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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le mercredi 14 novembre 1979 - Vol. 21 N° 207

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 55 - Loi sur les permis d'alcool


Journal des débats

 

Étude du projet de loi no 55

(Dix heures quatorze minutes)

Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de la justice se réunit pour étudier article par article le projet de loi no 55, Loi sur les permis d'alcool.

Sont membres de cette commission: M. Alfred (Papineau), M. Bédard (Chicoutimi) remplacé par M. Godin (Mercier); M. Blank (Saint-Louis), Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe) remplace M. Fontaine (Nicolet-Yamaska); M. Marquis (Matapédia), M. Forget (Saint-Laurent), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Vaillancourt (Jonquière). Lui, il n'a plus d'affaire là; il est vice-président.

Les intervenants...

M. Marquis: Un instant, M. le Président! Richard Guay.

Le Président (M. Laplante): M. Guay (Taschereau) remplace...

M. Marquis: Le député de Jonquière.

Le Président (M. Laplante): M. Guay (Taschereau) remplace M. Vaillancourt (Jonquière).

Les intervenants sont: M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Lavigne (Beauharnois), M. Léger (Lafontaine), M. Marois (Laporte), M. Pagé (Portneuf), M. Tardif (Crémazie).

M. Cordeau: M. Fontaine est un intervenant aussi qui peut venir.

Le Président (M. Laplante): M. Fontaine (Nicolet-Yamaska) intervenant à la place de...

M. Cordeau: Cordeau (Saint-Hyacinthe).

Le Président (M. Laplante): Un rapporteur, s'il vous plaît. M. Boucher (Rivière-du-Loup). Avant d'appeler l'article 1, M. l'adjoint parlementaire, si vous avez des remarquez préliminaires sur le projet de loi no 55.

Remarques préliminaires M. Gérard Godin

M. Godin: Mes remarques seront très brèves, M. le Président. Nous allons tenter de faire en sorte que l'esprit qui a régné hier en Chambre soit maintenu ici en commission parlementaire. Nous concevons cette commission comme étant un lieu de réflexion sur une nouvelle loi, enfin, sur des nouvelles dispositions d'une loi fort ancienne. Certaines dispositions sont fort nouvelles et toute suggestion, en fait, sera la bienvenue, parce que vous avez une expérience, dans vos comtés probablement, de cette réalité relative au commerce des boissons alcooliques aussi grande que la mienne. De plus, je transmettrai toute question qui m'apparaîtra trop compliquée à nos quatre collaborateurs que je veux identifier tout de suite: Mme Anne-Marie Bilodeau, M. Louis Sormany, M. Charles Grenier et il en viendra un autre tout à l'heure, M. Daniel Jacoby. Ils sont à la disposition de la commission pour donner tout renseignement plus approfondi ou plus technique quant à certains aspects de ce projet de loi. Ce sont mes remarques, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. l'adjoint parlementaire. M. le député de Saint-Laurent.

M. Claude Forget

M. Forget: Même si ce n'est plus le jour anniversaire de l'adjoint parlementaire, nous allons également nous efforcer de maintenir le dialogue dans un contexte le plus cordial possible.

Il y a deux ou trois observations que j'aimerais faire à ce moment-ci. Hier, à l'Assemblée nationale, on a soulevé la question que soulève nécessairement le fait que ce projet de loi soit défendu et piloté en commission parlementaire par l'adjoint parlementaire. Je crois que le problème ne se pose pas comme tel au niveau de la deuxième lecture. Je pense que la leçon qu'on va tirer de l'expérience — et je le dis en toute candeur comme en toute amitié envers le député de Mercier — dépendra, bien sûr, de l'étude article par article. Si nous constatons que l'adjoint parlementaire a suffisamment d'autorité et de liberté pour accepter à l'occasion des modifications, je pense que l'expérience sera très concluante. Si, d'un autre côté, nous étions dans une situation où — et ça, on ne peut pas le savoir d'avance — l'adjoint parlementaire bénéficie d'un mandat très restrictif, je pense que l'expérience serait nécessairement assez négative parce qu'une commission parlementaire a, entre autres, pour but d'améliorer la loi, dans toute la mesure du possible, quand on réussit à créer un consensus. Si ce n'était pas possible à cause de la formule utilisée, je pense que le jugement qu'on porterait sur l'expérience en découlerait de lui-même.

J'aimerais dire à l'adjoint parlementaire que si, de toute façon, certains des raisonnements que nous tiendrons l'ébranlaient personnellement, mais qu'il voulait bénéficier d'un délai de réflexion ou même d'une possibilité de consulter son collègue et en particulier le ministre de la Justice, il a à sa disposition des moyens pour le faire. Il peut facilement demander la suspension d'un article, nous n'avons pas d'objection. Evidemment, si on suspendait tous les articles, ce que je disais tout à l'heure deviendrait difficile, mais je ne pense pas que ce soit le cas. Je voudrais cependant l'assurer que ce moyen-là existe, on ne posera pas d'obs-

tacle à son utilisation, si jamais il voit qu'il y a des sujets sur lesquels un délai de réflexion lui est nécessaire.

Le deuxième point que je voudrais soulever c'est que parmi tout ce que nous allons dire, il y a évidemment des distinctions à faire qui sont légitimes, il y a une distinction qui est légitime. Il y a des propositions, même des motions d'amendement qui ont pour but de placer les parties qui sont représentées autour d'une table de commission parlementaire, comme les Américains disent, "on the record', pour être bien sûr qu'on se comprend et que, si on diffère d'avis, on le fait de façon très explicite et très claire. C'est une catégorie de motions, c'est une catégorie de positions qui sont défendues et cela n'appelle rien d'autre chose, pour chacun, que d'articuler son point de vue le plus clairement possible.

Il y a cependant d'autres motions d'amendement qui sont véritablement faites dans le but de produire des amendements et pas simplement d'être "on the record", pas simplement d'établir une position. Parmi celles-là, je voudrais tout de suite avertir l'adjoint parlementaire qu'il y aura des motions d'amendement relatives à la question des mineurs, la présence des mineurs dans les établissements détenteurs de permis.

J'ai écouté dans la réplique très brève d'hier soir de l'adjoint parlementaire la raison pour laquelle on ne retenait pas une méthode plus rigoureuse de contrôle et je dois avouer ne pas avoir été convaincu, M. le Président. L'adjoint parlementaire, si j'ai bien compris, nous a dit: La constitution d'un fichier, l'établissement d'une carte de travail pour des personnes qui participent à des spectacles dans des bars, etc., ce n'est pas pratique à cause d'un roulement du personnel trop considérable. Je pense que si c'est cela la raison c'est presque nous annoncer d'avance que la loi ne sera pas appliquée, quelles que soient ses dispositions, parce qu'un roulement considérable pose des problèmes analogues, quelle que soit la méthode d'application de la loi.

Si, au moment où on fait une poursuite, déjà la personne qui se livrait à un spectacle est disparue et n'en fait plus, etc., on se rend compte qu'on va se heurter, quand les causes viendront devant les tribunaux, devant un double obstacle, un obstacle qui est inscrit dans la loi à l'effet que le tenancier de bonne foi, qui croyait véritablement qu'il avait affaire à une personne majeure et qui était mineure, etc., va pouvoir plaider l'ignorance, la bonne foi, etc. D'autre part, les causes vont venir au moment où les gens qui sont visés ne sont plus dans le circuit, sont disparus, ne sont plus retraçables ou Dieu sait quoi.

Je pense que, de ce côté-là, si on veut véritablement enrayer le phénomène qui, d'après les remarques qu'on a entendues hier, alarme les porte-parole de tous les partis ou les membres dans toutes les formations politique représentées à l'Assemblée nationale, il va falloir être beaucoup plus efficace que ça et consentir des coûts significatifs pour la mise en vigueur des prohibitions qui devraient paraître dans la loi. Nous allons revenir là-dessus avec des motions d'amendement. J'avertis d'avance le ministre parce que c'est un point auquel j'attache tellement d'importance que je serais même prêt, si nous n'obtenons pas quelque chose d'absolument à toute épreuve dans la loi, à recommander à mes collègues du Parti libéral de voter contre l'adoption en troisième lecture de la loi.

Je pense que c'est la pierre d'achoppement. Si on n'est pas capable de faire un bon travail sur le seul véritable problème qui existe dans ce domaine, parce que tout le reste, dans le fond, c'est du ménage administratif et bureaucratique plus ou moins important — c'est le véritable problème sur le plan humain — si on n'est pas capable de donner des garanties absolument à l'épreuve de toute espèce de doute là-dessus, je pense que nous devrions voter contre l'adoption de la loi.

Je le fais, sachant très bien que c'est tout à fait à la fin du texte. On ne se rendra pas là aujourd'hui, probablement, mais je pense que je devais donner cet avertissement à l'adjoint parlementaire.

Un dernier point, M. le Président, sur la présentation du texte. Il y a des notes, non seulement explicatives, mais dans le corps même des projets de loi, maintenant, depuis quelque temps — d'ailleurs, j'en fais compliment à ceux qui assument cette responsabilité depuis quelques années — des références aux textes antérieurs, aux lois qu'on remplace ou qu'on modifie. Cela aide considérablement le travail des députés, c'est tout à fait louable.

Ce contre quoi j'en ai, c'est la mention qui apparaît au tout début de la loi, où on dit que les articles 1 à 117 sont de droit nouveau. C'est une affirmation qui est erronée, ce ne sont pas tous des articles de droit nouveau, il s'en faut largement.

Je pense bien que la moitié ou plus des textes qu'on retrouve, de 1 à 117, sont même des copies littérales de textes qui existent déjà dans la loi de contrôle des permis d'alcool.

Je ne sais pas pourquoi on a fait ça, je ne veux pas en faire une cause célèbre, mais il reste que cela aurait aidé que l'on procède de façon beaucoup plus systématique. J'ai dû moi-même, c'était inévitable, vis-à-vis des articles les plus importants, faire les références aux textes antérieurs. Les textes antérieurs existent. Je ne vois vraiment pas pourquoi on a pris ce raccourci. Cela donne l'impression qu'on est en face d'une nouvelle loi. Ce n'est pas du tout le cas; c'est une refonte des lois existantes avec un certain nombre de modifications plus ou moins importantes. Il aurait été bien commode qu'on nous souligne d'où venait chacun des textes pour l'étude des 117 premiers articles. Quand on part d'une affirmation aussi catégorique que cela et qu'on se rend compte que ce qui se trouve maintenant à l'article 11 se trouvait anciennement à l'article 48, par exemple, il faut jouer avec les deux textes et c'est vraiment un exercice acrobatique assez remarquable au-

quel il faut se livrer pour vraiment provoquer la bonne intelligence du texte.

J'espère qu'à l'avenir on sera un peu plus soigneux de ne pas prendre de raccourci de cette nature, parce que, si on veut être utile — je pense que c'est l'intention et elle est louable — on ne l'a pas du tout été dans ce cas-là. M. le Président, c'étaient des remarques préliminaires; je n'en ai pas d'autres.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. le député de Saint-Laurent. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Fabien Cordeau

M. Cordeau: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, moi aussi, d'apporter ma collaboration à l'étude de ce projet de loi. Présentement, je dois remplacer le député de Nicolet-Yamaska qui est retenu à une autre commission parlementaire, au salon rouge, pour l'étude du projet de loi no 9. Je vais essayer d'apporter ma collaboration à l'adjoint parlementaire qui occupe ses fonctions pour la première fois. Nous ne sommes pas ici pour lui créer des embêtements, loin de là.

Par contre, j'ai peut-être quelques observations au début de cette commission pour demander au gouvernement s'il entend apporter des amendements à ce projet de loi. Si oui, serait-il possible de nous les déposer en une seule fois et non de nous les présenter un par un, lorsqu'on arrive à l'étude de tel article? C'est plus facile à comprendre pour les participants et cela nous permet également de nous préparer à l'avance afin d'étudier les amendements qui peuvent être déposés devant cette commission lors de l'étude du projet de loi article par article.

Nous aussi, nous apporterons une attention tout à fait spéciale, comme l'a spécifié le député de Saint-Laurent, aux mineurs dans les établissements, ainsi qu'au contrôle, afin qu'il y ait dans la loi les dispositifs nécessaires pour ce contrôle des mineurs au travail, etc.

Un autre point aussi que je voudrais souligner à la commission, c'est que les articles 1 à 117 sont intitulés Loi sur les permis d'alcool et, à l'article 118, chapitre VII, on dit: Loi sur les infractions en matière de boissdns alcooliques. Y a-t-il deux lois? Est-ce que cela comporte deux lois tout à fait distinctes? Pourquoi deux lois? Pourquoi est-ce un autre chapitre à l'intérieur du projet de loi que nous étudions actuellement, le projet de loi 55? J'aimerais qu'on nous explique un peu le pourquoi de cette présentation, étant donné que c'est le chapitre VII. (10 h 30)

Egalement hier, notre porte-parole à l'Assemblée nationale, notre nouveau leader, le député de Richmond, a mentionné qu'il aurait aimé entendre différentes personnes et, entre autres, le juge Trahan, le président actuel de la Commission de contrôle des permis d'alcool. Dans sa réplique, l'adjoint parlementaire a spécifié que le président avait été consulté et que peut-être plusieurs amen- dements avaient été apportés ainsi que des articles ajoutés, à la suite de ces consultations.

Nous aimerions quand même entendre le juge Trahan à cette commission pour qu'il nous exprime ses commentaires et réponde également aux questions que nous pourrions lui poser concernant l'aspect général de ce projet de loi. Bien sûr, il a peut-être été entendu, consulté, mais, par contre, a-t-il été entendu et compris par le gouvernement? C'est une autre chose. La consultation n'a été faite qu'en un sens. Afin de bonifier ce projet de loi — il n'y a pas d'arrière-pensée dans ce que je dis — j'ajouterais simplement que nous aimerions que le président de la commission vienne ici. Bien sûr, s'il n'a que des louanges à faire envers ce projet de loi tel que présenté, tant mieux. Nous n'avons absolument rien contre. Par contre, si, par son témoignage, on pouvait bonifier le projet de loi tel que soumis, je crois que ce serait à l'avantage de la commission de l'entendre, non pas ce matin, mais à une séance subséquente.

À cet effet, j'aimerais peut-être entendre les observations parce que nous avons une proposition à faire, à savoir que la commission de la justice est d'avis que les membres de la Commission de contrôle des permis d'alcool et, notamment, son président, le juge Trahan, se présentent devant elle pour se faire entendre dès la prochaine séance de cette commission ou une séance subséquente.

Le Président (M. Laplante): Est-ce une motion que vous faites?

M. Cordeau: S'il vous plaît.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous pouvez me donner... Est-ce que vous voulez que les travaux se déroulent assez vite, assez bien?

M. Cordeau: Oui.

Le Président (M. Laplante): Je ne prendrai pas 14 heures pour juger de la recevabilité de votre motion. Je ne m'appliquerai même pas à la corriger non plus, mais, telle qu'elle est formulée actuellement, elle est irrecevable. Le but de la commission est d'étudier article par article le projet de loi 55 tel que voté à l'Assemblée nationale. Maintenant, si je refuse la motion, je vais vous donner un petit peu plus d'explications. Votre motion ordonne la parution du juge Trahan.

M. Cordeau: Je peux changer la phraséologie. Je n'ai aucune objection à un amendement de la part du gouvernement, s'il l'agrée.

Le Président (M. Laplante): Vu que vous avez un sens tout particulier à votre premier énoncé, j'aimerais, si vous avez une correction à faire, que vous la fassiez vous-même si vous en avez une à faire, parce que ce n'est pas un voeu actuellement, c'est un ordre à ses membres.

M. Cordeau: C'est une motion voulant que... De toute façon, si les gens veulent s'exprimer, ils connaissent le but.

Le Président (M. Laplante): Je veux être correct avec tout le monde.

M. Cordeau: Habituellement, vous l'êtes.

Le Président (M. Laplante): Oui, si vous voulez répondre en attendant. Il présentera à nouveau sa motion lorsqu'il aura le droit de parole. M. l'adjoint parlementaire à la justice.

Réponse de M. Gérald Godin

M. Godin: J'ai préféré attendre d'être en commission pour répondre à certaines des critiques spécifiques que vous avez faites hier, plutôt que de répéter, parce que j'ai subi moi-même cette torture d'entendre plusieurs fois les mêmes arguments. Je voudrais l'éviter à ceux qui sont ici ce matin.

Sur le point que vous appelez fondamental et que nous estimons aussi très important, relativement aux mineurs et surtout aux jeunes filles mineures, nous faisons une distinction entre un mineur qui consomme de l'alcool et un mineur qui donne un spectacle. Je pense que pour le mineur qui consomme de l'alcool, souvent, ces personnes qui décident d'aller dans ces lieux disposent de faux papiers ou de personnalités doubles qui leur permettent de répondre à n'importe quelle question posée, de sorte que ce serait un fardeau très lourd à porter pour le détenteur d'un permis que de devoir prouver que, dans chaque cas, il y avait des pièces qui étaient valides ou valables. Donc, nous faisons une distinction entre ça et la question des mineurs qui donnent des spectacles.

Sur le deuxième point, les mineurs qui donnent les spectacles, nous sommes très ouverts à tout amendement ou à toute suggestion qui permettra de donner encore plus de dents à la loi. Nous avons fait notre boulot, nous, mais comme il y en a plus dans plusieurs têtes que dans une, nous serons très disposés à étudier attentivement les suggestions qui iraient dans ce sens-là. Je peux en donner l'assurance au député de Saint-Laurent.

Quant aux reproches que le député fait sur le droit nouveau, il y a effectivement des coins qui ont été tournés un peu carré à l'égard de cette mise dans le même sac des articles 1 à 117 qui ne sont pas tous de droit nouveau, mais qui sont nouveaux en ce sens qu'ils sont tous marqués d'une volonté de simplification. Dans ce sens-là, on peut dire que c'est le fil d'Ariane qui les relie entre eux, mais je dois me dire d'accord avec le député, à savoir que peut-être dire qu'ils sont tous de droit nouveau est un excès verbal, à tout le moins. Je prends bonne note des suggestions et je pense qu'effectivement, ça faciliterait le travail des membres d'une commission ou des membres du Parlement qu'il y ait une ventilation plus précise à l'avenir, au lieu d'imposer le fardeau de faire cette espèce de concordance aux députés.

Une voix: ...

M. Godin: Oui, d'accord, cela aurait pu être fait effectivement. Mais ce qui distingue les articles 1 à 117, je le répète, ce qui fait que nous les appelons nouveaux, à partir d'un commun dénominateur assez bas — quant à la nouveauté, je suis d'accord avec vous — c'est qu'il y a une volonté de simplification et de clarification afin de rendre la compréhension plus simple, d'une part, pour les personnes qui liraient cette loi. D'autre part, il y a une volonté de "streamliner" — on me permettra d'utiliser cet anglicisme — tout cet aspect de la loi. Donc, c'est la raison pour laquelle on les a appelés, un peu brutalement si vous voulez, en tordant le bras des mots jusqu'à un certain point, de droit nouveau.

D'autre part, quant aux recommandations ou aux suggestions du député de Saint-Hyacinthe, qui reprend, d'ailleurs, la suggestion faite par son collègue, hier, j'attendais ce matin pour les commenter.

S'il y a un chapitre VII qui ressemble à une nouvelle loi, c'est qu'il y a une partie qui touche purement l'administration, la délivrance et le contrôle des permis qui est la première partie, jusqu'au chapitre VII. Le chapitre VII lui-même s'inscrira — c'est la raison pour laquelle on l'a séparé — dans une réforme du droit pénal qui est actuellement en cours. C'est la raison pour laquelle on peut dire qu'on l'a inscrit comme ça dans la loi et qu'il fera partie éventuellement — qu'il sera extrait, si vous voulez, de cette loi — d'un ensemble plus vaste, plus complexe et plus long dans sa genèse, dans son aboutissement. La réforme du droit pénal, donc, est en gésine, si on peut dire, et cette partie est une des étapes. C'est la raison pour laquelle on l'a séparée de l'autre. Cela s'inscrit dans un cheminement à plus long terme. L'objectif visé par votre collègue hier et par vous ce matin sera atteint, mais à un autre niveau, dans une réforme plus globale.

Quant à votre suggestion... Est-ce qu'on peut parler dès maintenant, M. le Président, de la motion du député de Saint-Hyacinthe ou si on doit attendre?

Le Président (M. Laplante): Elle n'est pas présentée encore.

M. Godin: Alors, nous allons attendre que la motion soit officiellement déposée.

Le Président (M. Laplante): C'est mieux.

M. Cordeau: Et les amendements?

M. Godin: Oui, les amendements. Excusez-moi. Sur ce point-là, effectivement, nous prévoyons déjà, dans la partie de droit nouveau, soit les articles 1 à 117, cinq ou six amendements qui seront déposés en bloc dans quelques jours.

Une voix: Quand seront-ils déposés?

M. Godin: II y en a cinq qui sont déjà prêts; il en reste peut-être deux à venir. On peut déposer

les cinq maintenant. Nous déposons les cinq amendements qui sont d'ordre technique et il en reste peut-être deux à venir qui sont également d'ordre technique que vous aurez à la première occasion, dès qu'ils seront dactylographiés au propre.

Est-ce qu'il y aurait d'autres points?

Motion

Le Président (M. Laplante): D'accord. Il y a une nouvelle motion présentée par le député de Saint-Hyacinthe, qui se lirait comme suit: "Que la commission de la justice souhaite que les membres de la Commission de contrôle des permis d'alcool et, notamment, son président, l'honorable juge Trahan, aient la possibilité de se faire entendre dès la prochaine séance ou à une séance subséquente de cette commission". À ce moment-ci, je peux la juger recevable, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Sur la motion?

M. Godin: M. le député de Saint-Laurent, est-ce que vous avez des arguments à faire valoir à l'appui de cette motion?

M. Forget: Je souhaiterais qu'on entende, bien sûr, les commissaires, au moins brièvement. D'ailleurs, ce n'était pas nécessairement restreint à ça dans mon esprit, mais c'est sans aucun doute le groupe qui est le plus pertinent. Oui.

M. Godin: Sur cette question-là, le député de Saint-Laurent disait tout à l'heure: Nous voulons être "on the record". En français, je dirais; Nous voulons savoir si on a fait notre lit. Je pense que notre lit est fait, M. le député de Saint-Hyacinthe. Le président de la commission, ainsi que le vice-président et le secrétaire général, M. le juge Trahan, M. le juge Bossé, qui est, d'ailleurs, l'auteur du rapport que vous avez entre les mains dans votre dossier, ainsi que M. Gariépy ont été consultés, reconsultés, vus et revus. Chacune des modifications à la loi leur a été présentée; chacune des versions intermédiaires de la loi actuelle leur a été soumise pour critique, analyse, évaluation et suggestions. À chaque étape, ils ont donc été intimement associés à la rédaction de ce projet de loi, aussi bien qu'aux principes qui sous-ten-dent cette loi. Par conséquent, nous ne croyons pas nécessaire de les recontacter, de les revoir, parce que ça n'a pas été fait en cachette, ça n'a pas été fait du tout dans un esprit de vindicte à leur égard. Cela a été fait en collaboration avec eux à chacune des étapes. Nous estimons, par conséquent, qu'il serait superfétatoire de les réentendre ici, de les revoir et de leur faire redire ce qu'ils nous ont dit et qui, d'ailleurs, fait partie pour l'essentiel des modifications que nous apportons.

Nous estimons par conséquent que la commission aurait peu à apprendre ou à gagner. Les légistes, et entre autres mon voisin de droite, M. Daniel Jacoby, ont travaillé en étroite collaboration avec eux à chacune des étapes, du début à la fin de la préparation et de la présentation du projet de loi. Pour cette raison, nous avons fait notre lit et nous n'avons pas l'intention de les entendre en commission.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Le ministre admettrait-il, cependant, de considérer des questions de notre part relativement à ce sujet, puisqu'il nous dit qu'il s'est fait, en quelque sorte, si je comprends bien, notre porte-parole auprès des commissaires, qu'il est satisfait que les commissaires ont été consultés. C'est bien joli, je veux bien admettre qu'il les a consultés. Evidemment, le but d'une consultation, ce n'est pas la consultation elle-même, c'est de savoir ce que les gens ont à dire à l'occasion de la consultation. Est-ce que le ministre accepterait alors de nous dire quels sont les points du projet de loi, dans sa version définitive, au sujet desquels les commissaires ou le président de la commission persiste à être en désaccord, s'il y en a?

