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Version finale

31e législature, 6e session
(5 novembre 1980 au 12 mars 1981)

Le jeudi 5 février 1981 - Vol. 23 N° 44

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures vingt et une minutes)

La Présidente (Mme Cuerrier): La commission permanente de la présidence du conseil et de la constitution se réunit de nouveau pour entendre des personnes ou organismes en regard du projet de résolution du gouvernement fédéral concernant la constitution du Canada.

Je fais maintenant l'appel des députés membres et intervenants de la commission. Il s'agit de M. Bertrand (Vanier), M. Charbonneau (Verchères) remplacé par M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Le Moignan (Gaspé) me dit qu'il a un contretemps et qu'il ne pourra pas être ici pour une partie de la journée à tout le moins, M. Levesque (Bonaventure) remplacé par M. Rivest (Jean-Talon), M. Morin (Louis-Hébert), M. Paquette (Rosemont) et M. Ryan (Argenteuil) remplacé par Mme Chaput-Rolland (Prévost).

Les intervenants sont: M. Biron (Lotbinière), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes) remplacé par M. Morin (Sauvé), M. Fallu (Terrebonne), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Forget (Saint-Laurent), M. Guay (Taschereau), Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine) et M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).

Le rapporteur de la commission est M. Paquette (Rosemont).

Les groupes ou personnes que la commission entendra aujourd'hui sont: la Fédération des travailleurs du Québec, représentée par M. Fernand Daoust, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et celle de la Mauricie représentées par M. Marcel Henry, l'Association québécoise des professeurs de français représentée par Mme Irène Belleau, le Mouvement national des Québécois représenté par M. Raymond Vaillancourt, M. Paul-O. Trépanier à titre personnel, la Centrale de l'enseignement du Québec représentée par M. Michel Agnaieff -II nous dira son nom mieux que je ne puis le faire - et M. Jacques Cameron à titre personnel.

J'appelle maintenant la Fédération des travailleurs du Québec représentée par M. Fernand Daoust. Je crois que la Fédération des travailleurs du Québec s'est déjà présentée devant les commissions de l'Assemblée nationale et elle sait comment se font habituellement les auditions de mémoires. Nous savons tous que vous disposez d'une vingtaine de minutes pour la présentation du mémoire et qu'ensuite il y aura des échanqes entre les membres et intervenants de la commission et ceux qui sont nos invités aujourd'hui. Est-ce que je pourrais vous demander, M. Daoust, de nous présenter la personne qui vous accompagne?

Fédération des Travailleurs du Québec

M. Daoust (Fernand): Mme la Présidente, en tout premier lieu, je voudrais vous remercier de nous accueillir ce matin et de nous permettre de vous présenter notre point de vue sur le problème qui nous intéresse tous. Je suis accompagné de M. Jean Lavallée qui est directeur-général de la Fraternité interprovinciale des ouvriers en électricité et aussi vice-président de la FTQ. Je voudrais excuser Louis Laberge qui a malheureusement raté son avion et qui ne sera pas parmi nous ce matin. Je voudrais vous lire, en tout premier lieu, le préambule de notre mémoire.

Fédéralisme renouvelé ou fédéralisme bafoué? Même si la crise constitutionnelle est devenue plus aiguë et plus complexe... J'ai oublié de vous demander, Mme la Présidente, je m'en excuse, de verser au procès-verbal ou au journal des Débats, quel que soit le terme que vous utilisez, le contenu de notre mémoire.

La Présidente (Mme Cuerrier): Je comprends que vous allez résumer. Il est bien clair que les gens qui liront le journal des Débats pourront toujours... De toute façon, les gens qui seraient intéressés à voir le mémoire intégral de la FTQ peuvent toujours en faire la demande à la Bibliothèque de l'Assemblée nationale et il y a toujours des copies de disponibles qu'on peut leur faire parvenir. Ceci dit, votre mémoire sera en dépôt à la bibliothèque, M. Daoust.

M. Daoust: Merci beaucoup. Mme la

Présidente, Mme la députée, MM. les députés. Même si la crise constitutionnelle est devenue plus aiguë et plus complexe du fait des revendications de plus en plus radicales d'un nombre croissant de provinces, à cause surtout de l'importance cruciale de la propriété et de l'affectation des ressources naturelles dans un contexte de crise énergétique, il reste que c'est le Québec, pour ne pas remonter plus loin que la dernière guerre, qui s'est toujours montré le plus insatisfait du statu quo et que c'est le référendum du mois de mai dernier qui a poussé ce débat au paroxysme actuel.

Le projet Trudeau, logiquement, devrait donc être la réponse des défenseurs du non, puisque ce sont eux qui l'ont emporté, à l'alternative que ce référendum demandait aux citoyens et aux citoyennes du Québec de trancher. Quelle devait donc être cette réponse selon les termes mêmes du débat référendaire? Le fédéralisme renouvelé. Du côté du non, en effet, on n'a jamais parlé que d'un choix entre le fédéralisme renouvelé et la souveraineté-association. M. Pierre Elliott Trudeau lui-même a solennellement promis qu'un non ne signifierait pas le statu quo.

Et tout le monde au Québec, péquistes comme libéraux, tenants du non comme du oui, selon ce que tous les sondages ont démontré, ont toujours vu en l'expression "fédéralisme renouvelé" une reconnaissance et une affirmation encore plus nette de la nation québécoise au sein de la fédération et un renforcement de l'État québécois qui se traduirait par un transfert de pouvoirs au profit du Québec et aux dépens d'Ottawa. On observe, certes, des différences d'opinions sur le degré de ce renforcement ou sur la nature des aménagements requis, mais jamais sur le sens de ce renouvellement qui, pour pratiquement tout le monde chez nous, doit conduire a l'accroissement des pouvoirs réels du Québec dans les compétences qu'il détient depuis 1867 et dans les nouvelles que tous ses gouvernements ont successivement réclamées depuis la dernière guerre, à mesure que l'épanouissement de la nation en exigeait la maîtrise.

Mais ce n'est qu'avec le dépôt du projet Trudeau aux Communes, en octobre dernier, que l'on a enfin pu prendre connaissance de la véritable option des tenants du non ou, plutôt, de Pierre Elliott Trudeau, puisque la plupart des ses alliés de la campagne référendaire, aussi bien au Québec que dans les autres provinces, cherchent maintenant à s'en désolidariser.

Et ce fédéralisme soi-disant renouvelé, qu'est-il devenu dans le projet Trudeau? Le fédéralisme bafoué! M. Trudeau prétend, en effet, nous imposer une option qui se résume à ceci: 1) une démarche unilatérale qui bafoue l'essence même de la fédération dont le moteur a été le compromis, dont le ciment a été le respect de la souveraineté attribuée à chaque province par la constitution et dont la portée historique a été de consacrer un pacte d'égalité entre les deux grandes nations qui la composent. 2) un objectif exclusif de rapatriement pour le rapatriement qui, en soi, est un faux problème, puisque personne ne s'en soucierait si la grande majorité des partenaires s'entendait sur une formule d'amendement ou s'ils faisaient l'unanimité sur le contenu d'une nouvelle constitution. 3) une charte des droits et libertés qui, en plus d'être imposée d'une faron inacceptable et d'avoir pour effet de réduire unilatéralement les compétences respectives des partenaires de la fédération, ne correspond absolument pas au mandat issu du référendum qui était de satisfaire aux demandes historiques du Québec en matière de partage des pouvoirs.

(10 h 30) 4) Une formule d'amendement qui rompt, sans l'accord des intéressés, avec la tradition de l'unanimité respectée jusqu'ici et qui fournit, en plus, au pouvoir central l'arme nouvelle du référendum pour amender la constitution dans l'avenir, ce qui, en dépossédant les provinces de leur statut de porte-parole exclusif de leur population respective en cette matière, sape déjà le caractère fédéral du pays qui est une union entre États et non entre citoyens.

Pierre Elliott Trudeau avait donc raison de dire que le non n'était pas le statu quo lors du référendum car on voit bien aujourd'hui qu'il s'agit d'un recul, que son fédéralisme renouvelé n'est en fait qu'un pas de plus vers un pays unitaire. Mais pourquoi ce pas en arrière, pourquoi ce coup de force unilatéral? Pour préserver, avant qu'il ne soit trop tard, le véritable statu quo qui est celui non plus des textes juridiques, mais des forces en présence au sein de la fédération. Ce rapport de force - on l'a répété cent fois - est celui qui a toujours favorisé le pouvoir central, Ottawa, face aux pouvoirs provinciaux et l'Ontario, la province traditionnellement riche, face aux autres provinces. Leurs situations privilégiées sont en effet toutes deux menacées aujourd'hui par l'évolution démographique, politique et économique du Canada. Si on laissait aller cette évolution sans intervenir, l'Ontario perdrait graduellement sa position privilégiée à mesure que les autres provinces amélioreraient la leur. Le pouvoir central lui-même serait relativement affaibli face à l'émergence de nouvelles provinces riches à l'est comme à l'ouest, chacune étant dotée d'instruments publics et privés capables de rivaliser en imagination, en compétence, en efficacité et en ressources avec cet axe Ottawa-Toronto que la conjoncture avait toujours avantagé dans le passé.

La vraie signification de l'offensive constitutionnelle actuelle n'est donc pas de satisfaire les Québécois qui ont provoqué la crise ni même les tenants du non qui ont gagné le référendum en renouvelant le fédéralisme, elle vise, au contraire, à consolider la position du pouvoir central et de l'Ontario avant que l'évolution naturelle des choses n'achève de désagréqer leur position de force. Voilà pourquoi, dans ce débat, on retrouve Bill Davis et Pierre Elliott Trudeau indéfectiblement unis sous le véritable parapluie du non pendant que le reste du Canada, lui, dit oui à la négociation.

Voilà pourquoi, au Québec, il est urgent de refaire front commun pour bloquer coûte que coûte un coup de force qui vise à freiner le cours normal de l'évolution pour sauver le statu quo.

Je vais essayer de faire un résumé le plus rapidement possible, il nous reste peut-être quelques minutes. La première partie aborde le problème de l'intérêt ou les intérêts des travailleurs. Nous parlons de la nature et de la mission d'une centrale syndicale comme la nôtre qui représente, à travers ses adhérents, des hommes et des femmes, citoyens à part entière, et qui constitue, de fait, le seul instrument, cette centrale, qu'ils contrôlent pour leur faire valoir leurs droits, améliorer leurs conditions et favoriser leur épanouissement.

Nous rappelons que la FTQ compte 350,000 membres et nous faisons quelque historique à l'égard de sa formation. Nous rappelons que notre centrale, quant à la question constitutionnelle, a toujours situé ce problème au coeur de ses préoccupations, depuis 1961., alors qu'elle réclamait déjà la reconnaissance des deux nations, le droit à l'autodétermination et la nécessité pour le Québec, en tant que consécration juridique et expression politique du fait national canadien français, de s'affirmer pleinement dans tous les domaines relevant de sa juridiction, mentionnant, entre autres, les ressources naturelles, la planification économique, l'éducation, la santé et les lois ouvrières.

Nous faisons un retour à cette prise de position quasiment unanime de la FTQ lors du débat référendaire, à l'occasion d'un congrès extraordinaire qui se tenait ici même, dans la ville de Québec; 2187 délégués y participaient et, au moment de la prise de position de la FTQ en faveur du oui au référendum, il y a eu une centaine de personnes qui se sont abstenues de voter, 40 ont manifesté leur opposition, alors que l'immense majorité des délégués, 95%, appuyaient la recommandation du conseil général de la FTQ, en vue d'un vote oui au référendum.

C'est pour ça que nous croyons qu'il est de notre devoir aujourd'hui, à cause de notre histoire, à cause de ce qui s'est passé ces derniers mois, de réclamer de ceux qui ont été les gagnants lors du référendum qu'ils livrent la marchandise qu'ils promettaient sous le nom de fédéralisme renouvelé.

Je reviens quelque peu à l'égard de la FTQ dans ce document, en faisant état des relations que nous avons toujours eues à l'intérieur du mouvement syndical canadien, et de l'affirmation que nous avons fait valoir à l'égard de la dualité culturelle ethnique et des aspirations fondamentales du peuple québécois, revendications qui ont été concrétisées dans des textes, dans des pratiques, dans des habitudes et qui, pour nous, pourraient s'imaginer comme étant un modèle, dans un certain sens, à l'égard des relations du Québec et du gouvernement du Canada.

Nous parlons aussi, dans ce document, de la négociation et des droits de la langue et nous disons que tout indique que l'affrontement actuel entre les provinces et le pouvoir central découle largement d'un refus de négocier de la part d'Ottawa. C'est pourquoi, même si le contenu de cette proposition d'amendement et de projet devait être calqué sur nos propres revendications, nous nous sentirions encore la responsabilité, à la FTQ, de dénoncer la démarche qui vise à imposer ce projet en court-circuitant les provinces et en fixant aux soi-disant négociations une échéance aussi arbitraire que déraisonnable. Sauf que cette démarche invraisemblable correspond à la volonté d'imposer aussi une charte des droits étriquée où l'on ne retrouve pas l'ombre de la queue du commencement de ce qui constitue la base d'une vraie reconnaissance des droits et libertés.

Il y a pourtant des années que la FTQ, comme tous les mouvements populaires du Québec et des autres provinces dans bien des cas, réclame une reconnaissance officielle des deux nations canadiennes et le droit à l'autodétermination pour chacune, l'abolition d'une loi des mesures de guerre totalitaire et l'affirmation des droits sociaux les plus élémentaires, à commencer par le droit au syndicalisme.

Quant à la formule d'amendement, il s'agit, selon nous, du cheval de Troie du fédéral. Pour nous, qui réclamions il y a déjà vingt ans la reconnaissance de l'État du Québec en tant que consécration juridique et expression politique de notre communauté, comment accepter maintenant que cet État soit dépossédé de son statut par l'introduction d'une formule d'amendement par référendum, dont le seul effet est de permettre à Ottawa de passer par-dessus la tête des représentants que nous élisons pour veiller sur nos intérêts?

Nous développons cette thèse du cheval de Troie qui permettra, par le truc du référendum contenu dans le projet de

Trudeau, de refaire le partage des pouvoirs à la guise du gouvernement fédéral. Nous faisons état des rencontres fédérales-provinciales de l'été dernier qui, à défaut de produire une nouvelle entente, ont en effet été l'occasion pour Ottawa de déposer de nombreux documents qui révèlent ses intentions sans détours. C'est dans le champ de l'économie que ces prétentions se sont révélées les plus dévastatrices; au nom du maintien de l'union économique, de la redistribution des richesses, de la planification de l'économie, de la conduite des relations économiques internationales, le fédéral entend donc s'assurer un contrôle à peu près absolu qui pourrait même enqlober certains aspects des domaines culturel, social et politique ayant des incidences directes sur l'économie.

La lutte à l'inflation, au chômage, aux disparités régionales, l'étiquetage des produits, protection des consommateurs, politigue d'achat des gouvernements et des sociétés publiques, mesures d'incitation financières et fiscales, etc., autant de champs de compétence partagés à ce moment-ci ou exclusivement provinciaux qui risqueraient de passer ainsi sous la gouverne exclusive d'Ottawa.

Nous faisons des commentaires à l'éqard du contrôle de l'économie pour mentionner à quel point le Québec - et les travailleurs du Québec ont pu le sentir -tous les grands projets et les grands discours du gouvernement fédéral à l'égard de l'abolition des disparités économiques, à l'éqard même de cette conception du fédéralisme que nous avons connu depuis le début ont été, pour les travailleurs québécois et la population du Québec, accompaqnés de taux de chômage, de développement économique boiteux ou vacillant et d'une situation globale, puisque l'économie conditionne le devenir des sociétés modernes, qui suscite des protestations de la part de l'ensemble des travailleurs. Nous faisons état de quelques cas précis, tels que la politique tarifaire où le Québec est laissé pour compte, l'implantation de l'industrie de l'automobile, alors que le Québec consomme en gros 30% de tous les produits rie l'automobile au pays et qu'il n'a que 5% de la production de ceux-ci. Ce sont des milliers d'emplois qui nous sont enlevés ou dont on est privé par des politiques gouvernementales qui ont fondamentalement à peu près toujours oublié le Québec pour favoriser surtout l'Ontario. Nous faisons état de cas, les programmes du MEER en 1971, la politique de main-d'oeuvre, où il y a un chevauchement et un dédoublement extraordinairement coûteux pour l'ensemble de la population de cette province.

La deuxième partie parle des mensonqes du projet Trudeau. On n'a pas trouvé d'autre mot ou d'autre expression qui puisse refléter les sentiments profonds qui nous animent. Nous parlons de ces citations de M. Rémillard ou d'autres personnes. Pour nous, le pouvoir central n'est ni l'initiateur de ce pays, ni l'unique détenteur du bon droit. Il se plaît pourtant, le pouvoir fédéral, à en forger l'impression dans l'opinion publique en présentant toujours les provinces comme des entités mineures, égoïstes, chauvines, irresponsables - c'est le discours que, de plus en plus, on entend de la part des porte-parole du gouvernement libéral fédéral surgies de nulle part dans ce débat, comme autant de rapaces séparatistes qui voudraient mettre le pays en lambeaux après s'en être partaqé les richesses.

En vérité, selon nous, c'est le gouvernement fédéral qui est la créature des provinces et, comme le rappelle Me Rémillard, la Confédération qu'elles ont réalisée en ]867 fut un compromis fort difficile. Mais il faut faire de ces retours historiques pour les gens qui semblent avoir oublié ce qui s'est passé au moment de la mise sur pied de cette Confédération. "Le fédéralisme, conclut-il - on est d'accord avec lui - est beaucoup plus qu'un système politique. Il est avant tout une philosophie, une façon d'être, une faron de penser, basée sur le concept du compromis". Mais Ottawa refuse aujourd'hui tout compromis, provoque l'échec des négociations, néglige l'opposition majoritaire des provinces et de l'opinion publique, ignore particulièrement les aspirations historiques du Québec auxquelles il s'était pourtant engagé à répondre au moment du référendum et se lance, à la place, dans une démarche unilatérale auprès de Londres, démarche qui a pour but, non seulement de rapatrier la constitution, mais de faire amender d'office ce document par un Parlement étranqer et, devant les réticences de Londres, on a le culot maintenant de crier à l'ingérence.

Pour nous, cette démarche unilatérale est un objectif frauduleux au nom de la décolonisation et c'est bien sûr une série d'amendements importants sous la forme d'une charte des droits et libertés et d'une formule d'amendement qui se trouveraient les uns comme les autres imposés aux provinces sans leur consentement.

Je termine. Peut-être que plus tard, nous parlerons des autres sujets qui sont abordés de cette page jusqu'à la fin de notre mémoire. En terminant, je dis nous croyons, quant à nous, en dernière analyse que la seule vraie garantie pour nos droits et libertés, c'est notre propre vigilance à nous tous et nos luttes quotidiennes, quant à nous, contre toutes les formes d'oppression, l'avènement d'une société construite par et pour nous. Et personne ne nous fera croire qu'une charte qu'on nous impose, entre autres, pour bafouer nos droits - droits des travailleurs sur les chantiers, de majorité

francophone au Québec, de nation distincte dans la fédération - servira ensuite à garantir nos libertés. La vigilance aujourd'hui, c'est de voir qu'avec cette charte des droits qui sert de paravent à une attaque directe et sans précédent contre nos droits, le Québec subit une deuxième crise d'octobre. Pacifique, celle-là, menée au nom des libertés, elle n'en renforce pas moins la tutelle d'Ottawa sur nous plus profondément que l'armée en 1970. Voilà.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre des Affaires intergouvernementales.

M. Morin (Louis-Hébert): Merci, M. Daoust, du mémoire que vous nous avez soumis. Il est très clair et il est complet. Je laisserai à mon collègue, M. Paquette, le soin de poser tout à l'heure quelques questions directement reliées au mémoire. (10 h 45)

J'en ai une qui peut vous surprendre, mais elle provient d'une préoccupation que j'ai de temps à autre et je vous la pose directement, encore que je commence moi-même à apporter la réponse à la question que je vais vous poser. On nous dit souvent que toutes ces questions constitutionnelles n'intéressent pas la population, que cela nous émeut, nous, les hommes et femmes politiques ici présents et une certaine élite, et on dit péjorativement, en somme, qu'il s'agit d'un débat en cercle fermé qui ne touche pas la masse de la population. Vous êtes ici pour représenter la Fédération des travailleurs du Québec, donc, pas des hommes ou des femmes politiques, pas non plus des intellectuels en cénacle fermé. Je vous pose carrément la question. On n'en a jamais parlé. D'après vous, d'après l'expérience que vous avez, d'après les contacts que vous avez dans les milieux que vous fréquentez, la question dont on débat ici dont vous venez de nous parler, dont nous parlons, nous, depuis des jours et dont on n'a pas fini de discuter, est-ce que cela intéresse les gens? Si oui, à quels égards et, sinon, sommes-nous en train de faire fausse route - et c'est la dernière partie de mon intervention - parce qu'au mois de septembre ou d'octobre, juste à la veille du coup de force des libéraux fédéraux, à Ottawa, on nous disait assez allègrement: Vous ne pouvez rien faire contre ce qui va arriver parce que, de toute façon, les qens ne sont pas attentifs, ils en ont assez entendu parler, ils ne veulent plus en entendre parler, ils veulent passer à autre chose et nous allons profiter, dans les trois mois qui viennent, de ce désintérêt de la population pour régler le problème une fois pour toutes. Ce ne sont pas exactement les mots que nos amis fédéraux utilisaient, mais c'en est la substance.

Aujourd'hui, on est à plusieurs mois de ce moment. Il semble que le projet fédéral a des difficultés, c'est le moins qu'on puisse dire, sauf que la question demeure toujours chez moi. Je vous le dis très sincèrement, c'est ma responsabilité comme ministre des Affaires interqouvernementales de consacrer une bonne partie de mon temps à ce sujet. C'est mon métier. Si j'étais ministre d'autre chose, je m'occuperais d'autre chose. Je suis ministre de ça. Sauf que c'est toujours intéressant de savoir si ça intéresse ou non la population, si on est complètement à côté de la coche. Alors, vous qui représentez les travailleurs, qui êtes en contact avec eux, ou votre collèque qui vous accompagne, pensez-vous que cela intéresse le monde?

M. Daoust: Je pense que ceux qui prétendent que la population et les travailleurs ne manifestent pas d'intérêt pour une telle question font preuve d'un cynisme et d'une démagogie incroyables, et même d'une absence de sens démocratique. Je vois poindre chez ces qens une espèce d'attitude méprisante et totalitaire à l'égard de la population. Les travailleurs sont quotidiennement affectés par toutes les retombées des lois, quelles qu'elles soient, des rapports entre le Québec et le gouvernement central, des rapports entre les qouvernements souverains que sont les provinces dans notre pays et par une constitution qu'à ce moment-ci on veut leur imposer. Ils sont quotidiennement affectés parce que c'est leur devenir comme individus qui est en jeu par les lois de l'économie, les lois de toute nature de protection sociale, les lois qui garantissent les droits et libertés et, comme citoyens à l'intérieur de groupements comme le nôtre ou à l'intérieur d'une société comme le Québec, ils sont directement impliqués par toutes les retombées de ces lois.

On ne conteste pas qu'il s'agisse de problèmes extraordinairement complexes et que des gens, à certains endroits un peu éloignés d'ici, ont tout intérêt à complexifier le problème et à le noyer sous des considérations tellement remplies de technicités qu'on s'y retrouve avec beaucoup de difficultés. Mais quand on dépouille les textes, qu'on les examine profondément et qu'on voit ce qui va se passer si le gouvernement fédéral réussissait dans son projet de rapatriement unilatéral, dans ses amendements, dans sa charte des droits et libertés et qu'on se penche sur les conséquences, on est effarouchés, bouleversés, terriblement inquiets. Quand on en parle aux travailleurs et qu'ils nous posent des questions, qu'ils réfléchissent eux-mêmes, eux qui vivent un cheminement, ils nous font voir à quel point on touche du doigt les problèmes fondamentaux.

Lors du référendum que nous avons eu au Québec, au mois de mai dernier, on a

fait le tour du Québec, quelques-uns d'entre nous, Jean en était, Louis Laberqe, enfin, la plupart des dirigeants de la FTQ ont fait le tour d'une vingtaine de régions où environ 3000 militants ont eu l'occasion de participer à des assemblées. Nous-mêmes, en toute honnêteté, nous avions peut-être été conditionnés nous aussi en nous disant: Mon Dieu, c'est un sujet dont on parle tellement, depuis tellement longtemps - pas le référendum comme tel ou la question qui nous a été posée, mais tout le problème constitutionnel - qu'on se disait: Peut-être qu'il n'y aura pas d'intérêt qui va être manifesté dans les assemblées syndicales. On a été renversé de rencontrer 3000 militants, on a été bouleversé et émerveillé de voir qu'au congrès extraordinaire que la FTQ tenait, au mois d'avril dernier, il y a eu une participation de 2187 délégués et, au-delà du nombre, un peu partout, on a été vraiment impressionné de la gualité des débats chez les travailleurs, dans les usines, un peu partout; les travailleurs de l'automobile, qui se penchent sur leur devenir; les travailleurs du textile, qui crient leur désespoir à l'égard des politiques gouvernementales fédérales et les indécisions ou les piétinements à l'égard des accords du GATT, ou à l'égard des contingentements et tout ce gui en découle; les travailleurs de la construction, dans le domaine de la mobilité et de la main-d'oeuvre.

Alors, un peu partout, les qens, dans leurs mots à eux, gui sont toujours les mêmes et qui rejoignent les nôtres - dans le fond, il n'y a pas tellement de différence -touchent du doigt des problèmes fondamentaux, des problèmes liés à l'économie, liés au chômage, aux politiques de main-d'oeuvre; c'est une des grandes revendications du mouvement syndical et de la FTQ depuis je ne sais pas combien de temps. Et les travailleurs payent de leur chômage, de leur insécurité économigue, des chevauchements, des dédoublements entre deux ordres de gouvernement, dont un est terriblement lointain et l'autre terriblement plus près de nous, et dans lequel on se reconnaît.

Alors de dire, cyniquement - moi, je trouve ça d'un cynisme inouï - que la population se balance, comme de sa dernière chemise, du débat constitutionnel, je trouve que c'est mépriser la population et, encore une fois, je trouve ra nettement antidémocratique. Je trouve que c'est dangereux pour la santé des débats publics dans notre société et ceux qui croient cela font erreur, très sincèrement. On pourrait donner des dizaines d'exemples chez nous et on sait fort bien, au-delà de la réalité guotidienne, que les gens vont vivre avec ça, pas seulement une vie, mais des générations et des générations, d'où leur intérêt à l'égard de ces problèmes qui se manifestent de toutes sortes de façon.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. Daoust, j'ai pris connaissance de votre mémoire, j'ai écouté votre présentation avec un très grand intérêt. C'est un mémoire qui mérite, sans nul doute, une étude très attentive, d'autant plus qu'il est rédiqé de manière fort subtile et que ce n'est qu'avec une deuxième, et une troisième lecture parfois, qu'on peut véritablement en apprécier la valeur.

En particulier, la première impression que j'ai eue en lisant le début de votre mémoire, c'était que votre mouvement avait opéré un retournement assez rapide et, pour tout dire, avec un extrême couraqe, puisqu'il n'y a pas si longtemps, on se souvient que la FTQ avait porté un jugement d'échec définitif sur le fédéralisme, avait décidé d'appuyer le mouvement souverainiste et de se joindre à la campagne du oui. D'ailleurs, je crois que vous avez donné une conférence de presse à l'Assemblée nationale elle-même, à ce sujet, il y a environ un an.

Il me semblait, à une première lecture, que vous adoptiez désormais la perspective d'un fédéralisme intéqriste et sans reproche pour critiquer l'initiative fédérale.

Mais je pense que ce n'est qu'une fausse impression qu'on peut dissiper rapidement lorsqu'on lit attentivement votre texte une deuxième et une troisième fois. Je pense que, si on cherchait à caractériser par une seule phrase l'ensemble du début du document, c'est que, selon vous, l'initiative fédérale - et je vous cite ici - "vise à freiner le cours normal de l'évolution pour sauver le statu quo." Ces mots sont quand même un peu difficiles à comprendre à la page 4. On pourrait dire que cela vise à freiner le cours normal de l'évolution vers l'indépendance pour sauver le fédéralisme ou quelque chose dans ce genre. C'est peut-être le sens qu'il faut donner, dans le fond, à votre prise de position. À ce moment-là, c'est moins étonnant que vous arriviez, moins d'un an après le référendum, avec une position qui pourrait sembler fédéraliste.

Il y a également d'autres éléments intéressants et paradoxaux; je crois que vous reprenez, à la page 12 en particulier, parmi d'autres arguments, le procès du fédéralisme ou du régime fédéral en parlant, en particulier, de l'industrie du textile. Cela m'a toujours surpris gue le mouvement syndical porte un jugement si sévère sur la politique tarifaire canadienne en matière de textile parce que j'ai entendu - et je l'avais pris au sérieux à l'époque - l'avis du ministre des Finances actuel et peut-être aussi celui du ministre responsable du Développement économique gui s'étaient réjouis de la façon dont le gouvernement

fédéral s'était rangé aux vues du Québec relativement à la politique des contingentements d'importations et à la politique tarifaire, je pense qu'il y a de cela maintenant deux ans et demi ou peut-être trois ans. Il semble donc qu'il y a eu un effort assez systématique du côté du gouvernement fédéral pour épargner à une industrie qui est sévèrement menacée par la concurrence internationale, surtout en provenance des pays du Tiers-Monde, par des mesures tarifaires protectionnistes - il faut le dire, je pense - suffisamment ou passablement - même si ce n'est pas suffisamment aux yeux de tous - rigoureuses et qui ont un impact important sur le consommateur, comme on le sait. Je ne veux pas insister plus qu'il ne le faut sur une question de détail comme celle-là, mais on reprend, à l'occasion, une argumentation qu'on a abondamment entendue il y a un an.

La question de l'autodétermination revient aussi. Cette question a été abondamment discutée l'an dernier. D'ailleurs, on a entendu dans certains mémoires, à la commission parlementaire hier, en particulier, des jugements de certains groupes pour qui cette question avait été réglée dans les faits. Pour eux, le droit à l'autodétermination du Québec était acquis en pratique puisqu'on l'a exercé sans obstacles juridiques, sans obstacles politiques et sans autres obstacles et toute tentative d'inscrire un droit à la sécession dans une constitution fédérale amènerait plus de complications et plus de restrictions qu'on n'en a actuellement.

Relativement à des choses qui touchent de plus près vos membres, il y a un certain nombre de remarques à la page 23 où vous parlez de la circulation des travailleurs et des "menaces" que ferait planer le projet de charte fédérale sur la mobilité des travailleurs. Vous visez tout particulièrement le règlement de placement des travailleurs dans l'industrie de la construction à la défense duquel vous vous portez maintenant, semble-t-il. Il me semble qu'il y a plusieurs observations qui doivent être faites et plusieurs précisions qui devraient être apportées de ce côté.

En premier lieu, vous semblez donner l'impression - je vais vous poser toutes mes questions et vous pourrez peut-être y répondre en même temps - que ce règlement favorise les Québécois aux dépens, en quelque sorte, des travailleurs d'autres provinces. Je ne sais pas sur quoi vous vous basez exactement parce qu'on pourrait prétendre qu'il fait le contraire, parce qu'il restreint l'accès à l'industrie de la construction à un nombre considérable de Québécois qui ne sont pas qualifiés au titre du règlement. Je pense aux étudiants, je pense à des travailleurs pour qui l'accès à cette industrie représenterait une promotion sociale, car ce n'est pas tout le monde, au Québec, dans le secteur privé, du moins, qui est payé $15 l'heure de nos jours. Pour certains, cela représenterait l'ambition de leur vie d'accéder à un métier de la construction, mais parce qu'ils n'y ont pas été l'an dernier ou l'année d'avant, on sait que le règlement de la construction leur dit: Vous n'avez pas le droit de devenir ou d'aspirer devenir des travailleurs de la construction, à moins que l'économie prenne un essor tel qu'on ait finalement besoin de vous. Cependant, certains travailleurs de la construction d'autres provinces qui satisfont à certaines conditions prévues dans le règlement ne sont pas admis à venir travailler sur des chantiers de construction du Québec. (11 heures)

Ce n'est pas absolument clair qu'une règle qui décréterait la mobilité serait pire que la situation actuelle et ça, c'est si on regarde la situation au Québec.

Ma deuxième question, il est de notoriété publique, M. Daoust, mais vous pourrez me contredire là-dessus, que l'état de l'industrie de la construction au Québec est assez déprimé depuis quelques années; je pense que c'est un fait, qu'on ne me taxera pas de partisanerie. Je soulignerai que la moyenne d'heures est d'environ 1000 pour les employés de la construction durant les dernières années; ça ne correspond même pas à six mois de travail, donc, on est dans une situation difficile. II semble de notoriété publique que plusieurs milliers de travailleurs de la construction québécois ont trouvé des emplois dans d'autres provinces, non seulement en Ontario où il y a eu cette espèce de contestation, il y en a sûrement quelques-uns en Ontario, mais même aussi loin qu'en Alberta sur les grands chantiers énergétiques, etc., même dans l'industrie de la construction; on a tous vu des travailleurs de la construction du Québec donner des entrevues à la télévision.

La mobilité ne joue pas toujours dans le même sens. L'expérience la plus récente du Québec, c'est que cela a joué en faveur des travailleurs québécois qui sont allés ailleurs et on ne voudrait certainement pas que les autres provinces se mettent à ériger des exigences et des barrières les empêchant d'avoir accès à ces emplois.

Il me semble que votre dénonciation est catégorique; catégorique ou peut-être pas catégorique, parce que vous dites des choses comme celles-ci, par exemple: Les conséquences du principe de mobilité, de circulation des travailleurs pourraient toutefois faire plus de mal que de bien. Je pense qu'à ce moment-ci du débat il s'agit plus que de traiter d'hypothèses générales. C'est sûr que l'on peut soulever toutes sortes de spectres dans l'interprétation d'un projet de loi ou dans un projet de charte

quelconque. Vous avez sûrement des experts qui sont versés dans l'interprétation du droit relativement à ces questions. Je vous dis ça, parce qu'il sennble que le qouvernement a répété vos affirmations, à moins qu'il ne les ait inspirées - je ne sais pas dans quel sens l'influence a pu jouer - mais que lui n'a pas eu les moyens de trouver l'expertise pour documenter ces danqers. Il nous a promis, à plusieurs reprises, de nous expliquer en quoi ce projet de charte, sur ce point de la mobilité, rendrait non valides les lois et les règlements du Québec; il nous a toujours promis ces données pour plus tard, on ne les a pas encore, alors qu'on devrait déjà les avoir en main. Peut-être que vous avez une expertise juridique qui nous permettrait d'affirmer catégoriquement que telle clause, telle que rédigée, emporte nécessairement l'abrogation du règlement. Ce serait précieux.

Évidemment, ce n'est qu'une opinion d'avocat, ça ne vaut que ce que ça vaut, mais ça vaut peut-être plus qu'une simple spéculation. Au moins, ça permet de renverser le fardeau de la preuve, je crois.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député, pendant que vous faites une petite pause, j'ai un rôle un peu ingrat.

M. Forget: Oui.

La Présidente (Mme Cuerrier): Vous avez déjà utilisé la moitié du temps et je pensais qu'il faudrait probablement réfléchir à le répartir au moins pour donner autant de temps pour la réponse.

M. Forget: Oui, je termine ici...

La Présidente (Mme Cuerrier): Alors, voulez-vous...

M. Forget: ...quelques secondes...

La Présidente (Mme Cuerrier): ...faire rapidement?

M. Forget: ...Mme la Présidente, je termine dans quelques secondes. Je pense qu'il était nécessaire de bien préciser que sur cet aspect critique et d'intérêt primordial pour les membres de la FTQ, dans le secteur de la construction, s'il y a un danger, c'est le moment de bien expliquer comment le problème se pose et aussi d'obtenir des éclaircissements les plus autorisés possible.

Un dernier point, je vais tous les mentionner, puisque ça vous permettra de faire une réponse synthétique, ce sont les affirmations que vous faites relativement à la langue de travail. À la paqe 7.6 de votre mémoire, vous affirmez que les dispositions du projet fédéral auraient pour effet d'affaiblir les dispositions de la loi 101, enfin la force morale. Je ne sais pas ce que vous voulez dire par ça. La loi 101 demeurerait, mais elle aurait une force morale réduite, tout en ayant une force juridique inchangée. Il y aurait peut-être une précision à apporter, mais ce qui est plus important, ce qu'est vraiment l'objet de ma question, c'est que ce projet fédéral menacerait les dispositions relatives à la langue de travail dans la loi 101. J'avoue que c'est la première nouvelle que j'en ai. Je n'ai vu dans aucune disposition du projet fédéral quoi que ce soit qui puisse influencer la langue de travail. Je pense que personne, où que ce soit, n'a jamais mis en doute la nécessité du maintien des dispositions de la loi 101 sur la langue du travail qui, de toute façon, correspondent à une espèce de consensus très large puisqu'elles reprennent, dans une très large mesure, ce qui était déjà dans la loi ?2 relativement à la langue de travail.

Il y a donc un consensus qui est accepté non seulement, semble-t-il, par toutes les formations politiques, mais par tout le monde au Québec relativement à la langue de travail et il me semble paradoxal et étonnant de suggérer que ces dispositions pourraient être affaiblies. Évidemment, vous tempérez cette mise en garde en disant gue c'est la force morale qui serait diminuée. Je ne sais pas ce qui affecte la force morale des lois quand elles demeurent en vigueur, par ailleurs. On tombe dans la psychologie collective ou la psycholoqie sociale et je dois avouer que je pense bien que ni vous ni moi ne sommes des experts de la psycholoqie sociale, mais il pourrait être intéressant de vous entendre sur le sujet malgré tout.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le secrétaire général de la Fédération des travailleurs du Québec.

M. Daoust: Je vais commencer par commenter vos remarques au sujet de ce qui vous sennble être la prise de position de la FTQ à l'égard du fédéralisme.

Vous avez bien raison de ne pas voir dans ce document une profession de foi dans le fédéralisme que nous vivons à ce moment-ci. La FTQ, depuis fort longtemps - on a des textes qui peuvent l'établir - a toujours été très critique des retombées des politiques économiques du gouvernement du Canada au Québec, de ses politiques fiscales, de ses politiques d'investissement, de ses politiques de disparités économiques régionales ou des politiques en vue de la disparition des inéqalités régionales. On a toujours été fort critigue de cela et je pense qu'on ne s'est jamais contredit dans ce domaine-là, je ne le pense pas.

Ce qu'on a voulu souligner surtout, tout au long du document, c'est gu'on veut et on voulait gue ceux qui, pendant des mois et

des mois, ont prié le peuple québécois de donner un vote pour le non lors du dernier référendum livrent la marchandise. Ces gens-là nous ont parlé, comme ils nous ont parlé, on s'en souvient tous, ont fait miroiter des projets, ont suscité des espoirs, ont engendré toutes sortes de possibilités et on s'aperçoit que, dans la réalité, c'est un recul; ce n'est plus du fédéralisme, c'est de l'unitarisme qu'on veut, un État très unitaire, très central. Cela peut se concevoir dans un pays homogène où il n'y a pas de dualité culturelle et linguistique, où il n'y a pas d'enracinements comme ceux qu'on a connus et qu'on connaît au pays, où il n'y a pas une nation comme telle qui s'affirme ou deux nations, peu importe qu'on conteste ou non qu'il y ait une deuxième nation, la nation canadienne, on ne veut pas entreprendre un débat là-dessus.

On veut donc rappeler à ceux qui nous ont orientés dans un sens, toute la population du Québec, qu'ils ont une marchandise à livrer. On ne trouve pas d'autres mots à ce moment-ci. "They should deliver the goods", pour leur dire en anglais. C'est eux qui ont fait les promesses et, à ce moment-ci, on ne retrouve absolument rien dans tout ce qui est suggéré, un État centralisé, unitaire, qui va maintenir une forme de statu quo, le statu quo qui existe, l'Ontario qui a pris la place que l'on connaît et tout cela. C'est un peu dans ce sens-là qu'on a voulu aborder la présentation de ce mémoire.

Vous avez parlé du textile et du vêtement. J'ai cru comprendre - je ne veux pas vous interpréter, à ce moment-ci - que vous vous réjouissiez quelque peu de l'intervention - vous n'avez pas dit énergique du gouvernement fédéral - du gouvernement fédéral. Puis-je vous rappeler qu'on a dû drôlement leur pousser dans le dos. Ce n'est pas possible!

Ici au Québec, tous les gouvernements et ce gouvernement actuel, les centrales syndicales et les syndicats n'ont jamais cessé de mettre tout en oeuvre afin que ne disparaissent pas une centaine de milliers d'emplois au Québec. On sent que le goût est là et que, si on n'avait pas cette vigilance-là au Québec... Le goût est là, chez certains grands technocrates du gouvernement fédéral, et peut-être chez certains ministres, sans aucun doute, puisgue c'est eux qui décident en dernier lieu, de rayer quasiment d'un coup de plume les emplois des travailleurs des secteurs mous au Québec, le textile, le vêtement, la chaussure et le meuble.

D'ailleurs, on peut se rappeler qu'au moment de ces $0.03 de taxe qui avaient été enlevés, le gouvernement du Québec a choisi une tout autre option qui a permis à ces industries de ne pas péricliter, de surnager et de vivre un peu mieux. C'est le gouvernement fédéral qui avait pensé à une formule qui, encore une fois, allait favoriser l'Ontario.

À l'égard du textile, vous êtes sans aucun doute familier qu'on appuie, que tous nos syndicats appuient et, je pense bien, que l'ensemble de la population appuie les efforts du gouvernement du Québec. On sait qu'il y a un projet de $80,000,000 d'investissements gouvernementaux pour qu'il y ait une reprise, une relance dans l'industrie, ce qui permettrait, par voie de conséquence, selon des données que nous avons, des investissements qui pourraient peut-être totaliser $200,000,000 ou $300,000,000. On ne se chicanera pas sur les chiffres, mais on sait qu'il faut continuer de pousser dans le dos et être extrêmement alerte.

Nous autres, nous qualifions la politique du qouvernement fédéral de remplie d'incertitudes et d'atermoiements et on est inquiété. On sait que des commissions qui ont été mises sur pied par le qouvernement fédéral ont étudié la question et ont fait des recommandations que nous approuvons, mais il faut inlassablement pousser dans le dos du qouvernement fédéral pour que l'industrie du textile, de façon toute particulière, et du vêtement ne disparaisse pas.

Je tiens à vous rappeler - c'est intéressant, si vous me le permettez - qu'il y a eu une manifestation à Montréal, je pense, à l'automne, à laquelle Jean Lavallée participait, entre autres, des travailleurs amalgamés du vêtement et du textile. On retrouve dans ce syndicat beaucoup de travailleurs qui viennent des communautés ethniques, une très grande concentration, et qui n'ont pas hésité à descendre dans la rue pour manifester pacifiquement contre les hésitations du gouvernement fédéral à l'égard des politiques qui tardaient à venir dans leur domaine. J'ai mentionné qu'il y avait beaucoup de gens de plusieurs communautés linguistiques et ethniques pour vous dire que ce n'était pas un truc ou une mise en scène qui se situait dans le débat référendaire. Ce sont des gens, Québécois et Québécoises, Canadiens et Canadiennes, qui se sentent menacés dans leur emploi, qui crient au qouvernement fédéral de bouger et qui pressent le gouvernement du Québec, par tous les moyens, d'intervenir. (11 h 15)

On présentait un mémoire au gouvernement du Québec tout récemment et on lui rappelait qu'il devait intervenir avec toute l'énergie voulue auprès du gouvernement fédéral afin que ne disparaissent pas 100,000 emplois dans le secteur du textile. C'est un peu cela, le fédéralisme qu'on conteste et qu'on critique.

