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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le vendredi 13 juin 1980 - Vol. 21 N° 311

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministère de la Justice


Journal des débats

 

Etude des crédits du ministère de la Justice

(Dix heures seize minutes)

Le Président (M. Laberge): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de la justice est réunie pour poursuivre l'étude des crédits budgétaires pour l'année 1980-1981 du ministère de la Justice.

Les membres de cette commission sont: M. Bédard (Chicoutimi), M. Lalande (Maisonneuve) remplace M. Blank (Saint-Louis), M. Gagnon (Champlain) remplace M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Forget (Saint-Laurent), M. Godin (Mercier), M. Mercier (Berthier) remplace M. Guay (Taschereau), Mme LeBlanc-Bantey (Iles-de-la-Madeleine), M. Marquis (Matapédia), M. Samson (Rouyn-Noranda).

Les intervenants sont: M. Charbonneau (Verchères), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Desbiens (Dubuc), M. Marx (D'Arcy McGee) remplace comme intervenant M. Lalande (Maisonneuve), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski).

Le rapporteur a déjà été désigné comme étant M. Godin (Mercier).

On m'a informé que le programme 8 avait été adopté. J'appelle donc le programme 9.

Garde des détenus et réinsertion sociale des délinquants

M. Bédard: Au niveau du programme 9, M. le Président, comme c'est la tradition, je voudrais déposer le rapport annuel 1979 concernant la situation des services correctionnels québécois. Je vais demander qu'on le distribue. Au niveau des ressources humaines et financières concernant ce programme, les ressources requises pour la réalisation des activités de ce programme sont de l'ordre de $74 470 900 et de 2705 employés, dont 2652 permanents et 53 occasionnels. Des $74 470 900 estimés pour 1981, on prévoit consacrer une somme de $61 222 100 ou 82,2% pour le traitement des employés permanents et à temps partiel; $11 775 000 ou 15,8% pour les autres dépenses de fonctionnement telles que l'alimentation, $4 342 400, l'utilisation de services professionnels rendus par des organismes oeuvrant au niveau de la participation communautaire, $3 238 400; $751 500 ou 1% du budget pour des dépenses de capital; et $702 300 ou 0,9% pour les dépenses de transfert.

Comme vous pouvez le constater, c'est à l'intérieur de l'élément 1 qu'on retrouve la majeure partie des ressources, soit des crédits de l'ordre de $63 517 900 ou 85,3%. Le reste des crédits, c'est-à-dire $10 953 000, sera affecté à l'élément 2 concernant la participation communautaire, soit $4 292 700 et seize postes. A l'élément 3, Surveil- lance des personnes en probation et en libération conditionnelle, $6 031 300 et 251 postes. A l'élément 4, Commission québécoise des libérations conditionnelles, $629 000 et 16 postes.

Au niveau des commentaires généraux sur les variations budgétaires au sujet du programme et de l'élément, comme je l'ai fait savoir, les crédits requis au programme 9 concernant la garde des détenus et la réinsertion sociale des délinquants, sont estimés à $74 470 900 pour l'année financière 1980-1981, ce qui représente une hausse de $5 872 200, soit 8,5% par rapport au budget comparatif de l'exercice 1979-1980. Cette augmentation pourrait tout simplement s'expliquer par le fait qu'il nous a fallu prévoir des crédits additionnels de l'ordre de $5 875 000 afin de donner suite aux diverses conventions collectives et pour permettre d'avoir les fonds nécessaires pour une période de douze mois concernant les postes vacants à combler durant l'exercice.

En ce qui concerne l'effectif, il est possible de constater qu'il y a une augmentation nette de neuf postes. Cette hausse provient, d'une part, de l'addition de 41 postes dont 20 postes de professionnels à l'intérieur des établissements, 7 postes relativement à la prise en charge de la garde du palais de justice de Longueuil, 9 postes pour le développement des activités de la participation communautaire, 3 postes à la recherche et la planification et un transfert de 2 postes provenant d'autres ministères.

D'autre part, la direction a dû compresser son effectif de 30 postes réguliers et de 2 occasionnels pour donner suite à la politique gouvernementale de réduire de 2,5% l'effectif du ministère.

Il y a également les autres variations budgétaires qui ont été apportées au niveau de certains éléments. Concernant l'élément 1, la détention, $4 220 500; l'élément 2, participation communautaire, $533 700. Au niveau de l'élément 3, concernant la surveillance des personnes en probation et en libération conditionnelle, $942 000 et l'élément 4 qui concerne la Commission québécoise des libérations conditionnelles, $176 000. Pour les commentaires généraux, j'ai déjà eu l'occasion, M. le Président, de faire état des réalisations concernant la direction de la détention. Plusieurs réalisations ont été faites, entre autres, la refonte du règlement relatif aux établissements de détention. Il y a eu un cadre général mis au point que nous avons présenté au Conseil du trésor, un cadre général de planification des établissements de détention. Il y a aussi tous les nouveaux établissements et aménagements qui ont été faits ou commencés au cours de la présente année. Il y a eu également l'entente — nous l'avons évoquée — concernant le transfert des femmes incarcérées à Kinqston.

La Direction de la probation — l'Opposition y avait porté une attention particulière, dans ses remarques, au début des travaux de cette commission — il y a eu des réalisations importantes. Je pense, entre autres, concernant les sentences de

travaux communautaires et les services de conseillers aux autochtones.

Quant à la Direction de la participation communautaire, elle a subventionné neuf ressources communautaires en 1979 et a fait affaire avec dix-sept autres ressources qui lui facturent leurs services. Deux ressources, actuellement subventionnées, deviendront en contrat au cours de l'exercice 1980-1981. Le nombre de personnes référées à ces ressources, au cours de 1979, s'élèvent à 608 pour les ressources correctionnelles communautaires et à 1163 pour les ressources fournissant des services psychiatriques et de réadaptation des toxicomanes.

Au cours de l'année, plusieurs ressources nouvelles sont venues s'ajouter à celles existantes en 1978, entre autres quatre centres résidentiels communautaires qui sont l'Habitac des Laurentides de Saint-Jérôme, la maison d'accueil de Contact, de Longueuil, sur la rive-sud, le centre communautaire d'Amos et la villa d'Orléans de l'Ange-Gardien. Il y a une entente qui est intervenue en 1979, avec un nouvel atelier de réinsertion sociale par le travail, soit l'atelier Radisson de Trois-Rivières.

Il y a eu également deux projets de centres résidentiels communautaires qui sont en voie de réalisation, dont un, pour les femmes, à Montréal et un autre, pour hommes, à Chicoutimi.

Il y a des négociations en cours avec le ministère des Affaires sociales, en vue de doter les différentes régions du Québec des ressources nécessaires à l'expertise et au traitement des personnes représentant des problèmes d'ordre psychiatrique.

Voilà, ce sont mes remarques générales.

Le Président (M. Laberge): Y a-t-il des questions sur le programme 9? Non? Cela va.

M. Forget: La seule question que j'aurais, M. le Président...

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ... est celle que j'ai formulée au moment des échanges préliminaires. Le programme de participation communautaire — on vient de nous remettre le rapport, je n'ai pas eu le loisir de le consulter — est-ce qu'on fait état, je suis sûr qu'on fait état de cette activité...

M. Bédard: Comme vous le faites remarquer, on vient de distribuer ce rapport, il y a quelques minutes; je comprends que vous n'ayez pas eu le temps d'en prendre connaissance. Nous avons, ici avec nous, le sous-ministre de ce secteur, M. Aubert, je pourrais peut-être lui passer la parole.

Aux pages 137, 138 et 139 du rapport, vous verrez un bref état de la situation. Comme vous le savez, ce programme avait été commencé comme expérience pilote dans six régions du Québec, en avril 1977; l'expérience pilote a duré du 1er avril 1977 à la fin de mars 1979. Il y a eu une évaluation qui a été faite du programme; elle a porté sur les 37 premières sentences, aux travaux communautaires, qui ont été rendues et l'expérience s'est avérée très positive; en fait, le taux de succès qui a été compilé — à la suite des critères qui avaient été utilisés et retenus pour l'évaluation — s'est chiffré par environ 90%.

Nous avons calculé que, dans au moins 60% de ces sentences, on avait remplacé effectivement l'incarcération par des ordonnances de probation comportant des sentences de travaux communautaires. L'objectif principal qui est poursuivi par ce programme, c'est de tenter de remplacer, là où c'est possible, l'incarcération par un type de sentenc'è qui soit à la fois plus positif et qui implique la participation de la communauté.

En 1979-1980, certaines sentences ont continué à être données; en fait, il y a au-delà d'une centaine de sentences aux travaux communautaires qui ont été données et nous envisageons un objectif, durant l'année 1980-1981, de 400 sentences. L'évolution actuelle du programme nous laisse croire que cet objectif sera sans doute dépassé.

M. Forget: Lorsqu'on nous parle d'un taux de succès de 90%, est-ce que les 10% d'insuccès se mesurent en termes de récidives ou...

M. Bédard: II se mesure en termes soit de récidives, soit de personnes qui n'ont pas, après avoir pris leur engagement, respecté les conditions qui avaient été fixées par le juge, notamment les conditions d'effectuer les travaux dans le contexte déterminé par le juge.

M. Forget: J'imagine que, dans un projet comme celui-là, qui en est encore à ses débuts et qui s'adresse à une fraction malgré tout modeste de l'ensemble des sentences et des condamnés, il y a une certaine sélection qui est effectuée et qui est peut-être un des facteurs de succès de l'opération. Donc, on ne peut probablement pas comparer le taux de récidive de ceux qui ont bénéficié de ce programme avec le taux de récidive de l'ensemble de la population des établissements de détention. (10 heures)

M. Bédard: C'est exact.

M. Forget: Est-ce qu'il y a une façon, cependant, de faire une évaluation qui permette de voir, en termes comparatifs, jusqu'à quel point c'est une bonne chose? On peut, a priori, dire que c'est une bonne chose en soi et que, tant qu'on n'a pas des signes que c'est une mauvaise chose, on va continuer. Cela est une façon de faire l'évaluation. Il y a aussi une autre façon de faire l'évaluation qui est de dire: Par rapport à nos méthodes traditionnelles, cela fait plus ou moins que les méthodes traditionnelles.

M. Bédard: II serait relativement facile d'avoir un taux de succès de 100% dans ce type de programme en sélectionnant au point de départ

des personnes qui présentent peu de danger pour la société, qui en sont à leur premier délit, enfin, de faire un tri qui, a priori, pourrait nous permettre un taux de succès de 100%. Ce n'est pas du tout l'objectif qui est visé par ce programme.

L'objectif qui est visé par ce programme, c'est de faire en sorte que des personnes, qui en sont, bien sûr, au début d'une carrière délinquante, puissent éviter l'incarcération. Donc, si, au cours du rapport présentenciel, on se rend compte que la personne pourrait simplement bénéficier, par exemple, d'une sentence de probation ordinaire ou se voir imposer une amende comme sanction et que ce serait suffisant, il n'est pas question de retenir cette candidature pour les travaux communautaires. L'objectif, encore une fois, du programme, c'est de remplacer l'incarcération.

Il est évident qu'au cours de l'expérience pilote les conditions de prudence dont on a entouré le programme ont fait en sorte que le taux de succès est probablement plus considérable que ce qu'on pourra retrouver dans le programme au cours des années futures, à condition, bien sûr, que le même objectif soit fixé, à savoir de réserver le programme pour des délinquants qui ont posé des gestes sérieux et qui ont besoin d'interventions plus structurées pour se réinsérer dans leur communauté.

Nous disons que le taux de succès a été de 90%, soit qu'il s'agisse de non-récidive, soit qu'il s'agisse de personnes qui ont vraiment respecté les conditions qui avaient été fixées par le tribunal. Nous continuons à maintenir les mêmes objectifs et à attirer l'attention de nos agents de probation sur le fait que le programme doit remplacer l'incarcération.

Comparer avec des situations similaires dans le cas d'autres sentences, c'est une entreprise difficile. On peut, à ce moment, dégager surtout des impressions beaucoup plus que des analyses factuelles. Nous avons l'impression que le taux de récidive est beaucoup plus faible, lorsqu'on réussit à éviter l'incarcération pour le même type de personne et le même type de délit, que lorsque la personne est envoyée en détention. C'est plus au niveau d'une impression qu'au niveau d'une analyse factuelle. Le nombre de cas qui ont été impliqués dans les sentences de travaux communautaires est trop restreint, à ce moment-ci, pour pouvoir faire une évaluation qui soit très rigoureuse. Nous avons, par ailleurs, des contacts avec des collègues des autres provinces, ceux qui sont impliqués dans la gestion de ce même type de programme, et la performance, au Québec, se compare avantageusement avec ce qui se passe dans les autres provinces.

M. Forget: Est-ce que les victimes des actes criminels qui sont à l'origine de la condamnation sont mis au courant de cette issue, à la poursuite et au procès, et est-ce qu'il y a un degré d'acceptation sensible ou satisfaisant de cette issue au processus judiciaire?

M. Bédard: Je peux vous dire que, dans plusieurs cas, les travaux communautaires se sont effectivement réalisés auprès des victimes. Je peux donner un exemple. Une personne s'est reconnue coupable d'avoir volé des objets dans une église sur la rive-sud de Québec. Après analyse de la situation, recommandation au juge et contact avec les personnes qui étaient responsables de la fabrique, on a convenu que les travaux communautaires seraient effectués auprès de la fabrique. Effectivement, ça s'est très bien passé, dans ce cas. Ce que nous essayons de faire, dans la plupart des cas, c'est de faire en sorte que les victimes soient non seulement mises au courant, mais acceptent de participer. Nous avons d'autres programmes, aussi, où les victimes sont impliquées, beaucoup plus directement et de façon systématique, dans un projet-pilote qui a lieu présentement à Québec, au niveau de la conciliation en communauté. Les victimes sont toujours impliquées et l'approche, c'est de faire en sorte que ce ne soit pas un programme caché, qu'on ne dissimule pas les faits et que les victimes soient impliquées dans le processus.

Je ne vous dirai pas que, dans tous les cas, c'est possible, parce qu'effectivement dans certains cas, les victimes ont subi suffisamment de traumatismes pour ne pas vouloir s'impliquer d'aucune façon dans la poursuite des événements.

M. Forget: Est-ce que la résistance des victimes est une cause d'échec, dans un certain nombre de cas?

M. Bédard: Non, pas jusqu'à présent. Nous n'avons pas eu d'échecs à cause de cela. Il faut dire que, lorsque la victime est impliquée, il y a un travail préalable intensif qui est fait. On ne prend pas de risques à ce niveau. L'agent de probation qui est impliqué dans la rédaction du rapport présentenciel, lorsque la victime doit être impliquée dans la sentence de travaux communautaires, fait le travail préalable auprès de la victime et du délinquant. La réconciliation, si on veut, s'effectue avant que la sentence soit effectivement rendue.

M. Forget: Est-ce que ce programme qui coûte quand même un certain montant d'argent représente, malgré tout, une économie pour la société?

M. Bédard: L'économie pour la société, on peut la mesurer de différentes façons. Nous avons l'impression que, chaque fois qu'on réussit à éviter une période d'incarcération sans qu'il y ait récidive et sans qu'il y ait de nouveaux délits commis, à long terme, il y a effectivement une économie pour la société, non seulement en termes de dépenses qu'on a réussi à éviter en n'ayant pas recours à l'incarcération, mais aussi parce que le peu de succès semble indiquer que les chances que cette personne soit effectivement réadaptée et ne commette plus de délit sont de

beaucoup meilleures. De sorte que l'économie à long terme, qui est difficile à mesurer, est probablement très importante.

M. Forget: Est-ce que vous distinguez deux choses? Est-ce que, à court terme, le programme coûte moins cher que l'incarcération par délit criminel qui fait l'objet de ce programme, par coupable, par sujet, par bénéficiaire — je ne sais pas comment vous désignez l'objet du programme — par client, si vous voulez? Est-ce que cela coûte moins cher que l'incarcération? Deuxièmement, si je comprends bien, à long terme, vous jugez que l'incarcération, nos prisons sont un milieu criminogène et que le séjour en prison, même d'une personne innocente, finirait par en faire un criminel?

M. Bédard: Je n'irais peut-être pas aussi loin que dans la fin de votre énoncé, mais les coûts directs impliqués dans un certain nombre de travaux communautaires sont beaucoup moins élevés que l'incarcération. Toutes les mesures qui prévoient que la personne est laissée dans la communauté plutôt que d'aller en institution coûtent toujours moins cher. C'est vrai dans le domaine de la justice, c'est vrai dans d'autres secteurs d'activités gouvernementales et paragouvernementales. En plus, dans ce cas, il y a une contribution positive directe auprès de la communauté puisque la personne est tenue d'effectuer des travaux utiles bénévolement pour un organisme sans but lucratif.

D'ailleurs, à l'heure actuelle, l'incarcération représente un coût d'à peu près $100 par jour, par individu qui est détenu à l'intérieur d'une institution. Il est bien clair...

M. Forget: Vous les traitez presque aussi bien que dans les hôpitaux!

M. Bédard: ... qu'on ne fait pas l'analyse des programmes... Il est bien évident — je pense bien que ce n'est pas ce qu'a voulu soutenir le député de Saint-Laurent — qu'on ne fait pas l'analyse à partir simplement du coût économique — quoique c'est un facteur qui doit être considéré — mais en considérant le résultat, à compter du moment où l'individu, parce qu'il a reçu un traitement social adéquat, ne récidive plus et devient un citoyen positif pour la société. Il est clair qu'un individu qui, après la commission d'un acte, n'a pas eu de traitement social et continue à récidiver, à être incarcéré même, à l'occasion, représente au bout de la ligne non seulement un coût économique, mais un coût social énorme. C'est dans ce sens que sont orientés nos efforts.

M. Forget: Je suis prêt à admettre toutes ces hypothèses, M. le Président. Je pense que c'est bon de préciser que l'évaluation n'a pas progressé au point où on puisse effectivement, si je m'en fie aux réponses qu'on a eues tantôt, affirmer que ce programme, par rapport à l'incarcération, va résulter, à long terme, en un taux de récidive plus faible et va donc représenter un gain social significatif. C'est une hypothèse qui est intéressante, mais on ne peut pas dire qu'elle a été vérifiée.

M. Bédard: II est trop tôt. Le programme n'est pas encore assez vieux pour qu'on puisse affirmer de façon absolument certaine que ce sera le cas. Comme — je l'évoquais au début des travaux de la commission — une des préoccupations majeures que j'ai dans ce domaine-là, c'est d'essayer de trouver une solution au phénomène de tous les individus, les citoyens qui sont incarcérés faute de paiement d'amendes. L'ampleur de l'emprisonnement à défaut du paiement de l'amende, c'est vraiment très important parce qu'en 1978, il y a 48% des séjours de détention continue, à l'exclusion par conséquent de la détention provisoire et des sentences intermittentes, 48% des séjours qui résultaient d'un défaut de paiement de l'amende. La durée moyenne de ces séjours était d'environ 11 jours et le coût de l'emprisonnement à défaut du paiement de l'amende est estimé à $5 000 000 en 1978, en regard d'un montant global d'amendes non payées de l'ordre de $1 000 000. C'est évident que si on en faisait seulement une question économique, à ce moment-là, on dirait...

M. Forget: Ou les amendes ne sont pas assez fortes, ou ça coûte trop cher.

M. Bédard: II y avait tout ça à analyser, et l'ampleur de ce phénomène varie vraiment d'une région à l'autre. Il y a des régions où l'emprisonnement par défaut du paiement de l'amende représente jusqu'à 50% du volume d'incarcération.

M. Forget: II y a là-dedans, bien sûr, tous les alcooliques, clochards, etc., qui sont dans une espèce de centre d'accueil à Montréal, qui n'en a pas le nom, mais qui en a les apparences.

M. Bédard: 60% le Code de la route. Sur ce point-là, j'ai demandé, j'ai obtenu, très récemment, une étude en profondeur qui fait quelques suggestions au niveau des solutions. Maintenant, nous n'avons pas eu encore l'occasion d'analyser les suggestions parce que le problème n'est quand même pas facile à résoudre. Nous allons mettre sur pied, au niveau du ministère, un groupe de travail qui va se pencher de façon tout à fait particulière sur ce problème.

M. Forget: Merci, M. le Président, je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Laberge): Alors, programme 9 dans ses 4 éléments, adopté.

Services juridiques du gouvernement

Programme 10, Services juridiques du gouvernement, trois éléments. Les discutez-vous concurremment?

M. Forget: J'ai d'abord une question à poser au ministre parce que je ne réussis pas à déter-

miner, mais je pense que c'est bien là qu'elle se trouve, l'imputation des crédits pour les commissions d'enquête ou les choses comme ça. Est-ce que c'est là, dans les cas d'enquête ou de procureurs spéciaux?

M. Bédard: Techniquement, c'est au programme 6 que se trouve cet élément. Je ne veux pas être technique au point d'éviter la discussion sur des préoccupations tout à fait valables de la part de l'Opposition et je n'ai aucune objection à ce qu'on en discute à l'intérieur de ce programme.

M. Forget: On a des questions au programme 10, maintenant que nous savons que nous aurions dû poser nos questions sur les commissions d'enquête à la suite.

M. Bédard: Vous n'en serez pas privé.

M. Forget: On peut peut-être commencer par quelques questions au programme 10, sur les questions administratives et autres.

M. Bédard: Alors, je pourrais commencer. Au niveau des ressources humaines et financières, le budget de ce programme s'établit à $14 013 600 et l'effectif permanent est de 415 postes. Cet effectif comprend 178 postes d'avocats, 27 postes de notaires et d'avocats plaideurs et 210 postes de fonctionnaires. Le poste traitements et autres rémunérations s'établit à $11 980 900 et représente 85% du budget du programme.

Le poste services, au montant de $745 300, comprend une somme de $272 300 prévue essentiellement pour le paiement des mandats accordés avant novembre 1976, aux avocats de la pratique privée, mais dont les comptes d'honoraires nous seront présentés au cours de 1980-1981. Il y a des crédits de $121 000 pour certains autres mandats qui ont été confiés après novembre 1976. Des crédits de $150 000 sont prévus pour les enquêteurs spéciaux et $85 000, pour les agents spéciaux du Code de la route. De plus, on prévoit une Somme de $55 000 pour les frais des huissiers et des sténographes, et $29 000 pour les évaluateurs.

Les commentaires généraux, sur les variations budgétaires, les crédits requis, pour 1979-1980, représentent une augmentation de $977 200 par rapport au budget de 1979-1980. C'est-à-dire un taux d'accroissement de 7%, lequel résulte principalement de la révision des traitements suite à l'application des conventions collectives des employés.

Le poste loyers, au montant de $133 900, comprend la location d'équipement à photocopier, d'appareils à traitement de textes AES Data et autres équipements de bureau. Au niveau des réalisations, au cours de la dernière année, la Direction générale des affaires civiles et pénales a proposé des modifications fondamentales à son organisation, en vue de refléter la nouvelle vocation de la direction générale qui se veut maintenant un bureau de juristes, avec une compétence reconnue au même titre que celle des bureaux privés et ce, dans toutes les branches du droit. (10 h 45)

Dans cette optique, tous les services juridiques ont été regroupés sous une direction unique des services juridiques et l'on a créé deux nouvelles unités: la Direction du droit constitutionnel et la Direction du droit administratif.

D'autre part, les deux services du contentieux, à savoir le bureau des plaideurs et le service central des réclamations relèveront désormais de la Direction des services juridiques et de la Direction des affaires pénales, respectivement.

Les autres réalisations importantes sont, je crois... Il y a eu, au cours de l'année, une deuxième conférence annuelle des avocats et notaires de la fonction publique. Cette conférence a permis aux professionnels du droit de discuter, ensemble, dans un cadre ouvert au public, des questions qui les touchent. Je pense que cela a permis de mieux définir peut-être leur travail et leur rôle au sein de l'administration.

Il y a eu un programme de perfectionnement et d'amélioration du travail des juristes et, dans ce secteur, s'insèrent les conférences-midis mensuelles à Québec et à Montréal, sur des sujets particuliers, telle que la Charte de la langue française, les injonctions, etc. Les sujets ne manquent pas.

Il y a eu également la confection d'une banque des données juridiques Eureka. Actuellement, 1600 opinions juridiques peuvent être consultées et 3000 autres pourront l'être bientôt, ce qui est de nature à faciliter naturellement le travail des juristes du contentieux gouvernemental.

M. Lalande: M. le Président, dans le préambule des services juridiques du gouvernement, on dit que la Direction générale des affaires civiles et pénales a le mandat de satisfaire, en tant que jurisconsulte, aux besoins juridiques des ministères et organismes du gouvernement du Québec et elle se voit ainsi confier le triple rôle de conseiller juridique, d'avocat plaideur et de notaire.

Ceci concorde évidemment avec ce que le ministre vient de nous dire. Je voudrais simplement lui demander comment il se fait que, au niveau des renouvellements de contrats avec des gens qui ne sont pas fonctionnaires de l'Etat, avec les divers avocats et notaires, on observe, dans l'engagement financier 502, que pour services professionnels de ces notaires et de ces avocats, en matière juridique, pour une période d'un an, $1 431 000 ont effectivement été affectés à ça? La question est: Qu'advient-il de la nouvelle politique du ministère de la Justice et du gouvernement, de façon générale, de viser à employer d'abord et avant tout, pour répondre à la mission et au mandat des services juridiques des affaires civiles et pénales, d'assumer cette responsabilité avec les fonctionnaires du ministère de la Justice?

M. Bédard: Disons que, d'une façon générale — M. le sous-ministre pourra préciser du point de vue technique — comme ce fut le cas pour les deux dernières années, avec ce système, par

rapport à ce que coûtaient les mandats au niveau de la pratique privée, nous avons pu réaliser des économies importantes, au-delà de $1 000 000, en plus de nous donner la possibilité d'instaurer, au niveau du gouvernement, un contentieux qui sera de plus en plus compétent, un contentieux digne d'un gouvernement.

Pour ce qui est de la comparaison des coûts entre l'actuel système de plaidoirie et de service de notariat interne et l'ancien système recourant à la pratique privée, depuis maintenant trois ans, l'essentiel de la représentation du Procureur général en matières civiles et pénales est assuré, comme on le sait, par des avocats relevant de la Direction générale des affaires civiles et pénales du ministère. De même, le travail de notariat est maintenant assuré par des notaires des affaires civiles et pénales.

L'implantation de cette politique a permis au ministère de la Justice de développer une expertise de qualité dans plusieurs secteurs du droit où le volume des causes est plus significatif; je souligne, par exemple, le droit constitutionnel, le droit de l'environnement, le droit fiscal, les relations de travail et le droit administratif en général. Rien n'est parfait, mais je pense que le recours à des avocats relevant du ministère a permis la création de liens plus étroits entre les ministères impliqués dans des causes devant les tribunaux et les plaideurs, facilitant ainsi la préparation des dossiers.

Les liens de collaboration existant entre ces plaideurs ont également permis d'accroître la cohérence des positions du Procureur général devant les tribunaux, notamment en matière constitutionnelle. L'expérience accumulée au fil des dossiers est plus facilement utilisée dans les nouveaux dossiers qui portent sur les mêmes sujets ou des sujets connexes.

Le recours aux services d'un même bureau d'avocats présente des avantages, croyons-nous, indéniables. C'est d'ailleurs la politique suivie par les grandes entreprises privées, qui confient généralement leurs dossiers à un seul bureau d'avocats et non à un grand nombre d'entre eux et, de plus, préfèrent maintenant recourir aux services d'avocats employés de la compagnie plutôt que de recourir à des avocats de bureaux privés de l'extérieur.

En plus des avantages sur le plan de la qualité des services, je crois qu'une économie majeure résulte de l'implantation de cette politique. Pour l'année 1979-1980, des économies de $1 154 000 ont été réalisées sur la même base de calcul que nous avions employée les années précédentes.

Au niveau des affaires civiles, les services juridiques du contentieux de Montréal et de Québec ainsi que les deux bureaux de notaires réunissent 99 personnes, dont 36 avocats et notaires. Le coût de ces services, en y incluant les salaires, les avantages sociaux, le prix des locaux et l'ameublement, totalise $4 677 000. Si les 7058 dossiers ouverts dans l'année avaient été confiés à la pratique privée, il en aurait coûté $5 077 000. L'économie est donc de $390 000.

Au niveau des affaires pénales, les dossiers concernant le Code de la route, la Loi des alcools et les dossiers pénaux préparés par les services juridiques des ministères conformément aux politiques civiles et pénales sont plaidés par les substituts du procureur général: 25 avocats et 40 personnes de soutien ont traité les 92 049 dossiers du pénal à un coût total de $1 234 700. Le renvoi de ces causes à la pratique privée aurait coûté au bas mot $1 998 700, soit $764 000 de plus, ce qui nous amène à l'économie totale que j'ai mentionnée tout à l'heure.

Maintenant, il y a peut-être d'autres éléments.

M. Lalande: Le fond de ma question n'est pas au sujet de la qualité des services offerts, je ne doute pas qu'on essaie d'en donner beaucoup plus aux fonctionnaires mêmes du ministère dans le domaine de l'intégration. C'est une question d'opinion; je pense que la vôtre se discute et s'accepte, aussi, en partie, on a peut-être une meilleure qualité de services.

Au sujet du coût, vous avez quand même fait un tableau comparatif entre l'ancien système et le nouveau système. Mais le fond de ma question est que ce système-ci, quand même, déborde sur autre chose que... On n'assume pas le coût total des frais à l'intérieur, mais on déborde sur $1 431 000 de traitements qu'on a ajoutés à ce système, engageant quelque 125 avocats et notaires de la pratique privée, en dehors des effectifs du ministère.

