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Version finale

31e législature, 6e session
(5 novembre 1980 au 12 mars 1981)

Le jeudi 19 février 1981 - Vol. 23 N° 49

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes ou organismes relativement au projet de résolution du gouvernement fédéral concernant la constitution canadienne


Journal des débats

 

(Dix heures onze minutes)

Le Président (M. Jolivet): La commission parlementaire de la présidence du conseil et de la constitution est à nouveau réunie pour les auditions publiques sur le projet de résolution du gouvernement fédéral concernant la constitution du Canada.

Les membres de cette commission sont: M. Bertrand (Vanier), M. Charbonneau (Verchères) remplacé par M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Le Moignan (Gaspé) remplacé par M. Goulet (Bellechasse), M. Levesque (Bonaventure) remplacé par M. Forget (Saint-Laurent), M. Morin (Louis-Hébert), M. Paquette (Rosemont), M. Ryan (Argenteuil) remplacé par M. Rivest (Jean-Talon).

Les intervenants possibles sont: M. Biron (Lotbinière), M. Fallu (Terrebonne), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Guay (Taschereau), Mme LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine) et M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).

Nous avons, au moment de terminer l'étude, d'autres groupes qui viennent aujourd'hui. Je fais l'appel de ces groupes pour voir s'ils sont présents et donner en même temps l'ordre de passage devant la commission. C'est l'Association québécoise pour l'application du droit à l'exemption de l'enseignement religieux, représentée par Mme Micheline Trudel-Lamarre. Est-elle présente dans la salle?

Des voix: Elle n'est pas arrivée.

Le Président (M. Jolivet): Non, pour le moment. Le Conseil des minorités du Québec. M. Eric M. Maldoff est-il présent?

Une voix: Non.

Le Président (M. Jolivet): C'était le deuxième. Donc, on verra en cours de route. Le Regroupement pour les droits politiques du Québec représenté par M. Gérard Lépine; M. Gérard Lépine est-il présent? Il n'est pas encore là? M. Gérard Lemire, à titre personnel; M. Gérard Lemire est-il là?

M. Lemire: Présent.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Société Saint-Jean-Baptiste, diocèse de Saint-Jean, représentée par M. Hyacinthe Auger. M. Hyacinthe Auger...

M. Auger: Oui.

Le Président (M. Jolivet): Oui, présent. M. Guy Trépanier, à titre personnel. M. Guy Trépanier...

M. Trépanier: Oui.

Le Président (M. Jolivet): Oui, présent. L'Organisation des jeunes indépendantistes pour un Québec communautaire, représentée par M. Hervé Fuyet. Est-il présent?

Une voix: M. le Président, il y a une erreur...

Le Président (M. Jolivet): Donc, c'est plutôt le Parti...

Une voix: Je représente le Parti communiste du Québec.

Le Président (M. Jolivet): ...communiste du Québec. Donc, le Parti communiste du Québec est représenté par M. Hervé Fuyet. Mme Claire Demers, c'est la même chose? Me A. Boisvert, notaire, à titre personnel.

M. Boisvert: Présent.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Donc, selon l'entente qui est prévue, je tiens à dire aux participants qu'il y a un mémoire qui est présenté d'une durée maximale de 20 minutes. Si cela prend moins de 20 minutes, ce sera moins de 20 minutes. Le parti gouvernemental a droit à 20 minutes et les partis d'Opposition ont droit à un total de 20 minutes, ce qui fait en moyenne, en général, une heure par mémoire.

M. Gérard Lemire étant présent, je lui demande de s'approcher pour qu'on puisse l'entendre.

M. Gérard Lemire, document 26M, les trois premiers organismes n'étant pas là pour

l'instant. On verra, en cours de route, lorsqu'ils arriveront. M. Lemire.

M. Gérard Lemire

M. Lemire (Gérard): Bonjour, M. le Président. Bonjour, messieurs. Il n'y a qu'une chose que je voudrais vous demander. Vu que le délai a été très court pour présenter le mémoire, il y a deux feuilles qui allaient avec le mémoire qui n'ont pas été envoyées. Est-ce que vous voulez les accepter?

Le Président (M. Jolivet): Oui, on va demander à quelqu'un d'aller les chercher pour les transmettre aux membres de la commission.

M. Lemire: Merci.

Le Président (M. Jolivet): On vous rappelle que vous avez quelques minutes pour lire votre mémoire, en essayant de le rendre le plus succinct possible. (10 h 15)

M. Lemire: Depuis dix ans, je vis des expériences si enrichissantes que je voudrais en faire profiter le plus de Canadiennes et de Canadiens possible. Pour débuter, j'ai suivi l'élection du Parti québécois et j'ai senti les actions qui tendaient vers l'autonomie ou l'indépendance de la province de Québec, ce qui m'a amené à suivre le gouvernemnt fédéral dans ses débats pour le rapatriement de la constitution et je me suis intéressé aux efforts et aux entêtements pour essayer d'en arriver à un consensus des gouvernements provinciaux et fédéral.

Ce qui vient après, c'est la période référendaire au Québec qui a permis de voir des unions de parti ou de personnalité disparates au possible, telles que l'Union Nationale et les libéraux, ou créditistes et libéraux fédéraux, ou le Nouveau parti démocrate et le Parti conservateur, qui ont amené les émotions et les déclarations au point culminant de la défaite des partisans du oui et, durant cette même période, deux élections fédérales ont balayé de la scène canadienne le Parti créditiste.

Étant dans une période de convalescence, j'ai donc profité de ces heures de liberté pour essayer de poser par écrit ce que je ressentais et ce que j'avais vécu dans la Confédération et ce que je pensais face au rapatriement de la constitution. Je me suis aperçu qu'après tout, je pouvais peut-être, avec mes notes, émettre une solution globale pour faire avancer le débat et, emporté dans mon élan, je me suis rendu, un dimanche, tout ému et un peu incertain, remettre à M. Clark et à M. Broadbent, à Ottawa, une copie de quatre pages de mon premier essai.

Et là, j'ai commencé à réaliser la chance et la liberté que les Canadiennes et les Canadiens ont de pouvoir se déplacer et de rencontrer d'un bout à l'autre de notre pays les citoyennes et les citoyens importants dont nous pouvons avoir besoin et aussi d'être lus et écoutés par eux.

Dans la semaine qui suivit, il y avait une conférence des premiers ministres provinciaux à Toronto contre le rapatriement unilatéral de la constitution. Je me suis donc dit qu'il n'y avait pas de meilleur endroit pour remettre dix autres copies, ce qui était pour moi d'une importance capitale sur le moment. Le coeur battant à tout rompre, je me suis retrouvé à l'Harbor Castle dans le hall du deuxième étage, près des caméras de télévision et des journalistes. Je cherchais un moyen pour remettre mes enveloppes. J'ai donc pris deux bonnes respirations, j'ai foncé dans la première salle, demandé qui était la personne qualifiée pour prendre soin de les remettre. Ce qui fut fait, puisque j'ai reçu des accusés de réception du premier ministre du Manitoba et aussi de celui de la Saskatchewan.

Dans les semaines qui suivirent, le gouvernement fédéral a créé le comité mixte sur la constitution. J'ai donc repris la plume pour ajouter du corps à mon exposé, afin qu'il ait plus de valeur. J'y ai donc ajouté quatre autres pages et là, j'ai décidé d'aller le porter en personne au comité. Je l'ai remis à M. Serge Joyal, coprésident, et, ne voulant pas faire à moitié, j'ai été en remettre une copie à M. Yves Deniers et à M. Roch LaSalle.

J'ai donc pu, par la même occasion, écouter le dépôt du mémoire des nations amérindiennes par Mr Riley. J'ai bien apprécié le contenu et la solidité de leur rapport et aussi réalisé le manque de liberté des premiers habitants du Canada dans la Confédération. J'ai aussi compris comment un comité, après toutes les dépositions verbales et écrites, peut compiler seulement un ou deux volumes.

Il y a une leçon face à l'opinion publique que le premier ministre Lévesque et le premier ministre Pierre Elliot Trudeau vont retirer tous les deux des événements qui se sont passés ou qui se passent: qu'il est beaucoup plus facile de faire dire non, puisque le premier ministre M. Lévesque est parti pour un non au rapatriement unilatéral de la constitution.

Je n'ai pas la qualité d'expert de la constitution pour sortir les 150 textes écrits et les détailler; mais, je sais maintenant que, quels que soient les articles qui sont inscrits ou qui vont l'être, ceux-ci devront être approuvés par tous les Canadiens et Canadiennes et par les onze gouvernements, sinon, tôt ou tard, ils seront rejetés et deviendront des points dangereux qui détruiront l'unité canadienne.

Je crois que ce qui a toujours manqué

à la Confédération, c'est que les pères de la Confédération n'aient pas établi un mécanisme impartial de révision et de renouvellement des lois, des droits et privilèges de la constitution. Ce qui aurait évité de faire s'affronter des gouvernements dans leur légitimité et qui aurait aussi tenu à l'écart les politiciens et les premiers ministres en mal de gloire ou d'un capital politique et, de plus, cela aurait l'avantage d'éloigner l'obligation de s'en remettre à des jugements des cours de justice fédérales ou provinciales.

J'ai pris connaissance du dossier Économie et constitution publié par le Conseil d'expansion économique. Il y a des personnalités de tous les secteurs qui nous donnent leurs idées et leurs points de vue critiques. J'ai aussi lu les reportages sur le comité mixte de la constitution qui font état des mémoires et des dépositions. Je n'y ai aperçu aucune solution à court ou à long terme qui puisse proposer une base de négociations positives qui ferait tomber les contestations contre le fédéral et qui pourrait sortir le dossier constitutionnel de la domination politique et des passions du moment.

C'est pourquoi j'ose venir témoigner devant la commission et apporter peut-être une solution durable si les onze gouvernements l'adoptaient et remettaient l'Acte de l'Amérique du Nord britannique entre les mains d'une nouvelle Chambre des fils et des filles de la Confédération.

L'intelligence peut mener à tout, même à se conduire comme un dictateur. Je n'ai jamais vu une démagogie et un infantilisme semblables. (Ce sont les deux autres feuilles) M. le premier ministre Trudeau, devant les étudiants en droit de l'Université York de Toronto, admet qu'il a maquignonné les droits et libertés des Canadiennes et des Canadiens et rejeté l'article 133 pour l'Ontario avec M. le premier ministre Bill Davis de l'Ontario pour avoir son appui dans le rapatriement de la constitution, le dada merveilleux et le sommet de la gloire du Don Quichotte canadien, M. le premier ministre Trudeau, qui pourra remettre le vieux parchemin dans le beau petit coffret reçu à Toronto dans un geste de grandiose bonté, pour ensuite, se retirer inconnu dans le sommet d'un château d'Espagne.

Les Pères de la Confédération vont sûrement se retourner dans leur tombeau d'avoir été si bien maquignonnés. Je croyais que les Canadiennes valaient au moins un plat de lentilles en échange.

J'ai entendu à la télévision M. Gauthier, qui a vécu au Manitoba, témoigner devant les membres du comité. Il a raconté les heures de bataille pour le fait français dans l'Ouest du Canada. J'en profite pour le féliciter, lui et tous les francophones du pays qui se tiennent debout et qui luttent au jour le jour pour la survivance de la langue française pour, ainsi, sauvegarder une des richesses des Canadiennes et des Canadiens. Les membres du comité ont demandé tour à tour à M. Gauthier s'il était pour l'indépendance ou pour le fédéralisme. La question était piégée. Je vais vous donner ma réponse avant d'être pris entre des belligérants futurs devant l'électorat. Je suis pour l'indépendance du Canada sans condition, car les dix provinces ne seront jamais libres si le Canada ne l'est pas. Dans cela, je vois dix gouvernements provinciaux forts, mais, en même temps, formant l'Union du Canada dans une fédération.

Le Statut de Westminster en 1931 nous rendait indépendants sur le plan politique. Il faudrait donc revenir à la source, car c'est à partir de là que les provinces ont perdu graduellement leur pouvoir et que le fédéral a pris d'importantes emprises dans toutes les juridictions. Renier aux provinces le droit de se défendre et de s'unir, c'est être un bien petit politicien minable et avoir une piètre opinion bornée des Canadiennes et des Canadiens qui veulent négocier leurs droits et privilèges pour vivre heureux dans leur pays, le Canada.

Notre pays, le Canada... Est-ce que j'ai beaucoup de temps, M. le Président? Est-ce qu'il me reste beaucoup de temps?

Le Président (M. Jolivet): II vous reste encore du temps, mais si vous voulez qu'on vous pose des questions ensuite, cela dépendra de vous.

M. Lemire: Je peux sauter à l'autre partie.

Le Président (M. Jolivet): Comme vous voulez.

M. Lemire: Notre pays, le Canada, se présente à mon esprit comme un beau corps bisexuel qui a l'agressivité et la vigueur du mâle par son climat d'automne et d'hiver, les formes rugueuses et altières de ses chaînes de montagnes et la rigueur du Grand-Nord. Par contre, nous retrouvons la femelle avec la retour à la vie du printemps et la douce langueur de ses étés, les parfums de toute cette vie en fleurs, en arbres et en pâturages. Nous pouvons nous mirer dans la beauté de l'eau de ses lacs et rivières et admirer le lit de ses fleuves qui se dirigent vers les inconnus bleus de la mer et du ciel sans frontière.

Ce corps, je le vois de cette manière: les provinces maritimes et Terre-Neuve sont la tête de notre pays par où entre et sort notre commerce mondial, ayant des citoyennes et des citoyens qui ont une vue sur l'immensité de l'Atlantique et qui ont la ténacité et l'amour qu'il faut pour vivre en harmonie et pour dompter cette force qu'est

la mer et profiter de ses ressources.

La province de Québec est le coeur de toute cette vitalité française et anglaise qui s'est répandue à travers le pays depuis 1534, au-delà de 450 ans, ce qui a permis au Canada de grandir et de devenir notre merveilleux pays, avec des désirs de liberté et des rivalités de découverte et de possession. Sans les nations amérindienne, française et anglaise, nous serions comme la France ou l'Angleterre sans la petite différence canadienne qui fait la beauté et la puissance de notre peuple.

La province d'Ontario est le centre de ce corps gigantesque qui fonctionne au rythme de ses usines et qui donne à tous ses citoyens et citoyennes venus de toutes les parties du monde le goût de l'aventure canadienne et de participer à l'essor le plus extraordinaire devant permettre un meilleur avenir et un lien plus solide avec les autres parties de ce corps magnifique.

Les provinces des Prairies sont les rotules de notre commerce dans les céréales et les grains de provende, l'élevage des bestiaux et aussi par le pétrole. Les familles de l'Ouest ont la patience des Plaines et la robustesse des Rocheuses et nous donnent la fierté des grands espaces et d'être Canadiens.

La province de la Colombie-Britannique est le plus beau support qu'un corps puisse posséder au pied des Rocheuses. Elle est celle qui actionne les chevilles de l'industrie du bois pour le pays. La beauté du Pacifique renaît dans les citoyennes et les citoyens qui nous redistribuent leur vitalité et leur générosité et qui nous souhaitent la bienvenue comme les beaux rayons de soleil de leur fin d'horizon sur l'océan.

Et maintenant relevé, ce corps fonctionne de toutes ses fibres, de toute sa richesse, de toutes ses langues, et sa chaleur fait vibrer 25,000,000 de Canadiens du nord au sud et de l'est à l'ouest, dans un mouvement de force et d'amour qui nous conduit vers notre destin et la grandeur de notre pays.

Je me refuse à admettre qu'un gouvernement fédéral, peu importe la couleur, puisse parler de référendum et de projet unilatéral de rapatriement quand il s'agit des droits et privilèges de ses citoyens et citoyennes, ne pouvant être négociés ou amendés seulement par les gouvernements provinciaux et fédéral en conférence.

Je suis sûr que vous avez déjà vu le film "Un pont trop loin". Je l'ai vu dernièrement et c'est exactement ce qui se produit avec le premier ministre, M. Trudeau, et les députés libéraux du gouvernement fédéral. Ils sont un gouvernement trop loin ou de trop.

Celui de Londres. Le gouvernement de Londres n'a pas de refus à nous opposer sur la constitution, selon le premier ministre, M.

Trudeau. Il ne peut donc pas nous imposer des accords non désirés ou non approuvés. Il veut seulement nous retourner ce qui est présentement notre constitution. Si le gouvernement fédéral peut aller chercher seul la constitution à Londres, pourquoi faire tout ce tapage de publicité et avoir formé un comité et parler de référendum dans son approche, si tout peut être fait unilatéralement et sans l'accord des gouvernements provinciaux.

Je crois sincèrement que les citoyens canadiens-anglais sont très lucides et très intelligents et qu'ils peuvent comprendre, comme les Canadiens français l'ont fait par le passé, que d'apprendre deux langues maîtresses, c'est plus enrichissant et ça vaut bien les quelques millions qu'il faudrait pour rétablir l'équilibre dans le pays et sortir enfin le choix des langues des débats politiques.

Pour notre pays, il y a une certitude qui est là devant nous. Les gouvernements fédéral ou provinciaux doivent arrêter ces tiraillements et ces jeux d'enfants de la politique afin de donner leur énergie et leur temps à la crise du chômage et de l'inflation et de permettre à l'économie de bondir vers l'avant. Pour moi, il n'y a que la Chambre haute, par la voix des sénateurs, qui a le pouvoir de faire face au gouvernement fédéral et de l'obliger à faire marche arrière sur le rapatriement de la constitution. S'ils ne peuvent le faire par manque de leadership ou par partisanerie, la seule issue est de dissoudre le Sénat et de refaire la Chambre haute avec les filles et les fils de la Confédération élus par le peuple canadien.

Ce que contient le prochain texte, c'est ce que j'avais donné comme solution.

Depuis 50 ans ou 60 ans, les premiers ministres et tous les responsables des gouvernements provinciaux et fédéral se réunissent pour rapatrier ou amender la constitution. Jusqu'à ce jour, les participants n'ont jamais obtenu l'unanimité et la remettent de conférence en conférence. Il y a eu des progrès depuis le commencement et beaucoup d'obstacles aplanis. Je crois que, maintenant, les onze gouvernements, en accord avec leurs responsabilités comme élus, devraient, dans leur Parlement respectif, voter une loi qui permettrait de rapatrier la constitution, mais qui, en même temps, accepterait la formation à Ottawa d'une chambre haute des filles et des fils de la Confédération qui prendrait la relève de la Chambre haute dite des sénateurs.

La formation de cette chambre des filles et des fils de la Confédération se ferait par une élection de six représentants dans chaque province et de six représentants au Canada et en plus d'un représentant pour le Yukon, d'un représentant pour les Territoires du Nord-Ouest, d'un représentant pour les Inuits et de deux représentants

amérindiens pour une période de cinq ans. Le total des représentants serait de 71. Ces représentants seraient mandatés par les Canadiens et payés par leur gouvernement respectif et l'élection ne devrait jamais se faire à la même période que celle d'une élection fédérale ou provinciale. La composition de la chambre des filles et des fils de la Confédération serait d'un président et dix coprésidents qui seraient élus par chacun des onze groupes de six membres élus avec la possibilité de changer le président en rotation à tous les six ou douze mois avec les coprésidents. Le siège de président serait voté par les 60 membres.

Dans la période suivant l'élection, le gouvernement fédéral, après le rapatriement de la constitution, devrait remettre celle-ci à la chambre des filles et des fils de la Confédération qui alors se mettrait à l'oeuvre pour édifier la nouvelle constitution avec les bases de tout ce qui est déjà fait et écrit. Alors, les gouvernements pourraient reprendre le rôle de faire des lois en respectant les Canadiens dans leur nouvelle constitution.

Depuis 300 ans, les premiers arrivants et les premiers habitants amérindiens ont établi la base de ce pays et donnent le meilleur d'eux-mêmes. Plus tard, les Pères de la Confédération ont inscrit dans la constitution les premiers droits et privilèges des Canadiens. Ce don d'eux-mêmes peut être considéré de nos jours comme l'héritage des parents qui donnent leurs propriétés et leurs biens à leurs enfants pour qu'ils améliorent 1 fruit qu'ils reçoivent et, en ce faisant, qu'ils profitent ensemble de tous les bienfaits.

Je crois maintenant que les filles et les fils de la Confédération ont le droit et le devoir de se réunir et d'écrire ensemble mot à mot une nouvelle constitution qui apporterait devant les gouvernements provinciaux et fédéral les droits, les privilèges et les devoirs qu'ils doivent respecter pour que tous les Canadiens, sans exception, puissent vivre d'un bout à l'autre du Canada une ère de progrès, de liberté et d'amour dans leur pays.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Lemire. M. le ministre. CIO h 30)

M. Morin (Louis-Hébert): Merci, M. le Président. M. Lemire, avant que je vous pose une question qui ne portera pas directement sur la solution que vous proposez au problème constitutionnel, je voudrais savoir -je comprends que vous avez été motivé à écrire ce mémoire à la suite de l'expérience que vous relatez au début - quelle est votre occupation courante et quels sont vos intérêts. C'est seulement pour le savoir.

M. Lemire: Je suis employé par le

Pacifique canadien express.

M. Morin (Louis-Hébert): D'accord. Voici ma question: J'écoutais, ces jours-ci, dans l'argumentation, à Ottawa, relative à la défense de ce coup de force, qu'on faisait valoir que le contenu de la proposition fédérale visait entre autres choses à accroître les avantages et à améliorer la situation des francophones en dehors du Québec. Cela fait partie des choses qu'on mentionne régulièrement. Pourtant, on sait que, d'une part, s'il y a un coup de force contre le Québec pour ce qui concerne la politique linguistique du Québec et la loi 101 en particulier, parce qu'un des objectifs de toute cette démarche fédérale, c'est de torpiller la loi 101, en même temps qu'il y a un coup de force contre le Québec, il n'y a pas de coup de force, par exemple, contre l'Ontario pour lui imposer le bilinguisme institutionnel. En plus de cela, dans les clauses qui touchent la langue française et la langue d'enseignement applicable aux francophones en dehors du Québec, il y a l'expression que cela s'appliquera "là où le nombre le justifie", ce qui signifie en pratique qu'il n'y aura pas tellement d'évolution.

Notre conclusion à nous, c'est qu'au fond, ce que va faire cette résolution fédérale, si jamais, par malheur, elle devait s'appliquer, c'est de ne rien accorder concrètement aux francophones en dehors du Québec tout en consolidant la minorité anglophone au Québec. Avez-vous une réflexion à formuler là-dessus? Avez-vous examiné cet aspect du sujet?

Le Président (M. Jolivet): M. Lemire.

M. Lemire: Merci. Je crois que, selon moi, cela représente un des points qui se trouveraient à être couverts en ayant quelqu'un qui soit en dehors du gouvernement, qu'il soit fédéral ou provincial, parce que vous ne pouvez pas sortir quelque chose si vous êtes toujours en contradiction, soit le fédéral contre le provincial ou le provincial contre le fédéral. C'est là que, depuis des années, depuis 1931, il y a des accrochages et que le gouvernement fédéral avance et en reprend tout le temps. Cela veut dire qu'il faut absolument qu'il y ait quelque chose qui puisse dire au gouvernement fédéral: Ce n'est pas correct. Cela ne t'appartient pas.

M. Morin (Louis-Hébert): M. Lemire, justement, vous êtes en train de proposer, par votre suggestion dans votre document, qu'il y ait un organisme, dont vous décrivez d'ailleurs la composition, qui serait utilisé et dont le rôle serait, en somme, d'empêcher que des situations comme celle que nous déplorons maintenant ne se produisent. Or, il

y a quand même des élus de la population au Parlement fédéral. Il y a des sénateurs non élus, mais dont le rôle est de protéger, entre autres choses, les droits des provinces. Or, tous les députés du Québec sont des députés libéraux sauf un et, parmi ces députés libéraux, un seul, Louis Duclos, s'oppose au geste fédéral pour des raisons qui ressemblent aux nôtres. Votre suggestion n'est-elle pas, en somme, à toutes fins utiles, la reconnaissance de l'inutilité pour la défense des intérêts des Québécois de ces députés libéraux du Québec à Ottawa? Je ne vous dis pas que c'est ce que vous avez dit, mais, implicitement, ne marquez-vous pas votre méfiance à l'endroit de ces gens par votre suggestion?

M. Lemire: M. le Président... Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Lemire: ...pas plus de méfiance contre eux que contre le gouvernement quel qu'il soit. Ma méfiance vient du fait que, lorsqu'il y a de la politique mêlée sur un terrain où entrent des droits humains, les droits de la personne, le droit à l'information, toutes ces choses, c'est certain que vous allez avoir des frictions. Vous parlez de gouvernement. Le gouvernement, automatiquement, établit des caucus. Les caucus, normalement, on les respecte. Vous avez un exemple où ce n'est pas respecté, le NPD. Il y a en a déjà quatre qui sont sortis parce qu'il leur a donné la chance de pouvoir exprimer leur opinion. Donnez la même chance aux libéraux et peut-être que, sans le carcan du caucus, il y en aura la moitié qui vont dire: C'est exagéré.

M. Morin (Louis-Hébert): Je vais terminer par un commentaire. En somme, ce que vous dites à propos du comportement des députés libéraux du Québec à Ottawa, c'est que, s'ils n'étaient pas soumis à la règle du caucus, il est possible qu'une partie d'entre eux s'oppose au geste de leur chef. Mais, comme ils sont soumis à ce caucus, le manque de liberté de parole, d'expression et de pensée, à toutes fins utiles, les empêche de correspondre dans leurs gestes à leur conscience. C'est ce que je déduis de ce que vous m'avez dit à cause du fait que la loi... En fait, l'obligation de s'en tenir à la ligne de parti via le caucus doit être respectée.

M. Lemire: Si c'était un vote libre ou si c'était dans le même sens que la question que vous me posez, je suis complètement d'accord avec vous qu'ils sont pris. Mais, à mon sens, quand il s'agit de choses si importantes que cela, je pense qu'il y aurait moyen de se défendre un peu mieux que cela, parce que, sur le nombre qu'ils sont, je pense qu'au moins, s'ils veulent garder le vote, ils pourraient parler. Ils peuvent voter pareil. Cela ne les empêche pas de s'exprimer. On va le voir là, en Chambre, présentement. Là, ils vont tous passer. On va voir ce qu'ils vont nous donner, mais je crois que ça va être le temps de se tenir debout parce qu'ils ne nous montreront rien s'ils ne disent rien, à mon sens.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je n'ai pas de question à ce moment-ci.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Très rapidement, M. le Président. M. Lemire, vous dites qu'actuellement on ne semble pas capable de régler le problème parce que, selon le système parlementaire, soit au niveau des provinces ou au niveau du fédéral, la population est représentée par des députés élus. Vous dites qu'il y a la philosophie de parti qu'il faut respecter, il y a de la politique, politique avec un petit "p", selon ce que vous dites. Ceci veut dire que peut-être, à la suite de pressions qu'on peut retrouver à l'intérieur d'une formation politique, les élus peuvent manquer d'objectivité. Je le vois comme cela, à entendre vos propos.

Comment pourriez-vous régler ce problème avec la proposition que vous faites? Les 71 personnes qui seraient mandatées pour récrire une nouvelle constitution seraient-elles aussi élues à la chambre des fils et des filles de la Confédération, comme vous les appelez? Elles seraient aussi élues, payées par leur gouvernement. Cela changerait quoi? La solution que vous préconisez, qu'est-ce que cela changerait dans le système actuel? Ces gens seront également des élus, identifiés à des formations politiques. Cela va être exactement le même système que nous avons actuellement. Il y a peut-être quelque chose que je ne perçois pas dans vos propos. J'aimerais que vous m'expliquiez comment cela pourrait changer avec votre solution.

Le Président (M. Jolivet): M. Lemire.

M. Lemire: Pour moi, le déclenchement automatique, il y a un mécanisme dans cela qui dit que vous êtes élu dans chacune de vos régions. Je ne sais pas, c'est certain que du côté des élections, vous allez peut-être avoir une attitude de vouloir mélanger, de partance. À mon sens, ils ne seront pas nommés par le gouvernement. Ils vont être élus par chaque province et payés par chaque province. Quand ils vont se ramasser dans le centre, cela ne sera plus du fédéral, cela va

être du Canada, pas pour des lois, pas pour voter sur le bien-être, pour établir la constitution, pour négocier ce que les gouvernements, en faisant de la politique, ne négocient pas. Il n'y a pas le mécanisme qui barre, qui fait la différence. Vous avez des individus qui seraient mandatés pour... N'importe qui pourra être élu sur cela.

Je comprends que vous avez toujours l'idée du politique un peu à l'arrière, mais à mon sens, si vous avez un comité, il devient beaucoup plus impartial si les groupes sont restreints comme cela. Ils deviennent des groupes provinciaux, au départ, mais qui vont devenir une unité vis-à-vis des négociations de la loi. Et là, vous n'aurez pas tout le baggage politique derrière, à chaque instant.

M. Goulet: Une dernière question, M. le Président. Lorsqu'on est élu, que ce soit au niveau d'un conseil municipal, que ce soit au niveau d'un gouvernement provincial, lorsque quelqu'un se présente normalement pour représenter sa population, lorsqu'il se présente devant le peuple, il défend des idées, il défend une philosophie, il défend un programme, il s'identifie à quelque chose. Or, les six personnes qui représenteraient le Québec, ou n'importe quelle des autres provinces, lorsqu'elles se présenteraient devant la population, feraient exactement ce que les députés font actuellement, quels que soient les partis politiques. Elles se présenteraient sous une bannière, sous une étiquette, étant identifiées comme un fédéraliste, un indépendantiste, un souverainiste ou autre. Ces gens-là se présenteraient devant la population avec une idée, avec une philosophie, avec un programme et, une fois rendus à Ottawa, qu'ils soient assis au Sénat, qu'ils soient assis à la Chambre des communes ou à l'Assemblée nationale, ces gens vont défendre les idées qu'ils ont soumises à la population lors d'une élection. Ils vont faire la même chose, il va y avoir les mêmes pressions. C'est parce que si, actuellement, on a des députés, on en a 70 élus démocratiquement qui sont contre, mais qui votent pour, quand même on en baisserait le nombre à 6, qu'est-ce que cela changerait? Ils vont être élus de la même façon, avec les mêmes idées, qu'ils soient des libéraux, des conservateurs ou des membres de n'importe quel parti politique.

Moi, j'aimerais bien essayer de trouver une solution qui changerait le système actuel et qui serait avantageuse, mais ce que vous proposez, d'après moi, donnerait les mêmes résultats que le système actuel. Ne pensez-vous pas? C'est mon opinion, cela ne veut pas dire que vous êtes obligé de la...

Le Président (M. Jolivet): M. Lemire. M. Lemire: M. le Président, c'est parce que là, je crois, c'est certain que, dans votre position, vous allez opter pour le politique. Mais changez votre position, allez vers une négociation. Là, vous êtes vis-à-vis des lois, vous représentez le peuple et vous êtes élu en fonction de cela, à mon point de vue. Mais, si vous êtes élu, non pas pour faire des lois, mais pour vérifier, négocier la constitution, revoir le bien-être des individus, vous allez certainement avoir des comités de chaque gouvernement qui vont pouvoir se présenter, pour dire que ce n'est pas normal. Mais je crois qu'ils vont être indépendants quand il va s'agir du vote. Parce que vous avez le mécanisme qui empêche... Bien entendu, il va falloir que vous arrêtiez de dire: Je suis là, moi, pour voter une loi. Ce ne sera pas une loi qu'il va voter, il va bâtir la constitution. Je crois que c'est là la mentalité de l'individu à ce sujet. Si la mentalité ne change pas, c'est automatique; si vous partez d'une école, que vous vous en allez dans la rue et que vous continuez à enseigner, vous n'êtes pas dans le même genre.

Je dis que, si le mécanisme entre en jeu comme il faut, vous avez des gens qui vont devenir indépendants. Parce que vous pouvez prendre l'exemple d'avoir des constitutionnalistes avec beaucoup de potentiel, qui vont pouvoir se présenter et qui vont avoir quelque chose à donner sur la constitution, pas nécessairement des politiciens. Cela va être quelqu'un qui est capable de donner son potentiel sur les lois, sur l'organisation afin de pouvoir bâtir la constitution.

C'est dans cette optique que je dis que le mécanisme, s'il joue... Au début, il a bien fallu qu'ils s'assoient, les Pères de la Confédération, pour faire la négociation. Ils l'ont faite, ils ont eu un départ. Si vous aviez le même mécanisme, au lieu d'avoir des sénateurs qui sont nommés, vous auriez des gens indépendants qui feraient leur ouvrage parce qu'au bout de cinq ans, il faudrait qu'ils se représentent devant l'électorat. Là, vous enlevez, à mon avis, l'idée politique.

Si vous êtes capables de sortir l'idée politique, il n'y a plus de problème; vous allez avoir des gens compétents et vraiment au service des citoyens et des citoyennes pour leur bien-être, et non du point de vue politique.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jeanne-Mance.

M. Laberge: Merci, M. le Président. M. Lemire, si j'ai bien compris la dernière partie de votre intervention, vous dites que les personnes élues dans chacune des provinces... Évidemment, vous avez mentionné constitutionnalistes, vous impliquez nécessairement qu'il s'agirait de spécialistes.

Est-ce que chaque province pourrait déléguer ou élire ou nommer des qens qui ne seraient pas spécialistes dans le domaine constitutionnel? Cela créerait certainement des difficultés à s'entendre, d'autant plus que la base de la constitution, c'est ce qui permet à chaque homme de gouvernement de faire des lois.

Est-ce bien ce que j'ai compris, dans le sens qu'il faudrait que ce soient des spécialistes dans le domaine constitutionnel?

M. Lemire: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. Lemire.

M. Lemire: Pourquoi, au départ, faut-il qu'ils soient spécialistes? Dans le sens où vous l'entendez, c'est certain que c'est l'idéal. Si vous prenez M. Dion, des professeurs comme celui d'Ottawa, M. Lapointe, qui décident de s'embarquer... Je crois que c'est un gars qui va demeurer indépendant, parce qu'il va aller là en fonction de ce qu'il connaît. Il n'ira pas là en fonction de vouloir prouver qu'il veut embarquer dans les chaussures de tout le monde. Je crois qu'il va demeurer à peu près comme un professeur d'université qui enseigne sa matière et il va dire: Moi, c'est cela; il n'ira pas du côté politique, il peut quand même y en avoir un peu, mais il va demeurer que sa ligne de pensée vis-à-vis de la constitution sera claire et nette. C'est le mécanisme... (10 h 45)

M. Laberge: Je vous remercie. Cela clarifie ce point. Maintenant, il y avait l'autre point qui me revenait à la mémoire en lisant votre document, dans le sens qu'avant de procéder au rapatriement de la constitution tel qu'Ottawa se propose de le faire - il a mis tous les mécanismes en marche depuis le mois d'octobre à cet effet - est-ce qu'il n'aurait pas été préférable d'après vous de prolonger les discussions avec les premiers ministres des provinces, de façon à en venir réellement à une entente avant de procéder au rapatriement, parce que à ce moment on n'aurait pas pu qualifier ce geste de coup de force? Est-ce qu'il était tellement important et tellement pressé qu'on procède au rapatriement du fameux papier plutôt que d'arriver à une entente sur au moins un certain nombre de points où on aurait pu demander une modification à la constitution actuelle, mais les points sur lesquels tous et chacun des gouvernements se seraient entendus, et procéder par la suite? Comment jugez-vous cette façon d'avoir provoqué pratiquement au cours de l'été dernier un affrontement entre les provinces, même si les provinces s'étaient entendues sur un certain nombre de points, six ou sept points apparemment, d'avoir provoqué le bris des négociations pour procéder, du côté d'Ottawa, de façon unilatérale? Qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce qu'il n'aurait pas été mieux de procéder avant?

M. Lemire: Je dis que l'unilatéral, c'est impossible. Il n'est pas besoin de discussion dans ce sens, parce que, si le gouvernement fédéral peut le faire, il n'a pas besoin de faire tout ce qu'il fait. Tout ce qu'il a à faire, c'est de se présenter à Londres et de ramener le papier, si ce n'est que le papier qu'il veut avoir. La question de la négociation, c'est certain qu'il faut que vous négociiez. Il n'y a pas de choix, c'est la seule manière pour faire quelque chose, excepté que cela suit exactement le raisonnement que je vous faisais avant qui dit que le gouvernement, automatiquement, part avec une idée, et le fédéral voulait en venir à ce principe, puisqu'il l'avait planifié. Il s'est rendu jusqu'à la fin, il a débarqué et a dit: Je le ramène seul. C'est pour cela que je dis que le politique amène toujours des coups de force, peut-être de différentes manières, mais il y a toujours quelqu'un qui planifie. C'est normal pour chaque individu. Il planifie quelque chose, et s'il n'y a pas quelqu'un en cours de route qui lui dit: Écoute, tu es rendu trop loin, change ton optique, cela devient un coup de force du gouvernement, que ce soit provincial ou fédéral, cela devient malheureux, parce que tout le monde est embarqué dans une bataille inutile. Vous perdez des énergies. Le gouvernement fédéral perd des énergies, et on se débat avec des problèmes d'inflation qui sont gros comme le parlement.

M. Laberge: Je vous remercie, M. Lemire.

Le Président (M. Jolivet): Je vous remercie, M. Lemire, de votre comparution.

M. Lemire: Merci, M. le Président.

SNQ de la région Richelieu-Saint-Laurent

Le Président (M. Jolivet): J'invite la Société Saint-Jean-Baptiste, du diocèse de Saint-Jean, à s'avancer tout en disant entre-temps que l'Association québécoise pour l'application du droit à l'exemption de l'enseignement religieux est arrivée et que l'Organisation des jeunes indépendantistes pour un Québec communautaire, nous avons corrigé l'erreur, est représentée par M. José Roy et Jean Baillargeon qui étaient ici présents au moment de leur appel tout à l'heure. Je demanderais à M. Hyacinthe Auger de se présenter et de présenter la personne qui l'accompagne.

M. Auger (Hyacinthe): Je vous présente M. Raymond Bréard qui est le directeur général de la société. Je peux peut-être

aussi vous dire que, depuis un an déjà, la Société Saint-Jean-Baptiste du diocèse de Saint-Jean est devenue la Société nationale des Québécois de la région Richelieu-Saint-Laurent.

L'histoire du peuple québécois est l'histoire d'une volonté collective d'affirmer et de cultiver la vie française en Amérique. Dans la foulée des fondateurs, la Société Saint-Jean-Baptiste du diocèse de Saint-Jean, aujourd'hui Société nationale des Québécois, fondée en 1951, continue d'être une société vouée aux intérêts nationaux des Québécois. Notre SNQ participe intimement à l'évolution du Québec français et contribue à l'orientation de cette évolution par ses oeuvres, ses interventions et ses réalisations.

À la mesure du Québec des années quatre-vingt, la culture française du Québec dépasse le cadre de l'expression artistique pour atteindre le quotidien de la vie politique, de la vie économique, sociale et éducative. La SNQ Richelieu-Saint-Laurent demeure une société stable qui renouvelle son engagement au service de notre pays français au-dessus de la partisanerie politique. Affiliée au Mouvement national des Québécois et au Mouvement Québec français, nous n'entendons pas réitérer dans la présente intervention les déclarations auxquelles nous avons déjà souscrit. Cependant, nous jugeons opportun d'affirmer distinctement dans le contexte certains points de notre argumentation contre le coup de force du gouvernement fédéral. Aujourd'hui, ce dont le Québec a vraiment besoin, c'est d'un contrat politique avec ses partenaires économiques canadiens qui sache répondre aux aspirations particulières de son intégrité culturelle et d'une constitution qui sache traduire, en termes explicites, la dualité culturelle de l'ensemble canadien. En fait, quel que soit le type de contrat, le Québec doit être et demeurer une nation souveraine.

Par ce coup de force, le gouvernement fédéral démontre qu'il n'a pas l'intention véritable d'engager l'élaboration d'une constitution conforme à cette perspective, mais qu'il tente d'imposer, par une subtile manoeuvre, la foi des Canadiens dans une première constitution à partir d'un vieux texte dépassé, mais qui répond encore aux intérêts vitaux d'une des parties contractantes. Par un simple rapatriement, le gouvernement veut nous faire adopter une constitution.

En termes juridiques et aussi, peut-être, au plan de l'éthique, le Parlement fédéral n'a pas la compétence légale de modifier un contrat signé entre deux peuples et qui régit les niveaux d'intervention des deux paliers de gouvernement issus de la loi constitutionnelle de 1867. Les députés fédéraux sont élus pour administrer les compétences déléguées au gouvernement fédéral et ils ne peuvent tirer de leur élection le mandat de briser unilatéralement une impasse politique.

Au surplus, la défaite référendaire incombe aux promesses littérales de ceux qui, aujourd'hui, nous ont trahis. Si le mot est fort, on pourrait peut-être parler de ceux qui sont coupables d'un abus d'interprétation du résultat du 20 mai. Lors de ce choix, les Québécois n'ont jamais renoncé au Québec en choisissant de poursuivre l'expérience canadienne. Au contraire, ils ont cru aux promesses d'épanouissement du Québec dans un Canada renouvelé. Aujourd'hui comme hier, le Québec est et demeure un choix indiscutable et non négociable. Enfin, en termes de stratégie conjoncturelle au seul Parlement légitime des Québécois, notre société recommande de répondre à ce geste unilatéral par un geste interlocutoire de solidarité collective en réaffirmant le droit à l'autodétermination du Québec et en le faisant reconnaître au préalable dans tout préambule d'une constitution canadienne imposée. Si le 20 mai dernier les Québécois n'ont pas formulé clairement le choix d'un pays, ce n'est pas aujourd'hui qu'ils vont s'en laisser imposer un, surtout unilatéralement. D'autre part, qu'il nous soit permis d'ajouter que le Québec n'acceptera jamais, même dans la précipitation d'un geste unilatéral, une formule d'amendement tronquée qui enlèverait le caractère souverain et associé du Québec.

En conclusion, le projet Trudeau - vous me permettrez de sortir un peu de mon texte - est inacceptable pour trois raisons. D'abord, parce qu'il nous impose le choix d'un pays; deuxièmement, il nous oblige, par le fait même, à renoncer à notre liberté de choix par les voies démocratiques; troisièmement, il menace l'égalité des Canadiens devant la loi parce que l'article 133 du projet ne s'appliquerait qu'au Québec et au Manitoba. Pour ces raisons, nous devons nous opposer à ce projet et l'Assemblée nationale unanimement doit exiger comme un minimum le droit à l'autodétermination du Québec.

En tant que Québécois, veuillez agréer, M. le Président et messieurs les députés, l'expression de nos sentiments les plus sincères, de nos espoirs les plus légitimes et de notre attitude la plus québécoise.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert}: Merci. À partir de votre mémoire, je voudrais faire une sorte de commentaire et vous poser une question. Au mois de mai dernier, à moins que tous les Québécois, à l'époque, n'aient été endormis ou n'aient été pris d'une sorte d'oubli collectif, on va se rappeler qu'il y a eu des promesses qui ont été faites aux Québécois, qu'un non au référendum voulait

dire un oui au fédéralisme renouvelé. Cela a été, au fond, je dirais, l'argument majeur des tenants du non, qu'ils avaient parfaitement le droit de faire valoir, et c'est un fait que la question pouvait se poser dans ces termes-là. Sauf que ce non qui devait être un oui au fédéralisme renouvelé, on s'en est rendu compte au cours de l'été est devenu par la suite tout à fait autre chose. Il y a eu des négociations tronquées cet été, il y a eu de la manipulation des provinces; enfin, je ne reviens pas là-dessus. Cela a été visible et tout le monde en a eu connaissance, surtout à l'occasion de la conférence fédérale-provinciale des premiers ministres, télévisée au mois de septembre. Donc, des promesses faites au mois de mai.

Quand M. MacGuigan et M. Roberts, deux ministres fédéraux, sont allés à Londres tout de suite avant ou tout de suite après -je ne me souviens pas exactement - l'annonce du coup de force à Ottawa, ils ont dit aux Britanniques qu'ils devaient agir de la sorte pour correspondre aux promesses qui avaient été faites aux Québécois pendant le référendum. Ils ont aussi ajouté que c'était pour correspondre au mandat électoral reçu en février 1980, il y a un an.

Je rappelle, à cet égard, qu'en février 1980 personne n'avait parlé de constitution. C'était même le sujet que les libéraux fédéraux évitaient à dessein. Je rappelle aussi qu'il n'y a personne, à aucun moment -et ce matin, dans l'éditorial de la Presse que je n'ai pas devant moi, Marcel Adam est du même avis - lors du référendum, dans les promesses qui ont été faites, qui a dit que cela voulait dire un rapatriement unilatéral, une formule d'amendement. Les Québécois n'ont pas voté non pour avoir une formule d'amendement. Il y a quand même eu des promesses qui ont été faites et qui ont été comprises par une portion de la population comme signifiant au moins une chose: ce serait une augmentation des pouvoirs du Québec. Autrement, on est dans l'absurdité totale.

La semaine dernière, le député de Saint-Laurent, qui a droit lui aussi à son opinion, nous disait qu'il n'y a pas eu de promesse de faite aux tenants du non et s'il y en a eu, c'étaient des promesses très vagues, sans substance. Pourtant, hier, ou avant-hier, à Ottawa, M. Chrétien disait encore une fois qu'ils doivent agir comme ils le font, les libéraux fédéraux, pour correspondre aux promesses faites aux Québécois pendant le référendum. On est dans l'absurdité totale. Je pourrais, si je le voulais, faire l'historique de ces promesses inexistantes ou de ces non-promesses existantes. Je pourrais, à ce moment, utiliser toute une documentation que j'ai, avec des citations très précises et l'endroit où les citations ont été prononcées par tel ou tel politicien. Je ne veux pas faire cela ce matin, mais il y a une chose - première constatation - il y a quelqu'un qui s'est fait avoir quelque part. Par conséquent, les gens qui avaient laissé entendre, qui avaient au moins laissé entendre, en tout cas, pris toutes les précautions pour que les Québécois comprennent que leurs promesses voulaient dire un fédéralisme renouvelé avaient l'occasion pendant l'été dernier, à la suite des négociations intensives qui ont eu lieu, de démontrer qu'ils voulaient vraiment un fédéralisme renouvelé.

Je vais vous dire, je vais vous faire un aveu. Je n'ai pas tendance naturellement à croire les déclarations enflammées qui peuvent survenir à des moments où la chaleur des débats, n'importe, peut faire que quelqu'un dépasse sa pensée dans le domaine politique. Cela arrive, des fois. Il faut faire la part des choses. C'est normal. Les politiciens sont des êtres humains. Sauf que tout le contexte de mai dernier a fait comprendre à tout le monde qu'un non voudrait dire un oui au fédéralisme renouvelé. Ils auraient pu le faire, le fédéralisme renouvelé; en tout cas, le proposer, l'été dernier. Cela n'a pas été proposé. Pire que ça, on arrive à la situation où on se trouve devant un coup de force dont la motivation, je ne dirais pas la motivation essentielle, mais une des plus grandes motivations, c'est de torpiller la loi 101 sans accorder d'avantages aux francophones hors Québec. Cela veut donc dire qu'à Ottawa - c'est ma conclusion - le fédéralisme renouvelé, ils n'y croient pas. De deux choses l'une: ou ils y croient, ou ils n'y croient pas. Il faut faire des raisonnements, des fois. S'ils y croient, s'ils y croyaient, ils l'auraient démontré l'été dernier. Comme ils n'y croient pas, c'est pour ça qu'on arrive à la situation dans laquelle on se trouve maintenant.

