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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le mercredi 16 novembre 1977 - Vol. 19 N° 246

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du livre blanc sur la consultation populaire au Québec


Journal des débats

 

Etude du livre blanc sur la consultation populaire au Québec

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

Est-ce que nous avons le consentement unanime des membres pour que nous puissions ouvrir nos travaux?

M. Burns: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Laval? Les membres de la commission pour la présente séance seront M. Bertrand (Vanier), M. Bisaillon (Sainte-Marie) remplacé par M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Brochu (Richmond), M. Burns (Maisonneuve), M. Gratton (Gatineau), M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Johnson (Anjou) remplacé par M. Charbonneau (Verchères), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. La-montagne (Roberval) remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Lavoie (Laval), M. Lévesque (Taillon), M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce), M. Martel (Richelieu), M. Morin (Louis-Hébert), M. Morin (Sauvé), M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Vaugeois (Trois-Rivières).

Le seul et unique organisme qui était convoqué aujourd'hui est la Quebec Northern Inuit Association et je pense que son procureur, Me Lemieux, aurait un message à nous transmettre. Je vous cède la parole, M. Lemieux.

Comparution du procureur de la Quebec Northern Inuit Association

M. Lemieux (John): Merci beaucoup, M. le Président. Les administrateurs de l'association m'ont demandé de vous aviser qu'à cause de différentes raisons et plus particulièrement la météo dans le Nord, ce serait impossible pour eux d'être ici ce matin pour présenter leur mémoire. Ils ont décidé de ne pas faire une présentation orale de leur mémoire et ils vous demandent qu'il soit annexé au journal des Débats. Ils s'excusent pour les inconvénients causés aux membres de la commission. Ils espèrent que vous allez considérer les recommandations dans le mémoire sérieusement.

M. Burns: Me Lemieux, avec votre permission, M. le Président, je tiens à ce que vous disiez à vos clients que cela ne cause pas d'inconvénients à la commission. On comprend la situation et je sais que ce n'est pas de mauvaise foi qu'ils ne sont pas présents avec nous ce matin. C'est vraiment contre leur gré. Je vais suggérer à l'instant à la commission de considérer que le mémoire a été déposé et qu'il soit reproduit au journal des Débats. D'autre part, je tiens, par vous, à dire à vos clients d'être assurés qu'on va tenir compte des recommandations qui ont été soumises dans leur mémoire, sans nécessairement vous assurer d'avance que toutes leurs recommandations vont être acceptées.

M. Lemieux: Je comprends.

M. Burns: M. le Président, en conséquence, je demanderais que le mémoire soit déposé et je ferais motion pour qu'il apparaisse au journal des Débats, tel qu'on l'a fait relativement à d'autres mémoires qui ont été purement et simplement déposés et reproduits par la suite au journal des Débats, (voir annexe A).

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Lavoie: Nous sommes d'accord et je sais que le leader parlementaire du gouvernement a pris connaissance de ce mémoire. Il est très bien fait, d'ailleurs, et je suis d'accord sur plusieurs de ses conclusions. Une seule que je voudrais souligner peut-être, c'est la sixième recommandation.

C'est que la formulation de la question qui doit faire l'objet du référendum devrait être publiée le plus tôt possible et même avant l'adoption de la loi spécifique. Est-ce que je pourrais demander au leader du gouvernement de retenir d'une manière particulière cette suggestion?

M. Burns: Comme je l'ai dit à Me Lemieux, je vais tenir compte — et tenir compte ne veut pas nécessairement dire, dans mon langage, accepter — de toutes et chacune des recommandations qui sont soumises par la Northern Quebec Inuit Association.

M. Lavoie: Très intéressant.

M. Burns: Et on verra exactement comment on reçoit ces recommandations lorsque la loi sera déposée, vers la mi-décembre.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Grenier: Oui, seulement quelques mots pour faire savoir à cette association combien nous aurions été intéressés de la rencontrer. Le premier contact que nous avions eu lors du dépôt de la loi 101 avait été vraiment enrichissant; on sait qu'elle n'apporte pas ici des banalités. Encore une fois, c'est un mémoire vraiment valable qui va rendre service à la commission. Bien sûr qu'il aurait été préférable de pouvoir l'entendre et de pouvoir questionner ce groupe, mais je suis assuré qu'il nous fournira une source de renseignements qui contribueront à rendre cette loi plus appropriée pour lui.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Motion adoptée? Cette motion est adoptée.

M. Burns: M. le Président, vous m'avez informé tout à l'heure que vous aviez reçu l'avis de la Commission des droits de la personne qui, normalement, était attendu possiblement pour aujourd'hui. Je vous demanderais, M. le Président, si tel est le cas, de déposer cet avis. Deuxièmement, d'en fournir copie à tous les membres de la commission, y compris au ministre qui ne l'a pas vu. Soit dit en passant — c'est peut-être important de le dire — c'est au président que cet avis a été donné et non pas au ministre responsable.

Lettre du président de la Commission des droits de la personne

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Effectivement, à une date que j'ignore, la commission a émis unanimement le voeu que le président ou toute autre personne jugée utile par le président de la Commission des droits de la personne puisse venir témoigner éventuellement à cette commission. Or, en date du 11 novembre 1977, une lettre m'était adressée, à titre de président de la commission. Est-ce que les membres voudraient prendre connaissance de la lettre? "M. le Président, "Le 4 novembre dernier, je recevais de M. Jacques Bouliot, secrétaire des commissions, une invitation à me présenter devant la commission que vous présidez. Information prise, j'ai compris que vous nous laissiez entièrement libres d'accepter cette invitation ou non et que d'aucune façon vous n'exigiez la présence d'un représentant de la Commission des droits de la personne du Québec. "Malgré que notre commission n'ait pas, à ce jour, jugé opportun d'intervenir lors de la discussion d'un livre blanc et ait préféré ne rien dire avant d'avoir pu analyser le projet de loi qui a suivi, dans le cas présent elle accepte avec plaisir de vous faire part de certaines réflexions préliminaires concernant les écueils que pourrait présenter la future loi sur la consultation populaire au Québec par rapport aux droits et libertés de la personne. "Compte tenu du style du livre blanc et du fait que la discussion semble toujours ouverte sur nombre de points, vous comprendrez l'approche que la commission a suivie et qui consiste surtout à formuler des interrogations. Dans un tel contexte, je ne crois pas qu'il soit utile ni opportun pour moi d'assister en personne à votre réunion, puisque le court texte de la Commission des droits de la personne parle par lui-même. "J'ose croire, néanmoins, qu'il vous sera de quelque utilité et que vous le considérerez comme une réponse valable à l'invitation reçue. Veuillez agréer, M. le Président, l'expression de mes sentiments les meilleurs. Le président, René Hurtibise, c.r.".

Accompagnaient cette lettre les réflexions préliminaires de la commission. Je demanderais au personnel, s'il vous plaît, de bien vouloir en faire la distribution. Je comprends qu'il ne devrait pas y avoir de débat là-dessus. Ce dépôt des réflexions préliminaires de cet organisme est fait pour la bonne information des membres de la commission. A ce stade-ci, ce texte étant distribué, à moins qu'il n'y ait d'autres choses, je devrai ajourner les travaux.

M. Burns: M. le Président, vous avez bien raison là-dessus. Je présume que les membres de la commission vont vouloir prendre connaissance de ce qui s'appelle "Réflexions préliminaires de la Commission des droits de la personne sur le livre blanc sur la consultation populaire". Je présume que cela nous sera d'une grande utilité, du côté ministériel, dans la préparation du projet de loi et je présume que les membres de l'Opposition ne manqueront pas d'y faire référence lorsque le projet de loi sera examiné au moment de son dépôt.

