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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le jeudi 12 juin 1980 - Vol. 21 N° 307

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministère de la Justice


Journal des débats

 

Etude des crédits du ministère de la Justice

(Quinze heures quinze minutes)

Le Président (M. Bordeleau): A l'ordre, messieurs!

La commission parlementaire de la justice entreprend ses travaux aux fins d'étudier les crédits du ministère de la Justice.

Les membres de la commission pour aujourd'hui sont: M. Bédard (Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M. Boucher (Rivière du Loup) remplacé par M. Marcoux (Rimouski); M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Forget (Saint-Laurent), M. Godin (Mercier), M. Guay (Taschereau), Mme LeBlanc-Bantey (Iles-de-la-Madeleine) remplacée par M. Desbiens (Dubuc); M. Marquis (Matapédia), M. Samson (Rouyn-Noranda).

Les intervenants sont: M. Charbonneau (Verchères), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lalande (Maisonneuve), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski).

M. Forget: M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys) est remplacé par M. Marx (D'Arcy McGee).

Le Président (M. Bordeleau): Au niveau des intervenants, M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys) est remplacé par M. Marx (D'Arcy McGee).

Il n'y a pas d'autres substitutions?

Est-ce que vous avez des commentaires préliminaires, M. le ministre?

M. Bédard: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, allez-y.

M. Bédard: Vous me permettrez, pour le bénéfice des membres de la commission, de présenter quelques-uns de mes principaux collaborateurs au ministère de la Justice. Je m'excuse si je devais faire certains oublis, ce ne serait sûrement pas par mauvaise volonté.

Il y a M. René Dussault, à ma droite, sous-ministre en titre; M. Germain Halley, sous-ministre à l'administration, Me Daniel Jacoby, sous-ministre associé aux affaires législatives; Me François Tremblay, sous-ministre associé aux affaires criminelles; Me Pierre Verdon, sous-ministre associé à la sécurité publique; M. Aubert Ouellet, sous-ministre associé à la probation et à la détention; M. Claude Brazeau, directeur général adjoint aux affaires civiles et pénales; M. Clément Ménard, directeur général du personnel; M. Jacques La-chapelle, directeur général des greffes; M. Jean-Claude Dubois, directeur du budget; M. le juge Guy Dorion, président du Tribunal d'expropriation; M. Jacques Tellier, président du Comité de la protection de la jeunesse; M. René Hurtubise, président de la Commission des droits de la personne; M. Yves Lafontaine, président de la

Commission des services juridiques; M. Ghyslain Laflamme, président de la Régie des permis d'alcool; M. Maurice Gauthier, président de la Commission québécoise des libérations conditionnelles; M. le juge Roger Gosselin, président de la Commission de police du Québec; M. Jacques Beaudoin, directeur de la Sûreté du Québec; M. Paul Brown, responsable de la protection civile et directeur de la Protection civile; M. Yves Lauzon, directeur du Fonds d'aide aux recours collectifs. Je m'excuse, M. le Président, si j'ai pu faire certains oublis, je verrai à les corriger.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, si vous voulez m'excuser un instant, j'ai fait une omission, à savoir nommer un rapporteur de la commission. Est-ce que j'aurai des propositions?

M. Blank: Le député de Mercier, il va faire de la poésie.

M. Godin: Des alexandrins.

Le Président (M. Bordeleau): Le député de Mercier? Le rapporteur de la commission sera donc le député de Mercier. M. le ministre.

Remarques générales M. Marc-André Bédard

M. Bédard: M. le Président, au cours de la dernière année, l'accessibilité à une justice efficace, humaine et personnalisée est demeurée un des objectifs majeurs du ministère de la Justice. La poursuite de cet objectif constitue un défi de taille, surtout si on tient compte du fait que plusieurs obstacles propres au secteur de la justice doivent être surmontés. Ainsi, l'ampleur de l'appareil administratif du ministère peut à l'occasion rendre plus difficile une action rapide. De même, la nature de certains types d'interventions, dont les citoyens ne souhaitent généralement pas faire l'objet, tels les poursuites criminelles, l'exercice de la fonction policière et le fonctionnement des tribunaux, rend particulièrement difficile la réalisation de cet objectif.

Ces difficultés n'ont toutefois pas empêché le ministère d'améliorer de façon significative, nous le croyons, au cours des derniers mois, les services qu'il offre aux justiciables. A cet égard, il est bon de souligner que si l'adoption de projets de loi constitue un outil d'intervention privilégié permettant d'établir de nouvelles règles du jeu, il ne faut pas négliger l'importance que présente pour le citoyen la mise en oeuvre efficace de ces projets de loi et de certaines mesures administratives. En effet, pour le grand public, la réalité de ses relations avec le ministère et les principaux intervenants du milieu de la justice se concrétise souvent davantage lors de l'implication des projets de loi et au niveau des mesures administratives en découlant que lors de leur adoption. Vous serez d'ailleurs à même de constater, par le résumé d'un

bilan des activités du ministère que je m'apprête à vous livrer, qu'une attention particulière a été portée au cours de la dernière année aux gestes administratifs qui ont un impact sur l'efficacité et le caractère personnalisé de la justice.

Au niveau des grandes lignes d'action du ministère, les actions législatives réglementaires et administratives du ministère se sont principalement articulées autour de quatre grandes lignes d'action: la jeunesse et la famille, le fonctionnement des tribunaux et le support à la magistrature, la réinsertion sociale des délinquants ainsi que le service aux autochtones.

Concernant la jeunesse et la famille, l'Année internationale de l'enfant, l'implantation de la Loi sur la protection de la jeunesse, les colloques sur la violence et la révision du cadre juridique relatif à la famille ont principalement retenu l'attention du ministère.

Comme vous le savez, les Nations Unies avaient décrété l'année 1979 comme l'Année internationale de l'enfant. Le gouvernement a confié la planification et l'organisation des activités reliées à ce dossier au Comité de protection de la jeunesse sous la responsabilité du ministre de la Justice.

Le comité a mis sur pied, à cette fin, un secrétariat québécois de l'Année internationale de l'enfant. Un budget de $900 000 a été affecté à cette activité spéciale, dont $100 000 pour le fonctionnement du secrétariat, $400 000 pour un programme spécial de subventions, et $400 000 pour une campagne unifiée de sensibilisation.

Une tournée d'information fut effectuée dans 22 villes du Québec au cours de laquelle le programme de subventions fut présenté. Cette tournée avait pour objectif de susciter une participation importante des jeunes, car le principal critère de sélection pour l'attribution des subventions était la participation de l'enfant à la conception et à la réalisation d'un projet.

Le secrétariat a reçu 1104 demandes de subventions provenant de dix régions administratives du Québec. Un total de 256 projets furent acceptés. Les critères d'octroi des subventions fixaient un montant limite de $5000 à chaque projet et la moyenne des subventions versées pour chacun a été de $1560.

La réalisation des projets subventionnés était encadrée par le travail de treize responsables régionaux qui étaient des jeunes et appuyée par des comités de jeunes dans chacune de leur région. Des tables rondes régionales ont été organisées par ces comités sur des thèmes choisis par eux. D'ailleurs, les membres de l'Assemblée nationale se sont vu présenter par ces jeunes un livre concernant la synthèse des tables rondes régionales intitulé "Et après" et communément appelé "Livre bleu".

Quant à la campagne d'information, elle fut placée sous la responsabilité de la Direction des communications du ministère. Celle-ci organisa un programme comportant la location de 120 panneaux-réclame pendant quatre semaines, la production de deux messages d'intérêt public dans toutes les stations de radio et de télévision, ainsi que la production et la diffusion chez 18 câblodif-fuseurs de 10 documents magnétoscopiques enregistrés dans chaque région à partir de projets subventionnés, ainsi que la publication de 100 000 exemplaires du livre concernant la synthèse des tables rondes.

Le Comité de la protection de la jeunesse et son secrétariat pour l'Année internationale de l'enfant ont, à mon sens, accompli un excellent travail en assurant la prise en charge des activités reliées à cette année par les jeunes eux-mêmes à travers tout le Québec.

Au cours de la dernière année, le comité a évidemment assuré cette responsabilité en plus de sa tâche principale qui était de surveiller l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse. Le comité a pris une part active à l'application de cette loi en collaborant, avec les ministères des Affaires sociales et de la Justice, à la cueillette des données les pl'us pertinentes possible sur le fonctionnement réel et efficace de la loi.

L'implantation d'une telle loi nécessite évidemment une somme de travail considérable qui exige de surcroît une étroite collaboration de la part de tous les intervenants. A cet égard, je dois dire que le ministère n'a négligé aucun effort pour que les problèmes normaux affrontés en cours de route soient résolus le plus rapidement possible. J'ai d'ailleurs proposé au printemps dernier certaines modifications de nature technique à la Loi sur la protection de la jeunesse, justement pour en faciliter l'implantation. Et, encore aujourd'hui, des efforts considérables sont déployés pour en assurer un suivi constant.

Le thème de la jeunesse et de la famille ne peut être dissocié du problème de la violence dans notre société. C'est dans cette perspective qu'à la suite des recommandations du Conseil du statut de la femme et en collaboration avec le ministère des Affaires sociales, mon ministère a dirigé un important travail de réflexion sur la violence à l'égard des femmes et des enfants, en organisant onze colloques régionaux sur ces thèmes et en menant une campagne d'information intense en collaboration avec les bureaux régionaux de Communication-Québec.

Ces colloques ont réuni environ 2500 personnes, principalement des policiers, des substituts du Procureur général, des avocats, des juges, des praticiens des centres de services sociaux, des CLSC et des centres hospitaliers, ainsi que des membres de regroupements de maisons d'accueil pour femmes et enfants en difficulté.

Ces colloques, dont je tiens à souligner l'importance du caractère régional, poursuivaient des objectifs de sensibilisation, d'information, d'amélioration de la coordination entre professionnels de milieux différents. Les travaux de ces colloques ont permis la formulation de plus de 500 recommandations qui sont actuellement à l'étude et qui, une fois analysées, seront transmises à tous les ministères intéressés.

En ce qui concerne la participation du ministère à ces colloques, je tiens à souligner l'énorme travail fourni par la Direction des communications,

la Sûreté du Québec et la Direction générale des affaires criminelles.

A la suite de ces colloques, le ministère a voulu favoriser l'implication du citoyen en lui offrant, par l'intermédiaire d'un programme de subventions, l'occasion de contribuer personnellement au développement de mesures qui permettront d'endiguer la violence sous toutes ses formes. Le budget des subventions était de $175 000. Le ministère a reçu 451 demandes de subventions provenant de diverses régions administratives; un total de 52 projets ont été acceptés pour le montant total de $175 000. Selon les critères d'obtention des subventions, le montant maximum d'une subvention était fixé à $5000. La moyenne des subventions, le montant maximum d'une subvention était fixé à $5000. La moyenne des subventions accordées s'établit à $3155. Un montant additionnel de $300 000 a été autorisé aux mêmes fins pour l'année 1980-1981, pour répondre au nombre très élevé de demandes de subventions.

L'importance que le ministère a attachée à son programme de non-violence, qui veut promouvoir la lutte contre la violence dans les sports, les media, la pornographie et celle dont sont victimes les femmes et les enfants, a également amené celui-ci à créer un groupe de travail sur les vols à main armée, qui doit remettre un rapport incessamment proposant des mesures contre ce type de crimes. Le rapport devrait être remis d'ici la fin de juin 1980.

L'intérêt que porte le ministère de la Justice à la jeunesse et à la famille est également illustré de façon importante par les travaux qui ont permis le dépôt à l'Assemblée nationale de deux projets de loi majeurs.

Le 5 mars dernier, je déposais à l'Assemblée nationale un projet de loi instituant un nouveau Code civil et portant réforme du droit de la famille. Cette réforme vise d'abord à consacrer l'égalité des époux entre eux et à adapter au contexte d'aujourd'hui l'ensemble de la législation régissant les relations familiales.

J'ai également déposé à l'Assemblée nationale, au mois de décembre 1979, un projet de loi sur la perception des pensions alimentaires. Ce projet vise à faciliter la perception des pensions alimentaires auxquelles ont droit les époux et, à cette fin, les règles de procédures concernant les saisies ont été profondément modifiées. La mise en oeuvre de ce projet de loi, redéposé aujourd'hui même, nécessitera, entre autres, la mise sur pied au ministère de la Justice d'un service de recherche des débiteurs.

Pour compléter la réforme du droit de la famille, la Direction générale des affaires législatives a procédé en 1979 à la mise sur pied d'un groupe de travail chargé de formuler les recommandations appropriées sur la nature des compétences et les modalités d'organisation judiciaire et administrative d'un tribunal québécois de la famille. (15 h 30)

Ce tribunal devrait, dans la mesure du possible, regrouper sous une seule juridiction l'exercice de l'ensemble des compétences en matière de droit de la famille. Enfin, je tiens à souligner que 1980 marquera la mise sur pied, à titre de projet-pilote, d'un service de conciliation matrimoniale auprès de la Cour supérieure des districts judiciaires de Montréal, de Joliette et de Saint-Jérôme. Ce service offrira aux couples en instance de divorce une assistance de type psychosocial assurée par des professionnels des sciences du comportement. Son objectif premier, à défaut de la réconciliation des conjoints, est leur conciliation, grâce à la conclusion d'une entente relativement à leur séparation, au sort des enfants, aux arrangements financiers et à l'acceptation de la désunion comme telle. Si l'évaluation de ce projet-pilote s'avère positive, ce service sera implanté progressivement dans les autres districts judiciaires du Québec.

Concernant le fonctionnement des tribunaux et le support à la magistrature, le ministère a été particulièrement actif, au cours de la dernière année, dans les secteurs relatifs au fonctionnement des tribunaux et au support de la magistrature. Je souligne d'abord que la compétence financière de la Cour provinciale et le seuil des appels de plein droit à la Cour d'appel ont été portés de $3000 à $6000. Ces modifications contenues dans la loi no 40 visaient à rétablir le niveau de la compétence financière de la Cour provinciale, qui s'était dégradé en raison de l'inflation des récentes années et à alléger aussi le rôle de la Cour d'appel qui s'était alourdi de façon significative pour la même raison. De plus, cette loi a simplifié les règles de procédure de la Cour d'appel.

Sur le plan réglementaire, le gouvernement a adopté, au mois de juin 1979, le règlement sur la procédure de sélection des personnes aptes à être nommées juges. Ce règlement, adopté à la suite de modifications apportées en 1978 à la Loi sur les tribunaux judiciaires, a permis de donner un caractère officiel à la procédure que j'avais établie, dès mon arrivée au ministère de la Justice, concernant le processus de nomination des juges de la Cour provinciale, de la Cour des sessions de la paix, du Tribunal de la jeunesse et des Cours municipales de Montréal, Québec et Laval.

Par ailleurs, une modification apportée en 1979 à la Loi sur la division territoriale a permis la création de deux nouveaux districts judiciaires, soit ceux de Laval et de Longueuil, dont le territoire a été découpé à même celui des districts judiciaires de Montréal et d'Iberville. Pour chacun de ces nouveaux districts, la loi permet d'établir graduellement la juridiction de chaque tribunal appelé à y siéger.

En plus de ces actions législatives et réglementaires, le secteur des tribunaux et de la magistrature a fait l'objet d'un grand nombre d'interventions administratives qui, à mon avis, ont contribué de façon significative à améliorer le service aux justiciables. Sur le plan des équipements, la décision de construire un nouveau palais de justice pour le district judiciaire de Québec a été prise. La conception du palais a fait

l'objet d'un concours public dont les résultats ont été annoncés au mois de septembre dernier.

Les gagnants du concours sont maintenant à préparer les plans et devis qui permettront, par la suite, d'entamer la construction même du palais. Soulignons, par ailleurs, qu'un nouveau palais de justice sera prochainement en construction à Aima et que la construction d'un palais de justice à Shawinigan a été approuvé.

La Direction générale des greffes a également contribué à l'amélioration des services aux justiciables en adoptant une série de mesures administratives souvent discrètes, mais d'une portée non moins réelle. Je songe, par exemple, à la mécanisation des salles d'audience du palais de justice de Hull, à l'informatisation des greffes du palais de justice de Québec, à l'informatisation des centres de distribution, à la mécanisation des bureaux d'enregistrement de Laval et de Montréal, à la présence de la Cour supérieure à Lac-Mégantic, depuis le mois de juin 1979, à l'ouverture d'un greffe de la Cour provinciale, division des petites créances à Port-Cartier, et d'un greffe autonome du Tribunal de la jeunesse à Sorel, à l'installation d'un téléregistre dans les secteurs des raisons sociales des greffes de Montréal relié au ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières, à l'institution, en septembre dernier, d'un rôle spécial des causes de longue durée, de trois jours à neuf jours, à la Cour supérieure du district de Montréal, ainsi qu'à la nouvelle possibilité, pour le tiers saisi, de faire parvenir, par courrier recommandé, les déclarations et les sommes d'argent requises par les tribunaux.

Enfin, un groupe de travail sur le support administratif aux tribunaux a été formé dans le but d'assurer une meilleure coordination des efforts entre la magistrature et les autorités administratives du ministère. Ce comité est composé de six juges en chef des tribunaux judiciaires du Québec ou de leurs représentants, de juge en chef associé de la Cour supérieure, du juge en chef associé de la Cour provinciale et de cinq hauts fonctionnaires de la direction supérieure du ministère, soit le sous-ministre en titre, le sous-ministre associé à l'administration, le directeur général des greffes, le directeur régional des greffes de Montréal et le directeur régional des greffes de Québec.

Ce comité est chargé d'examiner l'ensemble des problèmes reliés au soutien administratif aux tribunaux, en particulier l'utilisation des salles d'audience, la gestion des ressources humaines, les procédures administratives, les règles de pratique et le rôle de l'officier de justice.

Au niveau de la réinsertion sociale des délinquants, dans ce secteur d'activités, la dernière année a été marquée par des mesures administratives importantes prises notamment dans le cadre de l'implantation des modifications apportées en 1978 à la Loi sur les établissements de détention et de probation et de l'implantation de la nouvelle Loi sur les libérations conditionnelles.

Ainsi, en ce qui concerne la détention, l'ensemble de la réglementation a été révisé et refondu en un nouveau règlement qui est entré en vigueur le 1er juillet 1979. Ce règlement innove à plusieurs égards et officialise plusieurs usages déjà implantés dans les établissements de détention, tels les programmes d'activités rémunérées, la création de comités de discipline et de comités d'absence temporaire. Ce nouveau règlement tient compte des règles minimales de l'ONU concernant les personnes incarcérées et le respect de leurs droits.

Sur le plan des équipements, un effort particulier a été effectué. Un cadre général de planification des établissements de détention a été présenté et approuvé par le Conseil du trésor, définissant des paramètres et des besoins en équipement de détention au Québec pour la prochaine décennie. Le document permet d'appuyer la planification des établissements de détention sur une base régionale et à partir de critères rationnels. C'est dans le contexte de ce cadre général que les programmes de besoins de nouveaux établissements de détention à Sherbrooke, à Trois-Rivières, ont été approuvés et que des plans et devis sont en préparation.

En septembre dernier, on a par ailleurs procédé à l'inauguration d'un nouvel établissement de détention de 53 cellules à Saint-Jérôme. L'année qui vient de s'écouler a également été marquée par des réaménagements importants à la maison Tanguay, permettant d'accroître la sécurité périphérique et de disposer d'ateliers pour les activités rémunérées. Ces aménagements ont également permis une plus grande utilisation d'une entente fédérale-provinciale en vertu de laquelle le Québec accepte de recevoir dans ses établissements de détention, de façon plus particulière à la maison Tanguay, les femmes québécoises condamnées à une peine d'emprisonnement de deux ans et plus. Par ailleurs, le ministère de la Justice est présentement à conclure avec le gouvernement fédéral une entente particulière par laquelle ce dernier assumera environ 50% des frais d'immobilisation requis pour le réaménagement de la maison Tanguay ainsi que l'ensemble des coûts d'hébergement et de garde de cette clientèle.

En ce qui concerne les libérations conditionnelles, la dernière année a constitué la première année d'opération de la commission québécoise et on peut déjà constater les effets de ses décisions sur le niveau de la population carcérale.

Par ailleurs, le programme des travaux communautaires en vertu duquel les tribunaux peuvent remplacer une peine d'emprisonnement par une peine qui consiste à effectuer des travaux non rémunérés au profit d'organismes à but non lucratif, qui avait été entrepris à titre expérimental en 1977 et étendu progressivement en 1979-1980 couvre actuellement l'ensemble des régions du Québec.

Enfin, au cours de la dernière année, la Direction générale de la détention et de la probation a également entrepris des études visant à résoudre certains problèmes particuliers auxquels font face les groupes de personnes suivantes:

Les personnes incarcérées pour défaut de paiement d'amendes, qui constituent une partie

importante des personnes admises dans les établissements de détention du Québec.

Les contrevenants adultes ayant des problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie.

Les contrevenants adultes ayant des problèmes psychiatriques.

Les personnes sans gîte et les clochards. Pour chacun de ces groupes de personnes, une meilleure coordination de l'action de la Direction générale avec le ministère des Affaires sociales, entre autres, devrait permettre de réduire le recours à l'incarcération et de développer des services adaptés.

Concernant les services aux autochtones, le développement des services aux autochtones était un autre des objectifs majeurs poursuivi par le ministère en 1979-1980.

La Sûreté du Québec a procédé à la constitution des polices communautaires cries et inuites à la suite d'ententes avec ces populations. Elle a également fourni aux policiers cris et inuits l'équipement dont ils ont besoin pour assurer un service efficace.

Depuis cette année, les communautés cries et inuites du Nord du Québec sont desservies par le district judiciaire d'Abitibi et bénéficient des services de tribunaux itinérants (Tribunal de la jeunesse, Cour provinciale — division criminelle — Cour des sessions de la paix). De même, les mécanismes prévus par la Loi sur la protection de la jeunesse ainsi que le programme de sentences des travaux communautaires ont été introduits en territoire inuit et cri. Par ailleurs, une entente fédérale-provinciale a été conclue pour offrir aux autochtones des services de conseillers parajudiciaires. Notons que, dès le 1er février 1979, toutes les communautés cries, exception faite de Nemiscau, en raison de sa petite population, possédaient leur corps de police, composé au total de quinze constables spéciaux. Du côté des Inuits, on procédait le 15 août 1979 à l'assermentation de douze constables spéciaux pour l'établissement de la police dans chacun des villages.

En plus des actions reliées aux quatre grands thèmes que je viens de commenter, le ministère a été actif dans d'autres secteurs, tant sur le plan de la législation que sur le plan des actions administratives.

En plus du projet de loi no 40 modifiant le Code de procédure civile déjà mentionné, l'Assemblée nationale a adopté en 1979 huit autres projets de loi relevant du ministère.

Le régime juridique de la délivrance et du contrôle des permis d'alcool au Québec a été amélioré de façon significative par l'adoption du projet de loi no 55 sur les permis d'alcool. Je rappelle qu'en vertu de cette loi, une nouvelle Régie des permis d'alcool du Québec remplace la Commission de contrôle des permis d'alcool du Québec. Le projet de loi a en outre apporté des changements quant aux catégories de permis qui peuvent être délivrés, réduisant le nombre de celles-ci de quatorze à dix. Cette nouvelle loi précise également les conditions attachées aux permis, notamment quant aux heures et aux jours d'exploitation.

Des modifications d'importance ont également été apportées à la Loi de police. Ces modifications visaient notamment à accroître la juridiction et le pouvoir d'enquête de la Commission de police, à établir de nouvelles règles de fonctionnement pour les enquêtes sur le crime organisé, à prévoir un mécanisme en vertu duquel la Sûreté du Québec pourrait prêter assistance aux corps de police municipaux, ainsi qu'à l'établissement d'un code de déontologie et de discipline qui deviendra éventuellement applicable non seulement aux policiers de la Sûreté du Québec, mais également aux policiers municipaux.

Le projet de loi no 48 modifiant la Loi de police a également prévu l'établissement de nouvelles règles concernant la création de corps de police municipaux et précise les obligations des corporations municipales en cette matière. Le projet de loi rend par ailleurs admissibles à la Sûreté du Québec les agents patrouilleurs de l'Office des autoroutes. Enfin, notons que le projet de loi donne un mandat plus explicite et plus large à la Direction générale de la sécurité publique du ministère de la Justice.

Le secteur de la protection civile a été complètement réorganisé dans le cadre du projet de loi no 28 sur la Protection des personnes et des biens en cas de sinistre. Ce projet de loi a notamment permis la création d'un Bureau de la protection civile du Québec chargé d'élaborer une politique de prévention des sinistres et des mesures d'urgence à prendre en cas de sinistre. Les multiples exemples, tant québécois que canadiens et américains, au cours des dernières années, où des sinistres ont nécessité des efforts d'intervention et de coordination importants des autorités civiles, démontrent bien l'importance que ce secteur d'activités du ministère soit bien organisé.

Par ailleurs, à la suite du jugement rendu par la Cour suprême du Canada, le 13 décembre 1979, sur la langue de la législation et de la justice au Québec, l'Assemblée nationale a adopté une loi visant à garantir la sécurité juridique des lois adoptées en vertu de la Charte de la langue française, afin de s'assurer que les justiciables ne fassent pas les frais d'éventuelles batailles juridiques si des contestations devaient survenir dans l'application de plusieurs de ces lois et des règlements au Québec.

Enfin, le projet de loi no 31 modifiant le Code civil, le projet de loi 35 modifiant ou abrogeant certaines dispositions législatives, le projet de loi no 49 modifiant la Loi des tribunaux judiciaires, le Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics et d'autres dispositions législatives, ainsi que le projet de loi 52 modifiant la Loi sur les constituts et le Régime de tenure ont été adoptés et ont permis d'améliorer le service aux justiciables.

Enfin, je tiens à souligner qu'un effort particulier est apporté par la Direction générale des Affaires législatives dans la préparation de deux dossiers législatifs d'importance dont l'Assemblée nationale sera éventuellement saisie. Il s'agit d'une réforme de la Loi des coroners, ainsi qu'une législation ou encore une réglementation en ma-

tière de dossiers personnels détenus par l'administration.

Pour ce qui est des autres actions administratives d'importance, je pense important de souligner ici quelques-unes des autres réalisations administratives de divers secteurs du ministère que je n'ai pas eu l'occasion de mentionner. La Cour suprême du Canada a, le 1er mai 1979, rendu une décision dans l'affaire Hauser. En vertu de cette décision, il a été reconnu que le Procureur général du Canada et celui du Québec ou d'une autre province ont tous deux juridiction pour ce qui concerne les poursuites intentées sur le territoire d'une province relative à la Loi sur les stupéfiants. Le Procureur général du Québec a alors demandé au gouvernement fédéral de soumettre des modifications législatives précisant le rôle respectif des procureurs généraux provinciaux et du Procureur général du Canada en matière de poursuites criminelles et pénales. Il a également décidé d'exercer pleinement sa juridiction sur les poursuites relatives à la Loi sur les stupéfiants et, en conséquence, a invité tous les corps de police du Québec, notamment la Sûreté du Québec, le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal à s'adresser, à compter du 1er avril 1980, aux substituts du Procureur général du Québec pour ces poursuites, y compris dans les districts judiciaires de Montréal, Hull et Saint-Jérôme où les poursuites relatives aux stupéfiants étaient normalement conduites par le Procureur général du Canada. (15 h 45)

La Direction générale des affaires criminelles a donc vu son rôle et son importance accrus par cette décision. Par ailleurs, cette décision générale a également pris en charge la poursuite devant le Tribunal de la jeunesse de tous les cas de délinquance dont ce tribunal était saisi.

Vous remarquerez à la lecture des crédits que des changements ont été apportés à la structure de certains programmes du ministère. Ces changements ont été apportés afin de refléter le développement majeur de certaines fonctions du ministère, telles les affaires législatives, les établissements de détention ainsi que le fait que de nouveaux programmes et organismes ont été créés au cours des dernières années et que ceux-ci n'étaient pas reflétés de façon évidente à l'intérieur de la structure. Nous avons relevé à un élément de programme les organismes tels que le Conseil de la Magistrature, la Commission québécoise des libérations conditionnelles, le Fonds d'aide au recours collectif, le nouveau Comité de la protection de la jeunesse, les personnes désignées, la Commission de refonte des lois et règlements, etc.

Les ressources humaines et financières du ministère sont importantes. Concernant les ressources financières, pour l'année 1980-1981, le total des crédits du ministère de la Justice s'établit à $460 804 100. Si l'on compare ces chiffres au budget des dépenses de 1979-1980, on constate une augmentation de $45 125 900, soit une augmentation de 10,9%. Ces crédits se répartissent entre 7 secteurs et 17 programmes. La majorité du budget, soit 82%, sera affectée à cinq programmes du ministère, dont $196 264 200 à la Sûreté du Québec, $18 077 600 pour la magistrature, $52 957 300 pour le soutien administratif aux tribunaux judiciaires, $74 470 900 pour la direction de la détention et $37 189 100 pour l'aide aux justiciables.

Au niveau des ressources humaines, les effectifs du ministère de la Justice s'établissaient le 1er avril 1980 à 13 276 employés permanents et 707 employés occasionnels, soit un total de 13 983 employés.

L'effectif total du ministère le 1er avril 1979 était de 14 113, dont 13 342 employés permanents et 771 occasionnels. La diminution totale de ces chiffres du 1er avril 1979 au 1er avril 1980 a donc été de 130 postes constitués de 66 permanents et de 64 occasionnels.

Cette réduction s'explique ainsi: en ce qui concerne les permanents, du 1er avril 1979 au 31 décembre 1979, l'effectif a été porté de 13 342 à 13 441, comme l'indique le livre officiel des crédits qui est entre vos mains, soit une augmentation de 99 postes. Depuis le 31 décembre 1979, 68 postes supplémentaires ont été créés, soit une augmentation totale durant l'année de 167 postes permanents.

Par ailleurs, 61 postes ont fait l'objet d'un réaménagement, notamment au bénéfice du ministère des Affaires sociales en raison de la mise en application de la loi no 24 sur la protection de la jeunesse. Egalement, à la suite de la politique de compression des effectifs de la fonction publique de l'ordre de 2,5%, nous avons pu réduire nos effectifs réguliers de 172 postes. La réduction des employés permanents a donc été pour l'année écoulée de 233 postes auxquels il faut soustraire les 167 postes supplémentaires, soit une réduction réelle de 66 postes.

Pour ce qui est des employés occasionnels, on constate que ceux-ci sont passés de 771 à 707, soit une réduction de 64.

M. le Président, j'ai voulu par cet exposé présenter aux membres de la commission parlementaire de la justice un portrait des grandes orientations des actions du ministère, des réalisations administratives des secteurs d'activités et vous faire état des crédits que nous soumettons à votre analyse pour approbation. Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Laurent, avez-vous des remarques préliminaires?

M. Claude Forget

M. Forget: Merci, M. le Président. J'aimerais en commençant faire des remarques qui seront très brèves. Il sera plus profitable pour tout le monde de s'attacher aux questions suivant l'ordre dans lequel elles viendront lors de l'étude même des crédits que de faire un long exposé qui, de toute manière, ne pourrait viser qu'à établir que le tableau qu'a tracé le ministre n'est pas aussi reluisant qu'il veut bien le faire paraître.

Ce serait mesquin de ma part de diminuer en quoi que ce soit un bilan qui, de façon générale, je m'empresse de le dire, est impressionnant. Il y a beaucoup d'activités fort louables, très intéressantes, qui ont été menées à bien par le ministre et par ses collaborateurs et, comme ils sont justement présents en nombre impressionnant ici aujourd'hui, j'aimerais les remercier, au nom de l'Opposition officielle au moins pour leur présence.

Je me souviens d'une période qui, malgré tout, n'est pas si lointaine, où, comme fonctionnaire, j'étais assis sur les banquettes arrière, partagé entre la curiosité qui me retenait là et le sentiment de tâches fort urgentes à accomplir à mon bureau. Je voudrais les assurer qu'ils doivent se sentir totalement libres, non pas que je veuille parler au nom de leur ministre qui, peut-être, aura besoin de leur présence ici; quant à nous au moins, nous sommes flattés de leur présence; nous les en remercions, mais nous ne voudrions pas qu'ils se sentent prisonniers.

Il y a donc là une série de réalisations intéressantes. Je suis sûr que le ministre n'oubliera pas de nous les souligner à nouveau au passage, mais, encore une fois et de très bonne foi, je pense qu'il y a des choses très intéressantes. Je m'en voudrais et je manquerais à mon devoir, d'un autre côté, M. le Président, si je ne signalais pas, à mon tour au moins, les choses les plus évidentes qui se dégagent de certains des sujets qui viennent de nous être présentés, rapidement très souvent, parce que nous n'aurons peut-être pas l'occasion d'y revenir en détail au moment de l'étude des crédits. Nous n'avons pas l'intention de tout passer au peigne fin. En aurait-on l'intention, M. le Président, que l'horaire nous l'interdit, comme vous le savez.

Je prendrai les mêmes rubriques que le ministre pour au moins soulever des questions ou indiquer que, dans notre esprit, quant à nous du moins, toutes les réponses ou les réponses déjà fournies ne sont pas absolument limpides ou satisfaisantes.

J'ai remarqué la première rubrique, Jeunesse et Famille. Je passe outre les réalisations annoncées pour l'avenir, puisque, dans une certaine mesure, nous avons entendu parler de la réforme du chapitre sur le droit de la famille dans le Code civil. C'est une chose qui est encore à venir, en tant que réalisation au moins. Il y a aussi la loi 183 sur la perception des pensions alimentaires. Je pense qu'il s'agit là de deux pas dans la bonne direction, mais il ne faut quand même pas présumer que toutes les étapes ont été franchies et que toutes les solutions ont été trouvées.

Plus profondément que ça, pour une loi qui est déjà en application depuis trois ans, la loi 24 sur la protection de la jeunesse, j'ai noté que le ministre est très diplomate dans le langage qu'il utilise, il est très conscient des nombreuses difficultés d'application. Je crois que c'est une loi qui va mériter l'intérêt de tous les intéressés, y compris le ministère de la Justice, au cours des prochaines années. Je suis d'accord avec le ministre dans la mesure où il a laissé entendre, au cours des dernières semaines, que toutes les difficultés ne sont pas une question de législation seulement.

C'est sûr qu'il y a eu peut-être une attente exagérée qui a été créée de ce côté-là par les milieux intéressés à la protection de la jeunesse en laissant croire ou en croyant du moins qu'un nouveau texte réglerait tous les problèmes. C'est loin d'être le cas. Il y a des comportements enracinés depuis des générations et qu'il faut faire évoluer, mais il ne suffit pas de reconnaître la nécessité de faire évoluer les comportements. Il faut aussi prendre les mesures nécessaires pour qu'ils évoluent de fait. Cela, c'est un autre problème, et je ne suis pas sûr que le ministère de la Justice ou que son collègue des Affaires sociales prennent nécessairement les mesures appropriées pour le faire, même s'ils en reconnaissent publiquement la nécessité.

La question de la violence, la prévention de la violence dans les sociétés modernes en est une qui devrait nous intéresser au premier plan. Il y a eu aussi des initiatives intéressantes de la part du ministère de la Justice. Je suis plus sceptique quand j'entends parler de 52 projets qui ont été financés pour un montant de $175 000, pour un maximum de $5000 et une moyenne de $3000 pour chacun des projets.

Je serais fort curieux d'avoir une évaluation de tout ce qui en est résulté, parce qu'on est bien conscient que, dans le domaine de la violence, des initiatives de cet ordre de grandeur ne font que gratter la surface.

Il y a des problèmes immenses — toutes proportions gardées, malgré tout, sans vouloir semer la panique — il y a quand même des problèmes immenses pour les individus qui sont impliqués, problèmes auxquels notre débat sur la Loi sur les permis d'alcool, la Régie des permis d'alcool, nous a permis de toucher, au moins indirectement, lorsque nous avons parlé, et nous avons modifié la loi en conséquence, de la question de l'exploitation des mineurs. La juridiction nouvelle ou le rôle nouveau qui est reconnu au Procureur général du Québec en matière de contrôle des stupéfiants, ajouté aux instruments qu'il a déjà, par exemple ceux que lui donne désormais la loi sur les permis d'alcool de retirer le permis dans les cas de présence de mineurs comme employés de bars ou de détenteurs de permis de toutes sortes, joint à un programme d'action positive dans ce domaine-là, appuyé peut-être sur des organismes communautaires, devrait pouvoir donner des fruits.

Il y a là un problème social considérable qui, loin de diminuer en importance, au contraire, se manifeste avec une acuité soutenue. De ce côté-là, je pense qu'on est seulement à pied d'oeuvre, pas davantage, les programmes du ministère de la Justice laissent à désirer.

Quant au fonctionnement des tribunaux, je suis frappé, dans les remarques du ministre, non

seulement par les félicitations qu'il s'adresse, mais par les raisons pour lesquelles il s'adresse des félicitations.

M. Bédard: C'est le seul temps où je peux le faire.

M. Forget: Oui, je sais que c'est le seul temps où vous pouvez le faire, mais encore y a-t-il un choix dans les raisons qui ne peuvent que nous laisser songeur. Il semble qu'on s'intéresse très peu au fonctionnement effectif des cours. On parle de services, on en est encore à une mentalité d'approvisionnement, mais il y a aussi une mentalité de bon fonctionnement qui n'est pas absolument apparente; nous aurons l'occasion d'y revenir, mais il y a bien peu de données sur le fonctionnement des cours, la satisfaction de la clientèle et la satisfaction de ceux qui y travaillent d'une façon ou d'une autre. Je pense qu'il y a encore d'immenses progrès à réaliser de ce côté-là.

Je ne peux pas m'empêcher de faire un commentaire, M. le Président, sur la question, absente des remarques du ministre, à laquelle il a malgré tout fait allusion ce matin, lors du débat sur la motion de blâme, le fameux problème du salaire des juges. Il ne s'est pas félicité là-dessus; il aurait pu le faire, cependant, d'autant plus que, selon des informations que je possède, mais je n'en suis pas entièrement sûr, le ministre pourra me dire si j'ai tort, il semble qu'avec le nouveau régime d'indexation, les salaires des juges de la Cour provinciale dépasseront bientôt de quelques centaines de dollars, d'ici quelques semaines, le salaire des juges de la Cour supérieure.

C'est un développement que je ne déplore pas en soi, mais que je trouve d'une suprême ironie, quand on se souvient des luttes absolument acharnées, des "filibusters" interminables poursuivis sans pitié, entre Noël et le Jour de l'an, pour s'opposer non pas à ce que le salaire des juges de la Cour provinciale dépasse celui des juges de la Cour supérieure, mais même pour empêcher qu'il n'essaie de le rattraper en partie.

Je pense que, les rôles étant changés, les attitudes ont plus que changé. C'est une véritable révolution des moeurs et des attitudes, M. le Président. Je pense que le ministre, s'il a choisi de ne pas se féliciter de cette réalisation, aurait dû le faire. Il a décidément été beaucoup trop modeste relativement au salaire des juges. Il devrait, au contraire, s'annoncer comme étant leur libérateur et leur bienfaiteur. Je suis sûr d'ailleurs qu'ils lui en porteront une reconnaissance éternelle.

Les commentaires qu'ils font...

M. Bédard: Je vous enverrai leurs lettres.

M. Forget: ... relativement aux travaux de coordination ou aux structures de coordination tendraient à laisser croire que les structures, les nombreux comités, conférences et conseils qui existent et qui mettent en présence l'administra- tion publique et les juges, ont permis d'établir une relation parfaitement harmonieuse de tous côtés. (16 heures)

Je pense que la multiplication des structures peut être interprétée bien différemment comme étant, en quelque sorte, un échec aussi de cette coordination-là. Quand le ministre a choisi, parce que c'est un choix, d'adopter une conception du Conseil de la magistrature qui excluait un certain nombre de juges et non les moindres, tous les juges des cours fédérales, pour des raisons qui ne sont pas de véritables raisons, mais qui sont des raisons d'opportunité, et qu'il a vu surgir la Conférence des juges en chef comme réponse et contrepartie à une formulation ou à une conception incomplète du Conseil de la magistrature; quand il se livre à la multiplication des comités conjoints de toutes sortes, je pense qu'il y a là un malaise qui n'est pas résorbé. Il y a beaucoup de tâtonnement. Nous aurons sans aucun doute, là-dessus aussi, l'occasion d'y revenir.

Quant à la troisième rubrique, la réinsertion sociale des délinquants, c'est également un projet, et une réalisation maintenant qui est fort louable, fort intéressante et j'approuverais, quant à moi, presque chacune des phrases qui se trouvent dans l'exposé du ministre à ce sujet. La réflexion qui s'amorce en particulier sur certaines clientèles de nos établissements de détention — je ne sais pas s'il y a un mot en français — elle est "overdue", elle s'est certainement fait attendre depuis trop longtemps. Il y a là un problème social que l'on a cherché à résoudre par des moyens judiciaires, à tort depuis de nombreuses années, à mon avis, et c'est avec beaucoup de curiosité et d'impatience que j'attends le résultat de ces études.

Il reste que, mises à part cette intention pour l'avenir et la mise en route de la nouvelle loi de libération conditionnelle, le programme de travaux communautaires, qui est en place depuis deux ou trois ans, mériterait, sans aucun doute, d'être évalué très soigneusement et cette évaluation mériterait d'être communiquée au public. C'est là une conception très nouvelle du rôle de l'appareil répressif de l'Etat, si vous voulez. Il est nécessaire que ce rôle soit compris et accepté par la population, et ce n'est pas en jetant le voile là-dessus qu'on va aider nos concitoyens à comprendre ce qui se passe. Il pourrait y avoir, dans l'application d'un tel programme, des erreurs, des malchances — on appellera cela comme on voudra — qui font qu'il y a, à un moment donné, une réaction brutale dans l'opinion publique vis-à-vis des mesures comme celle-là. Il faut s'assurer que tout le monde comprend quelles en sont les raisons, les avantages, mais aussi peut-être les risques et qu'on les accepte également de façon explicite.

Quatrième et dernière rubrique abordée par le ministre, les services aux autochtones. Je dois avouer que c'est avec une certaine surprise que j'ai vu le ministre en faire une rubrique dont il se vantait. Ce n'est pas une bonne année pour cela. Malgré tout et malgré les mesures administratives, il reste qu'il y a un événement, même une série

d'événements assez malheureux, et une façon assez malheureuse pour les forces de l'ordre de réagir à cet événement. Je me réfère ici à ce qu'on doit qualifier de l'assassinat d'un certain M. Cross, je pense, et au fait que les mesures administratives prises par les autorités policières à la suite de cet événement, de l'aveu même du ministre qui, à l'Assemblée nationale, a été assez embarrassé de répondre à nos questions là-dessus, démontrent qu'on n'a pas pris très au sérieux les relations délicates des forces de l'ordre avec les communautés autochtones. On nous avait promis une loi; le ministre avait promis une loi l'an dernier relativement aux services policiers en milieu autochtone. Nous n'en parlons plus maintenant. Donc, ce n'est pas, là, non plus, de quoi se vanter puisqu'il semble qu'on ait réduit les objectifs à quelque chose de beaucoup plus modeste qu'anciennement.

Pour terminer, M. le Président, je devrais peut-être signaler les absents dans un tel message de l'inauguration des crédits, je dois dire, mais cela a plutôt l'apparence — je ne sais pas, serait-ce méchant de le dire? — d'un testament. Il y a, malgré tout, des absents, dans ce discours, qui méritent d'être soulignés. Je pense qu'on peut être frappé par le fait que le ministre n'a fait aucun état du problème de la criminalité au Québec, sauf pour parler d'un colloque ou quelque chose du genre, d'une étude qui avait été faite, qui sera rendue publique à la fin de juin, sur les vols à main armée. C'est un aspect, mais il reste que l'évolution de la criminalité, sa répression, l'efficacité avec laquelle on se livre à cette tâche ne semblent pas être une question prioritaire pour le ministre.

Rien non plus sur la sécurité routière. On sait que, par l'impact financier de l'absence de sécurité routière au Québec, on a appris qu'il y avait une situation qui méritait notre attention à tous. La nouvelle Loi sur l'assurance automobile a mis de nouveau sur les routes des gens qui en avaient été exclus par le régime précédent, peut-être 6000, 7000 ou 8000 chauffeurs qui sont des risques pour la sécurité publique. Les taux d'accidents n'ont jamais été aussi élevés, semble-t-il, le taux de blessures, au moins, et on se trouve évidemment devant les conséquences financières de cela, mais aussi les conséquences sur le plan humain et on se demande un peu si le ministère de la Justice s'en préoccupe. Il ne semble pas plus maintenant que jamais dans le passé que l'on se préoccupe des infractions aux règles les plus importantes de la sécurité routière. Je ne parle pas des billets de stationnement, tout le monde en a sa part durant une année, mais personne n'a jamais été tué par un véhicule stationné alors qu'il y a des dangers beaucoup plus graves quand ils se mettent en mouvement.