Peut-être que Jean Lavallée va parler des problèmes de la construction. À l'égard de la loi 101, évidemment qu'on est nerveux. Il y a l'éducation. D'autres l'ont abondamment abordée. On est nerveux et on

a de drôles de bonnes raisons d'être nerveux quand on lit, dans le programme d'un parti politique, que l'affichaqe unilingue au Québec risque d'en prendre pour son rhume. On commence comme cela, petit à petit: clause Québec, clause Canada et le reste. Vous connaissez ce sujet sans aucun doute. On est nerveux. On est inquiet. Les efforts de francisation dans les entreprises, il faut parler aux travailleurs qui les vivent. Ce sont eux qui, quotidiennement, font face à cette réalité. On est nerveux. Il faut pousser dans le dos de bien des gens. Il y a l'Office de la langue, la Commission de surveillance. Vous le savez aussi bien que moi. Il faut tordre les bras à bien des qens. Dès qu'on laisse poindre à l'horizon certaines possibilités, on ouvre des portes. La force morale, c'est bien beau, mais, dès qu'il y a des discours faiblissants dans ce domaine, tenus par certains hommes politiques - je dois vous le dire parce que c'est le fond de notre pensée - et des prises de position, c'est terriblement dangereux pour le climat social au Québec de jouer avec ces lois linguistiques qu'on a réussi, de peine et de misère, à aménager et à l'égard desquelles on vit un certain contentement, pour être bien franc.

Le gouvernement fédéral, d'un côté, a ses idées à l'égard d'une charte avec tout ce que cela peut impliquer. On a lu les interventions de M. Pratte devant votre commission - c'est un des plus grands juristes que l'on connaisse - et lui-même nous dit: II y a des zones grises. On ne sait pas, il y a des gens qui vont peut-être se prévaloir de cette charte des droits et libertés contenue dans le projet du gouvernement fédéral pour tenter un tas d'interventions et là, on va se réveiller devant les tribunaux. Il y a des qens qui vont s'asseoir confortablement et qui vont peut-être bouger un peu moins ou gui vont devenir nostalgiques d'une époque que nous avons douloureusement vécue au Québec.

C'est un peu tout cela qu'on veut dire dans notre document. Là, on s'en prend, évidemment, au projet du gouvernement fédéral, mais on ne peut pas ne pas s'inquiéter de voir qu'il y a des gens au Québec qui ne manifestent pas toute la satisfaction qu'ils devraient manifester à l'égard de la loi 101 et qui sont prêts à la taillader ici et là et à l'amputer de certains de ses éléments essentiels. Je vous le répète, je pense que c'est générateur de troubles et de perturbations sociales dont on pourrait drôlement se priver dans le contexte actuel au Québec.

Je voudrais peut-être que Jean commente quelque peu le problème que vous avez soulevé.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le vice-président.

M. Lavallée (Jean): M. Forget, en réponse à vos différentes questions en ce qui a trait à l'industrie de la construction, je pense que je suis très bien placé pour pouvoir en discuter en tant que président de la FTQ-Construction. Nous n'avons pas d'opinion juridique en ce qui a trait à l'effet comme tel de ce qui est inclus dans la charte, à la section 6, qui dit que "tout citoyen canadien et toute personne ayant le statut de résident permanent au Canada ont le droit de gagner leur vie dans toute province." Quand on fouille les textes, nous aussi, on a peur et on est inquiet. Nous ne sommes pas les seuls à l'être. Hier, je prenais connaissance de l'intervention de l'Alliance qui, elle aussi, a posé à peu près les mêmes questions à ce sujet.

L'industrie de la construction, pour nous, est extrêmement importante. Au cours des dernières années, qu'en pensent les différents partis politiques au Québec en ce qui a trait au règlement de placement dans l'industrie de la construction, le règlement no 5? Pour nous, on a réussi à créer un certain équilibre dans cette industrie. C'est une industrie qui avait, à un moment donné, 250,000 travailleurs et qui, à vrai dire, n'en a besoin que d'environ 100,000. On avait toutes sortes de personnes qui venaient travailler dans l'industrie de la construction dépendamment des situations. Je pourrais vous citer que les policiers venaient à l'occasion, les pompiers venaient à l'occasion, dépendamment de leur horaire de travail. Les agriculteurs, dépendamment de la saison. Il y avait aussi beaucoup de patronage qui se faisait. C'était un peu plus difficile au niveau des métiers spécialisés, qui eux requièrent un certificat de qualification. Mais au niveau des occupations, des manoeuvres ou des différents qroupes qui n'ont pas nécessairement besoin de certificat de qualification, ce monde était à la merci de toutes sortes de pressions. Donc, le rèqlement de placement, nous sommes d'accord avec, nous avons certaines réticences à certains articles du rèqlement, mais nous ne voudrions pas que par un tel article inséré dans une charte le fédéral se place les pieds dans les relations de travail en termes de faire disparaître le rèqlement de placement.

Vous posez aussi la question: Est-ce que le rèqlement de placement ne donne pas des droits aux travailleurs de l'Ontario et que cela ne vous occasionne pas plus de problèmes à vos travailleurs du Québec qui pourraient éventuellement être privés de travailler dans ces différentes provinces?C'est vrai que nous avons peut-être quelques milliers de travailleurs québécois qui travaillent dans d'autres provinces à travers le Canada, mais il y a aussi des travailleurs ontariens qui travaillent dans la réqion frontalière au Québec et pas seulement

l'Ontario, les autres régions frontalières du Québec. Le problème auquel on a à faire face, c'est de protéger cette industrie pour les vrais travailleurs de la construction. Vous mentionniez qu'on privait les étudiants de pouvoir entrer dans cette industrie, quand bien même les gars gagnent des salaires de $15 l'heure, mais vous avez dit un peu plus tard que les gars travaillent 1000 heures par année. C'est effectivement le cas.

C'est bien beau d'avoir de gros salaires, mais, lorsque tu ne travailles pas, cela devient des salaires de $6 ou $7 l'heure. Ce qu'on veut faire, on veut protéger ces travailleurs. Dans l'industrie privée, il y a des conventions collectives de travail qui existent qui ont des clauses d'ancienneté. Avant de prendre d'autres travailleurs, il faut qu'on ait donné le travail à ceux qui l'ont perdu, qui ont été "layoffés", les réembaucher avant de prendre de nouveaux travailleurs. Mais c'est un peu ce que le règlement de placement vise dans l'industrie de la construction. Pour nous, insérer à l'intérieur de la charte un tel article, cela pourrait mettre en péril le règlement de placement dans l'industrie de la construction. Je peux vous dire que les travailleurs que je représente tiennent à maintenir ce règlement de l'industrie de la construction.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Mme la Présidente, j'ai écouté avec intérêt l'échange entre le député de Saint-Laurent et les représentants de la FTQ. En écoutant ces questions, je peux vous dire, Mme la Présidente, que je comprends un peu mieux pourquoi le Parti libéral du Québec défend aussi faiblement les droits du Québec. Par ces questions, on se rend compte que, selon eux, le seul problème du geste d'Ottawa, c'est la démarche, c'est le fait qu'il s'agisse d'une démarche unilatérale qui se fait sans l'accord des provinces. Nous partageons cette idée, mais cependant il n'y aurait pas de danger sur le plan linguistigue, très peu. Il n'y aurait pas de problème non plus quant à la priorité d'emploi que certaines lois du Québec accordent aux travailleurs québécois. En fait, ce que les libéraux provinciaux sont en train de faire, ils sont en train d'essayer de convaincre les Québécois que ce n'est pas très dangereux. Ce n'est pas surprenant puisque sur le fond, quand on lit leur livre beige, ils sont d'accord essentiellement sur le plan des mesures linguistiques contenues dans le coup de force fédéral, sur le plan également de la mobilité de la main-d'oeuvre "from coast to coast". Sur ces deux points, le livre beiqe est d'accord avec le contenu de la résolution fédérale.

Je dois vous dire, Mme la Présidente, que si jamais les libéraux provinciaux réussissaient à convaincre les Québécois qu'il n'y a pas de danger sur le plan linguistique, qu'il n'y a pas de danqer sur la mobilité des travailleurs, je me demande comment on pourrait faire, sans l'appui de l'opinion publique sur des questions aussi fondamentales que celles-là, pour bloquer le coup de force qu'Ottawa nous prépare? Moi, je pense, au contraire, qu'il y a d'énormes risques sur le plan politique, il y a d'énormes risques éqalement sur le plan économigue.

Je voudrais poser deux questions à M. Daoust; d'abord, l'une sur la question linguistique. Bien sûr, la résolution fédérale se concentre sur la question de la lanque d'enseignement, elle ouvre considérablement l'école anglaise à d'autres personnes que les Québécois anglophones. C'est une deuxième attague, après celle qui est déjà dans la constitution, à l'article 113, qui a rendu illégale une partie de la loi 101, partie gui portait sur la lanque des tribunaux et de l'Assemblée nationale.

Vous semblez dire, dans votre mémoire, que ça peut avoir une implication sur les autres parties de la loi TOT, dans le sens qu'il y aurait une certaine influence dans les attitudes. Est-ce que vous avez senti, dans l'application de la loi .101, en ce qui concerne le chapitre sur la lanque du travail, des difficultés, des chanqements d'attitude récents qui pourraient vous laisser penser qu'il y aurait un tel impact? Parce qu'il y a tout le chapitre de la loi 101 qui est largement basé sur un échange entre l'Office de la langue française et les milieux de travail, sur des comités de francisation. Cela demande beaucoup de bonne volonté des différents intervenants dans te milieu du travail, et cette bonne volonté tient à la compréhension qu'ils ont de la volonté politique du gouvernement et du peuple québécois de franciser le Québec. C'est la première question.

La deuxième porte la mobilité des travailleurs. Est-ce que la difficulté de la résolution fédérale à ce point de vue de l'article 6, en particulier, tiendrait au fait de différences culturelles, d'abord et avant tout? C'est bien beau de dire: On va favoriser la mobilité des travailleurs, mais on sait que les travailleurs francophones, de fait, à cause de raisons culturelles, sont moins mobiles que les travailleurs anqlophones. Est-ce que vous avez pu constater ce fait et est-ce que c'est là-dessus que se base votre critique?

Finalement, en ce qui concerne la question du ministre des Affaires intergouvernementales tout à l'heure, concernant l'intérêt de la population, je pense que vous participez au mouvement Solidarité-Québec et que vous avez fait circuler une pétition dans les milieux de travail. Qu'est-ce que ra a donné comme réponse des travailleurs qui sont affiliés à la

Fédération des travailleurs du Québec?

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le secrétaire général, le signe que je vous faisais était simplement pour vour demander si vous et M. Lavallée vouliez répondre aux questions.

M. Daoust: Peut-être, un peu plus tard.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Daoust, malheureusement, nous avons à peu près terminé le temps qui nous était alloué, alors...

Une voix: Consentement.

M. Daoust: Très rapidement.

La Présidente (Mme Cuerrier): Ron, mais j'espère au moins que la commission vous accordera autant de temps pour répondre que le temps utilisé pour poser les questions.

M. Daoust: Les trois questions de M. Paquette sont vivement intéressantes. Je vais essayer, très rapidement, de leur donner des réponses.

À l'égard de la loi 101, laissez-moi vous dire - et c'est intéressant qu'on le dise publiquement - qu'à l'occasion d'un sondage -et on a tous les réserves que vous savez à l'éqard des sondages - que nous faisions il y a déjà quelque temps, à l'intérieur de la FTQ, nous avons constaté - il y a déjà quelque temps, remarquez - que la loi qui avait suscité le plus d'appui, à l'intérieur de notre centrale tout au moins, c'était la loi 1.01. C'est intéressant que je rattache ça un peu à ce que M. Morin me posait comme question plus tôt; des gens qui pensent que les travailleurs ne s'intéressent pas aux problèmes culturels, aux problèmes constitutionnels font souvent fausse route.

Ce qui, à l'égard de la loi 101, nous inquiète, ce sont les effets d'entraînement et une espèce de climat psychologique. C'est de notoriété publique - en tout cas, je pense que ça se sent, ça se voit; ça se voit sans aucun doute dans le domaine de l'affichaqe. On sent que les gens attendent quelque chose. Ce sont les effets d'entraînement. On sent que les gens prennent, à ce moment-ci, les bouchées moins grandes dans le domaine de la francisation. Ils sont un peu à un rythme... Comment appelle-t-on ce que font les cyclistes? (11 h 301

Une voix: Du surplace.

M. Daoust: Du surplace. Bon, ils font du surplace. Ils sont en attente, espérant qu'un de ces bons jours, des oreilles plus sympathiques et des législateurs moins énergiques dans le domaine de la francisation pourraient peut-être chanqer des choses. Peu importe, je pense que cela se sent, en toute honnêteté. On pourrait, je oense bien, en faire une démonstration plus étoffée.

À l'égard de Solidarité Québec, la pétition, comme vous le savez, a connu un sprint, un marathon qui se terminait au tout début rie cette semaine. À ce moment-ci, c'est la période de cueillette des pétitions qui est en cours. Chez nous, dans les milieux de travail, on l'a fait signer partout. Des qens qui avaient voté non au référendum l'ont signée avec beaucoup de plaisir. De fait, Louis Laberge et moi-même sommes allés au siège social de Bell Canada; ce ne sont pas nécessairement seulement des syndigués, il y a des cadres, il y a des gens fort bien rémunérés, il y a encore des anglophones qui occupent des postes imposants dans cette entreprise. Le "encore" veut dire qu'il y en a, c'est une constatation, il n'y a pas de malice là-dedans.

Je vous raconte cela comme anecdote. Peut-être un peu à notre surprise, on s'est aperçu qu'on avait quasiment autant de facilité, sinon plus, à faire signer la pétition par des anglophones que par des francophones. Elle était toute en français et, peu importe, ils la signaient spontanément, dès le moment qu'on leur expliquait le sens de cette pétition. Pour nous, cela prouve, cela confirme un peu ce que je disais ce matin; les travailleurs sont intéressés par ces questions, mais, en temps et lieu, on commentera cette pétition qui connaîtra un aboutissement d'ici quelques jours, une semaine ou deux, peu importe, et on aura l'occasion de faire des commentaires un peu plus précis. Peut-être qu'à l'égard de la deuxième question, Jean voudrait... Je pense que vous avez parlé de la mobilité liée au problème culturel ou linguistique.

M. Paquette: C'est cela. Je pourrais répéter la question, Mme la Présidente. Les craintes que vous avez concernant l'article 6 sont-elles causées par... Quand on parle de mobilité qénérale, est-ce que cela n'a pas un sens très différent pour des travailleurs francophones et pour des travailleurs anglophones? Est-ce que vous sentez, dans les syndicats membres de la FTQ, un sentiment assez répandu chez les travailleurs selon lequel c'est beaucoup plus difficile pour eux d'aller travailler à l'extérieur du Québec que ça peut l'être pour un anglophone?

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Lavallée.

M. Lavallée: Ce sentiment existe au niveau de certains travailleurs de la construction, selon la réqion d'où ils viennent. J'ai eu, personnellement, certaines discussions avec des travailleurs de Québec,

ici, qui ne savaient pas parler anglais et qui ont eu à aller travailler en Alberta. Ils n'ont pas pu y demeurer très longtemps, étant donné qu'ils avaient de la misère à comprendre; ils sont revenus. Ce problème est un peu moins vécu chez les travailleurs de Montréal; ces gars sont allés, à plusieurs reprises, travailler soit aux États-Unis ou en Ontario ou dans d'autres provinces du Canada. Selon les régions, nous avons cette crainte des travailleurs.

Généralement, ce sont à peu près toujours les mêmes qui voyagent, c'est un certain groupe. Ces gars, de par la pratique et l'habitude aussi, ont appris l'anqlais et, normalement, ils n'ont pas de problème à ce niveau.

La Présidente (Mme Cuerrier: II me reste à remercier la Fédération des travailleurs du Québec pour sa collaboration aux travaux de la commission. Merci à M. Jean Lavallée, qui est vice-président de la Fédération et président, je crois, de la Fédération des électriciens, n'est-ce-pas, et à M. Fernand Daoust, qui est le secrétaire qénéral. Merci beaucoup de votre collaboration.

J'appellerai maintenant la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. On m'informe que la Société Saint-Jean-Baptiste de la Mauricie avait proposé d'être entendue, elle aussi, et qu'elle se serait jointe à la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal aujourd'hui pour ne pas multiplier les mémoires, me dit-on. Est-ce que M. Marcel Henry est le porte-parole de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal?

Juste avant que vous vous présentiez, pour les intervenants précédents, j'avais encore, entre autres, Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine qui voulait poser une question et j'avais d'autres questions ailleurs. Pour la bonne marche des travaux, je vous demanderais, à chacun - cela s'adresse aussi bien aux membres de la commission qu'aux intervenants - autant que possible, de concentrer les questions pour permettre que les gens qui sont là devant nous puissent avoir, au minimum, autant de temps pour répondre qu'on en met à poser des questions.

M. Marcel Henry, de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, je vous demanderais de présenter aux membres et aux intervenants de la commission les gens qui vous accompagnent ce matin.

SSJB de Montréal et de la Mauricie et SNQ du centre du Québec

M. Henry (Marcel): Mme la Présidente, d'abord, nous avons deux sociétés soeurs qui ont voulu s'associer avec nous dans la présentation de ce mémoire et qui ajouteront un mot à la fin de la présentation. M. Yves Rocheleau est président de la Société Saint-

Jean-Baptiste de la Mauricie et M. Georges Dumaine est le représentant de la Société nationale des Québécois du centre du Québec. J'ai, à ma gauche, le premier vice-président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, M. Jean-Marie Cossette, et le deuxième vice-président, Me Yvon Groulx, ensuite, nous avons le trésorier qénéral de la société, M. Gilles Rhéaume. Nous avons aussi, parmi nos collègues qui sont ici dans la salle, parce qu'il n'y a pas assez de place à la table, l'adjoint du président, M. André Vien; nous avons M. Jacques Bergeron et M. Guy Bouthillier qui sont membres de note conseil général. J'espère que je n'en oublie pas. Nous allons vous présenter notre mémoire, il n'est pas très long. Je vais vous le lire et ensuite, on sera prêt à répondre aux questions.

La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal lutte depuis 1834 pour les intérêts du peuple du Québec. Notre position politique fondamentale est bien connue. Ce que nous voulons, ce pourquoi nous luttons, c'est la souveraineté politique totale du Québec. C'est pourquoi nous avons voté oui le 20 mai dernier. Les raisons qui nous ont conduits à nous prononcer alors pour le renforcement du Québec, comme le proposait le gouvernement du Québec, sont les mêmes qui nous conduisent aujourd'hui à nous prononcer contre son affaiblissement, comme tentent de le faire Trudeau et son gouvernement.

M. Groulx (Yvon): Le projet Trudeau, un coup de force contre le Québec. Plus précisément, nous nous opposons au projet de Trudeau pour les raisons suivantes: d'abord, ce projet dépouillerait le Québec de pouvoirs importants, notamment dans les domaines de l'éducation et de la politique linguistique, c'est-à-dire dans le domaine, capital pour nous, de l'identité collective.

Deuxièmement, ce projet nie le caractère français du Québec. Cette constatation découle aussi bien de l'article 23, qui vise à détourner de l'école française ceux qui viendraient vivre au Québec, que de l'article 21 qui, en confirmant l'article 133 du BNA Act, renforce le caractère de bilinguisme officiel imposé au Québec. Mais cette constatation découle aussi et peut-être surtout de l'omission dans le projet de Trudeau d'une déclaration de reconnaissance de la spécificité nationale du Québec.

Troisièmement, ce projet nie le Québec comme État constitué et constituant. Cela découle de ce que le gouvernement fédéral tente d'imposer au Québec une constitution sans obtenir son accord. Cela découle aussi de ce que le référendum constituant, prévu à l'article 42 du projet, permettrait aux autorités fédérales de faire fi de l'État du Québec et même d'obtenir l'abolition pure et simple de ce dernier.

Quatrièmement, bien entendu, tout ceci

est proposé sans que l'on ait obtenu ou même demandé le consentement du Québec. Qui, en effet, au Québec, pourrait consentir à pareil affaiblissement collectif?

Or, cette absence de consentement vicie toute la démarche de Trudeau et transforme son projet en coup de force contre le Québec, car rien ni personne ne peut imposer au Québec une constitution sans son consentement. Cela découle aussi bien du droit constitutionnel actuel que du principe du droit à l'autodétermination.

Selon le droit constitutionnel actuel, une révision constitutionnelle qui porterait atteinte à la position des provinces ne peut être réalisée sans l'accord unanime des provinces. C'est ce qu'à l'époque du Statut de Westminster avaient demandé et obtenu les premiers ministres Ferguson, de l'Ontario, et Taschereau, du Québec, et qu'avait reconnu le premier ministre Bennett du Canada, en ces termes: " Au cas où l'on prétendrait que les droits des provinces définis dans l'Acte de l'Amérique britannique du Nord sont diminués, modifiés ou abroqés, nous faisons dans le statut même une affirmation qu'il n'en est rien. On veut établir clairement que cette loi n'accorde aux Législatures provinciales aucun pouvoir d'accroître la juridiction qui leur a été conférée par la constitution, ou au Parlement fédéral d'accroître ses pouvoirs en se prévalant de cette loi."

Et c'est ce qui fut pratiqué chaque fois qu'une révision constitutionnelle portait atteinte à la position des provinces. En 1940, sur la question de l'assurance-chômage, en 1951, sur la question des pensions de vieillesse, en I960, sur la question des juges et, en 1964, sur la question des pensions de vieillesse. Enfin, c'est ce que le gouvernement fédéral devait reconnaître en 1964 par la voix de son ministre de la Justice, M. Guy Favreau: " Le Parlement du Canada ne procède pas à une modification de la constitution intéressant directement les rapports fédératifs sans avoir au préalable consulté les provinces et obtenu leur assentiment."

Mais ce nécessaire consentement du Québec à toute modification de sa position constitutionnelle découle aussi du droit du Québec à l'autodétermination. Il ne faut ni l'oublier, ni même le passer sous silence quelques mois à peine après le référendum du 20 mai 1980. Il serait paradoxal, en effet, que les autorités fédérales, qui, en mai dernier, reconnaissaient au Québec le droit de rompre ses rapports avec la fédération canadienne, lui refuseraient aujourd'hui le droit de se prononcer sur une simple modification de ces rapports. Qui peut le plus, peut le moins! Qui a le droit de se prononcer sur le plus, a le droit de se prononcer sur le moins!

M. Cossette (Jean-Marie): Le projet Trudeau, un certain dérèglement de l'esprit. Ce projet est aggravé par le fait que, pour réussir à l'imposer, Trudeau doit recourir à l'arme de l'équivoque, de la duplicité et de la fourberie. Qu'on en juge!

Trudeau promettait naguère de ne rien faire sur le plan de la réforme constitutionnelle que dans la compréhension mutuelle, la patience et les accommodements, mais il vient de rompre cette promesse en se lançant dans sa folle aventure unilatérale.

Trudeau s'apprête à changer fondamentalement, à dénaturer la constitution actuelle pour la remplacer par une toute nouvelle. Mais l'importance de ce changement, la gravité du bouleversement qu'il propose, Trudeau tente de les masquer en ne parlant jamais que d'un simple rapatriement.

Trudeau invoque volontiers dans cette affaire l'indépendance du Canada, mais c'est pour mieux masquer l'ingérence étranqère qu'il appelle de ses voeux en suppliant Londres de voler à son secours et de faire à leur place ce que les autorités constituantes du Canada ne veulent pas faire.

Aux Québécois, il a promis, et solennellement, de renouveler le fédéralisme, mais il rompt cette promesse, car son projet nie le fédéralisme en engaqeant le Québec et le Canada dans la voie de la centralisation et du régime unitaire.

Aux Québécois, encore, il a promis un Québec fort (Parle fort, Québec!\ mais son projet, loin de le renforcer, affaiblit le Québec, loin de lui donner des pouvoirs nouveaux, lui en enlève, et des plus importants.

Trudeau parle volontiers de défendre les minorités, mais c'est à la majorité anglo-canadienne qu'il accorde toute sa sollicitude, et non à la minorité franco-canadienne, allant même jusqu'à dépouiller cette dernière des moyens qu'elle vient enfin de se donner au Québec. Car, au fond, son projet n'a pour but que d'immuniser contre la langue et l'école françaises 17,000,000 d'Anglo-Canadiens hors Québec en dépouillant 5,000,000 de Québécois des moyens qu'ils se sont donnés pour faire partager ici leur langue aux non-francophones. Et tout cela au nom des droits qu'il n'arrive même pas à assurer à 800,000 francophones hors Québec, (11 h 45)

Trudeau place son projet sous le signe de la bonne entente, du respect mutuel et de l'unité nationale, mais pour le faire adopter il s'appuie sur l'Ontario dont la fermeture à la vie et à la langue française, la francophonie, vient encore une fois de se manifester. Son projet, au fond, n'est sans doute rien d'autre que la liberté reconnue aux Anglo-Canadiens de venir vivre au Québec dans le refus et le mépris de la vie

française.

Trudeau se drape sous son manteau de défenseur des libertés, mais c'est l'homme -ne l'oublions pas, ne l'oublions jamais - qui, non content d'avoir déclenché la razzia policière d'octobre 1970, s'en déclare, dix ans plus tard, très fier et bien décidé à recommencer à la première occasion.

C'est seulement en s'attaquant aux causes que nous éviterons la répétition de pareille situation. À notre avis, deux facteurs se conjuguent ici:

Une première cause, ancienne et en quelque sorte enracinée dans notre vie et dans notre système politique, c'est le fait qu'au plan fédéral le Québec vit en situation de parti unique, toujours si néfaste pour la démocratie. Dans ces conditions, quel homme politique résisterait à la tentation du pouvoir personnel, du coup de force policier, comme en octobre 1970, et du coup de force constitutionnel, comme en octobre 1980?

Mais la cause la plus directe, la plus immédiate, c'est, bien entendu, le résultat malheureux du référendum du 20 mai dernier. C'est du non de mai 1980 qu'est sorti le coup de force d'octobre 1980. Trudeau fait ce qu'il fait aujourd'hui parce qu'il a gagné le référendum. Et il a gagné le référendum, parce qu'il s'y est présenté comme l'homme du Québec fort et du fédéralisme renouvelé et qu'il a trouvé au Québec même des affidés politiques pour lui faire écho.

Messieurs, mesdames du camp du non, vous avez appuyé cet homme et sa promesse du fédéralisme renouvelé. Avant de faire son lit, que n'avez-vous pas eu la prudence de lui demander, d'exiger de lui qu'il précisât ses promesses et ses idées constitutionnelles! Cet homme vous a possédés et c'est parce qu'il vous a possédés hier qu'il croit aujourd'hui pouvoir posséder le Québec tout entier. Votre attitude ne met sans doute pas en cause votre bonne foi, mais elle accuse votre crédulité, votre naïveté et votre piètre sens politique. C'est pourquoi vous devez, plus que quiconque, en y mettant même la passion de celui qui n'accepte plus d'être trompé, dénoncer le projet, l'homme et son imposture constitutionnelle. Cette obligation s'impose tout particulièrement aux libéraux du Québec, en raison du rôle qu'ils ont joué auprès de lui et au nom de l'étiquette politique qu'ils partagent avec lui.

M. Henry: De cette analyse, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal tire les conclusions suivantes:

Que l'Assemblée nationale et le gouvernement du Québec...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Henry, je m'excuse de vous arrêter. C'est une petite difficulté technique que nous avons simplement. Parce que les présentations se sont faites un peu rapidement, au niveau du journal des Débats, quand on veut identifier les personnes qui parlent, c'est très difficile présentement. J'aimerais juste vérifier. La première personne à intervenir a été M. Henry; la seconde a été M. Groulx, n'est-ce pas?

M. Groulx: Oui.

La Présidente (Mme Cuerrier): Ensuite, c'était M. Cossette.

M. Cossette: Oui.

La Présidente (Mme Cuerrier): Voulez-vous, les prochaines personnes à intervenir, d'abord vous identifier, simplement pour qu'on puisse faire les rectifications voulues au journal des Débats de la commission. M. Henry, je regrette cette intervention.

M. Henry: Merci. Que l'Asssemblée nationale et le qouvernement du Québec disent et, au besoin, répètent aux autorités de Londres qu'elles ne doivent pas donner suite à la demande illégale et inconstitutionnelle qu'Ottawa veut leur présenter. Tout autre comportement de la part de Londres serait un acte de complicité dans le coup de force constitutionnel ainsi qu'un acte d'inqérence dans les affaires du Québec et dans celles du Canada, car, en ne respectant pas les rèqles établies, Londres sortirait de son rôle de constituant canadien pour prendre ou reprendre, son rôle de puissance coloniale. Cette ingérence aggraverait le conflit Québec-Ottawa d'un conflit Québec-Londres et pourrait compromettre les chances de voir le Québec, une fois souverain, demeurer au sein du Commonwealth.

Cette démarche auprès de Londres ne s'adresse ni à la souveraineté, ni au bon plaisir du Royaume-Uni et elle ne constitue ni une supplique, ni un acte de foi. Au contraire, elle est un rappel des obligations contractées en 1931 à l'égard du Québec et des provinces canadiennes et elle est un appel au respect de la parole donnée.

Que l'Assemblée nationale et le qouvernement du Québec invitent les députés et les sénateurs du Québec qui sièqent actuellement à Ottawa à exprimer fermement leur opposition à Trudeau et à refuser catégoriquement leur concours, au besoin jusqu'à la dissidence de parti, à tout coup de force diriqé contre le Québec; que l'Assemblée nationale et le gouvernement du Québec renouvellent le refus de toute disposition constitutionnelle qui n'aurait pas leur accord; que l'Assemblée nationale réaffirme solennellement le caractère national distinctif du Québec et le droit du Québec à l'autodétermination. Cette déclaration solennelle apparaît d'autant plus urgente qu'Ottawa se comporte en l'espèce

comme s'il ignorait la réalité nationale et les droits fondamentaux du Québec. Enfin, que l'Assemblée nationale affirme dès maintenant qu'elle tiendrait pour nulle et non avenue toute modification constitutionnelle imposée au Québec contre son gré et qu'elle y verrait la fin du régime fondé en 1967; que, pour sortir de la vacance de la constitutionnalité qui serait ainsi créée, l'Assemblée nationale et le gouvernement du Québec prennent les dispositions pour convoguer une assemblée constituante avec mission de préparer le texte de ce qui deviendrait, après l'approbation du peuple par référendum, la constitution du Québec. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): La première question sera posée par... M. Rocheleau, vous vouliez intervenir?

M. Rocheleau (Yves): Oui. Yves Rocheleau, président de la Société Saint-Jean-Baptiste de la Mauricie.

Mme la Présidente, tout en appuyant le mémoire soumis par la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, la Société Saint-Jean-Baptiste de la Mauricie, qui compte 22,000 membres répartis en 40 sociétés locales, voudrait informer cette commission et, par son intermédiaire, toute la population du Québec, que nous sommes d'avis que le gouvernement fédéral n'a aucune forme de mandat pour procéder, comme c'est son intention, à la réforme constitutionnelle actuellement proposée. En effet, ni lors de la consultation électorale du 18 février 1980, ni par leurs interprétations de l'exercice référendaire du 20 mai 1980, il ne nous est apparu que les diriqeants du gouvernement canadien avaient l'intention de procéder à la réforme constitutionnelle qu'ils nous proposent aujourd'hui.

Lorsque ces derniers ont promis de mettre, au besoin, leur sièqe en jeu advenant un non au référendum, les Québécois ont cru en cette promesse, mais ils se retrouvent aujourd'hui victimes, un peu comme Mme Thatcher, du même qenre de restriction mentale gui caractérise le comportement particulier de M. Trudeau. Jamais il ne nous est apparu, comme sans doute à la très grande majorité des Québécois, gu'une telle révision aboutirait à guelque réduction que ce soit du pouvoir et des droits de l'Assemblée nationale du Québec. C'est là, à notre avis, quant à sa forme, le caractère le plus inacceptable des propositions du gouvernement fédéral envers les Québécois.

Par ailleurs, sur le fond, le projet fédéral vise à faire du Canada un qrand tout politique où les provinces qui, au départ, ont donné naissance à ce même gouvernement fédéral, se verraient réduites à un rôle de gouvernements subalternes. Dans un tel contexte, non seulement le Québec se retrouverait-il une province comme les autres, mais il se verrait nier son identité propre et son caractère distinctif et ce, contrairement à l'affirmation du rapport Laurendeau-Dunton quant à l'existence de deux majorités au Canada et à la notion des deux peuples fondateurs qui constituent, de tout temps une des assises sur laquelle se sont appuyés dans le débat constitutionnel les divers gouvernements qui se sont succédé à Québec.

Aussi, nous sommes ici pour demander -pour ne pas dire supplier - aux parlementaires de l'Assemblée nationale du Québec de se reqrouper et de faire front commun devant l'urqence de la situation et ce, au-delà de la partisanerie politique. Il nous apparaît en effet que le danqer gue court la nation guébécoise exige l'unanimité de nos parlementaires face à ce projet machiavéligue. Nous faisons un appel pressant aux députés de l'Opposition pour gu'ils appuient le gouvernement dans sa présente démarche, tant à ceux de l'Union Nationale, en leur rappelant simplement gue ce parti s'est historiguement fait le défenseur de l'autonomie du Québec, gu'à ceux du Parti libéral du Québec, parti qui a réalisé fièrement la révolution tranquille et qui a eu le couraqe de dire non à Victoria, en 1971. Pourguoi ne feriez-vous pas preuve aujourd'hui de la même fierté d'être Québécois et du même couraqe gue ceux gui vous ont déjà animés dans des circonstances presgue analogues?

Face à la menace très grave gui pèse sur le Québec, nous demandons conséguemment à tous les parlementaires québécois de dénoncer unanimement le projet Trudeau et d'affirmer clairement, une fois pour toutes et avec la même unanimité, le caractère distinctif du peuple québécois et son droit à l'autodétermination.

La Présidente (Mme Cuerrier): Pourriez-vous identifier, s'il vous plaît?

M. Dumaine: Georges Dumaine, directeur général de la Société nationale du centre du Québec.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Duhaime ou M. Dumaine?

M. Dumaine: Dumaine.

La Présidente (Mme Cuerrier): Je connais mieux Duhaime. Je voulais simplement vérifier. M. Dumaine.

M. Dumaine: Nous avons voulu, la Société nationale du centre du Québec, appuyer le mémoire de la Société nationale parce que nous sommes d'accord sur les principes énoncés dans ce mémoire, même si nous aurions préféré, à certains moments, un

style différent peut-être dans la présentation. Pour rétablir certains faits et en toute honnêteté pour nos membres, je devrais signaler qu'à l'occasion de la campagne référendaire, même si la majorité des dirigeants de notre société et toute notre campagne d'information à ce moment avaient une tendance vers une réponse affirmative à la question référendaire, nous n'avons pas donné officiellement de directive à nos membres sur le vote à cette occasion.

J'aimerais également, Mme la Présidente, rappeler que la Société nationale du centre du Québec a été la première à prôner la souveraineté du Québec dans les années 1967-1968 et ça, dans la foulée des grandes orientations des partis politiques d'alors - et je pense que le Parti québécois n'existait pas - Québec fort, Québec d'abord, égalité et indépendance. Bien des choses ont changé depuis ce temps, mais la Société nationale du centre du Québec, elle, n'a pas changé son orientation. Elle continue toujours à prôner la souveraineté du Québec. C'est pourquoi nous avons voulu aujourd'hui appuyer le mémoire de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal.

En guise d'appui, je voudrais vous donner ici la position officielle du conseil d'administration de notre société, position officielle qui fait présentement l'objet d'un communiqué de presse qui doit être publié dans les journaux locaux de notre région: Considérant, Mme la Présidente, que l'Assemblée nationale du Québec doit posséder les compétences suffisantes pour assumer le développement du milieu et l'épanouissement de sa population; considérant que l'Assemblée nationale du Québec doit conserver le droit d'établir les politiques économiques nécessaires au développement du Québec, que le Québec doit demeurer le foyer national des Canadiens français et conserver ses compétences exclusives en matière de langue, de culture et de communications; que le fédéralisme centralisé prévu par le projet de réforme constitutionnelle fait du Québec un ghetto linguistique et culturel soumis aux volontés de la majorité anglophone du Canada; considérant que le rapatriement unilatéral est le premier jalon de la disparition des droits des provinces et de l'abolition du fédéralisme canadien fondamentalement basé sur l'entente traditionnelle entre les deux peuples fondateurs; considérant que ce projet constitutionnel fait du Québec une province comme les autres dans un pays unitaire gouverné par une seule majorité, créant sur le plan linguistique deux catégories de citoyens ayant des droits inégaux au Canada;

En conséquence, nous nous opposons à ce projet de rapatriement unilatéral et de modification non négociée du pacte confédératif, soumis à l'approbation d'un

Parlement étranger, celui de Londres. Nous invitons nos concitoyens de toute allégeance politique à s'opposer à ce projet et à manifester cette opposition à leurs députés en leur rappelant qu'ils ont d'abord été élus pour défendre prioritairement les droits du Québec et qu'ils doivent, à ce moment de notre histoire, représenter fidèlement la conscience nationale du Québec.

De plus, Mme la Présidente, nous demandons au gouvernement central de renoncer à ce projet contraire à l'esprit du fédéralisme et à la volonté clairement exprimée de la majorité des États provinciaux constituants. Nous demandons dans une ultime démarche aux instances fédérales et provinciales de s'entendre, d'abord, sur les éléments constitutifs de ce pays, en particulier, la reconnaissance du principe des deux nations fondatrices; (12 heures)

Deuxièmement, de déterminer en conséquence les champs de compétence des différents paliers de gouvernement, notamment en matière de taxation et de dépenses.

Troisièmement, de créer un conseil confédéral, chargé de rédiger une nouvelle constitution offrant aux deux nations l'égalité et les mêmes garanties d'impartialité et ayant pouvoir de gérer tout processus éventuel d'amendement de la constitution.

Nous demandons que le projet de constitution canadienne soit soumis à l'approbation des ressortissants de chacune des provinces par leur gouvernement respectif.

Nous demandons qu'après un tel référendum et moyennant la règle de l'unanimité déjà reconnue la constitution soit promulguée par tous les pouvoirs constitués participants et reconnue par le Parlement de Londres, telle reconnaissance rapatriant automatiquement la constitution.

Conscient des dangers qui menacent présentement l'ensemble canadien et les droits fondamentaux des Québécois, la Société nationale du centre du Québec invite tous les citoyens à s'opposer au rapatriement unilatéral, parce qu'il est contraire au fédéralisme, qu'il représente un empiétement du gouvernement central sur les pouvoirs des provinces, qu'il attente à la souveraineté du pays en soumettant un projet constitutionnel à un gouvernement étranger, celui de Londres. Parce que, finalement, l'actuelle démarche ne résoud aucunement nos problèmes constitutionnels et ne règle en rien nos différends entre peuples fondateurs. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre des Affaires intergouvernementales.

M. Morin (Louis-Hébert): Merci, madame. J'ai écouté, dans les représentations

que vous avez faites, plusieurs arguments qui militent contre le coup de force fédéral; je ne veux pas revenir là-dessus.

Il y a cependant une chose que je trouve à la page 11 du mémoire qui nous a été soumis et c'est ceci: On souhaite "que l'Assemblée nationale réaffirme solennellement le caractère national distinctif du Québec et le droit du Québec à l'autodétermination. Cette déclaration solennelle apparaît d'autant plus urgente qu'Ottawa se comporte, en l'espèce, comme s'il ignorait la réalité nationale et les droits fondamentaux du Québec".

Je vais vous poser une question - et je le fais en espérant que je n'entreprendrai pas, par ma question, un débat politique ou même partisan - je veux très objectivement dire qu'à propos du droit à l'autodétermination, il existe deux écoles de pensée dont, je pense, de part et d'autre, les positions peuvent se défendre. D'une part -vu qu'on est devant une tentative fédérale d'en arriver à une nouvelle constitution, mais par un coup de force, et que, de toute façon, tant que le régime fédéral durera, éventuellement on arrivera à une nouvelle constitution, peut-être! - dans cette perspective où les règles fondamentales du Canada vont être redéfinies, il existe deux écoles de pensée. Une qui dit: Si on ne réaffirme pas clairement, dans le texte même, le droit du Québec ou des Québécois à décider eux-mêmes librement de leur avenir, cette omission peut servir plus tard à nier l'existence de ce droit. En d'autres termes on nous dira: Vous n'en avez pas reparlé à ce moment où on faisait la nouvelle constitution, donc c'est parce que vous l'avez abandonné. Donc, première école de pensée qui dit qu'il faut affirmer concrètement - donc l'écrire noir sur blanc -ce droit à l'autodétermination pour le Québec.

Une autre école de pensée - c'est celle de nos amis libéraux ici et, si je fais erreur, je pense qu'ils me corrigeront - c'est de dire: Le droit à l'autodétermination, les Québécois l'ont, ils l'ont exercé au mois de mai dernier. Personne ne met ça en doute et, comme personne ne met ça en doute ou que ce n'est pas un objet de discussion dans le débat actuel, ce n'est pas nécessaire de l'écrire noir sur blanc.

Je résume; certains disent qu'il faut l'écrire, d'autres disent qu'il ne faut pas l'écrire. Moi, j'opte plutôt, on le sait, pour qu'on le précise en vertu du vieux principe que, quand on se parle à demi-mot, on se comprend à moitié; alors c'est aussi bien de l'écrire clairement.

D'après ce que je viens de lire et d'entendre, vous avez l'air d'opter, vous aussi, pour que soit reconnu clairement ce droit à l'autodétermination et que c'est d'autant plus nécesssaire de le faire maintenant qu'on est face à un coup de force.

Je dois quand même dire, en étant très objectif, que l'autre point de vue se défend aussi; ça se défend aussi de dire qu'on n'a pas besoin de le mentionner, puisqu'il est déjà reconnu.

Je voudrais que vous me précisiez, par rapport à ces deux écoles de pensée... Je ne veux pas que vous preniez partie contre ou pour qui que ce soit, mais c'est vraiment une question qui m'intéresse profondément; je suis responsable de la négociation de ces sujets et je pense personnellement qu'il faut être plus précis que moins précis. Si ce n'était pas mentionné dans une nouvelle constitution que le Québec a le droit à l'autodétermination, pensez-vous que cela nierait ce droit, le seul fait de ne pas le mentionner? Je ne sais pas à qui poser la question, vous avez plusieurs intervenants. M. Henry.

La Présidente (Mme Cuerrier): ... a manifesté l'intention de répondre.

M. Henry: Notre réponse là-dessus, je pense bien, serait ceci. Même si on ne l'affirmait pas, on maintiendrait que le droit existe.

