possibles, mais dans une perspective de responsabilités partagées entre les utilisateurs et les entreprises, les bénéficiaires de ça, et pas seulement considérer que c'est la seule responsabilité du gouvernement ou même d'un organisme comme la CAI.

Le Président (M. Marsan) : Merci, Mme Saint-Germain. Nous poursuivons nos échanges, et je vais donner la parole à M. le député de Lévis.

• (21 h 30) •

M. Dubé : Merci beaucoup, M. le Président. En fait, vous êtes notre dessert, si je peux me permettre. Alors, moi, je suis honoré de vous rencontrer. Ça fait longtemps que j'entends parler de votre organisme. Alors, de vous rencontrer ce soir... Je pense que vous faites un excellent boulot, qu'on le voit à tous les jours. Alors, je veux vous remercier.

J'aimerais prendre un petit exemple de votre mémoire, si je peux me permettre, où vous parlez de certains motifs — la page, c'est la page 5 — vous parlez des motifs de certaines plaintes et vous dites, là, que c'est sensiblement une question de délai, hein? Et j'ai posé un peu la même question lorsque les gens de la CAI sont venus, en leur disant : Quel est le problème? Est-ce que c'est un problème d'information personnelle, ou d'information stratégique, ou d'information de gestion?

Parce qu'un des bons éléments qu'on a discuté depuis plusieurs semaines, de tous les mémoires, c'est de dire : Si on pouvait isoler un type d'information, comme par exemple les informations de gestion, on aurait peut-être moins de demandes si on focussait uniquement sur, par exemple, les informations dites personnelles ou stratégiques. Vous me suivez? J'ai trouvé ça intéressant de voir que les gens se plaignent beaucoup des délais puis j'aimerais vous entendre sur ça. Est-ce que ça aiderait, selon vous, de votre expérience… Et vous êtes très jeune, donc je ne sais pas comment de temps est votre expérience. Mais j'aimerais vous entendre sur si ce serait une bonne façon d'adresser une partie du problème des délais si on excluait les choses qui n'auraient peut-être pas à être protégées comme telles. Je parle des informations de gestion, par exemple.

Mme Saint-Germain (Raymonde) : D'abord, M. le Président, je remercie le député pour ses commentaires positifs et je les accepte au nom de toute une équipe qui effectivement travaille fort et est bien compétente.

Au fond, votre question amène à chercher les solutions possibles — qui ne sont pas une seule solution — à des causes d'une même problématique qui est des délais qui sont démesurés. Il est exact que, dans certaines situations, il y a des informations d'une nature qui devrait normalement être publique, sans vouloir parler au nom de lacommission, mais qui pourraient être, je dirais, de manière plus automatique, divulguées et que la commission pourrait identifier ces situations-là.

Par exemple, on pense à des organismes qui vont se servir de la présence de certains renseignements personnels à l'intérieur d'un document pour refuser de rendre public l'ensemble du document alors qu'il existe la possibilité de caviarder des documents. Je pense que ça, ça fait partie non seulement du rôle de surveillance, mais, je dirais, des constats qu'on peut tirer de l'exercice de la fonction de la CAI et de faire en sorte qu'on trouve des solutions et qu'on dise : Dans des situations comme celle-là, au lieu de l'étudier au cas par cas, de façon systématique, nous allons, dès la recevabilité, dès l'acceptabilité des demandes, considérer qu'on fait une demande au requérant. Ça pourrait être une approche comme celle-là. Il y a différentes façons qui pourraient être utilisées.

Parce que, si, encore une fois, si on procède trop de manière formaliste, de manière judiciarisée, dossier par dossier, il est certain qu'on ne réglera pas cette question des délais et qu'à ce moment-là, sans autre changement, ce sera une question de dire : Bien, si on veut que les délais soient plus raisonnables, on ajoute des ressources. Et il faut éviter d'ajouter trop de ressources. Je ne dis pas que ce ne serait pas pertinent d'ajouter des ressources, là, au contraire, mais il faut limiter le nombre de ressources additionnelles le plus possible.

M. Dubé : ...source du problème plutôt que d'ajouter des ressources. Alors, je vous remercie. Merci, M. le Président. Merci beaucoup...

Le Président (M. Marsan) : Alors, merci, Mme Saint-Germain, Me Bernier, de nous avoir donné le point de vue de l'organisation du Protecteur du citoyen.