M. Bédard: Peut-être, si vous permettez, là-dessus, la plus grande partie de ces honoraires sont-ils des honoraires pour des mandats donnés à la pratique privée, à la fois avant et jusqu'en 1976. On a aussi continué à donner un certain nombre de mandats chaque année, depuis l'implantation du nouveau système à la pratique privée. Evidemment, c'est comptabilisé sur la base du coût que nous payons pour ces mandats et souvent on sait que les causes s'échelonnent malheureusement trop longtemps devant les tribunaux de sorte que, dans les honoraires facturés chaque année — c'était comme cela l'an dernier et les années précédentes — il y a un montant pour des mandats qui ont été octroyés avant le virage qui a été pris dans le système.

Dans le système actuel, on donne en moyenne 50 à 60 mandats chaque année, depuis trois ans, à la pratique privée. L'approche en est vraiment une pour faire en sorte que les choses normalement de routine, c'est vrai pour le pénal, je pense que c'est là que c'est le plus manifeste, mais également dans le domaine civil, le droit public en général, soient prises en charge par les procureurs du gouvernement. Lorsqu'il y a des causes plus spécialisées, plus complexes, on n'hésite pas à faire appel à un procureur de la pratique privée, si c'est nécessaire. Par ailleurs, on ne laisse pas aller le dossier au procureur de la pratique privée en lui disant: Tu nous donneras le résultat quand ce sera terminé. On essaie de contrôler le dossier, c'est-à-

dire le contenu comme client du dossier, et d'associer aussi des gens de la maison, si on peut prendre l'expression, avec le procureur de la pratique privée, pour accumuler une expérience, une expertise, parce qu'il y a un équilibre au fond. Auparavant, la situation faisait qu'on n'accumulait jamais d'expertise interne, c'était uniquement dans les bureaux de pratique privée que cette expertise de la part des plaideurs qui plaidaient les causes du gouvernement pouvaient s'accumuler.

Alors, il n'y a pas une approche absolue là-dessus. Il est évident que, si on a besoin d'un spécialiste dans un domaine très spécifique pour quinze jours ou trois semaines, on va le chercher à la pratique privée, si on n'en a pas à l'intérieur. Par ailleurs, on veut associer, pour accumuler cette expérience à chaque fois.

Ce n'est pas avec l'application du jour au lendemain de cette politique que nous avons pensé un instant que les procureurs gouvernementaux deviendraient des spécialistes dans tous les domaines. Au contraire, cette expérience-là s'accumule. Mais il est important d'avoir une politique qui permet aux procureurs du gouvernement de pouvoir accumuler cette expérience, cette spécialisation, qui leur permettra, dans un avenir éventuel, d'être capables d'assumer seuls la conduite de dossiers où il y a un besoin de spécialisation tout à fait particulier.

Pour ce qui est des mandats que nous avons donnés à la pratique privée, je crois que nous avons fait tenir à l'Opposition une liste énonçant les mandats, ce qu'ils ont coûté et les avocats dont les services ont été retenus.

M. Marx: M. le Président.

Le Président (M. Laberge): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Concernant cette liste, hier soir, j'ai abordé le problème de l'absence des non-Canadiens français des institutions et organismes du gouvernement et plus particulièrement l'absence des non-Canadiens français au ministère de la Justice. Je ne veux pas reprendre tout le débat d'hier soir. Je pense que vous avez bien compris ce que j'ai voulu soulever. Je veux juste rappeler aux membres de la commission que les non-Canadiens français forment à peu près 20% de la population québécoise. Ici, j'ai votre document, commission parlementaire de la Justice, étude des crédits, document d'information. A l'intérieur, à la page 10, il y a la liste des contrats de moins de $25 000 octroyés à des professionnels depuis le 1er avril 1979. Il y a des dizaines de noms d'avocats et d'autres professionnels. Franchement, je ne vois pas beaucoup de non-Canadiens français. Je ne vois pas de noms de non-Canadiens français et je pense que, si c'est le hasard, j'aimerais qu'à l'avenir, le hasard favorise des non-Canadiens français. C'est très facile. On peut prendre le bottin judiciaire et on va trouver pas mal d'avocats non-Canadiens français, pas mal de notaires et ainsi de suite.

M. Lalonde: ... Ryan...

M. Marx: Est-ce que le ministre a l'intention de...

M. Bédard: Je n'ai pas l'intention de reprendre le débat d'hier, comme vous l'avez exprimé tout à l'heure. On peut...

M. Marx: ... faire quoi que ce soit. Il peut dire: Je suis d'accord. Je n'aime pas ça. Je trouve que c'est injuste et ainsi de suite, des généralités. S'il veut mon aide, je peux lui offrir mon aide. Je peux faire une liste d'avocats non-Canadiens français, une liste d'autres professionnels non-Canadiens français. Il va piger dans ces listes et il va trouver que c'est possible d'avoir des non-Canadiens français comme consultants.

M. Bédard: Sans revenir à une liste de recommandation...

M. Marx: Non, ce n'est pas à moi à le faire. C'est aux péquistes à le faire.

M. Bédard: ... j'espère. Les listes privilégiées d'avocats, amis du régime.

M. Marx: Est-ce que le ministre est prêt à corriger la situation pour l'an prochain? C'est la question; ou est-ce que ça va traîner?

M. Lalonde: II n'a pas l'air décidé du tout...

M. Bédard: Si ça peut terminer le débat tout de suite. Au moment où vous me le demandez, je suis prêt à vous dire que oui. Maintenant, j'essaie de voir quels sont les moyens qui pourraient être employés pour essayer de corriger une situation qui n'est pas celle du présent gouvernement — on l'a dit hier — qui est une situation presque historique et nous allons...

M. Marx: Ce n'est pas une question de discrimination consciente. C'est un état de fait. L'état de fait veut qu'il n'y ait pas de non-Canadiens français qui aient des contrats de moins de $25 000. Il y en a peut-être un ou deux. (11 heures)

M. Bédard: On ne peut pas dire qu'il n'y en a pas.

M. Godin: II y en a quatorze.

M. Lalonde: II y en a quatorze!

M. Marx: Excusez-nous. Le poète a trouvé la vérité!

M. Bédard: M. le Président, les poètes sont très pratiques des fois.

M. Godin: M. le député de D'Arcy McGee dit qu'il n'y en a absolument aucun. Or, j'en ai relevé quatorze à première vue. Entre aucun et quatorze, il y a quand même une différence.

M. Lalonde: Voulez-vous les nommer, s'il vous plaît?

M. Godin: Consultez la liste. Vous l'avez sous les yeux.

M. Lalonde: Je l'ai consultée, mais il faut faire attention. Si vous trouvez des Ryan et des O'Neill, là-dedans ce n'est peut-être pas...

M. Godin: Si vous trouvez qu'il faut faire attention, reprochez ça à M. le député de D'Arcy McGee. C'est lui qui ouvre la porte à une notion que nous avions oubliée, nous, il y a une dizaine d'années, celle de Canadien français. Pour nous, tous les citoyens du Québec sont des Québécois. On ne passera pas d'analyse de sang à quelqu'un avant de l'engager ici.

M. Lalonde: Tout le monde est égal, mais il y en a qui sont plus égaux que d'autres.

M. Marx: M. le Président, ce n'est pas la question et je ne veux pas entrer dans un débat pour établir qui est québécois. Je sais que nous sommes tous des Québécois, mais le fait est qu'il y a des Québécois non canadiens-français qui sont absents lorsqu'on donne des contrats. Je ne parle pas seulement des anglophones. Je parle des non-Canadiens français. Il y a une différence aussi. Je demande au ministre s'il est prêt à étudier la question et à faire en sorte que ce soit changé d'ici peu de temps.

M. Bédard: Je suis prêt à étudier la question. M. Marx: Et à faire quelque chose?

M. Bédard: En l'étudiant, on verra ce qu'on peut faire. Ne me demandez-moi pas de conclure avant d'étudier.

M. Marx: Cela ne rassure pas mes amis non Canadiens-français.

M. Bédard: J'ai eu l'occasion de vous dire, je pense, en ce qui a trait au ministère de la Justice, hier, que ce soit au niveau de nominations ou de la présence — je sais que ce n'est pas autant que le désirait le député de D'Arcy McGee — que j'ai toujours été très ouvert de ce côté.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Maisonneuve.

M. Lalande: Mon collègue de D'Arcy McGee n'a pas trouvé beaucoup de non-Canadiens français à l'intérieur de la liste, mais il y a tout de même un nom qui est bien canadien-français, c'est celui de M. Maurice Gilbert-Champagne qui a attiré mon attention, puisqu'il est vice-président de la Commission des droits de la personne.

M. Lalonde: II l'était. M. Lalande: II l'était.

Une Voix: II a deux noms?

M. Lalande: Oui, il a deux noms.

M. Godin: Est-ce qu'il compte pour deux, M. le député de D'Arcy McGee?

M. Lalande: On pourrait peut-être à ce moment-là diviser les honoraires qu'il a reçus en deux.

M. Marx: Bien oui, un pour lui et un pour sa femme!

M. Lalande: Au mois de février 1978, dans l'engagement 301, on voit le coût d'une étude qui a été confiée à M. Gilbert-Champagne. C'était un projet de recherche pour promouvoir la réflexion sur les conditions de développement et de progrès humain de la famille. C'est probablement ça l'accouchement du projet de loi no 183 ou quelque chose du genre. Quoi qu'il en soit, ceci a coûté $55 725. Le sens de ma question est: Pour cette période d'engagement qui se termine le 30 juin 1980, l'auteur qui reçoit $55 725, est-ce qu'en même temps il recevait son salaire de vice-président de la Commission des droits de la personne?

M. Bédard: Non. Je voudrais faire remarquer au député que les services de M. Gilbert-Champagne avaient été retenus au niveau de la Commission des droits de la personne par le gouvernement précédent.

M. Lalonde: Unanimement par l'Assemblée nationale. Vous avez voté pour aussi.

Le Président (M. Laberge): Programme 10?

M. Forget: M. le Président, avec la permission du ministre, comme...

Le Président (M. Laberge): Sur le retour que vous vouliez faire?

M. Forget: C'est ça, parce que...

Le Président (M. Laberge): On peut adopter le programme 10 et revenir à votre question, si vous voulez.

M. Forget: Je ne veux pas de formalisme, mais on peut le faire globalement.

Le Président (M. Laberge): Parfait. Enquête Keable

M. Forget: M. le Président, j'aurais quelques questions à poser au ministre, au sujet de l'enquête Keable. Je pense bien que ça ne surprendra personne. J'aimerais toucher à trois points relativement à cette enquête, mais, évidemment, il y a des sous-questions. Le premier point vise à faire le point et à noter l'absence de résultats, jusqu'à maintenant.

Est-ce que la commission Keable, de toute façon, existe encore? Est-ce que les mandats ont été prolongés? J'ai personnellement une liste de douze arrêtés en conseil, mais le mandat se terminait le 28 février. J'imagine qu'il y en a eu subséquemment à ça pour en prolonger le mandat. Est-ce qu'on peut nous dire jusqu'à quand?

M. Bédard: D'une façon définitive, ce n'est pas certain, ça dépend, comme vous le savez, de certaines décisions qui sont attendues, suite à des procédures intentées devant la Cour d'appel. Il y a eu une prolongation qui est, au moment où on se parle, jusqu'au 31 juillet 1980.

M. Forget: 31 juillet. C'est un arrêté en conseil de quelle date?

M. Bédard: Du 28 avril 1980. Au moment où nous nous parlons, étant donné les procédures devant la Cour d'appel, les travaux sont interrompus d'une façon générale. Il reste quand même qu'il y a un travail de préparation du rapport qui est amorcé de manière que, les imbroglios judiciaires étant réglés, on puisse conclure le plus rapidement possible cette enquête.

M. Forget: Même si le travail est interrompu, j'imagine qu'à cause de ça Me Keable et un effectif minimum, au moins, continuent d'être payés relativement à la poursuite des travaux.

M. Bédard: Ce sont surtout des recherchistes qui travaillent au rapport.

M. Forget: Et Me Keable lui-même. M. Bédard: Pas actuellement. M. Forget: Pas actuellement.

M. Bédard: Presque pas. Si, à un moment donné, au niveau du rapport lui-même, il affecte des heures de travail, il doit les spécifier.

M. Forget: Etant donné les nombreuses interruptions, pour des raisons bien connues, au cours des mois, même des années maintenant, comment peut-on expliquer le fait qu'il n'y ait pas eu de rapport intérimaire? Je fais allusion ici, par exemple, à ces choses sur lesquelles la preuve semble avoir été faite de manière complète et qui sont à l'origine d'ailleurs de la création de la commission. Vous savez, la perquisition illégale à l'APLQ — c'est ça qui a commencé toute l'histoire — le faux communiqué d'un agent de la GRC, les vols de documents, je ne sais pas, l'effraction aux locaux du Parti québécois, vol de dynamite, l'incendie d'une grange. Ce sont des éléments bien caractérisés. Les personnes qui ont posé ces gestes-là ont fait l'objet d'une enquête. Elles sont même passées aux aveux. Comment se fait-il qu'il n'y a pas au moins un rapport intérimaire qui permettrait au ministre de la Justice, au procureur général d'intenter des poursuites dans ces cas-là?

Ces dossiers, qui semblent, de toute manière, ne plus présenter d'intérêt, eu égard aux sujets qui font plus récemment l'objet des travaux de la commission, est-ce qu'on ne peut pas les fermer, les porter devant les tribunaux, le cas échéant?

M. Bédard: C'est que toutes ces affaires-là sont quand même interreliées et d'une façon fondamentale. Comme ministre de la Justice, nous n'avons pas porté des accusations. Nous préférons attendre le rapport global de l'ensemble des travaux parce qu'il reste qu'au cours de l'enquête, des choses qui peuvent n'avoir aucun intérêt du point de vue public peuvent quand même faire l'objet d'enquêtes plus poussées à la suite d'informations qui peuvent être divulguées à la commission. Dans bien des cas, le fait de porter des plaintes aurait comme effet de geler le travail de la commission dans ces dossiers.

M. Forget: Mais il semble que ce sont des éléments bien caractérisés, bien identifiés. Est-ce qu'il n'est pas possible de faire un rapport intérimaire, au moins, disant: Voici ce que la commission a constaté jusqu'à maintenant et nous attirons l'attention du ministre de la Justice sur la nécessité de prendre la preuve que nous lui transmettons et de procéder normalement. Il me semble que la commission, quant au reste de son mandat, pourrait continuer. C'est bien sûr que tout est relié à tout, dans la vie. Mais est-ce qu'il n'y a pas un danger que ces retards à produire des conclusions, au moins sur ce qu'on connaît déjà de façon, semble-t-il, certaine, ne fasse en sorte que, finalement, des accusations ne puissent jamais être portées. La mémoire des témoins, après des années et des années, va quand même s'émousser. A un moment donné, on ne pourra plus assumer le fardeau d'une preuve au-delà de tout doute possible.

M. Bédard: II n'y a pas de danger spécifique sur ce point soulevé par le député de Saint-Laurent. Je lui fais remarquer, d'ailleurs, il l'a évoqué, que d'une manière ou de l'autre, ces éléments sont tous interreliés les uns aux autres. C'est le même phénomène qui arrive concernant la commission McDonald où, à la connaissance du public ou à notre connaissance, l'enquête peut sembler être terminée sur des points particuliers, mais elle ne l'est pas nécessairement. A la commission McDonald également, on attend le résultat de l'ensemble des travaux. Comme l'a évoqué le député de Saint-Laurent, je m'attendais, comme ministre de la Justice, à ce que les travaux de cette commission ne soient pas d'aussi longue durée. Nous ne pouvions prévoir d'une fois à l'autre les imbroglios judiciaires ou les procédures judiciaires qui ont pu être intentées et qui, de fois en fois, retardaient une échéance que nous croyions, à ce moment-là, beaucoup plus proche.

M. Forget: M. le Président, j'admets qu'il y a des choses imprévisibles dans tout cela, mais il reste que le gouvernement donne son mandat à la

commission en passant ces arrêtés en conseil successifs. Je pense que cela permettrait au gouvernement de demander, non pas de mettre fin à la commission s'il y a encore des choses à chercher, mais de demander à la commission de produire un rapport intérimaire, étant donné le fait que cela dure depuis longtemps et qu'il y a quand même des fruits qui pourraient être tirés de cela sans nécessairement attendre le déluge. Si je comprends bien, le ministre reconnaît que c'est une possibilité de demander un rapport intérimaire, mais il a jugé prudent, étant donné la ramification de toutes les causes, de ne pas en demander un.

M. Bédard: Cela, plus le fait que nous ne pouvions prévoir les délais qui ont été occasionnés par les procédures judiciaires et nous nous attendions toujours à ce qu'à un moment donné cela se termine plus rapidement. Prenez la commission McDonald; cela fait deux ans que cette commission, qui est habilitée à faire la lumière sur les méthodes, les systèmes de travail de la GRC, se penche sur les activités illégales de ce corps policier, et aucune accusation n'a été portée non plus. Je n'en fais pas reproche. Je pense bien qu'ils sont pris un peu dans le même dilemme que nous d'attendre qu'un rapport global soit fait de manière que les actions appropriées soient prises. C'est après le rapport intérimaire de la commission McDonald...

M. Forget: J'accepte cette explication qu'il n'est pas possible de faire un rapport intérimaire, donc que la commission doit poursuivre ses travaux en attendant que les obstacles soient levés. Dans ce contexte, M. le Président, comment comprendre que, dans les cas où des questions se posaient et pour lesquelles il n'y avait pas d'obstacle évident, la commission ait choisi, malgré tout, de s'abstenir?

Voici ce que j'ai à l'esprit: On se souvient qu'en novembre dernier, quelques jours après la reprise des travaux de la commission, trois témoins ou trois personnes convoquées par la commission ont fait une déclaration, refusant de répondre à la commission, etc. Et il y a eu là une question qui a été posée devant les tribunaux relativement à l'une des trois qui avait été identifiée par le commissaire, M. Keable, comme étant présumément un informateur de police, M. François Séguin. C'est à partir de cela qu'il y a toute une série de poursuites devant les tribunaux, mais cela affecte M. François Séguin. Comment se fait-il que la commission a choisi de ne pas utiliser les loisirs qu'elle avait depuis ce temps-là pour poursuivre l'interrogatoire de M. Robert Comeau et de M. Nigel Hamer? Dans le cas de M. Comeau, on peut dire que M. Comeau ferait probablement les mêmes protestations, sauf que ce n'est pas sûr du tout parce qu'il n'a pas été, lui, identifié comme une source policière, donc la même défense ne lui serait pas ouverte. La commission aurait pu insister pour exiger qu'il fasse un témoignage, ce qu'elle n'a pas fait. (11 h 15)

Dans le cas de Nigel Hamer, lui n'est pas solidaire des deux autres dans leurs déclarations et rien n'indique qu'il aurait refusé de répondre aux questions. Pourtant un tas de questions pourraient être posées à M. Hamer puisque, évidemment, certains allèguent que c'est le mystérieux sixième homme, etc. Comment se fait-il que la commission ait choisi, dans ces deux cas — où rien ne l'empêchait — de ne pas poursuivre son travail?

M. Bédard: Je ne veux pas répondre pour la commission et je ne crois pas que ce soit le rôle du ministre de la Justice de répondre pour la commission, qui est indépendante et qui choisit sa méthode de procéder. J'imagine qu'après les difficultés qu'elle a connues avec M. Séguin, la commission a pu prévoir qu'elle connaîtrait peut-être les mêmes difficultés avec M. Comeau ou M. Hamer et qui — je ne sais pas — elle a préféré vider, une fois pour toutes, les procédures judiciaires avant de procéder à d'autres interrogatoires qui auraient été susceptibles d'amener le même genre de problème. Mais, encore là, c'est une évaluation que je fais personnellement. Je ne veux pas, en cela, répondre au nom de la commission qui, elle, a les réponses à ces interrogations du député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, j'espère qu'elle a des réponses à ces interrogations, parce que, certainement, ça n'apparaît pas publiquement quelles réponses elle peut avoir. Dans le cas de M. Hamer, il n'y a jamais eu de sa part de refus solennel de témoigner. Au contraire, certaines indications de ses témoignages, de son apparition et de certaines informations semblent indiquer qu'il était prêt à témoigner. La commission ne s'est pas intéressée à lui du tout. C'est assez curieux, parce que, encore une fois, son nom est revenu tellement souvent. La question de sa participation à l'enlèvement de M. Cross a été soulevée. Je me souviens d'avoir eu un échange avec le ministre où la même question de sa mise en accusation a été soulevée. Il serait donc du plus haut intérêt de poursuivre l'examen de ce dossier. On ne s'explique pas ce silence, à moins qu'il s'agisse là d'une décision arbitraire de ne pas entrer sur un terrain délicat. Je ne sais pas. Là-dessus, ça ne s'explique pas. Du côté de M. Comeau, qui n'a jamais été, à mon avis, soupçonné d'être une source policière, les arguments que M. Séguin a invoqués pour s'opposer à son témoignage et que la police de Montréal a invoqués pour s'opposer à son témoignage ne vaudraient pas.

Comment se fait-il que la commission a arrêté son interrogatoire de M. Comeau si abruptement? M. le Président, je pense qu'il faut, à ce moment-ci, après des mois d'attente injustifiée, au moins faire écho à des propos, à des rumeurs qu'on entend, relativement au fonctionnement de cette commission, à savoir que M. Comeau aurait menacé de mentionner bien des noms si on le forçait à témoigner davantage, et qu'à cause de ça, la commission aurait observé une retenue remarqua-

ble dans ce cas, ce qui fait un grand contraste avec son attitude vis-à-vis de M. Séguin.

M. Bédard: Je pense que M. Comeau — je l'évoque comme ça; ma mémoire peut faire défaut — a déjà évoqué publiquement son refus de témoigner devant la commission Keable. Encore une fois, c'est la commission qui est maîtresse de ses travaux, comme c'est le cas pour la commission McDonald et pour toute autre commission. Quand la commission adopte une certaine attitude, c'est qu'elle doit avoir des motivations suffisantes pour procéder de cette façon. Dans ce cas, c'est une évaluation bien personnelle — comme spectateur, comme tous les membres de l'Assemblée nationale — des travaux de la commission Keable. J'ai l'impression qu'étant donné les difficultés judiciaires connues, lors de l'interrogatoire de M. Séguin, qui a donné suite à des procédures en cours, la commission Keable a voulu essayer de vider les questions de droit qui ont été soulevées par ce témoignage, de manière à ne pas se retrouver avec les mêmes situations lorsqu'ils auraient à continuer ou à interroger d'autres témoins susceptibles d'avoir les mêmes attitudes que M. Séguin, auquel se référait le député de Saint-Laurent. C'est mon appréciation.

M. Forget: M. Séguin, on se souviendra que les difficultés juridiques qui se posent relativement à...

M. Bédard: La Cour supérieure a... si vous permettez je m'excuse.

La Cour supérieure a rendu un jugement favorable qui permettait la poursuite des travaux de la commission. Cela a été porté en appel et c'est devant la Cour d'appel présentement.

M. Forget: Mais, M. le Président, n'est-il pas vrai que cette décision de la Cour supérieure et toute cette contestation juridique entourent le cas précis de M. Séguin. Parce qu'on a allégué qu'il était une source policière et cela soulève tout le grand problème de la protection des sources policières, etc. Or, ni la commission, ni personne d'autre, n'a jamais allégué que la poursuite de l'interrogatoire de M. Comeau pourrait soulever les mêmes difficultés juridiques. A moins, évidemment, que la commission sache et n'ait pas dit que M. Comeau était lui aussi une source policière. Cela taxerait la crédibilité d'à peu près tout le monde, semble-t-il. Donc, jusqu'à preuve du contraire, c'est une hypothèse qu'on ne peut pas faire. M. Comeau, semble-t-il, n'est pas présumé être une source policière, et son refus de témoigner ne pouvait pas se situer dans ce contexte là. Donc il n'est pas du tout affecté par la contestation devant les tribunaux, dans le moment. Ce qui est en question, c'est là volonté de la commission d'utiliser les pouvoirs de la loi sur les commissions d'enquête pour obliger M. Comeau à poursuivre son témoignage en attendant que la question de M. Séguin soit réglée.

Comment se fait-il que, depuis le mois de novembre dernier, la commission soit figée dans l'immobilité relativement à M. Comeau; comme d'ailleurs dans le cas de M. Hamer qui, lui, n'a fait aucune espèce de déclaration qu'il refuserait de témoigner? Est-ce que la loi ne donne pas au commissaire les pouvoirs d'exiger un témoignage et, si le témoignage n'est pas donné, dans ces cas-là, d'appliquer les mesures, les sanctions appropriées? Ou, est-ce que le commissaire s'est fait impressionner par le style de l'intervention de M. Comeau? C'est évidemment lui qui l'a rédigée, et non pas M. Séguin, même si les deux l'ont signée. C'est d'ailleurs sa signature qui apparaît là en premier. C'est une dénonciation extrêmement virulente des intentions du gouvernement dans la création de la commission d'enquête; des allégations qui visent le ministre de la justice lui-même, etc. Est-ce qu'on a craint que ce genre de témoignage serait plus dommageable à la commission et au gouvernement que l'absence de témoignage?

M. Bédard: M. le Président, j'ai déjà eu l'occasion de le dire en Chambre et je le redis au député de Saint-Laurent, le ministre de la Justice n'a aucune crainte, de quelque manière que ce soit. Je pense que la volonté de la commission Keable de faire la lumière sur tous les événements est très bien établie chez l'ensemble du public. Les nombreuses contestations judiciaires qui ont été jusqu'au niveau de la Cour suprême en font foi. Et si l'intention ou la volonté de la commission avait été de diluer, je pense bien qu'on n'aurait pas retrouvé, chez les commissaires, la tenacité dont ils ont fait preuve pour la défense qui a été faite à l'occasion de chacune de ces procédures judiciaires. La commission, encore une fois, est maître de ses travaux et une fois qu'elle aura terminé ses travaux, elle sera jugée, comme toute autre commission, sur le rapport qu'elle aura à fournir et sur l'ensemble des considérations et du travail qu'elle aura effectué au cours de son mandat.

C'est tout ce que je peux dire, M. le Président, comme ministre de la Justice. Je ne pense pas que ce soit mon travail de m'insérer dans les travaux d'une commission qui doit fonctionner d'une manière indépendante. Je ne l'ai pas fait, je ne le ferai pas. Je me suis permis simplement, à la suite des questions du député de Saint-Laurent, d'y aller de quelques considérations qui, peut-être, à vue d'oeil, pouvaient expliquer un comportement particulier de la commission par rapport à l'audition de certains témoins. Il est évident que je ne peux pas aller plus loin que cela dans mes commentaires, puisque les vrais commentaires en réponse au député de Saint-Laurent se doivent d'être faits par la commission elle-même.

M. Forget: M. le Président, je veux être un peu plus précis, parce qu'il reste quand même que, indépendamment de ce que l'Opposition peut dire, il y a d'autres observateurs qui ont été frappés par le fait que la commission semble très timide lorsqu'il s'agit d'explorer les ramifications politiques du FLQ. Comme exemple de ça, je pense qu'on peut citer ce qu'un journaliste a lui-même

dit, lors de la fameuse entrevue télévisée de Mme Devault, voulant que la commission n'avait déployé aucune diligence, aucun effort, pour explorer les liens que cette personne pouvait avoir avec le Parti québécois et avec des membres connus du Parti québécois, tels que, par exemple, M. Jacques Parizeau, dans l'organisation de comté duquel Mme Oevault a travaillé. M. Parizeau, semble-t-il, aurait été un facteur dans l'obtention d'un emploi à une compagnie, la Compagnie Calex, je pense, une compagnie d'huile dans laquelle Mme Devault a agi comme secrétaire; je pense qu'elle a été employée là sur les recommandations ou selon les avis de M. Parizeau et c'est dans cette compagnie qu'il y a eu un vol, au nom et à l'avantage du FLQ, auquel a participé Mme Oevault. Il est évident qu'elle était informatrice de la police. Est-ce que tout ceci était connu de celui qui l'avait recommandée pour cet emploi et pour qui elle avait travaillé précédemment, de façon fort directe et intense, comme organisatrice dans son comté? Est-ce que la commission, qui a si prudemment évité d'explorer ces dimensions, toute la ramification politique du FLQ, ne démontre pas encore, dans son défaut de poursuivre l'interrogatoire de M. Comeau, une timidité qui prend tout son sens? Justement lorsque l'on constate que ces liens ont peut-être existé, il serait peut-être intéressant d'en savoir davantage?

M. Bédard: Le député de Saint-Laurent est redevenu fidèle à lui-même en y allant d'un paquet d'insinuations à partir d'articles de journaux ou de confidences qu'il a pu recueillir concernant les ramifications politiques. J'ai l'impression que la commission Keable est parfaitement indépendante et elle fera tout le travail qu'elle a à faire. Il n'y a aucune crainte de ce côté-ci de la Chambre que la commission puisse faire tous les travaux qu'elle a à faire pour l'enquête. Tel que je le disais tout à l'heure, c'est lorsque son rapport sera rendu public qu'on sera à même d'évaluer l'ensemble de la qualité du travail qui a été fait par la commission Keable, de la même façon qu'on le fait pour toutes les autres commissions qui ont des mandats spécifiques à remplir.

Je pense que le député de Saint-Laurent, encore une fois, est revenu à son habitude d'y aller de noms, de différentes interprétations de situations. Je n'entrerai pas dans cette voie, M. le Président; je pense que le député de Saint-Laurent a déjà adopté cette attitude à plusieurs reprises et il a été dénoncé, à juste titre, pour une attitude souvent irresponsable et préjudiciable même à la justice, préjudiciable aux travaux de l'administration de la justice.

Personnellement, je crois que la commission Keable a toute la latitude nécessaire; qu'elle fasse tout le travail qu'elle croit devoir faire pour les enquêtes et qu'elle présente son rapport comme le font les commissions indépendantes. Il n'y a pas d'inquiétude du côté gouvernemental. Et, s'il y a des choses à reprocher, il le fera s'il le croit approprié. Mais d'y aller comme le fait le député de Saint-Laurent, avec toutes sortes d'affirma- tions, d'insinuations, de faits en termes d'interrela-tions, je crois que ça cadre bien avec l'attitude irresponsable qui a déjà évoquée à l'endroit du député de Saint-Laurent. Je le voyais cité d'ailleurs, hier, par deux éditorialistes, entre autres, M. Jean-Claude Leclerc qui lui a déjà donné la palme de l'irresponsabilité et M. Dumais également.

