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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le vendredi 11 mai 1979 - Vol. 21 N° 77

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Question avec débat: La situation économique désastreuse du secteur privé à Montréal


Journal des débats

 

Question avec débat

(Dix heures douze minutes)

La Présidente (Mme Cuerrier): La commission permanente de l'industrie et du commerce se réunit ce matin pour discuter la question avec débat du député de Notre-Dame-de-Grâce au ministre de l'Industrie et du Commerce.

Je dois préciser que comme le leader du gouvernement en a informé l'Assemblée cette semaine, à la suite d'une entente entre les leaders des différents partis politiques reconnus, c'est le ministre d'Etat au développement économique qui sera le ministre questionné. La question portera sur la situation économique désastreuse du secteur privé de Montréal. C'est M. le député de Notre-Dame-de-Grâce qui pose la question.

J'aimerais quand même préciser certaines prescriptions de l'article 162A du règlement qui dit: "a) le député qui a donné avis de la question avec débat a droit d'être entendu le premier et le ministre questionné peut lui répondre immédiatement après; chacune de ces interventions doit être limitée à vingt minutes; b) un député peut prendre la parole aussi souvent qu'il lui plaît, à condition de ne pas parler plus de vingt minutes en tout; cette restriction ne s'applique pas au député qui a donné l'avis de question avec débat ni au ministre questionné lesquels ont un droit de parole privilégié; c) le ministre peut se faire accompagner des fonctionnaires de son choix et les autoriser à prendre la parole et ils parlent alors en leur nom."

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Merci, Mme la Présidente. Si je comprends bien, j'ai maintenant un droit de parole de 20 minutes, et c'est tout, pour ouvrir le débat.

La Présidente (Mme Cuerrier): Pour votre première intervention, c'est le cas, en effet.

M. Russell: Mme la Présidente, sur une question de procédure. Vous dites que chaque député a le droit d'intervenir tant et aussi longtemps qu'il le voudra, à condition que son intervention ne dépasse pas 20 minutes.

La Présidente (Mme Cuerrier): En tout, M. le député de Brome-Missisquoi, parce que vous n'êtes pas celui qui a un droit de parole privilégié.

M. Russell: Bon, c'est justement ce que je veux clarifier.

La Présidente (Mme Cuerrier): Ce droit de parole privilégié appartient au député de Notre-Dame-de-Grâce, ce matin, et au ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Russell: Ce que je voudrais clarifier actuellement, c'est justement ce point.

La Présidente (Mme Cuerrier): C'est-à-dire au ministre d'Etat au développement économique.

M. Russell: J'ai le droit de parler 20 minutes et c'est tout, j'ai fini, après. Le député de Notre-Dame-de-Grâce pourra parler plus longtemps que 20 minutes, s'il le désire, aussi bien que le ministre.

La Présidente (Mme Cuerrier): Oui, certainement.

M. Russell: Mon intervention personnelle se limite à 20 minutes et c'est tout.

La Présidente (Mme Cuerrier): Voilà. M. Russell: En tout ou en partie.

La Présidente (Mme Cuerrier): Vous pouvez prendre la parole plusieurs fois à condition que le total du temps qui vous est alloué ne dépasse pas 20 minutes.

M. Landry: Jusqu'à quelle heure? M. Lavoie: Jusqu'à 13 heures.

La Présidente (Mme Cuerrier): C'est cela. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. (10 h 15)

Exposé du sujet

M. Reed Scowen

M. Scowen: Merci, Mme la Présidente. Nous avons décidé ce matin d'aborder un sujet que nous trouvons d'une importance primordiale pour le Québec, soit la situation de l'industrie et du secteur des finances à Montréal, et surtout le secteur de l'entreprise privée. Nous avons formulé cette question au ministre de l'Industrie et du Commerce, M. Tremblay, parce que, d'après nous, c'est son domaine; ces questions relèvent de lui. Je comprends un peu, après sa performance d'hier après-midi en Chambre, pourquoi il n'est pas ici aujourd'hui, mais on est très heureux de rencontrer le ministre d'Etat au développement économique.

Il a été dit, Mme la Présidente, et assez souvent récemment, que Montréal est une ville qui est en train de se suicider. Tout le monde qui la visite voit facilement la situation et voit que ce n'est pas loin de la réalité. En effet, ce n'est pas le suicide; c'est le gouvernement du Parti québécois qui est en train de la faire mourir. Aujourd'hui, nous voulons expliquer, d'après nous, pourquoi cela se passe, démontrer clairement que c'est la réalité et poser quelques questions très spécifiques au ministre à qui nous demandons des réponses. Nous avons eu de la misère, depuis six mois, à avoir des réponses à nos questions en ce

qui touche ce secteur. Ce matin, nous allons les poser par écrit et j'espère qu'il pourra répondre à ces questions non seulement pour nous, mais pour tous les Québécois qui s'intéressent grandement à ces questions.

Je veux d'abord délimiter un peu le débat. Nous parlons du secteur privé, nous parlons du grand Montréal et nous parlons de l'industrie manufacturière, des sièges sociaux, des industries privées qui entourent les sièges sociaux et des institutions financières privées qui forment l'ensemble du secteur privé à Montréal. Nous excluons, pour les fins de notre débat aujourd'hui, le commerce en détail simplement parce que c'est quelque chose qui est un sujet un peu à part et qui dépend d'autres facteurs, dont la population et le salaire moyen, etc. Quand je parle de l'industrie secondaire, je parle des industries qui sont les plus importantes pour le Québec, dont les industries de haute technologie comme les industries d'ordinateurs, les industries d'ingénierie, les produits de consommation, toutes les compagnies qu'une société moderne cherche à développer.

On ne parle pas des richesses naturelles parce qu'elles sont à l'extérieur de Montréal et que leur développement dépend de toute une autre série de facteurs. Mais, pour une société moderne, il faut avoir ces industries de pointe et ces centres de décision qui sont les sièges sociaux.

Il n'y a aucun Etat que je connaisse en Amérique ou en Europe de l'Ouest qui ne cherche pas à avoir de plus en plus de ces compagnies parce qu'ils savent très bien que si vous les avez, vous avez la base des petites et moyennes entreprises, vous avez la base d'un secteur de détail qui est fort et surtout, vous avez de l'emploi non seulement pour les cadres, les diplômés, mais pour les travailleurs à tous les niveaux.

En général, les compagnies dont je parle, qui sont au Québec depuis des années, sont des compagnies qui desservent le marché canadien. En effet, elles sont localisées, avec leurs usines ou leurs sièges sociaux, à Montréal, mais le marché est le Canada. Cela a été développé ainsi depuis des années et nous avons des centaines de compagnies qui ont choisi de se localiser dans la partie du Canada qui s'appelle le Québec, mais qui ont un système de vente, de distribution et d'achat qui dessert et touche tout le pays. C'est très important. L'industrie, les sièges sociaux et l'industrie secondaire à Montréal touchent directement au-dessus d'un million de personnes dans le grand Montréal. Ils sont de loin les plus grands employeurs. Ils emploient à peu près 85% de toutes les personnes qui travaillent à Montréal. On parle donc d'une situation qui est très importante. Depuis plusieurs années, nous avons remarqué une certaine détérioration dans cette partie de notre vie économique. Depuis deux ans, depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, c'est une catastrophe. C'est une irresponsabilité flagrante dont le Parti québécois doit porter toute la responsabilité.

Le programme de ce matin, Mme la Présidente, est que je vais essayer, pour ma part, de démontrer très vite l'importance de ce secteur; deuxièmement, de vous donner quelques chiffres et vous répéter pour la nième fois que la vérité, c'est que c'est très mauvais. Mon collègue, M. Raynauld, essaiera dans son intervention de parler du manque d'investissements. Quant à moi, je parlerai surtout du départ des entreprises qui étaient à Montréal depuis longtemps. Finalement, on parlera brièvement de la réaction du gouvernement jusqu'à maintenant face à ce problème et on fera une analyse de nos idées sur les causes. Ensuite, comme je l'ai dit, on vous posera quelques questions très précises. L'importance, comme je l'ai dit... 85% de la population de Montréal travaille dans le secteur privé, 1 100 000 de personnes. C'est à peu près 60% de la population du Québec. Les deux tiers de la productivité du Québec est à Montréal. Cela touche toute la province. Quand Montréal souffre d'insuffisance cardiaque, c'est tout le Québec qui est affaibli, en effet. Tous les gens qui habitent les autres régions le savent très bien parce qu'ils savent jusqu'à quel point le Québec dépend, à plusieurs égards, de Montréal.

Le point que je veux soulever, qui est le plus important, en ce qui concerne l'importance de cette industrie au Québec, c'est que cela n'est pas quelque chose qui touche le secteur privé, cela n'est pas quelque chose qui touche seulement les investisseurs, les capitalistes, les cadres et les dirigeants qui sont riches. Ceci est une erreur grave qui est faite par le Parti québécois depuis longtemps. Les élites des universités et les fonctionnaires du gouvernement croient souvent que l'investissement privé est un mal nécessaire. C'est quelque chose qui favorise les riches, qui favorise les capitalistes, qui favorise les étrangers. Mais tous les gens à Montréal qui travaillent dans les usines, qui sont obligés de travailler pour gagner leur vie sont très conscients que, sans l'investissement, sans les outils, ils n'auront pas de compagnies et ils n'auront pas de travail et, sans dirigeants, sans personne pour bien diriger l'entreprise, la vie est très difficile. J'ai vécu l'expérience de l'industrie pendant quinze ans et je sais combien, pour un travailleur qui a des machines désuètes ou mal entretenues, qui a un patron, un dirigeant de l'entreprise qui ne comprend pas la situation, cela va mal. Je sais aussi combien cela peut bien fonctionner si vous êtes dans une compagnie qui est bien organisée, bien structurée, bien financée, qui a des ressources additionnelles quand il devient nécessaire d'agrandir.

Je suis persuadé, Mme la Présidente, que la méfiance envers le secteur privé qui est continuellement démontrée par le gouvernement n'est pas démontrée par les travailleurs de Montréal qui sont obligés de travailler toute leur vie dans ces industries. Ils veulent favoriser les investisseurs parce que les investissements favorisent le travail. Ils veulent favoriser les dirigeants, même en ce qui concerne leurs impôts, parce que les travailleurs savent qu'avec des bons dirigeants au Québec vous avez beaucoup de travail, beaucoup d'emplois et très peu de chômage.

II y a un autre aspect du secteur privé qui est très important; c'est le secteur privé qui paie l'impôt. M. Drapeau est très conscient de cela. J'ai lu récemment un article d'un professeur de l'Université de Montréal qui disait: Si on veut maintenir un minimum d'équité sociale dans la métropole en redistribuant les richesses, notamment en fonds de services publics, il faudra d'abord s'organiser pour créer cette richesse. Mme la Présidente, cette richesse est créée par l'entreprise privée. Les impôts sont payés par l'entreprise privée.

Le gouvernement ne paie pas d'impôt, comme vous le savez très bien. Le problème de la méfiance du gouvernement envers le secteur privé ne peut être mieux démontré que dans les chiffres du chômage qui existe à Montréal. Depuis votre arrivée au pouvoir, le chômage à Montréal, qui a toujours été quelque chose de sérieux, a augmenté d'à peu près 50%. Il était, dans les années 1975, 1976, à peu près de 6% à 6,5% et, en 1977 et 1978, à peu près de 9,5%. Une légère augmentation de 50% depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois. Voici pour l'importance.

Je veux maintenant parler d'un aspect de la réalité du problème. Mon collègue, M. Raynauld, va parler de l'autre. Le mien est la question du déplacement des entreprises qui quittent le Québec. Au mois de novembre, nous avons rendu public un document qui prouvait qu'il y avait eu, en 1976, l'année avant votre arrivée au pouvoir, le départ de sept entreprises québécoises du Québec vers le reste du Canada. Dans notre rapport, nous avons démontré que depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, dans l'année et demie suivante, on a assisté à la disparition de 35 autres entreprises, à peu près cinq fois plus dans deux ans. Cela veut dire 250% de plus depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois.

Nous sommes en train de préparer le deuxième volet de ce rapport. Je suis persuadé que quand il sera terminé, vous verrez que nous avons perdu à Montréal, depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, pas moins de 75 entreprises québécoises qui ont quitté le Québec pour aller faire leurs affaires à Toronto ou ailleurs en Ontario ou au Canada. Il y a eu un rapport qui a été préparé, le nôtre, bien sûr, par le Parti libéral. Je veux ajouter que chaque départ a été confirmé avec la compagnie même; le nombre des personnes qui sont parties, selon notre rapport, a été confirmé par les compagnies et n'importe qui a le droit de téléphoner aux compagnies concernées, elles sont toutes sur la liste et on peut vérifier.

Il y a eu récemment une autre étude faite par les conseillers en administration Drouin, Paquin et Associés Ltée, de Montréal, qui confirme précisément les chiffres que nous avons donnés. Elle dit que nous avons vécu la disparition d'à peu près quinze entreprises mais elle parle simplement des compagnies classées parmi les 500 plus grandes compagnies au Canada. Ses chiffres confirment exactement les nôtres et cette étude ajoute qu'il faut s'attendre d'ici 24 mois à la disparition d'une trentaine encore, ce qui fait à peu près 30% des plus grandes compagnies du Québec, à Montréal, qui sont décidées de partir d'ici à deux ans.

L'exactitude de cette prévision pourrait être très facilement vérifiée parce que, d'après mes chiffres ce matin, depuis le dépôt de ce rapport au mois de décembre, sept ou huit de ces 30 compagnies ont déjà annoncé leur décision de quitter. Je parle des compagnies que j'ai mentionnées hier à M. Tremblay. Les noms sont déjà très bien connus. Mais nous avons vécu, depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, la disparition de Dominion Glass en partie, pas totalement, Domtar, Dupont, Genstar. En partie ou totalement, chacune de ces compagnies a commencé publiquement à déménager ses affaires à l'extérieur du Québec. Domtar, Dominion Glass, Dupont, Genstar, Macdonald Tobacco, Northern Telecom, RCA Victor, Banque Royale du Canada, Trust Royal, Standard Brands. Je peux continuer, madame, c'est une liste d'à peu près toutes les grandes compagnies du Québec.

L'affaire qui est encore pire, c'est qu'il n'y a rien qui arrive et M. Raynauld, dans son intervention, va parler surtout de ce sujet. C'est encore plus grave, mais c'est bien connu par tout le monde que, jusqu'à ce que vous arrêtiez l'hémorragie qui existe ici aujourd'hui, ce sera très difficile de persuader les nouveaux arrivés de faire de nouveaux investissements ici. Jusqu'à maintenant, quelle est la réaction du gouvernement? C'est une histoire bizarre et je vais parler surtout du ministre d'Etat au développement économique. Il a commencé en niant l'existence de ce phénomène. Pendant deux mois, octobre et novembre, il disait il n'y a que six compagnies qui ont quitté et, finalement, nous avons sorti notre rapport simplement pour lui dire: Ecoutez, ce n'est pas vrai. Ce n'est pas six, c'est au moins 42 et, comme je l'ai dit, c'est nettement beaucoup plus élevé que cela. Par la suite, il disait: Peut-être que cela existe, mais c'est un phénomène qui existe depuis toujours. On a démontré, oui, que cela existe depuis toujours. C'était un ruisseau qui devait être arrêté, mais, après votre arrivée, c'est devenu une rivière, un fleuve, cinq fois plus grand. Il disait: II y a ceux qui arrivent. On lui a demandé de les nommer. Il disait: II y a Okanagan Helicopters. On les cherche encore, c'est une compagnie intéressante, mais, avec tout ce qu'on a perdu, je pense que l'arrivée de Okanagan Helicopters, ce n'est pas très important. (10 h 30)

Ensuite, le ministre a commencé à perdre toute sa crédibilité, parce qu'il a commencé à ridiculiser non seulement moi-même et l'Opposition, mais les compagnies. Il fallait des croque-mitaines, il a cherché tout un nouveau vocabulaire. Il a parlé de cassettes, de disque usé. Il disait que c'est un sujet dont le monde ne voulait pas parler. Mais on a insisté, madame, parce que ce n'est pas drôle. Ce n'est pas le moment de faire des jeux de vocabulaire. Ce n'est pas un disque usé parce que c'est quelque chose que le gouvernement ne veut pas apprendre.

Alors, on a insisté, et on continue à dire que c'est d'une importance primordiale pour tous les Québécois, et on n'accepte pas d'arrêter d'en parler, à moins que le problème soit réglé. Fina-

lement, le ministre a dit: Ecoute, on ne regrette pas le départ de ces compagnies, on ne regrette pas le départ de nos maîtres. Il parlait de trois ou quatre compagnies, mais ça s'appliquait à tout le monde et ça démontrait très facilement son attitude d'hostilité et celle du gouvernement.

Finalement, récemment, Mme le Président, après six mois de travail de la part de l'opposition du Parti libéral, le ministre a admis que c'était un problème, et sa solution, pour le moment, c'est de créer des commissions. Il y a une commission qui va étudier le problème de New York. Il y en a une autre qui va faire un plan de cinq ans, il y a une autre qui va faire un mini-sommet. Il va faire des commissions, il va noyer le poisson maintenant, pendant deux, trois, quatre, cinq, six mois, peut-être une année, alors que tout le monde sait très bien quel est le problème.

Alors, nous sommes ici surtout ce matin pour lui dire d'arrêter de créer des commissions, d'arrêter de faire des études dites scientifiques qui ne sont pas du tout de la science, mais seulement du camouflage pour masquer le problème qui existe, qui est réel, qui est bien connu par tout le monde, de changer les politiques et de faire ce qui s'impose pour rendre sain le climat à Montréal.

Je pense que j'ai dépassé mes vingt minutes légèrement?

La Présidente (Mme Cuerrier): Oui, vous y êtes.

M. Scowen: Parce que je peux revenir, comme je l'ai dit, j'avais des questions particulières à poser au ministre. Mais peut-être...

La Présidente (Mme Cuerrier): Vous aurez l'occasion...

M. Scowen: D'accord, je vais revenir, madame.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous aurez d'autres occasions au cours de ce débat.

M. Scowen: D'accord, je vais revenir, madame.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre d'Etat au développement économique.

Réponse du ministre M. Bernard Landry

M. Landry: Mme le Président, on doit être reconnaissant au député de Notre-Dame-de-Grâce et, par extension, aux quelques-uns dans l'Opposition officielle qui s'intéressent assez à cette question pour la garder dans l'actualité, alors que pendant des années où ce parti était au pouvoir et que le drame se jouait, il faisait des pieds et des mains d'une part, pour n'en pas parler et, d'autre part, surtout pour ne rien faire.

Par conséquent, à ce titre, le député de Notre-Dame-de-Grâce a droit à des remerciements pour la chose qu'il fait. Pour la façon dont il l'a fait, il a droit, par ailleurs, à des critiques vives, virulentes non seulement de la part du gouvernement, mais de la part de l'ensemble de la population du Québec et surtout de la population de Montréal. Quand le député de Notre-Dame-de-Grâce veut attribuer à la présence du présent gouvernement, démocratiquement élu par les Québécois, les problèmes de la ville de Montréal, il se livre à une démagogie grossière et il dit une sottise qui est confirmée et connue par tous les économistes du Québec et d'ailleurs qui se sont intéressés aux problèmes de la région de Montréal.

