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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mercredi 21 septembre 1983 - Vol. 27 N° 139

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur le projet de loi 37 - Loi sur l'Agence québécoise de valorisation industrielle de la recherche


Journal des débats

 

(Dix heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre!

Mmes et MM. les membres de la commission, nous allons maintenant reprendre nos travaux. Je vous rappelle que le mandat de cette commission est d'entendre des personnes ou organismes en regard du projet de loi 37, Loi sur l'Agence québécoise de valorisation industrielle de la recherche.

Les membres de cette commission sont: MM. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Brassard (Lac-Saint-Jean), Mme Harel (Maisonneuve), M. Gravel (Limoilou), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Dussault (Châteauguay), Brouillet (Chauveau), Ciaccia (Mont-Royal), Paquette (Rosemont), Vaillancourt (Orford), French (Westmount).

Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Gratton (Gatineau), Perron (Duplessis), Rivest (Jean-Talon), Saintonge (Laprairie).

Avant de procéder à l'audition des groupes prévus pour ce matin, je vais demander aux groupes dont on prévoit l'audition aujourd'hui s'ils sont présents dans cette salle. Le Conseil du patronat du Québec est présent; l'Association des manufacturiers canadiens, également. Est-ce que le Centre d'innovation industrielle de Montréal est là? Ils sont là. L'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences n'est pas là; AES Data Inc., non plus, et le Conseil de l'industrie électronique du Québec.

Ce matin, nous devrions, jusqu'à 13 heures, pouvoir entendre les mémoires qui sont soumis à cette commission par le Conseil du patronat du Québec et par l'Association des manufacturiers canadiens. Nous pourrions recommencer à 15 heures par le Centre d'innovation industrielle de Montréal à moins que les choses n'aillent plus rapidement que prévu. Sur ce, je demanderais donc aux représentants du Conseil du patronat du Québec de se présenter et ensuite de nous livrer le message contenu dans leur mémoire.

Conseil du patronat du Québec

M. Dufour (Ghislain): Mmes et MM. les membres de la commission parlementaire, à ma droite, M. Denis Beauregard, directeur de la recherche au Conseil du patronat du Québec, et, à ma gauche, M. Émile Gratton, directeur de la planification stratégique à

Northern Télécom Canada Ltée et qui était jusqu'à il n'y a pas tellement longtemps directeur de la recherche au groupe Bell-Northern à l'île des Soeurs. Je suis Ghislain Dufour, vice-président exécutif du conseil.

M. le Président, avant de commencer la présentation de notre mémoire, je voudrais, au nom du conseil, signaler que nous avons été heureux, en juin, de la façon dont s'est réglé le problème de la loi 19. Nous étions nous-mêmes intervenus dans ce dossier pour des raisons que le ministre et l'Opposition connaissent bien. Heureusement, à cause des travaux de l'Opposition, mais aussi de l'ouverture d'esprit du ministre dans ce dossier, nous avons finalement pu avoir une loi qui a fait consensus dans les milieux politiques et qui a fait consensus aussi dans les milieux patronaux.

Ce qui nous intéressait, lors des discussions, c'était justement cette agence de valorisation de la recherche industrielle et le ministre a ouvertement accepté de débattre en commission parlementaire cette question fondamentale. Quant à nous, c'était une orientation importante et nous voulions le souligner.

Cela étant dit, vous avez reçu notre mémoire. Il ne comporte pas tellement de pages, mais nous allons quand même encore tendre à le résumer davantage.

Il faudrait quand même camper - parce que, de notre cadre d'analyse sortiront nos propres critiques, nos propres recommandations - ce qu'est le cadre d'analyse du Conseil du patronat, du secteur privé, lorsqu'il aborde un projet de loi comme celui qui est déposé aujourd'hui.

L'importance, la pertinence des efforts qui sont consentis en recherche et développement exercent un impact certain sur le développement économique et, partant, sur le niveau de vie d'une collectivité. C'est pourquoi le Conseil du patronat du Québec s'intéresse bien sûr à cette importante question.

Dans le domaine de la recherche et du développement, comme dans tous les autres secteurs de la vie économique, l'intervention de l'État doit respecter les principes de base qui sous-tendent l'organisation de la vie politique que s'est donnée une collectivité. Le rôle confié à l'État et les moyens retenus pour jouer ce rôle doivent être déterminés en fonction des responsabilités qui sont confiées à chacun. Une erreur d'aiguillage dans la distribution des rôles risquerait de

neutraliser les résultats des efforts déployés.

Dans un domaine aussi vital pour l'avenir que la recherche et le développement, il faut donc déployer tous les efforts requis pour nous assurer que nous prenons les meilleurs moyens disponibles pour obtenir les meilleurs résultats au plus bas coût possible. Telle nous paraît être la mission de cette commission parlementaire.

Nous nous sommes donnés, au Québec, un système économique basé sur la liberté de chacun d'entreprendre, de réaliser, à son profit comme à celui de ses associés, les idées jugées rentables, bref, un système économique axé sur le dynamisme de l'entreprise privée. L'État s'est vu confier généralement pour rôle, en matière d'expansion économique, d'assurer des conditions générales propices au progrès économique.

En matière de recherche, l'État doit donc assurer à l'entreprise "un climat" propice aux activités de recherche. Souvent, assurer un climat favorable consiste d'abord à éliminer des obstacles. Dans nos présentations antérieures sur le sujet - j'ai l'impression qu'on ne vous apprendra rien, M. le Président ou M. le ministre, parce que ce sont des idées qu'on véhicule dans une série de dossiers - on a identifié les grands obstacles, dont trois de façon plus particulière. Le premier, l'orientation politique et sociale peu favorable à l'entreprise privée n'encourage pas les investissements en général, et ceux de recherche et de développement en particulier qui présentent un degré de risque plus élevé. Le deuxième, le fardeau fiscal des particuliers au Québec, qui est trop élevé et le ministre des Finances, lui-même, est d'accord avec nous pour souscrire à cette affirmation. Le troisième, les dispositions de la Loi no 101, et je dis bien relatives à la langue d'enseignement, parce qu'il ne s'agit pas, et on le précise bien, de remettre en cause toute la Loi no 101. Le problème particulier de la langue d'enseignement, c'est que l'exemption prévue pour un séjour temporaire au Québec est considérée comme insuffisante, parce que c'est surtout dans les centres de recherche que s'applique précisément cet aspect particulier des certificats temporaires dont il est question dans la Loi no 101.

Si l'on songe à la complexité du processus d'innovation, aux pressions énormes de la concurrence internationale, aux risques financiers qui augmentent à mesure qu'on approche de la production industrielle, il n'est pas étonnant que ce soient surtout les grandes entreprises qui puissent se permettre d'investir des capitaux considérables dont la rentabilité, si rentabilité il y a, ne se concrétisera qu'à moyen terme.

Par conséquent, ces faits nous portent à croire que l'insuffisance de notre effort de recherche ne proviendrait pas nécessairement d'un manque de planification ou d'un manque de leadership de la part de l'État, mais plutôt d'obstacles que l'État pourrait éliminer pour créer des conditions favorables à la recherche industrielle.

On oublie parfois que dans ce domaine particulier, même si l'aide gouvernementale directe peut jouer un rôle, la fécondité de l'effort de recherche provient beaucoup plus du jeu des relations entre les industries et entre l'industrie et les universités, de la complémentarité des produits nouveaux, d'une intuition très juste des besoins du marché qu'on peut ou non sentir au bon moment.

Par définition, l'innovation technologique ne se planifie pas comme un calendrier scolaire. L'expérience vécue, ici même au Québec, prouve que les entreprises les plus dynamiques, celles qui ont innové et qui ont conquis de nouveaux marchés, se sont construites souvent à partir d'une idée et d'un homme qui croyait à cette idée. Ces entreprises ont eu pendant un certain temps une existence précaire, puis elles ont pris le bon tournant au bon moment et se sont mises à prospérer, à prendre de l'expansion. Le succès découlant d'un programme de recherche au bénéfice d'une entreprise est imprévisible.

Cela nous amène à poser la question suivante: Sur la base de quels principes l'État décidera-t-il que certaines entreprises ont plus de chances de réussir et doivent être privilégiées, alors que d'autres doivent être laissées à elles-mêmes? On connaît des exemples d'entreprises qui connaissent aujourd'hui une croissance accélérée et qui ont frôlé la faillite il y a cinq ans et, inversement, on connaît des entreprises choyées par l'État et dont la faillite est évitée seulement parce que l'État continue à fournir des capitaux neufs, sans compter. (10 h 45)

Donc, tel que nous le concevons, le rôle de l'État serait plutôt d'inciter l'entreprise privée à investir, notamment au moyen de politiques fiscales appropriées, d'encourager l'"entrepreneurship", de favoriser la création de nouvelles industries à partir d'une innovation. C'est donc d'une politique d'incitation qu'il devrait être question. Il faudrait que le gouvernement supprime certains obstacles qui relèvent de sa juridiction.

La planification par l'État, la réglementation des activités de tout genre, la coordination autoritaire, le choix politique des secteurs à développer, toutes ces formules - on peut leur donner une apparente rationalité - s'inspirent de l'idée que l'avenir est connu, que l'avenir est mesurable, administrable, et que l'État est bien placé pour orienter, à partir de cette connaissance qu'il aurait du futur, les activités conduisant au plus grand bien de tous. Il nous apparaît

que cette approche est fondée sur des illusions. En fait, ce que l'on planifie, ce n'est toujours que le connu, à savoir ce que la vie a été dans le passé, et nos plans sont bien davantage des plans de répétition que des plans de développement. L'économie dirigée là où des gouvernements ont voulu l'appliquer avec rigueur a conduit à la stagnation.

L'essence même de la créativité, c'est la liberté. C'est cette idée qui doit donner un sens à toute politique de la recherche. En fait, le leitmotiv de la politique de la recherche doit être de donner sa chance à l'esprit innovateur où qu'il se trouve.

Le respect de la liberté des chercheurs est tout aussi fondamental et constitue une condition essentielle au succès de toute politique de recherche scientifique. Outre le fait que les scientifiques de tous les milieux aient toujours été, avec raison, jaloux de cette liberté, celle-ci est, en fait, le fondement même de l'originalité d'esprit et de la créativité qui sont la marque d'un vrai chercheur. S'il y a quelque chose que chercheurs industriels, chercheurs professionnels et chercheurs universitaires ont en commun, c'est une méfiance, semble-t-il, instinctive face à toute ingérence gouvernementale dans l'orientation de leurs travaux. C'est confirmé par des recherches américaines. On cite, notamment, les travaux de Klein et Meckling, aux États-Unis, qui concluent qu'il serait très dommageable au succès d'ensemble de la mission recherche qu'une direction centrale de la recherche prétende exercer une activité de planification trop rigoureuse. Elle doit laisser faire; mieux, elle doit laisser chercher; chercher, c'est vouloir; trouver, c'est laisser chercher.

À partir de ce cadre de référence, c'est le moment de regarder l'agence de valorisation comme telle, ses fonctions, son râle, son cheminement politique. Nous citons dans notre mémoire, bien sûr, l'article 17 où sont énumérées les fonctions de l'agence. Je passe par-dessus cela pour dire que l'énumération des fonctions que le projet de loi véhicule nous laisse - et ce n'est pas méchant comme terme - songeurs. Bien sûr, on réfère surtout à l'article 17.1, lorsqu'il est dit qu'on prospectera les milieux de la recherche dans les domaines qui sont jugés prioritaires par le gouvernement. Cette agence, alors, ne risque-t-elle pas de servir de moyen de contrôle aux mains des tenants d'un certain dirigisme d'État? Telle orientation serait alors incompatible avec le rôle qui incombe à l'État.

Des interrogations très directes adressées au ministre. La création d'une nouvelle agence est-elle nécessaire? Y a-t-il une activité suffisante pour alimenter cette nouvelle structure? N'y a-t-il pas dédoublement entre les fonctions de l'agence et celles d'organismes existants? À-t-on tenu compte de l'expérience et de l'évolution d'autres organismes comparables dans d'autres lieux, d'autres pays? N'y a-t-il pas déjà des ententes entre certains organismes existants et les universités en ce qui concerne la recherche? La gestion et l'exploitation des brevets obtenus par les ministères justifient-elles la mise en place de cette nouvelle structure? Ne serait-il pas préférable de recourir à des organismes déjà en place pour assurer la liaison entre le monde de la recherche et l'industrie?

Ce sont des questions qu'on vous pose, M. le ministre. Contrairement à ce qui a pu être véhiculé, nous n'avons pas rejeté l'agence comme telle, nous nous demandons simplement et carrément si elle est justifiée. Nous reviendrons sur certaines propositions concrètes à la fin.

Toute forme de dirigisme gouvernemental en matière de recherche industrielle est donc à proscrire selon un certain nombre d'auteurs. Je vous cite simplement cette conclusion d'un travail qui a été commandé par le Conseil économique du Canada. Les chercheurs Palda et Pazderka concluaient: "C'est pourquoi toute politique qui vise à accroître notre potentiel d'innovation technologique devra s'efforcer de créer un climat favorable à l'industrie." On pourrait ajouter à ces commentaires de source canadienne d'autres commentaires provenant d'autres pays. On en cite ici qui viennent de Dalle et Cabale, en France, qui concluent: "La plus grande liberté accordée à la recherche sera plus profitable à la science que la nécessaire lourdeur de tout mécanisme étatique."

De plus, la recherche industrielle, par opposition à une grande partie de la recherche issue de l'initiative des gouvernements, s'inscrit dans un processus propre à chaque entreprise où chacune, dans une situation de concurrence avec les autres entreprises, développe ses produits de façon -c'est la partie à jouer - à s'approprier le marché. On imagine mal dans ce contexte, surtout chez les grandes, une entreprise qui irait dévoiler à l'agence ses projets de recherche en échange d'une hypothétique subvention. Une telle approche ignore complètement la dynamique propre à notre système économique et ne pourrait qu'être vouée à l'échec.

Quelques mots maintenant sur l'organisation et les pouvoirs mêmes de l'agence. Le projet de loi précise que le président et les onze membres du conseil d'administration de l'agence seraient nommés par le gouvernement. C'est l'article 5. On ne trouve nulle part dans le texte quelque forme de garantie que ce soit quant à une consultation du monde de la recherche industrielle avant d'en arriver à ces nominations. Il y a peut-être des choses qu'on veut nous dire là-dessus, mais ce n'est

pas dans le projet.

Le gouvernement peut nommer deux observateurs auprès de l'agence, ces deux observateurs ayant le pouvoir de participer aux réunions du conseil d'administration. Que veut dire l'article 19, lorsqu'on dit que le ministre de la Science et de la Technologie peut donner à l'agence des directives et l'agence, à la suite de l'approbation de ces directives par le gouvernement, est tenue de s'y conformer? Cela peut être énormément important comme pouvoir, mais on n'en sait rien. Ce sera probablement réglé par règlement. Je ne sais pas si M. Vaugeois sera d'accord, mais ce sont là des pouvoirs...

Une voix: ...

M. Dufour: M. French.

Autre chose, article 21. L'agence ne peut, dans les cas, conditions ou circonstances que le gouvernement peut déterminer par règlement - c'est là que je voulais m'adresser à vous, M. French -accorder une aide financière sans avoir obtenu l'autorisation du gouvernement ou du ministre, suivant ce que le règlement détermine. Donc, véritable imprécision quant à ces articles-là.

En résumé, l'agence, si elle devait être formée, fonctionnera sous le contrôle - telle quelle, actuellement - direct et total du ministre concerné et du gouvernement. Serait-ce que, pour contrôler la recherche, on veuille aussi contrôler l'outil? C'est l'interrogation.

Voilà une orientation, si elle devait se réaliser comme cela, qui serait fort discutable car non seulement elle n'est pas conforme au rôle que doit jouer le gouvernement en matière de recherche, mais elle nie la dynamique propre à la recherche industrielle, pour les raisons que nous avons énumérées.

M. le Président, M. le ministre, quelques éléments de solution. Il nous apparaît que le gouvernement détient déjà un certain nombre d'outils qu'il pourrait utiliser. D'abord, l'instrument fiscal. Le rôle de l'État est de favoriser la recherche par des règles générales et non pas par des règles sélectives ou sectorielles. Le premier moyen et le plus important, c'est la fiscalité. Ainsi, toute dépense directe ou indirecte des individus ou des sociétés investie dans la recherche pourrait être déductible de l'impôt. De toute façon on dit que les retombées de la recherche, à moyen terme, élargiront la base économique de notre société et, en même temps, l'assiette fiscale.

Deuxièmement, formation de chercheurs. Le gouvernement doit prendre les moyens de faire en sorte que les chercheurs qui seront requis pour effectuer la recherche industrielle dans les années à venir seront disponibles en nombre suffisant et posséderont la compétence nécessaire. La répartition des ressources disponibles en période de coupures budgétaires ne risque-telle pas de compromettre l'avenir de la recherche industrielle au Québec? On voit souvent des écritures de journaux, actuellement, d'universitaires qui disent ne pas nécessairement avoir, à cause des coupures qu'on comprend, les équipements requis, les profs requis dans les universités pour développer certaines orientations.

C'est un fait connu - là-dessus on pourra vous citer des chiffres - les deuxième et troisième cycles universitaires souffrent d'un manque de ressources inquiétant. D'ici peu, le nombre de diplômés dans les secteurs névralgiques de la recherche industrielle risque de diminuer. Le Québec n'a pas les moyens de se permettre de réduire son potentiel de recherche. Tout cela pour dire que si on a de l'argent à investir dans des structures, pourquoi n'investirait-on pas dans des structures existantes notamment au niveau de la formation des chercheurs?

Troisièmement, politique du faire faire. Je dois dire qu'on a rédigé cela, M. le ministre, avant d'avoir vu votre brochure qui nous est parvenue il y a deux jours, dans laquelle il est question un peu du faire faire. On disait que dans son rôle d'appui à l'encouragement à la recherche industrielle, l'État pourra augmenter l'efficacité de son action et en multiplier les bénéfices directs et indirects en ayant recours à une politique de faire faire. On a analysé ce que vous dites là, c'est bien et, comme on dit, c'est un pas dans la bonne direction, mais on va beaucoup plus loin.

Un des moyens les plus efficaces que peut utiliser le gouvernement du Québec pour stimuler les investissements serait de faire exécuter ses propres contrats de recherche en milieu industriel. Il y a des exemples qui montrent que cette politique a été appliquée avec succès ici même au Québec. C'est le cas de la construction des grands barrages d'Hydro-Québec, dont la conception et l'exécution ont été confiées à des firmes privées d'ingénieurs-conseils. Ces dernières sont maintenant en mesure d'exporter un peu partout dans le monde l'expertise et les techniques qu'elles ont acquises grâce à cette expérience. Aux États-Unis, l'exemple récent du programme gouvernemental de la conquête de l'espace est éloquent à ce sujet.

Finalement, l'accès à de nouveaux marchés. Le gouvernement pourrait encourager davantage - il le fait déjà -notamment, par l'agence de M. Landry, les efforts de recherche en aidant les entreprises, par le biais des agences existantes, à trouver de nouveaux débouchés sur les marchés internationaux pour les produits de la technologie québécoise.

On commence maintenant à se

préoccuper davantage d'accroître nos exportations en fonction d'un marché non seulement canadien et nord-américain, mais international. Il faudra donc utiliser toutes les ressources disponibles en ce domaine, et notamment celles du gouverment fédéral pour explorer de nouveaux marchés, particulièrement dans la perspective des conséquences que pourrait avoir sur notre économie une libéralisation croissante des échanges.

Promouvoir la recherche industrielle est sans aucun doute une tâche qui incombe au gouvernement. Là-dessus, on doit dire qu'on n'interroge, en aucune façon, les principes. Nous avons été les premiers à être d'accord avec la création du ministère de la Science et de la Technologie.

Les moyens utilisés, cependant, pour faire le travail doivent respecter les principes sur lesquels s'appuie notre système économique et politique. Dans un système où le dynamisme économique repose sur l'initiative de l'entreprise, toute démarche qui serait teintée, comme c'est la cas actuellement à l'article 17.1, d'un dirigisme d'État sous le couvert de la valorisation de la recherche est vouée à l'échec parce qu'elle nie la dynamique propre au système. C'est là la faiblesse de l'Agence québécoise de valorisation industrielle de la recherche dont le projet de loi propose la création. Par le biais de l'agence, le gouvernement pourrait même se donner les moyens de planifier la recherche. On a vu tout à l'heure que cela ne nous apparaît pas la voie à choisir. On s'interroge sur cette orientation.

Deux recommandations fondamentales au gouvernement: d'abord, tout mettre en oeuvre pour créer certains climats favorables notamment au niveau de la fiscalité; puis -c'est une suggestion qui a déjà été faite mais on y revient - revoir le rôle, élargir la mission du Centre de recherche industrielle du Québec, le CRIQ. Cet organisme pourrait peut-être contribuer à rapprocher le monde de la recherche universitaire et l'industrie.

Nous posons, M. le ministre, quatre questions. Nous avons rencontré beaucoup de monde dans le champ au niveau de la préparation de ce mémoire. On peut longtemps discuter idéologie. On est des tenants de l'entreprise privée; il ne vous surprendra pas le mémoire qu'on vous a présenté. Je pense que c'est ce qu'on véhicule et vous le savez. On doit à ce moment-ci dépasser les idéologies, les principes et regarder dans le très concret ce projet de loi en fonction des réponses qu'on devra donner à r.os chercheurs des centres de Noranda, de Bell, de Northern, de DuPont, etc. Je poserais quatre questions, M. le ministre.

De quelle façon, si vous appliquiez actuellement l'article 17.1, allez-vous choisir les secteurs à privilégier?

Comment allez-vous structurer votre recherche de consultation avec le monde des affaires, le monde de la recherche? Cela m'amène à demander comment est composé le conseil d'administration.

Notre question fondamentale: pourquoi n'est-ce pas un organisme existant? Pourquoi ce n'est pas le CRIQ? Pourquoi n'est-ce pas la SDI? Pourquoi n'est-ce pas même votre ministère? Il n'y a rien qui s'oppose à ce que vous ayez une section à l'intérieur de votre ministère qui fasse cela. On a déjà suggéré cela dans d'autres secteurs. On dit que c'est parce qu'on veut dépolitiser le tout. En quoi l'AQVIR ne serait pas en conflit d'intérêts, recevant directement ses directives du ministre responsable? Voilà les trois questions fondamentales, M. le ministre, auxquelles nous aimerions, au-delà de ce mémoire, avoir des réponses pour retourner dans le champ.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Dufour. Je constate avec satisfaction que, étant maintenant un professionnel des procédures parlementaires, vous avez réussi à faire votre présentation en une vingtaine de minutes. J'invite les parlementaires à suivre votre exemple.

M. le ministre.

M. Paquette: M. le Président, j'aimerais...

Une voix: Nous, on est des amateurs.

M. Paquette: J'aimerais remercier le vice-président exécutif du Conseil du patronat de son mémoire qui pose beaucoup de questions. Je vais essayer de répondre à certaines d'entre elles et, en même temps, demander des précisions. (11 heures)

Par exemple, à la page 4, vous affirmez: "Tel que nous le concevons, le rôle de l'État serait plutôt d'inciter l'entreprise privée à investir au moyen notamment de politiques fiscales appropriées, d'encourager l'"entrepreneurship", de favoriser la création de nouvelles industries à partir d'une innovation. C'est donc une politique d'incitation dont il devrait être question." Je pense que, dans le mémoire en général, il y a un certain biais, c'est-à-dire qu'on s'adresse à l'ensemble des politiques de stimulation de la recherche et du développement. Je n'ai pas d'objection à ce qu'on fasse un débat là-dessus - on en a eu l'occasion lors d'autres commissions parlementaires - qu'on le fasse au moyen de politiques fiscales appropriées. Je ne sais pas quelle est votre évaluation de ces politiques fiscales adoptées par le gouvernement - et comme nous sommes en régime fédéral, donc par les deux gouvernements - par rapport à

ce qui se fait dans d'autres pays.

Dans les études que j'ai vues - je cite l'étude de M. Robert Lacroix et de Mme Louise Séguin-Dulude pour le Fonds FCAC -on constate, sur douze pays étudiés, que le Canada arrive au premier rang en termes de la générosité des mesures fiscales destinées à la recherche et au développement. Il y a une déductibilité de 100% des frais de recherche et développement, il y a 50% sur l'accroissement des recherches sur les trois dernières années et il y a le crédit d'impôt remboursable de 10% qui a été annoncé dans le dernier budget. Le même document, cependant, mentionne que toutes les études indiquent une efficacité relativement limitée quant à l'impact sur la recherche et le développement.

Je me demande si vous voyez cela comme mutuellement exclusif, c'est-à-dire est-ce qu'on ne peut pas avoir aussi des mécanismes incitatifs? Est-ce que le projet d'agence n'est justement pas cela, un mécamisme d'incitation qui vise à encourager l'esprit d'entreprise, non seulement chez les entreprises mais également chez les chercheurs qui ont les innovations? Je pense que c'est justement le rôle de l'agence. Est-ce que vous voyez cela comme mutuellement exclusif, c'est-à-dire des choses sur les politiques fiscales et des mécamismes d'encouragement de développement du processus d'innovation, parce que c'est de cela dont il s'agit? L'agence est un organisme d'appui au processus d'innovation et à tous les intervenants qui y oeuvrent.

M. Dufour: Vous revenez à l'agence en disant qu'elle a un rôle incitatif. On ne conteste pas cela, sauf le mandat en 1, 2 et 3. Le rôle incitatif qu'elle jouera, le principe d'un organisme qui s'associe à la recherche universitaire privée qui fonctionne et qui essaie de développer le Québec, on n'a pas de problème avec cela. Là où on diffère, c'est qu'on se demande si cette incitation doit venir par la création d'une nouvelle agence. Je pense qu'on s'entend là-dessus.

Quand vous parlez de la fiscalité, nous disons: il faut que ce soit un climat général. Cela me permet peut-être de vous rappeler, M. le ministre, qu'au niveau du Conseil du patronat du Québec, contrairement à ce qui est souvent véhiculé, nous sommes contre les subventions gouvernementales aux entreprises. Nous sommes contre, sauf dans la recherche. C'est bien sûr, il n'y a personne qui, à un moment donné, peut commencer la recherche; il faut de l'argent. Il n'y a personne qui va se lancer dans quelque chose qui va porter profit dans cinq ou dix ans. Il faut un démarreur. On fait la réserve pour la recherche. Donc, financement disponible. Tout le monde, tous les intervenants, tous les mémoires que j'ai lus sont d'accord avec le financement qui vient du gouvernement.

Qui le donne? Pour nous, cela peut être le CRIQ et pour vous c'est votre agence mais selon des formules qui peuvent être ou en amont ou en aval.

Qu'il y ait des subventions directes en recherche, on ne s'y oppose pas, contrairement à toutes les autres objections qu'on enregistre vis-à-vis des programmes de subventions directes à l'entreprise qui, pour nous, sont souvent des récompenses à l'inefficacité. Dans le cas de la recherche, ce n'est pas prouvé; il n'y a rien de découvert encore. On voudrait surtout que vous agissiez au "output". Quand vous me dites que dans le dernier budget Parizeau il y a 10% qui sont déductibles sur la masse salariale pour les fins de l'impôt, vous avez parfaitement raison. Mais il faut donner le tableau complet; c'est 10% des gens qui sont consacrés à la recherche. Quand vous arrivez dans une grosse boîte, c'est une "pinotte".

M. Paquette: Pour une grosse boîte qui a...

M. Dufour: Si la boîte est grosse, c'est beaucoup d'argent, mais, de façon générale, si vous avez juste une dizaine d'employés, ce n'est pas une incitation fiscale importante. Cette mesure du dernier budget de M. Parizeau est excellente, M. Paquette, et souhaitons que, dans le prochain, il y aura plus d'argent et qu'on montera à 20%, 30% ou 40% du personnel, parce que toute l'entreprise participe à la recherche.

Alors, c'est ce genre d'incitation fiscale. Vous le faites, vous devez continuer à le faire, mais c'est un problème du ministre des Finances que les méthodes de fiscalité.

Le problème qu'on pose ce matin devant votre commission, c'est: Qui le distribue? Nous disons: Ce ne devrait pas être l'agence.

M. Paquette: Au bas de la page 5, vous dites: "Le respect de la liberté des chercheurs est tout aussi fondamental et constitue une condition essentielle au succès de toute politique de recherche scientifique." Évidemment, je ne peux pas être plus d'accord avec un énoncé comme celui-là. La seule question que je me pose - puisque vous avez placé cela au début de votre texte -c'est: Pourriez-vous me dire en quoi la loi 37 limite la liberté des chercheurs?

M. Gratton (Émile): Je pense que M. Dufour l'a mentionné dans son mémoire du Conseil du patronat du Québec. Les chercheurs veulent avoir une liberté complète d'une certaine manière. Lorsque vous voulez pénétrer d'une certaine manière dans des entreprises et dans des centres de recherche, non seulement on touche les chercheurs eux-mêmes, mais on touche aussi l'organisation

d'une certaine manière. Lorsqu'une compagnie en particulier veut innover avec un nouveau produit, elle essaie normalement de cacher ce secret jusqu'à la dernière minute, lorsqu'elle va relâcher le produit, vis-à-vis de la compétition, etc.

M. Paquette: Elle n'a pas besoin de nous, à ce moment-là.

M. Gratton (Émile): Ce n'est pas qu'on n'ait pas besoin de vous, c'est qu'on veut garder un certain secret à ce moment.

M. Paquette: Là, je vois un peu mieux.

M. Dufour: On peut ajouter en disant tout simplement que c'est un tableau d'analyse; alors, on n'analyse pas votre loi, on situe nos principes de base dans le cadre d'analyse.

M. Paquette: D'accord.

M. Dufour: Quand vous allez étudier pour voir, dans un secteur que vous aurez choisi - et vous ne m'avez pas encore dit comment...

M. Paquette: Cela s'en vient.

M. Dufour: ...quand vous allez donner une subvention, vous allez avoir un cheminement à bâtir, vous allez avoir des règles gouvernementales qui vont être justes. Je connais le Conseil du trésor, je sais comment il fonctionne; pour donner de l'argent, cela doit être drôlement cadré. Cela ne pourra pas faire autrement que d'avoir un impact direct sur le fonctionnement du projet à l'intérieur de l'entreprise. M. Beauregard...

M. Paquette: Partant de ce principe -la liberté des chercheurs est fondamentale, c'est évident - vous ne pensez pas que la liberté des chercheurs est un peu limitée actuellement? Quand on regarde une loi, il faut toujours se demander quelles situations elle vise à corriger. La liberté des chercheurs dans l'industrie est conditionnée par les objectifs, les orientations de l'entreprise, c'est l'affaire de l'entreprise, mais elle est relativement limitée. On ne s'occupe pas de cela dans le projet de loi, c'est du fonctionnement interne de l'entreprise. À l'intérieur des universités, la liberté des chercheurs est beaucoup plus grande. Le projet de loi ne touche pas à la recherche qui se fait dans les universités, le projet de loi touche ces chercheurs qui ont la folie de s'aventurer dans le no man's land qui existe entre la recherche universitaire, où ils sont salariés des universités, et la recherche industrielle, où ils sont salariés des entreprises; alors, ils ont une certaine sécurité dans les deux cas. Ce sont les chercheurs qui font, par exemple, ce qu'on appelle un "spin-off" d'une entreprise.

On a eu un cas comme cela, deux chercheurs d'une entreprise ontarienne qui nous arrivent. Ils ont fait le tour de toutes les agences gouvernementales, ils sont allés au CRIQ. Le CRIQ a dit: C'est un projet prometteur intéressant; la SDI a dit: Mes programmes sont normés parce que je fais affaires avec toutes les entreprises, c'est un projet risqué et les règlements ne me permettent pas d'intervenir. Ils sont allés à Ottawa. Ce n'était pas possible non plus, mais c'est un projet jugé valable sur le plan technologique et sur le plan des études de marché. Ils sont arrivés au ministère de la Science et de la Technologie. On a subventionné le prototype de façon qu'ils puissent décrocher des contrats. Ces deux chercheurs, qui décident de quitter une entreprise, parce qu'ils ont une maudite bonne idée et de fonder leur propre entreprise. Mais, tant qu'ils n'auront pas eu leur premier contrat, il y a toute une phase de développement, d'innovation à faire, jusqu'à la fabrication des prototypes qui va leur permettre de décrocher des contrats. Leur liberté à eux, à mon avis, est singulièrement limitée dans le système actuel. On pourrait dire, de la même façon, comme cela s'est fait beaucoup dans la région de Boston ou en Californie, que, parfois, cela vient des universités. Ce sont deux chercheurs universitaires qui décident, à un moment donné, qu'ils ont une bonne idée et ils veulent bâtir une entreprise là-dessus ou créer une société de recherche-développement. Eux, leur liberté est singulièrement limitée dans le régime actuel, parce qu'ils manquent de moyens, ils manquent de capital de risque. Jusqu'au moment où leur innovation sera reprise par une entreprise, ils manquent singulièrement d'appui technique, logistique, financier. C'est cela, le rôle de l'agence, fondamentalement. N'avez-vous pas l'impression que la liberté de certains chercheurs est drôlement limitée, qu'il y a beaucoup d'innovations qui restent sur les tablettes?

M. Dufour: Je pense bien que la liberté de tous les citoyens est limitée à un moment donné par des lois, des règlements, ou des activités économiques. Elle est limitée dans ce cas-là, dans votre exemple précis, parce qu'ils manquent d'argent pour se lancer en affaires. Cela ne s'oppose pas à ce qu'on dit. On dit que dans ce secteur particulier de la recherche, il y a un rôle pour le gouvernement de lancer les dés parce que, sans cela, il n'y en aura pas de chercheurs, il n'y en aura pas de recherche. Sur ce plan-là, on se rejoint.

Voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Beauregard (Denis): Oui, je voudrais seulement revenir un petit moment sur la question de la liberté des chercheurs et sur la question du secret de l'entreprise qui entreprend des recherches. Les questions que nous nous posons et que nous vous posons sont reliées à la rédaction, telle qu'on peut la lire actuellement, du projet de loi qui est sur la table. On dit dans la petite brochure qui nous est parvenue que l'AQVIR procéderait par la méthode du "faire faire", ce avec quoi nous sommes tout à fait d'accord. Par ailleurs, on dit aussi dans la même brochure et dans des relevés de débats qui ont été faits que le CRIQ ne serait pas en mesure de faire le même travail que l'AQVIR parce que le CRIQ, faisant lui-même de la recherche, risquerait d'être en conflit d'intérêts avec les innovations qui pourraient lui être apportées. Alors, l'entreprise qui fait appel à vos services le fait nécessairement dans une perspective de secret d'entreprise. C'est un monde très compétitif...

M. Paquette: Bien sûr.

M. Beauregard: Je pense que c'est évident.

M. Paquette: Bien sûr.

M. Beauregard: Par ailleurs, l'AQVIR va faire faire l'étude de ce projet-là. D'accord? On dit dans cette brochure-ci que l'agence ne se "staffera" pas pour faire le travail. Cela veut dire que vous envoyez dans cette entreprise-là du personnel qui n'est pas de votre agence, du personnel constitué de gens qui travaillent pour des maisons de consultation, des boîtes d'ingénierie ou autres et qui s'en vont dans l'entreprise, qui s'en vont, comme le disait M. Dufour tantôt, vérifier, à partir d'une grille de vérification parce que, pour que le Conseil du trésor accepte de mettre de l'argent dans un projet, on a besoin d'y aller de façon drôlement précise. Alors, vous demandez à des gens qui ne sont pas à l'emploi de l'agence qui, elle, serait très crédible par rapport au CRIQ qui ne le serait pas, d'aller fouiller ces secrets-là. C'est un premier élément.

Deuxième élément. Si je reviens sur la notion du chercheur qui doit jouir d'une certaine liberté de manoeuvre, de façon à pouvoir pousser le plus loin possible sa recherche, on dit d'abord que l'agence va agir dans des secteurs jugés prioritaires par le gouvernement, premièrement. Deuxièmement, on dit aussi - c'est une question qui vous a été posée tantôt et je pense que la réponse va être très éclairante pour nous - dans quelle mesure le ministre, au-delà des modes de fonctionnement qui sont fixés dans la loi, peut donner des directives à l'agence. Et, on prend même le soin de préciser: L'agence devra se conformer à ces directives. Alors, la liberté du chercheur là-dedans? On joue comment?

Comme vous voyez, on en est au stade des interrogations suscitées par le texte du projet de loi tel qu'il est disponible actuellement.

M. Paquette: M. le Président, je pense qu'il y a des interrogations auxquelles on peut répondre. Certaines demandent des réponses, je vais les donner; d'autres auxquelles on peut répondre en supposant que le gouvernement ou les responsables de l'agence sauront très bien - je suppose qu'on va choisir des gens compétents - qu'ils ne peuvent pas arriver dans une entreprise et se mettre à fouiller dans les secrets industriels pour la bonne raison qu'on ne leur parlera pas. Cela m'apparaît, d'abord, une première donnée. (11 h 15)

Au-delà de cela, je pense qu'il est important ici de préciser que l'agence va devoir adapter son fonctionnement aux interlocuteurs. Quand il s'agit d'interlocuteurs qui proviennent des milieux universitaires ou de chercheurs indépendants, mais tout d'abord du milieu universitaire, ce qui manque, c'est la méconnaissance des marchés, notamment. L'agence pourra financer des études de faisabilité et elle les confiera à des gens spécialisés là-dedans, elle ne les fera pas elle-même. Elle va adopter une politique de faire faire. Il s'agira peut-être d'évaluer l'invention sur le plan technologique. Elle pourra faire appel à un organisme qui a les compétences pour le faire, notamment le CRIQ, le centre de développement technologique de l'École polytechnique ou d'autres universités. Le CRIQ n'a pas toutes les compétences pour évaluer. Il les a très solidement dans certains secteurs. Dans d'autres secteurs, c'est l'École polytechnique. Dans d'autres secteurs, ce sont d'autres organismes. À une phase ultérieure de précommercialisation, il faudra peut-être mettre sur pied une société de recherche et de développement (R et D); ce peut être une société en commandite. Là, l'agence pourra utiliser son capital de risque, seule ou avec d'autres, de façon à permettre éventuellement le démarrage d'une entreprise de production à laquelle elle cédera la place, de sorte que la société de R et D n'imposera pas son passif vers la recherche et le développement à une entreprise naissante qui part avec une bonne idée, mais qui doit quand même tenir compte des impératifs de la concurrence et du marché. C'est une chose.

Il y a d'autres types de projets d'innovation qui peuvent provenir des entreprises. Alors, le fonctionnement est radicalement différent. Ce peut être une

entreprise qui nous arrive et qui dit: On a une innovation très intéressante; la recherche et le développement coûteraient très cher et si on devait les financer totalement, on mettrait en péril nos autres opérations, la santé financière de l'entreprise. À ce moment-là, on se situe un peu de la même façon que la SDI ou les agences fédérales. On va demander aux gens s'ils veulent accélérer un programme de recherche et de développement: Est-ce que c'est bien prometteur, etc.? On va se faire une idée là-dessus. Nos gens ou nos contractants vont être soumis à la même confidentialité que les gens de la SDI, mais ils vont fonctionner dans une optique différente. La SDI fonctionne par programmes normés. Elle est passive. Elle attend qu'on lui présente des projets. L'agence va plutôt avoir tendance à dire: Nous avons entendu dire qu'il y aurait tel développement dans telle entreprise; on va aller voir s'il n'y aurait pas moyen d'accélérer cela et on va lui offrir nos services. Si l'entreprise dit non, d'accord.