M. Morin (Louis-Hébert): Oui, mais ma question, ce n'est pas cela.

M. Henry: Non, d'accord. J'y arrive. On juge plus utile de le redire parce qu'il y a un grand danger, si on refait une nouvelle constitution où ce n'est pas écrit, que l'école de pensée dont vous parliez revienne avec cela. On se dit: II n'y a pas de chance à prendre, redisons-le clairement; comme cela, il n'y aura pas d'ambiguïté. C'est pour cela qu'on pense que le droit du Québec à l'autodétermination existe. Tous les précédents internationaux confirment qu'on a le droit à l'autodétermination, on l'a exercé au mois de mai, mais on pense qu'il est bon de le réécrire parce qu'il y a un danqer que l'autre interprétation prenne le pas si on ne l'écrit pas.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Si vous permettez, je vais continuer l'argumentation. Supposons qu'on est dans le système fédéral actuel. On ne peut pas, le Québec seul, changer la constitution pour que cela convienne seulement aux intérêts du Québec. C'est la règle du système fédéral, on est dépendant des autres. Cela, on le sait. Supposons que, comme négociateur du gouvernement, je soulève la question dont on vient de parler: Le droit à l'autodétermination, on veut que ce soit écrit

dans la constitution. Supposons que les autres s'y refusent et que ça n'y est pas parce que la majorité fédérale est contre. Est-ce que le fait que je me serais fait refuser, comme négociateur du gouvernement au moment d'une conférence fédérale-provinciale, par les autres de l'écrire, met en cause ce que vous considérez comme un droit fondamental ou si ça n'a pas d'effet?

Si on me refuse de l'inscrire, est-ce qu'on me refuse que le droit existe ou si on pense que ce n'est pas nécessaire de l'inscrire, vu qu'il existe? Je ne sais pas si je suis clair. Il y a un danger, là. C'est un problème concret qu'on a quand on négocie avec les autres. Je serais peut-être mieux de ne pas le soulever du tout, c'est ce que je veux dire.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Henry.

M. Henry: Je pense qu'il y a vraiment un danger. À ce moment-là, il faudrait que l'Assemblée nationale du Québec le réaffirme que même si on n'a pas réussi, que cela n'a pas été écrit, cela existe. Je pense qu'il faut absolument qu'on n'accepte pas de modifications de la constitution qui ne consacreraient pas ce droit.

M. Morin (Louis-Hébert): En somme, vous êtes d'avis que c'est un domaine où, à cause de l'évolution des choses - vous me direz si je vous traduis bien - on n'a pas de risque à courir. Par conséquent, on est mieux de dire clairement ce qu'on croit que de présumer que les autres vont supposer qu'on a un droit parce que nous pensons que nous l'avons. C'est mieux de le dire.

M. Henry: Étant donné que c'est l'avenir du Québec qui est en cause, on ne peut pas prendre de risque.

M. Morin (Louis-Hébert): Bon, sauf qu'il y a l'autre problème. Si, comme négociateur, le représentant du Québec insiste pour que ça y soit et que les autres, pour des raisons X, ne veulent pas que cela y soit, est-ce que le fait que je me ferais refuser cette inscription nie, en fait, le droit?

M. Henry: Je pense que si le Québec l'affirme et qu'on lui impose autre chose, il n'a jamais accepté autre chose; alors, à ce moment-là, son droit est maintenu.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: II y a, dans les différents groupes qui viennent devant la commission parlementaire dont la plupart nous disent, très franchement et très courageusement, qu'ils poursuivent les objectifs de la souveraineté politique du Québec, partout beaucoup de sollicitude à l'endroit des députés de l'Opposition et des députés libéraux provinciaux, cette fois, nous invitant à affirmer nos objections au projet fédéral de rapatriement de la constitution.

Remarquez - je n'ouvre qu'une parenthèse - que sollicitude pour sollicitude, personnellement, je m'attendrais que des groupes comme vous, qui avez le courage d'affirmer vos convictions souverainistes, étant mis en situation et en présence des représentants du parti qui, au Québec, véhicule l'idée de la souveraineté, exigiez d'eux qu'ils aient également le même courage de dire très clairement à la population qu'ils s'inscrivent dans la poursuite de la souveraineté ou de l'indépendance politique du Québec.

Ceci étant dit, je voudrais également noter un autre aspect qui s'adresse constamment aux députés de l'Opposition. Tantôt, vous avez - je crois que c'est M. Cossette - fait la remarque ou adressé vos commentaires à 60% de nos concitoyens du Québec qui ont répondu non à la question référendaire, question qui, faut-il le rappeler, portait essentiellement sur la souveraineté-association. Je pense que le non correspondait à cette dimension essentielle de la question. L'adhésion des Québécois, qui ont répondu non à la souveraineté-association, n'est pas une adhésion simplement artificielle ou accidentelle, cela correspond à des convictions profondes de nos concitoyens et je trouve un peu simplistes les affirmations disant que ces gens-là ont été trompés; cela implique presque nécessairement, dans les propos que certains intervenants nous tiennent, que ces gens, allègrement, vont, demain matin, se ranger dans le camp de la souveraineté. Je pense qu'il faut avoir plus de respect des convictions profondes de nos concitoyens. Vous savez, tout le débat, M. Cossette, qui existe au Québec autour des questions du fédéralisme et de la souveraineté, dure depuis dix ou quinze ans; quand est arrivé le moment du référendum, les gens n'ont pas pris une décision en disant: On veut être des Québécois à part entière, mais également des Canadiens. Ils n'ont pas pris une décision irréfléchie. Cela témoignait d'un attachement profond au pays.

D'ailleurs, même pour ces gens, ces 60% que vous dites avoir été trompés et dont vous dites qu'ils changeraient éventuellement d'option, il ne faut pas oublier non plus l'autre dimension. Je comprends que, vous inscrivant dans une optique de souveraineté, vous êtes peut-être porté... Vous me permettrez de vous rappeler une chose, c'est qu'il n'y a pas seulement 60% de Québécois qui ont dit non et qui, pour la grande majorité, ont des réserves sur le projet fédéral. Il y a aussi - et c'est très important, Dieu sait que, du côté du

gouvernement du Québec, on a fait des efforts pour bien s'assurer de l'adhésion de ces gens - un nombre considérable de Canadiens, de nos concitoyens du Canada qui s'opposent au projet fédéral tel qu'il est libellé actuellement. Il y a des gouvernements, des organisations syndicales, des partis politiques, des commentateurs politiques qui n'ont pas vécu l'exercice référendaire et ils se font du Canada une conception qui est sensiblement analogue à celle, je pense, de la grande majorité des Québécois qui ont voté pour le non. Ils continuent leur démarche. Ce n'est pas parce qu'on rencontre une difficulté sérieuse et importante qui est inhérente au projet fédéral que ces gens, pas plus que les Québécois qui ont répondu non, vont abandonner leur attachement profond à l'idéal d'un pays qui s'appelle le Canada.

La deuxième remarque que je voudrais formuler, à la suite de vos commentaires, c'est que je ne sais pas si vous suivez très attentivement l'actualité, peut-être qu'il y a des éléments de l'actualité politique qui vous échappent, mais, lorsqu'on entend, depuis le début, de la part de groupes souverainistes, des appels au Parti libéral du Québec d'afficher ses couleurs au titre du rapatriement de la constitution et du caractère unilatéral du rapatriement de la constitution, je pense que, pour nous qui sommes attachés à la formule fédérale, je suis convaincu - je pense qu'on l'a démontré - qu'on s'y intéresse au premier chef. Les gens qui ne sont pas intéressés au fédéralisme peuvent dire, du bout des lèvres, qu'ils sont contre toute idée de rapatriement de la constitution, toute formule d'amendement, enfin, contre chacun des éléments, et on les comprend, c'est contre leur option profonde.

Mais nous, on est attaché au fédéralisme, il se pose un problème au niveau de la structure fédérale, donc, on y met des efforts. Je ne sais pas d'où certains d'entre vous... Je ne vise pas particulièrement M. Cossette, ou peut-être qu'il a omis de le mentionner, mais vous savez que le projet fédéral a été annoncé le 2 octobre 1980, ou dans ce coin-là. Or, le lendemain, le 3 octobre, le chef de l'Opposition officielle, M. Claude Ryan, le chef du Parti libéral du Québec... Je vous le donne, parce que ça recoupe exactement votre mémoire; d'ailleurs, votre mémoire et tous les mémoires, sur la substance et sur le fond, il n'y a pratiquement rien de changé là-dedans. Je vous donne la prise de position le 3 octobre, au lendemain même de l'annonce par le premier ministre du Canada de son projet de proposition.

M. Ryan disait, vous me permettrez de le citer: "C'est la méthode de l'unilatéralisme que j'ai rejetée à plusieurs reprises dans le passé et que je rejette évidemment encore une fois. Un principe est un principe ou il n'en est pas un. Si c'est un principe qui était bon il y a trois mois, il est encore bon aujourd'hui. J'affirme bien simplement et bien calmement que notre position là-dessus demeure ce qu'elle était il y a deux mois, six mois, un an ou deux ans." Il disait, pour être plus spécifique: "Ce que je redoute personnellement" - je pense que ça rejoint l'essentiel de votre mémoire, lorsque M. Groulx parlait de la nature du fédéralisme, de la nécessité du consentement; voici ce que M. Ryan disait, le 3 octobre, au lendemain même du dépôt fédéral - "dans la manière dont les choses s'amorcent, c'est que nous ne soyons conduits, par étapes, à des changements profonds dans la nature même du régime fédéral qui nous gouverne." (12 h 15)

C'est là, je pense, l'essentiel des objections que nous avons aux propositions fédérales, ces mêmes objections que, j'en suis convaincu, une très grande majorité des 60% des gens qui ont voté non continue de maintenir et que de très nombreux Canadiens continuent d'affirmer actuellement dans le débat public qui confronte le pays. Qu'on ne vienne pas à la commission, pour toutes sortes de raisons ou par omission ou même peut-être de bonne foi, je ne sais trop, lancer de soi-disant appels pathétiques au Parti libéral du Québec, lui disant: Quelle est votre position?, lui disant de se joindre à vous.

Au fond, dans la situation bien concrète, c'est bien plus vous, les souverainistes, qui, par le résultat du référendum et respectant le référendum, vous vous joignez à nous, les fédéralistes, qui essayons de défendre un type de fédéralisme au Canada qui corresponde aux réalités du pays et à l'idée que nous nous en faisons. Si vous ne voulez pas embarquer ou, enfin, nous suivre dans cette démarche - on respectera bien légitimement votre opinion, nous ne vous ferons pas d'appels pathétiques pour vous demander de vous joindre à nous - continuez de défendre votre objectif souverainiste et essayez de faire pression et de vous adresser à ceux-là qui sont vos interlocuteurs, c'est-à-dire le Parti québécois et le gouvernement du Parti québécois, pour qu'à la prochaine échéance - il y a une autre échéance très importante sur le plan électoral - l'article premier du programme de ce gouvernement l'affirme avec le même courage que vous avez, vous de la Société Saint-Jean-Baptiste, de la FTQ, de la Centrale des enseignants du Québec, etc., qui êtes venus et d'autres groupes qui viendront. Dites à ces gens-là: Nous allons travailler pour lutter contre les aspects négatifs du projet fédéral, très bien, mais nous allons affirmer en toute franchise et en toute lucidité à l'endroit de tous nos concitoyens du Québec nos convictions souverainistes.

Exigez ça de la part de vos porte-parole ici, au niveau de l'Assemblée nationale, et sur le plan politique et, surtout, relisez les textes déjà publiés, qui sont publics. Je vous cite celui du 3 octobre, le lendemain. Je pense que M. Ryan a été le premier à prendre position comme chef ou leader de l'opinion publique au Québec. Ensuite de ça, il y a eu trois, quatre, cinq et six autres précisions. Et encore, si vous êtes sceptiques à l'endroit des convictions profondes - et je pense que vous ne devriez pas l'être si vous connaissez bien M. Ryan -au Conseil général du Parti libéral du Québec, regroupant tous les comtés du Québec - ce sont quand même des Québécois qui ont le droit de s'exprimer - le 18 janvier, ici à Québec, une résolution formelle a été adoptée indiquant très clairement et, confirmant, de la part des libéraux, les prises de position du chef du Parti libéral du Québec.

Je pense que c'est important d'affirmer ca à ce moment-ci. Surtout, quand on voit la façon dont cette commission parlementaire se déroule, je pense que c'était essentiel de le dire. Dans un certain sens, M. Cossette, M. Groulx et les autres de la Société Saint-Jean-Baptiste, ainsi que M. Rocheleau de la Mauricie et M. Dumaine, je vous remercie de m'avoir invité par cette affirmation de votre mémoire à faire cette précision qui m'apparaît essentielle dans le débat actuel.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Jean-Marie Cossette.

M. Cossette (Jean-Marie): J'aimerais répondre au discours de l'intervenant. Je souhaiterais qu'il défende avec autant de vigueur l'option de son chef, M. Ryan, qui s'oppose au rapatriement unilatéral, qu'ils l'ont fait pendant la campagne référendaire. Ce n'est pas accidentel si beaucoup de personnes qui viennent présenter des mémoires ici attirent l'attention et rappellent la participation considérable des gens du Parti libéral à la campagne référendaire. C'est qu'elle fut active et, en réalité, elle a commencé le lendemain de novembre 1976, la campagne pour le non. Lorsque nous voyions de grandes pancartes un peu partout à travers le Québec qui disaient: "Au Canada, j'y suis, j'y reste pour mes libertés," cela indiquait la ligne de force qui était véhiculée dans les milieux, particulièrement dans les strates faibles de notre population québécoise.

J'ai entendu des choses qui m'ont fait sursauter lors de cette campagne référendaire, des allusions, des déclarations nous rappelant les fours crématoires, nous rappelant les camps de concentration, qui furent largement véhiculées, notamment dans les milieux allophones montréalais. Je vous avouerai que cela a pu fausser considérablement les règles du jeu. Je pense que la bataille fut inégale et, malheureusement, elle est très conséquente puisqu'elle a ouvert la porte justement à M. Trudeau qui s'est dit: Si les Québécois ont réussi à avaler et à digérer tout cela, ils sont capables d'avaler le restant. C'est exactement ce qui se produit. Ce implique directement la responsabilité des députés du Parti libéral. S'ils sont si convaincus que cela que la tactique, que la manoeuvre de M. Trudeau, qui en est une qui s'inscrit dans une tradition anti-franco-québécoise, anti-canadienne-française... On a assisté, depuis le début de ce pacte, à un grugeage continuel, à des emprunts temporaires, à des lois et des mesures de guerre de toute nature et, chaque fois, le Québec y a perdu des plumes.

Si la Société Saint-Jean-Baptiste a fait son lit de son option - cela remonte à 1964 - ce n'est pas accidentel, c'est parce qu'elle fut de toutes les luttes et qu'elle ne croit pas que ce système ait des chances finalement d'être équitable pour la nation canadienne-française dans son territoire national, le Québec. Mais cela ne veut pas dire que nous devons nous exclure du débat. Comme le dit le mémoire: Qui veut le plus veut aussi le moins. Nous n'allons quand même pas nous résigner à perdre le peu de garanties que nous avons garanties dans ce document sous le principe que nous ne sommes pas fédéralistes. Il est bien sûr que nous avons toujours prétendu que le document de la constitution canadienne était plus en sécurité dans le "frigidaire" londonien qu'à la disposition de cette multitude de gouvernements qui, on le sait très bien, traditionnellement, n'ont pas favorisé l'évolution et l'émancipation de notre peuple. Je pense que l'alliance que nous avons actuellement est plus circonstancielle qu'autre chose. Nous ne combattons pas la même chose exactement. Je pense que tous nos alliés circonstanciels se rallieraient très bien à l'enchâssement des droits dans la charte, alors que nous, au Québec, nous allons nous battre jusqu'à la limite de nos capacités contre cette ouverture qui serait le point final de notre dégradation nationale. Voilà pourquoi nous nous intéressons à cette bataille.

Je vois des sourires amusés. Je pense qu'on devrait se rappeler que toutes les mises en scène du fédéral, toutes ces commissions, notamment... Nous avions refusé de participer à la commission - je vois sourire madame, qui participait intensivement et sincèrement à cette commission - parce que nous jugions qu'il s'agissait là d'un exercice inutile.

M. Rivest: Me permettez-vous...

M. Cossette: Voilà que les circonstances nous ont donné raison. C'est un autre rapport

qui est sur les tablettes. Tout cela, ce sont des manoeuvres pour gagner du temps et épuiser finalement les militants qui se battent peur plus de droits pour notre peuple, pour plus de liberté.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député...

M. Rivest: Est-ce que vous me permettez une question en tant que...

La Présidente (Mme Cuerrier): Voulez-vous attendre un seconde?

M. Rivest: Oui.

La Présidente (Mme Cuerrier): II y a M. Dumaine qui avait proposé de répondre à votre question, M. le député de Jean-Talon.

M. Dumaine: Sur la question référendaire, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): Je donnerai la...

M. Rivest: Je vais seulement poser une courte question.

La Présidente (Mme Cuerrier): Si vous permettez, M. Dumaine.

M. Dumaine: Oui.

M. Rivest: Ce ne sera pas long. Si vous me permettez, M. Cossette, vous dites que vous avez refusé, sans doute en tant que souverainiste, de vous rendre devant la commission Pépin-Robarts à laquelle vous référez. Il existe un véhicule politique qui essaie de faire avancer l'idée de la souveraineté au Québec; comment jugez-vous le gouvernement du Québec actuel qui dit -on doit prendre sa parole jusqu'à preuve du contraire - s'inscrire de bonne foi dans une démarche du renouvellement du fédéralisme alors que vous, souverainistes qui partagez les mêmes ambitions que le gouvernement péquiste actuel, nous dites que vous avez refusé d'aller vous faire entendre devant une commission qui traitait de la même question, une commission qui n'était pas décisionnelle, qui traitait de la même question, parce que vous considériez cela comme une perte de temps?

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Jean-Marie Cossette et M. Dumaine ensuite.

M. Cossette: La chose que je remarque, c'est que la pensée indépendantiste fait du progrès au Québec. Il y a une vingtaine d'années, nous étions quelques douzaines et, maintenant, nous sommes des centaines de milliers qui partageons cette option.

Le rôle de la société n'est pas d'indiquer à un gouvernement en place comment fabriquer son programme politique quel qu'il soit, mais je pense qu'actuellement les exercices publics faits devant la population depuis quatre ou cinq ans sont de nature à faire comprendre le problème à de plus en plus de Québécois. Je pense que, finalement, il y a une progression dans l'éducation populaire dans la conscience populaire, qui était souhaitable parce qu'on l'induit constamment en erreur. Lorsqu'on parle du Canada, pour ceux qui ne le connaissent pas, on entretient cette naïveté que le Canada est aussi à notre image, que l'Ontario, que l'Ouest canadien, etc. sont des répétitions de ce qui existe au Québec.

Voilà qui est de fausser l'image d'une situation et on ne peut pas s'attendre que 6,000,000 de Québécois aillent vérifier sur place la façon dont doivent vivre nos frères Canadiens français à l'extérieur du Québec, au racisme quotidien auquel ils doivent faire face. C'était comme cela il y a 30 ans, lorsque j'ai commencé à travailler dans les autres provinces sur le plan professionnel, et c'est encore exactement comme cela aujourd'hui. Ce qu'ils ont, ils l'ont gagné à la force des dents et c'est très peu, c'est minime.

Ce sont des gens tolérés lorsqu'ils sont nombreux et ce sont des gens piétinés au niveau des lois, au niveau du seul son français sur la rue. Ils sont simplement en instance de disparition et les pourcentages sont implacables. Vous pouvez les consulter, ce sont les chiffres du fédéral. Vous voyez les populations françaises décroître chaque année régulièrement. L'illusion qu'on a toujours entretenue de protéger nos frères hors Québec en étant conciliants, alors qu'à mon avis nous avons été bonasses, nous avons été inconséquents, nous avons traité les non-francophones au Québec comme ayant des droits intrinsèques et cela inclut tout un paquet de gens qui n'ont aucune racine du Royaume-Uni, qui sont majoritaires, si on compare aux véritables descendants du Royaume-Uni, nous avons fait tout cela au nom de la bonne entente.

Et voilà que cette bonne entente, nous prenons conscience que ce fut un exercice inutile et le programme continue depuis la conquête puisque nous vivons les résultats d'une conquête militaire - ne l'oublions pas. Il y a une des deux races fondatrices qui est arrivée deux siècles après l'autre et qui a pris les terres faites. Ne l'oublions jamais. Notre droit d'appartenance au sol québécois ici est indiscutable et c'est ce que nous défendons. S'il n'est pas exprimé clairement et partagé par une majorité de Québécois conscientisés, éventuellement, par la compression du continent nord-américain qui n'est pas - vous le savez - à l'image du Québec, nous finirons aussi dans 50 ans, dans

100 ans, par devenir une nouvelle Angleterre comme on voit le sort là-bas où la disparition de l'identité des nôtres est flagrante, est presque totale.

C'est ainsi que nous avons acquis la certitude que la cause que nous défendons, que le combat que nous menons est juste et si nous disons aux députés libéraux ou si nous le mentionnons aussi souvent, c'est que nous considérons qu'ils devraient mettre autant d'énergie à défendre la position Ryan, celle du 2 octobre, qu'ils en ont mis à combattre les tenants du oui lors du dernier référendum.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Dumaine.

M. Dumaine: Sur la question référendaire, Mme la Présidente, il y a un grand nombre de nos concitoyens qui ont répondu non parce qu'ils avaient mal compris la question. Je sais aujourd'hui, par exemple, qu'un grand nombre de ces répondants du non ne s'attendaient pas à l'option qu'on leur propose actuellement.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Vanier.

M. Bertrand: Merci, Mme la Présidente.

Les représentants des sociétés Saint-Jean-Baptiste ont eu droit à la charge du député libéral de Jean-Talon qui, pour résumer, nous a dit une chose: II faut que tout le monde se respecte et que chacun dise vraiment ce qu'il pense. J'espère que vous aurez la même ouverture, Mme la Présidente, pour me permettre, tout en respectant les opinions de ceux qui ne sont pas d'accord avec nous, de dire, par contre, très fondamentalement, ce qu'on pense et à partir de l'exposé de la Société Saint-Jean-Baptiste.

Est-il besoin de rappeler, Mme la Présidente, que le député libéral de Jean-Talon reproche presque à ceux qui, à cette table aujourd'hui, viennent prendre la défense des droits et des intérêts du Québec de ne pas s'attaquer au gouvernement actuel, pour dire à ce gouvernement: Ayez donc la même franchise et dites donc clairement ce que vous pensez. Je pense qu'effectivement je vais répondre à cette invitation. (12 h 30

Le Parti québécois est souverainiste et démocrate. En d'autres mots, il n'acceptera de souveraineté que lorsqu'elle sera acceptée par la population. Il ne favorise pas une souveraineté imposée. Nous n'avons aucune honte à affirmer très solennellement ces choses. Mais, si nous regardons, devant nous, l'attitude de ceux qui nous invitent à être clairs, dans quelle confusion nagent-ils? Nous avons devant nous des gens qui sont censés être fédéralistes et démocrates. Or, ce qui se passe en ce moment, relativement au coup de force constitutionnel, c'est que nous faisons face à quelqu'un qui n'est ni fédéraliste, ni démocrate. Les gens qui, du côté libéral provincial, étaient sur les mêmes tribunes que cet homme se prétendaient aussi fédéralistes et démocrates. Aujourd'hui, ils sont obligés de préciser leur pensée en tentant de s'identifier comme des fédéralistes démocrates face à quelqu'un qui, sur la même tribune qu'eux, prétendait les mêmes choses qu'eux et qui, par la suite, s'est révélé être ni fédéraliste, ni démocrate.

Parce qu'à la limite, on pourrait toujours dire: Si, au moins, ce qu'on nous proposait, c'était du fédéralisme imposé, au moins ce serait du fédéralisme. À défaut d'être démocrate, ce serait au moins fédéraliste. Mais c'est que, n'étant ni démocrate, parce qu'il n'a pas respecté la décision des Québécois du 20 mai dernier... La décision des Québécois du 20 mai dernier, à ce que nous disent les libéraux provinciaux, c'était un fédéralisme renouvelé, c'étaient des changements constitutionnels qui allaient enfin répondre aux besoins et aux aspirations du Québec. Ils applaudissaient à tout rompre celui qui disait: Je mets ma tête en jeu parce que, si vous dites non, moi je vais changer la constitution et le reste du Canada devra accepter de le faire avec nous. Il n'a pas été démocrate. Il a été à l'encontre de la décision des Québécois, le 20 mai. En d'autres mots, ou il le savait, ou il ne le savait pas, mais ceux qui savaient qui était Pierre Elliott Trudeau pouvaient deviner ce qu'il pensait vraiment. Sur les mêmes tribunes que ces gens, il disait aux Québécois: Moi, à toutes fins pratiques, je n'obéirai pas à la décision des Québécois. J'ai besoin d'un non pour continuer d'imposer des coups de force que, succcessivement, j'ai tenté d'imposer et que je n'avais pas eu la force politique d'imposer. Maintenant, je l'ai, vous avez dit: non.

À partir de là, on a découvert un Pierre Elliott Trudeau qui n'était pas démocrate, c'est-à-dire qui n'était pas respectueux et le député de Jean-Talon disait tantôt: II faut se respecter les uns les autres. On pourrait au moins espérer que celui qui, aujourd'hui, est l'auteur du coup de force constitutionnel ait vraiment respecté la décision des Québécois. Mais il ne l'a pas fait. Il n'est pas démocrate. Il aurait pu au moins nous imposer le fédéralisme; au moins, à ce moment, les gens, les libéraux provinciaux auraient pu dire: Écoutez, ce n'est peut-être pas tellement démocratique, mais, au moins, c'est du fédéralisme qu'on veut vous imposer. Les provinces, le gouvernement central, les gens s'entendent pour imposer du fédéralisme. Or, on ne nous impose même pas du fédéralisme. On nous impose un système politique dont les provinces ne veulent pas, elles qui ont donné

naissance à la Confédération.

On nous impose un régime politique et on apprend tranquillement que la Grande-Bretagne ne veut pas le laisser passer, parce que elle-même - et c'est une vieille tradition, c'est paradoxal dans notre système politique-la Grande-Bretagne s'est toujours préoccupée de savoir si, oui ou non, quand on proposait des changements constitutionnels, les provinces et le gouvernement central pouvaient être d'accord. Il n'y a pas d'accord à l'heure actuelle. C'est pour cela que je dis au député libéral de Jean-Talon que, dans le fond, pourquoi vous sentez-vous... Malgré le fait que, dans la situation actuelle, tout souverainistes que nous soyons, nous n'ayons pas la possibilité d'imposer cette idée, parce que la population ne nous a pas donné l'autorisation de le faire le 20 mai dernier. Nous sommes démocrates. Comment se fait-il que vous, qui réaffirmez votre conviction souverainiste, vous vous sentiez aujourd'hui davantage près des attitudes du gouvernement du Parti québécois? C'est parce que, dans le fond - on le note par les gens qui viennent devant cette commission, et on le note par le mouvement Solidarité Québec, et on le voit par ceux qui expriment clairement leur conviction quant à ce coup de force constitutionnel - c'est qu'on a plus de facilité à concilier le fait qu'on a été souverainiste le 20 mai dernier et qu'aujourd'hui, on dit très fort qu'on s'oppose au coup de force constitutionnel alors qu'à l'inverse ceux qui ont voté non le 20 mai dernier sont mal à l'aise d'exprimer fortement et clairement leur opposition au coup de force constitutionnel. C'est assez curieux de voir, dans les sondages, qu'il y a un groupe, au Québec, qui n'accepte pas avec force de manifester son opposition au coup de force constitutionnel et c'est la minorité anglophone du Québec. Regardez tous les sondages à ce point de vue, le Gallup qui a été fait ou d'autres qui ont été faits au Québec; la minorité anglophone, quant à elle, est davantage favorable au coup de force de M. Trudeau que les anglophones des autres provinces. C'est assez curieux de remarquer ça et c'est assez curieux de remarquer que ceux-là même qui sont les militants libéraux au Québec vont applaudir M. Ryan quand il fait un discours pour s'opposer au coup de force constitutionnel et, en même temps, sont 3000 au Reine Elizabeth, à Montréal, pour aller applaudir et voter à l'unanimité une résolution appuyant le coup de force constitutionnel de M. Trudeau. Il faut donc savoir où logent vraiment ces gens qu'on voit placés dans une situation d'ambiguïté, situation qui prévaut depuis le référendum, parce que non seulement le discours était ambigu sur les tribunes du référendum, mais il est ambigu depuis ce temps, parce qu'ils sont divisés entre eux, ces militants libéraux, Trudeau à Ottawa, Ryan à Québec, incapables franchement de dire solennellement et fortement leur opposition à ce coup de force, de voter à l'Assemblée nationale, à l'unanimité, une résolution pour que cette Assemblée dise clairement: Nous sommes tous d'accord pour nous opposer au coup de force.

Voilà pourquoi, aujourd'hui, nous nous sentons bien dans notre peau de souverainistes. En tentant de nous opposer à ce coup de force constitutionnel nous respectons la volonté des Québécois, nous demeurons fidèles à un objectif qui ne sera jamais imposé aux Québécois, que nous ferons accepter démocratiquement par les Québécois. Dans ce sens, je me sens mieux de ce côté-ci, dans ma peau souverainiste et démocrate, que, je ne pense, les libéraux d'en face peuvent se sentir bien dans leur peau, supposément fédéraliste et supposément démocrate.

Cette réponse étant faite, je vous remercie d'avoir été les gens qui, ce matin, nous ont apporté cette position, parce que vous avez piqué au vif l'Opposition libérale du Québec et, en même temps, vous nous permettez de dire très clairement un certain nombre de choses qui méritent d'être connues par la population du Québec.

Ceci étant dit, il y a une question que j'aimerais vous poser relativement à un des éléments que vous mentionnez à la toute fin de votre mémoire et qui porte sur la non-obéissance du Québec, éventuellement, à la décision qui serait entérinée par le Parlement de Londres, s'il fallait que le coup de force de M. Trudeau réussisse. Vous dites, à la page 11, "que l'Assemblée nationale affirme dès maintenant qu'elle tiendrait pour nulle et non avenue toute modification constitutionnelle imposée au Québec contre son gré et qu'elle y verrait la fin du régime fondé en 1867."

Je vous pose la guestion à partir de ceci. Vous savez probablement qu'on a voté une résolution à l'Assemblée nationale; malheureusement, on n'a pas réussi à faire l'unanimité, vous savez ça. Cela leur a fait mal, vous savez, aux gens de l'Opposition libérale du Québec, ça leur a fait très mal, tellement mal que, assez paradoxalement, aujourd'hui, on voit le chef libéral, M. Ryan, qui vient proposer, au début de cette commission, qu'on adopte ici, en commission parlementaire, une résolution, à l'unanimité, qui ne fait même pas référence au référendum du 20 mai dernier. On se demande pourquoi. Il nous disait, à l'Assemblée nationale: Moi, je ne veux surtout pas m'allier sur le plan des moyens avec ces méchants souverainistes et, là, tout à coup, il demande aux souverainistes de voter avec lui une résolution unanime. Il a dû se rendre compte que, dans les sondages,

cela a fait très mal!

Alors, la question que je vous pose c'est parce que les libéraux eux-mêmes nous ont demandé d'introduire un amendement à notre résolution qui se lisait comme suit -ça, c'est l'amendement proposé par les libéraux et qu'on a intégré à notre résolution - "L'Assemblée nationale met le Parlement britannique en garde contre toute intervention dans les affaires canadiennes par l'adoption de quelque modification à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, qui n'aurait pas l'appui des provinces du Canada." Est-ce qu'à votre avis cet amendement proposé par le Parti libéral du Québec, mettant en garde le Parlement britannique contre toute ingérence dans les affaires canadiennes où une modification a la constitution n'aurait pas l'accord des provinces et du fédéral, amendement libéral que nous avons accepté, et les remarques que vous formulez à la toute fin de votre mémoire permettraient - je ne parle même pas légalement ou juridiquement politiquement au Parlement du Québec -grâce à l'amendement libéral et je les en remercie - de s'opposer politiquement et, par le fait même, de ne pas obéir à une décision qui aurait été prise par un Parlement étranger à partir d'une résolution votée à Ottawa sans l'accord des provinces, sans l'accord du principal parti politique, le Parti conservateur, et sans l'accord des partis politiques du Québec.

La Présidente (Mme Cuerrier): On me fait des remarques. Je pourrais très bien préciser, M. le député, que tantôt nous avons laissé filer le temps, nous avons dépassé le temps prévu. J'ai permis aux gens de répondre aussi longtemps ou presque que vous l'avez fait pour poser vos questions. Vous avez parlé 15 minutes, M. le député.

M. Forget: Faites observer le règlement.

La Présidente (Mme Cuerrier): Les gens, au niveau de la commission, ont laissé filer; ils auraient pu protester.

M. Forget: C'est ce que je fais dans le moment.

La Présidente (Mme Cuerrier): J'essaie de distribuer le temps alloué aux gens. Disons que les 20 minutes qui sont allouées aux questions, j'essaie de les diviser en deux en permettant 10 minutes aux intervenants et 10 minutes aux gens qui répondent. Tantôt, on n'a pas protesté. Je vous ai fait des signes, je vous ai demandé de laisser suffisamment de temps, je vous ai même demandé de permettre que les intervenants disposent d'autant de temps que la commission vous en a accordé au moment où vous avez posé vos questions.

Ce n'est pas parce qu'on a créé des précédents ou parce qu'il y a eu des tolérances quant au règlement qu'il ne faut pas le faire observer maintenant, je suis tout à fait d'accord avec vous. Si vous me dites, maintenant, que vous aimez mieux que les gens n'utilisent pas autant de temps que celui qui est intervenu...

M. Forget: C'est cela.

La Présidente (Mme Cuerrier): Vous auriez pu protester au moment où M. le député faisait son intervention...

M. Forget: Je vous attendais, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): ... pour dire: Vous avez probablement utilisé suffisamment de temps. Merci quand même de votre collaboration.

Je pense que M. le président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal a manifesté l'intention de répondre.

M. Henry: Oui, Mme la Présidente, ma réponse sera courte. Ce qu'on demande, c'est que l'Assemblée nationale - on s'adresse à tous les partis, la Société Saint-Jean-Baptiste est une société non partisane et, évidemment, on s'adresse à tous les membres de l'Assemblée nationale, à l'Assemblée nationale comme telle - affirme qu'une modification qui nous serait imposée, qu'un coup de force n'aurait aucune valeur ni juridique, ni politique pour le peuple du Québec. On ne sera pas lié par une décision qui aura été prise non seulement sans nous, mais contre nous. Je ne sais pas si cela répond à votre question, M. le député. C'est ce que nous disons: II n'y a pas de possibilité, on n'accepte jamais de se plier à un coup de force, cela n'a aucune valeur à aucun point de vue.

La Présidente (Mme Cuerrier): Merci, M. le président. Vous voyez, nous en sommes presque à l'heure et nous avons quand même dépassé le temps que la commission s'alloue pour rencontrer les intervenants. Il me reste à remercier, au nom de la commission de la présidence du conseil et de la constitution, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal pour sa collaboration à nos travaux et les deux groupes qui se sont joints à elle, soit la Société Saint-Jean-Baptiste de la Mauricie et la Société nationale du centre du Québec. Merci à vous tous pour votre collaboration aux travaux de la commission.

M. Henry: Merci, Mme la Présidente. (12 h 45)

La Présidente (Mme Cuerrier): J'appellerais maintenant le Mouvement

national des Québécois dont le porte-parole est M. Raymond Vaillancourt. Je regrette. J'espère que je n'allais intervertir l'ordre des intervenants aujourd'hui. Le groupe que je dois appeler maintenant est l'Association québécoise des professeurs de français. C'est Mme Irène Boileau, je crois, qui en est le porte-parole. Mme Irène Belleau.

Mme Irène Belleau, sans doute avez-vous observé les travaux de la commission et savez-vous que vous disposez d'une vingtaine de minutes pour faire un résumé du mémoire. Je vous demanderais de présenter la personne qui vous accompagne, s'il vous plaît.

Association québécoise des professeurs de français

Mme Belleau (Irène): Oui, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): Et de décliner vos titres.

Mme Belleau: Et de?

La Présidente (Mme Cuerrier): Je disais de décliner vos titres, c'est-à-dire, dites-nous...

Mme Belleau: Je ne crois pas que mes titres puissent impressionner la commission. Je suis présidente de l'Association québécoise des professeurs de français et celui qui m'accompagne, M. André Gaulin, est professeur à la faculté des lettres de l'Université Laval. Il est écrivain, il est poète et il est aussi le porte-parole en matières politiques de l'AQPF. Avant de vous lire le mémoire, j'aimerais bien vous dire quelques mots de l'AQPF, au cas où certains parmi vous connaîtraient plus ou moins l'AQPF.

L'Association québécoise des professeurs de français est assez jeune. Elle a treize ans, mais je crois vraiment que son passé témoigne d'une maturité certaine. Toutes les actions et toutes les batailles que l'AQPF a menées et livrées depuis sa naissance ont été liées à la reconnaissance du statut français du Québec. En 1969, elle publiait un livre noir, oublié un peu aujourd'hui, mais qui demeure encore sur des rayons de bibliothèque que certains parmi vous peut-être auraient avantage à consulter, même encore aujourd'hui. Ce livre était sous-intitulé: De l'impossibilité presque totale d'enseigner le français. Vous voyez, c'était en 1969.

C'est pour nous un document très important. Ensuite, les lois 63 et 22 ont cimenté chez nous une action politique d'opposition qui s'est transformée, depuis l'adoption de la loi 101, en une action que nous appellerions de vigilance. En effet, autant nous nous sommes farouchement opposés aux lois 63 et 22, autant maintenant nous surveillons la politique linguistique scolaire avec beaucoup d'attention et d'esprit critique.

La moindre atteinte susceptible de diminuer la loi 101 nous aiguillonnera, soyez-en sûrs. D'ailleurs, c'est un peu beaucoup pour ça que nous sommes aujourd'hui devant cette commission parlementaire. Notre présence se veut donc un geste de continuité par rapport à notre vécu d'association. Nous avons rédigé un mémoire pour vous et pour dire aussi, à la face de tout le peuple québécois, pour affirmer clairement que nous nous opposons au projet de rapatriement unilatéral du gouvernement fédéral. Ce projet ne nous semble rien d'autre qu'une imposture. Nous l'avons voulu dans une perspective uniquement québécoise. Pour nous, l'essentiel est là.

Je cède donc la parole à notre porte-parole en matière politique, M. André Gaulin.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Gaulin.

M. Gaulin (André): Je voudrais commencer ce mémoire, Mme la Présidente, en citant Gaston Miron, dont M. Trudeau a parlé, en même temps que des poètes du Québec, en disant, à l'occasion des pourparlers constitutionnels de l'été, que les poètes québécois seraient mieux d'apprendre leur langue que de faire de la politique. Ce poète qui a une réputation internationale a très bien décrit la situation qui nous occupe depuis 200 ans.

Dans ses notes sur le non-poème, et le poème, il dit que le non-poème, c'est la dépolitisation maintenue de ma permanence, et le texte se lit comme suit: " Le poète qui disait: J'avance en poésie comme un cheval de trait dit: Je me hurle dans mes harnais, je sais ce que je sais, ceci, ma culture polluée, mon dualisme linguistique; ceci est le non-poème qui a détruit en moi jusqu'à la racine, l'instinct même du mot "français". Je sais, comme une bête dans son instinct de conservation, que je suis l'objet d'un processus d'assimilation comme homme collectif par la voie légaliste, le statu quo tant structurel et démocratique, le rouleau compresseur majoritaire. Je parle de ce qui me regarde, le langage, ma fonction sociale comme poète, à partir d'un code commun à un peuple. Je dis que la langue est le fondement même de l'existence d'un peuple, parce qu'elle réfléchit la totalité de sa culture en signe, en signifié, en signifiance. "Je dis que je suis atteint dans mon âme, mon être. Je dis que l'altérité pèse sur nous comme un glacier qui fond sur nous, qui nous déstructure, nous englue, nous dilue. Je dis que cette atteinte est la dernière phase d'une dépossession de soi comme être, ce qui

suppose qu'elle a été précédée par l'aliénation du politique et de l'économique. Accepter ceci, c'est me rendre complice de l'aliénation de mon âme de peuple, de sa disparité en l'altérité. Je dis que la disparition d'un peuple est un crime contre l'humanité, car c'est priver celle-ci d'une manifestation différenciée d'elle-même. Je dis que personne n'a le droit d'entraver la libération d'un peuple qui a pris conscience de lui-même et de son historicité. "

C'est à partir et à travers les résolutions adoptées en assemblées générales, à chacun de ses congrès, que l'AQPF veut vous présenter son mémoire. C'est à partir aussi de certains articles du projet de résolution fédérale que l'AQPF a jugé bon de demander d'être entendue, considérant que le sort même de ses membres, professeurs de français, était menacé par ce qu'il est convenu d'appeler le coup de force du gouvernement canadien.

L'AQPF n'a jamais cessé de revendiquer un Québec français. Une peur et une crainte profondes nous habitent depuis que le projet de rapatriement unilatéral de la constitution canadienne est connu. Nous voudrions vous faire part de nos volontés, de nos appréhensions, de nos inquiétudes comme professeurs de français du Québec.

Il n'est pas inutile de rappeler à cette commission que l'Association québécoise des professeurs de français, fondée en décembre 1967, avait assis sa fondation même sur l'idée du territoire du Québec, de son peuple, de sa langue et de sa culture. Puisque toute association a ses lettres de noblesse, son cheminement et son évolution, nous vous rappelons que la dynamique de notre association trouve son point d'appui sur l'idée même d'un pays, à savoir, selon le Petit Robert, un "territoire habité par une collectivité et constituant une réalité géographique."

Aussi, avec les années, l'AQPF a-t-elle été appelée à définir davantage le lieu historique de son action. Déjà, le congrès de 1971 de notre association proclamait, dans la première de ses 19 résolutions, que "le Québec est une nation originale ayant droit de se donner tous les instruments politiques, économiques et culturels pour s'épanouir pleinement en tant que communauté distincte". Aussi, ceux qui nous connaissent savent que nous avons été parmi les instigateurs d'un Québec proclamé français. Notre livre noir était un cri de notre refus d'un suicide culturel larvé, notre volonté de dépasser les frontières de la survie et notre engagement pour l'illustration collective de la langue et de la culture françaises au nord de l'Amérique.

Il s'en est trouvé pour nous accuser, agissant ainsi, de faire de la politique. Nous disons que c'est là une accusation qui nous honore. En tant que professeurs de français dans un pays français, nous étions autre chose que des mercenaires sans vision d'ensemble d'un lieu de vie qui nous façonne et conditionne toute notre action professionnelle et pédagogique. Nous avons appris qu'enseigner, qu'on le veuille ou non, est un acte politique dans la Cité. Nous avons pris voix au chapitre de tous ceux qui font l'histoire, surtout quand l'histoire de la longue naissance d'un peuple et d'un pays atteint la courbe d'une nouvelle trajectoire. C'est pourquoi, au congrès de 1978, nous affirmions, dans la première des 21 résolutions de notre congrès, que "les Québécois, à nos yeux, constituaient une nation et que l'AQPF s'engageait à prôner un cadre politique qui favorisait le plein épanouissement d'un peuple de langue française et de culture québécoise." Nous ne vivions pas en marge de l'histoire collective qui nous acheminait vers un référendum sur notre statut politique en tant que peuple. Aussi, les deux premières résolutions du congrès de 1979 continuaient de définir notre pensée politique en tant qu'association. La première reconnaissait à nouveau l'existence du peuple québécois et affirmait son droit légitime à son autodétermination, droit reconnu universellement pour tout peuple de la terre. La deuxième, nous la citons dans le texte. "Que, sans préjuger du statut politique à venir pour le Québec dans le Canada, avec ou sans lui, l'AQPF recommande à ses membres de dire oui à la prochaine consultation populaire par voie de référendum sur l'avenir constitutionnel du Québec." Il n'est pas inutile d'insister ici sur le fait que n'étant pas un parti politique, mais une association professionnelle, peu nous importait en soi que le Québec soit infédéré, c'est-à-dire dans le Canada, associé, c'est-à-dire avec le Canada, ou indépendant, c'est-à-dire sans lui. Nous affirmions plutôt le fait que le Québec, comme peuple historique tricentenaire vivant sur un territoire inaliénable, avait légitimement le droit et le devoir de penser sa réalité d'Amérique dans sa langue natale, le français. Et je cite aussi le poète de l'Ode au Saint-Laurent: "Je prends pied sur une terre que j'aime, l'Amérique est ma langue et ma patrie."