M. Cordeau: Je voudrais renchérir sur cela aussi, parce que tantôt, M. le député de Mercier, l'adjoint parlementaire, a dit que le gouvernement avait fait son lit. Bien sûr, mais peut-être que vous n'avez pas acquiescé à toutes les demandes ou les observations du président ou des commissaires. Peut-être que pour le bien général, on aurait intérêt à entendre les observations qui vous ont été faites de bonne foi. Peut-être que cela nous éclairerait et que cela éclairerait toute la population aussi, et la population sera en mesure de juger après. (10 h 45)

M. Godin: Je vais passer la parole à M. Daniel Jacoby, qui a été l'émissaire du gouvernement et du ministère dans ces rencontres. Il pourra vous faire un portrait encore plus détaillé que je puis le faire du genre de rencontres qui ont eu ieu et de ce qui s'est discuté à ce moment-là. Mais je dois dire, avant cela, que les deux principes en cause, c'est de moderniser, d'accélérer l'efficacité, premièrement, et les commissaires que nous avons vus étaient parfaitement d'accord sur ce principe. L'autre, c'est d'assurer la protection des mineurs qui sont appelés à travailler et que nous voulons empêcher de travailler dans ces lieux. Sur ces deux objectifs fondamentaux — et tout tourne autour de cela, au fond — les commissaires sont parfaitement d'accord, donc il n'y a pas de conflit sur l'essentiel entre eux et nous. C'est la raison pour laquelle personnellement je vois peu d'intérêt à les revoir. Enfin, je vais passer la parole à M. Jacoby.

Le Président (M. Laplante): M. Jacoby, vous êtes conscient que vous parlez comme si c'était le ministre qui parlait.

M. Godin: Oui, j'ai l'habitude.

M. Forget: C'est ce qu'on appelle une sous-sous-délégation.

Le Président (M. Laplante): Je suis venu près de le dire, M. le député de Saint-Laurent, mais j'ai eu peur de dépasser...

M. Godin: C'est le troisième niveau. Nous en sommes au troisième niveau de délégation. La délégation au cube...

Effectivement, dans la préparation de cette loi, nous avions déjà le rapport du groupe de travail et nous avions aussi certaines des recommandations du rapport Thinel laissé en suspens et nous avons préparé les avant-projets de loi. Quand nous sommes arrivés à un stade où les avant-projets de loi étaient suffisamment avancés, nous avons transmis les textes mêmes, au président, au vice-président et au secrétaire général de la commission.

Ils ont eu plusieurs semaines pour les examiner et dans l'ensemble, sauf sur des questions de détail, bonification sur le plan juridique, technique, les projets qui leur ont été soumis — la dernière version n'a pas été soumise, parce qu'on est pris par le temps — dans l'ensemble, je dirais qu'à 90% ce qu'il y avait dans les projets qui leur ont été soumis se retrouve aujourd'hui dans le projet de loi qui a été déposé.

Je peux faire état des remarques d'une manière générale. D'une part, comme le projet s'inspire grandement du rapport du groupe de travail dont faisait partie le juge Bossé et dont avait pris connaissance le président de la commission, on a constaté que les interventions venant de MM. Bossé et Trahan consistaient essentiellement en des interventions pour améliorer le projet de loi sur le plan de l'efficacité. Dans l'ensemble, sans entrer dans les détails, il est certain que nous avons suivi, de mémoire, peut-être 80% ou 90% des recommandations qui ont été faites par MM. Bossé et Trahan. Ce qui fait que, même sur la question du changement d'organisme comme tel, où pour des raisons techniques et juridiques, on remplace la commission de contrôle par la régie, le projet de loi qui leur avait été soumis contenait déjà ces projets de modification.

En somme, ce que je peux dire, constatant l'évolution du dossier, c'est que, substantiellement, ils ont été consultés. Nous avons reçu leurs commentaires et la plupart de leurs commentaires, nous les avons retenus dans le projet. Au niveau des principes de la loi, il n'y a jamais eu, à ma connaissance, de problèmes, de conflits ou de prises de position différentes de la part de MM. Trahan et Bossé. Evidemment, je ne peux pas parler en leur nom, mais je vous fait état de ce qui s'est passé dans nos rencontres.

Le Président (M. Laplante): Avant de continuer, M. le député de Saint-Laurent, je m'excuse de vous interrompre, j'ai commis un petit impair tout à l'heure; pour le journal des Débats, je voudrais rectifier, c'est que M. Jacoby parlait au nom de l'adjoint parlementaire à la Justice. Déjà, l'adjoint parlementaire parle en son nom, mais sous la responsabilité du ministre. D'accord? Pour que ce soit clair, aux fins du journal des Débats.

M. Forget: Je vous remercie.

M. Godin: Moi, c'est le...

M. Cordeau: Les responsabilités aussi.

M. Forget: C'est grisant. M. le Président, essentiellement, le but d'entendre les commissaires, ce n'est pas seulement de leur faire une politesse, c'est de constater personnellement les points sur lesquels ils demeurent en désaccord. On nous dit que, sur les principes, ils sont d'accord; est-ce qu'on doit comprendre que le gouvernement nous dit que, sur les principes de la loi, quelle que soit la façon dont on définisse les principes de la loi, il y a un accord, ce qui veut dire que, sur certaines questions de détail ayant trait à l'efficacité des processus de contrôle des permis, il y a donc des différences de points de vue qui subsistent? Je ne veux pas prétendre que les commissaires ont nécessairement raison et que le gouvernement a tort; ça peut, de façon tout à fait plausible, être l'inverse.

Je pense que ce qui intéresse les membres de la commission est l'interrogation qui serait présente dans nos esprits si les commissaires étaient devant nous, ce serait de déterminer sur quels points ils sont en désaccord. Les points sur lesquels ils sont en accord, disons que cela n'a aucun intérêt. Mais pour les points sur lesquels ils sont en désaccord, cela alerterait notre attention sur des jugements que porte le gouvernement quant à l'efficacité des mécanismes. Puisqu'on nous dit que les consultations ont eu lieu et qu'il n'y a pas lieu de les recommencer, le moins qu'on pourrait s'attendre d'obtenir de la part du ministre, c'est une indication claire: Voici, nous avons pris telle et telle décision malgré que les commissaires préféraient que l'on prenne telle et telle autre décision sur des points précis.

M. Cordeau: M. le Président, sur le même sujet.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Tantôt vous avez dit que le gouvernement nous a informés qu'il avait soumis environ 90% du texte à la commission, aux commissaires et au juge Trahan. Par contre, il reste 10% dont ils n'ont pas pris connaissance avant l'impression de cette loi. Vous savez que dans 10% d'un ensemble, on peut changer beaucoup de choses, même sur ce qui a été modifié, des articles qui ont été acceptés préalablement. Ce serait certainement intéressant que les membres de la commission nous fassent connaître leur opinion sur le 10% qui ne leur a pas été soumis.

Vous nous avez informés tantôt que 90% avait été soumis. Peut-être que 95% du texte soumis avait été accepté de part et d'autre, après amendements. Par contre, il y a 10% de ce projet de loi qui n'a pas été soumis aux commissaires. C'est peut-être sur ce 10% qu'ils ont des points de vue à nous faire connaître. Ce serait bénéfique pour la commission. D'ailleurs, vous connaissez notre esprit, ce n'est pas dans un but critique que nous faisons cela, mais bien pour bonifier ce projet de loi. S'ils viennent et qu'ils disent: On accepte tout cela en bloc, tout est très bien, on n'a pas d'objection. Par contre, cela nous rassurerait, et cela rassurerait la population également. C'est simplement dans ce but. Ce n'est pas une séance de deux ou trois jours. On demande tout simplement à les entendre et on jugera après.

M. Godin: M. le Président, je voudrais revenir — j'ai oublié cela au début de mes remarques et cela rejoint un peut ce que vous venez d'aborder — à la question que vous avez posée à savoir si je suis ici pieds et poings liés relativement à la volonté du ministre. Je n'ai pas de camisole de force ici, je vous le dis tout de suite, M. le député de Saint-Laurent. J'ai une certaine marge de manoeuvre, effectivement, sinon je ne serais pas venu. Jouer les marionnettes ne m'intéresse pas plus que vous ni que le député de Saint-Hyacinthe. Ne soyez pas inquiets. Il ne s'agit pas ici de présenter un bloc de ciment que je n'aurais pas le loisir de modifier. Il s'agit au contraire de discuter honnêtement de tous les aspects de ce projet de loi.

Mais sur le fond de ce que vous dites, M. le député de Saint-Hyacinthe, nous allons tenter de retracer — pour vous démontrer notre ouverture — dans nos documents, nos échanges de correspondance et les notes de conversations prises avec les commissaires actuels, les points où il y a eu litige. S'il y en a eu, ce dont je ne suis pas sûr, nous allons les faire connaître à la commission et la commission jugera, après avoir pris connaissance des points de litige qui auraient pu se présenter, si elle estime toujours que nous devrions entendre les commissaires. Dans notre esprit, ce seraient les trois personnes que nous avons vues, le commissaire Trahan, le président, le commissaire Bossé et le secrétaire général de la commission. Si vous estimez, après avoir pris connaissance des documents et si nous les retrouvons, que vous avez toujours l'intention de les entendre, nous le ferons et, si nous ne retrouvons pas les documents, nous serons ouverts à votre suggestion.

M. Cordeau: Ils ont certainement pris connaissance des 10% qui n'vaient pas été soumis avant l'impression du texte de loi définitif tel que présenté. Peut-être que ce serait bon de les consulter, si vous ne voulez pas leur permettre de venir ici à la commission, afin qu'ils fassent parvenir à la commission leurs suggestions sur la partie du texte de loi qui ne leur a pas été soumise.

M. Godin: Entendons-nous. Il y a des points sur lesquels il n'y avait pas un accord total, mais c'étaient des points tellement techniques dans certains cas qu'il ne nous apparaît pas que cela remet en cause le fondement même du projet de loi. C'est la raison pour laquelle nous sommes peu enclins à les entendre. Enfin, si vous y tenez, et si, après avoir pris connaissance des points où il y avait eu des discussions, vous estimez toujours utile qu'on les entende, on est ouvert à cela. Cela va?

Le Président (M. Laplante): D'accord? M. Cordeau: Cela va.

Le Président (M. Laplante): Dans ce cas-là, retirez-vous votre motion ou considérez-vous qu'elle est rejetée sur division?

M. Cordeau: Ne peut-on pas la présenter autrement? Si elle n'est pas acceptée, actuellement, je crois qu'on ne peut pas y revenir après, n'est-ce pas? On ne peut pas la présenter à un autre moment?

Le Président (M. Laplante): Dès que j'appelle l'article 1, il n'y a plus de motions de ce genre-là qui peuvent être présentées. C'est pour cela que je vous mets en garde tout de suite.

M. Cordeau: Parce que là, c'est conditionnel. Je crois que M. l'adjoint nous a dit qu'il était prêt à nous donner des informations et tout cela et même à aller plus loin. Il va y avoir plusieurs personnes qui vont parler. Peut-être qu'il serait bon d'entendre les commissaires tout de suite ou à un moment donné, peut-être demain ou après demain. Cela prendrait peut-être moins de temps de les entendre que de commencer à faire des recherches. Si vous en oubliez, on pourra apprendre après qu'il y a eu telle chose, etc. Si les commissaires venaient...

M. Godin: Si vous avez des informations sur des reproches qu'ils auraient... Vous posez le principe qu'il faudrait les inviter, mais vous n'avez pas dit les raisons pour lesquelles vous croyez que, selon vous, ils auraient des choses à dire sur des points très précis. C'est la raison pour laquelle pratiquement, en ne me situant pas au niveau théorique, vous ne m'avez pas encore convaincu qu'il faudrait les inviter. C'est cela, la question, parce que je voudrais que cela déboule. Il faudrait trouver les moyens pour que l'objectif soit atteint.

M. Cordeau: Oui, c'est cela.

M. Godin: Je ne sais pas quel moyen technique on peut prendre pour que la motion puisse être présentée à nouveau.

M. Cordeau: On peut la retirer.

M. Forget: Le ministre s'est exprimé, M. le Président, très clairement. Il a dit: On va vous donner les points sur lesquels il semble y avoir désaccord. Si cela semble manquer de clarté ou être manifestement incomplet, il a dit qu'il n'était pas opposé, en principe, à ce moment-là, à ce qu'on les entende, si les points semblent suffisamment importants. Quant à moi, je me satisferais de cet engagement du ministre de collaborer au maximum avec la commission.

Le Président (M. Laplante): Je crois que le plus sage, M. le député de Saint-Hyacinthe...

M. Cordeau: II me semble que la motion n'est pas radicale. Je souhaite qu'on puisse entendre le juge Trahan à une séance subséquente.

Le Président (M. Laplante): C'est parce que, si vous exprimez un souhait, on est obligé de les faire venir, on est obligé de les inviter. Pourriez-vous tout simplement retirer votre motion et obtenir l'engagement du ministre? À ce moment-là, vous l'auriez par les deux bouts. Préféreriez-vous faire battre votre motion...

M. Cordeau: Non, il a dit tantôt qu'il me laisserait peut-être le loisir de revenir sur le sujet, si on a d'autres informations à lui communiquer. Pour le bien de cette commission, non pas pour le bien, mais enfin, je peux la retirer.

Le Président (M. Laplante): Vous la retirez. Le député de Saint-Hyacinthe retire sa motion...

M. Cordeau: Après la paroles de l'adjoint parlementaire qui m'a fait part de son ouverture d'esprit.

Le Président (M. Laplante): ... après avoir entendu les explications de l'adjoint parlementaire.

Une voix: C'est consigné au journal des Débats.

Le Président (M. Laplante): D'accord. Cette motion du député de Saint-Hyacinthe est retirée. Avez-vous d'autres remarques avant l'appel de l'article 1? Je vous remercie. J'appelle l'article 1 du projet de loi 55, Loi sur les permis d'alcool. M. l'adjoint parlementaire. (11 heures)

Projet de loi

Interprétation

M. Godin: L'article 1 nous renvoie à l'article 2 de la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques. Je rappelle qu'en vertu de l'article 118 du projet de loi, la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques est le nouveau titre de la Loi sur la Commission de contrôle des permis d'alcool, et qu'en vertu de l'article 118 du projet de loi, certaines de ses définitions sont modifiées.

M. Forget: Je pense qu'on abroge les définitions qui apparaissent dans le dictionnaire, essentiellement. C'est ce que j'ai cru comprendre.

M. Godin: On modernise, en fait.

M. Forget: Je n'ai pas d'objection.

M. Godin: On a utilisé le Robert.

Le Président (M. Laplante): Article 1, adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Laplante): Article 2?

Constitution et fonctions de la Régie des permis d'alcool du Québec

M. Forget: Je ne sais pas si le ministre a des observations à faire, mais j'en aurai, s'il n'en a pas.

Le Président (M. Laplante): M. l'adjoint.

M. Godin: Allez-y, je n'en ai pas.

Le Président (M. Laplante): Vous n'en avez pas?

M. Forget: M. le Président, je m'exprimerai d'abord là-dessus de façon interrogative. On change le nom d'un organisme en lui conservant ses caractéristiques essentielles. Essentiellement, il s'agit d'un organisme qui a pour but d'émettre, de modifier, de renouveler, de révoquer des permis d'alcool. L'organisme, jusqu'à maintenant, s'est appelé la Commission de contrôle des permis d'alcool. On veut maintenant lui donner un nouveau nom, la Régie des permis d'alcool du Québec. Bien sûr, on peut s'amuser à changer les noms de tous les organismes tous les ans. Tout ce que cela va faire, c'est d'augmenter les frais de papeterie du gouvernement. Il doit y avoir autre chose que cela derrière un tel changement. Ce n'est pas évident dans le texte de la loi. Une régie, cela doit, selon l'expression normale de ce mot, administrer quelque chose, semble-t-il. Cela doit avoir une fonction administrative importante plutôt qu'une fonction quasi judiciaire, mais ce n'est pas du tout évident, ce qu'ils vont administrer. Effectivement, ils administrent seulement leur propre budget, autant qu'on peut comprendre. Comme ils sont six régisseurs plus le personnel de soutien, ce n'est quand même pas une grosse administration. On se demande bien pourquoi appeler cela une régie. Ce n'est pas évident, d'après les travaux faits il y a quelques années par un groupe de travail sur la réforme de l'administration publique, que ce soit une régie dans ce sens, du moins, me semble-t-il. Il s'agit davantage presque d'un tribunal administratif qui a certains critères pour l'attribution et le retrait des permis d'alcool, et qui doit décider selon des procédures presque judiciaires ou quasi judiciaires.

Pourquoi appelle-t-on une chose une commission? Pourquoi l'appelle-t-on une régie? Il ne semble pas y avoir de véritable raison, sauf le désir peut-être un petit peu gratuit de changer pour changer. À mon avis, il n'y a rien qui justifie le changement de nom dans le texte de loi. Je voudrais bien connaître, de la part de l'adjoint parlementaire, quelle est la philosophie de l'administration publique qui les oriente dans ce domaine. On a une Régie des rentes, par exemple. La Régie des rentes, c'est bien connu, administre quelque $200 millions de prestations par année. Elle maintient des fichiers de bénéficiaires, un registre des gains, des bureaux régionaux pour donner des services à la population et pas simplement agir comme tribunal. Il y a là toutes sortes... On gère. Le mot "régie" suggère le mot "gestion". On gère donc un régime de prestations sociales. La Régie de l'assurance-maladie administre des ententes entre l'État, d'une part, et des syndicats de professionnels de la santé, et là aussi, il y a plusieurs centaines de millions de dollars qui sont administrés. Il y a un immense service d'informatique. On traite quelque $50 millions de réclamations par année. On a 2000 employés. Ce sont des régies.

Quand on arrive avec un groupe de six personnes qui décident si oui ou non l'attribution d'un permis est justifiée, je pense qu'on introduit une confusion déplorable dans le vocabulaire en disant: La Régie des permis d'alcool et la Régie d'assurance-maladie, ce sont deux régies. Ce sont deux animaux complètement différents. Il n'y a aucune espèce de parenté entre les deux. Peut-être qu'on n'aime pas le mot "commission". Cela fait XIXe siècle, je ne sais pas. Qu'on l'appelle un tribunal, qu'on l'appelle... Pourtant, "commission" suggère que, justement, il y a l'idée d'un mandat que l'État confie à des commissaires pour interpréter et appliquer une loi.

Dans le fond, quand on regarde les fonctions exécutées par les régisseurs, ça pourrait bien être une direction générale à l'intérieur du ministère de la Justice aussi. Il n'y a rien qui s'opposerait à ce qu'à l'intérieur du ministère de la Justice on désigne trois fonctionnaires, dans la loi du ministère, qui ont la charge de délivrer des permis. Il n'y a vraiment rien là. Le permis de conduire, par exemple, c'est important, un permis de conduire. C'est émis par le Bureau des véhicules automobiles, à l'intérieur du ministère des Transports. On n'a pas créé la Régie des permis d'automobiles. Qu'est-ce que c'est ça, cette histoire? Pourquoi le ministère de la Justice n'est-il pas capable d'émettre des permis d'alcool? Pourquoi faut-il créer une structure? La seule raison, à mon avis, pour laquelle on crée une structure, c'est qu'on veut donner le statut de tribunal à cette commission, régie, appelez-la comme vous voudrez, on veut lui donner un statut indépendant. On ne veut pas que ce soient des gens qui soient aux ordres du ministre. On veut qu'ils soient un peu comme un tribunal. Alors, qu'on crée un tribunal administratif avec, évidemment, des pouvoirs d'enquête, etc., tout ce qu'on veut, parce que le concept de tribunal administratif se prête à ça. Un tribunal administratif, ce n'est pas une régie.

Personnellement, M. le Président — à moins de recevoir des réponses, ce sera le sens de mes remarques — je suggérerais qu'on conserve l'ancien titre, à défaut d'avoir des raisons vraiment valables pour en adopter un nouveau, parce qu'on va créer plus de confusion avec ça que c'est utile. On dit: Pourquoi une régie? Est-ce un nouvel organisme? Faut-il s'adresser ailleurs? Y a-t-il une commission plus une régie? Pourquoi une régie? Qu'est-ce qu'ils administrent? Ils n'administrent rien, bon! C'est changer... C'est une distinction sans différence, comme disent les Américains.

Le Président (M. Laplante): M. l'adjoint parlementaire.

M. Godin: Je trouve que le député de Saint-Laurent tourne à son tour les coins rond. Il ne s'agit pas pour la commission de nommer quelques personnes. Il y a 200 fonctionnaires qui travaillent à ce qu'on appelle actuellement la commission. Deuxièmement, il y a quand même des raisons pratiques et bien précises qui font que nous voulons l'appeler régie. Il y aura maintenant dorénavant une juridiction — enfin, si la loi est adoptée — exclusive qui sera donnée au président de la régie, alors que cette juridiction est actuellement partagée entre le président de la commission et le sous-procureur général de la province de Québec. Je pense que c'est une des raisons fondamentales pour lesquelles nous appelons ça une régie. De plus, il y a des changements assez importants qui sont apportés à l'ancienne commission. Entre autres, la réduction de la durée maximale du mandat de dix à cinq ans, l'abolition d'un des deux postes de vice-président et surtout — je reviens là-dessus — la juridiction exclusive accordée au président quant à l'administration et la direction de la régie. Enfin, sur le plan du dictionnaire, aussi bien que sur le plan juridique, il est maintenant généralement admis ou accepté que les organismes qui exercent des fonctions d'adjudication comme, par exemple, délivrer un permis de contrôle et de régulation, devraient s'appeler régie. C'est la raison pour laquelle nous avons...

M. Forget: ... pour acquis par trois ou quatre personnes que vous avez consultées...

M. Godin: Les plus...

M. Forget: ... mais ça ne fait pas la commune renommée, ça.

M. Godin: Enfin, dans notre livre, c'est le terme "régie" qui recouvre le mieux le fonctionnement de ce...

M. Forget: Mais pourquoi?

M. Godin: Nous sommes plus dans le droit administratif, en fait, que dans toute autre forme de droit et...

M. Forget: Je suis bien d'accord là-dessus, au départ, c'est sûr.

M. Godin: ... en droit administratif, nous appelons ça une régie. Dans le dictionnaire...

M. Forget: Ce n'est qu'une affirmation... M. Godin: ... dans le dictionnaire, monsieur... M. Forget: ... M. l'adjoint parlementaire. M. Godin:... dans le Robert...

M. Forget: Comment décrit-on "régie" dans le petit Robert, à supposer que ce n'est pas une autorité pour une question de droit, mais...

M. Godin: Je peux vous passer le dictionnaire et même en faire le dépôt.

M. Cordeau: M. le Président?

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Vous avez dit tantôt, M. l'adjoint, qu'un organisme qui accorde des permis, c'est une régie, des permissions. Mais la Commission de protection du territoire agricole, ce n'est qu'une comparaison, elle ne fait qu'accorder des permis et c'est une commission. C'est une loi qu'on vient d'accepter dernièrement. La Commission de protection du territoire agricole n'accorde que des permis et c'est une commission.

M. Forget: Dans le petit Robert, je ne pensais pas trouver une aussi bonne confirmation. On dit: "Dr., Admin. Mode de gestion d'une entreprise publique — ce n'est pas une entreprise, c'est bien clair que c'est n'importe quoi, sauf une entreprise — par les fonctionnaires d'une collectivité publique. Régie d'Etat, Régie communale. Régie simple ou directe, entièrement dirigée et organisée par les fonctionnaires. Régie intéressée, dirigée par une personne ou une société intéressée aux recettes et aux bénéfices." Des contrats en régie, par exemple, des travaux en régie, par opposition à des travaux à forfait, ça ne s'applique pas... "Entreprise publique ainsi gérée. Régies d'Etat avec monopole." Par exemple, en France, la Régie des tabacs et allumettes, la Régie des poudre et salpêtres, la Régie autonome des transports parisiens...

M. Godin: On peut dire, M. le député de Saint-Laurent, que la Régie des tabacs en France a des points communs avec notre régie des alcools.

M. Forget: Non, elle fabrique.

M. Godin: Elle administre également l'émission des permis. Pour vendre du tabac en France, ça prend un permis...

M. Forget: Selon cette définition-là, ce serait un terme approprié pour la Société des alcools. On pourrait appeler ça la régie des alcools au Québec. Selon la définition française, c'est une régie. On gère un commerce, une entreprise, c'est une régie. Ici, il ne s'agit pas de gérer quoi que ce soit, il s'agit de faire une adjudication des permis. Une adjudication, c'est un travail de tribunal, ce n'est pas un travail de régie, jamais, dans aucun pays. Enfin, on peut bien définir les mots comme on veut, le législateur est tout puissant. On peut bien appeler ça une école maternelle si on y tient absolument, mais ce n'est pas du tout une régie.