Il ressort de l'intervention du député de Notre-Dame-de-Grâce que ces problèmes sont dus à une élection qui l'a beaucoup choqué, lui et les libéraux, quand ils ont été balayés en 1976, et il essaie de faire prendre sa morgue électorale — ce n'est pas drôle de perdre ses élections — pour une argumentation rationelle.

M. Raynauld: Vous commencez à connaître cela!

M. Landry: Nous allons maintenant démontrer d'abondance que ces gens ont menti sciemment, et particulièrement le député d'Outremont, qui n'a pas parlé encore, mais qui est un expert sur cette question et qui pourrait aussi bien que moi, s'il n'était pas pris dans le carcan partisan, démontrer que les problèmes de la région de Montréal remontent au moins à 40 ans, qu'ils sont dans une phase aiguë depuis au moins 25 ans et que probablement le creux de la vague a été atteint. C'est en effet le député d'Outremont — et j'incite le député de Notre-Dame-de-Grâce à lire cet ouvrage du député d'Outremont alors qu'il n'était pas pris dans la fureur partisane — qui disait...

M. Scowen: Je l'ai lu.

M. Landry: ... en 1970, à l'époque d'une administration libérale, alors que le Parti québécois était à peine fondé: "La métropole économique du pays a quitté Montréal depuis longtemps." Il disait cela en 1970. Il disait davantage, toujours en 1970: "II y a transfert des investissements pour le développement du Québec vers l'Ontario et, par conséquent, une accélération de l'expansion de toute l'économie ontarienne et un ralentissement de l'expansion de toute l'économie québécoise." Phrase écrite en 1970 et qui tombe sous le sens pour le moindre observateur un peu pénétrant et dépourvu de partisanerie politique.

Le député de Notre-Dame-de-Grâce a parlé des sièges sociaux. Toujours dans la même étude — chiffres de 1967 — le député d'Outremont démontrait que, sur 1681 filiales canadiennes d'entreprises américaines, 632 étaient déjà à Toronto, 187 seulement dans la zone de Montréal. Il faut vraiment avoir de l'audace pour aller attribuer à un événement politique, qui vous a mis en fureur et qui remonte à deux ans et demi, un problème qui date d'au moins 25 ans et davantage.

Vous avez parlé des sièges sociaux. Eh bien! l'indice des sièges sociaux, au cours des années fastes de Montréal et au tournant de la seconde guerre, était du double à Montréal par rapport à Toronto. Il y en avait deux fois plus. Par suite d'une série de départs réguliers et constants au cours de toutes ces années, en 1972, sous l'administration libérale dont on se souvient, il y avait deux fois plus de sièges sociaux à Toronto qu'à Montréal, situation totalement renversée. Alors, par conséquent, nier qu'il y ait un problème à Montréal serait absurde. L'attribuer au choix démocratique des Québécois en 1976 serait également absurde mais, en plus, malhonnête, anti-québécois et de nature non pas à régler le problème, mais à entretenir une morosité artificielle dans la région de Montréal de façon à vouloir justifier des déclarations politiques au mépris des réels problèmes de la région et de son développement.

Pour bien illustrer ma pensée, je vais citer un agent économique montréalais qui connaît Montréal mieux que le député de Notre-Dame-de-Grâce. Un agent économique qui n'est pas réputé pour être proche du Parti québécois, un agent économique qui veut travailler positivement à la relance de Montréal. Je parle de la Chambre de commerce de Montréal. Ce n'est pas le Parti libéral, ce n'est pas le Parti québécois. Je voudrais une réponse formelle du député de Notre-Dame-de-Grâce sur cette question pour démasquer la partisanerie irresponsable avec laquelle il traite des problèmes de Montréal.

Je cite un mémoire de la Chambre de commerce de Montréal de décembre 1978, qui dit très exactement ceci, et je veux des commentaires précis du député de Notre-Dame-de-Grâce sur cette question: "Or, il n'y a rien dans l'évolution actuelle de l'économie montréalaise — actuelle, on est en 1978 — qui montrerait une brisure dans les grandes tendances. Au contraire, plusieurs aspects de la situation actuelle de Montréal semblent tout simplement prolonger ces grandes tendances historiques." C'est la Chambre de commerce de Montréal, qui est l'agent déterminant du problème dont nous parlons, qui n'est pas, comme chacun sait, une filiale du Parti québécois, qui dit honnêtement qu'il n'y a pas eu de brisure.

Le député de Notre-Dame-de-Grâce a eu l'audace d'aller jusqu'à parler de suicide. D'ailleurs, si son vocabulaire avait été plus approprié à la situation, il aurait plutôt parlé d'assassinat, mais il parlait de suicide dû au Parti québécois, comme si on pouvait suicider quelqu'un d'autre ou comme si on voulait employer le pléonasme "il s'est suicidé lui-même".

M. Scowen: J'ai dit qu'il voulait faire mourir.

M. Landry: Vous avez dit que le Parti québécois faisait mourir Montréal. Je trouve que cette affirmation est une sottise grossière en termes économiques et de la basse démagogie politique. Elle est contredite par tous les économistes sérieux et — je viens de le lire — par la Chambre de commerce de Montréal qui en connaît un bout sur cette affaire. C'est heureux que vous ayez provoqué ce débat ce matin. Cela fait longtemps qu'on a des escarmouches, des accrochages. Comme la période des questions ne nous donne pas le temps d'aller au fond de ces affirmations sans fondement et de ces attaques injustifiées, il est bon ce matin que la population du Québec se rende compte que ce que vous faites depuis six mois est une opération de déstabilisation politique purement partisane qui est contredite par la réalité statistique et qui est également contredite par un agent économique au-dessus de tout soupçon en ce qui nous concerne, la Chambre de commerce de Montréal.

Vous avez parlé des sièges sociaux. Je vais vous en reparler, des sièges sociaux et par secteurs, en plus. Je vais vous parler des compagnies d'assurance. Vous aviez fait grand cas de la Sun Life. Tout le monde l'a vu à la télévision. On a entendu ce que vous avez dit de la Sun Life, attribuant son départ au Parti québécois, etc. Une étude de 1972, en pleine administration libérale, du Centre de recherche de l'Université de Montréal — ce ne sont pas les recherchistes du Parti libéral — disait déjà — j'aimerais avoir vos commentaires sur cette question reliée à l'affaire de la Sun Life — que six des dix-huit sièges sociaux des compagnies d'assurance-vie avaient quitté Montréal entre 1965 et 1970, un sur trois. Est-ce à cause du fait que M. Bourassa voulait assassiner Montréal? Est-ce à cause du fait que ses collaborateurs, le ministre de l'Industrie et du Commerce du temps, par exemple, avaient décidé consciemment de chasser les bureaux des compagnies d'assurance de Montréal? Est-ce qu'en 1972 il y avait la loi 101? Est-ce qu'en 1972 il y avait la loi 22? Quant aux autres types de compagnies d'assurance, 34 ont émigré sur un total de 110 — on en est encore au tiers — entre 1965 et 1970. Le Parti québécois était à peine fondé.

J'espère, Mme la Présidente, que ces arguments sont surabondants pour vous faire comprendre le jeu pernicieux qui a été joué par l'Opposition officielle et, en particulier, par le député de Notre-Dame-de-Grâce depuis six mois. C'est une insulte à l'intelligence de cette Assemblée et à l'intelligence du peuple québécois. L'homme de la rue, à Montréal, qui sort pour rentrer au travail de la station de métro Berri-Demontigny sait ces choses depuis des années, alors que le député de Notre-Dame-de-Grâce essaie, d'une manière persistante et ridicule, de l'intoxiquer avec ses faussetés partisanes. (10 h 45)

Parlons maintenant des vraies causes du problème qu'il me semble avoir démontré: le jeu auquel se livrait l'Opposition. Dire que le Parti québécois n'a pas reconnu le problème et dire qu'il l'a nié, c'est une autre fausseté manifeste. Il ne l'a tellement pas nié qu'il est le premier gouvernement de l'histoire contemporaine du Québec à faire des choses concrètes et qu'on peut énumérer vis-à-vis du problème de Montréal. Au lieu de s'adonner à la jérémiade et aux accusations et aux tentatives de déstabilisation, le gouvernement a

déjà posé, de concert avec la Communauté urbaine de Montréal, de concert avec les autres agents économiques de Montréal, des gestes qui sont autre chose que le verbiage que le Parti libéral nous sert non seulement depuis qu'il a été péniblement renvoyé dans l'Opposition, mais du temps qu'il était au gouvernement.

Il y a — c'est la deuxième partie de mon argumentation — figurez-vous, depuis récemment, des signes de redressement à Montréal. La bataille de Montréal n'est pas gagnée. Il y a des signes de redressement qui sont précisément survenus depuis 1976. Je n'aurais pas l'impertinence de les attribuer à la seule action du gouvernement. Je pense que, tout simplement, nous avons passé le creux de la vague historique, mais je n'irai pas sur le terrain où le Parti libéral est en train de perdre toute crédibilité en essayant d'attribuer au Parti québécois les problèmes de Montréal. Je n'attribuerai pas au Parti québécois le fait que ces problèmes semblent commencer à se régler. Mais la tâche est encore immense.

Je vais vous citer quelques chiffres. La création nette d'emplois pour la région métropolitaine de Montréal: en 1976, nous avons gouverné durant les deux derniers mois de 1976 — notre élection n'était pas prévue par les agents économiques et je dois dire, sans fausse honte, qu'elle était à peine prévue par nous-mêmes; par conséquent, on n'a pas influencé 1976 — perte de 12 000 emplois pour la région métropolitaine de Montréal, moins 12; en 1977, moins 2000; en 1978, plus 14 000. Je voudrais que le député de Notre-Dame-de-Grâce m'interprète ces statistiques qui viennent de Statistique Canada. En 1976, sous les libéraux, on perd 12 000 emplois; en 1977, sous le PQ, on perd 2000 emplois — c'est déjà six fois moins — et, en 1978, on en gagne 14 000. Quand le député de Notre-Dame-de-Grâce parle de détérioration de la situation, je voudrais qu'il m'interprète ces chiffres qui sont en termes d'emplois et qui illustrent bien non seulement son manque de profondeur d'analyse quant aux causes, mais qui illustrent bien qu'il s'est tout simplement fermé les yeux, peut-être délibérément — et c'est scandaleux — sur les signes de reprise en termes d'emplois.

On a parlé aussi beaucoup de construction. Là aussi, nous avons vécu une période difficile. Montréal a vécu un période difficile après l'exposition universelle. Il y a eu un très grand nombre de faillites de firmes. Il y avait eu un surplus dans la construction, chômeurs dans la construction. Le même phénomène s'est répété, Mme la Présidente, à la suite de la superactivité olympique. Un gouvernement sage aurait constitué une banque de projets. Quand tu as vécu l'Expo, tu devrais bien savoir qu'après les Olympiques, le même phénomène se serait produit. Non, ces messieurs se sont garrochés dans la dépense olympique sans penser qu'il y aurait un lendemain à ces Olympiques.

Quand le Parti québécois a pris le pouvoir, la banque de projets était à sec et la construction s'est effrondrée, dans la région métropolitaine de

Montréal en particulier, comme conséquence directe de l'ineptie de ceux du gouvernement d'alors qui essaient hypocritement de nous donner des leçons aujourd'hui. Encore là, j'ai de relativement bonnes nouvelles d'événements qui se sont produits récemment. La valeur des contrats de construction — d'ailleurs, j'ai remarqué que vous ne m'en parliez plus depuis deux ou trois mois à l'Assemblée nationale; je me doutais que c'est parce que la reprise est en train de se faire et que cela commençait à aller mieux. Vos spécialistes sur la valeur des contrats accordés ont la voix un peu plus enrouée depuis quelques mois, mais là je comprends pourquoi. C'est parce que, de mars 1978 à mars 1979, il y a une augmentation de 12% dans Montréal.

M. Scowen: Est-ce que c'est le secteur privé ou non?

M. Landry: Je vous ai dit que je vais vous en parler du secteur privé. Je vous donne la série de statistiques; vous n'êtes pas habitués à lire les chiffres, vous les inventez; je les prends à Statistique Canada et je les lis.

M. Lavoie: Un peu de calme, s'il vous plaît! M. Landry: Mme la Présidente, je dis...

M. Scowen: Est-ce que le temps du ministre est écoulé?

La Présidente (Mme Guerrier): S'il vous plaît, à l'ordre!

M. Lavoie: Un peu de calme, il ne faut pas... On n'est pas pour niaiser. Les règlements existent.

M. Scowen: Est-ce que le temps du ministre est écoulé?

M. Landry: Ils veulent faire perdre le temps.

La Présidente (Mme Cuerrier): II reste une minute, M. le ministre, c'est vous qui avez la parole actuellement et je demanderais qu'il n'y ait pas d'intervention. M. le ministre.

M. Landry: Je vous remercie, madame. Vous devriez peut-être même me donner 30 secondes additionnelles à cause de l'interruption de ces messieurs; quand cela leur fait mal, ils crient. Je leur dis avec un calme absolu que l'exposé du député de Notre-Dame-de-Grâce est un pur monument politique, faible sur le plan intellectuel, contraire à la réalité et contraire aux meilleurs intérêts des Montréalais parce que l'augmentation globale dont j'ai parlé de 12%, dans l'institutionnel, elle est de 125%; dans le commercial — est-ce le secteur privé ou si c'est le gouvernement? — 41%; dans le résidentiel, plus 15% et, dans l'industriel, plus 5%. Si je m'étais dans ma vie laissé prendre au piège de devenir membre du Parti libéral, je me réjouirais et je crierais au miracle

d'une façon irréaliste. Il n'y a pas de miracle; il y a simplement une légère reprise à Montréal, ce qui ne s'était pas produit depuis plusieurs années. Il y a des éléments plus spectaculaires que l'homme de la rue va voir.

M. Scowen: L'homme?

M. Landry: La Banque provinciale et Bell Canada mettent en chantier le plus grand chantier du secteur privé depuis dix ans à Montréal.

M. Scowen: Est-ce qu'il y a une limite pour chaque personne?

Le Présidente (Mme Cuerrier): Sûrement. M. Landry: Ce sont la les vrais chiffres.

La Présidente (Mme Cuerrier): J'ai une question de règlement actuellement, M. le ministre; vous devrez continuer votre intervention tantôt; vous avez déjà utilisé 20 minutes.

M. Landry: Volontiers, madame; le règlement, c'est le règlement.

La Présidente (Mme Cuerrier): Le règlement, c'est le règlement, comme vous le dites si bien. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Discussion générale

M. Scowen: Merci, Mme la Présidente. Avant de céder la parole au député Russell, je veux simplement répondre brièvement à deux ou trois points que le ministre a soulevés. Premièrement, je n'accepte pas du tout qu'il me qualifie d'anti-québécois; il n'y a rien qui se passe dans ce salon bleu qui est antiquébécois d'après moi. Si on ne partage pas tous les mêmes opinions, c'est une chose mais cette arrogance du Parti québécois me rappelle une citation du Dr Laurin, des Hautes études commerciales. Il disait que les membres de cette nouvelle élite se perçoivent comme étant investis de la mission d'annoncer au peuple ce qui fera son bonheur — il parle du Parti québécois, bien sûr, je pense — cette arrogance à dire que moi, j'ai la vérité et tout le monde qui essaie de me contredire n'est pas Québécois. C'est une attitude qui, pour moi au moins, est totalement inacceptable et je vais continuer à parler ici, jusqu'au moment où je ne serai plus député, au nom des Québécois et je vais dire ce que je pense être le meilleur pour les Québécois. Je n'accepterai jamais plus du ministre qu'il continue de faire ces insinuations.

Deuxièmement, il m'avait posé une question — je pense que c'était une question — où il parlait d'une citation de la Chambre de commerce de Montréal. C'est très bien; on va passer une bonne partie de la journée en citations des autorités d'un côté ou de l'autre. Finalement, la population pendant une visite ou pendant sa vie quotidienne à Montréal peut décider si la relance, l'activité et le bien-être de Montréal dont le ministre parle, c'est vrai ou non.

Il sait très bien que je peux citer moi aussi le Conseil du patronat du Québec, qui est un organisme qui n'est pas libéral, dont le président et le conseil d'administration ont continuellement dit que le gouvernement est en train de détruire le Québec et en particulier la ville de Montréal. Si vous voulez un exemple, vous n'avez qu'à voir la lettre ouverte qui a été écrite par le président, par le conseil, cela fait dix jours, au ministre Parizeau touchant le budget. Pour les citations en réponse au ministre, je vais lui en donner quelques-unes de gens qui font des investissements. Ils sont tous dans le rapport de Drouin, Paquin et Associés Ltée, une compagnie qui n'est pas libérale non plus; ce sont des conseillers en administration.

Je vais en citer trois et après je vais céder la parole au député de Brome-Missisquoi. Spécialistes en relocalisation à New York, nous ne pouvons plus recommander Montréal à nos clients car les facteurs cruciaux de localisation d'un siège social ne sont plus en faveur de Montréal. Experts en développement à New York. — Ce sont tous des gens qui investissent. — Les nouvelles qui nous viennent du Québec détruisent les possibilités d'investissement à Montréal. Tant que les entreprises de Montréal quittent leur ville, un programme d'attraction de nouvelles entreprises est sans objet. Experts en construction de bureaux. De toutes les personnes que je connais dans cette industrie, je n'en connais pas une seule qui envisage d'investir dans les immeubles à bureaux à Montréal. Un dernier, banquier canadien à New York. Aux Etats-Unis, il y a désormais un manque d'intérêt marqué vis-à-vis de Montréal et du Québec. Tout le monde observe ce qui va se passer. Quand par hasard Montréal est mentionné dans les conversations, ce que l'on en dit est négatif.

Mme la Présidente, on pourrait continuer toute la matinée avec des batailles de citations et de chiffres, mais je veux simplement vous démontrer qu'il y en a des deux côtés. Je passe la parole à quelqu'un d'autre.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre d'Etat au développement économique.

M. Landry: Oui, je pense que là-dessus, il y aurait un point d'accord avec le député de Notre-Dame-de-Grâce: c'est qu'on pourrait trouver des citations des deux côtés et en trouver longtemps.

Il y a cependant des statistiques et des chiffres qui ne sont pas des citations et qui ne sont pas interprétés. Quand il parle de la faiblesse des investissements à Montréal et dans le Québec en général, je lui dis formellement qu'il ignore la réalité. La réalité c'est qu'en 1978, la croissance des investissements au Québec a été la plus élevée de toutes les provinces du Canada, sauf l'Alberta, et cela exclut la baie James car il s'agit d'investissements manufacturiers. C'est beau de vouloir être pessimiste et morose et justifier ses attitudes en répandant des commentaires dépressifs, mais les hommes d'affaires et les investisseurs ont l'air de comprendre cela autrement.