J'ai rencontré des gens de l'Alberta lundi dernier, à la commission parlementaire qui s'occupe de questions constitutionnelles, et Claude Charron, mon collègue, est allé en Alberta, il y a une dizaine de jours, et des gens nous disent là-bas: On ne comprend plus rien. Les politiciens fédéraux disent ici qu'ils agissent comme cela pour répondre à ce que vous, les Québécois, demandez. Je n'ai pas besoin de vous dire qu'on fait des mises au point! On est en train de manipuler non seulement la population, mais les résultats du référendum. Il y a un détournement de référendum.

Dans cette perspective, étant donné -et là on peut se disputer avec moi quant à ma conclusion - je conclus qu'à Ottawa, ils ne veulent pas de fédéralisme renouvelé. Ils auraient pu le faire. Est-ce que, dans cette perspective, vous, qui avez présenté le mémoire que vous venez de lire, avez, vous aussi, le sentiment que je viens d'exprimer? Je vous demande de me répondre très

franchement si vous variez d'opinion avec moi.

(11 heures)

Je suis perturbé par cette absurdité dans laquelle on nous a enfermés quand un non voulait dire un oui et cela veut dire autre chose après, mais cela n'a pas voulu dire ce qu'on a pensé que cela signifiait à l'époque. On ne comprend plus rien. Dans l'ancien camp du non, actuellement, il y a des divergences quant à la signification de ce fameux non. Ottawa se sert de cela maintenant. Je pense que ce sont eux, à Ottawa, qui sont de mauvaise foi là-dedans. Ils s'en servent pour réaliser aujourd'hui ce dont ils ont toujours rêvé: un coup de force qui, d'abord, va assurer pour toujours la prédominance fédérale sur les provinces et sur le Québec en particulier; deuxièmement, qui va mettre le Québec à sa place une fois pour toutes dans des constructions juridiques complexes; troisièmement, qui va empêcher le Québec de promouvoir et de défendre le français comme il le veut. C'est cela qui se passe actuellement. C'est un vieux rêve fédéral - on l'a essayé d'une autre façon dans la Charte de Victoria, en 1971, conférence à laquelle j'assistais - qu'on essaie de réaliser maintenant et cela soulève, bien sûr, l'opposition.

Est-ce que vous, l'analyse un peu complexe que je viens de faire, mais au fond simple quant à ses conclusions, vous la partagez?

M. Auger: M. le Président, je suis de votre avis qu'on a dit un non qui voulait dire un oui au renouvellement du Canada. Je pense aussi qu'on avait une Confédération, en 1967, au moment du centenaire, qu'on a maintenant une fédération et que, dans le jeu des mots, on a confondu tout le monde. Là-dessus, je suis parfaitement de votre avis.

Cependant, l'abus sera certainement un jour répréhensible et sera certainement réprimandé aussi. J'en suis confiant.

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Bréard (Raymond): J'ajouterais, M. le Président, que les conclusions auxquelles arrive M. Morin, le ministre, sont essentiellement, en quelques mots, les trois conclusions dégagées pour lesquelles il fallait s'opposer au coup de force du gouvernement fédéral. Le grand problème du débat actuellement, c'est que les libéraux admettent qu'ils n'ont pas fait de promesse le 20 mai.

Or, la grande erreur aurait été de croire aux promesses des libéraux. Il fallait bien admettre qu'on ne tient jamais des promesses de ce côté-là. Qu'ils viennent nous dire aujourd'hui qu'ils n'ont pas fait de promesse, je suis d'emblée d'accord avec eux parce que, quand ils promettent quelque chose, ils ne tiennent jamais parole. Il n'ont donc pas fait de promesse; ils ont dit exactement une chose: Le Canada devait se renouveler, conformément aux aspirations des Québécois, aux aspirations légitimes et traditionnelles des Québécois. Cela prend un niveau d'intervention du gouvernement fédéral, parce que le Parlement canadien, c'est une émanation des provinces et de leurs intérêts. Le pacte canadien qui se fait avec des Québécois, des Terre-Neuviens, des Ontariens ou des Albertains doit avoir un consensus, à un moment donné, pour donner un résultat qui soit canadien.

Je pensais, lorsque Pierre Elliott Trudeau est arrivé au pouvoir, en 1968, qu'il allait intervenir avec sa force, sa capacité pour faire infléchir les intérêts très régionalistes des autres provinces pour en arriver à un consensus et exprimer, au niveau de leur partie du pays, les aspirations légitimes des Québécois.

Je pense que, depuis le 20 mai, il se sert de cela non pas pour défendre les intérêts des Québécois, mais il se sert de ce que l'Ontario peut représenter comme force électorale pour servir ses intérêts du Canada. Je pense que M. Davis a toujours fait une équation très claire: Ce qui est bon l'Ontario est bon pour le Canada. Je dis: Si ce qui est bon pour l'Ontario est bon pour le Canada, ce qui est bon pour le Québec n'est pas nécessairement bon pour le Canada ou l'inverse.

Je reprends essentiellement vos conclusions en disant que la grande variable du débat actuellement, c'est la perception que se font des individus des promesses faites par ceux qui ont aujourd'hui le pouvoir d'intervenir dans le débat et, le premier, c'est le gouvernement canadien et ceux qui le soutiennent en région.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. Je suis bien heureux que, par ses commentaires, le ministre des Affaires intergouvernementales nous donne l'occasion de discourir davantage sur toute cette question qui a déjà fait l'objet d'un débat, si l'on peut dire, la semaine dernière et qui, je pense, mérite d'être élucidée d'une façon bien différente entre nous que ce à quoi on vient d'assister, où un groupe qui donne la réplique au ministre, évidemment, manifeste, dès le départ, par son argumentation et par les insinuations proprement partisanes dont est assorti son mémoire.

L'opération à laquelle on assiste dans le moment en commission parlementaire n'a pas le but que le gouvernement prétend, mais je mettrai cela de côté. Il est clair que cette mise en scène n'échappe à personne. Il reste cependant que la question est posée dans une

certaine mesure par les affirmations du groupe qui est devant nous et le long commentaire du ministre. Cette question des engagements qui ont ou n'ont pas été pris au moment du référendum appelle les trois commentaires suivants de ma part, M. le Président. Le premier commentaire vise à rappeler un événement dont tout le monde se souvient et qui n'est quand même pas si lointain qu'il soit devenu perdu dans les brumes du passé. C'est la publication en janvier 1980 de la position constitutionnelle du Parti libéral du Québec, position qui a fait l'objet d'un examen lors d'un congrès réunissant plusieurs milliers de personnes à Montréal au début de mars 1980, donc, il y a moins d'un an.

Que faut-il retenir de cet événement? II faut retenir, à mon avis, les éléments suivants: en mars 1980, le projet que constituait le livre beige était le seul projet exprimé par quelque groupe que ce soit qui traçait un plan d'ensemble du renouvellement du fédéralisme. Aucun groupe politique au Canada - et cela vaut même pour les partis politiques fédéraux - n'avait exprimé un plan d'ensemble de ce que pourrait être le fédéralisme renouvelé. D'autre part, on se souvient qu'à la même époque, par des déclarations publiques nombreuses, le Parti libéral du Québec a indiqué qu'il n'était pas question que les propositions essentielles de ce livre beige fassent partie de sa campagne référendaire. D'ailleurs, je me souviens très bien que le ministre des Affaires intergouvernementales nous a pris à partie à l'époque pour ne pas faire de ce projet de renouvellement du fédéralisme un élément de la campagne référendaire. Il a d'ailleurs essayé de le faire en faisant porter une partie de ses interventions sur le contenu de ce document, mais nous avons dit à travers toutes ces semaines et tous ces mois de l'exercice préréférendaire et référendaire qu'il n'était pas question pour nous de débattre cela, il n'était pas question d'exiger de nos partenaires qu'ils acceptent, a priori, de cautionner, de souscrire à ces propositions comme condition pour faire partie de cet organisme chapeau qui nous était imposé par le gouvernement par la loi 92, que le débat porterait sur une question plus vaste, plus générale, c'est-à-dire si oui ou non les Québécois voulaient maintenir leur lien avec le Canada. Étant donné qu'on nous imposait par la loi de faire une campagne en commun avec des groupes politiques très différents de nous, il n'était pas possible, il n'était pas raisonnable de leur demander de souscrire à un programme précis de réforme constitutionnelle. Nous aurions bien aimé le faire. Personnellement, j'étais déçu que la loi nous impose ce carcan, mais ce n'était pas voulu par nous et il était inévitable, si l'on voulait se conformer à la loi avec un minimum de bon sens, de dire: Nous allons faire le débat sur le plus petit commun dénominateur. C'est ça. C'est le gouvernement lui-même qui l'a voulu par sa loi 92. Je le regrettais parce que j'ai moi-même participé aux travaux qui ont précédé la publication du livre beige et j'avais en quelque sorte un investissement personnel que j'aurais bien voulu valoriser à l'occasion de la campagne référendaire. Malheureusement, le gouvernement, par sa stratégie référendaire, par sa loi référendaire, nous a empêchés de prendre les engagements que, normalement, nous aurions dû effectivement prendre. Non seulement avons-nous dit cela, mais, dans la position commune qui était consignée dans le document que le gouvernement lui-même, en vertu de la loi référendaire, a imposé de distribuer à tous les électeurs avant le référendum, nous avons pris une position très neutre relativement à des engagements de réforme du fédéralisme pour les mêmes raisons. On pourra à nouveau consulter ce texte - j'imagine que plusieurs l'ont conservé - et on constatera qu'il n'y a pas là-dedans et qu'il ne pouvait pas y avoir, encore une fois, pour des raisons indépendantes de notre volonté, un engagement précis de réaliser les objectifs définis dans le livre beige. Il est clair que ces objectifs sont toujours les nôtres en tant que parti politique provincial. Mais en tant qu'adhérents au comité du non, il n'en était pas question et on ne peut pas réinterpréter l'histoire différemment de ce qu'elle a été au moment où on a vécu ces événements. Ils sont encore suffisamment récents.

Le deuxième point, M. le Président, consiste à attirer l'attention sur le débat qui a entouré la formulation de la question référendaire. On se souvient que le Parti libéral du Québec, à ce moment-là, a suggéré, par la voix de son chef, de distinguer deux niveaux de question. Ce n'était pas simplement pour occuper le temps de l'Assemblée nationale que cette suggestion a été faite. Nous avons dit: Messieurs du gouvernement, faites une question à deux volets, le premier volet portant sur la question fondamentale du choix pour l'indépendance ou la souveraineté - mais je pense que ces termes, dans l'esprit de tout le monde, signifient la même chose - oui ou non, est-ce que vous êtes en faveur de la souveraineté ou de l'indépendance du Québec? Et si la réponse est oui, une deuxième question demandant aux électeurs du Québec: Êtes-vous, oui ou non, en faveur que le gouvernement assume le mandat de négocier la souveraineté dans le cadre d'une association économique, etc.? C'était exactement la suggestion que nous avons faite et qui eût permis, si elle eût été formulée de cette façon, de distinguer très clairement les deux niveaux de décision.

On a préféré, du côté gouvernemental, pour des raisons qui sont les leurs, une seule

question qui voulait dire à peu près n'importe quoi, selon les publics. Devant certains auditoires, on parlait d'indépendance; devant d'autres, on parlait de fédéralisme renouvelé. Et tout cela devait se faire sous le parapluie, d'une certaine façon, d'un mandat de négocier un régime qui combinait les avantages à la fois de la séparation et du fédéralisme. C'est un rêve qui a explosé dans la face de ceux qui l'ont conçu, mais il demeure qu'il y avait une confusion dont on se souvient très bien. On ne savait pas exactement s'il s'agissait de simple mandat de négociation ou si on irait jusqu'à approuver ce qui faisait l'objet de cette négociation à venir. Les interprétations variaient selon les interlocuteurs, même du côté du gouvernement. Après le référendum, le premier ministre a dit: II semble bien qu'en dépit de la formulation de la question les électeurs du Québec ont déjà voté pour le deuxième référendum. Vous vous souvenez qu'il a été question à un moment donné d'un deuxième référendum qui, lui, porterait sur la question de fond. Le premier ministre a dit: II semble bien que les électeurs du Québec ont anticipé ce deuxième référendum et se sont déjà exprimés sur le fond. Il admettait par là qu'essentiellement c'est l'adhésion du Québec au Canada qui a fait l'objet du choix des Québécois, le problème essentiellement fondamental à toute autre démarche.

C'est tout à fait compatible, cette interprétation du premier ministre dans les semaines ou les jours qui ont suivi le référendum, avec l'interprétation que j'ai faite ici la semaine dernière, à savoir que c'était cette question fondamentale, qui aurait dû faire l'objet du deuxième référendum selon la stratégie de l'étapisme, qui a effectivement été tranchée le 20 mai. C'est un choix qui n'est pas conditionnel dans cette mesure; c'est un choix de fond, c'est un choix de pays, contrairement à ce qu'on affirme dans ce mémoire. C'est le choix d'un pays.

Maintenant, y a-t-il eu ou n'y a-t-il pas eu, en dehors de cela, officieusement, de la part de porte-parole de certains groupements politiques et, en particulier, de la part de porte-parole du gouvernement fédéral, des engagements de quelque nature? Il est bien évident qu'il y en a eu. Il y en a eu un en particulier de la part du premier ministre du Canada. Mais tout le monde savait à l'époque - parce que tout le monde avait une argumentation qui s'était développée au cours des mois, avait le texte de la position officielle du camp du non - que cette affirmation se situait au-delà de ce qui était officiellement la position commune. C'était une affirmation qui, en plus d'être en marge de la position commune, était remarquable par son imprécision.

Il est de fait que, depuis le mois de mai 1980, certains porte-parole du gouvernement fédéral, à ce qu'on nous a dit - on ne l'a pas fait en ma présence -prétendent que ce qu'ils font par cette loi ou cette adresse conjointe visant à modifier la constitution, c'est pour exécuter des engagements qu'ils auraient pris. Il est fort possible que ce soient des engagements qu'eux ont pris. Ce ne sont pas des engagements qu'ils ont pris comme membres du comité du non parce que, encore une fois, il ne comportait pas, ce comité du non, d'engagements précis de quelque nature que ce soit. (11 h 15)

À plus forte raison ne comprenait-il pas des engagements imprécis, puisqu'il est assez difficile de concevoir qu'un regroupement du Parti conservateur, du NPD, du Parti libéral, tous des partis fédéraux, et sur la scène provinciale des groupes que l'on connaît se soient entendus pour s'engager sans dire sur quoi ils s'engageaient. Cela tombe donc sous le sens que, s'il y a eu des engagements vagues, ils ne pouvaient être présents ou davantage précis que dans l'esprit d'un certain nombre de personnes. Et, nous contestons, M. le Président, le plus fortement possible la notion selon laquelle l'adresse conjointe et le projet de rapatriement de la constitution, avec tous les éléments qu'il comporte et, particulièrement, étant donné son caractère unilatéral, représentent l'exécution d'un engagement quelconque du comité du non. C'est absolument faux. Nous l'avons dit à tous ceux qui nous ont directement posé la question.

Je termine là-dessus, M. le Président. Ce qu'il faut retenir de tout cela, c'est qu'après le 20 mai et devant la décision du gouvernement du Québec de ne pas provoquer d'élections générales - ce qui eut été logique dans les circonstances - devant la décision également du Parti québécois de maintenir son engagement envers la souveraineté, la cible était décidément trop belle pour un gouvernement central qui a les objectifs que l'on connaît, depuis toujours, elle était irrésistible. C'est le Parti québécois, le gouvernement qui a attiré sur lui-même et sur le Québec une initiative qui pousse l'ensemble du Canada et le Québec lui-même, bien entendu, dans une situation regrettable. Mais je vois mal un membre du gouvernement, qui est solidaire de cette décision de prolonger l'impasse, de prolonger l'ambiguïté au niveau du gouvernement, de s'offrir en cible si tentante à toutes les tentatives de putsch et de coup de force, venir s'en plaindre maintenant et venir dire que si on le viole, c'est parce qu'il y a de méchantes personnes qui ne peuvent résister à la tentation qu'il a lui même créée.

Si le gouvernement du Québec et le Québec lui-même se sentent violés par la

façon dont la constitution est en train d'être modifiée, il faut bien dire que, dans ce cas, on est en face d'un viol avec un demi-consentement, parce que l'occasion qui a été créée par le désir de se maintenir au pouvoir était, encore une fois, une tentation irrésistible pour un gouvernement central. Le premier ministre, le ministre des Affaires intergouvernementales auraient dû s'en douter et ils auraient dû mettre en avant les intérêts du Québec, plutôt que les intérêts de leur propre parti.

M. le Président, j'ai bien des questions qui se dégagent de cela, mais peut-être que la seule qui est véritablement pertinente dans tout ceci, c'est de demander à nos invités si, quand ils parlent des promesses littérales - enfin, je ne sais pas ce qu'on veut dire par "promesses littérales" - de ceux qui nous ont trahis, ils visent essentiellement cette déclaration du premier ministre fédéral au moment de la campagne électorale ou s'ils ont à l'idée des choses beaucoup plus précises qu'ils pourraient citer?

Le Président (M. Jolivet): À vous, messieurs.

M. Morin (Louis-Hébert): Si vous avez une réponse, tout à l'heure, j'aurai un commentaire supplémentaire. Je pense que cela va être intéressant.

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le ministre.

M. Auger: Est-ce à mon tour?

Le Président (M. Jolivet): Oui, c'est à votre tour.

M. Auger: Je voudrais d'abord dire que notre intervention est loin d'être partisane. Au contraire, elle reconnaît la décision du 20 mai des Québécois qui n'étaient pas tout à fait prêts à se donner un pays, mais qui n'ont pas renoncé non plus au Québec dans le Canada et au choix d'un fédéralisme extrêmement centralisateur. Tout ce qu'on souhaite, c'est que nos droits acquis de Canadiens français ne soient jamais amoindris d'aucune façon.

Quant aux promesses dont il est fait mention, c'est tout simplement l'engagement à renouveler un cadre constitutionnel, mais dans le respect de ce qui s'est déjà fait, puis dans le respect de ce qui est présent. Ce n'est pas cela qui se passe dans le moment. On laisse tomber la tradition nationaliste, on laisse tomber la tradition de deux pays fondateurs - parce que c'est toujours le gros mot qu'on emploie - de deux pays égaux. On laisse tomber la tradition de deux pays égaux, de deux cultures à épanouir pour y aller dans un pays centralisé. Or, je pense que c'était l'engagement de le faire dans le cadre habituel, dans le cadre traditionnel. C'est ce qu'on ne fait pas.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bellechasse.

M. Bréard: Est-ce que je pourrais ajouter quelque chose au sujet de l'intervention du député de Saint-Laurent?

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Bréard: Concernant son interprétation de ce que nous avons écrit dans le mémoire, je pense qu'il y a une confusion qui tient du fait que, lorsqu'on appuie quelqu'un dans sa démarche, l'on doit essentiellement partager ce qu'il dit. Je pense que le regroupement du non, durant la campagne référendaire, a regroupé le chef libéral fédéral qui, évidemment, parlait peut-être en son nom propre ou en sa qualité de chef du Parti libéral fédéral, mais qui a quand même pris des engagements en son nom et qui devait être cautionné ou appuyé par les gens qui partageaient sa tribune ou qui étaient assis à côté de lui, au forum ou ailleurs, pendant la campagne référendaire.

La grande ambiguïté vient du fait que le Parti libéral du Québec a clairement exprimé, par la voix de M. Forget, que le livre beige ou ses propositions constitutionnelles n'ont pa3 fait référence à la campagne référendaire. Je suis parfaitement du même avis. Je pense qu'il n'y a personne pendant la campagne référendaire qui a pris des engagements précis, mais il y en a un qui a dit textuellement qu'il s'engageait à respecter les aspirations légitimes du Québec et que ce n'est pas dans l'indépendance que cela va se réaliser, mais c'est dans le Canada. Il mettait sa tête sur le billot lors de la campagne électorale qui a suivi, mais il a quand même ajouté la notion que ces droits individuels - on se rappelle du grand thème des droits individuels - il a fini par ajouter, après douze ans de pouvoir, la notion de droit collectif. Cela devait quand même finir par s'exprimer par un cadre qui était collectif et qui respectait la constitution du Québec ou ce qu'il représentait.

Je pense qu'il y a deux niveaux. M. Forget défend la position du Parti libéral du Québec et il se défend de dire que, s'il y a d'autres personnes dans le camp du non qui ont pris des engagements, cela regarde le comité du non. Vous avez aussi exprimé le fait que le Parti québécois et le gouvernement qui en est directement issu est à l'origine de la crise constitutionnelle. Je pense évidemment que le Parti québécois et les Québécois en général ont toujours assumé un leadership au niveau de la défense des droits des provinces à l'intérieur du Canada,

mais qu'aujourd'hui, on ne peut pas vraiment taxer le Parti québécois d'être à l'oriqine de la crise canadienne, parce qu'on a toujours considéré les Québécois comme des sempiternelles questionneurs, des quémandeurs, qui n'avaient pas de crédibilité. Cela change de sens quand il y a une province qui est Terre-Neuve, quand il y a un premier ministre qui est conservateur en Alberta, quand il y a un premier ministre qui s'appelle Bennett en Colombie-Britannique, et un autre qui s'appelle Lyon au Manitoba, ou d'autres en Saskatchewan qui partagent la même objection que celle du Parti québécois, au nom de tous les Québécois et d'une partie des Canadiens.

Je pense que le Parti québécois a été un acteur important au niveau du gouvernement du Québec dans la crise, mais qu'aujourd'hui, on ne peut pas accuser le gouvernement du Québec d'être le seul responsable de la crise canadienne. Il est peut-être celui qui se comporte avec le plus de cohérence, avec le plus d'affirmation, mais il n'est sûrement pas le seul responsable. Je dis que la promesse qui a été faite le 20 mai ou dans les semaines précédentes par le premier ministre Trudeau - vous étiez d'ailleurs sur la même tribune assez souvent - a été faite dans le cadre du comité du non, mais, si vous n'étiez pas d'accord avec ces engagements, c'est à ce moment qu'il fallait le dire. Je suis bien content de dire une chose, c'est qu'on n'a pas discuté le 20 mai dernier des perspectives de renouvellement du fédéralisme canadien. On ne doit pas tirer de l'élection du 18 février le mandat de modifier la constitution, parce que, si on n'en a pas parlé, on n'a pas le droit de dire aujourd'hui qu'on en a parlé et qu'on a le mandat de le faire.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Juste deux remarques, M. le Président. Tout à l'heure, le député de Saint-Laurent a fait une évocation historique, mais il a oublié un seul fait. Dans son évocation historique, il a dit que c'est parce qu'il n'y a pas eu d'élection au Québec qu'en somme est arrivé le cpup de force fédéral. Je voudrais simplement lui dire que le référendum a eu lieu le 20 mai, le résultat a été connu à 21 heures à peu près, et le lendemain, à 12 h 20, le 21 mai, M. Chrétien appelait à mon bureau pour commencer tout de suite la ronde de négociations que vous connaissez, qui s'est produite l'été dernier. Par conséquent, cela n'a rien à voir avec l'absence ou la présence d'élection. C'était une démarche qui s'est faite immédiatement après le référendum et, par conséquent, ce n'est pas venu parce qu'il n'y a pas eu d'élections. De toute façon, vous demandez un peu moins d'élections maintenant que vous en demandiez aux mois d'octobre et novembre derniers et je me demande pourquoi.

Deuxièmement, il y a une chose importante qui vient d'être dite et que je vais déduire du commentaire du député de Saint-Laurent. Ce qu'il a dit à la suite de ce que l'intervenant vient de dire, c'est, au fond, ce qu'Ottawa est en train de faire maintenant, c'est sa responsabilité et cela n'est pas conforme à ce que le non aurait voulu dire. C'est ce que j'ai compris. C'est quelque chose qui est une interprétation qu'Ottawa fait du résultat référendaire qui, selon le député de Saint-Laurent, n'est que la responsabilité fédérale et, par conséquent, j'en déduis qu'elle n'est pas conforme à son opinion à lui. Très bien. Je suppose aussi que le député de Saint-Laurent veut le fédéralisme renouvelé. Il nous a même parlé du livre beige sauf qu'actuellement je pense que, de ce livre beige, il en est assez peu question.

Mais ce que je retiens - il faut quand même être logique dans cela - c'est ce que son intervention veut dire. C'est qu'à Ottawa actuellement, tant qu'ils seront là et surtout à cause de leur comportement et de leur geste, cette équipe, ce groupe ne veut pas renouveler le fédéralisme, ne veut pas de fédéralisme renouvelé. Si ce groupe ne veut pas de fédéralisme renouvelé, on peut présumer qu'ils n'en voudront pas tant qu'ils seront là - cela peut prendre un certain temps, l'élection a eu lieu il y a un an; ils ont un mandat normal de cinq ans - cela signifie donc que, dans l'immédiat, le choix qui s'impose aux Québécois, ce n'est pas de chercher qui peut le mieux actuellement renouveler le fédéralisme puisqu'il n'en est pas question et c'est un objectif qui est rejeté par les fédéraux. Il s'agit donc plutôt de choisir non pas qui peut mieux renouveler le fédéralisme, question vide présentement, mais de choisir qui est le plus fiable économiquement, socialement, culturellement pour défendre et promouvoir les droits et les intérêts des Québécois.

La vieille question de savoir qui peut mieux renouveler le fédéralisme est une question qui est maintenant vide à cause du comportement de vos alliés du 20 mai dernier. Ce sont eux-mêmes qui nous disent, par leur geste, par leur détournement de référendum, par leur duplicité, par leur manipulation de l'été dernier, par leur tordage de bras - une province va s'ajouter aujourd'hui vraisemblablement au groupe des six qui refusent - et qui nous démontrent que ce qu'ils recherchent, c'est un encadrement rigide du Québec qui est tout à fait le contraire d'un fédéralisme renouvelé. Dans les conditions actuelles, venir nous dire que ce qu'il faut faire, c'est choisir celui qui pourrait, au Québec, mieux promouvoir le

fédéralisme renouvelé, c'est poser une question qui ne se pose pas puisque ce n'est pas cela qu'on trouve de l'autre côté, à Ottawa. On ne trouve personne qui veut négocier un fédéralisme renouvelé. Par conséquent, la question qui se pose aux Québécois, c'est de chercher qui est le plus fiable globalement, qui est le plus sûr globalement, avec qui les Québécois prennent moins de chance, qui est le moins compromis dans des aventures comme celles qu'on a connues. C'est cela le choix qui se pose aux Québécois parce que c'est vous-même et vos alliés du mois de mai dernier...

Le seul qui ait pris une précaution, c'est le chef de l'Union Nationale, à l'époque. Il a dit: Moi, je pense qu'il n'y a pas de garanties suffisantes qui sont données. Vous n'avez pas demandé ces garanties-là; ou vous avez été complices parce que vous saviez ce qu'ils voulaient faire ou vous avez été naïfs parce que vous avez cru qu'ils voulaient un fédéralisme renouvelé; vous êtes un ou l'autre. Je ne le sais pas, c'est à vous de nous déterminer si vous avez été naïfs ou complices, mais il reste, néanmoins, qu'à des moments donnés dans la politique il faut avoir un peu de logique. Or, le fédéralisme renouvelé à Ottawa, actuellement, ce n'est plus une option. Ils sont en train de nous le démontrer tous les jours et, pour le démontrer, ils utilisent même systématiquement le mensonge et vous-même le reconnaissez. On a entendu dire, encore hier ou avant-hier, par un ministre fédéral, qu'ils agissent unilatéralement à Ottawa pour correspondre à la promesse qu'ils ont faite aux Québécois. Cela n'a jamais été dit. Cela n'a jamais été mentionné dans aucun discours. Je ne trouve rien nulle part dans tous les services de recherche du gouvernement, du parti et de la population que quiconque ait dit, dans le camp du non: Si vous dites non, on va aller rapatrier la constitution et on va trouver une bonne formule d'amendement et, si cela ne fonctionne pas, on va faire cela unilatéralement. Cela n'a jamais été mentionné. C'est exactement ce qu'ils font. Ils n'ont jamais dit, à ce moment-là, qu'ils attaqueraient la loi no 101 du Québec. Ils n'ont jamais dit qu'ils laisseraient les francophones en dehors du Québec à leur sort parce que c'est cela qu'ils font actuellement. Je pense que c'est cela que nous démontre la réalité des derniers temps et c'est un événement politique, une situation politique que les Québécois commencent très sérieusement à apprécier. Je pense moi-même, en tout cas, que cette conclusion m'a l'air la seule que la logique indique et la seule aussi que le bon sens indique. (11 h 30)

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bellechasse.

M. Bréard: Est-ce que je pourrais ajouter un bref commentaire à la suite des deux propos?

Le Président (M. Jolivet): Juste un moment. Par l'intervention du député de Bellechasse, vous aurez peut-être l'occasion de revenir.

M. Bréard: Je pense que cela s'adresse un peu...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Laurent a l'intention de revenir ensuite.

M. Bréard: D'accord?

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Oui, rapidement, M. le Président, je voudrais dire à M. Auger et à son collègue que, quant à moi, je ne sens pas, au nom de l'Union Nationale, le besoin d'expliquer nos positions du 20 mai et celles d'aujourd'hui. Je pense qu'elles ont toujours été claires. Quant à nous, c'est vrai que, quand les Québécois ont voté le 20 mai, ils disaient oui à un fédéralisme renouvelé et renouvelé en profondeur. Quant à nous, nous avions fait connaître ce que c'était, le fédéralisme renouvelé en profondeur. Quant à nous, il est encore vrai que, lorsque les Québécois ont voté non le 20 mai, ils n'ont pas renoncé au Québec. C'est vrai. C'est vrai qu'ils ont choisi de poursuivre l'expérience canadienne. Mais le Québec disait oui à un contrat renouvelé vraiment en profondeur, renouvelé avec les partenaires des autres provinces et d'autres niveaux de gouvernement, à un contrat "qui sache répondre, comme vous le dites, à ses aspirations particulières de son intégrité intellectuelle - c'est ce à quoi on s'engageait - et d'une constitution qui sache traduire, comme vous le dites, en termes explicites la dualité culturelle de l'ensemble des Canadiens."

Quant à nous, en partageant la tribune, comme vous le dites, en étant obligés de travailler sous un comité-parapluie qui nous était imposé, c'est l'engagement que les députés, les représentants de notre formation politique ont demandé aux autres interlocuteurs de prendre et c'est ce que, justement, M. LeMoignan, lorsqu'il avait demandé des engagements formels de la part de M. Trudeau, voulait dire. Le 20 mai, c'est vrai que les Québécois ont décidé de poursuivre l'expérience canadienne de demeurer dans le système, mais un système renouvelé, comme vous le dites, non pas imposé comme ça se passe actuellement.

Maintenant, vous dites qu'il y a eu un manque de cohérence à un moment donné

dans différents groupes, des mauvaises interprétations ou des propos mal placés. Je pense qu'il y en a eu dans les deux camps. J'ai, moi aussi, vécu la campagne et, justement, je ne veux défendre ni l'un, ni l'autre, mais ce que le député de Saint-Laurent disait tout à l'heure, c'est vrai; à un moment donné, on parlait de mandat, on parlait de souveraineté-association et on parlait d'indépendance, dépendant des tribunes dont on pouvait se servir, dont on pouvait se prévaloir. De l'autre côté, il est fort probable aussi que des gens ont eu des propos différents dépendant des tribunes qu'ils avaient. Quant à nous, nos propos ont toujours été les mêmes: Les Québécois voulaient un fédéralisme renouvelé en profondeur. C'est ce à quoi, je pense, le premier ministre du Canada s'était engagé lorsqu'il avait mis sa tête sur le billot.

Ceci dit, M. le Président, je voudrais juste poser une question à nos invités. Lorsque vous parlez du mot nation, pourriez-vous me donner la définition la plus succincte possible que vous en faites? C'est quoi, une nation?

M. Auger: Une nation - évidemment, il y a deux volets à cela - c'est une population qui vit sur un territoire donné, avec une langue, une intégrité culturelle, qui a une culture propre, des artistes. Cela se traduit de cette façon une nation. Chez nous, par exemple, on a deux nationalismes au Canada: le nationalisme des Canadiens français qui croient à diverses minorités capables de survivre au sein d'un grand ensemble et le nationalisme des Québécois qui veulent, eux, un pays souverain qui pourrait pactiser ou, enfin, qui pourrait s'associer et supporter ces minorités francophones ailleurs au Canada. Or, on a une seule nation française avec une histoire commune, une langue commune, des artistes et une culture en fait, mais on a deux nationalismes, un en fonction des minorités et l'autre en fonction d'une majorité soutenant ces minorités. C'est la définition.

M. Bréard: Je voudrais ajouter, à la réponse de mon collègue qu'il faut vraiment interpréter le concept de nation distinctement du concept de souveraineté. Une nation ne doit pas être nécessairement souveraine. Une nation, c'est une population qui partage un territoire, une culture, un système politique, un système économique et des valeurs qui conçoivent s'exprimer dans l'avenir. Or, je pense que la nation québécoise, c'est un concept indiscutable de la part des gens. Le débat qui s'est produit le 20 mai, c'est le débat sur la souveraineté. Est-ce que les aspirations légitimes de la nation québécoise sont mieux protégées dans le système actuel ou en accédant à sa souveraineté politique? Or, la nation, c'est le concept sociologique et la souveraineté, c'est le concept juridique.

M. Goulet: M. le Président, vous avez touché exactement le point, à moins que je n'aie mal compris. Je pense que vous venez de dire qu'une nation n'est pas nécessairement souveraine. Dans votre mémoire, vous dites, noir sur blanc - c'est justement l'explication que je voulais - "Quel que soit le type de contrat, le Québec doit être et demeurer une nation souveraine." Vous venez, je pense, de dire exactement le contraire.

M. Bréard: Le mot "souveraineté", dans le sens où il est interprété là, c'est dans le sens où elle doit avoir la maîtrise de son intégrité, parce qu'on ne peut pas déléguer des pouvoirs qui menaceraient notre intégrité à d'autres paliers de gouvernement. On dit: On peut s'associer politiquement et juridiquement à d'autres partenaires dans un fédéralisme, dans une confédération, mais sans jamais perdre le contrôle sur notre intégrité, sans jamais qu'on puisse nous menacer sans qu'on puisse intervenir.

Or, je pense que, dans la structure du Canada, on a toujours partagé cette position fondamentale. Il existe une nation québécoise qui peut s'épanouir dans le fédéralisme canadien, conformément à son intégrité et à ses aspirations. Cela a été repris le 20 mai dernier. C'est dans ce sens-là que les Québécois ont dit: On peut continuer à partager l'expérience canadienne, parce qu'on nous garantit que notre intégrité comme peuple ne sera pas menacée.

Ce qu'on essaie de faire aujourd'hui, c'est d'interpréter cela pour nous extirper les moyens de protéger notre intégrité comme peuple, en transférant le concept de nation à un régionalisme ethnique qui partagerait une nation qui est encore plus grande, c'est-à-dire nous diluer dans une nation canadienne, et c'est ce que, comme concept, on refuse d'accepter.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Oui, M. le Président, en espérant que vous serez aussi large pour moi que vous l'avez été pour le ministre qui est revenu une deuxième fois pour, en quelque sorte, me donner la réplique. Je ne veux pas être long, mais j'aimerais quand même apporter des précisions, avec votre permission, à certaines affirmations qui ont été faites.

Le ministre des Affaires intergouvernementales pose d'abord une question rhétorique, dans un certain sens, en disant: Pourquoi ne vous êtes-vous pas désolidarisé des affirmations ou des "engagements" que M. Trudeau a pris très

peu de temps avant la date du référendum?

Je peux comprendre évidemment que, du côté du Parti québécois, on se serait fort réjoui de la perspective de voir le Parti libéral du Québec et le Parti libéral du Canada s'absenter pendant un mois de la campagne référendaire pour aller négocier ensemble une nouvelle constitution. Cela aurait été bien commode, parce que cela aurait permis d'occuper seul toute la scène de la campagne référendaire et on doit se rendre compte qu'on l'aurait fait pour la seule raison que le gouvernement nous avait imposé, par une loi, l'obligation de faire vie commune sous un parapluie référendaire. Même si on était tombé dans ce panneau assez grossier, il demeure que le gouvernement fédéral, le Parti libéral fédéral aurait très bien pu nous dire que c'était un peu prématuré pour une telle négociation, qu'il faudrait d'abord se faire élire comme gouvernement du Québec avant de prétendre négocier avec lui une nouvelle constitution. Je pense que ce genre de tentative naïve aurait échoué très rapidement.

Un autre aspect, c'est que, dans la mesure où l'engagement de M. Trudeau était vague, il y avait bien peu de choses auxquelles on pouvait s'opposer. Il était vague, son engagement, mais notre position à nous était claire. Il avait dit, très explicitement et publiquement, qu'il considérait notre position comme étant une base valable de négociation. Que pouvons-nous demander de plus puisque, lors d'une élection éventuelle, il fallait s'attendre que ces deux formations politiques se retrouvent à des côtés opposés d'une table de négociation? Pouvons-nous nous attendre que, encore une fois, la négociation constitutionnelle se fasse entre deux partis politiques plutôt qu'entre deux gouvernements? C'est évidemment impossible. C'est la raison pour laquelle on n'a rien dénoncé, puisqu'il n'y avait rien à dénoncer et ce que nous savions, c'était que notre proposition semblait être une base acceptable de négociation. D'autre part, les projets fédéraux, dans la mesure où ils étaient connus, concordaient assez bien, dans leurs grandes lignes, avec nos propres ambitions constitutionnelles. Je cite en particulier "l'inscription dans la constitution d'une charte des droits et libertés de la personne, y compris les droits linguistiques puisque ce sont des propositions que nous retrouvons également dans le livre beige. On ne pouvait pas savoir, à ce moment-là, quel serait le contenu de l'adresse conjointe qui a été déposée seulement en septembre ou en octobre au Parlement canadien. D'ailleurs, ce qui est remarquable, c'est que le gouvernement du Québec, après le référendum et lorsqu'il a été saisi des deux sujets de négociation, n'a pas procédé lui non plus à une dénonciation générale du projet fédéral. Il a accepté, pendant trois mois, de négocier, soi-disant de bonne foi, les propositions fédérales. Pourquoi, au moins après le référendum, ne les a-t-il pas dénoncées s'il croit qu'on devait les dénoncer avant même de les connaître, avant même le référendum?

Je pense, M. le Président, que c'est un faux dilemme dans lequel le ministre des Affaires intergouvernementales essaie d'enfermer ses adversaires et il est bien évident que sa conclusion, c'est que le meilleur parti qui doit être élu aux prochaines élections, c'est le Parti québécois et tout le raisonnement...

M. Morin (Louis-Hébert): On ne peut rien vous cacher.

M. de Bellefeuille: II a compris.

M. Forget: ...qu'il a fait n'a aucune autre vraisemblance. Il est seulement justifié par le désir ardent qu'il a de se trouver une cause à défendre. Il n'empêche que, s'il y avait eu des élections l'été dernier ou au début de l'automne, il sait très bien, en dépit du calendrier des voyages de M. Chrétien, que le processus en question aurait dû être stoppé. Il n'y a pas de précédent qu'une négociation fédérale-provinciale se continue lorsqu'une province décide - et c'est toujours son droit- d'aller en élections générales. C'était le moyen par excellence, justement, de faire poser la vraie question aux électeurs du Québec, de leur demander de choisir qui devrait être leur interlocuteur et de donner une occasion aux électeurs du Québec de décider cette fois si, effectivement, les engagements précis que le Parti libéral a consignés dans son livre beige devaient avoir l'appui de la population. C'est une occasion que le gouvernement a manquée, encore une fois, parce qu'il avait d'autres objectifs, les objectifs de se maintenir au pouvoir; mais ce serait faire une injure à l'intelligence que d'affirmer maintenant que cette opportunité, il ne l'a pas eue. Il a décidé de ne pas s'en prévaloir et c'est un jugement que n'importe qui peut poser.

Le Président (M. Jolivet): En terminant, justement, puisque le temps...

M. Bréard: Deux minutes?

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Bréard: En terminant, je voudrais demander à M. Forget... Et je partage son opinion selon laquelle le comité-parapluie du référendum qui a été imposé par le gouvernement pour des raisons qui sont, en tout cas, partageables les a empêchés de se distinguer et de s'affirmer comme parti

distinctif avec un programme. Aujourd'hui, le parapluie n'existe plus. Or, on aimerait savoir en quoi il se distingue du Parti libéral fédéral puisqu'il n'y a rien qui vous empêche de le faire. Aujourd'hui, le train est en train de passer. Il ne faudrait peut-être pas, avant qu'il ne soit passé, dans quatre mois, dire: Dans ce temps-là, on n'était peut-être pas d'accord. Il faudrait peut-être dire aujourd'hui sur quoi vous n'êtes pas d'accord et faire une campagne systématique avec les Québécois.

Ce qu'on demande au Parti libéral du Québec, c'est un engagement résolu en faveur de l'intégrité des Québécois sur le plan culturel et linguistique. La charte des droits et libertés de la personne, ce n'est pas vraiment un cadeau, parce que, dans tous les pays du monde, cela a été gagné par des luttes. Aujourd'hui, je me méfie de ceux qui viennent m'imposer le respect de mes droits et libertés. Je me méfie surtout quand ils m'imposent à moi de respecter la liberté d'un individu sur le territoire, mais qu'à côté, en Ontario, ils n'imposent pas la même règle de jeu. Je me méfie beaucoup de ça.

M. Forget: J'ai des nouvelles pour vous. Au sujet de l'engagement, on n'a pas attendu les invitations du gouvernement ni d'un groupe quelconque. Dès le lendemain où le contenu véritable de la proposition fédérale a été connu, après délibération à l'intérieur d'un groupe constitutionnel du Parti libéral, dès le 3 octobre et avant même que le gouvernement ne réagisse officiellement, nous avons déclaré notre opposition absolue à un rapatriement et à une formule d'amendement imposés unilatéralement de même qu'à toute autre modification constitutionnelle imposée unilatéralement. Nous avons souligné à cette occasion que, dans l'esprit de la chose, une charte des droits, quant à nous, est acceptable, mais pas nécessairement dans tous les détails de cette charte des droits linguistiques. Mais admettre de discuter du contenu, alors qu'on s'oppose au principe même d'un amendement unilatéral, à mon avis, c'est introduire la confusion dans les esprits. C'est la raison pour laquelle nous nous y sommes opposés et nous continuons de nous opposer à un rapatriement unilatéral, non pas en refusant de discuter du contenu, mais en ne voulant pas introduire de la confusion dans les esprits, parce que c'est bien clair qu'à partir du moment où on accepte de discuter du contenu, le gouvernement fédéral peut dire: Puisque vous acceptez de discuter du contenu, c'est donc que vous acceptez qu'on puisse le faire unilatéralement.

Je pense qu'à ce point de vue, on doit ménager, encore une fois, les étapes, ne pas confondre les deux questions. C'est la raison de notre opposition, c'est pour ce motif qu'on l'a fait porter essentiellement sur le caractère unilatéral. C'est plus que la forme, c'est essentiel au fédéralisme que des changements ne soient apportés que par le concours de toutes les parties prenantes dans le fédéralisme, et cela inclut toutes les provinces. Et une fois que ce principe sera admis, on pourra discuter du fond de chacune des dispositions précises. Mais si on n'accepte plus la règle fondamentale du fédéralisme, évidemment, c'est une perte de temps pour nous, comme parlementaires provinciaux, d'exprimer telle opinion sur telle disposition précise, puisque, par définition, nous perdons voix au chapitre. (11 h 45)

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Vanier.

M. Bertrand: M. le Président, il y a une question que j'aimerais poser au député de Saint-Laurent, au Parti libéral du Québec, si j'étais témoin à cette barre. Le député de Saint-Laurent vient de nous dire: On a été probablement les premiers à prendre position très fermement sur cette question, soit le 3 octobre, dès le lendemain de l'annonce par le premier ministre Trudeau de son intention de rapatrier unilatéralement la constitution. Mais la question n'est pas là. La question est de savoir quels sont les efforts que le Parti libéral du Québec est prêt à déployer avec énergie pour s'assurer qu'au Parlement fédéral une telle résolution ne soit pas adoptée.

Et moi j'aimerais poser la question au Parti libéral du Québec. Je remarque ces jours-ci, et aujourd'hui-même, qu'il y a quatre députés néo-démocrates, tous provenant de la Saskatchewan, et probablement en cela voulant refléter l'opinion que demain le premier ministre de la Saskatchewan va exprimer au nom de sa province, qui, courageusement - M. Nystrom a dit que cela a été peut-être la décision la plus difficile de sa carrière - ont décidé de prendre position contre le projet de résolution de M. Trudeau à la Chambre des communes, malgré l'appui très ferme que M. Broadbent a donné en ce sens. En cela, ils veulent se faire peut-être à la fois défenseurs de principes auxquels ils croient profondément, à savoir qu'à leur avis ce projet ne respecte pas l'esprit même du fédéralisme, mais aussi, probablement, ils veulent faire la démonstration que leur province et le premier ministre qui est représentant du même parti politique au niveau provincial ont le sentiment que ce projet porte atteinte aux besoins et aux aspirations de cette province.

Vous, du Parti libéral du Québec, étiez sur les mêmes tribunes que des députés libéraux fédéraux; vous reconnaissez publiquement que les militants qui travaillent au sein du Parti libéral du Canada, section Québec, et du Parti libéral provincial

québécois sont très souvent les mêmes militants, les mêmes organisateurs - et vous ne vous cachez pas pour développer des affinités et des amitiés particulières avec ces députés libéraux fédéraux qu'on voit à vos congrès, et vous êtes aux leurs, etc. Au niveau des moyens et de l'énergie déployée pour empêcher que ce coup de force se réalise, comment se fait-il que vous ne soyez pas parvenus, depuis le 2 octobre dernier, à faire quelque brèche que ce soit dans cette presque unanimité libérale de gens qui sont censés être les défenseurs des droits et des intérêts du Québec comme représentants des Québécois à la Chambre des communes? Comment se fait-il que vous ne soyez arrivés à aucun résultat, alors qu'on remarque aujourd'hui que quatre députés néo-démocrates viennent d'établir, avec probablement l'appui du premier ministre de la Saskatchewan, M. Blakeney, qu'ils vont s'opposer à ce coup de force? Comment se fait-il que, militants d'une même formation politique, vous disant partager finalement, sur le plan du contenu, relativement à la Charte des droits, les opinions qui sont celles de ces députés fédéraux, vous ne soyez pas capables de les amener à la raison, capables de leur faire prendre conscience des graves dangers qu'ils font courir au Québec et capables d'amener plus qu'un député, comme Louis Duclos, à se prononcer contre ce projet de rapatriement unilatéral? Ce sont vos amis, ce sont vos alliés, ce sont les gens avec qui vous avez fait la bataille référendaire.