Aussi aujourd'hui sommes-nous dans l'obligation de déclarer que le plan de rapatriement du gouvernement Trudeau constitue à nos yeux une imposture qui n'a même pas pour égal le plan d'union de Lord Durham lui-même. Ce plan Trudeau nous réduit, nous occulte et nous inféode. Tout le peuple québécois est nié. Il se fond et s'agglomère dans le grand tout du "Dominion of Canada". Son Parlement lui-même est vassalisé dans des domaines exclusifs de sa juridiction comme la langue et l'éducation. Nous reviendrons d'ailleurs sur ce point plus loin. Son territoire est nié par un concept insidieux de libre circulation des personnes.

Sa culture d'expression française elle-même est confiée à un gouvernement central majoritairement unilingue anglais. Sous les dehors d'une charte des droits individuels d'un grand "melting pot" fédéral conçu comme juridiquement unilingue, c'est le droit collectif du peuple québécois à assumer souverainement sa vie culturelle qui est nié. Il n'est pas concevable que nos relations internationales de pays de langue française et de culture québécoise soient assumées par un gouvernement central de langue et de culture anglaises. Le Québec devient ainsi un pays contre-naturel, un territoire dont la population est sur le chemin de la traduction et forcément de la trahison même de son identité. On connaît l'adage italien: Traduttore, traditore.

Que l'on nous comprenne bien, nous ne sommes pas venus dénoncer ici un gouvernement libéral à Ottawa. Nous sommes plutôt venus dire non à une conception du Canada qui nous nie comme collectif québécois, un peuple, une langue, une culture, un territoire, une manière de voir le monde. Nous ne sommes pas non plus venus donner notre aval à un parti politique, le Parti québécois, mais à un gouvernement, celui du Québec qui a refusé depuis 53 ans une formule de rapatriement qui n'assure pas clairement notre épanouissement en tant que peuple vivant depuis 373 ans sur le territoire saint-laurentien.

Certains pourront toujours opter pour une vision pragmatique des choses et décrier une approche idéologique du collectif national québécois. Nous refusons pourtant de donner notre appui à des réformes faites à la carte, tout comme nous refusons de donner à un gouvernement central une signature qui niera par la suite notre nom lui-même de peuple québécois.

L'Association québécoise des professeurs de français ne veut rien de moins que la reconnaissance non équivoque du statut de peuple, seul maître de sa langue et de sa culture en territoire québécois retrouvé dans toute son intégralité. Notre dernier congrès de novembre 1980, celui qui suivait le référendum, n'a fait que confirmer cette exigence du respect de notre peuple inaliénable, de notre langue natale, de notre culture et de notre territoire intangible. (13 heures)

À cet effet, dix résolutions politiques ont été adoptées par les membres de notre assemblée générale annuelle. Je vous ferai remarquer qu'au congrès nous étions 1400 et c'est unanime pour les résolutions. 1. Rappel de l'existence du peuple québécois et de son droit légitime à son autodétermination. 2. Réaffirmation de toutes nos prises de position à l'égard de notre identité comme peuple francophone d'Amérique. 3. Opposition à toute mesure fédérale visant à affaiblir de quelque façon que ce soit la loi 101 et demande de réintégration du chapitre III annulé par la Cour suprême du Canada. 4. Dénonciation de l'amendement Ryan exigeant une profession de foi inconditionnelle au fédéralisme, alors qu'un Québécois francophone sur deux a mis en doute le fédéralisme canadien lors du référendum du 20 mai. 5. Condamnation du plan Trudeau comme accentuant davantage la dépendance du peuple québécois. 6. Réprobation de l'intrusion du gouvernement fédéral (article 23) dans un domaine de juridiction strictement québécois. 7. Opposition à l'inclusion des droits linguistiques dans la constitution du Canada parce que seule l'Assemblée nationale a le pouvoir de légiférer en matière de langue et d'enseignement. 8. Refus de reconnaître au Parlement britannique le droit de changer la constitution canadienne tenant pour illégitime tout changement imposé par le Parlement de Londres sans l'accord du Québec. 9. Envoi de télégrammes aux instances concernées pour manifester notre opposition à tout rapatriement unilatéral de la constitution du Canada. Et enfin, 10. Appui au mouvement Solidarité Québec.

Mme Belleau: Passant d'une vue d'ensemble au détail du plan fédéral, nous voudrions formuler à cette commission parlementaire de la présidence du conseil et de la constitution des inquiétudes encore plus angoissantes, si on peut dire, parce qu'elles touchent à notre être de professeurs de français. L'ingérence du gouvernement fédéral dans le domaine de l'éducation est un coup bas qui, sans attendre dix ans, chambardera tout le système scolaire québécois.

En effet, le projet de charte fédéral, s'il était adopté tel quel, rendrait la situation linguistique actuelle au Québec pire qu'avant l'adoption de la loi 22.

Si nous comprenons bien les articles 6 et 23 de la résolution fédérale, le secteur scolaire anglophone se gonflerait indûment. Prenons quelques exemples types: l'immigrant de souche anglophone qui vient d'un pays du Commonwealth ou des États-Unis, en arrivant au Québec, pourra "automatiquement" inscrire ses enfants à l'école anglaise québécoise. L'immigrant allophone qui, après avoir passé X années aux États-Unis, immigre de nouveau au Québec, pourra, lui aussi, envoyer ses enfants à l'école anglaise québécoise. L'immigrant canadien qui vient au Québec de n'importe quelle autre province du Canada pourra "automatiquement" inscrire ses enfants à l'école anqlaise québécoise. L'immigrant francophone qui arrive au Canada, après avoir habité une province anglophone et y avoir inscrit un seul de ses enfants à l'école anglaise, pourra, s'il immigre au Québec, inscrire tous ses enfants à l'école anglaise québécoise.

Et voilà que le système scolaire vient d'être chambardé, renversé. Le vaste réseau scolaire francophone actuel deviendra, et très vite, selon le plan Trudeau, un réseau anglophone avec quelques écoles francophones.

Supposons qu'un projet fédéral vienne s'installer, un port en eau profonde à Gros Cacouna, des usines de transformation de sel aux Îles-de-la-Madeleine, une usine de nucléaire quelque part sur la rive sud de Montréal et, immédiatement, les articles traitant de "mobilité et de libre circulation" permettront à n'importe quel travailleur de n'importe quelle province de s'installer au Québec. Et comme la majorité, pour ne pas dire la totalité, seraient des Canadiens anglais, leurs enfants envahiraient nos écoles et les angliciseraient. Les Québécois se verraient réduits à une minorité et l'expression "là où le nombre le justifie" obligerait le Québec à créer d'autres installations d'enseignement anglaises pour la "majorité" devenue anglophone dans nos écoles.

Nous n'exagérons pas. Supposons encore une forte récession en Angleterre ou une immigration de centaines d'Américains au Québec. Les professeurs de français deviendraient-ils des professeurs d'anglais? Le pire n'est pas fini. Nous n'avons pas parlé des immigrants qui arriveraient au Québec et qui ne parleraient ni français, ni anglais. Selon le projet Trudeau, ces immigrants devraient, eux, s'inscrire à l'école québécoise francophone. Dites-nous donc pourquoi? Serait-ce pour ériger en système la discrimination? Nous voulons donc crier à l'injustice et dénoncer vertement le plan Trudeau qui est à l'image de ce Canada que nous avons toujours connu et qui même le renforce: deux poids, deux mesures.

Les professeurs de français ne peuvent rester indifférents à ce projet. Après tant d'années d'efforts pour bâtir un Québec français, asseoir solidement ici une culture et une vie françaises, l'ingérence du gouvernement fédéral dans le champ de l'éducation est inacceptable. Nous n'accepterons pas que le gouvernement du Québec devienne le vassal du fédéral dans ce champ de juridiction québécoise. Nous n'accepterons pas que le plan Trudeau vienne perturber 100 ans d'existence pédagogique. Nous refusons la moindre atteinte à la loi 101 susceptible de la diminuer de quelque façon que ce soit.

Voilà donc, mesdames et messieurs, ce qui explique aujourd'hui notre présence à cette commission parlementaire: notre volonté manifeste d'affirmer un peuple de langue française, de culture québécoise souverainement assumée par le Parlement du territoire québécois et ceci, sans préjuger des choix collectifs des Québécois. Nous osons affirmer, avec nombre de Québécois et de Québécoises de tous partis, de toutes tendances et de toutes conditions, que le plan fédéral est la négation de notre vécu de peuple parlant français au nord de l'Amérique.

La Présidente (Mme Cuerrier): À moins que la commission n'en décide autrement, nous avons déjà dépassé l'heure de la suspension de nos travaux et, si je n'ai pas une raison majeure justifiant une dérogation au règlement, nous suspendons les travaux de la commission jusqu'à 15 heures.

M. Gaulin: Nous vous parlerons après.

La Présidente (Mme Cuerrier): Je regrette, j'ai déjà fait la suspension, mais nous vous attendons quand même cet après-midi. J'ai déjà une liste d'intervenants qui veulent poser des questions soit à Mme Belleau, soit à M. Gaulin. Nous vous attendons.

(Suspension de la séance à 13 h 7)

(Reprise de la séance à 15 h 13)

La Présidente (Mme Cuerrier): La commission de la présidence du conseil et de la constitution reprend ses travaux après la suspension pour le déjeuner. Je demanderais à l'Association des professeurs de français de bien vouloir s'approcher. Ce sera M. le député de Deux-Montagnes qui posera la première question.

Mme Irène Belleau et M. André Gaulin.

M. le député de Deux-Montagnes, vous avez la parole.

M. de Bellefeuille: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais remercier Mme Belleau et M. Gaulin de nous avoir présenté le très intéressant mémoire de l'Association québécoise des professeurs de français. Nous avons remarqué avec beaucoup de plaisir que les professeurs de français du Québec ne considèrent pas que leur enseignement se fait en vase clos. Ils ne se prennent pas pour des machines à enseigner une langue. Quoi qu'il advienne et dans quelque circonstance que ce soit, ils se rendent compte qu'une langue vit dans un milieu, qu'une langue exprime une culture, que cette langue et cette culture exigent un cadre et qu'un aspect important de ce cadre c'est le cadre politique.

On voit, par exemple, à la page 2 du mémoire, des affirmations en ce sens et nous notons aussi avec intérêt que l'association est parfaitement consciente des dimensions historiques des problèmes que nous discutons ici en cette commission. À la page 4 du mémoire, on dit: "Nous ne sommes pas venus non plus donner notre aval à un parti politique, le Parti québécois, mais à un

gouvernement, celui du Québec, qui a refusé depuis 53 ans une formule de rapatriement qui n'assure pas clairement notre épanouissement en tant que peuple vivant depuis 373 ans sur le territoire saint-laurentien." C'est donc une perspective très vaste dans le temps et aussi à l'échelle géographique du Québec que nous présente ce mémoire.

L'Association québécoise des professeurs de français, comme un très grand nombre des intervenants qui se sont présentés devant cette commission, se préoccupe particulièrement des dimensions linguistiques - cela est normal - de la manoeuvre des libéraux d'Ottawa, le coup de force constitutionnel d'Ottawa. On retrouve aux pages 5 et 6 du mémoire une description rapide, mais néanmoins assez exhaustive, des effets que le coup de force fédéral aurait sur la politique linguistique du Québec, cette espèce d'invasion dans un domaine qui, normalement, est de la compétence du Québec, qui ferait que des aspects importants de la politique linguistique que nous nous sommes donnés seraient compromis et s'effondreraient par lambeaux.

Le ministre des Affaires intergouvernementales a noté hier que c'est là la principale constante d'un grand nombre de mémoires qui nous sont présentés. On voit une fois de plus que, ce qui est en cause, ce qui est menacé, c'est la situation du français au Québec et aussi dans le reste du Canada. Plusieurs intervenants ont déjà dénoncé la connivence qui existe entre le gouvernement central et le gouvernement de l'Ontario. On a dénoncé devant nous ce marché qui a été conclu entre le gouvernement d'Ottawa et celui de l'Ontario, sur le dos des francophones, des francophones du Québec, des francophones de l'Ontario et des francophones des autres parties du Canada, marché selon lequel le coup de force du fédéral porte atteinte à la situation du français au Québec, sans rien apporter de concret, de palpable, de réel à la situation du français dans les autres provinces.

Le gouvernement de l'Ontario a entrepris récemment une campagne électorale durant laquelle il s'est déjà mis à se vanter devant son électorat d'avoir stoppé le français en Ontario, d'avoir refusé la bilinguisation de l'Ontario pour ce qui concerne le Parlement et les tribunaux, c'est-à-dire le fameux article 133 de la constitution canadienne actuelle. C'est donc dans ce contexte-là qu'il faut faire obstacle à cette offensive sans précédent contre le français au Québec et dans le reste du Canada. Je voudrais vous poser essentiellement deux questions dans deux domaines assez différents l'un de l'autre. La première question a trait à l'un des amendements que M. Jean Chrétien a apportés au projet fédéral. Il s'agit de l'article 26, qui apporte au projet un élément nouveau. Ce n'est pas un amendement qui apporte une modification à quelque chose qui était déjà là; c'est un amendement qui, au contraire, apporte quelque chose de nouveau qui n'était pas dans le premier projet et qui a étonné beaucoup d'observateurs, pour employer un langage prudent. Il s'agit de l'article 26 que je vous cite: "Toute interprétation de la présente charte doit concorder avec l'objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens."

Dans l'histoire récente du Canada et du Québec, le langage politique a toujours compris un certain nombre d'expressions qui représentent des réalités qui, depuis quelque temps déjà, paraissent fondamentales, par exemple l'expression "peuple fondateur". Les gouvernements successifs du Québec ont toujours exigé, revendiqué la reconnaissance de la spécificité du Québec et un grand nombre de documents politiques canadiens, comme le rapport de la commission Laurendeau-Dunton, ou le rapport de la commission Pépin-Robarts, ou le livre beige du Parti libéral du Québec, parlent - il y a peut-être un flottement dans le vocabulaire, ce ne sont peut-être pas toujours les mêmes mots - de la dualité essentielle qu'il faut protéger et garantir. Cette notion de dualité, cette notion de peuple fondateur, cette notion de spécificité du Québec sont des notions essentielles au débat politique au Québec et au Canada depuis fort longtemps. Ces notions sont disparues. Dans les idées des libéraux fédéraux, ces notions n'existent plus. Elles sont remplacées par cette chose qui arrive comme un cheveu sur la soupe, dans des amendements de dernière minute, et qu'on appelle le patrimoine multiculturel des Canadiens.

Je voudrais vous demander, Mme Belleau, quelles sont à votre avis les implications pour la place du français dans la vie canadienne et plus particulièrement dans la vie québécoise si, à l'avenir, il devait arriver que la constitution canadienne soit toujours interprétée de façon non pas à avantager une dualité ou la partie française de cette dualité, mais à avantager cette chose nouvelle, inconnue, inexpliquée qu'on appelle un patrimoine multiculturel. C'est ma première question, madame.

La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la présidente.

Mme Belleau: Je répondrai à M. le député que tout le projet fédéral non seulement nie le Québec, mais, sous des mots fallacieux comme patrimoine culturel, il essaie de redorer un blason qu'il a essayé de faire valoir lors de la dernière élection. Or, il a toujours voulu protéger les minorités -entendons-nous, minorités au sens large - y

compris aussi la minorité francophone du Québec. Mais jamais, à mon sens, le gouvernement Trudeau n'a fait vraiment quelque chose pour protéger ce qu'il appelle aujourd'hui le patrimoine multiculturel. S'il a vraiment fait quelque chose, c'est qu'il ne les a vraiment pas aidées. Qu'est-ce qu'il a fait pour les minorités qui vivent au Québec? Qu'est-ce qu'il fait dans le projet actuel pour les minorités hors Québec? Il enlève même, si j'ai bien lu la résolution fédérale, à la minorité anglophone du Québec le droit de gérer ses propres installations d'enseignement. Il ne reconnaît dans le nouveau projet que des prestations nécessaires à l'installation d'enseignement. Comment, à partir de ça, peut-il vraiment protéger un patrimoine multiculturel?

Je ne crois pas vraiment que le français dans l'idée du gouvernement fédéral occupe la place qu'il devrait occuper. Au contraire, je trouve qu'il essaie de plus en plus de nier la place du français, autant le français majoritaire au Québec que le français minoritaire dans les provinces. S'il voulait vraiment le faire, pourquoi n'accorderait-il pas aux minorités hors Québec les mêmes privilèges que nous, le Québec, nous accordons à la minorité anglophone depuis tant d'années? Si on voulait pousser le raisonnement ou la logique jusqu'au bout, il me semble que ce serait logique, en tout cas que ce serait juste, sans se référer trop à la société juste qu'il voulait. Si on accorde au Québec à la minorité anglophone le droit de continuer de gérer dans l'avenir ses institutions, pourquoi ne ferait-on pas la même chose pour les minorités dans les autres provinces? Au Québec, si on continue à accorder, j'allais dire "un traitement de faveur" aux anglophones en leur permettant de gérer toutes leurs installations non seulement dans l'enseignement, mais aussi leurs hôpitaux, leurs media d'information, peut-être qu'avec le temps les Québécois diront: Cela en est assez de faire rire de nous. Si on veut une société juste, qu'on accorde aux minorités francophones hors Québec la même chose que le Québec offrait et continue toujours d'offrir à la minorité anglophone du Québec. Dans notre mémoire, nous parlons des deux poids, deux mesures. C'est la situation qui a toujours duré, qui va perdurer encore puisque ce n'est pas à notre sens la résolution fédérale qui va changer quoi que ce soit. Le français dans la conception qu'on se fait du Canada, à notre sens, n'a pas la place qu'il devrait avoir dans le gouvernement fédéral.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député.

M. de Bellefeuille: Vous avez tout à fait raison de signaler, madame, que le projet constitutionnel des libéraux d'Ottawa n'apporterait pas de base constitutionnelle à ce qui existe déjà pour les anglophones du Québec, particulièrement, comme vous l'avez dit, la gestion des écoles anglaises du Québec, qui est confiée aux anglophones eux-mêmes. Il me paraît absolument évident que la raison pour laquelle M. Trudeau ne veut pas mettre cela dans la constitution, c'est tout simplement qu'il n'est pas prêt à le mettre dans la constitution pour les francophones en dehors du Québec, particulièrement en Ontario et au Nouveau-Brunswick, dans un cas la collectivité francophone la plus importante hors Québec, l'Ontario, et dans l'autre cas la collectivité proportionnellement la plus élevée, celle du Nouveau-Brunswick. Comme il n'est pas prêt à faire cela, il ne l'applique pas au Québec, sachant fort bien que c'est au Québec qu'a été créée la société juste au nom de laquelle M. Trudeau s'est fait élire il y a treize ans. C'est au Québec qu'existe cette société juste qui reconnaît par ses propres lois les exigences d'une saine démocratie pour fournir à la minorité anglophone les services dont elle a besoin pour s'épanouir. Donc, cette société juste existant au Québec, M. Trudeau sait fort bien que le Québec ne va pas reculer, le Québec ne va pas faire un pas en arrière dans le développement de cette société démocratique, de cette société juste. Il compte, par exemple, que le Québec maintiendra ce qui est acquis pour les anglophones et, d'autre part, il ne fait absolument rien, ça lui permet de ne rien faire pour les francophones en dehors du Québec.

Ma deuxième question, madame, est d'un tout autre domaine: c'est au sujet de l'enseignement du français - pour employer le vocabulaire habituel - langue seconde. Nous avons entendu, hier une association l'Association des anglophones de l'Estrie, et je ne me souviens pas s'il s'agit du mémoire lui-même ou des conversations que nous avons eues avec les représentants de cette association à l'arrière de la salle, après la présentation du mémoire, mais la dame qui faisait partie de la délégation insistait beaucoup sur cette idée que leur principale revendication, c'était d'avoir un bon enseignement du français dans leurs écoles anglaises de l'Estrie.

On sait que, depuis des années, au Québec, c'est un grief constant. Les gens se plaignent soit de la mauvaise qualité, soit de l'inefficacité de l'enseignement du français langue seconde, de l'enseignement du français aux anglophones du Québec.

Je sais bien qu'il peut y avoir des problèmes: pas assez d'enseignants, préparation insuffisante des enseignants, problèmes de méthode, manque d'instruments d'enseignement, je ne sais trop, mais il doit y avoir d'autres problèmes puisque que ça

fait des années et des années que le ministère de l'Éducation consacre ses efforts à améliorer l'enseignement du français langue seconde et qu'il y met des budgets qui se chiffrent à des millions de dollars. Comment se fait-il que ça ne progresse pas plus? Et je vous pose la question précisément, comme je le disais au début, parce que vous reconnaissez bien que la situation d'une langue ne peut s'expliquer que par rapport à la situation de l'ensemble de la collectivité et que les questions d'enseignement de langue sont reliées aux questions culturelles, aux questions politiques, etc. Pourquoi, donc, l'enseignement du français langue seconde est-il toujours aussi problématique?

La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la présidente.

Mme Belleau: Je vous ferai remarquer que vous pourriez à peu près me poser la même question pour l'enseignement de l'anglais langue seconde. Mon ami Gaulin vous spécifiera quelque chose sur le terme "langue seconde" mais, avant qu'il intervienne sur ce terme, je voudrais vous dire, concernant tout l'aspect de l'enseignement du français dans les écoles anglaises, que jusqu'à maintenant - je parle en tant que présidente de l'Association québécoise des professeurs de français - nous n'avons pas tellement tenté d'efforts de ce côté, pour deux raisons. (15 h 30)

La première, c'est d'abord que, la plupart du temps, l'enseignement qui se fait dans ces écoles ne se fait pas toujours par des professeurs de français, j'allais dire, québécois; ce sont parfois des professeurs d'anglais qui savent le français et qui l'enseignent. C'est difficile pour nous de les recruter et, évidemment, de les représenter. On ne peut pas dire qu'à l'intérieur de notre association, il y ait tellement de professeurs de français qui sont des professeurs de français langue seconde. Par contre, on se souvient très bien qu'il y a quelques années, M. François Cloutier, alors ministre de l'Éducation, avait lancé un vaste plan qui nous semblait un plan utopique. Aujourd'hui, les réalisations de ce plan viennent confirmer le peu d'efficacité qu'il a eu. C'était le plan DEL où on accordait, par exemple, $45 millions au perfectionnement des professeurs de français ou d'anglais langue seconde, les deux, et moins d'argent pour le perfectionnement des professeurs de français langue maternelle.

Or, le recyclage ou le perfectionnement des professeurs de français langue seconde ou d'anglais langue seconde s'est fait, je dirais, suivant une méthode qui n'a pas été vraiment axée sur les besoins du milieu. À notre connaissance, cela s'est fait en appliquant diverses méthodes qui ont peut-être été éprouvées aux États-Unis et ailleurs, mais qui ne collaient pas vraiment à la réalité québécoise. Autant, dans le secteur francophone, il faut absolument que les étudiants québécois soient motivés à l'apprentissage de l'anglais, autant il faudrait aussi que les étudiants anglophones soient motivés à l'apprentissage du français.

À mon sens, indépendamment du problème des méthodes, indépendamment de la non-préparation ou de la préparation plus ou moins suffisante des professeurs ou de l'argent qui a été injecté dans ce domaine, je crois qu'il y a là un malaise véritable, celui de la motivation des étudiants.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Mme Belleau, tout d'abord, un bref commentaire sur l'ensemble de votre mémoire. Évidemment, comme professeur de français, vous avez fondé l'essentiel de vos préoccupations, face à la charte fédérale, sur la question proprement linguistique. Je voudrais simplement siqnaler - je sais que vous êtes en mesure de le faire également -que l'ensemble du problème constitutionnel doit être situé dans des perspectives plus larges que vous n'ignorez sans doute pas, mais votre mémoire s'intéresse strictement à la question linguistique.

Deuxième commentaire. En vous référant au résultat référendaire, vous affirmez qu'un Québécois sur deux a répondu non ou oui à la question. J'imagine que, dans votre vocable, un Québécois est un Québécois uniquement francophone. Vous n'excluez pas en tant que Québécois les autres Québécois qui ont fait que le résultat référendaire est allé pour le non jusqu'à 60%.

Dans la mesure où, depuis le début, on en parle beaucoup, je voudrais particulièrement attirer votre attention - le député de Deux-Montagnes a parlé justement de l'enseignement et j'avais des questions sur les programmes proprement dits d'enseignement des langues - sur la page 5 de votre mémoire. Analysant les propositions du gouvernement fédéral, vous y faites trois ou quatre affirmations, trois ou quatre paragraphes pour conclure que, si ces dispositions étaient enchâssées ou incluses dans une nouvelle constitution canadienne, le système scolaire québécois - je donne votre conclusion et j'aurais quelques questions à vous poser - serait "chambardé, renversé. Le vaste réseau scolaire francophone actuel deviendra, et très vite, selon le plan de M. Trudeau, un réseau anglophone avec quelques écoles francophones."

C'est une affirmation assez forte. Pour en mesurer la justesse ou pour apprécier dans quelle perspective vous avez fait une telle affirmation où, à toutes fins utiles, vous dites que ce serait la fin du réseau francophone, je voudrais, parce qu'on ne l'a

pas fait - tous les groupes évoquent les dangers de la proposition fédérale au titre de l'avenir du français - étant donné que vous êtes des spécialistes dans le domaine et que vous avez probablement cette expertise - je voudrais, dis-je, vous demander une chose. Je ne conteste pas les affirmations que vous faites, mais je voudrais en évaluer l'importance et la signification réelle. Vous dites dans votre mémoire: " Prenons quelques exemples types: 1. l'immigrant de souche anglophone qui vient d'un pays du Commonwealth ou des États-Unis, en arrivant au Québec pourra automatiquement inscrire ses enfants à l'école anglaise québécoise." Vous dites que c'est contraire à la loi 101. D'après les statistiques - je ne sais pas si vous les avez, ces statistiques - quel est le nombre exact de ces gens, en chiffre absolu? Je ne parle pas en proportion relative, mais, d'après les chiffres et les expertises que vous avez sans doute pour faire une pareille affirmation, je ne sais pas si vous pouvez me donner ça, mettons, au moment de la loi 63 et maintenant. Autrement dit, quel est le volume, le chiffre de l'immigration anglophone de l'ensemble des pays dont la langue maternelle est l'anglais à travers le monde qui vient s'installer au Québec?

La Présidente (Mme Cuerrier): Mme

Irène Belleau, est-ce que c'est vous qui répondrez aux questions?

Mme Belleau: Oui, je laisserai d'abord André donner une première réponse et, ensuite, je compléterai.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. André Gaulin.

M. Gaulin: On n'a pas les chiffres précis sous la main, mais il y en avait déjà de donnés approximativement dans le Devoir avant-hier. On estimait environ à 1000 ceux qui entraient au niveau scolaire au Québec chaque année et, de ceux-là, il y aurait de 25% à 30% de clientèle immigrante anglophone. Mettez 25% ou 30% de 1000, ce qui fait 250 environ par année.

M. Rivest: Enfants et non immigrants. M. Gaulin: Oui, c'est ça. Cependant...

M. Rivest: Qui seraient intégrés au réseau anglophone en vertu des propositions fédérales, si c'est la clause universelle.

M. Gaulin: C'est ça. Remarquez que ça fait déjà une dizaine d'années qu'on discute comme ça sur des chiffres...

M. Rivest: Oui.

M. Gaulin: ... et on ne sait pas exactement ce que ça va donner, etc. Si je reviens plus largement à la question que posait M. de Bellefeuille tantôt et que vous posez de façon plus précise par des statistiques, au fond, ce que nous craignons, c'est que ce multiculturalisme nous soit imposé par une langue qui sera l'unilinguisme anglais. Plus on regarde le Canada anglais tel qu'il est, tel qu'il s'est fait, tel qu'il s'est composé, plus on retrouve au Canada anglais le modèle étatsunien, à savoir d'une population multiculturelle où on a imposé la langue. Remarquez, on a entendu très souvent, depuis dix ans, dire que les lois linguistiques ne changeaient rien et on oublie très souvent de dire que, dans 30 États sur 50 aux États-Unis, on a imposé l'anglais par législation, ce qui n'est pas connu généralement.

On pourrait dire - ce matin, on donnait des statistiques - que, si nous étions tous francophones et restés francophones, des 60,000 immigrants que nous étions - parce qu'on a entendu M. Ryan, par exemple, dire: Nous étions 79%, en 1867, et nous sommes 80% maintenant au Québec - si nous étions tous là, francophones descendants des 60,000 à 80,000 immigrants de 1759, nous serions sur le territoire canadien ou nord-américain, non assimilés, environ 10,000,000. Cela veut dire qu'il y a une perte de 5,000,000 de gens qui se sont assimilés, ce qui exclut d'ailleurs les francophones hors Québec qui ne le sont pas.

Au fond, c'est toute une espèce de dynamique qui fait défaut là-dedans. De plus en plus dans le Canada, et surtout avec la charte de Trudeau, non seulement on nie la loi 101 mais on ne reconnaît pas que cette loi-là doit avoir une espèce de souveraineté sur un territoire bien précis. Je pense que notre mémoire a beaucoup insisté là-dessus. Jacques Ferron, le grand écrivain, qui pourrait être un prix Nobel de la littérature d'ailleurs, disait: La culture anglaise et la culture française sont deux cultures trop puissantes, trop fortes avec deux bibliothèques trop puissantes et trop fortes pour cohabiter sur le même territoire. Il faut donc faire des compartimentations territoriales, oe à quoi d'ailleurs sont arrivés des pays comme la Belgique et la Suisse, enfin la Belgique avec plus de difficultés, le cas de Bruxelles est épineux, mais ce à quoi on est arrivé, c'est à une certaine paix sociale à la suite de législations bien précises sur des territoires bien précis.

Je pense que ce que nous avons contesté surtout ici, c'est le fait qu'au Canada nous ne nous sentons pas chez nous. Ce pays-là nous a, à toutes fins pratiques, évacués. Il nous a à toutes fins utiles assimilés. À une époque où on aurait pu construire un Canada, au moment de la Confédération, la ville de Toronto, par exemple, avait moins de population que la

ville de Québec, en 1867. On nous a vraiment vidés de ce territoire-là. Au moment où on faisait entrer des Doukhobors dans l'Ouest, on voyait un Québécois sur trois s'en aller aux États-Unis. C'est cela que nous contestons. C'est cela que nous refusons. Vraiment, pour nous, le Canada est un pays infâme, c'est-à-dire sans réputation au sens étymologique du mot, c'est un pays qui nous a trahis, qui nous a humiliés et qui continue de le faire de façon plus forte encore par Trudeau.

M. Rivest: C'est une conception, mais remarquez qu'il y a des Québécois francophones qui, aujourd'hui, peuvent soutenir, probablement à juste titre, ce langage que je pense un peu alarmiste, ce diagnostic - non seulement un peu, à mon avis, mais beaucoup alarmiste - que vous venez de rendre.

Il y en a d'autres qui vont regarder aujourd'hui concrètement la réalité de la société québécoise et qui vont, finalement, comparer cette société québécoise qui s'est développée à l'intérieur du Canada, la comparer globalement, comme société, à d'autres régions du Canada, que ce soient les Maritimes, l'Ontario ou même tout le continent nord-américain, la société américaine ou même européenne. Ils vont se dire que le Québec et les Québécois francophones, bien sûr, par là même, ont bâti ici ou ont donné ici, au niveau du développement politique, économique, les valeurs profondes de notre société ce qui est loin d'en faire une société...

En tout cas, personnellement, je prends acte de votre conception des choses et de votre diagnostic mais, pour moi, je suis fier comme Québécois du niveau de développement que la société québécoise a atteint, tout en admettant les faits historiques que vous relatez et qui sont sans doute incontestables. La société québécoise a atteint un niveau de développement tel qu'elle est, globalement, avec ses faiblesses, bien sûr, dont on peut reconnaître certainement l'existence, très comparable a n'importe quelle autre société. D'ailleurs, M. René Lévesque lui-même, lors de la campagne référendaire, le disait. Il s'en servait même comme d'un argument et je pense qu'il avait raison. Il disait que si le Québec devenait indépendant, en termes de développement de la société, il se situerait, je crois, au septième ou au huitième rang de toutes les nations modernes du monde.

C'est donc dire que cette existence du Québec à l'intérieur du Canada, couplée avec la dimension culturelle et linguistique qui nous est propre, loin d'avoir conduit le Québec à être une société sous-développée au sens où on peut l'entendre au niveau international, nous a fait atteindre quand même des niveaux de développement importants. On aurait peut-être pu faire mieux, sans doute, dans d'autres circonstances mais, néanmoins, si on est rendu au septième ou su huitième rang, comme le disait M. René Lévesque, je trouve qu'on est pas mal, compte tenu de notre groupe.

J'ajoute qu'une des raisons qui me fait croire, personnellement, en la valeur de notre appartenance à l'ensemble fédéral canadien, c'est justement cette réalité des choses et ce diagnostic. Je me dis: Si on est arrivé à ce niveau tout en étant à l'intérieur du Canada, ajoutant nos propres ressources et notre propre dynamisme québécois, qui sont considérables, la part qui nous revient et qu'il faut chercher à obtenir - parfois qui ne nous revient pas - de notre appartenance fédérale, il me semble que pour l'avenir, en tout cas... C'était sur l'orientation de fond.

Revenant à une question peut-être un peu plus précise, vous dites qu'il y a 250 enfants annuellement qui nous viennent de la grande communauté anglophone internationale. Parmi ceux-là - je parlais du paragraphe 1, je reviens au paragraphe 3 -combien chaque année viennent uniquement des autres provinces du Canada, les enfants dont la langue maternelle est l'anglais? (15 h 45)

Mme Belleau: Remarquez que nous n'avons pas ici les chiffres, mais ils existent. J'allais dire tout à l'heure, en fonction de votre première question au début de votre intervention, que si dans notre mémoire on semble tenir un langage peut-être un peu outrancier quand on affirme que dans dix ans peut-être le réseau scolaire sera devenu anglophone avec quelques écoles francophones, si cela vous semble un peu outrancier, j'en suis heureuse. Je me dis: C'est peut-être à partir de ça qu'il faut vraiment réfléchir. On réfléchit toujours par rapport au passé. Je dis: Depuis dix ans, il est peut-être arrivé 250 élèves anglophones dans le secteur anqlophone québécois. Puis, on en reste là.

Mais vous voyez sans doute, j'imagine bien, qu'avec la résolution fédérale, ce mouvement pourrait être multiplié par cinq. Alors, si ce n'est pas dans dix ans, c'est peut-être dans moins de dix ans que nos écoles francophones, qu'on est obligé de fermer, dans bien des cas, à cause de la dénatalité, seraient le lieu privilégié pour cette immigration anglophone.

M. Rivest: Je ne veux pas, parce qu'on n'aura probablement pas le temps... Quand vous dites: Pour elles, bien sûr, on peut le dire. Sans doute, je ne peux pas le contester. Mais, après cela, du même souffle, vous invoquez le problème de la dénatalité, comme si c'était simplement un phénomène propre à la communauté francophone et ...

Mme Belleau: Elle existe ailleurs.

M. Rivest: ...cela existe autant maintenant.

Mme Belleau: Oui, bien sûr.

M. Rivest: C'est un phénomène de toutes les sociétés développées. Il faudrait également pondérer cela.

L'autre question - je trouve que, dans l'énumération de vos paragraphes, il y a un certain déséquilibre; c'est pour ça que je m'attache plus directement aux chiffres, si je ne prolonge pas trop - vous mettez finalement un peu sur le même pied l'hypothèse plausible - remarquez, selon l'analyse que vous avez faite de la résolution fédérale - de l'immigrant allophone qui irait aux États-Unis pendant un certain temps, qui viendrait après ça s'installer au Québec et qui, en vertu de la résolution fédérale, aurait le droit d'inscrire ses enfants. Cela paraît assez illogique, mais il faudrait voir le nombre de personnes qui feraient ce genre de circuit-là pour apprécier la valeur intrinsèque du paragraphe que vous placez exactement au même niveau, dans votre argumentation, pour conclure d'une façon extrêmement pessimiste sur l'avenir du réseau scolaire francophone au Québec; parce que ça m'apparaîtrait assez minime, finalement. Je ne sais pas, je n'ai pas de chiffres...

Mme Belleau: Je ne sais pas si c'est si minime que cela. Je vous apporterai comme exemple le fait, depuis quelque temps, pour ne pas dire quelques années, des réfugiés, des "boat people", par exemple, tous les réfugiés du Sud-Est asiatique; vous en avez plusieurs qui arrivent au Québec, mais vous en avez plusieurs aussi qui viennent au Québec parce que d'autres membres de leur parenté sont arrivés - mais, attention - dont les parents ont émigré aux États-Unis, il y a quelques années. Je vous cite cet exemple, parce que je le vis dans mon école. Je suis convaincu qu'il n'existe pas qu'à un exemplaire.

M. Rivest: Juste une dernière précision - une des dimensions qui ne se trouvent pas dans votre analyse - est-ce que vous tenez compte, dans tout ce mouvement, lorsqu'on parle de questions scolaires, ce qui est très important, de la langue d'enseignement, des possibilités qui sont ouvertes au gouvernement du Québec au titre des ententes qui existent maintenant et dont, de part et d'autre, on est satisfait, de ce qu'on appelle les ententes signées par les ministres Couture et Collins, où le Québec a quand même un droit de regard, presque plus qu'un droit de regard, pratiquement un droit de veto, sur l'installation des immigrants? On pourrait, de ce côté-là également, essayer de développer davantage les possibilités ou les instruments qui seraient à la disposition de la société québécoise pour renforcer son contrôle sur le mouvement des immigrants, que ce soit à l'intérieur même du Canada ou même à l'extérieur, pour éviter, au fond... Je pense que, dans toutes les formules plus ou moins parfaites que l'on trouve - la vôtre, celle de la loi 101 ou la nôtre, quelle que soit la formule - où on essaie... Finalement, le problème central, ce n'est pas tellement de brimer tel ou tel type d'individus. Je pense que tous, on a la même préoccupation qui est essentielle à la société québécoise, c'est de maintenir, particulièrement à Montréal, un équilibre démographique tel qu'il assure la prépondérance de la société française, c'est-à-dire qu'on veut éviter que, par le canal de l'immigration, de l'intégration scolaire, le groupe francophone à Montréal ne soit vidé comme ça se faisait par le passé. C'était effectivement très dangereux. C'est un rapport numérique entre deux collectivités qu'on essaie de maintenir. Il n'y a pas que l'instrument de la politique linguistique au titre de la langue d'enseignement; il peut y avoir d'autres types d'instruments. Vous qui êtes quand même très près de ces questions, vous n'en faites mention nulle part. Je pensais au contrôle de l'immigration et, après ça, à d'autres formules, enfin à tous les programmes qui pourraient aller dans ce sens.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. André Gaulin.

M. Gaulin: Comme vous le disiez, on n'est pas nécessairement du même bord, mais je pense qu'on est tous québécois. On peut faire un constat pessimiste. D'ailleurs, ce n'est pas sur la société québécoise que je suis pessimiste, c'est sur le Canada comme pays. On peut être pessimiste sur le Canada, mais on veut tous essayer, ici dans cette commission, de revaloriser cette société québécoise. Je reviendrais à une définition, parce qu'on peut aussi, mettre des cautères sur une jambe de bois. J'ai l'impression que c'est cela qu'on fait actuellement, essayer de calculer tel pourcentage, tel endroit dans telle ville par rapport à telle chose et telle chose. Ce qu'on a appelé des amendements à la pièce, une législation à la pièce. On n'a vraiment pas de plan d'ensemble.

Je reviendrais à la définition du professeur Charles Castonguay, qui est un professeur de mathématiques du côté d'Ottawa, spécialiste de la démographie, qui définissait ainsi le Canada français. "Le Canada français, c'est le lieu où le français a encore une force d'attraction". Dans les années 1975, il disait, par des sondages, des questionnaires que le Canada français allait

de Trois-Rivières environ, en passant par Québec et en s'en allant du côté du Saguenay-Lac-Saint-Jean. C'était cela, le Canada français. Une espèce de L. Voyez-y un L libéral, si vous voulez, mais une espèce de L qui était là, alors que maintenant, avec la loi 101, je pense que la culture, la langue française a repris un mordant, un dynamisme de sorte qu'un certain nombre de questions un peu vétilleuses ne se posaient plus.

Comme on est en train, avec le plan Trudeau de retoucher à cette loi, de remettre en jeu un équilibre difficilement, péniblement acquis, un consensus auquel le Québec a finalement accédé, je pense qu'on remet tout en cause et qu'on peut, dès lors, recontinuer d'être pessimiste parce qu'à ce moment, c'est le processus de bilinguisation, puis de diglossie et, finalement, d'assimilation. Cela peut se faire dans 50 ans, comme on l'a dit hier, mais ça se fera si on ne renverse pas la vapeur.

La Présidente (Mme Cuerrier): II y avait M. le ministre qui voulait parler. J'aurais une autre demande. Il reste deux minutes au temps qui nous est alloué.

M. Morin (Sauvé): Oui. Mme la Présidente, je serai très bref. On ne peut quand même pas laisser passer certains propos du député de Jean-Talon. À l'écouter parler, à cette table, nous nous battrions pour la défense du français et tout le monde serait d'accord qu'il faut défendre la langue française, particulièrement au niveau scolaire. Il n'y aurait pas de différence; au fond, tout le monde est pour la langue française. Il faut quand même juger les gens non pas à ce qu'ils disent, mais à ce qu'ils font. Et ce qu'ils font, vous le savez très bien: ils tentent, en ce moment, de modifier les critères d'accès à l'école anglaise pour la rendre plus accessible, en passant des règles objectives de sélection que contient la Charte de la langue française à un critère flou à souhait qui est celui de la langue maternelle et, de surcroît, appliqué par les principaux intéressés qui sont les commissions scolaires protestantes et anglophones.

Lorsqu'on discute de l'acceptation, de l'accès aux écoles anglaises des enfants des autres provinces, avez-vous remarqué comme ça ne porte pas à conséquence? Quelques petites centaines, quelques dizaines. Cela ne porte pas à conséquence pour les écoles du Québec. Alors, reculons là-dessus également. Ensuite, avez-vous remarqué cette autre disposition? Il faudrait passer l'éponge sur les illégaux.

M. Rivest: C'est ce que vous avez fait quand vous étiez ministre de l'Éducation.

M. Morin (Sauvé): Ce que nous avons toujours refusé de faire.

M. Rivest: Vous n'avez rien fait.

M. Morin (Sauvé): Nous avons - vous le savez, je n'ai pas besoin de vous le rappeler - décidé que les illégaux n'auraient droit à aucun diplôme. Bien sûr, on ne va pas mettre la police dans les écoles, comme peut-être nos amis auraient voulu nous le faire faire, pour rendre les choses absolument invivables, mais nous avons décidé qu'il n'y aurait pas de reconnaissance du diplôme de ces enfants, parce qu'ils sont là illégalement.

