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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mercredi 6 septembre 2017 - Vol. 44 N° 212

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 133, Loi obligeant le port de l’uniforme par les policiers et les constables spéciaux dans l’exercice de leurs fonctions


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Table des matières

Remarques préliminaires

M. Martin Coiteux

M. Pascal Bérubé

M. André Spénard

Auditions

Fraternité des policiers et policières de Montréal inc. (FPPM)

Syndicat des constables spéciaux du gouvernement du Québec (SCSGQ)

Sûreté du Québec (SQ)

Mémoires déposés

Union des municipalités du Québec (UMQ)

Association des directeurs de police du Québec (ADPQ)

Fédération des policiers et policières municipaux du Québec (FPMQ)

Mémoires déposés

Autres intervenants

M. Guy Ouellette, président

M. Richard Merlini

*          M. Yves Francoeur, FPPM

*          M. Laurent Roy, idem

*          M. Franck Perales, SCSGQ

*          M. Jean-Luc Dufour, idem

*          M. Patrick Bélanger, SQ

*          M. Alexandre Cusson, UMQ

*          M. Yves Létourneau, idem

*          Mme Helen Dion, ADPQ

*          M. Danny McConnell, idem

*          M. Robin Côté, FPMQ

*          M. Frédéric Nadeau, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-six minutes)

Le Président (M. Ouellette) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 133, Loi obligeant le port de l'uniforme par les policiers et les constables spéciaux dans l'exercice de leurs fonctions.

Mme la secrétaire, il y a des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Melançon (Verdun) est remplacée par M. Auger (Champlain); Mme Hivon (Joliette) est remplacée par M. Bérubé (Matane-Matapédia); et M. Jolin-Barrette (Borduas) est remplacé par M. Spénard (Beauce-Nord).

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Nous débuterons... Bien, pour commencer, bon début de... Bien, bon début... on est rendus mercredi, là. Bon, en tout cas, bonne visite à Québec aux collègues. Je pense que la fébrilité reprend. Et, dans les prochains jours, pour ceux qui n'ont pas eu leur caucus, il y aura des caucus, puis on reprend la session dans les prochains jours.

Nous allons débuter, cet avant-midi, par des remarques préliminaires, puis nous entendrons trois organismes, qui sont la Fraternité des policiers et policières de Montréal, le Syndicat des constables spéciaux du gouvernement du Québec et la Sûreté du Québec.

Remarques préliminaires

Nous allons immédiatement débuter, M. le ministre, par vos remarques préliminaires.

M. Martin Coiteux

M. Coiteux : Oui. Alors, merci beaucoup, M. le Président. Je tiens d'abord à vous saluer, au départ, et puis saluer mes collègues du côté gouvernemental, collègues de l'opposition officielle, de la deuxième opposition, les groupes qui vont venir nous faire des présentations, des recommandations, des suggestions.

Alors, on entreprend aujourd'hui les consultations particulières, les auditions publiques sur le projet de loi n° 133, le projet de loi obligeant le port de l'uniforme par les policiers et les constables spéciaux dans l'exercice de leurs fonctions. C'est un projet de loi qui propose six articles qui, s'ils étaient adoptés, viendraient modifier la loi sur la police et notamment abroger le Règlement sur les uniformes des corps de police municipaux. Des consultations qui font suite à la présentation, donc, du projet de loi à l'Assemblée nationale lors de la séance du 27 avril dernier. Quelques mois se sont écoulés, mais les gens ont eu, donc, le temps, tout le temps nécessaire de prendre connaissance du projet et de la proposition gouvernementale.

Alors, je tiens, encore une fois, à souhaiter la bienvenue à tout le monde, remercier, donc, les participants pour le rapport essentiel. On va les écouter très attentivement aujourd'hui. Et je souligne en particulier la présence, aujourd'hui, de représentants des associations de policiers et policières et des constables spéciaux, de la Sûreté du Québec, de l'Association des directeurs de police du Québec et de l'Union des municipalités du Québec.

J'aimerais vous rappeler ce que vise ce texte législatif. En fait, ce texte législatif témoigne de la volonté du gouvernement d'être à l'écoute à la foi des citoyens et des municipalités. Les policiers et les constables spéciaux sont des représentants de la loi, et ce n'est pas rien. L'uniforme, symbole de leur autorité, leur permet d'être rapidement identifiés tout en imposant le respect essentiel à l'accomplissement de leur mission, qui est une mission unique dans notre société, avec des responsabilités qui sont à la hauteur de ces responsabilités uniques.

• (9 h 40) •

Alors, on le sait, on a vécu une situation pendant une très longue période, ce n'est pas complètement terminé dans certains endroits, où le port de l'uniforme par les policiers, à un autre moment par les constables spéciaux, n'a pas toujours été respecté. On est absolument convaincus que, pour rétablir la crédibilité et le respect envers la fonction des policiers, notamment, il est essentiel d'agir.

Il y a des policiers, il y a des constables spéciaux qui ont mis fin à leurs moyens de pression récemment et qui ont recommencé à porter leur uniforme. Néanmoins, on ne légifère pas pour le passé, on légifère aussi pour l'avenir. Il y a donc toujours lieu de prendre ces dispositions pour s'assurer qu'en tout temps les policiers et les constables spéciaux porteront l'uniforme qui est prescrit.

Le projet de loi, maintenant, s'inscrit autour de trois objectifs précis. D'abord, garantir la sécurité de la population en toutes circonstances. C'est vrai, certains se sont habitués, au fil des mois, parfois, malheureusement, au fil des années, à ce que les policiers portent des vêtements non réglementaires. Il n'en demeure pas moins qu'en situation d'urgence, en situation où la confusion pourrait être possible, cette confusion, justement, ne doit pas exister. Il est essentiel que les citoyens puissent rapidement en tout temps, en toutes circonstances identifier les membres des forces de l'ordre. C'est un aspect extrêmement important pour nous et c'est un aspect essentiel qui motive le projet de loi.

Mais il y en a aussi un autre qui est fort important. Les policiers exercent un rôle très particulier, là. Ce n'est pas tout le monde qui a le droit, au nom de la loi, d'arrêter une personne, de contraindre par la force une personne. Et la confiance des citoyens à l'égard des policiers, pour qu'ils puissent s'acquitter de cette tâche noble et essentielle, en particulier dans une société démocratique comme la nôtre, la confiance est absolument essentielle. Et nous sommes absolument convaincus que le port de l'uniforme également agit de manière très importante sur le lien de confiance qui existe entre les citoyens et les corps policiers. Que ce soit... Peu importe le corps policier, de quelque ville que ce soit, c'est absolument essentiel. Ça permet d'assurer le respect envers nos agents de la paix. Et c'est dans l'intérêt même des policiers de maintenir ce lien de confiance et de recevoir le respect des citoyens qu'ils servent. Alors, pour nous, c'est absolument essentiel de rétablir les principes importants à l'égard de l'uniforme des policiers puis de s'assurer que les policiers le portent en tout temps.

Les policiers et les constables spéciaux jouent donc un rôle important dans l'administration de la justice. Le respect de l'uniforme est important pour assurer la sérénité des débats, le plein exercice des droits des justiciables et, de manière générale, la saine administration de la justice.

On pense que c'est un projet de loi équilibré, parce que ce n'est pas parce qu'on vise le port en tout temps de l'uniforme que les policiers et les policières, les constables spéciaux ne peuvent pas exercer des moyens de pression légitimes, en période de négociation, notamment, ou lorsqu'ils ont un désaccord avec la partie patronale. Alors, c'est un projet de loi équilibré.

Maintenant, en terminant, parce qu'il me reste peu de temps, avant d'entreprendre les consultations particulières et les auditions publiques, j'aimerais vous annoncer aussi mon souhait de proposer ultérieurement dans les travaux quelques amendements, des amendements qui font suite à des constats qu'on a faits au cours des derniers mois.

Nous allons souhaiter introduire aussi des nouvelles dispositions législatives qui viendraient imposer l'exclusivité de fonction aux policiers détenant un poste d'encadrement. Dans ce contexte, donc, les policiers qui exercent une fonction d'encadrement ne pourraient plus occuper une autre fonction ou un autre emploi, à moins d'y être préalablement autorisés par le directeur du corps de police concerné. Et donc nous avons l'intention, plus tard dans les travaux, de déposer des amendements en ce sens. On pense que, là aussi, c'est une question de sécurité pour tous. Ça donnera donc l'occasion aussi de discuter, avec les intervenants de ces consultations, également de cette possibilité d'inclure des amendements qui imposent l'exclusivité de fonction. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. le ministre. M. le député de Matane-Matapédia.

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Je veux saluer le ministre, son équipe, les parlementaires gouvernementaux, le porte-parole de la Coalition avenir Québec, toutes les personnes présentes.

Vous savez, M. le Président, c'est le gouvernement qui a l'initiative législative. C'est lui qui fait les choix des projets de loi qui sont appelés, qui sont auditionnés, qui sont écoutés. Le gouvernement fait le choix, à ce moment-ci, qu'on ait des auditions sur le projet de loi n° 133, ça semble la priorité à ce moment-ci. Il y a pourtant d'autres sujets qui auraient pu être abordés, quant à moi le projet de loi n° 107 sur l'indépendance de l'UPAC de la Sûreté du Québec, annoncé en juin 2016. Rien n'a avancé là-dessus. 128, sur les chiens dangereux, qu'est-ce qui va arriver là-dessus? Ce n'est pas la priorité pour l'instant non plus. On avait parlé de fusion des ministères de la Sécurité publique et des Affaires municipales. Ce n'est plus le cas, je l'ai appris hier. On aurait pu parler également de projets de loi qui, je pense, seraient nécessaires, par exemple la question des quotas de tickets, proposition que le Parti québécois a faite. Moi, je suis convaincu que, pour la profession policière, il y aurait quelque chose à regarder là. Mais non. Au moment où tout le monde a signé, là, on va discuter de l'uniforme des policiers, qui, bien sûr, il faut s'en rappeler, ce n'est qu'une manifestation de la volonté des policiers de pouvoir se faire entendre, à tout le moins d'être vus lorsqu'ils débraient. Et c'est très balisé. Alors, il faut se souvenir de ça.

Quand le ministre nous parle de rétablir la crédibilité des policiers, à travers ça il y a bien d'autres choses. Moi, je ne pense pas qu'il faut rétablir la crédibilité, il faut donner davantage d'outils pour faire en sorte que les policiers soient considérés, respectés. C'est un des outils, mais il y en a plusieurs autres.

Moi, je veux profiter de l'occasion pour rendre hommage aux policiers, M. le Président. C'est un métier noble, c'est un métier difficile, c'est un métier nécessaire dans une démocratie. Les hommes et les femmes qui sont là pour protéger et servir au péril de leur vie partout sur le territoire du Québec, que ce soit à Montréal, à Laval, à Longueuil ou dans l'ensemble des régions, c'est un métier qui est essentiel, on ne le dit pas assez souvent. J'ai eu l'occasion de le dire à l'étude des crédits au directeur de la Sûreté du Québec, je le dis à l'ensemble des gens qui sont concernés, les policiers et les constables spéciaux, les gens qui assurent notre sécurité ici, à l'Assemblée nationale, et également dans les palais de justice.

Alors, le message que je veux lancer aujourd'hui, c'est que, bien sûr, on va participer comme on l'a fait dans le projet de loi n° 62, on va poser des questions, on va échanger, on va faire pour le mieux, mais je veux seulement réitérer que le gouvernement a l'initiative législative et il décide que c'est la priorité pour l'instant. Peut-être qu'on en apprendra davantage.

D'ailleurs, en parlant d'en apprendre davantage, j'ai appris... j'ai eu une discussion avec le ministre hier, ce n'est pas un secret, mais j'ai appris également dans le journal qu'il avait une volonté d'amener un amendement sur l'encadrement du double emploi chez les cadres. Je ne peux pas m'empêcher de me rappeler ce qu'on a vécu l'hiver dernier avec le cafouillage de l'autoroute 13, où il y a eu un rapport. Et là on va parler... on va mettre le blâme, là, en partie, je pense, sur des cadres qui auraient un double emploi, mais il me semble qu'il y a un enjeu qui a été occulté, celui de la responsabilité ministérielle, celle du ministre, celle du ministre des Transports également. C'est un enjeu important. Il n'y a pas de projet de loi qui encadre ça. Pourtant, c'est quelque chose qui nous est confié lorsqu'on devient ministre. Puis je l'ai vécu, moi, M. le Président.

Donc, je veux bien qu'on en parle également, puis j'ai indiqué au ministre hier que j'étais très ouvert à encadrer ça, mais je vois bien que c'est une réponse à ce qui s'est passé avec l'autoroute 13. Alors, responsabilité ministérielle, je le réitère à nouveau, que ce soit pour le ministre ou pour, éventuellement, certains de ses collègues qui pourraient aspirer à cette fonction ou souhaiter le devenir, c'est un enjeu extrêmement important.

Donc, en terminant, parce qu'on a peu de temps, le Parti québécois veut réitérer tout son respect pour la profession policière, celle des constables spéciaux également, un respect essentiel. Souvent, on est prompts à critiquer, prompts à critiquer les gens qui sont en loi, les gens qui sont là pour assurer notre sécurité, mais il faut également reconnaître le travail essentiel qu'ils font. Et ce sera l'occasion, à travers ce projet de loi, également, de passer un certain nombre de messages, qui, j'espère, à travers les organisations syndicales, pourront se rendre jusqu'à vos membres. Voilà.

• (9 h 50) •

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. le député de Matane-Matapédia. On s'en va à Beauce-Nord maintenant.

M. André Spénard

M. Spénard : Merci, M. le Président. À mon tour de souhaiter la bienvenue à M. le ministre de la Sécurité publique, M. le député de Matane ainsi que mes collègues, de même que tous les organismes qui viendront nous présenter un mémoire durant cette journée. Ça nous fait plaisir de vous entendre et de vous voir.

Un peu comme mon confrère de Matane disait, nous reconnaissons l'excellent travail des policiers, ce n'est pas une question de culotte ou d'habillement, là, qui nous fait croire que le service de police est quand même un service essentiel et un service de haut niveau dans la province de Québec. Et ça, on le reconnaît tous.

Maintenant, en ce qui concerne le projet de loi n° 133, avant de parler de l'amendement pour le double emploi, nous, qu'est-ce qu'on va s'assurer ici, et ça va être une des questions principales, c'est : Est-ce que cette loi va être applicable dans son intégralité? Est-ce qu'elle va être facilement contrôlable? Et quelle va être la pertinence de cette loi vis-à-vis la loi n° 62 sur la neutralité religieuse? Alors, est-ce que cette loi va avoir préséance ou si ce n'est pas la loi n° 62 et ses articles qui vont avoir préséance en ce qui concerne le port de l'uniforme et des équipements? Parce qu'on sait très bien que, dans la Gendarmerie royale du Canada, le kirpan est porté par certains agents. Alors, qu'est-ce qui va se passer avec le projet de loi n° 133 ici? C'est des questions qu'on va poser en cours de route, évidemment. Sans mettre en parallèle les deux projets de loi, il va falloir au moins savoir : Est-ce que ce projet de loi là n° 133 va être un projet de loi qui va avoir priorité sur les autres projets de loi qui pourraient modifier le sens de ce projet de loi là?

L'autre chose, le double emploi, évidemment, le double emploi, nous voyons quand même d'un bon oeil, pour les officiers supérieurs qui s'occupent d'encadrement, qu'il n'y ait pas de double emploi. Mais il va falloir préciser qu'est-ce que c'est, un emploi. Être propriétaire d'un bloc-appartements, ce n'est pas un emploi, en ce qui me concerne. Par contre, être agent immobilier, qui vend des immeubles, et qui n'est pas... ça, pour moi, c'est un emploi, c'est un gagne-pain. Alors, il va falloir être précis sur le terme «emploi», comme tel, parce qu'on ne peut pas dire à tous les policiers ou à tous les officiers supérieurs : Tu travailles 35 heures puis, au bout de 35 heures, tu t'en vas chez vous puis tu t'écrases, là. Tu sais, tu peux avoir un dépanneur sans travailler là, tu peux avoir... Tu sais, ce n'est pas un emploi, d'être un propriétaire d'entreprise, si tu n'y travailles pas. Alors, ça, il va falloir être très précis là-dessus.

Alors, c'est là-dessus qu'on va travailler. Alors, on offre notre collaboration, évidemment, au ministère de la Sécurité publique pour que les choses avancent rondement. Merci, M. le Président.

Auditions

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. le député de Beauce-Nord. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Fraternité des policiers et policières de Montréal et à son président, M. Yves Francoeur, que ça fait un bout de temps qu'on n'a pas vu à l'Assemblée. On s'ennuyait, M. Francoeur. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et puis il y aura une période d'échange avec M. le ministre et les représentants des deux oppositions. Je vous invite à nous présenter les gens qui vous accompagnent et à commencer votre exposé, M. Francoeur.

Fraternité des policiers et policières de Montréal inc. (FPPM)

M. Francoeur (Yves) : Merci, M. le Président. Mmes et MM. les parlementaires, bonjour. Et merci de nous recevoir.

À mon extrême gauche, j'ai M. Jean-François Potvin, qui est vice-président aux relations de travail à la Fraternité des policiers et policières de Montréal; à ma gauche, M. André Gendron, vice-président exécutif, et, à ma droite, Me Laurent Roy, conseiller juridique à la Fraternité des policiers et policières de Montréal.

Donc, effectivement, comme vous disiez, peut-être que ça ne faisait pas assez longtemps qu'on s'était vus. Donc, en trois ans, c'est la troisième fois que nous nous présentons devant une commission parlementaire de l'Assemblée nationale du Québec pour dénoncer un projet de loi inconstitutionnel, qui viole les droits et libertés des travailleurs garantis par les chartes. Ces droits-là, d'ailleurs, ont été renforcés par trois décisions récentes de la Cour suprême rendues au début 2015.

Cette fois-ci, le gouvernement va jusqu'à déposer un projet de loi inconstitutionnel pour empêcher ce qui constituait à l'origine une protestation contre un projet de loi inconstitutionnel, plus précisément la loi n° 15 sur les régimes de retraite. On pourrait presque dire que c'est une blague. Malheureusement, les policiers et policières ne la trouvent pas drôle. Et, comme vous vous en doutez, si cette loi est adoptée, elle sera vigoureusement contestée devant les tribunaux par la Fraternité des policiers et policières de Montréal. J'imagine que ce ne sera pas une surprise pour le gouvernement. La loi n° 15 sur les régimes de retraite, qui nie le droit à la libre négociation, et la loi n° 24 sur les négociations dans le secteur municipal, qui nie le droit à un arbitrage impartial, sont là pour en témoigner. De notre point de vue, on fait face à une stratégie pour tenter d'assommer les syndicats avec des projets de loi inconstitutionnels, en se disant que de toute façon ça va prendre plus de cinq ans avant que les tribunaux tranchent les questions. C'est encore plus efficace que la clause dérogatoire. La clause «nonobstant» dure cinq ans. Le processus judiciaire, lui, va prendre plus de cinq ans, et le gouvernement, en champion des délais de justice, le sait très bien. C'est totalement inacceptable, à plus forte raison de la part d'un gouvernement qui aime se présenter comme un protecteur des droits. Alors, nous allons, nous aussi, nous permettre de faire la leçon en affirmant que les droits constitutionnels ne sont pas un buffet où on prend seulement ce qui fait notre affaire.

En effet, on doit bien le dire, nous sommes estomaqués devant la démesure des attaques antisyndicales du gouvernement. Les policiers et policières, tout le monde le sait, n'ont pas le droit de grève. La grève est un droit constitutionnel reconnu par la Cour suprême, et cette même cour a clairement établi qu'on ne pouvait pas en priver un groupe de salariés sans qu'il n'y ait d'autre moyen d'exercer de la pression dans le cadre d'un rapport de force essentiel à une saine et juste négociation.

Les relations de travail ne peuvent pas être déséquilibrées à ce point par la législation. Ça ne passe pas la barre des tribunaux, et c'est très bien démontré dans notre mémoire, qui réfère à une abondante jurisprudence. Les policiers et policières sont très limités dans leurs moyens d'expression et leurs moyens de pression. Et un moyen de pression, pour être digne de ce nom, il faut que ça dérange au moins un peu, sinon ça ne génère aucune pression.

Au fond, on a fait une loi pour nous obliger à trouver des moyens de pression qui ne font pas de pression et qui ne donnent pas de rapport de force, sans compter que les raisons évoquées par le gouvernement sont fausses et relèvent des faits alternatifs. Quand on parle de raisons de sécurité pour éliminer toute forme de moyen de pression vestimentaire, ce n'est pas sérieux. Les organismes et les tribunaux ont déjà rejeté cet argument, dont le Conseil des services essentiels, dont la Commission de la santé et sécurité du travail du Québec. D'ailleurs, aucun mouvement statistique attribuable à l'uniforme n'a jamais été allégué par personne en matière de taux de criminalité, de taux de résolution des crimes ou d'infraction de quelque nature que ce soit.

Le gouvernement parle aussi de crédibilité dans son préambule. Pourtant, le Baromètre des professions 2016 de la firme Léger, dans un coup de sonde effectué un an et demi après le début de nos moyens de pression, en juillet 2014, notait un taux de confiance de la population de 75 % envers les policiers et policières, alors que les députés et les ministres, qui sont en habit et en tailleur, avaient un taux de confiance de 24 %. De plus, si on regarde l'évolution du taux de confiance envers les policiers, on constate qu'il était supérieur en 2016 à celui de 2011 et 2013, lors desquels il n'y avait aucun moyen de pression.

Bref, il est évident qu'en réalité il s'agit d'une loi visant à déséquilibrer le rapport de force et qui bafoue la liberté d'expression et la liberté d'association des policiers et policières. Pourtant, jamais nous n'avons fait de moyen de pression ou de moyen d'expression qui limitait les services à la population ou qui mettait la population en danger. Nous avons adopté des moyens qui déplaisent aux élus, oui, c'est vrai. Si ça leur plaisait, ce ne serait pas un moyen de pression.

Les élus municipaux dirigent la ville qui est notre employeur. Nous avons exercé un droit constitutionnel.

D'ailleurs, ce qui précède m'amène à souligner que je ne suis pas le seul qui se demande si un avis juridique écrit existe, du côté gouvernemental, sur ce projet de loi. Beaucoup d'avocats que je connais seraient très curieux de le lire, car je n'en ai pas rencontré un seul qui hésitait à qualifier d'inconstitutionnel le projet de loi que vous avez devant vous.

• (10 heures) •

Donc, en conclusion, la fraternité estime que le projet de loi n° 133 contrevient de façon flagrante aux droits fondamentaux des policiers en les privant de leur droit de mettre en oeuvre des activités associatives dont la légalité a été reconnue à maintes reprises par les tribunaux, alors que ces mêmes activités ont, à toute époque pertinente et en tout temps, au cours des 35 dernières années, été jugées comme ne comportant aucun impact négatif sur la qualité des services policiers rendus à la population. Il a été établi clairement et à plusieurs reprises, dans le cadre de décisions ou précédents judiciaires qui ne comportent aucune équivoque, que le recours à ces activités associatives n'avait pas pour effet de miner la confiance du public envers les corps de police ni de compromettre la qualité des services rendus par les policiers et auxquels la population a droit, pas plus qu'il n'avait pour effet d'engendrer une quelconque forme de confusion dans l'esprit du public sur le statut du policier. Les interdictions que comporte le projet de loi s'avèrent totalement injustifiées et injustifiables, tout comme elles ne répondent à aucun impératif ou nécessité autre que celui d'affaiblir le mouvement syndical policier. Cela devient une habitude, malheureusement, voire une simple routine, depuis les trois dernières années. La puissance du lobby des municipalités remplace désormais la règle de droit si chère à notre société. La Fraternité des policiers et policières de Montréal demande donc le retrait pur et simple du projet de loi n° 133. Merci.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Francoeur. M. le ministre.

M. Coiteux : Oui. Alors, d'abord et avant tout, bonjour, puis merci pour la présentation. Bon, je m'y attendais un petit peu, hein? Non, bien, je m'attendais un petit peu au contenu. De toute façon, on avait reçu le mémoire auparavant. Mais, même en l'ayant reçu et l'ayant, donc, eu avant, je ne m'attendais pas, disons, à une position différente de votre part.

Ceci étant dit, j'aimerais vous entendre sur une chose qui est la suivante. J'ose croire que le port d'autres choses que l'uniforme standard, et, en particulier, les pantalons de camouflage, les fameux pantalons de camouflage, n'est pas le seul moyen de pression existant qui a été utilisé ou qui est utilisé en contexte de négociation ou de protestation par la fraternité des policiers de Montréal. J'imagine qu'il y en a d'autres. Est-ce que vous pouvez nous en parler, de ces autres moyens de pression, juste pour qu'on situe un peu les choses?

Le Président (M. Ouellette) : M. Francoeur.

M. Francoeur (Yves) : M. le Président, je pourrais en parler au ministre. Et je lui dirais en même temps que nous sommes ouverts à toute nouvelle suggestion.

M. Coiteux : ...en la matière. C'est pour ça que je voulais vous entendre.

M. Francoeur (Yves) : Ah oui? O.K. Effectivement, la fraternité, dans le passé, a exercé d'autres moyens de pression qui se voulaient plus administratifs et qui, je ne vous le cache pas, à plusieurs reprises ont été interdits par la suite, suite à des décisions rendues par différentes instances. Par contre, d'un point de vue moyen de pression visible, nous sommes très restreints, et c'est la raison pour laquelle nous tenons absolument à maintenir ce droit. Nous souhaitons, comme tous, ne pas avoir à l'exercer. Nous sommes fiers de notre profession, nous sommes fiers du métier que nous accomplissons. Nous sommes conscients que c'est un métier, une profession avec des responsabilités très particulières, et c'est la raison pour laquelle jamais, dans le passé, la fraternité n'a fait de moyen de pression qui affectait la qualité des services ou la sécurité des citoyens. Mais, je le répète, démontrer aux citoyens par notre habillement que nous ne sommes pas satisfaits de nos conditions de travail ou d'une législation demeure un droit que nous tenons à continuer à exercer.

Le Président (M. Ouellette) : M. le ministre.

M. Coiteux : Oui, mais, néanmoins, vous en exercez également d'autres, moyens de pression. Il y a d'autres corps policiers qui n'ont pas exercé le moyen de pression auquel vous tenez tant. Et la question que les citoyens sont en droit de se poser, c'est pourquoi... vous n'êtes pas le seul corps policier, j'entends, mais pourquoi le SPVM tient tant à celui-là en particulier, alors que d'autres en utilisent bien d'autres et ont tout à fait l'impression d'exercer légitimement leur droit d'association, leur droit de protestation, et ultimement aussi ils signent des conventions collectives et ont exercé des moyens de pression? Alors, qu'est-ce qui se passe, là, pour que, dans votre syndicat en particulier, il y ait une fixation sur ce moyen de pression en particulier? C'est ce que j'essaie de comprendre.

M. Francoeur (Yves) : Je pense que toutes les villes du Québec ont leurs particularités propres. C'est certain qu'à Montréal on parle de près 2 millions d'interventions policières par année. On parle d'une couverture médiatique visible beaucoup plus grande qu'à Rimouski, sur la Rive-Sud, sur la Rive-Nord de Montréal ou la Rive-Sud ou Rive-Nord de Québec.

Donc, je le répète, c'est un moyen de pression que l'on désire continuer d'exercer parce que nous sommes très restreints non seulement par la loi, mais de par nos responsabilités en termes d'assurer la sécurité des citoyens et citoyennes.

Oui, vas-y, Laurent.

M. Roy (Laurent) : Si vous permettez, M. le ministre, la question que vous posez...

Le Président (M. Ouellette) : Excusez. Me Roy.

M. Roy (Laurent) : M. le Président. Excusez-moi. Bonjour, M. le Président.

M. le ministre, la question que vous posez, elle est intéressante, mais elle provoque un certain malaise, et je vais vous expliquer pour quelle raison. Ce qui est dangereux dans la question que vous soulevez, c'est que vous vous placez à la place des syndicats pour déterminer ce qui devrait être utile ou pas aux fins du renouvellement de leur convention et des moyens qu'ils doivent utiliser pour établir un rapport de force. La faille que le projet de loi... L'une des failles de ce projet de loi qui est importante, c'est qu'il ne fait pas la distinction entre ce qui choque et ce qui nuit. La démonstration que... Les moyens auxquels les policiers ont recours, les policiers de Montréal notamment, parce qu'ils ont été les premiers dans l'histoire du mouvement syndical policier à recourir au port de l'uniforme comme moyen de pression... Et ça fait 35 ans que ce moyen-là est utilisé sans qu'aucun gouvernement du Québec, tous partis politiques confondus, sauf celui-ci, n'ait jamais senti le besoin d'intervenir. Ce qui nuit, c'est la seule et unique question qui devrait nous préoccuper.

Et rarement dans l'histoire d'un projet de loi on aura vu une réponse donnée par les tribunaux avant même l'adoption du projet de loi lui-même. Parce que, finalement, ce que le projet de loi fait, c'est qu'il ne rajoute qu'une chose, l'aspect pénalités, sanctions importantes au niveau notamment des montants et des amendes qui pourraient être imposées en cas de violation, mais l'obligation comme telle du port de l'uniforme réglementaire a toujours existé. C'était dans les règlements disciplinaires. Les municipalités ont toujours eu le loisir d'appliquer le règlement disciplinaire, sauf que, si elles ne l'ont pas fait, c'est parce qu'il y avait une raison. L'aspect figuratif de l'uniforme, dont l'accent est, à mon avis, mis de manière démesurée dans le projet de loi n° 133, ne tient pas compte de l'évolution de notre société au niveau des chartes. On ne peut plus apprécier à la manière du XIXe siècle l'aspect figuratif des uniformes de ceux qui représentent l'autorité. Et là on a l'impression qu'on avance ici à grands pas vers le XIXe siècle plutôt que d'avancer dans la continuité des chartes, et, comme disait M. Trudeau, parce qu'on est en 2017.

Ça choque, certains moyens. Il y en a d'autres qui choquent moins. Mais votre projet de loi, de toute façon, s'immisce dans ce qui relève essentiellement de la décision des syndicats en disant : Bien, vous n'en utiliserez plus aucun qui ne respecte pas intégralement l'uniforme. Or, le port de la casquette rouge, là, ce n'est pas d'hier qu'il est utilisé, et, à ce que je sache, les tribunaux n'ont jamais considéré qu'il s'agissait d'un moyen qui nuisait, qui réduisait l'efficacité des services policiers, qui permettait de générer une sorte de confusion dans le statut du policier lorsqu'il s'adresse à un citoyen ou qui minait la confiance du public. Aucun tribunal ne l'a reconnu. On vous a donné, à la page 14 du mémoire, toutes les décisions qui ont été rendues, et elles sont nombreuses, sur la question.

Alors, à partir de là, si on examine votre projet de loi, et surtout l'article 2, qui modifie la Loi de police, les policiers ne pourront plus substituer à la casquette bleue la casquette rouge qu'ils ont portée pendant environ trois ans. Mais en quoi le port de la casquette rouge nuit-il aux services policiers, mine-t-il la confiance? M. le député, tout à l'heure, a parlé du kirpan, mais on pourrait parler du turban. On pourrait parler, dans notre société et dans des sociétés ailleurs sur la planète, de gens qui ne portent pas un uniforme de la même façon que nous le portons normalement ici. En quoi est-ce que ça mine la confiance du public de porter la casquette rouge? Et le projet de loi non seulement ne fait pas cette démonstration-là, mais il ne prend appui sur rien d'autre que des considérants qui, malheureusement, en cette période politique un peu trouble, constituent plus des faits alternatifs qu'une vérité. Dire qu'il est absolument nécessaire de porter dans son intégralité en toutes circonstances le port de l'uniforme, c'est une demi-vérité. On ne voit pas pour quelle raison ce projet de loi pourrait passer le test de la constitutionnalité.

Le Président (M. Ouellette) : M. le ministre.

• (10 h 10) •

M. Coiteux : Vous ne voulez pas discuter des moyens... Parce que vous parlez de faits alternatifs, mais moi, j'essaie de vous amener sur la voie des moyens de pression alternatifs. Je vois que vous ne voulez pas trop en discuter. Mais vous laissez entendre, en quelque sorte, que de faire respecter le port de l'uniforme vous empêche de vous exprimer. C'est faux. C'est complètement faux. C'est une façon particulière ici, qui est en lien avec votre fonction de policiers, sur laquelle on met sur la place directement des enjeux de sécurité, des enjeux aussi de confiance entre le public et les corps policiers. Mais il existe des multiples moyens de pression. Donc, quand je vous entends dire qu'en quelque part on vient brimer un droit d'expression, vous n'étayez pas votre position parce que vous revenez strictement sur un moyen de pression peut-être parmi 12 qui pourraient exister. Alors, moi, j'essaie de vous amener sur ce terrain-là. Vous êtes complètement fixés là-dessus. Il y a d'autres corps policiers qui ont utilisé d'autres moyens, et qui ont fait avancer leur cause également, et qui, peut-être, ont moins perdu la confiance du public dans ce contexte-là.

Je pose la question parce qu'au cours des derniers mois, à Montréal, il y a eu quand même des enjeux de confiance. Puis je ne dis pas que c'est strictement cette question-là qui est à la source de ça, mais de dire qu'il n'y a eu aucun lien entre le sentiment, à Montréal, qu'il y avait quelque chose qui ne fonctionnait pas avec le SPVM et également certains types de moyens de pression que vous avez utilisés, j'aimerais en voir la démonstration parce que ce n'est pas ça que les gens nous disent. Ce n'est pas ça que les Montréalais expriment. Ce n'est pas ça qu'ils expriment du tout.

Le Président (M. Ouellette) : M. Francoeur.

M. Francoeur (Yves) : M. le Président, en tout cas, je pense que M. le ministre, lorsqu'il parle d'une multitude de moyens de pression, en tout respect, pour faire cette affirmation-là, n'a pas consulté, effectivement, les décisions de cour.

Je vais donner un exemple. Auparavant, nous déplacions les véhicules d'un district à un autre. Ce qui nous a été opposé, c'est qu'en termes de géolocalisation, Montréal, une île, une ville... Montréal est une île. On a des véhicules avec des bouées de sauvetage et des équipements pour pouvoir intervenir sur les berges, autour de l'île. Donc, des décisions ont été rendues à l'effet qu'on ne pouvait plus effectuer des moyens de pression comme ça. On a fait des moyens de pression administratifs qui consistaient seulement à ne plus remplir de rapports, d'un point de vue informatique, des rapports administratifs, et même la Commission des relations du travail du Québec nous a dit que ça affectait, en bout de ligne, la qualité des services à la population.

Donc, je le répète, mais nos moyens de pression sont très, très, très restreints. Et, même si la loi nous le permettait, nous ne désirons en aucun temps mettre de l'avant des moyens de pression qui affecteraient la sécurité des citoyens. Et, lorsque le ministre, M. le Président, revient avec la confiance et la crédibilité, je le répète, puis je pourrai lui en donner une copie, mais j'ai le Baromètre des professions 2016, sondage fait par la firme Léger, et, je le répète, le taux de confiance des citoyens de Montréal par rapport à la profession de policier, après un an et demi de moyens de pression, est à 75 %, puis elle est même plus élevée qu'en 2011 et en 2013.