Je vais suspendre quelques instants. Je vais vous demander de revenir immédiatement à vos places pour qu'on puisse procéder aux remarques finales. Alors, je suspends quelques instants.

(Suspension de la séance à 21 h 33)

(Reprise à 21 h 34)

Le Président (M. Marsan) : Alors, je vous remercie. J'invite maintenant le... Excusez. Nous allons reprendre nos travaux.

Mémoires déposés

Avant de passer aux remarques finales, je dépose les mémoires des organismes et personnes qui n'ont pas été entendus. Et c'est fait.

Remarques finales

Et j'invite maintenant le député de Lévis à formuler ses remarques finales pour un maximum de trois minutes.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Alors, merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais tout d'abord remercier le ministre d'avoir fait preuve... et tous mes collègues. Mais j'aimerais vous dire que moi non plus, je ne m'attendais pas d'entrer dans cette commission-là et en apprendre autant. Et je veux saluer votre ouverture et toute l'équipe des personnes qui ont été sur cette commission-là, parce que je pense qu'on a tous beaucoup appris. Mais je me rends compte qu'on a encore beaucoup à apprendre.

Alors, je pense que ce serait bon de dire qu'on a eu une commission très ouverte. On a parlé beaucoup de gouvernement ouvert, on a parlé beaucoup de Commission d'accès à l'information. J'aimerais remercier les gens qui sont venus, parce qu'on a eu des gens de qualité, on a eu des mémoires de qualité, qui ont été préparés avec beaucoup de diligence, puis ça, je pense qu'il faut officiellement remercier les gens.

C'est sûr que la commission, ce n'est pas vu négativement, mais, plusieurs l'ont dit, elle a besoin d'unrajeunissement qui est majeur. Je pense qu'il y a des raisons, autant technologiques, mais il y a un besoin de plus en plus d'avoir de l'information plus rapidement, effectivement. Puis là je pense que la CAI a un petit besoin d'une cure de rajeunissement puis je pense que tout le monde en convient.

Moi, il y a une phrase qui m'a frappé, d'un des mémoires où, en fait, les gens de la fédération desjournalistes… — je ne sais pas si c'est exactement le bon titre — la Fédération professionnelle des journalistes du Québec qui a dit : Il faut éviter que le citoyen rapetisse davantage — vous vous souvenez de ça, en disant... — devant l'incapacité d'avoir accès à l'information. Je pense qu'effectivement lorsque les organisations prennent de la taille, bien le citoyen devient de plus en plus petit.

Et je crois qu'on a une chance, et on le voyait tout à l'heure avec la présentation d'un des derniers participants qui nous a bien indiqué que, si on peut redonner, comme c'est fait dans d'autres organisations, que ce soit aux États-Unis ou ailleurs, en Angleterre, et même, je dirais, en Colombie-Britannique… Ici, il y a une dame qui fait un très bon travail là-dedans. Ça permet justement de reconnecter avec le citoyen. Puis le travail que les gens peuvent faire ou l'intérêt qu'il peut y avoir est très complémentaire à notre travail de député, je crois. Alors, il y a beaucoup à relire de ces différents mémoires là, puis je suis certain que vous allez pouvoir le faire.

On a parlé beaucoup, puis je ne me souviens pas exactement d'où vient l'idée, mais de reclassifier peut-être les données en trois types d'information. J'aimerais vous dire que ce n'est pas parfait — parce qu'on en a parlé, plusieurs ont apporté des éléments là-dessus — mais je pense que c'est peut-être une piste pour aider à prendre une des sections, c'est-à-dire la section qui est de l'information de gestion, dont on parlait, et de l'exclure de la Commission d'accès à l'information pour focusser plutôt sur les deux autres catégories, c'est-à-dire de l'information dite personnelle, puis ça, on sait qu'on ne veut pas toucher à cette information-là, on veut la protéger, mais aussi des informations dites de données stratégiques.

Alors, je pense qu'il y aurait peut-être intérêt, lorsque vous allez repenser à partir de cette commission-là puis aller éventuellement vers un projet de loi, je pense que, peut-être, vous verrez qu'est-ce que vous pouvez faire avec cette catégorisation-là d'informations. Ça, c'est une chose qui serait intéressante. Puis le principe de dire aujourd'hui effectivement : Ce qui est secret est par défaut, puis ce qui est ouvert est par... je dirais, par définition, je pense qu'il faut vraiment inverser, il faut vraiment aller vers une information qui, par défaut, est ouverte et disponible, puis c'est vraiment ce qu'on veut protéger qui est secret. Et je crois que ça pourrait être un grand principe.