Je ne pense pas que les membres de la commission tiennent à commencer un débat sur les réflexions préliminaires de la Commission des droits de la personne.

M. Ciaccia: II n'est pas question de commencer un débat, mais c'est justement cette situation qu'on voulait éviter quand nous avons fait notre motion demandant que la commission comparaisse.

M. Burns: Oui, sauf que, si vous vous le rappelez, M. le député de Mont-Royal...

M. Ciaccia: On s'était réservé le droit que, s'ils n'acceptaient pas...

M. Burns: Oui, c'est tout à fait votre droit.

M. Ciaccia: Je ne dis pas qu'on va la continuer; on va prendre connaissance du mémoire avant.

M. Burns: Vous vous rappellerez que, lorsque vous avez fait votre motion l'amendement qui avait été suggéré était de les inviter et non pas de les convoquer. Je vous avais dit à ce moment-là...

M. Ciaccia: Cela dépend comment l'invitation a été faite.

M. Burns: Non, non. Je...

M. Ciaccia: Si l'invitation a été faite, venez, mais vous n'êtes pas vraiment obligés de venir.

M. Burns: Non, non, non, là-dessus je fais confiance au président, c'est le président qui les a invités. Et je pense que c'était devenu public à ce moment-là de sorte qu'ils ont vraiment compris qu'on les invitait en leur disant: écoutez on ne vous force pas à venir. A deux autres occasions, on s'est fait dire, par cette même commission-là, qu'en principe elle n'aimait pas comparaître devant une commission, sauf relativement à sa propre administration. Cela c'est une chose tout à fait différente.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): En fait, dans notre coutume, notre tradition puis notre

règlement, il y a deux façons de demander "la participation" de quelqu'un. Il y a l'article 153 dont on peut se servir pour convoquer, comme une sorte de subpoena, la personne, et si la personne ne vient pas, il y a des sanctions possibles. D'autre part, il y a la motion généralement admise et appliquée à la loi 101, assez souvent, motion d'invitation qui, à ce moment-là, est facultative, discrétionnaire pour l'invité.

Alors, c'est cette façon de procéder que la commission a employée au lieu de se servir de l'article 153 qui est tout à fait différent au sens d'une "invitation".

M. Lavoie: Si vous voulez, on va attendre. Maintenant, je crois que pour la bonne compréhension, je n'ai pas lu le document comme vous, je viens d'en prendre livraison, je suggérerais, moi, tel qu'on l'a fait pour les mémoires qui n'ont pas fait l'objet d'une présentation officielle, qu'il soit inscrit au journal des Débats.

M. Burns: Je n'ai pas d'objection.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce que cette motion du député de Laval sera adoptée?

M. Burns: Adopté M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Adopté. (Voir annexe B).

M. Lavoie: Deuxièmement, si vous n'avez pas d'objection, avant de connaître la teneur de la lettre d'invitation, je dois dire que notre désir était qu'ils comparaissent. C'est par arrangement, si vous voulez, qu'on a convenu qu'il y ait une simple invitation, suite à un amendement, je crois, présenté par un député du côté ministériel. Je dois vous dire que nous nous réservons, lors du dépôt du projet de loi — nous l'avons exprimé déjà et plusieurs groupes l'ont exprimé, du fait qu'il y a quand même un certain nombre de zones grises dans le livre blanc où le gouvernement n'a pas pris sa décision définitive sur le mécanisme ou beaucoup de points — d'inviter le leader du gouvernement, à cause de l'importance de la question, de la nouveauté de ce processus législatif, lorsque la loi sera déposée, notre voeu sera que, après la première lecture, il y ait une commission parlementaire.

Je présume que ce sera nécessaire étant donné ces zones grises qu'il y a dans le livre blanc. A cet effet, relativement à la Commission des droits de la personne, il sera encore plus essentiel qu'elle vienne nous donner son opinion sur un texte législatif quasi définitif; c'est encore plus important, je le reconnais, que sur un livre blanc ou...

Une Voix: C'est ce qu'il dit.

M. Lavoie: Ce qu'il dit, je ne l'ai pas lu. Je ne sais pas s'ils émettent le voeu de comparaître lorsqu'un texte législatif sera déposé, mais soyez assurés que nous allons réserver tous nos droits. Nous demanderons probablement davantage que ce soit une simple invitation parce que, encore une fois, la question est importante. Il s'agit d'un organisme qui est une créature de l'Assemblée nationale, ces personnes, ces experts sont au service de l'Etat, au service des citoyens. Nous en avons le droit de requérir, comme le leader du gouvernement l'a mentionné, la contribution et les lumières de tout le monde et spécialement de cet organisme qui a été choisi à l'unanimité de l'Assemblée nationale. Ce sont des personnes qui ont été nommées par les deux tiers de l'Assemblée nationale, qui ont une réputation établie et nous n'aurons pas le droit de nous refuser leur contribution et leurs avis.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Pour le bénéfice des membres de la commission, suite à la demande, j'aimerais faire part du texte qui avait été envoyé à la commission, à M. Hurtu-bise, en date du 2 novembre 1977: "M. René Hur-tubise, président de la Commission des droits de la personne, 360 rue Saint-Jacques Ouest, suite 611, Montréal. M. le Président, la commission de la présidence du conseil, de la constitution et des affaires intergouvernementales — et c'était par courrier recommandé — chargée d'étudier le livre blanc sur la consultation populaire au Québec s'est réunie le 1er novembre 1977 et, au cours de ses travaux, a adopté la motion suivante: Que cette commission invite le président de la Commission des droits de la personne et tout autre membre de ladite commission dont il jugera utile la présence à se présenter devant elle le 16 novembre 1977, à 10 heures, au salon rouge, afin de donner son avis sur le livre blanc sur la consultation populaire au Québec. Veuillez agréer, M. le président, l'expression de mes sentiments les meilleurs. Le secrétaire des commissions, M. Jacques Pouliot."

M. Lavoie: Ils sont peut-être au salon rouge actuellement? On peut peut-être envoyer quelqu'un aller voir.

M. Burns: La réponse du président est assez explicite.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: J'aimerais que le ministre nous donne une couple de bonnes raisons. On a tenté la même expérience lors de la loi no 101. On a vu que notre résolution avait été adoucie, encore une fois, par un amendement apporté par le gouvernement. J'aimerais savoir pourquoi encore là on ne s'est peut-être pas opposé, mais on a pris une façon assez polie de faire en sorte que ce ne soit qu'une invitation et que le président ne soit pas invité de façon formelle. N'eût été de ces discussions qui se sont tenues ici à la table et qui se sont terminées par un adoucissement de la motion faite par le leader libéral, je me demande si déjà on envisage la possibilité d'une même formalité pour

empêcher ces gens de venir nous rencontrer ici. Il me semble qu'avec un gouvernement bien transparent il n'y a rien à cacher. Il me semble que ce serait rendre service à toute la commission que de demander à ces personnes de venir nous rencontrer.

