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Version finale

31e législature, 6e session
(5 novembre 1980 au 12 mars 1981)

Le mercredi 11 février 1981 - Vol. 23 N° 46

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes ou organismes relativement au projet de résolution du gouvernement fédéral concernant la constitution canadienne


Journal des débats

 

(Dix heures dix-sept minutes)

La Présidente (Mme Cuerrier): La commission de la présidence du conseil et de la constitution se réunit ce matin. Son mandat est le même, c'est-à-dire entendre les groupes et les personnes qui ont demandé à être entendus concernant le projet fédéral de rapatriement de la constitution.

Les membres de la commission, pour aujourd'hui, sont: M. Bertrand (Vanier), M. Charbonneau (Verchères) remplacé par M. O'Neill (Chauveau), M. Dusssault (Châteauguay), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Le Moignah (Gaspé), M. Levesque (Bonaventure) remplacé par M. Rivest (Jean-Talon), M. Morin (Louis-Hébert), M. Paquette (Rosemont) remplacé par M. De Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Ryan (Argenteuil) remplacé par M. Forget (Saint-Laurent).

Les intervenants de cette commission sont: M. Biron (Lotbinière), M. Fallu (Terrrebonne) remplacé par M. Charbonneau (Verchères), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Forget (Saint-Laurent) remplacé par M. Marx (D'arcy McGee), M. Guay (Taschereau), Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine) remplacée par M. Paquette (Rosemont) et M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).

Oui, M. le député.

M. Goulet: Si vous permettez, Mme la Présidente, j'aimerais demander le consentement des membres de la Commission pour remplacer M. Le Moignan, de façon que dès son arrivée à Québec, il puisse reprendre son siège. Vous savez sans doute que la température hivernale et printanière en même temps ne facilite pas le transport entre Québec et la belle mais lointaine Gaspésie, sauf en fin de semaine. Cela va?

La Présidente (Mme Cuerrier): Est-ce qu'il y a consentement de la commission pour que M. Goulet (Bellechasse) remplace M. Le Moignan jusqu'à son arrivée?

Des voix: Consentement.

La Présidente (Mme Cuerrier): Consentement.

Aujourd'hui, la commission entendra le Conseil de la langue française qui sera représenté par M. Michel Plourde. Nous recevrons ensuite le groupe Positive Action, Action positive, représenté par M. Storrs McCall. La Ligue d'action nationale sera représentée par M. Jean Genest, la Confédération des syndicats nationaux sera représentée par M. Clément Gaumont, l'Association des propriétaires de Québec Inc. sera représentée par le Dr Marcel Tremblay, et la Société Makivik sera représentée par M. Watt.

J'appellerai donc maintenant le Conseil de la langue française.

M. Rivest: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Cuerrier): Oui, M. le député de Jean-Talon.

Document réclamé

M. Rivest: Je m'excuse auprès de... Simplement une précision. Vous savez que le député de d'Arcy McGee a demandé la semaine dernière au ministre des Affaires intergouvernementales de déposer l'étude que son collègue du ministère de la Justice a faite ou aurait faite - on ne sait trop -concernant les conséquences juridiques de l'inclusion d'une charte des droits dans la constitution canadienne. Or, c'est, comme on le sait, un élément clé de tout le débat dans la mesure où on doit savoir exactement -même si cela peut soulever des questions qu'on comprend - les conséquences juridiques sur, entre autres, la législation des provinces, de l'inclusion de certaines dispositions de la charte des droits dans la constitution.

Au mois de décembre, le ministre de la Justice avait promis que cette étude serait disponible dès le début des travaux de la présente commission. La semaine dernière, notre collègue de d'Arcy McGee est revenu à la charge auprès du ministre des Affaires intergouvernementales qui, selon son habitude, nous avait avoué qu'il ferait tout en son pouvoir pour faire en sorte que cette étude nous soit disponible. Je constate qu'elle n'est pas disponible à la commission. Je n'ose conclure sur la nature des pouvoirs du ministre des Affaires intergouvernemen-

tales, mais je lui demanderais ce matin -c'est probablement ce qu'il va faire de bon gré - de réitérer l'engagement qu'il a pris de faire à la commission une nouvelle promesse comme pour la suite du monde.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre des Affaires intergouvernementales.

M. Morin (Louis-Hébert): Je constate que même très tôt le matin le député de Jean-Talon essaie ses talents d'orateur. Je voudrais me référer à la même discussion avec une précision supplémentaire. Quand M. Yves Pratte, qui est le conseiller juridique du gouvernement en cette matière, est venu devant la commission au mois de décembre, la même question a été soulevée et j'ai vu dans les débats, que je n'ai pas devant moi, que M. Pratte a dit à un des intervenants libéraux: " Ne blâmez pas le ministre, c'est moi qui ai à terminer cette étude." Je n'ai pas eu l'occasion de revoir M. Pratte depuis ce temps-là, mais je peux confirmer ce que je vous ai dit la semaine dernière: nous n'avons absolument rien à cacher de ce côté-là, au contraire, et je pense que cette étude confirmera ce que nous avons dit depuis toujours, c'est que l'intervention fédérale unilatérale via une charte des droits diminue et affecte les pouvoirs des provinces dans le domaine de leurs compétences.

C'est une requête qui a été faite la semaine dernière. Le travail de la commission n'est pas terminé. J'ai appris hier qu'il faudra continuer la semaine prochaine, parce que d'autres intervenants ont manifesté le désir de venir nous voir. Nous aurons l'occasion d'y revenir et, conformément à notre comportement habituel, ce que nous avons promis, nous le ferons, sauf qu'il s'agit dans ce cas-là de voir si la promesse qui a été faite est aussi catégorique que veut bien maintenant dire le député de Jean-Talon. Cependant, il n'y a aucun problème de ce côté-là. C'est une question à laquelle nous allons accorder une attention précise aujourd'hui même.

La Présidente (Mme Cuerrier): Le

Conseil...

M. Rivest: Mme la Présidente, je veux bien que le ministre maintenant nous reporte à la semaine prochaine. Le ministre peut-il devant la commission, ce matin, prendre l'engagement qu'effectivement, la semaine prochaine, cette étude sera déposée? C'est bien joli de faire passer le blâme d'engagements qui ne sont pas venus de la part de M. Pratte, mais qui sont venus du ministre de la Justice et du ministre des Affaires intergouvernementales. C'est vous qui en avez la responsabilité et je pense que tous les intervenants et tous les mémoires qui nous ont été présentés ont soulevé cette question-là, parce que c'est la question clef, finalement, à savoir s'il doit ou non y avoir une charte des droits dans la constitution et dans quelle mesure l'inclusion d'une charte des droits nous affecte. On peut soulever des interrogations, bien sûr, mais le ministre de la Justice a quand même fait un discours à l'Assemblée nationale dans lequel il s'est engagé; il a fait des affirmations et, pour soutenir ses affirmations, il avait informé l'Assemblée nationale qu'il avait en main une étude, mais on a su par la suite qu'elle n'était pas tout à fait complétée. La semaine dernière, le ministre des Affaires intergouvernementales nous a promis que cette étude serait déposée devant la commission. Ce matin, je ne veux pas en faire un débat, mais le ministre nous dit que, peut-être la semaine prochaine, il penserait à déposer un telle étude, si une telle étude était prête, etc. Je trouve cela un peu irresponsable comme attitude.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre des Affaires intergouvernementales.

M. Morin (Louis-Hébert): Mme la Présidente, ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit. J'ai dit que nous allions nous occuper de la requête qui a été formulée la semaine dernière par le député de D'Arcy McGee. Je répète la même chose ce matin. Il n'y a absolument rien là-dedans qui soit de nature à justifier l'intervention du député de Jean-Talon.

J'ajoute cependant deux choses. La première, c'est que j'espère que le député de Jean-Talon n'essaie pas de justifier les gestes de M. Trudeau en mettant des doutes sur le fait qu'une charte unilatérale des droits n'affecterait pas les compétences provinciales. J'ajoute comme deuxième élément que le fait qu'elle affectera les compétences provinciales a été reconnu par MM. Trudeau et Chrétien eux-mêmes. Cela a été mentionné à plusieurs reprises. C'est donc un fait. Vous êtes d'accord avec cela?

Une voix: On est d'accord.

La Présidente (Mme Cuerrier): Je regrette que nous ayons fait attendre les gens que j'avais déjà appelés à la table.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est la faute des libéraux, comme le coup de force fédéral.

La Présidente (Mme Cuerrier): Pardon! Pardon!

M. Rivest: Oui, oui. Défendez-moi, Mme la Présidente.

Conseil de la langue française

La Présidente (Mme Cuerrier): Le Conseil de la langue française est représenté ici ce matin par M. Michel Plourde. Je demanderai, d'abord, à M. Plourde de nous présenter les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît. J'aimerais simplement rappeler aussi que les groupes ou les personnes qui se présentent devant la commission disposent d'une vingtaine de minutes pour la présentation de leur mémoire. Ensuite, nous disposons d'une quarantaine de minutes, réparties également entre les différents partis représentés à l'Assemblée nationale, pour des questions et des échanges avec les gens qui se présentent devant nous. M. Plourde, vous avez la parole.

M. Plourde (Michel): Mme la Présidente, messieurs, je voudrais d'abord vous présenter les membres du conseil qui sont avec moi ce matin: M. Gérard Lapointe est secrétaire du Conseil de la langue française, M. Jean-Marcel Paquette, membre, et Michel Rioux, également membre du conseil. Le conseil comprend un collège de conseillers de douze personnes. Seulement, nous avons, cet après-midi et demain, une importante rencontre avec des entreprises et l'Office de la langue française sur des questions de francisation. C'est pourquoi plusieurs de nos collègues se sont excusés ce matin. Venir à Québec ce matin aurait surchargé une semaine qui, pour eux, est déjà fort occupée. Le collège des conseillers est formé de douze personnes provenant de différents milieux ainsi que prévu par la loi: deux personnes qui sont nommées après consultation des associations représentatives des groupes ethniques, deux nommées après consultation des milieux universitaires, deux nommées après consultation des milieux syndicaux ou des associations syndicales, deux nommées après consultation des associations patronales et deux nommées après consultation des groupes socioculturels. M. Jean-Marcel Paquette, au fond, a été nommé après consultation des milieux universitaires et M. Michel Rioux, après consultation des associations syndicales.

Vous avez en main, je crois, Mme la Présidente, messieurs, les deux positions du Conseil de la langue française qui ont été rendues publiques antérieurement, c'est-à-dire au début de septembre et au début de novembre, sur la question de la constitution. Le texte que nous présentons ce matin et qui vous a été remis, hier je crois, reprend, bien sûr, certains des points essentiels de nos positions antérieures, mais tient compte en particulier des amendements, des modifications qui ont été apportées par le ministre fédéral de la Justice le 12 janvier dernier. Le conseil a tenu une réunion à la fin de janvier pour exposer ses points de vue sur ces amendements et c'est pourquoi nous avons déposé hier un document, donc, une dizaine de jours après la réunion du conseil.

Dans les premiers paragraphes nous disons pourquoi le Conseil de la langue française a demandé à être entendu et nous précisons que le conseil ne s'intéresse pas, au fond, à l'ensemble de la charte, à l'ensemble du projet fédéral de loi constitutionnelle, ni même à l'ensemble de la Charte des droits et libertés, mais uniquement aux dispositions linguistiques ou à incidence linguistique.

Ceci m'amène au milieu de la page 3. Nous voulons d'abord rappeler, sans les développer à nouveau, trois grands principes auxquels nous nous sommes attachés dans nos déclarations précédentes et qui constituent, à notre avis, les fondements mêmes de la politique linguistique québécoise. Nous les énoncerons de la façon suivante: (10 h 30)

Premièrement, on ne peut protéger adéquatement la langue française au Québec à moins d'avoir recours à des mesures législatives assez vigoureuses.

Deuxièmement, ces mesures tirent leur légitimité de la spécificité historique du Québec, de l'existence des droits collectifs et de la volonté clairement manifestée par la population.

Troisièmement, enfin, il est important, en matière de langue et d'éducation, et particulièrement pour le Québec, que le pouvoir de légiférer se situe pleinement au niveau de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire le plus près possible de l'évolution du peuple.

Le premier de ces trois principes correspond à une conclusion inéluctable des études et des recherches qui ont été faites par les démographes, les linguistes et les sociologues depuis plus de dix ans, dans le cadre de la commission Gendron ou ailleurs. Ces études ont fait voir la répartition de la population selon la langue; elles ont démontré l'anglicisation progressive de la région de Montréal; elles ont décrit l'avenir des francophones du Québec, notamment en l'absence de politiques adéquates. Deux éminents démographes, MM. Lachapelle et Henripin, dans l'étude fort documentée qu'ils ont publiée récemment sur la situation démolinguistique au Canada, concluent que si les défenseurs de la prépondérance française voulaient se prémunir contre tout risque d'une augmentation du poids relatif des anglophones dans l'ensemble du Québec, on ne pourrait pas les accuser d'outrance s'ils préconisaient des politiques linguistiques assez vigoureuses.

Seules des mesures suffisamment fortes peuvent en effet servir de contrepoids à l'énorme pouvoir d'attraction dont jouit l'anglais dans tous les secteurs de la vie publique, économique et sociale, même au Québec.

Un autre eminent chercheur, Wallace Lambert, linguiste de l'Université McGill, rappelait encore dernièrement, en parlant de

l'apprentissage des langues, les dangers que peut courir la langue française si on ne la maîtrise pas suffisamment, dans ses contacts avec une langue dominante et fort utile comme l'anglais, "cette langue envahissante écrivait-il, prestigieuse et fonctionnelle au niveau de tout ce continent."

Ces mesures nécessaires, comme celles qui ont conduit à la promulgation de la Charte de la langue française en 1977, tirent leur légitimité d'un fait singulier et unique au Canada, à savoir qu'elles sont nécessaires pour assurer la protection et l'épanouissement de la langue d'une majorité et non pas d'une minorité. Il faut remarquer, cependant, que cette majorité est elle-même minoritaire dans l'ensemble du Canada. Cette majorité francophone du Québec, qui est à l'origine même de la fondation de ce pays et qui est le premier foyer de rayonnement francophone en Amérique, présente, de par son histoire, sa culture et sa langue, une spécificité inaliénable et des droits collectifs imprescriptibles qu'il est dans l'intérêt même de ce pays de reconnaître pleinement et de développer par les moyens les plus positifs qui soient. Car de toute façon le développement maximal du fait français au Québec correspond, depuis quinze ans déjà, à la volonté clairement manifestée de la très grande majorité de la population et il vaudrait mieux, en tout état de cause, reconnaître cette réalité une fois pour toutes.

Or, le meilleur moyen de garantir à cette minorité canadienne que constituent les francophones du Québec le plein épanouissement de leur culture et de leur langue est de laisser au Québec, en matière de langue et d'éducation, le plein exercice de son pouvoir législatif.

Nous avons déjà vu comment l'avant-projet et le projet fédéral de charte canadienne faisaient bon marché des trois principes que nous avons énoncés. Qu'en est-il du projet amendé récemment? Voyons d'un peu plus près et nous constaterons que c'est pire encore.

Nous traiterons, dans l'ordre suivant, les articles qui nous intéressent: l'article 23, les articles 17 à 20, l'article 26 et les articles 16 et 52.

L'article 23 relatif aux droits à l'instruction dans la langue de la minorité ouvre encore plus largement que ne l'avaient fait l'avant-projet et le projet fédéral l'accès à l'école anglaise pour les citoyens canadiens résidant au Québec ou venant s'y établir. Le document fédéral du mois d'août ouvrait déjà la porte de l'école anglaise à tout citoyen faisant partie de quelque façon de la minorité anglophone habitant le Québec. Le projet fédéral du mois d'octobre ouvrait une deuxième porte d'accès à l'école anglaise aux citoyens canadiens venant d'une autre province, qu'ils appartiennent ou non à la minorité anglophone, si un de leurs enfants fréquentait l'école anglaise au primaire ou au secondaire dans cette autre province. Le texte amendé du mois de janvier va encore plus loin. D'une part, il élargit encore cette deuxième porte d'accès à l'école anglaise en ne la restreignant plus aux citoyens venant d'une autre province, mais en l'ouvrant à tous les citoyens du Québec; d'autre part, il ouvre une troisième porte d'accès à l'école anglaise aux enfants des citoyens qui ont reçu leur instruction primaire en anglais, n'importe où au Canada.

Par rapport au projet du mois d'octobre, le texte amendé du projet fédéral fait donc deux pas de plus, deux pas importants et lourds de conséquence, vers le libre choix de la langue d'enseignement. Ces nouvelles dispositions du projet fédéral risquent de ramener au Québec, dans le domaine de la fréquentation scolaire, la croissance d'une disproportion numérique du secteur anglophone analogue à celle qui prévalait avant l'entrée en vigueur de la Charte de la langue française. C'est cette disproportion croissante qui avait poussé le législateur, au moyen de l'article 73 de cette charte, à prendre les mesures correctives qui s'imposaient et qui commencent à peine à porter leurs fruits, comme le montre clairement l'étude statistique sur la répartition des clientèles scolaires que nous avons publiée il y a un an et que nous venons de mettre à jour.

Le projet fédéral amendé au mois de janvier met en échec ces mesures réalistes et nécessaires, instaure au Québec un quasi-laisser-faire dans le domaine de la langue d'enseignement, s'oppose directement au premier principe que nous avons énoncé tout à l'heure et pratique une large brèche dans un des fondements mêmes de la politique linguistique québécoise.

Les articles 17 à 20 opèrent à la manière d'un repoussoir. Ils font vivement ressortir ce qui en est absent, c'est-à-dire l'obligation pour l'Ontario de se plier aussi au bilinguisme législatif et judiciaire auquel le Québec est astreint depuis plus de 113 ans et qui devient maintenant obligatoire pour le Nouveau-Brunswick. À peu près tout a été dit, depuis quelques mois, sur l'extrême précaution fédérale à ne rien imposer à l'Ontario. De quelque côté qu'on retourne la question et au-delà des justificatifs dont on essaie de couvrir cette situation, un fait incontestable demeure: une charte canadienne des droits et libertés, qui s'était donné pour tâche d'assurer aux personnes et aux minorités menacées la même protection égale et juste à travers tout le pays, non seulement n'est pas capable de remplir ses objectifs mais, plus grave encore, au lieu de faire porter son inégalité d'intervention à la défense de la minorité francophone partout menacée au Canada, elle l'applique à ne

point heurter la majorité anglophone canadienne dont les droits acquis sont pourtant assurés partout déjà, même au Québec.

L'article 26, qui est nouveau, attire aussi l'attention par ce qu'il ne dit pas. Il met vivement en lumière l'absence d'une dimension importante pour le Québec. "Toute interprétation de la présente charte, dit cet article, doit concorder avec l'objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens."

Disons, d'abord, que le Conseil de la langue française croit nécessaire et indispensable la contribution des différentes communautés culturelles à l'enrichissement du patrimoine culturel du Québec et il y souscrit entièrement. Là n'est pas la question. Ce qu'il faut voir ici, c'est que le projet fédéral ne tient nullement compte de l'objectif légitime qui a donné naissance à la Charte de la langue française et selon lequel celle-ci doit être interprétée. Cet objectif est la protection nécessaire de la langue de la majorité québécoise qui est elle-même le premier foyer de rayonnement de la culture française en Amérique.

On s'apprête à reconnaître les droits des populations autochtones, premiers habitants de ce pays. Mais on s'étonne à bon droit que le projet de charte fédérale s'abstienne fermement, malgré les demandes répétées, de reconnaître la mission particulière des deux sociétés culturelles qui ont donné naissance à ce pays et qu'il ne fasse rien pour porter secours, en quelque sorte, à celle de ces deux sociétés dont le développement linguistique et culturel est le moins assuré dans le contexte canadien et nord-américain. Cette spécificité du Québec, qui doit être soutenue et favorisée, constitue une dimension capitale que méconnaît la charte canadienne des droits et libertés, et qui trouve pourtant ses racines et sa justification dans l'histoire même de notre pays, dans les droits collectifs et la volonté clairement manifestée de la majorité francophone du Québec.

Nous nous serions attendus alors qu'il y eût, quelque part dans le projet de charte canadienne, un article qui assure que toute interprétation de la présente charte doit concorder avec l'objectif essentiel pour le Canada d'assurer le maintien et la valorisation du patrimoine français des Canadiens. Toute référence du genre étant absente de cette charte, le Conseil de la langue française estime que le projet amendé de charte canadienne ne satisfait en aucune façon au second principe que nous avons énoncé tout à l'heure et qui constitue, à notre avis, l'un des fondements de la politique linguistique québécoise.

Mais ce sont les articles 16 et 52 qui nous paraissent les plus inquiétants pour l'avenir de la langue française. Le troisième paragraphe de l'article 16 emprisonne le cheminement linguistique du Québec dans un couloir qui le mènerait tôt ou tard à l'égalité de statut ou d'usage du français et de l'anglais. Dans le projet du mois d'octobre, on garantissait aux Législatures provinciales le pouvoir "d'améliorer le statut du français et de l'anglais ou de l'une de ces deux langues, ou d'en développer l'usage". Dans le projet amendé, on ne garantit plus aux Législatures que le pouvoir "de favoriser la progression vers l'égalité de statut ou d'usage du français et de l'anglais."

En d'autres termes, le projet du mois d'octobre ne limitait pas les pouvoirs de l'Assemblée nationale du Québec de légiférer, par exemple, dans le sens de la loi 101, alors que la version actuelle ne donne plus au Parlement du Québec que le droit de légiférer en vue de favoriser la progression du français et de l'anglais vers un statut d'égalité ou vers l'égalité d'usage. En termes clairs, le Québec ne pourrait plus légiférer dans le sens de la loi 101. Advenant l'adoption de ce projet constitutionnel et dans les circonstances actuelles, le Québec n'aurait plus le droit de prendre des mesures spéciales pour protéger la seule langue française au Québec; il aurait toute latitude, cependant, pour promouvoir l'usage de l'anglais au Québec.

L'article 52 est encore plus global et reprend le contenu de l'article 25 du mois d'octobre. "La constitution du Canada, déclare-t-il, est la loi suprême du Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit." À quel sort est alors réservée, immédiatement et dans son ensemble, la Charte de la langue française face à une telle disposition de la loi suprême du Canada? Nous croyons qu'elle se trouve mise à découvert et exposée à tous les coups. Non seulement le chapitre VIII de la loi 101 serait-il désavoué, mais il en résulterait une situation d'instabilité juridique où, pendant des années, plusieurs autres dispositions de la loi risquent d'être contestées devant les tribunaux.

Le Conseil de la langue française constate, une fois de plus, que le projet de charte canadienne fait irruption dans les compétences historiques des provinces en matière d'éducation et de langue. Devant cela, le conseil rejoint la conclusion de la commission Pépin-Robarts qui veut que soit laissée au Québec la plénitude de ses pouvoirs en matière linguistique et culturelle. Nous ne voyons pas comment les mesures linguistiques vigoureuses dont nous avons parlé puissent dépendre d'un pouvoir législatif autre que celui du Québec et comment la conscience de ce qui se passe au Québec puisse être située en dehors de lui. Il s'agit là, pour nous, d'un principe extrêmement important, le troisième que nous avons

énoncé, et l'un des fondements majeurs de la politique linguistique québécoise.

La conclusion s'impose d'elle-même. D'abord, le projet de charte canadienne récemment amendé non seulement ne met pas de l'avant des mesures capables de protéger adéquatement et de développer la langue française au Québec, mais encore il s'oppose à celles que le Québec, avec l'appui de la très grande majorité de la population, avait adoptées par sa Charte de la langue française.

Ensuite, il ne reconnaît en aucune façon la spécificité historique du Québec et le rôle linguistique et culturel qui est dévolu à celui-ci dans l'ensemble canadien.

Enfin, il empiète sur les pouvoirs législatifs séculaires du Québec en matière d'éducation et de langue. Par conséquent, puisque les dispositions à incidence linguistique du projet fédéral amendé vont directement à l'encontre des trois fondements majeurs de la politique linguistique québécoise, comme nous l'avons expliqué, le Conseil de la langue française ne peut faire autrement auprès du ministre responsable et devant l'opinion publique que de les déclarer inacceptables et extrêmement dangereuses pour l'avenir de la langue française au Québec et au Canada. (10 h 45)

II faut signaler, de plus, le caractère unilatéral du projet fédéral, en particulier dans des domaines aussi délicats que ceux de l'éducation et de la langue, qui touchent de très près et conjointement les citoyens de notre province et le gouvernement qui est, chaque jour, le plus près d'eux, c'est-à-dire le gouvernement du Québec. Nous trouvons inacceptable qu'un gouvernement central, pour mener à terme une action constitutionnelle importante pour tous, puisse se passer de l'accord de ses partenaires et particulièrement du Québec, et demander par ailleurs l'appui du gouvernement britannique pour modifier la loi 101 du Québec.

En se passant ainsi de l'assentiment des provinces, nous l'avons déjà dit au mois de novembre, le pouvoir central s'attaque aux bases mêmes du pacte fédératif actuel que les provinces avaient conclu entre elles au siècle dernier. En adoptant une démarche unilatérale, il s'érige, du même coup, au-dessus des pouvoirs provinciaux, ce qui est contraire à l'esprit, à la lettre et à l'équilibre du pacte fédératif actuel auquel le Statut de Westminster n'a rien changé d'ailleurs. L'indépendance du Canada, écrit M. Louis-Philippe Pigeon, n'a aucunement conféré au Parlement canadien le droit de parler au nom du peuple canadien en ce qui concerne une modification de la constitution. Sa compétence législative est limitée par l'Acte de l'Amérique du Nord comme l'est celle des Législatures provinciales.

Dans cet exposé, nous avons voulu attirer l'attention sur l'essentiel.

Mme la Présidente, nous avons quelques considérations finales qui nous paraissent évidemment très importantes.

La Présidente (Mme Cuerrier): Vous pourriez encore disposer de deux ou trois minutes, monsieur.

M. Plourde: De trois minutes. Alors, je passe à la page 14, au bas de la page. On a beaucoup parlé, Mme la Présidente, messieurs, de bilinguisme au Canada depuis quinze ans. L'objectif qui a été mis de l'avant, celui d'un bilinguisme intégral d'une mer à l'autre, nous paraît non seulement irréaliste mais injuste, puisqu'il n'aboutit finalement, en pratique, qu'à donner, d'une part, à la minorité francophone hors Québec un statut et un traitement incomparablement moindres que ceux dont jouit la minorité anglophone du Québec, et qu'à vouloir, d'autre part, ramener la langue française au Québec à l'égalité de statut ou d'usage avec la langue anglaise, comme le montre clairement le projet fédéral amendé. Ce genre de bilinguisme est un leurre puisque les francophones y sont toujours perdants.

C'est ainsi qu'on en est venu à parler d'un bilinguisme éclopé, comme le disait récemment l'Association culturelle franco-canadienne de la Saskatchewan. On a fait état de l'expérience frustrante des francophones de la Saskatchewan à l'école et devant les tribunaux; on a tenu à rappeler encore récemment la résistance de l'Ontario envers l'école francophone; la Société des Acadiens du Nouveau-Brunswick soutenait, l'automne dernier, que le bilinguisme institutionnel des dix dernières années n'a presque rien donné et l'Association culturelle franco-canadienne déclarait, finalement, devant cette commission: "Malgré l'intention de l'article 23, la portée juridique du droit à l'instruction dans la langue de la minorité n'a pas de signification concrète importante pour les Fransaskois et nous nous considérerions perdants si, pour obtenir cela, nous devions accepter que le Québec perde les moyens qu'il s'est donnés pour assurer sa survie francophone".

Bref, ce bilinguisme théorique mis de l'avant n'a pas tenu ses promesses parce qu'il n'a de sens ni pour le Québec, ni pour les francophones hors Québec, ni pour le reste du Canada.

Quant aux francophones du Québec eux-mêmes, que le reste du Canada aurait pu imiter depuis longtemps pour ce qui est du respect et du juste traitement de sa minorité, que se passera-t-il quand sera généralisée parmi eux la triple conviction qui s'exprime de jour en jour un peu plus fortement, à savoir, premièrement, que le bilinguisme n'est qu'une vue de l'esprit qu'entretient Ottawa pour imposer aux

francophones du Québec des obligations beaucoup plus grandes qu'il n'en impose aux anglophones du reste du pays; deuxièmement, que la langue française ne sera jamais reconnue davantage par le fédéral qu'elle ne l'a été il y a douze ans par la Loi sur les langues officielles; troisièmement, qu'il n'y a pas d'autre solution acceptable pour le Québec et juste pour le Canada qu'une politique linguistique réaliste qui fasse du Québec une province aussi française que l'Ontario est anglais?

Le soin extrême que le projet fédéral amendé apporte à ne rien dire qui puisse Être interprété comme une reconnaissance ou une consécration du fait français au Québec montre à l'évidence, une fois de plus, que la liberté de développement linguistique et culturel du Québec francophone n'est pas pour demain dans ce pays et ce continent où l'anglais est tout-puissant. L'une après l'autre, les différentes versions du projet fédéral n'auront finalement contribué qu'à faire sentir de plus en plus profondément à la majorité francophone du Québec son statut de minoritaire dans l'ensemble canadien.

Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): Je tiens à faire remarquer à ceux qui me demanderont la parole maintenant que les questions qu'ils poseront et les réponses qui viendront à la suite de ces questions seront comptabilisées dans leur temps.

M. Morin (Louis-Hébert): Mme la Présidente, ce n'est pas une question que je vais poser, c'est un commentaire à partir de ce que je viens d'entendre que je vais faire.

Je veux d'abord dire que je considère que votre analyse de la situation est très rigoureuse et que votre mémoire est très clair et je veux vous en féliciter. Cette analyse rigoureuse démontre d'ailleurs une chose qui devrait répondre à la question du député de Jean-Talon tout à l'heure; il est évident que le projet fédéral s'attaque directement à un ensemble de compétences québécoises constitutionnelles, dont le pouvoir exclusif de légiférer en matière d'éducation et de politique linguistique.

Je retiens trois choses de votre mémoire qui vont un peu en entonnoir. La première, c'est évidemment ce geste unilatéral, c'est-à-dire qu'il y a eu un non au référendum qui devait dire oui, mais personne n'a pensé que ce oui voulait dire oui à un geste unilatéral de la part d'Ottawa et par conséquent, de ce côté-là, il y a eu une sorte de détournement de référendum, si je peux m'exprimer ainsi.

Le deuxième commentaire, toujours dans ce raisonnement en forme d'entonnoir -si je peux m'exprimer ainsi - c'est que ce geste unilatéral s'accompagne d'une injustice proprement incroyable, en ce sens que si les libéraux fédéraux se livrent à un coup de force contre les provinces en général et contre la province en particulier, il arrive que ce coup de force, en vertu d'une sorte de bizarre statut particulier, n'est pas perpétré contre l'Ontario. En somme, on attaque la politique linguistique du Québec pour restreindre - c'est mon troisième commentaire - le pouvoir des Québécois en matière de langue en même temps qu'on n'impose rien pour l'Ontario en ce qui a trait au bilinguisme institutionnel.

Depuis qu'on s'est rencontré la semaine dernière à cette commission, il y a deux événements qui sont survenus qui me paraissent hautement significatifs et quasiment désarmants, dans un sens. D'une part, vous avez vu les francophones de l'Ontario dire aux Québécois: Vous devez vous opposer à ce coup de force des libéraux fédéraux parce que c'est la fin de nos espoirs à nous, francophones de l'Ontario. Ce sont des francophones de l'Ontario qui nous disent cela et, plus particulièrement, ceux de Penetanguishene qui ont fait la manchette au cours des derniers mois.

Je pense que c'est extraordinairement important de se rendre compte que ce sont des francophones ontariens qui nous disent que le projet fédéral, qui est supposé, théoriquement, faciliter la reconnaissance de droits aux francophones à l'extérieur du Québec, est en train de faire exactement le contraire, au fond. Si on ajoute à cela, à ce manque de coup de force - non pas que je le réclame, mais je constate les faits, pour établir en Ontario un bilinguisme institutionnel - la clause "là où le nombre le justifie" qui, à toutes fins utiles, va permettre à n'importe quelle province dans le reste du Canada de ne pas agir en faveur des francophones, on est dans une situation purement absurde. Cela, c'est le premier fait, l'intervention des francophones de l'Ontario.

Le deuxième, c'est celui de M. Trudeau lui-même, premier ministre fédéral, qui dit en réponse à une question qui lui a été posée à une université quelconque en Ontario, que s'il n'a pas imposé le bilinguisme institutionnel en Ontario, c'est parce qu'il a besoin de l'appui du premier ministre ontarien. Il y en a qui ont dit: Ah! voilà une grande candeur de la part du premier ministre fédéral! Il dit la vérité, il est franc. Évidemment, cela détonnait par rapport à tout ce qui a été raconté ou pas dit quant aux conversations qu'il a eues avec la Grande-Bretagne où on apprend maintenant la vérité; il n'a pas dit la vérité à la Grande-Bretagne, il ne l'a pas dite aux Canadiens et aux Québécois sur ce qu'il n'avait pas dit ou dit à la Grande-Bretagne, alors là, on est mêlé. Soudainement, il y a un aveu; l'aveu qu'il n'aide pas les francophones de l'Ontario parce qu'il veut

l'appui de M. Davis. On a dit que c'était de la candeur; moi, je dis carrément que c'est du cynisme. Et si on ne se rend pas compte que toute l'opération actuelle est fondée sur une immense entreprise mensongère qui date, à toutes fins utiles, du mois de juin dernier, quand tout cela a commencé avec les négociations frelatées de l'été dernier... On s'est rendu compte, par un document qui a coulé à la fin de l'été, un document secret du fédéral, que tout était organisé pour en arriver à un échec. Si on ne se rend pas compte de ça, c'est qu'on ne voit rien. Alors, c'est du cynisme.

Cela veut dire que - conclusion, j'arrête là - on assiste à une attaque contre la politique linguistique québécoise. J'ai dit la semaine dernière - et je le répète encore aujourd'hui - qu'il n'y aurait pas eu, à mon avis, cette intensité fédérale de coup de force s'il n'y avait pas eu, chez eux, cette haine fondamentale de la politique linguistique du Québec. Et tout ce qui tend à remettre en cause la politique linguistique actuelle du Québec, pour quelque prétexte que ce soit, vise au fond à quoi? Vise au fond à modifier la raison d'être de cette politique. Et la raison d'être de cette politique, c'est de donner une chance au français en Amérique du Nord.

Ce qui remet ça en cause signifie qu'on veut redonner des privilèges à l'anglais au Québec. En même temps qu'on fait ça ou qu'on vise ça, on ne veut pas établir le bilinguisme institutionnel en Ontario. Je ne dis pas que je recommande un coup de force contre l'Ontario, je constate les faits et ça démontre qu'en politique, il faut s'attendre à tout, même à l'inattendu parce qu'il n'y a personne, il y a des années, qui aurait cru qu'on arriverait à cette situation complètement invraisemblable dans laquelle on se trouve maintenant.

Conclusion de tout ça - et ça, je ne sais pas si quelqu'un l'avait prévu - nous avions constaté, nous, hommes et femmes politiques - je pense que c'est vrai pour tout le monde - que le débat linguistique, au Québec, à toutes fins utiles, était terminé et que, dans le panorama québécois, il y avait au moins un élément de paix sociale qui était assez établi, c'est-à-dire qu'il n'y avait plus de problème linguistique. Or, par le geste fédéral, on est en train de remettre le Québec à l'heure des débats linguistiques. On pensait que c'était fini; il y a tellement d'autres choses à faire au Québec que ça n'a quasiment pas de bon sens, aujourd'hui, d'être obligé de recommencer à dire qu'il faut protéger le français au Québec.

C'est ça, la conséquence, à notre avis, en tout cas, du coup de force des libéraux fédéraux. Et je pense que, quand on regardera la situation actuelle, dans quelques mois ou quelques années, on se rendra compte que, par l'action divisive fédérale, on n'a réussi qu'un ensemble de choses: diviser encore les Québécois, alors que le problème était résolu; diviser les Canadiens; établir entre le Canada et la Grande-Bretagne une relation inamicale. Parce que c'est ça qui se produit. Ce n'est pas nous qui le disons; ce sont des Britanniques qui nous disent que cette histoire va briser les relations ou va les rendre plus négatives qu'elles ne l'ont jamais été. Ajoutez à ça le fait que, à cause encore du problème linguistique et du problème culturel, du fait qu'on ne reconnaît pas une société distincte au Québec, vous avez eu, de la part des libéraux fédéraux, il y a à peu près deux mois, toute une dispute avec la France. Qu'est-ce qui se passe? Vous avez à Ottawa des gens qui ne s'entendent avec personne: pas avec la France, pas avec la Grande-Bretagne, pas avec les partis d'Opposition à Ottawa, pas avec les provinces et par-dessus le marché, ils viennent encore semer un bordel linguistique au Québec. Ils ne s'entendent pas avec les Canadiens et ils ne s'entendent pas entre eux, non plus.

Il y a juste une chose qui me frappe, c'est qu'il y a toujours, dans la vie d'un homme politique ou d'une femme politique, un moment où il y a une sorte de conjonction entre sa personnalité profonde et peut-être un idéal qu'il a malgré tout maintenu. Il y a un député fédéral actuellement - peut-être deux, je ne le sais pas. Je le nomme: M. Duclos - qui semble, lui, avoir fait cette relation, cette conjonction. Les autres, non; il y en a 73 autres qui sont en train de faire que les Canadiens français de l'Ontario n'auront pas ce qu'ils ont demandé, en même temps qu'on est en train de faire au Québec ce qu'on n'a pas demandé, en recréant un problème linguistique. C'est une énorme et lourde responsabilité et, pour moi qui, en tant qu'homme politique, m'étais désintéressé de cette question parce que je la croyais résolue, c'est redevenu un sujet d'actualité à cause du fait, d'abord, que je suis Québécois, à cause du fait que je suis francophone et à cause aussi de mes responsabilités comme ministre des Affaires intergouvernementales.

Je voulais faire un commentaire de quelques minutes, madame; cela a été plus que quelques minutes. Je n'ai pas de question à vous poser; je trouve très clair ce que vous dites et je vous en remercie. Je pense que vous clarifiez la situation. Vous répétez, c'est vrai, des choses que d'autres ont dites, mais on se trouve dans une situation où il faut répéter des évidences parce qu'il y a des gens à Ottawa qui nient ces évidences. (11 heures)

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Tremblay, auriez-vous des commentaires? Pas pour l'instant, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, Mme la Présidente.

Moi également, Mme la Présidente, comme le ministre, j'aimerais faire quelques commentaires, au moins à titre de préface à une ou deux questions. Le premier commentaire, Mme la Présidente, vise, non pas comme tel le contenu du mémoire, mais, si vous voulez, une question qu'on pourrait appeler une question de procédure à la limite, mais une question qui, malgré tout -je le constate d'après le plus récent texte du Conseil de la langue française, le texte qu'on nous a remis ce matin - a attiré l'attention du conseil également et qui, je pense, devrait attirer l'attention de cette commission pendant au moins quelques minutes. Ce que je veux dire, c'est que nous entendons, ce matin, le témoignage d'un organisme gouvernemental dont tous les membres ont été nommés par le gouvernement. Ce n'est pas en soi un précédent, mais il reste que c'est une pratique qui n'est pas non plus monnaie courante.

En effet, nous avons vécu au cours des dernières années des événements qui pouvaient très bien donner ouverture à des témoignages de même sorte en provenance d'autres organismes gouvernementaux. Il est intéressant de comparer l'attitude tout à fait différente qu'a adoptée le gouvernement relativement à l'opportunité de permettre à de tels organismes même de s'exprimer publiquement. Les choses que je veux rappeler ici sont, je pense, encore présentes à la mémoire de tous nos collègues de l'Assemblée nationale et d'un bon nombre de membres du public également. Vous vous souvenez, Mme la Présidente, je pense, qu'il y a eu un débat fort orageux à l'Assemblée nationale au sujet du caractère secret que les avis de la Commission des droits de la personne devaient revêtir, selon les membres du gouvernement, alors que ces avis portaient sur des projets de loi qui étaient soumis à la considération de l'Assemblée nationale, qui étaient débattus à l'Assemblée nationale, des avis que le ministre qui parrainait tel ou tel projet de loi avait demandés à la Commission des droits de la personne et que celle-ci avait exprimés en exécution explicite, expresse d'un mandat que la loi lui confie de donner de tels avis au gouvernement sur demande.

Non seulement ces avis dont copie avait été transmise au président de l'Assemblée nationale ont été considérés comme secrets par le gouvernement qui n'a pas voulu les dévoiler au moment où leur dévoilement eût été utile pour l'étude et l'adoption d'un projet de loi, mais vous vous souvenez également que le président de l'Assemblée nationale a maintenu contre toute attente ce droit au secret de la part du gouvernement face à des avis qui lui étaient donnés, encore une fois, je le dis, par la Commission des droits de la personne, alors que la Commission des droits de la personne, comme vous le savez, est un organisme qui relève directement de l'Assemblée nationale et dont les membres sont nommés par un vote des deux tiers de l'Assemblée nationale, ce qui exige donc le concours des partis de l'Opposition.

Ceci a été évidemment contesté par nous. Nous avons dû, devant le verdict absolument catégorique du président, accepter que ces documents demeurent secrets, que ces avis sur la possibilité qu'une loi de l'Assemblée nationale enfreigne la Charte des droits et libertés de la personne soient traités comme une information privilégiée au gouvernement. Je pense que cela est un précédent assez impressionnant qui démontre que même un organisme qui est chargé par une loi de donner des avis au gouvernement, lorsque cet organisme est même créé par l'Assemblée nationale et ses membres nommés par l'Assemblée nationale, peut considérer ses avis comme étant confidentiels et destinés aux seules oreilles du ministre. C'est une chose qui mériterait sans aucun d'être réexaminée et je pense personnellement que la législation relative à la Commission des droits de la personne devrait être revue.