M. Godin: Enfin, il ne faudrait pas charrier non plus.

M. Forget: Non, mais enfin, le législateur peut tout faire.

M. Godin: Pour un éclairage technique je vais passer la parole à M. Jacoby.

Effectivement il est vrai que le vocabulaire que l'on emploie en matière d'organismes, de tribunaux, est loin d'être uniforme. Par ailleurs on tente de plus en plus depuis quelque temps d'avoir une typologie des organismes gouvernementaux, que ce soient des organismes de régulation ou des organismes administratifs. Il est certain que, d'une part, je ne pense pas qu'on puisse tellement s'inspirer du dictionnaire Robert en matière de droit administratif québécois parce que le droit administratif français et le nôtre sont très très différents. On hérite beaucoup du droit administratif d'inspiration anglaise et américaine. Il y a plusieurs auteurs qui se sont penchés sur la question, notamment Gélinas qui a écrit, il y a quelques années, un livre sur les organismes centraux et décentralisés et qui essaie d'établir une typologie des organismes suivant leur vocable. Il constate lui aussi qu'il y a une disparité dans nos lois.

C'est vrai qu'il y a des exceptions, vous en avez noté une, mais dans l'ensemble le mot "commission" n'est pas utilisé pour ce type d'organisme. Prenons, par exemple, la Commission de police. La Commission de police actuellement est un organisme qui a un certain pouvoir de régulation, mais c'est un organisme qui n'a aucun pouvoir d'adjudication. Elle ne fait que des recommandations, qui sont suivies ou non. Elle n'a absolument aucun pouvoir quasi judiciaire, d'une part. Ce sont des recommandations, par exemple, quand il s'agit d'enquêtes sur les corps de police ou d'enquêtes sur les membres de corps de police. Tout ce qu'elle peut faire et tout ce qu'elle fait ce sont des recommandations.

Si on prend par ailleurs la Commission des droits de la personne, la Commission des droits de la personne qui a été créée en 1975 n'a pas de pouvoir d'adjudication non plus. Tout ce qu'elle fait, c'est des enquêtes à partir des plaintes en matière de discrimination, d'une part, et, ensuite, d'essayer de concilier les parties, de faire des

recommandations; si elles ne sont pas suivies, la commission n'a absolument aucun pouvoir d'émettre une ordonnance. Il faut s'adresser au tribunal.

Si on prend la Commission des affaires sociales, maintenant, qui est un autre organisme bien connu, la Commission des affaires sociales a été créée pour siéger en appel de certaines décisions administratives, certaines lois, comme, par exemple, la Loi sur les accidents du travail, la Loi sur les victimes d'actes criminels, et ainsi de suite, cette commission a un strict pouvoir d'adjudication. (11 h 15)

Alors, on voit déjà, si on compare la Commission des affaires sociales, la Commission des droits de la personne, la Commission de police avec la fameuse Commission de contrôle des permis d'alcool, qu'il y a vraiment un monde de différence entre les deux.

Effectivement, on constate, par exemple, que, dans un organisme comme celui-ci, il y a des fonctions d'adjudication, mais aussi des fonctions de régulation. Cet organisme a le pouvoir d'adopter des règlements qui, bien sûr, sont approuvés par le gouvernement. Ce sont des fonctions de régulation. C'est un organisme qui se trouve à appliquer sa propre législation en partie, pour ce qui est du pouvoir délégué. Alors, il y a des fonctions de régulation et, dans le fond, si on s'en tient à Gélinas — c'est peut-être l'auteur québécois qui s'est le plus penché sur la question — la régie, c'est l'organisme qui exerce des fonctions de régulation. D'ailleurs, c'est ce que dit l'article 3: "La régie a pour fonctions de délivrer, de renouveler, de suspendre ou de révoquer les permis visés dans la présente loi et d'en contrôler l'exploitation." Donc, elle a une fonction de régulation dans la consommation, la vente au détail, l'exploitation des établissements qui servent de l'alcool ou encore des épiceries.

Donc, il y a une fonction de régulation, mais il y a aussi une fonction d'adjudication parce qu'on émet des permis, on révoque des permis. Or, d'après nos études, il semblerait que le terme le plus approprié pour un organisme qui exerce ce type d'interventions, c'est le terme régie. Je dois admettre, par ailleurs, qu'actuellement le vocabulaire n'est pas tout à fait fixé, sauf qu'au ministère de la Justice, à la Direction de la recherche et de la législation, nous tentons de plus en plus d'accoler aux organismes le terme qui convient le plus à leurs fonctions et à leur vocation.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Bien sûr, vous avez fait plusieurs comparaisons, mais pouvez-vous me faire la comparaison avec la Commission de protection du territoire agricole qui a à peu près les mêmes fonctions que celles définies à l'article 3? Elle accorde des permis, elle suit les exploitations de sablières, ainsi de suite, l'exploitation des terres noires, elle peut enlever le permis et ainsi de suite.

Là, on a dit "commission" et ici on dit "régie". Ce n'est pas clair, c'est loin d'être clair. Je ne sais pas si la loi 90 a été soumise au comité de législation ou si elle a été faite tellement à la hâte qu'on l'a votée comme cela sans que ce soit bien défini et bien pris en considération. J'aimerais que vous apportiez un éclaircissement sur la Commission de protection du territoire agricole et la régie que nous sommes en train d'établir actuellement.

M. Godin: Supposons, M. le député de Saint-Hyacinthe, que nous estimions que l'erreur a été faite au moment du baptême du premier enfant dont vous parlez et que nous ne voulions pas répéter cette erreur. Ce que nous visons, c'est qu'il y ait une uniformisation du vocabulaire, une meilleure cohérence dans le vocabulaire. J'estime, à titre personnel, que la Commission de protection du territoire agricole aurait dû s'appeler la régie; c'est une opinion personnelle. C'est la raison pour laquelle j'estime que le mot régie s'applique dans ce cas-là et qu'on n'est pas pour partir d'une erreur récente pour en faire une autre, dans ma logique à moi.

M. Cordeau: On peut toujours présupposer aussi que la Loi sur la protection du territoire agricole avait été bâclée et présentée assez vite, mais, de toute façon...

M. Godin: Ce n'est pas parce que l'enfant n'a pas été baptisé du bon prénom que la loi a été bâclée, entre vous et moi. Ce n'est pas le nom de l'enfant qui fait sa qualité.

M. Cordeau: De toute façon...

M. Godin: Vous, vous vous appelez Fabien et, pourtant, je sais que vous ne faites pas toujours bien, pour employer une blague utilisée souvent avec M. Fabien Roy dans le passé. Donc, le nom a peu à voir avec...

M. Cordeau: Je ne fais pas toujours bien, mais je fais quelque chose.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je voudrais dire que j'apprécie le commentaire du député de Saint-Hyacinthe relativement au titre de la Commission de protection du territoire agricole. Je pense qu'on touche là du doigt, dans une loi récente, que cette fameuse symétrie dans l'utilisation des mots n'existe pas même pour un même gouvernement. Donc, on ne s'approche pas plus d'une solution en changeant "commission" par "régie" dans ce cas-ci. On va être tout aussi confus.

Pour vraiment changer le sens des mots, il faudrait le faire systématiquement et il faudrait qu'on nous explique quel titre on va donner aux deux régies que je viens de décrire tout à l'heure, la Régie de l'assurance-maladie et la Régie des rentes. S'il faut un pouvoir de régulation pour

qu'on s'appelle régie, il va falloir immédiatement changer le titre de ces deux régies, parce qu'elles n'ont pas de pouvoir de régulation, elles n'en ont aucun. Elles n'ont pas de pouvoir d'adjudication, donc, on ne pourra pas les appeler commission non plus. Elles ont simplement un pouvoir de gérer des lois.

Dans le cas de la Régie des rentes, elle a un certain pouvoir d'adjudication, si on veut, des rentes d'invalidité, sujet cependant aux décisions de ta Commission des affaires sociales. Dans ce cas-là, comment va-t-on appeler la Régie des rentes? Est-ce que ça va être la société des rentes du Québec? Et la Régie de l'assurance-maladie, la société d'assurance-maladie? Non, parce que ce ne sont pas des opérations commerciales et industrielles. Alors, elles n'auront pas de nom, probablement qu'il faudra se contenter de ne pas les appeler...

Plus fondamentalement que ça, je crois qu'on fait une très grave erreur de lier la notion de régie à la notion de régulation. Bien sûr, il y a, en droit américain, mais dans le contexte de la constitution américaine, du régime politique américain qui est bien différent du nôtre, ces organismes qui ont des pouvoirs de régulation. Il faut comprendre que le pouvoir législatif est constitué bien différemment aux Etats-Unis de ce qu'il l'est dans un État avec un régime parlementaire et qu'il y a un besoin beaucoup plus évident, dans un tel régime, pour qu'à l'intérieur de la branche exécutive, il y ait des pouvoirs de régulation qui soient exerçables de façon autonome du Congrès.

Mais ce n'est pas du tout le cas dans notre droit parlementaire, si ce n'est par une certaine négligence ou un abus, le pouvoir de régulation n'est jamais effectivement délégué totalement. La preuve en est que, dans les dispositions de la loi 55, ce n'est pas la régie qui va faire des règlements, qui va donner autorité à des règlements, c'est le lieutenant-gouverneur en conseil. Il y a une seule autorité, dans le fond, dans le droit parlementaire, c'est la première autorité, c'est le Parlement lui-même qui adopte les lois et il y a une autorité déléguée au Conseil des ministres.

Maintenant, qu'un projet de règlement soit préparé par une régie, par une société d'Etat ou un fonctionnaire d'un ministère, ça n'affecte en rien la source de sa légitimité qui est l'approbation par le lieutenant-gouverneur en conseil. Donc, il n'y a pas de pouvoir de régulation, ce sont des pouvoirs d'élaborer des textes. Le pouvoir de régulation repose essentiellement dans le Conseil des ministres, point. À moins que vous nous disiez que, dans les articles subséquents, vous allez faire des modifications pour que ce soit la régie qui adopte' les règlements, sans même référence au Conseil des ministres. Si vous ne voulez pas leur donner un pouvoir de régulation, n'entretenez pas la confusion en disant qu'elles ont des pouvoirs de régulation, elles n'en ont pas. Elles préparent des textes, elles sont consultées, plus ou moins intensément, mais effectivement le pouvoir de régulation appartient au Conseil des ministres. Donc qu'est-ce qui leur reste, au net? Il leur reste l'adjudication. Ce sont des tribunaux administratifs, et dans le droit parlementaire britannique, tout ce que l'on peut avoir, ce sont des tribunaux administratifs. On ne peut pas avoir des "authorities", comme les Américains en ont, ça ne s'ajuste pas dans notre droit parlementaire.

Si jamais on allait jusque-là, on changerait notre constitution interne, c'est ça qu'on ferait. Il n'y a qu'un détenteur du pouvoir législatif, c'est l'Assemblée nationale, elle peut le déléguer au Conseil des ministres, mais c'est tout. Donc, si on fait reposer la définition de régie sur le pouvoir de régulation, on la fait reposer sur un pouvoir qui n'existe pas à ce niveau, il existe à un autre niveau. Donc, on se retrouve devant un tribunal administratif qu'on appelle une régie, qu'on appellera tantôt une commission, sur la base d'une distinction qui n'est présente nulle part, et qui ne devrait pas d'ailleurs s'incorporer dans nos moeurs. On ne doit pas, étant donné le principe de responsabilité ministérielle, donner à un organisme autre que le Conseil des ministres le pouvoir d'adopter des règlements.

Les seuls organismes qui peuvent adopter des règlements à part le Conseil des ministres, ce sont les administrations municipales, qui sont des administrations élues. Elles peuvent adopter des résolutions qui sont finales, qui n'ont pas besoin d'être entérinées ou avalisées par le Conseil des ministres. Mais il n'y a aucun organisme gouvernemental qui est capable de faire cela. Je n'ai jamais entendu personne qui suggère qu'on donne des pouvoirs de régulation en dehors du Conseil des ministres. Ce serait une aberration.

Pour ce qui est de savoir jusqu'à quel point les règlements sont préparés par la Commission des transports ou par la Commission de contrôle des permis d'alcool, bien sûr, s'il y a des connaissances spécialisées dans ces milieux, c'est tout à fait normal qu'elles préparent des textes. Mais ce ne sont pas elles qui les adoptent dans le fond. Ils deviennent en vigueur quand ils sont adoptés par le Conseil des ministres et publiés dans la Gazette officielle. C'est la règle uniforme. J'espère qu'on aura bientôt une loi — si ce n'est pas celle que j'ai présentée, ce sera probablement celle du gouvernement — qui viendra consacrer des principes fermes dans ce domaine, qu'on ne peut pas déléguer à n'importe qui un pouvoir de légiférer.

On ne peut pas les appeler des régies à cause de cela. J'attends toujours une raison et je n'en ai pas.

M. Godin: On a appelé, vous avez raison, un peu indifféremment, sans réfléchir plus avant, autant sous l'ancien régime que sous le régime précédent et même sous le régime Lesage, un organisme d'Etat régie ou commission. Je pense que là où le député de Saint-Laurent, involontairement, sûrement, glisse, c'est quand il dit que, de toute façon, comme cela doit passer par le lieutenant-gouverneur en conseil, l'adoption d'un règlement, la régulation, ou tout ce qui touche les règlements, la régie n'a pas le droit, jusqu'à un certain point, de s'appeler régie. Mais cela vient de

sa propre initiative, ce règlement. C'est elle — appelons-la la base, la régie — qui fait des suggestions de nouvelles réglementations au gouvernement, et le gouvernement ne fait que les entériner, au fond. Mais l'initiative vient d'elle.

Deuxièmement — et c'est l'aspect sur lequel je veux insister maintenant — nous voulons marquer la volonté de réforme, la volonté de changement. Nous voulons qu'il y ait une nouvelle couche de peinture, si vous voulez, sur la maison. Et le meilleur moyen, dans notre esprit, pour que les gens voient qu'il y a un changement, c'est dans une nouvelle appellation. Et comme la différence est très technique, est très théorique et qu'il n'y a à l'appui de l'une ou de l'autre thèse d'arguments qui soient convaincants, l'argument de fond, quant au changement de nom, c'est la volonté de marquer un changement, la volonté de marquer qu'il y a une réforme qui se fait et que, pour le citoyen, ce soit clair dans son esprit.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que l'article 2 est adopté?

M. Forget: Non, M. le Président. Je vais présenter une motion pour amender l'article. Je vais vous la donner tout de suite. Cela consiste à remplacer, dans l'article 2, les mots "Régie des permis d'alcool du Québec" par "Commission de contrôle des permis d'alcool du Québec".

L'article amendé se lirait comme suit: "Un organisme est institué sous le nom de Commission de contrôle des permis d'alcool du Québec."

Je ne suis absolument pas convaincu qu'on a des raisons valables de faire le changement. On ne s'approche pas plus près d'une uniformité dans l'utilisation des termes. Si on n'est pas pour avoir un système complet...

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent, je dois vous arrêter immédiatement, pour juger de la recevabilité de votre motion, étant donné qu'elle est déjà présentée. Je la juge recevable pour tout ce qui s'est dit auparavant, vous pouvez maintenant parler sur votre motion.

M. Forget: Merci, M. le Président. Je ne suis pas du tout convaincu, comme je le disais, qu'on a des raisons valables de le faire. Même en faisant ce changement, on n'est pas plus près d'une utilisation uniforme des termes dans la désignation des organismes officiels.

J'hésite à le faire, surtout vis-à-vis d'un adjoint parlementaire qui commence dans ce métier.

M. Godin: N'ayez aucune réserve à ce sujet.

M. Forget: Mais je pense qu'il y a là une intention de relations publiques beaucoup plus qu'une intention d'harmonisation des lois. Je peux comprendre que, lorsqu'on parle de permis d'alcool, on veuille donner l'impression de plus de rigueur et de sévérité et que le mot "régie" est peut-être plus convaincant dans ce texte-là que le mot "commission". De la même façon, lorsqu'on a voulu intervenir pour la protection du territoire agricole, ne voulant effrayer personne, on n'a pas voulu utiliser un mot chargé d'émotivité comme "régie", mais on a utilisé un mot neutre comme "commission". (11 h 30)

Dans le fond, soyons honnêtes pour deux minutes et admettons que tout ce fatras de rationalisation, parce que ce n'est que cela pour l'instant — malheureusement, cela pourrait être davantage, mais ce n'est que cela pour l'instant — est dicté, malheureusement, par des considérations de relations publiques. Cela ne vaut que ce que cela vaut.

On ne peut pas s'attendre qu'on y concoure, d'où cette motion d'amendement, M. le Président. Je n'ai pas l'intention d'insister davantage là-dessus. Je pense qu'on a déjà couvert le terrain. Il est très clair qu'on change des mots sans changer les réalités et que même les justifications qu'on cite pour changer les mots ne sont pas valables, ne sont pas basées sur la réalité.

L'adjoint parlementaire dit: Regardez dans le texte de loi, la régie pourra prendre l'initiative de proposer des règlements au Conseil des ministres. C'est bien joli cela, mais il y a des gens qui proposent des initiatives sans qu'on leur donne des titres officiels. Il reste que le Conseil des ministres conserve son pouvoir de changer les textes qu'on lui soumet, à moins qu'on ne nous indique que ce n'est plus le cas. Le Conseil des ministres, à qui la Régie des permis d'alcool va présenter un règlement, n'est-il qu'une espèce de chambre d'enregistrement? Va-t-on se borner à dire: Oui, cela vient de la régie; on va adopter cela sans le regarder, simplement en mettant le sceau, on n'est là que pour faire du "rubber stamping" au Conseil des ministres? Ou a-t-on véritablement encore le pouvoir de dire: Non, ce projet de règlement présenté par la Régie des permis d'alcool, à tel chapitre, n'est pas recevable, n'est pas bon, il ne répond pas au problème; on va le renvoyer à la régie de manière qu'elle le retouche, le modifie et qu'elle continue de le modifier jusqu'à ce qu'il soit acceptable?

C'est très important, parce que certaines régies ou commissions, dans le passé, ont prétendu que le Conseil des ministres n'avait pas le pouvoir de modifier les textes qui lui étaient envoyés. C'est une affirmation que je n'ai jamais acceptée. Je pense qu'elle est inacceptable. Le pouvoir de faire les règlements, il faudrait qu'il soit délégué dans des termes beaucoup plus clairs à un organisme pour que cet organisme-là prétende que les textes qu'il produit sont sacrés et que personne n'a le droit d'y toucher, même pas le Conseil des ministres. C'est vouloir ravaler le Conseil des ministres au rang, encore une fois, d'une chambre d'enregistrement de décrets promulgués par des organismes quelconques vis-à-vis desquels le gouvernement sera obligé de plaider l'incapacité de faire quoi que ce soit. Pensons-y sérieusement. Je pense que personne ne recherche cela. On veut, bien sûr, que les textes émanent de ceux qui ont l'expertise technique, mais pas au point d'abdi-

quer la responsabilité politique, décisionnelle du Conseil des ministres. Si le Conseil des ministres peut modifier le texte, il en est véritablement l'auteur, parce que, qu'il le modifie ou pas devient secondaire à ce moment-là. S'il a ce pouvoir de le modifier, il reste que, dans son entier, le texte devient son texte. Ce n'est pas un pouvoir de la régie cela. Le pouvoir de la régie, ce n'est pas plus, à ce moment-là, que le pouvoir d'envoyer une lettre à votre député pour dire: J'aimerais donc cela qu'on adopte une loi. Je peux bien vous envoyer le texte de loi que j'aimerais qu'on adopte. Cela ne fait pas du citoyen qui vous écrit un instrument législatif ou un organisme législatif. Cela demeure à l'Assemblée nationale d'adopter le projet de loi. Même si elle l'adopte mot à mot, selon la suggestion du citoyen, le citoyen ne devient pas un législateur pour autant; c'est celui qui a l'autorité qui est législateur.

M. le Président, comme on ne veut pas créer, j'espère, de confusion, j'insiste pour que cet amendement-là soit considéré sérieusement par la commission de la justice de manière à garder à la Commission de contrôle des permis d'alcool du Québec son titre et sa papeterie.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: M. le Président, moi aussi j'aimerais qu'il y ait un peu de concordance au sein du gouvernement. On crée une commission, la Commission de protection du territoire agricole — ce sont à peu près les mêmes attributs qu'à l'article 3 du présent projet de loi — et là, on crée une régie. Je ne sais pas qui a raison d'un côté comme de l'autre, quel ministère a eu raison...

M. Godin: Abstenez-vous de voter, si vous ne le savez pas.

M. Cordeau: Pardon?

M. Godin: Abstenez-vous de voter.

M. Cordeau: J'aimerais aller à la Cour d'appel. J'aimerais qu'un tribunal de plus grande instance juge ce problème qui est réellement un problème gouvernemental dans toute son ampleur. Je ne sais pas pourquoi on appelle cela "régie" ou "commission", mais je voudrais qu'il y ait un peu de cohérence de la part du gouvernement à un moment donné. Si on veut aller à droite, qu'on aille à droite; si on veut aller à gauche, qu'on aille à gauche, mais qu'on aille dans la même direction lorsqu'il s'agit de présenter des textes de loi accordant les mêmes pouvoirs ou à peu près. Si Commission de protection du territoire agricole était correct, on devrait appeler cela la Commission de contrôle des permis d'alcool du Québec. C'est logique, il y a de la suite, parce que ce sont les mêmes attributions, les mêmes pouvoirs qui sont "de délivrer, de renouveler, de suspendre ou de révoquer les permis visés et d'en contrôler l'exploitation." C'est absolument ce que fait la

Commission de protection du territoire agricole. Je ne peux pas m'opposer à la motion qui est présentée par le député de Saint-Laurent, parce qu'il faut être conséquent entre nous vu qu'on a adopté un autre projet de loi. Il y aurait peut-être une petite correction à faire: Le permis d'alcool du Québec, dans la résolution, je ne sais pas si cela prend un petit "p" ou un grand "P".

M. Godin: Est-ce que vous m'autorisez à m'absenter cinq minutes?

Le Président (M. Laplante): À la demande de M. l'adjoint, la commission suspend pour cinq minutes.

M. Cordeau: Nous suspendons cinq minutes.

Le Président (M. Laplante): Suspension de cinq minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 37)

(Reprise de la séance à 11 h 52)

Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous plaît! Reprise de la séance. M. l'adjoint parlementaire de la Justice, vous aviez la parole.

M. Godin: Oui.

M. Cordeau: II y a une question que j'aimerais poser avant.

Le Président (M. Laplante): Oh! M. le député de Saint-Hyacinthe, allez-y!

M. Cordeau: C'est que dans le rapport Bossé, est-ce qu'on recommande de changer le nom de "commission" à "régie" ou de...

M. Godin: Non, le groupe de travail ne s'est pas préoccupé de ces questions. C'est plutôt le travail des légistes, ça, de voir dans quelle mesure l'appellation de l'organisme peut être changée ou non.

M. Cordeau: Je voulais m'enquérir si c'était une recommandation du rapport...

M. Godin: Non, ce n'était pas une recommandation comme telle.

Le Président (M. Laplante): Vous avez changé de dictionnaire?

M. Godin: C'est à moi que vous parlez? Le Président (M. Laplante): Oui. M. Godin: Non.

Le Président (M. Laplante): Non, d'accord, allez-y!

M. Godin: Écoutez! J'ai deux arguments à l'encontre de la motion du député de... j'allais dire le député de Forget, le député de Saint-Laurent...

M. Forget: Cela viendra.

M. Godin: Premièrement, j'avais cru noter hier une sorte de consensus à l'appui de la réforme que contient ce projet de loi. J'avais cru noter ça, en toute bonne foi, et je m'en réjouissais. Je l'ai dit d'ailleurs en Chambre, hier. Or, dans notre logique à nous, la réforme doit s'appliquer également au nom pour que ce soit clair et précis et connu de tous qu'il y a une réforme. C'est donc beaucoup pour des raisons de cohérence par rapport à l'esprit de réforme que nous modifions le nom ou l'appellation de cet organisme, premièrement.

Deuxièmement, on a beaucoup parlé de la Commission de la protection du territoire agricole et le député de Saint-Laurent a donné à entendre qu'il y avait certains mots qui pouvaient faire peur, certains qui ne faisaient pas peur. Quant à moi, pour être un poète de profession, je m'étonne de voir que le député de Saint-Laurent puisse dire qu'il y a un coefficient de peur qui peut être attaché à certains mots — ou de non-peur — je pense que les mots sont peut-être des êtres vivants, mais pas au point que certains mots feraient peur et certains mots ne feraient pas peur. Donc, cet argument-là me convainc peu.