Eh bien, on nous propose, de l'autre côté: Passons l'éponge là-dessus. Je dis que ce sont là des attitudes qui mènent directement à la déroute du français et notamment au niveau scolaire. Je crois que je ne peux pas laisser passer cette espèce de discours qui tend à laisser croire qu'il n'y a pas vraiment de différence; tout le monde est d'accord pour sauver le français au Québec.

Jugeons aux actes, c'est ça qui est important, pas aux belles paroles dont on voudrait nous enfirouâper.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre, s'il vous plaît!

M. Rivest: Mme la Présidente, je voudrais simplement brièvement invoquer l'article 96, à la suite des commentaires du ministre.

La Présidente (Mme Cuerrier): Question de règlement, M. le député de Jean-Talon?

M. Rivest: Oui, sur une question de règlement. Nous avons eu une discussion avec nos invités; je m'étais abstenu de faire tomber la discussion dans les sphères politiciennes auxquelles l'a ramenée le ministre, et je pense que tout le monde aura jugé le niveau de l'ex-ministre de l'Education.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député, vous avez invoqué 96.

M. de Bellefeuille: Ce n'est pas justifiable en vertu de 96, ça.

M. Rivest: Cela ne fait rien, c'est très important de le dire.

M. Morin (Sauvé): Vous mêlez tout le monde!

M. Marx: Mme la Présidente, puis-je avoir, avec le consentement des députés ministériels, quatre ou cinq minutes pour faire un petit témoignage? Je pense que tout le...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le

député, avant que la commission ne vous accorde son consentement, je me dois de vous faire remarquer que nous avons plusieurs groupes qui attendent maintenant d'être entendus, que si nous décalons maintenant, et encore une fois avec un prochain groupe, et encore avec un prochain groupe, ça nous posera des problèmes quant à notre horaire.

M. Marx: C'est la première et la dernière fois que je vais parler, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député, j'ai pris sur moi de vous dire ces choses, en tenant compte aussi que vous n'êtes ni membre ni intervenant de la commission.

M. Marx: Je remplace quelqu'un; on m'a demandé...

La Présidente (Mme Cuerrier): De toute façon, puisque vous me demandez de le faire, je puis fort bien le faire, à moins que...

M. Morin (Sauvé): Mme la Présidente, nous consentons à ce que le député de D'Arcy McGee prenne une fois plus la défense de la langue française; nous attendons de voir ça.

M. Marx: Je suis très heureux que mon...

La Présidente (Mme Cuerrier): Vous avez le consentement pour cinq minutes, comme vous l'avez demandé, M. le député de D'Arcy McGee; je vous arrêterai au bout de cinq minutes.

M. Marx: Je suis très heureux que mon ancien professeur à l'Université de Montréal et mon collègue à l'Université de Montréal consente à ce que je défende la langue française.

La situation de la langue française, telle que décrite ici, n'est pas la situation que je connais dans mon comté. Moi, je viens d'un comté à 90% anglophone - et j'avoue tout de suite que j'ai tous les votes des francophones aussi, dans mon comté - et le consensus, dans mon comté, c'est que le français devrait rester la langue commune et la langue prioritaire du Québec. C'est ça le consensus dans mon comté, comté anglophone.

Je pense qu'on ne fait pas état de ça; on fait état d'une situation qui n'existe pas dans les faits.

J'aimerais apporter un témoignage personnel, si vous me permettez de le faire, sur l'enseignement du français aux anglophones au Québec. Parlons de mon cas, un fils d'immigrant; savez-vous où on m'a envoyé, où on m'a forcé à aller? On m'a forcé à aller aux écoles anglaises. Ce n'est pas moi qui ai choisi ça, ce n'est pas mon père qui a choisi ça, c'est l'État du Québec qui a forcé des fils d'immigrants comme moi à aller aux écoles anglaises protestantes, où, bien sûr, on a appris l'anglais, on n'a pas eu le choix. On donnait l'enseignement du français, c'était mauvais. Mais c'est l'État du Québec qui nous a forcé à aller aux écoles anglaises et un jour, à l'Assemblée nationale, les gens se réveillent et on nous dit: Vous avez appris la mauvaise langue. Ce n'était pas notre faute si nous avions appris l'anglais, c'était le régime linguistique du temps au Québec.

Je peux vous dire que j'ai appris le français "on the job", j'ai appris le français en tant qu'étudiant et professeur à la faculté de droit de l'Université de Montréal et, comme c'est ma langue de travail, j'ai essayé de l'améliorer. Je peux même vous dire que, à l'Université de Montréal, j'ai même eu l'occasion de franciser des anglophones dans mes cours. J'ai aussi publié un livre en droit constitutionnel; c'est le seul livre en français où se trouve la jurisprudence constitutionnelle et il est utilisé dans toutes les facultés de droit francophones au Québec. (16 heures)

Maintenant, j'aimerais passer à mes enfants. Heureusement pour mes enfants...

La Présidente (Mme Cuerrier): Deux minutes, M. le député, pour parler de vos enfants.

M. Rivest: Ils ne sont pas nombreux!

M. Marx: Comme je n'ai que deux enfants, je pense que ça peut prendre une minute chacun. Mes enfants ont eu l'occasion d'aller dans des écoles anglaises où il y a l'immersion française. L'immersion française a prouvé sa valeur. Quoiqu'il y ait aussi des écoles protestantes françaises à Montréal; mes enfants étaient dans les classes d'immersion. En 1977-1978, j'étais en année sabbatique, en France et j'ai amené ma famille. Mes enfants sont allés aux écoles françaises en France. Ils n'ont eu aucun problème avec la langue en France parce qu'ils étaient dans des classes d'immersion française ici. Ils ont bien réussi à l'école française en France, sans aucun problème.

Je pense que les anglophones d'aujourd'hui au Québec ne sont pas les anglophones des années quarante, cinquante, soixante ou même soixante-dix. Je pense que vous devez être au courant de cette situation. On ne peut pas vivre à Laval ou dans la ville de Québec et être au courant de ce qui se passe dans mon comté; vous n'êtes jamais allés dans mon comté.

Juste un autre mot. Vous avez dit qu'il fallait une raison pour apprendre la langue française; on a la meilleure raison au monde à cause du Parti libéral du Québec: parce que la langue de travail est le français depuis le bill 22. C'est une bonne raison d'apprendre le français. Si on veut avoir un bon job, il faut apprendre le français, c'est évident. Avez-vous entendu beaucoup d'anglais à l'Assemblée nationale ou dans la fonction publique du gouvernement du Québec? Il y a beaucoup de bons jobs là-bas et, si on les veut, il faut apprendre le français.

Je trouve que vos propos sont très pessimistes, alarmistes, souvent outranciers, à mon avis, voire farfelus. Cela ne colle pas à la réalité. Je comprends que le Parti québécois veuille faire les prochaines élections sur la question linguistique, c'est évident, parce qu'il ne veut pas parler du scandale qui concerne la Société d'habitation, il ne veut pas parler du trou de $500,000,000.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député, vous aviez parlé, au départ, de cinq minutes.

M. Marx: Quand on attaque un peu le gouvernement péquiste, la présidente commence à dire: Vous n'avez plus de temps pour parler. Ce sont les faits. Les faits sont qu'ils ne veulent pas parler d'autre chose que de la langue, mais il y a des autres problèmes au Québec et ils ne veulent pas traiter des autres problèmes. Je vous dis ceci: La question linguistique est réglée au Québec. Quoi qu'il arrive...

M. de Bellefeuille: Pourquoi voulez-vous changer cela, alors?

La Présidente (Mme Cuerrier): À l'ordre:

M. Marx: ...le Québec est et va rester prioritairement français!

La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît!

M. Marx: Pourquoi veut-on faire des redressements concernant le bill 101? Je peux répondre à cette question.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député, s'il vous plaît!

M. Marx: Quand René Lévesque, le premier ministre du Québec, propose de faire des changements à la loi 101, personne ne dit quoi que ce soit. Je n'entends pas de péquistes dire: II ne faut pas toucher à la loi 101. René Lévesque a proposé qu'on fasse des redressements dans la loi 101. Où étiez- vous à l'époque? Avez-vous fait des plaintes? Avez-vous déposé des documents?

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député...

M. Marx: Quand c'est le Parti libéral qui propose de faire les mêmes redressements...

La Présidente (Mme Cuerrier): ... de

D'Arcy McGee, je vais être obligé de m'imposer, malheureusement.

M. Marx: ... vous venez ici nous dire qu'il ne faut pas le faire. Deux poids, deux mesures!

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député!

M. Marx: Parce que vous défendez une thèse péquiste.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de D'Arcy McGee!

M. Marx: Bonne défense de la langue, M. le professeur!

La Présidente (Mme Cuerrier): Je me dois de faire respecter le règlement. Je vous ai dit, au départ, que la commission vous accordait cinq minutes et vous en avez pris près de huit.

M. Marx: Je vais rembourser trois minutes au gouvernement une autre fois!

La Présidente (Mme Cuerrier): La commission a déjà démontré qu'elle voulait bien vous entendre, mais je pense - et je ne crois pas présumer - que la commission accordera aussi aux gens qui sont avec nous les cinq ou huit minutes pour répondre à l'intervention de M. le député de d'Arcy McGee.

Mme Belleau: Mme la Présidente, je ne crois pas vraiment, personnellement, que nos propos soient exagérés et qu'on n'ait pas tenu compte de la situation montréalaise, même si on enseigne à Québec ou si on enseigne à l'Université Laval. Notre association représente des professeurs de français de tous les milieux, de tous les coins du Québec et nous connaissons aussi bien la situation de l'Université de Montréal que la situation de l'Université Laval.

Je ne crois pas, non plus, que l'exemple que M. le député veut nous donner soit multipliable. Nous n'avons pas, en tout cas, la preuve au Québec que cette situation-là soit suffisamment multipliée pour être intéressante pour les Québécois francophones. Si elle était vraiment intéressante pour les

Québécois francophones, les Anglo-Québécois, lorsque nous disons Québécois francophones ou Québécois tout court, se sentiraient vraiment touchés par cela et ils ne se sentiraient pas obligés de rétorquer en disant: Nous sommes des anglophones, nous avons fait telle et telle chose pour améliorer la situation du français au Québec et nous sommes toujours d'accord avec la loi 101.

Évidemment, nous refuserons toujours -nous sommes prêts à bien des batailles encore s'il faut lutter contre - des réaménagements à la loi 101. Je dis cela fermement. La loi 101, pour nous, est essentielle et, s'il y a quelque chose à faire avec la loi 101, c'est qu'elle devrait être davantage raffermie dans le sens de toutes les classes d'accueil d'immigrants qui arrivent au Québec. Pour nous, il n'y a aucun compromis à faire dans ce domaine-là. Il s'agit de maintenir la loi 101 et je dirais, jusqu'à un certain point, de la raffermir encore plus. D'ailleurs, on l'avait dénoncée lors de notre congrès de novembre dernier; je crois que la situation est à l'étude et qu'il pourrait même y avoir des améliorations dans ce domaine-là avant longtemps. Nous l'espérons.

Les Québécois francophones sont capables aujourd'hui, dans leurs écoles francophones, d'impliquer tous les immigrants, qu'ils soient anglophones, vietnamiens, belges ou de n'importe quelle nationalité, dans un bain francophone pour qu'ils apprennent la langue française et non pas qu'ils apprennent la langue française dans un bain anglophone. Même si l'immersion recueille des adeptes aujourd'hui, ici au Québec, remarquez qu'en Colombie-Britannique toutes les classes d'immersion sont des classes d'anglicisation, rapido à part ça.

Ici au Québec, pour nous, la situation des immigrants, la situation des classes d'accueil doit relever de l'école francophone. Nous n'accepterons jamais que la loi 101 soit diminuée de quelque façon que ce soit.

M. Marx: Question de règlement. Mme Belleau: André voulait...

La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Mme Belleau: ... ajouter quelque chose, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): À l'ordre, s'il vous plaît: Je veux juste faire une remarque...

M. Gaulin: Seulement une phrase. Ce que, personnellement, je ne prends pas, Mme la Présidente, tout en respectant M. Marx, c'est d'être traité d'outrancier. Il demande où on était lors de l'adoption de la loi 101. Je suis venu ici depuis la loi 82; j'ai demandé l'unilinguisme français au moment de la loi 92, en 1968. Le lendemain, je lisais dans le Devoir, sous la plume de M. Ryan: " Que peut-il sortir de la tête d'un petit professeur d'école normale?" Parce qu'on demandait l'unilinguisme français au Québec. Je pense qu'on n'est pas outranciers, madame, dans la mesure où on se demande pourquoi il y a encore un demi-million d'unilingues anglais à Montréal, au moment où on se parle. Nous ne sommes pas outranciers, nous sommes patients.

La Présidente (Mme Cuerrier): Bon. Vous avez disposé du temps que j'allais vous accorder; vous aviez deux minutes tout au plus et vous êtes bien resté à l'intérieur de ces deux minutes.

L'intervention que j'allais faire, c'était sur la question de règlement. C'est simplement pour dire aux gens dans la salle qu'ils ne savent sans doute pas que, ni au salon bleu, ni ici, les gens qui observent ne devraient manifester soit leur approbation ou leur désapprobation. Je sais que c'est difficile parfois et, s'il y a quelqu'un qui peut bien comprendre ça, c'est celle qui vous parle présentement.

M. Rivest: Qu'est-ce que vous voulez dire?

Mme Chaput-Rolland: Voudriez-vous nous applaudir ou les applaudir?

M. Marx: II y a des exceptions.

M. Rivest: Vous auriez applaudi? Ah, ah, ah, ah,l

La Présidente (Mme Cuerrier): Je vous laisse le choix.

Mme Chaput-Rolland: Eh bien! J'espère que c'est pour nous un peu, de temps en temps.

La Présidente (Mme Cuerrier): C'est peut-être la partie de mon travail la plus intéressante, celle de remercier les gens qui collaborent avec la commission de l'Assemblée nationale. Je me fais le porte-parole de la commission pour remercier les représentants de l'Association des professeurs de français, qui ont été Mme Irène Belleau, la présidente, et M. André Gaulin. Merci beaucoup.

Mme Belleau: Merci de nous avoir entendus.

La Présidente (Mme Cuerrier): J'appellerai maintenant le Mouvement national des Québécois dont le porte-parole

est M. Raymond Vaillancourt.

Le Mouvement national des Québécois

M. Vaillancourt (Raymond): Mme la Présidente, de même que madame et messieurs de la commission, je voudrais d'abord vous remercier d'avoir accepté de nous recevoir. Je voudrais, en même temps, vous présenter celui qui m'accompagne, M. Christian Morissette, qui est permanent au Mouvement national des Québécois.

Le Mouvement national des Québécois est un organisme qui regroupe quinze sociétés régionales... Oui?

La Présidente (Mme Cuerrier): M.Vaillancourt, voudriez-vous répéter, s'il vous plaît? Je pense que les membres voulaient noter les noms et la fonction de chacun. Votre prénom, c'est Raymond?

M. Vaillancourt (Raymond): C'est cela.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Raymond Vaillancourt, vous êtes...

M. Vaillancourt (Raymond): Le président du Mouvement national des Québécois.

La Présidente (Mme Cuerrier): C'est cela.

M. Vaillancourt (Raymond): À ma gauche, M. Christian Morissette, qui se trouve à être permanent au Mouvement national.

La Présidente (Mme Cuerrier): Merci beaucoup. Vous disposez maintenant d'une vingtaine de minutes pour la présentation de votre mémoire.

M. Vaillancourt (Raymond): Merci. Comme je le disais, le Mouvement national des Québécois est un organisme qui regroupe quinze sociétés régionales affiliées et représente plus de 165,000 membres répartis sur tout le territoire québécois.

Ce n'est pas pour désavouer les précurseurs que notre fédération a changé le nom de Saint-Jean-Baptiste pour celui de Mouvement national des Québécois, il y a dix ans. C'était, au contraire, pour s'ajuster à l'évolution qu'ils avaient en quelque sorte imposée au Québec.

Depuis le début du mouvement, en 1947, nous avons eu comme principale préoccupation de favoriser le développement et l'épanouissement du Québec. Cet objectif nous a amenés à nous impliquer dans tous les dossiers importants touchant la vie québécoise. Les grandes batailles entreprises par le mouvement se sont déroulées sur quatre thèmes majeurs, soit la langue, l'éducation, la constitution et le développement économique.

Ces sont toutes les interventions du mouvement depuis ses débuts, ce sont tous les dossiers qui ont été étudiés, ce sont tous les mémoires qui ont été présentés aux commissions parlementaires qui ont amené nos membres à un carrefour. En 1969, le Mouvement national des Québécois était à l'heure du choix. C'est à ce moment que nous nous sommes prononcés de façon claire et définitive en faveur de la souveraineté totale du Québec, comme étant le seul moyen pour notre peuple de s'épanouir.

En 1980, le Québec se trouve face au plus grand coup de force constitutionnel jamais tenté par le gouvernement d'Ottawa. Ce n'est pourtant pas la première fois que le fédéral essaie de modifier le British North America Act.

En ce qui concerne la position du Mouvement national des Québécois, contentons-nous simplement de rappeler qu'avant même de s'être prononcé pour la souveraineté du Québec, mais conscient des implications qu'entraîne un rapatriement de la constitution, le mouvement avait adopté, au congrès de 1962, une résolution visant à rejeter la formule Fulton, car elle ne contenait pas les garanties nécessaires aux Québécois. C'est sensiblement pour les mêmes raisons qu'en 1964 le Mouvement national rejetait également la proposition Fulton-Favreau et prenait l'initiative d'un mouvement d'opposition à cette formule préconisée par le fédéral. En 1965, le Mouvement national présente aussi un important mémoire, intitulé le Québec moderne, artisan de son devenir, au comité parlementaire de la constitution d'alors.

Dans ce document, nous affirmions qu'en l'absence de garanties constitutionnelles le fédéralisme canadien est un leurre dont il nous faudra, nous du Québec, tôt ou tard, payer la facture. Cette réalité fondamentale n'a pas changé depuis. (16 h 15)

En somme, la position de base du Mouvement national des Québécois pourrait se résumer ainsi: le British North America Act (ou la constitution canadienne) tel que modifié au cours des ans, ce qui revient à dire le statu quo constitutionnel, ne satisfait plus aux aspirations légitimes de la nation qui a besoin d'un Québec fort politiquement, économiquement et socialement pour être libre de s'épanouir et de réaliser à sa façon et selon ses besoins les objectifs de toute nation adulte. Nous sommes donc en faveur d'une constitution, mais d'une constitution québécoise élaborée et adoptée démocratiquement par les Québécois et qui définirait de façon claire, rationnelle et précise les droits, pouvoirs et devoirs de nos représentants dans notre pays, le Québec.

Jamais encore le gouvernement canadien n'avait osé menacer le Québec

comme il le fait actuellement. Il n'entre nullement dans nos intentions ici de présenter un exposé juridique des dangers que le projet d'Ottawa fait planer sur le Québec. Cependant, la collectivité québécoise, si le plan fédéral passait, perdrait, à court terme, son identité propre. Qu'il suffise de rappeler que nos représentants à l'Assemblée nationale n'auraient plus les pouvoirs réels pour protéger les droits linguistiques des francophones; qu'il y aurait un recul sans précédent dans le domaine de l'éducation (ce qui sont deux secteurs qui ont toujours été de juridiction exclusivement provinciale); qu'il serait dorénavant impossible de favoriser par des politiques d'achat, par exemple, les entreprises de chez nous et que même les travailleurs québécois pourraient perdre des opportunités au profit des travailleurs d'autres provinces.

Une fois, néanmoins, que les menaces du plan fédéral sur l'avenir du Québec sont connues, il faut se demander comment il est possible qu'un gouvernement canadien puisse présenter un tel projet qui, s'il devenait réalité, conduirait le Québec à ne détenir qu'un rôle d'observateur. C'est bien de cela, en effet, qu'il s'agit, car, dans la vision des fédéraux, le particularisme de la nation québécoise ne devient qu'un simple régionalisme à l'échelle canadienne. La force de la position du gouvernement canadien réside dans le fait que son chef a résolument et définitivement fait un choix. Il choisit le Canada et le Canada seulement. Il propose, en effet, un Canada unitaire et fort, ne laissant que peu ou pas de champ de manoeuvre pour le Québec. Le gouvernement fédéral force ainsi ses adversaires à faire leur propre choix. Au Québec, notre ambiguïté légendaire nous a orientés vers des choix multiples. Le Parti libéral, petit frère de l'autre, a choisi le Canada et le Québec. Le Parti québécois, en particulier son aile parlementaire, a choisi le Québec et le Canada. Dans les deux cas, l'ambivalence est certaine et fait apparaître la position du premier ministre canadien comme étant plus claire et plus simple, donc plus logique.

Nous nous retrouvons, en conséquence, devant une situation où, d'une part, une position tranche le débat, alors qu'ici, d'autre part, on déplace des virgules pour trouver une unanimité utopique. Cette position du premier ministre canadien, assurément injuste et insultante pour les Québécois et possiblement illégale en termes juridiques, est cependant claire et montre bien qu'il a fait son choix, ce qui confère à son plan une force réelle qui risque d'en attirer plus d'un.

Jamais donc auparavant la conjoncture politique n'a autant favorisé l'urgence pour les Québécois de faire un choix. Jusqu'à maintenant, les choix auxquels nous avons été conviés ont été plus souvent qu'autrement des demi-choix cherchant à ménager la chèvre et le chou. Même le référendum du printemps dernier aura été une occasion de plus de rendre ambiguë une position et un idéal qui avaient déjà passablement perdu de luminosité. La lutte pour l'indépendance du Québec a subi, depuis que le Parti québécois en a pris le leadership, une mise en veilleuse qui a laissé pantois plus d'un nationaliste convaincu.

Pour mieux comprendre les solutions qui s'offrent maintenant au Québec, il faut mettre en lumière ici quelques éléments importants. Premièrement, si, comme le gouvernement québécois le répète souvent, le geste que le fédéral tente de poser est effectivement un coup de force, il faut donc convenir qu'il s'agit véritablement de quelque chose de préjudiciable et de mauvais pour le Québec. En conséquence - et c'est le sens que nous accordons aux paroles du gouvernement québécois - la réforme fédérale est inacceptable pour nous. Il faut alors se poser la problématique en termes nets et se demander si l'on ne devrait pas sortir de ce cadre confédératif.

Si, par ailleurs, le coup de force canadien passait, le Mouvement national des Québécois demande au gouvernement quelle serait alors sa position. Allez-vous accepter cette situation sans réagir et, sinon, quels gestes entendez-vous promouvoir? En ce sens, il serait peut-être possible de laisser pour quelque temps les considérations stratégiques, de les mettre un peu de côté pour peut-être voir un peu plus clair.

Selon nous, la seule façon pour le Québec de combattre Ottawa est de poser la question en termes tout aussi clairs que l'ont fait nos adversaires. Il est, pour nous tout au moins, inacceptable que le seul parti souverainiste à jamais avoir pris le pouvoir au Québec aille défendre le fédéralisme au Canada. C'est, d'ailleurs, cette attitude ambivalente, difficile à expliquer et à comprendre, qui empêche la population d'adopter sur cette question une position claire. Là-dessus, nous ne sommes pas loin de rejoindre ce que disait le professeur Dion, mardi, lorsqu'il laissait entendre, de façon assez claire, qu'il se peut fort bien que les partis politiques actuels ne soient plus tellement des éléments fiables dans le débat.

Le gouvernement québécois n'a, à toutes fins pratiques, que peu de latitude. D'un côté, Ottawa propose un plan qui est la négation même du Québec et de sa collectivité. Ce projet fédéral renie plus de trois siècles d'histoire et de culture québécoise. Il faut alors opposer à la vision canadienne totalitaire une position québécoise qui le soit tout autant. Le Mouvement national des Québécois exhorte donc le gouvernement québécois à faire le choix qu'on attend de lui, c'est-à-dire à faire le choix du Québec seulement.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre d'État au Développement culturel et scientifique.

M. Morin (Sauvé): Merci, Mme la Présidente. Je voudrais remercier les représentants du Mouvement national des Québécois. M. Vaillancourt m'a rappelé bien des souvenirs chemin faisant et, notamment, ce moment dans l'évolution des sociétés Saint-Jean-Baptiste où elles ont choisi de devenir le Mouvement national des Québécois.

Vous nous avez dit, M. Vaillancourt - je crois que c'est tout à fait dans la foulée de certaines des prises de position du mouvement national, du MNQ depuis quelques années - que vous avez opté pour ce qu'on pourrait appeler peut-être, faute d'expression plus juste, l'indépendance pure. D'aucuns diront pure et dure. Vous nous dites, dans votre mémoire, que vous considérez que le gouvernement actuel a, en quelque sorte, mis cette thèse en veilleuse. S'il s'agit, effectivement, d'une indépendance qui ne serait pas accompagnée d'une association, je pense qu'on doit vous donner raison.

Si telle est votre attitude, je dois vous remercier d'autant plus d'avoir adhéré au oui pendant la campagne référendaire. Cela devait être sans doute parce que le oui se trouvait tout de même un peu plus près des préoccupations des Québécois et un peu plus conforme à l'avenir souhaité pour le Québec que ne l'était le non.

Vous avez également fait allusion - j'ai trouvé la chose fort intéressante - au fait que le premier ministre du Canada tire sa force de choix purs et durs qu'il fait, des choix sans nuances. Vous dites que cela joue en faveur du Canada et du premier ministre fédéral. Personnellement, je n'en suis pas si sûr. Cette absence de nuances, cette façon cavalière qu'il a de trancher des problèmes complexes, subtils, cette façon dogmatique qu'il a de passer le scalpel dans les chairs, de vouloir, à tout prix, que le pays lui ressemble ou rentre à l'intérieur du moule de la conception qu'il s'en fait, cette façon, aussi, de tenter d'écraser le Québec, de tenter de priver le Québec de ses compétences exclusives dans le domaine linguistique, par exemple, je pense que tout cela est en train de se retourner profondément contre lui.

Je pense que, dans les attitudes du premier ministre Trudeau, à l'heure actuelle, il y a des éléments d'avenir pour le Québec. Vous savez, le Québec connaît une évolution comme toutes les sociétés. Les choses changent rarement du jour au lendemain. La vieille sagesse latine nous disait déjà que la nature ne fait pas de sauts. Natura non facit saltus. Cela reste vrai pour toutes les sociétés, y compris la société québécoise.

J'écoutais récemment un sociologue qui disait à propos du Québec mais, au fond, on pourrait le dire probablement à propos de toutes les sociétés: "Au Québec, les idées changent vite - je pense que vous en êtes la preuve - les structures changent un peu moins vite, mais les mentalités alors!" Il y a beaucoup de vrai là-dedans et je crois que, sur le chemin que parcourt le Québec vers une plus grande émancipation, vers une plus grande maîtrise de son destin, eh bien, sur ce chemin se trouvent des gens qui l'aident, même lorsqu'ils prétendent s'opposer à sa marche inéluctable. Il y a des situations historiques - je crois qu'on en vit une à l'heure actuelle - où tout ce qu'on fait pour aider un pays à se tenir debout l'aide, bien sûr et tout ce qu'on fait pour le contrecarrer l'aide encore à se mieux définir, de sorte que je suis de ceux qui pensent que les attitudes de M. Trudeau à l'heure actuelle font avancer les Québécois, parce qu'ils voient les choses plus clairement. Le mensonge dont nous sommes coutumiers quand on parle des fédéraux, ce brouillard dans lequel ils enveloppent leurs intentions est en train d'être dissipé. On voit beaucoup mieux que le gouvernement fédéral, même quand il est aux mains de francophones, travaille contre le Québec. Beaucoup de Québécois ne le voyaient pas clairement avant. Ils pensaient qu'il suffisait d'élire des francophones à Ottawa pour que tout aille bien pour le Québec. Pas du tout. Même quand on envoie des francophones, des Québécois francophones à Ottawa, ils peuvent très bien travailler contre le Québec.

Mais, ce faisant, il n'est pas dit qu'ils aident leur cause, parce qu'ils déchirent le voile et les Québécois voient les choses de plus en plus clairement. Ils ne sont pas fous, les Québécois, mais quand on leur ment, ils se laissent endormir quelquefois. Là, tout à coup, c'est plus clair, et pour un nombre croissant de Québécois. Il y a beaucoup de Québécois qui découvrent les vraies intentions de M. Trudeau à l'heure actuelle. Ils n'avaient jamais compris cela avant, qu'un francophone québécois pouvait travailler contre le Québec. Cela ne leur entrait pas dans la tête. Là, tout à coup, ils le voient beaucoup plus clairement qu'avant. Les Québécois cheminent et je sais bien dans quel sens ils cheminent. Vous le savez comme moi, n'est-ce pas? Ils cheminent vers une plus grande maîtrise de notre destin. Et de 40%, on passera à 45%, puis à 50%, puis à 55%, puis à 60%, puis à 70%. C'est une question de temps, d'évolution et ceux qui prétendent même travailler contre le Québec, de fait, nous font avancer.

Mais tout cela est démocratiquement fait. C'est fait dans la paix sociale. Cela s'échelonne sur un certain temps. Il ne peut pas en être autrement. Que voulez-vous, les peuples évoluent et, quand on n'est pas prêt à bouleverser les choses par les armes - je

ne pense pas qu'il y ait beaucoup de Québécois qui soient en faveur de la violence il faut choisir la voie démocratique. C'est celle-là, bien sûr, qui est plus difficile que les autres, parce que cela prend du temps. Il faut convaincre. Il faut sortir et il faut aller parler au monde. Il faut créer des mouvements comme le vôtre qui a tellement fait dans le passé pour faire avancer les Québécois, justement. C'est plus long. Nous allons faire le choix auquel vous nous invitez. Je crois qu'on y va d'un pas ferme et résolu. On va le faire avec les Québécois. On va le faire en respectant le rythme des Québécois.

Voilà ce que je voulais dire, Mme la Présidente, en réponse à ce mémoire qui, à tous égards, contient des choses fort intéressantes et dont nous allons faire le plus grand cas.

La Présidente (Mme Cuerrier): Monsieur, avez-vous une intervention?

M. Vaillancourt (Raymond): Ce n'est pas tant une réponse. La réponse que le ministre nous a faite, c'est un message comme, je pense, on en a entendu très souvent. Je ne voudrais pas que mes paroles soient mal interprétées, mais notre mémoire veut justement signaler, au sujet de ces choses qui sont dites concernant la marche inéluctable des Québécois - pour employer votre terme -vers la souveraineté-association que nous en doutons un peu, que nous ne partageons pas, en tout cas, le même optimisme que vous. Les situations, les conjonctures politiques qui se sont présentées dans le passé, où nous avions l'occasion de faire progresser les gens - je pense, entre autres, à la création du parti dont vous êtes membre, à se prise du pouvoir, à l'élément clé qui devait être le référendum lors du mandat - sont des éléments qui nous laissent un peu songeurs par rapport à cette marche.

Nous pouvons souhaiter qu'effectivement les Québécois en arrivent à une prise de conscience claire de la nécessité pour eux de se retrouver chez eux. Au-delà de cette prise de conscience, vous saurez aussi - et ce n'est sûrement pas à vous que je vais l'apprendre - que toute cette question est aussi une question affective, émotive. C'est une question de se retrouver comme peuple et là, les arguments rationnels ont peu de poids. Nous l'avons vu lors de la campagne référendaire où la thèse fédéraliste a été défendue de façon émotive - lorsque j'utilise ces mots, ça n'a pas du tout un sens péjoratif - alors que, du côté du oui, ce message a passé plus difficilement. (16 h30)

Nous aussi, bien sûr, nous faisons nos analyses "post mortem", entre guillemets. Cependant, nous n'avons pas toutes les implications que l'on retrouve sur le plan politique. C'est pour ça qu'il nous apparaît important que le message que l'on dit soit dit, répété particulièrement à ceux qui, je crois, sont là parce qu'il y a eu des mouvements comme le nôtre.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député... Mme la députée de Prévost. Pour une fois que c'est une femme, je ne vais pas dire M. le député, n'est-ce pas?

Mme Chaput-Rolland: Vous direz bien ce que vous voudrez, Mme la Présidente, si vous me donnez la parole, je vous en serai reconnaissante.

Encore une fois, avec votre permission, je voudrais formuler quelques commentaires à partir du mémoire que j'ai entendu aujourd'hui, de ceux que j'ai entendus hier, de ceux que, probablement, j'entendrai en fin d'après-midi et sur l'attitude de certains membres du gouvernement qui semblent vraiment avoir beaucoup de courage pour siéger avec nous.

J'ai fait partie de ceux qui ont milité pour le non. Je suis entrée dans la campagne électorale dans Prévost à cause du référendum et j'ai travaillé ouvertement. La première fois où je suis entrée à l'Assemblée nationale, ces mémoires que vous nous présentez qui sont, en grande partie, bien rédigés et qui reflètent bien votre pensée, étaient précisément ceux-là qui me faisaient dire que la démocratie au Québec était très saine quand on pouvait, dans une Assemblée nationale, venir dire au gouvernement, très puissant: Je ne suis pas en accord avec vous. Vous avez mis de l'avant un référendum pour permettre aux Québécois d'être associés au plan de la souveraineté-association. J'y suis venue pour vous dire non et je vais travailler pour cela.

J'ai visité 58 villes au Québec; je n'ai pas fait la campagne sur le rapatriement unilatéral, jamais! J'ai fait la campagne sur le renouvellement de la fédération, tel qu'il était convenu dans le rapport Pépin-Robarts que j'ai signé avec honneur et qui est contenu dans le livre beige que j'ai accepté avec le même honneur, même si des pages ne sont pas de la même encre, et c'était normal qu'il en soit ainsi.

Oui, M. le ministre; vous avez beau dire: Tu parles. En effet, je parle, parce que la dimension canadienne et québécoise des deux rapports était logique et je ne reviendrai pas sur cela ici, car je serais en dehors du sujet, comme vous l'avez été tant de fois sans qu'on vous rappelle à l'ordre.

Quand le premier ministre a mis de côté de rapport Pépin-Robarts, je ne me suis pas cachée, j'ai dit publiquement ma déception et mon amertume. Quand le projet unilatéral a été proposé, j'ai supporté également la position de M. Ryan et celle de notre parti qui était contre pour les mêmes

raisons que ce gouvernement, mais pour d'autres raisons aussi.

J'ai cru au fédéralisme et j'y crois encore. Et, dans le rapatriement unilatéral, il y a une erreur fondamentale qui brise l'équilibre et l'harmonie d'un système fédéral et qui empiète sur les droits des provinces. Et j'interdis à qui que ce soit de croire que, parce que l'on veut amender un ou deux articles ouvertement, dans les congrès régionaux qui ne sont pas en catiminie... Il y a la position Lalande, il y a la position du livre beige, il y a la position d'autres; je pense que c'est notre droit d'en discuter. Je suis de cet âge et de cette génération qui n'a pas eu besoin de loi pour protéger la qualité; l'esprit, l'amour et la pureté de la langue française. Si nous avons été capables, dans ma jeunesse, de faire cela tout seuls, imaginez, monsieur, ce que nous pourrons faire aujourd'hui avec une loi que nous ne voulons pas complètement transgresser, mais amender quelques fois.

J'ai appris à la commission Pépin-Robarts que, dans de tels débats, devant de tels mémoires qu'on entend, il est plus important d'écouter que de parler et c'est ce que, depuis deux jours, j'ai essayé de faire. Seulement, il y a des bouts, à un moment donné, à passer pour quelqu'un de crédule, de berné, de faussé et pour quelqu'un qui n'est pas fier du combat qu'elle a fait. Je ne suis pas particulièrement fière, monsieur, de ce qu'on a fait de notre non et je n'ai pas attendu cette commission ou ces mémoires que vous avez présentés et d'autres pour le dire.

Je suis en désaccord total, quitte à perdre des votes où que ce soit, avec la façon dont le gouvernement fédéral, à l'heure actuelle, tente d'imposer une constitution censée réunir toutes les régions et toutes les provinces alors que visiblement elle les désunit. Je ne crois pas que ce parti ait l'entière responsabilité de protester contre un tel geste. Je me dois, pour la dignité du Parti libéral du Québec, de prendre cette position. Je m'excuse de le faire, Mme la Présidente; si vous voulez me rappeler à l'ordre, je suis parfaitement consentante puisque j'aurai dit l'essentiel de ce que j'avais à dire.

Si j'ai encore une minute, je voudrais ajouter ceci. J'ai dit hier - et je le redis encore - que je suis profondément blessée par ce que j'entends, non pas par ce qui nous est dit par les intervenants, mais par la façon dont les membres du gouvernement réagissent à ce qui leur est dit. J'ai cru profondément dans leur parole d'honneur quand ils ont dit qu'ils respecteraient la volonté de ceux qui ont dit non à la souveraineté-association; c'était bien de cela qu'il s'agissait durant le référendum.

C'est votre droit de venir réclamer, dans ce salon rouge, qu'on proclame unilatéralement l'indépendance du Québec; c'est votre droit de le faire, à vous, mais c'est le devoir de ce gouvernement de dire: Nous ne laisserons pas faire cela puisque nous avons pris l'engagement devant toute la population de l'enrober, de l'englober, de l'associer à un référendum que nous avons ouvertement gagné. Quand je dis que jamais je ne me suis sentie aussi profondément blessée, c'est ce que je veux dire. Non pas par ce que j'entends, parce que ce même droit, je le prends ici pour dire ce que j'ai à dire, mais ce que je ne comprends pas, c'est la pantalonnade constitutionnelle des membres de ce gouvernement qui voulaient dire: Proclamons maintenant l'indépendance d'une façon unilatérale, après un référendum où 60% de la population des Québécois ont voté non honnêtement, généreusement, avec autant de difficultés que vous en avez eu parfois à dire oui.

Nous avons eu nos scrupules de conscience, nous avons eu nos déchirements, nous avons eu nos affrontements entre fédéralistes du Québec et fédéralistes du Canada. Je pense que le Parti québécois a eu sur les ondes de la radio ses affrontements avec les Pierre Bourgault et les siens, avec les René Lévesque et les siens, mais je ne sache pas que nous en ayons ri. Il me semble que, quand on commence a parler de respect de la démocratie, le gouvernement qui s'en porte garant pourrait la respecter. C'est tout ce que j'ai à dire, et pour la fin de ce débat. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le président.

M. Vaillancourt (Raymond): Je voudrais réagir de façon quand même assez brève à ce témoignage de Mme la députée. Ce qui me surprend un peu dans cette réaction, malgré que je la comprenne, c'est qu'il me paraît y avoir une certaine ambiguïté. Si je peux me permettre de poser une question, d'inverser les rôles, je vous dirai que ce qui me surprend, c'est l'indignation que vous mettez à dire, d'une part, que vous n'acceptez pas l'interprétation que le gouvernement fédéral actuel fait de ce que vous appelez votre victoire ouvertement acquise au référendum et que, d'autre part, vous continuiez à accorder à ce régime qui peut permettre ce genre de malversation, en utilisant une réponse pour autre chose que ce qu'elle voulait dire, votre confiance.

Mme Chaput-Rolland: Mme la Présidente, est-ce que je peux répondre?

La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la députée.

Mme Chaput-Rolland: Monsieur, je suis

très fière d'appartenir au peuple québécois, mais il y a des Québécois avec lesquels je ne suis pas en accord et, pour autant, je ne renie pas le peuple québécois. Je ne suis pas en accord avec tous les fédéralistes du Canada, ni avec toutes leurs versions. Tous les premiers ministres du Québec, d'Honoré Mercier jusqu'à M. René Lévesque, ont eu une version du fédéralisme qui a rarement été dans notre histoire celle de la plupart des gouvernements fédéraux et, pour autant, je ne sache pas que je doive renoncer à croire dans cette formule. L'ancien ministre de l'Éducation disait tout à l'heure que les choses se font démocratiquement. Si elles se font démocratiquement dans la thèse qu'il représente, je pense qu'elles peuvent se faire avec autant de démocratie, autant, hélas, de lenteur, dans le sens du fédéralisme que dans le sens de la souveraineté.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, Mme la Présidente. Je ne ferai pas de grand discours du genre de celui que vient de faire Mme la députée de Prévost que je respecte pour ce qu'elle a fait, pour ce qu'elle a écrit, mais je pense que le fait d'émettre des réticences, comme celles qu'elle vient d'émettre à l'égard de ce que M. Trudeau fait maintenant ne peut plus émouvoir personne.

Mme Chaput-Rolland: Je n'en demande pas tant.

M. Dussault: Je pense que ce que l'on pouvait exiger de Mme la députée de Prévost, c'était d'émettre ses réticences au moment même où M. le député de Gaspé, alors chef de l'Union Nationale, l'a fait, vers la fin du débat référendaire, où il a dit: Je pense qu'il y a des limites. On ne peut plus tout à fait admettre ce qui se passe. C'était à ce moment-là qu'il fallait émettre des réticences, c'est à ce moment-là que ça aurait pu avoir du poids.

Aujourd'hui, les propos que tient Mme la députée de Prévost doivent être pris avec un gros grain de sel parce que ça ne change plus rien. C'est au moment où il y a eu le débat à l'Assemblée nationale sur la motion qu'il fallait émettre vos grandes réticences. On ne les a pas entendues, ces réticences, à ce moment-là et aujourd'hui vous profitez d'une commission parlementaire, où il y a de nos invités qui viennent nous donner leur point de vue, pour venir encore nous faire votre espèce de credo qui ne mène nulle part et qui ne dénonce pas profondément le vice de la situation qui est celui du geste unilatéral à Ottawa. Là-dessus, madame, je regrette de vous le dire...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: ... je le prends avec un gros grain de sel.

M. Rivest: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Châteauguay.

M. Rivest: ... je voudrais soulever une question de règlement, très brièvement. Question de règlement. Je comprends l'invitation pressante du député de Châteauguay, mais je voudrais simplement rappeler une chose. On a eu le débat auquel il s'est référé. Néanmoins, ces positions-là et notre conception du fédéralisme, c'est une question de fait.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député, vous invoquez une question de règlement.

M. Rivest: J'invoque l'article 96.

La Présidente (Mme Cuerrier): Je vous permettrais une intervention plutôt, et si vous me demandiez la parole, je vous la donnerai ensuite.

Une voix: Vous n'êtes pas intervenu.

M. Rivest: J'invoque l'article 96. Oui, je suis intervenu. La position du parti a été définie...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député...

M. Rivest: ... au mois de février, bien avant le débat dont il parle.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Jean-Talon...

M. Rivest: Je me suis essayé, je n'ai pas trop réussi.

La Présidente (Mme Cuerrier): Malheureusement... Vous vous êtes essayé! Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre?

M. Rivest: On ne réussit pas toujours.

Mme LeBlanc-Bantey: Le paternalisme des hommes.

La Présidente (Mme Cuerrier): Boni M. le député de Jean-Talon, j'aurais préféré que vous me demandiez la parole parce qu'il reste encore un peu de temps.