M. Forget: Oui, on va revenir à cet aspect également.

C'est tout ce que vous avez à répondre? M. le Président, il y a deux aspects... (11 h 30)

M. Bédard: Ce que j'ai à répondre, c'est que la commission Keable est une commission indépendante qui a tout le loisir, toute la latitude de faire toutes les enquêtes nécessaires, qu'elle croit opportun de faire, sans aucune entrave et sans aucune influence de qui que ce soit. Comme ministre de la Justice, c'est le mandat et comme gouvernement, c'est le mandat que nous lui avons donné. Et ces travaux étant faits, ils auront à présenter un rapport sur lequel, non seulement le gouvernement, mais également l'Opposition, aura à faire les appréciations qu'ils jugeront bon de faire. Entre-temps, par exemple, je crois qu'il faut avoir un certain sens de la responsabilité au niveau de l'administration de la justice. J'invite mes collègues à l'avoir aussi, pour laisser cette commission continuer ses travaux d'enquête et ne pas essayer d'entraver son travail et sa crédibilité avec des éléments qu'on apprend soit dans les journaux, partout...

M. Forget: D'accord, ça va pour le cours de morale, M. le Président.

M. Bédard: ... ou encore, des éléments qui peuvent être l'objet d'enquêtes, mais sur lesquelles la commission Keable aura à conclure comme toutes les commissions indépendantes ont à le faire.

M. Forget: M. le Président, le ministre nous dit essentiellement une chose par son long cours de morale enrobé de toutes sortes de sentiments sirupeux...

M. Bédard: Ce n'est pas un cours de morale; c'est un cours de droit.

M. Forget: II reste qu'il dit que c'est une commission indépendante. C'est un bien grand mot, un bien noble mot à utiliser, alors que j'ai devant moi la liste de quelque quatorze arrêtés en conseil sur une période de trois ans. Ce qui veut dire que le ministre s'est mis, depuis le début, en position de juger, de trois mois en trois mois, ou à peu près, de l'état des travaux et de la nécessité, doit-on dire de l'opportunité politique, de poursuivre le travail. A chacune de ces occasions, puisqu'il en va de l'existence même de la commission, il se met, lui aussi, en position de juger si la commission a bien ou mal agi, selon ses critères à lui, dont il n'a pas à faire état en public, semble-t-

il. Mais, il demeure, M. le Président, qu'il y a des hommes publics dont les noms étaient mentionnés, en relation avec ces activités, et il me semblerait dans l'intérêt même du gouvernement, et du parti qui occupe le pouvoir actuellement, qu'il soit opportun que cette commission fasse la lumière sur ces dimensions avec une diligence, au moins comparable, à celle qu'elle met à démontrer une thèse sur laquelle j'aurai l'occasion de revenir. Mais, tout le monde sait ce qu'elle est. C'est une thèse qui vise à faire la preuve, en quelque sorte, que les événements d'octobre n'ont existé que dans l'imagination d'un certain nombre d'individus, et que par conséquent, il ne faut pas prendre ça au sérieux, qu'il s'agissait là d'une tentative des forces de l'ordre, pour impressionner la population, etc.

On sait déjà très bien qu'elle est la thèse qu'on cherchait à illustrer, au départ; mais on devrait manifester autant de diligence à démontrer non pas une thèse, en particulier, mais à éclairer, à jeter la lumière sur tous les faits, et particulièrement lorsque le nom d'un homme public est impliqué. Il semble qu'il y a des hommes publics qui sont impliqués indirectement. Qu'on fasse la lumière de manière qu'on soit sûr. Je ne demande pas mieux que de croire que tout le monde est au-dessus de tout reproche. Mais, vous savez très bien, M. le ministre, que, selon le proverbe que "la femme de César doit être au-dessus de tout reproche", que ce proverbe s'applique par excellence aux hommes politiques. Puisque dans ce cas-ci, il y a un certain nombre de questions qui se posent et on se rend compte que la commission n'y a porté aucun intérêt — ce n'est pas seulement moi qui le dis — ce sont d'autres observateurs qui ne sont pas dans l'arène politique qui s'étonnent également de l'incurie, de la négligence ou de la lenteur... Je ne sais pas ce que c'est exactement, mais c'est certainement de la lenteur — est-ce que c'est autre chose que ça — de la commission Keable vis-à-vis certaines dimensions de son mandat.

Nous n'avons pas eu de réponse sur l'interruption brutale de certains interrogatoires. Est-ce qu'il y avait des raisons? Il y a cependant des rumeurs et les rumeurs sont susceptibles de se multiplier à mesure qu'on attendra pour éclairer les choses, aller jusqu'au bout. Ou alors on dira: C'est finalement une entreprise qui n'a pas de fondement, qui n'a pas de justification et on y mettra fin. Mais, il faut faire l'un ou l'autre, et ne pas tenir la commission en suspens de trois mois en trois mois, en donnant l'impression qu'on est en train de réaliser un grand objectif.

M. le Président, j'avais une deuxième préoccupation...

M. Bédard: M. le Président, vous me permettrez de dire que, concernant la conduite de ces travaux, la commission Keable a été une des commissions dont le travail, au point de vue du fonctionnement des travaux a été, au contraire de ce que dit le député de Saint-Laurent, louangé par maints éditorialistes qui ont eu à se prononcer et qui ont fait la comparaison avec d'autres commissions, comme la commission McDonald, et qui en ont conclu à un mode de fonctionnement beaucoup plus rigide, beaucoup plus rigoureux et plus efficace de la commission Keable, par rapport à d'autres commissions premier point.

Deuxièmement, la commission Keable a le mandat de faire la lumière sur tous les faits qu'elle croit importants et elle a, comme toutes les commissions indépendantes, un mandat qui lui donne toute la latitude de faire ce qu'elle croit devoir faire dans l'exécution de ce mandat. Et, qui que ce soit qui puisse être visé, quels que soient les faits qui peuvent être concernés, je peux dire au député de Saint-Laurent, comme ministre de la Justice, que la commission Keable a toute la latitude de faire toute la lumière qu'elle ésire et qu'elle réclame.

Pour ce qui est des remises de trois mois en trois mois, encore là, le député de Saint-Laurent fait preuve d'irresponsabilité en essayant de faire croire que c'est à partir d'une évaluation politique qu'on continue ou qu'on ne continue pas les mandats de la commission Keable. Parce qu'il sait très bien que, dans la plupart des cas...

M. Forget: Nous n'avons aucune preuve, aucune!

M. Bédard: Soyez donc responsable un peu! ... ces prolongations ont été nécessaires à la suite de la prise de procédures judiciaires qui n'étaient pas prévisibles et qui, par la force des choses, ont occasionné l'obligation, pour le gouvernement, de prolonger le mandat de la commission. Si le gouvernement, à la suite de procédures judiciaires, s'était permis de mettre fin abruptement aux travaux de la commission Keable, à ce moment, ce sont des reproches justifiés qui auraient été faits, à l'endroit du gouvernement, de vouloir mettre fin à ces travaux dès la première occasion ou le premier prétexte qui pourrait lui être fourni. Ce que nous n'avons pas fait et ce que je n'accepterais pas de faire comme ministre de la Justice.

Alors, la commission Keable a toute la latitude nécessaire et la liberté nécessaire pour faire le travail qu'elle croit devoir faire au niveau des enquêtes et des mandats qui lui ont été confiés.

M. Forget: M. le Président.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: J'ai une deuxième préoccupation...

M. Bédard: Là — je terminerai là-dessus — de l'aveu même du député de Saint-Laurent, qui disait, à la fin de son intervention, qu'"il y a beaucoup de rumeurs qui circulent", je lui fais remarquer que s'il fallait administrer la justice à partir de rumeurs, ça serait impossible d'administrer la justice. Il faut quand même un sens des responsabilités qui soit à la hauteur de la tâche que représente l'administration de la justice. S'il fallait, comme l'a déjà demandé le député de

Saint-Laurent — et il continue dans son attitude irresponsable — qu'un ministre de la Justice commence à nommer des personnes qui peuvent être soupçonnées, qui ont pu faire l'objet d'enquêtes, sans qu'aucune accusation ait été portée contre elles, s'il fallait qu'il fasse état de ces noms, je pense que ce ne serait plus vivable; ce ne serait pas acceptable, parce que des réputations pourraient être touchées, alors qu'il n'y a aucun fondement, parce que, au cours des enquêtes policières qui se font par milliers dans le Québec, le fait que la police puisse rencontrer des personnes, puisse les interroger dans le cadre normal de son activité, ne fait pas la preuve de responsabilité ou la preuve de culpabilité de ces personnes interrogées, ça fait partie souvent de l'ensemble du travail des policiers. S'il fallait qu'un ministre de la Justice commence à se permettre d'évoquer les noms de toutes les personnes qui sont interrogées par les policiers, ce serait...

M. Forget: N'enfoncez pas des portes ouvertes!

M. Bédard: Oui, c'est une porte ouverte dans laquelle vous êtes entré, parce que vous vous êtes permis de demander...

M. Forget: Je vous ai cité des faits et non pas seulement des rumeurs; j'ai dit...

M. Bédard: Vous vous permettez de jouer avec les rumeurs et après ça d'y aller d'insinuations. Vous nous permettrez au moins de répondre; j'espère que vous aurez au moins cette décence.

M. Forget: Vous ne faites que ça, vous prenez une heure là, pour moraliser sur chaque question.

M. Bédard: Quand le député de Saint-Laurent m'accuse d'entrer dans une porte ouverte, c'est une porte qu'il a ouverte lui-même en demandant, à quelques reprises — il semble incorrigible de ce côté — au ministre de la Justice, en Chambre, d'évoquer des noms de personnes qui auraient pu faire l'objet d'enquêtes, qui auraient pu être interrogées par des policiers; avant même que ces enquêtes soient terminées, avant que des décisions soient prises à savoir s'il y a des inculpations ou non à faire.

Voilà l'attitude irresponsable du député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je pensais que c'était pour ça que nous avions une enquête...

M. Lalonde: Le ministre a la mémoire courte!

M. Forget: ... pour explorer des faits qui sont troublants, et je vous en ai cité des faits...

M. Bédard: Si vous voulez...

M. Forget: ... et des faits qui impliquent un de vos collègues. Est-ce qu'il ne serait pas normal, comme bien des gens le pensent, que la commission ait autant de diligence pour explorer ces faits qu'elle en a pour explorer d'autres faits si elle ne veut pas elle-même être accusée de partialité politique.

M. Bédard: Ce que je vous demande tout simplement en terme...

M. Forget: ... à condition qu'il soit encore imaginable qu'elle ne le soit pas.

M. Bédard: ... de responsabilité au niveau de l'administration de la justice — un minimum de responsabilités — c'est de laisser la commission Keable faire ses travaux. C'est une commission indépendante qui a à décider...

M. Forget: Une commission indépendante qui ne sait pas si elle existera le 1er août.

M. Bédard: ... de la conduite de ses travaux. Laissez...

M. Forget: Elle va exister le 1er août si vous voulez bien la laisser exister.

M. Bédard: Vous avez peur. On dirait que vous avez peur...

M. Forget: Ce n'est pas moi qui ai peur. M. Bédard: ... qu'elle continue ses travaux.

M. Forget: Ah! Ah! Ce n'est pas moi qui ai peur. S'il y a quelqu'un qui a peur ici, ce n'est pas moi. Otez-vous cela de l'idée!

M. Bédard: Ah, non? Au contraire. Vous avez peur qu'elle continue ses travaux.

M. Forget: S'il y a quelqu'un qui a peur ici, ce n'est pas moi.

M. Bédard: Oui, c'est vous, je pense.

Le Président (M. Laberge): M. le député, je vous rappelle à l'ordre.

M. Bédard: C'est vous!

M. Forget: Regardez-vous! Faites votre examen de conscience.

M. Bédard: C'est vous par votre manière politique de traiter tout ce qui regarde l'administration de la justice.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent, je vous rappelle à l'ordre.

M. Bédard: Laissez, autrement dit... Vous avez peur que la commission Keable puisse avoir le temps avant que vous fassiez...

M. Lalonde: Vous êtes bien nerveux!

M. Bédard: ... toutes les insinuations incroyables comme vous le faites maintenant, de faire le travail d'enquête qui peut être nécessaire dans tout ce que vous avez pu alléguer ou dans tout ce que vous pourriez avoir présent à l'esprit et ensuite...

M. Forget: Au contraire. Je l'invite à accélérer ses travaux. Qu'elle accélère ses travaux!

M. Bédard: Ce n'est pas votre responsabilité, cela! Et qu'elle puisse, après cela...

M. Forget: Qu'elle arrête de s'accrocher dans les fleurs du tapis comme elle le fait depuis le début!

M. Bédard: Vous avez peur qu'elle... Et même, vous ne voulez pas donner le temps à la commission Keable, parce que ça vous empêcherait d'y aller de certaines insinuations dont vous êtes friand, vous avez peur que la commission... Vous ne voulez pas donner le temps à la commission Keable de faire le travail qu'elle a à faire en termes d'enquête et ensuite, de présenter son rapport. Lorsqu'elle présentera son rapport, les parlementaires auront l'occasion de s'exprimer et si, à ce moment-là, nous croyons que des choses, ou des enquêtes ou des éléments n'ont pas été touchés par la commission Keable et qui auraient dû l'être, c'est à ce moment-là qu'il sera temps, en termes de responsabilité de l'administration de la justice, de faire état des insinuations ou des rumeurs dont parle le député de Saint-Laurent. Mais, au contraire, le député de Saint-Laurent, dans son attitude d'irresponsabilité, avant même que les travaux ne soient terminés, y va de toutes les insinuations, de tous les ragots qu'il peut ramasser ici et là pour essayer justement, non pas de faciliter l'administration de la justice, non pas de faciliter les travaux de la commission Keable, mais d'essayer de compliquer la situation. Et je ne suis pas le seul à le dire, M. le Président. M. Jean-Claude Leclerc, éditorialiste du Devoir...

M. Forget: Mais oui! C'est votre bible, ça. C'est votre bible. C'est ça...

M. Bédard: ... disait, entre autres, ceci: "Ce n'est pas...

M. Forget: ... couchez avec.

M. Bédard: Non, non. Oh! oui, vous avez peur des jugements quand même, mais c'est ça, votre attitude irresponsable!

M. Forget: Couchez avec. Je vous le laisse comme partenaire.

M. Bédard: M. le Président, ai-je la parole?

Le Président (M. Laberge): Oui, sauf que si vous voulez, je tiens à vous laisser la parole parce que vous y avez droit. Cependant, avec ce qui vient de se produire, je voudrais rappeler, pour l'entendement de tous les membres de la commission, quatre articles de notre règlement. L'article 99, paragraphe 4, dit ceci: "II est interdit à un député qui a la parole de parler d'une affaire qui est devant les tribunaux ou devant un organisme quasi judiciaire ou d'une affaire qui est sous enquête, lorsque dans ce dernier cas, les paroles prononcées peuvent être préjudiciables à une personne." C'est le premier point. Je ne ferai pas d'autre commentaire. L'article 171, paragraphe c) dit: "Un ministre ou un député auquel une question est posée peut refuser d'y répondre, c) si la question porte sur les travaux d'une commission de l'Assemblée ou d'une commission d'enquête dont le rapport n'a pas été déposé à l'Assemblée." L'article 99. 8) dit: "II est interdit à un député qui a la parole de se servir d'un langage violent ou blessant à l'adresse de qui que ce soit ou irrespectueux pour l'Assemblée." Et si je reviens à l'article 168, au paragraphe 2, on nous rappelle que: "Une question ne doit contenir que les mots nécessaires pour obtenir les renseignements demandés. Elle est irrecevable si elle contient une hypothèse, une expression d'opinion, une déduction, une suggestion ou une imputation de motifs." Notre règlement est très clair là-dessus et je voudrais que cela éclaire vos travaux.

M. Bédard: C'est dans cette voie que s'oriente le député de Saint-Laurent en imputant des motifs de...

M. Forget: M. le Président, est-ce qu'il veut m'empêcher de poser des questions?

M. Bédard: Non, non. Je vais répondre à vos... Ecoutez!

M. Forget: Pourquoi ces grands sermons?

M. Bédard: Vous avez le droit d'y aller d'insinuations, d'attaques à la réputation, de n'importe quoi en faisant état de ragots, de rumeurs pour vous attirer une publicité politique. Vous faites simplement...

M. Forget: Je n'ai pas attaqué la réputation de qui que ce soit.

M. Bédard: Vous accusez, à un moment donné, les gens de ce côté-ci de la Chambre de faire de la politique au niveau de l'administration de la justice, alors que c'est vous qui en faites d'une façon tout à fait irresponsable avec l'ensemble des insinuations...

M. Forget: Est-ce que vous niez les faits?

M. Bédard: ... et après ça, des allégations que vous avez faites tout à l'heure.

M. Forget: Est-ce que vous niez les faits que j'ai allégués?

M. Bédard: La commission Keable est là. C'est une commission indépendante et elle enquêtera sur tout ce qu'elle croit devoir enquêter. Ensuite, nous serons en mesure...

M. Forget: Seriez-vous prêt... (11 h 45)

M. Bédard: ... et comme gouvernement et, vous, comme membre de l'Opposition...

M. Forget: ... à ajouter cela dans l'arrêté en conseil...

M. Bédard: ... de faire...

M. Forget: ... comme mandat.

M. Bédard: ... les...

M. Forget: Vous avez des mandats très détaillés.

M. Bédard: M. le Président, est-ce qu'on a le droit de parler?

M. Forget: M. le Président, c'est que... M. Bédard: Non.

M. Forget: ... il dit que c'est la commission qui décide de tout. Ce n'est pas vrai. Le ministre lui-même, le Conseil des ministres...

M. Bédard: Je n'ai pas dit qu'elle décidait de tout, mais qu'elle a un mandat...

M. Forget: ... a donné ses ordres de marche à la commission.

M. Bédard: ... très explicite.

M. Forget: Seriez-vous prêt à ajouter ces faits que j'ai cités au mandat de la commission?

M. Bédard: M. le Président.

Le Président (M. Laberge): M. le ministre, votre réponse.

M. Bédard: Le député, encore là, est irresponsable. Il fait état de rumeurs qui, semble-t-il, sont à la connaissance de la commission. Si elles le sont...

M. Forget: Ce ne sont pas des rumeurs. Ce sont des faits connus.

M. Bédard: ... ou de faits connus... Si elles le sont à la connaissance de la commission, la commission va faire son devoir, comme elle doit le faire, un point, c'est tout.

M. Forget: Mais on n'en sait rien. M. Bédard: Elle doit le faire.

M. Forget: Si elle estime que ce n'est pas dans son mandat.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Bédard: Vous jugerez après.

Le Président (M. Laberge): Laissez le ministre répondre.

M. Bédard: C'est ce que je vous demande, d'avoir une attitude responsable. Laissez donc la commission Keable, comme vous laissez les autres commissions, comme nous, nous l'avons fait pour la commission Malouf ou pour d'autres commissions, terminer ses travaux. Ensuite, vous vous permettrez les évaluations qui peuvent être tout à fait normales, une fois que ses travaux seront terminés. Mais n'essayez pas, par exemple, à partir de toutes sortes de révélations explosives et bien plus pour essayer de se mettre dans le portrait du point de vue politique... Plutôt que d'essayer de compliquer les travaux de la commission, laissez la commission faire ses travaux. Ce que vous faites à l'heure actuelle peut être de nature à compliquer — vous le savez très bien et vous le faites sciemment — les travaux de la commission Keable. Vous la jugerez une fois ses travaux terminés.

M. Lalonde: Question de règlement.

M. Bédard: Je termine en disant ceci et je le rappelle au député de Saint-Laurent.

M. Lalonde: J'ai une question de règlement.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, sur une question de règlement.

M. Lalonde: M. le Président, j'ai une question de règlement. Le ministre, naturellement, a un droit de parole illimité, mais vous avez soulevé des articles du règlement pour tenter de cerner un peu le débat.

Le Président (M. Laberge): Ce qui m'a paru le plus pertinent.

M. Lalonde: Le ministre vient justement de violer ce règlement en accusant le député de Saint-Laurent de vouloir sciemment compliquer ou entraver les travaux de la commission. Alors, premièrement, j'aimerais que vous le rappeliez à l'ordre.

Deuxièmement, tout ce qu'on veut savoir, c'est pourquoi... Au fond, cela touche le mandat ou les mandats de la commission Keable; cela est parfaitement dans l'ordre d'en discuter ici. Si le député de Saint-Laurent suggère au ministre d'étendre le mandat pour que la commission Keable ait le pouvoir d'enquêter sur un cas particulier, c'est non seulement le droit, mais le devoir du

député de Saint-Laurent de le sug§érer au ministre ici à l'occasion de l'étude des crédits.

Troisièmement, si le député de Saint-Laurent s'interroge sur l'opportunité d'étendre ou de prolonger les mandats de la commission au compte-gouttes, c'est encore là non seulement le droit, mais le devoir du député de Saint-Laurent de soulever la question ici. Je pense que le ministre devrait cesser d'abord de prêter des motifs indignes au député de Saint-Laurent, et vous devez le rappeler à l'ordre.

Le Président (M. Laberge): M. le député, c'est pour cela que j'ai terminé ma mise au point, tout à l'heure, par l'article 68, paragraphe 2, qui parle d'imputation de motifs. Cependant, lorsque vous avez posé votre question de règlement, je crois que le ministre était en train de répondre à la question du député de Saint-Laurent. Je le laisse terminer sa réponse.

M. Lalonde: En lui prêtant un motif. Je ne sais pas si vous entendez aussi bien du côté droit que du côté gauche.

Le Président (M. Laberge): Non. M. Bédard: Je ne sais pas ce que...

Le Président (M. Laberge): J'ai remarqué et j'ai entendu. Cependant, je l'aurais rappelé à l'ordre si cela avait été rejeté; je vous l'assure.

M. Bédard: M. le Président, en terminant, je demande simplement au député de Saint-Laurent de faire preuve de responsabilité, de laisser la commission Keable continuer ses travaux jusqu'au bout. Lorsqu'elle aura terminé ses travaux, à ce moment-là, tant du point de vue gouvernemental que du point de vue de l'Opposition, comme c'est le cas pour toutes les commissions d'enquête, nous pourrons faire l'évaluation, les critiques que nous croirons appropriées concernant le travail de la commission Keable.

M. Forget: J'ai une deuxième préoccupation relativement à la commission Keable, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Allez-y.

M. Forget: Je voudrais commencer par une question simple. Est-ce que le ministre est au courant, ou pourrait-il se mettre au courant s'il ne l'est pas actuellement, que le caractère non sécuritaire de certains membres du personnel de la commission d'enquête qui ont accès au dossier confidentiel sur les informateurs de police, par exemple, a été mis en doute? Pourrait-il nous assurer que le caractère sécuritaire des membres du personnel, d'aucuns des membres du personnel de la commission, n'a jamais été mis en doute?

M. Bédard: A ma connaissance, je peux vous donner cette assurance.

M. Forget: Aucun d'entre eux... M. Bédard: Aucun d'entre eux.

M. Forget: Aucune question de ce genre n'a été posée.

M. Bédard: Non, aucune n'a été portée à mon attention, ni à l'attention du ministère.

M. Forget: Est-ce qu'il est concevable que le problème se soit posé sans que vous le sachiez?

M. Bédard: Ne me demandez pas de répondre à des questions hypothétiques; je réponds très carrément à la question que vous m'avez posée et je suis en mesure de vous donner l'assurance que vous me demandez.

M. Forget: N'est-il pas vrai, M. le Président, qu'un des contrats qui sont contenus dans la liste que nos collègues nous ont remis, impliquant M. Hubert Sacy, n'a pas été renouvelé précisément pour cette raison, qu'il était jugé non sécuritaire?

M. Bédard: Pas du tout, au contraire, c'est parce que M. Sacy est retourné à l'emploi de la CEQ.

M. Forget: Je veux bien croire qu'il avait des contrats de trois mois en trois mois, peut-être, mais...

M. Bédard: Je vous réponds que ce n'est pas le cas.

M. Forget: ... il y a peut-être une raison pour laquelle on n'a pas renouvelé ce contrat. Est-ce que ce ne serait pas pour une question sécuritaire?

M. Bédard: Je vous réponds très clairement, ce n'est absolument pas pour des questions sécuritaires.

M. Forget: Vous êtes positif. M. Bédard: Très positif.

M. Forget: Est-ce que le ministre a une explication pour les fuites dont au moins un journaliste a manifestement bénéficié. On retrouve dans certains articles, pour lesquels je vous donnerai des références précises, des informations qui, à l'époque où elles ont été publiées, décelaient une connaissance des dossiers confidentiels de la commission Keable. Le journaliste en question, c'est M. Marc Laurendeau qui, évidemment, est un grand spécialiste des questions de sécurité; il a écrit une thèse de maîtrise en sciences politiques là-dessus et il suit ces activités avec un très grand intérêt et avec beaucoup de jugement, de discernement dans la plupart des cas. En plus de toutes ces qualités, que je suis le premier à lui reconnaître, il a aussi fait état, dans des articles du 21 novembre, 24 novembre et 1er septembre 1979,

d'informations qui, à ce moment-là, n'étaient susceptibles d'être connues de personne, sauf des membres de la commission. Si tout le monde était tellement sécuritaire, comment a-t-on pu retracer l'origine de ces fuites? Est-ce qu'on les a retracées?

M. Bédard: Vous avez parlé de M. Laurendeau comme étant un spécialiste, j'imagine qu'il fait...

M. Forget: Oui, il ne peut pas inventer des informations qu'il n'a pas, tout spécialiste qu'il soit.

M. Bédard: J'imagine que, comme journaliste, il fait ses enquêtes lui-même; il a peut-être des sources privilégiées, comme le député de Saint-Laurent, et il en fait état dans ses articles.

M. Lalonde: Vous pensez que le député de Saint-Laurent est bien informé?

M. Bédard: Je ne dis pas qu'il est très bien informé...

M. Lalonde: Vous pouvez confirmer cela ce matin.

M. Bédard: Nous en savons suffisamment.

M. Forget: M. le Président, ce n'est pas simplement une question d'apprendre n'importe quoi. Dans l'article du 21 novembre, par exemple, il fait allusion — et il est le premier à y faire allusion — "aux traitements de faveur qui sont donnés à certains informateurs". L'expression est contenue et il fait sans doute allusion à des activités de protection de témoins qui étaient rigoureusement confidentielles à l'époque, que personne des membres de la commission eux-même ou du personnel ne connaissaient, mais que ce journaliste semblait connaître avec une assurance désarmante.

Dans l'article du 24 novembre, il devient beaucoup plus précis — c'est trois jours plus tard: "Carole Devault est protégée 24 heures sur 24 par la police." Qui, en dehors du commissaire et d'un très petit nombre de gens, était au courant de cela? Est-ce que ce n'est pas une fuite très grave puisque ce n'est pas pour rien que ces informations sont confidentielles? Il y a également, dans le même article, une allusion au contenu du rapport Duchaîne. Le rapport Duchaîne, on ne sait pas très bien s'il a été remis ou s'il sera remis au ministre de la Justice. On avait l'impression qu'il avait été remis il y a deux ans, mais on a appris il y a deux jours qu'il était encore en train de le rédiger. De toute façon, il y avait probablement une première version.

M. Bédard: Là-dessus, j'ai dit très clairement que les travaux n'étaient pas terminés. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit.

M. Forget: II y a des références à ce qui est contenu dans le rapport Duchaîne, et des référen- ces très spécifiques, dans cet article du 24 novembre. Qui a fait cette fuite? Est-ce que le ministre s'en est inquiété?

Le 1er décembre, il fait allusion à des preuves établissant la qualité d'informateur de François Séguin. Or, à ce moment, je pense que c'était là aussi des choses qui avaient été probablement dites dans les séances à huis clos auxquelles les journalistes ne sont pas invités, si je comprends bien. Comment un journaliste peut-il faire état de ces preuves, non pas comme une hypothèse, mais comme une certitude.

M. le Président, je pense qu'il y a là des indications que certains journalistes ont eu un accès privilégié à des documents et à des informations qui ne sont pas rendus disponibles au public en générai, ni aux membres de l'Assemblée nationale, ni peut-être même au ministre de la Justice, je n'en sais rien. On doit rapprocher cela du mandat de M. Sacy qui, je pense, à un moment donné, avait comme mandat de valoriser auprès de l'opinion publique les travaux de la commission d'enquête. Est-ce qu'il n'y a pas un lien entre tout cela? C'est ce que j'aimerais bien savoir, mais je n'aimerais pas seulement avoir les assurances bon enfant du ministre. Il s'agit là de fuites, de renseignements ultra-confidentiels, et dans certains cas qui peuvent sérieusement mettre en danger le déroulement des travaux de la commission à l'époque où ils ont été dévoilés.

Comment se fait-il qu'on les retrouve dans les journaux?

M. Bédard: M. le Président, je l'ai dit tout à l'heure, le député de Saint-Laurent l'a évoqué, le journaliste auquel il réfère est un spécialiste en la matière; il a d'ailleurs fait des ouvrages très poussés sur l'ensemble de ces sujets. Je ne suis pas maître des sources que pourrait avoir M. Laurendeau.

M. Forget: Je ne le blâme pas d'en avoir, s'il fait son travail.

M. Bédard: Par rapport à la question que me pose le député de Saint-Laurent, je n'ai aucune indication et absolument aucune indication que des renseignements privilégiés aient pu être donnés à M. Laurendeau par la commission Keable.