Il parle d'espaces à bureaux. J'ai cité, dans la fin de mon intervention, deux réalités qui sont le

fait que la Banque provinciale, très dynamique entreprise du Québec, et Bell Canada ont commencé les travaux préliminaires et construisent à Montréal deux tours à bureaux qui constituent l'investissement privé le plus important à Montréal depuis dix ans. Cela ne s'était même pas vu sous le gouvernement libéral de 1970 à 1976.

M. Lavoie: Place Desjardins.

M. Landry: J'ai dit privé. Vous voulez qu'on parle d'investissements privés. La Banque provinciale, c'est privé, et Bell Canada, c'est privé. Vous avez demandé qu'on se limite au secteur privé.

M. Lavoie: Les Caisses populaires. M. Scowen: Ce n'est pas privé?

M. Landry: Ce n'est pas nécessaire d'aller voir dans les livres. On a simplement à constater ce qui se fait sur le terrain au pied de la Côte du Beaver Hall. Je vous dis également, madame, que la Banque d'épargne est également en train de négocier avec les services d'urbanisme de la ville de Montréal pour aussi construire un édifice important pour abriter ses services à Montréal. Cela fera, pour la construction de grands édifices à bureaux, une année record pour la mise en construction dans les mois qui viennent. Cela constitue une réalité, ce sont des réalités qui contredisent de façon formelle l'approche du député de Notre-Dame-de-Grâce. (11 heures)

Quant au secteur dynamique — il parle de mort de Montréal, d'absence d'investissements — dans les investissements manufacturiers de la région métropolitaine de Montréal — ce n'est pas l'ensemble du Québec — je voudrais encore des commentaires là-dessus. En 1978/79, croissance des investissements manufacturiers à Montréal — et je ne prends que les secteurs dynamiques — matériel de transport plus 82%, aliments et boissons plus 27%, produits chimiques plus 17%, appareils électriques plus 12%. On donne souvent...

M. Lavoie: 17% de zéro, ça ne fait pas beaucoup.

M. Landry: ... Toronto en exemple et on a raison parce que c'est au profit de Toronto, au cours des 40 dernières années, que Montréal a surtout perdu. Mais la hausse des investissements à Toronto a été de 22% et c'est la ville la plus dynamique du Canada probablement cette année et Montréal 21,1%, c'est-à-dire moins de 1% de différence. On a, d'un côté, ce que le député de Notre-Dame-de-Grâce a décrit comme un mourant et, de l'autre côté, la ville la plus dynamique du Canada. La croissance des investissements en 1978/79 — pas dans le temps de Noé — est à peu près la même. C'est pourquoi je dis qu'aller entretenir un pessimisme artificiel et à fins partisanes sur Montréal, ce n'est rendre service ni aux Montréalais, ni à l'économie québécoise.

Quand on parle de la grande région de Montréal, il y a des choses qu'il ne faut pas oublier non plus et auxquelles le député de Laval sera sensible. Il y a 25 ans, il y avait une série de villages sur l'île Jésus et de petites villes. Aujourd'hui, il y a l'immense ville de Laval, deuxième plus grande ville du Québec, un quart de million d'habitants, avec un parc industriel qui est tellement rempli que les autorités municipales de Laval ont décidé de multiplier sa surface par deux et qu'ils ont fait une demande au gouvernement en ce sens.

M. Lavoie: Qu'est-ce qu'on peut entendre!

M. Landry: Cela aussi, ça compte. Le Montréal métropolitain inclut aussi Laval et Laval, au cours des 25 dernières années, a été sûrement un des endroits en Amérique du Nord dont le taux de croissance a été le plus rapide non seulement pour la population, mais également pour le commerce et l'industrie. Comme je vous l'ai signalé, la ville de Laval doit maintenant agrandir son parc industriel qui est plein comme un oeuf.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. le député de Brome Missisquoi.

M. Russell: Mme la Présidente, je vais prendre quelques minutes. J'aimerais si on me le permet, diviser mon intervention en deux, parce que, si j'ai seulement vingt minutes, il faut que je sois un petit peu plus conservateur, au moins que je continue à conserver mon conservatisme normal.

Je n'ai pas l'intention de faire une illustration du déménagement des sièges sociaux de Montréal vers Toronto. C'est une chose qui est connue depuis longtemps et on connaît une partie des causes qui sont arrivées à créer ce climat. Il faut d'abord connaître la situation géographique de Toronto, savoir que c'est une capitale et savoir le travail qui se fait pour le développement de Toronto. Il faut aussi connaître la situation géographique de Montréal et lire simplement la façon dont l'économie canadienne s'est développée et on va s'apercevoir que cela justifie certains déménagements pour certaines sociétés. Je suis d'accord, quand même, qu'il faut tenter de faire quelque chose dans une province comme la nôtre et c'est là que je trouve que le ministre a peut-être manqué le bateau. Il aurait dû nous démontrer les mesures positives qu'ils ont prises, eux, parce qu'ils ont été élus en 1976 sur la promesse d'être un bon gouvernement. Le gouvernement précédent a été jugé et pas simplement sur son action entre 1973 et 1976. On pourrait dire qu'ils ont été jugés du début des années soixante, sur toutes les politiques qu'ils ont amenées à la population et sur le climat qu'ils ont pu créer. Ils ont été remerciés de leurs services; on a élu un autre gouvernement, pas pour séparer le Québec et c'est ça que je voudrais qu'on mette de côté pour le moment. On a été élu en promettant à la population qu'on serait un vrai gouvernement et qu'on ferait un référendum pour la séparation du Québec.

Donc, je veux tâcher d'être dans l'ordre pour essayer d'illustrer ma pensée. Je voudrais ce matin tâcher d'examiner la situation réelle du déménagement et je dis que ceci réfère au climat. Ce climat, c'est le gouvernement qui le crée souvent avec les municipalités qui sont ses organismes et qui sont sous le contrôle, sous la tutelle du gouvernement. Cela a été là la grande faiblesse des gouvernements passés.

D'abord, il y a eu trop d'interventionnisme. On a commencé au début des années soixante, au moment où la ville de Montréal progressait à un rythme aussi rapide que celui de Toronto. On n'a qu'à examiner les statistiques qui existaient dans le temps. Ce n'est pas moi qui les ai inventées, j'ai même lu des rapports qui ont été faits par le député à ma droite, ici, qui connaît très bien ce sujet, qui a établi des chiffres qui nous démontrent d'une façon certaine, que Toronto ne progressait pas, avant 1960, plus rapidement que Montréal.

Depuis ce temps, le gouvernement est intervenu à peu près dans tous les domaines. Ces interventions ont donné quoi? Des dettes et des charges aux contribuables. On a créé des dettes et des charges aux contribuables, et surtout à l'entreprise privée, comme le dit si bien le député de Notre-Dame-de-Grâce. Moi, je suis dans l'entreprise privée et je ne veux pas d'interventionnisme. Quand on voit, depuis 1960, toutes les sociétés d'Etat qui ont été créées, en commençant par la Société générale de financement, qui est devenue propriétaire de Marine Industries, de Forano, de Volcano, de Donohue, de Lasalle Treco, SOGEBEC, la Société de montage d'automobile, cela a été un succès extraordinaire, cela a coûté des millions à l'Etat et c'est ce qui a créé l'augmentation dont on parle. J'ai cité ces quelques sociétés pour vous démontrer que le gouvernement du temps, par son intervention, avec une tendance plutôt socialiste, a créé ce climat qui a fait que les hommes d'affaires ont dû se placer dans une situation pour pouvoir survivre. Quand ils ont vu que le gouvernement du Québec agissait de cette façon, on a établi nos politiques d'administration pour réussir.

C'est là que bien des sociétés, qui avaient des bureaux à Toronto et qui avaient des bureaux dans d'autres parties du Canada et aux Etats-Unis, ont décidé de se centraliser vers Toronto, peut-être pour une question de langue. On a reconnu que ce n'est pas dû seulement à la loi 101, quoique ce fut un facteur qui n'a pas aidé au climat québécois actuel. Je le vis moi-même parce que j'ai des industries dans d'autres parties du Canada et cela me cause des embêtements. Il y a des gens qui n'aiment pas cela. On a tellement fait de publicité à cette loi 101 que cela paraît encore pire que c'est en réalité. Cela a aidé à créer un mauvais climat, et j'aimerais que le ministre nous explique tout à l'heure, dans ses remarques, ce qu'il a l'intention de faire pour corriger le climat qui a été créé par cet interventionnisme.

Cet interventionnisme a créé la charge fiscale qu'on connaît aujourd'hui au Québec. On sait que la charge fiscale au Québec, tant au niveau municipal, dans bien des cas — surtout Montréal — qu'au niveau provincial, dépasse l'Ontario et Toronto de beaucoup. Donc, les gens préfèrent déménager là-bas, là où ils paient moins d'impôt, là où ils ont certains avantages, plutôt que de demeurer à Montréal et avoir deux bureaux, être à cheval sur deux. Il y a aussi la technologie moderne qui a permis à bien des sociétés d'avoir un siège social à Toronto de ne pas en avoir à Montréal, et de fonctionner de la même façon. Cela se voit aujourd'hui et on le vit nous-mêmes; chacune des industries d'une taille moyenne bénéficie de cela.

En plus, il faut reconnaître que Montréal ne pourra pas tenir tête à Toronto. Avant 1960, on lui tenait tête, mais depuis 1960, c'est presque deux pour un. Toutes les statistiques nous démontrent, indépendamment des politiques qu'on va créer, que cela va continuer à ce même rythme, à moins que le gouvernement fédéral ne change toutes ses politiques qui pourraient favoriser d'une façon spécifique la région de Montréal et celle du Québec. Je doute fort que cela puisse arriver. On pourrait regarder tous les secteurs. Le domaine des transports est affecté; le domaine aérien, malgré Mirabel, est affecté. Je n'ai pas vu de mesures draconiennes de la part du gouvernement actuel pour corriger cette situation. Il faut que quelque chose se fasse là, il faut arrêter de créer des commissions et il faut agir plus rapidement.

Depuis 1960, on a créé des sociétés d'Etat, je vous en ai donné une liste tout à l'heure. On a créé surtout un fardeau inacceptable. De toutes les mesures sociales qu'on a créées dans le Québec comme ailleurs, mais surtout au Québec, on a l'assurance-maladie qui paie mieux que l'Ontario, on a l'assurance sociale qui paie mieux que l'Ontario. La plupart de ces lois sociales sont plus avantagées qu'en Ontario.

Ce qui fait en sorte que les gens, aujourd'hui, sont moins intéressés à travailler. On a aussi l'effort qui a été fait, de façon très justifiée, par les mouvements ouvriers pour augmenter les salaires. C'était justifié; parce que le coût de la vie augmentait, il fallait que l'ouvrier aille chercher plus. C'est normal! Si vous regardez les augmentations, si vous regardez les statistiques depuis dix, douze ans, dans le domaine du revenu d'un ouvrier dont 80% ou 90% de son salaire vont pour l'habitation, le vêtement, la nourriture de sa famille, ainsi de suite, ç'a augmenté de 12% à 18% tandis que les augmentations de salaire sont maintenues de 6% à 9%. Ce qui veut dire que le pouvoir d'achat de l'ouvrier a diminué d'année en année. Donc, ils ont demandé plus, c'était justifié. Il ne faut pas critiquer et dire que les mouvements ouvriers ont été injustes. Mais on a tellement fait de publicité, on a tellement créé un climat et dit qu'au Québec c'était plus affreux qu'ailleurs! Je ne sais pas si c'est simplement au Québec mais, en Ontario, on ne voit pas ces publicités, ces annonces dans les journaux à pleine page, quand il s'agit d'une grève comme ici à Montréal.

On a montré Montréal dans les journaux comme la capitale où il y avait toutes les grèves; le

Québec en général mais surtout Montréal. On ne pouvait plus arriver, survivre à Montréal à cause des fardeaux qu'on a créés et on a laissé Montréal se débattre dans son propre problème. On n'est pas intervenu assez pour aider Montréal à se développer comme l'a fait le gouvernement de l'Ontario vis-à-vis de Toronto, qui est une capitale encore. Montréal, j'admets que ce n'est pas une capitale. On a aidé la ville de Québec à se développer; Montréal, on y est allé au compte-gouttes. Je voudrais simplement regarder le fardeau qui a été créé à Montréal par l'exposition universelle, qui est un fardeau que le contribuable de Montréal est obligé de payer; vous avez aussi les Jeux olympiques qui sont un fardeau qu'on ressent actuellement, et le gouvernement devrait prendre des mesures pour corriger cette situation. C'est le contribuable de Montréal, c'est l'industriel de Montréal qui vont avoir à porter ce fardeau.

En résumé, tout ceci, on se dit que c'est une mauvaise orientation politique qui a été donnée par les gouvernements précédents et je ne comprends pas le gouvernement actuel qui se contente de s'asseoir et dire: Nous autres, on promet de faire mieux. A ce jour, je ne vois pas la série de mesures qui a été déposée devant la Chambre pour démontrer que ce sera mieux dans un avenir rapproché. Je ne voudrais pas utiliser tout mon temps, je veux garder quelques minutes pour plus tard parce qu'il y a d'autres statistiques que je voudrais apporter.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre d'Etat au développement économique.

M. Landry: Mme la Présidente, je voudrais réagir aux remarques qui me semblent extrêmement honnêtes de la part du représentant de l'Union Nationale. Il n'a pas essayé de brandir des spectres politiques qui disent que les difficultés de Montréal ont commencé en 1976. Il a évoqué un certain nombre de points qui méritent une réponse attentive et la plus structurée possible. Commençons par la loi 101. Je pense que vous avez fondamentalement raison en disant que la loi 101 et toute loi linguistique, par conséquent: bill 22, loi 63, créent certains ennuis à la grande agglomération de Montréal. Cela est vrai et inéluctable. Même le député de Notre-Dame-de-Grâce l'a reconnu dans son étude; il parlait des lois linguistiques au pluriel, j'imagine qu'il incluait le bill 22. C'est vrai que cela dérange, cela ne sert à rien de le nier. Mais il y a des gestes qui sont posés par les gouvernements dans un système démocratique qui dérangent mais qui doivent l'être parce que, s'ils ne sont pas posés, il y aurait des dérangements plus grands encore.

J'essaie d'expliquer ma pensée: Vous vous souvenez du cauchemar qu'on a vécu au Québec en 1970. Vous vous souvenez du climat social invivable qui s'est par la suite développé entre 1970 et 1976. Vous ne l'avez peut-être pas vécu personnellement; mais, bien que vous soyez parfaitement habile en langue anglaise, vous pouvez être considéré comme un francophone. Vous pouvez sans doute imaginer la frustration de millions et de millions d'hommes et de femmes du Québec qui ont eu, bien qu'étant francophones, à travailler en langue anglaise. Cela tombe sous le sens de dire cela; chacun l'a vécu dans sa propre famille. (11 h 15)

Cela dérangeait en diable! La frustration s'accumulait. Cela rendait les gens de plus en plus agressifs, et les moins calmes d'entre eux se sont malheureusement laissés aller à une violence qui n'est pas pardonnable, mais qui était réellement et qui était dans le paysage de Montréal. Vous vous souvenez des boîtes aux lettres. Vous vous souvenez de 1970. Donc, il fallait absolument remédier à cette situation et, en y portant remède, on a dérangé du monde, mais on a donné la paix à certains autres.

Je vous dirai personnellement que mon propre père, qui travaillait pour une usine de la Défense nationale du Canada, devait répondre à ses supérieurs en anglais. J'ai vu cela quand j'avais 14, 15 ou 16 ans, et c'était extrêmement dérangeant pour mon père de le faire. Mon père n'était que comme des millions de travailleurs québécois qui se rendaient au travail le matin et qui devaient laisser à l'entrée de l'usine leur culture et leur langue. Cela dérangeait en diable, cela! Cela ne dérangeait pas un banquier à New-York, ou à Toronto, à Bay Street. Ils s'en fichaient complètement dans ce temps-là, mais cela dérangeait des millions d'hommes et de femmes du Québec.

A la génération suivante, qui était la mienne, le problème n'était pas réglé encore. Et là, je parle du secteur public. J'ai dû, alors que j'étais officier dans les Forces armées canadiennes — donc secteur public — m'exprimer en anglais, dans une unité francophone, à la suite d'un ordre qu'on m'avait donné. "Lieutenant, I give you the order to speak in English." Mon père se faisait dire cela comme travailleur à l'usine de munitions à Saint-Paul-l'Ermite et moi, je me le faisais dire comme membre des Forces armées canadiennes. Cela dérangeait en diable, cela!

C'est la raison pour laquelle le gouvernement qui nous a précédés et le présent gouvernement ont décidé qu'à la génération suivante, à celle de mon fils, ces humiliations et ces frustrations devaient être réglées et conjurées. Je pense que le député de Notre-Dame-de-Grâce souscrit à cet objectif, comme le député d'Outremont et comme la plupart des Québécois. C'est la raison pour laquelle, assez malhabilement — parce que cela a soulevé un tollé et une critique épouvantable — les libéraux ont fait la loi no 22 et c'est la raison pour laquelle nous avons fait la loi no 101.

Elle peut déranger et je ne nie pas qu'elle dérange. C'est entendu qu'un gars qui faisait son activité économique à Montréal, comme à la Sun Life, par exemple, depuis un siècle, uniquement en langue anglaise, cela l'a dérangé quand il s'est rendu compte que le Québec était en train de changer. Mais c'était une situation scandaleuse. Si le député de Notre-Dame-de-Grâce dirigeait une

compagnie d'assurance à Mexico pendant 25 ans, je suis sûr qu'avec son intelligence, il parlerait l'espagnol. Il y avait des gars qui dirigeaient des compagnies d'assurance à Montréal depuis 15 ou 20 ans et qui ne parlaient pas français.

Il fallait faire quelque chose. Et ce fut fait. Et fut bien fait, à un point tel que cette loi no 101 dont on parle tant a été citée en exemple à toutes les provinces du Canada par la Commission Pépin-Robarts. C'est écrit textuellement dans le rapport de cette commission. John Robarts, ancien premier ministre de l'Ontario, membre d'une commission fédérale, écrit textuellement que les autres provinces devraient faire comme le Québec, et c'est la raison pour laquelle il voulait confier aux provinces, comme vous le savez — c'est la base de leur argumentation — toute la protection des droits des minorités. C'est au Québec, dans le monde occidental, où la minorité de langue anglaise est la mieux protégée de toutes les minorités qu'on puisse imaginer.

Il y a des détails que me ravissent, qui m'enchantent et qui montrent l'ouverture d'esprit des Québécois, avant la loi 101 comme après. Il y a deux pays au monde où les écoles juives sont subventionnées à même les deniers publics — à même les taxes — et j'en suis fier. Savez-vous quels sont ces deux pays? Israël et le Québec. C'est cela, de l'ouverture d'esprit. C'est cela, de la tolérance. Et si un banquier de Bay Street n'a pas compris cela, s'il n'a pas compris que nous devions rajuster la situation des Québécois dans le seul univers culturel qui est le leur, le périmètre du Québec c'est dommage pour lui. S'il décide de ne plus faire d'affaires au Québec, c'est doublement dommage pour lui parce que c'est sa poche et son compte d'exploitation qui vont en souffrir, comme la Sun Life, dont le marché québécois s'est effondré. Ce n'est pas un cadeau de vendre une police d'assurance de la Sun Life au Québec maintenant. Ils n'ont pas compris la nouvelle situation québécoise.