Je me pose la question et je suis convaincu que bien des Québécois se la posent. Comment se fait-il que des gens qui partagent les mêmes avis au moment du référendum ne soient pas capables, quelques mois après, de se comprendre entre eux et de faire comprendre que le sens du référendum, ce n'est pas ce qu'ils sont en train de faire? Je n'y comprends rien. Je ne suis pas le seul. Et j'aimerais bien cela qu'au-delà des mots et des phrases que vous prononcez pour dire que vous êtes contre vous nous disiez en quoi vous êtes arrivés, depuis six mois, à ébranler le bloc de députés libéraux qui siègent à Ottawa et qui ne semblent rien comprendre à ce qui se passe ici au Québec.

Le Président (M. Jolivet): Avant de donner la parole à qui que ce soit, j'aimerais vous dire que le temps pour l'étude de ce mémoire est écoulé. Je vais quand même permettre une conclusion, de part et d'autre. Si vous voulez commencer, allez.

M. Auger: J'aurais une question.

Le Président (M. Jolivet): Le plus rapidement possible.

M. Auger: J'aimerais demander au gouvernement ce qu'il entend faire vis-à-vis du droit à l'autodétermination, de quelle façon il le réclamera. Est-ce que l'Assemblée nationale le proclamera? Et surtout l'Opposition, finalement, l'appuiera-t-elle unanimement?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Je pense que vous allez en entendre parler très prochainement, pas rien que de cela. Quant à la réponse que pourrait donner à ce genre de proposition l'Opposition libérale, je lui laisserai, à ce moment-là ou peut-être maintenant, le soin d'y répondre.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Laurent.

Une voix: Ils vont être pour et contre, comme d'habitude.

M. Forget: M. le Président, évidemment, je ne sais pas à quoi exactement le ministre fait allusion. Alors, c'est difficile de réagir dans le vague à une allusion comme celle-là, mais on verra, en temps et lieu, quelle réaction nous apporterons. Je fais simplement référence à des déclarations antérieures nombreuses de notre côté. S'il s'agit simplement de chercher à fabriquer une unanimité sur un droit à la sécession et sur son inscription dans une constitution canadienne, on sait très bien que le Parti libéral du Québec va s'y opposer.

En deux secondes, j'aimerais relever la remarque du député de Vanier qui affirmait qu'il ne comprenait pas pourquoi les députés fédéraux libéraux n'avaient pas été entraînés à exprimer leur dissidence par le Parti libéral du Québec, contrairement aux députés néo-démocrates. Je pense qu'il avait raison de dire qu'il ne comprenait pas. Mais ce n'est pas seulement cela qu'il ne comprend pas; il ne comprend pas que, dans le cas du Nouveau parti démocratique, il s'agit essentiellement du même parti, fédéral et provincial. Dans le cas du Parti libéral, il peut observer qu'il s'agit de deux partis qui sont distincts, qui n'ont pas d'interpénétration au niveau de leurs structures, ni au niveau de leurs orientations politiques. Ce n'est qu'une famille d'esprit, le Parti libéral.

Je ferai observer que, dans les rangs du Parti libéral du Québec, comme c'est vrai vice versa, il y a énormément de membres qui ne sont pas membres de l'autre parti. Il n'a qu'à regarder les chiffres. Il y a moins de 100,000 personnes qui sont membres du Parti libéral du Canada. Il y en a 240,000, pour son information, qui sont membres du

Parti libéral du Québec.

M. Bertrand: II y en a 100,000 qui sont membres des deux.

M. Forget: II y en a 100,000 qui sont membres des deux.

Une voix: Voilà!

M. Forget: Mais dans les structures et les orientations - il devrait le savoir; s'il ne le sait pas, il est peut-être bon qu'il l'apprenne maintenant - il n'y a pas d'interpénétration. Nous avons une autonomie complète qu'évidemment nous reconnaissons également à nos collègues fédéraux.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bellechasse va tirer sa conclusion.

M. Goulet: Rapidement, M. le Président. Nos invités ont formulé une question aux membres de la commission. Quant à moi, je peux répondre que l'Union Nationale voterait pour le principe d'un projet de loi qui proclamerait le droit à l'autodétermination du Québec. Je ne sais pas si cela répond à votre question directement.

Le Président (M. Jolivet): Merci. J'inviterais M. Guy Trépanier à s'avancer, en disant que le prochain intervenant sera l'Association québécoise pour l'application du droit à l'exemption de l'enseignement religieux, qui est arrivée. Dépendant du temps, cela veut dire d'ici la fin des travaux pour ce matin ou après le dîner.

M. Morin (Louis-Hébert): Je pense qu'on va être capable de les passer avant le dîner.

Le Président (M. Jolivet): M. Trépanier, vous avez la parole.

M. Trépanier (Guy): Merci.

Le Président (M. Jolivet): C'est le numéro 34.

M. Guy Trépanier

M. Trépanier: Au début, je me présente. Je suis un ex-enseignant. Je suis présentement en révision personnelle et volontaire de carrière. Mes lettres de noblesse, si on peut parler ainsi, sont les suivantes: je suis bachelier du Collège des Jésuites, licencié en histoire.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, juste un instant.

M. Trépanier: On ne m'entend pas?

Le Président (M. Jolivet): On a de la difficulté à vous entendre. Je ne sais pas si votre micro est assez près. Approchez-le, s'il vous plaît.

M. Trépanier: On n'a rien entendu, je suppose. Je suis un ex-enseignant. Je suis présentement en révision personnelle et volontaire de carrière. Mes lettres de noblesse, si on peut parler ainsi, sont les suivantes: je suis bachelier du Collège des Jésuites, licencié en histoire et diplômé en pédagogie de l'Université Laval.

Avant de faire la lecture de mon texte, je voudrais apporter deux ou trois petites corrections. À la page 1, à l'avant-dernier paragraphe, deuxième ligne, c'est marqué "que je suis M. Trudeau". Je n'ai pas l'intention de me prendre pour M. Trudeau, alors on devra lire "à la place de M. Trudeau". À la page 2, c'est une correction de grammaire française, dans le deuxième paragraphe, quatrième ligne: "Les provinces sont des Etats indépendants qui ont abandonné chacune; cela devrait être "chacun", ce sont les États. À la page 3, il y a une faute de frappe, les deux premiers mots "parlons maintenant", "maintenant" avec un "a". Il y a une dernière faute de français à corriger à la page 4, à la toute dernière ligne, "ceux-cis" avec un "s"; si c'est un adverbe, cela ne prend pas de "s".

Messieurs de la commission parlementaire de la présidence du conseil et de la constitution, je désire tout d'abord vous remercier de la gentillesse que vous manifestez à mon endroit, en me permettant de vous exposer ma réflexion personnelle relativement au projet de résolution du gouvernement fédéral sur le rapatriement de la constitution canadienne. Je considère que votre geste exprime une attitude de respect et d'écoute envers le citoyen que je suis, ce qui démontre bien l'esprit qui doit animer tout gouvernement dont le premier devoir est d'être au service du peuple. Voici ma réflexion.

Face au problème constitutionnel auquel les Québécois cherchent une solution, j'aimerais par la présente faire un exercice intellectuel d'empathie en essayant de me situer à la place de M. Pierre Elliott Trudeau. Je ne désire pas m'attarder aux éléments internes du projet de refonte de la constitution que propose M. Trudeau. Je désire me situer au-delà de ce projet et tenter de voir quelle solution les Québécois doivent envisager.

Nous savons tous que le projet Trudeau poursuit un objectif de fédéralisme dans le sens le plus pur du mot, c'est-à-dire un système politique dans lequel plusieurs États indépendants abandonnent une part de leur souveraineté au profit d'une autorité supérieure. Nous savons tous que le Québec fait partie du Canada et que le Canada est

dirigé par M. Pierre Elliott Trudeau.

Prenons maintenant l'hypothèse fantaisiste - il va de soi - que je suis à la place de M. Trudeau. Voici le raisonnement que je fais. "Je suis le premier ministre du Canada. J'ai été élu démocratiquement pour diriger les destinées de ce pays qu'est le Canada. Au mois de mai 1980, j'ai déclaré solennellement aux Québécois que je mettais ma tête en jeu pour opérer les changements majeurs au Canada et assurer le bien-être des Québécois dans ce pays. D'ailleurs, ces mêmes Québécois m'ont donné 73 députés pour m'occuper de leur bien-être à l'intérieur de la fédération canadienne. J'ai déjà dit, et je l'ai toujours cru, que le Canada devait être fort. Les Québécois m'ont toujours approuvé dans ce sens. "Je suis un fédéraliste, non un confédéraliste, encore moins un séparatiste. Le Canada est une fédération avec comme autorité supérieure un gouvernement fédéral que je dirige. Les provinces sont des États indépendants qui ont abandonné chacun une part de leur souveraineté au profit du gouvernement fédéral que je dirige. La province de Québec est un de ces États. Lors du référendum du 20 mai 1980, les citoyens canadiens de la province de Québec ont refusé au gouvernement de M. Lévesque le mandat de négocier la souveraineté-association, ce qui aurait fait de cette province un État totalement indépendant. "J'ai convoqué une conférence des premiers ministres provinciaux en septembre 1980 afin de discuter de mon projet de refonte de la constitution canadienne. Plusieurs États provinciaux n'ont pas réussi à s'entendre avec moi en ce qui concerne leur situation à l'intérieur de la fédération canadienne que je dirige. J'ai décidé de donner suite à mon projet de refonte de la constitution malgré certains désaccords des États provinciaux. "Parlons maintenant de la province de Québec. Qui dirige cette partie du Canada? Réponse: Le gouvernement de M. Lévesque, qui s'est vu refuser le mandat de négocier la souveraineté-association. Qui peut le mieux diriger cette partie du Canada? Réponse-question: Le gouvernement de M. Lévesque à qui les Québécois ont donné 71 députés sur 110 en 1976 et 40% des votes au référendum de mai 1980, ou mon gouvernement à qui les Québécois ont donné 74 députés sur 75 en 1980 et 60% des votes lors du référendum de mai 1980? (12 heures) "Qui peut le mieux diriger cette partie du Canada? Réponse-question: Le gouvernement de M. Lévesque qui a une influence prépondérante dans cette seule partie du Canada, ou mon gouvernement qui a une influence prépondérante sur le territoire entier du Canada dont la province de Québec fait partie? "Dans mon projet de refonte de la constitution du Canada, que peut faire le gouvernement de M. Lévesque? Trois solutions se présentent: premièrement, donner son accord et collaborer à sa réalisation le plus tôt possible; deuxièmement, donner un accord partiel et collaborer à la réalisation des ajustements nécessaires le plus tôt possible; troisièmement, refuser son accord. "Le gouvernement de M. Lévesque a été élu démocratiquement par les Québécois. Il en est de même pour le gouvernement que je dirige. Il semble que, d'après les événements récents, le gouvernement de M. Lévesque refuse de donner son accord à mon projet de refonte de la constitution canadienne dont la province de Québec est une partie. À qui les Québécois doivent-ils s'en remettre maintenant? Au gouvernement de M. Lévesque ou à mon gouvernement? "Au mois de mai 1980, j'ai déclaré solennellement aux Québécois que je mettais ma tête en jeu pour effectuer des changements majeurs au Canada et assurer le bien-être des Québécois dans ce Canada. Le gouvernement de M. Lévesque n'a pas exprimé d'engagement de même nature. "Je dirige un gouvernement qui représente les Québécois sur l'ensemble du territoire de la fédération canadienne. Le gouvernement de M. Lévesque représente les Québécois dans cette seule partie du Canada qu'est la province de Québec. "En septembre 1980, j'ai présenté un projet de refonte de la constitution canadienne dont fait partie la province de Québec. Le gouvernement de M. Lévesque n'a pas présenté de projet de refonte de la constitution canadienne. Le projet qu'il a présenté aux Québécois a été refusé par ceux-ci lors du référendum de mai 1980. "Le gouvernement que je dirige est le gouvernement qui dirige la fédération canadienne dont la province de Québec fait partie intégrante. Le gouvernement de M. Lévesque est le gouvernement d'un État indépendant qui a abandonné une part de sa souveraineté au profit d'une autorité supérieure qui est le gouvernement, que je dirige. "Je répète ma question: À qui les Québécois doivent-ils s'en remettre?"

Messieurs, je termine ici mon exercice d'empathie et je cesse de me prendre pour un autre. Je complète mon exposé en vous exprimant les cinq affirmations suivantes: premièrement, je respecte la façon de penser de M. Trudeau, mais je ne désire pas y participer; deuxièmement, je respecte le système politique canadien, mais je désire une république québécoise; troisièmement, je respecte la citoyenneté canadienne, mais je désire une citoyenneté québécoise; quatrièmement, je respecte le dollar canadien, mais je désire un dollar québécois; cinquièmement, je respecte le Canada, mais

je désire un Québec. Oui, merci!

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): M. Trépanier, d'abord, je voudrais dire que j'apprécie personnellement la façon originale dont vous avez présenté votre mémoire en vous mettant, dans le texte, à la place du premier ministre du Canada. Je voudrais, vu ce rôle que vous avez temporairement emprunté de premier ministre du Canada, jouer, pendant quelques secondes, celui de premier ministre du Québec pour relever deux affirmations que vous faites. Ce n'est pas une question que je vous pose, c'est une correction que je voudrais apporter.

A la page 2 de votre mémoire, vous dites, dans votre rôle de premier ministre du Canada: "J'ai convoqué une conférence des premiers ministres provinciaux en septembre 1980 afin de discuter de mon projet de refonte de la constitution canadienne. Plusieurs États provinciaux n'ont pas réussi à s'entendre avec moi en ce qui concerne leur situation à l'intérieur de la fédération canadienne que je dirige." Ce que vous dites, au fond, c'est qu'il n'y a pas eu d'entente entre les provinces. Je voudrais corriger cela. Ce qui est arrivé l'été dernier - j'ai déjà eu l'occasion de le mentionner - c'est que, contrairement à des situations antérieures où effectivement il n'y avait pas d'entente, sur, je pense, neuf ou dix des douze sujets à l'ordre du jour, il y avait un front commun de provinces qui s'est construit pendant l'été, qui s'est maintenu jusqu'à la conférence de septembre et qui, d'ailleurs, a été reconfirmé en ce qui concerne les communications. Je pense que, la semaine dernière, il y a eu une conférence des ministres des Communications des provinces. C'est le premier ministre du Canada qui a refusé d'accepter ces vues unanimes des provinces. Je voudrais d'abord corriger cela. Donc, il est possible que les provinces s'entendent entre elles. Cependant, je voudrais bien préciser que, le Canada étant un pays qui est très grand, où il y a dix États provinciaux; il ne faut pas non plus tomber dans la logique qui consiste à dire: II faudrait que nécessairement toutes ces provinces s'entendent sur tout et si elles ne le font pas, à ce moment, cela donne l'autorisation au gouvernement fédéral pour agir. Ce serait, à toutes fins utiles, à ce moment, dire que le meilleur système est celui où tout le monde est unanime et uniforme, et ce n'est pas le cas. Il est tout à fait normal et correct qu'il y ait des mésententes entre les États provinciaux, sauf que, cet été, il y a eu entente sur neuf ou dix des douze sujets. C'est la première correction que je voudrais faire.

La deuxième, à la page 4, vous dites, toujours dans votre rôle présumé de premier ministre du Canada, qu'en septembre 1980 vous avez présenté un projet de refonte de la constitution canadienne dont fait partie la province de Québec et que le gouvernement de M. Lévesque n'a pas fait la même chose. D'abord, ce n'est pas en septembre 1980 qu'il a présenté la teneur de son coup de force, le premier ministre fédéral, c'est le 2 octobre. C'est en septembre, cependant, que la conférence a avorté en bonne partie à cause de la mauvaise foi fédérale. Deuxièmement, il y a une erreur de perspective. Vous dites: Moi j'ai présenté une proposition, le 2 octobre, et M. Lévesque n'a rien présenté. Il faut quand même tenir compte d'un facteur qui a été oublié dans votre présentation. C'est que les promesses du référendum avaient été faites par les libéraux fédéraux, particulièrement - on a discuté de cela tout à l'heure - par le premier ministre du Canada et, la balle était dans son camp. Je me souviens très bien qu'après le référendum on a dit: Les promesses qui ont été faites, on va voir comment cela va se traduire en pratique et on attendait pendant l'été quelles étaient les propositions novatrices du gouvernement fédéral et on les connaît maintenant. Il n'y en a pas vraiment. Ce n'était pas à nous, à ce moment, de faire une grande proposition constitutionnelle globale alors que celui qui a proposé la tenue de négociations était le gouvernement fédéral à la suite de ses promesses référendaires. C'était à lui de livrer une marchandise. Je voulais apporter ces deux corrections. Je n'ai pas de question particulière à poser, mais je pense que c'est bon de replacer le débat dans sa perspective. Je comprends que dans la perspective de M. Trudeau, rôle que vous avez assumé, il est possible que lui prétende cela; je ne dis pas que vous êtes d'accord avec ce que vous avez écrit là-dessus en tant que premier ministre du Canada puisqu'à la fin vous donnez vous-même votre propre perception. Je ne voulais pas qu'il y ait de malentendu. Je pense que c'est important que j'apporte ces précisions.

Le Président (M. Jolivet): M. Trépanier.

M. Trépanier: Peut-être pour confirmer la correction que vous apportez à la page 2. Quand je disais: "Plusieurs États provinciaux n'ont pas réussi à s'entendre avec moi en ce qui concerne leur situation", je n'avais pas l'intention, dans mon rôle, de dire que les provinces ne s'étaient pas entendues entre elles. En fait, elles ne s'étaient pas entendues avec le gouvernement fédéral. Pour la page 4, je vous remercie de la correction. D'après ce que j'avais vu, avec la conférence de septembre, j'avais l'impression que le projet avait été présenté en septembre. Le fait que le gouvernement de

M. Lévesque n'ait pas présenté de projet, si on prend l'optique canadienne, c'est vrai que le gouvernement de Québec n'a pas présenté de projet de refonte de la constitution canadienne. II aurait plutôt présenté un projet de création québécoise.

Je pense comme vous qu'il n'était pas obligé de présenter un projet de refonte de la constitution canadienne.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. Trépanier, j'ai trouvé très intéressante également la présentation originale de votre mémoire. Sans vouloir faire trop de psychologisme, je pense que c'est un exercice intéressant que de se situer dans les chaussures en quelque sorte des différents protagonistes comme vous le faites dans le cas du premier ministre fédéral. Ce qui ressort de votre texte et de l'argumentation que vous mettez de l'avant dans ce cas, c'est dans le fond la comparaison de la légitimité politique des deux protagonistes principaux: le gouvernement du Canada, le gouvernement du Québec. Vous faites ressortir très bien qu'en termes du caractère plus récent du mandat du premier ministre fédéral et de sa majorité plus grande, le fait d'avoir été vainqueur au référendum, il peut utiliser cette argumentation pour faire avancer sa cause plus efficacement que ce n'est possible dans le cas d'un gouvernement qui est à sa quatrième année ou quatrième année et demie, qui a été du côté perdant au référendum et qui...

M. Morin (Louis-Hébert): II était du côté gagnant aux élections.

M. Forget: ... avait, évidemment, une certaine différence au point de vue de la nature de sa majorité démocratique même au moment de son élection il y a quatre ans et demi. Je crois que cela illustre de façon parfaite ce que j'affirmais tout à la l'heure, à savoir qu'en termes de légitimité politique la situation est terriblement inégale depuis le lendemain du référendum et que le défaut d'avoir perçu cette inégalité de force politique place le Québec, via son gouvernement, dans une position de vulnérabilité très grande. Il est très facile pour quelqu'un de contester sa légitimité politique dans les circonstances. Il n'y a pas de remède à cela, semble-t-il, si ce n'est une élection qui pourrait restaurer une crédibilité diminuée ou alors faire une substitution. Mais, de toute façon, que ce soit le même parti qui soit réélu ou un autre parti qui soit élu, il reste qu'en démocratie la seule façon de se faire reconfirmer ou donner une légitimité, c'est par le vote populaire. C'est un élément manquant du dossier. Cela a certainement créé des conditions propices à l'impasse.

J'aimerais faire une remarque au sujet du caractère de l'entente. Je voudrais, moi aussi, de la même façon que le ministre des Affaires intergouvernementales, dire que l'argument selon lequel une entente entre les provinces est impossible est un argument dont a beaucoup abusé. Si on regarde l'histoire des trente ou quarante dernières années, il y a quand même eu un certain nombre d'amendements constitutionnels importants et il y a eu des ententes là-dessus. Il y a eu des ententes sur des choses qui sont quasi constitutionnelles comme l'évolution des ententes fiscales entre les deux niveaux de gouvernement, qui ont presque autant d'importance, dans le fond, que la constitution, en termes pratiques. Il y a eu des ententes sur énormément de choses et ce ne sont pas des choses insignifiantes. L'assurance-chômage, en 1941, a été attribuée au gouvernement fédéral à la suite d'une entente unanime des provinces. Les pensions de vieillesse et les régimes de rentes, à deux reprises, ont fait l'objet d'ententes unanimes et d'amendements constitutionnels. C'est au moins aussi important qu'un certain nombre de mesures qu'on retrouve dans les discussions de l'été dernier. Il est donc faux d'affirmer que les provinces ne peuvent pas s'entendre. Elles l'ont fait dans le passé. Il n'y a rien qui permet de croire qu'elles ne pourraient pas continuer de le faire dans l'avenir.

Mais si on devient plus spécifique et qu'on s'intéresse à l'entente interprovinciale du mois de septembre dernier, il y a une chose qui est frappante, je crois; c'est que cette entente n'était pas totale. En particulier, on se souviendra que l'Ontario avait réservé sa position relativement à la langue; donc, un des sujets qui sont les plus discutés aujourd'hui avait effectivement achoppé au niveau des ententes interprovinciales.

M. Morin (Louis-Hébert): Sur la charte des droits, il n'y a pas d'entente.

M. Forget: Un autre aspect qui est frappant dans cette entente interprovinciale, c'est qu'elle n'était pas du tout conçue dans un esprit de négociation. C'est une entente qui est arrivée en quelque sorte après coup. Quand les provinces se sont rendu compte qu'il leur fallait faire un front commun, ne serait-ce que pour justifier leur désaccord avec le projet fédéral, elles ont conçu un projet qui ne fait aucune concession sur les points que tout le monde savait être les plus importants pour le gouvernement fédéral, aucune concession. Dans ce cadre-là, dans ce contexte-là, ceux qui ont été les inspirateurs ou les auteurs de cette entente interprovinciale du mois de septembre

avaient toutes les raisons de soupçonner que ce projet-là, ce consensus interprovincial, il n'y avait aucun risque qu'il soit accepté par le gouvernement fédéral parce qu'on ne faisait aucun compromis. On n'ouvrait la porte d'aucune façon.

Sur les points essentiels, le rapatriement et la charte des droits, il n'y avait aucune espèce de concession et on savait bien qu'à moins qu'on n'ait un peu entrouvert la porte, ne serait-ce qu'au même degré qu'on l'avait fait et que le gouvernement lui-même l'avait fait ici en commission parlementaire à la mi-août, il n'y avait absolument aucune espèce de chance que cela passe. Par contre, on sortait d'une conférence avec soi-disant une position commune. Cette position commune, encore une fois, n'était pas une position de négociation, mais une position de constat d'échec et une position à laquelle manquait un consensus sur les questions linguistiques. On sait combien c'est une dimension importante du débat. (12 h 15)

Pour terminer là-dessus, les négociations durant l'été, il faut bien se rendre compte que vous avez raison de dire que le parti au pouvoir, le gouvernement du Québec, n'avait pas de proposition alternative à formuler, ni même à utiliser comme propre point de référence dans sa négociation et qui eût constitué une alternative fédéraliste. La seule alternative avait été rejetée au référendum et c'était la souveraineté-association, mais il n'y avait pas de point de référence fédéraliste et c'était une négociation où le gouvernement s'est borné à dire: La balle est dans le camp du gouvernement fédéral. Autrement dit, il a traité une négociation comme un sport de spectateur. Il a dit: Je vais regarder la joute, le match à la télévision, mais je n'y contribuerai rien.

Je suis tout à fait d'accord avec vous, dans l'absence d'un contre-projet de fédéralisme renouvelé, évidemment, toute initiative était laissée au gouvernement fédéral et la seule réaction possible était une réaction négative de la part du gouvernement. C'est effectivement ce qui a prévalu. Tout cela découle du choix qu'on a fait de procéder à une négociation dans la foulée d'une défaite référendaire avec comme seule position constitutionnelle, encore et toujours, du côté gouvernemental, la souveraineté-association. C'est par rapport à ce point de référence qu'on a assisté à des discussions, mais on ne pouvait vraiment pas, évidemment, mettre cela sur la table comme contre-projet. On aurait faire rire de soi. On s'est réservé à des commentaires, à des dissidences.

Comment s'étonner que cela n'ait pas abouti? Peut-être que cela n'aurait pas abouti malgré tout, étant donné les circonstances, mais ce n'est certainement pas un facteur positif que le gouvernement du Québec a apporté dans tout ceci. On l'a d'ailleurs souligné en août dernier. Il n'y avait rien dans la position du Québec qui fut incompatible avec la souveraineté-association.

Le Président (M. Jolivet): M. Trépanier?

M. Trépanier: Cela va, pas de commentaires.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): J'aurais peut-être quelque chose à relever, M. le Président, de ce qui vient d'être dit.

Il y a une chose qui me frappe. Je pense que tous ceux qui ont écouté cette partie des débats se sont rendu compte de ceci: tout à l'heure, il y a une question qui a été posée par Jean-François Bertrand, député de Vanier, sur la relation qui existe entre les libéraux provinciaux et les libéraux fédéraux. On nous fait une savante distinction laborieuse pour dire que ce n'est pas le même parti, alors qu'on reconnaît qu'en fait, souvent, les membres sont les mêmes - en tout cas! - et que les provinciaux n'ont pas beaucoup d'influence -eux qui sont supposés en avoir - sur les fédéraux, sur les décisions de leurs collègues fédéraux quant à la résolution fédérale.

Donc, on essaie de se dissocier, dans un premier temps, de l'attitude fédérale. Or, dès que quelqu'un critique la façon dont les négociations se sont passées cet été, dit que quelqu'un critique la position fédérale, le député de Saint-Laurent se porte à la défense des attitudes du gouvernement fédéral. Il est en train de démontrer - et c'est ce que j'ai noté - qu'au fond les accords auxquels les provinces étaient intervenues, avaient réussi à établir entre elles l'été dernier, c'étaient des choses qui ne tenaient pas tellement bien et qu'on comprenait le gouvernement fédéral. Il y a quelque chose que je trouve.... Je ne vous dis pas que vous avez pris la défense en tout point de ce qu'Ottawa a présenté, mais ce que je vous dis, c'est que votre réflexe naturel, quand le coup de force fédéral est remis en cause - et il est remis en cause par une majorité de la population - c'est de commencer à faire des distinctions qui excusent quasiment Ottawa de procéder de la sorte. C'est le premier commentaire.

Deuxième commentaire. Ce qui me frappe aussi, c'est que vous qualifiez l'entente qui est intervenue entre les provinces l'été dernier comme étant une sorte de manoeuvre de dernière minute pour empêcher Ottawa de poser son coup de force, alors qu'il n'était pas question d'un coup de force, sauf quand on l'a appris au

mois de septembre dans le document secret fédéral, alors que l'entente entre les provinces est intervenue pendant l'été. J'y étais. M. de Bellefeuille, député de Deux-Montagnes, y était, de même que Claude Charron et Marc-André Bédard. Nous y étions. Vous n'y étiez pas. Je comprends qu'à ce moment-là j'utilise un argument d'autorité, mais il reste néanmoins que chaque fois qu'on a eu des réunions l'été dernier, j'ai pris la peine à chaque jour, à 17 heures, de donner une conférence de presse aux journalistes pour dire ce qui se passait et tout le monde a reconnu que, cet été, se construisait un front commun et que ce n'était pas du tout en vue de bloquer un coup de force fédéral. On ne savait pas qu'il y en aurait un, on l'a appris au début du mois de septembre par des documents secrets.

Troisièmement, j'ai remarqué aussi une chose dans votre attitude. Vous dites qu'il n'y avait pas de volonté de compromis de la part des provinces. Il y en avait, justement. On avait fait des compromis ensemble pour en arriver à une position que, s'il avait voulu un fédéralisme renouvelé, le fédéral aurait accepté, mais ce n'est pas ce qui s'est passé. Ce qui me frappe dans votre attitude, c'est que non seulement vous défendez Ottawa, chaque fois qu'on met en cause son affaire, en faisant des distinctions qui sont ni chair, ni poisson et qui ne montrent pas une volonté très ferme de bloquer ce coup de force, mais en plus vous dites: II aurait fallu faire des compromis. Ce qui me frappe, c'est que vous cherchez des excuses pour Ottawa et à quelle place le Québec pourrait faire des compromis.

Je pense que l'attitude de fermeté qu'on doit avoir par rapport à tout ce qui se passe actuellement, c'est d'affirmer, au contraire, sans aucune nuance, les droits et les intérêts du Québec. C'est pour cela que tantôt je parlais de fiabilité en ce qui concerne des équipes politiques. Cela m'inquiète de vous voir, chaque fois, prendre la défense d'Ottawa d'une façon ou de l'autre ou encore dire: II aurait fallu faire des compromis. On ne commence pas une négociation en disant que c'est sûr qu'il va falloir faire des compromis et on va le faire tout de suite pour tâcher d'écourter la négociation. Je m'excuse, mais cela fait 18 ans, de près ou de loin, que je suis dans le domaine fédéral-provincial et, s'il fallait qu'on procède comme cela, cela ferait longtemps - et on n'aurait même pas eu besoin de coup de force fédéral - qu'il aurait été réalisé en pratique par une autre méthode. Heureusement que le Québec s'est tenu debout. Et cela ne dépend pas seulement de moi. Il y en a d'autres qui ont été là-dedans. Heureusement que le Québec s'est tenu debout par moments. Mais, si on prend votre attitude, on commence à négocier perdant. Et je ne suis pas d'accord avec cette façon de procéder et je pense que la population n'est pas d'accord.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Châteauguay.

M. Forget: M. le Président, en vertu de l'article 96, au besoin, mais j'aimerais quand même intervenir à ce moment-ci.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: II m'apparaît inadmissible d'entendre, de se faire dire des choses de ce genre-là; à moins qu'on n'accepte la prémisse évidente du ministre des Affaires intergouvernementales selon laquelle il faut absolument appuyer, les yeux fermés, la politique et la stratégie de négociation qu'il a lui-même utilisées lors des négociations constitutionnelles et à moins d'appuyer les yeux fermés ce que ce gouvernement a fait dans ce domaine, on appuie le gouvernement fédéral dans son geste unilatéral. C'est évidemment un mensonge. On peut être d'avis que le gouvernement actuel du Québec nous a mal défendus, qu'il s'y est pris de façon gauche et maladroite et qu'il n'avait d'ailleurs pas le choix de faire autrement parce qu'il était dans une situation intenable, qu'ont notée tous les observateurs, et qu'en conséquence de cela, l'initiative fédérale aurait eu plus de chance de réussir s'il y avait eu des élections et si on avait procédé sur la base d'un engagement beaucoup plus clair envers les objectifs d'un fédéralisme renouvelé plutôt que de le faire tout le temps sur la base d'une position équivoque, qui cherche à la fois à appuyer, soi-disant et de facade, le fédéralisme renouvelé, mais, dans le fond, qui se réclame toujours des mêmes objectifs qui sont diamétralement opposés à celui-là.

M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, je ne suis pas d'accord là-dessus. Il y a quand même un fait qui s'est produit à la conférence télévisée du mois de septembre. Trois premiers ministres de province - et c'est un précédent, y compris M. Peckford, qui n'est pas particulièrement toujours amical par rapport au Québec - ont reconnu que le comportement de la délégation québécoise avait été impeccable. Et tous les observateurs, cet été - et c'est maintenant un fait historique - ont reconnu que nous avons négocié de bonne foi.

Je veux seulement signaler cela. Je ne dis pas que vous êtes censé obligatoirement être d'accord avec tout ce qu'on fait; je n'ai jamais dit cela de ma vie, cela n'aurait pas de sens de dire cela. Ce que je vous dis, c'est que cela m'inquiète de voir dans votre comportement, comme membre d'un parti,

que vous cherchez toujours, premièrement, des excuses à quoi que ce soit que le fédéral fasse, et deuxièmement, des compromis avant même qu'on soit avancé dans la négociation. C'est tout ce que je voulais dire.

J'ajoute, avec votre permission, M. le Président, une information qui a quelque chose à voir avec le débat actuel, mais qui n'est pas en réponse à ce que dit le député de Saint-Laurent. Je viens d'apprendre à l'instant que le premier ministre de la Saskatchewan a déclaré que sa province s'opposait au geste fédéral. Je n'ai pas tous les détails. Ceci veut dire que maintenant sept provinces sont opposées au coup de force des libéraux fédéraux et, au fond, il n'y en a que deux qui appuient le geste fédéral et une qui est sensiblement derrière Ottawa, c'est l'Ontario. Je voulais apporter cette précision. Je pense qu'il est intéressant de le savoir. Cela vient d'arriver, à l'instant, comme nouvelle. C'est une conférence de presse que M. Blakeney a donnée, je ne sais pas où - chez lui, j'imagine - on aura plus de détails plus tard aujourd'hui.

M. Forget: Est-ce que la Nouvelle-Ecosse a manifesté son...

M. Morin (Louis-Hébert): Non, la Nouvelle-Écosse ne s'est pas prononcée encore. Elle reste dans le vague. Mais il y a deux provinces pour, sept provinces contre et une dont on sait qu'elle est contre - M. le député de Saint-Laurent, je pense que vous êtes d'accord là-dessus - parce que son premier ministre, M. Buchanan, est allé à la commission mixte du Sénat de la Chambre des communes présenter les vues de sa province. Ils ont d'ailleurs transmis ce document à Londres. Ils sont en désaccord, sauf qu'ils n'ont pas pris de geste particulier pour se joindre à nous. Je ne sais pas comment M. Blakeney va exprimer son opposition, je ne suis pas sûr qu'il va se joindre à nous dans les contestations aux tribunaux, parce qu'elles sont déjà commencées, mais c'est un appui politique de taille et je pense que c'est une très sérieuse épine dans le pied du coup de force fédéral, si je puis m'exprimer ainsi.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Châteauguay. Je ne sais pas s'il y a des questions. On passera à l'intervention du député de Châteauguay.

M. Dussault: Peut-être que M. Trépanier pourrait réagir à la suite de mon intervention, quoique je ne voie pas d'objection à ce qu'il le fasse immédiatement.

Le Président (M. Jolivet): Je vais laisser le député de Châteauguay commencer et vous pourrez intervenir par la suite.

M. Dussault: Je vous remercie, M. Trépanier. Cela aura l'avantage de me permettre de parler en continuité avec ce qui vient d'être dit.

Ce n'est pas par hasard que M. le député de Saint-Laurent a tenu les propos qu'il a tenus tout à l'heure. Vous savez, ces gens-là, maintenant, avec l'attitude qu'ils ont eue face à ce qui s'est fait à Ottawa dans les derniers mois, et même lors du référendum, n'ont pas beaucoup d'autre choix que de trouver des excuses effectivement.

On parlait, tout à l'heure, des militants qui pourraient être les mêmes. On n'invente rien quand on parle des militants libéraux fédéraux et provinciaux comme étant les mêmes. Ce n'est pas nous qui avons dit cela les premiers. Je me rappelle encore avoir vu à la télévision, le soir du congrès libéral où M. Ryan a été élu chef de ce parti, Mme Jeanne Sauvé, qui est maintenant devenue la présidente à la Chambre des communes. Elle disait, à une question qu'un journaliste lui posait: Que faites-vous ici, c'est quand même un congrès du Parti libéral provincial? Elle répondait: Vous savez, il n'y a pas à être surpris de cela, entre ces deux partis, ce sont les mêmes militants qui sont en cause. Or, il n'est pas surprenant que je sois ici ce soir.

C'est cela la réalité. Face à ce qui se passe à Ottawa, actuellement, ces gens ont une opposition du bout des lèvres, ils sont gênés. Parce que, du côté des militants, il y a une connivence sur cette question. Regardez dans les milieux où se passe l'action politique directe, dans le champ, ces militants ne vont pas faire des déclarations à l'encontre de ce qui se passe à Ottawa. Ces gens sont de connivence avec ce qui se passe. Ils ne sont pas intéressés à se dire entre eux des choses qui pourraient être désagréables. Ils ne sont pas intéressés. Ils ne le croient pas, c'est sûr.

Hier soir, j'ai eu un débat; je suis un des rares, je pense, qui ai eu la chance de pouvoir faire un débat contradictoire avec un député fédéral - je pense qu'il y en a eu deux ou trois au plus. S'il s'est fait ce débat c'est parce que j'ai coincé ce député; il n'a plus eu le choix, il a dû le faire ce débat. Il s'est fait à la radio communautaire à Châteauguay. M. Watson, ce député, va se rallier, va s'écraser comme un mouton avec les autres, les 73 autres. Il n'y en a qu'un, M. Duclos, qui s'oppose véritablement à ce projet.

Lui disait: Lors du dernier référendum du 20 mai dernier, le comité du non a pris des engagements. Il ne disait pas: Le chef du Parti libéral fédéral a pris des engagements. Il disait: Le comité du non a pris des engagements. Ils étaient solidaires, ces gens. S'il y avait véritablement des choses dites là qui ne faisaient pas l'affaire des libéraux provinciaux et fédéraux, c'est là qu'ils

auraient dû avoir des oppositions. M. Le Moignan, de l'Union Nationale, a été formel, à ce moment, il l'a dit, il a très bien senti qu'il se passait quelque chose qui n'était pas correct. Mais les libéraux provinciaux n'ont rien dit contre cela, ils ont assumé. Aujourd'hui, ils doivent l'admettre, plutôt que de se défiler, ils ont été récupérés par M. Trudeau, lors de la campagne référendaire. Les engagements qui ont été pris, à ce moment, ont été les engagements du comité du non, et non pas uniquement les engagements de M. Trudeau. Ils n'arriveront plus maintenant à faire croire à la population qu'ils n'étaient pour rien dans ce qui s'est passé. Ils étaient de connivence, ils étaient sur les mêmes tribunes. Les gens ont tenu pour acquis que ce que disait M. Trudeau, c'était ce que pensait le comité du non.

Le résultat référendaire doit s'expliquer uniquement de cette façon. Les gens n'ont pas voté en se disant: Bien moi, je dis non parce que j'appuie M. Trudeau, ou je dis non parce que j'appuie M. Ryan. Ils ont dit non parce qu'ils appuyaient le comité du non. Le comité du non a pris des engagements.

Aujourd'hui, M. Forget essaie de se sortir du pétrin, en essayant de nous faire croire qu'il fallait faire des distinctions entre ce que les uns pensaient et ce que les autres pensaient. Ils pensaient la même chose.

Quand on se présente sur une tribune publique, si quelqu'un dit des choses sur lesquelles on n'est pas d'accord, on doit les assumer, sinon on doit vraiment s'y opposer. Cela n'a pas été fait.

Aujourd'hui, je pense que la contradiction est flagrante. Elle est vraiment flagrante la contradiction de la part...

M. Forget: Est-ce que le député me permettrait une question?

M. Dussault: Non, pas pour le moment. Je vais terminer, M. le Président.

La contradiction est maintenant flagrante chez les libéraux provinciaux parce que, lors du débat à l'Assemblée nationale sur la motion qui devait nous permettre de nous opposer unanimement à ce qui se passait à Ottawa, ces gens n'ont pas voulu vraiment se mouiller avec tous ceux qui croyaient qu'il faut dénoncer le coup de force de M. Trudeau. Ils ne se sont pas mouillés ces gens, ils ont refusé de faire corps avec les députés à l'Assemblée nationale. Ils ont apporté comme argument qu'il fallait absolument reconnaître que les Québécois, lors du référendum, avaient voté pour un fédéralisme renouvelé.

Comment se fait-il que cet argument qui était vrai, lors de cette motion, n'est plus vrai aujourd'hui? C'est une contradiction tout à fait flagrante. Il y a quelque chose qui se passe. Ou ces gens d'en face trompaient les Québécois lors de ce débat à l'Assemblée nationale, ou ils trompent les Québécois aujourd'hui, mais, de toute façon, face à ces gens, les Québécois sont trompés. (12 h 30)

Je vous remercie, M. Trépanier, de nous avoir donné l'occasion de revenir sur cette question parce que c'est fondamental. On ne peut plus maintenant dissocier ce qui s'est passé lors du référendum de ce qui se passe aujourd'hui à Ottawa. Ces choses sont intimement liées. Ces gens d'en face ont été récupérés; c'est clair maintenant. À mesure que le temps passe, les événements nous font voir que c'est relié et que c'est clair. Merci, M. Trépanier.

M. Forget: J'avais une question pour le député. Est-ce que le député...

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. J'avais promis à M. Trépanier de le laisser parler. M. Trépanier.

M. Trépanier: Seulement un commentaire. Je trouve cela bien intéressant de vous voir présenter chacun vos arguments. Vous aurez sûrement le temps durant la campagne électorale de développer cela encore. J'aimerais vous poser la question que je me suis permis de poser en jouant le rôle de M. Trudeau. J'aimerais bien connaître vos opinions, à savoir à qui les Québécois doivent-ils s'en remettre? Je considère que c'est une question essentielle au moment présent. J'aimerais avoir l'opinion de chaque parti politique, si c'est possible.

Le Président (M. Jolivet): Avant de donner la parole au député de Deux-Montagnes pour qu'il réponde, M. le député de Saint-Laurent a peut-être une question à poser, tout en vous faisant remarquer que, normalement, les questions sont posées d'ici vers les témoins et non pas entre vous ou du témoin vers vous.

M. Forget: Ce sera très bref et je vous remercie, M. le Président J'ai été fasciné par le récit qu'a fait le député de Châteauguay de son débat. Évidemment, il semblait avoir été très brillant dans ce débat. Je ne sais pas si son adversaire avait la même perception, mais, à tout événement, je dois prendre sa parole sur le brio qu'il a démontré dans ce débat qui s'est tenu ailleurs. J'aimerais savoir si, selon lui, le référendum a porté sur le fédéralisme renouvelé ou sur le mandat de négocier la souveraineté-association.

M. Dussault: M. le Président, d'abord, je pense que M. le député de Saint-Laurent n'a pas parfaitement saisi ce que j'ai dit. Ce n'est qu'une partie du débat qui s'est tenu. Si je devais vous faire part de l'ensemble du

débat, vous seriez gêné de ce qui s'est passé du côté libéral et de vos amis d'Ottawa. Sur votre question précisément, ce que le gouvernement a amené devant l'opinion publique pour être tranché, c'était un mandat de négocier sur la base de la souveraineté-association. Il est arrivé que, dans ce débat qui s'est tenu pendant au-delà d'un mois, quelqu'un est venu sur la place publique prendre des engagements dans le comité du non. On ne peut plus aujourd'hui, même si M. le député de Saint-Laurent veut prendre ses désirs pour des réalités, penser que, dans l'opinion publique, dans l'esprit des gens, le débat, la question portait uniquement sur un mandat de négocier sur la base de la souveraineté-association. Nos amis d'en face sont venus apporter des éléments qui ont fait qu'aujourd'hui la question ne se tranche plus de la même façon. C'est ce qui est important. Quand le comité du non a dit aux Québécois: Un non va vouloir dire un oui, les Québécois ont, pour un très grand nombre, cru que leur non voudrait dire qu'on renouvellerait le fédéralisme dans le sens de plus de pouvoirs pour les Québécois.

M. Forget: Est-ce que vous suggérez qu'on recommence le référendum avec une question plus claire?

M. Dussault: Le lendemain, si vous permettez que je termine, a commencé une vaste opération qui ne menait pas du tout à cela. Au contraire, c'était une opération qui menait à moins de pouvoirs pour le Québec. Dans ce sens, vous avez participé à une vaste opération qui a mené à un leurre des Québécois de la part de vos amis d'Ottawa. C'est cela, la situation.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Forget: C'est votre interprétation, mais, effectivement, vous reconnaissez que votre gouvernement a posé une question qui n'était pas ce que vous prétendez qu'elle est.

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant!

M. Dussault: En vertu de l'article 96, M. le Président.

M. Trépanier: Justement, en vertu de l'article 96, je vous ai souvent entendu parler de l'article 96. Je me demande si j'ai le droit, moi aussi, d'intervenir en vertu de cet article.

Le Président (M. Jolivet): Vous n'avez aucun droit, monsieur.

M. Trépanier: Je n'ai pas le droit, moi?

D'accord.

M. de Bellefeuille: Vous avez droit à notre considération.

Le Président (M. Jolivet): Dans ce contexte, je voudrais qu'on évite un débat à ma gauche et à ma droite, puisque le débat doit se faire vers vous.

M. Trépanier: J'aimerais beaucoup que vous donniez un avis sur la question que je pose.

Le Président (M. Jolivet): Justement, si vous avez compris mon intervention tout à l'heure, j'ai dit que M. le député de Deux-Montagnes répondrait à votre question à la suite de la question posée par le député de Saint-Laurent, mais vous connaissez les procédures qui font que, de gauche à droite, cela virevolte parfois.

M. Trépanier: ...très bien d'ailleurs.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Châteauguay, avez-vous encore quelque chose à ajouter en vertu de l'article 96?

M. Dussault: Oui, M. le Président. Ce qu'a dit, dans les dernières minutes, M. le député de Saint-Laurent laisse croire qu'il y a... Je reconnais quelque chose maintenant que je n'aurais pas reconnu avant ou que d'autres n'auraient pas reconnu avant. La question portait sur un mandat. On voulait en arriver à une nouvelle entente avec le reste du Canada et la question le disait. Nous, on demandait aux Québécois la permission d'aller négocier avec le reste du Canada. On en voulait un mandat pour cette négociation en vue de la souveraineté-association. On était très clair là-dessus, M. le Président, et à cause de l'intervention de M. Trudeau dont je parlais, qui a récupéré les libéraux provinciaux qui ont toujours voulu être reconnus comme des libéraux provinciaux dans cette campagne référendaire, d'ailleurs, ils ont été récupérés. Qu'ils assument aujourd'hui les conséquences de ce qui s'est passé. Ils ont voulu que cela fonctionne de cette façon. Ils ont voulu jouer à la cachette avec la population pour en dire le moins possible. Il est arrivé quelqu'un qui en a dit trop. Qu'ils assument maintenant les conséquences de ce qui s'est passé. Qu'ils arrêtent de nous raconter toutes sortes d'histoires sur des coupables qu'on pourrait trouver ailleurs. Ils sont coupables de s'être laissé récupérer. Aujourd'hui, la population doit les juger.

Le Président (M. Jolivet): Sur la question de M. Trépanier maintenant, M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais répondre ou tenter de répondre à la question de M. Trudeau par l'intermédiaire de M. Trépanier; M. Trépanier dans le rôle de M. Trudeau. Je voudrais d'abord signaler à M. Trépanier, dans le rôle de M. Trudeau, qu'il n'est peut-être pas tout à fait aussi fort qu'il l'indique dans le texte de son mémoire. Il faut bien se rappeler que M. Trudeau n'a fait élire que deux députés à l'ouest de l'Ontario, ce qui le laisse très faible dans une région extrêmement importante du Canada. Aussi, à l'heure actuelle, il y a maintenant sept provinces qui, par la voie de leur gouvernement appuyé par la population, comme on le sait grâce aux sondages, se sont déclarées opposées à votre projet, M. Trépanier-Trudeau. Par conséquent, on doit chercher à dissiper le mythe que vous représentez, M. Trépanier-Trudeau, puisque, en février 1980, vous n'avez pas fait campagne sur ces questions-là; vous n'aviez pas du tout, par conséquent, le mandat de faire ce que vous êtes maintenant en train de faire. Je ne reviendrai pas sur le deuxième point dont il a été question abondamment ce matin, à propos de ce fameux engagement référendaire que vous avez pris, M. Trépanier-Trudeau, et dont vous avez ensuite faussé le sens.