C'est un organisme plus volontariste. Ce n'est pas un organisme passif, contrairement à certains organismes financiers comme la SDI. Mais il va être soumis aux mêmes règles de confidentialité. Dans ces cas-là, il fonctionne avec une seule entreprise qui a, la plupart du temps, ses propres capacités de recherche et dont il s'agit d'accélérer le programme de recherche et de développement. À l'article 17.1, on lit: "de prospecter les milieux de la recherche dans les domaines jugés prioritaires par le gouvernement...". Vous en concluez que l'agence devra agir dans les domaines jugés prioritaires par le gouvernement. Ce n'est pas le cas. On dit simplement que l'agence devra être attentive aux secteurs et aux domaines qui ont été jugés prioritaires dans des politiques gouvernementales. Ce qui a été mis dans les politiques gouvernementales relève de l'initiative de personnes. Par exemple, il y a cinq ans, il n'y avait pas beaucoup de gens qui parlaient de biotechnologie et de bioindustrie, mais depuis, parce qu'il y a des chercheurs qui s'y sont intéressés, parce qu'on sent qu'il y a des développements de ce côté-là, c'est devenu une des priorités gouvernementales dans le virage technologique. Tout ce que cet article dit, c'est que, dans la prospection, l'agence devra être plus attentive à ces domaines qu'à d'autres. Mais si vous lisez l'article 20 - je reconnais qu'il y a peut-être moyen de préciser l'article 17.1 - on dit: "L'agence peut accorder une aide financière, aux conditions et selon les limites qu'elle croit devoir fixer, pour la réalisation de projets de valorisation de la recherche dans les secteurs d'activités qu'elle détermine." Cela veut dire qu'au moment d'agir, il n'est pas question pour l'agence d'écarter des projets qui sembleraient prometteurs tout simplement parce que cela n'a pas été prévu dans une politique gouvernementale. Le cas échéant, on tue toute possibilité d'évolution et d'innovation. Comme il y a un certain nombre de secteurs qui ont fait l'objet de consensus dans la société, qui se sont retrouvés dans des politiques gouvernementales, dans sa prospection d'idées, l'agence va plutôt regarder de ce côté au lieu de s'en aller dans toutes les directions.

M. Dufour: M. le Président, est-ce qu'on pourrait s'attarder à cela? Cela nous paraît crucial. C'est le fondement même de la loi. Même avec les explications du ministre, on pourrait continuer à faire une lecture différente de ce qu'il vient de dire. Hier, dans le mémoire de l'École polytechnique, il y avait une proposition d'amendement très claire à l'article 17. Je vous la lis, sous réserve d'autres textes. Ce que vous venez d'énoncer, est-ce que cela exprime à peu près l'idée de l'École polytechnique lorsqu'on demande de "consulter les milieux de recherche en vue d'identifier des idées et des technologies nouvelles à valoriser dans des produits et des procédés nouveaux"? Là, c'est en consultation. Ce n'est pas un choix prioritaire du gouvernement selon ce qu'il détermine.

C'est donc l'esprit de ce texte. Je peux vous faire engager, vous avez le texte de l'École polytechnique. C'est à peu près dans ce sens qu'il faut comprendre l'article 17.1.

M. Paquette: Je pense qu'on n'est pas au moment des engagements gouvernementaux...

M. Dufour: Je suis d'accord.

M. Paquette: ...mais bien au moment de l'expression d'opinions des intervenants. Est-ce que cette formulation vous plaît?

M. Dufour: Elle clarifie au moins un point: Ce n'est pas parce qu'il y a eu une politique gouvernementale de développement économique qu'on va valoriser...

M. Paquette: ...uniquement ces secteurs.

M. Dufour: ...la Gaspésie, par exemple, parce que c'est là qu'on trouve une technologie nouvelle. Pour nous, ça ne peut pas être sélectif, ça ne peut pas être sectoriel; ce doit être fait avec le milieu, en tenant compte des propositions de M. Gendron, avec son développement des régions, etc. Ce doit être fait avec le milieu. Si c'est dans cet esprit, déjà, la démarche est très différente.

Si vous me permettez une remarque, toujours là-dessus, sur l'article 17.1, en

répondant à M. Beauregard, vous avez dit: Nous, comme agence, nous allons tenter, pour le respect de la liberté des gens, par nos conseillers qui iront dans les entreprises, de respecter les règles de la fonction publique. J'imagine que ce sera une société d'État.

M. Paquette: Une corporation publique.

M. Dufour: C'est-à-dire que le personnel serait assujetti aux règles de la fonction publique?

M. Paquette: Oui.

M. Dufour: Donc, à la confidentialité, j'imagine. Comment pourrait-on garantir que dans deux ans on ne pourra pas lire sur votre agence ce qu'on lit aujourd'hui dans votre brochure concernant le CRIQ: "La préoccupation de la valorisation de la recherche est l'un des éléments qui fut à l'origine du CRIQ"? Tout ce que vous venez d'exprimer, cela n'a pas abouti, pourquoi cela aboutirait-il par l'agence? Quelles sont les garanties qui vont faire que cela va aboutir avec l'agence alors que cela n'a pas abouti avec le CRIQ?

M. Paquette: II y a une différence tout à fait fondamentale. Tout d'abord, le CRIQ a été le premier organisme gouvernemental qui s'est intéressé au développement technologique, au développement de la recherche industrielle. Il avait un très large mandat, multidimensionnel. Il s'est développé dans certains secteurs. Vous allez facilement concevoir qu'un organisme comme le CRIQ, qui a identifié à peu près 3000 PME au Québec susceptibles d'innover et de bénéficier de ses laboratoires, de ses équipes de recherche, parce qu'elles n'ont pas le moyen de s'en payer elles-mêmes, a, par la force des choses, concentré ses activités sur les demandes qui lui étaient faites par les entreprises. C'est le champ principal, c'est l'expertise du CRIQ, c'est le développement technologique, la mise au point de procédés, l'innovation continuelle pour permettre aux petites et moyennes entreprises qui n'ont pas les moyens de se payer du personnel de laboratoire et des équipements de se maintenir compétitives.

Il y a une autre raison. Il y avait la nécessité de se concentrer sur les choses les plus urgentes. L'autre raison est probablement liée au fait que le CRIQ n'a jamais été conçu comme un organisme de financement. Le CRIQ fait certains financements dans certains projets; je vous donne un exemple. On a le projet d'une entreprise dans le domaine des analyseurs biochimiques pour les hôpitaux. Le CRIQ a investi un certain montant pour aider cette entreprise à développer un peu ses études de marché et ses prototypes, sauf qu'il en est rendu au point où, n'étant pas un organisme de financement et les sommes requises étant plus importantes pour fermer l'écart qui mène à la production, il n'a pas les moyens, ce n'est pas dans son mandat, il n'a pas le capital de risque requis.

Troisièmement, le CRIQ, parce qu'il fait affaires, il doit faire affaires, il doit ouvrir ses portes à toutes les entreprises qui font appel à lui, est obligé d'apporter un certain comportement normé, est obligé de faire en sorte qu'il ne privilégie pas indûment des entreprises par rapport à d'autres qui sont en concurrence. Le CRIQ ne peut pas se faire sélectif. C'est un peu contradictoire avec son rôle de développement technologique et c'est pour cela que, dans la plupart des pays, on distingue généralement l'agent de développement technologique du gouvernement, celui qui a l'expertise scientifique, qui a les laboratoires, qui peut aider les PME, de l'instrument de valorisation de la recherche qui se fait beaucoup plus sélectif, moins normé, qui fonctionne sur un petit nombre de projets prometteurs, mais les appuie tout au long du processus qui mène de la recherche à la production, en mobilisant les ressources privées et publiques sur ce projet-là.

Je pense que cela explique très bien pourquoi le CRIQ n'a jamais pu vraiment développer ses activités de valorisation de la recherche, bien qu'il soit devenu un excellent agent de développement technologique au service des PME.

Il y en a certains aussi qui confondent transfert technologique et valorisation de la recherche. Le CRIQ fait beaucoup de prospection pour des licences, notamment à l'étranger, qui pourraient être assumées par des petites et moyennes entreprises québécoises. Ensuite, il les offre à ses clients. C'est du transfert technologique, ce n'est pas de la valorisation industrielle de la recherche, et je pense qu'il est parfaitement équipé pour faire cela.

Il y a une tendance qui veut qu'on regrouperait cela dans des organismes existants. Si on accolait à un organisme qui fonctionne relativement bien, qui a quand même un personnel élevé de 300 personnes comme le CRIQ, des fonctions un peu disparates et contradictoires jusqu'à un certain point avec certaines parties de son mandat, est-ce qu'on n'aurait pas une patente plus grosse, donc plus bureaucratique, moins centrée sur les projets innovateurs et qui risquerait d'être moins efficace?

M. Dufour: À ce moment-là, M. le ministre, pourquoi pas chez vous? On vient de créer un ministère.

M. Paquette: La dernière question que

vous m'avez posée est celle-là. Évidemment, on y a pensé. On s'est dit: Pourquoi ce ne serait pas une direction du ministère? Il y a un certain nombre de raisons pour cela. Premièrement, quand il s'agit de faire affaires avec des milieux universitaires et des entreprises, la présence gouvernementale est - je pense que c'est un fait reconnu -moins bien acceptée quand il s'agit d'un ministère. Cela a l'air du gouvernement qui arrive avec ses gros sabots. Si c'est une agence qui a une autonomie d'action, les gens la percevront plus comme un agent actif qui se place un peu sur le même pied qu'eux, mais qui est un agent catalyseur. Ils sauront que c'est financé par le gouvernement et ils sauront que ce n'est pas l'agent qui s'en vient imposer les politiques gouvernementales et surtout qui vient prendre le contrôle des projets ou des entreprises. C'est un premier point.

Deuxièmement, il y a la souplesse et la rapidité d'exécution. Dans les secteurs de haute technologie, il faut souvent se tourner vite et un ministère est soumis à des normes et des contraintes parce que son objet est très large. À l'intérieur du gouvernement, on établit des mécanismes de contrôle qui sont un peu plus souples au niveau d'une agence. Finalement, dans une agence, on peut avoir un conseil d'administration - cela répondra à une autre de vos questions - qui fait place à des gens du milieu.

Il y a d'autres agents qui, à un point ou l'autre du processus d'innovation, sont intéressés. Avec un conseil d'administration, on pourra avoir un représentant du CRIQ, du CIIM, on pourra avoir des représentants du monde des affaires, des milieux universitaires, des milieux les plus vitalement intéressés au processus d'innovation qui éclaireront l'action de l'agence de leur expertise.

À cet effet, je vous signale le dernier paragraphe de l'article 5 où on dit: "Au plus quatre des membres du conseil d'administration peuvent être choisis parmi les membres des organismes des secteurs public et parapublic ou parmi les membres de leur personnel." C'est une autre façon de dire qu'on pense que la majeure partie des membres du conseil d'administration de l'agence doivent provenir des milieux industriels et du milieu des affaires. On pourrait peut-être le formuler de façon positive plutôt que négative, mais l'objectif est là. (11 h 30)

M. Gratton (Émile): Merci, M. le ministre.

M. Paquette: M. le Président, après avoir répondu à ces questions, j'avais encore... Ah! Je m'excuse.

Le Président (M. Blouin): Oui, M.

Gratton.

M. Gratton (Émile): M. le Président, M. le ministre, j'aimerais faire un commentaire si vous voulez sur la formation de l'agence telle que vous l'avez expliquée. À l'intérieur de mon entreprise en particulier lorsqu'il y a un groupe de travail ou un groupe d'analyse qui est formé pour revoir les projets de recherche en détail avec les gens de la recherche, il y a déjà une certaine méfiance qui existe dans le groupe de la recherche ou parmi les chercheurs eux-mêmes. Il y a aussi une certaine réserve à l'intérieur de l'entreprise de laisser certains secrets de nouveaux produits ou de nouveaux développements, de laisser paraître ces secrets à d'autres secteurs à l'intérieur de la même entreprise. Je reviens au point que je faisais au tout début: je doute que l'entreprise elle-même puisse accepter, lorsqu'elle a certains tabous à l'intérieur, une agence qui vient en plus de cela de l'extérieur.

Le Président (M. Blouin): Merci M. Gratton. M. le ministre.

M. Paquette: Sur cette dernière remarque, M. le Président, je dois vous dire que quand il s'agit d'aller regarder ce qu'il y a à l'intérieur d'un brevet et d'aller voir de façon très précise les plans et devis, je le comprends parfaitement. C'est une réalité dont l'agence devra tenir compte, qu'il y a nécessité de ce qu'on appelle le secret industriel, c'est évident. Mais je tiens à vous dire qu'au-delà de cela, on a visité - je l'ai fait en janvier-février - beaucoup d'entreprises dans des secteurs de haute technologie. Je suis en train de compléter une tournée des centres de recherche industrielle. On a eu des discussions avec l'agence des directeurs de la recherche industrielle qui dirige les services de recherche et dont un représentant est venu nous parler hier. On en a déjà beaucoup de demandes de subventions de ces entreprises pour une aide financière. Dans leur cas, ce n'est pas tellement l'aide technique, ils ont généralement pas mal de ressources à l'intérieur, mais ils se disent: On est en compétition sur le plan international. Si on veut pouvoir continuer à exporter et à être compétitif sur les marchés internationaux, il faudrait qu'on accélère notre programme de R-D. Dans certains cas, ils n'ont pas encore les reins assez solides. Ce ne sont pas toutes des multinationales; souvent, ce sont des entreprises en émergence. Elles disent: Elles n'ont pas toutes les possibilités d'accélérer notre programme de R et D et il faudrait qu'on le fasse. Si on le fait, on met... Autrement dit, le risque est trop grand parfois et cela prend un supplément d'aide de l'État si on pense que le développement

technologique est au coeur de notre développement économique et que l'avenir et la compétitivité de nos entreprises dépend de leur capacité d'innovation technologique et donc, de l'accélération de leur programme R et D. Vous seriez surpris des entreprises - ce n'est pas à moi de les mentionner - il y en a même de très grandes qui nous amènent des projets qu'elles veulent faire conjointement avec nous. On n'a pas d'instruments pour le faire. L'agence pourra s'engager dans ces dossiers.

Le Président (M. Dlouin): Merci, M. le ministre.

M. Paquette: J'aurais encore deux petites questions. Je vais essayer - je vois que le temps passe - de me limiter.

Le fait que le ministre délégué à la Science et à la Technologie puisse donner des directives à l'agence et que, à la suite de l'approbation de ces directives par le gouvernement, elle sera tenue de s'y conformer, cela existe dans toutes les lois. Vous regarderez la Loi sur la SDI, je pense qu'elle a été presque copiée sur les articles de la SDI. L'idée, c'est de regarder en termes de normes. Le CRIQ également possède ce genre de disposition dans la loi. Cela permet simplement de s'assurer qu'il y ait quand même une dynamique entre l'agence et le gouvernement. Je ne sais pas si le Conseil du patronat a déjà fait ce genre de reproches au gouvernement, que les fonds publics étaient mal contrôlés par le gouvernement et par le Parlement. C'est un reproche qu'on nous fait et souvent, les mêmes personnes du même souffle nous disent: Éliminez donc tous les points qui permettraient au gouvernement de suivre de plus près les activités et les organismes publics. Alors, on voudrait que lorsqu'il y a un problème, c'est difficilement prévisible, mais lorsqu'il y a un problème d'orientation ou que l'agence se pose des questions sur ses modes de fonctionnement, on puisse lui donner des directives. Par exemple, une des directives qui me vient à l'esprit tout de suite, c'est: on va préparer un protocole d'entente avec le CRIQ pour l'échange des services, alors vous êtes tenus de vous conformer à ce protocole d'entente. Il faudrait quand même avoir la possibilité de leur dire cela.

M. Gratton (Émile): Si vous me permettez de commenter cela, votre explication est pleinement acceptable. C'est normal que le ministre soit responsable devant l'Assemblée nationale du fonctionnement d'une agence. Vous auriez peut-être intérêt à revoir le texte parce que les mots utilisés sont très directifs. Quand on soulève cela, c'est dans le contexte de 17.1 actuel, vous voyez le lien. Cela veut dire: Choisis et nous, on va te dire... Votre explication nous satisfait. C'est normal qu'il en soit ainsi.

Le Président (M. Blouin): Est-ce qu'il y a un autre point, rapidement, s'il vous plaît?

M. Paquette: Oui, j'ai un dernier point, M. le Président. Il y a aussi un autre article dans la loi qui dit que les directives sont déposées à l'Assemblée nationale et peuvent être discutées, de sorte que tout cela est du domaine public. Je pense que c'est un point important à préciser dans la loi.

Voici ma dernière question. Vous proposez de tout mettre en oeuvre pour créer un climat favorable à la recherche industrielle au Québec. Je vous dirais que le principal - en ce qui me concerne dans mes responsabilités ministérielles - moyen de créer un climat favorable à la recherche industrielle au Québec, c'est qu'on valorise les inventions, qu'on fasse connaître les succès québécois plutôt que de les diminuer, plutôt que de donner une image négative du Québec à l'extérieur. Autrement dit, c'est dans les ressources que les entreprises et la société vont consentir au développement technologique et à prendre le virage technologique qu'on va créer un climat favorable. Le succès entraîne le succès. C'est un des éléments. On propose ce projet-là, c'est un des éléments.

Voici la question que j'aurais tendance à vous poser puisqu'on est avant la deuxième lecture. Est-ce que vous pensez que le gouvernement devrait aller de l'avant avec ce projet? Si oui, on a parlé un peu des conditions, quelles sont les conditions qui vous apparaissent les plus importantes pour assurer le succès de cette entreprise-là?

M. Dufour: Quant à la question du climat, M. Paquette, je pense bien qu'on le recherche tous, peut-être avec des moyens différents, mais on recherche tous la création d'un climat favorable aux investissements. Pour nous, vous êtes un ministre à vocation économique qui, à l'intérieur du Conseil des ministres, avez la responsabilité de véhiculer, comme d'autres ministres à vocation économique, de véritables préoccupations du milieu des affaires. Vous connaissez mieux que quiconque, pour les côtoyer, les problèmes de fiscalité, de relations du travail, qui sont créés par les ministères que l'on appelle à vocation sociale ou culturelle. Souvent on n'entrevoit pas l'impact négatif d'une législation sur ce que vous tentez de faire au niveau de la recherche et du développement.

Exemple, si vous avez des législations du travail qui ne sont pas tellement acceptées par nos entrepreneurs québécois, vous aurez beau faire tous les efforts de

recherche et de développement, M. le ministre, vous allez rater. C'est dans ce sens-là qu'on dit qu'il faut créer un climat favorable. Il nous apparaît que, comme ministre responsable du développement économique à l'intérieur du ministère, nous on se retrouve dans ce cheminement comme étant un peu notre porte-parole.

Quant à ce que la loi veut véhiculer, émondons cela de tout ce qu'on a pu dire. Il y a deux choses dans ce projet de loi, soit la création d'une agence de financement à toutes fins utiles dans la recherche et le développement. Ne nous cachons pas derrière trop de paravents, c'est fondamentalement du financement. Tant mieux qu'il y ait de la promotion, de la valorisation, vous en faites déjà comme ministère, d'autres organismes en font. C'est un organisme un petit peu de financement. Vous dites que devant ce projet de loi, on va essayer de vous aider, comme gouvernement, à dégraisser l'appareil gouvernemental dont vous nous parlez constamment en créant le moins d'agences possible. C'est ce qu'on est venu vous dire aujourd'hui: le moins possible. Vous en proposez une autre, on ne peut pas être d'accord. Vous nous dites que vous entendez dégrossir l'appareil de l'État. Il y en a une autre.

M. Paquette: II y a une différence entre une direction générale dans un ministère de 20 à 30 personnes, 20 à 30 personnes de plus au CRIQ ou 20 à 30 personnes dans une agence.

M. Dufour: Oui, mais... Bien non, on a fait le même débat M. Paquette il y a deux ans ici quand on a créé la...

M. Paquette: Vous êtes d'accord que cela va quand même prendre du monde pour administrer ces fonds.

M. Dufoun Oui, mais là vous créez une structure.

M. Paquette: Bon, c'est peut-être mieux de les mettre là qu'ailleurs.

M. Dufour: Vous avez toute l'infrastructure qui existe déjà dans les autres secteurs. Déjà il y a des infrastructures que vous n'avez pas besoin de créer. Un million, c'est l'Institut national de productivité. C'est ce qu'on a bâti il y a deux ans et qu'on a rattaché au MICT. On a fait le même débat il n'y a pas tellement longtemps avec la création de la Commission des normes du travail. On est la seule province à avoir une Commission des normes du travail. Dans toutes les autres provinces, c'est rattaché au ministère du Travail. Nous, ici, on a mis sur pied une belle structure qui nous coûte 20 000 000 $ par année.

Pourquoi? Je ne parle pas de vos 10 000 000 $ de financement parce que, qu'ils soient donnés par la SDSI, par vous ou par d'autres, ils iront dans le réseau; c'est la structure que cela implique et c'est ce que nous remettons en cause.

M. Paquette, vous êtes le législateur et, si vous optez pour une agence, alors optez pour une agence. La seule chose qu'on va vous demander sera d'appliquer à votre loi ce que vous avez fait comme législateur dans le cas de la création de la Commission d'accès à l'information, où vous vous êtes entendus sur un "sunset law". Je cherche le texte ici. Vous avez décrété comme législateur - projet de loi 65, comme référence - vous créez une commission, vous en avez créé une autre: "La commission doit au plus tard... faire un rapport au gouvernement sur la mise en oeuvre de la présente loi, sur l'opportunité de la maintenir en vigueur et, le cas échéant, la modifier. Ce rapport est déposé dans les quinze jours... Le président convoque, dans un délai d'un an à compter du dépôt du rapport, la commission permanente de l'Assemblée nationale pour étudier l'opportunité de maintenir en vigueur ou, le cas échéant, de modifier la loi, d'entendre les personnes qui sont concernées... et de remettre en cause la commission."

Nous suggérerions le même genre de clause. À tout le moins, si on s'embarque, on s'embarque pour un an mais cela fera l'affaire de tous les groupes intéressés. C'est une décision politique que vous avez déjà prise comme gouvernement. C'est cela en conclusion... Bien sûr, en exceptant qu'au départ, vous avez clarifié votre mandat dans le sens où vous l'avez dit tantôt.

Le Président (M. Blouin): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier les représentants du Conseil du patronat du Québec pour leur excellent mémoire. Je partage et je crois que je pourrais dire que notre formation politique partage, dans une grande mesure, vos orientations et vos préoccupations. Il y a là-dedans plusieurs éléments que j'ai beaucoup appréciés. Je parle d'abord de votre position sur le rôle de l'État vis-à-vis du développement économique et donc le développement de la recherche.

Deuxièmement, l'accent que vous avez mis sur ce que vous attendez de l'État comme conditions afin d'assurer un climat propice aux activités de recherche. J'ai une question là-dessus. Troisièmement, j'aimerais le souligner, j'ai eu beaucoup de plaisir à lire à la page 6 la citation de Klein and Meckling, aux États-Unis. C'est un phénomène ce paradoxe apparent. "Le développement industriel est à la fois moins

coûteux et plus rapide lorsqu'il survient dans des conditions de duplication, de confusion et de relative inorganisation entre des unités de recherche travaillant en parallèle." Je crois que c'est un témoignage que nous avons entendu à plusieurs reprises lors de notre discussion sur le projet de loi 19.

Pourriez-vous expliciter un peu ces conditions propices que vous cherchez? Pourriez-vous nous donner quelques exemples concrets pour illustrer l'importance de ce climat propice?

M. Dufour: Je vais les rappeler de façon très générale et on va demander à quelqu'un qui a l'expérience concrète d'un centre de recherche comment cela se vit dans son centre. Les milieux patronaux véhiculent toute une série de préoccupations mais, par rapport aux centres de recherche de façon plus particulière, il y en a deux: c'est vraiment le problème de la fiscalité et le problème de la langue d'enseignement. Ce sont des chercheurs très mobiles, et ce sont les difficultés qui sont éprouvées. Ne s'appliquent pas tellement, dans le cas spécifique de la recherche, d'autres problèmes qu'on identifie de temps à autre. Par exemple, les problèmes de relations du travail qui peuvent se vivre dans l'usine ne se vivent pas tellement dans les centres de recherche. Il faut donc faire des distinctions quand on parle de climat général entre un certain nombre de problèmes dans des situations particulières et d'autres. (11 h 45)

De façon concrète, M. Gratton, on peut illustrer à Mme Dougherty ce que vous avez vécu comme directeur de recherche.

M. Gratton (Émile): M. le Président, Mme Dougherty, nous devons absolument aller à l'extérieur du Québec pour aller chercher de l'expertise, des chercheurs, pour deux raisons fondamentales. Premièrement, il y a trop peu de chercheurs au Québec et, deuxièmement, il est nécessaire et fondamental d'aller chercher des chercheurs de souches différentes, qui viennent d'autres pays et d'autres universités avec des professeurs différents, pour être capable d'amener ce qu'on appelle un "cross fertilization" à l'intérieur du groupe de recherche. Lorsque nous allons, que ce soit au Canada, à l'extérieur du Québec, aux États-Unis ou un peu partout à travers le monde, les deux points que M. Dufour mentionne reviennent toujours en premier lieu. C'est la question de la loi 101 et, naturellement, la question de l'impôt des particuliers au Québec. On nous demande combien coûte l'impôt par rapport à un salaire donné et ils font la relation entre ce qu'ils paieraient s'ils étaient ailleurs, que ce soit au Canada, aux États-Unis ou ailleurs, et immédiatement ils nous demandent des salaires beaucoup plus élevés pour être capables de venir ou d'accepter l'emploi.

Naturellement, lorsqu'on fait cela, cela veut dire qu'on change complètement la structure salariale à l'intérieur de l'entreprise, ou qu'on paie moins les gens du Québec que ce qu'on paie aux gens de l'extérieur, et on ne peut pas tolérer cela.

L'autre raison, naturellement, c'est la question de la langue. Comme M. Dufour le mentionnait, les gens sont très mobiles et ils ne veulent pas nécessairement passer des années dans un pays donné ou dans un endroit donné. Alors, ils veulent venir et garder une certaine langue qu'ils parlent, avec certaines prérogatives et, lorsqu'on arrive avec la loi 101, c'est sûrement un obstacle majeur auquel ils doivent faire face. C'est pour cela que nous avons énormément de problèmes, au Québec, à trouver des chercheurs qui viennent d'ailleurs que du Québec.

Mme Dougherty: Sur cette question, le problème d'attirer les chercheurs d'ailleurs, dans votre mémoire, vous avez dit: "L'exemption prévue pour un séjour temporaire au Québec est encore considérée comme insuffisante." Nous avons souvent soulevé ce problème au gouvernement et nous obtenons toujours la même réponse. C'est que le séjour temporaire existe et tout marche bien à cause de cela. Ce n'est pas vrai, si je comprends bien?

M. Dufour: D'abord, je voudrais bien préciser que, si nous soulevons ces questions dans ce mémoire, il est bien évident que nous n'attendons pas de M. Paquette la réponse à ces problèmes. Que nous sachions, il n'a pas encore la responsabilité du ministère des Finances ou de la loi 101. Tout ce qu'il débat comme problème, il peut le débattre - c'est le point que je soulevais tantôt - il peut avancer les meilleurs organismes, les meilleures structures et avoir l'argent, mais, s'il n'y a pas ce climat, nous allons avoir un problème.

La réponse que l'on nous fait du côté du ministère de l'Éducation... Maintenant, c'est M. Godin...

M. Paquette: Le ministre responsable de l'Office de la langue française.

M. Dufour: On nous dit: Le problème ne se pose pas dans les sièges sociaux et les centres de recherche, parce que vous avez droit à un permis temporaire de trois ans qui est renouvelable. C'est vrai, c'est exact, mais ce sont des questions de perception...

M. Paquette: ...

M. Dufour: C'est comme cela, M. Paquette, je voudrais bien changer le monde,

mais la réalité est ainsi. C'est ce qu'il nous dit. Quand les gens se font dire: Vous allez être obligés d'aller chercher un certificat... Je pense que M. Paquette n'est pas d'accord, mais c'est cela la vraie vie.

M. Gratton (Émile): En fait, on met un obstacle additionnel et majeur à ce moment à favoriser l'emploi de cet individu. Premièrement, on doit l'intéresser à l'entreprise, parce qu'il y en a plusieurs qui recherchent des chercheurs. Alors, ils vont poser énormément de questions pour savoir quelle entreprise va être plus favorable à leur propre développement plutôt qu'au développement de l'entreprise et, lorsqu'on met trop d'obstacles majeurs, comme la question de la loi 101 et la question des impôts, c'est assez, dans certains cas, pour les diriger vers d'autres centres.

Mme Dougherty: Merci.

Ma deuxième question: À la page 7, vous avez posé une question très importante. Vous avez dit: Y a-t-il une activité suffisante pour alimenter cette nouvelle structure? Vous parliez de l'agence et vous avez donné quelques éléments de réponse. J'aimerais que vous parliez surtout peut-être de l'évolution d'autres organismes comparables dans d'autres juridictions ou d'autres pays, comme ANVAR, par exemple, un organisme en Grande-Bretagne.

Deuxièmement, la question des brevets des ministères que vous avez soulevée comme élément de réponse. Voudriez-vous clarifier cela?

M. Dufour: Oui, M. Beauregard.

M. Beauregard: D'abord, les agences comparables à ce qu'on nous présente dans d'autres pays. On retrouve dans la publicité même du ministère de la Science et de la Technologie trois exemples d'ANVAR en France, un organisme comparable en Grande-Bretagne et un autre en Finlande. D'abord, si on peut parler de l'ANVAR, c'est un organisme qui a été mis sur pied il y a certain nombre d'années et, devant le succès retentissant de l'organisme en question, on a été obligé de le modifier à plusieurs reprises pour en faire, à toutes fins utiles maintenant, un organisme qui est un canal de subventions, un canal de financement de la recherche et pratiquement rien d'autres. Pourtant, l'ANVAR avait un mandat extrêmement plus large avant et la chicane a pris - cela n'a pas été très long - entre le CNRS en France qui fait de la recherche et l'ANVAR, qui essayait de faire de la valorisation industrielle de la recherche. Donc, on a modifié ces mandats-là pour arriver à une espèce de canal de financement.

Maintenant, il faut dire qu'en France, il n'y a pas de CRIQ. En France, il y a un organisme qui s'appelle le CNRS qui fait de la recherche surtout fondamentale, ce qui n'est pas tout à fait le cas du CRIQ. Donc, à mon avis, on essaie de nous servir des exemples qui collent plus ou moins bien avec la réalité québécoise. J'aimerais mieux qu'on aille voir, pour trouver des sources d'inspiration, des pays avec lesquels on peut, peut-être un peu plus facilement, se comparer. La Finlande, je veux bien, mais j'aimerais mieux qu'on aille voir aux États-Unis. La Grande-Bretagne, en termes de développement technologique, de succès économique, jusqu'à maintenant a peu de leçons à servir à qui que ce soit.

On peut peut-être aller faire un petit tour du côté du Japon. Contrairement à des opinions qui circulent beaucoup, on a un peu l'impression souvent qu'au Japon, toute la recherche industrielle et tout le développement technologique sont planifiés par le gouvernement. Il faudrait peut-être aller voir d'un peu plus près. Ce n'est pas tout à fait comme cela que cela se passe, d'autant plus que là-bas, il y a une philosophie sociale de très grande collaboration entre tous les partenaires économiques. On parle d'une autre société, mais on parle d'un autre système. Donc, les autres agences auxquelles on peut faire référence, je dirais peut-être la plus près, c'est l'ANVAR. Et, l'ANVAR, devant ses échecs répétés, a dû être modifiée pour ne devenir qu'un canal de subventions, de financement.

Je reviens un peu à ce qu'on disait tantôt. Au Québec, nous disposons d'organismes existants qui pourraient faire ce travail-là. On a parlé du CRIQ, on a parlé de la SDI. Il est bien évident que le CRIQ actuellement n'a pas les 10 000 000 $ pour faire ce volet du travail dont l'AQVIR serait dotée. Pourquoi ne pas lui donner et lui laisser faire le travail pour lequel elle est bien préparée? Ce serait un travail qui, contrairement à ce que M. le ministre a dit tantôt, peut constituer un deuxième volet d'un vaste plan d'ensemble. Ce sont deux volets très conciliables. J'entendais récemment M. Parizeau dire qu'on peut être catholique et végétarien en même temps. On peut faire en même temps ces deux volets-là de la recherche aussi. Donc, l'ANVAR dont on parle beaucoup n'est pas, je crois, un bon exemple.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Mme la députée...

M. Beauregard: Excusez-moi, je voudrais seulement ajouter...

M. Dufour: Elle relève du MIC.

M. Beauregard: L'ANVAR, en France,

relève du ministre de l'Industrie et du Commerce, parce que cela semble aller là.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Mme la députée de Jacques-Cartier.

M. Raquette: ...qui circule. On est censé laisser passer.

Le Président (M. Blouin): Vous pourrez intervenir tout de suite après.

Mme Dougherty: Hier soir, nous avons posé cette question à M. Biron et le ministre nous a informés que c'est actuellement sous la tutelle du ministre de l'Industrie et de la Recherche, je crois. C'est l'information du ministre. Est-ce vrai?

M. Paquette: M. le Président, il y a peut-être un certain nombre de questions. De fait, en France, le ministère de la Recherche et le ministère de l'Industrie ont été regroupés l'an dernier. Alors, c'est le ministère de l'Industrie et de la Recherche. Ce n'est pas surprenant que l'ANVAR relève de ce ministère. D'autre part, il y a environ quinze centres de recherche appliquée spécialisés en France qui se partagent le rôle du CRIQ. Le CRIQ peut être vu comme un regroupement de centres spécialisés, parce qu'il y a une section électronique, une section métallurgie, etc. Il y a trois ou quatre secteurs où le CRIQ excelle. Les Français ont préféré faire des centres de recherche appliquée qui aident et appuient la petite entreprise et cela ne les a pas empêchés de créer une agence dont le rôle a été modifié. Justement notre projet se compare à la nouvelle ANVAR, parce qu'on en a fait un organisme d'appui, de soutien technique à l'innovation et de financement de capital de risque. C'est exactement cela. De sorte que notre projet ressemble beaucoup plus à la nouvelle ANVAR qu'à l'ancienne.

Plus près de nous, vous regarderez la structure de IDEA Corporation, en Ontario. C'est un mandat beaucoup plus large que l'agence et, justement, il faut se demander si on doit créer des organismes avec des mandats aussi larges qui vont faire tout et rien.

M. Beauregard: Je veux simplement ajouter, concernant l'AQVIR, que la dernière transformation dont parle le ministre, c'est très juste, mais c'est une série de transformations pour essayer de sauver une agence qui ne fonctionne pas.

M. Paquette: Non.

M. Beauregard: Ses échecs répétés, je pense que, comme modèle, c'est difficile...

M. Paquette: II n'y a pas eu de constat d'échec en France à l'ANVAR. On a amélioré le processus comme c'est normal. À mesure qu'on évolue, les institutions doivent changer, s'adapter aux réalités. Il faut dire que l'ANVAR a été créée il y a 30 ou 40 ans. Qu'elle ait subi des transformations en cours de route; ce serait inquiétant de la part des Français si l'organisme était resté le même. Quant à l'organisme britannique, il fonctionne extrêmement bien. Le NRDC, en Grande-Bretagne, a connu d'énormes succès commerciaux à un tel point que, maintenant, il s'autofinance à même les redevances des projets auxquels il a participé.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: J'ai une dernière question, parce que j'aimerais donner la chance à mes collègues. Croyez-vous qu'il y a beaucoup d'inventions ou d'idées prometteuses qui restent sur les tablettes, faute d'action, faute de ressources, faute d'énergie de la part des universités, ou pour d'autres raisons? Qui devrait prendre l'initiative afin d'acheminer ces projets? C'est une des justifications, si je comprends bien, de l'agence.

M. Dufour: Peut-être que je comprends mal la question, mais vous voulez savoir s'il y a beaucoup de gens qui ont des idées et qui voudraient devenir innovateurs, créateurs et lancer des produits. Sûrement. Je me rappelle qu'au colloque que nous avons tenu au mois de mai sur le chômage des jeunes, il y avait un chef d'entreprise, et non pas le moindre, celui de IBM, qui avait lancé l'idée qu'on ait quelque part - j'espère qu'on ne formera pas une autre agence pour le faire -une banque d'idées de ce genre et que les jeunes puissent justement avoir un certain secours gouvernemental - là-dessus, on rejoint M. Paquette - un certain montant de financement pour faire démarrer une idée. D'après les mémoires qu'on a vus - c'est peut-être une façon indirecte de répondre à votre question - je pense qu'on est tous d'accord pour dire qu'il n'y a pas assez d'argent dans la recherche, de façon générale, et cela n'est pas un blâme purement pour les gouvernements. Cela peut être un blâme aussi pour le secteur privé, parce que, quand on regarde ce que consent, en termes de PNB, le Canada et le Québec à la recherche, c'est faible par rapport à d'autres pays. Qu'il y ait besoin de sources additionnelles de financement, Mme Dougherty, on est d'accord. Je pense l'avoir établi très clairement tantôt. Je le répète pour être bien clair. Ce ne sont pas les 10 000 000 $ dont il est question en termes de financement pour des nouveaux projets soumis à un tamis quelconque, parce que je

pense bien qu'on ne peut pas disposer de l'argent de l'État comme cela, il faut vraiment que ce soit dirigé vers les meilleurs créneaux possible. Il manque de financement. Donc, il y a des idées qui n'ont sûrement pas été développées, vous avez raison. On peut l'ajouter, il y a des idées que vous ne développez pas. (12 heures)

M. Gratton (Émile): Si vous me le permettez, j'aimerais faire une différence entre des idées qui peuvent mener à des brevets et des idées qui vont mener à des produits. Il y a une différence marquée entre les deux. Vous allez avoir des brevets sur certaines idées qui, malheureusement, ne sont pas réellement applicables dans le milieu, sur lesquelles on peut sortir des aspects intéressants au point de vue économique. Par contre, si vous avez des idées qui seront structurées pour développer un nouveau produit, qui n'auront pas nécessairement un brevet, à ce moment-là, je pense qu'on va gagner quelque chose. Le moyen de le faire, d'aller chercher toutes ces idées, c'est d'avoir des chercheurs professionnels, de pouvoir les former dans des universités, de les rendre disponibles à l'industrie.

Encore une fois, comme il a été mentionné dans le mémoire et comme M. Dufour l'a mentionné, il faudrait essayer d'enlever les obstacles qui existent présentement pour qu'on puisse les laisser fleurir, si vous voulez, dans le milieu global. Encore une fois, à mon point de vue en tout cas, l'agence aurait de la difficulté à faire ce que l'entreprise privée peut faire lorsque les obstacles seront enlevés devant l'entreprise privée en général.

Mme Dougherty: Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci. Il est un peu plus de midi et nous devons suspendre normalement à 13 heures; comme deux autres députés ont demandé la parole, je demanderais donc aux députés et aux invités d'essayer de terminer leurs échanges dans les plus brefs délais possible.

