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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le lundi 25 septembre 1978 - Vol. 20 N° 159

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Présentation de mémoires sur le projet de loi no 69 - Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement


Journal des débats

 

Présentation de mémoires sur le projet de loi no 69

(Quinze heures onze minutes)

Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de la protection de l'environnement se réunit afin de recevoir les mémoires suite au projet de loi 69.

Les membres de cette commission sont: M. Beauséjour (Iberville), M. Brassard (Lac-Saint-Jean); M. Caron (Verdun) remplacé par M. Picotte (Maskinongé); M. Cordeau (Saint-Hyacinthe); M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes) remplacé par M. Proulx (Saint-Jean); M. Goldbloom (D'Arcy McGee), M. Lavigne (Beauharnois), M. Léger (Lafontaine), M. Mercier (Berthier).

Comme intervenants, il y a M. Baril (Arthabaska), M. Dubois (Huntingdon), M. Grégoire (Frontenac), M. Léonard (Laurentides-Labelle), M. Léonard Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marquis (Matapédia), M. Roy (Beauce-Sud), M. Saindon (Argenteuil), M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Verreault (Shefford).

J'aimerais qu'on me désigne un rapporteur, s'il vous plaît.

M. Goldbloom: Le député de Saint-Jean, M. le Président, ferait bien cela.

M. Proulx: M. Beauséjour, d'Iberville. M.Laplante: M. Beauséjour, Iberville.

M. Goldbloom: Ah! Quelle déception!

Le Président (M. Laplante): Maintenant, les mémoires qui seront entendus aujourd'hui. Comme organismes, vous aurez la Chambre de commerce de la province de Québec, General Motors du Canada Limitée, Institut canadien des textiles, l'Association des manufacturiers canadiens, Mme Bernice Goldsmith à titre personnel, le Comité antipollution des citoyens de Saint-Michel, le Conseil de l'environnement du Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau.

Il y a des règles qui ont été établies avant l'étude des mémoires; c'est que les travaux se feront tous les soirs jusqu'à onze heures et il y aura une heure consacrée à chaque mémoire, soit vingt minutes pour la lecture et 40 minutes pour les questions. C'est la limite qui sera accordée.

Maintenant, je prends bonne note aussi que le troisième qui serait entendu, l'Institut canadien des textiles, a demandé à déposer son document et qu'il soit inscrit au journal des Débats comme s'ils avaient été témoins. Je demande la permission aux membres de cette commission pour accorder à l'Institut canadien des textiles ce privilège.

M. Goldbloom: Consentement, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Merci. (voir annexe).

Maintenant, la parole est à M. le ministre.

Exposé préliminaire du ministre délégué à l'Environnement

M. Marcel Léger

M. Léger: M. le Président, mesdames et messieurs, en ouvrant aujourd'hui les délibérations de la commission parlementaire sur la loi 69, j'aimerais remercier tous ceux qui ont daigné nous présenter un mémoire ou qui sont présents ici aujourd'hui. Leur participation à cette commission témoigne de leur souci de la chose publique et je les en remercie. J'aimerais également en profiter pour rappeler brièvement les axes qui m'ont guidé dans la mise au point de l'actuel projet de loi. Je vous les rappelle parce que j'entends que ces axes demeurent les critères de jugement dans l'interprétation des interventions qui viendront. Ils sont pour moi comme deux principes politiques fondamentaux de l'environnement. (15 h 15)

II s'agit, premièrement, du concept de l'équilibre dans la notion d'environnement et du concept de participation du citoyen. Ce projet de loi témoigne d'ailleurs de l'importance que le gouvernement accorde au citoyen ordinaire dans le combat que notre société doit livrer pour assurer à ses membres et à nos enfants un environnement sain ce qui, selon nous, doit aller de pair avec le progrès économique, le progrès social, le progrès culturel de notre société. Depuis que je suis ministre délégué à l'Environnement, j'ai constaté que plusieurs individus et entreprises ont fait des efforts louables pour régler le problème de l'environnement. Il y a cependant énormément à faire. Trop d'agents destructeurs ou perturbateurs de l'environnement négligent d'assumer leur responsabilité face à la nature et à l'environnement.

La conscience de l'environnement de plusieurs individus et entreprises a besoin d'être secouée car ceux-ci refusent encore de reconnaître pleinement leurs responsabilités dans ce domaine. Trop de personnes se déclarent d'accord en principe pour protéger l'environnement, mais refusent d'admettre entre autres la nécessité de lois sévères et efficaces qui feront en sorte que la protection de l'environnement ne demeure pas un concept vide de sens. Je pense qu'il est temps de passer de la parole aux actes.

Le premier principe pour le premier axe que je veux développer avant d'entendre les mémoires, c'est l'axe du concept d'équilibre et d'harmonie dans la notion de l'environnement. Quand nous parlons d'environnement, nous parlons d'harmonie et d'équilibre, parce que la terre est un tout organique et organisé. Il y a une relation directe entre les éléments physiques, entre les hommes et les éléments physiques et entre les hommes eux-mêmes. On pourrait préciser le vocabulaire en parlant d'environnement physique, d'environnement humain et d'environnement social.

La nature a ses lois, la nature a son organisation et la nature a ses structures. Essayer de comprendre l'environnement uniquement à l'intérieur des intérêts de certains intervenants de

l'environnement, c'est fausser la conception globale de l'environnement.

À les oublier, ces structures et ces lois, on va vers des catastrophes: une eau polluée, un sol en érosion et des espèces menacées. L'homme a ses lois de survie biologique. Il a besoin d'une eau pure, d'un air sain et d'un contact vivifiant avec la nature. S'il perd cela, il est directement attaqué dans sa vie même. C'est d'ailleurs pourquoi nous en sommes réduits à parler d'un droit à l'environnement, tellement cet environnement est bafoué par le citoyen ordinaire.

J'aimerais parfois que les promoteurs de projets purement économiques ou technologiques soient tenus de travailler, de vivre et de prendre leurs vacances dans les conditions environnementales qu'ils imposent aux autres, et peut-être qu'ils pourraient changer d'avis.

Enfin, on peut parler d'environnement humain. L'homme ne vit pas que de pain. Je pense que l'homme a besoin de relations humaines et de vraies et épanouissantes rencontres, de rapports de production humanisés, de systèmes institutionnels de santé, de loisirs, d'éducation, de famille, de besoins économiques, de vie politique apte à permettre l'épanouissement de chacun et de la collectivité.

L'environnement, c'est le rapport dynamique de ces différents systèmes, qui va du biologique à l'humain, de l'humain au social et c'est un rapport dynamique et un rapport statique. Il n'est pas donné une fois pour toutes. Il évolue constamment et dépend à la fois du niveau de conscience sociale, donc de la définition des droits ainsi que du niveau de la technologie.

Nous pouvons maintenant contrôler les conséquences de certaines activités technologiques et industrielles. Hier, nous ne pouvions le faire et chacun prenait son mal en patience. Si maintenant nous pouvons le faire, nous devons le faire. Nous ne pouvons pas nous enfermer dans une ignorance crasse et feindre de ne pas voir les conséquences de nos actes.

Quel héritage laisserons-nous à nos enfants si nous détruisons l'environnement? À la longue, nous nous détruirons nous-mêmes. Nous nous coupons de notre base biologique; nous serions comme des naïfs qui scieraient patiemment l'arbre sur lequel on est assis ou la branche d'arbre sur laquelle on est assis.

L'environnement repose sur l'équilibre et l'harmonie de l'ensemble des systèmes physiques, biologiques et humains. C'est cette notion qui nous permettra de juger des interventions. Je pense que les 32 intervenants possibles durant cette commission parlementaire devront repenser, à l'intérieur de leurs interventions, le rôle qu'ils ont à jouer pour garder cet équilibre et cette harmonie entre les différents intervenants qui, chacun d'eux, viennent souvent en affirmant que c'est pour les besoins de l'homme qu'ils doivent faire leur propre production.

C'est cette notion qui permettra de juger des interventions que nous aurons. Car il y a des économistes purs qui ne pensent qu'en termes de rentabilité économique a court terme, sous prétexte qu'il faut produire et consommer plus et tout de suite.

Il y en a qui ne voient dans l'environnement que le loisir et ne veulent que l'accès immédiat à toute partie du territoire. D'autres semblent souhaiter un retour à l'état sauvage, à une nature qui exclut l'homme.

Je pense que la notion de l'environnement ne doit pas être une notion qui dise qu'il faut s'opposer aveuglément au progrès, mais on doit s'opposer au progrès aveugle.

Notre approche se veut "intégrative" de toutes les dimensions: humaine, sociale, économique, physique, biologique. Gaspiller les ressources non renouvelables, c'est dilapider un capital.

Exploiter inconsidérément la forêt, c'est la détruire et l'exposer à de sérieux problèmes économiques pour la génération qui vient. Perturber les relations sociales d'une population, c'est porter atteinte à sa santé physique et psychologique. D'où on voit arriver, si on ne protège pas l'environnement, les notions de stress, de névrose et de conflits sociaux.

Priver les citoyens des usages indispensables de l'eau, de la terre et du sol, c'est attenter à la vie même des citoyens. Partout c'est une question de mesure, une question d'équilibre, une question de rapports harmonieux. Voilà pourquoi nous refusons de faire de l'environnement un concept parmi tant d'autres, un concept à côté des autres. La nouvelle loi ne confie pas au ministre de l'Environnement un champ d'intervention qui viendrait après les autres comme un appendice. Elle réfère, au contraire, le ministre au Conseil des ministres pour que l'environnement soit soumis à l'arbitrage de l'ensemble des besoins ou, mieux, pour qu'aucune dimension essentielle ne soit oubliée.

Le deuxième point que je voudrais mentionner, c'est le concept de participation des citoyens, qu'on va retrouver à l'intérieur de la loi.

Au cours des nombreuses rencontres que j'ai vécues depuis des années avec des milliers de concitoyens, j'ai pu constater un désir intense des citoyens d'être consultés et d'être impliqués dans le processus des décisions qui mènent à la modification de l'environnement.

À l'heure actuelle, les citoyens sont, hélas, impuissants face à l'environnement. Tout ce qu'ils peuvent faire, c'est d'écrire des lettres au ministre afin qu'il puisse régler tel et tel problème. Le plus souvent, ils sont placés devant des faits accomplis puisqu'ils ne possèdent aucune information préalable sur les grands travaux ou sur les ouvrages qui perturberont leur milieu et n'ont accès à aucun forum essentiel de consultation à ce sujet.

Les citoyens ont notamment déploré avec véhémence le fait que la Loi de la qualité de l'environnement ne leur faisait aucune place, comme si le citoyen n'avait aucun rôle à jouer dans la gestion de l'environnement. Il y a là une anomalie fondamentale que le gouvernement s'est engagé à corriger par la loi que nous présentons aujourd'hui.

Nous voulons, en effet, que désormais le citoyen soit un agent actif et responsable de l'environnement et devienne un partenaire indispensable dans le processus de prise de décisions susceptibles de déboucher sur les modifications de la qualité du milieu.

Nous proposons donc aujourd'hui une série de modifications majeures à la Loi de la qualité de l'environnement afin de faire du citoyen un élément essentiel des mécanismes de protection de l'environnement prévus dans notre législation.

Ces modifications auront pour effet de donner des droits au citoyen et d'orienter résolument la loi vers le citoyen. Je pense que la loi que nous présentons aujourd'hui est un complément à une bonne loi qu'a présentée mon prédécesseur, qui est maintenant député de l'Opposition, et qui a pris le siège que j'avais déjà. Aujourd'hui, c'est un complément à une loi qui était très importante et très utile dans le passé. Je dois le féliciter pour le travail qu'il a fait en présentant cette première loi.

Ces changements sont essentiellement les suivants:

Premièrement, création d'un bureau d'audiences publiques sur l'environnement afin de permettre au ministre d'être mieux à l'écoute de la population.

Deuxièmement, instauration d'une nouvelle procédure d'étude d'impacts sur l'environnement qui garantit aux citoyens le droit à une audience publique préalablement aux grands travaux et aux grands aménagements susceptibles d'affecter l'environnement.

Troisièmement, reconnaissance aux citoyens du droit à la qualité de l'environnement.

Quatrièmement, création d'un recours en injonction pour faire respecter ce droit.

Cinquièmement, reconnaissance à tout citoyen du droit d'intenter des poursuites pénales afin de faire respecter la loi et les règlements.

Sixièmement, reconnaissance aux citoyens du droit d'intervenir devant la commission municipale du Québec lors d'un appel.

Septièmement, augmentation des amendes et création de recours administratifs et juridiques plus efficaces afin d'assurer le respect de la loi et de la qualité de l'environnement.

Les modifications visent à doter le Québec d'une véritable charte des droits de l'environnement. Elles ne sont évidemment pas parfaites et seront suivies, je l'espère, d'autres mesures conçues dans le même sens. Ces amendements auront, cependant, pour effet de donner un statut juridique à l'environnement et de lui accorder une protection légale qui ne dépendra plus de la discrétion gouvernementale. C'est là où le principe de la suprématie de la loi sera mis à contribution pour sauvegarder le milieu ambiant.

Je tiens à souligner qu'il n'est pas question que le gouvernement abandonne son leadership en matière de protection de l'environnement. Nous sommes, en effet, résolus à maintenir et même accroître notre leadership en la matière. Toutefois, c'est maintenant avec les citoyens que nous remplirons notre mandat et non plus sans eux. Le projet de loi que nous étudions aujourd'hui constitue un pari en faveur des citoyens. Il a pour effet d'accroître la "responsabilisation" de la population face aux défis environnementaux de notre société et de rendre les entreprises privées et publiques davantage responsables de leurs activités devant les citoyens du milieu où elles se développent.

L'environnement est une valeur collective qu'il appartient à tous et chacun de protéger. Nous voulons donner au simple citoyen des outils efficaces à cette fin. Si les outils que nous proposons aujourd'hui ne semblent pas assez efficaces aux yeux de certains, je les invite à en proposer qui le soient encore plus. Une chose nous apparaît certaine, c'est que les entreprises privées et publiques peuvent être tellement colossales aujourd'hui et peuvent faire appel à des technologies tellement destructives et dangereuses qu'il est nécessaire d'inventer de nouveaux mécanismes démocratiques pour les contrôler. Il importe que les citoyens puissent contrôler le développement plutôt que l'inverse. Je pense que l'homme ne doit pas être à la merci des machines, mais que les machines, les systèmes doivent être au service de l'homme. C'est pour cela que je répète: II est important que les citoyens puissent contrôler le développement plutôt que le développement contrôler les citoyens.

Il est donc temps que l'on donne une voie aux citoyens à la base, qu'on lui donne les outils administratifs et juridiques pour défendre adéquatement la qualité de l'environnement et que l'on implique le grand public dans une chose qui l'intéresse au plus haut point: la sauvegarde de son milieu de vie. Le temps des chasses gardées est révolu. Le temps des attitudes responsables est maintenant arrivé. Les changements juridiques que nous proposons visent également à faire en sorte que les citoyens s'identifient à leur environnement et en viennent à considérer l'environnement comme la propriété collective des citoyens québécois ou, tout au moins, comme une valeur collective avec laquelle ils s'identifient. Il faut que chaque citoyen prenne conscience que l'environnement lui appartient et qu'il constitue lui-même une partie intégrante de l'environnement. (15 h 30)

La reconnaissance du droit du citoyen à la qualité de l'environnement vise précisément à élargir nos concepts juridiques traditionnels et à permettre aux citoyens de s'identifier à un bien ou à une valeur collective et, par voie de conséquence, de prendre fait et cause pour l'environnement et pour l'utilisation rationnelle de ses richesses. Certes, ces changements convient les citoyens et les administrateurs publics et privés à de nouveaux défis et bousculeront l'attitude paternaliste et suffisante de plusieurs face à leurs responsabilités environnementales et sociales.