M. Morin (Louis-Hébert): Mme la Présidente, je voudrais intervenir. Peut-être que je viole le règlement, mais peut-être que c'est le député de Saint-Laurent qui viole le règlement. Il me semble que ce n'est pas le sujet...

M. Forget: Mais est-ce que vous pourriez accepter, M. le ministre, d'intervenir à la fin de mes remarques? Selon l'article 96, vous aurez tout le loisir de le faire.

La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 96 c'est pour... Non, mais c'est qu'il m'apparaît maintenant que vous soulevez une question de règlement, et une question de règlement a préséance, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: C'était aussi une question de règlement que je soulevais, bien sûr, implicitement.

M. Morin (Louis-Hébert): De toute façon, écoutez, vous pouvez continuer à dire ce que vous avez à dire, mais je veux seulement signaler que j'ai l'impression, ça ne doit pas échapper aux autres, que ce n'est pas le sujet.

M. Forget: Mme la Présidente, le ministre est libre de ses impressions et vous pouvez être sûre que je n'aurai pas l'outrecuidance de lui suggérer que ses impressions sont fausses. Il demeure que la

pertinence du témoignage que nous avons entendu mérite un certain nombre de commentaires, parce que, encore une fois, contrairement à certains précédents créés par le gouvernement, dont le ministre est partie, on va contre un autre précédent que je citerai, qui est encore plus pertinent, c'est l'avis du Conseil supérieur de l'éducation, que le gouvernement a refusé d'entendre, en 1977, lorsque la loi 101 - ou la loi 1 peut-être, à l'époque - était débattue devant une commission de l'Assemblée nationale. On a refusé d'entendre l'avis du Conseil supérieur de l'éducation, parce que, bien sûr - c'était un secret de polichinelle - le Conseil supérieur de l'éducation avait, comme avis à cette époque, que c'est le critère de la langue maternelle qui devrait être retenu dans la législation linguistique.

Cela ne faisait pas l'affaire du ministre qui parrainait la loi 101. On a donc fait taire le Conseil supérieur de l'éducation. Dans les circonstances actuelles, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Cuerrier): Je vous ai laissé parler pendant près de six minutes sur la question...

M. Forget: Et je pense que vous devriez continuer.

La Présidente (Mme Cuerrier): ...de règlement. Or, le travail que nous avons à faire ici ce matin devrait plutôt porter sur des commentaires ou des questions sur le rapport comme tel.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est parce que...

La Présidente (Mme Cuerrier): Je pense que la question de règlement a déjà duré près de six minutes et je vais être obligée de la compter sur le temps que vous utilisez.

M. Morin (Louis-Hébert): Oui, c'est ça...

M. Forget: Je vous invite à la compter, Mme la Présidente. J'apprécie toujours, comme vous savez, vos interventions et même les dialogues que nous avons à l'occasion de ces commissions parlementaires. Ils enrichissent sans aucun doute beaucoup notre débat.

Il faut dire que le Conseil de la langue française, qui est apparu devant nous ce matin a été lui-même inquiet que cette question ne fut posée, puisque si on compare les différents textes qui nous ont été soumis, celui qui a été rendu public en août dernier, celui qui a été rendu public également en octobre dernier, on se rend compte qu'ils diffèrent du texte qui nous a été donné ce matin, à un égard, c'est que l'on fait allusion, dans ce texte le plus récent, celui qui est spécifiquement destiné à l'Assemblée nationale, à cette question du mandat.

Le conseil se préoccupe et il nous affirme, en première page: "Je voudrais d'abord dire pourquoi le Conseil de la langue française a demandé à être entendu par cette commission. Quatre raisons ont motivé ce geste: (la première) le mandat du conseil..." On disserte là-dessus en disant que la Charte de la langue française a institué un conseil, et que ce conseil, dans une réunion du mois de janvier, a pris sur lui de juger - d'ailleurs, bien avant, en août et en octobre - qu'il devait s'en décharger en faisant des conférences de presse et en sollicitant la permission de paraître en commission parlementaire.

Je pense que si on a cru bon de nous donner le fruit des réflexions du conseil sur le mandat, il est tout à fait approprié de faire des commentaires sur ce mandat, parce qu'il est très évident que sur ce point où, par hasard, le Conseil de la langue française est du même avis que le gouvernement, on a jugé bon de faire des conférences de presse dès le mois d'août, on a jugé bon de venir déposer publiquement en commission parlementaire. Que les choses eussent été différentes, si l'avis du conseil n'eut pas été conforme aux voeux du gouvernement, eut été une politique différente de celle voulue par le ministre, je peux vous faire la prévision, Mme la Présidente, une prévision certaine même, que nous n'aurions pas eu l'avantage des avis du Conseil de la langue française. C'eut été considéré de la même façon que d'autres avis qui divergeaient de l'opinion gouvernementale dans le passé, par ce même gouvernement, soit comme des documents secrets.

Et je m'étonne, Mme la Présidente, qu'un organisme gouvernemental, dont tous les membres ont été choisis par l'actuel gouvernement, prenne sur lui de faire essentiellement une action publique et, pour tout dire, quasiment politique, et prenne sur lui également de faire des affirmations dans ce texte. Je sais que vous êtes impatiente, Mme la Présidente, j'ai remarqué avec quelle patience...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député...

M. Forget: ... vous écoutiez le ministre tout à l'heure, mais je pense que nous avons vingt minutes ...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député, je vous demanderais, s'il vous plaît!

M. Forget: ... de ce côté-ci. Je pense que nous avons vingt minutes. Est-ce qu'il est clair...

La Présidente (Mme Cuerrier): II y a vingt minutes exactement pour l'ensemble des partis d'Opposition et, dans ces vingt minutes, les commentaires des gens qui répondent à vos questions sont comptabilisés. Vous avez déjà utilisé dix minutes, M. le député, je vous demanderais, s'il vous plaît, de...

M. Forget: De terminer.

La Présidente (Mme Cuerrier): conclure maintenant.

M. Forget: Je le ferai avec plaisir, Mme la Présidente, d'autant plus que le seul autre point...

La Présidente (Mme Cuerrier): Quitte à ce que, s'il vous reste du temps tantôt, je vous donne la parole de nouveau, M. le député.

M. Forget: ... auquel je voulais faire allusion, c'est celui-ci. En plus de prendre sur lui de donner son avis de cette façon-là, le Conseil de la langue française se livre, dans certains des textes qui nous ont été soumis par lui, à un éloge d'une rare complaisance envers la situation linguistique au Québec, la législation adoptée par ce gouvernement, et porte un avis à mon sens tout à fait prématuré quant à l'efficacité et au succès que remporte la loi 101.

Je pense que ce sont là des jugements qui sont hautement subjectifs et qui dénotent très clairement le caractère de l'intervention à laquelle nous avons assisté ce matin.

M. Dussault: ... consentement.

M. Bertrand: Je ne sais pas si Georges Lalande est à l'écoute, mais, en tout cas...

La Présidente (Mme Cuerrier): M.

Plourde, M. le président du Conseil de la langue française.

M. Plourde: Mme la Présidente, j'aimerais relever un peu ce que M. Forget a dit à propos de la procédure, bien que je préférerais, bien sûr, parler du contenu de la Charte des droits et libertés. Je pense cependant qu'il faut relever ce qui a été dit en termes de procédure.

D'abord, il faut bien comprendre que le Conseil de la langue française, de par la loi, a le mandat de donner des avis sur la politique de la langue au Québec. Je fais tout de suite une distinction: ce qui est politique ne relève pas nécessairement de la politique gouvernementale ou de la politique de parti. On peut concevoir la politique comme étant, si vous voulez, l'ensemble des affaires d'un État ou d'un gouvernement, mais il y a aussi la politique qui se définit comme l'ensemble des objectifs majeurs et des grandes orientations en vue d'une action donnée, ce qu'on appelle... Nous n'avons pas, je pense, en français l'équivalent aussi frappant entre "policy" et "politics". Le Conseil de la langue française ne se mêle pas de "politics". Il s'intéresse à la "policy" de la langue française. C'est intéressant pour un président du Conseil de la langue française d'avoir recours à un mot anglais. Je pense qu'il est plus frappant dans les circonstances.

Notre mandat, par conséquent, inscrit dans la loi, nous demande de donner des avis au niveau de la politique de la langue française. Deuxièmement, il enjoint au conseil d'étudier l'évolution de la situation linguistique et toutes les questions qui touchent à la langue et de faire rapport au ministre. Le conseil a également le pouvoir d'entendre, de recueillir les observations et les suggestions des groupes et des individus, donc de la population, et il a le pouvoir d'informer le public. Ce sont les articles 186, 188 et 189 de la loi 101 de la Charte de la langue française.

Dans les circonstances actuelles, on a un projet fédéral de loi constitutionnelle qui touche directement à la politique linguistique du Québec. Quand je dis la politique linguistique du Québec, je fais référence surtout aux principes fondamentaux dont nous avons parlé tout à l'heure, je ne fais pas référence aux programmes de partis. Ce n'est pas ça qui intéresse le conseil.

Un projet fédéral qui touche à la politique linguistique du Québec, à la politique de la langue telle que conçue et perçue par la population, qui touche à l'évolution de la situation linguistique au Québec, qui rebrasse toutes les questions de langue au Québec est éminemment à l'intérieur du mandat du Conseil de la langue française et l'ensemble du Collège des conseillers a trouvé que c'eût été manquer au devoir et au mandat du conseil de ne pas s'arrêter à étudier ce qui se passait, à y réfléchir et, les conjonctures étant suffisamment sérieuses, à en aviser le ministre et à en informer la population.

C'est ce que nous avons fait, c'est ce que nous avons toujours fait. Quand le Conseil de la langue française prend l'initiative de donner un avis au ministre, il décide de le rendre public s'il le désire. C'est ce que nous avons toujours fait. Nous l'avons fait lors de la cohabitation linguistique. C'est la politique que nous suivons. Nos avis, en conséquence, lorsque nous prenons l'initiative de les envoyer au ministre, nous appartiennent et nous pouvons les rendre publics si nous jugeons, dans l'intérêt du service public et du bien commun qui est notre premier objectif, qu'il est bon d'en saisir le public. Voilà, nous avons chaque fois, à chacune de nos positions

répété notre mandat. Nous l'avons dit de façon un peu plus explicite cette fois-ci. (11 h 15)

Je termine en disant que jamais nous n'avons senti le besoin, en aucune façon, ni maintenant, ni à l'occasion d'autres sujets, de demander l'avis du ministre pour étudier une question. Si le ministre nous demande un avis, ce qui n'est pas le cas dans la question du dossier constitutionnel... Pas un seul instant le ministre responsable n'a demandé au conseil de se prononcer sur cette chose; c'est le conseil lui-même qui l'a décidé. Si nous prenons nous-mêmes l'initiative d'étudier cette question, nous croyons que nous en avons le droit d'après le mandat qui est inscrit dans la loi.

Je terminerai en disant que je pense que - je connais bien mes collègues - nous travaillons ensemble d'une façon extraordinaire à la suite des études juridiques, des études démographiques qui nous sont remises par la permanence. Personnellement, je n'ai rien qui me pousse à remettre en cause ou en doute la liberté d'expression ou l'indépendance d'esprit d'aucun des membres du conseil et je trouverais décent qu'on fasse la même chose. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Rapidement, Mme la Présidente, deux courtes questions qui ne porteront pas sur la légitimité des propos de nos invités, mais sur le texte lui-même. Vous dites, à un moment donné, que le deuxième projet de résolution enlève à l'Assemblée nationale du Québec le pouvoir qu'elle possède, depuis 1867, de légiférer sans contrainte en matière de langue d'enseignement, pouvoir essentiel - vous parlez "de favoriser la progression du français et de l'anglais vers un statut d'égalité" - au maintien d'un équilibre entre les groupes linguistiques français et anglais au Québec. Quand vous parlez d'équilibre entre les deux groupes, est-ce seulement de l'anglais et du français au Québec ou parlez-vous plutôt de l'équilibre au niveau du pays, au niveau du Canada? Exemple: le français devrait être au Québec ce que l'anglais est en Ontario. Vous semblez attacher de l'importance seulement au niveau de l'équilibre des deux langues au Québec. Je verrais plutôt l'égalité d'usage au niveau du pays, c'est-à-dire le français est au Québec, par exemple, ce que l'anglais est en Ontario. Ce n'est pas comme cela que vous le voyez?

La Présidente (Mme Cuerrier): M.

Plourde.

M. Plourde: Oui, Mme la Présidente. Si c'était comme cela, il me semble qu'au fond ce serait plus réaliste, parce que, finalement, vous le savez tous, il y a des provinces qui ne seront pas, de façon sérieuse, un tant soit peu françaises d'ici bien longtemps dans le Canada. Par contre, vous en avez une qui est très majoritairement française et les autres provinces sont majoritairement anglaises. Si vous parlez d'un équilibre au niveau du Canada, nous disons au fond qu'il serait beaucoup plus réaliste de concevoir, comme nous l'avions dit dans une de nos positions, une sorte de géométrie variable, c'est-à-dire qu'en tout réalisme, considérant que la province de Québec est très majoritairement française, il faudrait avoir pour cette province des principes linguistiques, des politiques linguistiques qui soient différentes de ce qu'on peut avoir pour les autres provinces. Mais ce que le projet fédéral de charte canadienne, en ce qui concerne les droits linguistiques, semble vouloir faire et veut faire, c'est essayer d'établir une soi-disant symétrie, une soi-disant justice mathématique qui est impossible et qui n'existe pas dans les faits. Cela n'aboutit finalement qu'à des injustices contraires en obligeant une province à légiférer pour donner plus de place à l'anglais et en n'obligeant pas une autre province à légiférer pour donner plus de place au français.

L'équilibre linguistique général au Canada, à mon avis, n'est pas possible. Que le fédéral, dans ses institutions, veuille le plus possible servir le public dans les deux langues, j'entends cela. Parfait. Mais le fameux rêve de vouloir, en principe, pour les provinces, le même équilibre linguistique, ce n'est pas réaliste. C'est pourquoi nous disons que devant cela, devant cet échec, devant cette impossibilité qui se tourne en injustice, finalement, pour les francophones, le gouvernement fédéral qui présente ce projet aurait beaucoup mieux fait de reconnaître que ce qui a besoin d'être protégé, ce qui a besoin d'être promu et soutenu au niveau pancanadien, c'est bien plus le français qui est minoritaire dans l'ensemble du Canada que l'anglais qui a déjà ses racines économiques et culturelles très fortes dans tout le continent.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Bellechasse, malheureusement, le temps est déjà...

M. Goulet: Oui, une dernière question, Mme la Présidente, très courte.

La Présidente (Mme Cuerrier): ...utilisé en entier du côté de l'Opposition, à moins que je ne n'aie un consentement unanime.

M. Goulet: J'ai une question de deux secondes.

M. Rivest: Consentement.

M. Bertrand: Consentement.

La Présidente (Mme Cuerrier): Vous avez un consentement.

M. Goulet: Une très courte question, Mme la Présidente. Ce n'est pas l'Union Nationale qui a utilisé le plus de temps.

Vous demandez indirectement au fédéral de retourner à la table de négociations et d'obtenir l'accord de ses partenaires, entre autres, le Québec, mais est-ce l'accord de tous ses partenaires? Est-ce l'accord d'une majorité? Vous ne suggérez pas de formule quelconque. Vous dites "l'accord de ses partenaires. Est-ce de tous ses partenaires, de la majorité de ses partenaires, ou quelle formule serait la bonne, d'après vous?

M. Plourde: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le président.

M. Plourde: ...vous comprendrez que le rôle du conseil est un rôle consultatif et d'avis sur quelque chose qu'on nous présente ou sur des éléments d'une politique de la langue qui nous arrivent de gauche ou de droite et sur lesquels nous devons réfléchir pour donner un avis. Le Conseil de la langue française n'est pas du tout dans le domaine exécutif et il est encore bien moins dans le domaine politique au sens de "politics". Il ne nous appartient pas - j'en suis désolé - de donner quelque réponse que ce soit, si inchoative soit-elle, à une question comme celle-là. Je suis désolé.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Vanier.

M. Bertrand: Merci, Mme la Présidente.

Mme la Présidente, ce matin, le Conseil de la langue française a eu droit aux arguments sabots du député libéral de Saint-Laurent. Messieurs, vos tentatives de faire de la politique partisane ont été démasquées. Vous savez maintenant à quoi vous en tenir; s'il advenait, par malheur, que le Parti libéral du Québec prenne le pouvoir aux prochaines élections, vos têtes sont en jeu. Vous devrez déposer vos cartes de membre du Parti québécois et on devra vous remplacer par des gens qui, comme le Parti libéral du Québec, ont l'intention de reprendre à zéro le dossier linguistique, de rétablir un climat social qu'on a connu sur cette question après les lois 63 et 22 et de remettre le Québec sur le sentier des affrontements...

M. Forget: Mme la Présidente, je ne veux pas interrompre mon collègue, mais...

M. Rivest: Bla-bla-bla.

M. Bertrand: ...que nous avons enfin réussi à dissiper depuis quelques années.

La Présidente (Mme Cuerrier): Sur une question de règlement, sans doute, M. le député de Saint-Laurent?

M. Forget: Oui, effectivement, Mme la Présidente, en vertu de l'article 96.

M. de Bellefeuille: Cela fait mal, n'est-ce pas?

M. Bertrand: L'article 96 c'est pour la fin du discours.

Une voix: Après, après, l'article 96.

M. Forget: Si notre jeune collègue de Vanier ne cesse pas, je devrai prendre le temps de la commission pour utiliser mes droits en vertu de l'article 96.

M. de Bellefeuille: Après l'intervention du député de Vanier.

M. Forget: Oui, après, effectivement, mais je l'avertis d'avance de manière qu'il économise le temps de la commission.

M. Bertrand: Mme la Présidente, je peux continuer?

La Présidente (Mme Cuerrier):

Certainement, M. le député de Vanier.

M. Bertrand: Mme la Présidente, pendant dix minutes, plutôt que de s'intéresser au fond du dossier présenté par le Conseil de la langue française, comme son mandat, d'ailleurs, l'invitait à le faire, le député de Saint-Laurent s'est permis une charge critique et, à mon avis, tout à fait injuste à l'endroit d'un organisme dont la loi dit justement qu'il doit s'occuper de donner des avis et d'éclairer la population et pas simplement le gouvernement sur les opinions qui prévalent au sein de ce conseil relativement à la position de la langue française au Québec, à l'avenir de cette langue dans notre communauté.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député, pourrais-je vous ramener au mandat de la commission maintenant?

M. Rivest: Oui, oui.

M. Bertrand: Oui, mais, Mme la Présidente, je suis assuré que vous aurez un traitement équitable face au gouvernement comme vous l'avez eu face à l'Opposition tout à l'heure. Je me rappelle que l'intervention du ministre et celle du député

de Saint-Laurent n'ont donné lieu à aucune question à l'endroit du Conseil de la langue française. Je pense qu'à la suite de celle du député de Saint-Laurent, il vaut certainement la peine de replacer un certain nombre de choses dans leur juste contexte.

Mme la Présidente, le Conseil de la langue française a été presque blâmé tantôt de présenter un mémoire. Semble-t-il, cela aurait été à l'invitation du gouvernement. Or, les premières lignes du mémoire disent: Nous voudrions d'abord souligner pourquoi nous avons demandé à être entendus par cette commission. Et par la suite, le conseil résume un peu le mandat qui lui est donné par la loi. Il a fait, je pense, ce qu'il était de son devoir de faire pour éclairer la population.

Je comprends très bien - c'est là-dessus que j'aurai une question à poser au Conseil de la langue française - pourquoi le député libéral de Saint-Laurent s'est ainsi attaqué au Conseil de la langue française. Un des arguments de fond du Conseil de la langue française, c'est de dire que par sa résolution, le gouvernement fédéral vient sabrer très concrètement dans les dispositions de la loi 101 et vient empêcher le gouvernement du Québec et l'Assemblée nationale, d'exercer sa pleine juridiction sur la question linguistique.

Or, je ne suis point surpris de voir le député libéral de Saint-Laurent ne pas poser des questions au Conseil de la langue française sur ce point fondamental de son mémoire, puisque lui-même adopte, à l'endroit de la question linguistique, fondamentalement la même attitude que le gouvernement fédéral, avec des moyens différents, avec des approches différentes, avec des astuces différentes. Ils ont, libéraux fédéraux et libéraux provinciaux, le même objectif, c'est de refaire de la question linguistique, un enjeu majeur.

Lors du congrès de l'Estrie, en fin de semaine, alors que Georges Lalande continuait son travail pour amener les troupes libérales à revenir sur la proposition de leur programme politique, on a vu le chef libéral, M. Ryan, dire à ses troupes: N'oubliez pas que la question linguistique ne doit pas être un objectif majeur durant la campagne électorale, ce ne doit pas être un enjeu majeur.

Or, ce dont on se rend compte, aujourd'hui, c'est qu'ils se sont eux-mêmes "auto-pelure-de-bananisés". Ils ont fait de la question linguistique maintenant un enjeu majeur, comme les libéraux fédéraux l'ont fait avec la résolution.

Il y a une question que je voudrais poser au Conseil de la langue française, après vous avoir remerciés d'avoir apporté autant de précisions sur les implications pour la loi 101 et pour l'avenir du français au Québec, au sujet de la résolution fédérale.

Beaucoup de gens se posent des questions à savoir que veut dire, concrètement, l'adoption de la résolution fédérale pour l'avenir du français au Québec, et en particulier pour la juridiction québécoise en matière linguistique, on pense évidemment à la loi 101.

Vous nous avez apporté des éclaircissements importants, concrets, qui prouvent à l'évidence que ce qui est en train de se passer à Ottawa va avoir des conséquences dramatiques pour l'avenir de la langue française au Québec et pour l'équilibre linguistique.

Mais dans ce contexte-là, le Conseil de la langue française - là-dessus, ce n'est pas votre mandat - n'a pas voulu donner des avis sur la façon dont les libéraux provinciaux sont en train d'aborder cette question. Si on lit bien entre les lignes, on se rend bien compte que tous ceux qui, à l'heure actuelle, avant même que la loi 101 n'ait eu le temps de faire son temps et de démontrer qu'elle est applicable, qu'elle est valable, et qu'elle a résolu des problèmes, avant même que ce temps n'ait été alloué, le Parti libéral du Québec veut revenir ouvrir de nouveau le débat, au moment où les plaies se cicatrisent et au moment où toute la population du Québec reconnaît que la loi 101 est peut-être la mesure qui a réussi à créer la plus large unanimité depuis à peu près quatre ans.

M. Rivest: Avant même que...

M. Bertrand: Dans ce contexte-là, je voudrais demander au Conseil de la langue française, vous qui êtes un peu les gens à l'affût de ce qui peut arriver à la langue française au Québec si jamais des gestes sont posés, ou par les libéraux provinciaux -évidemment, vous ne serez plus là si jamais un jour fatalement, cela devait arriver, pour en juger - ou par les libéraux fédéraux, à partir de la résolution fédérale, à votre point de vue - vous l'esquissez dans votre mémoire - si jamais la résolution fédérale devait passer telle qu'elle est écrite, avec ses amendements, le français au Québec, vous semblez le dire, est dangereusement mis en cause, au moins dans sa valeur prioritaire... Quand on disait "protéger le français", cela voulait dire au moins faire en sorte que le Québec soit aussi français que l'Ontario est anglais. Et en sachant que l'article 133 de la constitution ne sera pas appliqué à l'Ontario, parce que M. Trudeau a besoin de l'appui du premier ministre ontarien, je voudrais que le Conseil de la langue française porte un jugement sur les dangers - mais, si possible, et dans la mesure où vous avez des études à ce point de vue - numériques, démographiques qui guettent non seulement l'avenir de la majorité francophone au Québec, mais aussi, dans la mesure où vous auriez des chiffres là-dessus, l'avenir des

minorités francophones à l'extérieur du

Québec.

(11 h 30)

Vous avez bien pris soin de dire, à un moment donné, qu'à toutes fins utiles on esssaie d'appliquer le même genre de politique pour les minorités d'un bout à l'autre du Canada, alors que ces minorités sont dans des situations objectives diamétralement différentes. J'aimerais connaître, à ce point de vue, peut-être de façon plus percutante encore, ce que le conseil a à dire à la population.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député, j'allais justement vous demander de terminer le plus rapidement possible pour permettre au Conseil de la langue française de faire ses commentaires.

M. Plourde: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Cuerrier): Quelques minutes seulement, monsieur.

M. Plourde: Pardon?

La Présidente (Mme Cuerrier): Quelques minutes seulement pour...

M. Plourde: Quelques minutes seulement, alors, je vais essayer d'être bref. Je dois dire que le Conseil de la langue française s'est réuni à la fin de janvier pour étudier les amendements du ministre fédéral de la Justice. C'est à la suite de cette réunion, donc, à peine il y a dix ou douze jours, que j'ai pu demander aux démographes du conseil de faire une sorte de simulation à partir, par exemple, de l'article 23.

Cette étude-là n'est pas encore disponible. Nous sommes en train d'y travailler. D'après les chiffres préliminaires que nous avons, si les trois portes d'accès à l'école anglaise s'ouvraient, d'après l'article 23 dont nous avons parlé tout à l'heure, et si nous essayions de simuler en termes de pourcentage la fréquentation scolaire de langue anglaise de 1977 à 1980, comme si l'article 23 avait été adopté en 1977, en place et lieu de la loi 101, pour ce qui est de la langue d'enseignement, la fréquentation scolaire en anglais, nous avons le pourcentage de 14,7 en 1979-1980, ce qui se rapproche passablement du poids relatif de la population anglophone dans l'ensemble du Québec ou, si vous voulez, de l'importance représentative des anglophones dans l'ensemble du Québec qui est de 12,8%. Alors, actuellement, la fréquentation scolaire du côté anglais, en langue anglaise, est de 14,7%.

Si nous avions eu l'article 23 depuis trois ans, le pourcentage de fréquentation scolaire serait de 16,6% ou 17%. On peut évidemment se chicaner sur les chiffres. Les chiffres des démographes peuvent être, bien sûr, relatifs. C'est à peu près la proportion la plus précise que nous puissions voir, ce qui revient à dire que ce pourcentage de fréquentation de l'école anglaise sous le régime de l'article 23 du projet fédéral serait légèrement supérieur à ce que nous avions en période de libre choix entre les années 1971 et 1975, où les pourcentages variaient entre 15,6%, 15,7%, 16%, 16,5% et 16,7%.

Ce sont des chiffres, mais il y a quelque chose de plus important que les chiffres, Mme la Présidente - je terminerai là-dessus, si vous voulez - disons que ça pourrait correspondre à entre 13% et 15% d'augmentation absolue, en termes de têtes d'étudiants. Mais ce qui est le plus important, c'est la question de statut du français. L'article 23, c'est une chose, mais le troisième alinéa de l'article 16 sur lequel nous avons insisté, c'est quelque chose.

Dans ce projet, ce qui me paraît encore plus important et plus dangereux que toute autre chose, c'est cette progression forcée vers l'égalité de statut et d'usage de la langue française et de la langue anglaise au Québec. À ce moment-là, c'est véritablement aller à l'encontre des principes majeurs de toute politique linguistique décente pour une majorité francophone qui, de surcroît, doit assurer un rayonnement francophone dans le contexte canadien nord-américain.

C'est la question de statut qui est de beaucoup plus importante encore que la question de chiffres, à mon avis. Or, la question de statut entraîne des mouvements sociologiques, entraîne tout un impact psychologique qui fait que, finalement, tôt ou tard, les chiffres démographiques indiquent des tendances qui, de même qu'un bateau ne peut s'arrêter qu'à moins d'avoir 18 milles marins ou 5 milles sur les côtés pour une manoeuvre sur les côtés, ne se répercutent que dans des générations. Il faut savoir y attacher l'importance voulue lorsqu'ils sont donnés. Je n'insisterais pas tellement sur les chiffres, mais sur ce que j'ai dit après.

La Présidente (Mme Cuerrier): II me reste à me faire le porte-parole de la commission de la présidence du conseil et de la constitution pour remercier M. Michel Plourde qui a représenté le Conseil de la langue française, de même que MM. Lapointe, Rioux et Paquette. Merci beaucoup pour votre contribution à la commission.

M. Plourde: Merci, Mme la Présidente. Merci, messieurs.

La Présidente (Mme Cuerrier):

J'appellerai maintenant le Positive Action, Action positive à se présenter devant la commission. On me dit que les départs

d'avion étaient retardés et qu'ils se présenteront, s'ils ne sont pas déjà là.

Je vous fais part d'une remarque. Dans le règlement, il est entendu que, quand un groupe n'est pas présent au moment de l'appel, ou bien la commission décide de ne pas l'entendre ou bien elle accorde la possibilité de le recevoir à un autre moment. Je voudrais que la commission statue là-dessus dès maintenant.

M. Morin (Louis-Hébert): Mme la Présidente, je pense bien que nos amis libéraux et de l'Union Nationale et nous-mêmes, bien sûr, seraient d'accord...

La Présidente (Mme Cuerrier): Étant donné les circonstances.

M. Morin (Louis-Hébert): ...considérant les circonstances, pour écouter les représentants de Positive Action au moment où ils arriveront ou, en tout cas, un peu plus tard aujourd'hui. Mais on pourrait procéder maintenant avec l'autre groupe qui était sur la liste. Est-ce que tout le monde est d'accord?

M. Forget: Absolument.

La Présidente (Mme Cuerrier): D'accord. Je m'attendais un peu à cette réponse, mais il fallait quand même le demander.

M. Morin (Louis-Hébert): II faut être conciliant.

M. Rivest: II faut être prudent.

La Présidente (Mme Cuerrier):

Malheureusement, il y a un peu l'apparence, des fois, qu'on est trop attentif au règlement, mais j'ai l'impression qu'il faut bien s'en tenir au règlement. Je n'ai pas le choix, c'est mon travail.

La Ligue d'action nationale, dont M. Jean Genest est le porte-parole, pourrait-elle se présenter? Et quand nous saurons que les membres de Positive Action seront arrivés, nous les entendrons. M. Jean Genest pourrait-il présenter les personnes qui l'accompagnent, s'il vous plaît?

Ligue d'action nationale

M. Genest (Jean): Je préférerais laisser cet honneur à M. François-Albert Angers qui est le président de la Ligue d'action nationale.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. François-Albert Angers.

M. Angers (François-Albert): Mme la Présidente, les membres de la ligue qui m'accompagnent sont d'abord celui que vous venez de nommer, à mon extrême droite, le père Jean Genest; immédiatement à côté de lui, le père Richard Arès, qui est un nom bien connu, j'imagine, comme un ancien commissaire de la commission Tremblay; l'historien Michel Brunet, M. le Dr Dupuis de Québec, M. Patrick Allen qui est de l'École des hautes études commerciales et moi-même, François-Albert Angers, aussi de l'École des hautes études commerciales et de la Ligue d'action nationale.

La Présidente (Mme Cuerrier): Alors, vous disposez d'une vingtaine de minutes pour la présentation du mémoire.

M. Angers: Je vais dire juste deux ou trois mots, pour vous rappeler que la Ligue d'action nationale est un organisme très ancien qui fait la lutte nationaliste pour l'émancipation du Québec depuis 1912. Nous avons passé à peu près par toutes les phases du combat en essayant de convaincre le gouvernement fédéral de donner un véritable fédéralisme au Canada. En désespoir de cause, en 1967, après 55 ans de batailles, de luttes, d'écrits, de mémoires, d'analyses, nous avons conclu que nous ne pouvions plus faire autre chose que de devenir indépendantistes.

La Ligue d'action nationale a eu dans ses rangs le chanoine Groulx, Esdras Mainville, le père Arès, toute une série d'hommes, en somme, qui ont fait de l'action intellectuelle dans l'esprit de leur fondateur et qui, par conséquent, ont toujours été au courant et se sont toujours préoccupés d'étudier les problèmes en question.

Aujourd'hui, nous ne voudrions pas revenir sur tous les points que met en cause la résolution qui est présentée à Ottawa. D'autres sont venus ici qui vous ont exposé tous les aspects du problème. Nous, à l'Action nationale, dans notre tradition, nous voulons insister surtout sur le point central. C'est le seul sur lequel nous allons nous prononcer dans l'esprit, précisément, de le souligner, parce que nous sommes en face d'un abus de pouvoir, un abus démentiel du pouvoir en vue d'imposer à tout le Canada les décisions d'un homme qui a sa conception du Canada et qui veut l'imposer d'une façon inconstitutionnelle et arbitraire. De sorte qu'on apporterait n'importe quel amendement à tout ce qui a été proposé dans cette loi, que tout ce qu'il y aurait dedans finirait par nous plaire, qu'il faudrait encore dire: Ce n'est pas la façon de procéder. Voilà, en somme, le point sur lequel nous allons insister. C'est l'historien Michel Brunet qui va vous présenter le point de vue qui explique précisément que nous sommes devant un abus de pouvoir qu'on peut appeler tyrannique.

La Présidente (Mme Cuerrier): M.

Brunet.

M. Brunet (Michel): D'abord, j'ai rédigé ce texte avant le rapport Kershaw. Il est bien évident que le rapport Kershaw, publié il y a quelques semaines, vient compléter mon texte; celui-ci a été rédigé l'automne dernier. Dès le départ, après avoir examiné ce fameux projet de résolution... Je l'ai lu à plusieurs reprises; chaque fois qu'on le lit, on découvre d'autres détails machiavéliques. En réalité, il est très bien fait, tout a été prévu, tout a été cerné. J'avais simplement pris cette idée: Le fédéralisme canadien vu de Londres, de 1867 à 1980. J'essayais de me placer dans la perspective historique, de voir quel accueil on pourrait faire à ce projet, tenant compte des précédents. La réponse, nous l'avons par le rapport Kershaw. C'est pourquoi je dois aviser le comité que tout ceci a été rédigé bien avant; le rapport Kershaw ne vient que confirmer ce que nous avons avancé.

Je rappelais les différentes étapes où Londres a été appelée à se prononcer sur l'évolution des institutions politiques canadiennes et, en particulier, du fédéralisme canadien. J'ai abordé rapidement l'intervention du comité judiciaire du Conseil privé où j'ai rappelé les premières grandes décisions et, surtout, je voudrais ajouter ceci. Vous savez qu'au Canada anglais, en général, les constitutionnalistes et les historiens sont très sévères à l'égard du comité judiciaire du Conseil privé. On dit qu'il y a eu les pères de la Confédération et qu'il y a eu les beaux-pères ou les marâtres; les marâtres, c'est le comité judiciaire.

Là-dessus, j'ai toujours jugé que mes collègues historiens "Canadian" et les constitutionnalistes "Canadian" sont injustes. En fait, le comité judiciaire, dans ses décisions... C'est pourquoi il y a un petit paragraphe que j'intitule "La pertinence de l'intervention du comité judiciaire". Les juges britanniques - on voit très bien la tradition qui se continue aujourd'hui - appelés à juger des conflits de compétence dans un État fédéral, eux-mêmes ne vivant pas dans un État fédéral, se sont renseignés à savoir ce qui se passait en confédération germanique, ce qui se passait aux États-Unis et ont essayé de voir comment ils devaient réagir comme tribunal de dernière instance dans des conflits de compétence dans un État fédéral. Si, réellement, leur décision avait été si contraire aux intérêts et aux besoins de la population du Canada de cette époque, la population elle-même aurait réagi. C'est pourquoi nous avons remarqué, comme on l'a déjà dit aux États-Unis, qu'il est étonnant comment les juges peuvent analyser les résultats d'élection. (11 h 45)

Or, de fait, c'est que le tribunal britannique s'est rendu aux besoins mêmes de la population et il est faux de soutenir que, en somme, on aurait corrompu la constitution canadienne puisque les citoyens eux-mêmes ont accepté les interventions du comité judiciaire. Vous savez que ce n'est qu'à la fin de la première moitié du XXe siècle que, finalement, les appels seront abolis, et c'est même le comité judiciaire, en 1946, qui a fait comprendre au Canada, qui avait déjà aboli ces appels en droit criminel, qu'il était temps de les abolir en droit civil.

Ensuite, j'ai abordé le Parlement britannique. Quant au Parlement britannique, il est évident que dès le début, il a bien eu conscience de créer un État fédéral. À ce sujet, nous n'avons qu'à lire le préambule même de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Quand le Parlement britannique dit qu'il a pris en considération le fait - et je cite - que les provinces du Canada, voulant comprendre le Canada uni de 1940, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick ont exprimé le désir de contracter une union fédérale... c'est le préambule même de notre constitution.

Un fait à retenir, l'article 146, chose étrange, article dont l'existence était ignorée par M. Chrétien, ministre de la Justice, lui-même responsable du dossier. Vous vous rappelez qu'il ne savait même pas qu'il y avait un article 146. Or, l'article 146 prévoyait l'admission éventuelle de Terre-Neuve, de l'Île-du-Prince-Edouard ou de la Colombie-Britannique. Cet article prend soin de préciser que, dans chaque cas, l'Assemblée législative de chacun de ces dominions devra en faire la demande. Déjà, dans l'article 146 de 1867, on reconnaît, et dans le préambule et dans l'article 146, le droit de participation libre de la province concernée.

Ensuite, vous avez l'Acte de 1871. On avait adopté la loi de 1870 créant la province du Manitoba à même les territoires de l'ouest qu'on venait d'acquérir de la Baie d'Hudson, mais à un moment donné, on s'est posé un scrupule se demandant si on avait le droit de le faire. C'est pourquoi le Manitoba a deux constitutions: il y a la loi fédérale de 1870 et, finalement, on est allé à Londres, en 1871, pour confirmer. En accordant au Parlement du Canada le pouvoir d'établir de nouvelles provinces dans les territoires - parce qu'on prévoyait qu'il y en aurait d'autres, et plus tard, nous créerons la Saskatchewan et l'Alberta - le législateur britannique juge nécessaire de rappeler qu'Ottawa ne peut pas modifier les frontières d'une province sans le consentement de son Assemblée législative.

J'arrive finalement à l'étape la plus essentielle, celle du Statut de Westminster. Le Statut de Westminster est ce fameux article 7 que je cite dans le rapport à la page 6: II est bien entendu, et dans les débats au Parlement britannique et dans les

débats ici même à Ottawa, lorsque M. Bennett propose justement sa requête à la reine, qu'il y a eu, au Canada, une conférence fédérale-provinciale au printemps de 1931 et on n'a pas réussi à s'entendre sur les amendements et la façon d'amender la constitution. À ce moment-là, en vertu du Statut de Westminster, le Parlement impérial renonçait à toute intervention dans les législations locales, ici même, à la demande du Canada.

Dans la résolution adoptée au Parlement d'Ottawa, il est bien spécifié que... M. Bennett le rappelle quand il dit: Nous ne devions aucunement précipiter les choses de façon à laisser croire aux provinces qu'on avait empiété sur leurs droits constitutionnels ou qu'on avait diminué leurs pouvoirs ou leur autorité.

À la conférence fédérale-provinciale d'avril 1931, il répète: la Chambre se réjouira d'apprendre que les représentants provinciaux et du Dominion ont décidé à l'unanimité de faire insérer, comme article du Statut de Westminster, la disposition discutée. Quand le Parlement de Westminster adopte l'article 7 du Statut de Westminster, il devient solidaire de la procédure suivie ici et qui en tient compte d'ailleurs dans le préambule.

Ensuite, il y a l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1940, ou de 1949, quand Terre-Neuve entre dans la Confédération. Là encore les législateurs britanniques disent, dans le préambule de la loi admettant Terre-Neuve, que par voie de référendum la population de Terre-Neuve a signifié à la majorité des voix son désir d'entrer en confédération avec le Canada - on emploie même le mot "confédération" en 1949. Les législateurs britanniques tiennent compte de la volonté des Terre-Neuviens et précisent que ceux-ci deviennent associés à un État fédéral qu'on nomme même Confédération.

Enfin, il y a l'amendement de 1949, l'article 91.1. Vous savez que la Cour suprême du Canada elle-même a été obligée d'intervenir quand on lui a soumis le cas de la loi C-60. Or, cet arrêt de la Cour suprême du Canada, en décembre 1979 m'a étonné à l'époque. Jamais un tribunal, même au plus beau moment du comité judiciaire du Conseil privé, n'était allé aussi loin. Vous savez que l'arrêt est unanime. Il ne faut quand même pas oublier qu'une bonne partie des juges qui sont là ont été nommés par le gouvernement actuel à Ottawa. Je suis convaincu que le premier ministre a été très déçu de ce que ses juges lui ont livré. Jamais on était allé si loin. On a fait une distinction, pour la première fois, entre la constitution du Canada et l'Acte de l'Amérique du Nord britannique où l'on fait une distinction entre le Canada, entité géographique, et le Canada, entité fédérale. Jamais dans toutes les décisions antérieures on n'est allé aussi loin. Je dirais même que c'est une déclaration formelle et complète, une confirmation formelle et complète du fédéralisme canadien.

J'admets que, à l'origine de la constitution de 1867, le fédéralisme était très mince. Rappelons-nous ce que disait Macdonald à l'époque, que les provinces seraient des "magnified municipalities", qu'elles auraient des "miniatured self-governments". C'est pourquoi, quand j'entends des gens dire: Retournons à la constitution des Pères, j'ai toujours prié pour ne jamais y retourner, mais le fédéralisme que nous avons est hérité de cette évolution que j'ai essayé de résumer.