Fondamentalement, l'expert André Gélinas, qui s'est penché sur l'administration publique au Québec, s'est posé la question. Quand la Régie des alcools est devenue la Commission de contrôle des permis d'alcool, il s'est posé la question. Pour quelle raison change-t-on de nom? Pour quelle raison appelle-t-on maintenant commission ce qui s'appelait régie? D'après lui, le mot régie s'appliquait mieux. C'est une autre des raisons à l'appui de notre thèse.

La troisième raison, c'est que cette régie est chargée du bon fonctionnement d'une partie importante de l'économie du Québec. C'est elle qui régularise en fait ce commerce qui touche des centaines et des centaines, sinon des milliers de personnes, premièrement, et qui touche des centaines et des centaines de millions. C'est une des raisons à l'appui de ce changement de nom ou de ce nouveau baptême, si vous voulez. Nous l'appelons régie en particulier parce qu'elle s'occupe d'un aspect important de l'économie tertiaire au Québec, le marché des boissons alcooliques. Pour cette raison-lâ, nous croyons qu'elle doit s'appeler régie, mais je reviens à mon argument premier. Dans l'esprit de réforme qui nous anime à l'égard de cette loi, à l'égard de cette commission, nous croyons que la réforme doit également s'appliquer au nom pour que, dans l'esprit des gens, ce soit bien clair qu'il y a eu un changement.

Je m'étonne que cette logique-là, que j'avais cru hier sous-jacente aux interventions des partis de l'Opposition, semble disparue ce matin. Je ne sais pas si la nuit a été de mauvais conseil au député de Saint-Laurent, mais je ne retrouve plus la bonne volonté à l'égard de la réforme qui animait nos collègues hier.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, on peut procéder au vote, étant donné que chacun reste sur ses positions. De toute façon, au rythme des changements de nom des organismes, je serais de bien mauvaise grâce de m'opposer à cette fantaisie du gouvernement. Sait-on jamais, d'ici quelques années, on aura peut-être d'autres changements. C'est devenu un passe-temps favori de l'Assemblée nationale de changer les noms de ces organismes-là à tous les trois ou quatre ans, selon un cycle qui est peut-être prévisible. On votera là-dessus tout simplement.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Tantôt, M. l'adjoint a mentionné que cette régie aura l'administration de certaines lois concernant l'économie du Québec, mais je pense bien que la Commission de protection du territoire agricole doit aussi voir au secteur de l'économie du Québec, parce que, si M. Garon était ici, il n'aimerait certainement pas faire comparer la Commission de protection du territoire agricole à un secteur qui ne regarde pas l'agriculture ou l'économie du Québec.

Bien sûr ce sont des mots, ce sont des expressions, j'ai dit ça sans malice; d'ailleurs, M. l'adjoint a reconnu que peut-être le mot "régie" aurait été préférable à "commission" en ce qui regarde les terres agricoles. Cet aveu me fait dire qu'on est prêt à passer au vote.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que la motion du député de Saint-Laurent sera adoptée?

M. Godin: Avant de voter, il y a un bout qui me retrousse dans l'esprit au sujet de ce que vous dites. La Régie des marchés agricoles s'appelle Régie des marchés agricoles parce qu'elle touche l'économie et la mise en marché, la qualité des produits, un certain nombre de choses qui sont reliées au commerce des produits de la terre.

M. Cordeau: Mais la terre aussi...

M. Godin: Entendons-nous, vous m'avez ouvert une porte sur une régie qui touche une partie de l'économie importante du Québec et avec laquelle vous êtes plus familier, d'ailleurs, qu'avec les boissons alcooliques, tel que je vous connais.

Le Président (M. Laplante): D'accord. Est-ce que la motion du député de Saint-Laurent sera adoptée?

Une voix: Adopté.

M. Cordeau: Adopté. Une voix: Vote enregistré.

Le Président (M. Laplante): M. Alfred (Papineau), M. Godin (Mercier).

M. Godin: Contre. (12 heures)

Le Président (M. Laplante): M. Blank (Saint-Louis)? Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine)?

Mme LeBlanc-Bantey: Contre.

Le Président (M. Laplante): M. Boucher (Rivière-du-Loup)?

M. Boucher: Contre.

Le Président (M. Laplante): M. Cordeau (Saint-Hyacinthe)?

M. Cordeau: Pour.

Le Président (M. Laplante): M. Marquis (Matapédia)?

M. Marquis: Contre.

Le Président (M. Laplante): M. Forget (Saint-Laurent)?

M. Forget: Pour.

Le Président (M. Laplante): M. Guay (Taschereau)?

Contre: 4 — Pour: 2. La motion est rejetée.

M. Forget: L'adjoint parlementaire doit se réjouir de...

Une voix: Première victoire.

M. Forget: ... cette première victoire parlementaire.

Mme LeBlanc-Bantey: Cette solidarité.

M. Godin: Cela ne me réjouit pas tellement, M. le député de Saint-Laurent, parce que je trouve qu'il y a un changement d'attitude et qu'on se bat sur les virgules et des coefficients de peur ou des coefficients de... Cela m'étonne. Enfin!

Le Président (M. Laplante): Est-ce que l'article 2 est adopté?

M. Forget: Triomphez avec grâce, M. l'adjoint parlementaire.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que l'article 2 est adopté sur division ou adopté, M. le député de Saint-Laurent?

M. Forget: L'article 2? Oui, adopté sur division.

Le Président (M. Laplante): Sur division. Article 3.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Laplante): M. l'adjoint.

M. Godin: L'article 3 sert à indiquer les fonctions de la régie et chacune de ces fonctions fait l'objet de dispositions spécifiques à l'intérieur du projet de loi. Donc, c'est un article qui décrit ce qu'il y a à faire.

M. Forget: C'est l'article qui décrit, c'est l'article attribuant la compétence à la régie. C'est donc un article très important, malgré sa brièveté, parce que c'est à cet article qu'on doit se référer pour savoir si la régie, éventuellement, agira intra vires ou ultra vires. On dit ce qu'elle peut faire. Alors, chaque mot est susceptible d'être interprété avec beaucoup de soin et peut-être avec beaucoup de rigueur par les tribunaux éventuellement, si on conteste devant les tribunaux l'exercice d'un pouvoir par la régie.

Il me semble qu'étant donné le pouvoir qui est donné ou le rôle qui est donné à la régie de contrôler l'exploitation — mais c'est un mot qui est à la fois très vague et pas très précis — il y aurait avantage à ajouter un mot additionnel dans l'énumération des pouvoirs, dans le fond, parce que chaque mot est un pouvoir: le pouvoir de délivrer des permis, de les renouveler, de les suspendre, de les révoquer. L'addition à laquelle je pense c'est le mot "modifier". Je ne sais pas dans quelle mesure... Par exemple, dans certaines autres dispositions de la loi, on dit: La commission peut changer l'endroit, peut autoriser ou non autoriser ou interdire des spectacles, par exemple. Des modifications au permis qui auraient ces effets, modifier le lieu, modifier l'utilisation que le détenteur peut faire de son permis pour tenir des spectacles ou non, est-ce que ce n'est pas un concept additionnel à l'idée de délivrer un permis? Si je comprends bien, supposons qu'on a un permis de bar et qu'il n'y a pas de spectacle et, tout à coup, on fait une demande à la régie d'autoriser les spectacles. On ne retirera pas le permis pour en donner un nouveau. On ne révoquera pas l'ancien non plus. Alors, il y a peut-être un mot qui manque. On va modifier son permis, dans le fond. On va lui donner un permis de bar avec spectacle alors qu'avant il avait un permis de bar sans spectacle. À moins qu'il n'y ait une espèce de permis accessoire qui soit imaginé — ce n'est pas mentionné dans la loi — il me semble qu'on devrait prendre la précaution d'avoir une motion pour modifier le permis.

C'est la même chose pour le changement de lieu. Si on remarque, M. le Président, l'article 14 de la loi actuelle, chapitre C-33, il se lit comme suit: La commission est chargée de délivrer, de

renouveler, de suspendre, d'annuler les permis, d'en autoriser le transfert et de permettre le changement de l'emplacement de l'établissement ou de la pièce où un permis est exploité.

Quand les tribunaux seront appelés à interpréter le nouvel article, ils vont dire: Le législateur a voulu enlever à la régie le pouvoir d'autoriser le transfert et de permettre le changement de l'emplacement de l'établissement ou de la pièce où un permis est exploité, parce que ces mots-là se trouvent, dans le moment, parmi les pouvoirs de la régie ou de la commission. On les lui enlève. Je me demande quel sens on va donner à cette soustraction. La question d'autoriser le transfert, si je comprends bien, ça ne se pose pas de la même façon, parce que dans un cas de transfert, il y a abrogation du permis et émission d'un nouveau permis, transfert de propriété.

Alors, on ne transfère pas le permis comme tel, on cède l'édifice où est le bar, le restaurant, etc. et le nouveau propriétaire ou le nouveau locataire obtient un permis nouveau. Alors, il n'y a pas de transfert de permis, il y a seulement le transfert de l'établissement commercial. Donc, ce n'est pas grave d'enlever ce pouvoir à la régie parce que, dans le fond, elle n'a pas besoin de l'exercer. Mais le changement de lieu, c'est une modification qui ne s'accompagne pas d'une abrogation du permis et de l'émission d'un nouveau permis, simplement, on modifie. À mon avis, on devrait ajouter — et j'ai préparé un amendement pour être très précis — après le mot "délivrer", le mot "modifier". L'article amendé se lirait comme suit: "La Régie a pour fonctions de délivrer, de modifier, de renouveler, de suspendre ou de révoquer les permis visés dans la présente loi et d'en contrôler l'exploitation."

Le Président (M. Laplante): Motion recevable, M. le député de Saint-Laurent. M. l'adjoint parlementaire, est-ce que vous avez des remarques à faire?

M. Godin: Je vais lire d'abord l'amendement. Je pense que l'argumentation de l'Opposition, du député de Saint-Laurent, ne tient pas compte du nouvel esprit du projet de loi. Je pense, par exemple, au permis de réunion. Là, nous avons réduit de 14 à 10 le nombre de catégories de permis et, à l'intérieur de ces 10 catégories, il n'y a pas de nouveau permis émissible, il y a des autorisations temporaires. Prenons l'exemple d'un hôtelier de campagne ou de ville, mais c'est surtout à la campagne que ça se passait, dans le passé, pour qu'un hôtelier puisse tenir une assemblée, une réunion ou une noce où il y aurait consommation de boissons alcooliques, il devait formuler une demande de permis supplémentaire à la commission. Il doit toujours le faire en vertu de la loi actuelle, mais, à l'avenir, il n'est plus obligé de faire ça. Du fait qu'il soit hôtelier, il y a une sorte de parapluie qui lui permet de réduire la procédure à afficher, de son propre chef, à l'entrée de la salle où se tient la réunion en question, qu'il y a la réception pour la noce de telle personne ou enfin de n'importe quel genre de réunion. La régie, en l'occurrence, n'interviendra plus pour émettre un permis.

Donc, il n'y aura pas de modification du permis, il n'y aura que des accommodements, je dirais administratifs qui seront, dans certains cas, de l'initiative de l'hôtelier et, dans certains cas, de l'initiative des citoyens qui voudront demander le permis. Donc, le mot "modification" est couvert, en ce qui nous concerne, par les termes "en contrôler l'exploitation". Ce que vous avez à l'esprit, il s'agit de modalités d'exploitation du permis, au fond. Ces modalités ne font pas l'objet de permis supplémentaires, ni de modification du genre de permis.

Comme nous voulons déterminer assez précisément chacune des catégories de permis, une personne devra changer de permis en passant de taverne à brasserie, par conséquent, elle fera une demande pour un nouveau permis, non pas une modification de son permis, mais un nouveau permis, dans la mesure où ça pourra modifier, en vertu de l'esprit de la loi, le rapport par rapport à d'autres, par rapport au règlement de zonage ou par rapport à toutes sortes de choses comme ça. Donc, nous voulons que la procédure parte à zéro. C'est la raison pour laquelle le mot "modifier", en l'occurrence...

M. Forget: Je comprends très bien l'explication que le ministre a donnée relativement à ça, mais je pense par exemple à l'article 73, où on dit: "Un détenteur d'un permis autorisant la vente de boissons alcooliques pour consommation sur place... ne peut permettre, dans une pièce ou sur une terrasse où il exploite son permis, la présentation d'un spectacle... s'il n'y a pas été autorisé par la Régie".

D'accord, on peut dire que c'est contrôler l'exploitation. Mais est-ce qu'il n'est pas souhaitable que le permis qui est affiché et qui a pour but d'avertir le public qu'effectivement, il y a eu une autorisation de spectacle soit modifié quand on donne une telle autorisation? Autrement, cela va être le même permis de bar, mais le public ne pourra pas prendre connaissance, de visu, en inspectant le permis affiché dans le bar, qu'effectivement, il y a une autorisation de produire un spectacle. Ne serait-il pas souhaitable que cette disposition de l'article 73 prenne la forme d'une modification au permis? C'est une chose. L'autre, c'est la modification d'adresse. S'il y a une modification d'adresse, à supposer qu'il y ait un feu et qu'on déménage dans l'édifice voisin, cela va paraître au permis. Ou allons-nous annuler le permis à l'ancienne adresse et émettre un nouveau permis à la nouvelle adresse? Ce sont des modifications. Cela doit apparaître au permis. Ce n'est pas simplement régir l'exploitation. C'est vraiment un permis modifié qui est émis à ce moment-là.

M. Boucher: M. le Président, sur le même sujet.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Boucher: Je prends une modification comme l'augmentation de la capacité d'un établissement, comme une brasserie qui s'agrandit, par exemple. Il s'agit d'une modification. Il y a déjà eu une ordonnance rendue pour un permis de 200 places et le propriétaire augmente la capacité à 400 ou 450 places. Actuellement, il faut une nouvelle ordonnance pour modifier le permis à 450 places. Est-ce que la régie pourrait avoir des pouvoirs, sans nécessairement rendre une autre ordonnance, de modifier le permis tout simplement à 450 au lieu de 200 places?

M. Godin: Cela entre dans les termes "et en contrôle l'exploitation". Nous parlons vraiment de la façon dont cela fonctionne, de la façon dont le permis ou le lieu où le permis s'applique est exploité, et la régie a le pouvoir en tout temps de faire les modifications qui s'imposent, en vertu du principe de contrôle de l'exploitation.

À l'article 47, M. le député de Saint-Laurent et MM. les députés, on répond un peu beaucoup aux questions que se pose le député de Saint-Laurent. C'est à la page 12.

M. Forget: On y répond sans y répondre. On précise que, sur le permis, il y a la date, l'endroit, et si la présentation de spectacles, la projection de films, la pratique de la danse est autorisée. Cela apparaît sur le permis. Ceci veut dire que si on veut prendre des décisions modifiant cette partie de l'exploitation, il faut aussi pouvoir modifier le permis. Autrement, on va dire: D'accord, on prend cette décision de permettre la danse, mais comme votre permis indique maintenant qu'il y a 200 places et que vous en avez maintenant 400, vous n'aviez pas le droit de faire de la danse et vous avez maintenant le droit d'en faire, on abroge votre ancien permis. Faites une nouvelle demande pour un nouveau permis.

Je comprends, l'intention est la même. Mais est-ce qu'on ne suscite pas une difficulté inutile qu'on pourrait résoudre en ajoutant un mot? Cela mettrait les choses très claires. J'attire encore une fois l'attention que c'était dans l'ancien texte. On peut très bien se trouver devant une interprétation en disant: Si le législateur l'a enlevé dans l'ancien texte, c'est qu'il voulait vraiment que cela disparaisse.

M. Godin: Je fais appel aux lumières de ma lanterne.

Effectivement, l'article 14 de la loi actuelle parle expressément du changement de l'emplacement de l'établissement ou de la pièce pour un permis à exploiter, sauf que, comme on introduit à l'article 3 les fonctions générales de la régie, nous sommes restés dans les généralités, d'autant plus que nous pensons qu'il n'y a pas de problème sur le plan juridique à partir du moment où la loi spécifie partout, d'une manière plus expresse, les pouvoirs ou les modalités d'exercice de ces pouvoirs-là.

Or, les autorisations, par exemple, pour la danse sont prévues spécifiquement ailleurs. Je ne vois pas un tribunal, dans une évocation, qui irait dire que le pouvoir n'est pas là et que c'est ultra vires, parce que, finalement, ce qu'on retrouve à l'article 3 et qu'on ne trouve pas à 14, c'est la notion de contrôler l'exploitation, ce qui veut dire soumettre à un contrôle l'utilisation du permis. Pour nous, cela vise strictement ces modalités d'utilisation. (12 h 15)

Pour les questions que vous posiez, par exemple, pour ce qui est d'avoir un changement d'autorisation quant à la pratique de la danse, c'est strictement un acte administratif. Quand on va retirer l'autorisation ou accorder une autorisation, en pratique, ce qui va se produire, c'est que la régie va transmettre un document faisant état de sa nouvelle décision qui va remplacer le permis. Il ne s'agit pas véritablement d'une modification au permis, parce que le permis de base demeure. Ce sont vraiment ses modalités d'application, quant à la projection de spectacles, à la danse, quant à l'adresse aussi, si temporairement il faut changer d'adresse. Les fonctions générales, les indications générales se retrouvent à l'article 47 de la loi.

M. Forget: Physiquement, supposons qu'un détenteur de permis reçoit la visite d'un inspecteur. Il va devoir évidemment exhiber son permis et il va devoir, si je comprends bien, d'après ces explications-là, exhiber aussi la correspondance qu'il a eue avec la régie qui lui permet de faire de la danse ou non, de présenter un spectacle ou non, ou même de modifier sa capacité, contrairement à ce qui apparaît sur son permis.

M. Godin: Non, cela va aller plus loin que cela. Ce sont des questions purement administratives qui seront réglées par le règlement, mais, dans un cas comme cela, s'il y a des modifications à des conditions d'utilisation du permis, la régie va certainement — enfin, c'est ce que nous allons proposer — transmettre un nouveau document, un nouveau permis, à toutes fins utiles. C'est-à-dire, ce n'est pas un nouveau permis, c'est un document qui va consigner...

M. Forget: C'est cela, ce sera...

M. Godin: Non, le permis n'est pas modifié, cela ne change absolument rien quant au type de boissons alcooliques qui peuvent être consommées dans l'établissement. Le permis de base n'est pas modifié.

M. Forget: Ce serait plus simple, à ce moment-là, qu'il n'y ait pas d'adresse et qu'il n'y ait pas de capacité d'indiquées sur le permis.

M. Godin: II faut que ce soit indiqué pour faciliter le travail des policiers, par ailleurs.

M. Forget: Oui, mais, d'un autre côté, on dit qu'on peut le modifier par une correspondance sans nécessairement modifier le permis.

M. Godin: Entendons-nous, M. le député de Saint-Laurent...

M. Forget: Le permis, c'est un document, c'est un document physique, n'est-ce pas?

M. Godin: Je m'excuse, mais je n'ai pas dit qu'on le modifierait par une correspondance. Il y aurait une nouvelle décision, par exemple, quant à une autorisation et, à ce moment-là, la régie, à mon point de vue — ce sont des questions qui seront réglées par le pouvoir réglementaire; c'est de la régie interne, à toutes fins utiles — va transmettre un permis qui fera état de la nouvelle décision. On va le substituer dans l'établissement, tout ceci pour faciliter le travail policier et en même temps pour protéger les droits de l'exploitant du débit.

M. le Président, je pense que modifier le permis dans le sens où vous l'entendez, cela veut dire modifier les conditions d'exploitation. En d'autres termes, si une personne veut... La modification d'un permis au sens où vous l'entendez, c'est quelqu'un qui veut avoir "brasserie" au lieu de "taverne".

Est-ce ce sens ou le sens d'une taverne qui présenterait un spectacle? Là, on ne modifiera pas le permis. On ne va modifier que les conditions d'exploitation du permis que la personne a déjà. Par conséquent, il ne faut pas confondre les deux niveaux d'activité ou de fonctionnement de la régie. Modifier un permis, cela veut dire changer la nature d'un établissement. Dans l'esprit du législateur, si quelqu'un veut changer la nature d'un établissement, il doit se présenter à nouveau devant la régie et faire valoir des arguments.

M. Boucher: M. le Président...

M. Godin: Je termine, M. le député de Rivière-du-Loup. Tandis que ce à quoi vous faites allusion, c'est de modifier les conditions d'exploitation du type de permis qu'il a. C'est une mesure qui relève beaucoup plus des fonctionnaires de la régie que des régisseurs. Cela entre parfaitement dans les termes "en contrôler l'exploitation". C'est davantage un aspect administratif qu'un aspect qui relève de la définition des permis ou des catégories de permis, en ce qui me concerne. Je pense qu'en l'occurrence, je me référerai à Rédaction et interprétation des lois, de Louis-Philippe Pigeon. C'est un terme qui, loin d'éclairer les tâches de la régie, pourrait contribuer aussi à jeter de la confusion, dans la mesure où il y a deux aspects: les conditions d'exploitation et les catégories de permis. On ne doit pas mélanger les deux choses.

M. Forget: L'adresse fait partie du permis, par exemple. Si vous changez l'adresse, vous pouvez bien dire que vous ne changez pas le permis, vous changez les conditions d'exploitation, sauf qu'à un moment donné, il faut bien que cela se traduise par une inscription sur un permis. Donc, le permis, ce n'est pas simplement un acte de raison. C'est un document qui manifeste l'autorisation dans des termes explicites et complets, de manière que le public et les inspecteurs chargés de l'application de la loi puissent constater de visu s'il y a conformité entre ce qui se fait dans un établissement et la permission donnée de le faire à cet endroit, de cette façon. Là, vous allez vers un régime d'un permis officiel qui ne veut peut-être pas dire grand-chose, et de toute une correspondance avec la régie qui va devoir être utilisée pour interpréter ce que veut dire un permis donné. Ce n'est pas la clarification.

M. Boucher: M. le Président, dans le cadre de l'ancienne loi, j'ai en mémoire un exemple récent. Une brasserie qui avait été incendiée, qui avait un permis d'exploitation de 200, a demandé un nouveau permis. Son permis était effectif, elle l'avait renouvelé au mois de mars, et à partir de ce moment, elle avait le droit d'exploiter pour 200 avec la nouvelle bâtisse. Il a fallu qu'elle demande un nouveau permis, une modification de son permis, qui a été accordée dans une nouvelle ordonnance de la commission. La commission mentionne que la nouvelle ordonnance annule tout permis antérieur, quitte à émettre un nouveau permis de 450 de capacité. Il y a déjà, dans l'ordonnance, un changement de capacité qui annule le permis antérieur de 200 de capacité. Il y a une annulation réelle de la capacité du permis de l'établissement dans l'ordonnance de la commission. On repart avec une capacité de 450. À ce moment, c'est une modification permise, mais quand même, qui annule l'ancien permis.

M. Godin: C'est un bon exemple où la lumière vient de l'Opposition, M. le député de Saint-Laurent. Je vais vous faire une contre-proposition, si vous me permettez, qui dirait: La régie n'a pas fonction de délivrer, de renouveler, de suspendre ou de révoquer les permis visés dans la présente loi et d'en modifier et d'en contrôler l'exploitation. Accepteriez-vous cette modification à votre bébé? "D'en modifier les conditions d'exploitation", excusez-moi.

M. Forget: Oui.

M. Godin: Ou quelque chose comme ça, enfin...

M. Forget: Oui, d'accord.

M. Godin: Parce que je pense que c'est ça, votre idée. Vous faites la distinction entre un permis qui change de catégorie, qui est une opération, et les conditions d'exploitation, qui sont une autre... C'est la deuxième partie que vous visez. Êtes-vous d'accord avec moi?

M. Forget: C'est ça. Je pense que oui. M. Godin: Dieu soit béni!

Le Président (M. Laplante): Est-ce que les mots seraient "et de modifier" ou "d'en modifier et d'en contrôler"...

M. Godin: Est-ce qu'on peut suspendre...

M. Forget: Oui.

M. Godin: ... quitte à arriver avec une...

M. Forget: ... je pense que l'esprit de vraiment dire que ça peut se faire et que c'est une modification, que ce n'est pas une reprise d'instance en quelque sorte, avec un nouveau permis, complètement nouveau, Dieu sait tous les avis, etc., qui pourraient être nécessaires à ce moment-là, je pense qu'on veut être bien sûr que c'est possible de le faire avec un minimum de formalités.

M. Godin: Concrètement, vous retirez votre... M. Forget: C'est ça.

Le Président (M. Laplante): On va l'écrire et le relire. La motion du député de Saint-Laurent est retirée pour amender l'article 3, qui se lirait comme suit...