M. Burns: II faut respecter également le désir de cette Commission des droits de la personne de ne pas s'insérer dans le processus législatif. Je pense que j'ai été assez clair lorsque la motion d'amendement du député de Vanier a été formulée. J'ai connaissance personnelle, pour avoir parlé au président et au vice-président de la Commission des droits de la personne, c'est-à-dire, MM. Hurtubise et Champagne, tout au cours du débat qui a eu lieu relativement au projet de loi no 101 et relativement au débat qui a eu lieu à l'occasion du projet de loi no 2 sur le financement des partis politiques, que ce n'est pas le désir de la commission d'être entendue. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Je connais très bien Me Hurtubise et M. Champagne. A l'occasion des deux débats précédents, je vous mentionne qu'ils m'ont donné leur point de vue disant qu'ils ne considéraient pas que c'était leur rôle de comparaître devant une commission parlementaire. Il ne faut pas oublier que c'est une commission qui veut, à tout prix, conserver sa neutralité au-dessus des débats parlementaires, législatifs. On ne doit que les louer de prendre cette attitude. C'est une attitude qu'on doit respecter si c'est leur désir de ne pas s'immiscer ou s'insérer directement, personnellement ou physiquement dans les débats parlementaires. Il faut comprendre cette préoccupation. Ils veulent rester au-dessus de toute communication à l'endroit d'une commission parlementaire ou de l'Assemblée nationale et c'est tout à fait leur droit.

En tout cas, personnellement, je suis porté à respecter ce droit.

M. Lavoie: De toute façon, il y a des points intéressants soulevés, des points capitaux sur des libertés fondamentales, et je pense qu'on n'a le droit de prendre aucun risque sur cela.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): De toute façon, puis-je me permettre de dire que nous avions envoyé une invitation qu'ils n'étaient pas obligés d'accepter? Donc, ils ont usé de leur discrétion. L'article 153 demeure toujours dans notre règlement. En terminant, si un jour, un membre de cette Assemblée veut s'en servir, il pourra le faire et la motion sera adoptée ou non. Mais, à ce stade-ci, je dois vous dire que, demain matin, trois organismes ont été convoqués pour la journée du 17 novembre, soit l'Office des droits des détenus, le Conseil du patronat du Québec et la Chambre de commerce de la province de Québec, le tout à 10 heures, à la salle 81-A. Je pense qu'à ce stade-ci il serait de mise d'ajourner nos travaux sine die.

M. Burns: Exactement, M. le Président. Avis sera donné en Chambre relativement à la séance de la commission de demain.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Alors, les travaux de la commission sont ajournés sine die.

(Fin de la séance à 10 h 34)

ANNEXE A

Mémoire à la commission

permanente de la présidence du conseil,

de la consultation et des affaires

intergouvernementales

Soumis par: NORTHERN QUEBEC INUIT ASSOCIATION et représentant LES I NU FT DU QUÉBEC

Position des INUIT DU QUÉBEC

relativement au Livre blanc

intitulé "LA CONSULTATION

POPULAIRE AU QUÉBEC"

Introduction

Les Inuit du Québec arctique sont heureux de comparaître devant la Commission parlementaire chargée d'étudier le Livre blanc intitulé "La consultation populaire au Québec" et d'avoir l'occasion de vous faire part de leurs commentaires à ce sujet. Notre association, la Northern Quebec Inuit Association, a été constituée afin de promouvoir et de protéger les droits des Inuit du Québec. De plus, elle a été expressément mandatée pour négocier les revendications territoriales des Inuit au Québec arctique (le "territoire de 1912") et conclure la Convention de la baie James et du Nord québécois en notre nom.

Voir graphique à la page B-7836

Remarques préliminaires

Les Inuit considèrent le principe de consultation du public par le gouvernement, au moyen d'un référendum, comme une étape positive dans l'évolution des institutions démocratiques à l'intérieur du Québec. En théorie, l'utilisation des référendums a pour buts de procurer à la population un autre forum où elle peut exprimer sa volonté, "d'associer directement les électeurs à la gouverne de l'Etat", pour reprendre les termes du Livre blanc. Cependant, les référendums peuvent être manipulés, eu égard aux règles qui régissent leur utilisation, de façon à ne devenir qu'un autre instrument politique dans les mains du gouvernement qui les instaure. Ils peuvent être utilisés pour justifier une option politique prédéterminée d'un gouvernement et, au même moment, équivaloir à une dénégation des droits et opinions des minorités qui méritent d'être mieux reconnus et exprimés.

De plus, la création d'une forme institutionnalisée ou généralisée de la procédure référendaire que propose le Livre blanc ne sera pas assez flexible pour régler chaque situation où la consultation auprès du public sur une question particulière peut s'avérer nécessaire.

Nous sommes également contraints de souligner au départ que, selon nous, le gouvernement aurait dû choisir un forum plus large que la présente Commission parlementaire et permettre aux individus et aux groupes d'exprimer leurs opinions en s'adressant directement à lui. Il eût été plus approprié de charger une commission d'enquête impartiale et indépendante d'entendre et de juger, dans un délai raisonnable, les idées de tous les individus et les groupes de diverses régions du Québec. Cette commission n'aurait pas été assujettie aux restrictions de procédure qui régissent la durée et l'endroit des séances de la présente Commission.

Jusqu'à maintenant, le gouvernement a indiqué qu'il avait l'intention de consulter la population du Québec au moyen d'un référendum relativement à deux controverses, soit la question de l'indépendance du Québec et la question de savoir si le Québec devrait entreprendre un programme d'énergie nucléaire. Tout référendum tenu à l'égard de ces deux questions aura de profondes répercussions sur les Inuit et les territoires que nous habitons. C'est dans cet esprit que nous avons étudié la structure référendaire que propose le Livre blanc.

2. L'adoption d'un mécanisme référendaire généralisé n'est pas recommandée

L'histoire du Québec se caractérise par une absence remarquable de toute tradition politique concernant l'utilisation de référendums comme moyen de consultation par le gouvernement, exception faite de leur utilisation limitée par les municipalités. En dépit de ce manque d'expérience, le Livre blanc offre un ensemble généralisé de règles apparemment destiné à s'appliquer à toute question soumise aux électeurs. En théorie, les règles qui s'appliquent à un référendum sur la question de l'indépendance s'appliqueraient également, par exemple, à un référendum sur la question de savoir si tous les Québécois devraient supporter également le fardeau de la dette olympique. Nous sommes d'avis que, de toute évidence, l'importance de cette dernière question, si considérable soit-elle, s'estompe lorsqu'elle est comparée avec celle de l'indépendance. Le moment est mal choisi pour formuler une loi qui prévoit une forme institutionnalisée d'initiative ou de référendum. Puisqu'il s'agit de sa première expérience dans ce domaine, le gouvernement devrait adopter une loi qui traiterait d'une question spécifique, soit celle de l'indépendance du Québec.

De plus, cette question revêt une importance indéniablement capitale et justifie en conséquence la mise sur pied de son propre ensemble de règles si elle doit faire l'objet d'un référendum. Nous constatons que, sur ce point important, le Livre blanc s'éloigne d'une façon significative du modèle britannique, qu'il invoque constamment et qu'il prétend avoir suivi fidèlement dans quelques-uns de ses aspects. La loi britannique intitulée "The Referendum Act of 1975", traitait uniquement de la question de l'adhésion de la Grande-Bretagne au Marché Commun.

3. Statut spécial des Inuit et des territoires de 1912

Les Inuit du Québec occupent une position unique parmi les peuples du Québec. Même si nous représentons une minorité à l'intérieur de la nombreuse population du Québec, nous sommes également les premiers habitants du Québec et, à ce titre, nous avons obtenu un statut spécial de même qu'une reconnaissance politique. Il est de notre devoir, croyons-nous de signaler à la présente Commission les dangers particuliers que représente pour toutes les minorités toute forme de référendum de même que les protections qui sont en conséquence nécessaires.