Donc, je conçois que des gens n'aiment pas, n'apprécient pas, mais, lorsqu'on parle de confiance, de crédibilité, je pense qu'on met en doute la qualité du travail fait par nos policiers nonobstant l'uniforme, et moi, j'ai toujours dit que le contenu était plus important que le contenant. Donc, c'est la réponse que j'ai à faire au ministre, M. le Président, concernant ses affirmations.

Le Président (M. Ouellette) : M. le ministre.

M. Coiteux : On pourrait en débattre longuement, M. le Président, mais je pense que je n'aurai pas d'autre question pour l'instant.

Le Président (M. Ouellette) : M. Francoeur, est-ce qu'il y a possibilité que vous déposiez le document qui n'était pas dans votre mémoire, le document auquel vous référez, du sondage?

M. Francoeur (Yves) : Honnêtement, je l'ai annoté, mais je pourrai l'envoyer à la commission en format électronique.

Le Président (M. Ouellette) : La copie non annotée?

M. Francoeur (Yves) : Oui.

Le Président (M. Ouellette) : C'est beau, merci. Dans les meilleurs délais, avant qu'on commence l'étude article par article. M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Vous me permettrez, d'entrée de jeu, d'offrir, au nom de ma formation politique, nos sympathies à la fraternité des policiers de Montréal suite au décès tragique d'une policière au poste de quartier 46 récemment. Et je connais cette solidarité entre les policiers et je veux offrir de façon formelle cette sympathie à l'ensemble de vos membres.

Également indiquer une appréciation sur la collaboration du poste de quartier 23, du sergent Claude Lizotte, qui m'a permis de faire un Cobra, alors qui permet, là, de patrouiller durant une nuit, et c'était dans Hochelaga-Maisonneuve, donc ça a été très apprécié, pour mieux connaître votre travail. Donc, j'invite tous ceux qui veulent mieux connaître votre travail d'en faire autant, d'aller patrouiller avec vous la nuit. Puis ça s'adresse... L'ensemble des parlementaires peuvent le faire. Je l'ai fait avec la Sûreté du Québec, je l'ai fait avec le SPVM également.

Évidemment, il y a un certain nombre de déclarations que le ministre a faites auxquelles je dois répondre absolument tout de suite, parce que je n'avais pas prévu qu'il allait aborder cette question-là de cette façon-là.

Quand on parle de la crise sur la confiance du SPVM, à ma connaissance, pour avoir suivi ça de près, ce n'est pas tellement les policiers que les cadres, hein? Lorsqu'on regarde ceux qui ont été visés, c'est essentiellement des cadres, ce n'est pas des gens qui patrouillent. Alors, il y a des noms très connus, là, qui ne font plus de patrouille depuis très longtemps, M. le Président. Et ce n'est pas eux qui ont miné la crédibilité du SPVM, quant à moi, là. Alors, je veux répondre à ça.

Bien sûr, sur l'habillement des policiers, on aimerait mieux qu'il n'y ait pas de conflit, on aimerait mieux que vous le portiez, mais vos moyens sont limités. Puis, tantôt, lorsqu'il y aura les représentants de la Sûreté du Québec, je rappellerai une situation que j'ai vécue. Mais, quant au SPVM, évidemment, comme bien des gens, j'ai eu un malaise aussi lors des funérailles du premier ministre Parizeau à l'église Saint-Germain d'Outremont, j'étais présent. Bon, c'est un faux pas. Vous vous êtes amendés, la fraternité a donné des explications que ça ne se reproduirait plus par la suite. Ce n'était pas heureux. Je l'ai dit, je le redis à nouveau.

Ceci étant dit, vous avez ouvert sur bien des enjeux. Comme le ministre a l'initiative législative, j'espère qu'il est sur du solide parce qu'il y a effectivement un certain nombre de jugements et il ne faudrait pas que ce projet de loi aussitôt soit contesté, voire même soit invalidé. Alors, ça, c'est le fardeau de la preuve. C'est le ministre qui arrive avec ce projet de loi.

Donc, mes premières questions, c'est : Comment qualifiez-vous l'opportunité, l'opportunité que le gouvernement a utilisée, pour ce projet de loi là, d'arriver maintenant avec ce projet de loi, maintenant que vous avez signé avec votre employeur, puis également les policiers puis les constables... les policiers de la Sûreté du Québec et les constables? Et pouvez-vous compléter sur votre explication quant au fait que cette loi ne serait pas constitutionnelle?

Le Président (M. Ouellette) : M. Francoeur.

M. Francoeur (Yves) : O.K. J'ai avancé plusieurs affirmations tantôt, justement, sur la constitutionnalité et je vais laisser la parole à Me Roy pour y aller de façon plus pointue.

Le Président (M. Ouellette) : Me Roy.

M. Roy (Laurent) : Alors, M. le Président, en quelques mots, on aborde ici un problème d'une grande complexité qui a fait l'objet d'une évolution jurisprudentielle fulgurante au cours des 20 dernières années.

Alors, la Charte canadienne des droits et libertés, à l'article 2, prévoit notamment les libertés suivantes, liberté d'association et liberté d'expression. La liberté d'association, à ses tout débuts, signifiait simplement une chose, le droit de s'associer. Alors, les individus, dans une société libre et démocratique, peuvent s'associer pour atteindre des objectifs, et on ne leur reconnaissait pas autre chose. Mais, à partir de ces premiers pas, ces premières interprétations, on en est venus à s'interroger sur les conséquences que comporte le droit de s'associer si on limite ça uniquement au fait de s'associer. Et la Cour suprême a commencé à faire preuve d'une très grande sensibilité à partir des années 80 en disant : Bien, le droit de s'associer, ça ne veut pas dire grand-chose si on ne l'associe pas au droit de négocier. Si tu t'associes pour atteindre les objectifs, mais que, par ailleurs, le droit de négocier collectivement n'est pas reconnu, ça ne donne rien.

Alors, on a mis l'accent sur le droit de négocier collectivement et, après ça, on s'est interrogés sur d'autres aspects du droit de négocier collectivement. On s'est dit : C'est bien beau, avoir le droit de négocier collectivement, mais qu'est-ce que ça donne si le rapport de force n'existe pas entre les deux parties? Et on en est venus, en 2015, à considérer que le droit de grève était tellement important pour rétablir le rapport de force qu'il devait être constitutionnalisé. Alors, pour la première fois depuis l'adoption de la charte dans les années 80, on a, en 2015, constitutionnalisé le droit de grève.

Mais évidemment les policiers n'ont pas le droit de faire la grève pour des raisons évidentes, parce qu'ils assurent des services essentiels à la population en tout temps. Ce que la Cour suprême a dit dans un cas semblable, c'est que ça ne veut pas dire que le rapport de force ne doit pas exister puisqu'il y avait quand même des négociations, puis que personne ne souhaite que tout se règle uniquement par le tribunal d'arbitrage qui va être appelé à statuer sur les conditions de travail, et un tribunal d'arbitrage qui serait appelé à statuer systématiquement sur toutes les matières qui relèvent de la négociation n'aboutirait jamais. Il faut qu'on finisse par s'entendre sur l'essentiel. Or, comment est-ce qu'on peut s'entendre sur l'essentiel s'il n'y a pas de rapport de force entre les deux parties?

Alors, la Cour suprême a établi dans Saskatchewan Federation of Labour, en 2015, un principe fondamental. Il faut qu'il y ait un rapport de force entre les deux parties, et, quand on n'a pas le droit de faire la grève, ce sont forcément les moyens intermédiaires qui vont servir à établir ce rapport de force dans le cas des policiers et des pompiers, qui n'ont pas le droit de faire la grève depuis 1944, incidemment. Or, le moyen de pression ou les moyens de pression que les syndicats policiers ou de pompiers utilisent ou auxquels ils ont recours, ce sont des moyens intermédiaires. Et là on nous dit : Bien, on va les choisir pour vous, les moyens intermédiaires, puis dites-nous qu'est-ce qui, dans le fond, pourrait être utilisé à la place de... Ce que la Cour suprême a dit, c'est : On ne se demandera pas s'il y a d'autre moyen que la grève, on va dire : La grève est un droit, puis c'est un droit constitutionnel. Les moyens intermédiaires sont des droits, donc ce sont des droits qui sont protégés et garantis par la Constitution.

Chaque syndicat a ses particularités. La fraternité, depuis 35 ans... Ce n'est quand même pas rien. Et c'est un élément très important dans l'appréciation des droits constitutionnels : quand on examine la charte, on l'analyse à la lumière de ce que les sociétés ont toléré et accepté pendant de nombreuses années. Ça représente l'évolution d'une société. Ça fait 35 ans que les policiers de Montréal ont recours à la casquette rouge, au pantalon pour manifester leur désaccord avec l'employeur, transporter sur la place publique, hein, ce qui est un aspect important de leur relation, c'est-à-dire le désaccord qu'il y a avec l'employeur, informer mais aussi... pas simplement informer, parce qu'on peut avoir une pancarte, en quelque part, puis ça informe, mais ça devient vide de sens quand ça n'a pas d'impact dans le quotidien. Il faut que les gens sachent que le conflit est toujours là, sinon on va l'oublier.

Puis Montréal, ce n'est pas une ville comme les autres, là. C'est un grand territoire. Il y a 4 600 policiers. Alors, imaginez que des moyens de pression qui peuvent être aussi utiles que celui-là, il n'y en a pas. On n'en a pas trouvé, et c'est pour ça que les policiers y ont recours depuis 35 ans.

• (10 h 20) •

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Me Roy. M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Tout à l'heure, vous avez évoqué la culture particulière du SPVM, à Montréal, qui est un corps de police différent de ce qu'on retrouve ailleurs au Québec. Le ministre a évoqué que d'autres corps de police font des choses différentes. Vous évoquez 4 600 policiers sur l'île de Montréal. C'est sûr que c'est différent, par exemple, de la ville de Mercier, qui a 19 agents. D'ailleurs, ça m'échappe, pourquoi qu'ils ont quitté la Sûreté du Québec pour devenir un corps de police indépendant. Peut-être qu'on l'apprendra un jour.

Une voix : ...

M. Bérubé : C'est une régie. 19 agents, 4 600, on ne peut pas s'attendre à avoir les mêmes moyens. Ça, c'est un enjeu que j'aimerais aborder éventuellement dans un autre forum.

Mais le ministre a évoqué un certain nombre, je pense, une douzaine de moyens. Peut-être qu'il aura l'occasion de nous présenter c'est quoi, les autres moyens de pression qui existent ailleurs, il y a peut-être un recensement qui est fait par le ministère de ça. Mais je pense qu'au même titre que le gouvernement ne va pas nous fournir sa plateforme électorale ou sa stratégie de campagne il ne peut pas demander au syndicat de choisir, de circonscrire les moyens qu'il va utiliser, voire même de les télégraphier au gouvernement du Québec, dans une négociation légitime entre un employeur et des syndicats. Et, dans ce cas-là, ce n'est pas le gouvernement du Québec, mais c'est la ville de Montréal, le maire de Montréal, le conseil municipal de Montréal.

Sur cet enjeu-là, vous nous avez annoncé votre intention de vous opposer, d'aller en justice carrément là-dessus. Selon vous... Parce que c'est connu, vos intentions sont connues du ministre, il l'a indiqué. Selon vous, pourquoi le gouvernement persiste quand même à aller de l'avant avec ce projet de loi? Quelle est votre hypothèse?

M. Francoeur (Yves) : Bien, je ne veux pas prêter des intentions au ministre, mais disons, M. le Président, que le ministre s'est commis à plusieurs reprises à l'effet qu'il déposerait un projet de loi. Mais, sans répéter ce que Me Roy a dit, la Cour suprême a constitutionnalisé le droit de grève même dans trois décisions récentes. Donc, nous, on est ici aujourd'hui pour faire valoir nos droits. Et je ne me sens pas à l'aise de commenter des raisons ou des incidences politiques pour lesquelles ce projet de loi voit ou verrait le jour dans les prochaines étapes législatives, là, mais... à compter d'aujourd'hui.

M. Bérubé : Je vais suggérer un autre moyen qui existe, qui est complémentaire, que vous avez utilisé. Vous avez fait une marche qui est partie, à ma connaissance, de la rue Gilford, à vos locaux de la fraternité, jusqu'au Vieux-Port de Montréal. À ce moment-là, cette marche s'est faite avec... À combien vous évaluez le nombre de policiers, policières qui étaient présents?

M. Francoeur (Yves) : 2 844.

M. Bérubé : Est-ce qu'il y a eu des manquements? Est-ce qu'on a pu identifier, par exemple, des policiers qui étaient en fonction, qui ont participé à titre de manifestants? Est-ce que ça a été recensé, un cas où il y aurait eu des égarements par l'employeur?

M. Francoeur (Yves) : Pas du tout. Et nous avions notre propre service d'ordre. Et, si je peux être aussi précis dans les chiffres, c'est que nos policiers revêtaient un tee-shirt, et nous sommes donc au courant du nombre que nous avons distribué. Mais effectivement c'était très bien coordonné et encadré et c'était une autre façon de manifester nos droits et notre insatisfaction par rapport à la législation.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Il nous reste...

Le Président (M. Ouellette) : Deux minutes.

M. Bérubé : Deux minutes? Je ne sais pas si vous avez quelque chose à ajouter là-dessus. Moi, essentiellement, vous voyez, je suis sur le principe pour l'instant, sur l'opportunité, que je questionne, du gouvernement, à ce moment-ci, d'arriver avec le projet, sur les motivations, sur votre évaluation de... votre réaction face à ce projet de loi là. Pour l'instant, c'est ce que je veux faire et c'est le même exercice que je veux faire avec tout le monde. Je ne sais pas si vous avez quelque chose à ajouter pour le temps qu'il reste.

M. Francoeur (Yves) : ...céder la parole à mon ami, Me Roy.

Le Président (M. Ouellette) : Me Roy.

M. Roy (Laurent) : M. le Président, je pense que le ministre a lui-même ébauché, en tout cas, un début de réponse à la question que vous posez, il a dit qu'il était à l'écoute des municipalités. Il faut aussi être à l'écoute des policiers. Mais on a l'impression qu'on est à l'écoute des municipalités seulement, et être à l'écoute des municipalités, c'est forcément être à l'écoute des employeurs, c'est être à l'écoute de ceux qui ne trouvent pas ça drôle, un moyen de pression. Il n'y a pas un employeur qui adore ça. Je n'en connais pas, en tout cas. Personnellement, en 43 ans, je n'en ai jamais vu un. Mais il est à l'écoute, le ministre, de ceux et celles qui représentent le côté patronal, et c'est ça, le déséquilibre, de trop écouter uniquement une partie par rapport à l'autre.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : L'occasion est trop belle, en concluant, en disant qu'il faut écouter effectivement les policiers. Et je me permets personnellement de souhaiter qu'on vous écoute, vous, M. le président de la fraternité des policiers, notamment la Sûreté du Québec, qui donne suite à des affirmations que vous avez faites. Et je terminerai là-dessus, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Merci, M. le Président. Merci, MM. Francoeur, Potvin, Roy et Gendron, de nous présenter ce mémoire, que je trouve fort intéressant.

Il faut bien le dire, ici, c'est toujours très difficile parce que c'est une loi qui s'applique... ce que j'appellerais une loi sur le décorum. Je ne pense pas que ça touche la sécurité comme telle. Je ne pense pas que ça touche les actions qu'un policier doit faire à tous les jours, les interventions qu'il doit faire à tous les jours. Nous sommes sur le décorum, pour une image.

Moi aussi, j'étais, avec le député de Matane, aux obsèques de l'ancien premier ministre, M. Parizeau, et c'est vrai que c'était choquant. J'ai vu des pantalons roses qui faisaient... C'était un peu choquant compte tenu de la gravité de cette situation-là. Vous vous êtes excusés, c'est correct.

Mais, lorsqu'on est devant un projet de loi qui... Puis, vous l'avez dit aussi, là, je pense que la Cour suprême a été assez claire. Même le Barreau du Québec, dans son mémoire, va en parler plus tard. J'ai lu tous les mémoires et... Est-ce qu'on n'est pas au coeur d'un problème... Lorsqu'on est rendu à présenter un projet de loi sur le décorum de l'habillement, est-ce qu'on n'est pas en voie de se demander s'il ne faudrait pas, une fois pour toutes, régler les mécanismes de négociation? Moi, j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que le fond du problème, c'est les négociations entre les policiers du Québec, que ce soient les policiers municipaux ou provinciaux, et leurs employeurs.

Maintenant, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de dire... Nonobstant ce projet de loi là, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'apporter des mécanismes de négociation qui peuvent être différents, mais qui peuvent aussi faire l'objet d'un consensus entre employeur et employés? Parce que le coeur du problème, puis tout le monde est revenu là-dessus, même monsieur l'avocat, je ne me rappelle plus de son... Me Roy est revenu là-dessus, c'est des mécanismes, c'est des objets de négociation, je comprends. Mais on va-tu faire des lois pour le décorum à chaque fois qu'on va négocier avec un corps quelconque? Moi, c'est ça qui m'achale parce que ça fait juste mettre un plasteur qui va être contesté en cours, vous l'avez très bien dit. Mais le coeur du problème, c'est les mécanismes de négociation. J'aimerais vous entendre, moi, si vous avez des propositions pour apporter des mécanismes de négociation, disons, innovants, futuristes et qui seraient acceptables par les deux parties.

Le Président (M. Ouellette) : M. Francoeur.

• (10 h 30) •

M. Francoeur (Yves) : M. le Président, effectivement, écoutez, je ne veux pas me tromper dans les années, là, mais, en 2012, 2013 ou 2014, un comité a été formé, au moment où la responsabilité des relations de travail en milieu policier et pompier ne relevait pas du ministère des Affaires municipales, mais relevait plutôt du ministère du Travail, endroit où, selon nous, les relations de travail devraient continuer, mais... d'être à l'agenda, mais le gouvernement en a décidé autrement. Et à ce moment-là... vous me ferez grâce si j'en oublie, mais les associations syndicales policières étaient représentées, la ville de Québec, la ville de Montréal, le ministère du Travail, et on était arrivés à un consensus, effectivement, pour accélérer le tout. C'est même des représentations qui ont été faites dans le cadre des représentations sur la loi n° 24 ici même, et qui n'ont pas été retenues, et où le gouvernement a décidé d'aller de l'avant avec un conseil des différends où... Me Roy parlait tantôt du déséquilibre des forces, mais comme commissaire du conseil de différends, on a même nommé un ancien directeur des relations de travail à la ville de Montréal. Il n'était pas question d'avoir des représentants syndicaux ou des gens qui ont travaillé pour le milieu syndical, mais par contre on nomme quelqu'un qui a été aux relations de travail pour la ville de Montréal. Quand on parle de déséquilibre...

Et, M. le Président, j'en profiterais aussi... je ne veux pas empiéter sur le temps du député, mais il faut être conscients que le droit évolue. La fraternité a toujours été en accord avec les recommandations Bouchard-Taylor qui disaient que les représentants de l'autorité dans l'État qui exercent un pouvoir coercitif ne devrait pas porter de signes religieux. Nous sommes en accord encore aujourd'hui avec ces affirmations. Mais avec l'évolution du droit, malgré que je ne suis pas avocat, selon moi, aujourd'hui une législation comme celle-là ne passerait pas le test des tribunaux. C'est pourquoi on est ici aujourd'hui puis on dit : Soyez conscients que le droit a évolué, qu'il y a eu des décisions qui ont été rendues. Parfois, ça ne plaît pas, ce n'est pas ce que l'on veut, ce que l'on désire comme élus, mais il faut mettre de côté nos opinions et respecter la règle de droit. Les policiers respectent le droit, respectent tellement le droit que, lors de nos moyens de pression, nous disons, nous ordonnons à nos policiers que, lorsqu'ils se présentent devant une cour de justice, doivent le faire avec l'uniforme complet.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Pour vous, il y a la contestation devant les tribunaux... Là, vous avez parlé de plusieurs choses, mais le coeur du problème, c'était... Vous abordez aussi, ce que je trouve important parce qu'il y a un autre projet de loi qui est à l'étude présentement qui parle de la neutralité religieuse... Et vous dites que ça, ça ne devrait pas exister, ce que j'en ai compris de vous, là, en ce qui concerne les policiers, là. Est-ce que...

Mais moi, j'en reviens aux mécanismes de négociation. On est encore dans des vieux mécanismes de négociation, dans des rapports de force. N'y aurait-il pas lieu de changer un peu, d'innover en négociation de convention collective pour ceux-là... pour tous les corps d'emploi qui occupent des services essentiels, que ce soient les ambulanciers, que ce soient les policiers, les pompiers, etc.? N'y aurait-il pas lieu de creuser un autre mécanisme qui serait plus innovant puis qui dirait : Voici, on est rendus au XXIe siècle, et, O.K., la Cour suprême s'est prononcée comme c'est un moyen légal de grève... pas de grève mais de... Alors, il n'y a pas d'autre chose qu'on pourrait... Je ne sais pas, avez-vous creusé... Je ne sais pas, mettons, à tous les cinq ans, bon, on s'assoit, c'est un arbitre, alors on regarde ça, on regarde la capacité de payer, on regarde la ville... Évidemment, il y aurait des frictions, mais, sans aller dans des moyens de pression comme tels, on peut-u s'entendre sur des nouveaux mécanismes de relations de travail, des nouveaux mécanismes de négociation qui feraient en sorte que, pour tous les corps de métier qui sont considérés comme services essentiels, même si vous n'avez pas le droit de grève, voici, vous autres, au lieu de dire que c'est comme tous les employés de l'État, vous avez un statut particulier, voici comment les négociations devraient aller, avec l'entente de toutes les parties?

M. Francoeur (Yves) : Je vais laisser Me Roy répondre, qui est très impatient de répondre.

Le Président (M. Ouellette) : En 30 secondes, Me Roy, on est-u capables de faire ça?

M. Roy (Laurent) : Oui. On va essayer, mais, pour un avocat, c'est dur.

Le Président (M. Ouellette) : Oui, je sais que c'est dur. C'est pour ça que je vous en ai parlé avant.

M. Roy (Laurent) : C'est un sujet tellement, tellement difficile que vous abordez qu'il est difficile d'y répondre en 30 secondes. Mais, disons, prenons l'expérience récente des policiers de Montréal, le recours à un médiateur-arbitre a permis aux deux parties de développer une relation qui, finalement, a entraîné un règlement en l'espace de quelques semaines. Pourquoi? Parce que le rapport de force était là. On avait un arbitre crédible aux yeux des deux parties, ce que le projet de loi... ce que la loi n° 24 ne garantit pas du tout. Mais, dans le contexte des règles du Code du travail telles que celles-ci existaient avant la loi n° 24, on avait un médiateur-arbitre qui avait le pouvoir de faire de la médiation puis d'amener les parties à se parler, de leur dire leurs quatre vérités aussi, hein, et d'établir ce rapport de force qui fait en sorte qu'à un moment donné, sur un sujet donné, quand on sait qu'on est plus faible que fort, bien, on est porté à concéder de part et d'autre, et en quelques semaines la médiation-arbitrage a entraîné un règlement qui était considéré, à l'époque, impossible à atteindre; en tout cas, il y a trois ans, certainement pas; il y a deux ans, certainement pas. Mais en quelques semaines, avec un médiateur-arbitre crédible aux yeux des deux parties, on a trouvé la solution.

M. Spénard : Donc, ça me prouve que ça peut exister.

M. Roy (Laurent) : Ça peut exister.

M. Spénard : Merci beaucoup. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Yves Francoeur, président de la Fraternité des policiers et policières de Montréal, M. Jean-François Potvin, vice-président aux relations de travail, M. André Gendron, vice-président exécutif, et Me Laurent Roy, d'être venus déposer en commission.

Je suspends quelques minutes. Je demanderais aux représentants du Syndicat des constables spéciaux du gouvernement du Québec de s'avancer.

(Suspension de la séance à 10 h 37)

(Reprise à 10 h 45)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant le Syndicat des constables spéciaux du gouvernement du Québec, représenté par son président, M. Franck Perales. Vous avez 10 minutes pour nous faire votre présentation. Vous allez nous présenter la personne qui vous accompagne et vous allez entretenir les membres de la commission. Après votre présentation, il y aura un échange avec M. le ministre et les représentants des deux oppositions. M. Perales, à vous la parole.

Syndicat des constables spéciaux du
gouvernement du Québec (SCSGQ)

M. Perales (Franck) : Oui, bonjour. Je suis accompagné de Me Dufour, qui est notre procureur dans pas mal de nos dossiers.

Donc, pour ceux qui ne nous connaissent pas, le Syndicat des constables spéciaux du gouvernement du Québec est constitué en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels et accrédité au sens de la Loi sur la fonction publique et du Code du travail afin de représenter les constables spéciaux nommés en vertu de la Loi sur la police.

Il y a environ 350 constables spéciaux dans la province. Les constables spéciaux sont regroupés en trois statuts, soit des permanents, des réguliers à temps partiel et des occasionnels. Leurs relations de travail sont régies non seulement par la Loi sur la fonction publique, ses règlements et les directives applicables mais aussi par une convention collective 2015‑2020 qui vient tout juste d'être renouvelée avec le gouvernement du Québec après plus de deux ans et demi de négociations.

Selon ses statuts et règlements, le Syndicat des constables spéciaux a pour mission de pourvoir à l'étude, à la sauvegarde et au développement des intérêts économiques, sociaux et éducatifs de ses membres et plus particulièrement la négociation et l'application d'une convention collective. Quant aux constables spéciaux, leurs tâches consistent, au regard de l'article 105 de la Loi sur la police, à maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, à prévenir et à réprimer le crime. À cet effet, selon l'article 106 de la Loi sur la police, ils sont des agents de la paix dans les limites définies par leur acte de nomination.

Je vais aller droit au but : Nous pensons que ce projet de loi porte atteinte considérablement aux droits fondamentaux conférés par la Charte canadienne des droits et libertés. Je vais laisser le soin à Me Dufour de nous dire pourquoi nous pensons que c'est une atteinte considérable aux droits fondamentaux conférés par la charte. Me Dufour.

M. Dufour (Jean-Luc) : Alors, membres de la commission...

Le Président (M. Ouellette) : Me Dufour, vous identifier pour les besoins de l'audio.

M. Dufour (Jean-Luc) : Oui. Alors, Jean-Luc Dufour, du bureau de chez Poudrier, Bradet, avocats, procureur du Syndicat des constables spéciaux du gouvernement du Québec.

Alors, évidemment, en ce qui concerne le Syndicat des constables spéciaux du gouvernement du Québec, ce projet de loi s'inscrit dans un contexte de moyens de visibilité où les constables avaient remplacé la chemise et le pantalon par un tee-shirt et un pantalon d'une autre couleur. Il s'inscrit aussi dans le cadre d'un débat qui tenait lieu devant le Tribunal administratif du travail et qui s'est échelonné de novembre 2016 jusqu'au 7 juillet 2017, où la décision a été rendue et au cours duquel il y a eu une ordonnance provisoire de sauvegarde qui protégeait les droits des constables spéciaux pendant l'instance qui a été rendue par le Tribunal administratif du travail en décembre 2016.

Alors, au sens où on veut intervenir, on va un peu répéter les commentaires de mon collègue de tout à l'heure, Me Roy, de la fraternité des policiers de Montréal. Il est clair, selon nous, que l'objectif du projet de loi vise à annihiler la liberté d'expression, alors que les moyens de visibilité qui ont été employés par les constables spéciaux tout au long du conflit ont toujours respecté les paramètres juridiques jurisprudentiels énoncés, en ce sens qu'il y a eu toujours eu protection de la sécurité du public et des officiers de justice et il y a toujours eu protection des biens du gouvernement pendant cette période-là.

Les constables spéciaux, il faut le rappeler, en vertu de la Loi sur la fonction publique, et c'est repris aussi dans le texte de leur convention collective, n'ont pas le droit de grève et ils ont un droit à l'arbitrage de différends qui est conditionnel, un, à l'assentiment du gouvernement, qui est l'employeur, et, deux, qui ne constitue qu'une simple recommandation, donc qui n'a aucun effet coercitif à l'égard de l'employeur qu'est le gouvernement, de sorte qu'enlever tout moyen de visibilité, qui est consacré chez les constables spéciaux par le changement de l'uniforme, c'est véritablement détruire tout moyen de la liberté d'expression dans un cadre de négociation de convention collective. On vous a ajouté une annexe ce matin, l'annexe IX, et j'y reviendrai tout à l'heure.

Dans le cas qui nous concerne, il est clair, quant à nous, que l'objectif du projet de loi vise uniquement les moyens de pression dans un contexte de négociation de convention collective parce que, lorsqu'on adopte une loi, c'est parce qu'il y a un problème, il y a un problème urgent et réel. Et on vous en fera la démonstration tout à l'heure, il n'y a pas, chez les constables spéciaux qui sont aussi visés par le projet de loi, de problème urgent et réel à régler qui nécessite une loi aussi prohibitive que celle que le gouvernement se propose d'adopter.

• (10 h 50) •

Dans les considérants, on indique que l'on veut favoriser la sérénité des débats judiciaires. Il n'y a eu aucune preuve à l'effet que les constables spéciaux interféraient volontairement par des faits et gestes dans les débats judiciaires, d'abord parce qu'ils ne sont pas partie aux débats judiciaires. Ils sont des officiers de justice. Lorsqu'ils sont dans la salle, contrairement à une caméra de télévision qui pourrait être braquée sur un témoin durant son témoignage à la cour et qui peut susciter un stress ou une pression, les constables spéciaux n'interviennent pas dans le débat judiciaire.

Je me permettrais d'aller voir avec vous l'onglet V de notre mémoire, qui est le jugement de la juge France Charbonneau rendu le 15 mai 2017. Et, en lisant le jugement, je me suis aperçu que les prétentions qu'avait Sa Majesté la reine, donc le gouvernement, rejoignaient de beaucoup les prétentions que nous avions défendues devant le Tribunal administratif du travail. Alors, si vous regardez les paragraphes 20, 21 jusqu'à 29, on vous indique ceci, en parlant de la requérante, donc Sa Majesté la reine : «...ajoute que les ordonnances d'ajournement émises — par le juge en question, Garneau — [prolongeaient] arbitrairement et sans justification les délais judiciaires, alors que ces délais "[minent] la confiance du public envers le système".»

Paragraphe 21 : «La requérante soutient de plus qu'avant d'exclure les constables spéciaux et d'émettre des ordonnances d'ajournement, l'intimé devait évaluer l'impact de celles-ci sur l'intérêt supérieur de la justice, la confiance du public envers l'administration de la justice et sur les droits des parties.

«L'intérêt supérieur de la justice milite pour que celle-ci soit rendue de façon "raisonnablement prompte" et ni les accusés mis en cause ni la requérante n'ont intérêt à ce que les procédures judiciaires s'allongent.»

Nous, devant le Tribunal administratif du travail, on a mis en preuve que les constables étaient disposés à faire leur travail, sans aucun problème.

Autre élément aussi qui a été mis en preuve, c'est que, de par les témoignages mêmes des gens qui ont témoigné pour la partie patronale, en aucun temps le constable était incapable de fournir sa prestation de travail. Ce n'était pas un tee-shirt ni un pantalon d'une certaine couleur qui allaient faire en sorte que le constable ne pouvait pas intervenir. D'ailleurs, dans le mémoire, on vous a produit, à l'onglet VII, quelques articles de journaux qui font état, pendant la durée du conflit, de l'intervention compétente des constables malgré le port d'un uniforme qui n'était pas le port d'un uniforme réglementaire.

On a aussi mis en preuve dans les faits que le constable est clairement identifiable. On nous l'a dit dans les argumentaires qu'on veut favoriser la confiance du public et assurer l'atteinte des plus hauts standards en matière de sécurité. Or, tout à l'heure, à la question qui était posée par le ministre à mon collègue Roy, favoriser la confiance du public puis que, là, les Montréalais étaient tannés, on vous a sorti un sondage à 75 % de votes favorables à la confiance des policiers de la ville de Montréal. Mais moi, je vais aller plus loin dans notre dossier : N'y a-t-il pas eu par cette Assemblée nationale, pendant la durée du conflit, une motion qui a été adoptée, à ma souvenance, à l'unanimité pour vanter la qualité des services rendus par les constables spéciaux dans les palais de justice et à l'Assemblée nationale?

Alors, quand on vient nous parler de la confiance du public, la confiance du public ne peut pas être perdue si l'Assemblée nationale vante le mérite du travail des constables spéciaux dans les palais de justice et à l'Assemblée nationale.

Autre élément, dans les considérants on indique que l'on veut atteindre les plus hauts standards de sécurité. Devant le Tribunal administratif du Travail, comme je vous l'expliquais tout à l'heure, la partie patronale a admis que le constable possédait l'équipement, suivait les formations et qu'il n'y avait aucun problème au niveau de la sécurité du public.

Autre chose, quels sont ces hauts standards de sécurité par le port d'un pantalon d'une certaine couleur ou d'un tee-shirt au lieu de la chemise? On nous a parlé d'un problème d'identification, sauf que ce qu'on oublie, c'est que l'identification du constable se fait par sa veste pare-balle. Pour en être certain, encore tout à l'heure, je suis allé voir le constable qui est dans le corridor puis je l'ai regardé, j'ai demandé... vérifié où il était identifié «constable spécial». Alors, il est pleinement identifié, le constable spécial. Tout ce qu'il y a comme couleur : la couleur de son tee-shirt, qui ne fonctionne pas avec la chemise bleue qu'il porte habituellement.

Autre élément qui découle du projet de loi, dans le cadre particulier des constables spéciaux, c'est qu'on instaure un système de dénonciation. On instaure un système de dénonciation qui va référer sur le juge ou encore sur le capitaine, qui est le supérieur immédiat du constable spécial à l'intérieur, entre autres, du palais de justice. Si on se réfère à la décision de la juge dans la décision Garneau, et c'est cité d'ailleurs à la page 13 de notre mémoire, on constate qu'il y a beaucoup d'arbitraire dans ce qu'il y a de... dans la manière de décider ce qui est convenable et ce qui ne l'est pas. Si vous regardez à la page 13 du mémoire, la juge nous dit : «Ce qui surprend, c'est que les intervenants reconnaissent eux-mêmes dans leur argumentation que cette détermination peut varier en fonction de la nature de l'affaire qui est soumise au juge, la présence ou non de citoyens en salle d'audience, la tenue vestimentaire précise [au] constable...»

Et elle conclut : «Pour l'intimé, et ce de manière absolue, le port [du] pantalon de camouflage, par tout constable spécial, dans toute affaire appelée à procéder devant lui les 19, 20 et 21 décembre[...], ne pouvait jamais être convenable.

«Existent-ils des tenues vestimentaires qui, en toutes circonstances, ne sont jamais convenables en salle d'audience? Un esprit fertile pourrait certes en imaginer.»

Donc, on tombe carrément dans l'arbitraire de la chose.

Le Président (M. Ouellette) : Il faut les encadrer, ces avocats-là, torbinouche, très serré. Je vais revenir à M. Perales et je vais vous demander... Parce que vous allez avoir l'opportunité, lors des échanges avec M. le ministre et les porte-parole des deux oppositions, de pouvoir revenir sur les décisions. Je vais vous demander si vous avez une conclusion, M. Perales ou Me Dufour, là, parce qu'on est rendus à la conclusion, dans le temps qui vous est imparti, Me Dufour.