Ma conclusion, naturellement, c'est que le Parlement britannique, s'il est logique avec lui-même et avec les engagements antérieurs, peut difficilement, au point de vue constitutionnel... Remarquez qu'au point de vue légal, c'est une autre question: le Parlement britannique a le pouvoir légal d'agir comme à l'époque de la reine Victoria dans le cas du Canada. Rappelez-vous quand on a supprimé l'Assemblée du Bas-Canada et qu'on a créé le Conseil spécial. Théoriquement, légalement, étroitement, juridiquement, Westminster est suprême. Comme on l'a toujours dit, le Parlement britannique peut tout faire sauf changer un homme en femme et, avec les développements actuels de la science, même là on peut s'interroger. Or, ceci juridiquement. D'ailleurs, c'est l'argumentation que soutiennent ceux qui pensent obtenir le consentement. Il faut dire qu'à ce moment ils ont une interprétation étroitement légalistique. Or, le rapport Kershaw précise bien une distinction entre ce qui est constitutionnel et ce qui est légal.

Ceci étant dit, il est inévitable qu'au Parlement de Londres ou à la Chambre des Lords - il y a la Chambre des communes et il y a la Chambre des Lords; il ne faut pas oublier que les Lords ont un droit de veto de deux ans - on ne peut pas ignorer une tradition de plusieurs décennies. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre des Affaires intergouvernementales.

M. Morin (Louis-Hébert): Merci, Mme la Présidente. Je voudrais, à la suite de votre mémoire qui contient une sorte de séquence historique de l'évolution du fédéralisme canadien et qui replace certaines parties de cette évolution dans leur contexte, vous poser une question qui découle d'une préoccupation que j'ai comme homme politique. Je suis, par mes fonctions, souvent amené à qualifier ce qui se produit maintenant devant ce coup de force des libéraux fédéraux. Il m'est arrivé, à quelques reprises, de dire - parce que je le crois

sincèrement - que ce que nous vivons maintenant au Québec et ce que les autres provinces vivent aussi, mais particulièrement nous au Québec parce que, comme on l'a dit tantôt, il y a l'élément linguistique qui entre en ligne de compte et qui est capital pour nous, est sans précédent. Par contre, ce qu'on nous dit à Ottawa, c'est qu'on demande à la Grande-Bretagne, à toutes fins utiles, de tout simplement se comporter comme elle l'a toujours fait, c'est-à-dire que, lorsque le gouvernement fédéral envoie une résolution, la Grande-Bretagne, à toutes fins utiles, est une sorte de "rubber-stamp"; elle est d'accord nécessairement avec la demande qui lui parvient du gouvernement central.

Est-ce que je suis victime, comme homme politique, d'une sorte d'exagération, qui peut arriver des fois dans la chaleur du débat, lorsque je dis que ce que nous vivons maintenant est sans précédent? Je vous pose très carrément la question parce que, s'il y a des précédents qui ressemblent à ce que nous vivons maintenant, je serais intéressé à les connaître avant d'aller plus loin et, s'il n'y en a pas, il faudra en tirer les conclusions. Or, ma question est: Ce que nous vivons maintenant comme tentative de coup de force, dans vos études, vous M. Brunet, le père Arès, M. Angers ou qui que ce soit - je n'adresse ma question à personne en particulier - avez-vous déjà pu le voir à d'autres moments de l'histoire du Canada et du Québec?

M. Brunet: Non, jamais. Comme je le faisais remarquer à un groupe d'étudiants à l'université, ce que tente actuellement le premier ministre du Canada, c'est plus qu'un coup d'État. Comme coup d'État vous avez le cas, par exemple, de Louis-Napoléon Bonaparte. Louis-Napoléon Bonaparte a été élu président de la République française en 1848. La République française est un État unitaire. Louis-Napoléon Bonaparte fait son coup d'État en décembre 1851 et en 1852 il se fait plébisciter empereur à vie. Il n'a rien changé dans la structure de la France. La France était un État unitaire de 1848 à 1851; après le coup d'État, au lieu d'avoir un président élu pour un mandat de 5 ans, elle avait un président à vie, mais elle demeure un État unitaire.

Actuellement, nous avons un premier ministre qui a pris un pays fédéral et à toutes fins utiles, avec cette charte et la façon dont il utilise l'intervention des tribunaux, quand il dit: Je n'augmente pas les pouvoirs du fédéral, il y a quelque chose de vrai là-dedans, mais on diminue les pouvoirs des provinces. Ah, mais ce sont les tribunauxl Oui, mais écoutez, à ce moment-là, on ramène la relation à des niveaux de citoyens et on ignore tout un secteur de l'équilibre et on ignore le Canada, entité géographique dont parlait la Cour suprême de 1979. Alors, c'est beaucoup plus grave que le simple coup d'État: État unitaire avant, État unitaire après. Tandis qu'ici, c'est État fédéral avant, chance d'État unitaire après. Alors, jamais cela ne s'est produit.

M. Morin (Louis-Hébert): M. Brunet, justement, vous parlez de l'État unitaire, donc, par implication, du système fédéral dans lequel nous vivons maintenant. Évidemment, j'ai mes idées, nous avons nos idées en ce qui concerne ce système fédéral, mais est-ce exagéré de dire que la tentative fédérale, si elle devait se concrétiser, va changer la nature politique du Canada malgré l'opposition des provinces? Est-ce qu'elle va changer la nature politique du Canada? Est-ce que cela se peut - parce que vous venez de le dire - si ce coup de force devait se réaliser, que nous nous acheminions possiblement vers un État unitaire où les entités provinciales, par conséquent encore plus la société québécoise, finiraient par devenir, à toutes fins utiles, des régions ou des structures insignifiantes politiquement? Est-ce que c'est exagéré de dire cela?

Comprenez bien ma question. Je ne veux pas ce matin me porter à la défense du système fédéral, mais je dis, comme M. Lévesque l'a déjà dit à quelques reprises, que les gens ont opté pour la continuation du régime fédéral. Très bien. À ce moment-là, il reste que plusieurs types de régime fédéral peuvent exister et ce que nous disons nous, c'est qu'à choisir entre deux types de fédéralisme, celui voulu par les libéraux fédéraux et celui voulu par les provinces, c'est-à-dire un fédéralisme plus décentralisé, plus humain, nous choisissons le deuxième connaissant quand même les limites mêmes de ce fédéralisme. Bon, c'est l'arrière-plan de notre position politique.

Ma question: Qu'est-ce qui, dans ce qui se passe maintenant, pourrait apporter une modification à la dynamique du système dans lequel on est et qui conduirait ce système à devenir éventuellement unitaire. Est-ce que ce n'est pas une exagération que de dire ça? (12 heures)

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Brunet.

M. Brunet: C'est que, moi, je dis qu'on ouvre la porte à des contestations à n'en plus finir devant les tribunaux. Prenons, par exemple, le cas de la mobilité des capitaux et des personnes, la question de l'emploi. Vous l'avez signalé, quelqu'un peut dire: Pourquoi m'obligerait-on à travailler en français? Pourquoi n'aurais-je pas droit d'être admis tout de suite au Barreau ou comme chirurgien, même si j'ai étudié dans une autre province? Là, peut-être les tribunaux trancheront-ils en faveur des habitudes acquises, peut-être trancheront-ils en faveur

des nouvelles structures auxquelles on rêve; je ne le sais pas d'avance. Mais vous avez la possibilité de contestations judiciaires et c'est toute l'économie des institutions politiques qui est modifiée.

Vous savez qu'aux États-Unis, actuellement, on s'interroge sur l'amendement à la constitution au sujet de l'égalité des sexes; quand on arrive avec des amendements de ce genre, on ouvre une boîte de Pandore. Pour répondre à ce que vous disiez, rappelez-vous le témoignage de M. Skelton devant la commission parlementaire à Ottawa - on faisait justement enquête sur la constitution - que je cite à la page 9. À ce moment, on accueillait M. Skelton comme conseiller, parce que M. Skelton était sous-secrétaire d'État aux Affaires extérieures et greffier du Conseil exécutif. On dit: "En 1935, comparaissant devant un comité spécial de la Chambre des Communes sur la constitution..." À ce moment on avait posé la question: Est-ce que Londres peut toujours intervenir, après le Statut de Westminster?

Or, même lui allait jusqu'à dire que Londres, malgré le Statut de Westminster, pouvait encore intervenir avec les pleins pouvoirs dont je parlais tantôt. Par contre, il ajoute ceci: Dans toutes les démarches que nous avons faites jusqu'ici - en parlant des autres, parce qu'on n'a pas toujours respecté l'unanimité, je suis bien d'accord avec ça -jamais nos démarches - en parlant d'Ottawa - n'avaient modifié en quoi que ce soit la nature des relations entre les provinces et le fédéral ou, comme il dit: "include no major alteration of the distribution of federal and provincial powers and do not touch, in that sense, the heart of the matter". Ne vont pas au coeur même de la question. C'est pourquoi on ne peut pas s'en inspirer pour comprendre quelle serait l'attitude du Parlement du Royaume-Uni devant une requête du Dominion du Canada pour un changement dans les pouvoirs, si trois ou cinq provinces s'y opposaient. Déjà il posait l'hypothèse en 1935. On ne peut s'engager d'avance, jusqu'ici toutes les demandes qui ont été faites n'avaient rien d'essentiel.

Or, remarquez que la Cour suprême, dans sa décision de décembre 1979, reprend, presque mot pour mot, l'expression qu'utilisait M. Skelton en 1935, quand on parle de modifier la nature des relations.

Là, on est dans un autre processus; nous sommes devant une demande qui modifie... Et on ne cache même pas que les pouvoirs des provinces sont diminués, mais on se cache en disant: Le pouvoir fédéral ne sera pas augmenté; c'est le pouvoir des citoyens qui est augmenté. Oui, mais le citoyen dans une dimension fédérale-provinciale. C'est la théorie d'un État fédéral, créature des citoyens. Or, ce n'est pas ça du tout. Le Canada, qui a été bâti en 1867 et depuis 1867, est un Canada de provinces et d'un gouvernement fédéral; ça n'a jamais été un contrat entre un gouvernement "national" et des individus en bas. Jamais! c'est complètement faux.

M. Morin (Louis-Hébert): Je vais conclure. Ce n'est pas une question que je vous pose, mais j'essais de tirer un enseignement de ce que vous mentionnez. Est-ce qu'on a raison de penser que ce geste nous situe en quelque sorte à un embranchement dans notre évolution au Canada et au Québec, de sorte que, si le geste fédéral est perpétré, malgré tout, l'embranchement qui sera pris à partir de ce moment, ultimement peut conduire à un type de Canada qui, dans X années, ne correspondra absolument pas à celui où nous sommes habitués de vivre maintenant?

M. Brunet: ... jusqu'à aujourd'hui. D'ailleurs, remarquez l'éditorial de Peter C. Newman, dans le MacLean du 5 janvier dernier. Il dit: "En prétendant vouloir nous bâtir un nouveau pays, M. Trudeau est en train de détruire celui que nous avons commencé à édifier".

M. Morin (Louis-Hébert): Cette même remarque vient d'être faite par le premier ministre de Terre-Neuve, M. Peckford; je pense que c'est hier, à Montréal. Et M. Peckford n'est pas un bonhomme qui a toujours les mêmes idées que nous, du gouvernement du Québec. Alors, je pense que ça se confirme.

La Présidente (Mme Cuerrier): C'est maintenant M. le député de Jean-Talon qui a la parole.

M. Rivest: M. Angers, M. Brunet, je vous remercie. Je pense que dans le débat, dans les témoignages, cette perspective historique que vous avez brièvement résumée parce que je sais et nous savons tous les efforts et les travaux combien nombreux que vous avez faits dans le passé de situer justement l'ensemble du débat sur les démarches passées qui ont été faites au titre de la modification de la constitution... je vous en sais gré. Je vous demanderais une précision. Vous insistez sur le caractère et l'aspect consentement qui vous paraît inhérent à la nature même du régime fédéral. Quel est, à partir des textes, sur le plan historique également, l'étendue du consentement? Est-ce que vous êtes d'accord avec les propositions du rapport Kershaw à savoir que cela doit être un consensus général et quelle limite? Est-ce que c'est l'accord de toutes les provinces, de toutes les instances du gouvernement?

M. Brunet: L'unanimité, ça ou jamais.

Remarquez, si on prend le gouvernement fédéral lui-même, le rapport Favreau, que je cite - je ne sais pas à quelle page - quand M. Favreau était ministre de la Justice, il a publié un livre blanc justement sur cette question... Dans le rapport Favreau qui était d'ailleurs signé par le ministre même de la Justice, il était clairement établi... je ne trouve pas la citation. Est-ce que quelqu'un l'aurait devant lui?

M. Rivest: Les quatre principes du rapport Favreau.

M. Brunet: Oui, les quatre principes du rapport. Dans le rapport Favreau, on dit carrément que, depuis 1931, il n'est pas question, oui, c'est ça, je pense qu'on le dit ici... Le Parlement du Canada, 30 ans plus tard, j'ai rappelé en 1935, comme M. Skelton lui-même dit... Jusqu'ici, nos demandes n'ont jamais été au coeur même du problème et il n'y a jamais eu d'altération des relations entre le fédéral et les provinces. Si jamais on allait... je ne peux rien dire. S'il y avait trois ou cinq provinces, je n'ose pas me prononcer, c'est ce qu'il dit en 1935. Trente ans plus tard, en -1965, quand M. Favreau, à la suite d'une commission d'enquête, avait publié ce livre blanc, le texte dit carrément ceci: Le Parlement du Canada ne procède pas à une modification de la constitution intéressant directement les rapports fédératifs sans avoir au préalable consulté les provinces et obtenu leur assentiment. On ne dit pas "toutes". Or, là-dessus, l'unanimité, je suis bien d'accord que c'est à y regarder de plus près. Chose certaine, si Skelton parlait de trois à cinq et quand vous arrivez à six et peut-être à huit, c'est bien difficile d'appliquer le principe "avoir au préalable consulté les provinces et obtenu leur assentiment".

Il est évident qu'il y a une tradition. Comme je disais tantôt, ce n'est pas une convention qui a été conclue, officiellement votée. D'ailleurs, le rapport Kershaw est très prudent là-dessus, il va faire la distinction entre un procédé constitutionnel et un procédé légal, comme je l'ai rappelé tantôt. D'ailleurs, on voit comment à Londres on est très malheureux. Il est bien évident qu'à Londres, ce qu'on souhaite... d'ailleurs, les fuites qui se répètent comme des passoires, il est évident qu'il y a des complicités à Londres et à l'intérieur même du gouvernement fédéral pour permettre ces fuites. On voudrait bien que cela se règle ici même. Ici même, je crois qu'il y a une chose qu'on oublie: C'est que le Sénat du Canada est appelé à jouer un grand rôle. Malheureusement, on ne pense jamais au Sénat. Vous savez qu'au Sénat, il n'y a pas de règlement de clôture. Or, rappelez-vous, dans le projet initial, on donnait au Sénat un veto de 90 jours. Ensuite on a porté le veto à 180 jours.

Lundi dernier, on a remis au Sénat son veto traditionnel absolu. Il est évident qu'on a très bien senti que c'est au niveau du Sénat que ça commençait à chauffer. J'étais à Ottawa justement au début de novembre et il y a des sénateurs qui étaient loin d'être heureux. Vous vous rappelez d'abord qu'il y a deux sénateurs qui ont été obligés de démissionner du comité mixte, au début, quand, les sénateurs ont protesté au caucus contre la présence de M. Argue et de M. Fichte au comité. M. Trudeau a essayé de défendre leur position. Deux heures après, ils ont démissionné; ils ont été remplacés. Il y a des sénateurs qui auraient dit à ce moment au premier ministre: Si nous sommes condamnés à disparaître, comme vous l'avez souhaité avec le bill 60 et comme vous le souhaitez avec votre article sur votre veto temporaire, la fidélité au parti, c'est une chose, la fidélité au pays et à la constitution, cela en est une autre, si nous sommes appelés à disparaître, aussi bien disparaître dans la dignité que dans la servilité. Donc, c'est là. On ne pense pas au Sénat parce que le Sénat est peu populaire en général et on pensait en venir facilement à bout. Si on a consenti, parce que beaucoup de sénateurs libéraux ne sont pas prêts à voter pour, ils ne sont peut-être pas prêts à voter contre, mais ils ne sont pas prêts à voter pour, je suis convaincu qu'à Londres on compte sur le Sénat pour faire un enterrement de première classe.

Mais, justement, on ne pense pas au Sénat, et comme je l'ai dit à des sénateurs que je connais: Vous avez la chance de vous donner une nouvelle crédibilité.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Justement pour prolonger cette discussion au titre du consentement, M. Brunet, bien que, comme vous l'avez souligné, ce soit souvent difficile d'apprécier les décisions qui ont été prises dans le passé dans le contexte d'aujourd'hui, il y a quand même, au cours de l'histoire constitutionnelle du Canada, dans l'ordre constitutionnel proprement dit et dans l'ordre politique ou économique, entre les gouvernements - ça fait partie du fédéralisme canadien - toute une tradition et un dossier quand même assez impressionnant au titre des occasions où, effectivement, le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces ont pu en arriver à un accord.

Dans l'ordre constitutionnel, vous le savez, il s'agissait d'admettre certaines provinces aux régimes de l'assurance-chômage, et de la "pension" de vieillesse, ces exemples sont bien connus. Il y a l'exemple de Victoria où, même si la conférence n'a pas été conluante, il y a eu quand même un

accord assez large sur pas mal de choses qu'on ne retrouve pas, malheureusement, aujourd'hui dans les propositions du gouvernement fédéral. Après ça, il y a tous les accords fédéraux-provinciaux qui font fonctionner le pays.

Donc, je pense que ça fait partie de la tradition politique et constitutionnelle canadienne, cette possibilité d'arriver à des accords entre les deux ordres de gouvernement. D'ailleurs, d'une façon assez curieuse, le débat actuel met justement en évidence cet aspect des choses a contrario. Étant donné le caractère unilatéral de la démarche, effectivement, non seulement chez les gouvernements des provinces, mais dans l'opinion publique canadienne, actuellement, il y a - c'est un des aspects positifs qu'il faut peut-être souligner - cette valorisation de la nécessité, en regard de la construction d'un Canada de demain, d'un accord ou d'un consentement. Parce que cette constitution, il va falloir, un jour ou l'autre, si elle est pour exister, que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux aient convenu de l'essentiel, afin qu'elle soit applicable, on fait une constitution pour l'avenir.

Je voudrais vous poser une question, compte tenu surtout de la remarque de M. Angers qui a situé l'orientation politique de la ligue d'action nationale dans la voie de la souveraineté, compte tenu de la tradition et de l'expérience au titre du consentement et de ce qu'a été le pays et compte tenu surtout des deux dimensions qui forcent le Canada à changer, depuis un certain temps, et des deux dimensions qu'on va résumer, pour simplifier, au titre du dualisme fondamental du pays, de l'émergence des régionalismes et aussi de ce qu'on néglige très souvent, l'importance qu'a pris pour notre société, aux plans économique et social, l'ensemble des droits collectifs dont on parle finalement peu dans toute cette discussion, qui existent de plus en plus et qui seront, sans doute, appelés, surtout aux plans économique et social, à se valoriser.

D'après vous, je ne demande pas quelles sont les chances, si votre option s'inscrit dans un phénomène différent, mais y a-t-il des possibilités, compte tenu de l'évolution objective du Canada au titre du dualisme, du régionalisme et de l'importance des questions économiques et sociales, à la suite de cette expérience, si on pouvait éviter le caractère unilatéral de la situation qu'on vit actuellement, de reprendre les choses et de renégocier un fédéralisme qui, à l'échelle du pays, pourrait répondre à la réalité d'aujourd'hui? Croyez-vous à la possibilité d'un consentement?

M. Brunet: II y a une chose que je rappelais tantôt: souvent, au Canada anglais, à cause de la formation en droit britannique, où il n'y a pas de tradition fédérale, on a une conception du droit - vous-même avez étudié le droit - que ce soit le droit français ou le droit britannique, vous êtes en présence de deux héritages juridiques d'États unitaires. Dans le fond, on n'a pas ici... la tradition fédérale est peu ancrée. J'ai dit tantôt que, à l'origine, on pensait très peu au fédéralisme, mais comme j'ai essayé de le résumer dans mon exposé, graduellement, comme vous venez de le rappeler, c'est toujours "give and take", les négociations, les compromis et c'est toute l'histoire du Canada.

D'ailleurs, il est prouvé qu'un pays continental ne peut pas fonctionner sans fédéralisme. C'est une évidence même. Même avec les communications rapides aujourd'hui, là encore, il faut quand même décentraliser et les populations l'exigent de plus en plus, même à l'intérieur d'une province. (12 h 15)

Donc, il y a ce fait brutal et même, pour ceux qui proposaient la souveraineté, il y a la dimension association. Même qu'à un moment donné on se demandait si ce n'était pas un genre de confédération. Il y a des réalités géographiques, économiques, de population. Et vous avez raison: dans le débat actuel - qui vient, ne l'oublions pas, quand même, après les enquêtes Pépin-Robarts et Laurendeau-Dunton - jamais n'a-ton vu une telle réaction dans la population. Remarquez que là-dessus les dirigeants fédéraux eux-mêmes ont été pris au dépourvu. On ne prévoyait pas cette évolution de l'opinion publique. Rappelez-vous au début d'octobre, par exemple. Tout a changé et je crois que, pour la première fois, on sent une population qui est consciente qu'elle forme un État fédéral et que le citoyen participe à cela à tous les niveaux des régions, et on n'accepte pas cette idée, comme je le disais tantôt, de citoyen atomisé qui conclut un pacte avec le grand chef à Ottawa. Il est évident que peut-être tout cela aura servi de catalyseur pour faire comprendre ce qu'il y a de fondamental dans le fédéralisme canadien.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Je sais que le temps est limité, Mme la Présidente, je serai très bref. Vous avez parlé du rapport Pépin-Robarts. Est-ce que, d'après vous, d'après votre groupe, certaines conclusions sont applicables? Est-il applicable, par exemple, à 100%?

M. Brunet: Attendez! Je ne suis pas membre de la Ligue d'action nationale.

M. Goulet: M. Angers.

M. Brunet: J'ai préparé ce travail.

J'avais dit à des amis de la Ligue d'action nationale que je préparais un petit travail sur l'histoire du fédéralisme. C'est à ce moment-là qu'ils ont été intéressés. Mais pour les options mêmes de la Ligue d'action nationale, je suis un mauvais interprète.

M. Goulet: Je ne sais pas sous quel chapeau vous pourrez me répondre, mais est-ce que certaines conclusions du rapport Pépin-Robarts vous satisfont? Je veux dire par là, est-ce que certaines recommandations sont applicables? À quel pourcentage? J'aimerais que vous nous donniez seulement les chiffres.

M. Angers: Ce n'est pas un problème de pourcentage et de certaines conditions; c'est un problème de reconnaissance fondamentale d'un certain nombre de principes à partir desquels on pourrait ensuite construire quelque chose. Par exemple, la réalité du fait national, du fait que le Québec, les Canadiens français forment une nation. Le fait qu'ils ont droit à l'autodétermination. Remarquez bien que, dans le rapport Pépin-Robarts, ce droit-là n'est même pas accordé. On en parle, mais d'une façon très subtile, en ne l'acceptant qu'au nom de la démocratie et non pas au nom du droit national. Le rapport Pépin-Robarts dit: Finalement, s'il y a un référendum dans le Québec, qui est satisfaisant et qui est assez majoritaire, évidemment, au nom de la démocratie, nous devrons l'accepter. Au fond, c'est aussi vrai du Manitoba, de la Colombie-Britannique et de n'importe quelle autre province. C'est donc le refus de reconnaître le caractère national, les deux nations.

À partir de là, il n'y a pas d'arrangement possible parce que c'est de ce fait fondamental que découlent toute une série d'autres conditions ou modalités d'un arrangement que j'appellerais, à ce moment-là, un arrangement d'association. Après tout, ce que nous avons toujours réclamé - et ça implique l'association - c'est l'égalité des deux nations. Les deux nations d'abord reconnues et, ensuite, traitées de telle façon qu'il y ait égalité entre les deux.

Remarquez bien que le rapport Laurendeau-Dunton s'est beaucoup plus préoccupé de cet aspect-là que le rapport Pépin-Robarts qui a essayé de l'enterrer et qui parle de régionalisme au lieu de parler de dualité. À ce point de vue là, le rapport Pépin-Robarts n'est pas à prendre comme ça par morceaux. Il faut partir du début et dire: D'abord, reconnaissez-vous les deux nations? Reconnaissez-vous l'autodétermination d'une façon formelle, comme un droit? Il faudrait commencer là.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Une dernière question. Au niveau de la reconnaissance de certains principes, il y en a un, d'après vous, qui est plus important que l'autre. Si je comprends bien, au sujet du rapport Pépin-Robarts, si on pouvait le qualifier de très bon, bon, moyen ou mauvais, vous le qualifieriez comment? De mauvais?

M. Angers: Oui, parce qu'il ne reconnaît pas, au point de départ, les éléments fondamentaux qui pourraient permettre une discussion valable.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Châteauguay, c'est vous qui avez maintenant la parole.

M. Dussault: Merci, Mme la Présidente. Ce matin, je serais tenté de poser des questions à la Ligue d'action nationale sur des choses que ne couvre pas nécessairement son mémoire. Son mémoire est très intéressant. L'espect historique s'imposait dans nos débats. On sait que, pour savoir où on s'en va, il faut d'abord savoir d'où on vient. Je pense que votre démonstration de ce matin sera utile à l'opinion publique.

Je vais me rattacher à l'éditorial de M. Marcel Adam, dans la Presse de ce matin, qui recule d'une façon assez spectaculaire par rapport à ses positions antérieures face au coup de force d'Ottawa qu'il qualifie lui-même d'ailleurs de coup de force. Il dit, à un moment donné: "Aujourd'hui l'opinion publique désapprouve son coup de force", en parlant de M. Trudeau.

Le chef de l'Opposition officielle, au début des travaux de notre commission, a dit à un moment donné, ici à la commission: Ce n'est pas un coup de force, parce qu'un coup de force, cela se fait vite, sinon ce n'est pas un coup de force. M. Brunet, vous qui êtes un historien bien connu au Québec et respecté pour ses opinions, pensez-vous que la rapidité d'un geste peut être le critère de base pour juger d'une action comme étant un coup de force ou non? J'aimerais savoir votre point de vue là-dessus. J'aurai ensuite une autre question.

La Présidente (Mme Cuerrier): M.

Michel Brunet.

M. Brunet: Pour les définitions, demandez au dictionnaire Robert, mais un coup de force, à ce moment-là, c'est toujours une intervention ou un geste d'usurpation. Je répéterai plutôt ce qu'avait dit M. le premier ministre du Québec lors de son discours au forum, qu'un coup d'État, cela peut réussir à condition de se faire vite. C'est bien évident.

Mais si on prend le contexte du début d'octobre, comme je le rappelais tantôt à votre collègue de Jean-Talon, il semblait y

avoir un consensus. Enfin! enfin! le Messie est venu. Il va nous libérer. Nous allons franchir le désert. Tout à coup, le Messie est dans le désert, mais le peuple est rendu ailleurs. C'est évident qu'à ce moment-là cela demeure toujours un coup de force -pour employer nos distinctions en philosophie thomiste - in potentia.

M. Dussault: Ma deuxième question se rapporte à un autre point de vue qu'émet M. Adam dans son éditorial de ce matin. Il dit, à un moment donné: "Le seul moyen de contrer le projet Trudeau, c'est de continuer à alerter l'opinion publique." Vous savez que nos amis libéraux sont un peu ici à reculons, sur la pointe des pieds, même le talon un peu tourné pour pouvoir partir le plus vite possible.

M. Rivest: Les gens sont méchants.

M. Dussault: Mais je pense que c'est important. Des fois, il faut être méchant, pour qu'on voie bien exactement ce qu'il y a dans l'âme de certaines personnes.

On sait que l'opinion publique a fait son lit, si on peut dire, sur cette question. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle M. Adam vit ce recul assez spectaculaire, parce qu'il dit que maintenant le coup de force de M. Trudeau ne s'appuie pas sur l'opinion publique, qu'elle est contre cela. Il est justifié maintenant de reculer pour lui, mais il dit que ce n'est pas suffisant, qu'il faut continuer à sensibiliser l'opinion publique et il dit, à la fin de son éditorial, qu'il faudrait peut-être maintenant, pour permettre à M. Trudeau de sortir honorablement de son impasse, regarder du côté du rapatriement de la constitution avec une formule d'amendement.

Je ne sais pas si vous avez fait un cheminement sur cette question-là, mais il me semble qu'il serait utile à la commission de savoir si, pour l'avenir peut-être immédiat, votre groupe, la Ligue d'action nationale, a une position sur le rapatriement avec une formule d'amendement, puisque, de toute évidence, du côté de Londres, il n'y a plus de possibilités pour M. Trudeau. Le rapport Kershaw est assez extraordinaire de ce côté-là. Je pense qu'il sera d'une grande utilité pour les Québécois particulièrement.

La Présidente (Mme Cuerrier): M.

Angers.

M. Angers: Le principe du rapatriement a toujours été accepté par la Ligue d'action nationale. Le principe général que nous avons soutenu, c'est que toute formule d'amendement doit être telle que le Québec, parce que c'est une des deux nations, ne puisse jamais être lésé dans ses droits par quelque mécanisme que ce soit. C'est la position fondamentale de la Ligue d'action nationale. On peut jouer avec cela. Toute formule qui donne le veto au Québec est une formule que nous pouvons accepter. Une formule comme celle qu'on a essayé d'inventer à un moment donné en supprimant le veto du Québec en remplaçant cela par des majorités régionales sans spécifier, n'est pas acceptable, parce qu'on ne sait pas comment le Canada évoluera et on ne sait pas si, à un moment donné, certaines de ces majorités-là ne pourront pas se former dans l'Ouest et si le Québec ne pourra pas se trouver renversé.

La position de l'Action nationale, au fond, revient à cela; ou bien on accepte le veto du Québec, parce qu'à l'Action nationale, nous avons toujours eu tendance à dire: Si le reste du Canada anglais veut s'organiser d'une certaine façon, veut même centraliser à Ottawa beaucoup de choses, qu'il le fasse, c'est le Canada anglais. Qu'il respecte les droits des minorités françaises et, quant au reste, qu'il gouverne le pays comme il veut, s'il le veut, mais que le Québec ait toujours le droit lui aussi de se gouverner comme il veut; qu'il n'accepte de mettre en association dans la mesure où on accepte l'association que ce qu'il veut bien y mettre et ce qu'il trouve conforme à ses intérêts, après, évidemment, des négociations mutuelles. À ce point de vue, même si, à l'heure actuelle, on proposait le rapatriement avec une formule d'amendement qui nous conviendrait dans le cadre actuel, nous dirions non encore, parce que nous dirions: Est-ce que cette formule a été acceptée formellement par une conférence fédérale-provinciale?

M. Dussault: Je vous remercie.

La Présidente (Mme Cuerrier): M.

Brunet, vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Brunet: Je ne sais pas si vous êtes au courant. Vous citez l'éditorial de M. Adam, mais j'ai entendu hier soir à la CBC, aux nouvelles de 22 heures - je n'ai rien vu dans les journaux de ce matin - une déclaration de M. Gordon Robertson. Justement, on sait - vous êtes au courant, M. le ministre - le rôle qu'a joué Gordon Robertson. Il a été greffier et secrétaire du Conseil privé, président de la commission des relations fédérales-provinciales. On sent très bien qu'on essaie de préparer une porte de sortie à M. Trudeau. C'est ce que laisse entendre ce matin aussi... Évidemment, on ne peut pas l'obliger à perdre complètement la face. M. Gordon Robertson propose, lui, en somme, qu'on demande à Londres le rapatriement avec une formule d'amendement où les provinces s'entendent et que le reste de la charte soit soumis aux provinces elles-mêmes l'accepteront les provinces qui

voudront l'accepter et elles auront quatre ans pour le faire.

Il est évident - je le disais tantôt -que Londres doit faire toutes les pressions possibles et imaginables à Ottawa, ou vous avez une révolte au sein même du Parti libéral, ce qui serait assez étonnant, mais, chose certaine, - et d'ailleurs, c'est dans la tradition canadienne - il s'agit de ménager au moins le soupirail de sortie.

La Présidente (Mme Cuerrier): Les membres de la commission et les intervenants, par ma voix, remercient la Ligue d'action nationale - je prends bien garde de ne pas l'appeler "le mouvement" ou quoi que ce soit, je suis attentive - d'avoir manifesté l'intention d'abord de participer à nos travaux et d'y avoir contribué. Merci beaucoup à MM. Jean Genest, Richard Arès, Michel Brunet, François-Albert Angers, Pierre Dupuy et Patrick Allen. Merci beaucoup.

M. Brunet: En vous remerciant. CSN

La Présidente (Mme Cuerrier): J'appellerai maintenant la Confédération des syndicats nationaux, représentée par M. Clément Gaumont.

La Confédération des syndicats nationaux. M. Clément Gaumont, voulez-vous présenter la personne qui vous accompagne?

M. Rodrigue (Norbert): Mme la Présidente, je voudrais d'abord préciser que ce sera moi-même, Norbert Rodrigue, qui présenterai le mémoire de la Confédération des syndicats nationaux. Il y a eu confusion, je pense...

La Présidente (Mme Cuerrier): Ah oui?

M. Rodrigue: ...dans les communications.

Je voudrais vous remercier, Mme la Présidente et messieurs de la commission, et vous présenter tout de suite ceux qui m'accompagnent. Il y a le camarade Pierre Petit, à ma gauche, qui est du service d'action politique de la CSN, et Pierre Lamarche, qui est adjoint à l'exécutif de la CSN.

La CSN a voulu se présenter pour exprimer un point de vue, son point de vue, sur le rapatriement unilatéral de la constitution. C'est ce que nous allons faire pendant quelques minutes. La CSN, dans le passé, s'est préoccupée de la question nationale. L'origine même de la CTCC, aujourd'hui la CSN, témoigne de la volonté des travailleurs québécois de se donner et de contrôler leurs propres institutions syndicales. Ce n'est pas l'unique facteur qui a conduit à la formation, dès le début du siècle, de cercles d'étude Léon-XIII et de syndicats interprofessionnels, mais le nier aujourd'hui consisterait à renier nos origines et à rayer de l'histoire des épisodes de la résistance du peuple québécois à la domination anglo-canadienne et américaine.

Plus précisément, depuis 1978, la CSN a proposé sa propre plate-forme de revendications afin que la lutte contre l'oppression nationale se fasse en tenant compte des intérêts des travailleurs et de notre rôle spécifique comme centrale syndicale.

En juin 1979, nous élargissions notre perspective en situant la lutte contre l'oppression nationale dans une démarche du peuple québécois pour une appropriation des institutions politiques, économiques et culturelles ainsi que la démocratisation de ces institutions. Le congrès confédéral a constaté que la lutte contre l'oppression nationale du peuple québécois avait toujours signifié sur le plan politique la volonté du peuple québécois de se donner et de contrôler ses propres institutions afin d'éliminer les manifestations de l'oppression nationale et de mieux maîtriser son développement économique, social et culturel.

Cependant, nous constations que cette résistance du peuple avait toujours été dominée par des élites contrôlant les institutions politiques et ne représentant pas les intérêts des travailleurs. C'est pourquoi, dans cette démarche d'appropriation, nous revendiquons la démocratisation des institutions, c'est-à-dire l'élargissement des droits et libertés des travailleurs et de leurs organisations, et reconnaissons la nécessité de développer notre capacité d'intervention sur tous les terrains. La démocratisation, cela signifie plus d'information, plus de contrôle populaire sur la vie économique; cela signifie la cessation du pillage de nos ressources naturelles, de l'accroissement des profits immenses des compagnies.

Je voudrais ouvrir une parenthèse, M. le Président, maintenant, puisqu'il y a un remplacement, pour en profiter pour remercier les partis politiques ici représentés qui, à l'occasion de la grande corvée en appui aux travailleurs forestiers, à l'Assemblée nationale, ont adopté une résolution d'appui et notamment vous avertir que ce n'est pas fini. Les travailleurs continuent de lutter contre Abitibi Price dans les usines, mais contre les compagnies forestières, c'est-à-dire à la CIP, Quebec North Shore et Donohue. Je voudrais vous dire qu'on a lancé une deuxième phase dans la grande corvée. Et notamment, dans cette phase, nous demandons et nous espérons que nous aurons l'appui de l'ensemble de la population du Québec. Nous demandons notamment que les compagnies, en termes de profits, arrivent à investir leurs profits au Québec, qu'on les oblige à faire cela et

qu'on les oblige aussi à reboiser nos forêts pour lesquelles on va leur payer des millions de dollars, en termes de subventions, parce qu'elles ne l'ont pas fait dans le passé. Et c'est sur les épaules des contribuables si cela continue.

Je voulais en profiter pour remercier les partis de l'Assemblée nationale et leur dire qu'on attend de nouveaux appuis parce que, fondamentalement, ce sont les intérêts des travailleurs qui sont en cause et leurs conditions de vie.

Je reviens sur le fait que, pour nous, cela signifie aussi, toute la question de la démocratisation, la protection contre la destruction de l'environnement et la préservation de nos ressources énergétiques. La démocratisation, cela signifie des institutions parlementaires plus représentatives des suffrages populaires, plus ouvertes, plus sensibles aux revendications populaires. Enfin, pour nous, la démocratisation implique aussi concrètement la liberté d'action syndicale et la protection de l'exercice des droits syndicaux.

Cette démocratisation est essentielle dans la mesure où elle doit assurer de véritables avancées pour les classes populaires et garantir ainsi que le règlement de la crise constitutionnelle ne saurait se faire sur le dos du peuple. C'est à la lumière de cette résolution du congrès de 1979 que le conseil confédéral, qui est l'instance suprême entre les congrès, en venait à prendre position pour le oui lors du référendum. C'est ce point de vue que nous avons émis dans ce moment de la lutte contre l'oppression nationale que représenta le référendum.

Depuis la victoire du non, le gouvernement fédéral a pris l'offensive dans le débat constitutionnel et présentait en octobre à la population canadienne sa vision du fédéralisme canadien. Le débat entre les premiers ministres canadien et provinciaux au sujet de la constitution canadienne a suivi une série de rencontres entre le ministre fédéral Chrétien et des ministres provinciaux au cours de l'été. Ces rencontres devaient déblayer le terrain pour la réunion du sommet de septembre.

L'événement qui a déclenché toute cette activité constitutionnelle fébrile fut, évidemment, le référendum québécois du 20 mai durant lequel les politiciens fédéralistes déclaraient qu'un non, c'est un oui au changement. Lorsque les résultats de quelques sondages pré-référendaires ont commencé à inquiéter les stratèges des forces fédéralistes, le premier ministre Trudeau fut amené sur la scène pour proclamer que les députés québécois à la Chambre des communes mettraient leurs sièges en jeu pour obtenir les changements désirés par les Québécois.

Les Québécois devaient apprendre que les multiples promesses en faveur d'un fédéralisme renouvelé exprimées par les porte-parole fédéralistes ne faisaient partie que d'une vaste opération de manipulation de l'opinion publique destinée à assurer une victoire pour le non.

Tous les porte-parole ont été mis en tutelle par le gouvernement fédéral qui, fort de leur appui, a ensuite décidé seul de la stratégie des forces fédéralistes coalisées. Les positions rigides adoptées par le premier ministre Trudeau devaient inévitablement mener à l'échec. Mais l'échec faisait partie, quant à notre point de vue, du scénario soigneusement préparé par le stratège Pitfield. Se présentant comme le défenseur des intérêts des Canadiens face aux revendications égoïstes des administrations provinciales, le gouvernement fédéral a su mobiliser en sa faveur la sympathie d'une partie de l'opinion publique avant le coup de force du 2 octobre.

Même si c'est un affrontement Québec-Ottawa qui a déclenché le dernier débat sur la constitution canadienne, le gouvernement québécois ne s'est pas trouvé seul à affronter le gouvernement fédéral lors du débat de septembre. Cette situation représente une évolution importante depuis la conférence constitutionnelle de Victoria en 1971, lorsque le Québec fut le seul à opposer son veto à la formule de rapatriement. Si le Québec a défendu avec davantage de vigueur l'autonomie provinciale en matière linguistique, en matière d'éducation et de communication, il a cédé le premier plan aux provinces de l'Ouest dans la lutte pour protéger la juridiction provinciale dans le domaine économique, particulièrement en ce qui concerne le contrôle des ressources naturelles.

À des degrés divers et avec l'exception notable de l'Ontario, l'ensemble des gouvernements provinciaux ont pu s'entendre sur un certain nombre de positions communes face au gouvernement central. Ces événements, cependant, ne doivent pas nous amener à conclure que les autres gouvernements provinciaux ont soudainement découvert l'oppression nationale du peuple québécois et lui reconnaissent le droit à l'autodétermination. Loin de là. Depuis le 20 mai, le gouvernement québécois, quant à nous, a trop peu insisté sur la reconnaissance du Québec comme entité nationale distincte et s'est comporté comme le gouvernement d'une province comme les autres, revendiquant un transfert général et nullement spécifique des pouvoirs vers les provinces.

L'option nationale du gouvernement québécois se limitait à la demande que le préambule de la constitution mentionne le caractère distinctif du peuple québécois. Le premier ministre Lévesque a obtenu pour cette demande l'appui de quelques provinces,

en échange, bien sûr, de son appui à d'autres revendications avancées par ces provinces. Il est, par ailleurs, significatif que ni le premier ministre Lévesque ni aucun autre premier ministre provincial n'ait exigé la reconnaissance du caractère distinctif des peuples autochtones à l'occasion de cette conférence. Ceux-ci n'ont pas été invités à participer au débat constitutionnel, même s'ils ont des revendications et des droits à faire valoir.

La position très forte en faveur de l'autonomie provinciale adoptée par certaines provinces, en plus du Québec, ne peut se comprendre sans analyser l'évolution de la conjoncture économique depuis 1971, surtout que ces mêmes provinces avaient antérieurement adopté des positions beaucoup plus conciliatrices vis-à-vis du pouvoir fédéral.