Il faudra donc inévitablement que plusieurs remettent en question les idées préconçues et envisagent les problèmes écologiques à la lumière des réalités nouvelles de notre société en mutation. Je pense que, si cette loi est adoptée, nous allons donner à la génération future le plus beau cadeau qu'on puisse donner à nos enfants.

J'invite donc ceux qui interviendront devant

cette commission parlementaire à conserver à l'esprit cette dimension de la problématique environnementale lorsqu'ils discuteront des moyens à prendre pour redonner au citoyen le rôle qui lui revient dans la gestion de son environnement, parce qu'aujourd'hui — admettons-le — nous payons très cher le coût en dépollution des erreurs passées et il ne faudrait pas qu'aujourd'hui nous fassions les mêmes erreurs que nos prédécesseurs ont faites il y a une génération.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. le ministre.

M. le député de D'Arcy McGee.

Remarques de l'Opposition M. Victor C. Goldbloom

M. Goldbloom: M. le Président, je serai relativement bref, d'autant plus que le ministre m'a désarçonné avec ses félicitations, dont je le remercie sincèrement.

Nous partageons tous, autour de cette table et, sans doute, toutes les personnes ici présentes — mais celles qui se trouvent de l'autre côté de la barre auront, tout à l'heure, l'occasion de s'exprimer pour elles-mêmes — nous partageons tous, dis-je, cette préoccupation, cet engagement à l'égard de l'environnement. La discussion qui se déroulera ne nous mettra sûrement pas en concurrence l'un avec l'autre, quant à l'intensité de cette préoccupation, quant à la sincérité de cet engagement.

Nous étudions un projet de loi et, dans ses notes explicatives, nous trouvons l'énoncé de ses objectifs. Les notes explicatives ne sont évidemment pas le texte du projet de loi; elles constituent un résumé, en quelque sorte, mais on trouve le but visé par le gouvernement en présentant ce projet de loi clairement indiqué dans ces notes. Je n'en cite que deux paragraphes.

Le paragraphe a) indique que le projet de loi a pour objet "de reconnaître à toute personne le droit à la qualité de l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent et de prévoir un recours civil en injonction afin d'assurer le respect de ce droit." Le paragraphe i) se lit comme suit: "de permettre à toute personne d'intenter des poursuites pénales en cas d'infraction à la loi ou aux règlements."

M. le Président, quand on énonce un droit, on peut le faire de deux façons. On peut l'énoncer comme principe, ou on peut en faire un cadre nouveau d'action devant les tribunaux: on peut créer un nouveau statut juridique pour ce droit que l'on a énoncé. Si l'on crée un tel statut juridique, on doit l'assortir de recours utiles. Les extraits que je viens de lire des notes explicatives indiquent que c'est, effectivement, cette deuxième voie qu'a choisi d'emprunter le gouvernement, c'est-à-dire la création d'un nouveau statut juridique pour ce droit à l'environnement et l'établissement de recours, recours qui seraient mis à la disposition de tous les citoyens. Il y a donc lieu, au cours de ces trois journées de discussions, d'exa- miner la façon avec laquelle ces recours seraient exercés une fois le projet de loi adopté.

Quelle preuve serait nécessaire pour que les tribunaux accordent ce droit en termes d'une action légale quelconque? Cette preuve serait bâtie par qui et comment? C'est une question qui ne trouve pas sa réponse, au moins pas sa réponse aussi claire que je crois que nous avons besoin de la trouver dans les notes explicatives que j'ai citées.

Il va sans dire qu'il est inutile d'aller devant les tribunaux si ceux-ci finissent par rejeter toutes les plaintes; on n'aurait pas créé grand-chose. Par contre, il faut aussi examiner les conséquences des interventions qui, avec l'adoption d'une telle loi, deviendraient individuelles et remplaceraient dans une certaine mesure, une mesure à être déterminée, l'intervention planifiée, ordonnée du ministre. Ce sont les implications que nous, de l'Opposition officielle, décelons dans ce projet de loi. Ce sont autant de préoccupations que nous avons au début de cette série d'audiences publiques.

Je ne vais pas plus loin, M. le Président, et cela pour une raison fondamentale que j'ai déjà eu l'occasion d'énoncer au cours des 22 derniers mois: c'est que, quand il y a un projet de loi sur lequel le public est invité à s'exprimer, le gouvernement par le dépôt de ce projet de loi s'est engagé, s'est placé dans une position connue et des membres de la population peuvent vouloir réagir contre cette position. C'est le rôle de l'Opposition d'écouter ces interventions et peut-être, suivant son bon jugement, suivant le degré auquel ces interventions sont convaincantes, de devenir l'avocat de ces opinions qui divergent de celles du gouvernement. C'est pour cette raison qu'il incombe, à mon sens, à une Opposition d'écouter et d'attendre la fin des audiences et l'analyse des interventions pour prendre position définitivement sur le projet de loi que présente le gouvernement.

Je voudrais terminer, M. le Président, non seulement en remerciant le ministre, encore une fois, pour sa gentillesse à mon égard, mais en lui disant que son désir d'améliorer la Loi de la qualité de l'environnement et d'en faciliter l'application, de rendre cette application plus efficace, est un désir que nous devons tous partager. C'est donc dans un esprit extrêmement constructif que nous abordons l'étude des mémoires qui ont été soumis à cette commission parlementaire.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. le représentant de l'Opposition officielle. Le représentant de l'Opposition de l'Union Nationale, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Fabien Cordeau

M. Cordeau: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de cette commission, en tant que député de l'Union Nationale, j'aimerais remercier le secrétariat des commissions de nous avoir fait bénéficier d'un temps raisonnable pour analyser à sa juste valeur chacun des mémoires qui nous seront présentés devant cette commission.

Je m'en voudrais aussi de passer sous silence le vif intérêt suscité par cette commission parlementaire. Si l'on en juge par le nombre d'intervenants, il est indéniable que la cause de l'environnement affecte toutes les couches de la société québécoise.

Pour cette raison et parce que le service que dirige le ministre délégué à l'Environnement deviendra ni plus ni moins le gestionnaire de la qualité de notre vie, il importe, au nom de tous les citoyens du Québec, que l'on puisse apporter, dans le cadre de cette commission, certains commentaires et critiques.

Après avoir lu attentivement le projet de loi 69 et les mémoires qui seront présentés durant les jours à venir, et également lu les commentaires reproduits dans plusieurs journaux, je dois vous faire part de l'inquiétude que je ressens face à l'improvisation dans laquelle baigne le projet de loi 69.

Nous sommes actuellement en présence de deux réalités aux intérêts divergents. Le projet de loi 69 allié aux déclarations parfois gratuites du ministre délégué à l'Environnement ne font qu'entretenir et perpétuer la plus grande disparité entre les intérêts sociaux et économiques de notre société.

La tendance actuelle porte-t-elle à croire qu'il faille autant de tracasseries administratives et juridiques pour protéger l'environnement? Est-ce utopique de croire à un meilleur équilibre entre les intérêts économiques et les intérêts sociaux de notre société? Dans la cause de l'environnement, peut-on se permettre d'agir avec discernement?

M. le Président, je demeure convaincu qu'avec un minimum de bonne foi, il est possible d'en arriver à un sain équilibre entre les besoins proprement économiques de notre population et le désir légitime d'assurer à tous une meilleure qualité de l'environnement. Déjà, depuis plusieurs années, je m'intéresse de très près à la cause de l'environnement, à la fois comme conseiller municipal et député à l'Assemblée nationale. Néanmoins, je suis conscient, à l'instar de mes collègues unionistes et même de quelques députés péquistes avec qui j'ai eu l'occasion d'en discuter, qu'il existe au sein de la population québécoise une crainte réelle face aux mesures préconisées par le gouvernement.

Nombreux sont ceux qui craignent des retombées économiques néfastes et des coûts sociaux énormes. D'ailleurs, plusieurs mémoires traitent de ce point, crucial à mon avis, et je serais désireux de savoir si, conformément à l'esprit de son projet de loi, le ministre a exigé une étude prospective des coûts sociaux et économiques, rattachés directement aux mesures mises de l'avant dans le projet de loi 69.

Par ailleurs, en m'attardant plus spécifiquement au contenu du projet de loi, je me demande si l'instrument législatif saura jouer un rôle valable car, malheureusement, je constate une omniprésence du ministre.

À l'intérieur de ce projet de loi, comment se fait-il qu'à l'heure où le gouvernement du Parti québécois est à la phase de la décentralisation de nos institutions administratives, vous nous arriviez avec un projet de loi où l'on constate une centralisation excessive des pouvoirs et des décisions aux mains d'un seul homme? La mainmise que vous avez sur le bureau d'audiences publiques et sur le Conseil consultatif de l'environnement en est un exemple flagrant. D'où vient la justification du morcellement du pouvoir du Conseil consultatif de l'environnement? À quoi doit-on s'attendre d'une telle centralisation? À des délais démesurément longs, à des erreurs fréquentes, peut-être.

Le ministre a bureaucratisé son service, et qui dit bureaucratie dit problèmes. Pourquoi alors n'avoir pas prévu un rôle plus actif aux institutions régionales et locales? N'est-ce pas de ce genre de démocratisation que se réclame le gouvernement du Parti québécois? Ce sont des questions qui préoccupent la population et auxquelles elle est en droit d'attendre des réponses. (15 h 45)

Par ailleurs, je constate également que, selon l'esprit du projet de loi 69, le Québec sera doté de 6 millions d'inspecteurs. En un mot, tous les Québécois seront inspecteurs des actions des autres.

Mais n'aurait-il pas été aussi sage de rendre ces citoyens également responsables de leurs propres actions? Le ministre délégué à l'Environnement a-t-il pensé, encore une fois, à la lourdeur administrative quand on aura une telle vocation d'inspecteurs?

Si l'on désire avoir autant d'inspecteurs qu'il y a de Québécois, il ne faudrait pas tout de même s'imaginer que du jour au lendemain on en fera des citoyens émérites quant à la protection et à la conservation de notre environnement.

Je constate donc que l'idée générale qui se dégage de ce projet de loi est de transmettre une nouvelle manière de vivre. Mais la difficulté majeure de ce projet de loi reste et restera la transformation d'une mentalité indisciplinée et irrespectueuse de son environnement. J'espère que le ministre s'appuiera sur une base plus solide que des droits d'inspecteurs pour arriver à ses fins.

Je constate également que rien n'est spécifié quant à l'éducation de la population. C'est un petit point sur lequel il aurait fallu insister davantage. Est-il possible d'implanter une nouvelle manière de vivre sans prendre tous les moyens en vue de sensibiliser et, disons-le, d'éduquer les Québécois en matière de protection de l'environnement?

Bien sûr, depuis deux ans, il y a eu les projets contrepublicité, auxquels j'ai eu le plaisir de travailler. Quelques-uns de ces projets étaient et sont d'intérêt provincial, mais la plupart n'ont rejoint que les citoyens d'une région donnée ou d'une municipalité.

Je crois, M. le Président, qu'il est grandement temps que tous les Québécois deviennent des apôtres de l'environnement et qu'ils agissent en conséquence. Malgré vos déclarations récentes qui indiquent la nécessité d'une éducation de base en matière d'environnement, je constate, à la lumière du projet de loi 69, que vous avez préféré punir sévèrement plutôt que d'éduquer consciemment, et cela m'inquiète.

L'innovation du projet de loi 69 est, sans aucun doute, l'introduction de la notion d'études d'impact sur l'environnement et l'utilisation d'audiences publiques pour consulter la population.

Ces nouvelles mesures soulèvent des inquié-

tudes dans plusieurs milieux. Le cas de General Motors me paraît l'exemple le plus parfait du blocage économique que laissent planer les études d'impact et les audiences publiques et je m'inquiète de la multiplication possible d'un tel cas.

D'ailleurs, les déclarations ambiguës du ministre dans la Presse de samedi dernier nous prouvent déjà, à ce stade très préliminaire du projet de loi, dans quelles tracasseries économiques et bureaucratiques nous nous acheminons.

Le ministre devrait se brancher une fois pour toutes et tenir un discours plus clair. J'ai raison de croire que les efforts entrepris actuellement pour relancer notre économie seront grandement compromis. Je voudrais avoir l'assurance de votre part que ces appréhensions, si vous ne les partagez pas, vous êtes tout de même en mesure de les apaiser avec des arguments solides et réalistes.

Le gouvernement doit tenir compte de la réalité québécoise et des différentes options que chevauche notre société. Soyez assurés que j'y apporterai une attention toute particulière.

Il y a un autre point sur lequel je voudrais attirer l'attention des membres de cette commission. Je ne veux passer sous silence la volonté du ministre à vouloir accorder à tout citoyen un recours en injonction.

C'est tout de même étonnant, à un moment où son collègue du Travail et de la Main-d'Oeuvre cherche par tous les moyens à se débarrasser du recours de l'injonction comme moyen de rétablir un certain équilibre dans le rapport des forces qui s'affrontent au niveau des conventions collectives, que le ministre délégué à l'Environnement nous propose cette solution, dans le but manifeste d'atteindre plus ou moins les mêmes fins dans son secteur d'activité.

N'est-il pas raisonnable de croire qu'avec le temps on aboutira à une situation identique? Y a-ton au moins pensé avant de l'introduire dans le projet de loi 69?

Encore une fois, force est de constater que ce projet de loi fait place à l'improvisation, et je ne pense pas faire preuve d'exagération en disant qu'on doit s'attendre à goûter à d'amères déceptions.

On ne peut non plus passer sous silence qu'il est très difficile de juger la portée de certains articles puisqu'ils sont encadrés dans un projet de réglementation qui nous empêche d'évaluer toute l'ampleur que prendra ce projet de loi.

J'espère que le ministre aura l'obligeance, avant l'adoption du projet de loi, de déposer les projets de réglementation.

En terminant, j'aimerais souligner que je ne me réjouis guère de l'attitude que le ministre a démontrée dernièrement envers les agriculteurs du Québec. Vous avez fait preuve d'un geste irraisonné, et ce n'est pas en ce sens que vous parviendrez à inculquer à la population un changement d'attitude relativement à la cause de l'environnement. Si la stratégie du gouvernement est de doter le Québec d'une qualité de vie exemplaire, qu'on arrête alors de faire de la démogagie...

M. Léger: De la démagogie.

M. Cordeau: ... - démagogie - et d'aliéner, aux yeux de la population, un groupe pourtant très important dans le fonctionnement de notre société.

C'est dans un esprit critique mais réaliste que j'entame le début des travaux de cette commission. J'attends avec impatience les observations et les recommandations qui nous seront faites et qui nous permettront, je l'espère de bonifier et d'améliorer considérablement ce projet de loi qui aura des conséquences directes sur plusieurs secteurs de notre vie économique.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. le député. Avez-vous de courtes réponses à donner?

Réponse de M. le ministre

M. Léger: Je voudrais peut-être seulement répondre à certaines questions, rapidement. Je pense bien qu'on est plus ici pour écouter que pour exprimer des points de vue, sauf peut-être quand il y a certains aspects de la loi qui seraient mal compris.

D'abord, je voudrais féliciter les représentants de l'Opposition, aussi bien le député de D'Arcy McGee que le député de Saint-Hyacinthe de l'intérêt qu'ils y mettent, et spécialement le tigre nouveau que je revois dans le député de Saint-Hyacinthe; il a mis un peu plus de tigre.