M. Lalonde: M. le député de Saint-Laurent...

M. Bédard: Quand le député de Saint-Laurent y va de sa série d'indications, en essayant de mettre cela en relation avec M. Hubert Sacy et son mandat de valoriser les travaux de la commission Keable, je crois que c'est faux comme approche, parce que la valorisation de la commission Keable s'imposait d'elle-même par le travail important qu'elle avait à faire au niveau de l'action policière et de certains événements durant une certaine période de temps qui sont, à mon sens, très importants pour l'ensemble d'une collectivité. Quand on parle de la crise d'octobre ou des actions policières telles que celles qui ont été évoquées concernant la gendarmerie royale et

d'autres corps policiers, il me semble que c'est important que le public soit bien informé dans le sens des travaux faits, parce qu'il y a une relation tout à fait directe entre ce qu'on appelle l'action policière et le respect des droits et libertés individuels. C'est dans ce sens que doit être compris le mandat de M. Hubert Sacy et non pas dans le sens de l'insinuation faite par le député de Saint-Laurent.

M. Lalonde: J'aurais une question si le député de Saint-Laurent me le permet.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Est-ce que le ministre pourrait nous dire quel est le membre de son cabinet qui est assigné au dossier Keable? Quel est le membre de son cabinet politique qui est assigné à ce dossier, et quelle est la fréquence des rapports que ce membre de son cabinet a avec la commission Keable?

M. Bédard: Comme tous les dossiers, la personne principale est mon chef de cabinet. Lorsque des demandes spécifiques en termes d'administration doivent être faites, elles sont faites, soit à mon chef de cabinet ou encore elles peuvent être faites au sous-ministre de la Justice, ce qui est dans l'ordre des choses.

M. Lalonde: Ma deuxième question, c'était la fréquence des conversations ou des rapports entre le cabinet du ministre et la commission Keable? Est-ce que c'est hebdomadaire, mensuel, annuel ou quotidien?

M. Bédard: Ceci est conditionné par la fréquence des besoins que pourraient avoir ou que pourraient évoquer les membres de la commission Keable, comme c'est le cas, par rapport à d'autres commissions. Il est arrivé souvent que ce soit au niveau de la commission Malouf ou d'autres commissions d'enquête et vous le savez très bien que des demandes spécifiques sont nécessaires et elles doivent nécessairement être acheminées à l'administration. Dans le cas du ministère de la Justice, comme dans le cas de tous les autres ministères, c'est vis-à-vis du chef de cabinet ou encore du sous-ministre de la Justice. (12 heures)

M. Lalonde: Dans les faits, depuis les discussions de cette commission, à part les demandes à caractère strictement administratif avec le sous-ministre ou avec les autres fonctionnaires qui doivent assurer les services, quelle a été la fréquence, dans les faits, des communications entre le cabinet politique du ministre et la commission Keable ou des membres de l'entourage de la commission Keable?

M. Bédard: Je viens d'en discuter avec mon chef de cabinet et les seules occasions sont celles comportant des demandes du point de vue admi- nistratif de la part de la commission Keable ou encore lorsqu'il s'agissait de prolongation de mandat. A ce moment-là, je pense que l'ex-solliciteur comprend que les membres ou le président de la commission doivent s'adresser à un individu en particulier au niveau gouvernemental et c'est ce qu'ils ont fait.

M. Lalonde: Avez-vous eu par cette voie, ce canal, des demandes spécifiques de prolongation — j'imagine que ces demandes ou ces suggestions étaient faites de cette façon — ou des demandes pour étendre le mandat à un ou plusieurs faits particuliers, y compris les faits mentionnés par le député de Saint-Laurent?

M. Bédard: Sur les demandes d'extension du mandat, les seules que nous avons reçues sont celles qui ont été effectivement accordées.

M. Lalonde: Mais le député de Saint-Laurent, tantôt, faisait état...

M. Bédard: Oui, mais les faits dont a parlé le député de Saint-Laurent, s'ils sont...

M. Lalonde: ... de 14...

M. Bédard: ... à la connaissance de la commission, la commission en verra l'opportunité.

M. Lalonde: ... arrêtés en conseil. M. Bédard: Oui.

M. Lalonde: J'imagine qu'à chaque occasion c'était une demande... Sauf le premier, disons, pour constituer la commission d'enquête. Est-ce que les autres étaient le résultat d'une demande de la commission, ou du commissaire, ou de son personnel?

M. Bédard: Souvent, vous le savez très bien, c'est presque automatique, c'est une demande qui s'infère elle-même; par exemple, il y a une prolongation jusqu'au 31 juillet. Si le 31 juillet la question de fond n'est pas réglée au niveau des tribunaux judiciaires, par la force des choses il pourra y avoir naturellement une demande d'extension jusqu'à ce que cette question de fond soit réglée de manière à pouvoir continuer les travaux.

M. Lalonde: Bon, cela pour la prolongation.

M. Bédard: D'ailleurs, la plupart des prolongations ont été occasionnées... Dans l'esprit du gouvernement et je vous dis personnellement que je croyais que les travaux de l'ensemble de la commission Keable, par rapport au mandat qui lui avait été donné, même aux adjonctions de mandat qui lui ont été données, pouvaient quand même se terminer assez rapidement. Malheureusement ou heureusement — je n'ai pas à me prononcer — il y a eu toutes ces procédures judiciaires qui ont été intentées qui ne pouvaient être prévisi-

blés et c'est en grande partie à cause de ces procédures judiciaires qu'on a dû procéder à des extensions de mandat; sinon, cela ferait quand même un bon bout temps que les travaux de la commission Keable seraient terminés.

M. Lalonde: Je veux bien distinguer entre une prolongation de mandat et une extension de mandat. Une prolongation, c'est dans le temps. Je présume que le ministre, le 29 juillet ou le 15 ou avant la fin du mandat va, soit proprio motu ou à la demande de la commission, faire une autre prolongation. Je ne sais pas s'il va faire ça encore au compte-gouttes, à trois mois, mais on verra. Quant à l'extension de mandat, c'est-à-dire de l'objet du mandat, c'était à la demande spécifique du commissaire?

M. Bédard: A la demande spécifique du commissaire.

M. Lalonde: Bon. Est-ce que le commissaire a fait une demande spécifique pour le cas mentionné par le député de Saint-Laurent au début de ses questions?

M. Bédard: II y a eu deux élargissements: un qui donnait suite aux révélations faites par le gouvernement fédéral, par la voie du Solliciteur général du Canada concernant les activités de la GRC, et il y en a eu un autre concernant la fabrication de faux communiqués. Ce sont les deux élargissements qui ont été accordés.

M. Lalonde: Et, à chaque fois ces demandes ont été formulées par la commission au ministre?

M. Bédard: Bien, au ministre... au chef de cabinet.

M. Lalonde: Oui, oui, par son cabinet.

M. Bédard: On se comprend, là? Ou, encore...

M. Lalonde: C'est-à-dire que l'initiative a été prise par la commission.

M. Bédard: C'est cela. La commission, je le dis et je le répète — je pense que c'est nécessaire de le faire — est une commission indépendante qui, justement...

M. Lalonde: Est-ce qu'il y a d'autres communications entre le cabinet du ministre et les membres de la commission ou, enfin, des procureurs de la commission, par exemple, de façon régulière?

M. Bédard: Je peux vous dire qu'il n'y a aucune communication qui peut constituer une ingérence politique, de quelque degré que ce soit, au niveau des travaux de la commission.

M. Lalonde: Je ne demande pas un jugement, je demande des faits. Est-ce qu'il y a, dans les faits, des communications régulières — toutes les semaines, par exemple — pour des fins autres que celles de faire une extension ou une prolongation?

M. Bédard: Non.

M. Lalonde: Pas du tout?

M. Bédard: Non.

M. Lalonde: Le ministre l'affirme?

M. Bédard: Bien, écoutez...

M. Lalonde: Je voulais savoir. Je voulais être bien sûr que...

M. Bédard: A ce qu'on me dit...

M. Lalonde: ... c'était inscrit dans le journal des Débats.

M. Bédard: ... il y a les communications qui sont nécessaires dans...

M. Lalonde: Vous revenez, là!

M. Bédard: Non, non, mais je reviens... qui sont nécessaires, je l'ai explicité tout à l'heure.

M. Lalonde: Pour les prolongations et les extensions. Enlevons cela.

M. Bédard: Lorsqu'il y a des besoins administratifs qui sont évoqués, lorsqu'il y a des prolongations de mandat demandées mais, pour ce qui est du fond des travaux de la commission...

M. Lalonde: Jamais?

M. Bédard: ... en aucune façon.

M. Lalande: M. le Président...

Le Président (M. Laberge): M. le député de Maisonneuve.

M. Lalande: ... concernant justement le personnel affecté à la commission Keable et également affecté à la CECO...

M. Bédard: Peut-être un point là, que me souligne le sous-ministre, pour être bien clair...

M. Lalonde: Oui, mais c'est...

M. Bédard: Je vais vous le dire. Il y a eu des discussions avec les membres de la commission et les commissaires, et leurs avocats, lorsqu'il a été question d'adopter une position du Procureur général devant le tribunal. Je pense que cela s'infère de soi-même.

M. Lalonde: J'acceptais les rapports avec les fonctionnaires. Je parlais seulement du cabinet politique du ministre. Donc, la réponse, c'est jamais, encore!

M. Bédard: Sauf pour les besoins que je vous ai explicités tout à l'heure. On se comprend?

M. Lalande: M. le Président...

M. Lalonde: Je relirai le journal des Débats.

M. Lalande: ... j'ai accepté d'être interrompu par le ministre parce que je croyais qu'enfin il allait nous donner des réponses mais, je voudrais reprendre mon droit de parole à ce stade-ci concernant justement le personnel...

M. Bédard: Où est-il rendu, lui?

M. Lalande: ... affecté à la... Bien oui, j'étais en train de parler, M. le ministre, voyez-vous, vous ne vous en rendez pas compte.

M. Bédard: Parlez à votre collègue, là.

M. Lalande: J'étais en train de dire que, concernant le personnel affecté à la commission Keable, comme d'ailleurs affecté à la CECO et à la Commission de police, nous observons que depuis février 1977 — on (sait que la commission Keable a commencé à fonctionner au mois de juin — il y a un nom qui nous revient régulièrement dans la prise des notes sténographiques à ces diverses commissions. C'est le nom de M. Pierre Vilaire. Il me semble bien, j'imagine, que c'est pour des... il n'est pas le seul sténographe de toute la province de Québec; j'imagine que pour des questions de sécurité, il a dû répondre aux critères parce qu'il semble que c'est le seul qui ait travaillé.

On observe que, depuis février 1977, à six reprises, M. Vilaire a été réengagé pour un total de $266 400, se terminant en janvier 1980. Or, surtout concernant la Commission de police où on sait qu'il y a du personnel' fonctionnaire, des sténographes qui sont affectés de façon permanente, est-ce que M. Vilaire a l'exclusivité pour couvrir les commissions d'enquête du gouvernement du Québec...

M. Bédard: Je ne sais pas si on peut...

M. Lalande: ... ou est-ce que d'autres ne pourraient pas...

M. Bédard: ... parler d'exclusivité. Pour ce qui est de la CECO, cela fait de nombreuses années que M. Vilaire est le sténographe et nous n'avons pas cru opportun de changer puisqu'il semble répondre à toutes les exigences de la fonction.

M. Lalande: Mais, vous n'avez pas exploré le fait que d'autres sténographes auraient pu aussi, également, couvrir les débats?

M. Bédard: On ne l'a pas fait. Si c'est une invitation à le faire, on peut la prendre en considération.

Ce qui est au-dessus de $25 000, comme c'était disponible à la commission des engagements financiers, on ne l'a pas fourni dans le livre. Je veux mentionner aussi qu'à la CECO, depuis de nombreuses années, comme le mentionnait le ministre, ces sténographes, Vilaire et Associés, ont été utilisés mais, pas toujours. Entre autres, dernièrement, on a pris un contrat avec une autre équipe de sténographes. Mais il n'y a pas de doute qu'en générai, dans le milieu, ce sont des gens qui, à la fois sur le plan des soumissions et sur le plan de la qualité du travail et de leur disponibilité, ont une très bonne réputation de même que ceux qui travaillent avec eux.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, j'ai une troisième préoccupation relativement à la commission Keable relativement aux méthodes utilisées dans ces enquêtes parce que je pense qu'il y a certaines questions d'ordre public qui se posent à cet égard. Il est de notoriété publique maintenant, ne serait-ce qu'à cause des citations que j'ai faites des articles publiés en novembre dernier, que Mme Devault a bénéficié de protection policière ou de protection — je ne sais pas si c'est par la police ou autrement, je pense que ce n'est effectivement pas par la police — pendant une certaine période. J'aimerais, non seulement qu'on confirme ça — je pense que ça va de soi — mais qu'on nous dise...

M. Bédard: Cela va de soi, à la demande de la commission, pour des raisons sécuritaires.

M. Forget: ... quel est le montant total qui a été payé pour ces services et aussi, qu'on nous indique si cette protection, après avoir été accordée, a été subséquemment retirée.

M. Bédard: Effectivement, après avoir été accordée, elle a été retirée le 8 février, le lendemain de son émission à Télémag. Je pense que le député de Saint-Laurent comprendra. Pour ce qui est des montants, au niveau du montant total payé, c'est, pour la protection, $19 027.90.

Je peux mentionner que c'est un contrat qui apparaît dans la liste des contrats en bas de $25 000 qui ont été fournis...

M. Forget: Est-ce que, en plus de ces paiements, on a fait d'autres paiements à Mme Devault?

M. Bédard: ... de déménagement, frais de subsistance ou... Peut-être que M. le sous-ministre pourrait donner des détails là-dessus.

En fait, ce qui a été payé en surplus, c'est rigoureusement l'équivalent de ce qu'on fait dans certains cas de protection de témoins au criminel proprement dit pour assurer, pendant la durée de la disponibilité du témoin pour ses témoignages, ses frais de subsistance. Il y a eu un déménagement, des frais de déménagement assurés pendant cette période et cela s'est élevé à environ $6000 ou $7000.

M. Forget: II s'agit strictement de frais de subsistance, c'est-à-dire d'hébergement, les repas...

M. Bédard: L'hébergement et les frais des repas.

M. Forget: ... et rien d'autre?

M. Bédard: C'est ça.

M. Forget: Absolument rien d'autre?

M. Bédard: C'est ça.

M. Forget: Je voudrais revenir à la question de protection. Y a-t-il d'autres témoins qui sont également bénéficiaires de protection aux frais du gouvernement relativement à l'enquête Keable?

M. Bédard: Dans le cadre de l'enquête Keable, non. Il y en a de nombreux du côté... Il y en a eu historiquement de nombreux du côté de la CECO, on le sait.

M. Forget: N'est-il pas paradoxal que dans le cas, par exemple, de M. Séguin, que le commissaire a exposé publiquement et qui doit se trouver dans une situation assez délicate si tant est que la caractérisation qu'on en a faite est véridique, que la commission n'ait pas jugé opportun d'assurer sa protection.

M. Bédard: A notre connaissance, de mémoire, il n'y a pas eu de demande de ce dernier auprès de la commission aux fins de protection. (12 h 15)

M. Forget: II y a, M. le Président, dans l'espèce de déclaration ou enfin, la déclaration qu'ont faite MM. Comeau et Séguin, au moment où ils ont refusé de témoigner, une allégation, à la page 2, où l'on parle de la tradition des audiences à huis clos. Je vais lire brièvement ce passage: "II y a aussi la tradition des audiences à huis clos. Il s'agissait ici pudiquement de protéger les "témoins". Qu'en est-il en réalité? Tout simplement un processus où le chantage tient lieu de loi. Des pressions de tout ordre sont faites, flatteries et fausses complicités, dévoilement de prétendues preuves policières obtenues le plus souvent illégalement, appel à la délation, menace de révélation en public de détails intimes ayant trait aux pratiques sexuelles, à la famille, etc. — tout cela, je passe rapidement et on arrive à ce qui est intéressant — promesse de protection, violence physique, etc." Faut-il comprendre dans la différence de traitement accordé à Mme Devault qui a été un témoin, disons, complaisant à la thèse officielle, et à M. Séguin qui n'est pas un témoin complaisant, un exemple de l'utilisation des promesses de protection comme étant une illustration de la technique suivie dans l'enquête?

M. Bédard: Ce que je peux vous dire, je vous l'ai dit tout à l'heure. Je n'ai pas eu de demande qui a été portée à mon attention, de ces messieurs ou de ce monsieur d'une nécessité de protection. La demande qui nous a été acheminée par la commission Keable est celle à laquelle a référé tout à l'heure le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Ne semble-t-il pas évident, M. le Président — je ne fais pas une hypothèse — que quand on dévoile l'identité d'un informateur — à supposer que les gens sur lesquels il donnait de l'information aient existé pour vrai et se soient livrés à des activités, disons, marginales, c'est le moins qu'on puisse dire, sans accuser personne de crime, ce qui semble en surprendre un certain nombre — cette personne, alors que tout ce beau monde est en liberté par ailleurs, est dans une situation, disons, inconfortable? Ne semble-t-il pas évident que s'il apparaît dans l'intérêt de la justice de dévoiler le nom de l'informateur, on va prendre au moins autant de précautions vis-à-vis d'un informateur qu'on va en prendre vis-à-vis d'un autre? Cela ne semble-t-il pas évident?

M. Bédard: Non, ce n'est pas si évident que cela.

M. Forget: Ah non!

M. Bédard: Encore faut-il qu'il y ait quand même une expression de nécessité de la part de celui qui est concerné, en termes de protection. Il peut arriver qu'il se sente mieux protégé par d'autres sources que par celle qui pourrait être offerte au niveau du ministère. Je ne sais pas...

M. Forget: Est-ce que le ministre me dit que s'il n'a pas de protection...

M. Bédard: Ce que je veux dire, c'est que je n'ai pas eu de demande.

M. Forget: ... c'est qu'il n'en a pas demandé, c'est sa faute?

M. Bédard: De mémoire, je suis en mesure de vous dire qu'aucune demande de protection n'a été portée à mon attention. Mais s'il y avait eu une demande à cet effet, je l'aurais analysée.

M. Forget: Est-ce donc dire que c'est le ministre qui a décidé de la protection à accorder à l'autre témoin, Mme Devault?

M. Bédard: Non, mais nous évaluons la demande qui est faite et qui est analysée par ceux qui en ont la responsabilité. Dans le cas de celle que vous mentionniez, on l'a dit tout à l'heure, la demande a été faite par la commission elle-même.

Oui, par le mécanisme régulier, c'est-à-dire que la demande a été faite et analysée au ministère. Cela a été fait par le truchement de la Sûreté du Québec qui a établi les relations avec Mme Devault sur ce plan, les contacts et l'engagement. Le versement de l'argent se faisait par la Sûreté du Québec, comme cela se fait dans ces cas-là.

M. Forget: Maintenant, M. le Président, ces choses-là, par exemple, dans le cas d'agences, j'imagine qu'on engage une agence pour assurer la protection d'un témoin. Dans le cas des autres dépenses, le paiement se fait sur pièces justificatives, à l'individu lui-même. C'est-à-dire que le

déménagement, la chambre d'hôtel, etc., c'est payé à l'individu lui-même.

M. Bédard: Par la Sûreté du Québec.

M. Forget: Par la Sûreté du Québec. N'est-il pas étrange, M. le Président — j'ai devant moi un CT — qu'on rembourse la commission d'enquête Keable relativement à certaines dépenses encourues pour entendre un témoin à huis clos et le rencontrer de façon informelle entre le 11 septembre 1979 et le 12 décembre 1979. La commission Keable, on ne peut pas la rembourser, je pense, parce qu'elle n'est pas incorporée, elle n'a pas de compte de banque, on a donc remboursé quelqu'un. Je soumets qu'on a remboursé personnellement le président de la commission pour des dépenses de cette nature. Je peux donner le numéro du CT, si on le désire: 125 970.

M. Bédard: D'ailleurs, c'est public, c'est un CT au Conseil du trésor.

M. Forget: Ce sont des documents publics, bien sûr. Ce que je veux déterminer c'est que, effectivement, si on a remboursé le président de la commission d'enquête pour des dépenses effectuées relativement à des interrogations à huis clos et des dépenses qui ne seraient pas seulement ses dépenses — d'ailleurs, c'est mentionné au CT — mais également les dépenses du témoin, est-ce que c'est une procédure régulière?

M. Bédard: En fait, c'est un CT qui était au montant de $559.53 qui comportait des frais d'hôtel, des frais de repas et des frais de transport. Cela touchait des séances à huis clos et des rencontres informelles avec la commission. Evidemment, il y a eu, à ce moment-là, des repas du commissaire avec le témoin remboursés par ce CT.

M. Forget: Est-ce qu'il n'est pas hautement irrégulier que l'on trouve que les dépenses conjointes d'un témoin et d'un président d'un soi-disant tribunal soient remboursées au président du tribunal non seulement pour ses dépenses à lui mais pour les dépenses du témoin? N'est-il pas absolument extraordinaire que cela comprenne des dépenses pour des chambres d'hôtel qui sont situées sur le même étage pendant plusieurs jours? Est-ce que ce genre de proximité entre un témoin et le président d'un tribunal est une procédure habituelle dans une commission d'enquête et est-ce qu'on peut ajouter foi, après cela, aux témoignages qui sont donnés par le témoin quand on sait que ces comptes représentent non seulement des chambres d'hôtel, mais des repas et probablement des consommations de toutes sortes? Est-ce que c'est là un procédé régulier pour le président d'une commission d'enquête?

M. Bédard: Je demanderai au sous-ministre de répondre, M. le Président.

Techniquement, il faut se rappeler que c'était une période où l'identité du témoin n'était pas connue avant l'émission à Télémag où on en a fait allusion plus tard, et avant la comparution. Si on fait l'analogie avec ce qui se passe du côté de la CECO, par exemple, il est évident que dans la préparation de l'enquête, il y a ce qu'on peut appeler des frais de "représentation" — entre guillemets — de rencontres, d'interrogatoires avec les témoins pour la préparation. C'est ce qui s'est passé dans ce cas entre la commission, ses procureurs et le témoin qui était Carole Devault. C'est régulier dans le contexte où ça se passe.

M. Forget: Je serais absolument bouche bée s'il ne fallait pas parler devant des procédés d'enquête qui sont fantaisistes au possible. Que le président d'une commission d'enquête ait une suite dans un hôtel à proximité d'un témoin, que ceci se fasse dans une relation si étroite que c'est lui qui paie tous les comptes alors que ce ne sont pas ses enquêteurs et ses procureurs qui s'impliquent directement dans la préparation des témoins. Je vous illustre, M. le Président, pourquoi, l'automne dernier, dans les semaines qui ont suivi ces événements, j'ai employé les mots que, encore hier, le ministre de la Justice me reprochait: "avoir préparé et cuisiné des témoignages". Comment est-ce qu'on peut échapper à la conclusion de ce genre de dépenses, c'est absolument invraisemblable? Des repas ensemble avec un témoin, etc., une espèce de cohabitation dans un hôtel, du commissaire enquêteur et d'un témoin, pendant plusieurs jours. Des dépenses qui se chiffrent, semble-t-il, pour ces fins-là, par plusieurs milliers de dollars. Je pense que le moins que le ministre peut s'engager à faire, c'est de faire toute la lumière sur l'ensemble de ces dépenses et de ces épisodes...

M. Bédard: D'abord, ce n'est pas...

M. Forget: ... parce qu'autrement, on ne peut absolument pas ajouter foi à ce qui en est résulté. Et on doit, au contraire, prendre la déclaration de M. Comeau où on dit: Toutes ces rencontres à huis clos — comme étant exactement ce qu'elles sont décrites dans ce document — comme étant des tentatives pour préparer des témoignages, rendre un témoin complaisant et souffler des réponses. Comment peut-on s'imaginer, après, que le commissaire peut siéger comme président d'une commission d'enquête et se faire répéter ce qu'il a peut-être soufflé au témoin.

M. Bédard: D'abord, M. le Président, ce ne sont pas des dépenses de plusieurs milliers de dollars auxquelles on a référé, c'est exactement $559.53 et je puis dire au député de Saint-Laurent qu'en ce qui regarde la CECO c'est régulièrement que des procureurs, des commissaires rencontrent des témoins spéciaux.

M. Forget: M. le Président, avant que le ministre ne s'engage plus loin en niant des faits qui sont...

M. Bédard: ... et dans des endroits. M. Forget: ... quand même des faits.

M. Bédard: Mais, je ne nie pas de faits, au contraire.

M. Forget: Vous me dites qu'il n'y a pas plusieurs milliers de dollars.

M. Bédard: Permettez-nous de terminer notre réponse.

M. Forget: Très bien, allez-y.

M. Bédard: Je ne nie pas de faits, au contraire, c'est public. Il n'y a rien à cacher. Cela fait l'objet d'un CT au Conseil du trésor, on ne peut quand même accuser qui que ce soit au niveau de l'administration de vouloir en faire un secret. Loin de là. Au contraire, tout est consigné au niveau du Conseil du trésor et nous sommes à même de vous donner les explications.

M. Forget: M. le Président, il reste que... et cela aussi, ce ne sont peut-être pas des documents absolument publics, mais ce sont des documents qui sont faciles à consulter, ce sont des factures à l'Auberge des Gouverneurs, à Ste-Foy, pour deux montants qui totalisent plus de $4000, au nom de Me Jean Keable; pour des périodes qui correspondent à des périodes d'activités de la commission.

M. Bédard: Cela n'a pas été payé, M. le Président.

Cela n'a pas été payé, autre que ses frais de déplacements tels que prévus et ses frais de repas tels que prévus dans le CT de son engagement.

M. Forget: Alors, qui a payé ces factures? Elles ne sont pas valablement encourues, c'est une erreur de l'Auberge des Gouverneurs?

M. Bédard: Cela a été assumé par le commissaire, par ses frais de déplacements et par lui-même. La seule addition aux règles du jeu normal quant aux frais de séjour, frais de transport, qui sont prévus par les arrêtés en conseil nommant le commissaire et les procureurs, a été le CT auquel il a été fait allusion. C'est un montant de $559.53.

M. Forget: Si je comprends bien, donc, le commissaire s'est fait payer, à la fois à même un per diem, j'imagine, certaines dépenses et par des fonds spéciaux pour des stages de préparation de l'enquête avec le témoin?

M. Bédard: Non.

M. Forget: Est-ce qu'il ne serait pas opportun que tout cela soit tiré au clair?

M. Bédard: On tient à vous le dire. Il n'y a eu aucune dépense des fonds spéciaux, concernant le commissaire, je tiens à vous le dire.

M. Forget: M. le Président, je pense qu'on ne nous dit pas toute la vérité.

M. Bédard: Dites-nous en quoi, par rapport aux explications que je suis capable de donner.

M. Forget: Ecoutez, M. le Président... M. Bédard: Vous nous demandez...

M. Forget: ... je n'ai pas les ressources d'une commission d'enquête et j'ai donné suffisamment de faits troublants et de pratiques inusitées...

M. Bédard: Ah, des faits.

M. Forget: ... que l'on n'a pas niés de l'autre côté, pour être en droit, à ce moment-ci, comme parlementaire, de demander au ministre de la Justice de faire la lumière sur tout ce qui s'est fait dans ce secteur-là. Sur les procédés utilisés, les réclamations faites, les raisons, les personnes présentes, etc. Il y a quand même une situation anormale et je ne pense pas que la commission Keable puisse se tirer de ce pétrin-là si elle ne fait pas elle-même, ou le ministre en son nom, toute la lumière sur ses façons de procéder. Parce que j'en prends à témoin tous ceux qui sont ici présents, ce sont des façons de procéder qui ne me semblent pas régulières. Si on veut nous démontrer qu'elles le sont, malgré tout, je suis bien prêt à entendre la démonstration mais encore faudrait-il se donner la peine de la faire, parce qu'il y a quand même là des raisons suffisantes pour se poser des questions drôlement sérieuses. (12 h 30)

M. Bédard: Oui, mais pas y aller de toutes sortes d'insinuations. Vous avez posé des questions concernant certaines dépenses très spécifiques, pour un montant de $559.53. Cela a été...

M. Lalonde: Mais c'est le procédé.

M. Bédard: Non, nous avons donné les explications que vous demandiez, c'était public, il n'y a rien de caché là-dessus. Concernant les autres allégations, ça ne donne pas ouverture aux insinuations du député de Saint-Laurent; la commission verra à en prendre connaissance et à faire les mises au point nécessaires.

M. Lalonde: Si le député de Saint-Laurent me le permet, j'aimerais que le ministre fasse un peu abstraction du montant de $500, ça aurait pu être $50 ou $5000. Mais pour le procédé lui-même, comment le ministre de la Justice, qui est responsable de l'administration de la justice vis-à-vis de la population, peut-il concevoir qu'un président d'une commission d'enquête indépendante, qui doit conserver une certaine indépendance pour juger du bien-fondé des propositions qui lui sont faites, des témoignages qui sont proposés à la commission, comment peut-il être d'accord avec ce procédé d'un président de commission d'enquête qui vit littéralement, qui mange, qui amène à dîner un témoin éventuel, pendant le temps que ce

témoin rend son témoignage, que ce soit à huis clos ou en public? Je trouve que ça dépasse l'entendement.

Je demande au ministre s'il approuve ce procédé d'enquête et comment il va pouvoir convaincre la population — et nous, en particulier — du bien-fondé des conclusions du commissaire, lorsqu'on sait comment le commissaire a eu des rapports aussi étranges avec les témoins?

M. Bédard: Le président d'une commission d'enquête est le premier enquêteur, par rapport à un mandat, qui a à accomplir les gestes nécessaires pour mener à bien son mandat.

M. Lalonde: On sait que la conception d'un commissaire-enquêteur pour le ministre de la Justice, c'est un détective privé, avec un gros compte de dépenses!

M. Bédard: Une seconde, laissez-nous terminer, j'ai des informations à demander.

Ce n'est quand même pas un juge d'un tribunal, c'est un peu la position d'un juge d'instruction qui a à aller chercher et à faire les démarches nécessaires pour que la lumière se fasse, pour que les personnes...