M. Dufour (Jean-Luc) : Écoutez, moi, ce que je vais vous dire, c'est que, pour le syndicat des constables spéciaux, à la lumière de l'annexe IX qui vous a été déposée ce matin, à la troisième page... la deuxième page, pardon, on a fait demander un relevé détaillé des mesures disciplinaires et administratives prises envers les constables spéciaux pour les années 2006 à 2017 en ce qui a trait au port d'uniforme. Et, moi, ce que je m'interroge, c'est sur la notion de besoins réels et urgents du projet de loi. Si vous regardez, il y a eu deux mesures administratives, 2010 et 2011, des choses qui ne peuvent pas faire l'objet d'un grief. Il y a eu en 2012 une suspension d'une journée, et dans un de ces trois cas-là, la mesure administrative était pour des raisons de santé.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Me Dufour.

M. Perales (Franck) : Si je peux me permettre un dernier commentaire...

Le Président (M. Ouellette) : Oui, vous allez... je vais vous le permettre.

M. Perales (Franck) : Ce qui est particulier, dans cette histoire, du moins dans ce projet de loi par rapport aux policiers de la SPVM, l'employeur des policiers de la SPVM, c'est la ville de Montréal; notre employeur, c'est le gouvernement du Québec. Nous pensons humblement qu'on ne peut pas être juge et partie lors d'une négociation collective en nous enlevant tous nos moyens à la table. Et il faut un rapport de force, ça a été reconnu par la Cour suprême dans l'arrêt Saskatchewan, il faut un certain rapport de force aux tables. Si on dit aux constables : Vous n'avez plus de moyens de visibilité, par ce projet de loi là, vous n'avez plus le droit à la grève, plus le droit au ralentissement de travail, il n'y aura aucun rapport de force à la table de négociation. C'était le commentaire que je voulais faire.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. M. le ministre.

M. Coiteux : O.K. Alors, merci, M. Perales et puis Me Dufour, pour votre présentation. Je ne vais pas retourner là-dessus parce qu'on a... j'ai tenté un échange tout à l'heure sur la question des moyens de pression alternatifs à l'altération de l'uniforme, et ils existent, puisque d'autres syndicats les utilisent et ne s'en sentent pas moins pourvus du rapport de force nécessaire pour faire avancer leur cause et obtenir ultimement la signature d'une entente collective avec leur employeur qui soit satisfaisante. Mais je ne veux pas retourner là-dessus parce que, visiblement, vous voulez réserver le choix des moyens et l'exposé du choix des moyens. Ça, je veux bien comprendre... je comprends ça.

Néanmoins, j'aimerais juste intervenir sur une petite chose qui a été dite par Me Dufour pour commencer. Il y a eu quand même récemment des cas où des constables spéciaux ne portaient même pas la veste pare-balle. Et il y a des cas qui ont été répertoriés, là, au cours des derniers mois, là. Donc, ce n'est pas tout à fait exact que, dans toutes circonstances, en toutes circonstances, les pièces nécessaires à leur identification claire pour tous et toutes, notamment pour des raisons de sécurité, aient toujours été rigoureusement respectées. Alors, vous êtes d'accord avec ça. Il y a eu des cas, quand même.

• (11 heures) •

M. Perales (Franck) : D'ailleurs, sur les deux ou trois cas dont vous nous parlez, le syndicat a demandé à ces membres-là de mettre la veste pare-balle justement par souci d'identification. Donc, l'employeur nous avait contactés, on avait dit qu'on était tout à fait d'accord avec ça, que les constables concernés devaient mettre la veste pare-balle par souci d'identification, effectivement. On a eu deux, trois cas.

Le Président (M. Ouellette) : M. le ministre... M. Dufour.

M. Dufour (Jean-Luc) : Et, vous savez, M. le ministre, avec tout mon respect, vous avez quand même une directive et vous avez des mesures disciplinaires. Alors, qu'est-ce qui...

M. Coiteux : Oui, j'en conviens, mais il y a une différence entre le non-respect érigé en système et des cas très individuels de non-respect d'un certain nombre de conditions, là, parce que c'est l'ensemble des constables spéciaux qui vont utiliser ce moyen-là plutôt qu'un autre. Ça cause d'autres enjeux.

Et, je le répète, le projet de loi, ici, n'est pas là pour enlever la capacité de faire valoir son point de vue puis d'utiliser des moyens de pression. Ce n'est pas ça qu'il fait, le projet de loi. Ce n'est pas ça qu'il propose, le projet de loi. Le projet de loi vise à avoir les meilleurs standards pour assurer quoi? La sécurité. Puis, dans la sécurité, la claire identification de tous, elle est extrêmement importante, compte tenu des fonctions que les policiers et les constables spéciaux exercent aussi. Ils ont des pouvoirs coercitifs que vous et... bien, vous en fonction, oui, moi non, mais le commun des mortels, le citoyen habituel n'a pas. Donc, il y a des moyens coercitifs particuliers qui sont liés à faire respecter les lois et les règles, donc la confiance et le respect sont fort importants aussi, puis il y a des types de moyens de pression qui sont mieux en mesure de maintenir ce lien de confiance et ce respect. Puis particulièrement, pas uniquement, mais particulièrement dans le cas des constables spéciaux, il y a la question de la saine administration de la justice.

Alors, ça, ce sont les grandes considérations qui donnent lieu au projet de loi. D'aucune manière le projet de loi ne vise à empêcher les policiers et les constables spéciaux, dont on respecte énormément le travail, on connaît les risques qui sont associés à la profession, on sait que c'est extrêmement exigeant... Il n'est aucunement question, dans le projet de loi, d'empêcher les gens de s'exprimer.

Et, si je viens sur la question de la saine administration de la justice, vous serez d'accord avec moi qu'il y a eu quand même plusieurs instances, au cours des derniers mois, où des juges ont mis un terme à certaines procédures en cours ou à des audiences à cause, justement, du type de moyens de pression qui étaient utilisés par les constables spéciaux et que, du point de vue de la saine administration de la justice, notamment dans un contexte où il y a des délais qu'on essaie tous ensemble de résorber, et ça nécessite l'apport de tous, la collaboration de tous, la pression est encore plus forte dans le contexte de l'arrêt Jordan, eh bien, il y a eu des retards dans l'administration de la justice qui ont été directement liés aussi à l'utilisation de ces moyens de pression.

Alors, ce n'est pas... Quand vous dites : Il n'y a pas de motif pour légiférer en la matière, permettez-moi de ne pas être d'accord, hein, permettez-moi de soumettre qu'il y a des cas réels qui ont nui à la saine administration de la justice. Donc, ce n'est pas une atteinte aux droits des constables spéciaux de s'exprimer, c'est de s'assurer qu'à tout le moins ensemble on trouve la manière de faire fonctionner sainement le système de justice. Et il existe d'autres moyens d'exprimer son désaccord.

M. Dufour (Jean-Luc) : Mais est-ce que... La position de la requérante, Sa Majesté la reine, dans la décision à laquelle je faisais référence tout à l'heure nous dit que «l'intimé n'a donc pas agi judiciairement en ordonnant des ajournements pour des motifs étrangers à la saine administration de la justice et en omettant de soupeser les facteurs pertinents à ces ordonnances». Est-ce que la saine administration de la justice ne serait pas plutôt là, alors que la sécurité des citoyens, la sécurité des officiers de justice est respectée et qu'on soupèse la saine administration de la justice, dans une telle circonstance, et en protégeant les droits fondamentaux des constables, lesquels droits fondamentaux s'exercent sans violence, de manière pacifique et dans le respect des citoyens? Ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'était la position du gouvernement dans ce dossier-là.

Le Président (M. Ouellette) : M. le ministre.

M. Coiteux : Je vous entends, mais la saine administration de la justice, ce n'est pas d'allonger les délais parce qu'on utilise un type de moyens de pression qui mène à ce type de suspension. C'est d'ailleurs l'avis du Barreau, là. Le Barreau ne viendra pas nous voir aujourd'hui là-dessus, mais ils nous ont soumis un mémoire dans lequel ils expriment très clairement cette préoccupation-là qu'ils ont à l'égard de ce qui s'est passé récemment. Alors, je vous entends, j'entends bien le point de vue que vous défendez, mais sécurité, respect, confiance du public, saine administration de la justice, c'est des motifs très sérieux de légiférer, très sérieux.

M. Dufour (Jean-Luc) : Sur deux des trois motifs, vous avez plaidé le contraire. En tout cas, c'est la position du gouvernement. Un peu bizarre.

M. Perales (Franck) : Je rajouterai qu'en aucun cas les constables ont refusé de faire leurs tâches de travail. Ça veut dire qu'un tiers a décidé à un moment donné de suspendre les dossiers, d'ajourner les procédures non pas parce que les constables n'étaient pas aptes à faire leur travail ou n'étaient pas disponibles pour faire leur travail, c'est parce qu'on leur demandait de quitter la salle. C'était la décision du juge, dans certains cas, de demander aux constables de quitter.

M. Coiteux : Je comprends bien, M. Perales, mais le tiers dont il est question ici, c'est un juge, et on parle de saine administration de la justice. Et on nous dit : Bien, il faut respecter le droit.

Alors, voyez-vous, on est devant de réels problèmes, auxquels on cherche à apporter des solutions qui ne vous empêchent pas d'exercer d'autres types de moyens de pression. Autant... Le gouvernement a négocié avec plusieurs groupes, notamment dans l'univers de la sécurité publique, au cours des derniers mois, et on est très heureux d'en être arrivés à une entente avec votre syndicat comme on est très heureux d'en être arrivés à une entente avec la Sûreté du Québec, avec également les gardes du corps, également... On est arrivés à des ententes avec plusieurs groupes. Tous n'ont pas nécessairement utilisé des moyens de pression qui remettaient en question la sécurité, la confiance du public, la saine administration de la justice, et ils ont fait avancer leur cause aussi. C'est pour ça que je dis : Ce n'est pas un projet de loi contre votre capacité d'utiliser des moyens de pression, aucunement, c'est un projet de loi pour circonscrire, au nom de certains principes très importants dans notre société du point de vue de la sécurité, puis de la confiance, et de la saine administration de la justice, circonscrire la nécessité de respecter l'uniforme.

Vous n'exercez pas une profession qui... vous n'exercez pas la même profession que la majorité de nos concitoyens, vous exercez une profession qui vous donne un pouvoir très important. Et il faut que vous l'ayez, ce pouvoir très important, parce que vous avez à faire respecter la loi. Et vous avez le pouvoir de coercition. Il y a une contrepartie à ça, et cette contrepartie-là, si elle n'est pas respectée et qu'elle remet en question des questions de sécurité, de confiance et de saine administration de la justice, il y a nécessité, pour le législateur, d'agir, et donc il y a une cause réelle qui nécessite le dépôt d'un projet de loi.

M. Perales (Franck) : M. le ministre, si je peux me permettre, on parle surtout de quelques cas de juges qui effectivement ont annulé des dossiers, ont suspendu, ont ajourné. Il faut comprendre que la grande majorité des juges, de façon silencieuse, en acceptant les constables avec leurs moyens de visibilité, à quelque part comprenaient la situation dans laquelle on était au niveau des négociations collectives. Je dirais que 90 % de la magistrature n'avait aucun problème avec nos moyens de visibilité. Et, je vous le dis, il y a eu 600 000 heures d'activité, on a calculé, 600 000 heures à peu près, Me Dufour, si je ne me trompe pas, qu'on avait calculé avec le tableau, où il y avait, malgré les moyens de visibilité... où ça roulait à plein régime au niveau des salles de cour, au niveau des audiences, au niveau des dossiers. Je veux dire, on a fait beaucoup état de certains cas, justement, qui sont apparus dans les journaux, puis tout ça, mais on a occulté, on a mis de côté la grande majorité des palais de justice à travers la province où ça roulait, je veux dire, à fond la caisse, comme on dit, là, avec les constables avec des moyens de visibilité parce que le juge ne considérait pas que l'habit, le tee-shirt ou le pantalon que portait le constable faisait en sorte de l'empêcher de faire son travail.

Je donne un exemple. S'il y a une incarcération par un juge, une sentence donnée à un prévenu, je veux dire, que je sois avec mon tee-shirt bleu ou ma veste... ma chemise donnée par l'employeur, ça ne m'empêchera pas d'incarcérer cette personne-là parce qu'il y a une décision d'un juge qui vient de l'incarcérer, il y a une sentence.

Donc, je veux dire, c'est qu'on a beaucoup fait état des quelques cas, effectivement, dans la presse, où des dossiers avaient été remis à plus tard, si on veut. Mais, par contre, la grande, grande, grande majorité, tous les jours les dossiers roulaient à plein régime, les dossiers étaient entendus par les juges. Je voudrais que vous preniez en considération ça aussi parce qu'on fait beaucoup état, des fois, de la minorité des dossiers.

M. Coiteux : Je ne sais pas si j'ai des collègues, M. le Président, qui voudraient poser des questions. Moi, j'ai fait le tour de mes questions principales.

Le Président (M. Ouellette) : Ça va? O.K. M. le député de Matane-Matapédia.

• (11 h 10) •

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Je tiens à saluer les représentants des constables spéciaux. Ce n'est pas la première fois qu'on échange ensemble. Je suis heureux d'avoir proposé, le 9 juin dernier, une motion reconnaissant le travail exceptionnel des gens qui sont responsables de notre sécurité à l'Assemblée nationale, motion qui a été adoptée à l'unanimité des parlementaires de l'Assemblée nationale. Je suis également heureux que vous ayez conclu une entente avec le gouvernement du Québec sur vos conditions de travail durant l'été. Alors, reconnaître votre travail, c'est important pour nous, alors c'est pour ça qu'on a fait cette proposition. C'est un des moyens qu'on a. Alors, on parle beaucoup des moyens aujourd'hui. L'opposition, un des moyens qu'on avait, c'était de manifester à l'Assemblée nationale qu'il faut souligner votre bon travail, celui d'autres corps de métier qui assurent notre sécurité, les gardes du corps entre autres.

Quand je pense aux constables spéciaux, évidemment, c'est des visages qui sont familiers pour les parlementaires. Dès qu'on entre à la porte 6, on les rencontre, on les côtoie, on connaît souvent leur nom, on échange avec eux. On sait qu'ils sont là pour assurer la sécurité des parlementaires et du public, des visiteurs de l'Assemblée nationale, et qu'historiquement ils ont eu à intervenir dans des cas difficiles. D'ailleurs, il y a une plaque, que vous avez réclamée, qui en témoigne, sur des événements malheureux qui sont arrivés en 1984, un attentat politique face à un gouvernement indépendantiste. C'était le premier, il y en a eu un deuxième en 2012. Je me permets d'ajouter ça, personnellement. Donc, c'est un métier dangereux, au même titre que les policiers, et vous le faites avec beaucoup de courage, et je me permets de le souligner ici.

Le port de l'uniforme, évidemment, dans un lieu comme l'Assemblée nationale, ça ne passe pas inaperçu. Évidemment, il y a eu des cas où des dignitaires ont été étonnés de voir des pantalons multicolores. D'ailleurs, par ce que j'ai évoqué précédemment, je sais, par exemple, que vous avez une sensibilité supplémentaire. Jamais je n'ai vu de constables spéciaux, à l'Assemblée nationale, porter de pantalon de camouflage, pour les raisons que je viens d'évoquer. Et, si les gens ne le savent pas, c'est que c'est cette sensibilité que les constables ont envers les tristes événements de 1984. C'est pour cette raison-là qu'il n'y avait pas de pantalon de camouflage. Et ça, je le sais parce que j'ai eu l'occasion d'échanger avec des constables.

Vos moyens sont limités, sont limités pour vous faire entendre, tout comme les gardes du corps, d'ailleurs. Et, les gardes du corps, j'informe M. le ministre que plusieurs se sont adressés à l'opposition officielle pour nous dire qu'ils auraient souhaité pouvoir avoir des moyens plus visibles et qu'ils auraient senti qu'ils auraient indisposé leurs ministres. J'en compte au moins 10 qui sont venus me voir pour m'en parler. Alors, s'ils avaient pu le faire, ils l'auraient fait. Ils sentaient que ça aurait créé, dans le véhicule, dans les événements, quelque chose de tendu. Mais ils se sont confiés à nous puis ils se reconnaîtront quand ils vont m'entendre. Donc, les moyens sont limités, il y a la question du rapport de force.

Si on veut parler de l'enjeu de la sécurité, moi, je suis bien prêt à en débattre. Je peux parler de la sécurité dans les palais de justice également, où les moyens sont déficients. Je pense que c'est encore beaucoup plus urgent. Je pense, entre autres, au palais de justice de Roberval, dans le comté du premier ministre, où on est en manque d'effectif, où il y a eu des cas qui ont été rapportés, ailleurs au Québec également.

Donc, vous avec parlé que... vous avez dit, indiqué — je pense que c'est plus juste — que jamais la sécurité n'a été mise en cause, que, dans le cas des juges, il y a eu très peu de cas, que ça s'est relativement bien passé, que les gens comprennent vos revendications. Quand le ministre évoque, tout à l'heure, avec les policiers du SPVM, qu'il y a d'autres moyens, sans jamais les nommer, mais qu'il existerait d'autres moyens, moi, j'aimerais avoir des exemples. Pouvez-vous nous indiquer en quoi il est difficile pour vous de faire autre chose que de porter ce vêtement?

M. Dufour (Jean-Luc) : Si vous me permettez...

Le Président (M. Ouellette) : Me Dufour.

M. Dufour (Jean-Luc) : Oui, merci. Donc, si vous me le permettez, M. le député, écoutez, dans la mesure où le projet de loi est adopté, on va être les seuls salariés ou à peu près à ne pas pouvoir manifester sur les lieux de travail, parce qu'on n'a pas le droit à la grève... Prenons, par exemple, le cas des fonctionnaires provinciaux. S'ils désirent débrayer, ils vont débrayer devant les édifices gouvernementaux, puis on va le savoir sur les lieux de travail. Les juristes de l'État, même chose; les procureurs de la couronne dans une certaine mesure aussi. On n'a pas le droit non plus d'utiliser des moyens de pression parce que le Tribunal administratif du travail nous a dit que ce qu'on a fait, c'étaient des moyens de pression, au sens de l'article 108, puis qu'il y avait un ralentissement d'activité, non pas causé par le comportement du constable mais par une décision d'un tiers qui, comme le dit la juge dans la décision de l'affaire Garneau tantôt, repose sur un élément quand même d'arbitraire. Parce que ce qui était le plus drôle, devant le Tribunal administratif du travail, c'était qu'à un moment donné la juge a fait lever trois constables qui étaient dans la salle pour distinguer la paire de jeans qui était permise par certains juges et d'autres qui n'étaient pas... celles qui n'étaient pas tolérées. Donc, on demeure dans l'arbitraire, par rapport aux fameux pantalons cargo, et tout ça.

Et l'autre élément, c'est que, si on nous enlève le moyen de visibilité sur les lieux de travail, l'endroit où les gens viennent, sont en contact avec les constables spéciaux, il nous reste quoi comme moyen ayant un rapport de force quelconque? Mettre de la publicité dans les journaux?

M. Bérubé : Vous n'avez pas le droit de faire la grève du zèle?

M. Dufour (Jean-Luc) : Non plus.

M. Bérubé : Bon, vous avez utilisé un certain nombre de moyens. D'ailleurs, il y en a un qui m'a beaucoup étonné, là. J'ai vu apparaître un drapeau canadien, à un moment donné, dans les moyens de...

M. Dufour (Jean-Luc) : Il est encore là, de ce que j'ai vu sur l'uniforme de ce matin.

M. Bérubé : Bon, vous avez compris mon étonnement, vous avez compris mon étonnement quand j'ai vu ça. Je pense que la raison, c'était que vous considérez que les moyens à la disposition des gens qui font essentiellement le même travail que vous au parlement à Ottawa sont supérieurs... ou il y a une meilleure reconnaissance de votre travail? C'est bien ça?

M. Perales (Franck) : C'est exactement ça.

M. Bérubé : Ce n'est pas pour nous taquiner, là. En tout cas, de notre côté.

M. Perales (Franck) : Non, non, non. Mais, encore là, avec respect pour l'Assemblée nationale, on a fait attention au niveau des pantalons de camouflage, dû aux événements qui se sont produits. On se disait : Bon, on va respecter la réalité des parlementaires, des élus à l'Assemblée nationale. Qu'est-ce qu'on peut faire? Et effectivement on s'est dit : Peut-être le drapeau canadien, non pas pour insulter personne... C'était juste pour faire une comparaison entre le traitement de ceux qui font le même travail à la Chambre des communes versus à l'Assemblée nationale, c'était juste pour ça. Il y a eu des remous là-dessus, mais, je veux dire, par là ce n'était pas moins respectueux, parce qu'on essaie de faire attention, au niveau de l'Assemblée nationale, quels moyens de visibilité on peut employer. C'est ça que je veux dire par là. On a cette sensibilité-là, dû aux événements qui se sont produits.

M. Bérubé : Faites-vous une distinction quant au décorum entre la façon de manifester que vous êtes en négociation ou en conflit de travail... entre l'Assemblée nationale et les palais de justice?

M. Dufour (Jean-Luc) : La problématique que nous avons auprès de l'Assemblée nationale, et ça, c'est pour l'avoir... se l'être fait invoquer, il y a un élément supplémentaire qui s'ajoute à ce que la loi vise ou ce qu'elle visera, c'est le fameux privilège parlementaire du président de l'Assemblée nationale, qui le place au-dessus des lois. Alors, le moyen de défense, lorsqu'il y a eu la première fois les moyens de visibilité, ça a été tout simplement de dire : Privilège parlementaire du président de l'Assemblée nationale dans la gestion de son personnel. C'est-à-dire que c'est à lui de décider, puis que c'est comme ça que ça fonctionne. On n'a pas aucun moyen de défense.

M. Bérubé : Mais ça s'est manifesté comment? En restreignant...

M. Dufour (Jean-Luc) : Lorsqu'il y a eu une plainte pour entrave, la plainte pour entrave visait tous les... les deux sections, l'Assemblée nationale et les palais de justice, appelons ça comme ça. On a suspendu la question devant l'Assemblée nationale parce que le premier moyen d'irrecevabilité qui a été soulevé, ça a été la question du privilège parlementaire. Or, dans les faits, il y avait une décision qui était pendante devant la Cour d'appel et qui concernait les gardiens ouvriers, décision qui est devant la Cour suprême, et on a mis ça de côté, et avec la juge Nancy St-Laurent on a dit : Écoutez, on va se concentrer uniquement sur les moyens de visibilité dans les palais de justice.

M. Bérubé : Parce que, M. le Président, on comprend que vous ne pouvez pas faire de grève du zèle, là. Vous ne pouvez pas moins vérifier les allées...

M. Dufour (Jean-Luc) : Non, non. C'est interdit, c'est interdit.

M. Bérubé : Pour des raisons évidentes, vous ne pouvez moins vérifier les allées et venues, les comportements suspects, les colis qui pourraient être aux abords de l'Assemblée nationale, surtout avec le virage qu'on prend à l'Assemblée nationale. Les rénovations en témoignent avec éloquence, qu'on prend un virage sécurité où les joueurs importants vont être les constables.

Puis moi, je reste sur... Parce que, là, on parle de la conséquence du fait qu'il y a eu une négociation, mais à la base ce qui est important, quant à moi, c'est la considération qu'on apporte aux gens qui assurent notre sécurité : le respect, la considération, les moyens de travail, les moyens à votre disposition. C'est pour ça, quand vous me parlez d'Ottawa puis vous me dites qu'ils ont des meilleures conditions, moi, je me demande pourquoi. D'ailleurs, c'est le même cas pour les députés, mais ça, c'est une autre affaire. Mais qu'est-ce qui fait en sorte que, selon vous, vous n'avez pas réussi à vous faire entendre totalement puis vous avez été obligés d'utiliser ce moyen-là?

M. Perales (Franck) : Écoutez, on avait commencé les négociations en décembre 2014. On n'était pas... Nous, là, notre but, ce n'était pas de partir des moyens de visibilité pour en partir, là, c'est qu'on voyait qu'il y avait une impasse, qu'il n'y avait aucune écoute de l'autre bord de la table. Il faut comprendre que nous, comme on dit, on est limités dans nos moyens, on n'a pas grand-chose qu'on puisse faire d'autre. Alors, on s'est dit : Bon, on va commencer par des moyens de visibilité, on va commencer avec des moyens de visibilité tout doucement, en allant de façon progressive. Malgré ça, de l'autre côté de la table, il n'y avait pas d'écoute attentive. Donc, il y a eu comme une progression.

Par contre, on a suspendu nos moyens de visibilité à un moment donné. Et j'aimerais juste faire une petite parenthèse : En aucun temps la sécurité n'a été mise en péril. Ça, pour les constables, c'est très important de le dire, là. En tout temps, la sécurité est notre priorité.

• (11 h 20) •

M. Bérubé : Je vais me faire l'avocat du diable. C'est votre perspective. Est-ce qu'une quelconque instance vous a dit le contraire, vous a évoqué un cas où ils considéraient que la sécurité de l'Assemblée nationale aurait pu être en jeu?

M. Perales (Franck) : Ni dans les palais de justice ni à l'Assemblée nationale...

M. Bérubé : Personne?

M. Perales (Franck) : ...aucun cas ne nous a été rapporté que la sécurité avait été mise en péril par nos moyens de visibilité.

M. Bérubé : Donc, ce que vous nous dites, c'est qu'à votre connaissance aucun cas n'a été manifesté ni dans un palais de justice du Québec ni à l'Assemblée nationale où le fait de porter un pantalon de cette nature, que je préfère appeler coloré ou différent, alternatif, parce que, sinon, si on lui donne un autre terme, c'est comme si on qualifiait la personne qui le porte, c'est pour ça que je n'utilise pas le terme que certains médias utilisent... Donc, ce n'est pas en jeu. Donc, pour vous, c'est un faux débat.

M. Perales (Franck) : Jamais ça n'a été un enjeu.

M. Dufour (Jean-Luc) : Ça n'a jamais été en jeu. Et d'ailleurs les témoins de l'employeur, dans le dossier devant le Tribunal administratif du travail, ont tous admis que les constables... Et à un moment donné je me souviens que la juge St-Laurent m'a demandé d'arrêter de poser la question, mais je lui posais la question malgré tout : Est-ce qu'ils sont en mesure d'assurer la surveillance et la sécurité du public? La réponse, c'était : Oui.

M. Bérubé : Rassurez-vous, maître, il arrive à l'occasion qu'on me demande d'arrêter de poser des questions aussi dans mon rôle de parlementaire. Mais je réussis toujours à les poser quand même.

D'autre chose à ajouter? Il nous reste très peu de temps en ce qui concerne ce bloc.

M. Dufour (Jean-Luc) : Écoutez, moi, ce que je vous dirais, tout simplement, c'est qu'à la fin aussi, dans le projet de loi, ce qu'il est assez particulier de constater, c'est que les mesures pénales, les amendes qui sont imposées sont de beaucoup supérieures à des situations qui, dans le Code du travail, sont beaucoup plus graves et ont un effet sur les rapports collectifs de travail.

M. Bérubé : Combien ça peut représenter, là? Parce qu'il y a des gens qui prennent des notes à l'arrière pour le public, là. Ça va les intéresser, je suis convaincu.

M. Dufour (Jean-Luc) : Bien, écoutez, si vous regardez dans notre mémoire, on a fait quand même des comparaisons entre les amendes qu'il y avait lorsqu'il y avait un briseur de grève... Alors donc, lorsqu'on regarde le défaut de reconnaître les représentants syndicaux ou de négocier de bonne foi, c'est une amende de 100 $ à 1 000 $ par jour.

M. Bérubé : Par jour?

M. Dufour (Jean-Luc) : Oui. Briseur de grève en contravention de 109.1, 1 000 $ par jour, entrave aux activités syndicales, 100 $ à 1 000 $ par jour, alors qu'ici, bien, on a, par exemple, un autre constat, une amende pour quiconque fait défaut de se conformer à une obligation ou une prohibition imposée par le Code du travail, c'est de 1 000 $ à 5 000 $ en cas de récidive mais une amende de 100 $ à 500 $ pour le premier coup.

M. Bérubé : Avez-vous l'impression que vous êtes ciblés particulièrement?

M. Dufour (Jean-Luc) : Tout à fait. C'est sûr. Là, on veut tuer une mouche avec un canon. Écoutez, même si M. le ministre, tantôt, m'a révélé trois cas où il y a eu des problèmes avec le port de veste pare-balle, le port de veste pare-balle, à moins que je fasse erreur, là, c'est un élément de la sécurité. Alors, je mets en danger la sécurité non seulement du constable, mais aussi du public, parce que le constable, pas veste pare-balle, il va peut-être être moins tenté...

M. Bérubé : Il n'est pas dans l'intérêt du constable de ne pas porter son... pour des raisons évidentes.

M. Dufour (Jean-Luc) : Non. Mais il n'est pas aussi dans l'intérêt du public que le constable ne porte pas sa veste de sécurité. Il y a une directive qui est dans l'annexe qu'on vous a fait parvenir et sur laquelle on a volontairement caviardé les équipements par mesure de confidentialité.

M. Bérubé : Tout à fait, on a vu ça. Pour des raisons évidentes.

M. Dufour (Jean-Luc) : Bon. Alors donc, cette directive-là, ce pouvoir disciplinaire est, quant à nous, suffisant. Pas besoin d'avoir un système de dénonciation par le capitaine, qui a l'obligation de dénoncer. Le mot «doit» est important, dans le projet de loi, c'est un impératif.

M. Bérubé : Merci. C'est éclairant, tout ça.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, merci pour votre mémoire, MM. Perales et Dufour. Je pense que c'est un très bon mémoire parce que, là, on lâche un peu, si on veut, la Sûreté, les agents policiers pour s'en aller plus dans les palais de justice puis à l'Assemblée nationale, du monde qu'on côtoie à tous les jours, lorsqu'on est ici, et puis qui font un excellent travail.

Une chose que je suis d'accord avec vous et que je suis complètement en désaccord avec M. le ministre là-dessus, c'est que... Parce qu'il a parlé de l'arrêt Jordan. Il y a des juges qui ont arrêté les procédures parce que le constable avait un pantalon camouflage, un pantalon qui n'était pas... Ça, c'est la décision de quelques juges, je pense que ça ne s'est pas fait à l'ensemble du Québec. Il faudrait peut-être parler aux juges. Puis ça me surprend qu'un juge arrête une procédure quand il sait très bien que la Cour suprême a statué que c'était un moyen de pression qui était tout à fait légal dans un mandat de négociation. C'est assez surprenant qu'un juge, qui est supposé de connaître la loi plus que moi et mon confrère ici, prenne une situation comme ça pour dire : Moi, j'arrête parce que le monsieur n'a pas son uniforme standard de constable spécial. En tout cas, ça fait drôle, ça fait un peu drôle.

Je reviens, moi, à qu'est-ce que je disais à la fraternité des policiers de Montréal. D'après vous, est-ce que les mécanismes de négociation... Parce qu'on a su de Me Roy, de la fraternité, qu'avec un médiateur-arbitre qui était crédible des deux parties, le tout s'est réglé en quelques semaines, alors que ça a pris trois ans en négociations, appelons ça, standards de l'État. Vous, avez-vous une idée sur un mécanisme de négociation qui serait plus innovant, qui empêcherait... mais qui serait tout aussi fonctionnel et acceptable par les deux parties?

Le Président (M. Ouellette) : Me Dufour.

M. Dufour (Jean-Luc) : Je ne veux pas me prononcer sur la solution parfaite, mais je vais vous parler de la solution qui concerne les constables spéciaux. On n'a pas d'arbitrage de différends obligatoire, c'est clair, on vous a mis les extraits de la convention collective. Le système qu'on a, c'est un système conditionnel à l'assentiment du gouvernement. Alors, si le gouvernement nous dit non, on ne peut pas y aller. Je n'ai pas le droit de grève non plus. Et non seulement, si le gouvernement nous dit oui, on va en arbitrage, mais, selon le texte de la convention, le système est un système de recommandation. Alors donc, le gouvernement n'est pas lié par la recommandation qui est faite par l'arbitre. Alors, est-ce que...

D'ailleurs, c'est pour ça qu'il y a... Et là je ne veux pas embarquer là-dedans, parce que le débat est devant la Cour supérieure, mais il y a une action, il y a un recours en nullité, déclaration d'invalidité constitutionnelle qui est pendant devant les tribunaux de droit commun, justement parce que le système d'arbitrage, tel qu'instauré pour les constables spéciaux et pour d'autres catégories de salariés de l'État, ne fonctionne tout simplement pas.

M. Perales (Franck) : Je rajouterais même que, lorsque nous avons commencé les négociations, donc on parle de décembre 2014, je pense, peut-être deux mois après ou deux, trois mois après, on a demandé... on a fait un amendement à nos demandes pour avoir, justement, un processus d'arbitrage exécutoire. On a eu un non formel de la part de la partie patronale, que, non, il n'y aura pas d'arbitrage exécutoire, une décision d'un arbitre qui serait exécutoire. Donc, ça, ça n'a pas aidé aussi lorsque le temps est venu de prendre une décision, est-ce qu'on va en moyens de visibilité, parce qu'on se disait : On est bloqués de partout. Le gouvernement n'est pas prêt à reconnaître l'arbitrage exécutoire. On n'a pas le droit de grève, pas le droit de zèle, article 108 du Code du travail, au niveau du ralentissement. Donc, on s'est dit, il nous reste juste les moyens de visibilité.

Alors, comme... je reviens à ce que j'avais dit au tout début, si on nous enlève même ça, pas d'arbitrage exécutoire, pas de moyens de visibilité, pas de droit de grève, pas de droit de ralentissement au travail, dites-moi qu'est-ce qu'il nous reste afin de pouvoir dire au gouvernement : Ça n'avance pas dans les négociations, faire connaître au public la raison pour laquelle on est mécontents? Il ne nous restera plus rien. C'est ça, le message que j'aimerais passer, là. Présentement, là, on a des droits, selon moi, si ce projet de loi passe, qui vont être bafoués. On parle des droits, quand même, conférés par la charte des droits et libertés canadienne, qui est enchâssée dans la Constitution. Selon moi, c'est la loi suprême du pays. Et, si ce projet de loi passe, on va à l'encontre des droits fondamentaux protégés par la charte.

• (11 h 30) •

M. Spénard : Merci. Vous avez demandé l'arbitrage à votre employeur, qui est le gouvernement, et celui-ci a refusé, un non catégorique. Par contre, à la fraternité des... Me Roy nous disait tout à l'heure qu'il y avait eu un médiateur-arbitre d'accepté par les deux parties, ry la ville de Montréal, j'imagine, et le SPVM, et la fraternité. Et, pour vous, vous l'avez demandé au gouvernement pour les constables spéciaux, puis ça a été refusé.

M. Perales (Franck) : Bien, pour qu'éventuellement au lieu d'avoir ce qu'on appelle un arbitrage avec juste des recommandations qui sont non exécutoires, c'est que, si le gouvernement décide de ne pas les suivre, bien, on fait le processus pour rien. On a demandé que dorénavant soit dans la prochaine convention collective un mécanisme d'arbitrage exécutoire.

M. Spénard : Exécutoire.

M. Perales (Franck) : Oui.

M. Spénard : Sans appel.

M. Perales (Franck) : Oui, où les recommandations de l'arbitre seront exécutoires par rapport à ce qu'on a présentement, qui est des recommandations qui sont non exécutoires de la part de l'employeur. S'il décide qu'il ne va pas de l'avant, on ne peut rien y faire.