Je vais vous faire une prévision: loi 101, pas loi 101, quoi qu'il arrive politiquement dans l'avenir, à cause des richesses énergétiques du Québec, à cause des mégawatts que nous possédons, à cause des richesses naturelles — le prix du cuivre a doublé depuis qu'on est arrivé au pouvoir et ce n'est pas de notre faute, d'ailleurs; c'est un phénomène de marché — parce qu'on s'est rendu compte que, dans les déchets d'amiante, il y avait l'équivalent des réserves mondiales de magnésium prouvées — comprenez-vous? — les richesses au Québec, en termes de richesses naturelles, nous sortent par les oreilles; à cause de cela, il y a des gens qui vont demander, dans cinq ou dix ans, de venir s'implanter au Québec et nous ne serons pas en mesure de les accueillir parce que les immenses richesses énergétiques auront déjà été employées par des entreprises québécoises et étrangères au maximum de leur capacité et ils iront payer leur courant électrique quatre, cinq, huit, dix fois plus cher dans d'autres Etats américains et d'autres parties du monde. Sur le plan de la concurrence, le Québec sera dans une situation d'une telle force que ceux qui en sont sortis — il n'y en a pas autant qu'on le dit, mais ceux qui ont eu la bêtise d'en sortir — s'en mordront les pouces et il y en a plusieurs qui voudront y entrer.

Pour la question des langues, encore une fois, je vous donne raison, cela dérange, mais, entre deux dérangements, on choisit le moindre. Moi qui suis d'ascendance acadienne les dérangements, je sais ce que c'est, on en avait eu un grand. La loi 101 dérange; c'est un petit dérangement comparé à la frustration que l'ancienne situation linguistique faisait peser sur les Québécois.

Vous avez parlé des taxes. Là aussi, je vous donne partiellement raison. La fiscalité québécoise depuis 25 ans est très lourde et est trop lourde, sauf peut-être au chapitre des corporations. Les compagnies, vous le savez, paient 2% de moins de taxes au Québec qu'en Ontario si on considère la partie qui va aux provinces; 2% de moins au Québec qu'en Ontario. Mais pour les individus, c'est vrai, la fiscalité est lourde. Qu'a fait le présent gouvernement? Le ministre des Finances l'a expliqué dix fois. Le présent gouvernement s'est attaché à réduire le fardeau fiscal, à diminuer les taxes et il a commencé, imaginez-vous — c'était logique — par les secteurs où c'était le plus urgent. On a commencé par baisser les taxes de 80% des Québécois, c'est-à-dire les plus démunis, d'une part, mais aussi les salariés de classe moyenne et les ouvriers spécialisés. Ce sont ceux-là qu'on a voulu toucher les premiers. Nous sommes fiers de cela. C'était notre devoir, comme gouvernement social-démocrate et comme gouvernement élu par le plus grand nombre, de diminuer d'abord l'impôt du plus grand nombre, non seulement l'impôt, mais aussi les taxes au sens plus restrictif du terme: taxe de vente abolie de façon définitive sur des biens qui sont de consommation essentielle.

L'idéal du gouvernement, ce n'est pas de monter les taxes; c'est de les baisser. Chacun sait qu'il ne peut pas le faire dans un seul budget, mais, dans trois budgets successifs, nous avons diminué les taxes de 80% des Québécois et l'incidence des taxes foncières sera elle-même abordée avec la réforme de la fiscalité municipale en 1980.

Par conséquent, je rends des points au député, d'une certaine manière, sur ces deux sujets. Je diverge d'opinion sur les entreprises du secteur public. En 150 ans, le capital privé n'avait pas réussi à doter la grande région montréalaise d'une sidérurgie. Vous savez que l'acier, c'est majeur pour le développement économique. Un consommateur d'acier du Québec devait aller chercher son acier en Ontario. Alors, c'était le prix, plus le transport. Une entreprise de transformation, une PME, était en difficulté de concurrence par ce simple fait que l'acier venait de l'Ontario. SIDBEC, qui n'a peut-être pas eu des performances brillantes — mais c'est une jeune sidérurgie, c'est une sidérurgie qui a dix ans alors que la sidérurgie canadienne a plus d'un siècle — a permis à des PME québécoises, des petites et moyennes entre-

prises, d'avoir de l'acier à un taux concurrentiel.

Cela est énorme et jamais le gouvernement de M. Lesage n'aurait installé une sidérurgie d'Etat à Contrecoeur si le secteur privé avait pu nous doter d'une sidérurgie intégrée. S'il y avait eu des hauts fourneaux construits à Contrecoeur ou à Trois-Rivières par l'entreprise privée — ils ont eu 150 ans pour le faire.

M. Raynauld: ...150 ans.

M. Landry: La technique des hauts fourneaux... Le député d'Outremont est économiste mais il est mauvais physicien; on a toujours fait de l'acier avec des hauts fourneaux depuis la révolution industrielle survenue en Angleterre en 1850.

M. Russell: Le ministre nous parle de...

M. Landry: On ne parlera pas de cela mais c'est pour vous expliquer...

M. Russell: Vous nous parlez d'une industrie qui n'existait pas, mais parlez-nous de Marine et des autres qui existaient; l'entreprise privée existait. Vous prenez ce qui fait votre affaire.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Brome-Missisquoi, il y a encore du temps qui vous est alloué; vous aurez l'occasion d'intervenir.

M. Landry: Je ne veux pas dire que le gouvernement doit intervenir — le député m'a mal compris — dans tous les secteurs de l'activité économique, loin de là, on en a plein les mains à administrer ce qu'on a déjà comme gouvernement. Mais je ne le suis pas quand il dit qu'on aurait pas dû faire SIDBEC, que le gouvernement Lesage n'aurait pas dû faire SIDBEC. S'il n'avait pas fait SIDBEC, on aurait encore des petites entreprises, dans la région de Montréal, qui devraient aller s'approvisionner, pour leurs matières premières, en Ontario avec des coûts de transport.

Un dernier point que je veux aborder sur le transfert des sièges sociaux. L'économie du Québec est une économie dominée, comme celle du Canada d'ailleurs, c'est-à-dire que les centres de décision, dans une proportion beaucoup trop grande, sont en dehors du Québec. Cela traîne dans tous les manuels de sciences économiques et quand on parle de domination d'une économie par l'étranger, dans toutes les universités du monde, on donne en exemple le Québec, le Canada et certains pays de l'Est qui sont satellisés par l'Union soviétique.

Il est entendu que dans un tel contexte de domination, quand on ne contrôle pas ultimement la décision, on est vulnérable à des changements de sièges sociaux et à des départs. J'ai évoqué la Banque Provinciale tout à l'heure; la Banque Provinciale, elle, a rapatrié à Montréal des centres de décision qui étaient ailleurs. La Banque Provinciale contrôle maintenant Unité-banque et le destin de cette banque qui n'existait pas au Québec est décidé maintenant à Montréal dans les bu- reaux du président de la Banque Provinciale, Michel Bélanger. Même chose pour Laurentides finance; c'est du rapatriement de pouvoirs. Power Corporation, qui a été constitué surtout à la suite de la nationalisation de l'électricité — en fait, c'est l'argent de la nationalisation qui s'est remis à l'oeuvre dans d'autres secteurs; en grande partie, c'est cela Power Corporation — a fait l'acquisition de Great West, une compagnie d'assurance de l'Ouest dont les décisions ultimes sont maintenant rapatriées à Montréal. Une partie du salut des Québécois est de rapatrier ces centres de décision pour ne pas être à la merci de décisions étrangères.

J'ai pris au hasard, dans l'étude du député de Notre-Dame-de-Grâce, une entreprise, Perkins Paper. J'espère qu'il pourra nous en parler. Je pose la question très honnêtement. Perkins Paper était une entreprise qui avait comme un de ses principaux dirigeants le député de Notre-Dame-de-Grâce lui-même. Pour autant que je sache, c'était une entreprise à capitaux québécois; comme le député de Notre-Dame-de-Grâce est Québécois, l'entreprise dont il était un dirigeant et ses capitaux étaient québécois. Cette entreprise a pris la décision de se vendre — ce qui est parfaitement légitime — à une entreprise qui est Bowater, capitaux d'origine britannique, sauf erreur. De ce jour, un centre ultime de décision qui était entre les mains de Québécois a cessé de l'être. C'est le contraire de ce que la Banque provinciale fait quand elle achète Unité-banque. Si la Banque Provinciale achète Unité-banque, elle ramène de la décision et du pouvoir au Québec. Si Perkins Paper se vend à des étrangers ou à des capitaux ultimement contrôlés ailleurs, ils sortent un centre de décision du Québec. Tout cela se fait dans le cours normal des affaires, je le comprends, et je ne fais aucun blâme, mais il faut bien que nous nous rendions compte que si les Québécois veulent être de plus en plus maîtres chez eux, ils auront à être soigneux des décisions d'affaires qu'ils prennent.

Dernier point, enfin, dont on a peu parlé... Je m'excuse, Mme la Présidente, auprès de mes collègues d'avoir parlé longtemps, je leur laisserai plus de temps par la suite. Dernier point dont on a peu parlé: A l'époque où le député d'Outremont faisait le rapport Martin-Higgins-RaynauId, il y a un phénomène d'aujourd'hui qui n'était pas encore apparu. C'est le formidable dynamisme de certaines régions du Québec. Ce n'est pas un désastre en soi, c'est un effet compensateur. (11 h 30)

Avant, Montréal était le moteur absolu et suprême. Aujourd'hui, il y a d'autres moteurs. Aujourd'hui, il y a la Beauce, comprenez-vous. Qui aurait dit, il y a 25 ans, que Saint-Georges-de-Beauce deviendrait un centre privilégié de PME, d'administrations, de relations économiques? Qui aurait dit qu'à Saint-Joseph-d'Alma, aujourd'hui Aima, on aurait le siège social d'une grande entreprise financière, les caisses d'entraide économique? C'est un domaine nouveau. On aurait dit cela au Canadian Club à Montréal il y a 25 ans, les gars

se seraient poigné les côtes de rire qu'une grande entreprise financière ait son siège social à Alma. C'est le cas aujourd'hui au moment où on parle. Qui aurait pensé que l'Abitibi, qui était totalement dominée par les intérêts étrangers et vivait d'une agriculture marginale il y a 25 ans, serait devenue le noyau économique qu'elle est devenue aujourd'hui? Il y a maintenant des groupes en Abitibi qui se sont consolidés et qui sont capables de venir à Montréal pour acheter ou tenter d'acheter les grandes entreprises.

Ce n'était pas le cas, il y a 25 ans. C'est vrai que Montréal n'est plus ce qu'elle a été autrefois dans l'économie relative du Québec. Mais il y a la Beauce. Vous rigolez parce que je dis mais il y a la Beauce? Je le signale aux Beaucerons en passant, le député de Notre-Dame-de-Grâce, quand j'ai dit, mais il y a la Beauce, il a rigolé...

M. Scowen: Mme la Présidente, voulez-vous répéter la question, s'il vous plaît?

M. Landry: Ce n'est pas une question, c'est une affirmation. Quand j'ai dit la Beauce...

M. Scowen: Oui.

M. Landry: ... vous avez rigolé.

M. Scowen: Excusez-moi.

M. Landry: Je signale...

M. Scowen: Mme la Présidente, s'il vous plaît.

M. Landry: ...rnoi la Beauce cela ne me fait pas rigoler, je suis plein d'admiration pour ce qui se passe dans la Beauce.

M. Scowen: La seule chose qui me fait rigoler, c'est le ministre d'Etat au développement économique, qui fait une démagogie incroyable depuis 20 minutes. Je n'ai rien dit en ce qui concerne la Beauce. Je n'ai même pas pensé à la Beauce quand j'ai pensé au ministre; l'une est assez intéressante et l'autre est idiot.

M. Landry: Moi, je pense à la Beauce. Quand on discute de Montréal, je pense à la Beauce. Je pense à la Beauce, pourquoi? Parce qu'aujourd'hui la Beauce...

M. Scowen: Moi, quand je discute de Montréal, je pense à Montréal. Quand je discute de la Beauce, je pense à la Beauce.

M. Landry: ... est devenue un excellent pôle économique pour le Québec.

M. Scowen: C'est deux choses complètement différentes.

M. Landry: Comme le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Comme l'Abitibi.

M. Scowen: C'est de la démagogie parfaite.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député, vous aurez l'occasion d'intervenir, s'il vous plaît. Vous pouvez, de part et d'autre de cette Assemblée ou de cette commission, diverger d'opinion et vous en avez tout à fait le droit. Mais vous aurez des occasions d'exprimer ce que vous voulez dire, M. le député; je vous demanderais d'attendre que M. le ministre ait terminé son intervention. M. le ministre.

M. Landry: Cela doit faire mal aux libéraux, madame, parce qu'ils se sont mis à s'exciter au point qu'on ne peut pratiquement plus parler.

La Présidente (Mme Cuerrier): Vous avez d'ailleurs à peu près terminé, M. le ministre.

M. Landry: Très bien, madame. Je pense que vous avez été très généreuse dans le temps que vous m'avez alloué. Je n'ajouterai plus un seul mot, sauf pour des interventions croisées sur la fin du débat.

M. Scowen: Avant que mon collègue parle, simplement vous dire, Mme la Présidente, que, quand on fait le débat sur Montréal, je pense à Montréal. Quand on fait le débat sur la Beauce, je pense à la Beauce, et c'est bien normal.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député d'Outremont, si vous voulez intervenir maintenant.

M. Raynauld: Mme la Présidente, c'est toujours embarrassant de participer à un débat comme celui-ci avec le ministre d'Etat au développement économique, qui, à mesure qu'il avance, passe d'un niveau au départ assez factuel et assez analytique à l'imagination la plus folle. Il rêve éveillé, le ministre, à un moment donné et à travers cela, malheureusement...

M. Scowen: II rigole...

M. Raynauld: Oui, il rigole parce qu'il pense à moi.

M. Landry: Je ne rigole pas du tout. Je voulais de façon courtoise avertir le député d'Outremont que je vais m'éloigner derrière le fauteuil, mais je continue à l'écouter, je ne veux pas être impoli vis-à-vis de lui. Qu'il ne pense pas que je me désintéresse de ce qu'il dit. Donc, je ne rigolais pas, je prévenais poliment le député d'Outremont que je suis tout oreilles.

M. Scowen: C'est la politesse de rester à son siège pendant que le député d'Outremont parle.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Mme la Présidente, je voulais également regretter qu'en passant le ministre

d'Etat au développement économique se sente obligé d'attribuer au Parti libéral, aux représentants du Parti libéral des énormités qu'il lui est évidemment facile ensuite d'essayer de démolir, qu'il lui est facile de démolir parce qu'il nous fait dire des choses qu'on n'a jamais jamais affirmées.

Il n'est pas de meilleur exemple que l'argument du gouvernement suivant lequel les phénomènes dont nous parlons auraient pris naissance avant la naissance du Parti québécois. Comme s'il s'agissait d'un argument qui pouvait avoir quelque effet que ce soit sur l'analyse qu'on peut faire aujourd'hui et sur les besoins d'intervention, aujourd'hui, pour régler ces problèmes.

J'ai eu moi-même, Mme la Présidente — le ministre y a fait allusion à deux reprises, hier et aujourd'hui — l'honneur d'être le premier à attirer l'attention sur l'importance de la région de Montréal sur le plan économique et aussi sur la faiblesse structurelle de la région de Montréal dans le contexte québécois, canadien et international.

Alors, ce n'est pas à moi que le ministre peut dire que j'impute toutes les modifications qui se font, à l'heure actuelle, aux dépens de Montréal seulement à l'élection du Parti québécois. Ce n'est pas à moi, non plus, qu'il va dire que tous ces phénomènes, parce qu'ils se sont produits avant que le Parti québécois arrive, en ce moment, ils disparaissent. Comme si le problème avait disparu parce qu'il était né avant; comme si le fait que les sièges sociaux qui partent aujourd'hui seraient partis auparavant, ça supprime le problème; comme si le gouvernement n'avait plus de responsabilités. Comme si le gouvernement pouvait toujours se dire: Comme il y avait des choses comme ça qui se passaient auparavant, par conséquent, nous, là-dedans, on est blanc comme neige, on ne contribue en rien à la détérioration du phénomène lui-même, on n'est pour rien dans tout ce qui se produit, et, par conséquent, on est également dégagé de toute responsabilité.

Lorsque le gouvernement, le ministre au développement économique nous dit, par exemple, que l'on est antiquébécois et que l'on est malhonnête parce qu'on veut imputer au gouvernement la responsabilité de ce qui se passe, ça serait malhonnête si on faisait ça. Mais ce n'est pas ça que nous faisons. Nous disons que le problème à l'heure actuelle s'accentue. Nous disons qu'à l'heure actuelle, il y a un dérapage, un glissement absolument extraordinaire qui se produit. Il y a un vide qui se fait par l'intérieur dans la région de Montréal. On dit qu'il y a une accélération de tendances qui ont été certainement manifestes auparavant, mais une détérioration très marquée dans ces tendances, alors qu'on espérait et que j'espérais déjà, en 1970, que les gouvernements québécois, parce qu'ils seraient sensibles à ce genre d'analyse et à ces faits, prendrait justement des décisions pour renverser ces tendances.

Je ne crois pas au déterminisme géographique, je ne crois pas au déterminisme historique, je ne crois pas à ces choses. Je pense qu'un gouvernement est capable de prendre des déci- sions. Or, le gouvernement qui est ici, qui est élu depuis novembre 1976, non seulement ne prend pas de décisions, mais tout ce qu'il fait, il le fait pour accentuer encore ce problème. C'est dans ce sens que je dis que le gouvernement du Parti québécois à l'heure actuelle est en train, effectivement, de détruire la base économique de Montréal. C'est pour ça que nous faisons un débat ce matin. Il est en train de détruire la base économique de Montréal, parce que la philosophie du Parti québécois, parce que les attitudes des ministres de ce gouvernement sont telles qu'ils n'acceptent pas l'analyse qui est faite.

Le ministre peut bien, en rigolant, essayer de citer des phrases, des paragraphes et des affirmations que j'ai pu faire auparavant, mais il serait bien mieux avisé s'il essayait de comprendre l'analyse qu'il y a là-dedans et qu'il la partageait suffisamment pour être capable d'inciter le gouvernement à prendre les actions absolument indispensables pour que Montréal ne devienne pas simplement un autre gros village au Québec.