En effet, l'importance qu'ont prise les ressources naturelles non renouvelables a donné une impulsion aux bourgeoisies établies dans certaines provinces productrices qui possèdent des gisements importants - les provinces de l'Ouest, par exemple - ou qui ont l'espoir d'en trouver - Terre-Neuve. Les positions les plus autonomistes ont été adoptées par l'Alberta qui a cédé à des sociétés multinationales l'exploitation de son pétrole et qui s'inquiète des visées nationalisantes du gouvernement Trudeau, version 1980, par la société d'État Pétro-Canada. Ainsi, le Québec s'est trouvé en alliance, en principe, avec les gouvernements conservateurs de l'Alberta, de la Colombie-Britannique et de Terre-Neuve, soucieux autant de protéger la liberté d'action des multinationales dans le domaine des ressources que d'assurer un véritable contrôle provincial des ressources.

Je voudrais ouvrir une autre parenthèse pour dire que nous sommes capables de comprendre les éléments tactiques d'une négociation, mais il nous semble que le Québec aurait dû insister davantage sur un certain nombre de points.

Le gouvernement fédéral, pour sa part, a bénéficié du soutien presque inconditionnel de l'Ontario, province intéressée à maintenir un gouvernement central fort, pour la raison évidente que c'est elle qui a bénéficié le plus de la Confédération dans sa forme actuelle: plus de 50% de la capacité industrielle du Canada est située en Ontario. Hormis l'appui traditionnellement fort du Québec, rappelons aussi que c'est la balance du pouvoir située en Ontario qui a permis au gouvernement libéral fédéral de reprendre le pouvoir. Le statu quo économique - les ressources naturelles d'à travers le Canada fournissent les usines concentrées en Ontario - convient très bien à l'Ontario, donc aux libéraux fédéraux.

Quelques brèches sont aussi apparues dans le front uni présenté momentanément par les neuf autres provinces. Le Nouveau-Brunswick, province économiquement faible et donc tributaire des paiements de péréquation, a été contraint à une attitude plus conciliatrice, face aux visées centralisatrices d'Ottawa. La Saskatchewan a aussi démontré une ouverture à certaines propositions du fédéral. Ainsi, le gouvernement Trudeau, comptant sur un front provincial moins uni, s'est cru capable d'agir unilatéralement.

Bref, l'échec orchestré de la conférence constitutionnelle de septembre pavait la voie à l'étape suivante, c'est-à-dire le rapatriement unilatéral de la constitution.

En 1931, Londres accordait au Canada son indépendance. Cependant, à cause de différends entre les provinces et l'État fédéral, le gouvernement canadien laissait à Londres la Loi constitutionnelle ainsi que le pouvoir de la modifier. La coutume constitutionnelle telle que rapportée au rapport du "select committee" on Foreign Affairs exige que toute modification recherchée soit soutenue par la volonté clairement exprimée du Canada, dans son ensemble, tenant compte de la nature fédérale du système constitutionnel canadien. Or, le projet de rapatriement change unilatéralement, non seulement le pouvoir d'amender, mais également, la règle de droit permettant d'amender. Le rapatriement de la Loi constitutionnelle accompagné d'une nouvelle formule d'amendement équivaut à définir unilatéralement une nouvelle constitution sans consensus.

C'est un fait inusité - je pense que cela vaut la peine de le souligner - et stupéfiant, en même temps, de constater que ni sous la coutume constitutionnelle qui réglemente actuellement les amendements, ni sous la formule provisoire proposée pendant les deux premières années consécutives au rapatriement, ni la formule proposée subséquemment, en aucun temps, et en aucune circonstance, le projet Trudeau ne satisfait les règles d'amendement qu'il entend inclure à la constitution. En effet, si le gouvernement Trudeau se conformait aujourd'hui à ses propres formules d'amendement qu'il veut imposer, il ne pourrait dégager un consensus pour procéder au rapatriement. Ce qui présage assez tristement du type de démocratie qu'on cherche à nous imposer.

La CSN s'oppose, d'autre part, à ce que la Charte des droits soit définie unilatéralement, qu'elle serve de prétexte pour empiéter sur la compétence législative des provinces et qu'elle ignore les droits collectifs.

La Charte des droits proposée fait référence à des droits individuels du XIX siècle où, à titre d'exemple, une Loi des mesures de guerre suspendant les libertés civiles serait toujours permise sur simple

déclaration du gouverneur général en conseil. Les droits qui seraient dans la constitution vont moins loin que ceux qui existent actuellement dans la Charte québécoise des droits de la personne et n'ajoute rien aux droits déjà reconnus par le gouvernement canadien. Beaucoup plus, la charte proposée comporte une clause consacrant les droits des minorités ethniques, lorsque leur nombre le justifie, à recevoir leur éducation dans leur langue maternelle. Cette clause assure que le libre choix à peu près intégral sera rétabli au Québec, rendant ainsi nuls des articles essentiels de la loi 101. Cette charte empiète sur le champ de compétence exclusif du Québec en matière d'enseignement, sans pour autant garantir les droits des minorités francophones hors Québec. De plus, la charte brime le droit des travailleurs de la construction à avoir primauté d'embauche sur les chantiers du Québec.

La CSN est favorable à l'inclusion d'une véritable charte des droits dans une constitution parce que telle inclusion garantit l'exercice des droits et protège de l'abrogation de ces droits sur une simple loi d'un Parlement. Les droits ainsi garantis, lorsque tributaires d'un champ de compétence provinciale, doivent, quant à nous, être sous la responsabilité des provinces. N'en déplaise au premier ministre Lyon du Manitoba, le peuple québécois se souvient d'octobre 1970 et sait que la tradition démocratique canadienne n'est pas si grande qu'elle n'ait besoin de garanties constitutionnelles.

Tous les gouvernements s'intéressent aux manifestations du droit de propriété: propriété du pétrole, propriété du poisson, propriété des ondes de radio et de télévision. Rarement cependant, pendant tout ce débat, a-t-on entendu parler du droit à l'emploi, du droit à un salaire décent, du droit a la sécurité au travail, du droit à un régime de retraite suffisant, du droit d'association, du droit de négociation et, finalement, du droit de grève. Ces préoccupations des peuples québécois et canadien, ni le gouvernement fédéral, ni les gouvernements des provinces n'en parlent. Pourtant, la réalité quotidienne du peuple québécois et du peuple canadien est davantage déterminée par la reconnaissance et l'exercice de ces droits. Toute charte des droits devrait reconnaître et garantir ces droits fondamentaux et leur exercice.

En conclusion, que constate-t-on dans tout ce débat constitutionnel? On constate que le gouvernement fédéral se refuse à céder des pouvoirs au Québec. On constate que le rapatriement unilatéral et la formule d'amendement proposée risquent de placer le Québec dans une situation où son rapport de force, à la longue, serait diminué. Bref, on peut s'attendre que les manifestations de l'oppression nationale soient accentuées. Par ailleurs, la Charte des droits et libertés n'élargit aucun droit des travailleurs et de leur organisation. Le projet fédéral s'attaque aux acquis économiques, sociaux et culturels, ne vise pas à élargir la capacité d'intervention démocratique des classes populaires sur les institutions et n'amène aucune mesure pouvant combattre le sous-emploi et la dépendance économique.

La lutte contre le plan Trudeau constitue, quant à nous, un autre moment dans la lutte contre l'oppression nationale. En ce sens, la CSN a invité ses membres à rejeter le plan Trudeau et à signer la pétition dénonçant le rapatriement unilatéral de la constitution. La CSN, comme vous le savez, participe depuis près de dix ans au Mouvement Québec français, lequel conteste le plan Trudeau. Dans les régions, les membres affiliés sont invités à participer, sur la base de notre plate-forme syndicale, aux actions décidées par chacun des conseils centraux. Le cul-de-sac de la réforme actuelle ne peut être résolu, quant à nous, autrement que par la poursuite des négociations.

La CSN croit que ces négociations ne peuvent être tenues secrètement ou sans mandat. En conséquence, nous espérons que la présente commission parlementaire est le début de l'élargissement d'un débat populaire, d'un débat où la population pourra intervenir. Avant de reprendre les pourparlers, des rencontres publiques devraient avoir lieu, où la population et les organisations populaires pourrraient être entendues davantage. D'ailleurs, la CSN avait revendiqué, avant même la tenue du référendum, que le gouvernement du Québec élabore un projet de constitution et nous pensons humblement que si cela avait été réalisé, les conditions du débat seraient différentes.

L'élargissement du débat constitutionnel aurait en outre l'avantage de nous défaire d'une conception saugrenue de la démocratie qui consiste à imposer une constitution aux peuples du Canada, malgré l'opposition d'une majorité de provinces, malgré l'opposition parlementaire de députés tout aussi légitimement élus que le gouvernement canadien, et en contraignant la liberté de pensée et de vote des députés de la majorité ministérielle, et sans tenir compte également que le Parlement de Westminster est souverain. C'est un peu étonnant, en effet, qu'à l'occasion d'un "five o'clock tea", deux personnes, Mme Thatcher et M. Trudeau, puissent décider au nom des peuples canadien et anglais.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre des Affaires intergouvernementales.

M. Morin (Louis-Hébert): Merci. M. le président de la CSN, je voudrais faire un commentaire qui va replacer certaines des affirmations que vous faites dans un contexte

qui est peut-être plus complet. À la page 5 de votre document vous dites: "Depuis le 20 mai, le gouvernement québécois a trop peu insisté sur la reconnaissance du Québec comme entité nationale distincte et s'est comporté comme le gouvernement d'une province comme les autres. L'option nationale du gouvernement québécois s'est limitée à la demande que le préambule à la constitution mentionne le "caractère distinctif" du peuple québécois, etc". Vous dites, un peu plus tard - je passe à la page 10 - que les négociations dont il est question ne devraient pas être tenues secrètes et devraient plutôt se faire, en somme, publiquement. Et vous dites que ce serait bon que le gouvernement du Québec consulte les gens avant de s'engager dans ces discussions.

En ce qui a trait au dernier point que je viens de mentionner où vous dites: qu'il serait bon que le gouvernement consulte la population, c'est justement le but de cette commission parlementaire. Je pense que tout le monde est d'accord là-dessus et c'est pour ça qu'elle a été établie. En ce qui a trait au caractère secret des négociations et en ce qui a trait à ce qui s'est passé l'été dernier, je rappelle à ceux qui écoutent que les négociations ont duré, cet été, trois mois intensifs où, pendant des semaines, littéralement, nous avons, comme ministres chargés du dossier constitutionnel, passé des heures et des heures ensemble. À cette époque, j'avais établi une ligne de conduite qui consistait, chaque fois qu'une journée de négociation était terminée, pour moi, comme représentant du gouvernement du Québec, à rencontrer les représentants de la presse et à leur dire, au fond, exactement ce qui s'était passé pendant la journée. Cela ne s'était jamais fait avant et on a essayé de tenir le public le plus au courant possible de ce qui se déroulait au sein de nos négociations.

La raison est très simple, c'est que c'est arrivé l'été dernier. Et, pour me raccrocher à ce qui avait été mentionné par d'autres personnes qui vous ont précédés, le gouvernement fédéral comptait beaucoup réaliser rapidement son coup d'État ou son coup de force de sorte que, en ayant ces négociations au cours de l'été, il espérait profiter d'un moment où les gens sont distraits par autre chose - c'est fort compréhensible d'ailleurs - pour que nos négociations passent inaperçues. Alors, on a quand même tenu le fort et on a quand même essayé, le plus possible, d'expliquer aux gens exactement ce qui se passait. Donc, on a essayé de briser ce caractère secret, sauf qu'on n'est pas seuls dans ce jeu-là. C'est sûr que l'ensemble des provinces et le gouvernement fédéral n'étaient pas d'accord qu'on discute en public, à la télévision, mais on a essayé d'en faire partager le contenu par le plus grand nombre de personnes.

Cela dit, quand ces négociations ont commencé formellement, je pense que c'est le 7 ou le 8 juillet, à Montréal, j'ai, au nom du gouvernement du Québec, présenté un petit texte qui établissait la position que, comme délégation québécoise, nous prenions. Ce texte est très clair. Je ne l'ai pas ici, je ne savais pas qu'on soulèverait ce problème-là. Il disait, si je me souviens bien, d'une part, bien sûr, que nous allions nous engager dans ces pourparlers avec la meilleure foi possible, de sorte qu'on puisse nous juger sur notre comportement. À cet égard, je vous rappelle que trois premiers ministres de provinces anglophones ont - c'est un fait sans précédent et ça, tout le monde l'a vu à la télévision au mois de septembre - dit que la délégation québécoise et M. Lévesque, en particulier, avaient défendu les droits et les intérêts du Québec d'une façon qu'il leur avait paru remarquable. Ce ne sont pas exactement leurs mots, mais c'est ça qui a été mentionné. Moi, de toutes les années où j'ai été dans ce domaine-là, je n'ai jamais vu ça.

Ce que je veux dire, c'est que nos positions comportaient trois éléments formellement exprimés. Le premier, c'est que les négociations qui s'engageaient devaient, pour nous, conduire à la reconnaissance formelle qu'il y a une société distincte au Québec. Sur cela, je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce que vous dites, nous l'avons demandé. Deuxièmement, nous avons aussi dit que ces négociations devaient conduire à la reconnaissance ou au maintien du droit que les Québécois ont de déterminer eux-mêmes leur avenir. C'est ce qu'on appelle, en termes plus juridiques, le droit à l'autodétermination. Troisièmement, nous avons établi un principe qui est absolu; c'est que les négociations qui commençaient à cette époque ne pouvaient, dans notre esprit, pour aucune considération, conduire à une diminution des pouvoirs du Québec et qu'au contraire ces négociations devaient conduire à une augmentation des pouvoirs du Québec. C'est une garantie que nous avons donnée, à l'époque, à la population québécoise, dont nous nous sommes ouverts très franchement avec nos collègues des autres gouvernements et que je répète aujourd'hui. Je répète aujourd'hui que toute négociation à venir, pour nous, ne peut que conduire, dans le cadre actuel, à une confirmation et à une augmentation des compétences des Québécois sur leur propre avenir, c'est-à-dire, par conséquent, à une augmentation des pouvoirs des Québécois. C'était le cadre.

Vous nous dites que nous n'avons pas fait de demande spécifique au gouvernement fédéral. Ce n'est pas tout à fait de cette façon que vous l'exprimez, mais c'est ce que j'ai compris et vous me corrigerez si je me trompe. Il y a deux considérations ici à faire

valoir. D'abord, ce n'est pas exact qu'on n'a pas fait de demande spécifique. Il y avait douze sujets à l'ordre du jour et, sur chacun de ces douze sujets, nous avions des positions très bien établies que nous avons d'ailleurs rendues publiques chaque fois qu'il était question de l'un ou l'autre de ces sujets. Deuxièmement, je vous rappelle - c'est important quand même, on oublie cela - la conjoncture, la situation. On était au mois de juillet, au début de juillet. Cela faisait un mois et demi que le référendum avait eu lieu. On constate aujourd'hui qu'on a eu une attitude qui était très sage. Si, comme gouvernement québécois, après ce référendum, on avait décidé d'ajouter un, deux ou cinq sujets à l'ordre du jour pour qu'on en discute, vous pouvez être sûrs que les libéraux fédéraux se seraient servis de cette demande québécoise, par ailleurs tout à fait normale et compréhensible, pour dire: Ah, vous voyez! Ils font exprès d'ajouter des sujets à l'ordre du jour pour bloquer la négociation, pour la rendre plus difficile. Ce que nous avons fait - je pense qu'on a eu raison - on a dit: Vous proposez, M. le premier ministre du Canada, douze sujets; très bien, nous les prenons. Tenant aussi pour acquis qu'une fois ces douze sujets réglés il y aurait une suite aux négociations et qu'à ce moment-là on on pourrait en ajouter. Or, ce qui s'est passé, c'est que, sur ces 12 sujets, il y a eu au niveau des provinces, pour plusieurs d'entre eux, des fronts communs, des positions communes que nous avons établis ensemble. On a travaillé avec les autres et on s'est ajusté ensemble, mais, dans aucun cas, les positions que nous avons prises n'allaient à l'encontre de ce principe fondamental que nous visions à l'accroissement des pouvoirs du Québec.

Or, ce qui s'est passé, c'est que c'est le gouvernement fédéral qui a lui-même brisé les négociations par l'attitude que le premier ministre fédéral a adoptée au mois de septembre - tout le monde l'a vu à la télévision, ce n'est donc pas un secret d'État - quand il a refusé ce front commun des provinces.

Je pense que le résultat de toute cette entreprise de négociations, cet été, a montré que, du côté fédéral, malgré la promesse référendaire qu'un non voudrait dire oui, nous, on avait dit qu'un non, cela voulait dire non et un oui, cela voulait dire oui, mais on nous a dit: Non, cela veut dire oui, vous allez voir cela, et c'est ce qu'on a vu. Ce qu'on a vu, c'est quoi: c'est que le gouvernement fédéral ne croyait pas, ne voulait pas et ne tendait pas à ce que d'aucuns à Québec qualifiaient de fédéralisme renouvelé. C'est maintenant d'une lumineuse clarté et d'une telle évidence - si je peux m'exprimer ainsi aujourd'hui. Je ne le dis pas pour dire aux gens qui nous écoutent et qui ont voté non au référendum: Vous voyez, vous n'aurez pas dû voter non; ce n'est pas cela que je dis. Ils avaient le droit de voter comme ils l'entendaient et je respecterai toujours cette décision. Cependant, ce que je dis, c'est que le gouvernement fédéral a induit les libéraux fédéraux, et la population québécoise en erreur et on l'a vu pendant l'été et, dans toutes les analyses qu'on peut faire des événements des derniers mois, je pense que cela sort comme une conclusion particulièrement limpide.

Je voulais faire cette remarque, M. Rodrigue, pour replacer un peu le tout dans son contexte, non pas que ce que vous dites est faux, mais ce n'est pas complet, je vous le dis très franchement. Cela étant dit, je laisserai à un de mes collègues le soin de vous poser une ou deux questions sur d'autres éléments de votre mémoire, mais je constate - et c'est tout à fait autre chose - que vous dites ailleurs que la fameuse charte des droits dont M. Trudeau nous parle n'est pas une charte des droits qui convient aux travailleurs québécois. Si vous me permettez, je vais vous poser une question qui n'est pas directement reliée à votre mémoire, mais qui en découle; je l'ai posée la semaine dernière à une autre centrale syndicale, la FTQ: Vous et les gens qui vous accompagnent avez affaire tous les jours aux travailleurs, croyez-vous que ce problème qu'on appelle constitutionnel intéresse les gens au Québec? Pensez-vous que c'est quelque chose qui soit un sujet de préoccupation pour la population québécoise, en dehors des experts, en dehors de nous, qui, par métier, en avons un peu la responsabilité? Est-ce que c'est une situation qui a transpiré dans la population et à propos de laquelle, actuellement, les gens s'inquiètent? Je vous demande très sincèrement de me répondre, parce que moi, je vous dis ce que j'ai dit, la semaine dernière, à la FTQ; j'ai pendant longtemps, pendant tout l'été, pendant des mois, pensé que ça n'intéressait que nous. Aujourd'hui, je circule et je m'aperçois qu'il y a un intérêt.

Je m'aperçois que, tantôt, j'ai parlé du problème de la langue que les libéraux fédéraux avaient ressuscité. Mais plus que ça, je parle du problème constitutionnel. Ma question est: Est-ce que vos travailleurs, que vous rencontrez, cette question les préoccupe ou si c'est pour eux simplement une question d'experts? Je comprends que votre présence ici est un indice d'intérêt, mais je vais être très franc aussi, vous pouvez - je vais employer une expression qui est parfaitement incorrecte - comme officier d'une centrale, c'est sûr que vous avez à prendre position sur un certain nombre de choses... Mais votre monde est-il intéressé?

La Présidente (Mme Cuerrier): M.

Norbert Rodrigue.

M. Rodrigue: Mme la Présidente, je

vous remercie. Je répondrai d'abord à la dernière question, avant de faire un commentaire sur la complémentarité de notre mémoire quant à ce qui s'est passé dans les négociations.

Je voudrais dire que, justement parce que nous constatons que c'est un sujet qui est relativement complexe, c'est pourquoi nous insistons, dans notre mémoire, pour que la commission actuelle... Bien sûr, nous sommes conscients que c'est un effort pour élargir le débat, mais nous disons: Cela devrait être un départ en même temps pour aller encore plus loin dans la manière d'élargir le débat, pour faire en sorte que le peuple en comprenne davantage les implications. (13 heures)

À la CSN, je voudrais vous dire, M. le ministre, que, malgré tous les qualificatifs qu'on peut nous prêter, nous avons à l'occasion, avant le référendum, fait des réunions régionales qui ont regroupé 5000 militants, ouvriers et ouvrières d'usines, travailleurs, cols blancs, etc., où nous avons expliqué les implications que comportait tout ce débat et notre instance suprême, un congrès spécial sur cette question nationale, et finalement la position qu'on vous exprime ce matin est partagée par notre comité d'orientation de la centrale, qui est un comité permanent, et discutée aussi dans nos diverses instances.

Je pense que ce qui est fondamental, c'est... Vous disiez, tout à l'heure: Dans les négociations, je voudrais faire des mises au point. Nous, nous affirmons que, quant à nous, le Québec a trop peu insisté; on ne dit pas qu'il ne l'a pas fait, on dit qu'il l'a trop peu fait et je pense qu'il faut expliquer maintenant ce que le non, qui signifiait un oui, veut dire. En conséquence, on doit le qualifier. Pour que cette qualification et ses implications soient soutenues par le plus grand nombre possible des gens du peuple, il faut démocratiser le débat -davantage. En ce qui concerne plus spécifiquement l'intérêt des travailleurs, bien sûr qu'on s'y intéresse, mais il faut commencer à parler des questions qui intéressent fondamentalement les assistés sociaux, les travailleurs dans cette société. Quand on parle de chartes des droits et libertés, il faut parler d'eux de temps en temps. On parle des poissons. On s'est chicané à Ottawa pendant un certain temps sur les poissons, sur les territoires, sur les ressources naturelles. Il faut commencer à parler de ceux qui font fonctionner cette société, qui y apportent leur labeur à tous les jours, des travailleurs, de leurs conditions de vie, de leurs conditions de travail. C'est en parlant de ces questions, c'est en faisant ressortir les intérêts des travailleurs qui sont compromis dans des questions de cette nature que le peuple, en général, dont la grande majorité est composée de travailleurs va en comprendre les implications davantage. J'affirme ici que c'est une question à laquelle on est très sensible. Je viens de faire une tournée dans la province qui n'est pas encore terminée, où des militants syndicaux nous posent des questions sur le débat actuel. Ils nous demandent quelles sont nos appréciations de la situation et si on comprend les positions des gouvernements. Cela signifie donc que plusieurs d'entre eux sont intéressés et sont conscients qu'il peut y avoir pour eux des implications Importantes.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, Mme la Présidente. Il me fait plaisir de saluer le président de la CSN, sans aucun doute le groupe le plus connu, parmi - je ne veux insulter aucun autre groupe - les plus connus et les plus prééminents de l'ancienne coalition du oui dont on a vu défiler ici au cours des derniers jours un bon nombre de membres. Je suis heureux de constater qu'on vient maintenant se porter à la défense du fédéralisme. Je ne sais pas avec quelle conviction profonde on le fait. D'ailleurs, je pense que le mémoire est très prudent à ce sujet. On raisonne un peu comme s'il fallait adhérer aux principes du fédéralisme et qu'à la lumière de ces principes l'initiative du gouvernement fédéral actuel doit être condamnée. Je ne vous fait pas de procès à ce sujet. Vous êtes fidèles à vos convictions et c'est très bien ainsi. Cependant, je me demande, Mme la Présidente, si nos concitoyens en général se reconnaîtront dans les expressions assez alarmistes que l'on trouve à la fois dans ce texte-ci et dans un certain nombre d'autres. Personnellement, quand je vois l'expression "oppression nationale", je reconnais là quelque chose qui fait partie du bagage intellectuel et de la tradition aussi de la CSN, mais je ne suis pas sûr que nos concitoyens se sentent nationalement opprimés, quand on sait tout le poids qu'il faut attacher à une pareille expression.

Je remarquais, ce matin, dans un autre mémoire, l'expression "génocide", etc. Je pense que tout ça tend à dramatiser peut-être à l'excès une situation qui est sérieuse et à laquelle il faut s'opposer, mais si le langage est trop excessif et trop loin de la réalité, tel que le perçoivent nos concitoyens, on risque d'avoir l'effet tout à fait inverse de provoquer chez eux un mouvement qui va à l'encontre de celui que le gouvernement du Québec et d'ailleurs l'Opposition officielle cherchent à voir s'accréditer, c'est-à-dire une opposition à un projet qui, à cause de son caractère unilatéral, met très certainement en jeu le caractère fondamental de nos institutions

politiques.

Une deuxième remarque, Mme la Présidente. On retrouve, à la page 3, un argument que l'on entend malheureusement dans la bouche de ceux qui étaient du côté du oui, voulant que le résultat référendaire du 20 mai dernier, c'est une victoire temporaire d'un fédéralisme pour lequel on a fait des promesses de changements qui sont fondamentalement intenables et c'est parce que ces promesses de changements ont été faites, que les Québécois - 60% d'entre eux du moins - ont voté non en 1980. C'est une interprétation à laquelle bien sûr nos amis d'en face ont droit et ceux qui partagent ce point de vue, ils ont droit de la tenir; mais, c'est une opinion tout à fait subjective et que nous ne partageons pas du tout - est-il besoin de le dire - de ce côté-ci.

Ce qui a motivé le choix du 20 mai, ce ne sont pas des promesses de changements qui étaient des promesses assez vides de contenu, c'étaient des allusions à la possibilité d'ailleurs vécue dans le passé et certaine pour l'avenir, que le régime fédéral va se modifier, va évoluer. Le professeur Brunet, tout à l'heure, parlait du "give and take" qui a fait partie de la tradition canadienne et qui a expliqué, jusqu'à maintenant, son évolution. Il n'y a eu aucune promesse formelle de changements; ce vote de non au référendum était un engagement inconditionnel. Ce n'était pas une acceptation en attendant, dans l'espoir de changements spécifiques. D'ailleurs, la déclaration officielle qui a été distribuée à tous les citoyens du Québec aux frais de l'Assemblée nationale ne faisait aucune espèce de promesse spécifique de changement.

C'est un choix beaucoup plus fondamental que ça qui a été fait le 20 mai. C'est l'affirmation d'une identité canadienne, n'en déplaise à nos amis d'en face, de la majorité des Québécois et cette affirmation n'est pas conditionnelle, ce n'est pas un sursis, ce n'est pas en attendant, ce n'est pas simplement pour voir ce qui va arriver, c'est un engagement qui a une valeur permanente et qui a été vécu par tous ceux qui ont été du côté du non avec une très grande intensité. Cette interprétation, je m'empresse de le souligner, c'est exactement et mot pour mot l'interprétation que j'ai donnée du résultat du référendum. Tout ça est par écrit, était imprimé le lendemain même du référendum, le 21 mai; lors d'un débat avec M. Latouche que nos amis du gouvernement connaissent bien, j'ai indiqué que ce qui caractérisait ce résultat référendaire, c'était qu'il ne dépendait pas de promesses spécifiques de changement.

Cette décision avait été prise il y a bien longtemps. Dès le mois de janvier ou février 1980, on se souvient que le chef du Parti libéral du Québec avait dit: " II n'est pas question que même les propositions essentielles du livre beige soient incorporées dans la position officielle du camp du non parce qu'il n'est pas question de mélanger les choses. Il s'agit d'abord d'un choix fondamental, après on verra."

Je suis d'accord, cependant, Mme la Présidente - et je voudrais l'affirmer ici -avec nos invités qui disent que le 20 mai, d'une certaine façon, est à l'origine de la crise constitutionnelle actuelle, non pas le vote tel quel, mais le fait que le gouvernement, après cette rebuffade, après cet échec de sa position constitutionnelle, ait maintenu qu'il pouvait tolérer cette contradiction et poursuivre son mandat à la façon d'un gouvernement qui serait fédéraliste. On se rend bien compte maintenant qu'il a fourni de cette façon-là une cible irrésistible à un coup de force venant d'Ottawa, une cible que l'on ne pouvait pas ne pas viser, dans les circonstances, puisqu'il est tellement facile -tout le monde le fait - de mettre en doute la bonne foi du gouvernement dans cette aventure. Nous l'avons fait en août dernier, lorsque nous avons attiré l'attention sur les positions extrêmement ambiguës du gouvernement du Parti québécois au moment de cette conférence constitutionnelle, des positions qui étaient tout à fait compatibles, c'est le moins qu'on puisse dire, avec la souveraineté-association.

D'ailleurs, on n'a qu'à se poser la question suivante: Si jamais le Parti québécois, comme gouvernement du Québec, réussissait à renouveler le fédéralisme, ce serait pour lui un aveu qu'il ne peut pas tolérer, ce serait pour lui la fin des haricots. Il ne peut tout simplement pas se payer le luxe de réussir dans ce mandat-là. Fort heureusement pour lui, il semble bien que le risque n'était pas indûment élevé durant les six derniers mois, mais cela ne change rien dans l'affaire et cela l'arrange bien. La CSN a souligné que le Québec dans tout ceci est dans un alliance sans principe. Je pense qu'elle pensait à cela aussi, de même qu'au fait assez remarquable de voir le ministre des Affaires intergouvernementales du Québec et le premier ministre du Québec être sur la même longueur d'onde que certains de leurs collègues des autres provinces. C'est très certainement une chose qui a frappé tout le monde comme étant un mariage en quelque sorte contre nature dans les circonstances.

En terminant, Mme la Présidente, je trouve assez paradoxale l'affirmation de la CSN - je ne sais pas ce qu'elle veut dire par cela - lorsque, à la page 8 de son mémoire, elle dit qu'elle est "favorable à l'inclusion d'une véritable charte des droits dans une constitution" et que, cependant, "les droits ainsi garantis, lorsque tributaires d'un champ de compétence provinciale, doivent être sous la responsabilité des provinces."

J'imagine qu'on ne veut pas dire qu'une charte des droits pourrait changer la compétence législative des provinces et du gouvernement fédéral, pas plus qu'au Québec, par exemple, depuis qu'on a la Charte des droits et libertés de la personne, le ministre de la Justice n'est responsable de l'adoption de toutes les lois. On sait très bien que le ministre de l'Éducation conserve sa compétence, le ministre des Affaires sociales également, même si toutes leurs lois doivent passer le test de la Charte des droits et libertés de la personne au Québec. Je présume bien que ce n'est pas dans ce sens-là, mais je sais que la CSN souvent n'aime pas beaucoup le fonctionnement de notre appareil judiciaire. Est-ce que l'on veut souligner par cela que même l'application d'une charte des droits et des libertés de la personne devrait être faite par le Parlement et que c'est le Parlement provincial, l'Assemblée nationale qui serait le juge final du fait que, oui ou non, telle ou telle disposition d'une loi du Québec satisfait à une charte des droits et des libertés de la personne plutôt que l'appareil judiciaire, plutôt que les juges, plutôt que les tribunaux, si on veut? Autrement, j'ai de la difficulté à concilier les deux phrases qu'on trouve à ce dernier paragraphe de la page 8.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le président de la Confédération des syndicats nationaux.

M. Rodrigue: Brièvement, je voudrais d'abord dire à M. Forget que nous n'étions pas de la coalition du oui et que nous n'en sommes pas encore aujourd'hui, mais que nous avons été capables de dire oui, quand même, sur la base de nos intérêts et de notre spécificité comme organisation syndicale avec l'analyse que nous faisions. Je voudrais rappeler aussi au député Forget que, lorsqu'il qualifie l'oppression nationale d'expression alarmiste, pour nous, Québécois et travailleurs en particulier, l'oppression nationale signifie chômer plus souvent; cela signifie des difficultés plus grandes en termes d'accès à l'éducation; cela signifie vivre en moins bonne santé; cela signifie aussi des logements moins décents. Quant à nous, le geste unilatéral de M. Trudeau est relié à un phénomène d'oppression nationale aussi. Je voudrais dire que ce que j'affirme là, on retrouve cela dans les statistiques d'organismes créés par vous, alors que vous étiez ministre des Affaires sociales, comme le CRSSS, par exemple, ou le CSSMM, de Montréal, et le Bureau fédéral de la statistique. On retrouve cela là-dedans et d'autres analyses où on a jeté un coup d'oeil à l'occasion de nos études. C'est pour la question du fait qu'on pourrait être alarmiste. On n'est pas alarmiste, on essaie d'être réaliste et de voir la réalité. De temps en temps, cela fait peur, quand on parle de la réalité. Cela fait peur, quand on parle de 450,000 personnes vivant de l'aide sociale ou de l'assistance publique au Québec et de 300,000 chômeurs, cela énerve, n'est-ce pas, quand on le rappelle trop souvent? Alors, on dit: L'oppression nationale est un phénomène que nous vivons, que nous subissons.

En ce qui concerne la question du 20 mai versus le non-engagement de changements, etc., je voudrais dire que quant à nous, ce qu'on constate, c'est ce qu'on nous a dit il y a quelques mois; il n'y a pas de changements et les changements qui sont proposés mettent en péril certains acquis québécois. Quand on a dit cela, il me semble qu'on a dit quelque chose d'important et cela mérite l'attention des responsables politiques comme vous. C'est votre problème politique. Chez les libéraux, avec les libéraux fédéraux - puisque vous avez probablement les mêmes militants - vous résoudrez vos problèmes, mais avec les autres partis aussi qui ont à discuter de ces problèmes'. (13 h 15)

En ce qui concerne l'application d'une charte des droits, je pense que le député Bertrand posait la question à un groupe précédemment: À quelles conditions seriez-vous d'accord avec l'inclusion d'une charte des droits? Nous n'avons pas d'objection à l'inclusion d'une charte des droits, mais il y a des conditions à cela; une des conditions, c'est le consensus et c'est rattaché à tout le processus du rapatriement, de la formule d'amendement et finalement de la charte des droits. Dans la perspective où on introduit une charte des droits, ce que nous disons, c'est que la responsabilité en termes d'application doit revenir aux provinces. Il ne s'agit pas seulement de reconnaître des droits formels, par exemple aux handicapés, il s'agit de voir comment, dans la réalité, ces droits vont être respectés. Dans ce sens-là, on dit que ce doit être un champ de responsabilité provinciale.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Chauveau.

M. O'Neill: Merci, Mme la Présidente. Je dois d'abord dire à M. Rodrigue que j'ai retenu pour ma part comme fort intéressante la suggestion qui est formulée à la page 10 du mémoire sur des négociations et des pourparlers où on pourrait accroître la participation de la population, à cette étape-ci et pour plus tard aussi, lorsque les Québécois auront à parler de leur propre constitution. Je me permets de suggérer au ministre des Affaires intergouvernementales de retenir cette suggestion d'essayer en somme d'élargir la méthode ou la procédure qu'il a lui-même favorisée, ne serait-ce qu'en convoquant cette commission parlementaire.

J'ai une brève question à poser maintenant qui porte sur ce thème de l'oppression nationale que vous venez de décrire. Vous en avez décrit des éléments. D'autre part, il m'a semblé, en lisant votre texte, qu'il y avait aussi dans cette définition, dans cette expression, une façon de désigner aussi des pouvoirs, des sortes de pouvoirs qui dominent les Québécois, pas seulement des pouvoirs économiques, mais aussi certains pouvoirs politiques qui eux-mêmes reflètent parfois des intérêts économiques. Vous avez dit que c'est à cause de cela, par exemple, que vous avez recommandé aux gens de voter oui le 20 mai et vous avez dit: Notre lutte contre la plan Trudeau constitue un autre moment dans la lutte contre l'oppression nationale.

Dans cette optique, j'aimerais savoir le sens exact de votre proposition, toujours à la page 10, quand vous dites: "Le cul-de-sac de la réforme actuelle ne peut être résolu autrement que par la poursuite des négociations" des négociations face à des gens qui représentent une forme d'oppression nationale, c'est bien cela?

Je voudrais dire ceci. Pour vous, la négociation, dans le contexte actuel, étant donné les forces en présence et les intérêts en présence, constituent-elles ce que j'appellerais une stratégie circonstancielle, une stratégie permanente ou fondamentale, en somme une stratégie circonstancielle, c'est-à-dire que tout pouvoir politique ou tout gouvernement a une responsabilité au nom de la prudence politique, tout à coup, de faire face à des événements a court terme, et, en même temps, doit poursuivre des politiques à long terme?

Dans un cas de difficulté à court terme, une des attitudes ou un des comportements peut justement consister à adopter ce qu'on appelle ici une stratégie circonstancielle. Mais, pour vous, est-ce que c'est simplement ça ou bien si vous nous suggérez autre chose, à long terme? C'est-à-dire, pour votre groupement, pour vous-même, quelle est la véritable façon de sortir d'une situation qui reflète ce que vous-même appelez une situation que vous avez qualifiée en utilisant l'expression "oppression nationale"?

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le président de la confédération.

M. Rodrigue: Lorsqu'on propose ou lorsqu'on suggère d'élargir et de démocratiser le débat, nous faisons le parallèle entre ce que nous faisons et ce que nous pratiquons démocratiquement chaque jour dans les activités syndicales. Lorsqu'on négocie un contrat de travail, on parle bien de négociations, on parle conséquemment de rapport de forces, quel que soit sa nature, politique, économique, social, culturel, peu importe. Alors, lorsqu'on négocie des contrats, on va consulter les travailleurs; ils déterminent leurs objectifs. C'est eux qui, finalement, nous indiquent et indiquent à leurs représentants ce qu'ils veulent dans le changement dans leurs conditions de travail.

Alors, l'élargissement et la démocratisation du débat, pour nous, ça correspond à l'élargissement du rapport de forces, conséquemment. Comme une négociation de cette nature demeure une négociation, on devrait, comme condition, faire en sorte que la compréhension des implications du débat constitutionnel soit plus large dans la société québécoise et que les implications soient mieux comprises. On n'a qu'à prendre l'exemple de la formule d'amendement proposée par M. Trudeau. Cela vous prend des experts, messieurs, à coeur de jour, pour essayer de la comprendre. Il n'y a pas beaucoup de gens dans la société qui la comprennent. Il faut s'y mettre, la regarder comme il faut et arriver à la vulgariser.

Alors, quand les gens comprendront ces implications, sauront ce que ça veut dire et les autres aspects aussi, sur le plan des pouvoirs spécifiques au Québec, il me semble que ça, ça change, le rapport de forces, les conditions de négociations. Nous autres, on affirme que, quelque parti politique que ce soit, si vous continuez, comme parti au gouvernement, à oublier que les intérêts fondamentaux auxquels vous vous êtes engagés, en termes de défense, sont aussi des intérêts, des droits fondamentaux, l'exercice de droits fondamentaux de la majorité qui sont les travailleurs, on vous dit que le rapport de forces va être ce qu'il va être, si les travailleurs ne sont pas davantage impliqués dans la compréhension du débat et si le débat n'est pas davantage démocratisé. C'est notre appréciation dans les circonstances actuelles.

La Présidente (Mme Cuerrier): Merci à la Confédération des syndicats nationaux d'avoir bien voulu participer aux travaux de la commission. Merci à M. Norbert Rodrigue qui en est le président, à M. Pierre Lamarche et à M. Petit.

Nous allons devoir suspendre nos travaux maintenant. Nous avons encore à entendre le groupe qui s'appelle lui-même Positive Action, Action positive, l'Association des propriétaires de Québec et la Société Makivik. Nous entendrons ces groupes cet après-midi.

Sur ce, la commission de la présidence du conseil et de la constitution suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 23)

(Reprise de la séance à 15 h 18)

La Présidente (Mme Cuerrier): La commission de la présidence du conseil et de la constitution reprend ses travaux après la suspension.

Nous appelons maintenant le Comité d'action positive. Nous entendrons ensuite l'Association des propriétaires de Québec Inc. et, à la suite de ces deux groupes, nous entendrons la Société Makivik.

Le Comité d'action positive. J'avais dit ce matin, je m'en excuse, que ce comité s'appelait - et que c'était lui qui avait décidé de s'appeler comme cela - Positive Action, Action positive. Ce que je voulais dire, ce n'est pas moi qui fais la traduction, vous y aviez vu vous-mêmes.

M. Storrs McCall est le porte-parole. Je lui demanderais de présenter celui qui l'accompagne, s'il vous plaît.

Comité d'action positive

M. Paterson (Alex A.): Malheureusement, Mme la Présidente, nous avons perdu M. Storrs McCall sur l'avion d'Air Canada, vol 512, ce matin. Mon nom est Alex Paterson, je suis le coprésident et suis avec M. Casper Bloom.

Pour commencer, je voudrais dire, Mme la Présidente, combien nous sommes contents d'être ici pour la troisième fois. La première fois, c'était au sujet du bill no 1, la deuxième fois sur les règles du référendum, et, maintenant, sur la constitution.

Je dois souligner tout de suite...

La Présidente (Mme Cuerrier): M.

Patterson, est-ce que nous pourrions juste vérifier... Puisque vous dites maintenant que vous connaissez déjà comment nous nous organisons ici, vous savez sans doute, n'est-ce pas, qu'il a été entendu entre les membres de la commission que vous disposez d'une vingtaine de minutes pour la présentation de votre mémoire. Ensuite, il y a 40 minutes qui sont réparties entre les oppositions et le gouvernement, les réponses ou les commentaires répondant aux questions ou aux commentaires des membres de la commission étant comptabilisés dans le temps qui est consacré à entendre des groupes.

Je vous laisse la parole, M. Paterson, et je tâcherai de ne plus vous arrêter.

M. Paterson: Merci.

Je peux présenter notre mémoire en huit ou neuf minutes, je pense. Après cela, M. Bloom va parler pendant sept ou huit minutes.