M. Lalonde: Et à forcer les gens à témoigner sous serment et à les envoyer en prison s'ils ne témoignent pas.

M. Bédard: Pas à forcer... Vous n'avez pas le droit de me faire dire ce que je n'ai pas dit...

M. Lalonde: Non, mais je veux que vous donniez tous les pouvoirs du commissaire enquêteur.

M. Bédard: ... pas à forcer, mais à faire ce travail d'enquête dans le respect des droits et des libertés individuelles, sans forcer qui que ce soit à rendre des témoignages qu'un témoin pourrait avoir à rendre.

M. Lalonde: Pardon? Est-ce que le ministre...

M. Bédard: En aucune façon le commissaire... C'est ma notion. Autant le président d'une commission d'enquête a un travail d'enquêteur à faire, autant ça ne lui donne pas le droit de forcer qui que ce soit à faire un témoignage dans un sens ou dans l'autre. Je pense que de ce côté vous n'avez aucune allégation indiquant, je crois, d'après ce que j'ai pu comprendre que le commissaire Keable aurait pu inciter un témoin à témoigner dans un sens ou dans l'autre.

M. Lalonde: Ils n'ont sûrement pas parlé seulement de la température quand ils sont allés luncher ensemble.

M. Bédard: Non, mais vous n'avez aucune allégation — si vous voulez en faire c'est une autre chose — à savoir que le commissaire Keable aurait pu influencer ou imposer à quelque témoin que ce soit de témoigner dans un sens ou dans l'autre. Je pense qu'il y a un travail d'enquête qui est nécessaire et qu'il a fait.

M. Lalonde: Le ministre confirme que le commissaire-enquêteur a un pouvoir d'assigner des témoins? C'est lui-même qui signe les subpoenas; j'en ai reçu un et il ne m'a pas amené luncher de toute façon.

M. Bédard: On prend le lunch ensemble suffisamment souvent!

M. Lalonde: Mais il confirme que le commissaire-enquêteur a le droit de forcer une personne à venir témoigner sous serment, pas dans le contenu de son témoignage, mais il peut forcer une personne à témoigner sous serment. Premièrement.

Deuxièmement, il peut même la condamner — ce qui n'a pas été fait encore à la commission Keable, mais ce qui a été fait à d'autres commissions, par d'autres commissaires ayant les mêmes pouvoirs — à la prison si elle refuse de témoigner. On a vu ce que cela a donné à la CECO; enfin, c'est un fait, sans porter de jugement de mérite.

Le ministre ne croit-il pas que la décence la plus élémentaire chez un personnage avec autant de pouvoir serait de garder ses distances avec les témoins avant de les entendre? Que le contenu du témoignage peut être révélé par l'enquête policière tout d'abord, par les procureurs, comme ça se fait dans une enquête qui mérite ce nom? Ne trouvez-vous pas que c'est un peu indécent?

M. Bédard: Ecoutez, le président d'une commission d'enquête, je l'ai dit tout à l'heure, c'est un des premiers enquêteurs. Il a à faire des démarches au niveau de la poursuite des objectifs qui sont indiqués dans son mandat. Il doit le faire selon un respect fondamental de la liberté d'expression et sans essayer d'influencer, dans un sens ou l'autre, quelque témoin que ce soit par rapport à sa déposition. Mais, il ne faut quand même pas l'empêcher de faire le travail nécessaire qu'il croit devoir faire ou les gestes qu'il croit devoir poser dans l'accomplissement de son mandat. Je pense que le commissaire Keable également avait, au début des travaux de la commission, établi des règles de fonctionnement, des règles de pratique qui étaient très strictes. D'ailleurs, au niveau des témoins...

M. Lalonde: Oui, mais est-ce que ces règles de pratique prévoient que le commissaire...

M. Bédard: Permettez-moi de terminer.

M. Lalonde: Oui, mais terminez rapidement, j'ai d'autres questions.

M. Bédard: Oui, je ne vous empêche pas de les poser. Le commissaire a établi, dès les débuts

des travaux de la commission, des règles de fonctionnement au niveau des témoins, etc. des audiences qui ont été considérées, par l'ensemble des observateurs en la matière, comme étant des règles très strictes.

M. Lalonde: Mais, est-ce que ces règles-là prévoient que le commissaire-enquêteur lui-même peut aller luncher avec un témoin? Ce n'est pas marqué dans les règles. Est-ce que le ministre approuve? C'est ça que je veux savoir. Quelle est son opinion? Est-ce que vous l'approuvez, ce procédé-là? Est-ce que vous êtes d'accord avec ce procédé-là?

M. Bédard: Cela prévoit qu'il peut y avoir du huis clos.

M. Lalande: Est-ce que vous êtes d'accord avec le procédé employé par le commissaire Keable d'amener luncher ou dîner des témoins, de discuter, j'en suis convaincu — là vous me permettrez d'avoir ces doutes-là — de leur témoignage et d'être dans une position, le lendemain, lorsque le témoin est sous serment, de lui dire: Ce n'est pas ça que vous m'avez dit au pousse-café hier soir. Est-ce que vous trouvez ça décent? Est-ce que vous approuvez ce procédé-là?

M. Bédard: Ecoutez, je n'ai pas à approuver ou désapprouver que des rencontres aient lieu de la part d'un commissaire-enquêteur avec des témoins. Je pense que ça se fait au niveau de toutes les commissions d'enquête.

M. Lalonde: Avec les procureurs? M. Bédard: Avec les procureurs...

M. Lalonde: Non, je regrette, pas toutes les commissions d'enquête.

M. Bédard:... ou avec les procureurs, je pense que ça va de soi. Maintenant, il est clair que ça ne donne pas... Ce que me dit M. le sous-ministre, et je pense que c'est un élément très important qu'il faut souligner, c'est que M. Keable dans ces rencontres-là était toujours accompagné d'un procureur.

M. Lalonde: Le procureur du témoin ou son procureur à lui?

M. Bédard: Non, procureur de la commission.

M. Lalonde: Le témoin n'était pas protégé par son procureur.

M. Bédard: Non, mais je m'excuse de ne pas avoir eu l'information avant, parce que je trouve ça de toute première importance que de souligner qu'au niveau de ces rencontres-là, qu'on n'essaie pas de nous tracer l'image d'une collusion quelle qu'elle soit, sans aucune preuve, seulement à partir de soupçons qu'on a le droit d'évoquer comme vous le faites allègrement. Mais, que le...

M. Lalonde: Alors, là ils étaient deux à cuisiner le témoin au lieu d'un.

M. Bédard: Que le commissaire-enquêteur accompagné d'un procureur rencontre des témoins, je pense que ça se fait au niveau de toutes commissions d'enquête.

M. Lalonde: Donc, le ministre approuve ce procédé de rencontre, de dîner payé à même les fonds publics...

M. Bédard: Je dis ce que je viens de vous dire: Au niveau d'une commission d'enquête...

M. Lalande: ... entre un président d'une commission d'enquête et des témoins.

M. Bédard: Au niveau d'une commission d'enquête, qu'il y ait des rencontres du commissaire-enquêteur accompagné d'un procureur avec des témoins, je pense que ça fait partie...

M. Lalonde: Pas des rencontres, des lunchs.

M. Bédard: Cela fait partie du déroulement et du travail normal. Sinon, le travail du commissaire-enquêteur et du principal enquêteur devient presque impossible. Au départ, il faut faire confiance; et surtout dans ce cas-là quand je vous dis que le commissaire-enquêteur était accompagné d'un procureur, je crois qu'à ce moment-là, c'est une méthode usuelle qui ne mérite pas les soupçons. A moins que vous n'ayez d'autres éléments qui ne sont pas portés à mon attention, il ne mérite pas les soupçons que vous évoquez à l'endroit du commissaire Keable.

M. Lalonde: Quel est le nom du procureur qui l'accompagnait à ces lunchs-là?

M. Bédard: Ce sont des séances qui se déroulaient dans le cadre...

M. le sous-ministre voudrait ajouter quelque chose.

Ce sont des séances qui se déroulaient dans le cadre d'interrogatoires à huis clos, avec le procureur, le commissaire et le témoin. Cela pouvait être prolongé en dehors des heures régulières. Il arrivait que les trois personnes devaient manger et il y a eu des frais occasionnés. C'est dans ce sens-là que cela s'est passé, dans le cadre du huis clos.

M. Forget: Combien de fois a-t-on eu ces tête-à-tête autour... J'imagine qu'on servait du vin à table ainsi que des apéritifs?

M. Bédard: Le montant total des frais occasionnés a été exprimé.

M. Forget: Oui, le montant total. Mais combien de fois le commissaire a-t-il jugé utile de prendre ses repas avec Mme Devault? Est-ce une fois? Deux fois? Plusieurs fois? Quel était le genre de factures avec lesquelles on sortait de ces

repas? Etaient-ce des repas très simples? Un "big mac"? Ou étaient-ce des choses susceptibles de bien disposer un témoin?

M. Bédard: Ecoutez, là vous y allez encore avec votre manière habituelle d'essayer de semer n'importe quelle sorte de soupçons. Ecoutez, à un repas, qu'il y ait du vin ou qu'il n'y en ait pas, le ministre de la Justice n'est pas en mesure de dire, si à l'occasion d'un repas, il y a du vin ou non. Le ministre de la Justice n'a pas un rapport à partir de toutes les audiences qui se font à huis clos afin de savoir si c'est suivi d'un repas ou non.

M. Forget: M. le Président, on m'impute des intentions. Je pense qu'on est allé assez loin pour arrêter ce petit jeu-là. On est allé assez loin! Il faudra peut-être s'intéresser au menu. Si on sert des apéritifs, si on prend des grands crus...

M. Lalonde: Le ministre de la Justice devrait s'inquiéter quand même des procédés.

M. Bédard: Je prends note de ce que vous portez à notre attention. Par rapport à l'explication ou à la précision très importante qui a été donnée tout à l'heure, lors de ces rencontres, le commissaire Keable était accompagné du procureur. Ce qui est une procédure qui arrive régulièrement dans le cadre d'enquêtes.

M. Lalonde: Est-ce que vous allez faire enquête? Est-ce qu'il y avait de l'alcool à ces rencontres? Pourriez-vous poser la question aussi?

M. Bédard: Vous savez très bien que le sens de vos interrogations est beaucoup plus d'essayer de jeter des soupçons...

M. Forget: Mais, est-ce qu'il y avait de l'alcool?

M. Lalonde: Est-ce qu'il y avait de l'alcool? C'est ça, ma question en fait.

M. Bédard:... que d'essayer de savoir exactement ce qui en est.

M. Forget: Est-ce que le gouvernement a payé de l'alcool?

M. Bédard: Le ministre de la Justice n'a jamais été présent à quelque réunion que ce soit avec des témoins.

M. Lalonde: Voulez-vous poser la question?

M. Forget: Est-ce que le gouvernement a payé des repas, avec vin et apéritifs? Est-ce qu'il a payé des factures de bar relativement à ces rencontres? Le ministre veut en faire une chose tout à fait normale. C'est le travail normal d'une commission de se rencontrer et même de partager toute une aile d'un hôtel — je ne sais pas — ou d'avoir des chambres contiguës, je n'en sais rien. Mais cela, apparemment, c'est monnaie courante. Mais est-ce que, en plus, on a simplement mangé parce qu'on avait faim ou bien si on s'est payé la traite? Ou encore, est-ce qu'on a payé la traite au témoin pour ameublir le terrain, pour le rendre complaisant?

M. Bédard: Si vous me permettez, dans ces séances à huis clos qui se sont échelonnées du 11 septembre 1979 au 12 décembre 1979, il y a eu un montant, avec le procureur de la commission, le commissaire et le témoin, il y a eu un montant de $559.53, remboursé à même le C.T. dont on a fait état précédemment, pour Mme Carole Devault, qui était le témoin. Cela se répartit en des factures d'hôtel au montant de $304.50, des factures de repas au montant de $193.47 et une facture de transport au montant de $61.56, pour la somme de $559.53, pour la partie de Mme Carole Devault.

Dans le même C.T., pour ce qui touche le commissaire et le procureur, lors de ces audiences à huis clos, il y a une somme de $336.59, pour frais de repas et dépenses du commissaire-enquêteur et du procureur. Cela s'est échelonné du 11 septembre 1979 au 12 décembre 1979. C'est l'ordre de grandeur que nous avons.

M. Lalonde: Mais est-ce que la fréquence des repas, parce que $300 de repas, cela peut être soit deux très très liquides repas ou bien cela peut être plusieurs "big macs", comme dit le député de Saint-Laurent.

M. Bédard: Vous pouvez bien sourire! Vous voyez, c'est public, c'est dans un C.T. C'est durant une période déterminée par le C.T. Vous pouvez bien sourire quand vous dites ça, moi je considère que c'est une opération de salissage pour essayer de miner la crédibilité du commissaire Keable. Cela dénote l'angoisse que vous pouvez avoir concernant les travaux de la commission Keable. Le gouvernement n'a aucune peur concernant ces travaux.

M. Forget: Alors, on est moins... Ce qui n'est pas public, c'est le nombre de repas. Ce ne sont pas les frais de pension pendant deux mois, M. le ministre... Je regrette, le ministre a tort. (12 h 45)

M. Lalonde: Je vais vous dire, M. le ministre, vous avez dit, tout à l'heure, que c'était une méthode usuelle. Je vais vous donner un témoignage d'un témoin de la commission Keable. J'ai reçu un subpoena, je suis allé voir les deux procureurs à leur bureau, on ne m'a même pas offert un coke, ils m'ont dit quelles étaient à peu près les questions qu'ils voulaient me poser. Ensuite je me suis rendu à la cour et j'ai répondu aux questions. C'est ça, le traitement normal d'un témoin devant une commission d'enquête. Je n'ai jamais rencontré le commissaire Keable avant.

M. Forget: M. le Président, on nous présente un...

M. Bédard: II est clair que lorsque le témoin — vous savez ce qu'est le travail d'un commissaire-enquêteur — veut collaborer, comme vous l'avez fait — c'est ce que vous vouliez nous dire — il n'y a pas de problème; lorsque la collaboration demeure un point d'interrogation, je pense que le député est en mesure de comprendre que des rencontres...

M. Lalonde: J'aurais dû me faire prier, alors! M. Bédard: Pardon?

M. Lalonde: J'aurais dû me faire prier, je me serais fait payer un lunch!

M. Forget: M. le Président, on fait référence à un CT pour un montant total de $900. C'est vrai que les faits allégués se sont passés entre le 11 septembre et le 12 décembre; cependant, il serait intéressant de savoir — ce ne sont certainement pas les frais d'hôtel et de repas entre le 11 septembre et le 12 décembre, ce ne serait pas assez, si c'était à tous les jours — donc combien il y a de jours impliqués et combien de repas impliqués? Quelle est l'analyse de ces dépenses, de manière qu'on puisse en juger aussi? Je pense que c'est une question légitime.

M. Bédard: Si vous me l'aviez demandé dès le départ, avant de tirer toutes sortes de conclusions comme vous l'avez fait, ça m'aurait fait plaisir de vous dire: On va essayer de vous donner tous ces renseignements. C'est avec grand plaisir que je vais le faire et je m'en fais un devoir, parce que la manière dont vous utilisez une dépense qui est publique au Conseil du trésor, pour essayer de tirer toutes sortes de conclusions est tout à fait inacceptable par rapport aux faits pratiques ou aux preuves que vous pouvez mettre sur la table pour faire suite, pour donner du poids aux insinuations que vous faites. Donc, je vais me faire un devoir de donner tout le détail de ce CT qui était public.

M. Forget: Pendant que vous y êtes, M. le ministre, est-ce que vous accepteriez...

M. Bédard: Vous pourrez, après ça, d'une façon responsable, peut-être essayer de tirer des conclusions beaucoup plus responsables que celles que vous tirez maintenant.

M. Forget: Est-ce que vous accepteriez, M. le ministre, pendant que vous y êtes — et vous êtes dans un esprit de collaboration, je vous en remercie — non pas seulement de nous donner des renseignements sur ce CT, mais de faire vraiment la lumière sur les dépenses associées au témoignage Devault, relativement à la commission, c'est-à-dire non seulement les frais de protection, mais tous les frais qui ont été encourus relativement à ce témoignage, avec suffisamment de détails pour pouvoir comprendre de quoi il s'agit?

M. Bédard: Je crois que j'ai donné les renseignements qu'il fallait concernant les dépenses faites en ce qui a trait à Mme Devault et...

M. Forget: Mais on veut être bien sûrs d'avoir le tableau complet, parce qu'on pourrait peut-être oublier une question. Il y a peut-être des faits que nous ne connaissons pas, nous ne prétendons pas connaître tout, c'est pour ça qu'on pose des questions, imaginez-vous!

M. Bédard: Tout ce que je vous demande, en termes de responsabilité, c'est d'arrêter de tirer des conclusions avant d'avoir les réponses.

M. Forget: M. le Président, en termes de responsabilité, comme nos lois et nos traditions parlementaires parlent de responsabilité ministérielle beaucoup plus que de responsabilité des députés de l'Opposition, je vais rappeler au ministre que, dans l'ensemble des réponses qu'il nous a données, il a essentiellement soutenu les pratiques suivies par la commission Keable. Peut-être voudra-t-il réfléchir à nouveau avant de revenir à la charge pour appuyer inconditionnellement tout ce que la commission Keable a pu faire et tout ce que le commissaire, en particulier, a pu faire, y compris la façon dont il l'a fait.

Mais j'aime mieux attirer l'attention de cette commission sur le fait que la responsabilité du ministre, aujourd'hui, est en jeu, en ce sens qu'il ne s'agit pas de se cacher derrière la responsabilité d'un commissaire. Je suis heureux de noter que le ministre a assumé la responsabilité totale de toute l'opération. Je pense que c'est de cela dont il s'agit. Il s'agit d'une commission créée par le Conseil des ministres, à sa recommandation, prolongée à treize reprises différentes; il y a donc là des faits troublants que nous avons allégués, des méthodes qui sont curieuses, pour le moins, et ce ne sont pas des insinuations que de dire que ce sont des méthodes curieuses, c'est un précédent pour moi que ces méthodes et c'est un précédent pour tous ceux qui vont en prendre connaissance. Alors, j'attirerais l'attention du ministre que sa responsabilité est en jeu de ce côté — c'est ce qu'il a bien compris en couvrant la commission — et, à ce moment, ça devient des choses qui ont été faites comme si le ministre lui-même les avait faites.

Je pense que la population, quand elle prendra connaissance des faits qui ont été discutés ici aujourd'hui, sera en mesure de porter un jugement sur l'ensemble de l'opération. Sous bénéfice d'inventaire, si le ministre veut bien en dévoiler davantage dans les jours qui vont suivre, je l'inviterais à le faire. Autrement, le jugement que la population va porter, et certainement le jugement que nous allons porter: c'est qu'il s'agit là de quelque chose d'absolument irrégulier qui entache de façon irrémédiable l'ensemble du travail de la commission. Si on a pu découvrir ce fait isolé et illustrer que la méthode était curieuse, douteuse, inacceptable, combien d'autres cas de ce genre se

sont déroulés à l'insu de tous à la commission Keable?

Il faudrait donc une enquête publique sur la commission d'enquête elle-même. On se rend compte tout de suite du genre de paradoxe dans lequel on s'est enfermé du côté gouvernemental. On en est à demander ou à voir l'opportunité ou la nécessité, même, d'une enquête publique sur une commission d'enquête. C'est un fait sans précédent. Jamais, contrairement à ce qu'on a fait aujourd'hui, on n'a eu l'occasion ni la moindre raison de mettre en doute le travail d'une commission d'enquête et on a une raison aujourd'hui, une raison très sérieuse. Cela, le ministre doit en tenir compte. Et je pense qu'il devra analyser soigneusement la situation, parce que la responsabilité du ministre de la Justice et la responsabilité du gouvernement dans son ensemble est impliquée là-dedans.

M. Bédard: Vous prétendez maintenant avoir des raisons d'avoir des doutes, mais vous n'avez rien mis sur la table en termes de preuve, qui soit de nature à vous permettre d'une façon responsable d'arriver à cette conclusion. Effectivement, vous vous êtes permis de tirer rapidement des conclusions à partir d'une série de petits faits qui, comme vous l'avez très bien dit, pourront contribuer à constituer une entrave aux travaux de la commission. — dans le sens des efforts que vous faites depuis longtemps pour essayer de miner la crédibilité de la commission. — Au contraire, vous nous avez demandé des renseignements concernant une dépense spécifique qui n'est pas à cacher, qui est au Conseil du trésor et qui peut être connue de tout le monde. Nous vous avons donné les informations; vous nous demandez encore plus d'informations que celles contenues dans le CT, nous sommes prêts à les fournir. Il me semble que l'élémentaire responsabilité, avant d'y aller de toutes sortes d'insinuations ou de conclusions tel que vous le faites, c'est d'attendre l'ensemble de ces renseignements.

La plupart des dépenses dont nous avons fait état — j'ai été à même de vous le dire, et le sous-ministre vous l'a dit — provenaient d'une série d'audiences à huis clos, ce qui est tout à fait normal, et ces rencontres ont eu lieu avec le commissaire-enquêteur et le procureur de la commission. Ceci ne justifie en aucune façon les soupçons, les accusations et les insinuations énormes que le député profère à l'endroit de la commission. Ce qui, comme vous le désirez, sera probablement de nature à compliquer énormément son travail.

M. Forget: Est-ce qu'on doit — je terminerai là-dessus parce que je veux être bien sûr de l'intention du ministre...

M. Bédard: Je termine là-dessus, je n'ai pas à approuver ou à désapprouver ce que fait la commission Keable, c'est une commission indépendante qui aura à rendre compte.

M. Forget: Ah! vraiment!

M. Bédard: Je n'ai pas à approuver ou à désapprouver...

M. Lalonde: Vous savez cela, vous dites...

M. Bédard: ... les pratiques de la commission Keable parce qu'elles ont été rendues publiques dès le début des travaux de la commission.

M. Lalonde: Vous vous lavez les mains.

M. Bédard: Concernant certains faits particuliers, certaines dépenses, je vous l'ai dit, nous sommes prêts à vous donner les informations nécessaires. La commission Keable est une commission indépendante, je le répète. Elle a à terminer ses travaux et, comme toute commission d'enquête, elle sera l'objet d'études, quant à la façon dont les travaux se seront effectués — quelles que soient les recommandations auxquelles on en arrivera — quant à la manière dont elle aura conduit ses enquêtes; autant du point de vue gouvernemental que de celui de l'Opposition, nous aurons à prononcer, à ce moment-là, un jugement de fond sur l'ensemble de la qualité de son travail.

M. Forget: Le ministre nous dit qu'il nous donnera des renseignements complets. Est-ce qu'on peut envisager que ce sera dans un avenir prochain, d'ici une semaine, d'ici la fin des travaux de l'Assemblée nationale?

M. Bédard: Concernant le CT dont il a été question, nous allons faire les recherches nécessaires, nombre de jours, nombre de repas, etc., avec célérité pour fournir les renseignements au député de Saint-Laurent.

M. Forget: Seulement là-dessus. Pas un tableau d'ensemble. Point, point.

M. Bédard: Vous avez eu des questions spécifiques sur un point.

M. Forget: Mais on a eu des questions sur l'ensemble, aussi, du témoignage de Devault.

M. Bédard: II y a eu des réponses sur tout le reste.

M. Forget: Sur les coûts et sur toutes les dépenses assumés relativement au témoignage de Devault, vous n'avez pas l'intention... Tous sans restriction.

M. Bédard: Sur les coûts et les dépenses à assumer par Mme...

M. Forget: Pas seulement ce CT mais d'autres dépenses qui auraient pu être effectuées.

M. Lalonde: M. le Président...

M. Forget: Bon, on s'entend là-dessus.

M. Lalonde: Est-ce que le ministre s'engage, pour les autres demandes qui sont faites par le commissaire, à poser des questions sur les dépenses avant d'approuver la demande au Conseil du trésor? Je comprends qu'il a négligé de le faire pour celui-là puisqu'il n'a pas de réponse.

M. Bédard: Au contraire, là, vous y allez encore une fois...

M. Lalonde: Je vous ai demandé...

M. Bédard: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): J'entends votre question de règlement.

M. Bédard: C'est vraiment une... D'ailleurs, c'est la méthode qu'on emploie depuis le début, porter l'accusation ensuite demander des explications.

M. Lalonde: Bon, alors, je retire l'accusation si vous y avez vu une accusation...

M. Bédard: Oui, parce que vous prétendez qu'on n'a pas fait les vérifications.

M. Lalonde: ... dans mes propos. A ce moment-là, je vais la faire sous forme de question...

M. Bédard: Vous permettez que je termine.

M. Lalonde: Est-ce que vous avez posé des questions. J'ai retiré les accusations, pour ne pas vous énerver trop, trop, si cela vous fatigue.

M. Bédard: Je ne suis pas énervé du tout. M. Lalonde: Calmez-vous.

M. Bédard: Je suis très conscient de la tactique que vous employez.

M. Lalonde: Est-ce que vous avez posé des questions sur tous les comptes, sur toutes les factures? Combien de rencontres il y avait eu? Est-ce qu'il y avait eu de l'alcool à chaque fois? Ou à quelles occasions il y en avait eu? Est-ce que vous avez posé ces questions-là pour ce CT? Je comprends que non puisque vous n'avez pas les réponses pour nous, aujourd'hui.

Donc, je ne vous fais pas d'accusation, mais pour l'avenir, j'espère que vous allez vous engager à le faire.

M. Bédard: Non, mais dans un CT, vous savez très bien ce qui en est. Vous savez très bien que dans un CT tous les détails ne sont pas nécessairement compris à l'intérieur. Ce qui ne veut pas dire que toutes les explications ou que toutes les questions n'ont pas été posées en fonction d'en venir à un CT et je crois que, là-dessus, je serais en mesure de dire que le sous-ministre de la Justice...

M. Lalonde: Est-ce qu'à l'avenir, le ministre s'engage à approuver ces dépenses, de tête-à-tête avec libations, du commissaire et des témoins? Est-ce qu'il va être approuvé à l'avenir?

Le Président (M. Laberge): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, vous...

M. Lalonde: "Libations" est de trop, M. le Président?

Le Président (M. Laberge): Bien, c'est ce mot-là, parce que c'est une hypothèse, théoriquement.

M. Lalonde: Tête-à-tête liquide, alors. Est-ce qu'il s'engage à poser la question?

M. Bédard: Lorsque des demandes sont faites, qui doivent être orientées au Conseil du trésor, toutes les explications nécessaires sont demandées.

M. Lalonde: Est-ce que vous allez approuver et donner les instructions à vos fonctionnaires, de ne pas approuver, de ne pas rembourser ces dépenses-là parce que vous ne...

M. Bédard: Non. Je donne instructions et ils ont toujours eu instructions...

M. Lalonde: De quoi?

M. Bédard: ... au niveau des fonctionnaires, de demander tous les renseignements nécessaires avant qu'un CT ou qu'un paiement de dépenses soit effectué pour qui que ce soit.

M. Lalonde: D'approuver et de désapprouver quelles dépenses vos instructions ont-elles données?

M. Bédard: Et ils le font.

M. Lalonde: Vos instructions, c'est de demander les questions, oui, mais les réponses.

M. Bédard: C'est une question d'évaluation, à chaque...

M. Lalonde: Est-ce que vous allez donner instructions d'approuver encore ces dépenses-là?

M. Bédard: C'est une question d'évaluation à chaque occasion. Je ne peux quand même pas donner des instructions qui soient de nature à prévenir toutes les situations possibles. Vous le savez très bien.

M. Lalonde: Non, mais le principe des rencontres.

M. Bédard: Le principe, c'est très clair, c'est lorsqu'une dépense est justifiée, à ce moment-là, un paiement est demandé.

M. Lalonde: En vertu de quels critères, la justification? Est-ce que le fait que le commissaire-enquêteur lui-même rencontre à un souper le témoin à plusieurs reprises, est-ce que le ministre s'engage encore à approuver ces choses-là? Incroyable!

M. Bédard: Lorsqu'une telle rencontre est nécessaire et qu'on est sûr qu'elle est justifiée, avec les procureurs. Pas seulement le commissaire, le commissaire avec le procureur qui rencontre un témoin, lorsque c'est justifié, dans un cadre donné, l'évaluation se fait et vous aurez, à ce moment-là, toutes les informations nécessaires que vous avez demandées concernant le CT.

M. Lalonde: J'en conclus et ce n'est pas une accusation...

M. Bédard: Non, vous n'avez pas à conclure.

M. Lalonde: Oui j'en conclus, je regrette, j'ai le droit de conclure et de le dire publiquement. Je conclus que le ministre approuve ce procédé bizarre du commissaire-enquêteur.

M. Bédard: Je n'ai pas à approuver.

M. Lalonde: Bien oui, puisque vous approuvez les dépenses.

M. Bédard: Non. Je n'ai pas à approuver ou à désapprouver.

M. Lalonde: N'essayez pas de vous laver les mains, c'est vous qui approuvez les dépenses.

M. Bédard: Non, non. La commission Keable est une commission indépendante. Je n'ai pas...

M. Lalonde: Votre signature apparaît sur les CT.

M. Bédard:... à approuver ou à désapprouver. Mais, lorsqu'une dépense est demandée, elle doit être justifiée pour les besoins de l'enquête.

M. Lalonde: Et vous, vous croyez que c'est justifié.

M. Bédard: Et, si nous avons fait la demande, définitivement parce que nous croyons que c'était justifié, ces rencontres, à un moment donné, avec le commissaire-enquêteur, les procureurs et certains témoins...

M. Lalonde: Vous approuvez cela. On en prend note.

M. Bédard: ... pour la conduite de l'enquête.

Le Président (M. Laberge): II est 12 h 59, est-ce que le programme 10 sera adopté?

M. Forget: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Nous reviendrons après le lunch, donc je suspends les travaux de cette commission jusqu'à 15 heures.

Suspension de la séance à 13 h 01

Reprise de la séance à 15 h 14

Le Président (M. Laberge): A l'ordre messieurs. La commission parlementaire de la justice reprend ses travaux concernant l'étude des crédits du ministère de la Justice.