Le Président (M. Marsan) : Merci. En terminant.

M. Dubé : Merci beaucoup. En terminant, j'aimerais dire que la... et je vais le faire en quelques secondes. Je suis un grand partisan de l'information et je dis que, des fois, le député ne peut pas faire tout son travail parce que l'information n'est pas disponible. Et ça, je le dis depuis que je suis arrivé en septembre dernier. Et j'aimerais ça que ce gouvernement-là puisse démontrer qu'on peut avoir cette information-là pour les députés et pour les citoyens. Mais ça, il va falloir que ça vienne d'en haut, puis il va falloir que ce gouvernement-là décide qu'il veut partager l'information, puis j'espère que vous pourrez en être complices. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Marsan) : Alors, merci, M. le député de Lévis. Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Rita de Santis

Mme de Santis : Je vous remercie, M. le Président, de me donner la parole à l'occasion de la clôture des travaux de cette commission. Le grand philosophe britannique Frances Bacon avait bien raison de dire : L'information, c'est le pouvoir, le pouvoir de ceux qui la détiennent et qui s'en servent dans l'élaboration de politiques, dans la prise de décision, dans leur reddition de comptes, et l'information qui donne aussi du pouvoir à ceux qui la reçoivent pour qu'ils puissent mieux comprendre les facteurs qui ont été pris en compte par les élus et par les fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions, du pouvoir de les tenir imputables de leurs décisions, de leurs actions.

Si Bacon avait raison, le grand juriste américain, Louis Brandeis avait tout aussi raison de dire : Le droit à la vie privée, c'est le droit de ne pas être importuné. C'est à réfléchir sur ces deux grands pôles du droit à l'information, d'une part, et du droit à la protection des renseignements personnels, d'autre part, que la commission a été conviée dans le cadre de notre étude du dernier rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information.

• (21 h 40) •

Pendant deux semaines, nous avons eu l'occasion de nous pencher sur 25 mémoires. Nous avons aussi eu la chance d'entendre une vingtaine de témoins qui sont venus partager leurs réflexions, leurs recommandations. Je suis certaine que je me fais l'écho de tous mes collègues députés membres de cette commission pour les en remercier, l'éclairage qu'ils ont jeté sur nombre de questions à la fois fascinantes et importantes ne manquera pas de guider nos propres réflexions dans la préparation d'un nouveau projet de loi ou d'un rapport, mais… dans ce qu'on va faire dans l'avenir avec tout ce qu'on a devant nous aujourd'hui, tout comme je veux remercier Mme Anik Laplante et toute son équipe pour leur bon travail et leur gentillesse.

Pour donner suite aux audiences de notre commission, il y a soit des recommandations et des mesures propres à faire au projet de loi pour respecter le droit à la vie privée dans un contexte où les nouvelles technologies se multiplient à un rythme fulgurant. Il faudra, par exemple, décider du meilleur mécanisme à mettre en place pour alerter les individus que des renseignements personnels les concernant ont été compromis suite à des failles de sécurité. Il faudra aussi trouver comment simplifier et rendre compréhensibles les politiques de confidentialité pour que les internautes comprennent sans l'ombre d'un doute à quoi ils consentent lorsqu'ils utilisent un site Internet, à qui sont divulgués leurs renseignements personnels et avec qui ils sont partagés, renseignements souvent de nature très délicate, et les conséquences qui peuvent en découler.

Quelle sera l'approche à privilégier? Un éventail de pictogrammes, des énoncés simplifiés et d'autres plus élaborés ou un énoncé standardisé, comme l'a recommandé Éducaloi, surtout lorsqu'il est question d'enfants, de jeunes, de jeunes particulièrement vulnérables aux nouvelles techniques de séduction, de manipulation commerciale ou publicitaire, des jeunes qui peuvent être victimes sans le savoir de profilages qui les suivront dans l'âge adulte et qui pourront avoir un impact négatif dans leur vie professionnelle et dans leur vie privée.