Il faudrait peut-être, M. Trépanier-Trudeau, se demander dans quelle mesure le mythe selon lequel les Québécois vont toujours voter automatiquement pour vous va se perpétuer. Peut-être que ce mythe va commencer à se dissiper, puisque les Québécois se rendent compte que vous leur avez joué ce mauvais tour de passe-passe. Vous cherchez à leur imposer ce coup de force extrêmement dangereux pour les droits les plus fondamentaux du Québec. On peut imaginer que la cote électorale de M. Trudeau qui, selon la légende, est toujours très élevée a pâli et faibli considérablement. Par conséquent, ce n'est pas, à mon avis, à vous que les Québécois devraient s'en remettre dans cette situation. Ils doivent s'en remettre à leurs propres institutions et, avant tout, à leur gouvernement qui, jusqu'à maintenant, depuis que cette affaire a commencé, n'a pas ménagé les efforts pour défendre les droits historiques et fondamentaux du Québec.

Quant à savoir si ce gouvernement va continuer d'être le même gouvernement quant au parti, les Québécois feront leur choix. Les Québécois auront à faire un choix entre un parti qui soutient le Québec parce que, au fond, ce qui compte, ce n'est pas de fignoler des bricoles fédéralistes ou non fédéralistes, de revenir à des livres beiges, d'enlever la poussière dessus et de s'imaginer que le débat est là. Ce qui compte, ce n'est pas cela. C'est Québec d'abord ou on laisse tomber les droits, les prérogatives du

Québec. Alors, nous avons fait la preuve que, pour nous, c'est Québec d'abord. Les partis d'Opposition, en tout cas le Parti libéral n'a sûrement pas fait la preuve que, pour lui, c'est Québec d'abord. Pour lui, des fois ça peut être le Québec, des fois c'est le Canada, c'est surtout le livre beige, c'est toutes sortes de choses, mais il n'est jamais clair, avec les libéraux, que c'est le Québec d'abord. C'est comme ça que les Québécois auront à choisir le gouvernement qui continuera le travail que nous avons commencé.

Je voudrais, en terminant, rappeler - et là je parle non plus à M. Trépanier-Trudeau, mais à M. Trépanier tout court - qu'il y a un passage de votre mémoire qui est extrêmement court, mais qu'il ne faudrait pas oublier, celui où vous sortez de votre rôle et où vous dites que vous désirez une république québécoise, vous désirez une citoyenneté québécoise, vous désirez un dollar québécois, vous désirez un Québec. Là-dessus, on est absolument d'accord quant à l'intention que vous manifestez. Merci.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. Trépanier, Avez-vous d'autres choses à ajouter?

M. Trépanier: J'ai eu une réponse à ma question. Je ne sais pas si je vais avoir d'autres réponses.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Brièvement, M. le Président. Je crois que, si on se réfère aux propos du député de Châteauguay et du député de Deux-Montagnes, on se rend compte de la véritable nature du débat. J'aime bien la façon dont le député de Deux-Montagnes vient de terminer son intervention. Il souscrit entièrement au souhait de M. Trépanier qui veut une citoyenneté québécoise et un dollar québécois, qui préfère le Québec au Canada, dans le sens où les deux s'opposeraient de manière radicale. Si c'est effectivement ça dont il s'agit, si on écoute le député de Châteauguay qui dit qu'à cause de l'argumentation référendaire, finalement, le peuple québécois, au moment du référendum, n'a pas rejeté la souveraineté, qu'il a voté pour le renouvellement sous quelque forme que ce soit de son statut politique, y compris l'indépendance selon des modalités à déterminer, etc., on se rend compte que ce que le Parti québécois veut faire dans tout ceci, c'est nous replacer dans la même situation que celle où on était il y a un an, faire comme si rien ne s'était passé depuis un an, comme si on était encore à la veille du référendum, comme si rien n'avait été tranché.

Si c'est effectivement ce que le

gouvernement veut faire, et je ne peux pas en douter étant donné qu'on a là des déclarations absolument formelles, catégoriques, c'est-à-dire qu'on veut reprendre le débat à zéro, je pense que nos concitoyens vont être extrêmement intéressés d'apprendre cela. C'est une nouvelle majeure que de dire: Écoutez, on repart à zéro, on essuie l'ardoise et on recommence cette question d'un choix entre le Québec et le Canada. Il m'avait semblé, et, je pense, à un bon nombre de mes concitoyens aussi, qu'on avait tranché cette question fondamentale. Il me semble que le premier ministre lui-même était d'avis qu'on avait tranché cette question fondamentale en mai. Le reste de la rhétorique, à savoir qui peut mieux défendre les intérêts du Québec, je pense que, sur ça aussi, nos concitoyens ont leurs idées là-dessus. Ils s'imaginent, je pense, assez facilement que ceux qui peuvent le mieux renouveler le fédéralisme, c'est encore ceux qui croient au fédéralisme.

Si on a cette notion d'une négociation où le Québec va chercher tout ce qu'il peut aller chercher et où il n'a aucune intention de faire des choses en commun, à titre de Canadien, à une entreprise commune, je pense qu'on est assuré d'avance que le Parti québécois, s'il est reporté au pouvoir, pourra nous garantir quelque chose effectivement. Il va pouvoir nous garantir la permanence de l'impasse, la permanence d'un statu quo insatisfaisant parce qu'il ne croit pas à autre chose. Ayant désespéré de réaliser à très court terme l'indépendance, il préfère opter pour la politique du pire en disant: Pourvu que rien ne change, l'insatisfaction de tout le monde va faire en sorte qu'au bout d'un certain nombre d'années le pendule va revenir et on pourra finalement réaliser notre ambition d'un seul Québec avec un dollar québécois, une citoyenneté québécoise et tout le reste. Si c'est cela le "game plan", la grande stratégie, la nouvelle version de l'étapisme, je crois que nos concitoyens ont le droit de la connaître et on vient de l'apprendre de la bouche de ses porte-parole autorisés à la commission parlementaire. Je pense que c'est un immense progrès de clarté.

Bien sûr, je peux anticiper que le ministre des Affaires intergouvernementales ou quelqu'un d'autre de ses collègues va tout de suite essayer d'introduire là-dedans un peu de confusion. Il va dire: Non, non, ce n'est pas vraiment cela qu'on voulait dire. Mais ce genre d'ambiguïté, ce genre de temporisation, c'est pour essayer de faire plaisir à toutes les clientèles. Surtout, après le référendum, dire: Bien, écoutez, ce n'est pas vrai, il n'y a pas véritablement une décision fondamentale qui a été prise, c'est le style de gouvernement et le style de discours qu'on est habitué d'entendre de la part des porte-parole du Parti québécois. Il est extrêmement intéressant qu'au moment où on se prépare à faire des élections on se rende compte que ces gens n'ont rien appris, ils maintiennent la même attitude d'ambiguïté calculée, savamment calculée pour produire un résultat qui est toujours le même et sur lequel, sans l'ombre d'un doute, dans mon esprit au moins, l'immense majorité de nos concitoyens s'est déjà prononcée. Je pense que, si on est véritablement démocrate de l'autre côté, il faudrait commencer par faire cette admission très simple qui est pénible, et qui est d'autant plus pénible que les circonstances actuelles, évidemment, ne poussent personne à vouloir faire ce genre de protestation de loyauté. Mais il demeure qu'en dépit de tous les aléas de la stratégie et des négociations fédérales-provinciales, s'il y a des valeurs auxquelles ont souscrit nos concitoyens de façon majoritaire, ce n'est pas parce que cela ne nous accommode pas sur le plan électoral, ce n'est pas parce que cela ne nous accommode pas étant donné le calendrier des négociations qu'il faut tourner le dos à ces choix et à ces valeurs fondamentales.

Quant à nous, nous allons continuer de les affirmer de la même façon claire et sans ambiguïté. La question qui nous est posée de façon rhétorique appelle une réponse qui est conforme à l'esprit d'un régime fédéral. À qui le peuple du Québec doit-il faire confiance? Il doit faire confiance à ses élus. Tout le monde sait qu'il élit des députés à deux niveaux de gouvernement. Mais plus l'élection se fait lointaine, moins il peut effectivement faire confiance parce que plus est loin le moment où il a passé un jugement sur ces gens-là. Je pense que M. Trépanier a eu bien raison d'insister sur le fait que le gouvernement fédéral est fraîchement élu; cela faisait exactement un an hier, et cela fera bientôt cinq ans que le gouvernement du Québec a été élu. Dans la conjoncture actuelle, si on veut redresser l'équilibre, il faut aller chercher un nouveau mandat, un mandat électoral, cette fois-ci. Il faut cesser de temporiser. Il faut cesser de reporter vers l'avenir une décision en guettant les sondages...

M. Bertrand: Cela ne saurait tarder.

M. Forget: ...en guettant les aléas de l'opinion publique. S'il y a véritablement des valeurs fondamentales et des intérêts fondamentaux du Québec, on aurait peut-être dû y penser il y a quelques mois, qu'il nous fallait un nouveau mandat sur le plan du gouvernement du Québec, qu'on ne pouvait pas risquer d'avoir un mandat affaibli par la longueur du temps qui s'est écoulé depuis l'élection de 1976. Et surtout, après l'échec référendaire, le gouvernement aurait dû réaliser sa vulnérabilité. S'il ne l'a pas

réalisé à ce moment-là, il porte une partie, pas toute, mais une partie de la responsabilité de l'impasse actuelle. Et cela, au yeux de l'histoire, c'est une responsabilité qu'il ne pourra jamais récuser. Elle lui appartient malheureusement en propre. C'est bien sûr qu'il n'est pas le seul coupable de l'impasse actuelle. C'est évident. Mais il est un des coupables et un des coupables importants de l'impasse actuelle. Tout le monde sait très bien qu'il s'est prêté à un processus qui n'était pas dans l'intérêt du Québec, parce qu'il était mal engagé, au mauvais moment, dans une ambiguïté. Ayant prétendu avoir vu tout cela, il a malheureusement décidé de ne pas agir, de ne pas tirer les conclusions qui s'imposaient à l'époque. Il n'est jamais trop tard pour bien faire. Le ministre nous disait tout à l'heure qu'on a cessé de l'inciter à faire des élections. On a cessé à un moment donné parce qu'on s'est dit: De toute manière, on n'a pas l'air d'avoir un gros impact...

M. Morin (Louis-Hébert): Non.

M. Forget: ...sur la décision gouvernementale et ils devront bien par la loi, un jour ou l'autre, en venir là, quelles que soient leurs réticences. Mais si vous nous demandez ce qu'on en pense, M. le Président, on en pense ce qu'on en a toujours pensé: depuis le référendum, il y a un besoin pressant de faire un appel au peuple et j'espère que le gouvernement ne trouvera pas un nouveau prétexte, au cours des prochains jours, pour reporter les échéances. On sent déjà une espèce d'hésitation. On devait être convoqué le 3, selon les rumeurs. Depuis la semaine dernière, tout à coup, c'est moins urgent d'être convoqués le 3. Je ne sais pas par quel miracle, tout à coup, il y a des urgences qui viennent et qui partent comme cela. Mais on se rend compte que plus on approche de la date fatidique où il va bien falloir prendre la décision, on dit: Si on regardait un autre sondage, si on regardait le pointage que le Parti québécois est en train de faire au moment de sa campagne de financement, peut-être aurait-on un peu plus de sécurité. On est loin de la grande défense des intérêts fondamentaux du Québec. On regarde le calendrier avec toutes sortes de préoccupations, mais on est bien loin de la négociation constitutionnelle dans la décision du choix de la date électorale, bien loin. C'est ce parti qui nous dit: Fiez-vous à nous, nous allons garder l'essentiel. Qu'ont-ils fait depuis le mois de mai 1980? Ils ont gardé l'essentiel, mais leur essentiel à eux qui était de rester au gouvernement. C'est tout ce qu'il y a d'essentiel dans ce qu'ils ont gardé. Pour le reste, c'est un échec complet du début à la fin.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: M. le Président...

M. de Bellefeuille: En vertu de l'article 96, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): En vertu de l'article 96, M. le député.

M. de Bellefeuille: Je pense qu'il y a seulement le député de Saint-Laurent qui n'a pas compris que, lorsque j'ai rappelé la fin du mémoire de M. Trépanier, ce n'était pas pour exprimer un accord avec chacune de ses propositions. J'ai bien précisé que c'était un accord avec son intention. Je venais d'expliquer que ce qui compte, c'est de mettre le Québec d'abord. Il est clair que M. Trépanier, quand il sort du rôle qu'il s'est donné, celui de jouer le premier ministre du Canada, se déclare en faveur du Québec d'abord. C'est de ça qu'il s'agit et je trouve étonnant qu'un porte-parole du Parti libéral parle d'ambiguïté. C'est vraiment la paille et la poutre puisque, lorsqu'il s'agit des positions du Parti libéral du Québec, nous nageons en pleine ambiguïté. On ne sait jamais dans quelle mesure ils sont soumis au grand frère d'Ottawa. Durant le débat sur la motion en novembre à l'Assemblée nationale, ils parlaient contre le coup de force et ils ont voté pour. On apprend maintenant que le non...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Deux-Montagnes!

M. de Bellefeuille: ...au référendum ne signifie plus le fédéralisme renouvelé, alors que, tout le temps du débat en novembre, c'est le sens qu'on donnait au non. On nage en pleine confusion et en pleine ambiguïté.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Deux-Montagnes, je m'excuse.

M. Forget: Vous nous avez posé une question.

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Forget: Le ministre a répondu. J'ai répondu.

Le Président (M. Jolivet): II reste au député de...

M. Forget: On peut continuer le débat, bien sûr, toute la journée.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Oui, M. le Président, rapidement.

M. Dussault: M. le Président, en vertu de l'article 96.

Le Président (M. Jolivet): Ah, excusez-moi! M. le député de Châteauguay, en vertu de l'article 96. Je voudrais bien vous rappeler aussi qu'à l'article 96, cela se limite au point précis.

M. Dussault: C'est cela, mais M. le député de Saint-Laurent, en commençant sa longue intervention, a impliqué le député de Deux-Montagnes et le député de Châteauguay. Je pense que c'est important. Il a remis en cause, effectivement, ma reconnaissance du résultat du référendum. Je pense que c'est important de revenir là-dessus. Je veux que ce soit très clair. Je reconnais que les Québécois ont pris une décision lors du référendum et je respecte cette décision, M. le Président. Je voudrais que personne ne mette cela en doute. C'est extrêmement important. Je respecte la décision.

Cependant, cela ne veut pas dire pour autant que je doive accepter, à un moment donné, que la solution maintenant soit en arrière. La solution doit être encore en avant. Elle ne doit pas être dans le recul. Elle ne doit pas être dans l'affaiblissement du Québec. Elle doit être dans le renforcement du Québec. Et ces gens sont complices de l'affaiblissement du Québec. C'est pour cela que je ne peux pas être d'accord avec eux.

Pour répondre à la question de M. Trépanier, je pense que les Québécois doivent choisir ceux qui auront eu le courage et qui auront été capables de se tenir debout, de faire la preuve qu'ils sont capables de se tenir debout, et ce ne sont pas ceux-là qui ont fait cette preuve, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Châteauguay, la parole n'était pas à vous. Vous avez utilisé un droit qui n'était pas le vôtre.

M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Merci, M. le Président. Ce n'est pas en vertu de l'article 96. D'ailleurs, je ne sais pas qui a écrit cet article dans le livre de règlement.

Pour répondre à la question de M. Trépanier à savoir à qui les Québécois doivent s'en remettre, ils doivent s'en remettre à leurs deux paliers de gouvernement. Ni le fédéral ni le provincial ne devrait avoir juridiction l'un sur l'autre. Le gouvernement fédéral n'a aucune autorité sur le gouvernement provincial et vice versa. Ils devraient avoir chacun leur champ de juridiction. Lors du débat référendaire, ce que les gens ont décidé, c'est justement qu'on s'assoie et qu'il y ait... Les gens ont dit: Nous sommes Québécois mais, quand même, on choisit de poursuivre l'expérience canadienne suite à une nouvelle entente qui sera négociée. À l'intérieur de cette entente, on aurait pu définir clairement le champ de juridiction de chacun des paliers de gouvernement. Ce n'est pas un par-dessus l'autre, c'est un au niveau de l'autre.

Les Québécois, lorsqu'ils ont voté non au référendum, quant à moi, c'est tout simplement parce qu'ils voulaient qu'on s'assoie et qu'on définisse clairement ce champ de juridiction pour qu'on arrête, qu'on cesse ces chicanes intestines qu'on connaît depuis de nombreuses années et qui n'avancent à rien. C'est de les définir clairement. Il y a eu des formules proposées. Notre formation politique en propose une, au niveau de la langue, etc. Chaque palier de gouvernement a son champ de juridiction. La commission Pépin-Robarts a formulé un rapport. Il y avait d'autres propositions. Il y a eu différentes formules proposées. Elles ne sont pas toutes bonnes à 100%, bien sûr, mais il y a certainement quelque chose de valable. D'ailleurs, cette unanimité qu'on voulait, on ne l'avait pas depuis x années. Rappelons-nous lorsque M. Johnson allait à Ottawa. Il était le seul à parler un langage. Maintenant, il y a six, sept et même huit premiers ministres qui parlent à peu près le même langage. Il y a eu de l'avancement il y a eu des choses de faites depuis dix ans, depuis vingt ans et ce n'est pas vrai qu'on est demeuré toujours au statu quo. Il y a eu de l'avancement et il peut y en avoir encore.

Si vous me permettez, vous nous avez dit tout à l'heure que vous vous mettiez dans la peau de M. Trudeau. Je vais essayer de vous regarder comme si vous étiez M. Trudeau. Je vais vous dire ce que je vous aurais dit lorsque je suis allé à Ottawa devant le comité mixte. Je n'ai pas pu le rencontrer, M. Trudeau, mais je vous aurais dit que quant à moi, vous êtes le plus grand indépendantiste et le plus grand séparatiste que le pays a connu. C'est cela que je vous dirais. Parce que vous êtes intransigeant, vous êtes arrogant d'abord. Si justement ce fédéralisme renouvelé, à un moment donné, tant désiré par bon nombre de Canadiens, si cela ne passe pas, vous en serez le premier responsable, parce que vous ne voulez vraiment pas négocier. On en a eu la preuve.

D'ailleurs, lorsque vous faites fi justement de ce que sept ou huit provinces vous demandent actuellement, sept à compter de ce matin, ce que 750,000 Québécois vous demandent, de retourner à la table de négociation, de vous asseoir et de négocier,

ce que l'Ouest vous demande et que les autres provinces vous demandent; il n'y a pas seulement les Québécois qui vous le demandent. Ils vous disent: On veut un fédéralisme canadien renouvelé en profondeur avec l'accord... Quant à nous, on dit avec l'accord du Québec, c'est ce qu'on veut, c'est ce qu'on demandait en mai. Je suis allé moi-même sur les tribunes au mois de mai et, si c'était à refaire, je referais exactement la même chose.

La question qu'on vous posait, c'est de vous asseoir et de négocier un fédéralisme renouvelé. Faites-le. Quand vous parlez de déclencher une élection pour savoir ce que la population veut, moi, je vous lance le défi, vous n'avez pas les "guts" de la déclencher.

Quand vous arrivez avec des arguments aussi faibles que c'est parce que le Parti conservateur n'est pas trop organisé que vous ne déclenchez pas les élections, quand on connaît les libéraux fédéraux, leur façon d'agir, justement, vous seriez les premiers à profiter de cela, si les conservateurs étaient divisés, mais ils ne le sont pas. Ce sont des arguments faibles. À savoir si vous auriez les mêmes alliés, rappelez-vous que, dernièrement, vos amis, les libéraux provinciaux, ont déclaré publiquement - vous avez cela dans tous les journaux - que lors d'une élection provinciale, on demande aux libéraux fédéraux et M. Trudeau en tête de demeurer chez eux. Vous avez cela à peu près dans tous les médias, ici, dans la région de Québec. Cela veut dire qu'ils sont rendus qu'ils ont honte de vous autres, tout simplement. Ils ne veulent même pas que vous veniez les déranger, lors de la campagne électorale provinciale qui s'en vient, parce qu'ils savent que vous allez leur nuire et ils savent que, justement, les engagements que vous avez pris le 20 mai, vous ne les avez pas respectés.

Déclenchez une élection là-dessus. Vous n'avez pas les "guts" de la déclencher. Vous n'avez même pas vos partenaires provinciaux, vous n'en aurez plus un de ceux que vous avez eus à la dernière bataille référendaire.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Vanier, en terminant.

M. Bertrand: En terminant, M. le Président. Peut-être que M. Trépanier voudrait ajouter...

Le Président (M. Jolivet): Faites votre intervention, il pourra terminer ensuite.

M. Bertrand: Justement, je suis content que le député de Bellechasse nous ait appris que ce sont les libéraux provinciaux qui se sont alliés au plus grand séparatiste et au plus grand indépendantiste, lors du référendum du 20 mai. Je pense que c'est bon de savoir de quel côté se situaient les séparatistes et les indépendantistes.

M. Goulet: Je vais sortir l'article 96, moi aussi.

M. Bertrand: Mais c'est plutôt sur une remarque du député de Saint-Laurent que je voudrais revenir sur le non-respect ou le respect de la décision des Québécois, le 20 mai dernier.

Je pense que si on regarde un peu aujourd'hui ce qui s'est déroulé depuis sept ou huit mois, on est obligé de se rendre à l'évidence. C'est que, quels que soient les objectifs que nous ayons formulés à l'endroit des Québécois, le 20 mai dernier, et la conviction que nous ayons que c'était dans ce sens que le Québec devait se diriger. Je pense qu'il n'y a personne qui peut dire du gouvernement aujourd'hui que ce gouvernement n'a pas été profondément respectueux de la décision des Québécois. Il n'y a personne qui a osé proclamer que nous ayons posé quelque geste que ce soit qui ait été à l'encontre du respect de la décision démocratique prise par les Québécois. J'ajouterai encore que, s'il y en a qui doivent être taxés d'avoir été profondément irrespectueux de cette décision, ce sont ceux qui, à l'heure actuelle, à Ottawa, imposent au Québec un coup de force qui n'était pas le sens de leur non au référendum. Ces gens n'ont pas respecté la décision des Québécois. Vous autres qui, aujourd'hui, tentez de nous faire la leçon, n'êtes même pas capables, d'une façon directe ou indirecte, de faire appel au bon sens, à la raison et à la compréhension même de votre livre beige auprès de ces alliés et de ces complices du 20 mai dernier. Quand on parle de respect de la décision, je pense qu'effectivement le député de Deux-Montagnes avait raison de dire que votre poutre est drôlement plus importante que les pailles que vous tentez de nous prêter.

M. le Président, dans ce contexte, je réitère mon invitation au député de Saint-Laurent de faire peut-être une déclaration publique. Paraît-il qu'il est le porte-parole constitutionnel de sa formation politique. Il pourrait peut-être jouer au Lome Nystrom du Parti libéral et tenter d'amener ses collègues libéraux d'Ottawa à la raison. Il me semble qu'on pourrait évaluer l'impact, la force, l'influence dont jouit le Parti libéral du Québec auprès de ses collègues libéraux à Ottawa, et peut-être bien qu'au terme on pourrait apprendre qu'au lieu d'avoir uniquement un seul député sur 74 qui s'oppose à ce coup de force il pourrait y avoir une brèche de 10, 15, 20 ou 25 députés. M. le député de Saint-Laurent, on vous fait une invitation. On verra dans les prochains jours si elle aura porté fruit.

Le Président (M. Jolivet): En terminant,

avant de suspendre les travaux, M. Trépanier. (13 heures)

M. Trépanier: Oui. Je vous remercie d'avoir répondu à ma question du mieux que vous pouviez. Je vous rappelle que je parle toujours en mon nom personnel, je n'ai pas du tout la prétention de parler au nom des Canadiens ou des Québécois. J'espère que dans la prochaine campagne électorale, à cause de l'ambiguïté qu'on vit au Québec depuis plusieurs années, vous allez donner l'occasion aux Québécois de se brancher si on peut dire. Je vous rappellerais une citation de M. Jean Chrétien dans son discours d'il y a deux jours, quand il a présenté son projet à Ottawa. À un moment donné, il a dit: On ne peut pas être des deux côtés de la rue en même temps. Il faisait allusion à l'Opposition qui proposerait des amendements à son projet et qui, après cela, voterait contre. J'aimerais qu'ici au Québec on se branche aussi, qu'on décide de quel côté de la rue on va être, soit qu'on choisisse d'être Canadiens ou d'être Québécois, et qu'on en assume la responsabilité de la façon la plus intelligente en tenant compte, évidemment, des nuances qu'on vit présentement.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. Trépanier: Merci.

Le Président (M. Jolivet): Suspension des travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 02)

(Reprise de la séance à 15 h 15)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission parlementaire de la présidence du conseil et de la constitution est de nouveau réunie pour les audiences publiques. Je fais demande à Mme Micheline Trudel-Lamarre qui représente l'Association québécoise pour l'application du droit à l'exemption de l'enseignement religieux de bien vouloir s'avancer et de nous présenter la personne qui l'accompagne.

M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, si vous me le permettez...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): ... j'aurais une question d'organisation à soulever. Je voudrais poser au député de Saint-Laurent une question. Quand la commission a commencé à siéger, il y a deux ou trois semaines, le chef de l'Opposition, à l'époque, avait parlé de la possibilité de présenter une résolution à cette commission. Je comprends que le mandat de la commission - ça on pourra en discuter longtemps - ne s'étend peut-être pas à présenter des motions, mais ne serait-ce que pour qu'on organise notre travail, je voudrais savoir si on a toujours l'intention de la faire et quand est-ce qu'on pourrait faire ça, parce que cela pourrait peut-être nous conduire à demain matin. Je voudrais le savoir parce qu'il y a des engagements que certains d'entre nous avons.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je suis fort aise que le ministre aborde lui-même la question. J'allais le faire moi-même au début de nos travaux de cet après-midi. J'avais d'ailleurs posé la question, je pense, la semaine dernière, parce que sur l'ordre du jour qui nous a été communiqué, évidemment, on ne voit figurer que la présentation de mémoires et on me dit, du côté du secrétariat de l'Assemblée nationale, qu'on a épuisé totalement la liste des personnes ou organismes qui voulaient se faire entendre à la commission. Évidemment, on se rend bien compte que ce n'est pas le membre de l'Opposition qui va décider de l'ordre des travaux et du temps qu'on peut consacrer au débat de motion, alors j'apprécierais beaucoup si, dans le fond, le ministre répondait à sa propre question dans le sens de nous indiquer s'il est disposé à accorder une période de temps limitée pour l'étude d'une motion et si oui à quel moment. Si je comprends bien, il suggère que cela se fasse demain. Moi, je n'aurais pas d'objection à le faire demain, mais il serait peut-être aussi plus facile de le faire à la fin de la séance d'aujourd'hui, quitte à la prolonger de quelques minutes.

M. Morin (Louis-Hébert): Peut-être. Ce n'est pas parce que je n'avais pas l'intention d'y réserver du temps, au contraire, sauf que je souligne, en passant, que je ne crois pas que le mandat de la commission nous porte naturellement à faire des motions; mais nous n'avons pas objection à ce qu'il y en ait. Je voudrais savoir si l'Opposition avait toujours l'intention d'en présenter une et si c'est le cas, j'aimerais qu'on en discute le plus rapidement possible. Nous avons encore des personnes à entendre, bien sûr. D'ailleurs, il y a des gens, si j'ai bien compris, qui ont déjà des engagements pour demain, d'autres, peut-être pour ce soir. Il faudrait s'ajuster. On pourrait peut-être en reparler un petit peu plus tard après-midi pour voir où on s'en va avec tout cela.

Le Président (M. Jolivet): On aura l'occasion, d'ailleurs, au moment de la suspension des travaux, à l'heure du souper,

d'en parler à ce moment.

M. Morin (Louis-Hébert): Ou même avant.

Le Président (M. Jolivet): Avant cela? M. Morin (Louis-Hébert): D'accord.

Le Président (M. Jolivet): D'accord. Juste avant de donner la parole à Mme Micheline Trudel Lamarre, je voudrais faire appel, parce qu'il y a deux groupes qui n'étaient pas là ce matin pour voir s'ils sont arrivés. Le Conseil des minorités du Québec. Nous allons donc conclure que ces gens-là ne se sont pas présentés et qu'ils n'auront pas de mémoire à présenter. Le Regroupement pour les droits politiques du Québec. Nous allons conclure la même chose. Comme j'en avais fait mention ce matin, nous avons corrigé l'Organisation des jeunes indépendantistes pour un Québec communautaire qui est représentée dans la salle par José Roy et Jean Baillargeon que je vois là-bas. Mme Micheline Trudel-Lamarre, la parole est à vous.

AQADER

Mme Trudel-Lamarre: Bonjour, M. le Président. Je vous présente Norma Legault, présidente de l'AQADER, qui m'accompagne.

Le Président (M. Jolivet): Voulez-vous approcher votre micro, s'il vous plaît?

Mme Trudel-Lamarre: L'AQADER est un regroupement populaire qui a été fondé en 1976 et, comme son titre l'indique, nous nous sommes regroupés pour faire appliquer le droit à l'exemption de l'enseignement religieux dans nos écoles confessionnelles.

Actuellement, nous avons dix sections de l'AQUADER à travers le Québec, soit à Montréal, sur la rive sud, à Québec, à Laval, dans les régions de l'Outaouais, de l'Estrie, de la Mauricie, des Laurentides, de Gaspé et de la Côte-Nord.

M. le Président, distingués membres de l'Assemblée nationale, nous ne sommes ni des historiens, ni des juristes, ni des constitutionnalistes. Notre intention n'est pas de vous présenter un savant exposé. Les gens qui sont devant nous ont d'ailleurs les moyens de faire toutes les recherches nécessaires. Nous représentons des parents qui, dans les écoles publiques confessionnelles du Québec, en 1981, ont encore le "droit à l'exemption religieux" comme seul moyen d'exprimer leur liberté de conscience.

L'objet de notre intervention se limitera à l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, bien que nous ayons beaucoup à dire sur la législation provinciale en matière d'éducation.

Sommairement, l'article 93 établit que l'éducation est de juridiction provinciale et que les minorités catholiques ou protestantes doivent, dans chaque province et pour chaque province, être respectées quant aux écoles confessionnelles. Or, seul le Québec est soumis aux restrictions de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Selon une citation de Denis Monière: "L'article 93 ne garantit que les droits de la minorité protestante du Québec. Il n'est pas extensible aux minorités catholiques des autres provinces parce que l'article ne garantit que les droits conférés par la loi, au moment de l'Union. Or, ces droits n'étaient clairement définis que pour la minorité protestante du Québec."

Les interprétations de l'article 93 sont nombreuses et souvent différentes, voire contradictoires. Au Québec, la plus récente, celle du juge Deschênes, dit: "L'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique protège la confessionnalité scolaire au niveau élémentaire à Montréal, à Québec et dans les six dissidences en province." N'est-il pas paradoxal de constater que seul le Québec y perd sa juridiction et ce, dans ses bassins de population les plus importants, les plus cosmopolites, ceux-là même qui font habituellement figure de proue dans l'évolution d'une société? N'est-il pas paradoxal que cet article enchâssé dans la constitution de 1867 pour protéger la liberté de religion et appliqué dans le cas de l'école Notre-Dame-des-Neiges amène le juge Deschênes à conclure, et je cite: "Cependant, la protection de la liberté de conscience dans les écoles publiques appelle l'amélioration de la législation"? N'est-il pas paradoxal que le système scolaire confessionnel pour dissidents soit devenu, sous le coup de lois consécutives, le lot imposé à la majorité? Alors que le juge Deschênes considère la législation scolaire dépassée par les événements et déplore le cadre contraignant à l'intérieur duquel la cour se voit forcée d'arbitrer ce litige, en parlant de Notre-Dame-des-Neiges; alors qu'un sondage scientifique mené dans le cadre de la consultation sur le livre vert dans l'enseignement primaire et secondaire -dont vous avez un extrait en annexe - révèle que l'école publique confessionnelle n'est plus le type d'école répondant aux attentes d'une majorité de citoyens consultés en 1978; alors que le pluralisme de notre société ne fait plus de doute, n'est-il pas anachronique et antidémocratique de présenter un projet de constitution en 1981 qui se lit comme suit? Je sors un peu du texte. Ce matin, quelqu'un disait: Ne devrait-on pas se méfier de l'inclusion d'une charte des droits dans la constitution, alors que ce sont des droits humains universellement reconnus? Oui, il faut s'en méfier parce qu'actuellement ces droits, en même temps qu'ils sont affirmés,

font l'objet de restrictions majeures. C'est ainsi qu'on lit, sous la rubrique "Libertés fondamentales" à l'article 2: "Chacun a les libertés fondamentales suivantes: liberté de conscience et de religion." Mais on lit, à l'article 6.3: "Les droits mentionnés au paragraphe 2 - donc, liberté de conscience et de religion - sont subordonnés aux lois et usages d'application générale en vigueur dans une province donnée, s'ils n'établissent entre les personnes aucune distinction fondée principalement sur la province de résidence antérieure ou actuelle."

Et, à l'article 28, "les dispositions de la présente charte ne portent pas atteinte aux droits ou privilèqes garantis en vertu de la constitution du Canada concernant les écoles séparées et autres écoles confessionnelles." Bonnet blanc, blanc bonnet!

Comment admettre dans un nouveau projet de constitution un succédané de 1867 qui a mené à des structures scolaires rigides, sourdes aux transformations sociales et incompatibles avec les principes de liberté, de justice et de fraternité?

Attendu que notre société se proclame démocratique et libérale;

Attendu qu'un des principes de démocratie est la liberté de pensée, de conscience et de religion;

Attendu que la confessionnalité du système scolaire est en contradiction avec son caractère public, constituant ainsi une forme d'oppression sur l'ensemble des citoyens;

La parenthèse renvoie à la loi 101. C'est qu'en particulier dans le cas des immigrants qui, avec la loi 101, doivent fréquenter l'école française, donc catholique au Québec, on assiste à l'évangélisation forcée des immigrants;

Attendu qu'un système public se définit par rapport à l'ensemble des citoyens et non par rapport à des groupes plus ou moins majoritaires;

Attendu que la séparation de l'État et des Églises est reconnue en droit;

Attendu que l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, ainsi que les articles 6.3 et 28 du projet de constitution canadienne portent atteinte aux libertés fondamentales;

Attendu que, dépassant des considérations religieuses, l'accès à l'école anglaise est désormais garanti aux anglophones par la loi 101,

Nous réclamons l'abrogation de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et/ou des articles 6.3, 28 et 56.3 du projet de constitution canadienne, de sorte que le Québec jouisse d'une entière autonomie en matière d'éducation.

Nous réclamons la laïcité de toute les écoles publiques, de sorte que tous les citoyens disposent de droits et de traitements égaux.

Le Président (M. Jolivet): Merci.

Mme Trudel-Lamarre: Je voudrais annoncer à la commission que l'AQADER deviendra bientôt officiellement le Mouvement laïque québécois.

Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Merci, M. le Président. Madame, je viens de prendre connaissance de votre mémoire en vous écoutant et en le lisant de mon côté. Je voudrais faire trois commentaires. Ce n'est pas tellement des questions que des commentaires.

Le premier, c'est que vous nous faites des commentaires sur le projet fédéral, alors que, évidemment, je pense que tout le monde est d'accord là-dessus, mais je tiens à le souligner, ce n'est pas nous qui avons proposé le projet fédéral. Donc, ce que vous avez à en redire sera transmis par les journaux et la télévision à nos collègues d'Ottawa. Je pense que vous ne visiez pas le Québec en particulier, à cet égard.

Deux autres commentaires. L'article 93 de la constitution est celui qui garantit l'exclusivité de la compétence des provinces en matière d'éducation. Quand vous dites qu'il faudrait l'abroger, je sais que c'est en vue d'un autre objectif. Il reste néanmoins que si cet article disparaît, vous enlevez la garantie de la compétence exclusive des provinces en matière d'éducation. C'est un commentaire que je voulais faire.

Un deuxième commentaire, je suis d'accord avec vous, à ce moment-là, c'est un peu comme pour l'article 133 qui impose le bilinguisme institutionnel au Québec, mais qui ne l'impose pas à l'Ontario. C'est une des grandes questions débattues maintenant; l'article 93 garantit pour le Québec seulement les droits de la minorité protestante, mais pas les droits de la minorité catholique dans d'autres provinces. Mon commentaire donc, c'est qu'il y a là aussi deux poids, deux mesures, comme c'est le cas pour l'article 133. Je l'enregistre et je pense que, là-dessus, on vient de voir un des éléments qui font que le régime actuel, même pour ceux qui en partagent les objectifs, est loin de traiter justement le Québec. C'est le commentaire que je voulais faire. Je ne sais pas si vous voulez ajouter des choses à cela, mais je me limiterais à ces remarques, pour le moment.

Le Président (M. Jolivet): Mme Legault.

Mme Legault (Norma): Si nous sommes ici, c'est que nous espérons que vous agirez en notre nom auprès d'Ottawa.

Le Président (M. Jolivet): Voulez-vous

vous approcher.

Mme Legault: Je m'excuse, le micro.

Si nous sommes ici, c'est que nous espérons que vous agirez en notre nom à Ottawa. Nous ne sommes pas allés à Ottawa et nous avons demandé d'être reçus ici pour être entendus pour souligner certaines choses que nous vivons de façon très difficile. Pour cette fois, on se contente des aspects de la constitution qui nous semblent... Je pense que tous ceux qui ont été dans les gouvernements assez longtemps savent combien de débats il y a eu sur cette question. Je pense qu'on peut citer M. Morin, dernièrement, à qui on parlait de la restructuration scolaire à Montréal. Ah! la constitution!

Si la partie de la constitution qui enlève l'autonomie à la province pouvait être enlevée, nous, notre souhait c'est que vous puissiez le faire ou l'obtenir.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Laurent. (15 h 30)

M. Forget: M. le Président, j'aimerais dire au départ que le mémoire qui vient d'être présenté est basé sur une valeur fondamentale de la société à laquelle nous appartenons, celle de la liberté de conscience ou de la liberté religieuse et souligne les imperfections qui existent encore dans l'exercice de cette liberté, et à juste titre. Je pense que tous les Canadiens et certainement tous les Québécois ne souhaitent pas vivre dans un régime où il y a une église officielle, où l'État se fait le bras séculier d'une croyance religieuse parmi d'autres. C'est vers cet idéal qu'on doit se diriger le plus rapidement possible.

Deuxième remarque: Ce traitement discriminatoire que la constitution actuelle fait au Québec en matière religieuse en garantissant des libertés religieuses pour ce qui était, à l'époque, une minorité protestante au Québec, est anachronique puisqu'il y a même désormais plus de catholiques en Ontario qu'il n'y a de protestants au Québec. Donc, il ne devrait plus y avoir de discrimination comme celle-là. J'aimerais poser une question à nos invités. Lorsque vous parlez de l'exemption de l'enseignement confessionnel, est-ce que, dans votre esprit, les écoles protestantes au Québec sont confessionnelles dans le même sens que les écoles catholiques sont confessionnelles?

Le Président (M. Jolivet): Mme Legault.

Mme Legault: Pas du tout. Je pense qu'on peut trouver la définition dans celle qui est donnée à la fois par le comité catholique et par le comité protestant. Je vais résumer de mémoire. Le comité catholique définit l'école catholique comme étant celle qui intègre le projet chrétien dans l'ensemble du climat de l'école, et il y a aussi des règlements où l'enseignement religieux est obligatoire et tout cela. Le comité protestant définit ces écoles dans lesquelles un enseignement moral ou religieux est proposé, mais jamais dans un sens doctrinaire. Elles n'ont pas du tout le même objectif. Est-ce que tu as trouvé les mots exacts? Oui. Je vais vous les citer, ce sera mieux que de mémoire. C'est La recherche de la qualité à l'école publique protestante du Québec. Cela a été publié dernièrement. "Tout au long du règlement du comité protestant, on respecte et encourage la liberté de conscience. Tout endoctrinement des élèves par un enseignement basé sur l'appartenance à une secte religieuse particulière y est formellement interdit." Je suis très heureuse que vous souleviez cette question parce que les deux systèmes existent pour les mêmes raisons juridiques confessionnelles, mais, dans les faits, cela ne donne pas du tout la même chose. Alors qu'à l'école catholique c'est l'enseignement religieux obligatoire - climat catholique, projets éducatifs chrétiens - qui doit toucher l'ensemble de la vie de l'école, le comité protestant ne fait pas du tout la même définition des écoles protestantes,

M. Forget: Je vous remercie. Dans ce contexte et sans diminuer en rien la pertinence de vos remarques relativement à la façon discriminatoire avec laquelle la constitution traite le Québec, à cet égard, et les autres provinces - cela demeure, bien sûr, un élément du problème dont il ne faut pas perdre la conscience - mais, malgré tout, dans ce contexte et mettant, pour l'instant du moins, cette plus large question de côté, du point de vue d'un groupe comme le vôtre qui est soucieux de ne pas être soumis à un enseignement confessionnel catholique, est-ce que, dans le fond, l'existence ou le développement possible d'un secteur protestant francophone ne répondrait pas essentiellement à vos préoccupations? Je comprends qu'il y a une connotation traditionnelle au Québec: protestant veut dire anglophone. Si c'est historiquement vrai, ce n'est pas nécessairement vrai jusqu'à la fin des temps. Il y a, de fait, dans la région de Montréal, un grand nombre de francophones qui ne sont pas catholiques, soit qu'ils soient d'origine étrangère, soit même qu'ils soient de vieille souche québécoise, mais qui, pour une raison ou pour une autre, ont pris leur distance par rapport à la religion catholique. Est-ce qu'il n'y a pas là, dans le système existant, une solution possible à votre préoccupation?

Le Président (M. Jolivet): Mme Legault.

Mme Legault: Si vous me le permettez. Le Président (M. Jolivet): Oui.

Mme Legault: D'abord, une précision. Nous sommes des Québécois. C'est très important pour nous, c'est l'école de quartier, l'école publique de notre voisinage qui doit être accessible à tous. C'est celle-là qu'on veut changer. Pour le moment, elle est confessionnelle. On doit demander l'exemption si on refuse l'enseignement religieux catholique, et refuser l'enseignement religieux catholique ne fait pas de nous des protestants. Finalement, c'est dans notre école française qu'on veut pouvoir exercer la liberté de conscience parce que c'est l'école publique, l'école de tout le monde. Ce sont les règlements concernant l'école publique qui doivent changer pour la rendre véritablement publique. Je pense que ce n'est pas à nous de changer de système scolaire. De toute façon, nous ne sommes pas du tout d'accord avec le développement actuel qui se fait du côté protestant où on dit que, d'ici à cinq ans, il sera à 50% francophone. Cela devient, il me semble, une déviation de notre rêve de société où l'école de la majorité accueille tout le monde. Dans le moment, on a une constitution qui donne des droits aux protestants, mais, en fait, c'est l'école de la majorité qui doit s'adapter à l'évolution de la population et aux nouveaux immigrants et accueillir tout le monde. Politiquement, cela me semble inacceptable.

M. Forget: Est-ce qu'il n'y a pas une certaine contradiction dans votre position -je ne l'affirme pas là, je m'interroge - en disant: Nous ne voulons pas qu'on nous impose une croyance religieuse - ce que vous avez à l'esprit quand vous dites ça, c'est: On ne veut pas qu'on nous impose la foi religieuse catholique sous prétexte que c'est l'école de la majorité ou que l'école commune est catholique et française - et, en même temps, de vouloir que l'école, justement, commune soit une école non confessionnelle? C'est une autre façon d'imposer vos croyances à vous. C'est une première observation. L'autre observation, c'est lorsque vous dites que, si vous rejetez la foi catholique dans l'enseignement, cela ne vous fait pas pour autant des protestants. C'est débattable. Évidemment, les écoles autres que catholiques, que nous avons ne sont pas des écoles anglicanes, ni des écoles presbytériennes, ni des écoles unitariennes, ni aucune des écoles qu'on pourrait rattacher à une secte protestante ou à une autre.

Vous savez combien est large l'éventail de ce côté. Cela va jusqu'à des Eglises, ou à ce qui s'appelle des Églises, qui n'ont plus beaucoup d'éléments de foi commune. Ce sont presque des associations sociales et communautaires beaucoup plus que des Églises à la limite. Sauf l'appellation de protestant qui est inhabituelle et qui peut-être choque certaines personnes parce qu'elles ne sont pas habituées de se l'appliquer à elles-mêmes, est-ce que l'essence du protestantisme, ce n'est pas de regrouper tous ceux et celles qui ont rejeté, évidemment, la foi catholique? C'est le seul trait commun, finalement. Est-ce qu'il y a vraiment une autre solution que celle-là et qui ne consiste pas à vouloir faire absolument de l'école de la majorité l'école qui correspond à vos croyances à vous? Ceci n'est que changer le problème de place.

Le Président (M. Jolivet): Mme

Lamarre.

Mme Trudel-Lamarre: M. le Président, je voudrais dire au ministre Forget, au député...

M. Forget: La prescience!

Mme Trudel-Lamarre: ... que je réclame le droit au Québec de me définir en tant que citoyenne québécoise et de ne pas être obligée de me définir en tant qu'appartenant ou non à telle ou telle confession religieuse. Je suis une citoyenne québécoise.

La question de l'école où nous aimerions qu'il n'y ait pas d'enseignement religieux: est-ce qu'on refuse un droit à d'autres? Est-ce que je saisis bien la question? La société et le projet de société qui se véhicule, qui se vit et qui se forme au sein des écoles publiques de quartier, c'est à ce moment-là qu'on doit, dans un système d'éducation, penser à habituer les enfants, le plus jeunes possible, à vivre ensemble, comme dans la société où nous ne sommes pas tous semblables, où nous ne partageons pas nécessairement les mêmes idées.

L'enseignement religieux. Le comité protestant réclame que sa responsabilité incombe aux parents. Vous savez que plusieurs Églises protestantes et sectes religieuses réclament la responsabilité de leur enseignement religieux. Je ne pense pas que de remettre à l'Église catholique la responsabilité de l'enseignement religieux catholique nuise à la foi de ses membres.

M. Forget: Une dernière question, M. le Président. Vous rejetez, si je peux comprendre - j'aimerais vous l'entendre dire, mais je pense bien que c'est cela qui se dégage de vos propos - toute solution qui aurait, par exemple, pour effet de créer un troisième réseau d'écoles. Vous insistez vraiment pour que ce qu'on appelle l'école catholique maintenant, c'est-à-dire le réseau d'écoles administrées par les commissions scolaires catholiques, devienne une école

neutre, si on veut, une école areligieuse.