M. Rivest: Je ne le ferai plus, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): Je demanderais à M. le député de Châteauguay de bien vouloir s'en tenir à notre mandat et de poser maintenant des questions ou de faire des commentaires quant au mémoire des gens qui sont avec nous présentement. (16 h 45)

M. Dussault: Mme la Présidente, je vous remercie. Je n'ai pas de question comme telle à poser à nos invités. Ils ont défendu un point de vue qui se tient, qui relève d'une approche qui n'est pas la mienne pour le moment. Je ne veux pas dire que je ne pourrais pas partager, a un moment donné, leur point de vue. Je pense qu'il faut voir aller les choses encore avant de tirer de telles conclusions. Parce que leur mémoire développe une thèse avec laquelle je ne suis pas d'accord pour le moment, puisqu'elle remet en question une démarche du gouvernement, d'une certaine façon, il m'est difficile actuellement de pouvoir la partager et, comme c'est clair, je pense qu'on n'a pas beaucoup de questions à poser là-dessus.

Cependant, comme Mme la députée de Prévost en a profité pour faire voir une fois de plus sa position sur une question qui est autre, je pense, que celle qui est dans votre mémoire, il me paraissait important qu'on vienne un peu pondérer la portée des paroles de Mme la députée de Prévost. Cela me paraissait important de le faire, c'est pour cela que je l'ai fait. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Raymond Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Raymond): Même si vous n'en faites pas une question, j'aimerais quand même souligner que, justement, la réaction que vous avez, c'est le genre de réaction en provenance de votre parti qui nous a incités à produire un tel mémoire.

Je pense qu'une chose est vraie. Quand vous dites que la position est claire et ne permet pas beaucoup de débats et de tergiversations, je pense que vous avez parfaitement raison. Ce qui m'étonne un peu, c'est que vous ne semblez pas trop vous reconnaître dans cette démarche-là. Cela m'étonne provenant d'un membre d'un parti dont l'article premier, je crois bien, n'a pas encore été effacé.

M. Dussault: Mme la Présidente, si vous me le permettez.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Châteauguay, j'ai un autre intervenant qui veut poser des questions. Pouvez-vous faire rapidement, s'il vous plaît?

M. Dussault: Très brièvement, Mme la Présidente. Je ne pense pas qu'on doive vraiment continuer ce débat-là. Le point de vue que j'ai défendu n'est pas un point de vue de parti, enfin, je ne l'identifie pas comme tel. J'ai donné mon point de vue tout à fait personnel sur cette question.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous aviez demandé la parole.

M. Scowen: Oui, très brièvement, Mme la Présidente. J'ai été frappé par une phrase, à la page 6, où le mouvement dit: "Le Parti québécois, en particulier son aile parlementaire, a choisi le Québec et le Canada." Les réflexions de Mme la députée de Prévost m'ont incité à ajouter un mot. Comme vous le savez, je partage son opinion à 100%, c'est-à-dire que les démarches de M. Trudeau ne sont pas acceptables. J'ai même dit, le lendemain de ses déclarations, qu'il avait trahi l'esprit du système fédéral dans sa démarche unilatérale et je suis très content de le répéter aujourd'hui.

Je pense qu'il a mis le Parti libéral du Québec dans une position très difficile à ce moment-là. On a souvent dit que nous étions affiliés d'une façon très étroite, mais je pense que la preuve la plus évidente pour dire que ce n'est pas le cas, c'est cette démarche de M. Trudeau.

En effet, si je comprends les choses, le 20 mai dernier, 60% de la population ont voté pour un renouvellement du système fédéral. Je veux souligner que les 40% qui ont voté oui n'ont pas voté, si je comprends bien, pour l'indépendance. Le Parti québécois a tout fait pour essayer de persuader les gens qu'en votant oui ils ne votaient pas pour l'indépendance, mais pour un mandat, vous vous en souvenez, de négocier quelque chose, que rien ne serait changé après un vote oui, qu'il y aurait un deuxième référendum. En effet, les 40% qui ont voté oui, tout le monde en est conscient, n'ont pas voté nécessairement pour l'indépendance. Mais, quand même, 60%, si je comprends bien, ont voté pour un renouvellement du système fédéral. J'aurais pensé que, dans un tel cas, un gouvernement fédéral respectueux de ce référendum aurait attendu qu'un gouvernement fédéraliste soit en place au Québec pour renégocier ce fédéralisme qui était voulu par les Québécois.

Cela aurait été possible, j'imagine, que le Parti québécois se réoriente dans un cadre fédéraliste et présente un programme fidèle à cet esprit, où cela aurait été possible d'avoir une élection dans laquelle le Parti libéral ou l'Union Nationale, un des deux partis fédéralistes, aurait pu être élu comme gouvernement. Le premier ministre du Canada n'a pas accepté d'attendre.

De plus - je parle d'une autre trahison envers les 60% - le premier ministre du

Québec a décidé de ne pas respecter cette décision de la population. Il s'est accroché au pouvoir jusqu'ici avec l'excuse qu'il y avait une crise nationale. Il a déclaré récemment, si je comprends bien, que la crise nationale est maintenant terminée et qu'on peut avoir des élections.

C'est un peu un préambule à une question que je veux vous poser qui sort un peu de cette déclaration que vous avez faite et que je répète: "Le Parti québécois, en particulier son aile parlementaire, a choisi le Québec et le Canada". Depuis le référendum, le Parti québécois, je pense, est dans une situation difficile. Ils sont nettement indépendantistes. Il n'ont jamais caché leurs couleurs. Ils restent indépendantistes. Les ministres, de temps en temps et même le premier ministre le disent carrément. M. Landry, le ministre d'État au Développement économique, l'a dit publiquement, par exemple, lundi soir. Mais ils sont dans une situation où ils sont obligés de dire quelque chose d'un peu plus nuancé que tout cela. Alors, ils disent, comme l'a dit le député de Vanier ce matin: On est indépendantiste et on est démocrate. Or, on se dirige vers une élection générale. Nous avons l'intention de faire cette élection sur la base d'un fédéralisme renouvelé. Nous avons le livre beige et les amendements qui ont été faits à un conseil général que tout le monde peut lire. Nos couleurs sont claires. La population aura la possibilité de voir exactement ce que nous pensons sur presque tous les aspects du système fédéral. Nous ne sommes pas du tout d'accord avec la façon unilatérale de procéder de M. Trudeau. Nous avons nos propres idées. Elles sont là.

Je veux vous demander ceci: devant cette situation, une décision référendaire de la population d'appuyer le renouvellement du fédéralisme, le Parti libéral du Québec qui est clairement en faveur du renouvellement du fédéralisme dans un sens très québécois -je pense que, même, vous ne pouvez pas dire que M. Claude Ryan n'est pas un Québécois que doit faire le gouvernement pour présenter sa position électorale devant la population? Qu'est-ce que cela veut dire pour vous? Que pouvez-vous suggérer qu'il fasse pour expliquer à la population comment il est possible d'être à la fois indépendantiste et désireux de renouveler un système fédéral auquel il ne croit pas? Je pose la question parce que vous avez dit: "Le Parti québécois a choisi le Québec et le Canada." J'aimerais beaucoup que vous expliquiez un peu, pour moi et pour les autres, exactement comment, d'après vous, cette aile parlementaire doit présenter son programme à la population, gardant nettement son opinion de base qu'il est un parti souverainiste, indépendantiste et à la fois trouver un moyen de persuader la population qu'il n'a pas l'intention de promouvoir l'indépendance du Québec une fois rendu au pouvoir. Que pensez-vous de toute cette confusion qui, pour moi, semble de plus en plus évidente?

La Présidente (Mme Cuerrier): Je vois les deux écrire et je n'ai pas eu de signe. Je ne sais pas si c'est M. Morissette ou M. Vaillancourt qui va répondre. M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Raymond): Je ne pense pas qu'il nous appartienne, à nous, de dire au gouvernement ce qu'il doit présenter comme programme. Il y a, cependant, certains éléments que je voudrais relever dans votre intervention, M. le député, avec lesquels, personnellement, je ne suis pas d'accord. Quand vous dites que 60% ont voté au référendum en faveur d'un fédéralisme renouvelé, je dirais plutôt que 60% de la population n'ont pas été d'accord avec la formule proposée par le parti gouvernemental, parce que c'était ce dont il était question.

Je voudrais revenir sur la partie du texte que vous avez citée, peut-être pour l'expliciter davantage. J'ai l'impression, à la suite de certaines réactions, qu'elle ne paraissait pas tout à fait aussi claire. Ce que nous disons, c'est qu'à l'heure actuelle nous nous trouvons ici au Québec dans une situation confuse dans les choix qui sont faits. Lorsque l'on dit que le Parti libéral, par exemple, choisit le Canada et le Québec, ce que l'on veut dire par là, c'est que le Parti libéral, même si c'est le Parti libéral du Québec, pense d'abord comme étant membre d'un pays qui s'appelle le Canada et d'une province qui s'appelle le Québec. Le livre beige, d'ailleurs, propose des amendements ou propose une réforme du système fédéral canadien pour satisfaire certaines aspirations québécoises.

Dans ce sens-là, à mon avis, l'ordre de priorités, c'est d'abord être Canadien et être Québécois ensuite. Le Parti québécois, mais en particulier l'aile parlementaire, fait un choix différent. Il fait le choix suivant, de se définir d'abord comme Québécois et de tenter de négocier une nouvelle entente avec ce qui s'appelle le Canada. Dans l'ordre de priorités, il y a d'abord le Québec et le Canada.

Ce que nous, nous disons, c'est que, dans la situation actuelle, nous avons un gouvernement fédéral canadien qui choisit le Canada et le Canada seulement. Il nous apparaît important, à nous, qu'ici, au Québec, nous fassions un choix et un choix clair, le Québec et le Québec seulement, et que ce soit sur cette base-là que, s'il y a un choix à faire, le choix se fasse clairement comme ça. Dans le moment, ce n'est pas tout à fait comme ça que le choix se présente. Mais il ne nous appartient pas à nous de tracer le programme de l'un ou l'autre des partis, mais simplement de faire

des commentaires.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Quelques mots, Mme la Présidente, à l'adresse des représentants du Mouvement national des Québécois dont le mémoire peut être jugé plutôt sévère à l'endroit du gouvernement. Je veux tout simplement signaler que, dans ce mémoire, on fait allusion à une vision canadienne totalitaire, qui est celle que représente le coup de force constitutionnel des libéraux d'Ottawa. Dans le mémoire, on nous invite à opposer à cette vision canadienne totalitaire une position québécoise qui le soit tout autant.

Je pense que je me dois de dire, Mme la Présidente, que, moi, je ne peux pas accepter ce point de vue là. Je ne peux pas accepter que, parce qu'Ottawa se comporte de façon totalitaire, le gouvernement du Québec devrait aussi se comporter de façon totalitaire. Je pense que le Mouvement national des Québécois est plus pressé que nous. Il a peut-être raison, mais, quand on agit avec précipitation, on peut faire de graves erreurs, et c'est justement ce que M. Trudeau est en train de faire, de bousculer tout le monde, de brûler les étapes, d'empêcher l'émergence de véritables accords. C'est le grand tort de M. Trudeau. Nous n'allons pas, messieurs l'imiter là-dessus. Nous n'allons pas bousculer la population du Québec. Nous allons continuer, quoi qu'il advienne, tant que ce parti existera, à dire aux gens que nous considérons que la meilleure solution politique pour le développement, l'épanouissement du Québec, elle se trouve du côté de la souveraineté. Nous allons continuer d'affirmer cette conviction. Mais nous allons le faire, en respectant les décisions que cette population prend. Elle en a pris une au référendum; elle en prendra d'autres. Il y aura d'autres échéances.

J'ai confiance, quant à moi, qu'une démarche patiente, ferme va nous mener plus loin que la précipitation, les gestes brusques et totalitaires.

La Présidente (Mme Cuerrier): Merci beaucoup au Mouvement national des Québécois d'avoir pris part aux travaux de la commission de la présidence du conseil et de la constitution. Merci à M. Vaillancourt. Merci, M. Morissette.

J'appellerai maintenant M. Paul-O. Trépanier, qui a demandé à être entendu par la commission à titre personnel. M. Paul-O. Trépanier. (17 heures)

M. Paul-O. Trépanier

M. Trépanier (Paul-O.): Mme la Présidente, voici, je me présente devant vous aujourd'hui, en ma qualité de Québécois francophone. Fier de la longue lignée de mes ancêtres, de ceux qui ont découvert mon pays, expatriés de celui qu'eux avaient déjà, de ceux qui ont défriché la forêt, de ceux qui ont labouré, semé et récolté, de ceux qui ont résisté à l'envahisseur, de tous ceux et celles qui ont fondé des paroisses, serrés les uns contre les autres, de pères et mères en fils et filles, de terres en terres, de familles en familles, de paroisses en paroisses, en préservant leur foi et leur langue, préservant ce pays de culture française, je suis fier de cet héritage. Mon héritage, hélas, est encore menacé. Je dois, avec d'autres, continuer le combat.

Seul et isolé, je ne peux rien. Solidaire des autres Québécois, de tous ceux et celles issus de l'épopée française en Amérique et encore debout, je veux qu'ensemble, les uns avec les autres, en grand nombre, nous disions non à la tentative concertée et perfide de modifier ce qui est.

Dans une proportion de 50%, nous avons voté oui à un pays nouveau lors d'un référendum national sur notre avenir, nouvelle étape vers notre indépendance politique. Au milieu du siècle dernier, une basse tentative d'assimilation, tramée entre les maîtres anglophones du Canada et ceux de Londres, échoue car mes ancêtres vaincus se sont servis de l'Acte d'Union du Bas et du Haut-Canada pour faire de nouveaux gains politiques.

Le pays, à ce moment, est devenu ingouvernable et les libéraux des deux Canadas veulent l'union législative. Les fédéralistes, eux, favorisent un Parlement, un gouvernement, un pays. Les provincialistes réclament une union fédérative constituée de deux niveaux de gouvernement avec des compétences exclusives à chacun. Le 29 mars 1867, la reine Victoria sanctionne l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. L'union fédérative est consacrée par Londres. Les provinces possèdent des pouvoirs définis et le gouvernement central s'est vu attribuer des pouvoirs d'ordre général.

Selon les stipulations de ce pacte confédératif, les provinces signataires, ainsi que celles qui se sont jointes au groupe initial ont conservé leur souveraineté intérieure selon les termes de l'entente librement consentie. Le gouvernement fédéral, cependant, d'un précédent à l'autre, a occupé année après année, décade après décade, des champs de juridiction provinciale grâce à son grand pouvoir de dépenser. Non content de cette action provocatrice, ce gouvernement désire maintenant unilatéralement modifier les termes du pacte confédératif.

Seul notre gouvernement national, le gouvernement du Québec, peut en notre nom

combattre ce projet unilatéral de rapatriement de la constitution et la procédure d'amendement contraire à nos intérêts supérieurs et à notre forme de gouvernement décentralisé. Les hommes justes de notre pays ne peuvent accepter que le contrat de 1867 soit modifié sans que les États signataires en viennent à un accord réciproque. Le projet d'Ottawa veut en appeler au peuple souverain afin d'obtenir son acceptation d'une charte modifiée.

Mme la Présidente, j'ai vécu, durant la dernière guerre mondiale, un premier référendum, le 27 avril 1942. À la question: Consentez-vous à libérer le gouvernement de toute obligation résultant d'engagements antérieurs restreignant les méthodes de mobilisation pour le service militaire? 2,900,000 Canadiens répondent oui et 1,160,000 Canadiens répondent non. Et le non du Québec, dans une proportion de 72%, équivaut à plus de 80% du vote francophone: 1,000,000 répondent non et 376,000 répondent oui.

En temps de guerre, le Canada n'est qu'une seule nation et le vote national seul est pris en ligne de compte. Les Québécois, malgré leur opposition farouche, sont conscrits à la suite de raids, fouilles et razzias dans tous les villages. La voix du Québec est, encore une fois, noyée dans le grand ensemble canadien.

J'ai vécu la loi des mesures de guerre en 1970 pour mater une insurrection dite appréhendée. Mon deuxième référendum fut celui du 20 mai 1980, alors que les Québécois - et le mot n'est pas trop fort -ont été littéralement assassinés par une attaque publicitaire sans précédent dans notre histoire. Tous les spectres de la peur ont été dressés à la vue des plus démunis de notre société. Aux perspectives de l'émancipation nationale, on a opposé la peur de la perte de l'emploi; à l'appel à la fierté de l'homme libéré, on a opposé la peur de la perte de l'assistance sociale; aux personnes âgées à qui l'on offrait une fin de vie riche de la liberté des ancêtres retrouvée, on a opposé la peur de la perte des pensions de vieillesse; à tout un peuple, enfin, qui pouvait se reconnaître dans un pays, dans ses dirigeants, dans son génie, on a opposé les promesses fallacieuses d'un fédéralisme renouvelé.

Je me présente devant vous aujourd'hui à titre de Québécois bafoué et trahi. Trahi par celui qui m'avait promis un nouveau contrat politique dans le respect de mes droits. Trahi par celui qui m'offre un plat de lentilles pour me réduire au rang de minoritaire à perpétuité. Trahi par celui qui veut m'enchâsser dans une charte des droits de la majorité. Trahi par celui qui veut modifier ma charte constitutionnelle par la seule volonté des anglophones majoritaires. Trahi par celui qui veut m'enlever à tout jamais mes désirs d'une libération nationale. Trahi par celui qui veut m'imposer une charte où toutes les modifications deviendront possibles sans mon accord. Trahi par celui qui veut m'enlever ma distinction de Québécois francophone pour m'inclure dans un ensemble de minorités qui s'additionne en un pays. Trahi par celui qui veut m'imposer un bilinguisme dont il affranchit les anglophones.

Je ne veux pas du projet de réforme préconisé par Ottawa. Je ne veux pas, non plus, des amendements du ministre de la Justice. Je ne veux pas, je ne veux plus d'un pays multiculturel.

Je me présente devant vous aujourd'hui, mes concitoyens dotés du mandat démocratique de l'élu, à titre de Québécois en quête de l'espoir d'un pays nouveau. En communion avec des milliers et des milliers de mes frères, de mes concitoyens, je cherche la lueur rassurante d'un projet collectif de réforme pouvant assurer mon avenir et celui de mes enfants.

J'ai une longue expérience du contact intime avec l'autre; j'ai été président de nombreux organismes nationaux. À ce titre, j'ai dû travailler dans la langue de l'autre, me diminuant nécessairement dans mes possibilités. Président de la Fédération canadienne des municipalités, il y a à peine trois ans, j'ai présidé les réunions dans la langue de l'autre et ce, même dans les réunions tenues au Québec, ici même, dans la ville de Québec. Ce fut mon dernier bout de route à titre de Canadien.

Je sais maintenant que mon pays s'arrête à Hull, à Cabano, à Vaudreuil, à Saint-Anicet. Hors du Québec, je ne suis plus moi; je parle une autre langue dans un milieu étranger à ma spécificité de Québécois.

Des milliers et des milliers d'autres comme moi attendent les changements promis d'un nouveau contrat social et politique. Je désire vivre dans un Québec égal aux autres provinces canadiennes, sinon souverain.

Pour moi, un nouveau partage des pouvoirs et des ressources équivaut à accorder plus d'autonomie aux provinces canadiennes. C'est un minimum qui n'arrêtera pas la marche du Québec vers l'indépendance. Si cette négociation vitale s'avère impossible, la seule issue est justement la proclamation de l'indépendance totale du Québec, pays francophone, en Amérique du Nord.

L'action unilatérale du gouvernement fédéral, depuis le début du siècle, a faussé l'esprit du pacte confédératif. Seule une volonté réelle de nos dirigeants à Québec peut freiner cette agression, en s'alliant avec les autres provinces pour exiger la décentralisation nécessaire.

Les Québécois veulent un changement

dans le sens d'une décentralisation et d'un renforcement des droits du Québec, et non le contraire. Il faut faire échec au projet Trudeau.

La commission Pépin-Robarts recommandait que: "Le préambule de la constitution devrait inclure une déclaration énonçant que le peuple canadien reconnaît l'association historique des Canadiens anglophones et francophones et la spécificité du Québec". Ottawa a jeté ce rapport à l'incinérateur, pour que les cendres se dissipent au vent, sans laisser de trace.

Quatre intellectuels québécois ont répondu à Pierre Elliott Trudeau que: "La souveraineté politique est la seule façon de mettre fin à la logique de notre impuissance collective,structurée par un système politique qui perpétue, en l'aggravant, notre état minoritaire et conduit à l'érosion progressive de notre existence. Nous gouverner nous-mêmes nous apparaît non seulement une ambition légitime, mais une nécessité pour échapper au lent génocide culturel inscrit au programme des intérêts économiques dominants. Un peuple qui accepte un système politique qui le condamne à demeurer par définition minoritaire et contraint à une stratégie défensive permanente n'a pas d'avenir. Il gaspillera ses forces vives dans une résistance perpétuelle. Il s'épuisera à survivre sans jamais vivre véritablement. Nous avons besoin de la liberté collective non seulement pour assurer notre développement, mais aussi pour établir, dans l'égalité, des rapports adultes de coopération avec les autres peuples du monde".

Je suis devant vous aujourd'hui pour vous témoigner publiquement que j'ai, hélas, perdu espoir en ce pays qui ne fut jamais un pays. Mais, pour vivre avec la fierté d'un homme debout, il me faut un pays, un pays en lequel je peux me reconnaître, un pays garant de mon identité, dirigé par des hommes dont le courage me donnera cette fierté essentielle. Collectivement, nous devons avoir confiance en nous, en notre force. Oui, le gouvernement du Québec doit mettre en échec le projet de rapatriement. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, Mme la Présidente. M. Trépanier, je voudrais corriger la dernière phrase de votre très beau mémoire, qui se lit comme suit: "Le gouvernement du Québec doit mettre en échec le projet de rapatriement". La correction que je veux apporter est de dire: Le gouvernement du Québec, avec la population du Québec, va mettre en échec le projet de rapatriement. C'est votre témoignage qui m'amène à vous proposer cette correction. Je crois profondément que c'est avec le concours, l'appui de personnes comme vous qu'effectivement nous allons réussir à mettre en échec ce coup de force des libéraux d'Ottawa.

Comme plusieurs membres de la commission et comme, j'en suis sûr, beaucoup des personnes qui nous entendent, j'ai eu l'occasion déjà de faire votre connaissance. Je connais, dans ses grandes lignes, votre carrière, en particulier, dans les affaires municipales où vous avez joué un rôle éminent. Vous êtes, par ailleurs, très connu comme architecte. Au-delà de tout cela, vous êtes ce qu'on appelait autrefois un honnête homme - personne n'en a jamais douté - un homme de substance, un homme dont le témoignage nous est particulièrement précieux.

J'apprécie d'autant plus votre mémoire qu'il élargit le débat à plusieurs égards à ses véritables dimensions. Il y a, dans votre mémoire, des rappels qui sont extrêmement opportuns. Vos allusions au référendum de Mackenzie King durant la dernière guerre sont extrêmement opportunes puisqu'elles préfigurent ce que pourrait être un référendum tenu en vertu de ce projet de constitution que M. Trudeau veut nous imposer. Vous nous rappelez la loi des mesures de guerre de 1970. Vous nous rappelez le référendum du 20 mai dernier, à l'occasion duquel il y a eu ce que vous appelez justement une attaque publicitaire sans précédent, autre forme d'attaque. Il y a là, dans la suite de votre mémoire, cette déclaration d'une rare vigueur, que je ne citerai pas puisqu'elle vient d'être lue, mais qui, je crois, exprime en profondeur le sentiment d'un très grand nombre de Québécois quant aux éléments essentiels de la situation dans laquelle nous nous trouvons maintenant. (17 h 15)

Vous signalez aussi des choses subtiles et importantes. Vous rappelez, par exemple, qu'à titre de président de la Fédération canadienne des municipalités ou en d'autres qualités vous avez eu à travailler dans la langue de l'autre. Vous ajoutez: "Me diminuant dans mes possibilités". Et cela est vrai et cela est important. Au Canada, il a fallu toujours vivre dans un bilinguisme à sens unique. C'est qui, les bilingues au Canada? Très majoritairement ce sont les francophones qui sont bilingues. Beaucoup trop de gens ne se rendent pas compte qu'on a beau être très bilingue, on ne peut jamais donner sa pleine mesure dans l'autre langue. Et il y a là une injustice subtile et pernicieuse que les francophones de ce pays ont toujours subie.

Vous rappelez aussi, et je pense que ça encore, c'est extrêmement opportun, que l'action unilatérale du gouvernement fédéral n'a pas commencé au mois d'octobre 1980. Vous affirmez avec raison que cette action

unilatérale dure depuis le début du siècle. Nous en sommes donc rendus à un nouveau chapitre d'une histoire que nous subissons depuis deux générations ou plus.

Vous citez une déclaration de quatre intellectuels québécois qui affirment que nous avons besoin de la liberté collective et vous nous apportez ce témoignage qui représente le point où vous en êtes dans votre réflexion d'homme libre.

Je n'ai, M. Trépanier, qu'une seule question à vous poser à propos de la page 7 de votre mémoire où vous déclarez que vous désirez "vivre dans un Québec égal aux autres provinces canadiennes, sinon souverain". La déclaration est sobre, très peu de mots. Vous expliquez que ce "nouveau partage des pouvoirs et des ressources équivaut à accorder plus d'autonomie aux provinces canadiennes. C'est un minimum, ajoutez-vous, qui n'arrêtera pas la marche du Québec vers l'indépendance." Et vous parlez de négociation. " Si cette négociation vitale s'avère impossible, la seule issue est justement la proclamation de l'indépendance totale du Québec, pays francophone, en Amérique du Nord."

La question que je veux vous poser est à propos de cette idée d'un Québec égal aux autres provinces, sinon souverain. Qu'elle est la différence entre ça et la souveraineté-association qui a été proposée à la population du Québec?

M. Trépanier: Eh bien, voici; C'est sans doute très semblable. Si on prend, par exemple, la Suisse des cantons où on voit que les cantons ont une très large autonomie, je considère que la souveraineté-association où un Québec aurait une très large indépendance, c'est vraiment un minimum. Le professeur Dion, que j'admire énormément, était ici, il y a deux jours, et parlait de l'asymétrie, ce qui est extrêmement important. On a beau émettre des opinions contraires, il demeure que le statut particulier pour nous en Amérique du Nord, c'est l'évidence même; il demeure que ce qui est bon pour les Québécois au Québec n'est pas nécessairement ce qui est bon pour les Québécois hors du Québec, dans les autres provinces canadiennes, et aussi que ce qui est bon pour les anglophones au Québec n'est pas nécessairement ce qui est bon pour les anglophones hors du Québec et vice versa. Vous pouvez aussi renverser les rôles.

Quand je militais au sein du Parti progressiste conservateur, il y a maintenant six ou sept ans, il était beaucoup question de statut particulier et pour moi - cela est extrêmement important - le grand vice que je vois dans le projet Trudeau, c'est justement d'essayer d'en arriver à un pays uniforme. C'est impossible au Canada. Il faut que les Québécois de langue française - et là je ne parle pas des Canadiens de langue française dans les autres provinces obtiennent des droits spécifiques au sein d'une constitution que l'on veut renouveler. Or, dans le projet Trudeau ce n'est pas ce qu'on propose actuellement. On perd les droits que nous avons actuellement, nos droits spécifiques.

Le rapport Kershaw, que j'ai étudié dans nos journaux, a mis le doigt vraiment sur le côté vicié du projet de Pierre Elliott Trudeau qui veut, unilatéralement, modifier ce qui est. On ne peut pas déchirer un contrat. Surtout dans une province où on a le Code civil, on est très conscient que, quand on signe un contrat, il y a deux parties. Le contrat, c'est-à-dire notre constitution de 1867, eh bien, deux parties l'ont signé, ce contrat. M. Trudeau veut maintenant changer ce qui est. Il nous menace d'un référendum à l'échelle du pays. Je crois avoir démontré, cet après-midi, ce que peut donner un référendum à l'échelle du pays et, selon moi, il ne doit pas être accepté par les Québécois.

Pour répondre à votre question, ce Québec qui obtiendrait une très large autonomie au sein du Canada, cela ressemble certainement à la souveraineté-association mais, selon moi, c'est un minimum. Si je ne peux pas obtenir cette souveraineté-association, je désire l'indépendance. Je voyage beaucoup à travers le monde. L'année dernière, j'ai eu l'occasion d'aller en Europe, en Afrique et en Chine où j'ai passé trois semaines. Quelles étaient les questions que les jeunes Chinois nous posaient? Nous étions un groupe d'architectes. Les questions nous étaient surtout posées par les jeunes Chinois. Je parle de ceux qui ont de 18 à 25 ans, les étudiants. Ils étaient au courant du référendum québécois et, fait assez curieux, Mme la Présidente, on voulait avoir des explications sur les 40% de oui. En aucun moment, en Chine, aux antipodes du Québec, ne m'a-t-on demandé d'expliquer les 60% de non. J'ai trouvé cela assez caractéristique et j'ai réfléchi sur cette situation.

Donc, dans un grand pays comme la Chine, il semble que, là-bas, les media, la télévision, la radio et les comités populaires en aient parlé et les écoles où étudiaient ces jeunes Chinois ont dû apporter des réflexions et étudier ce phénomène des 40% de oui, cette velléité d'émancipation des Québécois. Selon moi, c'est extrêmement important. Voyageant beaucoup et rencontrant beaucoup de personnes, surtout des industriels en Europe, je sais aujourd'hui... Je me suis débarrassé, il n'y a pas tellement d'années, d'un complexe d'infériorité vis-à-vis des Français, entre autres, - parce qu'évidemment on ne parle pas le français comme les Français - des Allemands, des Italiens et des Espagnols. Venant d'une petite ville, d'une petite province, on a en nous ce fameux complexe d'infériorité et on a

toujours beaucoup de difficulté à s'en débarrasser. Je m'en suis débarrassé il y a trois ou quatre ans. Maintenant, quand je vais en Europe, comme Québécois, je me tiens debout et je n'ai plus de complexe d'infériorité.

Je crois qu'un Québec indépendant est viable économiquement, si on ne pegt pas avoir cette souveraineté-association, j'en suis persuadé - je termine là-dessus, Mme la Présidente - au moins aussi viable que la Suède. Nous avons des ressources énormes. Dans mon métier, par exemple, chez les architectes, nous avons les trois plus grands bureaux d'ingénieurs au monde, à Montréal, nous avons de très grandes ressources, nous pouvons rayonner dans 26 pays, les 250,000,000 de francophones à travers le monde, et on peut vivre. Un Québec indépendant est une entité viable. Merci, madame.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Si vous me le permettez, Mme la Présidente. M. Trépanier, quand je lis votre document et que j'écoute vos commentaires, je ressents une certaine schizophrénie dans votre position qui est un peu, je pense, celle du gouvernement actuel. J'ai soulevé cela un peu, il y a quelques minutes, devant le groupe qui vous a précédé et je veux élaborer davantage.

Vous avez dit: Je veux la souveraineté-association et, si je ne peux pas avoir la souveraineté-association, je veux l'indépendance. Dans le document, vous avez dit: "Je désire vivre dans un Québec égal aux autres provinces canadiennes, sinon souverain". Ce n'est pas tout à fait la même chose.

Je pense que nous avons réussi, pendant le débat référendaire, à expliquer à la population que la souveraineté-association et l'indépendance sont en fait la même chose. La souveraineté politique, l'indépendance politique, c'est la même chose. La proposition du Parti québécois,qui était une proposition très sérieuse, c'était d'associer ce pays souverain avec le Canada sur le plan économique; c'était l'association économique de deux pays indépendants.

La population a étudié la proposition. Elle a voté non à un pourcentage que tout le monde connaît. Vous, je présume que vous avez voté oui. Vous avez voté pour cette souveraineté-association. Je comprends qu'aujourd'hui vous veniez devant cette commission et disiez: Je ne veux rien savoir du Canada comme pays. Vous l'avez dit à deux ou trois reprises ici: Je ne me sens plus canadien et je veux qu'on se retire du Canada. J'essaie, pour le moment, de comparer votre problème à celui du gouvernement, parce qu'il ne faut pas oublier que 60% des gens ne sont pas d'accord avec vous, au moins 60%. Ils veulent que le système fédéral soit renouvelé. 60% des gens veulent qu'on continue d'élire des députés fédéraux, même le député de Mont-Royal, M. Trudeau peut-être, et qu'on continue de donner à ce gouvernement central des pouvoirs réels sur les citoyens québécois. Ils veulent également que le gouvernement du Québec reste un gouvernement ayant des responsabilités pour d'autres secteurs de la vie collective.

Dans le document que vous avez présenté, j'ai cité une phrase où vous avez dit que "le Parti québécois a choisi le Québec et le Canada". Je pense que ce n'est pas vrai. C'est un slogan qui a été volé d'un document qu'on a sorti il y a deux ans, "Choisir le Québec et le Canada", qui est la position du Parti libéral du Québec. Mais le Parti québécois, dans le moment, n'est pas capable de dire la même chose. Ils ne sont pas capables de dire: Nous choisissons le Canada. Ils disent: Nous sommes souverainistes, nous respectons la démocratie. Les gens disent qu'ils veulent rester Canadiens. Nous ne sommes pas d'accord, mais on va rester à l'intérieur de cette situation pour le moment. Mais quand vous leur posez la question suivante: Comment pouvez-vous renouveler la fédération, quels pouvoirs voulez-vous laisser au gouvernement central dans un fédéralisme renouvelé, quels pouvoirs voulez-vous donner en permanence au gouvernement central, ils sont obligés de dire, comme vous: Aucun pouvoir. En principe, on ne veut laisser aucun pouvoir au gouvernement central. On ne veut pas de gouvernement central. On veut un pays souverain. Après, on va peut-être former une association, si les autres en veulent.

Devant la situation actuelle, comment le Parti québécois peut-il agir? Il ne peut pas dire: On veut rester fédéraliste. Comme tout le monde l'a constaté maintenant depuis six mois, le Québec est dans la situation la plus impuissante possible devant le reste du Canada parce que, chaque fois que nous faisons une protestation ici, contre l'action unilatérale, M. Trudeau est capable de dire: II ne faut pas écouter ces gens, ils sont séparatistes, ils ne veulent pas de système fédéral. Ils veulent qu'Ottawa ne garde aucun pouvoir. Ils n'ont pas de crédibilité. Le refus de ce gouvernement de laisser la population choisir un gouvernement qui veut vraiment rester dans le cadre fédéral, qui prêt à négocier face à face avec Trudeau, qui a une crédibilité dans tout le Canada, a mis la population du Québec aujourd'hui dans une situation d'impuissance totale dans ce débat.

On se dirige vers la fin de cette situation, comme vous le savez, parce que le premier ministre a dit que la crise constitutionnelle est terminée maintenant et qu'on peut tenir des élections. Que vont-ils

faire? La population sera obligée de décider si elle veut voter, pour un deuxième mandat pour un gouvernement péquiste qui a l'intention de rester dans le cadre fédéral, mais avec l'intention, chaque fois qu'une décision est prise dans le cadre de ce renouvellement, d'essayer d'arracher de plus en plus de pouvoirs d'Ottawa. C'est un "one-way street" porté à la limite. Je pense que vous êtes d'accord parce que vous croyez, comme ils le croient, qu'Ottawa ne doit garder aucun pouvoir. Mais après que le Parti québécois a perdu le référendum sur ce point, comment peut-il retourner devant la population en disant: On veut rester à l'intérieur d'un système fédéral, à moins qu'ils ne renoncent au désir de l'indépendance? S'ils renoncent au désir de l'indépendance, comment peuvent-ils continuer de dire à la population: Nous sommes souverainistes et démocrates? Cela ne tient pas debout. Je pose la question, parce que j'ai vu ici dans votre document le même conflit, au moment où vous dites: "Pour moi, un nouveau partage des pouvoirs et des ressources équivaut à accorder plus d'autonomie aux provinces canadiennes". Alors, vous parlez un peu comme M. Duplessis, nationaliste québécois. C'est très respectable, mais c'est quand même canadien. (17 h 30)

Dans un autre paragraphe, vous dites: Je n'ai plus le désir de rester à l'intérieur de ce pays. Cela est un conflit très difficile pour vous et pour beaucoup de Québécois, un conflit très honnête, parce que tout le monde est un peu tiré, mais un problème fondamental pour un parti politique qui est obligé de dire précisément où il se trouve dans ce débat. Moi, je vous propose, à vous, M. Trépanier, que c'est impossible de faire une élection devant la population en disant qu'on est indépendantiste, alors qu'on veut, dans la mesure du possible, rester à l'intérieur d'un système fédéral avec l'intention de faire tout ce qui est possible, pendant quatre ans, cinq ans, pour détruire ce même système fédéral.

La Présidente (Mme Cuerrîer): M.

Trépanier.

M. Trépanier: Mme la Présidente, je n'ai pas à répondre pour le gouvernement, mais, selon ma perception à moi, j'ai constaté - étant donné que je suis architecte, je fais un peu de mathématiques que la proportion du vote du Parti québécois, lors de toutes les élections partielles que le gouvernement a perdues, a augmenté. Il y a donc une satisfaction accrue des Québécois vis-à-vis d'un gouvernement qui, selon moi, est un bon gouvernement - je l'ai dit dans des circonstances fracassantes dans l'Ouest, il y a quelques années - un gouvernement qui répond à nos aspirations, un gouvernement qui nous aide sur le plan économique.

Au Québec, en 1980, on a eu une très bonne année, si on la compare à l'Ontario. Au point de vue économique, les affaires ont été meilleures au Québec qu'en Ontario. Donc, cela compte quand on parle d'un gouvernement. En ce qui concerne le problème que vous soulevez quant aux velléités séparatistes et à la démocratie, sans répondre pour le gouvernement, moi, je considère que cela se peut aussi, parce que vous avez parlé de démocratie. Or, les citoyens du Québec ont voté à 60% pour un fédéralisme renouvelé. Je ne vois pas pourquoi un gouvernement qui voudrait éventuellement créer un nouveau pays ne pourrait pas se présenter devant les citoyens du Québec, en disant: Voici, nous vous avons donné un bon gouvernement. Nous acceptons la volonté démocratique des citoyens québécois et nous allons essayer d'arriver à une entente avec le gouvernement fédéral et les autres provinces canadiennes.

Ce n'est pas ce qui se passe actuellement, parce que M. Pierre Elliott Trudeau est fort par la faiblesse de ses adeptes. Il est fort par la faiblesse visuelle. Pour moi, cela me fait de la peine de voir ça, des députés fédéraux libéraux enrégimentés à l'intérieur d'une ligne de conduite partisane. C'est infiniment regrettable que tous ces députés ensemble, qui sont si forts à Ottawa, disent tous la même chose que le grand chef, M. Trudeau, que je connais bien; je suis allé à l'école avec lui à Brébeuf, il y a bien des années. Alors, Trudeau est fort; il est puissant; il est autoritaire. Mais, si nos députés libéraux du Québec étaient honnêtes avec eux-mêmes au lieu d'être honnêtes dans les caucus fermés ou dans les assemblées que l'on ne voit pas, il me semble qu'ils pourraient porter la voix du Québec aux Canadiens.

Ici aussi au Québec, il est extrêmement important - on a constaté depuis quelques jours que votre chef, M. Ryan, modifie ses positions et maintenant embarque avec le gouvernement; c'est regrettable que cela n'ait pas été fait en décembre dernier - que le Québec, comme dans le temps de Duplessis, comme dans le temps de Lesage, qui a été un grand premier ministre, ait une seule voix. Autrement, si nous sommes divisés vis-à-vis des autres provinces canadiennes, étant donné que nous sommes minoritaires, notre position est beaucoup trop difficile.

Mais votre question fondamentale est celle-ci: Est-ce qu'un gouvernement qui a des velléités séparatistes peut se présenter à la population québécoise lors d'une élection et demander un renouvellement de mandat et être cru? Je crois que oui, qu'il peut être cru par les Québécois.

M. Scowen: M. Trépanier, finalement, parce que ce n'était pas clair, est-ce que vous êtes, au fond, pour l'indépendance du Québec?

M. Trépanier: Je crois que c'est clair dans mon texte. Je ne fais partie d'aucun parti politique comme maire de ma ville. Par exemple, je suis ici à titre privé. Je n'ai pas de carte de parti. J'ai démissionné du Parti conservateur il y a maintenant plusieurs années. Moi, personnellement, je suis rendu à dire, peut-être un peu comme le Mouvement national des Québécois, que selon mon long trajet personnel, je le répète - je donnais l'exemple tantôt de trois des dix plus grandes entreprises d'ingénieurs au monde qui sont à Montréal - je suis très sincèrement et d'une façon non partisane, M. le député, Mme la Présidente, convaincu qu'un Québec indépendant est vilable. Je suis persuadé que je vais continuer à pratiquer de façon lucrative ma profession d'architecte, et mes enfants après moi, dans un Québec indépendant.

Je réponds à votre question. Aujourd'hui, je ne crois plus qu'il soit possible, selon ma propre démarche personnelle à travers le Canada - et je suis bilingue, comme vous le savez - que l'expérience canadienne puisse continuer dans l'état actuel des choses, d'une part. D'autre part, je suis persuadé - et je le répète pour la troisième ou la quatrième fois - qu'un Québec indépendant, qu'un État indépendant au Québec en Amérique du Nord, ici, est viable économiquement, est viable politiquement, est viable socialement. Cela ne me fait pas peur ni pour moi, ni pour mes enfants, ni pour les enfants de mes enfants.

La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la députée des Îles-de-la-Madeleine.

Mme LeBlanc-Bantey: Mme la Présidente, je fais appel à votre tolérance. Je vais essayer d'être le plus brève possible. Je fais appel, en tout cas, à la même tolérance dont vous avez fait preuve pour la députée de Prévost. Pardon?

La Présidente (Mme Cuerrier): Vous disposez encore d'un certain temps. Je ne fais pas preuve de tolérance. Vous avez le droit de parole.

Mme LeBlanc-Bantey: Je veux dire que je n'ai que des commentaires à faire. Je n'ai pas de question à poser au témoin.

M. de Bellefeuille: II y a d'innombrables précédents tant du côté du gouvernement que de l'Opposition.

La Présidente (Mme Cuerrier): Autant que possible sur les interventions de M. Trépanier, Mme la députée.

Mme LeBlanc-Bantey: II n'y a aucun doute. Sur les paroles qui viennent d'être prononcées il n'y a pas si longtemps, il y a quelques minutes. Je voudrais d'abord féliciter M. Trépanier pour son mémoire et ajouter à ce qu'a dit le député de Deux-Montagnes que, si beaucoup de Québécois se sont reconnus à travers les paroles qu'il a dites, il ne s'agit pas seulement de Québécois qui ont voté oui, comme vous, mais aussi de beaucoup de Québécois qui, en toute confiance et de bonne foi, ont voté non. Je pourrais vous apporter les témoignages nombreux que j'ai reçus, entre autres, de mes commettants madelinots. Je n'ai pas de question à poser parce que dans le fond votre mémoire est extrêmement percutant de la réalité actuelle. Il est extrêmement digne et je me sentais dans l'obligation de vous dire, comme je viens de le mentionner, que beaucoup de "non" doivent se sentir diminués par les paroles que vous venez de prononcer.