Je dois souligner tout de suite que nous avons eu des difficultés dans la préparation de ce mémoire en raison de l'évolution quotidienne des circonstances. Depuis que nous avons déposé le mémoire, le jugement de la Cour d'appel du Manitoba et le rapport de la commission Kershaw ont été rendus publics. Nous avons dit, dans notre mémoire, que nous avons eu une certaine réticence à discuter des mérites de la résolution du gouvernement fédéral à cause de la référence à notre Cour d'appel du Québec. Mais, le jugement de la Cour d'appel du Manitoba a éclairci peut-être cette situation. En page 10 du jugement, l'honorable juge Freedman a dit ceci: "We are concerned not with the wisdom or policy of the proposed resolution but with its constitutional legality." Au contraire, je présume que votre comité est concerné par "the wisdom and policy of the proposed resolution and not with its constitutional legality".

Avant que je commence à lire notre mémoire, je voudrais rappeler les premières remarques du jugement de la Cour d'appel du Manitoba qui sont: Canada is a sovereign nation, it is so recognized throughout the world but one vestige of colonialism still adheres to a national status namely that she is unable to amend her constitution, such an amendment can only be made by the Parlement of the United Kingdom.

C'est dans ce contexte que nous avons dit dans notre mémoire au comité conjoint du Sénat et de la Chambre des communes qu'il serait important, selon nous, que les premiers ministres se rencontrent une dernière fois, au moins, pour s'entendre sur une formule d'amendement. De l'avis de nombreux participants, les premiers ministres étaient presque parvenus à un accord à la fin des réunions sur la constitution tenues en automne. Si nous pouvions nous entendre - et je parle sûrement encore des formules d'amendement - sur une formule d'amendement ici même au Canada avant de nous adresser à Westminster, maints sujets de division contenus dans la proposition fédérale pourraient être éliminés.

Deuxièmement, nous estimons que, vu l'importance de sa minorité francophone, l'Ontario se doit d'accepter l'extension de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et, par là même, de la placer sur le même plan que le Québec. Le Manitoba et, maintenant, le Nouveau-Brunswick l'ont fait. Nous croyons aussi qu'il est dans l'intérêt du Québec de soutenir la cause des Franco-Ontariens et, ce faisant, de jouer le rôle prépondérant qu'il est, selon nous, capable d'assumer dans la protection des minorités francophones du pays. Nous pensons enfin qu'une intervention directe auprès de l'Ontario visant à convaincre cette province d'accepter l'article 133 mérite d'être considéré et pourrait contribuer à nous sortir de l'impasse actuelle.

Troisièmement, le 20 mai 1980, 60% des résidents du Québec ont voté non au référendum après que le renouvellement du système fédéral leur ait été promis. Bien d'autres ont voté oui parce qu'on leur avait

dit et ils ont cru que leur décision forcerait les provinces et le gouvernement fédéral à entamer sérieusement des négociations sur le renouvellement de la fédération.

Ce renouvellement exige l'amendement de la constitution. Nous estimons donc que l'Assemblée nationale du Québec doit de rechercher les moyens d'y procéder. Depuis la dissolution de la conférence sur la constitution en septembre, le Québec s'est adressé à la Cour d'appel et a demandé au Parlement britannique ou, du moins, aux représentants du Parlement de rejeter la proposition du gouvernement fédéral. Si le Québec et les autres provinces ayant adopté la même politique parviennent à faire bloquer la proposition fédérale par les tribunaux, au Parlement et à Westminster, ou par tout autre moyen, que proposerons-nous, en tant que province, pour répondre aux aspirations des Québécois et de la plupart des Canadiens souhaitant un renouvellement de la fédération?

Aurons-nous recours aux conférences des premiers ministres et à une formule d'amendement devant être adoptée à l'unanimité, alors que cette procédure s'est toujours soldée par un échec au cours de la dernière décennie et même avant? Suggérerons-nous la création d'une assemblée constituante qui, selon nous, pourrait intervenir efficacement, mais dont la composition, la structure et la formation entraîneraient de nouveaux délais? Je dois dire, entre parenthèses, que nous avons eu une réunion à la fin de septembre ou au commencement d'octobre avec un groupe d'experts comme Gérald Beaudoin, Simeon, de Queen's, etc., pour discuter la question de la constitution. Le consensus, c'était que peut-être n'est pas encore. C'était en octobre. Tous nos experts nous ont dit: On doit chercher d'autres moyens avant d'y aller directement.

Organiserons-nous un référendum national et, dans ce cas, pourrons-nous nous entendre sur une formule acceptable par toutes les provinces? Encore, je me réfère à la commission Kershaw qui a dit: "The British Parliament is not the protector of the provinces. It is not the protector of the federal government. Britain is the guardian of the constitution. If a majority of Canadians express a desire for change in a national referendum, the British Parliament must act." Mais encore, sachant qu'il y a toutes sortes de problèmes pour obtenir un consensus sur la procédure d'un référendum national.

Les amendements à la proposition présentés le 12 janvier n'ont pas répondu aux points que nous avions soulevés dans notre mémoire devant le comité conjoint. Pendant ce temps, toutes les régions du Canada demandent à cor et à cri une solution au problème constitutionnel et un grand nombre de nos chefs politiques passent leur temps à critiquer les solutions proposées au lieu de faire des suggestions valables.

Nous demandons, par conséquent, au comité de ne pas se contenter de formuler les raisons pour lesquelles le Québec s'oppose au plan actuel - tous ceux qui ont participé aux débats de l'Assemblée nationale sur le sujet et la plupart des éditorialistes se sont déjà abondamment étendus sur ces raisons -mais plutôt de proposer des solutions constructives pour que nous puissions enfin nous doter de la constitution renouvelée que nous souhaitons tous.

Pendant les années quatre-vingt, nous devrons porter toute notre attention aux problèmes économiques, sociaux et énergétiques. Nous estimons avoir les ressources humaines et physiques pour résoudre ces problèmes. Mais si nous passons notre temps à palabrer sur la constitution, en particulier sur le procédé plutôt que sur le contenu, il nous sera difficile de nous consacrer aux autres problèmes qui concernent tous les Québécois et tous les Canadiens.

Nous aimerions pouvoir résoudre le dilemme devant lequel nous nous trouvons par une solution brillante et originale. À défaut, nous réitérons la suggestion que nous avons faite au début de ce document, à savoir que les premiers ministres se réunissent une fois de plus avant qu'aucune autre mesure ne soit prise dans l'espoir que, depuis septembre, les points en litige aient été en partie réglés et qu'une entente puisse se faire.

Pendant que Westminster, les tribunaux et les Assemblées législatives provinciales débattront de ce problème, nous continuerons à rechercher une solution avec tous ceux qui veulent bien nous aider. Mais vous autres, vous avez clairement ici l'expertise. Quand je vois M. Claude Morin, M. Jacques-Yvan Morin, le professeur Marx, etc., vous avez autour de la table non seulement les représentants de tous les partis politiques de la province, mais aussi les experts en matière constitutionnelle.

Nous savons, toutefois, que la nouvelle constitution ne pourra être que l'aboutissement de négociations et de compromis entre les deux paliers de gouvernement du Canada et que ce ne sont pas des intellectuels ou des gens étrangers à la question qui trouveront la solution idéale. Notre constitution devra être négociée et nous espérons que les gouvernements détermineront sans tarder le cadre propice à son élaboration.

Maintenant, je donne la parole à mon associé, M. Bloom. (15 h 30)

M. Bloom (Casper): Merci, Alex. Comme M. Paterson vous l'a dit, tantôt, je vais lire ce mémoire qui a été préparé par

M. Storrs McCall qui, malheureusement, ne peut pas être parmi nous aujourd'hui.

La Présidente (Mme Cuerrier): Vous avez la parole, M. Casper Bloom.

M. Bloom: Casper Bloom, Mme la Présidente, c'est exact. Pour commencer, je voudrais vous dire, Mme la Présidente de la commission, combien nous sommes contents d'être ici, aujourd'hui, pour présenter notre point de vue sur la constitution et, en particulier, sur les questions linguistiques au Québec.

Il est très utile, à mon avis, de nous asseoir ensemble, de temps en temps, pour jeter un coup d'oeil sur l'ensemble des questions qui concernent les communautés francophone et anglophone au Québec, pour voir quels progrès nous avons faits et quels problèmes restent encore à résoudre.

Mon collègue, Alex Paterson, a parlé du projet fédéral de la constitution. Il a fait deux ou trois suggestions concrètes pour essayer de nous faire sortir de l'impasse dans laquelle nous nous trouvons en ce moment.

Quant à moi, je vais dire deux mots -peut-être trois ou quatre - sur les rapports entre la constitution et la situation linguistique qui prévaut actuellement au Québec.

Avec votre permission, je prendrai, comme point de départ, les propos qui ont été présentés devant vous la semaine dernière par M. Léon Dion, tels qu'ils ont été rapportés dans les pages du Devoir et de la Presse du mercredi 4 février.

Il y a surtout trois propositions de M. Dion, d'après les comptes rendus de son discours, que je voudrais soulever comme témoignant des progrès que nous avons faits, mais aussi de la distance qu'il nous reste encore à parcourir.

Premièrement: M. Dion dit qu'il ne faut pas toucher à la loi 101. D'après lui, la langue française a encore besoin de protection au Québec et la loi 101 est nécessaire pour cette protection. D'ailleurs, la loi 101 nous a donné la paix linguistique, elle a créé un équilibre entre les communautés francophones et anglophones. Pourquoi risquer la terminaison de cet équilibre, la terminaison de cette paix?

Deuxièmement: M. Dion examine le rôle et l'importance de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Il constate que, malgré ou peut-être à cause du statut fragile des minorités francophones hors Québec, nous avons le devoir de leur accorder tout l'appui dont nous sommes capables.

Une constitution canadienne doit imposer l'article 133 - d'après M. Dion -partout où la langue française, dans les provinces autres que le Québec, a besoin d'être protégée. Tant mieux, nous sommes entièrement d'accord!

Immédiatement après avoir dit cela, M. Dion continue en proposant que l'article 133 soit retiré du dos du Québec. C'est une asymétrie, un manque de cohérence dans sa pensée à laquelle nous reviendrons plus tard. Troisièmement, ceci nous amène au point no 3. En général, M. Dion soutient que même s'il est nécessaire d'accorder des droits en matière linguistique aux minorités francophones hors Québec, il n'est pas nécessaire d'accorder les droits aux anglophones ici. Pourquoi? Parce que les anglophones du Québec ne sont pas menacés. Parce qu'ils sont adossés sur un continent de 240,000,000 de parlant anglais. Voilà les trois propositions de M. Dion.

Passons à nos commentaires maintenant. Le Comité d'action positive trouve certains éléments positifs dans les paroles de M. Dion, éléments auxquels nous pouvons nous associer. Nous aussi sommes conscients de la paix linguistique que nous a apportée la loi 101 et nous apprécions l'absence du mauvais sang et d'hostilité que nous avons témoignée à l'époque de Saint-Léonard et les tests des enfants de cinq ans de la loi 22. Mais, l'équilibre créé par la loi 101 n'est pas un équilibre qui garde les justes proportions de notre population. Ce n'est pas un équilibre selon lequel la communauté anglophone vibrante et créatrice va continuer d'exister au Québec. Chacun de nous, Me Paterson, Me Bloom et moi-même connaissons maints amis, même des frères, des enfants et des cousins qui ont dit en effet: Si le Québec m'exclut de la famille de ses citoyens, si la loi 101 crée une distinction entre Québécois et Canadiens de langue anglaise, si le gouvernement agit de façon que l'anglais disparaisse des rues, des autobus, des magasins et des formulaires de permis, je m'en vais. Je m'installerai dans une province où je n'ai plus le sentiment d'être mal à l'aise.

Vous me demanderez combien de personnes sont parties? Je n'ai pas les chiffres exacts. Personne ne les a. Mais vous trouvez devant vous, Mme la Présidente, trois personnes - nous sommes deux actuellement - qui ont subi personnellement des pertes de famille, mais qui, malgré le gouvernement, se considèrent encore comme Québécois qui se trouvent chez eux ici au Québec et qui vont rester au Québec si Dieu le veut.

Let us proceed now to the second and third of Mr Dion's propositions. What he says, in effect, is that the rest of Canada has need of article 133 of the BNA Act but that Québec does not have need of it. I think that Mr Dion would probably be happy if we got rid of article 133 in Québec so that the Legislature and the courts would no longer be under any obligation to be bilingual. Again, I think we can find

something positive in what Mr Dion is saying, if we search hard enough, we can always find something positive in what people say.

In any case, since I am the co-chairman, Storrs McCall, that is, of the Positive Action Committee, I am going to try. What Mr Dion is saying is that the francophone communities outside Québec stand the need of the protection of article 133. Here, we can agree with them completely, we have already been to Toronto, not once, not twice, but three times at the request of ACFO, l'Association canadienne-française de l'Ontario, to ask Mr Davis to accept article 133 for Ontario. We have bought space in the Globe and Mail to urge Mr Davis, Mr Cassidy and Mr Smith to signify their faith in Canada by accepting section 133.

On this matter, we are absolutely in accord with Mr Dion. We are ready to defend, with him, the right of every francophone outside Québec to send his child to a French school. We believe that the very existence of the francophone communities outside Québec depends on this right to educate their children in their mother tongue and to manage and control their own schoolboards and educational institutions.

We believe further that the presence, in every province, of a healthy and viable official language minority is vital to the existence of Canada itself. On all these points, we are in agreement with Mr Dion. Where we cannot follow him is in his philosophy of asymmetry, his lack of consistency and lack of justice in wishing to deny to the English-speaking community of Québec the sustenance and nourishment he demands for the francophones outside Québec.

Mme la Présidente, j'ai déjà pris trop de temps pour dire mes deux ou trois mots, je veux terminer avec quelques réflexions sur nos deux grandes communautés au Québec, la communauté francophone et la communauté anglophone et l'esprit de tolérance, de générosité et de respect qui doit, à mon avis, caractériser nos relations. Je crois, Mme la Présidente, que j'énonce une vérité en disant que, depuis les trois ou quatre dernières années, il y a eu une ouverture d'esprit, une franchise et une honnêteté qui ont caractérisé les relations francophones-anglophones au Québec. Il y a une reconnaissance, auprès de la communauté anglophone, qu'une connaissance de la langue française est plus que souhaitable, elle est nécessaire pour entrer pleinement dans la vie du Québec. Bien sûr, il reste encore des unilingues anglais et, avec la mobilité des gens sur le marché du travail canadien, il y aura toujours des milliers de personnes qui viendront s'installer ici au Québec et qui vont commencer à apprendre la langue française.

Nos enfants, qui se trouvent en cours d'immersion française, vont apprendre le français beaucoup mieux que nous. Alors, le statut et l'usage quotidien du français au Québec me semblent être reconnus et accordés par toute la communauté anglophone.

En revanche, la communauté anglophone demande une seule chose: d'être reconnue comme une communauté permanente au Québec, une communauté qui est fière de son passé, qui est fière de ses contributions au développement du Québec, une communauté qui veut garder ses traditions, sa culture, ses institutions et sa vitalité pour le bien commun de tous les Québécois.

Je suis sûr que les francophones du Québec nous accorderont ce statut, cette reconnaissance de nos droits et une place au soleil comme partie intégrante de la société ouverte et pluraliste qui constitue le Québec des années quatre-vingt. Nous sommes fiers d'être Québécois, nous sommes fiers d'être Canadiens, nous sommes fiers de parler français et anglais et nous allons rester ici, au Québec. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre des Affaires intergouvernementales, vous avez la parole.

M. Morin (Louis-Hébert): Merci, Mme la Présidente. J'ai en main deux documents, un qui, je crois, a été présenté par vous au comité mixte fédéral du Sénat et de la Chambre des communes sur la constitution et un autre document que vous avez lu, vous, M. Paterson, tout à l'heure. Je n'ai pas le troisième que vous avez lu; peut-être qu'il va nous parvenir.

M. Bloom: De M. Storrs McCall.

M. Morin (Louis-Hébert): D'accord. J'ai dans les deux cas un passage qui m'intrigue beaucoup compte tenu de ce qui a été discuté ce matin. Vous n'étiez pas ici ce matin, bien sûr; alors, je vais vous replacer dans le contexte. Il y a eu ce matin, comme ça arrive souvent, une petite discussion sur le sens du vote référendaire, c'est-à-dire: Que signifiait le non au référendum? J'avais dit à l'époque qu'on a prétendu qu'un non signifiait oui à une révision de la constitution, alors que ce n'est pas ce qui se produisait. Sur ce, le député de Saint-Laurent, M. Forget, a expliqué qu'il n'y avait eu aucune espèce de promesse de présentée et que le sens du non au référendum n'était pas celui que je disais.

Or, vous dites, vous, tout à fait autre chose et là, je voudrais comprendre. Vous dites dans votre document pour le fédéral: " En votant non lors du dernier référendum, la

population de notre province a opté pour un fédéralisme renouvelé qui ne se limitait pas à des formules d'amendement et à la garantie de certains droits. Nous envisagions alors une révision radicale de la constitution et une redistribution des pouvoirs." C'est dans le document fédéral.

M. Paterson: C'est dans le document vert, à quelle page?

M. Morin (Louis-Hébert): Voilà, c'est ça! Page 5. Mais, à la page 2 de votre document d'aujourd'hui, vous continuez dans le même sens et vous dites: "Le 20 mai 1980, 60% des résidents du Québec ont voté non au référendum après que le renouvellement du système fédéral leur ait été promis."

Ce matin, M. Forget nous a dit qu'il n'y avait pas eu de promesses, que les promesses étaient vides. C'était le sens de son intervention; je n'ai pas ici la transcription. M. Forget nous disait ce matin qu'il n'y avait pas eu d'engagement - au moment où on a demandé aux Québécois de voter non - si précis et si net en ce qui concerne le renouvellement du fédéralisme.

Or, vous dites exactement le contraire, qu'il y en a eu et que c'est pour ça que les Québécois ont voté non en majorité. Je voudrais que vous me donniez votre interprétation du non référendaire. Nous sommes actuellement victimes d'un coup de force des libéraux fédéraux parce qu'eux estiment que le non du référendum leur donne le droit d'agir unilatéralement, sans tenir compte des provinces et même à l'encontre des politiques québécoises.

Il y a une contradiction entre ce que vous dites et ce que M. Forget dit. Je sais que vous n'étiez pas ici ce matin; alors, j'ai essayé de résumer la pensée de M. Forget. Je sais qu'il va pouvoir la corriger si je me suis trompé, mais jusqu'à nouvel ordre c'est ce que j'ai compris, c'est ce que nous avons compris. Cela nous a même surpris. C'était une des rares fois ou on entendait dire qu'à toutes fins utiles personne n'avait promis quoi que ce soit au référendum pour faire voter non, alors que vous dites le contraire. Comment conciliez-vous tout ça?

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Paterson.

M. Paterson: Je pense que c'est une question à laquelle n'importe quelle personne peut donner une réponse et la réponse va Être différente selon le cas, parce que, ce que le premier ministre a dit, je pense, c'était qu'on doit avoir un renouvellement du fédéralisme. Je pense qu'il a dit cela. Qu'est-ce qu'il avait dans sa tête? Je ne le sais pas, mais ce que je sais, c'est que la promesse n'était pas d'avoir le rapatriement unilatéral, mais celle d'avoir un changement dans le fédéralisme. Je pense que c'est cela que tout le monde a essayé de faire au moins jusqu'à la fin de septembre.

Depuis la fin de septembre, ce que nous avons dit dans notre mémoire, c'est que, même avec la bonne foi de tout le monde, nous sommes arrivés devant une situation où il n'y a pas de progrès. Ce que nous avons dit, et je pense que c'est exact, c'est que les gens du Québec et même les gens du Canada veulent quelque chose. Mais on ne sait pas comment en arriver à la constitution renouvelée. On demande à votre commission d'étudier cela et d'essayer de faire des propositions positives plutôt que de simplement dire: Ce qui est proposé n'est pas possible et nous n'avons pas une autre solution. C'est à peu près tout. Je regrette que nous n'ayons pas dit: Allez-y comme cela, mais, nous autres, nous n'avons pas la solution.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Merci, M. Paterson. Je voudrais continuer. Je suis obligé de me servir des vos deux mémoires en même temps. Je pense qu'ils se complètent et, si vous nous les avez fournis, c'est parce que vous-mêmes vous avez vu qu'ils étaient complémentaires l'un de l'autre.

Dans le document que vous avez remis à Ottawa, toujours à la page 5, vous dites -je le citais tantôt - qu'en disant non au référendum, ce qui était recherché, c'était un fédéralisme renouvelé qui ne se limitait pas à des formules d'amendement et à la garantie de certains droits. "Nous envisagions alors une révision radicale de la constitution et une redistribution des pouvoirs." J'ai lu ce bout-là tout à l'heure. (15 h 45)

II y a d'autres choses que vous ajoutez. Vous dites: "De nombreux Québécois considèrent donc, à tort ou à raison, que la résolution proposée - celle d'Ottawa - et le processus de réforme constitutionnelle envisagé par les libéraux fédéraux - sont loin de répondre à leur attente." Vous dites qu'il y a des Québécois qui considèrent que tout cela est loin de correspondre à leur attente, à tort ou à raison. Je voudrais savoir de vous si, à votre point de vue, de par l'expérience que nous vivons maintenant, les Québécois ont tort ou ont raison de considérer que la tentative de coup de force des libéraux fédéraux correspond ou non à leur attente. Quelle est votre opinion là-dessus? Vous ne vous prononcez pas là-dedans. J'ai l'impression que vous croyez que cela ne correspond pas à l'attente, mais j'aimerais vous en entendre parler.

La Présidente (Mme Cuerrier): M.

Paterson.

M. Paterson: Ce que nous avons dit va dans le sens que la résolution ne touche pas les articles 91 et 92. Cela se limite aux chartes, au processus d'amendement, etc., mais je pense que, comme je le disais avant, quand on discute d'une fédération renouvelée, ce n'est certainement pas seulement cela. Cela doit toucher les articles 91 et 92 et on doit, à la fin, en arriver à une solution où on puisse discuter de cela et non pas seulement du processus.

M. Morin (Louis-Hébert): Très bien. Vous dites en somme que cela devrait toucher beaucoup plus que ce que cela touche présentement. Je pense que vous l'avez dit dans le mémoire que vous avez remis, sauf que vous arrivez - c'est ma dernière intervention, je laisserai la place à mes collègues - quelque part dans votre texte avec la proposition de s'occuper en priorité de la formule d'amendement, alors que vous venez de dire que ce n'est pas ce qu'on voulait. J'essaie de concilier comment vous pouvez faire cette recommandation de s'occuper en priorité de la formule d'amendement avec la déclaration faite ailleurs dans votre texte que ce n'est pas ce qui est recherché prioritairement par les Québécois. Comment conciliez-vous cela?

M. Paterson: C'est parce que je pense qu'on ne va jamais arriver à une solution sur les questions de 91 et 92 si on n'a pas une autre manière d'amender la constitution que l'unanimité. C'est ce que nous avons proposé. Qu'on commence par la formule d'amendement et, si on peut arriver à une solution ici, au Canada, sur la question du processus d'amendement, on peut avoir l'espoir qu'on peut continuer à faire les autres arrangements, les autres négociations; mais si on reste avec l'unanimité comme règle pour l'amendement, on n'a pas beaucoup d'espoir d'arriver à une solution sur les autres questions.

M. Morin (Louis-Hébert): M. Paterson, ce n'est pas tout à fait ma question. Je comprends ce que vous dites. Ce que je veux faire ressortir, c'est d'essayer de voir comment vous résolvez la contradiction que vous-même, en quelque sorte, tracez lorsque vous nous dites, d'une part, que le non au référendum ne devait pas conduire seulement à une formule d'amendement - c'est ce qui est en train de se produire à la rigueur maintenant - alors qu'en même temps vous nous dites que c'est ce dont on devrait s'occuper. Ce que je veux dire, c'est: ou bien tout le processus actuel est mal parti et doit être repris, ou bien, il faut s'en tenir strictement à la formule d'amendement et, le Québec, dès lors, perd la raison d'être de toute la révision constitutionnelle, c'est-à-dire le partage des pouvoirs. Ce que vous nous demandez de faire, c'est d'oublier ce qui a, à toutes fins utiles, fait que le Québec il y a des années, il y a quinze ans à peu près, a commencé à réclamer une révision constitutionnelle, c'est-à-dire le partage des pouvoirs. Vous nous dites de laisser tomber les priorités que nous avions pour nous en tenir à la formule d'amendement purement et simplement. Mais le jour où on aura réglé la formule d'amendement, on n'aura rien réglé de fondamental en ce qui concerne le partage des pouvoirs et la reconnaissance d'une société distincte au Québec. Voilà, pour nous, ce qui est essentiel.

La Présidente (Mme Cuerrier): M.

Paterson.

M. Paterson: Je pense que la réponse est claire. J'espère que c'est clair. Pour arriver à la deuxième étape, on doit avoir une autre formule d'amendement. C'est ce que nous avons dit. On ne dit pas qu'on doit arrêter à ce moment, mais pour arriver à la deuxième étape, on doit commencer par la première étape. Or, la première étape doit être une procédure d'amendement, parce que la procédure maintenant, l'obligation d'avoir l'unanimité, ne nous donne rien.

M. Morin (Louis-Hébert): Je vais terminer. Je voulais terminer plus tôt, mais je pense que la discussion que nous avons est importante. Vous n'ignorez pas que l'établissement d'une formule d'amendement présume, en quelque sorte, du statut des États membres, c'est-à-dire qu'il y a des États membres de la fédération ou des provinces qui auraient un droit de veto et d'autres qui n'en auraient pas. La formule d'amendement est un geste politique très considérable. Selon la formule d'amendement que vous avez, vous déterminez en quelque sorte le statut des États membres des provinces, donc, du Québec. La formule d'amendement détermine le statut du Québec. Or, on ne peut pas dire que c'est la première étape, parce que toute l'entreprise de révision constitutionnelle est pour faire, entre autres choses, tenir compte dans la constitution du fait qu'il y a une société distincte au Québec. Or, la formule d'amendement ne règle pas cela. Le Québec ne serait qu'une province comme les autres, comme l'Ontario, alors qu'il y a une société distincte ici. Nous croyons fondamentalement que cela doit se refléter, si le système fédéral doit continuer, dans les institutions fédérales. Or, la formule d'amendement ne le refléterait pas.

M. Paterson: C'est une bonne réponse,

mais M. Bloom pense qu'il en a une meilleure.

La Présidente (Mme Cuerrier): M.

Bloom.

M. Bloom: Je pense, M. Morin, que vous êtes un homme très pratique, d'après l'expérience que vous avez déjà vécue, non seulement en tant que ministre, mais dans les années où vous étiez cadre supérieur au ministère des Affaires intergouvernementales, comme fonctionnaire.

Vous savez, c'est une question de négociation, on l'a dit dans notre mémoire, on le répète encore. Ce que vous proposez, en théorie, possiblement que vous avez raison mais, en pratique, cela ne marcherait jamais. Au point de vue pratique, il faut commencer quelque part. Il y avait déjà un bon début de fait au mois de septembre. On était près. Ce n'est pas la première fois qu'on était près d'en arriver à une entente. Mais nous, dans notre mémoire, on vous propose de ne pas lâcher, de continuer l'exercice que vous avez déjà commencé.

Notre proposition ici, avec tout notre respect, nous trouvons que les démarches que votre commission a déjà entreprises, qui ont été également entreprises par les autres provinces, ce n'est pas constructif. C'est très négatif. Ce que vous essayez de faire, ce que beaucoup de personnes qui sont venues devant vous ont essayé de faire, c'est de trouver des moyens de bloquer une résolution, de bloquer la possibilité d'une entente.

Ce que nous vous proposons, c'est que tous les efforts devraient être adressés à trouver une solution, ce qui n'est pas impossible, en commençant par une formule d'amendement, d'après nous, ce n'est pas loin. Après avoir trouvé une formule d'amendement, le reste va suivre, mais il faut le faire étape par étape. Il n'y a aucune possibilité, d'après nous, de façon pratique, de trouver une solution à tous les problèmes qui vous font face tout d'un coup. Il faut le faire tranquillement, graduellement. Ce qui a été essayé durant l'été dernier, jusqu'au mois de septembre, c'était peut-être d'en faire trop tout d'un coup. Si les parties, les provinces, les premiers ministres des provinces avaient essayé, ainsi que le gouvernement fédéral, de le faire par étape, je pense qu'il y aurait eu une solution de trouvée, au moins sur la question de la formule d'amendement.

M. Morin (Louis-Hébert): M. Bloom, vous êtes en train de dire que ce qui a été fait cet été, ce n'était pas bien. Je vous ferai remarquer que c'est le gouvernement fédéral qui nous a entraînés dans cette ronde infernale, pour profiter d'un moment où la population était moins attentive - elle avait eu un référendum - pour réaliser ses objectifs. C'est le gouvernement fédéral qui nous a embarqués, les libéraux fédéraux qui nous ont.. Mme la Présidente, les libéraux provinciaux ici pourraient-ils cesser d'interrompre pendant que j'essaie de comprendre et que ces gens-là essaient de m'entendre?

Cet été donc, ce sont eux qui nous ont embarqués, ainsi que toutes les provinces du Canada, dans un processus infernal que j'ai personnellement vécu. Et nous sommes les premiers à avoir dit que cela n'avait pas de bon sens. Il ne faut pas aujourd'hui avoir l'air de nous reprocher ce que les autres ont fait.

Deuxièmement, vous nous dites que nous avons conduit les six provinces à une action négative actuellement, c'est-à-dire de bloquer le coup de force fédéral. La réponse est que vous avez parfaitement raison. Ils ont mis le feu à la boîte et il s'agit de l'éteindre et nous prenons les moyens pour que ce feu ne se communique pas et que, même, il puisse s'éteindre. Nous sommes en train de gagner cette bataille et nous sommes très heureux de la façon dont les choses évoluent, nos amis s'en aperçoivent ici, eux qui n'ont pas voulu se joindre à nous au point de départ, ils ont des remords. Mais il fallait d'abord et absolument...

M. Forget: On est même très content.

M. Morin (Louis-Hébert): ...empêcher ce coup de force fédéral de réussir, parce que...

M. Marx: Mme la Présidente, on n'a pas de remords.

M. Morin (Louis-Hébert): ...ça aurait été... Mme la Présidente, il n'y aurait pas moyen d'avoir le silence?

M. Marx: On est bien heureux de notre position. Question de règlement.

M. Morin (Louis-Hébert): J'ai remarqué une chose, Mme la Présidente. Ils sont très nerveux chaque fois qu'on parle de leur collusion avec les libéraux fédéraux.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre, nous avons une question de règlement de la part de M. le député de D'Arcy McGee. Je me dois de l'entendre.

M. Marx: J'aimerais corriger M. le ministre. On n'a pas de remords quant à notre vote sur la proposition du gouvernement.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député, vous auriez pu prendre la parole à un autre moment.

M. Morin (Louis-Hébert): Oui!

La Présidente (Mme Cuerrier): Ce n'est pas tout à fait une question de règlement, si vous êtes d'accord avec moi.

M. Morin (Louis-Hébert): Ce n'est même pas du tout une question de règlement. Si je peux revenir à ce que j'étais en train de dire, je pense que c'était notre devoir élémentaire de gouvernement de défendre les droits et les intérêts du Québec du mieux que nous le pouvions et je pense que nous avons réussi en empêchant cette sorte de malheur constitutionnel de se produire. En tout cas, nous espérons devoir l'empêcher. Nous allons continuer et nous sommes plus déterminés que jamais.

Troisième chose, vous nous dites qu'il y a une situation impossible qui a été créée au Canada et au Québec à cause du coup de force des libéraux fédéraux. Il faudrait que ce soit nous maintenant qui trouvions la solution de ce que l'autre a fait de malfaisant. Nous avons toujours dit - c'est même dans notre publicité gouvernementale, vous l'avez vu - que nous sommes prêts à retourner à la table. On demande même à Ottawa de revenir à la table et les provinces avaient réussi, phénomène plutôt rare, à s'entendre sur huit ou neuf points au cours de l'été dernier. À la fin de l'été, il y avait un front commun des provinces. C'est M. Trudeau qui a balancé tout ça.

Je comprends très bien vos inquiétudes par rapport à l'avenir. Mais s'il y a quelqu'un de coupable là-dedans, je pense qu'il n'est pas dans cette salle, sauf, peut-être, indirectement par ceux qui ont invité M. Trudeau à participer au référendum au mois de mai. Où ils étaient conscients de ce que M. Trudeau avait en tête et, à ce moment-là, ils sont co-complices aujourd'hui ou ils ne le savaient pas et ils ont été naïfs.

M. Rivest: 60% de Québécois.

La Présidente (Mme Cuerrier): M.

Paterson.

M. Paterson: II y a beaucoup de choses que je ne peux pas essayer même de reprendre. Mais il y a une chose que vous nous n'avez pas comprise du tout concernant notre position. On ne veut blâmer personne, par exemple le Manitoba, Terre-Neuve ou le Québec, pour les représentations à Westminster. Ce n'est pas ça que nous avons dit. Nous avons dit: Si les provinces ont un devoir de faire ça, elles ont aussi un devoir de trouver une solution.

Pour le moment, cela a l'air d'un processus négatif un peu partout. Ce que nous avons plaidé devant la commission, c'est d'essayer de trouver quelque chose qui va marcher. On ne dit pas dans le mémoire que vous devez retirer toutes vos procédures devant les tribunaux. Ce n'est pas dans notre mémoire. On ne dit pas même que vous n'avez pas le droit d'aller à Westminster. On ne dit pas ça. Mais si c'est juste ça qu'on fait, s'il n'y a pas encore une conférence des premiers ministres, s'il n'y a pas d'autre solution, on va arriver juste à un autre blocage total. Tout le monde qui était impliqué dans le référendum, ce n'est pas ça que nous avons promis aux gens du Québec.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Saint-Laurent, c'est vous, maintenant, qui avez la parole.

M. Forget: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais insister à mon tour sur cet élément qui est présent dans votre mémoire, à savoir cette interrogation que vous posez, parce que je ne crois pas que vous fassiez, comme tel, d'affirmation à savoir qu'il faut faire ceei ou qu'il faut faire cela. Mais vous soulignez - et je pense que vous êtes le premier groupe à le faire - qu'il faut maintenant - d'autant plus si, comme vous venons d'entendre le ministre des Affaires intergouvernementales l'affirmer, nous croyons que cette résistance des provinces à la démarche unilatérale d'Ottawa semble porter fruit, semble réussir - se poser la question: Que faudra-t-il faire après? (16 heures)

Reportons-nous dans quelques mois. Imaginons que la Cour suprême s'est finalement prononcée pour déclarer qu'il n'est pas tolérable que le gouvernement fédéral change unilatéralement la constitution fédérale. Imaginons-nous que le Parlement britannique, selon les recommandations du comité Kershaw, "procrastine", reporte à plus tard l'étude du mémoire conjoint provenant du Canada, cherche les moyens d'éviter de dire non au Canada, ce qui serait, sur un certain plan diplomatique, un affront, mais cherche également à éviter de dire oui, ce qui impliquerait, dans le fond, de ne pas jouer le rôle que les Canadiens eux-mêmes ont confié au Parlement britannique il y a plus de cinquante ans. Supposons, donc, que les provinces peuvent se dire satisfaites. Supposons que le ministre des Affaires intergouvernementales du Québec se croit justifié de convoquer une conférence de presse pour annoncer que, finalement, à cause de tous ses efforts, de sa diligence, de ses inquiétudes et de son labeur de tous les instants, il a enfin la victoire, au moins cette victoire que constitue la mise en échec du projet unilatéral fédéral, à la portée de la main, ou même dans les mains; je pense qu'il serait raisonnable, à ce moment-là, mais qu'il est même raisonnable aujourd'hui de commencer à se poser la question: Oui, mais, après, qu'arrive-t-il?

Je pense que c'est une interrogation à laquelle tous, nous devons nous livrer. Je m'interroge un peu quand je vois le ministre des Affaires intergouvernementales adopter une attitude plutôt défensive en disant: Ce n'est pas notre faute, c'est quelqu'un d'autre, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse? On était pris, on ne pouvait pas dire autre chose. Tout cela, c'est très joli quant au passé. Il ne s'agit pas de savoir qui était responsable du meurtre de Caïn. Il est mort et enterré depuis fort longtemps. Que faudra-t-il faire, maintenant? Est-ce que le gouvernement entretient des projets à ce sujet? Est-ce qu'il a commencé à penser à une stratégie?

On sait que le ministre des Affaires intergouvernementales aime beaucoup penser aux stratégies. Est-ce qu'il a pensé à une stratégie pour relancer, de façon plus créatrice, plus productive, le débat?

Il est remarquable que, lorsqu'il commence à parler du sujet, il semble s'accrocher à un problème de vocabulaire. Il dit: Bon, nous avions toujours convenu que ce qui est prioritaire pour le Québec, ce sont les articles 91 et 92, la répartition des pouvoirs, les institutions fédérales, etc., mais certainement pas la formule d'amendement. Je pense qu'il est très clair qu'il y a deux sens au mot "prioritaire". Il y a le sens qui indique qu'il y a certaines choses qu'on fait avant les autres et il y a un autre sens qui indique que ce qui est prioritaire, ce sont les choses les plus importantes, qu'on les fasse avant ou après les autres. De la même façon, quand le Parti québécois cherchait à se faire élire, il a dit: Ce qui est prioritaire, c'est la souveraineté du Québec, mais ce n'est pas ce qu'il a cherché à faire en premier, il a d'abord cherché à se faire élire, bien que ce ne fût pas prioritaire. Ce qui était prioritaire, c'était l'indépendance du Québec. Pourtant, il n'a pas dit: Non, non, nous ne voulons pas nous faire élire, parce que ce qui est prioritaire, c'est l'indépendance du Québec et nous nous ferons élire après que ceci sera réalisé.

On se rend bien compte que la logique qui valait pour chercher à se faire élire en 1976, cela vaudrait aussi dans un autre contexte. C'était prioritaire la souveraineté, mais cela ne veut pas dire qu'on le faisait en premier. Je pense qu'à ce moment-ci on commence à avoir besoin, de la part du ministre des Affaires intergouvernementales chargé du dossier constitutionnel, d'une réponse à cette question.

À supposer que vous ayez réussi dans vos efforts pour bloquer le projet fédéral -bon, nous nous en réjouirons tous, fermons ce chapitre - allez-vous chercher à rouvrir tout le débat constitutionnel d'un coup sec? Allez-vous chercher d'abord à faire proclamer le principe d'autodétermination du Québec ou à changer complètement les compétences législatives des provinces et du gouvernement fédéral? Ou, allez-vous d'abord chercher à modifier les règles de consentement à des modifications constitutionnelles? Les règles de consentement, et je suis tout à fait d'accord sur ce point avec le groupe d'action positive, dont on sait à peu près certainement que, puisqu'elles exigent l'unanimité de toutes les provinces, elles constituent un empêchement presque absolu à toute modification, à toute évolution constitutionnelle, sauf sur des sujets tellement limités et insignifiants que l'on peut anticiper un accord unanime.

S'il était question, comme il en a été question quand Terre-Neuve est devenue une province canadienne, d'accroître le territoire canadien, une chose qui est bonne à tous égards, présumément, on peut effectivement envisager un accord unanime. Mais lorsqu'il s'agit de questions sur lesquelles les avis sont naturellement partagés, est-ce que, même si ce n'est pas prioritaire, ce n'est pas une condition essentielle et prérequise à tout désir sincère et véritable de modifications constitutionnelles de mettre de côté la règle de l'unanimité pourvu que l'on protège le pouvoir du Québec d'avoir à être toujours non seulement consulté, mais d'accord avec les changements qui sont envisagés? Je pense que toutes les formules constitutionnelles qui ont été mises de l'avant depuis quinze ans protègent le pouvoir du Québec d'être toujours du côté de ceux qui doivent opter pour un changement constitutionnel, que son désaccord serait suffisant à lui seul pour empêcher une modification constitutionnelle. Je pense que tout cela se retrouve dans toutes les formules. Est-ce qu'il n'est pas d'une terrible urgence de voir à ce que la règle de l'unanimité soit mise de côté?

Il y a eu, je sais - le ministre était, à cette époque, sous-ministre des Affaires intergouvernementales - une école de pensée qui disait que le reste du Canada était tellement désireux de modifier la constitution ou de la rapatrier que l'on pouvait en quelque sorte négocier, en échange de notre consentement au rapatriement ou à une formule d'amendement, des modifications de substance à la répartition des pouvoirs. Cela, c'est une stratégie qui a fait long feu, mais dont les événements plus récents, ceux de l'automne en particulier, démontrent qu'ils étaient basés sur un faux calcul. Cet argument...

M. Morin (Louis-Hébert): C'étaient les décisions de M. Bourassa, pourtant...

M. Forget: Oui, mais...

M. Morin (Louis-Hébert): ... encore cet automne.

M. Forget: Ce n'est pas le seul sujet...

M. Morin (Louis-Hébert): Non? Il vient encore de le répéter. Il avait comme conseiller M. Rivest.

M. Forget: Ce n'est pas le seul sujet sur lequel il a pu avoir tort.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre, s'il vous plaît!

M. Rivest: C'est moi, le conseiller!

M. Morin (Louis-Hébert): II vient encore de le répéter.

La Présidente (Mme Cuerrier): C'est M. le député de Saint-Laurent qui a la parole, je vous le ferai remarquer.

M. Forget: Je suis enchanté de voir le ministre se précipiter à la défense de son ancien patron...

M. Morin (Louis-Hébert): Ce n'est pas à la défense...

M. Forget: ... mais il demeure qu'il a pu se tromper là-dessus, et l'expérience vécue depuis un certain nombre de mois nous permet d'affirmer sans l'ombre d'un doute que cette stratégie était une stratégie erronée puisque le gros bout du bâton n'était pas dans la main de celui qu'on pensait. Devant une circonstance comme celle-là, je pense que le ministre aurait tout à fait raison d'écouter l'invitation que fait le comité d'action positive de commencer à réfléchir à ces questions de manière qu'on puisse avoir la fin de l'histoire et pas seulement son premier chapitre.