La réglementation et le pouvoir réglementaire, c'était aussi une promesse dont on avait alimenté nos espoirs, notre réflexion. Je ne sais pas si le ministre serait d'avis que le projet que j'ai eu l'honneur de présenter à l'Assemblée nationale est si bien rédigé finalement qu'il serait prêt à y souscrire et que c'est pour cela qu'il s'est exempté du travail de rédiger son propre projet. Si c'était le cas, je serais le premier à m'en réjouir et je suis sûr qu'on pourrait régler ça à l'amiable au cours des prochains jours. Mais si ce n'est pas le cas, nous serions bien curieux de connaître les intentions du gouvernement relativement au resserrement du pouvoir réglementaire dont on fait un usage pour le moins galopant.

On nous promet, dans la prochaine session, un projet de loi sur la question des dossiers, ou peut-être seulement un projet de règlement sur la question des dossiers et la protection du citoyen. L'Opposition officielle, au moment de la préparation des séances des commissions parlementaires pour l'étude des crédits, a demandé systématiquement à tous les ministères de faire l'état des dossiers ou des fichiers qu'ils maintiennent sur des personnes. La compilation n'est pas faite de notre côté, mais j'ai pris connaissance des documents que plusieurs ministères nous ont produits à la suite de cette demande, et c'est une liste impressionnante, très impressionnante. Bien sûr, un Etat moderne, une entreprise moderne supposent des fichiers, supposent des listes de personnes, on ne peut pas administrer sans ça. Mais il y a quand même des restrictions, des précautions qu'il faut prendre, d'abord pour garantir l'accès des citoyens à leur dossier, à moins de raisons véritablement d'ordre public et qu'il faudrait préciser et aussi, pour leur permettre d'exiger dos corrections lorsqu'ils y détectent des erreurs, enfin, pour imposer à ceux qui détiennent ces fichiers des règles quand même asez complètes relativement à leur utilisation, leur transmission, leurs échanges, etc.

Il n'y a rien, finalement, M. le Président, sur deux éléments de la réforme de notre droit qui, de l'aveu même du gouvernement, au moins dans un des cas, se font désirer: la mise à jour du droit pénal québécois et la mise à jour du droit administratif également. Elle fait le sujet de conversations savantes depuis des années au Québec, mais il faudra bien la faire, tôt ou tard, parce qu'il y a un sérieux rattrapage à faire de ce côté, relativement au Québec. Non pas parce qu'on a un droit administratif nécessairement sous-développé; au contraire, il est foisonnant, mais il n'est pas rattaché à des principes généraux qui permettraient au citoyen, dans tous les cas, de s'y retrouver ou de retrouver ses intérêts.

M. le Président, c'est avec ouverture d'esprit et beaucoup d'intérêt que nous abordons l'étude des crédits. C'est tout pour les remarques préliminaires, à moins que mes collègues de l'Opposition officielle veuillent ajouter quelque chose.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le député de Saint-Laurent. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Serge Fontaine

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Il y a, bien sûr, plusieurs points qui ont été touchés tant par le ministre que par l'Opposition

officielle. Je voudrais quand même toucher à quelques points qui ont été oubliés ou délaissés.

En premier lieu, je voudrais, bien sûr, souligner la présence des valeureux fonctionnaires qui ont le mérite de travailler avec le ministre de la Justice et qui font, en général, un excellent travail comme serviteurs de l'Etat.

Le ministre a omis de parler, dans son allocution, des enquêtes que son ministère a eu à diriger au cours des dernières années, entre autres l'enquête Keable et l'enquête, le rapport Duchaîne, qu'on lui a demandé à plusieurs reprises. C'est probablement face au peu de succès qu'a remporté le rapport Malouf qu'il a oublié de nous dire ce qu'il en advenait.

Le ministre pourrait peut-être nous éclairer relativement au sort que réserve le gouvernement à la commission d'enquête Keable. A partir de l'enquête et des audiences qui ont suivi, le ministre pourrait peut-être nous indiquer quelle est la position du gouvernement maintenant. Est-ce que le ministre peut nous indiquer quels sont les projets d'avenir pour cette enquête? Et quand pourra-t-on prendre connaissance du rapport final du commissaire?

Le ministre pourrait également nous indiquer le coût total de l'enquête, tous les coûts directs et indirects de cette enquête.

Concernant le rapport Duchaîne sur la crise d'octobre 1970, le ministre pourrait nous dire s'il entend encore longtemps nous cacher les résultats de ce rapport?

M. Bédard: Ce n'est pas gentil cela.

M. Fontaine: Pour ma part, je me permets de rappeler au ministre que c'est lui-même qui a déjà déclaré avoir hâte de rendre ce rapport public. Le ministre faisait cette déclaration à l'Assemblée nationale le 16 octobre dernier, à la suite d'une question que je lui avais posée. A l'époque, le ministre avait précisé que le gouvernement du Québec ne demandait qu'à rendre public le rapport qui permettrait d'éclaircir la situation et de mettre fin à la confusion qui entoure encore la crise d'octobre 1970 et l'imposition de mesures de guerre à cette occasion.

Lors de cette période de questions, j'ai fait allusion à certaines informations selon lesquelles le gouvernement du Québec ne serait pas emballé à l'idée de rendre ce rapport public à la veille du référendum sur l'avenir constitutionnel du Québec.

Or, tout le monde sait que le référendum a eu lieu et en connaît aussi le résultat. Mais ce fameux rapport reste toujours caché. C'est pourquoi je me permets à nouveau aujourd'hui d'insister auprès du ministre de la Justice afin d'obtenir la publication la plus immédiate possible de ce rapport.

Le droit de la famille. Votre réforme incluse dans le projet de loi 89 n'est pas une création spontanée du gouvernement Lévesque et du ministre de la Justice, car, devant le vieux Code civil québécois, adopté un an avant la signature de la Confédération en 1867 et qui s'avérait sévère, ter- riblement déphasé, d'autres gouvernements provinciaux avaient réagi.

Sous Duplessis, l'Union Nationale, en 1955, fondait l'Office de révision du Code civil, qui devait par la suite se lancer dans la plus gigantesque oeuvre de légistes de l'histoire du Québec.

Commencée il y a presque 25 ans, cette énorme tâche voit enfin son aboutissement arriver.

En déposant le projet de loi 83 — qui est devenu 183 et 89 — relatif à la réforme en profondeur du droit de la famille, le gouvernement a fait un sérieux pas en avant pour améliorer la situation dans un des domaines du droit où des réformes s'imposaient déjà depuis plusieurs années.

Si l'on tient compte que nous approchons maintenant du niveau de 33% d'échecs dans les unions matrimoniales, que des milliers d'enfants sont affectés par cette situation, que les problèmes familiaux constitueront une des plus importantes crises de santé mentale dans les années à venir, on ne peut qu'être heureux de constater que le gouvernement ait décidé de réagir. (16 h 15)

Concernant plus particulièrement la perception des pensions alimentaires, il faut souligner la lenteur du gouvernement à agir dans ce dossier, puisque l'Union Nationale, dès décembre 1978, par la voix de son chef, réclamait une telle réforme. Le ministre de la Justice avait alors répondu que le ministère de la Justice étudiait, en collaboration avec le ministère des Affaires sociales et le Conseil du statut de la femme, l'ensemble du problème de la perception des pensions alimentaires. Le gouvernement a donc pris 18 mois avant d'accoucher. Ce n'est vraiment pas sérieux, surtout pour un sujet aussi vital pour tant de femmes dans le besoin.

Concernant maintenant les aspects constitutionnels du projet de loi 89, plus que jamais le gouvernement actuel doit faire son possible pour éviter un nouveau conflit qui aurait pour but d'en retarder l'adoption. Je souligne que le ministre de la Justice s'est déjà dit conscient de ces difficultés, mais il a rappelé qu'une entente de principe était survenue lors de la dernière conférence constitutionnelle de février 1979 dans le sens que le gouvernement fédéral apporte un amendement constitutionnel de façon à clarifier les juridictions dans ce domaine.

Le quatrième point que j'aimerais maintenant toucher, c'est la question du Tribunal de la famille. Au Québec, nous avons actuellement une Chambre de la famille au niveau de la Cour supérieure, un service d'expertise pychosociale relatif à la garde des enfants et des droits de visite et de sortie, un service de conciliation et des centres de thérapie conjugale en rapport avec la loi 24, la Loi de l'adoption et la loi sur les jeunes délinquants.

Nous aurons bientôt des officiers de justice chargés de la perception des pensions alimentaires et un nouveau livre, le deuxième livre du Code civil, quant aux droits de la famille, mais cela ne fonctionnera valablement que si le tout est chapeauté par un tribunal intégré de la famille qui

regroupera tous ces services, appliquera toutes ces lois et cherchera à avoir une vue d'ensemble sur le tout, tout en étant humain et accueillant.

Le gouvernement doit améliorer et adopter ces lois. Il doit régler ses problèmes constitutionnels et créer ce tribunal que tous demandent. Si l'on tient compte des milliers de personnes affectées par les problèmes de désunion, le gouvernement n'a pas le choix, il doit agir. S'abstenir d'aller plus loin dans ce domaine ne servira qu'à perpétuer l'approche souvent difficile et ardue de ces dossiers. Si la situation actuelle continue, des milliers d'enfants auront de la difficulté à devenir plus tard des adultes responsables et enrichissants pour notre société.

Concernant le problème de la protection de la jeunesse, le ministre, dans son allocution d'ouverture, a dit qu'il y avait des problèmes normaux, à la suite de l'adoption de cette loi. Je pense qu'il a été un peu discret devant l'ampleur du problème, parce qu'on sait qu'il y a des gens qui sont concernés dans ce domaine qui ont fait des déclarations assez fracassantes concernant la loi 24, entre autres, M. Jost, de Boscoville, qui a fait des déclarations assez intempestives au sujet de la loi 24, dont il nous disait que c'était un échec. Les spécialistes et universitaires qui ont reçu l'appui d'une vingtaine d'organismes, y compris l'archevêché de Montréal et de nombreux centres d'accueil du Québec, ont conclu que l'application de la loi a relégué le rôle des centres d'accueil à celui d'hébergement plutôt qu'aux services d'éducation et de rééducation, a dépersonnalisé l'aide en multipliant les paliers décisionnels et a paralysé des initiatives intéressantes de prise en charge des jeunes sur une base communautaire. Cela a été rapporté dans le Devoir du 24 avril 1980.

Je pense que le ministre, à la suite de ces remarques, doit essayer de régler les problèmes qui ont surgi à la suite de l'adoption de cette loi qui, dans le fond, vise un but qui est bien louable. Ce sont des problèmes d'application que le ministre va devoir régler.

Le travail communautaire. Le ministre nous a dit qu'il couvrait maintenant tout le Québec concernant ce genre de sentences, mais il n'a pas été très loquace quant à nous dire si l'utilisation de ce genre de sentences était maintenant devenue courante. Il devrait peut-être nous donner un peu plus de détails, de statistiques concernant l'utilisation des sentences communautaires.

L'aide juridique. Il y a eu des grèves pour différentes causes, mais le ministre n'en a pas parlé. Il pourrait peut-être nous dire où en est rendu ce dossier. Est-ce que les négociations sont terminées? Qu'est-ce qui se passe dans ce domaine?

J'aimerais également attirer l'attention du ministre de la Justice et celle de M. Lafontaine — peut-être que je ne lui ferai pas tellement plaisir — sur le tarif des avocats de pratique privée qui font affaires avec l'aide juridique. Ce tarif n'a pas été révisé depuis quelques années, cinq ou six ans, si je ne me trompe. Il mériterait un ajustement bien normal si on considère l'inflation que l'on connaît aujourd'hui. Il faudrait aussi qu'on inclue d'autres domaines dans ce tarif, puisque le droit s'est développé depuis quelques années, le droit administratif surtout. Le tarif d'aide juridique ne prévoit pas beaucoup de choses dans ce domaine. Les avocats, bien souvent, rendent des services à des personnes dans le besoin de façon presque gratuite.

Le dernier point que j'aimerais aborder, c'est la question de la brutalité policière. Je le ferai très brièvement. On m'a soumis le cas de M. Yvon Bolduc. Il y a eu également l'affaire Charest, il y a eu différents problèmes dans ce domaine. Il serait temps que le ministre fasse des efforts pour que le code de déontologie dont on avait parlé pour la Sûreté du Québec et les municipalités soit mis en application le plus rapidement possible, surtout dans le cas des municipalités. Je ne sais pas si celui de la Sûreté du Québec est déjà en application, mais il semblerait qu'il pourrait être mis en application également pour les municipalités. J'aimerais que le ministre nous dise quelle est sa position à ce sujet et s'il entend rendre obligatoire dans un délai raisonnable un tel code de déontologie pour les policiers municipaux et également pour la Sûreté du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le député de Nicolet-Yamaska. Est-ce qu'on peut procéder par programme? Voulez-vous répondre à un certain nombre de questions, M. le ministre?

M. Bédard: Je pense que mes collègues comprendront...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Si vous permettez, M. le Président, pouvez-vous corriger le remplacement que je vous ai demandé de faire, avec le consentement des membres?

Le Président (M. Bordeleau): Oui, on peut le rendre plus... Si les membres sont consentants, j'aurais une demande pour remplacer le député de Saint-Louis, M. Blank, par le député de Marguerite-Bourgeoys, M. Lalonde, comme membre de la commission. Est-ce que cela va? Des restrictions? Cela va.

M. Marc-André Bédard

M. Bédard: M. le Président, mes collègues comprendront que je ne pourrai pas, à ce stade, répondre à toutes les interrogations valables qu'ils ont posées, puisque nous en aurions encore pour quelques heures. Nous aurons l'occasion, lors de l'étude des crédits, programme par programme, de répondre à toutes ces interrogations qui semblent très valables de la part de l'Opposition. On a mentionné qu'il y avait peut-être encore des secteurs — j'en conviens — que nous n'avons pas touché d'une façon spéciale au niveau du ministère de la Justice. C'est évident qu'on ne peut pas

tout faire. J'ai l'impression que le bilan des activités, tel que l'a mentionné très aimablement le député de Saint-Laurent, est un bilan intéressant qui nous permettra, certains sujets ayant été traités à fond, de nous orienter vers d'autres préoccupations, qui ont été évoquées tant par le député de Saint-Laurent que par le député de Nicolet-Yamaska.

Concernant une des dernières remarques du député de Nicolet-Yamaska, en ce qui regarde le Code de déontologie, je lui ferai simplement remarquer que la loi ne vient que d'entrer en vigueur, depuis le 1er juin 1980. Il est évident que je ne peux pas accuser qui que ce soit de retarder ou encore, de ne pas faire les efforts nécessaires pour l'implantation d'un Code de déontologie pour l'ensemble des forces policières. Pour ce qui est de la Sûreté du Québec, il y a déjà un code interne, comme vous le savez, et il est évident, tel que le préconise le projet de loi en question, que nous allons orienter nos efforts pour étendre ce Code de déontologie à l'ensemble des corps policiers du Québec.

Pour ce qui est de la Loi sur la protection de la jeunesse, je pense que le député de Nicolet-Yamaska et le député de Saint-Laurent ont parlé des difficultés qu'on pouvait avoir en regard de son application. Ils ont parfaitement raison. Je n'en ai pas traité en long et en large dans mon entrée en matière, parce que nous aurons vraiment l'occasion d'en discuter à fond lors de l'étude du programme. Je crois que là-dessus la préoccupation de tous les membres de la commission est la même. Elle est très positive, dans le sens que tous essaient de trouver les moyens d'améliorer cette loi qui a été votée à l'unanimité, qui était une loi nécessaire, réclamée, comme on le sait, qui exige des changements de mentalité et qui affecte des comportements. Les difficultés auxquelles nous faisons face pour la plupart sont celles auxquelles nous nous attendions. Nous ne nous étions pas fait d'illusion. On a mentionné que ça faisait trois ans qu'elle était en application, cela ne fait qu'un an et cinq mois qu'elle est en application. Je me rappelle, lors de sa promulgation, de son entrée en vigueur, que j'avais personnellement exprimé l'opinion que nous en aurions sûrement pour une préiode de deux ans avant que l'ajustement ne soit fait entièrement et qu'entre-temps il y aurait un suivi de cette loi. Je peux vous assurer qu'il y a un suivi continuel tant de la part du ministère de la Justice que du ministère des Affaires sociales, de même que du Comité de la protection de la jeunesse, comme vous savez, qui est un des organismes clés de l'application de la loi.

Il est évident que les analyses varient au moment où on se parle. Le député de Nicolet-Yamaska faisait allusion à une opinion qui faisait un constat d'échec. Je crois que c'est vraiment plus que charrier. Une telle opinion ne se vérifie pas dans les faits, on sera à même de le constater. Aujourd'hui même, je crois que les Centres de services sociaux, après analyse, en venaient à une conclusion beaucoup plus optimiste, sans cacher qu'il y avait des améliorations à faire. D'ailleurs, nous assurons un suivi, et je suis à même de vous dire qu'à la fin de juin nous avons prévu un colloque de tous les principaux intervenants au niveau de la Loi sur la protection de la jeunesse pour permettre de faire un bilan des réalisations et de sa mise en application, et de continuer la réflexion sur des amendements ou des améliorations qu'il serait nécessaire d'y apporter.

On a évoqué le problème de la violence dans la société. Le député de Saint-Laurent était d'accord avec cette préoccupation du ministère de la Justice. Il évoquait certaines réticences sur l'efficacité des programmes de subventions, l'évaluation des initiatives auxquelles ont donné lieu ces programmes de subventions. On aura l'occasion aussi, si les membres de la commission désirent en prendre connaissance, de procéder à une certaine évaluation des retombées très positives de ces petits programmes, qui ne règlent pas tout le problème. Je n'ai jamais eu la prétention de croire que ça pouvait régler tout le problème de la violence dans la société, mais ce sont quand même des initiatives qui permettent une sensibilisation des différents milieux. Je pense qu'un des buts poursuivis par ces petits programmes de subventions, c'est que le milieu lui-même prenne conscience que le phénomène de la criminalité, on peut réussir à le contrer, du moins partiellement à partir d'une implication des citoyens. On en fera l'évaluation lors de l'étude du programme. (16 h 30)

Sur le fonctionnement effectif des cours, le député de Saint-Laurent avait certaines réserves. Il parlait quand même d'immenses progrès faits, mais disait qu'il y aurait place encore pour de l'amélioration. Je n'en doute pas, mais peut-être profitera-t-il de l'étude de ce programme-là pour faire certaines suggestions très positives dans ce domaine, d'autant plus qu'il est accompagné de quelqu'un qui a déjà eu une expérience au niveau du ministère de la Justice, dans certaines fonctions.

Pour ce qui est du salaire des juges, je me rappelle qu'il y a eu, je pense, plusieurs "filibusters" sur l'augmentation du salaire des juges, de la part de l'Opposition, il y a quelques années, et qu'il y avait toujours en même temps une revendication fondamentale qui y était greffée, à savoir que l'Opposition n'était pas fondamentalement contre l'augmentation du salaire des juges mais voulait que ce soit quand même greffé à une réforme, que cela se situe à l'intérieur d'une réforme globale dans ce domaine du point de vue administratif. Nous avons toujours dû attendre après entre autres le Conseil de la magistrature et bien d'autres éléments; nous avons toujours dû attendre cette réforme qui s'est toujours laissé attendre.

Si on peut se réjouir qu'il n'y avait plus de problèmes comme il y en avait auparavant à propos de l'augmentation du salaire des juges, ce qui obligeait ces derniers presque à continuelle-

ment quémander un dépôt de projet de loi à l'Assemblée nationale, je crois que c'est une amélioration importante.

Si on remarque qu'ils sont en train d'atteindre et même peut-être de dépasser les salaires des juges de la Cour supérieure, il y a des rumeurs très persistantes que des augmentations très importantes sont attendues mais n'ont pas été annoncées officiellement: en effet, il y aurait des augmentations également du point de vue fédéral au niveau du salaire des juges.

Concernant le Conseil de la magistrature, on mentionnait le fait qu'il fallait déplorer que tous les juges en chef n'y soient pas. Le député de Saint-Laurent pensait sans doute entre autres aux juges en chef de la Cour supérieure et de la Cour d'appel. Je dois d'abord lui faire remarquer que tant la Cour d'appel que la Cour supérieure sont des tribunaux provinciaux et non des tribunaux fédéraux, comme il l'a mentionné, mais de dénomination fédérale.

M. Lalonde: C'est bien cela.

M. Bédard: Une des difficultés que nous avions évoquées à ce moment-là, on le sait, puisque le Conseil de la magistrature a une responsabilité tout à fait particulière au niveau de la déontologie, il faut quand même le souligner, c'est que ceci aurait créé une situation assez spéciale, car les juges de la Cour supérieure et de la Cour d'appel ne sont pas soumis au Code de déontologie comme le sont les juges des autres cours que j'ai mentionnées et qui sont représentés au Conseil de la magistrature. Ils le sont par le conseil fédéral, le Conseil canadien de la magistrature. Cela aurait pu amener quand même une situation de juges ayant à statuer sur la déontologie ou la conduite d'autres juges, alors qu'eux-mêmes ayant prononcé des jugements ne sont pas soumis à ce Code de déontologie. C'était une des difficultés que nous avions et qui nous empêchait de donner suite à un désir que j'ai exprimé d'ailleurs publiquement, que ces juges en chef puissent également faire partie du Conseil de la magistrature.

Pour ce qui est de l'évaluation des programmes de travaux communautaires soulevée par le député de Saint-Laurent, je pense qu'on aura l'occasion, au niveau du programme, d'avoir toutes les informations possibles qui puissent nous permettre déjà une appréciation des résultats de ces programmes de travaux communautaires. Peut-être y a-t-il une action supplémentaire à faire au niveau de l'information du public, pourvu qu'on ne nous accuse pas de faire trop de publicité. On verra cela dans les crédits de la publicité. Libérons-nous ou attachons-nous au Québec?

M. Forget: Libérons-nous.

M. Bédard: La meilleure manière de se libérer, c'est de s'attacher au Québec.

Pour ce qui est de la police autochtone, je ne pense pas avoir promis une loi dans ce do- maine. Nous avions promis de faire une action qui serait de nature à assurer des services policiers adéquats aux Inuit et aux Cris. Je pense que nous avons fait pas mal de chemin, pas mal de progrès. Maintenant, en arriver à la conclusion qu'il n'y a pas eu d'amélioration parce qu'il y a eu un incident — parce qu'il y a eu les événements que nous savons, dans une réserve — je pense que c'est vraiment passer à côté de l'analyse de ce qui a été fait. Concernant cet événement à Caughnawaga auquel se référait le député de Saint-Laurent, j'imagine qu'il s'est sûrement trompé. Il a parlé de l'assassinat de M. Cross. Je pense qu'il peut arriver qu'on n'ait pas le langage approprié, mais j'imagine que le député de Saint-Laurent a un peu dépassé sa pensée; sinon, il faudra peut-être en venir à la conclusion qu'il a rendu jugement. Le cas est devant la cour et les tribunaux auront à se prononcer sur le fond de cet événement. Je le mentionne simplement parce que... Je mentionne simplement que le député de Saint-Laurent... Quelqu'un de tué et un assassinat, ce sont deux choses. Je pense que le député de Marguerite-Bourgeoys en sait quelque chose.

M. Lalonde: II est accusé de quoi? Il est accusé de quoi, devant la cour?

M. Bédard: II est accusé d'homicide.

M. Lalonde: D'homicide, alors, c'est d'homicide.

M. Bédard: Ce n'est pas prouvé encore. Je ne sais pas si vous voulez faire une discussion. Je ne faisais que le souligner, pour permettre au député de Saint-Laurent de faire la correction. Je ne veux même pas engager une discussion là-dessus, parce que, comme je le disais en Chambre aujourd'hui, il arrive que des parlementaires n'aient pas les mots appropriés pour exprimer leur idée et que ce soit mal interprété. Mais, à ce stade-ci, parler de l'assassinat de M. Cross, c'est comme parlementaire, en arriver — en tout cas, c'est mon humble opinion — à un jugement.

M. Lalonde: Le Procureur général a poursuivi pour homicide. C'est vous, le Procureur général.

M. Bédard: Mais le jugement n'est pas rendu. C'est ce que vous n'avez pas l'air de...

M. Lalonde: C'est cela, on va attendre le jugement.

M. Bédard: Je comprenais que le député de Saint-Laurent puisse errer au niveau du choix des mots, mais que le député de Marguerite-Bourgeoys ajoute à cela, c'est vraiment le comble.

M. Lalonde: Vous êtes sidéré.

M. Bédard: Oui, sidéré, parce que je dois admettre que le député de Marguerite-Bourgeoys a certaines qualités. Pour ce qui est de la sécurité

routière, il y a eu une attention — je sais qu'il y a énormément de progrès à faire — au niveau des résultats, ce qui ne veut pas dire qu'il ne se fait pas un travail important et que ce n'est pas une préoccupation du ministère de la Justice. Au contraire, nous avons créé un conseil spécial concernant la sécurité routière à la Direction générale de la sécurité publique, qui aura comme fonction justement d'essayer de faire la coordination de l'ensemble des corps policiers et d'avoir une action tout à fait spéciale concernant la sécurité routière. Le travail de ce comité sera maintenant, comme on le sait, aidé aussi en grande partie par la mise en place d'un conseil de la sécurité routière où différents ministères, entre autres les Transports, l'Education, la Justice, se retrouveront aux fins de l'élaboration de politiques globales qui soient plus efficaces dans le domaine de la sécurité routière.

Pour ce qui est de certaines suggestions qu'on nous a faites, â savoir que le ministère de la Justice devrait faire un travail pratique, que ce soit au niveau de la législation ou de la réglementation, il y a plusieurs de ces domaines soulignés par les membres de l'Opposition où il y a un travail qui se fait, qui devrait aboutir quand même assez rapidement, mais on ne peut pas tout faire en même temps. Je pense que tout le monde a été à même de constater le bilan législatif du ministère de la Justice depuis un an. Il y a d'autres ministères qui existent. De toute façon, on ne peut pas tout faire la même année.

Concernant le droit pénal, il y a un travail en profondeur qui est fait au ministère de la Justice, de même que le droit administratif, les poursuites sommaires et la réglementation qui, comme je l'ai dit tout à l'heure, pourraient déboucher, soit sur de la législation ou sur de la réglementation.

En terminant, sur deux points soulevés par le député de Nicolet-Yamaska concernant l'enquête Keable, il n'a qu'à patienter et il pourra avoir tous les renseignements qu'il désire avoir. D'une façon générale, comme il le sait, les travaux sont interrompus pour le moment à cause de procédures intentées devant la Cour d'appel. Le commissaire travaille déjà à la rédaction d'un rapport pour faire en sorte qu'il sorte plus vite une fois que l'imbroglio judiciaire sera réglé. Pour ce qui est des coûts, lorsqu'on arrivera à ce programme, il me fera plaisir de donner les renseignements au député de Nicolet-Yamaska.

Pour ce qui est de l'enquête Duchaîne, le travail n'est pas terminé. On sait que ce dernier a dû et doit consacrer un certain temps au niveau de l'ensemble de son rapport, suite aux travaux et aux révélations faites au niveau de l'enquête Keable et de l'enquête McDonald. Maintenant, nous sommes informés que, normalement, l'ensemble de ce travail, le rapport final devra nous être présenté, nous l'espérons, dans le délai le plus rapide possible. Je donnerai suite à l'engagement que j'ai pris dans ce domaine, de rendre un rapport final.

M. Fontaine: II est en train de travailler, M. Duchaîne; son mandat n'est pas terminé?

M. Bédard: Le travail n'est pas terminé.

M. Lalonde: Quand allez-vous rendre public ce rapport Duchaîne?

M. Bédard: Je ne dirai pas instantanément, mais, comme ça fait déjà quand même pas mal de temps, il faudra sûrement que ce soit rendu public dans un délai raisonnable, le plus court délai possible.

M. Lalonde: Qu'est-ce que ça veut dire, ça; d'ici deux ans, trois ans?

M. Bédard: On verra en temps et lieu.

M. Fontaine: Avant les élections générales?

M. Bédard: Je ne sais pas si vous avez les élections générales en tête, mais, quand je vous réponds, je n'ai pas ça en tête. Tout ce que je vous dis, c'est que, dès que nous aurons tout ce qu'il faut pour présenter un rapport final, public, il le sera, quelle que soit sa teneur.

M. Lalonde: Ce n'est pas fort.

M. Bédard: On pourrait peut-être commencer les programmes. Il y aurait bien d'autres points qui ont été soulevés par les députés de l'Opposition, mais je pense qu'ils comprendront que la meilleure manière d'aller au fond des choses, c'est peut-être de procéder à l'étude programme par programme.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. On peut donc entamer le programme 1. J'appelle le programme 1. (16 h 45)

Formulation de jugements

M. Bédard: Programme no 1, M. le Président, une seconde!

On s'est entendu sur une manière de fonctionner, M. le député de Saint-Laurent. Je vais donner l'ensemble des notes explicatives qui sont à ma disposition sur chacun des programmes.

M. Forget: On peut les considérer comme ayant été lues aussi.

M. Bédard: C'est parce que vous ne les avez pas toutes. Il y a une partie qui vous a été acheminée.

Au niveau des ressources humaines, et financières, les ressources requises à ce programme s'établissent à $18 077 600. Ce budget se répartit comme suit: Magistrature: $17 647 000; Conseil de la magistrature, secrétariat: $105 600; perfectionnement des juges: $325 000, pour une somme de $430 600.

L'effectif autorisé de ce programme est de 253 postes, soit trois postes au Conseil de la magistrature et 250 juges à la magistrature. Le nombre de postes de juges autorisés, en ce qui concerne les tribunaux provinciaux dont les membres sont

nommés par le gouvernement du Québec, est de 272 postes, soit la Cour provinciale, 160, la Cour des sessions de la paix, 69, et le Tribunal de la jeunesse, 43 postes.

A l'examen du livre des crédits, vous constaterez que l'effectif est de 250 postes de juges et que ceci comprend les juges de la Cour provinciale, la Cour des sessions, du Tribunal de la jeunesse qui président les audiences de ces cours et qui rendent jugement, ainsi que les juges du Tribunal du travail, du Tribunal des transports, du Tribunal minier et du Tribunal d'expropriation.

Le solde de 22 postes représente les postes qui sont occupés par les présidents d'organismes ou membres, tels que la Commission de police, la Commission de contrôle des permis d'alcool, la Commission de transport, celle des loyers, etc.

Au niveau des commentaires sur les variations budgétaires, le budget du programme 1, Formulation de jugements, a été estimé à $18 077 600 pour l'année financière, ce qui représente une augmentation de $3 496 000 par rapport au budget de 1979-1980.

Cette augmentation résulte des facteurs suivants: Premièrement, l'augmentation prévue au budget pour le traitement des juges. Le salaire des juges est basé sur le salaire des cadres supérieurs nommés en vertu de la Loi sur la fonction publique. Cette augmentation représente $1 849 400.

Il y a également l'augmentation budgétaire de $772 600 au niveau de la contribution de l'employeur au régime de retraite et de pension des juges. Il y a eu une augmentation de onze postes de l'effectif des juges qui représente $527 400.

L'augmentation de $336 100 à l'élément 2, concernant la déontologie judiciaire et le perfectionnement des juges, résultedufaitquelescréditsprévusà ces fins pour 1979-1980 étaient prévus à différents postes budgétaires du programme 2 concernant le soutien administratif aux cours de justice.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Maisonneuve. Vous avez terminé, M. le ministre?

M. Lalande: M. le Président, mes premiers mots seront pour saluer bien sincèrement mes anciens collègues avec qui j'ai eu l'honneur de travailler à peine plus de six mois. Je pense que la bonne renommée de l'administration de la justice est évidemment liée à l'excellence des fonctionnaires qui y travaillent. C'est en partie sûrement ce qui amène un peu de crédibilité au ministre de la Justice actuel.

M. Bédard: II est toujours gentil, ce monsieur-là.

M. Lalande: Ce n'est pas fini, M. le ministre.

Une question qui est quand même préliminaire, au programme 1, à la page 18, concernant la totalité au niveau des ressources humaines, l'effectif du ministère, on constate que, à la suite des directives qui avaient été données par le Conseil du trésor le 1er juillet 1979, je crois — en tout cas à partir de là — il devait y avoir une coupure de 2,5% de l'effectif. Evidemment, je n'aborderai là que le cas des employés permanents, parce qu'on sait que les employés occasionnels n'étaient pas assujettis à cette directive du Conseil du trésor.

Or, ces 2,5%, normalement, devraient apporter une coupure de 336 postes à l'intérieur du ministère de la Justice. Il faut quand même constater qu'il y en a au-delà de 160 qui ont été effectivement coupés, ce qui nous laisse quand même, dans le rouge — si je peux m'exprimer ainsi — 171 postes.

Je voulais le souligner non pas pour critiquer véritablement l'effort considérable — parce qu'à ce moment-là, j'étais fonctionnaire et je me rappelle très bien les problèmes que cela occasionnait de faire une coupure de poste — mais je voudrais rappeler au ministre que le ministre des Finances a peut-être des objectifs trop élevés, avec des déclarations un peu à l'emporte-pièce, sans mesurer véritablement les effets secondaires. C'était une très belle déclaration, suivant laquelle on allait mettre de l'ordre à l'intérieur de la fonction publique, on allait couper dans le gras, comme le disait le ministre des Finances.

On s'est aperçu, à la suite de cela, qu'il y a souvent loin de la coupe aux lèvres. Il serait peut-être intéressant que le ministre des Finances revienne à cela pour constater, après un an, que ce n'était pas aussi beau qu'il pensait. Il y a eu des efforts, mais on n'en est pas arrivé aux objectifs qu'on s'était fixés.

Dans cette déclaration préliminaire, avant d'entreprendre le programme 1 proprement dit, si vous le voulez, je voudrais savoir si...

M. Bédard: Dans votre introduction préliminaire au programme 1, je pense que vous faites erreur. Peut-être que les habitudes administratives s'oublient rapidement, mais, effectivement, dans ce secteur, nous sommes arrivés à l'objectif proposé par le ministre des Finances d'une réduction de 2,5%. Si vous voyez une augmentation, c'est que tout simplement cette augmentation — je l'ai expliquée tout à l'heure — est due à de nouvelles lois ou à la mise en place de nouveaux organismes qui ont nécessairement contribué à d'autres engagements, mais, au niveau de ceux existants, nous avons atteint l'objectif de réduction de 2,5% fixé par le ministre des Finances.

M. Lalande: Je constate que le ministre creuse son lit dans cela. Je vous invite à y être confortable, parce que j'aurai peut-être...

M. Bédard: Je ne vous dis pas que je suis confortable, je vous dis seulement que vous êtes dans l'erreur.

M. Lalande: ... d'autres observations tout à l'heure. Si on parle de la charge administrative au niveau de la Justice, il faudrait peut-être penser aussi aux allégements à un moment donné. Je faisais simplement comptabiliser de façon bien mathématique et technique le fait qu'il y a 13 441 employés, en 1979-1980, et, en 1980-1981, on se retrouve avec 13 276 employés. J'ai donc dit qu'il y

avait une réduction, mais qui n'était pas tout à fait conforme à l'objectif fixé.

M. Bédard: C'est qu'il y a eu une exception — je ne vous en fais pas grief, c'est normal que vous ne soyez pas au courant — concernant la Sûreté du Québec, où la norme de réduction de 2,5% n'était pas applicable pour les policiers.

M. Lalande: De toute façon, je ne veux pas faire un plat avec cela, M. le ministre.

M. Bédard: D'accord.

M. Lalande: Je voudrais simplement une précision sur le personnel attaché aux juges, les secrétaires de juges. Etaient-ils compris dans cette réduction, cette coupure de postes? Ont-ils été analysés en conséquence?

M. Bédard: On tenait compte de ces employés au niveau de la réduction, sauf qu'il n'y a pas eu de réduction proprement dite concernant les secrétaires de juges. On a même ajouté 20 postes, ce qui nous a pas empêchés d'atteindre l'objectif de réduction global.

M. Lalande: il y a eu des charges additionnelles, des charges administratives, un fardeau additionnel imposé à l'administration de la justice au cours de la dernière année. Selon vos propos, on a en fait répondu à ces 2,5%, mais il fallait quand même ajouter certains postes, puisque le fardeau était additionnel.

M. Bédard: Parce qu'il y avait d'autres lois et d'autres organismes.

M. Lalande: D'accord. Je voudrais tout de même attirer l'attention du ministre—là, nous sommes bien dans la Formulation de jugements du programme 1 — le ministre a-t-il pris en considération le fait qu'au cours de l'année 1979-1980 il y a eu une diminution de quelque 90 000 dossiers au niveau judiciaire? Donc une réduction du fardeau et de la charge de travail. Est-ce qu'effectivement à partir de cela le ministre a considéré que les secrétaires de juges allaient être moins achalandées, que les juges allaient être moins achalandés? A-t-il tenu compte, dans cette compilation, du fait que l'activité judiciaire a été réduite d'environ 20% au cours de l'année?

M. Bédard: La diminution de dossiers n'est pas nécessairement en relation avec la diminution du fardeau qui doit être assumé par des personnes responsables. Par exemple, au niveau des causes, vous pouvez en avoir qui sont de très courte durée. A ce moment-là, cela vous permet un bilan qui semble plus impressionnant, mais vous pouvez avoir des causes qui durent énormément et qui, à ce moment, ne diminuent en aucune façon le fardeau des juges.

M. Lalande: L'argumentation du ministre est un peu faible tout de même, parce que, évidem- ment, on parle de façon générale. Tout le monde sait qu'il y a des causes qui sont plus compliquées. Tout le monde sait qu'une cause devant un jury en Cour supérieure est plus compliquée, plus longue, plus difficile qu'une cause aux petites créances ou au Tribunal de la jeunesse. Cependant, je faisais des comparaisons globales entre 1979-1980 et 1980-1981. Ce que je veux savoir dans cela, c'est si le ministre pense qu'en 1979-1980 ou en 1978-1979, les causes étaient moins compliquées qu'elles ne le sont en 1980-1981? C'est une comparaison générale, encore une fois, que je suis en train de faire. Je reprends ma question: Est-ce que cet allégement considérable au niveau judiciaire, le ministre en a tenu compte?

M. Bédard: Nous en avons tenu compte, mais cela ne nous a pas amenés à réduire le personnel.

M. Lalande: Je trouve que le ministre est bien attentif quand on demande des...

M. Bédard: Je n'ai pas de statistiques de 90 000 dossiers.

M. Lalande: Je prends le rapport annuel 1979-1980...

M. Bédard: Quels sont tous ces dossiers?

M. Lalande: Je peux aller un petit peu plus loin. J'essaie de faire une correspondance avec ces dossiers, où il y a eu une réduction considérable de l'ordre de 20%, et je m'aperçois par ailleurs qu'au niveau de la nomination de juges — je parle évidemment au niveau quantitatif — il y a eu une augmentation, par ailleurs, d'au moins 14 juges qui ont été nommés. De façon plus particulière, je constate, et c'est tout à fait par hasard que je le fais, pour "focusser" davantage, si vous me permettez le barbarisme, que, dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, il y a eu une réduction assez substantielle des causes judiciaires. Notamment au Tribunal de la jeunesse, il y a une réduction de 78%. Cela n'a pas empêché de maintenir, depuis 1976, le même nombre de juges, malgré le fait qu'il y a eu quand même des occasions de remplacement de l'attrition si chère au ministre des Finances pour cette période. Je voudrais simplement signaler qu'il n'y a pas de correspondance...

M. Bédard: II peut peut-être...

M. Lalande: ... et, me semble-t-il, le souci administratif du ministre devrait s'exercer dans le sens où on demande des effectifs additionnels parce qu'il y a une charge additionnelle, mais comme il a à gérer les fonds publics, l'argent des citoyens, il devrait être préoccupé aussi quand il y a des réductions de la charge de travail, d'accompagner cela de réductions de personnel. C'est cela que je voulais seulement souligner.

M. Bédard: M. le Président, mon collègue sait très bien que toutes les représentations des juges

au niveau du ministre de la Justice n'ont jamais été dans le sens qu'ils n'avaient pas assez de travail. Au contraire, c'était dans le sens qu'ils étaient surchargés. A partir de ce moment, je pense que la nomination des juges ne faisait que correspondre à une réalité qui fait que les juges, qu'ils soient chargés de travail, d'accord, qu'ils soient continuellement surchargés de travail, je pense que cela peut s'évaluer. D'ailleurs, dans certains secteurs, par exemple, concernant le Tribunal de la jeunesse, il n'y a pas eu une augmentation, il y a plutôt eu une diminution, parce que nous sommes dans une période de rodage au niveau de la Loi sur la protection de la jeunesse. Là où c'était nécessaire, où cela semblait indiqué, il y a eu augmentation; là où ce n'était pas nécessaire, il y a même eu diminution dans certains cas.

M. Lalande: Est-ce qu'on doit conclure, des propos du ministre, que quand un juge ou un juge en chef fait une demande additionnelle de juges, le ministre se fie carrément à lui? Est-ce la seule rigueur administrative qu'il exerce pour octroyer ce que les juges demandent?

M. Bédard: Vous savez très bien que ce n'est pas la seule rigueur. Maintenant, vous conviendrez avec moi que les représentations faites par un juge en chef, qui est un homme de responsabilité, doivent être évaluées sérieusement, tout au moins sérieusement, avant de les refuser.

M. Lalande: Je suis entièrement de votre avis, M. le ministre.

M. Bédard: II m'est arrivé de refuser.

M. Lalande: Je suis entièrement de votre avis que les juges doivent témoigner, et on doit observer à leur égard tout le respect qui leur est dû, comme vous dites. Il faudrait peut-être en glisser un mot à votre collègue, M. Bérubé. Cependant, ce que je voudrais vous dire, c'est que...

M. Bédard: II n'a pas de charge spécifique dans ce domaine.

M. Lalande:... les nominations... C'est vous, le Procureur général, vous...

M. Bédard: C'est ce que je vous dis. M. Bérubé n'a pas de charge spécifique dans ce domaine. (17 heures)

M. Lalande: Les nominations de juges. Je voudrais revenir à ceci, parce que je pense que-Une Voix: Heureusement.

M. Lalande: ... je pense qu'il ne faut pas l'éviter, M. le ministre; il ne faut pas en rire non plus. C'est l'argent des citoyens. Si on pense aux salaires qu'ont à l'heure actuelle les juges, et je suis fort heureux de constater qu'ils sont bien payés, il n'en demeure pas moins que cet écart, cette augmentation substantielle des juges depuis 1976, en tout cas, au cours de la dernière année, nous amène à plus de $1 000 000 que les citoyens doivent payer en salaires, en traitements.

Je voudrais demander de façon précise au ministre, qui nous a parlé souvent de rigueur administrative, il en a même parlé l'année passée au moment de l'étude des crédits, quels sont les critères que le ministre observe dans la nomination de nouveaux juges.

M. Bédard: Un des principaux critères, c'est souvent la rapidité avec laquelle les rôles se vident au niveau de chacune des cours, parce qu'il arrive... On sait que les délais... D'ailleurs, depuis que nous sommes là, vous serez à même de constater que les délais ont diminué dans les différentes cours dont nous avons l'administration. Je pense que ceci est un élément très important, parce que, justement, si on pense au justiciable, on doit penser à trouver le moyen de faire en sorte que les services lui soient octroyés dans ce domaine avec célérité, avec compétence, car certains retards deviennent presque des injustices, à un moment donné. Sans vouloir nous en glorifier plus qu'il ne le faut, je pense que nous sommes à même de constater que ces délais ont diminué au niveau de l'administration de la justice et tant mieux pour les citoyens.

Maintenant, il y a peut-être aussi d'autres... Il y a également les représentations que nous font naturellement les juges en chef responsables de l'administration des différentes cours.

M. Lalande: M. le ministre... Oui.

M. Bédard: Si vous permettez, il y aurait peut-être des explications additionnelles sur certaines de vos interrogations qui pourraient être données également par le juge... le sous-ministre en titre.