M. Cordeau: ... ou on le suspend?

Le Président (M. Laplante): "La Régie a pour fonctions de délivrer, de renouveler, de suspendre...

M. Cordeau: Vous n'avez pas demandé la suspension, M. le Président, de l'article 3?

Le Président (M. Laplante): ... ou de révoquer les permis visés dans la présente loi et d'en modifier et d'en contrôler l'exploitation". C'est comme ça que vous voulez qu'il se lise?

M. Godin: Pour être plus précis, M. le Président, j'aimerais qu'on suspende cet article jusqu'à cet après-midi...

M. Cordeau: C'est ça. M. Godin: ... si on siège...

Le Président (M. Laplante): Ah! je suis bien d'accord pour ça.

M. Godin:... de façon que nous ayons une formulation...

M. Cordeau: C'est ça que j'avais entendu, que j'avais compris tantôt.

M. Godin: ... par les juristes, libre à vous ensuite de l'évaluer.

Le Président (M. Laplante): Article 3 suspendu. D'accord. J'appelle maintenant l'article 4, la composition.

M. Godin: La régie est composée de six régisseurs. Donc, c'est l'article qui porte sur le nombre de régisseurs, ainsi que sur le régisseur supplé- mentaire. Cet article, donc, indique le nombre de régisseurs, leur mode de nomination et la durée maximale de leur mandat. Il prévoit aussi la possibilité de la nomination d'un régisseur supplémentaire. Les différences entre ce texte et celui de la loi actuelle sont les suivantes — là, je réponds au voeu du député de Saint-Laurent, qui aurait voulu s'épargner cette difficulté — il y a maintenant un seul et non plus deux vice-présidents et ceci va, d'ailleurs, dans le sens de la recommandation 94 du groupe de travail dans le document que vous avez, je souhaite. Deuxièmement, la durée maximale du mandat a été ramenée de dix à cinq ans, ce qui va dans le sens de la recommandation 95 du rapport du groupe de travail. Par ailleurs, la possibilité de nommer un régisseur supplémentaire est déjà prévue par l'article 6 de la loi actuelle.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

M. Cordeau: J'aurais une question à poser. Que deviennent les commissaires actuels?

M. Godin: C'est prématuré comme question, M. le député de Saint-Hyacinthe. Il n'y a pas de décision de prise à cet égard au moment où nous nous parlons.

M. Cordeau: L'épée de Damoclès est suspendue sur la tête des...

M. Godin: Ce n'est pas l'épée de Damoclès ou de Périclès, comme on disait dans le Nouvelliste dans le temps. J'ai déjà entendu ça à la radio à CHLN, l'épée de Périclès. Il n'y a aucune décision prise relativement à cette question.

M. Cordeau: Je veux bien croire qu'il n'y a pas de décision gouvernementale encore prise, mais j'aimerais savoir si...

Une voix: ... ils vont garder leur "job".

M. Cordeau: Non, mais quel genre de nomination ont actuellement les commissaires? Quelle est la durée de leur mandat?

M. Forget: Vous voulez sûrement dire quelle est l'échéance de leur mandat?

M. Cordeau: Oui, c'est ça.

M. Godin: L'échéance du mandat des commissaires, sous l'empire de la loi actuelle, c'est de dix ans. C'est l'échéance, le maximum.

M. Cordeau: Demeureront-ils en fonction jusqu'au terme de leur mandat?

M. Godin: Je vous ai dit qu'il n'y avait aucune décision de prise à ce sujet, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Forget: Non, mais, légalement, quelle est la situation des gens qui ont été nommés en vertu d'une loi? Disons pour un mandat de dix ans?

M. Godin: Les règles habituelles s'appliquent dans chacun de ces cas.

M. Forget: C'est l'équivalent d'un contrat... M. Godin: C'est ça, voilà.

M. Forget: ... et ils ont droit à leur rémunération jusqu'à l'expiration du terme?

M. Godin: Suivant ce qui apparaît dans leur contrat, effectivement, ils sont protégés par la loi.

M. Forget: Mais certains prétendent que même l'arrêté en conseil les nommant a en droit un effet équivalant à un contrat et qu'ils pourraient poursuivre le gouvernement, supposons, pour recevoir paiement de leur rémunération jusqu'à l'expiration des dix ans. C'est le but de la question à savoir combien il reste de temps à courir sur le mandat respectif des six commissaires qui sont là... Est-ce qu'ils ont sept ans à courir, un an à courir?

M. Godin: C'est une bonne question. Les juges Moe Moscovitch et Gérald Bossé sont de la Cour provinciale, et le juge Jacques Trahan est de la Cour des sessions de la paix. Donc, en ce qui concerne ces trois commissaires, il n'y a pas de problème, ils sont couverts par une autre loi. Quant aux autres commissaires, nous pouvons déposer cet après-midi l'échéance de leur mandat, à savoir quand il viendrait à échéance dans chacun des cas.

M. Forget: II y en a trois sur six qui ne sont pas juges et qui pourraient avoir vraisemblablement une créance face à la reine.

M. Cordeau: Ils ne sont pas nommés dans la nouvelle régie.

M. Forget: Ils ont droit à des pensions aussi, je suppose, après dix ans?

M. Godin: Ils ont droit aux garanties prévues...

M. Cordeau: Si le ministre peut nous fournir des explications...

M. Godin: Nous allons vous donner une ventilation. Est-ce qu'on pourrait avoir des questions très précises, pour qu'on ait des réponses précises et non pas arriver cet après-midi en disant...

M. Cordeau: Oui, on les fournira...

M. Forget: La question précise que j'aurais, c'est pour chacun de ceux qui ne sont pas juges, parce que les juges vont prendre leur salaire de juge s'ils ne sont pas nommés à la nouvelle régie; donc, il n'y a aucune dette de l'État face à eux.

M. Godin: Cela n'affectera pas leur pouvoir d'achat.

M. Forget: Mais, face aux autres commissaires, quelle est l'importance des obligations financières que l'État a face à eux s'ils décidaient de mettre fin à leur mandat dès la publication de la loi? Est-ce qu'on leur doit trois ans de salaire comme commissaires, plus, à la fin de ces trois ans, le droit à une pension, etc.? Où est-ce qu'on en est avec ces gens-là?

M. Godin: Est-ce que c'est la même question, M. le député de Saint-Hyacinthe?

M. Cordeau: Bien sûr que je serai satisfait des réponses que vous fournirez aux interrogations du député de Saint-Laurent, mais... On va continuer et je vais...

Mme LeBlanc-Bantey: Supposons qu'il restera trois ans ou un an à certains commissaires pour remplir leur mandat. En vertu de la loi, il faut les nommer pour cinq ans. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de dire: On va les laisser compléter leur mandat d'un an et, au bout d'un an, on peut nommer un autre commissaire, par exemple, pour quatre ans... (12 h 30)

M. Godin: Le mandat de la commission ne pourrait-il pas se poursuivre ou se prolonger dans le mandat de la régie...

Mme LeBlanc-Bantey: Exactement. Ou si on est obligé de le nommer encore pour cinq ans, compte tenu de la nouvelle loi.

M. Forget: Non, je pense que "n'excède pas cinq ans"... Si le gouvernement, par exemple, est face à des possibilités de créances par un commissaire pour cinq ans ou sept ans encore, supposons qu'il a été nommé il y a deux ans et il a encore huit ans à courir, plutôt que de lui payer un salaire pour huit ans à ne rien faire, il est mieux de le nommer de nouveau pour cinq ans et même de le nommer pour une autre période de trois ans. Dans le fond, il aura un régisseur gratuit pendant huit ans ou, s'il reste un an à courir, il peut faire la nomination pour un an...

Mme LeBlanc-Bantey: ... tout au plus cinq ans, je ne savais pas.

M. Forget: ... après un an, continuer avec un autre ou le même.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que l'article 4 sera adopté avant d'ajourner pour le dîner?

M. Cordeau:... des informations plus tard. S'il y a des commissions supplémentaires, est-ce qu'il y en a qui ont certains contrats également, quelle est l'obligation du gouvernement envers eux?

M. Godin: C'est noté comme question, à savoir s'il y a des commissaires supplémentaires

qui existent actuellement. Est-ce là votre question?

M. Cordeau: Oui.

M. Godin: Au moment où on se parle, est-ce qu'il y a des commissaires supplémentaires nommés et quelles sont les obligations du gouvernement à leur égard?

M. Cordeau: ... du gouvernement envers eux.

Le Président (M. Laplante): Les travaux de cette commission sont ajournés sine die.

Fin de la séance à 12 h 32

Reprise de la séance à 16 h 25

Le Président (M. Laplante): À l'ordre, messieurs!

La commission parlementaire de la justice se réunit pour étudier le projet de loi 55, article par article. Les membres de cette commission sont: M. Alfred (Papineau); M. Bédard (Chicoutimi) remplacé par M. Godin (Mercier); M. Blank (Saint-Louis); M. Charbonneau (Verchères) remplacé par Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine); M. Clair (Drummond) remplacé par M. Boucher (Rivière-du-Loup); M. Fontaine (Nicolet-Yamaska) remplacé par M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Lacoste (Sainte-Anne) remplacé par M. Marquis (Matapédia); M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys) remplacé par M. Forget (Saint-Laurent); M. Samson (Rouyn-Noranda); M. Vaillancourt (Jonquière) remplacé par M. Guay (Taschereau).

Les intervenants sont: M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe) remplacé par M. Fontaine (Nicolet-Yamaska); M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Lavigne (Beauharnois), M. Léger (Lafontaine), M. Marois (Laporte), M. Pagé (Portneuf), M. Tardif (Crémazie).

Le rapporteur de la commission est toujours M. Boucher (Rivière-du-Loup).

Lorsque nous avons ajourné nos travaux ce matin, nous étions rendus à l'étude de l'article 4. M. le ministre.

M. Godin: J'avais fait deux promesses et il y en a au moins une que je peux remplir. La nouvelle rédaction, conformément à la suggestion du député de Saint-Laurent, de l'article 3, on attend les copies mais je vais vous la lire: "La régie a pour fonction de délivrer, de renouveler, de suspendre ou de révoquer les permis...

Le Président (M. Laplante): Je m'excuse, M. l'adjoint parlementaire. J'ai appelé l'article 4. On va le terminer et, ensuite, on retournera à l'article 3.

M. Godin: À votre convenance, M. le Président. Veuillez m'excusez.

M. Forget: D'accord, M. le Président.

M. Godin: Est-ce qu'il est "obstineux" avec tout le monde comme cela ou...

Mme LeBlanc-Bantey: II est si content d'annoncer cette bonne nouvelle.

M. Godin: Nous pouvons effectivement poursuivre l'article 4. Au sujet de l'article 4 il y avait des renseignements que je devais soumettre à notre collègue de Saint-Hyacinthe. Est-ce qu'il sera ici plus tard? Demain? Est-ce qu'on vous donne les renseignements dès maintenant ou si vous préférez attendre à demain, au cas où il y aurait des questions?

Le Président (M. Laplante): Demain, si vous voulez, ou cet après-midi. C'est vous qui décidez.

M. Godin: Probablement qu'il aura des questions.

Le Président (M. Laplante): Je vous ferai remarquer que le député de Saint-Hyacinthe n'est pas ici comme membre de la commission.

M. Godin: Voilà pour les commissaires non juges. Le mandat de M. Jacques Dupuis se termine en avril 1983, alors qu'il aura 65 ans. Quant à sa sécurité, il participe au Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, ce qu'on appelle le RREGOP dans notre jargon administratif, et seulement au RREGOP. S'il ne fait pas dix ans, il aura droit au remboursement de ses cotisations. De toute façon, même s'il terminait son mandat en 1983, il n'aurait pas fait dix ans.

D'autre part, quant à M. Joseph Vallières, son mandat se termine en mai 1985. Il aura, à l'époque, 62 ans. Il aura fait ses dix ans. Il aura le droit à une pension différée à 65 ans ou au remboursement de ses contributions. Pour M. Marcel Vézina, à ce moment-là, cela se termine en octobre 1981. Il aura, à l'époque, 67 ans et cinq mois. Il participe au Régime de retraite des fonctionnaires. Quant au principe de la compensation, il s'appliquera évidemment, comme dans chaque cas semblable, s'il avait à s'appliquer, entendons-nous bien.

M. Forget: Cela représente une créance vis-à-vis de l'État de combien?

M. Godin: Le chiffre total dans le cas des trois commissaires non juges?

M. Forget: Des trois.

M. Godin: Au 1er juillet, leur rémunération était de $39 500 par année.

M. Forget: Au 1er juillet dernier?

M. Godin: À l'occasion du renouvellement de la convention.

M. Forget: Ce qui fait une dette d'environ $360 000.

M. Godin: Ce qui ferait...

M. Forget: Cela en est une, aujourd'hui même. D'accord.

M. Godin: Est-ce que cela répond à la question?

M. Forget: Oui, je vous remercie.

Le Président (M. Laplante): L'article 4 sera-t-il adopté?

Une voix: Adopté.

M. Forget: Non, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, comme on a un texte qui est en partie nouveau et comme j'ai posé la question au tout début, à savoir pourquoi, comme il s'agit d'administrer un régime de distribution d'alcool, le commerce d'alcool, selon les mots de l'adjoint parlementaire, comme il s'agit plus que simplement attribuer des permis, mais de surveiller tout un commerce, il doit y avoir une raison pour laquelle on ne confie pas cette activité-là au ministère de la Justice. Je présume qu'on veut que ce soit une activité indépendante du ministre. Autrement, il me semblerait tout à fait acceptable que ce soit fait par la direction générale des permis d'alcool, le ministère de la Justice. Il n'y a rien d'impossible là-dedans. On pourrait désigner des fonctionnaires dans la loi du ministère qui auraient pour fonction de décider dans certains cas. On trouve, dans la loi d'un certain nombre de ministères, des inspecteurs qui peuvent déclarer que tel ou tel édifice est salubre ou insalubre, qu'il est conforme au règlement d'incendies ou non, etc. Il n'y a rien de terriblement différent là-dedans. (16 h 30)

Si on décide de faire une régie, c'est qu'on veut constituer un organisme qui soit, de façon très évidente, à bout de bras par rapport au gouvernement, très distinct, très autonome. Si c'est le cas, il me semble qu'on n'est pas très logique parce que, dans le fond, les régisseurs ne sont pas très différents des autres fonctionnaires. Ils sont nommés pour un mandat très court, renouvelable, ce qui veut dire que s'ils ont la moindre intention de rester en poste, ils vont s'arranger pour anticiper les voeux ou satisfaire ceux de leurs patrons. C'est un terme court et renouvelable. C'est un terme qui peut être abrégé en cours d'exercice, contrairement à la loi actuelle par laquelle on ne peut pas réduire la durée du terme. Dorénavant, on pourra nommer un régisseur pour trois ans, mais après un an, décider que cela fera, qu'on n'en veut plus, parce qu'on n'aime pas le genre de décision qu'il a rendu.

On dit bien que la rémunération une fois déterminée ne peut pas être réduite, mais dans une période d'inflation comme celle qu'on vit, il s'agit justement de ne pas majorer une rémunération pour pénaliser quelqu'un, dans le fond. On ne dit pas du tout que leur rémunération va augmenter au même rythme que celle des cadres de la fonction publique. Ce sont des gens qui sont beaucoup plus dépendants de la bonne volonté du prince que les fonctionnaires habituels, ordinaires qui, eux, sont protégés par la sécurité d'emploi, bénéficient d'un régime d'indexation de leur revenu. Ils ne sont pas "remerciables", sauf dans des circonstances très exceptionnelles. Ce sont des créatures gouvernementales dans un sens très frappant. Loin de rendre ces gens indépendants du pouvoir, on les met dans une situation de très grande dépendance, beaucoup plus, encore une fois, que les fonctionnaires. Ils ne peuvent pas invoquer la Loi de la fonction publique vis-à-vis d'un renvoi immérité, à leurs yeux. Je me demande pourquoi on veut en faire des créatures aussi dépendantes du pouvoir. Ce sont des créatures du pouvoir. Elles sont là au bon plaisir du prince. Si elles veulent... Je vois que le député des Îles-de-la-Madeleine a un langage sexiste et raciste; elle insiste pour attribuer à un mot un sens sexiste à certains éléments de notre vocabulaire.

M. Godin: ... de notre vocabulaire. Je pense qu'à l'époque, on disait les "criatures".

M. Forget: C'est possible, oui.

M. Godin: II y avait une nuance dans l'accent.

Mme LeBlanc-Bantey: Est-ce qu'on peut soulever des questions de privilège en commission parlementaire?

Le Président (M. Laplante): Non.

M. Forget: Non.

M. Godin: Non, des directives seulement.

M. Forget: C'est malgré tout un illogisme que je ne comprends pas. On prétend en faire un organisme indépendant, mais il est moins indépendant que les fonctionnaires mêmes le sont face au ministre. Il serait beaucoup mieux d'intégrer cela au ministère de la Justice.

Je pense que ce serait la véritable solution. On protégerait davantage l'exercice de leur pouvoir décisionnel en procédant de cette façon qu'en créant une régie. Ou alors, si on tient absolument à créer des structures ou à les perpétuer sous un autre nom, il faut prendre ça au sérieux et il y a tout un tas de mesures qu'il est possible de prendre, par exemple, comme on fait pour les juges. On prétend que les juges sont indépen-

dants, à juste titre, je pense, du pouvoir exécutif, parce qu'ils sont nommés non pas pour un mandat fixe, mais indéfiniment. Mais il y a d'autres formules possibles. Je ne suggère pas qu'on nomme ces gens-là pour des mandats indéfinis, mais d'interdire qu'ils soient nommés à nouveau. Cela, c'est une autre mesure qu'on retrouve dans certains statuts. On nomme des gens. On dit, à l'origine: Vous ne pourrez pas être nommés pour une deuxième fois. Faites ce que vous voulez. De toute façon, ça ne peut pas vous bénéficier. Votre comportement ne peut pas vous bénéficier d'aucune façon, vous êtes dehors de toute manière après l'expiration du mandat. Cela, ça donne de l'indépendance. Bien sûr, ça crée des conditions particulières et peut-être que les gens ne veulent pas s'installer dans un régime comme celui-là pour trois ans seulement, mais, de toute façon, ça, c'est un autre problème. Il y a effectivement des lois qui assurent l'indépendance des gens en interdisant qu'ils soient nommés une deuxième fois.

Relativement à la durée du mandat, je pense qu'elle ne devrait pas être réductible. On devrait s'en tenir au statu quo là-dessus. Le texte actuel de la loi dit que le mandat ne peut pas être abrégé. Je ne vois pas pourquoi on le rend vulnérable de ce côté maintenant. Je pense que sur le plan de la rémunération, on devrait avoir une clause qui indique que ces régisseurs bénéficieront des augmentations régulières, de la même façon que les cadres de la fonction publique ou que les juges de la Cour provinciale. À ce moment-là, on soustrait leur rémunération à toute espèce d'arbitraire. Le ministre ne sera pas en mesure de leur imposer une pénitence et, évidemment, une ligne possible de réplique à ça, ça va être de protester de ses bonnes intentions, de dire que le ministre de la Justice n'a aucune intention d'utiliser les pouvoirs qu'il se donne, par contre, que ce sont les motifs les plus purs qui l'animent, etc.

Si tel est le cas, qu'il les intègre au ministère. Dans le fond, ce serait plus clair. Mais s'il veut donner non seulement l'indépendance à ces gens-là, mais que ce soit visible et apparent à tous que ces régisseurs sont indépendants, il ne peut pas retomber simplement sur le plan des intentions et de ces dispositions du coeur du ministre, etc.

C'est fort remarquable et c'est louable, le ministre doit être louangé d'avoir de bonnes dispositions. Je serais prêt à voter des félicitations au ministre, s'il a vraiment de si bons sentiments, c'est parfait, mais le problème n'est pas là. Ce n'est pas un problème sentimental dont on parle, on parle d'un problème de loi et on crée une structure qui veut être indépendante. Qu'on la fasse indépendante et que ce soit visible que les gens ont une indépendance.

Dans le moment, les régisseurs, ce n'est rien d'autre, à la limite, qu'un prolongement du cabinet du ministre. Ce n'est rien d'autre à la limite qu'une extension du personnel politique qui entoure le ministre. Ce sont des nominations au bon plaisir du ministre, pour la durée qu'il veut bien, aux conditions de traitement qu'il veut bien déterminer.

Écoutez, c'est comme ça qu'on définit le personnel des cabinets ministériels. Est-ce parce qu'ils ont un autre titre? Est-ce simplement la magie verbale qui fait qu'on les intitule régisseurs et qu'ils deviennent indépendants? Je pense qu'il faudrait dire ça à d'autres, ce n'est certainement pas moi qui vais le croire.

M. le président, je pense qu'on a des possibilités d'en faire véritablement un organisme indépendant, si le ministère y tient absolument. Encore une fois, il n'est pas évident que ce soit là l'orientation qui est prise. Ce n'est pas évident que les fonctionnaires ne pourraient pas très bien faire cette tâche sans structure additionnelle. Je verrais très bien la Direction générale des permis d'alcool procéder à tout ça, comme on émet les permis des véhicules automobiles, comme on émet bien d'autres autorisations au sein de l'administration publique.

Comme je ne veux pas faire une motion de ce genre, parce que ce ne serait sûrement pas recevable, le but de la loi étant de créer une structure quelconque, mais différente de l'administration publique, il faut donc s'inscrire dans ce contexte-là et, dans ce contexte, je proposerais une série d'amendements qui poursuivent le but que je décrivais tout à l'heure et que je vais vous... J'en ai une copie ici, je m'excuse...

M. Godin: M. le Président... Avez-vous terminé, M. le député de Saint-Laurent?

M. Forget: Je vais en faire la lecture...

Le Président (M. Laplante): II prépare une motion.

M. Forget: ... et je termine tout de suite après. Le but serait le suivant: Remplacer cinq ans par dix ans et ajouter à la fin: "Ce terme, une fois fixé, ne peut être réduit. Nul ne peut être nommé pour un second terme." L'article amendé se lirait comme suit: "La régie est composée de six régisseurs, dont un président et un vice-président, nommés par le gouvernement pour un terme d'au plus dix ans. Ce terme une fois fixé ne peut être réduit. Nul ne peut être nommé pour un second terme.

Le gouvernement peut, s'il juge que l'expédition des affaires de la régie l'exige, nommer tout régisseur supplémentaire pour le temps qu'il détermine." Ce qui est le texte actuel, bien sûr.

Le Président (M. Laplante): Sur la recevabilité, on dit toujours qu'on donne le bénéfice du doute à celui qui propose la motion. Je suis obligé de vous le donner, parce que je ne suis pas certain que cela rejoint l'objet même de la régie tel que formulé. Vous proposez six régisseurs nommés pour dix ans, l'implantation financière qu'il y a au bout de cela, à cause des cinq ans, je ne la connais pas, les salaires ne sont pas fixés là-dedans. Est-ce que ce sera au même prix, à des prix plus élevés? On ne le sait pas. Mais, tout de même, vu que j'ai un grand doute dans mon esprit, je suis obligé de la juger recevable. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je ne plaiderai pas pour ne pas prendre du temps sur cette question.

M. Godin: J'ose espérer qu'en vertu du principe de l'échange de bons procédés que je tente paisiblement d'établir ici, comme nous avons déposé une liasse d'amendements, nous pourrons bénéficier du même traitement de la part de l'Opposition.

M. Forget: J'accepterais volontiers, M. le Président, si ce n'est qu'avec la meilleure volonté du monde, je ne pourrais pas m'exécuter, parce que nous terminons les amendements, en quelque sorte, un peu au fur et à mesure. J'ai commencé l'étude du projet de loi, à ma courte honte, mais j'en ai été empêché par les circonstances, hier matin, dans la journée d'hier, la nuit et le matin, je n'ai pas pu faire plus de sept ou huit amendements. J'en ai déjà déposé trois ou quatre. Il n'en reste pas beaucoup, mais pour ceux qui restent et pour montrer que je partage l'esprit de bonne entente, je n'ai pas d'objection à les déposer. Il y en a un à l'article 5, à l'article 8 et à l'article 13.

Le Président (M. Laplante): II est rare, M. le député de Saint-Laurent, que l'Opposition les distribue; c'est la première fois depuis que je préside, en trois ans, que l'Opposition distribue ses amendements. C'est bien.

M. Forget: C'est rare, mais je n'ai aucune réticence à le faire cette fois-ci.

Le Président (M. Laplante): Je trouve cela bien.

M. Forget: J'ai peut-être d'autres copies, mais je ne suis pas sûr.

M. Godin: On a cassé beaucoup de glace en deux jours.

Le Président (M. Laplante): Ça augure bien pour une démocratie...