Et, du côté de l'accès aux informations détenues par les organismes publics québécois, il faudra aussi s'atteler à la tâche de renforcer et d'actualiser les régimes gouvernementaux d'accès à l'information. C'est vrai, un bon bout de chemin a déjà été fait avec le règlement sur la diffusion automatique, avec l'initiative du gouvernement ouvert et avec le déploiement du portail de données ouvertes donnees.gouv.qc.ca, mais il reste encore beaucoup à faire pour avoir un gouvernement véritablement ouvert, véritablement transparent et où les citoyens se sentent vraiment partie prenante.

Il faut trouver comment augmenter le volume d'informations rendues accessibles sans formalité, en faciliter leur consultation et, lorsqu'approprié, les offrir en format ouvert, c'est-à-dire dans des formats conviviaux, avec une licence autorisant leur utilisation ultérieure. Est-ce que c'est gratuit ou sur des sites payants? C'est une question. Il faudra aussi voir, dans un premier temps, si et comment d'autres organismes publics peuvent être assujettis à la législation; dans un second temps, quels autres organismes devraient avoir à mettre en oeuvre le règlement sur la divulgation automatique : les municipalités, les réseaux scolaires, le réseau de la santé?

Nous sommes par ailleurs tous interpellés par l'environnement dans lequel opèrent les responsables de l'accès, tant ceux du secteur public que ceux du secteur privé. Il faudrait voir, par exemple, s'il est pertinent qu'un responsable relève fonctionnellement de l'organisme où il voit à la gestion de la Loi sur l'accès mais qu'il relève hiérarchiquement d'un autre organisme, comme le Conseil exécutif, comme cela a été suggéré. Il faudra aussi s'interroger sur le rôle dévolu à la Commission d'accès à l'information : Doit-elle continuer à exercer des fonctions quasi judiciaires ou devrait-elle être transformée en ombudsman, comme c'est le cas dans d'autres juridictions?

Le Président (M. Marsan) : En terminant.

Mme de Santis : En terminant, je souhaite que tout cet exercice va nous amener vraiment à une refonte de cette loi après 30 ans, au moment où le Québec l'a adoptée, on était à l'avant-garde. Maintenant, d'autres nous ont dépassés. C'est le moment de retourner à l'avant-garde.

Le Président (M. Marsan) : Alors, merci. M. le ministre, pour vos remarques finales.

M. Bernard Drainville

M. Drainville : Merci, M. le Président. De l'ensemble des interventions entendues lors des travaux de cette commission parlementaire, il ressort clairement qu'un changement de culture s'impose tout autant que des modifications visant à moderniser et à renforcer la loi sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels. Les deux mandats sur lesquels nous nous sommes penchés sont également importants. Il faut actualiser, renforcer, moderniser à la fois l'accès, mais aussi la protection des renseignements personnels.

Parlons d'abord, donc, de cette première grande mission, de cette première grande vocation qu'est l'accès à l'information. Je pense qu'on peut conclure de nos travaux que l'État québécois est mûr pour un gouvernement beaucoup plus ouvert qui va mettre de l'avant une diffusion proactive, large des données et des documents qui sont produits par les ministères et les organismes publics et le faire en format numérique ouvert. Au nom de quoi? Au nom de valeurs, je pense, auxquelles nous adhérons tous : la transparence, l'efficacité et également la participation citoyenne. Nous sommes absolument convaincus qu'un gouvernement ouvert peut contribuer au renforcement de nos institutions et au renforcement de la qualité de notre vie démocratique.

La mise en oeuvre du projet de gouvernement ouvert à l'ère numérique, projet qui s'appuie sur un portail de données ouvertes, nécessite aussi un arrimage essentiel avec le règlement sur la diffusion obligatoire des documents publics, diffusion obligatoire qui va tenir compte, bien entendu, du contexte budgétaire difficile dans lequel nous nous trouvons, qui va tenir compte également de la capacité organisationnelle des ministères et organismes publics. Mais, qu'importe, il va falloir se poser la question : Est-ce que nous voulons étendre l'application de ce règlement sur la diffusion aux municipalités, aux sociétés d'État dans lesquelles nous détenons plus de 50 % des fonds ainsi qu'au réseau de santé et d'éducation?

Il ressort clairement des travaux de cette commission qu'il va falloir se pencher sur les moyens d'améliorer le portail donnees.gouv.qc.ca. L'une des avenues qui s'offrent à nous, c'est un accès plus grand aux contrats, aux contrats octroyés par les ministères et les organismes publics. Mais, chose certaine, dans la foulée du rapport Gouverner ensemble,qui a été piloté par le député de Verdun dans le gouvernement précédent, le débat public en matière de gouvernement ouvert est maintenant bien engagé grâce aux travaux de cette commission.