Même si ce fait n'est peut-être pas notoire, nous avons occupé depuis plus de 4000 ans une vaste superficie, soit l'équivalent de plus d'un tiers de la grandeur actuelle du Québec. Ce territoire, situé au nord du 55ème parallèle, n'a été ajouté à la province de Québec qu'en 1912, lors de l'adoption des lois conjointes fédérale et provinciale connues sous le nom de lois de l'extension des frontières du Québec. De plus, ce n'est qu'en 1964 que le gouvernement du Québec "a découvert" la valeur du Territoire de 1912 avec sa richesse et sa faune, de même que ses ressources en minerai et en eau. Le caractère spécial de ce Territoire et de ses habitants autochtones a été reconnu à la fois par les gouvernements fédéral et provincial dans la Convention de la baie James et du Nord québécois.

De toutes les minorités du Québec, nous seuls pouvons affirmer que nous avons habité un territoire défini depuis un temps immémorial et que nous avons toujours formé une majorité significative parmi ceux qui vivent dans ce Territoire que nous appelons notre patrie. Il n'est pas d'argument plus solide qu'une minorité puisse invoquer pour la reconnaissance du principe de son droit à l'autodétermination, principe dont le gouvernement du Québec se fait le défenseur acharné. Nous croyons qu'une reconnaissance adéquate de ce principe doit être assurée dans le domaine des référendums comme il l'a été à tous les autres niveaux de la vie politique et sociale du Québec.

4. Information adéquate et recherche nécessaire

Comme nous l'avons mentionné plus haut, nous croyons que toute loi découlant du présent Livre blanc devrait traiter de façon spécifique de la tenue d'un référendum sur l'indépendance du Québec. A ce sujet, il est, selon nous, nécessaire que les groupes et les individus représentant toutes les opinions sur le sujet soient consultés avant l'adoption de cette loi. De plus, nous soumettons que le public devrait avoir accès à une information adéquate et aux résultats d'une recherche approfondie avant l'adoption d'une loi référendaire. C'est de cette façon seulement que les électeurs pourront étudier et évaluer l'impact de l'indépendance. La justice la plus élémentaire exige, selon nous, que les électeurs possèdent une information complète relativement aux conséquences des deux aspects de toute question qui fait l'objet d'un référendum. Si le Québec demeure au sein de la Confédération, les conséquences qui en découlent peuvent être aisément déterminées. Cependant, il en est autrement des conséquences qu'un vote en faveur de l'indépendance entraînerait.

En d'autres mots, si la population du Québec doit faire un choix significatif, elle doit connaître les conséquences que ce choix impliquera. Au surplus, les Inuit doivent connaître avec certitude les répercussions que l'indépendance entraînerait à l'égard des obligations que la Convention de la baie James et du Nord québécois impose aux gouvernements fédéral et provincial avant qu'on ne leur demande de voter sur cette question fondamentale.

A la lumière des remarques précédentes, nous désirons vous faire part d'un certain nombre de commentaires et de recommandations relativement à la procédure esquissée dans le Livre blanc.

5. Le gouvernement devrait s'engager vis-à-vis les résultats du référendum

D'après le Livre blanc, un référendum ne peut se voir accordé aucun pouvoir législatif en vertu de la constitution canadienne. Le gouvernement cite des décisions antérieures et en conclut que la procédure référendaire du Québec doit être consultative; en conséquence, il ne serait pas nécessaire de prévoir des dispositions spéciales qui exigeraient un vote majoritaire ou un taux de participation quelconques. Nous ne sommes pas d'accord avec ces conclusions.

Il est généralement reconnu qu'une loi établissant une procédure référendaire peut être valablement décrétée. De plus, si la procédure référendaire respecte les pouvoirs rattachés à la fonction de Lieutenant-gouverneur (si, par exemple, son consentement est requis pour tout projet de loi approuvé par le référendum), les résultats de ce référendum peuvent être assortis de conséquences législatives. Au cours de ce procédé, aucun amendement constitutionnel ne serait nécessaire pour que le gouvernement s'engage vis-à-vis les résultats d'un référendum.

A tout événement, le type de loi référendaire que propose le présent gouvernement n'a pas été étudié dans les précédents dont le gouvernement s'inspire dans le Livre blanc. En vertu de ce dernier, une ou plusieurs options sont soumises à l'avis des électeurs sous forme d'une question et non d'une disposition législative. La différence entre ce procédé et ceux dont l'invalidité a été prononcée dans les jugements antérieurs que le gouvernement cite dans le Livre blanc est fondamentale. Dans ces causes-là, l'objet de la loi référendaire qui était examinée était un projet de loi qui, s'il était approuvé par le vote référendaire, devenait loi. La description de la procédure que le gouvernement suggère dans le Livre blanc laisse clairement sous-entendre qu'il n'a pas l'intention de soumettre à la population du Québec l'objet du vote référendaire sous forme de projet de loi. Si par exemple les résultats d'un référendum sur la question de l'indépendance ne sont pas sous forme de loi, ils ne pourraient avoir de pouvoir législatif, quel que soit le résultat du vote référendaire. En conséquence, bien qu'il soit possible de créer un mécanisme référendaire qui pourrait avoir un pouvoir législatif, le mécanisme anticipé dans le Livre blanc n'aura pas force de loi.

Comme nous l'avons déjà souligné, nous croyons que le Livre blanc ne devrait pas tenter d'ins-titutionaliser une procédure référendaire dans le moment. Le gouvernement devrait plutôt concevoir un référendum pour la question spécifique de l'indépendance. Le gouvernement peut, et nous le soumettons, devrait accepter de s'engager lui-même politiquement, à l'égard de cette question vitale, aux résultats de ce référendum, précisément lorsqu'il appuie fortement l'une des options qui doit faire l'objet d'un vote.

Il est politiquement malhonnête de proposer une loi établissant un mécanisme référendaire à caractère général, compte tenu du contexte politique actuel du Québec. En affirmant que cette loi de-

vrait statuer carrément sur cette question de l'indépendance, nous en avons déduit que, de fait, même s'il peut ne pas être lié légalement (si une question, et non pas un projet de loi, est soumise à un vote référendaire) le gouvernement doit s'engager politiquement vis-à-vis les résultats qui suivront ce référendum. Si les membres du gouvernement ne s'entendaient pas entre eux sur la marche à suivre relativement au statut futur du Québec, le gouvernement serait légitimement admis à déclarer à l'avance qu'il ne se considère pas nécessairement lié par le résultat d'un référendum. Cependant, tel n'est pas le cas qui nous occupe.

En omettant de s'engager vis-à-vis les résultats du référendum, le gouvernement tromperait les électeurs sur l'importance du référendum lui-même. En l'absence d'un engagement politique, le gouvernement a tout le loisir de manipuler les résultats. Si le vote de la majorité est négatif, le gouvernement peut ignorer ce résultat en invoquant le fait qu'il ne s'est jamais engagé à se conformer à ce résultat; si toutefois le vote de la majorité était affirmatif, le gouvernement peut réclamer un mandat ferme de mener le Québec à l'indépendance puisque là réside la "volonté de la population".

Dans le but de refléter un engagement de la part du gouvernement, la loi elle-même devrait prévoir que le gouvernement ne pourra pas tenir un autre référendum sur la même question avant l'écoulement d'un délai spécifique, par exemple, deux mandats électoraux. Au surplus, le gouvernement devrait consentir à restructurer ses caractéristiques politiques de façon à ce qu'elles soient en harmonie avec les résultats du référendum, s'il s'engage politiquement vis-à-vis ces derniers.

6. Le public devrait jouer un rôle plus grand dans le déroulement des étapes initiales

Le gouvernement a choisi ce qu'il décrit comme un juste milieu en proposant que l'exécutif agisse de concert avec l'Assemblée nationale pour tenir un référendum. En suivant cette voie, le gouvernement prive les Québécois d'un rôle direct en décidant lui-même de l'objet d'un référendum. De plus, il a conservé la responsabilité de la première étape, soit la formulation de la question primordiale qui doit faire l'objet du référendum. D'après nous, la population devrait avoir un rôle à jouer à ce premier stage important.