M. Forget: Parlementaire.

Le Président (M. Laplante): ... parlementaire.

M. Forget: Je vais m'en garder une série complète et, pour le reste, je les abandonne.

M. Godin: Est-ce que je peux prendre la parole, M. le Président?

Le Président (M. Laplante): Oui.

M. Godin: Sur l'amendement aussi bien que sur le préambule qui en a été fait, vous posez deux principes qui me semblent un peu contradictoires, M. le député de Saint-Laurent. D'un côté, vous dites qu'au fond, puisque ce n'est que cinq ans, pourquoi ne pas tout donner ça au ministère, créer une espèce de direction du ministère, je ne sais trop, d'autre part, vous vous inquiétez de la question de l'autonomie des régisseurs. Je pense que nous devons tenir compte des deux aspects de cette question et c'est ce que nous avons tenté de faire. Le mandat de cinq ans, c'est une jeune tradition, nouvelle, mais une tradition quand même qui, j'espère, va être maintenue et qui s'est appliquée...

M. Forget: Cela a été l'objet, à chaque fois, d'objection de notre part.

M. Godin:... dans le cas de la Commission des droits de la personne, dans le cas de la Commission québécoise des libérations conditionnelles. Ce sont les deux que je connais, il y en a peut-être d'autres. C'est une application du principe de la rotation, aussi simplement que ça. Cela permet au gouvernement de voir à ce que si une modernisation s'impose, qu'elle soit faite, en principe, je dis bien au niveau des principes, d'une part. D'autre part, quant à votre suggestion contradictoire par rapport à l'objectif poursuivi de l'autonomie, je dirais... j'ajoute un troisième exemple, à la Commission de protection du territoire agricole, le mandat est également de cinq ans. (16 h 45)

Sur le fond, il y a une chose que je dois peut-être préciser, c'est que, quand on dit un terme d'au plus cinq ans, ça ne veut pas dire que le gouvernement pourrait réduire le mandat de cinq ans attribué à un régisseur à moins de cinq ans, mais le mandat peut être d'un an à cinq ans. Quand il est donné, il ne peut pas être modifié. Si un commissaire a un mandat de trois ans, il vaut pour trois ans et ne peut être modifié en cours de route, si c'est un mandat de cinq ans, il vaut pour cinq ans.

Je veux qu'il soit bien clair qu'il n'est pas question, par les mots "d'au plus cinq ans", de signifier qu'un mandat, quand il sera attribué à une personne pour au plus cinq ans, pourrait être réduit à la volonté du gouvernement. Ce n'est pas vrai.

M. Forget: M. l'adjoint parlementaire, j'aimerais bien pouvoir vous suivre dans votre raisonnement, sauf qu'on modifie, même si on veut lui donner un titre nouveau, une loi existante. Et la loi existante interdit explicitement la réduction du mandat. Or, si on modifie la loi pour enlever cette prohibition, il n'y a qu'une interprétation qui vient à mon esprit. On va comparer les deux textes et on va dire: Le législateur est intervenu. Il y avait une interdiction. Il a fait sauter l'interdiction. Donc, il se donne le pouvoir de réduire le mandat.

M. Godin: Je vais passer la parole à M. Jacoby.

En fait, la raison pour laquelle on n'a pas réintroduit cette clause, parce que maintenant, on ne la réintroduit plus, c'est que, d'une part, lorsqu'on met cette indication dans la loi, il n'en demeure pas moins que le gouvernement — si c'est lui qui a le pouvoir de la nomination — peut, pour cause, révoquer la nomination avant l'expiration du mandat, d'après la jurisprudence.

Par ailleurs, lorsqu'une personne est nommée pour une période, si le gouvernement, sans cause valable, réduit le mandat, de la même manière, la personne a un recours en dommages contre le gouvernement.

Ceci fait qu'à toutes fins utiles, compte tenu de l'état actuel du droit et de la jurisprudence, cette clause est absolument superflue dans nos lois. C'est ce qui fait que depuis quelque temps, dans les créations d'organismes, il n'y a plus cette clause, parce que le droit s'est fixé sur la question.

Le fait qu'on ne le mette pas, ce n'est pas parce qu'il y a une différence d'intention par rapport à la loi actuelle. C'est tout simplement parce que le droit, à l'époque où ces clauses avaient été insérées dans la loi, était beaucoup moins fixé qu'aujourd'hui.

Dans tous les cas, même s'il y a une clause, cela n'empêche pas le gouvernement de révoquer pour cause. Et lorsqu'il n'y a pas de clause et qu'on réduit le mandat, si on le fait sans cause, l'individu peut quand même obtenir des dommages et être indemnisé.

M. Godin: Je voudrais poursuivre mes brèves remarques là-dessus. Le mandat de cinq ans, je le répète, je l'ai dit ce matin, était une des recommandations d'une personne qui ne l'était pas, en l'occurrence, mais qui est également vice-président de la commission actuelle du contrôle des permis, le juge Bossé, d'une part.

D'autre part, vous dites: Pourquoi ne pas confier à des fonctionnaires le soin d'administrer cette nouvelle régie, puisque leur mandat est si court que le ministre, en tout temps, pourra en quelque sorte les manipuler, si je vous ai bien lu entre les lignes...

M. Forget: Ou carrément s'arranger pour que ce soit sa volonté qui prévale plutôt que celle des régisseurs.

M. Godin: Là-dessus, je vous dirai que le régisseur a les pouvoirs d'un sous-ministre. Il a plein droit sur son personnel. Il a un pouvoir d'adjudication quasi judiciaire. À mon avis, il ne peut pas relever du ministère pour deux raisons. Il y a quand même une expertise ou un "know how" qui est relié à l'administration d'une telle loi qui, traditionnellement, est entre les mains de ce qui fut la commission, après avoir été la régie, et qui redevient la régie, d'une part.

D'autre part, c'est le Procureur général qui poursuit, en vertu du chapitre VII. Si, sous l'empire du même Procureur général, il y avait des fonctionnaires qui administraient la loi, il y aurait un risque de conflit d'intérêts et c'est la raison pour laquelle il y a, traditionnellement, la création de cette régie que nous maintenons. C'est pour éviter qu'il y ait un conflit d'intérêts entre le Procureur général qui poursuivra, en vertu du chapitre VII, tout l'aspect pénal et un fonctionnaire qui relèvera de la même personne, du même ministre, si vous voulez.

J'ajouterais que vous soulignez quand même un problème important quant à la sécurité d'emploi des personnes qui seront commissaires ou qui seront régisseurs, ou toute personne membre d'une des commissions que j'ai citées plus haut: le droit de la personne humaine, la libération conditionnelle, la protection du territoire et les autres éventuellement. Notre intention au gouvernement est de faire une refonte et de créer un corps d'adjudicateurs. Nous travaillons avec la fonction publique sur cette question-là. Nous voulons faire en sorte que ces personnes jouissent d'une certaine sécurité d'emploi et qu'elles puissent être transférées d'une commission à une autre de manière à éviter le risque que vous soulevez que ces personnes deviennent des marionnettes entre les mains d'un ministre, à la suite d'un changement de régime ou de tout autre changement semblable. Ce mandat de cinq ans s'intègre, par conséquent, dans une phase ou dans une réflexion sur la notion même d'adjudicateur et la notion de la protection de ces personnes et de leur sécurité d'emploi. Je tiens à le dire, parce que je pense que votre crainte est fondée jusqu'à un certain point.

Par ailleurs, sur le mandat de cinq ans, nous estimons qu'un tel mandat de cinq ans ne brime en rien la liberté d'une personne à l'égard du gouvernement. C'est faire de l'imputation de motifs et faire du procès d'intention au gouvernement que de croire que nous avons un mandat de cinq ans plutôt que de dix uniquement pour pouvoir mieux manipuler, à mon avis. C'est du pur procès d'intention que de présumer cela.

J'ajoute qu'il y a un quatrième organisme — on me "feed" au fur et à mesure de mes besoins — l'Office des handicapés du Québec, dont les membres aussi ont un mandat de cinq ans. C'est une tendance...

M. Forget: Les organismes que vous avez créés depuis trois ans sont comme cela, je ne le nie pas, je le déplore.

M. Godin: D'accord, mais nous voulons être fidèles à notre tendance, M. le député, parce que les raisons pour lesquelles nous l'avons fait dans chacun des cas précédents nous semblent toujours bonnes. Vous pouvez avoir une autre opinion que nous là-dessus, mais je serais malvenu de ne pas respecter cette ligne de pensée que je partage en plus, d'autant plus, je le répète, que cela s'inscrit dans une réflexion faite avec la fonction publique relativement au statut, si vous voulez, d'employés de l'État de ces personnes. C'est la raison pour laquelle je voterai contre votre amendement.

M. Forget: Evidemment, je ne m'attends pas que le gouvernement adopte ce genre d'amendement, mais je pense qu'il est important que l'Opposition en souligne justement le caractère déplorable, chaque fois que cette pratique se généralise, parce que c'est une pratique, à mon avis, tout à fait déplorable. Encore une fois, on est assis entre deux chaises. On prétend faire le jeu de la création d'organismes indépendants, alors

qu'on fait tout ce qu'il faut pour diminuer leur caractère d'autonomie face au pouvoir exécutif sous prétexte qu'on est en train de faire des discussions avec la fonction publique qui, un jour, va régler le problème par la façon favorite évidemment de la fonction publique, de la sécurité d'emploi. Le problème n'est pas un problème d'emploi ou de conditions de travail.

M. Godin: C'est vous qui l'avez évoqué, M. le député.

M. Forget: Non, jamais de la vie. Vous ne l'avez pas compris, je pense bien, ou vous n'avez pas écouté attentivement. Le problème est une question d'indépendance. Si on a un organisme quasi judiciaire, on veut lui donner l'allure d'un organisme quasi judiciaire. Le problème de l'indépendance des tribunaux, ce n'est pas simplement un problème de fonds de retraite pour les juges, ce n'est pas un problème de sécurité au sens de la Loi de la fonction publique, c'est un problème d'indépendance d'un pouvoir face à un autre pouvoir. Ce n'est pas du tout une solution que de dire qu'on est en train d'élaborer des règles à l'intérieur de la fonction publique pour régler le problème.

C'est vouloir délibérément considérer le problème sur le plan de l'intérêt des individus qui détiennent ces fonctions, mais ce n'est pas du tout le plan que je soulève. Les gens qui occupent ces fonctions... La question de savoir s'ils ont droit à des fonds de pension, si leur avenir financier est assuré ou non, cela ne m'intéresse strictement pas. S'ils deviennent régisseurs ou commissaires, ce sont des adultes consentants, ils savent ce qu'ils font. Le problème de savoir s'ils ont une sécurité financière ou non pour leurs vieux jours ne m'intéresse strictement pas. Ce qui m'intéresse...

M. Godin: J'avais cru comprendre que c'était une de vos préoccupations.

M. Forget: Pas du tout. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir si on a véritablement des régies qui exercent un pouvoir, indépendamment du pouvoir exécutif du Conseil des ministres, ou si ce sont des instruments du Conseil des ministres. La voie que vous avez prise, que votre gouvernement a prise depuis trois ans, c'est d'en faire des organismes qui sont visiblement, par toutes les caractéristiques d'organisation, de composition, de durée de mandat, de possibilité de faire fixer par le gouvernement leur traitement, de les réviser, etc., en fait quelque chose d'assez analogue à n'importe quelle autre catégorie de fonctionnaires. D'ailleurs, la réponse que vous nous faites, c'est-à-dire que vous êtes en train de penser avec la Fonction publique à des façons de leur donner la sécurité d'emploi, tend à confirmer cette notion, puisque, dans le fond, ce sera une classe d'emploi parmi d'autres dans la fonction publique; on aura des régisseurs, comme on a des opérateurs de machines fixes. Ces gens seront dans un corps d'emploi avec certaines règles de rémunération, d'embauche, etc., mais ce n'est pas sur le plan du droit public. C'est pratiquement sur le plan du droit du travail que vous abordez le problème. Ce n'est pas du tout l'aspect qui m'intéresse. Ce que je vous dis, c'est que, si vous en êtes rendus à en faire un corps d'emploi et à chercher du côté de la fonction publique des solutions aux problèmes, intégrez-les dans les ministères, ce sera plus vite fait et on sera rendu au même point.

M. Godin: M. le député de Saint-Laurent, vous voilà galopant dans une direction qui n'a rien à voir avec les intentions du gouvernement, ni du ministère. Un régisseur ou un président d'une régie ou d'une commission ne peut recevoir — vous le savez très bien pour avoir occupé un poste de ministre vous-même — aucune directive d'un ministre et il est souverain — j'emploie le mot à dessein — en ce qui touche l'application de sa loi.

M. Forget: ... révision. Il est astreint à fournir tous les rapports que le ministre juge bon de lui demander.

M. Godin: Cela fait partie de n'importe quel...

M. Forget: Est-ce que vous demandez cela à des juges de la Cour provinciale? Est-ce qu'un juge de la Cour provinciale est astreint, d'après la Loi des tribunaux judiciaires, à fournir tous les documents et les rapports à la demande du ministre de la Justice? Vous avez pris une filière qui vous amène vers un pouvoir de directives éventuelles, comme il y en a vis-à-vis des sociétés d'Etat. C'est la logique de tout ce que vous faites. Vous avez là des gens qui sont aux ordres du ministre. Je n'ai pas d'objection, si vous voulez en faire une responsabilité ministérielle. Mais il ne faudra pas nous dire, si on pose des questions en haut, à l'Assemblée nationale: Comment cela se fait-il que la régie a refusé ou accordé un permis? Avec tout cela, il ne faudra pas que le ministre dise: Écoutez, cela ne me regarde pas. Ce sont des régisseurs indépendants. Jamais de la vie! Ce sont des régisseurs qu'il nomme, qu'il rémunère, qu'il engage et qu'il renvoie selon son bon plaisir, à qui il peut demander tous les rapports qu'il veut bien demander. À ce moment, ce sont ses employés, ce n'est rien d'autre que cela. Il ne faudra pas prétendre à l'indépendance après, dans un autre contexte! Il n'y en a plus!

M. Godin: M. le député de Saint-Laurent, vous nous avez reproché d'avoir coiffé du parapluie de droit nouveau les articles 1 à 117, vous coiffez également du parapluie de droit nouveau des choses qui sont de tradition sous les quatre régimes que j'ai pu observer de l'extérieur aussi bien que de l'intérieur de ce Parlement. Ce n'est pas nouveau que le ministre demande des rapports aux membres des commissions qu'il crée ou qui relèvent de lui. Cela fait partie de son mandat, parce que c'est lui, en dernière analyse, qui a à répondre

au Parlement de ce qui se passe dans une commission, dans une régie. Vrai ou faux? Par conséquent, on n'a rien inventé là-dessus. Ce n'est pas parce que le ministre a le pouvoir d'exiger d'eux des rapports sur les activités normales d'une institution parapublique qu'on les contrôle, au contraire!

M. Forget: Est-ce qu'il peut le faire vis-à-vis des tribunaux judiciaires?

M. Godin: Non, mais il y a une nuance importante.

M. Forget: Vous avez votre réponse.

M. Godin: À ce moment, comment expliquez-vous que, depuis vingt ans, les choses se passent ainsi?

M. Forget: Est-ce qu'on réforme la loi ou si on ne la réforme pas? Il ne faut pas appeler cela du droit nouveau si votre seule argumentation, c'est de dire que cela se fait comme cela depuis vingt ans. On perd notre temps alors! On ne fait que changer le titre. Aussi louable que cela soit, ce n'est pas substantiel. (17 heures)

M. Godin: Enfin, il y a les frontières très nettes que vous connaissez aussi bien que moi entre le judiciaire et le législatif et là, nous sommes dans le droit administratif et, par conséquent, ça relève beaucoup plus, à mon avis, de ce qui se passe au Parlement que de ce qui se passe devant les tribunaux. C'est la raison pour laquelle le ministre n'a pas exigé les rapports; mais qui pourra exiger les rapports, si ce n'est pas le ministre, entre vous et moi, les citoyens?

M. Forget: Quand un tribunal fait une adjudication, quand il applique une loi, ses rapports sont constitués par les décisions qu'il rend. Il n'a pas besoin de produire d'autres rapports. Il n'est comptable que des décisions qu'il rend. Autrement, il est comptable de quoi? Il est comptable d'une administration, d'un "policy-making". Il est évident, à ce moment-là, que si vous insérez un organisme comme celui-là dans le "policy-making", il doit être l'instrument du ministre. Mais c'est justement. Plus vous faites de ça, c'est encore... On revient à l'argument de l'article 2. Le pouvoir de régulation, dans notre régime parlementaire, ne peut pas reposer entre d'autres mains qu'entre les mains du ministre. Là, vous êtes assis entre deux chaises. Vous êtes en train de me dire: Ils font du "policy-making", donc, ils doivent relever du ministre. Bien oui, mais s'ils doivent relever du ministre, mettez-les dans le ministère. On ne peut pas jouer sur tous les tableaux comme ça, indéfiniment. Ou ils sont responsables devant le ministre, et le ministre est responsable de leurs gestes à l'Assemblée nationale, ou ils ne le sont pas. Une porte est ouverte ou fermée. Vous savez ça; c'est une vieille expression. C'est vrai autant là-dedans que dans autre chose. On ne peut pas jouer sur tous les tableaux, dire: Ils sont indépendants quand ça fait notre affaire et ils ne sont pas indépendants quand ça fait notre affaire. C'est l'un ou l'autre.

M. Godin: M. le député de Saint-Laurent... Une voix: Une porte entrouverte...

M. Forget: Oui, mais une porte entrouverte, ça ne veut rien dire. Un courant d'air la fait fermer ou ouvrir, à un moment donné.

M. Godin: ... à partir d'un amendement qui porte sur "de cinq à dix ans", vous en êtes rendu à remettre en question tout l'édifice, je dirais, du public, du parapublic, du judiciaire et du législatif...

M. Forget: Je demande d'être conséquent avec une décision que vous prenez.

M. Godin: Entendons-nous! Ce que nous voulons faire et, fondamentalement, ce projet de loi ne vise pas à réformer les rapports entre l'exécutif et le judiciaire en profondeur. Il vise à accélérer l'émission des permis et à protéger les mineurs qui sont appelés à travailler dans des endroits où ils n'ont pas d'affaire à travailler. Ce sont ses deux objectifs fondamentaux. Il ne s'agit pas, par le biais du projet de loi no 55, d'aborder l'immense et vaste question que vous soulevez, à savoir si ce sont des tribunaux plus administratifs. Est-ce que ce sont des adjudicateurs qui sont plus près du législatif que du judiciaire? Enfin, on ouvre là une porte de grange et, je m'excuse, mais je n'entrerai pas dans votre grange...

M. Forget: Oui, mais alors, pour accélérer...

M. Godin: ... parce que là, ça va nous mener très loin.

M. Forget:... l'émission des permis, on n'a pas besoin de réduire le mandat de dix ans à cinq ans. On n'a pas besoin de changer le titre de la commission des permis d'alcool. On a besoin de faire certains changements techniques pour les transferts de permis, etc., qui sont faits. D'accord, c'est là-dedans, c'est bon, c'est beau... Mais ce n'est pas de cette façon que vous avez introduit votre loi en deuxième lecture. Vous l'avez introduite comme une révision, une réforme, quelque chose qui est de droit nouveau, 117 articles de droit nouveau...

M. Godin: Nous nous sommes entendus ce matin...

M. Forget: Attention là...! On s'est entendu...

M. Godin: Nous avons vidé cette question ce matin. Écoutez, si vous voulez revenir sur chacun des points déjà discutés, nous allons tourner en rond comme le chien qui mord sa queue et, si

c'est ce que vous voulez faire, vous tournerez tout seul. Pour ma part, j'aimerais bien qu'on s'arrête et qu'on regarde les choses objectivement. Il s'agit de réduire la durée d'un mandat de dix à cinq ans. Le gouvernement actuel l'a fait depuis le début et il n'a pas l'intention de modifier sa politique à ce sujet-là, parce qu'il l'a fait pour des raisons...

M. Forget: C'est ça et il a tort depuis le début.

M. Godin: Bon! vous pouvez être en désaccord. Vous avez le droit d'être en désaccord, parfaitement.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que l'article 4, amendé par le député de Saint-Laurent, est adopté?

M. Godin: Pardon?

Le Président (M. Laplante): On va voter sur l'amendement avant. Sur l'amendement du député de Saint-Laurent, c'est ce que j'ai dit.

M. Godin: Vous avez dit: Article 4, tel qu'amendé...

M. Boucher: M. le Président, vous avez demandé si l'article 4, tel qu'amendé, était adopté. On n'a pas voté sur l'amendement encore.

Le Président (M. Laplante): Sur l'amendement. Est-ce que l'amendement du député de Saint-Laurent est adopté?

Une voix: Non. M. Godin: Rejeté.

Le Président (M. Laplante): Rejeté sur division?

M. Forget: Sur division.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que l'article 4 sera adopté?

M. Godin: Adopté.

M. Forget: Adopté sur division.

Le Président (M. Laplante): Adopté sur division. Je reviens à l'article 3 où vous aviez, M. l'adjoint...

M. Godin: Oui, est-ce que tout le monde a obtenu copie dudit amendement?

Le Président (M. Laplante): C'est un nouvel article qui est proposé.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laplante): Le nouvel article 3 adopté tel qu'au papillon.

M. Godin: Nous allons le lire, M. le Président, pour qu'il soit consigné. Article 3 modifié suite aux suggestions des deux côtés de la Chambre: "La régie a pour fonctions de délivrer, de renouveler, de suspendre ou de révoquer les permis, de fixer et de modifier les conditions qui y sont attachées et de contrôler l'exploitation de ces permis."

Le Président (M. Laplante): Adopté. J'appelle l'article 5.

M. Godin: Quant à l'article 5, il s'agit d'une clause plutôt usuelle ou standard sur la rémunération et les autres conditions de travail des régisseurs.

Le Président (M. Laplante): Je vois qu'il y a un amendement proposé par le député de Saint-Laurent. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Oui, c'est dans le même esprit que mon intervention relative à l'article 4. Je vais faire la lecture de l'amendement: "Remplacer au premier alinéa les mots "la rémunération, une fois fixée, ne peut être réduite" par les mots "la rémunération des régisseurs, une fois fixée, doit être augmentée de temps à autre, de la même manière que l'est la rémunération des cadres de la fonction publique ou, le cas échéant, celle des juges de la Cour provinciale".

Le Président (M. Laplante): Sur cette mention d'amendement du député de Saint-Laurent, j'aurais une question à poser. S'il arrivait que, comme en Norvège, on réduise tous les salaires de 30%, qu'est-ce qui arriverait avec ça? Parce qu'on engage des sommes actuellement pour le gouvernement sur des augmentations futures de salaires. Je ne sais pas s'il n'y aurait pas une autre façon de rédiger l'amendement sans que ce soit un engagement de fonds.

M. Forget: Oui, on peut dire, au lieu d'augmentée, modifiée. Je ne sais pas si ça peut aller.

Le Président (M. Laplante): Doit être modifiée au lieu d'augmentée?

Une voix: À la hausse ou à la baisse? M. Forget: De la même manière.

Le Président (M. Laplante): Cette motion est recevable, M. le député de Saint-Laurent.

M. Godin: Est-ce que vous avez fait un sous-amendement?

Le Président (M. Laplante): Non, à la place du mot "augmentée", c'est le mot "modifiée". Est-ce que vous avez, M. l'adjoint, des commentaires sur la motion du député de Saint-Laurent?

Une voix: En avez-vous?

M. Forget: Non, je pense qu'il parle par lui-même.

M. Godin: Je pense que le reproche que je ferais à votre amendement, c'est qu'il dénote une certaine ignorance de ce qui se passe à l'égard des cadres et des juges. Il n'y a strictement rien dans les lois qui prévoit une augmentation du salaire des cadres, ni des juges. La Loi des tribunaux judiciaires ne prévoit aucune indexation ou augmentation du revenu des juges.

M. Forget: Je pense que ce n'est plus vrai. Il y a désormais dans la loi une clause qui permet un ajustement. Cela n'a plus besoin de venir à l'Assemblée nationale.

M. Godin: D'accord.

M. Forget: C'est ça, il y a un pouvoir réglementaire pour déterminer les salaires des juges.

M. Godin: Mais ça ne prévoit pas d'augmentation.

M. Forget: Peu importe, il y a un pouvoir qui est donné de modifier les salaires.

M. Godin: Oui, mais votre amendement mentionne bien d'augmenter la rémunération de temps à autre de la même manière...

M. Forget: Modifier de la même façon... M. Godin: II y a eu un changement? M. Forget: Oui.

M. Godin: Excusez-moi. C'est ça que je demandais au président.

Le Président (M. Laplante): C'est ce que j'ai dit tout à l'heure.