Lorsque nous avons suspendu nos travaux à 12 h 59 ou à 13 heures, nous avons adopté le programme 10. Le député de Mercier me fait signe qu'il aurait une mise au point d'une minute ou deux à faire avant d'entamer le programme 11.

M. le député de Mercier.

M. Godin: Une mise au point très courte — "for the record", comme on dit en anglais. Pour les fins d'archives. J'ai fait le relevé, pendant l'heure du dîner, des noms non canadiens-français dans les 277 bénéficiaires de mandats du gouvernement. Il y en avait 25, qui s'occupaient plus ou moins, 9%, ce qui n'est pas rien; c'est la moitié à peu près de l'objectif visé. Merci beaucoup.

Le Président (M. Laberge): Sur ce, j'appelle le programme 11.

M. Bédard: A titre d'information, concernant une question du député de D'Arcy McGee qui a trait à une directive donnée par la police de la CUM. Nous avons communiqué avec M. Vignola qui, malheureusement, n'est pas à Montréal présentement, mais à Ottawa. Ce qui veut dire que je ne serai pas en mesure, tel que je l'avais exprimé, de fournir la réponse d'ici la fin des travaux de notre commission. Mais je verrai à demander à M. Vignola de nous donner la réponse à la question du député de D'Arcy McGee. Je ferai personnellement parvenir cette réponse au député. Cela va? Est-ce que le député de D'Arcy McGee doit revenir aujourd'hui?

M. Forget: Je pense que oui. Je pensais qu'il serait ici. Je dois dire que j'ai vaqué à mon courrier et à mes appels. Alors, je ne sais pas ce qui est arrivé au juste. Je ne sais pas ce qui le retient. De toute façon, je lui ferai le message le cas échéant, si jamais il devait être retenu.

M. Bédard: Concernant une autre réponse à une de ses interrogations en ce qui a trait aux jurés, aux Indiens de la réserve de Caughnawaga, nous allons attendre; s'il revient pour les travaux de cette commission, nous ferons une mise au point.

Le Président (M. Laberge): Parfait. Programme 11: Affaires législatives.

M. Forget: II y a une demande du ministre à laquelle j'ai accédé tantôt de passer au programme 14 étant donné que le juge président de la Commission de police aimerait se libérer le plus tôt possible ce qui, évidemment, ne pose pas de problèmes quant à nous.

Le Président (M. Laberge): Le programme 11 est suspendu. Nous passons au programme 14 qui est la normalisation et la surveillance de l'exercice des fonctions de police. M. le ministre.

Normalisation et surveillance de l'exercice des fonctions de police

M. Bédard: M. le Président, au niveau des ressources humaines et financières, pour l'aider à remplir son mandat, la commission dispose d'un effectif régulier de 74 personnes auxquelles viennent s'ajouter 4 personnes-année occasionnelles. On retrouve 64 postes réguliers, 2 postes-année occasionnels au sein de la Commission de police, tandis qu'à la Commission d'enquête sur le crime organisé, il y a 10 employés réguliers d'autorisés et 2 personnes-année occasionnelles.

En ce qui a trait aux ressources financières, le budget au niveau de ce programme est estimé à $2 635 300, lequel se répartit entre la Commission de police et la Commission d'enquête sur le crime organisé. Au niveau de la Commission de police de Québec, on a prévu des crédits de l'ordre de $2 214 800, dont $1926 600 seront affectés au paiement des traitements des employés, ce qui représente 87% du budget de celle-ci.

En ce qui concerne la Commission d'enquête sur le crime organisé, les ressources financières ont été estimées à $410 500 pour la période du 1er avril 1980 au 30 septembre 1980, date d'expiration de son mandat. Ces crédits seront affectés au paiement des traitements $183 400; des commissaires additionnels $62 000; des sténographes officiels $45 000 et aux dépenses courantes de $120 100.

Comme je l'ai déjà dit, le budget du programme 14 concernant la normalisation et surveillance de l'exercice des fonctions de polices est estimé à $2 625 300, ce qui représente une augmentation d'environ $192 300 ou 7% par rapport au budget comparatif de 1979-1980. L'addition de crédits se situe principalement au niveau des traitements soient $181 900 par rapport à $192 300 pour l'augmentation totale au niveau du programme. Ces crédits supplémentaires serviront principalement à financer la mise en application des conventions collectives. Ce sont les commentaires généraux que nous avons à faire sur ce programme.

M. Forget: Bon, oui, j'aurais deux questions d'intérêt secondaire, mais peut-être que le juge, président de la Commission de police veut faire un petit exposé étant donné qu'il y a eu des modifications dans les pouvoirs, les fonctions, les vocations de la Commission de police. Enfin, on est bien intéressé à l'entendre s'il a quelque chose de préparé pour ça.

M. Bédard: Le président de la Commission de police, M. le juge Gosselin. Il y a eu la mise en application de la loi no 48 depuis le 1er juin de cette année. Alors, je laisse la parole à M. le juge Gosselin.

M. le Président, il y a lieu de vous dire que la commission, évidemment, s'est vue confier de nouvelles attributions par les dispositions du chapitre 67 des lois de 1979 qui sont en vigueur depuis le 1er juin 1980. L'effectif que nous avons actuellement sera évidemment insuffisant pour nous permettre d'accomplir toutes les nouvelles tâches qui nous sont assignées par la loi et nous avons d'ailleurs, à cette fin, préparé un nouveau plan d'organisation qui sera éventuellement transmis au Conseil du trésor pour approbation. Cela comporte une demande de postes additionnels. Quant aux nouvelles attributions de la commission, nous pouvons être appelés maintenant à faire enquête sur la conduite d'agents de la paix qui pourraient faire éventuellement partie des catégories d'agents de la paix, mentionnées dans un règlement qui doit être adopté par le gouvernement.

Nous pouvons être appelés à faire des enquêtes, à la demande du procureur général, de groupes de citoyens ou d'associations policières, pour vérifier si une municipalité maintient des services de police adéquats.

Il y a évidemment les normes pour l'établissement des corps policiers dans les municipalités qui ont été modifiées; au lieu de s'attacher au statut de la municipalité, il faut maintenant considérer sa population. Si bien qu'une municipalité ayant une population de 5000 habitants et plus devra, à moins de dispense du gouvernement, établir un corps policier.

Il y a actuellement huit municipalités de ville qui ne maintiennent pas de corps policiers et qui, à moins de dispense, devront en établir un. Il y a sept ou huit municipalités régies par le Code municipal qui n'ont pas non plus de corps policier et qui devront en établir un. Sauf que dans ces derniers cas, en vertu des dispositions de la loi, le délai qui est accordé aux municipalités régies par le Code municipal pour établir un corps policier est de deux ans à compter du 1er juin 1980.

M. Forget: Je vous remercie.

J'aimerais soulever deux problèmes. Il y en a un, sur lequel je m'interroge à savoir, s'il est de la juridiction de la Commission de police. Il s'agit du long dossier — nous serions six, semble-t-il, à avoir de la correspondance, mais je pense que, probablement, tous les députés en ont, cela semble un peu mystérieux — sur l'utilisation des forces policières pour la mise en vigueur de plans conjoints pour les oeufs, la question de FEDCO, etc. A toutes les six semaines, je reçois une copie de lettre que quelqu'un envoie à quelqu'un d'autre au sujet de ces interventions policières. Est-ce que ce genre d'activité peut être appelé une intervention de la Commission de police?

M. Bédard: Cela relève plutôt de la Sûreté du Québec. Si vous n'avez pas d'objection, tout à

l'heure, nous aurons avec nous le directeur de la Sûreté du Québec qui pourra nous donner quelques renseignements sur ce problème.

M. Forget: D'accord. Je n'étais pas sûr à qui cela pouvait le mieux s'adresser.

M. Bédard: C'est sûr que s'il y a une conduite répréhensible des policiers lors de l'intervention, la Commission de police a juridiction sur cela.

M. Forget: Oui. Il semble que ce que l'on soulève, c'est le principe même d'une intervention policière dans une tâche administrative. A la limite, cela pourrait faire l'objet d'une plainte à la Commission de police, j'imagine.

M. Bédard: Je dois vous dire que nous avons reçu une telle plainte relativement à l'intervention de la Sûreté du Québec dans ce cadre-là. Nous n'avons pas encore disposé du dossier. Nous n'aurions pas juridiction pour déterminer exactement si, de fait, la Sûreté du Québec a juridiction ou pas, sauf que si elle n'avait pas juridiction, nous pourrions, sous forme de recommandation, informer la Sûreté du Québec qu'il y a lieu de suspendre. Mais, actuellement, on n'a pas encore vidé ce dossier-là.

M. Forget: Je vois. Maintenant, le deuxième sujet. Je pense que je suis sur un terrain plus solide. C'est la nouvelle vocation de la Commission de police d'accumuler et d'analyser des donnés sur la criminalité. Je pense que ça, c'est effectivement un rôle de la...

M. Bédard: Cette vocation maintenant...

M. Forget: Enfin, je voulais savoir quelles étaient les activités parce que j'ai certaines données et j'aimerais comparer mes notes en quelque sorte à celles de la Commission de police pour voir si on s'entend sur le diagnostic à poser sur la situation de la criminalité au Québec et quelles conclusions on doit en tirer, quelles conclusions la commission en tire.

M. Bédard: Je laisse la parole à M. le président.

Voici, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi, le 1er juin, nous avions établi un service qui se chargait de la cueillette des données en matière criminelle, si bien que pour ce qui est de l'année 1979, nous avons recueilli les données mais, depuis l'entrée en vigueur du projet de loi no 48, c'est la direction générale de sécurité publique qui assumera dorénavant cette obligation, si bien, que tout ce que nous avons reçu de rapports mensuels des corps policiers, depuis le 1er janvier, a été transmis à la direction générale de sécurité publique qui, dorénavant, assumera cette responsabilité.

M. Forget: Dans l'exercice de ses anciennes responsabilités, la Commission de police en était venue à faire des observations ou si on était à la phase encore de cueillette, ou est-ce qu'il y avait des analyses, des conclusions qui apparaîtront dans le rapport annuel de la Commission de police ou dans un rapport spécifique sur la criminalité? Si je comprends bien, quand on va s'adresser au ministère comme tel, on va nous dire: On a commencé seulement au début de juin, on ne peut rien vous dire avant un certain temps. Est-ce que la Commission de police va faire une espèce de testament du dossier dans l'état où elle le transmet à la direction de la sécurité publique?

M. Bédard: A chaque année, en plus de faire la cueillette, nous avons produit un rapport contenant une analyse des statistiques criminelles et pour ce qui est de l'année 1979, nous avons produit un rapport préliminaire qui indiquait une augmentation de la criminalité au Québec. Notre rapport d'analyse pour 1979 est en voie d'être complété, mais chaque année, je dirais depuis quatre ou cinq ans, nous produisons annuellement un rapport non seulement des statistiques criminelles, mais aussi comportant une analyse de ces statistiques. Lorsque nos conseillers se rendent dans les corps policiers, ils analysent évidemment l'indice de la criminalité dans la municipalité et dorénavant, c'est la direction générale de sécurité publique qui s'occuperait de la programmation en matière de prévention de criminalité.

M. Forget: Est-ce que vous en êtes venus, relativement à ce travail d'analyse au cours des années, à identifier des facteurs d'accroissement de criminalité au Québec sur lesquels vous attiriez l'attention?

M. Bédard: Nous n'avons pas fait d'étude sociologique pour considérer les facteurs de la criminalité, sauf dans les cas où la division de la commission chargée de la tenue de l'enquête sur le crime organisé a analysé certains genres de crimes et a, dans certains rapports, fait des études sociologiques.

M. Forget: Est-ce qu'il y a une hausse de criminalité, en termes relatifs évidemment, du taux d'incidence des crimes graves au Québec? Est-ce qu'il y a une évolution du taux de résolution des crimes graves? Comment le Québec se compare-t-il à ses voisins, relativement à ça? D'après certains chiffres que l'on voit — mais on ne sait jamais si ce sont des chiffres qui sont acceptables pour les autorités au Québec, ce n'est pas évident à première vue — le taux de résolution laisse un peu à désirer. Y a-t-il une évolution favorable ou défavorable du taux de résolution des crimes graves?

M. Bédard: Evidemment, en 1979, c'était une très mauvaise année, puisqu'on a constaté, d'une façon générale, une augmentation de 19,5% du taux de la criminalité, alors que, l'année précédente, il y avait eu une diminution de 0,5% et, l'année antérieure, de 4% de diminution.

C'est donc dire que, si on remonte à trois ans, pendant deux ans, il y a eu une diminution de la

criminalité, l'an dernier, une forte augmentation. Les taux de solution n'ont pas été tellement améliorés.

Sauf, si vous me le permettez, M. le Président, concernant la Sûreté du Québec, qui a présentement un taux de résolution de 41%, ce qui est un record par comparaison à toutes les forces policières au Canada et même, je pense, en Amérique du Nord.

M. Forget: Je vois; mais on aura l'occasion, je pense bien...

M. Bédard: M. le directeur de la Sûreté du Québec sera heureux...

M. Forget: ... d'entendre la sûreté; ils se feront un plaisir de nous exposer ça.

M. Bédard: ... de nous faire part de cette nouvelle, avec un peu plus d'ampleur, tout à l'heure.

M. Forget: Alors, pour l'instant, M. le Président, je pense que c'est tout relativement au programme 14.

Le Président (M. Laberge): Programme 14, adopté. Revient-on à 11, ou si on va à 15?

M. Forget: On va revenir à 11.

M. Bédard: Merci, M. le président, de votre présence.

M. Forget: Merci, M. le président. Affaires législatives

Le Président (M. Laberge): Nous revenons au programme 11: Affaires législatives. Il y a trois éléments. Je peux les énumérer: Elaboration des lois et règlements; Refonte des lois et règlements; Recherches.

Est-ce que vous en faites l'étude comme à l'accoutumée, les trois ensemble?

Une Voix: Oui.

Le Président (M. Laberge): Programme 11 dans son ensemble. Question, M. le député de Saint-Laurent.

M. Bédard: Je vais essayer d'abréger au niveau des remarques préliminaires. D'abord, concernant les affaires législatives. La Direction générale des affaires législatives relève administrativement de Me Daniel Jacoby, sous-ministre, que nous avons avec nous aujourd'hui. Cette direction générale est en matières de textes législatifs et réglementaires. L'expert, non seulement, du ministère de la Justice... Une seconde! Je m'excuse, M. Marx? Je ne peux pas courir après! (15 h 30)

Pendant que nous avons la présence de M. le député de D'Arcy-McGee avec nous concernant une... J'ai indiqué au député de Saint-Laurent d'abord qu'en ce qui a trait aux directives, M. Vignola est à Ottawa, et nous trouverons le moyen pour qu'il vous fasse parvenir une réponse à votre question. Sur l'autre élément qui a été soulevé... l'interrogation qui a été soulevée par le député de D'Arcy-McGee concernant la réserve de Caughna-waga et la formation d'un jury, nous avons les informations suivantes: En 1975, la Cour d'appel, dans l'affaire Diabo a jugé que les autochtones dans la réserve de Caughnawaga ne pouvaient pas faire partie d'un jury puisque la Loi des jurés à l'époque prévoyait que la liste des jurés s'effectuait à partir des rôles d'évaluation municipale.

Or, comme les propriétés se trouvant sur une réserve ne sont pas taxées, aucun rôle d'évaluation n'a été confectionné à leur égard. Or, en 1976, la Loi des jurés a été remplacée par une nouvelle loi sur les jurés, laquelle modifiait la méthode de confection de la liste des jurés. En effet, suivant la nouvelle loi, la liste des jurés était établie à partir des listes électorales provinciales. Selon les informations reçues du bureau du shérif du district de Montréal, le chef de bande de la réserve de Caughnawaga refuse le recensement, ce qui a évidemment comme conséquence que les autochtones de la réserve ne peuvent faire partie d'un jury, parce qu'il n'y a pas moyen de les faire inscrire sur la liste des jurés.

M. Marx: Je vous remercie pour l'information. Cela a pris à votre ministère exactement quatre ans pour me fournir l'information. Je pense que cela est allé assez vite. Parce que je vous ai écrit...

M. Bédard: Non, je m'excuse! Je ne sais pas à quelle date vous avez écrit, mais, moi, je n'ai jamais été saisi...

M. Marx: J'ai écrit à l'un de vos sous-ministres il y a quatre ans.

M. Bédard: Oui, mais à quelle date? Est-ce avant que nous soyons...

M. Marx: Voulez-vous une copie de la lettre?

M. Bédard: Oui.

M. Marx: Alors, je vais vous donner une copie de la lettre.

M. Bédard: Ce serait intéressant. C'était peut-être avant que nous soyions là ou après...

M. Marx: Je vais vous donner une copie de la lettre qui date de 1976 ou 1977. Cela va vous démontrer que votre ministère fonctionne d'une façon très efficace. Trois ans pour la réponse.

M. Bédard: Vous n'êtes pas très juste, mais je comprends que c'est une ligne que vous adoptiez, parce que vous avez signalé le sujet à mon attention pour la première fois hier.

M. Marx: Non, à votre ministère il y a quatre ans. Une fois hier à vous.

M. Bédard: Me permettez-vous de terminer? Vous êtes à même de constater que dans un délai très restreint nous vous donnons l'information requise.

M. Marx: Parfait, merci.

M. Forget: II faut avoir la bonne plate-forme.

M. Marx: Je vais vous donner une copie de la lettre, de toute façon pour que vous vérifiiez...

M. Bédard: Oui, et peut-être, puisque cela vous préoccupait à ce point, des copies de rappel de votre préoccupation au ministère.

M. Marx: II faut faire beaucoup de rappels à votre ministère. D'accord, merci.

M. Bédard: Cela doit être une lettre sans rappel. On ne sait même pas si c'est du temps où nous étions là.

M. Forget: Le ministère est permanent.

Le Président (M. Laberge): Alors, programme 11?

M. Bédard: Alors, la direction...

M. Forget: Le ministère est permanent.

Le Président (M. Laberge): M. le ministre, vos remarques sur le programme 11.

M. Bédard: Alors, nous recommençons, M. le Président. Au niveau des affaires législatives, cette direction générale relève de Me Jacoby, comme je l'ai dit. En matière de textes législatifs et réglementaires, cette direction générale est l'experte non seulement du ministère de la Justice, mais aussi de tout le gouvernement. Son mandat est donc double. A l'égard du ministère de la Justice, sa responsabilité est de rédiger les projets de loi que son titulaire doit présenter à l'Assemblée nationale. A l'égard des autres ministères et des divers organismes du gouvernement, elle agit comme spécialiste en matière législative en jouant un rôle conseil dans la composition de leurs projets de loi et en contrôlant la légalité de leurs projets de loi et de leurs projets de règlements.

De plus, il faut souligner que la direction générale des affaires législatives est responsable administrativement de la Société québécoise d'information juridique, SOQUIJ. Egalement, on retrouve à l'intérieur de ce programme toutes les activités reliées à la Commission de refonte des lois et règlements dont le titulaire est Me Benoit Morin, qui est avec nous également aujourd'hui. Il assume la responsabilité de vice-président de la commission.

En ce qui a trait aux ressources financières, le budget de ce programme est estimé à $3 816 200, dont $2 449 700 iront au traitement des employés, $745 000 seront requis pour subventionner la société québécoise d'information juridique et $240 000 seront utilisés pour la publication de la version anglaise des droits refondus du Québec, de la mise à jour des lois ainsi que l'établissement des règlements. C'est l'essentiel des commentaires que nous avions à faire.

M. Forget: M. le Président, quand on parle, dans la dernière phrase que vient de lire le ministre, de rétablissement des règlements, on parle de l'exercice de consolidation. On va se livrer au même exercice avec les règlements qu'on a fait avec les lois.

M. Bédard: C'est cela. M. Forget: D'accord.

M. Bédard: Et je pense que cela va constituer une bonne amélioration pour que et les légistes et les citoyens puissent se retrouver...

M. Forget: Oui, parce qu'il n'y a pas moyen de se retrouver dans les règlements de cette façon, même quand on est à l'Assemblée nationale, pour ne pas parler du public.

Pour ce qui est des politiques suivies ou de la politique suivie par le ministère dans la dotation en personnel de cette direction générale des affaires législatives, est-ce qu'il y a un principe qui est le même que celui observé dans le cas de la direction précédente... Comment s'appelle-t-elle?

M. Bédard: Les affaires civiles et pénales.

M. Forget: Oui, c'est cela, les affaires civiles et pénales. C'est-à-dire de constituer essentiellement un groupe de juristes spécialisés dans la rédaction des lois et des règlements. Mais à l'occasion, malgré tout, de faire appel à des spécialistes de l'extérieur.

M. Bédard: Mais c'est très rare que nous ayons à faire appel, en tout cas pour le moment, à des spécialistes de l'extérieur.

M. Forget: Mais je remarque qu'il y a une personne, je ne sais pas si cela tombe dans la liste des engagements de moins de $25 000, il y a Me Jocelyn Lavoie qui a été retenu à titre de légiste pour assister un comité de législation à l'étude des projets de lois. On a prévu un versement de $20 625.

M. Bédard: Je demanderais à Me Jacoby de donner la précision.

Me Jocelyn Lavoie est rattaché au secrétariat du comité de législation.

M. Forget: Mais le secrétariat du comité de législation n'est pas fourni nécessairement par la direction générale des affaires législatives?

M. Bédard: Non, la direction générale et le secrétariat travaillent en collaboration dans l'élabo-

ration des projets de lois, mais les gens du secrétariat relèvent du Conseil exécutif, alors que les gens des affaires législatives relèvent du ministère de la Justice.

M. Forget: Quelle est la rationnelle de cette distinction?

M. Bédard: C'est que le rôle du comité de législation est d'examiner s'il y a véritablement adéquation entre le... Le principal rôle, c'est de vérifier si le projet de loi qui est soumis par un ministère est conforme à la décision du Conseil des ministres, pour voir si on n'a pas excédé la décision. Enfin, c'est plutôt un travail de nature politico-juridique alors que le travail des affaires législatives, c'est de voir essentiellement à ce que j'appellerais, disons la cuisine, ou la plomberie ou la technique juridique pour ce qui est de l'élaboration des lois et de contrôle de la légalité des projets de règlement.

Mais évidemment, le Conseil exécutif et le ministère travaillent en étroite collaboration.

M. Forget: II y a des études à caractère général qui ont été préparées et il y en a une en particulier, dont l'auteur est Me Léo Ducharme, qui porte sur... Enfin, le titre est "Etude juridique relative au partage de contenu entre lois et règlements" $14 500. Est-ce qu'il serait possible d'obtenir une copie de cette étude?

Je ne vous cacherai rien, c'est un sujet qui m'interresse et j'aimerais bien voir qu'est-ce qu'un juriste, qui s'est penché là-dessus, pourrait nous donner comme avis juridique.

M. Bédard: Nous avons confié une étude à Patrice Garant sur cette question. Léo Ducharme, c'est sur le secret professionnel, alors que Patrice Garant...

M. Forget: Oui, il y a un problème de ligne, là. D'accord.

M. Bédard: Nous allons recevoir un rapport d'étape, ce mois-ci, venant du laboratoire de justice administrative de l'Université Laval et l'objet du mandat est de voir dans quelle mesure on pourrait élaborer des critères qui permettent de répartir, fonctionnellement et suivant les principes juridiques, ce que doit contenir une législation par rapport à une réglementation, de façon, à plus ou moins long terme, de faire en sorte que les projets de règlements ne contiennent que des questions accessoires ou de mise en exécution de la loi et éviter que l'on retrouve, par exemple, des questions de droit substantiel dans la réglementation.

M. Forget: Je vois. Est-ce qu'on pourrait demander au ministre de la Justice, lorsque cette étude paraîtra — même le rapport d'étape, étant bien entendu que le rapport d'étape est un rapport d'étape — qu'elle soit communiquée aux parlementaires ou au moins aux membres de la commission de la justice, étant donné que c'est un sujet qui intéresse, dans leur travail de législateurs, les députés au plus haut point.

M. Bédard: II n'y a rien de confidentiel là-dedans, ça me fera plaisir de donner suite à la demande du député de Saint-Laurent dès que ce sera possible.

M. Forget: C'est ça, c'est une étude de principes juridiques. Je vous remercie.

Le Président (M. Laberge): Autres questions?

M. Forget: Oui, je pense que ce sera une dernière question, M. le Président, justement au sujet des pouvoirs réglementaires. Le ministre avait fait état — l'an dernier, si ma mémoire est bonne, lors de l'étude des crédits ou peut-être que cela a été mentionné dans le discours inaugural, j'ai des compilations quelque part, mais je ne les ai pas apportées avec moi — de la volonté d'introduire une loi sur la législation déléguée. Est-ce qu'on a fait des progrès dans la préparation d'un texte comme celui-là? Est-ce qu'on est à pied d'oeuvre?

M. Bédard: Selon ce qu'on me dit, tel que je l'avais demandé, il y a beaucoup de travail qui a été fait là-dessus. Nous ne sommes pas encore, au moment où l'on se parle, en mesure de déboucher sur une solution précise. Le travail se continue parce que c'est effectivement une de nos préoccupations. Maintenant, il y a l'équilibre à trouver entre le contrôle parlementaire et les besoins de l'administration, et ce dilemme n'est pas résolu encore.

M. Forget: D'accord. Alors, ça demeure à l'agenda, mais ce n'est pas pour tout de suite parce qu'il y a des problèmes à trancher. D'accord, alors ça m'éclaire, M. le Président.

Il y aurait peut-être une remarque générale que je pourrais faire; elle peut susciter une réaction. Je ne la fais pas de façon agressive, même si j'ai parfois été assez virulent sur le sujet ou devant certains projets de loi. Ce n'est pas un reproche à ceux qui essaient d'instaurer une tradition d'excellence et de professionnalisme là-dedans, mais j'espère que cette préoccupation est partagée par le ministère de la Justice et, sans parler du contenu, il y a des choix politiques — on a des débats là-dessus — mais il reste que la rédaction même des lois est loin de me satisfaire et plusieurs de mes collègues partagent cette opinion. Il y a des incohérences, il y a des changements subits de style qu'on ne s'explique pas, il y a un certain nombre de règles qui... La démarcation entre le contenu et le contenant est évidemment difficile à faire, même sur les clauses de style ou les clauses techniques que l'on retrouve dans tous les projets de loi, quand on regarde, par exemple, les projets de loi sur les sociétés d'Etat, les pouvoirs, les structures, les conseils d'administration, etc., on a tout à coup un projet de loi qui représente une démarcation ou un changement par rapport au

passé. Evidemment, lorsque l'on étudie la création d'une société d'Etat, c'est bien secondaire par rapport à l'objectif visé par le gouvernement, donc le débat a tendance à ne pas porter là-dessus. (15 h 45)

II reste qu'on a l'impression de s'engager parfois dans des avenues qui ne sont pas expliquées, dont les implications sont inconnues. Il me semble qu'il y aurait un besoin de mettre de l'ordre dans les orientations légalistes ou administratives, ou un mariage des deux, qui président à la rédaction d'un certain nombre de clauses techniques de plusieurs projets de loi qui reviennent tout le temps et qui sont réglées de façon un peu désordonnée. Evidemment, on peut dire: On a changé parce qu'on pensait que c'était mieux, sauf que, comme justement ce n'est pas débattu, ce n'est pas très clair, à savoir si c'est mieux ou pas ou s'il y a des gens, sous le couvert d'une décision technique, ont pris des options qui sont peut-être autres que techniques.

Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de songer à ça et voir si on ne peut pas produire un travail qui soit débattu à l'Assemblée nationale, une espèce — comment dire — pas un code de rédaction des lois, mais une espèce de mémento ou de guide permettant de voir qu'il y a un certain esprit de système dans tout ça, qu'on sait ce qu'on fait et qu'on sait pourquoi on le fait surtout? Il me semble qu'il y a un grand besoin. Il pourrait sûrement y avoir une commission parlementaire qui se penche là-dessus. Je ne veux pas entrer dans toutes sortes d'hypothèses, mais il m'en vient plusieurs à l'esprit. Il me semble qu'il y a un besoin de plus en plus grand.

Il y a eu dans le passé, dans la rédaction des lois, des personnalités extrêmement fortes qui étaient des institutions à elles seules et qui ont, pendant qu'elles étaient là, assuré la cohérence et la continuité. Mais il reste que, quand ça devient une institution comme un service ou une direction générale, on ne peut pas se fier que ça va être dans l'esprit de quelqu'un et, qu'il va transporter ça avec lui en allant manger. Il faut que ce soit un petit peu plus formalisé. Il me semble qu'il y a un grand besoin que la direction générale, éventuellement, fasse des propositions qui soient acheminées par le ministre de la Justice et sur lesquelles il y ait — pas nécessaire de passer une loi — un consensus. Il me semble que ce serait important. C'est une dimension d'activité législative qui a besoin de cet appui technique qui nous fait défaut dans le moment.

M. Bédard: Ceci a été une des préoccupations du ministère de la Justice depuis deux ou trois ans. Nous avons fait un effort marqué pour en arriver à une amélioration des ressources humaines en termes d'experts en loi. Je pense que le député de Saint-Laurent conviendra que c'est un travail à long terme; ce n'est pas facile d'assurer une relève dans ce domaine. C'est peut-être pour ça d'ailleurs que dans le passé l'ensemble de l'institution s'est résumé à une ou deux personnes. C'est justement en étant conscient de cette réalité que nous avons fait des efforts marqués au ministère pour essayer d'avoir une relève chez les légistes et former des experts en législation. A l'heure actuelle, il y a beaucoup de travail qui a été fait. Cela va déboucher sur la publication de manuels de rédaction des lois; ce travail est effectué par le groupe concerné. Nos efforts continuent dans ce sens-là. Il y a toujours possibilité d'améliorer, mais déjà il y en a une. Je pense bien que, le député de Saint-Laurent le soulignait tout à l'heure, il y a encore des carences, mais ça ne mérite sûrement pas les propos virulents tenus à l'endroit de...