Toute législation référendaire devrait, par conséquent, obliger le gouvernement à consulter les groupes et les individus intéressés avant qu'une proposition ne soit soumise à l'Assemblée nationale.

7. Importance d'une formulation appropriée de la question

Cet aspect, probablement le plus important du référendum, le Livre blanc n'y consacre que quelques courts paragraphes. Le gouvernement propose que, dès qu'il aura formulé et soumis sa version de la question, l'Assemblée nationale soit responsable, en dernier ressort, de la composition du texte de la question sur laquelle le public devra se prononcer au cours du référendum. Nous insistons pour que la formulation de la question relative à l'indépendance du Québec soit assujettie à la consultation auprès du public. Il est bien connu que les mots et les phrases dont les questions se composent peuvent, dans une large mesure, déterminer le résultat du référendum. Dans un référendum, la formulation d'une question peut être aussi significative que la question elle-même. Il est d'ores et déjà reconnu que des mots tels que "indépendance", "souveraineté" et "séparation" entraînent des réactions psychologiques différentes.

Par conséquent, il est important que le public connaisse la formulation de la question que le Gouvernement propose dès que possible. C'est de cette façon seulement que le public aura l'opportunité d'étudier des données significatives, soit en examinant la question sous sa forme finale. En même temps, le public pourrait se familiariser davantage avec toutes les questions controversées de ce référendum.

Dans la mesure où des tests sociologiques et psychologiques peuvent être utilisés pour déterminer la formulation finale d'une question donnée, la loi doit prévoir que ces tests doivent être effectués par un organisme indépendant dont les conclusions seraient publiées avant que le gouvernement ne propose sa version initiale de la question. Nous sommes d'avis que la question doit être claire, simple et non équivoque. De plus, la proposition devrait être formulée en une seule question à laquelle les électeurs peuvent répondre par "oui" ou "non". Ainsi, nous ne voulons pas que la question soit formulée de cette façon: "souveraineté avec association économique" parce que cette expression comporte, pour de nombreuses personnes, des significations différentes. La signification de la question devrait être la même pour toute la population du Québec.

A ce sujet, des tests ayant pour objet de déterminer la validité et la sécurité de diverses questions qui peuvent faire l'objet d'un référendum sur la question de l'indépendance devraient être effectués.

8. Le débat de 25 heures à l'Assemblée nationale est insuffisant

Comme nous l'avons déjà souligné, la formule proposée dans le Livre blanc ne permet pas au public d'influencer de quelque manière que ce soit la formulation de la question. De plus, la proposition du gouvernement serait débattue par l'Assemblée nationale pendant une période fixe de vingt-cinq heu-

res. Nous affirmons sans l'ombre d'un doute que, dans le cas d'un référendum tenu sur la question de l'indépendance, un débat limité à une période de vingt-cinq heures est insuffisant, particulièrement lorsque la proposition émanerait du gouvernement sans que ce dernier n'ait eu l'avantage de consulter le public ou de prendre connaissance des recommandations d'une commission d'enquête indépendante.

Si le gouvernement désire toujours agir sous le coup d'une loi qui prévoirait une forme généralisée de référendum, nous recommanderions qu'aucune période de temps ne soit fixée pour le débat de la question par l'Assemblée nationale. Il est évident que certaines questions que le gouvernement désire insérer dans un référendum demandent une étude plus approfondie de la part de l'Assemblée nationale que d'autres.

De plus, on ne doit pas oublier le fait que le caractère démocratique de la procédure est mitigé lorsque le public ne peut participer à ce qui constitue possiblement la démarche la plus importante de la procédure référendaire, lorsque, de plus, un gouvernement se prononce ouvertement en faveur d'un côté d'une question, lorsque la formulation de la question qui doit faire l'objet du référendum émane de lui, et enfin lorsqu'il peut utiliser la majorité confortable dont il dispose à l'Assemblée nationale pour influencer la formulation finale de la question.

9. La formule de votation devrait tenir compte des différences régionales

D'après le Livre blanc, le gouvernement a l'intention de mener les référendums à caractère consultatif selon les procédures prévues pour la tenue des élections. En conséquence, il ne semble pas avoir envisagé la possibilité d'insérer dans la loi qu'il propose certaines dispositions relatives au vote nécessaire à l'approbation de la question qui fait l'objet d'un référendum. Il en est de même pour le taux de participation des électeurs à cette votation.

Puisque nous croyons que la loi proposée dans le Livre blanc devrait traiter spécifiquement de la question de l'indépendance dans le référendum et que le gouvernement devrait être lié par les résultats du référendum, nous soumettons qu'avant l'adoption de cette loi, un débat complet doit avoir lieu sur le nombre de voix majoritaires requises pour approuver ce référendum (majorité "concurrente" et "extraordinaire") et sur le nombre d'électeurs qui doivent y participer avant qu'il ne soit considéré officiel ("majorité absolue").

Nous avons soutenu que les électeurs doivent disposer de renseignements complets relativement aux conséquences qu'implique l'un ou l'autre des aspects de l'indépendance avant que leur avis ne soit demandé sur la question. Le vote affirmatif dans le cas d'un référendum sur l'indépendance est de nature irrévocable et en conséquence, il est nécessaire que la procédure de votation fasse l'objet de protections (conditions) supplémentaires. L'indépendance du Québec est l'une des questions les plus importantes auxquelles les Québécois ont été confrontés. Dès que l'étape vers l'indépendance est entreprise, elle devient irrévocable, non seulement pour les Québécois actuels, mais aussi pour les générations qui suivront. Dans ce contexte, une majorité simple des voix ne suffit pas à justifier un événement de cette nature pour tous les Québécois.

Quant au scrutin proprement dit, le Livre blanc suggère qu'il peut être utile de suivre l'exemple de la Grande-Bretagne et de faire le décompte des suffrages à un niveau régional plutôt qu'au niveau de tout le Québec ou des circonscriptions électorales. Les Inuit favorisent également une approche régionale pour la tenue d'un référendum et suggèrent que cette approche soit utilisée à d'autres fins que celle du décompte des suffrages.

Même s'il existe d'autres régions d'un caractère spécial dans la province, les Inuit du Québec soumettent que celle qu'ils occupent, soit la partie du Territoire de 1912 au nord du 55e parallèle, constitue une région distincte à l'intérieur de la province du Québec. Les composantes historiques, culturelles, politiques et économiques pertinentes du territoire en question ont fait de celui-ci une partie différente du Québec. Comme nous l'avons mentionné précédemment, l'addition plutôt récente du territoire au Québec en 1912, la domination culturelle des Inuit dans le Territoire, leur majorité continuelle parmi les peuples du Territoire, le fait qu'ils l'occupent depuis un temps immémorial, tout cela démontre les disparités régionales entre ce Territoire et le reste du Québec, ce dernier ayant simplement commencé à s'y établir depuis 1964 grâce à la présence d'un nombre infime de fonctionnaires du gouvernement.

Nous croyons qu'il est possible de plaider que d'autres régions distinctes méritent d'être reconnues comme telles dans la province, compte tenu de leur situation géographique, de l'importance de leur population de même que d'autres critères pertinents. Nous recommandons que la formule de votation tienne compte de ces différences régionales.