M. Lalande: Avez-vous l'intention de le nommer juge?

M. Bédard: Je pense qu'il n'est pas intéressé.

M. Lalande: Le lapsus est éloquent. Une fin de régime, souvent...

M. Bédard: Vous avez l'art de mêler les choses.

M. Marx: Non, il ne peut pas le nommer, parce qu'il ne fait pas de nominations à la Cour suprême.

M. Bédard: Cela, par exemple, la Cour suprême. Est-ce que vous souhaiteriez qu'on en nomme à la Cour suprême?

M. Lalande: M. le ministre, quand même, de façon... Je ne vous demande pas d'aller dans toutes les techniques...

M. Bédard: Non, mais vous y allez. Vous me permettez, deux secondes? Vous y allez pas mal

dans tous les détails. Vous permettrez aussi à un des principaux administrateurs...

M. Lalande: Je vous le demande.

M. Bédard: ... qui a peut-être tous les éléments nécessaires ou d'autres éléments additionnels concernant vos questions, de pouvoir ajouter quelques observations.

M. Lalande: Je n'ai pas d'objection. Cependant, je voudrais quand même avant rappeler ceci au ministre. Il nous a dit qu'un des principaux critères, le principal, en tout cas, celui qui lui est venu spontanément à l'esprit, c'étaient les retards. Quand il y avait, j'imagine, des audiences, des longueurs, c'était un des critères sur lesquels il se basait pour nommer de nouveaux juges.

Est-ce que je dois conclure de ceci que plus un juge prend son temps à rendre jugement, plus on lui en ajoute un ou d'autres pour l'aider à rendre ses jugements?

M. Bédard: Je ne sais pas si vous voulez faire une charge en règle contre les juges..

M. Lalande: Non, M. le ministre. Je ne suis pas du tout en train...

M. Bédard: ... mais je pense et je vous réponds qu'à l'heure actuelle, au Québec, les juges nommés par le Québec, dans toutes les cours, travaillent raisonnablement et très fort. Je crois que le nombre actuel de juges est grandement justifié par le travail qu'ils ont à faire au niveau de l'administration de la justice.

M. Lalande: Le ministre de la Justice est un excellent joueur de tennis, comme le premier ministre d'ailleurs. Là, on est encore rendu dans les cours où la balle est rendue.

Le ministre de la Justice ne peut pas éviter cette balle. Elle est dans sa cour à l'heure actuelle. C'est lui qui doit administrer...

M. Bédard: Oui, mais je ne vois pas de balle...

M. Lalande: ... la justice. On lui demande comment et en vertu de quels critères...

M. Bédard: Allez-y!

M. Lalande: ... je parle au niveau quantitatif; vous savez fort bien que je ne touche pas au niveau qualitatif des juges. Il ne me viendrait jamais à l'esprit de critiquer la qualité, par exemple, du juge Burns, qui a été nommé au Tribunal du travail. On sait très bien que c'est un excellent juge. On sait très bien que c'était un excellent parlementaire. La question ne se pose pas au niveau qualitatif.

La question que je vous pose, ce n'est pas aux juges, c'est à vous d'y répondre comme administrateur des fonds publics: Au niveau quantitatif, sur quoi vous basez-vous donc pour nommer un juge? Et pour répondre à la question que vous m'avez posée, je vous renverrai la balle pour vous dire, par exemple, quels sont les délais d'audience de la Cour supérieure.

M. Bédard: On va vous donner tous ces renseignements, si vous voulez les avoir. Je peux vous dire qu'au niveau de la nécessité de nommer des juges, il y a des échanges constants entre l'administratif et les juges en chef par l'intermédiaire d'un comité concernant le soutien administratif à donner à l'ensemble des tribunaux. On essaie de faire un consensus sur l'ensemble des besoins qui sont exprimés par la magistrature et sur l'évaluation du fardeau de travail qu'elle a à accomplir. C'est à la suite de ces échanges que nous en arrivons à la nécessité de nommer de nouveaux juges.

M. Lalande: Donc, je dois en conclure qu'il n'y a pas véritablement de système rigoureux d'établi, de critères d'affectation ou de nomination de nouveaux juges. C'est ça qu'il faut en conclure? Vous faites ça un peu au pif, si le juge met un peu plus de pression, s'il pousse un peu plus fort, s'il a votre oreille...

M. Bédard: Non, non.

M. Lalande: Je crois comprendre que, plus il y a de pression, plus vous obtempérez, moins il y en a, moins vous en donnez; c'est un peu comme ça, à la va comme je te pousse.

M. Bédard: Ecoutez, vous faites des affirmations, vous avez le droit de les faire, mais je ne trouve pas ça très sérieux de votre part. Je viens de vous dire...

M. Lalande: $1 000 000, M. le ministre, c'est...

M. Bédard:... qu'il y avait un comité essentiellement formé pour l'évaluation du soutien administratif qui doit être donné à l'ensemble de nos cours. Il y a un échange continuel entre les juges et le côté administratif. Les juges font valoir leurs besoins et nous en faisons l'évaluation à partir des critères de nécessité des situations qui nous sont exposées et ce n'est que lorsque nous croyons qu'il y a nécessité que nous procédons à la nomination de juges.

M. Lalande: Justement, concernant ce comité de soutien administratif, M. le ministre, on se rappelle que, l'année passée, à l'étude des crédits du ministère de la Justice, vous nous annonciez qu'effectivement vous alliez former ce comité et que vous y attachiez toute l'importance qu'il faut pour améliorer cette justice. Vous la qualifiiez d'ailleurs... vous disiez qu'elle se caractérisait par sa lenteur, son inaccessibilité, ses structures vieillottes et son aspect punitif.

Or, pour l'améliorer, vous avez mis sur pied un comité et on sait qu'il vous tenait à coeur ce comité, à en juger par vos propos de l'année

dernière. Je voudrais demander au ministre combien de fois ce comité s'est réuni au cours de l'année et à combien de réunions le ministre a assisté.

M. Bédard: II avait été entendu qu'il y aurait à peu près quatre réunions par année et, cette année, trois ont déjà eu lieu pour effectivement faire les évaluations nécessaires...

M. Lalande: L'autre partie de ma question, c'est: A combien de ces réunions avez-vous assisté?

M. Bédard: Comme ministre, je n'assiste pas à ces réunions. Le sous-ministre de la Justice y est et me fait l'évaluation et les représentations nécessaires. Je pense qu'il y a une distance normale—on l'a évoqué à plusieurs reprises — de l'homme politique vis-à-vis de tout ce qui est organisme administratif. Je pense qu'il est indiqué que le sous-ministre assiste à ces réunions et me fasse les représentations nécessaires.

M. Lalande: On considère que le ministre a justement pris ses distances...

M. Bédard: J'ai l'occasion...

M. Lalande: ... par rapport à ce comité. Cependant, ce comité était si important...

M. Bédard: ... si vous le voulez, je peux ajouter aussi que j'ai l'occasion de rencontrer régulièrement, très souvent, les juges en chef des différentes cours. Ils me font des représentations et j'essaie d'en faire...

M. Lalande: On est plus proche quand on les rencontre séparément, mais au niveau du comité...

M. Bédard: Je trouve que vous avez une attitude assez déplorable envers la magistrature. Comment pouvez-vous concevoir et insinuer qu'à partir du moment où un juge en chef nous demande de nous rencontrer comme ministre, nous refusions de le rencontrer?

M. Lalande: Non, c'est justement ça que je vous demande, M. le ministre.

M. Bédard: Bon, arrêtez-donc ça!

M. Lalande: Est-ce qu'il y a des juges en chef qui vous ont demandé d'assister à ce comité tripartite? Est-ce qu'il y a des juges en chef qui vous l'ont demandé et qui ont insisté pour que vous assistiez à ce comité qui vous tient tant à coeur?

M. Bédard: Cela a été établi dès le départ. Une demande, une représentation a été faite dans ce sens par le juge Rinfret, je crois. Nous avons établi dès le départ qu'à ce comité le sous-ministre de la Justice représenterait le ministère.

M. Lalande: Voyez-vous, M. le ministre, lorsque j'inférais de vos propos et du programme politique de votre parti, le fait que vous soulignez à ce moment-ci que vous voulez prendre vos distances par rapport à cela me surprend un peu, parce qu'en 1975, dans votre programme électoral, vous disiez: Notre justice justement se caractérise encore par sa lenteur, son inaccessibilité, ses structures vieillottes, le caractère punitif des peines. Il faut rémédier à cela, à la situation actuelle, et donner une justice qui soit à l'heure du 20e siècle, avec des lois mieux adaptées, etc. En conséquence, un gouvernement du Parti québécois s'engage à mettre sur pied un système de tribunaux administratifs coiffé... On en reparlera tout à l'heure. Finalement, placer la justice au-dessus de tout soupçon en accroissant l'autonomie administrative du pouvoir judiciaire.

M. le ministre, c'est le fond de votre question, engagement électoral répété en 1980, mettre sur pied, accroître l'autonomie administrative du pouvoir judiciaire. Vous parliez du pouvoir des juges. Vous vous êtes rendu compte en chemin que c'était plus que les juges, le pouvoir judiciaire, et vous en arrivez à la conclusion: Non, il faut que j'observe encore mes distances. Où en êtes-vous rendu dans les résultats? Qu'est-ce que vous avez accompli M. le ministre, au niveau d'une plus grande autonomie, comme vous le dites si bien, d'un accroissement de l'autonomie administrative du pouvoir judiciaire? Quels sont les résultats tangibles aujourd'hui, après un an? Vous avez eu trois réunions auxquelles vous n'avez pas voulu assister, où vous vous êtes fait représenter. D'accord, c'était votre décision, mais quels sont les résultats aujourd'hui?

M. Bédard: M. le Président, justement on y faisait allusion tout à l'heure, je l'ai dit, nous avons contribué, sauf au niveau de la Cour supérieure, où c'est plus difficile, à diminuer les délais. Nous parlions d'une justice plus expéditive. Alors, nous sommes dans notre programme et nous orientons nos efforts dans sens-là, avec des résultats...

M. Lalande: Quel est le délai à la Cour supérieure à l'heure actuelle à Montréal?

M. Bédard: Sauf à la Cour supérieure. Dans les autres cours...

M. Lalande: Parlez-moi de la Cour supérieure.

M. Bédard: Vous voulez qu'on parle seulement des choses qui vont moins bien ou de l'ensemble?

M. Lalande: Je vous pose la question. M. Bédard: Laissez-moi vous répondre. M. Lalande: Allez-y.

M. Bédard: D'abord, je ne sais même pas encore, au moment où on se parle, si vous voulez qu'on y aille avec la nomination de plus de juges

ou de moins de juges. Vous me le direz, j'espère, tantôt. J'essaie de comprendre votre intervention.

M. Lalande: J'espère bien qu'avant d'y aller avec de nouvelles nominations... Ce n'est pas nous qui les nommons, c'est vous qui les nommez, M. le ministre, et avant d'y aller, j'espère qu'à la suite des remarques qu'on fait aujourd'hui, qui se veulent carrément positives et constructives, le ministre va au moins daigner avoir assez de respect pour les fonds publics pour essayer d'établir certains critères de sélection au niveau quantitatif. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait à l'heure actuelle? C'est cela la question de fond.

M, Bédard: M. le Président, j'y ai répondu tout à l'heure. Lorsque le besoin se fait sentir, nous procédons à des nominations.

M. Lalande: Moi, je vous assure que votre sous-ministre...

M. Bédard: Laissez-nous vous répondre.

M. Lalande:... doit tressaillir à côté de vous. Il doit sursauter sûrement, parce que ce n'est sûrement pas le genre de dossiers qu'il vous donne quand il veut ajouter...

M. Bédard: Pourquoi? Vous voulez l'empêcher de parler?

M. Lalande: ... des fonctionnaires. Je vous assure qu'il doit sûrement présenter des dossiers plus substantiels que cela, parce que je ne pense pas que vous le lui accordiez à ce moment-là.

M. Bédard: Alors, vous permettez qu'on parle maintenant?

M. Lalande: M. le ministre, vous êtes là pour vous expliquer.

M. Bédard: Au niveau du programme du Parti québécois auquel vous faisiez allusion, au contraire, il y a des objectifs tels que définis en fonction desquels nous avons travaillé et où il y a eu des améliorations. Je parlais des délais, sauf à la Cour supérieure où nous avons des difficultés, des réductions de délai dans les autres cours. On parlait de justice vieillote, d'un besoin de réorganisation et, dans ce sens nous avons eu la Loi des tribunaux judiciaires que nous réclamions depuis X années de la part des gouvernements antérieurs. Nous avons eu le courage de foncer dans ce domaine. Nous avons mis en place également une chose qui était attendue depuis longtemps, le Conseil de la magistrature, qui représente justement un élément important lorsqu'on parle d'augmenter l'autonomie administrative des juges. Ne l'oublions pas, le Conseil de la magistrature va représenter une pierre angulaire de l'administration de la justice et va permettre justement une plus grande autonomie du point de vue administratif.

Vous faisiez allusion également à notre pro- gramme qui évoque le besoin d'une justice moins punitive. Je pense que c'est dans ce sens que nos efforts se sont orientés. Il s'agit de voir tout le travail qui a été fait tant du point de vue législatif qu'au niveau des programmes dans le domaine de la réinsertion sociale, de la probation, de la détention. D'ailleurs, on évoquait tout à l'heure le côté très positif, même du côté de l'Opposition, des efforts qui ont été faits dans ce domaine. Nous avons travaillé très précisément dans le sens de ce que le programme du parti exprime. (17 h 15)

Vous nous dites, du point de vue des tribunaux administratifs, que ce n'est pas fait encore, ce que je vous dis à ce sujet, c'est que je ne peux quand même pas tout faire en l'espace de trois ans. Mais je vous assure que lorsque je regarde ce que nous avons fait en l'espace de trois ans et que je le compare avec ce qui a été fait par ceux qui nous ont précédés, je considère que ce n'est pas difficile, en termes de comparaison.

M. Marx: Attention! Attention!

M. Lalande: Je voudrais seulement rappeler au ministre que l'aide juridique, la Loi des petites créances, c'était avant lui. Cela n'a pas été inventé à ce moment-là.

M. Bédard: Je n'ai jamais dit que la Loi de l'aide juridique avait été faite par nous.

M. Lalande: C'était peut-être un peu moins vieillot, un peu moins traînard que vous pensiez à ce moment-là. Quoi qu'il en soit, vous avez invoqué le fait, concernant le code de déontologie...

M. Bédard: Si nous pouvons demeurer encore quatre ou cinq ans au pouvoir, nous aurons l'occasion de faire tout ce que vous espérez devoir être fait.

M. Marx: Vous allez adopter une loi spéciale pour prolonger...

M. Lalande: J'espère que vous allez avoir l'occasion d'établir des critères à ce moment-là.

Au sujet du code de déontologie dont vous parlez à l'intérieur de la Loi des tribunaux judiciaires — on se rappelle que c'est actuellement en état de formation ou de gestation, si je peux dire — où en êtes-vous rendu en ce qui concerne l'établissement de l'échéancier? Quand prévoit-on que ce code de déontologie sera déposé?

M. Bédard: C'était dans la Loi des tribunaux judiciaires. Je pense que le député reconnaît le côté délicat de l'ensemble de la démarche et de l'échéancier. Peut-être que le sous-ministre pourrait ajouter quelque chose là-dessus.

Simplement pour mentionner qu'actuellement la discipline se fait à partir du texte législatif qui a été apporté ou des modifications qui ont été apportées par la loi no 40 de juin 1978, et qu'il est

dans la loi qu'un code de déontologie doit être établi par le Conseil de la magistrature.

Nous savons que le Conseil de la magistrature se penche sur les principes de ce code à ce moment-ci, mais le conseil ne nous a pas soumis de texte dans ce cadre-là. Par ailleurs, il n'y a pas de vacuum, parce qu'il peut se servir des dispositions qui avaient été prévues justement dans l'optique d'éviter qu'il y ait un vide dans la loi no 40.

Si je peux revenir à la question des dossiers, des statistiques, sur le plan technique, je voudrais dire qu'il n'y a pas toujours une relation entre le nombre de dossiers inscrits dans les tribunaux et les causes qui sont effectivement plaidées, donc, le fardeau proprement dit des tribunaux. Le meilleur exemple, c'est la loi no 24 et le Tribunal de la jeunesse, où l'on sait qu'il y a eu beaucoup moins de causes amenées durant la dernière année au Tribunal de la jeunesse. Par contre, à cause de la facture de la loi no 24, les causes qui y viennent sont plus longues et le fardeau n'est pas nécessairement diminué en proportion de la diminution du nombre de causes.

Il peut y avoir moins de causes d'inscrites et, par ailleurs, plus de causes de plaidées, selon l'attitude des gens de régler hors cours ou d'aller davantage devant le tribunal. C'est ce qui fait la difficulté d'avoir des statistiques valables et acceptables de part et d'autre, du côté de l'administration et de la magistrature, sur lesquelles on puisse se fonder pour évaluer les fardeaux de travail. C'est l'un des points qui fait l'objet d'une discussion intensive dans le cadre du nouveau comité sur le soutien administratif des tribunaux de s'entendre sur des statistiques, parce qu'on peut en avoir au ministère, la magistrature peut en avoir et en faire une interprétation différente de la nôtre. C'est de s'entendre sur des données qui sont acceptables de part et d'autre et sur lesquelles on peut tirer des conclusions acceptées. C'est vraiment, dans le contexte de l'administration de la justice, une difficulté réelle qu'on connaît, d'établir ce type de statistiques.

Sur le plan des données également, le passage de $3000 à $6000 de la juridiction financière de la Cour provinciale a fait qu'une vingtaine de mille dossiers ont été transférés de la Cour supérieure à la Cour provinciale. Par ailleurs, on doit dire que les causes de la Cour des petites créances ont diminué avec l'assurance automobile, selon les districts, de 20% à 25%, comme fardeau. Ce sont des données qu'on peut vous communiquer.

Sur les délais, actuellement en Cour d'appel, au civil, c'est quatre mois; au criminel, c'est un mois. En Cour supérieure, c'est huit à neuf mois dans la province, sauf à Montréal où, dès qu'une cause contestée doit prendre plus qu'une journée d'audience, ça peut aller jusqu'à 60 mois, donc cinq ans. Autrement, la moyenne pour les causes d'une journée ou moins, c'est neuf mois à Montréal. La Cour provinciale, dans l'ensemble du Québec, c'est sept à huit mois; la Cour des petites créances, c'est deux mois à trois mois; à la Chambre de la famille, donc en Cour supérieure, la moyenne est de cinq mois à six mois en général, sauf à Montréal, où c'est douze mois.

Pour les causes statutaires, les délais sont de deux mois à trois mois, que ce soit en Cour des sessions de la paix ou au pénal, devant la Cour provinciale. A Montréal, où cela a déjà été de douze mois, c'est descendu à six, et, là-dessus, il y a eu une réduction appréciable des délais durant l'année.

M. Lalande: Est-ce que le sous-ministre fait la réponse que le ministre a essayé de nous donner tout à l'heure? Concernant ces problèmes que vous avez identifiés, de cinq ans de délai, par exemple, pour la Cour supérieure à Montréal, on sait que c'est là que sont traitées la majorité des causes de la province de Québec... au comité qui a été formé, puisque vous avez assisté aux trois réunions qui ont eu lieu, où en est-on rendu là-dedans en vue de corriger certains problèmes que vous soulignez au niveau des délais d'audiences, parce qu'on constate bien qu'après cinq ans, c'est quasiment un déni de justice pour le citoyen qui est victime de tout cela? Je ne dis pas que la question est facile, mais je souhaiterais simplement que le ministre s'y intéresse sérieusement et, au lieu de simplement en parler, agisse personnellement à l'intérieur de cela.

M. Bédard: Je m'excuse, nous avons agi.

M. Lalande: Peut-être que le sous-ministre peut nous apporter plus de détails que le ministre a bien voulu nous en donner tout à l'heure.

M. Bédard: Au contraire, nous avons agi, parce que, dans plusieurs des cours, vous avez pu être en mesure de constater des diminutions au niveau des délais. J'ai également mentionné — peut-être que le député n'écoutait pas à ce moment-là — que nous avions des difficultés spéciales au niveau de la Cour supérieure et que les solutions n'étaient pas faciles à trouver. Je ne doute pas que les ministres de la Justice qui m'ont précédé ont eu également cette préoccupation et également cette difficulté de trouver vraiment les solutions miracles qui seraient de nature à diminuer des délais qui deviennent effectivement des dénis de justice pour certains citoyens.

M. Lalande: M. le ministre, je comprends qu'au niveau du Code de déontologie ce n'est pas facile de se fixer, parce que c'est à la discrétion du pouvoir judiciaire. Est-ce que vous avez des indices à savoir quand ce code de déontologie sera déposé?

Je voudrais aussi relier à cela le cas du juge Brière. On sait que le juge Brière...

M. Bédard: J'ai fait des représentations, j'ai eu l'occasion d'en discuter avec les juges en chef, entre autres avec le président du Conseil de la magistrature. Je pense qu'on essaie de faire tous les efforts nécessaires pour accélérer. Il y a un projet qui serait censé être soumis aux juges en octobre.

M. Lalande: Relativement à ceci et simplement pour éclairer tout le monde à ce niveau-là,

on se rappelle que le Conseil de la magistrature a été saisi d'une requête concernant le juge Brière.

M. Bédard: A la demande du juge Brière lui-même.

M. Lalande: II y a eu une enquête qui a été faite. Quelle a été la décision du conseil au niveau de l'enquête?

M. Bédard: Le conseil a rendu sa décision. Il l'a rendue publique.

M. Lalande: Quelle était sa décision?

M. Bédard: Le conseil l'a rendue publique par communiqué, exprimant une réprimande au juge Brière.

M. Lalande: Le juge Brière, si je comprends bien, était erroné dans ses prétentions et il y a eu une réprimande qui lui a été adressée. On dit, à l'article 285 de la loi, que le comité soumet son rapport d'enquête et ses recommandations au conseil et transmet ce rapport au ministre de la Justice; est-ce possible que le ministre nous dépose ce rapport d'enquête pour clarifier toute cette situation un peu nébuleuse autour de l'ami personnel du premier ministre? On pourrait inférer beaucoup de choses. Simplement pour clarifier, le rapport qui nous amène à constater... Est-ce que le ministre peut déposer le rapport?

M. Bédard: Cela me fait plaisir que la demande m'en soit faite, en mettant à l'écart le côté suspicieux du député qui en fait la demande. Cela me fera plaisir de le rendre public, puisque ce rapport, cette audition a eu lieu à la suite d'une demande formulée par le juge lui-même. Je ne voudrais pas que, dans un cas où c'est à la demande du juge lui-même... je pense que cela peut être rendu public. Il est évident — parce que je ne voudrais pas créer de précédent qui pourrait amener certaines difficultés — je pense que le député conçoit qu'autant certains rapports peuvent être rendus publics, autant d'autres peuvent ne pas l'être. Et, dans ce cas particulier, je n'ai aucune objection.

M. Lalande: Je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Marquis): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'aimerais...

M. Bédard: Dans certains cas, lorsqu'il y aura un intérêt supérieur au niveau de l'administration de la justice qui le commandera, on pourra ne pas le rendre public, même si le juge le demande, mais, dans le cas juge Brière, je n'ai aucune objection.

M. Marx: J'aimerais saluer mes anciens collègues et mes amis qui sont maintenant au ministère de la Justice. Je veux assurer le ministre qu'il est bien entouré, surtout par des anciens ou des diplômés de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, quoique je n'aie pas de préférence pour ce qui concerne les facultés de droit.

En conclusion, M. le Président, tout ce que je peux dire, c'est que, s'il y a des faiblesses et des erreurs au ministère, c'est à cause du ministre et non pas à cause de ses fonctionnaires.

M. Bédard: Je pense qu'en politique, c'est toujours cela.

Une Voix: On en vient à la même conclusion tous les deux.

M. Bédard: Je pense qu'en politique, vous pouvez difficilement dire le contraire. Allez-y.

M. Lalande: Nous, nous sommes sincères. M. Marx: C'est cela.

M. Bédard: J'imagine que vous avez le comble de la sincérité.

M. Marx: Le ministre a fait allusion aux services aux autochtones, dans son introduction. On a parlé d'un policier de la Sûreté du Québec qui est...

M. Bédard: Je m'excuse, M. le Président, mais concernant les autochtones, c'est dans un autre programme. Pour se donner une manière de travailler...

Une Voix: C'est dans lequel?

M. Bédard: ... je crois bien que, comme c'était le cas au niveau de l'étude des crédits de tous les ministères, à partir du moment où l'exposé général est fait, la discussion, pour nous permettre d'avancer plus rapidement, d'une façon plus ordonnée, c'est de procéder par programme.

M. Marx: D'accord.

M. Forget: Sur la question de règlement, M. le Président, avec votre permission...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ... si on veut bien entendre au long la question du député de D'Arcy McGee, je crois qu'on constatera qu'elle est relative à l'administration de la justice, eu égard au programme no 1.

Le Président (M. Bordeleau): Je veux bien l'entendre, M. le député.

M. Marx: Le ministre a parlé des services aux autochtones. Il a aussi mentionné ou quelqu'un a mentionné qu'il y a un policier de la Sûreté du Québec qui est en état d'accusation pour homici-

de. C'est un procès avec jury, je pense. Le ministre sait-il s'il y a un autochtone sur le jury? Le ministre est-il au courant qu'un Indien qui habite la réserve de Caughnawaga n'a pas le droit d'être membre d'un jury de ses pairs? Le ministre est-il au courant qu'on a fait des demandes, qu'il y a une jurisprudence qui fait état de cette situation et que le ministère n'a rien fait pour corriger cette situation?

M. Bédard: Vous référez-vous à un événement particulier, au cas de M. Lessard?

M. Marx: Non, pas du tout.

M. Bédard: II a subi son enquête préliminaire, il n'y a pas eu de formation de jury pour le moment.

M. Marx: La dernière question que j'ai posée était: Le ministre est-il au courant qu'un Indien qui habite la réserve de Caughnawaga n'a pas le droit d'être membre d'un jury en vertu de la Loi des jurés du Québec et que des demandes ont été faites auprès du ministère pour que la situation soit corrigée? Le ministre a peut-être fait des promesses et des déclarations mais il n'a rien fait, en fait.

M. Bédard: Je n'ai fait aucune déclaration ou promesse. Dans le cas...

M. Marx: Parce que, normalement, vous procédez par des promesses.

M. Bédard: Si vous voulez agresser, dites-le. On va essayer de vous répondre correctement, si on peut. Tout ce que je vous dis, c'est que vous errez tout simplement lorsque vous parlez de promesse, je n'en ai fait aucune dans ce sens. Voulez-vous attendre une seconde?

M. Marx: Si c'est vrai...

M. Bédard: A notre connaissance, nous n'avons pas eu de demande de modification de la loi dans le sens exprimé par le député.

M. Marx: Etes-vous au courant que la loi empêche un Indien qui habite la réserve de Caughnawaga d'être membre d'un jury en vertu de la Loi des jurés du Québec? Si le ministre veut que je fasse la recherche pour lui, je suis prêt à la faire. Entre 18 heures et 20 heures, je vais fouiller dans mes dossiers pour trouver des réponses. (17 h 30)

M. Bédard: C'est une situation qui existe depuis bien longtemps.

M. Marx: C'est cela la réponse du ministre? C'est que cela va durer toujours?

M. Bédard: Non. Laissez-moi répondre, s'il vous plaît!

M. Marx: On attend toujours.

M. Bédard: Pour le premier élément de votre question, je vous dis qu'il n'y a pas eu, à notre connaissance, de demande acheminée dans ce sens. Deuxièmement, il n'y en a pas eu non plus de la Commission des droits de la personne.

M. Marx: Ce n'est pas le job de...

M. Bédard: Non, c'est un sujet qui semble la préoccuper, d'une façon...

M. Marx: Elle n'a pas assez de personnel.

M. Bédard: C'est une préoccupation qui semble intéresser d'une façon tout à fait particulière le député, qui était auparavant membre de la Commission des droits de la personne. Je ne sais pas si c'est la première fois qu'il a une telle préoccupation, à l'occasion de l'étude de ces crédits. J'essaierai de lui...

M. Marx: Est-ce la réponse ou un commentaire? Je ne comprends pas...

M. Bédard: Pour ce qui est du côté technique, de savoir si, effectivement, la loi le défend, nous allons faire les vérifications nécessaires et nous vous le dirons.

M. Marx: J'aimerais demander au ministre, si c'est vrai, s'il va amender la loi aussitôt que possible pour que ce soit possible à un Indien qui habite la réserve de Caughnawaga d'être membre d'un jury; dans la situation actuelle, c'est bien beau, il peut être accusé, trouvé coupable, mais il ne peut pas être jugé par ses pairs. Est-ce que que le ministre est prêt à faire une promesse maintenant que, si c'est vrai, il va faire en sorte que la loi soit amendée pour que les autochtones qui habitent la réserve de Caughnawaga soient admissibles comme jurés?

M. Bédard: Nous allons faire les vérifications nécessaires. Lorsque je connaîtrai la situation juridique qui existe, à ce moment...

M. Marx: Commencez avec l'arrêt Diabo de 1975, Cour d'appel. Je pense que cela vous remettra sur la piste, M. le ministre.

M. Bédard: Quand nous aurons fait les vérifications il me fera plaisir de répondre à la question.

M. Marx: Oui. J'ai toujours eu l'impression que le ministre procédait par des déclarations, des conférences de presse et des promesses, mais pas par des actes concrets. Voici, j'ai une promesse du ministre. Au début d'avril 1980, je lui ai parlé d'une directive spéciale, numéro DS-751, concernant la Communauté urbaine de Montréal. J'ai écrit au ministre le 16 avril pour avoir une réponse, mais

pas de réponse. Je lui en ai parlé la semaine passée. Il m'a fait une autre promesse. Comme ce sera ma dernière chance durant le mandat du ministre, j'aimerais lui poser maintenant la question suivante...

M. Bédard: Effectivement, nous avons eu l'occasion d'en parler ensemble il y a deux jours. Je vais trouver le moyen, à l'intérieur de ces crédits, de vous donner la réponse que vous demandez. La personne que j'avais chargée de faire l'investigation nécessaire n'est pas ici.

M. Marx: M. le Président, j'ai écrit au ministre le 16 avril, il y a donc même plus de deux mois. Il y a eu le référendum, c'est vrai. Mon collègue me rappelle qu'il y a eu le référendum et qu'heureusement, vous avez perdu. De toute façon, la directive spéciale de la police de Montréal, DS-751, demande aux policiers de retourner aux formules bilingues, en matière de droit criminel, et de les substituer aux formules unilingues françaises. C'était une coïncidence. C'est après que la Cour suprême, la Cour d'appel et la Cour supérieure de Montréal, après que toutes ces cours ont jugé qu'on avait le droit de procéder en langue anglaise devant la cour. Je prends la formule 192. C'est une formule où c'était écrit que l'accusé comprend qu'il a allégué et ainsi de suite. Si c'est seulement en français, il y a pas mal d'accusés à Montréal qui ne comprendront pas ce qu'ils sont priés de signer. Il y a une série de formules bilingues, en matière de droit criminel, qui ont été remplacées par des formules unilingues françaises.

J'aimerais savoir...

M. Bédard: Oui, comme le député le sait, je n'ai pas une juridiction directe sur le service de police de la communauté urbaine, mais j'ai quand même, à la suite de votre demande, exigé qu'on me donne les précisions pour vous les fournir avant l'expiration de l'étude des crédits, c'est-à-dire avant la fin de la journée de demain...

M. Marx: Avant quatre heures demain. M. Bédard: ... vous aurez l'explication. M. Marx: D'accord.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va? M. Lalande: Je voudrais...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Maisonneuve, toujours sur le programme 1, je présume?

M. Lalande: Oui, toujours sur le programme 1. Je voudrais qu'on retouche un petit peu au Tribunal de la jeunesse. Le ministre nous en a parlé un peu dans sa déclaration. Il en a fait le tour.

Les directeurs des centres d'accueil ont peut-être fait certaines déclarations un peu sévères et j'aimerais que le ministre puisse nous dire ce qu'il en pense. La preuve, disent-ils, après quinze mois d'application de la loi 24 sur la protection de la jeunesse, c'est un fiasco au chapitre de la rééducation des jeunes délinquants.

Toujours selon ces experts, M. le ministre, la loi 24, au moins en ce qui a trait aux mesures prévues pour le jeune délinquant, a mis en place une machine si énorme, qui mobilise tellement de gens et entraîne tellement de délais, qu'elle se révèle à la fin non seulement d'une totale inefficacité, mais aussi dangereuse que nocive.

Finalement, on en arrivait aux conclusions que tiraient ces experts. Pour tous les jeunes qu'on présume impliqués dans un délit ou ayant récidivé, on recommandait qu'ils soient conduits immédiatement devant un juge du Tribunal de la jeunesse plutôt que devant le directeur de la protection de la jeunesse, le DPJ; que les pouvoirs du directeur de la protection de la jeunesse soient repensés de fond en comble; que certains pouvoirs judiciaires qui avaient été donnés à des intervenants sociaux soient immédiatement remis aux juges et que le nombre d'intervenants soit réduit et notamment le nombre de représentants du ministère de la Justice.

On voit dans la conclusion que ces gens ont énormément confiance aux juges et on se demande finalement pourquoi on a enlevé certains pouvoirs aux juges de la Cour de bien-être social ou du Tribunal de la jeunesse pour confier à un DPJ.

M. Bédard: Je crois que ceci a été fait à l'unanimité des membres de la Chambre. Comme vous le savez, la Loi sur la protection de la jeunesse a été votée à l'unanimité des membres de l'Assemblée nationale et, comme je l'ai dit également tout à l'heure, il est évident qu'on se heurte à plusieurs expressions d'opinion. Vous parlez de ces experts des centres d'accueil. Je vous parlais, il y a quelques instants, d'autres experts des CSS qui allaient plutôt dans le sens d'une évaluation positive de la Loi sur la protection de la jeunesse.

Je pense qu'on pourrait aussi parler d'un autre expert qui s'est exprimé, concernant l'évaluation de la Loi sur la protection de la jeunesse; C'est M. Jacques Tellier, qui est le président même du Comité de la protection de la jeunesse. Il disait ceci: "La plupart des critiques qui concernent la réforme amorcée par la nouvelle loi visent presque exclusivement son application aux situations de délinquance. Il serait juste de considérer également son application aux situations de protection. La loi est-elle efficace pour les enfants maltraités, abandonnés ou exploités?"

M. Tellier continuait en disant ceci: II ne fait aucun doute que la nouvelle loi a permis d'identifier et de protéger un nombre considérable d'enfants qui, autrement, seraient demeurés ignorés. La surcharge des signalements qu'ont connue les directeurs de la protection de la jeunesse dans toutes les régions témoigne abondamment de la nécessité d'une telle réforme dans le domaine de la protection. Si l'on considère que, parmi les quelque 50 000 situations signalées au directeur

de la protection de la jeunesse durant la première année d'application de la loi, près de 30 000 concernaient des situations d'enfants ayant besoin de protection, on conviendra même si l'on est conscient de la limite des services rendus, que la réforme avait sa raison d'être, au moins pour ces enfants."

J'ai ajouté que nous aurons également un colloque prévu pour la fin de juin et qui permettra aux intervenants de tous les secteurs impliqués par l'application de cette loi de se réunir, de faire le bilan, d'y aller de suggestions qui sont nécessaires, mais peut-être aussi d'expressions d'opinions aussi différentes que celles auxquelles vous faites allusion. Je suis convaincu que le député s'y réfère non pas parce qu'il a le désir que la Loi sur la protection de la jeunesse marche mal; au contraire, je pense bien qu'il a la même préoccupation que nous, qu'elle soit la plus efficace possible pour le traitement des enfants en difficulté. Quand nous serons rendus à ce programme concernant la protection de la jeunesse, j'ai tenu à ce que le président du Comité de la protection de la jeunesse soit présent de manière à pouvoir répondre à toutes les interrogations des membres de la commission et nous pourrions aller peut-être à ce moment-là plus en profondeur.

M. Lalande: D'accord, M. le ministre, je réserverai mes questions pour ce moment-là, justement au niveau des ressources qui sont toujours manquantes au niveau des institutions, etc., où il faut retourner les enfants. Avant de laisser ce programme, il y a des statistiques qui me sautent aux yeux dans le moment. Avec cette réaffectation de travail au Tribunal de la jeunesse, on assiste évidemment à un chevauchement ou à un dédoublement — les députés d'en face devraient comprendre ce que ça veut dire — entre deux ministères, ce qui a amené une réduction considérable, encore une fois, d'une façon générale des activités judiciaires au niveau du Tribunal de la jeunesse.

Je pense que le sens de la déjudiciarisation se tenait, se tient toujours avec les jeunes. Il faut constater quand même — et je reviens encore à mes statistiques — au Tribunal de la jeunesse, depuis 1976 — il y a eu, évidemment, la réforme dans ça — une réduction draconienne de 63% des activités. Je voulais seulement vous souligner avant de partir qu'à l'heure actuelle j'observe qu'il y a des concours d'affichés pour nommer des juges additionnels, dont trois postes de plus à Montréal. C'est pour vous dire où ça mène quand on n'a pas de critères au niveau de la sélection, au niveau qualitatif. Je voulais simplement vous souligner ça au départ. Je sais que ce n'est pas de mauvaise foi, que vous allez apprendre, mais il faudrait quand même y arriver.

M. Bédard: Vous êtes en train de vous souffler vous-même avec vos capacités administratives. Au niveau du Tribunal de la jeunesse, il y a seulement 35 juges qui sont actuellement en poste sur des effectifs autorisés de 43. Je vous l'ai dit, il y a même eu une diminution là-dedans.

M. Lalande: Je voulais simplement vous souligner la correspondance, 63% de moins dans les activités. C'est simplement ça que je voulais vous souligner et, encore une fois, j'y reviens, ce n'est pas au niveau...

M. Bédard: Oui, mais on vous l'a expliqué. Vous me semblez préoccupé vraiment par le fait de poser des questions, et je ne vous en fais pas reproche, mais vous ne semblez pas attacher d'attention aux réponses. On vous l'a dit tout à l'heure, je l'ai dit, le sous-ministre de la Justice l'a dit: Concernant la protection de la jeunesse, étant donné le changement des règles qui fait que, maintenant, lorsqu'on va devant le tribunal, il y a un certain nombre de règles qui doivent être suivies, qui n'étaient pas suivies auparavant, ceci implique une augmentation de la longueur des procès. Ce n'est pas parce qu'il y a moins de procès qu'il y a nécessairement moins de travail et que les juges qui sont en place ne sont pas justifiés ou ne seraient pas justifiés d'en avoir plus. On vous a donné la réponse tout à l'heure. (17 h 45)

M. Lalande: M. le ministre, je termine là-dessus, vraiment. Il ne faut pas s'accrocher mais ce que je veux simplement vous dire, c'est que le ministre répond à ma question et confirme exactement mes hypothèses dans tout ceci. Il serait si facile de déposer le cadre dans lequel vous recrutez, au niveau quantitatif, encore une fois, les juges. Je suis convaincu que les juges ont de bons motifs. Le juge en chef est un excellent monsieur et qui sait préparer ses dossiers. Il semble qu'il sait mieux les préparer que vous ne savez les recevoir. C'est tout.

M. Bédard: Mais vous savez très bien qu'on ne peut pas avoir une planification quantitative du nombre de juges en fonction des dix prochaines années. On ne sait même pas quelles sont les législations qui pourront être mises au point durant ces dix années à venir. Cette année, déjà, on est à même de constater qu'il y a plusieurs organismes, je les mentionnais tout à l'heure, seulement au ministère de la Justice, qui sont mis sur pied et qui demandent que des juges soient affectés. On ne peut quand même pas...

M. Lalande: Je ne vous parle pas de dix ans à venir. Je vous parle du 18 juin 1980.

M. Bédard: Mais, au moment où on en est présentement, à moins que vous ne vouliez dire... si vous voulez le dire, dites-le très carrément et chacun appréciera, est-ce que vous voulez nous dire que les juges ne travaillent pas assez, qu'il y a trop de juges pour le travail qu'il y a à faire? Si c'est cela que vous voulez dire, dites-le et là je vais répondre. Dites-le.

M. Lalande: Encore une fois le ministre joue à la balle. C'est à vous à assumer cette responsabilité. Il y a des statistiques que vous nous présentez...

M. Bédard: Moi, je l'ai assumée, je vous dis que...

M. Lalande:... que vous nous donnez, dans le rapport annuel du ministère de la Justice, qui confirment votre incurie et votre incapacité administrative. N'essayez pas de tourner en rond et de me poser des questions sur ce que j'en pense. Quand nous serons au pouvoir, le ministre de la Justice, libéral à ce moment-là, prendra ses décisions, vous serez dans l'Opposition et vous contesterez. Mais qu'est-ce que vous voulez, je suis convaincu qu'à ce moment-là il y aura plus de qualifications administratives de ce côté-ci. C'est tout.

M. Bédard: Probablement, si jamais vous êtes au pouvoir, ce qui n'arrivera pas, que vous serez à même de dire que l'Opposition critique pour rien.

M. Lalande: C'est ce que vous disiez la veille.

M. Bédard: Tout ce que je vous demande, c'est d'être logique avec ce que vous essayez d'infirmer ou d'affirmer, je ne le sais pas. Vous parlez du nombre de juges. Je vous dis, face aux évaluations que nous avons faites, que le nombre de juges est très justifié par rapport au travail qu'ils ont à faire. Si vous croyez que ce n'est pas le cas, dites-le, au moins, dites-le. Est-ce que vous croyez que les juges ne travaillent pas assez?

M. Forget: M. le Président... M. Bédard: Non, mais répondez.

M. Lalande: C'est vous qui le savez, M. le ministre, c'est à vous de l'évaluer.

M. Bédard: Moi, j'ai répondu. Je vous ai dit que nous procédions à la nomination de juges après une évaluation qui se fait avec les juges en chef, par le biais de comités existants, sur la nécessité de nommer de nouveaux juges, tenant compte du fardeau de travail, tenant compte de ce facteur primordial. Et je suis en mesure de vous dire que le nombre de juges qu'il y a à l'heure actuelle est loin d'être exagéré, qu'il y a du travail pour toutes ces personnes en responsabilité. Je vous donne ma réponse. Si vous voulez affirmer que les juges ne travaillent pas assez, qu'il y en a trop, dites-le.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, on a adopté jusqu'à maintenant un ton fort conciliant et on pensait...

M. Godin: Vous autres, conciliants?

M. Forget: Vos humbles serviteurs, un ton fort conciliant. Nous avons essayé de commencer le débat de ces crédits de la façon la plus positive. Je l'ai fait personnellement avec des félicitations au ministre pour un bilan qui a des éléments fort intéressants. Mais je dois remarquer que ce n'est pas une attitude payante avec le ministre, parce qu'il se paie notre tête depuis quelques minutes.

Nous demandons au ministre de nous dire quels sont ses objectifs à lui, comme ministre de la Justice, face au problème de déterminer combien de juges il faut pour accomplir une quantité de travail. C'est une question qui est simple, qui devrait avoir une réponse simple; le ministre devrait savoir où il s'en va de ce côté. Le Québec n'a pas inventé les tribunaux judiciaires, il peut s'inspirer de l'exemple d'autres provinces, d'autres pays; il peut également faire une analyse en profondeur de la façon dont les tribunaux fonctionnent. Et lorsqu'il se présente à ces comités conjoints, en nombre considérable, qui semblent foisonner, pour essayer de déterminer ces problèmes, il aurait quelque chose à dire, M. le Président, en s'y présentant.

Je ne m'étonne pas que le ministre n'ait pas lui-même participé à ces rencontres, il n'avait rien à y dire, parce qu'il n'a rien à nous dire ici. Il se contente de nous rassurer en disant que les juges sont des gentilhommes qui travaillent sûrement très fort et qu'ils ont un grand sens du devoir, mais, d'un autre côté, il s'inquiète quand il y a des délais trop longs. Cependant, il semble que cinq ans, dans le cas de la Cour supérieure, pour des choses contestées qui pourront prendre plus d'une journée d'enquête, ce n'est pas encore assez long, puisque cela n'a pas évoqué chez lui un plan d'action dont il aurait pu nous parler aujourd'hui.