Le Président (M. Jolivet): Mme Trudel-Lamarre.

Mme Trudel-Lamarre: Le troisième réseau qui a déjà été préconisé et qui a été rejeté par la suite par presque toutes les instances, après analyse, nous le refusons évidemment, parce que nous refusons une éducation basée sur ces différences, à cause de l'intolérance que cela peut engendrer.

Le troisième réseau, ce système accroîtrait encore considérablement les dépenses de l'État en matière d'éducation. En plus, cela forcerait les enfants à changer. Ce seraient les enfants qui s'adapteraient à l'école, qui seraient donc obligés de se promener et de se déraciner de leur quartier. Cette solution ou cette hypothèse contribuerait à morceler davantage des structures déjà complexes, artificielles et onéreuses.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. En remerciant Mmes LeBlanc-Legault et Trudel-Lamarre de leur mémoire, je voudrais non pas poser une question, mais faire un commentaire, parce que leur mémoire met en lumière une situation qui fait que c'est deux poids, deux mesures en ce qui concerne, d'une part, l'Ontario et, d'autre part, le Québec, par rapport à certains aspects de l'article 93, ayant un parallèle entre ces aspects de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et l'article 133 qui, lui aussi, impose au Québec des obligations qui ne pèsent pas en même temps sur l'Ontario. C'est un des aspects qu'on a le plus débattus dans ce débat constitutionnel.

À propos de l'article 133 que l'Ontario refuse d'accepter - on sait que M. Davis est en train de faire campagne en Ontario en se vantant d'avoir protégé l'Ontario contre l'article 133, en se vantant d'avoir stoppé les progrès du français - des fois, des gens bien intentionnés, optimistes nous disent: Ah! môme si l'Ontario n'accepte pas l'article 133 pour le moment, cela va venir bientôt. Laissez-nous faire. La politique des petits pas, cela va venir. (15 h 45)

Je voudrais signaler qu'il faut être très optimiste, qu'il faut même être rêveur pour croire à ce genre d'assurance, parce que, pour ce qui concerne cet article 93, cet aspect particulier de l'article 93, en 1865, je crois, Georges Étienne Cartier, qui était le père numéro deux de la Confédération, avait fait un discours à Montréal dans lequel il disait qu'il appuyait le projet de Confédération. C'était deux ans avant que la

Confédération naisse. La principale raison pour laquelle Cartier appuyait ce projet, c'était, disait-il, qu'il était assuré que ce régime politique donnerait la même protection aux catholiques de l'Ontario qu'aux protestants du Québec. Ce qui est arrivé historiquement, c'est que Georges Étienne Cartier s'est fait rouler. Nous nous sommes tous, à ce moment, fait rouler puisque la protection s'est appliquée aux protestants du Québec et elle ne s'est pas appliquée aux catholiques de l'Ontario.

Cette vision de Georges Étienne Cartier qui ne s'est pas réalisée en 1867 ne se réalise pas non plus en 1981, 114 ans plus tard. S'imaginer, avec cette absence totale de progrès en 114 ans, que, du jour au lendemain, d'ici quelques années, peut-être l'Ontario va tout naturellement changer d'idée, je pense que c'est vraiment rêver en couleur. Il paraît clair qu'en révisant cette constitution, il faudra, partout où cela s'applique, faire en sorte que ce ne soit plus deux poids deux mesures, faire en sorte que les francophones - en l'occurrence, pour un bon nombre de francophones, des francophones, de l'Ontario - jouissent d'une bonne protection, en général équivalant à celle dont jouissent les anglophones du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Avez-vous un commentaire, Mme Trudel-Lamarre?

Mme Trudel-Lamarre: M. de Bellefeuille, voulez-vous dire qu'on devrait accorder aux francophones ontariens les mêmes droits à l'école confessionnelle?

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. de Bellefeuille: C'est un long débat, madame. À l'époque de la Confédération, lorsque Georges Étienne Cartier que je citais parlait d'écoles catholiques en Ontario et d'écoles protestantes au Québec, on pouvait croire qu'à l'époque, il y avait presque une équation entre, d'une part, anglophones et protestants et, d'autre part, francophones et catholiques, ou en tout cas une équation partielle, mais c'est un très long débat. Je crois que ce qu'il faut faire, c'est que les francophones - et là, je ne dis pas les catholiques; d'ailleurs, il y a en Ontario des catholiques qui ne sont pas francophones - de l'Ontario, au plan des droits scolaires, jouissent d'une bien meilleure reconnaissance que ce qui leur a été accordé jusqu'ici. Je pense que l'élément principal, c'est l'élément culturel' et linguistique. Ce n'est pas nécessairement le caractère de confessionnalité ou de non-confessionnalité; en Ontario, d'ailleurs, que je sache, cela ne crée pas de problème. Ce n'est pas particulièrement en discussion. Vous mettez cela en discussion au Québec. C'est

parfaitement votre droit.

Le Président (M. Jolivet): Mme Legault.

Mme Legault: Si vous me le permettez, M. le ministre, je pense qu'on oublie un aspect qu'on mentionne dans notre mémoire et c'est le jugement Deschênes qui dit que c'est à cause de la constitution que les écoles primaires gérées par la Commission des écoles catholiques de Montréal doivent demeurer confessionnelles et celles de la ville de Québec aussi. C'est en vertu de l'article 93 de la constitution. Cela vient donc figer, tant cet article et selon son opinion... J'en ai entendu d'autres; par exemple, dans le débat sur la restructuration scolaire, certains constitutionnalistes prétendent que l'ampleur de la juridiction à accorder à l'article 93 pourrait se limiter aux territoires qu'occupaient, en 1867, par exemple, le Protestant School Board et la CECM. Par exemple, dans son jugement, le juge Deschênes dit que la CECM doit gérer seulement des écoles primaires confessionnelles et il ne fait pas de distinction, il ne mentionne même pas le fait que, par exemple, la CECM administre toutes les écoles de Montréal-Nord qui ne sont pas de la même municipalité que Montréal, mais il étend la juridiction selon la grandeur de la territoire de la CECM. J'ai entendu des opinions différentes, mais, pour nous, c'est un problème majeur. Vous avez un groupe de parents à Notre-Dame-des-Neiges. Vous en avez d'autres ailleurs, des populations qui sont en train de se définir et qui se font répondre par la cour: C'est la constitution qui nous empêche de changer le statut de votre école. On ne parle pas juste de l'échange protestants-catholiques ou

Québécois-Ontariens. Il s'agit de jeunes familles québécoises, dans nos écoles primaires de Québec et de Montréal, qui peuvent être bloquées dans le projet éducatif d'écoles qu'elles voudraient se donner, qui vont être bloquées par la constitution. C'est très important de ne pas oublier cet aspect.

M. de Bellefeuille: Madame, votre mémoire a justement le mérite de porter à peu près exclusivement sur cette question, à laquelle d'autres intervenants ont fait allusion, mais sans s'y arrêter. Nous sommes tout à fait d'accord qu'il devrait appartenir aux Québécois de décider de ces questions sans qu'intervienne ce très vieux texte de loi qui empêche les Québécois de choisir librement les solutions qu'ils veulent apporter à ces problèmes.

M. Forget: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Une brève intervention. Je remarque que le ministre n'est plus avec nous. Mais je pense qu'il ne faut pas être un grand clerc pour déceler, dans les réponses et l'intervention de nos invités à ce sujet, des questions qui s'adressent au gouvernement actuel.

Quelle interprétation le gouvernement actuel du Québec se fait-il de ces restrictions constitutionnelles? Il y a plusieurs interprétations possibles. Est-ce qu'il opte pour une interprétation donnée? Est-ce que, à la lumière de cette interprétation, il a un projet quelconque de modification aux structures scolaires de l'île de Montréal? Est-ce qu'il a un projet quelconque relativement à tout cela?

Il y a déjà plusieurs mois, si ce n'est pas davantage, que le jugement Deschênes a été rendu. Toute cette question du groupe de Notre-Dame-des-Neiges a été soulevée largement l'an dernier, au début de 1980, je pense, je ne me rappelle pas exactement le moment. On n'a eu droit à aucune indication des intentions gouvernementales dans un secteur sur lequel, lorsqu'il a été question de restructuration scolaire au début de la décennie '70, le Parti québécois n'était pas avare de commentaires à cette époque. On se souviendra du rôle qu'il a joué pour la mise en échec du projet de restructuration scolaire qui avait été mis de l'avant - je ne prétends pas qu'il était parfait - mais qui se serait peut-être réalisé s'il avait fait face à une moins virulente campagne qui a ameuté toute la population.

Est-ce qu'on a quelque chose pour remplacer ce projet du côté gouvernemental? Je pense qu'il y a plusieurs de nos concitoyens qui se posent des questions. On a l'impression que c'est un sujet que le gouvernement veut éviter, qu'il voulait éviter l'an dernier à cause du référendum, qu'il veut éviter cette année à cause des élections. Je pense qu'il serait intéressant de voir s'il y a une politique gouvernementale relativement à cela et de l'apprendre du ministre ou de son adjoint, si le ministre a jugé bon de s'absenter à ce moment critique.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je pense qu'il est clair que ces questions relèvent beaucoup plus d'autres membres du Conseil des ministres que de mon ministre. Mais il souhaitera peut-être quand même répondre au député de Saint-Laurent.

Je peux, de toute façon, assurer nos invitées et vous, M. le Président, que ces questions sont à l'étude de façon très suivie et que, lorsqu'il y aura des choses à annoncer, ce sera fait.

Le Président (M. Jolivet): Mme

Lamarre.

Mme Trudel-Lamarre: II n'y a pas seulement le gouvernement du Parti québécois qui a choisi d'éviter ces questions. C'est une patate chaude, comme on dit. Presque tous les gouvernements au pouvoir ont évité de s'y mêler.

Dans son Énoncé de politique et plan d'action de l'école québécoise, le ministère de l'Éducation affirme, à la page 23, que, selon les milieux et conformément à la volonté démocratique des citoyens, les écoles publiques non confessionnelles peuvent prendre diverses formes, à titre d'exemple...

C'est un discours qui est coupé de la réalité parce que, dans les territoires de Montréal et de Québec, au niveau primaire, il a été démontré - c'est en appel - selon l'interprétation de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, qu'on ne peut enlever le statut confessionnel catholique à l'école publique.

Le Président (M. Jolivet): Oui, Mme Legault.

Mme Legault: Je pense qu'il y a un autre aspect qu'il m'est très important de souligner, puisque c'est un aspect qui ouvre toutes les portes. C'est qu'en même temps que le jugement Deschênes fixait, selon la constitution, les écoles primaires de Montréal et de Québec, il invitait le gouvernement à légiférer quant à toutes les autres écoles de la province. Alors, techniquement, toutes les autres écoles de la province pourraient être déconfessionnalisées; ce n'est pas la constitution qui l'empêche.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Je fais appel maintenant à l'autre groupe qui est l'Organisation des jeunes indépendantistes pour un Québec communautaire. M. José. Roy et M. Jean Baillargeon.

Une voix: M. le Président, étant donné que M. Boisvert, qui devait passer après nous, a des contraintes de temps, il me fait plaisir de lui céder ma place et je passerai après.

Le Président (M. Jolivet): D'accord, cela va. Me Boisvert, notaire. Maintenant, pendant qu'il s'installe, je dois vous dire que j'ai fait une erreur puisque j'avais mal interprété le mémoire présenté par le Conseil des minorités du Québec. Pour les besoins du journal des Débats, j'annonce donc que c'est un dépôt. Les gens ne se sont pas présentés parce que c'était un dépôt. Donc, le document sera inclus au journal des Débats.

M. Morin (Louis-Hébert): C'était entendu.

Le Président (M. Jolivet): C'est cela. M. Boisvert, vous avez la parole.

M. Aurélien Boivert

M. Boisvert (Aurélien): Je vous remercie, M. le Président.

M. le Président et MM. les commissaires, je vous prie de m'excuser si je sens le besoin de vous dire que je n'appartiens à aucun parti politique et que mes dépenses pour venir ici n'ont été défrayées par aucun organisme.

La raison de ma présence ici est surtout l'article 23 du projet de charte fédérale des droits. D'autres avant moi, et surtout plus autorisés que moi, vous ont entretenus de ce texte et je n'abuserai pas de votre patience à le disséquer. L'objet de mon intervention est, d'abord, de vous dire que cet article ne m'effraierait pas si la géographie nord américaine était faite autrement. Je veux dire que, si les États-Unis étaient à l'endroit où se trouve le Mexique et le Mexique à l'endroit où se trouvent les États-Unis, il ne faudrait pas s'en faire outre mesure avec les conséquences de l'application de ce texte. Nous serions alors séparés de l'influence américaine par une bande linguistique qui rendrait l'anglomanie moins attrayante au Québec. Mais tel n'est pas le cas.

Ceux qui proposent l'article 23 soutiennent qu'il n'y a pas à s'en faire, car le géant américain n'est pas aussi vorace qu'on le croit. Ces bonnes gens oublient le sort qui a été celui de millions de Franco-Américains dont les petits-enfants baragouinent à peine maintenant quelques mots de français. Pour plus de détails sur ce génocide en douce, permettez-moi de vous référer à une étude très sérieuse d'un professeur agrégé de sociologie à l'Université de New York à Plattsburg, M. Calvin Veltman, parue dans les Cahiers québécois de démographie en 1980.

Si le père de celui qui vous parle avait émigré durant la crise de 1929 à Woonsoket ou à Lowell, je ne m'appellerais plus très probablement Boisvert, mais bien Greenwood. (16 heures)

En deuxième lieu, ce que j'ai à soumettre à votre attention, c'est qu'un Canada bilingue d'un océan à l'autre est une chimère dont se repaissent des esprits irréalistes comme Pierre Elliott Trudeau, Jean Chrétien, etc. C'est à cette école de pensée qu'il faut rattacher Georges-Émile Lapalme et Edmond de Nevers. Celui-ci, qui fut un homme très cultivé et qui vécut de longues années aux États-Unis - il a vécu dix années en Europe, en Allemagne, en France -qui a été le correspondant durant de nombreuses années de l'agence Havas, n'a-t-il pas écrit ceci en 1896, quant à l'avenir du peuple canadien-français: "Nous aurons

conservé la province de Québec; nous serons en majorité dans plusieurs États de l'Est; -ce qui signifie en Nouvelle-Angleterre - nous avons dans l'Ouest des districts florissants -qu'on pense à Saint-Boniface, à Gravelbourg - brisant la monotonie de la civilisation anglo-saxonne et allemande."

Vous savez qu'au moment où écrivait M. de Nevers, en Ontario, il y avait des écoles allemandes dans la région de Kitchener, dans la région de Saint. Catharines, et plusieurs croyaient que l'Ontario deviendrait avec le temps pratiquement une province où il y aurait trois systèmes scolaires: le système anglais, le système français et le système allemand. "De la Nouvelle-Orléans à Montréal, il y aura des villes et des villages français disséminés comme autant d'oasis gracieuses." Voilà la vue qu'avait M. de Nevers sur l'avenir du peuple canadien-français en Amérique du Nord.

De son côté, M. Lapalme, alors ministre québécois des Affaires culturelles et ancien chef du Parti libéral québécois de 1950 à 1958, disait ceci devant le congrès de la solidarité française, siégeant à Ottawa en 1962, donc il y a 19 ans: "La culture française sera d'ici quelques années une chose vivante - remarquez bien le mot -d'un océan à l'autre." Là, il me semble entendre les applaudissements des congressistes.

De grâce, MM. les commissaires, ne vous laissez pas éblouir par cette utopie. Au contraire, mettez le gouvernement québécois en garde contre ces rêveurs. Rappelez-lui les opinions réalistes de gens qui ont vécu au Canada dans une province autre que le Québec. Par exemple, rapportez-lui celle de Jean-Marie Nadeau, diplômé en sciences politiques et en sociologie, qui a vécu dans la minorité francophone la plus forte, la plus vivante au pays, c'est-à-dire celle des Acadiens. Elle a paru dans le journal Le Devoir du 27 décembre dernier, où l'on peut lire ces mots: "Nous qui sommes responsables - il parle des Acadiens - de la mort lente et assurée de l'Acadie, telle qu'elle est partie." Dans le même journal du 29 janvier dernier, on rapporte les propos de deux autres Acadiens. "Les Acadiens - disent-ils -s'assimilent à la majorité anglaise à un rythme de 8% par année et l'exode progresse à un rythme alarmant."

Quant au reste du Canada, nous vous renvoyons à l'étude des démographes Lachapelle et Henripin, qui a paru en 1980, où l'on dit à la page 317: "On assistera ailleurs au Canada à une réduction de la fraction des francophones et à une augmentation du poids des anglophones et il en sera de même, selon toute probabilité, à l'échelle du Canada tout entier. De plus, il semble que les francophones se concentreront toujours plus au Québec et les anglophones dans le reste du Canada."

Troisièmement, je tiens à vous dire que l'application de l'article 23 au Québec, avant peu d'années, va en faire une province bilingue. Cela me semble sûr. Ce mouvement va se propager d'abord à Montréal et à Hull. Une fois que ces deux puissants pôles seront devenus solidement bilingues, cela en sera fait pour toujours du sort du reste du territoire québécois. Le monde du travail et le monde des affaires vont adopter la langue de communication de nos puissants voisins, les Américains. Le français deviendra une langue seconde comme elle l'était avant les années de la guerre 1939-1945. Mais, cette fois-ci, il y aura une énorme et tragique différence: c'est que le gouvernement du Québec n'aura plus la capacité de légiférer pour renverser la vapeur. La population sera livrée aux seules forces naturelles du monde des affaires, des appétits individuels et du mode de vie le plus facile. Dans nos écoles, les professeurs de français, qui auront toute ma sympathie, se morfondront à enseigner à leurs écoliers une matière que ceux-ci ne seront plus intéressés à apprendre.

Enfin, la mise en vigueur de cet article va être à l'origine de luttes judiciaires qui ne satisferont personne et elle va susciter des actes racistes tant au Québec que dans le reste du Canada. La paix sociale dont nous jouissons depuis l'adoption de la loi no 101, cette loi qui répond aux voeux de millions de Québécois, sera une chose du passé. Car plusieurs Canadiens français n'accepteront aucunement de voir leur langue devenir au Québec la langue seconde.

Votre devoir, messieurs les commissaires, est donc de bien aviser le gouvernement sur les conséquences néfastes, pour notre peuple, de cet article 23 de la charte proposée par le gouvernement fédéral.

Quant à la question de la canadianisation du BNA Act de 1867, il me semble qu'il n'y a aucune presse à la faire. La situation d'urgence artificielle que les ténors du gouvernement fédéral essaient de créer actuellement, à grand renfort de publicité, n'a fait l'objet d'aucun de leurs discours politiques durant leur dernière campagne électorale de février dernier. Aucun appel aux électeurs canadiens n'a été fait sur ce point capital. Nous voici donc en démocratie dirigée. Pour ma part, j'estime qu'un tel procédé est antidémocratique et, partant, inacceptable. Merci.

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Boisvert. M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Merci. M. Boisvert, je voudrais vous dire que j'ai pris connaissance, avec beaucoup d'attention, de votre bref mémoire et je veux vous féliciter, au nom de tous mes collègues, de quelque parti qu'ils soient, d'avoir, à vos propres

frais et comme d'autres d'ailleurs, pris la peine de préparer ce texte et de venir nous le présenter. Je pense qu'il est important de constater que des Québécois prennent leur rôle de citoyens au sérieux.

Dans ce que vous dites, M. Boisvert, il y a une chose qui me frappe et qu'on retrouve dans, je dirais, 80% des mémoires qui ont été présentés ici depuis trois semaines. Il y a cette préoccupation à propos de la langue qui découle de l'article 23 de la proposition fédérale et j'ai dit - je ne sais pas si c'est la semaine dernière ou l'autre, je pense que c'est la semaine dernière -qu'une des plus importantes motivations du gouvernement central dans son action, c'est de torpiller la loi no 101, c'est-à-dire, en termes plus juridiques, de s'en prendre aux compétences exclusives du Québec en matière de langue d'enseignement et d'éducation. Je pense que ça frappe tout le monde que c'est peut-être ce qu'il y a de plus odieux - en tout cas, à mon point de vue à moi - dans cette entreprise des libéraux fédéraux parce que ce geste contre le Québec francophone s'accompagne de deux éléments: d'une part, une protection supplémentaire qu'on veut accorder à la minorité anglophone du Québec et, d'autre part, l'absence de protection aux francophones hors Québec. Tout cela en même temps. C'est samedi dernier dans le journal Le Soleil que je lisais, dans un article qui portait sur un autre sujet, une déclaration qui m'a fait sursauter de M. Chrétien. Je n'ai pas le texte ici. Je croyais l'avoir. En substance, samedi passé, dans un des articles relatant la déclaration de M. Chrétien, il y avait ceci, il disait qu'en Grande-Bretagne une des raisons pour lesquelles il y avait l'opposition qu'on nous a cachée longtemps de la part du fédéral et qu'on connaît maintenant, c'était, d'après lui, que les Britanniques comprenaient mal ce qu'eux du fédéral voulaient faire.

Il disait à peu près ceci textuellement: J'ai hâte de leur expliquer que ce que nous cherchons à faire par ce projet c'est de donner des droits aux anglophones du Québec. Quand ils sauront ça, ils changeront d'avis à Londres. À peu près fin de la citation. C'est dans le Soleil de samedi dernier. C'est donc dire que M. Chrétien lui-même, un francophone du Québec, en est rendu à un point d'aberration où il présente un élément de défense de son dossier par rapport aux Britanniques sous la forme d'un accroissement des privilèges des anglophones au Québec par le torpillage de la loi 101. C'est cela que ça veut dire. Si ce n'était pas vrai ce genre de déclaration, bien sûr, d'abord, je ne la ferais pas et, deuxièmement, elle aurait été corrigée par M. Chrétien lui-même. Elle ne l'a pas été. On est maintenant rendu à jeudi de la semaine suivante et ça n'a pas été changé.

Vous dites, et c'est à ça que conduit mon observation, quelque part dans votre mémoire, qu'à cause de cela, si jamais ce geste fédéral devait être concrétisé, on arrivera à vivre dans un Québec qui sera - à la page 2 de votre papier - avant peu d'années une province bilingue. Vous dites: Cela me semble sûr. Quand vous dites bilingue, est-ce que vous voulez dire que le Québec sera bilingue dans le sens que toutes les affiches seront en français et en anglais, tout le monde sera obligé de parler deux langues avant d'acquérir un travail quelconque? Ou voulez-vous dire bilingue simplement dans le sens institutionnel du terme, c'est-à-dire un peu comme on l'est maintenant parce qu'on l'est déjà à cause de l'article 133, justement, sur le plan de certaines institutions? Je voudrais que vous me précisiez davantage, non pas pourquoi vous croyez que le Québec va être bilingue, mais ce que vous voulez dire par ce mot bilingue. Cela se refléterait où en pratique? J'aimerais cela que vous précisiez, pas trop longuement, cet aspect particulier des choses; parce que vous le développez un peu, vous parlez du monde des affaires et tout, mais j'aimerais que vous m'en parliez davantage. On nous dit - et je termine, je m'excuse, j'avais fini - à Ottawa que c'est une fausse crainte.

Ce que je ne comprends pas c'est qu'on nous dise que ce sont de fausses craintes alors que l'article 23 vise vraiment à miner notre loi 101, alors qu'on nous dit qu'on doit conserver espoir, sans aucune garantie que dans le reste du Canada la situation des francophones va s'améliorer. Nous autres, on nous attaque, on nous dit: Ne vous inquiétez pas. Les francophones, il n'y a rien qui va changer. On ne donne aucune garantie intéressante sur le plan concret aux francophones des autres provinces, mais, en même temps, on nous dit: Eux, par exemple, ils vont avoir des avantages qui vont découler de ça. Il me semble que là aussi, dans leur raisonnement, il y a deux poids deux mesures.

Le Président (M. Jolivet): M. Boisvert.

M. Boisvert: Lorsque je parle de Québec bilingue, je veux dire d'abord que la population anglophone va augmenter au Québec, et plus vite qu'on ne le croit. Mais, dans la question du temps, je ne veux pas donner de précision. Mon idée, c'est que cette croissance de la population anglophone au Québec, si cet article est accepté, va aller en croissant. fl6 h 15)

Le Conseil de la langue française a publié, au mois de décembre, je crois, des statistiques. À Montréal, la population française va diminuer de 66% à 55%. C'est une prévision pour l'année 1977 à l'an 2001.

Si l'article 23 est accepté, vous pouvez être sûr que les anglophones qui travaillent et travailleront à Ottawa vont s'établir en plus grand nombre à Hull, à Gatineau et vont faire de cette région une région à majorité anglophone. En nombre, les anglophones vont augmenter et, proportionnellement, cette augmentation sera plus grande que l'augmentation francophone dans la région de Montréal et dans la région de Hull.

Deuxièmement, lorsque je dis que le Québec va devenir bilingue, je veux dire que, ces deux pôles de population augmentant, vous comprenez qu'ils vont avoir un poids immense auprès des candidats dans les élections de l'an 2000, de l'an 2020. Nous sommes ici, M. le Président, pour prévoir l'avenir. Ce bloc anglophone va avoir une grande influence sur les députés à ce moment-là.

De plus, à cause du géant américain, à cause du mode de vie et des techniques de télédiffusion, etc., du monde américain, chez la population francophone, vous allez avoir un secteur - combien, je ne puis vous le dire - qui va faire des pressions auprès des députés pour avoir le droit d'envoyer ses enfants aux écoles anglaises. Pourquoi? Parce que ce sera préférable pour avoir un meilleur emploi. Saisissez-vous bien ce que je dis? Le Québec va devenir bilingue à cause de deux forces: d'une force qui va venir des anglophones, parce qu'ils vont augmenter et plus vite que les francophones dans ces deux régions et, d'un autre côté, vous allez avoir certains francophones qui vont dire: Je veux que mon enfant aille à l'école anglaise parce que son avenir est plus assuré. Vous aurez alors deux forces qui vont agir sur le gouvernement, sur les députés et les candidats.

M. Morin (Louis-Hébert): M. Boisvert, ce que vous dites, en somme - vous me direz si je vous traduis bien - ce n'est pas que, le lendemain de l'adoption de l'article 23 de la résolution fédérale, si celle-ci devait avoir une application concrète, il y aurait "bilinguisation".

M. Boisvert: Non.

M. Morin (Louis-Hébert): Ce que vous dites, c'est que - c'est ma conclusion - cet article créerait, pour reprendre une expression savante, une dynamique ou une tendance au terme de laquelle on en arriverait à la situation que vous décrivez.

M. Boisvert: Exactement.

M. Morin (Louis-Hébert): Donc, votre interprétation de ce qui se passerait, ce n'est pas un changement le lendemain, ni dans les deux ou trois mois qui suivent, mais la création d'un équilibre nouveau dont on verra les conséquences pratiques dans les mois et les années qui vont suivre.

M. Boisvert: Exactement.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est cela. Merci.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je n'ai pas de question ou de remarque spéciale à formuler à ce moment-ci.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Vanier a demandé la parole.

M. Bertrand: Oui. Évidemment, on sent en ce moment que, dans la population canadienne et québécoise en particulier, il y un très large mouvement d'opposition fortement majoritaire à ce coup de force de M. Trudeau. Il n'en demeure pas moins qu'il y a des gens qui appuient ce coup de force. On peut se poser des questions pour savoir quels sont exactement les motifs qui les poussent à appuyer ce coup de force. Toujours est-il qu'il est un groupe au Québec, qui était très fortement favorable au non référendaire, qui constitue des bases électorales importantes du Parti libéral du Québec, et qui est la minorité anglophone du Québec. Elle a des porte-parole, cette minorité, ou on pourrait dire qu'elle a des guides à penser qui, à l'occasion, lui rappellent un peu dans quel sens doivent aller ses opinions sur une question aussi fondamentale que celle-là.

Je prenais connaissance ce matin - et peut-être avez-vous aussi pris connaissance par la lecture des journaux - d'un éditorial du journal The Gazette daté du 19 février 1981, qui appelait les Canadiens et les Québécois à se lever pour applaudir le coup de force constitutionnel et se réjouir de l'adoption du projet de M. Trudeau et féliciter M. Chrétien pour la performance qu'il a eue à la Chambre des communes il y à quelques jours. Dans cet éditorial du journal The Gazette, on ne fait nulle part mention des difficultés que pose pour le Québec, pour la majorité francophone du Québec, en matière de langue particulièrement, pour le fédéralisme lui-même, l'adoption de ce projet fédéral.

Vous avez fait allusion vous-même à un des aspects dont le ministre faisait mention; c'était la question linguistique. Justement, une des raisons qui pourraient porter un journal comme The Gazette à être aussi éloqieux, dithyrambique à l'endroit du gouvernement fédéral, à l'endroit de M. Chrétien, à l'endroit du coup de force, ne serait-ce pas que, dans le fond, la minorité anglophone du Québec a tout à gagner à ce

que ce coup de force réussisse? Il ne fait pas pour autant mention, comme, à mon avis, il devrait au moins avoir la pudeur de le faire, par contre, de l'outrageante attitude que ce même gouvernement central a et maintient face à l'Ontario, donc, face à une minorité qui, elle, est drôlement plus en danger que ne peut l'être la minorité anglophone du Québec. On sait qu'il y a 500,000 francophones qui vivent en Ontario. On sait qu'aucun francophone de l'Ontario ne peut prétendre, comme un anglophone du Québec, qu'il dirige une commission scolaire, qu'il dirige un hôpital, qu'il dirige un CLSC, qu'il dirige un medium d'information important et qu'il a, avec l'État et avec les tribunaux, le même genre de relations qu'un anglophone peut en avoir ici au Québec.

Tout cela, le journal The Gazette n'en fait pas mention, tout en félicitant le gouvernement fédéral de faire adopter par le Parlement une charte des droits et libertés. Et parlons-en des droits et libertés, quand plus de 500,000 francophones de l'Ontario ne se verront même pas reconnaître ce qui était déjà reconnu depuis fort longtemps à la minorité anglophone du Québec, ce que le Nouveau-Brunswick se verra reconnaître, ce que le Manitoba se verra reconnaître, mais après combien d'années où ses droits ont été brimés et au moment où la population francophone ne représente plus que 4,5% de toute la population. Ne vous apparaît-il pas un peu curieux comme Québécois, regardant un peu comment les gens réagissent face à ce coup de force, notant la réaction très fortement majoritaire des francophones du Québec contre ce coup de force et notant en même temps, par contre, un appui qui semble très solide et exprimé par les media d'information, un appui de la minorité anglophone au coup de force fédéral, ne vous apparaît-il pas y avoir vraiment là, finalement, l'aveu que ce coup de force ne sert en définitive qu'un groupe, en tout cas, en ce qui concerne le sort des minorités, à savoir la minorité anglophone du Québec, dessert à tout le moins, en tout cas, la minorité francophone de l'Ontario et, qui plus est, forcément, les minorités francophones des autres provinces qui ne se verront jamais reconnaître un statut et des droits comme la loi 101 en a reconnu ici aux anglophones? Je vous pose la question pour connaître un peu votre réaction.

Le Président (M. Jolivet): M. Boisvert.

M. Boisvert: M. le Président, je n'ai pas eu l'occasion de lire la Gazette d'aujourd'hui. Cependant, j'ai lu la Gazette du 14 janvier dernier, alors que M. Chrétien venait de faire un ajout à l'article 23. Il ajoutait 1b, à l'article 23, dans lequel il donnait aux parents qui avaient reçu leur instruction en anglais ou en français, au niveau primaire, au Canada... Au fond, c'étaient des immigrants. Il leur donnait les mêmes droits que ceux donnés aux autres anglophones canadiens.

Et la Gazette, le lendemain, écrivait ceci: "Here - par opposition à l'Ontario - in Québec, the federal proposal seems admirable", nous paraît admirable.

Je crois, M. le Président, que cette courte phrase répond à la question de M. le commissaire. La Gazette trouve que le projet de M. Trudeau, le projet fédéral, à l'article 23, c'est quelque chose qui est vraiment et profondément désiré par la minorité anglophone de Montréal.

Le Président (M. Jolivet): D'autres questions, M. le député de Deux-Montagnes?

M. de Bellefeuille: M. Boisvert, à propos du dernier paragraphe de votre très intéressant mémoire, vous commencez par la phrase "Quant à la question de la canadianisation du BNA Act de 1867, il me semble qu'il n'y a aucune presse à la faire." C'est un point de vue que je partage. Mais je voudrais vous demander si ce que vous avez à l'esprit, c'est ce que nous appelons généralement d'un autre mot, le rapatriement, quand vous parlez de canadianisation. Quand on examine les faits, cette constitution a déjà été canadianisée. En réalité, elle a été canadianisée en 1931 par le Statut de Westminster, il y a 50 ans. C'est un des aspects les plus particuliers de cette manoeuvre fédérale où on enfourche une monture de nationalisme, on fouette le patriotisme des gens en disant qu'il faut faire de ce document un document canadien.

Or, depuis 50 ans, c'est déjà un document canadien. La seule chose qui a été convenue en 1931, comme le dit mon collègue de Châteauguay, c'est de laisser le papier chez le notaire. Le document constitutionnel, on l'a laissé chez le notaire. Je pense que vous serez sensible à cette image. On l'a laissé chez le notaire qui se trouvait à Londres. Londres est fiduciaire, garde le document pour nous, mais ce document est canadien, effectivement, déjà depuis un demi-siècle.

Tout ce baratin patriotique qu'on fait autour de la canadianisation, en réalité, ce n'est pas fondé juridiquement. Ce qui reste à faire, c'est de dire au notaire: Le texte, on voudrait l'avoir ici, mais, avant de dire cela au notaire, il faut évidemment que les partenaires se mettent d'accord. On ne peut pas laisser un partenaire aller s'approprier le document chez le notaire et partir chez lui avec. Il faut que les partenaires se mettent d'accord. C'est pour cela que nous proposons des négociations plutôt que ce coup de force.

Le Président (M. Jolivet): M. Boisvert, avez-vous une intervention à la suite de

cela?

M. Boisvert: Non.

Le Président (M. Jolivet): Nous vous remercions. Et nous demandons, à la suite d'une entente, que les représentants du Parti communiste du Québec, M. Hervé Fuyet et Mme Claire Demers, veuillent bien s'approcher.

M. Fuyet, nous vous rappelons simplement que vous avez une vingtaine de minutes pour présenter votre mémoire. Tenant compte du nombre de pages et du petit caractère du texte, nous vous laissons le soin de le résumer ou de le donner au complet, en sachant que vous avez 20 minutes à votre disposition.

Parti communiste du Québec

M. Fuyet (Hervé): Merci. Le Parti communiste du Québec s'oppose au rapatriement au Canada de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. L'argument selon lequel un tel rapatriement serait un premier pas dans l'élaboration d'une constitution canadienne est en contradiction avec les leçons de l'histoire. (16 h 30)

Nous respectons le sentiment de beaucoup de Canadiens qui veulent une constitution canadienne pour éliminer toute trace de colonialisme nous venant de l'Angleterre. Mais l'AANB est selon nous un document britannique, et non pas vraiment une constitution canadienne. Le ramener au Canada n'en ferait pas une constitution élaborée au Canada. En particulier, l'AANB prive la nation canadienne-française de son droit à l'autodétermination et à l'égalité. Ramener l'AANB au Canada perpétuerait cette inégalité. Cela créerait un fossé encore plus profond entre le peuple du Québec et celui du Canada anglais.

Le bilinguisme ne doit pas se substituer aux droits nationaux. C'est là pourtant l'orientation principale de la résolution que le gouvernement fédéral a soumise au Parlement. Le droit des francophones hors Québec à une éducation, à des émissions de radio et de télévision, etc., en français, quand cela est exigé, aussi important que cela soit, ne peut se substituer à ce qui est fondamental, notre droit à l'autodétermination et à l'égalité en tant que nation canadienne-française du Québec.

En faisant du bilinguisme hors Québec le coeur du problème, le gouvernement a suscité chez les éléments chauvins du Canada anglais une opposition à des réformes constitutionnelles vitales pour le progrès du Canada.

En persistant à ignorer la réalité d'un État binational, le gouvernement fédéral a ouvert la porte, autour du thème du fédéralisme renouvelé, à des exigences excessives de décentralisation en faveur de tous les gouvernements provinciaux aux dépens du Canada dans son ensemble et de sa population. Une décentralisation excessive fragmenterait le Canada et affaiblirait encore plus sa capacité de faire face aux graves problèmes économiques et sociaux créés par la crise du capitalisme. Ces sont les multinationales étrangères, en particulier celles qui contrôlent l'énergie et les ressources naturelles du Canada, qui exercent des pressions en faveur d'une décentralisation abusive.

Ces multinationales sont les ennemis les plus décidés d'une réforme constitutionnelle parce qu'une véritable réforme constitutionnelle affaiblirait leur contrôle sur les ressources et l'économie du Canada. Derrière ces multinationales, on retrouve l'impérialisme des États-Unis qui préfère un Canada faible et divisé dont il pourra obtenir des concessions maximales aux dépens de l'indépendance et de la souveraineté du Canada et du bien-être des Canadiens. Donc, comme corollaire à une réforme constitutionnelle, il faut mettre fin au contrôle des multinationales sur l'énergie, les ressources et l'économie du Canada. La politique du Parti conservateur et le slogan de M. Clark qui voit dans le Canada une communauté de communautés ouvre la porte à la décentralisation car elle substitue des droits provinciaux aux droits nationaux du Québec.

Nous entrons maintenant dans une phase beaucoup plus dangereuse de la crise constitutionnelle comme le montre la tendance vers la sécession dans l'Ouest du Canada.

Qui sont ces avocats de la sécession qui, dans les faits, briserait le Canada? Les mêmes multinationales qui s'opposent à la canadianisation des ressources énergétiques et prétendent qu'elles seules ont le droit de posséder et de contrôler ces ressources vitales même si cela implique un chantage économique, une politique de déstabilisation de l'économie canadienne et d'autres formes de sabotage. Le séparatisme de l'Alberta est né dans les salles du conseil d'administration des compagnies de pétrole de Calgary. C'est leur réponse au budget fédéral qui recommande la canadianisation des ressources énergétiques.

Il faut dénoncer le fait que les peuples autochtones qui viennent à Ottawa défendre leurs droits en tant que peuples à l'intérieur du Canada font l'objet de harcèlement de la part des autorités et de la Gendarmerie Royale alors que les multimillionnaires de l'Alberta qui veulent briser le Canada sont traités comme des héros quand ils viennent eux aussi au Parlement.

Selon nous, nous avons besoin d'une politique qui tienne compte des exigences

légitimes de l'Ouest du Canada et des Maritimes et aussi, en premier lieu, de nos aspirations nationales en tant que peuple du Québec. La résolution actuellement soumise au Parlement fédéral n'en fait rien et, par conséquent, elle aggrave la crise de la Confédération. Il faut que le Québec exerce des pressions sur le Parlement pour que cette résolution soit retirée et qu'une nouvelle constitution soit élaborée en tenant compte des réalités économiques et politiques actuelles et des droits fondamentaux de la personne. Le Canada a le pouvoir de rédiger une constitution canadienne. Une fois cela fait, et après l'adoption par le peuple d'une nouvelle constitution, il suffira, pour mettre fin à nos liens coloniaux, d'informer le gouvernement britannique que l'AANB est abrogé.

Un Canada véritablement uni, indépendant et démocratique doit se fonder sur les principes suivants: reconnaissance des aspirations nationales de la nation canadienne-française au Québec et de son droit à l'autodétermination jusque et y compris le droit de sécession. La constitution doit être basée sur l'association égale et volontaire du peuple du Québec et du peuple du Canada anglais dans un Canada binational, souverain et indépendant.

Il faut déclarer sans équivoque que les véritables intérêts nationaux du peuple canadien-français seraient mieux assurés dans un Canada uni sur la base de l'égalité complète, économique, sociale, culturelle et linguistique de nos deux nations. Seul un Canada uni qui défend les droits nationaux du peuple canadien-français peut lutter pour défendre avec efficacité son indépendance contre les pressions de l'impérialisme des États-Unis. Sans le Québec, le Canada ne peut pas être uni et sans une telle unité, le Canada ne peut pas être indépendant.

La nouvelle constitution doit procéder à des réformes structurelles fondamentales. Pour éliminer les inégalités régionales, ces réformes fondamentales doivent être basées sur la nécessité d'un développement économique général de toutes les parties du Canada et impliquer la nationalisation des ressources naturelles et, en particulier, des ressources énergétiques. Par l'intermédiaire de compagnies de la couronne mixtes fédérales-provinciales, les bénéfices provenant de l'exploitation des ressources naturelles et énergétiques doivent servir à la population du Canada dans son ensemble, aussi bien qu'à la population des provinces où se trouvent ces ressources.

La constitution doit comprendre une charte des droits de la personne garantissant les droits démocratiques de tous les Canadiens. Elle doit inclure la pleine reconnaissance de l'identité nationale des peuples autochtones, leur droit à un gouvernement régional, leur plein droit à leur langue et culture, et la satisfaction de leurs revendications territoriales.

À ce sujet, le Parti communiste du Québec recommande que le Québec se prononce en faveur de la pleine participation des peuples autochtones aux futures conférences fédérales-provinciales constitutionnelles, s'il y en a, avec pleins pouvoirs décisionnels pour ce qui a trait directement aux peuples autochtones.

Pour assurer l'égalité des deux nations, la nouvelle constitution élaborée au Canada devrait faire du Canada une république confédérale avec un gouvernement consistant en deux Chambres, l'une, comme la Chambre des communes d'aujourd'hui, basée sur la représentation selon la population, l'autre, pour remplacer le Sénat actuel, qui serait composée d'un nombre égal de représentants élus de chacun des deux États nationaux avec une représentation garantie pour les peuples autochtones. Chaque Chambre aurait le même droit de présenter des projets de loi, mais les deux devraient accepter le projet de loi avant qu'il ne puisse être adopté. Cette structure observerait les deux principes démocratiques: l'égalité en droit des nations, indépendamment de leur taille, et la règle de la majorité.

Une assemblée constituante, basée sur la représentation égale des deux nations, avec la participation des peuples autochtones, doit être convoquée afin de discuter et d'adopter de telles mesures. La proposition parfois mise de l'avant d'une assemblée constituante basée sur la représentation de chaque province nierait le caractère fondamental du Canada, qui est d'être un État binational, et perpétuerait par conséquent notre inégalité nationale au Québec.

Que penser de la proposition d'inclure une charte des droits et libertés dans la constitution? Une telle charte devrait créer de meilleures conditions pour protéger les droits et libertés des Canadiens. Par contre, il n'est guère pensable qu'une charte des droits et libertés incluse dans une constitution approuvée pour le Canada par le Parlement britannique donne aux Canadiens les droits dont ils ont besoin. L'Angleterre elle-même n'a pas de charte des droits comme telle. Les droits du peuple britannique ont été gagnés par ses luttes au cours des années. Il n'est pas raisonnable de penser que le Parlement britannique appréciera de se voir demander d'enchâsser une charte des droits et libertés dans une constitution qui serait remise au Canada comme base de son avenir. On ne peut pas s'attendre, non plus, que le Parlement britannique ait une bonne compréhension des véritables intérêts de la population canadienne. Tout comme il nous faut une constitution faite au Canada, il nous faut une charte des droits et libertés élaborée au

Canada.

Voilà ce qui ressort clairement quand on examine en détail le projet de charte des droits et libertés. Elle ne traite pas de questions importantes comme: le droit du peuple canadien-français à être reconnu comme nation dans un État binational; le droit des peuples autochtones à l'autogouvernement régional, au développement de leur propre culture et au contrôle de leurs propres ressources; le droit des minorités nationales à conserver et à développer leur langue maternelle et leur culture; les droits spécifiques des femmes.

La charte ne fait pas mention des droits suivants qui figurent pourtant dans la Déclaration universelle des droits de la personne adoptée par les Nations Unies: droit de la personne à sa vie privée; droit à la sécurité sociale; droit au travail; droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale; droit d'organiser des syndicats et d'y adhérer; droit au repos et au loisir; droit à un niveau de vie adéquat comprenant nourriture, habillement, logement, services médicaux et sociaux; droit à l'éducation; droit à un jugement objectif et indépendant rendu par un tribunal impartial pour déterminer les droits et les obligations; droit à la paix et à la sécurité pour toutes les nations grandes ou petites.

En plus, le texte de la section I du projet de charte limite et rend incertaine la portée de toutes les sections qui viennent après, bien qu'il y ait eu certaines améliorations sur ce point. La section I se lisait comme suit: "La charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés définies ci-après dans le cadre des limites raisonnables généralement acceptées dans une société libre et démocratique avec un système parlementaire de gouvernement." Il a fallu toutes sortes de luttes et de débats pour arriver à changer un peu cette affaire-là.

Les libertés fondamentales doivent être présentées de telle façon que toute loi qui les viole, ou toute future loi qui les violerait serait anticonstitutionnelle. Ce n'est pas le cas avec le projet de loi du gouvernement fédéral.

La charte ne traite pas de droits pourtant protégés par l'actuelle déclaration fédérale des droits humains et par la déclaration des droits de la personne du Québec. Il n'y a pas de clause, par exemple, interdisant la discrimination dans l'emploi, la location de logement, l'achat de propriété, etc., sur la base de la race, de la couleur ou de la religion.

Les droits et libertés figurant dans ce présent projet de charte sont limités par des réserves qui en limitent l'exercice par rapport aux législations provinciales existantes ou aux futures décisions du Parlement. Pour avoir une valeur réelle, il faut que la charte des droits ait préséance sur toute autre loi en cas de conflit juridique.

En conclusion, nous regrettons vivement qu'il n'y ait pas eu unanimité à l'Assemblée nationale pour s'opposer au rapatriement unilatéral de la constitution, tandis que les sondages d'opinion indiquent clairement que la grande majorité des Québécois s'y opposent. Le Parti communiste du Québec s'est joint, quant à lui, à la campagne du mouvement Solidarité Québec. Notre parti souhaite, de la part du mouvement ouvrier syndical et politique et aussi de la population en général, des déclarations et des actions de plus en plus unitaires et il oeuvre dans ce sens. Nous pensons également que des pressions populaires doivent s'exercer sur les députés fédéraux du Québec pour qu'ils expriment les aspirations de la population et qu'ils aient le courage de se tenir debout.

Il nous semble que le gouvernement du Québec et l'Assemblée nationale à l'unanimité devraient exiger du gouvernement fédéral qu'il retire sa résolution. Il ne suffit pas, nous semble-t-il, de s'opposer au rapatriement de la constitution. Il faut exiger la convocation d'une assemblée constituante et l'élaboration d'une constitution faite au Canada selon les principes démocratiques que nous avons exposés ici et qui permettraient d'arriver à l'unité, mais dans l'égalité du Québec et du Canada anglais. Nous souhaitons également que le gouvernement du Québec et l'Assemblée nationale exigent une reformulation de la Charte des droits et libertés de la personne en conformité avec la déclaration universelle des droits de la personne et avec des provisions couvrant les aspects spécifiques de la réalité canadienne, tels que les droits des autochtones, les droits des diverses communautés ethniques du Canada, les droits de la femme, une charte des droits des travailleurs et, en premier lieu, les droits nationaux du Québec.