Que le problème existe à l'heure actuelle, je pense qu'il faut vraiment être aveugle pour ne pas l'accepter. On peut diverger d'opinion sur son importance, mais je pense que le gouvernement ne peut pas nous dire, à nous, que le problème n'existe pas, qu'au contraire, ça va bien à Montréal, que les sièges sociaux ne sont pas partis de Montréal. Lorsqu'on fait état d'un service particulier dans une entreprise, on nous rétorque: II n'y a rien là, ce n'est pas le siège social! Là, on va jouer sur les mots et on va dire: La, ce n'est pas un siège social. Lorsqu'il y a une usine qui ferme, évidemment, ce n'est pas un siège social. Quand on essaie de réunir ces phénomènes ensemble pour essayer d'obtenir une certaine réalité, bien sûr, on ne parle pas seulement de sièges sociaux officiels. Des sièges sociaux officiels, il y en a qui sont complètement vides. Maintenant, l'expression devient à la mode: des coquilles vides! On ne s'intéresse pas nécessairement à ces choses-là. Ce ne sont pas des coquilles vides qu'on veut; on essaie de voir ce qu'il y a comme activités des sièges sociaux à Montréal. Ces activités de sièges sociaux diminuent à l'heure actuelle; elles n'augmentent pas. Cela n'a peut-être pas commencé en 1976, mais grands dieux, le gouvernement est là depuis 1976! Fait-il quelque chose pour renverser cette tendance? La tendance s'accentue. Les services des sièges sociaux s'en vont, c'est absolument incontestable. On peut relever des statistiques jour après jour dans les journaux. Il y en a tous les jours, de ces statistiques. Le gouvernement nous dit: C'était commencé avant. Comme si c'était une raison!

Sur ce plan, je pense qu'il est incontestable que le phénomène existe. L'impact de ces décisions des sièges sociaux est considérable. Je pense que cela aussi est incontestable. Les centres de décision s'éloignent et ils échappent à l'influence qu'on peut exercer au sein d'une certaine communauté. Le ministre dit: Oui, mais il y a maintenant aussi des rapatriements d'entreprises extérieures. Je l'espère bien! Il peut en citer

deux et on peut en citer 50 qui sont parties. C'est ça, le problème. Il y en avait aussi avant, des départs. Je connaissais l'existence de certaines études faites justement parce qu'on voulait attirer l'attention — j'ai participé à toutes ces études — sur le danger que Montréal perde de sa vitalité parce que les activités des sièges sociaux s'en allaient ou parce que les activités des sièges sociaux ne se créaient pas davantage à Montréal.

Les exemples que le ministre a cités tout à l'heure pourraient ne pas se produire si, chaque fois que nous parlons d'un siège social qui pourrait s'en aller, nous disons en même temps: C'est très bien puisque ce sont nos maîtres qui sont partis; par conséquent, nous aurons plus de pouvoirs sur ceux qui restent. Si le gouvernement doit prendre une attitude comme celle-là, il n'y aura plus d'achat d'entreprises extérieures. Pendant que nous voulions conserver le Crédit foncier à Montréal, en même temps, il y a eu Macmillan qui a été refusée par le gouvernement de la Colombie-Britannique parce qu'il y avait des intérêts montréalais qui voulaient les acheter. Je pense qu'on ne peut pas jouer sur les deux tableaux. Ou bien on joue le jeu du rôle international et national de Montréal et, à ce moment-là, il faut en tirer les conséquences ou bien on se replie sur soi et on va se contenter du marché local qui est absolument incompatible avec le rôle que Montréal a joué jusqu'à maintenant.

Je ne voudrais pas ce matin entreprendre une guerre de chiffres avec le ministre parce que ces guerres de chiffres sont ennuyeuses pour tout le monde. Je voudrais, avec votre permission, Mme la Présidente — peut-être ne pourrez-vous pas me la donner — distribuer deux ou trois feuilles pour éviter de revenir sur des chiffres qui sont toujours fastidieux. Si vous me le permettez, je vais passer au moins une copie de ces statistiques au ministre d'Etat au développement économique. J'attirerai simplement l'attention sur deux ou trois facteurs. Le premier est qu'en général l'activité économique de Montréal, depuis 1976, a ralenti considérablement. Une partie de ce ralentissement est due à des facteurs de conjoncture. (11 h 45)

II y a aussi une autre partie de cette baisse d'activité qui est due à ce ralentissement de type structurel qui se poursuit et qui s'accélère à l'heure actuelle. Les mises en chantier de logements, c'est bien connu, ont baissé, en 1977, de 28%; en 1978, elles ont baissé de 33%, à Montréal. C'est lié essentiellement à un phénomène démographique qui est également lié à l'évolution générale du Québec. Des hommes d'affaires nous disent: On s'en va à Toronto parce qu'il y a des raisons économiques qui nous incitent à le faire. Une des raisons économiques qui incitent les entreprises à partir, c'est la base démographique du Québec et de Montréal qui se rétrécit. Cela, on le voit dans le logement.

Les contrats de construction accordés, j'ai bien ri tout à l'heure lorsque le ministre a dit: On n'en parle plus des contrats parce que cela a augmenté en masse. Je lui dirai, Mme la Prési- dente, que j'ai des statistiques ici, pour toute l'année 1978, qui montrent que cela a baissé de 27% à Montréal et que cela a augmenté de 2% à Toronto. Pour les trois premiers mois de 1979 et sur les trois premiers mois de 1978, qui est une comparaison plus valable, beaucoup plus valable que la comparaison que le ministre fait qui est basée seulement sur un mois et qui peut être due à des facteurs saisonniers, cela a baissé encore de 17% en 1978 à Montréal et cela a monté de 2% à Toronto. Les baisses sont encore plus considérables évidemment dans certaines catégories que dans d'autres. Je ne lirai pas tous ces tableaux mais je dirai que c'est bien sûr qu'à un moment donné cela va — et je l'espère bien — changer, mais jusqu'à maintenant, quand on prend les trois premiers mois de 1978 et qu'on a une baisse de 17% en 1979 et que le ministre nous dit qu'il a déjà vu le creux de la vague, je pense qu'il rêve en couleur.

Les immobilisations: On fait état des immobilisations du secteur manufacturier. Les immobilisations totales sont intéressantes à regarder. J'ai donné les chiffres des investissements du secteur privé: Québec, Ontario, Canada. Ces investissements privés, au total, immobilisations: au Québec, en 1978, cela a baissé de 3,5% et, en 1979, il est prévu que cela va monter de 6%. Investissements privés: l'augmentation prévue pour 1979, quand elle est 6% à Québec, elle est de 9% en Ontario, elle est de 9% aussi au Canada. Dans le secteur manufacturier, je suis bien prêt à reconnaître qu'il y a eu une augmentation dans les immobilisations du secteur manufacturier, au Québec, en 1978. Mais je répondrai à cela que dans la région de Montréal, pendant que cela montait de 18,3% au Québec, cela baissait de 2,3% à Montréal. C'est la meilleure preuve qu'on peut apporter comme quoi Montréal diminue en importance et ralentit le rythme de ses activités, alors que dans l'ensemble du Québec cela peut, dans certaines régions tout au moins, aller un peu mieux.

Lorsqu'on voit le secteur manufacturier dans l'ensemble, pour l'année 1979, c'est 9,9%; c'est la même chose qu'en Ontario et au Canada. Le miracle ne se produira pas deux fois. En ce qui concerne le taux de chômage, je veux également montrer que Montréal a pris du retard par rapport à l'ensemble du Québec et je l'indique ici. J'indique également, je donne un petit graphique, Mme la Présidente, qui est fort intéressant, sur les heures de travail dans la construction. Le nombre d'heures de travail, le ministre des Finances l'autre jour a essayé de montrer un petit graphique comme cela aussi et il disait: Cela monte, cela descend, le chômage diminue beaucoup. Bien, c'est difficile que le chômage diminue parce que quand on regarde le grand Montréal ici, depuis 1975, c'est pratiquement en chute libre. C'est la construction.

M. Landry: En 1975.

M. Raynauld: Depuis 1975, oui.

M. Landry: En 1975, on n'était pas là.

M. Raynauld: Oui, oui, depuis 1975. Cela fait trois ans.

M. Landry: On était dans l'Opposition, nous.

M. Raynauld: En ce qui concerne les données de l'emploi que le ministre a citées tout à l'heure, j'ai juste un petit problème avec cela, j'aimerais qu'on nous cite les chiffres parce que mes données ne sont pas les mêmes. Les données du ministre sont: une baisse d'emplois dans Montréal de 12 000 en 1976, une baisse de 2 000 en 1977, et une hausse de 14 000 en 1978. Mme la Présidente, j'ai ici les chiffres officiels de Statistique Canada: Région métropolitaine de Montréal, baisse de 14 000 en 1976, baisse de 6000 en 1977, et baisse de 12 000 en 1978. Ce n'est pas une hausse de 14 000; c'est une baisse de 12 000. Maintenant, s'il s'agit non pas de la région métropolitaine de Montréal mais de la région no 6, la région administrative de Montréal, les chiffres ne sont pas égaux non plus. En 1976, dans la région administrative, il n'y a pas eu une baisse de 12 000, il y a une hausse de 29 000 emplois...

M. Landry: La région métropolitaine et la région administrative, ce n'est pas la même chose.

M. Raynauld: Ce n'est pas la même chose, c'est bien sûr, mais laquelle des deux avez-vous prise? C'est bien cela, le problème.

M. Landry: La région métropolitaine.

M. Raynauld: Là est le problème. On ne le sait pas. Les statistiques que nous utilisons sont pour la région métropolitaine de Montréal ou la région administrative no 6 de Québec. Mais on ne les a pas ici. Si vous avez choisi l'île de Montréal, le comté d'Outremont, les comtés de Laval ou de Fabre, à ce moment-là, dites-le.

M. Landry: Nous n'avons rien dans Fabre.

M. Raynauld: A ce moment-là, ces chiffres-là —en ce qui me concerne — ne sont pas du tout représentatifs. Ceux qui sont les plus représentatifs sont ceux que je viens de donner; 1976, moins 14 000 — cela s'applique à la région métropolitaine de Montréal — 1977, moins 16 000 et, en 1978, moins 12 000. Il n'y a pas d'augmentation et de progrès là, je vous prie de me croire.

Enfin, Mme la Présidente, je voulais insister encore une fois — mais je pense que le temps court vite — sur le problème de l'analyse de Montréal. Montréal ne peut vivre qu'à cause de son rôle national et international. Bien sûr, il y a des industries légères à Montréal qui sont importantes, de type manufacturier, mais la force d'attraction, de développement de Montréal est liée —et a toujours été liée — au fait que Montréal est une espèce de station, de carrefour dans des circuits qui sont extérieurs au Québec. Montréal a vécu d'abord parce que c'était un centre de transports maritimes. Elle a vécu parce qu'elle est devenue un centre de transports ferroviaires. Montréal a encore vécu plus récemment parce qu'elle était un carrefour, un centre de transports aériens. Montréal repose sur les liaisons avec l'étranger dans des circuits mondiaux, et tout ce que ce gouvernement québécois est en train de faire, c'est d'essayer de couper Montréal de ses liens extérieurs. Il essaie de couper Montréal. Il voudrait que Montréal devienne ce que sont toutes les autres régions du Québec, même si on trouve que ces régions du Québec sont dynamiques, et — je le pense — elles sont devenues plus dynamiques récemment. Montréal ne joue pas le même rôle. On ne doit pas confondre le rôle de Montréal avec le rôle de la Beauce, de l'Abitibi ou du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Montréal est une autre région dont le potentiel de développement est complètement indépendant et différent de celui des régions dont j'ai parlé tout à l'heure. Montréal ne vit pas de ressources naturelles. Elle vit de la technologie de pointe, de la gestion, de la liaison avec le reste du monde. A ce moment-là, lorsqu'on voit le gouvernement du Parti québécois se poser des questions sur le pouvoir des anglophones par rapport aux francophones, se poser des problèmes pour savoir si les sociétés d'Etat et l'Etat ne prennent pas suffisamment ou suffisamment d'importance, attaquer les entreprises privées d'importance et les hommes d'affaires...

La Présidente (Mme Cuerrier): Est-ce que...

M. Raynauld: Mme la Présidente, pourrais-je continuer une minute ou deux avec le consentement du ministre?

M. Landry: Je consens avec joie, Mme la Présidente. Je pense que le député est en train de rehausser le niveau du débat

La Présidente (Mme Cuerrier): Puisqu'il y a consentement, M. le député, vous avez droit à une ou deux minutes de plus.

M. Raynauld: Mme la Présidente, je voulais ajouter que la philosophie du gouvernement telle qu'on peut la percevoir est une philosophie incompatible avec le maintien du rôle national et international de Montréal. C'est ce qui est à l'origine, à la source du problème actuel. Je ne dis pas que le gouvernement n'a pas le droit d'avoir ses propres priorités, mais je veux lui poser un certain nombre de questions. Quand le ministre nous dit: Bien sûr, la loi 101 doit déranger, à ce moment-là, si cela dérange, comment peut-il nous dire après cela que le gouvernement du Québec n'a rien à voir avec les départs qui peuvent se produire? Si cela dérange, cela devrait donc conduire à certains résultats. Il ne peut pas jouer non plus sur les deux tableaux, ne pas prendre la responsabilité de ce qui se passe et, en même temps, nous dire: Oui, cela peut déranger, mais c'est très bien que cela dérange parce que nous

voulons changer la société. Le gouvernement est-Il prêt, à l'heure actuelle, à prendre des décisions pour reconnaître le rôle national et international de Montréal? S'il est prêt à reconnaître et à favoriser ce rôle national et international, est-il prêt à examiner les conséquences d'une position comme celle-là? Est-il prêt à examiner l'application de la loi 101, non pas en général, mais l'application de la loi 101 en ce qui concerne la langue d'enseignement, en ce qu'elle s'applique à des sièges sociaux, des sièges sociaux qui, par définition, ont besoin d'une main-d'oeuvre, d'un personnel qui peut venir de toutes les parties de l'univers? Ce n'est pas là prendre nos emplois à nous, les Québécois. Une entreprise nationale et internationale doit justement avoir du personnel qui vient d'à travers le monde entier. Cela nous enrichit, cela ne nous appauvrit pas. Qu'il y ait des anglophones à Montréal dans ce personnel d'entreprises nationales et internationales, cela ne nous enlève rien. Cela enrichit le Québec.

Le gouvernement est-il disposé à examiner les implications, pour les sièges sociaux, de la langue d'enseignement dans la loi 101? Est-il prêt à examiner également les conséquences de l'incertitude dans laquelle on se trouve à l'heure actuelle à propos du référendum et de toute l'option politique? Si cela dérange aussi des entreprises et que l'on veut favoriser le rôle national et international de Montréal, la question qu'on doit poser au gouvernement, c'est s'il pense qu'une entreprise canadienne, justement à vocation nationale et internationale, est capable de prendre des décisions d'investir à l'heure actuelle, dans le climat actuel, lorsque ces entreprises, qui ont justement cette vocation extérieure au Québec, ne savent pas si les règles du jeu seront encore les mêmes après le référendum qu'avant le référendum.

Le gouvernement est-il disposé à réexaminer les attitudes que l'on peut percevoir dans le programme du Parti québécois vis-à-vis de l'entreprise privée? Est-il prêt à réexaminer ces positions-là, positions qui sont bien connues de la part du public? Lorsque le programme du Parti québécois dit qu'il faut favoriser l'intervention dans l'économie, une forme prioritaire d'intervention dans l'économie, une extension soutenue du secteur public, lorsque le Parti québécois nous dit qu'il va exclure du Québec des entreprises dont les actions ne sont pas à propriété à 100% québécoise dans un certain nombre de secteurs, est-il prêt à réviser ou à faire des efforts pour que le parti auquel il appartient révise ces décisions-là? C'est seulement dans le cas où il est prêt à réviser la question de la langue d'enseignement pour les cadres et les sièges sociaux, l'attitude vis-à-vis des entreprises privées et l'attitude également du gouvernement vis-à-vis de l'avenir politique du Québec, que ces entreprises nationales et internationales pourront survivre à Montréal et que les Québécois également pourront survivre, puisque nous avons besoin d'air. Nous avons besoin d'être capables de souffler dans le Québec. Ceci ne peut se faire qu'en ouvrant les portes et les fenêtres sur le reste du monde, pas en les fermant. Merci.

M. Landry: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre d'Etat au développement économique.

M. Landry: ... comme j'ai eu l'occasion de le dire par une interjection quand le député a voulu prononcer quelques mots de plus, je rends hommage au député d'Outremont pour avoir nettement élevé le débat après la démagogie stérile et la morosité d'auto-intoxication d'hommes d'affaires montréalais que nous avait servies le député de Notre-Dame-de-Grâce. Contrairement au député de Notre-Dame-de-Grâce, le député d'Outremont a reconnu qu'en 1970 — ce sont ses propres paroles — il espérait que quelque chose se fasse. En 1970, il avait bien diagnostiqué le problème, et rien ne s'est fait, dit-il. Il a été déçu, j'imagine, par le gouvernement qui a été élu en 1970 et qui n'a rien fait. Je reviendrai sur ce que nous avons commencé à faire et sur ce que nous avons l'intention de faire. Si le député d'Outremont, dans les années qui viennent, continue le débat avec la même honnêteté qu'il a eue ce matin dans son exposé, je souhaite vivement qu'il reconnaisse que les espoirs que les libéraux ont déçus en 1970 ne seront pas déçus quand l'action que nous menons présentement aura commencé à porter fruit. (12 heures)

Je voudrais maintenant reprendre un peu plus en détail certaines des affirmations qu'il a faites et des problématiques qu'il a évoquées. Sur les problématiques, je suis pratiquement d'accord avec toutes et chacune d'entre elles, sauf avec des nuances.

Premièrement, le transport. C'est vrai, Montréal est née du transport, Montréal est née du fleuve dès le départ. Les premiers explorateurs ont pu se rendre à cette île parce qu'il y avait ce véhicule majestueux qu'était le Saint-Laurent. Lier le développement de Montréal au transport est sûrement une clé de toute la question. On va parler d'abord de transport aérien. Montréal était le port d'entrée pour l'essentiel du trafic aérien intercontinental, Europe de l'Ouest vers Montréal, entrée Dorval, personnes et marchandises. C'était bien que cela soit ainsi. C'était économique, c'était rationnel.

Qu'est-il arrivé en 1973? 1973: administration libérale à Québec, administration libérale à Ottawa; rouge à Québec, rouge à Ottawa. Il est arrivé en 1973 que le gouvernement du Canada a permis à sept compagnies aériennes dont le point terminal était jusqu'à ce jour Montréal d'aller vers Toronto. C'est une bataille québécoise essentielle qui a été faite par le gouvernement du Québec à toutes les périodes, qui a été faite par la Chambre de commerce de Montréal, qui a été faite par les milieux d'affaires de Montréal pour que le gouvernement fédéral qui est responsable des droits d'atterrissage permette à Montréal de garder sa suprématie en matière de transport aérien.