Il dit qu'il va en parler, qu'il va continuer à y réfléchir; je ne sais pas si ça l'empêche de dormir, mais ce n'est pas visible. Il faut encore qu'il puisse nous donner des réponses intelligibles à des questions qui sont quand même l'enfance de l'art pour le ministère de la Justice. Il n'a pas élaboré, après trois ans et demi, un plan d'action, des objectifs clairs de ce côté. Devant une baisse du fardeau de travail au moins une baisse apparente — s'il conteste ses propres statistiques, qu'il nous en présente d'autres qui sont plus significatives, c'est sa responsabilité aussi — il multiplie le nombre de juges sans avoir un impact proportionnel sur la durée des délais, qui sont encore absolument inacceptables dans le cas de certaines cours.

Il n'a aucun objectif à nous présenter et, encore une fois, on tourne en rond. Il essaie de reporter sur l'Opposition officielle, qui lui pose des questions, le fardeau d'avoir à lui fixer des objectifs et lui dresser un plan de travail, ce qu'il n'a pas réussi à faire avec ses 13 000 fonctionnaires. Je me demande comment nous, on pourrait relever ce défi. Mais, s'il insiste absolument, on peut peut-être s'essayer, on s'en reparlera l'an prochain.

Il reste, M. le Président, que c'est une attitude méprisante envers l'Assemblée nationale que d'arriver ici, dire qu'on prétend défendre des crédits, et de nous demander de l'argent sans avoir le début d'une explication. Ce qu'on a, ce sont des protestations de bonnes intentions. J'ai encore la parole,

M. le Président, et je veux faire un autre commentaire sur une attitude inadmissible, face, justement, au problème des autochtones.

J'ai dit que le ministre était bien mal avisé d'en faire une rubrique dans sa présentation. On se rend compte que c'est l'Opposition officielle qui l'a informé — on lui a même donné la référence pour commencer sa recherche — du fait que probablement le jury qui va déterminer de la culpabilité, si culpabilité il y a, d'un policier qui est accusé de l'homicide d'un Indien dans une réserve ne pourra compter, de par la loi, aucune espèce de membre de la population autochtone qui est directement visée. Comment espère-t-il rehausser la crédibilité des organismes judiciaires et des forces de l'ordre, dans un contexte comme celui-là? Les Indiens de la réserve de Caughnawaga vont pouvoir légitimement prétendre que c'est la justice des blancs qui est venue trancher un conflit qui les opposait à double titre à la justice des blancs, c'étaient les policiers des blancs et c'étaient les tribunaux des blancs qui ont jugé de leur culpabilité.

Si jamais il y a un acquittement, vous allez avoir un problème considérable entre les forces de l'ordre, le ministère de la Justice, d'une part, et les Indiens de Caughnawaga. Me pas l'avoir prévu, ne pas avoir été capable d'anticiper ce problème, en modifiant la Loi des jurés ou autrement, c'est, à mon avis, une négligence qui est coupable, coupable parce qu'il y a là un problème réel, il y a un problème sérieux, dont le ministre était conscient dès l'an dernier, puisqu'il nous a promis qu'il voudrait faire un certain nombre de choses. Et cela s'ajoute à d'autres négligences de sa part, lorsque ceux qui ont été soupçonnés d'avoir participé à cet homicide se sont retrouvés encore une fois, en dépit des assurances que nous avait données le ministre à l'Assemblée nationale, sur la première ligne de feu, et qu'ils ont procédé à d'autres arrestations dans les deux semaines ou dans les cinq semaines qui ont suivi cet incident.

C'est un mépris total des bienséances élémentaires que devraient observer les forces de l'ordre, la police et le ministère de la Justice en particulier. Je pense qu'on n'a qu'à aborder le premier programme du ministère de la Justice pour avoir des réponses totalement insatisfaisantes.

Le ministre de la Justice a de plus le culot de dire que c'est à nous de relever je ne sais pas trop quel défi, de lui porter des jugements sur le fait de savoir si les juges travaillent assez ou pas assez. Il essaie de ravaler la discussion à un niveau complètement inacceptable. Il voudrait pouvoir sortir d'ici avec une citation d'un membre de l'Opposition officielle disant: Les juges sont des paresseux. Alors, là, il aurait vraiment défendu ses crédits d'une façon formidable. Il aurait eu sa petite citation qu'il pourrait nous lancer au visage n'importe où, particulièrement dans une campagne électorale. Il ne pense pas à cela, évidemment, M. le Président, je l'oubliais. Mais il risquerait d'y penser dans quelques mois et de s'en souvenir. Il veut avoir sa petite citation, il veut nous mettre sur la défensive en disant: Vous avez jugé que les juges ne font pas leur travail.

Ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Mais on se rend compte que le ministre de la Justice ne sait pas où il s'en va dans cette question de l'organisation judiciaire.

M. Bédard: Une seconde. J'ai l'impression que nous savons...

Le Président (M. Bordeleau): Je vais d'abord laisser le loisir au ministre de répondre aux commentaires du député de Saint-Laurent.

M. Bédard: M. le Président, j'ai l'impression, au niveau de la réforme administrative des tribunaux judiciaires, que nous savons où nous allons, sûrement plus que les gouvernements précédents, parce que nous avons adopté des lois très importantes dans ce domaine. Le Conseil de la magistrature...

M. Forget: II y a autre chose que des structures dans...

M. Bédard: Les structures sont aussi très importantes...

M. Forget: Alors faites-les fonctionner.

M. Bédard:... et très difficiles à toucher, parce qu'aucun gouvernement précédent ne s'était décidé à le faire d'une façon globale comme nous l'avons fait et comme nous l'exigions lorsque nous étions dans l'Opposition.

Concernant la nomination des juges, ce que j'ai dit — ils peuvent trouver la réponse insatisfaisante, mais c'est ce que nous avions à dire — nous avons mentionné et je l'ai mentionné dès le départ — qu'il y avait un comité qui, avec le personnel administratif du ministère et également les juges en chef, faisait continuellement une évaluation des besoins qui pouvaient exister et que c'était une des bases de réflexion, je pense, très valable qui m'étaient données pour prendre la décision de nommer un juge ou de ne pas le nommer. Egalement, nous avons l'occasion de rencontrer et d'écouter les représentations faites par les différents juges en chef. Nous avons également l'occasion de faire une évaluation du travail et de la charge de travail que les juges ont actuellement. Je n'ai absolument aucune indication qui soit de nature à nous faire croire — je pense que l'Opposition ne nous en a pas donné non plus — qu'il y a un nombre trop élevé de juges qui sont nommés par rapport à la charge de travail qui est demandée au niveau de l'ensemble de l'administration de la justice.

Pour ce qui est de l'autre point auquel se référait le député de Saint-Laurent, concernant l'événement ou la question posée également par le député de D'Arcy McGee, je voudrais lui rappeler qu'il y a eu une refonte de la Loi des jurés, en 1976, par le gouvernement précédent, qui a donné le droit aux Indiens d'être jurés, mais il n'avait pas

apporté de dispositions qui soient de nature à donner également le droit d'être jurés aux Indiens des réserves. C'est dans une refonte de la loi des jurés, en 1976.

Nous n'avons pas— c'est bien clair— eu l'occasion de corriger cela. Je dirai...

M. Marx: Comment! vous n'avez pas eu l'occasion de corriger! On peut toujours corriger la loi.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Bédard: Nous n'avons pas eu l'occasion de corriger cela jusqu'à maintenant. Cela n'a pas été fait. Nous n'avons aucune objection à apporter une correction, à faire ce qu'aurait dû faire l'autre gouvernement, à savoir également permettre aux Indiens des réserves d'être jurés. Nous le ferons.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: M. le Président, je comprends qu'il n'a pas d'autre réponse que celle de blâmer les anciens gouvernements...

M. Bédard: Je ne blâme pas, j'ai dit que c'était un oubli.

M. Marx: ... surtout des gouvernements qui ont...

M. Bédard: Je n'ai pas blâmé, j'ai dit que c'était un oubli. On ne peut pas être plus nuancé que cela. C'est un oubli au niveau législatif du gouvernement précédent qui ne permet pas aux Indiens des réserves d'être jurés. Nous n'avons pas été saisis de cette invalidité pour les Indiens des réserves. Vous nous en parlez aujourd'hui. Je suis tout prêt — je peux vous le dire — à corriger...

M. Marx: Seulement deux petites choses: premièrement, quand le ministre a été nommé à son poste, il a été saisi de tout ce qui se passait et de tous les dossiers du ministère. Deuxièmement, est-ce que le ministre peut faire une promesse maintenant, aujourd'hui, qu'il va corriger la loi? C'est ce qu'on veut savoir.

M. Bédard: Assurément. Je suis convaincu que cela ne peut être autre chose qu'un oubli qui a été fait lorsqu'on a procédé à la refonte de la Loi des jurés, et que cela doit être assurément corrigé. Pour ce qui est... Je sais bien qu'une fois qu'on est nommé ministre de la Justice, on est censé être au courant de tous les problèmes, de la même façon, on sait bien que ce n'est pas humainement très réaliste de croire que le ministre de la Justice est au courant...

M. Marx: On se demande maintenant de quel dossier vous...

M. Bédard: ... de tous les problèmes, y compris les défectuosités des lois qui ont été votées antérieurement à l'occupation de ses fonctions. A mesure qu'on nous le souligne, comme vous venez de le faire, je suis tout disposé...

M. Marx: On se demande aujourd'hui si vous êtes au courant de quoi que ce soit.

M. Bédard: ... à apporter la correction nécessaire. Au cours des trois dernières années, nous avons voté pas loin...

M. Marx: Ce n'est pas la quantité qui compte.

M. Bédard: ... d'une trentaine de lois. Oui, ce n'est pas seulement une question de quantité, mais également au niveau de l'ampleur des lois...

M. Marx: Le gouvernement précédent a voté...

M. Bédard: Je pense que vous seriez à même de reconnaître que ce bilan est quand même appréciable.

M. Marx: Le gouvernement précédent a peut-être voté moins de...

Le Président (M. Bordeleau): II est maintenant 18 heures...

M. Bédard: Maintenant, il faudra être sûr que la constitution nous permet de faire cet amendement et de légiférer en ce sens. (18 heures)

M. Marx: Est-ce que le ministre demande un avis juridique maintenant ou quoi?

M. Bédard: Non, au niveau du ministère, nous allons regarder la situation, parce qu'il me semble qu'il devait sûrement y avoir un obstacle que nous ne connaissions pas. Nous allons faire l'évaluation car, à partir du moment où le gouvernement précédent ou n'importe quel gouvernement, effectue une refonte de la Loi des jurés qui permet aux Indiens d'être jurés, je ne vois pas comment on peut en arriver à exclure d'une façon particulière les Indiens des réserves. Nous allons faire l'évaluation.

Le Président (M. Bordeleau): II est maintenant 18 heures. Je devrai suspendre la séance à moins d'avoir un consentement pour continuer. J'ai d'abord une demande pour reprendre à 20 h 15. Est-ce que j'ai le consentement des membres de la commission? Oui, mais je veux savoir si j'ai le consentement d'abord.

M. Bédard: Non...

Le Président (M. Bordeleau): Pas de problème?

M. Fontaine: 20 heures?

Le Président (M. Bordeleau): Pour reprendre à 20 h 15 au lieu de 20 heures, comme normalement prévu.

Des Voix: Pas d'objection.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Est-ce qu'on serait prêt maintenant à adopter le programme 1 avant la suspension des travaux?

M. Lalande: Oui...

Le Président (M. Bordeleau): Oui?

M. Lalande: ... avant d'adopter le programme 1, je voudrais faire une dernière remarque au ministre. La question que je lui ai posée concerne — encore une fois, je voudrais terminer là-dessus — les critères scientifiques de la sélection du nombre de juges, de la nomination des juges. Ma question, le ministre ne l'a pas comprise, dans toute la faiblesse avec laquelle il conçoit l'administration publique. Ma question était carrément objective, en ce sens que, quand on n'a pas de critères, qu'on n'a pas de cadres, comme c'est le cas à l'heure actuelle, on ne tire pas des conclusions comme vous l'avez fait, en y revenant plusieurs fois, on n'en arrive pas à conclure nécessairement dans le sens où le ministre voudrait bien nous faire conclure, que les juges ne travaillent pas, au contraire; c'est extrêmement dangereux quand on travaille en dehors de cadres et de critères scientifiques. On pourrait en conclure finalement que peut-être les juges sont surchargés et qu'il y aurait besoin de nommer plus de juges. Mais sur quels critères, encore une fois, pouvons-nous nous établir, s'il ne manque pas de juges à l'heure actuelle? Peut-être sont-ils surchargés? C'est ça que le ministre ne peut pas concevoir, ne peut pas comprendre.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, contrairement à ce que l'on dit, j'ai indiqué qu'il y avait un cadre de discussion à l'intérieur de certains comités mis en place pour faire l'évaluation de la nécessité ou pas de nommer des juges.

M. Lalande: Quel comité?

M. Bédard: J'ai dit à plusieurs reprises que le tout se faisait...

M. Lalande: Quel comité? Quel est le mandat du comité? Quelle est la tâche du comité? Comment doit-il évaluer...

M. Bédard: On vous l'a dit tout à l'heure. Je vous ai parlé du comité concernant le support administratif, qui avait des rencontres avec les juges, des rencontres également avec les juges en chef, l'évaluation que nous pouvons faire des tâches qui sont nécessaires. Je pense que le député comprendra facilement qu'on ne peut pas avoir face à ce problème seulement une approche technocratique. Il faut nécessairement insérer dans la discussion les juges, qui ont aussi leur appréciation à faire connaître. C'est un des éléments à partir desquels nous prenons les décisions qui s'imposent.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que le programme 1 sera adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Bordeleau): Adopté. La commission de la justice suspend ses travaux jusqu'à 20 h 15.

Suspension de la séance à 18 h 4

Reprise de la séance à 20 h 30

Le Président (M. Bordeleau): A l'ordre, messieurs! La commission parlementaire de la justice reprend ses travaux. Nous avions adopté avant la suspension le programme 1. Nous en sommes donc au programme 2. J'appelle le programme 2. M. le ministre.

M. Bédard: Je voudrais ajouter une chose concernant les questions valables posées par le député de Maisonneuve sur les critères au niveau de l'évaluation des charges de travail en fonction de la nomination de juges.

Je pense que tout le monde se rend compte qu'il y a une expérience dans le réseau. Ce n'est pas un travail d'évaluation facile, d'autres avant nous l'ont probablement essayé, avec les résultats qu'on connaît. Dans cet esprit de recueillir des données qui nous permettraient une meilleure évaluation de la charge qui aurait pu nous guider après cela au niveau de la nomination des juges et de leur nombre, dans la loi 40, que nous avions déposée concernant les tribunaux judiciaires, par l'article 36, nous voulions faire une "obligation" aux juges en chef des différentes cours, de faire parvenir au ministère de la Justice des données sur le travail, le nombre de causes, les heures employées pour l'audition des causes, le règlement de ces causes, cela aurait pu être un instrument qui nous aurait aidé à faire une évaluation. Cet article-là, après discussion, n'a pas été retenu.

Il y avait, je crois, des arguments de principe de part et d'autre qui pouvaient être valables concernant la possible intrusion du politique dans le judiciaire au niveau de la demande de rapports. A partir de ce moment-là, M. le Président, il devient bien difficile d'avoir les bases, tel que je l'ai exprimé, qui nous permettent une évaluation plus rationnelle et plus efficace pour guider le ministre de la Justice au niveau de la nomination de nouveaux juges.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, comme le ministre est intervenu là-dessus, j'aimerais quand même préciser. Il est exact qu'au moment de l'introduction de la loi no 40 l'Opposition officielle s'est opposée à certains rapports.

M. Bédard: Je ne l'avais pas mentionné.

M. Forget: Non, mais, puisque cela se dégage au moins du dossier, elle s'était opposée à la notion que des juges puissent être obligés, en vertu d'une loi, à faire, à titre individuel, des rapports sur le travail qu'ils ont effectué, parce que c'était établir un lien administratif de caractère nouveau entre les juges et l'administration publique.

M. Bédard: Je m'excuse, M. le Président, juste une nuance. On ne demandait pas au juges eux-mêmes de faire rapport au ministère de la Justice, mais au juge en chef seul.

M. Forget: Oui, à partir d'une compilation émanant des juges.

M. Bédard: C'est cela, dont il a la responsabilité.

M. Forget: II reste que je suis sûr qu'un ministère de la Justice, on le souhaiterait, comme il administre les greffes et dispose des données qui seraient susceptibles de jeter une première lumière sur le sujet. Si nous avions devant nous, M. le Président, un premier effort de déblaiement et d'évaluation objective des charges de travail et une analyse et un modèle analytique permettant d'évaluer justement la probabilité d'attente d'une cause, etc., il y a tout un appareil analytique de type quantitatif à utiliser. Je sais que ce sont des choses un peu inusitées au ministère de la Justice, mais cela a été inventé déjà. Ce n'est pas nécessaire de l'inventer à nouveau. Cela a été inventé pour bien des fonctions et il est possible d'utiliser ces instruments-là pour établir au moins des ordres de grandeur là où les problèmes sont évidents, là où il n'y en a évidemment pas, etc. Si on avait déjà un premier déblaiement, il serait peut-être possible de faire la démonstration que l'information n'est pas suffisante. Malheureusement, on n'est pas rendu là, on n'était pas rendu là au moment de l'étude de la loi no 40 et, même aujourd'hui on n'est pas rendu là.

On n'a pas effectivement atteint cela, du moins, on n'a pas fait état, et Dieu sait que ce n'est pas parce qu'on ne l'a pas demandé, que le ministère de la Justice ait fait son "homework" de ce côté, qu'il ait véritablement fait autre chose que des évaluations impressionnistes. Des évaluations impressionnistes, vous savez, je peux en faire, moi aussi, regarder la liste des causes qui sont au rôle depuis un an, deux ans, trois ans et je vais me dire: Mon Dieu, ça fait donc longtemps!

On peut toujours appeler ça une analyse, si ça nous amuse d'appeler ça une analyse, ça dépend quelle définition on donne au mot. Mais, à mon avis, ce n'est pas une analyse, c'est simplement un sentiment d'indignation ou d'étonnement. Une analyse suppose beaucoup plus que ça, ça suppose un effort systématique, l'utilisation de méthodes quantitatives, des tas de choses qui ne sont pas... encore une fois, il ne s'agit pas de les inventer pour les fins de la cause, ça existe, c'est même très vieux.

Mais il s'agit d'appliquer systématiquement ces instruments pour déterminer où sont les problèmes et comment on peut envisager des solutions. A ce moment-là, ça donne des instruments pour le dialogue avec les juges, ça permet de poser des questions auxquelles il est peut-être embarrassant de trouver des réponses, mais, au moins, ça nous met sur la piste. C'est à ça que nous aimerions voir le ministère de la Justice s'atteler.

C'est sûr que les réponses n'arriveront pas en trois heures ou trois jours, mais il y a un effort soutenu qui est nécessaire et je suis loin d'être persuadé que les greffes, qui ont quand même accès à tous les dossiers de la justice et qui savent quand une plainte, quand une déclaration est inscrite au plumitif, jusqu'au moment où le jugement est rendu, peuvent compiler tous ces renseignements. Ils savent la durée des enquêtes devant les tribunaux, ils savent si une cause est contestée ou pas, ils savent de quel genre de cause il s'agit, s'il s'agit d'une cause de faillite ou d'une cause en droit familial. Ils peuvent donc faire toute cette classification et établir des paramètres, établir également des probabilités et à partir de ça, déterminer, si oui ou non, en se comparant à ce que l'on observe...

On nous dit, par exemple, c'est un cas que j'ai entendu citer par des collègues plus savants à ce sujet, que les juges britanniques assument un fardeau incomparablement plus élevé que les juges nord-américains en général — je ne parle pas des juges du Québec — et que les délais dans les cours britanniques sont infiniment moins longs que les nôtres. Je ne sais pas si c'est vrai, mais, si c'est vrai, ça mériterait qu'on examine pourquoi, parce que, malgré tout, je comprends qu'on est plus riches que les Anglais et qu'on peut vouloir utiliser notre richesse de cette façon, mais je peux imaginer un tas d'autres façons plus utiles de l'utiliser aussi. Est-ce que c'est vrai qu'on a des cours moins efficaces que les Britanniques ou les Hollandais ou les gens de l'Alberta? Je ne sais pas, on peut quand même regarder ce qui se fait ailleurs.

C'est ce genre d'examen critique de nos procédés administratifs, du nombre de juges, de leur définition de tâche. Est-ce qu'on fait faire aux juges des choses qui sont faites ailleurs par des officiers de justice, dans des causes non contestées, par exemple? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de réévaluer cela, d'en discuter avec les juges? Est-ce qu'on s'est fixé des objectifs de ce côté-là? On peut se poser des questions jusqu'à ce qu'on soit tous épuisés, jusqu'à ce qu'on soit rendus à minuit. Mais le problème, ce n'est pas de se poser des questions, c'est d'avoir des débuts de réponse.

II y a un service de planification au ministère de la Justice. Est-ce qu'il y a un individu au ministère de la Justice qui dépense ses énergies à temps plein à faire cela? Et s'il y en a un, est-ce qu'il produit quelque chose qui est montrable? S'il produit quelque chose qui est montrable, montrez-le, Bon Dieu! Ce n'est que cela qu'on demande. Si ce n'est pas montrable, reprenez-vous avec quelqu'un d'autre. Mais, à un moment donné, il va falloir accoucher de quelque chose. Je ne le sais pas, mais cela fait des années qu'on parle des retards devant les cours et, tout ce qu'on a comme solution, c'est de multiplier le nombre de juges. Cela semble démontrer un manque d'imagination assez caractérisé.

Et c'est vrai, M. le ministre de la Justice, vous pouvez me dire: II y a dix ans, le problème était pire, ou pas mieux, etc. C'est peut-être vrai, mais ce n'est pas une grosse excuse qu'on a de savoir qu'on n'a fait aucun progrès depuis dix ans, si c'est le cas. Mais on ne sait pas si c'est le cas ou non, on n'a aucune donnée. On n'en est qu'à des impressions. Et tant qu'on va faire de l'administration avec des impressions, on va avoir une administration impressionniste. Mais, impression pour impression, notre impression est que cela pourrait aller mieux.

M. Bédard: M. le Président, il est évident que toute situation pourrait aller mieux et est susceptible d'amélioration. Je pourrais dire au député de Saint-Laurent que, lorsque nous avons à nommer des juges, il ne s'agit pas de faire une évaluation impressionniste, comme il l'a dit, et ce n'est pas à partir d'une évaluation impressionniste que nous discutons avec les juges en chef, au sein du comité au support administratif.

Je ne l'ai peut-être pas mentionné auparavant et peut-être que cela n'a pas ressorti de mes propos, mais il est bien clair, même si cela n'a peut-être pas été dit, puisque le député de Saint-Laurent le mentionne, il est évident que nous avons des données de la part des greffes et que nous demandons des renseignements au niveau des greffes concernant les cours, le nombre de causes, etc. C'est à partir de ces données que nous engageons la discussion avec les juges qui, eux aussi, ont leur manière d'évaluer la situation, qui ne concorde pas toujours avec notre évaluation. Et lorsque cela ne concorde pas, nous avons à prendre les décisions qui s'imposent. Quant à certains des problèmes que nous affrontons, je demanderais de façon plus particulière peut-être au sous-ministre de la Justice d'en évoquer quelques-uns. Mais nous avons des données, les greffes, nous nous en servons. Ce n'est cependant pas là le problème, c'est quand nous avons à discuter à partir de bases avec lesquelles tout le monde serait d'accord sur les décisions à prendre.

Le Président (M. Bordeleau): M. le sous-ministre, au nom du ministre.

M. Bédard: En fait, très rapidement, il est évident que, dans l'infrastructure des greffes, on a énormément de données — les greffiers sont dans les salles d'audience — sur l'activité des tribunaux. La difficulté est de faire en sorte que ces données en principe objectives soient estimées objectives et valables de part et d'autre, c'est-à-dire de la part de l'administration et de la part de la magistrature. C'est dans ce sens-là qu'on essaie de travailler dans les mécanismes de concertation, comme le comité sur le support administratif, pour parvenir à ceci, parce qu'encore une fois, sur la réalité du temps passé dans les salles d'audience, on a ces données-là.

Par ailleurs, sur le temps requis pour délibérer, pour arriver à un jugement, compte tenu de la difficulté de la cause, on est relativement impuissant sur le plan de l'administration. Egalement, il y a des comparaisons qui sont frappantes. Par exemple, la Cour d'appel du Québec a un fardeau important à ce moment-ci et, si on compare cela par rapport à l'Ontario, on a 70% des appels en matière civile et 30% au criminel au Québec, alors qu'en Ontario, c'est exactement la proportion inverse: 70% au criminel et 30% au civil. On peut penser qu'il y a toutes sortes d'explications à ceci, mais la réalité concrète est que le fardeau de travail est plus grand pour les causes au civil; on sait qu'habituellement il y a un délibéré qui est plus long, de sorte que ce n'est pas facile d'arriver, d'une façon technocratique, à imposer des normes du côté de l'administration qui offre le support aux tribunaux.

On a des données, on a des foules de données. On a fait une étude exhaustive dans le cadre du Tribunal de la jeunesse, parce qu'on devait le faire à cause de la loi 24. On est à le faire avec le juge Mayrand, à Montréal, de façon complète, pour les Sessions de la paix. On veut l'entreprendre avec la plupart des tribunaux, mais on a besoin pour cela de la collaboration de la contrepartie qui est la magistrature à laquelle on offre les services. C'est dans cette optique qu'on travaille d'une façon à essayer de faire en sorte de s'entendre sur les données qui existent, sur leur caractère objectif, pour tirer après cela des conclusions, parce qu'autrement, on n'arrive jamais à rien et chacun tire des conclusions différentes à partir d'une interprétation qui varie des données en cause. (20 h 45)

C'est simplement ce que j'avais à mentionner à ce moment. Etant responsable de l'administration, alors que la magistrature est responsable de juger à plein temps, c'est certainement un des points les plus délicats que de réussir à faire la jonction afin de s'entendre pour tracer des lignes de conduite pour l'avenir, des planifications pour l'avenir. C'est plutôt dans le sens de la collaboration qu'on a essayé d'amener cette discussion ouverte, qui a peut-être été plus difficile par le passé qu'elle ne l'est aujourd'hui dans ce sens. Mais tout ne se crée pas du jour au lendemain, c'est certain.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Maisonneuve, est-ce que c'est... Si on revient au

programme 1, je vous rappelle qu'on l'a déjà adopté avant 18 heures. J'avais permis...

M. Lalande: Oui, sauf qu'il y a quand même certaines impressions que je ne voudrais pas laisser passer à ce stade. Dans la réplique, on pourrait s'y engager très vite après ou en discuter dans le programme 2, si on le veut. Il est heureux de constater que le sous-ministre, comme le ministre, possède les sources d'information entièrement et complètement à l'intérieur des greffes, avec le rôle des officiers de justice, qu'ils soient là comme greffiers audienciers ou sténographes, etc. qui oeuvrent à l'intérieur des salles d'audience, pour savoir les durées. C'est un aspect du problème, M. le ministre l'a souligné avec raison.

L'autre aspect, c'est que, pour évaluer le temps qu'il faut pour rendre jugement, c'est plus difficile. Mais je voudrais rappeler au ministre qu'il y a quand même des jugements d'allure qui ont été décidés, qui ont été faits, notamment au niveau des officiers de justice qui doivent rendre jugement, que ce soit la rédaction des jugements, que ce soit dans le cas des jugements par défaut. On est arrivé, avec des statistiques, à prouver qu'on puisse rendre — je pense que cela a été fait — jugement dans tel délai. Il ne s'agit pas de tout sectoriser et d'encadrer de façon complètement positive, mais ceci peut être fait, a été démontré et peut se faire encore.

Cependant, le sous-ministre — je pense qu'il répond à la volonté politique du ministre — a bien parlé de sa perception du problème de l'administration par rapport à la magistrature. C'est là le dilemme du ministre, à l'heure actuelle. C'est le dilemme que le ministre et son parti s'engageaient à régler en 1975, et on n'en a pas de conséquence concrète et véritable. Le support administratif ou le comité sur l'autonomie administrative du pouvoir judiciaire, c'est là le noeud du problème, à l'heure actuelle. Ce n'est pas l'administration contre la magistrature qui devrait oeuvrer en vue de régler ce problème, mais c'est d'associer tout le monde, tous les intervenants, les quelque 3000 personnes à l'intérieur de la Direction générale des greffes et la magistrature. C'est le pouvoir judiciaire finalement, les officiers de la justice qui sont là qui devraient s'associer pour en arriver à une solution au problème.

Je comprends très bien dans quel dilemme il a choisi d'être ou veut demeurer, celui, comme ministre de la Justice, comme membre de l'Exécutif, qui demande des comptes au pouvoir judiciaire, à la magistrature et aux officiers de justice. Evidemment, il n'est pas bienvenu et on l'accuse, dans certains cas, comme cela a été dans les années passées, d'ingérence à l'intérieur du pouvoir judiciaire. Si, par ailleurs, le ministre, qui est responsable de l'administration de la justice, n'agit pas avec toute la célérité possible, il se fait quand même condamner pour ne pas intervenir et accélérer le processus judiciaire.

C'est là un dilemme dans lequel il est à l'heure actuelle. Il avait promis de répondre avec ces fameux comités et tous les programmes qu'il pouvait y avoir sur l'autonomie administrative du pou- voir judiciaire. C'est là une des conséquences. Je pense que le ministre devrait y attacher plus d'importance. Il n'en a pas attaché assez. Il l'a démontré amplement aujourd'hui. On pourrait peut-être arriver à une solution du problème.

Tous les faits sont là. Le ministre les connaît. Mais, pour des motifs qu'il ne nous explique pas, il n'est pas allé bien loin dans cette étude qu'il avait promise à grand renfort. C'est ça que je veux dire à l'heure actuelle.

Le Président (M. Bordeleau): Non... M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, je termine là-dessus.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, je préférerais.

M. Bédard: Je ne suis pas d'accord avec l'évaluation que fait le député de Maisonneuve, puisque ça va à rencontre même des attitudes que nous avons décidé d'adopter face à la magistrature, qui sont des attitudes de concertation, une plate-forme de concertation qui permet des échanges, et mes relations avec le juge en chef sont très déférentes et très bonnes. Je crois que nous avons toute la latitude de discuter des problèmes administratifs qui peuvent se poser. Au niveau de l'accélération des causes ou de la diminution des délais, tel que je l'ai dit, nous avons réussi, dans plusieurs cours, à diminuer les délais. Nous avons encore des difficultés au niveau de la Cour supérieure. Maintenant, nous prévoyons qu'à la Cour supérieure aussi les délais, par la force des choses, vont diminuer, parce qu'à partir du moment — je dis prochainement, j'espère — où nous aurons l'instauration d'un Tribunal de la famille il y a beaucoup de causes, un nombre énorme de causes qui vont partir de la Cour supérieure pour s'orienter vers le Tribunal de la famille. A ce moment-là, nous espérons que ça pourra être un élément qui contribuera à accélérer, au niveau de la Cour supérieure, l'audition des causes.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, programme 1, adopté. Programme 2, soit: Soutien administratif à l'activité judiciaire.

Soutien administratif à l'activité judiciaire

M. Bédard: M. le Président, les crédits de ce programme s'établissent à $52 957 300, dont $45 510 800 au poste des Traitements, soit 85,93% du budget. Les effectifs de ce programme sont de 2292 postes pour le soutien administratif aux cours de justice civiles et criminelles et de 89 postes pour le soutien aux tribunaux administratifs.

L'effectif de 89 postes comprend 61 postes pour le Tribunal de l'expropriation, 22 postes pour le Tribunal du travail, 5 postes pour le Tribunal des transports et un poste pour le Tribunal des mines.

Le poste budgétaire services, au montant de $4 677 200, comprend des crédits de $3 018 500 au titre de la taxation des témoins et des jurys, de

$1 154 400 au titre des honoraires des huissiers et de $251 000 au chapitre des services professionnels, des sténographes officiels et des interprètes.

Le poste budgétaire des loyers comprend une somme de $471 000 au titre de la reproduction des documents.

Le poste budgétaire des fournitures comprend une somme de $523 500 pour l'achat de formulaires, de chemises, etc., et de $149 100 au chapitre des fournitures de bureaux.

Aux commentaires généraux au niveau du programme, un examen comparatif des crédits de 1980-1981 par rapport aux crédits de 1979-1980 nous révèle une augmentation de $3 354 800, soit un taux d'accroissement de 6,3%. Cet accroissement des crédits résulte principalement de la révision des traitements par suite de l'application des nouvelles conventions collectives. Cet accroissement fut compensé, premièrement, par une compression de 51 postes réguliers et de 51 postes occasionnels pour donner suite à la politique gouvernementale de 2,5% du ministre des Finances.

Il y a également une réduction de 61 postes au Tribunal de la jeunesse, laquelle fait suite au transfert de certaines responsabilités concernant la surveillance et le transport des enfants au ministère des Affaires sociales.

Pour ce qui est des réalisations à ce chapitre, j'en ai fait état déjà lors de mon introduction cet après-midi. Je ne sais pas si les membres de l'Opposition ont eu l'occasion d'en prendre connaissance.

Le Président (M. Bordeleau): Vous avez des questions, M. le député de Saint-Laurent?

M. Forget: Oui. M. le Président, il y a une chose qui est très frappante dans ces crédits des deux premiers programmes, et ça devient frappant au moment de l'étude du deuxième programme. C'est qu'on a une situation imprécise quant à l'évolution de la charge de travail. Il semble y avoir une diminution mais on dit que ce n'est peut-être pas vraiment une diminution. Enfin, ça demeure dans une espèce de brouillard. Mais ce qui semble être la politique du ministère est assez typique des administrations publiques; c'est une espèce de fonctionnement pervers qu'on remarque très souvent.

On remarque que les postes les plus hautement rémunérés croissent plus rapidement que les postes moins bien rémunérés. Comme si on faisait l'hypothèse que, pour améliorer le fonctionnement de l'appareil judiciaire, ce qu'il fallait, c'est un "up grading", en quelque sorte, de la qualification moyenne de l'ensemble du personnel affecté aux opérations. Ce que je veux dire par ça, c'est que vous avez, supposant que le volume soit constant — n'entrons pas dans la question de savoir si le volume diminue ou s'accroît, supposons qu'il soit constant — ce qui est l'hypothèse la plus favorable, probablement, pour le ministère une augmentation du nombre de juges qui sont de mieux en mieux rémunérés et une diminution du personnel de soutien, qui est certainement moins rémunéré que le personnel judiciaire comme tel.

Qu'est-ce que ça signifie comme philosophie administrative du ministère de la Justice? Plus il y a de juges et moins il y a de gens pour les aider, mieux ça va aller?

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bédard: Je n'ai pas fait le compte du nombre des postes les mieux rémunérés au niveau de la croissance par rapport à ceux moins bien rémunérés, mais, concernant le personnel de soutien pour les juges, effectivement, il y a eu une croissance moins grande. Je pense qu'ici, dans la province de Québec, nous avons été à même de constater, par des études qui étaient déjà au ministère, que c'était peut-être une des provinces où le personnel de soutien était le plus impressionnant. Nous avons été à même de constater que, dans d'autres provinces, les juges pouvaient fonctionner avec un personnel de soutien moindre. Nous avons poussé l'analyse et vous en constatez les résultats.

M. Forget: Est-ce que dans vos consultations...

M. Bédard: Cela n'amène pas une diminution de l'efficacité.

M. Forget:... avec les juges en chef vous êtes tombés d'accord là-dessus, savoir qu'il valait mieux augmenter le nombre de juges et diminuer le personnel de soutien, que c'était là une des grandes orientations de la politique du ministère qui a fait l'objet de consultations?

M. Bédard: Cela ne se présente jamais de cette façon, vous le savez très bien.

M. Forget: Je ne le sais pas, je ne suis pas là.

M. Bédard: Vous avez déjà une certaine expérience de l'administration, vous ne l'avez pas oubliée, j'en suis convaincu. Lorsqu'il s'agit de discuter de la nomination de juges en fonction de la nécessité qui existe dans certains districts...

M. Forget: Non, je ne parle pas de la nomination des juges, comprenez-moi bien.

M. Bédard: Non, mais on ne fait pas ce...

M. Forget: Je pense que c'est une philosophie administrative du ministère de la Justice qui dit: On va aller vers telle direction. On se rend compte qu'on a trop personnel de soutien, il y a trop d'Indiens et pas assez de chefs. Là, on va augmenter le nombre de chefs et on va diminuer le nombre d'Indiens pour que le ratio soit plus satisfaisant.

Il doit y avoir quelque chose dans ce genre-là. Ce n'est quand même pas juste une résultante de mini-décisions, à la pièce. Est-ce qu'il y a une philosophie administrative quelconque au ministère de la Justice qui dit: On s'en va dans la mauvaise direction, il faut corriger le tir? Ou si

cela arrive juste comme ça, parce qu'on n'y a pas pensé.

M. Bédard: Premièrement, il n'y a pas eu d'augmentation massive du nombre des juges, et ce sont des décisions qui se prennent à partir du moment où le besoin se fait sentir et l'analyse se fait concernant l'opportunité ou la nécessité d'une nomination. Ces décisions ne sont pas prises par rapport à d'autres décisions concernant le personnel de soutien. C'est une autre sorte de problème. Je vous ai expliqué tout à l'heure, concernant le personnel de soutien, ce que certaines études nous donnaient et à partir desquelles nous avons...

M. Forget: Ce sont des études secrètes comme les autres.

M. Bédard: Non, c'est à partir des études qui sont faites...

M. Forget: Ce ne sont pas des études, ce sont des impressions ça aussi.

M. Bédard: Par rapport à ce qui se passe dans d'autres provinces, nous Voyons que le soutien des juges...

M. Forget: Mais est-ce qu'il y a des études, M. le ministre? Ecoutez, ou il y a des études ou il n'y en a pas, mais on va s'entendre sur le sens des mots. Dans mon idée, une étude, c'est une étude, ce n'est pas juste une impression que vous avez eue en voyageant à travers le Canada. Est-ce qu'il y a une étude? S'il y a une étude, on aimerait la voir. Là, on la lira et on sera d'accord ou non avec vous, mais on saura de quoi on parle. Si c'est juste une impression personnelle, très bien, on aimerait savoir cela aussi.

M. Bédard: II y a une étude. Le Groupe national de travail sur l'administration de la justice, qui nous a permis justement de vérifier...

M. Forget: Une étude fédérale. M. Bédard: Une étude fédérale.

M. Forget: Une chance qu'Ottawa est là parfois. Une chance qu'Ottawa est là, parce que cela a l'air que s'il n'y avait pas les études fédérales, il n'y en a pas eu au ministère de la Justice du Québec.

M. Bédard: Vous allez avoir une déception, elle est provinciale, c'est entre les provinces.

M. Forget: Elle n'est pas bonne. C'est interprovincial? Bon.

M. Bédard: Elle est interprovinciale, c'est ce que je vous disais tout à l'heure. Cela nous a permis de nous rendre compte que le personnel de soutien n'est pas la même situation au Québec par rapport à d'autres provinces et cela nous permet de faire les évaluations qui nous ont menés à une diminution du personnel de soutien.

M. Forget: Est-ce que ce sont des études strictement intergouvernementales ou si c'est disponible au public?

M. Bédard: II n'y a pas eu de conférence de presse systématique à cet égard, mais je ne crois pas qu'il y ait de cachette.

M. Forget: Est-ce qu'on peut en avoir un exemplaire?

M. Bédard: Je peux peut-être faire les représentations. On pourrait vous les remettre demain.

M. Forget: Merci. On va lire cela avec intérêt. Ou toute autre étude qui trainerait dans vos tiroirs, qu'on n'a pas eu la présence d'esprit de mentionner et qui pourrait jeter une certaine lumière sur les sujets discutés aujourd'hui serait fortement appréciée. (21 heures)

M. Bédard: S'il fallait que je vous donne toutes les études qui étaient au ministère, qui ont été faites par les autres gouvernements et qui ont été laissées en plan, nous aurions un char d'études...

M. Forget: Un char d'études, mais qui ne sont pas de valeur égale, c'est sûr.

M. Bédard:... qui n'ont débouché sur rien.

M. Forget: Oui, on constate que c'est encore la même chose.

M. Bédard: Au contraire, vous avez eu 30 lois, et d'importantes.

M. Forget: Je pense que le ministre... M. Bédard: On va revenir au calme.

M. Lalande: M. le Président, je pense que le ministre s'avance un peu quand il dit que les études des gouvernements antérieurs n'ont pas débouché sur grand-chose. Il faudrait revenir véritablement au livre blanc de M. Choquette, qui a peut-être été la pierre d'assise de toute l'administration contemporaine de la justice qui est extrêmement importante. Je pense que c'est ne pas rendre véritablement justice au gouvernement précédent qui a travaillé d'arra-che-pied à planifier l'organisation de la justice. Il est malheureux que le ministre actuel n'ait pas donné suite à ça.

Je voudrais revenir à ce que mon collègue de Saint-Laurent disait tout à l'heure...

M. Godin: Ils ne se connaissent même pas encore.

M. Lalande: Cela ne fait rien, on a une communion d'esprit qui est très proche.

M. Godin: Voulez-vous qu'on vous présente?

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Mercier, s'il vous plaît!

M. Lalande: Ce que mon collègue...

M. Forget: On ne se connaît pas sous notre nom de comté.

M. Lalande: L'orientation que soulignait mon collègue de Saint-Laurent tout à l'heure et vers laquelle semble aller le ministère de la Justice, à savoir, pour reprendre son expression, que l'on privilégie l'accroissement du nombre de chefs au détriment des Indiens, c'est vrai qu'on peut la constater à la lecture même des crédits qui sont ici devant nous aujourd'hui, il y a même les effectifs qui sont devant nous. Mais je pense que le ministre devrait aller plus loin et se demander si cette orientation n'est pas un peu dangereuse, et je lui citerai deux exemples plus éloignés pour prouver quand même un point. Comme le disait encore une fois mon collègue de Saint-Laurent tout à l'heure, en Angleterre, on a l'usage massif des officiers de justice, du personnel de soutien, au niveau de la magistrature. Dans l'Etat de New York, vous retrouvez à peu près 20 000 000 d'habitants, par rapport à l'Angleterre et au pays de Galles où, si je ne m'abuse, il y a autour de 55 000 000 d'habitants. Per capita, vous vous apercevez que, dans le cas de l'Angleterre il y a deux fois moins de juges que dans l'Etat de New York. J'ai l'impression, à sa face même, si on regarde le rôle extrêmement important de l'officier de justice à l'intérieur de l'administration de la justice en Angleterre...

Je ne voudrais pas reprendre tout le travail, tout ce en quoi consiste le "Lord Chancellor Office" et tout ce que ça concerne, l'intégration des officiers de justice et de la magistrature proprement dite est quand même extraordinaire et donne un taux d'efficacité assez remarquable. Par ailleurs, vous avez d'autres expériences aux Etats-Unis où, dans le processus judiciaire, dès le début de l'action, le juge commence àfonctionneravec un greffieraudiencier et reste à l'oeuvre pendant toute la durée du procès.

Vous avez là deux conceptions de l'administration de la justice et je peux vous dire que, dans le cas de la justice britannique, sauf erreur, telle qu'administrée en Angleterre et au pays de Galles, c'est drôlement plus efficace. Je pense qu'il ne faut pas se comparer nécessairement avec les autres provinces canadiennes ni avec les autres pays, sauf que, quant à la direction qu'a prise l'Angleterre par rapport à la direction qu'a prise les Etats-Unis, on observe qu'il y a beaucoup plus d'efficacité administrative.

C'est dans ce sens qu'il faudra que le ministre choisisse l'orientation, s'il doit continuer dans un sens ou corriger dans l'autre sens.

M. Forget: M. le...

Le Président (M. Bordeleau): M. le sous-ministre, au nom du ministre.

M. Bédard: Une seconde, le sous-ministre voulait dire quelques mots.

Simplement une information. On a réuni le mois passé, à Montréal, pour la première fois, les officiers de justice pour des séances de travail qui ont duré deux jours. Ils étaient 234 sur une possibilité de 484 qui ont des délégations de pouvoir judiciaire. On a constatéque les officiers de justice, dans le travail de préparation de cette réunion, au Québec — cela répond peut-être un peu à une question qui a été posée tantôt — sont ceux qui ont la plus grande délégation de pouvoir judiciaire de toutes les provinces canadiennes et de la part des juridictions que nous connaissons. Là-dessus, on connaît les cas des protonotaires spéciaux, des greffiers spéciaux de la Cour provinciale, des modifications qui ont été apportées pour dire qu'il y a une utilisation très grande, très substantielle des officiers de justice, et avec la collaboration de la magistrature, d'une part.