M. Spénard : O.K. Maintenant, c'est réglé, votre convention collective, j'imagine, s'appuie à peu près sur les mêmes standards que la convention collective de la Fraternité des policiers de Montréal en termes de pourcentages et en termes de...

M. Perales (Franck) : On est loin des...

M. Spénard : Ah! vous êtes loin? O.K. Bien non, je ne veux pas rentrer...

Une voix : On n'a pas le même patron.

M. Perales (Franck) : La ville est plus généreuse, disons.

M. Spénard : O.K. C'est beau. Maintenant, moi, il y a une question qui me vient à l'esprit. J'aurais dû la poser... je vais peut-être la poser aux autres aussi. Maintenant que c'est réglé mais qu'il y en a qui ne sont pas contents, à l'intérieur des membres, qu'est-ce qui les empêche de porter encore un équipement qui est non conforme à leur fonction?

M. Perales (Franck) : Si je peux répondre, les membres sont très fiers de porter leurs uniformes. Ça, j'aimerais ça être très clair là-dessus. On a été en moyens de visibilité par dépit parce qu'il nous restait juste ça. Mais les membres sont très fiers de porter leurs uniformes, ils sont très contents de l'entente que nous avons eue avec le gouvernement. Mais nous, on pense toujours à moyen et à long terme. Ce qu'on fait aujourd'hui est très important.

M. Spénard : Bien, si...

M. Dufour (Jean-Luc) : Mais, si vous me permettez d'ajouter, le principe en vigueur, c'est le moyen de visibilité, virgule, dans un contexte de négociation de convention collective. Or là, nous ne sommes plus dans un contexte de négociation de convention collective. La seule chose qui pourrait me permettre de porter un uniforme qui n'est pas l'uniforme réglementaire, c'est le cas que nous avons vécu, il y a quelques années, où la constable avait des problèmes de santé à porter une chemise à manches longues, et on demandait le port d'une chemise à manches courtes. Ce qui est dans les avis qu'on vous a produits.

M. Spénard : O.K. Est-ce que vous avez un code de déontologie sur l'habillement de vos constables spéciaux?

M. Dufour (Jean-Luc) : Il y a une directive qui est par le ministère de la Sécurité publique qui est en annexe.

M. Perales (Franck) : Ce sont des directives du ministère de la Sécurité publique qui parlent de l'uniforme réglementaire.

M. Spénard : O.K. Si on modifiait les mécanismes de négociation, j'ai posé la même question... si on modifiait les mécanismes de négociation entre des employés qui n'ont pas de droit de grève ou qui assurent les services, etc., est-ce que vous seriez en faveur de cette loi, une loi de décorum, si on modifiait à la satisfaction et de la partie patronale et de la partie syndicale, si on modifiait le mécanisme de négociation, dire que dorénavant, dans trois ans, il y aura un trois mois de médiateur, arbitre ou appelons-le comme on veut, là, pour en venir à une entente avec tous les paramètres qui sont connus de tout le monde des deux partis? Seriez-vous en faveur de ce projet de loi là?

M. Dufour (Jean-Luc) : C'est une question de nature politique. Moi, je suis là pour le juridique.

M. Perales (Franck) : Il faudrait voir. Pourquoi? Parce qu'encore là, après trois mois, qu'est-ce qui arrive si on ne s'entend pas?

M. Dufour (Jean-Luc) : Est-ce que vous avez un système d'arbitrage obligatoire coercitif ou pas?

M. Perales (Franck) : Au moins. Si, admettons, on ne s'entend pas après trois mois, est-ce qu'on peut aller voir un arbitre? Difficile à trancher.

M. Dufour (Jean-Luc) : C'est ça qui est le problème.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. le député.

M. Spénard : C'est tout?

Le Président (M. Ouellette) : Bien oui. M. Franck Perales et Me Jean-Luc Dufour, représentant le Syndicat des constables spéciaux du gouvernement du Québec, merci d'être venus déposer en commission.

Je suspends quelques minutes. Je demanderais aux représentants de la Sûreté du Québec de bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 11 h 34)

(Reprise à 11 h 37)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant des représentants de la Sûreté du Québec. Je ne sais pas si c'est à ce moment-ci que je dois déclarer mon conflit d'intérêts, mais... En tout cas, je ne pense pas qu'il y en aura, parce que je pense que nous recevons l'inspecteur-chef Patrick Bélanger, de la Sûreté du Québec, qui est accompagné de Me Marianne Chéhadé, des Services juridiques de la Sûreté. M. Bélanger, vous avez 10 minutes pour nous faire votre présentation, et par la suite il y aura un échange avec M. le ministre et les représentants des deux oppositions. Ça fait que je vous laisse la parole.

Sûreté du Québec (SQ)

M. Bélanger (Patrick) : Merci, M. le Président. M. le ministre, messieurs de l'opposition et les parlementaires. Nous tenons, en premier lieu, à remercier la commission d'avoir invité la Sûreté du Québec à participer aux audiences publiques sur le projet de loi n° 133, qui est la Loi obligeant le port de l'uniforme par les policiers et les constables spéciaux dans l'exercice de leurs fonctions.

La Sûreté du Québec est le corps de police nationale du Québec, et elle agit sous l'autorité du ministère de la Sécurité publique, donc du ministre de la Sécurité publique. Elle a pour mission le maintien de la paix et l'ordre public, la préservation de la vie, de la sécurité et des droits fondamentaux des personnes et la protection de leurs biens. La Sûreté du Québec soutient aussi la communauté policière, coordonne des opérations policières d'envergure, contribue à l'intégrité des institutions étatiques et assure la sécurité des réseaux de transport qui relèvent du Québec.

La Sûreté du Québec dessert 1 042 municipalités réparties dans 86 MRC, soit un territoire comptant plus de 2,5 millions d'habitants et couvrant près de 1,2 million de kilomètres carrés. Au 31 mars 2017, la Sûreté du Québec comptait 7 633 effectifs en place, dont 5 525 policiers, parmi lesquels 303 officiers, de même que 2 108 employés civils répartis au grand quartier général, dans les quartiers généraux en district et en région et dans les 121 postes répartis sur le territoire.

La question du port de l'uniforme par les policiers dans l'exercice de leurs fonctions est importante pour notre organisation. En effet, le port de l'uniforme dans son intégralité par les policiers est nécessaire afin de favoriser la confiance de la population à leur égard, à la sécurité de nos membres et ainsi assurer l'atteinte des plus hauts standards en matière de sécurité publique au Québec.

L'analyse que nous proposons ici aujourd'hui consiste essentiellement à jeter un éclairage sur la pertinence et l'applicabilité de ce nouvel outil législatif au sein de notre organisation policière.

• (11 h 40) •

En ce qui concerne la mise en contexte. Le plus souvent, les modifications à l'uniforme de travail adoptées par un grand nombre de policiers se déroulent dans un contexte de négociation entourant le renouvellement du contrat de travail. Toutefois, nous avons à l'esprit qu'il peut être possible pour des membres de manifester quelconque désaccord ou désapprobation d'une situation où ils pourraient aussi altérer l'uniforme.

Concernant les moyens de pression qui peuvent être utilisés, nous sommes conscients qu'au Québec divers conflits de travail opposant des policiers à leurs employeurs sont survenus, et comme moyen de pression l'uniforme n'était pas porté intégralement ou on y substituait certains éléments, et ce, sur de longues périodes.

Dans le cas de la Sûreté du Québec, la dernière négociation vient tout juste de se conclure avec les policiers provinciaux, et nous tenons à souligner que nos membres n'ont fait aucun moyen de pression touchant directement le port de l'uniforme. La Sûreté du Québec n'est cependant pas à l'abri pour autant que les moyens de pression qui visent l'uniforme dans le futur puissent avoir un certain bris d'image au point de vue de l'uniforme. Certains types de moyens de pression ont d'ailleurs déjà été utilisés par le passé, et ils avaient pris différentes formes, notamment le port du brassard, du jeans et des pantalons de camouflage. De là l'importance, pour l'organisation, d'une législation en cette matière.

À titre informatif, dans le cours de l'histoire de la Sûreté du Québec, voici une liste de non exhaustive d'exemples de moyens de pression qui ont touché l'uniforme au sein même de l'organisation. En juillet 2000, les policiers ont enlevé le numéro de matricule et le grade sur les casques antiémeute. En 2002‑2003, les officiers ont refusé de porter l'uniforme. En 2005, les membres de l'Association des policières et policiers provinciaux du Québec ont porté les pantalons de couleur camouflage. En février 2005, les membres de l'Association des policières et policiers provinciaux du Québec ont porté l'épinglette de leur association lorsqu'ils étaient au travail. En mars 2005, le jeans était porté par les enquêteurs, et les membres de l'APPQ quant à eux portaient un brassard portant la mention «Contrat échu 2006-06-30» et le sigle de l'association. En 2015‑2016, les officiers ont refusé de porter la cravate. Et finalement, en juin 2015, les membres de l'APPQ ont porté un bracelet vert.

La Sûreté du Québec considère que certains types de moyens de pression représentent un risque pour la sécurité du public et des policiers en plus de miner l'image et la crédibilité des organisations policières, et ce, autant auprès du public que de leurs partenaires. Ce faisant, la confiance du public auprès des institutions et l'administration de la justice peut ainsi se trouver altérée.

Notons également que des comités de santé et sécurité au travail se penchent continuellement sur l'amélioration des uniformes et des équipements utilisés par les policiers afin d'en améliorer la sécurité, la visibilité, la qualité et la performance en vue de répondre aux besoins en constante évolution des fonctions des policiers. Dans ce contexte, le port intégral de l'uniforme répond donc aussi à des objectifs de sécurité, d'efficacité et de représentativité.

Par ailleurs à titre indicatif, il est intéressant à noter que d'autres gouvernements ont légiféré en la matière. En effet, le Police Act de l'Alberta, par exemple, prévoit que le membre d'un corps de police municipal ou régional ne doit porter que l'uniforme et l'insigne approuvés par la commission de police. Et, de façon similaire, le règlement sur la Gendarmerie royale du Canada prévoit que le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada détermine les occasions dans lesquelles les membres doivent porter l'uniforme et peut exempter tout membre du port de tout article de l'uniforme pour des motifs ayant trait aux croyances religieuses du membre.

De plus, soulignons que le Règlement sur la discipline interne des membres de la Sûreté du Québec contient une disposition qui traite spécifiquement de la question du port de l'uniforme et qui se lit comme suit : «Le membre de la sûreté doit faire preuve de dignité. À cette fin, il doit éviter tout comportement qui manque de respect envers une personne, qui compromet l'efficacité ou l'honneur de la sûreté ou qui la discrédite. Constitue notamment une faute disciplinaire, avoir une tenue non conforme aux directives en vigueur pendant les heures de travail.» Ainsi, actuellement, des mesures disciplinaires peuvent être prises à l'encontre d'un policier de la Sûreté du Québec qui fait défaut de porter son uniforme conformément aux exigences de l'organisation.

Ceci étant, M. le Président, c'était la mise en contexte. Dans la présentation du projet de loi, la Sûreté du Québec évidemment se démontre favorable à un tel projet de loi et, en guise d'esprit constructif, aurait quelques commentaires concernant une bonification ou une précision à apporter à certains articles, quatre notamment, à l'intérieur du projet de loi.

En ce qui concerne l'article 263.1, sans en faire la nomenclature complète, on estime qu'en plus de nuire à l'usage il pourrait être pertinent d'ajouter un volet sur la question de nuire à l'image et à la crédibilité du corps de police et de la fonction de policier. En effet, tel que libellé, cet article laisse une certaine marge aux policiers qui pourraient, selon notre compréhension, par exemple, porter un brassard si cela respecte les énoncés de l'article 263.1. Toutefois, il faudrait s'assurer que cette marge ne soit pas utilisée de façon à ridiculiser l'uniforme ou la fonction de policier et ainsi, évidemment, miner la crédibilité de l'organisation. Nous croyons également qu'il serait pertinent de prévoir que le directeur du corps de police puisse avoir la possibilité de déléguer le pouvoir qui lui est ici confié.

À l'article 263.3, nous proposons de remplacer le terme «sans délai» par l'expression «dans les meilleurs délais. En effet, ici, cette modification permettrait, à notre humble avis, de tenir compte de certaines circonstances qui pourraient avoir un impact dans les délais nécessaires pour appliquer cette disposition. Encore ici, nous croyons qu'il serait pertinent de prévoir que le directeur du corps de police puisse déléguer l'obligation qui lui est donnée dans cette disposition. Nous souhaitons également que... il pourrait être précisé que le processus de traitement du dossier, une fois le rapport d'infraction transmis au Directeur des poursuites criminelles et pénales par le directeur du corps de police... à savoir qui est responsable d'entreprendre les poursuites, notamment.

À l'article 313.1, nous sommes d'avis ici qu'il serait préférable de prévoir deux dispositions distinctes, soit une concernant les policiers et une autre concernant les directeurs du corps de police. Une telle distinction serait notamment souhaitable afin de prévoir des mécanismes d'application définis et distincts pour les policiers et pour les directeurs de police. Le terme «récidive» mériterait d'être précisé ici afin d'éviter les ambiguïtés et de permettre son application. Comme, par exemple, dans le cas où est-ce qu'il y aurait plusieurs journées où les membres porteraient des pantalons, par exemple, de camouflage, est-ce que la deuxième journée serait considérée une récidive? Par ailleurs, qui aura la responsabilité d'émettre un rapport d'infraction eu égard à un manquement à ces obligations du directeur de police lui-même? Donc, ce serait une précision qui pourrait être ici apportée.

Et finalement, l'article 314, qui précise : «Toutefois, si une association représentative de policiers ou de constables spéciaux ou un dirigeant, un représentant ou un employé de celle-ci est déclaré coupable en vertu du présent article d'avoir aidé ou amené une autre personne à commettre une infraction visée à [...] 313.1, cette association ou ce dirigeant, représentant ou employé est passible du double de la peine prévue à cet article.» Bien que pertinente, nous craignons que cette disposition se révèle difficilement applicable en réalité sur le plan de la démonstration de l'aide ou l'encouragement, puisque de façon générale aucun écrit n'existe en égard à cette commande-là qui pourrait être passée par une association syndicale.

Donc, d'entrée de jeu, M. le ministre, M. le Président, c'étaient les dispositions auxquelles la Sûreté du Québec présente ici aujourd'hui dans les travaux qui mènent au projet de loi n° 133. Et, encore une fois, en conclusion, la Sûreté du Québec se démontre favorable à un tel projet de loi.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Bélanger. Je présume que vous allez faire parvenir au secrétariat de la commission votre mémoire de ce matin.

M. Bélanger (Patrick) : Exactement. J'en ai les copies ici, en main.

Le Président (M. Ouellette) : Bon, ça fait qu'après la séance... Parce que je pense que les membres n'ont pas eu accès à ce que vous venez de nous présenter.

Et on va immédiatement débuter avec une période d'échange avec M. le ministre.

• (11 h 50) •

M. Coiteux : Alors, d'abord et avant tout, merci, inspecteur-chef Bélanger, d'être venu présenter le mémoire et puis aussi d'avoir suggéré des pistes d'amélioration au projet de loi. C'est toujours important pour nous, d'ailleurs, de considérer l'ensemble de ces recommandations-là. Et je comprends que parfois on utilise des termes qui ont un sens précis sur le plan juridique, puis quelqu'un va relire, à l'autre bout, et puis il va se dire : Ça veut dire quoi, «sans délai»?, par exemple. Alors, c'est certain que, quand on entend des commentaires comme les vôtres... On va prendre le temps de faire l'analyse correctement et, le cas échéant, donner des suites à ça, donc ça pourrait donner lieu à certains amendements. Donc, je voulais juste le dire, donc, c'est très important, donc, ces recommandations qui nous sont faites. J'ai des gens avec moi, d'ailleurs, ici, qui prennent toutes les notes requises et qui vont lire aussi eux-mêmes de façon très attentive le document.

Moi, j'aimerais peut-être vous amener sur une question qu'on n'a pas abordée encore avec les deux groupes précédents. Il existe, à l'intérieur des corps policiers, un code de déontologie, il existe des règles par rapport au port de l'uniforme, et donc il existe certains pouvoirs, mettons ça comme ça, appelons-les des pouvoirs, des dispositions à la disposition, donc, du directeur de police. Si un policier, une policière ne respecte pas l'uniforme, il peut exercer une sanction quelconque en vertu du code de déontologie, en version d'une règle qu'il y a à l'intérieur du corps de police, et auquel cas... J'aimerais que vous nous parliez un petit peu plus des éléments de contexte ici. Lorsque c'est un, ou deux, ou... un seul policier, que c'est des cas épisodiques, où il y a des problématiques de ce genre, versus l'utilisation systématique par l'ensemble du corps policier, suite à une directive syndicale, sur une longue période, d'appliquer ce type de moyen de pression, est-ce qu'à ce moment-là c'est possible d'appliquer le code de déontologie, c'est possible d'exiger le port de l'uniforme ou ça pose des enjeux qui nécessitent une législation? Je voudrais juste vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Ouellette) : M. Bélanger.

M. Bélanger (Patrick) : Oui. À prime abord, en lien avec votre question, deux situations. Lorsque nous nous retrouvons devant un mouvement de masse, donc une action concertée dans le cadre d'une négociation d'un contrat de travail, il va devenir très difficile pour la direction de la Sûreté du Québec d'utiliser l'article du code de discipline, donc le règlement interne sur la discipline de la Sûreté du Québec. Dans un contexte où est-ce que les 5 500 policiers de la Sûreté du Québec arboreraient un uniforme non réglementaire, donc contraire à la politique de gestion sur le port de l'uniforme, nous sommes d'avis qu'il serait très difficile pour les 5 000 policiers de faire face à une audience disciplinaire, donc.

Parce qu'il faut comprendre que le principe de porter une sanction disciplinaire, ça s'émet par un minimum d'enquêtes qui sont faites par les normes professionnelles, par la suite déposées à l'officier des poursuites disciplinaires. Par la suite, il y a une audience qui est faite pour le membre qui est pris en infraction, et par la suite il y a une décision qui est prise par le comité disciplinaire. Donc, si nous nous retrouvons devant un mouvement de masse avec plusieurs policiers, voire des centaines, des milliers, dans le cadre d'une négociation, ce serait très difficile par la suite, là, de gérer ces audiences-là pour en arriver à une fin que je dirais qui serait pratique dans les circonstances.

Advenant le cas où est-ce que l'événement serait très circonscrit à quelques membres... Et c'est arrivé très peu dans l'histoire de la Sûreté du Québec, là. Pour avoir fait quelques démarches dans nos bases de données, c'est arrivé à trois reprises, depuis les années 1995, où est-ce que des policiers, pour différents considérants, un très petit nombre de policiers, voire souvent des personnes uniques, ont arboré ou ont altéré leur uniforme pour un moyen de protestation quelconque. Donc, trois reprises depuis plus d'une vingtaine d'années, voire 25 années, donc c'est mince, là, comme mouvement, qui ne serait pas dans un geste qui est concerté.

Donc, vous comprendrez, quand on arrive devant un geste où c'est une seule personne ou une à deux personnes, il est somme toute aisé d'appliquer le règlement sur la discipline interne. Toutefois, comme je l'exposais, lorsqu'il y a mouvement de masse, ce serait à peu près impossible.

M. Coiteux : Mais, à la Sûreté du Québec, des mouvements de masse, il y en a eu, là, par le passé.

M. Bélanger (Patrick) : Il y en a eu, comme j'ai pu l'exposer dans la mise en contexte, là. Depuis les années 2000, particulièrement, il y a eu des mouvements de masse qui ont été faits sur l'altération de l'uniforme ou le port d'équipements qui étaient non conformes.

M. Coiteux : Et je prends 2002, je pense que vous avez parlé de 2002-2003, on vous a parlé de 2005 aussi, notamment. Combien de temps ça avait duré, ça, l'exercice de ce moyen de pression?

M. Bélanger (Patrick) : Ça n'avait pas été des moyens de pression qui s'étaient beaucoup étirés dans le temps à l'époque. Toutefois, si on recule lorsque les moyens de pression avaient été pris en 2005, je vous dirais, ça avait duré quelques mois où, exemple, les enquêteurs avaient porté le jean, et, si je réfère aussi à l'événement concernant les officiers, ça avait duré quelques mois aussi. Mais on ne parle pas d'années ici, dans les moyens de pression, là, pour lesquels la Sûreté du Québec a été impliquée.

M. Coiteux : Et comment ça avait affecté les relations entre les policiers et la population en général, ça, ces épisodes-là?

M. Bélanger (Patrick) : Bon. Si je fais la part, exemple, de l'exemple en 2005, où ce sont les enquêteurs qui portaient le jean, c'est sûr qu'au niveau des enquêteurs l'impact est un peu moindre face à la population. Mais, lorsque ce sont nos policiers patrouilleurs, donc nos policiers en uniforme qui arborent des pièces différentes, la Sûreté du Québec est d'avis que ça mine la crédibilité.

On parlait ici ce matin, et j'entendais dans les mots, les allocutions d'introduction... on parle que le métier de policier est un métier qui est différent, qui a ses particularités, et on parlait même de noblesse du métier de policier. Nous sommes d'avis que la noblesse passe par un certain décorum, et le décorum suit inévitablement le port de l'uniforme dans son intégralité pour avoir la meilleure représentativité et la meilleure crédibilité possible.

Vous comprendrez, M. le ministre, que, lorsqu'un policier intervient dans un événement quelconque, il est très rare qu'il est bienvenu, il est très rare qu'il fait face à un respect outre mesure de la personne qu'il va interpeler. L'uniforme vient engendrer une forme de respect. Donc, dans les circonstances où l'uniforme est altéré, à ce moment-là, bien, on estime que nous partons avec une prise concernant le respect avec la population.

M. Coiteux : À la Sûreté du Québec, donc, les policiers ont à l'occasion utilisé ce type de moyen de pression, mais j'imagine qu'ils... je le sais d'ailleurs, ils ont utilisé une multitude d'autres moyens de pression. Et j'aimerais vous entendre sur une question que j'ai posée à d'autres aujourd'hui : Pourquoi vous pensez que certains croient que c'est le seul et unique moyen de pression qui pourrait avoir un quelconque effet, là? Il y a des gens qui semblent penser qu'en dehors de ce moyen de pression là il n'en existe aucun. Votre expérience, vous, vous êtes officier, mais vous avez été aussi, avant d'être officier, policier, vous avez vécu des deux côtés, qu'est-ce que vous pensez d'une telle affirmation qu'il n'en existe pas d'autre qui ait un quelconque impact en contexte de relation de travail, de négociation sur les conditions de travail?

Le Président (M. Ouellette) : M. Bélanger.

M. Bélanger (Patrick) : À cet égard, M. le ministre, nous sommes d'avis que l'aspect d'altérer l'uniforme est vraiment un acte de visibilité pour démontrer à la population en général qu'il y a actuellement des moyens de pression. Toutefois, comme employeur au sein de la Sûreté du Québec, je vous dirais que certains moyens de pression administratifs qui avaient été pris par les policiers par le passé ont eu pour nous, l'employeur, beaucoup plus d'impact à l'intérieur pour, je vous dirais, ébranler l'organisation que le port de pantalon de camouflage, par exemple. Donc, il existe pour nous, comme employeur, d'autres moyens de sensibilisation, d'autres moyens de pression qui peuvent être entrepris par le syndicat, qui, sans les élaborer, je vous dirais, ici aujourd'hui, ont nui au fonctionnement de l'organisation.

Le Président (M. Ouellette) : M. le ministre.

M. Coiteux : Moi, je n'aurais pas d'autre question, sinon simplement pour souligner le fait qu'on a conclu une négociation, la Sûreté du Québec a conclu une négociation avec ses policiers récemment et que ça s'est fait dans un contexte où, oui, il y a eu utilisation de certains moyens de pression mais il n'y a pas eu utilisation du moyen de pression de l'altération de l'uniforme d'aucune manière, et ça n'a pas empêché les parties de s'entendre et de signer une convention collective de sept ans.

Et donc je réitère que le projet de loi qui est devant nous, soumis à la consultation, n'est pas un projet de loi pour empêcher les gens de s'exprimer. C'est un projet de loi pour circonscrire un certain nombre d'enjeux de sécurité et de respect par rapport à la question de l'uniforme, pour dire : Bien, ce n'est pas le bon moyen, il en existe d'autres. Ça, c'est des moyens qui mettent en cause la confiance, qui mettent en cause la sécurité et qui mettent en cause le statut même de policier, qui est unique en soi dans notre société.

Je voulais simplement conclure avec ça, M. le Président. Je ne sais pas si un collègue ou une collègue souhaite poser des questions.

Le Président (M. Ouellette) : Non, il n'y a pas de question des collègues, et je vais réserver mes commentaires. Je suis très heureux, M. Bélanger, que vous ayez parlé seulement des moyens de pression depuis l'année 2001. M. le député de Matane-Matapédia.

• (12 heures) •

M. Bérubé : Merci, M. le Président. Je veux saluer l'inspecteur-chef Bélanger, Me Chéhadé, à mon tour, saluer les représentants de la Sûreté du Québec. J'ai eu l'occasion d'échanger avec certains de vos dirigeants lors de l'étude des crédits. Vous en avez sûrement entendu parler, c'était le printemps dernier.

Donc, je comprends que vous êtes en faveur du projet de loi. Vous comprendrez que ce n'est pas une grande surprise pour moi, votre employeur étant le gouvernement actuel, le gouvernement du Québec. Donc, si ça avait été l'inverse, j'aurais été plus surpris. Quant aux moyens... Je regrette aussi l'absence de l'Association des policiers provinciaux du Québec. On m'indique qu'ils ont leur conseil de direction, ce qui explique leur absence. C'est énormément de policiers partout sur le territoire. Leur mémoire est déposé, là. J'aurais quand même aimé les entendre là-dessus.

On a évoqué les différents moyens à la disposition des policiers, mais je vais vous parler d'une expérience que j'ai vécue, traumatisante, d'un moyen de pression qui heureusement est révolu.

Septembre 1999, M. le Président, vous qui êtes factuel, habituellement, vous vous souvenez certainement, Drummondville, Conseil national du Parti québécois, j'étais là, et on a eu le droit à une haie d'honneur, une haie d'honneur de policiers en uniforme armés qui invectivaient les participants. Ça, ça a été, pour tous ceux qui l'ont vécu, hautement traumatisant. Et ça s'est terminé... Je pense, ça a été la dernière fois qu'une telle chose a pu se produire. Imaginez la... C'étaient des policiers en exercice. Ce n'était pas, là, durant leur congé. Alors, sûrement que vous en avez entendu parler. C'est heureusement une pratique révolue.

Alors, si on compare ce qui est arrivé en 1999 versus ce qui arrive aujourd'hui, vous comprendrez qu'on n'est pas dans le même ordre de gravité. Ce n'est pas de même nature, ce n'est pas l'intimidation qui était visée, puis j'utilise sciemment le mot «intimidation». Le ministre de la Sécurité publique de l'époque, plusieurs ministres, des hommes et des femmes ont eu droit, là, vraiment, à des propos très durs, très durs, et je ne souhaite ça à aucun parlementaire ou participant à une activité politique, quelles que soient les formations politiques. Je pense que, si on a beaucoup de respect pour les policiers, à juste raison, et à leurs dirigeants, c'est la même chose pour les élus, qu'ils soient municipaux, à Ottawa ou à Québec. C'est pour ça que je suis toujours sensible également lorsque les gens adressent des propos très durs, qui peuvent jouer sur le sentiment de sécurité qu'on a.

Évidemment, bon, comme je connais votre propos sur le projet de loi, je ne suis pas surpris de la position, mais je vais quand même poser une question similaire à celle que j'ai posée aux constables spéciaux. Existe-t-il, à votre connaissance, des cas où la sécurité du public a été en jeu pour cause de port, disons, d'un vêtement alternatif au costume traditionnel des policiers?

Le Président (M. Ouellette) : M. Bélanger.

M. Bélanger (Patrick) : Pour bien répondre à votre question, je reculerais dans le passé pour vous apporter un exemple. On recule en 2007, on parle d'un événement très fâcheux où un collègue de Laval a péri, malheureusement, lors d'une intervention dynamique qu'on considérait à risque faible comme organisation policière. On se souvient, c'est en 2007, à Brossard, des policiers de Laval à Brossard. Donc, c'est la mort de l'agent Daniel Tessier, de Laval.

Suite à ça, il y a eu évidemment une enquête du coroner, une enquête de la CSST, et le parallèle que je fais avec cette intervention, c'est que, dans une des recommandations qui avaient été apportées dans le rapport du coroner, parlait de l'uniformité des policiers, l'uniformité vestimentaire, j'entends, des policiers lorsqu'ils font une frappe de la sorte.

Il faut se mettre dans le contexte, et je vous l'explique. À l'époque, lorsque les policiers s'adonnaient à une intervention dynamique de risque faible, c'était fait par des enquêteurs. C'était fait par des enquêteurs qui n'avaient pas d'uniformes proprement dits. Donc, la plupart du temps, c'est des jeans avec un manteau, veste pare-balle pour certains, autres non, pas de dossards, pas d'uniformité dans le code vestimentaire pour effectuer une intervention dynamique, ce qui fait que le coroner avait émis, notamment dans l'ensemble de ses recommandations, la mise en place d'un uniforme pour bien identifier le policier. Et quand il parlait d'uniforme, il parlait d'un code vestimentaire : pantalon... la couleur devait être uniforme; le couvre-chef devait être uniforme, parce qu'on se ramène à l'époque, certains portaient une casquette lors d'une intervention dynamique, d'autres non; certains avaient la veste pare-balle avec les rabats identification «police» recouverts ou entrés à l'intérieur de la veste pare-balle, parce qu'elle est conçue de cette façon-là. C'est possible de camoufler les identifications «police». Donc, maintenant les recommandations ont fait en sorte qu'il nous est fortement recommandé, pour notre sécurité, d'être bien identifiés et d'avoir des vêtements uniformes.

A été constitué, suite à ces recommandations-là, un comité d'experts piloté par le ministère de la Sécurité publique, à laquelle j'ai personnellement d'ailleurs participé, et nous en sommes convenus, l'ensemble des organisations, que nous devions nous conformer à cette recommandation-là pour avoir une uniformité lors d'interventions dynamiques à risque faible.

Donc, au-delà de l'évaluation du risque, qui est faite maintenant de façon très uniforme pour assurer la sécurité des membres, maintenant, pour... nos enquêteurs qui procèdent à ce type d'intervention là possèdent maintenant un uniforme. Quand on parle d'uniforme, on leur fournit des bottes qui sont toutes identiques, on leur fournit des pantalons qui sont tous identiques, des chemises qui sont toutes identiques, la veste pare-balle ainsi que le couvre-chef qui sont tous identiques, dans le but, lorsque l'on rentre par surprise, avec l'effet de surprise dans une résidence ou un établissement quelconque, de s'assurer d'une bonne identification visuelle et d'une belle représentativité pour assurer la sécurité de nos membres.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Je repose ma question. À votre connaissance, est-ce qu'il y a, outre ce cas-là du coroner... Vous vous appuyez sur le cas du policier de Laval. Ça, c'était en 2007. Est-ce qu'il existe un autre cas où vous pouvez indiquer que, par exemple, la confusion engendrée par une non-reconnaissance du costume de policier aurait pu mettre en danger un policier, ou un civil, ou une personne d'intérêt, et que ça a été rapporté comme étant... avoir vu, là, l'ensemble de l'uniforme, ça aurait changé les trucs. Parce qu'à la rigueur vous savez que, là, les... c'est une question de perception. Vous allez changer vos uniformes bientôt à la Sûreté du Québec. Les gens sont habitués à une autre couleur. Là, ça va être noir. Ça va prendre du temps avant qu'ils s'habituent aussi. Alors, vous voyez que ça peut venir de différentes sources, là. Le temps de s'habituer, là, vous allez peut-être avoir des problèmes pour un an ou deux.

Une voix : ...

Le Président (M. Ouellette) : Moi non plus, je ne pense pas, mais... Peut-être vous, mais peut-être pas nous autres.

M. Bérubé : Allez vous asseoir là, M. le Président, si vous voulez poser des questions, là.

Le Président (M. Ouellette) : M. Bélanger.

M. Bélanger (Patrick) : Bien, pour bien répondre à votre question, M. le député de Matane, de mémoire, au sein de la Sûreté du Québec, je ne vois pas d'exemple proprement dit outre que ce que je vous ai apporté et qui pourrait répondre à votre question. Toutefois, pour avoir pris connaissance dans les médias de certains événements lors des moyens de pression de nos collègues municipaux, en portant les vêtements de camouflage, force est d'admettre que nous avons vu dans les médias qu'il est arrivé des situations où est-ce que des gens se faisaient intercepter par des membres qui portaient des pantalons de camouflage et qui n'auraient pas obtempéré à l'ordre d'arrêter sous prétexte que je n'étais pas sûr que c'était un policier. Donc, dans un contexte comme celui-ci, nous sommes d'avis que c'est un élément de sécurité, à ce moment-ci, le fait de porter l'uniforme qui est réglementaire et qui est bien visible.

Et, oui, la Sûreté du Québec est en changement d'uniforme à l'heure actuelle. Nous ramenons des couleurs qui étaient, par le passé, déjà détenues par la Sûreté du Québec, donc c'est un peu l'histoire qui va revivre à l'intérieur du nouvel uniforme de la Sûreté du Québec, et, au-delà des couleurs, nous gardons toujours le vert kaki, nous gardons l'emblème de la Sûreté du Québec, les écussons et nous avons augmenté la visibilité, l'identification «police» et «Sûreté du Québec» sur nos uniformes pour les rendre encore plus performants en termes de visibilité. Évidemment, nous allons avoir et nous avons déjà un plan de communication quand même assez fort pour que la population en soit bien informée.

M. Bérubé : Les véhicules vont changer aussi.

Le Président (M. Ouellette) : ...M. le député de Matane-Matapédia qui pourrait lui en parler.

M. Bérubé : Oui, oui, oui. Vous êtes un coquin. M. l'inspecteur-chef, donc, pour bien résumer vos propos, outre le cas de 2007 d'un policier de Laval que vous assimilez à un cas de non-reconnaissance dans une intervention dynamique, suite à un rapport du coroner, il n'y a aucun autre cas, c'est bien ce que vous nous dites, que vous pouvez recenser... où la non-reconnaissance de l'habillement habituel du policer aurait pu causer une confusion et créer un sentiment d'insécurité, aucun autre cas.

M. Bélanger (Patrick) : Vous comprendrez ici, M. le Président, que ce genre d'événement là pour lequel il pourrait y avoir un bris d'identification en raison du port de pantalons de camouflage ne nous sont pas tous nécessairement rapportés. Je pense qu'il ne serait pas dans l'intérêt des membres de nous dire : Ouf! j'ai eu de la misère avec cette intervention-ci parce qu'on n'a pas cru en mon statut de policier en raison de mes pantalons.

Donc, à ce moment-ci, je n'ai pas d'événement porté à ma connaissance qui pourrait être apporté ici.