M. Forget: Remplacer le mot "augmentée" par "modifiée".

Le Président (M. Laplante): II faudra maîtriser votre nervosité, monsieur.

M. Godin: C'est peut-être la vôtre, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Taschereau.

M. Guay: J'avoue que c'est la première fois — évidemment, on peut toujours innover; ça n'a rien de malsain en soi, bien au contraire — que je vois un article rédigé comme ça et qui, finalement, manque un peu de rigueur, parce qu'on dit qu'elle devrait être modifiée comme l'est la rémunération des cadres ou, le cas échéant, celle des juges. C'est l'un ou c'est l'autre? Il n'y a aucun article...

M. Forget: C'est selon les régisseurs.

M. Guay: D'accord, mais, même à cela, il n'y a rien dans les lois, à ma connaissance, je peux me tromper, à l'heure actuelle, qui dit cela pour des fonctions analogues. Je pense que le député de Saint-Laurent sait comme moi que le but de l'article 5, tel qu'il est, qu'on retrouve dans toutes les lois où il est question de personnel nommé à des organismes de cette nature... "La rémunération une fois fixée ne peut être réduite"... Evidemment, il pourrait être tentant de procéder d'une manière arbitraire à l'occasion et de réduire les traitements, ce qui serait une façon comme une autre de faire démissionner des gens et, par conséquent, de les menacer dans l'exercice indépendant de leurs fonctions.

M. Forget: Ne pas les augmenter, à l'époque actuelle, cela revient au même.

M. Guay: À ce moment-là, ce que dit le député...

M. Forget: Avec un mandat de cinq ans et un salaire qui n'est pas augmenté pendant cinq ans, cela a le même effet.

M. Guay: Ce que dit le député de Saint-Laurent, que si on ne les augmente pas, cela revient au même, ce n'est pas tout à fait exact, mais ce genre de disposition devrait se retrouver dans une loi de portée générale. Pourquoi est-ce qu'on l'applique aux régisseurs de la Régie des alcools et qu'on ne le retrouve pas, par exemple, dans la loi 107 sur la Régie du logement et qu'on ne le retrouve pas dans d'autres lois portant... On ne peut pas modifier chaque loi?

M. Forget: C'est ce que vous faites. Ce n'est pas une loi générale qu'on adopte sur les régies d'Etat, voyons donc!

M. Guay: Mais c'est justement ce que je dis au député de Saint-Laurent, c'est qu'une disposition comme celle-là devrait se retrouver dans une disposition d'ordre général, pas dans chaque cas d'espèce.

M. Forget: Alors, laissez-la comme elle était. Pourquoi la modifiez-vous? Allons donc, soyez logiques avec vous-mêmes. C'est une loi qui modifie la loi de la commission des permis d'alcool. Alors, si on ne peut rien y changer à moins de changer tout le reste, arrêtez de le faire vous-mêmes.

M. Guay: On peut modifier l'existence, la composition, la nature...

M. Forget: Vous parlez d'une sornette.

M. Guay: Non, mais je comprends que le député...

M. Forget: Vraiment, faites-nous l'économie de remarques comme celles-là.

M. Guay: Si le député de Saint-Laurent veut nous faire l'économie de sa suffisance pour trente secondes...

M. Forget: C'est que, du député de Taschereau, on n'entend jamais que des contibutions d'un brio comparable à celles-là.

Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Taschereau.

M. Guay: M. le Président, si le député de Saint-Laurent n'apprécie pas ma contribution, cela me passe comme de l'eau sur le dos d'un canard...

Le Président (M. Laplante): II ne faudrait pas continuer dans les mêmes règles.

M. Guay:... et je ne le fais d'ailleurs pas pour sa propre compréhension, je suis sûr qu'il est parfaitement incapable de saisir. Cela étant, il n'en demeure pas moins que, si on veut, on peut modifier des lois, créer des régies, modifier des régies quant à leur composition, quant à leurs fonctions. Si on veut parler d'indexation, c'est un peu cela que ça vise, l'indexation du salaire de régisseur, quelle que soit la nature de la régie, il me semble que c'est dans une loi de portée générale s'appliquant à tout le personnel de régies gouvernementales qu'on devrait la faire, mais non pas sur un cas d'espèce, alors que cela ne s'appliquerait pas à chaque autre cas d'employés de régies. Je suis sûr, M. le Président, que même le député de Saint-Laurent est capable de comprendre cela.

Le Président (M. Laplante): Est-ce qu'il y a d'autres...

M. Godin: Le député de Saint-Laurent, en plus d'apporter un amendement qui impliquerait des dépenses, d'une part...

M. Forget: Cela a déjà été décidé par le président.

M. Godin: Je ne discute pas la recevabilité, je dis que tel est le cas quand même, d'une part. D'autre part, il introduit des notions qui peuvent être contradictoires, entre autres entre la rémunération des cadres ou, le cas échéant, celle des juges, qui va trancher, qui va décider? Laissez-moi terminer, M. le député de Saint-Laurent. Vous ouvrez la porte à... D'abord, il y a la création d'un précédent que nous ferions, si nous adoptions votre amendement, premièrement, et, deuxièmement, vous laissez je ne sais trop qui devoir trancher entre les cadres, ou les juges de la Cour provinciale, et on peut fort bien voir les régisseurs ou les commissaires de toute autre commission ou régie invoquer le même précédent, d'une part, et imaginez la canne de vers, comme on dit en américain ou "the can of worms" que nous ouvririons, si nous disions: Suivant le cas échéant, ce seraient les juges, le cas échéant, ce seraient les cadres, et tout le monde va essayer de "barguiner" l'un contre l'autre ou l'un avec l'autre pour voir sur qui on va s'aligner, sur quel chef d'orchestre on va aligner nos violons. Cela me semble inacceptable comme remarque pour cette raison.

De plus, et c'est là au fond l'argument fondamental, il y a déjà une tradition que vous connaissez mieux que moi — vous êtes ici depuis plus longtemps que moi — une coutume qui veut que le gouvernement, pour garder ses régisseurs, ou ses commissaires, augmente leur traitement progressivement et cycliquement. Sans injustice, il y a une tradition. J'ai rarement entendu des régisseurs ou des commissaires se plaindre qu'ils n'étaient pas bien traités par le gouvernement et que le gouvernement les avait exploités. (17 h 15)

Par conséquent, soyons pragmatiques, je ne vois pas l'utilité, je ne vois aucun exemple concret dans le passé qui pourrait nous amener à nous convaincre qu'il faut absolument avoir cette garantie pour les régisseurs de cette région, je ne vois aucun cas.

Faute d'en voir, je ne peux pas accepter la création d'un tel précédent dans une loi comme celle-ci.

M. Forget: Cela démontre, M. le Président, assez abondamment, que le réflexe du ministre est toujours le même, le problème va être réglé par le gouvernement selon son bon plaisir. C'est tout à fait vrai, il l'a été dans le passé, il va continuer de l'être dans l'avenir. Il demeure que ça démontre que ce n'est pas un organisme qui est à l'abri de toute espèce d'intervention du pouvoir exécutif. C'est une créature gouvernementale plus dépendante du ministre que ne le sont les fonctionnaires qui ont une convention collective, que ne le sont les cadres supérieurs pour lesquels il y a des traditions absolument axées sur ce qui se passe pour les employés syndiqués.

Dans ce cas-ci, il s'agit de l'arbitraire le plus complet, c'est la réponse du ministre; ça démontre assez bien qu'on n'est pas en face d'un organisme indépendant, pas du tout, pas du tout. On est en face d'un organisme doté d'un personnel, qui aura des augmentations si le gouvernement le juge bon, pas nécessairement au même taux pour tout le monde, mais selon les préférences qui peuvent être celles du ministre, etc.; tout est possible, la loi le dit. La loi dit: il n'y aura pas de diminution, c'est la seule restriction. Le gouvernement ne pourra rien diminuer. Dans une période où on a un taux d'inflation de 10% par année, on peut s'asseoir sur son siège et, de toute façon, la rémunération en termes réels diminue de 10% par année. C'est parfais, ça donne énormément de liberté de manoeuvre, mais ce n'est pas ça un organisme autonome du pouvoir exécutif.

C'est bien sûr, c'est prévisible que le ministre était pour s'y opposer, parce qu'il s'est opposé à tout le reste qui tendait à asseoir l'indépendance des membres de ces régies. Il n'en veut pas, il veut qu'il y ait, comme il dit, selon l'euphémisme qu'il a utilisé, la rotation. Il y aura la rotation et il y a

maintenant les incitatifs pour favoriser la rotation, parce qu'il y a le taux de rémunération.

Il peut bien protester de ses bonnes intentions et c'est effectivement vrai que ces gens ont de bonnes intentions, je suis prêt à lui faire le crédit de toutes les bonnes intentions sur la terre. C'est parce que les gouvernements qui se sont succédé ont eu des bonnes intentions que le ridicule de ces situations, sur le plan juridique, n'est pas devenu plus évident qu'il ne l'est. Parce qu'un gouvernement qui voudrait utiliser les pouvoirs qu'il a... Finalement, ça n'existe pas la régie, ça existe au bon plaisir du gouvernement, tant qu'il veut bien la laisser fonctionner, un peu comme les commissions parlementaires. On n'a pas de véritables commissions parlementaires au Québec, contrairement à la plupart des autres Parlements, parce que ça existe selon le bon plaisir du leader du gouvernement: le moment des convocations, les sujets. Dans la plupart des Parlements, le ministre n'est même pas membre des commissions parlementaires. Je ne sais pas si on se rend compte de ça ici, parmi les parlementaires québécois. Il est invité, si on juge bon de l'avoir.

M. Godin: Est-ce que je pourrais ramener mon collègue à la pertinence...

M. Forget: C'est une philosophie de gouvernement... C'est aussi pertinent que de dire...

M. Godin: ... parce que là, vraiment...

M. Forget: ... ce que vous m'avez dit au sujet du fait que c'était pour augmenter les dépenses alors que, dans la phrase suivante, vous m'avez dit: De toute façon, on les augmente quand même, les salaires.

M. Godin: D'accord, mais ça nous appartient à nous, comme gouvernement, et non pas à l'Opposition de faire ça.

M. Forget: Justement, c'est pour ça, ça vous appartient...

M. Godin: Entendons-nous, il y a une ligne qui est tracée.

M. Forget: C'est un pouvoir discrétionnaire que vous voulez conserver. Fort bien. C'est ça l'essentiel du débat.

M. Godin: Je vous vois sauter comme un feu follet d'une logique à l'autre, perpétuellement, et ça commence à...

M. Forget: À vous agacer...

M. Godin: Pas du tout, mais je voudrais qu'on joue au hockey avec une rondelle et non pas avec un ballon de basket-ball, parce que là, indifféremment, vous jouez avec une raquette de tennis au hockey ou à je ne sais trop quoi; je ne vous suis plus, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je vous fais plus de crédit que ça.

M.Godin: Vous nous reprochez d'évoquer la possibilité qu'éventuellement, leur sécurité d'emploi sera protégée par une prochaine réforme et, en même temps, vous nous dites: Après tout...

M. Forget: C'est une réforme salariale que vous voulez faire.

M. Godin: ... ce sont des fonctionnaires, au fond, il faudrait qu'il y ait une logique cohérente dans ce que vous dites, de façon qu'on puisse avoir des arguments, mais nous voilà déboulant sur la question des commissions parlementaires et de leur statut temporaire dans le Parlement que nous avons ici.

M. Forget: C'est un exemple d'analogie.

M. Godin: C'est un exemple d'analogie, mais ça peut nous mener très loin, encore une fois.

M. Forget: Je suis sûr que vous pouvez suivre ça, une analogie.

M. Godin: Je suis l'analogie, mais...

M. Forget: C'est peut-être moins imaginatif que les métaphores que vous utilisez, mais c'est malgré tout une façon de raisonner qui n'est pas inaccessible.

M. Godin: Si vous adoptez une logique au début d'une argumentation, j'espère que vous allez vous y tenir au moins jusqu'à la fin.

En ce qui nous concerne, ce sur quoi vous revenez perpétuellement, c'est la question de l'autonomie ou de l'indépendance des régisseurs. L'article 8 qui porte là-dessus, nous en avons parlé tout à l'heure, dit bien que le président est responsable de l'administration de la direction générale des affaires de la régie et il n'est pas, dans la nouvelle loi, plus souverain qu'il ne l'était dans l'ancienne, puisque dans l'ancienne, une partie des attributions relevait du sous-procureur général et une partie relevait de lui. Nous étendons son territoire. Nous étendons sa souveraineté.

Et en ce sens-là, cela confirme notre intention de l'autonomie, de l'indépendance de ces régisseurs. Et nous pouvons rediscuter du délai de cinq ans, rediscuter de la volonté du gouvernement de leur laisser l'autonomie ou non pendant longtemps. Mais là aussi, nous pouvons tomber aussi dans l'imputation de motif, dans le procès d'intention. Vous voyez, c'est une porte, encore une fois, dans laquelle je ne m'engagerai pas.

M. Forget: Vous ne reconnaissez pas les intentions des gens qui vont vous succéder. Vous ne serez pas toujours là.

M. Godin: C'est possible.

M. Forget: II faut faire des lois pour l'avenir. Il ne faut pas faire des lois pour soi.

M. Godin: C'est ce que nous faisons. M. Forget: Je ne pense pas.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que l'amendement du député de Saint-Laurent à l'article 5 sera adopté?

M. Godin: Je suis contre.

M. Forget: Vote enregistré, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. Alfred (Papineau). M. Godin (Mercier).

M. Godin: Contre.

Le Président (M. Laplante): Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine). M. Boucher (Rivière-du-Loup).

M. Boucher: Contre.

Le Président (M. Laplante): M. Cordeau (Saint-Hyacinthe). M. Marquis (Matapédia).

M. Marquis: Contre.

Le Président (M. Laplante): M. Forget (Saint-Laurent).

M. Forget: Pour.

Le Président (M. Laplante): M. Samson (Rouyn-Noranda). M. Guay (Taschereau).

M. Guay: Contre.

Le Président (M. Laplante): Pour: 1 — Contre: 4

La motion est rejetée.

J'appelle maintenant l'article 5. Est-il adopté sur division?

M. Forget: Adopté sur division.

Le Président (M. Laplante): Article 6.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laplante): Adopté. Article 7.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laplante): Adopté. Article 8. Je pense qu'il y avait quelque chose.

M. Forget: Le ministre a dit qu'il y avait une très grande responsabilité qui est donnée au président.

M. Godin: Est-ce que je pourrais défendre l'article tel que déposé, avant de...

M. Forget: Je vous invitais à détailler là-dessus.

Le Président (M. Laplante): Pas de problème là-dessus, monsieur.

M. Godin: À l'article 8, c'est une clause également usuelle qui accorde au président le statut de diriger un organisme avec tout ce que cela peut impliquer et qui prévoit qu'il peut être remplacé par le vice-président en cas d'absence ou d'incapacité temporaire.

Il s'agit ici d'une différence importante avec l'organisation interne de la commission de contrôle. En effet, en vertu de la loi actuelle, les pouvoirs de sous-chef sont exercés par le sous-procureur général. Il y a donc un partage de juridiction entre le président de la commission et le sous-procureur général, le premier contrôlant les aspects quasi judiciaires, l'article 4, et le second les responsabilités administratives.

Compte tenu de la difficulté de distinguer un acte administratif d'un acte quasi judiciaire, surtout dans la pratique quotidienne, il en est résulté une dualité de responsabilités qui est devenue une source de conflits et qui a suscité des difficultés administratives. C'est pourquoi, conformément à la recommandation 90 du groupe de travail, l'article 8 confie au président l'ensemble de l'administration et de la juridiction générale des affaires de la régie. Et par administration, nous couvrons bien du terrain. Je ne veux pas répondre immédiatement à l'amendement du député de Saint-Laurent qu'il n'a pas encore déposé, mais cela couvre du terrain.

M. Forget: J'imagine, M. le Président, que cet article a été largement influencé par la distinction entre les deux parties de la loi. Evidemment, comme on fait des questions pénales un sujet entièrement distinct dont n'aura plus à s'occuper de la régie, il est plus facile, bien sûr, de confier l'administration de la régie aux régisseurs eux-mêmes, puisqu'ils n'auront plus de rôle à jouer, si je comprends bien, dans la mise en marche du processus pénal. C'est bien cela? C'est bien cela, je comprends bien le sens?

Une voix: Les régisseurs n'auront plus le droit...

M. Forget: Désormais, les régisseurs n'auront plus rien à faire dans l'enclenchement du processus pénal, c'est le ministère de la Justice qui s'en occupera, alors que, dans la situation actuelle, ils ont un rôle à jouer de ce côté-là, ce qui a permis de clarifier les rôles. Comme vous pouvez le deviner à l'amendement que j'ai préparé, il y a un doute qui subsiste dans l'esprit du lecteur du projet de loi quand on le compare à l'article 4 de la Loi sur la commission de contrôle des permis d'alcool. On parle de l'administration et de la direction générale des affaires de la régie. L'adjoint du ministre vient de dire: L'administration, cela comprend bien des choses. Oui, cela peut comprendre bien des choses ou cela peut ne pas en comprendre beaucoup. Il n'y a pas de définition absolument acceptée de ce qu'est l'administration. Dans bien des secteurs professionnels

— j'en veux pour exemple les secteurs de la santé — ceux qui sont responsables de l'administration, il y a toute une théorie dans le sens qu'ils ne sont pas responsables de l'activité professionnelle. Là, on s'engage dans un débat, mais que veut dire exactement "administration"? Est-on absolument sûr et que cela ne fait aucun doute que l'administration comprend ce qui était dans l'ancien texte qui donnait au président un rôle très grand sur ses collègues régisseurs ou commissaires, à l'époque, la surveillance et les ordres? Enfin, il surveillait leurs activités, il pouvait leur donner des ordres pour ce qui concernait la distribution des causes et la tenue des séances. Est-ce que l'administration inclut cela ou n'y a-t-il pas des chances que l'administration soit interprétée par certains comme étant l'entretien des bureaux, la préparation des chèques de paye, tout ce genre de choses-là, l'impression de la papeterie, le paiement des factures de téléphone et Dieu sait quoi? Est-ce que c'est l'administration au sens large ou au sens étroit? Le ministre dit: Nous voulons dire l'administration au sens large.

M. Godin: II y a deux termes à l'article 8. M. Forget: Oui, la direction générale.

M. Godin: La direction générale, entendons-nous...

M. Forget: Oui, mais ce sont des termes vagues.

M. Godin: Ce n'est pas la peine d'énumérer tout ce que peut faire dans une journée le président de la régie. C'est encore une fois le glissement que vous voulez nous faire faire. Si nous nous mettons à définir en détail, le détail qu'on oubliera pourra être invoqué comme ne relevant pas du président, alors qu'en mettant les termes "administration et direction générale" au sens communément admis, nous couvrons beaucoup plus de terrain que si on se mettait à dire, comme vous le proposez: II va être chargé de la distribution des causes et de la tenue des séances, d'une part. D'autre part, M. Jacoby aurait un éclaircissement ou un éclairage à donner.

La raison pour laquelle on a l'article 4 dans la loi actuelle, c'est que, finalement, la Commission de contrôle des permis d'alcool est dirigée d'une manière assez bizarre. Toutes les fonctions quasi judiciaires relèvent du président et les fonctions administratives relèvent du sous-procureur général. C'est vraiment un cas unique. Or, si tel est le cas, on a dû se poser la question, lors de la rédaction de la loi, si la tenue des rôles, la distribution des causes, c'était une fonction administrative ou une fonction quasi judiciaire. Personnellement, je pense que c'est une fonction strictement administrative. Le fait de pouvoir donner des ordres aux membres de la commission, il fallait le dire aussi à l'article 4, parce que, par ailleurs, par d'autres dispositions, théoriquement, juridiquement, c'eût été le sous-procureur général qui aurait pu donner des ordres. Mais, maintenant qu'on fait disparaître cette distinction, à mon point de vue, il est absolument inutile d'ajouter cela. (17 h 30)

Cela n'ajoute rien. Quand on parle de direction générale, il est responsable de la direction générale de l'organisme, entre autres, étant donné que c'est un organisme quasi judiciaire en partie, la confection du rôle, la distribution des causes, le droit de donner des ordres, des directives, appartiennent nécessairement aux présidents, aux dirigeants d'organismes.

M. Forget: La raison pour laquelle j'avais un doute — j'accepte évidemment la version officielle et c'est celle à laquelle je souscrirais moi-même — c'est que, par exemple, dans l'organisation des tribunaux, il y a une distinction. On pourrait dire que, dans le fond, l'adminstration et la direction générale appartiennent au directeur général des greffes, mais que c'est seulement le juge en chef qui peut donner des ordres et exercer un pouvoir de surveillance, et même la distribution du rôle. On est tous conscients de ce qui s'est passé depuis quelques années à la Cour supérieure, en particulier, où le juge en chef a exercé une responsabilité beaucoup plus grande, mais le juge en chef, et non pas le directeur des greffes. Or, évidemment, on ne sait pas exactement, l'analogie est difficile à faire, mais on pourrait prétendre que, quand on parle de l'administration et de la direction générale des affaires, c'est dans le sens de l'administration des greffes et pas dans le sens du juge en chef. Evidemment, il n'y a pas deux personnages. On doit tenir compte aussi du fait qu'un certain nombre de régisseurs seront probablement toujours des juges ou il y en aura toujours un certain nombre qui seront des juges et qui pourront prétendre, à cause de leur statut de membres de la judicature, à une certaine indépendance dans leur fonctionnement, etc. Je pensais qu'il fallait être extrêmement clair là-dessus.

M. Godin: C'est vrai que, pour les tribunaux judiciaires, on l'a dit expressément dans la Loi des tribunaux judiciaires, le juge en chef peut donner des ordres, mais c'est pour des raisons strictement historiques, à cause de ce fameux principe de l'indépendance judiciaire. On s'est posé des questions à une époque, à savoir si le juge en chef pouvait donner des directives à ses juges, d'une part. Le problème ne se pose pas, parce que même un juge qui serait nommé à l'organisme, il est personne désignée. Ce n'est pas tant en tant que qualité de juge que membre d'organisme. À ce titre, il est soumis aux mêmes normes et directives que les autres régisseurs qui ne sont pas juges.

M. Forget: Je suis bien prêt à retirer mon amendement, si le ministère est absolument satisfait de cette rédaction. Après tout, c'est un point de détail.

Le Président (M. Laplante): L'amendement du député de Saint-Laurent à l'article 8 est retiré. Est-ce que l'article 8 est adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laplante): Adopté. Article 9, adopté?

M. Godin: L'article 9 est clair, il va de soi.

M. Forget: Peut-être avec quelques explications... Il est clair. Cela vient d'un texte qui existait déjà. Est-ce qu'on est moins explicite qu'avant ou est-ce qu'il y a un changement de ce côté? Il y avait une règle aussi d'incompatibilité de fonctions. Je ne me souviens plus où elle est. Je ne sais même pas. Est-ce que c'est défini quelque part? C'est défini dans la Loi de la Législature. Je ne veux rien recevoir d'autre comme émolument que...

M. Godin: C'est l'article 7, non, je m'excuse. L'article 7 va plutôt se référer au suivant.

M. Forget: C'est du droit nouveau.

M. Godin: Nous voilà sous le parapluie.

M. Forget: Quelles sont les fonctions incom-patibles dans ce cas? Je comprends qu'il ne peut pas être propriétaire de taverne, c'est le cas clair. Jusqu'où s'arrête-t-on?

M. Godin: C'est un principe, au fond. Nous posons un principe qui est plus large que ce qu'il y a dans l'article 10. Dans le suivant, c'est le conflit d'intérêts.

M. Forget: Est-ce qu'il peut être actionnaire de Dominion Glass, qui fabrique des bouteilles de bière?

M. Godin: Cela, c'est 10. Non, mais on pense surtout à un conflit d'intérêts d'ordre de représentation ou d'ordre éthique, si vous voulez, beaucoup plus que d'ordre pécuniaire ou financier. Par exemple, un régisseur ne pourrait pas être le porte-parole temporaire ou non rémunéré de l'Association des brasseries, par exemple, ou des brasseurs. Il ne pourrait pas être policier, bon, pour donner un autre exemple. Donc, c'est plutôt au niveau du principe même qu'au niveau du conflit d'intérêts proprement dit qui apparaît à 10, parce que le 10 est très spécifique aux conflits d'intérêts.

