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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le mercredi 22 août 1979 - Vol. 21 N° 162

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions concernant le projet de loi no 48 - Loi modifiant la Loi de police


Journal des débats

 

Projet de loi no 48

(Dix heures treize minutes)

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît messieurs!

La commission de la justice est réunie ce matin pour entendre les mémoires des organismes et individus concernant le projet de loi no 48, Loi modifiant la Loi de police.

Les membres de la commission sont: M. Alfred (Papineau), M. Bédard (Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis)...

M. Blank: Présent.

Le Président (M. Boucher): ... M. Charbon- neau (Verchères), M. Clair (Drummond), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska); M. Gravel (Limoilou) remplace M. Lacoste (Sainte-Anne); M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Vaillancourt (Jonquière).

Les intervenants sont: M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Lavigne (Beauharnois), M. Léger (Lafontaine), M. Marois (Laporte), M. Pagé (Portneuf); M. Tardif (Crémazie) remplacé par M. Jérôme Proulx (Saint-Jean).

Aujourd'hui, nous avons cinq organismes qui présenteront des mémoires. Je vais les énumérer dans l'ordre pour que les gens sachent dans quel ordre ils vont passer aujourd'hui. D'abord, il y a la Fédération des policiers du Québec représentée par M. Guy Marcil, directeur exécutif; l'Association des policiers provinciaux du Québec représentée par M. Raymond Richard; la municipalité de Rock Forest représentée par M. Richard Tremblay; le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal représenté par Me Guy Lafrance et' M. René Bellerose à titre personnel présentera un mémoire.

J'invite immédiatement la Fédération des policiers du Québec, représentée par M. Guy Marcil. Il voudra bien présenter les gens qui sont avec lui et procéder à la lecture du mémoire.

Fédération des policiers du Québec

M. Marcil (Guy): Guy Marcil est mon nom, mais la présentation sera faite par le président de la fédération, qui, du même coup, vous fera la présentation des membres qui nous accompagnent. Sans plus tarder, M. André Nadon, président de la fédération. (10 h 15)

M. Nadon (André): M. le Président, MM. les membres de la commission, j'ai le plaisir de vous présenter, à ma gauche, M. Raoul Fortier, vice-président de la fédération, ainsi que M. Robert Miron, directeur des services techniques à la fédération.

Nous allons vous faire la présentation de notre mémoire d'une vingtaine de pages. J'invite les membres de la commission à intervenir au mo- ment où on fera la présentation ou l'analyse article par article s'ils le veulent ou à réserver leurs questions à la toute fin du mémoire.

Dans son analyse du projet de loi no 48 et dans ses remarques, la Fédération des policiers du Québec a tenté de se limiter à ce qui pouvait affecter directement et concrètement les policiers municipaux. Il convient d'abord, avant de procéder à commenter un par un les articles où elle croit utile de faire des observations, de faire part au législateur de deux réflexions d'ordre général.

D'une part, en ce qui concerne le problème le plus immédiat et l'inquiétude la plus grande formulée par la fédération, soit la sécurité d'emploi chez les policiers municipaux, celle-ci reconnaît d'emblée que le projet de loi no 48 constitue une amélioration certaine à l'état de chose existant actuellement et que, si les mécanismes prévus audit projet de loi sont appliqués non seulement dans le but de protéger l'emploi des policiers, mais également et peut-être même surtout dans le but d'assurer une protection efficace aux citoyens, et non pas dans le but de permettre aux municipalités de se décharger de leurs responsabilités et de présenter de beaux budgets aux électeurs, le but visé pourrait avoir été pratiquement atteint.

D'autre part, le projet de loi semble vouloir confier à la Commission de police du Québec un rôle de plus en plus prépondérant, une présence de plus en plus quotidienne et un contrôle de plus en plus absolu sur les corps policiers municipaux, leurs membres, le comportement de ceux-ci et leurs activités. Or, sur ce plan, la fédération émet de sérieuses réserves sur le transfert apparent d'une partie et peut-être la partie la plus importante de l'autorité des employeurs des policiers municipaux en faveur de la Commission de police et nous ne saurions trop insister sur les dangers que cela comporte indépendamment de l'inefficacité qui pourrait en résulter.

En effet, la Commission de police du Québec risque de devenir un monstre administratif, éloigné tant des policiers que des citoyens, sans âme et sans coeur, avec le résultat que les policiers seront réduits au rang de numéros matricules jugés par des gens coupés du milieu et donc, d'une part, soumis à une autorité agissant suivant des normes, critères et objectifs différents de ceux qui s'appliquent à tous les autres employés municipaux et, d'autre part, dans certaines circonstances, privés des recours qui appartiennent à tous les travailleurs syndiqués en vertu du Code du travail. Nous ne croyons pas que la situation dans les services de police municipaux exige une telle intrusion de la part d'un corps étranger dans leur administration et nous ne croyons pas que l'on doive payer ce prix pour obtenir une certaine sécurité d'emploi dont profitent nombre d'autres travailleurs, y compris les serviteurs de l'Etat.

Nous allons maintenant faire l'analyse des articles, ceux qui touchent particulièrement les policiers ou du moins ceux où nous avons senti le besoin d'intervenir. A l'article 2 du projet de loi, l'insertion des paragraphes 2a, 2b et 2c après

l'article 2 de la loi révèle certes d'excellentes intentions.

Cependant, en ce qui concerne plus spécifiquement l'article 2a et, en particulier, la deuxième phrase de celui-ci, certaines questions se posent quant à la signification de celle-ci. Si le Procureur général est réputé l'employeur d'un policier municipal agissant en qualité d'agent de la paix dans un territoire autre que celui de la municipalité qui l'emploie, est-ce que cela signifie que le Procureur général assume alors toutes les obligations d'une municipalité prévues à la convention collective et qui correspondent à autant de bénéfices en faveur du policier lorsqu'il est blessé au cours de son travail, quant au temps supplémentaire qu'il peut réclamer, s'il intervient de son propre chef lors de la commission d'un crime et alors qu'il n'est pas sur ses heures régulières de travail, quant à la défense qui lui est fournie et aux moyens de produire celle-ci, si jamais il est poursuivi au criminel ou au civil par suite d'acte exécuté dans l'exercice de ses fonctions?

Nous croyons qu'il y aurait lieu de préciser que le Procureur général assume, à ce moment-là, toutes les obligations qui auraient été celles de la municipalité pour laquelle le policier travaille normalement, si celui-ci agit sur son territoire.

Une autre question se pose à savoir si cette protection s'applique également lorsque le policier agit comme agent de la paix hors du territoire du Québec. La fédération considère qu'il y aurait lieu d'assurer cette protection aux policiers qui, comme agents de la paix, sont tenus d'intervenir, s'ils constatent la commission d'un crime, d'une infraction, ou dont on s'attend qu'ils portent aide et assistance beaucoup plus qu'un autre citoyen.

Finalement, si la convention collective à laquelle est assujetti le policier concerné est muette quant aux bénéfices prévus pour ledit policier en cas de poursuite contre lui par suite d'actes exécutés dans l'exercice de ses fonctions, quelle est la protection dont bénéficiera alors le policier concerné, et quelle obligation entend assumer le Procureur général? Il y aurait un point qu'on aimerait aussi soulever ici, qui n'est pas indiqué dans le mémoire, et qui pourrait peut-être, selon les dispositions de ces articles, porter à confusion. Je vais vous donner un exemple, celui d'un policier de la CUM qui serait appelé, à un moment donné, à intervenir pour le compte de la CUM dans un autre territoire que le sien. Est-ce qu'à ce moment-là, le Procureur général serait réputé être son employeur ou, à toutes fins utiles, serait-ce toujours la CUM qui assumerait ses obligations vis-à-vis de ce policier si jamais il était blessé dans l'exercice de ses fonctions ou poursuivi civilement, criminellement, ou ainsi de suite?

Je pense que l'article 2c pourrait porter à confusion. Je pense bien que ce n'est pas dans l'esprit du législateur de voir à ce que le policier ainsi appelé à exercer ses fonctions soit privé de la protection à laquelle il aurait eu droit s'il avait limité son intervention dans son territoire.

L'article 3 du projet de loi. Le troisième alinéa de l'article 6 biffé par cet article 3 du projet de loi se retrouve à l'article 82a proposé, sauf que l'amende y a été augmentée considérablement. Nous ne pouvons que regretter que le législateur n'ait pas fait disparaître cet article, mais, au contraire, ait cru bon de le rendre encore plus sévère. Il n'y a aucune espèce de raison pour qu'un policier ne puisse participer entièrement à la vie de sa communauté, y compris et surtout même, vu la confiance qu'il doit inspirer et les responsabilités qu'il a vis-à-vis de ses concitoyens, en assumant des fonctions publiques tant sur le plan fédéral, provincial, municipal ou scolaire. Nous ne voyons vraiment pas l'avantage que le législateur voit à museler ainsi cette catégorie de citoyens qui est déjà suffisamment considérée à part par le public et qu'on les empêche en plus d'être des citoyens à part entière.

Ces dispositions sont désuètes, elles ont été héritées d'une époque où les politiciens engageaient les policiers et évidemment tenaient à tout prix à ce que ceux-ci, par la suite, ne puissent travailler contre eux, et elles émanent d'une mentalité suivant laquelle les policiers, étant l'instrument du pouvoir, ne pouvaient pas en être le critique ni y participer activement.

A moins que le législateur ne nous fournisse d'excellentes raisons pour maintenir cette situation injuste, nous soutenons que celui-ci doit faire disparaître complètement l'article 6 de la Loi de police.

J'aimerais ici ouvrir une parenthèse. Lors de notre dernier congrès à la fédération, une motion a été adoptée par les congressistes à l'effet de voir à clarifier le présent article 6 de la Loi de police et de nous indiquer ou, du moins, par l'entremise du Procureur général, si la question référendaire était une question qui revêtait un caractère de partisa-nerie politique ou non. Je pense que nous avons adressé cela au ministre de la Justice et, évidemment, nous croyons quand même que la question référendaire est au-delà de toute partisanerie politique; nous attendons une réponse et j'espère que nous allons la recevoir avant le référendum.

Une Voix: ...

M. Lalonde: Pas de danger.

M. Bédard: Soyez sans crainte là-dessus. Il tremble déjà en avant de moi.

M. Lalonde: Ah oui!

M. Bédard: C'est prématuré, s'il fallait en croire M. Ryan.

M. Lalonde: On a commencé à trembler à Beauce-Sud, d'ailleurs.

M. Bédard: M. Ryan le demandait...

Une Voix: ...

M. Lalonde: C'était bien.

M. Clair: Pensez-vous en avoir...

M. Bédard: Quand on lui donne, il dit que c'est prématuré.

M. Lalonde: Qui cela? Moi?

M. Bédard: Enfin, on est pas ici pour aborder ce sujet-là, sous cet angle-là.

M. Lalonde: Qui a dit cela? M. Ryan?

M. Nadon: En fait, c'était tout simplement pour indiquer que cette question-là, comme celle qui est soulevée en vertu de l'amendement qui est proposé, intéresse les policiers et nous voulons être considérés comme n'étant pas des marginaux dans la société.

L'article 6 du projet de loi. L'article 16 proposé, étudié en particulier en regard de l'article 36 du projet de loi, modifiant l'article 4 de la Loi du ministère de la Justice, nous laisse perplexes quant aux responsabilités confiées d'une part, à la Commission de police et, d'autre part, à la direction générale de la sécurité publique.

En effet, on confie à la commission le soin d'établir un service de documentation et de statistiques permettant d'évaluer l'état de la criminalité et l'efficacité de l'action policière, alors que la direction générale, quant à elle, est chargée de promouvoir la coordination des activités policières. N'y a-t-il pas là double emploi, chevauchement ou distinction beaucoup trop subtile entre les juridictions de chacun pour qu'un jour on puisse s'y retrouver.

Dans le préambule de cet article 16, on dit que la commission est chargée, entre autres choses, de favoriser la prévention du crime et d'assurer l'efficacité des services de police au Québec; or, le paragraphe f) de l'article 4 de la Loi du ministère de la Justice, tel qu'amendé par l'article 36 du projet de loi no 48, confère à la direction générale de la sécurité publique le soin de promouvoir la prévention de la criminalité.

Comment peut-on également délimiter les responsabilités de chacun en ce qui concerne l'établissement par la commission d'un service général d'inspecteurs chargés de conseiller, en matière policière, la sûreté et les corps policiers municipaux, et celle confiée à la direction générale de la sécurité publique d'élaborer des politiques et des programmes de sécurité publique et d'en assurer l'implantation.

Il nous semble donc que la Commission de police, composée de juges et de technocrates, était au départ et devait demeurer une commission chargée de faire des enquêtes et non pas un organisme à qui l'on confie le soin de conseiller soit le ministre ou soit les corps policiers sur la façon d'administrer ceux-ci, de faire le travail, etc.

Il ne nous semble aucunement que le rôle que l'on veut confier actuellement à la Commission de police, et qu'elle avait d'ailleurs déjà commencé à assumer en partie, soit celui d'une véritable commission qui doit, quant à nous, pour garder sa crédibilité et son indépendance, ne pas avoir à se mêler de l'administration et du fonctionnement quotidien des corps policiers, ne pas être la source des informations utiles aux corps policiers et la banque d'informations fournies par ceux-ci tant en ce qui concerne la criminalité que les membres des corps policiers.

Il nous semble que cette tendance nous conduit vers une superdirection de la police qui chapeautera la direction de tous les corps policiers dans la province, avec le résultat que ceux-ci perdront de plus en plus leur autonomie.

Cela est d'autant plus dangereux que cette commission, banque d'informations, conseillère, enquêteur, détenant un pouvoir de réglementation très vaste, se verrait également confier non seulement des pouvoirs de recommandation en ce qui concerne les membres des corps policiers municipaux, mais également le pouvoir de priver ceux-ci de leur statut d'agents de la paix lorsque la commission décidera d'intervenir directement et de décider d'une plainte formulée contre l'un d'entre eux.

Nous croyons que c'est la responsabilité du ministre de la Justice de coordonner les activités policières, d'assurer la prévention du crime, de fournir aux corps policiers les outils nécessaires pour assurer cette prévention du crime et pour en faire la répression. Nous croyons que c'est le rôle de la Commission de police de faire des enquêtes et d'émettre des recommandations. Pour qu'elle soit objective, la Commission de police doit jouir d'une indépendance complète vis-à-vis du pouvoir exécutif.

Or, le pouvoir exécutif doit avoir accès à toutes les informations policières et doit pouvoir influencer et diriger les activités de celle-ci. Si ces responsabilités sont confiées à la Commission de police, ou bien l'exécutif devra influencer ou diriger la Commission de police, ou bien l'exécutif perdra tout contrôle sur ces matières dont il aura confié la responsabilité à ladite commission. Dans les deux cas, nous entrevoyons la situation ainsi créée comme extrêmement délicate, non souhaitable et dangereuse pour le bon fonctionnement de nos institutions, et de nature à faire perdre à celles-ci toute crédibilité.

Article 7 du projet de loi. Si le paragraphe b) suggéré signifie que la commission, par l'établissement de mécanismes de contrôle d'aptitudes à exercer les fonctions d'agent de la paix, peut, par là, s'arroger le pouvoir de vérifier la moralité, la conduite, etc., de tout candidat policier, autant dire que les municipalités perdent à peu près toute autonomie en ce qui concerne l'engagement des personnes qu'elles choisissent actuellement elles-mêmes comme candidats policiers, à partir du moment où ils rencontrent les exigences minimales et objectives établies par les règlements de la commission. Dans un semblable cas, il est évident que la fédération s'oppose à ce que, à toutes fins pratiques, ce soit dorénavant la Commission de police du Québec qui dise aux municipalités qui embaucher et qui ne pas embaucher.

En ce qui concerne le paragraphe c) proposé, la fédération s'oppose fermement à ce que la Commission de police soit celle qui détermine

quelle est l'utilisation qui doit être faite de l'équipement fourni aux policiers. D'une part, ladite commission n'est pas responsable des opérations policières et ne doit pas le devenir et, d'autre part, elle pourrait, par ce biais, rendre caduques certaines clauses contenues dans de nombreuses conventions collectives et en particulier, pour ne nommer que celle-là, la clause qui prévoit que deux hommes devront patrouiller ensemble sur chaque auto-patrouille. Il est entendu que l'auto-patrouille fait partie, en quelque sorte, de l'équipement du policier. Or, l'utilisation de cet équipement a fait l'objet de négociations et en fera encore l'objet entre les parties aux conventions collectives et ne doit pas faire l'objet d'une ordonnance de la commission. Encore une fois, il n'est pas question pour la fédération, que la Commission de police devienne l'employeur, c'est-à-dire qu'elle embauche pratiquement, qu'elle dirige les opérations, qu'elle applique la discipline, etc. (10 h 30)

En ce qui concerne le paragraphe b) de l'article 7 du projet de loi, nous soumettons que le paragraphe f) de l'article 17 de la Loi de police devrait demeurer tel quel. Nous ferons, par ailleurs, des commentaires plus loin lorsque nous étudierons l'article 24 du projet de loi. En ce qui concerne la dernière phrase proposée à l'article 17 de la Loi de police, nous soumettons que la Commission de police doit non seulement consulter les organismes municipaux représentatifs, mais également les associations chargées de défendre les intérêts des policiers.

En effet, les policiers ont suffisamment le sens de leurs responsabilités pour vouloir collaborer à l'élaboration d'un règlement de déontologie et les effets d'un semblable règlement peuvent influencer suffisamment leur vie et leur carrière pour qu'on en discute avec eux avant de l'adopter.

Article 8 du projet de loi. En ce qui concerne l'article 18 de la Loi de police, tel que proposé, nous soumettons que le lieutenant-gouverneur en conseil, s'il n'est pas obligé d'approuver automatiquement un règlement adopté par la Commission de police, doit par ailleurs, s'il veut que ce règlement soit modifié, le retourner à la Commission de police qui devra alors de nouveau faire des consultations et les modifications proposées. En effet, à quoi servirait-il de consulter des organismes municipaux représentatifs et les associations de policiers sur le contenu d'un quelconque règlement si le lieutenant-gouverneur en conseil peut le modifier avant de l'adopter et ce, à un tel point que les consultations s'avèrent une complète illusion.

D'ailleurs, compte tenu des remarques déjà faites, la commission devrait recommander l'adoption de certains règlements et le lieutenant-gouverneur en conseil devrait les adopter après consultation. Quant à nous, encore une fois, surtout dans le domaine policier, le pouvoir d'adopter les règlements devrait être entre les mains du lieutenant-gouverneur en conseil et non pas entre les mains d'un organisme réputé indépendant.

L'article 18a proposé prévoit qu'un règlement adopté en vertu de l'article 17 prévaut sur un règlement municipal au même effet. Par ailleurs, le règlement municipal peut jusqu'à un certain point avoir été négocié et, dans certains cas, il est même réputé faire partie de la convention collective, surtout en ce qui concerne évidemment les sanctions disciplinaires prévues et qui limitent dans ce cas le pouvoir de révision d'un arbitre de griefs, tel que prévu à l'article 88m du Code du travail. Ainsi, si le règlement sur la déontologie devait être adopté sans consultation des associations accréditées pour représenter des policiers, on nierait là, et de façon rétroactive, à ceux-ci le droit de négocier et l'on ferait disparaître des droits acquis en leur faveur ou on leur imposerait en quelque sorte des modifications à leur convention collective sans qu'ils aient leur mot à dire. Nous croyons que ce n'est pas là l'intention du législateur et c'est pourquoi nous insistons de nouveau sur la recommandation formulée en ce qui concerne l'obligation de la commission de consulter avant d'adopter de semblables règlements.

Article 14 du projet de loi. Nous ne voyons aucunement pour quels motifs les criminels bénéficieraient de ce qui est proposé par l'article 14 du projet de loi et que les policiers, faisant l'objet d'une enquête en vertu de l'article 20 de la Loi de police, n'en jouiraient pas eux aussi. D'ailleurs, le premier alinéa de l'article 22 tel qu'il existe couvre les personnes qui témoignent au cours des enquêtes prévues et à l'article 19 et à l'article 20. Pourquoi alors restreindre les droits accordés aux témoins à l'enquête visée dans l'article 19.

Article 15. Les mêmes remarques que celles qui ont été faites au sujet de l'article 14 du projet de loi s'appliquent également ici. Au cours d'une enquête visée à l'article 20, il se peut également qu'une personne soit nommée ou que ses activités soient mentionnées et cette personne devra avoir les mêmes droits que toute personne dont le nom ou les activités ont été mentionnés au cours d'une enquête visée à l'article 19. Par conséquent, les articles 22a, 22b et 22c devraient être modifiés et inclure les enquêtes visées à l'article 20.

L'article 16 du projet de loi, compte tenu des remarques précédentes à l'article 22e proposé, devrait également mentionner les enquêtes visées à l'article 20. Les remarques faites aux articles 14 et 15 s'appliquent, mutatis mutandis.

Il n'est absolument pas question pour la Fédération des policiers du Québec d'accepter que la Commission de police puisse, à la suite d'une enquête visée à l'article 20, priver un policier municipal de son statut d'agent de la paix, ce qui équivaudrait évidemment à une suspension pour la période prévue ou même à un congédiement, si son statut d'agent de la paix lui est retiré indéfiniment ou pour toujours.

Les policiers ont droit, comme tout autre travailleur, à l'arbitrage des griefs, y compris les griefs formulés à la suite de l'imposition de sanctions disciplinaires. Les arbitres de griefs ont, en vertu du Code du travail et en particulier de l'article 88m de celui-ci, le pouvoir de substituer à la décision de l'employeur toute décision qui peut

paraître au tribunal d'arbitrage juste et raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire. Il n'est aucunement question que la Fédération des policiers du Québec accepte que, selon le bon désir de la commission d'intervenir ou non à la place d'un comité de discipline, un policier municipal soit soumis à la juridiction de la Commission de police, et les autres à la juridiction des tribunaux d'arbitrage de griefs.

Les tribunaux d'arbitrage de griefs n'ont aucune espèce de couleur politique et leur indépendance a été entièrement reconnue. On sait qu'à l'occasion de certains conflits ouvriers ou autres manifestations, des affrontements ont eu lieu entre policiers et manifestants.

Politiquement, on comprend que des enquêtes aient dû être ordonnées dans certains cas. On comprend également que la Commission de police ait pu, compte tenu des circonstances, faire certaines recommandations à l'égard de certains policiers. Il est cependant toujours revenu à l'employeur — et cela doit continuer de revenir à l'employeur — de décider s'il suit ces recommandations; compte tenu du contexte municipal, compte tenu des besoins de la municipalité, il doit demeurer de la juridiction des arbitres de griefs de décider si la sanction imposée par l'employeur est justifiée dans les circonstances.

On peut comprendre que la Commission de police se soit quelquefois sentie frustrée de voir que certaines de ses recommandations n'aient pas été suivies ou que même, ayant été suivies par l'employeur, un arbitre de griefs ait modifié la sanction recommandée.

Or, les policiers sont suffisamment considérés comme des travailleurs à part sans qu'on les prive, en plus, des recours en révision prévus pour les autres travailleurs.

L'article 24b proposé, surtout avec le rôle accru dans tous les domaines que l'on veut confier à la Commission de police, fait que celle-ci est pratiquement juge et partie, étant celle qui édicte les règlements d'éthique, qui fait les enquêtes et qui décide du sort d'un agent de la paix, et ceci par une décision finale et sans appel, sauf excès de juridiction, bien entendu.

Dans des représentations verbales ou écrites antérieures, la Fédération des policiers du Québec, pour éviter cette situation injuste où la commission est presque juge et partie, avait demandé que, même dans le cas des policiers non salariés au sens du Code du travail, le rôle de la commission se limite soit à enquêter ou soit à siéger en appel des décisions de l'employeur dans les cas de ces policiers non salariés au sens du Code du travail.

En effet, si la Commission de police fait enquête et recommande une sanction disciplinaire quelconque, elle ne peut évidemment siéger en appel de la décision de l'employeur, surtout si ce dernier a suivi la recommandation.

Par conséquent, la commission doit de deux choses l'une, ou bien ne plus être l'organisme qui siège en appel, en ce qui concerne ses policiers, si elle maintient son pouvoir d'enquête et de recom- mandation, ou bien elle doit se départir de son pouvoir d'enquête et de recommandation, si elle veut siéger en appel.

Pour tenter de corriger cette injustice en ce qui concerne les policiers non salariés au sens du Code du travail, le projet de loi, à son article 30, a limité le droit d'appel, c'est-à-dire qu'il l'a fait disparaître dans le cas où la municipalité a suivi à la lettre la recommandation de la Commission de police. Cette proposition est inconcevable, inique et contraire à l'esprit de toutes nos lois, dans le domaine des relations du travail, ainsi qu'à d'autres lois, telle que la Loi des cités et villes, qui permet aux autres officiers municipaux d'en appeler d'une sanction disciplinaire devant la Commission municipale du Québec.

En ce qui concerne les policiers salariés au sens du Code du travail, ceux-ci avaient le droit de s'adresser à un tribunal d'arbitrage quoi qu'ait recommandé la Commission de police et quoi qu'ait décidé l'employeur. Ce droit doit demeurer entièrement, aucun organisme ne devant à notre époque posséder un droit de vie ou de mort absolu sans appel sur quelque travailleur que ce soit. En ce qui concerne l'article 24c, il devrait y être prévu que les recommandations de la Commission de police n'affectent en rien la juridiction des tribunaux d'arbitrage ou de griefs, tel qu'établi à l'article 88m du Code du travail. Il se trouvera en effet facilement des procureurs patronaux disposés à plaider jusqu'en Cour suprême que les arbitres de griefs sont liés par ces recommandations et les policiers feront encore les frais de ces procédures. En vertu de cet article proposé, j'aimerais faire un aparté et vous lire quelques paragraphes des mots de bienvenue qui avaient été adressés par le juge Guy Tremblay à l'occasion de l'enquête de la Commission de police sur la Commonwealth Plywood, il y a quinze jours.

C'est pour cette raison qu'on vous dit, M. le Président, que cet article, on le voit dangereux et, évidemment, nous nous opposons fortement à ce qu'il puisse éventuellement être adopté. Je vous cite quelques extraits. "L'obligation que nous avons n'est pas, comme je le disais au début, de rendre un jugement, de rendre justice. Notre obligation est de cerner la vérité pour rédiger et faire rapport de nos constatations. Notre rôle se termine par la rédaction d'un rapport qui est expédié au Procureur général de la province de Québec et qui contient les constatations que nous avons faites ainsi que certaines recommandations. Nous n'avons pas de pouvoir exécutoire. Nous ne sommes pas l'employeur de policiers qui oeuvrent au Québec; même si, pour les fins de la discussion, nous constations qu'un policier a manqué à l'éthique professionnelle, nous constations qu'il ait mal agi, nous ne pouvons pas le congédier. "Tout ce que nous pouvons faire, c'est de recommander que des mesures disciplinaires soient prises contre lui et que, si les actes qu'il a commis sont à notre égard suffisamment graves, nous pouvons recommander au Procureur général que des plaintes criminelles soient prises contre lui. On peut recommander aussi que ce policier

disparaisse de la circulation et cesse de faire partie d'un corps de police. Mais ce ne sont là que des pouvoirs de recommandation. Nous avons certaines informations qui nous permettent de croire que ces pouvoirs peuvent bientôt être augmentés, ce que nous souhaitons chaleureusement et ce que nous désirons ardemment. Or, on nous a dit — et je ne révèle pas le secret des dieux — qu'un projet de loi avait été déposé au cours du mois de juin — je pense, M. Breault — apportant certaines modifications à la Loi de police, reconnaissant que les membres de la Commission de police, à la suite de la tenue d'une enquête, peuvent, et c'est ce que nous souhaitons, émettre une ordonnance reconnaissant qu'un policier est inhabile à exercer cette profession dans la province de Québec. C'est un pouvoir que nous n'aimerions peut-être pas appliquer, mais que nous désirons posséder pour être en mesure de l'appliquer si nous en venons à de telles conclusions et ainsi, nous aurions des pouvoirs exécutoires plutôt que de travailler comme des nègres et faire des recommandations qui, en certaines circonstances, ne sont pas appliquées, et nous aurions d'autres pouvoirs moins sévères que celui-là, en vertu desquels nous pourrions faire des recommandations encore, mais des recommandations étant précisées dans un texte de loi. Ces recommandations pourraient s'échelonner entre l'application de toutes les gradations que l'on retrouve dans les mesures disciplinaires, pouvoir de remontrance ou de suspension avec ou sans solde et congédiement".

Je pense que cela se passe évidemment de commentaires.

M. Bédard: Je comprends que vous faites témoigner indirectement la Commission de police.

M. Lalonde: Avec la permission.

M. Nadon: L'article 19 du projet de loi. La fédération voit une contradiction possible entre l'alinéa proposé à la fin de l'article 29 de la Loi de police et les articles 52, 52a, 52b et 52c proposés par l'article 25 du projet de loi. En effet, d'une part, par les articles ci-haut mentionnés, on oblige les municipalités de 5000 habitants et plus à créer et à maintenir un corps de police sur leur territoire et, d'autre part, l'amendement proposé par le présent article 19 prévoit la possibilité pour la sûreté d'intervenir dans une municipalité pour y assumer l'ordre et pour y poursuivre une enquête, soit à la demande du Procureur général ce qui, par ailleurs, n'est pas différent, quant à nous, du droit et des responsabilités actuelles du Procureur général, mais également sur l'initiative propre de la sûreté ou à la demande d'une municipalité.

Qu'adviendrait-il si, à chaque fois qu'il y a une enquête criminelle à faire sur le territoire de la municipalité, celle-ci faisait appel à l'aide de la sûreté? Qu'adviendrait-il si un responsable de la sûreté plutôt zélé, dans une région quelconque, décidait d'étendre sa protection au territoire d'une municipalité où il y a déjà des policiers? Par ce biais, les obligations créées aux articles 52 et suivants, proposés par le projet de loi, pourront être ignorées. Les corps policiers municipaux pourront se départir complètement de leurs policiers chargés d'enquêtes et se limiter à faire du travail de gendarmerie et d'application de règlements municipaux, et ainsi le nombre des policiers municipaux ira toujours en diminuant.

Ceci est vrai autant pour les petites municipalités que pour la Communauté urbaine de Montréal, où nous soupçonnons certains policiers de souhaiter ardemment de refiler les enquêtes à la Sûreté du Québec, afin d'avoir à leur disposition des constables disponibles pour la circulation, l'application des règlements municipaux et peut-être même au regretté système en vertu duquel les policiers municipaux servaient de courriers aux édiles municipaux, et même de chauffeurs à ceux-ci et aux membres de leurs familles.

Il est donc inacceptable pour la fédération que la sûreté puisse, de sa propre initiative, à la demande d'une municipalité, et même à la demande du Procureur général, assumer l'ordre sur le territoire d'une municipalité ou y poursuivre des enquêtes, à moins qu'il ne s'agisse de cas vraiment exceptionnels et que, momentanément, à cause d'événements passagers, le corps de police municipal ne soit en mesure, avec l'aide possiblement d'autres corps policiers municipaux, de maintenir l'ordre et de faire enquête.

En l'absence de cet alinéa qu'on propose, l'aide de la Sûreté du Québec a d'ailleurs été maintes fois requise et maintes fois fournie dans de semblables cas. Nous ne voyons donc aucune utilité au texte proposé; cependant, nous y voyons un danger considérable, si un jour, la politique — et la Dolitique seule — devait guider certains dirigeants agissant uniquement par raison d'économie ou pour des buts électoralistes à court terme.

L'article 24. Les articles 47a), b) et c) pourraient évidemment, selon les amendements proposés à l'article 7 du projet de loi, s'appliquer éventuellement aux policiers municipaux. Il doit être bien compris que la Fédération des policiers du Québec n'est aucunement contre l'adoption d'un règlement sur la déontologie, mais qu'elle est même favorable à l'idée que ce règlement soit, dans la mesure du possible, uniforme pour tous les policiers du Québec. Cependant, la fédération a certaines réserves en ce qui concerne le contenu proposé d'un semblable règlement. (10 h 45)

En ce qui concerne l'alinéa b) de l'article 47a, la fédération soumet qu'il devrait être inscrit à la loi que les occupations, activités ou emplois interdits aux policiers devraient être uniquement ceux qui sont incompatibles avec la fonction de policier. Nous avons déjà recommandé que l'adoption d'un règlement sur la déontologie fasse l'objet de consultations. Si c'est une question de savoir si certaines occupations, activités ou emplois sont incompatibles avec la fonction de policier, nous soumettons qu'un organisme neutre, tel que la Commission des droits et libertés de la personne, devrait avoir juridiction pour décider

de tout litige survenant entre l'un quelconque des intervenants possibles et de la Commission de police. En effet, dans le même esprit que les remarques faites au sujet des activités publiques ou politiques possibles, nous soumettons que le fait d'être policier ne doit pas empêcher celui-ci d'avoir d'autres activités ou d'exercer d'autres métiers qui ont, malgré peut-être une certaine réputation dans le passé, acquis quand même aujourd'hui leurs lettres de noblesse comme n'importe quel autre métier.

Ainsi, beaucoup de règlements sur la déontologie dans le passé interdisaient à un policier d'exercer le métier de chauffeur de taxi. Il faudrait qu'on nous dise s'il y a là quelque chose de déshonorant, s'il est préférable d'avoir comme chauffeurs de taxi des repris de justice plutôt que des policiers, si l'on pense qu'un policier qui veut vraiment avoir des activités illicites ou mêmes criminelles a besoin d'exercer un semblable métier pour le faire.

Egalement, et à moins que le policier ne se serve de son statut pour obtenir des faveurs ou pour échapper à l'application de la justice ou des règlements municipaux ou provinciaux, comment pourrait-on justifier qu'un policier ne puisse être actionnaire dans un commerce détenant un permis de boissons alcooliques et même d'y travailler personnellement, alors que l'on sait très bien que de bons pères de famille, des veuves ou également des bandits notoires sont indifféremment actionnaires ou employés de semblables commerces?

Quant à la fédération, aucun métier en lui-même n'est incompatible avec la fonction de policier, pas plus d'ailleurs qu'avec quelque fonction que ce soit.

Seul le fait d'utiliser ce métier pour des fins illicites ou illégales, ou le fait de se servir de son statut de policier, de professionnel, de député ou de ministre pour obtenir des faveurs ou jouir d'un statut spécial sont à éviter et doivent faire l'objet d'une défense ou de répression. Il est notoire que le Vatican lui-même possède des intérêts nombreux dans des compagnies qui ont toutes sortes d'activités. Or, on ne saurait exiger des policiers qu'ils soient plus catholiques que le pape.

En ce qui concerne l'alinéa c) de l'article 47a, il doit être bien entendu qu'au comité d'examens de plaintes, on doit retrouver au moins un représentant des policiers, un représentant du public et un représentant de la direction du corps de police municipal.

Quant à la fédération, il ne saurait être question qu'on y retrouve un représentant de la Commission de police qui commencerait déjà là son enquête, avant de pouvoir possiblement devenir enquêteur pour le compte de la commission qui, à son tour, aurait à prendre la décision.

Par ailleurs, il faudrait aussi éviter la présence à ces comités, de dirigeants élus des municipalités. Ceci, dans le but d'éviter que la politique se mêle de l'application de la discipline et du règlement sur la déontologie.

L'alinéa c) du paragraphe 47a tel que proposé nous semble donc trop vague. Il doit être prévu que ce comité de discipline n'a que des pouvoirs de recommandation à l'employeur qui demeure celui à qui la décision finale et que cette recommandation ne lie en rien tout organisme prévu par la loi pour réviser la décision de l'employeur.

Quant à l'alinéa g), les sanctions disciplinaires prévues en regard de certaines infractions ne devraient en aucune façon lier l'employeur et le tribunal d'arbitrage des griefs qui, compte tenu des circonstances, pourrait choisir d'imposer toute autre sanction.