La construction automobile et les centaines de milliers d'emplois qui en naissent en Ontario ont été consolidés par l'action du gouvernement

du Canada. Ils ont l'automobile; ils ne peuvent pas tout avoir. Nous avions le transport aérien. Le député d'Outremont reconnaît que c'est une vieille revendication québécoise que Dorval et par la suite Mirabel soient protégés par le gouvernement du Canada. En 1973, après que le fédéral eut construit ce majestueux éléphant blanc qui circule dans les décors du bas des Laurentides, Mirabel, il permet à sept compagnies de s'en aller atterrir directement à Toronto. Résultat: 50 000 tonnes de fret perdues dans une année et un nombre incalculable de voyageurs. C'est arrivé en 1973; cela ne peut pas être le gouvernement du Parti québécois et c'est une responsabilité fédérale. Quand le fédéral a commencé à avoir cette attitude, quand M. Jean Marchand a perdu sa bataille, lui qui avait résisté jusqu'à ce jour, ils ont dardé au coeur le transport aérien dans la région de Montréal. Cela, c'est une des causes très nettes, s'ajoutant à d'autres, de la dégradation montréalaise.

Toujours au chapitre des transports, un des avantages fantastiques de la situation de l'agglomération montréalaise était le fait que, pour des navires d'un tonnage important, Montréal était le port terminal de cette partie du continent nord-américain. Par une décision du gouvernement du Canada et du gouvernement des Etats-Unis, fondée très certainement sur une bonne rationalité économique pour l'Ontario, fut décidée la canalisation du Saint-Laurent. Au jour de l'ouverture du canal, quand le premier navire a franchi l'écluse de Saint-Lambert, le rapport des investissements industriels entre Montréal et la région du Toronto métropolitain s'est littéralement inversé. Il est entendu qu'une industrie qui voulait avoir accès à l'Atlantique s'installait plutôt à Pointe Saint-Charles, ce qui s'était fait depuis des années, mais le jour où tu peux dépasser avec un bateau de même tonnage Saint-Lambert et rentrer au coeur du continent, quel est l'intérêt à s'installer à Pointe Saint-Charles ou à Montréal-Est quand tu peux t'ins-taller à Toronto, à Mississaga, à Hamilton ou dans toutes les régions du coeur de l'Ontario? On a là un exemple d'une politique fédérale qui était bonne pour l'Ontario, et comme le fédéral assume que ce qui est bon pour l'Ontario est bon pour l'ensemble du Canada, dans leur optique, c'est bon que l'ensemble du Canada, mais absolument néfaste pour Montréal.

Un vieil économiste québécois, pas si vieux que cela, d'ailleurs, qui est surtout jeune intellectuellement, M. François-Albert Angers, dont personne ne niera la compétence, l'intégrité, le sens du travail, de la recherche, avait remué ciel et terre pour dire que la canalisation serait néfaste pour Montréal. Cela tombait sous le sens, d'ailleurs. Pas nécessaire d'être économiste pour savoir que quand les bateaux peuvent aller plus haut, ils n'arrêteront plus à Montréal, et que les usines vont aller s'installer plus à l'Ouest. C'est ce qui est arrivé. C'est une décision fédérale.

Si le Parti québécois avait été au pouvoir à l'époque, ou si on avait été en contexte de souveraineté-association, est-ce que cela veut dire que nous aurions été contre la canalisation du

Saint-Laurent? Non, ce n'est pas cela que cela veut dire. Mais cela veut dire que, contre la canalisation, on aurait négocié autre chose. Vous voulez que les bateaux se rendent jusqu'à Toronto, aux Grands Lacs? D'accord. Mais nous allons garder ici le transport aérien et aucun droit d'atterrissage outre-Atlantique ne sera donné à l'ouest de Montréal. L'Ontario ne peut pas gagner sur tous les tableaux, et le gouvernement fédéral ne peut pas faire gagner non plus l'Ontario sur tous les tableaux. Ils ont gagné pour la canalisation. Le Québec a pris son trou.

Mais pour les avions, on aurait dû être compensé. Qu'est-ce qu'ils ont fait en 1973? Ils ont fait avec les avions, la même chose qu'ils avaient faite avec les bateaux. Ni le Parti libéral du Québec au pouvoir à l'époque, ni l'Union Nationale qui avait eu le pouvoir avant, et ni le Parti québécois, parce qu'on ne peut pas vivre l'histoire à l'envers, n'ont rien eu à voir dans ces décisions. Les décisions économiques majeures sont prises à Ottawa pour l'Ontario, par cette logique pernicieuse: ce qui est bon pour l'Ontario est bon pour tout le monde. C'est faux. Ils ne peuvent pas avoir les bateaux, les avions et les automobiles. Ils sont en train de tout avoir.

Le gouvernement du Canada vient encore de nous en donner une preuve flagrante, au cours de l'été dernier. Automobiles. On parle de transport. Il y avait treize usines d'automobiles déjà en Ontario. Une au Québec. Le gouvernement du Canada en a subventionné une quatorzième dans une des régions, sinon la région la plus riche du Canada. Trois interventions fédérales que je vous démontre, madame, qui ont été des coups de poignard dans le dos à la ville de Montréal et à l'économie montréalaise: droits d'atterrissage, voie maritime, implantation subventionnée d'une usine d'automobiles en Ontario. Nous les Québécois, on aime cela les bagnoles. On consomme 30% de tout ce qui est vendu au Canada. On a des grandes distances, on a des grandes routes, cela nous prend des véhicules automobiles. Ils sont tous fabriqués en Ontario, sauf 2% ou 3% à notre usine de Sainte-Thérèse, qui est d'ailleurs une réalisation contemporaine. Vous savez bien que cela n'a pas de bon sens.

M. Raynauld: Ce n'est pas 2%, c'est 9%.

M. Landry: II ne faut pas que le député confonde la fabrication des véhicules et les pièces, et en ajoutant véhicules et pièces, cela ne fait quand même qu'une proportion infime de la fabrication automobile au Canada, alors que nous, Québécois et Québécoises, on consomme 30% des véhicules produits.

Essayons, pour le besoin de la discussion, de savoir ce qui arriverait à la puissante économie américaine si les Etats-Unis importaient toutes leurs voitures automobiles. Si on fermait Détroit, si on fermait les aciéries américaines qui fournissent l'acier pour les automobiles, leur taux de chômage passerait à 10%, 12%, 15%. Essayons d'imaginer ce qui arriverait si l'Ontario ne fabriquait que 2%

ou 3% ou 4% des véhicules automobiles du Québec, et si nous, au Québec, on avait 100 000 emplois directs provenant de l'industrie automobile. Qui est-ce qui aurait le taux de chômage le plus élevé? L'Ontario ou le Québec? On consomme les bagnoles, on ne les fabrique pas. Même chose pour la France. Même chose pour la Suède. Fermez Fiat, en Italie. On va dire: On va faire un arrangement équitable à la façon dont le gouvernement fédéral du Canada les fait. Le Marché commun dirait: Toute l'industrie de l'automobile sera en France. Toute l'industrie de l'automobile va être en France et on dirait aux Italiens: Vous autres, vous achetez les bagnoles des Français. Cela ruinerait l'économie italienne.

Toutes ces politiques, le pacte de l'automobile, la dernière subvention fédérale en Ontario, sont autant de coups non pas mortels, parce que l'économie du Québec a la vie dure et que c'est une économie relativement solide à cause de sa population et ses richesses naturelles, mais des coups terribles. On ne paie pas des impôts au fédéral pour leur donner des armes pour nous taper sur la tête, comme ils le font depuis plus d'un siècle.

On a parlé d'avions, on a parlé de bateaux, on a parlé d'automobiles, je vais vous parler de chemins de fer. Saviez-vous, M. le Président, que l'Ontario était déjà quadrillé d'un très grand nombre de voies de chemins de fer avant qu'il y ait un chemin de fer entre Montréal et Québec? Est-ce que le député d'Outremont savait ça? Sans doute, lui qui est un érudit...

M. Raynauld: Le premier était Saint-Jean-Montréal. Montréal-Saint-Jean a été le premier au Canada.

M. Landry: Le député de Notre-Dame-de-Grâce ne le sait peut-être pas, les deux villes les plus importantes du Québec — et Québec, port de mer à cette époque — n'avaient pas de chemin de fer pour les relier, alors que des dizaines de villes de l'Ontario l'étaient déjà. Décision du fédéral, décision coloniale, décision impérialiste. Ils ont trouvé le moyen de faire dix fois plus de chemins de fer en Ontario qu'au Québec. Après ça, ils disaient: Les Québécois ne sont pas assez instruits, c'est pour ça que leur économie ne marche pas. Allons donc, il faut regarder les choses sérieusement et dans leurs perspectives historiques.

On va quitter le domaine du transport. Enfin, je reconnais, avec le député d'Outremont, que c'est un domaine majeur et que Montréal s'est fait porter, par nul autre que le gouvernement du Canada, des coups mortels dans ce domaine.

On va parler de compagnies d'assurance maintenant. Je vous dis tout de suite que la compagnie d'assurance est un service, comme chacun le sait, produit de grandes consommations, à clientèle répandue dans toutes les régions, dans toutes les classes sociales. Je vous dis que j'en déduis qu'il n'y a à peu près rien de plus facile à remplacer qu'une compagnie d'assurance. On a eu l'exemple. Quand la Sun Life a décidé de retirer à peu près 200 employés du Québec — il faut reconnaître qu'il y en a encore un millier ici — comment les Québécois ont-ils réagi? Ils ont réagi en allant s'assurer ailleurs, avec le résultat qu'une seule compagnie québécoise, L'Alliance, depuis que la Sun Life a annoncé son mouvement, a créé 60 emplois; une seule! 60 emplois dans une compagnie qui fonctionne totalement en français, qui est dirigée par des Québécois et qui n'a, d'aucune manière, l'atmosphère impérialiste, coloniale, dominatrice et arrogante qu'avait la Sun Life. J'ai donné l'exemple de Sun Life et de son président, qui ne parlait même pas français après avoir passé je ne sais combien d'années au Québec. Si une telle chose m'arrivait, si je vivais au Mexique 25 ans sans parler l'espagnol, je me considérerais comme déshonoré, parce que je pense qu'en 25 mois n'importe quel individu normalement constitué est capable d'avoir une connaissance convenable d'une langue seconde.

Cette institution impériale et impérialiste n'avait même pas pris cette précaution élémentaire. Est-ce qu'on va pleurer des larmes de crocodile parce qu'ils ont déplacé une partie du siège social? Surtout, quand ce sont des nôtres? Au conseil d'administration de L'Alliance, en particulier, il y a le professeur Pierre Laurin, des Hautes études commerciales, dont vous avez parlé, vous l'avez cité; il est au conseil d'administration de L'Alliance. Sa compagnie a créé 60 emplois supplémentaires depuis que la Sun Life est partie, et ce n'est qu'une seule compagnie. Ces compagnies non seulement sont québécoises, non seulement ont le français comme langue de travail, mais investissent au Québec autant, sinon plus que ce qu'elles récoltent ici, alors que, pour la Sun Life, c'était l'inverse. La Sun Life était une pompe à finances. Elle prenait de l'argent du Québec et le sortait du Québec.

Parlons banques maintenant. Vous avez parlé de la Royale, la Royale, qui d'ailleurs, déjà en 1967, commençait à déplacer ses services de placements. Là, elle a annoncé le départ de 55 informaticiens, qui ne sont pas des hauts salariés, qui sont des travailleurs spécialisés. Mais c'était la conséquence de ce qui s'est passé en 1967. Le jour où tu déplaces vers Toronto, en 1967, ton service de placements, il est bien entendu que ceux qui font les calculs pour le service des placements, les informaticiens, tôt ou tard, vont suivre. Il y a des mouvements qui sont amorcés d'une façon fatale. C'est ça que la Sun Life avait fait.

Mais, par ailleurs, là j'aimerais être compris bien clairement, parce que c'est une des clefs de l'avenir de Montréal, je voudrais parler de ce que j'appelle l'effet compensateur. L'effet compensateur — je vais essayer d'en parler en des termes les plus concrets possible — c'est le suivant: La loi 101 embête certaines gens — les dérange — on s'est entendu là-dessus. Je vous ai dit pourquoi elle dérangeait d'ailleurs et que ces dérangements sont minimes par rapport aux dérangements que

la situation culturelle au Québec nous infligeait avant. Je ne veux pas revenir là-dessus. (12 h 15)

II y a une chose que j'ai oublié de dire, juste pour montrer au monde comment pouvait être le Québec à une certaine période. La région militaire du Québec, qui est une entité administrative fédérale, a été commandée pendant de nombreuses années par un brigadier général qui ne disait pas un mot de français. Je ne vous parle pas du temps de Noé, je l'ai eu comme commandant.

M. Scowen: Est-ce dans le secteur privé? M. Lavoie: L'armée, c'est le secteur public.

M. Landry: C'est pour montrer que si le secteur public nous traitait comme cela, imaginez-vous comment nous traitait le secteur privé!

M. Scowen: C'est simplement pour démontrer que vous ne parlez pas du sujet du tout. On voulait le souligner à tout le monde.

M. Landry: C'est simplement pour démontrer que quand on parle du sujet d'une façon un peu subtile, le député de Notre-Dame-de-Grâce n'est pas capable de comprendre.

M. Scowen: Si vous voulez commencer un débat sur la loi no 101, on serait bien content de le faire.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce...

M. Scowen: Si on veut parler des forces armées, on est prêt à en parler.

M. Landry: M. le Président, est-ce que je peux continuer à utiliser le droit de parole que vous m'avez attribué suivant notre règlement?

Le Président (M. Boucher): M. le ministre, vous pouvez continuer.

M. Landry: Je m'explique.

M. Raynauld: M. le Président, excusez-moi, une question de directive. Parce que le ministre a un droit de parole privilégié, est-ce qu'il pourrait effectivement prendre toute la période jusqu'à 13 heures sans qu'on puisse l'interrompre? Il me semblait que c'était 20 minutes au départ et qu'après cela c'était des échanges.

Le Président (M. Boucher): Jusqu'à 12 h 19.

M. Raynauld: II n'y a pas possibilité d'avoir d'échanges ni de questions!

M. Scowen: II a droit à 20 minutes chaque fois!

M. Raynauld: II a droit à 20 minutes chaque fois et il peut parler jusqu'à 13 heures, comme cela?

Le Président (M. Boucher): Jusqu'à 12 h 19.

M. Landry: M. le Président, je dois vous dire que, indépendamment...

M. Lavoie: II lui reste deux ou trois minutes. M. Raynauld: C'est juste pour comprendre.

M. Landry: ... des droits que le règlement me donne, qui ne me fixe aucune limite, je suis d'accord avec le député d'Outremont et j'essaie de reprendre point par point son argumentation, mais je ne voudrais pas monopoliser le temps.

M. Scowen: C'est ce qui est arrivé la dernière fois.

M. Landry: Que le député d'Outremont se rassure et qu'il donne aussi certaines petites leçons de politesse au député de Notre-Dame-de-Grâce qui est devenu très "intempestif" depuis qu'il a vu que son argumentation s'est écroulée et qu'elle ne valait rien. Continuons avec le député d'Outremont un dialogue sérieux. Je m'engage, indépendamment des droits que le règlement me donne, à lui laisser le temps de parler, ainsi qu'au représentant de l'Union Nationale.

Nous avions parlé de l'assurance et nous allions parler de l'effet compensateur. Je donnais cet exemple de la situation dans le secteur public à Montréal, il y a un certain nombre d'années, parce que si le secteur public était comme cela, payé par les taxes des Québécois au gouvernement fédéral, imaginez-vous ce qu'était le secteur privé. La loi 101, comme la loi 22, dérange. D'accord. Les dérangements que nous avions avant étaient dix fois plus importants. Les bombes, cela dérangeait, ça aussi. Les manifestations, ça dérangeait. Le climat social irrespirable qu'on a connu dans les dernières années du régime Bourassa, ça dérangeait cent fois plus encore, mais il y a des effets compensateurs. Je vous dit ce qu'ils sont en vous les illustrant d'un exemple.

La Banque Royale a déplacé 55 informaticiens — la Banque Royale, siège social à Montréal — vers l'Ouest, vers Toronto, mais la Banque Toronto-Dominion — c'est intéressant de noter le fait — qui a son siège social à Toronto, maintenant, à cause de la loi 101 et à cause du fait que le Québec est de plus en plus français, se rend compte qu'elle ne peut plus administrer à partir de Toronto, comme autrefois, toute son activité québécoise. Résultat net: elle grossit ses effectifs québécois francophones qui vont travailler en langue française. La Toronto-Dominion a créé à Montréal 60 postes qui n'existaient pas et cela va jouer pour un très grand nombre de compagnies. J'ai un autre exemple: La Travelers, une compagnie d'assurance. J'ai ici la coupure qui annonce son intention. "Travelers envisage une décentralisation au profit du Québec." La Travelers était installée uniquement à Toronto et dirigeait de Toronto les activités de son marché québécois. Maintenant qu'il y a la loi 101 et que le Québec est de plus en plus français, que fait le Travelers? Elle

réagit intelligemment et dit: On va faire face à la situation. Elle décide de décentraliser au profit du Québec. A cause de la loi 101, la Travelers va créer de nouveaux emplois au Québec pour diriger, à un niveau de siège social décentralisé, son activité québécoise. C'est là une clé importante pour le secteur tertiaire à Montréal parce qu'il tombe sous le sens qu'une compagnie américaine, qui, autrefois, dirigeait son activité québécoise à partir, disons, de Chicago, via Toronto, siège social canadien, et de Toronto dirigeait l'activité au Québec, va comprendre très rapidement que cela ne peut pas se faire. Pour diriger quoi que ce soit d'important au Québec, il faut avoir des centres de décision et des administrateurs au Québec. Le phénomène que j'ai signalé pour la banque T.-D. et pour Travelers pourrait — on va essayer de multiplier les effets — devenir le modèle qui va créer des emplois supplémentaires dans le tertiaire à Montréal et dans l'activité des sièges sociaux.

Je m'explique encore davantage, il me reste quelques secondes. Avant, le vrai "boss" était à Chicago; le "sous-boss" était à Toronto et commandait les vendeurs à Montréal. On ne peut peut-être pas régler tout le problème, mais...

M. Raynauld: La Banque Royale.

M. Landry: ... le jour où le "boss" de Chicago...

M. Raynauld: La Banque Royale.

M. Landry: ... à cause de la loi 101, décide qu'on ne peut plus traiter convenablement les gens de Montréal à partir de Toronto, il va tout simplement transférer du pouvoir direct de Chicago à Montréal. Et tant qu'à avoir un "boss" et un "sous-boss", je considère que c'est déjà un gain net d'avoir éliminé un intermédiaire. Il y a une petite interjection du député d'Outremont sur la Banque Royale. Savez-vous où était le siège social de la banque?

M. Raynauld: Le "boss" est à Montréal. Le "boss" de la Banque Royale, comme vous dites, est à Montréal.

M. Landry: Oui, savez-vous...

M. Raynauld: S'il s'en va...

M. Landry: Savez-vous, Mme la Présidente...

M. Raynauld:... est-ce qu'il va être à Chicago comme "boss"?

M. Landry: ... où était le siège social de la Banque Royale du Canada en 1901?

M. Raynauld: Oui, oui.

M. Landry: C'est une bonne petite question. Il était à Halifax? Il est passé, comme tout le mou- vement économique, d'est en ouest; il est passé d'Halifax à Montréal. Est-ce que c'est parce qu'il y avait une loi linguistique à Halifax? Est-ce que c'est parce qu'il y avait un gouvernement qui prônait la souveraineté-association à Halifax ou si c'est simplement parce que les forces économiques profondes sont allées d'est en ouest?