M. Forget: Non, mais, enfin, sauf à des moments où on se sent bousculé par de nouvelles rédactions qui nous apparaissent inexplicables. Dans le feu de l'action, on est porté à s'exprimer avec beaucoup de mauvaise humeur. C'est que ça s'ajoute à d'autres dimensions.

Mais s'il y a un manuel de rédaction des lois, on se rend compte qu'on est au point de rencontre du législatif et de l'administratif. Un manuel de rédaction des lois peut, bien sûr, être élaboré sur un plan purement technique, mais il me semble que ça ne devrait pas être considéré comme un instrument de travail opérationnel avant qu'il y ait eu une certaine consultation pour qu'on soit bien sûr qu'il n'y a pas d'hypothèses sous-jacentes à certains choix techniques qui représentent des options politiques — je ne veux pas dire partisanes — des choix au point de vue de la structure, par exemple.

L'exemple que j'ai donné, je pense, est excellent au point de vue de la structure de régie des sociétés d'Etat. On peut bien dire: On va tous les faire sur un même modèle parce que c'est cohérent, c'est élégant, etc., sauf que cela peut aussi exprimer une certaine conception du rôle des sociétés d'Etat et de leur rôle face au gouvernement, face à l'exécutif. Je pense qu'il y a des choses sur lesquelles des consultations seraient peut-être appropriées.

M. Bédard: Juste pour compléter. En fait, on a développé énormément le nombre de postes à la fois en recherche et en législation au ministère de la Justice pour préparer la relève. On a également eu comme préoccupation de préparer, non pas un manuel dans un instantané, tout fait, un livre de recettes, mais cela va plutôt prendre la forme d'un bulletin qui va être public, qui va circuler et qui va être évolutif — peut-être mensuel, à tous les deux mois ou à tous les trois mois, une fois que cela va démarrer — sur des principes de rédaction, dans l'optique justement où l'on veut avoir des légistes dans les ministères, dans nos contentieux, pour développer l'habilité à ce niveau et aussi, bien sûr, au niveau de la direction législative, et pour avoir la cohérence qu'on pouvait avoir avec une seule ou deux personnes dans l'ancien système qui n'est plus tenable aujourd'hui à cause du volume des lois et des circonstances.

Cela va plutôt être un document perfectible, évidemment, mais évolutif constamment et qui ne

sera pas un document purement interne, mais ce sera vraiment une publication dans laquelle quiconque pourra apporter des considérations, des remarques et des commentaires pour améliorer le standard dans ce secteur. Le premier numéro devrait sortir au mois d'octobre.

M. Forget: J'espère qu'il sera distribué d'office aux parlementaires ou au moins aux membres de la commission de la justice.

M. Bédard: Absolument.

M. Forget: Je n'ai pas d'autres commentaires, mais je pense que mon collègue en a.

M. Marx: Je veux seulement revenir sur le problème des jurys. L'information que vous m'avez donnée est peut-être exacte, mais je ne veux pas faire de débat juridique, je n'ai pas mon mémoire ici et je n'ai pas mes notes de cours et les autres n'ont pas toutes les recherches devant eux non plus. Je pense que le problème autrefois, c'était que Caughnawaga n'était pas une municipalité et qu'elle n'était pas touchée par les amendements à la loi. Je pense que le problème existe actuellement et que le ministre doit prendre des actions pour corriger la situation.

A la section VI, c'est écrit: "Dispositions spéciales pour les territoires d'Abitibi, de Mistassini et du Nouveau-Québec dans le district judiciaire d'Abitibi"; et à l'article 42: "Pour préparer la liste des jurys et pour former les tableaux, le shérif peut utiliser la liste de bande confectionnée selon la Loi sur les Indiens ou le registre de la population du ministère des Affaires sociales." Donc, si on veut que la réserve de Caughnawaga soit soumise aux dispositions de l'article 42, ce serait une façon de permettre aux Indiens de la réserve de Caughnawaga d'être membres des jurys.

Je ne veux pas ouvrir un débat parce que les informations que vous m'avez soumises...

M. Bédard: Nous sommes prêts à étudier toutes les possibilités.

M. Marx: ... sont exactes dans le sens que le gouvernement est de bonne foi. Je ne mets pas la bonne foi du gouvernement en cause. Ce que je mets en cause, c'est le fait que le gouvernement n'ait pas pris les mesures nécessaires pour rendre justice aux Indiens de Caughnawaga. Je pense qu'il serait possible de le faire par un petit amendement à la loi. D'accord?

M. Bédard: On ne fera pas un long débat, comme vous l'avez dit. Vous avez évoqué une possibilité et nous allons étudier l'ensemble de la situation pour voir.

M. Marx: De toute façon, je vais vous envoyer une copie de la lettre que j'ai reçue en 1976 parce que cela pourrait vous aider.

M. Bédard: Et vos lettres de rappel aussi.

M. Marx: Les lettres de rappel, oui. Je trouve, M. le ministre, que quand je vous fais des rappels en Chambre, cela n'aide pas, mais quand j'écris des lettres, ça aide un peu.

M. Bédard: Oui, mais vous avez toujours...

M. Marx: Ce qui aide le plus, c'est de tenir des commissions parlementaires.

M. Bédard: Vous avez toujours des problèmes compliqués.

Le Président (M. Laberge): Sur ce, le programme 11 étant complété, est-ce qu'il sera adopté?

M. Forget: II est adopté.

Contentieux criminel

Le Président (M. Laberge): Le programme 11 est adopté. Programme 12, Contentieux criminel. Y a-t-il des questions?

M. Bédard: ... Programme 12. Une seconde, s'il vous plaît!

Le Président (M. Laberge): L'application du Code criminel.

M. Bédard: ... parvenir l'essentiel des remarques de l'Opposition. Je ne sais pas s'il y a des questions particulières à poser sur ce chapitre?

M. Forget: Non. Très peu de questions, M. le Président. Une seule question. On a beaucoup débattu des délais devant les tribunaux, mais, dans l'administration de la justice, il y a beaucoup de sortes de délais, comme dans d'autres domaines. Il y a aussi les délais qui sont propres au fonctionnement du contentieux criminel. On peut découper cette tarte de bien des façons, évidemment. Vous avez peut-être une façon de le faire qui vous est plus familière, mais, entre le moment où une offense criminelle est connue des autorités policières et le moment où l'enquête policière est terminée, il y a un premier délai — on n'en parlera pas pour l'instant, ce n'est pas pertinent à ce programme — mais, entre le moment où l'enquête policière est terminée et la cause portée devant les tribunaux par une mise en accusation, un autre geste déterminant... Est-ce qu'on a des données sur le délai moyen ou les catégories, etc.... Est-ce que de ce côté on a une évolution historique satisfaisante ou est-ce qu'au contraire cela se détériore? Où en est-on de ce côté?

M. Bédard: Entre le moment où l'enquête est terminée et le moment où on porte une accusation, il n'y a pas d'étude au ministère qui nous permette de vous donner une réponse précise. Chaque cas est un peu particulier. Dans certains cas, lorsque l'enquête est terminée, il peut y avoir une demande de complément d'enquête. A ce

moment-là, cela peut retarder. Les dossiers de fraudes économiques, c'est beaucoup plus long. Il est bien difficile, pour le passé comme pour maintenant, de faire une évaluation des délais qui existent entre le moment où une enquête est terminée et le moment où on porte l'accusation. Je pense que la pratique générale, c'est de le faire avec le plus de célérité possible.

Il serait bon de souligner qu'on a 185 procureurs de la couronne permanents, à temps plein. Ce sont les seuls que nous ayons, il n'y en a pas à temps partiel dans ce domaine-là. Il y a des occasionnels qui n'ont pas de poste encore permanent au sens de la loi. Ils travaillent à temps plein. En 1976, on en avait 104. Il y a donc eu une augmentation très importante et un effort très important a été consenti au ministère en termes d'effectif de la couronne. Là-dessus, il y a un bloc qu'il faut détacher. On a eu 22 postes lorsque les procureurs se sont mis à plaider les causes pénales dans la réforme qui a eu lieu au début de 1977, mais, au-delà de cela, cela donne quand même une augmentation très substantielle d'une soixantaine de procureurs de la couronne depuis trois ans et demi, quatre ans, par rapport au volume de causes qu'il y a dans le secteur. Sur le plan de la célérité, il y a eu un effort très important qui porte sur l'effectif du ministère de la Justice depuis trois ans. Il est vrai qu'il y a eu de nouvelles responsabilités comme la délinquance devant le Tribunal de la jeunesse qui est prise en charge par la couronne pour laquelle on a eu 9 postes; pour la drogue, les stupéfiants, on a eu 5 postes, pour prendre les causes en provenance de la SPCUM depuis le 1er avril. Malgré tout, il y a eu une augmentation sensible dans tous les districts et en particulier à Montréal. Aux sessions de la paix, on a mentionné hier que les délais avaient diminué à Montréal de façon très importante depuis quelques mois, entre autres pour les causes statutaires purement pénales. (16 heures)

Le Président (M. Laberge): Cela répond à...

M. Forget: Non, M. le Président. Ces 185 personnes, ce sont seulement les procureurs, il y a aussi le personnel de soutien. C'est une grosse opération. En soi, il y a un problème de gestion des ressources. Oublions que l'on parle de la justice; on a une somme considérable qui se chiffre à quelques millions de dollars, au-delà de $10 000 000. Le ministère administre $10 000 000, administre dans le fond deux cents professionnels bien rémunérés, et il y a des choses qui se font tous les ans comme la notation du personnel. S'il n'y a aucun système de gestion de ces ressources, s'il n'y a aucune façon de mesurer la performance des uns par rapport aux autres, si on ne tient pas compte du fait qu'un procureur peut mettre trois mois là où un autre procureur met six semaines, j'imagine qu'ils n'ont pas la même notation. S'il y avait douze procureurs, on pourrait me dire: Le supérieur hiérarchique connaît tout le monde tellement bien qu'il n'y a pas de problème. Il sait vraiment que Pierre est bon et Paul mauvais, que

Jacques est paresseux, que Jean-Yves a des problèmes familiaux, qu'il a divorcé cette année et qu'alors il a eu des difficultés dans son emploi. Avec douze personnes, ça va assez bien, on n'a pas trop de problèmes, c'est une entreprise familiale. Mais avec 185 procureurs, s'il n'y a pas de système de gestion... On met un tas de ressources et je ne sais pas comment on peut justifier au Conseil du trésor d'en engager cinq autres, si on ne sait pas si les délais se prolongent ou raccourcissent. On ne peut pas mesurer quoi que ce soit, parce que la vie est trop compliquée. Moi, je sais bien ce que je dirais aux gens qui me diraient que la vie est trop compliquée: Vous savez, quand la cuisine est trop chaude, on n'est pas cuisinier.

M. Bédard: Ce n'est pas ce que je vous dis.

M. Forget: Mais essentiellement il y a un problème de gestion des ressources humaines. Comment s'y prend-on? Cela me paraît un conseil de désespoir de dire que la vie est trop compliquée.

M. Bédard: D'abord, on ne prend pas l'argument que la vie est trop compliquée; peut-être que l'ensemble...

M. Forget: C'est un peu ce qu'on a dit. M. le ministre, vous m'avez dit: II y a bien des sortes de causes, il y a les causes de stupéfiants, il y a les causes de faillite, ce n'est pas pareil, il n'y a pas deux cas pareils, etc. Sur cette base, c'est un conseil de désespoir, parce que vous ne pouvez faire aucune notation à un procureur s'il vous dit: J'ai eu je ne sais combien de causes, mais c'étaient des causes uniques. Vous ne pouvez pas comparer mes causes aux causes de mon voisin, donc, vous ne pouvez pas me noter, parce que les procureurs aussi sont uniques.

Le but de ma question est de dire: Vous avez un système de gestion de ces choses; je l'ai attaqué par le biais des délais. Au moment où l'enquête policière se termine, la Sûreté du Québec vous arrive avec un dossier et dit: On pense qu'on a là-dedans tout ce qu'il faut pour porter des accusations et vos procureurs regardent ça, etc. Quand même, il y en a des milliers par année. Ça se divise en catégories, il y a les causes de faillite, il y a les causes de stupéfiants maintenant — ça, c'est nouveau, on peut en faire une catégorie nouvelle — il y a les causes de meurtre, etc. Vous en avez de toute catégorie. Vous savez que les causes de faillite, il y en a qui sont un peu plus compliquées et d'autres un peu moins, mais c'est différent des causes de stupéfiants et des causes de délinquance juvénile. Alors, on peut faire des catégories et on peut dire: On va évaluer tout ça, on va pondérer ça et on va dire quelque chose, ne serait-ce que la notation du personnel que vous êtes obligés de faire.

M. Bédard: Si vous nous permettez de vous dire ce qui en est...

M. Forget: Oui, je vous le permets, mais permettez-moi aussi d'exposer mon point de vue, parce que c'est ça la question: Y a-t-il un système de gestion dans votre affaire?

M. Bédard: Sauf que vous concluez avant de poser la question. Vous partez du principe qu'il n'y a que le sous-ministre ou le ministre qui fait l'évaluation du travail des 185 procureurs de la couronne. Ce n'est pas le cas du tout, vous le savez.

M. Forget: Je ne présume rien. Je m'attends que vous ayez des réponses à votre niveau aussi.

M. Bédard: Me laissez-vous terminer? M. Forget: Oui.

M. Bédard: Vous nous parlez de votre exemple; s'il y avait seulement douze procureurs et un procureur chef, ce serait assez facile de faire une évaluation. La vie n'est pas compliquée au point qu'il n'y a pas de structure prévue qui permette de faire l'évaluation du travail et de suivre les différents procureurs dans leur travail.

Entre autres, il y a douze bureaux régionaux au niveau des procureurs de la couronne, il y a 20 procureurs-chefs de la couronne qui sont en mesure, justement, d'évaluer d'une façon efficace le travail de leurs collègues. Il y a toute une structure hiérarchique qui permet cette évaluation. Il y a également un système d'annotation qui est en vigueur.

M. Forget: C'est cela? Vous avez terminé? Supposons que le directeur régional de la direction des affaires criminelles pour Sherbrooke — j'imagine qu'il y en a un dans la région des Cantons de l'Est — arrive au sous-ministre et dit: On est débordé, on ne sait plus où donner de la tête; il nous faut cinq procureurs de plus, autrement oubliez tout cela, on n'arrive pas. Comment savez-vous qu'il a raison et que ce n'est pas simplement de la négligence, de la paresse ou de l'inefficacité? Il faut un système de gestion pour vous permettre de juger, ce n'est pas simplement l'amplitude des cris que chacun va pousser.

M. Bédard: Je vais demander...

M. Forget: C'est cela qu'on demande. Si vous le faites en détail d'une région par rapport à une autre, vous avez donc un tableau d'ensemble qui vous permet de dire: C'est satisfaisant, c'est mieux que l'an dernier, on se fixe des objectifs. On peut avoir des objectifs dans la gestion de ce personnel, ce n'est pas simplement de reproduire le passé, sans heurts. Est-ce que vous cherchez à réduire les délais? Quels sont ces délais? Vous me dites que vous ne savez rien de tout cela; que voulez-vous que je vous dise?

M. Bédard: Je ne vous ai pas dit qu'on ne sait rien de tout cela, c'est vous qui concluez. Je vous ai dit, premièrement, qu'il y avait une structure hiérarchique, qu'il y avait des procureurs-chefs qui permettaient d'évaluer le travail pour donner suite...

M. Forget: Une évaluation comment? Elle porte sur quoi, l'évaluation?

M. Bédard: Permettez-nous...

M. Forget: On en est là, on en est comme...

M. Bédard: Laissez-nous finir!

M. Forget: Ah bon! Je pensais que vous aviez fini tantôt.

M. Bédard: Vous semblez souhaiter qu'on termine avant de donner la réponse pour que vous continuiez dans votre "bag".

M. Forget: Vous dépensez $10 000 000, n'oubliez pas cela; c'est de l'argent!

M. Bédard: Pour essayer de donner une réponse...

M. Forget: II faut que ça produise pour $10 000 000.

M. Bédard: Cela produit également. M. Forget: On ne le sait pas. Combien?

M. Bédard: Attendez! Si vous avez un "speech" à faire, faites-le jusqu'à la fin; après cela, on essaiera de répondre.

M. Forget: Non, d'accord, je vais me retenir, mais je commence à être impatient, je vous l'avoue.

M. Bédard: Imaginez comment on est, nous, avec vos interruptions continuelles! Pour prendre votre exemple et essayer de se comprendre — j'imagine que c'est une réponse que vous voulez obtenir — vous avez parlé du procureur de la couronne de Sherbrooke, par exemple, qui vient voir le sous-ministre et qui fait une demande de procureur additionnel. Je vais prendre votre exemple tel qu'il est et je vais demander au sous-ministre, justement, quelle est sa manière d'évaluer, à partir du moment où un procureur de la couronne d'un district vient le voir et lui fait une demande explicite d'augmentation de personnel. Il y a des vérifications qui peuvent se faire; on ne tient pas pour acquis tout ce que dit un procureur-chef.

Succinctement, c'est évident qu'on a un réseau très professionnalisé de 185 professionnels qui font un boulot technique de professionnel, dans le domaine de la poursuite en droit criminel et pénal. Sur le plan de la qualité du travail qui s'accomplit, on a un réseau dans le territoire, comme il a été mentionné, de douze bureaux

régionaux; le plus gros est à Montréal où on a environ 70 procureurs de la couronne, et c'est coiffé par des procureurs-chefs et des chefs adjoints. A Montréal, il y a un procureur-chef de la couronne — c'est le plus gros district judiciaire criminel du Canada — avec cinq chefs adjoints. Dans les autres districts, il y a habituellement un chef ou un chef adjoint, dépendant de l'ampleur.

Sur le plan de la qualité du travail, c'est sûr qu'on n'évalue pas nos procureurs selon le nombre de causes gagnées ou perdues durant l'année, au plan des poursuites. Ces gens sont suivis par leur supérieur, quotidiennement, ce sont des gens qui sont essentiellement devant le tribunal et qui font un travail de plaidoirie. Pour la façon dont l'annotation se fait, il y a une loi spécifique de substitut du procureur de la couronne, il y a un règlement qui en découle. Le sous-ministre associé pourra détailler la méthode des notations, des systèmes d'appel, etc., sur le plan de la qualité du travail pour fixer les rémunérations.

Sur le plan de la quantité du fardeau de travail, par exemple, on peut mentionner qu'à Montréal, alors qu'il y a peu d'années, on avait peut-être huit ou dix salles d'audience qui fonctionnaient pour le criminel, on en a maintenant 24 et cela se répartit constamment avec le district de Laval, le district de Longueuil.

Le nombre de causes s'est accru énormément. Il y a une pression, d'ailleurs. Hier on discutait des besoins en juges. Il y a une pression importante du côté des sessions de la paix à Montréal pour qu'il y ait un accroissement des juges, parce qu'il est évident que l'accroissement des procureurs de la couronne par rapport au volume a été plus considérable que la contrepartie sur le plan des postes aux sessions de la paix à Montréal. Les causes varient; on ne peut pas avoir de méthodes purement quantitatives. Il est certain qu'il y a des causes aux assises qui peuvent durer des mois, il y en a d'autres qui sont des comparutions et cela va beaucoup plus rapidement. On a des données sur le nombre de dossiers, on se fonde sur certaines normes quantitatives, mais on aborde le même problème que la charge de travail que nous avons discutée hier en ce qui a trait aux juges pour lesquels on ne peut pas se fier aux méthodes quantitatives complètement étanches sur le plan technique. Il y a des facteurs qui varient énormément selon les types de causes et évidemment les plus claires sont dans le domaine des cols blancs, les faillites et fraudes, où on a besoin de comptables. Le nombre de causes par année est fort différent. Dans certains districts aussi il y a des déplacements très importants. Dans le Nord-Ouest, par exemple, les procureurs de la couronne sont obligés d'en faire et on doit tenir compte du temps requis pour effectuer les déplacements et pas uniquement le nombre de causes que ces gens plaident.

Tout cela pour dire que si on a réussi à aller chercher le nombre de postes accru qu'on est allé chercher dans les trois ou quatre dernières années au Conseil du trésor, même avec les contraintes d'effectif, les coupures qu'il y avait, c'est que bien sûr nous avons des dossiers techniques par rapport... Il y a une concurrence très forte à ce niveau non seulement à l'intérieur du ministère, qui est considérable en termes d'effectif, mais à l'intérieur de l'administration publique.

Succinctement, il est certain que les procureurs de la couronne font un travail de présence. Il y a une vérification plus mécanique qu'on peut faire parce qu'ils sont devant les tribunaux constamment et qu'ils sont fort peu dans leur bureau, la porte fermée, comme on peut le voir du côté des contentieux civils.

Sur ce plan, il y a une visibilité qui est plus grande de l'utilisation du temps des procureurs. C'est à peu près ce que je peux mentionner à ce moment-ci. Il est bien sûr que nous sommes encore à essayer de développer des méthodes plus sophistiquées, plus techniques pour appuyer plus fermement encore nos dossiers au Conseil du trésor. Il y a des comparaisons, évidemment, que le Conseil du trésor dans ce secteur comme ailleurs nous force à faire, et avec raison, avec les autres provinces canadiennes sur le plan des besoins et de l'effectif requis pour y satisfaire. Là encore je pense qu'on a suffisamment de données dans un domaine qui n'est pas mathématique, mécanique, pour faire en sorte que le travail s'accomplisse dans les meilleurs délais.

C'est sûr qu'il y a encore des délais. Entre autres, nous sommes conscients que dans le secteur du crime économique il y a des difficultés à raccourcir les délais des enquêtes et des évaluations qui sont faites par le service des faillites et fraudes. On parle de $10 000 000; il y a environ $1 000 000 pour le service des faillites et fraudes et le reste pour le contentieux criminel.

Peut-être que le sous-ministre a terminé?

J'ajouterais, pour donner une autre dimension aux explications que le sous-ministre vient de vous donner, qu'il est très difficile de faire une analyse complète à travers tout le Québec parce qu'en matière criminelle cela varie énormément d'une région à l'autre. Il est bien évident qu'à Montréal les causes sont en général beaucoup plus longues et beaucoup plus compliquées. C'est pour cela que le sous-ministre soulignait tantôt que le nombre de causes est un facteur important mais n'est pas le seul parce que forcément dans des districts, comme la Beauce ou l'Abitibi, vous pouvez avoir 1000,1500 ou 2000 causes, mais s'il y en a 80% ou 90% qui ne sont que des infractions sommaires ou des facultés affaiblies, évidemment, cela se plaide beaucoup plus facilement que des vols à main armée, des vols par effraction ou des crimes.

Alors, suivant les régions, nous devons tenir compte de ce facteur qui, à mon sens, est très important, c'est bien sûr le facteur de la distance, en particulier pour le district de Mingan et de l'Abitibi parce que souvent un procureur peut prendre trois jours pour plaider une cause: une journée pour y aller, une journée pour la plaidoirie et une journée pour revenir. C'est un système qui est à la fois simple et compliqué, je dirais, suivant les régions.

M. Forget: J'imagine que là-dedans, comme dans à peu près n'importe quoi, à peu près 80% de vos activités sont à Montréal ou à Québec. J'imagine? Pas loin? (16 h 15)

M. Bédard: 80%, c'est peut-être un peu fort. En nombre de procureurs de la couronne, on en a une vingtaine à Québec et 70 à Montréal. Donc, on a 90 procureurs de la couronne dans les deux districts.

M. Forget: Même si on mettait de côté tous les autres districts, le problème de gestion se pose, dans le fond, à Montréal et à Québec.

M. Bédard: Là encore, je pense qu'il ne faut pas se rattacher uniquement au nombre de causes qui sont plaidées à tous les jours avec les sessions de la paix. Il y a beaucoup d'autres facteurs...

M. Forget: Je ne sais pas qui a parlé de cela, je n'en ai jamais parlé.

M. Bédard: Je comprends, mais quand on parle de salles d'audience en activité...

M. Forget: Cela, ça ne m'intéresserait pas en soi si vous m'en parliez.

M. Bédard: D'accord.

M. Forget: Vous avez mentionné certains cas, mais j'imagine que pour un vol à main armée, à Montréal et à Québec, c'est à peu près toujours pareil.

M. Bédard: D'accord.

M. Forget: Ce n'est pas parce que c'est à Montréal ou à Québec qu'il va y avoir de grosses différences au point de vue de la difficulté de la cause.

M. Bédard: Cela varie sur les fautes.

M. Forget: Ce qui me frappe dans tout ce que vous dites — tant que ça va, ça va bien — c'est quand on dit: On ne peut pas avoir des données purement quantitatives. Je pense que le soulier est plutôt sur l'autre pied.

M. Bédard: On ne peut se fonder sur des données purement quantitatives.

M. Forget: On ne peut pas non plus avoir une évaluation qui est purement qualitative. Ce qu'on nous a donné cet après-midi, c'est une évaluation purement qualitative. Une évaluation purement qualitative, ça ne peut pas non plus faire une très grande démonstration de quoi que ce soit, sauf pour ceux qui ont porté des jugements de qualité. Je pense qu'on a besoin de pouvoir marcher avec les deux souliers, sur les deux pieds; dans le moment, on ne marche que sur un pied, on va peut- être marcher moins bien. Il me semble qu'il devrait y avoir là aussi un effort de gestion. Quand on tombe dans un budget de $10 000 000, ce n'est pas comme un bureau privé où il y a quatre personnes qui, en plus de cela, sont des associés et ont des intérêts à ce que ça fonctionne bien. Là, on est dans une administration publique, $10 000 000, 185 professionnels. Cela suppose qu'il n'y a pas seulement des professionnels qui s'entendent entre eux, que tous sont de bons gars et font de gros efforts, mais qu'il y a peut-être un "input" sur le plan de la gestion qui aide à fixer des objectifs pour qu'on ne se fasse pas l'illusion que parce qu'on est des bons gars qui font leur possible, on a nécessairement de bons résultats et qu'on maintient de bons résultats année après année. Je pense que cela demeure une question ouverte. D'après les réponses qu'on a eues, il semble que sur le plan de la gestion, le ministère de la Justice ne donne pas le spectacle d'une activité professionnelle.

M. Bédard: M. le Président...

M. Forget: J'ai écouté sagement, vous ne m'interromprez pas juste après la première phrase.

M. Bédard: Je croyais que vous aviez terminé, allez-y.

M. Forget: Je n'ai pas terminé parce que je veux quand même insister sur le fait que dès qu'on pose des questions qui dépassent le moindrement l'amateurisme le plus simpliste sur le plan de la gestion, ou qu'on dit: Est-ce que vous avez des objectifs? Où en êtes-vous? Des choses aussi simples que des délais — s'il y a autre chose, on serait bien prêt à prendre autre chose — mais quelque chose qui nous donne l'impression que vous prenez la mesure de votre problème sur le plan de la gestion, et pas seulement sur le plan de la gestion professionnelle, à savoir si un procureur a oublié de vérifier telle et telle chose avant de se présenter devant un tribunal, est-ce qu'il a monté son dossier convenablement. C'est l'aspect qualitatif professionnel, d'accord. C'est une préoccupation qui semble dominer.

L'aspect professionnel de gestion d'une ressource de $10 000 000 semble complètement absente. Je ne m'en soucierais pas plus qu'il faut si on sentait que l'intention est là, la préoccupation est là, la compréhension du problème est là. Après les réponses que j'ai entendues, je suis plus inquiet qu'au départ parce qu'on sent de la résistance, on sent une grande résistance à l'idée qu'on pourrait se fixer des objectifs et se surveiller sur le plan de la gestion des ressources. Cela me semble être une pensée obscène pour le ministère. On a posé la question relativement aux tribunaux; il y a eu énormément de résistance à admettre qu'il y avait là un problème et qu'on pouvait l'attaquer systématiquement. Aucune indication, absolument aucune, ne nous a été donnée à ce moment-là disant qu'on s'en préoccupait, pas

la moindre esquisse d'un plan d'attaque là-dessus ou d'une préoccupation ou d'une demande de consultation relativement à ces questions. Quand on arrive devant un autre problème — j'ai pris celui-là au hasard, j'aurais pu en prendre un autre — c'est le même amateurisme. Quand on administre $10 000 000 — je dis $10 000 000, mais le budget du ministère est de $450 000 000, c'est beaucoup plus large comme problème — on doit présumément voir que la même attitude un peu légère prévaut en arrière...

Je serais le plus heureux au monde de pouvoir dire: Ah non, ce n'est pas vrai. Mais, il faut bien que le ministre réalise que, dans aucune des réponses qu'il m'a données, il ne m'a donné le moindre indice sérieux et documenté autrement que par des protestations. Bien non, tous les gens sont gentils, ils essaient fort et tout cela, et on se rencontre, et on se parle, on se regarde et on s'évalue, et on se trouve bon, etc. Voyons donc. Vous pensez que vous pouvez vous présenter devant le public et réclamer de l'argent en disant avoir besoin de crédits de $450 000 000 juste comme cela. C'est presque scandaleux mais je ne veux pas utiliser ce mot-là parce qu'on penserait que je veux faire des grands plats; je ne veux pas faire un grand plat avec cela. Mais c'est une mentalité d'administration publique qui est absolument inacceptable en 1980. Je ne sais pas si on se rend compte de cela, c'est tenir pour acquis que le cochon de contribuable est là pour payer et qu'on n'a pas besoin de justifier d'aucune façon la manière dont on dépense l'argent. Pourvu que les gens fassent leur travail honnêtement mais dans le sens artisanal du mot, qu'ils aient mis leurs papiers aux bons endroits, ils ont fait un travail correct sur le plan professionnel.

Je veux bien croire, mais l'enfer est pavé de bonnes intentions là-dessus comme sur autre chose, et on ne donne aucune démonstration d'une volonté de régler un problème de gestion. Par exemple, on nous dit: On a doublé le nombre des procureurs. J'en suis fort aise. Mais c'est à peu près le seul chiffre qu'on nous a cité. On a doublé les ressources. Formidable! Pour cela, les ressources, on a toujours les chiffres là-dessus, parce que, malheureusement, cela se traduit en terme de têtes de pipe et d'argent. Il faut bien en parler, qu'on mette les principes de côté et on dit qu'on va parler de chiffres. Il faut bien. Là, on est forcé, parce qu'il y a un chèque au bout.