Quant à l'alinéa i), il est maintenant reconnu que les lois sont habituellement rédigées en termes généraux, et que ce sont les règlements qui font foi de tout. Cependant, la fédération arrive mal à saisir les limites de ce qui pourrait être prévu et réglementé en ce qui concerne toute autre matière relative au développement de la conscience professionnelle et à l'esprit de la fonction disciplinaire dans un corps de police municipal. La fédération compte évidemment sur les consultations proposées avant l'adoption d'un tel règlement pour voir à ce que le métier de policier ne devienne pas une religion.

Quant à l'article 47c, la fédération soumet encore une fois que le lieutenant-gouverneur en conseil, s'il veut modifier le règlement adopté en vertu de l'article 47a, doit ou bien le retourner à la commission pour de nouvelles consultations, ou bien prévoir la possibilité de consultations directes avec les organismes intéressés.

Article 25 du projet de loi. Tel que mentionné déjà dans le préambule de ses remarques, il semble à la fédération que les amendements proposés à l'article 25 du projet de loi puissent être pour le moment suffisants pour atteindre le but visé, soit la protection des citoyens par des policiers municipaux qui puissent ainsi jouir d'une certaine sécurité d'emploi.

La fédération a une seule réserve, soit sur l'orientation qui pourrait être donnée suivant l'époque où le gouvernement en place à l'application de ces articles, ou sur l'importance relative accordée à l'alinéa ajouté à l'article 29 de la Loi de police par l'article 19 du projet de loi déjà commenté, ou à l'article 60a de la Loi de police tel que proposé par l'article 28 du projet de loi. En fait, ce qui permet de diluer considérablement l'article 52, tel qu'amendé.

Il est évident que ce n'est qu'à l'usage que la fédération pourra se rendre compte si oui ou non ces articles sont utilisés à bon escient et atteignent le but visé, et elle souhaite ainsi ne pas avoir dans le futur à revenir à la charge pour demander de nouveaux amendements ou de nouvelles précisions. A l'article 52b, il devrait être prévu que la demande est faite au ministre de la Justice et que c'est le comité prévu à l'article 52a qui fait l'étude des effectifs jugés nécessaires et qui formule des recommandations au ministre.

La fédération ne voit ni la nécessité ni le but visé par la disparition des articles 62 à 62d de la Loi de police et leur remplacement par l'article 62 proposé. Nous sommes d'ailleurs d'avis que la

disparition de ces articles va causer un préjudice sérieux pour certains de nos membres.

Nous aurons à donner des explications là-dessus et nous croyons vraiment que la situation qui est proposée en vertu de cela est discriminatoire à l'égard du policier, tenant compte des dispositions de la loi actuelle en vertu des articles 62 à 62d. Nous avons préparé des chiffres et nous vous les soumettrons par la suite.

L'article 30 du projet de loi. La Fédération des policiers du Québec a déjà eu l'occasion de faire des remarques au sujet du droit d'appel qui doit exister en faveur de tout travailleur, y compris les policiers non salariés au sens du Code du travail, à la suite de l'imposition par leur employeur d'une sanction disciplinaire quelconque.

Or, nous ne pouvons que répéter que la façon dont l'on tente ici d'éviter le problème causé par le fait que la Commission de police peut à la fois être celle qui a enquêté et celle qui décide en appel, constitue une injustice, un délit de justice, une façon de vouloir conserver à la Commission de police du Québec toutes les juridictions, en privant pour cela le justiciable de droits fondamentaux.

La façon même de rédiger l'article, qui semble accorder un droit d'appel aux personnes visées alors que le but visé est de les en priver dans certaines circonstances, nous apparaît trompeuse. Il faut être assez honnête pour écrire carrément que le droit d'appel n'existe pas dans les cas où la municipalité applique à la lettre les recommandations de la commission. On le découvre évidemment à la lecture des différentes circonstances où l'appel est permis. Cependant, loin de corriger le problème qui existait et qui constituait une injustice pour les policiers non salariés au sens du code, ceci aggrave encore la situation.

L'article 31 du projet de loi. L'alinéa proposé à la fin de l'article 65 doit prévoir que cette possibilité accordée aux municipalités ne peut avoir pour effet de réduire les obligations prévues aux articles 52, 52a, b et c, proposées à l'article 25 du projet de loi.

L'article 35 du projet de loi. En ce qui concerne l'article 82a, vu que la fédération a proposé la disparition de l'article 6 de la Loi de police, évidemment elle soumet que ledit article 82a, tel que proposé, ne devrait pas exister.

En ce qui concerne l'article 82b, on devrait supprimer les mots "et quiconque continue à exercer des fonctions d'agent de la paix", compte tenu des représentations que nous avons faites concernant l'article 24b proposé par l'article 17 du projet de loi.

En terminant, M. le Président, la Fédération des policiers du Québec aurait souhaité que ce projet de loi aurait amendé la Loi de police pour permettre la création du corps de police des autoroutes, tel qu'il était prévu, avec ses concordances, dans le projet de loi no 41 déposé en première lecture en juin 1976. D'ailleurs, à cette époque, tout le monde en commission parlementaire, y compris le gouvernement, avait accepté la création de ce corps de police.

Nous aimerions aussi vous faire part d'un certain désappointement que nous éprouvons à la fédération du fait que le rapport Saulnier a rejoint ses prédécesseurs sur les tablettes, entre autres, le rapport Prévost. Nous avions misé beaucoup chez nous sur certaines réformes, tout particulièrement au niveau de la structuration des corps de police.

Il semble que le voeu qu'exprimait le groupe de travail en concluant ce rapport n'a pu être réalisé et nous le citons: "Bref, si la volonté de changement peut être inspirée et soutenue par les pouvoirs publics, communiquée aux citoyens et aux policiers, ce redressement peut être envisagé avec optimisme, car le monde policier au Québec réunit toutes les ressources humaines et matérielles propres à le réaliser. "

Nous tenons, M. le Président, à vous remercier, ainsi que les membres de la commission parlementaire de nous avoir permis de vous présenter ce mémoire qui, nous l'espérons, sera utile. Nous sommes disposés à répondre aux questions des membres de la commission.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Nadon. M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, nous tenons à remercier et à féliciter la Fédération des policiers du Québec de son mémoire très positif, très fouillé, structuré. Je comprends qu'on émet certaines divergences ou certaines restrictions concernant des articles du projet de loi, mais on est à même de constater qu'une argumentation est apportée pour essayer de justifier chacun des points de la fédération. Vous pouvez être assurés que nous prenons bonne note des remarques ou des demandes de précision de certains articles, entre autres aux articles 2a, 2b, 2c et à d'autres articles. Nous allons également considérer avec beaucoup d'attention vos représentations sur le besoin qu'il y aurait d'avoir un droit d'appel concernant certaines dispositions majeures de la Commission de police.

Nous allons également profiter de votre passage à la commission, vous vous en doutez bien, pour vous poser certaines questions sur des avancés, sur certains jugements que vous portez. Entre autres, à la page 2 de votre mémoire, vous portez un jugement, le moins qu'on puisse dire, très sévère à l'endroit de la Commission de police et vous émettez des craintes sur lesquelles j'aimerais vous voir expliciter, à savoir que la Commission de police risque de devenir un monstre administratif éloigné tant des policiers que des citoyens, sans âme et sans coeur, etc.

J'aimerais que vous explicitiez plus longuement ce qui justifie les craintes que vous énoncez. D'une part, vous demandez, d'une certaine façon, que la Commission de police ne soit qu'un organisme quasi judiciaire. Vous évoquez certains conflits d'intérêts qu'il peut y avoir au niveau de la Commission de police, étant donné certaines attributions et certains devoirs qu'ils ont. Il reste que ces devoirs ou ces pouvoirs de conseiller

certaines municipalités dans d'autres domaines de l'ensemble de la vie policière sont de nature non pas à les couper du monde policier, mais à les rapprocher en termes de compréhension du monde policier.

Ne pensez-vous pas que si on en fait un organisme strictement quasi judiciaire, ce sera un organisme qui sera beaucoup plus coupé du monde policier, ce que vous craignez dans votre mémoire?

M. Nadon: En fait, M. le Président, nous ne croyons pas que le rôle de la Commission de police devrait s'orienter dans le but de se substituer à l'employeur, d'une part, parce qu'on veut lui conférer certains pouvoirs qui sont de la responsabilité ou la juridiction des municipalités actuellement.

D'autre part, les pouvoirs qui, en vertu du projet de loi 48, sont proposés maintenant à la commission, nous prétendons que cela ne devrait pas appartenir à la Commission de police. Nous sommes d'opinion, à la fédération, que le pouvoir de réglementation devrait appartenir au Procureur général, au pouvoir exécutif. Nous croyons que c'est le pouvoir exécutif qui devrait, en fin de compte, avoir le contrôle sur les activités policières et non pas la Commission de police. Nous croyons que les pouvoirs qui sont visés à l'article — je n'ai pas le numéro — devraient être transmis plutôt à la DGSP, non pas des pouvoirs de réglementation, mais des pouvoirs de faire des recommandations à l'Assemblée nationale ou au Procureur général. (11 heures)

Vu la mission de la Commission de police d'être un organisme qui a un statut juridique, qui, d'autre part, a des pouvoirs quasi judiciaires, qui doit être considéré comme neutre et crédible, nous sommes d'opinion que la Commission de police ne devrait pas servir de paravent au Procureur général ou au gouvernement, pour que les décisions que le gouvernement pourrait prendre deviennent par la suite la responsabilité de la Commission de police qui aura à les justifier. Je pense que le gouvernement ou le Procureur général devrait prendre ses responsabilités en matière policière et voir à ce que ce soient ses décisions, sa réglementation qui devraient provenir justement de son ministère.

M. Bédard: A la page 21 de votre mémoire, vous dites entre autres choses ceci, au deuxième paragraphe: "La fédération ne voit ni la nécessité, ni le but visé par la disparition des articles 62 à 62d de la Loi de police et leur remplacement par l'article 62 proposé. Nous sommes d'ailleurs d'opinion que la disparition de cet article va causer un préjudice sérieux à certains de nos membres." Vous nous avez indiqué également que vous aviez de plus amples informations qui pourraient nous éclairer sur les préjudices qui pourraient être faits envers certains de vos membres. Est-ce que vous pourriez être plus explicite là-dessus?

M. Nadon: Certainement, M. le Président. Présentement, aux articles 62 et 62a, c'est que si le policier qui, soit dans l'exercice de ses fonctions pour le compte de sa municipalité ou à l'extérieur de sa municipalité — il y a deux articles différents — devient totalement invalide, à ce moment-là, la protection qui lui est accordée, en vertu de l'article 62, fait qu'il reçoit une indemnité des quatre cinquièmes de son salaire indexé au coût de la vie. Tandis que, présentement, ce qui nous est proposé en vertu de l'article 62, "lorsqu'un policier municipal agit en qualité d'agent de la paix dans un territoire qui n'est pas soumis à la juridiction du corps de police dans la municipalité, etc." En fait, c'est que le policier se verrait indemnisé par la Loi des accidents du travail, dont le maximum est de $20 000. A ce moment, nous avons quand même des policiers, des lieutenants ou des capitaines qui font évidemment au-delà de ce montant. Si jamais ils devenaient invalides totalement, à ce moment-là, les quatre cinquièmes d'un salaire de $25 000 ou $26 000 sont évidemment supérieurs à ce que vous proposez dans votre article 62.

C'est la même chose en vertu de l'autre, concernant le décès d'un policier dans l'exercice de ses fonctions, et nous avons préparé un tableau. Je ne sais pas si vous l'avez. C'est annexé à la fin. Il n'y est pas. Nous avions prévu que M. Claude Legault, qui est président de l'ABRPCUM, serait parmi nous pour vous l'expliquer plus en détail. Evidemment, j'ai regardé en arrière, il n'est pas ici. Mais on aimerait vous donner, de façon sommaire, quelques chiffres; au besoin, si on veut plus d'éclaircissements, on fera le nécessaire pour vous remettre toute la documentation.

A l'article 62, dans le cas d'incapacité totale et permanente, la rente annuelle est égale aux quatre cinquièmes du traitement à la date de l'accident. Exemple, un policier marié, deux enfants, quatre cinquièmes de $20 000. Prenons comme hypothèse que le policier fait $20 000 dans les circonstances. Cela lui donne un montant de $16 000 et, dans le cas d'une veuve, d'un policier qui décède, c'est la demie du traitement, la moitié du traitement. Exemple, $8000, ce qui correspondrait si vous voulez à un salaire hebdomadaire de $177.84. Maintenant, en vertu de la Loi des accidents du travail, pour incapacité totale et permanente, vous obtenez 80% du revenu net. Prenons l'exemple d'un policier marié et père de deux enfants, le revenu net est 90% de ce montant, ce qui représente un montant de $13 574.65, donc $261.05 comparativement à un montant de $16 000, ce qui était les quatre cinquièmes, en vertu de l'article 62, ou $307.69.

Dans le cas d'une veuve et deux enfants, c'est 70% du montant de $13 574, ce qui représente un montant de $8 823.52. Cela représente ici un montant de $169.68, comparativement à un montant de $177.84 dans le cas de 62a.

Dans le projet de loi, pour le célibataire, il y a une diminution de $68.04 par semaine; marié, deux enfants, $46.64; veuve, $8.16. C'est d'une

façon très sommaire qu'on vous donne les différences, mais il y a une différence notable. Là, on parle uniquement d'un policier qui touche un montant de $20 000. Dans le cas d'un policier qui gagnerait $25 000, $26 000 ou $27 000 selon le cas, évidemment, le préjudice causé est d'autant augmenté.

M. Bédard: Si vous avez d'autres représentations à nous faire sur ce point-là, on vous invite à les faire. Nous avons déjà à l'heure actuelle certaines discussions avec M. Legault au niveau du ministère de la Justice. Cela pourra nous permettre d'amener peut-être des éléments additionnels au niveau de la discussion et de la réflexion que nous avons déjà engagées sur les répercussions possibles de ces articles.

M. Nadon: Maintenant, si vous me le permettez, M. le Président, il y a seulement une chose que j'aimerais ajouter là-dessus. Vous savez que ce n'est pas une clause ou un article qui est souvent appliqué. A ma connaissance, je pense que nous avons un cas au Québec, à l'heure actuelle, qui bénéficie des dispositions de l'article 62 et c'est l'ancien policier de Drummondville, Douglas Lyons. Je pense que cet article avait été créé, à ce moment-là, pour tenir compte justement du cas exceptionnel de Lyons, parce qu'il n'avait aucune protection de sa municipalité pour le couvrir dans les circonstances. Ce ne sont pas des choses qui arrivent régulièrement, mais on tient quand même à vous aviser que, dans l'éventualité où un semblable cas viendrait à se répéter, nous ne voudrions quand même pas qu'un préjudice soit causé à l'un de nos policiers.

M. Bédard: D'une façon générale, lorsqu'on parle de la nécessité d'un code de déontologie, d'un code d'éthique pour l'ensemble des policiers du Québec, je pense que vous n'êtes pas contre le fait qu'il y ait un code de déontologie, un code d'éthique. Vous demandez que des consultations appropriées soient faites avant sa mise en application, si j'ai bien compris le sens de vos représentations.

M. Nadon: En fait, évidemment, on n'est pas contre un code de déontologie et, comme on l'indique dans notre mémoire, on aimerait qu'il soit le plus uniforme possible à travers la province, sauf que nous avons de sérieuses réserves quant à l'application du code de déontologie, surtout avec les pouvoirs qu'on s'apprête à accorder à la Commission de police. Nous ne voulons pas que la Commission de police se substitue à l'employeur et nous voulons toujours maintenir le recours que nous avons, en vertu du Code du travail, à l'article 88m, dans le cas où une municipalité prendrait une décision qui, dans les circonstances, pourrait nous apparaître comme étant un préjudice à un policier. Nous voulons maintenir quand même ce recours et je pense que c'est fondamental et nécessaire. En vertu de l'article 24 proposé, on s'apprêterait à accorder à la Commis- sion de police, à toutes fins utiles, les pouvoirs de suspendre un policier selon l'enquête qu'elle mènerait et ce policier se verrait par la suite ou pourrait se voir privé d'un recours dans l'éventualité où la commission émettrait une ordonnance.

Une ordonnance pour relever ur policier de son statut de policier, c'est évidemment l'équivalent d'une suspension, et chaque fois que la Commission de police aura à intervenir, elle pourrait tout simplement sanctionner ses décisions par une ordonnance et, à ce moment-là, ça donne des pouvoirs à la Commission de police de suspendre et ainsi de suite. Une fois qu'un policier est relevé de son statut d'agent de la paix, la municipalité qui l'a engagé comme tel ne le gardera certainement pas à son emploi. On va lui dire: Ecoute, va-t-en chez vous, quand tu seras réinstallé dans tes fonctions, à ce moment-là, tu reprendras le travail. Nous sommes très inquiets et nous émettons de sérieuses réserves quant à ces dispositions.

M. Bédard: Vous faisiez état de la nécessité d'une plus grande crédibilité de la Commission de police. Dans ce sens, vous avez évoqué certains dangers de conflits d'intérêts qui devraient être évités, mais le fond de votre pensée est quand même de désirer que la Commission de police ait le plus de crédibilité possible selon les pouvoirs qui lui sont octroyés. De la même façon, vous avez cité un extrait du jugement du juge Tremblay qui déplorait le fait que la Commission de police ne pouvait que faire des recommandations et n'avait pas de pouvoirs exécutoires. Est-ce que vous pensez que le fait, pour la Commission de police, d'avoir autre chose que des pouvoirs exécutoires serait de nature à augmenter la crédibilité de la Commission de police?

M. Nadon: M. le Président, je pense qu'au contraire, si la Commission de police veut préserver ce qui lui reste de sa crédibilité, elle doit maintenir... même pas maintenir en fait, parce qu'il y a quand même des pouvoirs qui lui ont été conférés au cours des années et, étant donné que c'était le seul organisme qui s'apparentait aux activités policières, à ce moment-là on lui a confié beaucoup de pouvoirs, que la DGSP, qui a été créée par la suite, s'est avérée une complète illusion. En fait, comme on l'a indiqué dans notre mémoire, nous verrions que la DGSP possède ces fonctions et que, par la suite, elle fasse ses recommandations à l'endroit du Procureur général. Nous crovons que c'est le Procureur général qui devrait avoir le contrôle sur les activités policières au Québec et qui devrait être conseillé par la DGSP.

Hier, on entendait le mémoire de l'Association des chefs qui parlait de l'inspectorat général, mais, en fait, c'était aussi une des dispositions qui étaient prévues dans le rapport Saulnier. Même, à un moment donné, nous avons cru que la question de l'inspectorat général était pour faire l'objet d'une ratification par le gouvernement, mais il y a probablement eu des influences exercées par la suite et ça a été mis de côté.

J'aimerais vous faire part de ce qui est prévu à l'heure actuelle dans le rapport Saulnier. En fait, on s'est un peu inspiré de ces recommandations. Le comité qui siégeait sur les fonctions policières a vu le danger, à ce moment-là et je pense...

M. Lalonde: A quelle page?

M. Nadon: C'est à la page 372, dans le bas de la page: "Compte tenu des intentions du gouvernement — si vous permettez — et du rôle complexe qu'a pu exercer la commission jusqu'à ce jour, la DGSP estime que des modifications doivent être apportées à sa mission. La Commission de police est et devrait demeurer un organisme quasi judiciaire. A cette fin, elle devrait conserver son pouvoir en matière d'enquête — ce que nous ne contestons pas, d'ailleurs — et ce pouvoir devrait être ainsi défini: Statuer sur les appels des policiers non salariés au sens du Code du travail et fixer les indemnités à verser à toute personne visée par une destitution ou une réduction de traitement, enquêter sur la conduite de tout policier de la gendarmerie du Québec et des autres services policiers québécois, de même que sur celle des constables spéciaux et prendre les sanctions, le cas échéant. A la demande du lieutenant-gouverneur en conseil ou du procureur général, faire toute enquête jugée nécessaire sur les corps policiers du Québec; décider, après enquête, de tout différent relevant de l'application de la Loi de police ou de l'un de ses règlements. Décider seul ou en dernier ressort, après enquête, de toute difficulté résultant de l'application des articles 62 à 62c de la Loi de police. Arbitrer toute décision rendue en matière de police par un conseil de district — évidemment, en vertu d'autres recommandations de la DGSP — contre laquelle une municipalité aurait fait valoir son droit de veto. (11 h 15)

Décider en dernier ressort d'une ordonnance émise par l'inspectorat général en matière d'assistance permanente entre les corps de police et ainsi de suite, entendre et en décider tout différend ne relevant pas de l'une ou de l'autre des dispositions prévues au Code du travail, et qu'à l'égard de la Gendarmerie Royale du Canada ou de tout policier d'une société de la Couronne, ou de toute autre personne exerçant des fonctions policières du Québec, la Commission de police, par législation, puisse enquêter sur leur conduite. On dit finalement: La DGSP recommande que les pouvoirs quasi judiciaires de la Commission de police lui soit confirmés, qu'elle puisse les exercer à l'endroit de tout corps de police mentionné dans la loi ou de tout policier en service au Québec; que les pouvoirs de conseil qu'elle détient soient donnés à l'inspectorat général de la police; que son pouvoir de réglementation soit réservé au lieutenant-gouverneur en conseil.

Quant à la question de l'inspectorat général, j'ai saisi en fait la remarque que vous avez faite hier que peut-être trop d'organismes viendraient à un moment donné à s'entremêler au niveau de leur juridiction respective. Quant à nous, nous pensons que la DGSP comme telle pourra avoir ces fonctions-là sans nécessairement... Pourrait agir en fait comme inspectorat général...

M. Bédard: ... créer un autre organisme...

M. Nadon: Sans créer un autre organisme, non.

M. Bédard: J'aurais peut-être d'autres questions à poser; je vais laisser mes collègues enchaîner.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Merci, M. le Président. Je veux remercier la Fédération des policiers du Québec de leur mémoire que j'ai lu avec beaucoup d'attention. Vous avez exprimé plusieurs griefs à l'égard du projet de loi qui est devant nous. J'aimerais simplement en repasser quelques-uns avec vous. D'abord vous avez posé un tas de questions et j'avais laissé des blancs pour inscrire la réponse du ministre et c'est encore en blanc.

M. Bédard:... pour consulter. C'est une...

M. Lalonde: Le ministre a pris bonne note de vos questions, par exemple, alors soyez rassurés, soyez confortables et retournez chez vous en toute paix du coeur et de l'âme; le ministre vous a entendus. Vous n'êtes pas beaucoup plus avancés, par exemple, mais ça, c'est une autre histoire...

C'est malheureux, parce qu'au fond, quand on consulte la population et les organismes aussi structurés et articulés que le vôtre, ce ne devrait pas seulement être dans un sens unique et on devrait quand même au moins offrir des commencements de réponse de ce qu'on sait, même si on ne sait pas toute la réponse, à ceux qui viennent nous donner des réponses aussi. Si je l'ai fait à la blague, c'est simplement pour ne pas imprimer un caractère trop contradictoire aux séances de la commission actuellement en présence des organismes, mais je suis déçu du peu de réponses que le ministre nous donne aux questions posées, ne serait-ce qu'à savoir ce que veut dire un article. Est-ce que ça veut dire telle et telle chose? Vous en avez posé des questions, sur l'article 3 du projet de loi, entre autres. Vous avez posé des questions sur l'article 2 du projet de loi. Est-ce que ça veut dire que le Procureur général assume alors toutes les obligations? Est-ce que ça veut dire que le Procureur général assume toutes les obligations de l'employeur? Vous avez posé cette question, il me semble que la moindre chose qu'on pourrait vous dire, c'est oui, ou non, ou on ne le sait pas, ou on prend bonne note, mais c'est une question extrêmement pertinente, à savoir ce qui va arriver du policier municipal qui est à l'extérieur de sa municipalité? Vous avez même étendu la question un peu plus loin: Celui qui est à l'extérieur du Québec? On sait qu'il arrive que soit

en fonction ou non, mais souvent en fonction, des policiers municipaux sont à l'extérieur du Québec. Vous n'avez pas eu de réponse là-dessus.

Aussi vous avez posé une question concernant les policiers de la CUM. Le libellé de l'article actuel parle de municipalités. Est-ce que ça veut dire que... Comme à la CUM ils ne sont pas employés d'une municipalité, est-ce que ça veut dire que cet article ne s'applique pas du tout? On saura peut-être la réponse un jour.

Vous avez beaucoup insisté sur un point qui me semble escamoté par le projet de loi no 48. Je l'ai dit au début. Je pense que vous avez assisté à la séance d'hier et cela est revenu à plusieurs reprises. C'est la confusion qui est non seulement maintenue, mais même entretenue entre les pouvoirs de la DGSP, la direction générale, donc les pouvoirs du gouvernement et les pouvoirs de la Commission de police comme telle. Je ne veux pas revenir et faire la comparaison entre l'ancien gouvernement où le projet de loi no 41 y a subi son sort — c'est parfait — mais au moins il y avait un effort de rationalisation entre les deux organismes qui ont leur raison d'être. Il m'apparaît malheureux que cet effort qui n'était, au fond, que la conclusion d'une réflexion qui avait été commencée, bien avant que j'arrive là, par M. Cho-quette, entre autres dans son livre blanc, semble avoir été simplement oublié, escamoté, sans explication.

J'ai l'intention, vous n'avez pas eu de réponse aujourd'hui, étant donné les fonctions que j'occupe, de poursuivre la discussion avec le gouvernement dans l'étude de ce projet de loi en deuxième lecture, article par article, pour que, d'une part, il y ait une rationalisation dans les fonctions de ces deux organismes et, d'autre part, qu'on évite ce que vous appelez la situation extrêmement délicate non souhaitable et dangereuse. Je ne pense pas qu'on puisse vous taxer d'avoir utilisé des termes exagérés, à savoir que la Commission de police aurait tous ou à peu près tous les pouvoirs. Là-dessus, je répète encore une fois — je l'ai dit hier — que cela ne s'adresse pas du tout à ceux qui occupent la fonction actuellement. Je pense que depuis onze ans — je le répète parce qu'il n'est pas méchant de le dire chaque jour — la Commission de police a fait un travail absolument considérable dans des situations difficiles avec souvent un personnel incomplet, insuffisant. Donc, cela ne s'adresse pas du tout à la qualité de son travail jusqu'à maintenant. Cela s'adresse à la structure qui est suggérée par le gouvernement dans son projet de loi. Je pense qu'il est injuste d'imposer à des personnes de fonctionner selon des structures qui sont susceptibles de leur apporter des problèmes.

Il y a une tendance — cela ne s'adresse pas simplement au gouvernement actuel, tous les gouvernements sont tombés dans cet excès — à confier à des organismes indépendants des problèmes dont on ne sait pas de quelle façon les régler ou qu'on a peur de se faire accuser de les avoir réglés. Là-dessus, je pense qu'il est temps, après onze ans d'expérience avec la Commission de police — divers gouvernements ont vécu là-dessus; je pense que tous ceux autour de la table présentement qui ont représenté les partis ont vécu avec la Commission de police, ont participé à l'expérience — de déterminer ce qui appartient à un organisme indépendant, donc quelles sont les décisions qui doivent être prises en dehors de toute politique, de toute influence politique — c'est cela le rôle d'un organisme indépendant — et, d'autre part, ce qui est de la politique, c'est-à-dire établir des politiques de police. Qu'est-ce que la politique du gouvernement concernant la mission policière, le maintien de l'ordre? Cela appartient au gouvernement. Que ce soit la direction générale de la sécurité publique ou n'importe quel autre organisme qu'on voudrait inventer, il m'apparaît que c'est là que la décision doit être prise, que la discussion doit avoir lieu, la délibération, la consultation et les décisions bonnes ou mauvaises. Si elles sont mauvaises, au moins il y a le sort électoral qui attend ceux qui prennent une mauvaise décision. Croyez-moi, je parle de ce que je connais.

Dans ce cas-ci, je voudrais voir avec vous quelques articles. La Loi de police telle qu'amendée par le projet de loi no 48, éventuellement, en ce qui concerne la Commission de police, va prévoir ses fonctions, à l'article 16, les pouvoirs de réglementation à l'article 17 et à l'article 18a, et les pouvoirs d'enquête aux articles 19 et 20, pour élaborer les procédures aux articles 24 et suivants. On retrouve le rôle de la Commission de police à l'article 52, mais c'est surtout un rôle de conseiller du gouvernement. A l'article 16, je peux naturellement vous dire mon opinion, mais c'est surtout la vôtre que je veux.

Après avoir, de façon générale, exprimé votre opinion et votre souhait, à savoir que la fonction d'opération policière soit maintenue à la DGSP, qu'est-ce que vous verriez, à l'article 16, qui n'appartient pas à la Commission de police ou vice versa, qu'est-ce que vous conserveriez à la Commission de police? Je vais vous le lire, il est très court, "la commission est chargée d'exercer la juridiction qui lui est conférée par la présente loi..." jusque-là, je pense bien que la police n'aurait pas pu dire mieux, mais c'est probablement très important et très pertinent que ce soit là.

M. Bédard: II faut que ce soit là.

M. Lalonde: Probablement que les légistes savent pourquoi c'est fait comme ça, mais en tout cas... et de favoriser la prévention du crime et l'efficacité des services de police au Québec". Là, on entre de plein pied dans la confusion avec la fonction de la DGSP. A ces fins, la commission doit notamment, premièrement, établir un service de documentation et de statistiques permettant d'évaluer l'état de la criminalité et l'efficacité de l'action policière.

Est-ce que vous pensez qu'il appartienne à la commission, comme organisme indépendant, que seul un organisme indépendant puisse faire, savoir d'établir ce service de documentation?

Avant que vous répondiez, je vais vous poser la même question pour les autres sous-paragraphes. Il y a, entre autres, le sous-paragraphe c) qui m'étonne, que le service de recherche pour l'amélioration des méthodes de détection et de répression du crime soient aussi là.

M. Nadon: En fait, ce que nous suggérons qui ne devrait pas être du ressort de la commission, ce sont les pouvoirs qu'on s'apprête à accorder en vertu de l'article 16, qu'il s'agisse d'établir un service de documentation, etc., établir un service général d'inspection chargé de conseiller, ainsi de suite, organiser un service de recherche pour détection et répression du crime, établir un registre des agents de la paix, promouvoir la coordination des activités policières, promouvoir la prévention de la criminalité et remplir toute autre fonction assignée par le lieutenant-gouverneur en conseil; on ne pense pas que ça devrait appartenir à la Commission de police d'exercer ces fonctions.

M. Lalonde: Votre réponse est très claire, j'en conclus que ceci appartiendrait au gouvernement, c'est-à-dire au ministère de la Justice et en particulier, si c'est le désir du ministre de la Justice, à la DGSP.

Il y a aussi des pouvoirs de réglementation. Sur les pouvoirs de réglementation, j'avoue que ce n'est pas tout à fait clair. Parce que dans votre mémoire, vous souhaitez que les règlements ne soient pas modifiés par le gouvernement, alors que le gouvernement propose un amendement à la loi qui lui donnerait le pouvoir de modification des règlements de la commission, mais qui soit retourné à la commission. D'autre part, en réponse à une question du ministre tout à l'heure, vous avez dit que la commission ne devrait avoir aucun pouvoir de règlement, que ça devrait appartenir au gouvernement.

Il n'y a peut-être pas de contradiction dans ce que vous avez dit ou écrit, je vous ai mal compris, est-ce que vous pourriez expliciter?

M. Nadon: En fait, vous avez raison, le comité qui a préparé le mémoire, suite à des réunions que nous avons eues par la suite, à toutes fins utiles, répondait à l'article qui était suggéré. On disait que si le lieutenant-gouverneur en conseil doit approuver un règlement et s'il a le pouvoir de le modifier, ce qui n'est pas le cas présentement, qu'il soit retourné à la commission pour d'autres consultations. (11 h 30)

C'était pour répondre en quelque sorte à l'article qui était proposé. Mais, somme toute, nous sommes d'avis que les pouvoirs de réglementation devraient appartenir au Procureur général, comme on le dit d'ailleurs dans le mémoire, qu'à toutes fins utiles, les lois sont votées, mais ce sont les règlements qui font foi de tout. On pense qu'en ce qui concerne les opérations policières, les activités et ainsi de suite, c'est le Procureur général, le gouvernement qui doit réglementer, prendre ses responsabilités en vertu des activités policières.

M. Lalonde: Je vous remercie de cette clarification et je comprends maintenant pourquoi cela semble être contradictoire. Vous vous êtes adressé à un article qui existait tel quel. Vous vouliez en atténuer la portée, mais, fondamentalement, vous pensez que cela devrait appartenir au gouvernement, c'est-à-dire que les pouvoirs contenus à l'article 17, pour que ce ne soit pas seulement un voeu pieux, mais que cela s'adresse concrètement à un article, les pouvoirs prévus à l'article 17 tel quel, tel qu'il est actuellement et tel qu'on propose de le modifier, ne seraient plus à la commission tel que c'est inscrit actuellement, mais ce serait le gouvernement, le lieutenant-gouverneur en conseil, et cela pourrait être ajouté aux pouvoirs de réglementation qui sont déjà contenus dans le projet de loi no 48 pour le gouvernement. Cela comprend le pouvoir de déterminer le niveau de scolarité, les cours de formation. C'est probablement une décision du gouvernement à savoir quel genre, quelle qualité de services policiers il a les moyens de donner ou pense que la population désire avoir. C'est une décision de gouvernement.

Cela comprend le fait de prescrire pour les catégories d'agents de la paix que la loi indique des mécanismes de contrôle d'aptitude à exercer de telles fonctions. D'ailleurs, le gouvernement s'est bien conservé dans le nouveau projet de loi le pouvoir de déterminer par règlements quelles seraient ces catégories d'agents de la paix. Entre nous, cela veut dire que le pouvoir pour la GRC, cela paraît bien de le faire comme cela. Cela comporte de déterminer les caractéristiques des uniformes, pièces d'identité et insignes qui peuvent être portés par les cadets et les membres de la Sûreté, les cadets, les policiers municipaux et les constables spéciaux ainsi que leur équipement, l'utilisation de celui-ci. Cela répondrait à votre critique à savoir que, par ce pouvoir de réglementation, la commission lui permettrait de s'impliquer dans les opérations policières.

M. Nadon: Evidemment.

M. Lalonde: Si on remet cela au gouvernement, à ce moment, on répond à votre critique. Je vais passer. Vous le demandez, en quelque sorte, à la page 11, et là-dessus je pense que le ministre n'a pas répondu non plus. J'aimerais peut-être qu'il en profite pour nous dire s'il aurait des objections à co que les mesures précises que l'on prévoit pour la CECO, en ce qui concerne la protection des droits des témoins, soient aussi accordées aux enquêtes en vertu de l'article 20. Probablement que personne n'y a pensé, mais je ne vois pas d'objection de principe. Le ministre semble m'exprimer...

M. Bédard: II n'y a pas d'objection de principe.

M. Nadon: A l'heure actuelle, c'est déjà prévu à l'article 22 de la Loi de police.

M. Lalonde: Oui.

M. Nadon: Nous avons la protection en vertu de l'article 22 actuellement et, en vertu des nouvelles dispositions, cela s'adresse uniquement aux enquêtes visées à l'article 19.

M. Lalonde: Je prends note aussi de votre suggestion concernant l'article 19, à savoir — c'est cela, l'article 19, qui change l'article 29 — que l'initiative accordée à la Sûreté d'intervenir semble indésirable, d'après vous, si j'ai bien compris votre position qui, d'ailleurs, a été partagée hier par plusieurs intervenants y compris l'Union des municipalités et d'autres groupes.

Sur la question des métiers incompatibles avec la fonction de policier, j'aimerais que vous élaboriez un peu votre pensée, parce qu'il semble que vous fassiez abstraction de tout le cheminement que, comme société, on a fait pour protéger la fonction de policier, pour lui donner un caractère je dirais encore plus inattaquable, justement aussi en lui imposant des restrictions en ce qui concerne l'incompatibilité de fonction, etc.