Ceci étant dit, cela fait deux fois que le député de Notre-Dame-de-Grâce essaie de mettre en doute la crédibilité du gouvernement actuel parce que nous avons un objectif qui est celui de la souveraineté-association ou de l'indépendance, appelez-le comme vous le voulez, et que les Québécois ont répondu non à cet objectif le 20 mai dernier. Comme quelqu'un l'a fait remarquer cette semaine à la commission parlementaire, ce n'est pas parce qu'on n'a pas encore les moyens d'être propriétaire de sa maison qu'en tant que locataire on doive accepter que le toit nous coule sur la tête et qu'on doive agrandir nous-mêmes le trou qui fait passer la pluie en se contentant de supplier la personne qui verse la pluie du haut du toit d'arrêter de le faire et en espérant compter sur sa bonne foi pour qu'un jour elle en vienne à la raison et qu'elle cesse de nous tyranniser. Effectivement, les Québécois ont voté non au mois de mai dernier à la proposition du gouvernement du Parti québécois, sauf qu'au même moment le Parti libéral du Québec encourageait les gens à voter non en leur promettant un fédéralisme renouvelé, en leur promettant un Canada qui tiendrait compte de leurs aspirations, en leur promettant un pays parfait où finalement les Québécois francophones auraient toutes les chances de s'épanouir dans le meilleur des mondes.

Que s'est-il passé depuis ce temps? Les libéraux fédéraux ont trahi les promesses qu'ils avaient faites aux Québécois au moment du référendum et les libéraux provinciaux n'ont jamais été capables d'arrêter leurs amis de trahir leurs promesses. Quelle est leur crédibilité? Comment se présentent-ils maintenant devant

la population du Québec? Comme des gens qui doivent admettre - il faut bien le dire, même si ça blesse la députée de Prévost et je sais qu'elle est honnête dans sa démarche qu'ils ont été bernés et qui, par conséquent, volontairement ou non, ont berné la population du Québec.

Il y a donc en présence deux partis politiques, un dont on a rejeté l'objectif fondamental. Nous l'avons accepté démocratiquement et le gouvernement a suivi la ronde des négociations constitutionnelles. Beaucoup d'observateurs impartiaux ont admis que le gouvernement avait agi de bonne foi.

Quand le député de Notre-Dame-de-Grâce parle d'impuissance, il faudrait tout de même lui rappeler que, si le train fédéral a déraillé, ce n'est pas à cause du Parti libéral du Québec) c'est à cause du gouvernement du Parti québécois et des Québécois qui se sont mobilisés pour faire dire à votre ami d'Ottawa ce que vous n'étiez pas capables de lui dire, ou pour lui faire comprendre le message que vous n'aviez pas été capables de lui faire comprendre.

Je considère qu'à présent, s'il y a quelqu'un qui a fait preuve d'impuissance dans le débat, ce n'est pas le gouvernement du Parti québécois, mais bien le Parti libéral du Québec. Les élections s'en viennent; les gens ont le choix entre un gouvernement qui, bien sûr, garde son objectif - parce que nous croyons que c'est la meilleure solution pour le Québec - un gouvernement qui est fier d'être un gouvernement québécois pour la défense de la majorité de ses citoyens et de son épanouissement, et un parti qui s'en va devant la population dire: Cela nous fait bien de la peine, on ne peut pas tenir les promesses qu'on vous a faites lors du référendum. Quelle crédibilité auront-ils? Quelle force auront-ils, si jamais ils devaient devenir le gouvernement, face à leurs amis d'Ottawa? Pourquoi faut-il que, du jour au lendemain, ils vous écoutent? Pourquoi faudrait-il que, à ce moment, ils arrêtent d'envoyer leurs fiers-à-bras, à la façon de Mussolini, faire avaler de l'huile de castor aux Québécois et leur demander de dire merci?

M. Rivest: II y a toujours l'Union Nationale!

Mme LeBIanc-Bantey: Quand je parle de fiers-à-bras, je ne fais pas seulement allusion au rapatriement unilatéral qu'on essaie de faire avaler de force aux Québécois. Prenez les images que vous voulez; si les miennes vous apparaissent radicales, c'est votre problème. Moi, je trouve qu'elles s'appliquent très bien. Je parle aussi de ce qui est en train de se passer aux Îles-de-la-Madeleine, avec deux ministres fédéraux qui s'en vont supposément faire des promesses mirobolantes - une somme de $15,000,000 dont on attend toujours les résultats - sans consulter ni le gouvernement du Québec, ni le conseil de comté là-bas, ni la municipalité où le développement en question doit se faire. Autrement dit, ils vont leur faire une offre qu'on ne peut refuser. Je crois que mon image s'applique très bien à la tactique qui est utilisée par vos libéraux fédéraux.

Je termine donc, Mme la Présidente, j'avais promis de ne pas abuser. Si les libéraux n'ont pas été capables de faire entendre leur voix jusqu'à maintenant, nous pouvons être sûrs qu'ils ne seront pas davantage capables de la faire entendre si jamais ils deviennent le gouvernement du Québec.

La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la députée de Prévost et M. le ministre, ensuite.

Mme Chaput-Rolland: Mme la Présidente, je voudrais vous demander une directive, parce que je ne sais pas si, dans le cadre de cette commission parlementaire, je peux répondre à Mme la députée ou si je dois répondre à monsieur à qui je n'ai pas posé de question. Alors, là, je suis un peu mêlée. Me permet-on un commentaire qui va durer une minute?

M. Morin (Sauvé): Vous avez toujours été un peu mêlée, mais on vous écoute.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre, s'il vous plaît!

M. Rivest: II vaut mieux être mêlé que de reposer dans le fond d'un trou.

La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la députée de Prévost.

Mme Chaput-Rolland: M. Jacques-Yvan Morin, je vous croyais capable de beaucoup plus de galanterie que cela.

M. Morin (Sauvé): Je n'ai que de bons sentiments à votre endroit.

Mme LeBIanc-Bantey: J'accepte qu'on me réponde.

Mme Chaput-Rolland: Mme la députée, juste une minute. Ce que je voulais dire et ce que je crois que mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce voulait dire, c'est que nous ne récusons pas la légitimité de votre gouvernement pour parler au nom du Québec en autant que vous serez réélus. C'est durant ce mandat qu'on vous a dit non et c'est pour cela que nous avons été, certains de nous, comme moi, si déçus. Ce n'est pas l'appétit du pouvoir tellement - on l'a tous, vous comme moi - mais c'est lorsque vous avez retardé les élections qu'à mes yeux vous

avez perdu de la crédibilité. Celui qui décidera - ce n'est pas moi et ce n'est pas vous - lequel de nous deux sera le plus habilité à dire non ou à faire échec au rapatriement de M. Trudeau, ce sera le peuple. C'est ce que je voulais dire, Mme la députée, un point, c'est tout. (17 h 45)

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): Je voudrais remercier M. le maire de ses propos et lui dire à quel point je considère que ce qu'il nous a dit est représentatif des Québécois. Tout ce qu'il nous a dit révèle, je pense, un Québécois très authentique, un Québécois qui se débat, comme tant de nos compatriotes à l'heure actuelle, dans toute cette mélasse constitutionnelle, qui essaie d'y comprendre quelque chose et qui se dit: Je veux bien, à la rigueur, être canadien, mais à la condition d'être avant tout québécois, de faire respecter ma langue et d'être maître chez moi. C'est ce que vous nous avez dit. Combien de Québécois partagent ce point de vue et comme je respecte, et comme nous respectons tous, ce point de vue que vous avez si admirablement représenté!

Mais, nous disent-ils - et là encore, c'est tout à fait typique - s'il n'y a pas moyen d'être vraiment québécois et si on veut nous manger la laine sur le dos, alors on est prêt à faire un pas de plus pour aller plus loin, aller vers la souveraineté-association, aller aussi loin qu'il faudra aller pour affirmer notre personnalité et continuer le travail qui a été entrepris par ceux qui nous ont précédés dans la construction d'un Québec fort, développé par les Québécois, pour les Québécois.

Je considère, M. le maire, que vous avez fait un exposé tout à fait remarquable. Ne soyez pas trop impressionné par les propos de M. Scowen. Mon Dieu, il est assez représentatif, lui aussi, des anglophones du Québec qui sont bien sympathiques à l'occasion, mais qui ne comprennent pas beaucoup nos aspirations. Je pense qu'il nous a donné une belle démonstration de cela et, en particulier, lorsqu'il citait M. Trudeau qui essaie de s'en prendre à la crédibilité du gouvernement du Québec comme si ce n'était pas, de toute évidence, dans l'intérêt de M. Trudeau de miner la crédibilité du gouvernement du Québec, c'est évident. Ce dont on doute de plus en plus au Québec, c'est justement de la crédibilité de M. Trudeau qui a voulu nous faire croire pendant le référendum, avec l'aide de ces messieurs dames du Parti libéral du Québec, que voter non, c'était comme si on voulait voter oui au renouvellement du fédéralisme et à une meilleure place pour le Québec dans tout ce système. Il essayait, le brave député de Notre-Dame-de-Grâce, de déformer un peu notre position pour la rendre un petit peu moins logique et, évidemment, c'est plus facile de matraquer les gens quand on déforme leurs idées.

Je répète, pour le cas où... Je sais que vous en êtes persuadé, mais je ne voudrais pas que vous partiez avec une idée fausse de ce que nous voulons faire. Essentiellement, notre position est de respecter la volonté, mais aussi le cheminement, des Québécois. Comme vous, ils sont innombrables - et on en rencontre tous les jours - qui nous disent: Ah, si j'avais su que mon non, ça tournerait de même et que je me ferais avoir de cette façon-là! Ah, si j'avais su! Il y en a beaucoup comme ça et ça fait partie du cheminement pénible des Québécois vers une plus grande maîtrise de leur destin.

Nous savons bien que, parmi les non, il y en avait qui voulaient vraiment un Québec authentique, comme vous, et qui sont prêts maintenant à reconsidérer leur position. C'est pour ça que je considère que votre témoignage a été si authentique, si vrai. Je vous en remercie, M. le maire, et tâchez de revenir.

La Présidente (Mme Cuerrier): Vous n'avez pas eu beaucoup d'occasions d'intervenir, parce que ce ne sont pas vraiment des questions qui vous ont été posées, M. Trépanier. Je pense, quand même, que la commission - on vous l'a déjà assez dit parmi les membres - vous remercie de votre participation à ses travaux. Merci bien.

M. Trépanier: Au contraire, madame.

La Présidente (Mme Cuerrier): J'allais dire merci bien, M. le maire. C'est parce que j'ai l'habitude de travailler avec de nombreux maires dans mon comté.

M. Trépanier: Merci beaucoup, Mme la Présidente, mesdames et messieurs les députés. Je considère que j'ai eu amplement l'occasion d'exprimer mon point de vue. Merci de m'avoir invité.

La Présidente (Mme Cuerrier): J'appelle maintenant la Centrale de l'enseignement du Québec et je vais demander au porte-parole de me dire son nom. Je ne me risquerai pas une seconde fois à le dire avant de l'avoir entendu.

Centrale de l'enseignement du Québec

M. Morin (Sauvé): Mme la Présidente, si vous ne connaissez pas les comparants, je ne sais pas qui les connaît.

La Présidente (Mme Cuerrier): C'est à cause de l'orthographe.

M. Gaulin (Robert): Mme la Présidente,

mesdames, messieurs, je dois d'abord nous présenter: Robert Gaulin, président de la Centrale de l'enseignement du Québec; à ma droite, Michel Agnaieff, qui est le directeur général de notre organisation, et, à gauche, Pierre Beaulne, conseiller dans les questions économiques et politiques à la centrale.

M. Morin (Sauvé): M. le président, me permettriez-vous une suggestion? Il est 5 heures 50. Je trouverais un peu pénible de scinder votre exposé en deux. J'imagine qu'il doit durer plus que dix minutes. J'imagine qu'il y a une séquence logique dans votre mémoire. Pour ne pas avoir une césure au mauvais moment - je voudrais que vous vous sentiez libre, je vous laisse le choix - nous pouvons très bien, si ça fait votre affaire, suspendre nos travaux maintenant pour les reprendre à 20 heures et vous donner, à ce moment-là, le loisir de nous faire part de vos commentaires d'une seule traite.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre, j'aurais mieux aimé que vous me proposiez de le faire. Je pense que c'est la commission qui est maîtresse de ses travaux. Bien sûr, il fallait d'abord aussi demander à M. le président s'il consentirait à ...

M. Rivest: Avant que...

La Présidente (Mme Cuerrier): entendre nos délibérations.

M. Morin (Sauvé): Je me tourne vers vous, Mme la Présidente.

M. Rivest: Si vous me permettez...

La Présidente (Mme Cuerrier): Sur cette question?

M. Rivest: Oui. Avant que le président de la CEQ réponde à l'invitation du ministre, est-ce que la commission aurait objection à ce que nous poursuivions nos travaux, étant donné qu'il nous reste la Centrale de l'enseignement du Québec et un autre intervenant? Au lieu de revenir à 20 heures et de prolonger jusqu'à 22 heures, nous pourrions facilement, je pense, terminer vers 19 heures ou quelque chose comme ça.

M. Morin (Sauvé): Cela peut aller à 20 heures ou à 21 heures parce que je pense que la CEQ a certainement beaucoup de choses à nous dire.

M. Rivest: Oui, mais elle est limitée dans le temps à une heure, comme tout le monde.

La Présidente (Mme Cuerrier): Si nous essayons de faire une projection, il est très exactement 17 h 40; nous vous accordons une heure, donc 18 h 50, plus...

M. Rivest: Qu'est-ce que vous préféreriez, M. Gaulin?

M. Gaulin: Nous sommes à votre disposition.

La Présidente (Mme Cuerrier): l'intervention de M. Cameron, cela pourrait aller tout près de 20 heures, selon la forme que prennent nos travaux habituellement. Vous êtes le juge.

M. Rivest: Consentement.

La Présidente (Mme Cuerrier): II y a consentement unanime. M. le président de la Centrale de l'enseignement du Québec, vous avez la parole et je vous demanderais... C'est déjà fait. J'allais dire d'identifier ceux qui vous accompagnent. Vous savez, n'est-ce pas, que vous disposez d'une vingtaine de minutes pour présenter votre mémoire ou le résumer et, ensuite, nous vous poserons des questions.

M. Gaulin: Je voudrais vous remercier de nous donner l'occasion de nous faire entendre devant cette commission et souligner que, si notre délégation est un peu réduite, ce soir, c'est que nous sommes en ce moment même en réunion de notre conseil général à Montréal et qu'on fait double travail en même temps.

La Centrale de l'enseignement du Québec représente les travailleurs du monde de l'éducation, les enseignants, les éducateurs, les animateurs professionnels, le personnel de soutien de différentes catégories. Elle est également une composante importante du mouvement syndical québécois et donc solidaire du point de vue de l'ensemble des travailleurs québécois.

À ce double titre, la CEQ a affirmé et réaffirmé de façon constante, au cours des dix dernières années, les principes fondamentaux qui justifient notre opposition au projet du gouvernement fédéral de nous faire imposer par le Parlement britannique une loi constitutionnelle qui modifie en profondeur l'équilibre des relations entre le Québec et la fédération canadienne.

En 1972, notre congrès affirmait le droit du peuple québécois à l'autodétermination. Ce principe constitue la pierre d'assise de notre politique d'intervention dans les débats constitutionnels, étant entendu que, pour nous, l'exercice de ce droit à l'autodétermination par le peuple du Québec doit prendre en charge le point de vue spécifique des travailleurs et de tous ceux qui, individuellement, sont économiquement et politiquement faibles et pour qui, par

conséquent, les droits collectifs constituent le fondement de leurs droits individuels.

Nous ne venons pas ici appuyer un gouvernement et encore moins le parti au pouvoir. Nous ne venons même pas défendre l'État québécois en tant que tel. Ce qui nous intéresse, c'est la conquête de la plus grande autonomie possible du peuple québécois face à tous les pouvoirs qui l'oppriment.

Nous refusons, quant à nous, de considérer l'État comme la valeur suprême au niveau collectif et c'est pourquoi, notamment, nous nous opposons à cette conception véhiculée par M. Trudeau selon laquelle il suffit d'être soumis à un même gouvernement pour constituer un seul et même peuple.

Si nous refusons de laisser dissoudre le peuple québécois et les peuples autochtones dans un peuple canadien artificiel créé de toutes pièces par l'État fédéral et parce que nous refusons de considérer l'État comme une valeur qui transcende toute autre réalité collective, nous ne sommes pas pour autant des fanatiques de l'État québécois tel qu'il existe en tant qu'organisation de l'exercice du pouvoir. Nous savons d'expérience que l'État québécois n'est pas, du seul fait qu'il est québécois, au service des intérêts populaires québécois. Qu'on se rappelle, à cet égard, dans le domaine linguistique, les fameux bill 63 et 22; dans le domaine des relations de travail, la série de lois spéciales répressives dont les fameuses lois 62 et 113. Qu'on se rappelle l'emprisonnement des chefs syndicaux et la complicité de notre gouvernement avec le fédéral pour l'application de la loi des mesures de guerre en 1970 et pour la répression exercée a l'occasion des conscriptions de 1917 et de 1942. Qu'on se rappelle que l'État québécois subventionne toujours les entreprises capitalistes, alors qu'il coupe les fonds dans les services sociaux et dans l'éducation par mesure d'économie. Qu'on se rappelle la lutte de notre gouvernement contre l'indexation des salaires au coût de la vie de concert avec les bons anti-Québécois du monde patronal.

Nous savons aussi que l'État québécois exerce à l'égard des peuples autochtones, notamment au Nouveau-Québec, un certain impérialisme que nous réprouvons et qui présente des analogies certaines avec l'attitude du gouvernement fédéral à l'égard du peuple québécois, car l'État québécois tel qu'il existe présentement n'est pas une création populaire. Il a été constitué d'en haut par le conquérant britannique, d'abord pour servir les intérêts de celui-ci, et il est devenu, avec le temps, un rouage de la domination fédérale "Canadian" sur le peuple québécois en même temps qu'un rouage de l'exploitation des travailleurs québécois par les capitalistes québécois, canadiens, américains et autres. Sans doute, au cours du dernier quart de siècle, a-t-on vu s'accélérer la tendance à ce que l'État québécois, sous la pression des luttes populaires, prenne des initiatives favorables aux intérêts de la collectivité québécoise et tente de faire contrepoids aux initiatives antiquébécoises de l'État fédéral, mais il serait naïf de croire que l'appareil d'État québécois est pour autant sous contrôle populaire.

Nous sommes tout de même inquiets de l'agression fédérale et de sa propension à envahir directement ou par le biais d'une camisole de force judiciaire imposée aux provinces à peu près tous les champs de compétence législative car si l'État québécois n'est pas spontanément au service des intérêts populaires québécois, le peuple québécois a quand même la possibilité d'influencer quelque peu son orientation et ses politiques, possibilité qui n'existe pas ou presque pas quand il s'agit de l'État fédéral. Mais l'agression fédérale n'est pas dirigée uniquement contre les compétences de l'État québécois. Elle s'attaque à l'existence nationale distincte du peuple québécois. La philosophie qui préside à cette agression fédérale s'accommode volontiers de l'existence des groupes ethniques bien disséminés dans l'ensemble canadien. Elle pourrait à la rigueur s'accommoder d'une reconnaissance spéciale des communautés culturelles anglophones et francophones, à la condition qu'elles se définissent comme des communautés extra-territoriales. Elle est allergique à toute reconnaissance de la nation québécoise.

La tendance historique de l'État fédéral à faire main basse sur tous les aspects de la vie sociale des populations du Canada est une donnée fondamentale qui répond, à notre avis, aux principales préoccupations suivantes: d'abord, construire un espace économique homogène servant de base d'accumulation à une classe de grands capitalistes canadiens et gérer la société selon ces intérêts; deuxièmement, liquider la question nationale québécoise, c'est-à-dire désintégrer autant que faire se peut un espace socioculturel qui entrave la réalisation du "grand projet" canadien; troisièmement, contenir, pour les mêmes raisons, les autres groupes nationaux en puissance - qu'on pense aux autochtones, aux Acadiens - et les empêcher d'acquérir un pouvoir politique autonome et de s'identifier à un espace socioculturel qui leur soit propre.

Ce grand dessein historique rencontre des résistances sérieuses. D'une part, le capital étranger et les capitaux régionaux contestent à la bourgeoisie pancanadienne leur part de l'exploitation des ressources et de l'exploitation de la force de travail. D'autre part, la société québécoise tend à se particulariser de plus en plus, malgré les efforts en sens inverse déployés par le gouvernement fédéral et ses agences. Enfin,

d'autres collectivités, comme les autochtones et les Acadiens de la partie francophone du Nouveau-Brunswick, semblent vouloir s'inscrire de plus en plus dans une dynamique d'affirmation nationale. Ce n'est donc pas par hasard que les gouvernements de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick sont les deux principaux alliés du fédéral dans son entreprise.

L'actuel processus de révision constitutionnelle est un nouvel assaut pour briser de façon définitive les résistances au grand dessein historique de l'État fédéral. C'est aux espaces socio-culturels autonomes que celui-ci s'attaque. Nous pouvons illustrer cette constatation générale par deux exemples: la politique fédérale favorisant la mobilité interprovinciale de la main-d'oeuvre, même au détriment de toute politique de protection de l'emploi pour les mains-d'oeuvre locales; deuxième exemple: la politique linguistique homogénéisatrice promise par le gouvernement fédéral. (18 heures)

On sait très bien que ce ne sont pas les travailleurs et les travailleuses qui souhaitent avoir à changer de province pour gagner leur vie. Ils demandent plutôt des conditions qui n'obligent pas les couples à se séparer et les parents à s'éloigner de leurs enfants, qui n'obligent pas les travailleurs a devoir changer de langue de travail. Les travailleurs demandent qu'on leur assure de l'emploi dans leur région, dans leur milieu socioculturel. Les grandes entreprises multinationales et pancanadiennes, au contraire, n'aiment pas devoir composer avec les exigences de la main-d'oeuvre locale. Elles favorisent l'uniformisation des méthodes de travail et des formes d'organisation. Aussi voient-elles d'un bon oeil tout ce qui tend à faciliter la mobilité de la main-d'oeuvre et l'homogénéisation de l'espace économique.

En fonction du grand dessein historique de l'État fédéral, la survivance française dans les provinces anglaises n'est pas un objectif en soi, mais tout au plus la contrepartie jugée politiquement nécessaire, dans les circonstances présentes, à cet objectif à long terme, beaucoup plus fondamental, de désintégrer l'espace socioculturel québécois.

Nous croyons, quant à nous, que la tendance historique au renforcement des espaces socio-culturels n'est pas une aspiration normale des travailleurs, des consommateurs et des citoyens à vivre dans un milieu linguistiquement et culturellement cohérent.

Ce qui intéresse le travailleur, c'est de n'avoir à travailler, sauf pour des situations exceptionnelles, que dans une seule et même langue, autant que possible dans sa langue maternelle, ou alors dans la langue maternelle de la majorité des travailleurs de son milieu.

Ce qui intéresse le consommateur, c'est de pouvoir trouver réponse à tous ses besoins essentiels en n'utilisant qu'une seule et même langue, autant que possible sa langue maternelle, ou alors la langue maternelle de la majorité de ses concitoyens dont il est amené à faire l'apprentissage par souci d'intégration à son milieu.

Ce qui intéresse le citoyen, c'est de pouvoir prendre connaissance, au moyen d'une seule et même langue, de la législation et de la réglementation qui le concernent, ainsi que de la jurisprudence qui interprète et applique cette législation.

Il est donc dans l'intérêt des travailleurs, des consommateurs et des citoyens que, par-delà les langues maternelles que tous doivent avoir le droit de conserver et de cultiver, il y ait une langue commune; que cette langue commune soit la langue maternelle de la majorité des travailleurs, des consommateurs et des citoyens; que cette langue commune soit la seule langue indispensable pour participer valablement à la vie économique et politique de la société dans laquelle ils vivent.

Dans cet esprit, nous croyons que ce qui intéresse présentement le citoyen ordinaire du Québec, ce n'est pas de voir imposer le français à l'Ontario, encore moins au Manitoba, comme langue de la législation et de la justice, mais bien de libérer le Québec de l'obligation d'être et de demeurer juridiquement bilingue. Ce que nous voulons, c'est pouvoir vivre en français au Québec, avec tous les Québécois sans exclusion et sans discrimination. Face à cette agression fédérale, nous regrettons que la stratégie du gouvernement québécois soit beaucoup trop exclusivement défensive et qu'elle ne fasse pas appel à une véritable mobilisation populaire.

Il ne faudrait pas oublier les revendications positives que le Québec formulait lors des rondes antérieures de négociations fédérales-provinciales. Il ne faudrait surtout pas se laisser entraîner à redéfinir à la baisse notre minimum vital. Il y aurait lieu, au contraire, de le redéfinir à la hausse. On devrait s'interroger sérieusement à savoir s'il est sage, à ce moment-ci, de laisser tomber ou de mettre entre parenthèses nos revendications concernant le Labrador, par exemple. Nous voyons un double intérêt à ce que le peuple québécois se mobilise sur la question constitutionnelle, même si ce n'est pas facile, il faut l'admettre. Sous un certain aspect, cet intérêt semble coïncider avec celui de l'État québécois. Sous un autre aspect, l'intérêt du peuple québécois pourrait entrer en concurrence avec celui des groupes socio-économiques qui contrôlent présentement l'appareil de l'État québécois.

D'une part, en effet, l'agression fédérale est tournée à la fois contre les

compétences de l'État québécois et contre l'existence distincte du peuple québécois lui-même. L'un et l'autre doivent prendre les moyens les plus efficaces pour contrer cette entreprise. Même si le peuple québécois s'implique vraiment dans le débat constitutionnel, il risque de s'engager ainsi dans un processus de réappropriation interne de la constitution du Québec, car il n'y a pas seulement la constitution fédérale du Canada, il y a aussi la constitution du Québec lui-même. Parce que la constitution du Québec n'est pas codifiée, elle n'en existe pas moins. L'article 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique reconnaît, d'ailleurs, à la Législature du Québec le pouvoir de modifier cette constitution, ceci sous réserve d'un certain nombre de restrictions imposées de l'extérieur et dont il faudra bien, un jour, se débarrasser d'une manière ou de l'autre.

Cependant, notre Assemblée nationale a toujours été très prudente et timorée dans l'exercice de son pouvoir d'amendement constitutionnel. Nous lui rappelons que rien ne l'empêche de codifier la constitution du Québec, de la moderniser et de la compléter. Rien ne l'empêche de prévoir une procédure d'amendement à cette constitution faisant appel à une participation populaire directe. Rien ne devrait l'empêcher de remettre au peuple du Québec le pouvoir souverain de se donner une constitution. Nous croyons, quant à nous, que la constitution du Québec doit appartenir au peuple du Québec, que c'est l'ensemble du peuple québécois, dans toutes les régions, dans tous les milieux de vie et à tous les niveaux de l'échelle sociale, qui doit participer de plein droit à l'élaboration d'un projet de constitution pour le Québec, lequel projet serait ensuite confirmé par référendum.

L'élaboration populaire d'une constitution québécoise nous apparaît comme la seule façon de liquider vraiment le lien colonial. C'est aussi la seule façon d'assurer une prise en charge québécoise au plan constitutionnel des revendications concernant les droits fondamentaux de la personne humaine, l'égalité des hommes et des femmes, les droits économiques et sociaux collectifs des travailleurs et les droits des minorités ethniques. C'est, également, d'un point de vue purement stratégique, la seule façon d'associer de façon permanente le peuple du Québec à la riposte contre l'offensive fédérale, laquelle ne s'achèvera pas avec l'adoption, le retrait ou le rejet du projet Trudeau actuel. Celui-ci n'est qu'un élément d'une opération beaucoup plus vaste dont l'objectif est à la fois de renforcer le pouvoir fédéral, de consolider l'espace économique canadien et de briser les poches de résistance à son projet d'homogénéisation socio-culturelle de cet espace économique. Bien sûr, ceci n'est pas une proposition formelle, c'est une hypothèse, c'est un point de vue que nous véhiculons, c'est une alternative visant à "positiver" l'action du Québec face à ce qui arrive actuellement sur le plan constitutionnel.

Dans notre lutte contre le projet centralisateur et uniformisateur du gouvernement fédéral, les peuples autochtones de tout le Canada devraient être vus comme les alliés naturels du peuple québécois. Eux aussi revendiquent le droit à l'autodétermination. Nous verrions d'un très bon oeil que la constitution du Québec leur reconnaisse explicitement ce droit. Notre résistance n'est pas chauvine, elle s'appuie sur le principe universellement reconnu et valable du droit des peuples à l'autodétermination, défendu par les organisations populaires et progressistes du monde entier. Aussi, faisons-nous appel à la solidarité des travailleurs du Canada et des autres pays pour soutenir les revendications démocratiques du peuple québécois et des peuples autochtones.

Je crois qu'il faudrait également, face aux événements que l'on vit depuis une semaine ou deux, faire une mise en garde au gouvernement du Québec et aux Québécois contre un certain triomphalisme facile. Je crois qu'il est toujours dangereux de crier victoire avant le temps. Si notre analyse est partagée, si elle est juste d'un certain point de vue, il serait prétentieux de croire que le projet Trudeau est mort et que le fait qu'un comité à Londres ne soit pas d'accord avec la procédure fait que la question constitutionnelle nationale ou québécoise est réglée à tout jamais. Je crois que ce serait tomber dans un piège et ce serait, à notre avis, mal analyser les fondements économiques et politiques qui président à l'attaque et au coup d'État du fédéral. Nous avons été les premiers à la CEQ à parler, je crois, du coup d'État du fédéral. Si cette analyse est partagée, si vraiment il y a une tentative de coup d'État, je ne crois pas qu'il faille crier victoire) au contraire, il faut mobiliser, il faut être vigilant, il faut organiser une lutte sur un front plus large. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre d'État au Développement culturel et scientifique.

M. Morin (Sauvé): Mme la Présidente, nous avons devant nous les représentants des enseignants du Québec, donc des personnes qui sont particulièrement sensibles, je pense, à tout ce qui touche la langue et, en particulier, cela va de soi, la langue scolaire, la langue de l'école. De par sa tradition également - et le mémoire vient de nous le démontrer une fois de plus - la CEQ s'est toujours intéressée à tout ce qui est droits collectifs, droits individuels et à l'équilibre

toujours difficile à définir entre les droits collectifs et les droits individuels.

Or, l'un des grands enjeux des difficultés actuelles, l'un des grands enjeux des objectifs que s'est proposés M. Trudeau, c'est précisément la langue scolaire. Cela touche de près non seulement l'ensemble de la collectivité québécoise, mais également le travail quotidien de nos enseignants. J'irais même jusqu'à dire qu'à la limite cela peut avoir quelque importance pour les emplois dans le domaine de l'enseignement puisqu'il y a quelques années - on l'avait observé - la façon massive dont les enfants des immigrants allaient à l'école anglaise avait plusieurs effets fâcheux. L'un des effets fâcheux était, évidemment, de créer des emplois du côté anglophone et de n'en point créer du côté francophone alors que nos universités faisaient un effort considérable pour mieux former ceux qui étaient appelés à devenir des enseignants.

Vous avez, dans votre mémoire, fait allusion aux garanties linguistiques que les anglophones du Québec possèdent par opposition aux droits dont jouiraient les francophones dans les autres provinces si le projet Trudeau, par malheur, venait à être adopté. J'aimerais que, dans un premier temps, vous vous étendiez quelque peu sur le contraste qui existe actuellement entre les droits dont peuvent se réclamer les anglophones du Québec dans l'école québécoise et les droits dont peuvent se réclamer les francophones hors Québec quand ils veulent avoir accès à l'école de leur langue maternelle, à l'école française. Je crois que la CEQ, dans le passé, s'est penchée sur ces problèmes et j'aimerais bien que le président détaille quelque peu les propos un peu schématiques qu'il y a dans le mémoire et, ensuite, une fois que nous aurons regardé la situation actuelle, on pourra peut-être parler, dans les autres questions, de l'avenir et de la façon dont la CEQ voit l'avenir dans le domaine linguistique.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Robert Gaulin.

M. Gaulin: Sur cette question linguistique, c'est une tradition de longue main. Comme vous l'avez dit, la CEQ a été de toutes les batailles pour franciser, pour permettre à la majorité québécoise de s'exprimer en français, de travailler en français, d'être éduquée en français et nous l'avons toujours fait de manière à ne pas nous engager dans une lutte perçue comme une lutte contre les anglophones du Québec ou les anglophones d'ailleurs. Je crois que nous avons en même temps développé des politiques de respect des droits des anglophones ici, au Québec, ce qui nous a amenés, depuis dix ou douze ans, à travailler en cartel et en concertation très étroite avec notre équivalent, l'association des enseignants anglophones, la PAPT.

Dans notre analyse, ce que nous avons voulu marquer ici en reprenant le point de vue linguistique, c'est qu'il n'y avait aucune raison, d'aucune manière, pour le gouvernement fédéral d'introduire dans le débat constitutionnel actuel et dans son projet de charte une question linguistique. Nous pensons qu'en vertu des pouvoirs constitutionnels actuels la culture et l'éducation relèvent exclusivement doivent relever exclusivement des provinces. Il appartient à ce niveau de régler les problèmes qui peuvent se poser et de garantir les conditions favorisant vraiment l'accès à l'école pour les minorités, pour les groupes d'une autre langue.

Le piège que tend Trudeau aux Québécois sur cette question est le suivant. Ce qu'on veut fondamentalement, ce n'est pas s'occuper des francophones hors Québec, ce qu'on veut, c'est remettre en cause la politique linguistique du Québec. Nous avons souscrit à cette politique linguistique et c'est une illusion - peut-être que des groupes de francophones hors Québec ne partagent pas ce point de vue - de croire que par le biais d'une constitution canadienne on va donner des garanties suffisantes aux francophones hors Québec. Si c'était vrai, si l'analyse était juste, il n'y aurait aucune raison pour ne pas imposer la même règle à l'Ontario. Donc, la question linguistique, dans le débat actuel, du côté fédéral, ce n'est qu'un subterfuge, ce n'est qu'un élément d'un piège tendu aux Québécois et nous n'avons pas l'intention de tomber dans ce piège. C'est pour cela qu'un des éléments du débat actuel est la question linguistique, mais ce serait dangereux de vouloir régler toute la question constitutionnelle en faisant porter l'essentiel du débat sur cette seule question linguistique. C'est pourquoi dans notre mémoire nous avons développé un point de vue là-dessus, mais nous avons évité de dire que nous sommes ici seulement pour traiter de la question linguistique. (18 h 15)

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): Mme la Présidente, j'avais parfaitement compris que le mémoire de la centrale couvrait beaucoup de terrain. En fait, c'est l'ensemble non seulement de la question constitutionnelle, mais de la question économique et sociale. D'ailleurs, toutes les choses étant liées, je n'en suis pas étonné.

Mais je pensais que vous êtes particulièrement bien placé pour parler aux Québécois de ces questions de langue scolaire et de la façon dont ça peut affecter le Québec, la vie des enseignants et même les

emplois des enseignants. Ce n'est pas une mince question.

Vous connaissez bien le système scolaire québécois - s'il y a quelqu'un qui le connaît, c'est vous - sa structure, les droits des anglophones, les droits des francophones. Est-ce que vous pourriez ramasser toute cette question de façon qu'on puisse la comprendre? Quels sont les droits des anglophones dans le domaine scolaire au Québec? Et, quand on compare ça avec les francophones dans les autres provinces, est-ce que c'est vrai, comme certains le disent, que les francophones hors Québec sont aussi avantagés que les anglophones du Québec ou encore, comme on le dit quelquefois, que les anglophones du Québec sont bien à plaindre? Il faudrait peut-être que vous nous disiez ça dans des termes assez simples. Vous avez l'expérience de la chose et vous êtes peut-être, de tous les groupes qui sont venus ici, les mieux placés pour nous parler de ces questions de langue scolaire.

M. Gaulin: Nous souscrivons à la politique linguistique essentiellement du Québec. Nous avons appuyé la loi 101, même s'il y avait quelques nuances dans notre position par rapport au Parti québécois, au gouvernement actuel. Nous avons cependant dénoncé une certaine absence de volonté d'application intégrale de la loi 101, particulièrement dans l'histoire des classes illégales, à Montréal, qui étaient financées de toutes sortes de manières. Là-dessus, je crois qu'il y a peut-être eu, du côté du gouvernement, un certain laisser-faire et qu'on aurait pu agir de manière plus importante.

Nous sommes allés en Colombie-Britannique pour dénoncer cette situation et rencontrer le syndicat du coin, qui nous invitait à présenter la situation des anglophones et des francophones au Québec. Nous avons dit que le Québec pouvait servir de modèle dans toutes les provinces du Canada et que, si les minorités, ailleurs, étaient traitées comme elles sont traitées au Québec, il y aurait passablement moins de problèmes.

Là-dessus, je crois qu'il n'y a pas de difficulté de notre côté. Cependant, il ne faudrait pas voir, sur la base de notre analyse, une question de protection d'emplois pour les enseignants. Nous avons fait des revendications de sécurité d'emploi, bien sûr, et nous avons fait ces mêmes revendications pour les enseignants anglophones et le personnel anglophone de l'éducation. La protection de l'emploi, c'est un problème syndical qui se négocie, mais le fondement d'une politique linguistique et le fait d'avoir des classes françaises et d'encourager les immigrants à aller à la classe française, de combattre les espèces d'inscriptions illégales aux classes anglophones plutôt qu'aux classes francophones qui devraient exister, ce n'est pas seulement pour des questions d'emplois; c'est pour des questions de respect d'une politique, c'est pour des questions de principes fondamentaux. Il y a au Québec une communauté francophone majoritaire et ce sont les droits de cette communauté qui doivent primer. On doit garantir l'exercice plein et entier de ces droits, au point de vue scolaire, au point de vue des tribunaux, au point de vue des lois et au point de vue de l'emploi.

Là-dessus, je crois que Michel voudrait peut-être ajouter quelques mots.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Michel Agnaieff.

M. Agnaieff (Michel): Merci, madame. Les quelques études comparatives que nous avons menées pour essayer d'établir la comparaison entre ce dont bénéficiaient la communauté anglophone du Québec et les minorités du reste du Canada nous ont amenés assez rapidement à la conclusion que la situation de la communauté anglophone au Québec était tout à fait incomparable.

La prétention, d'ailleurs amicale et un peu cocardière de nos collègues anglophones avec lesquels nous entretenons des relations d'amitié suivies, qui ont su résister à toutes les épreuves de longues négociations - et Dieu seul sait si les négociations sont longues et dures au Québec - est qu'ils disposaient d'un des meilleurs systèmes - là, il ne s'agit plus d'écoles - d'enseignement public en Amérique du Nord. Et d'aucuns même prétendaient disposer du meilleur système d'enseignement public en Amérique du Nord. Rien de tel, évidemment, n'existe dans le reste du Canada, en particulier pour les minorités francophones.

Ce qu'il faut ajouter - et c'est là, évidemment, le constat que nous avons tiré des quelques expéditions de reconnaissance que nous avons menées en dehors des frontières du Québec, dans le cadre des relations amicales que nous entretenons avec différentes organisations syndicales canadiennes, donc, en principe, des gens qui devraient être assez bien informés de la réalité vécue au Québec parce qu'ayant une préoccupation sociale plus large que celle d'autres groupes, c'est qu'il règne, dis-je, malheureusement, dans le reste du Canada une véritable "désinformation" quant à la réalité de la minorité ou de la communauté anglophone au Québec. Cette "désinformation" s'appuie, d'ailleurs, sur un certain phénomène de projection dans la mesure où l'aile dite libérale et progressiste dans le reste du Canada favorise évidemment les droits des minorités. Depuis, quelques droits mineurs ont été effectivement acquis. La façon dont la réalité québécoise leur a été présentée, particulièrement dans la

grande presse ces dernières années, les amène à surréagir par rapport à des faits qui ne sont pas véridiques.

M. Gaulin: Pendant que nous nous occupons de voir à contrer l'intervention du fédéral dans la politique linguistique, cela nous empêche de regarder les problèmes actuels dans notre système scolaire. On est bloqué par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, alors que le système devrait évoluer pour combattre cette espèce de dualité de structures qui existe depuis une centaine d'années, et qui n'est certainement pas l'instrument à point, à ce moment-ci, et encore là il y a des handicaps. Je crois que l'action du gouvernement et les revendications positives du gouvernement devraient être aussi de revendiquer des changements importants à la constitution de manière qu'on puisse, au Québec, organiser nos propres institutions selon les besoins actuels du Québec.

M. Morin (Sauvé): II y a un lien, d'ailleurs - cela ne vous échappe sûrement pas, M. le président - entre ce à quoi vous venez de faire allusion et le statut des droits scolaires de cette minorité dont M. Agnaieff vient de nous entretenir. Malheureusement, la PAPT, les enseignants protestants, les enseignants catholiques de langue anglaise, ne viennent pas devant la commission et je me demande si vous avez eu des contacts avec eux justement à propos de l'obstacle que constitue l'article 93. Quelle est leur attitude à l'égard de cet article 93? Est-ce qu'ils sont prêts à envisager des changements dans les garanties, en somme, qu'ils peuvent percevoir dans cet article?

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Gaulin.

M. Gaulin: Vous comprendrez, M. le ministre, que je ne suis pas un porte-parole autorisé pour parler au nom de la PAPT. Je crois que, dans les relations que nous avons eues avec nos camarades anglophones, il y a des problèmes d'ajustement entre nous. Ils n'ont pas la même position que la CEQ sur ces questions et cela se comprend. Cela fait partie du dialogue que nous soutenons avec eux. Je crois que nous sommes disposés aussi à discuter, ils sont disposés à discuter de ces problèmes et c'est déjà quelque chose d'important, je le reconnais. Pour ce qui regarde les enseignants anglophones, ils ont une approche très positive face aux problèmes du Québec et c'est tout en leur honneur.

La Présidente (Mme Cuerrier): Monsieur...

M. Morin (Sauvé): Mme la Présidente, j'aurais d'autres questions, mais je vois que le temps passe et l'Opposition a des questions, elle aussi. Je crois que, de notre côté, M. Dussault aura des questions à poser également. Je cède la parole.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. Gaulin, essentiellement, deux questions. Vous avez, d'emblée, comme sans doute il se devait à la CEQ, étant donné votre orientation sur le plan économique et social, enfin, le sens de la démarche syndicale dans laquelle vous vous inscrivez, situé la présentation de votre mémoire dans le rapport propre à votre centrale syndicale au titre des droits collectifs et des droits individuels. Vous dites, par exemple, au début, au sujet de votre prise de position sur le projet constitutionnel en tant que centrale syndicale: La CEQ a aussi la responsabilité de faire valoir le point de vue spécifique des travailleurs et de tous ceux qui, pour la défense de leurs droits fondamentaux, doivent compter sur la force collective des organisations et des mouvements créés par eux à cette fin. Et là vous dites que les propriétaires des moyens de production qui utilisent la force du travail des autres à leur profit peuvent bien se permettre d'opposer droits individuels et droits collectifs et prétendre que ces derniers ne sont pas importants. Mais pour les travailleurs, les petits agriculteurs, les artisans, les assistés sociaux, etc., indépendamment de la question proprement québécoise, de la dimension québécoise et également indépendamment de la question de cette concertation que le niveau fédéral et le niveau provincial devraient avoir au titre du renouvellement de la constitution, en tant qu'organisation syndicale vouée par sa nature même à la défense des travailleurs et oeuvrant dans un univers avec une doctrine et une idéologie que l'on connaît très bien, comment appréciez-vous la prise de position du Nouveau parti démocratique qui est, sur le plan canadien, l'expression politique des travailleurs québécois, qui a exactement la même dynamique d'action que vous, sauf que c'est à l'échelle canadienne? Encore là, indépendamment de la dimension proprement québécoise, face à l'appui du Nouveau parti démocratique et, en particulier, de M. Broadbent, quelle est votre réaction en tant que militant syndical?

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Gaulin.