Mme la député de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. M. Beauregard et M. Gratton, vous êtes des directeurs de recherche. Vous avez donc à entrer en contact avec des chercheurs professionnels. Vous faisiez état tantôt de ce qui vous semblait être une difficulté de recrutement, à savoir la loi sur la langue française au Québec.

J'aimerais, compte tenu de l'expertise que vous possédez auprès de ces chercheurs professionnels, vous poser quelques questions. Vous disiez qu'il s'agit, à l'occasion ou assez régulièrement, d'une présence temporaire. C'est bien le cas, en fait? Donc, ce sont des gens qui sont appelés de par le vaste monde, si je comprends bien, à circuler, j'imagine, dans les pays où il existe des centres de recherche importants. Je pense à l'Allemagne, au Japon, aux Indes également, sans doute en Israël, en Algérie. J'en oublie et j'en passe, évidemment, et des meilleurs peut-être.

Je voudrais savoir comment ces divers pays reçoivent ces chercheurs. Est-ce que la situation qui prévaudrait dans ces pays serait différente de la nôtre? Est-ce que là-bas ils ont accès à des écoles publiques dans la langue en usage dans leur famille ou s'ils envoient, comme je le présume, les enfants aux Indes, en Israël, en Algérie ou en Allemagne dans des écoles privées? Quelle est la situation de ces personnes que vous rencontrez et qui ont à se déplacer, comme vous nous l'indiquiez, qui sont en situation de résidence temporaire dans certains pays?

M. Gratton (Émile): Si vous me le permettez, je vais essayer de répondre. Dans le milieu de la recherche, je dois dire que la langue anglaise est celle qui prime un peu partout au monde. Si vous avez un chercheur des Indes, du Japon ou de la Chine qui est intéressé à venir au Canada ou aux États-Unis, il devra premièrement posséder une bonne connaissance de la langue anglaise. Deuxièmement, s'il est intéressé à venir avec sa famille, il faudra que la famille aussi accepte, d'une certaine manière, de fonctionner à l'intérieur de ce milieu de langue anglaise. Généralement, on peut trouver de jeunes chercheurs - des gens d'à peu près 30 ans au maximum - avec une jeune famille pour qui, en général, il est assez facile de s'adapter au milieu. Mais cela va surtout demander un secteur d'adaptation pas uniquement dans une langue française, anglaise ou allemande mais d'être capable d'aller un peu partout.

Pour aller un peu plus loin dans votre question j'aimerais donner...

Mme Harel: Oui, parce qu'il n'est pas question de la langue d'usage dans le milieu du travail. Vous faisiez plutôt référence à la langue d'enseignement, si j'ai bien compris.

M. Gratton (Émile): II y a la langue d'enseignement, mais je voudrais parler aussi du global de la loi 101. Il y a aussi la langue de travail elle-même.

Mme Harel: Dans un centre de recherche?

M. Paquette: Dans un centre de recherche.

Mme Harel: On va revenir sur la langue de travail dans un centre de recherche, si vous voulez. Je voudrais vraiment que vous répondiez à ma question relativement à ces

chercheurs qui sont en résidence temporaire, qui, comme vous nous l'indiquiez, se déplacent. Pensons à des Américains ou à des Canadiens anglais plus particulièrement, qui ont à aller aux Indes ou au Japon. Quelle est la situation de résidence dans ces pays où ils ont séjourné?

M. Gratton (Émile): S'ils vont à l'extérieur, comme aux Indes, dans la plupart des pays à l'extérieur il y a des écoles internationales, que ce soit en français ou en anglais, qui offrent de très bons cours. Je peux donner en exemple l'Arabie Saoudite, où on parle arabe, mais il y a aussi des écoles internationales qui enseignent aux enfants le français et l'anglais. En général ces gens-là seront capables de s'adapter à ces milieux.

Mme Harel: Vous nous parlez de l'Arabie Saoudite. Ce sont des écoles internationales publiques subventionnées par les gouvernements. Est-ce qu'il y a d'autres exemples? Au Japon ou en Allemagne, ce sont des écoles privées, si je comprends bien.

M. Gratton (Émile): Ce sont des écoles privées et non publiques.

Mme Harel: La même situation peut prévaloir ici en ce qui concerne ces jeunes chercheurs temporaires?

M. Paquette: Mais oui. Mme Harel: Absolument.

M. Paquette: Voyons donc! Vous lirez la loi 101. Vous parlez à tort et à travers.

M. French: M. le Président, il y a deux écoles privées qui ne sont pas subventionnées par l'État. C'est vrai qu'on peut envoyer ses enfants à ces écoles, mais les autres écoles privées qui sont financées par l'État, partiellement par la province de Québec, n'ont pas le droit...

M. Paquette: Dans ces pays-là, les écoles privées ne sont pas financées par l'État.

M. French: Écoutez! Est-ce qu'on parle du Québec ou non, M. le Président? Je vais finir ma phrase. C'est au sujet des écoles privées au Québec. On n'a pas le droit...

Mme Harel: Je pense que M. le député n'a pas la parole.

Le Président (M. Blouin): Je vous permettrai d'intervenir dans quelques instants.

Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Donc, quant à la situation juridique de ces écoles, il s'agit d'écoles qui offrent d'excellents services et qui sont à la charge, si je comprends bien, des familles des chercheurs. C'est bien le cas? Je vous remercie. Ce sont de vraies écoles privées entièrement à la charge des familles.

M. Dufour: Sauf...

Mme Harel: Dans le vaste monde.

M. Dufour: ...si vous permettez. Vous avez adressé la question à un directeur de recherche, mais si on regarde de façon plus générale le problème de la loi 101 et de la langue et des écoles internationales comme vous avez en Suisse et dans d'autres pays, il y a appui financier et des entreprises et des gouvernements impliqués. Vous savez que c'est tout le dossier qui est actuellement débattu par la ville de Montréal, la chambre de commerce et le ministère de l'Éducation pour se donner à Montréal ce genre d'école internationale qui, pour nous, serait drôlement importante. On dirait: Bravo! Mais on trouve que cela prend du temps. Le cas échéant, on reviendrait peut-être moins souvent de façon fatigante, comme vous le voyez, avec notre problème de la langue d'enseignement.

Mme Harel: Vous voyez, M. le Président, qu'on a intérêt à en parler puisqu'à circonscrire le problème on se rend compte qu'il y a une solution qui serait opérationnelle et qui ne mettrait pas en cause la loi.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le député de Westmount.

M. French: Très brièvement, M. le Président, je ne pose pas de question.

Le Président (M. Blouin): Sur le même sujet, je présume?

M. French: Je veux clarifier la situation. Je ne parlerai pas du vaste monde parce qu'on peut débattre ce sujet très longtemps. Il y a plus d'écoles anglaises en Inde qu'à Québec.

Mme Harel: Elles sont privées.

M. French: Oui, à peu près 95% des écoles sont privées en Inde. La seule chose que je voulais souligner, c'est que l'école privée n'est pas une solution au problème d'un chercheur qui vient ici puisqu'il n'y a que deux écoles privées au Québec qui ne sont pas subventionnées par l'État et qui ont la liberté d'accepter n'importe quel étudiant. Les autres écoles privées sont sous les mêmes contraintes qu'une école publique par rapport à l'accueil des enfants de personnes

qui n'ont pas été éduquées en anglais au Québec...

M. Paquette: Quand elles sont subventionnées par...

M. French: Donc, l'école privée n'est pas une solution ici. L'école internationale serait une solution intéressante.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le député de Mont-Royal vous avez la parole.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président, j'aimerais l'exercer si mes amis me le permettent.

Le Président (M. Blouin): Je demanderais à tous les députés de permettre au député de Mont-Royal de pouvoir intervenir. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. Dufour, il me semble que vous soulevez des problèmes fondamentaux quant au succès économique, au climat économique et au succès des entreprises économiques qui va découler de tout effort de recherche. Vous avez un point de vue et il me semble que ce point de vue n'est pas partagé par le gouvernement. C'est presque un dialogue de sourds. Vous soulevez des problèmes fiscaux non seulement dans la recherche et le développement... Si quelqu'un doit gagner 73 000 $ par année ici pour avoir le même revenu que celui qui va gagner 60 000 $ ou 50 000 $ en Ontario, cela rend la compétitivité plus difficile et il sera plus difficile d'attirer les gens au Québec. On oublie que le Québec n'est pas situé en France, en Suisse, au Brésil. Le Québec est entouré par l'Ontario, le Nouveau-Brunswick et les États-Unis. Il faut être concurrentiel avec ces endroits. Montréal ne fait pas concurrence avec Rimouski, Montréal fait concurrence avec Toronto, New York, Boston et tout le reste.

Je n'ai aucun doute que le ministre et le gouvernement sont de bonne foi. Vous croyez à la façon dont vous augmenterez l'activité économique ici, c'est d'une certaine manière. Malheureusement, les gens du milieu, ceux qui sont vraiment responsables, non pas dans les théories et dans les projets de loi, ceux qui sont responsables d'oeuvrer tous les jours ont différents points de vue. Comme je l'ai dit, c'est un dialogue de sourds. On ne semble pas pouvoir convaincre le gouvernement d'écouter les gens qui doivent oeuvrer et qui sont responsables de produire les revenus et les taxes pour permettre que des projets de loi comme ceux-ci soient financés.

Commençons avec cela. Quand vous soulevez les questions fiscales, la question de climat, la question de pouvoir attirer ici les meilleurs cerveaux, parce qu'on ne peut pas, avec une population de 6 000 000... Même aux États-Unis, on n'est pas complètement suffisant; même aux États-Unis, il faut attirer des gens du monde entier. Comment pouvons-nous penser qu'on va prendre des règlements, qu'on va créer nos propres lois en dehors de la réalité mondiale pour créer nos centres de recherche? Dans un centre de recherche, par exemple, il y aura 125 personnes. Il y en a à Montréal qui vont représenter 65 pays différents et 85 universités différentes. Pensez-vous qu'on pourra établir ces centres de recherche et continuer avec des lois restrictives?

Il y a un problème fondamental de base que vous soulevez et qui ne semble pas être accepté. Alors, on ne peut pas le résoudre ici. La seule chose qu'on peut faire, c'est de continuer à faire des représentations au gouvernement. Comme vous l'avez dit, le ministre de la Science et de la Technologie a une mission économique. Il devrait vous représenter au Conseil des ministres. J'ai l'impression que le ministre ne semble pas partager cette approche. Peut-être que c'est une idéologie ou peut-être un manque d'expérience, je ne le sais pas, un manque d'expérience dans le monde de affaires. J'ai un manque d'expérience dans les milieux universitaires, je l'admets.

M. Paquette: Vous en avez beaucoup, vous. Le monde des affaires, vous connaissez cela.

M. Ciaccia: Je n'ai pas l'expérience dans tous les domaines, je l'avoue, mais je pense que vous pouvez avouer que le manque d'expérience dans le milieu des affaires vous porte à ne pas écouter le Conseil du patronat. C'est simple comme cela. Ce n'est pas un miracle. On n'a pas besoin d'avoir la tête à Papineau et ce n'est pas une insulte que je fais au ministre. Ce n'est pas une insulte du tout. J'admets les connaissances que je n'ai pas, mais je voudrais que tous les gens soient comme cela.

M. Paquette: Vous avez une grande expérience dans le monde des affaires.

M. Ciaccia: On ira, si vous voulez... En tout cas... Il y a ceux qui l'ont. Si ce n'est pas moi, au moins le Conseil du patronat en a. Si je n'ai pas l'expérience, je suis prêt à écouter ceux qui l'ont. C'est cela la différence dans l'approche.

M. Paquette: Écoutez donc un peu... Oui.

M. Ciaccia: On a un projet de loi, c'est du "patchage". Si on ne peut pas créer les conditions fondamentales pour permettre le développement économique, concurrentiel avec les pays ou les provinces autour de

nous, ce que nous ferons ici ne sera pas complet. Il va nous manquer quelque chose. On va essayer de faire le mieux qu'on peut. On va essayer de bonifier le projet de loi et essayer de comprendre ce que le ministre veut faire avec ce projet de loi, tenant compte des difficultés fiscales et linguistiques, du climat social, économique, politique.

M. de Bellefeuille: Surtout chez les libéraux.

M. Ciaccia: Ce n'est pas aussi sérieux que les...

Une voix: Un manque d'enthousiasme de la part de...

M. Ciaccia: Alors, je voudrais poser une question sur l'importance du capital de risque. Le ministre a donné un exemple tantôt qu'il y avait deux chercheurs qui n'ont pu faire financer, je présume, leur invention ou leur fabrication de prototype, etc. pour éventuellement, je présume, commercialiser ce produit. Le ministre a dit: Voyez-vous, c'est quelque chose que l'AQVIR va pouvoir faire. La question que je me pose, c'est s'il y a une invention ou un produit - parce que c'est arrivé au moment où les chercheurs ont sans doute trouvé quelque chose dans laquelle ils croyaient... On est, dans l'entreprise, dans un contexte nord-américain. Il ne manque pas de capital de risque. Les fonds sont là. Les banques ont beaucoup d'argent. Les sociétés qui fournissent - si j'ai vraiment une bonne idée, je pense que je n'aurai pas de difficulté à trouver quelqu'un qui va fournir les capitaux. Comment cela se fait? Est-ce que...M. le Président, j'essaie de poser des questions, protégez donc mon droit de parole.

M. French: C'est épouvantable de la part du gouvernement

Le Président (M. Blouin): D'autant plus que vous avez maintenant...

M. Ciaccia: Comment expliquez-vous...

Le Président (M. Blouin): D'autant plus, M. le député de Mont-Royal, que vous avez maintenant terminé votre préambule et que vous êtes dans le vif du sujet.

M. Paquette: ...

M. Ciaccia: M. le Président, je ne pense pas que vous devriez vous interroger sur mon droit de parole; je l'ai ou je ne l'ai pas.

Le Président (M. Blouin): Vous l'avez, et je vous engage...

M. Ciaccia: Bon, merci. Si je juge de faire un préambule de 19 ou 20 minutes vous n'avez plus affaire à moi. Est-ce que, dans le contexte où nous sommes, ces deux chercheurs vont aller au gouvernement et le gouvernement va dire: c'est un bon produit on va le financer? J'essaie de comprendre, est-ce que quelqu'un dans la fonction publique va être mieux équipé que l'industrie privée pour décider si cela est commercial, si c'est vendable? Si ces deux chercheurs n'ont pas pu trouver quelqu'un pour financer leur projet, c'est qu'ils n'ont pas contacté assez de personnes ou bien il a dû y avoir une réticence de la part d'industries privées de porter un jugement sur leur produit. Il y a beaucoup de produits comme M. Gratton l'a démontré, des brevets, toutes sortes de brevets mais qui n'aboutissent jamais. Est-ce que c'est vraiment le rôle du gouvernement de décider si cela est un bon produit, si on va le produire ou bien si ce devraient être les lois du marché? J'essaie de comprendre. Peut-être que vous pourriez expliciter là-dessus.

M. Dufour: Écoutez, cela va être très rapide parce que plus on continue plus on fait le coup à nos amis de l'AMC.

M. Paquette: Je vous écoute, c'est très important.

M. Dufour: Je pense que vous avez parfaitement raison, au départ, de dire que lorsque le risque est bon tu vas toujours trouver dans le secteur privé ou avec certaines agences gouvernementales - qu'il s'agisse de la banque fédérale - quelqu'un qui va te financer là-dessus, de façon générale. Cependant, je pense qu'il faut faire deux distinctions. Il faut faire une distinction entre la grande entreprise et la petite entreprise. Il faut faire une distinction entre ceux qui sont purement au stade d'une "idée tête folle" mais qui va conduire à quelque chose de grand - il n'y a pas beaucoup de banquiers qui vont le recevoir - et quelqu'un qui a vraiment quelque chose qui est solide, correct. Toutes ces distinctions faites, je pense que ce ne seront pas les grandes entreprises qui vont aller voir l'AQVIR quand elle va être sur pied. Je pense qu'on va tous être d'accord là-dessus. Elle va généralement selon les règles du marché, si elle est dans un secteur où les communications sont meilleures que dans l'autre. De toute façon, ils vont trouver du capital de risque.

Chez les PME, le problème se présente de façon différente avec le gars qui a un bon produit. Il pense avoir un bon produit, etc. Il va aller voir son banquier qui va le financer. Il reste que toute cette richesse d'idées qu'on ne peut pas exploiter parce que le banquier dit: Écoute, quand ton idée sera correcte, tu viendras me voir et, à ce

moment-là, nous l'explorerons et nous la financerons. C'est à travers cela que se situe l'intervention gouvernementale. C'est là qu'elle intervient. Il ne faut pas que cette affaire-là soit poussée au bout. Il n'y a pas de sommes énormes consenties là-dedans. Nous sommes totalement d'accord avec votre principe et c'est pour cela qu'il faut se donner des paramètres d'intervention de l'État qui soient des paramètres les plus précis possible. Je me répète mais c'est le seul secteur où on accepte une subvention de l'État parce qu'on dit: Si l'État ne le fait pas, peut-être que l'idée, qui peut être bonne - quitte à ce qu'on prenne un risque - ne se réalisera jamais. Mais dans de bons risques... Je signale, M. le Président, que c'est une dimension qu'il faudrait explorer davantage, tout ce qu'on appelle capital de risque dans la recherche.

Pour résumer notre proposition, nous sommes pour la révision du mandat donné à l'agence; nous souhaiterions qu'on n'ait pas à mettre sur pied une autre agence; s'il faut le faire - c'est le pouvoir politique qui décidera - nous demandons un "sunset law" d'un an. Un "sunset" c'est que de façon automatique, après un an, le projet de loi soit revu. C'est très américain, je m'excuse mais je pense que tout le monde comprend le "sunset". Après un an, on revient en commission parlementaire. Tout cela situé dans un contexte que je ne peux pas ignorer - M. Ciaccia a parfaitement raison - dans un climat favorable. Il n'est pas possible de créer des emplois et de développer l'entreprise comme telle avec certaines contraintes; quand on parle de recherche, c'est encore pire et cela ne sera pas possible s'il n'y a pas certains règlements de problèmes fiscaux.

D'ailleurs, je vais le dire, le ministre des Finances est d'accord. Notre message final à M. Paquette c'est que nous le considérons vraiment comme un ministre à mission économique et nous voulons qu'il réussisse sa mission.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: J'aurais seulement une autre question, s'il vous plaît. Je pense que vous avez pris connaissance de la brochure qui a été préparée par le ministre. Je ne sais pas si vous avez eu la même impression que moi mais la description des mécanismes dans cette brochure ne semble pas être reflétée dans la loi. Autrement dit, la loi semble aller beaucoup plus loin que le processus que le ministre a décrit dans sa brochure et même dans ses explications durant les travaux de cette commission.

Plusieurs intervenants ont fait référence à l'article 17. Je ne sais pas si vous avez déjà répondu à cette question sur l'article 17, notamment les paragraphes 1 et 2. Je voudrais savoir, en dehors de la théorie, de la lecture de cet article, ce que vous pensez du caractère pratique de ces deux paragraphes. Je voudrais vos commentaires là-dessus.

Le Président (M. Blouin): M. Dufour, succinctement en évitant les répétitions.

M. Gratton (Émile): M. le Président, M. le député, à mon point de vue...

M. Ciaccia: Je ne veux pas contrecarrer les directives du président. Je respecte la présidence. Je ne voudrais pas qu'on donne l'impression qu'on veut restreindre et qu'on met des pressions sur nos intervenants et sur leur droit de parole. Je pense qu'on voudrait leur donner toute la latitude possible, spécialement parce qu'on est en commission parlementaire avant la deuxième lecture. C'est très important d'avoir toutes les recommandations, les idées qui pourraient nous être fournies par les intervenants. Je ne pense pas qu'on ait eu de restrictions hier. J'aimerais pouvoir continuer dans la même ouverture.

Le Président (M. Blouin): C'est exactement l'esprit, M. le député de Mont-Royal, de l'intervention que j'ai faite. Il faut avoir tous les renseignements, toutes les opinions, mais éviter, dans la mesure du possible, de les répéter un certain nombre de fois. Je vous rappelle aussi que le mandat de cette commission est d'entendre les personnes et les organismes en regard du projet de loi 37. Nous devons aujourd'hui entendre cinq organismes qui ont été convoqués. Je crois que, par déférence envers ces organismes, nous devons, dans la mesure du possible, essayer de maintenir une certaine cadence pour pouvoir les entendre tous.

M. Ciaccia: On ne peut pas continuer demain si on ne les entend pas tous aujourd'hui, mais je pense que la commission avait été convoquée pour toute la semaine. Je ne veux pas prolonger la commission plus que nécessaire, mais ce n'est pas nous qui avons convoqué cinq intervenants la même journée. En tout cas, nous ne retarderons pas plus.

M. Dufour: M. le Président, nous allons faire cela très rapidement. Il y a deux volets à la question de M. Ciaccia. Il y a le volet comparaison entre la loi et la petite brochure - M. Beauregard - et l'autre volet où on revient aux articles 17.1 et 17.2. Nous pouvons commencer par les articles 17.1 et 17.2, rapidement.

M. Gratton (Émile): D'une manière

pratique, je pense que c'est la concurrence sur le marché - que ce soit le marché local, national ou international - qui va diriger les entreprises ou les industries dans le type de recherche qu'elles doivent faire, que ce soit la recherche en relation avec un nouveau produit, la recherche de nouveaux matériaux ou la recherche associée à l'aspect manufacturier ou aux nouveaux mécanismes manufacturiers. Si on veut vendre un produit sur le marché, on peut tâter le pouls assez rapidement, à savoir quel est le type de produit que vous avez par rapport à la concurrence, quels sont les avantages de la concurrence par rapport aux vôtres, que ce soit au point de vue de l'option, au point de vue des "features" du produit ou que ce soit le prix. À mon point de vue, je pense que c'est en faisant cette analyse que l'industrie, plus que le gouvernement, est en position de décider dans quel secteur elle doit pousser ses recherches.

M. Ciaccia: Si je comprends bien, vous partagez les opinions des autres intervenants qui ont demandé ce que je qualifie de changements substantiels à l'article 17.

M. le Président, j'aurais d'autres questions, mais...

M. Dufour: M. le Président a autorisé la deuxième réponse.

Le Président (M. Blouin): Vous pouvez répondre à la deuxième question du député de Mont-Royal.

M. Beauregard: Ce sera très rapide aussi. Effectivement, je ne dirais pas qu'il y a des différences fondamentales entre le projet de loi et cette brochure. On explique dans la brochure ce qu'on entend faire dans un texte de projet de loi qui est beaucoup plus succinct.

Le danger que l'on retrouve face à tout cela, c'est que, dans un projet de loi qui va être mis en vigueur par le biais de toute une réglementation, il n'y a absolument rien qui nous assure qu'on va retrouver le même esprit que celui qu'on retrouve là-dedans. C'est une brochure qui pourrait être revue et corrigée. Elle devra l'être au moins sur un point. Vous avez un problème de dépôt légal.

M. Ciaccia: Oui, nous l'avons soulevé hier soir, c'était une erreur apparemment.

M. Beauregard: Alors, je n'y reviens pas, j'évite les répétitions.

C'est intéressant de voir le contenu de cette brochure, mais ce n'est pas rassurant. Nous serons beaucoup plus rassurés quand le texte de loi sera beaucoup plus conforme à ce qu'on trouve là-dedans.

Le Président (M. Blouin): Bien. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Étant donné le temps qui passe, je vais donner la chance à mes collègues de poser d'autres questions.

Le Président (M. Blouin): Loin de moi... M. Ciaccia: Non, cela va.

Le Président (M. Blouin): ...l'intention de restreindre votre droit de parole, M. le député de Mont-Royal; si vous avez d'autres éléments, on peut les aborder.

M. Ciaccia: Ce n'est pas à la présidence que je m'en prends, c'est juste au temps attribué par le gouvernement aux différents intervenants.

Le Président (M. Blouin): C'est le secrétariat des commissions, sur recommandation évidemment du leader du gouvernement.

M. Ciaccia: Oui.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Westmount.

M. Paquette: M. le Président, juste une chose sur l'allocation du temps.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Paquette: Je ne veux pas engager un débat là-dessus, mais d'abord la commission a été ouverte à tous les intervenants qui voulaient témoigner. Vendredi dernier, le critique officiel de l'Opposition, la députée de Jacques-Cartier, et moi, nous nous sommes rencontrés pour établir l'horaire et la liste. Je pense que nous avons passé deux fois plus de temps sur ce mémoire que sur tout autre mémoire jusqu'à maintenant dans cette commission, sauf erreur, parce qu'on a commencé vers 10 h 30, cela fait deux heures. Il n'y a pas un autre mémoire sur lequel on a passé deux heures.

M. Ciaccia: Hier matin, avec l'École polytechnique, on a passé toute la matinée sur le mémoire; de 10 h 15 à 13 heures.

M. Paquette: Non, il y avait les interventions d'ouverture - je pense que vous n'étiez pas là - qui ont pris environ une heure ou une heure et quart.

Cette liste a été établie d'un commun accord. Je comprends que le député de Mont-Royal a la protestation facile, mais je pense que tout s'est fait dans l'ordre.

Le Président (M. Blouin): Je ne voudrais

pas qu'on entame de débat, je voudrais tout simplement vous rappeler que nous avons un menu qui est quand même important et, dans la mesure du possible, mon travail est de faire en sorte qu'on puisse entendre les invités qui ont été convoqués. M. le député de Westmount.

M. French: Merci, M. le Président. Je voudrais poser quelques petites questions relativement courtes à M. Gratton sur le marché du travail pour la main-d'oeuvre hautement qualifiée. Ce sont les questions de Mme la députée de Maisonneuve qui me provoquent dans ce sens... (12 h 30)

M. de Bellefeuille: Ah!

M. French: Je veux dire provoquer de façon gentille.

Je voudrais mieux comprendre la concurrence dans ce domaine-là, les difficultés ou les succès que vous avez, en tant que compagnie ou en tant qu'institution québécoise, à recruter cette main-d'oeuvre. Le président de votre compagnie est venu ici dans cette même salle nous expliquer que si Bell Canada ne faisait pas autant de recherche au Québec qu'elle fait de ventes, c'est primordialement à cause de difficultés de recrutement. Je voudrais donc identifier -le ministre n'est pas d'accord, mais de toute façon...

M. Paquette: Elle a déménagé le centre en Ontario en 1974.

M. French: Peut-être que les difficultés de recrutement ont commencé à ce moment-là. On ne sait pas.

M. de Bellefeuille: Peut-être, sous les libéraux.

M. French: De toute façon, la chose qui m'intéresse pour le moment, c'est de savoir à quelle compagnie, ou à quelle localité ou région nous faisons concurrence pour recruter les chercheurs? Si on pouvait en nommer cinq - je vais essayer de les nommer et vous me corrigerez: Boston, San José, Palo/Alto, Ottawa, Champaign-Urbana, Chicago. Est-ce qu'il y en a d'autres? Au monde? Donc, la Hollande...

M. Gratton (Émile): Pour répondre brièvement à votre question, pour les télécommunications, il y a deux centres en particulier; ce sont Palo/Alto et Ottawa lequel fait compétition à celui de Montréal.

M. French: Oui.

M. Gratton (Émile): J'aimerais peut-être répondre plus en détail à votre question en donnant un exemple. Les recherches Bell-

Northern oeuvrent au Québec, à Ottawa, dans l'Ouest canadien et aux États-Unis présentement. Et, même à l'intérieur des recherches Bell-Northern, il y a une certaine compétition pour recruter des chercheurs qui ont une expertise en télécommunications. L'expérience que j'ai vécue plusieurs fois, c'est qu'à l'intérieur de l'entreprise, un candidat a été offert à Montréal et à Ottawa et, la plupart du temps, le candidat acceptait d'aller à Ottawa plutôt qu'à Montréal pour les raisons que je mentionnais auparavant: la question de la langue, de l'enseignement et aussi la question de la fiscalité.

M. French: Ce chercheur pourrait être d'origine indienne, hollandaise, australienne, canadienne, américaine, mais dans le fond, peu importe ses origines, il veut avoir la liberté d'envoyer son enfant à l'école de son choix - de son choix, je dis bien et... Excusez-moi, Mme la députée?

Mme Harel: À Ottawa, l'école anglaise uniquement.

M. French: Pas nécessairement. Il y a des écoles françaises. Ma fille est allée dans des écoles françaises publiques en Ontario toute sa vie jusqu'à ce que je revienne à Montréal.

Deuxièmement, il n'y a pas de fiscalité personnelle au même palier qu'ici. Ce sont les deux facteurs primordiaux, d'après vous?

M. Gratton (Émile): Effectivement, vous avez raison.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors, s'il n'y a pas d'autre intervenant ou intervenante, je... Brièvement, M. le ministre.

M. Paquette: M. le Président, peut-être pour conclure, je dirai que j'ai apprécié les remarques des représentants du Conseil du patronat lorsqu'elles s'appliquaient au projet de loi qui est devant nous. Quant au reste, ils soulignent des difficultés qu'ils ont qualifiées eux-mêmes de perception. Ce sont en bonne partie des difficultés de perception. En effet, l'écart quant à la taxation entre le Québec et l'Ontario était plus grand avant 1976. La récente étude de l'Union des banques suisses et de la C.-D Howe Institute nous montre que, quand on regarde non seulement l'impôt sur le revenu, mais toutes les formes de taxation de services, de coût de la vie, Montréal est une des villes les moins chères au monde sur le plan international, ex aequo avec Toronto, en avant de plusieurs villes nord-américaines.

En ce qui concerne la langue, je pense qu'on a mis en évidence que, dans la plupart des autres pays, c'étaient des écoles privées

internationales qui étaient mises sur pied. Mon impression, c'est que si moins de gens avaient passé leur temps à scier la branche sur laquelle ils sont assis, en créant une réputation au Québec qui n'a aucune espèce de rapport avec la réalité; s'ils avaient mis autant d'énergie à mettre sur pied une école internationale, on aurait avancé positivement dans la solution du problème.

Quant à la langue de fonctionnement des centres de recherche, j'ai visité les plus importants d'entre eux depuis un an. J'ai moi-même soulevé cette question, parce que je sais que c'est une préoccupation et, à mon avis, c'est largement un problème de perception. Je ne dis pas qu'il n'y a pas certains ajustements qui peuvent être faits, mais c'est largement un problème de perception. Ce qu'on me dit, dans les centres de recherche industrielle, c'est que, d'abord, les dispositions de la loi 101 sont adaptées aux centres de recherche et permettent leur fonctionnement en anglais, parce qu'il y a beaucoup de chercheurs qui viennent de l'étranger et c'est important qu'on bénéficie de l'apport de ces chercheurs étrangers au Québec. C'est pour cela qu'il y a eu les exceptions qui ont été faites aux dispositions générales de la loi 101.

À un centre de recherche, on m'a dit: On a eu une entente particulière avec l'Office de la langue française. Je pense qu'il y a une application souple. Il y aura une commission sur cette question, à l'Assemblée nationale, bientôt. On pourra voir si ces ajustements donnent satisfaction à tout le monde. Mais je vous avoue que je n'ai pas un son de cloche aussi dramatique et on pourrait se demander pourquoi le volume d'investissements dans la recherche industrielle... Si on compare la période qui a précédé l'adoption de la loi 101, c'était à peu près 200 000 000 $. C'est passé à environ 400 000 000 $ maintenant. C'est un peu plus rapide que l'inflation. C'est encore insuffisant. Il n'y avait pas de loi 101 avant. Pourtant, la progression des fonds consacrés à la recherche industrielle a continué d'augmenter.

Je pense qu'à force d'exagérer ces problèmes et de répéter ce credo, on se met à scier la branche sur laquelle on est assis. J'espère qu'on va en arriver à des projets concrets. L'idée d'une école internationale, à Montréal, il y a longtemps que j'y crois et j'ai hâte qu'on débouche sur cette question. Mais ne demandez pas à une société de renier son identité. Je pense qu'il y a des mécanismes ponctuels adaptés au milieu de la recherche qu'il faut trouver. Il faut valoriser l'importation de chercheurs de l'étranger. C'est peut-être la denrée la plus précieuse dont une société dispose. C'est un point extrêmement sensible, extrêmement vital. J'attends du Conseil du patronat et également de l'Opposition une attitude responsable là-dessus en termes de projets concrets. Mais ne demandez pas à une société d'abandonner son identité.

M. Dufour: M. le Président, les remarques du ministre attirent des commentaires de notre part. Cela allait si bien jusque-là. Nous qui pensions que nous pourrions véhiculer, par le ministre responsable de la Science et de la Technologie, des problèmes vrais des entreprises, je n'ai pas l'impression que l'on vient de se faire dire que ce sera cela. Écoutez!

M. Paquette: ...que vous venez de vous faire dire que ça va être cela.

M. Dufour: Oui, mais si vous cristallisez cela dans la glace, ne venez pas ensuite nous demander de débattre ce genre de question. Vous parlez de l'école internationale. Tout le monde, à Montréal, les milieux d'affaires pilotent cette école depuis des années et cela bloque au niveau gouvernemental. Vous nous parlez de la langue, de la loi 101, comme si on remettait la loi 101, dans sa totalité, en cause. C'est faux. On parle de la langue d'enseignement dans les sièges sociaux. C'est très différent. Vous parlez de volume d'investissements. Bien sûr qu'il y a eu une croissance du volume d'investissements, M. Paquette. Quand on part de zéro, le taux de croissance de 2 $ est de 100%, c'est évident qu'il y a eu une croissance, parce que c'était souvent décidé, vous l'avez dit vous-même: Les projets décidés antérieurement. Quand vous parlez de la fiscalité, vous contredisez carrément votre propre ministre des Finances. Là-dessus, on va simplement ajouter quelques mots, parce qu'on vient de publier une étude de Laliberté et Lanctôt. Vas-y, Denis.

M. Beauregard: Je pense qu'on ne peut pas laisser planer... Ce ne sont pas des impressions; ce sont des chiffres. La fiscalité du particulier au Québec est plus élevée que celle du contribuable ontarien. Elle est plus élevée si on prend l'exemple que M. Parizeau affectionne, c'est-à-dire le contribuable qui gagne 28 000 $ et plus, marié, deux enfants, dont le conjoint ne travaille pas. Mais si vous prenez l'exemple du contribuable célibataire - c'est au moins 65% de toutes les déclarations d'impôt qui ont été faites à Québec pour l'année 1981; les autres chiffres ne sont pas encore disponibles - il paie plus cher d'impôt au Québec à des revenus aussi bas que 12 000 $, 13 000 $, 14 000 $ et 15 000 $. L'ensemble des contribuables au Québec paient plus cher d'impôt que ceux de l'Ontario.

Maintenant, vous avez utilisé des comparaisons du coût de la vie. C'est aussi

une comparaison affectionnée particulièrement par le premier ministre, par les temps qui courent. C'est vrai que Toronto et Montréal sont deux villes qui, d'après les études du Conference Board, d'après les études d'à peu près partout, celles des banques suisses, quand vous faites intervenir tous les facteurs, le coût de la vie est à peu près comparable.

M. Paquette: Tous les facteurs.

M. Beauregard: Tous les facteurs.

M. Paquette: C'est ce qu'il faut faire.

M. Beauregard: C'est ce que je fais. Laissez-moi finir. Si vous retirez la fiscalité de la comparaison Montréal-Toronto qui est faite par les banques suisses, Montréal c'est plus cher que Toronto. Quand vous faites entrer la fiscalité, les deux se rejoignent. C'est clair que la fiscalité est plus chère au Québec qu'en Ontario. Le pendant de cela est l'habitation. Règle générale, cela coûte plus cher d'acheter une maison à Toronto qu'à Montréal. Ce qu'il faut voir là-dedans, c'est que, quand vous déciderez de quitter Toronto, vous vendrez votre maison et vous retirerez le double de ce que vous allez retirer de la vente d'une maison à Montréal; est-ce que M. Parizeau va rembourser la fiscalité supplémentaire qui a été payée au Québec pendant ce temps-là?

Si la réponse est non, comme je le pense, cela coûte plus cher de vivre à Montréal qu'à Toronto. Ce ne sont pas des impressions, ce sont des chiffres. Les gens qui investissent au monde sont des gens qui savent compter. Ils ne se basent pas uniquement sur les conférences de presse et les mémoires du Conseil du patronat pour prendre une décision d'investissement, ils comptent.

M. Dufour: Ce sont les dossiers que nous rappelons être d'une importance fondamentale dans le milieu des affaires que nous côtoyons régulièrement pour les fins de décision d'investissement en recherche.

M. Paquette: M. le Président, pour terminer, je pense qu'on a établi assez clairement qu'il y avait certains points sensibles dans le milieu des affaires, nous en sommes conscients. On vous dit: Au lieu de continuer à répercuter ces opinions, on attend des projets concrets d'aménagement. Bien sûr, on peut se concentrer sur l'impôt sur le revenu et dire que pour les gens qui gagnent 28 000 $ et plus ça coûte plus cher. Si on le répète de plus en plus sans donner la contrepartie, qui est que les autres facteurs du coût de la vie coûtent moins cher et qu'en prenant tous les facteurs on est au même niveau que Toronto et moins cher que la plupart des grandes villes nord-américaines, tout ce que je dis, c'est qu'on contribue à scier la branche sur laquelle on est assis.

Ce n'est pas une attitude de fermeture, on est toujours prêts à des aménagements, à des améliorations pour stimuler la recherche et favoriser l'implantation des chercheurs au Québec. Je suis bien prêt à regarder cela avec vous. Je voudrais simplement qu'il y ait une attitude positive dans ce domaine.

J'aimerais en profiter pour remercier le Conseil du patronat de son mémoire. Je pense qu'on a eu un échange stimulant et nous allons examiner de très près les propositions qui ressortent de cette discussion.

Le Président (M. Blouin): Merci.

M. Dufour: Nous aussi, M. le Président, remercions les parlementaires.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, MM. les représentants du Conseil du patronat du Québec. Au nom de tous les membres de cette commission, je vous remercie d'avoir émis ces opinions.

Maintenant, je crois que nous aurions le temps d'entendre le mémoire de l'Association des manufacturiers canadiens, quitte à poursuivre la discussion et les échanges à compter de 15 heures. Si nous avions le consentement, nous pourrions peut-être même déborder l'heure de suspension de 13 heures pour environ cinq ou dix minutes afin de permettre aux représentants de l'association de présenter leur mémoire à cette commission.

Je demande donc au représentant de cette Association des manufacturiers canadiens de s'identifier pour les fins du journal des Débats et de bien vouloir nous livrer le contenu de son mémoire.

Association des manufacturiers canadiens

M. Dessureault (Claude): Merci, M. le Président. Mon nom est Claude Dessureault, vice-président exécutif de l'Association des manufacturiers canadiens, division du Québec, et aussi administrateur de quelques sociétés manufacturières dont les Peintures CIL entre autres, pour votre information. (12 h 45)

Le Conseil du patronat vous a fait une présentation de mémoire que nous appuyons. L'argumentation qui vous a été présentée et l'articulation qui vous a été donnée par les représentants du Conseil du patronat sont aussi les préoccupations des manufacturiers. Sinon tous les manufacturiers, une grande partie des manufacturiers.

Quant à l'agence proposée, nous sommes un peu inquiets parce que nous

avions aussi accueilli favorablement le nouveau ministère de la Science et de la Technologie chez qui nous voyions une responsabilité beaucoup plus globale que celle que le ministère veut se donner par le biais d'une agence, au départ. Notre suggestion, après avoir entendu le débat de ce matin, serait d'éloigner la formation de cette agence et, entre-temps, de recevoir au ministère un comité de conseillers ou une fonction d'accueil qui pourrait être fort utile et éventuellement de voir s'il est justifié d'avoir une agence qui, aux yeux de certains manufacturiers, paraît être une nouvelle société d'État, propriétaire de brevets totalement ou en partie, en concurrence avec l'entreprise privée, par exemple, etc.