On peut, si vous voulez, faire une petite analogie qui, comme toutes les comparaisons, est boiteuse. Prenons les procureurs de la couronne, par exemple, les juges. On leur avait enlevé le droit de vote pour tenter d'ajouter, si possible, au caractère absolument inattaquable de leur indépendance. On avait fait la même chose — c'est probablement au début des années soixante-dix — pour les procureurs de la couronne et on est revenu en arrière, en disant: Au fond, on n'a pas besoin d'aller jusque-là. Est-ce que c'est un peu le cheminement que vous faites actuellement? Mais vous concluez qu'aucun métier, en lui-même, n'est incompatible avec la fonction de policier.

M. Nadon: Enfin, nous prétendons qu'aujourd'hui, à notre époque, le policier ne devrait pas être soumis à certaines contraintes, comme c'est le cas, selon diverses dispositions qui sont contenues d'une part dans la Loi de police et également au Code du travail. On y interdit par exemple aux associations policières de s'affilier avec d'autres organismes de salariés, pour autant qu'elles soient des associations de policiers municipaux. C'est donc dire, à toutes fins utiles, à ce chapitre-là, que les policiers municipaux du Québec... évidemment, ça ne nous concerne pas ici, mais c'est une des restrictions qui nous est imposée. On a voulu, par diverses lois, encarcaner, si vous voulez, le policier et le priver de certains droits.

Je pense qu'aujourd'hui le policier devrait certainement prendre une part plus active dans la société; il ne devrait pas être considéré comme un marginal; il devrait avoir les mêmes droits que n'importe quel autre citoyen.

Je profite de l'occasion pour souligner que vous avez déjà, l'article 53, l'alinéa d) qui dit: "Déterminer les endroits où les membres du corps de police peuvent avoir leur résidence, établir les classes parmi eux, ainsi que les grades". Encore là, je pense que c'est drôlement discriminatoire à l'égard du policier. Vous avez les policiers qui vont travailler, par exemple, dans des secteurs drôlement huppés. Pour en nommer certains, vous avez ici Sillery et vous avez d'autres endroits. Si la municipalité décide de passer un règlement, à toutes fins utiles, le policier est confiné à l'intérieur de sa municipalité et il est obligé de trouver les moyens voulus pour se porter acquéreur d'une maison alors que, bien des fois, il n'en a pas les moyens. On pense que ça devrait être laissé à la discrétion du policier de demeurer où il veut, pour autant qu'il puisse se rapporter à son travail de façon régulière, etc. C'est là une autre contrainte qui nous est imposée en vertu de la Loi de police. Quant à ce qui est prévu à l'article 47a pour le code de déontologie pour les policiers de la Sûreté du Québec et quant au fait qu'on puisse se prévaloir que la commission peut en faire une recommandation et que cela s'applique également aux policiers municipaux, nous pensons que, quel que soit le métier, pour autant que cela ne devienne pas abusif — encore là, nous avons un code de déontologie, de discipline et ainsi de suite — et que le policier ne se serve de son statut de policier pour fins d'influence ou profiter de sa fonction pour aller chercher un gain, on souligne que cela pourrait également s'appliquer à un député, à un ministre et ainsi de suite, et nous ne voyons pourquoi cette restriction devrait être imposée au policier aujourd'hui.

Je pense qu'il est temps de considérer le policier comme un citoyen à part entière. Je ne pense pas que cela puisse donner un caractère de noblesse ou un caractère inattaquable, comme vous le précisiez tantôt, du fait qu'on décide de priver le policier de certains droits qui sont accordés à la société en général.

M. Bédard: Avec la permission de mon collègue, sur ce point-là, le fait de ne pas avoir le droit à deux métiers en même temps, cela n'équivaut pas à considérer quelqu'un comme marginal. Vous semblez avoir le raisonnement que, si on ne donne pas cela aux policiers, c'est parce qu'on les considère comme des marginaux. Les fonctionnaires n'ont pas droit à deux emplois et ils ne sont pas considérés comme des marginaux, que je sache. Ils sont considérés comme des citoyens à part entière qui, à cause de certaines fonctions qu'ils ont à exercer, ont certaines restrictions.

M. Nadon: Mais laissez-moi vous dire, M. le Président, qu'en fait c'est une atteinte à leurs droits. Cela ne veut pas dire que le policier ayant le droit d'occuper un deuxième emploi le ferait nécessairement, mais le fait qu'on lui enlève ce droit est une atteinte à ses droits. Nous disons: En quoi cela peut-il servir le justiciable du fait que le policier ait à exercer un autre emploi, si son contexte familial et ainsi de suite l'obligent en quelque sorte à exercer un double emploi? Vous savez que les policiers au Québec, si on parle de salaire, ne sont pas tous rémunérés de la même façon. Vous avez des écarts considérables de salaire et, au niveau des avantages, des conventions collectives, ce n'est pas uniforme. Peut-être y a-t-il des

policiers où, à certains endroits reculés, c'est nécessaire d'aller chercher une source financière additionnelle. Mais, comme on le disait tantôt dans notre mémoire, si cette fonction est de nature, par le fait qu'il est policier, à influencer ou du moins à profiter de son statut de policier pour aller chercher des droits ailleurs en exerçant une autre fonction, à ce moment-là vous avez des recours qui sont prévus ou qui seraient prévus en vertu d'un code de déontologie qui pourraient l'empêcher, à un moment donné, d'agir comme tel.

M. Bédard: A bon droit, tout à l'heure, vous étiez, dans vos représentations concernant la Commission de police, très soucieux d'éviter toute situation qui puisse amener des conflits d'intérêts. Cela ne veut pas dire qu'il y en aurait, mais vous étiez très soucieux d'éviter toute situation qui pourrait amener des conflits d'intérêts ou en provoquer. Comment conciliez-vous cette même préoccupation avec la possibilité de permettre deux emplois aux policiers?

M. Nadon: M. le Président, cela peut s'ap-piiquer à quiconque qui est assis à la table ici. Un maire peut exercer une autre occupation qui pourrait, à première vue, être interprétée comme pouvoir entrer en conflit d'intérêts avec l'occupation qu'il exerce comme maire, mais, si jamais c'est démontré qu'il agit comme tel, à ce moment-là, on verra à utiliser les procédures contre lui. C'est ce qu'on demande, en fait. Ce n'est pas seulement le fait qu'il y ait apparence ou absence de conflit d'intérêts qui ferait en sorte que quelqu'un ne pourrait pas exercer à mauvais escient son métier, sans nécessairement occuper un double emploi.

M. Bédard: Prenez, par exemple, le policier qui est propriétaire ou détenteur d'un permis de boisson et qui, en même temps, a comme devoir de faire appliquer les règlements et les lois dans ce domaine. Ne croyez-vous pas qu'il y a là un conflit d'intérêts assez marqué?

M. Nadon: Oui, en fait...

M. Bédard: On parlait de la Commission de police qui fait de la réglementation et qui a à faire appliquer sa réglementation. Vous aviez des représentations et nous en avons pris bonne note — je tiens à vous le dire — sur cette préoccupation d'éviter tout conflit d'intérêts. (11 h 45)

J'aimerais simplement que vous explicitiez comment vous conciliez cela avec ce même désir que j'estime être le vôtre d'éviter tout conflit d'intérêts.

M. Marcil: C'est peut-être anodin, M. le ministre, comme réponse, mais un policier qui a un permis de conduire fait tout de même appliquer le Code de la route; il ne profite pas de son permis de conduire pour passer sur un feu de circulation.

Je vais peut-être à l'extrême, mais... Il y a une chose, si le policier profite de son statut pour contrevenir à la loi, on n'a que la peine de sévir.

Dans un cas particulier — je vais vous citer un exemple — le premier policier qui a eu un permis à Montréal, ç'a exigé de longues discussions pour avoir son permis pour une tabagie. Effectivement, après de nombreuses rencontres avec le directeur du service, celui-ci a dit: D'accord, je vais donner la permission pour qu'il ait la tabagie, la seule chose que le monde va prendre, c'est le cancer. C'est à peu près la réflexion du directeur du temps. Effectivement, le bonhomme en question a obtenu un permis. Je tiens à vous dire qu'il était surveillé par la police, à un moment donné, il y a eu une belle petite descente et on y a trouvé des magazines pornographiques. Vous savez, aujourd'hui, on en voit plusieurs, mais dans le temps, c'était absolument, semble-t-il, pornographique. Le type a été traduit en cour, condamné en Cour municipale, il a perdu son emploi, il a fait un grief et ce grief a été rejeté; aujourd'hui, il ne fait plus partie de la police.

Je prends ce cas comme exemple. Est-ce qu'à cause d'une telle situation, à cause de l'exemple du type et des magazines de pornographie, tous les policiers du Québec ne devraient pas avoir une tabagie parce qu'il y en a un qui a été condamné? On a statué dans son cas, il a passé dans les différentes cours, il a subi son procès, il a été condamné. Je ne vois pas pourquoi un policier qui, à un moment donné, a des besoins et que ses besoins ne sont pas nécessairement mes besoins et les besoins de mon confrère... Si, dans un cas, il y en a un qui a six ou sept enfants, que ses enfants vont aux études... Plusieurs de mes policiers travaillent depuis 25 ou 30 ans et, aujourd'hui, on retrouve dans ces familles une classe de professionnels qui ont coûté extrêmement cher. Pourquoi le statuer à $18 000 ou à $20 000 par année? Chaque cas est jugé à sa propre valeur.

Dans un autre incident, au moment des mesures de guerre en octobre 1970, on avait donné une auto de patrouille pour qu'un policier puisse rester à l'intérieur, c'était froid. On l'a surpris à dormir, on a enlevé la voiture-patrouille. Pourquoi n'a-t-on pas puni le gars?

Je reviens à votre question. Il peut sembler, au départ, qu'il y ait peut-être des fonctions qui soient réellement contre l'éthique, surtout quand on touche les cabarets. Soyez assurés que notre but n'est pas d'être les "bouncers", mais on dit, il y a une grande ligne, il y a eu une évolution de notre société, pourquoi toujours restreindre le policier, le mettre à part? Dans la Loi de police, il y a un petit article qui dit: "Le conseil de ville peut, par voie de règlement, édicter l'endroit où un policier va rester." Vous avez ici un mille carré, c'est une classe de société de travailleurs, le policier y est confiné. Il y en a qui ont eu du sucre dans leur réservoir de voiture, d'autres ont eu des menaces, mais le gars est confiné dans un mille carré. En plus de cela, il ne peut pas travailler, il ne peut pas se présenter aux élections municipales, il ne peut pas se présenter aux élections scolaires,

pas de droit de grève, pas de droit d'association. S'il va en arbitrage, il va à l'encontre de l'article 87, il faut que le juge...

Cette même société dit... la Ligue des droits de l'homme, des libertés individuelles, arrive et on dit à un policier: Projette donc, à un moment donné et on va enlever vos armes. D'un autre côté, toute la législation vient dire aux policiers: On te confine dans un milieu bien strict. M. le ministre, cette évolution de la société, on l'a vécue, vous l'avez tous vécue. Pourquoi, vous, encore, être toujours pris avec de vieilles mentalités à savoir que, pour être policier, il faut pratiquement que tu restes dans ton secteur où tu ne peux pas faire de politique, où tu ne peux pas avoir un autre emploi.

Je l'ai dit, ce n'est pas la première fois que je vous dis cela ici, si vous retournez aux autres commissions parlementaires depuis douze ans que je viens ici, je l'ai déjà dit. Tout de même, je devais vous faire ce boniment et l'article, évidemment...

Dans une autre question dont vous parliez tantôt concernant le code de déontologie, je veux simplement vous dire que les pouvoirs de la Commission de police que vous semblez donner... en fait, je le regrette parce que tout de même, dans le projet de loi no 41, il y avait une évolution qui avait été faite dans le sens de scinder un peu le rôle de la Commission de police et de revenir avec la direction générale, avec des pouvoirs qui vous donnaient tout de même un droit au niveau de l'exécutif de donner, à la direction générale, la philosophie en matière policière du gouvernement à des gens qui étaient dans des structures pour l'opérer, pas à la Commission de police. La Commission de police c'est un pouvoir judiciaire, un pouvoir d'enquête.

Quand on retourne, tout de même, je suis venu ici au temps où M. Bertrand était ministre de la Justice, M. Rémi Paul, ministre de la Justice, M. Choquette, M. Lalonde et vous-même, c'est tout de même la cinquième fois et l'évolution s'est faite à un moment donné au niveau du livre blanc de M. Choquette. Là, on voit que ce sont les événements de 1969, la grève des policiers, les événements de 1970, la crise d'octobre et on arrive avec un livre blanc où on décortique, on synthétise que ça nous prend un ministre de l'intérieur. C'est ce que reflétait le rapport de ce temps-là. A la fédération on s'est objecté, on a dit: On s'en va dans un état policier, cela a fait la manchette des journaux, mais par contre, on est arrivé avec des suggestions. On a dit: II faut que le ministre soit bien consulté et bien conseillé surtout par une direction générale, par un sous-ministre qui aurait pu, lors des événements de 1970, dire au ministre: Ne pesez pas sur un bouton de panique, la situation à Montréal est telle. On est au courant de l'évolution des services de police, mais, évidemment, dans le temps, cela ne s'est pas fait dans ce sens-là et par la suite on a créé la Direction générale de la police et le projet de loi no 41 lui a donné tout de même des pouvoirs qui nous semblaient à ce moment-là être réellement inhérents à la direction générale.

Il a semblé... Je ne sais pas pourquoi vous revenez au niveau de la Commission de police avec d'autres pouvoirs que ceux qu'elle a présentement. Je sais que le président de la Commission de police est là avec ses autres membres, ce n'est pas une question de personnalité. Je veux bien le dire, il n'y a aucune question de personnalité avec les membres de la Commission de police.

Dans le domaine policier, je dois le dire, elle a perdu de la crédibilité. Elle a perdu énormément de crédibilité. Entre autres avec le début d'une enquête à Trois-Rivières. Je tiens à vous dire que les syndicats policiers sont peut-être bien plus sévères et on ne fait pas la manchette des journaux avec nos propres membres. Je tiens à vous dire que lorsqu'il y a de nos membres qui sont condamnés ou qui sont accusés au niveau criminel, on prend nos responsabilités. Cela, depuis 30 ans que je suis dans le milieu, je peux vous dire depuis 30 ans. Quand la Commission de police, dans ses recommandations, entre autres à Trois-Rivières, la ville a suivi ces recommandations, les policiers ont été renvoyés. Les policiers ont levé un grief qui a été gagné. La ville a dit: nonobstant, je ne les reprends pas. La ville, en Cour supérieure, a été obligée de donner $100 000; $60 000 à l'un et $40 000 à l'autre pour dire je ne les reprends pas. Il y a eu un mécanisme qui nous était donné par le code et c'est là-dessus qu'on ne veut pas sortir. On vous dit tout de même: Laissez-nous à l'intérieur du Code du travail. C'est au moins une des choses, qu'on nous considère comme des travailleurs. Encore avec un mécanisme qui nous restreint: pas de droit de grève, pas de droit d'association, au niveau de la convention à l'article 87, mais je ne suis pas là pour expliquer les problèmes du code, mais je vous dis simplement: au niveau des pouvoirs de la Commission de police, ce que nous aimerions. D'ailleurs le comité Saulnier en a tenu compte et je pense que dans les recommandations qu'il vous fait, on s'est inspiré dans la présentation de notre mémoire, un peu de la philosophie que le rapport Saulnier dégageait à ce moment-là.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Nicolet-Yamaska, sur le même sujet.

M. Fontaine: Je voudrais intervenir sur le même sujet si possible. Je vous remercie des éclaircissements que vous nous avez donnés. Ce qui se dégage de votre argumentation, je pense que ce que vous voudriez, c'est qu'il n'y ait pas de restriction, que les policiers puissent exercer n'importe quelle fonction, mais qu'il y ait des sanctions si à un moment donné quelqu'un exerce une fonction incompatible avec la fonction de policier, que le pouvoir d'enquête de la Commission de police s'exerce et que les sanctions, à ce moment-là puissent intervenir. Est-ce bien votre interprétation?

M. Marcil: Evidemment quand on regarde les fonctions compatibles, on pense tout de suite "bouncer" dans les clubs, c'est toujours ce qu'on

nous a mis de l'avant et je peux vous dire que dans un état comme le Minnesota où je suis allé, les gens qu'on a engagés pendant de nombreuses années, c'était des policiers qui étaient à la porte. Je peux vous dire que la protection a diminué dans les clubs et je peux vous dire que les heures de fermeture à deux heures étaient respectées et un paquet de réglementations du fait que c'était un policier qui était... Je ne vous dis pas que j'épouse toute cette philosophie-là, mais je peux vous dire que dans le Minnesota et à Saint-Paul, cela a fonctionné. Il y a quelques années que je n'y suis pas allé, mais nous ne sommes pas prêts à dire que les gars soient "bouncers" dans les clubs; pourtant c'est un peu ce qu'on nous a dit pour nous empêcher d'avoir un double emploi ou avoir un commerce.

Aujourd'hui, je peux vous dire une chose: les policiers n'ont pas le droit de commercer; les commerces de boissons sont au nom des épouses, sont au nom du beau-père, sont au nom du père. Ce n'est plus par la bande; c'est simplement tout ce mécanisme-là par lequel le gars est propriétaire du débit comme tel, mais c'est toute la famille qui l'a. On ne voit pas directement ce qu'on pourrait leur faire à cause de la loi.

M. Fontaine: Accepteriez-vous, par exemple, que quelques fonctions soient incompatibles? Tantôt, vous avez donné l'exemple du policier qui applique le Code de la route. Ce n'est pas une fonction incompatible, c'est sûr, mais il ne peut pas s'arrêter lui-même. Dans le cas d'un débit de boisson, s'il a un permis à son nom, il pourrait être obligé, dans l'exercice de ses fonctions, d'effectuer une descente à son propre établissement. A ce moment-là, peut-être que des fonctions pourraient être incompatibles.

M. Lalonde: Concurrence. M. Bédard: L'établissement voisin. M. Fontaine: Ou l'établissement voisin. M. Lalonde: Concurrence.

M. Fontaine: Avez-vous des commentaires à formuler à ce sujet?

M. Marcil: Remarquez bien que ce sont des hypothèses que vous soulevez, mais tout de même je pense qu'il faut que vous nous donniez un certain sens de maturité. On a tout de même eu une évolution. Je peux peut-être retourner à certains bouquins de Victor Hugo et faire des hypothèses là-dessus. Je dis tout de même qu'on n'est pas là pour concurrencer le voisin et effectuer une descente chez lui. Evidemment, il y a des cas exceptionnels dans la police. Je l'ai déjà dit: Au bout de quinze jours, un jeune policier qui entre voit des choses qu'une société ne voit pas dans 60 ans. Evidemment, il y en a qui s'adaptent à ce climat-là et qui s'acclimatent au rôle de policier, mais, il y en a d'autres pour qui, effectivement, cela n'est pas leur milieu. Il faut faire certaines distinctions. On le dit dans notre mémoire: Si quelqu'un commet des infractions criminelles, on sévira selon ce qu'il a fait. Mon gars du permis tout à l'heure, il a été le premier à détenir un permis à Montréal après vingt années d'efforts. Il se fait prendre avec des magazines à $7 ou à $8 qui venaient — je ne sais pas — du Danemark ou de la Suède.

M. Fontaine: Merci.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Avant de conclure, je vous remercie de l'éclairage que vous avez donné à la commission. Le ministre vous a posé la question concernant le caractère exécutoire des décisions de la commission qui viendrait éventuellement du projet de loi. A moins que je n'aie mal compris la question, dans quelle mesure ce caractère exécutoire affecterait-il la crédibilité de la commission? J'ai cru comprendre que c'était dans la perspective d'un conflit d'intérêts, de sembler être dans une situation de conflit d'intérêts. Je pense que cette discussion est mal engagée si on l'engage sur la voie du caractère exécutoire. Je ne pense pas que c'est le fait que les décisions de la commission soient exécutoires qui ferait entrer la commission dans un conflit d'intérêts si, d'autre part, on enlève à la commission les fonctions de réglementation et les fonctions qui normalement devraient appartenir au gouvernement. Je pense qu'il y a une distinction importante à apporter et aussi en tenant compte de la distinction que vous avez apportée, de la mise en garde pour qu'il n'y ait pas de conflit entre les décisions exécutoires de la commission et le Code du travail.

Actuellement, il y a un conflit. Seulement au niveau de la réglementation, les règlements de la commission approuvés par le gouvernement, modifiés si la loi est adoptée telle que proposée, ont préséance sur les règlements municipaux. Le ministre, par certaines questions hier en particulier, semblait attacher une importance très grande à l'autonomie municipale, à savoir que le gouvernement ne s'engage pas dans ce secteur. Malgré cette préoccupation apparente du ministre, le projet de loi no 48 engage le gouvernement de plain-pied dans l'autonomie municipale, que ce soit par les règlements de la commission qui ont préséance sur les règlements municipaux, que ce soit aussi par la décision d'envoyer un compte, de faire payer par la municipalité des services de la Sûreté du Québec au cas où une municipalité ne se conformerait pas à la loi qui demande d'établir et de maintenir un corps policier. (12 heures)

Ce sont les seules remarques que je voulais faire en conclusion et je vous remercie, encore une fois, du caractère très articulé de votre mémoire, très concret aussi, très pragmatique, qui s'adresse à des articles précis, qui va, en ce qui me concerne en tout cas, nous aider à continuer la délibération sur ce projet de loi. Je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je voudrais, à mon tour, remercier la Fédération des policiers provinciaux du Québec pour la présentation de son mémoire. Je pense qu'en général il y a une recherche assez poussée qui a été effectuée. Je sais que vous avez formé des comités pour l'étude de ce projet de loi et je pense qu'en général le mémoire que vous nous présentez est des plus intéressants.

Je voudrais, en premier lieu, revenir à un point qui a été touché par le député de Marguerite-Bourgeoys tout à l'heure quant aux pouvoirs de réglementation et aux pouvoirs quasi judiciaires qu'exerce la commission. Est-ce que vous pourriez nous délimiter un peu plus précisément le rôle que vous voudriez voir jouer à la commission? Je pense plus particulièrement au domaine des enquêtes que la commission peut faire quant à la brutalité policière. Je n'étais malheureusement pas présent à la commission hier, mais on m'a fait part du fait que la Ligue des droits et libertés de la personne a fait certaines recommandations quant à ce pouvoir d'enquête. Est-ce que vous pourriez nous dire ce que vous préconisez comme solution dans ce domaine?

M. Nadon: En fait, que ces pouvoirs d'enquête soient maintenus tels qu'ils sont à l'heure actuelle et que, suite aux conclusions de l'enquête, surtout si ce sont des enquêtes visées à l'article 20, il y ait des recommandations qui soient adressées si on constate qu'un policier a eu un comportement répréhensible; que ces recommandations soient adressées à la municipalité qui emploie le policier et ce sera, à ce moment-là, toujours dans le but de préserver l'autonomie municipale, de voir à ce que la municipalité endosse ou non les recommandations. Dans le cas où la municipalité l'endosse et où on croit que le policier est lésé par cette recommandation, que les pouvoirs ou les recours qui sont présentement prévus à l'article 88n du Code du travail demeurent. Nous croyons que c'est le rôle des municipalités qui embauchent d'avoir à sanctionner un policier.

M. Fontaine: C'est dans ce sens que vous parlez, tout au long de votre mémoire, d'autonomie policière, d'autonomie municipale. A la page 11 de votre mémoire vous dites: "II n'est absolument pas question pour la Fédération des policiers du Québec d'accepter que la Commission de police puisse, suite à une enquête visée dans l'article 20, priver un policier municipal de son statut d'agent de la paix, ce qui équivaudrait évidemment à une suspension pour la période prévue ou même à un congédiement si son statut d'agent de la paix lui est retiré indéfiniment ou pour toujours."

M. Nadon: En fait, ce qui est grave là-dedans, M. Fontaine, ce qui est sérieux pour nous autres, c'est que la commission pourrait, à toutes fins utiles, émettre une ordonnance et qu'une fois que l'ordonnance est émise vous n'ayez pas de droit d'appel. L'ordonnance est consacrée et vous devez vous en tenir à ça, vous n'avez aucun mécanisme prévu par la suite pour faire valoir vos droits. Alors, on pense que c'est antidémocratique à notre époque et que ces recours devraient être maintenus. Au niveau des tribunaux d'arbitrage, on a quand même assez d'expérience là-dessus. Par les décisions qui ont été rendues, les tribunaux d'arbitrage ont acquis une certaine crédibilité au cours des années et je ne pense pas qu'on puisse aujourd'hui mettre ça en doute.

M. Fontaine: D'accord, je voudrais revenir à une autre question, à la page 3 de votre mémoire, quand vous parlez de l'article 2 de la loi. Vous avez posé des questions au ministre et on a dit que le ministre n'avait pas répondu. Est-ce que vous pourriez nous donner votre opinion à vous sur ce qui devrait exister? Est-ce que le Procureur général devrait devenir l'employeur d'un policier qui exerce ses fonctions à l'extérieur de sa municipalité? Est-ce que toutes les conséquences dont il est question à l'article 2 devraient en découler, que ce soit le Procureur général qui ait à défrayer le coût de ces opérations?

M. Nadon: En fait, nous sommes d'accord avec cet article de loi parce qu'à l'heure actuelle, nous n'avons aucune protection pour le policier qui, dans l'exercice de ses fonctions, intervient ailleurs que dans sa propre municipalité. Je pense qu'il est de la responsabilité du gouvernement de pouvoir protéger le policier, qu'il advienne un accident de travail ou qu'il fasse l'objet d'une enquête ou de poursuites au civil ou au criminel. Je pense que cela devrait être exactement la même chose comme cela l'est lorsqu'il agit à l'intérieur de sa municipalité et qu'il devrait avoir les mêmes avantages que sa convention collective lui procure. Comme on l'a dit tantôt, dans les cas où une convention collective serait muette vis-à-vis d'une certaine protection qui devrait être accordée aux policiers, à ce moment, on devrait la prévoir. Je pense que c'est de la responsabilité du gouvernement de prévoir que lorsqu'un policier agit dans un territoire qui est autre que le sien — parce que la municipalité, elle, qui serait à un moment donné, poursuivie à la suite d'un acte que le policier aurait pu commettre dans l'exercice de ses fonctions comme agent de la paix, va dire: Ecoute, nous autres, on est là pour te protéger en fait lorsque tu agis pour le compte de la municipalité, mais si tu agis à l'extérieur, ce n'est pas de notre responsabilité. Je pense que le policier devrait être à l'abri des poursuites qui pourraient être intentées ou des accidents de travail qui peuvent survenir.

M. Fontaine: A ce moment, cela oblige le policier à s'adresser lui-même au Procureur général pour être dédommagé ou recevoir du salaire ou des choses comme cela. N'aimeriez-vous pas

mieux que la municipalité soit obligée de dédommager le policier et que le gouvernement, le Procureur général indemnise la municipalité plutôt que le policier?

M. Nadon: Quel que soit le mécanisme, M. Fontaine, en fait nous, c'est le protection que nous recherchons. Qu'elle soit faite par le biais de la municipalité et que, par la suite, la municipalité soit remboursée par le gouvernement, cela nous convient. En fait même, ce serait peut-être l'idéal.

M. Fontaine: C'est l'opinion que je vous demande parce que je pense qu'il y a une très grande différence pour le policier entre être obligé de s'adresser au Procureur général ou être obligé de s'adresser à la municipalité qui est son employeur.

M. Nadon: Vous avez raison.

M. Fontaine: II y a un argument à la page 4 que j'ai de la difficulté à saisir. Vous dites: "Le troisième alinéa de l'article 6 — en haut de la page — biffé par cet article 3 du projet de loi, se retrouvant à l'article 82a proposé, sauf que l'amende a été augmentée considérablement, nous ne pouvons que regretter que le législateur n'ait pas fait disparaître cet article." Si on se réfère à l'article 82a de la loi, on dit: "Quiconque, directement ou indirectement, ordonne à un membre de la Sûreté, à un constable spécial, à un cadet ou à un policier municipal de se livrer à une activité partisane contrairement à l'article 6 ou incite un policier à le faire commet une infraction et est passible d'une amende d'au moins cent dollars et d'au plus trois mille dollars." Vous semblez suggérer de faire disparaître cet article. Je ne comprends pas cela.

M. Nadon: En fait, ce que nous demandons d'avoir le droit de faire, pour les policiers qui pourront en exprimer le désir, c'est de la politique si jamais le désir en est manifesté par un de nos membres. Alors, au moment où le policier pourra avoir ce droit, je ne pense pas que quiconque pourrait ordonner à un policier de faire ou de ne pas faire de la politique. Il aura, à ce moment, le privilège de pouvoir le faire. Automatiquement, vous voyez, c'est cela, l'article devient caduc.

M. Fontaine: L'article 82 vise à empêcher qu'une personne ordonne, se serve de son pouvoir de supérieur sur un policier pour lui ordonner d'exécuter une fonction partisane, une activité partisane. Je pense que même si le policier avait le droit d'exercer une fonction en politique partisane, cela ne voudrait pas dire qu'un supérieur aurait quand même le droit de lui ordonner de le faire. C'est pour cela que l'article 82, je pense, devrait demeurer quand même.

M. Nadon: Mais, en fait, le policier, qui, à ce moment-là, comme je le disais tantôt, aurait le droit de faire de la politique ou de se porter candidat ou quoi que ce soit, n'aurait tout simplement qu'à refuser. A ce moment, en refusant, et si jamais l'officier supérieur voulait entreprendre des procédures d'insubordination contre lui, vous avez tout le mécanisme du code de déontologie qui verrait à la protection du policier.

M. Fontaine: Mais l'article 82 vise une infraction pour la personne qui veut exercer cette influence. Alors, l'infraction, en tant que telle, demeurait quand même.

M. Nadon: Ce qu'on veut dire, c'est que, si vous avez le droit de le faire, c'est comme si vous aviez un autre article qui dirait: II est défendu à un membre supérieur d'ordonner à un policier de faire quelque chose qui est répréhensible selon la loi. Evidemment, si la loi, au départ, l'interdit, à ce moment-là l'article prend de l'importance, mais si elle ne l'interdit pas, cette prévision en vertu de la loi semble n'avoir aucun effet.

M. Fontaine: Merci beaucoup.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Excusez, M. le Président, j'avais une autre question concernant les municipalités...

Le Président (M. Boucher): Allez-y.

M. Fontaine: ... de 5000 habitants. Vous en parlez dans votre mémoire, à la page 15. Il en a été question également hier avec l'Union des municipalités. Quelle est votre position face à l'obligation pour une municipalité d'avoir un corps policier à l'intérieur des limites de sa municipalité? Est-ce que vous pensez que cela devrait être obligatoire ou si, comme on l'a suggéré hier, cela pourrait passer par l'entremise d'un référendum avant d'avoir une telle obligation?

M. Nadon: Lorsqu'il y a eu l'avènement du projet de loi 41, je me souviens très bien de la réaction que nous avions eue à ce moment, parce que nous étions complètement opposés à ce qu'une municipalité d'une population de 5000 habitants et moins puisse être dispensée par le lieutenant-gouverneur en conseil de ses obligations de maintenir un corps de police. Nous avions fait alors des représentations par l'entremise de notre directeur exécutif.

Aujourd'hui, on se voit, avec le projet de loi 48, avec une disposition qui prévoit l'obligation pour les municipalités de maintenir un corps de police, si la population de ces municipalités est de 5000 et plus. J'ai entendu hier les remarques de certains intervenants et, en fait, le chiffre de 5000 peut, à certains égards, paraître arbitraire, entre autres choses.

Nous, d'une part, considérons que c'est supérieur à ce que prévoit la loi — je dis bien la loi, parce qu'encore là, c'est une définition comme telle. On a vu ce qui est arrivé dans des causes où

on a poursuivi les municipalités parce qu'on avait l'impression ou qu'on prétendait que les municipalités s'étaient soustraites à l'obligation de maintenir un corps de police en vertu de 52. Ou a eu des jugements qui disaient: Un corps de police, c'est quoi? Ce n'est pas défini par la loi; alors, en fait, en maintenant un directeur de police, cela peut être un corps de police.

Or, pour nous, le chiffre de 5000, c'est un compromis qui est supérieur à la condition, à la situation actuelle. Par contre, on voit, à l'article 19 du projet de loi, qui est ajouté à l'article 29 qui se lit comme suit: "De plus, malgré l'article 54, si un corps de police municipal n'a pas les effectifs, l'équipement ou l'expertise nécessaires pour agir adéquatement, la Sûreté, de sa propre initiative, par le Procureur général ou à la demande d'une municipalité..." Ah! Nous, on dit, en fait, les 5000 qui sont prévus à l'article 52, de quelle façon cela pourra-t-il être appliqué? On pense que l'article 52 est considérablement atténué par cette autre disposition. Si vous regardez également à l'article 28 du projet de loi, par l'addition de l'alinéa 60a, qui dit que le Procureur général peut conclure une entente avec une municipalité visée dans l'article 52, aux fins d'autoriser la Sûreté à fournir dans son territoire la totalité ou une partie des services de police, de quelle façon ces ententes prendront-elles forme? Je ne le sais pas. Dans quelle mesure le gouvernement ou le Procureur général vont-ils accorder des dispenses? Encore là, on ne le sait pas et on pense que l'article comme tel, l'article 25 proposé, qui modifie l'article 52 est considérablement atténué ou son effet est considérablement atténué justement par l'addition de ces deux autres articles qui sont prévus ailleurs. (12 h 15)

Evidemment, on aurait souhaité, par le projet de loi no 48, qu'il y ait quand même des dispositions qui nous éclairent davantage là-dessus, mais ce n'est pas le cas. Pour répondre à votre question: Est-ce que cela devrait être 5000, 4000, 3000?, nous, on était d'avis que ceux qui avaient maintenu un corps de police au cours des années et qui s'étaient dotés d'un mécanisme de protection vis-à-vis de la population, en fait... Encore là, pour revenir à une des allusions qui avaient été faites par Me Léonce E. Roy hier, qui disait que ce que le gouvernement provincial réclame du gouvernement fédéral pour les services de police provinciaux ici, on devrait avoir l'équivalent des subventions qui représenteraient, je pense, $1 milliard, mais en fait, le même paradoxe est ici au Québec entre les relations provinciales et municipales, c'est-à-dire que vous dispensez, à une certaine partie de la population, l'obligation de maintenir dans son territoire un corps de police et de payer à ces fins des impôts fonciers. Vous avez la même situation qui fait que, dans d'autres provinces du Canada, au même titre qu'au Québec ici, les Québécois doivent payer pour la GRC qui assume une police provinciale dans différentes provinces autres que le Québec et l'Ontario. Nous sommes d'accord avec cela. Je pense qu'ici même au Québec, on devrait appliquer le même raison- nement et je pense que les citoyens qui viennent d'une municipalité urbaine ou qui viennent d'ailleurs devraient avoir les mêmes obligations financières.

M. Fontaine: Mais, dans la mesure où ce qui est important, c'est la protection du public, seriez-vous d'accord avec l'argument qui dit qu'il y a une entente avec un autre corps policier; au lieu du maintien d'un corps policier municipal, qu'une entente avec une autre municipalité ou un corps policier provincial pourrait avoir les mêmes résultats?

M. Nadon: Indirectement, ce qu'on vise par là, c'est un peu ce qui était préconisé dans le mémoire qu'on avait déposé à la commission Saulnier, qui prévoyait les régionalisations. Par la bande, on ferait un peu indirectement ce qui, nous prétendons, aurait pu être fait lors du dépôt du rapport Saulnier par une législation qui prévoirait quand même des régionalisations qui verraient, à ce moment-là, à assumer ou à accorder à une population donnée les mêmes services sophistiqués qu'une grosse municipalité peut avoir par rapport à une autre. Ce qu'on recherchait par là, c'était une uniformisation au niveau de la protection policière et des services qui en découlent.