Je voulais simplement dire pour répondre à une première question du député de D'Arcy McGee, qui parlait de la création d'un nouveau statut juridique dans lequel il faudrait donner des recours... de la façon de permettre que les recours soient exercés... Nécessairement, je pense qu'il y a deux aspects. Les recours en injonction, entre autres, ne seront certes pas faciles à exercer, comme peut-être certains mémoires le laissaient présager, puisque, nécessairement, il va falloir que soit les poursuites pénales ou les recours en injonction au niveau civil exigent que le pollueur ou l'intervenant qu'on veut arrêter dans ses actions polluantes, ait nécessairement causé un acte illégal, c'est-à-dire qui est contre une loi, contre un règlement contre un certificat ou un permis qui lui a été accordé; d'autant plus que, par la suite, c'est celui qui devrait faire la preuve... Je ne dis pas que, nécessairement, les citoyens auront tous les moyens aussi facilement qu'une entreprise qui a des spécialistes, des techniciens ou des avocats pour le faire, mais je pense que les moyens qu'on peut donner aux citoyens peuvent se situer au niveau de l'aspect technique et aussi de l'aspect d'un subpoena qui peut être envoyé à des spécialistes pour qu'ils viennent témoigner pour défendre le citoyen qui poursuit, mais c'est le citoyen qui aura à faire la preuve quand même.

Un deuxième point, c'est que de toute façon, ce recours possible va nécessairement avoir un effet dissuasif sur ceux qui pourraient polluer facilement l'environnement, puisqu'il n'y aura pas uniquement l'État qui pourra faire arrêter un pollueur

qui transgressera des lois, mais il y aura les citoyens qui pourront le faire.

Pour revenir à une affirmation du député de Saint-Hyacinthe, j'ai l'impression qu'il n'a pas lu le projet de loi dans son entier ou d'une page à l'autre. Il affirme que c'est un projet qui va centraliser davantage les pouvoirs entre les mains du ministre; c'est l'inverse. C'est beaucoup plus pour décentraliser les pouvoirs puisqu'on va jusqu'à la base et qu'on remet aux citoyens des responsabilités qui n'étaient retenues que par les mains du ministre auparavant. C'est donc dire que les six millions d'inspecteurs ne sont pas des citoyens qui vont devenir des inspecteurs au nom du gouvernement. Ce sont beaucoup plus des citoyens qui vont se sentir responsables chez eux d'être des inspecteurs via leur milieu de vie. Plus les citoyens ont des moyens d'être responsables, plus ils vont être capables d'être des citoyens de plus en plus qualifiés et soucieux de la protection par leurs propres actes eux-mêmes.

Je voudrais aussi faire remarquer que la décentralisation se voit aussi dans la régionalisation qu'on veut permettre au niveau des Services de l'environnement et que, de plus en plus, c'est une situation de décentralisation beaucoup plus qu'un objectif de centralisation. De toute façon, on y reviendra tantôt. Je revoyais dans les affirmations du député de Saint-Hyacinthe des détails ou des affirmations qui étaient vues dans les mémoires. On aura l'occasion d'entendre les intervenants qui vont nous apporter ces sujets sur lesquels nous pourrons répondre tantôt.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. le ministre. Avant de faire appel au premier groupe, j'aimerais aussi aviser les membres de cette commission qu'après l'Association des manufacturiers canadiens il y a Fer et titane que j'ai oublié de mentionner tout à l'heure.

J'appelle maintenant la Chambre de commerce de la province de Québec. Êtes-vous présents? On me signale que M. Louis Boudreau est responsable de la délégation. Si vous voulez, M. Boudreau, identifier votre groupe et identifier aussi les personnes qui vous accompagnent. Merci. (16 heures)

Mémoires

La Chambre de commerce de la province de Québec

M. Boudreau (Louis): M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres de la commission, mon nom est Louis Boudreau, de Québec. Je suis membre du bureau exécutif de la Chambre de commerce de la province de Québec. J'ai l'honneur de piloter la délégation de cet organisme qui vient aujourd'hui vous soumettre son mémoire sur le projet de loi 69 sur la qualité de l'environnement.

M'accompagnent dans cette démarche M. Louis Morel, administrateur de notre organisme et président de la Chambre de commerce de Sainte-

Foy, M. Otto Gubeli, docteur en chimie, professeur à l'Université Laval et président du Comité de la protection de l'environnement de la Chambre de commerce de Sainte-Foy, Me Francine Charbonneau, directeur du contentieux de notre organisme, M. Jean-Paul Létourneau, vice-président exécutif de la chambre.

Permettez-moi de vous souligner que la chambre, fédération regroupant environ 200 chambres de commerce actives au Québec, représente ainsi plus de 35 000 membres qui sont des hommes d'affaires, ainsi que 2500 entreprises commerciales et industrielles, lesquelles adhèrent directement à la chambre du Québec et l'appuient dans ses objectifs et son action. La chambre, constituée par une loi spéciale du Parlement fédéral, a pour objectif de favoriser le progrès économique, civique et social au Québec. Ses objectifs vastes à souhait permettent de situer l'intervention de la chambre devant vous ce jour.

Notre chambre se préoccupe de façon active de la qualité de l'environnement depuis une vingtaine d'années. Nous avons reçu avec plaisir votre projet de loi et nous sommes en général d'accord avec le principe de ces propositions. Nous déplorons, cependant, qu'encore une fois il ne soit pas accompagné d'un projet de règlement qui nous permettrait d'évaluer la portée réelle des intentions du législateur. Dans certains cas, par exemple les études d'impact, les règlements, lorsqu'ils seront présentés, constitueront en quelque sorte de la législation déléguée. Ceci n'est pas, à notre avis, une façon transparente et limpide de légiférer. De plus, il ne nous semble pas équitable que le gouvernement impose à l'industrie des normes et des délais sévères pour éliminer la pollution alors que lui-même ne consacre même pas assez de ressources à éliminer la pollution là où il est responsable pour rattraper le progrès du mal.

M. le Président, avec votre permission, je demanderai à notre vice-président exécutif, M. Jean-Paul Létourneau, de vous présenter notre mémoire avec beaucoup plus de détails.

M. Létourneau (Jean-Paul): M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres de la commission. Étant donné que notre document est relativement court, je vais en faire une lecture rapide. Je vous reporte à la page 2, paragraphe B.

La chambre situe son intervention à deux niveaux précis: la problématique qui devrait sous-tendre une législation visant à assurer une certaine qualité de l'environnement au Québec; et, deuxièmement, certains aspects techniques du projet de loi.

Définir et appliquer une politique d'assainissement et de protection de l'environnement constitue de nos jours un impératif et une des tâches prioritaires entreprises par la plupart des gouvernements.

Il ne s'agit certes pas d'une tâche facile. Mais c'est une tâche primordiale pour toute société qui reconnaît la nécessité de protéger son patrimoine et de le transmettre dans le meilleur état possible à la postérité.

Le gouvernement du Québec, comme tant d'autres, se penche actuellement sur la question de l'environnement et se préoccupe d'établir une politique générale de protection de l'environnement.

Les préoccupations du gouvernement se traduisent factuellement par le projet de loi 69.

Il est évident que la chambre ne peut qu'applaudir cette initiative du gouvernement.

Qui plus est, la chambre s'inscrit en accord complet avec le principe sous-jacent au projet de loi 69, soit protéger l'environnement et en maximiser la qualité.

Cependant, la chambre croit qu'il n'est pas suffisant d'adopter sans plan directeur et à l'improviste de l'empirisme quelques stipulations relatives à la protection de l'environnement. L'importance de l'environnement appelle et exige beaucoup plus que cela.

Le Québec doit se doter d'une politique de l'environnement qui accomplira un rôle double: assainir et protéger.

Cette politique doit présenter certaines caractéristiques précises: elle doit être complète, structurée, générale, planifiée sur le plan économique par la réalisation d'une analyse coûts-bénéfices, munie d'échéanciers permettant de parer au début aux situations d'urgence (ainsi la dépollution des réserves d'eau potable) pour évoluer par la suite vers les autres cas moins urgents, mais tout aussi problématiques, et prévoyant les normes à rencontrer en matière de pollution.

En fait, le gouvernement se doit d'élaborer et de rendre publique la politique québécoise en matière de protection et d'assainissement de l'environnement; il se doit, au sein de cette politique, d'expliciter tout particulièrement les grandes orientations, le contenu des principaux programmes ainsi que les échéanciers, les coûts et les modalités de financement.

Au niveau des structures, le gouvernement se doit également de mettre sur pied, dans le cadre d'une entente fédérale-provinciale, un mécanisme fonctionnel permettant de maintenir en application des normes d'amélioration de l'environnement et de répartir les coûts d'application de ces normes entre les deux niveaux de gouvernement. Ce mécanisme pourrait être semblable à celui qui était en vigueur en matière de rénovation urbaine.

Le gouvernement devrait également conclure des ententes avec le gouvernement des États-Unis pour l'application de programmes pour combattre la pollution de l'environnement.

Le gouvernement se devrait également d'adopter des normes minimales que tous devraient respecter en matière de protection de l'environnement. Il y aurait évidemment lieu d'adopter des normes reconnues tant au Canada que dans l'Amérique du Nord afin de simplifier au maximum l'application de ces normes. Cependant, ces normes ne doivent pas être supérieures aux normes existantes dans nos régions concurrentes.

Au niveau des moyens, le gouvernement doit coordonner et partager la responsabilité des gouvernements fédéral, provincial et municipal pour le financement des programmes de protection et d'assainissement de l'environnement dans le cadre de l'entente fédérale-provinciale précitée.

Le gouvernement doit aussi fournir aux services de la protection de l'environnement des ressources beaucoup plus substantielles tant sur le plan humain que financier, afin de leur permettre d'accomplir leur tâche adéquatement.

Le législateur doit également prévoir la perception de nouveaux revenus liés à l'utilisation proportionnelle des services d'aqueduc et d'égout par les municipalités, les industries et les commerces afin de faciliter l'établissement de services municipaux adéquats. La perception de ces nouveaux revenus doit respecter un principe spécifique. Le fardeau des coûts sur l'entreprise ne doit pas être supérieur au fardeau des coûts imposés dans nos régions concurrentes, sinon des coûts ajoutés en conséquence sur nos produits les rendraient non concurrentiels.

Au niveau de l'application de la politique d'assainissement et de protection de l'environnement, il y aurait lieu d'utiliser les pouvoirs des Services de protection de l'environnement pour assurer le respect des ordonnances émises, sous peine de sanctions assez importantes pour inciter les usagers à observer ces ordonnances.

En matière d'assainissement des eaux, il serait opportun d'établir immédiatement des normes minimales d'épuration, compte tenu des conditions locales et régionales. Il faudrait charger les Services de protection de l'environnement d'effectuer des prélèvements périodiques dans toutes les municipalités et d'en rendre publics les résultats; il faudrait de plus prendre les mesures nécessaires afin d'améliorer le traitement des eaux dans les municipalités où le besoin s'en fait sentir.

En matière d'assainissement du milieu, il serait opportun d'adopter des dispositions qui régissent l'exploitation des sablières, des gravières et des carrières afin de préserver les droits des citoyens et de protéger le milieu où ces exploitations existent. Il serait également opportun de nettoyer les abords des lacs et des rivières situés dans le voisinage des grandes routes.

Finalement, il y aurait lieu d'adopter des mesures incitant les villes et les municipalités à se regrouper pour traiter de la disposition des déchets. De plus, il serait opportun d'appliquer strictement les lois de la santé et les règlements concernant les dépotoirs.

Voilà, en ses grandes lignes, les différentes mesures qu'il y aurait lieu de prévoir au sein d'une politique globale d'assainissement et de protection de l'environnement. Il s'agit là, M. le Président, M. le ministre, d'une série de recommandations qui ont été adoptées par nos assemblées générales, au cours des ans, en matière d'environnement depuis plusieurs années.

Malheureusement, on ne retrouve pas toutes ces mesures au sein du projet de loi. Parmi les dispositions qu'on y retrouve, la chambre est d'accord au niveau du principe avec la création du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement et la création du droit à la qualité de l'environnement et à

la sauvegarde des espèces vivantes. De plus, ce projet de loi porte des stipulations relatives aux sablières et aux carrières qui pourraient permettre de protéger les droits des citoyens et d'assainir le milieu environnant (article 6) avec lesquelles nous sommes évidemment d'accord.

Ce projet de loi comporte également une disposition permettant aux municipal tés de se regrouper pour traiter de la question de la gestion des déchets (article 21), disposition qui a notre appui.

Il comporte de plus de nombreuses stipulations visant à protéger l'environnement pour l'avenir (exemple, articles 8, 9, 10 du projet).

Mais il ne comporte pas tellement de dispositions visant à assainir l'environnement et à réparer les dégâts déjà causés à l'eau, au sol, à l'air, à la faune et à la flore.

Il semble lui manquer une vision d'ensemble avec une planification des programmes, échéanciers, coûts qui permettront à tous d'entreprendre une démarche concertée pour assainir l'environnement.

Il ne traite pas de normes que les Québécois devraient respecter pour éviter la pollution de l'environnement. En fait, il avance des idées valables mais il est partiel.

Il ne prévoit pas de politique d'ensemble, de structures, de moyens de financement de l'assainissement et de la protection de l'environnement. Il n'aborde pas les mesures à adopter et à mettre en vigueur pour parer à certaines situations d'urgence: ainsi, l'approvisionnement en eau potable.

Cette loi, en résumé, est partielle et incomplète, et la chambre déplore cet état de fait.

La chambre entend résumer très brièvement ses commentaires face aux dispositions mêmes du projet de loi en ce qui concerne ses aspects techniques.

L'article 9 (31a et 31 i de la loi) du projet de loi nous amène à réitérer une de nos suggestions à l'effet que tout projet de réglementation s'oit déposé avant l'adoption du projet de loi. Cette suggestion nous semble se justifier à sa face même. Il est très difficile pour qui que ce soit d'apprécier la portée de certains articles d'un projet de loi, si le législateur entend les expliciter au sein d'une réglementation dont personne ne possède copie.

Ici, M. le Président, nous désirons introduire un petit amendement à notre texte, en y ajoutant le paragraphe qui suit:

La possibilité créée par l'article 39 qu'a ce projet de loi de permettre à toute personne d'intenter des poursuites pénales pourrait entraîner du harcèlement et des poursuites frivoles, par exemple en milieu agricole comme en bien d'autres cas.

Finalement, la rédaction de ce projet de loi est claire et précise, ce dont nous félicitons les rédacteurs.

En conclusion, la chambre ne désire que réitérer ses préoccupations face à la nécessité d'adopter au Québec une politique globale d'assainissement et de protection de l'environnement, et de prévoir et de consacrer l'ensemble des fonds nécessaires et de la mettre en vigueur le plus rapidement possible. Déjà la pollution a gagné beaucoup de terrain au Québec. Il nous faut l'enrayer alors qu'il en est encore temps. Demain, ce sera plus pénible et plus cher car on ne doit pas se leurrer; tout ce mémoire traite d'une législation visant à améliorer l'environnement et des modalités d'administration d'un problème, soit la pollution de l'environnement. Mais la pollution comme problème grandit constamment de jour en jour.