Quant à la statistique sur les juges au Québec, il reste qu'actuellement, l'accroissement des juges a été relativement restreint en termes de postes disponibles. C'est voté par des lois de l'Assemblée nationale. Il y a eu un accroissement de cinq postes à la Cour provinciale par rapport à la juridiction financière qui est passée de $3000 à $6000; il y a eu six postes additionnels, parce que les juges avaient le droit, dans le cadre de la Loi du Tribunal de la jeunesse, la loi 24, d'aller à un autre tribunal. Cela ne diminuait pas les cadres des juges du Tribunal de la jeunesse.

On a actuellement 19 postes vacants qui sont, pour la plupart, volontairement vacants, parce que cela nous permet de jauger les besoins, selon que c'est nécessaire.

Sur le plan de l'effectif de la fonction publique, il est évident que, comme tous les ministères, nous avons à vivre avec des contraintes d'effectif, une coupure de 2,5% l'an dernier et de 2% cette année. Nous essayons d'en profiter pour augmenter la productivité des employés des greffes. Il faut rappeler qu'on a quand même, à l'effectif autorisé, 2292 postes, si on exclut le personnel judiciaire, le nombre de juges, et si on exclut le Tribunal d'expropriation, le Tribunal du travail et des transports, pour ce qui est des tribunaux judiciaires proprement dits.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je voudrais poser une question au ministre si tous les postes administratifs, tous les postes de cadres, sont comblés actuellement à la direction des greffes.

M. Bédard: II y a trois postes vacants actuellement. Il y a onze directions régionales et il y a trois postes vacants. Il y a les postes de Hull, de Montréal-Nord et du Nord-Ouest. Il y a des concours. Effectivement, le successeur de M. Lalande était en poste à Hull, c'est donc la chaise musicale. Il va venir au palais de justice de Montréal. On s'apprête à ouvrir le concours à Hull. Du côté du Nord-Ouest, ce titulaire a remplacé M. Lalande

à Québec, parce qu'il était venu à Montréal. Le concours est là.

M. Forget: Je vois.

M. Bédard: Et il y a Montréal-Nord.

M. Forget: Cela, c'est au niveau des postes de directeur des greffes.

M. Bédard: Oui.

M. Forget: A l'intérieur même des greffes du district de Montréal, est-ce que, au niveau inférieur, il y a des postes vacants?

M. Bédard: Tous les postes sont comblés actuellement.

M. Forget: Tous les postes sont comblés actuellement, d'une façon permanente, et non pas à titre intérimaire?

M. Bédard: On est à refaire le plan d'organisation administrative supérieure de la Direction générale des greffes. On repasse toutes les directions du ministère de la Justice. On est sur le point de transmettre un projet au Conseil du trésor pour revoir le plan d'organisation administrative supérieure du ministère.

M. Forget: Et cette affirmation vaut jusqu'au niveau des chefs de service?

M. Bédard: Au niveau des cadres et des adjoints aux cadres, on a une catégorie d'agents de maîtrise également dans le secteur, avec des directeurs 1, 2, 3.

M. Forget: Par exemple, le service de la rédaction des jugements au palais de justice de Montréal a longtemps été vacant. Est-ce qu'il est comblé?

M. Bédard: Le concours a été tenu et le jury est sur le point de faire son rapport. Il va être comblé.

M. Forget: Est-ce que c'est la première fois qu'il y a un concours pour combler ce poste?

M. Bédard: Non, il y a eu deux ou trois concours dans les dernières années pour combler ce poste.

M. Forget: Qu'est-ce qui est arrivé?

M. Bédard: A chacune des reprises, on n'a pu qualifier personne, malgré qu'il y avait quand même un certain nombre de candidats. On n'a pas jugé que les personnes qui s'étaient présentées étaient aptes à assumer ces fonctions.

M. Forget: Dans aucun cas?

M. Bédard: Dans aucun de ces concours. Récemment, je sais qu'il y a eu un concours et il y aurait, je pense, une réponse positive. On attend, évidemment...

M. Forget: Comment le ministère interprète-t-il le fait que des concours sont tenus pour des postes de cadres — même si ce ne sont pas les postes les plus élevés — et qu'aucun candidat qualifié ne se présente? Est-ce que les exigences sont trop considérables? Est-ce que la rémunération n'attire personne? Le contexte ou le contenu du travail est-il tel que personne n'est intéressé, qui aurait les aptitudes pour les remplir?

M. Bédard: On doit dire que, dans le domaine juridique et à tous les niveaux, particulièrement à Montréal, la concurrence est très forte et, malgré le fait que les échelles de traitement de la fonction publique ont été passablement revalorisées, autant au niveau des cadres, des adjoints aux cadres que des professionnels ou des agents de maîtrise ces dernières années, on a un problème sur le plan concurrentiel pour avoir des candidats en grand nombre. C'est vrai autant pour les directions supérieures que pour les niveaux intermédiaires, là où on demande des qualifications juridiques, là où on souhaite avoir du personnel composé d'avocats ou de notaires, comme l'exigent les qualifications, et en même temps des gens qui ont de l'habileté administrative. De plus en plus, on essaie de développer les deux, mais c'est sûr que les avocats et les notaires ont tendance à être davantage tentés, par l'exercice de la profession, de faire un travail professionnel. Amener en même temps des gens qui ont des connaissances en droit à faire un travail administratif, je pense que, par l'émulation et une meilleure organisation de la direction et, bien sûr, de meilleurs traitements, on y vient, mais c'est plus lent qu'on le souhaiterait. C'est vrai également dans nos contentieux. On pourra en parler au niveau des affaires civiles et pénales. On est encore en concurrence importante avec la pratique privée. Les efforts n'ont pas toujours les résultats qu'on souhaiterait.

M. Forget: M. le Président, je vais poser une question délicate au ministre. Comme il y a passablement de rumeurs qui ont circulé et auxquelles j'ai moi-même fait écho dans le passé, même à l'Assemblée nationale, et comme on parle justement de la multiplication des concours relativement à un poste, je veux lui demander s'il peut nous donner l'assurance qu'aucune influence politique n'a joué dans la tenue de ces concours, pour en exclure des candidatures ou pour influencer le jugement qu'ont porté les membres du jury.

M. Bédard: Je peux donner cette assurance au député de Saint-Laurent.

M. Forget: Le ministre avouera qu'il y a un concours de circonstances qui est bien connu, qui

n'échappe à personne et qui a donné lieu à passablement de rumeurs au palais de justice de Montréal, relativement à la présence du conjoint de l'un des membres du Conseil des ministres.

M. Bédard: Je peux donner...

M. Forget: II y a, de ce côté-là, une situation qui ne laisse pas d'en inquiéter plusieurs, que des concours aient échoué à de si nombreuses reprises et qu'un poste soit demeuré vacant pendant littéralement des années, dans des circonstances où l'intérêt de la personne mentionnée était connu pour le poste en question.

M. Bédard: M. le sous-ministre a évoqué les difficultés administratives, les difficultés auxquelles nous avons eu à faire face pour combler ce poste. Je puis donner l'assurance qu'aucune intervention politique n'a été faite et ne sera faite.

M. Forget: J'espère que le ministre pèse soigneusement ses mots et qu'il nous donne une assurance en laquelle on peut avoir une confiance inébralable. J'aimerais pouvoir être rassuré totalement. Evidemment, ce n'est qu'une question de point de vue, je présume.

M. Bédard: Je suis très à l'aise, je tiens à vous le dire, M. le député de Saint-Laurent. Je comprends votre question. Vous pourrez faire les vérifications où vous voudrez, je ne suis pas le genre pour faire des interventions politiques là où elles ne doivent pas se faire. C'est aussi simple que cela.

M. Forget: Remarquez, M. le ministre, que je n'ai pas dit que vous aviez fait les interventions.

M. Bédard: Non.

M. Forget: C'est une chose que le ministre titulaire fasse des interventions et...

M. Bédard: Si vous voulez ajouter autre chose...

M. Forget: ... c'est une autre chose que des collègues du ministre en fassent eux-mêmes.

M. Bédard: A ma connaissance, aucune intervention politique n'a été faite par qui que ce soit.

M. Forget: A votre connaissance? M. Bédard: Oui.

M. Forget: Avez-vous été au-delà de cela pour vous en assurer positivement?

M. Bédard: M. le sous-ministre est en mesure de me dire également qu'aucune intervention politique n'a été faite.

M. Forget: Là-dessus, on doit accepter votre parole, M. le ministre.

M. Bédard: Je vous remercie.

Le Président (M. Bordeleau): M: le député de Maisonneuve, s'il vous plaît.

M. Lalande: M. le Président, cela concerne justement ce que le sous-ministre a souligné tout à l'heure, c'est-à-dire certains problèmes de recrutement à l'intérieur du ministère de la Justice pour certains postes-cadres, entre autres. Je m'en voudrais de manquer encore de cette vieille fibre de loyauté à mes anciens collègues qui étaient les directeurs régionaux des greffes pour demander où le ministère de la Justice en est rendu dans le "recalibrage-" des postes des directeurs régionaux. (21 h 15)

On sait qu'il y a onze régions administratives au Québec. Il y a onze directeurs régionaux. Sauf pour le cas de celui de Montréal et de celui de Québec, qui jouissent d'un "calibrage" supérieur par rapport aux autres, les autres directeurs régionaux, qui ont à assumer des fonctions judiciaires comme officiers de justice, doivent également assumer des responsabilités administratives et, dans la situation actuelle ils sont "calibrés" au poste d'ACS, d'adjoints aux cadres supérieurs. Si je ne me trompe pas, le point milieu, qui est la politique de rémunération de la fonction publique, amène à un traitement — vous pourrez me corriger si je me trompe — de $33 000 ou de $34 000. C'est à peu près le maximum qu'on peut avoir comme traitement. Vous avez des professionnels qui travaillent pour eux et vous avez aussi des directeurs locaux de greffes qui relèvent d'eux, qui un bien meilleur traitement, soit $37 000 ou $38 000. En d'autres mots, la question qui se pose, c'est que vous avez, par exemple, le directeur régional de la région de Montréal rive nord, qui est à Saint-Jérôme, qui est payé, comme directeur régional — et qui doit superviser et Saint-Jérôme et Joliette — $33 000 ou $34 000 maximum par année, et vous avez un directeur local qui est à Joliette, par exemple, qui relève de ce directeur régional et qui, lui, est payé $37 000.

Je comprends que, dans des conditions semblables, il y ait certains problèmes de recrutement au niveau de la justice. Je sais que ce n'est pas le ministre de la Justice qui est aux prises avec ces problèmes; c'est le ministre de la Fonction publique. Je voudrais savoir, à ce stade, quelles démarches le ministre a faites pour essayer de régler ce problème qui, je pense, existe depuis fort longtemps. En tout cas, les directeurs régionaux, au temps où j'y étais, ont saisi le sous-ministre de ce problème.

Le Président (M. Bordeleau): M. le sous-ministre au nom du ministre.

M. Bédard: Concernant le recalibrage, je demanderais à mon sous-ministre de faire le point, car du travail a été fait là-dedans.

Le problème vient du fait que, dans la structure de gestion des greffes, on a deux corps d'emplois différents: on a des agents de maîtrise

qui ont suivi, de par les années passées, une progression automatique en bonne partie, pour l'essentiel, un peu comme les professionnels du gouvernement, et qui sont les directeurs locaux des greffes avec les catégories 1, 2, 3. On a des cadres ou des adjoints aux cadres supérieurs qui sont suivi une progression plus lente. Je pense qu'il est bien connu, dans la fonction publique en particulier, que les adjoints aux cadres supérieurs, par rapport aux professionnels, ont subi une progression plus lente parce qu'entièrement axée sur le mérite et moins automatique que ce qui découlait des conventions collectives.

Cette année, sur le plan des décisions du trésor, il y a eu une masse plus forte dégagée pour les adjoints aux cadres supérieurs justement pour essayer de régler un peu le problème par rapport aux professionnels et, dans notre cas précis, par rapport aux agents de maîtrise. Je pense que les rémunérations qui débloquent pour le 1er juillet 1979 et bientôt pour le 1er juillet 1980 vont temporairement permettre de corriger en partie. Par exemple, le point milieu dont vous parliez tantôt va être de $38 000 au 1er juillet 1980 pour les adjoints aux cadres supérieurs, d'une part. Par ailleurs, depuis un bon moment, on a demandé à l'ancienne Commission de la fonction publique — on est en discussion avec le ministère de la Fonction publique — de revoir le phénomène des agents de maîtrise par rapport aux adjoints aux cadres et aux cadres supérieurs. C'est en discussion. Cela crée effectivement des tensions.

Par ailleurs, on est aussi à préparer un plan d'organisation supérieure de la direction générale. Dans ce cadre, on reprend l'ensemble de l'organisation. Ceci doit être soumis au Conseil du trésor et on souhaite pouvoir avoir des résultats qui vont aider à régler le problème de façon plus définitive. C'est à peu près ce qu'on a à dire à ce moment de ce dossier dont on est fort conscient et qui existe depuis fort longtemps au ministère.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Maisonneuve.

M. Lalande: M. le Président, ma remarque est simplement pour éviter d'y revenir un peu plus tard, parce que je pense que cela peut s'imbriquer là à ce moment. Il s'agit de façon générale, des professionnels qui oeuvrent au ministère de la Justice, que ce soit au niveau des greffes ou à d'autres niveaux. On sait qu'à l'heure actuelle, pour permettre aux professionnels "seniors" d'avoir un certain revenu, un certain traitement acceptable, eu égard à leurs responsabilités, on doit souvent avoir recours au calibrage de postes d'adjoints aux cadres supérieurs ou de cadres supérieurs par la suite pour pouvoir leur donner un traitement qui est décent. Est-ce que le ministère de la Justice a fait des demandes ou des revendications, parce que ça le touche de près, le fait d'avoir un genre de classe "senior", si je peux dire, au niveau des professionnels, pour permettre à un officier de justice qui est, par définition, non pas un administrateur — je pense au protonotaire spécial que vous avez mentionné tout à l'heure, cela pourrait être quelqu'un d'autre dans d'autres directions générales — pour amener ces professionnels seniors à être calibrés dans un poste qui n'est pas celui d'administrateur parce que, justement, leur fonction n'est pas d'être administrateur?

Cette question, je pense, se relie un petit peu à l'autre, à savoir s'il y a eu des demandes ou des choses qui ont été faites dans ce sens-là.

M. Bédard: Evidemment, il y a eu toute la discussion qui a conduit à la signature récente de la convention collective des professionnels du gouvernement et qui a été assez longue, comme vous le savez. En pratique, la tension, bien souvent, à l'échelle des professionnels, pour un bon bout, rejoint et dépasse le maximum des échelles, chevauche les échelles des adjoints aux cadres supérieurs et même des administrateurs IV. Le problème que l'on vit est plutôt, à ce moment-ci, l'inverse. Par ailleurs, il est évident que la question d'avoir des spécialistes qui ne sont pas obligés de faire une fonction administrative et bien payée dans l'administration publique est un débat qui continue et qui n'est pas facile à résoudre. C'est un problème d'ensemble de l'appareil administratif.

Quant à nous, nous pensons que, dans les échelles actuelles, le problème le plus sérieux, malgré tout, au niveau des greffes, est plus d'avoir le problème inverse. Nous pensons que, du côté des professionnels de l'administration publique, sous réserve des fonctions juridiques proprement dites et, là, on a un problème de concurrence avec la pratique privée, on a moins de tension que le problème que vous avez soulevé qui fait que les agents de maîtrise peuvent être payés plus cher que des adjoints aux cadres supérieurs, ce qu'on essaie de corriger de la façon que je l'ai indiqué.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va? M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Oui, M. le Président, j'aimerais m'excuser si le ministre s'est senti agressé lors de mes interventions de l'après-midi.

M. Bédard: Je vous en prie; c'est déjà oublié.

M. Marx: C'est déjà oublié, mais je voulais m'excuser, de toute façon, et je promets d'être moins agressif ce soir, le cas échéant.

J'aimerais aborder le problème de l'absence des non-Canadiens français au ministère de la Justice. Comme vous le savez, M. le Président, il y a au Québec près de 1 000 000 de non-Canadiens français, à peu près 20% de la population, c'est-à-dire que 20% de la population sont des non-Canadiens français et ces personnes ne sont pas adéquatement représentées soit au gouvernement, soit au ministère de la Justice.

Je pense que, pour avoir une société saine au Québec, pour avoir une société juste, c'est nécessaire que ces personnes soient bien intégrées

dans la société québécoise. J'ai déjà eu l'occasion, il y a quelques semaines, de critiquer cette situation au Québec et d'écrire même au premier ministre. J'ai eu une réponse du ministre Marois et j'ai répondu à celui-ci. Si je me souviens bien, j'ai envoyé une copie de ces lettres au ministre de la Justice.

En m'adressant au premier ministre, j'ai critiqué le fait que le gouvernement du Québec n'a nommé que des Canadiens français aux 29 postes ouverts à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à savoir le président, les quatorze vice-présidents et les quatorze membres du conseil d'administration. En effet, toutes les personnes nommées étaient des Canadiens français. J'ai eu une réponse du ministre Marois, une réponse pleine d'excuses et de raisons, vous comprenez, M. le Président, qu'il a fait des excuses et qu'il a donné des raisons. Au ministre Marois, j'ai répondu, et je cite: "Vos raisons et vos excuses pour tenter d'expliquer l'absence de Québécois non-Canadiens français dans les grandes institutions et organismes provinciaux m'ont fait penser aux raisons et excuses données il y a 20 et 30 ans pour expliquer l'absence des Canadiens français des grandes institutions et organismes fédéraux".

Je me demande combien de non-Canadiens français se trouvent parmi les fonctionnaires au ministère de la Justice? Combien, parmi les proches collaborateurs du ministre? J'ose dire qu'il n'y a pas 2% de non-Canadiens français comme fonctionnaires au ministère de la Justice. Il y a, si je me souviens des chiffres, 14 000 employés au ministère de la Justice et il serait normal et naturel d'avoir à peu près 2500 non-Canadiens français comme fonctionnaires au ministère de la Justice.

Est-ce que l'absence de non-Canadiens français est voulue? Est-ce que l'absence de non-Canadiens français est due au hasard? Si c'est le hasard, c'est un drôle de hasard parce que ça défavorise toujours les non-Canadiens français d'une façon systématique. La question que j'aimerais poser au ministre est: Est-ce qu'il a l'intention de rendre plus juste la situation dans son ministère? A-t-il jamais pensé à cette situation dans son ministère? 14 000 employés, pas de non-Canadiens français ou presque pas.

Même dans cette Chambre, je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de non-Canadiens français, c'est-à-dire dans les proches collaborateurs du ministre, des présidents des commissions, etc.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bédard: Je pense que le député évoque une situation que je dirais historique, qui dure depuis toujours. Concernant le ministère de la Justice, comme vous le savez, il est très régionalisé, ce qui veut dire que le problème se pose d'une façon plus particulière lorsqu'il s'agit du district de Montréal.

Dans le district de Montréal, au niveau des procureurs de la couronne, il n'y a pas moins d'une dizaine de procureurs de la couronne qui sont anglophones.

M. Marx: Je ne parle pas des anglophones, on m'a mal compris. La question ne concerne pas les anglophones, c'est la question des non-Canadiens français. Il y a une distinction importante à faire.

M. Bédard: D'accord. A Montréal, au niveau des procureurs de la couronne, il y en a une dizaine de non-Canadiens français sur 180.

M. Marx: Cela fait 5%.

M. Bédard: Depuis que je suis là — je comprends l'argument du député de D'Arcy McGee — je vous dis très honnêtement que je n'ai jamais eu de représentation qui m'ait été faite que le nombre de procureurs de la couronne non-Canadiens français ne répondait pas aux besoins de la situation.

Alors, si vous me permettez...

M. Marx: Oui.

M. Bédard: Donc, je pense qu'il est facilement compréhensible que j'en conclue que le nombre de procureurs de la couronne qui est affecté à Montréal répond aux besoins.

Parmi les procureurs de la couronne— depuis que je suis là — il y en a deux non-Canadiens français qui ont été nommés juges, à ce que je me souvienne. Au niveau du Comité de la protection de la jeunesse, j'ai fait en sorte également qu'au moins deux membres du Comité de la protection de la jeunesse soient des non-Canadiens français.

Au niveau de la Commission des droits de la personne, je sais que, très prochainement, également, il y aura des nominations qui tiendront compte des différentes ethnies. (21 h 30)

M. Marx: Au niveau des commissaires?

M. Bédard: Vous me parlez de l'administration de la justice, j'essaie de répondre pour mon secteur. Je sais que c'est peut-être un problème de l'ensemble de la fonction publique. Cette situation a été portée à l'attention du ministre de la Fonction publique qui a eu à faire ses commentaires, mais, au niveau du ministère de la Justice lui-même, je pense que vous êtes à même de le constater, comme c'est un des ministères les plus décentralisés, les plus régionalisés, le problème que vous évoquez se pose surtout dans la ville de Montréal, le district de Montréal. Or je viens de vous dire que nous avons fait le nécessaire pour qu'il y ait suffisamment de nominations dans les postes importants, de manière à répondre aux besoins.

M. Marx: M. le Président, le ministre a commencé...

M. Bédard: II y a des concours qui se font. Je pense que le ministre de la Fonction publique a évoqué que ça pouvait être un problème au niveau de l'ensemble de la fonction publique. Il y a des concours qui se font. Il faudrait faire le relevé du

nombre des non-Canadiens français qui postulent, ça nous permettrait de faire une meilleure évaluation de cette situation.

M. Marx: M. le Président, je ne veux pas donner l'impression que je blâme le ministre actuel.

M. Bédard: Je ne l'ai pas pris comme cela non plus, je vous assure.

M. Marx: Je ne veux pas donner l'impression que je blâme le ministre actuel. Il dit que c'est un problème historique, peut-être, peut-être pas, mais comme je l'ai dit au début dans mon introduction, les raisons et les excuses que le ministre Marois m'a données pour l'absence des non-Canadiens français dans un autre organisme provincial sont les mêmes que celles qu'on a données il y a 20 à 30 ans pour expliquer l'absence des Canadiens français à Ottawa. A Ottawa, il y a eu un problème historique aussi qui a été réglé par un ministre de la Justice qui est devenu premier ministre. Il a réglé le problème historique en faisant en sorte que les Canadiens français soient beaucoup mieux représentés à Ottawa aujourd'hui qu'ils ne l'étaient avant qu'il ne soit nommé soit ministre de la Justice, soit premier ministre. Mais je ne veux pas faire de comparaison entre la province de Québec et le fédéral.

M. Bédard: L'Ontario?

M. Marx: C'est cela, je ne veux pas faire de comparaison, mais je pense qu'au niveau fédéral M. Trudeau a réglé un certain nombre de problèmes. On va aborder bientôt la Charte des droits et libertés de la personne, et donc on va parler de la justice, finalement du ministère de la Justice. Est-ce que le ministre est prêt à mettre sur pied un programme d'action affirmative dans son ministère pour mieux intégrer les non-Canadiens français?

M. Bédard: Depuis que je suis là, par rapport aux nominations ou aux besoins qui m'ont été exprimés, il y a déjà une évaluation — comment dites-vous — positive.

M. Marx: Un programme d'action affirmative. M. Bédard: II y a déjà une attitude affirmative. M. Marx: Mais ce n'est pas la même chose.

M. Bédard: II y a déjà une attitude affirmative qui s'est manifestée...

M. Marx: Il faut aller plus loin que cela, M. le ministre.

M. Bédard: ... dans le sens que je vous ai évoqué tout à l'heure. Quand il y a des concours, prenez au niveau des nominations de juges, quand il n'y a que des francophones qui postulent je pense que vous comprenez la situation qui fait que le comité de sélection en arrive au choix d'un francophone. Lorsqu'il y a eu des non-Canadiens français qui ont posé leur candidature, j'en ai tenu compte, je tiens à vous le dire, et je pense que c'est important aussi, très important, ce qui a amené la nomination de deux juges. Je suis très ouvert à votre suggestion.

M. Marx: Je comprends que c'est très ouve 1, ce sont les mêmes raisons qu'on donne pour excuser l'absence des femmes dans les ministères, parce qu'on n'a pas de femmes juges ou si peu, on donne des excuses. Je me souviens, M. le Président, en Chambre, il n'y a pas longtemps, le ministre d'Etat à la Condition féminine a parlé d'un programme "d'action affirmative" en ce qui concerne les femmes. A cette époque, je me souviens que le ministre de la Justice était plus ou moins d'accord avec un tel programme vis-à-vis des femmes.

Voici la question que j'ai posée. Est-ce que le ministre est prêt à parrainer un programme "d'action affirmative" pour mieux intégrer les non-Canadiens français dans son ministère? Finalement, c'est le ministre de la Justice qui est le patron de ce ministère. Je lui pose cette question, est-ce qu'il est prêt à mettre sur pied un programme "d'action affirmative"? Oui ou non?

M. Bédard: Je pense que je n'ai pas à répondre...

M. Lalande: ... de la discrimination positive.

Le Président (M. Bordeleau): Un instant, M. le député de Maisonneuve.

M. Bédard: Pardon?

M. Lalande: ... de la discrimination positive.

M. Bédard: Oui, comme on l'a évoqué à propos des femmes. Même au niveau des femmes, je peux vous dire en passant qu'il y a au moins — cela a augmenté beaucoup depuis trois ans ou quatre ans — vingt femmes procureurs de la couronne.

M. Marx: Une solution, c'est d'engager des femmes non-Canadiennes françaises. On va chasser deux lièvres à la fois.

M. Bédard: Le député le dit avec le sourire, je le prends comme une remarque. Je tiens à vous dire, parce que c'est comme ça que je le ressens, déjà, au niveau des choix à faire, lorsque les situations le commandent, je suis en mesure de vous dire, parce que c'est mon état d'esprit, non seulement que je suis très ouvert, mais que j'esaie, pour autant qu'il est possible, d'avoir une "action affirmative" dans le sens des préoccupations que vous évoquez et que je vais continuer à le faire. Si c'est possible, j'essaie d'améliorer, je pense bien que c'est toujours possible d'améliorer les situations, j'en suis convaincu.

M. Marx: M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de D'Arcy McGee, sur le même sujet, M. le député de Mercier voudrait s'exprimer, je pense, depuis un certain temps.

M. Godin: En tant que député de Montréal et député d'un comté qui compte un certain nombre, un pourcentage assez élevé de non-Canadiens français, comme vous dites, ce problème, je le connais assez bien. Il faudrait quand même savoir combien de non-Canadiens français ont brigué les postes ouverts au gouvernemnt depuis un certain nombre d'années pour savoir s'il y a discrimination ou non, puisque vous avez dit tout à l'heure que nous nous acheminions vers l'étude de la Commission des droits de la personne. Je pense que si on avait ces chiffres... On peut demander au gouvernement de les donner ou du moins de les colliger pour avoir une vue plus claire du nombre de personnes qui briguent de tels postes, premièrement.

Deuxièmement, la solution n'est pas simple à trouver, vous avez parlé de "affirmative action", d'"action affirmative". C'est testé dans certains pays, entre autres, chez notre voisin américain. Vous connaissez mieux que moi l'arrêt rendu dans le cas de Bakke, qui a contesté cette "affirmative action" pour l'accession de certains étudiants noirs dans des écoles de médecine et il disait: si vous établissez un quota pour les étudiants noirs, ça peut faire une source de discrimination pour les étudiants blancs et qui perdent, ayant peut-être autant de capacités que leurs collègues noirs, la chance parce qu'ils sont blancs.

Cela ouvre, à mon avis, la porte à des problèmes qui sont graves et qui ne se résoudront pas facilement. Si vous avez à l'esprit une politique de quotas qui serait basée sur le nombre de citoyens de chaque groupe ethnique au Québec, ça peut être ça, mais c'est contesté par bien des groupes spécialisés dans les droits de la personne aux Etats-Unis, au Canada et ailleurs. Ce que nous devons savoir c'est s'il y a, dans les jurys établis par le gouvernement, des cas précis, des cas clairs, où la personne la plus compétente aurait été d'origine grecque ou portugaise, admettons, et aurait été éliminée parce qu'elle l'était? Si tel n'est pas le cas, où est le problème? Le gouvernement a des concours publics. Les postes ouverts le sont dans les deux langues. Malheureusement, il y a peu de candidats, d'après les connaissances que nous en avons par les demi-études que nous pouvons posséder, très peu de gens qui se présentent à certains postes gouvernementaux. Et là, il y aurait peut-être un travail à faire également du côté des communautés ethniques du Québec: leur dire qu'il y a des places pour ces personnes, dans le gouvernement. Mais est-ce que cela les convaincra de se présenter?

Je pense que le gouvernement devra avoir une telle politique d'étude de la situation, mais avant d'avoir une politique basée sur des quotas, je voudrais qu'on aie des travaux beaucoup plus approfondis que ce qu'on peut faire ici ce soir à ce sujet. Peut-être une commission parlementaire sur cette question-là. Pourquoi pas?

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: M. le Président, je reviens. Je pense que cela ne serait pas la soirée pour refaire nos cours de droit, mais de parler de l'affaire Bakke aux Etats-Unis. De toute façon, ceux-ci ont une charte des droits enchâssée dans leur constitution et le gouvernement du Québec est contre une charte des droits enchâssée dans la constitution, au Canada ou au Québec.

M. Godin: Dans la constitution du Québec, on serait d'accord. On serait d'accord, M. le député de D'Arcy McGee, pour enchâsser la Charte des droits de la personne au Québec dans la constitution du Québec, si jamais on avait le pouvoir d'en faire une. Mais ce pouvoir nous a été dénié le 20 mai. Alors, on va attendre.

M. Marx: M. le Président, il faut rappeler au député de Mercier qu'heureusement le non l'a emporté et que si on veut avoir une charte enchâssée dans la constitution, il serait nécessaire qu'elle soit dans la constitution canadienne. Je n'ai pas accusé qui que ce soit de discrimination consciente. Je suis plus ou moins convaincu que le gouvernement du Québec n'a pas comme politique d'empêcher des non-Canadiens français d'accéder à un certain nombre de postes, et ainsi de suite. Mais je pense que c'est de la discrimination inconsciente. Dans les faits, c'est cela.

M. Godin: Depuis que vous êtes député ici que vous dites qu'il y a une discrimination, même inconsciente, enfin. Moi, je ne peux pas accepter cela comme membre de ce gouvernement.

M. Marx: Inconsciente. Je veux dire que les gens ne sont pas sensibilisés à cela.

M. Godin: Alors, prouvez-le. "Give us some evidence".

M. Marx: Je vais juste... M. le Président, si je peux continuer.

Le Président (M. Bordeleau): Vous avez la parole.

M. Marx: Je n'accuse personne de discrimination, parce que je sais que ce n'est pas vrai. Les gens ne privent pas les non-Canadiens français d'accéder aux postes du gouvernement. Je suis sûr et convaincu de cela. Même s'il y avait de la discrimination, ce serait interdit par la Charte des droits et libertés de la personne et nous avons une Commission des droits de la personne qui veille à toute cette discrimination.

Mais je pense qu'il y a quelque chose. On a, comme je l'ai dit au début, 19 personnes à une

nouvelle commission. Ce sont tous des Canadiens français. Il y a quelqu'un qui a manqué son coup quelque part, quelqu'un qui n'a pas pensé à la situation québécoise, car il y a des non-Canadiens français qui se trouvent au Québec, ils sont même 20% ou à peu près 20%.

Mais tout ce que j'ai demandé au ministre, c'est un oui ou un non. Est-ce qu'il est prêt à faire quelque chose de concret? Est-ce qu'il peut lancer un programme d'action affirmative pour que cette situation soit corrigée, pour le bien-être de tous les Québécois, pas seulement pour le bien-être des non-Canadiens français? Je pense que cela serait bon pour les Canadiens français et pour tout le monde au Québec, que les non-Canadiens français soient bien intégrés dans la cité québécoise. C'est le point que j'essaie de faire valoir.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bédard: Je pense vous avoir fait part de mes dispositions affirmatives qui se sont traduites d'ailleurs par des décisions que j'ai évoquées tout à l'heure au niveau de certaines nominations nécessaires dans des postes quand même importants. Je suis en mesure de vous répondre affirmativement que nous allons continuer le travail, en tenant compte des suggestions fort positives du député de D'Arcy McGee. (21 h 45)

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, j'aimerais intervenir, avec la permission de mon collègue, brièvement dans cela, parce que, sans vouloir être méchant, on doit bien observer que le ministre, selon une habitude qui est la sienne, malheureusement, joue sur les mots. On a tous entendu mon collègue de D'Arcy McGee demander au ministre s'il avait un projet ou s'il avait l'intention d'adopter une action affirmative. On est tous conscients, je pense, on vit en Amérique du Nord, on le sait tous, et le député d'ailleurs de Mercier, contrairement au ministre, a saisi le sens de cela, que c'est un programme d'action avec un objectif bien défini, un plan précis des mesures entreprises de sensibilisation, de publicité, de visites, si vous voulez, même chez différents groupes minoritaires pour les informer des possibilités, les encourager à répondre aux demandes, aux offres d'emploi du ministère de la Justice. C'est tout un ensemble de mesures destinées à atteindre des buts spécifiques. Le ministre fait mine de ne pas comprendre que l'expression "action positive" signifie quelque chose de ce genre.

M. Godin: Question de directive, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Mercier.

M. Godin: Ce que j'ai dit...

M. Forget: J'ai le droit de parole, M. le Président. Il n'est pas question de directive, pendant que j'ai le droit de parole.

M. Godin: ... s'inspire de mes entretiens avec le ministre. Je ne voudrais pas que le député donne l'impression que je dis cela d'un côté...

Le Président (M. Bordeleau): Vous pourrez corriger à nouveau, mais, pour le moment... M. le député de Mercier.

M. Godin: Cela s'inpire de mes propres entretiens avec le ministre en tant que son adjoint. Je vous en prie, ne tentez pas de diviser pour régner. On a les mêmes idées là-dessus.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Mercier, s'il vous plaît!

M. Forget: Vous vous expliquerez après, j'ai le droit de parole dans le moment. Cela va? D'accord, je vous remercie.

Une Voix: M. Carousel, retournez à votre carousel.

M. Forget: Modérez vos transports, M. le député de Mercier, vous pourrez revenir tout à l'heure.

Une Voix: II recommence à tourner en rond...

M. Godin: II sont très modérés, mes transports.

Une Voix: Tranquille, vous! M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ... le ministre fait semblant de ne pas comprendre la question et il nous fait l'étalage de son attitude positive. C'est complètement en dehors de la question. On n'est même pas intéressé à savoir s'il a une attitude positive ou négative, on veut savoir s'il y a quelque chose de précis qui est envisagé. De toute manière, ce n'est pas lui, selon la loi, qui fait les engagements, ce sont des concours, etc. Qu'il ait une attitude positive ou négative, c'est largement immatériel. Ce qu'il nous importe de savoir, c'est si, en tant que responsable du ministère, il est conscient qu'il y a là un problème, parce que le ministère de la Justice ne semble pas refléter dans sa composition la composition de la société qu'il est censé servir.

M. Bédard: M. le Président, là-dessus, question de règlement.

M. Forget: Est-ce un problème ou est-ce que ce n'est pas un problème pour le ministre? Si c'est un problème pour le ministre, on voudrait savoir

ce qu'il va faire de positif autrement que d'avoir l'esprit ouvert. Son ouverture d'esprit, de toute façon, ce n'est qu'une opinion personnelle...

M. Bédard: Question de règlement, M. le Président.

M. Forget: ... parce qu'il peut penser qu'il a l'esprit ouvert et nous pouvons penser qu'il n'a pas l'esprit ouvert. On peut s'engueuler comme cela pendant des heures et on n'avancera à rien. A part d'avoir l'esprit ouvert ou fermé, le ministre là-dessus a-t-il aussi quelque chose de précis à nous dire en termes d'objectif et de plan d'action? Ce que je comprends de ce qu'il a dit jusqu'à maintenant, c'est qu'il n'a pas de projet de ce côté-là et il n'est même pas conscient que c'est un problème. Il aimerait bien, il n'a pas d'objection personnelle, qu'il y ait des non-Canadiens-français qui fassent des demandes d'emploi à son ministère ou qui répondent plutôt aux concours, s'ils en ont bien la motivation, s'ils peuvent bien se persuader que cela vaut la peine, parce qu'il n'y a rien dans leur expérience, il n'y a rien dans les faits qu'ils peuvent observer qui peut les persuader qu'ils ont des chances d'obtenir des emplois au ministère de la Justice; la probabilité est qu'ils n'ont pas de chance, car finalement, ils connaissent bien peu de gens de leur groupe ethnique ou de leur groupe culturel qui travaillent au ministère de la Justice. C'est l'exception. Ils se disent: Cela ne vaut pas la peine. De toute façon, c'est comme faire une demande d'emploi au Canadien national pour un francophone, il y a quarante ans. On leur aurait dit: C'est bien dommage, mais tu n'es pas qualifié. C'est cela. On trouve toutes sortes de raisons. L'ingéniosité humaine étant ce qu'elle est, on n'est pas au bout de nos peines. Les gens au moins se persuadent de cela, parce qu'ils observent et se disent: Cela ne vaut pas la peine. C'est un problème général du gouvernement du Québec que les non-Canadiens-français ne se donnent pas la peine de répondre aux offres d'emploi. Est-ce que cela, pour le ministre, étant donné que cela se traduit par une proportion très faible, à Montréal en particulier, alors que la population est à peu près, pour ne pas le choquer, pour qu'il ne dise pas qu'il conteste mes chiffres, disons 35% de non-Canadiens-français à Montréal? Ce n'est sûrement pas la composition des greffes de Montréal et des services du ministère de la Justice à Montréal... Est-ce que pour lui c'est un problème? Si c'est un problème, a-t-il l'intention de faire quelque chose? Je pense que la réponse aux deux questions, elle est non, mais il ne veut pas le dire en autant de mots.

M. Bédard: M. le Président, franchement, le député de Saint-Laurent redevient fidèle à lui-même. Il va rapidement...

M. Forget: J'aime les choses claires, M. le Président.

M. Bédard: Non, au contraire, vous n'avez jamais été clair et vous ne l'étiez pas comme ministre des Affaires sociales. Je le sais, j'ai été assez longtemps dans l'Opposition pour essayer de vous tirer des réponses à des questions durant trois ans. On n'a jamais pu avoir une réponse à nos questions, ni même une solution aux problèmes qui se posaient. J'en sais quelque chose, à part cela, au niveau de ma région. Je pourrais vous en parler longtemps. Rappelez-vous l'hôpital de Chicoutimi!

M. Forget: Vous avez eu des réponses. Le problème, c'est que vous n'aimiez pas les réponses que vous avez eues. C'est autre chose.

M. Bédard: II a fallu une pétition. Il a fallu que je travaille et que j'amène des milliers de citoyens à signer une pétition, simplement pour vous faire comprendre qu'il y avait un problème à l'hôpital de Chicoutimi. S'il y avait un homme bouché comme ministre, c'est bien vous. Je tiens à vous le dire, à part cela.

M. Forget: Le ministre devient violent!

M. Bédard: Puisque vous m'y forcez! On peut difficilement garder son calme devant un membre de l'Assemblée nationale tel que le député de Saint-Laurent, qui a toujours l'injure à la bouche, qui a toujours les insinuations...

M. Forget: Je ne vous ai pas insulté, M. le ministre!

M. Bédard: ... je serais porté, j'ai une image que je me refuse à donner, qui est toujours à faire...

M. Forget: Je vous ai dit que vous répondiez non à deux questions.

M. Bédard: Vous avez parlé, laissez-moi donc parler! Ce n'est pas à vous à répondre, et vous n'avez pas à interpréter nos réponses, à part cela. Le député de Saint-Laurent est très fidèle à lui-même: procès d'intentions, insinuations; il interprète nos réponses à sa manière, comme d'habitude. Quand je vois le député de Saint-Laurent reprendre cette attitude, je vous assure que c'est difficile de garder son calme, mais je vais reprendre mon calme, parce que je sais très bien avoir dit — on relira les notes sténographiques — au député que j'étais conscient du problème qu'il évoquait, qu'il a d'ailleurs évoqué. Je pense à d'autres endroits, à d'autres commissions, entre autres à la Commission de la fonction publique où il le sait, réside un peu la clé pour l'ensemble d'une solution du problème au niveau de la fonction publique. En ce qui a trait à mon ministère, j'ai toujours été très conscient du problème. Je suis en mesure de dire, par les nominations que j'ai eu à effectuer, par la suite que j'ai donnée à des représentations qui ont pu m'être faites, concernant des problèmes qui pouvaient exister, des suites positives, que j'ai toujours affiché une ouverture d'esprit concernant l'ensemble de ce problème évoqué par le député de D'Arcy McGee.

Ces dispositions affirmatives, positives, non seulement je les ai eues dans le passé, mais je l'assure que cela va continuer à l'avenir. Je suis très conscient qu'il y a une situation à améliorer; l'ensemble de la solution se trouve peut-être au niveau de la fonction publique, mais, en ce qui a trait à mon ministère, je vais faire tous les efforts nécessaires pour aller dans le sens des représentations du député de D'Arcy McGee.

M. Marx: M. le Président, je conclus de tout cela que le gouvernement est au courant qu'il y a un problème, que l'Opposition officielle est au courant qu'il y a un problème et que ce sera nécessaire d'attendre jusqu'à ce que l'Opposition soit au gouvernement pour qu'il y ait un plan pour régler le problème, l'an prochain.

M. Bédard: Vous faites un commentaire politique. Vous avez le droit de le faire. Si vous embarquez dans ce domaine...

M. Marx: Non, c'est parce que vous n'êtes pas prêt à dire...

M. Bédard:... je vous ferai remarquer qu'avant que nous soyons au gouvernement, il y a eu bien d'autres gouvernements qui nous ont précédés, qui n'ont en aucune façon été conscients du problème et que l'ont résolu en aucune façon. N'essayez pas de faire croire ou d'insinuer que c'est parce que le Parti québécois est au pouvoir qu'il semble moins comprendre le problème. Au contraire, je pense qu'il fait face aux mêmes difficultés. Entre autres, on en a évoqué une tout à l'heure; lorsque vous avez des concours et qu'il n'y a que des francophones qui se présentent, on ne peut quand même pas arriver à choisir quelqu'un qui est non francophone. Les concours de la fonction publique sont ouverts à tout le monde. Je sais qu'on ne doit pas prendre cela comme une excuse pur ne pas essayer de se pencher sur le problème dans le sens qu'a évoqué le député de D'Arcy McGee. Je lui ai fait part tout à l'heure de mes dispositions très affirmatives dans ce sens.

M. Marx: Quand le ministre...

M. Bédard: Vous ne pouvez quand même pas me demander un plan au moment où on l'évoque pour la première fois.

M. Marx: Quand le ministre a été nommé, il y a eu beaucoup de problèmes au sein de son ministère, qui étaient des problèmes que les gouvernements précédents ont laissés, ils n'ont rien fait. Il n'a pas dit: Les autres gouvernements ont laissé des problèmes, donc je n'ai rien à faire, ce n'est pas ma faute. Il y a des problèmes à régler.

M. Bédard: Pardon! Je n'ai pas dit ça, non plus. Mais, c'est parce que, tout à l'heure, vous avez évoqué...

M. Marx: Je ne peux pas terminer?

M. Bédard: Non, je ne laisserai pas passer cela. Si j'ai tenu ces propos, c'est parce que vous avez évoqué le fait que c'est seulement lorsque l'Opposition d'aujourd'hui sera le gouvernement de demain que ça pourra se régler.

M. Marx: Parce que...

M. Bédard: Moi, je n'accepte pas ça.

M. Marx: M. le Président, j'ai dit que je ne blâmais pas le ministre pour tout le passé quant à ce que son ministère a fait pour le Québec et ainsi de suite. Je lui ai posé une question simple, très simple et le député de Saint-Laurent a posé la même question. C'est la quatorzième fois maintenant. Est-ce que le ministre est prêt à élaborer, à parrainer un plan, soit un programme d'action positive ou un autre programme, pour mieux intégrer les non-Canadiens français soit dans son ministère, soit dans le gouvernement en général? En d'autres mots, c'est très simple, est-ce qu'il est prêt à faire quelque chose?

M. Bédard: Je peux donner l'assurance au député que je vais me pencher sur la situation telle qu'explicitée par le député de D'Arcy McGee.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Mercier.