Je ne veux pas lire le mémoire en entier, mais je vous invite à lire la page 18. Pour ceux qui n'ont pas déjà lu le mémoire, je vous invite à le lire et, si vous avez des questions, allez-y. À la page 18, nous reportons un passage du document: Un nouveau pas qui avait été préparé par le ministère fédéral de l'Industrie et du Commerce en prévision de la rencontre des premiers ministres en novembre 1978. Ces trois paragraphes expriment exactement ce que nous ressentons comme manufacturiers. "C'est l'entreprise privée qui constitue le moyen de trouver les possibilités économiques et de les transformer en une activité productive. "Les gouvernements peuvent contribuer à cerner certaines possibilités, à assurer un milieu propice à l'initiative privée et, dans certains cas, ils peuvent assumer une partie du risque. Mais c'est l'entreprise elle-même qui figure au premier rang dans l'économie canadienne ou québécoise. "Il faut ensuite que les politiques et les programmes de développement industriel des gouvernements soient suffisamment souples pour répondre à l'évolution rapide des circonstances et des contraintes du marché. Les principes de planification prescriptive des gouvernements dans le domaine du développement industriel, aussi favorables qu'ils peuvent sembler à certains, risquent sérieusement d'être trop rigides et d'entraîner une mauvaise répartition des ressources."

Je voudrais attirer votre attention maintenant à la page 23. "Les gouvernements sont en mesure de jouer un rôle étroitement relié à l'accélération de l'accumulation des capitaux." Ici, je voudrais faire une parenthèse. Dans le secteur industriel, dans le secteur manufacturier, lorsque nous regardons la mosaïque de nos responsabilités. Bien sûr, il y a l'évolution technologique d'un côté, l'évolution commerciale, de l'autre. Les deux sont inséparables. On ne peut pas avoir une évolution technologique sans conséquence sur l'évolution commerciale. On ne peut pas avoir d'évolution commerciale sans avoir l'évolution technologique, si on veut vraiment être concurrentiel sur le plan mondial. Quand on regarde Québec, même si c'est une province qui peut être petite sur le plan mondial, je pense qu'elle peut jouer un rôle aussi important que n'importe quel pays au monde. Pour cela, il faut, dans le secteur industriel, une souplesse et une auto-adaptabilité qui nous sont fournies par tous les partenaires sociaux. Le gouvernement a un grand rôle à jouer, mais pas un rôle d'interventionniste; c'est, bien sûr, un rôle de coopérant, un rôle de participant, un rôle d'aide de départ peut-être etc. Vous connaissez déjà le langage.

À ce stade, selon nous, le gouvernement n'est jamais en mesure de déterminer à l'avance quel secteur est susceptible de réussir au plan de la concurrence. Ce sont les forces du marché qui détermineront les gagnants et les gouvernements ne devraient pas tenter de les choisir. De façon générale, la base de l'aide à l'investissement devrait être vaste et cette aide devrait être également appliquée à tous les participants selon des critères clairement définis et, même là, jusqu'à la petite entreprise. On parlait tantôt de fiscalité, c'est là la réponse. Mais les programmes d'aide à l'entreprise qui sont basés non pas sur le choix des gagnants, mais plutôt sur des critères généraux, des critères impartiaux et peut-être une réduction d'impôt ou des façons quelconques pour aider la petite entreprise parce qu'elle ne peut peut-être pas retirer autant du côté des réductions d'impôt ou des rabattements d'impôt que la grande.

Alors il faudrait trouver des formules qui permettent à la petite et à la moyenne entreprise d'être favorisées avec impartialité. Alors ce n'est pas le choix des gagnants. Il n'appartient pas au gouvernement de choisir le gagnant dans ce secteur. Laissons à l'entreprise privée dans ce grand champ de concurrence libre le soin de diriger elle-même l'initiative. Il appartient à l'entreprise privée de déclarer dans quel domaine elle veut diriger sa vente.

Je vais maintenant quitter ce texte et vous parler en tant que manufacturier. J'aimerais cela que le ministère de la Science et de la Technologie regarde plutôt de façon globale quelle stratégie il nous faut ici, au Québec, pour rendre nos entreprises concurrentielles sur le plan mondial. Je vais commencer avec la toute petite entreprise. Les chercheurs, ce ne sont pas les bonshommes dans les universités nécessairement; ce ne sont pas les bonshommes dans les grands laboratoires et dans les grandes entreprises non plus. La recherche est au niveau de la petite entreprise dans l'usine. Si vous allez dans les usines ici au Québec, il y en a presque 10 000, si on inclut les artisans; nous, chez

les manufacturiers, on représente les manufacturiers qui fabriquent 80% de tous ces produits au Québec. On est en mesure de vous dire ce matin qu'il y a une invention à toutes les demi-heures dans ces usines. On demandait tantôt s'il y en avait des inventions. Il y en a toujours parce que le besoin crée l'invention et l'invention crée le besoin. Si le besoin crée l'invention, vous allez dans une petite usine de Shawinigan qui est une usine d'une très grande société, la plus grande entreprise de poudre chimique au Canada, CIL. Vous avez une usine de produit chimique à Shawinigan qui fonctionne toujours. Dans l'établissement de la soude caustique, l'équipement, la machinerie ont été dessinés sur place par les employés, par des techniciens qui, en 1950, allaient à l'École technique de Shawinigan façonner leur produit, leurs pièces d'équipement, puis revenaient à l'usine. Il y avait un petit atelier qu'on appelait alors Projet et recherche. C'est dans une petite usine. Les gens ont trouvé un moyen de fabriquer des tonneaux en acier qui n'étaient pas du tout connus chez les grands fabricants de tonneaux. Des brevets ont été obtenus pour des pièces de machinerie, qui ont ensuite été vendues par ces entreprises.

Regardez ici, à Québec, l'entreprise de peinture Sico. Qu'est-ce qui a fait le succès de cette entreprise? Ce sont les gars qui ont inventé, ce sont les chercheurs. Qui sont-il ces gars-là? C'est un bonhomme qui était président de l'entreprise et qui travaillait dans l'entreprise. C'est lui qui a manufacturé les pièces d'équipement, des trucs, des systèmes. Il les a inventés pour avoir une fabrication de peinture qui bien souvent était plus rapide que des systèmes de fabrication déjà installés dans les grandes entreprises multinationales. Sico est devenue aujourd'hui une entreprise au même niveau que les grandes entreprises manufacturières de peinture au Canada.

Les inventeurs, les chercheurs où sont-ils? Ils sont déjà dans les usines. Le manufacturier a besoin d'outils. S'il peut trouver le moyen d'avoir ces outils à l'intérieur de son établissement, c'est là que cela commence et 80% des nouvelles inventions sont à l'intérieur de l'entreprise, à l'intérieur de la manufacture ou à l'intérieur d'un laboratoire qui appartient à tel et tel niveau. Je n'élimine pas les recherches gouvernementales, non. Elles ont une importance, mais peut-être leur donne-t-on trop d'importance aujourd'hui. Quand on est en pleine évolution et qu'on a besoin - on est en train de déclarer une guerre, je ne sais pas - de nouveaux produits militaires, on peut construire des centres de recherche militaire pour faire de la recherche. Quand on est en temps normal, il est bien mieux de laisser à l'entreprise privée et ne pas gaspiller tous ces talents mais plutôt les donner à l'entreprise privée et les faire travailler. Si on a une difficulté de langue pour importer des talents, on a peut-être des talents sur des tablettes à l'université, au gouvernement ou dans un centre de recherche. Prenons-les ces talents et amenons-les ici. Assez dit, je pense, sur cette façon de voir.

L'innovateur, l'inventeur, qui est-il, où est-il et de quelle façon pouvons-nous donner une valeur industrielle à cette recherche? On peut, dans une usine, identifier un système de fabrication unique au monde, le prendre, l'empaqueter et aller le vendre partout dans le monde. C'est ce qu'on a fait chez Bombardier. Il y a un bonhomme dans son atelier qui a découvert la motoneige; il a inventé quelque chose à partir d'un besoin. Il l'a fabriqué et Bombardier est devenu une grande multinationale, une grande entreprise internationale parce qu'on n'a pas cessé d'inventer. On invente tous les jours.

Comment le ministère peut-il jouer un rôle à ce niveau pour capter cette information, l'acquérir par le biais, je ne sais pas, d'un centre d'accueil et la livrer au monde et faire de l'entreprise privée une entreprise qui créera des emplois productifs? C'est cela le problème. Maintenant, sur le plan de la grande entreprise, son problème est qu'il faut développer la haute technologie. Le problème des grands manufacturiers est un problème de liquidité présentement. On n'a pas les moyens parce qu'il faut produire à l'échelle mondiale. Il faudrait avoir une entreprise à mission internationale et, pour installer une nouvelle entreprise, il faut des millions. Pendant qu'on regarde ce qui est en structure, ce qui est déjà installé, je regarde mon ami Biais, son centre essaie de jouer un rôle mais ils n'ont pas d'argent. Je regarde le CRIQ; le CRIQ joue un rôle pour la petite entreprise.

Chez CIL, une fois par semaine, je recevais une lettre d'un bonhomme de Chicoutimi, d'un peu partout qui me disait: Je viens d'inventer un produit, j'aimerais cela en discuter avec vous. C'est comme cela que les inventeurs s'en viennent chez nous. Vous en avez un sur cent qui vient de l'extérieur. On parle de transfert technologique; d'accord, à ces niveaux il y a beaucoup à faire. Tout cela pour dire qu'on a fragmenté, qu'on fragmente région contre région, parti politique contre parti politique, on l'a vu ce matin; on fragmente université contre université; on fragmente province contre province; on fragmente toujours quand le besoin est de se concerter de très près et de dire: les entreprises privées, les gouvernements, les universités, les centres de recherche, le CRIQ, la SDI, etc., tous ceux qui ont la responsabilité de regarder, non seulement la technologie sur le plan technique mais aussi sur le plan de l'accumulation de capital, parce que les deux

ne peuvent pas se séparer, on a besoin de capital pour faire avancer la technologie...

Ce matin, dans la Gazette, je ne sais pas si vous avez vu l'article d'un bonhomme qui nous dit exactement cela: on fragmente, on ne se rencontre pas. Il faudrait se rencontrer, discuter et avoir nos ressources sous un même toit du côté de la coordination. Je pense que cela pourrait être plus le rôle du ministère. Un rôle d'aide, d'appui et de coordonnateur, un rôle d'accueil et non pas un rôle de concurrent. C'est ce que le Conseil du patronat du Québec essaie de dire ce matin.

L'intervention du gouvernement. Quand il devient concurrent de l'entreprise privée, celle-ci n'y va pas. Regardez les cas... Vous allez en entendre parler tantôt. Je pense que l'ANVAR est discutée dans votre mémoire, ou elle le sera peut-être plus tard. Si on demandait au CRIQ ce qu'il pense exactement de cette agence, je pense bien qu'il vous dirait que cela va devenir un concurrent. Il a peut-être tort ou raison, je ne sais pas. Alors, pourquoi créer cette chose quand on a un ministère qui pourrait justement... Même si certains organismes ou agences - ou peu importe comment on les appelle - sont déjà installés dans d'autres ministères, qu'est-ce qui empêche un ministre - je ne connais pas la politique, mais je me vois comme homme d'affaires - et deux ou trois ministères de travailler ensemble avec des industriels, avec des universités et des agences et d'éliminer ce genre de concurrence? Nous sommes tellement un petit pays au Québec, pourquoi ne met-on pas toutes nos ressources ensemble?

Nous, les manufacturiers - nous vous l'avons dit, M. le ministre, ainsi qu'à vos associés - nous sommes prêts à collaborer avec vous et particulièrement sur le plan des ressources humaines, parce que l'évolution technologique est un rail de la voie ferrée, l'évolution commerciale, c'est l'autre rail de la voie ferrée et le train, ce sont les ressources humaines qui le font marcher. C'est là qu'il faut justement attirer toute notre ressource en tant que leaders, en tant qu'administrateurs, en tant que législateurs. Il faut aider les gens, particulièrement les jeunes, à devenir des inventeurs, à devenir des innovateurs, à devenir des commerçants, à devenir des gens qui vont améliorer notre standard de vie. C'est ce qu'on cherche. Je pense que j'en ai assez dit, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Dessureault. Sur ce, comme il est 13 h 01, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 01)

(Reprise de la séance à 15 h 08)

Le Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de la présidence du conseil et de la constitution reprend ses travaux. Nous avons entendu avant le dîner le représentant de l'Association des manufacturiers, M. Dessureault. Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter?

M. Dessureault: Peut-être un commentaire. J'ai eu l'occasion de parcourir ce midi le document que j'ai reçu ce matin et je m'interroge encore beaucoup quant à l'épuisement des possibilités du CRIQ et de la SDI particulièrement. Je pense que le dernier ou l'avant-dernier paragraphe en conclusion suggère quelque chose d'intéressant. J'ai présenté ce matin le point de vue des manufacturiers et on dit ici qu'on ne parle pas nécessairement le même langage que ceux qui sont dans les milieux de la recherche. C'est peut-être vrai et je me demande si, au départ, on ne devrait pas tenter de réaliser cette nécessité de transformer en partenaires les milieux de la recherche et ceux de l'industrie et ensuite, partant de là, voir si c'est justifié d'avoir une agence qui fait telle et telle fonction; si c'est justifié d'avoir une agence qui remplit une fonction et qui délègue, par le biais peut-être de d'autres ministères, des responsabilités de contributions financières ou d'aide technique, etc. Alors, là-dessus, je suis prêt à recevoir les questions ou les commentaires. Mais, en partant, disons que les manufacturiers de notre association sont d'accord pour la concertation et ce n'est pas une question de tenter d'être pour ou contre. C'est une question de suggérer si le moyen recommandé par ce projet de loi est le moyen qu'on doit tenter d'utiliser immédiatement.

Le Président (M. Brouillet): Très bien, merci. Je cède la parole à M. le ministre.

M. Paquette: M. le Président, j'ai écouté avec grand intérêt les propos de M. Dessureault ce matin et je pense que les considérations générales qu'il fait dans son mémoire sur l'orientation qui devrait être prise pour favoriser davantage l'innovation technologique, le développement de la recherche industrielle et précisément, comme il vient de le dire, les liens entre l'université et l'industrie, doivent être encouragées de toutes les façons possibles. Pour nous, évidemment, la création de cette agence n'est pas, loin de là, le seul moyen que nous entrevoyons pour faciliter cette concertation. Comme vous le savez, M. le Président, on travaille sur un certain nombre de projets de centres de recherche université-industrie. Je pense que cela doit se faire de plus en plus et également encourager les regroupements,

les conseils, les rencontres de concertation. On tiendra bientôt une table de concertation sur l'informatique et l'électronique. Je pense que, en règle générale, ces orientations peuvent faire consensus. J'aimerais simplement poser quelques questions additionnelles sur certains passages du mémoire de l'Association des manufacturiers canadiens.

Quand on affirme que les manufacturiers sont d'avis que les fonctions et le travail envisagés pour l'agence proposée pourraient être réalisés par les différents organismes privés et publics existants, j'aimerais que vous donniez des explications là-dessus; vous y avez fait référence à la fin de votre exposé. Dans un projet de loi, le style légal veut qu'il y ait un minimum d'articles. Ce n'est pas dans un projet de loi qu'on peut décrire toute la dynamique de fonctionnement d'une agence. C'est pourquoi cette brochure essaie d'aller un peu plus loin.

Autrement dit, ma question revient à ceci. Ce matin, le Conseil du patronat nous a dit qu'il faudrait peut-être étendre les fonctions du CRIQ ou celles d'autres organismes. C'est la première question que je voudrais vous poser. Dans le développement, dans la valorisation industrielle de la recherche, dans ce processus qui va de l'innovation jusqu'au moment où l'invention peut être produite et réalisée par une entreprise, avez-vous l'impression que la société québécoise, peu importent les intervenants, fait vraiment tout ce qu'il faut pour valoriser ces personnes, qu'elles proviennent des entreprises ou des universités, qui décident de se lancer dans l'innovation et de développer un nouveau produit? Qu'est-ce qui manque le plus à ces personnes pour les aider à être davantage productives?

M. Dessureault: Qu'est-ce qui manque? Eh bien, reculons un peu et demandons-nous si les organismes en place, particulièrement les organismes publics tels le CRIQ, la SDI, l'INP, par exemple, qui sont trois organismes en place pour aider l'entreprise à améliorer sa productivité, tant sur le plan de l'aide technique que de l'aide financière... Posons-nous la question: Pourquoi les manufacturiers, pourquoi les industriels ne tirent-ils pas profit de ces organismes? Pourquoi ne vont-ils pas y chercher quelque chose? Pourquoi les manufacturiers hésitent-ils à aller demander de l'aide financière au gouvernement, par exemple? Beaucoup de manufacturiers au Québec refusent tout simplement l'aide gouvernementale pour toutes sortes de raisons.

D'un côté, des organismes ont été mis en place pour servir la communauté mais vous n'avez pas une communauté de recherche organisée, vous êtes fragmenté.

D'un côté, vous avez les manufacturiers qui, eux, par leurs propres moyens, réussissent à satisfaire leurs besoins. Vous avez plusieurs inventions; sur dix, il peut y en avoir une qui sera commercialisée. Bien souvent les entreprises mettent sur le marché des produits, les testent et les retirent à coups de millions; on perd des millions simplement à faire un test de marketing. Toutes les inventions ne sont pas nécessairement commerciales. (15 h 15)

D'un côté, vous avez l'entreprise qui peut se satisfaire. Si vous allez au niveau de la haute technologie, il est bien évident que, si on veut devenir concurrent sur le plan mondial, il faudrait des installations qui demandent des investissements énormes. Aucune entreprise seule ne peut réaliser un tel projet, il faut des consortiums d'entreprises, des ententes d'entreprises, des ententes avec les gouvernements, avec d'autres institutions financières, etc., pour réussir un projet.

L'objection du manufacturier - je retourne à ce qui a été dit ce matin - est celle de voir venir le gouvernement agir comme concurrent. S'il n'y a pas d'intervention directe, si le gouvernement n'est pas propriétaire, si ce n'est pas une société d'État qui est en concurrence avec le manufacturier ou l'industriel, il n'y a pas de problème. Si le gouvernement joue vraiment son rôle de réaliser la liaison entre deux secteurs qui ne se rencontrent pas, déjà là, on aura accompli un grand pas.

M. Paquette: C'est un peu ce que je voulais vous demander. Autrement dit, qui doit prendre l'initiative de ces concertations? Parfois, cela se fait tout seul, il arrive parfois que les entreprises collaborent avec des équipes de recherche. N'y a-t-il pas lieu d'avoir un instrument qui n'aurait pas pour but d'acquérir des participations majoritaires dans des entreprises ou de faire concurrence à l'entreprise, mais de faciliter, de mettre en contact, de mobiliser autour d'un projet -non pas autour de questions théoriques ou globales, de politiques de concertation, on a d'autres mécanismes pour le faire - concret toutes les ressources, privées, les ressources de recherche, parfois des ressources publiques aussi?

M. Dessureault: Je suis d'accord en principe, pour autant qu'on épuise d'abord les possibilités des organismes qui sont déjà en place. La suggestion des manufacturiers, c'est de retarder la création d'une nouvelle agence qui, d'après nous, remplira les mêmes rôles, les mêmes fonctions que des organismes qui sont déjà en place, mais auxquels on ne donne peut-être pas les instruments pour faire exactement ce qu'on essaie de réaliser.

M. Paquette: Je voudrais creuser cette question un peu plus avec vous. Je pense qu'on a, tout au long de cette commission, discuté de l'activité, par exemple, du Centre de recherche industrielle du Québec qui est un agent de développement technologique actif au service des entreprises, qui leur fournit en quelque sorte les laboratoires, voire les "machine shops" nécessaires que les petitss entreprises ne peuvent pas se payer elles-mêmes parce qu'elles n'en ont pas les moyens. En plus, le CRIQ essaie de faciliter ce qu'on appelle le transfert de technologie, c'est-à-dire identifier des brevets ou des licences, parfois dans d'autres pays, qui pourraient être assumés ici par des entreprises. Cela est un aspect des choses.

On pense qu'il manque dans la société une fonction de liaison entre les organismes publics et privés et les centres de recherche pour les mobiliser sur certains projets. On pourrait bien sûr songer à demander au CRIQ de le faire et lui donner les fonds et le personnel qu'on songe à donner à l'AQVIR pour qu'il étende ses opérations. Là, c'est une question de principe. Vous n'avez pas l'impression qu'un tel intervenant qui veut faire des liaisons, qui veut mobiliser des énergies a avantage à ne pas être rattaché à aucun des intervenants qui existent? S'il est rattaché à un centre de recherche, il pourrait avoir tendance à valoriser uniquement, de préférence, les innovations qui sortent de ce centre de recherche.

Face aux universités, cela pourrait être perçu aussi comme une concurrence indue. Si une innovation sort d'une université et si c'est un autre centre de recherche qui peut la prendre pour la valoriser, on aurait l'impression que ce centre de recherche veut peut-être accaparer l'innovation dont les chercheurs qui l'ont lancée pourraient, à juste titre, se réserver les fruits.

C'est un peu ce genre de considération qui nous a orientés à dire: Cela prend un nouvel intervenant qui n'est rattaché à aucun des intervenants existants, qui ne sera pas en conflit d'intérêts, dont le seul rôle sera la liaison. Il pourra ajouter des fonds par-dessus cela parce que, sans fonds, cela peut être difficile d'entreprendre certaines concertations à l'occasion.

M. Dessureault: C'est justement ce genre de débat qui est essentiel, à savoir si cela devrait être ici ou là. Quant à moi, si vous me demandez une opinion, je dirai: Donnez cette responsabilité à l'entreprise privée. Laissez créer des organismes privés qui feront exactement ce que vous préconisez. Il y a déjà des entreprises privées qui font de la recherche en brevet, qui font de la recherche en support de projet et qui, ensuite, font de l'implantation et de l'innovation etc. Donnez à cet organisme l'allure d'une entreprise privée et permettez qu'il y ait d'autres organismes privés qui se créent en même temps. Laissez-le concurrencer dans un libre champ et vous allez vraiment améliorer votre productivité même à ce niveau.

M. Paquette: Cela me permet de soulever un point intéressant. On parle beaucoup du caractère qui risquerait d'être trop omniprésent de l'agence dans ce sens que cela viendrait annihiler d'autres initiatives. On ne peut dire que ces initiatives ont foisonné énormément jusqu'à maintenant dans notre milieu. On a justement un problème parce qu'on n'en a pas suffisamment en tout cas quand on se compare aux autres pays.

D'autre part, j'aimerais souligner ici une caractéristique de l'agence, l'équivalent britannique, le NRDC, National Research Development Council, a vraiment un rôle beaucoup plus contraignant. Il a droit de préemption prioritaire sur tous les brevets qui sortent des universités. Cela veut dire que si le NRDC se présente à l'Université de Leeds, par exemple, et dit: Voici, vous avez... L'université ne peut pas communiquer directement avec les entreprises. Il faut qu'elle passe par l'agence publique NRDC. Nous avons refusé ce genre de fonctionnement. Notre idée, ce n'est pas d'empêcher des initiatives et des contacts qui peuvent se faire naturellement. D'ailleurs, s'il y en avait énormément, on n'aurait probablement pas besoin de l'agence, mais on se rend compte que cela ne se fait pas dans notre milieu. On se dit: II n'est pas interdit non plus que l'agence puisse passer par d'autres organismes qui font de la valorisation industrielle de la recherche. S'il y a un groupe public, semi-public ou privé qui décide de valoriser certains projets, il se peut que l'agence dise: II suffit de leur donner un coup de pouce financier à ces gens et cela va aller. C'est un peu comme cela qu'on le voit, je tiens à le préciser.

M. Dessureault: J'ai un commentaire là-dessus. Quand vous faites allusion à ces agences étrangères qui ressemblent étrangement à celle qu'on est quasiment à mettre sur pied, elles n'ont pas réussi à faire ce qu'elles désiraient faire. Elles ont réussi à une période donnée quand il y avait vraiment un besoin. Il serait peut-être bon d'évaluer les résultats de ces agences et de se demander combien de brevets, par exemple, ANVAR peut accepter au cours d'une année. Combien de dossiers une agence, dans un grand pays comme la France, peut-elle regarder au cours de l'année et éventuellement arriver à un, deux ou dix brevets? Mais dix brevets sur combien? Alors, quelle est la valeur de cette agence? Il faudrait évaluer cela.

M. Paquette: Je vais vous donner une double réponse à cette question. Parmi les agences de valorisation industrielle, elles ont beaucoup de différence avec le projet, mais l'objectif est le même, c'est d'assurer le transfert de l'innovation jusqu'au moment où, après brevet, étude, prototype, étude de marché, on en arrive au point où on a de bonnes chances que cela marche sur le plan de la production.

Ces agences ne sont pas toutes rentables. Elles ont eu des succès variables. Justement le NRDC, en Grande-Bretagne, se finance entièrement par les projets qu'il a valorisés et sur lesquels il demande une certaine ristourne pour ses services. Depuis 1971, le NRDC n'a plus besoin de fonds publics. Je pense que cela témoigne d'un certain succès.

Par contre, l'ANVAR, en France, ne s'autofinance pas. On vient d'ailleurs d'en transformer les structures. Cela ressemble beaucoup plus au projet que nous avons là qu'à l'ancienne ANVAR. Il y a aussi ce qu'on appelle la rentabilité sociétale; entre 1 $ mis dans des projets de valorisation de la recherche qui ne se rendront peut-être pas jusqu'à un succès commercial et 1 $ dépensé ou saupoudré dans d'autres types de recherche, on peut se dire que même si cela arrive à un échec, il y a une rentabilité sociale, parce que pendant tout ce temps-là il y a des gens qui apprennent, qui se forment, qui vont faire des erreurs, mais qui vont en profiter également. On développe le niveau de la recherche, le niveau des connaissances, les interactions université-industrie. Éventuellement, ces gens-là vont peut-être se parler sans passer par l'intermédiaire de l'agence, tant mieux.

C'est pourquoi il faut accepter qu'au départ un tel organisme soit financé par des fonds publics et ne s'autofinance pas nécessairement. Cela peut arriver que si l'organisme est suffisamment efficace, il puisse, simplement par des redevances, finir par s'autofinancer et réinjecter les profits qu'il fait toujours dans la valorisation de la recherche et du développement.

M. Dessureault: Là-dessus, M. le ministre, retenant les bienfaits de l'agence comme telle, la façon dont vous la décrivez, à mon sens, c'est une entreprise privée qui fait des profits. C'est cela; la ristourne, c'est un profit. Si vous avez votre part de profit, pour vous la donner il faudra augmenter le prix du produit. Vous êtes en concurrence directe avec l'entreprise privée. C'est dans cet état d'esprit que les entrepreneurs, que les manufacturiers regardent l'intervention de l'État à certains niveaux. Toujours tenant compte des bienfaits de l'agence, on n'est pas contre...

M. Paquette: Je vous dirais que c'est un peu comme le CRIQ qui demande certaines redevances. Le CRIQ ne se finance pas uniquement à même les fonds publics mais est largement financé par les...

M. Dessureault: Certains manufacturiers regardent le CRIQ comme un concurrent. Les manufacturiers ne sont pas toujours manufacturiers, ils peuvent aussi être des "développeurs"; ils ont des filiales qui font de la recherche; ils ont des laboratoires de recherche; ils ont des organismes qui se rattachent à eux qui font ce genre de choses.

M. Paquette: Dernier point que je voudrais soulever: vous avez cité un document à la page 18 où je lis au deuxième paragraphe...

M. Dessureault: C'est un beau paragraphe.

M. Paquette: Oui, c'est un beau paragraphe qui décrit, à mon avis, exactement ce que pourrait être l'agence dans le projet qui est présenté: "Les gouvernements peuvent contribuer à cerner certaines possibilités, à assurer un milieu propice à l'initiative privée - c'est autant l'initiative des entrepreneurs que des chercheurs, des individus, tous ceux qui sont impliqués dans le processus de valorisation de la recherche - et, dans certains cas, ils peuvent assumer une partie du risque."

A mon avis, cela décrit parfaitement...

M. Dessureault: C'est cela. Vous pouvez ajouter la dernière phrase.

M. Paquette: "Mais c'est l'entreprise elle-même qui figure au premier rang dans l'économie canadienne." Cela aussi m'apparaît évident parce que ce sont les entreprises qui produisent les biens. Éventuellement, l'innovation doit être assumée, à un moment donné, lorsqu'elle est à maturité, par une entreprise. J'inclus tout le paragraphe.

M. Dessureault: Alors, regardant ce texte et attachant la position de l'Association des manufacturiers canadiens à ce texte, la suggestion est de retarder la mise en place de l'agence et d'évaluer entre-temps si les fonctions qu'on veut lui donner ne peuvent pas être exercées par des organismes en place. Le ministère a pour responsabilité d'assurer cette liaison. Est-ce qu'il doit le faire par le biais de cette agence? Je sais qu'il y a plusieurs autres moyens à votre disposition pour accomplir les fonctions du ministère.

On demande de retarder et d'avoir un conseil de conseillers qui verront de quelle façon on peut réussir au Québec ce

phénomène que vous préconisez mais sans mettre en place une nouvelle structure, un nouvel organisme qui coûtera 1 000 000 $.

M. Paquette: Dernier point, à la page 25, simplement pour bien clarifier cela: "L'AMC désire réitérer au ministère sa pleine collaboration dans l'élaboration de programmes communs - je vous en remercie, c'est très apprécié - susceptibles d'aider l'entreprise privée et particulièrement la PME dans la planification de la recherche industrielle." Là, il faut s'entendre. J'imagine qu'ici, pour être bien clair, vous entendez "planification" en termes de grande politique d'accès à des ressources techniques de financement, de concertation, parce que je voudrais bien souligner encore une fois que l'agence n'est pas un organisme qui va faire de la planification de la recherche. Elle va travailler sur des projets précis...

M. Dessureault: On comprend cela. (15 h 30)

M. Paquette: Très bien, alors on se comprend bien.

M. Dessureault: Mais parfois les agences, les organismes prennent des tendances, accumulent, bâtissent des empires, etc.

M. Paquette: Alors, on va veiller à ce qu'il n'en soit pas ainsi. J'aimerais vous remercier énormément de vos commentaires, M. Dessureault.

M. Dessureault: Merci.

Le Président (M. Brouillet): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Je vous remercie, M. le Président. J'aimerais remercier M. Dessureault, de l'Association des manufacturiers canadiens, pour son mémoire et particulièrement pour ses commentaires qui nous ont expliqué ce qui se passe sur le plan concret en ce qui concerne l'innovation.

Vous avez, dans votre mémoire, mais pas dans vos commentaires, tracé un bilan assez triste de notre histoire économique en Amérique du Nord surtout, que je ne partage pas tout à fait. Je crois que c'est la conjoncture de la concurrence féroce qui peut-être nous a donné une attitude un peu négative par rapport à notre performance.

À la page 2 - je parle de votre mémoire - et aussi à la page 23, vous avez parlé des choix des gagnants. J'aimerais bien comprendre votre position ici, parce que cette question d'orientation des politiques est une question qui est aussi discutée à Ottawa, je crois. Si je comprends bien votre position, vous êtes essentiellement opposés à des subventions sélectives. À cet égard, vous êtes sur la même longueur d'onde que le Conseil du patronat. Voudriez-vous...

M. Dessureault: Vous me permettez peut-être un commentaire là-dessus.

Mme Dougherty: Oui, j'aimerais avoir vos commentaires sur cette question.

M. Dessureault: Sur cette question exclusivement, il faut comprendre que, quand on parle d'entreprises privées, quand on parle de manufacturiers, nous, il faut loger nos préoccupations, nos points de vue, notre activité dans le système industriel. Maintenant, il faut se rappeler qu'il y a d'autres systèmes dans l'économie, dont le système socio-politique. Il est bien évident que, quand vous sortirez de votre système industriel pour le choix, par exemple, d'une région, pour la localisation d'une entreprise, parce que le gouvernement contribuera à un investissement quelconque, le système industriel sera dans un état de compromis et devra composer avec les autres systèmes. Alors, notre document se situe dans le système industriel et nos points de vue sont comme cela. Mais, éventuellement, quand vient le temps de se concerter avec les agents économiques, on est dans un état de concertation, de compromis et il faut conjuguer avec la société. Alors, ce n'est pas une décision bien arrêtée de dire que, même si le gouvernement contribue en accordant 5 000 000 $ à ce projet, on insiste pour que ce soit ici. Il faudra faire une concession peut-être de région. Alors, on est citoyen en même temps qu'on est industriel ou manufacturier. Mais, il faut bien oeuvrer dans notre système industriel; il faut l'organiser de telle sorte que tout soit souple, auto-adaptable, que la concurrence soit permise - on y va, allons-y - mais avec l'aide et le support des autres agents économiques. Sur le plan socio-économique, il faut composer. Seulement, on veut tous l'évolution technologique, l'évolution commerciale, pour améliorer notre standard de vie. C'est là, l'objectif. Si l'objectif est différent, c'est une tout autre situation. Je ne sais pas si je réponds à votre question.

Mme Dougherty: Oui, mais ce que je cherche...

M. Dessureault: Vous cherchez quelque chose?

Mme Dougherty: Oui, je cherche votre opinion sur cette question. Quand il s'agit d'une décision gouvernementale, est-ce que vous êtes pour ou contre une politique basée sur le choix des gagnants?

M. Dessureault: Nous sommes contre.

Mme Dougherty: Je crois que c'est...

M. Dessureault: On dit quelque part dans le mémoire que celle qui est la mieux placée pour prendre cette décision de choix, c'est l'entreprise privée. Là, vous me remettez dans mon système industriel. Si vous me dites: Est-ce qu'on doit avoir des sociétés d'État en concurrence avec des sociétés privées? Là, c'est vraiment le choix de l'État d'investir des millions dans telle ou telle entreprise et d'essayer de faire fonctionner cette entreprise. On dit: Non, il ne faudrait pas que ce soit le choix du gouvernement. Si c'était un choix partagé, accepté par des agents économiques, oui, peut-être, parce que l'on sortirait du système industriel pour composer avec le système socio-économique. Mais, que le gouvernement dise seul, de façon arbitraire, qu'on s'en va dans tel domaine et qu'on va essayer de relever cette industrie, je ne pense pas que ce soit selon les principes qu'on essaie de mettre en place dans un système industriel qui soit favorable. Quand on parle de créer un climat, comme on le disait ce matin, il faut le créer dans le système industriel le plus possible. À un moment donné, quand vient le temps d'agir dans une région donnée parce qu'il y a beaucoup d'êtres humains qui sont là, prêts à oeuvrer, qu'on décide d'un commun accord de mettre une usine à cet endroit-là, d'accord. Il y aura probablement, économiquement parlant, des prix à payer pour l'installer: des coûts de transport, des coûts additionnels, je ne sais pas.

Mme Dougherty: Si j'ai bien saisi le débat - on parle beaucoup du choix des gagnants - c'est une orientation qui est préférée aussi de plus en plus par le gouvernement à Ottawa, n'est-ce pas?

M. Dessureault: D'accord. En fait, si vous avez un abattement fiscal qui est impartial, tout le monde peut en profiter. Bien sûr, il y a des abattements fiscaux. Pour ceux qui paient de gros impôts, c'est favorable. Pour le petit, c'est moins favorable. Alors, il faut arriver avec d'autres aides financières, mais, encore là, il faudrait que ce soit ouvert. La SDI, en collaboration avec la Bourse de Montréal, vient de mettre en oeuvre un programme d'action. Les gens vont être invités à participer financièrement à l'entreprise. C'est une façon impartiale. Nous favorisons cela et nous en félicitons le gouvernement. C'est là qu'il faut aller. Les 10% mentionnés ce matin, c'est là qu'il faut aller. C'est cela l'impartialité.

Mme Dougherty: Donc, pour élargir ce principe, à notre sens, chaque subvention qui est accordée constitue un choix du gouvernement. Je parle des subventions gouvernementales.

M. Dessureault: À ce moment-là, il faut que ce soit...

Mme Dougherty: C'est une espèce de choix de...

M. Dessureault: ...administré de façon non préjudiciable. Il faut que les fonds publics soient bien administrés. Il faut faire confiance aux administrateurs de ces fonds, pour autant qu'on a des critères, pour autant que ce n'est pas un choix arbitraire et qu'il y a assez de critères pour permettre cette impartialité. C'est bien sûr que ce ne pourrait pas être parfait, mais il faut faire confiance à ceux qui administreront. Si c'est administré publiquement, si on sent que ce n'est pas impartial, on peut faire des représentations.

Mme Dougherty: Merci pour avoir répondu aux questions.

Maintenant, c'est une question de principe qui ne touche pas directement l'agence, mais vous aurez peut-être des réponses. On compare un pays avec un autre, on compare les dépenses en recherche et développement d'une façon globale. Si on examine les chiffres, au Canada, nous sommes en retard. Mais je me demande si une comparaison globale est vraiment un bon indicateur de notre force économique, de notre progrès. Ne devrions-nous pas examiner les dépenses par secteur aidé? Ne serait-ce pas un meilleur indicateur de notre progrès? Est-ce que vous avez des commentaires là-dessus?

M. Dessureault: Je comprends très bien. Ce que vous dites, c'est que ce n'est pas nécessairement parce qu'un pays dépense plus d'argent que nous qu'il va avoir de meilleurs résultats. Les regarder par secteur, c'est essentiel, je pense. Il faut les regarder par secteur. Si les investissements dans la recherche sur le plan gouvernemental sont très élevés comparativement à ce que le gouvernement permet à l'entreprise privée, on va dire: Pourquoi ne pas diminuer cet effort de recherche du côté du gouvernement et l'installer dans le secteur privé où il y aura une création d'emplois productifs? Parce que chaque fois que vous avez un centre de recherche universitaire ou gouvernemental, vous y affectez des ressources de très haute qualité et, quand vous les affectez dans ces secteurs de recherche, vous les enlevez au secteur privé, parce que la ressource est épuisable. Alors, on ne peut pas avoir deux fois plus de ressources parce qu'on crée deux fois plus de centres de recherche. Comment équilibrer? Comment mesurer l'efficacité de l'effort en recherche et développement du côté des universités, des centres de recherche, etc., en termes de nouveaux produits qui sont sur le marché, par

exemple? Comment mesurer ce qui se fait dans l'entreprise privée? À partir de là, comment peut-on, si on n'a pas les résultats attendus du côté gouvernemental, du centre de recherche, passer cette ressource du côté privé pour aider à la création d'emplois? C'est peut-être théorique, mais on est préoccupé par cette dimension.

Il y a beaucoup de talents ici qui pourraient être plus utiles là. C'est1 ce qu'on essaie de suggérer. Cette concertation pourrait peut-être le permettre. Cela ne veut pas nécessairement dire qu'on doit déplacer les centres de recherche publics; cela veut dire que le secteur privé devrait s'en servir. C'est ce qu'il faut travailler.