En effet, seulement dans le domaine des eaux usées municipales, la somme totale qu'on se devait de dépenser pour assurer l'épuration des eaux était de l'ordre de $3 milliards en 1977. Ici, il y a une note au bas de la page. Je suggère qu'on corrige la référence à l'organisme auquel on fait allusion sous le sigle AQTE: c'est l'Association québécoise des techniques de l'eau. Le gouvernement du Québec annonce cette année la création d'un programme d'assainissement des eaux usées municipales, grâce auquel les gouvernements provincial et fédéral verseront conjointement aux municipalités la somme de $144 millions. Cette somme défraiera 90% des coûts de construction, de réfection, d'amélioration et d'assainissement des équipements de traitement et de 60% à 90% des coûts de réfection des réseaux d'égouts et de construction d'intercepteurs domestiques, selon les coûts d'épuration et de l'évaluation totale normalisée. Soyons généreux, et présumons que ces $144 millions pourront servir à exécuter des travaux d'une valeur globale de $200 millions, compte tenu que ces $144 millions iront à des travaux subventionnés à 90% ou à 60%.

Lorsqu'on a dépensé $200 millions par année sur un programme qui s'évalue au minimum à $3 milliards, on n'a même pas rattrapé l'augmentation du coût du problème due seulement à l'inflation, sans parler de l'augmentation du coût de résolution du problème due à l'augmentation naturelle de la population. Et ces chiffres ne concernent que l'épuration des eaux usées municipales. On ne tient pas compte du secteur industriel. De plus, on n'a pas encore considéré les sommes requises pour enrayer et faire face à la pollution de l'air et du sol tant dans les secteurs municipal qu'industriel. Lorsque nous soulevons ce cas spécifique, M. le Président, M. le ministre, c'est pour illustrer comment même le gouvernement qui dit exercer un rôle de leadership en matière d'élimination de la pollution a des difficultés à trouver les ressources nécessaires pour faire face au problème.

Si c'est difficile comme cela pour le gouvernement qui exerce ce leadership, imaginez-vous comment cela peut l'être pour les gens qui sont dans le secteur privé. C'est aussi difficile. Nous comprenons ces difficultés, nous savons la dimension très considérable du problème. Nous ne l'avons mesuré à ce moment-ci que dans le domaine de l'élimination de la pollution en ce qui concerne les eaux-vannes municipales, mais ce n'est qu'un aspect. Si on fait le tour au complet, il

y a sans doute d'autres milliards de dollars qui vont s'ajouter. Ce n'est donc pas un petit problème. C'est un très grand problème. Essayer de trouver toutes les ressources financières nécessaires n'est pas facile et nous voyons comment le gouvernement lui-même a de la difficulté à le faire. Si on veut régler le problème de la pollution, le gouvernement doit consacrer tout de suite les sommes requises pour arrêter la croissance du problème et gagner du terrain sur ce problème année après année. Ce n'est pas ce qui se passe actuellement. Toute autre façon de procéder: législation, programmes partiels à budget insuffisant ne seront que des écrans de fumée. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Léger: M. le Président, je voudrais dire combien j'ai été satisfait et heureux de l'attitude si positive qu'on voit dans votre mémoire avec des recommandations des plus adéquates. Je voudrais vous remercier de cet apport extrêmement important de cette contribution à la commission parlementaire. (16 h 15)

Je pense que le rôle ou l'objectif d'une commission parlementaire est justement d'aller chercher le plus d'idées ou de lumières auprès des gens qui vivent quotidiennement les problèmes et, à la lumière des renseignements que nous pourrons recueillir à cette commission parlementaire, nous pourrons améliorer ce projet de loi.

Je dois dire également que j'ai apprécié énormément l'appui que la chambre de commerce a présenté au ministère de l'Environnement, en lui suggérant d'avoir une augmentation d'effectif et une augmentation de budget. Je dois quand même vous faire remarquer qu'en deux ans nous avons augmenté de beaucoup le budget. Ce n'est pas encore suffisant. Nous avons aussi augmenté le personnel. Mais vous pouvez être certain que j'apporterai votre mémoire dans cette série d'arguments que je présenterai au Conseil du trésor et au Conseil des ministres pour aller chercher des budgets et du personnel supplémentaire.

Vous avez mentionné aussi plus loin de prendre une attitude plus exigeante pour trouver des revenus provenant des usagers, soit des industries, des commerces, des individus qui utilisent les services de l'eau, et d'avoir des revenus de ce côté-là.

Je voudrais répondre à cette préoccupation en répondant en même temps à une autre de vos préoccupations qui est celle du coût de l'assainissement des cours d'eau et de la dépollution des cours d'eau. Vous mentionnez que le coût total que nous avions mis de l'avant il y a un an concernant l'épuration des cours d'eau municipaux, cela se chiffrait aux alentours de $3 milliards. Je peux même dire que cela pourrait aller à $4 milliards si nous avions continué à envisager l'épuration des cours d'eau dans la même optique que les services de protection de l'environnement avaient évalué les solutions il y a quelques années.

Nous avons changé notre vision et nous avons plutôt axé les travaux de l'assainissement au Québec non pas sur de l'épuration comme telle, mais sur l'assainissement du cours d'eau réceptif, en termes d'usages à retrouver et à ce moment-là, en mettant une politique d'assainissement des cours d'eau par les bassins, et en tenant compte des pollueurs dans leur entier, c'est-à-dire autant le pollueur municipal, industriel que de l'agricole, en mettant l'accent sur les trois pollueurs en même temps dans un cours d'eau. En situant aussi les interventions dans des tronçons de bassins bien définis, comme étant les sources d'une charge polluante très importante, nous pouvons peut-être permettre une certaine liberté dans d'autres secteurs, dans d'autres tronçons du bassin, pour utiliser la force autorégénératrice du cours d'eau en enlevant les parties les plus polluantes pour s'assurer de faire des interventions directes et permettre aux cours d'eau de se régénérer par eux-mêmes et diminuer de beaucoup les conséquences polluantes.

Je m'explique. Auparavant, on n'attaquait la pollution et la dépollution municipale qu'à un endroit donné et, à ce moment-là, on diminuait la charge polluante du cours d'eau, mais on ne redonnait pas le cours d'eau comme tel aux citoyens. Mais en attaquant le problème au niveau des usages et en faisant intervenir les citoyens, en définissant les usages qu'ils veulent retrouver du cours d'eau, aussi bien un besoin de prise d'eau comme alimentation ou un besoin de baignade, de pêche ou de port de plaisance, de terrain de camping, ou simplement en redonnant à des sites biologiques importants la qualité nécessaire, on atteint des objectifs qui sont peut-être différents, complémentaires, mais qui déterminent le type de traitement qu'il faut donner. Ainsi, si nous attaquons dans un tronçon donné les trois pollueurs, à ce moment-là, ce qui est en aval va bénéficier de cette épuration que nous faisons en amont et le cours d'eau ayant une charge polluante moins forte, pourra, de lui-même, en aval de la place où nous sommes intervenus, redonner un cours d'eau qui retrouvera sa forme initiale.

Autrement, en ne diminuant qu'une partie des charges polluantes déversées par un des pollueurs, on ne faisait — un peu pour vous donner une image -comme dans une cuisine, à savoir que permettre de donner un peu d'eau plus propre dans un bassin d'eau de vaisselle qui est encore sale, cela ne fait que de l'eau de vaisselle un peu moins sale, mais on ne peut pas retrouver l'usage du cours d'eau.

Et c'est pour cela que les sommes d'argent que nous avons mises de l'avant, dernièrement, dans les projets que nous avons annoncés, qui se chiffrent à $144 000 000 pour la grande région de Montréal, je tiens à vous dire qu'on va atteindre, comme objectif et comme usage pour les citoyens, des résultats qui équivaudraient peut-être à dix fois plus que les sommes d'argent qu'on aurait mises aux mêmes endroits si on avait attaqué le problème uniquement en terme municipal. Pour répondre à la partie des sommes d'argent qui devraient être en revenus, nous sommes en train d'étudier, au niveau du ministère de l'Environnement, la possibilité d'un système de

redevances, de façon que tous les pollueurs, qu'ils soient industriels, agricoles, individuels ou municipaux, aient à défrayer un coût basé sur un degré de pollution qu'ils émettent, un coût de dépollution, ce qu'on appelle une redevance, qui n'est pas une taxe, puisqu'une taxe est tout simplement un montant d'argent que tout le monde doit payer, alors qu'un système de redevances, c'est uniquement les pollueurs qui le défraient, en fonction de la charge polluante ou du taux de pollution dont ils sont responsables.

Ces sommes d'argent nous permettront d'intervenir dans les bassins et de subventionner en même temps les pollueurs qui désireront dépolluer, et le grand principe, c'est que le pollueur doit payer mais que le dépollueur doit être aidé. On pourrait ainsi subventionner aussi bien les municipalités que les industries et les pollueurs agricoles, parce que dans un bassin donné, il ne faut pas créer ce que vous avez dit dans votre mémoire un peu plus tôt, et sur lequel je suis d'accord, il ne faut pas pénaliser la cible que nous avons choisie, les gens ou les industries qui sont à l'intérieur d'une cible, en comparaison avec leurs concurrents qui sont dans une autre région du Québec où on ne peut intervenir immédiatement, puisqu'on ne peut pas tout dépolluer en même temps.

Donc, en aidant et en subventionnant ceux qui sont à l'intérieur d'une cible, on permet de créer un équilibre envers les concurrents qui sont situés ailleurs et à qui on ne demande pas de faire un effort immédiatement. Mais comme tous les pollueurs ont à payer, cela créera un certain équilibre.

Or, c'est là-dessus que nous allons bientôt présenter un projet, d'ici quelques mois en tout cas, au Conseil du trésor du gouvernement, pour s'assurer que ces normes-là tiendront compte de toutes les implications au niveau de la concurrence économique.

Je voulais aussi vous féliciter sur le point suivant, quand vous parlez de donner beaucoup plus d'information aux citoyens, concernant les politiques du gouvernement ainsi que l'état de la pollution au Québec. Je voudrais aussi vous faire remarquer que, sur certains points, vous demandez qu'il y ait des règlements concernant les carrières et les sablières et concernant aussi le problème des dépotoirs ou des sites d'enfouissement sanitaire. Il y a déjà des règlements qui ne se retrouvent pas dans cette loi-là mais qui ont été publiés il y a quelques mois et qui sont appliqués actuellement, et il n'y a qu'un aspect qui est touché dans la loi actuelle concernant les carrières, c'est pour permettre au gouvernement d'exiger de ceux qui exploitaient une carrière de la remettre dans un meilleur état, un meilleur aménagement, pour que les gens qui ont subi des inconvénients pendant l'utilisation d'une carrière sachent que lorsque les exploitants d'une carrière ont terminé leurs travaux, ils la remettent en état pour le bien-être des citoyens qui ont eu des inconvénients, pour qu'ils puissent au moins dire: Plus tard, il va y avoir un aménagement très utile pour les citoyens.

Concernant aussi un autre aspect que vous avez mentionné, soit celui des règlements qui selon votre suggestion, devraient être étudiés pratiquement en même temps, ou du moins publies avant l'adoption de la loi, je dois vous dire que c'est une chose qui est assez difficile puisque c'est justement en étant à l'écoute, pendant une commission parlementaire sur une loi, qu'on obtient exactement le pouls des citoyens pour nous permettre de mettre dans les règlements qui sont quand même des applications pratiques des principes qu'on présente dans une loi ; il faut nécessairement entendre ce que les gens ont à dire avant de mettre dans un règlement l'aspect un peu plus pratique des moyens pour réaliser en détail les principes que la loi met de l'avant.

Il faut dire aussi qu'on ne tient pas à ce que le débat dévie, pendant la commission parlementaire, sur l'aspect de certaines dispositions du règlement, alors que ce que l'on veut régler, c'est la question des principes qu'on voit dans la loi.

Il y a aussi le fait que les règlements, quand même, vont être publiés dans la Gazette officielle et que tous les groupes intéressés, incluant le vôtre, auront l'occasion de nous faire valoir leur point de vue sur ces règlements, dès qu'ils seront publiés dans la Gazette, parce qu'un règlement doit être publié deux fois, une fois pour obtenir des mémoires des citoyens, et la deuxième, pour déterminer exactement la décision précise du gouvernement concernant ce règlement-là. Je pense que ces règlements nous permettront, puisqu'ils sont publiés, d'avoir la réaction du public autant que des organismes.

Je vais terminer, en tout cas, en ce qui me concerne, en vous félicitant de la qualité de votre mémoire, et je pense que je ne peux faire autrement qu'être très heureux et profondément satisfait devant le degré de conscience de la chambre de commerce vis-à-vis de l'environnement et votre compréhension du problème.

Je vous remercie encore.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, le ministre a échappé un mot tantôt et mon attachement à la langue française m'oblige à lui poser une question. Est-ce qu'il a interviewé les cours d'eau pour savoir s'ils étaient réceptifs?

M. le Président, sérieusement, je voudrais, à mon tour, remercier la Chambre de commerce de la province de Québec et la féliciter de la qualité de son mémoire.

La question que j'aimerais poser, M. Létourneau, porte sur le paragraphe que vous avez ajouté et qui ne paraît pas dans le texte imprimé. Vous avez exprimé, au nom de la chambre, une certaine inquiétude quant à la multiplication possible des recours exercés devant les tribunaux. La question que j'aimerais vous poser est la suivante: Si une compagnie propriétaire d'une usine, disons — parce que c'est à ce genre de pollution que l'on a tendance à penser quand on envisage de telles interventions devant les tribunaux — respecte les normes qui sont décrétées dans la loi et les règlements et a donc respecté le calendrier imposé pour arriver en conformité avec ces normes, il me semble que tout ce que l'on aurait à craindre se-

rait des tracasseries, n'est-ce pas, une perte de temps, peut-être certains coûts — parce qu'il faudrait avoir un conseiller juridique pour défendre les intérêts de la compagnie — mais si, effectivement, la compagnie se trouvait en conformité avec les exigences de la loi et des règlements, y aurait-il d'autres inquiétudes que la chambre aurait devant cette perspective de l'élargissement de l'accès aux tribunaux, élargissement pour rendre cet accès disponible à tous les citoyens?

M. Létourneau: M. le Président, il n'y a pas que les projets nouveaux en voie d'être achevés ou d'être exécutés, il y a aussi les opérations courantes qui existent. Il y a les opérations qui existent et qui polluent. Nous reconnaissons qu'il y en a. Le ministre lui-même reconnaît qu'il n'est pas possible d'éliminer toute la pollution du jour au lendemain. Ceci doit être fait par étapes, et dès qu'il y a pollution, et Dieu sait si c'est facile de montrer qu'il y a pollution, parce qu'un homme, où qu'il soit, pollue son environnement. Alors, à partir de ça, il est facile de montrer qu'il y a pollution, à plus forte raison pour une entreprise; lorsqu'il y a une entreprise de fabrication, etc., à ce moment-là, il est facile de démontrer qu'il y a pollution et peut-être qu'on pourrait beaucoup plus facilement, avec ce projet de loi, intervenir et intenter des poursuites pour des choses qui existent et qui se conforment peut-être à un calendrier qui a été imposé par le gouvernement ou ne s'y conforment pas encore parce qu'il n'y a pas encore eu de réglementation ou de sanction gouvernementale pour dire qu'on doit diminuer le taux de pollution que crée cette activité. Alors, il sera, à notre avis, plus facile pour tout citoyen d'intervenir. (16 h 30)

Maintenant, il y a encore là des impondérables, compte tenu du fait que les règlements ne sont pas déposés, nous ne pouvons pas tout à fait juger jusqu'où ce sera possible. Nous craignons cependant beaucoup — et je reviens sur un point essentiel de notre mémoire — un déséquilibre. Le ministre a parlé beaucoup d'équilibre dans sa présentation. Nous craignons un déséquilibre entre les exigences que le gouvernement aura par rapport à lui-même, c'est-à-dire dans les domaines où il est responsable de l'élimination de la population... de la pollution — excusez-moi, ce n'était pas intentionnel; M. le ministre, cela m'a échappé — et ces exigences qu'il a pour le secteur privé. Nous craignons voir poindre là un déséquilibre, c'est-à-dire deux poids, deux mesures; exiger plus rapidement et être plus exigeant pour le secteur privé qu'on ne l'est dans les domaines où on est soi-même responsable, le gouvernement.