Le Président (M. Ouellette) : Je veux juste comprendre, puis ce sera sur mon temps, M. le député de Matane-Matapédia. Le cas que vous nous avez rapporté, de 2007, c'était un parallèle que vous faisiez par rapport au port d'un uniforme, mais n'était pas dans le cadre de démonstrations syndicales à l'occasion d'un conflit, c'est tout simplement qu'un parallèle que vous amenez, ça n'a aucun rapport avec... — je ne crois pas, là, mais je veux bien comprendre — ça n'aurait pas de rapport avec la question déposée par M. le député de Matane-Matapédia à l'effet que c'est un cas recensé.

Une voix : ...j'ai habité dans la pourvoirie de maître...

Le Président (M. Ouellette) : O.K., donc, c'est bon. Donc, on est à la même place. M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Ainsi donc, puis surtout à une ère de réseaux sociaux où plusieurs citoyens ne se gênent pas, malheureusement... c'est une pratique que je condamne, d'ailleurs, de photographier des policiers en exercice puis, des fois, d'avoir des propos qui sont peu flatteurs, mais il me semble que ce serait rapporté assez facilement à l'information de tout le monde, là, si c'était le cas, genre : Je n'ai pas cru ce policier-là, regardez comment qu'il était habillé. Il me semble qu'on le saurait.

Donc, pour bien résumer, outre ce cas-là qui, moi, ne me prouve pas totalement, le cas que vous me rapportez, que c'est lié à l'habillement du policier, il n'y a aucun cas rapporté et, pour cette raison-là, il faudrait qu'un des premiers arguments soit celui de la sécurité. Je ne trouve pas ça très convaincant si c'est un argument qui est maintenu par le ministre pour l'instant. Moi, il faut qu'on me fasse la démonstration. Je pose les mêmes questions depuis ce matin, alors je n'aurai pas d'autre question, M. le Président. Il m'apparaît que cette réponse est assez éclairante sur le questionnement qu'on a, à savoir si c'est un véritable enjeu.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. le député de Matane-Matapédia. Je ne sais pas si vous avez un commentaire, M. Bélanger, au commentaire de M. le député de Matane-Matapédia avant que je passe la parole au député de Beauce-Nord.

• (12 h 10) •

M. Bélanger (Patrick) : Oui, effectivement, peut-être juste pour renchérir l'aspect de sécurité, c'est que vous comprendrez que l'émission de l'uniforme par les organisations policières se fait suite à des analyses qui ont été faites, des tests de performance, de performance en termes de visibilité, comment je pourrais dire, de confort, mais également il y a certains indices d'inflammabilité aussi qui peuvent être propres à certains vêtements que nous portons comme policiers.

Je donne un exemple. Pour des policiers qui porteraient, exemple, le jean, le jean va assurément avoir des notions qui peuvent apporter un peu plus de bris de sécurité, donc peut-être un peu moins résistant à l'inflammabilité, peu importe. Je ne me fais pas ici un spécialiste du textile. Toutefois, je tiens à exposer que les uniformes qui sont choisis pour nos policiers, c'est des uniformes, des tissus, des textiles, des composantes qui ont été testés pour les rendre les plus performants possible.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Merci, M. le Président. Alors, merci, M. Bélanger et Mme Chéhadé, d'être venus nous présenter vos doléances quant au projet de loi n° 133.

Moi, dans un premier temps, je dois vous dire que vous associez beaucoup l'habillement du policier avec un niveau de sécurité qui ne m'apparaît pas toujours évident, en ce qui me concerne. Vous parliez, comme M. le Président a dit, de 2007. Ça, 2007, moi, je considère que ce n'est pas un exemple qui s'applique au projet de loi n° 133.

Mais il y a une autre chose que j'ai de la misère à saisir. Vous avez, dans votre code de déontologie, des mesures disciplinaires que vous pouvez appliquer à vos membres qui ne respectent pas certains codes de déontologie, et, à l'intérieur de ce code-là, vous avez semblé dire que l'habillement et l'équipement en faisaient partie. Est-ce que je me trompe ou je vous ai mal entendus?

M. Bélanger (Patrick) : Non, vous avez bien compris.

Le Président (M. Ouellette) : M. Bélanger.

M. Bélanger (Patrick) : Vous avez bien compris. Effectivement, il existe un article, à l'intérieur du code de discipline interne de la Sûreté du Québec, dont je peux vous refaire la mention, je l'avais exposé tantôt pour le dire... donner le libellé, c'est : «Le membre de la Sûreté [...] doit faire preuve de dignité. À cette fin, il doit éviter tout comportement qui manque de respect envers une personne, qui compromet l'efficacité ou l'honneur de la Sûreté [...] ou la discrédite. Constitue notamment une faute disciplinaire — donc non pas déontologique mais bien disciplinaire — avoir une tenue non conforme aux directives en vigueur pendant les heures de travail.»

M. Spénard : O.K. Ça, c'est une mesure... Ce n'est même pas un... C'est une mesure disciplinaire.

M. Bélanger (Patrick) : Disciplinaire.

M. Spénard : Donc, si je pousse mon raisonnement un peu plus loin, on est ici aujourd'hui avec le projet de loi n° 133, et j'imagine que cette mesure disciplinaire là, ça doit être la même affaire pour le SPVM. En tout cas, ça doit se ressembler énormément. On est ici aujourd'hui parce que les officiers de la Sûreté du Québec, les officiers supérieurs de la Sûreté du Québec n'ont pas fait respecter leur discipline. C'est ça que je comprends.

Le Président (M. Ouellette) : M. Bélanger.

M. Bélanger (Patrick) : Comme j'exposais un petit peu plus tôt, on parle ici d'une notion qui est disciplinaire. Lorsque nous nous retrouvons devant un mouvement de masse, lorsque nous avons une action concertée de la part des 5 525 policiers de la Sûreté du Québec, il serait, je dirais, impossible d'amener ces 5 525 policiers là devant une audience disciplinaire, devant un officier de poursuite disciplinaire pour être capable de faire valoir les droits de l'organisation par rapport à l'uniforme.

Donc, c'est pour ces raisons que la Sûreté du Québec notamment est favorable à un tel projet de loi qui viendrait, lors d'un mouvement de masse, venir appuyer la volonté de la Sûreté du Québec du port intégral de l'uniforme.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Merci, M. le Président. Avez-vous l'impression que le projet de loi n° 133, s'il arrive un autre mouvement de masse, va régler ça? Qui va l'appliquer aux 5 500 agents de la Sûreté du Québec s'ils décident, tous ensemble, de porter le jean, à un moment donné? Comment ça va se faire? C'est quoi, la différence entre vous et le ministre de la Sécurité publique? Expliquez-moi ça, là, un mouvement de masse, comme vous l'expliquez.

Le Président (M. Ouellette) : M. Bélanger.

M. Bélanger (Patrick) : La façon dont nous voyons l'avenir, si nous nous projetons dans l'avenir et que... avec l'adoption d'un tel projet de loi et un mouvement de masse, bien, nous nous conformerions, à ce moment-ci, exactement aux dispositions.

Donc, les dispositions, elles disent au directeur général de la Sûreté du Québec qu'il se doit de transmettre au Directeur des poursuites criminelles et pénales un rapport d'infraction. Donc, le rapport d'infraction ici, avec la petite subtilité que nous apportons en termes de bonification, nous souhaiterions que la bonification soit telle que le directeur général puisse déléguer cette responsabilité-là, ce qui fait en sorte que, s'il délègue cette responsabilité-là, comme par exemple aux 303 officiers cadres qui composent la Sûreté du Québec, il y aurait capacité, à ce moment-ci, d'être capable de transmettre, dans les meilleurs délais, un rapport d'infraction concernant les personnes qui ont enfreint le projet de loi.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Je respecte votre avis, mais ça ne veut pas dire que je suis parfaitement en accord avec ça. Écoutez, vous êtes un officier supérieur de la Sûreté du Québec, et je veux vous amener sur un autre point que M. le ministre veut apporter dans ce projet de loi là. J'aimerais savoir ce que vous pensez de la notion du double emploi pour les officiers d'encadrement à la Sûreté du Québec. Qu'est-ce que la Sûreté du Québec en pense?

Le Président (M. Ouellette) : M. Bélanger.

M. Bélanger (Patrick) : Suite aux événements qu'on a connus, de mars 2017, notre directeur général a pris une position immédiate après le constat que le double emploi, au sein des officiers de la Sûreté du Québec, pouvait ou même pourrait être un élément ou un enjeu de non-disponibilité pour certains de ceux-ci. Donc, il a resserré d'une façon immédiate les règles qui amènent les officiers de la Sûreté du Québec à disposer d'un deuxième emploi.

À prime abord, la Sûreté du Québec disposait déjà d'une obligation de déclaration d'un double emploi pour l'ensemble de ses membres, tant civils que policiers, encore plus au niveau des officiers. À ce moment-ci, je n'ai pas les statistiques avec moi étant donné que ce n'était pas le contexte de la présentation d'aujourd'hui, mais c'est quand même un nombre quand même assez restreint de policiers cadres, donc d'officiers, qui disposent d'un double emploi, et, encore là, il y a une discrimination qui est faite à l'intérieur de ces doubles emplois là pour s'assurer qu'il n'y a pas aucun policier qui est en conflit d'intérêts avec ses tâches, ses fonctions et sa disponibilité.

M. Spénard : Est-ce que vous avez, à l'intérieur de votre code de déontologie ou votre code disciplinaire, des articles se référant à un emploi autre pour un officier supérieur de la Sûreté du Québec?

M. Bélanger (Patrick) : Oui, il y a des dispositions effectivement disciplinaires et ça fait même d'ailleurs partie des politiques de gestion de la Sûreté du Québec où, comme je l'exposais un petit plus tôt, le policier a l'obligation de faire sa déclaration de double emploi. Et, à l'intérieur de sa déclaration, bien, il va y avoir une position ou une analyse qui va être faite par la direction générale, à savoir si ce double emploi là peut être toléré, est-ce qu'il n'est pas en contravention avec les normes éthiques, les règles éthiques que l'organisation pourrait avoir et il ne serait pas en conflit d'intérêts. Donc, il y a un mécanisme, à l'heure actuelle, qui regarde le double emploi des policiers de la Sûreté du Québec.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Beauce-Nord, vous allez sûrement être intéressé dans l'examen du code de discipline de la Sûreté du Québec.

M. Spénard : Bien, tu sais, c'est parce que, M. le Président, on est devant un projet de loi où est-ce qu'on va parler du double emploi, où est-ce qu'on parle de la chose, et c'est déjà dans le code disciplinaire de la Sûreté du Québec, mais on n'applique pas le code.

Alors là, vous me parlez, c'est aussi dans le code disciplinaire pour le double emploi, vous me parlez que là ce n'est pas un mouvement de masse dans les officiers supérieurs, là, c'est quelques personnes, si je vous entends bien. Maintenant, on se rapporte à l'autoroute 13, et la tempête de neige, et tout, puis il y en avait un chez le notaire, ça a été prouvé, ça a été dit dans le rapport, parce qu'il était courtier... il est courtier immobilier en plus d'avoir un emploi à la Sûreté du Québec, et puis la Sûreté du Québec ne fait rien. Mais qui applique les mesures disciplinaires et le code de déontologie à la Sûreté du Québec? Est-ce qu'on attend toujours après les lois du ministère de la Sécurité publique ou si on n'est pas capable d'appliquer, à l'intérieur de nos ressources, un code disciplinaire? Sans ça, ça ne veut pas rien dire, le code de déontologie puis le code disciplinaire, là. Oubliez ça, là, si on attend tout le temps après le gouvernement.

Alors, qui... Tu sais, moi... Quand est-ce vous allez l'appliquer votre code disciplinaire? Tu sais, là, c'est des mouvements de masse, là, on regarde voir... je ne sais pas, moi, le double emploi, il me semble que c'est clair, en ce qui me concerne.

Le Président (M. Ouellette) : Probablement, avant que M. Bélanger réponde, qu'on aura cette discussion-là, parce que je pense qu'on ne connaît pas la teneur de l'amendement que M. le ministre veut apporter au projet de loi n° 133 et on aura amplement le temps de discuter devant cette même commission quand cet amendement-là sera déposé et qu'on aura des discussions.

J'aimerais peut-être juste qu'on revienne à l'article 133 et les consultations qui nous occupent aujourd'hui, M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Non, c'est très bien. C'est à cause que je ne voudrais pas invoquer le conflit d'intérêts, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette)  : Sur ce, sur ce, compte tenu du fait que le temps est passé, M. Bélanger et Mme Chéhadé, représentant la Sûreté du Québec, merci d'être venus déposer en commission aujourd'hui.

La commission va suspendre ses travaux jusqu'à 14 heures et dans cette même salle, où on recevra d'autres organismes.

(Suspension de la séance à 12 h 20)

(Reprise à 14 h 4)

Le Président (M. Ouellette) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des institutions reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 133, Loi obligeant le port de l'uniforme par les policiers et les constables spéciaux dans l'exercice de leurs fonctions.

Nous entendrons cet après-midi les organismes suivants : l'Union des municipalités du Québec, l'Association des directeurs de police du Québec et la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec. Par la suite, cela terminera nos audiences.

Mémoires déposés

J'avise les membres dès maintenant qu'il y aura des mémoires qui seront déposés sur le site Greffier de la commission, d'organismes qui ne sont pas venus déposer en commission, qui sont l'Association des policières et policiers provinciaux du Québec, dont il a été fait mention il y a quelques minutes, le Barreau du Québec, le Protecteur du citoyen et la ville de Montréal. Vous avez reçu une lettre du maire de la ville de Montréal pour faire connaître sa position.

Nous recevons immédiatement l'Union des municipalités du Québec, le premier vice-président et maire de Drummondville, M. Alexandre Cusson, accompagné de son conseiller aux politiques, M. Yves Létourneau. Je pense que c'est M. Cusson qui allez faire la présentation. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Après, il y aura un échange avec M. le ministre et les porte-parole des deux oppositions. À vous la parole.

Union des municipalités du Québec (UMQ)

M. Cusson (Alexandre) : Alors, merci beaucoup. Alors, M. le ministre, M. le président de la commission, MM. les députés. Alors, au nom de l'Union des municipalités du Québec, je remercie évidemment les membres de la commission de nous entendre aujourd'hui sur le projet de loi n° 133.

Pour commencer et au bénéfice des gens qui nous écoutent, j'aimerais souligner que l'Union des municipalités du Québec représente, depuis près de 100 ans, les municipalités de toutes les tailles dans toutes les régions du Québec. Sa mission est d'exercer, à l'échelle nationale, un leadership pour des gouvernements de proximité efficaces et autonomes et de valoriser le rôle des élus municipaux. Ses membres représentent plus de 80 % de la population et du territoire du Québec.

D'entrée de jeu, je vous dirai que l'Union des municipalités du Québec souscrit entièrement aux objectifs du projet de loi n° 133. D'ailleurs, le préambule du projet de loi avec ses nombreux considérants campe parfaitement le contexte qui guide les modifications législatives proposées. En fait, cela fait déjà plusieurs années que l'UMQ demande au gouvernement d'apporter des modifications législatives pour obliger les policiers et les constables spéciaux à porter l'uniforme et l'équipement fournis par leur employeur dans l'exercice de leurs fonctions. Des arguments de taille militent en faveur de ces modifications législatives, qui permettront, si elles sont adoptées, aux municipalités ayant leur propre desserte policière de faire respecter le port de l'uniforme. J'en nommerai trois : la confusion en cas de crise, le respect de l'institution puis la crédibilité de la fonction et la confiance du public envers ces forces policières.

Faut-il rappeler que le non-respect de l'uniforme, comme le port du pantalon de camouflage, est utilisé depuis plusieurs années comme moyen de pression par les policiers lorsqu'ils négocient le renouvellement de leur convention collective? En 2009, le Service de police de la ville de Montréal avait demandé au Conseil des services essentiels de forcer le port de l'uniforme de ses agents. Le SPVM craignait alors que les policiers en pantalon de camouflage soient confondus avec des militants lors des manifestations contre la brutalité policière. À ce moment-là, le Conseil des services essentiels avait rejeté la demande précisant que les questions de sécurité au travail ne relevaient pas de sa compétence.

Dès 2011, appuyée par l'Association des directeurs de police du Québec, l'UMQ avait demandé au gouvernement du Québec de modifier la Loi sur la police afin d'y introduire l'obligation pour les policiers de porter leurs uniformes et de respecter leurs équipements lorsqu'ils sont en fonction.

Le phénomène du non-respect de l'uniforme s'est encore intensifié au cours des dernières années, notamment depuis juin 2014, à la suite des débats entourant l'adoption du projet de loi n° 3, Loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal. En effet, à la suite du dépôt de ce projet de loi, plusieurs syndicats de policiers municipaux ont choisi comme moyen de pression d'inciter leurs membres à porter des vêtements non conformes au Règlement sur les uniformes des corps de police municipaux. Le recours à ce moyen de pression s'est maintenu dans plusieurs municipalités durant plus de trois ans parce que les municipalités n'avaient pas les moyens d'agir.

Il est vrai, et il faut le dire, qu'à plusieurs reprises les municipalités ont eu recours à mesures administratives afin d'obliger les policières et policiers à porter leur uniforme, sans succès dans une très grande majorité de cas. Clairement, la possibilité de recourir à des obligations prévues dans les conventions collectives s'est rapidement avérée inapplicable. D'autres municipalités ont invoqué les impacts possibles sur la santé et la sécurité au travail alléguant que le non-respect de l'uniforme entraînerait de la confusion auprès de la population et pourrait mettre en péril la sécurité et l'intégrité physique des policiers. En effet, le caractère de dangerosité des moyens de pression a été soulevé par plusieurs, notamment lors d'interventions à risque où plusieurs organisations policières sont impliquées. Dans de tels cas, le non-respect de l'uniforme pouvait entraîner de la confusion et mettre en péril la sécurité des intervenants.

• (14 h 10) •

Néanmoins, toutes ces démarches administratives des municipalités ainsi que toutes les rencontres avec les représentants des policiers n'ont jamais permis de corriger la situation. Les moyens de pression se sont poursuivis malgré les nombreux appels aux policières et policiers à revêtir l'uniforme, notamment par le ministre de la Sécurité publique.

Avec le projet de loi n° 133, les municipalités auront enfin les outils nécessaires pour faire respecter l'intégrité de l'uniforme policier lors de négociations. C'est l'institution policière dans son ensemble qui en sortira gagnante.

L'UMQ n'a qu'une seule recommandation pour bonifier le projet de loi. Elle concerne l'article 2 du projet de loi, lequel introduit la modification suivante à l'article 263.3 de la Loi sur la police. Alors, je le cite : «Le directeur d'un corps de police doit transmettre sans délai un rapport d'infraction au Directeur des poursuites criminelles et pénales lorsqu'un policier contrevient à une disposition du présent chapitre.

«L'autorité de qui relève un constable spécial est soumise à la même obligation.»

Considérant la charge de travail importante des directeurs de police, l'UMQ juge qu'il faudrait modifier l'article 263.3 afin de préciser que le directeur d'un corps de police doit transmettre dans un délai raisonnable un rapport d'infraction au Directeur des poursuites criminelles et pénales.

En conclusion, l'UMQ accueille favorablement le projet de loi n° 133. Ce projet de loi est nécessaire et il répond aux demandes répétées de l'UMQ de permettre aux municipalités d'obliger les policières et policiers à porter leur uniforme lorsqu'ils sont en fonction. Pour la population, le port de l'uniforme par les policières et les policiers est rassurant. Il les identifie aux forces de l'ordre et appelle le respect des règles. L'UMQ croit que les moyens de pression affectant l'image du policier sont susceptibles de porter préjudice aux services mêmes auxquels la population a droit. En minant la confiance du public envers le service de police, ils pourraient même, à moyen terme, porter atteinte à la sécurité du public. De plus, le vêtement est souvent considéré comme un symbole et une forme de communication. Dans le cas précis des policiers, l'uniforme établit l'appartenance à un groupe ayant ses normes et ses valeurs, qui représentent l'image professionnelle du groupe. Le non-respect de l'uniforme dévalorise la profession en plus de semer la confusion auprès de la population, ce qui peut être dangereux en cas de crise. Pour l'UMQ, le phénomène du port de pantalon de camouflage comme moyen de pression chez certains policiers et constables spéciaux perdure depuis assez longtemps, minant la confiance des citoyennes et citoyens non seulement envers les forces policières, mais aussi envers les institutions. L'Union des municipalités du Québec souhaite donc l'adoption du projet de loi n° 133.

Je vous remercie de votre attention. Et c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

Le Président (M. Ouellette) : M. le ministre.

M. Coiteux : Alors, merci beaucoup d'être parmi nous aujourd'hui, M. le maire, avec également M. Létourneau. Alors, bienvenue. Merci d'être là.

Je vais peut-être dire... pas peut-être, je vais dire effectivement... je vais dire la même chose que je disais un petit peu plus tôt ce matin à l'égard des suggestions de modifier certains libellés notamment pour clarifier, là, nos intentions, notamment sur la question du «sans délai», là. On va étudier la question. Le «sans délai» ne veut pas dire «instantané», mais peut-être qu'il y a lieu de regarder des versions alternatives, des façons alternatives de dire ces choses-là pour trouver la meilleure formule possible. Alors, on va certainement faire les analyses nécessaires de ce côté-là.

Moi, j'aimerais vous entendre, parce qu'évidemment, dans vos fonctions à l'Union des municipalités du Québec, vous rayonnez au-delà de Drummondville, là, à peu près tout le Québec, vous rencontrez des maires qui ont vécu des situations particulières et difficiles dans le cadre des dernières rondes de négociations avec les policiers. Et, dans certains endroits, effectivement, il y a eu le recours à ce moyen de pression qui est de... Ça, c'est plus qu'altérer, là. Dans certains cas, c'est pratiquement changer la nature même de l'uniforme.

Qu'est-ce qu'on vous disait, là, sur le terrain, là, du point de vue de la confiance, de la crédibilité, de comment les citoyens vivaient ça, eux, dans chacune des villes, là, concernées?

M. Cusson (Alexandre) : Écoutez, d'une part, le mémoire qu'on vous dépose aujourd'hui, là, vraiment, fait l'unanimité à l'UMQ, les municipalités sont d'accord. Elles n'ont pas souhaité être entendues individuellement parce qu'il y a vraiment un esprit de corps là-dessus.

Alors, d'une part, là, moi, il n'y a jamais de maires qui m'ont dit : Ah! bien là je vais me dépêcher à régler parce que les gens ont des pantalons de camouflage. Donc, l'impact réel sur les négociations, là, on pense qu'il n'est pas là.

Mais, l'impact par rapport à la population, d'abord, par rapport à l'institution, on l'a mentionné tout à l'heure, on s'attend à ce que les gens qui sont là pour faire respecter des règles les respectent eux-mêmes. Moi, je suis issu du milieu de l'éducation, j'ai été directeur d'école pendant 17 ans, et je n'arrêtais pas de répéter aux gens de l'équipe : Écoutez, si nous, les premiers, on ne dégage pas une image qui est une image quasi parfaite, comment pensez-vous qu'on va amener les jeunes qui nous sont confiés à le respecter? Alors, c'est un peu la même chose. Quand nos policiers, qui sont là pour faire respecter des règles, s'habillent n'importe comment, ne respectent pas le règlement au niveau de la façon dont ils doivent s'habiller, bien, ça donne un message à la population : Bien, finalement, les règles, ce n'est pas grave.

Et il y a toute la question où les gens disaient : On se retrouve dans une manifestation... On a donné l'exemple de la ville de Montréal qui, à un moment donné, souhaitait que, dans une manifestation contre la brutalité policière, ce soit clair, là, qui étaient les policiers et qui ne l'était pas. Là, on se retrouve en face de quelqu'un. Est-ce que c'est un citoyen qui est déguisé en policier ou c'est un policier qui est déguisé en autre chose?

Donc, ça, c'est important parce que, si la situation dégénère, il faut être capable rapidement de savoir à qui on a affaire et qui peut vraiment nous aider. Ça, pour nous, c'est extrêmement important.

Et donc c'est l'image du corps de police au complet, mais c'est l'image aussi de la municipalité, et ça, c'est quelque chose d'important. Nos villes, qui rayonnent partout dans le monde, qui reçoivent des visiteurs, et tout ça, c'est l'image qu'on donne. La première image, là, dans les rues, et tout ça, c'est des gens habillés en clowns ou autrement, ce n'est pas intéressant. Et, pour nous, là, l'impact réel sur les négociations est très discutable.

Le Président (M. Ouellette) : M. le ministre.

M. Coiteux : Ça, je trouve que c'est un commentaire qui est intéressant puis qui mérite peut-être une seconde question. Parce que j'ai posé à répétition la même question aujourd'hui à à peu près tout le monde. Il y a différents moyens de pression, puis ce n'est pas à moi à les énumérer, là... Il y en a qui ont plus d'imagination que moi pour en trouver des très efficaces, et d'ailleurs ce n'est pas mon rôle, d'ailleurs, de le faire, là, comme ministre de la Sécurité publique, d'imaginer des moyens de pression qui seraient exercés par des agents de la paix. Je pense qu'ils ont tous les outils nécessaires. Mais vous dites : Celui-là en particulier, il est loin d'être celui qui va être le plus efficace, mais par contre il pose des enjeux de sécurité, il pose des enjeux de crédibilité, il pose des enjeux de confiance, puis c'est là qu'on campe le projet de loi.

Mais moi, je constate qu'il y a des corps policiers qui ont recouru à ce moyen-là puis il y en a beaucoup d'autres qui ne l'ont pas fait, puis je constate qu'il se signe des conventions collectives à peu près partout. Il peut y avoir des nuances, il peut y avoir des différences entre elles, parce que les situations sont différentes, mais il y a quand même un certain nombre de composantes communes. Et donc ce que je vois sur le terrain, c'est qu'on brime les droits de personnes lorsqu'on dit que ce moyen-là ne peut pas être utilisé désormais ou il va être utilisé... s'il est utilisé, il va y avoir des sanctions pénales qui sont sévères, parce qu'il y a des enjeux de sécurité, parce qu'il y a des enjeux de crédibilité, parce qu'il y a des enjeux de confiance du public. Mais n'allez pas nous raconter que vous n'êtes pas capables de faire valoir vos droits, puisque d'autres de vos confrères, dans d'autres services policiers, ont utilisé d'autres moyens puis ont obtenu des résultats aussi.

Alors, vous avez différents maires qui ont vécu des situations de négociation où il y a eu différents moyens de pression utilisés. Je ne veux pas que vous donniez des tactiques particulières à personne, mais vous êtes à même de... Qu'est-ce que vous avez... Comment... Est-ce que vous corroborez ce que je dis là, là, dans le fond, grosso modo?

M. Cusson (Alexandre) : Tout à fait. Tout à fait, M. le ministre. Je vous dirais, ce n'est pas notre rôle non plus de leur donner des idées. On pense par ailleurs et on connaît nos équipes, on connaît nos gens, on sait que ce sont des gens intelligents et créatifs, ils sont certainement capables d'utiliser d'autres moyens de pression qui auraient peut-être un meilleur impact. Je les laisse imaginer tout ça. Mais de croire qu'un conseil municipal, que des négociateurs patronaux, devant une question, vont céder, vont renoncer à leur rôle de gérer sainement les finances publiques, par exemple, la sécurité du public, simplement sur une histoire de pantalon, ce serait utopique. C'est impossible.

Mais, ceci dit, les impacts, par ailleurs, au niveau de la crédibilité, au niveau de la sécurité, sont, à notre avis, fort importants, et c'est pour ça que depuis plusieurs années l'UMQ dit : Bien, il faut faire de quoi, il faut que ça cesse, cette façon de faire.

M. Coiteux : Alors, comment interprétez-vous, de votre côté, que certains syndicats de policiers, certaines associations nous présentent ce moyen-là comme le seul dont ils disposent puis que, s'ils n'avaient plus celui-là, ils n'auraient plus rien. Ils n'auraient plus rien. Comment vous interprétez ça?

• (14 h 20) •

M. Cusson (Alexandre) : Bien, probablement qu'ils considèrent que c'est, pour eux, une façon d'alerter ou, en tout cas, de passer le message au public pour obtenir l'appui du public rapidement, mais il y a d'autres façons d'informer la population si on n'est pas satisfaits des négociations qu'on a avec les villes, par exemple. Il y a différentes façons de parler à la population autrement qu'en ne portant pas l'uniforme.

M. Coiteux : J'oserais vous poser une question additionnelle là-dessus, puis j'aurais pu leur poser la question tout à l'heure ou je pourrais la poser à l'autre groupe qui va... un autre groupe plus tard aujourd'hui, mais il y a différentes façons, donc, d'informer le public, d'alerter le public, donc les concitoyens des mêmes policiers, ils sont au service de leurs concitoyens aussi. Il y a différents moyens de les sensibiliser à une cause qui serait la leur, là, ici. Pensez-vous que ce moyen-là leur attire l'appui du public?

M. Cusson (Alexandre) : Pas du tout. Je n'ai pas d'autre chose à ajouter. Pas du tout.

M. Coiteux : Oui, c'est pour ça que je revenais...

M. Cusson (Alexandre) : Moi, je n'ai pas de citoyens qui nous ont dit ou qui ont dit dans les villes : Ah! là, là, dépêchez-vous de régler. Au contraire, les gens, je pense, sont tannés de ça.

M. Coiteux : Donc, dans le fond, en tout cas, de notre point de vue puis du point de vue de beaucoup d'intervenants aujourd'hui, il y a de réels enjeux de sécurité, d'identification, de crédibilité, de saine administration de la justice. Il y a de réels enjeux de confiance du public. Puis en même temps ce n'est pas nécessairement un moyen de pression efficace puis ce n'est pas nécessairement un moyen de pression — peut-être même le contraire — qui rend la cause sympathique au public, aux concitoyens des policiers eux-mêmes.

Alors, je reviens toujours à la même question. Quel est l'objectif poursuivi dans une défense de ce moyen de pression comme s'il était le seul et unique susceptible d'avoir un impact positif dans un contexte de négociation et de relations de travail? Je vous la pose à vous parce que vous parlez à beaucoup de collègues et puis... Je cherche la réponse, je cherche la réponse.

M. Cusson (Alexandre) : Nous, on n'en voit pas, on n'en voit pas.

M. Coiteux : Moi, je n'ai pas d'autre question pour l'instant. Je ne sais pas si...

Le Président (M. Ouellette) : Est-ce qu'il y a d'autres collègues qui ont d'autres questions? Ça semble clair du côté ministériel. On va aller à Matane-Matapédia. M. le député.

M. Bérubé : Oui, M. le Président. M. le maire, M. Létourneau, vous représentez des municipalités telles Montréal, Laval, Longueuil et Québec, c'est bien ça, à l'UMQ, qui sont des patrons. Ce n'est pas le cas à Drummondville, où vous avez la Sûreté du Québec.

M. Cusson (Alexandre) : Tout à fait.

M. Bérubé : Vous comprenez que vous représentez des employeurs, et qu'un réel rapport de force doit exister dans toute négociation, et que, pour des policiers, ces moyens soient limités. Alors, que les patrons de la ville de Montréal, de Laval, de Longueuil, de Québec, du Roussillon ou ailleurs vous mandatent pour dire ça, ce n'est pas surprenant pour nous, parce que c'est la partie patronale qui vient dire : Éliminez un moyen, un moyen de nous convaincre de donner des moyens supplémentaires aux policiers. C'est le mandat qu'ils vous donnent, essentiellement.

Alors, moi, je suis un peu étonné. Depuis le matin, le ministre nous dit : Il existe d'autres moyens; jamais aucun n'a été identifié, ni le corps de police qui allait avec. Si on est ici, c'est que ce moyen-là ne fait pas l'affaire du gouvernement, c'est la plus belle démonstration. Donc, ça montre que, là, il y a un rapport de force, c'est la plus belle démonstration, sinon on ne serait pas là. Alors, moi, je suis étonné de ça. Et, quand le ministre et vous discutez des moyens de pression, vous vous dites, entre patrons : Oui, lequel serait moins pire pour nous convaincre ou ne pas nous convaincre de donner ce que les policiers veulent avoir?, moi, ça m'étonne. Vous discutez de stratégie pour un tiers qui est un syndicat. J'ai rarement... Ça fait 10 ans que je suis ici, c'est la première fois que je vois une chose comme ça. Alors, je tiens à le dire parce que c'est digne de mention.

Quant à la sécurité, personne ne nous a fait la démonstration, depuis ce matin, qu'il y avait des cas réels, avérés où la sécurité du public était en jeu. J'ai posé la question à la Sûreté du Québec, qui est présente chez vous, à Drummondville, puis dans d'autres municipalités, dont ma circonscription : aucun cas. On a invoqué un cas du coroner, de 2007, et finalement le représentant, l'inspecteur en chef, nous a dit que, finalement, oui, ce n'est pas directement un cas. Puis le président, qui a une certaine expérience là-dedans aussi, a noté la même chose. Je ne veux pas vous embarquer là-dedans, mais la tentation est forte. Vous connaissez ça un peu.

Donc, si ce n'est pas un enjeu de sécurité et si l'objectif, c'est... Vous parlez de la crédibilité des policiers, la respectabilité des policiers, le respect. Moi, j'ai vu des chiffres ce matin, j'ai entendu des chiffres de la part de la fraternité des policiers de Montréal, qui sont des chiffres qui n'ont pas été contestés par personne, sur le respect que les Québécois portent à l'égard de la force constabulaire. On peut bien poser la question pourquoi les policiers ne veulent pas abandonner ce moyen-là, mais pourquoi on a ce projet de loi, aujourd'hui, maintenant que tout le monde a signé, là?

Alors, je vous pose cette question-là. Vous reconnaissez que vous représentez des employeurs qui veulent éliminer un des moyens de rapport de force entre un syndicat et son employeur?

M. Cusson (Alexandre) : On représente d'abord des municipalités qui ont d'autres rôles que d'être des employeurs, hein, qui sont là pour donner des services à la population, et je vous dirais, s'il y a un domaine dans lequel il ne faut pas attendre qu'il soit arrivé quelque chose, c'est dans le domaine de la sécurité.

Donc, si demain matin il arrivait quelque chose, là... Vous dites : Jusqu'à maintenant, personne n'a démontré qu'il était arrivé quelque chose de grave au niveau de la sécurité, c'est ce que vous dites. Bien, si demain matin, il arrivait quelque chose de grave en lien avec ça, on serait probablement les premiers à reprocher à ceux qui auraient pu faire des lois, des règlements pour empêcher ça de ne pas l'avoir fait. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est : N'attendons pas.

Alors, pourquoi, par exemple, des brigadiers portent des dossards? Pourquoi, dans des cours d'école, on identifie les gens qui sont là pour la sécurité? C'est parce que c'est important qu'on puisse rapidement se référer à eux. Nous, ce qu'on vous dit aujourd'hui, c'est que bien au-delà de la question d'être un employeur, notre volonté, c'est d'avoir tous les moyens de jouer un autre de nos rôles, qui est celui d'assurer la sécurité de nos citoyens.

M. Bérubé : M. le Président, les moeurs ont évolué dans l'ensemble des secteurs de la société, y compris dans la police. Et je ne sais pas si, à l'époque, vous étiez à Drummondville, en 1999, mais moi, j'étais dans votre ville, en septembre 1999...

M. Cusson (Alexandre) : J'y étais aussi.

M. Bérubé : ...lorsque j'ai eu le droit, moi, ainsi que des ministres du gouvernement du Québec, les députés, des militants du Parti québécois, à une haie d'honneur de policiers de la Sûreté du Québec en uniforme, armés. Je peux vous dire que ça crée un certain effet. En tout cas, je ne sais pas si vous étiez près, là, mais moi, j'étais dans la salle. Je peux vous le dire, que je l'ai vécu à...