9.1 La majorité concurrente

Dans d'autres juridictions, on a tenu compte dans le passé d'une majorité concurrente dans la procédure référendaire. D'après ce critère, l'adoption d'un référendum dépendrait non seulement d'un certain vote majoritaire, sous une forme ou l'autre, parmi les électeurs individuellement, mais également de son approbation par une majorité des régions parmi lesquelles l'Etat où le vote a lieu a été divisé. Ainsi, un référendum sur la question de l'indépendance peut, indépendamment de son adoption par toute majorité prévue, requérir celle des deux tiers des régions entre lesquelles le Québec serait divisé.

9.2 Majorité extraordinaire

Comme nous l'avons souligné ci-dessus, l'approbation au niveau des régions ne constitue qu'un élément de la procédure et est bien différente de celle qui peut être requise des électeurs qui voteront lors d'un référendum sur l'indépendance. Ainsi, l'approbation d'une région pourrait être déterminée par une majorité simple des électeurs à l'intérieur de cette région; l'approbation des électeurs dans leur ensemble pourrait être basée sur une autre forme de majorité. Dans un référendum sur la question de l'indépendance, nous croyons qu'une majorité plus forte que la majorité simple doit être obtenue.

Il peut sembler illusoire d'exiger que le référendum soit approuvé par une majorité absolue, c'est-à-dire par plus de la moitié de ceux qui sont éligibles à voter plutôt que par la moitié de ceux qui ont exercé leur droit de vote. Nous croyons néanmoins que le vote des électeurs dans leur ensemble devrait être basé sur une majorité extraordinaire comme celle des deux tiers des voix exprimées sur la question.

10. La campagne référendaire et la date du référendum

10.1 Emission du bref de référendum

Le Livre blanc indique que lorsque l'Assemblée nationale aura formulé la question sous sa forme finale, le gouvernement établira la date pour la tenue du référendum. Cependant, le Livre blanc ne fait aucune mention du délai entre la fin du débat sur la formulation de la question et l'émission effective du bref de référendum au directeur général des élections. A ce sujet, nous recommandons que la loi demande à l'Assemblée nationale de fixer une date pour l'émission du bref et que cette date soit déterminée dans un délai fixé.

10.2 Durée de la campagne référendaire

Le Livre blanc prévoit que le référendum doit avoir lieu dans un délai de 35 à 60 jours suivant l'émission du bref de référendum. Si, comme nous fait voir le Livre blanc, la campagne référendaire doit être menée pendant cette période, ce délai n'est pas réaliste. Les "organisations parapluie", qui ont pour tâche de rassembler ce qui promet de constituer un grand nombre de groupes dont les fondements, les préoccupations et les intérêts sont variés, pourraient difficilement s'occuper de leur organisation interne à l'intérieur du délai que propose le gouvernement. L'insuffisance de ce délai devient encore plus flagrante lorsque l'on considère les autres éléments de la campagne référendaire, y compris la formulation des objectifs et de la stratégie, la préparation de la documentation et d'autres matériels, l'organisation de la campagne, la diffusion de ces renseignements au public et la période durant laquelle ce dernier devra réfléchir sur ses choix. Un court délai entre l'émission du bref et la tenue du référendum ne favorise pas nécessairement une option au détriment de l'autre, sauf lorsque tous les appuis du gouvernement gravitent autour d'une seule option.

11. Participation par les organisations officielles 11.1 Accès aux fonds publics et à d'autres contributions

Nous constatons que le Livre blanc suit l'exemple britannique en suggérant la formation d'organisations financées par le gouvernement. Le nombre d'organisations officielles serait déterminé en tenant compte du nombre d'options offertes par le référendum. Grâce à ce mécanisme, les organisations auraient l'opportunité d'exprimer d'une façon unifiée les opinions des militants d'une option particulière.

De plus, ces organisations officielles, d'après le Livre blanc, seraient les seules à pouvoir recevoir des contributions financières et à engager des dépenses reliées à la campagne. Le Livre blanc nous laisse songeurs sur la question de savoir si ces organisations officielles sont les seules à pouvoir recevoir des contributions financières du gouvernement ou du public en général. Nous acceptons d'emblée que les organisations officielles du référendum soient financées par le gouvernement à même les fonds publics. Nous reconnaissons également que ces organisations officielles sont les seules qui devraient recevoir des fonds à même les fonds publics.

Cependant, malgré l'omission du Livre blanc à ce sujet, la loi devrait permettre clairement à chaque individu, groupe et organisation de participer pleinement à la campagne référendaire et à cette fin d'utiliser ses propres fonds et de solliciter des contributions du public. Toute restriction aux droits de ces individus, groupes ou organisations à cette participation serait contraire à la Charte du Québec sur les droits et libertés de la personne. Les articles 3 et 10 de la Charte reconnaissent les droits et libertés fondamentaux, y compris le droit de toute personne à la liberté d'expression et d'association et l'exercice de ces droits sans discrimination ou exclusion.

En ce qui concerne l'utilisation des fonds du gouvernement ou du public, nous recommandons que la loi énonce clairement que ces fonds pourront être utilisés seulement par les organisations officielles et non pas par le gouvernement pour promouvoir l'une ou l'autre des options au cours de la campagne référendaire.

11.2 Chaque option n'a pas droit à une "chance égale"

Bien que la volonté d'accorder à chaque option une chance égale de faire valoir ses avantages au cours de la campagne référendaire, et ce grâce à la création d'organisations officielles, soit louable, il est douteux que cet objectif puisse être atteint lorsque le gouvernement s'est clairement engagé en faveur d'une option dont il s'est toujours fait l'instigateur.

A l'égard des fonctions de ces organisations officielles, nous estimons que, à l'instar de l'exemple britannique, le financement de ces organisations devrait également inclure la distribution de brochures officielles aux électeurs. Chaque organisation officielle devrait expliquer sa position aussi clairement que possible dans sa brochure officielle.

En accord avec la volonté du gouvernement d'accorder aux diverses options une chance égale de faire valoir leurs avantages, des critères devraient être établis de façon à ce que, sans tenir compte des contributions versées pour leur campagne respective, ces organisations puissent bénéficier d'un temps égal à la radio et à la télévision.

Indépendamment du financement que l'Etat accordera aux organisations officielles, nous croyons que les contributions que versent les électeurs devraient aussi inclure les contributions de personnes morales. La Loi no 2 (Loi régissant le financement des partis politiques et amendant la Loi électorale) semble actuellement prohiber ces contributions. Il est important de noter que la Commission des droits de la personne a critiqué cette disposition de la Loi no 2 à cet égard en signalant que le mot "personne" tel qu'utilisé dans la Charte des droits et libertés de la personne inclut les personnes morales.

De même, la limite proposée sur les dépenses reliées à la campagne nous semble constituer une restriction non justifiée sur la liberté d'expression nécessaire dans un référendum sur une question aussi primordiale que l'indépendance. Ces restrictions sur les droits et libertés qui sont universellement considérés comme étant fondamentaux entraîneront plus d'inégalités que celles que le gouvernement désire éviter.

12. Le statut futur des Inuit et de la Convention de la baie James et

du Nord québécois doit être déterminé avant le référendum

Nous avons insisté plus haut sur la nécessité pour l'ensemble de la population du Québec d'être entièrement informée des conséquences qu'entraîneraient les résultats tant négatifs qu'affirmatifs d'un référendum sur l'indépendance du Québec. Dans notre cas, il nous semble nécessaire que notre statut soit déterminé à l'avance si le Québec devenait indépendant, compte tenu de l'obligation fiduciaire spéciale du gouvernement fédéral vis-à-vis toutes les populations autochtones en vertu de la présente constitution. Les peuples autochtones du Québec ont tout intérêt à connaître clairement la façon dont cette obligation fiduciaire serait assumée par le gouvernement d'un Québec indépendant.