M. le Président, peut-être que notre conseiller, notre avocate pourrait ajouter à cette réponse qui devrait être plus juridique que celle que je viens de donner.

Mme Charbonneau (Francine): M. le Président, la question du représentant de l'Opposition visait le paragraphe qu'on a ajouté à notre mémoire et qui traite strictement des poursuites pénales. Comme vous avez remarqué, on n'a pas du tout traité la question des injonctions. Je pense que cela vise un but très précis. Lorsqu'on parle de l'injonction au civil, on trouve que c'est normal que tous les citoyens puissent s'en prévaloir puisqu'ils subissent un préjudice et ils ont droit aux réparations à ce moment. Les poursuites pénales, cela fait un petit peu double emploi, dans la mesure où, au civil, on a déjà réparé le préjudice subi. Au pénal, dans le fond, on fait strictement pénaliser l'entreprise pour une attitude répréhensible. Or, au pénal, pour faire émettre une sommation, il s'agit d'avoir une déclaration assermentée, il s'agit que le juge de paix constate qu'à sa face même, c'est bien fondé sur la foi de l'affidavit donné. Bien des sommations ont été émises alors qu'elles étaient frivoles, parce que le contrôle n'est pas suffisant. Or, effectivement, cela peut causer des tracasseries parce que cela demande les services d'un conseiller juridique, parce que cela fait perdre du temps et de l'argent, mais aussi, cela peut faire une fort mauvaise réputation à une entreprise parce que, normalement, on rend publique, l'émission de la sommation, mais on ne le fait pas si l'entreprise ou le défendeur a été acquitté.

M. Goldbloom: M. le Président, je suis heureux d'avoir posé la question, parce que les réponses ont fourni une lumière intéressante sur un aspect du projet de loi qui me paraît assez fondamental. J'aimerais poursuivre là-dessus pendant quelques instants seulement.

La chambre de commerce fait une distinction entre le recours à l'injonction et la poursuite pénale. Je pense que cette distinction est très utile, parce que, comme vous l'avez dit, si un citoyen se croit lésé et croit avoir la preuve d'avoir été lésé quant à ses droits, quant à sa santé, quant à ses biens, ce citoyen devrait avoir des recours comme citoyen. Quand on tombe dans le domaine pénal, il ne me semble pas exagéré de comparer la remise entre les mains de chaque citoyen individuellement d'un droit d'intervention à ce que les Américains appellent un "citizen's arrest ", l'arrestation par un citoyen.

Il me semble qu'en matière pénale, il y a — je m'excuse d'une expression qui ne tombera pas avec bonheur dans les oreilles du ministre — la couronne agit.

Une voix: Quelle couronne?

M. Goldbloom: C'est là où il me semble que nous devrons tirer quelque chose au clair au début de l'examen de ce projet de loi. De deux choses l'une, ou bien une usine, une source possible de pollution est en conformité avec les exigences de la loi et des règlements ou elle ne l'est pas. Si elle l'est, comme je l'ai indiqué dans ma question tout à l'heure, elle n'a à craindre que des tracasseries et possiblement une atteinte à sa réputation. D'accord. Si elle n'est pas en conformité, on arrive de nouveau devant un choix entre deux options: ou bien le gouvernement intervient ou bien il n'intervient pas.

M. le Président, je sais que vous n'aimeriez pas que nous passions les trois jours à poser des

questions au ministre, mais il me semble que celle-ci a une importance si fondamentale que je vous prie de me permettre de la poser. Si le gouvernement intervient, établit des exigences, les établit sur un calendrier, à l'intérieur de cette période de temps, sera-t-il permis ou non à un citoyen d'intervenir de son propre chef?

Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

M. Léger: Je pense que la question est très pertinente parce qu'il va falloir qu'on le clarifie; aussi bien le clarifier tout de suite. Nous avions l'intention de clarifier le point suivant. Tenons pour acquis qu'une entreprise est en conformité avec la loi. Il n'y a aucun problème; il n'y aura ni poursuite du gouvernement, ni poursuite d'un citoyen possible. Cela est clair. Si l'entreprise n'est pas en conformité avec la loi, il peut y avoir une poursuite soit du gouvernement, soit du citoyen. Le fait que le citoyen puisse le faire, c'est une aide très importante pour obliger les entreprises ou même d'autres citoyens à corriger rapidement leur situation. Mais, si c'est une entreprise qui est en train de corriger son système qui pollue et qui a un calendrier avec un échéancier pour le réaliser en dedans de tant de temps, dans la loi nous apporterons les amendements, si cela n'est pas assez clair, pour qu'il n'y ait pas de possibilité de poursuite par des citoyens contre une entreprise qui est en train de réaliser son programme ou de s'installer un équipement qui permettra de respecter le règlement à la date qui a été prévue dans l'entente. Je pense que cela clarifie ce point-là.

Il y a un autre point quand même — je veux en profiter — sur le même sujet concernant les exigences quant au déséquilibre possible, selon ce que disait M. Létourneau tantôt, entre ce que le gouvernement se permet de faire avec ses propres intervenants — des ministères comme les Transports, l'Hydro-Québec ou des sociétés paragouvernementales — et les exigences demandées à une entreprise privée. La meilleure façon de s'assurer qu'il y ait un équilibre là-dedans, c'est que le citoyen peut être réellement celui qui va s'assurer qu'autant le gouvernement que l'entreprise privée respectent les normes de l'environnement. Puisqu'il est témoin, il ne pourra pas y avoir de privilège que le gouvernement ferait à ses propres services puisque le citoyen, lui aussi, pourrait poursuivre un intervenant, qu'il soit privé ou public, qui n'agit pas selon la loi. Donc, je pense que c'est quand même une façon de s'assurer qu'il y aura un mécanisme qui va surveiller le gouvernement lui-même dans ses agissements.

Finalement, le point où on parle des poursuites pénales. Il ne faut pas oublier qu'il y a sept provinces au Canada où déjà le droit a été conféré aux citoyens d'entreprendre des poursuites pénales, dont l'Ontario. La peur de poursuites frivoles, je pense que c'est absolument une peur très très hypothétique puisque, en Ontario, ils ont ce même procédé-là de poursuites pénales pour le citoyen, et de 1971 à 1978, il y a eu à peine dix poursuites au niveau privé. Plus que cela, je pense que le système même britannique a donné depuis 500 ans le droit aux citoyens de poursuivre au pénal, droit qui a été enlevé au Québec en 1972 aux citoyens pour ne le donner qu'à l'État. Donc, c'est tout simplement dans le courant des choses qui existent ailleurs que nous permettons aux citoyens d'avoir le droit au recours pénal pour s'assurer qu'aussi bien les entreprises privées que publiques respectent les normes de la loi ou des règlements.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, je termine par une courte intervention. Le ministre a fait une déclaration qui clarifie beaucoup la perspective d'application du projet de loi que nous avons devant les yeux et je l'en remercie. Il reconnaîtra sûrement, en même temps, que dans le cas où un pollueur n'est pas en conformité avec les exigences de la loi et des règlements, et le gouvernement n'intervient pas et un citoyen intervient, c'est une critique assez sévère à l'endroit du gouvernement.

M. Léger: Oui, on est d'accord là-dessus puisqu'on veut associer les citoyens à la protection de leur milieu de vie. On sait que le gouvernement ou, tout simplement, le contentieux d'un ministère qui a la responsabilité du respect de cette loi, ne peut pas être partout à la fois et c'est pour cela qu'en associant les citoyens on est certain d'un meilleur respect de la loi. Je ne pense pas que ce soit un désaveu, c'est simplement qu'une machine gouvernementale est quand même lourde et que le citoyen qui vit le problème près de chez lui, qui voit que l'intervenant n'agit pas en conformité avec la loi et qu'il en subit des préjudices est le mieux placé pour le faire le plus rapidement possible.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: M. le Président, je dois également vous féliciter, messieurs de la chambre, pour l'excellent mémoire que vous avez présenté. J'aurais peut-être deux autres petites questions à vous poser. À la page 4 de votre mémoire, au deuxième paragraphe, vous dites: "Cependant, ces normes ne doivent pas être supérieures aux normes existantes dans nos régions concurrentes". Probablement que vous faites allusion aux provinces qui nous entourent ou aux États-Unis. Est-ce que, dans votre esprit, les normes ou le contenu du projet de loi actuel sont supérieurs à ceux des autres provinces ou sont plus restrictifs?

M. Létourneau: M. le Président, il est difficile de répondre à cette question avec le projet de loi seulement. Il faudrait, à notre avis, avoir la réglementation pour être en mesure de dire si cela va plus loin ou non que ce qui nous environne; c'est assez difficile à ce moment-ci.

M. Cordeau: C'est pour cela que, tantôt, vous

mentionniez dans votre mémoire que vous auriez bien aimé connaître un peu la réglementation future pour vous prononcer davantage.

M. Létourneau: Justement, les articles 31a et i donnent beaucoup de latitude. À la page 6 du projet de loi, vous voyez l'article 31a, et à la page 8, l'article 31i et, à la lecture de ces deux articles, vous allez voir qu'il y a une très grande latitude permise; c'est de la décision gouvernementale en matière de réglementation que viendront les réponses à cette question, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): D'autres questions, M. le député de Saint-Hyacinthe?

M. Cordeau: Oui, une autre question. À la page 5, dernier paragraphe, vous mentionnez que la chambre est d'accord, au niveau du principe, avec la création du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement et la création du droit à la qualité de l'environnement et la sauvegarde des espaces vivants. Étant donné que vous êtes d'accord sur le principe, est-ce que vous auriez certaines réserves quant aux pouvoirs accordés au bureau?

M. Létourneau: C'est fort possible. Encore une fois, tout dépend du pouvoir qu'on donnera exactement et comment on permettra l'utilisation de ce pouvoir. Me Charbonneau voudrait ajouter à cette réponse, si vous le permettez, M. le Président.

Mme Charbonneau: En fait, j'ai beaucoup de choses à ajouter et avant qu'on s'éloigne trop, je voudrais revenir à la question des poursuites pénales pour préciser deux choses. Primo, M. Léger nous dit qu'on n'a pas à craindre les plaintes frivoles parce qu'il y a eu en Ontario, où l'on a l'expérience des poursuites pénales intentées par les citoyens, seulement dix poursuites pénales intentées par ceux-ci. Alors, je vous avoue que j'en doute un petit peu parce que, s'il n'y a eu que dix poursuites pénales, quelle est l'idée d'introduire cette disposition dans la loi afin de mousser la participation du citoyen? (16 h 45)

Secundo, encore une fois, il y a une nuance entre l'injonction au civil et la poursuite au pénal. Dans la mesure où la poursuite au pénal est en fait un système de droit parallèle au criminel où on tend à prohiber une attitude répréhensible, je pense que cela appartient à la collectivité de poursuivre et, donc, au gouvernement en tant que représentant de cette collectivité et non pas aux citoyens.

Le Président (M. Laplante): Avant de donner la parole à M. le ministre, j'aimerais faire remarquer à votre groupe, à d'autres groupes qui sont dans la salle qu'il n'est pas coutume, ordinairement, que les témoins posent des questions de cette nature au ministre.

Mme Charbonneau: M. le Président...

Le Président (M. Laplante): C'est surtout dans l'information générale et à l'intérieur de votre mémoire que ces choses peuvent être marquées, mais j'aimerais, au préalable, laisser la liberté au ministre de répondre à cette question. Je vous demande d'être très prudent sur les questions que vous aurez à poser.

Mme Charbonneau: M. le Président...

Le Président (M. Laplante): En premier lieu, j'aimerais que réponse soit donnée au député de Saint-Hyacinthe pour ne pas faire du coq-à-l'âne.

Mme Charbonneau: Oui, au sujet des règlements, comme vous pouvez constater, on ne peut jamais répondre à la question parce qu'on n'a pas les règlements. Je pense que c'est important qu'on les ait pour que la commission parlementaire puisse vraiment tâter le pouls des gens qui comparaissent devant elle. Maintenant, M. le Président, j'aimerais m'excuser pour la question. Si vous permettez, je fermerais avec un point d'exclamation au bout de la phrase.

Le Président (M. Laplante): Mettons. Maintenant, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Ma deuxième question, concernant la formation du Bureau d'audiences publiques; en principe, vous êtes d'accord mais par contre aviez-vous certaines réserves concernant la réglementation? Vous voyez dans quelle position se trouvent les partis d'Opposition souvent pour adopter des projets de loi. C'est qu'on nous présente des projets de loi sans réglementation et on veut qu'on les applique. On désire qu'on les applique. Vous voyez là dans quelle position souvent nous sommes. Maintenant, vous avez fait allusion aussi tantôt à l'aide à apporter peut-être à des industries qui seraient déclarées polluantes. Peut-être que le citoyen va, à l'aide de ce projet de loi, présenter... De l'aide à apporter, je pense, aux commerces, de toute façon, concernant la pollution. Peut-être qu'à l'aide de ce projet de loi un citoyen va pouvoir poursuivre une industrie comme pollueur, tandis que le gouvernement ne l'a pas fait; l'industrie est peut-être en activité depuis 15 ou 20 ans et il ne s'est rien fait jusqu'à présent, cela a été toléré, enfin... À un moment donné, il va y avoir une plainte. Le manufacturier ou l'industriel peut être déclaré pollueur et être pénalisé. Ne trouvez-vous pas que le gouvernement, dans ces cas, devrait par un projet de loi apporter son aide à ces industriels afin de se soumettre à la loi, étant donné que pour la création d'emplois on accorde des subventions?

Pour conserver ces emplois, ne trouvez-vous pas qu'il serait à propos que le gouvernement aide également ces industriels à pouvoir améliorer leurs installations concernant la pollution?

M. Létourneau: M. le Président, encore une fois il nous est difficile de répondre par un oui ou par un non parce qu'il nous faudra connaître les échéanciers et la sévérité de la loi. Il se pourrait

que les demandes ou la réglementation ou la législation, les normes qu'on impose à l'entreprise soient comparables à ce qui se passe ailleurs et, à ce moment, je ne pense pas que nous demanderions de l'aide. Il se pourrait qu'on impose à des entreprises qui d'avance ont certaines difficultés dans le marché actuel des fardeaux nouveaux par des échéanciers assez rapides pour éliminer la pollution et, à ce moment, peut-être faudrait-il, étant donné ce fardeau additionnel, que le gouvernement intervienne par des mesures fiscales ou autres. Mais il ne nous est pas permis à ce stade de l'examen du projet de loi de dire à l'avance que nous en demanderons. C'est possible.

Le Président (M. Laplante): D'autres questions, M. le député de Saint-Hyacinthe? M. le député de D'Arcy McGee, d'autres questions?

M. Goldbloom: M. le Président, je voudrais d'abord vous demander très respectueusement une directive. Pourriez-vous m'indiquer quel est l'article de notre règlement qui empêche le témoin de poser des questions au ministre?

Le Président (M. Laplante): Le but d'une commission parlementaire, M. le député de D'Arcy McGee, vous en avez une plus vaste expérience que moi, c'est de questionner des groupes ou des individus, aujourd'hui, pour la loi 69, sur les propositions, le contenu d'une loi. Actuellement, ils ont eu toute la latitude voulue, à l'intérieur de ce projet de loi, de pouvoir s'interroger et de faire des recommandations. C'est le but d'une commission parlementaire d'aller chercher des recommandations, d'aller puiser de l'information dans le public.