M. Marx: Est-ce qu'on aura une réponse avant le mois de septembre?

M. Bédard: C'est quoi, une réponse, pour vous?

M. Marx: Une étude, un projet.

M. Bédard: Vous avez exprimé certaines idées concernant le problème, la situation que vous avez évoquée.

M. Marx: Un plan? Est-ce qu'on va avoir un plan?

M. Bédard: Bon! Non, mais vous avez dit: Un plan ou d'autres dispositions qui pourraient être de nature à essayer de régler le problème. Ecoutez, vous arrivez ce soir en évoquant ce problème et vous voudriez que j'arrive déjà avec des solutions toutes faites, des solutions qui n'ont pas été trouvées quand même dans le passé et je ne prends pas ça comme une défense. Je ne me sers pas du passé comme une défense, au contraire. Je pense qu'il y a peut-être des choses qui auraient dû être faites dans le passé et qui ne l'ont pas été.

M. Marx: En face d'injustices, ce n'est pas nécessaire de penser quinze mois ou trois mois. Il y a une injustice. On voit ça et on dit: On va régler l'injustice. On va se pencher...

M. Bédard: Non, une seconde! Ce n'est pas comme ça que vous le présentiez tout à l'heure.

M. Godin: J'avais demandé la parole avant le député de D'Arcy McGee.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va? D'accord. M. le député de Mercier.

M. Godin: On parle d'injustice. Encore là, il faudrait donner des preuves de l'injustice. En quoi, s'il n'y a aucun citoyen d'origine grecque qui brigue un poste dans la fonction publique et qui l'a, c'est une injustice si personne ne le brigue? Vous posez le problème de l'information repris par le député de Saint-Laurent. Est-ce que l'information suffisante est donnée? Je vous dis qu'à ce ministère de la Fonction publique dont nous n'étudions pas ici les crédits ce soir, il y a effectivement un effort concret qui est fait pour publier dorénavant et depuis quelques mois, sinon quelques années, des annonces de recrutement dans les journaux anglophones du Québec.

Deuxièmement, il y a, de la part de la même fonction publique, des efforts qui sont faits auprès des universités non canadiennes-françaisesdu Québec pour recruter des gens qui sortent de ces universités. Que pouvez-vous nous demander de plus pour l'instant? Je vous dis qu'il y a le début d'une politique, qui est due à ce gouvernement, d'ailleurs, et vous parlez d'injustice. C'est là que je ne peux pas être d'accord sur le terme "injustice" en l'occurrence. Si vous me dites: Je connais le cas d'une personne d'origine portugaise plus compétente qu'un Canadien français qui n'a pas eu tel poste, je vous dirai: D'accord, c'est une injustice. Mais si je vous pose la question, à savoir combien y a-t-il de Canadiens français dans le conseil d'administration du Montreal General Hospital et que vous me dites: II n'y en a pas un, est-ce que c'est une injustice? Il y en a peut-être un.

M. Forget: C'est une erreur.

M. Godin: Est-ce que c'est une injustice?

M. Forget: II y en a plus d'un. C'est un mauvais exemple que vous donnez.

M. Godin: II faudrait savoir combien de personnes ont brigué le poste. Il faudrait, par conséquent, avant de parler d'injustice, avant de parler de discrimination inconsciente, nous apporter autre chose que vos impressions, puisque la peinture impressionniste évoquée un peu plus tôt par le député de Saint-Laurent a été dénoncée comme étant peu valable en commission parlementaire.

M. Marx: Mais, M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: ... juste pour terminer. Je ne veux pas prolonger le débat. Je pense que ça ne mène nulle part, c'est-à-dire pas à des actions concrètes. Je veux simplement dire que, si le député de

Mercier ne pense pas que ce soit une injustice, à mon avis, il ne comprend pas ce que c'est, une injustice.

Quant à moi, j'ai toujours trouvé injuste le fait que les Canadiens français soient absents au niveau fédéral. J'ai toujours trouvé que c'était une injustice. J'ai toujours trouvé que c'était une injustice que les Canadiens français soient absents dans les grosses compagnies québécoises, absents au niveau des postes de commande. J'ai toujours trouvé que c'était une injustice. Deux poids, deux mesures. Il y a des injustices et des injustices. Tout le monde est égal, mais il y a...

M. Godin: M. le Président... (22 heures)

M. Marx: ... mais il y en a certains qui sont plus égaux que d'autres.

M. Godin: Si le gouvernement fédéral a le choix entre un Canadien anglais bilingue pour un poste et un Canadien français bilingue pour un poste, et que le plus compétent est le Canadien anglais, je vais lui dire de prendre le plus compétent. Ce ne serait pas une injustice pour le Canadien français de ne pas l'avoir s'il est moins compétent. Par conséquent, il faudrait avoir des choses beaucoup plus concrètes à se mettre sous la dent que vos impressions d'une peut-être éventuelle discrimination insconsciente; enfin, discrimination inconsciente, on pousse loin.

M. Bédard: Le député évoquait tout à l'heure qu'il trouvait que c'était une injustice que l'absence des Canadiens français au niveau des compagnies...

M. Marx: ... compagnies.

M. Bédard:... des grosses compagnies. Est-ce qu'il y a eu une action positive pour corriger la situation? Je ne le sais pas, ou je le sais trop, mais je peux vous dire par exemple...

M. Marx: Est-ce que le ministre est au courant de toutes les lois que le gouvernement du Québec a adoptées depuis quelques années?

M. Bédard: Bien...

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce qu'on peut dire que ça va pour le programme 2?

M. Bédard: Je peux vous dire que je vais relire votre intervention, les suggestions que vous nous avez faites dans votre intervention et en tenir compte d'une façon très positive.

M. Marx: Faites vite.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que le programme 2 sera adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Bordeleau): Adopté. Programme 3, Enquêtes et expertises scientifiques pour fins judiciaires.

Enquêtes et expertises scientifiques pour fins judiciaires

M. Bédard: Le programme 3: Enquêtes et expertises scientifiques pour fins judiciaires, se compose de trois éléments suivants: les enquêtes sur les décès et les incendies, les expertises médico-légales et les expertises scientifiques. Les éléments 1 et 2 sont sous la responsabilité de la Direction générale des affaires criminelles, et l'élément 3 relève de la Direction générale de la sécurité publique.

Une Voix: Adopté.

Le Président (M. Bordeleau): Le programme 3 est adopté? Adopté.

M. Bédard: Je pense que l'essentiel des remarques a été acheminé à l'Opposition officielle.

Le Président (M. Bordeleau): Programme 4, Protection des droits et libertés de la personne.

Protection des droits et libertés de la personne

M. Forget: J'aurais une question...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ... en premier, M. le Président et ensuite, je pense que mon collègue de D'Arcy McGee a d'autres questions.

M. Bédard: Dans le programme?

M. Forget: Le programme 4. Je suis frappé par le fait que les effectifs de la Commission des droits de la personne, à moins que ce soit une erreur, sont consignés, dans le document qui nous a été remis, entièrement comme des effectifs occasionnels, contrairement aux effectifs du Comité de protection de la jeunesse. Est-ce que c'est une erreur, ou est-ce qu'il y a une raison...

M. Bédard: C'est parce que les employés ne sont pas dans la Fonction publique.

M. Forget: En vertu de la loi constituante.

M. Bédard: C'est ça.

M. Forget: Très bien, je vous remercie.

M. Marx: J'ai une courte question. Premièrement...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx:... je vois que le ministère a demandé à quelques reprises à la Commission des droits de la personne d'émettre certaines opinions juridiques en ce qui concerne la Charte des droits et libertés de la personne et une autre loi pour voir s'il y a une contradiction entre la charte et cette autre loi ou un règlement, etc. Quel est le but — c'est ma question — de demander à la Commission des droits de la personne d'émettre des opinions pour le ministère? Quel est l'objectif recherché?

M. Bédard: C'est un objectif fondamental de prudence, afin d'assurer le plus possible le respect des droits et libertés. Je pense que cela nous avait été recommandé, dans certains cas, de demander des opinions juridiques à la Commission des droits de la personne dans d'autres cas, nous avons pris l'initiative justement pour essayer de faire en sorte que les projets de loi reflètent le plus possible la préoccupation que nous avons du respect des droits et libertés individuels.

Dans ce sens-là, même s'il n'y a pas une obligation d'être d'accord sur tous les points d'un avis juridique qui est fourni, de façon générale les avis de la Commission des droits de la personne ont été, je pense, très utiles, non seulement pour le gouvernement, mais également pour les oppositions lors de l'étude de projets de loi.

M. Marx: Ma deuxième question vise à savoir pourquoi le ministre ne demande pas à son propre contentieux d'émettre ses avis juridiques. Pourquoi la Commission des droits de la personne? Pourquoi pas son propre contentieux? Je vois qu'il y a d'excellents avocats, d'excellents juristes dans son contentieux.

M. Bédard: De façon générale, il est évident que les avis juridiques, y compris ce qui touche l'application de la charte, sont donnés au gouvernement par les employés du ministère agissant comme jurisconsultes, au niveau de la direction des affaires législatives ou des affaires civiles et pénales. C'est d'ailleurs l'une des préoccupations qu'on a, comme responsable en bonne partie de la législation gouvernementale — c'est un des points de repère qu'on a — de regarder si les projets de loi qui nous sont soumis contreviennent ou non à la charte.

Par ailleurs, dans certains domaines particulièrement névralgiques, on peut sentir le besoin — parce que les avis juridiques peuvent être une chose — de requérir les interprétations d'un organisme comme la commission qui vit dans l'application de la charte de façon constante; on peut souhaiter rechercher ses avis. On sait que la commission, lorsque des projets de loi sont déposés, et c'est sa responsabilité en vertu de la loi, peut remettre des avis sur les projets de loi par rapport à la charte. Dans certains cas, on essaie de faire une action préventive. Je donne un exemple; quand on a refondu le règlement des établissements de détention — on avait eu des remarques préalables du Protecteur du citoyen dans les

années passées, etc. — on a voulu, faire une consultation avec la commission sur certaines questions où, encore une fois, il y avait des avis juridiques nécessaires parce qu'à certains moments il y a des questions d'interprétation, il y a des zones grises, il fallait être sûr qu'on s'entendait sur l'interprétation donnée. C'est dans ce sens qu'il y a eu, dans certains cas qui ont été mentionnés dans le document, des avis, des contacts avec la commission, car on sentait qu'il y avait une zone grise, cela pour prévenir une façon de voir qui aurait pu être non uniforme de la part du ministère et de la commission. Il faut essayer de voir comment arriver à un consensus avant le fait plutôt qu'a posteriori une fois que le projet de loi est déposé.

Dans certains cas, la Commission des droits de la personne a jugé bon de prendre l'initiative de donner son opinion sur des projets de loi déposés. Nous avons ici avec nous, comme vous le savez — vous le connaissez très bien, c'est un de vos collègues et amis, M. le député de D'Arcy McGee — le président de la Commission des droits de la personne, M. Hurtubise, qui est à votre disposition pour répondre à toutes les questions que vous pourriez juger bon de lui poser.

M. Marx: M. le Président, si j'ai bien compris, le sous-ministre de la Justice a dit que toute loi et tout règlement passent un test au niveau du ministère pour voir si la loi ou le règlement est en conformité ou non avec la Charte des droits et libertés de la personne. Est-ce que c'est vrai, M. le ministre?

M. Bédard: C'est une préoccupation constante de nos juristes au niveau de la confection de toutes les lois.

M. Marx: M. le Président, ce n'est pas une réponse.

M. Bédard: Ecoutez, vous avez le droit d'interpréter; ce n'est pas une réponse, c'est une réponse. Je crois que c'en est une. Je suis en mesure de vous dire que, depuis que je suis là, j'ai demandé à tous les juristes du ministère qui travaillaient au niveau de la confection des lois de toujours avoir une préoccupation au niveau du respect des droits et libertés individuels. Je peux vous le dire.

M. Marx: M. le Président, dans la déclaration canadienne des droits, il y a un article qui oblige le ministre de la Justice à veiller à ce qu'une loi n'entre pas en contradiction avec cette déclaration canadienne des droits. C'est une obligation que le ministre fédéral de la Justice a de veiller à ce qu'il n'y ait pas de contradiction entre une loi et la déclaration canadienne des droits.

M. Bédard: Sans lire la déclaration des droits, disons que j'agissais de cette façon par instinct.

M. Marx: Voilà, M. le Président, le ministre de la Justice nous a dit qu'il agissait de la même façon par instinct. Est-ce que tout projet de loi et tout règlement adoptés au Québec passent le test pour voir si le projet de loi ou le règlement vont à l'encontre de la Charte des droits et libertés de la personne? C'est ma question, c'est simple, ça.

M. Bédard: Je vous répondrai simplement oui.

M. Marx: C'est-à-dire que chaque fois qu'il y a un projet de loi ou un règlement au Québec, on demande à quelqu'un de faire une étude pour voir si ça va à rencontre de la Charte des droits et libertés de la personne ou non? C'est ça.

M. Bédard: C'est regardé sous cet angle, par suite d'une demande très expresse, très claire, que j'ai toujours évoquée par rapport à tous nos juristes qui ont à voir à l'élaboration des lois dans les différents contentieux.

M. Marx: Qui le regardent sous cet angle?

M. Bédard: Les deux directions de la législation, si c'est un projet du ministère de la Justice, la législation ministérielle, si c'est un projet d'un autre ministère, parce qu'on a à peu près 80% des lois, au moment où on se parle, qui passent par le ministère de la Justice pour un avis. Il y en a qui peuvent aller directement d'un ministère au comité de législation qui joue ce rôle. Il n'y a pas encore un mécanisme formalisé, parce qu'on est à développer l'équipe du côté de la législation gouvernementale.

Tout ce qui vient à la législation gouvernementale, dans une proportion de 80%, actuellement, fait l'objet d'un examen par rapport à la Charte des droits et libertés de la personne. De la même façon que ça fait l'objet d'un examen par rapport à un empiétement éventuel sur le Code civil, sur le droit civil, de la même façon le bureau de la législation déléguée regarde les règlements sous l'angle de la légalité par rapport aux dispositions habilitantes dans les lois.

Cela ne veut pas dire nécessairement qu'il y a des études de 500 pages sur chaque sujet, parce que la vie va vite, malheureusement — quelquefois, plus vite qu'on le souhaiterait — mais c'est regardé, c'est une préoccupation, c'est l'un des points qui font l'objet d'un examen spécifique.

Encore une fois, quand il y a une zone grise, dans les domaines cruciaux, on peut sentir le besoin de consulter la commission pour voir si on s'entend sur une interprétation à donner par rapport à ce qu'est la charte.

M. Marx: M. le Président...

M. Bédard: J'ai déjà évoqué auprès de mes collègues, lorsqu'il y avait des interrogations ou des zones grises, qu'il était loisible pour eux de s'adresser, de par leur initiative, à la Commission des droits de la personne pour demander son opinion. A quelques reprises, et même à plusieurs reprises, que ce soit directement ou par corres-

pondance, certains de mes collègues ont pris l'initiative et la précaution, lorsqu'il y avait des interrogations, d'entrer en communication avec le président de la Commission des droits de la personne, ce qu'il serait en mesure de nous dire d'ailleurs.

M. Marx: M. le Président, je trouve drôle qu'on fasse cet examen au niveau du ministère et qu'après on envoie ça à la Commission des droits de la personne qui répond que le projet de loi enfreint la charte. Est-ce que le travail n'est pas bien fait au niveau du ministère? Je ne saisis pas...

M. Bédard: On vient de vous dire qu'il peut arriver qu'il y ait des zones grises. Je pense que, dans le domaine de l'interprétation légale, il y a toujours des zones grises. Au niveau des avis juridiques, vous le savez, sur n'importe quel sujet, vous avez presque constamment des avis juridiques différents. Je pense que chacun des experts est très bien intentionné et est plein de bonne volonté, mais, à un moment donné, il y a des conciliations nécessaires à faire.

M. Marx: Est-ce que le ministre se sent lié par l'opinion de la Commission des droits de la personne? (22 h 15)

M. Bédard: Très sincèrement, je peux vous dire que je considère, comme ministre de la Justice et, comme membre du gouvernement, que l'opinion de la Commission des droits de la personne est importante...

M. Marx: Ce n'est pas la fin du monde, mais elle est importante.

M. Bédard: Ecoutez! Est-ce que vous aimez mieux que j'emploie les mots "la fin du monde"? C'est ma manière de le dire. C'est important.

M. Marx: Bon! Comme vous le voulez!

M. Bédard: C'est étudié avec grande considération. Cela ne veut pas dire qu'on est toujours d'accord avec la Commission des droits de la personne. Il nous est arrivé déjà d'être en désaccord, je vous le dis honnêtement, en n'ayant pas la même opinion. Une opinion de la Commission des droits de la personne n'est jamais prise à la légère, au niveau du gouvernement ni de la part du ministre de la Justice, je peux vous l'assurer.

M. Marx: M. le Président, je suis très heureux d'apprendre cela.

M. Bédard: Pouvez-vous me demander si je trouve tous les commentaires passés sérieux ou pas sérieux?

M. Marx: Ce n'est pas à vous de poser les questions cette année, M. le ministre. Vous en aurez l'occasion l'an prochain, dans l'Opposition.

La seule chose dont je peux vous assurer. c'est peut-être que votre comté est sûr pour vous, mais, le reste, ce n'est pas sûr.

Le ministre est au courant que le gouvernement peut passer outre la Charte des droits et libertés de la personne. Il y a l'article 52 qui prévoit que les articles 9 à 38 prévalent sur toute disposition d'une loi postérieure qui leur serait contraire, à moins que cette loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la charte.

Donc, le gouvernement peut passer outre la Charte des droits et libertés de la personne et, en effet, le premier projet de loi que ce gouvernement a déposé à l'Assemblée nationale était un projet de loi auquel on voulait donner préséance sur la Charte des droits et libertés de la personne. Heureusement, l'Opposition officielle était en Chambre pour porter cette carence à la charte à l'attention de la population du Québec et le gouvernement a modifié le projet de loi pour qu'il n'ait pas préséance sur la Charte des droits et libertés de la personne.

Mais, depuis...

M. Bédard: Vous vous référez à quel projet de loi?

M. Marx: Le premier projet de loi que votre gouvernement a déposé. Le projet de loi no 1. M. le ministre.

M. Bédard: II n'a pas été adopté avec un "malgré la Chambre".

M. Marx: C'est cela, parce que l'Opposition officielle était là pour attirer l'attention de la population. Le gouvernement, qui a déposé son premier projet de loi, a voulu que ce projet de loi, que cette loi, ait préséance sur la Charte des droits et libertés de la personne.

Cela démontrait le souci du gouvernement vis-à-vis des droits et libertés de la personne.

Maintenant, est-ce que le ministre est au courant que, dans d'autres cas, le gouvernement s'est prévalu de l'article 52 et a donné préséance à certains articles dans d'autres lois sur la Charte des droits et libertés de la personne?

M. Bédard: II est évident que lorsque le gouvernement est convaincu juridiquement qu'un article, que certaines dispositions d'un projet de loi vont à l'encontre de la charte, tel que vous l'avez mentionné, l'obligation de le spécifier dans le projet de loi est nécessaire. C'est ce que nous faisons.

De mémoire, nous avons adopté certaines dispositions — je pense entre autres... Je m'excuse, mais vous me demandez cela à brûle pourpoint, je pense à la Loi de la probation et des établissements de détention.

Je ne me souviens pas avec précision. C'est la première année que nous avons fait un rapport annuel, il y avait à peu près deux ou trois lois où on avait utilisé la clause "nonobstant"... Depuis ce temps-là, je ne me souviens pas. Je ne dis pas qu'il n'y en a pas. La première année, en tout cas. Cela

ne m'a pas frappé. C'est pour cela que, de mémoire...

M. Marx: Cela veut dire concrètement, M. le Président, qu'on a une Charte des droits et libertés de la personne et le ministre est prêt à passer outre à cette charte quand il a l'impression ou l'idée qu'il faut le faire. C'est cela la réponse du ministre?

M. Bédard: Non, ce n'est pas cela du tout que j'ai dit au député.

M. Marx: C'est cela.

M. Bédard: On vient de dire qu'il n'y en a pas eu depuis quelques années et, que je me souvienne...

M. Marx: M. le Président, ce n'est pas une question technique que je pose au ministre, c'est une question de politique générale de son gouvernement. Ce n'est pas nécessaire qu'il consulte tout le monde sur cela. C'est une question de politique générale. Par exemple...

M. Bédard: Non, mais, à notre connaissance, je pense que la meilleure preuve que vous pouvez avoir...

M. Marx: M. le Président, j'ai le droit de parole. Je termine.

Une Voix: Mon collègue a le droit de parole.

M. Bédard: Sauf que j'attendais pour répondre et monsieur se reprend.

M. Marx: C'est moi qui me sens agressé maintenant par le ministre.

M. Bédard: D'accord.

M. Marx: M. le Président, j'ai tout compris. J'ai compris toute la politique de ce gouvernement qui a été annoncée par le premier ministre, en Chambre, il y a quelques jours. Le gouvernement du Québec est contre une Charte des droits et libertés enchâssée dans la constitution, parce qu'une fois qu'on a une charte enchâssée dans la constitution, on ne peut pas passer outre, il faut la respecter intégralement. Mais le gouvernement actuel aimerait avoir une charte, comme la charte actuelle, parce que le gouvernement peut proposer des projets de loi qui auraient préséance sur la Charte des droits et libertés de la personne. C'est cela la conclusion que je tire des paroles du premier ministre et du ministre de la Justice.

M. Bédard: Vous tirez une fausse conclusion et vous la tirez avant même que j'aie l'occasion de vous fournir la réponse à votre question, qui est technique. Vous me demandez combien c'est arrivé de fois, depuis quand, etc.? Il faut quand même que je prenne le temps de m'informer, ce que je fais auprès du président de la Commission des droits de la personne. De mémoire, je pense que, depuis trois ans, il n'y a eu absolument aucune mention de "nonobstant" dans les lois du gouvernement du Québec. Vous avez tiré vos conclusions vraiment trop rapidement; parce qu'au contraire, la pratique va dans le sens qu'à moins de situations tout à fait exceptionnelles, le gouvernement applique la Charte des droits et libertés de la personne.

M. Marx: M. le Président, je dois intervenir. Quand on a une charte enchâssée dans la constitution comme le Bill of rights aux Etats-Unis, on ne peut jamais passer outre, même dans les circonstances exceptionnelles.

M. Godin: II y a des exceptions aux Etats-Unis.

M. Bédard: Je ne conteste pas nécessairement, quoique j'aie certaines réserves sur ce que vous affirmez. Ne mêlez pas le problème constitutionnel et le problème de l'enchâssement. Si vous voulez discuter de cela, on va discuter de cela. Ce que vous me demandez jusqu'à maintenant, c'est si le gouvernement respecte la Charte des droits et libertés de la personne. Je suis en mesure de vous dire oui.

M. Marx: Sauf quelquefois.

M. Bédard: Depuis trois ans, M. le Président...

M. Forget: M. le Président, j'ai demandé le droit de parole il y a déjà un certain temps.

M. Bédard: Je vais terminer ma réponse au député.

Le Président (M. Bordeleau): Je vais laisser le ministre répondre et, après cela, je vais vous donner le droit de parole.

M. Forget: Je comprends, mais cela va durer une demi-heure, ce sont des échanges. J'ai demandé le droit de parole, M. le Président. Ah! après!

M. Bédard: Depuis trois ans, il n'y a eu aucune mention de "nonobstant" dans les lois du gouvernement du Québec.

M. Forget: J'ai la parole?

Le Président (M. Bordeleau): C'est maintenant.

M. Forget: Je vais essayer de poser une question pour faire ressortir le sens de ce que le ministre nous dit depuis un certain temps. Il nous dit: D'abord, il y a la possibilité prévue dans un article de la charte, l'article "nonobstant". Cela a été utilisé parfois, pas toujours. Cela l'est moins, cela l'est plus. Très bien, cela l'est moins. Il y a cependant une autre façon, si je comprends bien

les explications du ministre, de passer à côté de la charte c'est de faire un projet de loi sans invoquer la clause "nonobstant", et malgré des avis juridiques qui peuvent attirer l'attention du ministre sur le fait qu'on viole la charte, mais en alléguant que c'est une zone grise, que c'est une question d'interprétation, et que même l'avis de la Commission des droits de la personne n'est pas la fin du monde, n'est pas le dernier mot, que c'est important, mais pas décisionnel.

On passe le projet de loi au mépris de la charte, au mépris d'un avis qu'on a reçu relativement à une violation de la charte, mais on le fait quand même, et on demande aux justiciables d'assumer le fardeau de la preuve que c'est une violation de la charte. Il y a donc deux façons de passer à côté. Il y a la façon officielle prévue par la charte, qui est d'invoquer l'article "nonobstant", la clause "nonobstant", et l'autre façon, qui est devenue plus fréquente — je pense que le ministre ne pourra pas le nier — de voter une loi en disant: Oui, la commission a dit cela, mais on prétend que la commission s'est peut-être trompée. Je vais donner un exemple: II semble — on me dira si j'ai tort — qu'il y a dans les avis qui sont reproduits en annexe des notions qui se retrouvent dans les lois que l'Assemblée nationale a adoptées au cours de la présente session et qui ne rencontrent pas à 100% les avis émis par la commission. De deux choses l'une: Ou la commission s'est trompée, et il faudra trouver un forum quelconque, une cour, un tribunal quelconque pour déterminer que la commission s'est trompée; ou alors, la commission ne s'est pas trompée et, effectivement, on ignore la charte sans utiliser la clause "nonobstant".

Le cas précis que j'ai à l'esprit, c'est l'avis que la Commission des droits de la personne du Québec a donné au sujet du projet de loi 55, que j'ai eu l'honneur d'étudier en commission parlementaire et à l'Assemblée nationale, avec l'adjoint parlementaire du ministre. C'est un avis qui est daté du 30 novembre 1979, je ne me souviens pas exactement de la date à laquelle nos débats ont eu lieu à ce sujet. Je pense que cela se situe l'hiver dernier, donc plusieurs mois ou quelques mois après que le gouvernement a eu en main cet avis.

C'est malgré tout seulement quand j'ai reçu les documents budgétaires que nous étudions actuellement que j'ai pris connaissance de cet avis de la commission. Cela pose plusieurs problèmes sur lesquels je reviendrai tout à l'heure. Cela pose certainement la question que, selon cet avis — je cite la page 56 de notre document, ce n'est pas la page 56 de l'avis, bien sûr — on fait état que l'article 42, tel que rédigé, nous semble poser problème. On énumère les problèmes que cela pose. Donc, il y a là un avis reçu par le gouvernement, à sa demande, qui est demeuré un avis privé, qui n'a pas été divulgué à l'époque, et qui indique qu'on a ignoré la charte ou la meilleure opinion juridique disponible à l'époque de l'adoption de la loi sur la signification de la charte, on l'a mis de côté sans invoquer la clause "nonobstant".

Cela illustre parfaitement le point que voulait illustrer mon collègue, qu'il y a deux façons d'ignorer la charte: II y a la façon franche, ouverte de dire: Nonobstant la charte, on veut le faire quand même. Il y a la façon moins transparente, moins franche, moins courageuse de dire: On sait qu'on viole la charte, on a l'avis juridique, on ne le publie pas, on le met dans le tiroir du fond, on l'adopte sous cette forme malgré tout et on verra bien ce qui arrivera. Est-ce que c'est substantiellement faux, M. le ministre?

M. Bédard: Oui, c'est substantiellement faux, parce que, dans le sens que je l'ai dit au départ, les opinions de la Commission des droits de la personne sont très importantes pour le gouvernement. Mais je pense qu'il faut convenir ensemble que ces opinions ne sont pas des décisions judiciaires, ce sont des opinions juridiques avec lesquelles on peut être en désaccord à certains moments. Lorsque le gouvernement — ce qui arrive très rarement, on est à même de le constater depuis quatre ans, au niveau de l'ensemble de toutes les lois qui ont été faites — consciencieusement, après analyse juridique n'est pas d'accord avec une opinion ou une partie d'opinion de la Commission des droits de la personne à ce moment, il agit selon sa conviction. (22 h 30)

II y a toujours, parce qu'il arrive qu'on peut ne pas avoir la même opinion juridique, tout en étant honnête de part et d'autre, la possibilité pour les citoyens d'en appeler aux tribunaux qui peuvent trancher définitivement la situation. Mais j'espère que vous n'allez pas jusqu'à dire que le gouvernement n'a plus aucune discrétion à partir du moment où une opinion est donnée par le commission. Tout en y attachant une très grande considération, je pense que tout gouvernement — le présent gouvernement et tout gouvernement à venir — garde sa possibilité d'évaluer et d'agir en conséquence. Je sais, entre autres, dans l'adoption du projet de loi concernant le financement des partis politiques, qu'il y avait une opinion de la Commission des droits de la personne selon laquelle c'était contraire à la Charte des droits et libertés de la personne d'empêcher les contributions des corporations aux caisses de partis politiques.

Du point de vue gouvernemental, après analyse juridique, nous n'étions pas d'accord avec la commission. Cela ne veut pas dire qu'on n'a pas de considération pour la commission, mais il arrive qu'on ne soit pas d'accord tout le temps. Nous avons fonctionné selon notre conviction, dans le sens de défendre aux corporations de contribuer aux caisses des partis politiques. Il n'y a eu aucune contestation depuis...

M. Marcoux: Tout le monde connaissait l'opinion de la commission.

M. Bédard: Cela a été unanime de la part de tous les partis.

M. Marcoux: Oui, cela a été...

M. Bédard: Ce n'est pas moi qui ai procédé à...

M. Marcoux: ... une loi adoptée unanimement et l'opinion de la commission était publique et connue de tout le monde.

M. Marx: Cela, ce n'est pas brillant. Tous les députés étaient unanimes au Parlement fédéral pour invoquer la Loi sur les mesures de guerre. Cela ne nous rassure pas.

M. Marcoux: Non, whoa!

Des Voix: Non, pas unanimes...

M. Marcoux: Pardon!

M. Bédard: Ce n'est pas parce que vous avez déjà été membre de la Commission des droits de la personne...

Le Président (M. Bordeleau): Messieurs, on déborde un peu!

M. Marcoux: Non, mais ce que je veux indiquer, c'est que l'opinion de la commission était publique, et tous les membres de l'Assemblée nationale, à ce moment-là, étaient parfaitement informés de l'opinion de la commission qui n'était pas d'accord pour interdire aux personnes morales le droit de contribuer au financement des partis politiques. Les membres de l'Assemblée nationale, à l'unanimité, malgré l'opinion de la commission, ont adopté cette loi.

Il ne faut pas dire... Il y a les bons et les méchants. Les juristes du côté du gouvernement ou les députés ministériels qui sont les méchants, qui ont adopté ou seraient portés à adopter des lois avec lesquelles la Commission des droits de la personne... il pourrait y avoir des éléments de lois avec lesquels ils ne pourraient pas être d'accord comme respectant la charte, et il y aurait les bons députés, les députés de l'Opposition qui, n'étant pas informés de ces avis, etc. A ce moment-là, le dernier recours, ce sont les tribunaux pour les citoyens, etc. Ce n'est pas toujours comme ça que ça se passe. On a vu un exemple concret lors de la loi no 2, concernant le financement des partis politiques. Tous les partis politiques étaient parfaitement informés de l'opinion de la commission et ont voté unanimement les deuxième et troisième lectures de cette loi.

M. Bédard: D'ailleurs...

M. Marcoux: C'est vrai que vous n'étiez pas là à ce moment-là.

M. Bédard: Non, mais...

M. Marcoux: Peut-être qu'il y aurait eu un dissident. Mais vous étiez...

M. Marx: J'étais peut-être à la commission, à l'époque.

M. Marcoux: A ce moment-là, vous étiez à la Commission des droits de la personne. Vous le savez très bien. Cette opinion juridique portait sur au moins six ou sept recommandations de la part de la Commission des droits de la personne. L'ensemble des points a été respecté. Les membres de la commission ont été d'accord avec l'expression d'opinion de la commission sur l'ensemble des points, sauf un, qui était celui concernant la contribution des corporations aux partis politiques. A ce moment, la décision a été prise dans ce sens-là, mais toujours avec une très grande considération et un grand respect pour les opinions de la Commission des droits de la personne.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent?

M. Forget: M. le Président, il reste une chose. C'est qu'on peut très bien alléguer qu'il y a des zones grises, des différences d'opinion; mais il ne s'agit pas seulement de l'alléguer, il s'agit d'avoir des raisons probables de croire qu'il y a des différences d'opinions sur l'interprétation que des juristes se font d'un texte.

Or, quand la seule opinion, du moins la seule opinion publique connue, le seul rapport, le seul document juridique qui est connu, c'est l'opinion de la Commission des droits de la personne et qu'on peut imaginer que l'autre opinion, ce n'est pas nécessairement une opinion de juristes, mais que c'est une opinion d'opportunité politique, qui peut être légitime, le ministre dit: II y a une discrétion qui doit demeurer. Je veux bien croire qu'il y a une discrétion. Mais c'est une discrétion politique et la discrétion devrait s'appliquer dans des cas où c'est véritablement une zone grise, pas simplement une opinion qui serait reprise par tous les juristes, s'ils devaient évaluer le même point.

Quand il y a une seule opinion et qu'elle est dans le sens que la loi qu'on se propose d'adopter contredit la charte, on peut difficilement prétendre qu'on acquiert une discrétion politique parce que les expertises juridiques sont contradictoires. On n'en sait rien, on n'en a qu'une.

Alors, il est difficile de se contredire à un. Pour se contredire, il faut d'abord être deux. C'est déjà un bon prérequis. Si on est trois, il y a encore plus de chances, mais à un, c'est fort difficile d'avoir une contradiction. Et s'il n'y a pas de contradiction, je pense que le fardeau de la preuve est à celui qui, sur le plan politique, réclame la discrétion politique. Il doit démontrer qu'il a une opinion juridique au moins équivalente qui démontre que l'opinion contraire est également valable. Et d'un. Et ça vaudrait, à plus forte raison, si les opinions étaient publiques. Mais quand les opinions, y compris l'opinion de la Commission des droits de la personne, demeurent privées, données au seul gouvernement, et que ni l'opinion publique ni les partis de l'Opposition à l'Assemblée nationale ne sont conscients du fait que l'interprétation la meilleure, et même peut-être la seule de la Charte des droits et libertés de la personne, va à l'encontre du projet de loi, et qu'on n'invoque pas la clause "nonobstant", alors on va contre l'esprit

de la Charte des droits et libertés de la personne. Peut-être qu'on peut s'en tirer, sur un plan strictement juridique, sur un plan technique, cela est secondaire. Il reste cependant que l'esprit de la charte, le sens de cette clause "nonobstant", c'est que si, véritablement, il y avait une intention politique d'aller à rencontre de la charte, il faudrait avoir le courage politique de le dire et de l'inscrire dans la loi.

Toutes les autres manoeuvres qui sont faites pour éviter d'utiliser la clause "nonobstant", sont à l'encontre de l'esprit de la charte. Autrement, cette clause n'a plus de sens, parce que, dans le fond, on pourrait l'éliminer et on revient à la même situation. N'importe quel gouvernement peut adopter des lois et elles vont rester en vigueur dans cet état-là jusqu'à ce que quelqu'un les conteste.

Alors, on gagne quoi? La clause "nonobstant", c'était pour forcer les gouvernements à être plus candides, justement, quant à leurs intentions; et on observe qu'il y a là un mouvement de recul par rapport à ça.

Une autre observation que j'aimerais faire, M. le Président, c'est qu'à l'expérience, les membres de l'Opposition... Il y a d'ailleurs eu un débat de procédure que nous avons perdu là-dessus, donc, il est sûr que, sur un plan de stricte légalité, de procédure parlementaire, les propos que je vais adresser supposent des changements dans les textes, mais il demeure fondamentalement anormal, je pense, que l'organisme que constitue la Commission des droits de la personne — qui est nommé par un vote qualifié, une majorité qualifiée des deux tiers de l'Assemblée nationale — serve de consultant légal pour le ministère de la Justice et ne serve pas plutôt à informer de façon égale tous les membres de l'Assemblée nationale de l'interprétation que la commission formule sur la signification de la Charte des droits et libertés de la personne.

Si les procédures parlementaires et si la loi constitutive de la commission ne permettent pas ce résultat, il y a quelque chose de fondamentalement vicié dans le processus. Parce que l'esprit de la commission était non pas d'être une officine gouvernementale, mais le gardien de cette charte auprès de l'Assemblée nationale, d'en être le gardien public et non pas le confesseur privé du gouvernement.

On se trouve dans la situation où il a fallu utiliser l'étude des crédits pour obtenir des textes qui, dans l'esprit même de toute cette opération, devraient automatiquement être déposés à l'Assemblée nationale, être communiqués à tous les partis.

Je ne dis pas qu'on devrait d'office demander à la commission de donner des avis sur toutes les lois, ce n'est pas ce que je dis. Mais si l'Assemblée nationale décide qu'un avis est nécessaire, il me semble que c'est une décision de l'Assemblée nationale qui devrait enclencher le processus, et ce devrait être à l'Assemblée nationale que la commission fait son rapport, un peu à la façon dont le Vérificateur général fonctionne dans le domaine des comptes publics.

La procédure actuelle et l'utilisation qu'on en fait montrent clairement qu'il y a un mécanisme qui ne tourne pas rond quelque part. Sans aucun doute, il faudrait changer les textes, sans aucun doute, ce que je dis dans le moment n'est pas conforme à une interprétation pointilleuse des textes de notre règlement, etc. Mais je tenais à faire cette mise au point, parce que je pense qu'on s'écarte progressivement, pour des raisons de procédure qui peuvent être excellentes, pour des raisons de commodité, etc., de l'esprit qui a présidé à la création de l'organisme.

Ceux qui animent l'organisme, je ne les accuse de rien, bien au contraire. Ils doivent fonctionner comme tout le monde dans le cadre actuel, mais je pense que c'est diminuer l'importance de la commission que de la faire fonctionner dans un cadre comme cela, c'est injuste à son égard et c'est injuste également à l'égard de l'Assemblée nationale à qui, me semble-t-il, on avait voulu donner un instrument de contrôle de la législation qui ne soit pas justement un instrument gouvernemental, que le gouvernement du jour puisse utiliser quand bon lui semble, mais tenir secrète également quand bon lui semble.

C'est une situation anormale, et je pense que le fait qu'on ait, par exemple, débattu un projet de loi dans l'ignorance totale de l'opinion qu'en avait la Commission des droits de la personne et que, trois mois ou quatre mois après son adoption, on se rende compte qu'un des articles qui a effectivement été débattu entre nous, auquel nous nous sommes effectivement opposés et au sujet duquel le porte-parole du gouvernement nous a dit qu'il n'y avait rien là, que c'était très bien et qu'il n'y avait pas de problème... C'était la question des tavernes...

M. Godin: N'interprétez pas ce que j'ai dit six mois plus tard.

M. Forget: C'était la question des tavernes. Vous savez très bien qu'il en a été question, que cela a été débattu.

M. Godin: D'accord, j'ai demandé la parole, mais n'interprétez pas six mois après ce que j'ai dit.

M. Forget: Oui, vous avez demandé la parole, mais je l'ai encore.

M. Godin: Oui, mais vous me citez de travers.

M. Forget: Est-ce qu'on va faire respecter, M. le Président... Est-ce que vous êtes capable de présider cette commission?

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Mercier, à l'ordre! Si vous arrêtez de parler en même temps, on va peut-être y arriver.

M. Forget: J'avais le droit de parole, on m'interrompt et c'est maintenant moi qui suis coupable.

Le Président (M. Bordeleau): II n'y a plus personne qui a le droit de parole. D'accord, c'est moi qui l'ai, maintenant. M. le député de Mercier, laissez terminer le député de Saint-Laurent.

M. Godin: Une question de directive.

Le Président (M. Bordeleau): Non, vous n'avez pas la parole.

M. Godin: Prima facie, comme disent ces heureux légistes, quand il y a une déformation manifeste des paroles que j'ai tenues dans cette commission, est-ce que j'ai un recours pour réparer ou corriger la citation?

Le Président (M. Bordeleau): Vous avez un recours, mais après.

M. Forget: Oui, article 93 de notre règlement, mais après que j'ai fini.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, je vous retiens pour tantôt, M. le député de Saint-Laurent, vous pouvez continuer.

M. Godin: D'accord, merci, ça répond à ma question.

M. Forget: Vous le savez très bien. Ce sont des interruptions, M. le Président. Je vous remercie, M. le Président, mais je terminais justement. Je ne peux pas souffrir ce genre d'intervention de la part du député de Mercier, qui n'a strictement rien à dire.

M. Godin: Pauvre petit garçon! Pauvre de vous! Il ne peut pas souffrir!

M. Forget: II n'a strictement rien à dire, mais il intervient justement quand il sent que son ministre est dans l'eau chaude ou que son parti est dans l'eau chaude.

M. Godin: L'épiderme!

M. Forget: M. le Président, je pense que j'ai fait une intervention sérieuse, et je citais justement les arguments que nous donnait le secrétaire parlementaire, l'adjoint parlementaire du ministre de la Justice, alors que nous avons débattu cette question, une question qui est d'actualité, étant donné les représentations que nous font les organismes féminins, les problèmes de droit et de liberté fondamentale, d'égalité, de non-discrimination, il a été question de cela. Il aurait été quand même éclairant de savoir ce qu'en pensait la Commission des droits de la personne et, au moment où nous en parlions, au moment où nous tenions un langage analogue à celui de la commission, vous étiez confortablement assis sur cet avis sans nous le dévoiler. Je pense que cela est contraire à l'esprit qui a présidé à l'adoption à l'Assemblée nationale de la Charte des droits et libertés de la personne.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre. M. Bédard: M. le Président, je vais relever...

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, je m'excuse, mais, étant donné que M. le député de Mercier voulait corriger...

M. Godin: Je vais céder le droit de passage. Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, le gouvernement et le ministre ne sont en aucune façon dans l'eau chaude. Je pense que nous avons une discussion importante. Nous avons aussi la chance d'avoir avec nous le président de la Commission des droits de la personne qui pourra, s'il le désire, ajouter quelques propos, mais je tiens quand même à dire très clairement que le gouvernement actuel — je ne parlerai pas pour les autres gouvernements — ne considère en aucune façon la Commission des droits de la personne comme une officine gouvernementale, tel que le prétend le député de Saint-Laurent, ni comme un confesseur du gouvernement. (22 h 45)

Au contraire, le gouvernement croit, comme ministre, et j'ai la même conviction, que la présence de la Commission des droits de la personne est non seulement essentielle, mais nécessaire et, à mon avis, contribue à ce que le présent gouvernement et les autres gouvernements aient à user de beaucoup plus de prudence lorsqu'ils y vont de lois qui sont sous l'angle du respect des droits et libertés individuelles. Et je tiens à vous dire qu'en aucune façon, comme ministre de la Justice responsable de la Commission des droits de la personne, je n'ai adopté d'attitude ou pris de position qui va dans le sens des insinuations du député de Saint-Laurent, en ce sens que la Commission des droits de la personne soit une officine gouvernementale. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de revenir sur la conception, que j'ai énoncée tout à l'heure, de l'importance de la Commission des droits de la personne et aussi de la possibilité d'analyses qui reste quand même, au niveau gouvernemental à la suite des opinions fournies par la commission. Je ne veux pas reprendre le débat, mais si...

Le Président (M. Bordeleau): M. le Président de la commission.

M. Bédard: Rapidement, peut-être. Je dirais que c'est une question fort importante, au fond, qu'on soulève actuellement et à laquelle la commission elle-même est très sensible. Depuis le début, on a toujours abordé cette question de critique de projet de loi avec, j'ose croire, un certain sens de l'éthique et on a essayé d'être le plus compétent possible.

Bien sûr, notre seule grille d'analyse et notre seule grille d'intervention reposent sur la charte, il s'agit de savoir si oui ou non tel projet de loi

respecte ou non les valeurs véhiculées par la charte. Il ne s'agit pas pour nous de nous prononcer sur la sagesse ou non d'un projet de loi. Je pense que c'est facile à dire et à verbaliser, mais ce n'est pas toujours évident, particulièrement quand on tombe du côté des droits socio-économiques qui sont mentionnés dans la charte et du pouvoir de payer d'un gouvernement.