Je ne sais pas si vous avez remarqué -je l'ai vu dans la Gazette et je pense que cela a été reproduit dans le Devoir de ce matin - mais M. Allan, de Data Control, suggère exactement ce qu'on disait ce matin. On fragmente cet effort quand on devrait, au contraire, l'unifier et essayer de le faire produire. Nous faisons partie d'un petit pays et il serait facile de se serrer les coudes.

Les manufacturiers disent: Penses-tu que je vais aller à l'université pour leur faire faire cela? Voyons donc! Penses-tu que je vais m'occuper d'aller chercher un programme d'aide financière au gouvernement? Voyons donc! Mon produit est bon, la banque est là. Comment concilier tout cela? On dit: Oui, mais ceux qui ont failli en allant chercher de l'aide technique dans un centre de recherche, de l'aide financière à la banque, ceux qui ont failli partout vont à la SDI, vont au centre de recherche de l'université, mais en dernier ressort. Pourquoi n'y iraient-ils pas en premier s'il y avait cette liaison entre le secteur public et le secteur privé, à ce niveau?

Mme Dougherty: Donc, dans une certaine mesure, j'ai raison de dire que les chiffres globaux sont une partie de l'histoire. Tous les dollars en R et D n'ont pas la même valeur en coûts-bénéfices.

M. Dessureault: D'accord. Mme Dougherty: D'accord.

M. Dessureault: Je pense que vous avez utilisé les bons termes. Cela ne veut pas dire qu'il faille éliminer certaines dépenses de recherche à long terme; il faut investir dans l'avenir. Mais, à court terme, l'innovation, l'invention servira exclusivement à donner de nouveaux outils à l'entrepreneur. Ces nouveaux outils seront utilisés à la confection de produits de consommation pour le grand public, etc. Quand vous aurez produit ces outils, vous voudrez plus d'argent pour en produire encore plus, pour les multiplier. La création, c'est cela; l'innovation, c'est cela.

(15 h 45)

Au Québec, on est reconnu. Je pourrais vous donner des centaines de témoignages de "patenteux". Mettez quelque chose de mécanique dans les mains d'un ouvrier, dans une usine au Québec, et demandez-lui de faire quelque chose de nouveau avec cela, il va vous le faire. Nous sommes des inventeurs, des innovateurs. Nous sommes considérés comme les deuxièmes au monde, c'est-à-dire dans les pays occidentaux. Nous sommes les deuxièmes où la richesse naturelle est la mieux qualifiée. Nous sommes le premier pays, le Canada - et cela inclut le Québec - dans les 22 pays de l'Occident, où les investissements en éducation du gouvernement, c'est numéro un. On a cette richesse et on ne semble pas être en mesure de permettre à cette richesse de se développer pleinement. C'est sur le plan des ressources humaines particulièrement qu'on attire l'attention de tout le monde parce que nous, comme gestionnaires, on a failli un peu, parce qu'on s'est occupé beaucoup plus de la machine, de l'équipement, etc. Là, on se rend compte que, si on veut être concurrent sur le plan mondial, c'est la ressource humaine qui nous donnera une réponse parce que la ressource naturelle est épuisable. Les nouveaux produits viennent rapidement et non seulement le produit, mais aujourd'hui on parle des composantes d'un produit. Si vous avez 150 composantes dans un produit, cela ne veut pas nécessairement dire que ces composantes seront manufacturées au Québec. Cela peut venir de partout dans le monde.

Il faut regarder chacune des composantes de chacun des produits et pour cela on a besoin de compétences en recherche, en innovation, à tous les niveaux. On les a au Québec, il s'agit de s'en servir. Malheureusement, on est obligé d'aller en chercher ailleurs parce qu'il y a quasiment 250 métiers et professions pour lesquels on manque de personnel et on a quasiment

I 000 000 de chômeurs dans tout le Canada.

Il y en a combien de centaines de milliers au Québec? On a un effort. Quand je parle de science et de technologie, je ne vois pas exclusivement recherche, valorisation de la recherche par rapport aux brevets. Je vois des problèmes encore beaucoup plus immédiats comme celui du recyclage des êtres humains et celui de l'enseignement de la science et de la technologie. Cela ne peut pas se faire en dehors de l'entreprise privée. Je pense que je me répète.

Mme Dougherty: Merci. À la page 9, troisième paragraphe, vous avez parlé de la faiblesse des stimulants à la R et D dans le premier cas, défaut de reconnaître l'importance de la technologie étrangère dans le second. Donc, deux faiblesses.

Quelles sont les mesures que vous

envisagez pour corriger ces faiblesses?

M. Dessureault: La première mesure, c'est le climat du système industriel.

Mme Dougherty: Le climat. D'accord.

M. Dessureault: Je ne répéterai pas ce que le Conseil du patronat a présenté, mais je vous dirai ceci. Quand on est en bonne santé, qu'on marche bien, personne n'en parle, cela va bien. Mais quand vous avez des épingles dans les genoux ou dans les coudes ou dans les chevilles, cela marche moins bien. On nous dit et on nous répète, M. Biron nous disait encore récemment: Pourquoi les manufacturiers ne disent-ils pas ce qu'il y a de bon au Québec plutôt que de toujours se plaindre de ce qui n'est pas bon? Je vous dirais: On parle de ce qui est bon. On parle du divorce, mais on ne parle jamais du bon mariage. Quand vous avez des épines dans les pieds qui vous empêchent d'avancer, vous en parlez, cela vous fait mal. Donc, guérissons le pied, enlevons les épines, et il n'y en a pas beaucoup. Il y en a un peu sur le plan de la fiscalité, un peu sur le plan de la langue, un peu sur le plan de la réglementation. Si on pouvait éliminer ces trois épines, on n'aurait pas de problème. Les investisseurs sont craintifs. L'argent va où le climat est favorable. C'est une vérité de La Palice et on le sent. J'aime bien ceux qui partent du Québec par la porte d'en avant. Je les aime parce qu'ils sont vraiment francs, mais ceux qui partent du Québec par la porte d'en arrière et qu'on ne connaît pas... Quand vous déménagez un directeur de la recherche a Toronto ou à Calgary, vous venez de transférer le département de la recherche. Peu importe si les gens restent au Québec. Allez vérifier et, après trois ans, quatre ans ou cinq ans, ils sont tous partis.

Il faut donc créer un climat favorable et, pour moi, il est facile. Un, deux, trois. Trois épines dans un pied, vous les enlevez et le Québec est reconnu comme un pays qui a un climat social favorable. Je ne fais pas de politique; peu importe le parti politique, on a toujours eu un climat favorable pour les investisseurs. Il faut ouvrir la porte aux investisseurs étrangers et c'est là qu'est notre problème, quand on parle de faiblesse. Toute cette nouvelle technologie, toutes ces innovations, toute cette recherche, pour une grande partie, nous ont été apportées au Québec par les investissements étrangers, les multinationales. On devrait favoriser les transferts technologiques par le biais des multinationales. Cela est un projet qui devrait être entrepris immédiatement par le ministère de la Science et de la Technologie. Une bonne relation avec les multinationales et elles vont se plier à la concertation. On ne demande pas mieux. Regardez le journal de ce matin: Haute technologie. Il y a une demande, on veut investir au Québec dans la recherche. On demande cette concertation entre le gouvernement, les universités et les entreprises. D'après moi, c'est un langage qui ne doit pas être provocant. Ce n'est pas là de la confrontation. Mais si on met des épines, si on se donne... Je suis en train de faire des déclarations que je ne devrais peut-être pas faire, cela ne m'appartient pas. Pourquoi donner, au Québec, des suggestions qui pourraient faire penser à quelqu'un que ce n'est pas favorable d'aller au Québec parce qu'on a institué telle réglementation ou qu'on a fait telle chose? Pourquoi se mettre dans ces situations? Pourquoi ne pas se mettre sur une base de concurrence? Si on fait partie d'équipes qui doivent jouer sur le plan concurrentiel et sur le plan international, pourquoi ne pas se donner les mêmes vêtements de couleur différente, mais les mêmes vêtements et jouer la partie pour gagner?

Mme Dougherty: Sur la deuxième faiblesse que vous avez soulignée, notre défaut, un manque de reconnaissance de l'importance de la technologie étrangère, est-ce que vous avez quelque chose à dire là-dessus?

M. Dessureault: Oui. Il y a un bureau des brevets à Ottawa qui pourrait faire comme les autres pays et distribuer de l'information dans tout le Canada. Il n'y a rien qui empêche le Québec d'avoir, par le biais du ministère, quelqu'un qui s'occupe de donner de l'information, de demander aux multinationales de collaborer à ce niveau et de bâtir une espèce de réseau d'information entre l'entreprise privée et le gouvernement. Ces choses-là se font.

Mme Dougherty: Je crois que, dans le mémoire de M. Biais, que nous entendrons dans quelques minutes, on mentionne l'organisme qui s'occupe des brevets canadiens. Peut-être que nous pouvons parler de cela avec M. Biais. C'est une question importante, je crois. Pourquoi cela ne marche-t-il pas apparemment très bien? C'est une façon importante de diffuser les connaissances.

M. Dessureault: II y a beaucoup à faire, à part cela, sur le plan provincial-fédéral-international et beaucoup de choses peuvent être faites.

Mme Dougherty: J'ai une autre question qui est très importante, je crois. Vous avez soulevé et vous êtes peut-être les seuls qui ont soulevé les problèmes inhérents dans nos relations de travail. C'est évident et vous avez soulevé plusieurs problèmes en ce qui concerne la main-d'oeuvre, mais vous avez surtout déploré le système de négociation qui

est peu propice à répondre aux besoins d'être concurrentiel sur le marché mondial. Vous avez - j'en suis certaine - examiné d'autres systèmes ailleurs. Je crois qu'il y a quelques compagnies privées ici qui expérimentent d'autres systèmes, d'autres attitudes, avec beaucoup de succès. Je crois que Alcan est une des compagnies qui a eu beaucoup de succès avec un autre système. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus. Je cherche particulièrement les initiatives possibles pour le gouvernement à cet égard. Je crois que nous sommes arrivés au but dans cette affaire. Il faut repenser toutes les relations entre la main-d'oeuvre et l'État ou le management.

M. Dessureault: Pour les manufacturiers, la réponse est simple, c'est que les employés sont eux-mêmes les manufacturiers. Quand je suis allé au congrès de la CSD, on m'a invité comme conférencier, et M. le ministre était là, et j'ai salué tous les gens en entrant comme des manufacturiers. On m'a acclamé et cela a été un peu une risée, mais rien n'empêche que j'étais sérieux. Ce sont eux les manufacturiers, ceux qui sont dans l'usine.

Je peux vous donner des exemples d'usines à travers le Québec où vous avez des syndicats, et d'autres, où il n'y a pas de syndicat. Par exemple, Dominion Textile à Drummondville est une usine qui emploie une soixantaine d'employés. Il n'y a pas de contremaître ni de superviseur. Il y a un directeur d'usine et une soixantaine de gars qui travaillent chacun à son poste. Le patron est parti en vacances cinq semaines et personne ne l'a remplacé. Les gens travaillent là n'importe quand, le samedi ou le dimanche. Quand il y a un problème, ils entrent. Ces employés travaillent parce qu'ils aiment cela. Ils ont un objectif commun. On leur a créé cet environnement.

Du côté des manufacturiers, il faut changer l'attitude, la mentalité d'abord du patron. Fini le temps où le patron commandait tout le monde. Il faut laisser à chacun la possibilité de donner son talent, de se satisfaire d'abord lui-même et, après cela, de servir l'entreprise. Après un petit bout de temps, vous vous rendez compte qu'il sert beaucoup plus l'entreprise.

Si le syndicat prend le même chemin, le chemin de la concertation avec le patron, si les deux s'entendent sur le fait que l'objectif, c'est de produire pour réaliser des profits, pour doubler le salaire des gars, pourquoi ne pas les faire participer aux profits? Il n'y a pas un patron qui est contre cela. Maintenant, dans une nouvelle usine, c'est facile. Les syndicats sont en voie de disparition. Ils sont encore appelés à jouer un rôle important si seulement ils font un petit recul et se donnent une nouvelle orientation et des moyens d'action. On peut comparer des syndicats, ici au Québec, et dire que tel syndicat est favorable au développement économique, favorable à ce genre de concertation, et d'autres, un peu moins.

Éventuellement, autant pour les patrons qui ne changeront pas leur mentalité, les entreprises vont mourir; autant pour les syndicats qui ne changeront pas leur mentalité, ceux-ci vont aussi mourir. Ce n'est pas une question de savoir si les manufacturiers sont pour ou contre le syndicalisme, pas du tout. Pour nous, c'est l'employé qui décide s'il veut se faire représenter par un syndicat ou non. Quand sa décision est prise, l'entreprise travaille avec le syndicat comme si c'était l'employé. C'est un intermédiaire, comme le contremaître peut l'être.

Dans l'entreprise privée, les fonctions de contremaître et de superviseur, les cadres, ce qu'on appelle "le middle management", tout cela va disparaître, pour autant que vous permettiez à tout le monde... Cela va jusqu'à un électricien, par exemple. Je connais une usine, ici au Québec, où les électriciens, au début de l'année, avec le directeur de l'usine, déterminent les besoins pour l'entretien, la réparation de toutes les pièces électriques, la machinerie. On donne un budget à l'électricien, il fait les achats. L'électricien achète ses outils, sa paire de pince est à lui. Il n'en achètera pas 15 au cours de l'année pour en avoir 14 dans un coffret d'outils chez lui dans son sous-sol, non. Une c'est assez, car c'est lui qui l'achète et il en est responsable. S'il en a besoin à la maison, il s'en sert et la rapporte le lendemain matin, il n'y a rien là. Alors, il est responsable de l'entretien et de la réparation. Il est responsable de l'argent jusqu'à la fin de l'année. De ce qu'il épargne, il en garde une partie.

Mais c'est un médecin, un chirurgien, il porte lui-même son diagnostic, il se sert de ses talents, il est heureux et il n'a pas besoin de patron. Il n'a peut-être pas besoin de syndicat non plus.

Mme Dougherty: Voici ma dernière question. Croyez-vous que le même principe pourrait être appliqué au service public? (16 heures)

M. Dessureault: Bien sûr, il faut que le service public fasse la même chose, d'abord réduire ses dépenses. L'entreprise privée, prenez Dominion Textile à Saint-Jean où vous avez peut-être 600 ou 700 employés -je me sers de chiffres qui ne sont peut-être pas exacts - j'ai toujours parlé de Dominion Textile ou d'autres. Le textile, j'en parlais comme d'un secteur mou jusqu'à ce que les gars du textile me disent: Écoute, tu parles du secteur mou, mais on est bien plus dynamiques que tu penses. J'ai dit: Si vous l'êtes, parlez-en; prouvez-moi que vous êtes

dynamiques. Ils m'ont invité à visiter une usine, je suis allé à Saint-Jean parce qu'à Saint-Jean, ils sont à mettre en place de la haute technologie, ce sont des robots qui sont installés là. Vous avez des trompes d'éléphant qui ramassent le coton dans un bout de l'usine - on a fait des changements - et à l'autre, vous avez une centaine de femmes qui balaient. Ensuite, vous avez un autre robot qui prend le fil et qui le passe dans une aiguille; à l'autre extrémité de l'usine, où le changement n'est pas encore réalisé, vous avez une autre centaine de femmes qui font des travaux - des hommes et des femmes, je ne sais pas pourquoi je parle de femmes. Il y a aussi le tissage qui se fait automatiquement.

Toutes ces fonctions manuelles - je dis des femmes parce que les femmes sont plus habiles à faire des travaux d'endurance que les hommes; on n'a pas le courage de faire ce genre de travail - sont remplacées par la haute technologie dans cette grande usine à Saint-Jean, qui a été construite sur un terrain grand comme cela et l'usine prend à peu près ça de place, parce qu'on s'est dit que, dans cinq ans, il faudrait doubler, tripler ou quadrupler, mais ça rapetisse à l'intérieur parce que la haute technologie a pris la place. Pour 100 unités en une heure, ils sont passés à 1700 et, dans 7 ans, cela sera 17 000 unités en une heure. Ils ont la capacité de produire. Ils sont allés vers la haute technologie et deviennent concurrentiels sur le plan mondial; ils vendent partout dans le monde. Ce n'est pas un secteur mou; c'est un secteur dynamique.

Vous avez là le phénomène de la population ouvrière qui est passée de 600 à 400 et à 300. Toute cette nouvelle technologie a embauché des gens partout autour. On a vécu l'ère de l'agriculture où 45% des gens travaillaient à l'agriculture en 1940; aujourd'hui, cela représente 5%. Je vous dis que les 35% ou 40% entre les deux sont occupés ailleurs. Le changement technologique, quand on parle du virage technologique, ce n'est pas un virage qu'on fait comme cela. Ce n'est pas un virage, c'est une image. C'est toujours cela, mais là il est plus accéléré parce qu'avec la micro-électronique on a vraiment accéléré. Les pupitres de secrétaire, demain, non seulement pour les commis de bureau, mais aussi pour les patrons, seront intégrés; plutôt que d'avoir une planche pour écrire, ce sera un microprocesseur, pour employer un anglicisme, et tout le monde jouera avec cela. C'est cela demain.

La nouvelle technologie, le changement de mentalité, le rôle des syndicats, tout cela est à repenser et pour cela il faut de la concertation. Comprenez-moi bien, il n'est pas question de suggérer qu'il faut se débarrasser des syndicats, pas du tout. C'est une décision qui appartient à l'employé.

Mme Dougherty: Merci, M. Dessureault.

Le Président (M. Brouillet): Je remercie M. Dessureault. Nous allons maintenant inviter les représentants du Centre d'innovation industrielle (Montréal) à nous présenter leur mémoire. J'inviterais les porte-parole à s'identifier.

Centre d'innovation industrielle (Montréal)

M. Biais (Roger-A-): M. le Président, M. le ministre, madame, messieurs, je suis Roger Biais. Je suis le seul représentant du Centre d'innovation industrielle (Montréal).

Le Président (M. Brouillet): Excusez-moi, M. Biais. Est-ce que vous aimeriez venir au centre pour que les membres autour de la table puissent vous voir?

M. Biais (Roger-A.): Ce n'est peut-être pas important qu'on me voie, mais plutôt qu'on m'entende ou qu'on me comprenne.

Le Président (M. Brouillet): Parfois cela aide à mieux entendre quand on voit.

M. Biais (Roger-A.): Je suis très heureux d'avoir l'honneur de m'adresser à la commission. Je dois d'abord vous informer que c'est ma première expérience en commission parlementaire, mais, en matière de valorisation industrielle de la recherche, j'en fais depuis treize ans dans les secteurs gouvernemental, universitaire ainsi qu'industriel.

Deuxième remarque préliminaire, j'ai eu l'avantage au cours des derniers jours -puisque ce mémoire a été présenté très rapidement - d'en saisir un certain nombre de collègues. J'ai le plaisir de vous dire que le Groupement québécois d'entreprises, dans un témoignage non sollicité d'aucune façon, m'a chargé de dire à cette commission que le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui représente, non seulement le CIIM, mais également le Groupement québécois d'entreprises qui représente environ 2 500 000 000 $ d'activité par année, de même que 25 000 employés dans tous les secteurs de l'économie, avec un fort accent, évidemment, sur le secteur manufacturier. On a demandé au Groupement québécois d'entreprises en même temps de mettre l'accent sur la recherche et développement comme moyen privilégié de favoriser la création d'emplois et également d'intégrer les hommes d'affaires autonomes dans les diverses activités de l'agence. Ceci pour le message.

Je m'identifie également parce qu'un autre témoignage absolument non sollicité -puisque vous vous intéressez, comme membres de la commission, à savoir qui je

représente - que la firme Robichaud, Poulin et Associés, qui oeuvre dans le domaine de transfert des techonologies, dans un télex daté d'hier, m'a demandé de vous informer que sa firme - c'est signé par Michel Robichaud lui-même - qui est impliquée très fortement dans les accords industriels entre des sociétés québécoises et étrangères, après l'étude de notre mémoire, appuie complètement la position que nous avons prise sur les différentes recommandations faites auprès du ministère de la Science et de la Technologie.

J'ai également eu le privilège de lire tous les autres mémoires. Je dois vous dire que je n'ai aucune espèce de problème, au nom du centre, à concilier notre position avec celle des autres intervenants à cette commission.

Si vous le permettez, dernière remarque. Le mémoire que nous vous soumettons respectueusement n'est pas un mémoire sur la recherche elle-même; ce n'est pas non plus un exposé de principes économiques qui sont assez largement connus et adoptés. Ce n'est pas non plus l'amorce d'un débat sur la langue ou sur la fiscalité; c'est un mémoire qui s'adresse directement à l'objet de la commission, c'est-à-dire l'AQVIR.

Pour ceux qui n'ont pas le temps, nous avons indiqué, dans une page, l'essentiel de notre message - puisque l'essence, c'est le message. Nous avons dit au départ que nous nous intéressons au plus haut point au projet que caresse le gouvernement actuel d'établir une agence telle que celle-ci et on excusera de ce fait l'ampleur de notre mémoire, puisqu'il est à peu près aussi long que celui de l'Association des manufacturiers canadiens, soit 25 pages. Mais, reconnaissant qu'il existe une très grande disproportion entre les sommes, les ressources consacrées globalement à la recherche et le très peu de ressources qui existent pour la valorisation de la recherche, il nous apparaît singulièrement important, dans un contexte d'innovation industrielle, d'appuyer sans détour, sans ambages, sans opinion politique, le principe de l'agence, même si nous devons parfois poser certaines questions au sujet des modalités de son opérationalisation et de son plan de fonctionnement.

Nous allons soumettre une série de recommandations au sujet de l'agence en question, mais, grosso modo et globalement, nous recommandons que l'agence devienne essentiellement un agent de financement dans les étapes les plus risquées du processus de l'innovation et particulièrement dans la zone grise entre l'idée primaire et le point, l'étape ou le stade où ce projet est digne d'attention de la part des financiers de capital de risque ou encore des entreprises. C'est essentiellement notre message.

Mais quelle que soit la formule éventuellement retenue, il va sans dire que nous offrons notre pleine collaboration à ladite agence. La raison est bien simple et je vais vous l'expliquer dans un instant. C'est que nous sommes déjà une agence de valorisation industrielle de la recherche, nous y croyons tellement que nous l'avons créée il y a trois ans sous des modalités différentes. Le défi qui se pose à la nouvelle agence, par conséquent, est de concevoir sa mission dans une perspective dynamique de l'innovation industrielle, donc de l'innovation technologique, et non pas simplement de l'innovation commerciale, et de faire largement appel aux ressources du milieu, sans diluer la problématique et le bien-fondé de ses orientations principales. Et d'aucune façon, nous ne constestons au gouvernement actuel ou futur le privilège unique de pouvoir vraiment exercer un leadership qui a manqué pendant trop longtemps à notre pays j'entends par là le Canada, si on me permet l'expression - et encore plus spécifiquement au Québec. Il faut savoir gré au ministère de la Science et de la Technologie et, en particulier, à son titulaire actuel, d'avoir pris au sérieux ses responsabilités et ceci en contraste assez marqué avec certains de ses prédécesseurs que je ne nommerai pas.

Donc, pour suivre la veine qui a été présentée ce matin, je vais faire un très court compte rendu du mémoire pour ceux qui ne l'ont pas lu. Je ne me fais pas d'illusion, l'innovation technologique comme la recherche, cela n'excite pas les gens, cela n'a pas beaucoup de saveur politique. Cela prend des courageux, cela prend des missionnaires pour essayer de passer le message et cela prend encore plus des visionnaires pour croire à la valorisation industrielle de la recherche et nous en sommes et nous partageons les mêmes avis en ce sens, M. le ministre.

Cependant, les fleurs étant passées, je dois vous dire que les délais très courts qui nous ont été impartis pour préparer notre mémoire - trois jours exactement - ne nous ont pas permis de fouiller la question en profondeur, d'autant plus que c'est seulement hier que j'ai reçu la brochure expliquant le fonctionnement de ladite agence. Beaucoup de questions que nous posons aux pages 1 et 2 se rapportent précisément à ces modalités opérationnelles de fonctionnement de l'agence. Par exemple, le projet de loi ne nous donnait aucune indication sur la recherche dont il s'agissait. Il ne nous disait pas si, effectivement, on était pour s'occuper également de la recherche faite dans le secteur privé et, Dieu merci, où le secteur privé, où les entreprises sont infiniment en meilleure position de valoriser la recherche que n'importe quel autre organisme, fût-il gouvernemental ou universitaire.

Je dois vous dire également que les opinions que j'exprime ici sont au nom des

administrateurs du CIIM dont vous avez la liste en annexe I; également, au nom des employés du CIIM - nous ne sommes que neuf professionnels, quatre secrétaires et deux techniciennes; c'est microscopique -mais, également, au nom de notre cortège dont je suis très fier, cortège des inventeurs et des entrepreneurs technologiques.

Dans notre mémoire, nous avons cru bon de faire allusion au Virage technologique puisqu'il s'agit, à notre avis, d'un document fondamental qui trace des lignes d'action de politique économique pour le Québec. Ce mémoire traduit bien l'importance qu'attache le gouvernement actuel à la technologie et c'est là déjà en soi une innovation pour un gouvernement du Canada que de reconnaître l'importance de la technologie dans un milieu qui devient de plus en plus concurrentiel et dont la compétitivité est extrêmement importante.

Nous avons cependant noté que, dans les énoncés venant du gouvernement, il y a toujours en filigrane une sorte de constante où on parle constamment des initiatives du gouvernement, des agences qu'on veut créer, des fonds, etc. Mais, on parle très peu des autres acteurs essentiels dans la société lorsqu'il s'agit du secteur privé. Par exemple, le Virage technologique est remarquablement muet sur le rôle qu'exercent dans notre économie les grandes sociétés multinationales. Or, moi, comme Canadien français catholique pure laine, je dis que c'est un phénomène avec lequel nous devons composer. C'est inéluctable, c'est une vérité sine qua non de notre existence. Il ne s'agit pas de donner notre chemise aux Américains, mais de composer avec une réalité internationale qui devient de plus en plus serrée. Nous avons applaudi à la naissance du nouveau ministère de la Science et de la Technologie et, à titre de président de l'Association des directeurs de centres de recherche industrielle du Québec, nous avions dit à maintes reprises au gouvernement que ledit organisme devait être un organisme léger - j'entends le ministère - et nous sommes heureux de constater que le ministre répond à nos aspirations dans une large mesure. (16 h 15)

Je ne reviendrai pas cependant sur les autres points fondamentaux qui ont fait largement le sujet d'un débat ce matin et que nous répétons au gouvernement depuis 1978. Mon rôle, actuellement, n'est pas de répéter, d'interpréter mes collègues de la recherche industrielle, mais plutôt d'interpréter le contexte de la valorisation industrielle de la recherche. Donc, je reviens au sujet.

Nous savons gré au gouvernement d'avoir retardé l'adoption de son chapitre V puisque tout le reste était très bien, en large mesure. Ce pourquoi nous applaudissons au retard, au dépôt de ce chapitre V sous forme de la loi 37, et nous devons donner crédit également aux membres vénérables de l'Opposition d'avoir contribué à la justesse du tir, c'est que l'importance et la complexité du sujet mérite en effet qu'on s'y attache en profondeur.

À notre avis, il y a une constante fondamentale qui existe dans toutes les sociétés dites évoluées, toutes les sociétés qui ont une propension vers la création d'emplois rémunérateurs et, en même temps, satisfaisants pour les employés de toute classe, c'est la vérité sine qua non de l'importance de l'innovation technologique dans une nation ou dans un pays.

Donc, à notre point de vue, la façon dont nous interprétons le projet de loi 37, c'est qu'il s'inscrit carrément dans l'optique d'une volonté politique de reconnaître l'importance de l'innovation technologique dans notre milieu et de la favoriser par tous les moyens possibles, même si on peut trouver à redire sur la façon de fonctionner. Mais, concernant les principes, nous sommes tout à fait d'accord.

Cela, par contre, nécessite une stratégie de développement et d'innovation technologique et c'est beaucoup plus facile à dire qu'à faire. Nous en savons quelque chose puisque cela fait trois ans qu'on essaie de faire cela.

Tout État moderne doit maintenant se préoccuper de sa capacité nationale de pouvoir créer de nouveaux produits, de nouveaux procédés qui répondent aux besoins des marchés et, nommément, des marchés extérieurs, puisque, avec une population aussi restreinte que celle du Québec - qu'est-ce que vous voulez faire avec 6 400 000 d'habitants? - c'est minuscule dans l'échiquier international, et aussi qui répondent forcément à des besoins socio-économiques au sens le plus large du terme. Or, cela, mesdames et messieurs, dépasse largement la simple question, la simpliste question - serait-on porté à dire - de la recherche et du développement. C'est beaucoup plus large, beaucoup plus profond, beaucoup plus complexe et aussi énormément plus significatif. Il faut comprendre, dans ce contexte, que nous sommes entrés maintenant dans une nouvelle révolution industrielle de tout ordre et de tout point et que les gagnants dans cette course vont être ceux qui vont être les meilleurs managers, pas nécessairement les meilleurs chercheurs, mais les meilleurs managers, les meilleurs gérants du changement technique qui s'impose. Si nous voulons profiter du changement technique, la meilleure façon, c'est d'être dedans, parce que autrement nous allons le souffrir, nous allons le subir plutôt que d'en jouir et d'en profiter convenablement pour tous les segments de la population.

Il y a une autre vérité sine qua non.

Pas plus tard que la semaine dernière, j'avais le grand honneur de remplacer au pied levé M. le ministre Bernard Landry. À cette conférence sur les transferts internationaux de technologie, je signalais que l'innovation technologique est devenue maintenant le principal facteur de croissance économique, dépassant même l'importance des nouveaux investissements en capital de même que le facteur de production de la main-d'oeuvre. C'est bien reconnu.

Pour vous permettre de vous dérider un peu, puisque la journée est très longue, les débats sont acrimonieux, si j'ai pu en juger d'après ce matin, en tout cas, il y a une finesse dans vos tours de passe-passe qui ne nous sont pas très familiers. Je voudrais simplement vous dire que l'histoire de l'innovation se déroule un peu de la façon suivante. Premièrement, les Américains annoncent qu'ils ont fait une grande découverte. Deuxièmement, les Russes ripostent qu'ils l'ont inventée il y a déjà 20 ans. Troisièmement, les Japonais commencent à exporter l'innovation.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Blais (Roger-A.): Donc, au Québec comme ailleurs, le défi majeur qui se pose, c'est une bonne gestion du processus d'innovation et nous devons en toute honnêteté intellectuelle concevoir l'AQVIR dans un continuum de l'idée originale jusqu'à son incorporation dans le système productif. Le phénomène le plus global qui concerne le défi le plus global, qui concerne toutes nos sociétés industrielles, c'est l'adéquation entre le système scientifique, d'une part, et le système productif, d'autre part. L'AQVIR, vous le pensez bien, s'insère directement. Mme Dougherty dirait: "It is inserting itself squarely, directly into that thing." Est-ce parfois permis de parler anglais ici? Oui? Cela va.

M. Paquette: ..."squarely" au sens figuré.

M. Blais (Roger-A.): Cela va. L'important est que vous compreniez le message. Je parlerais espagnol s'il le fallait.

Le rôle de l'État. Nous nous sommes permis une petite incursion qui n'est pas d'ordre politique, mais qui correspond à un "got feeling", c'est-à-dire que les fondements économiques dans une société comme la nôtre reposent sur le principe de la libre entreprise, de la concurrence et des économies de marché. Je me distingue peut-être de M. Dessureault dans le sens que je ne réclame pas - d'ailleurs il ne le fait pas toutes les vertus de l'industrie manufacturière parce que je sais pertinemment que nous avons une structure industrielle tronquée au Canada et, en particulier, au Québec. Je connais toutes les affres que nous devons traverser pour essayer de corriger un état de fait qui est extrêmement difficile, mais nous devons composer avec une réalité mouvante qui est celle, évidemment, du pouvoir, des influences et surtout du marché et de la puissance financière.

C'est facile, c'est beau de parler de concertation, mais c'est bougrement difficile à réaliser. Vous n'avez qu'à regarder les efforts assez valables qu'ont déployés les universités à cet égard. M. le sous-ministre de la Science et de la Technologie en sait quelque chose. Il faut vivre la réalité d'une université, il faut vivre la réalité d'une PME, il faut vivre la réalité d'une grande entreprise, il faut également connaître la bureaucratie d'un ministère - je les connais, j'y ai vécu - pour savoir que j'ai une volonté terrible de m'affranchir de tout ceci et de pouvoir agir en fonction d'un vaisseau qui s'en va vers une modeste contribution à l'innovation industrielle. Pour cela, on a besoin d'un organisme flexible, qui a des règles de fonctionnement bien fixées, qui a des politiques bien établies et qui a des règles de travail, une conjoncture qui lui soient favorables.

Cela étant dit, la grande vérité qui peut se dégager du rôle de l'État, c'est -tout le monde le dit ici, tous les gens du secteur privé, toutes les associations le répéteront - de créer un climat favorable à l'épanouissement de l'"entrepreneurship". Or, dans cette brochure-ci qui est très bien faite, pas une seule fois les mots "entrepreneur" et "entrepreneurship" ne sont mentionnés. Je mets quiconque au défi de retrouver ces mots. Or, s'il est vrai, si on veut avoir une articulation de valorisation industrielle de la recherche, il est absolument fondamental qu'on ait le phénomène de l'entrepreneur et de l'"entrepreneurship" technologiques, sinon on n'a rien.

Les financiers d'un côté, les chercheurs de l'autre, s'il n'y a pas l'articulation entre les deux, formée par des entrepreneurs, on n'a rien. Rien ne se produit. On pourra créer une structure, on pourra avoir de grandes aspirations, une grande idéologie, il ne se produira pas grand-chose. L'expérience l'a prouvé très clairement dans un certain nombre de pays et je pourrai vous en parler tantôt lors de la période des questions parce que je terminerai dans trois minutes.

Les fonctions de l'agence projetée. Nous disons essentiellement que ce soit un agent de financement dans la zone grise du développement. J'ai assez d'amis à divers niveaux, dans les divers ministères, pour savoir que ce sentiment est largement partagé. Donc, bravo! On dit: Au moins, on a quelque chose de fondamental dans l'agence en plus d'avoir le principe de base dont nous

parlions tantôt.

Je passe sous silence les diverses fonctions dévolues à l'agence puisque les divers intervenants se sont interrogés là-dessus, mais chose certaine, lorsqu'il s'agit de susciter la participation financière de divers organismes, on peut se demander s'il n'y a pas lieu, comme nous le signalons dans notre mémoire à la page 6, de faire en sorte que l'agence mène les projets, si c'est son bon désir, jusqu'au point où l'entreprise privée exerce ensuite le leadership- voulu plutôt que de se substituer au secteur privé dans le financement et tout le grenouillage qui entoure ce genre d'activités.

Je vous fais grâce de nos commentaires sur le projet de loi. Plusieurs des commentaires sont d'ordre minime, à l'exception de l'article 17 où, fidèle à mes origines, je ne peux qu'endosser pleinement, à titre personnel de même qu'au nom du CIIM, la recommandation qui vous a été faite par l'École polytechnique de Montréal de scinder l'article en deux parties.

Nous fournissons des commentaires que nous espérons éclairants sur le cas de l'ANVAR. J'ai visité l'ANVAR, j'ai discuté avec des gens à de très hauts niveaux, j'ai vu ce que c'était et j'ai même participé à des valorisations industrielles d'inventions qui avaient été confiées à l'ANVAR et qui n'avaient rien foutu.

Bien sûr, j'ose espérer que c'était un cas d'exception, mais j'ai assez d'amis français pour savoir un peu ce qui se passe à l'intérieur de la boîte et pour avoir beaucoup de fierté dans l'espoir que nous caressons nous-mêmes au Québec.

En ce qui concerne la NRDC, la chose qu'il faut souligner, c'est que cet organisme, la National Research and Development Corporation, est à établir, avec une force remarquable, des efforts de recherche résultant de l'effort de guerre, avec une panoplie extraordinaire de savants qui ont travaillé pour gagner la guerre. Il y avait donc là une richesse inouïe, un potentiel d'innovations industrielles qui ne méritait qu'à être exploité, et bravo pour les Anglais. Mais, en ce qui concerne le reste, pour les Anglais, et ils le disent eux-mêmes, ce n'est pas fameux..

Le cas de la SCBL, plus près de nous à Ottawa, est encore plus pathétique et ce n'est un secret pour personne, y compris les universités, que la SCBL est en voie de chercher sa vocation, ceci depuis trois ans, et que la dernière chose qu'on enverrait à la SCBL, ce serait une invention qui aurait un tant soit peu une saveur, un certain potentiel d'exploitation industrielle.

Il faut bien comprendre que la SCBL a été créée avec une fausse illusion. C'est vrai, peut-être que des illusions, c'est toujours faux, mais avec une illusion de principe, de perception. C'est-à-dire que les inventions qui sont produites dans les laboratoires, dans le temps, du Conseil national de recherches devaient normalement trouver un aboutissement vers le marché. Or, il n'y a rien de plus faux. On sait que le paradigme de l'innovation ne repose pas sur ces bases-là et je pourrai vous l'expliquer après, si vous le désirez.

Les expériences au Québec: Nous faisons état du CRIQ. Dieu sait si les intervenants ici et les membres de la commission ont toujours fait allusion au CRIQ. Je serais bien mal en point de surajouter à tout ce qui a été dit au sujet du CRIQ. Comme on a dit très peu de choses au niveau du CIIM, vous me permettrez cependant d'éclairer votre lanterne au sujet du CIIM.

Pour terminer mon énumération, il y a les centres et les bureaux de recherche industrielle dans les universités et, également là, je pourrais vous donner des informations utiles puisque j'en ai établi un à l'École polytechnique et je suis en relation avec plusieurs autres.

Le cas des subventions FCAC est également un mécanisme non négligeable de valorisation, sous certaines formes, de la recherche qui se fait dans les universités, mais en tout respect, évidemment, de la recherche universitaire vers des fonctions dites académiques. Là encore, je pourrais vous faire des commentaires au besoin puisque j'ai eu le privilège à maintes reprises de siéger au fonds FCAC et surtout d'évaluer la pertinence de certains projets de recherche. (16 h 30)

Quant au cas du CNRC, j'ai été "poigné là-dedans" et je peux vous dire que c'est un organisme non négligeable et d'une importance accrue pour le Québec, à un point tel que des administrateurs du CNRC sont maintenant logés au CRIQ et cela fait partie heureusement de la nouvelle stratégie du Conseil national de recherches du Canada de se rapprocher des réalités régionales du Canada, et bravo! Mais cela commence. Une des raisons pour lesquelles je mentionne le cas du CNRC, c'est que nous sommes devenus une articulation du CNRC dans notre milieu québécois. Je pourrai vous en donner quelques exemples.

Personne n'a parlé du cas d'IREQ qui est notre plus grand laboratoire au Québec en énergie, qui a une réputation inégalée dans le monde, qui est sorti du cerveau imaginatif d'un chercheur qui avait une vision de l'avenir et qui a réussi à convaincre son P.-D.G. contre le gouvernement. Et le P.-D.G. a réussi à convaincre son ministre de l'établir - nous pouvons en être très fiers - avec une mission internationale. Qu'il suffise de dire qu'en matière de valorisation industrielle de la recherche, déjà l'IREQ a fait un bon bout de

chemin. On découvre par conséquent les forces de notre système et le potentiel de nos ressources à condition, bien sûr, de vouloir y faire appel. Nous nous sommes permis, au chapitre 3.4, aux pages 15 et 16, de suggérer les caractéristiques souhaitées d'une telle agence puisque le projet de loi n'en disait pas un mot, surtout en termes de l'opérationalisation.