De plus, la Convention de la baie James et du Nord québécois a créé entre les Inuit et les gouvernements tant fédéral que provincial une relation spéciale qui va plus loin que ce lien créé par une obligation fiduciaire. Avant qu'un référendum sur l'indépendance ne soit tenu, il serait impérieux que les Inuit reçoivent une garantie suffisante à l'effet que les obligations fédérales et provinciales contractées en faveur des Inuit dans cette entente seront assumées. Plus spécifiquement les Inuit veulent savoir comment le gouvernement d'un Québec indépendant s'occuperait des institutions régionales créées par l'entente de même que des programmes et du financement qui constituent actuellement l'obligation du gouvernement fédéral ou qui sont sous sa juridiction.

Recommandations 1.Toute loi adoptée actuellement à l'égard des référendums devrait être spécifique plutôt que générale et traiter de l'indépendance du Québec. 2.Toute procédure référendaire sur l'indépendance devrait reconnaître d'une façon adéquate le statut spécial des minorités et particulièrement celui des Inuit du Québec qui habitent le Territoire de 1912. 3. La procédure référendaire devrait prévoir des forums pour la présentation de toutes les opinions et l'exécution de toute recherche pertinente à la question posée avant l'adoption d'une loi référendaire spécifique. 4.Le gouvernement devrait s'engager politiquement à être lié par les résultats de ce référendum avant l'adoption d'une loi référendaire, et cette loi devrait prévoir, dans la mesure du possible, cet engagement. 5. Si la loi référendaire est adoptée sous une forme institutionalisée, elle devrait prévoir une consultation obligatoire des groupes et des individus intéressés avant que la question ne soit soumise à l'Assemblée nationale. 6. La formulation de la question qui doit faire l'objet du référendum devrait être publiée le plus tôt possible et même avant l'adoption d'une loi spécifique. 7. Dans un référendum sur l'indépendance, la question devrait être posée aux électeurs sous la forme d'une question unique à laquelle ils pourront répondre simplement par "oui" ou "non".

8. Si, d'après la loi référendaire, la question émane seulement du gouvernement, aucune limite de temps ne devrait être imposée relativement au débat à l'Assemblée nationale sur sa formulation finale. 9. La loi référendaire sur la question de l'indépendance devrait tenir compte des différences régionales en adoptant une formule de votation exigeant une majorité concurrente et une majorité extraordinaire. 10. La loi référendaire devrait demander à l'Assemblée nationale de déterminer dans un délai fixé la date de l'émission du bref référendaire. 11.La loi référendaire devrait prévoir un délai entre l'émission du bref et la tenue du référendum suffisant pour permettre aux organisations officielles de mener une campagne efficace. 12.Tout individu, groupe et organisation devrait pouvoir participer au référendum et utiliser ses propres fonds ou solliciter des contributions du public à cette fin. 13. Les fonds publics devraient être mis seulement à la disposition des organisations officielles et ne devraient pas être utilisés par le gouvernement pour favoriser une option au cours de la campagne référendaire. 14. Une brochure officielle expliquant le point de vue en faveur de chaque option devrait être fournie sans frais aux électeurs. 15. Les organisations officielles devraient pouvoir bénéficier d'un temps approximativement égal à la radio et à la télévision, sans que les contributions qui ont été faites pour leurs campagnes ne soient prises en considération. 16.Avant qu'un vote référendaire ne soit tenu sur l'indépendance, le statut futur des Inuit en tant que peuple autochtone dans un Québec indépendant doit être clairement établi, particulièrement celui que l'article 91 (24) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1967, leur accorde, soit celui de bénéficiaires d'une obligation fiduciaire politique. 17. Avant la tenue d'un vote référendaire sur l'indépendance, les Inuit doivent recevoir une garantie suffisante à l'effet que toutes les obligations fédérales et provinciales contractées en leur faveur dans la Convention de la baie James et le Nord québécois seront assumées si le Québec devient indépendant.

ANNEXE B

Réflexions préliminaires de la Commission des droits de la personne sur le Livre blanc sur la consultation populaire

I. Considérations préliminaires sur l'opportunité pour la Commission des droits de la personne de se prononcer sur le Livre blanc sur la consultation populaire

II ne fait aucun doute que la Commission des droits de la personne préfère toujours se prononcer sur un projet de loi précis plutôt que sur un Livre blanc qui n'est somme toute que l'énoncé d'une politique générale devant mener à l'adoption d'une loi.

Cependant, considérant l'invitation qui lui a été faite, considérant l'importance de l'enjeu qui touche selon les mots mêmes du ministre Burns "à l'essence même de nos institutions démocratiques" (1), considérant les droits et les libertés fondamentales qui sont mis en cause dans ce Livre blanc, en particulier: à l'article 3, la liberté d'opinion, la liberté d'expression et la liberté d'association; à l'article 10: le droit à la reconnaissance et à l'exercice en pleine égalité des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur... les convictions politiques; à l'article 44, le droit à l'information; sans oublier le deuxième paragraphe du Préambule de la Charte, où il est affirmé que tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité et ont droit à une égale protection de la loi.

La Commission des droits de la personne tient à présenter dans une première étape, une réflexion sur les écueils par rapport aux droits et libertés de la personne, que pourrait présenter la future loi sur la Consultation populaire si elle était adoptée conformément à la philosophie générale qui semble se dégager du Livre blanc.

II. Interrogations de la Commission des droits de la personne sur la conformité de certains points du Livre blanc avec les droits et libertés de la personne 1. Des référendums de consultation

La Commission des droits de la personne souscrit généralement au type de référendum proposé, soit celui de consultation, mais se pose des questions sur les modalités qui lui sont assorties, en particulier celle qui concerne l'acceptation ou le refus du résultat du référendum par le gouvernement.

(1) Discours de M. Burns à la séance inaugurale des travaux de la Commission parlementaire.

II lui semble en effet, en vertu des libertés d'expression et d'association proclamées par la Charte, que la future loi sur la consultation populaire devrait être assortie d'un engagement moral de la part du gouvernement de se sentir lié par la majorité exprimée. Il s'agit ici de donner tout leur sens à ces libertés fondamentales, en leur permettant de s'incarner d'un bout à l'autre du processus référendaire, notammment, pour le gouvernement en s'engageant à reconnaître les résultats de la majorité exprimée, selon la procédure normale prévue par notre système électoral. 2.Le droit d'initiative

La Commission des droits de la personne est d'accord pour conférer le droit d'initiative de tout référendum à l'action concertée de l'exécutif et du Parlement, et de donner ainsi à l'Assemblée nationale un rôle central dans le processus référendaire.

Cependant, dans le prolongement des libertés d'opinion, d'expression et d'association, la Commission propose, ainsi que le Gouvernement semble y être favorablement incliné, d'examiner le plus tôt possible le principe de l'initiative directe de la population et de son adaptation à notre système politique. 3.La formulation de la question

La Commission est tout à fait d'accord pour confier à l'Assemblée nationale et non "à une instance qui n'aurait pas de compte à rendre de ses décisions devant l'électorat", la formulation de la question.

Cependant, la présentation de la question à l'Assemblée nationale sous forme de projet de loi spécial à l'intérieur de la loi-cadre, plutôt que sous forme d'une motion assortie d'un débat d'une durée maximale de 25 heures comme cela est proposé dans le Livre blanc, nous apparaîtrait moins restrictive de la liberté d'expression à la fois des députés mais surtout de la population qui par la voix des media et éventuellement d'une commission parlementaire serait plus directement associée au débat.