M. Gaulin: Là-dessus, nous ne partageons pas l'analyse du NPD, quoiqu'il soit faux d'associer les positions de la CEQ -

ce n'est pas ce que vous dites exactement, mais le parallèle se fait - aux positions du NPD canadien. Bien sûr, le NPD canadien, dans sa position constitutionnelle - il est mieux placé que moi pour la défendre; je vais plutôt la critiquer - a voulu se placer en situation politique, compte tenu de l'électorat qu'il représente et des provinces dans lesquelles il se situe. Bien sûr il a une approche - le NPD - pancanadienne et ça explique peut-être son absence du Québec. C'est historique, depuis que le NPD existe, il n'a jamais réussi à s'ancrer au Québec autrement que dans certaines couches intellectuelles. Il a donc une incapacité, à mon avis, d'analyser et de reconnaître la réalité canadienne dans sa dualité et dans ses composantes.

Donc, cette volonté du NPD de vouloir associer le Canada uni, je crois que c'est une erreur importante, de même que de vouloir reconnaître les droits des travailleurs au niveau national et dire: Tous les travailleurs, dans tout le Canada, sont égaux ou ont les mêmes caractéristiques. Cela aussi, c'est une erreur très importante, particulièrement en ce qui regarde la question de la mobilité de la main-d'oeuvre, quoique la mobilité de la main-d'oeuvre, si c'était appuyé par le NPD, ça ne saurait être une revendication du mouvement syndical. Au contraire, ce que le mouvement syndical revendique, c'est la stabilité de la main-d'oeuvre et, dans un ensemble canadien avec une majorité écrasante d'anglophones et une minorité de francophones, on sait très bien que le jeu des déplacements est toujours en défaveur des francophones qui sont appelés à se déplacer à l'extérieur.

M. Rivest: Une sous-question et, ensuite, j'aurai une autre question. Le NPD est un parti politique. Je ne veux pas être malin, M. Gaulin, mais vous avez vous-même indiqué à quelques reprises la possibilité que vous regardiez l'hypothèse pour le mouvement syndical québécois d'entrer dans le champ politique. Je n'ose pas vous demander votre position sur le fond de la question encore là, indépendamment de la question nationale propre au Québec, selon la démarche dans laquelle vous vous inscrivez en tant que gardien premier des intérêts fondamentaux des travailleurs. J'imagine, M. Gaulin, que s'il existait au Québec un parti des travailleurs, en regard des propositions de la charte constitutionnelle directement liées aux droits des petits salariés, des travailleurs syndiqués, vous n'auriez pas nécessairement une position différente de celle que vous exprimiez. C'est la raison pour laquelle je vous ai demandé: Face au NPD, à l'échelle canadienne, sur le plan syndical et sur le plan de sa référence propre et de sa vocation première de défendre les intérêts fondamentaux des travailleurs et des petites gens dans la société, des laissés-pour-compte souvent, quelles sont vos réflexions précises? Encore là, indépendamment, j'entends de la compréhension que peut avoir le NPD de la réalité québécoise. Comme articulation au niveau politique du mouvement syndical, de l'expression politique du socialisme à travers le Canada, c'est un élément de la culture politique au Canada, comment réagissez-vous, comme leader syndical, face à l'attitude du Nouveau parti démocratique et de vos collègues syndicalistes canadiens qui appuient les propositions de M. Trudeau? (18 h 30)

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Gaulin.

M. Gaulin: Pour compléter le portrait là-dessus, j'ai dit tout à l'heure qu'on est en désaccord fondamental avec la manière de traiter la question constitutionnelle du côté du NPD fédéral. Nous contestons, d'une certaine manière aussi, le caractère représentatif ou la volonté de défense des intérêts des travailleurs que vous semblez affirmer dans le NPD. Nous ne reconnaissons pas aussi fortement que vous cette volonté de défense des intérêts des travailleurs. Enfin, sur la question des relations avec la politique, nous nous situons en toute autonomie par rapport à quelque parti politique que ce soit, actuel ou futur. La position de notre centrale, notre conception de l'action syndicale, c'est que le mouvement syndical - c'est vrai à la CEQ - se situe en marge, à côté des partis politiques et n'entretient aucun lien d'aucune manière avec quelque parti politique que ce soit. Nous reconnaissons, nous privilégions et nous chérissons l'indépendance du mouvement syndical, ce qui ne veut pas dire que l'action syndicale n'a pas une portée politique et que le mouvement syndical n'a pas à s'occuper de questions politiques.

On nous reproche souvent dans certains milieux de faire de la politique sans en faire. Je crois que le mouvement syndical a un rôle de critique, de contestation, de surveillance, de défense des intérêts des travailleurs et de surveillance de la législation. On est là pour regarder ce que font les partis politiques, pour les critiquer, pour les approuver aussi quand il y a des éléments qui répondent à nos objectifs. C'est dans ce champ-là que se situe l'action politique, si on veut, du mouvement syndical.

M. Rivest: Si vous me le permettez, M. Gaulin, dans un autre ordre d'idées, il y a eu des groupes, cet après-midi, qui étaient, eux, spécifiquement engagés - je pense au Mouvement national des Québécois - dans la promotion de l'idée de la souveraineté et de l'indépendance, qui ont adressé des reproches au gouvernement, au Parti québécois, qui est

le véhicule de cette idée au sein de la société québécoise disant que ce n'était pas clair, enfin qu'il se contredisait.

Vous, dans votre mémoire et, en particulier, vers les pages 30 de votre mémoire, vous apportez une autre dimension qui m'apparaît également importante, compte tenu de toutes les données qui précèdent les pages 30, parce que ce serait injuste sans doute de les citer sans tenir compte de toutes les dimensions et de toutes les préoccupations que vous avez soulignées avant. Vous demandez au gouvernement du Québec, dans le processus actuel, de ne pas se limiter, de ne pas se cantonner dans des positions défensives. Vous avez même dit dans vos notes d'introduction qu'une position défensive dans ce domaine-là ne pouvait qu'amener des reculs. Vous avez suggéré au gouvernement du Québec - je pense que c'était le sens, vous me corrigerez si ce n'était pas le sens de votre intervention -d'établir très clairement ses positions, de remettre de l'avant des revendications positives, dites-vous, à la page 32, entre autres, au titre du pouvoir d'amender la constitution interne du Québec, au titre d'une question qui vous intéresse au premier chef, l'article 93, enfin tout le problème de la restructuration scolaire qui est restée en plan sans doute en raison des dispositions constitutionnelles, au titre de l'article 133, au titre du droit de la famille, au titre des télécommunications, au titre de la sécurité sociale, au titre de l'agriculture, au titre de la main-d'oeuvre, au titre de l'immigration.

Est-ce qu'au fond - je ne sais pas si j'interprète cela mal - ce que vous reprochez à l'attitude du gouvernement du Québec actuellement, c'est de ne pas avoir mis de l'avant un programme quelconque de révision constitutionnelle, qui n'aurait peut-être pas rencontré l'idée que vous vous faites de cela, pour avoir au moins un document positif qui établirait les positions du gouvernement du Québec? Depuis la reprise des négociations, comme vous le savez, il n'y a rien eu, sauf qu'on s'est collé aux priorités qui avaient été définies par le gouvernement fédéral en répondant, en faisant quelques petits papiers sommaires reprenant les positions traditionnelles du Québec, mais sans aucune nouvelle dynamique. Est-ce le sens des paqes 32 et 33 que vous avez écrites et que vous avez lues devant cette commission?

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Gaulin.

M. Gaulin: Vous abordez une question très intéressante qui est une partie importante de notre mémoire et qui est livrée à titre de suggestion. On est très critique par rapport à la stratégie actuelle du Québec dans la lutte constitutionnelle. La première critique qu'on peut faire, c'est de vouloir garder ce débat constitutionnel à un niveau de spécialistes ou à un cercle assez restreint en disant: La question constitutionnelle, c'est une question qui n'intéresse que les politiques ou que les politiciens. Je crois qu'il y a une préoccupation chez nous d'élargir et de dire qu'une constitution, c'est une propriété collective. Ce n'est pas le fait d'un gouvernement qui siège à un moment donné, mais c'est une propriété que le peuple devrait se réapproprier.

Il serait important, en ce moment d'incertitude ou d'interprétations de toute nature des résultats de l'épisode référendaire, d'aller vérifier et de remettre en débat, dans des instances larges, dans des activités qu'on pourrait programmer dans tout le Québec, les revendications du Québec, de faire des propositions, de dire: Chez nous, qu'est-ce qu'on veut comme Québec? Quels sont nos besoins? Quels sont nos objectifs? Quelle constitution voudrait-on d'abord comme Québécois? Est-ce possible, comme

Québécois, dans le cadre actuel, de se donner une constitution? Il y a un certain nombre de lois qui ont été adoptées et qui ont - je ne suis pas un juriste, un spécialiste de ces questions - un caractère prioritaire par rapport à d'autres lois. Y aurait-il moyen de réunir tout cela?

On en a parlé et on a revendiqué une charte des droits collectifs des travailleurs. C'est une pièce qui manque actuellement dans la législation guébécoise. La Charte des droits et libertés a besoin d'être réajustée et d'être amplifiée. Il y a la législation qui concerne toute la structure politique du Québec qui est notre propriété et qui pourrait être ajustée. Il y a ces revendications que vous retrouvez aux pages 32 et 33 qui pourraient faire partie d'un ensemble.

Nous critiquons également un peu la stratégie du Québec de vouloir faire front commun avec quelques provinces, de s'associer à ce niveau et d'établir à ce niveau une espèce de revendication minimum ou de revendication commune. Il ne faudrait pas que ce soit le seul aspect. On ne dit pas que, stratégiquement, ce n'est pas un élément et une pièce d'une stratégie comme aller faire des parades dans d'autres pays. On ne conteste pas que ce soit une pièce de stratégie, mais ce qu'on conteste, ce qu'on critique, c'est de vouloir mettre tous les oeufs dans ce panier et de vouloir résoudre le problème du Québec par ce biais. Nous disons que l'attaque du fédéral est systématique; elle n'est pas appuyée seulement sur des considérations culturelles. Ce n'est pas seulement le fait d'un homme qui veut passer à la postérité, qui veut livrer son testament; c'est le fait de pressions d'un pouvoir économique qui est là, qui est présent. C'est le fait d'une restructuration

d'un capital canadien qui est nécessaire pour assurer le développement et le maintien des taux de profit. Devant cette attaque systématique appuyée par le gouvernement Trudeau et par le gouvernement de l'Ontario - c'est drôle que ce front commun soit si fort - face a tout cela, il ne s'agit pas seulement de mener une action réduite, une action limitée, une action défensive, mais de faire appel à la mobilisation populaire.

Chaque fois que le Québec a eu un coup dur, on s'en est sorti par un appel à l'ensemble des forces du Québec. Quand on regarde l'histoire, ce n'est pas la première fois qu'on a des problèmes constitutionnels. Ce n'est pas la première fois que le fédéral accroche un petit bout ou qu'on en perd un petit bout, mais, chaque fois qu'il a été temps d'organiser la résistance, cela a été par l'élargissement et c'est dans ce sens-là que nous agissons. Là, on pourrait, bien sûr, reprocher à la CEQ de ne pas s'associer à ce grand cartel, à ce grand corps, mais ce que nous recherchons comme organisation, c'est de créer à côté d'autres groupements un rassemblement, un regroupement des forces syndicales et progressistes de manière à véhiculer ce point de vue et à faire pression sur le gouvernement du Québec dans ce sens ou dans le sens d'autres propositions qui seraient équivalentes.

M. Rivest: En somme - si on me permet un dernier commentaire - M. Gaulin, vous ne critiquez pas, vous ne déplorez pas les actions qui ont été menées par le gouvernement du Québec au titre des négociations sur le calendrier qui a été établi par le gouvernement fédéral, non plus que les actions qui ont été menées au titre des pétitions ou même cette commission, toutes ces actions-là, mais cela vous apparaît, étant donné l'importance des enjeux, insuffisant. Vous auriez aimé que le gouvernement du Québec établisse clairement, sur tous les éléments qu'on retrouve aux pages 30 et suivantes que vous avez brièvement résumées dans votre dernière intervention, un document d'appui et que le Québec prenne, dans un certain sens, l'initiative.

M. Morin (Louis-Hébert): On l'a déjà fait.

M. Rivest: Non, parce que sur l'article 93, VI. le ministre, je m'excuse, vous avez complètement ignoré ce problème au cours des derniers mois, alors que c'est un sujet majeur; même chose sur les autres éléments qui sont mentionnés au titre de la sécurité sociale, de l'agriculture, de la main-d'oeuvre et de l'immigration. Je ne veux pas défendre le gouvernement, mais plusieurs de ces éléments se retrouvent dans le programme électoral du Parti québécois. À cause de l'option souverainiste du Parti québécois, en fait, ils ont dit, au moment où on leur a posé la question, qu'ils ne l'avaient pas fait parce qu'ils se contentaient simplement de défendre les droits du Québec et que toutes ces questions - celles-là mêmes que vous mentionnez au titre de ce qu'on appelle la constitution interne du Québec: l'organisation de nos pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, les droits de la personne, les droits des travailleurs, le Code du travail, ces éléments sont contenus dans le programme du Parti québécois - ils ne les avaient pas projetées à l'échelle canadienne dans une perspective de renouvellement du fédéralisme parce que leur objectif fondamental était celui de la souveraineté et que, une fois la souveraineté-association acquise, ces choses nous seraient données par surcroît et que toutes devaient arriver.

C'est dans ce sens que votre critique de la stratégie adoptée par le Parti guébécois paraît tourner peut-être un peu court.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Gaulin.

M. Gaulin: Je ne veux pas faire d'arbitrage, vous réglerez vos problèmes entre vous. Cependant, pour compléter mon exposé, je crois que la question du droit du Québec à l'autodétermination pourrait être ramenée en Chambre et qu'elle pourrait faire l'unanimité de l'ensemble des partis. Je crois que c'est un droit fondamental reconnu à tous les peuples, qu'on reconnaît à travers le monde à peu près à tous les peuples constitués qui veulent se libérer et se développer par eux-mêmes. Le projet fédéral, c'est une attaque importante contre le droit du Québec à l'autodétermination; c'est un refus de reconnaître le Québec, c'est un refus de reconnaître le peuple du Québec, c'est un refus de reconnaître par conséquent le droit à l'autodétermination.

Là-dessus, il y a peut-être un petit pas qu'on pourrait faire rapidement sans entreprendre une réforme législative importante. Cela pourrait certainement être fait et on pourrait vérifier auprès des Québécois s'il y a une adhésion très large à cette question du droit à l'autodétermination. Dans notre centrale, on a eu des problèmes à débattre de la question nationale, mais, depuis dix ans, on n'a jamais eu de problèmes à faire reconnaître par nos congrès, partout où on a mis cela en débat, la question du droit du Québec à l'autodétermination. Il me semble que c'est un droit reconnu assez largement, partagé largement par l'ensemble des Québécois et que ce pas, en Chambre, on pourrait le franchir assez rapidement.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le

député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, Mme la Présidente. De voir devant moi, chaque fois que je suis en commission parlementaire, des gens de la CEQ, ça me rappelle toujours des souvenirs puisque j'ai été membre de la CEQ et que je vais sans doute, un jour, y retourner lorsque la politique me laissera tomber.

J'ai regardé avec beaucoup d'attention le mémoire que vous présentez ici aujourd'hui. Je le trouve dense, intéressant, et il pourrait nous amener à échanger des propos durant de longues heures, ce qu'on ne pourra pas faire aujourd'hui, malheureusement. Je voudrais faire remarquer plus particulièrement, dans votre mémoire, un chapitre qui s'intitule Une constitution pour le peuple, qui m'apparaît être passablement novateur par rapport à ce que les autres intervenants sont venus nous dire, ici, à la commission. Vous proposez d'impliquer le peuple québécois pour codifier et moderniser la constitution québécoise dans le cadre de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. C'est un élément qu'on ne nous a pas fait remarquer jusqu'à maintenant et cela m'apparaît être une chose sur laquelle il vaudrait peut-être la peine qu'on se penche assez sérieusement.

Ce que je voudrais davantage faire ressortir - et ça va faire l'objet d'une question - c'est que, dans votre mémoire, on sent bien que vous êtes contre l'inclusion d'une charte des droits de la personne à l'intérieur de la constitution canadienne. Vous faites même sentir que les droits fondamentaux reconnus par la charte québécoise sont plus fondamentaux que ceux qu'on voudrait inclure dans la constitution canadienne. J'aimerais que vous élaboriez là-dessus; je pense que ça pourrait être intéressant.

La Présidente (Mme Cuerrier): M.

Gaulin.

M. Gaulin: Sur l'élément Une constitution pour le peuple, je rappelle que c'est à titre de suggestion, ce n'est pas une politique, une revendication de la CEQ. À ce moment-ci, c'est une proposition qui est en débat dans nos instances et comités, qu'on pourra formaliser plus tard, mais ça nous apparaissait un élément à mettre dans le débat actuel et un élément qui, en effet, a peu ressorti. C'est une suggestion qui permettrait de positiver et d'élargir l'action du Québec.

Pour ce qui est de la charte des droits de la personne, ce que nous contestons essentiellement, c'est le fait d'inclure dans la constitution canadienne une charte des droits. À ce niveau-là, cela a pour effet d'empêcher le Québec d'exercer son pouvoir législatif, et cela a pour effet de soumettre les lois du Québec au pouvoir judiciaire du fédéral. Cela veut dire que, chaque fois qu'on aura une loi ici et chaque fois que quelqu'un ne sera pas content de la loi ou chaque fois que quelqu'un voudra faire régler un problème ailleurs, on prendra prétexte d'une inconstitutionnalité de telle loi du Québec et on s'en ira parader d'une cour à l'autre, jusqu'à la Cour suprême où ça prend sept ou huit ans. Pendant ce temps-là, des travailleurs, des citoyens sont lésés parce qu'on les place devant une situation impossible. Également, je crois que, en vertu de l'autonomie du Québec sur un certain nombre de questions, il appartient au Québec de léqiférer et de trancher dans ses tribunaux, si besoin est, ou de modifier lui-même sa législation et non pas de se soumettre à toute cette procédure. C'est donc essentiellement un des éléments importants. Voilà un encadrement anormal de la capacité du Québec de légiférer dans son champ propre.

Pour ce qui est de la charte des droits de la personne, je n'ai pas tous les détails ici, mais l'analyse que nous avons faite nous a permis de voir que la charte québécoise actuelle était plus avantageuse que le projet qui est en train de se discuter au niveau du fédéral, particulièrement tout ce qui regarde les dispositions concernant la discrimination ou la lutte contre la discrimination et les moyens de se protéger contre la discrimination. Il nous est apparu que la charte du Québec était beaucoup plus précise et beaucoup plus claire dans ses énoncés. De ce côté-là, ça nous apparaît plus important, pour une communauté, un peuple comme le Québec, de légiférer lui-même et de développer lui-même la charte des principaux droits qu'il veut donner à sa communauté.

M. Dussault: En terminant, Mme la Présidente, - ce ne sera qu'une seule remarque, d'ailleurs - comme ex-membre de la CEQ, je me permets de regretter puisque vous êtes là, je peux vous le dire publiquement - que la CEQ n'ait pas embarqué dans le mouvement de signature de pétitions. Fondamentalement, il me semble quand même que la CEQ n'accepte pas ce qui se passe à Ottawa, du côté de ce rapatriement unilatéral. J'aimerais comprendre pourquoi la CEQ n'a pas vraiment marché avec les autres travailleurs pour faire signer la pétition contre le rapatriement unilatéral.

M. Gaulin: Si vous permettez, là-dessus, nous n'avons pas marché avec la FTQ, mais nous avons marché avec les travailleurs, avec le Mouvement Québec français où se retrouvent plusieurs groupes de travailleurs. Nous avons effectivement fait signer la pétition dans les rangs de la CEQ, sur papier à en-tête de la CEQ. La pétition, qui était

celle du Mouvement Québec français, rejoint celle des autres. Nous sommes en train de compiler et de ramasser ensemble des feuilles qui circulent dans tous nos syndicats, et nous serons à même de déposer un certain nombre de signatures à cette pétition. Nous nous sommes donc joints au Mouvement Québec français plutôt qu'à l'autre groupe dans cette campagne de signature de pétitions.

M. Dussault: Je vous remercie.

La Présidente (Mme Cuerrier): II ne me reste plus qu'à remercier la Centrale de l'enseignement du Québec d'avoir bien voulu nous présenter un mémoire et d'avoir bien voulu discuter avec les membres et intervenants de la commission de la présidence du conseil et de la constitution. Merci à M. le président, Robert Gaulin; merci à M. Agnaieff et à M. Beaulne.

M. Gaulin: C'est nous qui vous remercions de votre attention.

La Présidente (Mme Cuerrier): J'appellerai maintenant M. Jacques Cameron, qui a décidé de proposer un mémoire à titre personnel. M. Jacques Cameron, vous avez la parole. Vous connaissez, sans doute, les règles qui nous régissent ici.

M. Jacques Cameron M. Cameron (Jacques): Oui.

La Présidente (Mme Cuerrier): Vous disposez d'une vingtaine de minutes d'abord.

M. Cameron: D'abord, je serai bref et j'accepterai, étant donné l'heure, que la période des questions soit courte aussi. Je veux dire avant tout que, quand je vois la démocratie se rétrécir dans le monde comme une peau de chagrin, j'apprécie de pouvoir, en tant que simple citoyen, venir m'adresser à cette commission.

Si la tentative québécoise d'en arriver à un consensus parlementaire d'opposition au projet fédéral de rapatriement unilatéral a échoué, c'est parce que le coup d'Ottawa portait d'une façon soudaine au coeur même de notre seule véritable faiblesse, cette douloureuse scission de notre société en deux rêves opposés, cette guerre civile tranquille, mais cruelle qui rougeoie sous les cendres, cette guerre tranquille qui oppose fils contre père, fille contre mère, amitié contre amitié, cette guerre sourde qui pourrit l'âme collective et ferme les portes de notre avenir au seuil de l'intolérance.

Minoritaires, il nous fut parfois bien pénible de vivre avec les Anglais de ce pays, mais comment accepter qu'il devienne encore plus difficile de vivre entre nous? Il faudrait peut-être commencer à unir ce qui est semblable avant de vouloir unir le dissemblable; s'entendre ici chez nous d'un coeur à l'autre, avant d'espérer rebâtir ici ou d'une mer à l'autre. Voilà le vrai sens du patriotisme: la fidélité non pas à un drapeau, mais à ses semblables, la fidélité non pas à un territoire, mais à une présence.

Tous les partis politiques actuels sont alimentés d'une même énergie vitale: l'énergie d'un peuple vigoureux en pleine éclosion, un peuple qui a survécu courageusement, qui renaît avec force et qui vivra un destin heureux s'il n'échoue aujourd'hui sur les récifs de l'impatience. Alors, au lieu de se battre entre nous pour prendre la direction du navire, au grand risque de le couler, si on se fouillait le coeur pour trouver un restant de chaleur fraternelle? Peut-être y a-t-il au fond de nous une vision plus grande que tous nos rêves séparés? Moi, je veux bien quitter le lit de mes préférences et de mes préjugés pour considérer avec respect les choix qui s'opposent au mien.

Je suis Québécois, mais si seulement ceux qui se disent aussi Canadiens voulaient être, mais vraiment être, Canadiens, si seulement ils acceptaient non pas de rapatrier un simple document de procédure, mais d'abolir le véritable symbole colonial: la couronne d'Angleterre! Ah, si seulement ceux qui se disent Canadiens abandonnaient la citoyenneté britannique pour vivre pleinement leur citoyenneté canadienne! Alors, je pourrais plus facilement reprendre ce nom qui, autrefois, désignait exclusivement et amoureusement mes ancêtres.

Vous me direz que ce serait facile de s'entendre entre nous là-dessus, mais que les anglophones, eux, ne voudront jamais renier ce symbole de leur identité. Mais si, nous, on s'entend, qu'on aille ensemble et fort leur demander non pas de renier, mais de rapatrier la couronne britannique au niveau des provinces. Que celles qui désirent garder fidélité à ce monarque le fassent, mais qu'elles jurent avant tout fidélité au Canada et que le Canada ne jure fidélité qu'à lui-même, fidélité à ce contrat de souverainetés partagées par les provinces.

J'irai plus loin. J'ai dans ma poche de rêves un double passeport, une ouverture de plus sur le monde. Qu'on crée des États libres ayant droit à l'autodétermination et ayant juridiction internationale dans les domaines de leur souveraineté; des indépendances, mais sans frontières, une citoyenneté d'une mer à l'autre, mais des responsabilités et des droits particuliers à la province qu'on choisit d'habiter. Qu'on crée un gouvernement central qui gère les souverainetés mises en commun, qui seul représente l'ensemble et qui seul siège à l'assemblée des Nations Unies; ni l'indépendance totale, ni le centralisme, mais

le juste milieu; non pas le Québec d'un côté, le Canada anglais de l'autre, mais dix États souverainement unis dans l'interdépendance; tous citoyens d'un État, citoyens d'un pays et, par les deux, citoyens du monde.

J'irai encore plus loin. Pourquoi ne pas accorder aux Amérindiens le statut d'État-réserve et juridiction internationale dans les domaines de leur souveraineté? Pourquoi ne pas enterrer une fois pour toutes cette hache de guerre qu'on a brisée sur leurs reins et leur faire goûter à cette liberté qu'on dit le flambeau de notre civilisation? Oui, se tenir enfin tous debout et rompre avec un passé lourd de conquêtes, de dominations et d'amertume.

Maintenant la langue. C'est notre langue qui est la principale cause du malaise canadien, mais c'est par elle que le Canada se distingue de son puissant voisin, c'est par elle que le Canada est autre chose qu'un immense dortoir au nord des États-Unis. On lui doit respect. Or, la plus grande faute du projet fédéral de rapatriement, c'est de ne pas imposer équitablement à l'Ontario les contraintes linguistiques qu'on impose au Québec ou, beaucoup mieux, c'est de ne pas libérer le Québec de ces contraintes constitutionnelles qui n'ont jamais sévi en Ontario.

Cela dépasse l'entendement. Quel que soit notre choix politique, même dans l'optique d'un Canada centralisateur, c'est carrément injustifiable. C'est précisément ce qui arrive lorsqu'on cesse de respecter démocratiquement ses adversaires, lorsqu'on méprise les compromis honorables et qu'on louvoie de manigances en manigances pour accoucher de sa "bébelle". Une langue, c'est comme le bébé du roi Salomon; cela ne se coupe pas en deux, cela ne se vit pas à moitié. C'est un bien, un phénomène entier qui appartient à ceux qui s'en habillent le corps intérieur. Alors, qu'on laisse aux provinces le loisir de s'entendre dignement entre elles pour donner justice aux minorités et qu'on laisse au fédéral le bilinguisme officiel dans le domaine de sa compétence. Le coup d'État centralisateur, sous le couvert d'un rapatriement, que tente Ottawa n'a pas plus de soutien dans la population que l'indépendance du Québec pure et simple. Notre rêve collectif se berce et se cherche un visage au centre de ces contradictions, quelque part entre la souveraineté-association et le fédéralisme renouvelé, quelque part entre les options actuelles des partis politiques ici présents, à l'Assemblée. Alors, qu'on sorte l'enjeu national de la lutte pour le pouvoir, qu'on crée une constituante, qu'on trouve une vérité ouverte sur nous tous et qu'on aille bercer l'oreille des autres provinces, en passant par l'Alberta qui nous comprend maintenant si bien. Et qu'ensuite on rejoigne l'opinion publique canadienne qui se chargera bien, elle, de mettre au pouvoir le parti fédéral qui s'engagera dans cette direction.

Nous vivons une angoisse économique, l'éclatement possible d'un pays, mais, surtout, nous vivons une tension internationale allucinante. Or, nos problèmes sont moins aigus et nos crocs sont actuellement moins acérés qu'en maints endroits de la planète. Ainsi, nous n'avons pas d'excuse pour faillir à la tâche, nous n'avons pas d'excuse pour refuser de dessiner sur la carte du monde une nouvelle citoyenneté d'hommes libres, entre le particulier et l'universel, une nouvelle citoyenneté d'hommes libres à la fois protégés dans leurs droits et généreux dans leurs partages. Merci.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre des Affaires intergouvernementales.

M. Morin (Louis-Hébert): Merci. M. Cameron, parce que vous êtes un citoyen qui venez ici à titre individuel, je pense que tout le monde ici sera d'accord pour vous féliciter de l'initiative que vous avez prise et pour reconnaître que vous avez, par votre témoignage, soumis une opinion librement qui donne un éclairage nouveau à certains égards sur le problème qui nous préoccupe.

Je ne veux pas relever tout ce que vous avez dit. Il y a un sujet sur lequel j'aimerais avoir une précision parce qu'on entend souvent cette suggestion qui est faite. Elle est à la page 4 de votre texte et je la lis. Je voudrais bien comprendre et j'aimerais que vous me précisiez davantage ce que vous signifiez par les mots suivants: "Qu'on sorte l'enjeu national de la lutte pour le pouvoir, qu'on crée une constituante." "Qu'on sorte l'enjeu national de la lutte pour le pouvoir". Voulez-vous dire que la question nationale, donc, la question constitutionnelle, la question politique ou la question du statut du Québec ou du statut des provinces, ce genre de question devrait être extrait, en quelque sorte, de la préoccupation des partis politiques et être confié à d'autres? Vous dites oui. Ne trouvez-vous pas que ce genre de souhait est assez peu réaliste? Ce qu'il y a de plus politique dans la vie des partis politiques, en tout cas ici, c'est justement cette question dite nationale. C'est vrai ici, au Québec, et c'est rendu vrai aussi dans d'autres provinces, c'est vrai au gouvernement fédéral. Pensez-vous réaliste de croire que les partis politiques à Québec, à Ottawa ou Dieu sait où vont, à un moment donné, ensemble dire: Dépolitisons la question nationale, nous nous occuperons d'autres choses et laissons à d'autres personnes - je ne sais pas lesquelles, vous allez me le dire le soin de résoudre cette question nationale?

Deux questions. Premièrement, croyez-vous vraiment qu'on devrait extraire les

partis politiques de ce sujet? Comme je présume que vous allez répondre oui à la première question - vous l'avez déjà fait -deuxièmement - et c'est peut-être davantaqe mon interrogation - qui va s'en occuper?

M. Cameron: Bon, d'accord.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Cameron.

M. Cameron: C'est vrai que c'est assez utopique, mais quand je dis de sortir l'enjeu national de la lutte pour le pouvoir, je ne dis pas d'exclure les partis politiques. Je dis: Qu'ils se rencontrent sur un autre terrain que sur le terrain électoral sur cette question-là. Une constituante pourrait être formée des partis politiques autant que des autres représentants de la population. J'admets que c'est assez utopique, mais...

M. Morin (Louis-Hébert): Je vais poser ma question autrement. Prenons un autre problème qui préoccupe les gens, celui du chômage ou celui de l'inflation. Prenons celui du chômage. Souvent, j'entendais, à l'époque où j'étais fonctionnaire, des gens qui nous disaient: Si, au moins, on pouvait dépolitiser cette question. En fait, c'est un sujet dont s'occupent les partis politiques. Les uns disent: II y a du chômage, il faut remplacer ce gouvernement parce qu'il y en a. D'autres disent: II y a de l'inflation, il faut remplacer le gouvernement parce que l'inflation existe. D'autres disent: Notre solution pour régler le problème du chômage est meilleure que celle des gens qui voudraient nous remplacer; donc, gardez-nous. En d'autres termes, cela me semble - à mon avis en tout cas, d'autres peuvent avoir des opinions différentes - assez illusoire de le croire, car pas plus que vous pouvez sortir le chômage de l'aire d'intérêt des partis politiques, pas plus vous ne pourrez y arriver avec la question nationale.

M. Cameron: Je ne parle pas de la sortir de l'aire d'intérêt; je parle de la sortir du côté électoral.

M. Morin (Louis-Hébert): Oui, je m'excuse de revenir à cela, mais un parti politique a comme objectif - je sais que le député de Jean-Talon n'est pas de cet avis -de se faire élire. (19 heures)

M. Rivest: Je ne suis pas masochiste!

M. Cameron: II y a tellement d'autres sujets, de toute façon; il y a tellement d'autres questions pour l'élection que, même si les libéraux remportaient la prochaine élection, il n'y a rien qui nous dit qu'ils la remporteraient pour leurs positions constitutionnelles; ça pourrait être pour leurs positions sociales.

M. Morin (Louis-Hébert): Non, ça ne sera certainement pas là-dessus.

Mme Chaput-Rolland: Ne dites pas: "Fontaine, je ne boirai pas de ton eau!"

M. Morin (Louis-Hébert): Non, mais je pose la question sincèrement, parce que de temps en temps il m'arrive - ça doit arriver à d'autres aussi - de voir des gens qui, comme vous le faites aujourd'hui - je pense que ça provient d'un souci valable - disent qu'ils aimeraient que les partis politiques soient moins intensément mêlés à ces questions qui, à cause du fait qu'il y a des partis politiques, prennent des tangentes qui s'éloignent du véritable fond des sujets. Vous savez, des partis politiques, c'est en lutte les uns avec les autres et, moi même, je l'ai déploré à maintes reprises. Mais que voulez-vous, les partis politiques, ça existe et c'est un peu comme la neige en hiver; il n'y a pas moyen de faire autrement que d'en tenir compte.

Tout ce que je voulais dire, c'est que je comprends votre motivation, mais je ne pense pas qu'on puisse espérer que les partis politiques vont décider, d'un commun accord, d'évacuer cette question d'une façon aussi substantielle que celle que vous suggérez. Si c'était possible, ce serait déjà arrivé.

M. Cameron: D'accord, mais là, on est menacé, tout le monde est menacé.

M. Morin (Louis-Hébert): Bon, si vous voulez dire qu'il faudrait que les partis politiques fassent l'unanimité sur certaines questions fondamentales, là, vous avez raison, on a essayé ça.

M. Cameron: Mais j'irai plus loin dans le sens que, comme le disait le général américain MacArthur: La défensive à long terme, c'est la défaite. Si on peut dégager un consensus d'opposition, peut-être peut-on dégager aussi un consensus positif et, plutôt que de toujours être sur la défensive, prendre l'offensive.

M. Morin (Louis-Hébert): Très bien. Là, je suis d'accord avec vous et je pense que je comprends mieux la portée de la remarque que vous avez faite dans votre texte. Merci.

La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la députée de Prévost.

Mme Chaput-Rolland: Juste un commentaire, monsieur, pour vous dire que moi aussi, je vous remercie d'être venu. Je sais combien ce n'est pas facile de venir dans des commissions comme la nôtre ou comme dans d'autres, à titre personnel, et

de faire un commentaire qui, en somme, rejoint beaucoup des idées que j'ai déjà exprimées. On me les reproche très souvent; vous, on vous en complimente, et moi aussi.

Je trouve que ça finit d'une façon très belle ces débats d'aujourd'hui, quand vous nous demandez, dans la première page, de finir avec "cette guerre sourde qui pourrit l'âme collective et ferme les portes de notre avenir au seuil de l'intolérance." Je pense qu'il faudrait qu'on retienne cela, nous, les politiciens, parce que c'est un fait que nous sommes aux portes de l'intolérance et nous en avons eu la démonstration pendant ces deux jours.

Tout ce que je veux dire, c'est que je pense qu'il doit y avoir un moyen de nous diviser sans ouvrir la porte de l'intolérance, et je voudrais tout simplement vous dire tout doucement: Merci de l'avoir dit si bien.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, Mme la Présidente. M. Cameron, votre mémoire propose une vision d'un Canada de l'avenir dans lequel les provinces auraient une mesure beaucoup plus large de souveraineté et d'autonomie qu'il n'en existe à l'heure actuelle. Mais il me semble qu'il y a là une difficulté insurmontable qui vient de ce que cette idée, les États-provinces libres, met les dix provinces sur le même pied. Il me semble que ça a toujours été une difficulté insurmontable.

Le Parti libéral du Québec ou, en tout cas, le principal auteur du livre beige, le député d'Argenteuil, chef de l'Opposition officielle, a eu tendance à mettre l'accent sur la création de régions au Canada: les quatres provinces atlantiques; les trois provinces des Prairies, qui seraient groupées, etc. C'est bien beau, ça, pour des Québécois de chercher à s'imaginer ce que les provinces de l'Atlantique et ce que les trois provinces des Prairies devraient faire, mais il me semble qu'il appartient à ces provinces de le décider et que c'est un peu perdre son temps, ici, au Québec, que de dire: Les trois provinces des Prairies devraient se grouper en une seule région-province. Cela ne marche pas et, d'après ce qu'on peut observer, l'idée, par exemple, d'une fusion soit des trois provinces maritimes ou soit des quatre provinces de l'Atlantique, au cours des 20 dernières années, a reculé plutôt que d'avancer. Il a été question, il y a quelques années, d'une espèce de regroupement des provinces maritimes ou de l'Atlantique et cette idée a perdu beaucoup de terrain. Il en est de moins en moins question. Si on observe ce qui s'est passé l'été dernier dans les discussions constitutionnelles, on se rend compte qu'un certain nombre de provinces accepteraient un régime fédéral amélioré légèrement dans le sens des prérogatives provinciales exempt des effets du coup de force actuel, bien sûr, au moins pour la plupart d'entre elles, et rejeteraient tout aussi bien l'idée de se fusionner à d'autres que l'idée de devenir des États-provinces libres. Tout ceci pour dire qu'il me semble que nous, Québécois, sans oublier que nous avons des partenaires avec qui il faudra s'entendre, notre premier devoir est de définir ce qui paraît nécessaire pour le Québec, de proposer des options pour le Québec, quitte à laisser la population des autres provinces faire la même chose pour elles.

M. Cameron: Écoutez, je ne suis pas juriste, mais des fois le profane a des trouvailles par le simple fait qu'il n'est pas dans le bain. Il me semble que, quand on me dit, dans le Statut de Westminster de 1931 et dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, que les provinces sont souveraines dans certains domaines, soit qu'on joue avec les mots ou qu'on ne prenne pas vraiment ce qui nous appartient. Pour moi, la souveraineté signifie juridiction internationale. S'il n'y a pas juridiction internationale dans un domaine, il n'y a pas de souveraineté. Soit qu'on n'est pas souverain ou qu'on n'exerce pas notre souveraineté.

M. de Bellefeuille: Très brièvement, M. Cameron, c'est un point très intéressant que vous mentionnez là pour ce qui est du domaine international. Le gouvernement actuel du Québec, comme jusqu'à un certain point les gouvernements qui l'ont précédé, revendique pour le Québec des compétences internationales à deux titres: d'abord, les domaines de compétence provinciale selon la constitution actuelle; deuxièmement, comme porte-parole de l'un des deux partenaires majeurs de la Confédération, d'un des deux membres de la dualité canadienne fondamentale, comme foyer national des francophones du Canada. A ces deux titres, nous revendiquons des responsabilités, des compétences internationales et nous n'avons aucunement l'intention de lâcher prise là-dessus, même si Ottawa, au cours des dernières années, a multiplié les obstacles. Là-dessus, nous sommes d'accord quant au principe que les provinces doivent pouvoir agir dans le domaine international; dans le cas du Québec, pour les deux raisons que j'ai mentionnées. Il est bien sûr qu'un de aspects du coup de force des libéraux d'Ottawa serait de compromettre cette action internationale du Québec plus encore qu'elle n'est déjà compromise. Je vous remercie, M. Cameron.

M. Cameron: Oui, vous le revendiquez, mais est-ce que, dans le fond, elle ne vous

appartient pas déjà, cette souveraineté?

M. de Bellefeuille: Oui, nous l'exerçons dans toute la mesure du possible, je vous l'assure.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, Mme la Présidente. J'en ai pour très peu de temps. Je pense que la participation de M. Cameron a été intéressante et qu'il faut des gens pour faire valoir des utopies, ne serait-ce que pour s'assurer que toutes les idées sont dans l'air, parce qu'on sait que c'est à travers toutes les idées qu'on peut faire des choix. Je pense que c'est dans la jeunesse et, même si je ne me considère pas comme très vieux, je pense qu'à l'âge de M. Cameron, j'ai eu aussi mes utopies.

M. Cameron: Je suis peut-être plus vieux que vous.

M. Dussault: Malheureusement, le temps a fait en sorte que je les perde. Peut-être que d'autres pourront les reprendre. J'aimerais savoir pour ma curiosité^ si ce n'est pas indiscret, M. Cameron, comment vous gagnez votre vie.

M. Cameron: Je suis traducteur pigiste et chansonnier.

M. Dussault: Traducteur...

M. Cameron: Pigiste et chansonnier.

M. Dussault: Merci.

Mme LeBlanc-Bantey: C'est pour ça qu'il est poète.

La Présidente (Mme Cuerrier): Merci, M. Cameron, au nom de la commission parlementaire de la présidence du conseil et de la constitution, d'avoir bien voulu participer à nos travaux.

M. Cameron: Merci.

La Présidente (Mme Cuerrier): Nous avons épuisé l'ordre du jour. Avant d'ajourner cette commission, je rappellerai que nous avons un avis demandant à la commission de siéger mercredi prochain, le 11 février, à 10 heures. On me dit qu'ils sont très nombreux les groupes qui ont demandé à être entendus mercredi prochain. Parmi les groupes que le leader du gouvernement a retenus pour mercredi prochain, ont été invités le Conseil de la langue française; le Positive Action; le Regroupement pour les droits politiques du Québec; la Ligue d'action nationale; la CSN; la Société Makivik.

M. Rivest: Mme la Présidente... La Présidente (Mme Cuerrier): Oui.

M. Rivest: ... j'aurais une question d'information. On a reçu cet avis hier, je crois. Il avait été convenu au départ que cette commission-ci ne siégerait que trois jours. Je ne veux pas empêcher les autres groupes de se présenter, mais à un moment donné il faudra qu'il y ait une certaine limite. Je voudrais demander à la présidence si elle a vérifié le caractère réglementaire des personnes ou des groupes qui veulent être entendus. Est-ce qu'une date limite est fixée, date que les groupes ou les personnes qui veulent se faire entendre devant cette commission devront respecter? On ne peut pas continuer indéfiniment. Je ne sais pas si la présidence s'est informée s'il y en avait une au moment de la convocation par l'Assemblée nationale de cette commission. Il me semble qu'il faudrait peut-être vérifier la régularité. Je n'ai pas d'objection à la séance de mercredi, mais vous venez de dire qu'il y a plusieurs autres groupes. Je voudrais bien que nous puissions ensemble convenir d'une certaine organisation du travail parce qu'on ne peut pas prolonger indéfiniment. Surtout que, dans l'ensemble, beaucoup de mémoires ont dit qu'ils étaient contre le rapatriement unilatéral. Les mémoires sont assez répétitifs, vous savez.

M. de Bellefeuille: Nous sommes curieux, nous attendons celui qui dira qu'il est pour.

M. Rivest: S'il y en a un, il faudrait peut-être faire un appel à tous.

M. de Bellefeuille: Un appel à la population.

La Présidente (Mme Cuerrier): Nous vérifierons, bien sûr...

M. Rivest: II sera très bien accueilli, qu'il ne craigne rien.

La Présidente (Mme Cuerrier): Nous vérifierons très certainement. Ce n'est pas mon rôle actuellement. Nous vérifierons aussi quel était le libellé de l'invitation dans la Gazette officielle du Québec. Sur ce, la commission de la présidence du conseil, ayant terminé ses travaux pour aujourd'hui, les ajourne à mercredi, le 11 février, à 10 heures.

(Fin de la séance à 19 h 14)

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