M. Forget: Oui, ce ne sont pas des intérêts, c'est une fonction, oui.

M. Godin: Cela touche la déontologie plus que toute autre chose.

M. Forget: Cela suggère une chose assez curieuse. Il peut exercer une fonction compatible. C'est donc qu'il n'a pas d'obligation d'exclusivité. Quelqu'un peut être nommé régisseur et avoir un commerce, exercer une profession, continuer à être membre d'un bureau d'avocats, par exemple. Il n'y a pas de contrat d'exclusivité.

M. Godin: Un bureau d'avocats? Quant à nous, un bureau d'avocats pourrait être... La compatibilité... C'est ça, s'il plaide devant la régie...

M. Forget: Non, supposons qu'il ne plaide pas, mais il est associé dans un bureau d'avocats et, à l'occasion, certains de ses associés peuvent venir plaider devant lui. Cela, c'est incompatible.

M. Godin: Voilà!

M. Forget: Mais il pourrait continuer...

M. Godin: C'est pour couvrir des cas comme celui-là.

M. Forget: ... d'exercer sa profession d'avocat le soir ou les fins de semaine, seul ou dans un bureau qui ne fait aucune affaire devant la régie. Il n'y a aucune obligation d'exclusivité. Entre les lignes, c'est ça qu'il faut lire.

M. Godin: Au fond, c'est pour permettre aux régisseurs de ne pas nécessairement être à temps plein au service de la régie.

M. Forget: C'est ça. Il y a des régisseurs qui peuvent être à temps partiel.

M. Godin: Ils pourraient être pilotes d'avion, par exemple...

M. Forget: ...

M. Godin: On pourrait prendre un cas...

M. Forget: On ne parle pas des régisseurs supplémentaires. On parle des vrais régisseurs qui pourraient détenir un autre emploi.

M. Godin: L'exemple que nous donne M. Ja-coby est éclairant. Ils ne pouvaient pas, dans le passé, par exemple, être présidents d'une campagne Centraide, dans les anciennes clauses, voyez-vous? Alors, nous voulons ouvrir la porte afin qu'ils puissent, par exemple, participer à une émission de télévision ou être présidents d'une campagne de charité ou être présidents d'un club Kiwanis.

M. Forget: Sauf que si la campagne de charité demande un permis de réunion, c'est embêtant.

M. Godin: Effectivement, et là, ce serait incompatible. C'est ce que la loi prévoit.

M. Forget: Oui.

Le Président (M. Laplante): Article 9 adopté?

M. Forget: Oui, c'est...

M. Godin: Avez-vous d'autres inquiétudes à ce sujet? On pourrait raffiner encore plus...

M. Forget: Non, mais enfin, je suis étonné qu'on suggère que...

M. Godin: On fait de la broderie un petit peu, mais je n'ai pas d'objection.

M. Forget: Non, mais il ne semble pas y avoir de... Il me semblerait que des régisseurs ne doivent faire que ça, mais, enfin...

M. Godin: Pas nécessairement. Dans le passé, un régisseur, de l'avis de tous, était beaucoup trop restreint et beaucoup trop contraint. Là, maintenant, nous lui enlevons toute contrainte.

M. Forget: C'est un louable libéralisme.

M. Godin: Alors, vous devriez applaudir à deux mains.

M. Forget: Oui...

M. Godin: Jusqu'à récemment, la clause usuelle, c'est qu'on disait qu'un membre d'un organisme doit s'occuper exclusivement des devoirs de sa fonction, ce qui était beaucoup trop hermétique, ne permettait pas d'être assez nuancé, selon les circonstances. Nous pensons maintenant que cette clause devrait permettre un peu plus de liberté, dans la mesure où ce n'est pas incompatible.

M. Forget: Oui, mais vous savez, on est tous conscients qu'il y a des emplois officiels et ça devient très gênant quand des gens ont deux emplois et que l'un est rémunéré à même les deniers publics. Je suis tout à fait d'accord qu'on permette à des gens qui sont régisseurs d'être présidents de campagnes de charité, pas de problème, mais le mot "fonctions" peut être interprété beaucoup plus largement que ça, jusqu'à inclure la détention d'un autre poste rémunéré à temps plein en disant: Quelqu'un se débrouille.

M. Godin: Je pense qu'il ne peut pas y avoir deux "temps plein". Le mot "incompatible" implique bien qu'il ne peut y avoir double temps plein.

M. Forget: Mais ce n'est pas légalement incompatible.

M. Godin: Non.

M. Forget: D'accord.

M. Godin: C'est parce que ça permet d'étendre, au fond, la piscine, si vous voulez, de gens chez qui on pourrait aller chercher des régisseurs.

M. Forget: Pour les fins de rotation. M. Godin: Ou autres.

Le Président (M. Laplante): Article 9 adopté. Article 10.

M. Godin: L'article 10 a pour but précisément d'éviter cela.

M. Forget: Un nouveau langage plus simple. C'est tout à fait louable. Adopté.

M. Godin: D'accord.

Le Président (M. Laplante): L'article 11, adopté?

M. Forget: Un instant!

Le Président (M. Laplante): C'est à l'article 13 que vous avez quelque chose.

M. Forget: C'était l'article 48 dans l'ancienne loi.

M. Godin: Je pourrais peut-être donner une explication. La Loi sur les commissions d'enquête — il faut peut-être le préciser — accorde aux commissaires "tous les pouvoirs d'un juge de la Cour supérieure siégeant en termes". C'est ce que ça dit. Cela implique, notamment, le pouvoir de forcer un témoin à comparaître et de l'obliger à répondre ou à produire les documents. Quant à l'immunité des commissaires, elle est exactement la même que celle des juges de la Cour supérieure. L'article 48 de la loi actuelle accorde ces pouvoirs et cette immunité à la commission de contrôle. Donc, nous ne sommes pas dans le droit nouveau.

M. Forget: Oui, c'est reconduit, sauf le pouvoir d'ordonner l'emprisonnement. On veut éviter le mépris de cour, les gens qui se font justice eux-mêmes, les régisseurs qui se font justice eux-mêmes. S'ils émettent une ordonnance et qu'elle n'est pas respectée, ils devront porter plainte auprès d'un vrai tribunal. C'est bien.

M. Godin: C'est bien?

M. Forget: C'est très bien. Je félicite le gouvernement de faire cette louable distinction.

M. Godin: Nous vous remercions.

Le Président (M. Laplante): Article 11, adopté. J'appelle l'article 12.

M. Godin: À l'article 12, encore là, c'est une clause assez usuelle relative aux actes officiels accomplis de bonne foi. L'immunité en question est accordée aux commissaires de la commission de contrôle en vertu de l'article 12 de la loi actuelle. Donc, nous ne sommes pas dans le droit nouveau. Elle est plus large, par ailleurs, que celle qui est prévue par l'article précédent du projet de loi, en ce sens qu'elle s'applique même lorsque la régie ne siège pas.

M. Forget: C'est l'article 13 de la loi actuelle, pas l'article 12.

M. Godin: Alors, il y a une erreur de frappe probablement.

M. Forget: C'est formulé assez différemment, cependant. Avant, c'était sur permission; on pouvait les poursuivre sur permission, avec l'autorisation du juge en chef du Québec ou, s'il est empêché d'agir, par le doyen des juges en chef de la Cour d'appel. Ces clauses d'indemnité, je connais quelqu'un qui s'y opposait vigoureusement anciennement et qui interdisait leur apparition dans les textes de loi, en disant: II s'agit là de quelque chose de très exceptionnel. C'est devenu presque des clauses de style. Il n'y a pas un organisme qu'on ne crée pas sans lui donner l'immunité propre aux juges de la Cour supérieure.

Dans le fond, on peut dire deux choses: II n'y a jamais un fonctionnaire qui a été poursuivi pour des actes qu'il a posés de bonne foi. Donc, ça va de soi, d'une part. Et, si ça va de soi, pourquoi le mettre dans les lois? La loi du rasoir, Occam, si vous vous souvenez vos anciens jours de philosophie, voulait qu'on enlève toutes les choses qui n'étaient pas strictement nécessaires dans un raisonnement. On devrait utiliser ça plus souvent au Parlement.

M. Godin: J'allais vous le dire.

M. Forget: Non, je ne suis pas sûr, surveillez bien les vôtres.

M. Godin: Vous nous faites planer très haut en certaines circonstances, pas toujours, mais...

M. Forget: Oui, en effet, on revient au treizième siècle, mais on y reviendra, au treizième siècle, un de ces jours, si ça continue. Pardon?

M. Godin: Ce n'était pas Louis XI à l'époque? Louis IX?

M. Forget: Je ne sais pas, je ne suis pas assez...

M. Godin: Rutebeuf.

M. Forget: Mais, pour revenir à nos oignons, qu'est-ce qui pousse le gouvernement, si ça va de soi, à reproduire constamment cette clause-là à toutes les sauces? Est-ce vraiment nécessaire?

M. Godin: Effectivement, nous sommes en train d'examiner globalement toutes les immunités que l'on retrouve dans les lois, aussi bien contre les brefs de prérogative que contre ce type d'immunité. En fait ce n'est pas si clair que cela, parce que si on n'a pas cette clause, on peut se demander à 1053 si une personne peut commettre une faute, même si elle est de bonne foi. Alors, si on retombe dans le régime général, on ne connaît pas tout à fait les implications, parce qu'on peut être de bonne foi et être responsable au sens de la responsabilité civile. Alors, comme actuellement le dossier est à l'étude globalement pour toutes les clauses d'immunité, on a préféré reproduire cela jusqu'à ce qu'il y ait une politique plus générale sur ce plan...

(17 h 45)

M. Forget: Et cela apparaît sans l'autorisation du juge en chef. Pourquoi cette modification si c'est à l'étude?

M. Godin: Parce que c'est tellement une vieille loi, la Commission de contrôle des permis d'alcool. Ces clauses relèvent véritablement d'une autre époque, d'autres moeurs. On ne trouve plus cela depuis très longtemps. D'ailleurs, il y a une différence quand même par rapport à l'article 13 où l'article 13 ne faisait pas de distinction entre les actes accomplis de bonne ou de mauvaise foi

M. Forget: Avant, c'était le rôle du juge en chef de décider s'il y avait bonne foi ou non.

M. Godin: C'est cela et à mon point de vue c'était très discrétionnaire de la part soit du juge en chef, soit du gouvernement, de laisser aller une poursuite ou pas. Je pense que c'est une amélioration par rapport au texte actuel.

M. Forget: Evidemment, les poursuites sont toujours possibles, quitte au demandeur à faire la preuve que ce n'était pas en raison d'un acte officiel, qu'il a outrepassé, en quelque sorte, sa juridiction ou qu'il n'y avait pas de bonne foi. Là, il y a toutes sortes de moyens de prouver qu'il a ignoré délibérément des faits qu'il devait connaître, etc. Adopté.

Le Président (M. Laplante): L'article 12 est adopté. Article 13. M. l'adjoint.

M. Godin: Le premier paragraphe ou alinéa prévoit que la régie a deux bureaux, chacun desservant un territoire bien défini. Le deuxième alinéa constitue une clause usuelle permettant au gouvernement de déterminer l'emplacement de ces bureaux et lequel constituera le siège social. Cet article va dans le sens de la recommandation 91 du guide de travail. Celui-ci proposait d'établir les bureaux de la régie en fonction des divisions de la Cour d'appel conformément à l'article 30 du Code de procédure civile. Présentement, il y a deux bureaux, un à Montréal, l'autre à Québec. Cependant, le territoire est délimité en fonction des districts électoraux et non des districts judiciaires. Certains dossiers qui devraient relever d'un bureau sont traités par l'autre. De plus, je veux préciser qu'en vertu de l'article 30 du Code de procédure civile, le territoire de chacune des divisions de la Cour d'appel est le suivant: les appels des jugements rendus dans les districts de Beauharnois, Bedford, Drummond, Hull, Iberville, Joliette, Labelle, Montréal, Pontiac, Richelieu, Saint-François, Saint-Hyacinthe et Terrebonne sont portés devant la Cour d'appel siégeant à Montréal, et les appels des jugements rendus dans les autres districts sont portés à Québec. C'est l'idée qu'il y a derrière cette...

M. Forget: Vous vous souviendrez, M. le Président, que le député de Rouyn-Noranda a fait un ardent plaidoyer, mais je voudrais, même s'il n'est pas présent, reprendre son argumentation. Il a voulu démontrer que les gens d'Abitibi ont des communications beaucoup plus directes et faciles avec Montréal qu'avec Québec. Or, si on se fie aux districts des divisions de la Cour d'appel, ces gens-là devront faire leurs demandes à Québec. J'ai fait circuler l'amendement tout à l'heure, qui aurait pour but d'assouplir cette règle, parce que, dans le fond, quand on présente un appel devant la Cour d'appel, de toute façon on ne le fait pas soi-même, mais il y a déjà tellement de frais de toute manière que c'est peut-être assez secondaire qu'on vienne à Montréal ou à Québec.

Mais là, il s'agit d'administrer une loi, on veut le faire de la façon la plus efficace et la moins coûteuse possible. Je suggérerais qu'un alinéa additionnel soit inséré après le premier pour permettre au lieutenant-gouverneur en conseil de faire des exceptions. On aurait pu être plus spécifique, mais il y a le cas de l'Abitibi qui a été mentionné, il y en aura peut-être d'autres, une certaine souplesse serait peut-être souhaitable.

Le Président (M. Laplante): C'est une motion que vous présentez, M. le député de Saint-Laurent. Pour la corriger tout de suite, est-ce qu'il ne faudrait pas ajouter à la fin du premier alinéa, parce que c'est un premier alinéa que vous avez là...

M. Forget: Oui, du premier alinéa, excusez-moi, ce n'est pas de la présente loi.

Le Président (M. Laplante): Je ne sais pas si c'est une faute de frappe, "toutefois le lieutenant-gouverneur en conseil peut, pour les fins de la présente loi, modifier". Est-ce que...

M. Forget: Oui, effectivement. Cela démontre la précipitation avec laquelle on l'a fait.

Le Président (M. Laplante): C'est enlever le mot "peut" à la deuxième ligne?

M. Forget: C'est ça. "Peut, pour les fins de..." Attendez un peu, "peut, pour les fins de la présente loi...

Le Président (M. Laplante): Virgule.

M. Forget: ... modifier la liste des districts judiciaires qui forment l'une ou l'autre division de la Cour d'appel."

Le Président (M. Laplante): D'accord. M. Forget: À la fin de l'alinéa suivant.

Le Président (M. Laplante): Acceptez-vous cette motion?

M. Godin: Cet amendement, j'avais noté effectivement hier, en Chambre, la suggestion du député de Rouyn-Noranda. Elle faisait déjà partie de nos préoccupations et vous avez raison d'ajouter qu'il peut se poser d'autres cas et suivant la demande, il faudrait que la loi puisse prévoir de telles modifications, d'une part. D'autre part, dans notre réflexion, depuis que la loi est imprimée, s'ajoute la notion suivante: peut-être que la régie devra envisager l'ouverture de bureaux supplémentaires. C'est la raison pour laquelle, en vue de donner suite à votre amendement ainsi qu'à la suggestion du député de Rouyn-Noranda et d'intégrer notre notion de prévoir l'ouverture de nouveaux bureaux, nous vous demanderions de suspendre l'étude de l'article 13.

M. Forget: Bon, excellent.

M. Godin: II y aura vraisemblablement... nous donnerons satisfaction à l'Opposition...

M. Forget: La loi actuelle, là-dessus, donne ouverture à presque toute la souplesse qu'on veut, parce que — et elle est beaucoup plus précise sur l'endroit du siège social — elle dit qu'il y a un siège social à Montréal et des bureaux dans d'autres districts, divisions, je ne sais pas comment on appelle ça, aussi nombreux que le gouvernement en décide. À ce moment-là, ils doivent déterminer le district qui se rapporte à chaque bureau.

Le Président (M. Laplante): Motion et article 13 suspendus. Article 14.

M. Godin: L'article 14 porte sur le secrétaire et autres membres du personnel.

M. Forget: Adopté.

M. Godin: Ils feront partie du personnel de la fonction publique, d'accord.

Le Président (M. Laplante): Article 14, adopté. Article 15.

M. Godin: Cet article établit le principe de la collégialité des décisions de la régie et lui permet de siéger simultanément en divisions d'au moins deux membres. Il établit aussi le quorum de la régie lorsqu'elle siège en séance plénière et prévoit enfin que la régie peut siéger à tout endroit du Québec. Il s'agit là d'un changement qui peut signifier, pour le citoyen, le consommateur et toute personne qui demande un permis, un progrès considérable.

M. Forget: Excellent, c'est un excellent article.

Le Président (M. Laplante): Adopté.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laplante): Article 16.

M. Godin: À l'article 15, excusez-moi, il y a une petite modification du français. M. Jacoby

étant sensible à ces questions, il propose d'enlever, pour cause de redondance, le mot "égal " après le mot "partage". Il s'agit là d'une formule qui tient du pléonasme, si vous êtes d'accord, M. le député.

Le Président (M. Laplante): Vous voulez que cela se lise: En cas de partage des voix.

M. Forget: Dans le premier alinéa de l'article 15?

M. Godin: Dans le premier alinéa de l'article 15, nous enlèverions le mot "égal" qui tient du pléonasme.

M. Forget: D'accord. Il aurait probablement fallu dire d'égal à égal.

M. Godin: C'est vous qui le dites, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Vous n'avez pas osé le mettre dans une loi, si je comprends bien.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que l'article 15 tel qu'amendé est adopté? Article 16.

M. Godin: L'article 16 vise à assouplir la règle de la collégialité dans le cas de requêtes strictement procédurales ou dans le cas de requêtes urgentes. Ces cas d'urgence, ils sont voulus par les articles 79 et 84 du projet de loi et ils touchent respectivement l'exploitation temporaire d'un permis par un tiers en cas de décès ou de faillite du détenteur, et le changement temporaire de l'endroit d'exploitation du permis en raison de circonstances exceptionnelles telles que la force majeure ou l'incendie cités ce matin par le député de Rivière-du-Loup. Je pense que nous sommes au coeur même de l'esprit de réforme que nous avons exposé hier. Il s'agit de simplifier, d'accélérer et de faire en sorte que...

M. Forget: D'accord.

Le Président (M. Laplante): L'article 16 est adopté. Article 17.

M. Godin: L'article 17 est encore une autre réincarnation concrète de l'objectif poursuivi. L'article prévoit qu'un membre du personnel désigné par le président peut prendre connaissance seul de certaines décisions lorsque celles-ci n'impliquent aucune discrétion. C'est habituellement le cas de demandes de permis de réunion. Et je précise qu'il y en a 40 000 par année qui sont demandés au Québec. C'est la raison pour laquelle nous voulons simplifier au maximum les procédures pour les obtenir. Il s'agit également des demandes de permis d'épicerie et de vendeurs de cidre présentées en raison de la vente de l'établissement.

La disposition a donc pour but d'augmenter l'efficacité dans le traitement des demandes.

M. Forget: Relativement à cela, M. le Président, l'adjoint du ministre se rappellera sans aucun doute que j'ai soulevé une autre possibilité. J'aimerais y revenir ici, parce que je pense que c'est une possibilité qui conserve son intérêt, même si elle n'a pas été accueillie d'emblée par le ministère.

Il me semble qu'on est là en face, dans le fond, d'un acte administratif de routine. D'ailleurs, on le reconnaît en confiant à un membre du personnel le soin de l'exécuter.

On dit: II n'y a pas d'adjudication là-dedans, il n'y a pas d'élément d'évaluation, de quoi que ce soit, c'est automatique, une épicerie, c'est une épicerie. Elle demande un permis. On lui accorde le permis, un permis de réunion également. Oui, un permis de réunion est couvert aussi par cela. Il y a des exigences, dans le fond, qui sont objectives. On en constate la présence ou l'absence. Tout ceci se fait sur présentation de pièces, de toute façon. Il y a un grand intérêt. Plutôt que de multiplier les bureaux dont le rôle sera presque essentiellement de faire cela à un coût très considérable, ne serait-il pas plus simple de demander aux municipalités, même si on veut le limiter aux municipalités d'une certaine taille, qui ont un bureau, un greffier, etc., et pour qui cela va représenter, dans le fond, un service à leur population locale tellement plus simple, tellement plus accessible, sans faire d'appel interurbain, sans envoyer les choses par la poste, sans attendre quoi que ce soit, quitte à ce que ces gens-là soient assermentés comme fonctionnaires pour ces fins propres... Après tout, on a l'émission des permis de conduire, etc., dans un réseau, les Caisses populaires, etc. Qu'on le fasse par les Caisses populaires, si on veut, peu importe. Est-ce que ce ne serait pas tellement plus accessible? Au lieu de se lancer dans une opération de déconcentration des bureaux de la régie, il me semble qu'on a d'autres mécanismes beaucoup plus souples. On' pourrait payer des honoraires très simples, je ne sais pas, de $2 par permis émis pour compenser les coûts d'administration, si on pense cela absolument nécessaire, mais je suis sûr que la plupart des municipalités se feraient un plaisir de donner ce service-là à leur clientèle, surtout pour les permis de réunion. Après tout, il n'y a rien là. Il me semble qu'un bon mouvement de la part du ministre serait fort apprécié de tout le monde. Cela s'inscrit tout à fait dans l'esprit de faciliter les choses.

Les utilisateurs, même les députés probablement. Je ne sais pas, je n'ai jamais été ennuyé par cela dans mon comté, mais certains collègues me disent qu'il y a des problèmes parfois, surtout dans les régions excentriques.

M. Godin: ...

M. Forget: Les périodes de grève, les périodes de grève dans les postes. On a connu des périodes de grève dans les postes où les choses ne se transmettaient pas, etc. Ce serait simple. Les municipalités apprécieraient beaucoup recevoir cela.

M. Godin: ... une grève dans la municipalité. M. Forget: Enfin, il y en a d'autres.

M. Godin: Enfin, entendons-nous, ce sont des exemples.

M. Forget: D'accord, mais ce n'est jamais systématique.

M. Godin: Je vous laisse terminer.

M. Forget: Justement, je finis mon plaidoyer. Je voudrais me faire le plus persuasif possible, parce que, dans le fond, j'ai l'impression que c'est une chose de rien du tout pour le gouvernement de consentir à cela et cela rendrait grandement service.

M. Godin: M. le Président, je dois dire, d'une part, que les municipalités n'ont pas été consultées d'aucune manière à ce sujet à ce stade-ci, ni le ministère des Affaires municipales, pour voir si cela ne pose pas des problèmes. C'est un point. Le point principal, c'est que certaines municipalités pourront refuser, comme elles ont déjà refusé d'autres propositions de même type, si vous voulez, de reprendre en main la perception de certains permis et autres. Nous risquerions de nous retrouver avec une discordance absolument extraordinaire.

M. Forget: Oui, mais permettez-le, une disposition permissive.

M. Godin: Oui, mais entendons-nous! Qu'est-ce qu'un citoyen va faire s'il se présente à sa municipalité? Il va avoir le même problème. La cohérence administrative exige qu'il y ait une règle générale qui s'applique partout. Comme, au stade où nous en sommes, nous n'avons pas encore sou- levé le bout du tapis qui peut mener à une telle décision, je me demande si c'est le lieu d'une telle... Nous pouvons décider en ce qui nous concerne, mais ce que vous nous demandez de faire, c'est d'ouvrir une large consultation avec toutes les municipalités, avec le ministère des Affaires municipales. Nous risquerions aussi de nous retrouver non seulement devant une discordance, mais devant des problèmes. Supposons qu'une municipalité décide d'accorder, tel que la loi le dit, un permis d'épicerie quelque part et le refuse à l'autre, cela peut créer, à l'intérieur de la municipalité, des tensions que vous pouvez fort bien imaginer et qui pourraient avoir des conséquences politiques pour les élus. On ouvre, encore une fois — c'est votre tendance cet après-midi — des portes de grange qui vont permettre de laisser échapper un grand nombre d'hirondelles. Je ne suis pas sûr que vous ayez bien réfléchi à toute la portée de votre suggestion. (18 heures)

Par ailleurs, comme elle loge à l'enseigne de l'efficacité, je ne peux pas dire que le gouvernement la rejette et je ne suis pas sûr qu'elle ne doive pas faire l'objet, éventuellement, d'une deuxième étape de la réforme que nous entreprenons aujourd'hui. Elle va dans ce sens. Je vous remercie de vous situer dans la perspective du gouvernement pour une fois, mais cela poserait des problèmes que nous ne saurions résoudre à court terme, M. le député de Saint-Laurent, vous le savez très bien.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Laplante): Là-dessus, on n'entamera pas une discussion. Ce sont de belles paroles d'avenir que l'adjoint parlementaire vient de prononcer. J'ajourne les travaux à demain, 10 heures.

Fin de la séance à 18 h 1

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