Les caractéristiques du CIIM. Vous savez lire aussi bien que moi, donc je ne reprendrai pas ce que j'ai dit, ce que nous avons écrit. Mais qu'il suffise de dire une chose très clairement, ce qu'est le CIIM -parce que je pense que c'est important - et ce que n'est pas le CIIM, pour que vous ayez une vision bien claire de ce dont il s'agit. Premièrement, le CIIM, le Centre d'innovation industrielle (Montréal), mais ce n'est pas le Centre d'innovation industrielle de Montréal - et la distinction est de taille - c'est une agence autonome de valorisation industrielle de la recherche, en même temps qu'un courtier en nouvelle technologie et en même temps qu'un mécanisme d'évaluation des inventions et des projets d'innovation et de cheminement vers leur commercialisation en passant par le développement technique ou technologique.

Deuxièmement, c'est un organisme indépendant et sans but lucratif, mais dont l'existence n'a que trois ans, qui s'adresse à l'ensemble des volets du processus de rénovation et qui cultive une action réseau nommément au niveau du Groupement québécois d'entreprises.

Pour faire référence à une expression que M. le ministre a utilisée ce matin et où il déplorait que le CRIQ n'avait pas un rôle sélectif, nous avons un rôle sélectif, M. le ministre, nous choisissons nos partenaires et nous travaillons avec eux. C'est également un rôle catalytique dans l'innovation. C'est aussi - et ce n'est pas négligeable du tout -un milieu d'incubation et c'est un apport à la formation de futurs entrepreneurs. Nous nous bourrons collectivement d'illusions si nous pensons que nous changerons le tissu industriel du Québec avec une AQVIR ou avec une autre. Il faut en même temps travailler sur les ferments de changements de la société et cela implique les jeunes qui sont déjà à l'université ou au cégep.

Effectivement, si vous voulez savoir ma définition de ce qu'est le CIIM, ce que nous essayons d'être, je lis le contenu d'un paragraphe à la page 15 de ladite brochure: C'est-à-dire un centre d'initiative qui aurait le pouvoir, qui essaie d'avoir le pouvoir de mobiliser les capitaux de risque, de faire le lien, d'organiser et de faciliter le passage du monde de la recherche à celui de l'industrie, mais pas seulement la recherche, les autres choses aussi, parce que je ne vous apprendrai rien, j'espère, en disant qu'il y a beaucoup d'autres éléments d'innovation que ceux simplement de la recherche. Les éléments clés ne viennent pas généralement de la recherche, ils viennent d'une bonne perception des marchés - je vois mon ami, à l'autre bout, et il va être tout à fait d'accord avec moi là-dessus - une perception d'une opportunité et une bonne appréciation des ressources disponibles. Par conséquent, nous essayons également de couvrir l'autre clientèle.

Ce que n'est pas le CIIM, ce n'est pas une boîte de recherche, ce n'est pas un organisme universitaire, ce n'est pas un organisme de l'École polytechnique, ce n'est pas un financier de capital de risque, ce n'est pas une bureaucratie, ce n'est pas une boîte de consultants pour déplacer les gens du secteur privé et ce n'est pas un organisme volontariste. Si on me permet l'expression, c'est un organisme opportuniste.

Pour terminer, parce que je suis déjà en retard, le rôle essentiel que nous voyons à l'agence est de porter sur le financement de la valorisation industrielle de la recherche, mais surtout les recherches particulièrement prometteuses qui impliquent nécessairement qu'on a fait l'évaluation au départ. Qui va faire l'évaluation, par quels moyens, par quelle rigueur intellectuelle surtout, en fonction de quelle expérience allons-nous faire l'évaluation de ladite recherche? C'est là la question.

Nous recommandons également que l'agence fasse appel le plus possible aux organismes existants. Cependant, j'ajoute, en filigrane, sans diluer sa problématique et si possible sans porter atteinte au leadership que l'agence devrait exercer.

Troisièmement, que l'agence puisse s'associer facilement au secteur privé et que le contrôle gouvernemental sur l'agence soit diminué et même dans le projet de loi. On a les lois qu'on approuve, mais on a les agences qu'on mérite. Donc, il faudrait bien concevoir qu'il est très important de pouvoir faire appel au secteur privé.

On dit également - M. le ministre et ses collègues me pardonneront d'indiquer ceci, je pense que ce n'est pas méchant ce que je vais dire - que la prospection par l'agence des milieux de la recherche se fasse dans des domaines jugés prioritaires par le gouvernement. Je dis, de grâce: jugés prioritaires également par le secteur privé; car c'est lui qui va avoir le cou sur la corde raide, c'est lui qui va prendre les risques et c'est lui qui va être en débandade si cela ne marche pas, ce qui n'est pas nécessairement le cas des fonctionnaires.

Que l'agence exclue de son mandat la prospection de la recherche qui se fait dans le secteur privé. Ce n'est pas dit dans le projet de loi - je ne cherche pas des vétilles, mais je dis des vérités absolument fondamentales - que l'agence n'a aucune espèce d'affaire à se mêler de choses dans

lesquelles le secteur privé connaît infiniment mieux ce qu'il a à faire en termes de valorisation de la recherche, c'est-à-dire au niveau des entreprises. Néanmoins, que l'AQVIR puisse être disponible pour répondre aux besoins du secteur privé le cas échéant et que l'agence finance en grande partie l'évaluation des projets de nouveaux produits industriels - c'est un projet qui nous tient bien à coeur - puisque chaque PME, dans ses fonds de tiroirs, a un projet important de nouveaux produits industriels, mais n'ose pas le sortir par manque de ressources, par peur de la concurrence, par peur de se le faire voler, et aussi parce qu'on ne connaît pas le système et qu'on a toutes les formules gouvernementales.

Nous vous disons que nous avons mis au point un outil comme ceci pour cultiver justement ces nouveaux départs au sein des PME et pour s'assurer de pouvoir le dire à la PME sans même voler en aucune façon à la PME, au secteur privé, la nature même de son projet. Nous le savons, c'est basé sur une longue recherche, nous sommes capables d'aviser la PME sur les orientations qu'elle pourrait prendre et évaluer ses chances de succès. Nous disons que la nouvelle agence pourrait jouer un rôle clef. Nous avons les mécanismes en place, qu'on nous fournisse le fric, qu'on mette un ticket modérateur vis-à-vis des entreprises, nous allons faire le travail, aucun problème. Surtout, les PME vont être très contentes et, encore plus important, cela va créer de nouveaux emplois et cela va cultiver l'innovation dans notre milieu.

Enfin, que l'agence s'occupe activement de mettre à la disposition des entrepreneurs technologiques et des entreprises québécoises la très riche information qui se trouve contenue dans les brevets déposés au Canada, dont on sait que 95% viennent de l'étranger, et qui constituent une énorme source d'information, dont on sait que 80% ne se retrouve nulle part ailleurs. Cela ramasse de la poussière sur les tablettes gouvernementales. Là, il y a une initiative à prendre et une concertation à apporter. Le gouvernement du Québec, à plusieurs égards, affiche un dynamisme de très bon aloi et enseigne des leçons à certains autres paliers de gouvernement, mais il y a une concertation à faire pour pouvoir mettre ceci à la disposition du secteur privé.

Pour terminer, je réitère, au nom de mes collègues, nos félicitations au ministre de la Science et de la Technologie pour avoir perçu la nécessité d'encourager le plus possible, dans notre milieu, la valorisation industrielle de la recherche. Je vous remercie de votre bonne attention.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. Blais. J'inviterais M. le ministre à prendre la parole.

M. Paquette: M. le Président, j'aimerais d'abord remercier M. Blais de son exposé assez fulgurant et enthousiaste. Je pense que nous sommes animés du même enthousiasme. Dans ce sens-là, il est normal qu'on se rejoigne. Je pense que le directeur général du CIIM dispose d'une vaste expérience dans ce domaine et il nous en fait profiter dans son mémoire.

J'aurais beaucoup de choses à dire; je vais commencer par le troisième paragraphe du sommaire où vous dites que vous souhaitez que l'AQVIR devienne principalement un agent de financement dans les étapes les plus risquées du processus de l'innovation, dans cette zone grise entre la recherche proprement dite et les phases du développement en aval qui pourraient assez facilement susciter l'intérêt des entreprises ou des investisseurs de capital de risque. Je pense que cela décrit exactement le rôle principal. Il y a, bien sûr, le soutien technique, logistique à des projets, mais, au coeur de ce soutien se situe le financement des étapes risquées devant lesquelles la plupart des entrepreneurs ou des chercheurs ou encore les organismes existants se trouvent actuellement démunis.

Cela m'amène à vous poser la question suivante: Quand vous avez pris l'initiative de fonder le Centre d'innovation industrielle (Montréal), le CRIQ existait, la SDI existait. Par conséquent, vous vous êtes sans doute posé le même problème que celui que beaucoup d'intervenants de cette commission nous posent: Est-ce que mon initiative ne va pas faire double emploi avec les organismes existants? Manifestement, vous avez conclu que non.

M. Blais (Roger-A.): ...M. le ministre. M. Paquette: Pardon?

M. Blais (Roger-A.): Vous parlez de l'AQVIR?

M. Paquette: Non, je parle du CIIM. Quand vous avez créé le CIIM, le CRIQ et la SDI existaient. Manifestement vous avez conclu que ces deux organismes ne remplissaient pas certains besoins essentiels. J'aimerais que vous nous parliez un peu de ces interrelations entre le CIIM, le CRIQ et la SDI.

M. Blais (Roger-A.): Cela sera savoureux.

M. Paquette: Est-ce que le CIIM était vraiment nécessaire? Autrement dit, est-ce qu'on n'aurait pas pu demander à la SDI et au CRIQ de combler le vide que vous constatiez à ce moment-là?

M. Blais (Roger-A.): M. le ministre,

vous savez très bien que ce qui fait marcher un organisme, ce ne sont pas les structures, mais les hommes en place et les mandats qu'on leur a confiés. Or, après des débats un peu houleux que j'ai eus dans certaines rencontres publiques, lorsqu'on parlait du projet de loi sur le livre vert de la politique scientifique, où on m'a accusé de dire des vérités, où on m'accusait parce que je disais des vérités... Vous me pardonnerez d'être revenu à de meilleures intentions. (16 h 45)

Essentiellement, comme directeur de la recherche à l'École polytechnique de 1970 à 1980, la première chose que j'ai faite comme directeur de la recherche fut d'inviter les officiers du CRIQ à conclure dans le temps un accord avec nous au sujet d'un processus de concertation. Il s'est écoulé exactement trois ans avant qu'on en ait des nouvelles. Je ne vous ferai pas le procès du CRIQ, loin de là, parce que ce sont mes amis et on a besoin de travailler ensemble. Ce que je veux vous dire, c'est que la raison pour laquelle nous avons perçu une mission spéciale quand nous avons fondé le CIIM, c'est que notre perception du CRIQ était évidemment celle qui est partagée par la très grande majorité, à savoir que c'est un mécanisme très important d'appui à la PME dans son industrie actuelle, c'est-à-dire dans ses projets actuels. Donc, c'est un processus de valorisation non pas de la recherche, mais un processus de valorisation de l'industrialisation qui se fait actuellement. Alors, le CRIQ a développé des forces remarquables dans certains secteurs comme appui à des produits, à des procédés existants, avec quelques exceptions, assez heureuses d'ailleurs, sur de nouveaux prototypes. Mais on peut se demander - je poserais la question - dans quelle mesure ces prototypes ont été développés, en même temps, en fonction des besoins du marché. Là, il y a eu le phénomène de la rotule de la recherche qui charriait l'affaire un peu; il ne faut pas aller trop loin.

La deuxième vocation du CRIQ - c'est bien reconnu, il joue un rôle clé et personne ne met cela en doute; il est absolument indispensable dans un milieu - c'est d'être un fournisseur, un serveur ou un servant, ou plutôt un serviteur du public industriel, évidemment, mais un servant d'information scientifique, technologique et économique. Je rends crédit au CRIQ - comme je rends crédit au gouvernement de lui donner 17 000 000 $ par année - de faire ces choses et de les faire très bien.

Nous avons établi le CIIM parce qu'il y avait un vacuum dans le temps au niveau de l'innovation technologique. Or, c'est curieux, maintenant tout le monde en parle. Nous avons commencé en 1976 et, quand nous faisions allusion, dans un certain sens, à la dialectique de la politique scientifique, constamment nous revenions à la charge au niveau de l'importance de l'innovation technologique dans notre milieu, de la nécessité de cultiver l'"entrepreneurship" et de favoriser la créativité. Pourquoi avons-nous créé le CIIM? Parce qu'il y avait un besoin et surtout de créer un organisme qui appartienne à tout le monde, qui appartienne à tous les éléments dynamiques et à tous les éléments "entreprenariaux" de la société.

Je ne vous ferai pas de cachette. Quand nous travaillons avec des universités, l'Université McGill, l'Université Concordia, etc., nous évaluons les inventions, nous sommes des partenaires. Nous ne sommes pas un organisme gouvernemental, Dieu m'en garde. Nous sommes un organisme partenaire d'un jeu de rénovation d'une structure industrielle qui va prendre 20 ans à changer, mais j'allais dire: Maudit qu'on a hâte que ça change! Il faut commencer tout de suite et il faut commencer avec les jeunes inventeurs et les jeunes entrepreneurs qu'on a. Il faut voir à tous les jours défiler dans nos bureaux - c'est une ruche, je vous le dis - des gens qui arrivent avec toutes sortes d'idées, mais, malheureusement, la plupart n'aboutit nulle part. Sur 1000 inventions, c'est bien connu, il y en aura seulement dix qui vont avoir la chance de réussir et deux qui seront des succès mirobolants. Des nouveaux produits qui vont exister dans cinq ans, on sait très bien qu'il y en a la moitié qui n'existe pas encore sur le marché. On sait également que, dans l'industrie, dans la grande entreprise qui connaît bien les marchés, 80% du temps des chercheurs est consacré à des produits qui vont être des échecs sur le marché et qui ont été des échecs sur le marché, qui se sont révélés non productifs.

Si on peut améliorer notre moyenne au bâton, on aura fait quelque chose. C'est pour cela qu'on a créé le CIIM, c'est pour améliorer notre moyenne au bâton, avoir surtout des gens qui vont manier le bâton et qui vont savoir viser la balle. Mais il faut avoir des balles, des balles solides, et il faut savoir viser.

M. Paquette: Si on revient sur cette question de financement, de risques ou d'étapes de l'innovation qui précèdent la commercialisation, vous travaillez sur un certain nombre de projets au Centre d'innovation industrielle. De quelle façon le CRIQ et la SDI interviennent-ils dans ces projets, à quelles étapes et à quel moment, règle générale?

M. Blais (Roger-A.): D'aucune façon parce que le CRIQ doit autofinancer ses activités. Donc, nous n'avons aucun fric à obtenir de ce côté, à moins d'avoir un travail de recherche et développement à faire effectuer, si on a les ressources

nécessaires, mais cela ne fait pas intervenir les ressources financières, vous le pensez bien.

En ce qui concerne la SDI, certains de nos partenaires, certains des projets que nous avons évalués sont soumis au programme PARIQ II. Il faut savoir gré à votre collègue, M. le ministre de l'Industrie et du Commerce, d'avoir désigné non seulement le CRIQ, mais également le CIIM - je lui en rends crédit en la circonstance; merci -comme un organisme pour évaluer les projets d'innovation qui sont soumis par le secteur privé avec la distinction, cependant, que ce programme a été conçu il y a déjà plusieurs mois et que cela prend beaucoup de temps à se matérialiser. Et, quelquefois, j'ai des doutes à savoir si, oui ou non, ils ne sont pas en train de répéter l'évaluation qu'on a déjà faite, évaluation qui est à la fois au plan technologique, économique et au plan des marchés. Quoi qu'il en soit, la SDI est un mécanisme non négligeable de subvention pour un projet d'innovation. Mais, avant que le projet soit - on dirait en anglais, Mme Dougherty le comprendrait, "palatable" agréable, qu'il soit recevable par la SDI, comment allons-nous faire le travail intermédiaire pour que le projet puisse être soumis? En somme, on a deux étapes à franchir: la SDI est une étape intermédiaire et ensuite il y a les financiers. Les financiers ou les entreprises exigent certaines choses et la SDI a beaucoup plus de souplesse, beaucoup plus d'ouverture, mais la SDI n'intervient pas du tout dans ce que j'appellerais l'articulation, l'"entrepreneurship" et le "grenouillage", pour faire en sorte que ces résultats de la recherche, lorsque c'est le cas, puissent se matérialiser en quelque chose qui soit recevable de la part de la SDI. Ai-je bien répondu à votre question?

M. Paquette: Oui, c'est très clair. On a parlé des relations entre le CIIM, le CRIQ et la SDI. Je pense que vous avez bien mis en évidence le rôle particulier que ne jouent ni le CRIQ ni la SDI en ce qui concerne les différentes phases du processus d'innovation.

Si on creusait maintenant un petit peu plus, parce que je note l'offre de collaboration à l'agence que vous faites au nom du CIIM, et j'en suis extrêmement heureux...

M. Blais (Roger-A.): Elle est sincère, M. le ministre. Elle est même intéressée.

M. Paquette: Si on essayait de fouiller cela un petit peu. J'ai regardé l'annexe où vous décrivez les divers services offerts par le Centre d'innovation industrielle, l'évaluation préliminaire des inventions. Voilà sans doute un secteur d'expertise...

M. Blais (Roger-A.): Là-dessus, si je peux vous interrompre, M. le ministre, nous faisons maintenant l'évaluation pour le CRIQ. Nous avons conclu une entente de collaboration il y a déjà deux ans et nous leur avons fait accepter l'idée de la force, de l'importance, de l'unicité et de la spécificité de notre système d'évaluation des inventions. Nous faisons maintenant les évaluations qui sont retenues par le CRIQ, avec la distinction suivante, c'est-à-dire que le CRIQ en élimine un certain nombre tandis que nous avons une politique complètement réceptive. Même si c'est une invention de mouvement perpétuel, on l'évalue quand même.

Quant a l'évaluation des inventions, nous travaillons de très près avec le CRIQ et nous sommes très heureux de ceci, quoique le CRIQ ait eu quelque 457 dossiers d'invention l'an dernier. D'ailleurs, le dossier des inventions venant de nos collègues du CRIQ - il y en a un qui siège à notre conseil d'administration du CIIM - est quand même en voie d'expansion, mais il demeure relativement modeste par rapport à tous les dossiers. C'est une oeuvre de concertation qui est en bonne voie de se dérouler, de s'acheminer vers un bon port.

M. Paquette: Sans reprendre chacun des services qui sont offerts par le Centre d'innovation industrielle (Montréal), j'en ai noté quatre sur les onze qui concernent plus particulièrement les activités projetées par l'agence. J'aimerais en parler...

M. Blais (Roger-A.): M. le ministre, si vous me permettez de vous interrompre...

M. Paquette: Oui?

M. Blais (Roger-A.): Ce n'est pas étonnant, M. le ministre. Je vous ai dit au début qu'il y a une singularité qui se dégage. Le CIIM est de facto, dans une large mesure, mais moins la composante du financement, une agence de valorisation industrielle de recherche.

M. Paquette: Oui. Si je reprends chacun des points: Diagnostic de problèmes techniques en entreprise. Ce n'est pas tellement un rôle qu'on voit particulièrement à l'agence. Je ne dis pas que le ministère ne s'y intéresse pas, qu'il n'y a pas d'autres organismes qui s'y intéressent, comme le CRIQ, par exemple, mais je ne pense pas que ce soit un rôle particulier de l'agence de valorisation. Je vais passer très rapidement et je vous demanderai votre commentaire global.

M. Blais (Roger-A.): D'accord. Je ferai mes commentaires ensuite.

M. Paquette: Analyse et gestion de la

valeur qui permet d'optimiser la conception des produits ainsi que l'administration d'une entreprise augmentant la productivité, donc la profitabilité de l'entreprise. Je ne pense pas que l'agence ait pour but surtout d'aider à l'efficacité d'entreprises existantes. Il s'agit de valoriser de nouvelles innovations. Je lis un peu plus loin: séminaires d'une journée à l'intention des chefs d'entreprise, brochures, diaporamas, études spécialisées sur le processus d'innovation, aide à la formation de futurs entrepreneurs. C'est une oeuvre éminemment utile qui aide à répandre l'information, la formation, mais, encore une fois, ce ne sont peut-être pas les points où le CIIM, dans ses activités, est, en quelque sorte, en concurrence avec l'agence. Le ministère de la Science et de la Technologie est fortement intéressé à ce qu'il y ait le maximum d'organismes qui se préoccupent de diffuser les connaissances, d'organiser des séminaires, d'aider à la formation, mais, encore là, ce n'est pas le rôle spécifique de l'agence.

Je reviens aux autres points: évaluation préliminaire des inventions, évaluation de projets de nouveaux produits, évaluation d'avant-projets d'innovation, développement d'entreprises technologiques, études de marketing, préparation et négociation de licences d'exploitation. Je pense que ce sont les points principaux où risque de s'articuler une interelation entre l'agence et le CIIM. Je voudrais avoir vos commentaires là-dessus. La façon dont je vois cela, c'est que le CIIM est une porte d'entrée pour énormément d'innovations; il en fait l'évaluation. L'agence pourrait prendre le relais au niveau du financement de certaines étapes de ces projets et, inversement, pour des projets qui viendront d'autres sources, pourrait confier des contrats d'évaluation au CIIM sur ce qui constitue ses forces, par exemple le développement d'entreprises technologiques, études de marketing, études d'avant-projets d'innovation, etc. Je ne sais pas si c'est de cette façon que vous voyez la dynamique.

M. Blais (Roger-A.): Votre perception, M. le ministre, n'a d'égal que vos connaissances mathématiques.

Des voix: Ah!

M. Blais (Roger-A.): C'est d'une rigueur...

M. Paquette: Est-ce que vous connaissez mes connaissances mathématiques?

Des voix: Ah!

M. Blais (Roger-A.): Je m'en doute un peu. C'est d'une rigueur implacable. Je dis bravo; c'est exactement cela. Cependant, vous me permettrez d'ajouter que, dans votre propre document, lorsqu'on parle d'études spécialisées sur le processus de l'innovation, il est dit ce qui suit - je cite textuellement - à la page 6: "Valoriser la recherche est nécessairement s'engager dans une démarche qui devrait conduire à une connaissance intime du processus de l'innovation." J'ai cru comprendre que c'était une mission que vous vous donniez.

M. Paquette: Très bien.

M. Blais (Roger-A.): Quoi qu'il en soit, si vos collègues ont la gentillesse d'encaisser là-dessus, je voudrais signaler que ce processus est un processus d'apprentissage continu, pour nous les premiers. Donc, il faut être très humble dans nos visées. Il faut surtout être très hardi dans nos démarches pour pouvoir réaliser ce qu'on essaie de faire.

Pour ce qui concerne l'évaluation des inventions, l'évaluation de projets de nouveaux produits industriels, je veux surtout souligner une chose qui est absolument fondamentale dans notre système. C'est qu'il y a beaucoup d'innovations qui vont contribuer à la croissance économique du Québec qui ne proviennent pas de la recherche. Le principal milieu, le principal ferment d'activités, le principal outil de développement vient des projets qui sont cultivés dans le secteur privé au sein des entreprises, comme M. Dessureault l'a affirmé, comme le Conseil du patronat pourrait vous le dire en d'autres termes. Mais je sais pertinemment que la grande difficulté, c'est un mode d'articulation qui est insuffisant et, là-dessus, je diffère d'opinion avec M. Dessureault. Vu que, dans notre système, cela ne fonctionne pas - les choses ne se produisent pas - donc il faut jouer un rôle catalyseur là-dedans. Si on peut trouver un moyen d'aider les entreprises, sans perdre aucune marge de manoeuvre sur ce qu'elles veulent faire, mais de les aider à évaluer la justesse de leur tir vis-à-vis des projets de nouveaux produits industriels, on aura fait beaucoup. Juste cela, si vous me le permettez, justifierait en soi l'existence de l'agence, parce qu'on aura fait quelque chose qui est unique au Canada, c'est-à-dire travailler vraiment très étroitement avec les PME, parce que les organismes gouvernementaux ne le font pas ou le font très peu, à l'exception du CRIQ et de quelques autres organismes provinciaux de recherche, mais relativement surtout au niveau des technologies existantes généralement. Il y a des exceptions et de plus en plus, en effet, le courant passe maintenant qu'on veut entrer dans les innovations. Les diagnostics de problèmes techniques en entreprise, je n'essaie pas de justifier pourquoi nous sommes dans ces activités, c'est plutôt pour faire valoir que

tout ceci est un continuum et que, pour l'entreprise, la source même des innovations, c'est la perception qu'ont les dirigeants d'entreprises de la nécessité du changement technique pour leur propre devenir, et donc ils doivent saisir au départ ce qu'ils font déjà. (17 heures)

J'accepte très volontiers que ceci dépasse largement le mandat de l'agence et je retiendrai certainement l'idée que vous avez exprimée que le véritable problème n'est pas seulement l'aspect du financement. L'autre grave problème, c'est l'évaluation qui mérite le financement, c'est-à-dire d'en arriver à un point, un cheminement sans entrave bureaucratique, sans népotisme, en toute objectivité. Il faut faire en sorte qu'on soit des partenaires du secteur privé afin que ces projets qui ont des aspects prometteurs puissent se matérialiser. Ceci dépasse largement les moyens de l'entreprise en général, nécessairement des PME ou des moyennes entreprises, l'activité de recherche et de développement dans la moyenne entreprise est à peine amorcée au Québec.

M. Paquette: M. le Président, une dernière question. Aux pages 23 et 24, dans vos conclusions, vous appuyez le projet de loi 37, mais vous recommandez de l'amender. Il y a une série de propositions, à mon avis, qui sont à peu près toutes pertinentes, il y en a deux que je vous demanderais d'expliciter un peu plus. Cependant, je tiens tout de suite à vous dire que, dans le projet de loi, on peut formuler différemment certains articles pour refléter mieux l'esprit qui ressort des discussions de cette commission parlementaire, mais on ne peut pas stipuler dans tous les détails le dynamisme d'un organisme, ses modes d'interrelations et de fonctionnement. Il faut affirmer les principes qui guident le fonctionnement de l'organisme. En ce sens, je trouve extrêmement intéressantes toutes ces recommandations. Simplement, peut-être une question. Vous dites: Que l'agence exclue de son mandat la prospection de la recherche qui se fait dans le secteur privé, mais que l'entreprise puisse avoir recours aux services de l'agence si elle le désire. L'agence ayant appris que telle entreprise avait une innovation, mais qu'elle ne peut exploiter pour toutes sortes de raisons, parce que la situation économique est difficile, l'entreprise n'a pas les reins assez solides, vous seriez opposé à ce que l'agence prenne l'initiative de contacter cette entreprise et de lui dire...

M. Blais (Roger-A.): Non, M. le ministre. Je suis opposé à l'idée de prospecter les milieux de la recherche. Ce n'est pas pareil.

M. Paquette: Prospecter en ce sens de systématiquement... D'accord.

M. Blais (Roger-A.): Aller se fourrer le nez, fouiner dans les dossiers; d'ailleurs, vous ne pouvez pas le faire.

M. Paquette: C'est impossible.

M. Blais (Roger-A.): Comme le ministère de l'Environnement ne peut pas savoir toute la pollution qui se crée dans les entreprises montréalaises. Il n'y a aucun moyen de savoir combien d'effluents pollués s'en vont dans nos égouts. Ou bien vous avez une société très dirigiste, vraiment l'ultra-social-démocratie, même pas la social-démocratie, la socialisation à outrance, et Dieu sait ce que cela donne, pas Dieu, mais l'autre! C'est impossible et c'est irrationnel, c'est irresponsable et surtout cela va manquer tous les objectifs. C'est pour cela qu'à cette phrase, on dit: Mais que cependant l'entreprise puisse avoir recours aux services de l'agence si elle le désire. Donc, si l'agence fait un bon marketing comme j'espère elle le fera - ce n'est pas toujours l'apanage des organismes gouvernementaux de faire un bon marketing, vous en conviendrez - si elle fait un bon marketing, eh bien, les organismes privés vont faire appel à l'agence parce qu'ils vont savoir que l'agence dispose non seulement de certaines ressources, mais surtout d'un jugement, d'une expérience et de connaissances qui seront peut-être extrêmement valables à l'entreprise.

M. Paquette: Dernier point sur la proposition g) - parce que, sur les autres, je n'ai pas de questions, c'est suffisamment clair, cela m'apparaît, d'ailleurs, très intéressant - quand vous parlez de cette question de l'information extrêmement riche qui est contenue dans les brevets déposés au Canada, mais dont on profite insuffisamment; je tiens à vous dire que l'un des sujets d'étude au ministère de la Science et de la Technologie, c'est justement de se donner une politique ou une approche face à la diffusion des connaissances sur les brevets. Je trouve cette suggestion fort intéressante. Par contre, je ne suis pas sûr si c'est l'agence qui devrait le faire, mais cela est plus une question technique. C'est une idée que nous allons étudier très sérieusement.

M. Blais (Roger-A.): Si vous permettez un commentaire très rapide là-dessus, c'est que l'agence s'occupe activement de mettre à la disposition des entreprises... Chaque mot est pesé: "de mettre à la disposition des entreprises".

M. Paquette: Je n'ai pas regardé la loi canadienne qui impose, j'imagine, une certaine confidentialité autour...

M. Blais (Roger-A.): Non, non.

M. Paquette: Est-ce que c'est dans la loi qu'on a des problèmes?

M. Blais (Roger-A.): C'est de la folie furieuse parce que la...

M. Paquette: Non, mais est-ce que c'est dans la loi qu'on a des problèmes ou dans les modes de fonctionnement?

M. Blais (Roger-A.): C'est dans les modes de fonctionnement, dans le fonctionnarisme et la bureaucratie, si vous voulez avoir ma franche expression. Est-ce que c'est assez franc? Bon. Mais la portée de la loi, c'est précisément de mettre à la disposition des entreprises le contenu des brevets. Ce n'est justement pas cela qu'on a fait. On a ramassé des documents qui accumulent de la poussière.

Je vais vous faire une petite confidence privée. Nous travaillons actuellement a développer un document audiovisuel pour faire le marketing - parce que nous pensons nous y connaître là-dedans - des nouveaux services que Consommation et Corporations Canada devrait offrir à tout le public canadien. Si je peux me permettre de vous donner une modeste suggestion, de grâce, que ce ne soit pas votre ministère qui fasse ce travail; faites-le financer par le gouvernement fédéral parce que c'est la fonction de Consommation et Corporations Canada de mettre ceci à la dispostion de toutes les parties du pays. Nous nous y attachons actuellement. J'espère que vous nous fournirez des munitions pour pouvoir utiliser notre arsenal d'arguments de la bonne façon. Mais cela s'en vient. Ce qu'il nous faut maintenant, c'est un système informatisé de détection de l'information au même titre que celui que l'entreprise Computer Horizons aux États-Unis a mis au point. J'avais envoyé une invitation à certains de vos collègues ici; ils ne sont pas venus a la conférence où cela a été donné. Je ne leur en tiens pas rigueur, mais ce que je peux vous dire, c'est que ce moyen était bougrement puissant et même à la fine pointe de ce qui se passe aux États-Unis. Donc, quand on a une banque de 5 000 000 de brevets et qu'on peut déchiffrer exactement quelle entreprise fait quoi, dans quel domaine, dans quel secteur, dans quel pays, qu'on peut anticiper les "take over" de compagnie, on commence à avoir des moyens qui ont de l'allure et qui se rattachent au niveau de ressources dont disposent les grandes sociétés. Donc une société qui est consciente de ceci peut s'en servir à très bon escient.

M. Paquette: Merci, M. Blais.

Le Président (M. Brouillet): Très bien, merci. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. Blais, pour votre excellent mémoire et aussi vos commentaires.

Au début, a la première page, vous avez soulevé une question très importante, ce qui me donne l'occasion de la clarifier avec le ministre. Il a dit, quelque chose cet après-midi qui m'a un peu étonnée, ce matin peut-être. Vous avez posé la question: Nous ne savons pas non plus de quelle recherche il s'agit: les universités, les recherches industrielles... Vous avez énuméré tous les secteurs. Le ministre nous a dit en réponse à une autre question, que le projet de loi - je l'ai écrit - ne vise pas la recherche dans les universités. Cela m'a étonnée et...

M. Paquette: J'ai dit: pas uniquement la recherche dans les universités. Je n'ai sûrement pas dit qu'on allait exclure les produits de la recherche universitaire, sûrement pas.

Mme Dougherty: Parce qu'il y avait une question qui touchait les universités... Je ne me rappelle pas qui a soulevé cette question. J'ai cherché ici et, naturellement, j'ai vu qu'on parle de tous les milieux de recherche.

M. Paquette: J'ai même souligné à ce moment, si je me rappelle bien, que notre comportement devait être différent selon les milieux concernés. L'agence ne peut pas se comporter de la même façon s'il s'agit d'une entreprise qui a un service de recherche, mais où il s'agit peut-être simplement d'aider à l'accélération de certains projets, si l'entreprise est d'accord, et les cas où il s'agit de chercheurs qui, venant d'une université ou même d'une autre entreprise, décident d'essayer de bâtir une entreprise autour d'une innovation. Elle n'a pas du tout le même genre de fonctionnement.

Mme Dougherty: Oui, d'accord. Alors, j'ai mal compris votre remarque.

M. Paquette: II faut traiter tous les cas et il ne faut pas s'exclure a priori des sources d'innovation.

Mme Dougherty: Très bien, d'accord. M. Blais, à la page 5, vous venez de parler de cette question dans vos commentaires qui touchent la première fonction, à 17.1, et vous expliquez, dans le deuxième paragraphe à la page 5, qu'il y a essentiellement deux sources d'innovation. Il y a le "technology push" et le "demand pull". Si je comprends bien, dans le projet de loi comme il est rédigé actuellement, on ne tient pas compte des sources, des idées qui viennent de "demand pull". On parle de prospecter. Tout

le monde a suggéré qu'on doit consulter les milieux de recherche. Je me demande si, à votre avis, on ne doit pas rédiger la première fonction pour refléter cette réalité des deux sources, des deux pôles d'innovation. Est-ce que ma question est claire?

M. Blais (Roger-A.): Absolument claire. Je vais essayer d'y répondre aussi clairement. Quiconque étudie le phénomène de l'innovation dans les divers pays industriels se rend bien vite compte de la réalité de ces dualités dans les deux modes d'innovation. Il y a cependant une autre dichotomie qui est celle des mécanismes d'engendrer également les innovations au sein de l'entreprise, qui est celle de la recherche par la voie de la recherche, et l'autre par les transferts de technologie, c'est-à-dire les recherches déjà faites ailleurs ou le savoir-faire et les connaissances qui sont déjà acquises ailleurs. Il ne faut pas non plus perdre ceci de vue parce que c'est très pertinent à la question.

Il faut savoir qu'en général, dans les laboratoires gouvernementaux - et là j'affirme une chose qui, je pense, rallierait assez facilement l'opinion - la recherche est faite en fonction d'objectifs qui sont très valables, qui sont d'ordre socio-économique en général. Lorsqu'on parle de recherche scientifique ou de sa portée technologique, les recherches sont faites en fonction d'un certain cadre, d'une certaine problématique. Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est très rare que cela corresponde au besoin du marché. C'est conçu en fonction d'un autre objectif.

Donc, il ne faudrait pas se surprendre que les recherches menées dans les ministères aient de la difficulté à accoucher, sauf évidemment d'heureuses exceptions, sauf par des politiques de répartition de la recherche, sauf par la notion de créer une demande interne pour de nouveaux produits. Mais, dis-je, cette recherche-là généralement est conçue en fonction non pas des opportunités de marché, mais en fonction d'une autre problématique qui est souvent celle des chercheurs eux-mêmes, en vertu d'un certain égocentrisme qui est conçu comme étant de bon aloi dans les milieux de la recherche, et comme on le voit également dans les universités.

Ce n'est pas étonnant qu'il y ait une difficulté de transposer, de valoriser industriellement ces résultats à la recherche parce que la recherche a été conçue en fonction d'une autre problématique. L'étude de National Planning Association, Effects of R and D on the Productivity, Growth of Industries, publiée, je crois, en 1974 par Nestor E. Terleckyj - un nom du diable, ce sont des k et des j, etc. - montre très clairement que la recherche financée par le gouvernement et exécutée par le gouvernement a un impact zéro sur la croissance économique. Je dois dire, en toute sincérité également, qu'il en est de même de la recherche faite dans les universités. (17 h 15)

Mais - et il y a un gros mais - la recherche faite dans les universités a une autre mission essentielle, c'est de former des têtes bien arrondies pour le secteur privé, pour le secteur productif. Ce qu'on doit retenir de cette étude qui était très sérieuse, faite par des économistes de très grand renom, à laquelle Business Week a fait allusion, c'est qu'elle a démontré assez clairement que la recherche qui est inspirée par le marché est celle qui se traduit le plus directement par une croissance économique.

Deuxièmement, des études de Mansfield et de plusieurs autres ont démontré que ce ne sont pas les percées technologiques en tant que telles comme le transistor, le laser, ou la fibre optique qui ont le plus d'impact sur la croissance économique; ce sont les augmentations incrémentales, différentielles, sur les améliorations de produits et de procédés. Pourquoi pensez-vous qu'on va faire l'analyse de l'ingénierie de la valeur? C'est précisément pour cela, c'est parce que c'est la source la plus fertile, c'est bien consacré. Donc, je pense que, dans le projet de loi, il serait peut-être approprié que vous considériez la possibilité de dire: Eu égard, non pas aux lois du marché, mais à la problématique générale des innovations, ou comment les innovations se déroulent.

C'est sûr que quiconque a étudié le phénomène de la recherche, quiconque a étudié le phénomène de l'innovation, apprend très vite qu'également des résultats vraiment novateurs, en fonction de besoins sociaux, engendrent ensuite de nouveaux produits.

Harvey Brooks le dit très clairement dans Daedalus, tiré de US Academy of Sciences, il y a probablement trois ans: Le phénomène de progrès que comporte la recherche engendre en soi de nouveaux produits. On en a un exemple patent chez nous, si vous me permettez de le donner. Tout le monde est très préoccupé de la pollution par le bruit. Nous avons développé un modèle mathématique qui est devenu une invention brevetée, c'est-à-dire un écran acoustique ajouré - pas pour désacraliser le paysage - qui fait un déphasage des zones sonores au-dessus de l'écran, de ce qui passe à travers l'écran et, de l'autre côté, il y a très peu de bruit. Vous ne pouvez pas savoir, cela fait trois ans qu'on travaille là-dessus; on travaille même avec un grand laboratoire de Grenoble; on a une entreprise québécoise qui travaille là-dessus; on est en voie de choisir les matériaux; cela fait trois ans qu'on "picosse" littéralement là-dedans. On n'en parle pas beaucoup. On en a donné une petite illustration dans notre rapport annuel

que vous allez recevoir bientôt. Mais, il faut passer à travers le crible des expériences d'industrialisation de la recherche, et ceux qui ont vécu cette expérience savent que cela ne se fait pas en criant lapin. À ce sujet, nous avions un besoin du marché, mais un besoin mal exprimé, un besoin inassouvi, un besoin latent.