Bien sûr que là, rien de cela n'est fait, il n'y a aucune amorce, et — excusez l'expression — c'est du "patchage" ici et là. Pour nous, comme je vous le dis, c'est préférable à la situation actuelle où les municipalités peuvent se soustraire à l'obligation de maintenir un corps de police parce que vous avez quand même 5000 habitants, mais, évidemment, ce n'est pas l'idéal.

M. Bédard: Etes-vous d'accord avec le principe — c'est quand même un des points importants de la loi — qui crée l'obligation pour toute municipalité au-delà de 5000 habitants d'avoir un corps policier?

M. Nadon: Evidemment, nous ne sommes pas contre, c'est bien sûr. Nous sommes d'accord avec cette disposition, comme je l'indiquais tantôt, ce qui est préférable à ce qui se fait à l'heure actuelle, mais cela ne correspond quand même pas aux propositions que nous avions faites à l'intérieur de notre mémoire, soit la régionalisation.

M. Bédard: C'est difficile de trouver l'équilibre entre...

M. Nadon: C'est difficile, oui et non. A un moment donné, au niveau des structures policières telles qu'elles existent à l'heure actuelle, je pense que vous serez le premier, M. le ministre, à reconnaître qu'elles sont désuètes. Je pense que, à un moment donné, une décision courageuse devra être prise par nos élus, qui dise: La police, aujourd'hui, la protection du territoire, c'est une priorité et, en fait, on devrait mettre la hache dans tout ce qui constitue un anachronisme au niveau

de la protection policière au Québec. A mon avis, c'est inadmissible que dans une municipalité, cinq ou six policiers puissent accorder la même protection que dans une municipalité de la Communauté urbaine ou autre, parce qu'on ne dispose pas de tous les outils nécessaires pour pouvoir exercer adéquatement une tâche. C'est pour cette raison que nous avons dit: Regardons l'exemple de l'Ontario. En Ontario, on a pris des décisions, le gouvernement est intervenu, per capita, on a accepté, à un moment donné, de subventionner jusqu'à un montant de $15 dans le temps où on a visité les régions concernées. Aujourd'hui, ils sont rendus à neuf ou dix régions qui couvrent à peu près le territoire complet de l'Ontario, sauf les endroits complètement isolés.

Ici au Québec, que ce soit au niveau du crime organisé ou de la recrudescence de la criminalité, je pense qu'une décision courageuse devrait être prise. Mais, on ne voit pas cela en vertu du projet de loi no 48.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Nadon. Au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie pour la présentation de votre mémoire.

M. Nadon: Si vous me permettez, M. le Président, on vous remercie, ainsi que les membres de la commission d'avoir bien voulu écouter nos doléances. Nous sommes toujours à la disposition du gouvernement s'il y avait autre chose qui méritait plus d'éclaircissement; on pourra fournir des détails. Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci. Compte tenu de l'heure, est-ce qu'on pourrait suspendre immédiatement et revenir à 14 heures? D'accord?

La commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.

Suspension de la séance à 12 h 22

Reprise de la séance à 14 h 18

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, messieurs!

A la suspension de midi, nous en étions à l'Association des policiers provinciaux du Québec, représentée par M. Raymond Richard. M. Richard, si vous voulez identifier les gens qui sont avec vous et procéder à la lecture de votre mémoire, s'il vous plaît.

Association des policiers provinciaux du Québec

M. Richard (Raymond): M. le Président, Raymond Richard, président de l'Association des policiers provinciaux. A ma droite, notre conseiller juridique, Me Laurian Barré; à ma gauche, le vice- président de l'association, M. Jean-Marie Bouchard, M. Jacques Tessier, secrétaire général, ainsi que M. Eddy Bertrand, secrétaire-trésorier de l'association.

Si vous le permettez, M. le Président, nous n'allons pas nécessairement faire toute la lecture du mémoire qu'on a soumis aux membres de la commission. Nous allons commenter certains articles.

Le Président (M. Boucher): II sera versé au complet au journal des Débats.

M. Richard (Raymond): D'accord. Il y a un peu plus de deux ans, l'Association des policiers provinciaux du Québec avait l'occasion de soumettre au comité d'étude sur les fonctions policières diverses représentations susceptibles de mieux définir le statut du policier et d'améliorer l'efficacité policière. L'association nourrissait l'espoir que les recommandations de ce comité soumises en janvier 1978 puissent servir de base à une refonte de la Loi de police. Force nous est de constater, un an et demi après la parution de ce rapport, que les amendements proposés à la Loi de police ont, de façon générale, une portée bien différente. Plutôt que de tendre vers une clarification du statut du policier et de son rôle, une détermination des fonctions policières ou encore l'établissement de mécanismes de regroupement, l'actuel projet est principalement axé sur la Commission de police. Par exemple, contrairement à ce qui pouvait être prévu à la suite du rapport Saulnier, on ne retrouve aucune disposition concernant l'intégration des policiers des autoroutes à la Sûreté du Québec. Le projet de loi étend le rôle de la Commission de police, accroît ses pouvoirs, lui donne plus d'autorité et ce, même au détriment de la Sûreté du Québec qu'on se plaît pourtant à envisager, par ailleurs, comme une Sûreté nationale. Ces nouvelles dispositions contribuent davantage, à notre avis, à faire de la Commission de police une espèce de superstructure omniprésente qui ne cadre pas nécessairement avec le rôle qui est dévolu à un corps de police, en particulier celui confié à la Sûreté du Québec par l'article 29 de la Loi de police.

Nous estimons que la commission a un rôle à jouer, mais qu'elle ne devrait pas tendre à se substituer aux corps de police. Les attributions quasi judiciaires qui lui sont dévolues devraient faire en sorte que ses attributions administratives ne deviennent pas trop étendues, risquant du même coup les conflits de juridictions. L'association note, d'autre part, que l'article 36 du projet de loi apporte des modifications aux pouvoirs du Procureur général, tels que définis à l'article 4 de ja Loi du ministère de la Justice.

Nous croyons que ces nouvelles dispositions non seulement risquent d'entrer en conflit avec les pouvoirs généraux de la Commission de police, mais sont de nature à favoriser l'intervention des pouvoirs publics dans le travail policier. Il s'agit là, à notre avis, d'attributions qui devraient appartenir

à la Sûreté du Québec et qui, du reste, lui sont accordées par l'article 29 de la loi.

Nous réalisons ainsi, à la suite de ces pouvoirs accrus qui sont accordés à la Commission de police et au Procureur général, que le rôle de la Sûreté s'en trouve réduit d'autant, ce qui risque de devenir un premier pas dans la direction où la Sûreté du Québec serait l'exécutant de politiques, programmes ou décisions venant de l'extérieur. De là à faire de la Sûreté du Québec un instrument au service des pouvoirs publics, la distance n'est plus tellement longue à franchir.

Nous allons, dans les pages qui vont suivre, commenter divers amendements proposés dans ce projet de loi. Nous tenions cependant à exprimer nos impressions sur l'ensemble du projet, comme nous aurons d'ailleurs l'occasion de le faire lors de la commission parlementaire sur l'avant-projet de loi du Code de la route. Mais si le Code de la route mérite des éloges, nous ne pouvons malheureusement en dire autant du projet de loi modifiant la Loi de police.

A la page 5 de notre mémoire, concernant l'article 2 du projet de loi, nous disons que cet article doit se lire avec l'article 6 du projet, l'article 16d. Nous sommes d'accord avec ces nouvelles dispositions, mais nous croyons qu'il faudrait préciser dans les nouveaux articles 2b et 47b la nature des renseignements à fournir, d'autant plus qu'on prévoit une infraction à l'égard de celui qui contrevient à l'article 2b. Ces renseignements devraient se rapporter à l'identification de l'agent de la paix lui-même et de ses fonctions.

Nous commençons à la page 7 concernant l'article 3 du projet de loi. Nous soumettons que l'article 6 de la Loi de police devrait également être amendé pour placer les membres de la Sûreté du Québec sur un pied d'égalité avec les policiers municipaux. Ainsi, le membre de la Sûreté devrait pouvoir se porter candidat à une élection municipale ou scolaire ou se livrer à une activité partisane lors de telle élection, hors des limites du district judiciaire dont fait partie son poste.

L'article 6 du projet de loi. Comme nous l'avons souligné au début de ce mémoire, ce nouvel article accroît les pouvoirs de la commission tout en restreignant ceux de la Sûreté du Québec qui devient soumise à cet égard à la commission. De conseillère et collaboratrice qu'elle est actuellement, la commission acquiert un rôle d'initiateur de services de documentation, statistiques et inspection.

Nous croyons que l'exercice de ces pouvoirs doit aller de pair avec le mandat qui incombe à la Sûreté suivant l'article 29 de la Loi de police. L'établissement et le maintien des services concernés par un organisme autre que celui qui est chargé d'effectuer le travail policier nous apparaît comme susceptible de diminuer l'efficacité policière.

Pour qu'un organisme comme la Sûreté du Québec puisse fonctionner adéquatement, il faut qu'elle puisse se doter elle-même des outils dont elle sait avoir besoin, qui ne sont pas nécessairement les outils dont un autre organisme croit qu'elle a besoin ou croit qu'ils devraient être utili- sés de telle ou telle façon. Par ailleurs, nous voyons, dans les modifications apportées au premier paragraphe de cet article 16 concernant les pouvoirs généraux de la commission, une nette indication du rôle de plus en plus considérable qu'on entend donner à la commission et qui dépasse celui de conseiller qu'elle devrait continuer d'exercer.

Sur l'article 7 du projet de loi, nos commentaires sont les suivants:

Le fait d'accorder à la commission un pouvoir de réglementation sur l'utilisation par les membres de la Sûreté du Québec et sur l'équipement dont peuvent être dotés les véhicules automobiles utilisés, nous paraît difficilement conciliable avec la situation qui prévaut actuellement.

En vertu des ententes et des mécanismes existants, l'association collabore et participe à l'élaboration de normes de sécurité dans l'exercice des fonctions de ses membres. L'association ne peut donc concevoir les pouvoirs de réglementation qui seraient ainsi dévolus à la commission, laquelle n'est aucunement tenue de consulter l'association ou d'entendre ses représentations et encore moins de faire les études appropriées avec ladite association.

Au surplus, nous ne voyons pas comment la commission peut être justifiée de déterminer par règlement l'utilisation de l'équipement policier et l'équipement dont peuvent être dotés les véhicules utilisés par les policiers, les exigences et les besoins ne sont pas nécessairement les mêmes pour tous.

L'article 19 du projet de loi et l'article 17 également, nous les commentons de la façon suivante.

Indépendamment de tout aspect litigieux que pourrait soulever l'application de cette disposition, nous ne voyons pas dans ce pouvoir d'enquête accordé à la commission d'éléments susceptibles d'améliorer l'efficacité policière au Québec, qui devrait être la priorité de la commission.

Cette nouvelle disposition nous semble plutôt confirmer le contrôle de plus en plus étendu que l'on veut donner à la commission, même en matière d'enquête, en le faisant porter sur d'autres personnes agissant comme agents de la paix, à défaut de pouvoir l'étendre à d'autres organismes policiers.

D'autre part, ce qui soulève de nombreuses questions' à l'égard de l'article 20, premier et deuxième paragraphes de la Loi de police, c'est la dimension nouvelle qu'apporte ce projet de loi dans l'application de la discipline à la Sûreté du Québec. Etant donné que l'article 24 du projet de loi introduit (par l'article 47a) de nouvelles normes en matière disciplinaire et fait connaître l'adoption et la teneur de telles normes, nous voyons mal que la Commission de police conserve son pouvoir d'enquête sur la conduite des membres de la Sûreté du Québec.

En effet, non seulement la commission a une juridiction concurrente avec la Sûreté en matière disciplinaire, mais l'exercice de sa juridiction a même priorité sur celle de la Sûreté. Suivant le nouvel article 24, édicté par l'article 17 du projet

de loi, si la commission poursuit son enquête, un tel comité (de discipline) doit surseoir à toute procédure. De plus, la commission acquiert le pouvoir de recommander des sanctions spécifiques, tout comme elle peut désormais, en vertu du nouvel article 24b, émettre une ordonnance à l'effet de rendre un membre inhabile à exercer ses fonctions d'agent de la paix.

Par contre, on note que le projet de loi n'accorde aucun droit ou privilège additionnel au policier qui fait l'objet d'une telle enquête. Pourtant, le projet fournit des droits et privilèges additionnels à toute personne qui témoigne devant la commission, lors d'une enquête qu'elle tient en vertu de l'article 19. Bien plus, le droit du policier qui est l'objet d'une enquête, sous l'article 20, de se faire assister d'un avocat, même s'il est reconnu à l'article 22 de la loi, ne lui procure pas pour autant le droit à une défense pleine et entière.

M. le Président, nous avons, lors de la révision de notre mémoire, noté une erreur à la page 20. Est-ce que tous les membres ont la correction?

Le Président (M. Boucher): Tous les membres ont été informés.

M. Richard (Raymond): Pouréviterque le membre de la Sûreté ne soit soumis à une double juridiction en matière disciplinaire, qui ne peut que lui causer préjudice, il faut opter pour un régime unique en matière de discipline et conférer l'administration ainsi que l'application de cette discipline à la Sûreté, comme le prévoit le nouvel article 47a. L'exercice de ce pouvoir disciplinaire par la Sûreté permet au membre un recours en vertu de la convention collective qui le régit. Ce recours ou grief n'existe pas nécessairement à la suite d'une décision rendue par la commission. C'est notamment le cas de l'ordonnance que la Commission de police pourrait rendre suivant laquelle un agent de la paix est inhabile à exercer ses fonctions, contre laquelle le membre se trouve démuni de recours en appel ou révision. Le régime disciplinaire unique en faveur de la Sûreté, que nous préconisons pour les membres, correspond à la situation qui prévaut en vertu du Code des professions où la juridiction en matière de discipline est accordée à la corporation professionnelle et la juridiction d'appel, au tribunal des professions.

Le droit de grief existant, en vertu de la convention collective, devrait servir de mécanisme d'appel à la suite d'une décision disciplinaire rendue par la Sûreté. Rien ne s'oppose à ce que la commission puisse conserver son pouvoir d'enquête sur les corps de police en tant qu'organisme, mais sa juridiction concurrente avec un corps de police comme la Sûreté du Québec, concernant la discipline des membres, devrait être abolie ou à tout le moins restreinte au seul cas où la Sûreté refuserait d'agir. Dans un tel cas, le projet de loi devrait prévoir de façon claire les droits et privilèges des membres qui font l'objet d'une enquête, notamment quant à l'usage que l'on tend à faire de la déclaration et à ce droit d'être représenté par un avocat. La commission pourrait également agir comme un tribunal d'appel du droit au grief suivant la convention collective.

L'article 22 du projet de loi. Lors de l'étude en commission parlementaire du projet de loi no 41, au mois d'août 1976, nous avions fait valoir que l'article 45 devait être amendé de façon à relier ce pouvoir de suspension aux règles applicables en matière de discipline et prévues à l'article 47. Le projet de loi no 41 prévoyait d'ailleurs une modification au même effet de l'article 46. Pour les mêmes raisons, étant donné que le nouvel article 47 prévoit un règlement visant entre autres à déterminer le pouvoir du directeur général, des officiers et à déterminer les sanctions disciplinaires, nous prétendons que l'article 45, s'il doit demeurer, réfère aux règlements disciplinaires. La même remarque vaut également pour l'article 46 qui accorde au directeur de la Sûreté un pouvoir de congédiement pour cause. (14 h 30)

L'absence de référence aux règlements de l'article 47a risque d'être interprétée comme un pouvoir disciplinaire que le directeur ou un adjoint possède en dehors des normes et des règles de l'article 47a. Ce nouvel article 47a est très explicite par lui-même et il ne faudrait pas qu'un membre soit soumis à un double régime de discipline au sein de la Sûreté.

L'article 24 du projet de loi. En plus de nos remarques sur l'administration de la discipline soumise précédemment, nous voudrions ajouter certains commentaires au sujet de cet article. Le paragraphe b) de ce nouvel article permet de déterminer les occupations, les activités ou les emplois interdits aux membres, en raison de leur statut. Cette disposition risque fort de devenir inapplicable, à moins que ne soit modifié dans le même sens, soit abroger l'article 39 de la loi qui comporte une interdiction absolue. D'ailleurs, l'article 39 de la loi dit: "Les cadets et les membres de la Sûreté doivent s'occuper exclusivement du travail de la Sûreté et des devoirs de leurs fonctions".

D'autre part, étant donné la portée de ce nouvel article et la possibilité pour le lieutenant-gouverneur en conseil de modifier et même d'adopter un tel règlement, il faudrait que soit reconnu, le pouvoir de l'association de faire des représentations relativement au code de discipline.

L'association, en vertu de cette prérogative que lui confère la loi qui la régit, a d'ailleurs eu l'occasion de faire ses représentations et de collaborer à l'élaboration par la Sûreté, d'un code de discipline qui est toutefois demeuré en suspens depuis environ quatre ans.

En résumé, M. le Président, si on s'en reporte aux notes préliminaires de notre mémoire, l'Association des policiers provinciaux du Québec, à tout le moins, est très déçue du contenu du projet de loi 48. Nous avons vu, depuis deux jours, plusieurs personnes ou groupes présenter des mémoires devant la commission parlementaire et tous les groupes, à quelques exceptions près, se sont référés au rapport Saulnier, et on voit,

d'après les intervenants, qu'il y avait eu beaucoup d'espoir de mis entre les mains de ce comité, comité dont le mandat final a été élaboré par le présent gouvernement, M. le Président, et dont les membres avaient été choisis également par le gouvernement actuel.

Nous avions, de notre côté aussi à ce moment, soumis des recommandations au groupe de travail Saulnier et en se référant à notre mémoire qui avait été soumis à cette époque, à la page 45, on avait dit dans le dernier paragraphe: "Pour en arriver à cette uniformisation souhaitée, il importe que les recommandations qui émaneront de ce comité — on parlait du comité Saulnier — ne demeurent pas de lettre morte et que les autorités gouvernementales aient le désir et la volonté ferme de réaménager les structures et l'organisation policières au Québec dans l'intérêt non seulement des policiers, mais surtout de la collectivité." Notre déception vient du fait que le projet de loi 48 donne d'énormes pouvoirs à la Commission de police, pouvoirs qui, à notre sens, ne sont pas justifiés. Nous n'avons rien contre les membres de la Commission de police qui ont fait du bon travail depuis quelques années, sauf qu'à notre avis rien ne justifie les pouvoirs accrus qu'on veut donner à la Commission de police. Après avoir fait une analyse des pouvoirs nouveaux qu'on voulait donner à la Commission de police, on en vient au nombre de treize pouvoirs additionnels. Avant de présenter ce projet de loi le ministre de la Justice, M. le Président, aurait, je pense, dû attendre peut-être encore quelques mois, et étudier plus en profondeur les recommandations du rapport Saulnier.

Nous mentionnons — et plusieurs l'ont mentionné — le cas des policiers des autoroutes. Il me semble que le présent gouvernement a fait faire une étude — et on le voit dans la recommandation du rapport Saulnier— qui recommandait l'intégration à la Sûreté du Québec des policiers des autoroutes. Nous avions l'espoir de voir au moins dans le projet de loi 48 cette recommandation mise en application étant donné que, d'une part, la Sûreté du Québec et ses représentants étaient favorables, étaient d'accord avec cela. Les policiers des autoroutes étaient également d'accord, ainsi que l'Association des policiers. On ne voit rien dans le projet de loi 48 et, en gros, nous sommes très déçus du peu d'amendements pour améliorer l'efficacité policière. Il y a évidemment quelques amendements qui vont aller pour l'amélioration de l'efficacité policière au Québec, mais je pense, M. le Président, qu'on aurait dû aller plus en profondeur et prendre des mesures, comme le disait M. Nadon ce matin, plus courageuses. Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Richard. M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, je remercie l'Association des policiers provinciaux du Québec du mémoire très étoffé qu'ils ont présenté aux membres de la commission et de leur collaboration positive aux travaux de notre commission. Nous sommes à même de constater que plusieurs des points que vous touchez ont été touchés dans des rapports remis à la commission précédemment. Entre autres, plusieurs des points que vous soulevez l'ont été cet avant-midi, lors de la présentation du mémoire de la Fédération des policiers du Québec.

Cependant, il y a certains aspects de votre mémoire sur lesquels j'aimerais avoir plus d'explications de votre part. Vous avez indiqué tout à l'heure votre souci, qui est le nôtre, en fonction d'une amélioration la plus grande possible de l'efficacité policière. D'autre part, vous dites, à la page 10 de votre mémoire, que l'efficacité policière peut s'en ressentir du fait que la Commission de police se voit donner les pouvoirs qui sont énumérés à l'article 16. Est-ce que vous pourriez expliciter davantage en quoi ces pouvoirs, s'ils sont donnés à la Commission de police, peuvent influencer l'efficacité policière?

M. Richard (Raymond): En fait, ce que nous prétendions, c'est qu'avec ces pouvoirs accrus à la Commission de police, éventuellement, dans un avenir assez rapproché, cela risque de mettre la Commission de police dans des situations de conflit et, vis-à-vis des policiers, de perdre de la crédibilité.

M. Bédard: Sur l'aspect de la crédibilité, je le comprends, mais sur l'aspect de l'efficacité...

M. Richard (Raymond): Nous voyons la Commission de police... En fait, c'est tout cela. La Commission de police, de par son rôle, devrait avoir un pouvoir de consultant. Actuellement, ce sont des pouvoirs quasi judiciaires, des pouvoirs d'enquête. Si on lui donne tous ces pouvoirs accrus, la Commission de police va faire des enquêtes, va faire des règlements, la Commission de police va également s'occuper du dossier disciplinaire et, en plus de cela, va agir, en quelque sorte, comme consultant. Il me semble qu'à un moment où à l'autre, cela va définitivement enlever de la crédibilité à la Commission de police. Il ne faut pas seulement donner des pouvoirs à une commission, quand les membres de cette Commission de police se présenteront dans un corps policier ou feront des recommandations, il faut que ce soit bien vu des policiers, il faut tout de même avoir l'accord des policiers, il faut avoir de la consultation. C'est dans ce sens qu'on dit que dans un avenir plus ou moins rapproché, tous ces pouvoirs risquent, pour les policiers au Québec, de mettre la Commission de police à part. A ce moment-là, ils n'auront pas de crédibilité, et ils vont être perçus un peu comme des gars qui viennent faire enquête pour les poigner, comme on dit dans le métier.

M. Lalonde: Si le ministre le permet...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, si le ministre le permet, il s'est référé à la page 10 de votre mémoire. Je vous suggérerais de relire le premier paragraphe, où vous dites que "l'établissement et le maintien des services concernés par un organisme autre que celui qui est chargé d'effectuer le travail nous apparaît comme susceptible de diminuer l'efficacité policière". Je pense que c'était la question du ministre.

M. Bédard: C'est justement parce que je veux revenir à quelques questions précises que vous avez devinées.

M. Lalonde: Je m'excuse de vous avoir interrompu.

M. Bédard: Vous nous parlez de ces pouvoirs que nous donnons à la Commission de police en vertu de l'article 16 du projet de loi 48; est-ce que votre opinion est que ce sont des pouvoirs qui devraient être exercés par un organisme comme la Direction générale de la sécurité publique?

M. Richard (Raymond): Etant donné que le projet de loi no 48 était muet sur la Direction générale de la sécurité publique, nous avions l'impression que cet organisme était appelé à disparaître. Nous verrions, évidemment, certains pouvoirs donnés à cet organisme, si cet organisme continue d'exister, c'est évident, ou demeurer avec certains pouvoirs pour la Sûreté du Québec, suivant l'article 29. Il y aurait lieu de séparer certains pouvoirs et de faire le partage entre ce que la Commission de police pourrait faire et ce que la Direction générale de la sécurité publique pourrait faire également. Nous avions l'impression, c'est pour cela qu'on n'a pas touché ce point, que la Direction générale de la sécurité publique était appelée à disparaître. A ce moment-là, il y a un organisme au Québec qui ferait à peu près tout, ce serait la Commission de police. C'est dans ce sens-là.

M. Bédard: Disons qu'il n'y en a pas qui sont appelés à disparaître, pour les fins de la discussion.

M. Richard (Raymond): A ce moment, il s'agit de faire le partage, M. le Président, entre la Commission de police et la Direction générale de la sécurité publique.

M. Bédard: Quels pouvoirs voudriez-vous voir donner à la DGSP?

M. Barré (Laurian): Si vous me permettez, M. le Président, peut-être pour revenir un peu en arrière à ce que le ministre de la Justice mentionnait précédemment, ce que vise peut-être devantage le premier paragraphe de la page 10 de notre mémoire est peut-être surtout les nouvelles dispositions de l'article 16a, par exemple. On constate que, dans l'actuelle loi 10, ce pouvoir incombe actuellement à la Sûreté du Québec. On dit que la commission collabore à l'établissement par la SQ d'un service central de renseignements et de statistiques ayant pour but de faciliter la détection du crime, le dépistage de leurs auteurs et au maintien de ce service à la disposition des corps de police. Par les nouvelles dispositions, on note, par exemple, que l'établissement du service de documentation et de statistiques va maintenant relever, et ceci de façon obligatoire, puisqu'on en fait une obligation pour la commission, de la commission, donc un pouvoir qui appartenait à la Sûreté, que la Sûreté établissait en collaboration avec la Commission de police mais qui est maintenant dévolu exclusivement à la Commission de police. Un autre exemple également qu'on peut souligner, que l'on retrouve, par exemple, au nouvel article 17 proposé, l'article 17c plus précisément, où on parle, par exemple, de la réglementation que la Commission de police peut adopter à l'égard non seulement des caractéristiques de l'équipement, tel que cela existe actuellement, mais également à l'égard de l'utilisation de l'équipement et à l'égard aussi de l'équipement dont peuvent être dotés les véhicules automobiles qu'elle utilise.

Comme le souligne justement notre mémoire là-dessus, il existe déjà, à l'heure actuelle, en fonction de la loi du régime syndical applicable à la Sûreté, des mécanismes prévus, des mécanismes qui fonctionnent et qui font en sorte que des comités conjoints avec représentants de la Sûreté et de l'association se rencontrent pour discuter, par exemple, de questions relatives à l'équipement. Je pense, entre autres, à un comité qui s'appelle le comité d'hygiène et de sécurité et qui est appelé à faire certaines études, à faire certaines évaluations et, par la suite, à faire certaines recommandations visant la question de l'équipement. On voit mal, par exemple, que la Commission de police puisse avoir à cet égard un pouvoir de réglementation, compte tenu des mécanismes ou des dispositions d'une autre loi qui, par ailleurs, nous régit.

Ceci, simplement pour donner une indication qu'il nous apparaît que la Sûreté perd peut-être de son — je dirais — "indépendance" — si vous me permettez le mot — vis-à-vis de la Commission de police possiblement, vis-à-vis peut-être du Procureur général également puisque l'on mentionne, dans la première partie de notre mémoire, une modification qui est apportée à la Loi du ministère de la Justice et qui a pour effet ou qui pourrait plutôt avoir pour effet éventuellement d'accentuer davantage le contrôle qui pourrait être exercé par les pouvoirs publics sur un organisme comme la Sûreté du Québec.

Notre position en tant qu'association est de dire: Si l'on veut vraiment que la Sûreté remplisse le rôle ou le mandat qui lui est confié par la Loi de police, plus particulièrement et de façon très générale à l'article 29 de la Loi de police, il faut quand même lui laisser les coudées franches, il faut quand même lui laisser la possibilité de manoeuvrer dans ce secteur, pas nécessairement en l'absence de tout consultant ou en l'absence de

tout conseiller, mais lui permettre de voir, étant donné qu'elle est dans le champ, ce dont elle a besoin et de se doter de ce dont elle a besoin. A la page 10 de notre mémoire, on a employé le terme "outils": des outils dont elle peut avoir besoin pour exécuter ou accomplir le mandat qui lui est confié, mais un mandat qui lui incombe en tant qu'un organisme policier distinct des pouvoirs publics et non pas à charge, par exemple, d'exécuter des programmes ou des décisions qui sont élaborés, qui sont édictés de l'extérieur et que la Sûreté n'est simplement chargée que de mettre en application. (14 h 45)

M. Bédard: Vous savez, quand on parle des pouvoirs de l'article 16, il y a quand même certains dilemmes auxquels on a à faire face et qu'il faut trancher. D'une part, il y a — vous avez été à même de le constater — des représentations, suivant lesquelles, si ces pouvoirs sont exercés par la Commission de police, à ce moment-là cela crée trop de dangers, de conflits d'intérêts par rapport au rôle quasi judiciaire qu'a la Commission de police.

D'autre part, si vous prenez ces pouvoirs-là et que vous les donnez — tel que cela nous a été recommandé dans plusieurs mémoires — à la Direction générale de la sécurité publique, il se peut qu'il y ait le danger que vous évoquez, une certaine mainmise des pouvoirs publics ou des pouvoirs politiques sur des opérations policières.

Vous arrivez avec une autre solution qui serait de doter la Sûreté du Québec elle-même de ces outils qu'on retrouve dans l'énoncé de l'article 16 du projet de loi 48 et je suis porté à vous poser la question suivante: Que faites-vous des autres corps policiers? Quand on parle d'établir un service de documentation et de statistiques permettant d'évaluer l'état de la criminalité et l'efficacité de l'action policière, c'est dans le but que cet instrument puisse, pour autant qu'il devienne efficace, servir non seulement à la Sûreté du Québec, mais à l'ensemble des corps policiers du Québec, autrement dit, puisse servir la cause de l'amélioration de la sécurité policière sur l'ensemble du territoire québécois.

M. Barré: Je pense, M. le Président, qu'à cette question du ministre de la Justice, on pourrait répondre facilement que c'est peut-être dans une perspective d'une sûreté nationale ou d'une gendarmerie nationale au Québec que l'on mentionne cet aspect. Mais je ne pense pas que le fait de dire qu'on laisse — parce que les dispositions de la loi actuelle de police font que c'est la Sûreté qui exerce, par exemple on parle du pouvoir prévu à l'article 16a, ce pouvoir — à la Sûreté du Québec ce pouvoir n'empêche pas les autres corps policiers municipaux de pouvoir travailler en collaboration avec la Sûreté du Québec.

C'est également vrai, comme vous le mentionniez aussi précédemment, que ce qui cause des difficultés, tout le monde le reconnaît, c'est la double juridiction, si on peut dire, de la Commission de police, tant sur le plan administratif que quasi judiciaire. A partir de quel moment la Commission de police agit-elle comme organisme administratif et organisme quasi judiciaire? On peut très bien dire, à partir du moment où elle réglemente et à partir du moment où elle fait enquête, mais ce n'est pas toujours aussi simple que ça, d'établir, dans la réalité, une ligne de démarcation entre les deux. Ce que nous craignons, c'est que si on doive, d'une part, augmenter ou accroître le pouvoir administratif ou le pouvoir de réglementation, appelons-le le pouvoir quasi législatif de la commission à cet égard, et que si, d'autre part, on augmente également son pouvoir d'enquête, on risque — je dis bien on risque — de se retrouver dans la situation où on a peut-être un conflit de juridiction possible à l'intérieur de la commission.

Maintenant, comme mentionnait tantôt M. Richard, on n'exclut pas, loin de là, l'organisme prévu dans le projet de loi 41, de défunte mémoire, sur la Direction générale de la sécurité publique et on n'exclut pas non plus la possibilité qu'une partie des pouvoirs, par exemple, qui incombent ou qui sont donnés à la Commission de police puissent éventuellement être accordés à cette direction générale. Là, je ne prétends pas donner de solution toute faite, mais simplement pour raisonner bien haut et dire: II y a peut-être une amorce de solution — je dis bien une amorce de solution — peut-être peut-on envisager une redistribution de pouvoirs où ;a Commission de police aurait une juridiction en matière d'organisation policière et que la direction générale aurait une juridiction en matière d'activité policière, mais toujours en tenant compte également du mandat confié à la Sûreté du Québec.

M. Bédard: Mais, en gardant tout cela en perspective, vos préoccupations bien normales pour la Sûreté du Québec, quels sont les pouvoirs que vous verriez attribués à la Direction générale de la sécurité publique?

M. Barré: Comme je l'ai mentionné brièvement, c'est que la Direction générale de la sécurité publique pourrait très bien avoir des pouvoirs qui sont davantage concentrés dans le domaine de l'activité policière, pouvoirs, si vous voulez, que l'on retrouve, par exemple, dans le projet de loi qui modifie l'article 4 de la Loi du ministère de la Justice où on dit que le Procureur général sera chargé de promouvoir la coordination des activités policières. C'est peut-être un pouvoir que l'on verrait davantage, par exemple, à une direction générale. Même chose pour l'élaboration de politiques ou de programmes de sécurité publique. Quoique là, étant donné les remarques que je faisais précédemment, on aurait également des réticences ou des réserves à formuler pour ne pas quand même empiéter sur une juridiction qui doit être laissée à la Sûreté du Québec. Dans la même veine, si on regarde les dispositions de l'article 16 du projet de loi, il y a peut-être des dispositions qui peuvent rester à la Commission de police en tant qu'organisme chargé de voir à l'organisation

policière au sens général du terme comme le paragraphe b), si on veut faire une ligne de démarcation entre organisation et activités, paragraphe b) qui permet l'établissement, à toutes fins utiles, d'un inspectorat.

Je note, cependant, que, par exemple, le rapport Saulnier favorisait le retrait, si vous voulez, de cette juridiction de la commission et voulait plutôt la confier à un organisme qui s'appelait l'inspectorat de police, alors qu'on le confère ici à la commission. Peut-être que la commission pourrait exercer ce pouvoir, mais, en contre-partie, on devrait peut-être laisser à la direction générale des pouvoirs concernant les activités policières proprement dites au niveau du crime, des moyens de combattre le crime, des moyens de favoriser l'efficacité policière.

M. Bédard: Enfin...

M. Richard (Raymond): On admet, M. le Président, que ce n'est pas facile de faire un partage de tout cela.

M. Bédard: C'est le problème auquel on a à faire face comme législateur. C'est pour cela qu'on est bien heureux de pouvoir compter sur les lumières de tous ceux qui s'y connaissent également dans le domaine. Concernant l'article 16, pour être bien collé au projet de loi, selon vous, est-ce que vous verriez la Direction générale de la sécurité publique établir un service de documentation, de statistiques permettant d'évaluer l'état de la criminalité, l'efficacité de l'action policière, qui peut servir à l'ensemble des corps policiers?

M. Richard (Raymond): Cela pourrait être dévolu à la Direction générale de la sécurité publique. Oui, cela pourrait.

M. Bédard: Mais je comprends que vous aimez mieux que ce soit plutôt chez vous.

M. Richard (Raymond): C'est évident qu'on aimerait mieux que ce soit à la Sûreté, que ce soit chez nous. On avait étudié le projet de loi no 48 dans la perspective que la Direction générale de la sécurité publique disparaissait. A ce moment, on a dit: Arrêtons d'en donner à la Commission de police et on va en garder un petit peu chez nous.

M. Bédard: Je comprends très bien — c'est la situation, quand on parle d'autres sujets, de pas mal d'autres corps intéressés — que vous préféreriez que ce soit chez vous. Ma préoccupation est la suivante, c'est qu'un service — oublions à quelle place il est — de documentation, de statistiques permettant d'évaluer la criminalité et l'efficacité policière, c'est important. Vous pensez que cela devrait être chez vous. Vous pensez également, j'en suis convaincu, que, si de telles statistiques se font, si de telles recherches se font, elles doivent servir à l'ensemble de la collectivité policière qui oeuvre sur le territoire du Québec.

M. Richard (Raymond): C'est évident.

M. Bédard: Si je comprends bien, cela pourrait être à la Sûreté du Québec qui, elle, aurait la responsabilité de...

M. Richard (Raymond): Cela pourrait être à la Sûreté du Québec...

M. Bédard: ... de le dispenser aux autres corps, d'en faire profiter les autres corps policiers.

M. Richard (Raymond):... M. le Président, ou, cela pourrait être à la Direction générale de la sécurité publique. Mais on dit, nous, que tous ces pouvoirs-là ne devraient pas être donnés à la Commission de police.