Ceci étant dit, nous intervenons, soit à notre propre initiative, soit à la suite d'une demande. Nous avons reçu des demandes diverses. Parfois, ça vient d'une commission parlementaire et ça nous est transmis par le ministre responsable de cette commission mais, à d'autres moments, c'est un ministère qui entre en contact avec nous au moment de l'élaboration d'une politique, donc des grands principes, avant même qu'on ait un texte d'un projet de loi. Parfois, c'est au moment d'un avant-projet ou encore c'est au moment du projet de loi proprement dit. Evidemment, dans les étapes préalables, nous n'avons jamais jugé opportun de rendre ça public, mais nous avons toujours très bien établi nos principes à savoir qu'on donnait tel avis mais que, si le ministère concerné ne le suivait pas, bien sûr, on se sentait libre de le dire ouvertement, et on l'a fait.

Quand il s'agissait d'un projet de loi, en général, nous l'envoyions au ministère concerné et au président de l'Assemblée nationale, pour qu'il agisse comme il l'entendait.

La commission, bien sûr, a vécu son propre apprentissage et a assisté au débat qui a eu cours ce printemps. Tout ce que je peux dire, c'est que nous ne nous sommes jamais sentis "confesseur privé" d'un ministre, fût-il celui de la Justice. Nous aurions refusé d'agir de la sorte. Il faut, je pense, que je le dise au nom de la commission. Mais nous sommes prêts à étudier, avec beaucoup de soin, cette demande selon laquelle les avis que la commission donnerait, pourraient informer tous les membres de l'Assemblée nationale, auxquels elle a des comptes à rendre, puisqu'elle doit rendre public son rapport annuel à l'Assemblée nationale.

Je vais en faire part à la commission et je pense que nous sommes très sensibles à cette demande.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Mercier, toujours sur le même sujet?

M. Godin: Très brièvement. Je ne voudrais pas aller dans les détails, mais aborder la question. J'ai participé à un congrès des State legislators, organisé par les législatures d'Etats américains à Denver, Colorado, avec d'ailleurs notre collègue le député de Saint-Louis et d'autres. Or, un des colloques portait précisément sur ce genre de problème.

Et les porte-parole américains étaient d'avis — certains d'entre eux du moins — que s'en remettre chaque fois, tout le temps, au Bill of Rights ou à une commission des droits de la personne ou à une charte enchâssée, équivalait en principe à une partielle abdication des pouvoirs du Parlement. C'est le problème que cela pose.

Et, sur la "judiciarisation" absolue du processus politique — car nous votons ici des lois et, en tant que parti politique devenu un gouvernement, nous pourrions abdiquer une partie des pouvoirs du législateur en nous en remettant toujours aux tribunaux, à une commisson ou à une charte des droits de la personne pour régler des problèmes de zone grise. Par conséquent, il ne suffit pas de dire que chaque fois que c'est discriminatoire à sa face, le gouvernement doit se plier tout à fait. Le cas des tavernes était un bel exemple où on avait des droits acquis* pour quelques propriétaires. Tout nouveau permis ne pouvait pas être appelé permis de taverne, il devait par conséquent être conforme à la charte, au moment où elle fut passée. Je pense que nous avons usé de la sagesse du législateur en votant cette loi. Je ferai remarquer au député de Saint-Laurent qu'à l'époque, il n'avait pas posé la question en commission parlementaire, sur la conformité de cet article de la nouvelle loi par rapport à la charte. Il n'avait pas posé la question.

Je terminerai en disant que si, dans un tel cas, les citoyens jugent que nous avons fait une grave erreur, ils nous jugeront, mais je pense que la meilleure garantie est encore le système démocratique dans lequel on vit. Cependant, comme législateur, je ne suis pas prêt à abdiquer une partie substantielle de la souveraineté du Parlement à une charte, parce qu'on pourrait dire: II n'a qu'à interdire la pêche au saumon à certaines périodes de l'année à travers les droits du pêcheur, qu'à interdire la chasse au chevreuil durant telle période de l'année à travers les droits du chasseur ou du pêcheur. Une application aveugle et non tempérée par un Parlement de ces règles-là, à mon avis, peut donc mener à des situations absurdes. Le cas des tavernes nous a semblé à l'époque un cas patent d'une institution qui existait depuis quelques siècles, et que nous avons décidé de garder pour toutes celles qui avaient déjà des droits acquis. Seuls les nouveaux permis devaient par conséquent être des permis de brasserie en laissant le libre accès sans discrimination de sexe. Je pense que le gouvernement a agi sagement.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Deux remarques très brèves, M. le Président. D'abord, relativement à ce que vient de dire le député de Mercier, c'est un peu tautologi-que. S'il y a des droits fondamentaux, c'est sûr que les législateurs abdiquent une partie de leurs responsabilités. Ou il y a des droits fondamentaux ou il n'y en a pas. C'est probablement un point sur lequel nous ne serions pas d'accord. Nous sommes d'avis qu'il doit y avoir des droits fondamentaux, qu'il doit donc y avoir une restriction au pouvoir normal de légiférer, quitte à permettre des dérogations, mais des dérogations explicites et ouvertes, ce que vous ne faites plus ou ce que vous faites moins. On n'a pas de chiffres précis, mais c'est bien important. S'il y a des droits

fondamentaux, c'est sûr qu'il va y avoir une abdication partielle du pouvoir de légiférer. L'un ne va pas sans l'autre.

La deuxième remarque que j'aimerais faire, c'est à la suite des propos du président. Je pense que nous allons tous, de tous les côtés, nous interroger sur le processus de consultation, parce qu'il a posé jusqu'à maintenant des problèmes, et je pense que c'est à l'expérience seulement qu'on pouvait en mesurer toute la portée, mais j'aimerais malgré tout dire ceci sur le plan des réflexions qu'on peut faire: La consultation que fait privé-ment le gouvernement auprès d'un organisme qui est responsable à l'Assemblée nationale et non pas au ministre offre un danger certain que l'organisme consulté se trouve en quelque sorte coopté, s'il l'on veut, dans le mécanisme de la décision gouvernementale et, quelles que soient les bonnes volontés, quel que soit le désir de maintenir les choses distinctes qui doivent être distinctes, il devient difficile pour les juristes qui sont les membres de la commission de perdre de vue les objectifs ministériels, les objectifs gouvernementaux, dans la rédaction d'un projet de loi auxquels ils sont associés par cette consultation.

C'est un danger. Il faut se poser la question, se demander, si cette possibilité de consultation par le gouvernement devrait être maintenue, étant donné les dangers que cela présente, quelles que soient encore une fois, les bonnes intentions de part et d'autre, si nous ne devrions pas considérer que la commission décide de cas individuels, un peu à la façon d'un tribunal administratif, si l'on veut, comme elle le fait maintenant. Quand il s'agit du processus consultatif, c'est un processus consultatif, à la demande d'une instance de l'Assemblée nationale, soit l'Assemblée nationale elle-même ou une de ses commissions, et sur des projets qui sont déjà des projets déposés et publics, de manière qu'il n'y ait pas de cette cooptation dans le mécanisme décisionnel.

Ce n'est peut-être pas le dernier mot que j'aurais à dire sur le sujet, mais il me semble que l'expérience vécue jusqu'à maintenant, sans imputer encore une fois de mauvaises intentions à qui que ce soit — je pense que tout le monde là-dessus est au-dessus de tout reproche, quant aux intentions — il y a peut-être un peu des éléments d'une réflexion là-dessus qui pourrait nous inspirer des changements législatifs.

En tout cas, je n'ai pas d'autre commentaire à formuler sur toute cette question.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Rimouski.

M. Bédard: Je crois également que cela mérite réflexion, assurément.

M. Marcoux: Pour enchaîner sur le sujet que vient d'aborder le député de Saint-Laurent, en ce qui me concerne, je partage la même préoccupation. Par quelle sorte de méthode ou d'ajustement pourrait-on arriver à répondre à l'interrogation qui est posée? Je pense que l'interrogation est très valable. Si, pour le gouvernement, la commission accepte de donner des avis avant même que les projets de loi soient déposés, on pourrait peut-être admettre que c'est normal. Il y a une chose qui est certaine, c'est que notre premier souci, lorsque des projets de loi sont rendus publics et qu'il y a, ou risque d'y avoir, d'après la Commission des droits de la personne, des projets qui ne sont pas en concordance avec la charte, est que les membres de l'Assemblée nationale ou l'Assemblée nationale puissent, normalement et presque par une sorte d'automatisme, avoir droit à ses opinions.

Nous sommes tous là pour défendre les libertés au maximum et, d'une certaine façon, la démocratie; mieux les membres de l'Assemblée nationale sont informés, plus, je pense, ça peut éviter de faire des erreurs dans des lois et permettre que nos lois soient meilleures. Je n'irais pas jusqu'à interdire au gouvernement de solliciter des avis de la commission avant même que des projets de loi soient déposés, parce qu'à ce moment-là, dans tout le processus législatif, il faut voir à ce que les lois soient les plus valables avant même d'être déposées, quitte à les améliorer par la suite.

En tout cas, indépendamment de la technique — je ne suis pas un expert des règlements de l'Assemblée nationale ou même du droit — sur l'objectif indiqué par le député de Saint-Laurent, je partage les principes qu'il a énoncés.

Il y a un deuxième point que je voudrais signaler. Tantôt, je ne l'ai pas relevé immédiatement, à cause de la discussion qui s'était engagée, le député de D'Arcy McGee a affirmé, si j'ai bien compris, que le premier ministre du Québec avait indiqué qu'il était absolument contre le fait que, dans la constitution canadienne, une charte soit enchâssée, selon votre expression. Vous étiez absent probablement de l'Assemblée nationale il y a quelques jours, car, répondant à une question du chef de l'Opposition officielle, le premier ministre a bien indiqué à ce sujet que le gouvernement était ouvert à des discussions et qu'il n'avait rien absolument contre le fait que la Charte des droits et libertés de la personne soit incluse dans la constitution.

Ce qu'il a bien indiqué, c'est que, en faisant ceci, il y aurait quand même des conditions; une condition fondamentale était que les droits linguistiques ou que la responsabilité des politiques linguistiques relèvent de façon très claire du gouvernement du Québec ou, en tout cas, de la juridiction du Québec, car il y a quand même des droits de ce côté-là que nous voulons bien protéger nous-mêmes. Ce que je dis est tellement vrai que, le lendemain, le chef de l'Opposition se disait heureux des ouvertures faites par le premier ministre, y inclus ce projet, qui était une des deux conditions préalables posées par le premier ministre du Canada.

Je pense que ce que vous avez affirmé tantôt et ce qui est clairement la position du gouvernement, c'est deux choses.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de D'Arcy McGee. (23 heures)

M. Marx: Je suis heureux d'avoir des explications du député de Rimouski. Je comprends bien que le premier ministre ait des opinions un jour et d'autres opinions un autre jour. J'aimerais rappeler au député de Rimouski qu'en 1979, lors d'une conférence fédérale-provinciale, il y avait deux provinces qui étaient contre le fait d'enchâsser une charte des droits et libertés de la personne dans la constitution du Canada, l'une de ces deux provinces étant le Québec.

M. Godin: Pour les raisons qu'il vient de donner.

M. Marx: Les raisons sont trop...

M. Godin: En quelle année avez-vous dit?

M. Marx: En 1979.

M. Godin: On ne passera pas d'une société politique à une société de juges.

M. Marx: Voilà l'opinion... je ne sais pas si l'adjoint parlementaire du ministre de la Justice donne la politique ou fait maintenant la politique du gouvernement...

M. Godin: Non, je vous donne mon opinion à moi, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: C'est son opinion.

M. Godin: Je pense qu'il faut que les deux coexistent.

M. Marx: Passons à un autre sujet.

M. Bédard: Sur ce point-là, le député de D'Arcy McGee le sait, concernant l'enchâssement des droits fondamentaux, il y a quand même des juristes très éminents qui ne sont pas favorables à cet enchâssement, entre autres M. Louis-Philippe Pigeon. Justement, il n'est pas d'accord, mais pas pour des raisons seulement juridiques, pour des raisons d'autre nature, parce que ce sont des droits évolutifs. A partir du moment où on les enchâsse, on diminue peut-être la possibilité d'évolution de ces droits. Regardez la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, comparez-la avec la Charte des droits et libertés du fédéral ou d'autres provinces, vous serez en mesure de constater que c'est une des plus avancées sur bien des droits. Cela ne veut pas dire, quand je dis ça, que je veux être négatif par rapport au fédéral ou autres provinces.

Socialement, il y a des choses qui ont semblé s'imposer ou être plus acceptables, ici au Québec; on n'en est pas au même point dans les autres provinces. C'est dans ce sens que c'est évolutif les droits et libertés.

M. Marx: M. le Président, je ne veux pas m'attarder à ce sujet, mais le ministre de la Justice a cité l'ancien juge Pigeon de la Cour suprême, pour prouver qu'il y a des juristes qui sont contre le fait d'avoir une charte enchâssée dans la constitution. Tout ce que je veux dire, c'est qu'on cite des opinions avec lesquelles on est d'accord, des opinions qu'on veut suivre. Je peux donner au ministre d'autres opinions qui ont autant de poids que l'opinion du juge Pigeon pour prouver que c'est la meilleure chose au monde d'avoir une charte enchâssée, mais je laisse ce sujet pour aborder ma dernière question.

J'ai été heureux aujourd'hui d'apprendre que le ministre a un grand respect pour la Commission des droits de la personne, parce que, comme on l'a vu ce matin lors du débat sur la motion de blâme, le gouvernement actuel n'a pas beaucoup de respect pour les tribunaux et pour les juges.

M. Bédard: Non...

M. Marx: Donc, au moins, qu'il y ait un certain respect pour la Commission des droits de la personne...

M. Bédard: ... M. le Président, je m'inscris en faux...

M. Marcoux: C'est de la fabulation.

M. Marx: ... si les députés du gouvernement ne sont pas d'accord, ils peuvent consulter leur collègue, le ministre Bérubé, et y lire tout ce qu'il a dit sur les juges, les tribunaux et les opinions juridiques pour voir...

M. Marcoux: Mon Dieu Seigneur!

M. Marx: ... que j'ai raison.

M. Marcoux: Bon!

M. Marx: Bon.

M. Marcoux: Le commercial est passé.

M. Marx: Dans la...

M. Godin: Est-ce que vous êtes d'accord avec M. Porter, vous?

M. Marx: Est-ce que j'ai le droit de parole encore ou...

Le Président (M. Bordeleau): Vous l'avez normalement. M. le député de Mercier, si vous voulez attendre votre tour.

M. Marx: II y a une couple de députés qui me suivent d'une commission à l'autre et m'interrompent. Je pense que le député de Mercier est un de ceux-là.

J'ai lu tous les rapports annuels de la Commission des droits de la personne et, dans chacun de ces rapports, la Commission des droits de la personne a fait un certain nombre de recommandations. Même d'une année à l'autre, elle a fait les mêmes recommandations sur des sujets assez précis.

Est-ce que le ministre a l'intention de suivre ces recommandations de la Commission des droits de la personne pour laquelle il nous a dit, il y a quelques minutes, avoir beaucoup de respect, ou est-ce qu'il va les "tabietter"?

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bédard: D'une façon générale, M. le Président, j'ai eu déjà l'occasion de le dire, les recommandations de la Commission des droits de la personne font l'objet d'une analyse en profondeur au niveau du ministère de la Justice. Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas donné suite, législativement parlant, à toutes les recommandations de la Commission des droits de la personne, nous en sommes conscients.

Je pense que le président de la Commission des droits de la personne a évoqué tout à l'heure, très rapidement, les droits socio-économiques auxquels on n'a pas encore donné suite, les avantages sociaux également.

Mais le ait que nous n'y ayons pas donné suite, jusqu'à maintenant, ne signifie pas une fin de non-recevoir en fonction de l'avenir.

M. Marx: Est-ce que le ministre a étudié ces recommandations?

M. Bédard: Oui. Quand on parle des droits socio-économiques...

M. Marx: Est-ce qu'il y a eu des opinions? Est-ce qu'il y a quelque chose sur papier ou s'il a fait cela par téléphone?

M. Bédard: Voulez-vous une réponse? M. Marx: Mais oui.

M. Bédard: Mais, attendez! Je ne suis pas obligé de vous répondre comme une machine. Vous, quand vous parlez, je vous laisse aller.

M. Marx: Mais on veut une réponse concrète. Si ce sont des généralités, on va passer au prochain programme.

M. Bédard: Attendez la réponse. Vous jugerez après si elle est concrète ou pas.

Concernant les avantages sociaux, il y a une étude qui est presque à terme, elle est très avancée, au niveau du ministère de la Justice. C'est sur ce point que nous voudrions essayer d'être le plus rapidement en mesure de nous fixer en termes de décision.

M. Marx: Vous avez d'autres recommandations?

M. Bédard: Les autres ne sont pas prêtes. Mais je pense que la plus importante — qui est revenue d'ailleurs à deux reprises — concernait justement les avantages sociaux.

M. Forget: Cela fait trois ans que vous avez le rapport là-dessus.

M. Bédard: Nous avons donné suite... M. Forget: Non.

M. Bédard: Nous avons donné suite aux recommandations de la commission concernant les handicapés, concernant l'orientation sexuelle. Lorsque nous rouvrirons la charte, à partir d'un projet de loi, à ce moment-là, nous essaierons de donner suite de la façon la plus générale possible aux recommandations de la commission.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que cela va pour le programme 5?

M. Lalande: Non, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Maisonneuve.

M. Lalande: J'aurais un cas précis à vous soumettre, M. le ministre. Comme le président est ici ce soir, peut-être pourrait-il nous informer. Au mois de janvier dernier, le député de Sainte-Marie faisait une conférence de presse. Il demandait aux journalistes de se réunir autour de lui, pour dénoncer, disait-il, un cas de discrimination d'ordre politique, racial, religieux et sexuel.

C'était une plainte que portait M. Bisaillon au nom de Mlle Joanne Provencher qui aurait été victime, disait M. Bisaillon, de discrimination à l'embauche, chez la Libby Dress, parce qu'elle portait un macaron appelant le oui au référendum. La Libby Dress est la propriété de M. Libman, qui est manufacturier à Montréal. Ce que je voudrais savoir, c'est si la commission a rendu sa décision à ce niveau et quelles en sont les conclusions.

M. Bédard: Oui, la commission, il y a à peu près un mois, je ne me souviens pas exactement, a rendu sa décision et, dans ce cas-là, a trouvé, d'après la preuve recueillie, qu'il n'y avait pas eu discrimination et elle a rejeté la plainte.

M. Lalande: Je voudrais seulement profiter de l'occasion pour vous rappeler que je vous ai trouvé bien silencieux à ce moment-là, parce que ce cas de discrimination qui était décrié par le député de Sainte-Marie, nous disait-il, se situait dans le comté de Maisonneuve. Evidemment, le député de Sainte-Marie, apparemment en tout cas, ne sait pas qu'au Québec, nous avons l'habitude de respecter la loi de l'"audi alteram partem", c'est-à-dire que les deux parties doivent être entendues avant de faire des dénonciations et des accusations à l'emporte-pièce, comme il a fait à ce moment-là. Il me semble que le ministre aurait dû à tout le moins lui conseiller de s'astreindre finalement à être un peu plus calme. Par ailleurs, la décision a été...

M. Marcoux: ... vous avez l'air tout à fait...

M. Lalande: Par ailleurs, j'ai trouvé le ministre extrêmement silencieux aussi à la suite du jugement qui rétablissait un fait de discrimination qui a paru à la une dans certains journaux en disant qu'il n'y avait pas eu de discrimination. Qu'on le veuille ou pas, publiquement, le propriétaire, ce manufacturier, M. Libman a subi un préjudice devant tout le monde, à la face même de tout le monde. Je ne tiens absolument pas la commission responsable de publier ou de ne pas publier sa décision. Elle a rendu son jugement, mais il me semble que le ministre — comment disait-il? — par réaction et par instinct d'ouverture, pour que tout se passe très bien, qui veut faire preuve de respect des tribunaux, de respect de la règle de droit, de la "rule of law", n'intervient ni dans un sens ni dans l'autre. C'est cela que je voulais souligner à son attention.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bédard: Je pourrais dire au député que nous n'avons pas été informés de cette décision par la Commission des droits de la personne. J'espère que...

M. Lalande: J'imagine que vous aviez été informé de la décision à- cette conférence de presse de votre collègue. J'imagine que vous étiez au courant de cela?

M. Bédard: Non plus.

M. Lalande: Vous ne suivez pas ces dossiers?

M. Bédard: Vous savez très bien comment cela fonctionne. Tous mes collègues de l'Assemblée nationale ne vont pas m'informer avant de toutes les conférences de presse qu'ils font. Je ne crois pas que cela devrait commencer.

M. Lalande: Ils en font trop. Ils en font beaucoup.

Une Voix: Peut-être que cela arrive chez vous avec M. Ryan où personne n'a le droit de lever le petit doigt sans avoir...

Une Voix: C'est votre malheur.

Le Président (M. Bordeleau): Un instant! Un instant! Un instant!

M. Bédard: Laissez-moi répondre. ... l'imprimatur du chef de l'Opposition.

Une Voix: Tu fais mal, tu parles à Bisaillon.

M. Godin: C'est trop le "fun", c'est plus le "fun" par exemple.

M. Lalande: Que vient faire le chef de l'Opposition à l'intérieur de cela?

M. Bédard: Nous sommes...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Maisonneuve, s'il vous plaît, laissez répondre le ministre. Vous pourrez revenir avec une autre question, si cela ne répond pas à votre question. Il faudrait d'abord le laisser répondre.

M. Bédard: Le mécanisme prévu par la loi, M. le Président, a été bien respecté. J'espère que le député ne m'invite pas à m'insérer dans le processus judiciaire ou le processus de la Commission des droits de la personne.

M. Laionde: Ah non!

M. Bédard: Le député de Sainte-Marie a fait une certaine dénonciation. C'était son droit. Il y a eu audition des faits devant la Commission des droits de la personne. La commission a rendu sa décision. Je pense que tout est correct comme cela. Je ne peux quand même pas commencer... je ne pense pas que c'est cela que vous voulez faire non plus. Vous ne voulez pas m'inviter à commenter toutes les décisions qui sont rendues par la Commission des droits de la personne.

M. Lalonde: Grâce à Dieu! Une Voix: Surtout pas...

M. Marcoux: Suivez le conseil du député de Saint-Laurent, changez de sujet, vous êtes sur la mauvaise patinoire.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Rimouski, s'il vous plaît! Est-ce qu'on peut dire que le programme 5 est adopté?

M. Bédard: Vous n'êtes pas sur une ligne forte, franchement.

M. Forget: Le programme 4, M. le Président, adopté.

Le Président (M. Bordeleau): Ah! le programme 4 n'était pas adopté? Je m'excuse. Le programme 4, adopté.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Bordeleau): Programme 5.

M. Bédard: C'est le programme 4, élément 1, qui vient d'être adopté?

Le Président (M. Bordeleau): Le programme 4 vient d'être adopté.

M. Lalande: Ah oui! M. le Président. Simplement une petite question d'ordre technique, au programme 5.

M. Forget: On n'est pas rendu là.

M. Lalande: Sommes-nous rendus au programme 5? Le programme 4 est...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, on arrive au programme 5. (23 h 15)

M. Bédard: M. le Président, au nom des membres de la commission, je voudrais remercier le président de la Commission des droits de la personne d'avoir bien voulu se déplacer et répondre aux questions des membres de la commission. Au programme 4, élément 2...

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce qu'on considère que le programme 4, élément 2, est adopté également?

M. Forget: Oui, cela a été débattu...

Comité de la protection de la jeunesse

M. Bédard: La Protection de la jeunesse. Le Président (M. Bordeleau): Oui, cela a été...

M. Bédard: Nous avons ici le président de la commission...

M. Forget: On nous annonce un colloque pour la fin du mois. On en a débattu tantôt. On n'a pas d'autres questions.

M. Bédard: Bien. Nous en aurions, étant donné que nous avons la présence...

M. Forget: C'est vous qui voulez poser les questions? Parfait.

M. Bédard: C'est parce que, tout à l'heure, le député de Maisonneuve a même réservé certaines questions concernant la Loi sur la protection de la jeunesse, avec l'assurance que je lui ai donnée que le président du Comité de la protection de la jeunesse serait ici.

Le Président (M. Bordeleau): Programme 4, élément 2?

M. Lalande: Je pense que le ministre a répondu substantiellement, à la question de fond que je lui posais, selon le rapport de certains directeurs qui disaient que ce n'était pas un succès, que c'était un fiasco. C'était évidemment une question d'opinion sur la Loi du tribunal de la jeunesse et tout cela...

M. Bédard: Devant l'évocation de cette opinion qu'a mentionnée le député de Maisonneuve, pour les membres de la commission et pour l'ensemble de la population, je pense qu'il serait important de donner quelques instants au président du Comité de protection de la jeunesse...

M. Lalande: Oui, très bien.

M. Bédard: ... pour nous parler de la loi 24...

M. Forget: On l'a lu récemment avec intérêt dans les journaux. C'est peut-être cela qui a calmé notre curiosité pour l'instant.

M. Lalande: Simplement pour vous replacer dans le sens de la question, je la répéterai. C'étaient les directeurs de centres d'accueil qui dénonçaient la loi 24 comme étant inefficace et nocive. Ils demandaient, dans leur conclusion, que tous les jeunes soi-disant impliqués dans un délit ou ayant récidivé soient maintenant conduits immédiatement devant un juge du tribunal de la jeunesse, plutôt que devant le DPJ, le directeur de la protection de la jeunesse, que les pouvoirs du directeur de la protection de la jeunesse soient repensés de fond en comble, que certains pouvoirs judiciaires qui avaient été donnés à des intervenants sociaux soient immédiatement remis au juge, que le nombre d'intervenants soit réduit, et notamment, le représentant du ministère de la Justice. C'étaient essentiellement les conclusions auxquelles en venaient les directeurs de centres d'accueil.

Le Président (M. Bordeleau): M. le président du comité.

M. Bédard: C'est l'opinion de deux centres d'accueil de Montréal, qui sont deux centres d'accueil importants, qui sont connus comme étant des centres d'accueil compétents, mais ce n'est quand même que l'opinion de deux centres d'accueil, et, sauf erreur, cela n'a même pas été endossé par l'Association des centres d'accueil. Je ne veux pas minimiser leur opinion, elle est valable sur certains points, mais c'est une opinion. Vous avez, dans le Devoir d'aujourd'hui, le compte rendu d'une conférence de presse qui a été donnée, et qui donne un autre son de cloche, par les directeurs de la protection de la jeunesse. Evidemment, c'est une loi difficile et... on ne peut pas éviter de reconnaître que c'est une loi difficile. Pour revenir directement à votre question, je pense que, du côté des centres d'accueil, il y a des difficultés. Limitons d'abord la clientèle qui est concernée par ces centres d'accueil: en gros, en chiffres ronds, il y a à peu près 50 000 jeunes au Québec qui sont touchés annuellement par cette loi. Pour à peu près la moitié, pas tout à fait la moitié, ce sont des cas d'enfants ou de jeunes abandonnés, maltraités, exploités, ce qu'on appelle des gens qui ont besoin de protection. De l'autre côté, c'est la délinquance. Ce centre d'accueil, et Sainte-Hélène, qui est l'autre centre d'accueil, sont des centres d'accueil qui s'occupent de délinquance. Dans la délinquance, c'est encore une minorité — si on prend les 25 000 cas de délinquance — qui a affaire à des centres d'accueil du type de Sainte-Hélène et de Boscoville, dont vous citez l'opinion. C'est déjà limité par rapport à une clientèle très limitée.

Mon commentaire porterait sur deux points. Il y a d'abord la difficulté d'intégrer dans le réseau. C'est peut-être symptomatique, la reconnaissance des droits à des jeunes. La façon dont cela a été publicisé quand la loi a été mise en vigueur a peut-être entraîné une certaine perception chez beaucoup de gens, notamment chez certains jeunes, cette catégorie de jeunes délinquants peut-être plus structurés que les autres, peut-être un peu plus vieux que les autres aussi, une perception telle qu'ils peuvent facilement abuser de cette reconnaissance des droits à leur égard ou la percevoir comme étant un outil de plus pour être délinquants et pour essayer de jouer à travers les services qui pourront les aider.

Concrètement, ça veut dire que, dès leur entrée dans le centre d'accueil, la loi prévoit qu'il peut y avoir, quand il y a des faits nouveaux — ça semblait juste quand on regarde ça objectivement — une révision de l'ordonnance qui a envoyé le jeune dans le centre d'accueil. Evidemment, on fait flèche de tout bois, les moindres événements qui surviennent font qu'on intervient avec le concours de son avocat qui parfois accepte facilement. Il y a parfois aussi des adultes autour qui les incitent. Il y a toutes sortes d'interventions de révision. Il y a un abus de la révision, ce qui fait que le jeune n'entre pas dans le programme de traitement, il n'entre pas facilement dans le programme de traitement qui est prévu par ces centres. Donc, difficulté des éducateurs, démobilisation aussi des éducateurs devant des jeunes qui font leur temps — leur temps est très court — en attendant d'avoir une révision pour essayer d'en sortir. C'est la première difficulté.

Il y a une deuxième difficulté, je pense, qu'il ne faut pas se cacher non plus. Vous avez un contrôle à l'égard de ces centres d'accueil comme vous n'en avez probablement jamais eu auparavant. Il y a une obligation d'abord, au point de départ, car l'entrée n'est pas contrôlée par eux, mais par le directeur de la protection de la jeunesse. Evidemment, ils ont déjà leurs critères d'acceptation, etc., leur grille, d'où difficulté entre le DPJ qui a la responsabilité de l'enfant, une fois l'ordonnance émise, et le centre d'accueil, qui est habitué à une certaine clientèle, à un contrôle de ces entrées, etc. C'est déjà une difficulté, il reçoit une clientèle qu'il ne veut pas et qu'il ne reçoit pas, de toute façon, de la même façon qu'il la recevait autrefois.

Deuxièmement, il y a un contrôle pendant la détention. Au point de départ, il est obligé d'avoir un projet de traitement très précis et ça fait partie des droits reconnus au jeune de savoir au point de départ ce qu'on va faire avec lui, combien de temps ça va durer et ce qu'on prévoit pour sa réinsertion, son retour, sa rentrée dans l'atmosphère après sa sortie du centre, etc. Donc, un deuxième contrôle, il y avait un contrôle autrefois, tout était "judiciarisé". Vous allez me dire: II y avait un contrôle par le juge, au point de départ. Il pouvait y avoir un contrôle au cours de... Mais c'était un contrôle qui se faisait d'une manière... C'était un contrôle par un juge, mais je ne sais pas si on peut dire que c'était vraiment un contrôle judiciaire. Actuellement, ça se fait d'une manière vraiment judiciaire, à savoir avec un débat contradictoire, c'est-à-dire que les deux parties doivent être entendues, les avocats sont de la partie, etc. Ce qui veut dire, pour ces gens qui étaient habitués à vivre, si vous voulez, le traitement avec le jeune d'une manière presque en monopole, l'obligation d'avoir à accepter des contrôles avec un débat contradictoire auquel ils ne sont pas habitués, des avocats qui, parfois, ne sont pas habitués non plus, d'où les difficultés. Grossi, ça peut apparaître un fiasco par rapport à un certain type de traitement ou à un certain type de fonctionnement qu'avaient ces services. Mais tous les centres d'accueil ne sont pas d'accord avec ce jugement et tous les gens dans le réseau non plus ne sont pas d'accord. Il y a là des choses qui tiennent très peu, je pense, à la loi et beaucoup à des ajustements et à des mentalités, comme on le disait cet après-midi, à des approches et à des façons de faire.

M. Lalande: M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Maisonneuve.

M. Lalande: ... pendant que le président est toujours présent, il y a certaines contestations ou préoccupations que je qualifierai à ce stade-ci plutôt de rumeurs de la part de certains corps policiers ou de certains policiers même directement; ils se disent très désenchantés et, de façon plus particulière, se considèrent frustrés par les traitements que l'on fait, surtout au niveau de la délinquance évidemment, comme le fait d'avoir à l'état de recherche un jeune pendant bien des semaines, des mois souvent, et, finalement, d'être carrément frustré par une "déjudiciarisation" abusive, disent-ils. Le président pourrait-il peut-être nous rassurer, à ce niveau? Véritablement, est-ce que ce n'est pas un mouvement de fond de la part de tous les corps policiers ou est-ce le fait isolé seulement de certains policiers?

M. Bédard: De la part, notamment, du service de la police de la Communauté urbaine de Montréal, c'est revenu à plusieurs reprises, j'ai rencontré plusieurs fois M. Vignola. J'ai entre autres un extrait de la communication de M. Vignola au congrès du Barreau, nous étions au même panel. Si vous regardez les plaintes qui viennent de la police, il y a deux choses. Je vais d'abord répondre à cela et, si vous voulez, il y a peut-être autre chose qu'on pourrait dire sur la criminalité. L'insatisfaction des policiers ou l'espèce de malaise des policiers vient du fait que, dans beaucoup de cas, ils portent à l'attention du directeur de la protection de la jeunesse — qui est maintenant la porte d'entrée dans le système, et non plus le tribunal — des situations de délinquance; et très souvent, jusqu'à tout récemment, ils n'ont pas de retour, pas de "feed-back" de cela. Ils ne savent pas de quoi ça retourne.

Quand vous avez bâti les éléments d'une enquête, peut-être une preuve, pour aller devant le tribunal, il y a une espèce de frustration, je pense, chez les policiers, qui est compréhensible. S'ils ont des recommandations à faire durant toute la période d'ajustement de la loi qui se continue, il n'y a pas eu suffisamment de relations entre le réseau social et la police. Donc une espèce d'insatisfaction même à ce niveau-là. A supposer qu'ils accepteraient que les cas ne soient pas judiciarisés — beaucoup l'acceptent notamment dans des cas de moindre importance, il y a peut-être une déjudiciarisation qui se faisait plus souvent, ils n'ont peut-être pas tout à fait le même type de délinquants non plus — de toute façon, ce qui ressort surtout, c'est le manque de relations entre le policier et ceux qui, après l'arrestation par tel policier ou le traitement qu'il a fait à sa manière, l'enquête, etc., le fait de ne pas avoir de contact, de ne pas savoir ce qui se passe, le fait qu'on ne tienne pas compte de ses recommandations, etc., qu'il n'y ait pas de suivi dont on lui fait part, c'est une chose qui revient assez souvent.

Si on va plus loin, le message qui est perçu, semble-t-il, globalement, je ne parle pas seulement de la police de Montréal, c'est premièrement qu'il y a plus de délinquance et, deuxièmement, on fait moins pour les délinquants. C'est probablement cela le message. Nous avons fait une étude qui va paraître prochainement dans le rapport annuel — nous avons l'obligation de soumettre au ministre de la Justice un rapport annuel à la fin du mois, le 30 juin — sur les six premiers mois, concernant la délinquance à Montréal — donc probablement l'endroit où il y en a le plus — les six premiers mois de l'application de la loi, or, c'est probablement le moment où il y a eu le plus tendance à déjudiciariser, comme on dit, parce que, selon le mouvement du pendule, on avait beaucoup judiciarisé, on s'en est plaint au début, il y a eu un excès de traitement social sans recourir aux tribunaux. On a fait une étude sur les six premiers mois. C'est vrai qu'il y a plus de criminalité, c'est clair. La criminalité des jeunes a augmenté plus que la criminalité des adultes.

Mais, quand on regarde la criminalité des jeunes, il y a près de 70% des cas qui sont des délits contre les biens, d'une manière générale, vol par effraction et vol simple, donc ça comprend les vols à l'étalage, le vol en groupe, ce qui veut dire une criminalité beaucoup plus facile à dépister et peut-être beaucoup plus près des phénomènes de l'adolescence que la délinquance très structurée, très peu, en fait.

J'ai des chiffres, mais c'est d'abord ce type de criminalité. On dit que cela a augmenté. Oui, cela a augmenté dans ces catégories. On dit qu'il ne se fait rien. Il y a eu 65% de cas dans les six premiers mois à Montréal qui n'ont pas été judiciarisé; 65%, c'est beaucoup, qui n'ont pas été judiciarisés. Qu'est-ce qui est arrivé? Il y a eu toutes sortes de mesures qui ont été prises, y compris ce qu'on a appelé l'intervention minimale. On a étudié plus de 1300 cas, environ 1380 cas, où il y a eu une intervention minimale. C'est un programme très précis. On met le jeune en contact avec la victime. Souvent, ça peut être des travaux qu'on va faire pour la victime, ça peut être des travaux communautaires, ça peut être une lettre d'excuse, évidemment cela vaut pour des délits mineurs. On a étudié 1300 cas. Donc, sur ces 1300 cas, il y a eu 4,8% de récivive. C'est très peu. Ainsi, on dit: II ne se fait pas grand-chose. Pourtant, il y a eu des mesures sociales qui ont été prises, et ç'a dû avoir un certain effet puisque la récidive est très basse. (23 h 30)

Par ailleurs, on a étudié les cas de délinquance à Montréal en 1977, tout était judiciarisé, il n'y avait pas d'autre moyen, la police avait accès au tribunal.

Je vous donne des pourcentages, sur le total, sur le 100% de délinquance qui a été portée à l'attention du tribunal, il y a 28% de cas où il n'y a pas eu de comparution; sur les 72% qui restent et où il y a eu comparution, 20% des sujets ont payé des amendes. Il n'y a donc pas beaucoup de suivi social; dans 3,8% des cas, il y a eu une mesure dite sociale, ce peut être un centre d'accueil, un officier de probation, etc.; donc un certain suivi; 5% ont été acquittés et le reste, cela a été ajourné sine die ou on a laissé tomber. Ce qui veut dire que, en prenant le message qui passe, il y a plus de criminalité, c'est vrai, chez les jeunes. Il y a moins de mesures, mais si on compare cela à 1979 et 1977, malgré la "déjudiciarisation", où les excès sont en train de se corriger, avec les critères qui viennent d'être mis en avant, malgré la "déjudiciarisation", d'après les cas qu'on a étudiés à Montréal, en comparant 1979 et 1977, au total il y a plus de suivi des délinquants, même une fois "déjudi-ciarisé" qu'il y en avait quand c'était "judiciarisé".

Je ne dis pas ça, je ne veux pas défendre la loi, il y a des difficultés, etc., mais je pense que c'est éclairant d'examiner ça; il faudrait poursuivre l'étude, car c'est toujours dangereux de faire parler les chiffres.

M. Forget: Vous dites que ce sera publié dans le rapport annuel, le 30 juin?

M. Bédard: Oui.

M. Forget: J'ai une question reliée à ça, le ministre a fait allusion à ce colloque, je pense bien que tous les intervenants et tous les groupes d'intervenants vont participer à ce colloque. Est-ce organisé par le ministère de la Justice?

M. Bédard: Conjointement par le ministère de la Justice et par le ministère des Affaires sociales.

M. Forget: Ce sera généralement ouvert, ce n'est pas un colloque fermé.

M. Bédard: C'est un colloque qui, à ce moment-ci, se veut un colloque interne, pour les intervenants, pour que les gens puissent vraiment échanger sur les contraintes réciproques, les difficultés, etc., ce qui va regrouper environ 140 participants.

M. Forget: Est-ce qu'il y aura un compte rendu de ça, de manière qu'on puisse s'alimenter à cette source, au moins?

M. Bédard: Oui.

M. Forget: II y aura un compte rendu qui sera publié ou qui sera disponible. On aimerait bien en recevoir dès que ce sera disponible pour le ministère.

M. Bédard: Oui, je pense que ce serait important, parce que je sais qu'il y a des membres de l'Opposition qui sont intéressés par le suivi de cette loi et nous ferons en sorte que les renseignements suivent.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie au nom de la commission, M. le président du comité.

M. Bédard: Probablement qu'on fera un ensemble de recommandations aussi, de propositions, d'amendements à la loi.

M. Forget: C'est la première occasion qu'on aura, dans le milieu intéressé, de faire le point sur la première année et demie de fonctionnement.

M. Bédard: En fait, si vous permettez, à un moindre niveau, il y a déjà eu, le 24 mai l'an dernier, une réunion où il y avait 25 personnes, des intervenants, au ministère de la Justice; on y a fait le premier point avec toutes les parties composantes. C'est la deuxième étape, plus "extension-née", où on va avoir tous les intervenants, autant du côté de la justice que des affaires sociales, pour faire le suivi, pour déboucher sur d'éventuelles modifications et ajustements possibles à la loi.

M. Forget: D'accord, merci beaucoup.

Le Président (M. Bordeleau): L'élément 2 sera adopté? Toujours au programme 4?

M. Marx: Une dernière question.

Le Président (M. Bordeleau): Sur l'élément 2?

M. Marx: Oui.

Le Président (M. Bordeleau): Allez-y.

M. Marx: Est-ce que j'ai raison de dire que, dans la loi 24, dont il a été question, il y a des articles qui ont préséance sur la Charte des droits et libertés de la personne?

M. Bédard: II y avait un article mentionnant l'obligation de le signaler, malgré le secret professionnel. C'est un article qui existait dans l'ancienne loi concernant les enfants maltraités. Dans notre rapport, dans une de nos recommandations, nous recommandons que l'article soit amendé de façon à tenir compte qu'il y a un "nonobstant".

M. Marx: Je voulais signaler qu'il y a un autre exemple de loi qui date seulement de 18 mois...

M. Bédard: C'est antérieur à la charte. C'est une loi de 1975, adoptée en 1975. Vous n'avez vraiment pas le bon exemple pour...

M. Marx: Est-ce qu'il y a dans la loi 24, parce que quelqu'un m'en a parlé, un article qui a préséance sur la Charte des droits et libertés de la personne? Il a dit oui. Mais la loi 24 date de quand?

M. Forget: Formellement, je pense que mon collègue a raison, formellement, la loi 24 date d'après la charte, mais c'est une disposition qui est reproduite textuellement d'une loi en vigueur avant la charte.

M. Marx: Si c'était avant la charte, ce n'était pas nécessaire de mettre "malgré".

M. Bédard: Non, c'est après la charte. Et c'est peut-être un exemple où il arrive que ce soit même recommandé ou excellent d'avoir un "nonobstant" concernant la Charte des droits et libertés de la personne, puisque, dans ce cas-là, il s'agit des enfants maltraités.

M. Marx: Deux observations.

M. Bédard: Je sais que vous ne vous opposez pas, mais, tout à l'heure...

M. Marx: Voici ma première observation: Est-ce que c'était nécessaire de donner préséance à un article dans cette loi sur la Charte des droits et libertés de la personne? C'est une observation. Ce n'est pas une question vraiment.

Et, deuxièmement, il y a des Etats aussi libres que le Québec où il y a des chartes enchâssées, auxquelles on ne peut pas passer outre, l'Etat de New York, l'Etat de la Californie, etc.

C'est une autre raison pour laquelle vous devez être d'accord pour qu'on enchâsse une charte au Québec ou au Canada.

M. Bédard: Je ne crois pas que vous ayez le meilleur des exemples.

Le Président (M. Bordeleau): M. le sous-ministre.

M. Bédard: Si vous permettez, sur la première question, on a reconduit dans la loi 24, une loi adoptée après la charte, une disposition qui existait auparavant et qui mettait de côté le secret professionnel pour la divulgation des cas des enfants maltraités. On a dû, comme la charte, à l'article 9, protège le secret professionnel en le reconduisant à cette disposition qui est exorbitante du droit normal, mettre de côté la Charte des droits et libertés de la personne pour faire en sorte que, malgré son secret professionnel, un professionnel régi par le Code des professions soit tenu de divulguer des cas d'enfants maltraités.

M. Marx: M. le Président, chaque fois qu'on donne préséance à un article sur la Charte des droits et libertés de la personne, j'ai l'impression qu'on enfreint une liberté ou un droit de la personne. C'est sur cela que je voulais conclure.

M. Bédard: Vous enfreignez peut-être un droit, une liberté, mais en considérant aussi un autre objectif à atteindre, entre autres celui...

M. Marx: On atteint un objectif en empiétant sur un droit et une liberté.

M. Bédard: Celui concernant la loi 24 des enfants. C'est parce que vous présentez cela comme absolu. C'est un des meilleurs exemples, je pense, que le fait qu'il y ait un "nonobstant" ne représente pas un manque de considération envers la Charte des droits et libertés de la personne, mais représente plutôt une solution pour un problème très spécifique, dans le cas présent, celui des enfants maltraités. Il ne faut pas faire des absolus de tout.