Mme la Présidente, pour l'instant, je vais me limiter à ces remarques. J'ai pris connaissance du mémoire... Je répéterais cependant la question qu'a posée, implicitement au moins, le ministre à savoir que le troisième mémoire ne nous a pas été distribué. Est-ce qu'on a l'intention de le faire? Je pense que ça devrait être au moins dans les archives de la commission parlementaire puisqu'on en a fait lecture.

M. Bloom: Certainement, M. le ministre... Excusez-moi...

M. Paterson: Si on peut retrouver M. McCall, on pourra le déposer.

M. Bloom: J'aimerais tout simplement...

La Présidente (Mme Cuerrier): M.

Paterson, ou M. Bloom, vous avez des commentaires? M. Bloom, vous avez la parole.

M. Bloom: Seulement un commentaire pour M. Forget. J'aimerais faire remarquer tout simplement que vous avez saisi parfaitement le but de notre intervention ici aujourd'hui. Ce qu'on avait en vue, exactement, c'était que cette commission, que le gouvernement du Québec, que les autres gouvernements provinciaux également fassent le nécessaire pour trouver au moins une ébauche à ce blocus, et pour qu'il y ait éventuellement une solution au problème de fond, mais il faut commencer par une étape, celle de débloquer le manque de négociations qui existe actuellement.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Mme la Présidente, je voudrais féliciter M. Bloom d'avoir compris, dans les méandres des propos du député de Saint-Laurent une idée si simple et si claire que celle qu'il vient d'exprimer; moi, je m'y étais un peu perdu. Pour ce qui est de cette idée très simple qu'il faut être prêt à reprendre les négociations, je ne peux que répéter ce que le ministre vous a dit il y a quelques instants, que nous ne faisons que ça nous préparer à une reprise des négociations, proposer, pour sortir de l'impasse, que tous se remettent à la table des négociations. Pour ce qui est des formules d'amendement, nous ne prétendons pas en imposer une. Il y a des éléments de discussion qui ont déjà été proposés, ça continue d'être en discussion. Dès que les participants reviendront à la table des négociations, nous serons prêts à reprendre le dialogue là où le gouvernement fédéral l'a interrompu de façon très abrupte, au mois de septembre de l'année dernière.

Je voudrais vous poser une question à propos de l'importance que vous accordez à l'Ontario et au projet d'appliquer l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique à l'Ontario. Je crois que vous considérez la chose importante, d'après les textes que nous avons devant nous et d'après les propos que vous avez tenus. Par ailleurs, vous avez reproché à M. Léon Dion d'avoir, dans sa pensée, un manque de cohérence et pas assez de symétrie. Je ne sais pas dans quelle mesure vous avez suivi nos délibérations de la semaine dernière, mais un des points qui ont été discutés le plus fréquemment, c'est à savoir, justement, si on peut considérer de façon symétrique les anglophones du Québec et les francophones de l'Ontario. Je pense que le point de vue majoritaire, est certainement le point de vue du gouvernement et celui de M. Léon Dion, c'est qu'il y aurait erreur à les mettre dans le même sac, à considérer que c'est interchangeable, que c'est symétrique. Ce n'est pas symétrique.

Lorsque vous parlez de l'article 133, je

me demande si vous vous rendez compte du peu que ça apporterait aux Franco-Ontariens. Je ne dis pas que ce n'est rien du tout, je ne dis pas que c'est absolument négligeable, mais, à comparer aux droits, privilèges et avantages dont jouissent les anglophones du Québec, appliquer l'article 133 à l'Ontario, c'est presque rien, à comparer à cela. Pour créer une situation parallèle ou symétrique, il faudrait que les Franco-Ontariens aient, par exemple, leurs propres commissions scolaires, qu'ils aient le contrôle de leurs institutions d'enseignement, ce qu'ils n'ont pas à l'heure actuelle; il faudrait qu'ils puissent avoir des écoles, de par la loi, sans qu'il y ait cette clause là où le nombre le justifie, qui pourrait permettre à des tribunaux d'empêcher la création de ces écoles; il faudrait qu'ils aient des collèges et universités français et non pas partiellement français, bilingues; il faudrait qu'ils aient beaucoup plus de bilinguisme gouvernemental; il faudrait qu'ils aient des institutions sociales: hôpitaux, médias, etc.; il faudrait, pour résumer, qu'ils aient un milieu de vie française comme il existe au Québec un milieu de vie anglaise.

Alors, c'est ça qui m'étonne, de voir l'importance que vous accordez à l'article 133 alors que l'article 133, c'est une toute petite chose à comparer à l'existence d'un véritable milieu de vie française. Vous venez de nous dire que la collectivité anglophone du Québec est menacée; je me demande quel jugement vous portez sur la condition dans laquelle vit la minorité francophone de l'Ontario puisque, si vous vous dites menacés, les Franco-Ontariens ne sont plus là du tout, ils sont absolument moribonds parce qu'ils n'ont à peu près rien des avantages fondamentaux dont vous jouissez.

La Présidente (Mme Cuerrier): Je tentais de vous arrêter pour permettre à M. Bloom d'intervenir.

M. Bloom: M. de Bellefeuille, je pense qu'on est sur la même longueur d'onde, parfaitement. Dans notre mémoire, vous l'avez lu, évidemment, vous avez constaté déjà que tout ce que vous venez de dire, on l'a dit dans notre mémoire. Vous parlez de l'article 133 et de son application à la province de l'Ontario. Non seulement on dit trois fois dans notre mémoire qu'on a fait des représentations, mais on a même fait des interventions devant la commission judiciaire de l'Ontario. Je comprends que nous étions les premiers invités dans le nord de la province de l'Ontario parce qu'on avait fait un mémoire, il y a trois ans, dans le temps du bill 89, dont vous vous rappelez certainement, qui visait des services en français aux francophones de l'Ontario. C'est l'Action positive qui a fait un mémoire, le seul organisme, en dehors de l'Ontario, qui a fait un tel mémoire, justement pour appuyer la position des francophones de l'Ontario. (16 h 15)

Dans notre mémoire, on a parlé de services qui allaient bien au-delà de l'article 133. L'article 133, c'est un commencement, et je suis d'accord. Cependant, l'ACFO, l'Association canadienne-française de l'Ontario, je sais bien qu'elle est venue devant cette commission, mais je ne sais pas ce qu'elle a dit. Cependant, je sais presque certainement qu'elle vous a dit qu'on a besoin - peu importe l'importance, comme vous dites, c'est une miette peut-être - que vous accordiez l'article 133. Mais dans leur esprit, pour les francophones de l'Ontario, c'est très important d'avoir l'application de l'article 133 à leur égard. C'est justement à cause de cela qu'on a fait des interventions trois fois en Ontario pour faire valoir ce point non seulement auprès du gouvernement, mais également auprès des oppositions. C'est en ce qui concerne l'article 133.

Vous nous demandez aussi pourquoi, l'article 133 étant seulement une partie des demandes des francophones de l'Ontario, on n'a pas fait des demandes ou des représentations en ce qui concerne les commissions scolaires de l'Ontario. C'est justement ce qu'on a fait. On a demandé qu'en Ontario les francophones aient leurs propres commissions scolaires, pas intégrées, pas conjointes, mais leurs propres commissions scolaires. C'est dans notre mémoire d'ailleurs, notre livre vert. Vous y trouverez notre demande à ce sujet. Évidemment, on est entièrement d'accord avec vous à ce sujet.

Concernant les écoles, enlever la réserve que "le nombre le justifie", nous sommes parfaitement d'accord avec vous. Dans notre livre vert, on formule la même demande. Cette demande, cette réserve ou cette qualification n'a aucun sens. Il faut que les francophones, partout où ils se trouvent au Canada, aient le droit d'instruire leurs enfants dans la langue française. C'est cela qu'on a dit. On l'a répété à maintes reprises devant la commission parlementaire d'Ottawa, également devant la commission parlementaire de l'Ontario et partout. On était entièrement d'accord avec l'Association canadienne-française de l'Ontario à ce sujet. On a appuyé sa demande à ce sujet.

Vous mentionnez également les institutions sociales. Dans notre livre vert, vous trouverez également nos propos à ce sujet. Notre position là-dessus, c'est que les francophones en dehors du Québec devraient avoir leurs propres institutions sociales comme les institutions scolaires, les deux. Mais par contre, je ne pense pas que vous, M. de Bellefeuille, nierez, à nous les anglophones, les mêmes droits ici au Québec. Ce que M. Dion semblait vouloir dire dans sa philosophie d'asymétrie, de toute façon, il le

disait à propos de l'article 133. Il disait: Ce qui s'applique en Ontario ou dans les autres provinces du Canada pour les francophones ne devrait pas nécessairement s'appliquer ici au Québec. Là-dessus, je ne suis pas d'accord et je ne suis pas d'accord avec vous non plus lorsque vous nous dites que vous acceptez la proposition, la philosophie du professeur Dion. En ce qui concerne votre dernier point, le milieu de vie française que les francophones en dehors du Québec devraient avoir, surtout en Ontario parce que c'est là où il y a le nombre le plus important de francophones en dehors du Québec, vous prétendez que les francophones de l'Ontario devraient avoir la même possibilité de vivre dans un milieu, une culture française que celle que nous, les anglophones, avons depuis longtemps ici au Québec. Parfaitement d'accord! C'est exactement ce qu'on dit dans tous nos mémoires. On peut vous donner un tas de nos mémoires, même les mémoires qu'on vous a présentés ici, il y a trois ans, devant les deux commissions où on s'est présenté en tant que Comité d'action positive. On a dit exactement cela, on est entièrement d'accord. Il n'y a aucun conflit entre nous sur tous ces points. On appuie non seulement l'article 133, mais les institutions partout où cela affecte le milieu de vie, le mode de vie des francophones en dehors du Québec. Mais il faut pour cela ne jamais nier non plus la justice envers les anglophones du Québec. Je ne pense pas que vous nierez que nous, les anglophones, avons les même droits ou devons avoir les mêmes droits que ceux qu'on prône pour les francophones en dehors du Québec. Merci beaucoup.

M. Paterson: Puis-je avoir deux secondes? Je sais que la réponse est longue, mais...

Une voix: Oui, consentement.

M. Paterson: ...j'ai un autre mot à dire et je veux le dire en anglais. The entrenchment of rights, be it in a bill of rights, linguistic rights or whatever, is surely not for the strongest, but to protect the right of the less strong. It is always often said and repeated about the English speaking people of Québec and their privileges. But in that statement are forgotten, such as the people you had before you last week from the townships, the English speaking people in the Gaspé, the English speaking people in sections of Montreal, and I can almost point them out with a map, some in Rosemont, some areas of Lachine, some areas of Ville Jacques-Cartier who are in as much need of entrenchment of rights as are French speaking people in other parts of Canada. I think it is a misconception to look at only the strongest element of a society and say:

Well, there is a very strong part of that community and therefore we can ignore the rest. That strong part does not need protection, so we will not protect any of them. But I think it must be the most depressing - and I know it is from talking to them - thing to the senior citizens, to the unemployed, to the people that are having a difficult time hacking as they certainly are the Anglophones in many parts of rural Québec and in many parts of the city of Montreal when they are painted with a brush of "all you, rich Anglophones, with all these services, you do not need the protection in the charter of rights". I say, it is for those people, it is for the people with the least in life, that we must fight for the protection of the rights, wherever they are in this province, or in the rest of Canada. That is why, I will oppose with all my heart Léon Dion's thesis.

I can understand a theoretical political science academic solution like that, but when you, as you people have, as we have lived with people through their problems, you know that the rights, if there is one person's right that needs to be protected in a charter of rights, well then it should be protected; it is vitally very unfair to pick the richest and say that because he is English, we are going to do nothing for this one over here, as the Townshipers told you, as the Gaspésiens will tell you and as many other Hebrew will tell you, they do not have services any more and are slowly losing the services they once had. Thank you very much.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Marx: Je trouve un peu difficile à suivre la logique du ministre des Affaires intergouvernementales, la soi-disant logique qu'il aura peut-être par son adjoint parlementaire, le député de Deux-Montagnes. Je m'explique: cela porte sur l'ambiguïté dans laquelle se trouve le gouvernement péquiste actuel. La raison d'être de ce gouvernement est de faire la souveraineté-association - je vois que le député de Chauveau est d'accord - la raison d'être de ce parti est de faire l'indépendance du Québec et je vois bien cela.

D'autre part, le ministre et son adjoint parlementaire veulent nous faire croire qu'ils peuvent renouveler le fédéralisme canadien, qu'ils peuvent travailler pour le renouvellement du fédéralisme canadien. Je trouve qu'il y a une ambiguïté dans tout cela et je vois que le député de Chauveau a un certain sourire et qu'il est peut-être d'accord avec moi. Si le gouvernement péquiste réussit à renouveler le fédéralisme canadien, ce serait en fait se suicider et je n'ai pas encore entendu dire que le Parti québécois soit prêt à se suicider. Je trouve

que ce serait la fin de la raison d'être de ce parti. Je pense que c'est nous induire en erreur que de nous dire à cette commission et de dire en conférence de presse que ce gouvernement est prêt à voir au renouvellement du fédéralisme canadien. C'est impossible! C'est essayer de nous faire croire quelque chose qui est impossible. Je trouve que ces gens ne sont pas de bonne foi de dire cela à cette commission ou ailleurs.

M. Morin (Louis-Hébert): Est-ce que vos amis les libéraux fédéraux vont le renouveler le fédéralisme?

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre, je regrette, mais le temps qui était imparti...

M. Morin (Louis-Hébert): Vous avez raison.

Une voix: À leur façon!

La Présidente (Mme Cuerrier): Oui. Vous aviez des commentaires? Il me reste à me faire l'interprète de la commission de la présidence du conseil pour vous remercier d'avoir bien voulu participer aux travaux de la commission. Merci au Comité d'action positive, merci bien à M. Paterson et à M. Bloom.

J'appellerai maintenant l'Association des propriétaires de Québec Inc. On me dit que le porte-parole de l'association est le Dr Marcel Tremblay.

Je demanderais au porte-parole de l'association de bien vouloir identifier la personne qui l'accompagne.

Association des propriétaires de Québec Inc.

M. Tremblay (Marcel): Je suis accompagné de M. Édouard Lépine, il est directeur général de l'Association des propriétaires et j'en suis le président.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Tremblay, vous avez la parole et vous savez, n'est-ce pas, que vous disposez d'une vingtaine de minutes pour la présentation du rapport.

M. Tremblay (Marcel): Très bien. Je remercie tout d'abord la commission parlementaire de nous avoir invités ici. Notre association a 48 ans d'existence et l'Association des propriétaires s'est toujours appuyée sur une longue tradition dans le respect et la défense du droit de propriété, pierre angulaire d'une authentique société démocratique comme la nôtre et fondement des libertés essentielles à l'épanouissement de la dignité humaine.

Depuis près d'un demi-siècle déjà, elle a été à l'avant-garde des luttes menées en vue de promouvoir le sain exercice de ce droit fondamental, à la lumière de l'intérêt public. Elle l'a fait dans son milieu et même au-delà de la vaste sphère d'influence qu'elle s'est conquise au Québec, grâce aux valeurs profondes, toujours populaires, qui inspirent son action.

L'association a pris naissance dans un moment de crise - soit en 1933 - qui a marqué de façon inoubliable une époque aux prises avec des difficultés que présente l'inéluctable nécessité de maintenir un équilibre dans le jeu ou la guerre des forces économiques. Elle est née dans le creuset, ce qui lui a permis de se doter, dès l'origine, d'une vision aiguë des dangers qui menacent non seulement ses intérêts communs, mais aussi et surtout les bases mêmes sur lesquelles se sont édifiées ses entreprises, c'est-à-dire les valeurs les plus vitales qui ont mobilisé ses membres fondateurs.

Récemment encore, elle se battait pour des causes qui appartiennent au même ordre de valeurs. C'est ainsi qu'elle a dénoncé avec énergie, dans la Loi sur le zonage agricole, l'article 22, qui privait le propriétaire terrien du droit inaliénable de consacrer un lopin de terre à l'établissement de ses propres fils ou filles, de façon autonome.

De même, elle combattait la conception du droit de propriété qui a présidé à la création de la Régie du logement et qui mettait en échec cette bête rare, de plus en plus rare, qu'est l'être humain en possession de biens fonciers et immobiliers, l'être humain qui pourtant est le titulaire naturel du droit de propriété.

Aujourd'hui, honorables membres de la commission parlementaire de la constitution, notre association est heureuse d'être accueillie à cette importante tribune publique où se déroule un débat de la plus haute importance.

Nous vous savons gré de nous avoir fourni une occasion aussi solennelle pour nous exprimer avec la même vision aiguë des événements que celle qui nous a toujours caractérisés.

Nous vivons en effet un autre moment de crise qui nous fait jeter des regards inquiets et vifs sur le sort que connaîtra la loi constitutionnelle qui nous régit, à la suite de la manoeuvre de rapatriement et d'amendement dirigée par le gouvernement canadien, sans le concours des partenaires provinciaux de la fédération.

Dans ces circonstances historiques, l'Association des propriétaires de Québec a voulu faire entendre sa voix non pas selon les lignes partisanes des formations politiques engagées à fond dans une lutte sur le front constitutionnel, mais plutôt selon ses convictions et les objectifs qu'elle poursuit.

Consciente de défendre des valeurs chères à ses quelque 1300 membres,

l'association entend principalement attirer l'attention des membres de cette commission sur les tentatives faites dans le cadre de cette lutte constitutionnelle pour saper le droit de propriété dont le principe est reconnu dans notre droit depuis au moins l'année 1604 (voir jurisprudence dans un récent jugement).

Nous laisserons à d'autres organismes ou personnalités le soin de faire la lumière sur certains articles du projet de résolution que le gouvernement canadien se propose d'adresser au Parlement britannique, dans lesquels nous ne pouvons nous empêcher de voir des menaces directes à l'identité et à la survivance d'un peuple fondateur de la fédération, le peuple de langue et de culture française qui a son principal foyer et forme une société distincte au Québec. C'est le peuple auguel nous appartenons et de qui nous avons reçu un mandat pour la protection de ses droits et libertés. (16 h 30)

D'autres se chargeront de cette tâche et pourront le faire avec plus de compétence et d'autorité selon les exigences du cadre juridique dans lequel se joue le drame. Pour nous, nous indiquerons seulement les dangers que nous fait courir l'article 23, relatif aux droits scolaires des immigrants et citoyens canadiens de langue anglaise, qui risque de mener notre peuple tout droit au génocide. Parallèlement, l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, qui assujettit le Québec au bilinguisme institutionnel, mais en exempte l'Ontario, donne au château fort anglophone la puissance d'une forteresse inexpugnable.

Ce sont là les aspects les plus sombres de cette démarche constitutionnelle pour l'ensemble du peuple québécois et qui font peser sur son destin des menaces qui ne manquent pas de nous émouvoir. Mais l'Association des propriétaires de Québec a été aussi particulièrement émue, à bon droit, par l'échec des efforts qui ont été déployés autour de ce débat, à Ottawa, en vue de faire enchâsser les droits de propriété pour les individus et les compagnies dans la constitution canadienne. L'amendement au projet de résolution fédérale aurait modifié l'article 7 en y incluant les termes "jouissance de la propriété", de façon qu'il se lisent comme suit: "Chacun a droit à la vie, à la liberté, à la sécurité de sa personne et à la jouissance de sa propriété, et le droit de n'en être pas privé, compte tenu des principes de justice naturelle".

Le droit de propriété est le pilier des pays libres comme le nôtre. Il est à la source des libertés des Canadiens et il est très étroitement lié à l'expansion économique du pays. Les forces socialisantes se sont coalisées pour monter à l'assaut de ce droit fondamental et empêcher qu'il ne soit inscrit dans la charte des droits des Canadiens qui est incorporée dans le projet de constitution. Notre association ne peut que s'élever avec la plus grande énergie contre cette conjuration socialiste qui a voulu sans doute ébranler les assises mêmes de la société canadienne et de l'économie sur laquelle elle est édifiée pour être mieux en mesure de réaliser les projets bouleversants qu'elle nourrit.

Les auteurs de ce plan de démolition ont réussi là où les guerres et les avatars des réformes constitutionnelles n'avaient jamais rien gagné jusqu'à aujourd'hui dans l'histoire de notre pays. Les vainqueurs et les régimes constitutionnels du passé ont toujours sauvegardé le droit de propriété. Il a suffi d'un coup monté en pleine crise constitutionnelle pour accomplir ce que les siècles n'avaient pu réaliser. Les projets que peut entretenir cette faction socialisante qui trouve de puissants appuis dans le gouvernement canadien nous laissent songeurs et inquiets, nous, membres de l'Association des propriétaires du Québec. Qu'adviendra-t-il de nos libertés les plus précieuses si nous laissons ainsi miner la propriété qui en est une des plus grandes garanties? Le droit d'user et de jouir d'un bien est à l'origine des grandes oeuvres durables de notre civilisation. Il a marqué son évolution par un type de société qui a permis à l'être humain de développer l'économie, les arts et la culture avec succès, fierté et dignité.

Il y a déjà suffisamment de facteurs de désintégration à l'oeuvre aujourd'hui dans cette sorte de société où nous vivons sans que nous nous mettions à en accélérer l'allure. Déjà, nous pouvons voir où mène la désaffection d'une partie de notre jeunesse éprise de rêves sociaux vaporeux par rapport aux valeurs qu'ont incarnées les bâtisseurs de notre société. L'esprit de travail et le goût de la propriété ont perdu beaucoup de l'emprise qu'ils avaient et de la motivation qu'ils inculquaient auparavant aux générations successives, dans la même mesure où les valeurs premières de l'humanisme traditionnel se sont étiolées.

Qu'adviendra-t-il de ces jeunes rêveurs, secourus par l'assurance-chômage et l'assistance sociale, qui ne sont plus que des numéros sans âme manipulés par l'ordinateur et le technocrate, réduits au plus petit commun dénominateur dans une société trop organisée? Les coups de butoir qui frappent aux portes de la ville nous alertent. Il est grand temps de nous ressaisir et de redresser la cité des jeunes dans des voies plus humaines, ouvertes sur des valeurs beaucoup plus sûres. Les membres de l'Association des propriétaires ne sont pas les seuls à s'interroger ainsi. Ils sont pleinement conscients que leur témoignage trouvera un large écho parmi la population et ils vous remercient de leur avoir permis de se faire entendre dans ce débat historique. Merci.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre des Affaires intergouvernementales.

M. Morin (Louis-Hébert): Merci, Mme la Présidente. Je voudrais vous remercier aussi pour votre mémoire parce que je pense que c'est le premier que nous avons qui, à partir d'une notion comme celle du droit de propriété, présente une argumentation suivie. Sans entrer dans le fond du débat en ce qui concerne le droit de propriété de l'individu par rapport au droit de propriété de l'État, je voudrais faire un parallèle. C'est votre mémoire qui m'y incite, d'autant plus que votre première partie touche les sujets auxquels j'ai l'intention de faire allusion.

Vous dites que le droit de propriété n'est pas suffisamment préservé par le projet constitutionnel des libéraux fédéraux. Je vais plus loin que ça, il existe une sorte de propriété, que l'ensemble des Québécois a actuellement, de certains droits, droits constitutionnels bien établis et que, jusqu'à maintenant, personne n'avait mis en cause. Je pense à un en particulier, c'est le droit qu'a l'institution qui est l'Assemblée nationale, propriété de tous les Québécois, d'adopter des lois en matière linguistique, compte tenu de la situation globale en Amérique du Nord, où l'immense majorité de la population, États-Unis et Canada ensemble, est de langue anglaise.

Est-ce que je pourrais faire le parallèle ou est-ce que je dépasse votre pensée en disant que la tentative de coup de force des libéraux fédéraux est une sorte de confiscation? C'est non seulement pas suffisamment clair en ce qui concerne le droit de propriété, mais c'est une sorte de confiscation appréhendée, si je peux m'exprimer ainsi, du droit de propriété des Québécois sur leurs institutions et sur la capacité d'agir de leurs institutions dans des domaines aussi vitaux que celui de la langue. Est-ce que je peux dire ça?

M. Tremblay (Marcel): Je crois que la Cour d'appel du Manitoba, avec les juges Freedman, Hall, Matas, le dit d'une façon bien précise lorsqu'elle dit, à la première section, qu'il serait prématuré de poser un jugement ne connaissant pas l'avenir des inquiétudes qu'opposent les provinces. Surtout nous, si on considère les deux peuples fondateurs selon une dualité, je pense que nous sommes tout à fait préparés à être anxieux et angoissés, justement vis-à-vis de cette façon de donner l'explication du jugement. Je pense que ce serait prématuré, vis-à-vis de l'angoisse des provinces, vis-à-vis de leur anxiété, vis-à-vis de ce qui pourrait arriver à leurs droits. Je crois que notre peuple, étant un des peuples fondateurs, devant le dualisme des cultures, se doit d'être le plus angoissé. Je pense que Freedman, Hall et Matas nous donnent l'argument qu'il faut pour se prémunir réellement vis-à-vis de cet inconnu futur et ce droit de propriété que nous avons sur notre langue, sur les lois, sur nos institutions.

Si on fouille l'histoire, à partir de 1763, dans le Traité de Paris, à l'article 37, on voit que cette chose était protégée, alors que deux races par le combat, sur le champ des Plaines d'Abraham, venaient de finir une bataille par les armes, par les baïonnettes. Ils ont tenu à garder ce droit de propriété, à l'article 37 du traité de 1763. Tous les actes, l'Acte de Québec, l'Acte constitutionnel, l'Acte d'union et l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, sont unanimes pour conserver le droit de propriété. Ce droit de propriété, pour nous, je crois que celui de la langue, celui de nos institutions, est celui le plus fondamental. N'est-ce pas que le premier gouverneur, Murray, disait: Nous avons affaire au peuple le plus pacifique, le plus travailleur? Je pense que vis-à-vis des angoisses qu'exprimaient MM. Bloom ou Paterson, ils devraient se baser sur les paroles du gouverneur Murray qui, en 1763, disait: Nous avons affaire au peuple le plus tolérant. C'est vrai que nous sommes un des peuples les plus tolérants, les plus pacifiques.

Personnellement, j'ai eu l'occasion d'effectuer différents stages avec des anglo-saxons; en 1947, je passais des examens au Collège militaire de Kingston ou au Royal Home et je répondais à tous les examens en français. C'était un réflexe naturel qui surprenait tous les membres de la commission qui m'ont posé des questions; ça commençait à 7 heures le matin, jusqu'à 1 heure du matin, le lendemain. Ils m'ont dit: Comment se fait-il que vous répondiez bien aux questions et que vous passiez normalement, sans répondre en anglais? Je leur répondais: Parce que c'est ma langue. Ils ont dit: Est-ce que vous faites partie d'organisations ou quoi que ce soit? Je disais: Absolument pas, c'est un réflexe naturel. Je dis, c'est ma langue. Ils sont restés très surpris de ça. C'est avant l'avènement du collège de Saint-Jean.

Assurément, lorsqu'on regarde nos expériences dans le passé, nous avons été des gens très tolérants et je tiens à vous dire une chose, c'est que, du côté anglo-saxon je ne crois pas du tout qu'en Ontario on puisse avoir des écoles françaises tel qu'on le pressent ici. Ça va être tout simplement du papier, parce que j'y ai des cousins et ils ont de la misère à s'exprimer en français maintenant parce qu'ils sont pressés par l'environnement, par la mentalité et par cet esprit presque raciste, à un moment donné, de tout un groupe qui ne veut pas du tout du français.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le

député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. Tremblay, je voudrais vous ramener peut-être à... Je comprends la question que le ministre vous a posée sur le plan des droits historiques des Québécois francophones et du Québec en particulier. Il s'est servi du vocable de droit de propriété, mais je pense que l'essentiel de votre mémoire ne porte pas tout là-dessus que sur l'inclusion du droit de respect, du droit de propriété des individus. D'ailleurs l'association que vous représentez est bien connue à ce titre-là, l'Association des propriétaires.

M. Tremblay: D'accord.

M. Rivest: Ce que je voudrais vous dire c'est que, dans l'argumentation, je comprends le ministre d'avoir pris cet élément-là pour un peu faire dévier votre mémoire, parce que le gouvernement actuel ne peut quand même pas se servir... Il peut exprimer son désaccord avec les propositions du gouvernement fédéral, on comprend ça, compte tenu de ses orientations politiques, mais il ne peut quand même pas se servir de n'importe quel argument pour le faire.

Or, si j'ai bien compris le sens de votre mémoire, vous venez ici, en somme, réclamer que le droit de propriété soit spécifiquement reconnu et écrit dans la constitution canadienne, ce qui implique l'inclusion dans le corps même de la constitution canadienne d'une charte des droits et libertés de la personne et nommément du droit de propriété. Je vous rappelle que le ministre et le gouvernement actuel s'opposent à l'inclusion d'une charte des droits dans la constitution, donc, du droit de propriété.

Le ministre aurait pu, au moins, je pense, établir cette position-là. Ils ne travailleront pas dans le sens de l'objectif que vous poursuivez, parce qu'ils sont en principe, contre l'inclusion d'une charte des droits et libertés et nommément du droit de propriété.

Je voudrais vous demander...

M. Morin (Louis-Hébert): Vous êtes d'accord avec les libéraux fédéraux?

M. Rivest: Pardon?

M. Morin (Louis-Hébert): Vous êtes d'accord avec les libéraux fédéraux.

M. Rivest: Nous sommes d'accord qu'il serait souhaitable de mettre dans la constitution, mais sur une base non pas imposée par le gouvernement fédéral ou par quelque ordre de gouvernement que ce soit, mais sur une base négociée, lorsque auront lieu les négociations constitutionnelles en vue du renouvellement du fédéralisme... nous sommes également d'accord, M. le ministre, que le fédéralisme soit renouvelé et nous allons travailler dans ce sens-là, alors que vous savez très bien que l'objectif premier et la raison d'être de votre formation politique, c'est la souveraineté politique du Québec.

Quand nous allons travailler, un peu comme les intervenants précédents l'ont dit, nous allons effectivement nous pencher sur cet aspect particulier de la question en vous posant si vous voulez, par ailleurs... Je ne pourrais pas affirmer aussi directement que vous le faites, qu'inclure dans la constitution canadienne la mention spécifique du droit de propriété... Est-ce que vous en avez mesuré toutes les conséquences? Il faut bien comprendre que l'inclusion d'un droit fondamental dans la constitution ne donne peut-être pas de pouvoirs additionnels à l'un ou l'autre des niveaux de gouvernement, mais cela place ces droits-là au-dessus des gouvernements. C'est-à-dire qu'une loi provinciale ou une loi fédérale ne pourrait pas limiter dans quelque domaine que ce soit le droit de propriété si on mettait simplement l'inclusion sans réserve aucune dans la constitution. Or, vous avez un point de vue que nous respectons et que moi, pour ma part, je respecte volontiers parce que je sais que ce n'est pas un point de vue improvisé. Néanmoins, si on mettait sans réserve aucune dans la constitution une mention comme celle du droit de propriété, est-ce que vous avez mesuré les conséquences que cela pourrait avoir sur certains types de législations qu'adoptent les gouvernements, à travers le pays, autant le gouvernement fédéral que les gouvernements provinciaux, pour maintenir un certain équilibre dans la société pour les personnes qui sont peut-être moins pourvues que d'autres, ou encore pour corriger des injustices sur le plan social ou pour affirmer..? Par exemple, prenons le secteur de l'énergie. Si le droit de propriété était inclus comme cela dans la constitution, il y aurait lieu de craindre que le gouvernement fédéral qui essaie de canadianiser, si vous voulez, l'industrie du pétrole pourrait se voir contraint de subir toutes sortes de tracas juridiques ou les grandes compagnies dans le domaine du pétrole pourraient contester des éléments majeurs de la politique énergétique canadienne au titre justement du respect absolu. Je vous parle d'un droit de propriété absolu et, dans votre mémoire, je trouve que vous n'avez pas assez qualifié votre proposition. (16 h 45)

M. Tremblay (Marcel): Bien entendu, notre Association des propriétaires n'a peut-être pas la même philosophie que celle des gens qui, justement, veulent le rapatriement de la constitution. Sur la question du droit

de propriété, nous sommes opposés, a fortiori, comme association de propriétaires, à toute forme de nationalisation quelle qu'elle soit.

Je pense que, de ce côté-là, ceux qui peuvent être victimes, en général, ce sont les petits et non le gouvernement lui-même qui est beaucoup plus gros.

Éventuellement, quand on défend les propriétaires et un droit de propriété, je pense que celui qui est le plus susceptible d'être lésé, c'est le plus petit. Vous disiez tout à l'heure que le ministre semblait dévier de l'objet de la discussion. Je pense que nous sommes très près de ces opinions qui font que c'est le droit de propriété d'une minorité, mais qui est un peuple fondateur, les Canadiens français, et que nous avons toutes les raisons de croire que ce droit de propriété doit être aussi inclus dans notre façon de discuter, parce que le droit de propriété, ce n'est pas simplement une propriété comme le Royal State, ou une maison, ou des logements; le droit de propriété, c'est un droit de propriété de sa langue, de ses institutions, de ses foyers, de ses droits.

Selon nous, notre façon de penser, notre philosophie des associations de propriétaires est diamétralement opposée à celle de cette technocratie qui, aujourd'hui, est envoûtante, veut absolument tout englober, veut réellement, pour avoir le chemin plus facile dans les expropriations, etc., dans tous les domaines, nationaliser d'une façon plus facile. Je pense que notre devoir en tant qu'association de propriétaires, c'est de faire en sorte que, justement, on puisse établir un équilibre vis-à-vis de ces forces envoûtantes de la technicité, de la technocratie qui actuellement constituent un des grands dangers. D'ailleurs, Jacques Chirac, qui fait sa campagne contre le premier ministre, Giscard d'Estaing, contre le président, part justement du principe qu'il faut revenir aux valeurs humaines, etc. Comme association, nous sommes contre toute forme de nationalisation.

M. Rivest: Je comprends bien. Si vous permettez, Mme la Présidente, un élément de question. Je comprends bien le point de vue que vous exprimez. Remarquez d'ailleurs que vous avez donné des exemples de législations récentes qui vous paraissent justement enfreindre le principe sacré du droit de propriété. Vous avez donné des exemples dans votre mémoire en parlant du zonage agricole et d'autres éléments.

Mais la question que je veux vous poser, c'est qu'en mettant, comme vous le proposez, le droit de propriété dans la constitution canadienne... Pour prendre un exemple bien concret, je vous ai signalé tantôt que le gouvernement du premier ministre, M. Trudeau cherche actuellement, dans l'intérêt, je pense, général des Canadiens, à avoir une présence et à exercer un contrôle sur toutes les questions de pétrole qui sont, on le sait, entre les mains des compagnies, des multinationales. J'ai l'impression - je vous donne mon impression qu'ayant suivi ce débat à Ottawa, l'hésitation que le premier ministre du Canada, M. Trudeau, a d'inclure, tel que vous le demandez, tel que d'autres groupes l'ont demandé, dans la constitution le droit de propriété de la façon que vous procédez, c'est qu'il se pose la question, comme premier ministre du Canada, qu'il doit voir au bien-être de l'ensemble de tous les Canadiens face à un problème aussi concret que celui-là et qu'il se dit: Si je mets cela dans la charte constitutionnelle, à ce moment-là, peut-être que la politique énergétique du Canada deviendra, dans une très large mesure, impossible, parce que ce droit de propriété, que je respecte sans doute autant que vous, va permettre, va maintenir le contrôle des grandes compagnies qui, quel que soit leur mérite, agissent au sein de la société canadienne et, à certains moments, prennent des décisions qui, dans un contexte particulier, peuvent ne pas être prises par l'ensemble des contribuables canadiens qui doivent défrayer des coûts extrêmement considérables dans le domaine du pétrole. C'est dans ce sens-là que je pose la question.

M. Tremblay (Marcel): M. Lépine va vous parler, mais deux minutes avant, j'aimerais vous dire que nous ne sommes pas d'accord sur la philosophie actuelle de la nationalisation de Petro Canada.

Deuxièmement, nous ne voulons pas que Freedman, Hall et Matas nous disent, devant les anxiétés prématurées, etc.. Je pense que d'une façon, c'est un mécanisme d'autodéfense de tous les petits peuples - six millions que nous sommes - c'est un mécanisme authentique, patriotique, nationaliste, modéré, et il nous revient de droit d'avoir ce réflexe contre toute forme envoûtante, nationalisante. Ceux qui veulent faire un "melting pot" du Canada, un prolongement des États-Unis d'Amérique, un Canada genre "multistate", nous sommes contre cela. Nous sommes d'abord pour deux peuples fondateurs avec une dualité, avec des droits acquis profonds, qui ont été acquis sur les champs de bataille. Je pense que chez nous, on doit respecter cela. On doit justement donner à nos fils, à nos filles ce droit bien authentique non seulement sur des papiers sur lesquels on dira... Et même, je ne suis peut-être pas tout à fait d'accord sur la supposée symétrie sur papier de l'Ontario parce que j'ai certainement très peu d'espoir de ce côté-là. Assurément, ce qu'on fait chez nous actuellement, c'est que si on veut réellement nous enlever ce réflexe

premier d'être capables d'aller courir au moins en Angleterre pour dire: Ils sont en train de nous dépouiller de nos droits, je pense qu'il reste qu'on a encore plus de droits en faisant cela qu'en rapatriant la constitution actuelle. M. Lépine.

La Présidente (Mme Cuerrier): M.

Lépine, vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Lépine (Edouard): Seulement un commentaire, Mme la Présidente. Je voudrais remercier le député de Jean-Talon de nous avoir suivis d'une façon assez brillante, mais je voudrais aussi compléter son information, étant donné qu'il a l'air de connaître énormément la résolution du gouvernement Trudeau. Comment se fait-il que c'est à cause des pressions du NPD que M. Trudeau enlève ce droit à la propriété aux citoyens canadiens?

M. Rivest: Effectivement, - vous le mentionnez directement - la chose que j'ai voulu vous indiquer, c'est que, contrairement à l'impression qu'avait peut-être pu créer, parce que vous savez que le gouvernement actuel au Québec... Vous parlez du NPD. Je sais que ce problème se pose actuellement à Ottawa d'une façon très précise dans les termes que vous mentionnez, mais le ministre qui a semblé littéralement endosser votre mémoire, vous savez qu'il appartient à un gouvernement qui, sur ce plan, - et vous l'avez spécifiquement mentionné dans votre document, qu'il s'agisse du zonage agricole, de l'amiante, on pourrait trouver mille et un exemples - n'est pas du tout prêt à se battre pour reconnaître le droit de propriété tel que vous le demandez. C'est dans ce sens que j'ai fait mon intervention.

M. Lépine: ...nous expliquer.

M. Morin (Louis-Hébert): Mme la Présidente, j'aimerais peut-être intervenir tout à l'heure là-dessus. C'est parce que c'est en dehors du débat et j'ai seulement un commentaire que je ferai tout à l'heure.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre, je vous accorderai la parole après M. le député de Bellechasse...

M. Morin (Louis-Hébert): D'accord.

La Présidente (Mme Cuerrier): ...à moins qu'il y ait un consentement pour que vous parliez avant, mais nous verrons cela.

M. Lépine, vous aviez quelque chose à ajouter, je pense.

M. Lépine: Non, Mme la Présidente. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Cuerrier): Non?

Alors, M. le député de Bellechasse, vous avez la parole.

M. Goulet: Oui, Mme la Présidente. Le Dr Tremblay et le ministre des Affaires intergouvernementales ont donné une définition du droit à la propriété, une définition qui est sûrement bonne, mais qui est large quant à moi. On a parlé de la langue, de la culture. Le ministre a même parlé de l'Assemblée nationale du Québec qui appartient aux Québécois, tout cela.

Si on s'en tient au niveau du droit à la propriété des biens, vous avez donné comme exemple dans votre mémoire le zonage agricole, les propriétés physiques. Dans le projet Trudeau, le projet du fédéral, pouvez-vous nous fournir un exemple concret ou mettre en évidence une situation qui pourrait changer des choses par rapport à la situation qui existe déjà actuellement ou celle qui pourrait exister à la suite de l'adoption du projet Trudeau? Oublions la langue, la culture. D'accord, c'est notre propriété, mais...

M. Tremblay (Marcel): Tantôt, j'ai passé vaguement là-dessus. Prenez, par exemple, dans le domaine des expropriations. Si le droit de propriété n'est pas reconnu dans le fondement même de notre charte fédérale, le rapatriement de la constitution, quel débat, pensez-vous, le petit propriétaire va être capable de faire?

M. Goulet: II me manque un petit bout. Là-dessus, je suis sur la même longueur d'onde que le député de Jean-Talon. Est-ce que je dois comprendre, pour éviter cela, que dans le rapatriement de la constitution, on devrait enchâsser ou inclure dans la constitution le droit à la propriété de façon qu'un gouvernement, au niveau provincial, qui voudrait passer une loi comme celle sur le zonage agricole ne puisse le faire? Est-ce que vous aimeriez que ce soit inclus?

M. Tremblay (Marcel): On peut être contre le processus de nationalisation, mais de toute façon, cela ne veut pas dire que les provinces n'auront pas des droits dans ce domaine. Selon notre philosophie, nous sommes, en principe, contre toute sorte de nationalisation. Toute nationalisation, pour nous, est considérée comme ne faisant pas partie de notre philosophie.