M. Bédard: D'accord. Si c'est à la direction... tout au long de ce mémoire et dans certains rapports que nous avons eus devant la commission, il y a une accusation que nous n'avons pas eue, c'est celle de vouloir, comme Procureur général ou comme gouvernement, mettre la main sur des responsabilités précises qui pourraient avoir pour effet de mettre les corps policiers au service du gouvernement ou des hommes politiques. Personne ne nous a fait ce reproche-là. Au contraire, on nous a dit qu'on devrait plutôt penser à récupérer, par l'entremise de la Direction générale de la sécurité publique, plusieurs juridictions, plusieurs responsabilités, ce qui permettrait au Procureur général d'avoir un meilleur contrôle et une meilleure coordination de l'ensemble des opérations policières au Québec. Vous êtes les seuls qui, à un moment donné, dites dans votre mémoire que cela accroît les pouvoirs de la Commission de police. J'en conviens, tout le monde en convient, mais vous êtes les seuls qui dites que ce projet de loi accroît les pouvoirs du Procureur général et que si on continue, selon votre expression à la page 4 de votre mémoire, eh bien, la Sûreté du Québec deviendrait l'exécutant de politiques, de programmes ou de décisions venant de l'extérieur et que de là à faire de la Sûreté du Québec un instrument au service des pouvoirs publics, la distance ne serait plus tellement longue à franchir.

Le sens de tous les mémoires a été plutôt que le Procureur général, justement, ne récupérait pas certains pouvoirs ou certaines responsabilités qui devraient lui être octroyés. Vous avez dans le sens contraire... il faudrait bien que vous vous expliquiez là-dessus, parce que je pense que j'ai toujours été très clair non seulement dans mes déclarations, mais également dans ma manière d'agir comme Procureur général. Je n'ai jamais pensé, je ne penserai jamais que quelque corps policier que ce soit puisse être de quelque manière que ce soit au service du pouvoir politique quel qu'il soit.

Je m'étonne grandement de cela, parce que tous les autres mémoires sont dans le sens contraire.* Je voudrais que vous m'expliquiez, que vous explicitiez peut-être un peu sur ce sujet.

M. Richard (Raymond): Voici, M. le Président, d'abord peut-être une remarque bien amicale à

l'égard du ministre de la Justice. Le ministre de la Justice emploie le terme "reproche". On ne retrouve pas dans notre mémoire de reproches à l'égard du ministre de la Justice, du Procureur général ou de qui que ce soit. C'est une constatation que nous faisons et c'est une appréhension que nous voulons livrer à cette commission et si on en veut un exemple, on se réfère, entre autres, à la nouvelle disposition qui se retrouverait à l'article 4 de la Loi du ministère de la Justice et qui est reproduite à la page 17 du projet de loi, à l'article 36 du projet de loi, qui dit, par exemple: 'Le Procureur général est chargé d'élaborer des politiques et des programmes de sécurité publique et d'en assurer l'implantation".

Alors, on se pose, face à un pouvoir comme cela, qui n'est pas explicité ou précisé davantage, la question suivante: C'est beau de dire que le Procureur général va élaborer des politiques et des programmes de sécurité publique et en assurer l'implantation. Reste que qui va assurer ou faire cette implantation? Qui va exécuter les politiques ou les programmes? On s'est dit qu'il y avait deux possibilités: ou bien on crée un nouveau corps de police, une espèce de police parallèle, chargée d'assurer l'implantation de ces politiques ou de ces programmes de sécurité publique et rapidement, on dit: Ce n'est pas acceptable, je ne pense pas que ce soit la position envisagée par le ministère.

M. Bédard: Je peux vous dire déjà qu'il n'en est pas question.

M. Richard (Raymond): D'accord.

M. Bédard: Votre autre réflexion? (15 heures)

M. Barré: En deuxième lieu, on se dit: A ce moment-là, le mandat d'exécuter va incomber aux corps de police municipaux et en particulier à la Sûreté du Québec. A ce moment-là, que fait la Sûreté du Québec? Elle assure la mise en application ou elle assure l'exécution de programmes, de politiques ou de décisions qui n'émanent pas du tout de la Sûreté du Québec, mais qui émanent d'une autre autorité et on se dit: — et je pense avec raison — N'est-ce pas là un premier pas dans la direction où un organisme ou une autorité publique quelconque va prendre des décisions, va adopter des politiques et la Sûreté du Québec ou un autre corps de police n'aura que comme mandat d'exécuter ce qui a été décidé ailleurs? C'est en ce sens-là qu'on vous a soumis, M. le Président, la remarque que le ministre de la Justice souligne dans notre mémoire.

M. Bédard: Je comprends l'état d'esprit dans lequel vous avez explicité dans votre rapport les éléments auxquels je viens de faire référence. Autrement dit, si certains pouvoirs prévus à l'article 16 étaient dévolus à la Direction générale de la sécurité publique, vous n'en tireriez pas la conclusion que le Procureur général ou le gouvernement veut mettre la main sur la police.

M. Barré: On aurait peut-être moins de réticence, M. le Président, tout en ayant quand même certaines réserves, si vous me permettez ce jeu de mots.

M. Bédard: II y a la Sûreté du Québec comme corps policier, et on sait que c'est un corps policier imposant, important, au Québec. Il y a aussi tous les autres corps policiers à propos desquels on doit avoir la préoccupation, comme Procureur général, de leur donner tous les moyens possibles, de mettre tous les moyens possibles à leur disposition pour les rendre plus efficaces.

M. Barré: Effectivement. M. le Président, nous n'excluons pas la collaboration ou la coopération qui doivent nécessairement exister, à notre point de vue, entre la Sûreté et les autres corps de police. Loin de nous cette idée de vouloir prétendre que la Sûreté doit faire bande à part et fonctionner en vase clos. Je pense que ce n'est pas la situation qui prévaut actuellement et ce n'est évidemment pas la situation que nous envisageons. Par ailleurs, pourquoi la Sûreté, par exemple, en tant que Sûreté ou éventuelle Sûreté nationale ou gendarmerie — appelons-la comme on veut — ne serait-elle pas chargée de l'élaboration de politiques ou de programmes de sécurité publique sous une direction quelconque qui serait là justement pour favoriser l'établissement ou l'élaboration de telles politiques ou de tels programmes? C'est un peu ce qu'on veut souligner par nos remarques à cet effet.

M. Bédard: Vous comprendrez qu'il n'est pas possible de penser qu'un corps de police puisse établir des politiques et des programmes pour l'ensemble des autres corps de police. Je pense que, là-dessus...

M. Barré: Oui. C'est pour cette raison que j'ai mentionné et j'ai répété que je...

M. Bédard: Et...

M. Barré: ... ne faisais pas de la Sûreté une entité distincte des autres. Je disais que la Sûreté doit travailler en collaboration évidemment et en coopération étroite avec les autres corps de police. Resterait dans le cadre d'une Direction générale de la sécurité publique à cet organisme, à cette direction, d'édicter comment pourraient être mis en application ces politiques ou ces programmes, soit par la Sûreté soit en collaboration entre la Sûreté et tel ou tel corps de police ou l'ensemble des corps de police municipaux.

M. Bédard: Oui, c'est bien. Je reviendrai tout à l'heure avec d'autres questions.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Merci, M. le Président. Je veux tout d'abord, suivant la tradition, remercier l'as-

sociation de son mémoire, de son intérêt à la question soulevée par le projet de loi 48.

Vous avez tout d'abord exprimé une déception générale. C'est peut-être mon interprétation à moi, mais je veux dire qu'elle a été partagée par beaucoup d'autres organismes relativement au projet de loi no 48, déception que je partage. J'avais exprimé l'avis moi aussi, au début, qu'étant donné les instruments et les moyens dont dispose le gouvernement, actuellement, pour apporter des solutions plus concrètes à la question de l'efficacité de l'organisation policière... Vous avez mentionné, je pense, deux éléments particuliers quant à votre déception; il s'agit du rapport Saulnier qui est quand même entre les mains du gouvernement depuis un an et demi, depuis janvier 1978, et aussi le manque de rationalisation dans la définition des pouvoirs de la commission, de la direction générale ou du gouvernement; il s'agit de la même chose. Ce sont, je pense, les deux principaux points qui, après une journée et demie d'audition, reviennent constamment dans les mémoires.

Vous avez même été portés à croire que le projet de loi faisait disparaître la Direction générale de la sécurité publique. Il s'agit peut-être quand même d'une impression; je ne veux pas jouer sur cette question — ce serait facile, remarquez — mais il faut quand même reconnaître que, lorsque le ministère voit sa loi amendée à l'article 4 de la façon qui est proposée par le projet de loi no 48, il s'agit de la direction générale aussi, parce qu'il n'en a jamais été question, même dans la loi 41, quoique la loi 41 le fît d'une autre façon; elle le faisait par un amendement à la Loi de police qui se référait spécifiquement à la Direction générale de la sécurité publique, mais qui n'avait pas pour effet de créer un organisme distinct.

Je pense, en toute honnêteté, qu'on doit reconnaître que cet amendement à la loi 48 a à peu près le même effet. Ce qui est, je pense, quand même décevant, c'est que, malgré cet amendement, à cause des pouvoirs additionnels qu'on accorde à la commission, à cause du fait qu'on perpétue la confusion des pouvoirs entre la commission et le ministère, on arrive à la situation où personne ne s'y retrouve et cela a aussi été le cas de votre association, qui a même présumé, à l'examen de cette loi, que la Direction générale de la sécurité publique disparaissait.

Dans votre mémoire, vous reconnaissez que les amendements à l'article 16 enlèvent un certain pouvoir à la Sûreté du Québec, et j'en conviens. Sauf que je serais plutôt porté à adopter l'attitude exprimée, quoique avec une extrême prudence, par le ministre tantôt, à savoir que, si on doit donner des outils, des moyens, des ressources concernant l'établissement des politiques policières, on devrait les donner au niveau du ministère plutôt qu'au niveau de la Sûreté du Québec, parce qu'il reste que la Sûreté du Québec n'a qu'une mission partielle dans l'activité policière au Québec.

Le service de recherche, par exemple, je vois mal pourquoi on le confierait à la Commission de police. Mais je verrais très bien qu'on le confie à la

Direction générale de la sécurité publique, tout en mettant à la disposition de tous les corps policiers, avec les meilleurs moyens de communication possible, les ressources qui seraient attribuées à ce service de recherche; c'est la même chose pour la documentation.

Je pense qu'il est assez clair qu'il ressort des délibérations jusqu'à maintenant que le projet de loi no 48 a besoin d'un effort de rationalisation en ce qui concerne les pouvoirs attribués à la Commission de police, pour lui éviter les écueils des conflits d'intérêts, des conflits en général, pour donner aussi au gouvernement les pouvoirs d'établir des politiques. Quand on parle d'établir des politiques, on ne parle pas de politiques partisanes, d'interventions cachées, subreptices, en catimini et tout ce que vous voulez, dans l'activité policière. Tantôt, monsieur — je ne me souviens plus de votre nom...

M. Barré: Barré.

M. Lalonde: M. Barré. ... quand vous avez fait la différence entre l'organisation policière et les activités policières dans une réponse à une question: Quelle est la distinction que vous faites? Pouvez-vous expliciter? Je verrais mal la Direction générale de la sécurité publique s'impliquer dans les activités policières. Cela appartient à la police, aux différents corps de policiers, y compris la Sûreté du Québec pour sa mission particulière. Mais je verrais mal aussi qu'on confie à la Sûreté du Québec seulement ou même à un corps policier ou à l'ensemble des corps policiers l'établissement des politique policières, les politiques de sécurité publique. C'est à un gouvernement élu de dire, à tort ou à raison — et à ce moment-là il y a quand même le verdict populaire au bout de la ligne — quelle est la politique de sécurité publique qu'il adopte, quelles sont les mesures de sécurité, qualité de police il se donne directement ou indirectement par les municipalités, quelles sont les ressources financières qu'il attribue à cette sécurité publique. Cela appartient, je pense, à un gouvernement et cela n'appartient pas à une commission. Cela appartient à un gouvernement élu à réélire ou à battre, mais au niveau des activités policières cela appartient aux corps policiers de les appliquer sans intervention politique. Je ne sais pas si la distinction que je porte correspond à celle que vous avez voulu exprimer par votre réponse, quand vous avez fait une distinction entre l'organisation policière et les activités policières.

M. Barré: Effectivement, M. le Président, quand nous avons suggéré — et je pense qu'on aura compris un peu mon intervention là-dessus — bien modestement une amorce de solution ou de discussion, on parlait d'une part d'organisation policière de façon générale, d'organisation policière qui pourrait être dévolue à la Commission de police, par là on entend un peu de son pouvoir de réglementation qui existe déjà ou qui est modifié par le présent projet de loi, à l'article 17. Par

exemple, prescrire les mécanismes de contrôle d'aptitude, les programmes de formation, les uniformes, les pièces d'identité, les insignes, enfin un peu ce qui se retrouve à l'article 17 qu'on coiffait du titre, juste ou non, d'organisation policière par rapport, par exemple, à un autre domaine qu'on a appelé activité policière qui peut s'appeler opération, au sens général, encore une fois, mais non pas une implication dans la police elle-même, mais activité ou opération dans le sens du rôle que devrait jouer la police, sa lutte contre la criminalité, un peu dans le sens également de ce qu'on retrouve à l'article 36, modifiant les pouvoirs du Procureur général du projet de loi.

Alors, c'est dans ce sens-là. Peut-être que le terme choisi d'activité policière n'est peut-être pas des plus heureux, mais on aura compris que c'est une distinction qu'on a voulu faire d'organisation, au sens général du terme, par rapport à opération sur leur rôle, enfin, ce à quoi ils devraient davantage se consacrer ou dans quel domaine ils devraient davantage oeuvrer, ce qui n'implique absolument pas une implication de cette direction générale dans l'activité policière au sens où on l'entend de la police au jour le jour.

M. Lalonde: Dans votre mémoire, à la page 4, vous reprochez depuis quelques lignes au projet de loi de donner trop de pouvoirs à la Commission de police, mais vous concluez, au début du paragraphe de la page 4: "De là à faire de la Sûreté du Québec un instrument au service des pouvoirs publics, la distance n'est plus tellement longue à franchir." Je ne sais pas quel sens vous donnez aux termes "au service des pouvoirs publics", mais j'ai toujours compris que les fonctionnaires, en général, que la Sûreté du Québec, en particulier, sans les inclure dans le terme de fonctionnaire sont au service des pouvoirs publics. Ils ne sont peut-être pas au service d'un parti politique, mais il me semble qu'il faut faire attention dans l'emploi des mots. N'est-ce pas le rôle des pouvoirs publics d'édicter les lois et de mettre en place des structures de contrôle et de surveillance que sont les policiers?

M. Barré: Je pense qu'en fonction des explications qui ont été fournies précédemment, M. le Président, et même à la lumière du texte qui vous a été soumis, on aura très bien compris ce qui est envisagé par la remarque qui est faite. D'ailleurs, j'avais l'occasion de répondre à une question similaire du ministre de la Justice précédemment et je pense que lui-même voyait très bien le sens ou la portée de ce commentaire qui apparaît au mémoire.

M. Lalonde: Ce que vous voulez dire, je pense, si vous me le permettez, c'est que vous craignez que la Sûreté du Québec ne devienne un instrument au service d'un pouvoir politique particulier. C'est cela, j'imagine? C'est, d'ailleurs, une préoccupation constante, j'imagine, des pouvoirs policiers de ne pas devenir un instrument au service d'un pouvoir politique.

M. Bédard: De quelque pouvoir politique que ce soit.

M. Lalonde: De quelque pouvoir politique que ce soit. Alors, j'ai compris.

M. Bédard: C'est cela.

M. Barré: C'est sûrement une des principales facettes envisagées par cette remarque.

M. Lalonde: Vous avez, dans votre mémoire ou par la suite en réponse à une question, mentionné le fait que le projet de loi no 48 créait treize nouveaux pouvoirs à la Commission de police. J'en avais vu plusieurs. Maintenant, étant donné que vous les avez dénombrés, est-ce que vous pourriez nous en donner la liste?

M. Barré: Ce qui a été mentionné là-dessus, c'est qu'une vérification sommaire des dispositions du projet de loi no 48 concernant les pouvoirs de la Commission de police nous a permis de constater — cela uniquement dans le domaine policier; on ne touche pas aux pouvoirs additionnels qui pourraient être accordés à la Commission de police lors d'enquêtes qu'elle tient en vertu de l'article 19, par exemple, mais strictement en ce qui concerne le domaine policier — par exemple, qu'à l'article 16, le premier paragraphe nous semblait nettement une indication d'un rôle nouveau de la Commission de police.

M. Lalonde: Vous pouvez prendre les quatre paragraphes de l'article 16; ce sont quatre nouveaux pouvoirs.

M. Barré: Oui, si l'on veut. M. Lalonde: Oui.

M. Barré: Alors, on les notait. Enfin, on en avait noté trois nouveaux accordés à la Commission de police par l'article 16. On en notait également un quatrième au nouveau paragraphe c) de l'article 17, plus particulièrement en ce qui concerne l'utilisation de l'équipement et l'équipement dont peuvent être dotés les véhicules automobiles.

M. Lalonde: Oui.

M. Barré: On voyait également un nouveau pouvoir au même article 17, dernier paragraphe, où la commission peut, par règlement, extension-ner — si l'on peut dire — le règlement disciplinaire adopté en vertu de l'article 47a. On avait, par ailleurs, noté au nouvel article 20, à la page 6 du projet de loi, un autre pouvoir de la commission dont je pense on a déjà fait état antérieurement et qui permet à la commission de faire enquête sur la conduite de toute autre personne qui agit au Québec en qualité d'agent de la paix. On l'aura sûrement noté, celui-là.

M. Lalonde: Sûrement.

M. Barré: A l'article 21, on a également noté "aux fins d'une enquête que la commission tient en vertu de la présente loi ou de toute autre loi", comme étant un pouvoir additionnel prévu dans ce projet de loi.

M. Lalonde: Excusez-moi. La Commission de police n'avait-elle pas déjà les pouvoirs des commissaires en vertu de la Loi des commissions d'enquête?

M. Barré: Oui, effectivement. M. Lalonde: Elle les avait déjà.

M. Barré: Effectivement, sauf que le texte tel que proposé en mentionnant "en vertu de la présente loi ou de toute autre loi" nous semblait peut-être plus explicite que ne pouvait l'être la loi.

M. Lalonde: Une extension des pouvoirs.

M. Barré: Vous aviez un huitième pouvoir que nous avions noté au nouvel article 22a en ce qui concerne les enquêtes, celui-ci cependant — je le souligne — étant un pouvoir accordé à la commission lors d'enquêtes qu'elle tient en vertu de l'article 19. Nous avions également noté un pouvoir accordé à la commission aux termes de l'article 24 proposé par l'article 17 du projet de loi, au bas de la page 9, notamment en matière disciplinaire.

Nous avons également noté, toujours dans le même domaine disciplinaire, le pouvoir de la commission, en vertu de l'article 24b, de rendre une ordonnance, ordonnance rendant un constable ou un agent de la paix inhabile à exercer ses fonctions au Québec, l'équivalent, selon nous, d'un pouvoir de suspension ou de destitution. Nous avons également noté une précision additionnelle à l'article 24c quant à son pouvoir de recommandation, où on précise la nature ou le genre de recommandation qui peut être imposée par la commission, suite à ces enquêtes en vertu de l'article 20.

Nous avons aussi noté un pouvoir accordé en vertu de l'article 52, lorsqu'une municipalité décide de ne plus maintenir un corps de police.

M. Lalonde: En fait, c'est un pouvoir de conseiller, à ce moment-là.

M. Barré: Un pouvoir de conseil, si vous voulez. Il y a également un pouvoir similaire à l'article 52b, où le Procureur général pouvait demander à la commission d'enquête afin de vérifier si la municipalité maintenait les services policiers adéquats.

M. Lalonde: Je vous remercie, vous aviez un compte assez juste. Pour les superstitieux, il y en a peut-être un qui est disparu, on arrive à une douzaine.

M. Barré: Je préfère ça, M. le Président, qu'on arrive à douze au lieu de treize.

M. Lalonde: M. le Président, je pense que le mémoire de l'association est quand même très explicite et précis. Je n'ai pas d'autres questions particulières, j'espère que vous êtes satisfait des réponses que le ministre vous a données. Je ne suis pas sûr que vous en ayez obtenu, mais j'espère que s'il ne vous les a pas données maintenant, en d'autres occasions, lors des délibérations concernant ce projet de loi, nous réussirons à obtenir les réponses que vous avez recherchées. Nous allons sûrement tenir compte, au nom de l'Opposition officielle, de vos suggestions dans l'étude de ce projet de loi.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je ne voudrais pas allonger le débat inutilement, je pense que les grandes questions ont été posées jusqu'à maintenant. Le principal point qu'on retient, c'est que la Sûreté du Québec voit des conflits de juridiction entre les pouvoirs qui sont habituellement exercés par la Sûreté du Québec et ceux qu'on veut donner à la Commission de police, tant au point de vue administratif que disciplinaire. Je retiens simplement un point que vous avez soumis à la dernière page de votre mémoire; vous dites: "L'association, en vertu de cette prérogative que lui confère la loi qui la régit, a d'ailleurs eu l'occasion de faire des représentations et de collaborer à l'élaboration, par la Sûreté, d'un code de discipline qui est toutefois demeuré en suspens depuis environ quatre ans."

Face à ce délai que vous nous avouez et puisque vous nous demandez en même temps d'essayer de conserver ce pouvoir disciplinaire, est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi cela prend autant de temps et quelles sont les garanties de succès d'un éventuel code de discipline, si ce pouvoir vous était laissé?

M. Richard (Raymond): M. le Président, avec la Sûreté du Québec, de 1971 à 1976, nous avons élaboré ensemble un code de discipline et il a été soumis au Procureur général et est resté sur les tablettes depuis ce temps. Je pense que le ministre de la Justice pourrait répondre à l'autre partie de la question, pourquoi est-ce que cela n'a pas été approuvé?

M. Fontaine: On vous renvoie la balle, M. le ministre. Je n'avais pas d'autres questions, c'était la seule que je voulais poser, si le ministre a une réponse à donner à ce sujet, parce que la Sûreté du Québec demande de conserver la juridiction sur le pouvoir disciplinaire et, d'un autre côté, elle nous dit qu'on a tenté d'élaborer un code de discipline et la réponse est que ce serait sur les tablettes au ministère de la Justice. S'il y a quelqu'un qui est en retard, on voudrait bien savoir qui.

M. Bédard: On pourrait peut-être vérifier si ce n'est pas sur les tablettes à la Sûreté du Québec.

M. Richard (Raymond): Je n'ai pas compris, M. le Président. Je m'excuse.

M. Bédard: On pourrait peut-être vérifier si ce n'est pas sur les tablettes à la Sûreté du Québec.

M. Barré: II est possible, effectivement, M. le Président, qu'il soit sur la tablette à la Sûreté du Québec. Effectivement, le projet de code de discipline en question est un projet élaboré par la Sûreté, élaboration à laquelle l'association avait participé en faisant des suggestions, des recommandations dont certaines ont été retenues, d'autres, non, et qui avaient donné lieu effectivement à un document, un code de discipline qui n'a pas été appliqué pour des raisons que nous ignorons, mais dont les termes ou les dispositions, je pense, ont été achevés au début de l'année 1975, je crois.

M. Richard (Raymond): Maintenant, M. le Président, à la Sûreté du Québec, évidemment, à la suite de séances au comité paritaire et conjoint, on nous avait assurés que ce code de discipline avait été transmis au Procureur général et au contentieux, mais il se peut que, sur 100 ou 150 officiers, il y ait quelques officiers endormis, même à la Sûreté du Québec. On pourrait s'informer.

M. Bédard: Je ne crois pas qu'il faille l'interpréter dans ce sens.

M. Fontaine: Est-ce que le code de discipline a besoin d'être entériné par le ministre de la Justice avant d'être mis en application à la Sûreté du Québec?

M. Barré: Suivant l'actuelle Loi de police, oui. C'est un code qui est adopté en vertu de l'actuel article 47 de la Loi de police. C'est un règlement pour régir la discipline. Evidemment, il est beaucoup moins élaboré que le nouvel article 47a qui est proposé dans l'actuel projet de loi et contre lequel, évidemment, nous vous avons fait part de deux réserves relativement à l'élaboration de ce nouveau code ou à la mise en application du code déjà discuté il y a quelques années.

M. Bédard: Quant au projet de loi no 48, par lui-même, je n'ai pas d'objection, au contraire, je crois à la nécessité d'un code de déontologie et d'éthique pour les policiers, que ce soit la Sûreté du Québec ou d'autres corps policiers. Des représentations nous ont été faites concernant certains corps policiers, il n'y a pas tellement longtemps, il y a des codes d'éthique qui sont présentement en application. Je pense à la CUM, entre autres.

M. Barré: Je m'excuse, M. le Président, en fait, il faudrait bien se comprendre. Nous ne prétendons pas qu'il n'existe pas à l'heure actuelle de code de discipline à la Sûreté. Il en existe un adopté en 1966, je crois, en vertu de la loi qui s'appelait à l'époque la Loi de la Sûreté provinciale. Ce code est toujours en application, mais il est devenu, à certains égards, désuet, et c'est pourquoi, en 1974 et 1975, un nouveau code, si l'on peut dire, avait été élaboré, et c'est ce code qui est resté lettre morte depuis, mais l'ancien code adopté en 1966 continue toujours d'exister et de s'appliquer.

M. Richard (Raymond): M. le Président, le nouveau code avait comme titre: Dispositions relatives à la conduite des membres de la Sûreté du Québec. Il a été révisé pour la dernière fois en novembre 1975 avant d'être soumis en février 1976, d'après ce qu'on nous a dit à la Sûreté, au gouvernement, au lieutenant-gouverneur en conseil.

M. Barré: C'est que, la dernière fois...

M. Richard (Raymond): Au mois de février 1976.

M. Barré: Pour ajouter à cela, ce qui est arrivé, c'est qu'en 1976, les avocats du ministère avaient trouvé que les termes n'étaient pas assez légalistes et les membres du comité qui avaient étudié cela trouvaient par ailleurs qu'il ne fallait pas trop mettre de termes légalistes. C'était plutôt une discipline progressive. A ce moment, on a voulu faire des corrections pour mettre des termes plus légalistes, parce que le gouvernement n'était pas prêt à accepter des textes qui étaient flous, qui portaient à interprétation. A ce moment, on nous a consultés et nous avons dit: C'est correct. On n'avait pas négocié ce code de discipline. On n'avait pas discuté avec la Sûreté et l'exécutif en place. A ce moment, on avait certaines corrections à apporter aussi. Lorsqu'on a fait la proposition qu'on voulait apporter ces corrections, les avocats du gouvernement nous ont dit qu'ils ne touchaient pas à cela pour le moment. C'est pour cela qu'on a dit que le code était resté sur les tablettes.

M. Bédard: II pourrait être transféré au bureau de la législation déléguée.

M. Fontaine: Je pense qu'il est important que le ministre de la Justice s'informe sur quelle tablette il est rendu. (15 h 30)

M. Bédard: La loi 48 explicite très clairement la préoccupation qu'on a, que j'ai, comme Procureur général, que chaque corps de police ait un code d'éthique et de déontologie. Pour revenir à l'article 16, pour les fins de la discussion, en oubliant de quel organisme responsable cela pourrait relever, est-ce que je peux conclure que, du point de vue du principe, la Sûreté du Québec est d'accord que, pour l'amélioration de l'efficacité policière de l'ensemble des forces policières, il y a avantage à établir un service de documentation et de statistiques permettant d'évaluer l'état

de la criminalité et l'efficacité de l'action policière, d'établir également un service général d'inspection. Qu'on l'appelle inspectorat ou autrement, je pense que, quand on veut lire entre les lignes... Il y en a plusieurs qui nous parlent de l'inspectorat. Je les invite à lire le paragraphe b) de l'article 16 "établir un service général d'inspection chargé de conseiller, en matière policière, la Sûreté et les corps policiers municipaux et d'en faire l'inspection; organiser également un service de recherche chargé d'améliorer les méthodes de détection et de répression du crime; établir un registre des personnes exerçant les fonctions d'agents de la paix".

Est-ce que du point de vue du principe, pour les fins de la discussion, en oubliant de qui cela relèvera, il est nécessaire que ce travail soit fait pour le bénéfice de l'ensemble des corps policiers du Québec?

M. Richard (Raymond): Nous sommes d'accord avec cela.

M. Barré: Si vous me permettez, M. le Président, c'est simplement pour ajouter une remarque, à la suite de ce que le ministre de la Justice vient de mentionner. Lorsque je me suis référé tantôt à l'inspectorat, je me référais à l'inspectorat suivant le rapport de la commission Saul nier, lequel rapport favorisait le retrait de ce pouvoir de la Commission de police et l'établissement d'un service d'inspectorat distinct de la Commission de police. Mais je n'ai jamais dit que l'article 16 ne prévoyait pas l'équivalent entre les mains de la Commission de police.

M. Bédard: Je n'ai pas voulu vous faire dire cela. Je me référais à d'autres mémoires qui ont été présentés.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Pendant mon absence de quelques minutes, j'ai cru comprendre qu'il était question d'un code de discipline de la Sûreté du Québec. Cela m'intéresse beaucoup, parce que j'ai reçu du ministre de la Justice, le 4 juillet 1979, à la suite de l'étude des crédits, un code de discipline daté du 7 décembre 1966. Est-ce qu'il y en a eu d'autres depuis ce temps-là?

M. Richard (Raymond): M. le Président, c'est le code de discipline qui régit actuellement les membres de la Sûreté. Il y a eu, de 1971 à 1975, des pourparlers entre les parties et un autre code de discipline qui a été envoyé au ministère de la Justice en janvier ou en février 1976. Ce nouveau code de discipline n'est pas encore approuvé et on fonctionne encore avec celui de 1966.

M. Lalonde: Est-ce que votre association a collaboré à l'élaboration de ce nouveau code? Je le présume, pendant cinq ans. Est-ce que vous avez eu des communications du ministère de la

Justice depuis janvier ou février 1976, et plus particulièrement depuis novembre 1976?

Ml. Richard (Raymond): M. le Président, nous avons eu des communications par le comité paritaire et conjoint, avec les problèmes... Apparemment, c'était trop légaliste. Cela a fait en sorte que, d'une journée à l'autre, le code était censé être approuvé par le lieutenant-gouverneur et il n'est pas approuvé depuis ce temps.

M. Lalonde: Bon.

M. Bédard: II a été transmis au mois de février 1976.

M. Richard (Raymond): 1976.

M. Lalonde: Depuis novembre 1976, vous n'avez pas eu de nouvelles? Je prends note de cela.

M. Bédard: II faudrait surtout s'informer si on nous a redonné des nouvelles de cela. Alors, je m'abstiendrai de remarques, à partir du moment où cela a été transmis en février 1976.

M. Lalonde: Ne me dites pas que vous ne l'avez pas trouvé depuis deux ans et demi!

M. Bédard: C'est-à-dire qu'il y a peut-être certaines indications qui ne sont pas rendues là où elles doivent se rendre.

M. Lalonde: Peut-être que le ministre aurait besoin d'un service de recherche. Peut-être que la Sûreté pourrait l'aider à trouver son code de discipline.

M. Bédard: C'est-à-dire que les autorités de la Sûreté pourraient peut-être avoir un mot à dire.

Le Président (M. Boucher): M. Richard.

M. Richard (Raymond): M. le Président, nous aimerions dire que l'association a relevé un dernier point et nous aimerions que le ministre de la Justice porte une attention toute particulière au dernier point que nous allons soulever. Nous faisons référence aux articles 6 et 39 de la Loi de police actuelle. L'article 39 dit: "Les cadets et membres de la Sûreté doivent s'occuper exclusivement du travail de la Sûreté et des devoirs de leurs fonctions. Ils ne peuvent remplir aucun autre emploi ni se livrer, directement ou indirectement à aucun commerce".

Contrairement à ce qui est dit pour les policiers municipaux, l'article 6 défend même à un policier de la Sûreté du Québec de se présenter comme échevin, alors que c'est permis aux policiers municipaux. Nous avons soumis une recommandation concernant l'article 6. A l'égard de l'article 39, dès le début de l'association, tous les présidents qui ont été à l'association, tous les membres, tous les conseils de direction ont tou-

jours dénoncé cet article qui, à notre sens, est injuste et prive les policiers de la Sûreté du Québec d'être des citoyens à part entière. La société a évolué. C'est un article qui nous cause énormément de problèmes — il va sans dire — actuellement. Nous croyons qu'il est temps une fois pour toutes — et il ne s'agit pas à notre sens d'un geste qui demande beaucoup de courage de la part du gouvernement — de rayer tout simplement cet article de la Loi de police et permettre aux policiers de la Sûreté du Québec de pouvoir occuper d'autres emplois ou de pouvoir faire autre chose que seulement le travail de la Sûreté. Je pense qu'il est temps que cet article soit une fois pour toutes biffé de la Loi de police.

M. Bédard: Auriez-vous d'autres arguments sur ce point à ajouter à ceux qui ont été exprimés ce matin par la Fédération des policiers du Québec?

M. Richard (Raymond): M. le Président, comme argument peut-être supplémentaire, en tant que représentant de l'Association des policiers provinciaux, nous croyons, avec un code de déontologie que tout le monde souhaite — et d'ailleurs nous en avons un actuellement — que rayer cet article ne donnera pas plus de problèmes et si, à un moment donné, un policier fait des choses qu'il ne devrait pas faire, il sera jugé suivant les procédures du code de discipline et condamné si c'est prouvé qu'il a agi illégalement ou a fait des choses qui ne sont pas correctes. Ce que nous disons à nos membres, c'est qu'avant tout, le policier de la Sûreté du Québec a une responsabilité envers l'employeur. On doit, pendant le temps où on est en fonction, être efficace et donner un bon rendement. Ce que le membre fait après, c'est une autre affaire en autant qu'il se conduit de façon régulière. A ce moment-là, si le membre fait des vols ou ne fait pas son travail parce qu'il a un commerce ou parce que sa femme a un commerce, il pourra être régi par le code de déontologie. On ne voit aucun problème.

M. Bédard: Plusieurs entreprises privées refusent le double emploi à leurs employés.

M. Richard (Raymond): Peut-être, M. le Président, que d'autres entreprises refusent. Ce n'est pas, à mon sens, une raison pour que les policiers de la Sûreté du Québec n'aient pas le droit et je pense.. Y a-t-il quelque chose d'illégal pour un membre de la Sûreté du Québec de faire de la sculpture sur bois...

M. Bédard: Ce n'est sûrement pas une raison fondamentale...

M. Richard (Raymond): ... avec un petit commerce. Ce sont des choses comme celle-là.

M. Bédard:... pour refuser, ne pas faire suite à la demande que vous faites. A ce stade-ci de la discussion, je dois vous dire que je ne crois pas que c'est parce que les policiers de la Sûreté du Québec ou d'autres corps policiers n'ont pas le droit au double emploi on peut conclure qu'ils ne sont pas des citoyens à part entière. Les fonctionnaires sont des citoyens à part entière et cependant, il est très bien stipulé qu'ils ne doivent avoir qu'un emploi. L'argumentation dans le sens que si on ne donne pas le double emploi aux policiers, c'est qu'on a décidé d'en faire des marginaux ou d'en faire des citoyens qui ne sont pas à part entière, je ne trouve pas que c'est un argument...

M. Richard (Raymond): M. le Président, le fait de ne pas avoir le droit d'aller se défouler à l'extérieur, d'être libre, de pouvoir si on a un hobby, que ce soit la peinture ou d'autre chose... je pense que le policier doit avoir aujourd'hui la possibilité — et on le dit — de s'impliquer dans toutes sortes de choses, d'être dans toutes sortes de mouvements. A ce moment-là, il va être connu de la population également. Il n'y a rien de malheureux que ce soit le policier ou son épouse qui ait un commerce ou une épicerie et qu'il soit vu là, en autant qu'il fait son travail, mais il faut regarder en premier lieu l'efficacité policière.