Le débat autour de la résolution présentée au Parlement fédéral a une grande importance pour l'avenir du Québec et du Canada dans son ensemble. Quelle sorte de Québec et de Canada voulons-nous? Le statu quo nous a menés à un cul-de-sac. Avons-nous besoin de changements superficiels qui ne modifient rien dans le fond ou de changements fondamentaux correspondant aux besoins du Québec et du Canada dans son ensemble?

Les propositions que nous mettons de l'avant, en tant que Parti communiste du Québec, parti qui a le contrôle complet de

ses politiques et de ses statuts pour ce qui a trait au Québec, et qui sont partagées par le Parti communiste du Canada, ont pour objet d'effectuer des changements fondamentaux et de créer les conditions nécessaires pour permettre l'unité dans l'égalité du Québec et du Canada anglais, et un Canada véritablement uni, indépendant et démocratique dans lequel le peuple sera enfin souverain. Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Merci, M. Fuyet et Mme Demers, je pense.

Le Président (M. Jolivet): C'est cela. (16 h 45)

M. Morin (Louis-Hébert): J'ai deux questions à la suite de votre mémoire, dont une qui vient directement de votre dernier paragraphe où vous dites: "Les propositions que nous mettons de l'avant en tant que Parti communiste du Québec, parti qui a le contrôle complet de ses politiques et de ses statuts pour ce qui a trait au Québec, et qui sont partagées par le Parti communiste du Canada, etc.", donc, parti qui a le contrôle complet de ses politiques. Je suis tombé, tout à l'heure, sur une dépêche qui va probablement paraître demain et je lis: "La Pravda, le quoditien officiel soviétique, a affirmé jeudi matin que des milieux réactionnaires de Grande-Bretagne ainsi que les compagnies multinationales tentaient de mettre en échec la réforme constitutionnelle canadienne". Je peux continuer. "Le quotidien ajoutait que ces forces tenteraient de faire rejeter les demandes du Parlement canadien à Londres pour empêcher le Canada d'accéder à une totale indépendance. La Pravda a rappelé de plus que le haut-commissaire britannique à Ottawa s'était ingéré dans les affaires canadiennes en tentant de convaincre des députés de s'opposer aux propositions constitutionnelles du gouvernement Trudeau." Je comprends donc que la position que vous mettez de l'avant dans votre mémoire n'est pas celle qui est partagée par la Pravda dont je viens de lire ce petit résumé de l'opinion, puisque, comme vous le dites dans votre texte, vous avez le contrôle complet de vos politiques. Je m'excuse d'arriver avec cela...

M. Fuyet: Je vous en prie. Je trouve, M. le ministre, votre question intéressante. En venant ce matin, il y avait des travaux ici, ça fait que j'ai dû passer par une porte de côté, ce qui m'a permis de remarquer la statue que je n'avais pas remarquée depuis quelque temps. Il ne s'agit pas de la statue de Lénine. Il s'agit de la statue de Duplessis, comme vous le savez sans doute. Il m'a semblé que c'était un peu de l'humour noir, de l'humour de la grande noirceur et qu'on devrait mettre cette statue sous un cadenas. La Loi du cadenas à rebours. Je comprends bien que votre question n'était pas du tout dans ce sens.

Non seulement nous sommes autonomes pour nos politiques en ce qui concerne le Québec vis-à-vis de notre parti frère auquel nous sommes liés, le Parti communiste du Canada, mais c'est évidemment encore plus vrai vis-à-vis du Parti communiste de l'Union soviétique avec lequel nous avons d'ailleurs des liens fraternels. Je souligne, sur le sujet qui vous préoccupe, que, plusieurs fois déjà, il y a eu dans la presse bourgeoise de notre pays des comptes rendus sur les positions prises dans la Pravda à propos de la constitution canadienne qui ont dû faire l'objet de démentis nombreux, y compris les rapports du journaliste de Tass, Braguine, etc. Comme vous le savez vous-même, la nouvelle paraît en première page partout et, huit jours après, en page 13, si on a de la chance, le démenti paraît. Cela fait deux fois que ça se produit. Je suis donc content que vous souleviez la question pour dire ceci: C'est que le Parti communiste de l'Union soviétique ne s'ingère pas dans les affaires du Canada et que cela n'a absolument rien à voir avec nous.

Maintenant, j'ai moi-même indiqué qu'en effet, des multinationales réactionnaires du pétrole, en particulier, exercent des pressions pour empêcher au Canada une réforme constitutionnelle dans le sens de la démocratie. Je pense que, sans avoir lu l'article en question de la Pravda, c'est sans doute, une fois de plus, une tentative de confusion dans laquelle, Dieu merci, vous ne tombez pas puisque vous avez l'obligeance de prendre vos renseignements à la bonne source.

M. Morin (Louis-Hébert): Merci beaucoup de ces précisions. Un autre sujet tout à fait différent. Vous dites, dans la première page de votre mémoire... Et ça m'inquiète peut-être davantage. J'ai l'impression qu'il y a une sorte de contradiction, encore qu'il n'y en ait peut-être pas. Vous dites: En persistant à ignorer la réalité d'un État binational, le gouvernement fédéral a ouvert la porte, autour du thème du fédéralisme renouvelé, à des exigences excessives de décentralisation en faveur de tous les gouvernements provinciaux aux dépens du Canada dans son ensemble et de sa population. Vous continuez en disant qu'une décentralisation excessive fragmenterait le Canada et affaiblirait encore plus sa capacité de faire face aux graves problèmes économiques et sociaux créés par la crise du capitalisme, etc.

Si je comprends bien, vous n'êtes pas favorable à une décentralisation. Ou bien encore, peut-être que mon interprétation est

fausse, c'est parce que le problème du Québec n'a pas été résolu, il y a des années, que cela a donné lieu - non pas notre problème, mais le pourrissement de la situation - à des demandes venant d'autres provinces qui n'étaient pas formulées il y a des années et qui, par conséquent, maintenant, deviennent, à vos yeux, des dangers de fragmentation. Est-ce que j'interprète bien? Est-ce que vous êtes contre la décentralisation en soi?

M. Fuyet: Nous sommes en faveur d'un certain degré de centralisme, mais de centralisme démocratique. Ici, pour l'affaire qui nous concerne, pour que ce centralisme soit démocratique, cela veut dire que, dans un État binational comme le nôtre - je parle du Canada ici - il faut que la nation canadienne-française, le peuple du Québec aient, au niveau du gouvernement central, une voix égale pour ce qui concerne l'adoption de lois, etc., parce que les nations sont égales indépendamment de leur taille.

Ce que je dis, c'est que les tentatives de Trudeau de centralisme antidémocratique et excessif ont mené les différentes provinces à réclamer des droits de décentralisation excessifs qui mèneraient à une véritable balkanisation du Canada, transformerait le Canada en une espèce de dix provinces-États affaiblies et nuirait à notre capapacité de résistance vis-à-vis de l'impérialisme américain, y compris pour le Québec même. Je pense que c'est cela le sens de la question, c'est-à-dire que nous ne voulons pas que le Québec soit absent d'Ottawa, nous voulons que le Québec soit une nation sur deux à Ottawa aussi. C'est-à-dire qu'au lieu que le jeu se joue à dix et, pour nous, à un sur dix, que le jeu se joue à deux et, pour nous, à un sur deux, au moins au niveau d'une des Chambres, puisque, comme nous l'avons dit précédemment, il y aurait deux Chambres, une Chambre où les députés seraient élus sur une base numérique de la population, où, évidemment, le Canada anglais aurait la majorité, et une Chambre binationale où chaque nation aurait un nombre de voix égal. Ce système existe ailleurs qu'au Canada. Il est donc tout à fait logique.

Mme Demers (Claire): Est-ce que je peux me permettre d'ajouter...

Le Président (M. Jolivet): Mme Demers.

Mme Demers: Notre parti n'est pas contre l'idée d'avoir plus d'autonomie et de contrôle des ressources des provinces et, dans le cas du Québec, de contrôle de nos politiques en matière d'éducation, de santé, de télécommunication, etc., etc. Dans le cas du Québec, on exige l'autodétermination complète.

Ce contre quoi notre parti est totalement, c'est la substitution des droits provinciaux, des petits empires provinciaux nord-sud finalement, que réclament les multinationales pétrolières en particulier de l'Alberta, aux droits nationaux du Québec, c'est-à-dire que ce que les multinationales de l'Alberta mettent de l'avant, ce n'est pas tellement les droits des gens de l'Alberta à plus de contrôle dans le domaine de la vie de tous les jours, mais elles veulent substituer le contrôle des multinationales étrangères aux droits nationaux du Québec. C'est le fond de la question. C'est ce à quoi notre parti s'oppose.

Le Président (M. Jolivet): Merci.

M. Morin (Louis-Hébert): Merci. J'aurais d'autres commentaires. Je veux simplement dire que votre mémoire contient beaucoup d'éléments bien structurés avec, je pense bien, des considérations qui peuvent être partagées par passablement de Québécois. Je vais maintenant laisser la parole, si vous permettez, au camarade Forget.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je n'ai pas de question ni de commentaire particuliers à formuler à ce moment-ci.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Y a-t-il d'autres questions? Nous vous remercions donc...

M. Morin (Louis-Hébert): Je m'excuse.

Le Président (M. Jolivet): Un instant! M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): J'avais l'impression que M. Forget était revenu pour poser une question, je m'excuse. J'aurai une autre question. Vous n'avez pas beaucoup parlé dans votre mémoire - madame vient d'y faire allusion - de la question linguistique ou, si vous voulez, de la question des pouvoirs et compétences du Québec en matière d'éducation. Vous avez une analyse un peu différente. Je pense que je peux déduire de ce que vous avez dit, madame, que vous êtes favorable à la souveraineté des provinces en matière d'éducation. Est-ce que je suis...

Mme Demers: Dans des domaines comme l'éducation, il va sans dire.

M. Morin (Louis-Hébert): Dans un domaine comme l'éducation. C'est l'opinion que vous partagez. Cela n'apparaît pas ici. Vous n'avez pas non plus parlé du problème de la langue lui-même. Enfin, si vous en avez parlé, cela a été plutôt rapidement.

Pourriez-vous commenter?

Mme Demers: Si vous voulez, parlons du projet de bilinguisme de M. Trudeau. Notre parti s'est toujours prononcé contre l'imposition du bilinguisme qui est une substitution, carrément, aux droits nationaux du Québec. C'est tout simplement le but de M. Trudeau. On a toujours été contre cela.

M. Fuyet: Puis-je ajouter quelque chose?

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. Fuyet.

M. Fuyet: Nous considérons que, sur la question de la langue de travail, par exemple, la loi 101 demeure encore faible au moins dans sa mise en application. Il existe encore - il suffit de lire les petites annonces dans les journaux - une certaine discrimination des postes qui sont annoncés comme nécessitant d'être bilingues, alors qu'ils ne le nécessitent pas vraiment, etc. Nous pensons que la lutte contre la discrimination des francophones qui utilisent le français comme langue de travail a fait des progrès considérables dont il faut remercier le présent gouvernement, mais qu'il reste encore du chemin à faire. En ce sens, on pourrait concevoir dans une charte des droits et libertés même fédérale que l'accent soit mis, justement, dans la lutte contre cette discrimination en tant que telle. Il devrait y avoir moyen, pour un pays moderne comme le nôtre, d'avoir une charte des droits et libertés qui n'opprime pas les droits et libertés, je veux dire. D'un autre côté, il faut reconnaître que, dans cette commission, on s'est parfois uniquement attaché à la question de la langue. Nous ne séparons pas la langue du reste du corps, si je peux me permettre une mauvaise plaisanterie, et nous intégrons la question de la langue comme un aspect des droits nationaux.

M. Morin (Louis-Hébert): Ce n'est pas une question, c'est un commentaire final. Donc, si je comprends bien ce que vous dites, à cause de ce que vous avez dit sur la loi 101 dont vous mentionnez qu'elle pourrait avoir une application encore plus étendue et plus efficace, je déduis que l'article 23 de la proposition fédérale qui porte sur la langue, dont parlait tantôt votre prédécesseur à cette table, cet article 23 est exactement une atteinte à un droit collectif du peuple québécois, en ce sens qu'il s'en prend à une loi et qu'il veut, en somme, la torpiller, alors que vous dites vous-même que cette loi-là ne va pas assez loin actuellement.

Mme Demers: Oui. Autant nous sommes contre le bilinguisme comme substitution aux droits nationaux du Québec, nous sommes en faveur du droit des minorités à leur langue dans toutes les provinces, au Québec, en Ontario et partout. Pour nous, le fond de la question ou la solution radicale à cette question, du moins en ce qui regarde le Québec, on donne souvent comme exemple la nationalisation d'Hydro-Québec. On n'a pas eu de panne d'électricité. On n'a pas arrêté d'avoir de l'électricité au Québec et du jour au lendemain, on a parlé Québec à Hydro-Québec et, on a continué à avoir de l'électricité. Pour nous, la solution radicale pour garantir nos droits linguistiques de la majorité francophone au Québec serait la nationalisation des principales compagnies, en tout cas, mais en même temps, nous sommes pour la défense des droits des minorités à leur langue au Québec et dans tout le Canada.

M. Fuyet: Je peux ajouter quelque chose, si vous me le permettez. En ce sens, dans les questions de langue, il n'y a pas pour nous les droits majoritaires de la majorité et les droits minoritaires de la minorité. En cela, il faut être bien clair. Il ne faut pas que des notions de langue officielle en arrivent à opprimer des groupes d'immigrants qui sont les moins préparés à résister parce qu'ils sont économiquement faibles et peu au fait des lois, etc. Mais en mettant l'accent sur la langue de travail en tant que telle, il me semble qu'on arrive à résoudre la situation.

M. Trudeau parle de bilinguisme essentiellement pour attaquer le Québec, essentiellement pour substituer, pour noyer le poisson; il introduit une autre question, la question du bilinguisme par rapport aux droits nationaux du Québec. Ce n'est pas un principe pour lui puisque, pour l'Ontario, il l'oublie. Le seul principe qui reste, c'est non à la nation, au peuple du Québec. C'est le seul principe qui reste et cela, nous ne l'accepterons pas parce que nous ne sommes pas un parti qui exprime des points de vue étrangers, mais nous sommes un parti qui exprime profondément et de plus en plus les aspirations des travailleurs et de la classe ouvrière du Québec.

Le Président (M. Jolivet): Merci beaucoup.

M. Fuyet: C'est moi qui vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): Je demande donc aux représentants de l'Organisation des jeunes indépendantistes pour un Québec communautaire, qui sont les derniers intervenants, de venir s'installer à l'avant. Pendant qu'ils s'installent, je fais une petite correction à ce que j'ai dit tout à l'heure au niveau du document du Conseil des minorités du Québec. Le dépôt n'est pas pour inclusion au journal des Débats, mais plutôt un dépôt

à la bibliothèque de l'Assemblée nationale où il pourra être consulté par tous les gens qui voudront bien le voir. M. José Roy?

OJIQC M. Baillargeon (Jean): Jean Baillargeon.

Le Président (M. Jolivet): Jean Baillargeon? D'accord, vous pouvez y aller. (17 heures)

M. Baillargeon (Jean): Mon nom est Jean Baillargeon, je suis membre de l'exécutif national de l'OJIQC, l'Organisation des jeunes indépendantistes pour un Québec communautaire. Mon collègue, à mes côtés, est José Roy, aussi membre de l'exécutif national.

Je vais faire un bref historique de notre organisation, étant donné qu'elle est relativement nouvelle, et José Roy présentera notre mémoire comme tel, si vous me le permettez.

Le Président (M. Jolivet): En sachant toujours que vous avez 20 minutes pour le tout.

M. Baillargeon: D'accord. Notre mouvement est relativement nouveau. Il a été créé les 6 et 7 décembre 1980, lors d'un congrès. Ce congrès, qui a eu lieu à l'Université de Montréal, a rassemblé environ 75 délégués issus principalement des rangs du Mouvement étudiant pour le oui qui, comme vous le savez peut-être, avait été fondé à l'automne 1979 pour faire campagne pour le oui au référendum.

Ce mouvement, au début, était une initiative conjointe de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et aussi du Parti québécois. Tout au long de la campagne référendaire, nous nous sommes rendu compte que les jeunes pouvaient avoir des idées qui n'étaient pas nécessairement celles véhiculées par les principaux partis politiques au cours de la campagne référendaire. Au fur et à mesure de la campagne, nous avons élaboré des prises de position qui n'ont pas été connues tellement puisque les media d'information, comme la plupart des tribunes qui s'offrent habituellement pour ce genre de débat politique, ne sont pas tellement ouverts aux jeunes en général. Nous le déplorons. C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Nous profitons de cette tribune pour faire connaître une opinion de jeunes.

À l'époque, nous avons pris position et sur le livre blanc du gouvernement et aussi sur le livre beige, sur la question référendaire aussi. Dans chacune de nos prises de position, nous avions certaines réserves. Aujourd'hui, évidemment, ce n'est pas l'objet du débat. Je ne voudrais donc pas approfondir là-dessus. Mais ce qu'il est important de constater, c'est que les jeunes qui militaient au sein du MéOUI, n'étaient pas tous issus, comme certains auraient pu le penser à l'époque, du Parti québécois. Il y en avait, mais il y en avait beaucoup qui n'étaient pas issus du Parti québécois, puisque beaucoup de jeunes aujourd'hui ne sont pas habitués à fonctionner dans les cadres de partis politiques traditionnels. Ce n'est pas parce qu'ils étaient anti-Parti québécois, mais parce qu'ils n'étaient pas habitués à fonctionner à l'intérieur d'un parti politique. Donc, pour beaucoup de jeunes, parmi nos membres, dont l'âge se situe entre 17 et 20 ans, c'était quand même assez nouveau pour eux de s'engager dans un mouvement politique. Le MéOUI a été l'occasion pour eux d'exprimer leur avis librement et sans contraintes partisanes, contraintes qui sont peut-être nécessaires, dans le cadre des débats actuels dans notre société, puisque nous fonctionnons par partis politiques et la campagne référendaire obligeait les camps à se ranger d'un côté ou de l'autre, du oui ou du non.

Le MéOUI a été un succès pour nous et ces jeunes, même en ne connaissant pas le résultat du référendum avant le 20 mai, dès le 26 avril, ont tenu un congrès et ils ont donné un mandat à un certain nombre de représentants, une quinzaine à l'époque, de faire deux actions, peu importe le résultat du référendum, après le référendum.

Ces deux actions étaient un projet d'états généraux de la jeunesse québécoise qui est en cours actuellement, puisque nous avons formé une coalition des différents organismes qui n'ont pas d'affiliation politique comme telle, mais ce sont des organismes qui regroupent plutôt des centres d'intérêts, par exemple, des centrales syndicales, groupes de loisirs, ligue des droits et libertés, associations étudiantes, etc. Nous nous sommes retirés de cette coalition puisque nous ne voulions pas qu'elle ait une connotation politique comme telle, puisque les états généraux de la jeunesse, le projet que nous avions pensé à l'époque ne devait pas être à consonnance politique, mais devait être relativement neutre pour que tout le monde puisse s'exprimer librement. Ceci permettait aux jeunes de s'exprimer hors de contraintes électorales ou référendaires ou hors de contraintes de partis politiques qui, souvent, sont confinés à des échéances qui empêchent justement cette libre expression.

Le deuxième mandat a été de fonder un mouvement de jeunes à partir d'un projet de société dont les grandes lignes avaient été définies à l'époque. Depuis ce temps, nous avons rédigé un manifeste. Ce manifeste a été amendé lors de notre congrès de fondation. Ce qui en ressort comme conclusion, c'est que nous voulons un Québec indépendant pour une société communautaire. Donc, nous donnons un

contenu à un projet de société affilié évidemment à la question de l'indépendance politique. Mais l'indépendance politique, pour nous, n'est pas une fin comme telle, c'est un moyen pour parvenir à une société que nous voulons plus humaine, à partir de valeurs que nous voulons, par exemple, plus progressistes, des valeurs aussi plus humanistes, plus collectivistes, plus écologistes, qui sont des courants, actuellement, qui s'affirment dans certains milieux, si on prend, par exemple, différents milieux communautaires, entre autres, d'où est issu le nom.

Je ne veux pas parler plus longuement sur la question de notre projet de société. Ce qu'il est important de constater, actuellement... Je vais citer une déclaration de M. Léon Dion qui a passé ici en commission parlementaire et qui a déclaré ceci: "Je pense que la constitution d'un pays est extrêmement pertinente pour ceux qui veulent se donner des projets de société et les poursuivre. Je songe notamment à la fois aux orientations pour les années quatre-vingt que le Parti québécois a proposées, il y a quelques mois, je songe au livre rouge que le Parti libéral du Québec a proposé, il y a quelque temps, à ses membres, je songe à d'autres documents que j'ai eu l'occasion de lire, notamment, le manifeste de l'ex-comité MéOUI qui propose également un projet de société." Pour nous, cette affirmation de Léon Dion, qui est quand même considéré comme un analyste, un politicologue renommé et qui peut reconnaître, en tout cas, la pertinence des documents sur lesquels il l'analyse, pour nous, cette reconnaissance de notre projet de société, c'est très important. D'ailleurs, Léon Dion nous a fait venir, dans le cadre d'un de ses cours, pour présenter notre projet de société et les étudiants, dans le cadre de ce cours, l'ont trouvé extrêmement intéressant.

C'est pour dire que, même si, évidemment, à plus ou moins court terme, notre mouvement n'aura pas à avoir d'enjeu, que ce soit pour les élections ou pour le rapatriement - même si nous avons une opinion sur le rapatriement - il faut considérer que, dans l'avenir, en tout cas, les jeunes, qu'ils soient indépendantistes ou non, auront de plus en plus leur mot à dire pour l'orientation de la société dans les dix prochaines années. Déjà, on reconnaît que les réflexions que nous faisons sont pertinentes.

Je vais passer la parole à José Roy qui vous décrira notre position sur le rapatriement.

M. Roy (José): Comme Jean vient de le dire, il y a quelque chose qui nous tient beaucoup à coeur, c'est notre projet de société. C'est à la lumière de cette analyse qu'on a regardé le projet Trudeau. Voici donc pourquoi nous sommes fondamentalement en désaccord avec ce que nous propose le gouvernement fédéral à l'heure actuelle.

Parce que notre mouvement a une structure qui est relativement décentralisée comme la société à laquelle on aspire, parce que nous croyons à des unités géopolitiques et sociales qui aient une dimension, un visage humain, on ne peut accepter le projet Trudeau. Le grand Canada intégré et intégrateur qui nous est proposé ne peut, en aucune façon, correspondre à nos idées politiques.

Dans la jeunesse actuelle, nous avons rejeté le modèle du leader charismatique, du chef qui incarne les idées et les tire à la façon d'une locomotive. Nous croyons davantage à la consultation et à la démocratie comme mécanisme de promotion des idées. Nous croyons davantage à ces mécanismes qu'aux méthodes de M. Trudeau. Or, le projet Trudeau porte en lui-même les caractéristiques des méthodes utilisées pour l'imposer. C'est un peu de la Trudeaucratie.

M. Trudeau constitue à lui seul une bonne raison de méfiance à l'égard de ce projet. Ce ne serait pas la première fois qu'il y aurait dichotomie entre ses promesses grandiloquentes et les gestes qu'il pose réellement. M. Trudeau se fait preux chevalier des libertés individuelles. S'il y croyait vraiment, à notre avis, il devrait abroger la Loi sur les mesures de guerre qu'il a utilisée de la façon que l'on connaît en octobre 1970. De plus, comment expliquer que le Canada entretienne des relations diplomatiques et économiques avec les pires dictatures qui torturent, emprisonnent indûment et tuent même leurs opposants? La foi de M. Trudeau dans les libertés démocratiques constitue bien peu de chose en pratique.

Quant aux droits collectifs, M. Trudeau n'en souffle pas mot. Nous, on pense que c'est une conception qui est complètement anachronique de la société que de toujours opposer droits collectifs et libertés individuelles. Parce que les libertés individuelles de chacun des individus n'ont jamais constitué des droits collectifs, de la même façon que, dans la théorie des ensembles, l'ensemble des parties n'a jamais égalé le tout.

Ne cherchons donc pas de protection à nos droits collectifs en tant que Québécois dans ce projet, M. Trudeau ayant catégoriquement refusé de nous reconnaître en tant que peuple. À titre d'exemple, par la liberté de circulation et d'établissement à l'article 6 du projet de résolution, M. Trudeau nie aux Québécois le droit de réglementer notamment le secteur de la construction afin que nous protégions collectivement ce marché d'emplois.

L'article 133 a servi de base de contestation de certaines parties de la loi 101. Essayez d'imaginer la situation avec une

charte des droits linguistiques intégrée dans la constitution: les contestations tous azimuts feraient en sorte qu'il serait illusoire de protéger collectivement par une loi le caractère français du Québec. Il se trouverait toujours quelques individus potentiellement financés par le fédéral pour ce faire.

Quant aux droits collectifs, il semble que l'ensemble des partis au Québec s'entende là-dessus. Dans son livre beige, le Parti libéral parlait notamment de dualisme. Il faut constater que le projet Trudeau ne reconnaît rien en matière de droits collectifs et, de ce fait, s'oppose à ce qui était proposé par le Parti libéral. De ce que j'ai pu saisir des interventions de ce parti, il me semble qu'il s'oppose davantage à la méthode qu'au fond du projet Trudeau. Pourtant, il me semble que cela entre en contradiction au moins avec le dualisme minimum sur lequel on pourrait s'entendre.

Ce n'est pas tout. Il y a aussi quelque chose qui nous rend méfiant à l'égard de M. Trudeau et de son projet, c'est la faillite, ce que nous avons appelé la "trudeaufaillite", parce que M. Trudeau avait en tête deux projets lorsqu'il a accédé au pouvoir en 1968: canadianiser la constitution et instaurer une société juste. Il canadianise la constitution à grands coups de pied rageurs - on a pu le voir d'ailleurs après que le rapport Kershaw fut sorti - et il semble qu'il ait oublié la société juste en cours de route. Encore récemment, sa lutte contre le chômage a consisté à rendre plus difficile l'accès aux prestations et à diminuer celles-ci. Société juste? Allons donc! Si combattre le chômage, c'est combattre les chômeurs, je ne comprends plus grand-chose.

Pendant la campagne référendaire, les ténors du fédéral nous chantaient qu'il était normal que le Québec soit bien nanti au niveau des industries automobiles, puisque nous bénéficions en contrepartie d'une plus large part dans l'avionnerie. Aujourd'hui, il semble que les retombées du F-18 se fassent plutôt en Ontario. Pour ce qui est du projet du DASH-8, il n'y aura pas de doute: $450,000,000 d'aide à l'Ontario et $50,000,000 au Québec. Société juste? Plus large part en avionnerie? Aide fédérale contre le chômage au Québec? C'est de la foutaisel

La situation du Québec en matière d'emploi a toujours consisté à avoir 35% de plus de chômage que la moyenne canadienne et 50% de plus qu'en Ontario. Nous avons toujours eu le plus grand nombre de chômeurs et nous les jeunes, sommes durement et tragiquement touchés par cette situation.

M. Trudeau nous a "enfirouapés" avec sa société juste et il n'est pas question qu'il en soit de même avec la constitution.

Nous ne voulons pas que le Québec de demain, celui dans lequel nous vivrons, en soit un de chômage. Nous ne voulons pas davantage qu'il soit une société de confrontation ethnique. Le Québec avait l'apparence d'un territoire où le peuple pouvait se définir collectivement comme francophone par ses lois en matière culturelle et linguistique.

Nous, les jeunes, sommes prêts à bâtir une société québécoise à caractère principalement francophone mais tout en respectant et en intégrant l'apport souhaitable des anglophones et de toutes les ethnies. Par l'article 23 de son projet, M. Trudeau fait en sorte que nous retournions à l'époque révolue de la confrontation, ethnique. Non seulement par cet article M. Trudeau légifère-t-il en matière linguistique et en matière d'éducation, mais il le fait très mal.

Dans son ensemble, le projet Trudeau, c'est la constitutionnalisation de la règle deux poids deux mesures. Selon M. Trudeau, nous ne formons pas un peuple. C'est pourquoi il n'est possible de vivre en français que là où le nombre le justifie. Pour nous, c'est inacceptable. M. Trudeau, qui ne se gêne pas pour heurter le Québec de front en matière linguistique, devient très poli, peut-être trop poli quand il s'agit de l'Ontario. Il n'impose pas l'article 133. Il faudrait que l'Ontario le demande. Si c'est sur cette sorte d'égalité des peuples que doit reposer notre constitution, nous n'en voulons pas. Nous pensons que M. Trudeau tente de s'ériger un monument. Nous regrettons qu'il ne puisse se contenter comme M. Duplessis d'un monument de bronze et qu'il tente de le faire par le biais d'une constitution. M. Trudeau semble préparer sa sortie politique et s'ériger un bien triste monument, c'est-à-dire une constitution qui est basée sur la force plutôt que sur la volonté commune. Pourtant, s'il y a un domaine où on devrait trouver la volonté commune du plus grand nombre, c'est bien en matière de constitution. (17 h 15)

M. Trudeau veut passer à l'histoire? Eh bien, soitî Nous nous rappellerons qu'après avoir fustigé Duplessis il a adopté un comportement encore plus autocratique, encore plus intolérant et plus dictatorial. On va aussi se rappeler qu'en octobre 1970 il s'est comporté comme le dernier dictateur de ses amis. Nous nous rappellerons que sa société juste était synonyme de chômage pour le Québec, particulièrement pour nous, les jeunes.

Compte tenu de l'attitude de M. Trudeau en octobre 1970, on est en droit de se demander si le fait de ne pas adhérer à la nouvelle constitution - on sait que le gouvernement fédéral a tendance à vouloir imposer ses vues - ne pourrait pas constituer un crime de trahison, ce qui signifierait qu'émettre des opinions indépendantistes

pourrait devenir un crime contre la constitution. Ce seul doute face à l'attitude et aux intentions fédérales constitue une raison suffisante pour qu'en tant qu'indépendantistes nous ne puissions adhérer à ce projet.

Depuis 1840, le Québec a eu une position constitutionnelle qui a été sensiblement constante. Parlons maintenant de l'esprit dans lequel l'AANB a été adopté. En 1867, l'AANB faisait une répartition des pouvoirs en établissant une souveraineté pour chaque ordre de gouvernement. Il est vrai, cependant, que la prépondérance fédérale teintait l'ensemble du projet, le gouvernement fédéral étant investi notamment du pouvoir de prépondérance, c'est-à-dire qu'en cas de conflit entre les lois fédérales et provinciales les lois fédérales avaient le dessus. Le fédéral jouissait aussi du pouvoir d'urgence, du pouvoir déclaratoire, du pouvoir résiduaire, du pouvoir implicite ou ancillaire - il y a une erreur dans la rédaction de notre document; ce n'est pas conciliaire, mais ancillaire - ainsi que du pouvoir de réserve et de désaveu.

Est-ce à dire que le Québec acceptait, à ce moment-là, d'être minorisé, de reculer? Non, parce que c'est en tant que partenaire, que partie que le Québec a donné son accord à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. De plus, il ne faut pas oublier que le Québec n'existait plus, à ce moment-là, en tant qu'entité parce qu'il y avait eu l'Acte d'Union de 1840 qui avait intégré le Haut et le Bas-Canada, ce qui niait l'existence même du Québec. Dans ce sens-là, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, c'était un pas dans la voie de l'autonomie pour le Québec, par le fait d'être reconnu comme entité et de détenir une souveraineté dans ses champs de compétence.

Le Québec a ensuite défendu pied à pied ses compétences tant au niveau politique que judiciaire et réussi à garder compétence sur les matières des articles 92, 93, 94a et 95 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et ce, malgré les assauts répétés du fédéral qui tentait d'élargir sa compétence en usant des divers pouvoirs constitutionnels décrits plus haut. Bref, le Québec n'a jamais reculé volontairement, a toujours tenté de faire reconnaître au moins son autonomie, son caractère particulier et le fait qu'il constituait une entité reflétant l'existence d'un peuple.

C'est pourquoi nous avons de la difficulté à nous reconnaître dans le gouvernement actuel du Québec. Nous avons aussi de la difficulté à reconnaître ce qu'il a déjà été puisqu'il affirme qu'il serait peut-être prêt - je cite, en substance, M. Charron qu'on a vu aux nouvelles il y a quelque trois semaines - à accepter de négocier sur cette constitution en contrepartie de certains amendements.

Dans cet ordre d'idées, il y a un article de la Presse d'il y a deux jours, je crois, qui me laisse songeur. Notre poids démographique baissant tellement au Québec, le fait de garder, avec la formule de Victoria, un veto avec 25% de la population canadienne, pour nous, cela n'est pas une garantie d'avenir. Puis, on ne devrait pas accepter de négocier sur cette formule et on ne devrait pas accepter le projet Trudeau pour des amendements de cet ordre.

Après le résultat du référendum, il n'est peut-être pas légitime de défendre la souveraineté, pour le gouvernement. Cependant, il est tout à fait normal d'opposer un non catégorique à toute négociation sur la base du projet Trudeau. C'est important de ne pas oublier que ce n'est pas cette sorte de fédéralisme renouvelé qu'étaient en droit d'attendre les Québécois après les promesses claironnantes de M. Trudeau pendant la campagne référendaire. On pense que cela a été une manoeuvre démagogique de dire qu'il y avait beaucoup de bonne volonté pour réformer le Canada, de nous prendre, ensuite, comme cela et de proposer un tel rapatriement. Ce n'était pas du tout ce à quoi les Québécois, notamment ceux qui ont voté non, étaient en droit de s'attendre.

Il a beaucoup été question de la légitimité du gouvernement du Québec dans ce Parlement. Mais il ne faudrait pas oublier d'évaluer la légitimité du projet Trudeau. M. Trudeau a peut-être un mandat de gouverner, voire un mandat pour modifier la constitution, mais il ne peut avoir un mandat pour effectuer un tel coup d'État dont l'illégitimité est reconnue par tous, y compris par le select committee on Foreign Affairs d'Angleterre. On trouve déplorable que dans notre société maintenant au Québec on ne parle que du système judiciaire, de la légalité. On pense que quand on veut construire une société, il est aussi important de la bâtir non seulement dans la légalité, mais dans la légitimité, ce dont ne se soucie pas M. Trudeau. Nous espérions, de la part de tous, qu'en plus des réactions négatives que suscite ce projet il y aurait sanction de la justesse de l'opposition de la part des tribunaux. Il semble que ce soit de plus en plus aléatoire. C'est pourquoi nous considérions comme trop aléatoire comme pratique le fait de s'en remettre principalement à notre système judiciaire pour défendre des positions qui sont vitales et qui sont d'abord des positions très politiques. Cependant, M. Trudeau pourrait tenter d'adopter, de faire approuver cette constitution par Londres malgré le fait qu'il y ait beaucoup d'opposition.

La loi étant une source de droits constitutionnels plus forte que la coutume ou que la convention - on a vu devant la cour

du Manitoba que la coutume et la convention n'étaient des règles que dans la mesure où elles étaient suivies - ces derniers éléments constituant la base de l'argumentation au soutien de la contestation judiciaire des provinces, nous pourrions nous retrouver malgré les provinces, et c'est une hypothèse qui est de plus en plus plausible après la décision du Manitoba, avec une constitution canadienne qui soit légale et constitutionnelle, mais qui ne serait peut-être pas légitime. Vous aurez constaté avec justesse que sur ce point en particulier nous adoptons les vues de Me Gilles Rémillard.

Perspectives d'avenir. Advenant l'éventualité que le rapatriement ait lieu, nous souhaitons donc que le gouvernement du Québec adopte une loi ne reconnaissant pas la légitimité de la constitution canadienne pour défaut de s'être conformée à la coutume et à la convention. Cette loi décréterait peut-être ainsi qu'à défaut de toute nouvelle entente négociée emportant l'adhésion des provinces, seule la constitution actuelle ou celle qu'on voudrait bien se donner à ce moment serait applicable. C'est un peu la démarche de Me Guy Bertrand, sauf quant au contenu. Il faut quand même respecter le résultat du référendum, mais respecter le résultat du référendum ne signifie pas accepter d'être minorisé. À ce moment, une démarche telle que celle que je viens de décrire pourrait être possible. Cela relancera la guérilla judiciaire et législative, sûrement. Ce n'est pas la solution miracle. Mais peu importe qui sortira vainqueur de cette guerre de tranchées au niveau judiciaire, nous aurons gagné du temps.

A ce sujet, on a quand même eu de nouvelles idées depuis la rédaction de notre mémoire. Entre autres, il y en a une que je voudrais vous soumettre. Puisqu'il a été possible à l'Asbestos Corporation d'empêcher le gouvernement du Québec d'agir, en matière d'expropriation notamment, par le biais d'une injonction, il est tout aussi pensable juridiquement, non pas de freiner l'élan du Parlement du Canada, à cause du principe de la souveraineté du Parlement, mais à partir du moment où ce sera le gouvernement du Canada et non pas le Parlement qui adressera sa demande à Londres, il sera possible de demander une injonction empêchant le gouvernement du Canada d'agir de cette façon. C'est une voie à explorer. C'est une autre façon de gagner du temps. Et pourquoi gagner du temps? C'est le temps suffisant pour que les Québécois réalisent que le respect des aspirations du Québec ne peut passer par une constitution impossible à renouveler; le cycle du rapatriement et les conférences constitutionnelles nous l'auront prouvé. Le temps suffisant pour que les Québécois réalisent que seule l'indépendance peut servir de base à notre épanouissement collectif et que quand on essaie de renouveler le fédéralisme canadien on constate que forcément on se dirige toujours vers un cul-de-sac.

Nous croyons que les Québécois réaliseront cela dans un proche avenir, d'autant plus qu'ils ont été dupés par M. Trudeau après le référendum. Quand nous serons rendus à ce stade, nous saurons au Québec user d'un mécanisme démocratique, celui que nous on propose, appelé constituante, pour élaborer un projet collectif qui corresponde vraiment à ce que nous sommes. La constitution du Québec, à ce moment, devrait donc être adoptée d'une façon beaucoup plus démocratique que ne le fait M. Trudeau et même déborder les cadres des diverses assemblées législatives pour faire appel au mécanisme de la constituante.

En conclusion, M. Trudeau aurait été bien inspiré d'y recourir. À défaut de savoir négocier, il aurait pu, au moins, apprendre à écouter. Parce que nous sommes indépendantistes; parce que nous voulons une société à visage et dimension humaine où la confrontation ethnique serait dépassée; parce que nous voulons détenir les outils et tous les outils pour pouvoir contrer un chômage endémique qui constitue, pour nous, les jeunes particulièrement, une plaie sociale; parce que nous croyons vraiment aux libertés individuelles, libertés qui peuvent et doivent coexister avec les droits collectifs; parce que nous croyons que l'État du Québec seul peut assurer non seulement notre survivance, mais notre épanouissement en tant que peuple; parce que la façon de procéder de M. Trudeau est non seulement illégale, mais illégitime; parce que le Québec ne doit pas être seulement reconnu comme entité qu'à condition de compter 25% de la population canadienne, soit la formule de Victoria, mais il doit être reconnu comme l'État représentant le fait français québécois et francophone en Amérique du Nord. Nous nous opposons donc à la "trudeaufolie" du rapatriement, manifestation de la "trudeaucratie", faisant suite à la "trudeaufaillite" aux niveaux social et économique. La jeunesse du Québec mérite un meilleur héritage que la "minorisation" de son peuple dans un Canada central et unitaire. Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Merci. Je voudrais vous dire que j'ai énormément aimé votre mémoire. Je trouve qu'il est très clair, complet, très bien structuré et fait le tour de la question d'une façon qui, je pense, est admirable.

Je voudrais aussi vous dire que vous avez beaucoup de style. J'apprécie les trois dernières lignes, enfin les lignes où vous

parlez de "trudeaufolie", de "trudeaucratie" et de "trudeaufaillite". Je pense que c'est une sorte de trouvaille qui résume à sa façon toute la situation que nous vivons maintenant.

Je voudrais vous faire des commentaires. Je suis d'accord avec ce que vous dites et je pense que vous le savez. Je n'ai donc pas de question pour vous faire confirmer que nous sommes d'accord. Je ne veux pas me livrer à ce jeu un peu artificiel mais je voudrais quand même relever deux ou trois choses qui, comme par hasard, se trouvent toutes à la page 5 de votre mémoire dont une à la fin, lorsque vous parlez de la formule de Victoria.

Première observation, vous dites, semble-t-il, que vous avez écouté M. Charron à la télévision et qu'il aurait dit qu'on accepte de négocier la constitution en question en contrepartie de quelques amendements. Je n'ai pas entendu cette entrevue, si entrevue il y a eu, enfin, ce commentaire. Ce que je veux vous dire, c'est qu'à la suite du référendum et à la suite de l'annonce faite pendant le référendum qu'il y aurait un fédéralisme renouvelé, douze points ont été proposés par M. Trudeau à un ordre du jour de réunions qui ont eu lieu tout l'été. Nous avions, à ce moment-là, dit deux choses. Je me reporte au mois de juin. Il ne faut jamais perdre la perspective de vue.

La première chose que nous avions dite, c'est que nous respections le résultat du référendum. Je pense que, là-dessus, c'est maintenant connu.

La deuxième chose que nous avions dite, comme gouvernement, c'est que ce sont les fédéraux qui avaient promis ce fédéralisme renouvelé et, par conséquent, ils avaient une matière à livrer, une marchandise à livrer et nous avons voulu aller voir en quoi consistait cette marchandise.

Aujourd'hui, deux mois plus tard, je pense que tout le monde sait que les Québécois ont été trompés, carrément trompés, manipulés, induits en erreur et conduits par les libéraux fédéraux dans ce cul-de-sac qui n'est pas nécessairement éternel cependant, mais dans lequel nous sommes maintenant. C'est ma première remarque pour ce qui concerne le fait que nous aurions accepté, avec quelques amendements, de discuter d'une sorte de constitution fédérale pas vraiment novatrice. Ce n'est pas le cas.

La deuxième chose, vous dites: "Après le résultat du référendum, il n'est peut-être pas légitime de défendre la souveraineté." Vous avez, en lisant, corrigé. Vous avez ajouté les mots "pour le gouvernement". Je pense que cette phrase, telle qu'elle est dite maintenant, signifierait, étant prise textuellement, qu'à cause du résultat du référendum où environ 40% de la population se sont prononcés pour une orientation politique, il faudrait négliger les droits de ces 40% et ne plus parler de ce qui les a animés, de ce sur quoi reposait leur espoir. Je pense que ce n'est pas cela que vous avez voulu dire. Vous voulez simplement dire d'une autre façon que le gouvernement se devait de respecter le résultat du référendum, sauf qu'il est parfaitement légitime au Québec de parler de souveraineté, comme il est parfaitement légitime de parler, quoique inutile, de fédéralisme renouvelé.

Troisième commentaire. Vous parlez des tribunaux. Vous dites, toujours à la page 5 -je ne sais pas pourquoi tout se ramasse là -que vous mettez en doute le recours aux tribunaux, parce qu'on a vu, avec la décision du Manitoba, n'est-ce pas, que ce n'est pas nécessairement toujours à l'avantage des provinces. (17 h 30)

Là-dessus, je veux dire que ce n'est pas le seul recours que nous avons, les tribunaux. Nous avons une action, comme dirais-je, tous azimuts, les tribunaux étant une instance que nous utilisons, mais étant loin d'être la seule. La suggestion qui avait été faite par le chef du Parti libéral était: Présentez votre affaire devant les tribunaux et ils vont voir si c'est légal ou non. Mais nous disons que même si c'était légal, ce projet fédéral unilatéral qui vient torpiller nos institutions et nos lois linguistiques serait inacceptable. Il est peut-être illégal et, de toute façon, maintenant, avec la décision du Manitoba, il y a des doutes juridiques qui feront que tout cela va rebondir en Cour suprême, et c'était cela qu'on voulait démontrer essentiellement, qu'il y avait des doutes juridiques. Il reste encore deux cours qui ne se sont pas prononcées, incidemment.

Il y a une autre remarque que je veux faire et là, je me réfère à une autre partie de votre texte. Il s'agit d'une correction technique que je veux faire, mais je pense que c'est important parce qu'il peut y avoir une erreur. Vous parlez de la formule d'amendement de Victoria où on reconnaît au Québec un droit de veto pourvu qu'il y ait 25% de la population. La formule de Victoria, je ne la favorise pas, parce que nous avons maintenant commencé à travailler sur une autre formule, dite de Vancouver, où les provinces qui ne seraient pas d'accord sur une modification constitutionnelle ne leur convenant pas dans les domaines de leur compétence pourraient exercer un droit de retrait. Cela a été proposé cet été et les provinces étaient essentiellement d'accord là-dessus, mais il reste encore des raffinements à faire à cette formule. Mais la formule de Victoria - seulement pour qu'on s'entende -ne dit pas que le Québec a un droit de veto tant qu'il a 25%. Elle dit que toute province qui a eu ou qui aura 25% de la population

aura un droit de veto. Donc, même si on avait 22%, on aurait quand même un droit de veto, selon la formule de Victoria. Je dis tout de suite ceci, cependant, ayant vécu deux fois dans ma vie l'expérience d'un droit de veto exercé par le Québec, le droit de veto, c'est un peu comme des allumettes; cela sert une fois. Je veux dire par là - et c'est bien important - qu'il ne faut pas tomber victime de ce que je considérerais l'illusion du droit de veto. On a été victime au Québec. On se dit: II y a un droit de veto, donc, il n'y a pas de problème. Oui, il y a un problème, avec un droit de veto. C'est celui-ci; c'est le problème que ça met sur le Québec - en supposant que c'est nous qui l'exerçons - l'odieux de bloquer l'ensemble du Canada pour une évolution que lui, l'ensemble du Canada, hors le Québec, voudrait. À cet égard, la formule de Vancouver est beaucoup plus souple.

Ce n'était pas facile, en 1965, quand M. Lesage a décidé de laisser tomber la formule Fulton-Favreau et la première tentative de rapatriement et de formule d'amendement qui ne nous convenait pas, de bloquer tous les autres qui voulaient cette formule à l'époque, parce que nous avons exercé notre droit de veto à ce moment-là, le Québec. En 1971, M. Bourassa aussi a exercé son droit de veto à la suite de la conférence de Victoria. C'est un peu odieux. C'est difficile. Cela se fait une fois de temps en temps, mais il ne faudrait pas que cela se fasse tous les six mois.

Au dernier commentaire, que je trouve intéressant, vous dites que vous avez, depuis que vous avez écrit votre texte, pensé à une autre solution pour bloquer le coup de force des libéraux fédéraux qui serait une sorte d'injonction contre le gouvernement fédéral pour le bloquer. Sans aller dans les détails, je peux vous dire que toutes les hypothèses sont envisagées par nous et nos gouvernements et que nous avons, depuis quelques mois maintenant, consacré une énorme quantité d'énergies à y réfléchir à cause de sa gravité. D'ailleurs, je pense que c'était notre devoir fondamental de le faire, de réfléchir et de trouver les moyens d'empêcher ce coup de force absolument désastreux de se produire. Tout est possible, tout ce qui est évidemment correct, selon les normes de notre société.

Ce sont les commentaires que je voulais vous faire. Je vous félicite encore de votre mémoire. Je n'ai pas posé de questions. Si vous avez des commentaires supplémentaires à faire sur ce que j'ai dit, bien sûr, cela me fera plaisir de les entendre. Après cela, je passerai la parole à un autre.