Or, il est bien connu également que les Américains se sont frappé le nez sur le mur parce qu'ils ont eu une perception beaucoup trop étroite des besoins fondamentaux des clients, des citoyens. Et le meilleur exemple, c'est l'industrie automobile japonaise qui a réussi à déplacer quasi littéralement toute l'industrie automobile de milliards de dollars des Américains. Et pourquoi? Parce que le marketing à outrance a laissé place, à vrai dire, à un schème de valeurs artificielles. Et, la véritable notion de l'innovation, c'est d'aller aux besoins fondamentaux, aux besoins des clients, de réduire les coûts, d'améliorer les procédés et, dans ce genre de course au progrès, vous le savez, c'est le client qui gagne, c'est le "citizen" qui gagne.

J'espère que j'ai répondu à votre question, Mme la députée.

Mme Dougherty: Alors, pour faire suite à votre réponse, est-ce que vous pensez que l'article 17.1 reflète la nécessité d'aller, non pas uniquement dans les milieux de recherche, mais dans les usines?

M. Blais (Roger-A.): Nous avons seulement trois ans d'existence. Nous sommes des amateurs, nous ne sommes pas des experts, mais l'expérience nous montre très clairement que les voies les plus prometteuses maintenant, c'est de faire en parallèle une prospection des marchés. Le truc, le hic, c'est d'en arriver a accoupler les besoins du marché avec le potentiel de technologie que nous possédons. Mes collègues de AES, s'ils ne font pas cela, peuvent me démentir, mais j'en serais énormément surpris. L'idée fondamentale, c'est que, quand on perçoit un besoin du marché, on va chercher le "package" de technologie pour le satisfaire. Une des vérités sine qua non dans ce processus, si on veut réussir, c'est qu'il faut considérer très sérieusement les besoins du marché, y compris ce que j'appelais tantôt les besoins inassouvis ou mal exprimés, mais qui sont latents.

Mme Dougherty: Merci. En ce qui concerne la fonction 4, à la page 6, vous avez quelques réserves sur cette question. J'aimerais d'abord que vous expliquiez vos réserves. De plus, je me demande si cette fonction doit être rédigée selon vos préoccupations.

M. Blais (Roger-A.): Ma connaissance forcément limitée, vous en conviendrez, du secteur financier m'indique qu'il serait en effet souhaitable que cette fonction soit retranchée. Lorsqu'un projet est venu à maturité, qu'il peut s'imposer au niveau de la qualité du produit et de sa correspondance avec les besoins du marché, les mécanismes déjà en place, que ce soit la SDI, que ce soit Novacap, que ce soit Nouveler, peuvent s'en saisir. La véritable difficulté est avant d'en arriver à ce processus-là. J'ai cru comprendre dans le projet de loi que l'agence deviendrait aussi une sorte de partenaire de financement. Je me suis basé uniquement sur le texte de loi et j'ai peut-être mal compris.

M. Paquette: Justement, M. le Président, cela m'amène à apporter une précision supplémentaire. Dans le projet de loi, à l'article 17.4, si on le lit bien, on dit ceci très exactement: "de susciter la participation financière des particuliers, des sociétés et des corporations à ses activités de valorisation industrielle de la recherche." Pour nous, quand l'innovation a été assumée par une entreprise et est a la phase de la production et de la commercialisation, il y a toujours de la recherche-développement a faire après pour améliorer le produit possiblement, pour maintenir la compétitivité de l'entreprise, mais la valorisation industrielle de la recherche est terminée.

Le sens de cet article très précisément est ceci: certaines personnes - je suis certain que vous avez de ces gens-là devant le Centre d'innovation industrielle, je sais que vous en avez parce que j'en ai eu quelques-uns dans mon bureau qui sont venus me voir - ont une excellente idée qui correspond à un besoin latent du marché et elle a été évaluée favorablement au Centre d'innovation industrielle. Elles se disent: On est deux et on est tout seuls. L'objectif de cela est de dire qu'il y a peut-être moyen d'avoir une petite société en commandite de recherche-développement, d'intéresser des entreprises à produire, d'intéresser aussi un organisme financier. L'agence pourrait peut-être ajouter des fonds dans la cagnotte de cette petite société de recherche-développement. On ferait fonctionner cette petite société jusqu'au moment où, le prototype étant fait, les marchés ayant été évalués, on arrive au point où il y a une entreprise qui peut commercialiser et produire. À ce moment-là, la société de recherche-développement, à moins qu'elle ne s'intéresse à développer d'autres produits, n'a plus sa raison d'être.

C'est dans ce sens-là. Il faut voir l'article 17.4 en relation avec le deuxième paragraphe de l'article 20 où on dit: "L'aide financière de l'agence peut constituer, de façon privilégiée, en une participation à des sociétés en commandite." C'est toujours comme partenaire minoritaire, dans notre

esprit.

M. Blais (Roger-A.): J'avais bien compris, M. le ministre, et ma remarque tient toujours. Je crois que le rôle de l'agence, si l'agence est créée, est de mener les projets d'innovation jusqu'au point où ensuite la dynamique du marché, des entreprises et du secteur financier pourra prendre la suite.

Je vous soumets ces réactions bien humblement parce que je ne suis pas un expert financier, mais je soupçonne très fortement que, si vous consultez tant soit peu le secteur financier, on va vous répéter pas mal in texto ce que je viens de vous dire. C'est-à-dire que, lorsqu'il est prometteur et rendu suffisamment loin, de facto, le secteur privé va y entrer même sous forme d'un contrat de recherche-développement, parce qu'on n'a même pas encore un produit identifiable. Nous avons conclu des contrats avec des sociétés multinationales là-dessus et nous ne sommes pas encore sûrs du succès commercial, mais cela semblait suffisamment intéressant. Donc, le secteur privé entre en jeu parce que c'est suffisamment important.

Toute la problématique de ceci, c'est de cheminer suffisamment loin pour attirer, commander ou susciter l'attention du secteur financier et je pense que le secteur...

M. Paquette: À ce moment, le processus de valorisation industrielle est terminé.

M. Blais (Roger-A.): Oui, absolument, c'est justement...

M. Paquette: Vous êtes bien d'accord avec moi là-dessus. Le paragraphe 4...

M. Blais (Roger-A.): L'agence ne devrait pas avoir un rôle à jouer là-dedans, à mon humble avis...

M. Paquette: Une fois le processus de valorisation terminé, je suis d'accord avec vous. D'ailleurs, c'est pour cela que le paragraphe 4 est formulé comme il est formulé, c'est-à-dire de susciter la participation financière à ses activités de valorisation industrielle de la recherche. Quand on en est rendu au point de la production et de la commercialisation, nous sommes tous deux d'accord pour dire que la valorisation industrielle de la recherche étant terminée, le rôle de l'agence s'arrête. On l'a dit d'une autre façon à la page 7 de la brochure, où on dit: 'Les étapes qui suivent la présentation d'un prototype de démonstration, son développement présérie et série, le marketing et la distribution, ces activités sont sous la responsabilité de la firme industrielle qui donne au processus d'innovation son aboutissement commercial." Là, on dit qu'il y a parfois un rôle pour des institutions financières ou même des organismes gouvernementaux comme la SDI, la SODIQ, les sociétés financières de capital de risque. L'agence de valorisation n'interviendrait pas à ce niveau. Je pense que c'est assez clair.

M. Blais (Roger-A.): J'ai bien compris, M. le ministre, mais, si vous le permettez, ce n'est pas une vétille, c'est important.

M. Paquette: Oui, c'est important.

M. Blais (Roger-A.): Le secteur privé est capable d'embarquer, même seulement au niveau d'une idée. C'est tellement vrai -comme vous le savez sans doute - qu'en biotechnologie, on n'a même pas d'idée et on mise sur des équipes; cela se fait aux États-Unis, pas au Canada. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a des étapes qui ne sont jamais les mêmes pour le même produit ou le même projet, cela varie selon les cas. Je pense que le secteur privé est parfaitement capable de susciter lui-même les sociétés en commandite, à condition que l'objet de la recherche soit suffisamment avancé pour mériter l'attention des partenaires.

M. Paquette: Une dernière remarque là-dessus. Si les sociétés privées peuvent susciter elles-mêmes des sociétés en commandite sur certains projets, cela va de soi qu'on ne voit pas pourquoi l'AQVIR le ferait. Mais ce qui est possible pour une grande société multinationale ou autochtone, une grande société qui a beaucoup de moyens, l'est beaucoup moins pour une petite et moyenne entreprise. Dans certains cas de projets de valorisation, si on veut que cela pénètre surtout dans le tissu économique québécois, il pourrait arriver qu'une entreprise, parce que c'est encore trop risqué, parce que le processus d'innovation et de valorisation n'est pas terminé, parce que l'entreprise n'a pas les reins assez solides pour mettre à son passif un investissement trop grand dans la société en commandite, qu'elle demande une participation d'un organisme comme l'AQVIR.

M. Blais (Roger-A.): M. le ministre, le débat pourrait être long là-dessus, mais permettez-moi de signaler que, maintenant, les règles du jeu dans le secteur financier sont en voie d'évoluer remarquablement. Le secteur financier - surtout aux États-Unis, comme on le voit à Boston et dans diverses autres régions des États-Unis et maintenant au Canada, surtout à Toronto - est en voie d'évoluer très rapidement vers le financement de projets d'innovation et d'une façon majeure, puisqu'il reconnaît que c'est la grande possibilité.

Cependant, la différence d'opinion entre vous et moi - si je peux l'exprimer ainsi -c'est que vous le voyez à l'intérieur de l'agence; je le vois à l'intérieur des mécanismes en place. C'est la seule distinction, mais je reconnais très bien la nécessité de susciter ces "partnerships". (17 h 30)

Mme Dougherty: M. Blais, vous avez soulevé l'ANVAR. Voudriez-vous nous expliquer qu'est-ce que nous pouvons apprendre ici de son expérience? Quelles sont les leçons que nous pouvons en tirer?

M. Blais (Roger-A.): Il faudrait peut-être que la commission aille faire un séjour à Paris. Je pense honnêtement que l'ANVAR a été constituée en fonction d'un objectif éminemment valable. Mais, les faits ont montré la difficulté de réalisation de ces objectifs, compte tenu, d'une part, de la polarité des chercheurs et, d'autre part, des industriels qui étaient assoiffés de quelque chose qui pouvait se matérialiser assez rapidement. Je crois qu'on a développé un puissant organisme c'est curieux, seulement avec des moyens extrêmement limités, on a développé des outils que ces gens n'ont pas. Par exemple, ils ne font pas l'évaluation d'inventions, tel qu'on le fait actuellement. Ils ne font pas l'évaluation de projets de nouveaux produits industriels comme on le fait. Je ne sais pas si vraiment ils font de la prospection de marché. Je ne sais pas s'ils font des survols de marché. C'est sûr que, depuis deux ou trois ans, les directives sont venues du plus haut niveau en France. On a dit: Qu'est-ce qu'on fait avec tout cela? On a l'immense CNRS avec des milliers et des milliers de Ph. D. à gauche et à droite, etc. Qu'est-ce que cela donne au système? C'est censé servir le pays et développer l'économie, etc. Il y a eu des interrogations très sérieuses. Je ne voudrais certainement pas me faire le critique de l'ANVAR parce que j'y compte de bons amis, mais, d'autre part, on reconnaît cependant qu'il y a eu un changement de cap assez radical au cours des dernières années. Si cela n'est pas une leçon pour nous que l'ANVAR soit devenue essentiellement un agent de financement et un agent de développement régional et on pourrait dire, dans une certaine mesure, de prospection, d'animation locale, mais une présence dans le milieu dans toute la France, il me semble qu'il y a un enseignement à tirer de cela, une leçon. Ce n'est peut-être pas une leçon, mais, en tout cas, je trouve cela assez intéressant. Il me semble que, dans notre cas, nous souffrons du même problème que celui des Français; nous sommes très cartésiens, avec mille excuses pour vous, madame, qui avez peut-être du sang irlandais dans les veines, mais...

Une voix: Vous autres aussi, par exemple.

M. Blais (Roger-A.): ...souvent les Latins ont une espèce de conception des choses et c'est très structuré, c'est très bon. Mais, l'expérience nous enseigne que les choses se font différemment et on découvre d'autres réalités après. Je pense que l'ANVAR est une expression de ceci. Là, je vous donne une réponse politique. Autrement dit, je ne réponds pas à votre question.

Mme Dougherty: D'accord. Ma dernière question touche la SCBEL du Canada. Est-ce que vous pourriez nous expliquer exactement ses problèmes? Vous avez touché cela brièvement dans votre discours.

M. Blais (Roger-A.): Si j'avais la conviction que ces gens connaissent eux-mêmes leurs problèmes, je pourrais peut-être vous les exprimer.

Mme Dougherty: Vous nous avez invités à soulever cette question. Donc, je la soulève. Dans votre mémoire, vous soulignez une étude de cette société parce que, apparemment, il y a un potentiel et on manque le bateau. Voudriez-vous expliquer pourquoi et quelle initiative nous devrions prendre pour exploiter ce potentiel?

M. Blais (Roger-A.): En anglais, on dirait: 'The stop gap measure".

Mme Dougherty: Oui.

M. Blais (Roger-A.): Effectivement, c'est un accomodement pour permettre aux chercheurs du CNRC - c'était le fond de l'histoire - de valoriser les inventions qui venaient des fonds publics et donc, pour les brevets d'invention, il fallait avoir un mécanisme quelque part. Comme je le comprends, c'est cela qui a présidé à la fondation de la SCBEL, n'est-ce pas? Et, comme je l'ai expliqué tantôt, toute invention qui ne dérive pas des besoins du marché, d'une perception des besoins du marché tout au moins, mais des égocentrismes des chercheurs, n'est pas nécessairement valable pour en trouver des contreparties industrielles. Il faut refaire l'invention après. C'est deux fois plus long. On serait mieux d'en inventer de nouvelles au départ.

Ce sont les difficultés. Avec un bon nombre d'universités, dont l'École polytechnique, nous avons conclu des contrats, des agréments, pour employer l'expression, avec la SCBEL au sujet des inventions. Vous n'avez qu'à consulter. Faites un inventaire des universités canadiennes et demandez-leur si elles sont satisfaites, par exemple, de l'évolution - je vais répondre à votre question en 30 secondes - de leur

dossier d'invention et elles vont dire non.

Bien sûr, c'est commode quand la SCBEL fournit 3000 $ pour les frais de préparation, par exemple, les frais d'examen des brevets semblables, la demande de brevet, etc. Mais 3000 $, madame, c'est une "pinotte", comparativement à certaines technologies. Pas plus tard que cette semaine, je discutais avec des officiers d'une université montréalaise sur une invention mirobolante. J'aurais donné 3000 $ de mes poches, mais il faut connaître les conditions dans lesquelles la SCBEL va fonctionner ensuite. Elle va prendre 45% des revenus. Cela ne me semble pas très attrayant comme mécanisme.

La raison fondamentale pour laquelle je crois que la SCBEL est dans une certaine difficulté, c'est qu'elle avait trop peu d'effectifs et - cela va faire plaisir à M. le ministre - parce que son mandat n'était pas suffisamment intégré aux autres aspects fondamentaux de l'innovation. Donc, les brevets, c'est seulement une parcelle et, généralement, la parcelle la plus négligeable; souvent, dans certains cas, la moins critique; il faut qu'elle soit là. Mais ce n'est qu'une parcelle d'un ensemble de choses dont il faut tenir compte. Donc, il ne faut pas s'étonner que la rentabilité de la SCBEL soit loin d'être assurée. Il ne faut pas trop s'inquiéter non plus; il faut comprendre une certaine mesure d'insatisfaction, comme il faut comprendre pourquoi la SCBEL est l'objet d'un examen assez attentif non seulement du ministère dont elle relève, mais aussi de plusieurs autres ministères. Il y a plusieurs personnes qui pataugent actuellement dans cet étang dont les eaux sont légèrement troublées.

Mme Dougherty: Merci.

M. French: Merci, M. le Président. La SCBEL, cela me fait réfléchir. Dans le fond, il n'y a jamais une fin à ces discussions, à ces examens, à ces évaluations, parce qu'il y a presque dix ans, j'ai fait de beaux voyages aux États-Unis pour essayer de trouver une solution au problème de cette institution, lorsque je travaillais pour le gouvernement du Canada. Je constate, d'après votre compte rendu et votre rapport de la situation, qu'il n'y a rien de changé. Je ne m'attendais pas qu'il y ait d'autres changements.

M. Blais (Roger-A.): On dirait: Plus ça change, plus c'est pareil.

M. French: C'est cela. Ce qui m'amène également à réfléchir sur ceci. Ce que je ne veux pas faire aujourd'hui et dans les mois qui viennent, c'est d'établir une autre institution de ce genre ou même, selon ce que vous nous dites, d'établir une autre

ANVAR, malgré ce que semble être l'enthousiasme du ministre là-dessus.

Une voix: ...

M. French: Non. Je n'ai pas dit que vous aviez dit cela, mais vous avez quand même défendu l'institution devant une critique assez catégorique ce matin. De toute façon, je ne cherche pas la chicane là-dessus. Voilà où je m'en vais pour la chicane. Un succès, soi-disant succès, c'est la NRDC.

Une voix: ...

M. French: Oui. Je regrette d'avoir manqué votre présentation de ce matin, mais ma collègue de Jacques-Cartier...

Une voix: Pas ce matin.

M. French: ...m'a dit que vous aviez des réserves. Cet après-midi, je m'excuse. En lisant le rapport que nous avons entre les mains, cela m'a fait penser également que vous avez dit qu'il n'y a pas grand-chose qui se passe dans les universités qui soit économiquement intéressant, de façon directe. C'est une éducation qui est valable, d'accord. Mais le seul gros "money-maker", d'ailleurs la seule raison pour laquelle on peut dire que la NRDC est un succès, c'est la céphalosporine qui provient des laboratoires d'Oxford. Lorsqu'on regarde le nombre de brevets à la NRDC - les propriétaires - on parle de 6000 ou 7000. Dans tout cela, d'après le rapport, il y a six ou sept gagnants, si vous voulez, dont un -la céphalosporine - diminue tous les autres. C'est le brevet de la céphalosporine qui fait marcher l'institution et bientôt il va arriver à son échéance et la céphalosporine va être propriété publique, etc. Est-ce que nous avons la masse critique nécessaire, étant donné l'échelle de recherche ici au Québec, actuellement, pour espérer de façon réaliste établir une institution qui pourrait s'autofinancer ou même devenir près de s'autofinancer? S'il faut 6000 ou 5000 brevets, s'il faut 20 à 30 ans, etc., pour avoir un vrai gagnant et six ou sept autres qui paient plus que leurs frais, comment peut-on espérer, vu le niveau d'activité ici, se retrouver dans une situation pareille? Il y a des économies d'échelle extraordinaires dans ce domaine. Je me demande si on est capable de s'avantager d'économies d'échelle pareilles ici au Québec.

M. Blais (Roger-A.): Ma réponse est oui. Nous avons une masse critique. Nous avons un système scientifique qui est relativement restreint, mais qui est de grande qualité, qui se compare avantageusement à partout ailleurs, compte

tenu des ressources que nous y mettons. Quand on pense que l'industrie québécoise ou canadienne consacre seulement le tiers, en termes de produit industriel intérieur, en recherche-développement, il ne faut pas s'étonner qu'on ait encore un bon bout de route a parcourir.

M. French: Le tiers de...

M. Blais (Roger-A.): Le tiers de ce que consacrent généralement les autres pays de l'OCDE en termes de produit industriel intérieur. Il y a environ 0,6%, ou quelque chose comme cela, du produit industriel intérieur. Pour prendre l'exemple de la Suisse, pour chaque homme, femme et enfant en Suisse, on consacre 3000 $ pour la recherche et le développement, pour un pays tout petit, qui n'a pas de richesses naturelles, à toutes fins utiles, ou très peu. Au Québec, avec nos populations équivalentes on ne consacre pas plus de 500 $; c'est six fois moins. Il ne faut donc pas s'étonner...

M. French: C'est ce que je dis.

M. Blais (Roger-A.): ...que le niveau de vie soit le plus élevé. Le produit national brut per capita est le plus élevé au monde en Suisse après les Émirats arabes, vous le pensez bien. Tout cela dépend où est notre argent. Il y a une enveloppe limitée de ressources. Ou bien on va encore plus dépenser dans les systèmes sociaux, ou on va investir un peu moins là-dedans, mais on va essayer de maintenir la qualité des services sociaux en infusant notamment dans le secteur tertiaire, le secteur des services, une dose accrue d'innovations et de technologie. Un des principaux points d'une société comme la nôtre, nous vivons avec un niveau de vie emprunté et notre déficit dans la balance internationale des paiements pour biens manufacturés est absolument faramineux. Que je sache, en 1982, il excédait 22 000 000 000 $. C'est au moins, pour le Québec seulement, 150 000 emplois. Cela dépasse même l'objectif actuel du gouvernement, mais ce sont des emplois très lucratifs. Effectivement, je pense que dans cela, j'en ai soupé dans un certain sens d'avoir des complexes d'infériorité, de ceci, de cela; on est comme ceci, on est comme cela, pas du tout. Il y a des moyens de le faire. Il faut avoir l'erre d'aller. Il faut foncer. Je pense qu'ici, autour de la table, il y a des entreprises qui nous ont montré une orgie de bons exemples de ceci. Comme AES, à ma gauche.

C'est comme cela qu'on va créer une société, si vous permettez. Je n'ai pas dit cela au nom du ministre Landry, mais, quand je l'ai remplacé, c'est cela que j'ai dit. Il faut valoriser la technique dans notre milieu, il faut se déconstiper collectivement et il faut surtout viser des objectifs importants et se concurrencer dans les marchés internationaux; c'est cela que cela veut dire. On n'est pas au Za7re ici, on est au niveau de l'Italie, à peu près, et l'Italie a au moins ceci de merveilleux, c'est qu'ils sont excellents dans le design. À part cela, ils font autre chose!

M. French: Je veux bien exporter et concurrencer. J'avais une question un peu plus précise que j'aimerais poser.

M. Blais (Roger-A.): Je vais être plus précis. On a actuellement les moyens. Si vous saviez la technologie générique à la fine pointe dans le monde, et nous transigeons avec des multinationales. Cette semaine j'étais à une université montréalaise, avec une technologie de pointe dans le secteur chimique, cette technologie a le potentiel de milliards de dollars, a la fine pointe. (17 h 45)

Quand on regarde ce qui se passe à l'Université de Sherbrooke, parce que je ne veux surtout pas donner l'impression que j'avais des commentaires péjoratifs sur les universités - quand on sait ce qui se passe à l'IREQ, pour conclure des marchés internationaux, quand on a des visiteurs étrangers qui se promènent dans nos laboratoires au CRIQ ou ailleurs, à l'Institut Armand-Frappier, etc.. Je connais mal la recherche qui se fait au ministère de l'Agriculture, mais j'imagine qu'il s'en fait un peu, que c'est très valable, que l'on adapte cela à nos conditions climatiques, etc., qu'on fait de la culture entrecroisée et qu'on s'inspire de la recherche qui se fait dans les pays en voie de développement. Je ne connais pas la recherche qui se fait dans les ministères, mais, par les échos que j'en ai vis-à-vis de notre niveau, il y a quelques années que j'ai pris une dose d'enthousiasme sur le potentiel de notre milieu. Il commence à être temps qu'on embarque.

C'est dans ce sens-là, je pense, hors de toute partisanerie politique, qu'on doit comprendre, à mon avis, ce projet de loi. C'est-à-dire que, si vous m'embarquiez dans un terrain politique, je pourrais vous en dire des belles et des pas sucrées là-dessus. Au fond, l'idée fondamentale, c'est que je pense qu'il faut considérer en toute objectivité ce projet de loi comme étant un geste positif posé par le gouvernement. Ce n'est pas un geste maladroit, mais il s'agit, avec le concours de l'Opposition sans aucun doute, d'en arriver à faire en sorte que la concertation dont vous parlez tous se concrétise également dans vos vues pour qu'on fasse évidemment notre travail.

M. French: M. le Président...

Le Président (M. Brou Met): M. le député de Westmount.

M. French: ...je veux juste revenir une autre fois à la charge. Je pense que la question que j'ai posée était très circonscrite. Elle n'invitait pas à un commentaire sur les multinationales...

M. Blais (Roger-A.): Vous m'avez demandé si on avait un système scientifique et j'ai dit oui.

M. French: Non, je ne vous ai pas demandé cela, pas du tout.

M. Blais (Roger-A.): Non?

M. French: Ce que je vous ai demandé, en toute honnêteté, parce que j'essayais de bénéficier de la seule expérience qu'on a au Québec qui réside...

M. Blais (Roger-A.): Pardon?

M. French: J'essayais de bénéficier de la seule expérience qu'on a au Québec qui réside essentiellement dans votre cerveau. Je vous ai demandé: Peut-on espérer qu'une institution comme celle visée dans le projet de loi s'autofinance dans un délai raisonnable?

M. Blais (Roger-A.): Non.

M. French: Non. C'est ce que je voulais savoir.

M. Blais (Roger-A.): La réponse est évidente.

M. French: D'accord.

M. Blais (Roger-A.): C'est tellement vrai qu'on nous a donné le mandat un peu semblable de viser un autofinancement d'ici cinq ans et c'est dur en batêche.

Le Président (M. Brouillet): Très bien, merci. Est-ce qu'il y aurait d'autres questions? Je remercie M. Blais.

Nous allons délibérer entre nous pour voir la suite des événements. L'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences était annoncée à l'ordre du jour. Nous sommes prêts à l'entendre.

M. le ministre.

M. Paquette: Pouvons-nous suspendre les travaux pour 30 secondes pour une consultation?

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Nous suspendons nos travaux pour 30 secondes.

(Suspension de la séance à 17 h 48)

(Reprise de la séance à 17 h 50)

M. Paquette: Nous avons une entente pour prolonger la séance de la commission jusqu'à 19 heures et pour éviter à nos invités de revenir en soirée, on serait prêt à les entendre immédiatement.

Le Président (M. Brouillet): J'invite les représentants de l'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences à prendre place.

ACFAS

M. Huot (Lucien): M. le Président, M. le ministre, Mme la députée...

Le Président (M. Brouillet): Si vous voulez vous identifier s'il vous plaît!

M. Huot: Oui. Lucien Huot, président de l'ACFAS. Nous sommes bien heureux de pouvoir faire part ici de la position de l'ACFAS concernant le projet de loi 37.

Le Président (M. Brouillet): Excusez. Il y a aussi un monsieur qui vous accompagne?

M. Huot: M. Guy Arbour, le directeur général de l'ACFAS.

Le Président (M. Brouillet): Très bien, merci.

M. Huot: Nous venons d'entendre M. Roger-A. Blais; en fait une personne d'expérience. Il nous a parlé d'amateurs dans la situation et également d'un politicien. Il faut bien comprendre qu'on arrive à une période tardive. Je ne sais pas si c'est le plat de résistance de la journée ou encore le grand dessert, mais pour notre part, disons qu'on se demande si on arrive comme un dessert ou un digestif. Si nous sommes près du souper, appelons cela l'apéritif.

L'ACFAS, pour ceux qui connaîtraient moins cette association, c'est tout de même une association qui a plus de 60 ans d'existence. C'est une association qui compte entre 3000 et 4000 membres individuels et qui, également, représente une quarantaine d'associations scientifiques au Québec. Donc, depuis l'époque Marie-Victorin jusqu'à tout récemment, cette association est très active en fait et très importante pour tous les milieux scientifique, universitaire, public, parapublic et privé.

Nous avons présenté un mémoire. Je pense que la grande majorité a eu l'occasion d'en prendre connaissance. Mais je demanderais au directeur général de l'ACFAS de vous en donner les principales lignes.

Après, il nous fera plaisir de répondre aux questions. Donc, je vous présente M. Guy Arbour, directeur général et un jeune directeur de l'ACFAS qui est en poste depuis environ un an et demi.

Le Président (M. Brouillet): M. Arbour.

M. Arbour (Guy): D'abord, un commentaire sur l'intervention précédente. Je pense que nous n'avions pas réalisé à quel point le CIIM constituait déjà une agence québécoise de valorisation industrielle de la recherche avec le volet financement en moins.

M. Huot a présenté brièvement l'ACFAS. En bref, c'est une association de chercheurs, de trouveurs et de gens en transition entre les deux états qui pourraient certainement bénéficier des services de l'AQVIR. M. Dutel nous a fait part tantôt du fait que tout le monde avait vraisemblablement lu notre mémoire, ce qui rendrait peut-être superflu le fait de le lire en détail. On avait tendance à aller tout de suite vers les questions qu'on soulève dans ce mémoire.

Je peux lire un peu les conclusions en bref. L'ACFAS n'a d'autre ambition que d'appuyer pleinement le gouvernement du Québec dans ses tentatives de valoriser et de commercialiser la recherche. Mais, à notre avis, les interrogations soulevées dans ce mémoire devraient être examinées avant d'instituer une autre agence gouvernementale. Les pouvoirs du ministre de la Science et de la Technologie paraissent suffisamment importants pour lui permettre d'édicter des règles de conduite à des organismes existants sans devoir nécessairement créer une plateforme spécifique. Notre souci n'est pas d'écarter le projet et de valoriser la recherche industrielle, mais bien d'optimiser la gestion des fonds publics en minimisant les structures administratives. Lorsque Thomas Alva Edison disait que le génie était constitué de 1% d'inspiration et de 99% de transpiration, je me demande s'il impliquait des fonctionnaires dans le processus de sudation.

Dans l'hypothèse de la création de l'AQVIR, il nous apparaîtrait essentiel de lui prévoir un modus Vivendi explicite et fonctionnel avec le CRIQ pour l'évaluation technique, notamment la SDI, pour l'analyse budgétaire et les centres d'innovation industrielle mis sur pied par les universités, comme le CIIM, le BRI à McGill etc.

Les points de vue présentés ici depuis hier semblent concourir du moins au sens géométrique, c'est-à-dire qu'ils se rencontrent probablement à l'infini. Nous avons reçu hier cette brochure qui décrit l'Agence québécoise de valorisation industrielle de la recherche et nous avons remarqué que, quoique nous ayons envoyé notre mémoire la semaine dernière, il y a une semaine, vous avez tenu compte de nos recommandations et en avez inclus beaucoup là-dedans.

M. Paquette: Ce qui veut dire que ce n'est peut-être pas à l'infini qu'est le point de rencontre.

M. Arbour: Quelque part. L'infini, ce n'est pas si loin.

M. French: ...

M. Arbour: Alors, bien sûr, on n'est ni contre la vertu, ni contre la fatalité parce que je crois que l'Agence québécoise de valorisation industrielle de la recherche va voir le jour bientôt. Je pense qu'il y aurait lieu maintenant peut-être de voir si dans les réflexions qu'on amène vous avez trouvé des éléments constructifs sur lesquels nous pourrions discuter.

Le Président (M. Brouillet): Merci, alors je demanderais à M. le ministre s'il a des commentaires ou questions.

M. Paquette: Certainement, M. le Président. J'ai retenu la phrase peut-être pour poursuivre sur le caractère humoristique: "Mathématiquement parlant, la dérivée de la fonction publique n'est pas égale à zéro." J'aimerais indiquer à l'ACFAS que je suis en désaccord parce que la dérivée donne la croissance et l'accélération d'un phénomène, mais on pourrait prétendre au contraire que la force d'accélération de la fonction publique est égale à zéro.

M. Arbour: Je parlais de la croissance des effectifs et des coûts.

M. Paquette: Oui, la croissance des effectifs également.

Plus sérieusement, je reviens au début de votre mémoire. D'abord vous affirmez que la recherche universitaire ou paragouvernementale n'a jamais eu à démontrer sa rentabilité économique. J'aimerais savoir si en tant que principal regroupement d'associations de scientifiques, parce que vous regroupez plusieurs associations scientifiques de différents secteurs, vous sentez une prise de conscience accrue ou stationnaire face à ce phénomène, à cette nécessité. Non pas que toute la recherche doive être évaluée à l'aune de la rentabilité économique mais qu'elle doit quand même se préoccuper de rentabilité économique, de transfert. Quelle impression sentez-vous dans les milieux que vous représentez?

M. Arbour: Je crois qu'on sent effectivement un changement se produire

surtout dans les facultés de qénie en particulier. On sent une préoccupation grandissante mais aussi une résistance de ceux qui ont un domaine de recherche qui n'ont peut-être pas d'implication immédiate, mais qui voudraient voir préserver leur prérogative de recherche, leur petite affaire quoi.

C'est indéniable, je pense qu'il y a à regarder certains dires au cours de congrès de l'ACFAS, le précédent congrès et les plus récents pour voir qu'il y a beaucoup de préoccupations dans le domaine de la technologie de pointe, dans le domaine de l'informatique. Bref, toute sorte de questions attenantes et très proches du virage technologique qui nous est si cher.

M. Paquette: M. le Président, vous mentionnez certains facteurs de stagnation de l'innovation technologique québécoise. Vous soulignez, à l'instar d'autres intervenants à cette commission, qu'un des principaux facteurs de stagnation c'est le peu de capital de risque auquel on taxait les innovateurs, qu'il soit docteur ou "patenteux", comme vous le dites.

M. Arbour: Patenteur, oui.

M. Paquette: Patenteur. Diriez-vous que c'est le principal problème au-delà de la prise de conscience qui devait se faire et qui commence à se faire chez les chercheurs universitaires en particulier? Quelles sont les principales responsabilités que vous voyez à l'agence de valorisation? Est-ce que c'est la principale ou s'il y en a d'autres?

M. Arbour: C'est la principale dans les rôles possibles. C'est un des rôles qu'on mentionne. C'est peut-être celui qui, à notre avis, serait le plus pertinent. Les consultations qu'on a faites sur la question, parce que mes modestes opinions là-dedans ne sont peut-être pas compétentes et même pas comparables à celles de M. Blais dans le domaine, nous porteraient à croire qu'effectivement ce serait le problème majeur. Si l'AQVIR vise à remédier à ce problème, ma foi! cela constitue certainement une initiative très louable.

M. Huot: On peut ajouter, M. le ministre, que tout de même il y a l'histoire qui est rattachée à tout cela. Cela a retardé dans la province les innovations. Je pense que de ce côté-là on sait bien qu'au Québec - en fait, maintenant, comme le dit si bien M. Blais - je pense que nos universités ont développé de plus en plus de l'intérêt pour être près du pratique. D'ailleurs, tous les organismes subventionnaires - on voit cela chez les universitaires - doivent être orientés très souvent. On a eu de grandes commissions de recherche au cours des dernières années, depuis les années soixante, et il est entendu que le point mentionné dans le mémoire est majeur. Je pense qu'il y a peut-être eu des retards causés par une certaine mentalité qu'on a tardé à acquérir et qui maintenant se développe; je pense que tout le monde en est conscient. (18 heures)

D'ailleurs, nos congrès nous le démontrent très bien et, à tous nos colloques, de plus en plus on voit apparaître ces intérêts sur l'innovation, sur l'application. En fait, on a du CAO dans les derniers colloques; on parlait de conceptions assistées de l'ordinateur. Ce sont toutes des activités nouvelles qui arrivent et on se sent beaucoup plus prêts. On a souvent été appelés "pelleteux de nuages" ou chapelle fermée dans les universités et dans les milieux scientifiques. Je pense que le retard a été, en partie, dû à un manque de ressources mais il y a plus que cela.

M. Paquette: Peut-être une dernière question un peu plus globale; puisqu'on est à l'étape qui précède la deuxième lecture, ayant étudié le projet de loi et le projet de création d'une agence de valorisation industrielle de la recherche, est-ce que vous pensez que le gouvernement devrait aller de l'avant avec ce projet? Si oui, quelles balises devrait-on mettre au nouvel organisme? Est-ce qu'il y a des articles qui vous apparaissent devoir être modifiés? Est-ce qu'il y a des orientations supplémentaires, des balises supplémentaires qu'il faudrait mettre dans ce projet?

M. Arbour: La loi comme telle semble vague. Je pense que c'est davantage dans la brochure qu'on apprend sur l'AQVIR plutôt que dans le texte de la loi qui, lui, est évidemment plein de bonnes intentions. Une chose qui sera déterminante sera l'articulation que l'AQVIR aura avec des centres de recherche existants. Cela est beaucoup plus aux gens de la future AQVIR de le définir qu'à nous ici qui ne voyons pas certaines subtilités dans ces organismes-là.

Maintenant, je ne trouverais pas inapproprié - c'est une suggestion un peu à l'emporte-pièce - que le CIIM soit une succursale - je ne sais pas si M. Blais est d'accord - ou constitue une porte montréalaise de l'AQVIR, qu'il y en ait une autre à Québec et qu'il y ait des centres régionaux; c'est une suggestion qui est lancée comme cela. Cela m'apparalt tellement...

M. Paquette: Vous seriez plutôt en faveur de multiplier les organismes qui visent à faciliter le transfert industriel, sans les multiplier à l'infini mais qu'enfin on ait plus de ressources dans le milieu.

M. Arbour: C'est cela, profiter des ressources existantes au maximum. Cela

coûtera 1 000 000 $ par année et on n'a absolument aucune présomption selon laquelle cela pourra être rentable à court terme, ni même à moyen terme, selon ce qu'on a entendu tantôt. Je crois que c'est vraiment un argument majeur, décevant mais majeur.

M. Paquette: M. le Président, j'aimerais remercier l'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences de son mémoire. Je suis heureux de voir que la discussion va dans le sens des préoccupations de l'association. Nous allons prendre bonne note des recommandations que vous nous faites. Merci.

Le Président (M. Brouillet): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: J'aimerais remercier les représentants de l'ACFAS pour leur mémoire. J'ai une question sur la page 6. À la première phrase, on parle du CRIQ et on dit que le niveau de subtilité des liens entretenus avec le CRIQ, en particulier, déroutera plus d'un chercheur. Pouvez-vous expliquer cette situation?

M. Arbour: J'ai l'impression qu'il y a bien des gens qui s'adresseront au CRIQ pour des choses qui seraient du ressort, éventuellement, de l'AQVIR; d'autres s'adresseront au CIIM et cela sera plutôt du ressort de l'AQVIR et vice versa. À l'AQVIR, ce sera plutôt du ressort du CRIQ. Ces organismes devront bien se définir chacun un mandat afin de ne pas entrer en compétition. Il est important qu'il n'y ait pas de compétition aux dépens du contribuable et tout le monde va appuyer cet avis, j'ai l'impression. C'est essentiellement ce qu'on voulait dire.

Mme Dougherty: Plus tard, vous avez soulevé plusieurs options à l'AQVIR.

M. Arbour: Oui.

Mme Dougherty: La quatrième, c'est la création d'un volet FCAC innovations.

M. Arbour: Oui.

Mme Dougherty: Voudriez-vous expliciter un peu votre suggestion?

M. Arbour: C'est une idée qui est lancée sans être développée outre mesure. On pourrait concevoir que, à l'intérieur de la FCAC, il y ait un budget qui soit assigné au développement d'inventions, ce serait du capital de risque de disponible. Il y aurait peut-être un conseil d'administration où il y aurait un comité qui étudierait les demandes venant d'inventeurs et peut-être aussi un secrétariat qui serait un peu plus dirigé vers la prospection d'inventions dans différentes universités ou différents instituts de recherche. C'était une idée qui avait l'avantage de ne pas nous forcer à créer une agence spéciale et qui pouvait, j'imagine, s'adapter avec la mission de la FCAC, quitte à la modifier. Mais ce n'était qu'une suggestion parmi d'autres. On peut l'examiner et on peut la rejeter, il s'agit de voir si c'est pratique.