Depuis deux ans que je préside des commissions parlementaires, et suivant les directives que j'ai reçues des autorités au sujet des coutumes d'une commission parlementaire, il n'y a pas de questions de cette nature qui se posent ordinairement au ministre ou à un membre de commission.

M. Goldbloom: M. le Président, il ne conviendrait point que je conteste votre décision. J'aimerais tout simplement exprimer un avis personnel quant à la théorie des commissions parlementaires. Je voudrais simplement exprimer l'avis que les citoyens, et les organismes que constituent ces citoyens, ont fort peu souvent l'occasion de rencontrer les élus face à face. Il me semble que la théorie du parlementarisme québécois implique un dialogue qui ne devrait pas être à sens unique. J'aimerais, M. le Président, mes paroles étant enregistrées au journal des Débats, que l'Assemblée nationale puisse un jour en discuter. Je répète que je ne conteste pas votre décision.

Il me semble que nous devons au moins profiter de la présentation des mémoires pour exprimer à haute voix certaines questions que nous avons à l'esprit. Un jour, le ministre finira par répondre. Il répondra certainement à l'Opposition lors du débat sur le projet de loi lui-même. Mais peut-être que l'Opposition n'aura pas pensé à toutes les questions. J'ai dit, au tout début de cette séance, que le rôle de l'Opposition c'est d'écouter les in- tervenants et d'épouser leur cause dans la mesure où elle juge qu'il convient de le faire, comme tout avocat pour un client.

C'est dans ce sens que j'énonce une question hypothétique. Pas hypothétique, non. C'est une question qui ne recevra peut-être pas sa réponse immédiatement. Il me semble important de savoir du ministre et, par son intermédiaire, des conseillers juridiques du gouvernement, si, après la déclaration qu'a faite le ministre sur le fait pour les Services de protection de l'environnement de conclure avec une compagnie une entente sur un programme, un calendrier des objectifs à atteindre, cela aura véritablement force de loi devant les tribunaux. C'est très important que nous le sachions et c'est très important, à mon sens, le ministre ayant fait la déclaration, que le texte du projet de loi — que nous allons revoir à la lumière de la déclaration du ministre — confirme, sans l'ombre d'un doute, qu'effectivement une telle entente aura, devant les tribunaux, force de loi pour empêcher des interventions qui pourraient être frivoles.

M. Léger: M. le Président, sur le point de règlement que soulevait le député de D'Arcy-McGee, je pense qu'on se comprend fort bien, et c'est ce que vous avez expliqué tantôt, c'est que les personnes qui viennent nous rencontrer ici ont toute latitude de poser des questions concernant le projet de loi comme tel, à l'intérieur du projet de loi, ainsi que les moyens qu'elles suggèrent pour atteindre les mêmes objectifs que la loi, et je pense qu'il n'y aura pas de discussion sur le fait qu'on ait empêché les gens de s'exprimer et sur le contenu de la loi et sur les moyens possibles pour les atteindre.

En ce qui me concerne, je n'ai pas objection à répondre aux questions qui me sont posées, mais je pourrais quand même clarifier le point dont vous venez de parler, c'est le fait que, dans la loi, c'était bien clair qu'il ne fallait pas mêler la possibilité de poursuite au pénal comme au civil, concernant les projets d'implantation d'entreprises, projets de développement qui requièrent un certificat et qui passeront par le processus d'études d'impact, d'audiences publiques.

Pour tout projet ou toute entreprise, gouvernemental ou privé, qui sera en train de passer à travers le processus d'études d'impact et d'audiences publiques, dans le but d'obtenir un certificat, il ne peut pas y avoir de poursuite au pénal par les citoyens là-dessus. Cela était clair dans la Loi.

Ce qui n'était peut-être pas aussi clair, c'était le fait, dans le cas d'une entreprise qui a déterminé ou signé un protocole d'entente avec le gouvernement pour s'équiper d'exigences ou d'équipement antipollution chez lui à l'intérieur d'un échéancier nécessairement, si ce n'est pas assez clair, de le remettre dans la loi pour s'assurer que ceux qui, de bonne foi, sont en train de réaliser un programme de dépollution de leur entreprise, ne pourront pas non plus être poursuivis, puisque, justement, on est en train de régler le projet.

Finalement, pour répondre à une question qui

venait soit de Me Charbonneau ou de M. Létourneau, je ne sais pas lequel des deux, on parle souvent de règlements qu'on ne connaît pas, sur lesquels on peut s'appuyer.

Il n'y a pas que le règlement qui va déterminer les titres de travaux qui nécessiteront le type d'études d'impact dont il est parlé dans le règlement qui compte, il y a tous les autres règlements qui sont en vigueur actuellement et qui doivent être respectés, aussi bien concernant le règlement sur les eaux embouteillées, les déchets liquides des entreprises de pétrochimie, des usines de béton bitumineux, enfin la série de huit ou neuf règlements qui existent déjà. Ce sont des règlements que les entreprises doivent respecter, aussi bien gouvernementaux que privés, et on peut dire que ces règlements-là ne sont pas plus sévères que ceux qui existent dans les autres provinces ou aux États-Unis et qui sont respectés ailleurs; nécessairement, ces règlements doivent être respectés et peuvent être assujettis à une poursuite au pénal ou au civil par des citoyens comme par le gouvernement.

Le Président (M. Laplante): Là-dessus, une courte réponse, monsieur?

M. Létourneau: Une très courte intervention, M. le Président. Suite à un échange entre le député de D'Arcy-McGee et le ministre tantôt, concernant cette histoire d'équilibre et de deux poids deux mesures que nous craignons, M. le ministre a répondu que sa façon à lui d'établir cet équilibre, ce serait la possibilité d'intervention du citoyen.

Je regrette, mais je pense que ce n'est pas suffisant. Nous ne sommes pas satisfaits de cette réponse, parce qu'il sera toujours possible au gouvernement d'établir des échéanciers différents pour les municipalités, pour les entreprises et pour le secteur privé, pour ce qui est du secteur public et du secteur privé.

Par exemple, il serait possible au ministre, au gouvernement d'étendre indéfiniment l'échéancier d'assainissement des eaux-vannes de la ville de Montréal et d'exiger très rapidement des entreprises qui jettent des eaux polluées à proximité de régler leur problème. Il serait possible au gouvernement de ne pas avoir d'exigences ou très peu pour un hôpital, une université par exemple, comme l'Université Laval, sur les émanations polluantes de la cheminée ici à Québec et d'avoir des exigences plus grandes pour une industrie qui est à proximité pour éliminer les mêmes émanations.

Il serait possible au gouvernement d'avoir des exigences très sévères pour une entreprise qui est à Trois-Rivières et d'avoir des exigences beaucoup moins sévères pour une entreprise qui est à Témiscamingue par exemple, parce qu'à cet endroit, il aurait lui, le gouvernement, des intérêts dans cette entreprise. (17 heures)

C'est ça que nous voulons dire, un équilibre. Quand on parle d'équilibre, nous voudrions que le gouvernement se discipline, tout au moins autant que le secteur privé, auquel il veut appliquer la loi et qu'il montre justement le leadership dont il parle.

M. Léger: M. le Président, je peux vous rassurer que la priorité dans les échéanciers de réalisation de travaux antipollution ne sera pas basée sur qui est le pollueur, que ce soit l'entreprise privée ou l'entreprise publique, mais ce sera la récupération des usages qui sera la marque principale. Si l'épuration des eaux de la ville de Montréal ne redonne pas des usages et que tel autre type de traitement redonne des usages, c'est ça qui aura priorité, et je peux vous dire quand même comme exemple que, concernant l'incinérateur de la CUQ ici, nous avons fonctionné le plus rapidement possible. Nous avons émis une ordonnance, aussi bien à l'Université Laval qu'à la Communauté urbaine de Québec, et je pourrais dire que, concernant même la pollution atmosphérique, les règlements qui doivent tenir de la Communauté urbaine de Montréal, nous allons mettre la pression pour que les responsabilités publiques, comme l'incinérateur de la Communauté urbaine de Montréal — je pense qu'il y avait peut-être ça derrière votre question — ne soient pas des obstacles à réaliser le projet parce qu'il y aurait une entreprise qui ne pourrait pas se conformer. Je pense que les entreprises publiques doivent se conformer aussi rapidement que les entreprises privées, tant que je serai là.

Le Président (M. Laplante): ... très courte, le temps est déjà dépassé.

M. Goldbloom: Très courte, M. le Président. Je déclare que je m'engage à poser, lors du débat sur le projet de loi no 69, la question suivante, qui est demeurée sans réponse: S'il n'y a eu que dix poursuites en Ontario, pourquoi le projet de loi est-il si important?

Le Président (M. Laplante): Sur ce, on vous remercie...

M. Léger: M. le Président, étant donné que...

Le Président (M. Laplante): ... M. Boudreau, M. Morel, M. Guibeli, Mme Francine Charbonneau et M. Létourneau.

M. Boudreau: Vous me permettrez, M. le Président, simplement de remercier les membres de la commission d'avoir entendu le mémoire de la chambre et nous repartons convaincus que l'essentiel de nos recommandations sera non seulement entendu, mais appliqué par le gouvernement.

Le Président (M. Laplante): Merci. J'appelle maintenant le groupe de General Motors du Canada Ltée, s'il vous plaît.

Maintenant, monsieur de la General Motors, si vous voulez identifier votre groupe et identifier les intervenants, s'il vous plaît, pour les fins du journal des Débats.

General Motors du Canada Ltée

M. Comtois (Pierre): J'aimerais d'abord vous présenter Paulette Charbonneau, relationniste pour le Québec ici à notre usine de Sainte-Thérèse, M. Jean-Pierre Décarie, ingénieur senior, également de notre usine de Sainte-Thérèse, Me Marie Mandeville, conseiller juridique pour la province de Québec, et je suis Pierre Comtois, conseiller au département des relations avec les gouvernements, de General Motors.

Avant de procéder, si vous le permettez, M. le Président, à la présentation de notre mémoire comme tel, nous désirerions préciser quelques points.

Nos commentaires n'ont pour but que de porter à l'attention du gouvernement du Québec quelques aspects des amendements proposés à la loi de la qualité de l'environnement qui ont soulevé l'intérêt de General Motors. Selon nous, ces amendements pourraient affecter tant l'opération de véhicules automobiles au Québec que celle de nos usines également situées dans la province.

General Motors étant membre de différentes associations, telles que la chambre de commerce, le Conseil du patronat et l'Association canadienne des manufacturiers, notre mémoire n'est, dans cette perspective et dans une certaine mesure, que complémentaire aux mémoires que ces différentes organisations ont soumis.

Les commentaires de General Motors ayant trait aux études d'impact sur l'environnement sont basés sur notre expérience dans d'autres juridictions où des lois similaires ont été adoptées. Ils ne doivent pas être interprétés comme étant un commentaire spécifique de General Motors sur les intentions éventuelles d'investissements au Québec.

C'est dans cette seule perspective, M. le Président, M. le ministre, que nous allons maintenant vous présenter notre mémoire, et j'invite M. Jean-Pierre Décarie à le faire.

M. Décarie (Jean-Pierre): Bonjour, M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, General Motors du Canada Limitée est heureuse de pouvoir faire part à la commission de ses vues sur les effets que pourrait entraîner le projet de loi no 69, Loi modifiant la Loi de la qualité de l'environnement. General Motors reconnaît et soutient le principe que toute personne a droit à la qualité de l'environnement et que les espèces vivantes qui y habitent ont le droit d'être protégées. Cependant, un tel but doit être atteint par la mise en place de mesures appropriées. Dans cette perspective, nous demanderions au gouvernement de garder à l'esprit les mesures instituées par l'industrie pour protéger l'environnement et d'envisager les répercussions que l'adoption et la mise en application des lois relatives à l'environnement peuvent avoir sur l'industrie et ses emplois au Québec.

Nous désirons donc faire part à la commission des préoccupations suivantes relativement aux amendements projetés à la Loi de la qualité de l'environnement. La loi accorde à un juge de la Cour supérieure, sur requête, le pouvoir d'émettre une injonction pour empêcher tout acte ou toute opération qui porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à l'exercice du droit d'une personne à la qualité de l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent.

Tout individu pourrait ainsi obtenir une intervention du tribunal à chaque fois qu'il y a atteinte de quelque façon que ce soit à son droit, et ce, sans tenir compte de l'intérêt ou avantage que la collectivité peut ou pourrait retirer des opérations d'une entreprise.

Ne serait-il pas possible de satisfaire les droits de chacun à la qualité de l'environnement en permettant que des plaintes soient déposées au bureau du ministre ou du Procureur général tout en protégeant les droits de la collectivité, en faisant appel au bon jugement du ministre quant à savoir si le remède de l'injonction est la mesure qui s'impose?

La loi soulève la nécessité de procéder à une évaluation de l'impact sur l'environnement de certains projets. Puisque les règlements ne sont pas encore disponibles, nous réservons nos commentaires à ce sujet, sauf si ce n'est pour souligner que l'exigence d'une étude d'impact détaillée pourrait signifier que nous devons procéder à une évaluation qui se poursuive pendant des mois ou des années. De tels délais rendraient difficile l'accomplissement d'un investissement au Québec dans un court laps de temps. En corollaire, nous croyons que la disposition relative à la consultation publique telle que proposée peut mener à un usage abusif du Bureau d'audiences publiques et sans pour autant fournir des renseignements utiles ou pertinents. C'est pourquoi nous sommes convaincus que le ministre a toute l'expertise voulue pour décider seul s'il est satisfait de l'étude d'impact et de la protection offerte à l'environnement. Si, toutefois, le gouvernement croit nécessaire de prévoir la tenue d'audiences publiques, nous vous suggérerions de les restreindre à des cas extraordinaires. Pour autant que l'émission du certificat d'autorisation est concernée, nous croyons que l'incertitude créée par les pouvoirs étendus conférés par cet article au ministre et au lieutenant-gouverneur devrait être contrebalancée par l'adoption d'une procédure d'appel dans les cas où l'on refuse l'émission du certificat.

Quant à l'émission des polluants par des véhicules neufs, nous tenons à souligner à la commission que la réglementation exige déjà la présence d'appareils de contrôle d'émission des polluants sur nos véhicules. L'uniformité au niveau national protège déjà l'environnement en établissant des niveaux acceptables d'émission tout en permettant de réaliser des économies de carburant raisonnables et moyennant un coût acceptable au consommateur.

Si les exigences actuelles relatives aux appareils de contrôle d'émission sur les véhicules vendus au Québec devaient être augmentées, il pourrait en résulter un niveau de prix comparativement plus élevé au Québec pour les véhicules automobiles, ainsi qu'une plus grande consommation de carburant.

Dans la loi, il est stipulé que dans la déter-

mination du montant de l'amende, le tribunal tient compte, entre autres, des revenus que le contrevenant a retirés de la commission de l'infraction et des revenus annuels du contrevenant. Il nous semble que l'ampleur de l'atteinte à l'environnement n'est pas nécessairement fonction de ces critères qui visent plutôt à punir un contrevenant selon son importance socio-économique plutôt que selon la gravité de son atteinte à l'environnement ou son intention malicieuse à ne pas se conformer à la loi.

C'est pourquoi nous suggérons à la commission de les remplacer par les critères suivants: à savoir, premièrement, les infractions dont le contrevenant a été précédemment trouvé capable ainsi que les mesures prises par le contrevenant pour réduire ou éliminer les possibilités de répétition de la contravention.