Mais, quand il s'agit de démontrer ce qu'on fait avec cela, est-ce qu'il y a deux fois plus de causes qu'avant ou, est-ce qu'avec le même nombre de causes les délais sont réduits de moitié? On pousse l'ironie jusqu'à nous dire: Bien, vous savez il y a des causes de faillite et il y a des causes de convictions sommaires, poursuites de convictions sommaires, de culpabilité, etc., ce n'est pas pareil. Bien oui, on savait cela avant d'entrer ici. Mais il y a des moyens de tenir compte de cela et on n'en tient pas compte. Si on avait à prendre un vrai vote sur les crédits, M. le Président, et de juger si oui ou non on a besoin de cet argent-là, ma conviction intime, c'est qu'on n'a pas fait la démonstration qu'on a besoin de cet argent-là, ma conviction intime, c'est qu'on n'a pas fait la démonstration qu'on a besoin de cet argent. C'est un test beaucoup trop facile, et, évidemment, si on veut prendre la commission parlementaire comme une occasion "just go through the move motion" comme on dit en anglais: juste faire semblant de défendre des crédits, bien, c'est cela qu'on a fait. On a fait semblant de défendre des crédits, c'est tout. Pas un document. Evidemment des frais, un quatre pages pour $10 000 000. Ce n'est pas cher à ce prix-là. Ce n'est vraiment pas cher à ce prix-là.

M. Bédard: C'est quatre fois plus que ce qu'on avait, nous, quand on avait à faire les crédits dans l'Opposition.

M. Forget: Oui, oui, c'est cela. Alors, c'est pour cela que vous avez été élus, c'est pour faire mieux.

M. Bédard: Oui, bien on fait mieux, quatre fois mieux, pour commencer.

M. Forget: Vous n'avez jamais eu quatre pages d'explications sur les crédits du ministère de la Justice.

M. Bédard: Absolument pas, on n'en avait aucune explication. Il fallait creuser, ce n'est pas fini.

M. Forget: Vous aurez probablement 400 ans avant de produire quelque chose qui va satisfaire vraiment...

M. Bédard: On n'avait pas un seul mot, il fallait poser les questions et les trouver.

M. Forget: M. le ministre, je note que vous êtes là depuis trois ans et demi. Vous avez doublé les ressources dans un secteur et vous vous vantez d'avoir doublé les ressources sans pouvoir dire que vous avez doublé le produit final. Alors, c'est cela qu'on vous demande. Avez-vous un résultat qui est proportionnel aux efforts accrus que le contribuable fait en étant confiant que vous les utilisez à bon escient? Tout ce que vous nous dites, c'est qu'il faut continuer à vous faire confiance, non seulement pour vous donner les ressources mais pour penser que vous faites tout ce qu'il est possible de faire avec.

M. Bédard: Encore une fois, vous y allez d'un jugement global, sans...

M. Forget: Bien, je n'ai pas autre chose...

M. Bédard: ... aucune distinction.

M. Forget: ... pour porter un jugement.

M. Bédard: Je sais que vous n'avez pas autre chose à dire et c'est ce que vous dites partout.

M. Forget: Je n'ai pas autre chose pour porter un jugement que les choses globales; je n'ai rien à me mettre sous la dent.

M. Bédard: Et, avant même qu'on donne des explications, c'est ce que vous êtes intéressé à dire à tous les programmes, mais cela, c'est votre travail.

M. Forget: Ah non, si on le disait à tous les programmes, ce serait bien plus long que cela.

M. Bédard: ... et je respecte. Sauf que, quand vous dites que nous nous sommes bornés à dire qu'il y avait eu une augmentation de l'effectif, sans donner d'autres explications...

M. Forget: Ce sont les moyens, cela.

M. Bédard: ... vous êtes complètement dans l'erreur, puisque nous avons été à même de dire d'une part que les délais ont été réduits au niveau des affaires criminelles.

M. Forget: De combien?

M. Bédard: Nous vous avons dit, et vous l'avez déjà oublié...

M. Forget: De combien?

M. Bédard: Vous l'avez... Cela a passé, à Montréal, de huit ou neuf mois à deux ou trois mois.

M. Forget: C'est immense là. C'est la seule indication...

M. Bédard: Ce n'est pas seulement immense, c'est fantastique comme résultat.

M. Forget: ... concrète qu'on a eue, après vingt minutes.

Une Voix: II faudrait que vous...

M. Bédard: Ecoutez, ça fait dix minutes qu'on vous écoute parler et condamner; alors, on attend avant de donner les explications.

M. Forget: Si vous avez ce genre d'objectif et d'évaluation de ce que vous avez réussi à faire, qu'on nous communique un document qu'on puisse en prendre connaissance, on va sauver toute cette argumentation.

M. Bédard: Vous êtes rendu que vous ne voulez même pas entendre l'argumentation!

M. Godin: ... M. le Président, ça a été dit hier.

M. Bédard: Non seulement nous avons réduit les délais d'une façon exceptionnelle — on vient de le mentionner tout à l'heure — dans certains cas ça va de huit à neuf mois à deux ou trois mois...

M. Forget: Bravo! Vous voyez, quand vous donnez des chiffres, on vous félicite!

M. Bédard: C'est quand même fantastique. Non, mais vous ne tenez absolument pas compte des explications qu'on vous a données, vous continuez à simplement nous interrompre. Prenez une explication qu'on a donnée tout à l'heure, à savoir l'augmentation; ce n'est pas une augmentation qui s'est faite comme ça, à peu près, parce que ça faisait plaisir. C'est parce qu'il y a eu une augmentation de volume aussi: tout ce qui est du pénal et qui maintenant est plaidé par les procureurs de la couronne, les stupéfiants, domaine plaidé par les procureurs de la couronne, protection de la jeunesse également où le volume des activités contribue à augmenter. D'ailleurs, quand on parle du pénal, non seulement le volume d'activité a augmenté, mais le fait que ce soit maintenant la couronne qui plaide ces causes a généré une épargne de près de $1 000 000 cette année, simplement sous ce chef.

Je le dis, je pense, pour la troisième fois, ce ne sont pas des explications nouvelles, mais le député de Saint-Laurent semble vouloir qu'on lui rafraîchisse la mémoire.

Lorsque nous allons devant le Conseil du trésor, nous n'y allons pas seulement avec des bonnes intentions, nous avons des données quantitatives qui ne sont pas parfaites, nous avons des justifications à faire devant le Conseil du trésor à partir de l'évaluation que nous faisons au niveau de l'ensemble du réseau, et le Conseil du trésor n'est pas intéressé à donner quelque poste additionnel que ce soit, surtout dans une période de restriction, simplement pour les beaux yeux ou les bonnes manières qu'un ministre ou qu'un sous-ministre peut avoir devant le Conseil du trésor. Il faut des justifications; c'est ce que nous nous sommes employés à faire.

Vous avez mentionné, tout à l'heure, pour porter votre jugement, que nous n'avions que des données qualitatives, que dans ce domaine c'était pas mal, mais que, du point de vue quantitatif, nous n'en avions pas. Au contraire, nous en avons également des données quantitives, nous essayons de concilier ces deux bases qui sont nécessaires, mais pas toujours faciles à concilier. Nous n'avons aucune réticence à reconnaître qu'il peut y avoir des problèmes, d'ailleurs il va continuer toujours d'y en avoir au niveau de l'évaluation et de la possibilité de concilier, au niveau de l'administration, d'une part, le leadership professionnel qui est nécessaire dans ce domaine avec une gestion qui doit être rationnelle également.

Alors, pour tous ces facteurs, nous n'avons absolument aucune réticence, comme l'a laissé entendre le député de Saint-Laurent, non seulement à reconnaître un problème, mais nous n'avons non plus aucune réticence à dire qu'il y a eu une grande amélioration qui s'est faite, pas seulement au niveau des délais, mais au niveau de l'augmentation des tâches et de l'efficacité de l'ensemble du système de la structure des procureurs de la couronne.

Le Président (M. Laberge): Le programme 12 sera-t-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté. Programme 13 qui concerne la coordination des activités de la sécurité publique. Il y a trois éléments. Est-ce que ce programme 13 demande des explications ou s'il sera adopté?

M. Forget: Oui, adopté.

Le Président (M. Laberge): Adopté.

M. Forget: II ne nous reste qu'une demi-heure, M. le Président, on va entendre la Sûreté du Québec.

M. Bédard: Pour le programme 13, nous avions, ici, avec nous, le sous-ministre de...

Le Président (M. Laberge): Le programme 13 est adopté, le programme 14 l'est déjà.

Sûreté du Québec

Programme 15, Sûreté du Québec. M. le ministre.

M. Bédard: Nous avons quand même présentes, ici, des personnes de ces secteurs d'activité. (16 h 30)

Est-ce que le député de Saint-Laurent veut adopter également aussi rapidement — je ne sais pas son intention — les programmes 16 et 17, de manière que nous terminions avec la Sûreté du Québec?

M. Forget: Oui.

Le Président (M. Laberge): Au programme 16, il y a Protection civile et au programme 17, il y a Indemnisation des victimes d'actes criminels.

M. Forget: Oui, d'accord.

Le Président (M. Laberge): II n'y a pas de questions sur ces deux-là?

M. Forget: Pas de questions sur ces deux-là.

Le Président (M. Laberge): Programme 16 adopté. Programme 17 adopté. Nous revenons au programme15 pour la discussion: Sûreté du Québec.

M. Bédard: M. le Président, nous distribuerons, d'une part, le rapport d'activités de la Sûreté du Québec — je l'ai fait d'ailleurs à l'Assemblée nationale déjà — et d'autre part, un sommaire des activités en ce qui a trait au taux de criminalité, au taux de solutions, également les différentes catégories de crimes.

Au niveau des ressources humaines, M. le Président, les crédits de ce programme s'établis- sent à $196 264 200, dont $167 638 300 au poste traitements, ce qui représente 85,41% du total du budget. L'effectif permanent de ce programme est de 5575 postes, dont 4535 postes de policiers et 1040 postes de fonctionnaires.

Le poste traitements comprend des crédits de $24 601 700 au chapitre des contributions au Régime de retraite des membres de la Sûreté du Québec. Le poste budgétaire loyers comprend les frais de location de matériel de communication, la location de matériel informatique. Le poste fournitures comprend principalement la fourniture en essence et lubrifiants, en pièces et accessoires, ainsi que l'entretien mineur de la flotte des véhicules automobiles, l'habillement des policiers, la fourniture générale pour le fonctionnement.

Le poste équipement qui est de $6 161 900 représente le coût de remplacement des véhicules automobiles, $5 656 000, et autre équipement spécialisé, $496 900.

Les crédits qui sont prévus au niveau de ce programme passeront de $172 275 900, à $196 264 200, c'est-à-dire une hausse de $23 988 300 ou de 13,9% par rapport au budget de 1979-1980. Cet accroissement des crédits est surtout dû à l'application des conventions collectives, en vigueur et à venir, et également à une augmentation de $5 701 700 au titre de la contribution de l'employeur au Régime de retraite des membres de la Sûreté du Québec. L'augmentation des autres postes budgétaires est tout simplement due à l'indice des prix.

Au niveau des réalisations, j'ai eu l'occasion déjà d'en faire part au début de l'étude des crédits. Plusieurs postes de police ont été mis en construction, plusieurs sont terminés, d'autres...

Est-ce que les députés de l'Opposition voudraient avoir un résumé des...

M. Forget: L'énumération des postes de police en construction? Pas particulièrement. Enfin, cela a l'air bien secondaire.

M. Bédard: En tout cas, dans les constructions... De toute façon, j'ai vu à faire préparer un résumé qui concerne l'ensemble des constructions, celles qui ont été réalisées, celles qui sont en cours, celles qui sont à l'étape des plans et devis au niveau de la construction des postes de la Sûreté du Québec, postes locaux, postes régionaux et également des établissements de détention, des palais de justice.

Il y en a une série qui fait foi, je ne voudrais pas que le député de Saint-Laurent prenne cela pour un pétage de bretelles, mais je pense que c'est très significatif des efforts que nous avons faits pour essayer de réaménager les équipements de ces secteurs pour une meilleure efficacité.

M. Forget: Le ministre va apprendre à me connaître probablement, je ne m'intéresse pas aux moyens, je m'intéresse aux résultats.

M. Bédard: II y a deux pages complètes de résultats.

M. Forget: Je tiens pour acquis qu'il faut que la police ait des postes de police et des véhicules, etc., cela va de soi.

M. Bédard: Ce n'est pas si simple que ça, il en manquait plusieurs avant.

M. Forget: Peut-être, mais c'est de l'ordre des moyens, ça ne m'intéresse pas. Ce qui m'intéresse, c'est d'entendre le directeur nous parler de ses succès dans la prévention et la répression de la criminalité parce que tout ça vise un objectif, nous donner une société plus paisible et plus respectueuse des lois. Comme il a de bonnes nouvelles à nous communiquer on est certainement très intéressé à les entendre.

M. Bédard: D'accord, je demanderais au directeur de la Sûreté du Québec de prendre la parole.

Merci, M. le Président. Brièvement, pour résumer les activités de la Sûreté du Québec, si on parle de performance, nous avons une philosophie de gestion, la gestion par objectif. Donc, au début de l'année, la direction générale fixe les grandes orientations et par la suite ces grandes orientations sont transformées en objectifs. Un des objectifs mesurables l'année dernière a été d'atteindre un taux de solutions de 40% en matière de criminalité. D'autre part, cela a été de maintenir la criminalité au même niveau que les cinq dernières années. Dans le premier cas, sur la solution, cet objectif a été atteint à 40,6%, à savoir une augmentation de 2,1% sur 1978. Par contre, l'objectif de maintenir la hausse de la criminalité au même niveau que les cinq dernières années a été manqué, à savoir que nous avons eu 18,3% d'augmentation par rapport à 1978.

Si on prend 1979 comparée à la moyenne des années 74 à 78, l'augmentation se situe à 20,8%. Grosso modo, les attentats contre la personne, 16,3%; les vols qualifiés, 5%; les vols avec effraction, 17,5%; les vols de véhicules automobiles, 9,4%; les vols simples, 19,3%; les crimes économiques, 15,1% et les autres infractions au Code criminel, 36,6%.

Maintenant, nous avons tenté d'analyser les causes et les raisons parce que vraiment comme gestionnaires nous étions insatisfaits du fait que nous avions manqué l'objectif. Il est très important pour la police de réussir tous ses objectifs parce que lorsqu'on les manque on paraît fort mal.

Donc, on a insisté beaucoup sur le rapprochement de la police et du citoyen. On a incité les citoyens à vraiment signaler à la police tout ce qui survient. On attribue cela d'abord au fait que nous avons plus de plaintes; par le passé, il y a certainement beaucoup de plaintes qui ne parvenaient pas à la police. On incite donc le citoyen à nous communiquer tout crime commis.

L'application accrue par la police de certaines infractions. On a eu une diminution de la présence policière. Point n'est besoin de vous dire que la patrouille jumelée que nous avons implantée en 1977 a créé des remous, nous venons à peine de compléter l'opération, à la suite de... On avait demandé à ce moment-là, tel que je l'ai cité dans le rapport annuel, 270 postes, on nous en a accordé 210. Donc, grosso modo, actuellement la situation est en train de se stabiliser.

Par contre, la criminalité n'est pas seulement un problème de police à mon avis. Il y a actuellement une hausse de la criminalité au Canada et aux Etats-Unis qui se situe à peu près au même niveau que celui que je viens de vous citer.

Si on reporte au continent européen, en France, la Gendarmerie nationale française, qui a un rôle à peu près similaire à la Sûreté du Québec, sauf qu'elle ne s'occupe pas de la spécialisation, notait dans son dernier rapport annuel une augmentation de 13%... l'Allemagne et l'Angleterre. Donc, il y a des causes dont les variables, à mon avis, échappent à la police. Il y a aussi une recrudescence des vols avec effraction dans les domiciles. Si on regarde tous les jours dans les journaux, dans les media, on annonce l'achat de bijoux, d'or, de pièces de monnaie, etc. Donc, on s'est aperçu que fréquemment on commettait des effractions dans les domiciles et que cela n'avait qu'un seul but, parfois un téléviseur couleur parce que ça peut bien s'écouler sur le marché, mais surtout des bijoux. Donc on a eu, si vous regardez les vols avec effraction, 17,5%. Cela nous a vraiment fait mal.

Est-ce que vous désirez que je continue en matière de criminalité et de sécurité routière?

M. Forget: J'aurais peut-être quelques questions en matière de criminalité. Il y a eu des opérations, je pense, qui ont été lancées par la Sûreté du Québec, l'opération de l'identification des biens, parce qu'il semble y avoir un déplacement de la criminalité vers les crimes contre la personne, mais je n'en suis pas sûr en entendant vos dernières remarques. Est-ce que l'opération d'identification des biens n'a pas eu pour effet de diminuer, de façon générale, les vols par effraction ou même les vols sans effraction dans les domiciles, sauf peut-être pour ce qui est de... A cause de la hausse du prix de l'or et de l'argent récemment et de la récession économique, il y a peut-être une conjoncture qui n'est pas très favorable à cela au moins. Un bracelet en or qui pouvait valoir $200 il y a 10 ans, en vaut maintenant $2000 ou $2500, c'est évident qu'il y a une... C'est facile à écouler. Alors, il y a probablement un problème, mais est-ce que l'opération Volcan est un succès malgré tout, malgré la hausse de certains vols?

M. Bédard: On avait entrepris l'opération Volcan comme moyen de prévention, c'est-à-dire "hardening the target " comme disent les Américains, rendre la perpétration des crimes plus difficile, sauf qu'on n'a pas atteint les buts escomptés. Par contre, ça aide énormément la solution. Le problème que nous rencontrons fréquemment lorsque nous procédons à une enquête, c'est l'identification par le plaignant des choses qui lui ont été volées. Donc, le fait maintenant qu'elles soient burinées, ça nous aide beaucoup. Cela rend

la vie dure au receleur. Les voleurs, même s'ils se tiennent au courant, tentent l'expérience pareil et quand ils viennent pour écouler la marchandise, ça va moins bien. Maintenant, c'est une opération qui, à mon avis, est un peu comme l'éducation. C'est une opération à long terme et cela a commencé à prendre origine au Québec vers 1973 ou 1974. Là, on s'aperçoit que les municipalités emboîtent le pas progressivement et probablement que d'ici cinq ou six ans, cela aura des effets, mais pour le moment... On a fait des opérations types, à un moment donné, à savoir qu'un endroit buriné et qu'un autre endroit témoin ne l'était pas. Il y avait vraiment une différence marquée. Tout à coup, depuis l'année dernière, on a complètement perdu le contrôle de cela.

M. Forget: Les crimes contre la personne, les crimes graves, les assauts, les meurtres, est-ce qu'on a un taux qui est comparable? Il semble que dans le cas des vols à main armée, on a le record canadien et de loin, dans la région de Montréal au moins. Est-ce qu'on espère pouvoir venir à bout de cette histoire-là? Cela a l'air d'une épidémie.

M. Bédard: Dans le cas des vols à main armée, c'est vraiment significatif; depuis plusieurs années, Montréal a un record vraiment exceptionnel en comparaison à d'autres grandes métropoles. C'est pour cela que nous avons tenu à mettre sur pied un groupe de travail, spécifiquement sur les vols à main armée, afin de faire l'expertise, pour autant que c'est possible, des causes de ce phénomène qui est difficilement explicable et surtout d'essayer d'identifier des moyens pour contrer ce record qui n'est certainement pas enviable. (16 h 45)

Le groupe de travail en question doit nous remettre d'ici à la fin de juin le fruit de son travail avec des recommandations qui, nous l'espérons, seront de nature à nous permettre d'enrayer ou de diminuer ce phénomène. Nous allons agir très rapidement, dès que nous aurons eu le rapport.

M. Forget: M. Beaudoin a dit qu'il y avait un effort de contact entre la police et la population. Est-ce que c'est une façon de nous laisser entendre que la hausse des statistiques sur la criminalité est due en partie au fait qu'il y a plus de crimes qui sont rapportés à la police qu'avant?

M. Bédard: Cela pourrait être un facteur. On ne l'a pas identifié de façon isolée, scientifiquement et rationnellement, mais on croit qu'il y a des secteurs où des crimes se commettaient certainement, par exemple, les vols de chalets, et que les gens revenaient au printemps sans les signaler. Maintenant, on passe dans ces endroits et on laisse de petites cartes sur lesquelles il est écrit qu'on est passé telle heure, tel jour et s'il y a quelque chose d'anormal, on demande de nous le signaler. Bien entendu, on croit que cela peut contribuer... Ce n'est pas mauvais en soi, si on n'avait pas le vrai portrait, vous savez... C'est sûrement un facteur, parce qu'on l'a remarqué avec la Loi sur la protection de la jeunesse. On doit conclure, par rapport aux chiffres des années précédentes, à une augmentation de la criminalité, mais on doit aussi reconnaître un nombre de signalements considérables par rapport aux autres années. L'important, quand on parle de criminalité, ce n'est pas d'essayer de se consoler avec de bons pourcentages, mais...

M. Forget: C'est de savoir si le phénomène est réel ou pas.

M. Bédard: ... d'essayer de faire ressortir le phénomène réel qui existe et de trouver le moyen de le contrer. L'information contribue sûrement, au niveau du citoyen, à faire en sorte que celui-ci signale plus les infractions dont il est victime, dans tous les domaines. Prenez l'IVAC, programme que nous avons mis sur pied concernant l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Depuis que nous faisons plus de publicité sur ce programme, cette année, je pense que le nombre de réclamations a presque doublé, si ce n'est pas plus.

Peut-être que le même phénomène joue. Ce n'est pas la seule explication, sûrement, mais c'est un phénomène dont on doit tenir compte au niveau de l'évaluation des pourcentages.

M. Forget: Les statistiques fédérales pour le Canada et chacune des provinces sur la criminalité et les taux de résolution — j'aimerais qu'on nous donne au moins la version des autorités policières au Québec là-dessus — semblent mettre le Québec sous une lumière un peu désavantageuse. Mes données s'arrêtent à 1978. Dans le cas des taux de résolution, peut-être qu'il y a des raisons particulières pour expliquer la différence. Il semble que le taux de résolution au Québec, je le remarque, soit plus élevé dans le cas de la Sûreté du Québec que les chiffres que j'ai ici le démontreraient, mais il y a eu une amélioration aussi. Donc, c'est logique. On situe le taux de résolution au Québec, selon les années, à 38%, 31%, 33%, 35%, 36%. C'est pour toutes les catégories et c'est plus élevé pour les crimes très graves, les meurtres, etc, et beaucoup plus bas pour les crimes moins graves, c'est normal, je pense.

Mais dans le cas de l'ensemble du Canada, donc y compris le Québec — ça suppose que dans certaines provinces c'est décidément beaucoup plus élevé— c'est 50%, 49%, 51%, le taux de résolution. Est-ce qu'on considère ça à la Sûreté du Québec, comme un véritable problème et est-ce qu'on a une idée de ce qu'il faudrait faire pour en arriver aux mêmes performances générales que les autres provinces?

M. Bédard: Notre région témoin, c'est l'Ontario, parce qu'elle a une structure qui s'apparente à la nôtre, d'abord, et que c'est à peu près la même population, un million de plus. Si on regarde simplement le vol avec effraction, l'OPP avait 27,2%, alors que nous, à la Sûreté, on avait 31,7%. Pour

l'ensemble du Canada, c'était 24,4%, et pour les Etats-Unis, 16%.

Maintenant, en Ontario, quand on parle de statistiques il y a toujours des... Ce qui désavantage un peu le Québec, c'est que toutes les plaintes privées pour des actes criminels sont calculées au niveau de la police, alors qu'ici on considère que nous, si on fait simplement rencontrer un procureur de la couronne pour énoncer des faits et loger une accusation, cela ne devient pas un travail de police. Je ne peux pas vous dire le nombre, mais il y en a un bon nombre. Cela lui donne un avantage marqué.

Je n'ai pas les dernières statistiques de Statistique Canada, mais je pense que le Québec se situe assez avantageusement. Les données que je vous communique sont amenuisées, quand on prend cela dans un ensemble, si on pense à la communauté urbaine, dans un dernier journal qui s'appelle "The Gazette", la communauté urbaine était à 14% en 1978 et à 9%... Donc, au niveau des villes, il y a...

L'autre facteur, c'est que beaucoup de corps policiers municipaux... maintenant l'hémorragie est enrayée, mais on a abandonné les enquêtes, ce qui nous donne une charge de travail additionnelle et longtemps parfois après le fait. Il y a plusieurs facteurs qui contribuent à cela.

Dans l'ensemble, pour la Sûreté du Québec, ce n'est pas tellement le problème de la solution. Au moment où je vous parle, on est à 50%. Notre performance est fort agréable à contempler, sauf que l'incidence continue à nous échapper.

M. Forget: Vous avez fait allusion, M. le directeur, à l'implantation du régime de patrouille jumelée. Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris. Cela a créé, vous dites, des difficultés d'adaptation, je peux le comprendre, mais est-ce qu'il faut comprendre aussi, étant donné les ressources fixes que vous avez, que cela a contribué à diminuer le nombre de patrouilles, l'activité de prévention par excellence au niveau de la police?

M. Bédard: Effectivement, la patrouille jumelée a été accordée en avril 1977. A ce moment-là, on a fait des réaménagements avec les quelques employés qu'on avait prévus pour d'autres fonctions. Le Conseil du trésor nous avait accordé 210 postes, mais on vient de recevoir les 100 derniers postes. Voyez-vous, de 1977 jusqu'au moment où on se parle, il s'est écoulé cette période, alors que ce qu'on avait accepté comme structure de fonctionnement pour la patrouille jumelée, c'était boiteux et il n'y avait pas possibilité de faire autrement, parce que c'était une question... il aurait fallu dire tout simplement: Oui, on accepte, mais cela sera applicable en 1980. On ne pouvait pas faire cela dans la situation où on était.

M. Forget: Je comprends. Est-ce qu'on peut établir une relation, au moins un grand point d'interrogation, de causalité entre la diminution des patrouilles, consécutive à cette décision, et la hausse observée dans le phénomène des vols à domicile? Je pense bien que la patrouille a un effet préventif, surtout sur ce type de crime. Sur les meurtres, cela a peut-être moins d'effets, mais au moins là-dessus, les vols à domicile, cela a pu avoir un effet certain. Cela coïncide bien dans le temps, l'implantation en 1977 et la hausse des statistiques de vols l'année subséquente.

M. Bédard: Vous posez une prémisse qui pourrait être fort logique. Quand on prend cette prémisse et qu'on la transpose ailleurs, à travers le Canada, on fait face à une...

M. Forget: A une même tendance.

M. Bédard: A une même tendance. Par contre, sur un plan quantitatif et qualitatif, la productivité a augmenté. A la page 2 du petit sommaire que je vous ai remis, nous retrouvons les infractions au Code de la route. On en a 4,1% de plus qu'en 1978. Cela est fait par les patrouilleurs dans leur mission à deux volets, la prévention du crime et la sécurité routière.

Des avis de 48 heures: 5,8% de plus qu'en 1978; les facultés affaiblies: 16% de plus qu'en 1978. Voyez-vous, sur un plan vraiment quantitatif où l'on peut mesurer l'action, on a vraiment une augmentation de la productivité, en dépit du fait qu'au moment où l'on se parle, sur la route, on a 300 voitures alors que, cette nuit, on en aura 150. Il reste que sur plan sécuritaire, je pense que deux patrouilleurs travaillent beaucoup plus en confiance, interceptent beaucoup plus de gens pour des raisons bien entendu, et finalement, cela nous amène aux résultats.

Par contre, si on transpose ces résultats de répression, si l'on peut dire, en termes de rapport de cause à effet... Il y a une loi qu'on appelle la loi de North Western University, à savoir que si l'on travaille sur les causes des accidents, on baisse les accidents et cela ne marche plus. Cela ne marche plus du tout parce que si vous regardez, vous voyez que les accidents ont augmenté de 1,1%; les accidents mortels, 6%, les accidents avec blessés, 1,7%; les accidents avec dommages matériels, 0,9% pour 1978. Par contre dans les accidents avec blessés, on constate une chose peut-être intuitive ou un peu plus qu'intuitive, mais je ne dirais pas qu'elle est scientifique, c'est que tous les gens qui ont une petite blessure, si mineure soit-elle aujourd'hui, n'ont qu'un intérêt, c'est de le rapporter au cas où les conséquences de l'accident les amèneraient à faire une réclamation.

M. Forget: II faudrait identifier les blessés graves là-dedans comme étant vraiment représentatifs de la tendance.

M. Bédard: Ce serait fort difficile. Ce serait une étude exhaustive et énormément difficile. Le ministère des Transports a actuellement plusieurs études en cours, mais c'est surtout par échantillonnage, quoique le principe d'échantillonnage nous donne un portrait assez exact.

M. Forget: Oui. M. le Président, je pense qu'on pourrait poursuivre...

Le Président (M. Laberge): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Forget:... mais ce serait peut-être faute de combattants et faute de mandat puisqu'on s'est entendus pour terminer à 17 heures. J'aimerais remercier M. le directeur et les collaborateurs du ministre, le ministre lui-même d'ailleurs. Adopté.

Le Président (M. Laberge): Cela va. M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, je remercie également tous mes collaborateurs et les présidents d'organisme de bien avoir voulu se libérer pour répondre, si nécessaire, aux questions de l'Opposition. Je remercie également tous les membres de la commission, les membres de l'Opposition et mon critique de l'Opposition officielle.

Le Président (M. Laberge): Sur ce, nous considérons le programme 15 adopté. Tous les programmes du ministère de la Justice ayant été examinés, je déclare que la commission de la justice a terminé ses travaux et ajourne sine die.

Fin de la séance à 17 h 58

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