M. Goulet: Mais est-ce que vous voudriez que ce soit assuré dans une charte des droits?

M. Tremblay (Marcel): Je pense que nous devons exprimer ici un point de vue de façon à pouvoir sensibiliser les autorités. Ce point de vue, sur le plan plus collectif, sur le plan plus global de toute une province, je

pense que cette défense des droits de propriété est peut-être beaucoup plus globale, beaucoup plus poussée, mais elle n'est pas opposée justement à une certaine forme de nationalisme, d'une nation comme nous sommes, les Canadiens français, dans la province de Québec.

M. Goulet: Dernière question, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): Oui, M. le député.

M. Goulet: Merci. Oublions la chicane constitutionnelle. C'est simplement une information pour savoir vraiment la façon de l'Association des propriétaires de Québec de voir les choses. Oublions le débat constitutionnel. Qu'est-ce qui empêche les gouvernements, depuis dix ans ou vingt ans, de faciliter le droit à la propriété, c'est-à-dire être contre l'étatisation ou encore faciliter l'accès à la propriété? Qu'est-ce qui les empêche actuellement d'agir? Ou qu'est-ce que vous voudriez voir changer au moment où on va modifier cette constitution?

M. Tremblay (Marcel): Bien entendu, sans vouloir sortir du contexte, Mme la Présidente, je pense qu'actuellement, l'Association des propriétaires, nous remarquons que sur le plan global, sur le plan national, nationaliste, les jeunes sont dans un état d'insécurité. Je pense qu'il serait très important de prévoir justement... tout d'abord, un peuple qui ne se reproduit plus est un peuple qui est en difficulté, où il y a une menace de renouvellement.

Nous croyons, lorsque les lois actuelles, lorsque les idées actuelles, lorsque le milieu actuel ne peut pas réellement régler le problème, qu'il faut revenir au passé, rechercher dans les vieilles lois, telles celles de 1945 à 1973 - elle a été abolie en 1973 -la loi qu'on appelait la Loi du crédit agricole, qui aidait les jeunes à l'accession à la propriété. Sans vouloir sortir du contexte du mémoire, nous voudrions globalement, vu d'une façon très nationaliste, que cette jeunesse puisse avoir accès à la propriété, que les gouvernements puissent prendre des attitudes pour que le jeune chez nous puisse se reproduire, puisse se reproduire dans la paix. Dans le Traité de Paris, on dit bien "la possession paisible de sa propriété, de la propriété privée." C'est tout de même de 1763. On voudrait qu'on reproduise au moins ce que le vainqueur nous laissait en 1763.

Je pense qu'il serait important justement qu'aujourd'hui, alors qu'en 1973, on a enlevé cela, la société d'habitation, on devrait revenir à cela, recourir à cela. Appelez cela la société d'habitation, autrefois, c'était le crédit agricole. Disons que c'est dans l'ordre du processus, toujours global, d'un certain nationalisme global.

M. Goulet: Mme la Présidente, j'aimerais demander à nos invités de prendre connaissance du document de travail que l'Union Nationale a déposé en fin de semaine concernant le droit à la propriété. Je suis certain qu'ils seraient extrêmement heureux de lire les propositions concrètes que nous y formulons.

M. Tremblay (Marcel): ... de voir cela, mais de toute façon...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre des Affaires intergouvernementales. (17 heures)

M. Morin (Louis-Hébert): Après cette pause commerciale du député de l'Union Nationale, je voudrais seulement introduire une considération à partir de ce que M. Rivest, député de Jean-Talon, a dit tout à l'heure en discutant avec nos invités. Je voudrais qu'il me corrige si j'ai tort. J'ai l'impression, en comparant le contenu du texte de la proposition constitutionnelle des libéraux fédéraux, donc, le coup de force, en comparant ça aux positions constitutionnelles des libéraux provinciaux, je constate première constatation - qu'il y a convergence et pratiquement similitude. En d'autres termes, ils veulent à peu près la même chose, quant au fond.

Deuxièmement, ils disent aujourd'hui qu'ils s'opposent au coup de force constitutionnel des libéraux fédéraux, essentiellement parce que la démarche est unilatérale, ce qui veut dire, en termes plus clairs, parce qu'ils n'ont pas été consultés ou parce que les gouvernements n'ont pas été consultés.

J'en déduis, troisièmement, que si eux étaient au pouvoir et s'ils avaient été consultés, ils auraient été d'accord avec le contenu de la charte des droits et, par conséquent - quatrièmement - avec l'attaque que constitue cette charte des droits sur la politique linguistique du Québec et sur la capacité du Québec de demeurer autonome en matière d'éducation.

En conclusion, vous avez, au fond, deux groupes qui pensent la même chose, mais qui divergent essentiellement sur la méthode, mais pas sur le fond. Je pense que c'est une constatation qui est importante à faire. Si je me suis trompé, je demande au député de Jean-Talon de répondre à la question suivante: Si vous aviez été consultés selon les formes sur le contenu du projet fédéral de vos amis libéraux et sur ce coup de force, auriez-vous été d'accord, oui ou non?

M. Rivest: Mme la Présidente, très brièvement; je ne veux pas engager de débat. Je pense que, dans le discours, enfin le petit

discours, le mini-discours du ministre des Affaires intergouvernementales, ce que je conteste le plus, c'est peut-être ce petit bout de phrase, lorsqu'il dit "...si je me suis trompé". Il sait très bien qu'il s'est trompé et qu'il essaie de faire en sorte de diminuer le plus possible la prise de position du Parti libéral du Québec et de son chef. Je dirai très simplement que M. Ryan a déjà très clairement établi que les réserves que nous avons face au projet fédéral ne concernent pas uniquement la forme, c'est-à-dire le caractère unilatéral de la démarche, mais qu'il y a également des questions de fond sur lesquelles nous avons déjà exprimé notre désaccord, des questions de fond sur lesquelles, d'ailleurs, nous avons pris position, bien antérieurement à la démarche, bien avant que les propositions fédérales soient rendues publiques, puisque ces propositions de fond sont inscrites dans le document adopté maintenant qui est la position officielle du Parti libéral du Québec et que l'on a désigné sous le nom de livre beige.

Alors, il y a des dispositions de fond là-dedans qui contredisent, dans certains cas, carrément certaines dispositions du projet fédéral. C'est dans ce sens-là que nous avons dit et que nous continuons de dire...

Cependant, il y a une nuance et je voudrais terminer là-dessus, Mme la Présidente, c'est que, sur un point fondamental, on est d'accord avec le gouvernement canadien et les autres gouvernements provinciaux du pays, même ceux-là qui font partie du front commun actuel contre les propositions fédérales. Nous croyons et nous continuons de croire, pour le Québec et pour les Québécois, dans la valeur du fédéralisme canadien et notre adhésion au régime fédéral et à ce pays qui est le Canada n'est aucunement entachée par les difficultés, si sérieuses qu'elles soient, en ce moment, sur le plan de la révision constitutionnelle. Quand nous travaillons à la révision constitutionnelle, M. le ministre, nous ne le faisons pas que du bout des lèvres. Nous sommes intéressés, pour prendre une expression populaire, à ce que le Canada continue d'exister, alors que vous ne pouvez pas en dire autant. Vous essayez de faire croire aux Québécois que vous êtes vraiment intéressés à ce que le fédéralisme canadien soit renouvelé, mais je pense que les Québécois ne sont pas dupes, parce que, comme vous le disait le député de Saint-Laurent ce matin, si jamais ça réussissait sur le plan du renouvellement du fédéralisme, le Parti québécois qui dit travailler dans ce sens-là perdrait jusqu'à sa raison d'être. Votre raison d'être, c'est la souveraineté et l'indépendance politique du Québec.

M. Morin (Louis-Hébert): Deux brefs commentaires pour terminer.

La Présidente (Mme Cuerrier): Pour permettre... S'il vous plaît: Un moment, je voudrais juste faire une mise au point.

M. Morin (Louis-Hébert): Cela ne durera même pas une minute, Mme la Présidente. Le premier, c'est que je constate que tout ce qu'il y a de libéraux au Canada et qui sont au pouvoir sont justement ceux qui sont en train - cela a été mentionné hier par des voix autorisées - de détruire le Canada, tel qu'on le connaît; alors, ce sont les amis de nos voisins.

M. Rivest: ...sont au pouvoir au Canada. Qui?

M. Morin (Louis-Hébert): Deuxièmement, j'ai remarqué que les explications de notre ami de Jean-Talon sont plutôt laborieuses, ce qui constitue un élément de réponse que les auditeurs seront à même de juger.

La Présidente (Mme Cuerrier): Je pense que j'aurais dû faire ma mise au point au départ.

M. Morin (Louis-Hébert): Voilà.

La Présidente (Mme Cuerrier): Avant de donner la parole à M. Lépine qui a manifesté l'intention d'intervenir, j'aimerais quand même inviter les membres et les intervenants de la commission à ne pas se poser de questions entre eux, mais bien à les poser à nos invités.

M. Lépine, vous avez la parole.

M. Lépine: Vous m'avez devancé, Mme la Présidente. On était très fier et très heureux de venir dire à haute voix et honnêtement ce que nous pensons. Je laisse le soin à ceux qui veulent faire cette discussion politique de la faire. Nous nous réservons notre jugement. On n'a plus rien à dire.

La Présidente (Mme Cuerrier): II y avait M. le député de D'Arcy McGee qui voulait intervenir. Je vous ferai remarquer que, jusqu'à maintenant, le côté gouvernemental de la commission a utilisé neuf minutes, et que le côté de l'Opposition a déjà dépassé les 20 minutes.

M. Morin (Louis-Hébert): Dans ce cas, on va arrêter là.

La Présidente (Mme Cuerrier): Je pense que M. le député a quand même demandé la parole. Si nous nous en tenons aux ententes de la commission...

M. Marx: Le ministre des Affaires intergouvernementales est un de mes grands amis et je suis sûr qu'il va m'accorder deux

minutes.

M. Morin (Louis-Hébert): Oui, certainement, parce que, chaque fois que le député de D'Arcy McGee parle, cela nous aide.

La Présidente (Mme Guerrier): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre, j'aimerais mieux que vous ne fassiez pas de commentaire quant au consensus que vous voulez...

M. Morin (Louis-Hébert): Je ne fais pas de commentaire, je fais une constatation.

La Présidente (Mme Cuerrier): ...apporter pour ce que M. le député utilise deux minutes. M. le député, je vous ferai remarquer que vous m'avez demandé deux minutes, n'est-ce pas?

M. Morin (Louis-Hébert): Deux minutes.

M. Marx: D'accord. Je ne veux pas revenir sur le débat de l'enchâssement d'une charte des droits de la personne; on a fait le débat au mois d'août. Peut-être que le ministre l'a soulevé parce que les débats d'aujourd'hui sont télévisés alors que les autres ne l'étaient pas. La télévision excite les gens, souvent.

J'aimerais revenir à votre question sur le droit à la propriété que vous voulez voir enchâsser dans la constitution. Vous devez être au courant que le Code civil actuel, qui a été adopté par le Québec en 1866, c'est-à-dire le Bas-Canada, contient déjà un article où le droit à la propriété est protégé. Le principe se trouve dans l'article 417 du Code civil, je pense.

Supposons qu'on met une clause sur le droit à la propriété dans une nouvelle constitution canadienne, qu'est-ce que cela va garantir? Vous savez aussi que, dans la constitution américaine, il y a une clause qui prévoit le droit à la propriété, mais ce n'est pas un droit absolu. La Cour suprême des États-Unis et d'autres cours ont interprété cette clause qui protège le droit à la propriété d'une façon large, peut-on dire. Par exemple, il y a des règlements de zonage dans chaque municipalité. On peut acheter un lot dans une municipalité, mais, si le règlement de zonage prévoit un édifice d'un étage, on ne peut pas construire un édifice de quinze étages, parce qu'il y a un règlement de zonage qui a toujours été trouvé valide et constitutionnel aux États-Unis et au Canada. On peut dire que cela empiète sur le droit à la propriété d'avoir des règlements de zonage. Il y a aussi l'expropriation qu'on fait dans l'intérêt public, si on veut construire une école ou même un autre bâtiment pour des fins publiques, un hôtel de ville, par exemple.

Donc, tout en mettant un article dans une nouvelle constitution, où on va protéger le droit à la propriété, je ne suis pas sûr et certain que cela va empêcher un gouvernement provincial d'adopter l'article 22 qui se trouve dans la loi sur le zonage agricole ou d'adopter divers articles qui se trouvent dans la loi concernant la Régie du logement. Ce que je veux dire, en somme, pour résumer, c'est que, si on met le droit à la propriété dans une nouvelle constitution, ce ne serait pas un droit absolu; ce serait un droit semblable au droit qu'on a aujourd'hui au Québec. Parce que les cours vont interpréter un tel droit en fonction des besoins d'une société moderne et en fonction de toutes nos lois, même celles d'avant la Confédération.

La Présidente (Mme Cuerrier): Je ne présume pas de l'intention de la commission, j'imagine, en pensant que M. Tremblay ou M. Lépine peuvent intervenir et utiliser au moins deux minutes supplémentaires.

M. Tremblay.

M. Tremblay (Marcel): Je vous remercie, Mme la Présidente.

Nous avons intervenu d'abord au niveau du gouvernement fédéral, nous avons envoyé un télégramme au chef de l'Opposition pour, justement, lui demander de débattre cette question. Je suis en même temps vice-président de l'Union des ligues de propriétaires de la province de Québec qui regroupe 174 associations. Nous avons envoyé, dans un programme commun, un télégramme très sérieux dans lequel on a demandé au chef de l'Opposition de prendre parti, justement, pour faire inclure ce droit de propriété qui avait été promis et que le NPD a réussi, ni plus ni moins, à faire enlever, à un moment donné; pourtant, c'était promis.

Je pense que c'est un droit auquel nous tenons beaucoup. Bien sûr, nous ne sommes pas contre le zonage, l'évolution, le bien commun, etc., mais je pense que c'est une question de principe. En 1763, ce droit de propriété était indiqué, c'était un principe. Ce principe a été maintenu dans tous les actes: Acte de Québec, Acte constitutionnel, Acte d'union, Acte de l'Amérique du Nord britannique. Devant un danger de rapatriement dans lequel on oublie ces droits, je pense qu'on se doit, comme association -c'est un réflexe d'autodéfense, on pense qu'on ferait mal de l'omettre - de faire installer ce droit. Ce ne serait pas une nouvelle acquisition, mais, au moins, il serait installé en principe.

M. Marx: Est-ce que vous voulez dire que même si on inclut le droit à la propriété dans la constitution... Je ne suis pas sûr que ca change quoi que ce soit. Cela ne

changera rien dans nos lois actuelles. Cela, c'est mon point de vue personnel, c'est mon appréciation personnelle d'une telle clause dans une constitution, étant donné toute la jurisprudence de nos tribunaux. Si on met le droit à la propriété dans la constitution, on n'y dira pas que les municipalités ne peuvent pas exproprier, que les règlements de zonage ne sont pas valides, et ainsi de suite. À mon avis, le droit de propriété dans la constitution n'ajoutera pas d'autres droits que ceux dont nous bénéficions aujourd'hui.

M. Lépine: Le député n'a pas parlé à travers son chapeau, il nous a référé à une série de textes, et je suis doublement content de voir qu'il n'a rien contre le fait qu'on reconnaisse le droit à la propriété.

La Présidente (Mme Cuerrier): La commission de la présidence du conseil et de la constitution remercie l'Association des propriétaires de Québec pour sa contribution, merci à M. Marcel Tremblay et à M. Édouard Lépine.

J'appellerai maintenant - est-ce qu'ils sont ici? - la Société Makivik. La Société Makivik est invitée à se présenter maintenant devant la commission. Est-ce qu'on est prêt? Nous allons suspendre quelques instants, à moins qu'on ne soit pas d'accord au niveau de la commission.

Nous n'avons pas besoin de suspendre, la Société Makivik est invitée à se présenter maintenant devant la commission parlementaire de la présidence du conseil et de la constitution. Le porte-parole de la société est M. Watt. Je lui demanderai de bien vouloir présenter les personnes qui l'accompagnent. (17 h 15)

M. Watt, vous avez la parole. On m'a informée que vous seriez accompagné d'un ou d'une interprète qui, pour le bénéfice des gens qui sont ici, pourra dire, dans la langue... Mr Minister tells me that I have to talk English if I want those people here to understand, but they told me that you already have an interpreter, do you?

Société Makivik, au nom des Inuits

M. Watt (Charlie): Madame Chairman, I am having some difficulty to understand maybe because of the distance or...

La Présidente (Mme Cuerrier): All right. Alors, est-ce que vous comprenez le français?

M. Watt: No, I am sorry, unfortunately, I cannot speak French well enough to get into the conversation.

La Présidente (Mme Cuerrier): So, you are allowed twenty minutes for the presentation of your report and then those members of the commission shall ask you questions and you may answer. I have been told that somebody may translate what you are saying and what we are saying here, in the commission. Is that person with you, right now?

M. Watt: Yes, the gentleman understand and is here that will be translating for us most likely from English to French or from Inuttituit to English or French or vice versa and I think that he is a perfect trilingual and he will be doing the translating for us.

La Présidente (Mme Cuerrier): Puisque c'est le cas, monsieur, s'il vous plaît, voulez-vous, vous allez nous aider à nous entendre? Il s'agit maintenant de 20 minutes pour les gens d'ici qui devront présenter leur mémoire à l'intérieur de ces 20 minutes. Je pense que la commission sera d'accord que le temps que vous utiliserez pour traduire ne soit pas comptabilisé au temps utilisé par le groupe que vous accompagnez aujourd'hui. Vous êtes d'accord, les membres de la commission?

S'il vous plaît, voulez-vous rapprocher votre micro et le relever aussi? Peut-être pourriez-vous dire maintenant que nous allons utiliser le même temps que nous utilisons pour les autres groupes sans compter la partie où vous allez devoir traduire.

Vous avez la parole, M. Watt. Would you please introduce the people that are accompanying you today to the members of the committee?

M. Watt: It is time to get myself squared here away, Madam President. The person on my left is Mark Gordon, he is the co-chairman of the ICNI, that deals with the constitution, and next is Mary Simon, she is also a member of ICNI have been dealing with the constitution, and there is Josepi Padlayat, who is the president of the... Communication society group. Willie McKay, on my right, is the president of the regional government and I have also behind me the delegation from the North; some are mayors of the communuties, and some of them are the directors of Makivik Corporation and some, also have an active role to play within the circumpolar organizations which exist in the Northern Quebec, which have rights out of the James Bay Northern Quebec Agreement. Probably your people are familiar with this convention. Madam President, unfortunaly, to a certain extent, I am not entirely happy being given only twenty minutes to express our feelings to this committee here, to outline what our concerns are. If there is any way that you can help us to extend the time allotment that you have made for us, it will be greatly appreciated because we have not had any

opportunity since the convention was signed between the Inuit of Québec and the Government of Canada and the Government of Québec. We would like...

La Présidente (Mme Cuerrier): Mr Watt. M. Watt: Yes.

La Présidente (Mme Cuerrier): You use the 20 minutes for the presentation. Then, as usual, we shall allow 40 minutes for questions and answers.

M. Watt: That is the precise reason why I am trying to highlight to you the importance of our presentation in order for you to have a good understanding of what our feelings are, because we have a number of areas that we would like to transmit to you in order for you to have a good understanding of what we are here for. Again, it is all leading to the constitutional work that we have been doing with regards to the proposed resolution that is being worked out between the Government of Canada and the Native People of Canada. This is one of the reasons why we are here, plus the number of problems that we have regarding the convention that we have between the Inuit and the Government of Québec. In order for you to have a good understanding, we have to read this text and I am trying to decide where we are going to begin now. If we cannot start off from the introduction, in order for you to have a good understanding of what is contained in the text, we feel that it should be recorded and if that is not permitted, then we will have to try to think of some way of starting off from somewhere.

La Présidente (Mme Cuerrier): Votre mémoire - I will try to translate it after -que vous apportez ici et que vous présentez maintenant sera à la bibliothèque de l'Assemblée nationale. Il sera à la disposition de tous ceux qui voudront prendre connaissance de votre mémoire.

M. Steinmann (André): (Traduit dans la langue inuite).

La Présidente (Mme Cuerrier): Oui.

M. Gordon (Mark): I just want to add a little bit to what Mr Watt said. We were hoping to be able to explain our historical contact with the Québec Government and why we have so many problems today. Since we will not be able to read the entire text because of the time allowed, we would hope that this text would have the opportunity of being read into the records, so that it could become a part of the records of this proceeding. We feel that our case cannot be adequately represented by giving only a partial picture. As I imagine, the problems that we are dealing with are quite complex, but we will attempt to try and shorten our presentation as much as possible, so that we can make our case clear. The text here, we would hope that it would speak for itself and make clear exactly why we have so many problems with the present Québec Government. What has led up to this misunderstanding, in our view, is written down in this document and we would hope that the other members of the committee would take note of this and not have it simply just recorded into the minutes and lost in the archives of this Assembly.

La Présidente (Mme Cuerrier): Who was speaking? Mr Gordon?

M. Gordon: Yes.

La Présidente (Mme Cuerrier): It is only to put your name of what you say in the deliberations. Mr. Watt.

M. Watt: Yes, Mme Présidente, I will have Mary Simon to read the introduction and go on to the aspirations and objectives of Northern Québec Inuit. We will start with that and then we might want to switch with Josepi Padlayat later on while we go along.

La Présidente (Mme Cuerrier): Mme

Simon.

Mme Simon (Mary): Thank you Mme la Présidente. For the purposes of the records we would like to have the full text on record. We will be reading portions of the report. It is going to be very difficult because the whole brief encompasses our problems, interests and the rights that we have been dealing with in the constitutional talks, and also our historical background directly relates to these areas.

There are approximately 5200 Inuit in Northern Québec. This territory, a part of the Inuit homeland in which we are the predominant population, is about one third the size of Québec.

Makivik Corporation is an Inuit association created under Québec law and represents the Inuit of Northern Québec for constitutional and other matters. Makivik recently sought, by way of referendum, a clear reaffirmation of its mandate to represent the Inuit of Northern Québec in constitutional negotiations with Québec and Canada. Among the 62.7% of eligible voters who turned out to vote in the Inuit referendum on May 14th, 1980, 94.4% voted in favor of confirming Makivik's constitutional mandate.

During the past few years, federal-provincial discussions on constitutional reform

have taken place with a renewed sense of purpose. Such discussions clearly affect Inuit interests. Field trips were carried out to inform and consult the 14 Inuit communities in Northern Québec on current constitutional issues. This process of information and consultation with Inuit communities is an ongoing one and has continued to this date.

There are approximately 25,000 Inuit in Canada, inhabiting Northern Québec, Labrador and Nunavut (N.W.T.). This area, the Inuit homeland, includes approximately one third of all the land in Canada. Moreover, Inuit constitute the majority population in these areas.

The need for a special committee with national Inuit representation became evident in order to represent effectively the Inuit of Canada and to participate directly in the constitutional reform process. As a result, the Inuit Committee on National Issues (ICNI) was established by resolution at the annual general meeting of the Inuit Tapirisat of Canada at Igloolik, Nunavut (N.W.T.) on September 3rd to 7th 1979.

In order to ensure that ICNI adequately represents the view of Inuit, Makivik along with five other regional associations participate equally within ICNI However, it is important to note that we also have ongoing relations and communications with Inuit in Alaska and Greenland where such Inuit form the majority population. As Inuit of Northern Québec, the continuation of our relations with Inuit from other parts of Canada and elsewhere is vital to the growth and development of our people as a distinct society. Therefore, any future constitutional amendements in Canada must take into account the unique nature and scope of our circumpolar interests.

The Constitution must serve as our present and future inspiration. Constitutions are fundamental expressions of values and cultures, of rights and freedoms and of human hopes and experience. A constitution sets guidelines for the actions of both governments and citizens. In the Canadian context, it must reflect the principles of mutual respect and amity between existing communities of peoples, whether they be French or English, Inuit or Indian. In this context, the constitutional recognition of aboriginal rights is the key element in permitting a new and positive relationship to be established between aboriginal peoples and governments in Canada. (17 h 30)

On December 1st and 2nd, 1980, Makivik, as part of ICNI, submitted a brief to the joint Senate and House of Commons Committe on the constitution. This brief contained our political and legal concerns in regard to the proposed resolution for joint address for Her Majesty the Queen respecting the constitution of Canada. The brief is available to the Members of this parliamentary commission and we will not repeat, for the most part, the same concerns here.

As a result of our representations and those of Indian and Métis peoples, on January 30th, 1981, the Joint Senate and House of Commons Committee on the Constitution unanimously adopted an amendment to the federal government's proposed resolution. This new constitutional provision reads as follows: "The aboriginal and treaty rights of the aboriginal peoples of Canada are hereby recognized and affirmed."

In Québec, the "commission de la présidence du conseil et de la constitution" has heard many presentations from Québec respecting the federal proposed resolution and will, in due course, submit recommendations concerning Québec's position in this regard.

Our presentation today will, we hope, help to shape Québec's ultimate position insofar as we believe that relations between the aboriginal peoples of Québec and the province of Québec shall be of prime importance in all future constitutional discussions.

As Inuit, we generally view constitutional reform as a much-needed positive step at this time in Québec's history.

Québec and its aboriginal peoples are at a cross-roads. The present constitutional forum is an ideal place for Québec to manifest its desire for a new and better relationship with its aboriginal peoples.

Inuit of Northern Québec wish to develop a new communication and understanding with Québec and its peoples, based on cooperation and mutual respect.

To date, however, Inuit aspirations for self-determination or autonomy on a regional and local level have been seriously impeded by Québec. The institutions set up under the James Bay and Northern Québec Agreement signed in 1975 have had little ability to exercise their powers; large-scale economic development in Northern Québec has to date virtually exluded Inuit participation; Québec government policies in areas including energy, scientific research, economic development and family law fail to adequately take into account and in most cases largely ignore Inuit rights and interests. A comprehensive policy, integrating the interests of aboriginal peoples in these and other areas, is vital if relations between Québec and its aboriginal peoples are to develop and improve and our interests are to be be protected.

Self-determination within a regional context becomes a main objective and this, we believe, can be achieved through mutual respect and open communications between

Québec and Inuit.

A further purpose of our brief is to make clear our position in regard to the federal government's intention to proceed with patriation of Canada's constitution, which would include an amending formula and a new Charter of Rights and Freedoms. While the present positions of Québec and certain other provinces in regard to patriation are to some degree justifiable, outright opposition to the proposed resolution, as amended, will, as we shall demonstrate, have serious repercussions for all aboriginal peoples.

We wish to thank all the members of this commission for this special opportunity. Aspirations and objectives of Northern Québec Inuit. There are certain aspirations and objectives towards which we have been striving as Inuit. These goals need not take centuries nor even decades to achieve. Through concerted and cooperative efforts with government, it is our position that our aspirations as a people can be realized in the relatively near future.

A fundamental question which arises is whether Québec society is open enough to accomodate Inuit priorities, values and needs. An open society has been described by professor Léon Dion in part as a society in which particular groups and individuals can blossom without arbitrary hindrances on the part of large skilled economic, political and cultural institutions which encloses them. Although professor Dion cautions against excesses in both open and close societies, he generally favours an open society. Professor Dion goes on to provide some social groups and regional collectivities would consider themselves better off if their political, economic and cultural organizations were less constrained while others conceive that their freedom depends on the protection of these organizations. We require greater autonomy and self- determination on a regional basis while, at the same time, being assured of greater constitutional and other protections for our rights, as can be seen from the following list of objectives.

Adequate protection in and control over matters affecting us and our territory;

Development of a viable northern economy which gives due consideration to our priorities;

Less dependency on discretionary governement funding for our political and public institutions through appropriate forms of revenue sharing on a regional basis;

Appropriate recognition and accommodation for Inuit circumpolar interests, including, among others, cultural relations, marine resources, environmental protection and economic development;

Constitutional protection for our special status and rights as Inuit, including our aboriginal rights;

Direct participation in federal-provincial constitutional discussions and in the amendment process for those matters which substatuary affect us as Inuit,

And protection from assimilation through constitutional recognition of our distinct cultural, economic and linguistic identity.

From here, we will go on past the historical background. We would have liked to go to the historical background because it relates directly to the issues that we feel in the constitutional context but, even if we do not have enough time, we will go past the historical background and continue on government services in Northern Québec which is on 25 in the English text.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Padlayat.

M. Padlayat (Josepi): Mme la Présidente, level of services before the James Bay and Northern Québec Agreement. The history of the level of services in Inuit communities provide a clear example of unhappy results of federal-provincial posturing over constitutional responsibilities. Until 1963, when the Québec government first set foot in Northern Québec, the government had been content to let the federal government provide services to Inuit in the territory. As Québec and the federal government began to compete for jurisdiction in Québec's North, Inuit communities in many cases witnessed both a duplication of certain services and a lack of other essential ones. An administration disproportionate in size to the minimal and inadequate services it supported was established by each government.

In the early 1970s both the James Bay litigation and possibility of the land claim settlements which would transfer responsibility to the province led Québec and Canada to freeze the level of services and programmes in the North.

During that period, the federal government did not improve any services in Northern Québec, nor did Québec attempt to do so. This situation led to an even greater shortage of essential services in Inuit communities throughout Northern Québec.

Present level of services in Northern Québec. Upon the signing of the James Bay and Northern Québec Agreement in 1975, the Inuit, in all the communities, expected a marked improvement in essential services at the community level, particularly insofar as we had opted for provincial jurisdiction in our local and regional governmental institutions. Unfortunately, this has not yet taken place.

There have been no significant improvements in existing infrastructures in Inuit communities since prior to the signing

of the Agreement in 1975. This means that, in 1981, the Inuit Communities in Northern Québec are still faced with substandard housing, with no running water, unsanitary sewage disposal, inadequate community centers, lack of fire protection, insufficient electrification and a shortage of heavy machinery necessary for community purposes. Moreover, almost every airstrip in Inuit communities fails to meet federal air safety regulations in Inuit communities and are a constant danger to all people travelling in and out of our communities.

Despite the recommendations of the Jolicoeur report, entitle "Municipal Services in Inuit Territory", the required funds have been blocked by Québec for the sole political reason that an agreement transferring responsibility from Canada to Québec for the provision of electrification, housing and municipal services has not been signed.

Makivik has taken the position that, by excluding the local and regional governments as parties, the transfer agreement between Québec and Canada does not respect sections 29.0.4 and 29.0.40 of the James Bay and Northern Québec Agreement. These sections recognize the principle that the regional and local governments in Northern Québec are to be the focal point for administering services in Northern Québec. They also provide that the existing system of services with respect to housing, electricity and municipal services is to continue until a "unified system" is worked out between Canada, Québec, Kativik Regional Government and local governements. Québec's position is that the transfer agreement should first be between Québec and Canada and subsequently Québec will negociate a "unified system" with the regional and local governments in Northern Québec.

The Kativik Regional Government and Makivik are still attempting to achieve a satisfactory settlement of this issue with Québec. If the transfer agreement is ultimately carried out in breach of the James Bay and Northern Québec Agreement, Inuit self-determination on a regional local level will have been needlessly set back. Inuit as Quebecers. It would appear that the present government of Québec is somewhat ambivalent about including the aboriginal peoples of Québec in the term "Quebecers". The government's White Paper on sovereignty-association appears to confirm this view.

From the outset, there is a contradiction in Québec's White Paper. On the other hand, it refers to Quebecers as men and women of Québec of whatever origin. Yet in tracing the origin of Québec and its peoples, their history is described as only "beginning in the seventeenth century."

While this historical account may accurately reflect the more recent history of

Québec's European population, it totally ignores the existence of Inuit and other aboriginal peoples who have occupied for thousands of years the geographic region now known as the province of Québec. (17 h 45)

Francophones in Québec face similar concerns as Inuit in regard to self-determination, survival of culture and language, and control over their own institutions. Although our perspectives are different and our relationship to the land is different, we each consider our land base or homeland as a crucial element for our future cultural survival.

The present government, which prides itself as being a "grass roots" government, has certainly been sensitive to the needs and aspirations of French Quebecers. Moreover, the present government has passed progressive legislation in a number of areas including class actions, handicapped or disabled persons, agricultural land ane environment, among others.

However, in regard to aboriginal peoples, this government's policies and actions leave its record open to serious question. Although legislation has been passed to implement the James Bay and Northern Québec Agreement and to enable Inuit to assume greater control over matters affecting them, exercise of such powers by Inuit has been severely and repeatedly hampered as already indicated in this brief. Although we have different values and aspirations based on our own special history, it is our position that a government representing the whole of Québec must be willing to accomodate all Quebecers, especially its original inhabitants.

La Présidente (Mme Cuerrier): Madame Simon.

Mme Simon: SAGMAI was established by Order-in-Council on January 18th, 1978. According to the Order-in-Concil number 154-78, SAGMAI was intended to serve a limited function within the Québec government: "That SAGMAI be created within the Department of the Executive Council and under the responsibility of the Prime Minister to be responsible for the operation of government policies in the Amerindian and Inuit milieu as well as for the coordination of the activity of government departments and bodies in the Amerindian and Inuit milieu."

In practice, however, SAGMAI has played a very visible role, holding itself out as an "expert" in aboriginal matters. A representative of SAGMAI is present at virtually every meeting between Inuit and the various Québec government departments. Even at intergovernmental meetings on the

constitution in Ottawa, SAGMAI has been present.

The role of SAGMAI at our meetings with different government departments has not been as mere observer. It is evident that SAGMAI generally sets the policy and direction in any matter which concerns Inuit. In its present role, SAGMAI too often displays a colonialist and adversarial attitude towards Inuit and other aboriginal peoples. This attitude has unduly influenced the actions of Québec government departments who rely heavily on SAGMAI for direction in northern matters.

The solution in this case may not necessarily be to dismantle SAGMAI nor to further institutionalize it into a department. As a first step, Makivik would propose a comprehensive and honest evaluation of the role of SAGMAI. Such evaluation would necessarily include the full participation of Inuit and other aboriginal peoples of Québec.

If properly constituted, SAGMAI could play an important role in furthering the interests of aboriginal peoples in Québec and in developing a close working relationship with northern institutions and bodies. On an individual basis, certain SAGMAI representatives have proven to be both sincere and helpful.

Québec Government Policies. Inuit concerns have not been specifically provided for in Québec's policies. This situation perpetuates the erosion of our rights and interests and does not accommodate our present and future needs. Failure to give due consideration to Inuit rights and needs is more likely a case of general disregard or omission than an indication of anti-Inuit sentiment.

Now, we were going to go through the different policies of the government, but we will skip over that and go on to the conclusions which are at 4.3.12: Lack of Comprehensive Policy in regard to Aboriginal Peoples of Québec, which is on page 49 of the English text.

From the above discussion, it should be clear that northern Québec and its aboriginal peoples cannot be looked upon within the Québec government as merely another administrative region. This area is not simply Region 10. Our homeland is very different from other parts of the province. It has a distinct geography, climate, ecology, economy, people and history, all of which gives it a special character. It is these very differences which at the same time have created a special community of interests among inhabitants of the region.

It is our position that it is in the interest of both Québec and Inuit to attempt, in both an open and positive manner, to formulate the policies and principles for a new relationship. Considering both the importance and magnitude of this task, Makivik would recommend that a parliamentary commission be established for the purpose of creating a comprehensive policy in Québec in regard to and in collaboration with Québec's aboriginal peoples. This policy should then be fully integrated into all of Québec's general policies. Moreover, the commitments enshrined in comprehensive aboriginal policy must then be translated into legal rights, where appropriate, and made enforceable by the aboriginal peoples so affected.

As indicated earlier, the fundamental principles in regard to our rights and status as well as our relationships with governments must be enshrined in Canada's constitution. Based on our past historical experience, it is only in this way that our aspirations may be realized. We can no longer rely on simple promises of good faith. Our experience with the James Bay and Northern Québec Agreement already indicates that constitutional protection for our rights and benefits is reguired in the constitution.

Finally, as is evident from this brief, the protection and further development of Inuit culture cannot be achieved solely through the enunciation of broad principles in Québec's cultural policy. Inuit culture and society will continue to decline in Northern Québec if our rights and interests are not duly considered in the numerous government policies affecting Northern Québec, such as energy, resource development, economic development, among others.

In addition, the lack of essential services in Northern Québec which constitutes a tremendous regional disparity in relation to other parts of Québec continues to deprive us of a guality of life enjoyed by other Quebecers.

In this context, let us now briefly examine future implications and effects in regard to Canada's aboriginal peoples of the federal government's proposed resolution.

Effect of the amending formula in the federal government's proposed resolution. During the first two years following patriation, section 33 of the proposed Constitution Act, 1980, provides that any amendments to Canada's constitution will require the unanimous consent of the ten provincial Legislatures or governments as well as Parliament. Moreover, after the two year period following patriation, amendments to the Canadian constitution will still be subject to the individual veto of Parliament or the Legislative Assemblies of either Québec or Ontario, in addition to a possible collective veto by the Atlantic or Western provinces.

In light of the many possibilities for federal and provincial veto of future amendments proposed by aboriginal peoples, Inuit and other aboriginal peoples are hardly encouraged that constitutional amendments in

our favour is an impending reality in the post-patriation stage.

In regard to most constitutional matters, aboriginal peoples have competing interests with the provinces. Therefore, based on our past experience, there is little or no incentive for provinces to agree to constitutional amendments in favour of aboriginal peoples at the post-patriation stage.

If anything, there is greater likelihood that federal and provincial governments may jointly agree to affect our status or rights in a manner contrary to our wishes.

According to the existing amending formula in the proposed resolution, no safeguard exists to protect us, even in the case of amendments which make special reference to aboriginal peoples.

In this regard, the Québec government to date has failed to formally commit itself to meaningful principles in regard to the future constitutional reform process as it relates to aboriginal peoples so as to provide us with reasonable assurances of support in the post-patriation stage.

Inuit position on patriation. When the proposed resolution was first tabled in Parliament, Inuit of Northern Québec, like other groups and governments, appeared to have little choice but to face the reality of patriation.

Through ICNI, we devoted our full efforts to obtaining minimal constitutional protections at the prepatriation stage. Inuit, Indians and Métis, collectively and individually, strived to insert fundamental principles relating to aboriginal peoples in the proposed resolution. These principles were crucial in light of the many possibilities for provincial veto which may await us in the amending process at the post-patriation stage.

In recent months, aboriginal peoples witnessed a monumental effort on the part of not only ourselves but also on the part of members of Parliament, whether Liberal, NDP or Conservative. Through continuous discussion and negotiation, the first major step to changing the course of Canada's history in relation to its aboriginal peoples took place. An amendment was unanimously adopted by the Joint Senate and House of Commons Committee to recognize and affirm the aboriginal and treaty rights of aboriginal peoples.

However, this historic gain may fail to be realized. The position of certain provinces to oppose the proposed resolution has been strengthened by the report from Britain's select committee on Foreign Affairs. Ottawa may be reguired by London to obtain provincial consent prior to patriating Canada's constitution with a Charter of Rights and Freedoms.

Makivik supports the principle that provinces give their prior consent to any joint resolution of the Senate and House of Commons to patriate the Canadian Constitution. Moreover, constitutional reforms are not to be achieved through the unilateral declarations of one or several governments. There must be appropriate input from the peoples and individuals affected as well as from special interest groups. In recent weeks, we have seen already how productive this can be in arriving at better and more eguitable reforms.

How will Québec carry out its own strategies to protect Québec's interests and, at the same time, protect the rights and interests of the aboriginal peoples of Québec? More particularly, how will our newly secured amendments in the proposed resolution not be prejudiced if Québec continues to outrightly oppose patriation under the present circumstances?

Québec and its aboriginal peoples are at a crossroads. The present constitutional forum is an ideal place for Québec to manifest its desire for a new and better relationship with its aboriginal peoples.

I will now go over the conclusions and the recommendations. The federal's trust responsibility in favour of aboriginal people in section 99(24) of the BNA Act, 1867, is a constitutional and legal reality which must only be altered in the future with the consent of aboriginal peoples of Canada. (18 heures)

The homeland of Inuit in Northern Québec was unilaterally transferred to Québec by the federal government in 1912 through the Québec Boundaries Extension Acts. In the future, any constitutional changes substantially affecting the Inuit must not be effected without our knowledge and consent.

The James Bay and Northern Québec Agreement signed in 1975 has permitted development to proceed in Northern Québec, but has failed to provide substantial benefits to Inuit communities. A formalized implementation procedure is necessary in order to ensure that Québec, as well as Canada, meet its obligations under the agreement in favour of Inuit beneficiaries. Moreover, such agreements must have suitable protections in Canada's constitution.

Inuit aspirations for self-determination or autonomy on a regional and local level have been severely impeded to date by Québec. The colonialist and adversarial attitude of Québec towards Inuit and other aboriginal peoples must be exchanged for a new and open policy of collaboration and cooperation. In other words, immediate steps must be taken to establish a new relationship between Québec and the Inuit. Future Québec-Inuit relations must be built on mutual respect and open communication.

Political and other institutions in

Northern Québec must not be manipulated through Québec government budgets. Presently such institutions have little ability to exercise their powers due to the inadequacy of their annual budgets. In the future, less dependency on government budgets for such institutions must evolve through such possible schemes as revenue sharing on a regional basis.

The Inuit have important circumpolar interests which include cultural relations, marine mammals, environmental protection, fisheries and economic development. Such interests must receive appropriate recognition in Canada's constitution and in federal and provincial government policies.

Inuit aboriginal rights, as an inseparable part of our individual and collective identities, must not be subject to extinguishment by Parliament. In this regard, the aboriginal rights already extinguished under the James Bay and Northern Québec Agreement should be restored in accordance with mutually acceptable solutions worked out with government.

Provision of essential services by Québec to Inuit communities must not be linked to a diminution of rights or powers by regional institutions. The present lack of services in Inuit communities has reached such critical proportions that it constitutes a danger both to health and life in such communities.