Le Président (M. Jolivet): M. Roy ou

M. Baillargeon, avez-vous des commentaires?

M. Roy: Concernant la formule d'amendement, évidemment, on peut examiner la formule de Vancouver, celle de Victoria et toutes les formules. Notre avis là-dessus, c'est que quelle que soit la formule d'amendement, il y a toujours un risque. Ce qui est essentiel et vital, c'est d'abord qu'on soit reconnu en tant que peuple; ensuite, ce sera confirmé par n'importe quel mécanisme ou n'importe quelle mécanique dans la constitution, mais c'est d'abord ce qui est important. Tant que M. Trudeau ne cédera pas là-dessus, on sera forcé d'être indépendantistes. C'est M. Trudeau qui nous pousse à l'indépendance parce qu'aucune formule ne peut nous satisfaire si cela nous maintient dans la position aléatoire dans laquelle on est. C'est pourquoi le terrain des diverses formules d'amendement est plus ou moins intéressant pour nous parce que quelle que soit la formule retenue, il y aura toujours un risque très grand qu'on ne soit plus reconnu en tant que peuple, ce qu'on a réussi à faire reconnaître jusqu'à maintenant, pas constitutionnellement, pas légalement, mais dans les faits, à force de ténacité. Je tiens à vous souligner qu'on aura la ténacité nécessaire pour continuer après ceux qui ont défendu le Québec.

Un commentaire que j'aimerais faire aussi - Jean en a glissé un mot tout à l'heure - on veut, par notre présence, témoigner de notre position sur le rapatriement de la constitution, mais témoigner aussi d'une chose, à savoir que la généralisation bête et rapide de dire que la jeunesse est apathique, c'est faux. Qu'on regarde les associations étudiantes qui se remettent sur pied. Qu'on regarde des mouvements comme le nôtre. Qu'on regarde l'implication des jeunes dans le milieu communautaire. Je pense qu'on est à même de prendre la relève quand ce sera le temps.

M. Morin (Louis-Hébert): Je suis tout à fait heureux de ce que vous dites, à la fois sur les jeunes, ce que nous avions d'ailleurs constaté, mais aussi sur ce que vous avez dit sur la formule d'amendement. C'est exactement la position que le gouvernement du Québec, et je dirais sous tous les régimes, a défendue et particulièrement nous. Il y a une immense illusion qu'on avait essayé, qui n'a pas marché jusqu'à maintenant, mais qu'on va toujours essayer de faire croire aux Québécois - on entendait encore des ministres fédéraux en parler ces jours-ci - c'est de s'imaginer qu'une fois cette constitution rapatriée, même avec une formule d'amendement, le problème constitutionnel est résolu. Ce n'est pas vrai. Et vous avez parfaitement raison de dire que ce qui est essentiel, c'est autre chose qu'une technicité d'une loi qui est maintenant dans une quelconque bibliothèque en Grande-

Bretagne et qui viendra dans une quelconque bibliothèque ici. C'est beaucoup plus que cela. La formule d'amendement a ceci, cependant, d'important: elle détermine, du fait même qu'elle existe, le statut des États constituants et, à cet égard, elle est importante.

Mais je suis parfaitement d'accord que c'est loin de suffire. C'est tout à fait insuffisant.

Le Président (M. Jolivet): M. le. député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. Je voudrais, en premier lieu, poser une question qui, je le regrette, peut avoir l'air d'une question personnelle, mais étant donné qu'une des personnes qui est devant nous a le même nom qu'une autre personne - j'imagine que ce sont deux individus différents - qui occupe des fonctions officielles, j'aimerais clarifier que M. Jean Baillargeon n'est pas le M. Jean Baillargeon qui est secrétaire du Conseil de presse. Etant donné qu'il y a un rapport public de votre apparition, c'est peut-être correct de faire cette précision.

M. Roy: II a cependant tout autant de valeur.

M. Forget: Je ne me prononce pas sur la valeur des individus, mais je ne voulais pas qu'il y ait de confusion sur l'identité de ceux qui apparaissent devant nous.

M. Goulet: II y en a un qui est lutteur.

M. Morin (Louis-Hébert): II y en a un qui est lutteur éqalement. Est-ce vous? Non?

M. Baillargeon: Aucune parenté avec le lutteur. Du moins, pas de la même façon. Je préfère la lutte sur le plan politique.

M. Forget: Cela illustre le fait que le député de Bellechasse et moi n'avons pas les mêmes lectures, M. le Président.

M. Goulet: M. le Président, c'est parce que le lutteur est natif de Bellechasse. Je connais mes concitoyens, moi.

M. Forget: Ceci étant dit, M. le Président, je n'ai pas de questions, mais j'aimerais, étant donné que le ministre l'a fait lui-même... Relativement aux remarques que vous faites à la page 5 de votre mémoire, il a pris soin de prendre ses distances par rapport aux intentions que vous prêtiez au gouvernement dont il fait partie. Je pense ici au troisième alinéa de cette page 5 où, implicitement, vous faites reproche au gouvernement actuel du Québec d'être prêt à négocier le projet constitutionnel dont tout le monde parle en contrepartie d'un certain nombre d'amendements.

Si j'ai bien compris, le ministre cette fois-ci, comme un peu plus tôt ce matin, a indiqué très clairement qu'il y a un certain nombre de conclusions qui se dégagent, quant à lui, de l'expérience constitutionnelle des quelques derniers mois. Il a affirmé - et je ne pense pas le citer faussement, ce sont ses mots, je les ai notés au moment où il les a dits - qu'il est inutile de parler de fédéralisme renouvelé. Ce matin il avait affirmé que "le fédéralisme renouvelé n'est pas possible" et la perspective qu'il nous trace pour les prochaines années, à supposer que la responsabilité lui en échoirait, c'est que toute pensée de négociation ou d'évolution vers un fédéralisme renouvelé doit être mise de côté, qu'il faut en quelque sorte s'enfermer dans une situation qu'il faut bien appeler le statu quo, tenir la ligne, maintenir la position actuelle, mais sans aucun espoir d'évolution. Je suis sûr qu'il va profiter du droit de parole qu'il a, après mes propos, pour dire que c'est la faute du gouvernement fédéral et cela, tout le monde s'y attend, bien sûr. Mais, il reste que, quant à lui, son idée est faite, il n'est pas question de renouveler quoi que ce soit ou de négocier quoi que ce soit. Il s'agira plutôt, pour les prochaines années, d'avoir un gouvernement à Québec qui sait dire non, sur tous les tons, et avec toute la persistance possible, à toute espèce d'ouverture qui pourrait se manifester. D'ailleurs, il ne croit pas qu'il y aura d'ouverture. C'est un Québec en état de siège qu'il entrevoit pour les prochaines années avec un chef de garnison beaucoup plus qu'un chef de gouvernement.

Je pense que cela est une leçon que le gouvernement tire, que le ministre tire de l'expérience actuelle et qui est différente de celle qu'on peut tirer, par ailleurs. Je pense qu'effectivement, il y a des difficultés, il y a des problèmes majeurs avec la proposition qui est actuellement devant le Parlement canadien, des objections de principe absolument déterminantes, mais, malgré tout, je persiste à croire avec beaucoup de gens qu'il demeure un espoir qu'à cause même de la crise actuelle et des difficultés que nous connaissons, pourvu que toutes les parties impliquées maintiennent leur désir de faire évoluer la situation, il continue d'exister un espoir d'une évolution rapide, pourvu que personne ne se donne la vocation d'assassiner cet espoir de propos délibéré. Je pense que, du côté du ministre des Affaires intergouvernementales, il a clairement fait le deuil de cet espoir, il en a même fait un enterrement de première classe et il semble presque s'en réjouir.

Dans la perspective dans laquelle il se place, qui est une perspective à plus ou moins long terme de retrouver le souffle perdu le 20 mai dernier, je peux comprendre

qu'on ne se fasse pas tellement de cas de concience de l'enterrement de l'espoir en question. Mais je pense que c'est bon de le savoir. Il y a effectivement là une orientation, une conclusion; on a tiré la ligne du côté gouvernemental, on se dit: C'est fini, n'y pensons plus; quant à nous, nous ne jouerons plus à ce jeu. Je pense que c'est extrêmement intéressant, extrêmement important et qu'il fallait le souligner.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Est-ce qu'il y a des commentaires? M. Baillargeon.

M. Baillargeon: J'aimerais poser une question à M. Forget.

Dans le temps du référendum, nous avions analysé le livre beige et vous aviez dit: Pour nous, c'est un recul. Évidemment, je ne veux pas entrer dans les détails. Vous avez dit tout à l'heure que M. Trudeau avait bien reçu le livre beige, c'est-à-dire que c'était une base de négociation possible, tout cela. Mais à l'allure où va le train du rapatriement, le train risque d'être passé avant que M. Trudeau veuille en discuter. Autrement dit, le livre beige ne servira plus à rien, s'il y a rapatriement, s'il y a coup de force, en fait, à la vitesse que va actuellement le rapatriement. Là-dessus, nous avons déjà rencontré parfois de jeunes libéraux et nous leur avons demandé comment il était possible... Évidemment, nous avons fait partie de Solidarité Québec. Pour des raisons tactiques ou je ne sais pas trop pour quelle raison, vous n'avez pas voulu vous opposer systématiquement, en tant que parti au projet Trudeau pour faire partie de Solidarité-Québec, par exemple. Nous avons demandé aux jeunes libéraux comment faire pour s'unir contre le projet Trudeau. Je sais bien qu'il y a une élection, mais quand même. Le projet Trudeau, c'est très important. Vous dites que le livre beige, M. Trudeau voudrait en discuter, mais le projet va être adopté et le livre beige ne servira plus à rien, à beaucoup moins. J'aimerais savoir ce qu'entend faire le Parti libéral, peut-être aussi les jeunes libéraux jusqu'à un certain point, et comment faire pour s'unir, vu qu'on s'entend tous sur le fait que le projet de M. Trudeau est inacceptable. Comment faire pour s'unir contre le projet Trudeau avant qu'il ne l'adopte définitivement?

M. Roy: Si vous permettez, j'aimerais compléter la question de M. Baillargeon, pour que d'un même souffle M. Forget puisse y répondre. Vous avez dit que l'idée de la part du gouvernement du Québec de négocier était peut-être enterrée. Je pense que c'est M. Trudeau qui force l'enterrement de par ses méthodes. Je vous signale qu'il a rejeté du revers de la main tant Pépin-Robarts que toutes les commissions qui ont pu exister, et même le livre beige du Parti libéral. On en trouve assez peu de traces dans le projet de rapatriement. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Il y a aussi une chose. C'est peut-être pour cela que nous sommes indépendantistes, parce qu'on ne voit pas de possibilité. Sincèrement et honnêtement, pensez-vous qu'on peut penser pouvoir négocier avec un homme qui agit de cette façon? Qu'est-ce que vous pensez de l'attitude de M. Trudeau dans ce dossier?

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je veux bien qu'on inverse les rôles encore une fois, mais répondre aux questions qui sont adressées, je trouve que...

M. Morin (Louis-Hébert): C'est embêtant!

M. Forget: Non, c'est embêtant seulement pour le ministre des Affaires intergouvernementales.

M. Morin (Louis-Hébert): Non, c'est pour vous.

M. Forget: II demeure que la question elle-même reflète un assez grand pessimisme. On nous dit, comme si c'était la prémisse à partir de laquelle il faut se baser, que l'opposition non seulement du Québec, mais de sept provinces au projet fédéral est vouée à l'échec. Cela doit être la prémisse dont on part pour nous dire que si le projet fédéral réussit - on présume presque que c'est déjà chose faite - il n'y a plus beaucoup d'avenir pour négocier le renouvellement du fédéralisme en fonction des objectifs définis dans le livre beige. Tout cela est bien joli, mais c'est "si". C'est si effectivement les efforts non seulement du Québec, mais encore une fois de six autres provinces sont voués à l'échec. Il est plausible d'argumenter qu'effectivement, si les provinces n'ont plus voix au chapitre, il sera bien difficile pour un parti politique provincial, quel qu'il soit, de réaliser ses objectifs constitutionnels. Nous ne sommes pas persuadés qu'il faille prendre comme point de départ l'échec du mouvement actuel qui est très largement appuyé au niveau des provinces, et pas seulement au niveau des gouvernements provinciaux, mais aussi chez un secteur important de la population canadienne dans son ensemble. Quant à nous, nous ne considérons pas que cet effort est battu d'avance. C'est la raison pour laquelle j'ai dit tout à l'heure que nous conservons cet espoir et que nous ne pouvons pas partager les conclusions qu'en tire le gouvernement qu'il n'est plus question, plus possible, plus utile de songer à quelque négociation que ce

soit. Il faudrait - c'est aussi l'autre prémisse qui est implicite - par conséquent revenir à la période préréférendaire et tout ce qui s'est passé depuis un an, il faudrait prétendre que cela ne s'est pas passé et qu'on revient au statu quo ante, c'est-à-dire ce qu'il y avait avant le référendum, est-ce que oui ou non on va reposer la question de l'indépendance? Je pense que c'est très largement prématuré de conclure de cette façon et, pour notre part, nous ne croyons pas, encore une fois, qu'il faille enterrer l'espoir d'un véritable renouvellement. Si le projet fédéral, par contre, échoue, ne sera-t-il pas nécessaire, étant donné le mouvement, les efforts très considérables et les convergences très considérables qui se sont dégagées depuis un an et demi entre les provinces sur certains points, mais pas sur tous, de reprendre le dialogue sur une base nouvelle et beaucoup plus claire cette fois-ci?

Le Président (M. Jolivet): M. Roy.

M. Roy: Tu pourras compléter ma réponse. Tout à l'heure, vous vous définissiez comme un optimiste et comme quelqu'un qui croyait à la négociation pour renouveler le fédéralisme. Je pense que c'est peut-être une vision un peu réductive quand vous parlez de statu quo. Si on ne réussit pas à négocier un nouveau rapatriement, c'est tristement le statu quo? Non. C'est limiter le progrès d'une société uniquement à sa dimension constitutionnelle. C'est un élément important, mais ce n'est pas le seul. Il y a moyen -c'est ce pourquoi nous proposons un projet de société - quelle que soit l'issue de ce débat, de vouloir bâtir notre propre société qui nous ressemble. À ce moment-là, je ne pense pas qu'un échec dans cette phase du renouvellement du fédéralisme signifie nécessairement le statu quo ante. En matière constitutionnelle, peut-être, mais, pour ma part, c'est un moindre mal. Si le projet Trudeau échouait, ce serait un moindre mal. Je préférerais de beaucoup revenir au statu quo constitutionnel que d'être écrasé par le bulldozer fédéral maintenant.

M. Forget: Écoutez! Je suis tout à fait d'accord avec vous que la dimension constitutionnelle dans la vie d'un peuple, dans la vie des individus, dans la vie de n'importe quelle collectivité, ce n'est qu'une dimension. C'est une dimension importante, mais ce n'est pas la seule. Effectivement, vous avez tout à fait raison en cela. Si vous avez un projet de société, comme vous dites, qui déborde la question constitutionnelle, je vous encourage, effectivement, à avoir un projet de société plus large que la question constitutionnelle. Il est évident qu'à d'autres égards la société, au Québec comme au Canada, peut continuer à progresser dans d'autres dimensions même si ce problème n'est pas résolu. Il reste que mes propos s'adressaient à votre argumentation dans le cadre de la question constitutionnelle. Mais vous avez tout à fait raison, il y a beaucoup plus de choses dans le monde que ce qu'il y a dans les livres de droit constitutionnel et les livres de sciences politiques. Fort heureusement, d'ailleurs.

Le Président (M. Jolivet): M.

Baillargeon.

M. Baillargeon: Je vous avais demandé, en fin de compte, comment il est possible actuellement, disons à plus ou moins court terme, de se solidariser en tant que Québécois pour faire face justement au danger que représente le projet Trudeau et comment cela pouvait être possible entre jeunes au moins, en tout cas - les jeunes libéraux, les jeunes indépendantistes, tous ceux qui, pour des raisons différentes, s'opposent au projet - dans l'action de le faire. Si je comprends bien, vous vous opposez au projet Trudeau, sauf que, pour le moment, c'est plus ou moins une priorité. On ne fait rien contre, en fait, véritablement, dans l'action. Pas de pétition, rien. Je ne sais pas, il peut y avoir plusieurs moyens. Vous pensez simplement à votre élection, à vous faire élire, et les intérêts des Québécois passent en second lieu, si je comprends bien. Je ne le sais pas.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Les institutions politiques dans lesquelles nous vivons sont ainsi faites que l'action est la responsabilité du gouvernement et la parole, la responsabilité du Parlement, comme le mot l'indique. Tout ce que les parlementaires ont jamais pu faire, c'est dire ce pour quoi ils sont ou ce contre quoi ils sont. Et ça, nous l'avons fait dès le lendemain, encore une fois, de la publication du projet fédéral. Nous l'avons dit, nous avons parlé comme des parlementaires doivent le faire. Nous avons exprimé notre position. Une fois qu'on l'a dite, la constitution du Québec et celle du Canada nous empêchent comme parti d'Opposition de faire quoi que ce soit d'autre. L'action est un monopole gouvernemental. Et le gouvernement, en choisissant de ne pas faire d'élection, a voulu se réserver lui-même le monopole de l'action. Effectivement, il a agi comme négociateur, il a agi devant les tribunaux, mais dans tous les cas il est seul, il choisit les procureurs, il choisit le moment des déclarations, il nomme les experts et il ne consulte pas même l'Opposition là-dessus. Personne ne lui demande de le faire. Il est normal, d'ailleurs, que le gouvernement soit

seul. Il a choisi de le faire, c'est son rôle et alors il faut attendre les résultats et juger l'arbre à ses fruits.

Le Président (M. Jolivet): M.

Baillargeon.

M. Baillargeon: Nous, nous n'espérons pas être au gouvernement et nous faisons de l'action quand même. Je ne comprends pas qu'un parti politique ne peut pas être dissocié de son aile parlementaire et justement faire de l'action pour reprendre l'opposition que ses parlementaires, ses députés font en Chambre. Lorsqu'on sort du Parlement, il y a moyen de faire de l'action pour enchaîner. Si je comprends bien, les militants du Parti libéral ne considèrent pas importante l'action à la suite de vos déclarations au Parlement sur l'opposition au projet Trudeau, et en fin de compte c'étaient simplement des paroles pour la télévision comme ça se fait actuellement. Nous sommes contre, mais nous ne voulons rien faire. Nous, en tout cas, nous avons tendu la perche aux jeunes libéraux et il faut absolument, à un moment donné, s'opposer énergiquement puisque c'est quand même... Nous, en tout cas, en tant que jeunes, toutes les générations qui suivent aussi... Ce qui se décide actuellement, c'est une constitution et c'est très important pour les institutions de notre pays.

Je considère qu'il ne faut pas penser à des intérêts électoralistes à court terme pour ne pas se battre sur ce projet. Là-dessus nous appuyons le gouvernement qui s'y est opposé. En fin de compte il n'a pas pensé simplement à ça. Il s'y est opposé énergiquement. Quand même, il y a des secteurs assez larges de la société qui s'y opposent et qui ne sont pas affiliés à des partis politiques, quels qu'ils soient. Il y a des secteurs de la société, vous l'avez dit vous-même, qui s'opposent à cela. Je ne comprends pas que vous ne vouliez pas passer des belles paroles à l'action, parce que cela veut dire, à ce moment, que vous ne croyez pas important ce que vous affirmez. Simplement, c'est juste pour la galerie.

M. Forget: Votre problème - vous me permettez, M. le Président, je serai très bref - c'est que quand vous faites un mémoire et que vous venez le lire en commission parlementaire, vous, vous appelez cela de l'action. Et quand le Parti libéral - laissez-moi terminer...

M. Baillargeon: Non, nous avons travaillé dans Solidarité-Québec.

M. Forget: Laissez-moi terminer. Quand le Parti libéral dans ses congrès régionaux, où il y a probablement quelques centaines de personnes de plus que dans les réunions de votre groupe - je n'en sais rien, mais c'est fort probable - nous...

M. Baillargeon: Cela fait deux mois qu'on existe.

M. Forget: ... adoptons une résolution et, lorsque, au moment des élections partielles, nous étant prononcés comme nous nous sommes prononcés, nous n'avons quand même pas eu trop d'échecs, je pense que c'est de l'action à un titre encore plus grand que la rédaction des mémoires et leur lecture en commission parlementaire. Encore une fois, l'action, dans la mesure, où elle consiste à poser publiquement des gestes politiques qui signifient clairement de quel côté nous sommes, si nous sommes d'accord ou non, cette action, elle s'est multipliée depuis le mois d'octobre et nous n'avons pas eu besoin du gouvernement ni de vous, en tout respect, pour nous inviter à la poser.

Pour ce qui est de l'action concrète devant les tribunaux, comme vous savez, ce n'est pas à l'Opposition à engager des avocats et à dire au ministère de la Justice comment faire son travail. Le gouvernement a été nommé pour cela et il a tenu à ce que ce soit lui et personne d'autre qui s'en occupe. Alors, qu'il s'en occupe.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Juste deux rétablissements des faits. Le premier, c'est quand je viens d'entendre le député de Saint-Laurent dire que nous n'avions jamais demandé quoi que ce soit pour ce qui concerne par exemple les cours; nous avons même proposé à l'Assemblée nationale - cela a été rappelé - que l'Opposition nous prête un avocat pour travailler avec nous pour faire cette opération de façon non partisane. Ce que viennent de dire nos deux invités ici, j'y souscris entièrement et totalement, je n'enlève pas un seul mot de ce qu'ils ont dit et je suis totalement d'accord avec eux.

Je termine en disant que, tout à l'heure - c'était pour cela que je voulais faire une intervention - j'entendais le député de Saint-Laurent dire qu'il conservait espoir, alors qu'en face de nous on a des gens qui sont la négation, même pas du fédéralisme renouvelé, mais même du fédéralisme. Cela a été dit par le rapport Kershaw. Alors qu'on a à Ottawa des gens qui auraient eu l'occasion de livrer la marchandise après une promesse qu'ils ont faite et ne le font pas, il considère encore qu'on doit être optimiste.

Ce que j'ai dit ce matin - je pense que cela a été oublié dans son intervention -c'est que, dans l'avenir immédiat, quiconque parle de fédéralisme renouvelé au Québec, compte tenu de ceux qui sont à Ottawa,

parle de quelque chose d'absolument théorique. C'est un conte de fée politique. Que voulez-vous que je vous dise actuellement? Cela revient à dire qu'avec son optimisme, je constate que le député de Saint-Laurent est en train de croire aux promesses de fédéralisme renouvelé dont il nous dit lui-même que ces promesses n'ont pas été faites. C'est cela qu'il nous a dit la semaine dernière.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Comme conclusion, M. Roy.

M. Roy: J'aurais presque envie de soulever une question de privilège en terminant, c'est que notre action ne s'est...

Le Président (M. Jolivet): II n'y en pas aux commissions parlementaires.

M. Roy: C'est un peu en riant. ... limitée à présenter un mémoire, M. Forget. Notre action a aussi consisté à se "solidariser" avec les autres Québécois qui s'opposaient au projet Trudeau, à signer, à faire circuler la pétition, à l'expliquer dans notre milieu. Cela a aussi consisté en l'organisation de réunions non partisanes où sont venus les étudiants pour constater quelle est la nature du geste fédéral. Je pense qu'on connaît assez bien le terrain sur lequel on travaille pour qu'effectivement on puisse rejoindre beaucoup de gens et sensibiliser des étudiants à l'imminence du danger qu'on court en tant que Québécois. On en entend parler depuis longtemps, du renouvellement du fédéralisme. Cela s'est peu réalisé, mais présentement, on est en train de courir un grave danger et peut-être que, grâce à notre action - limitée peut-être, mais une action tout de même - quelques-uns ont pu prendre conscience qu'on était en position dangereuse présentement.

Le Président (M. Jolivet): Merci.

Comme nous sommes à 18 heures, j'ai besoin du consentement des membres de cette commission pour continuer, sur ce dont on avait fait mention au début de l'après-midi à savoir les recommandations ou les propositions de la part du parti de l'Opposition officielle. Donc, je demande à M. le député de Saint-Laurent quelle est la proposition qu'il a l'intention de faire.

Présentation de motions

M. Forget: M. le Président, comme vous nous l'avez rappelé fort à propos, le mandat strictement interprété de la commission ne nous permettrait pas, à moins d'un consentement, de nous étendre longuement sur un débat entre nous puisque le mandat comportait l'audition des témoins. J'ai cependant cru comprendre ce matin qu'on pourrait réserver une brève période pour l'examen et l'adoption ou le rejet éventuel d'une motion ou deux motions que nous pourrions présenter, et je pense que ce serait dans l'ordre. Je pense qu'on pourrait s'entendre d'avance pour faire cela dans un délai malgré tout raisonnable et bref.

M. Morin (Louis-Hébert): Une heure au maximum.

M. Forget: Une heure peut-être. Dans ce cas-là, la deuxième question qui se pose, c'est à quel moment le faire? S'il n'y a pas d'objection, de l'autre côté, on pourrait peut-être procéder immédiatement.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est cela.

Le Président (M. Jolivet): Comme il y a consentement, nous pouvons...

M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, nous consentons, d'autant plus que j'ai appris, il y a quelques minutes, qu'il y a au moins deux - sinon plus que cela -collègues ici qui ont un rendez-vous avec des invités, tout à l'heure, ce qui veut dire qu'on aurait une heure exactement pour procéder. Je suis tout à fait d'accord, au nom du gouvernement, pour qu'on continue. Donnons-nous une heure et on verra. (18 heures)

Le Président (M. Jolivet): Cela va?

M. Forget: Bon! Ce qui veut dire qu'on peut me donner quelques minutes pour la présentation et...

M. Morin (Louis-Hébert): Bien sûr.

Le Président (M. Jolivet): Oui, un instant, M. le député. M. le député de Bellechasse, oui.

M. Goulet: Comme membre de la commission, vous avez également besoin de mon consentement.

Le Président (M. Jolivet): Oui, c'est vrai.

M. Morin (Louis-Hébert): Ah, mon Dieu!

M. Goulet: M. le Président, le mandat de la commission, c'est l'audition de mémoires en regard du projet de résolution du gouvernement fédéral concernant la constitution du Canada. On semble vouloir s'embarquer sur la discussion de motions. Écoutez! On a passé deux semaines, à l'Assemblée nationale, pour discuter de motions. On n'a pas été capable, à l'Assemblée nationale, après maintes et maintes discussions, je ne sais combien d'heures, peut-être deux ou trois semaines,

de faire l'unanimité, de faire le consensus sur une motion de base. Est-ce que vous pensez que c'est valable qu'on puisse prendre encore une heure pour peut-être en arriver à ce qu'on n'a pas été capable d'obtenir à l'Assemblée nationale pendant dix, quinze ou vingt heures? Est-ce qu'il y a des gens qui veulent se racheter, qui ont des choses à se faire pardonner? Je ne le sais pas, mais qu'est-ce qu'on fait? Ce n'est pas le mandat de la commission du tout.

Quelle sorte de motion? Une motion de quoi? Pour reprendre le travail qu'on n'a pas fait à l'Assemblée nationale, qu'on a manqué, où on est passé à côté? De quelle motion veut-on discuter actuellement?

Le Président (M. Jolivet): M. le député, je dois vous dire au départ qu'il est réel que la commission avait comme mandat d'entendre des groupes ou des individus qui voulaient intervenir sur la résolution du gouvernement fédéral concernant la constitution du Canada.

À partir du début du journal des Débats, il avait été question qu'il puisse y avoir, à la fin de cette commission, des propositions faites par l'Opposition officielle. Tout ce que j'ai à faire comme travail, ce n'est pas, quant à moi, d'évaluer la teneur des propositions puisque j'ai a diriger vos débats, mais j'ai à vous demander, comme président de cette commission, un consentement - c'est de cette façon que nous pourrons aborder le sujet - pour permettre au député de Saint-Laurent, qui représente l'Opposition officielle, de faire une recommandation sur laquelle vous aurez ensuite l'occasion de voter pour ou contre.

Comme c'est la coutume, nous sommes assez larges, en commission parlementaire, et on va permettre au moins la présentation de la proposition; ensuite, on verra si vous devez, oui ou non, donner votre consentement pour la poursuite du travail. Comme il était 18 heures et que le mandat de la commission pouvait se poursuivre seulement après le souper, j'ai demandé un allongement du temps et comme le consentement semble acquis de poursuivre au moins pendant une heure, pendant cette heure, on peut faire ce travail. Lorsque la discussion sera terminée, il y aura un vote, à 19 heures.

M. Morin (Louis-Hébert): Même avant. Cela dépendra.

Le Président (M. Jolivet): Oui, cela pourra être avant, mais ce sera au plus tard à 19 heures.

M. Morin (Louis-Hébert): D'accord.

Le Président (M. Jolivet): Le consentement est acquis pour que le député de Saint-Laurent présente une ou deux motions, comme il l'entend.

M. Claude Forget

M. Forget: Je vous remercie. Je remercie les membres de la commission, en particulier, le député de Bellechasse de sa collaboration.

M. le Président, nous sommes arrivés au terme d'une série d'audiences en commission parlementaire sur lesquelles je m'en voudrais de ne pas faire certaines observations de caractère général en préface à ces deux motions dont j'aimerais saisir mes collègues.

Je crois qu'il faut noter, en premier lieu, le caractère et la nature de l'orientation représentée par les différents groupes qui se sont présentés devant la commission et qui, de façon majoritaire, je pense qu'il est exact de dire, étaient des groupes dont l'engagement est connu et, pour être plus précis, dont l'engagement dans la campagne référendaire qui date de moins d'un an se situait, dans presque tous les cas, du côté du oui. C'est une série d'apparitions qui ont été faites, de témoignages qui ont été rendus, dont on ne doit pas s'étonner s'ils reprenaient des thèmes déjà connus.

Je ne suis pas sûr, dans quelle mesure, M. le Président, on a eu affaire, dans tous les cas, à des mémoires et des présentations qui étaient entièrement spontanés, qui étaient véritablement l'option de groupes qui ne sont pas déjà autrement représentés à l'Assemblée nationale. Il y a eu effectivement, entre ces groupes et les anciens partenaires du oui qui siègent de l'autre côté, une collusion que tous ceux de nos concitoyens - ils ne sont peut-être pas très nombreux - qui suivent ces débats à la télévision, n'ont pu faire autrement que de remarquer. Non seulement les liens entre le parti au pouvoir et un certain nombre de ces groupes - je cite le Mouvement national des Québécois, la Société Saint-Jean-Baptiste, le Mouvement Québec français, etc.; il y en a plusieurs qui ont défilé devant nous - non seulement avaient-ils des liens de fraternité comme anciens partenaires du comité du oui, mais certains n'étaient pas entièrement indépendants d'autre manière du gouvernement.

J'ai souligné en particulier qu'un certain nombre de ces groupes reçoivent, par un mécanisme qui, je pense, est détourné de ses fins, un financement indirect du secteur public. Nous avons eu des groupes qui ont des concessions de Loto-Québec; nous avons eu des groupes qui prennent très explicitement la relève du MéOUI; nous en avions un devant nous, il y a quelques minutes. Mais cela ne se borne pas à ce dernier groupe, cela s'étend également à la SNQ de l'Est du Québec, la Société nationale

des Québécois de l'Est du Québec, qui, c'est de notoriété publique - c'était dans le Soleil du début du mois - a pris effectivement la relève du MéOUI dans son secteur et qui se propose de lancer une revue bénéficiant ainsi d'un appui de fonds publics - je pense qu'on ne peut pas les qualifier autrement - pour une action politique.

Donc, tout ceci laisse une curieuse impression d'un plat qu'on nous a fait, mais, une fois que je l'ai souligné, je n'ai pas l'intention d'insister davantage. Je pense que ce qui ressort le plus clairement de tout ceci, c'est qu'à cause de ces interventions, à cause de leur nature, le gouvernement a été appelé à reprendre des thèmes qui étaient familiers à la période référendaire; il a même, par la voix du député de Deux-Montagnes, assez explicitement repris à son compte cette affirmation de M. Trépanier qui nous dit: Je désire une république québécoise, je désire une citoyenneté québécoise, je désire un dollar québécois. Voilà bien des thèmes que je ne place pas dans sa bouche arbitrairement et qui ont été assumés par l'adjoint du ministre, non pas par le ministre lui-même qui était fort opportunément absent de nos travaux pendant ces quelques minutes, mais peut-être voudra-t-il les reprendre à son compte. Il y a là toute une espèce de biais, toute une espèce de façon d'orienter les travaux qui ont provoqué justement une mise en lumière de ce que nous avons toujours affirmé être l'orientation véritable du Parti québécois, même depuis le référendum, même à travers les négociations constitutionnelles. On ne pouvait pas en trouver de meilleures preuves ou de meilleurs exemples que cette mise en scène et cette présence débordante, majoritaire de groupes qui étaient ses camarades pendant la période référendaire. C'est malheureux. J'ai eu l'occasion dans un autre forum de le déplorer au leader du gouvernement. Je pense que c'est un mauvais calcul. C'est une gaucherie de la part du gouvernement que d'avoir ainsi pipé les dés à son avantage ou ce qu'il a considéré comme être son avantage, parce que cela peut erronément donner à nos compatriotes qui écoutent ces débats l'impression que tous ceux qui s'opposent au projet de rapatriement et de modification unilatérale de la constitution le font pour ces motifs. Or, ce n'est pas vrai. D'autres s'y opposent, mais ne se sont pas prêtés au même jeu dans le même nombre, peut-être parce qu'ils n'avaient pas le même genre d'incitation ou de motivation à se conformer à un scénario si évidemment développé du côté gouvernemental.

Quoi qu'il en soit, je pense qu'il faut affirmer, à la fin de nos travaux, de la façon la plus claire possible, que ces motivations indépendantistes, ces vestiges du mouvement indépendantiste qui ont refait surface ne constituent pas l'essence du problème, ne constituent pas la vague de fond qui explique l'opposition du Québec, et de toutes les forces politiques du Québec, au mouvement de rapatriement unilatéral de la constitution. C'est beaucoup plus large que cela. C'est beaucoup plus conforme au vote et au résultat acquis le 20 mai dernier.

M. le Président, cette question des motifs et des buts ultimes qui opposent les forces politiques au Québec et qui opposent, malheureusement encore, un grand nombre de groupes affiliés ou apparentés de plus ou moins loin avec les forces politiques, c'est une querelle à régler entre Québécois à un moment ou à un autre et certainement à l'occasion d'une élection générale. Cela ne devrait pas intervenir indûment dans la conclusion de nos travaux. Cela devrait être laissé pour une autre occasion. À ce moment-ci, il réapparaîtrait souhaitable que, pour éviter, encore une fois, que tout ceci ne se termine par une impression assez saugrenue de remise en question de tout ce qui s'est passé depuis un an, l'on puisse déboucher sur les résolutions communes les plus simples possible, celles qui sont les moins susceptibles, d'une part, d'obliger le gouvernement à faire des professions de foi dans un système fédéral auquel, fondamentalement, il ne croit pas. Je pense que nous ne devrions pas chercher à lui faire poser une telle profession de foi puisque l'expérience a montré qu'il s'y refuse et je le comprends; ce n'est pas une chose qu'il est capable de faire étant donné la situation dans laquelle il est. D'autre part, cela ne devrait pas, non plus, impliquer, de la part des partis d'Opposition, un endossement aveugle de toutes les démarches et de tout le processus dans lequel s'est engagé le gouvernement, de toutes les positions qu'il a prises, de toutes les positions qu'il n'a pas prises, de toutes les actions et de toutes les omissions qui sont intervenues depuis le 20 mai. C'est en demander trop parce que nous avons eu souvent l'occasion comme parti de l'Opposition de manifester notre désaccord sur de nombreux points importants dans ce processus. Donc, en mettant de côté à la fois une demande d'aveu de la part du gouvernement, un acte de foi dans un système auquel il ne veut pas faire un acte de foi, en mettant de côté pour l'Opposition une espèce d'endossement et de bénédiction générale de tout ce qui a été fait au niveau gouvernemental depuis un an, je pense qu'on peut, malgré tout, dégager du dossier actuel une ou deux propositions qui sont les plus neutres possible, qui sont les plus circonscrites possible, mais qui nous permettraient de dire: Là-dessus, au moins, quels que soient nos différends par ailleurs, il y a un minimum de terrain d'entente pour des raisons différentes, avec des motifs ultimes différents, avec des jugements que

nous portons sur les personnes et les événements qui n'ont pas beaucoup de choses en commun mais, malgré tout, là-dessus on peut s'entendre.

C'est le sens, M. le Président, des deux motions que le chef de l'Opposition, le premier jour de séance de cette commission parlementaire, a annoncées de façon générale et que je voudrais, à ce moment-ci, faire connaître aux membres de la commission dans leur version précise. Je pense qu'on pourra noter, M. le Président, très bien qu'il s'agit de choses qui, à mon avis, vont de soi. SI, cependant, la très simple présentation de ces motions devait ouvrir une espèce de boîte de Pandore, un débat interminable, on s'est fait une règle d'action là-dessus qui empêchera de se lancer dans un débat d'une semaine ou deux. (18 h 15)

Si cela devait donner lieu à une série d'amendements, de contre- amendements, de débats et d'ergotage sur les virgules, je pense qu'il faudrait avoir le réalisme, chacun de notre côté, de se rendre compte que c'est un effort qui est voué à l'échec et que même si on réussissait à se mettre d'accord sur les virgules après des heures ou des jours de négociations, le produit ne vaudrait pas finalement l'effort qui aurait été investi.

Cependant, si on peut rapidement déboucher là-dessus tout en conservant, par ailleurs, ainsi que je l'ai dit, de part et d'autre, toutes les réserves que nous avons les uns à l'égard des autres, réserves que les circonstances actuelles - on n'a pas besoin de faire de dessin à personne - rendent abondamment naturelles et normales, je pense qu'à ce moment il n'y a pas de dommage.

Motions

M. le Président, je fais la lecture de ces deux motions.

La première se lit comme suit: "Que cette commission exprime son adhésion aux recommandations et conclusions contenues dans le premier rapport du Foreign Affairs Committee de la Chambre des communes britannique et son appréciation pour la haute qualité de ce rappport publié au cours de la dernière semaine du mois de janvier 1980." Il s'agit du rapport Kershaw, dont tout le monde, je pense bien maintenant, a pris connaissance et qui appuie sans exagération mais fermement la position des provinces dans cette question constitutionnelle.

La deuxième motion, M. le Président, qui découle presque de la première, se lit comme suit: "Que cette commission invite le gouvernement fédéral à reprendre les négociations avec les provinces au sujet d'une formule acceptable de rapatriement et d'amendement à la constitution canadienne aussitôt qu'auront eu lieu les élections générales en Ontario et au Québec."

Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le député. M. le ministre, sur les deux propositions.

M. Claude Morin

M. Morin (Louis-Hébert): Merci. M. le Président, je pense bien que nous allons pouvoir terminer pour 19 heures.

Nous venons d'avoir le texte final des deux motions libérales; elles nous avaient été annoncées dans le principe, il y a trois semaines; on aurait aimé voir le texte définitif plus tôt aujourd'hui, quoique, en substance, il n'y a pas tellement de variations. Alors je pense qu'on peut tout de suite, si mes collègues sont d'accord, ne pas demander de suspension de quelques minutes pour les examiner, et qu'on peut procéder rapidement.

Lorsque les propositions ont été présentées en substance, il y a deux ou trois semaines, par le chef de l'Opposition, on les a tout de suite soigneusement analysées pour en saisir la portée et c'est cette analyse qui m'amène, au nom du gouvernement, à formuler trois considérations. Ces considérations, que j'exprimerai sans détour, nous paraissent importantes, car elles permettent de dégager, au-delà des péripéties quotidiennes, la perspective dans laquelle se situe présentement la lutte des Québécois pour leurs droits.

En premier lieu, je voudrais rappeler les événements qui ont conduit à la tentative fédérale de coup de force constitutionnel. Reportons-nous en mai dernier, lors du référendum: d'un côté, il y a les tenants du oui et, de l'autre, ceux du non. Dans ce deuxième camp, invités par le chef du Parti libéral provincial à participer à la lutte, se trouvent les libéraux fédéraux et leur chef, le premier ministre du Canada. Celui-ci, au Centre Paul-Sauvé, à Montréal, dans une intervention historique et probablement déterminante, laisse solennellement entendre qu'un non au référendum signifiera un oui à un fédéralisme renouvelé. Il met même à cet égard son siège en jeu et celui de ses collègues de même. De la sorte, des espoirs sont soulevés et des Québécois comprennent qu'un déblocage majeur se produira sur le plan constitutionnel si la réponse au référendum est négative.

Qu'est-il arrivé par la suite? Ottawa convoque une série de rencontres fédérales-provinciales intensives, qui s'échelonnent pendant tout l'été; j'y ai moi-même participé avec deux collègues ministres et avec le député de Deux-Montagnes, M. de Bellefeuille.

Le Québec et les autres provinces y participent donc de bonne foi; elles arrivent même, phénomène peu fréquent, à établir un

consensus sur plusieurs sujets de l'ordre du jour. Pourtant, grâce à la chute d'un document stratégique secret du cabinet fédéral, on apprend, au début de septembre, que ces rencontres étaient piégées, et qu'Ottawa avait toujours envisagé de recourir à une action unilatérale ou, si l'on veut, à un coup de force. En somme, on apprend qu'à aucun moment Ottawa n'a été de bonne foi.

Pour cette raison et à cause de l'intransigeance fédérale, les négociations avortent au début de septembre; ce fut la conférence télévisée des premiers ministres qui a duré six jours.

Le 2 octobre, à la télévision, le premier ministre fédéral annonce qu'il procédera à sa façon, sans l'accord des provinces, mais à l'aide de sa majorité libérale à Ottawa. À partir de ce moment, on commence à vivre, au Canada et au Québec, une crise constitutionnelle sans précédent. Les libéraux fédéraux s'attaquent, dès lors, directement aux compétences des provinces en général et aux droits du Québec en particulier.

Ainsi donc, en octobre, il y a eu trahison par les fédéraux des promesses référendaires. Du moins, il y a eu trahison pour ceux qui espéraient voir surgir du non une sorte de oui à des réformes qui auraient convenu aux Québécois. C'est ce qu'ont déclaré eux-mêmes à l'époque les fédéralistes de premier plan que je cite ici indirectement.

Dans ce contexte, le comportement ultérieur des libéraux provinciaux, ces derniers temps, est plus qu'ambigu, car il n'y a pas à en sortir; de deux choses l'une - j'ai fait ce raisonnement ce matin - ou bien, en mai, ils savaient les plans de leurs associés fédéraux, et alors ils sont carrément complices du coup de force que nous vivons maintenant, ou bien ils les ignoraient et n'ont pas exigé de garanties, et alors ils ont été naïfs. Aujourd'hui, nous ne savons pas encore s'ils ont été complices ou naïfs, mais ils ont sûrement été l'un ou l'autre.

En tout cas, je le dis carrément, par leur attitude, ils ont trompé les Québécois; on ne peut se fier à eux. C'est de plus en plus évident pour de plus en plus de gens.

Je tire aussi une autre leçon des événements vécus récemment. Il est en effet devenu évident qu'avec l'équipe actuelle à Ottawa - ainsi je réponds à une intervention du député de Saint-Laurent tout à l'heure -plus personne au Québec ne peut vraiment, avec crédibilité, évoquer les beautés du fédéralisme renouvelé, car ces gens d'Ottawa n'en veulent tout simplement pas. Ils avaient d'ailleurs une occasion unique de démontrer leur volonté de renouvellement réel, dès l'été dernier, d'autant plus qu'ils l'avaient promis. Ils ont préféré le mensonge et la manipulation.

Et le 29 ou le 30 décembre, au réseau CTV, le premier ministre fédéral a dit qu'il répondrait non, même à ce M. Ryan, en supposant qu'il soit premier ministre, si celui-ci voulait des pouvoirs accrus pour le Québec. Tant que ces gens seront au pouvoir à Ottawa et qu'ils seront désireux, comme c'est le cas maintenant, de mettre définitivement les Québécois à leur place, parler de fédéralisme renouvelé, c'est se raconter un conte de fée politique.

Donc, à cause de ces gens, la question qui se pose dorénavant n'est pas de savoir quel parti au Québec peut le mieux, dans l'avenir immédiat, participer au renouvellement du fédéralisme, puisqu'il est clair qu'en haut lieu fédéral cet objectif n'existe pas. C'est donc là une question théorique. Il faut plutôt décider quel parti est en mesure, le plus sincèrement et le plus efficacement, de contribuer à l'affirmation, sans arrière-pensée et sans nuance aucune, des droits du Québec face particulièrement à l'attaque dont ses droits sont l'objet de la part de ceux à qui les libéraux provinciaux se sont alliés en mai dernier; car c'est cela la réalité politique concrète du moment.

Faut-il choisir un parti dont les dirigeants sont des complices ou des naïfs ou bien un parti dont la fidélité totale au Québec n'a jamais fait et ne fera jamais de doute? Quand on a au pouvoir un parti fiable, on le garde.

Je voudrais maintenant, en second lieu, souligner très rapidement les aspects les plus inacceptables du coup de force fédéral, ne serait-ce que pour mémoire. En cela, je rejoindrai la plupart des critiques formulées par maintenant sept, officiellement, des dix provinces du Canada et aussi par la Nouvelle-Écosse qui a elle-même de très fortes réticences.

Le geste fédéral d'abord est unilatéral, c'est-à-dire qu'il est perpétré malgré l'opposition de la majorité des provinces et contre elles. Ce geste, ensuite, dans son contenu, est une négation des principes mêmes du fédéralisme par des politiciens qui étaient censés le renouveler. S'il devait réussir, il provoquerait une dynamique centralisatrice et conduirait à l'avènement définitif de la prépondérance d'Ottawa sur les provinces.

Troisièmement, par la charte des droits, ce geste d'Ottawa modifie les compétences des provinces, sans l'accord de celles-ci.

Quatrièmement, dans tout cela, Ottawa demande à un Parlement étranger d'intervenir dans les affaires canadiennes pour faire à sa place ce qui lui est impossible actuellement de faire au Canada.

Pour le Québec, il y a plus. La tentative fédérale vise en particulier, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, à torpiller la loi 101. C'est même là une des principales motivations d'Ottawa. Et en même temps

qu'Ottawa vise à rétablir les privilèges de la minorité anglophone du Québec et qu'il le dit ouvertement, samedi dernier encore, en voulant réduire les pouvoirs exclusifs qu'a notre Assemblée nationale de protéger et de promouvoir le français comme elle l'entend, on ne se livre cependant à aucun coup de force contre l'Ontario pour y introduire, par exemple, le bilinguisme institutionnel. Pourquoi? Parce que Ottawa - c'est le premier ministre fédéral lui-même qui l'a dit - a besoin de l'appui de l'Ontario, la seule et unique province du Canada qui verrait sa situation améliorée si le projet fédéral voyait le jour. Deux poids, deux mesures.