M. Marx: C'est une opinion fondée sur je ne sais quoi.

M. Godin: Fondée sur le respect des enfants.

M. Bédard: Fondée sur la situation des enfants battus, maltraités. Si ce n'est pas suffisant pour vous... Il y a un bout à être théorique comme vous l'êtes.

M. Marx: Pratique.

M. Bédard: Non, vous n'êtes pas très pratique, au contraire.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que le programme 4 est adopté?

M. Bédard: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Adopté. Programme 5. M. le député de Mercier.

M. Godin: Est-ce qu'il y a eu unanimité entre les deux députés...?

M. Bédard: Les problèmes sociaux, cela existe aussi.

Le Président (M. Bordeleau): On entame le programme 5, M. le ministre. Aide aux justiciables.

Aide aux justiciables

M. Lalande: Au programme 5, j'aurais une courte question technique relativement à l'aide au recours collectif. En ce qui a trait au recours collectif, est-ce que le ministre pourrait nous dire combien — parce qu'on sait que c'est une nouvelle loi qu'on attendait, on se rappelle tout le tintamarre que le ministre Marois a pu faire avec cela, probablement avec raison aussi — il y a eu de causes au cours de la dernière année et combien de causes ont été réglées?

M. Bédard: Nous avons ici M. Lauzon, qui est le directeur du fonds d'aide, qui va nous donner toutes ces statistiques qui sont de nature à intéresser les membres de la commission.

Les chiffres que j'ai ici, ce sont les chiffres au 31 mars. Cela a très peu varié. Au niveau des requêtes qui ont été présentées pour autorisation en Cour supérieure, il y en a eu 23. Quand je dis "présentées pour autorisation" cela ne veut pas nécessairement dire qu'elles ont été jugées. Des recours qui ont été jugés, il y en a eu 9 qui ont été autorisés, au stade préliminaire de cette procédure; il y en a eu 7 qui ont été rejetés; il y en a 4 qui ont été continués sine die; il y a eu 3 désistements et il y a enfin 2 ou 3 recours en préparation pour un total d'environ 23 au niveau de la Cour supérieure. Il faut dire aussi que, sur les 8 recours sur lesquels on a été autorisé à procéder, 5 ont fait l'objet d'appel à ce stade, en vertu de l'article 1010 du Code de procédure civile. Egalement, dans les recours non autorisés, sur les 7, 3 ont fait également l'objet d'appels.

Pour compléter le tableau, il y aurait peut-être le contexte du recours collectif au niveau du fonds d'aide. J'imagine que cela intéresse la commission. Il y a eu 11 demandes d'étudiées, 11 dossiers qui ont été présentés au fonds d'aide. A la suite de ces 11 demandes, il y a 9 cas où les administrateurs ont accordé une aide financière. Dans deux cas, ils l'ont refusée.

On peut aussi, pour compléter le tableau au niveau judiciaire, signaler que la Cour d'appel a déjà rendu jugement dans 2 dossiers où la Cour d'appel a infirmé les décisions de la Cour supérieure qui autorisaient des recours. La Cour suprême du Canada a accordé des pouvoirs à l'encontre de ces deux arrêts-là déjà; évidemment, non seulement il n'y a pas de décision, mais les plaidoiries au mérite ne sont pas encore faites devant la Cour suprême.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va. Oui, M. le député de Maisonneuve.

M. Lalande: Est-ce que le ministre considère que c'est le succès qu'on escomptait et que cela a l'impact qu'on voulait, parce qu'on se rappelle qu'il y a quand même eu beaucoup d'efforts et suffisamment de crédits qui ont été injectés à l'intérieur de ceci? Est-ce que ceci répond de façon satisfaisante, de l'avis du ministre, aux efforts qu'on y a mis?

M. Bédard: Je crois que c'est un moyen de plus au niveau des citoyens pour faire valoir leurs droits en groupe. Lorsque nous avons adopté la loi, aucune projection n'a été faite au niveau du nombre de causes ou de réclamations que cela pourrait éventuellement représenter. Le nombre de causes va probablement selon le nombre de problèmes soumis ou de réclamations possibles

qui ont été faites par les citoyens. C'est un outil, je pense, très important au service des citoyens.

M. Lalande: Ce à quoi je faisais référence, M. le ministre, c'est que, dans la présentation de ce projet de loi...

M. Bédard: C'est une loi en rodage.

M. Lalande: ... le ministre d'Etat a fait justement état du fait que, dans beaucoup de provinces, dans beaucoup d'Etats américains, c'était une loi attendue avec beaucoup de...

M. Bédard: Probablement que, dans ces Etats américains auxquels se référait le ministre d'Etat, le rodage de la loi a dû commencer tranquillement, comme cela se fait ici et, à mesure que le citoyen est de mieux en mieux informé de ses recours, de ses possibilités de recours, probablement qu'on assistera à une augmentation du volume des réclamations.

Le Président (M. Bordeleau): Cela répond à vos questions?

M. Lalande: Merci, M. le Président.

M. Bédard: Est-ce que vous avez autre chose?Merci, M. Lauzon.

Le Président (M. Bordeleau): Toujours au programme 5, d'autres questions sur d'autres éléments?

M. Forget: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Programme 5, adopté. J'appelle le programme 6, Administration.

Administration

M. Forget: Administration. M. le Président, seulement une question.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Saint-Laurent.

M. Bédard: Je remercie quand même le président de la Commission de l'aide juridique de s'être déplacé pour venir rencontrer les membres de la commission.

M. Forget: Pour ce qui est de l'administration, M. le Président, on a reçu un nombre considérable de publications du ministère. Toutes ces publications, si je comprends bien, sont distribuées gratuitement. Il n'y a pas de liste d'abonnés comme tels. (23 h 45)

M. Bédard: C'est certain qu'il faut s'inscrire, c'est-à-dire qu'il faut faire la demande. Ce n'est pas automatique. Les gens doivent poser un geste pour les obtenir, comme la revue Justice, évidemment, la principale... Les autres...

M. Forget: II semble y en avoir de nouvelles qui sortent tous les mois. Il y a le Plumitif, volume I, no 1 ; il y a Edition spéciale, volume II, no 2; il y a le Palatin; il y a Justice. C'est devenu une maison de publication, le ministère de la Justice?

M. Bédard: Non, mais c'est devenu un ministère qui essaie de prendre tous les moyens possibles pour bien informer les citoyens, afin que ceux-ci puissent user des recours qui sont à leur disposition. J'accepterais difficilement...

M. Forget: Tout ce dont vous pouvez être sûr, M. le ministre, c'est du nombre d'exemplaires...

M. Bédard:... qu'on nous fasse des reproches parce que nous essayons de mettre tous les moyens nécessaires pour informer les citoyens.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: C'est très joli d'informer les citoyens, mais rien ne nous assure qu'ils sont mieux informés parce que vous publiez beaucoup de papiers. Est-ce qu'il y a une évaluation quelconque qui est faite de la pénétration de ces revues, de l'impact qu'elles ont, qu'on distribue à un certain nombre d'avocats sur la rue Saint-Jacques des publications sur le ministère de la Justice? je pense que s'ils sont intéressés au fonctionnement interne du ministère de la Justice, ils ont probablement les moyens de se payer un abonnement. Qu'est-ce qu'on veut faire exactement par ces publications? Ce n'est pas absolument évident. Je ferais remarquer au ministre que c'est le ministre des Finances lui-même qui dénonçait le débordement de publications gouvernementales qui coûtent à l'Etat, aux contribuables, une somme assez fantastique, la plupart du temps pour des clientèles très privées, très spécialisées auxquelles, si elles s'intéressent à tel ou tel élément, on peut très bien demander de souscrire un abonnement.

M. Bédard: Vous conviendrez avec moi que la plupart ne sont pas des revues pour gens spécialisés. Au contraire, toutes ces revues essaient de vulgariser le plus possible le droit pour le mettre à la portée de compréhension de l'ensemble de la population. Prenez la revue Justice, je pense que c'est un effort très valable de vulgarisation dans ce sens. Je puis vous assurer, en ce qui a trait à la revue Justice, qu'un nombre très grand de citoyens en ont fait la demande.

M. Forget: Oui, mais il faut quand même, pour se payer la lecture d'une revue mensuelle seulement sur les affaires de la justice — il ne faut peut-être pas être juge en chef de la Cour d'appel — démontrer un singulier intérêt pour les affaires de la justice. Ceux qui manifestent un singulier intérêt pour les affaires de la justice sont probablement ceux qui ont le moins besoin d'être informés, dans le fond, parce que ce sont ceux qui sont déjà impliqués, intéressés et qui veulent en

savoir davantage... Je ne pense pas que celui qui est totalement ignorant des mécanismes de la justice va demander au ministère de la Justice de recevoir une publication tous les mois. Enfin, je peux me tromper, mais cela me semble le choix d'un moyen qui n'est pas évident pour informer la population en général.

Le Président (M. Bordeleau): Un instant! Je voudrais d'abord permettre au sous-ministre de répondre.

M. Bédard: Sur la revue Justice, on envoie la revue, après le démarrage, uniquement sur demande d'abonnement et c'est renouvelable chaque année. Il faut donc que le citoyen pose un geste concret. On a actuellement au-delà de 15 000 demandes qu'on a reçues de personnes qui ne sont pas de notre réseau essentiellement. On a fait certaines vérifications sur ce plan. Ce ne sont pas de nos employés mais des gens du public en général. Je me permets de mentionner aussi que, dans le secteur de la justice, entre les revues spécialisées et les chroniques judiciaires, il y avait peu de choses pour rejoindre le public. Je dois également mentionner qu'au service de l'information, à la direction de l'information du ministère, il y a 17 postes autorisés. On a un gel d'effectif actuellement et on fait face aux difficultés d'accroissement d'effectif dans la fonction publique. Il est évident qu'il y a eu des efforts de faits dans une initiative comme celle-ci pour combler une lacune. On est certes conscient du coût d'une revue comme celle-ci, et on ne veut surtout pas la donner de façon automatique à des gens dont on ne sait pas s'ils ne la jettent pas à la poubelle. On veut que le public pose un geste concret, au moins une fois par année, pour se réabonner à la revue.

Dans ce sens-là, en tout cas, on a eu un succès qui est assez éclatant, parce que 15 000 demandes, c'est quand même significatif du grand public, et on va devoir reprendre au bout de l'année. Cela devient en désuétude, ces abonnements, et, si on ne reçoit pas la demande additionnelle, on n'envoie pas la revue. Le Palatin était concentré pour le palais de justice de Montréal. Quant au Plumitif, qui vient de se développer, il est dans le contexte de l'Est du Québec et à partir du palais de justice de Québec. Du côté de la Sûreté du Québec, évidemment, il y a la revue bien connue de la Sûreté.

En gros, ce sont des efforts d'information plus une foule de brochures que la direction des communications a publiées ces dernières années. Maintenant, on a le budget précis de ceci si...

M. Forget: Cela se monte à combien, tout ça?

M. Bédard: ... c'est souhaité et, par détail, avec le coût de chacun.

Nous avons dépensé, au cours de l'exercice, une somme de l'ordre de $441 000 pour les publications régulières du ministère et de $826 900 au niveau des dépenses de publicité, ce qui fait un total de dépenses de $1 267 900...

M. Forget: Je pense que c'est fourni en appendice, d'ailleurs, aux documents qui nous ont été transmis.

M. Bédard: Oui, je vous les ai fournis. Les principales publications ont trait au magazine Justice, $154 000; à la revue de la Sûreté, $85 600; aux règlements des personnes incarcérées, $40 900; au bulletin Le Palatin, $21 700 et à l'impression de diverses brochures, formant un total de $120 000, telles que Expropriation, Système judiciaire, Dépôt volontaire, concernant les témoins, Le mariage civil, etc. Je pense que ça s'impose.

M. Forget: D'accord. Adopté.

M. Lalande: M. le Président, c'est simplement dans le même ordre d'idées...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Maisonneuve.

M. Lalande: ... est-ce que ceci s'inscrit dans un nouveau système de promotion de la justice au Québec que d'ouvrir le hall d'entrée du palais de justice de Montréal à toutes sortes d'expositions, ce qui contribue à créer, selon l'avis de certains experts et de certains journalistes, une espèce de climat de foire et de capharnaùm à l'intérieur du palais de justice de Montréal, sûrement assez peu compatible avec le sérieux et la rigueur qui doivent présider à l'organisation judiciaire?

M. Bédard: En soi, une exposition n'est pas nécessairement incompatible avec la rigueur et le sérieux d'un palais de justice. Maintenant, peut-être que le sous-ministre a des indications additionnelles.

Je pourrais peut-être simplement mentionner que — je vous avoue que je ne suis pas toutes les expositions — on essaie évidemment d'améliorer l'accueil au palais de justice de Montréal. Le hall est assez impressionnant, mais assez sobre et austère également. On a tenu un certain nombre d'expositions. Il y a eu des réactions qu'on est à examiner, de la même façon qu'on a essayé aussi de tenir certaines cérémonies publiques dans le hall du palais de justice, comme à l'ouverture de la Semaine de police, au mois de mai. Cela s'est passé dans le hall du palais de justice pour en faire un carrefour de vie plus concret, plus accueillant et moins "épeurant" pour le public. Maintenant, il y a peut-être un rodage, à ce niveau-ci, et on est à examiner le tout. On est conscient d'un certain nombre de réactions qu'ont entraînées des expositions qui ont eu lieu au palais ces derniers mois. On suit cela de près. Il n'y a pas de vérité absolue là-dessus.

Jacques, as-tu...

Elles ont été déplacées d'ailleurs à l'étage de la cafétéria. J'ai l'impression que ce qu'on voyait en bas au premier étage est quand même disparu. Il reste qu'il faut conserver peut-être un caractère un peu plus humain dans les palais de justice, une

certaine ouverture. C'est ce qu'on a voulu créer à l'époque.

M. Bédard: Cela peut contribuer à rendre les palais de justice plus accueillants pour la population.

Le Président (M. Bordeleau): Programme 6 adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Bordeleau): Adopté. Programme 7: Enregistrement officiel Adopté?

M. Forget: Adopté, c'est ça.

Le Président (M. Bordeleau): Adopté. Programme 8.

M. le député de Saint-Laurent.

Contrôle des permis d'alcool

M. Forget: II y a ici, M. le Président, quelques questions. On a, de façon prévisible évidemment, pris prétexte d'un changement de nom pour effectuer des mutations considérables au conseil d'administration, si on peut l'appeler ainsi, de l'organisme en question. On a plus ou moins viré tout le monde, en d'autres termes, et ce qui apparaît plus curieux, mais ce qui semble caractéristique des pratiques actuelles du gouvernement, c'est qu'indépendamment des responsabilités qu'on confie aux gens, on leur conserve toute leur rémunération dans le désir apparent de maintenir tout le monde heureux. Mais ce n'est pas nécessairement compatible avec l'intérêt public, étant donné qu'il devrait y avoir une certaine proportion entre la rémunération et le traitement qui est reçu, c'est-à-dire les responsabilités assumées par cette rémunération.

Comment le ministre peut-il nous expliquer qu'il est si important pour le bon fonctionnement d'assumer des coûts supplémentaires aussi importants, pour rien, dans le fond, parce qu'on vire des gens qui avaient des contrats en quelque sorte, des engagements envers lesquels le gouvernement s'était engagé pour un certain nombre d'années. On continue à les payer et on les met plus ou moins en "standby".

M. Bédard: Est-ce que vous pourriez être plus précis au sujet des personnes qu'on continue à payer, à ce que vous dites?

M. Forget: Par exemple, n'est-il pas vrai que l'ancien président, pour ne nommer que celui-là, de la société — on change tellement de titre souvent que finalement on ne sait plus comment ça s'appelle — la Commission de contrôle. Il recevait une rémunération supplémentaire à sa rémunération de juge?

M. Bédard: II avait un traitement de juge en chef.

M. Forget: Oui, n'étant pas juge en chef. M. Bédard: N'étant pas juge en chef. M. Forget: II n'est plus commissaire...

M. Bédard: C'est le cas dans plusieurs organismes.

M. Forget:... ou il n'est plus régisseur, mais il continue à recevoir le même traitement qu'avant.

M. Bédard: II est encore régisseur jusqu'au 9 août.

M. Forget: Enfin, oui...

M. Bédard:... date à laquelle il retournera à la Cour des sessions de la paix pour environ un an, sa retraite étant prévue pour septembre 1981.

M. Forget: II continuera, à ce titre-là, à recevoir le traitement qu'il recevait comme président de la commission.

M. Bédard: C'est ça, tant que le salaire de base d'un juge ne l'aura pas rattrapé. Dans son cas, comme il va prendre sa retraite...

M. Forget: Cela répond à la question du ministre, qui semblait mystifié par mes exemples, mais il y a d'autres exemples. Je pense qu'on...

M. Bédard: Je ne suis pas mystifié du tout. Dans le cas du juge Trahan, il me semble que c'est humainement...

M. Forget: ... pourrait donner d'autres exemples du même genre.

M. Bédard: ... très justifiable.

M. Forget: Oui, humainement, vous savez, on peut justifier bien des choses, y compris de me donner $1 000 000 parce que ça ferait bien mon affaire...

M. Bédard: II prend sa retraite d'ici un an.

M. Forget: Mais il reste...

M. Bédard: Ce n'est pas le cas du tout...

M. Godin:... M. le député de Saint-Laurent, ce n'est pas $1 000 000.

M. Forget: Ce n'est pas ici ni là, il reste qu'il y a des divisions de responsabilités et il y a le maintien d'une rémunération. Cela m'apparaît un principe fort curieux. Je ne comprends pas. Est-ce vraiment quelque chose auquel le gouvernement croit dur comme fer que c'est...

M. Bédard: Non, ce n'est pas une politique générale, mais je pense que dans certains cas on

doit faire preuve d'un certain sens d'humanité. Il me semble que, dans le cas présent, ça faisait neuf ans que le juge Trahan était là et il doit prendre sa retraite d'ici un an. Il est conseiller spécial en plus au niveau de la régie. Ce sont tous des facteurs qui, à mon sens, pouvaient amener la décision de lui garder le salaire qu'il avait.

M. Forget: Je comprends, je peux accepter ça, M. le Président, que c'est normal de ne pas réduire un salaire, il est à un an de la retraite, mais si cet exemple, si cet argument est bon, comme il est à un an de la retraite, me dit-on, est-ce que sa performance comme président a été si terrible qu'il était urgent de le remplacer tout en sachant qu'en le remplaçant, on ne faisait aucune économie de salaire de toute façon? Il y a deux façons de regarder ça. Si, sur le plan humain, c'est essentiel de maintenir aux gens leur rémunération, il faut aussi se poser la question à savoir ce qu'ils ont fait de tellement terrible qu'il faut absolument, dès aujourd'hui, sans tarder, les remplacer immédiatement par quelqu'un qui va être un crac de l'administration des permis d'alcool et qui va instaurer un nouveau régime qu'il est urgent d'instaurer et que, si on n'avait pas ça tout de suite, ce serait vraiment la catastrophe.

M. Bédard: M. le Président...

M. Forget: Mais on va quand même payer pendant ce temps-là. Alors je veux bien qu'on soit humain, mais je voudrais aussi qu'on n'oublie pas qu'on administre les deniers publics.

M. Bédard: Justement, au niveau de la nécessité de changements, de sang neuf concernant la Commission de contrôle des permis d'alcool, certains députés, le député de Saint-Laurent entre autres, semble vouloir dire que nous sommes allés trop vite, mais s'il avait été présent aux discussions des crédits du ministère de la Justice dans les deux années précédentes, il aurait vu, à ce moment-là, l'insistance de tous les membres — de plusieurs membres — de la commission, de part et d'autres de la table pour demander une réforme en profondeur. (0 heure)

M. Forget: Qu'on n'a pas eue.

M. Bédard: Vous avez droit à votre opinion que ce n'est pas une réforme en profondeur, moi je suis convaincu que...

M. Forget: On a eu une réforme en profondeur du personnel supérieur dans un temps utile avant une élection générale. Ne nous voilons pas la face.

M. Bédard:... c'est une réforme. Laissez-nous terminer. Vous prêtez toujours des intentions.

M. Forget: Ecoutez, on a vu neiger avant aujourd'hui. C'est plus que des intentions.

M. Bédard: Ce n'est pas exact.

M. Forget: Je vous dis très clairement ce que vous avez fait, même si c'est désagréable.

M. Bédard: Ce n'est pas exact. La meilleure preuve en est que depuis que je suis au ministère, il y a un travail qui s'est fait dans ce domaine, pas dans les derniers mois, mais depuis mon entrée au ministère. J'ai mis sur pied un groupe de travail à la demande des députés eux-mêmes, d'un bord et de l'autre, de tous les partis politiques.

M. Forget: Je ne nie pas le besoin. M. Bédard: Bon! Laissez-moi terminer.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent, voulez-vous permettre au ministre de répondre?

M. Forget: Je pense que c'est moi qui parlais, puisqu'il m'a interrompu et là, c'est rendu que c'est lui qui a droit de parole.

M. Bédard: On ne sait jamais quand vous arrêtez. Ce que je veux expliquer... Je comprends que le député de Saint-Laurent peut toujours avoir présentes à l'esprit les prochaines élections, elles viendront quand elles viendront. Une chose est sûre, concernant la Commission de contrôle des permis d'alcool, la réforme était nécessaire, c'est une préoccupation qu'on a eue dès le départ, que j'ai eue comme ministre de la Justice, pas seulement personnellement, mais à la suite de bien des pressions qui ont été faites par bien des députés qui avaient des revendications et qui les ont exprimées publiquement, soit en commission parlementaire ou autrement. A la suite de ces pressions, j'ai mis sur pied un groupe de travail — pas il y a deux ou trois mois — le groupe de travail a été mis sur pied il y a...

M. Forget: Vous planifiez vos affaires longtemps d'avance, c'est bien sûr. Je vous fais ce crédit.

M. Bédard: ... deux ans et demi. C'est une loi qui est très complexe. Vous accusez les autres de vous interrompre et vous interrompez constamment.

Le Président (M. Bordeleau): Allez-y, M. le ministre.

M. Bédard: Alors, le groupe de travail a été mis sur pied il y a de cela déjà deux ans et demi. Un travail en profondeur a été fait et c'est une loi extrêmement compliquée. Vous avez été à même de le constater lorsque vous en avez fait l'étude.

M. Forget: Oui, mais elle n'est pas très bien rédigée.

M. Bédard: Nous avons eu plusieurs remarques très positives au niveau de l'amélioration que cette réforme amenait et elle était, comme vous l'avez dit, parfaitement justifiée.

Le Président (M. Bordeleau): II est maintenant passé minuit, ça me prend un consentement pour continuer, ou adopter le dernier programme, s'il n'y a pas d'autres questions.

M. Forget: On peut continuer pendant quelques minutes, je n'en ai pas pour tellement longtemps, si le ministre y consent. On pourra terminer ce programme.

Le Président (M. Bordeleau): Allez-y, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je pense que si on veut faire des réformes dans ce domaine, on est pris avec une espèce de reliquat des années de la prohibition. Dans le fond, soyons très francs avec cette question des permis d'alcool, c'est un reliquat d'un autre âge. Ce qui est frappant... On dirait à n'importe qui dans la société dans laquelle on vit aujourd'hui que cet organisme qui n'a pour toute raison d'être dans la vie que d'émettre des bouts de papier qui s'appellent des permis et qui n'a pas grand-chose d'autre — même dans l'émission des permis, il le fait d'une façon hautement fantaisiste à mon avis — qui n'a établi dans le passé aucune espèce de jurisprudence quant à ses décisions et qui a deux fois plus de personnel que la Commission des droits de la personne ou le Comité de protection de la jeunesse. En 1980, M. le ministre, on est dans la situation où, pour émettre des bouts de papier à des gens qui vendent de l'alcool, ça nous prend deux fois plus de monde que pour protéger les droits des citoyens. C'est quand même invraisemblable. C'est un exemple typique de l'inertie bureaucratique qui fait que, parce qu'on a établi un programme en 1827 ou en 1922, il faut maintenant traîner ce bois mort pendant des générations. C'est bien évident qu'on n'a pas besoin de 200 personnes pour émettre des bouts de papier au sujet de la vente des permis d'alcool, à condition de consentir à supprimer les doubles emplois. Quand vous me parlez de cette loi qui a été faite — on a eu un débat d'ailleurs avec le député de Mercier là-dessus — cette commission s'arroge le droit de déterminer, pour des raisons de sécurité-incendie, la capacité maximale d'un établissement détenteur d'un permis, alors qu'il y a un autre organisme, le ministère du Travail, qui administre la Loi sur les établissements industriels et commerciaux, qui fait un travail identique pour les cinémas, les sous-sols d'église et tout ce que vous voudrez. C'est le genre de double emploi galopant qu'on a dans l'administration publique. Au moment de la réforme d'une loi, je ne sais pas quel comité a étudié cela, mais il y a sûrement quelqu'un qui est tombé sur la tête à ce sujet, parce qu'on a prolongé les habitudes administratives qui n'ont plus leur raison d'être en 1980.

J'espère que, parmi les accomplissements de ce nouveau conseil d'administration que l'on paie en double avec l'ancien qu'on continue à porter sur les livres, on va avoir des dérisions vigoureuses et courageuses pour réduire un personnel certainement trop nombreux. Cela n'a pas de sens d'avoir 200 personnes pour émettre des bouts de papier. C'est tout ce que ça fait, cette histoire-là. C'est tout ce que ça fait, dans le fond.

M. Bédard: Premièrement, donnez-moi quelques instants pour corriger les faussetés émises par le député de Saint-Laurent. On ne paie pas en double les membres, au contraire, on a fait état d'un cas où il y a une différence...

M. Forget: Non, on en nomme d'autres et on continue de payer les anciens.

M. Bédard: Non, vous n'êtes pas juste quand vous dites ça. Je ne comprends pas que vous ne soyez pas capable de faire certaines distinctions.

M. Forget: Chaque cas que je vous ai donné, vous avez dit que j'avais raison.

M. Bédard: Je comprends que vous ayez des remarques à faire, mais de là à faire des affirmations...

M. Forget: Vous avez deux présidents, l'ancien et le nouveau.

M. Bédard: Bien oui, mais ce n'est pas ça que vous avez dit.

M. Forget: Ce n'est pas payer en double, ça? M. Bédard: Non, ce n'est pas payer en double.

M. Forget: C'est quoi payer en double? Vous avez deux présidents, l'ancien et le nouveau, vous les payez tous les deux au même salaire. Voyons donc!

M. Bédard: Jusqu'au 9 août, il va être juge... C'est vous qui dites n'importe quoi.

M. Forget: Vous m'avez dit tantôt que j'avais raison.

M. Bédard: Vous oubliez que M. Trahan est un juge qui a droit à sa rémunération. La seule différence c'est la différence de traitement entre son salaire de juge et son salaire de juge en chef, ce qui représente...

M. Forget: Que vous continuez à payer.

M. Bédard: Laissez-moi continuer, vous ne voulez pas d'explications? Tout ce qui vous intéresse, c'est de dire n'importe quoi, tant mieux si ça passe dans le public et si tout le monde est mêlé. Ecoutez, vous avez votre manière de fonctionner, il y a toujours une limite à être injuste et à vouloir faire de la petite politique, ayez des limites et de la décence. La seule différence que ça représente entre un juge en chef et juge ordinaire, c'est $6000 et ce, jusqu'au 9 août. J'ai dit tout à l'heure...

M. Forget: Est-ce qu'il va le gagner son salaire de juge?

M. Bédard: Bien oui, mais...

M. Forget: II va retourner au banc, activement, comme un juge ordinaire, pour une année?

M. Bédard: Oui, il va retourner au banc, il va travailler...

M. Forget: Pour une année? Après combien d'années d'absence?

M. Bédard: Vous parlez à peu près. Qui êtes-vous, vous? Vous êtes rendu que vous allez régenter tout le monde comme ça, personne n'a le droit de retourner au banc, c'est vous qui allez décider! S'il fallait que vous administriez la justice ou la société, j'ai l'impression que vous...

M. Forget: On vous reposerait d'autres questions que vous nous posez.

M. Bédard: Vous avez une manière de fonctionner, je n'ai jamais vu un esprit de dictature dans ce sens. M. le Président — je sais que cela indispose le député de Saint-Laurent, qu'il aimerait bien qu'on n'apporte pas les corrections pour pouvoir déblatérer à sa façon sur la place publique — mais le juge Trahan, à partir du 9 août, va retourner au banc, faire son travail de juge, ce qui veut dire que la seule différence sera entre le traitement de juge en chef qu'il avait comme président de la commission et celui de juge au banc, ce qui représente $6000.

M. Forget: Tous les anciens commissaires...

M. Bédard: La même chose pour M. Gérald Bossé, qui retourne également au banc.

M. Forget: Est-ce vrai pour tous les commissaires?

M. Bédard: Non, pas tous. Les commissaires suivants demeurent M. J.-Marcel Vézina, dont le mandat comme commissaire de la Commission de contrôle des permis d'alcool expirait le 20 octobre 1981, a été nommé membre de la Régie des permis d'alcool jusqu'au 6 août 1980. Après le 6 août 1980, M. Vézina, qui est âgé de 66 ans, depuis le 18 mai 1980, prendrait sa retraite, à moins d'une prolongation de son mandat pour une autre période limitée. Son salaire, au 30 juin 1979, en révision, est de $39 200.

M. Jacques Dupuis, dont le mandat comme commissaire de la Commission de contrôle des permis d'alcool, expirait le 15 avril 1983, a été nommé membre de la Régie des permis d'alcool pour deux ans, c'est-à-dire jusqu'au 31 mai 1982. Il est âgé de 62 ans, le 15 avril 1980, et son salaire au 30 juin 1979, en révision, est de $39 200.

M. Joseph Vallières, dont le mandat comme commissaire de la Commission de contrôle des permis d'alcool expirait le 14 mai 1985, a été nommé membre de la Régie des permis d'alcool jusqu'au 6 août 1980. Par la suite, une demande est en cours devant le Conseil du trésor pour donner un poste de conseiller cadre à supprimer sur libération, poste sur lequel pourra évidemment postuler M. Vallières. Il est âgé de 58 ans. Son salaire, au 30 juin 1979, en révision, est de $39 200.

M. le Président, je pense que la Commission de contrôle des permis d'alcool, c'est plus qu'une commission qui ne fait qu'émettre des bouts de papier. Si c'est l'impression qu'a le député de Saint-Laurent, je comprends très bien ses remarques. Mais s'il réfléchit un peu plus, on sait jusqu'à quel point l'émission des permis d'alcool peut avoir d'influence sur l'ensemble de la criminalité. La Commission de contrôle des permis d'alcool a un rôle très important à faire du point de vue social. Et si, à un moment donné, il y a abus de ce côté-là, que ce soit dans le domaine de la publicité ou le domaine de la criminalité, s'il n'y avait pas de contrôle dans ce domaine, je pense que nous assisterions à une situation peut-être assez catastrophique, en termes de criminalité.

Je comprends assez difficilement l'évaluation faite par le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que vous avez terminé, M. le ministre?

M. Bédard: La commission de contrôle, vous savez, s'occupe aussi du contrôle concernant les petits épiciers, par rapport aux grands, aux chaînes. Je pense que c'est très important, du point de vue économique, pour les petits épiciers.

Il y a une foule d'autres fonctions, d'autres responsabilités qui sont dévolues à la commission, qui font que c'est une commission qui fait autre chose qu'une commission qui n'est là que pour émettre des bouts de papier. Je n'irai pas plus loin dans mes remarques, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je ne sais pas si le ministre est conscient qu'avec la nouvelle loi la régie va avoir l'obligation d'émettre un permis à tout requérant, à moins que quelqu'un ne s'oppose à l'émission d'un permis, en invoquant qu'il est contraire à l'intérêt public d'émettre un tel permis. Cela a été le sens du changement.

Or, on se rend compte qu'en renversant le fardeau de la preuve — et nous étions d'accord — du requérant à l'opposant, on change fondamentalement l'économie de cette loi. C'est normal. Essentiellement, les requérants vont d'abord se fier à leur jugement commercial pour déterminer si, oui ou non, il vaut la peine de demander un permis. Donc, c'est comme n'importe quel commerce, que ce soit de vendre des chaussures ou de vendre de l'alcool. Il faut qu'à

un moment donné quelqu'un se dise: Est-ce que je vais faire de l'argent en faisant cela ou si je n'en ferai pas?

Et s'il est d'avis qu'il peut faire de l'argent en vendant de l'alcool, il demande un permis. Et si personne ne s'y oppose — je ne sais pas, mais, à l'époque dans laquelle on vit, dans bien des circonstances, il n'y a pas d'opposition — d'autant plus que l'opposition, pour réussir, à ce moment-ci, ne pourra plus, contrairement au passé, se référer au paragraphe de la loi qui disait que la commission ne doit émettre que le nombre minimal de permis, qu'il faut que le requérant fasse la preuve que c'est avantageux pour le public, etc.

Le requérant n'a donc plus de preuve de ce genre à faire et la commission, ou la régie plutôt, n'est plus tenue de limiter le nombre de permis. Je ne sais pas ce que cela a jamais voulu dire parce que, en se promenant dans certaines rues, on n'aurait jamais déterminé que c'était dans la loi. Mais, enfin, peu importe, c'est du passé.

Là, il va falloir que l'opposant prouve qu'il est contraire à l'intérêt public qu'il y ait une deuxième taverne sur une rue en particulier ou dans une ville. Je ne sais pas comment on va faire une preuve comme cela. Mais les fois où cela va réussir vont probablement être très rares et il est normal qu'il en soit ainsi.

Quant à nous, nous sommes très libéraux là-dessus. Nous pensons qu'il n'y a rien d'essentiellement péché dans le fait de vendre de l'alcool ou d'en acheter. C'est une question de mesure, et la mesure, dans l'achat et dans la consommation, ne se détermine pas avec des permis. On a dépassé cela depuis bien longtemps. C'était l'époque de la prohibition et c'est fini depuis bien longtemps. Essentiellement, on est d'accord avec cela. Je reviens donc avec cela. Si on a renversé le fardeau de la preuve, on a créé une obligation à l'opposant de prouver que l'émission d'un permis est contre l'intérêt public, qu'on a obligé la régie à émettre des opinions motivées quand elle va le refuser. (0 h 15)

On se rend compte qu'on a une économie de cette loi qui va en faire rien d'autre que l'émetteur d'un certain nombre de morceaux de papier, pour reprendre mon expression de tantôt — vous trouvez cela méprisant — disons, l'émission de permis automatique, sauf des cas que la jurisprudence évidemment va nous permettre un jour de décrire d'une certaine façon, mais que même notre imagination la plus féconde à l'heure actuelle permet difficilement d'imaginer. Qu'est-ce qu'on doit dire relativement à une demande d'un permis d'alcool pour faire la preuve judiciaire que c'est contre l'intérêt public. Vous savez, ce n'est peut-être pas possible, mais encore une fois, si ce n'est pas possible, on va bien s'en rendre compte, mais ce sera rarement possible. Cela, on peut le dire avec certitude. Ce sera très rarement possible. Il y aura alors un nombre de causes contestées, très rares. Il y aura donc une émission administrative automatique. C'est formidable; c'est très bien ici. Vous n'avez pas besoin de 180 personnes pour faire cela.

Pour émettre des permis et juger s'il peut y avoir 320 personnes ou 375 dans une taverne ou dans une brasserie, à mon avis, on n'a pas non plus besoin de la régie pour cela, parce qu'on a des organismes spécialisés au gouvernement dans la prévention des incendies, parce que c'est de cela qu'on parle. On ne parle pas d'autre chose qu'une prévention d'incendie pour déterminer de la capacité des établissements publics. Il y a d'autres spécialistes que cela.

Je reviens à ma proposition du début. On n'a pas besoin d'une administration très lourde et de 200 personnes pour administrer ce programme et nous escomptons — c'est le but de mes remarques — que, dans le prochain budget, avec la prochaine régie, on va nous proposer une coupure radicale du personnel parce que cela ne se justifie plus. Si on consacre 160 personnes à défendre les droits des jeunes et de l'ensemble de la population vis-à-vis de la discrimination, si c'est cela notre échelle des valeurs dans la société, au Québec, aujourd'hui, je dirais que, pour émettre des permis dans ce contexte, avec la nouvelle économie de la loi, 45 personnes, ce serait un chiffre très généreux.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bédard: Concernant la préoccupation du député de Saint-Laurent, je pense être en mesure de lui dire que, depuis que je suis titulaire du ministère de la Justice, le nombre d'employés n'a pas augmenté, premier point, et ce qui n'était pas le cas des administrations précédentes.

M. Forget: Vous vous dirigez dans la bonne direction.

M. Bédard: Deuxièmement, vous avez fait état de la philosophie de base de la loi, qui est de libéraliser les permis, mais vous oubliez quand même qu'il y a toutes les conditions objectives qui sont contenues dans la loi et qui sont de la responsabilité en termes de respect de la commission de contrôle. Je pense, par exemple, à la moralité, à l'aménagement, à ceux qui ont des dossiers judiciaires. Ce sont tous des éléments très importants qui doivent être vérifiés avant d'octroyer un permis. Vous mettez aussi un peu trop vite de côté tout le rôle très important de la commission concernant l'annulation qui peut être nécessaire de permis qui ont été donnés, annulation qui peut être justifiée au nom de la moralité, de l'intérêt public, etc. Vous oubliez aussi toute l'importance qu'on doit donner à l'exercice du permis lui-même. Ce n'est pas tout qu'il y ait un permis d'octroyé par la commission.

La manière d'exercer les droits donnés par ce permis, c'est très important. Cela demande une surveillance, je pense, continuelle, à moins d'en arriver à une siuation qui ferait qu'à partir du moment où un individu obtient un permis de la régie, il peut faire n'importe quoi avec cela. Il y a tout un travail de responsabilité très important qui doit être fait par la commission dans ce domaine,

tant au niveau de l'annulation de l'exercice du permis que de la vérification des conditions .objectives qui sont d'ailleurs contenues dans la loi avant d'en octroyer un permis.

C'est un ensemble de responsabilités qui va un peu plus loin que ce que disait tout à l'heure le député de Saint-Laurent, à savoir émettre des bouts de papier. Je n'ai vraiment pas la même perspective. C'est pour cela que nous avons fait une réforme. C'est justement pour que la Commission de contrôle des permis d'alcool ne soit en aucune façon une commission qui ne fait qu'émettre des bouts de papier mais prenne ses responsabilités d'une façon complète et entière dans tous ces domaines que je viens de mentionner, que ce soit dans le domaine qui concerne l'octroi du permis, le respect des conditions objectives, la prise de responsabilité au niveau de l'annulation quand c'est nécessaire, des conditions d'exercice du permis par une surveillance adéquate. Toutes ces responsabilités doivent faire l'objet d'une véritable surveillance.

M. Forget: Un dernier point, M. le Président.

M. Bédard: J'émets le voeu que la commission sera très productive dans ce domaine.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Un dernier point, c'est que le contrôle de la façon dont les permis sont exploités se simplifierait énormément si le ministère et le gouvernement donnaient priorité à un réaménagement du droit pénal et la possibilité aux policiers ordinaires, aux forces policières en général, de mettre en application les dispositions de la loi. On a actuellement une loi — je pense que c'est une des seules au Québec — qui doit être administrée par ses propres inspecteurs et qui fait interdiction en quelque sorte aux policiers soit de la Sûreté du Québec ou de la Communauté urbaine de Montréal de mettre en vigueur les dispositions relatives à l'ordre public, etc. On nous a expliqué qu'il y avait là une difficulté.

M. Bédard: ... leur travail aussi.

M. Forget: Oui, mais il y a des difficultés. Ils doivent être nommés spécifiquement pour l'application de la loi. Qu'est-ce qu'il y a de si mystérieux dans cette loi qu'il doive y avoir une espèce de mafia particulière pour l'administrer?

M. Bédard: Justement, je ne veux plus qu'il y ait de mafia particulière.

M. Forget: C'est cela. Il faudrait mettre de l'ordre là-dedans, M. le ministre, parce qu'on engendre là une espèce de petit secteur, une espèce de ghetto pour la surveillance des permis d'alcool qui n'a aucune raison d'exister. Ce n'est pas une loi plus importante, plus significative qu'un tas d'autres lois qui sont administrées par le gouvernement du Québec. C'est bien sûr que si, pour chaque loi, on crée un organisme administratif avec ses propres inspecteurs, on va sombrer dans le ridicule. Il me semble qu'il est à peu près temps qu'on mette de l'ordre dans cette histoire.

M. Bédard: Sur ce point très particulier, je prends bonne note des préoccupations du député de Saint-Laurent et je peux lui dire qu'il y aura, du point de vue administratif, un suivi constant pour que — on s'entend, je n'ai pas besoin d'élaborer — la réforme ou encore les changements qui ont été apportés amènent des résultats positifs pour l'amélioration globale de l'administration.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va, M. le député de Mercier? Est-ce qu'on peut adopter...

M. Godin: II saute aux yeux que le député de Saint-Laurent n'est pas d'un certain comté où il y a d'autres genres d'activités. Dans le cas du dépanneur, par exemple, ce n'est pas un policier de la ville de Montréal qui serait en mesure, six mois après l'émission d'un permis, d'aller vérifier si le dépanneur a encore son inventaire de $4000, a encore tant de pourcentage de ventes d'alimentation, enfin, répond encore aux critères propres à l'attribution d'un permis de dépanneur de vente de boissons et de vins. C'est pour cela qu'il y a cette espèce de corps spécial que vous appelez mafia de façon un peu abusive.

Il y a aussi l'importance économique — vous voulez rouvrir les grands débats que nous avons eus ensemble à la commission parlementaire — de ce secteur d'activités au Québec qui n'est pas à démontrer. On peut bien dire que cela prendrait peut-être seulement 45 personnes. Le ministre suivra de près l'évolution du personnel dans cette nouvelle régie. Mais il y a une importance économique. Il y a la division des brasseries, des tavernes. Il y a les restaurants, il y a les dépanneurs, il y a un tas d'activités sur lesquelles la régie doit exercer le rôle du chef d'orchestre, voir à ce qu'il y ait tel genre de commerce à tel endroit, et pas trop, etc.

Donc, quand vous dites que c'est automatique, ce n'est pas automatique. Si vous établissez une taverne, une brasserie ou un restaurant avec un permis dans un secteur, tous les restaurants voisins, toutes les brasseries voisines vont porter plainte, vont vouloir manifester leur opinion devant la régie. Par conséquent, ce n'est pas un travail automatique. Il y avait aussi la question de l'environnement au sens large du terme, l'environnement dans lequel s'implante un tel commerce. Si c'est près d'un hôpital, il faut qu'il y ait des gens qui vérifient où cela s'implante. Cela ne se fait pas de façon aussi mécanique que l'émission d'un permis de conduire, sans allusion au passé de notre nouveau...

M. Bédard: M. le Président, je pense que l'heure est tardive. Au début de la discussion, le député de Saint-Laurent a eu un mouvement d'humeur en qualifiant l'ensemble de la commis-

sion comme n'ayant comme fonction que d'émettre des bouts de papier. On est revenu à une discussion très valable sur l'à-propos d'un suivi des travaux de cette commission. D'ailleurs, le député de Saint-Laurent est un de ceux qui avaient mentionné l'importance de cette loi, du besoin de s'en servir pour contrôler de la façon la plus rigide possible les spectacles des danseuses, des mineures.

M. Forget: En retirant de façon mandatoire le permis.

M. Bédard: C'est dans ce sens que c'est également relié à ce que je disais tout à l'heure, en aspect de la moralité, et c'est un des articles qui aura un suivi continuel parce qu'il faut absolument mettre fin à cette hémorragie de danseuses mineures nues dans des établissements.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce qu'on peut affirmer que le programme 8 est adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Bordeleau): Programme 8 adopté. Demain matin, nous procéderons donc au programme 9.

M. Marx: Avant d'ajourner...

Le Président (M. Bordeleau): Je vais vous donner la parole dans deux minutes si vous voulez, mais je voudrais mentionner aux membres de la commission que, demain matin, la commission reprendra ses travaux à la salle 91-A, à 10 heures.

M. Marx: Avant d'ajourner, j'aimerais rappeler au ministre qu'il a promis de me donner une réponse en ce qui concerne la directive spéciale...

M. Bédard: ... du service de police de la CUM.

M. Marx: Oui, je prends l'autobus avant 17 heures demain.

M. Bédard: Si vous saviez comme je l'ai présent à l'esprit.

Le Président (M. Bordeleau): La commission ajourne ses travaux à demain 10 heures.

Fin de la séance à 0 h 26

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