Québec government policies in the area of energy, scientific research, economic development, family law, offshore jurisdiction, archaeological property, electoral boundaries, communications, recreation and sports, and culture and language, fail to adequately take into account, and in most cases virtually ignore, Inuit rights and interests to the continuing detriment of the Inuit.

A comprehensive policy in relation to aboriginal peoples is presently necessary in order to improve relations between Québec and its aboriginal peoples. It is recommended that a parliamentary commission be established to develop such a policy in collaboration with aboriginal peoples. This policy should then be fully integrated into all government policies in Québec.

The role of SAGMAI must be jointly re-examined by government and the aboriginal peoples of Québec before it is further institutionalized into a department, since it is presently not meeting the needs of Inuit and other aboriginal peoples.

Québec ministers who have jurisdiction in the North must be more sensitive to and aware of Northern problems and develop more than a token interest for the rights and welfare of aboriginal peoples in such areas.

Problems relating to economic development in northern Québec have never been confronted adequately by government. This is one of the most pressing issues facing Inuit and other aboriginal peoples at this time. A parliamentary commission should be established to investigate ways and means of building a Northern economy in cooperation with the aboriginal peoples. Governments must begin to recognize that Inuit and other aboriginal peoples have a direct interest in developments taking place in their respective regions and must not only be subjected to adverse environmental and social impacts from such developments.

Québec must be an "open" society which can sufficiently accommodate its original inhabitants with their distinct values, priorities and aspirations.

Inuit and other aboriginal peoples face greater pressures of assimilation than any other peoples in Canada. Recognition is necessary in the constitution of the distinct cultural, economic and linguistic identities of Inuit and other aboriginal peoples.

Inuit and other aboriginal peoples in Québec must participate directly in federal-provincial constitutional discussions in order to protect their rights and interests. In this regard, it is essential that Québec financially assist the representative organizations of aboriginal peoples in Québec so that they may adequately prepare for such constitutional discussions.

The amending formula in the federal government's proposed resolution provides little hope for future constitutional amendments in favour of aboriginal peoples due to the many possibilities for veto by both federal and provincial governments. Provinces in Canada often have competing interests with their aboriginal peoples and, therefore, are unlikely to agree to constitutional rights or protections in favour of aboriginal peoples. In this regard, Québec must establish clearly enunciated principles so as to deal more equitably with its aboriginal peoples. Consultation should take place with the aboriginal peoples of Québec prior to the government tabling and negotiating its constitutional positions. (The recent working paper of the Québec Liberal Party makes a specific proposal in this regard).

Québec's position of outright opposition to the federal government's proposed resolution seriously jeopardizes constitutional recognition of aboriginal rights which has been provided for in the proposed resolution, as amended. In this regard, Québec must indicate how it intends to carry out its own strategies to defend Québec's interests, without prejudicing the rights and interests of aboriginal peoples in Québec and in the rest of Canada. Thank you, Madam President.

(S'exprime dans sa langue).

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le

ministre des Affaires intergouvernementales. Mais, auparavant, I would like to give you again the assurance that the whole text of your brief shall be at the library and available for anybody who wants to read it as a whole. M. le ministre des Affaires intergouvernementales.

M. Morin (Louis-Hébert): Merci, Mme la Présidente. First of all, I would like to thank the Makivik Corporation and the people accompanying Mr Watt, the group who has accompanied him, for the very well written and very well documentated brief that we have received.

It is a very important brief inasmuch as it covers a lot of issues. Many of those issues do not relate to the problem we are now facing, that is the constitutional problem created by the federal Liberals' coup de force, as we say in French. So I think you will understand that although, as I said before, your brief is very interesting, very thoughtful and is going to be helpful, we are not likely to engage into discussions relating to energy policies or other such things, because this is not the topic that this commission is supposed to deal with. That does not mean that this is not interesting, that does not mean that we are going to throw away what you wrote on those particular subjects; I think they will be given to the appropriate government services to be looked into. However, I think that everyone will agree that we will, for the coming minutes, rather deal with the particular aspects that we are supposed to study, that is the constitutional aspects. I think everyone understands that. There is another point I would like to make. D'accord, allez-y.

La Présidente (Mme Cuerrier): M.

Gordon.

M. Gordon: I just have one point to raise based on your comments about the brief dealing with many issues other than the purely constitutional issue. What we had hoped to show you in this brief is why we end up at odds from each other and why we have such trouble communicating with each other. It is the product of all these problems in these other areas that makes it almost impossible for us to have an open discussion with you. That is why we included many of these other problems in this brief, so you could understand why the historical contact with the Québec government and the Inuit people have led to so much disagreement. We would hope that this would be taken into account but not brushed aside as simply being something that is off-topic, because our relation with the Québec government is one that has to be established before we can even discuss anything about the constitution with Québec.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.

M. Marx: Sur ce qu'il a dit concernant la pertinence de la discussion. Juste sur ce petit point.

M. Morin (Louis-Hébert): Si vous me permettez, j'allais répondre à monsieur.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de D'Arcy McGee, je vous...

M. Marx: Juste sur ce petit point. Une minute, ou moins d'une minute.

M. Morin (Louis-Hébert): J'allais répondre à monsieur. Peut-être que cela répondra à votre guestion.

M. Marx: C'est parce qu'on fait une table ronde sur cette petite question de la pertinence. C'est une question préalable, dans un sens.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est ça que j'étais en train de vouloir discuter. On vous a donné la parole tout à l'heure.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de D'Arcy McGee, je vous donnerai la parole immédiatement après M. le ministre des Affaires intergouvernementales.

M. Watt: Madam President, I would appreciate very much if Father Steinmann were allowed to translate some of the issues that are being talked about in order for the people at the back to know what is happening.

La Présidente (Mme Cuerrier): The discussion was about whether it was his turn or not to speak right now. So, I said that the Minister has the right to speak, then I will give the Member for D'Arcy McGee the opportunity to speak after.

M. Watt: What I really meant did not concern what you talked about, but the exchange between Mr Morin and Mark Gordon. He should be at least highlighted to summarize what is being said.

La Présidente (Mme Cuerrier): Mr.

Steinmann.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

So, I translate what Mr. Gordon said. (Traduit dans la langue inuite).

M. Morin (Louis-Hébert): Merci. Vous pouvez traduire du français aussi?

M. Steinmann: Oui, oui.

M. Morin (Louis-Hébert): Boni J'avais parlé en anglais tout à l'heure parce que je croyais que les personnes qui vous accompagnent pouvaient comprendre l'anglais. Je vais continuer en français et vous pourrez traduire pour tout le monde. Cela va?

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

M. Morin (Louis-Hébert): Ce que je voulais dire...

M. Watt: (S'exprime dans sa langue).

La Présidente (Mme Cuerrier): Je pense que...

Une voix: II dit qu'il serait peut-être préférable qu'ils parlent dans leur langue et moi, je traduirai en français. (18 h 15)

La Présidente (Mme Cuerrier): Oui, bien sûr.

Une voix: Cela faciliterait...

La Présidente (Mme Cuerrier): C'est toujours plus facile, n'est-ce pas? Eux, ils vont parler dans leur langue et l'interprète va parler en français. Vous pouvez parler français et l'interprète parler la langue Inuite.

M. Morin (Louis-Hébert): Je suis absolument d'accord. Parfait.

Ce que je voulais dire à M. Gordon, avant d'être interrompu par le député de D'Arcy McGee, c'est que je suis tout à fait d'accord, afin que nous n'ayons pas de malentendu. Je comprends très bien, parce que j'ai lu le début de votre mémoire, que les problèmes que vous soulevez et que vous avez avec l'administration gouvernementale permettent de comprendre pourquoi il peut y avoir parfois des frictions de part et d'autre. Je l'accepte. Je n'ai pas voulu négliger cet aspect des choses quand j'ai dit que plusieurs sujets qui étaient touchés dans votre mémoire débordaient le cadre immédiat de notre préoccupation comme commission.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

M. Morin (Louis-Hébert): Je voudrais, maintenant, sur un autre sujet, compléter ce que j'avais commencé à dire. J'ai eu l'occasion, à plusieurs reprises, de rencontrer, entre autres, M. Watt, lors de réunions diverses et particulièrement de réunions constitutionnelles. Je me souviens que nous avons eu, au moins à deux reprises, sinon trois, l'occasion au cours de conférences de ministres chargés du dossier constitutionnel d'écouter les représentations faites par M.

Watt au nom de la corporation qu'il représente ici aujourd'hui.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

M. Morin (Louis-Hébert): J'aimerais ajouter que j'ai, comme ministre des Affaires intergouvernementales, participé directement à l'adoption des lois qui régissent les diverses ententes qui ont été élaborées entre le gouvernement du Québec et le gouvernement canadien en ce qui concerne les Inuit, ici, à l'Assemblée nationale.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

M. Morin (Louis-Hébert): Cela dit, au cours de l'automne dernier...

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

M. Watt: They do not understand the last part of the translation. Mr Steinmann, could you repeat it?

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): À l'intérieur des discussions constitutionnelles que nous avons eues au début, quand il s'agissait d'établir les méthodes de travail, je pense que vous allez être intéressés de savoir que la délégation québécoise est intervenue pour que les ministres des autres provinces et du gouvernement fédéral puissent vous recevoir, parce que nous pensions, aussi bien en ce qui vous concerne qu'en ce qui concerne les francophones hors Québec, qu'il y avait peut-être une voix qu'on n'entendrait pas, si vous n'étiez pas là. Nous avons donc demandé qu'à la fois les francophones hors Québec et vous, de même que d'autres groupes, puissiez être écoutés dans un forum approprié pour faire valoir vos points de vue sur l'exercice constitutionnel.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

M. Morin (Louis-Hébert): Je dois malheureusement dire que, sauf pour une ou deux rencontres qui ont été organisées avec les Inuit et les Amérindiens en général, notre suggestion n'a pas été retenue et que les francophones hors Québec n'ont pas été entendus.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

M. Morin (Louis-Hébert): Troisièmement, je voudrais maintenant faire ma dernière intervention. Il s'agit d'une question que je vais poser... Oui, M. Watt.

M. Watt: (S'exprime dans sa langue).

M. Steinmann: He would like to understand... Il voudrait savoir en quelle circonstance vous avez suggéré que les aborigènes soient entendus? Etait-ce à une conférence des premiers ministres qui a eu lieu à Ottawa ou à quelle occasion avez-vous fait cette suggestion dont vous venez de parler?

M. Morin (Louis-Hébert): À une réunion de ministres - pas à une réunion de premiers ministres - qui s'est tenue à la fin de 1979, alors qu'il y avait un exercice constitutionnel qui était en cours. La suggestion a été reprise par la suite, mais n'a eu qu'une matérialisation et c'est à la réunion - où vous avez été vous-même et où j'étais présent - à Ottawa, alors que M. Chrétien présidait la conférence.

M. Steinmann: Je m'excuse de le demander, mais quels ministres, s'il vous plaît?

M. Morin (Louis-Hébert): Les ministres chargés du dossier constitutionnel.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Watt, vous vouliez intervenir?

M. Watt: (S'exprime dans sa langue).

M. Steinmann: Vous avez mentionné qu'il y a des cas où il était, lui, à ces réunions; mais est-ce que le gouvernement du Québec a fait la même suggestion à d'autres réunions auxquelles il n'assistait pas?

M. Morin (Louis-Hébert): Effectivement, oui.

M. Watt: (S'exprime dans sa langue).

M. Steinmann: II remercie le gouvernement du Québec du fait que celui-ci ait suggéré que les autochtones puissent être présents à ces discussions.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le minsitre.

M. Morin (Louis-Hébert): D'ailleurs, je me souviens qu'à une ou deux reprises où nous nous sommes rencontrés, M. Watt et moi, nous avons justement discuté, entre autres choses, de cette question.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

M. Morin (Louis-Hébert): Cela va? Je voudrais, Mme la Présidente, parler maintenant du mémoire qui nous est soumis aujourd'hui et dont j'ai dit qu'il était très bien présenté et assez complet. Je voudrais lire deux paragraphes qui me paraissent difficiles à concilier et qui créent vraiment un problème. Je vais vous les lire. Je vais les lire en anglais. Je pourrais peut-être les trouver en français. Oui, je l'ai en français. La page 53 en anglais.

Une voix: Page 61 en français.

M. Morin (Louis-Hébert): Page 53 en anglais, c'est le deuxième et le troisième paragraphes.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

M. Morin (Louis-Hébert): C'est le paragraphe qui commence... The paragraph that starts with "Makivik supports the principle that provinces give their prior consent to any joint resolution of the Senate and House of Commons to patriate the Canadian constitution". D'accord?

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

M. Morin (Louis-Hébert): Je voudrais que vous regardiez ces deux paragraphes. Je vais les lire en français pour que ceux qui écoutent puissent suivre.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

M. Morin (Louis-Hébert): Je vais les lire en français. C'est parce que là il y a un problème que j'aimerais qu'on discute.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

M. Morin (Louis-Hébert): En français, cela se lit comme suit: "Makivik soutient le principe voulant que les provinces accordent leur consentement préalable à toute résolution conjointe du Sénat et de la Chambre des communes pour le rapatriement de la constitution. En outre, les réformes constitutionnelles ne doivent pas s'effectuer par le truchement de déclarations unilatérales d'un ou de plusieurs gouvernements. Des données appropriées doivent émaner des peuples et des personnes affectés ainsi que des groupes d'intérêts spéciaux. Au cours des dernières semaines, on a pu remarquer l'efficacité de cette méthode pour ébaucher des réformes

meilleures et plus équitables".

Je vais, dans ce premier paragraphe, retenir une idée. Vous dites donc que vous soutenez le principe que les provinces doivent, en d'autres termes, donner leur consentement à tout changement constitutionnel les affectant. C'est le premier paragraphe.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

M. Watt: (S'exprime dans sa langue).

M. Steinmann: Après avoir fait remarquer que vous attiriez l'attention sur ce premier paragraphe, ils savent que le Québec ne tient pas à faire rapatrier la constitution sans le consentement des provinces, mais quel est le problème qui se pose au rapatriement, pour le faire respecter? Il y a un problème qui se pose chez lui.

M. Morin (Louis-Hébert): Je vais vous expliquer ce que je veux dire. D'un côté, ce que vous nous soumettez aujourd'hui, en somme, correspond à ce que nous pensons nous-mêmes quant à ce paragraphe, c'est-à-dire que, comme nous, vous croyez que les provinces doivent être partie à un accord qui les concerne. C'est mon premier point. Donc, nous sommes d'accord là-dessus. Après cela, j'ai un problème à vous poser.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Maintenant, dans l'autre paragraphe, vous dites - et je ne citerai pas le paragraphe en entier: Comment nos amendements - c'est-à-dire ceux que vous avez réussi à obtenir - récemment garantis dans le projet de résolution ne souffriront-ils pas de l'opposition en bloc dont le Québec continue à faire preuve quant au rapatriement dans les circonstances actuelles?

Ce que je veux dire, c'est que, d'un côté, vous reconnaissez que les provinces ont raison de s'opposer à un geste unilatéral qui les affecte, sans leur consentement. Très bien. Mais en même temps, vous dites: Vous avez raison de vous opposer, mais comment cette opposition va-t-elle mettre en cause les gains que nous, Inuit, avons faits quant à la résolution fédérale? (18 h 30)

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

M. Watt: (S'exprime dans sa langue).

M. Steinmann: La seule chose qu'il y a, c'est que le fédéral n'est pas le seul gouvernement qui existe. Alors, eux, ayant le consentement du gouvernement, comme ils doivent quand même travailler avec le gouvernement du Québec, après avoir reconnu le fait que les provinces devraient quand même consentir au rapatriement, ils se posent ensuite une question: Oui, mais comment est-ce que cela va marcher, nos relations avec le Québec, en cas de rapatriement? C'est un consentement de principe, suivi d'une question en se demandant: Oui mais qu'est-ce qui va se passer à ce moment-là?

M. Morin (Louis-Hébert): En somme... AUez-y, M. Watt.

M. Watt: (S'exprime dans sa langue).

La Présidente (Mme Cuerrier): M. l'interprète.

M. Steinmann: II y a eu une discussion quand il y a eu la réunion des premiers ministres, à Ottawa, au sujet de cette entente. Le problème qui se posait, c'est le principe de souveraineté-association qui avait été soumis. Alors, qu'est-ce qui va se passer au juste? Il y a une espèce d'inquiétude, il y a des questions qui se posent au sujet de l'entente. Est-ce que le gouvernement du Québec accepterait à ce moment-là, d'emboîter le pas et de reconnaître les droits aborigènes? Alors, le principe que les provinces devraient accepter est peut-être reconnu avec une inquiétude derrière. Je ne sais pas si c'est assez clair.

M. Morin (Louis-Hébert): II faudrait peut-être que je finisse aussi par dire quelque chose. Allez-y.

M. Watt: (S'exprime dans sa langue).

M. Steinmann: II explique davantage qu'entre les Inuit et les francophones, à la suite des lois sur les langues, il y a toujours eu des espèces de disputes et de malentendus et c'est cela qui fait que cela crée une inquiétude pour le...

M. Morin (Louis-Hébert): Je comprends très bien ce problème, mais ce à quoi je faisais allusion tout à l'heure est un peu différent. Je m'en tenais à la proposition fédérale que nous étudions ici et je voyais, d'une part, que la Société Makivik est d'accord avec le principe que les provinces doivent être participantes à toute décision les concernant. Je pense que c'est clair. En même temps, ce qu'on nous dit, c'est qu'on est d'accord avec le principe que vous avez à participer aux décisions vous concernant, mais, quand vous ferez ça, qu'est-ce qui va

arriver aux droits que nous avons obtenus dans la résolution fédérale?

En même temps, on nous dit: Vous avez raison de vous battre contre la résolution fédérale, mais on nous dit: Nous avons gagné des choses dans la résolution fédérale, comment les gardons-nous? Je pense que c'est clairement ce qui est dit dans le texte, à la page 61 en français et dans l'autre en anglais. Moi, j'essayais seulement de poser la question, à savoir: Ou bien vous êtes d'accord que nous avons la bonne attitude en nous opposant à quelque chose qui nous est imposé et, à ce moment-là, on ne peut pas nous demander de conserver la charte à laquelle nous nous opposons. Je ne sais pas si je suis clair.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

M. Watt: (S'exprime dans sa langue).

M. Steinmann: It does not seem... Il ne semble pas qu'il y ait contradiction dans ce qu'il dit, c'est-à-dire qu'il y a le principe que peut-être les provinces auraient quelque chose à dire, mais c'est quand même un droit qui a été reconnu, une chose que le fédéral a reconnue, est-ce qu'à ce moment-là - c'est cela qu'ils veulent savoir, ils posent la question - soit que les provinces acceptent ou non le rapatriement, ce qui a été gagné par eux, est-ce qu'ils vont le perdre, si les provinces...? C'est une inquiétude. Lui, il ne voit pas de contradiction du tout. Il ne voit aucune contradiction dans ces deux choses. C'est qu'il y a un principe d'abord de procéder, mais, comme il y a une chose qui a été acquise... Je ne sais pas si je le pose assez clairement en français, mais c'est très très clair dans ce qu'il dit, il ne voit aucune contradiction.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): D'accord. Ma question portait surtout sur le fait que je me demandais comment vous vouliez que nous puissions, d'une part, nous opposer, et que vous compreniez que nous le fassions, à un geste fédéral unilatéral, en même temps que vous vouliez qu'on garde ce que vous avez obtenu. C'est cela que j'ai compris que vous vouliez dire. Je voyais une contradiction. On me dit qu'il n'y en a pas. Il est sûr qu'en ce qui nous concerne, nous l'avons à plusieurs reprises reconnu et nous le considérons comme absolument vrai en ce qui nous concerne nous-mêmes, comme francophones ici, le principe d'être une société distincte est un des éléments pour lesquels nous nous battons. Par conséquent, je pense que nous comprenons très bien la situation dans laquelle se trouvent les Inuit.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

M. Watt: S'exprime dans sa langue).

M. Steinmann: Les Inuits, à la suite de la réunion des premiers ministres... Il y a eu six premiers ministres qui se sont réunis au sujet de la constitution et il y a eu une espèce de refus de certains que la charte des droits soit révisée dans la constitution. Eux, ils ont été sous la responsabilité du gouvernement fédéral et le gouvernement fédéral a signé une entente en même temps que le gouvernement du Québec. Le gouvernement fédéral a une certaine responsabilité encore à leur égard, ce qu'ils appellent un "federal trust". Alors, évidemment, ils veulent avoir une certaine garantie que leurs droits seront respectés, qu'on leur donnera ce qu'on leur doit, ce qu'on a promis de leur donner et c'est encore le mot que j'ai employé tout à l'heure qu'ils emploient, c'est l'inquiétude au sujet de ce qui va se passer.

M. Morin (Louis-Hébert): Ce qui a été refusé depuis longtemps, d'ailleurs, par les premiers ministres des provinces qui se sont réunis, c'est l'imposition d'une charte des droits fédérale qui affecte les compétences des gouvernements provinciaux; c'est une chose. Ce que nous défendons maintenant, c'est la responsabilité des provinces dans les domaines de leur compétence. Cela n'affecte en rien le respect que le Québec, comme les autres provinces, doit aux Inuits et, de ce côté-là, il n'y a absolument aucun problème parce que nous avons, justement à cause de notre bataille actuelle, démontré qu'on voudrait que nos droits à nous soient respectés et il en va de même des droits du peuple inuit.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Watt, vous vouliez intervenir?

M. Watt: (S'exprime dans sa langue).

M. Steinmann: II pose la question parce qu'il n'a pas entendu les premiers ministres des provinces préciser que la charte des droits des aborigènes serait respectée. C'était le terme général, la charte des droits que vous venez de lui décrire comme étant celle de la province, mais il y a aussi la charte des droits des aborigènes.

M. Morin (Louis-Hébert): Non, il n'en a pas été question particulièrement. La question m'a été posée avant la rencontre que nous avons maintenant. Il n'a pas été question de ce sujet précis. C'est pour cette

raison que nous n'en avons pas parlé, mais cela ne signifie en rien que les droits des aborigènes soient pour autant conçus comme devant être négligés par les provinces et par le Québec en particulier.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Watt. M. Watt: (S'exprime dans sa langue).

M. Steinmann: II comprend très bien que le Québec n'accepte pas d'avoir ses droits non respectés; ça, il le comprend très bien. Mais, comme eux aussi, il voudrait que leurs droits soient respectés. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de faire un comité où les Inuits ou les aborigènes seraient assis avec le gouvernement du Québec pour que celui-ci puisse dire: On veut que nos droits soient respectés; mais, en même temps les aborigènes pourraient dire: Nous aussi on veut ça?

M. Morin (Louis-Hébert): Oui, d'ailleurs vous le faites comme suggestion, je pense, quelque part dans le mémoire. Il est sûr que tout le drame du coup de force fédéral actuel est que, justement, il a été fait sans consultation et malgré les parties constituantes.

Il est sûr que, en ce qui nous concerne, nous n'avons pas du tout l'intention d'appliquer la même méthode par rapport à la population du Québec en général et par rapport aux Inuits en particulier.

Par conséquent, des discussions comme celles-là - le cas échéant, parce que nous n'en sommes pas là - seraient, à mon avis en tout cas, parfaitement normales et même nécessaires.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Avant que le ministre ne m'interrompe, je voulais dire quelques mots sur la pertinence de ce mémoire. J'ai été surpris que le ministre dise, au début, que ce n'était pas pertinent; moi, je le trouve très pertinent, parce que tout ce qu'il y a dans le mémoire découle de la proposition fédérale sur la constitution.

M. Morin (Louis-Hébert): Je n'ai pas dit que... L'article 96, semble-t-il, s'applique.

M. Marx: Voilà, il m'interrompt une deuxième fois.

Une voix: Après, quand il aura fini!

La Présidente (Mme Cuerrier): Attendez une seconde. M. le ministre soulève... Voulez-vous interpréter ça et je dirai ensuite ce qui se produit.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre tente de soulever une question de règlement...

M. Morin (Louis-Hébert): Non, je laisse tomber, j'abandonne.

La Présidente (Mme Cuerrier): ... mais je ne le laisserai parler qu'après le député de D'Arcy McGee.

M. Steinmann: M. Watt désirerait savoir qui vous êtes.

M. Marx: I am the Liberal Member for D'Arcy McGee.

M. Steinmann: Liberal?

M. Morin (Louis-Hébert): Son nom est

Marx.

M. Marx: Ma deuxième remarque c'est que quelque chose m'a beaucoup frappé... Parce que je n'ai pas eu la chance de parler; le ministre a essayé d'expliquer la soi-disant contradiction que je n'ai pas comprise. Je suis prêt à céder deux minutes de mes dix minutes au ministre, s'il veut s'expliquer une autre fois, à la fin.

C'est-à-dire que je comprends bien qu'on n'accepte pas que le fédéral impose une charte des droits aux provinces. Tout le monde est d'accord avec ça, même les témoins ici. Mais d'autre part, tout le monde - et je pense que le ministre l'est aussi -serait d'accord pour accepter certains éléments qui se trouvent dans cette charte.

Le ministre a déjà dit, lors d'une autre séance de la commission parlementaire sur la constitution, qu'il est d'accord avec la protection de la liberté de religion. Mais, comme il accepte ce principe, il pourrait accepter, s'il le veut, le principe de protéger les droits des autochtones dans une charte. Il pourrait accepter ce principe en disant aussi qu'on ne veut pas que ce soit imposé par le fédéral, mais nous, nous acceptons ce principe.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

M. Watt: S'exprime dans sa langue.

M. Steinmann: Je veux poser une question au député libéral. C'est le gouvernement libéral qui a signé la

Convention de la Baie James. Est-ce que le Parti libéral, lui, accepterait de reconnaître ce qu'Ottawa nous a concédé?

M. Marx: Je ne suis pas le porte-parole du Parti libéral dans cette matière. Mais je peux dire que le Parti libéral, dans son document constitutionnel, a proposé qu'on enchâsse dans une nouvelle constitution beaucoup des droits que vous êtes en train de réclamer aujourd'hui. Je pense que dans notre livre beige, comme vous en avez fait état, le Parti libéral a déjà suggéré qu'un certain nombre de droits soient enchâssés. Je ne me souviens pas exactement de ce qu'on a mis dans le livre beige, parce que je n'ai pas ça devant moi, mais je me souviens qu'il y a un certain nombre de droits. Je ne me souviens pas de tous les droits qu'on a suggéré d'enchâsser dans une constitution. C'est à voir si on peut en mettre davantage.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'aimerais vous féliciter pour votre mémoire, parce que je trouve que c'est un des meilleurs mémoires qui ont été présentés à cette commission, si ce n'est le meilleur. Du reste, j'ai été très touché par votre exposé et je me suis demandé pourquoi. Je pense que j'ai été touché parce que ce que vous faites ici, c'est la plaidoirie d'un peuple et, si je peux le dire en anglais, vous avez plaidé pour "the protection of your peoplehood". Je pense que ça, c'est quelque chose que tout le monde peut comprendre dans cette salle, quelque chose qui touche tout le monde quand les gens plaident pour "the protection of their peoplehood, of their... Je vais le laisser traduire.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

M. Marx: Pour parler pour moi-même et aussi, en partie, pour le Parti libéral, parce que je vous ai déjà dit qu'on a mis un certain nombre de lois dans notre livre beige, je pense que les droits des autochtones devraient être protégés dans une constitution renouvelée parce que dans un sens les droits des autochtones sont déjà protégés à l'article 91, paragraphe 24, de notre constitution et les droits qu'on demande d'enchâsser seront en effet le prolongement de certains droits déjà consacrés dans la constitution. (19 heures)

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

M. Marx: J'aimerais dire que j'ai été frappé par la situation déplorable qui existe dans vos communautés. Je cite votre mémoire, à la page 30 de la version française, où vous avez écrit que "les communautés inuites du Nord québécois sont toujours confrontées avec des habitations de qualité inférieure aux normes, sans eau courante, sans système sanitaire, sans égouts d'évacuation des déchets humains, sans centres communautaires adéquats, sans protection contre les incendies et sans la machinerie lourde nécessaire en quantité suffisante aux fins communautaires." Je trouve cela déplorable et je trouve qu'il faut qu'on fasse des améliorations étant donné que nous sommes des habitants, des citoyens de la même province. Comme cela existe ailleurs, on essaie de faire des améliorations et je pense qu'il faut trouver la volonté politique de faire les améliorations essentielles dans vos communautés.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

M. Marx: Je ne veux pas prolonger le débat, la discussion. J'aimerais vous poser une question. Cela m'a beaucoup frappé quand vous avez parlé de l'autodétermination. Comprenez bien qu'on parle souvent aujourd'hui de l'autodétermination; même dans cette Assemblée cela a été soulevé à maintes reprises. Dans votre mémoire, vous avez parlé de l'autodétermination sur le plan local et sur le plan régional. Je me demande qu'est-ce que vous entendez par l'autodétermination sur le plan local, sur le plan régional. Est-ce que vous visez un régime spécial? Quel genre de régime juridique visez-vous quand vous parlez de l'autodétermination sur le plan local ou sur le plan régional?

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

M. Marx: If it is not clear in the translation, maybe I should say it in English because you said it in English. It is the question of selfdetermination on a local and a regional level or on a local and a regional basis. What do you actually mean? What type of legal regime do you envisage when you talk about that?

M. Gordon: (S'exprime dans la langue inuite).

The legal regime that we had agreed to with the government previously was outlined in the James Bay Agreement and was given legal effect under the Kativik Act, which gave legal force to these institutions. And we had agreed and we bargained with our aboriginal rights and gave up our aboriginal rights for non-ethnic entities which were for the benefit of the population as a whole, in

the North, and we agreed that we would have this regional government that would give us sufficient regional autonomy for us to be able to live with Québec and to contribute to Québec, rather than to be a welfare recipient of Québec, because we are sitting in the place, we are situated where the greatest potential for development and the greatest wealth of Québec exists.

Most of the future wealth of Québec lies in our area, but we are not able to tax these directly, we are not able to get funds directly for these things. The funding we have reguested, budgets have been cut in half, regarding our request. This has been since the legislation has been passed to create the regional government. 1To give it real meaningful effect in the territory, this has not been allowed by budgetary cuts and by refusing to agree to some essential agreements that are needed to be able to carry out the services.

The kind of regional autonomy we are asking for is so that we could be able to service ourselves and not have people come in from the South to service us. We want to be able to hold the flag up in our area, hold the Québec flag for the Québec government, not to have a Québec agent sent in to hold it for us.

These has always been some misunderstanding between ourselves and the Québec government. They seem to think that we have a separatist point of view towards the Province of Québec. We have already agreed to live with you in the James Bay Agreement, we have agreed to work with you but we have agreed within certain constraints, but those constraints, in our view, are not being respected. We do not want to sound harsh. We do not want to demand, we would rather work and cooperate with each other. But even when the Québec government came up with such a crucial question as sovereignty-association, it did not even bother to explain what the repercussions of that would be to us or even to listen to our concerns on that specific thing.

We were very interested in that question, but you left us no alternative but to oppose it. The same with the language bill. We agree with the notion that the French people of Québec be allowed to protect and preserve their language and culture, but not at the price of my culture and my language. We want to live with you. We do not want to be adversaries all the time. It is not in our interest and it is not in your interest. The local autonomy we are asking for is so that we could be a part of Québec, contributing to Québec, not one that is trying to break away from it. This attitude that we are trying to break away from Québec is often the idea that is manifested and preached by the lower civil servants in the government.

We wanted to start a new relationship, we tried to do that with the James Bay Agreement, we are trying to do that again. We want to have an open discussion. Are we so small that we cannot be heard? Are we so few that we are not worth looking for? We asked the electoral boundaries of this province to be changed so that we could have a member in this House and that we could represent our views. What happens? They changed the name of the electoral boundary, the district. Still the votes are all primarily in the South. The reason given by a government official of Québec is that the Inuit people are too mobile. They could not get them together to vote. We have been actively trying to participate. We have been voting. We voted in your referendum. We voted for the members of Parliament that we never see in our area. We want to become an active part of Québec.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député.

M. Marx: Si j'ai bien compris, quand vous avez parlé de l'autonomie et de l'autodétermination sur le plan local et sur le plan régional, vous voulez que le gouvernement actuel respecte l'entente de la Baie James et que le gouvernement voie à la mise en oeuvre de cet ensemble. C'est ce que j'ai compris.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

La Présidente (Mme Cuerrier): M.

Gordon, vous avez la parole. M. Watt? Alors, ce sera M. Watt.

M. Watt: (S'exprime dans sa langue). respecting land, house planning and development... bill 57, taxation powers, respecting municipal taxation and providing amendements to certain legislations and the bill 57...

(S'exprime dans sa langue).

M. Steinmann: Le gouvernement a adopté des lois comme la loi 25 et la loi 57 qui ont exclu le territoire au nord du 55e parallèle. Par exemple, ils viennent insister sur la loi 57 qui donne aux municipalités le droit de taxer les entreprises et cela a été empêché, le territoire au nord du 55e parallèle a été exclu de cette loi 57. On a un gouvernement régional, mais qui n'a absolument aucun pouvoir de taxation. On est obligé de quêter l'argent dont nous avons besoin; ce ne serait peut-être pas la même chose dans notre territoire que dans le sud, mais, quand même, on devrait au moins nous donner le pouvoir de prélever nos taxes nous-mêmes pour pouvoir, au lieu d'être

obligés de toujours aller quêter l'argent... (19 h 15)

M. Watt: (S'exprime dans sa langue).

M. Steinmann: On nous a traités, les Inuits, de gens qui vivent du bien-être social, à qui le gouvernement donne toujours de l'argent. Nous n'avons aucun pouvoir nous-mêmes sur nos ressources, pour taxer et percevoir notre propre argent, ce qui ferait qu'au lieu d'être des assistés sociaux nous pourrions profiter des avantages que notre pays donne. Par ce pouvoir de taxation qui nous a été refusé, nous pourrions moins dépendre du bien-être social.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. Watt.

M. Watt: (S'exprime dans sa langue).

M. Steinmann: Les Blancs, qui ont pénétré dans notre pays, ont profité intensément de nos ressources. Nous, nous étions des chasseurs, etc. Les marchandises, aujourd'hui, coûtent très cher dans les magasins; l'électricité coûte jusqu'à $0.30 le kilowatt, alors que, dans le sud, elle coûte $0.02. Nous sommes pénalisés par des dépenses assez fortes. Alors, sur les ressources que nous avons dans notre pays, nous pourrions peut-être nous aussi, de notre côté, charger certains... Autrement, nous sommes écrasés par le...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Deux-Montagnes m'a demandé la parole; ensuite, M. le député de Jean-Talon me dit qu'il ne veut ajouter qu'une phrase, parce que nous avons déjà utilisé deux heures. M. le député de Deux-Montagnes.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

M. de Bellefeuille: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais plutôt revenir au type de préoccupation que nous avions il y a quelques instants, quand le député de D'Arcy McGee a exprimé certains sentiments face à votre mémoire et aussi lorsque M. Gordon, très éloquemment, a parlé de l'identification des Inuits au Québec, à certaines conditions, bien sûr, lorsqu'il a demandé, par exemple: Sommes-nous si peu nombreux que nous ne pouvons pas nous faire entendre?

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

M. de Bellefeuille: Je dois dire - en quelque sorte modestement, en guise de conclusion et en parlant beaucoup plus comme simple citoyen que comme député, que ce moment dans nos travaux, je crois, a été un moment privilégié. Nous avons aujourd'hui jeté, peut-être, un petit pont sur une mer de difficultés.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

M. de Bellefeuille: Quant à moi, je voudrais assurer nos amis Inuits que leur faible nombre ne doit pas entrer en ligne de compte lorsqu'on considère des questions de justice.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

M. de Bellefeuille: Justement, à propos de ces propositions constitutionnelles des libéraux d'Ottawa, nous avons souvent exprimé l'avis que la clause qu'on veut introduire à propos des droits linguistiques scolaires, "là où le nombre le justifie", est une clause qui serait de nature, parfois, à empêcher la justice là où les nombres ne sont pas élevés.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

M. de Bellefeuille: Et sans nécessairement dire, dans un domaine que je connais mal, que j'accepte toutes les revendications qui sont contenues dans ce mémoire, je dois reconnaître que, comme homme, je ne suis pas fier de ce que le Canada et les provinces canadiennes qui sont concernées ont fait par rapport à leurs populations autochtones, en particulier par rapport aux Inuits.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

M. de Bellefeuille: Et j'espère que nous continuerons à jeter des ponts et qu'à partir de la profession de bonne volonté que M. Gordon a faite et à partir de notre bonne volonté à nous nous trouverons peu à peu, ensemble, des solutions à ces très nombreux problèmes qui, jusqu'ici, nous ont opposés. Merci.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Juste un mot dans le même sens que le député de Deux-Montagnes. Je pense que le temps serait peut-être venu qu'au niveau d'une commission parlementaire nous puissions, les membres de l'Assemblée nationale et les représentants des populations autochtones - et le public, surtout, y être associé - voir l'ensemble des problèmes de la communauté autochtone que nous avons devant nous. C'est dans ce sens que pour ce

qui nous concerne, comme Parti libéral du Québec, nous avons proposé une réévaluation des activités gouvernementales du secrétariat en milieu amérindien et inuit. Peut-être -vous l'avez souligné - qu'une des choses qu'il faudra reprendre, en dehors du problème constitutionnel, c'est d'associer l'opinion publique du Québec et tous les parlementaires à l'examen complet des populations amérindienne et inuite, de façon que nous puissions consacrer une journée, deux jours, trois jours, enfin le temps qu'il faudra pour vraiment voir ce que, de part et d'autre, on pourrait faire pour améliorer les rapports entre le Sud et le Nord du Québec.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

La Présidente (Mme Cuerrier): M.

Padlayat.

M. Padlayat: (S'exprime dans sa langue).

M. Steinmann: Nous avons présenté nos désirs, ce que nous voulons, ce que nous croyons être juste à notre égard et nous attendons une réponse, non pas une réponse de sympathie, mais une réponse d'action qui s'exprimera par des lois justes, adéquates qui correspondent à nos besoins et qui aideront d'une façon pratique la collaboration entre vous et nous. Ceci, nous l'attendons sans trop tarder. Nous aimerions que cela ne traîne pas, mais que nous ayons à cette brique que nous présentons une réponse pratique et non pas hâtive, mais sans trop tarder.

La Présidente (Mme Cuerrier): Je me fais maintenant... Oui, Mme Simon. (19 h 30)

Mme Simon: (S'exprime dans sa langue).

M. Steinmann: Pour renforcer ce que M. Charlie Watt a déjà dit, Mme Simon insiste sur le fait que le ministre a dit qu'il serait d'accord pour soutenir... que le gouvernement soutiendrait les droits des aborigènes qui ont été reconnus, qui seraient reconnus par Ottawa, mais que la province reconnaîtrait même si... quand ils accepteront le rapatriement... C'est une insistance pour dire qu'il ne faut pas oublier que quand cette constitution sera rapatriée, il faudra de toute nécessité, ce sera impérieux, que les droits des autochtones, des aborigènes soient reconnus. Aussi, quand il y aura des réunions avec les autres provinces, insister auprès des autres pour leur faire remarquer que les droits des aborigènes, c'est une chose que les Blancs doivent reconnaître comme devant être respectée et non pas comme une chose simplement théorique. C'est une insistance sur ce qui a été dit. Le gros point qui les inquiétait et qui continuera peut-être à les inquiéter, c'est d'être certain que les droits des aborigènes seront reconnus dans la constitution, peu importe quand elle sera rapatriée ou pas, que ce soit définitivement établi et que les autres provinces soient d'accord.

La Présidente (Mme Cuerrier): Je me fais maintenant l'interprète de la commission de la présidence du conseil et de la constitution, pour remercier le groupe Makivik d'avoir bien voulu participer aux travaux de la commission. Je veux remercier en particulier M. Watt, M. Gordon, Mme Simon, M. Padlayat et M. Makayuk ainsi que ceux qui ont bien voulu les accompagner. Merci de votre contribution à cette commission.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

La Présidente (Mme Cuerrier): La commission avait demandé à M. Steinmann de bien vouloir se mettre à la disposition des membres de la commission. Je pense que nous lui devons des remerciements bien sincères pour nous avoir permis de comprendre ce que les gens venaient nous dire cet après-midi. Merci, M. Steinmann.

M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).

La Présidente (Mme Cuerrier): Vous avez fait...

M. Steinmann: Ils vous remercient aussi. La Présidente (Mme Cuerrier): M. Watt. M. Watt: (S'exprime dans sa langue).

M. Steinmann: Je vous remercie aussi, bien que nous n'ayons pas pu lire tout notre...

M. Watt: You are translating too fast, M. Steinmann.

M. Steinmann: I am sorry.

M. Watt: (S'exprime dans sa langue).

M. Steinmann: Je remercie les membres de la commission d'avoir écouté ce que nous avions à dire, de nous avoir donné une chance de parler. Mais il est regrettable, quand même, que nous n'ayons pas pu lire tout ce que nous aurions voulu lire et peut-être que vous-mêmes, vous auriez pu poser d'autres questions. Enfin, nous espérons beaucoup avoir d'autres réunions semblables au sujet de la constitution. Merci à tous.

La Présidente (Mme Cuerrier): Merci bien. Je me dois maintenant de faire mes annonces, cela ne vous concerne plus. Nous avons un avis précisant que la commission de la présidence du conseil et de la constitution siégera jeudi, le 19 février, à compter de 10 heures. Les groupes et personnes qui seront entendus sont le Conseil des minorités du Québec, le Regroupement pour les droits politiques du Québec, M. Gérard Lemire, la Société Saint-Jean-Baptiste du diocèse de Saint-Jean, M. Guy Trépanier, l'Organisation des jeunes indépendantistes pour un Québec communautaire et le Parti communiste du Québec.

La commission de la présidence du conseil et de la constitution ajourne ses travaux à jeudi prochain, 10 heures.

(Fin de la séance à 19 h 38)

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