L'association défend, depuis le début, depuis 1968, à ses membres, ou plutôt dit à ses membres: En premier lieu, parce que votre employeur, c'est la Sûreté du Québec, même si vous avez un double emploi — il ne faut se le cacher, beaucoup ont un double emploi; c'est mis au nom de la femme; on a eu des représentations ce matin, cela ne règle pas le problème — vous devez donner un rendement, vous devez être efficaces. A ce moment-là, ce serait un moyen d'intégrer davantage le policier dans la société et de le faire voir. C'est urgent, c'est un point extrêmement important, M. le Président.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Est-ce que vous voulez dire que vous vous opposeriez aussi à ce qu'une telle interdiction se retrouve dans le code de discipline?

M. Richard (Raymond): C'est-à-dire que nous serions prêts... Il y a deux tendances. Il y a certains groupes qui disent: On devrait avoir nos doubles emplois, pas de iimite. il y a une autre tendance à savoir que certains emplois pourraient être interdits. Ce qui revient toujours, c'est "bouncer" dans un club, avoir un permis de la Régie des alcools. Il pourrait peut-être y avoir certaines nuances. Il s'agit de regarder la question et peut-être, dans un premier temps, de dire: Telle catégorie, c'est défendu et on verra ce que ça donnera. Peut-être que ce serait une solution à mi-chemin.

M. Lalonde: Si je m'en remets au code de discipline actuel, celui de 1966, même si on enlevait l'article en question dans la loi, serait considérée comme une conduite indigne de se livrer à un

autre métier, emploi ou besogne ou de participer directement ou indirectement à l'opération d'un commerce quelconque; c'est à l'article 17.1. Vous auriez toutefois le droit, avec la permission du directeur général, de prendre part à toute mise en scène ou réalisation de cinéma et de théâtre, puisque vous avez parlé de vos "hobbys". Il n'y a aucun doute que le code de discipline... Je ne sais pas ce que le nouveau gouvernement, depuis deux ans et demi, a fait de votre nouveau projet. Ils ne le savent pas, ils ne l'ont pas trouvé encore, mais j'imagine que cela existe aussi dans le nouveau code.

M. Richard (Raymond): II faut dire, M. le Président, que le code auquel on réfère, c'est un code qui a été fait par des anciens gars de la GRC; c'est un code plutôt très strict. Il est désuet, on devrait le mettre de côté, parce qu'il a une histoire, ce code.

Quand on regarde l'article 47a et l'article 47b: "Le directeur général pourrait — on voit qu'on essaie d'évoluer un peu — déterminer les occupations, activités ou emplois interdits aux cadets et aux membres de la Sûreté en raison de leur statut d'agents de la paix." Donc, on ne pourra pas l'appliquer si on demeure avec l'article 39 de la Loi de police.

Une Voix: Quel article?

M. Lalonde: L'article de la loi 48.

M. Richard (Raymond): Au projet de loi 48.

M. Bouchard: Ce qui arrive aussi, c'est que, depuis décembre 1978, on a au comité paritaire créé un sous-comité où les deux parties sont représentées; le gouvernement est représenté, de même que l'association. On a un sous-comité qui est chargé d'étudier le double emploi, ce qui serait permissible et ce qui serait défendu. A ce moment-là, si l'article 39 n'est pas abrogé ou n'est pas modifié, à toutes fins utiles, cela ne donne rien d'étudier. A l'article 47a, le directeur peut déterminer des emplois permissibles, mais l'article 39 l'interdit. Alors, le sous-comité qui est créé par le gouvernement et par l'association, à toutes fins utiles, ne vaut absolument rien.

M. Lalonde: Est-ce que je pourrais, comme hypothèse, proposer le scénario suivant? Le comité arrive à une conclusion, à un moment donné, c'est positif et, par la suite, la loi est amendée. Je ne vois pas d'objection. Enfin, on va laisser le ministre, d'abord, trouver le code de discipline et on verra ensuite ce qui va arriver.

M. Bédard: Que vous aviez reçu au mois de février; vous ne vous le rappeliez pas.

M. Richard (Raymond): M. le Président, ce que nous devons mentionner également, c'est que...

M. Lalonde: J'étais parfaitement conscient de l'existence de ce code.

M. Richard (Raymond): M. le Président, à chaque congrès annuel des délégués... Nous avons eu un congrès au mois de juin et, encore là, il y a eu une résolution — pour vous montrer l'importance — unanimement, visant à faire biffer cet article 39 de la Loi de police. Je pense qu'on devrait, au moins à l'égard de cet article, porter une attention un peu plus particulière, espérant une réponse favorable.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Richard. M. Richard (Raymond): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Au nom des membres de la commission, je vous remercie, M. Richard, ainsi que ceux qui vous accompagnent pour la présentation de votre mémoire.

M. Richard (Raymond): M. le Président, je vous remercie, au nom de l'association, de nous avoir permis de vous présenter ce mémoire. (15 h 45)

Le Président (M. Boucher): J'appellerais maintenant la municipalité de Rock Forest, service de la police, représentée par M. Richard Tremblay.

M. Tremblay, si vous voulez procéder à la lecture de votre mémoire.

Service de la police de Rock Forest

M. Tremblay (Richard): M. le Président, M. le ministre, distingués membres de la commission, comme vous pouvez le constater, les mémoires se suivent, mais le nombre des orateurs commence à diminuer.

Je tenterai, dans quelques minutes, de vous donner deux aperçus qui représentent le point de vue d'un policier qui travaille dans une section communautaire dans l'Estrie, à Rock Forest spécialement, dans l'agglomération de Sherbrooke. Cette opinion est quand même basée sur une masse de population qui oeuvre, elle aussi, dans le milieu. Je pense qu'il est quand même important, lors de la modification d'une loi, d'avoir l'opinion de ces gens.

Nous remarquons dans le projet de loi 48 plusieurs articles augmentant, comme à l'article 20, les pouvoirs de la Commission de police sur la conduite d'une personne qui oeuvre comme agent de la paix. Maintenant les sanctions pourront être déterminées par la commission.

Il demeure très important, à ce stade-ci, de vous souligner deux recommandations qui, je pense, sont une base très importante sur l'évolution d'un service de police.

Tout au cours de la journée, j'ai assisté à cette commission et mes confrères policiers, soit de la fédération ou de la Sûreté du Québec, ont très bien débattu des points très importants. Je pense qu'ils ont fait énormément de travail. Cet après-

midi je viens respectueusement dire à cette commission qu'il est important, lors de la formation de nos cadets-policiers, d'augmenter les cours en relations humaines pour justement permettre à ces futurs policiers de travailler, selon l'évolution de notre travail, de façon vraiment professionnelle.

M. le ministre, MM. les membres de cette distinguée commission, avant de poursuivre, il est opportun de vous souligner la grande fierté que la majorité des policiers du Québec a à l'égard de l'Institut de police du Québec qui, depuis le 16 juin 1969, diffuse le plus professionnellement possible l'entraînement nécessaire à notre rôle policier.

Nous retrouvons, à l'institut, plusieurs secteurs d'admission, soit les secteurs de base, spécialisation, parapolicier et formation de cadets.

Notre première recommandation en est une au niveau de la formation dite de base, qui prépare justement le cadet-policier au rôle qu'il devra jouer dans notre société.

Rapidement, je vais vous énumérer les classifications, les cinq éléments que contient le cours de base; il contient des cours en orientation et formation générale, lois et règlements, conditionnement et techniques particulières, activités du patrouilleur (théorie et pratique) et administration pédagogique.

A la suite d'une brève analyse de l'orientation et de la formation générale, nous constatons que ce bloc de matières vise à inculquer au stagiaire des connaissances d'ordre général. Cette partie du programme tente donc, par diverses matières pertinentes, de rendre le stagiaire apte à répondre aux attentes du public, ainsi qu'à entretenir des relations constructives avec le citoyen, ses supérieurs et ses compagnons de travail.

Le contenu des cours développera particulièrement des notions sur les relations humaines, les premiers soins, le syndicalisme policier et le rôle du protecteur du citoyen. En outre, ce bloc comportera des informations sur l'histoire des corps policiers, la juridiction et le rôle du policier. Enfin, on y informera le stagiaire des exigences auxquelles il doit se soumettre lors de son séjour à l'Institut de police, et le tout sur une base d'environ 64 périodes.

Nous retrouvons, en deuxième lieu, l'élément qui discute de la loi et des règlements sur une base de 145 périodes. En troisième lieu, nous retrouvons le conditionnement et les techniques particulières.

Le conditionnement physique est un critère essentiel en ce qui concerne la formation policière. Le policier doit être prêt à réagir efficacement aux diverses situations pouvant survenir dans l'exercice de ses fonctions.

Pour ces raisons, nous jugeons important que le policier soit habile à maîtriser parfaitement les diverses techniques policières qui lui seront indispensables pour accomplir sa tâche.

Dans la recherche de cette performance, il est bien important de connaître les "comment" de la technique sans oublier de s'interroger sur les "avec quoi" on réalise les objectifs fixés.

Il va sans dire que les candidats qui auront une certaine familiarité de base avec le conditionnement physique seront fortement avantagés.

Cet ensemble de cours est axé principalement sur le conditionnement physique, le défendo, le tir, les exercices militaires et le contrôle de foule. A cela s'ajoutent des notions sur les procédures à suivre lors d'un appel à la bombe, le comportement sur la scène d'un différend ou d'un conflit ouvrier et le service d'ordre sur la scène d'un incendie, sur une base de 203 périodes.

A l'analyse du quatrième élément, nous retrouvons les activités du patrouilleur: en théorie, 172 périodes et en pratique, 144.

Pour conclure, avec le cinquième élément, l'administration générale, 64 périodes.

Nous aimerions porter à votre attention, messieurs les membres de cette commission, la grande démarcation entre le nombre de périodes contenues dans le premier élément, orientation et formation générale, 64, et le troisième élément, conditionnement et techniques particulières, 203. Nous pouvons alors noter une différence de 139 périodes de plus pour le troisième élément comparativement au premier élément.

Nous remarquons au niveau de cette formation de base que le conditionnement physique tient une très grande importance. Malgré l'addition de 145 périodes pratiques à l'élément 4, activités du patrouilleur, contenant des expériences simulées de relations humaines, il n'en demeure pas moins qu'en pourcentage, ces dernières représentent un taux nettement insuffisant compte tenu de la méthode de vie sociale d'aujourd'hui où les gens sont de plus en plus en contact avec le policier.

Cette critique se veut des plus constructives. Nous ne doutons en aucun temps de la qualité hautement professionnelle des cours de formation de l'Institut de police du Québec. Néanmoins, nous jugeons qu'il est de notre devoir de citoyen et de policier de vous informer de nos expériences passées au sein de notre communauté.

Je ne vous apprendrai rien, M. le ministre, en vous disant que nos activités policières en 1979 sont, pour un pourcentage très élevé, étrangères au contrôle du crime et au respect de la loi.

En effet, la police touche de très près la population en détresse; elle est disponible 24 heures par jour; elle reçoit constamment des appels à l'aide et y répond à la fois par le truchement du téléphone ou par une visite à domicile.

Dans un système social bien intégré, le rôle de la police est, par définition et par la loi, explicitement celui de protecteur de la société et de gardien de la loi.

Mais l'expérience prouve que les services rendus par les forces policières débordent largement leur mandat initial.

Citons brièvement quelques références: dans la ville de Syracuse, une étude faite par Cumming, Cumming et Edell démontre que plus de la moitié des appels reçus quotidiennement par la police sont reliés à des demandes d'aide concernant à la fois des problèmes d'ordre personnel ou interpersonnel. Selon les auteurs de cette recherche, les

policiers en général ont peu d'entraînement pour ce genre de service et ceci constitue pourtant la moitié de leur tâche.

En fait, Bard et Berkovitz de même qu'Epstein vont plus loin et estiment que 80% à 90% des activités du policier sont étrangères au contrôle du crime et au respect de la loi.

Quant à sa participation dans le domaine de l'intervention auprès des malades mentaux, Li-berman, dans une recherche effectuée, à Baltimore, révèle que 50% des malades mentaux admis dans les hôpitaux d'Etat de ce district, ou leur famille, ont eu d'abord recours à la police comme ressources communautaires avant leur hospitalisation. D'après un échantillonnnage, 94% de ces malades se défendent de considérer leur état comme maladie mentale, tandis que seulement 29% de l'échantillonnage des malades mentaux admis par l'intervention de médecins et de psychiatres opposent le même refus.

Cela peut indiquer que les patients qui viennent en contact avec la police sont, en général, sensiblement plus récalcitrants. Ils refusent d'admettre leur besoin d'aide professionnelle et ils sont moins aptes à utiliser les ressources disponibles. Comme vous pouvez le constater, M. le ministre, il demeure plus qu'important d'assister les policiers dans l'exercice de leurs fonctions, qui ont trait aux problèmes d'ordre personnel et interpersonnel des gens en détresse, ce qui représentera une aide considérable à la police et à la population, et ce, en augmentant les périodes de relations humaines et l'étude plus approfondie des lois sociales qui protègent nos citoyens souvent en contact avec nous.

Demeurez, M. le ministre, dans l'assurance que nous ne voulons en aucun moment désapprouver la tenue de plus de 203 périodes relatives au conditionnement physique et aux techniques particulières, mais nous croyons fermement que la population a droit à plus de compréhension et il demeure essentiel que nos futurs policiers soient des mieux préparés à aider, servir et protéger pour qu'ensemble, nous vivions dans un mieux-être qui nous est dû.

En terminant cette première suggestion, une deuxième recommandation qui doit être, à notre sens, sérieusement analysée par vous et votre commission. Elle touche l'élargissement, au niveau de tous les districts administratifs de votre ministère, de la méthode de diffusion des cours dispensés par l'Institut de police du Québec. L'exemple de l'Université de Trois-Rivières dispensant un cours de gestion universitaire préparé en collaboration avec l'institut est accueilli avec joie par nous, policiers; des cours spécialisés dispensés dans les universités, aux CEGEP du Québec, préparés par l'Institut de police permettraient une plus grande motivation chez nous tous et, par le fait même, correspondraient de plus en plus aux besoins de notre société moderne.

Nous croyons que ce rôle maintiendra la raison d'être de l'école de police, malgré la situation d'embauche désastreuse qui neutralise l'engagement des cadets-policiers pour les pro- chaines années. Je pense que cela résume assez bien pourquoi nous avons pris la décision de présenter ces remarques à la présente commission. Tout au cours de la journée, on a débattu des points fort importants et il demeure une chose, au niveau de la base même où le futur policier se dirige pour travailler auprès des gens dans le milieu, il est important que ce bonhomme soit vraiment bien préparé et, inévitablement, le tout aidera à une meilleure collaboration avec le public. Comme le disaient si bien des confrères de la Sûreté du Québec, une meilleure participation à l'intérieur du milieu des policiers, en faire des gens à part entière dans la société, je pense que cela ne fera pas de tort d'agir de cette façon.

L'autre point que je suis venu débattre assez rapidement, pour permettre à mes confrères de la CUM d'être entendus aujourd'hui, c'est relativement au même projet de loi qui oblige une ville de plus de 5000 de population à établir ou maintenir un corps de police.

Pourquoi j'ai présenté la deuxième partie de ce mémoire? C'est à ce sujet. Nous croyons fermement que le temps de jouer au chat et à la souris est révolu. Nous croyons que le policier qui opère le radar en se cachant dans une courbe, une côte, près d'une haie de cèdres, l'automobiliste surveillant d'un oeil agressif ce dernier, le jeu commence et recommence de jour en jour à travers la majorité des villes du Québec. Pourquoi suis-je venu vous présenter cette partie de mémoire, que je présente aussi au ministre des Transports? C'est pour poser la question, à savoir si, dans l'éventuelle modification de la Loi de police, l'obligation de maintenir ou d'établir un corps de police pour les municipalités de 5000 habitants et plus... La question m'inquiète de savoir si certaines villes — il ne faut pas se le cacher — ne taxeront pas nos automobilistes de ce fardeau d'établir un corps de police dans leur municipalité respective. (16 heures)

Une chose est certaine: ni l'un ni l'autre policier et automobiliste qui jouent au chat et à la souris, ne deviendront de très bons amis à la suite de ces manières plutôt cavalières. L'automobiliste intercepté dans un piège de radar, ne saura, dans l'avenir, de bon coeur offrir sa collaboration au service de l'ordre. Il n'aura pas accepté l'attitude du policier et ce même après des années. La vie continue, une nouvelle section se forme dans le corps de police où réside l'automobiliste, une section communautaire ayant comme but principal d'oeuvrer auprès de la communauté pour connaître ses besoins, travailler ensemble et le sensibiliser à la prévention routière. Obtenir sa collaboration face à la lutte contre le crime. Bien non, le pauvre policier qui croit à cette nouvelle orientation, y sera bien vite déçu car, comment voulez-vous qu'un citoyen, un automobiliste, un sportif, une personne âgée aient de l'intérêt envers ce nouveau rôle très important pour l'évolution d'une ville et de la police, s'il possède encore en mémoire la manière peu orthodoxe que j'ai personnellement, moi, comme mes confrères utilisée,

procéder d'une façon cavalière à la capture d'individus au radar.

Je demeure convaincu, M. le ministre, du rôle important que le policier joue en opérant judicieusement le radar sur nos routes au Québec. Etant moi-même policier, je refuse d'endosser cette méthode de capture de radar exploitée au Québec et ailleurs. Cette méthode développe de part et d'autre une course et cela n'en finit plus. Par le fait même, limite nos actions communautaires sur d'autres facettes importantes du rôle du policier dans la lutte contre la criminalité. Croyez-vous, M. le ministre, qu'un automobiliste ainsi capturé saura faire fi de son orgueil lorsque ce dernier sera témoin d'un accident grave et devrait en principe donner son nom comme témoin pour une enquête? Certes il aidera les blessés peut-être, mais il dira que la police fasse son travail comme la dernière fois quand il m'a capturé au radar, il est payé pour cela. Témoin d'un véhicule suspect dans la rue, il hésitera avant d'en communiquer la chose à son service policier car inévitablement il n'aura encore pas digéré sa capture. Combien de temps pour réparer cet état de chose. C'est difficile à dire car, selon chaque individu, c'est très différent.

Considérant le dernier rapport de la Sûreté du Québec en 1978, la Sûreté du Québec a enquêté sur 893 accidents mortels, 8165 accidents avec blessures corporelles et 50 992 accidents matériels. Les causes sont quand même demeurées en pourcentage comme les années précédentes par importance, la vitesse. Les vitesses excessives dans les zones de 80 à 100 kilomètres. Ces données, M. le ministre, sont quand même très inquiétantes et il faut effectuer des vérifications de radar sur nos routes, mais il faut quand même jouer franc jeu dans les méthodes ajustées à notre société. Permettez-moi, MM. les membres de cette commission, de vous faire part d'une méthode qui, actuellement, est à l'essai dans la région de l'Estrie et qui justement évite de la part de policiers de faire des abus qui seraient nuisibles évidemment à l'opinion de l'automobiliste face à ce policier et à une éventuelle collaboration. Nous avons dans l'Estrie, depuis le mois de mai, spécialement chez nous, mis en fonction une opération qui s'appelle "agenda radar" et les automobilistes ont pu se procurer le calendrier annuel et savent les journées où le radar sera en fonction et les gens peuvent écouter à chaque poste de radio, de Sherbrooke, les rues qui sont sous surveillance routière ces jours-là. Nous avons connu quand même une baisse importante d'accidents. C'est bien évident que nous arrêtons des automobilistes pour vitesse excessive et des billets sont émis sur notre territoire, mais la tension des relations do travail sont moins agressives qu'auparavant avec l'automobiliste pris en situation d'infraction.

Un plus grand nombre d'automobilistes respectent leur vitesse et en prennent régulièrement l'habitude, radar ou non. Ils respectent la loi. Donner à l'automobiliste l'habitude volontaire du respect de la vitesse permise sur les artères en utilisant plus souvent l'information, de son propre gré il développe volontairement le respect de la vie, le respect des limites de vitesse qui tue tant de gens annuellement au Québec. La prévention ne doit pas être dans un sens unique. Développons une collaboration mutuelle. Cette nouvelle méthode en est une parmi tant d'autres qui peut être exploitée chez nous dans l'avenir. Admettons qu'il est très tôt pour analyser cette méthode à fond, en déterminer sa valeur face à nos objectifs, devons-nous l'ignorer? Certes pas. Il demeure important que la commission sous votre habile direction en retienne sérieusement, M. le Président, l'attention et que cette dernière s'interroge avant d'en émettre des recommandations finales et en crée un projet pilote au Québec pour enfin commenter sur ce projet et sûrement plusieurs autres en votre possession. N'oublions pas que le policier comme le citoyen, l'automobiliste, la vie cela compte. Nous possédons des moyens différents pour la conserver, mais le but à atteindre est similaire.

Alors, je tiens encore à le répéter: Le chat et la souris, c'est une période qui est révolue. En rendant professionnelle l'utilisation des appareils de radar, nous développons une approche humaine favorable policier versus citoyen, une habitude du respect des lois au Québec et, indirectement, une collaboration face à nos responsabilités sociales.

Alors, je fais allusion à l'article 7 du présent projet de loi qui modifie l'article 17 de ladite loi, modifié par l'article 5 du chapitre 22 des Lois de 1969 et par l'article 7 du chapitre 12 des Lois de 1970: "déterminer les caractéristiques des uniformes, pièces d'identité et insignes qui peuvent être portés par les cadets et les membres de la Sûreté, les cadets et les policiers municipaux et les constables spéciaux, ainsi que leur équipement, l'utilisation de celui-ci et l'équipement dont peuvent être dotés les véhicules automobiles qu'ils utilisent."

Je pense, M. le Président, qu'il est très important de rassurer les automobilistes du Québec sur l'éventuelle possibilité que de futurs corps policiers soient fondés au Québec et que ce soient ces automobilistes qui subissent une taxe supplémentaire par l'utilisation de ces appareils de radar de façon vraiment abusive. C'est pour cette raison que nous avons pensé qu'il était important de vous soumettre ces quelques suggestions et nous verrions d'un très bon oeil qu'on annexe à cet article des méthodes d'utilisation d'appareils de radar dans cette loi modifiant l'équipement et le contenu des véhicules de patrouille. Je pense que c'est très important.

Comme vous avez pu le constater, messieurs les membres de la commission, cela a été assez bref. Je laisserai à mes confrères les autres gros problèmes à régler, mais je pense qu'au niveau des citoyens et des policiers il est très important d'augmenter les cours de relations humaines à l'école de police pour un meilleur travail et aussi dans l'espoir que, s'il y a bientôt au Québec d'autres corps de police qui sont mis sur pied, l'utilisation de certains appareils ne soit pas abusive et que ce ne soit pas les automobilistes du Québec qui en paient la note.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Tremblay. M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, je tiens à vous remercier de votre contribution personnelle aux travaux de cette commission et également à vous féliciter de la préoccupation que vous avez sur la nécessité de la meilleure préparation possible du policier en fonction de son travail vis-à-vis du citoyen, de cette préoccupation que vous avez en fonction de l'aspect humain et social de la tâche du policier.

Je remarque que, dans l'évaluation de la formation qui est donnée à l'Institut de police de Ni-colet, pour en arriver à rejoindre la préoccupation que vous énoncez en fonction d'une meilleure préparation du policier dans le domaine des relations humaines vis-à-vis du citoyen qu'il a à servir, vous n'en arrivez pas à la conclusion de diminuer les sessions ou les périodes qui sont affectées aux autres éléments, mais plutôt peut-être d'intensifier ou d'augmenter le nombre de périodes qui sont consacrées à l'orientation et à la formation générale du policier. Je pense que cette préoccupation est tout à votre honneur, parce qu'effectivement — à bien des reprises, on a l'occasion de le dire et de le constater, tout ce que nous en sommes — le policier a vraiment un rôle social très important à remplir et son attitude vis-à-vis du citoyen est capitale dans la perception que ce même citoyen se fera du policier chargé d'assurer l'ordre et la sécurité publique.

Vous demandez également, dans votre mémoire, de trouver le moyen d'élargir le plus possible la diffusion des cours dispensés à l'Institut de police du Québec. Vous référez à une expérience qui est déjà en cours à l'Université de Trois-Rivières. Auriez-vous, sur ce point-là, des idées qui seraient dans le sens d'en arriver à l'objectif que vous désirez, à savoir élargir le plus possible la dispensation de ces cours?

M. Tremblay (Richard): Pourquoi ce cours qui est offert à l'Université de Trois-Rivières ne l'est-il pas à Sherbrooke ou à Montréal? C'est une question de disponibilité. Ce n'est pas toujours facile pour un bonhomme qui habite à 150 milles de l'école de police ou près de l'école de police, à Trois-Rivières, de se rendre postuler pour suivre ce cours. Je dis qu'il serait quand même très important que les policiers déjà en service au Québec aient la chance de poursuivre leur entraînement tout au cours de l'année par des cours qui seraient offerts dans les CEGEP, mais qui seraient préparés par l'école de police. Je ne vois pas pourquoi le cours d'enquête judiciaire ne serait pas offert au CEGEP de Sherbrooke, un cours qui peut très bien se donner là et être préparé par l'école de police. Cela éviterait à plusieurs policiers de la région de l'Estrie ou des policiers de la région de Montréal d'aller passer trois semaines à Nicolet pour suivre cet entraînement.

M. Bédard: Concernant l'orientation et la formation générale qui est le premier élément au ni- veau de l'Institut de police du Québec, outre le fait de demander qu'il y ait des heures additionnelles qui soient consacrées à cet élément, au niveau du contenu même, pensez-vous qu'il y a des choses qui devraient être ajoutées?

M. Tremblay (Richard): En ce qui concerne le contenu, je pense que prioritairement parlant, c'est d'augmenter même les relations humaines. C'est à ce seul niveau que mon intervention était faite aujourd'hui. Pour ce qui est du cours de l'Institut de police, les cinq éléments du cours de base, ils possèdent évidemment tout pour permettre à un policier de démarrer dans sa carrière, mais on note, même les gens qui enseignent à l'école de police, les spécialistes au niveau de la psychologie notent qu'ils ne possèdent pas assez de temps pour donner au policier plus d'information au niveau des relations humaines.

M. Bédard: Si je vous comprends bien, le contenu de ce qui se donne à l'Institut de police du Québec est très valable et vous en êtes sur le fait qu'on pourrait augmenter le nombre...

M. Tremblay (Richard): Améliorer les relations humaines à l'intérieur de...

M. Bédard: ...de sessions ou quoi? Vous n'en êtes pas sur le contenu.

M. Tremblay (Richard): C'est cela, le nombre de sessions, de périodes, le nombre de périodes à l'intérieur de lois et règlements. On ne travaille pas assez au niveau des relations humaines avec les futurs policiers.

M. Bédard: Si je comprends votre préoccupation sur l'amélioration de cet aspect, quand vous dites, par exemple, que les activités policières en 1979, à la page... Ce n'est pas numéroté. Vous dites: "Nos activités policiè'res en 1979 sont en pourcentage très élevé étrangères au contrôle du crime et au respect de la loi." Pourriez-vous donner des détails sur ce sujet?

M. Tremblay (Richard): Là-dessus, je me réfère à des études effectuées par des spécialistes, à la page suivante, que je vous ai mentionnées, mais il est chose très courante de voir un policier...

M. Bédard: Vous, par exemple, votre expérience... Là, je comprends que vous référez à des études qui ont été faites et tout cela, mais, au-delà de ces études, quelle est votre expérience personnelle?

M. Tremblay (Richard): II y a énormément d'appels où le policier se doit justement d'intervenir dans des problèmes de famille où souvent on n'a pas à intervenir avec des lois. Ce n'est pas d'hier, M. le ministre, vous le savez, même si la loi 24 existe depuis le 15 janvier, depuis longtemps, nous nous rendions dans des familles où le problème avec un juvénile était très important, où la po-

lice intervenait. Il n'y avait aucune procédure intentée au niveau de la Cour du bien-être social parce que l'enfant avait commis quelques erreurs. C'était un travail au niveau de la famille qui était très important. Le travail du policier nécessitait des interventions par des visites. Par la suite, il refilait des personnes ressources compétentes qui pouvaient permettre à cette famille de régler une fois pour toutes un problème. Personnellement, M. le ministre, je suis affecté à une section communautaire et je ne vous dis pas qu'en pourcentage, c'est une réussite à 100%, mais lorsque nous avons des problèmes sérieux avec des individus et que nous tentons de prendre le temps de nous asseoir et d'analyser le problème avec un individu... (16 h 15)

Régulièrement, nos autos-patrouilles doivent se rendre dans des débits de boisson pour des désordres. Ce sont les mêmes individus qui créent des problèmes. A certains moments, nous intervenons d'une façon communautaire et nous nous référons à des personnes-ressources. Les gens ne coûtent plus rien au niveau de la gestion policière en temps et en frais de cour. Il y a énormément d'appels où nous devons intervenir pour des problèmes de famille, des problèmes d'automobilistes mais qui ne touchent aucune loi sur le Code de la route, ou des choses comme cela. Cela prend énormément de formation pour en arriver à cela. Nous avons beaucoup de difficulté, lorsque nous avons un nouveau policier qui arrive, à lui expliquer la méthode à suivre. On lui explique la Loi de la protection du malade mental. Vous savez que des interventions auprès des malades mentaux, il y en a beaucoup, et il est important d'agir d'une façon vraiment professionnelle. Nous avons de jeunes policiers qui arrivent de l'école de police et qui nous disent: On n'a pas eu le temps de voir cela, ou on ne nous en parle pas à l'école de police, ou on effleure seulement le sujet. Il demeure quand même une chose, je me rends à un appel pour une altercation de famille, je sais pertinemment que j'aurai à faire face à un bonhomme qui est très agressif, pour bien des raisons. Je pense que la meilleure solution, si j'ai affaire à un bonhomme dangereux ou si j'ai un doute raisonnable de penser qu'il peut devenir dangereux pour lui ou pour les autres, c'est de prendre un moyen vraiment humain pour m'en occuper, et non pas de le mettre derrière les barreaux.

Par les années passées, je suis personnellement intervenu dans de tels incidents, et je vous dis que c'est important d'agir d'une façon professionnelle. Sans avoir suivi une formation supplémentaire à ce niveau, j'aurais brimé largement la liberté de tel individu en le mettant en prison et je n'aurais absolument rien réglé. Dans six mois, une autre auto-patrouille se serait rendue faire la même intervention et nous aurions recommencé et recommencé d'année en année en multipliant les difficultés, les dangers et les frais.

M. Bédard: Que pensez-vous du port d'arme des policiers dans l'exécution de leurs fonctions?

M. Tremblay (Richard): C'est bien évident que l'arme de service, c'est bien important, mais tout dépend à quelle section on est affecté. Je suis affecté à une section communautaire. Je vous avouerai que je ne couvre pas les appels pour vol à main armée, je ne couvre pas tous les appels pour suspects. Je ne porte pas mon arme, parce que je travaille au niveau des écoles, de la communauté, je fais partie d'une section communautaire. Pour ce qui est des policiers qui travaillent au niveau des appels, c'est bien évident qu'on a besoin d'une arme de service. Cela fait déjà plusieurs années que je travaille au niveau des écoles primaires. Lorsque j'entrais dans une école primaire, la première chose qu'un enfant me demandait, c'était: Richard, est-ce que tu veux me montrer ton fusil qui tue les voleurs?

Depuis quelques années, M. le ministre, cela les intéresse de moins en moins parce qu'on explique aux enfants que le fusil ne fait pas le policier. On tente de donner une éducation à nos jeunes, de les préparer et de les amener à avoir une opinion différente de la police. On met beaucoup d'emphase dans ce travail.

M. Bédard: Vous vous êtes beaucoup intéressé au domaine de la circulation, vous avez même certaines expériences que vous relatez, par exemple, dans le domaine concernant le patrouilleur en auto, sur la surveillance de la circulation. Est-ce que vous voyez la nécessité du port d'arme?

M. Tremblay (Richard): Oui, je vois la nécessité du port d'arme pour le policier qui travaille dans une auto-patrouille, qui répond à des appels, qui fait de la circulation, absolument. Lorsque je fais allusion à la dernière partie du mémoire, je fais allusion à cet agenda-radar. Mais, si on tourne autour de tout cela, on parle encore d'une approche et d'un contact humain avec l'automobiliste. Cela revient toujours à la même chose. Cet automobiliste qui aura un contact vraiment professionnel aura une tendance à collaborer avec la police, de quelque endroit que ce soit, à une éventuelle amélioration de la lutte à la criminalité, ou à quelque niveau que ce soit.

M. Bédard: D'ailleurs, votre mémoire est vraiment dans le sens d'une nouvelle approche, d'une préoccupation en fonction d'une approche, de l'amélioration de l'approche du policier par rapport au travail qu'il a à faire, par rapport aux citoyens qu'il a à rencontrer. C'est dans ce sens que je vous félicite de cette préoccupation que vous énoncez.

D'après l'expérience particulière que vous avez faite et que vous avez baptisée agenda-radar, pourrions-nous espérer que vous ayez des statistiques assez précises sur une longueur de temps déterminée?

M. Tremblay (Richard): Cela paraît peut-être drôle qu'un policier vienne, à cette commission, défendre les droits de l'automobiliste, du citoyen, etc. Je savais pertinemment bien que ma fédéra-

tion, représentée par M. le président Nadon, s'occuperait de faire valoir certains points de vue auxquels j'adhère avec beaucoup de plaisir, mais, au niveau de l'agenda-radar, M. Bédard, je ne dis pas que ce projet en est un qui est parfait, mais nous avons noté une amélioration des relations de travail avec nos automobilistes, nous avons eu une meilleure collaboration avec les media d'information. Je n'ai pas fait de radar hier, mais, avant-hier, j'ai fait une tentative; nous avons, depuis environ trois semaines, des enseignes qui indiquent, deux milles avant d'arriver au véhicule de police qui va vérifier votre vitesse, à une distance de 3000 pieds, une annonce qui est sur le gravier, près de la voie, et qui indique: Attention, nous vérifions votre vitesse au radar. L'individu entend onze fois par jour, à la radio, les annonceurs mentionner que la police les avise qu'elle est sur tel chemin. C'est bien évident, M. le ministre...

M. Bédard: Est-ce que l'individu en vient à être conditionné au point de croire qu'il y a des radars partout?

M. Lalonde: ... il n'y en a nulle part!

M. Tremblay (Richard): Je vais vous expliquer le principe, c'est très facile; lorsque, le matin, nous mentionnons aux media d'information que nous allons vérifier tel boulevard à telle rue, nous y allons à environ quatre à cinq rues par jour; évidemment, si je dis, à Sherbrooke, que je vérifie le boulevard Bourque, les gens qui demeurent dans la région de Sherbrooke savent très bien que le boulevard Bourque a douze milles dans un sens et douze milles dans l'autre. Alors, l'individu ne sait absolument pas à quelle intersection se trouve l'appareil, les annonces sont sur le bord de la chaussée: Nous vérifions aujourd'hui votre vitesse au radar; toutes les rues qui sont vérifiées ont des annonces, mais les gens ne savent pas à quel moment précis ils seront vérifiés. Par contre, la pancarte fait autant d'ouvrage que mon véhicule de radar, la radio fait autant de travail que mon véhicule de radar, parce qu'il faut quand même mobiliser du personnel, mais il faut aussi en laisser ailleurs. Vous savez, ce n'est pas le nombre de personnes que j'arrête qui est important, c'est le nombre de personnes qui ralentissent et qui respectent la vitesse permise; ça, c'est drôlement important. Le gars qui se fait arrêter chez nous et qui paie un billet d'infraction dit: Mea culpa, parce que j'avais tous les moyens nécessaires pour le savoir. Les relations n'en sont que meilleures, parce que j'en rencontre régulièrement et, lorsque les gens reçoivent une infraction sur un papier rose avec un nouveau calendrier, parce qu'ils l'ont sûrement perdu, ils disent: La prochaine fois, je le saurai et je ferai attention. Cela développe une amitié; sans charrier, ça développe des relations de travail beaucoup plus intéressantes pour le policier et l'automobiliste.