Mme Dougherty: Même à l'heure actuelle, il y a un volet de la FCAC consacré à la recherche appliqué, n'est-ce pas?

M. Arbour: Oui, effectivement.

Mme Dougherty: Cela devient de plus en plus large, je crois.

M. Arbour: II ne fait pas de prospection...

Mme Dougherty: Ce n'est pas uniquement de la recherche pure qu'on fait à la FCAC. J'imagine que, même aujourd'hui, cela fait partie du réseau de recherche appliquée.

M. Arbour: Le volet des actions spontanées.

Mme Dougherty: Je ne comprends pas exactement le changement que vous envisagez.

M. Arbour: Vous parlez peut-être du volet des actions spontanées ou du volet du séminaire des chercheurs.

Mme Dougherty: Je parle de la FCAC. Quand vous avez parlé de la FCAC innovations, comment votre idée est-elle différente de ce qui se passe à l'heure actuelle?

M. Arbour: C'est qu'il n'existe en ce moment, chez la FCAC, aucune structure, aucun mécanisme qui permette de faire une certaine prospection dans les milieux de la recherche pour essayer de développer des idées qui stagneraient et qui seraient éventuellement commercialisables. Évidemment, cette idée supposerait que la commercialisation serait déléguée à des agences privées ou à des entrepreneurs éventuellement. Mais, encore là, ce n'est qu'une idée qui mériterait d'être examinée par les gens qui sont payés pour cela. On ne l'a pas développée outre mesure, on aurait pu faire quelques pages de suggestions, mais il y a déjà un projet de l'AQVIR sur la table et je ne sais pas dans quelle mesure on retiendrait un nouveau projet qui serait élaboré.

Mme Dougherty: D'accord, merci infiniment.

Le Président (M. Brouillet): Merci. Y a-t-il d'autres questions à poser?

M. Paquette: M. le Président, je voudrais simplement dire qu'on va étudier la suggestion qui vient d'être faite. Il y a la possibilité d'un programme - évidemment, c'est vraiment aux toutes premières phases de la valorisation de la recherche - destiné aux chercheurs universitaires pour les inciter à participer au processus d'innovation et leur donner les ressources pour le faire. Cela peut être intéressant et on va examiner cela. Je remercie les représentants de l'ACFAS.

M. Huot: Vous voyez, M. le ministre, ce sont des options qu'on a placées et qui peuvent avoir leur intérêt.

M. Paquette: Elles ne sont pas mutuellement exclusives dans votre esprit, c'est à examiner, en fait.

M. Huot: Non, absolument pas. M. Paquette: Très bien.

Le Président (M. Brouillet): Je remercie les représentants de l'ACFAS. Nous allons inviter les représentants du dernier groupe que nous allons entendre aujourd'hui à cette commission, l'AES Data Inc.

J'invite le porte-parole à s'identifier et à nous présenter son collègue.

AES Data Inc.

M. Labonté (Alain): Mon nom est Alain Labonté, directeur général aux affaires publiques de AES Data, et mon conseiller est M. Dominique Boivin.

Je tiens à souligner au départ l'absence malheureuse de mon collègue et vice-président au développement de marchés et assistance commerciale, M. Pierre

Deschamps, qui a été retenu spontanément hier soir. Nous sommes dans l'entreprise privée et il faut se retourner vite. Il a dû se retourner très rapidement. Mon collègue Pierre Deschamps est présentement à négocier un gros contrat aux États-Unis et c'est tout à notre avantage. Vous savez, j'espère, que très récemment, AES s'est associée avec une firme américaine de développement, SAVIN et nous sommes présentement à négocier les derniers détails. M. Deschamps a été nommé l'un des négociateurs.

Je suis surpris aujourd'hui, à travers tout ce qu'on a vu, d'être le seul représentant de l'entreprise privée. Je ne sais pas dans quelle situation on me place, mais je suis très heureux d'être ici aujourd'hui pour exprimer mes vues.

L'entreprise privée se préoccupe sérieusement de la Loi 37 et ceci, dans le but d'être en mesure de se retourner très rapidement. L'entreprise privée a besoin de recherche, a besoin de développement. Aussi grande ou aussi petite que soit l'entreprise, elle a besoin de fonds, elle a besoin de conseillers, elle a besoin de personnes qui interviennent ou intercèdent pour elle.

Je n'ai pas à vous décrire ce qu'est AES Data, mais au dossier que nous avons présenté la semaine dernière, nous avons ajouté quelques données. Vous me permettrez d'en citer quelques-unes. Si, comme le ministre le signale dans son discours de deuxième lecture, il réussit à faire en sorte que l'AQVIR soit un guichet unique que nous réclamions en juin dernier; si l'AQVIR est de structure légère, donc souple et qu'elle peut le rester pour commencer; si le dirigisme y est combattu; si l'agence réussit à briser l'étanchéité en mettant ensemble la SDI, le CRIQ, le CIIM, le secteur privé et les universités qui sont pour nous fondamentales; en un mot, si l'AQVIR coordonne et peut, lorsqu'il y a lieu, injecter du capital de risque dans la prise de contrôle, nous sommes en faveur de sa création. Si l'AQVIR est nécessaire aujourd'hui, c'est surtout parce que nous savons que nous sommes en retard et qu'il faut absolument rattraper ce retard.

En cours de route, on pourra s'interroger, qui comme gouvernement, qui comme opposition, qui comme contribuable, sur la redéfinition des autres organismes que sont la SDI, le CRIQ, le CIIM, l'AQVIR, pour mieux harmoniser la stratégie d'ensemble. Des corrections seront sûrement apportées en cours de route. Ce qui compte, pour le moment, c'est de prendre un départ et ceci, très rapidement.

Voyons maintenant à quelles conditions et à quel prix. Nous reprenons de manière plus précise les points que nous avons soumis devant cette commission en juin. Je saute quelques données et je vais tout de suite à l'article 5.

Étant donné que les organismes qui s'intéressent à la création de l'agence sont aussi des manufacturiers, des membres de l'ADRIQ, des représentants de la CREPUQ et de la FAPUQ - en un mot, les principaux intéressés du milieu sont parmi ces organismes - et, compte tenu que le gouvernement peut nommer deux observateurs auprès de l'agence en vertu de l'article 6, nous proposons que le conseil d'administration de l'AQVIR se compose des représentants suivants. Pour les organismes publics et parapublics, un représentant du CRIQ, un représentant de la SDI, un représentant du Conseil des sciences et de la technologie, un membre recommandé par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme en vertu de l'article 5, alinéa 2. Pour le milieu

universitaire, deux membres recommandés par ce milieu. Pour le milieu industriel, deux représentants recommandés par la CIEQ, un représentant recommandé par le CIIM, deux représentants recommandés par l'Association des manufacturiers du Canada, section Québec. Cette proposition satisfait les buts de coordination des divers agents du milieu et devrait assurer une concertation de tous les intervenants dans une proportion à la fois juste et représentative de l'impact de chacun des organismes impliqués. (18 h 15)

À l'article 17.3, n'y aurait-il pas lieu d'ajouter les mots suivants: "et des universités", quand on sait qu'une foule de brevets restent sur les tablettes des universités québécoises faute de capital? Nous nous demandons encore si cela doit et non être inclus à l'intérieur du texte de la loi, mais comme le gouvernement a cru bon de spécifier que l'agence verra à contribuer à la gestion et à l'exploitation du portefeuille des brevets des ministères, peut-être serait-ce là un bon moyen pour forcer des projets à naître qui, autrement, resteraient perdus. À ce titre, l'agence ne pourrait-elle pas mettre sur pied une banque d'inventions ou de brevets, une sorte d'archives, ce qui se fait en recherche industrielle? Nous proposons donc, comme cet article soulève des critiques eu égard à des possibilités de dirigisme, d'amender le paragraphe premier de l'article 17 en ajoutant les mots "en consultation et en collaboration avec le milieu de l'industrie et du Conseil des sciences et de la technologie".

À l'article 19, toujours pour éviter des accusations de dirigisme, nous proposons de reprendre la rédaction de l'article ainsi: "1. Le ministre de la Science et de la Technologie peut donner à l'agence des directives; "2. Ces directives sont déposées devant l'Assemblée nationale et publiées à la Gazette officielle. Si, dans les quinze jours, aucun député ne demande la convocation de la commission permanente de la science et de la technologie pour entendre les représentants d'organismes sur le projet, les directives sont considérées adoptées par l'Assemblée nationale; "3. Si la commission parlementaire est convoquée pour entendre des mémoires, dès que les travaux sont terminés et que le rapporteur dépose son rapport, l'Assemblée nationale étudie le rapport et l'adopte -selon une procédure légère et à préciser, bien entendu - tel que présenté ou amendé; "4. À la suite de cette approbation par l'Assemblée nationale, l'agence est tenue de s'y conformer."

On comprendra que le contenu de cette proposition va dans le sens de la réforme parlementaire amorcée, et également dans le sens de la revalorisation du parlementarisme.

L'article 20. Concernant le fait que l'agence peut accorder une aide financière, aux conditions et selon les limites qu'on croit devoir fixer, n'y aurait-il pas lieu de prévoir une procédure d'appel ou de révision? Lorsque nous proposons une procédure d'appel ou de révision, il reste à déterminer quelle en sera la personnalité responsable. Compte tenu du besoin de souplesse, de légèreté et de rapidité de ce responsable de la révision ou de l'appel des décisions de l'agence, compte tenu également que la responsabilité de prendre ce virage technologique revient au pouvoir politique et, enfin, compte tenu que les fonctionnaires ne peuvent d'eux-mêmes déroger aux règles de pratique qui leur sont fixées par ce même pouvoir politique, nous suggérons que le responsable de la révision ou celui entre les mains duquel l'appel puisse être logé soit le ministre de la Science et de la Technologie.

Nous nous référons, à ce sujet, à une procédure similaire qui existe pour certains programmes de la SDI où le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme peut user de sa discrétion.

L'article 22. Nous recommandons de conserver cet article car il garantit un retour d'investissements rentables pour l'AQVIR.

En fait, en conclusion générale, comment se prononcer vraiment sur la valeur de la nouvelle agence à ce moment-ci puisque, en réalité, nous faisons face à une loi-cadre dont la configuration exacte ne sera connue que lorsque les directives ministérielles auront déterminé son envergure et son mandat? Enfin, même là, il aurait fallu la vivre pour être en mesure de l'apprécier justement. Seulement à ce moment-là et après avoir vu fonctionner l'AQVIR pourrons-nous, comme manufacturiers, apporter nos recommandations et notre opinion. Ainsi que nous le disions dans notre mémoire du 10 juin, pour l'instant nous prenons note que, premièrement, le gouvernement soumet aux législateurs un projet de loi créant une agence en vue de rendre disponible un capital de risque inexistant au Québec et, deuxièmement, de l'intention du gouvernement de revaloriser la recherche industrielle. De cela, nous nous réjouissons grandement qu'on y arrive enfin chez nous. Pourquoi? Parce que la concertation, le consensus sont nécessaires au sein de la collectivité québécoise pour prendre le virage et être au moins dans la course internationale de l'avancement technologique. Il faut que nous en arrivions tous à s'entendre sans gaspillage et dans une mesure ordonnée, voire coordonnée pour travailler la main dans la main à la poursuite de ces buts. Nous n'avons pas le choix, il faut gagner le pari. C'est dans ce but et en

tenant compte de tout ce qui s'est dit et écrit sur l'AQVIR que, comme entreprise manufacturière intéressée au premier chef par la création de l'agence, nous proposons aux membres de cette commission et au gouvernement une précaution supplémentaire.

Que l'agence vive et passe sa première année. À l'occasion de son premier rapport annuel, lorsqu'elle déposera son bilan, que l'Assemblée nationale convoque une commission parlementaire qui examine le bilan de cette première année d'activité pour chercher à bonifier l'AQVIR, non pas la changer, mais la bonifier, rentabiliser son action et améliorer son efficacité. Que, simultanément, on demande à ceux qui ont vécu de près l'expérience de l'agence de venir à leur tour témoigner de ses forces et de ses faiblesses. Que l'on puisse, à la lueur de cet exercice, en arriver à pointer si oui ou non il y a dédoublement, si l'agence a ou non comblé le besoin et dans quelle proportion, si elle a remporté le pari du gouvernement avec succès ou non. Ce faisant, nous serons en mesure de poser un diagnostic juste et honnête. Ce que nous cherchons à éprouver en faisant cette proposition, c'est de procéder au moyen de la seule recette possible dans les circonstances, la méthode de l'essai et de l'erreur.

Vous me permettrez d'insister à nouveau en terminant sur ce qui anime notre démarche auprès des membres de cette commission. Nous devons prendre ce virage technologique, mais le réussir. Nous n'avons pas de choix, il faut y arriver. Cela ne nous inquiète guère puisque, comme société, tout est disponible et à la portée de la main. Tout ce qui manque, nous pouvons nous le donner. Il suffit de savoir ce qui manque, de le prendre et l'adapter à nos besoins. Ainsi en va-t-il de l'AQVIR. Merci.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. Labonté. J'inviterais le ministre à prendre la parole.

M. Paquette: Merci, M. le Président. J'aimerais tout d'abord remercier M. Labonté de son exposé. J'aimerais dire - comme cela a été le cas en juin sur la loi 19 - jusqu'à quel point il est précieux pour une commission parlementaire de pouvoir dialoguer directement avec une entreprise. Très souvent, on entend des regroupements d'entreprises, on en a eu au cours de la commission - on sait la réalité vécue au sein d'une entreprise, surtout une entreprise aussi innovatrice que AES Data - qui sont peut-être davantage porteurs de la réalité concrète qu'on vit lorsqu'ona à développer un produit, à concurrencer, surtout sur un marché international. Je pense que votre mémoire est largement inspiré de cette expérience pratique.

Je vais d'abord relever un point, à la page 6 de votre mémoire. Après avoir fait le tour des divers organismes existants, les centres de recherche, dont le CRIQ, vous dites que, entre les secteurs universitaire, gouvernemental, paragouvernemental et privé, il n'y a pas de coordonnateur, de rassembleur. Un peu plus loin, à la page 7, vous mentionnez également qu'il y a pour une entreprise trop de portes, d'acteurs, d'où perte de temps, d'énergie, d'administration. J'imagine que si c'est vrai pour AES Data, c'est encore plus vrai pour une petite et moyenne entreprise. On manque de capitaux de risque. On manque de possibilités d'assistance technique. Je pense que vous décrivez à peu près les principales dimensions qui constituent l'originalité de l'agence. Hier, le directeur de l'École polytechnique, M. Roland Doré, nous a dit un des rôles. Il y a le rôle du capital de risque qui est très important pour financer les premières étapes d'innovation et de développement d'un produit. Il y a aussi ce rôle de trait d'union. Est-ce que je vous interprète bien en ayant l'impression que vous êtes d'accord avec ce genre d'énoncé selon lequel il manque peut-être un ciment pour mobiliser toutes les ressources qui existent?

M. Labonté: Nous vivons dans un domaine très concurrentiel. Je parle pour l'entreprise privée que je représente, qui a dû se développer par elle-même depuis les huit dernières années. Elle a peut-être oublié - on peut dire dans ce cas-là, mea culpa -d'aller voir ces intervenants, ces premiers intervenants qui auraient pu être des universités. Elle commence à le faire depuis à peine deux ans pour s'ouvrir des portes, pour se créer un bassin de personnes qui viendront sur le marché dans quatre ou cinq ans. Elle n'a pas su encore se donner des moyens de coordonner avec tous ces intervenants. Je parle pour l'entreprise privée en général, mais AES est un bel exemple et les entreprises de haute technologie suivent à peu près le même pas. Comme on devait se retourner sur un 0,10 $ et très rapidement, on ne prenait peut-être pas le temps de consulter les intervenants du milieu; on se doit de le faire. Est-ce que ces intervenants sont prêts à nous accueillir? Je crois que oui.

On a tout simplement besoin d'un milieu qui nous permettrait de le faire. Si le gouvernement ne nous le donne pas, on va se le donner nous-mêmes. On veut agir privément; on veut agir d'une façon autonome; on ne veut pas que le gouvernement use de dirigisme dans notre domaine. Par contre, on s'est donné une direction et on demande aux autres de nous aider à l'obtenir. Je prends aussi comme appui toutes les autres entreprises du même

domaine. On se doit de réagir très rapidement parce que la concurrence est là. Il y a 130 compagnies qui veulent prendre notre part de marché et nous tenons à demeurer sur le marché encore longtemps. Inévitablement, M. le ministre, on veut aller chercher l'intervention de toutes les personnes qui sont prêtes à nous aider. On le fait peut-être d'une façon très maladroite présentement mais on peut se donner, par le biais de l'AQVIR, un canal unique qui nous permettra d'intervenir dans ce sens-là. Si l'AQVIR ne le fait pas, on le fera autrement.

M. Paquette: M. le Président, j'en arrive aux recommandations qui terminent ce mémoire. Vous recommandez que le siège social dont on parle à l'article 4 soit à Montréal. Je pense qu'on n'en a pas parlé dans le mémoire précédent. Je pense que le Centre d'innovation industrielle de Montréal propose également que ce soit à Montréal. On trouve cela fort intéressant à étudier, sans s'engager immédiatement. Je pense que c'est assez logique parce qu'il est vrai que la concentration des entreprises et des universités à Montréal est telle que cette agence pourra fonctionner beaucoup plus facilement près du principal bassin d'innovation, sans nécessairement négliger les autres régions.

À l'article 5, lorsque vous parlez du conseil d'administration et dans l'addenda que vous avez présenté à la suite de votre mémoire, vous vous faites un peu plus précis. Je trouve cela intéressant; il n'y a rien de choquant à première vue là-dedans quant à la composition. On nomme une majorité de représentants du milieu industriel; vous recommandez deux représentants du milieu universitaire; il y a d'autres organismes universitaires qui nous ont fait la même représentation et vous mentionnez des représentants des principaux organismes publics qui ont un rôle à jouer à une étape ou l'autre du processus d'innovation. Est-ce que je me trompe en disant que votre principale préoccupation est qu'au conseil d'administration on ait déjà tous les gens qui vont intervenir dans le processus de liaison universités et industrie, de façon à leur faciliter le rapprochement et qu'on ait tous les points de vue.

M. Labonté: Vous parlez du gouvernement et des industries.

M. Paquette: ...et des universités. Je pense que vous avez des représentants d'organismes publics et des représentants de...

M. Labonté: Je demandais, dans ma présentation, comme les autres rapports qui ont été déposés, que l'industrie soit représentée en majorité. M. Paquette: Oui.

M. Labonté: Je mets comme palliatif les milieux universitaires parce qu'ils ne sont ni gouvernementaux ni de l'entreprise privée, mais ils sont des dérivatifs de l'entreprise privée. Si l'entreprise n'existe pas, on n'a pas besoin d'universités qui feront de la belle recherche qui ne servira à rien.

Pour ce qui est des représentants gouvernementaux, je crois qu'il y a une expertise qui est déjà sur place et dont on devrait bénéficier.

M. Paquette: Je ne pense pas que vous suggériez cependant qu'on écrive dans la loi une composition aussi précise que cela parce que...

M. Labonté: Cela est une suggestion.

M. Paquette: Mais est-ce que vous souhaiteriez qu'on soit aussi précis que cela? Cela peut évoluer quand même. Les organismes peuvent changer dans le temps et...

M. Labonté: Non. C'est une suggestion qui pourrait être flexible...

M. Paquette: D'accord.

M. Labonté: ...au niveau gouvernemental. Pour ce qui est des autres intervenants, qu'ils soient nommés par la CIEQ ou par le CIIM, je crois que ceux-là devraient demeurer.

M. Paquette: Oui.

M. Labonté: Mais pas dans la loi.

M. Paquette: À l'article 19 - je passe par-dessus les autres, ce n'est pas que ce ne soit pas intéressant, on va en tenir compte également - vous parlez des directives. Je reprends votre expression: L'entreprise doit se retourner sur un 0,10 $. Je suis d'accord avec cela. Je dirais que l'agence doit se retourner, peut-être pas sur un 0,10 $, mais sur un 0,25 $.

M. Labonté: Je suis d'accord. On peut interpréter cela en disant que je vais à l'encontre...

M. Paquette: Je trouve votre mécanisme pas mal lourd. Je me demande si on doit vraiment passer...

M. Labonté: Le mécanisme lourd peut durer... Je considère qu'une procédure semblable ne devrait pas durer plus de dix à quinze jours, après avoir fait une analyse

bien globale, et c'est possible de le faire dans une période de dix à quinze jours.

M. Boivin (Dominique): M. le Président, on pourrait ajouter une petite explication à cela. Il y a beaucoup de gens qui ont parlé depuis deux jours de concertation, de consensus, et qui veulent embarquer dans ce virage du consensus et de la concertation; le gouvernement cherche aussi cela. C'est excellent, c'est très sain. Quand on arrive avec une agence qui a des buts qui sont proposés par le gouvernement et quand nous, de notre côté, on propose la composition du conseil d'administration de la manière qu'il est proposé, ce qu'on a derrière la tête, surtout après avoir écouté tous les mémoires qui ont passé ici depuis deux jours et en juin, sur la loi 19, c'est que c'est essentiel que la société québécoise prenne ce virage du même pas, du même pied; comme cela, il n'y aura pas de dérapage et on n'ira pas dans le décor. À partir de là, si vous voulez bien démarrer, il faut justement bien démarrer, c'est-à-dire tout le monde ensemble sur la même note. Cela vaut peut-être la peine... Le processus de consultation peut prendre environ quinze jours, on pourrait ajouter quinze jours de demandes pour préparer les mémoires et pour donner le temps aux gens de se préparer et d'arriver. Voyez-vous, AES Data est une compagnie privée et le secteur privé va vite.

M. Paquette: Vous me permettrez de vous interrompre. Sur les nominations, je suis d'accord qu'il faut prendre le temps de les faire avec la plus large consultation possible, mais je parlais des directives approuvées par l'Assemblée nationale. L'Assemblée nationale ne siège pas tout le temps et cela peut être assez long.

M. Boivin: Oui, mais l'agence sera adoptée, à un certain moment, par le législateur. De là, le ministre, en consultation avec le gouvernement, peut préparer un projet d'ici ce temps. Avec la majorité ministérielle, il sera donc adopté d'ici Noël. En conséquence, le projet de directive pourrait être soumis en consultation. Également, ces directives, si elles recueillent l'appui de tous les intervenants du milieu, il y a des chances de vraiment s'entendre pour aller ensemble dans une même direction.

M. Paquette: Je comprends un peu mieux. Je pense qu'il faut distinguer les directives qui sont des questions beaucoup plus ponctuelles. C'est parfois difficile à prévoir quand on va devoir demander à l'agence de faire telle chose plutôt que telle autre. J'ai donné des exemples ce matin. À un moment donné, vient un nouvel organisme qu'on a rencontré, puis il y a lieu de faire un protocole d'entente et de demander à l'agence de s'y conformer. Cela prend un mécanisme un peu plus flexible.

Par contre, peut-être voulez-vous parler de la réglementation afférente. Cela va vraiment déterminer davantage le fonctionnement de l'agence et elle aura un caractère plus permanent. Vous avez raison de dire que cela va dans le sens de la réforme parlementaire. On va étudier cela. En tout cas, je retiens le principe.

M. Boivin: Là, il y a tout le débat juridique entre la définition de directives et celle de la réglementation. D'un autre côté, le projet de loi 37 est un projet de loi-cadre où, honnêtement, on peut vous dire qu'actuellement s'il n'y avait pas eu tout le débat là-dessus, si le ministre n'avait pas expliqué la manière de procéder, on ne saurait pas trop comment va fonctionner l'agence. Dans ce cas-là, pour un manufacturier, c'est important de savoir ce que cela va donner. On pense que dans le principe, le projet de loi va aider. Ce sera très intéressant que cette loi-cadre, on la voit fonctionner pour voir comment elle va fonctionner. On doit avoir un consensus sur le fonctionnement de cette agence pour qu'elle fonctionne, pour qu'elle marche.

M. Paquette: Je suis d'accord avec le principe, M. le Président. D'ailleurs, dans la loi, on dit que le rapport annuel va aussi être déposé à l'Assemblée nationale. Il pourrait y avoir des débats à des commissions parlementaires. C'est toujours possible. On va examiner cela de plus près quant aux modalités, comment les articuler exactement.

J'aimerais remercier les représentants d'AES Data Inc., de leur mémoire. Il contient des suggestions éminemment positives. Je note aussi le souci, la volonté de collaboration de l'entreprise avec les milieux universitaires et le gouvernement aussi qui peut jouer son rôle d'appui, parfois financier, parfois technique. Je pense que c'est une collaboration qui va nous permettre - comme celle qui a été offerte par les autres intervenants - d'assurer un lancement réussi de cette agence de valorisation.

M. Labonté: Je voudrais signaler ici que cette collaboration de AES Data signifie tout simplement qu'on a besoin d'aide. Nous investissons pas loin de 18 000 000 $ en recherche annuellement simplement pour une entreprise située à Montréal. On dit que le ministère investirait 10 000 000 $, c'est déjà plus que le ministère investira dans l'agence.

M. Paquette: Juste une chose. Je voudrais bien préciser que l'agence n'est pas le seul mécanisme de financement. L'agence

est un mécanisme de financement quand il y a des innovations à mettre au point jusqu'à temps qu'on soit prêt à aller à la commercialisation en série où il y a d'autres agents financiers privés et publics qui peuvent intervenir.

M. Labonté: Effectivement.

M. Paquette: II y a aussi la mise sur pied des centres de recherche. Il y a la possibilité de financer des projets ad hoc également. On en a déjà fait quelques-uns au ministère. Il ne faudrait pas non plus penser que c'est la seule façon que nous allons utiliser pour aider au développement de la recherche industrielle.

M. Labonté: Je comprends très bien.

Le Président (M. Brouillet): Très bien, merci. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci. J'aimerais remercier les représentants de AES Data pour leur mémoire et les commentaires.

J'ai quelques questions. D'abord, la composition que vous avez proposée pour le conseil d'administration. Je me demande s'il y a trop de personnes - en vertu de leur position, de leur association avec des organismes qui s'occupent de la valorisation directement et probablement seront les partenaires de l'agence - qui ont trop d'intérêts directs reflétés dans ce conseil qui pourraient susciter toute sorte de conflit d'intérêts.

M. Labonté: Je ne crois pas. Disons que quand on parle du CIEQ, on parle des entreprises privées. Le CIEQ représente l'ensemble des entreprises de haute technologie au Québec; quand je parle du CIIM, je parle de l'ensemble du milieu de la recherche universitaire; quand je parle...

Mme Dougherty: ...recommandé par le CIIM. Vous avez un représentant du CRIQ, un représentant de la SDI; j'imagine qu'ils seront des gens qui travaillent pour la société...

M. Labonté: ...Ils auront une expertise. Je considère que les gens du CRIQ, de la SDI... Je considère le Conseil des sciences comme un arbitre, qui pourrait intervenir comme arbitre. Pour ce qui est du milieu universitaire, je crois qu'il est indispensable que ces gens qui ont une approche particulière soient bien représentés. Je pense que les autres représentants qui ont passé avant moi l'ont bien mentionné.

Pour ce qui est des autres personnes recommandées, du CIEQ, du CIIM et de l'Association des manufacturiers canadiens, je pense que tous les paliers sont représentés et sans conflit d'intérêts.

Mme Dougherty: Merci. Une autre question sur le problème possible de conflit d'intérêts qui n'a pas été soulevé par qui que ce soit. C'est l'article 13. J'ai reçu la suggestion d'éliminer la deuxième phrase du premier paragraphe de l'article 13. Est-ce que vous avez la loi?

M. Labonté: Oui.

Mme Dougherty: La deuxième phrase dit: "Toutefois, cette déchéance n'a pas lieu si un tel intérêt lui échoit par succession ou par donation, à condition qu'il y renonce ou en dispose avec diligence." On peut imaginer une situation où le président reçoit une action ou quelques actions d'une entreprise, d'une compagnie comme un don et, avant d'avoir la chance de disposer de ces actions, elles sont offertes sur le marché public et il réalise un gain de capital. Que pensez-vous de la suggestion d'éliminer la deuxième phrase?

M. Labonté: Je n'en vois pas la nécessité. Je ne m'y suis pas arrêté. En tant qu'entreprise privée, que quelqu'un remette ses actions, si j'ai bien compris, à la suite d'un don à l'organisme et que celui-ci l'administre, je ne vois aucune objection à cela.

M. Paquette: M. le Président, il est peut-être bon de préciser que l'article 13 pose cette exigence uniquement pour le président de l'agence. Cela n'empêche pas les autres membres d'avoir eux-mêmes des entreprises. Tout ce qu'on dit pour les autres membres, c'est qu'ils doivent le révéler par écrit. Quand on discute du cas de son entreprise, il devra se retirer des délibérations pour ne pas être en conflit d'intérêts.

M. Labonté: C'est ce qui se fait dans l'entreprise privée actuellement. C'est une note qui apparaît dans le cadre de toutes les entreprises privées. Une personne qui possède des actions se retire quand on discute de son cas.

M. Paquette: On veut que le président soit totalement indépendant de toute entreprise parce qu'il doit présider les débats, préparer l'ordre du jour des travaux.

M. Labonté: C'est très normal.

Mme Dougherty: C'est une suggestion qui a été faite par quelqu'un qui est aussi président d'une entreprise. Vous ne voyez donc pas de problème.

M. Labonté: Je ne vois absolument

aucun problème.

Mme Dougherty: Vous avez dit tout à l'heure que vous avez besoin d'aide. Je crois que le taux annuel de croissance de votre entreprise est d'environ 30%. Je me demande quel rôle l'AQVIR pourrait jouer envers une entreprise comme la vôtre? (18 h 45)

M. Labonté: On parle d'une croissance d'environ 30%, j'espérerais qu'elle soit de 30% et bravo...

Mme Dougherty: Le taux de croissance n'a rien à voir avec ma question, je ne suis pas certaine, mais...

M. Labonté: Actuellement, sur le marché, nous faisons face à une compétition. On parlait de géants comme IBM avec 4 000 000 000 $ de possibilité d'investissement, alors que nous n'avons que 18 000 000 $. Nous devons faire face à la même concurrence au même public et nous sommes dans 55 pays. Nous devons satisfaire les besoins de ces personnes et assurer la relève. Il y a quelqu'un qui a employé le mot "pinotte" tantôt, 18 000 000 $ ce sont des "pinottes" dans ce milieu. Mais pour survivre il est essentiel que nous conservions ce prorata qui représente environ 8% à 10% d'investissement de nos revenus annuels. Au prorata, nous sommes peut-être les plus hauts, mais quand on fait face à des géants tels que Xerox, IBM, Wang, ces gens ont le capital et la force pour nous concurrencer. Nous avons besoin d'aller chercher les ressources où elles se trouvent, que ce soit au provincial ou au fédéral. On sait que le fédéral va ouvrir incessament un centre de recherche en bureautique à Laval. Soyez persuadés que j'étais le premier à frapper à la porte, parce que j'ai besoin d'une expertise que lui peut développer. Je vais être à la porte des universités si elles ont quelque chose à m'offrir; je suis même prêt à le payer au lieu de me lancer en recherche et développement et y mettre douze ou quinze personnes. J'ai présentement 300 ingénieurs qui font de la recherche et du développement, si demain matin vous venez m'offrir un beau produit susceptible de fonctionner sur mes appareils, je vais être très heureux de le prendre.

Maintenant, en ce qui concerne les capitaux, je ne peux pas dépenser ce que je n'ai pas. Dans mon domaine, si je veux rester concurrentiel, si je veux rester le troisième au monde, il faut que je fasse tous les efforts pour aller chercher des capitaux où qu'ils soient et l'expertise où qu'elle soit. Ce n'est pas nécessairement des capitaux, ce peut être une expertise et je peux même acheter cette expertise. Au lieu de dépenser 6 000 000 $ en recherche et développement, je peux payer 3 000 000 $ pour la recherche déjà effectuée aux États-Unis, au Japon ou en Angleterre; où qu'on la trouve on va aller la chercher. Tout cela pour en faire bénéficier notre entreprise d'ici et pour en faire bénéficier les 55 pays où nous distribuons.

Je veux dire par là que des capitaux, je n'en aurai jamais assez si je veux rester dans cette compétition. À chaque endroit, que j'aille chercher un petit montant qui facilite mon entrée... Quand on parle de PME - tous les organismes qui ont passé ici parlaient de PME - je me considère peut-être comme une PME, quand on parle de bureautique, même si j'ai 200 000 000 $ de ventes annuelles, pour moi c'est encore de la PME dans ce domaine, même si on est un géant dans le monde au point de vue bureautique. Nous avons encore beaucoup de chemin à faire et il faut rester sur le qui-vive continuellement, il faut se retourner très rapidement. On m'offre la possibilité de me donner un corridor unique pour de l'intervention. Bravo, je vais essayer de l'utiliser. S'il ne fait pas mon affaire, je vais intervenir dans un an, c'est pour cela que je mets à l'intérieur d'une... Dans un an, même si je devenais un conseil d'administration peut-être majoritaire - je mets les atouts de mon côté - on va remettre et on va bonifier l'affaire pour s'assurer qu'on ne fasse pas ce qui s'est passé en Europe, aux États-Unis ou à Ottawa, où il y a de multiple petites agences du même ordre. On va la bonifier et on va continuer dans le même sens.

Je représente l'entreprise privée et celle-ci ne peut pas se déplacer facilement, nous ne sommes pas des entreprises à but non lucratif. Se départir actuellement d'une personne dans notre domaine, c'est difficile, mais la compagnie a insisté pour que je vienne ici donner mon approbation à ce projet, mais selon les conditions qu'on a mentionnées au préalable.

Pour répondre à votre question, c'est oui; j'ai besoin et aussi petit que cela puisse être, je vais aller le chercher, je vais aller chercher tout ce qu'on peut m'offrir, je vais cogner à la porte et je vais continuer à toutes les portes qu'on voudra bien m'offrir.

Mme Dougherty: D'accord, merci. Dernière question. Vous avez été ici tout au long de la journée, je crois.

M. Labonté: Malheureusement, je suis arrivé cet après-midi parce que je continuais à travailler sur ce document.

Mme Dougherty: D'accord. Ma question n'est peut-être pas pertinente, mais j'aimerais vous demander si, à votre avis, vous voyez un écart entre la loi telle que rédigée et la brochure du ministre.

M. Labonté: Malheureusement, je ne l'ai

pas lue. Tout le monde est arrivé avec la brochure tantôt. Je me sens penaud en vous disant que je n'ai pas lu la brochure, parce que cela comprend l'essentiel. Merci, mais je ne pourrai pas la lire immédiatement.

Mme Dougherty: D'accord. Ma question n'est pas pertinente. Mais, si vous avez des opinions à présenter...

M. Labonté: Mon opinion, c'est que la loi-cadre, pour moi, c'est un cadre. Maintenant, il faut rentrer dans ce cadre-là et voir ce qu'il y a à l'intérieur. Le cadre est défini, on l'a établi. Maintenant, il y a toutes les ramifications qu'on va avoir à placer à l'intérieur du cadre, toutes les petites données et tout ce qui va rentrer dans les coins. En fin de compte, ce sont les couleurs qu'on va y ajouter qui vont faire qu'il est intéressant ou non. Le cadre est bien beau, mais il va falloir ajouter quelque chose d'intéressant à l'intérieur. S'il satisfait tous les objectifs, toutes les données, toutes les réactions que, depuis deux jours effectivement, les intervenants sont venus vous soumettre - malheureusement, je n'ai pas tout lu, mais je compte bien le faire immédiatement après; je représente une entreprise, je ne représente pas une association - si ce cadre-là se justifie selon ce que je présente aujourd'hui, bravo, je vais embarquer. Mais, pas à n'importe quelle condition. Je vais le suivre de très près. Je ne suis pas ici pour me faire dicter ma conduite, ce que je vais faire dans un an, dans deux ans, ou dans six mois. C'est moi qui vais me donner une direction à l'intérieur de l'entreprise. Tout ce qu'on peut m'offrir pour que cette direction s'accomplisse, bravo. Si, à l'intérieur du cadre, toutes les petites données sont bonnes, bravo. Je m'excuse, je ne peux pas aller...

Mme Dougherty: Vous êtes un homme très pragmatique. Merci.

Le Président (M. Brouillet): Bien, merci.

M. Paquette: M. le Président, je pense que nous avons terminé nos travaux. Nous avons entendu des représentants des milieux universitaires, des milieux industriels, de personnes aussi engagées dans la valorisation industrielle de la recherche. Tout ceci nous a éclairés énormément. Nous avons délibéré durant près de 30 heures, Mme la députée de Jacques-Cartier; treize heures, je m'excuse. Alors, nous nous sommes imprégnés de toutes les suggestions. Je retiens de cette commission d'abord un climat extrêmement positif, des interventions pertinentes qui vont nous éclairer énormément, un certain consensus sur le fait que l'agence répond à un besoin. On nous a posé beaucoup de conditions, de balises. Je pense qu'on devra maintenant en tenir compte pour faire en sorte que cette agence puisse être lancée dans les meilleures conditions possible. Pour moi, cela veut dire qu'elle puisse être lancée avec l'accord, la collaboration et la participation des principaux milieux intéressés.

J'aimerais remercier mes collègues de la commission et tous les intervenants à cette commission.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Je remercie, moi aussi, tous les participants et tous les membres de la commission.

Avant de clore, j'aimerais ajouter qu'il y a aussi un mémoire qui a été présenté pour dépôt: le mémoire du Conseil de l'industrie électronique du Québec. Je ne l'avais pas mentionné, c'est pour les fins du journal des Débats.

Télégramme du CIEQ

M. Paquette: M. le Président, effectivement, c'est plutôt sous la forme d'un télégramme que je résume, pour les fins du journal des Débats, à moins que vous ne me disiez que cela va être annexé. Enfin, je résume en quelques mots: "Bien que le Conseil de l'industrie électronique du Québec soit d'accord avec le principe du projet de loi 37 visant la création d'une agence de valorisation industrielle de la recherche dont un des objectifs est de rendre disponibles des capitaux de risque pour la recherche dans les domaines jugés prioritaires par le gouvernement et l'industrie, certaines conditions lui semblent essentielles à la réalisation des objectifs visés. Parmi celles-ci, l'approche par projet non normalisé lui apparaît favorable parce qu'elle laisse plus de latitude et procure plus d'efficacité. "De plus, le CIEQ demande que la formation du conseil d'administration soit plus précise et, par conséquent, que cet article stipule que le conseil doit comprendre sept membres venant des secteurs visés. À la section II, paragraphe 17.2, le CIEQ recommande que l'on ajoute les mots "y compris le prototype industriel". Il apparaît également essentiel au CIEQ que les personnes qui seront responsables des dossiers de cette agence aient l'expérience du fonctionnement et des problèmes de la clientèle visée. Enfin, il est impératif que cette agence ait une approche de marketing. Espérant que ces quelques considérations contribuent au succès de l'agence, le conseil souhaite fortement participer à la mise en oeuvre de cette agence."

Le Président (M. Brouillet): Très bien, M. le ministre.

Je demande au rapporteur désigné de faire rapport à l'Assemblée dans les plus brefs délais. Étant donné que la commission

a accompli le mandat qui lui a été confié, nous ajournons les travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 55)

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