M. Cusson (Alexandre) : Non, je vivais à Drummondville, mais je n'étais pas là.

M. Bérubé : Bon. Ça ne pourrait plus exister, une chose comme celle-là. L'opinion publique s'est soulevée, ça n'avait aucun sens, c'était intimidant. J'ai un souvenir, là, très précis de ça.

Les choses ont changé. Les moyens sont limités, on en convient, pour des raisons évidentes, d'abord de devoir, le serment des policiers, qui doivent être là pour assister, pour être alertes, pour servir le public. Lorsqu'ils sont diplômés, là, de Nicolet, ils font ce serment-là, comme on fait un serment de député, comme un médecin fait un serment d'Hippocrate. Ils font ce serment-là. Donc, moi, je ne doute pas du professionnalisme des policiers, d'autant plus qu'il n'y a rien qui me prouve qu'il y a eu des dérapages. Mais je réitère que, oui, une municipalité, ce n'est pas qu'un employeur, mais c'est un employeur dans bien des cas.

Moi, je sais que, comme député, j'engage cinq personnes. Je ne sais pas comment il y a d'employés dans une ville comme Laval, Montréal, Longueuil, Québec ou même Drummondville. C'est des employeurs qui sont importants et des employeurs qui gèrent des fonds publics, au même titre que les députés de l'Assemblée nationale, et qui doivent les gérer. Mais il existe des corps de métier qui ont une plus grande facilité, par exemple, de faire une grève du zèle, par exemple, ce que ne pourraient pas faire des policiers.

Donc, moi, je note — ce n'est pas un reproche — que l'UMQ est dans une position où elle manifeste, au plaisir du gouvernement, évidemment, qu'elle est un employeur, elle aussi, puis qu'elle a intérêt à ce que les policiers, qu'ils soient de la Sûreté du Québec ou qu'ils soient des villes... à trouver d'autres moyens, parce que manifestement celui-là les embête. Moi, c'est l'observation que je fais, vous n'êtes pas obligés d'être en accord avec, mais je vais plaider, moi, le rapport de force. C'est quelque chose qui existe au Québec également. Et, si on les privait, quelles seraient les conséquences? Parce qu'ils sont visibles, c'est affiché, ce n'est pas hypocrite. Est-ce que des policiers pourraient se dire : On ne se fera jamais entendre, contrairement à d'autres corps de métier? Comment... Quel climat ça pourrait créer dans les milieux de travail? Moi, je craindrais davantage ça. J'échange avec vous là-dessus.

Le Président (M. Ouellette) : M. Cusson.

M. Cusson (Alexandre) : Bien, vous parlez du rapport de force. Pour nous, le rapport de force, il y en a un, hein? Les policiers, contrairement à d'autres de nos syndiqués, ont accès à l'arbitrage obligatoire. Ça n'existe pas pour les autres catégories de syndiqués qui, eux, ont des droits de grève. On comprend historiquement pourquoi les policiers, par exemple, n'ont pas le droit de grève. Ça, je pense que c'est clair pour tout le monde.

D'abord, vous dire une chose : Il n'y a rien dans ce qu'on a dit aujourd'hui... On a parlé de sécurité, etc. Il n'y a rien dans ce qu'on a dit aujourd'hui qui remet en doute le professionnalisme de nos policiers, je pense que je vais être très clair là-dessus. Vous avec parlé de ça, et on est d'accord avec vous sur ça, le fait de représenter des employeurs, écoutez, je ne crois pas qu'au Québec, ce soit mal d'être un employeur. Oui, on embauche des gens, on donne des services, mais notre rôle premier, c'est justement de répondre aux besoins de notre population. Et, je vous dirais, dans le monde municipal et même dans une municipalité comme la mienne, où on fait affaire avec la Sûreté du Québec, là, bien, le sujet duquel les citoyens nous parlent le plus, et puis c'est vrai ailleurs, c'est la sécurité, c'est le contrôle de la vitesse dans les rues, c'est l'intervention rapide de nos policiers s'il arrive un événement difficile. C'est fort important. Et on est beaucoup questionnés là-dessus. C'est le sujet, moi, sur lequel on me parle le plus, positivement, négativement, constructivement.

• (14 h 30) •

M. Bérubé : D'accord pour la sécurité, mais pas la sécurité en lien avec le port d'un uniforme différent pendant une période déterminée. Un policier, hors d'une négociation, ne pourrait pas décider de lui-même d'être le seul qui arrive au poste de police en disant : Moi, je m'habille en jean aujourd'hui. On convient qu'il ne le ferait pas à l'extérieur d'une période de négociation ou une période où il y a de la contestation. On convient que ce n'est pas un caprice, ce n'est pas une nouvelle possibilité qu'on offre aux policiers, on en convient.

Quand vous me dites, M. le maire, que les gens vous parlent de sécurité, j'entends les mêmes choses chez nous, mais ils ne parlent pas de sécurité liée à la période pendant laquelle il y a une négociation, où il y a un conflit, où il y a une impasse, ils vous parlent des enjeux qui sont universels, les tickets de vitesse, les délinquants sur la route, la criminalité, etc. Ce qui n'a rien à voir, selon moi, avec la période où les gens manifestent de façon plus colorée le fait qu'ils ne sont pas satisfaits d'une situation. Alors, c'est là que je trouve que...

Et d'autant plus qu'on ne m'a toujours pas prouvé, même si on répète constamment qu'il y a un enjeu de sécurité, qu'il y a un cas avéré, réel où la sécurité d'un citoyen québécois, d'une personne d'intérêt ou d'un policier qui a été mise en cause pour cette raison-là. Il m'apparaît que c'est une occasion, c'est une occasion qui est identifiée pour enlever un moyen qui a été choisi librement par un corps syndical.

Et moi qui viens du milieu syndical étudiant, je peux vous dire que cette démocratie-là, elle existe partout au Québec. Il m'apparaît que ce serait un recul, si on décidait d'échanger entre le gouvernement et la partie patronale pour dire : Voici ce qui reste comme choix de stratégie, mais celle-là, on vous l'enlève. Il m'apparaît que c'est limitatif des possibilités qu'on offre à des gens qui se réunissent librement, qui adhèrent à une organisation et qui paient des cotisations.

M. Cusson (Alexandre) : Bien, écoutez, je vous répète ce que je vous ai dit tout à l'heure, pour nous, on ne pense pas qu'on doive attendre qu'il soit arrivé quelque chose de grave avant d'intervenir. On comprend très bien, là, qu'en termes de sécurité, crédibilité, image, etc., là, peut-être, mais en termes de sécurité, le policier qui fait du radar au coin de la rue en pantalons de camouflage, là, ça ne touche pas la sécurité des gens. Ça va toucher la crédibilité, l'image du corps policier, et tout ça. Mais, s'il fallait qu'il arrive quelque chose de grave parce que, dans une manifestation, on a confondu un manifestant avec un policier, parce que ça peut dégénérer, on souhaite que ça n'arrive pas, nous, ce qu'on vous dit aujourd'hui, là... parce qu'il ne faudrait pas attendre que ça arrive.

Puis de parler d'échanges entre les employeurs et le gouvernement, etc., nous, là, depuis 2011, on l'a demandé à tous les gouvernements qui sont passés, pour nous, c'est quelque chose d'important. Actuellement, on est dans une période plus calme là-dessus parce qu'il y a des choses qui se sont réglées. On pense que c'est le temps maintenant de régler ça parce que justement ça ne vient pas se faire en lien direct avec un cas très précis, puisque... Entre autres, avec le règlement de Montréal au cours des dernières semaines, derniers mois, ce n'est pas le cas.

M. Bérubé : Si je vous comprends bien, il n'y a pas eu de cas, vous ne contestez pas ça, il pourrait y en avoir un puis il faut intervenir maintenant. Moi, j'ai une suggestion à faire à l'Union des municipalités du Québec. Sur d'autres dossiers dans lesquels on pourrait travailler avec le ministère de la Sécurité publique, qui m'apparaissent beaucoup plus pressants, il y a de nombreuses... Je vais donner l'exemple d'un projet de loi du gouvernement du Québec, le projet de loi n° 107 sur l'indépendance de l'Unité permanente anticorruption. S'il y a une organisation qui a été présente dans plusieurs municipalités du Québec... Puis ça, ça inquiète autant vos citoyens, je vous le garantis. Ça, ce projet de loi là, n'importe quand on est prêts à le travailler, puis je vous invite même à le réclamer pour cet automne. On va s'assurer de travailler avec les municipalités pour faire la lumière dans bien des cas qui touchent les citoyens également. Mais d'indiquer qu'il pourrait y avoir un cas lié à une erreur qui minerait la sécurité puis le sentiment d'autorité des policiers, puis il n'y en a jamais eu, qu'il y en aurait peut-être un, ça m'apparaît fort de café.

M. Cusson (Alexandre) : Bien, écoutez, évidemment, on est là aujourd'hui pour parler du projet de loi n° 133, mais je vous dirais que, s'il y a d'autres priorités, bien, plus vite vous aurez réglé celui-là, plus vite vous pourrez vous attaquer aux autres.

M. Bérubé : Moi, j'aimerais que l'UMQ soit autant préoccupée par les travaux de l'UPAC qu'ils le sont présentement par les travaux qui sont devant nous.

M. Cusson (Alexandre) : On est préoccupés par l'ensemble des dossiers qui nous interpellent et on est là chaque fois. Et on sera là les autres fois aussi, comptez sur nous.

M. Bérubé : On compte sur vous. On compte sur votre soutien, M. le maire.

M. Cusson (Alexandre) : On sera là.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. le député de Matane-Matapédia. M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Cusson et M. Létourneau. Merci de votre apport.

Moi, deux choses. Vous parlez qu'évidemment vous êtes en faveur de... je ne veux pas revenir sur les arguments de mon confrère de Matane, vous êtes en faveur du projet de loi n° 133, évidemment avec des raisons valables. Cependant, moi, j'aimerais savoir... Parce qu'à l'intérieur... Vous avez dit, tout à l'heure, qu'il y a certaines municipalités où le mouvement de l'habillement, certaines municipalités, corps de police municipaux, a été suivi, et d'autres, non. Alors, j'ai une question, une première question là-dessus : Quel est le pourcentage des municipalités qui sont membres chez vous dont le corps de police a suivi le débrayage, si on veut, provincial, en ce qui concerne l'habillement?

M. Cusson (Alexandre) : Je ne sais pas si M. Létourneau a cette statistique-là. Moi, je ne la connais pas.

M. Létourneau (Yves) : Non, je n'ai pas le...

Le Président (M. Ouellette) : M. Létourneau, vous identifier pour les besoins de l'audio. Et la réponse, s'il vous plaît.

M. Létourneau (Yves) : Oui. Bonjour. Yves Létourneau, de l'UMQ.

Non, on n'a pas le pourcentage des municipalités ayant un corps policier municipal dont les policiers ont suivi la règle. On sait que les plus grandes villes... donc, en termes de population, c'est les plus grandes villes qui ont eu ces moyens de pression. Donc, ça visait plus de 50 % de la population de ces municipalités-là qui ont un corps de policiers. Mais je ne pourrais pas vous dire le pourcentage des municipalités.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : O.K. Parmi vos membres de l'UMQ, nonobstant les grands corps policiers qu'on connaît, le SPVM, Laval, Longueuil, Québec et peut-être Sherbrooke...

Une voix : Montréal.

M. Spénard : ...Montréal, oui, combien qu'il y en a, de municipalités qui ont leurs propres corps de police?

M. Cusson (Alexandre) : M. Létourneau.

M. Létourneau (Yves) : Je me sens passer un examen.

Le Président (M. Ouellette) : ...question.

M. Létourneau (Yves) : Il y a une vingtaine de corps de police, mais il y a beaucoup de régies de police qui comptent plusieurs municipalités, la régie de police de Roussillon, par exemple, qui a...

Une voix : ...

M. Létourneau (Yves) : Oui, mais plus que MRC, là, il y a... Juste à Montréal, la SPVM touche beaucoup plus que la ville de Montréal. Donc, il y a beaucoup plus que 20 municipalités, même s'il y a une vingtaine de corps de police. Il y a beaucoup de plus petites municipalités qui sont couvertes par des polices municipales.

M. Spénard : O.K. L'autre chose, vous ne parlez pas... il y a une absence totale, dans votre mémoire, alors que d'autres mémoires en ont fait mention, sur est-ce que ce projet de loi là, d'après vous, va passer l'épreuve de la cour de justice.

Le Président (M. Ouellette) : M. Cusson.

M. Cusson (Alexandre) : Oui, merci. Écoutez, on pense que oui, sauf que nous, on n'est pas les juristes du gouvernement. On présume que, si le gouvernement a déposé son projet de loi, c'est qu'il a validé ça auprès de l'équipe de juristes du gouvernement.

M. Spénard : O.K. Mais vous n'avez pas d'avis juridique, vous n'avez pas demandé d'avis juridique sur ce projet de loi là, en tant que l'Union des municipalités du Québec, pour conseiller vos membres?

M. Cusson (Alexandre) : Non.

M. Spénard : Non? O.K. Ça conclut. Moi, M. le Président, là, je n'ai pas d'autre chose, je n'ai pas d'autre question là-dessus.

Le Président (M. Ouellette) : Gardez votre question, M. le député de Beauce-Nord, pour le président de la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec, là. Je pense que M. Côté sera en mesure de répondre combien de corps policiers couvrent combien de municipalités, là. Je lui donne une heure d'avance la question que le député de Beauce-Nord va lui poser. Ça fait que sûrement que ça pourra revenir, parce que c'est une donnée qui peut avoir son importance.

M. Alexandre Cusson, premier vice-président et maire de Drummondville, M. Yves Létourneau, conseiller aux politiques, représentant l'Union des municipalités du Québec, merci d'être venus déposer en commission parlementaire.

Je suspends quelques minutes. Et je demanderais à la présidente de l'Association des directeurs de police du Québec de bien vouloir s'avancer.

(Suspension de la séance à 14 h 39)

(Reprise à 14 h 41)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant l'Association des directeurs de police du Québec et sa présidente, Mme Helen Dion, accompagnée de M. Danny McConnell, son vice-président de Sherbrooke. Mme Dion, vous connaissez les us et coutumes de la commission, ce n'est pas votre première fois. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, par la suite il y aura un échange avec M. le ministre et les porte-parole des deux oppositions. Je vous laisse la parole.

Association des directeurs de police du Québec (ADPQ)

Mme Dion (Helen) : Alors, bonjour, M. le Président. Bonjour, membres de la commission. Je me présente : tel que dit, Helen Dion, directeur du service de police de Repentigny et présidente de l'Association des directeurs de police du Québec. Je vous présente également mon collègue, Danny McConnell, directeur du service de police de Sherbrooke et vice-président de l'ADPQ.

Permettez-nous, M. le Président, de remercier le ministre des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire, de la Sécurité publique et responsable de la région de Montréal ainsi que les membres de cette Commission des institutions pour cette audition chargée d'étudier le projet de loi n° 133.

L'Association des directeurs de police du Québec est un organisme à but non lucratif et fut incorporée en vertu des lois des compagnies depuis 1937. Précisons que notre mémoire représente la position de l'ensemble des corps de police municipaux du Québec.

D'entrée de jeu, nous accueillons très favorablement un projet de loi rendant obligatoire le port de l'uniforme intégral pour les policiers dans l'exercice de leurs fonctions. Nous le réclamions depuis plusieurs années et nous vous exposerons rapidement les motifs qui militent en sa faveur.

Historiquement, l'altération de l'uniforme de police dans un contexte de relations de travail ne date pas d'hier. Dès 1978, on a vu apparaître le port du jean et de la barbe, qui étaient audacieusement utilisés par des policiers syndiqués de la sûreté municipale de Laval. Cette manière inédite de manifester sans effort se fait de façon continue, alors que les participants étaient rémunérés et encore en fonction. Ce mouvement a gagné rapidement en popularité, et s'est répandu, et, on connaît, aujourd'hui, s'est dégénéré.

L'altération de l'uniforme est souvent assortie de l'ajout d'autocollants apposés sur l'uniforme, sur les auto-patrouilles et sur les postes de police. Le jean n'étant plus suffisamment visible, il est passé du pantalon de camouflage multicolore, et, afin d'en rajouter, on aura vu des policiers tout simplement déguisés de manière à ridiculiser leurs fonctions. Certains ont porté des tutus, des pyjamas, des culottes courtes accompagnées de bas multicolores, et même le vêtement de shérif. Les autocollants sont maintenant apposés mur à mur sur les vestes pare-balles, véhicules d'urgence, édifices et bureaux de la police.

Malgré nos nombreux appels à la raison et au professionnalisme des syndicats ou des individus, ceux-ci n'ont pas été entendus. Sous le couvert du droit de manifester ou celui de la libre expression, des images dégradantes pour la fonction policière ont été constatées et diffusées par les médias à travers le monde. Plusieurs directions de police ont tenté, via divers recours légaux ou administratifs, de faire cesser les débordements, sans succès, notamment devant les tribunaux d'arbitrage, le Conseil sur les services essentiels, la CSST ou la Commission des relations de travail. Aucun recours n'a été favorable ou, voire, recevable.

De plus, dans un contexte conflictuel de relations de travail, l'usage de la discipline ne peut être envisagé et sérieusement considéré. Nous ne pourrions suspendre tous nos employés, les coûts s'avéreraient démesurés en plus d'affecter dangereusement nos capacités opérationnelles.

Devant ces embûches, l'ADPQ a sollicité à maintes reprises l'intervention de l'État et demandé une législation susceptible de sinon mettre fin à cette mascarade, d'au moins en limiter la portée.

 Le texte introductif du projet de loi n° 133 fait état de cinq considérants auxquels nous adhérons totalement. Le citoyen s'attend à ce qu'un représentant de l'ordre affiche une image et un comportement irréprochables. Le symbole d'autorité que représente l'uniforme s'impose dès sa présence, il devrait inspirer la crédibilité et susciter le respect. Il joue un rôle préventif considérable. L'uniforme est un élément essentiel pour la sécurité du public et celle de nos policiers, il permet d'identifier sans équivoque les représentants de l'ordre et est particulièrement significatif en situation de crise.

Plus spécifiquement, relativement à certains articles du projet de loi, notamment aux modifications proposées à la Loi de police concernant l'article 69, tel que formulé, l'utilisation du verbe «peut» laisse entendre que le corps de police municipal n'aurait pas une compétence exclusive et qu'il bénéficierait également de certains pouvoirs discrétionnaires sans obligation. Si cette compréhension est juste, comment, alors, justifier les obligations d'un directeur de police telles que prescrites au projet de loi à l'article 263.3? Nous suggérons une utilisation des mêmes termes pour les deux articles afin d'assurer une cohérence et d'éviter toute ambiguïté.

Relativement au titre du chapitre IV, nous réclamions un tel ajout à la Loi de police depuis plusieurs années et sommes totalement en accord avec sa forme.

Relativement à l'article 263.1, nous pensons que le texte mériterait d'être bonifié ou précisé. Nous présumons que le libellé de cet article ne veut pas tout interdire et, de ce fait, ne pas être en opposition au droit à la libre expression. Cependant, il doit être suffisamment explicite afin de ne pas transformer l'uniforme en outil de contestation qui ridiculise la fonction ou qui revêt un caractère politique ou offensant.

Le titre du chapitre IV fait état de l'uniforme et de l'équipement. À notre avis, l'intégralité de tout véhicule d'urgence est certainement aussi importante que celle de l'uniforme. Conséquemment, nous vous recommandons de préciser cet article en y intégrant l'utilisation de l'équipement ou en identifiant certains équipements tout aussi symboliques, l'interdiction d'ajouter ou de retirer des éléments susceptibles d'en modifier ou nuire à leur usage, la protection des véhicules d'urgence et des postes de police à titre d'équipements significatifs pour la fonction, l'ajout, à la dernière phrase du premier paragraphe, des notions d'intégrité, d'image et de crédibilité, nécessaires à la fonction. Finalement, la fonction de cadet policier ou son équivalent devrait également être assujettie aux mêmes obligations.

Relativement à l'article 263.3, selon notre compréhension de l'esprit de la loi, le législateur veut, comme nous, mettre fin et un terme définitif à cette pratique. Nous ne pouvons que nous ranger derrière cette volonté. Afin d'assurer une application adéquate de cet article, nous suggérons d'harmoniser les articles 69 et 263.3, où on parle de «doit» dans un cas et «peut» dans l'autre, nous souhaitons la notion de devoir dans les deux cas; de modifier le terme «sans délai» par celui des «meilleurs délais» usuellement utilisé; de clarifier l'application d'une telle obligation relativement à l'article 313.1 et de ses amendes, préciser est-ce que c'est par jour, par individu, préciser aussi ce qu'on veut dire par «récidive»; de voir qui a la responsabilité de l'application de l'article 263.3.

Relativement à l'article 313.1, le terme «récidive», tel que dit plus haut, devrait être précisé ou substitué par une notion de deuxième infraction et suivantes. À notre avis, les infractions relatives à l'article 263.1 et celles de 263.3 devraient faire l'objet de traitements différents. L'article 313.1 ne devrait s'appliquer qu'à l'article 263.1, tandis que le législateur pourrait prévoir un article distinct applicable à l'article 263.3 en y précisant notamment les notions de fréquence et de récidive.

Relativement à l'article 314, nous sommes d'accord avec le principe de rendre punissable une association. Cependant, son application peut être fort difficile, surtout s'il faut identifier une personne en autorité ou fautive et faire la preuve d'instructions directes ou d'un mot d'ordre incitant à contrevenir à l'article visé. À notre avis, si le législateur veut en permettre l'application à l'endroit d'une association, la loi devrait établir une présomption de culpabilité à la lumière des condamnations de ses membres.

Relativement à l'abrogation du Règlement sur les uniformes des corps de police municipaux datant de 1981, le contenu de ce règlement est désuet depuis longtemps. L'uniforme et les équipements de police ont subi des modifications substantielles depuis 35 ans. Nous nous interrogeons à savoir si l'abrogation pure et simple du règlement est appropriée ou s'il ne devrait pas y avoir une mise à jour de ce dernier. Ainsi, cela aurait pour but d'établir des normes minimales et conformes concernant l'uniforme des corps de police municipaux.

En conclusion, pour les dirigeants policiers du Québec, il ne fait aucun doute que seule une loi serait susceptible de mettre fin et terme définitif à cette pratique autant inutile que dommageable à l'image de respectabilité et de professionnalisme nécessaire aux interventions d'un représentant de l'ordre. Elle prive notre personnel du sentiment de fierté et d'appartenance qui devrait les animer. Cette stratégie syndicale jette le discrédit sur notre capacité de bien assumer notre mission de préserver la loi et l'ordre nécessaire au sentiment de sécurité et des attentes légitimes de nos concitoyens. Elle démontre aussi un mépris inacceptable d'un statut qui se veut professionnel.

Finalement, les outils administratifs se sont avérés, à ce jour, totalement inefficaces et désuets. Plus que jamais nous sommes convaincus de la nécessité de ce projet de loi. Merci, M. le Président.

• (14 h 50) •

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme Dion. M. le ministre.

M. Coiteux : Oui. Alors, merci, Mme Dion, M. McConnell également, d'être là pour nous présenter le mémoire.

J'aimerais... puis je vais vous soumettre une question ensuite, mais j'aimerais revenir sur certaines questions de mon collègue de Matane-Matapédia, parce qu'il a soulevé à plusieurs reprises auprès de différents intervenants la question de la sécurité comme si c'était une question non existante dans le cas actuel. Je pense que, lorsqu'on a affaire à un agent de la paix, un policier, quelqu'un qui est responsable de faire respecter les lois sur le territoire, la confusion possible pose un enjeu de sécurité.

Il y a des cas d'enjeu de sécurité qui pourraient être plus graves que d'autres, mais il y a un cas qui nous a été relaté récemment, là. Il y a un juge qui a invalidé une contravention qui avait été donnée à une citoyenne parce que la citoyenne, elle a dit : Je ne savais pas si c'était un imposteur ou un policier qui essayait de me... Est-ce que c'était un imposteur qui voulait me soutirer de l'argent ou j'avais affaire à un policier? Et le juge a reconnu qu'effectivement il y avait une confusion dans ce cas-là.

Là, c'est un cas de contravention liée à une infraction au Code de la route, mais la confusion, dans une situation d'urgence où il y aurait des dizaines de personnes, des centaines de personnes impliquées, où les policiers devraient intervenir rapidement, donner des ordres, intervenir... on ne souhaite pas que ça arrive, mais on veut se prémunir contre ça. Donc, la prévention de risque à la sécurité, c'est aussi une partie essentielle du travail de la sécurité publique.

Puis j'aimerais vous entendre, votre vision, vous, là-dessus, là, cette question-là. Dans quelles circonstances la confusion quant à savoir est-ce qu'on a affaire à un ou à des policiers, particulièrement en situation d'urgence, là... Qu'est-ce que ça pourrait impliquer comme enjeu de sécurité, selon vous?

Mme Dion (Helen) : Je vais commencer la réponse en premier lieu, puis ensuite je vais demander à mon collègue d'appuyer tout ce qui s'appelle au niveau de l'emploi de la force.

Premièrement, dans toutes les sociétés ou la plupart des sociétés où il existe un service de police... ou que ce soit l'armée, tous les États ont décidé de les mettre différemment pour plusieurs choses, qu'ils soient en mesure d'être reconnus rapidement par un citoyen et surtout être rassurants. Lorsque les policiers se présentent à une résidence... J'ai eu des téléphones de citoyens qui ont rappelé le 9-1-1 pour être sûrs que c'étaient des policiers, ils n'étaient pas convaincus que c'étaient des policiers en avant de leur porte. Et, comme je vous dis, tous les États, pour les mêmes raisons que nous, au Québec, et partout ailleurs, c'est évidemment dans le but d'être reconnus puis dans le but de rassurer la population.

Mais je vais laisser parler mon collègue sur des exemples probants en matière d'emploi de la force. M. McConnell.

M. McConnell (Danny) : Alors, bonjour. Effectivement, il faut juste rappeler la légitimité du devoir de la charge du policier. Alors, de par son uniforme, le respect appelle donc le respect, mais ça reste quand même une obligation, d'entrée de jeu, de l'employeur à voir à prévenir ce genre de situation là, comme vous avez bien mentionné, M. le Président, comme vous avez mentionné, M. le ministre. Et effectivement, l'ADPQ et les services policiers municipaux ont à coeur ça.

J'aimerais mettre en lumière ici le modèle national d'emploi de la force à titre d'exemple, qui est un modèle qui est enseigné à l'École nationale de police du Québec, qui est enseigné à tous les policiers avant d'arriver dans un service de police. Et, ce modèle-là, en premier lieu, la première chose, c'est la présence policière en uniforme. La première intervention, sans même avoir discuté, sans même avoir débarqué du véhicule... Le véhicule arrive sur une scène, le policier débarque du véhicule et est en uniforme. Déjà là, pour certains, ça peut avoir un effet dissuasif et, pour d'autres, très rassurant.

Mais, à partir du moment où vous avez des policiers qui débarquent en situation où il a des pantalons de clown, comme ça a été bien mentionné à plusieurs reprises, des vestes pare-balles altérées avec de multiples autocollants sur les vestes, des calottes de toutes sortes de couleurs ou peu importe, là, jusqu'où on peut aller, il y a un certain équilibre, à un moment donné, qui n'est pas respecté.

Alors, plus concrètement, des approches sécuritaires pour les membres, alors, vous savez que la police, ce n'est pas une question juste de travailler de jour, à la clarté. Dans différentes réponses d'urgence, soit d'introduction par effraction en cours, d'appel de vol qualifié dans une institution bancaire ou un dépanneur, les policiers qui vont débarquer puis intervenir devront même entre eux pouvoir se reconnaître, dans une situation de crise, où le stress est extrêmement élevé. Et, pour le citoyen, de reconnaître le policier rapidement est un fait à ne pas négliger.

Vous avez mentionné l'interception de véhicules, c'était dans mes exemples, où les personnes âgées ou même les citoyens, dans le cas d'un barrage routier, pourraient avoir affaire avec des policiers. Et, vous savez, quand les policiers s'approchent de la fenêtre, la première chose qu'ils voient, c'est les pantalons de camouflage. Et ils ne voient pas nécessairement tout à fait le policier, là. Alors, oui, c'est effectivement remis en cause et pourrait faire même peur à certaines personnes lors de barrages routiers. Alors, au niveau du Code de la sécurité routière, bien, c'est important.

Et on aimerait apporter aussi un autre exemple au niveau des barrages, des barrages mais au niveau du trafic. À partir du moment où un policier, dans une intersection... Et à Montréal on peut le voir très facilement, où les policiers ont été grandement utilisés pour le trafic. On l'a vu dans plusieurs bulletins de nouvelles sur plusieurs médias, vous avez un policier en pantalon de camouflage à travers la multitude de la population qui traverse la rue, les piétons, les cyclistes, les vélos, etc., on a de la misère à les reconnaître. Vous voyez, plus récemment ils ont commencé à porter des gants blancs et commencé à se faire remarquer davantage et porter même la veste fluo, une veste de sécurité, pour être mieux vus, mieux reconnus. Alors, c'est sûr que, pour nous, dans le cas du trafic, c'est un exemple qui est probant.

La gestion des grands événements, qui est un exemple qui a été mentionné à plusieurs reprises justement par rapport à d'éventuelles menaces terroristes, on n'est pas exclu de ça au Québec. On l'a vécu à Saint-Jean, on l'a vécu à Ottawa, c'est des choses qui peuvent arriver. Alors, la visibilité est un grand facteur et est un facteur facilitant où le policier, comme le citoyen, est plus facilement reconnaissable à travers une foule.

Nous, cette année, dans différents grands événements, on a procédé à la... on a géré en faisant porter les vestes de sécurité à nos policiers, et j'ai eu plusieurs commentaires parce que les gens pensaient qu'on avait doublé nos effectifs, mais on avait exactement le même nombre d'effectif, parce que nos policiers étaient reconnaissables. Ils avaient leurs pantalons d'uniforme réguliers et une veste, la calotte, tout le monde était habillé de façon uniforme.

Si au moins, dans le moyen de pression des pantalons de clown, ils avaient tous eu les mêmes pantalons de clown, ça aurait déjà été moins pire. C'est juste que, là, on avait des pantalons de clown de toutes les couleurs, on avait des tutus, on en avait de toutes les sortes. À un moment donné, on s'y perd.

Alors, même au niveau, là, de la visibilité, on croit que c'est important et ça devra être respecté. Le mot «police» se perd souvent quand les vestes pare-balles, elles sont, si vous voulez, avec plusieurs autocollants ou avec différents écriteaux, et à ce moment-ci c'est difficile de reconnaître la police, comme tel.

Vous avez mentionné les gens qui ne répondent pas à la porte parce qu'ils ne sont pas sûrs de reconnaître les policiers. Elle est où, à ce moment-ci, notre mission première d'assurer la sécurité et le sentiment de sécurité aussi auprès de nos concitoyens?

Alors, je voulais faire état de quelques exemples comme ça, auprès de cette commission, pour essayer de vous convaincre qu'effectivement pour nous le port de l'uniforme complet et uniforme, et ça le dit, est une priorité pour nous.

Le Président (M. Ouellette) : M. le ministre.

M. Coiteux : Bien, je vous avoue qu'on souhaite que les citoyens utilisent le 9-1-1, mais on ne souhaite pas qu'ils soient obligés de rappeler le 9-1-1 pour s'assurer que la personne qui vient de sonner à leur porte, effectivement, correspond à l'appel à l'aide qu'ils ont fait auparavant, pour savoir si c'était un policier ou non. Donc, des cas de confusion documentés, puisqu'il y a un juge qui a reconnu que la personne ne savait pas si elle avait affaire à un policier, a invalidé une contravention, c'est déjà connu.

Vous citez des cas de gens qui rappellent au 9-1-1, donc des citoyens qui ne savent pas s'ils ont affaire à des policiers. Puis, même si, heureusement, il n'est pas arrivé d'incidents tragiques, dans le contexte d'interventions d'urgence, vous avez évoqué la question des attentats, il y en a eu des très graves un peu partout dans le monde, on en a eu ici également, il faut penser en termes de prévention. Il faut penser en termes de prévention. Si on avait le sentiment qu'on atteignait des droits fondamentaux en pensant à cette prévention, évidemment, on prendrait un certain nombre de précautions. Mais, si on n'atteint pas des droits fondamentaux, parce qu'il existe d'autres moyens de pression, je pense que ce que vous évoquez ici comme raisons pour lesquelles il doit aller de l'avant, quant à moi, sont très convaincantes, puis je vous remercie de votre présentation.

M. McConnell (Danny) : Si vous permettez d'ajouter, M. le Président...

Le Président (M. Ouellette) : Oui, M. McConnell.

M. McConnell (Danny) : En situation de crise, c'est un élément essentiel aussi, où le stress est très élevé. C'est très important pour nous que les policiers, entre eux-mêmes, puissent se reconnaître.

Le Président (M. Ouellette) : M. le ministre.

M. Coiteux : Pour moi, ça va.

Le Président (M. Ouellette) : Ça va? Est-ce que les collègues ont des questions? M. le député de La Prairie.

• (15 heures) •

M. Merlini : Oui, merci, M. le Président. C'est plutôt pour relater une situation que j'ai vécue la semaine passée dans ma circonscription. En sortant de mon bureau de circonscription, le soir... Il y a un grand boulevard qui traverse une des villes, le boulevard Taschereau, qui est une route provinciale en même temps, dont le terre-plein est à peu près de la largeur de la table. Et là j'aperçois, avant de rentrer dans ma voiture, une dame qui avait comme trébuché par-dessus le terre-plein — elle avait une marchette — en pleine heure de pointe. Alors, je me précipite vers là. Les gens ont commencé à ralentir la circulation. Et, deux, trois véhicules derrière, c'était une minifourgonnette blanche, non identifiée, puis, à un moment donné on a entendu des gyrophares et des sirènes s'activer. Alors, une chance... C'était un policier qui n'était pas en devoir, qui n'était pas un policier local mais un policier de Montréal, qui habitait la Rive-Sud de Montréal. Il est débarqué de son véhicule. Évidemment, les véhicules se sont tassés au son des gyrophares et des feux. Le policier est sorti et a pris charge de la situation. On a aidé la dame à traverser. Il a contacté... Il y avait des informations, des autocollants sur sa marchette pour appeler en cas d'urgence.

La raison pourquoi je vous mentionne cette anecdote-là, cette histoire-là, c'est que le policier n'était pas en uniforme mais était habillé d'une façon reconnaissable, une tenue sport, mais tout de suite identifiable, par son comportement, par ses agissements, que c'était un membre de la police. Et je partage ceci parce que vous parlez, dans votre mémoire, de la fierté et de l'importance que ça représente, pour le corps policier, d'être policier, que la fonction est importante. Et j'adhère pleinement à votre mémoire, qui dit, justement, que le port de l'uniforme est en soi un gage de ce professionnalisme-là, mais je voulais illustrer le comportement de ce policier qui n'était pas en devoir, mais qui a pris charge d'une situation, et son uniforme était dans sa fourgonnette, dans sa minifourgonnette. Alors, voilà le point que je voulais illustrer, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette) : Merci pour votre commentaire, M. le député de La Prairie. Je ne sais pas si Mme Dion a un commentaire suite à celui de M. le député de La Prairie.