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre, vous aurez d'autres occasions de vous exprimer. M. le député de Laval avait manifesté l'intention de faire une intervention.

M. Lavoie: Mme la Présidente, avec votre permission, je voudrais dialoguer avec le ministre d'Etat au développement économique d'un domaine dans lequel je me sens plus à l'aise, soit à cause de ma profession ou de mes antécédents, le domaine de la construction dans la région du grand Montréal. Il faut que, dans ce dialogue, il y ait cette approche théorique des économistes, si vous voulez, mais je voudrais un peu, comme le député de Brome-Missisquoi, vous apporter l'approche du praticien, de celui qui, soit à cause de sa profession ou de ses relations, est dans le milieu de la construction dans la région de Montréal.

Je ne voudrais pas vous apporter une avalanche de chiffres. Je ne voudrais pas aborder, non plus, un traité ou une somme sur l'économie, mais une chose qu'on sait actuellement dans la région de Montréal, une chose que les économistes savent, une chose que la population sait, que le travailleur dans le domaine de la construction, les autorités municipales ou les experts dans les centres industriels ou autres, les gens dans les prêts hypothécaires dans la construction, dans l'immobilier savent, c'est qu'il existe une situation catastrophique actuellement dans le domaine de la construction et spécialement dans la région de Montréal.

Mon collègue d'Outremont a mentionné tout à l'heure les communiqués mensuels que nous recevons de l'Office de la construction du Québec. Dans celui du 15 décembre 1978, entre autres, on lit ceci: "Dans le secteur domiciliaire, on estime que la production de logements en 1979, dans l'ensemble de la province, ne devrait pas dépasser celle de 1978, se situant ainsi à 43 000 unités de logement. Il faut dire qu'il s'agissait là du plus faible niveau de production depuis plus de dix ans." Dans le domaine de la construction résidentielle, on retourne dix ans en arrière. "Dans le secteur non domiciliaire, la construction de bâtiments à vocation non domiciliaire particulièrement à Montréal n'entraîne que peu d'activités dans le secteur de la construction."

Dans le Montréal-Matin du 28 novembre 1978, il y a des comparaisons. Ces comparaisons entre Montréal et Toronto, on les fait depuis 15, 20 ou 25 ans. On sait que la construction, dans notre économie nord-américaine, c'est cyclique, c'est un peu en dents de scie. Il y a des années où c'est plus actif, puis il y a des ralentissements; c'est l'économie nord-américaine. Je me rappelle,

dans les années soixante, soixante-dix, la lutte qui se faisait, cette saine compétition qui se faisait entre Montréal et Toronto; à certains moments, la population ou les investissements à Montréal dépassaient ceux de Toronto.

Quelques mois, un an après, c'était Toronto qui prenait de l'avance, mais il y avait toujours un certain équilibre. Ce que disait le ministre est vrai. Je ne conteste pas ses chiffres. Entre 1965 et 1970, certaines compagnies d'assurance ont quitté le Québec. Il disait qu'en 1967, il y avait deux fois plus de sièges sociaux à Toronto qu'à Montréal. Personne ne conteste cela, mais il faut également se rappeler que le problème constitutionnel, l'affrontement constitutionnel, l'incertitude constitutionnelle que nous connaissons au Québec actuellement a exactement commencé dans ces années-là. Je me rappelle même de la fin de l'Union Nationale lorsque la politique de M. Johnson dans le temps était "égalité ou indépendance". On s'en rappelle. Le mouvement indépendantiste a commencé dans les années 1965, 1967 et 1968 également avec la naissance du Parti souveraineté-association, du Parti québécois. On se rappelle des élections de 1970 où certains ministres de l'Union Nationale, lors des élections disaient: L'indépendance, ce n'est pas tout de suite. C'est dans dix ans. Un autre ministre disait: C'est dans cinq ans. Cela n'encourageait pas le climat économique.

S'il y avait certains ralentissements dans les années 1967,1968 et 1969 ou une concurrence où Toronto semblait prendre un peu d'avance, cela ne se compare pas aujourd'hui avec la destruction qu'on fait de Montréal. On n'est plus dans la course. On n'est plus en compétition avec Toronto. C'est ce qui est malheureux, cette concurrence qui a existé depuis dix ou quinze ans. Lorsqu'on regarde les contrats de la construction, même en 1976, cette concurrence existait. En 1976, la valeur des contrats de construction à Montréal dépassait celle de Toronto; $1 400 000 000 à Montréal contre $1 300 000 000 à Toronto, à peu près la même chose. En 1977, à Toronto, $1500 000 000, et Montréal, $1 milliard. En 1978, après deux ans d'administration du Parti québécois, on n'est plus du tout dans la course avec Toronto. Toronto a des contrats de construction de $1 500 000 000, alors que Montréal en a $700 millions, la moitié moins.

Je ne vous parlerai pas de thèse sur l'économie, mais tous les quotidiens de Montréal sont remplis, depuis quelques mois, de cette nouvelle qui nous donne cette morosité. On voudrait que cela change, Mme la Présidente. Dans la Presse du 30 mars, nous trouvons un article de Pierre Bellemare: "Valeur de la construction autre que domiciliaire dans le Montréal métropolitain, 1975, $641 millions; 1976, $687 millions; 1977, $464 millions. En 1978, $277 millions, pratiquement le tiers de la valeur des contrats de construction de 1975 ou 1976. Le nombre de salariés dans le domaine de la construction, dans le Montréal métropolitain, était, en 1975, de 41 000 employés; en 1976, 36 000; en 1977, 32 000; en 1978, 26 500; en 1979, les prévisions sont de seulement 23 000 employés dans le domaine de la construction dans le Montréal métropolitain à comparer avec 41 000 en 1975 ou 36 000 en 1976, pratiquement 40% de moins." C'est comme cela sur toute la ligne.

Dans la Presse, également, un article de Pierre Vennat, le 6 avril 1979: "Construction, le chômage atteint des proportions catastrophiques." Dans le même article de Pierre Vennat: "L'Office de la construction du Québec vient de prédire une hausse du chômage de 8% dans la construction au Québec en 1979. Bref, une année de vaches maigres pour les travailleurs de la construction du Québec et la situation serait encore pire, n'eût été la baie James." Un autre article. On en a d'un bout à l'autre. Pierre Bellemare, encore dans la Presse du 7 avril disait: "Depuis le choc — je ne pense pas que Pierre Bellemare ait la carte du Parti libéral — du 15 novembre 1976, aucune nouvelle construction d'importance n'a été mise en chantier et, de l'avis général des promoteurs montréalais, cette situation est principalement attribuable au climat d'incertitude qui s'est installé au Québec avec l'arrivée au pouvoir du gouvernement Lévesque." (12 h 30)

Un peu plus loin, c'est toujours dans l'article de Pierre Bellemare: "Pénurie d'espace à bureaux à Montréal". Il termine: "Elle semble — l'année 1979 — loin de la belle époque des années 1972 à 1976, époque où quatorze projets totalisant plus de six millions de pieds carrés ont été réalisés." Il cite M. O'Brien, qui est le président d'une firme à Montréal, dans l'immobilier. M. O'Brien dit: "II ne faut quand même pas céder à la panique et on ne veut pas paniquer — soutient M. O'Brien. Les grandes entreprises, tôt ou tard, reviendront à Montréal probablement au lendemain du référendum." C'est cela qu'on veut dire: Cette situation est grave. Il va falloir que le gouvernement prenne... Ce sont les questions qu'on veut poser au ministre. Qu'il s'affranchisse donc de ce "dead lock" constitutionnel. Ce sera ainsi tant que le référendum n'aura pas eu lieu ou tant que le gouvernement — je ne le sais pas — n'aura pas décidé sa position constitutionnelle. D'ailleurs, on a vu le résultat autant dans le comté de Jean-Talon que dans le comté d'Argenteuil. Le gouvernement est coincé avec sa position constitutionnelle. Tant que l'atmosphère ne sera pas nettoyée, c'est bien dommage, dans tous les domaines d'investissement, dans la construction domiciliaire, résidentielle, commerciale ou industrielle, on va connaître la catastrophe que nous vivons actuellement.

Le ministre a déjà parlé des édifices à bureaux à Montréal de classe A. J'ai devant moi ce qui est à peu près la bible dans le domaine immobilier à Montréal, et le ministre connaît sans doute cette revue, Canadian Real Estate, qui est publiée par LePage; vous la connaissez sans doute. Cette revue est un peu, au Canada, la bible dans le domaine des investissements immobiliers. Il est dit clairement ici — le ministre l'a dit lui-même, c'est uniquement cela qu'il nous a mentionné dans certaines de ses réponses — qu'il va y avoir une rareté des édifices de classe A en 1979. C'est sûr

et vous savez pourquoi. Il y a une multitude de projets, comme ceux qui ont été réalisés entre 1972 et 1976, qui sont sur les tablettes. Mais les gens ne veulent pas investir dans de la construction d'édifices à bureaux s'ils n'ont pas l'assurance de baux à long terme. Vous connaissez les clauses; c'est rapporté dans ce dépliant de Canadian Real Estate. II faut des locataires à long terme. Il n'y a pas un constructeur d'édifices à bureaux qui peut bâtir s'il n'a pas des locataires AAA qu'on appelle, des locataires solvables qui signent des baux à long terme de vingt ans ou dix ans minimum. Tous ces grands locataires exigent des clauses de bris ou la permission de mettre fin au bail. J'en ai moi-même vu et c'est cité dans cela. On signe pour dix ans et vingt ans, mais avec le droit de mettre fin au bail au bout de dix ans, s'il y a séparation. Les nouvelles clauses — c'est mentionné ici et j'en ai moi-même vu — c'est qu'on signe un bail de dix ans ou de vingt ans, mais le locataire se réserve le droit de mettre fin au bail dans six mois si jamais un référendum sur la souveraineté-association passait. Cela existe dans les baux. Qu'est-ce que cela veut dire? Que les locataires ne louent plus et les constructeurs ne bâtissent plus. Il y a une exception, c'est Bell Canada et la Banque Provinciale.

M. Landry: Ecoutez!

M. Lavoie: Souveraineté ou association, on va continuer à se téléphoner quand même. La Banque Provinciale, je pense, ne quittera pas le Québec.

M. Landry: Cela veut dire qu'on va continuer à avoir de l'argent pour le mettre à la banque.

M. Lavoie: C'est le seul projet qu'il y a à Montréal. Mme la Présidente, le ministre, qui est le député de Fabre, dans Laval, m'a invité à traiter avec lui, à dialoguer sur ce qui se passe dans Laval. Le parc industriel de Laval est tellement plein qu'ils ne savent plus quoi faire! Oui, parce qu'ils ont commencé ces expropriations pour l'agrandir en 1976. Demandez donc aux administrateurs municipaux s'ils ne regrettent pas un peu la décision de s'être embarqués dans une expropriation pour doubler le parc industriel alors qu'il n'y a aucune activité dans le parc industriel de Laval depuis deux ans. Je parlais ce matin avec M. Réal Gariépy, le commissaire industriel dans Laval. Alors que, dans les années 1975 et 1976, il y avait constamment des projets de 50 000 pieds carrés, qui représentaient $1 million ou $2 millions, actuellement tout ce qu'il y a depuis un an ou deux ce sont des projets de 5000 ou de 3000 pieds carrés. Il y a peut-être Bell Canada qui est venue. Provigo, cela s'est terminé sous le gouvernement libéral. Le ruban s'est coupé de votre temps, mais la construction a été faite, le projet a été lancé en 1975/76.

Voici des chiffres sur la construction dans Laval. En 1976, valeur des permis de construction, d'après les statistiques officielles de la ville de

Laval: du mois de janvier au mois d'août, pour l'année 1976, $110 000 000; pour l'année 1977, $91 000 000; pour l'année 1978, $66 000 000. C'est une baisse de près de 50%. Dans les années 1975 et 1976, à Laval, il y avait des investissements dans le domaine industriel de l'ordre de $15 millions par année; c'est pour cela que la ville avait entrepris d'agrandir son parc industriel; en 1977, $12 millions dans le domaine industriel; en 1978 — ce sont des chiffres que j'ai obtenus hier du Service d'urbanisme de la ville de Laval — $6 500 000 à comparer avec $15 millions en 1975 et en 1976. Ce sont là les chiffres de Laval.

Je termine le domaine de la construction. Je vais vous donner des noms de compagnies que vous connaissez dans le domaine de la construction, qui sont de Laval et qui sont, pour la plupart, probablement dans votre propre comté, M. le ministre, le comté de Fabre. Demix, dans les années 1976, dans le domaine de la construction, une moyenne de 500 employés; actuellement, 100 employés. La compagnie Gagné, dans votre comté, au coin du boulevard Saint-Martin et de l'autoroute, location d'équipement lourd, avait 150 employés en 1976, et ce sont des employés de la construction qui gagnent de $30 000 à $35 000 par année, des opérateurs de machinerie lourde; fermée totalement au début de 1977, aucun employé maintenant. Paul Dubé & Fils, constructeur à Laval, 150 employés en 1976 dans le domaine de la construction; actuellement, 20. Corival, dans le comté de Mille-Iles, votre voisin, une moyenne, dans les années 1975 et 1976, de 250 employés; actuellement, 100. Canco, dans votre comté, dans le parc industriel de Laval, dans l'excavation importante de gros édifices, a toujours eu, en 1975 et en 1976, 200 employés; actuellement, depuis la dernière année, 10 employés. Francon, dans Laval et dans la région, dans le domaine de la construction, une moyenne de 600 employés dans les années 1975 et 1976; actuellement, 100. Les Mir Construction, dans la région de Montréal, une moyenne, en 1975 et 1976, de 400 employés dans le service de la construction; actuellement, fermée, zéro. Miron, qui a été vendu aux Arabes dernièrement, à Ville Saint-Michel, pas loin de Laval, une moyenne de 600 à 700 employés, dans les années 1975 et 1976, dans le service de la construction; actuellement, 250. Je termine...

M. Landry: Pourquoi les Arabes ont-ils acheté?

M. Lavoie: Pour la carrière ou Demix.

M. Landry: Pour la regarder ou pour l'exploiter?

M. Lavoie: Ils l'ont achetée parce qu'ils espèrent que le Parti québécois va se faire battre avant longtemps. C'est sûr qu'il va y avoir une reprise au Québec; ce ne sera pas long, dès que vous ne serez plus là. Louisbourg construction, 250 employés; aujourd'hui, c'est fermé, il y a à peine quelques employés. C'est cela la situation dans le

domaine de la construction. On n'a pas besoin d'enquête; on n'a pas besoin de mini-sommet. Voici les problèmes. On ne veut plus d'enquête. Tant que vous n'aurez pas purgé l'atmosphère sur votre question constitutionnelle, sur le "deadlock" constitutionnel actuel qui a été jugé durement dans Argenteuil et dans Jean-Talon, vous êtes coincés, messieurs du gouvernement. Sortez de cette situation. Faites le référendum ou oubliez votre souveraineté-association parce que les Québécois et les Montréalais veulent demeurer Canadiens. Vous êtes pris avec cela.

Deuxièmement, votre préjugé, votre méfiance, votre antipathie, votre antagonisme, votre hostilité dans le domaine du secteur privé — vous avez vu la lettre du Conseil du patronat dernièrement... D'ailleurs, je ne suis pas surpris. Aucun des ministres actuels... Je vous demanderais vos antécédents ou votre expérience avec le milieu privé. C'est malheureux, pas un des 28 ministres actuels n'a eu quelque expérience que ce soit dans le domaine privé, à commencer par le ministre d'Etat au développement économique, je crois. Ils ne peuvent pas dialoguer, ils ne se connaissent pas. Il en faudrait au moins quelques-uns dans un cabinet, quatre ou cinq, qui ont quand même eu l'expérience de l'entreprise libre.

Troisièmement, tant que vous n'atténuerez pas votre radicalisme de la loi 101 sur la langue d'enseignement, votre clause Québec au lieu de la clause Canada pour que les Canadiens des autres provinces, les enfants des employés-cadres des grandes sociétés puissent quand même, s'ils ont douze ans et que cela fait cinq ans qu'ils vont à l'école anglaise, continuer à aller à l'école anglaise — c'est normal, cela ne nous enlèvera pas nos droits d'être francophones, d'être Québécois, d'aucune façon (je termine) votre impôt sur le revenu également des cadres et des autonomes — tant que vous n'aurez pas corrigé cela, nous connaîtrons la situation que nous connaissons actuellement. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Merci, Mme la Présidente. Je ne commence pas avec une réponse à toutes les allégations personnelles du ministre.

La Présidente (Mme Cuerrier): II faudrait quand même terminer...

M. Scowen: Pardon? Qu'est-ce que vous dites?

La Présidente (Mme Cuerrier): Je n'ai pas donné la parole au ministre pour répondre au député de Laval. Il semble qu'il y ait un petit flottement. Je vous donne quand même un droit d'intervention, mais il faudra...

M. Scowen: Je n'ai pas parlé maintenant depuis une heure, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): Je suis tout à fait d'accord, sauf que vous aviez un droit de parole privilégié, à ce moment. Il faut quand même donner la chance de répondre aux uns et aux autres, évidemment.

M. Scowen: Le ministre a parlé déjà quatre fois.

M. Lavoie: Mme la Présidente... La Présidente (Mme Cuerrier): Oui.

M. Lavoie: ... juste pour vous donner une expérience qu'on a eue, je crois qu'il y a eu des précédents avec les décisions du président de l'Assemblée en ce qui concerne cette période de question avec débat où on est encore au rodage; ce n'est pas tout à fait déterminé comment procéder. Le président de l'Assemblée nationale a reconnu un genre de court droit de réplique au député qui posait la question.

La Présidente (Mme Cuerrier): Evidemment, bien sûr. C'est ce que j'allais dire au député de Notre-Dame-de-Grâce, c'est qu'il y avait un certain flottement. Normalement, j'aurais permis au ministre de faire une intervention pour répondre au député de Laval puisque le député de Laval pose des questions. Il est bien sûr aussi que nous vous réserverons à vous et au ministre quelques moments à la fin, avant le moment où nous devons ajourner, pour que vous puissiez, chacun, essayer de faire un tour de la question.

M. Scowen: Je ne sais pas si je comprends bien, Mme la Présidente. J'avais l'impression que chaque personne avait un droit de parole de 20 minutes et que moi et le ministre, nous avions droit à une quantité indéterminée d'interventions de 20 minutes chacune. Vous m'avez donné la parole et j'ai des choses à dire. Je n'ai pas parlé depuis une heure et demie.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député, vous auriez pu le faire, sauf que vous avez laissé les députés de votre formation politique intervenir.