Par ailleurs, l'autre grand volet, le volet protection privée, est tout aussi important, on l'aura dit. Nous allons devoir réfléchir longuement sur la notion de risque que présente la société numérique pour le respect de la vie privée des citoyens à l'heure où l'utilisation du portable, du iPhone, du iPad, de l'Internet, des réseaux sociaux occupe une place de plus en plus grande dans nos vies. La députée de Bourassa-Sauvé aura soulevé à maintes reprises la question des politiques de confidentialité qui devront être simplifiées, de l'utilisation des pictogrammes pour justement permettre une plus grande protection de la vie privée. C'est des discussions, des réflexions auxquelles nous sommes conviés dans la foulée de ces travaux, et je la remercie pour ses nombreuses interventions sur ce sujet.

Le temps file. La question des incidents de sécurité également nous interpelle. Il va falloir se pencher là-dessus. Les obligations de dévoiler ces incidents, à qui on doit le dévoiler, qui est responsable de s'assurer que les personnes concernées sont informées, qui fait le suivi, qui assure la surveillance, voilà un certain nombre de questions sur lesquelles nous allons devoir réfléchir.

L'autre question également qui a été soulevée lors de nos travaux, la question de la représentation par un avocat devant la Commission d'accès dans la foulée du récent jugement de la Cour du Québec, c'est un enjeu sur lequel je vais me pencher et à propos duquel j'aurai des discussions avec mon collègue de la Justice, qui est responsable de la Loi sur le Barreau. Je sens que le député de Fabre porte une attention toute particulière à mes propos à ce temps-ci... à ce moment-ci.

• (21 h 50) •

Bref, des modifications importantes devront être apportées à la loi sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels, en fait afin, dis-je bien, d'en faire une version 2.0 beaucoup mieux adaptée à l'évolution de notre société et à l'évolution des technologies. Tout comme lors de l'adoption de la Loi d'accès, il y a 30 ans, les modifications législatives devront poursuivre l'atteinte d'un équilibre entre l'accès aux documents publics et la protection de la vie privée des citoyens. Le gouvernement va s'appuyer, bien entendu, sur le rapport du président de la Commission d'accès, mais aussi beaucoup sur les travaux que nous avons menés, sur les leçons, conclusions que nous tirerons de ces travaux.

Et, M. le Président, je termine en nous félicitant tous pour la qualité des échanges que nous avons eus ici. On a appris à se connaître. Pour certains d'entre nous, c'était... enfin, c'est la première fois qu'on travaille ensemble. Et, moi, j'ai beaucoup apprécié le travail que nous avons fait. Je remercie les députés de ma formation politique qui étaient là, toujours présents, fidèles au poste. Je remercie les députés... le député de Lévis, le député de Bourassa-Sauvé... la députée de Bourassa-Sauvé, dis-je bien, le député de Fabre, on a fait du bon boulot. Je vous remercie, M. le Président, je remercie toute l'équipe, Mme la secrétaire. Je remercie les gens qui m'accompagnent, M. le sous-ministre à ma gauche, M. le conseiller politique à ma droite, toute l'équipe du secrétariat qui est à l'arrière, Mme la chef de cabinet qui est là-bas, tranquille, mais qui travaille fort.

Alors, on a bien travaillé. On est maintenant conviés à un rendez-vous, M. le Président. Il faut que tous ces travaux cheminent et débouchent sur quelque chose de concret qui fera en sorte que le principe sacré de l'accès à l'information et le principe sacré de la protection des renseignements personnels puissent être encore mieux protégés, mieux sauvegardés et qu'on réussisse à les faire avancer, M. le Président, et à les ajuster, à les adapter à la société contemporaine québécoise. Je pense que c'est ce que les Québécois attendent de nous. Et, M. le Président, nous allons livrer, et nous allons le faire comme gouvernement, mais nous allons le faire également comme Parlement, en travaillant tout le monde ensemble, comme on l'a fait au cours des travaux de cette commission, M. le Président.

Le Président (M. Marsan) : Merci, M. le ministre. Merci, MM. les députés ministériels et des oppositions, et merci à tous ceux qui, de près ou de loin, ont participé à nos travaux.

La commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux au jeudi 25 avril, à 13 heures, pour une séance de travail. Alors, merci et bon retour.

(Fin de la séance à 21 h 52)

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