Mme Dion (Helen) : Oui. Effectivement, je peux vous dire que plusieurs de nos policiers sont venus nous voir. À mots couverts, là, ils ne l'ont certainement pas dit à leur syndicat... ou peut-être qu'ils l'ont dit à la fraternité, mais qu'ils n'étaient pas très fiers de ce qu'ils portaient, et que ça les atteignait vraiment, puis qu'ils étaient, en fait, extrêmement exténués et même pas très heureux de porter ce tel uniforme là. Parce que, veux veux pas, les policiers, ce qu'on a en commun, c'est un sentiment de fierté et un esprit de corps. Qui est reconnu comment? Bien, parce qu'on a un uniforme, puis parce qu'on a un métier particulier à faire, puis on se retrouve ensemble. Et cet esprit de corps là, je peux vous dire, auprès de mes policiers, ils ont eu le sentiment de le perdre. Et aussi, auprès des citoyens, on a vu du cynisme. Je ne sais pas si vous avez regardé les mêmes émissions à la télévision que moi ou même les articles de journaux, le cynisme s'était emparé de la population parce que nos policiers ne respectaient pas l'uniforme, donc. Alors, comment on peut attirer le respect si on ne respecte même pas, nous autres même, l'uniforme qui nous est donné?

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme Dion. M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Mme Dion, M. McConnell, respectivement de Repentigny et de Sherbrooke, bienvenue à l'Assemblée nationale. Avant d'être des directeurs de police, des patrons de police, vous êtes des policiers. Alors, vous avez le même serment que l'ensemble des gens que vous dirigez. Vous demeurez des policiers, j'en suis convaincu, dans vos façons d'agir. Même si vous êtes maintenant des patrons, vous avez déjà participé à des activités syndicales, à des moyens de pression dans le passé, certainement.

Mme Dion (Helen) : Effectivement.

M. Bérubé : C'est le cas pour vous, M. McConnell, aussi?

M. McConnell (Danny) : Oui, monsieur.

M. Bérubé : Parfait. Lorsque vous évoquez que les policiers, en arborant un habillement qui est différent pour une période déterminée, lorsqu'il y a un conflit, ils manquent, je dirais, de décorum — ça, c'est le moins pire de ce que vous avez dit au début — de la fierté, de la noblesse de la fonction, je vais vous poser une question très, très simple, parce que vous avez tous le même serment : Est-ce que vous considérez qu'ils manquent à leur serment?

Mme Dion (Helen) : Le serment qui nous est fait... C'est un serment de discrétion qui nous est demandé, le premier serment, et un serment d'allégeance.

M. Bérubé : ...du deuxième, évidemment.

Mme Dion (Helen) : Du deuxième. Et, dans ça, il n'est pas mentionné qu'on doit faire un serment d'allégeance à notre uniforme, ce n'est pas là que ça se passe. Par contre, il y a des citoyens qui veulent donner un pouvoir exceptionnel aux policiers, c'est-à-dire le pouvoir de leur priver la liberté. Pour ça, ils disent : Je ne veux pas me faire arrêter par n'importe qui. Dans tous les États, on a décidé d'identifier ces gens-là pour ne pas avoir un leurre, pour ne pas se faire tromper par n'importe qui quand on va se faire arrêter ou lorsque les gens vont venir faire une perquisition chez nous. Pour ça, le législateur a décidé qu'on devait porter un uniforme correctement et être identifiés, et c'est en ça où je vous dis... où le sentiment de fierté et l'esprit de corps, lorsqu'on est dans une entité puis qu'on partage les mêmes choses... Donc, c'est la fierté qu'on perd et le professionnalisme qu'on perd lorsqu'on se met à dilapider les accessoires ou l'uniforme qui nous est donné.

M. Bérubé : Les termes... Vos termes sont chargés. «Fierté», «dilapider», c'est très chargé, là. Vous savez qu'on tient un verbatim serré des propos à l'Assemblée. Je suis un peu embêté, je ne sais pas comment vous poser cette question-là. Vous comprenez que les moyens, pour les policiers ou les constables spéciaux, mais qui ne relèvent pas de vous, de pouvoir établir un rapport de force non pas avec vous, vous êtes les supérieurs immédiats, mais avec l'employeur sont limités. Vous en convenez?

Mme Dion (Helen) : On reconnaît qu'ils n'ont pas le droit de grève.

M. Bérubé : Mais que les moyens sont limités également de se faire entendre, de manifester publiquement auprès de la population, comme les juristes... Je vais vous donner l'exemple des juristes de l'État, qui ont manifesté ici, il y a eu une loi spéciale, d'accord? Vous convenez... vous me dites qu'ils n'ont pas le droit de grève, mais êtes-vous prêts à dire également que les moyens sont... il y a peu de moyens pour se faire entendre, pour un policier. On ne peut pas faire de grève du zèle, on ne peut pas s'absenter.

Mme Dion (Helen) : Bien, écoutez, moi, je vous dirais que... de ce que j'ai connu de l'ensemble des policiers du Québec ou même dans ma propre expérience, je peux vous garantir que les policiers sont très imaginatifs.

Par contre, effectivement, ils n'ont pas le droit de grève, mais la façon de faire avec l'uniforme, c'est quelque chose d'extrêmement facile, ça ne demande aucun effort, et c'est très facilement contrôlable par le syndicat parce qu'il voit facilement les membres qui ne le font pas, tandis que, d'organiser des manifestations comme c'est organisé par d'autres corps de métier, malheureusement, ce n'est pas tout le monde qui y participe. Vous allez me dire qu'il y en a peut-être une partie qui travaille, mais ce n'est pas tout vrai que toute la partie des gens travaillent.

Donc, je peux vous dire qu'il pourrait y avoir plein d'autres façons de manifester. Il n'y a pas qu'une seule façon qui leur appartienne.

M. Bérubé : Justement, depuis ce matin, tous les intervenants qui sont passés, y compris les commentaires du ministre, tout le monde évoque qu'il y aurait beaucoup de moyens; personne n'en a nommé un autre jusqu'à maintenant.

Vous avez indiqué, tout à l'heure, qu'il y a plusieurs cas où ça peut porter à confusion, mais, pour utiliser une expression qui est chère au président, rien de factuel. Si vous avez des données chiffrées, des signalements, des plaintes, le bon moment pour en parler aurait été maintenant, parce que, sinon, ça m'apparaît anecdotique. Je ne peux pas le vérifier. Je n'ai rien qui m'indique... Je prends votre parole évidemment, mais il n'y a rien qui m'indique que c'est réel. Depuis ce matin, on n'a aucun cas, aucun cas où la sécurité du public aurait été mise en jeu, aucun cas. Vous m'avez indiqué un cas... On a indiqué un cas de cour tout à l'heure. Les gens n'attendent pas après ça. La preuve, les gens contestent à chaque jour des tickets de vitesse. Ils ne prennent pas de chance. Ils savent qu'ils sont coupables dans bien des cas. Par formalité, ils y vont. Moi, je pense que le vrai leurre, c'est d'indiquer que... d'utiliser ce prétexte-là pour ajouter... Il y a des fins finauds partout, hein? Alors, je ne connais pas cette cause-là, mais, si c'est pour un cas qu'on fait tout ça, ça m'apparaît beaucoup.

Alors, j'aurais aimé avoir des chiffres. Vous représentez l'ensemble des directeurs de police. Je suis convaincu qu'il y a tout le temps des gens qui sont très, très prompts à vous rapporter des écarts, y compris certains policiers, dans certains cas, qui s'en font des spécialités, mais, si c'est le cas, puis vous avez des chiffres, peut-être, plus tard, vous pourrez nous fournir ces informations-là. Mais sinon je suis obligé d'indiquer que ça ne m'apparaît fondé sur rien de factuel, sur une impression, que je respecte, en ce qui vous concerne, de votre expérience et celle de vos collègues.

Je réitère que la période de temps est limitée. Un policier ne pourrait pas décider, une fois que c'est signé, ce qui est le cas, d'ailleurs, avec les policiers municipaux, notamment, de Montréal, avec la SQ, que c'est signé, de dire : Bien là, vendredi, c'est vendredi jeans, je vais m'habiller comme ça, moi, pour le plaisir. Ce n'est pas pour le plaisir. Il n'y a personne, je pense, chez les policiers qui a envie de dévaloriser cette fonction-là. Je pense que ce serment-là, il est fort. Moi, les policiers que je connais, c'est des gens qui sont engagés, qui sont fiers, qui méritent davantage de respect, d'ailleurs, de l'ensemble des Québécois compte tenu des conditions dans lesquelles ils travaillent.

Alors, je comprends votre position. Je comprends votre responsabilité à l'égard de l'ordre que vous devez maintenir dans un corps de police. On s'attend à ça de vous. Ce n'est pas un reproche. C'est votre responsabilité, et vous le faites bien, et je m'attendais à cette position-là. Mais je veux quand même vous soumettre un cas que je soumettrais même si c'était un autre corps de métier. C'est le cas des policiers. Si c'étaient les infirmières, je ferais la même chose. Je l'ai fait avec les juristes de l'État. Il y a tout le temps un argument qui dit que c'est à part, que ce n'est pas pareil. Alors, je veux vous soumettre ça.

Deuxième élément — et là je le teste avec vous parce que le ministre l'a invoqué ce matin — le double emploi dans les cadres de la police. Alors là, ça vous touche directement, ça touche vos membres. À votre connaissance, est-ce que vous avez des collègues qui sont engagés dans des activités commerciales?

• (15 h 10) •

Mme Dion (Helen) : À ma connaissance, il y a peut-être certains qui sont engagés... Je ne peux pas vous dire le nombre, là, parce que je ne veux pas présumer qu'il n'y en a pas. Possiblement qu'il y en a parce qu'on en a vu dans les journaux. Mais à l'heure actuelle il nous est difficile... Ce qu'on sait, c'est que la Loi de police oblige tout policier, qu'il soit cadre ou non, une fois par année, de déclarer ses activités, sa rémunération en dehors du travail policier. Maintenant, après ça, c'est à nous à apprécier et de vérifier si ça concorde ou ça peut nuire aux activités policières, qui est son premier métier.

M. Bérubé : Donc, c'est une évaluation qui est laissée à la discrétion de chacun des corps de police et de chacune des directions de police?

Mme Dion (Helen) : Il y a des métiers, il y a des situations comme... Mettons, être propriétaire d'un bar, on ne peut pas avoir ça. Il y a plein de choses qui sont dédiées, dans la Loi sur la police, dont un policier ne peut pas faire comme métier. D'autres, par contre... Et, s'il vient en contradiction ou en porte-à-faux avec son travail, bien, évidemment, les supérieurs vont intervenir et vont empêcher tel...

M. Bérubé : Probablement qu'avant cette audition vous avez appris l'intention du ministre, que ce soit par Le Journal de Québec, Le Journal de Montréal ou son témoignage de ce matin, d'encadrer le double emploi dans les postes de cadre, que ce soit directeur ou d'autres postes que vous ne représentez pas, là, dans votre organisation. Trouvez-vous que c'est nécessaire?

Mme Dion (Helen) : En fait, ce qui arrive, c'est que ça repose sur nous, hein, la responsabilité repose sur nous et non sur l'employé. Et souvent on essaie de fonctionner et de rendre responsables nos gens, qui le savent tous, d'être capables de voir et de comprendre... de venir nous le dire avant de s'engager dans quelque chose. Le problème, c'est que souvent ils sont déjà engagés, et là ils nous le disent, on est devant un fait accompli. Donc, c'est à ça qu'on souhaiterait peut-être... Moi, je dirais, s'il y avait une chose à améliorer, c'est qu'avant que la personne accepte un emploi, bien, vienne à tout le moins valider si nous, on est en accord ou non de la situation.

M. Bérubé : Bien, dans un cas actuel, là, sans que la loi soit amendée, soit qu'il y ait cette nouveauté-là, est-ce que, par exemple, on pourrait demander à un cadre ou un directeur — je vais prendre l'exemple d'un directeur de police — de se départir, par exemple, d'actions ou d'une participation dans une entreprise parce que ça pourrait créer de la confusion ou il pourrait utiliser sa notoriété, par exemple, pour en tirer un avantage quelconque? Parce qu'il y a ce qui est prévu par la loi. Évidemment, les établissements licenciés, on comprend, pour des raisons évidentes... mais avez-vous été confrontés à d'autres cas, là, dans votre expérience d'organisations?

Mme Dion (Helen) : Non, je n'ai pas été confrontée directement... Mais, je peux vous le dire, c'est des cas d'espèce, puis on parle... Il n'y a pas de factuel encore qui m'a été rapporté, là, mais, comme je vous dis, le cas échéant, ça sera validé au niveau de l'éthique. Il y a quand même un... Les municipalités se sont dotées d'un code d'éthique qui touche l'ensemble des employés aussi en même temps.

M. Bérubé : Donc, il existe déjà des balises que vous avez évoquées tout à l'heure. À votre connaissance, il existe peu de cas. Moi, je vous invite à participer à l'exercice, là. Je sais que c'est nouveau, cette intention du gouvernement. Mais, si vous êtes capables de recenser à tout le moins dans les directeurs de corps de police s'il y a des cas, pour savoir si on légifère pour un cas, deux cas, trois cas ou pour d'autres raisons qui m'échapperaient, qui animeraient le gouvernement, ça, ce serait une contribution qui serait certainement appréciée parce que, lorsqu'on légifère, on prend du temps de législation. Dans cette commission, la Commission des institutions, le président peut le confirmer, il y a énormément de trafic, c'est le cas de le dire. Il y a énormément de projets de loi en attente. Chaque fois qu'on prend un projet de loi puis qu'on le traite, il y en a d'autres qui attendent : le projet de loi n° 107 sur l'UPAC versus la Sûreté du Québec, sur les chiens dangereux. Je peux vous en nommer d'autres.

Alors, je veux savoir si on légifère sur quelque chose d'urgent, quelque chose de nécessaire, et c'est pour ça que votre appréciation me sert à apprécier moi-même s'il y a urgence et nécessité d'intervenir. Et votre contribution ultérieure, parce qu'il y a toujours moyen de participer, à travers des communications avec le ministère, avec l'opposition ou dans l'espace public, sera certainement appréciée. Et, là-dessus, je vous remercie de votre collaboration sur cet enjeu-là qui nous occupe aujourd'hui. Puis on a toutes sortes de points de vue. Et vous voyez qu'en ce qui me concerne, pour ce qui est de l'opposition officielle, il y a un principe qui est fondamental, qui est la liberté d'association.

Puis je termine là-dessus. Lorsque vous indiquez qu'il est facile, pour un représentant syndical, de voir si quelqu'un ne participe pas, ça présume que, s'il ne le faisait pas, il se retrouverait dans une situation particulière. C'est singulier, et j'imagine que ça a certainement dépassé votre pensée.

Le Président (M. Ouellette) : Commentaires, Mme Dion, au dernier commentaire de M. le député de Matane-Matapédia?

Une voix : ...

Le Président (M. Ouellette) : Non, mais je lui demandais si elle avait des commentaires sur vos commentaires parce que...

Mme Dion (Helen) : En fait, vous faisiez appel si j'avais déjà été syndiquée. J'ai déjà été syndiquée et je peux vous dire que, s'il y a des membres syndiqués qui ne suivaient pas les directives du syndicat, il y avait une coercition qui se faisait, facilement. Il y a des discussions qui se faisaient, puis on se conformait, évidemment, à ce qui était demandé, les gens qui ne respectent pas les consignes... tout simplement, parce que c'est un mouvement, puis c'est une fraternité, et on est associés. C'est tout.

M. Bérubé : Des discussions de quelle nature?

Mme Dion (Helen) : ... ça ne m'est pas arrivé.

M. Bérubé : Vous ne le savez pas, mais vous l'évoquez.

Mme Dion (Helen) : Ça ne m'est pas arrivé. À des collègues à moi c'est arrivé.

M. Bérubé : Donc, encore là, ce n'est pas factuel.

Une voix : ...

Le Président (M. Ouellette) : Non, non, il n'a pas fini son temps, il est encore dans son temps, M. le député de La Prairie.

M. Bérubé : Vous comprenez l'importance... Je suis un législateur, j'ai besoin de fonctionner sur du réel. Je prends votre parole, mais, sur, plusieurs éléments, il m'apparaît que c'est beaucoup de la perception. Sur ce dernier enjeu là, quant à moi, c'est extrêmement préoccupant. Si c'est le cas, moi, ça m'interpelle, comme parlementaire, sur la liberté d'association.

Quant à la participation à des activités syndicales, bien sûr, les gens sont libres de le faire. Et, si des gens peuvent se sentir inconfortables, ils ont la possibilité de le manifester à leur syndicat ou à vous, ils peuvent le faire. Puis c'est évident qu'il n'y a pas d'unanimité, mais là on tombe dans une autre zone, là, d'évoquer qu'il pourrait y avoir des... vous appelez ça des discussions, de la coercition.

Je ne veux pas aller plus loin. Moi, je note ça, là. En tout cas, je vais me questionner là-dessus. Je vous remercie.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. le député de Matane-Matapédia. M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Merci, M. le Président. Alors, merci, Mme Dion et M. McConnell, de nous avoir éclairés suite à votre mémoire.

Vous, votre association regroupe, si je ne m'abuse, beaucoup de directeurs de corps de police, beaucoup de directeurs de police, Sûreté du Québec, municipaux. J'ai même vu Gendarmerie royale du Canada. Vous regroupez des directeurs de police de la Gendarmerie royale du Canada?

Mme Dion (Helen) : En fait, ce que l'on regroupe, c'est le commandant de la région, tout l'Est du Québec, qui représente la gendarmerie. Il fait partie, si on veut, de l'ADPQ et de notre conseil d'administration.

M. Spénard : O.K. Ce qui m'amène à... J'ai posé la question une fois ce matin, mais ce qui m'amène à reposer la question à vous. Vous savez qu'il y a une loi n° 62 qui est à l'étude, sur les signes religieux, et vous plaidez en faveur de la loi n° 133 qui vient confirmer, si on veut, l'habillement des policiers de tous corps de police confondus, là. Alors, d'après vous, étant donné que, dans la Gendarmerie royale du Canada, on voit certains agents de la paix, agents de police de ce corps de police là porter des signes religieux à même leur habillement, que ça soit un kirpan, que ça soit n'importe quoi, là, ça s'est vu... Alors, avec le projet de loi n° 133, j'aimerais avoir votre éclairage là-dessus. Est-ce que c'est le projet de loi n° 133 qui va primer sur l'habillement des corps policiers ou si la loi n° 62, avec des accommodements raisonnables, peut interagir? Quelle est votre position là-dessus?

Mme Dion (Helen) : Écoutez, pour ce qui est des accommodements raisonnables, n'empêche, M. le Président, je vous dirais, c'est vraiment une question de sécurité, là, au niveau de l'utilisation des symboles, je vous dirais, religieux, à ce compte-là. La gendarmerie a fait un débat, et, s'ils ont identifié que le turban n'apportait pas de problème, dans le cas des pompiers, ce ne serait peut-être pas le cas. Donc, je vous donne un exemple comme ça. Tout dépendant les circonstances, ça peut être un cas de sécurité qui va l'empêcher dans un corps de métier, mais peut-être pas dans l'autre, donc ça... Et je ne suis pas une spécialiste pour évaluer la situation, si je l'accepterais ou non dans ce cas-là.

M. McConnell (Danny) : Si vous me permettez, M. le Président, pour compléter...

Le Président (M. Ouellette) : M. McConnell, oui.

M. McConnell (Danny) : Puis il y aura un débat éventuellement à ce sujet-là, on n'était pas préparés à ça ce matin. Mais, à partir du moment où le signe religieux quelconque, quel qu'il soit, n'altère pas l'uniforme... Je ne pense pas qu'il y ait de signe religieux, à ce jour, qui porte des culottes de camouflage. Alors, moi, en tout cas, je pourrais dire... plus personnel, à ce moment-ci, le port du kirpan, si l'uniforme, dans son intégralité, est respecté, je crois que ce sera à réévaluer, là, mais on ne pourra pas remettre en jeu, à ce moment-ci, la sécurité du citoyen et des policiers.

• (15 h 20) •

Le Président (M. Ouellette) : Je vous rappelle, M. le député de Beauce-Nord, qu'on est en étude article par article sur le 62, qu'il y a eu des consultations là-dessus, et qu'on est sur le 133 aujourd'hui.

M. Spénard : C'est parce que, M. le Président, ça peut... ça va jouer à un moment donné, là, hein, on va sûrement arriver à...

Le Président (M. Ouellette) : Oui, je comprends. Mais je pense qu'il y a des mémoires assez explicites à cet effet-là.

M. Spénard : Oui, merci, M. le Président. L'autre chose, c'est parce que vous avez parlé beaucoup que l'image d'un policier, c'est la perception, vous avez beaucoup une image de perception à l'intérieur de vos commentaires, image d'autorité morale, si on veut, autorité de justice aussi. Si on commence à inclure des signes religieux là-dessus, pensez-vous que cette perception-là va être altérée?

Mme Dion (Helen) : Moi, là-dessus, il m'apparaît difficile de répondre. C'est le citoyen qui répondra en ce sens-là si, pour lui, ça affecte ou non son sentiment de notre légitimité ou crédibilité.

M. Spénard : Le citoyen... Je vous ai entendu parler de sécurité, mais, comme mon confrère de Matane, c'est un peu dire qu'il n'y a pas personne qui est venu nous parler d'un item de sécurité par rapport au... Prenons les pantalons, là, c'était l'objet le plus visible. Il n'y a pas personne qui est venu nous parler que la sécurité était amoindrie ou qu'il y a eu des problèmes de sécurité, depuis les trois dernières années, là, depuis qu'ils avaient commencé ça, lors de la dernière convention collective. Et vous, vous nous avez parlé de la sécurité comme telle. Alors, avez-vous des exemples où ça a pu arriver que, je ne sais pas, il y a eu un élément de sécurité en cause parce que le policier en question portait un pantalon?

M. McConnell (Danny) : M. le Président, si vous me permettez, j'aimerais répondre.

Le Président (M. Ouellette) : M. McConnell.

M. McConnell (Danny) : D'emblée, vous savez que nos policiers n'ont pas l'obligation de délation. Alors, en partant, dans un cas où on aura à faire face à une certaine négociation ou des moyens de pression, c'est très rare que les policiers vont nous dire : Aïe! j'ai failli en manger une maudite parce que je n'étais pas habillé convenablement. Ça, on n'entendra pas ça. Ça, c'est évident.

Par contre, je peux vous donner un exemple où, dans la situation de gestion de contrôle de foule, aussi minime soit-elle, peu importe la grosseur de la foule, j'ai eu notamment, à Sherbrooke, à revoir, parce qu'on a eu un premier ministre dans notre comté pendant plusieurs années, des interventions où nos policiers, s'ils devaient intervenir, pour leur propre sécurité, celle du citoyen mais, dans ce cas-ci, pour leur propre sécurité, avec des pantalons de camouflage, mêlés à travers la foule ou d'autres personnes... Et vous savez qu'on ne fait pas toujours affaire avec les gens les plus nobles de ce pays, là, mais il reste quand même que les gens qu'on fait affaire avec sont souvent habillés avec quelque chose qui se rapproche de nos policiers, quand ils portent des pantalons de camouflage ou qu'ils altèrent leurs uniformes. À ce moment-ci, des discussions sérieuses ont eu lieu avec notre exécutif syndical pour, pour leur propre sécurité, s'assurer du port de l'uniforme, parce que, dans ce cas-ci, en contrôle de foule, vous savez, que tout le monde porte l'uniforme de façon égale ou de la même façon, ça laisse un message de force et d'unité, et ça lance un message à la foule, et bien souvent ça évite des confrontations. Et, dans ce cas-ci, ça a fonctionné parce que nos policiers, pour cet événement-là, n'ont pas porté les culottes de camouflage.

Mme Dion (Helen) : Je vous rappelle aussi que la CSST nous oblige à un certain type de pantalon, ignifuge, et tout ça, pour, évidemment, la protection de nos policiers, et on comprend que, s'ils arrivent en pantalon de combat, ils ne seront pas prêts à intervenir, puis pour leur propre protection.

M. McConnell (Danny) : C'est un exemple.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Mme Dion, vous êtes la première personne... Vous me dites que la CSST exige le pantalon des policiers?

Mme Dion (Helen) : Non. En fait, on a des tables de concertation où on travaille en partenariat avec la CSST là-dedans, et ils nous disent qu'on doit avoir des pantalons ignifuges. On a connu ça dans les émeutes à Québec, là, je ne vous le cacherai pas, mon ancienne vie était à Québec, et on a connu de belles démonstrations de désordre, si on voudrait, désordre public, et c'est à partir de ce moment-là qu'on nous a obligés des nouveaux pantalons ignifuges et qu'on a fourni ça à tous nos policiers.

M. Spénard : Le pantalon officiel des corps policiers.

Mme Dion (Helen) : Il n'y a pas seulement celui-là. Il y a un pantalon spécial aussi pour le contrôle de foule qui a des propriétés qui fait en sorte que ça ne prend pas en feu quand on se fait tirer des cocktails Molotov, et tout ça, là, malheureusement.

M. Spénard : Oui, ça, je comprends, je comprends très bien, mais c'est parce que je n'avais pas entendu la...

Le Président (M. Ouellette) : ...des activités spécialisées.

M. Spénard : O.K. Bien oui.

Le Président (M. Ouellette) : Bien oui.

M. Spénard : Une dernière question sur... Évidemment, dans votre mémoire, vous n'en parlez pas, parce qu'on l'a appris hier au soir ou ce matin, sur la double rémunération. Et vous êtes une association qui regroupez, évidemment, des officiers en fonction, d'encadrement. Alors, est-ce que vous allez envoyer un mémoire ou envoyer, je ne sais pas, un écrit quelconque sur votre position pour la double rémunération pour les officiers qui exercent un rôle d'encadrement, sachant très bien que... On sait tous que le policier en question ou le directeur de police est obligé de dire s'il a une autre compagnie ou s'il fait quelque chose, mais, en ce qui nous concerne, législateurs que nous sommes, qu'est-ce qui est nébuleux... Qu'est-ce qui est acceptable ou pas, qu'est-ce qui passe ou pas, qui juge de ça ou pas, ça, ça reste, en tout cas, un no man's land. Pour moi, en ce qui me concerne, en tout cas, là, il n'y a pas de règle claire. O.K., on fait une déclaration, c'est à peu près comme... le député fait une déclaration à toutes les années au Commissaire à l'éthique et puis... mais on sait c'est quoi, les paramètres, il nous le dit. Mais nous autres... C'est quoi, les paramètres pour qu'un directeur de police n'ait pas un double emploi?

Mme Dion (Helen) : Bien, écoutez, actuellement, le projet de loi, je ne l'ai pas vu, s'il en est un, là...

Le Président (M. Ouellette) : L'amendement n'est pas déposé, Mme Dion, ça fait que...

Mme Dion (Helen) : D'accord. Donc, il m'apparaît difficile de juger d'un projet de loi que je n'ai pas vu et de voir l'applicabilité aussi et quelle en est la teneur. Donc, vous comprendrez que ce à quoi je me réserve, c'est ce qui existe actuellement, qui est la Loi de police, qui met le fardeau sur les directeurs et non pas...

M. Spénard : ...au minimum savoir qu'est-ce qui est acceptable dans le guide... Vous devez avoir un guide, là. Qu'est-ce qui est acceptable qu'un policier exerçant des fonctions d'encadrement puisse faire en dehors de son emploi, comme tel? Vous devez avoir un guide, ça doit exister.

Mme Dion (Helen) : Ça existe sur la Loi sur la police. Sur la Loi sur la police, il y a effectivement plusieurs, je vous dirais, secteurs d'emploi où un policier ne peut pas être... comme, exemple, agent de sécurité, huissier, propriétaire de bar, il ne peut pas... Donc, ça, c'est déjà prévu et enchâssé dans la Loi sur la police. Maintenant, s'il y en a d'autres et si les législateurs veulent en mettre d'autres, bien, on appréciera, le cas échéant...

M. Spénard : Mais pensez-vous que ce n'est pas surtout le niveau d'emploi, comme tel? Au lieu de dire qu'il y a certains secteurs qu'il ne peut pas aller... Ça, je suis d'accord avec ça, mais est-ce que c'est un emploi... Je prends juste qu'est-ce qui est sorti, là, dans les rapports. Courtier en immeubles, ça, c'est un job que tout le monde gagne sa vie avec, ça, là, je ne le sais pas. Ça, pour moi, c'est un double emploi. Évidemment, on l'a appris avec l'autoroute 13, là, et la tempête de neige. Mais moi... C'est juste la question de la notion d'emploi, comme telle, qui prend du temps. Vous allez me dire : C'est son temps libre, là. Je ne sais pas où est-ce qu'on va aboutir avec ça, là. On a appris ça, là, mais on va avoir de la misère à spéculer là-dessus.

Le Président (M. Ouellette) : Nous aurons des heures de plaisir, Mme Dion...

M. Spénard : Oui, des heures de plaisir.

Le Président (M. Ouellette) : ...c'était le dernier commentaire de M. le député de Beauce-Nord. Sûrement qu'avant que l'amendement soit déposé il y aura... ou il y a sûrement des consultations, avec l'Association des directeurs de police qui se font ou qui se feront. Mais l'amendement n'est pas déposé. Et je pense que nous aurons des heures de plaisir, quand il nous sera déposé, dans le cadre de la Commission des institutions.

Mme Helen Dion, présidente de l'Association des directeurs de police du Québec, M. Danny McConnell, vice-président, merci d'être venus déposer aujourd'hui.

Je suspends quelques minutes. Je demanderais à la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec et M. Robin Côté, avec sa réponse à la question de Beauce-Nord, de venir s'avancer.

(Suspension de la séance à 15 h 29)

(Reprise à 15 h 32)

Le Président (M. Ouellette) : Nous recevons maintenant la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec et son président, Robin Côté, accompagné de Me Frédéric Nadeau.

M. Côté, vous avez l'habitude, 10 minutes de présentation, par la suite il y aura un échange avec M. le ministre et les porte-parole des deux oppositions. Je vous laisse la parole.

Fédération des policiers et policières municipaux du Québec (FPMQ)

M. Côté (Robin) : D'abord, bonjour, M. le ministre, M. le Président, MM., Mmes les députés. Je suis Robin Côté, le président de la fédération des policiers municipaux du Québec. Je suis accompagné de Me Frédéric Nadeau, qui représente les intérêts de la fédération.

La fédération des policiers municipaux remercie la commission de l'avoir invitée à son point de vue sur le projet de loi n° 133. La fédération est un acteur de premier plan en matière de relations de travail dans le domaine policier, puisque tous les syndicats policiers municipaux participent à ses activités, et elle regroupe également des syndicats de policiers autochtones. Toutes les associations membres de la fédération sont touchées par le projet de loi n° 133.

Le législateur québécois n'a pas été tendre envers nos droits fondamentaux au cours des dernières années. Poursuivant un agenda manifestement patronal, il a malmené nos droits fondamentaux en adoptant la loi n° 15 forçant une restructuration prédéterminée des régimes de retraite auxquels nos membres participaient. Cette loi a eu pour effet d'annuler des ententes négociées de bonne foi entre des parties consentantes et de déséquilibrer le rapport de force entre les villes et les syndicats municipaux.

Ensuite, il a adopté la loi n° 24 par laquelle il a aboli l'arbitrage de différends tel qu'on le connaissait, un système de résolution de conflit qui fonctionnait bien et qui était un substitut valable au droit de grève dont les policiers municipaux sont privés depuis longtemps. Ce faisant, le législateur mettait à mal un compromis historique en matière de relations de travail et contribuait à déséquilibrer encore plus le rapport de force entre les villes et leurs syndicats.

Et maintenant, par le projet de loi n° 133, le législateur s'en prend à nouveau à la liberté d'association des policiers municipaux en les privant de leur principal moyen de protestation. On nous a empêchés de négocier librement avec la loi n° 15, on nous a privés d'un recours efficace pour régler nos différends avec la loi n° 24. Apparemment, ce n'était pas suffisant pour les municipalités, voilà maintenant qu'on veut nous bâillonner. À travers ces deux lois et ce projet de loi foncièrement antisyndical, il y a un trait commun : l'absence totale de consultation des instances syndicales. Ce projet de loi n° 133 a, une fois de plus, été élaboré sans que la fédération ou ses membres aient la chance de donner leur avis ou de faire bénéficier le législateur de son expertise. Il en résulte un projet de loi qui est manifestement illégal, à nos yeux.

Le projet de loi n° 133 est illégal parce qu'il contrevient à la liberté d'association protégée par la Charte des droits et libertés. La liberté d'association ne se limite pas seulement à la formation d'une association, elle protège maintenant également certaines activités fondamentales des associations et particulièrement des syndicats ouvriers. Elle protège aussi le droit de grève. Pour les policiers municipaux, le fait de modifier l'uniforme équivaut à faire la grève. C'est le moyen le plus efficace et le plus répandu pour transmettre publiquement le message de mécontentement et de solidarité que les policiers veulent diffuser. En privant les policiers de la possibilité d'altérer leur uniforme, c'est comme si on les privait une deuxième fois de leur droit de grève, et ils n'obtiennent rien en échange. C'est donc une violation flagrante de leur liberté d'association. En plus, il n'existe aucune raison valable de priver les policiers de cette activité d'une façon aussi complète et absolue.

La liberté d'expression est l'un des piliers essentiels d'une société libre et démocratique. En brimant cette liberté, le législateur québécois se comporterait comme les régimes totalitaires qui répriment les manifestations d'opposition. Non seulement le fait de manifester relève de la capacité légitime et fondamentale des policiers d'exprimer leur opinion, mais il inclut également le droit du public d'être informé de l'état des relations de travail au sein de leurs municipalités.

La fédération déplore que le législateur veuille entraver les communications entre les policiers et les citoyens. Ce projet de loi constitue une violation des droits fondamentaux des policiers municipaux particulièrement cruelle en raison du nombre limité de moyens de protestation publics qui sont à leur disposition vu l'interdiction de faire la grève. Considérant l'état actuel du droit et notre souci de ne pas prendre la population en otage, il ne nous reste pas beaucoup de moyens pour nous faire entendre de façon inoffensive et pour démontrer notre solidarité de façon prolongée dans le temps. Nous prions le législateur de ne pas nous priver de ce moyen.

S'il est adopté, le projet de loi n° 133 aurait pour effet de brimer les droits des policiers à des conditions de travail justes et raisonnables. En effet, il n'est pas juste et raisonnable d'imposer des amendes importantes à des salariés simplement pour avoir exercé leurs droits et libertés fondamentales. Les salariés qui évoluent avec une telle épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes ne bénéficient certainement pas de conditions de travail justes et raisonnables.

Le projet de loi prévoit également d'imposer sans discernement des rapports d'infraction aux policiers, peu importent les circonstances. Ainsi, même un changement effectué pour des raisons légitimes comme une condition médicale pourrait donner lieu à une amende. C'est un résultat qui serait carrément déraisonnable.