En ce qui a trait à la création d'infractions de responsabilité stricte, il nous semble que ces dispositions sont injustifiées. L'intention devrait être un élément essentiel de l'infraction. Par conséquent, cet article 109c pourrait être amendé en y incluant le mot "sciemment" aux endroits appropriés.

Les pouvoirs conférés au lieutenant-gouverneur en conseil relativement à l'adoption du règlement sont étendus. General Motors soutient qu'il est dans le meilleur intérêt du gouvernement et du public québécois de réaliser pleinement les effets que de tels règlements pourront avoir sur l'exploitation des industries au Québec ainsi que sur le fonctionnement des véhicules automobiles. À la suite d'une dernière analyse de la loi actuelle, il nous est apparu que la publication de projet de règlements autorisera une période de consultation minimale qui nous semble des plus nécessaires.

General Motors du Canada Limitée remercie la commission de son attention aux commentaires précédents et nous nous ferons un plaisir de répondre aux questions que la commission voudrait poser.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Léger: M. le Président, je veux vous remercier de l'intérêt que vous avez porté au projet de loi et de la présentation de votre mémoire. J'admets nécessairement que vous avez pu mal interpréter certains aspects de la loi puisque le règlement n'était pas publié. C'est pour cela que je veux en profiter aujourd'hui pour clarifier cette situation-là.

Premièrement, concernant les études d'impact préalables à l'octroi d'un permis ou d'un certificat d'autorisation permettant l'implantation d'une entreprise ou d'un projet de développement, ce sont nécessairement des études d'impact qui seront exigées pour des types d'entreprises qui vont amener des conséquences très grandes sur l'environnement et cela touche surtout des aspects tels que des digues, des barrages ou des contaminants provenant de compagnies de pétro- chimie, etc. Je ne présenterai pas l'ensemble des mesures, mais je veux vous assurer que le type d'entreprise que vous avez ne sera pas inclus dans les entreprises qui nécessiteraient une étude d'impact au préalable pour obtenir un certificat d'implantation. Je pense que cela peut vous rassurer sur ce côté-là.

L'autre aspect de votre mémoire, où vous parlez de la poursuite en injonction ou au pénal... Je peux vous assurer, comme on l'a dit tantôt à l'occasion de l'étude de l'autre mémoire, que ce n'est que pour des actions illégales. Donc, ce serait une entreprise qui ne respecterait pas soit une loi, soit un règlement, soit un certificat d'autorisation du gouvernement, qui pourrait être susceptible d'avoir une poursuite par des citoyens. Donc, toute entreprise qui respecte les lois, les règlements et son certificat d'entreprise ne peut avoir une poursuite d'un citoyen. Je veux en profiter pour répondre à la question que le député de D'Arcy McGee m'a posée tantôt puisqu'il va me la reposer régulièrement d'ici la fin. Aussi bien lui répondre tout de suite.

M. Goldbloom: C'est vrai.

M. Léger: Je tiens à vous dire que, nécessairement... La question, c'était concernant la... S'il n'y a eu que dix poursuites au privé, pourquoi faut-il donner quand même ce droit-là aux citoyens? C'est le principe même d'une soupape essentielle, permettant aux citoyens de le faire, qui est important. Le citoyen pouvant le faire, nécessairement, cela va certainement donner beaucoup plus de sagesse à ceux qui pourraient y contrevenir par des actes illégaux. Je pense que le citoyen devient, à ce moment-là, un gardien et c'est essentiel qu'on donne, derrière un droit fondamental, la possibilité d'avoir un recours à cela.

Maintenant, j'aurais quand même une question à poser à l'organisme qui est devant nous. Je pense que votre entreprise est implantée à Détroit, si je ne me trompe pas. Vous avez quand même une entreprise à Détroit?

Une voix: Oui, M. le ministre. (17 h 15)

M. Léger: Oui. Est-ce que, là-bas, vous avez eu des problèmes avec la loi du Michigan qui est exactement la même que la nôtre et qui donnait les mêmes droits aux citoyens et au gouvernement pour s'assurer que les entreprises à l'intérieur du Michigan respectent ces normes-là? Est-ce que vous avez eu des problèmes avec cette même loi au Michigan?

M. Décarie: Personnellement, je ne suis pas au courant, M. le ministre; peut-être que Me Comtois...

M. Comtois: En ce qui a trait à la situation de nos autres usines aux États-Unis et actuellement en Ontario, nous n'avons pas de problèmes majeurs, sauf que cela pose des problèmes au niveau des délais. Plusieurs de nos entreprises étant ins-

tallées depuis fort longtemps, les aménagements appropriés avaient déjà été accomplis à l'époque et, dans ce sens, on n'a pas de problèmes majeurs immédiats. En ce qui a trait, par exemple, à la province de l'Ontario, nous avons les mêmes craintes que des délais majeurs puissent être entraînés par des études d'impact et c'est dans ce sens-là qu'on fait nos représentations aujourd'hui même.

Naturellement, comme vous l'avez mentionné, la réglementation n'étant pas là, il nous est très difficile d'en juger, de prime abord, l'étendue. Les remarques de M. le ministre au sujet de ses intentions ou de la portée des études d'impact, naturellement, nous en prenons bonne note et nous en sommes fort heureux.

M. Léger: Donc, le fait que votre type d'usine ne serait pas inclus à l'intérieur du règlement qui demanderait que le type d'étude d'impact soit plutôt axé vers d'autres types que la vôtre, cela vous rassure de ce côté?

M. Comtois: Cela nous rassure... C'est l'étendue de l'étude d'impact. Le fait qu'on ait ou pas à soumettre une étude d'impact demeure quand même un fait mineur. S'il est besoin, pour l'implantation d'une usine, d'évaluer les conséquences que cela peut avoir sur l'environnement, je crois qu'il est de bon droit, en effet, de procéder à une certaine étude. L'étendue de cette étude est tout à fait essentielle et vitale.

M. Léger: Vous êtes sans doute au courant que votre entreprise a rencontré les hauts fonctionnaires de mon ministère et que les exigences, qui n'étaient pas les études d'impact comme telles, mais des études sommaires sur les conséquences environnementales, votre compagnie les avait trouvées très satisfaisantes. Donc, de ce côté, puisqu'il n'y aura pas de grosses études d'impact, cela ne crée pas pour vous un obstacle supplémentaire.

M. Comtois: Comme j'en ai fait la remarque au point de départ, nos commentaires sur les amendements proposés n'ont pas trait à nos intentions éventuelles d'investissement au Québec pour le moment: c'est dans un aspect plus général de commentaires sur la législation qui est introduite au Québec.

M. Léger: Vous êtes quand même au courant que votre entreprise à Détroit, au Michigan, a vécu depuis 1970 avec une loi qui permettait un recours en injonction, sans être limitée par des règlements, donc, aucune limite. Cela me ferait peut-être plaisir de vous citer ce que le gouverneur de l'État du Michigan a dit concernant justement les implications de cette loi qui existe depuis 1970 et je cite: "II n'y a eu aucune preuve que la loi de protection de l'environnement du Michigan ait entraîné la perte d'emplois au Michigan et jamais un établissement industriel n'a été forcé de fermer ou de déménager du Michigan suite à une poursuite intentée en vertu de cette loi." Et plus loin, le gouverneur Milliken de cet État industriel, de 8 millions d'habitants, affirmait ceci il y a un an et demi: "Je dois vous avouer catégoriquement que je ne tolérerai aucune tentative d'abroger notre loi de protection de l'environnement ou d'en compromettre les objectifs fondamentaux, parce que l'abrogation de cette loi constituerait, en effet, un recul en arrière dans la grande noirceur de l'irresponsabilité face à l'environnement. Notre loi de protection de l'environnement, comme le répète M. Milliken, gouverneur de l'État du Michigan, n'était pas une loi adoptée, comme certains auraient pu le penser au début, en réponse à une hystérie environnementale. Cette loi représente, en effet, une charte des droits de l'environnement pour les citoyens du Michigan. Lorsqu'elle a été adoptée, elle devint aussitôt le point de mire de la nation américaine, puisqu'en soi elle ravivait le feu même de la liberté en donnant à nos citoyens le droit de contester eux-mêmes devant les tribunaux toutes les formes de pollution de l'environnement".

Il terminait sur la phrase suivante: "La loi de protection de l'environnement est un cadeau précieux que cette génération a donné aux générations futures."

C'est donc dire que cette loi-là semble bien appréciée dans la région. Vous avez une grosse entreprise là-bas et, du fait que cela ne vous a pas nui, comme notre loi s'en vient de ce côté-là, je voudrais vous assurer que vous allez avoir un territoire qui va être bien accueillant pour une entreprise comme la vôtre.

M. Comtois: Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, j'ai rencontré le gouverneur Milliken au moins trois fois; il a toujours bien caché le fait qu'il parlait si bien le français.

J'ai une seule question, M. le Président. Elle se situe sur le plan légal, juridique. Comment les autorités de la compagnie voient-elles la responsabilité de General Motors dans le cas où un citoyen intenterait une poursuite contre un autre citoyen alléguant que la voiture de ce dernier était une source de pollution? Je m'explique. La compagnie fabrique la voiture, l'envoie de son usine vers un lieu où elle est mise en vente. Quelqu'un l'achète. Il y a une responsabilité qui incombe à l'acheteur quant à l'entretien de la voiture, mais il y a aussi des cas où des actions ont été entreprises contre des compagnies fabricantes de voitures avec l'accusation que cette fabrication était entachée de certaines imperfections.

Le fait qu'une telle loi, si adoptée, pourrait permettre à un citoyen d'intenter une poursuite contre un autre parce que la voiture de ce dernier semblait être une source de pollution, est-ce que cette éventuelle situation pourrait créer pour la compagnie un problème majeur? Est-ce une chose que craint la compagnie?

Mme Mandeville (Marie): M. le député, je me permets de répondre à cette question. Je pense qu'il y a peut-être deux points à regarder. Premièrement, si jamais l'appareil antipollution sur la voiture s'avérait défectueux, je pense que, d'après notre droit — on pourrait tout simplement procéder en mettant en cause la compagnie, ce qui se fait normalement dans le moment. Deuxièmement, si jamais la personne poursuit tout simplement parce qu'elle allègue qu'il y a pollution dans l'atmosphère, à ce moment, on pourra tout de suite se référer aux règlements qui vont sortir, et si on est conforme avec les règlements, je ne vois pas comment il pourrait y avoir un problème.

M. Goldbloom: Je parle sur le plan hypothétique évidemment. Mais je me pose des questions. Une voiture est fabriquée munie d'un convertisseur catalytique, disons, et l'entretien de ce convertisseur catalytique exige que l'essence sans plomb soit utilisée. Il me semble que l'on pourrait avoir un joli problème, à savoir établir une preuve si le convertisseur était de qualité défectueuse à la sortie de l'usine ou si le propriétaire avait effectivement utilisé quelquefois de l'essence contenant du plomb. Quand nous avons un tel projet de loi — j'exprime un commentaire un peu général, M. le Président — il me semble que nous ne devons pas avoir toujours à l'esprit la grosse usine qui peut polluer énormément. Il y a aussi les petits problèmes quotidiens qui peuvent se présenter et qui peuvent créer des difficultés quant à l'administration de la justice. C'est dans ce sens que je pose cette question.

Mme Mandeville: Je pense que nous serons prêts à aller témoigner comme experts si jamais cela devait se présenter sur le point de vue strictement légal.

M. Goldbloom: Vous ne m'étonnez point.

Mme Mandeville: Cela me fait plaisir. D'ailleurs, au point de vue ingénierie, je pense que vous pourriez répondre.

M. Décarie: Si tel était le cas, il serait assez facile en laboratoire d'analyser le catalyseur et de déterminer si le propriétaire avait utilisé de l'essence qui contenait du plomb.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Merci, M. le Président. Tantôt, la question que le ministre vous a posée était à savoir si vous aviez rencontré les hauts fonctionnaires de son ministère. Cela explique certainement la différence entre le mémoire que la commission nous a remis et ce que vous nous avez présenté aujourd'hui. Vous aviez certainement beaucoup plus de restrictions dans le mémoire que nous avons actuellement en main que dans le mémoire que vous avez présenté à cette commission. Peut-être avez-vous voulu en faire un résu- mé. J'avais l'impression que les autorités du ministère avaient répondu à vos objections.

J'ai une question à poser concernant les exigences actuelles relatives aux appareils de contrôle d'émission des véhicules vendus au Québec, qui devaient être augmentées. Est-ce que, lors de votre rencontre avec les autorités supérieures du ministère, on vous a assurés que les exigences ne seraient pas augmentées, ou, sinon, seraient comparables aux exigences des provinces nous environnant ou aux exigences des États-Unis?

M. Comtois: J'aimerais d'abord préciser quelques points, M. le député, M. le Président. Il n'y a pas eu, depuis la soumission de notre mémoire à la commission parlementaire, de rencontres avec les autorités compétentes et notre présentation de ce jour n'est pas tellement différente. Nous précisons que c'était notre intention première, que c'était relié aux amendements proposés à la législation et que ce n'était pas relié spécifiquement à des projets d'investissements au Québec. Notre perspective était là.

En ce qui a trait maintenant aux questions si oui ou non le gouvernement a l'intention de modifier, de faire des normes plus sévères que celles qui existent actuellement au Canada ou aux États-Unis sur rémission de polluant par les véhicules, à ce moment-là, la question devrait être adressée au gouvernement. Nous nous la posons également.

Est-ce que cela va entraîner un coût additionnel? Un État américain en particulier l'a fait et cela a entraîné un coût additionnel pour les consommateurs. La raison fondamentale de l'État de la Californie d'avoir procédé, c'était probablement que son environnement requérait ce genre de mesures draconiennes. J'espère que je réponds à votre question.

Le Président (M. Laplante): D'autres questions, M. le député de Saint-Hyacinthe?

M. Cordeau: J'aimerais que le ministre puisse expliciter sa pensée concernant ces exigences futures.

M. Léger: Je peux quand même faire une nuance, avant de répondre à votre question, concernant une affirmation que vous avez faite au début. Vous avez peut-être mal interprété ce que je disais tantôt. Je n'ai pas dit que j'avais rencontré ou que mon ministère avait rencontré les gens de la compagnie General Motors dernièrement. Si vous avez lu les journaux hier ou avant-hier, on mentionnait que la compagnie avait déjà rencontré mon ministère en date des mois de février et mars 1978. C'est à ce moment-là qu'ils avaient obtenu l'assurance concernant les études d'impact, de même que d'autres aspects des exigences environnementales. Cela fait donc déjà un certain temps et nous ne les avons pas rencontrés depuis ce temps.