M. Bédard: Cela rend le citoyen plus respectueux.

M. Tremblay (Richard): C'est ça, parce que ce citoyen, moi, je le revois, j'ai affaire à lui, je lui demande sa collaboration pour des mouvements tels que parents-secours, je lui demande sa collaboration pour des mouvements tels qu'opération Volcan, pour le faire participer. Si je n'ai pas sa collaboration sur d'autres facettes, on perd royalement notre temps. C'est pour ça que je pensais qu'il était très pertinent de venir rencontrer la commission pour dire: Ecoutez, je suis d'accord sur certaines parties de la Loi modifiant la Loi de police; ma fédération, la Sûreté du Québec, la CUM font des recommandations sur des points très importants, mais il faut quand même avoir le point de vue du citoyen. J'ai rencontré des citoyens, on l'a analysé, on en a parlé et je vous le mentionne, je suis un peu le porte-parole de ces gens; je pense qu'il est important, au niveau du jeune policier, de le préparer et de mettre des méthodes appropriées à notre époque.

Lorsque je vous parlais tout à l'heure, M. le ministre, j'espère que ce ne seront pas les automobilistes qui seront taxés pour les nouveaux services de police qui seront bientôt mis en activité au Québec. Je suis très réaliste en vous disant ça, parce qu'il ne faut vraiment pas se le cacher, il y a des municipalités où la rentabilité du service de police est supportée par les infractions payées au radar. Ce serait malheureux que ce soient les automobilistes qui en subissent les frais d'une façon vraiment abusive; je ne trouverais pas ça normal. Je ne veux pas me faire ici le défenseur des automobilistes du Québec, absolument pas, mais je veux faire un travail professionnel et je pense que c'est en venant vous rencontrer que ça peut aider et je pense que tous les corps policiers devraient faire de même.

M. Bédard: Vous avez des préoccupations professionnelles qui vous honorent. Je vous remercie encore une fois de votre présence.

M. Tremblay (Richard): Merci. M. Lalonde: M. Tremblay.

Le Président (M. Clair): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je veux simplement vous remercier. Vous avez répondu aux questions du ministre et à plusieurs questions que j'avais. Il n'y a aucun doute, ne serait-ce que pour sensibiliser les membres de la commission et aussi la population en général, étant donné qu'il s'agit quand même d'une tribune, que votre intervention est fort valable en mettant l'accent sur l'aspect des relations humaines du policier qui doit nécessairement recourir à la répression de temps à autre, mais dont la prévention est devenue depuis quelques années un élément encore plus important qu'autrefois.

En ce qui concerne le radar, j'espère simplement que votre suggestion sera entendue par la Sûreté du Québec sur la route 20. Cela permettra

peut-être aux limousines des ministres de ralentir de temps en temps. J'espère que votre suggestion trouvera son écho à cet endroit.

Pour ma part, j'avoue qu'à première vue je trouvais cela un peu surprenant d'avertir les gens d'avance, mais après réflexion, vous vous trouvez à multiplier par un indice de je ne sais pas quel pourcentage l'efficacité de votre action. Vous en prenez moins, j'espère. On ne vous a pas posé cette question-là et vous n'y avez pas répondu. Est-ce que vous avez un nombre plus restreint d'infractions?

M. Tremblay (Richard): Je vais vous répondre que j'ai une diminution importante du nombre d'accidents. Je dois vous dire qu'avant-hier j'ai fait des opérations radar et j'en ai arrêté avec beaucoup de...

M. Lalonde: De regret?

M. Tremblay (Richard): ... d'honnêteté.

M. Lalonde: De regret et de peine?

M. Tremblay (Richard): Non, pas du tout de regret. Pas de regret parce qu'on ne peut pas regretter avec cette façon de travailler, je pense bien.

M. Lalonde: Comment...

M. Tremblay (Richard): Mais l'important...

M. Lalonde: ... distribuez-vous votre calendrier?

M. Tremblay (Richard): Ces calendriers ont été distribués par les media d'information et dans tous les commerces chez nous.

M. Lalonde: Ah bon!

M. Tremblay (Richard): Tout le monde allait dans les banques et pouvait en trouver. On en a distribué seulement 10 000 et nous en avons manqué. Selon une petite statistique que nous avons établie à la fête de la Confédération, 247 véhicules ont été arrêtés en deux jours, 86% étant des gens de l'extérieur. Ce qui veut indiquer que les gens de mon coin, Sherbrooke, Magog, Lac-Mégantic, ne se font pas arrêter sur le boulevard Bourque.

M. Lalonde: Cela peut prouver qu'ils étaient dans d'autres régions aussi pour la fête.

M. Tremblay (Richard): Oui, mais...

M. Lalonde: Vous savez, les statistiques, on peut leur faire dire n'importe quoi.

M. Tremblay (Richard): Oui, on peut les faire parler. Je peux quand même vous assurer, M. Lalonde, qu'au niveau des accidents mortels chez nous, le taux a diminué en importance ainsi qu'au niveau des accidents avec blessés. Pour moi, cela veut dire quelque chose. Soyez assuré que je ferai parvenir aux autorités des statistiques à cet effet. Je le répète et je pense que c'est très important: je ne suis pas venu ici pour détendre la commission et vous permettre de vous relaxer un peu. Je suis très sérieux dans les avances que j'ai dites devant vous aujourd'hui. Je pense qu'il est très important qu'elles soient prises en considération. Pour moi, l'important, c'est que sur les routes du Québec, cela circule très bien. Je ne tiens absolument pas à ce que des policiers, dans tel patelin, parce qu'ils sont obligés de donner des billets d'infraction, pénalisent en abusant certains automobilistes qui vivent chez nous parce que c'est moi qui vais travailler avec ces automobilistes demain et j'aurai besoin de leur collaboration éventuellement. C'est à cet effet-là que j'ai peur et je suis inquiet.

M. Lalonde: Je vous remercie... M. Tremblay (Richard): Merci.

M. Lalonde: ... très sincèrement et si on a pu voir certains sourires, ce n'était pas parce qu'on ne prenait pas vos recommandations au sérieux. Je vous remercie encore une fois.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. M. Tremblay, je dois tout d'abord vous remercier de votre mémoire au nom de l'Institut de police. Je pense que vous en faites des éloges tout à fait particuliers, d'autant plus qu'on sait que cet Institut de police a été mis en place en 1969 par un gouvernement de l'Union Nationale.

M. Bédard: Ce doit être pour cette raison. M. Fontaine: Oui, c'est cela.

M. Lalonde: Quand on est rendu à aller dix ans en arrière, pour être en mesure d'invoquer des choses. (16 h 30)

M. Fontaine: Non, non. Cela prouve que les institutions qu'on a mises en place ont encore leur raison d'être.

M. Lalonde: Qu'est-ce que vous avez fait en 1939?

M. Fontaine: On a fait bien des choses en 1939.

M. Bédard: Cela prouve qu'on a amélioré l'instrument.

M. Fontaine: D'autant plus que l'Institut de police est situé dans mon comté; alors, j'en suis tout à fait honoré.

M. Lalonde: Cela, ça parle fort.

M. Fontaine: Je voudrais revenir sur la question de l'agenda-radar. Vous notez dans votre mémoire qu'on a quand même des accidents assez considérables au Québec et qu'ils sont dus surtout à des vitesses excessives. Vous avez fait la liste des causes d'accidents. D'un autre côté, vous me dites qu'avec votre système d'agenda-radar, en avertissant les automobilistes à l'avance, vous effectuez moins d'arrestations, qu'il y a moins d'accidents et qu'on circule moins vite. Je suis bien d'accord avec vous. Cela améliore aussi les relations avec la clientèle, si on peut appeler ça une clientèle.

Ce qu'on remarque, vous l'avez dit tantôt, c'est que ce sont surtout les visiteurs qui se font prendre parce qu'ils ne sont pas au courant du système. Ce qu'il serait peut-être intéressant de noter, vous n'en avez pas parlé c'est si vous avez fait des expériences parallèles, à savoir d'installer un véhicule lorsqu'il n'y a pas d'avertissement donné pour savoir si les gens continuent à respecter la limite de vitesse, même s'il n'y a pas d'avertissement ou s'ils se font prendre plus lorsqu'il n'y a pas d'avertissement? Est-ce que vous avez fait cette expérience?

M. Tremblay (Richard): D'abord, je vais vous mentionner que c'est vrai, lors de l'analyse que j'ai effectuée le 1er juillet, le jour de la fête de la Confédération, 86% des gens étaient de l'extérieur. Pour ce qui est de l'agenda-radar, j'expliquais le principe à M. Lalonde tout à l'heure, je tente, par l'entremise des media d'information, la présence de deux véhicules sur le chemin, mon intercepteur et celui qui vérifie, et par les enseignes sur le bord de la chaussée de multiplier les efforts de mon service de police. En aucun temps, c'est évident que sur un chemin de douze milles de long, je ne dirai: Je serai à 10 h 12 stationnaire au coin de telle rue et telle rue. Par contre, l'individu qui sait que la journée en rouge et qu'il y a un radar va faire attention toute la journée parce qu'il ne sait pas à quel moment l'appareil va être en vérification.

Deuxième chose, nous avons constaté que les journées en bleu, nous avions moins d'accidents.

M. Fontaine: Donc, le rouge est plus dangereux que le bleu.

M. Tremblay (Richard): Le rouge, c'est signe que la majorité des gens qui ne font pas attention ce ne sont pas des gens de notre coin et les gens qui ont des accidents, ce sont des gens qui viennent de l'extérieur. Je pousserai quand même l'analyse de cette expérience très à fond, parce que je suis en train de travailler là-dessus. Je ne peux pas vous donner ça seulement depuis le mois de mai jusqu'à aujourd'hui, mais je pense que, d'ici à la fin des opérations pour novembre, je serai capable de vous donner en détail les heures et que je pourrai évaluer les heures plus difficiles que nous avons rencontrées.

Chose certaine, c'est que nous avons développé chez les gens une collaboration que nous ne connaissions pas auparavant. Les gens disent: Les gars sont corrects, on va essayer de collaborer avec eux. On les arrête, on leur explique qu'il n'y a vraiment pas de possibilité de s'en sortir. Que voulez-vous, on n'est pas pour leur donner un cadeau de Noël quand on les arrête! Par contre, il n'y a absolument personne qui est toléré et les gens comprennent; la collaboration va très bien.

M. Fontaine: Je comprends. Ce que vous essayez de faire, c'est d'éduquer la population à respecter les limites de vitesse. Ce que j'aimerais que vous nous disiez, c'est si vous avez fait des expériences lorsqu'il n'y a pas d'avertissement. Est-ce que les gens continuent à respecter les limites de vitesse? C'est pour savoir si votre système est efficace.

M. Tremblay (Richard): On n'a pas de statistiques là-dessus actuellement. Mais je peux vous dire que, depuis l'an passé, depuis janvier, les accidents mortels ont baissé, une grosse baisse et aussi les accidents avec blessés. Pour moi, cela parle beaucoup. C'est très important. C'est drôlement important qu'il n'y ait pas de morts à noter à cause de la vitesse chez nous. C'est très important.

L'individu qui se fait arrêter d'une façon cavalière dans un autre endroit parce que les gens travaillent d'une façon camouflée, cela me crée des problèmes éventuellement pour la collaboration de ce bonhomme sur d'autres points de vue policiers dont j'ai besoin. Je ne suis pas policier jusqu'à la semaine prochaine, je suis policier pour plusieurs années et l'orientation de la police change et elle va changer encore beaucoup, alors je pense pour demain.

M. Fontaine: Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci M. Tremblay, au nom des membres de la commission, pour la présentation de votre mémoire.

Communauté urbaine de Montréal

J'appellerais maintenant la Communauté urbaine de Montréal, représentée par Me Guy La-france, conseiller juridique.

M. Lafrance (Guy): M. le Président, permettez-moi, au départ, de souligner un amendement qui a été apporté au mémoire que nous avons distribué d'avance, principalement aux pages 6, 7 et 8 qui ont été modifiées. J'ai fait des photocopies complètes du mémoire que j'ai remis au secrétaire. De plus, j'aimerais excuser l'absence du directeur qui aurait voulu être présent aujourd'hui pour vous présenter lui-même son mémoire, mais, malheureusement, il est retenu à l'extérieur du Québec.

Quoique le service de police de la Communauté urbaine de Montréal soit régi par un texte de loi spécifique, la Loi de police nous concerne directement. La définition proposée au terme

"municipalité" sert d'exemple. Ainsi, la référence à la Loi de police contenue au deuxième alinéa de l'article 349 de la Loi de la Communauté urbaine de Montréal deviendrait répétitive. Toutefois, nous limiterons nos commentaires aux articles du projet de loi qui nous affectent d'une façon plus immédiate, laissant à d'autres le soin d'examiner les dispositions du projet de loi qui les concernent plus particulièrement.

L'article 2. Cet article prévoit l'addition de trois articles à l'article 2 de la Loi de police. Nous commentons l'article 2b proposé. A notre avis, le texte de cet article accorde un pouvoir illimité à la commission pour obtenir des renseignements même personnels sur des agents de la paix. Ce texte nous apparaît trop vague et permettrait une intrusion possible et non désirable dans la vie privée des policiers. Les policiers, comme tous les autres citoyens, ont droit à la protection de leur vie privée. Nous sommes d'opinion que le texte de loi devrait préciser le type de renseignements susceptibles d'être demandés, sans toutefois tomber dans un excès contraire et prescrire des critères stériles. Ainsi, nous croyons que les seuls renseignements ayant trait à l'exécution des fonctions d'agent de la paix peuvent faire l'objet d'une enquête.

A la lumière de ce qui précède, nous suggérons que l'article 2b soit rédigé dans les termes suivants: "Toute personne qui appartient à une catégorie d'agents de la paix désignée par règlement du lieutenant-gouverneur en conseil doit fournir à la commission les renseignements ayant trait à l'exécution de ses fonctions d'agent de la paix prévus par ce règlement en la manière qui y est prescrite." Cet amendement renforcerait le principe déjà énoncé à l'article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne. Il n'y a pas de citoyen de seconde zone. Les policiers doivent bénéficier des mêmes droits que les autres citoyens. En plus, cet amendement éliminerait toute équivoque sur l'intention du législateur de retirer ou de maintenir un droit fondamental des policiers et préciserait les limites à l'intérieur desquelles les policiers seraient tenus de répondre. Ainsi, les policiers ne pourraient pas plaider ignorance.

Article 3. Dans sa version actuelle, l'article 3 du projet de loi transporte l'infraction créée au dernier alinéa de l'article 6 de la Loi de police à l'article 82a. Nous suggérons plutôt d'ajouter un paragraphe à l'article 6 proscrivant la participation partisane lors d'une consultation populaire telle que prévue par la Loi sur la consultation populaire. Présentement, l'article 6 de la Loi de police interdit aux policiers d'exercer une activité électorale partisane. Les opinions varient quant à savoir si le texte prévoit une activité partisane lors d'une consultation de la population au sens de la Loi sur la consultation populaire. Il nous semble avantageux que le législateur élimine toute ambiguïté à ce sujet.

Nous sommes d'avis que les motifs qui ont engendré la rédaction de l'article 6 de la Loi de police s'appliquent également dans le cas de consultations populaires. Nous croyons que les consultations faites en vertu de la Loi sur la consultation populaire sont susceptibles de soulever des passions politiques encore plus émotives que lors d'élections. Les policiers, en tant qu'officiers publics, doivent demeurer neutres aux yeux du public. Leur image doit être imprégnée de la plus complète intégrité. Il faut absolument éviter qu'on puisse les associer à quelque groupement que ce soit. En conséquence, nous proposons l'amendement suivant à l'article 3 du projet de loi no 48: "L'article 6 de ladite loi, modifié par l'article 3 du chapitre 2 des lois de 1970, est de nouveau modifié par le remplacement du troisième alinéa par le suivant: "Les cadets et membres de la Sûreté, de même que les cadets et policiers municipaux ne peuvent être membres sympathisants ou associés de quelque façon à un comité national établi en vertu de la Loi sur les consultations populaires. De plus, ils ne peuvent se livrer à aucune activité partisane, lors de la période référendaire, tel que définie par ladite loi."

Cet amendement ne concerne pas les cas de référendums qui pourraient être décrétés en vertu de la Loi des cités et villes, du Code municipal, de la charte d'une ville ou d'une autre loi. Il n'empêche pas, non plus, les policiers de voter à l'occasion de consultations populaires.

L'article 15 vise à remplacer les articles 22a à 22c de la Loi de police. Nous sommes particulièrement intéressés par l'article 22c proposé.

Nous ne pouvons qu'applaudir cette reconnaissance implicite du législateur de la nécessité de protéger les informateurs. Vraisemblablement, cet article a également pour but de protéger les individus qui désirent fournir des renseignements, tout en gardant l'anonymat.

On y reconnaît ainsi la possibilité de recueillir des témoignages de façon confidentielle. De plus, on statue que ces renseignements ne peuvent être utilisés de manière à révéler l'identité de l'informateur.

Toutefois, ces dispositions nous semblent contrevenir en quelque sorte aux principes énoncés à l'article 22a proposé, permettant à une personne mise en cause par l'enquête de contre-in-terroger et de présenter des témoins.

De plus, il nous apparaît souhaitable, afin de limiter toute forme de critique, que le texte de l'article 22c précise clairement que l'utilisation de l'audition doit se faire exceptionnellement.

Ce texte de loi rejoindrait ce qui serait sûrement la pratique devant la commission créée aux termes de l'article 19 de la Loi de police.

L'article 17 prévoit le remplacement de l'article 24 de la Loi de police par les articles 24, 24a, 24b, 24c, et 24d. L'un des buts du projet de loi est de permettre une uniformisation des codes de déontologie et de discipline des policiers du Québec. Le service de police de la Communauté urbaine de Montréal a déjà son règlement sur la déontologie et la discipline, adopté en vertu de l'article 235 de la Loi de la Communauté urbaine de Montréal.

Notre règlement sur la déontologie et la discipline est en vigueur depuis le 14 juin 1978. Ce

règlement prévoit la possibilité d'auditions disciplinaires devant deux instances tout à fait différentes. Toutefois, l'article 24 ne propose une suspension des procédures que dans le cas d'une seule des deux instances, le comité de discipline.

Il y aurait donc lieu d'éviter de parler à l'article 24 d'un comité de discipline, puisqu'on ne se réfère qu'à un seul volet de la procédure disciplinaire. Il nous apparaît préférable de parler tout simplement d'instance disciplinaire.

Etant donné que notre règlement sur la déontologie et la discipline des policiers prévoit que la procédure disciplinaire débute par une accusation disciplinaire, nous croyons préférable de ne pas parler d'enquête, mais plutôt d'accusation devant une instance disciplinaire, et ceci dans le but de faire concorder les deux textes. Afin d'éviter des problèmes sur le plan pratique, nous suggérons que la Commission de police ait le devoir de faire parvenir à l'organisme impliqué un avis écrit indiquant qu'elle poursuit une enquête. De plus, la loi doit prévoir que, sur réception d'un tel avis, l'organisme impliqué doit surseoir à toute procédure.

A cette fin, nous suggérons le texte suivant qui deviendrait l'article 24 de la Loi de police, incorporé par l'article 17 du projet de loi: "La commision peut refuser d'entreprendre ou de poursuivre une enquête en vertu de l'article 20, si le membre de la Sûreté ou le policier municipal sur lequel elle enquête est, par les mêmes faits, l'objet d'une accusation devant une instance disciplinaire instituée conformément à un règlement adopté en vertu du deuxième alinéa de l'article 17, de l'article 47a ou de l'article 235 de la Loi de la Communauté urbaine de Montréal. "Toutefois, sur réception d'un avis écrit de la commission adressé au directeur du corps de police concerné, à l'effet qu'elle poursuit son enquête, nulle procédure ne peut être entreprise ou poursuivie devant une instance disciplinaire".

De plus, nous tenons à souligner que la Loi de la Communauté urbaine de Montréal prévoit deux paliers décisionnels distincts en matière disciplinaire, à savoir le Conseil de sécurité, pour les policiers qui ne sont pas des salariés au sens du Code du travail, et le directeur du service de police, pour les policiers qui sont des salariés au sens du Code du travail.

Nous offrons notre collaboration aux légistes du gouvernement, afin de voir, au point de vue technique, à l'harmonisation des deux régimes disciplinaires, soit celui de la Loi de police et celui de la Communauté urbaine de Montréal, qui est complet en lui-même.

A titre d'exemple, l'article 30 du projet de loi qui modifie l'article 63 de la Loi de police devrait être modifié pour que le mot "municipalité" inclue le Conseil de sécurité publique. (16 h 45)

Enfin, le service de la police de la Communauté urbaine de Montréal profite du fait que cette commission parlementaire examine les dispositions de la Loi de police du Québec pour suggérer un amendement à l'article 58 de la Loi de police, relativement au pouvoir d'arrestation en matière de contravention à un règlement municipal. Les li- mites imposées au pouvoir d'arrestation sans mandat par l'article 58 nous apparaissent justifiées. Toutefois, il y a des cas de contravention à des règlements municipaux pour lesquels il n'y a pas de pouvoir d'arrestation sans mandat selon le droit actuel et il nous apparaît souhaitable que ce pouvoir soit accordé. Tel est le cas du contrevenant qui refuse de donner son nom et son adresse à un policier qui lui demande de s'identifier, de façon à pouvoir le poursuivre en justice et remplir ses obligations légales.

La Cour suprême du Canada s'est déjà prononcée sur une question semblable dans un arrêt maintenant connu, l'arrêt Moore. La Colombie-Britannique est le lieu d'origine de cette cause. Le jugement de la Cour d'appel de cette province conclut que le refus de s'identifier constitue une entrave à un agent de la paix aux termes de l'article 118 du Code criminel. Les policiers pouvaient donc procéder à l'arrestation en application de l'article 449 du Code criminel. Pour décider du litige, la Cour suprême a préféré utiliser des textes de loi qui n'ont pas leur pendant au Québec. Peut-on appliquer le jugement de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique au Québec sans compliquer la tâche du policier qui doit intervenir pour une simple contravention à un règlement municipal? Est-il raisonnable d'occasionner à un citoyen de se retrouver devant les tribunaux face à une accusation d'entrave à un agent de la paix en vertu du Code criminel, après avoir été détenu pour une période de temps à la suite d'une contravention souvent minime? Le remède utilisé n'apparaît-il pas disproportionné par rapport au mal diagnostiqué?

C'est pourquoi nous croyons que l'article 58 de la Loi de police devrait prévoir une obligation pour le citoyen pris à commettre une infraction à un règlement municipal de s'identifier au policier qui intervient. A cet effet, nous nous permettons de suggérer le texte suivant pour l'article 58 de la Loi de police: "Nonobstant toute disposition inconciliable de la charge d'une municipalité, nul ne peut être arrêté pour avoir commis une infraction à la Loi des cités et villes, au Code municipal, à la charte d'une municipalité ou à un règlement municipal, à moins qu'un mandat n'ait été délivré à cette fin par un juge de paix. Toutefois, tout policier municipal peut arrêter sans mandat toute personne qu'il trouve en train de troubler la paix, l'ordre, la santé ou la sécurité publique, contrairement à un règlement municipal. Le policier municipal, croyant pour des motifs raisonnables et probables qu'une contravention à un règlement municipal a été commise peut requérir de la personne soupçonnée de la contravention, dans le but de déposer une dénonciation, qu'elle s'identifie. A défaut de ce faire, la personne à qui a été intimé l'ordre de s'identifier pourra être arrêtée sans mandat. Toute personne arrêtée par un policier municipal pour une infraction visée au présent article doit être traduite sans retard devant le tribunal compétent."

En bref, le texte proposé circonscrit le cas où un policier peut demander l'identification d'une personne et prescrit que ce doit être dans le but

de déposer une dénonciation. Le genre de règlement municipal n'est pas restreint. Le refus d'un citoyen d'obtempérer à l'ordre de s'identifier ne constitue pas une infraction supplémentaire. Considérant que, sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal et ailleurs au Québec, les policiers ont le devoir de poursuivre en justice les auteurs de contraventions aux règlements municipaux, il nous apparaît que ce pouvoir conféré au policier et cette obligation faite au citoyen sont essentiels à l'application de la réglementation municipale. Quelle serait l'utilité de créer des obligations pour les policiers si, parallèlement, on ne leur accordait pas les instruments nécessaires à l'accomplissement de ces tâches? A notre avis, l'instrument recherché n'est pas abusif. Il correspond précisément et essentiellement à un besoin. Je vous remercie, M. le Président, de m'avoir offert le privilège de soumettre ce mémoire.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Lafran-ce. M. le ministre.

M. Bédard: M. Lafrance, nous vous remercions de votre contribution aux travaux de cette commission parlementaire, au nom du service de police de la Communauté urbaine de Montréal, concernant certains articles précis auxquels vous faites allusion dans votre mémoire. Concernant l'article 2b, vous avez soulevé certaines interrogations que d'autres qui vous ont précédé ont soulevées également. Je puis vous dire que l'intention du législateur n'est pas de se permettre une intrusion possible et non désirable, comme vous le dites, dans la vie des policiers et nous partageons votre opinion en disant qu'il y aurait lieu de préciser le type de renseignements qui pourraient être demandés sans toutefois, comme vous le dites dans votre mémoire, tomber dans un excès contraire et prescrire des critères stériles.

Nous vous remercions également de votre offre de collaboration qui est exprimée à la page 7 de votre mémoire, collaboration aux fins d'harmoniser les deux régimes disciplinaires, celui de la Loi de police et celui de la Communauté urbaine de Montréal. Je pense qu'il y a lieu, effectivement, de faire en sorte qu'il n'y ait aucune ambiguïté possible. Nous nous attarderons à certains amendements qui peuvent être apportés aux fins de préciser les articles du présent projet de loi.

Quant à l'article 3 qui concerne les consultations populaires, effectivement, comme vous le dites, l'état actuel de la situation, avec la loi 92, permet aux policiers de participer à une consultation populaire. Vous demandez au législateur d'interdire cette possibilité de participation des policiers lors d'une consultation populaire, de la même façon qu'il est interdit aux policiers d'exercer une activité électorale partisane, en fonction de l'article 6. Nous allons prendre ce point en considération.

Je serais porté à vous poser au moins une question à cet égard. Est-ce que vous désirez que les policiers ne soient habilités à participer à aucune consultation populaire? A un point tel que s'il y avait une consultation populaire sur la peine de mort, par exemple, est-ce que vous pensez que les policiers doivent être absents du débat? J'interprète la consultation populaire, au sens de la loi 92, comme n'étant pas une activité partisane, mais un grand débat sur une question précise. S'il y avait une consultation populaire sur l'énergie, est-ce que vous pensez que les policiers devraient être écartés du débat? Autrement dit, l'essentiel de votre mémoire, c'est que les policiers soient inhabiles, en fonction de l'application de la loi 92, concernant...

M. Lafrance: On s'est posé la même question que vous nous posez, M. le ministre. La réponse à laquelle on en vient, c'est qu'on est dans l'impossibilité de définir des catégories de consultations populaires auxquelles les policiers devraient participer, et d'autres catégories auxquelles ils ne devraient pas participer. Nous considérons que lorsque deux positions distinctes, avec des mécanismes tels que prévus par la loi, permettent de faire une opposition entre deux parties, cela implique nécessairement, au niveau policier, une non-neutralité. Nous croyons que les policiers comme tels devraient, dans tous les cas, être neutres, et voir plutôt au bon déroulement de la consultation populaire, que d'être parties à l'une ou à l'autre des deux parties en cause.

Pour cette raison, évidemment, on a pensé à la question de la peine de mort, aussi, sur laquelle déjà des policiers ont manifesté certains désirs, ou du moins appuyé certaines recommandations; nous croyons qu'il est différent de faire des recommandations devant une commission parlementaire et de participer activement, au niveau du public, à des consultations populaires. Dans ce sens, nous croyons qu'il n'y a pas lieu que les policiers participent à des consultations populaires quelles qu'elles soient puisqu'il nous est impossible de définir les catégories d'une façon précise.

M. Bédard: Nous allons prendre vos représentations en considération.

Je n'ai pas d'autres questions étant donné que les autres sujets ont déjà été abordés dans d'autres mémoires.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je veux remercier le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal pour son mémoire qui est très spécifique et qui est très bien supporté par une augmentation élaborée.

Quant au premier point soulevé, à savoir le pouvoir illimité de la commission pour obtenir des renseignements, je suis d'accord avec vous que la loi, et non pas les règlements, devrait contenir des balises qui permettent de savoir quels renseignements doivent être donnés par les policiers. Nous allons, lors de l'étude article par article de ce projet de loi, tenir compte, au nom de l'Opposition officielle, de cette suggestion.

En ce qui concerne l'article 3, j'aurais peut-être une question à savoir si l'interdiction de participer à des activités électorales partisanes, qui existe actuellement dans cette loi, à l'article 6, ne tient pas plutôt à une question de protection de l'indépendance du policier à l'égard des pouvoirs politiques qu'à l'expression de ce que vous appelez "les passions politiques", même plus émotives peut-être lors d'une consultation populaire que lors d'une élection. Au fond, la raison d'être de cette interdiction, c'est de protéger l'indépendance du policier à l'égard des pouvoirs politiques. Mais, si vous avez une consultation populaire sur la question de l'avortement, par exemple, sur un concept à savoir si la population le favorise ou non, ne croyez-vous pas que le policier pourrait fort bien, sans nuire à son indépendance, exprimer ses opinions?

M. Lafrance: C'est que la Loi sur la consultation populaire, qui est effectivement basée sur la Loi électorale en grande partie, divise les clans en deux partis distincts, contrairement à une consultation populaire où on pourrait tout simplement, en vertu de la Loi des cités et villes, faire un appel à la population pour connaître son point de vue. Dans ce cas, on les structure; il y a une structure qui est faite de deux partis distincts et, dans ce sens, on trouve que ça rejoint en partie la Loi électorale, dans la forme de rédaction du texte de loi et dans ses mécanismes. Donc, selon le même principe du pouvoir politique qui pourrait s'appliquer au niveau policier, il est évident que le gouvernement en place favorisera une position ou une autre en allant chercher son information. C'est dans ce sens qu'on veut éviter que le pouvoir policier soit aussi non pas à la solde, mais soumis un peu au pouvoir politique. C'est que déjà la loi, telle qu'elle est rédigée, le structure en deux partis distincts.

M. Lalonde: Autrement dit, votre inquiétude tient sa pertinence simplement dans l'hypothèse où une consultation populaire verrait le gouvernement, comme gouvernement, prendre position en faveur de l'une ou l'autre option. Si on se réfère, par exemple, à la consultation populaire de l'Angleterre pour le Marché commun, des membres du parti gouvernemental — à ce moment, c'était le Parti travailliste — ont fait partie des deux clans, le "oui" et le "non".

M. Lafrance: Oui, je suis d'accord, mais il ne faudrait jamais oublier que, au niveau policier, il y a aussi une impartialité. Si vous avez une consultation populaire et que cette consultation populaire, à cause du débat en cours, entraîne des manifestations, entraîne des gens à aller sur la place publique pour discuter, vous avez aussi des agents de la paix qui vont aller faire la surveillance et assurer le bon ordre. Si eux sont partisans du clan qui manifeste, à ce moment vous risquez, s'ils sont affichés publiquement en faveur de ce clan, qu'ils n'aient plus l'indépendance voulue pour faire respecter la paix et l'ordre publics. Les deux aspects entrent en ligne de compte danser 7 heures)

M. Lalonde: Je vous remercie de votre explication. Je pense que cela donne un détail additionnel. Pour les autres questions, je pense qu'elles sont d'ordre assez technique, concernant la structure même du processus disciplinaire de la Communauté urbaine. Je n'ai pas d'autres questions et je vous remercie de votre contribution.

M. Lafrance: Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir sur cette même question. Si je comprends bien en lisant votre mémoire, ce que vous voulez, c'est vous abstenir de participer au débat, mais vous ne voulez quand même pas obliger les policiers de la Communauté urbaine à ne pas voter lors du référendum.

M. Lafrance: Aucunement. M. Fontaine: D'accord.

M. Lafrance: Nous n'avons aucune objection à ce que les policiers votent comme ils votent lors d'une élection municipale, provinciale ou fédérale.

M. Fontaine: Pouvez-vous nous dire — je vois que M. Masse est présent en arrière — si vous avez...

M. Lafrance: II n'est sûrement pas d'accord.

M. Fontaine:... consulté l'Association des policiers avant d'émettre une telle opinion? On a vu tout à l'heure, lors de la présentation de l'autre mémoire, que l'Association des policiers provinciaux demandait le contraire.

M. Lafrance: II est bien évident que nous n'avons pas consulté l'association et la Fraternité des policiers de la CUM pour rédiger cette partie du mémoire et aucune partie du mémoire d'ailleurs. Je pense que les deux mémoires reflètent des prises de position qui sont nettement opposées sur ce sujet.

M. Fontaine: D'accord. Un dernier point. A la page 9 de votre mémoire, vous demandez le pouvoir de faire des arrestations sans mandat. Vous dites au quatrième paragraphe: "Est-il raisonnable d'occasionner à un citoyen de se retrouver devant les tribunaux face à une accusation d'entrave à un agent de la paix, en vertu du Code criminel, après avoir été détenu pour une période de temps à la suite d'une contravention souvent minime?" En fait, ce que vous demandez, c'est de pouvoir effectuer une arrestation sans mandat.

M. Lafrance: Oui, mais ce qu'on ne veut pas, c'est d'être obligé de porter une accusation en vertu du Code criminel supplémentaire à une infraction minime, à supposer que le citoyen qui a traversé à une intersection sur un feu rouge pourrait être passible d'une infraction. Il n'y a aucune obligation pour lui de s'identifier. Donc, s'il refuse de s'identifier, le policier va l'accuser d'avoir commis une entrave à un agent de la paix et il va le garder en cellule pendant une nuit. Cela lui fait deux accusations: une municipale qui est minime en soi et une qui commence à être beaucoup plus grave en vertu du Code criminel. Nous croyons que la deuxième n'est pas justifiée. Le pouvoir d'arrestation pourrait être conféré dans ces cas-là, mais, au moins, qu'on ne taxe pas le citoyen inutilement d'une infraction criminelle pour une infraction aussi minime à un règlement municipal.

M. Fontaine: D'accord. C'est tout.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Lafrance.

M. Lafrance: Merci.

Le Président (M. Boucher): Au nom des membres de la commission, je vous remercie de la présentation de votre mémoire. J'appelle immédiatement M. René Bellerose, s'il veut bien présenter son mémoire. Allez-y, M. Bellerose.

M. et Mme René Bellerose

M. Bellerose (René): M. le Président, avant de débuter, est-ce que je pourrais demander la protection de la commission parlementaire, s'il vous plaît?

Le Président (M. Boucher): Dans quel sens? Est-ce que c'est relatif à votre mémoire?

M. Bellerose: Dans le sens que les paroles ou enfin... Compte tenu que pour une partie, l'implication de mon nom sur le sujet traité pourrait porter à croire que je veux traiter de choses qui sont sub judice quand tel n'est pas le cas.

Le Président (M. Boucher): Si vous traitez de choses sub judice...

M. Fontaine: Question de règlement.

Le Président (M. Boucher): Oui, M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Je pense que si vous aviez l'occasion de fouiller dans les décisions qui ont été rendues lors d'une commission parlementaire par l'ex-vice-président de la Chambre, M. Cardinal, vous verriez qu'il y a une décision qui porte sur ce sujet, qui permettait effectivement à un témoin de demander la protection de la commission parlementaire.

Le Président (M. Boucher): Alors, il y a un précédent?

M. Bédard: Je pense qu'il veut dire la protection de la cour.

M. Fontaine: Ce que je crois comprendre que le témoin demande, c'est de permettre que ce qu'il va dire ici aujourd'hui ne puisse pas servir devant les tribunaux judiciaires.