Non seulement le projet de loi n° 133 contrevient-il aux droits fondamentaux des policiers, mais il le fait pour aucune raison valable. En effet, les policiers modifient leur uniforme depuis plusieurs années sans qu'aucun problème réel n'ait jamais été démontré devant quelque tribunal que ce soit. Et ce n'est pas parce que certains employeurs n'ont pas tenté de mettre un terme à ce mode d'expression. À chaque fois, les tribunaux ont conclu que le service à la population n'était pas atteint et que les droits fondamentaux des policiers devaient l'emporter.

Dans une cause entre La Fraternité des policiers de Châteauguay et la ville de Châteauguay entendue en 2014, la Commission des relations de travail a rejeté une demande d'intervention à l'égard de la modification de l'uniforme régulier, soit le port d'un chapeau de cow-boy. La commission a conclu que la ville n'avait pas démontré un quelconque préjudice aux services auxquels le public a droit. La commission a aussi indiqué que rien ne justifiait l'atteinte aux droits fondamentaux que les conclusions demandées par la ville allaient engendrer. Des décisions similaires ont également été rendues dans des dossiers concernant des pompiers, des constables spéciaux et les employés de l'école nationale.

En résumé, non seulement le projet de loi n° 133 constitue une atteinte à nos droits fondamentaux, mais il ne répond à aucun problème réel ou sérieux. Il vise une fausse problématique créée de toute pièce dans le seul but d'entraver les libertés syndicales.

L'atteinte aux droits fondamentaux proposée par le projet de loi n° 133 est importante et déterminante. Elle constitue l'essentiel de l'objection de la fédération à ce projet de loi. Toutefois, nous ne pouvons pas passer sous silence certaines considérations d'ordre pratique. Bien qu'elles soient moins importantes que l'atteinte aux droits fondamentaux, elles demeurent préoccupantes.

En premier lieu, il y a le caractère absolu du nouvel article 263.1 que le projet de loi veut inclure. L'article se lit comme suit : «Tout policier ou tout constable spécial doit, dans l'exercice de ses fonctions, porter l'uniforme et l'équipement fournis par l'employeur dans leur intégralité, sans y substituer aucun élément. Il ne peut les altérer, les couvrir de façon importante ou de façon à en cacher un élément significatif ni nuire à l'usage auquel ils sont destinés.» Les seules exceptions permises sont l'exemption législative ou l'autorisation du directeur du corps de police, qui a l'obligation de dénoncer tout manquement.

• (15 h 40) •

Le caractère absolu de la disposition, si elle est adoptée, risque de causer des inconvénients majeurs aux milliers de policiers québécois. Alors que le soi-disant objectif de la loi est de préserver la confiance du public, ce critère est totalement absent de l'article pour laisser place à une interdiction absolue, peu importent les circonstances, chaque policier qui voudrait utiliser une pièce d'équipement différente, même pour des raisons de santé ou de sécurité au travail, devant en faire la demande à son directeur de police. Pourtant, ces questions sont couramment réglées à des échelons inférieurs de la hiérarchie. Chaque policier qui omet de porter intégralement son uniforme pour une raison ou pour une autre sans avoir préalablement obtenu la permission de son directeur pourra recevoir une amende, donc... et 263.1 est clairement, à notre avis, déraisonnable à cet effet-là.

L'article 263.3 du projet de loi ne laisse aucune discrétion au directeur pour faire preuve de discernement entre les différentes situations qui pourraient faire en sorte qu'un policier ne porte pas intégralement son uniforme. L'article se lit comme suit : «Le directeur d'un corps de police doit transmettre sans délai un rapport d'infraction au Directeur des poursuites criminelles et pénales lorsqu'un policier contrevient à une disposition du présent chapitre.» Il n'a donc pas le choix de transmettre un rapport au Directeur des poursuites criminelles et pénales, même si la situation est anodine. Cette disposition est carrément abusive. Un policier pourrait être dénoncé même pour une erreur commise de bonne foi. L'absence de discrétion accordée au directeur de police confirme le caractère absolutiste du projet de loi.

Aussi, les amendes prévues au projet de loi n° 133 sont exorbitantes et risquent de punir en double les policiers qui sont aussi assujettis à la déontologie policière, à la discipline interne de même qu'au Code du travail. Ces trois instances peuvent déjà intervenir si les policiers n'exécutent pas leurs tâches de façon adéquate et que la population ne bénéficie pas du service auquel elle a droit. Il est parfaitement inutile d'ajouter une quatrième instance. En conclusion, nous vous demandons de retirer le projet de loi n° 133, purement et simplement, afin de respecter les droits fondamentaux des policiers municipaux et de ne pas porter atteinte aux libertés syndicales. En adoptant 133, le législateur enverrait un très mauvais message à la population québécoise et au reste du monde : Le moindre désir des élus municipaux est plus important que les libertés fondamentales. Et le Québec a résolument pris un virage antisyndical en adoptant des lois dont le seul but est de bâillonner les syndiqués. Merci.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Côté. M. le ministre.

M. Coiteux : Merci, M. Côté. Simplement, je commencerais en disant que vous semblez nous prêter des intentions que nous n'avons pas. Et en particulier nous n'avons certainement pas l'intention de brimer les libertés syndicales, et le droit d'association, et le droit d'expression. Vous avez fait des comparaisons entre les préoccupations qu'on a à l'égard de la sécurité publique et les régimes totalitaires dans le monde. Bon, écoutez, je vous dis bien humblement, là, que je pense que c'est très, très, très exagéré. Notre intention n'est vraiment pas de brimer les libertés syndicales. Puis les associations de policiers vont conserver tous leurs droits d'exprimer leur désaccord puis d'exercer des moyens de pression en contexte, notamment, de négociation, là, de conventions collectives, là.

Ce que vient faire le projet de loi, il vient dire : Bien, il y a un moyen en particulier qui pose des enjeux de sécurité, qui pose des enjeux de confiance, de reconnaissance du public, qui sont les policiers, les véritables policiers, et qui pose donc des enjeux qui sont tout aussi importants que l'ensemble des autres dispositions, là, de notre système de droit dans une société démocratique. Mais le fait est qu'il y a différents moyens de pression qui sont exercés par différentes associations de policiers, et tous n'ont pas recouru aux mêmes moyens de pression, mais tous se sont exprimés, et tous ont signé des conventions collectives, et tous ont exercé des moyens de pression, avec des effets qui ont été les leurs.

Mais je vous amènerais sur une autre question, parce que j'essaie juste de comprendre. On a porté à mon attention, et puis je l'apprends aujourd'hui, mais vous avez... en tout cas, votre association a, par le passé, condamné, par exemple, l'utilisation par La Fraternité des policiers de Châteauguay... le port du costume de shérif, vous avez émis un communiqué de presse dans lequel vous avez dit : Ce n'est pas acceptable, on ne peut pas appuyer ça, on est contre ça. Et là vous nous dites : Bien, par le biais d'un projet de loi qui vise à faire respecter l'uniforme sans entraver la liberté d'association puis le droit d'expression... vous nous dites que, là, nous, on est en train d'attaquer les libertés fondamentales, mais là vous disiez que vous n'étiez vraiment pas d'accord avec ce geste-là de La Fraternité des policiers de Châteauguay. J'essaie juste de comprendre. Expliquez-moi ça, là, essayez de m'éclairer là-dessus.

Le Président (M. Ouellette) : M. Côté.

M. Côté (Robin) : Écoutez, à l'époque, j'étais président de la fraternité des policiers de Sherbrooke, je n'étais pas à l'exécutif de la fédération. Alors, pour moi, d'entrer dans les détails... Je ne sais pas si Me Nadeau peut vous en donner plus que moi, mais moi, je ne suis pas en mesure de vous en fournir plus que ça.

M. Coiteux : ...en fournir? Parce que c'est quand même assez... c'est un mystère, là, pour moi, à ce stade, là.

M. Nadeau (Frédéric) : Écoutez , si je peux me permettre — Frédéric Nadeau, avocat — j'écoute les échanges qui ont eu lieu depuis ce matin et je dois vous dire que je suis un peu abasourdi par la facilité et la légèreté avec laquelle on traite de la liberté d'association et de la liberté d'expression. Ce n'est pas des droits qui sont banals, là, c'est des droits et des libertés fondamentales. Et, quand j'entends qu'on me dit : Écoutez, vous avez d'autres moyens, les policiers ont d'autres moyens de pression, il y a d'autres moyens qu'ils peuvent exercer, bien, la liberté d'association, c'est justement la liberté de choisir, choisir l'activité associative qu'on va prendre pour promouvoir ses intérêts, et celle-là est particulièrement importante aux yeux des policiers. Parce que, vous savez, quand on parle du droit de grève, il n'y a personne qui aime ça faire la grève, il n'y a personne qui aime ça se priver d'un revenu. Pourquoi est-ce que les ouvriers font la grève depuis des décennies? Bien, c'est parce qu'un mouvement de solidarité de cette force-là dans lequel les travailleurs vont s'imposer eux-mêmes des sacrifices envoie un message très puissant.

Et j'entendais tantôt le directeur de la police vous dire : Vous savez, il y a des policiers qui viennent nous dire à mots couverts que peut-être ils n'aiment pas ça altérer leur uniforme. C'est possible, c'est possible, comme il y a des travailleurs qui n'aiment pas ça faire la grève, mais c'est un moyen qu'on va utiliser pour, avec force, exprimer le mécontentement et c'est un moyen qui est tout à fait légitime et qui a été reconnu par les tribunaux comme étant protégé par la charte. Alors là, on vient proposer un projet de loi qui va empêcher ce moyen-là qui est protégé par la charte.

Le Président (M. Ouellette) : M. le ministre.

M. Coiteux : Je vous entends, Me Nadeau. Je vous entends, mais, de un — peut-être qu'on pourra revenir à ma question après — j'aimerais ça qu'on puisse éclaircir cette question-là parce que vous semblez, comme association, vous mettre en contradiction avec la position que vous défendez aujourd'hui. En soi, c'est quelque chose qui nous interpelle. Ça doit interpeler mes collègues aussi. Alors, je reviendrai à la question après.

Mais vous admettrez, j'espère en tout cas, une chose : Vous n'êtes pas dans une catégorie de métiers tout à fait comme les autres. Vous n'êtes pas dans la même catégorie de métiers comme les autres. L'ouvrier de l'usine que vous avez évoqué, lui, il ne peut pas arrêter une personne parce qu'elle n'a pas respecté la loi. Il ne peut pas utiliser son arme dans un contexte, là, qui est permis, là, dans des contextes d'interventions policières où c'est permis nommément, il ne peut pas. D'ailleurs, il n'a même pas le droit de porter une arme dans ce contexte-là. Il ne représente pas cette autorité de faire respecter la loi.

Donc, vous êtes dans un corps de métier qui est très, très, très spécifique et qui exige des choses qu'on n'exigera pas d'autres corps de métier. La confiance que le public a en ses policiers, ce n'est pas la même confiance qu'on va exiger de la population en général puis des ouvriers d'une usine, en particulier. Ils n'ont pas la même relation avec ces gens-là, directe, et surtout ces gens-là n'ont pas de pouvoir sur eux, alors que les policiers peuvent avoir un pouvoir de contrainte sur n'importe quel citoyen. Et c'est important pour les gens de savoir à qui ils ont affaire. Et puis des fois vous intervenez dans les situations d'urgence, vous êtes nombreux. Puis on nous a donné des exemples, contrôle de foule, s'il y avait un attentat, s'il y avait un événement, bon, malheureux, il y a de réels enjeux de sécurité qui se posent.

Alors, nous, on est des législateurs, là, qui avons l'intérêt public à coeur puis on est des législateurs d'une société démocratique puis dans un État de droit. On se préoccupe de la sécurité. Et là on dit : Il y a des enjeux potentiels face à la sécurité. Alors, oui, on vient peut-être dire : Un moyen de pression qui a été utilisé abondamment récemment n'est peut-être pas un bon moyen de pression, compte tenu des enjeux de sécurité, mais on a la conviction absolue qu'on ne vous retire pas vos libertés fondamentales.

C'est pour ça que, quand j'entends des comparaisons avec un régime totalitaire, ça m'interpelle. Plus que ça m'interpelle, je trouve que c'est une exagération telle que ça enlève un peu de crédibilité à votre propos. Puis je le dis, là, en faisant attention, là, parce que je ne veux pas vous froisser, là, avec ça, mais je trouve que ça enlève de la crédibilité.

Et c'est là que mon autre question devient drôlement importante parce que, si ces exagérations-là nuisent à la crédibilité de vos propos, si en plus, dans le passé, vous avez pris une... puis c'est le passé, 2014, ça ne fait pas si longtemps que ça, vous avez pris une position contraire à celle que vous dites maintenant en vous opposant à un moyen de pression qui était l'utilisation du costume de shérif, bien là, je me dis : Mais quelle est votre position réelle? Quel est le fondement réel de cette position-là? Êtes-vous vraiment attaqués dans vos libertés fondamentales ou vous exagérez pour faire passer un message important, sans doute important, mais tellement exagéré, finalement, qu'on a un peu de mal à le recevoir?

• (15 h 50) •

M. Côté (Robin) : M. le Président, écoutez, vous semblez en savoir beaucoup plus que moi au sujet de la position de la fédération à l'époque, sur le pourquoi que la fédération a contesté le moyen utilisé. Et puis je ne veux pas embarquer dans le débat du pourquoi le moyen aurait été contesté ou l'utilisation de ce moyen-là, mais, chose certaine, c'est qu'un tribunal s'est penché sur ce moyen-là et a déterminé que c'était légal puis que c'était correct de l'utiliser.

Alors, qu'est-ce qui s'est passé au niveau des discussions? Je ne suis pas en mesure ici, après-midi, de vous répondre, mais je suis certainement en mesure de vous dire que la fin justifie les moyens puis que le moyen a été efficace dans le cas de Châteauguay. Alors, si on fait un lien avec ce moyen-là qui a été utilisé puis notre position par rapport au pantalon de camouflage, bien, écoutez, le pantalon de camouflage, là, on dit que ça vient brimer notre liberté d'expression. Me Nadeau vous en a fait part, à partir du moment où on ne peut plus choisir ce moyen-là, bien, on n'est pas libres, on vient de nous l'enlever, là. C'est la première des choses.

La deuxième des choses, pourquoi on veut garder ce moyen-là puis qu'on le trouve efficace? Parce que c'est un moyen qui perdure, il peut perdurer dans le temps. C'est un des seuls moyens qu'on peut utiliser puis de faire penser aux citoyens qui à tous les jours nous voient dans la rue et nous regardent, ils nous voient aux nouvelles, que, oups! O.K., ce n'est pas encore réglé, au niveau des policiers, ils sont encore en conflit de travail, ils ont-u des discussions avec la ville. Les gens s'intéressent à notre position. Puis, oui, on peut à l'occasion acheter une page dans le journal, faire valoir notre point de vue, envoyer des dépliants par publiposte ou nommez-les, ça se fait, mais ce n'est pas quelque chose qu'on peut faire à tous les jours. Alors, quand on dit : Il nous reste quoi?, bien, moi, je pense que le port du pantalon de camouflage vient justement combler cet espace-là qui rappelle aux citoyens puis qui nous garde en contact puis en communication avec la position du syndicat par rapport à la population et le message de la ville.

Le Président (M. Ouellette) : M. le ministre, ça va?

M. Coiteux : Non, je n'ai pas d'autre question, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de La Prairie. Non? Tout va bien?

M. Merlini : Ça va, merci.

Le Président (M. Ouellette) : Bon. M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Juste pour le temps, je vais vérifier, parce que le temps que j'ai pour ce bloc-là, c'est...

Le Président (M. Ouellette) : Bien, vous avez du temps.

M. Bérubé : Mais c'est toujours le même temps?

Le Président (M. Ouellette) : Bien oui, tout va bien.

M. Bérubé : O.K. On est correct. Parfait.

Bienvenue à l'Assemblée nationale. Je note plusieurs éléments, depuis ce matin, qui méritent d'être répétés. D'abord, si on est réunis aujourd'hui, c'est que le gouvernement, qui a l'initiative de la législation, a décidé que, pour démarrer cette session, ça allait être ce projet-là. Il décide que ce moyen que vous utilisez ne fait pas son affaire, il ne l'aime pas. Il préférerait que les policiers utilisent d'autres moyens qu'il n'identifie pas. Il y a même eu un échange tout à l'heure entre les représentants de l'Union des municipalités du Québec : Ah! il pourrait y en avoir d'autres, je ne les nomme pas, vous ne les nommez pas, mais il y en a sûrement d'autres. Donc, il n'aime pas ce moyen-là. Bon, déjà, une manifestation d'un rapport de force qui est opéré par les policiers, c'est sain, selon moi.

Ensuite, on réitère l'enjeu de sécurité, encore une fois, sans avoir avancé un seul cas, un seul cas qu'on peut identifier, là. Juste avant vous, il y avait les représentants des directions de police. Vous avez peut-être entendu mes questions et surtout les réponses, encore une fois. Donc, si ce n'est pas la sécurité, parce qu'on ne peut pas le prouver, c'est quoi, l'intention du législateur — et je vais terminer un peu cet après-midi avec ça — c'est d'enlever un moyen en disant : Bien, écoutez, on n'est pas contre la liberté d'association, mais, ce moyen-là, on va vous l'enlever. Alors, c'est là que je me questionne.

Et là le ministre trouvait un cas... et là les services de recherche ont trouvé un cas qui peut servir à défaire votre argumentaire. Il l'a utilisé en disant : Bien là, vous allez à l'encontre de vos positions. Je peux faire la même chose avec le Parti libéral du Québec. Je peux prendre, par exemple, un cas fictif de quelqu'un qui aurait dit quelque chose il y a 48 heures puis qui aurait changé d'idée aujourd'hui. Cas fictif, c'est des affaires qui arrivent. Est-ce que ça va discréditer l'ensemble du discours? C'est un cas d'espèce. Oui, vous avez eu une position, vous l'assumez. Je ne connais pas le contexte de l'époque, mais votre position aujourd'hui qui est accréditée par les gens que vous représentez, c'est celle que vous nous présentez. Alors, moi, je prends cette parole-là.

Alors, on peut faire ça pour tout le monde, là, pour tous les parlementaires. On a tous eu des positions qu'on peut reconsidérer dans un contexte différent. Puis ce n'est pas prêter des mauvaises intentions, mais on ne peut pas dire : Vous avez déjà dit ça, donc tout ce que vous dites aujourd'hui, ça ne tient pas la route, vous allez à l'encontre de vos principes. Moi, je ne crois pas ça et je crois qu'il y a une cohérence entre ce que vous dites, ce que la Fraternité des policiers dit, ce que l'Association des policiers provinciaux dit dans son mémoire également.

Je plaide... Je comprends l'irritation du gouvernement là-dessus, je comprends l'irritation des directeurs de police, je comprends l'irritation d'une partie de la population, mais notre rôle, comme législateurs, c'est aussi de protéger un certain nombre de droits comme la liberté d'association, la liberté de se faire entendre. S'il y avait d'autres moyens — parce qu'on vous prête beaucoup de vertus, comme celle d'être inventifs — je suis convaincu, convaincu que vous les auriez trouvés ou qu'on les aurait évoqués ici, ce qui n'a jamais été le cas depuis ce matin.

Alors, moi, ce que je veux vous dire, et je maintiens ce principe-là, à cette étape-ci du projet de loi, sur l'opportunité de légiférer à ce moment-ci, quand on est incapables de démontrer qu'il y a un péril appréhendé, qu'il y a déjà eu des cas, qu'il y en aura d'autres, qu'il y a une inquiétude dans la population... Soyez assurés que, s'il y avait un sondage qui témoignait, là, une très, très forte, là, peur qu'il arrive quelque chose, là, il aurait été exhibé depuis ce matin.

Alors, je ne sais pas comment vous réagissez à ça. Je vous donne l'occasion, sur mon temps, de réagir davantage à ce que vous avez entendu depuis ce matin et de nous préciser des éléments sur votre position versus les positions qui sont amenées par le gouvernement du Québec.

Le Président (M. Ouellette) : M. Côté.

M. Côté (Robin) : Parfait. Écoutez, quand on parle que c'est un des seuls moyens de pression qu'il nous reste, mais vous dites : On n'est pas capables de nous en identifier d'autres ou... si vous regardez dans notre mémoire, à la page 19, on en a énuméré une série. En fait, il y en a sept d'énumérés. Ici, on dit qu'il y a déjà eu d'autres moyens de pression utilisés par les associations policières au Québec, dont le refus d'agir en fonction supérieure, dont le refus de remplacer des policiers absents, dont le refus d'enregistrer des données dans un système informatique, le refus de répondre à des appels non urgents, etc., toutes des mesures qui viennent s'attaquer un peu au fonctionnement de l'administration du service de police, si vous voulez. Et tous ces moyens-là ont été débattus, tous ces moyens-là nous ont été retirés.

Alors, à un moment donné, nos membres nous disent : Bien, regarde, là, nos négociations ne vont pas bien, ça piétine avec la ville, il ne se passe rien. À un moment donné, il faut qu'il y ait un rapport de force qui se construise. Et, quand les membres sont prêts à revêtir les pantalons de camouflage... Vous avez raison quand vous dites que ça ne fait peut-être pas toujours l'affaire de tous les policiers de mettre ça, mais, quand les membres sont rendus là puis qu'ils viennent nous voir, c'est parce qu'il n'y a rien qui avance, parce que les négociations piétinent et souvent depuis plusieurs années.

Alors, ce n'est pas vrai qu'utiliser les pantalons de camouflage va mettre en péril la sécurité de la population. Comme il a été démontré depuis ce matin, il n'y a pas un cas qu'on est capable de mettre sur la table présentement qui vient démontrer qu'il y a déjà eu quelqu'un qui a passé proche de mourir parce qu'il n'a pas pu identifier le policier qui s'en venait devant lui. C'est le contraire, c'est un moyen que ça fait tellement longtemps que c'est utilisé que les gens savent qu'on est en moyens de pression. Ils ont eu des communications publiques par rapport à ça et ils savent aussi que, quand on arrive en pantalon de camouflage, bien, c'est des policiers qui arrivent.

Puis la plupart des policiers ont continué à revêtir leur chemise de police avec leur veste pare-balle par-dessus. Ça fait qu'on ne vienne pas me faire accroire qu'une paire de pantalons de camouflage fait en sorte que les gens ne sont pas capables d'identifier un policier qui porte sa chemise avec sa veste pare-balle. Moi, je ne crois pas ça. Et des exemples, il ne nous en a pas été apportés, puis je ne pense pas qu'on puisse en trouver non plus parce qu'il n'y en a pas, tout simplement.

Et il y a un commentaire qui m'a fait sursauter tantôt, quand j'ai entendu l'Association des directeurs de police venir dire que la majorité des membres avaient quasiment l'obligation d'embarquer dans les moyens de pression, sinon trois petits points. J'espère que ce n'est vraiment pas ce que l'Association des directeurs de police pense parce qu'au niveau syndical et dans les différentes fraternités si les trois petits points font allusion à une espèce de système d'intimidation où les syndicats viendraient tordre le bras de leurs membres pour embarquer dans les moyens de pression, bien, moi, non, il n'en est pas question.

• (16 heures) •

M. Bérubé : Je veux juste vous indiquer, et je le dis au micro, je le dis devant caméra, je le répète ici, j'ai posé la question tout à l'heure à la présidente, je lui ai offert d'indiquer si ça avait dépassé sa pensée. Elle m'a clairement indiqué que non, avec un signe de la tête. Les termes sont importants, c'est chargé. Alors, moi, je me questionne, comme parlementaire élu démocratiquement, comme l'ensemble de mes collègues, comme des représentants syndicaux sont élus dans leurs organisations. Pour en avoir fait partie, moi-même, d'organisations syndicales, je comprends votre réaction. Et ça, ça crée davantage, quant à moi, de confusion, de confusion dans l'esprit de corps qui est évoqué par les directions de police. Cet esprit de corps, là, c'est l'ensemble des gens qui ont prêté serment comme policier, et puis il n'y a pas de changement quand tu deviens patron. Tu demeures avec les policiers, tu ne demeures pas dans une bulle à part.

Alors, moi, j'aurais aimé sentir davantage de compréhension de la réalité des policiers au Québec, qui n'est pas simple, une réalité d'un métier qui est noble, un métier qui est périlleux, un métier qui est au service de la population, énormément de respect. Et, pendant qu'on parle de ça, on ne parle pas de comment on valorise davantage cette profession de policier. Et j'ai même entendu des termes, tout à l'heure, qui disaient que les policiers dépréciaient leur travail, leur uniforme, voire même leur fierté. Je vous avoue que ça me heurte. Imaginez si j'étais un policier qui avait suivi une formation et pour qui c'était la vocation. Et c'est le cas de certains parlementaires ici, que je suis convaincu que ça touche. Il y en a au moins trois à l'Assemblée nationale qui ont cette fierté d'être des policiers de formation, et je suis convaincu qu'ils partagent la même fierté que vous, qu'en toute occasion vous avez le grand privilège et des grandes responsabilités et vous les honorez le mieux possible. Il peut arriver des exceptions, et ces exceptions-là, elles sont sanctionnées d'abord par les pairs. Et ça, je le sais, que, lorsque quelqu'un fait quelque chose qui va à l'encontre de l'honneur des policiers, il n'a pas l'estime de ses pairs, il n'est pas encouragé là-dedans. Alors, je tenais à ajouter à votre commentaire là-dessus.

Le Président (M. Ouellette) : M. Côté, est-ce que vous avez un commentaire sur le commentaire?

M. Côté (Robin) : Bien, juste une dernière chose au niveau de la confiance ou, en fait, le lien de confiance qui existe entre la police et le public. Je ne vois pas en quoi un lien de confiance peut être brisé par le port d'un pantalon de camouflage alors que la plupart... de ce qu'on voit habituellement dans les médias, la plupart des gens faisant partie de la population qui ont été sondés ou rencontrés disent : Bien, oui, ça ne veut pas dire qu'on trouve ça nécessairement beau, mais on comprend, puis il n'y a pas de problème, on n'a pas de problème avec ce moyen-là, c'est pacifique, puis on est fiers de notre service de police, on est fiers de nos policiers, policières qui patrouillent à tous les jours, puis on a un excellent service, on a un excellent service. C'est le professionnalisme de nos membres qui fait en sorte que le lien de confiance est établi avec la population. Ça n'a rien à voir avec les pantalons de camouflage.

M. Bérubé : ...il y a plein de façons de valoriser le travail des policiers. Moi, je suis en mode suggestion. J'en ai déjà évoqué une ici, à l'Assemblée, je suis sûr que vous seriez intéressés à débattre de ça. Toute la question des quotas de tickets pour les policiers, là, je suis convaincu qu'on aurait un débat là-dessus, puis vous seriez intéressés à y participer, ce qui est imposé par certains corps de police.

M. Côté (Robin) : Très certainement.

Le Président (M. Ouellette) : Il n'y a pas d'amendement au projet 133 là-dessus, M. le député de Matane-Matapédia.

M. Bérubé : Non, il n'y a pas de... Mais laissez-moi terminer, M. le Président, il me reste encore un peu de temps. Alors, ça, c'est le genre d'enjeu qui, quant à moi, fait en sorte qu'au lieu que le policier soit vu comme un percepteur pour atteindre les objectifs de certaines corporations de police on le valorise sur son jugement, sa capacité d'intervention et d'abord le rôle premier qu'il a d'être un policier, qui est là pour les interventions réelles, et non pas de passer du temps jusqu'à tant qu'il ait atteint son quota. Moi, là, ça, ça fait partie des façons de valoriser davantage le rôle de policier, selon moi, je ne sais pas si vous le partagez, mais c'est un exemple parmi d'autres.

M. Côté (Robin) : Absolument. Ça vient toucher directement la confiance, justement, que le public a envers le service de police ou le policier. Tout le débat sur les... voyons, pardon, les quotas, bien, ça, ça touche directement la population dans leur portefeuille à tous les jours. Puis ça, ça préoccupe la population, puis ça, nos membres vivent la pression sur le terrain à tous les jours quand ils se font dire : On sait bien, il faut que tu remplisses ton quota.

Une voix : ...

M. Côté (Robin) : Bien, voilà. Mais je n'ai jamais entendu ce type de commentaire là envers nos membres parce qu'ils portaient un pantalon de camouflage, par contre. On est à deux endroits différents.

M. Bérubé : Je vous remercie.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Beauce-Nord.

M. Spénard : Merci, M. le Président. On se retrouve à la fin de la journée, c'est le sixième groupe qu'on entend, et puis, évidemment, trois pour, trois contre. Ça fait 50 ans que c'est comme ça. Moi, je trouve que le travail des policiers est extraordinaire. Je suis divisé entre les deux, mais on a l'impression que c'est encore le boss et les employés, le boss et les employés, tout le temps, pareil comme dans les shops de couture qu'il y avait dans le temps ou dans les shops de... On en revient toujours à ça, toujours à ça. Ça nous prend des moyens de pression pour contrer l'effet du boss qui... les forces de l'employeur versus les employés.

Moi, je suis désolé qu'on ait un projet de loi comme ça, là, je vais vous le dire, là. Je suis un même peu surpris, parce que je m'attendais du ministre de la Sécurité publique un peu plus d'idées novatrices, un peu plus d'idées innovatrices en ce qui concerne les relations de travail avec ceux qui n'ont pas le droit de grève, au lieu d'arriver avec un projet de loi comme ça.

Nonobstant ça, on n'est pas au pouvoir, ce sont eux qui sont au pouvoir, alors on va être obligés de vivre avec. Ça, c'est bien évident.

Je comprends très bien que vous n'avez pas beaucoup de moyens de pression. On vient vous en enlever un qui était visible, qui était facilement accessible, qui était facilement organisable et que toute la population voyait.

Par contre, je dois aussi dire que la population en général était un peu tannée de voir leurs corps policiers habillés de toutes sortes de façons, des roses, des... Il y a ça aussi qu'il faut tenir compte.

Il y a aussi... Il faut tenir compte de l'emploi comme tel qui est un emploi hautement qualifié, hautement... où la confiance du public doit être là. Ça, je suis d'accord un peu sur les deux côtés.

Mais je reviens encore au premier concept. On est encore dans le temps des shops de couture de 1950, 1960 où que regarde, là, on va essayer de négocier, puis on va lui enlever du pouvoir, puis on va en donner, puis on va faire ci, puis on va faire ça. Moi, j'aurais aimé, en tout cas, M. le ministre, avoir des idées novatrices : Voici, ils ne peuvent pas faire la grève, bon... On va passer une loi comme ça, mais on a réglé avec la majorité des corps policiers. Je pense que c'est réglé, au Québec, pour trois ans, quatre ans à venir, là. On aurait pu arriver avec un projet de loi, dire : Écoutez, regarde, on va s'asseoir. Moi, j'ai même vu Me Roy me dire ce matin qu'avec un médiateur-arbitre qui avait été accepté par les deux parties il y a eu un règlement, ça a pris quelques semaines, alors que ça faisait trois ans que ça niaisait autour de la table, tu sais.

Alors, moi, je me dis, à un moment donné : A-t-on fait notre ouvrage comme du monde? A-t-on essayé de régler un problème de fond, au lieu de mettre un plasteur? Parce que, il faut bien vous dire, si, dans le guide disciplinaire, l'uniforme est une mesure disciplinaire si on ne le porte pas ou si on l'altère, comment se fait-il que la Sûreté du Québec n'a jamais émis aucune mesure disciplinaire pour tous ses employés, le SPVM pareil, le directeur du SPVM, en nous disant ce matin que ça aurait engorgé le système administratif?

Maintenant, s'il y a un autre mouvement de masse dans un an, deux ans, trois ans, là ce n'est pas le système administratif qui va être engorgé, ça va être le système judiciaire qui va être engorgé. Et le système judiciaire n'a pas, présentement et dans un avenir prévisible, la capacité d'être engorgé par des peccadilles comme ça.

Alors, moi, je trouve qu'on s'en va... c'est bonnet blanc, blanc bonnet. Et je trouve qu'on pas réellement réglé le problème. Puis je ne pense pas qu'on va le régler avec projet de loi là.

Nonobstant ça, je vous remercie beaucoup d'être venus. Moi, c'était mon idée, il fallait que je vous la dise à la fin de la journée, là. C'était mon idée, et je voulais absolument en faire part à...

Le Président (M. Ouellette) : C'était votre commentaire, M. le député de Beauce-Nord. Peut-être que M. Côté aurait un commentaire sur votre commentaire.

M. Spénard : Oui. Bien oui, bien oui.

M. Côté (Robin) : Bien, en fait, on...

Le Président (M. Ouellette) : Vous avez une réponse à lui donner, là?

M. Côté (Robin) : Oui, c'est ça, exactement. On a fait un peu de recherche suite à vos questions tout à l'heure. Donc, juste pour répondre à vos questions, en fait, la fédération représente les 32 corps de police... bien, en fait, les 33 corps de police municipaux au Québec. Dans les 33, ça inclut Mashteuiatsh, qui est une réserve indienne. Ça inclut aussi Eeyou Eenou, qui sont les Cris de la Baie-James. Puis ça tourne autour de 58 municipalités, qui sont couvertes par l'ensemble de ces corps de police là.

Le Président (M. Ouellette) : Bon, on a la réponse. Maintenant, si vous avez un commentaire sur le commentaire de M. le député de Beauce-Nord... Me Nadeau.

• (16 h 10) •

M. Nadeau (Frédéric) : Oui. En fait, suivant ce que vous nous avez dit, je veux vous signaler que le cas de Montréal avec le médiateur-arbitre n'est pas un cas isolé. Il y a également La Fraternité des policiers de Longueuil qui, avec un médiateur-arbitre également, en est arrivée à un règlement assez rapidement, pour les mêmes raisons et puis dans la même dynamique que celles qui ont été exposées par Me Roy. Puis il y a d'autres exemples aussi à travers le temps.

Donc, c'est effectivement une voie qu'on privilégie parce que c'est une voie qui permet, dans le fond, de reproduire le plus fidèlement possible le processus de négociation collective, en tout cas certainement plus que l'option qui était offerte par le projet de loi n° 24, le conseil d'arbitrage des différends, qui évidemment n'est pas un tribunal d'arbitrage de différends au sens traditionnel du terme, c'est-à-dire... ou avec des décideurs qui ont été choisis par les parties. Puis ça, en matière de relations de travail, c'est fondamental. Et c'est un autre élément dont, malheureusement, les policiers municipaux ont été privés, là, au cours des dernières années.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Robin Côté, Me Frédéric Nadeau, représentant la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec.

Mémoires déposés

Juste avant qu'on ajourne jusqu'à demain, j'avise les membres de la commission que nous avons déposé le mémoire de la Sûreté du Québec. Il nous reste à recevoir un document de la fraternité des policiers de Montréal, qui est le sondage sur l'indice de satisfaction, là, qui devrait arriver dans les prochaines heures.

Une voix : ...

Le Président (M. Ouellette) : Oui? Ah! il est déposé? Ah! Bien, M. Francoeur est plus vite que je pensais.

Donc, j'ajourne... Merci de votre collaboration, merci à tous ceux qui sont venus déposer aujourd'hui. J'ajourne nos travaux au jeudi 7 septembre, vers 14 h 30, où la commission poursuivra l'étude du projet de loi n° 62, Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l'État et visant notamment à encadrer les demandes d'accommodements religieux dans certains organismes. Ça fait que, s'il y en a qui veulent rester pour l'étude article par article, vous êtes les bienvenus.

(Fin de la séance à 16 h 11)

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