Si le Gouvernement devait en décider autrement et rester à sa position initiale de présentation de la question sous forme de motion, il va sans dire que la Commission trouve que le délai de 25 heures imparti à la durée du débat sur la motion est beaucoup trop court et qu'elle préférerait en raison de l'importance de la motion que le vote se prenne à la majorité des 2/3 plutôt qu'à la majorité simple, comme le prévoit la procédure parlementaire lorsqu'on recherche le plus large consensus entre les partis politiques: la nomination des commissaires de la Commission des droits de la personne en est un exemple. 4. Les préalables au scrutin

En ce qui concerne le processus de votation et l'organisation du référendum, la Commission ne peut qu'approuver le principe que s'est fixé le Livre blanc de conduire la campagne référendaire "le plus possible selon les procédures prévues pour la tenue des "élections".

Au sujet du droit de vote et conformément aux libertés d'expression et d'association, définies à l'article 3 de la Charte, la Commission est aussi entièrement d'accord avec l'élimination dans le cadre de cette consultation particulière qu'est le référendum, des incapacités frappant les Juges, le Protecteur du citoyen, les substituts permanents du Procureur Général et les prisonniers. 5.La campagne référendaire

La mise sur pied d'organisations-parapluie, en nombre égal aux options proposées dans la question soumise au référendum, responsables de l'animation de la campagne référendaire en vue de l'une ou l'autre option et les "seules reconnues pour recevoir les contributions financières et procéder à des dépenses relatives au référendum" est la clé de voûte du Livre blanc sur la consultation populaire.

Ce regroupement de tous les tenants d'une même option dans une organisation unique a pour but, moyennant une contribution égale de départ faite par le gouvernement ainsi que le contrôle de leurs revenus et de leurs dépenses, d'assurer à toutes les options une chance égale de faire valoir leurs avantages.

La Commission des droits de la personne, conformément au principe de "l'égalité des êtres humains en valeur et en dignité", reconnu dans le préambule de la Charte" et au droit à la reconnaissance et à l'exercice en pleine égalité des droits et des libertés de la personne sans distinction fondée sur les convictions politiques reconnu à l'article 10, souscrit à cet objectif de l'égalité des chances entre les options, mis de l'avant dans le Livre blanc.

Cependant, elle se demande si la mise en oeuvre de cette égalité — surtout au niveau de la mécanique et du fonctionnement de ces organisations-parapluie — ne risquerait pas de porter atteinte aux libertés fondamentales d'opinion, d'expression, d'association? Le Livre blanc laisse à cet égard plusieurs questions sans réponse et quelques inconnues subsistent que la Commission aimerait bien voir éclaircies par le gouvernement à ce stade de la discussion.

Les deux points du Livre blanc qui ne convainquent pas tout à fait la Commission des droits de la personne et sur lesquelles elle aimerait beaucoup que le Gouvernement lui fasse la preuve qu'ils ne sont pas contraires aux libertés d'opinion, d'expression et d'association sont les suivants:

1. L'obligation pourquiconque (individu ou groupe) veut participer à la campagne référendaire, d'appartenir à l'une ou l'autre organisation-parapluie, les seules habilitées nous dit le Livre blanc, à recevoir les contributions et à engager des dépenses en vue du référendum.

Si tel est le cas, ce regroupement obligatoire ne met-il pas en péril la liberté d'association? Au niveau de chacune de ces organisations, ne pourrait-on pas mieux protéger la liberté d'opinion et d'expression des individus et groupes qui en font partie et garantir qu'ils seront traités également (accueil, consultation, distribution des ressources financières) par le comité national, responsable de la campagne référendaire pour chaque option?

En ce qui a trait au droit d'engager des dépenses et de recevoir des contributions, ne pourrait-on pas, comme on l'a fait dans la loi sur le financement des partis politiques, définir précisément les deux termes dans le contexte de la future loi-cadre, de façon à savoir précisément où commence et où s'arrête le droit de participer à la campagne référendaire en dehors des organisations-parapluie? 2. L'interdiction pour toute autre option politique que celles représentées dans la question et par conséquent dans des organisations-parapluie, de participer à la campagne référendaire en recevant des contributions ou en engageant des dépenses.

Les individus ou groupes partisans d'une option non représentée dans la question n'auraient, si cette hypothèse est vraie, le droit de participer à la campagne référendaire qu'à la condition de ne point recevoir de contribution et de ne point engager de dépenses.

Que fait-on dans ce cas des libertés d'opinion, d'expression et d'association de ces citoyens ou de ces groupes non désireux de se joindre aux organisations-parapluie parce qu'elles ne représentent pas leurs idées?

N'est-ce pas là les priver du droit de tout citoyen de participer aux affaires publiques? La Commission des droits de la personne est bien consciente de la difficulté de concilier la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances entre toutes les options avec le respect intégral des libertés fondamentales. Elle se demande cependant s'il n'y aurait pas lieu, sans restreindre les contrôles financiers, d'assouplir la mécanique des organisations ad hoc de façon à ce que: a) A l'intérieur des organisations-parapluie, soient mieux garanties les libertés d'opinion, d'expression, d'association des différents membres, individus ou groupes, face notamment au comité provisoire et plus tard au comité national qui dirige l'organisation pendant la campagne référendaire. b) Les représentants de toute autre option politique que celles représentées dans la question et dans les organisations ad hoc aient tout de même la liberté de s'exprimer, de s'associer, bref de participer à la campagne référendaire.

Un dernier point avant de conclure sur cette partie du Livre blanc concerne le droit à l'information tel que proclamé par la Charte des droits et libertés de la personne à l'article 44. La Commission considère en effet que l'égalité des chances entre les diverses options ne va pas sans le droit du public à une information la plus objective et la plus complète possible, non seulement sur les aspects financiers de la campagne référendaire (ce qui est garanti dans le Livre blanc) mais sur l'ensemble de ses aspects techniques et politiques: enjeu et options en présence. Elle propose donc que l'on s'inspire de l'exemple britannique et que l'on étudie: a) "La possibilité de publier et de distribuer sous la responsabilité et avec l'accord des options en présence, une brochure explicative sur chacune des options proposées par référendum; b) La possibilité d'attribuer des périodes de temps égales à la radio et à la télévision à toutes les parties en présence. 6. Le scrutin

Le choix entre l'une des trois méthodes de décompte des suffrages suggérées, mérite réflexion et surtout de plus amples renseignements sur les avantages et désavantages respectifs de chacune d'entre elles.

Conclusion

La Commission des droits de la personne souscrit aux objectifs du Livre blanc: la démocratisation de nos institutions politiques l'association directe des électeurs à la gouverne de l'Etat l'élargissement progressif de la participation populaire

La Commission se réjouit de retrouver dans le Livre blanc sur la consultation populaire au Québec: le principe fondamental de l'égalité entre les individus tel que reconnu par la Charte des droits et libertés de la personne et l'autre principe non moins important affirmé dans la loi sur le financement des partis politiques: celui d'une meilleure réglementation des revenus et dépenses politiques.

Elle met en garde cependant le législateur sur les atteintes possibles aux libertés fondamentales qui pourraient finalement avoir des effets contraires aux objectifs poursuivis, notamment au niveau de la participation des citoyens au débat et au niveau de la démocratisation de nos institutions politiques.

Ces libertés sont, comme on l'a vu, les libertés d'opinion, d'expression et d'association. C'est maintenant au gouvernement en tant que législateur, qu'appartient le fardeau de prouver que la législation sur la consultation populaire au Québec ne portera pas atteinte à ces libertés.

MONTREAL, le 11 novembre 1977

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