Le Président (M. Boucher): Je pense qu'à ce moment-là, la protection qui peut être accordée, c'est tout simplement que les paroles que monsieur va dire ici, qui sont quand même consignées au journal des Débats, pourraient être invoquées par les personnes qui vont témoigner, si cela se présente devant une cour.

M. Fontaine: C'est justement ce qu'il vous demande, que cela ne puisse pas servir devant une cour.

M. Bédard: M. le Président désirerait prendre une minute ou deux pour consulter pour cette décision?

Le Président (M. Boucher): On suspend pour cinq minutes.

M. Bellerose: M. le Président, mon intention n'est pas de traiter des aspects ou des opinions, ou de donner des appréciations pour ce qui est sub judice. Je ne voudrais pas que ce soit interprété comme ça et c'est dans ce sens que...

M. Lalonde: Si vous ne voulez pas que ce soit interprété comme ça, ça ne le sera pas. La seule chose dont on ne peut pas vous protéger, c'est le gouvernement. Prenez vos risques.

M. Bédard: II n'a pas à se protéger contre le gouvernement, il n'y a pas d'inquiétude là-dessus. C'est plutôt l'implication vis-à-vis d'une cour de justice.

M. Bellerose: Mon but est de participer pleinement à la commission par des recommandations.

Le Président (M. Boucher): Si on s'en tient au texte du mémoire, je n'y vois rien...

M. Bellerose: Quand arrivera...

Le Président (M. Boucher): ... de compromettant.

M. Bellerose: C'est ça. S'il arrive des questions qui seraient biaises et que je ne saurais pas voir le biaisé des questions, je ne voudrais pas être pris dans une trappe chaude.

M. Bédard: Ce que vous avez à nous dire est-il contenu dans votre mémoire?

M. Bellerose: C'est ça. C'est en rapport avec les questions postérieures qui pourraient venir.

M. Bédard: Si vous vous limitez à votre mémoire, c'est parfait.

M. Fontaine: Ce qu'on pourrait suggérer au témoin, c'est que si jamais il y avait une ou des questions auxquelles il pense ne pas devoir répondre, il aurait toujours la possibilité de s'abstenir ou de demander la protection de la commission.

Le Président (M. Boucher): Justement, si on vous pose des questions où vous sentez un danger possible, vous pouvez refuser de répondre.

M. Bellerose: C'est ça, pour éviter que mon intervention soit interprétée comme une ingérence dans le cours normal de la justice.

Le Président (M. Boucher): Si cela tient compte de ce que vous dites dans votre mémoire, il n'y a rien qui exige la protection...

M. Bellerose: Je vous remercie, M. le Président.

M. le Président, M. le ministre de la Justice, MM. les membres de la commission parlementaire, nous apprécions hautement l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui de vous communiquer certaines de nos représentations sur le projet de loi no 48, Loi modifiant la Loi de la police et visant notamment à accroître la juridiction et le pouvoir d'enquête de la Commission de police.

Nos motivations et objectifs. C'est en tant que citoyens que nous présentons aujourd'hui ce mémoire, en tant que citoyens qui ont eu l'occasion de participer, à titre de témoins, à une enquête de ladite commission et où il nous fut permis d'évaluer plus à fond et les avantages et les désavantages qui affectent le citoyen qui a ainsi recours au service de cet organisme.

Nos observations porteront plus précisément sur les sections II et sous-sections I, II et III. Vous voudrez bien alors comprendre et accepter que nous limitons nos observations et nos recommandations plus particulièrement aux articles qui visent les relations entre les policiers, les citoyens et la Commission de police du Québec, parce que la mesure de nos moyens nous y oblige en premier lieu et que, de plus, nous jugeons préférable de nous abstenir de traiter des autres articles, préférant laisser ce soin aux organismes et personnes plus qualifiés en ce sens pour nous en tenir seulement au sujet où une connaissance implicite nous autorise à intervenir avec pertinence.

Nos considérations sur la formation, la composition et le quorum de la Commission de police du Québec. Nous sommes d'accord avec l'esprit de la loi, à savoir que, dans sa formation et sa composition, il soit prévu que le président de la commission soit choisi parmi les juges, tel que précisé. Toutefois, compte tenu du nombre grandissant de demandes d'enquêtes de toutes sortes provenant du public, nous déplorons le fait que ni la loi, ni le projet de loi ne contiennent quelque stipulation garantissant, au niveau de la formation, de la composition et du quorum de la commission, la présence d'un citoyen n'ayant aucune affiliation passée ou présente avec le Barreau ou quelque corps policier.

Pouvoirs et devoirs par rapport aux fonctions. A la suite d'une lecture attentive de la loi, un aspect très particulier nous a frappés. C'est l'esprit qui nous a semblé à la gouverne des articles portant sur les pouvoirs et devoirs de la Commission de police du Québec dans ses agirs, en regard des enquêtes qu'elle "doit" ou "peut" effectuer.

En effet, la lettre nous amène à conclure de la sorte lorsqu'on lit que la Commission de police "doit", lorsqu'il s'agit de demandes d'enquête émanant du bureau du Procureur général ou d'une autorité municipale et "peut", lorsqu'une telle demande provient d'un simple citoyen. Exemple: Certains articles, entre autres 20 et 25. Or, dans les amendements suggérés par le projet de loi no 48, nous constatons que l'article 6 atténue l'esprit distinctif qui se dégage de la partie intitulée: Pouvoirs et devoirs de la sous-section 2, de la section II, en le remplaçant par: Fonctions. Tandis que l'ajout de l'alinéa mentionné à l'article 9 véhicule le même esprit de distinction déjà remarqué entre pouvoirs et devoirs, selon les provenances des demandes d'enquête.

Au niveau des enquêteurs. Considérant qu'inhérente à la demande de toute enquête sur un corps policier de la part d'un citoyen auprès de la Commission de police du Québec, il y a une implication de manque de la part du corps de police en cause à donner suite à cette plainte originalement portée au niveau local, nous déplorons que ni la loi, ni le projet de loi n'aient prévu la nécessité pour le citoyen de pouvoir compter sur les services d'un enquêteur spécial qui saurait recueillir, dans les plus brefs délais, toutes les preuves susceptibles de supporter les allégations que comporte la plainte telle que portée originalement au niveau local et transportée obligatoirement, vu au manque de donner suite à la Commission de police du Québec.

Car il est évident que ces preuves sont absolument nécessaires au plaignant, au même degré que pour tout plaignant dans des causes conventionnelles, si vous me permettez l'expression, entre citoyens nécessitant l'intervention d'enquêteurs.

Au sujet des délais. De plus, considérant les risques de dommages injustes et irréparables inhérents aux délais trop longs entraînés tant par les prises de décision que par les enquêtes et la rédaction du rapport à la suite d'une demande dans ce sens de la part du citoyen, nous déplorons que ni la loi, ni le projet de loi ne prévoient de limite de temps à l'intérieur de laquelle devrait être tenue l'enquête et soumis le rapport.

Le recours en appel. Considérant que le citoyen, à la suite de la publication d'un rapport qui lui serait défavorable, puisse être laissé avec une impression d'être à la merci d'un jugement erroné de la part des commissaires et cela, sans possibilité de vérification par des instances supé-

rieures et indépendantes du système policier; et considérant que, dans de telles conditions, la Commission de police du Québec est trop souvent perçue comme un instrument de protection ou de devanture de l'ordre policier, n'intervenant que dans les cas dramatiques, publics ou évidents, il est regrettable que le projet de loi ne contienne aucun amendement qui aurait pour but de créer une instance supérieure et indépendante du système policier et qui aurait pour effet d'éviter des erreurs toujours possibles au niveau d'une première instance et, par là même, les effets néfastes en découlant. (17 h 15)

Nos recommandations. Nous espérons qu'à la lumière des points que nous avons soulevés, vous saurez introduire dans la loi, des articles garantissant la présence d'un citoyen au niveau de sa formation, au sein de la Commission de police. Deuxièmement, une égalité de droit, assurant une équivalence entre l'attention qui doit être apportée aux plaintes d'où qu'elles proviennent. Troisièmement, l'assurance pour le plaignant de pouvoir compter sur les services d'un enquêteur spécial qui lui serait assigné, afin que tous ses droits soient sauvegardés, garantissant d'éliminer tout délai dans l'exécution de son mandat par la Commission de police, de les porter en conséquence pour les parties en cause, garantissant la possibilité d'en appeler pour les parties visées, par tout rapport de la Commission de police, suite à une enquête provoquée par une plainte d'un citoyen.

En conclusion, vous comprendrez que ce mémoire n'a pour but que d'essayer de vous suggérer des moyens visant à contrer la vague grandissante de brutalité policière — je n'aime pas l'expression — de brutalité de certains policiers, afin d'en éviter les effets néfastes, tant pour les corps policiers que pour les citoyens et ainsi assurer de meilleurs rapports entre les parties concernées pour une plus grande efficacité. Je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Bellerose. M. le ministre.

M. Bédard: M. et Mme Bellerose, nous tenons à vous remercier de la présentation de ce mémoire et à vous féliciter pour l'esprit positif dont vous faites preuve, tant dans vos recommandations que dans l'explicitation de l'ensemble de vos motivations. Même si, tel que vous l'avez dit, vous avez eu affaire à la Commission de police, vous avez su garder un niveau général de discussion élevé et je pense que vous méritez amplement d'en être félicité. Autrement dit, vous n'avez pas essayé, devant les membres de cette commission, de régler un cas personnel. On est à même de constater que vous êtes animés d'un esprit positif, en fonction d'améliorer certains mécanismes et le rouage, de façon générale, de la Commission de police, face aux citoyens.

Je peux vous dire que, personnellement, je prendrai en très grande considération un des éléments de votre mémoire qui préconise la présence d'un citoyen au sein de la Commission de police.

Ceci s'inscrira dans une tendance. Je pense que nous avons eu jusqu'à maintenant, quand c'est possible, vu à ce que le citoyen soit représenté dans des instances qui le touchent particulièrement au niveau de la justice. Nous l'avons fait, en ce qui a trait au Conseil de la magistrature. Nous l'avons fait à d'autres occasions également.

Nous prendrons cette suggestion que vous nous faites, avec beaucoup de considération. Vous semblez avoir quelque chose à ajouter là-dessus?

M. Bellerose: Ce qui m'avait frappé, d'autant plus que le mot "citoyen" était justement employé dans un sens distinctif dans les différents articles de la loi et du projet de loi. On parle de diverses catégories et on dit "le citoyen". C'est pour cela que le mot "citoyen" prenait toute son importance.

M. Bédard: Sans entrer toujours, tout en gardant le ton général que vous avez adopté jusqu'à maintenant, lorsque vous parlez de la nécessité pour le plaignant de pouvoir compter sur les services d'un enquêteur spécial, pourriez-vous expliquer davantage? Comme on le sait, la Commission de police a des enquêteurs qui sont assignés à la Commission de police de façon spéciale.

M. Bellerose: Nous avons pu constater depuis des années que lorsqu'il s'agit d'augmenter les effectifs d'un corps policier, par exemple, l'argument avancé est la nécessité d'avoir les effectifs nécessaires pour être le plus vite possible en mesure dans quelque cause que ce soit après la commission d'un crime ou d'un présumé crime, de recueillir—et cela vaut pour tous les corps policiers — le plus d'éléments possible susceptibles de bâtir une preuve. On ceinture les lieux où a eu lieu l'événement pour ne pas changer la nature des choses conséquentes de l'acte et cela, dans le plus bref délai. Quand, parce qu'il y a une impossibilité, par une incompatibilité ou quoi que ce soit, d'établir un parallèle avec un crime conventionnel ou avec une situation de crime conventionnelle, il faut recourir à la Commission de police. La Commission de police devrait tout de suite faire diligence pour recueillir dans les plus brefs délais tous les éléments de preuve susceptibles de servir à quelque partie que ce soit en cause, à quelque partie que ce soit. Le reste, vous le trouverez dans les notes sténographiques.

M. Bédard: Merci, encore une fois, de votre mémoire.

M. Bellerose: Je ne sais pas si je suis assez clair.

M. Bédard: Non, je pense que vous êtes assez clair sur ce point précis sur lequel je voulais avoir certaines explications additionnelles.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Seulement quelques mots, M. le Président. M. et Mme Bellerose, votre mémoire témoigne d'une aliénation entre la Commission de police et le citoyen. L'impression que je retiens, c'est que vous percevez à tort ou à raison — je ne veux pas porter de jugement là-dessus — la Commission de police comme faisant partie de l'appareil policier. Vous corrigerez mon impression si je fais erreur, mais, d'après le ton ou, enfin, quelques remarques, d'après vous, les dés sont pipés en faveur des policiers lorsque vous vous présentez à la Commission de police.

M. Bellerose: Je vais revenir à mon texte. L'aliénation, le mot est fort pour moi...

M. Lalonde: Pas aliéner dans le sens de fou. Je parle d'une séparation, d'un bris.

M. Bellerose: Un bris avec le contact de la réalité.

M. Lalonde: Oui, oui. Pas nécessairement cela, enfin, je vais essayer de trouver un terme un peu plus juste.

M. Bellerose: Je vais prendre l'esprit plutôt que la lettre. Vous faites allusion plus particulièrement à mon impression ici en ce qui concerne le recours en appel. Ce serait dans ce passage. J'aimerais répondre assez précisément. Vous faites allusion...

M. Lalonde: Oui, je l'ai souligné. Justement, c'est dans ce paragraphe-là, vers la fin du premier paragraphe: "La Commission de police est trop souvent perçue comme un instrument de protection ou de devanture de l'ordre policier." C'est strictement ce passage-là qui m'a donné cette impression que vous croyez qu'il y a une présomption en faveur du policier lorsqu'un citoyen se présente à la Commission de police.

M. Bellerose: Non. La phrase, telle que rédigée ici, c'est que je ne perçois pas la Commission de police, mais la Commission de police est perçue.

M. Lalonde: Bon! Donc, vous vous faites le témoin d'un groupe.

M. Bellerose: Justement. A la suite du fait — comme j'y ai fait allusion — d'avoir témoigné, ceci m'a amené à avoir plusieurs demandes à savoir: Devrais-je porter cela ou devrait-on porter cela devant la Commission de police? Je dois vous dire, M. le Président, que, pour nous, dans une situation donnée, la Commission de police, c'était quelque chose de grandiose. C'était une présence, une présence réconfortante. J'avais prévu la question ici sur l'heure du dîner et, si vous me le permettez, je vais essayer de m'en tenir à cela.

Toute la bienveillance que nous avions constatée face aux citoyens de la part de la Commission de police du Québec nous amène à nous demander, aujourd'hui, si ce n'était pas... Cela nous amène à nous demander, on n'a pas de réponse, je ne peux pas vous donner de réponse. On a un gros point d'interrogation et on voudrait que ce soit l'instrument, mais on se demande si cela n'a pas servi à nous endormir, à un moment donné. On se le demande. On est ici pour parler en toute franchise, on veut avancer tous ensemble; on ne cherche pas des coupables. Celui qui s'endort, est-ce que c'est la pilule qui est coupable de l'avoir endormi ou si c'est lui qui est coupable de s'être laissé endormir par la pilule? Je ne le sais pas, mais le réveil est brutal. A ce moment-là, on est obligé de changer de point de vue et dire: Je ne le sais pas, pauvres vieux, faites-en l'expérience vous-mêmes. Cela, c'est au niveau de l'appel qu'on le saura.

M. Lalonde: Je prends à la lettre, naturellement...

M. Bellerose: C'est dans aucun sens péjoratif, c'est un gros point d'interrogation.

M. Lalonde: Non, vous faites preuve d'une extrême prudence, vous n'aviez aucunement besoin de la protection de quiconque. Je pense que vous vous protégez très bien dans vos réponses, mais il reste — et je le dis très sérieusement — qu'étant donné surtout les pouvoirs accrus — des témoins, tantôt, en ont dénombré une douzaine — que le projet de loi no 48 a l'intention d'accorder à la commission et de rendre son rôle encore plus important que le gouvernement a l'intention de lui confier, vos suggestions prennent une pertinence beaucoup plus immédiate. Quant à nous, nous allons sûrement en tenir compte pour tenter, avec les autres membres de cette commission, à l'Assemblée nationale, d'améliorer le projet de loi, de sorte que le rôle de la Commission de police ne soit plus jamais, si c'est possible, idéalement, perçu comme étant plutôt penché d'un côté que de l'autre, et que sa perception dans le public soit positive.

M. Bellerose: Le problème, ce n'est pas de pencher, mais de rester sur la clôture, c'est dangereux.

M. Lalonde: Je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. A mon tour, je voudrais, M. et Mme Bellerose, vous féliciter pour la façon dont vous vous êtes exprimés face aux recommandations que vous aviez à faire sur le projet de loi no 48 et en rapport avec la Commission de police. Je sais que vous avez dû vivre une expérience, à la Commission de police, et qu'il vous a peut-être été difficile de garder la discussion à un tel niveau, et je pense que vous devez en être félicités.

Je voudrais revenir sur un point particulier qui a été abordé tout à l'heure, quand il a été question d'enquêteur spécial. Je pense qu'on doit mettre cela en relation avec la limite de temps à l'intérieur de laquelle devrait être tenue une enquête de la Commission de police. Vous avez eu à vivre une expérience personnelle avec la Commission de police. Sans nous indiquer quelle est la teneur de cette enquête et tout cela, sans nous donner de détails, est-ce que vous pourriez nous dire, selon l'expérience vécue, quel a été le délai d'intervention? Quand vous parlez d'enquêteur spécial, si on met cela en relation avec la discussion que vous venez d'avoir avec le député de Marguerite-Bourgeoys, qui devrait être cet enquêteur spécial? D'après ce que je peux comprendre, cela ne devrait pas être un policier.

M. Bellerose: Premièrement, ce qui est important, c'est l'objectif, au bout, de servir la justice de la meilleure façon possible et la plus proche de la réalité qu'il est humainement possible de le faire. Ceci implique de faire une cueillette des preuves dans les plus brefs délais. Cela, c'est au niveau de l'enquête. Quand les preuves sont recueillies, si elles sont recueillies aux fins de servir la Commission de police du Québec, vous voyez le citoyen qui, lui, dans sa perception des choses, est dans une situation où il se sent brimé, après avoir été la victime d'un acte qu'on considère, à ce stade, présumé criminel. (17 h 30)

Vous avez aussi, peut-être dans l'immédiat, tant dans l'espace que dans le temps, une autre personne qui, elle, est témoin de ce geste. Normalement, il y a un service, un corps policier constitué qui doit répondre et faire une enquête, soit à la suite de la plainte ou à la suite de l'information qui est donnée par le témoin. Ce corps policier, ne répondant pas à ces demandes, soit à la plainte ou à l'information qui requiert une requête, c'est la Commission de police qui est obligée de la faire, mais la cueillette des preuves qui est faite par la Commission de police, si elle n'est pas à la disposition du plaignant, comme elle le serait si elle avait été faite à la suite de la plainte ou de la dénonciation, telle qu'originalement portée au corps normalement susceptible de recevoir cette plainte ou cette dénonciation... Si je me fais voler mon automobile, je porte plainte et je donne des indications et au fur et à mesure. Si je la retrouve trois rues plus loin, je ne peux pas me reporter acquéreur de mon automobile. A ce moment, je communique et je dis: C'est mon automobile que j'ai vue à l'autre coin de rue. Il y a un dialogue qui existe pour arriver à des fins justes et normales.

Compte tenu qu'il y a d'autres procédures que les fins mêmes de l'enquête de la Commission de police, quels sont les recours du citoyen face à d'autres procédures judiciaires? Où est la possibilité de dire: Voici, il y a des preuves, elles ont été cueillies et elles sont là? Il n'y en a pas. C'est pour ça que je dis et que je suggère "assignés au plaignant". Qu'ils proviennent de n'importe quel corps. C'est sûr qu'on ne peut pas prendre un médecin pour aller faire l'enquête, il va être bon pour opérer, mais il ne sera pas bon pour faire une enquête policière. C'est sûr qu'il doit avoir une expérience policière. J'aurais peur, s'il n'était pas policier, il faut qu'il ait acquis une expérience.

Mme Bellerose: Peut-être dans le cas de quelqu'un qui serait en dehors de la localité où le geste s'est passé. Parce que si un geste criminel se produit dans une certaine localité, un geste présumé criminel, qu'on voit de nos yeux, on le retrouve. Si c'est directement impliqué à un corps policier ou à un policier, c'est entendu qu'eux sont plus proches des preuves pour les faire disparaître pour arranger toutes les choses. Alors, il ne reste aucun recours au citoyen, il ne lui reste aucun moyen de prouver ses allégations, parce que les preuves ne sont plus là. C'est dans ce sens que ça prendrait peut-être, quand il s'agit de brutalité policière — là, c'est vraiment dans le but de pouvoir améliorer les choses, parce que je crois que la brutalité policière va en s'accroissant et ça nuit autant aux policiers et aux corps policiers qui se devraient d'être sans reproche. C'est vraiment ce que la population perçoit aujourd'hui, d'après ce qu'on a vécu et le temps qu'on en entend parler. Je crois que la population sent vraiment que le citoyen n'a plus aucune protection, quand il s'agit de policiers.

Ils sont incapables de faire quoi que ce soit, acceptant plutôt d'être accusés, se disant: II faut que ça finisse au plus vite, parce que, de toute façon, c'est toute notre vie qui est perdue. A ce moment, quel recours reste-t-il au citoyen? Les policiers ont beaucoup de choses pour les protéger, ils demandent toute sorte de protection au gouvernement, mais si on porte une plainte directement reliée à un policier, comment voulez-vous que l'enquêteur, qui est un policier, un confrère, puisse faire une enquête appropriée? Ce serait peut-être bien d'avoir un enquêteur qui serait d'une tout autre localité et qui serait assigné directement par le ministre de la Justice.

M. Fontaine: M. le ministre, est-ce que la commission n'a pas des enquêteurs définis?

M. Bédard: Elle a des enquêteurs désignés. Maintenant...

M. Bellerose: Pour préciser...

M. Bédard:... je pense que l'argumentation de madame est que, premièrement, ce n'est peut-être pas assez rapide. On n'a pas à blâmer...

M. Bellerose: C'est au niveau du délai.

M. Bédard: Ce que vous évoquez, le fait que l'enquête est faite par des policiers, confrères, ou d'ex-policiers alors que la plainte est portée à l'endroit de l'un de leurs confrères...

M. Bellerose: Est-ce que je pourrais préciser sa pensée?

M. Bédard: ... vous fait poser des questions que vous nous soumettez.

M. Bellerose: Je vais essayer de préciser sa pensée. Si cela n'est pas correct, elle peut me reprendre parce que chez nous, c'est libre.

M. Bédard: Vive l'égalité.

M. Bellerose: Oui, parce qu'un sans l'autre, on n'est rien. C'est cela qui est embêtant; on est ensemble. Ce qui arrive, c'est qu'effectivement notre expérience... Ce n'est pas grave si je dis "notre expérience"?

M. Bédard: Non.

M. Bellerose: II y a eu une enquête et...

M. Bédard: Cela montre jusqu'à quel point...

M. Bellerose: ... il y a eu des éléments de ramassés, mais, à cause de la date, il en manque.

M. Clair: A cause des délais.

M. Bellerose: Des délais. Ce n'est pas la faute de l'enquêteur. Je ne voudrais pas que cela soit perçu comme quelque chose qu'on tente d'émettre. Non. Je ne veux pas qualifier le travail de qui que ce soit. Moi, je me situe dans les lieux et dans le temps. Je ne me situe pas au niveau des personnes.

M. Bédard: Vos recommandations sont générales.

M. Bellerose: C'est cela. Excepté qu'au lieu d'être un Jos Bleau qui était au coin de la rue et qui ne connaît rien et qui dit: Cet après-midi, je vais aller faire un tour en commission parlementaire et on va parler pour ne rien dire, non, je pense que cela a une certaine pertinence. Si je peux éclairer, c'est dans ce sens-là. Au niveau du délai, je crois que c'est primordial. Comme tous les corps policiers demandent à avoir assez d'effectifs pour pouvoir agir immédiatement après la commission d'un acte. C'est dans ce sens-là. Maintenant, je demeure à votre disposition pour...

M. Bédard: De plus amples informations?

M. Fontaine: Vous parlez également de droit d'appel.

M. Bellerose: Oui.

M. Fontaine: A la suite d'une décision qui a été rendue par la commission, vous voudriez qu'il y ait une possibilité d'interjeter appel de la décision. Pourriez-vous préciser? Est-ce que ce serait devant un tribunal judiciaire ordinaire ou quoi? Est-ce que vous avez quelque chose en vue?

M. Bellerose: Je ne suis pas assez versé dans le domaine du droit pour dire que cela prend telle formule de telle forme et de telle dimension. Dans tous les domaines, il y a toujours une occasion de vérifier; il y en a en comptabilité. D'ailleurs, le gouvernement vérifie tous les rapports d'impôt de nos comptables. Il y a une vérification de faite. Pourquoi ne vérifierait-il pas les rapports de la Commission de police? J'appelle cela un recours en appel qui serait partie... A ce moment-là, comme il y a assez de modèles au niveau des cours: il y a la Cour des sessions de la paix, la Cour d'appel. D'après ce que je peux voir, il y a une dizaine de façons d'en appeler au niveau judiciaire. Il y a appel contre-appel et ainsi de suite. Je ne sais pas, mais vous devez certainement être plus versé que moi pour savoir comment trouver la formule et où la situer, mais qui comprendrait toujours, comme vous l'avez précisé au début, un homme versé dans la magistrature, donc un juge qui ferait partie de cela; quelqu'un qui est versé dans le domaine policier et quelqu'un qui est versé dans le domaine social.

M. Fontaine: Justement...

M. Bellerose: Le policier qui s'est présenté avant moi tout à l'heure, c'était donc rafraîchissant de l'entendre! Lui, il a compris son rôle de policier. Vous autres, vous adoptez des lois, vous déléguez des pouvoirs à des municipalités ou à d'autres organismes et eux délèguent à quelqu'un les pouvoirs de faire observer cela. Il a dit: Je veux être policier et c'est dans ce sens-là que je veux travailler. C'est comme ça que je vois la police.

M. Fontaine: Concernant la nomination d'un citoyen à la Commission de police, comment verriez-vous le choix de ce citoyen? Est-ce qu'il devrait représenter un organisme? Vous parlez de quelqu'un qui est versé dans les affaires sociales.

M. Bellerose: A ce moment-là, écoutez! Je ne sais pas, est-ce qu'au niveau de la loi, il y a des ententes que vous n'avez pas prévues, au niveau de déjudiciariser, vous n'avez pas prévu une partie... Dans les hôpitaux, par exemple...

M. Bédard: II y a le système des personnes désignées par le ministre de la Justice.

M. Bellerose: Oui. Il y a des noms qui peuvent être suggérés par des organismes reconnus, qui connaissent le milieu et il y a des fédérations qui coiffent ça et à un moment donné, cela arrive sur la table du ministre. La formule, je ne voudrais pas entrer dans la quincaillerie. Je n'ai pas les compétences pour aller jusque-là.

M. Fontaine: Merci beaucoup. M. Bellerose.

Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, M. et Mme Bellerose de la présentation de votre mémoire, au nom de tous les membres de la commission.

M. Bellerose: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Boucher): Etant donné que nous en sommes au dernier mémoire, la commission ajourne ses travaux sine die.

M. Lalonde: M. le Président, on n'aura même pas le plaisir de conclure.

Le Président (M. Boucher): Vous voulez conclure...

M. Lalonde: Je ne sais pas, est-ce que le ministre va nous faire des promesses, des engagements, tenir compte...

Conclusions

M. Bédard: Je pense que ce sont des auditions qui ont été très positives, M. le Président. Nous avons eu l'occasion de le dire lors de chacun des mémoires présentés. Je pense que toutes les questions que nous avons posées, pour ma part, l'ont été dans le but de voir jusqu'à quel point on peut améliorer le projet de loi, jusqu'à quel point on peut donner suite à certaines recommandations, améliorations ou amendements faits par les différents organismes qui se sont présentés devant nous. Au ministère de la Justice, nous allons étudier l'ensemble des représentations qui ont été faites, avec beaucoup de considération. En temps et lieu, si des amendements sont apportés, ils le seront.

M. Lalonde: M. le Président, est-ce qu'on peut s'attendre d'avoir une réimpression du projet de loi ou s'il va être présenté ainsi en deuxième lecture, malgré la déception générale...

M. Bédard: Vous faites de la politique, déception générale, c'est facile de prendre...

M. Lalonde: On n'est pas ici pour faire de la politique, je m'excuse, je me suis trompé d'endroit.

M. Bédard: Vous pouvez prendre chacun des petits extraits dans chacun des mémoires, pouvant conclure...

M. Lalonde: Voulez-vous que je vous en sorte, il y en a plusieurs?

M. Bédard: C'est sûr. Puisque nous recherchons un équilibre, nous étions d'avance certains que cela ne correspondrait pas aux vues de chacune des parties intéressées. Nous l'avons dit au début de l'étude de ce projet de loi: des principes importants sont en jeu, principe de l'autonomie des municipalités, principe de la décentralisation gouvernementale, principe de l'application de la fiscalité municipale telle qu'exposée par le ministre des Finances, également un autre grand principe, celui d'assurer la meilleure protection policière pour l'ensemble des citoyens du Québec.

Il est clair qu'une loi qui aurait été pensée seulement en fonction des intérêts d'un groupe n'aurait pas été une loi adéquate, que ce soit un groupe ou l'autre, toute loi doit rechercher un certain équilibre. Nous avons dit d'ailleurs, dès le départ des travaux de cette commission, que nous étions ouverts aux suggestions qui pourraient nous être formulées. Elles ont été formulées. Nous allons les étudier avec beaucoup de considération et poser les gestes nécessaires en temps et lieu.

M. Lalonde: M. le Président, si vous me permettez seulement de conclure, nous avons trouvé les séances de cette commission très utiles. Je pense que, maintenant, on s'est rendu compte, j'espère que le ministre s'est rendu compte que son projet de loi a déçu beaucoup de monde, qu'on l'a trouvé généralement timide et incomplet. Ce projet constitue d'ailleurs, d'après un grand nombre d'intervenants — je ne veux pas être trop violent dans mon langage — quasiment une taloche au rapport Saulnier. Avant même d'avoir accordé une attention le moindrement décente au rapport Saulnier, on renie, dans ce projet de loi, une de ses recommandations les plus essentielles quant à la Commission de police, c'est-à-dire en faire un organisme quasi judiciaire. (17 h 45)

J'espère, M. le Président, que le gouvernement va tenir compte de ces remarques de la part des différents groupes qui se sont fait entendre pour apporter les amendements qui vont donner à ce projet de loi une certaine rationalisation dans les pouvoirs et aussi, si possible — il reste quand même quelques mois, disons, plusieurs semaines avant la reprise de la session — de faire avancer sa réflexion quant au rapport Saulnier, ce que la majorité au moins des clientèles directement impliquées ou affectées par une telle loi considère comme une réforme attendue depuis longtemps, tel que proposé par le rapport Saulnier; que ce soit dans ce sens ou dans un autre, au moins pour faire avancer la réorganisation policière au Québec.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. M. le député de Nicolet-Yamaska, est-ce que vous avez une conclusion?

M. Fontaine: Oui, M. le Président. La conclusion, c'est que je pense que les mémoires ont été très intéressants et ont proposé plusieurs formes d'amendements. Tout ce qu'on peut espérer, c'est que le ministre en tiendra compte dans la grande majorité des cas. Maintenant, bien sûr, je ne voudrais pas répéter tout ce que vient de dire le député de Marguerite-Bourgeoys, mais je pense également que le rapport Suulnier a été laissé pour compte en grande partie. J'espérerais que le ministre continue à réfléchir sur ce dossier et peut-être puisse en arriver à la conclusion que, plutôt que de présenter un projet de loi tellement partiel comme celui-là, il serait peut-être mieux de repenser le dossier au complet et de nous présenter de véritables modifications, tel que préconisé dans le rapport Saulnier.

Le Président (M. Boucher): Merci.

M. Bédard: Je voudrais faire remarquer que tous les groupes parlaient, se référaient à l'application du rapport Saulnier, mais, une fois que cela était dit, on se référait à des aspects particuliers du rapport Saulnier, en oubliant des points majeurs du rapport Saulnier sur lesquels on n'était manifestement pas d'accord. C'est dans ce sens que l'application intégrale du rapport Saulnier, nous l'aurions proposée que nous aurions eu des mémoires pour et contre. C'est bien clair et c'est dans ce sens que nous avons travaillé pour essayer de trouver une loi qui atteigne un équilibre par rapport aux revendications de chacun des groupes. Maintenant, tel que...

M. Fontaine: On a parlé depuis deux ans de grandes réformes dans le domaine policier et on arrive avec une "réformette".

M. Lalonde: Même pas.

M. Bédard: Je n'ai pas parlé de grandes réformes dans le domaine policier. J'ai dit qu'une fois le rapport Saulnier déposé, nous verrions...

M. Fontaine: A l'étude des crédits, depuis trois ans que vous en parlez.

M. Bédard: Je vous invite — je suis d'ordinaire assez prudent — à relire certaines...

M. Lalonde: Trop! La prudence, c'est parfait, mais l'attentisme et la timidité, c'est autre chose.

M. Bédard: Oh bien, pour ce que vous avez fait! Après trois ans au pouvoir...

M. Lalonde: Je n'ai pas eu le temps.

M. Bédard: ... oui, vous n'avez pas eu le temps. Vous l'avez déposé et vous n'avez rien fait.

M. Lalonde: C'est un an, quand même. Ah, si le projet de loi 41 avait été adopté, vous savez, il y a beaucoup de gens ici qui sont venus qui auraient été très satisfaits. Avec tous les amendements que vous avez l'intention d'y apporter...

M. Bédard: Oui et il y aurait eu d'autres mémoires dans l'autre sens. J'en suis très heureux, cependant. J'écoutais avec beaucoup d'attention la lecture des mémoires, parce que je suis convaincu que si, du point de vue gouvernemental, nous avions déposé un projet de loi qui aurait eu pour effet de transférer tous les pouvoirs que nous donnons à la Commission de police tel que suggéré, à la Direction générale de la sécurité publique, nous aurions été accusés de vouloir mettre la main sur l'ensemble du système policier. Je puis vous dire que je n'ai pas écouté seulement les mémoires avec attention, j'ai écouté également avec beaucoup d'attention certaines représentations qui ont été faites par les membres de l'Opposition.

M. Lalonde: J'espère qu'on ne parle pas dans le vide.

M. Bédard: Quand nous y donnerons suite, il y aura probablement plus de chances qu'on ne soit pas taxé de vouloir mettre la main sur l'appareil policier.

M. Lalonde: M. le Président, il semble que le ministre veut attendre que tout le monde soit d'accord avant d'agir. Naturellement, toute réforme que le ministre apportera va recevoir un accueil différent, dépendant des milieux concernés. Mais si c'est cela que le ministre attend, que tout le monde soit d'accord, on n'ira nulle part. En ce qui concerne l'Opposition officielle, je n'ai pas hésité. J'ai répété je ne sais pas combien de fois — vous le relirez — que la rationalisation des pouvoirs va sûrement, doit sûrement inclure un certain transport de pouvoirs, au niveau de la définition des politiques, à la direction générale, au ministère ou à l'exécutif. C'est là que cela appartient. D'ailleurs, j'aime beaucoup mieux avoir le ministre devant moi, responsable de ses actes, plutôt que caché en arrière de la Commission de police. A ce moment, on pourrait lui parler.

M. Bédard: Vous pourriez demander à la Commission de police — je ne pense pas que ce soit sa perception...

M. Lalonde: Je m'entends très bien avec la Commission de police.

M. Bédard: Cela a paru dans les débats que nous avons tenus devant cette commission. Je pense bien que la Commission de police n'a jamais eu l'impression que le ministre de la Justice se cachait derrière elle, au contraire.

Le Président (M. Boucher): Merci, messieurs, de votre collaboration. La commission ajourne ses débats sine die.

Fin de la séance à 17 h 52

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