Dans cette affaire, un des phénomènes les plus navrants est certes l'attitude moutonnière des députés libéraux fédéraux du Québec chez qui le silence est directement proportionnel au manque de courage et aussi au cynisme, car ce sont les mêmes qui, en mai dernier, de connivence avec les libéraux provinciaux, trompaient les Québécois en leur faisant croire, comme je l'ai dit tantôt, qu'un non référendaire donnerait le signal si longtemps attendu du départ vers un fédéralisme renouvelé correspondant aux aspirations du Québec.

J'en arrive maintenant à une troisième considération. Il s'agit de l'embarras visible de nos amis libéraux provinciaux devant la tentative de coup de force fédéral. La bataille à ce propos est maintenant bien engagée. Cette bataille - je tiens à insister là-dessus - est loin d'être gagnée, mais tout le monde s'accorde pour dire que les provinces et le Québec ont nettement amélioré leur position depuis octobre. Il y a à peine quelques mois - on s'en souvient -l'horizon fédéral-provincial se prêtait à beaucoup moins d'optimisme. Rien ne paraissait devoir freiner, encore moins bloquer l'infernal train des libéraux fédéraux, l'infernal "bulldozer", pourrait-on dire.

Les choses ont bien changé depuis grâce, essentiellement, à la collaboration d'une majorité des provinces entre elles et grâce aussi à la ténacité et à la fermeté constantes du Québec. Il fut un temps, plus précisément en octobre, où il était capital, face aux fédéraux et face aussi aux parlementaires britanniques, que tous les partis politiques du Québec démontrent clairement et fortement leur unanimité à s'opposer à l'entreprise fédérale, qu'ils le démontrent par un geste solennel. Pour une fois, comme l'a dit à l'époque le premier ministre du Québec, il fallait se situer au-delà des considérations purement électorales.

Cette unanimité, recherchée à partir d'un texte de résolution expressément rédigée alors pour être en même temps significative et acceptable à tous les partis, cette unanimité, les libéraux provinciaux ont refusé alors d'en donner la preuve aux Québécois et ce, malgré la volonté d'ouverture et de compromis du gouvernement. Quoiqu'il arrive, désormais, la population québécoise se souviendra toujours que les libéraux provinciaux ont fait défaut au Québec au moment même où celui-ci avait tellement besoin qu'on se serre les coudes. Malgré la désertion libérale, le gouvernement du Québec, avec les autres provinces, a continué la lutte sur tous les plans ici même au Québec et dans les autres provinces, devant les cours et à Londres, avec les résultats que l'on sait aujourd'hui. Cela, nous l'avons réalisé sans les libéraux provinciaux et, je dirais même, presque malgré eux. En effet, ils n'ont pas voulu participer à la pétition populaire dont on a appris la semaine dernière qu'elle comptait près de trois quarts de million de signatures. Ils ont mis en doute le bien-fondé de la campagne gouvernementale d'information sur le coup de force fédéral. Ils ont critiqué la formation de la commission qui siège aujourd'hui. Ils ne voulaient pas non plus que ses travaux soient télévisés.

Tout à l'heure, on entendait le député de Saint-Laurent mettre en doute la qualité des intervenants. Ils se sont efforcés d'établir de subtiles distinctions entre la forme de la démarche fédérale et le fond, celui-ci comportant, à leur avis, des éléments fort positifs. C'est la manière, la méthode utilisée, la façon d'agir qu'ils n'aiment pas et non pas l'objectif fédéral dont ils s'accommoderaient fort bien, semble-t-il. Il s'est même trouvé des personnalités libérales - je pense à Jean-Noël Lavoie - à l'Assemblée nationale, ici, pour minimiser dans des discours les dangers de l'action d'Ottawa et, lorsque le jugement de la Cour d'appel du Manitoba est sorti, le chef libéral provincial a trouvé moyen de critiquer ceux qui défendaient les droits des provinces en disant qu'ils avaient mal posé leurs questions à la cour. Les libéraux provinciaux qui se prétendent si influents, au point qu'ils sont volontaires pour donner des leçons à tout le monde et au point - comme je le voyais ce matin dans une coupure de journal - de dire que le chef libéral est le seul à vraiment comprendre le Canada: "Seul Ryan semble comprendre ce pays", Mme Solange Chaput-Rolland; arrogance surprenante dans ce titre, en tout cas. Ces gens qui se prétendent si influents, au point qu'ils donnent des leçons à tout le monde, qui prétendent donner l'impression, en tout cas, de pouvoir régler tout le problème constitutionnel à eux seuls n'ont pourtant pas réussi encore, en tout cas, à convaincre un seul de leurs collègues fédéraux à condamner l'action unilatérale d'Ottawa. Je me demande d'ailleurs s'ils ont essayé, même.

Or, voici toutefois que ces derniers temps leur stratégie a changé. Jusqu'à maintenant, ils protestaient contre le geste fédéral du bout des lèvres dans des discours,

des paroles verbales, en somme, mais refusaient d'agir concrètement. Depuis peu, ils tiennent davantage, maintenant que la bataille s'est engagée sans eux, à donner l'impression qu'eux aussi, n'est-ce pas, déplorent fermement le coup de force constitutionnel de leurs amis fédéraux. Au moment où Ottawa paraissait invincible, nos libéraux provinciaux ne se commettaient pourtant pas beaucoup. Désormais, comme s'ils étaient pris de remords, ils profitent de toutes les occasions pour affirmer hautement et même nerveusement, sur un ton fort défensif d'ailleurs, ce qu'ils n'ont pas voulu dire avec nous dans la résolution proposée à l'Assemblée nationale en novembre, quand la solidarité québécoise devait s'affirmer. (18 h 30)

Pourquoi cet apparent courage à retardement? Parce qu'il semble bien aux libéraux provinciaux que leur collusion référendaire avec les libéraux fédéraux les a entraînés dans une ambiguïté gui risgue de leur nuire. C'est pourguoi ils se débattent tellement à l'heure actuelle pour effacer, dans l'esprit de la population, leur image de compromission.

Le chef libéral provincial a donc annoncé, au début de nos travaux, et sans même en attendre des conclusions, sans même attendre d'avoir entendu les témoins, des résolutions dans le but - tenons-nous bien! - de réaliser l'unanimité des partis contre la démarche fédérale, ce que vient de répéter le député de Saint-Laurent, tout à l'heure.

Je tiens ici tout simplement à dire que le jupon de nos amis dépasse. Il dépasse au point où ils s'enfargent dedans. Tout le monde s'en rend compte au Québec. Aussi, inutile d'insister, je n'en dis pas davantage et, pour ma part, j'attribuerai en partie à son sens proverbial de l'humour, gue tout le monde connaît d'ailleurs, l'instinct qui a poussé le chef de l'Opposition à annoncer ces motions, il y a deux ou trois semaines.

Ces considérations formulées et certaines vérités rappelées, venons-en maintenant aux motions du Parti libéral. J'indigue tout de suite que, contrairement à la façon dont le Parti libéral a agi en novembre, nous acceptons entièrement la première de ces deux motions, sauf gue je vais dire une chose tout de suite. Nous l'acceptons telle quelle, mais je trouve un peu outrecuidant de voir dans le texte que nous allons, un peu comme si on était des professeurs distribuant des notes, dire au comité Kershaw que nous apprécions la haute qualité de son rapport. Je vais le laisser faire. Cela va, nous sommes d'accord sur cela. Cela n'engage pas à grand-chose, parce que tout le monde reconnaît gue c'est un rapport qui a beaucoup de sens.

En ce qui concerne l'autre motion, il y a au moins deux ou trois commentaires qu'il faut faire. Il y a guand même une chose que je veux dire. Il nous paraît inopportun - j'ai le texte ici - de dire, parce que je ne vois pas en guoi la commission peut s'avancer de ce côté, que les négociations doivent reprendre avec Ottawa et les provinces aussitôt qu'auront eu lieu les élections générales en Ontario et au Québec. C'est donner une occasion aux fédéraux de dire: Écoutez, on reprendra les négociations guand les élections qui viendront peut-être au Manitoba, ou ailleurs, auront eu lieu. Je pense que ce n'est pas à nous de dire cela. De toute façon, je ne vois pas ce que les élections ontariennes ont à faire dans notre débat. Je pense que cette partie peut être facilement enlevée sans nuire à l'esprit de la résolution.

Cependant, la motion est vraiment incomplète. On n'y retrouve pratiquement rien qui reflète les vues exprimées par les intervenants à cette commission et qui sont partagées par la majorité des Québécois. Autrement dit, la motion libérale n'est pas suffisamment significative. Elle s'en tient à la forme des choses, mais elle en néglige la substance. Elle s'oppose aux manières d'Ottawa, mais passe sous silence le fond du problème. Elle souhaite la reprise des négociations - ce gue nous souhaitons d'ailleurs nous-mêmes puisque cela fait partie de l'information officielle du gouvernement, on le voit à la télévision - mais cette motion n'indigue en rien, quant au Québec, sur guelle base ces négociations doivent se dérouler ni quels objectifs elles doivent poursuivre.

Projet de résolution amendé

C'est pourquoi, afin de donner plus de vigueur à cette résolution et une fois qu'on aura fait tous les ajustements techniques, je proposerai que la résolution, finalement, se lise comme suit et je vais la lire. Nous voulons remplacer certains mots ici et là. Sans tomber tout de suite, d'avance, dans ce que le député de Saint-Laurent, tout à l'heure, qualifiait d'ergotage, je pense, si on est pour avoir une résolution, gu'il faut avoir une résolution qui soit significative, gui reflète ce qui a été dit ici, qui tienne compte de la situation politique, qui tienne compte du coup de force fédéral, de ses dangers, de ce que les gens nous ont dit, de ce que pensent les Québécois. Elle se lirait comme suit: "Que cette commission propose que le gouvernement fédéral retire son projet unilatéral de modification de la constitution canadienne et entreprenne sans délai avec les provinces de nouvelles négociations au terme desquelles serait défini un partage des pouvoirs plus avantageux pour le Québec, serait clairement reconnu le caractère distinct de la société guébécoise, serait

confirmé le droit du peuple québécois à déterminer lui-même son avenir et serait consacrée de façon absolue la compétence exclusive du Québec sur son territoire en matière de langue, d'enseignement et d'éducation."

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce qu'on pourrait avoir des copies, M. le ministre? Pendant ce temps, je permettrai au député de Bellechasse de faire son intervention.

M. Goulet: D'accord. Si je comprends bien, M. le Président, on parle sur la motion et l'amendement, sur les deux motions et les deux amendements.

Le Président (M. Jolivet): Disons que je vais vous permettre de parler de l'ensemble.

M. Bertrand Goulet

M. Goulet: D'accord. Très rapidement, M. le Président. Concernant la première motion, celle où cette commission exprime son adhésion aux recommandations, déposée par le député de Saint-Laurent, quant à nous de l'Union Nationale, nous n'avons aucune espèce d'objection à y concourir, car ce rapport tient compte de traditions fédéralistes dans le sens que le système fédéral est essentiellement basé sur le consensus de ses composantes. Alors, étant donné que ce rapport soulève un point très important, nous n'avons aucune objection à adopter cette motion.

Par contre, vous me permettrez, M. le Président, de dire qu'il est triste de constater que le fédéral, dans ce débat, adopte une attitude de mépris envers les composantes, envers les provinces, de façon à les traiter comme des entités inférieures.

L'Union Nationale, bien sûr, n'a jamais accepté et ne peut accepter une telle conception du fédéralisme. Alors, nous croyons, nous, dans le système fédéraliste et nous croyons également à l'égalité constitutionnelle des deux paliers de gouvernement. C'est pourquoi nous disons et nous avons toujours dit non au geste unilatéral proposé par le gouvernement fédéral. Il est heureux qu'un comité qui siège à plusieurs milliers de milles d'ici ait compris ce que nos fédéraux semblent ne pas avoir compris.

M. le Président, quant à la motion, quant à moi, que ce soit sur la recevabilité ou sur le fond de ce que je qualifie de première motion, parce qu'il n'y a pas de numéro, je peux vous dire que l'Union Nationale votera pour cette motion.

Quant à la deuxième, toujours au niveau des propos d'ordre général, je me demande si on n'est pas à recommencer... Je l'ai ici, M. le Président: Que cette commission invite le gouvernement fédéral à reprendre les négociations, ainsi de suite... Je me demande si on n'est pas à recommencer le jeu du chat et de la souris, de façon à formuler chacun à sa façon la motion qu'on voudrait bien voir adopter. Je me demande si on ne veut pas recommencer ce petit jeu partisan qu'on a connu il y a quelques mois à l'Assemblée nationale.

On se rappellera qu'on a refusé de faire l'unanimité sur une motion qui visait essentiellement à dénoncer une démarche unilatérale que nous tous ici, autour de cette table et à l'Assemblée nationale, tous les députés de l'Assemblée nationale ont semblé dénoncer. Nous étions tous contre ce geste unilatéral, mais malheureusement nous n'avons pu faire l'unanimité. On nous demande aujourd'hui de faire l'unanimité sur une reprise des négociations que l'ensemble des provinces souhaite, que la très grande majorité des provinces souhaite. On nous demande aujourd'hui de faire l'unanimité sur une motion visant la reprise des négociations désirées par tous les parlementaires représentés ici à l'Assemblée nationale du Québec et plusieurs centaines de milliers de Québécois, bien sûr.

Malheureusement, la motion ne se limite pas à souhaiter seulement une reprise des négociations entre deux ordres de gouvernement, les provinces et le gouvernement fédéral. Elle impose une condition à cette reprise qui est d'attendre les élections de deux gouvernements provinciaux. Si on veut justement éviter le jeu de la partisanerie, il ne faudrait pas poser des conditions et faire exprès pour embarquer dans un autre débat partisan. Pourquoi ouvrir ce que je pourrais appeler un panier de crabes partisan, avec des conditions qui n'ont rien à voir avec la nécessité de reprendre les négociations désirées par tout le monde?

Quant à nous de l'Union Nationale, nous voulons que ces négociations reprennent et qu'elles reprennent au plus vite. C'était notre position de novembre à l'Assemblée nationale. Nous souscrivons encore à cette idée aujourd'hui, c'est encore notre position aujourd'hui, elle n'a pas changé.

Il y a déjà un amendement de déposé, je pense que cela a été fait officiellement, par le ministre des Affaires intergouvernementales. Pour éviter ce jeu partisan, j'aimerais, sans le faire sous forme de motion, mais à l'intérieur des propos préliminaires, peut-être offrir encore une fois une espèce de solution de compromis de façon à ne pas laisser les deux côtés de la table se lancer la balle partisane. Voici ce qu'on veut, et le ministre des Affaires intergouvernementales l'a dit tout à l'heure, il y met certaines conditions et je souscris à ce qu'il a dit, comme je pourrais également souscrire à ce que dit le député de Saint-

Laurent. Le ministre a dit: Oui, on va reprendre, mais on va faire un ordre du jour et ainsi de suite. Alors, de là à faire l'unanimité sur l'ordre du jour, sur les conditions et tout ça... Je suis d'accord avec les propos qu'il a tenus, mais je parle toujours de faire un consensus autour de la table, de faire un consensus des parlementaires.

Il y a une chose avec laquelle tout le monde est d'accord; en tout cas, on se l'est fait dire pendant deux ou trois semaines à l'Assemblée nationale. Tous les députés tant ceux du Parti québécois, ceux du Parti libéral provincial que de l'Union Nationale ou d'autres formations politiques, sur toutes les tribunes, ont dit: Nous sommes unanimes sur cette façon de voir les choses: nous voulons une reprise des négociations le plus tôt possible. Alors, si nous sommes tous d'accord sur ce point précis, pourquoi, à l'intérieur d'une motion, ne se limiterait-on pas d'abord à ceci: on est tous d'accord pour la reprise des négociations. Point? On est tous d'accord pour la reprise des négociations le plus rapidement possible. Point. Quant aux conditions, si on veut en mettre, on le fera dans une troisième motion, mais il faudrait s'assurer au moins qu'il y aura une motion de base, de fond, qui répond à la volonté de tous les parlementaires. Alors, qu'on se limite d'abord à cette petite motion: On est tous d'accord pour la reprise des négociations. Point. Si le ministre des Affaires intergouvernementales, le député de Saint-Laurent ou d'autres collègues veulent mettre d'autres conditions, pourquoi ne pas les mettre dans d'autres motions, si on est d'accord avec ce point? À la minute où on va sortir de cette ligne de démarcation, bien sûr que là, il va y en avoir des virgules et il va y en avoir des interprétations sur différents mots qu'on pourra trouver à l'intérieur des motions qu'on pourra proposer.

Alors, on est d'accord sur ce point. L'honorable député de Saint-Laurent l'a dit, l'honorable ministre l'a dit: On est pour la reprise des négociations le plus rapidement possible. Limitons donc notre motion à ces mots.

Motion adoptée

Le Président (M. Jolivet): Merci. Je pense qu'on pourrait, dès l'abord, au moins accepter la première proposition puisqu'il semble y avoir consentement et passer ensuite à l'autre avec l'amendement. Est-ce que vous êtes tous d'accord pour la proposition suivante: "Que cette commission exprime son adhésion aux recommandations et conclusions contenues dans le premier rapport du Foreign Affairs Committee de la Chambre des communes britannique et son appréciation pour la haute qualité de ce rapport publié au cours de la dernière semaine du mois de janvier 1981?"

Est-ce que cette résolution serait adoptée?

M. Morin (Louis-Hébert): C'est beaucoup moins, de loin moins important que la deuxième.

Le Président (M. Jolivet): La moins contentieuse.

M. Morin (Louis-Hébert): Oui, de toute façon, ça n'ajoute rien, pas de problème.

Le Président (M. Jolivet): Donc, adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Jolivet): Adopté. La deuxième maintenant, M. le député de Saint-Laurent

Débat sur la seconde motion

M. Forget: Oui, M. le Président. J'ai examiné les suggestions de modifications qu'a formulées le ministre des Affaires intergouvernementales et je dois vous dire qu'une des façon d'y réagir aurait pu - mais je n'ai pas l'intention de le faire - consister à soulever un problème d'admissibilité parce que, si on regarde les deux motions, on se rend compte qu'il n'y a plus beaucoup de choses en commun entre les deux motions. Il y a une reprise des négociations, c'est tout ce qui reste, les cinq ou six premiers mots. Rien du reste ne s'y retrouve, c'est-à-dire qu'on élimine la référence à une formule acceptable de rapatriement et d'amendement. On y élimine toute référence à des élections générales sous prétexte que ça n'a rien à voir. Je pense que cela a tout à voir, au contraire, avec le problème et que cela change fondamentalement la question, puisque les travaux auxquels nous avons participé depuis quelques jours ont illustré que, dans cette négociation, le gouvernement du Québec s'est placé dans une position de très grande vulnérabilité face au gouvernement fédéral, étant donné la faiblesse de sa situation après quatre années et demie au pouvoir, après un échec référendaire. Vouloir reprendre les négociations comme si rien n'était arrivé et fournir en cela une excuse, un prétexte nouveau au gouvernement pour reporter encore davantage les élections générales en disant: Voici qu'on a une résolution unanime d'une commission où on a effectivement éliminé toute référence à des élections générales, donc il y a une acceptation du fait que c'est le gouvernement actuel qui doit reprendre tout ça, je pense que non seulement ça dépasserait notre pensée, mais ce serait tout à fait le contraire de notre pensée. Ce

serait contraire aux intérêts du Québec aussi et contraire à la chance qui peut exister dans une reprise des négociations avec un gouvernement nouvellement élu, quel qu'il soit, encore une fois, mais à plus forte raison si ce gouvernement partage un objectif avec les autres gouvernements canadiens, fédéral ou provinciaux, c'est-à-dire une confiance que le régime fédéral peut évoluer et peut être satisfaisant pour le Québec. On sait que cette conviction est étrangère au Parti québécois, étrangère au gouvernement actuel. (18 h 45)

C'est une motion qui est complètement différente parce qu'elle fait sauter cette mention. Dans le cas de l'Ontario, on sait très bien pourquoi on le met, parce qu'ils sont actuellement en campagne électorale. C'est bien sûr qu'on ne fait pas une condition que tous les gouvernements provinciaux se fassent réélire, mais on sait très bien que l'Ontario est en campagne électorale. Il est impensable de reprendre une négociation avant que cette élection ne soit terminée. Cela tombe sous le sens commun.

Pour ce qui est du reste, les autres éléments sont des éléments sur lesquels les orientations du Parti québécois, et les orientations du Parti libéral du Québec ne sont pas identiques. On sait très bien que relativement à la question - je les prends dans l'ordre inverse, parce que c'est plus facile - de la langue d'enseignement et d'éducation, l'affirmation d'une compétence exclusive sans aucune qualification est contraire à nos recommandations relativement à l'inscription d'une charte des droits, y compris d'une charte des droits linguistiques, selon la proposition du livre beige entérinée par le Parti libéral. Nous croyons que l'histoire de ce pays et de cette province a démontré qu'il existe un peu partout des minorités permanentes, des minorités que la règle de la majorité, qui est la règle normale en démocratie, ne permet pas de protéger efficacement. Nos débats linguistiques au Québec et les déceptions que des débats analogues ont produites dans d'autres provinces à des périodes antérieures, les débats sur les écoles françaises en Ontario au début du siècle et au Manitoba à la fin du siècle précédent montrent très bien que la règle de la majorité démocratique, quand on est en face de situations qui mettent en présence des majorités et des minorités permanentes, identifiées à des groupes culturels, n'est pas une règle et une garantie suffisante de protéger les droits de ces gens et que c'est continuellement remis en question. Même au Québec, on sait que l'on pourrait avoir à remettre en question continuellement, selon les aléas de la politique, des règles relatives à ces questions et qu'il est bon qu'une fois pour toutes on s'entende sur leur contenu et qu'on en arrête les contours minimaux dans un charte des droits. C'est donc ignorer cette dimension de ce qui nous divise que d'en faire le rappel de cette façon, de façon partiale et partisane. Sans accuser personne, c'est une observation qu'on peut faire puisqu'il y a effectivement là un objet de différence entre les partis politiques.

La référence au droit du Québec à l'autodétermination, on a eu un long débat l'été dernier sur le sujet. Il y a des formulations de ceci qui ne posent pas de problème puisque cela constitue essentiellement une adhésion au principe de la démocratie et de la liberté. Mais, il y a des formulations qui sont l'équivalent de dire que toute province a le droit automatique de claquer la porte et de s'en aller si telle ou telle chose ne fait pas son affaire. On sait très bien qu'on ne peut pas construire un pays durable et stable sur la base d'un droit permanent à quitter la place dès qu'il y a tel ou tel programme fédéral ou tel ou tel événement, telle ou telle circonstance aléatoire qui fait qu'on pense qu'il est temporairement avantageux, pour l'instant avantageux et politiquement rentable de faire des menaces de sécession. Je pense que c'est intolérable. Aucun pays ne peut fonctionner de cette façon. Effectivement, aucun ne fonctionne de cette façon. Donc, il y a là, sur le plan des principes, des choses qui pourraient être admissibles selon la formulation qu'on leur donne ou franchement inadmissibles. Ce n'est pas par une référence vague qui peut vouloir dire n'importe quoi et qui peut après coup être citée comme une naïveté ou comme un geste de mauvaise foi que l'on peut s'entendre. Il est clair que l'on ne peut pas vider la question de l'autodétermination dans un bout de phrase. C'est une question qui est beaucoup trop importante pour cela.

Enfin, je vois qu'on a, du côté gouvernemental, choisi de recommencer l'histoire, de répéter l'histoire. On ne souhaite probablement pas faire un simple appel à une reprise des négociations, un simple appel à reprendre le dossier dans l'état, mais à chercher à lui trouver une issue qui ne soit pas unilatérale, à régler, puisque c'est un argument qui s'est retourné contre le Québec, une fois pour toutes, cet appel au patriotisme canadien que constitue la promesse d'un rapatriement, de manière que s'étant, pour une fois, débarrassé de cette question qui est en partie une question artificielle, on puisse s'attaquer au problème de fond sans cette distraction et sans cette menace, cette épée de Damoclès, en quelque sorte qu'à moins de consentir à tous les amendements du gouvernement fédéral, on n'aura pas une constitution "canadienne".

Je pense que c'était un appel raisonnable de déterminer, pour une fois, si

nous devons continuer à vivre et continuer à vivre comme pays sous la règle écrasante de l'unanimité des changements constitutionnels, l'unanimité du consentement. C'est la règle actuelle, c'est la règle gui a produit le statu guo, c'est la règle gui a produit la crise actuelle. Il faut, pour une bonne fois, s'entendre sur des règles de consentement qui vont permettre le changement, qui vont permettre le mouvement.

Il me semble que c'est reconnaître une réalité qui tombe, encore une fois, sous le sens commun de se débarrasser de ce carcan, de manière que le véritable problème d'un réaménagement des pouvoirs, le véritable problème d'un réaménagement des institutions puisse être attaqué en se débarrassant, encore une fois, de ces scories, de ces vestiges d'un passé où on a cru bien faire collectivement et où on a cru qu'il y avait véritablement là un levier pour le Québec qui permettrait à ce dernier d'obtenir davantage sur d'autres plans.

Mais on s'est rendu compte que, finalement, cet argument s'est retourné contre le Québec et c'est une leçon dont on devrait prendre acte à ce moment-ci, mais certainement pas le balayer sous le tapis en prétendant qu'on n'a rien vu, qu'on n'a rien observé, qu'on n'a aucune leçon à en tirer, et qu'il faut continuer à reparler des mêmes vieilles choses de la même façon parce que, de cette manière, on ne prend aucun risque.

Je pense que le ministre lui-même, à d'autres occasions, a montré qu'il avait une certaine ouverture d'esprit là-dedans. Je ne sais pas si c'est l'imminence de son congrès de fin de semaine qui l'amène à être extrêment prudent, à ne céder sur rien, à être intraitable, mais, si c'est le cas, je pense qu'on a définitivement enterré une possibilité de s'entendre sur cette résolution.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Vanier.

Une voix: ... M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: On s'est entendu, tout à l'heure, pour travailler...

Le Président (M. Jolivet): Terminer vers 19 heures.

M. Goulet: ...pendant une heure. Sans en faire une motion formelle - c'est tout de même une question de procédure - le ministre avait présenté une motion - en tout cas, il l'avait fait officiellement - ce qui devenait un amendement à la motion du député de Saint-Laurent. Personnellement, j'avais fait une proposition qui semblait, en tout cas, selon ce que j'ai vu, acceptable et qui ne modifie pas tellement la motion du député de Saint-Laurent. Ce que je vous demande c'est si les partis accepteraient de tenter cette motion immédiatement et, s'il fallait qu'elle soit rejetée par les membres de la commission, il n'y a rien qui empêche le ministre des Affaires intergouvernementales ou le député de Saint-Laurent de revenir avec une autre motion. Mais si on pouvait justement faire l'unanimité sur cette motion en changeant peut-être un mot ou deux ensuite, si cela ne fonctionne pas, le ministre aurait une motion beaucoup plus longue et peut-être que le député de Saint-Laurent pourrait apporter un sous-amendement. Je ne le sais pas, mais j'aimerais avoir le consentement pour la présenter immédiatement.

Le Président (M. Jolivet): II y aurait, au départ...

Une voix: Une question de règlement.

Le Président (M. Jolivet): On m'a posé une question de règlement. Il y aurait, au départ, une chose: si on commence à s'enferrer dans quoi que ce soit, on va risquer, en commission, de s'embarquer dans un processus qui va devoir être réglementé par notre règlement avec un retrait de proposition, avec une nouvelle proposition qui viendrait. J'aurais une suggestion à vous faire, compte tenu de ce qui semble vouloir se dessiner. Le consensus pourrait se faire en dehors de cette table. Cela pourrait être une possibilité. Une autre possibilité serait celle de la motion de retrait. Une autre possibilité encore serait celle qui consiste à au moins annoncer votre proposition et, ensuite, voir quelles seraient les possibilités finales. Vous pourriez l'annoncer. J'accepterais facilement que...

M. Goulet: M. le Président, la suggestion que j'ai faite - la commission est maîtresse de ses travaux - c'était tout simplement que nous pourrions ajouter, à la motion du député de Saint-Laurent, après le mot "reprendre", dans la deuxième ligne, le mot "immédiatement". Deuxièmement, on retrancherait tous les mots après le mot "canadienne", dans la quatrième ligne. Alors, la motion se lirait ainsi, M. le Président: "Que cette commission invite le gouvernement fédéral à reprendre immédiatement les négociations avec les provinces au sujet d'une formule acceptable de rapatriement et d'amendement à la constitution canadienne.

M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): ... peut-être qu'il y aurait un moyen - je ne suis pas familier avec toutes les subtilités du règlement - de faire une proposition peut-être beaucoup plus simple que ça. J'ai écouté ce qu'a dit le député de Bellechasse, il y a quelques minutes. Je pense qu'il y a pas mal de sens dans son intervention. J'ai tout à l'heure proposé un texte qui pourrait former une résolution et qui est, d'accord, assez long comme texte. Ce que je pourrais faire, ce serait de remplacer ma proposition d'une motion par une proposition de deux motions, c'est-à-dire que je scinderais celle que j'ai faite et on pourrait en avoir trois en tout. C'est-à-dire celle qui a déjà été adoptée et deux autres qui viendraient. Il me semble que ce serait très simple. Les mots sont là, je pourrais vous la lire, vous allez voir ce que cela va donner.

Le Président (M. Jolivet): Le problème que j'ai, M. le ministre, c'est que, compte tenu que votre motion a été en délibération, selon le règlement nous serions obligés de procéder de la façon suivante: faire une motion de retrait et ensuite une proposition d'autres amendements. C'est pour cela que je vous proposerais aussi, comme possibilité, de suspendre quelques minutes, simplement pour s'entendre sur le texte, et de revenir avec quelque chose qui serait un consentement de retirer l'ensemble des propositions sur la table et de proposer deux nouvelles propositions. De cette façon, on risquerait moins de s'enferrer dans une procédure que je suis obligé de suivre.

M. Bertrand: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Vanier.

M. Bertrand: ... il y a probablement moyen, sans se retirer, de faire les choses ici au vu et au su de tout le monde, très simplement. Vous avez donné la possibilité au député de Bellechasse de lire ce à quoi pourrait ressembler la motion nouvellement rédigée pour satisfaire tous les partis politiques. Je pense qu'il serait normal qu'on puisse lire cette motion.

Le Président (M. Jolivet): Je pourrais permettre cette formulation. La seule chose que je dois vous dire, c'est qu'avant qu'elle devienne acceptable, quant à moi, au niveau des procédures, il va falloir employer soit le consentement ou soit une motion de retrait de la motion déjà présentée.

M. Bertrand: M. le Président, cela se lirait tout simplement de la façon suivante et ça répond tout à fait au voeu exprimé par le député de Bellechasse. Je pense que ça répondrait, de toute façon, à l'esprit de la motion présentée par le Parti libéral que nous avions l'intention, de toute façon, d'amender. C'est la première partie de la motion que le ministre des Affaires intergouvernementales avait soumise. Cela se lirait comme suit: "Que cette commission propose que le gouvernement fédéral retire son projet unilatéral de modification de la constitution canadienne et entreprenne sans délai, avec les provinces, de nouvelles négociations."

Je vais vous expliquer, M. le Président, pourquoi nous voulons le faire ainsi. Je pense que nous retenons l'idée exprimée par le député de Bellechasse sur la reprise des négociations. Le Parti libéral lui-même, dans sa motion, disait: "Invite le gouvernement fédéral à reprendre les négociations avec les provinces." Cet élément important est maintenu. Nous y ajoutons un élément qui était déjà contenu dans l'expression d'opinion qu'avait faite le chef du Parti libéral au début des travaux de la commission. Je lis bien le texte qu'il avait soumis à la commission, à ce moment - c'était le 3 février - : "Deuxièmement, j'entends recommander que cette commission propose que le gouvernement fédéral sursoie à la mise en oeuvre de tout projet unilatéral de modification à la constitution canadienne." Cet élément n'était pas retenu dans la proposition présentée par le député de Saint-Laurent aujourd'hui. Il invitait à la reprise des négociations, mais il ne mentionnait pas que cette commission propose que le gouvernement fédéral sursoie à la mise en oeuvre de tout projet unilatéral de modification à la constitution.

Dans ce contexte, M. le Président, il m'apparaît qu'on pourrait s'entendre sur la formulation qui a été présentée tout à l'heure, à savoir que cette commission propose que le gouvernement fédéral retire son projet unilatéral de modification à la constitution canadienne et entreprenne sans délai, avec les provinces, de nouvelles négociations.

Par la suite, M. le Président, pour qu'on puisse comprendre comment le débat se déroule, il y en a une qui a déjà été adoptée, présentée par le Parti libéral. Il y en a une qui a été soumise par le député de Bellechasse. On essaie de voir comment elle peut se formuler pour éviter des tracasseries procédurières que tous ensemble on veut bien éviter. Et serait maintenue tout de même, mais dans une troisième motion qui permettrait aux partis politiques de prendre des positions sur des aspects différents les uns des autres, une troisième motion qui se lirait comme suit: "Que cette commission est d'avis que les futures négociations doivent permettre de définir un partage des pouvoirs plus avantageux pour le Québec, de reconnaître clairement le caractère distinct de la société québécoise, de confirmer le

droit du peuple québécois à déterminer lui-même son avenir, et de consacrer de façon absolue la compétence exclusive du Québec sur son territoire en matière de langue d'enseignement et d'éducation." (19 heures)

II m'apparaît, à ce moment-là, qu'on répond aux voeux exprimés par l'Union Nationale et exprimés aussi dans la résolution du député de Saint-Laurent, mais nous maintenons, par contre, la motion à laquelle nous tenons et sur laquelle nous voudrions que cette commission se prononce, à savoir le fond du problème et les intentions que la commission voudrait voir respectées dans de futures négociations.

Le Président (M. Jolivet): Pour les besoins de la procédure parlementaire, je dois demander que vous me permettiez de dépasser 19 heures, comme première chose.

Une voix: ...

Le Président (M. Jolivet): Consentement?

M. Forget: M. le Président, je vois que la discussion s'est engagée sur une voie sans issue et...

M. Morin (Louis-Hébert): Mais non, mais non!

M. Forget: ... il est très clair que, tout en faisant mine de ne pas comprendre, on cherche à nous faire adopter une résolution où un élément essentiel, que j'ai rappelé tout à l'heure, fait défaut. Il est clair que si nous acceptions de nous prêter à ce jeu, le lendemain, le premier ministre pourrait dire: Par un voeu unanime d'une commission de l'Assemblée nationale, nous devons essayer de reprendre les négociations, tout faire à cette fin et, pour cette raison, on va remettre à l'automne les élections.

La notion des élections, M. le Président...

M. Morin (Louis-Hébert): Ah! non, franchement, là! Ce n'est pas possible!

M. Forget: ... de façon délibérée, on veut l'éliminer des propositions. Je comprends très bien qu'on considère que c'est inconfortable et, de ce côté, le député de Bellechasse, je le comprends aussi de ne pas vouloir voir une référence aux élections. Mais nous avons entendu aujourd'hui, à deux reprises, le ministre nous dire qu'il ne croyait pas à la possibilité de renouveler le fédéralisme, que c'était là une préoccupation inutile, que c'était fini et qu'il n'en était plus question. Alors comment ne pas soulever le problème des élections?

M. Morin (Louis-Hébert): ...

M. Forget: M. le Président, je ne donne pas mon consentement pour continuer.

M. Goulet: M. le Président, si vous permettez.

Le Président (M. Jolivet): Non, je m'excuse, je dois...

M. Goulet: C'est trop facile de dire, quand ça ne fait plus son affaire, qu'on se retire. On aurait pu agir comme ça tout à l'heure.

Il y a une motion qui demande à quelqu'un: Aimes-tu ton père, aimes-tu ta mère en même temps; moi, je lui dis: Pourquoi poser la question d'abord: Aimes-tu ton père, point. On va voter là-dessus et, ensuite, on reviendra avec une autre motion disant: Aimes-tu ta mère, point.

M. Morin (Louis-Hébert): ...

M. Goulet: Alors, premièrement: Voulez-vous la reprise des négociations? Deuxièmement: Voulez-vous des élections? Si on veut une motion qui englobe les deux, on votera pour les deux tout à l'heure.

M. Morin (Louis-Hébert): Oui, on peut prendre une minute pour voter.

Le Président (M. Jolivet): Maintenant, je pourrais vous dire que ce qu'on vient de dire est antiréglementaire, puisque j'ai demandé s'il y avait consentement à dépasser 19 heures. Je dois...

M. Forget: II n'y a pas consentement.

Le Président (M. Jolivet): ... au départ constater qu'il n'y a pas consentement pour aller plus loin que 19 heures et, à moins qu'il n'y ait d'autres argumentations sur le consentement, je dois vous dire que pour l'instant je devrais clore le débat.

M. Bertrand: M. le Président, je fais donc maintenant motion, conformément au règlement, conformément au mandat qui a été donné à cette commission et conformément à l'article - je ne me rappelle plus quel numéro, mais je pourrais vous le retrouver; d'ailleurs, vous le connaissez sans doute mieux que moi - que cette commission suspende ses travaux jusqu'à 20 h 30.

Le Président (M. Jolivet): II n'y a aucune obligation de ne pas accepter votre proposition, nous avions accepté au départ de dépasser 18 heures; à l'heure où nous sommes, comme il n'y a pas consentement pour continuer, il est possible de suspendre les travaux jusqu'à 20 h 30, ce soir.

M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, il y a une question qui vient de mon inexpérience de ce genre de... Si ce que j'ai compris tantôt du député de Saint-Laurent signifie que, de toute façon, il n'est pas d'accord avec les deux motions que nous venons de proposer à la suite de la discussion que nous avons eue, c'est aussi bien de le savoir tout de suite. J'ai compris qu'il n'était pas d'accord.

M. Forget: Vous avez bien compris, M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Donc, il refuse de...

Le Président (M. Jolivet): Ce que j'avais compris d'ailleurs au départ, M. le ministre...

M. Morin (Louis-Hébert): Le vote est fait, il refuse les deux motions que nous avons proposées.

M. Bertrand: Mais, par contre, M. le Président, pour savoir si je dois maintenir ou pas ma motion de revenir à 20 h 30, je pose la question et elle est à double volet, pour qu'on sache très bien si on doit ou non reconvoquer la commission pour 20 h 30.

Il y a une première motion qui a été acceptée par tous les partis politiques; il y en a une deuxième qui est maintenant sur la table et qui invite à la reprise des négociations et une troisième qui définit le contenu de ces négociations. Est-ce que je dois comprendre - et je pose la question pour savoir si je fais motion ou pas pour qu'on reprenne nos travaux à 20 h 30 - que le député de Saint-Laurent vient de dire à cette commission qu'il n'a l'intention ni de voter pour la motion qui a trait à la reprise des négociations...

M. Morin (Louis-Hébert): Et à la fin du geste unilatéral.

M. Bertrand: ... et à la fin du geste unilatéral d'Ottawa, ni de voter sur un contenu qu'on voudrait voir mettre à ces négociations, lorsqu'elles reprendront. Est-ce bien cela que j'ai compris, M. le Président, ou dois-je comprendre que le député de Saint-Laurent serait prêt à revenir pour voter sur celle qui est relative à la reprise des négociations, mais qu'il ne serait pas prêt à revenir pour voter sur celle relative au contenu des négociations?

Le Président (M. Jolivet): Je dois d'abord vous dire, M. le député, qu'il n'y a que deux propositions actuellement sur la table, celle du député de Saint-Laurent et l'amendement du ministre. Les trois autres qui sont arrivées après n'existent pas légalement comme propositions, ce sont des moyens d'en arriver à un consentement de l'ensemble des membres de cette commission. Légalement, ce qui est sur la table actuellement, c'est la proposition du député de Saint-Laurent et l'amendement du ministre responsable de cette commission au niveau gouvernemental.

Ce qu'il me reste à déterminer, c'est la chose suivante...

M. Bertrand: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Juste une minute! Il me reste à déterminer la chose suivante: On avait consenti, autour de cette table, à dépasser 18 heures pour la période allant de 15 heures à 18 heures, ce qui n'empêcherait pas de pouvoir reprendre à une heure qu'on pourrait déterminer, jusqu'à ce soir, 22 heures, ce qui est d'ailleurs prévu par le règlement.

M. Bertrand: M. le Président, un point d'information. On a pris un vote sur une des motions qui étaient soumises à l'attention des membres de la commission. Vous venez de dire que vous ne considérez pas que la deuxième motion amendée par le ministre a été scindée en deux, parce que nous n'avions pas utilisé les procédures, les technicités qui permettent de le faire et qui supposeraient un certain débat. Dois-je bien comprendre, M. le Président, qu'à ce moment-ci, tout ce à quoi nous sommes réduits, c'est de vous inviter, comme président, au moins, à appeler aux voix cette deuxième motion, telle qu'amendée par le ministre, à défaut de quoi - je ne comprends pas ce qu'on fait dans le déroulement de nos travaux d'adopter une motion dans le cadre normal de nos travaux et, tout à coup, d'en laisser une pendante, sans même avoir l'occasion de se prononcer sur cette motion. Il m'apparaîtrait tout à fait logique et normal qu'on puisse au moins se prononcer, puisque le député de Saint-Laurent vient de dire: De toute façon, je suis prêt à me prononcer. Prononcons-nous.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, sur la question de règlement, nous avons eu un consentement limité. Nous étions tous d'accord que le mandat normal de cette commission ne nous amenait qu'à entendre des témoignages. Ceci s'est terminé peu avant 18 heures.

Nous avons consenti à entendre deux motions qui avaient été annoncées le premier jour de nos travaux. Les deux motions ont été entendues.

M. Morin (Louis-Hébert): ...le même

texte aujourd'hui.

M. Forget: L'une a été acceptée. J'ai compris que l'échéance qui avait été fixée de consentement à 19 heures est arrivée sans que l'on puisse s'entendre sur la deuxième motion.

M. Morin (Louis-Hébert): Pas tout à fait.

M. Forget: À ce moment-ci, il n'y a plus de consentement pour continuer. Les questions que vous pose le député de Vanier n'ont plus de raison d'être.

M. Morin (Louis-Hébert): Revenons à 20 heures.

M. Forget: J'émets humblement l'avis, M. le Président, que vous devez ajourner sine die cette commission parlementaire...

M. Morin (Louis-Hébert): Non, à 20 heures.

M. Forget: ... qui a terminé ses travaux, puisqu'il n'y a plus personne à entendre.

M. Bertrand: M. le Président, pour terminer, je vous demande donc de mettre cette motion aux voix et que nous en terminions.

M. Forget: M. le Président, il n'y a plus de consentement pour continuer ces débats.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse.

M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, je propose quelque chose de plus simple. Prenons exactement soixante secondes et votons sur la motion que j'ai proposée -on est assez de monde pour cela - tout de suite. Ce sera fini dans une minute. Je propose que l'on Vote.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, je suis quand même pris par une tournure d'événements qui est, au point de vue légal, très stricte.

M. Morin (Louis-Hébert): On vous donne notre consentement.

Le Président (M. Jolivet): Je sais. Vous me donnez votre consentement, les qens de l'Union Nationale, je pense avoir bien compris qu'ils donnaient aussi le consentement, mais une partie essentielle aussi des membres autour de cette table, qui est le parti de l'Opposition, ne donne pas son consentement.

Comme on avait convenu - je pense qu'à ce niveau-là, il faut être logique avec les décisions que nous avons prises au départ - d'un débat d'une heure cette heure est dépassée; j'avais dit qu'on devrait prendre le vote avant 19 heures; je continue à maintenir qu'on aurait dû prendre le vote avant 19 heures. Compte tenu des propositions que vous avez faites tout à l'heure et vous ayant demandé de faire, en dehors de cette table, un consensus qui aurait pu avoir lieu, on aurait pu revenir avec un consentement et faire durer la commission pendant une demi-heure ou une autre heure, je dois vous dire qu'à ce niveau-là, il est réel qu'à 19 heures, nous aurions dû prendre le vote.

Comme il n'a pas été pris, comme la commission avait normalement comme mandat précis d'entendre des personnes ou des groupes qui devaient venir devant cette commission donner leur point de vue sur la question posée par le gouvernement qu'à la fin, vers les 18 heures, nous aurions dû ajourner sine die nos travaux, mais, sur un consentement de l'ensemble des membres de cette commission, nous avons continué jusqu'à 19 heures. Devant ces faits, je...

M. Bertrand: M. le Président, je le maintiens et je demanderais que ce soit fait ainsi, que nous revenions, que nous suspendions nos travaux jusqu'à 20 h 30.

Le Président (M. Jolivet): Quand vous posez cette question, vous demandez aussi le consentement. Je pense qu'il faut être bien clair à ce niveau.

M. Morin (Louis-Hébert): Nous demandons le consentement pour revenir à 20 h 30.

Le Président (M. Jolivet): Maintenant, j'aimerais savoir si le représentant de l'Union Nationale donne son consentement.

M. Goulet: Certainement.

M. Bertrand: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Le représentant de l'Opposition officielle donne-t-il son consentement?

M. Forget: M. le Président, je pense que dans les circonstances la question même qui a été posée est antiréglementaire puisque, officiellement, nos travaux sont terminés.

M. Bertrand: M. le Président, je m'excuse. Je voudrais qu'on fasse...

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Vanier.

M. Bertrand: ...une vérification. Cela s'impose. Je ne crois pas qu'il y ait nécessité de consentement. Cette commission étant maîtresse de ses travaux elle peut travailler jusqu'à 22 heures ce soir.

M. Dussault: Et par consentement, jusqu'à minuit.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député de Vanier. Je pense que je vais reprendre l'argumentation qu'on a tenue au début de ce débat. Au début de ce débat, on avait dit qu'à 18 heures la commission avait terminé ses travaux. Cependant...

M. Bertrand: Non, non.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. Si vous voulez lire le mandat avec moi -vous le lirez bien comme il faut - la commission avait terminé les travaux pour lesquels elle était convoquée et, par consentement de l'ensemble des membres de cette Assemblée, nous avons accepté de prolonger d'une heure pour permettre la discussion de deux motions qui avaient été annoncées. C'est seulement à ce moment-là qu'on a donné un consentement. Nous avons donc donné autour de cette table un consentement pour siéger une heure de plus. On n'a pas donné un consentement pour aller jusqu'à 20 heures, 22 heures ou 23 heures ce soir. On avait bien dit à ce moment-là que c'était pour permettre un débat limité d'une heure. On a même fait mention qu'on espérait être capable de faire dans moins d'une heure le débat sur les deux motions.

Dans ce contexte, je dois vous dire honnêtement - cela va être enregistré au journal des Débats - que normalement, à 19 heures, j'aurais dû clore les débats, mais j'ai permis quand même cette discussion pour bien vous faire comprendre qu'au moment où on n'a pas voulu tout à l'heure ajourner ou suspendre pour un bout de temps on s'est enferré dans une procédure dans laquelle je suis moi-même pris comme président. Dans les circonstances, je vais être obligé de...

M. Morin (Louis-Hébert): II faut conclure, M. le Président, si vous me le permettez - tout le monde s'en rend compte d'ailleurs - que les libéraux ne veulent pas aborder les deux autres motions...

M. Forget: M. le Président, les débats sont terminés.

M. Morin (Louis-Hébert): ...et par conséquent - il nous l'a dit tout à l'heure -il est contre ces deux motions.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, je suis dans l'obligation légale d'ajourner sine die les débats de cette commission.

(Fin de la séance à 19 h 13)

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