M. Scowen: Quelle est votre direction alors?

La Présidente (Mme Cuerrier): Je considère que grosso modo nous pouvons considérer que c'est vous qui étiez représentant de votre formation politique. Comme vous avez permis les interventions des représentants de votre formation politique, on peut peut-être considérer que c'est vous qui parliez à ce moment, si on peut dire. Je vous ferai remarquer qu'il faudrait quand même, si vous voulez faire une courte intervention, préserver une réponse du ministre à M. le député de Laval et, ensuite, un tour d'horizon pour le député de Notre-Dame-de-Grâce et pour le ministre d'Etat au développement économique.

M. Lavoie: Est-ce qu'il y aurait possibilité de s'entendre? Il reste à peu près 17 ou 18 minutes. Si le ministre pouvait parler sept ou huit minutes, si vous voulez, et laisser sept ou huit minutes au député puisque c'est sa question avec débat. Est-ce qu'on pourrait s'entendre sur cela?

M. Landry: Mme la Présidente, je veux bien qu'on s'entende, mais pas exactement sur ce qu'a dit le député de Laval. Ce qui me conviendrait, ce qui m'apparaîtrait normal, c'est que j'aie quelques minutes pour répondre au député de Laval parce que, quand on concentre ce qu'il a dit, le flot verbal se réduit à peu de chose.

La Présidente (Mme Cuerrier): Parlez donc plutôt du consentement que vous désirez obtenir actuellement.

M. Landry: Alors, quelques minutes pour répondre au député de Laval. Notre collègue de l'Union Nationale peut peut-être aussi encore ajouter quelque chose.

Nous nous répartirions les dernières minutes restantes, le député de Notre-Dame-de-Grâce et moi. C'est lui le questionneur, donc l'attaquant. Je pense que c'est à moi de finir. C'est la règle générale des débats et je prendrais les cinq dernières minutes.

M. Scowen: Mme la Présidente, vous avez commencé ce matin en suivant l'article 162...

M. Landry: C'est vous qui avez commencé.

La Présidente (Mme Cuerrier): Avec le député de Notre-Dame-de-Grâce, M. le député, oui.

M. Scowen: ... et vous m'avez reconnu. On a commencé avec les règlements et on termine avec je ne sais pas trop quoi ici.

La Présidente (Mme Cuerrier): Nous n'allons pas utiliser tout ce temps. Si vous me le permettez, je vous ferai une suggestion... (12 h 45)

M. Lavoie: Oui, on vous écoute.

La Présidente (Mme Cuerrier): Je pensais qu'actuellement il serait tout à fait normal que le ministre puisse faire au moins une courte intervention pour répondre au député de Laval et qu'ensuite nous nous préservions quatre ou cinq minutes au moins pour chacun des deux intervenants privilégiés pour terminer ce tour de la question juste avant l'ajournement â 13 heures.

M. Scowen: Est-ce que c'est moi ou le ministre qui va parler en dernier dans cette affaire?

M. Lavoie: II y a eu des antécédents deux ou trois fois aux questions avec débat où celui qui a posé la question termine, un peu comme un droit de réplique.

M. Landry: Cela me semble aller contre le bon sens.

M. Scowen: Dans les deux questions que j'ai posées l'année passée, Mme la Présidente, sur l'habitation et sur l'investissement étranger, c'était moi qui avais parlé en dernier. Je voulais simplement savoir si vous allez continuer cette tradition.

La Présidente (Mme Cuerrier): Je sais qu'à certains moments les choses se sont produites et que le contraire aussi s'est produit. Actuellement, je donne la parole au ministre et je lui demanderais d'être assez...

Une Voix: Concis?

La Présidente (Mme Cuerrier): Voilà. Et ça me donnera le temps de penser à la suite.

M. Landry: Rapidement en réponse au député de Laval, il a parlé d'incertitude et il l'a fait remonter au temps où M. Daniel Johnson parlait d'égalité ou indépendance, à la fondation du Mouvement souveraineté-association. C'est bien ça que vous avez dit, d'ailleurs. Alors, quand le Parti libéral dit qu'on a commencé il y a quelques mois seulement à parler de souveraineté-association, le député de Laval, lui qui connaît un peu plus l'histoire politique, se rend bien compte que c'est un phénomène qui n'a pas commencé hier.

Sur l'incertitude, voici ce que je dis: C'est le propre des démocraties et des peuples en évolution de créer une certaine incertitude. On n'est pas certain qui sera le premier ministre du Canada après l'élection fédérale. Il y a une incertitude. La Bourse réagit, les milieux d'affaires réagissent. La société québécoise est en évolution et effectivement, depuis Daniel Johnson et même avant, il y a incertitude sur l'avenir constitutionnel. M. Johnson pour les impôts, par exemple, disait "cent, cent, cent!" Vous vous souvenez de ça; il voulait tous les impôts à 100%. Cela créait de l'incertitude. Les autres formations politiques M. Bourassa parlait de souveraineté culturelle. M. Trudeau lui répondait à coups de soufflet, c'est le moins qu'on puisse dire. Mais ça aussi, ça créait de l'incertitude. Qui aura la souveraineté culturelle, Ottawa ou Québec? Je dis que c'est un phénomène normal et sain. Le député de Laval que je tiens pour un homme de droite — il ne sera pas insulté que je lui dise ça — sait très bien qu'un endroit...

M. Lavoie: Est-ce que je pourrais faire une correction?

M. Landry: Non, laissez-moi mon temps. Ecoutez...

M. Lavoie: Vous m'attaquez, homme de droite. Je n'accepterai pas d'être un homme de droite. Je suis un centriste; je suis un vrai libéral.

M. Landry: Faisons un compromis sur le centre droite.

M. Scowen: Ce matin, il a passé son opinion personnelle sur chaque personne dans cette Chambre, sauf vous Mme la Présidente.

M. Lavoie: Ce sont des attaques ad hominem.

M. Landry: Le député de Laval reconnaîtra que les seuls endroits au monde où il n'y a pas d'incertitude politique, ce sont les dictatures autocrates à parti unique. En Union soviétique, il n'y a aucune espèce d'incertitude. Rien ne change et ce pays est politiquement enlisé.

Je suis par conséquent heureux qu'au Québec nous vivions dans une démocratie et que M. Daniel Johnson, comme chef démocratique des Québécois, ait pu dire: Egalité et indépendance. Que Robert Bourassa ait pu dire: Souveraineté culturelle. Et que nous puissions dire: Souveraineté-association. C'est vrai que cela crée une certaine incertitude qui est au coeur même de notre démocratie. Le Québec change et évolue. Vous nous reconnaîtrez le mérite quand même d'être ceux qui sommes en mesure de mettre fin à cette incertitude et de proposer enfin aux Québécois de se prononcer par voie de référendum.

Deuxième point de ma réponse au député de Laval. C'est un peu plus grave, cela me paraît même très grave. Il n'aura pas le temps aujourd'hui, mais je voudrais que le député de Laval me donne une explication, lui qui est membre du Parti libéral, parti qui est contre le libre choix de la langue d'enseignement, c'est bien connu. Le Parti libéral est d'accord pour une législation linguistique. Il a fait la loi 22, qui n'était pas le libre choix, et il s'est dissocié à plusieurs reprises du libre choix. Vous avez même des candidats du libre choix contre vous. Causes des incidences économiques de la langue. Je voudrais que le député de Laval nous dise pourquoi, dans son pamphlet électoral de 1976, il préconise en matière linguistique le libre choix de la langue d'enseignement et pourquoi...

M. Lavoie: Continuez!

M. Landry: J'ai ici: "Article 3. Libre choix de la langue d'enseignement." Je voudrais que le député de Laval explique si c'est pour des raisons économiques.

M. Lavoie: Continuez!

M. Landry: Comment, ayant fait campagne en 1976 en affirmant le libre choix de la langue d'enseignement, peut-il toujours être membre du Parti libéral et l'appuyer alors que cette question est majeure et fondamentale?

M. Lavoie: La pertinence, la pertinence!

M. Landry: Enfin, sur les investissements... C'est très pertinent, tout le monde a parlé de législation linguistique ce matin; alors, j'en parle.

J'imagine que le député de Laval veut dire que le libre choix serait meilleur pour l'économie. S'il veut soutenir le libre choix, il y a le député de Pointe-Claire qui est pour le libre choix. Qu'il aille avec ceux qui ont les mêmes positions fondamentales que lui. On va revenir aux réalités économiques et à la construction.

Personne ne nie qu'après les Olympiques il y ait eu un marasme dans la construction. Si les carnets du gouvernement avaient été pleins de projets quand on est arrivé au pouvoir, cela aurait été évité, mais l'imprévoyance du précédent gouvernement, qui avait perdu le contrôle de la situation au Québec en termes économique, social et politique, fait qu'il y a eu effectivement une baisse de la construction. Cependant, à Laval, notre ville, en 1977, les Entreprises Albert Gagnon Ltée ont commencé — j'ai visité le projet — un projet de $100 millions. Les journaux des jours derniers nous apprenaient qu'une grande chaîne hôtelière, Sheraton, dans notre ville de Laval, construit...

M. Lavoie: 250 chambres.

M. Landry:... un grand hôtel avec un investissement qui va aller chercher dans les $10 millions à $12 millions...

M. Lavoie: Oui, corrigez!

M. Landry: II n'y a jamais eu, même du temps où le député de Laval était le maire de Laval, la construction d'un hôtel de ce calibre dans l'île Jésus. Dans les grands projets de la région de Montréal, j'ai cité Bell Canada, la Banque Provinciale, la Banque d'épargne. Il y a également SIDBEC-Dosco, Canada Packers, Entrepôts Desnoyers, Mercure, Gagnon, Sheppard. J'ai vu fonctionner le parc industriel de Laval au cours des dernières années et j'ai vu l'expansion qu'il est en train de prendre, qu'il prend encore. Ce n'est pas pour des fantaisies que la ville de Laval continue son expropriation, c'est parce qu'elle sait très bien qu'elle ne peut plus loger d'industries majeures dans le parc industriel tel qui existe présentement.

M. Lavoie: Est-ce que le ministre me permettrait une question sur l'agrandissement du parc industriel de Laval qui a été commencé en 1976 pour l'expropriation? Comment la ville va-t-elle pouvoir prendre de l'expansion au point de vue industriel avec le zonage agricole de tout ce grand terrain?

M. Landry: Le député de Laval...

La Présidente (Mme Cuerrier): ... si nous voulons permettre les dernières interventions.

M. Landry: ... fait de la politique. Il sait parfaitement que la Commission de zonage agricole et la ville de Laval en sont venues à une entente qui préserve toutes les possibilités d'ex-

pansion industrielle de Laval. Ou c'est une petite manoeuvre politique de dernière minute dans un débat qui vous a donné chaud, ou c'est une erreur et un manque d'information flagrant. Je laisse au député de Laval le soin de décider.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député... M. Lavoie: Je peux parler, il reste six minutes. M. Scowen: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Cuerrier): C'est cela. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen:... est-ce que je peux vous demander au moins les six ou sept minutes qui restent?

M. Lavoie: Allez-y.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député, il est habituel, au cours d'une question avec débat, que chacun des deux intervenants privilégiés puisse avoir quelques minutes pour faire le tour de la question. Alors, rapidement, s'il vous plaît!

M. Landry: II faut s'entendre d'avance parce que le temps file. Il reste environ...

La Présidente (Mme Cuerrier): Habituellement. M. Landry:... six ou sept minutes.

M. Scowen: Mme la Présidente...

M. Russell: J'avais pensé utiliser mon temps...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député, je pense que nous n'avons plus le temps de permettre d'autres remarques, c'est malheureux.

M. Russell: Je sais qu'en commission pléniè-re, on ne peut pas soulever de point de règlement.

La Présidente (Mme Cuerrier): Nous avons des intervenants privilégiés, M. le député de Brome-Missisquoi, et je dois permettre à chacun de faire un dernier tour de la question. Nous n'avons que six minutes pour cela, alors je donnerais trois minutes à chacun des intervenants.

M. Russell: Ce que je voulais, en vous demandant la parole, c'est dire au ministre que je suis d'accord pour laisser la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce pour la simple raison que c'est sa motion.

La Présidente (Mme Cuerrier): Vous n'avez pas...

M. Russell: Je me le rappellerai à l'avenir. On aura d'autres motions, nous aussi, et on saura comment agir, c'est tout. C'est ce que je veux faire remarquer.

La Présidente (Mme Cuerrier): Nous sommes en train d'établir une tradition où chacun des deux intervenants privilégiés a quelques minutes à la fin. Alors, trois minutes, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Mme la Présidente, je vous remercie. Le ministre a essayé ce matin de dire, si je comprends bien, que oui, il existe un problème à Montréal, mais que ce n'est pas nouveau et que ce n'est pas aussi grave que nous le clamons. Nous avons essayé, je pense, de dire que oui, c'est un problème qui est très grave à Montréal. C'est quelque chose qui existe depuis plusieurs années mais c'est quelque chose qui est devenu beaucoup plus grave, beaucoup plus grave depuis le début de 1977. C'est une question qui ne sera pas réglée ici ce matin; c'est bien clair que la population sera obligée de décider elle-même. Les citoyens de Montréal, quand ils regardent ce qui se passe dans leur ville, quand ils regardent les journaux, les avis de départ, les problèmes dans la construction, doivent décider si c'est pire ou non. Nous disons, d'une façon très forte que c'est pire depuis deux ans. Je pense que nous avons donné au moins des éléments de preuve pour les gens qui n'en sont pas conscients de leur propre expérience.

Nous avons dit ce matin qu'il est nécessaire de prendre des mesures concrètes pour régler ces problèmes. Nous avons dit qu'il existait trois choses. Nous avons posé trois questions très précises au ministre. Pour nous, il n'est plus nécessaire de faire des études, des analyses, de sommets, des mini-sommets, des commissions. Les trois raisons sont claires. Mon collègue, M. Raynauld, les avait fournies d'une façon très cohérente. La première, c'est une hostilité accrue du Parti québécois dans sa politique, que réfléchissent continuellement les déclarations des ministres et des députés et les politiques du gouvernement. Cela a pour effet qu'aujourd'hui il y a une guerre ouverte avec le Conseil du patronat du Québec, qui est la plus grande organisation des cadres, des dirigeants à Montréal, une guerre ouverte entre M. Landry et l'industrie pharmaceutique, une guerre ouverte entre M. Bérubé et l'industrie minière, une guerre ouverte entre M. Parizeau et l'industrie du textile et une autre guerre ouverte entre M. Parizeau et l'industrie de l'amiante. En effet, il y a le charriage total entre le secteur privé et le gouvernement. Ce n'est pas quelque chose de nouveau. C'est basé exclusivement sur la politique de base du Parti québécois qui ne comprend pas le secteur privé.

Le deuxième élément que le ministre a touché aujourd'hui est la question de la loi sur la langue. Comme il l'a dit, nous sommes aussi en faveur des lois linguistiques. Nous réclamons simplement deux choses. Premièrement, nous réclamons que toutes les personnes de l'extérieur du Québec qui veulent venir ici aient le droit d'envoyer leurs enfants anglais aux écoles anglaises. Cela ne touche pas du tout les droits des francophones. Cela signifie qu'une personne qui est anglaise, qui veut venir de Toronto pour n'importe quelle raison pour deux, trois, quatre, cinq, dix, quinze ou vingt ans, pourrait mettre son enfant dans une école

anglaise. Je pense que nous avons le droit de le faire. La deuxième chose qu'on réclame, c'est le droit de mettre un affichage en anglais, également en français, mais le droit de se servir de sa propre langue dans sa propriété. Je pense que, si un Etat anglais fait une loi contre les Français disant: Tu ne peux pas mettre d'affiche en français, cela va causer le charriage et je pense que c'est exactement ce qui est arrivé dans le sens contraire aujourd'hui. On ne craint pas l'élimination des droits sur la langue, mais ces deux petits points. Finalement et avant tout...

La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre, M. le député!

M. Scowen: Oui, Mme la Présidente. Finalement et avant tout, Mme la Présidente, nous réclamons d'une façon absolue la nécessité d'arrêter de parler de souveraineté-association tant que vous n'aurez pas mis devant la population la question du référendum d'une façon claire, parce que c'est connu de tout le monde. Mon collègue de Laval l'a répété d'une façon très claire: l'industrie du Canada qui est basée au Québec n'acceptera jamais de rester ici dans l'éventualité d'une indépendance du Québec. Cela n'est pas possible pour une compagnie canadienne — il y en a 500 ou 600 à Montréal aujourd'hui — de rester dans un autre pays que le Canada. Alors, si l'indépendance arrive, ces compagnies vont partir. C'est clair. Cette incertitude qui est répandue partout à travers le Canada, partout à travers le Québec, parmi les anglophones du Québec, parmi les francophones du Québec, parmi tous les autres groupes ethniques du Québec, c'est quelque chose qui va créer l'instabilité économique d'ici la fin du mandat du Parti québécois qui, j'espère, va venir bientôt, ou jusqu'au moment où le référendum réglera ce problème une fois pour toutes.

Mme la Présidente, je pense que je n'ai pas abusé aujourd'hui de mon droit de parole. Le ministre a parlé au moins cinq fois...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député, vous aviez...

M. Scowen: ... et j'ai parlé une seule fois.

La Présidente (Mme Cuerrier): ... un droit de parole privilégié.

M. Scowen: Je veux simplement terminer, si je peux, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Cuerrier): Vous auriez pu empêcher, vous auriez pu demander que d'autres députés de votre formation politique n'interviennent pas si vous vouliez intervenir plus souvent. Vous aviez le droit de le faire. Ce que je vous dis maintenant, c'est que nous avons toujours préservé au moins un droit de parole pour faire le tour de la question. Nous arrivons à 13 heures et je pense qu'il est tout à fait logique, je n'ai pas de dessin à faire, que, quand quelqu'un pose une question, normalement on doit pouvoir y répondre. Vous avez commencé l'intervention. Je pense qu'il serait normal que vous laissiez au moins deux minutes ou trois minutes au ministre pour vous répondre. Si vous ne le voulez pas, M. le député, nous arriverons au moment de l'ajournement et nous n'aurons pas de consentement. (13 heures)

M. Raynauld: Mme la Présidente...

M. Scowen:... pas de consentement... Mme la Présidente.

M. Landry: Mme la Présidente...

M. Raynauld: ... le problème...

M. Scowen: On a passé la matinée à recevoir des insultes personnelles du ministre. Je pense que cela ne vaut pas la peine de continuer cet après-midi à recevoir plus d'insultes personnelles quand on essayait de soulever un sujet qui est d'une importance primordiale pour tous les Québécois.

La Présidente (Mme Cuerrier): Je pense que l'intervention que je vous faisais...

M. Scowen: Oui, merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): ... était qu'il est tout à fait logique que chacun puisse répondre mutuellement. Vous avez débuté, vous avez posé la première question. Tous les autres députés qui sont intervenus ensuite ont posé des questions au ministre qui était l'interpellé. Vous n'accordez pas maintenant au ministre le droit de répondre. M. le ministre, je me vois dans l'obligation d'ajourner.

Cette commission...

M. Landry: Ils se disent libéraux. Ce sont des autocrates.

La Présidente (Mme Cuerrier): ... ajourne ses débats sine die.

Fin de la séance à 13 h 1

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