Concernant la question du véhicule neuf et des appareils antipollution qui sont installés lors de la fabrication d'automobiles, c'est une exigen-

ce fédérale qui oblige le fabricant à doter une voiture d'un appareil antipollution. Le problème que nous avons au niveau provincial c'est le fait que très souvent des citoyens, d'eux-mêmes, décident d'enlever l'appareil de leur voiture ou que des vendeurs, simplement, l'enlèvent. À ce moment-là, on voulait tout simplement s'assurer que, du fait qu'un citoyen paie pour une voiture avec un appareil antipollution, il se doit, par la suite, de le conserver. Pour éviter qu'il ne l'enlève, nous faisons, par un règlement provincial et par cette loi, aux articles 50 et 51, l'obligation, autant à celui qui vend la voiture qu'à celui qui possède une voiture, de continuer à garder cet appareil, mais de la façon dont c'est formulé, c'est nécessairement basé sur les normes d'émanation de pollution possible par la voiture. Cela va être par un règlement. Je puis vous assurer que le règlement provincial va être en conformité avec le règlement fédéral, même si nous trouvons que le gouvernement fédéral lui-même aurait dû mettre des normes aussi sévères au Canada que celles qui existent aux États-Unis. Si le gouvernement fédéral décide de ne pas le faire, je ne suis pas, au niveau du gouvernement du Québec, pour pénaliser l'État du Québec avec des mesures plus sévères que pour le reste du Canada et ainsi défavoriser le Québec concernant ce domaine-là. (17 h 30)

Un autre point, je pense, qui est bien important — je n'ai pas répondu tantôt à une préoccupation des personnes qui nous rencontrent — c'est la procédure d'appel contre une décision du Conseil des ministres concernant un certificat faisant suite au processus d'une demande de certification pour faire l'implantation d'une entreprise ou un projet de développement quelconque.

Nécessairement, on a dit que le ministre de l'environnement voulait, par cette procédure, obtenir tous les renseignements concernant les implications de n'importe quelle entreprise sur les conséquences environnementales de ce développement qu'elle veut faire, avec une audience publique pour que les citoyens donnent leur point de vue, et, à la suite de cela, le ministre de l'environnement va soumettre au Conseil des ministres le point de vue environnemental, mais c'est l'ensemble du Conseil des ministres qui va faire l'arbitrage entre les autres préoccupations sociales du Québec, en plus de celles de l'environnement, pour donner le certificat.

C'est donc dire qu'une procédure d'appel contre le Conseil des ministres, il y en a toujours une à tous les quatre ans, c'est celle d'une élection, mais je ne pense pas qu'il soit possible d'avoir auprès d'un Conseil des ministres une procédure d'appel sur le plan légal.

Comme je vous assure, c'est simplement l'ensemble du Conseil des ministres qui prend la décision finale sur un certificat provenant de l'étude d'impact dans les gros projets et non pas dans les projets qui n'amènent pas autant de contribution dans le domaine de la pollution qu'une entreprise comme la vôtre.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Beauharnois...

M. Lavigne: M. le Président, il me fait particulièrement plaisir, lors de cette commission parlementaire, d'avoir la chance de rencontrer les représentants de la compagnie GM. Même si ces représentants viennent de nous dire qu'ils ne sont pas ici pour nous parler de futurs investissements au Québec, il n'en reste pas moins que je suis très sensible et très attentif quand même à tous les mouvements que la compagnie GM peut faire dans ce sens-là, parce qu'il semblerait que le comté de Beauharnois, si toutefois il y avait investissement, serait peut-être un comté choyé dans ce sens-là.

Moi aussi j'ai lu, bien sûr, avec toute l'attention que je devais y apporter, votre document, et j'ai été à première vue heureusement surpris. Je pensais que vous étiez pour nous en demander plus. Quand on le regarde finalement attentivement, vos inquiétudes peuvent être, à mon avis, estompées assez rapidement, dans le sens que pour les études d'impact, comme le ministre vous l'a dit tout à l'heure, je pense que le projet de loi 69 ne vous encombrera pas tellement dans le sens que le type d'industrie que vous seriez susceptible d'installer, soit ici ou ailleurs, ne serait pas touché par le projet de loi 69, dans le sens que ce n'est pas un type d'industrie qui pollue.

Dieu merci, je suis sensible aussi à cela, parce que vous êtes sans doute au courant que le comté de Beauharnois est un comté très industrialisé. On a chez nous des industries qui polluent beaucoup, et je pense que l'harmonie qui doit exister entre les usines, les municipalités et tous ceux qui ont à vivre dans une région ou dans un pays, tout cela doit être fait harmonieusement.

Je vous invite chaleureusement à venir vous installer. Je suis sûr qu'on pourra faire cela harmonieusement et je vous répète encore une fois que les études d'impact, je pense que dans votre cas ce n'est pas un problème. Je terminerais mon intervention dans le sens suivant. Est-ce que vous pouvez me donner la différence de temps qui existe entre une étude d'impact en Ontario, car vous êtes déjà implantés en Ontario, et des études d'impact aux États-Unis? Y a-t-il un écart considérable entre les deux?

M. Comtois: II est très difficile de répondre à cette question-là de façon à donner une expression de jour, de date ou d'année. En Ontario, c'est encore une loi assez nouvelle et les projets varient énormément; alors on ne peut pas comparer les projets et donner des années ou des chiffres spécifiques là-dessus.

Le Président (M. Laplante): Monsieur, vous avez une question complémentaire?

M. Décarie: Je voudrais ajouter une vérification faite avec l'ingénieur qui est responsable de l'environnement en Ontario, qui nous a dit que

jusqu'à maintenant, il y a une loi existante mais qu'on n'a eu aucune étude à faire. Absolument pas, cela n'a pas été appliqué.

Le Président (M. Laplante): M. le député D'Arcy McGee...

M. Goldbloom: M. le Président, j'ai la tentation de vous demander s'il y a un article de notre règlement qui porte sur la propagande de comté. J'allais aussi remercier le ministre d'avoir déclaré qu'il ne voulait pas que l'État du Québec soit davantage pénalisé, nous sommes déjà assez pénalisés avec le gouvernement que nous avons.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe?

M. Cordeau: ... je n'ai plus de questions.

Le Président (M. Laplante): Vous n'avez plus de questions.

M. Cordeau: Non.

Le Président (M. Laplante): Vu qu'il n'y a plus d'autres questions, ça termine... Vous aviez un mot à ajouter avant, M. le ministre?

M. Léger: Oui, je voudrais quand même qu'on clarifie un point bien important. Je pense bien que tout le monde est au courant que la compagnie General Motors, vit très bien au Michigan, et que c'est quand même l'État où sont les plus grosses usines de la compagnie General Motors. C'est pourtant là où l'on trouve le recours en injonction le plus large au monde pour les citoyens, en matière d'environnement. C'est donc dire que ce ne sera certainement pas l'environnement qui pourrait être un obstacle à n'importe quelle implantation d'une usine de votre entreprise au Québec.

Le Président (M. Laplante): Sur ce...

M. Cordeau: M. le Président, j'ai une très petite question, est-ce que je peux la poser? Est-ce que je peux revenir sur ma décision?

Le Président (M. Laplante): Oui, on va vous permettre, M. le député.

M. Cordeau: Tantôt, vous avez mentionné que vous étiez à faire des études d'impact en Ontario. Est-ce que vous êtes actuellement à en faire au Québec?

M. Comtois: Je me suis peut-être mal exprimé. En Ontario, il y a de nouvelles législations qui sont également là et on a des usines qui y fonctionnent. Il n'y a rien... Cela affecte nos usines actuelles.

Le Président (M. Laplante): Sur ce, merci, Mme Charbonneau, M. Décarie, Mme Mandeville et M. Comtois. Merci de votre... Pardon?

M. Décarie: J'aurais eu peut-être une petite précision à faire...

Le Président (M. Laplante): Allez-y donc, M. Décarie!

M. Décarie: ... au ministre Léger, relativement à l'importance de l'État du Michigan. Sur environ 165 usines existantes en Amérique du Nord, il n'y en a qu'environ une trentaine dans le Michigan, donc, c'est réparti.

M. Léger: Ce sont quand même de grosses usines que vous avez là. La ville de l'automobile, ce n'est pas pour rien qu'on appelle ainsi Détroit.

Le Président (M. Laplante): Je vous remercie. Maintenant, j'appelle l'Association des manufacturiers canadiens.

M. Léger: Je peux vous dire qu'on est prêt à en prendre 30 ici, au Québec, aussi.

M. Cordeau: Une dans le comté de Saint-Hyacinthe.

Association des manufacturiers canadiens

Le Président (M. Laplante): Pour les fins du journal des Débats, si vous voulez identifier votre organisme et identifier les personnes qui vous entourent? J'imagine que c'est M. Massé qui est le représentant du groupe.

M. Massé (Maurice): Je vous présente M. Hutten-Czapski...

Le Président (M. Laplante): Pardon?

M. Massé: M. Hutten-Czapski. Je vais l'épeler pour le journal des Débats. C'est H-u-t-t-e-n-C-z-a-p-s-k-i. Cela va?

En passant, M. Hutten-Czapski est aussi président de notre comité sur l'environnement de l'association, division du Québec.

Ensuite, je vous présente M. Guy Hurtubise, qui est un permanent de l'association à Montréal, et le colonel Berthiaume, qui est un représentant de la section de la Mauricie de l'association.

M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres de la commission, en présentant ce mémoire, la division du Québec de l'Association des manufacturiers canadiens reconnaît l'importance de la protection de l'environnement pour l'ensemble de la population même si, comme ce peut être souvent le cas, une législation à cet égard crée des contraintes additionnelles pour l'entreprise privée. Cependant, nous croyons que les mesures qu'on peut envisager pour protéger l'environnement ne peuvent être considérées en les isolant de leurs conséquences sociales et économiques. Il est évident qu'il ne faudrait pas poursuivre un projet de mesures législatives concernant l'environnement s'il comporte assez de conséquences sociales ou économiques néfastes

pour que, somme toute, son application aille à l'encontre de l'intérêt global du public.

Les commentaires que nous formulons au sujet de ce projet de loi visent à assurer que la loi et les décisions en matière d'environnement ne découlent pas de considérations uniquement centrées sur les questions d'environnement. C'est plutôt l'intérêt global de la population qui doit les inspirer. L'environnement et l'économie jouent un rôle important dans la qualité de la vie et on ne saurait considérer l'un sans l'autre.

Ainsi, il faut veiller à ce que la composition du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement reflète les divers intérêts en jeu. Il faudrait stipuler que le quorum de cet organisme soit d'au moins trois membres.

Dans cette optique, nous soumettons les observations suivantes à votre attention et nous essaierons de faire le point surtout sur une base de synthèse de notre mémoire. Je demanderais encore à M. Hutten-Czapski de faire sa présentation.

M. Hutten-Czapski: M. le Président, MM. les membres de la commission, l'Association des manufacturiers canadiens est tout à fait en accord avec les propositions de votre extension de la loi sur la qualité de l'environnement. Nous pensons que cette proposition est une extension logique de la loi et une modernisation en vue du développement dans le monde. Il y a quelques principes que nous voulons discuter et il y a quelques sujets particuliers que nous voulons vous faire connaître. En accord avec les principes de cette loi, nous pensons que c'est nécessaire qu'il y ait un règlement à savoir que ce soient seulement les actions vraiment nécessaires qui soient poursuivies. Que veut dire nécessaires? C'est de démontrer qu'il y a nécessité pour faire quelque chose ou quand il y a une grande probabilité de dommages. C'est seulement dans ces cas qu'il y a un règlement à faire. Le règlement doit être fait après une étude d'impact financier, social et général. Cela veut dire qu'il faut qu'il y ait un équilibre des avantages et des désavantages pour chaque décision réglementaire. Il n'est pas possible de faire des règlements pour chaque cas, chaque industrie.

Il faut aussi ajouter qu'il y a une possibilité de faire des négociations temporaires avant que les standards ne soient émis. Nous voudrions aussi faire le point sur le coût de ces études, lesquelles sont un bien grand fardeau pour les industries pour faire le meilleur choix de la solution technique. Ce sont les principes. Aussi, il y a un grand point sur lequel nous voudrions attirer votre attention, c'est la régionalisation des provinces. Il y a quelques endroits où la pollution ne laisse de désavantage, ne laisse de dommage. Il y en a d'autres dans lesquels il y a un grand dommage par une petite pollution. Pour cette raison et pour les raisons économiques, il faut que dans les régions où il n'y a pas de dommage, les règlements soient plus faciles que dans les régions où il y a des dommages. Ce sont les principes.

Pour les choses particulières, nous voudrions discuter des possibilités d'injonction par une personne sans tenir compte des conséquences sociales et économiques. C'est un point de grande importance parce que, dans chaque société, il y a plusieurs personnes qui voudraient être les ondes. Pour cette raison, il est peu possible qu'il y ait un grand dommage social pour les actions par une personne qui voudrait être un impact personnel. Nous pensons qu'il est mieux que cette action puisse être faite par les municipalités. C'est pour cela que les municipalités, groupant plusieurs personnes, sont mieux placées pour faire une injonction. (17 h 45)

Nous pensons que les droits de cette injonction pourraient être limités au cas où l'intérêt public global n'en souffrirait pas. Nous recommandons donc une nouvelle rédaction de l'article 19c comme suit: "La requête visée dans l'article 19b peut être faite par le procureur général ou tout conseil municipal, soit de leur propre initiative ou en réponse à une plainte de toute personne physique domiciliée au Québec qui fréquente un lieu à l'égard duquel une contravention est alléguée ou le voisinage immédiat de ce lieu".

Dans l'autre point, nous voudrions que la composition du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement reflète les divers intérêts en jeu. C'est pour cela qu'il doit être composé de représentants, pas seulement de l'environnement, mais aussi des industries, des commerces, de toutes les forces sociales qui sont en jeu particulièrement à la situation.

Aussi, il faut ajouter une certaine souplesse dans l'utilisation de ce mécanisme. On serait mal avisé de rechercher l'universalité dans ce domaine très complexe à cause des nombreuses variables que peuvent remporter les divers projets. Nous recommandons donc ce qui suit: Les deuxième et troisième alinéas de l'article 31c devraient être rédigés à nouveau afin que le pouvoir discrétionnaire du ministre de tenir ou de ne pas tenir une audience publique soit illimité.

De notre point, nous voudrions un service, que la protection des caractères confidentiels, des procédés, des chimies, des "trades", soit effectuée pour pouvoir être concurrents parce qu'il y a des choses que la compagnie ne veut pas divulguer pour des raisons financières.

Aussi, que la décision effective d'un projet soit prise par un comité des ministres et non exclusivement par les ministres délégués à l'environnement, pour faire un bon équilibre des avantages sociaux, des avantages de l'environnement.

Un autre point que nous voudrions soulever, c'est que la loi désignée ne prévoit pas le remboursement de la personne ou de la municipalité que le gouvernement aura désignée pour enlever les contaminants déversés.

Nous recommandons l'addition de deux alinéas à l'article 114a. Le premier devrait prévoir le rembousement immédiat, par le gouvernement, de la personne ou de la municipalité ainsi désignée.

Le second habiliterait le gouvernement à percevoir, de la personne ou de la municipalité éventuellement trouvée responsable dudit déversement, la somme dépensée afin de rembourser ladite personne ou municipalité qui aura effectué ce travail.

Cependant, plusieurs industries sont mieux équipées que le gouvernement ne l'est actuellement pour nettoyer les déversements nuisibles à l'environnement. L'article 115a devrait donc stipuler que le ministre ne devrait pas prendre de mesures pour faire effectuer le nettoyage si une telle action a déjà été entreprise de façon satisfaisante par le responsable de l'incident.

Aussi, dans la clause 43, nous pensons que le fonctionnaire habilité à saisir un produit lorsqu'il a raison de croire ", c'est dangereux dans le cas des denrées périssables. Cela doit être rédigé à nouveau.

Ce sont les points majeurs, les principes, les points majeurs particuliers que nous voudrions soumettre à votre considération.

En finissant, nous pensons que ce projet de loi est nécessaire et doit être utilisé avec quelques améliorations mineures.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. Hutten-Czapski. M. le ministre...

M. Léger: M. le Président, je voulais d'abord remercier l'organisme, l'Association des manufacturiers, de son mémoire et de son implication dans ce dossier. Je voudrais quand même poser quelques questions, émettre quelques petits commentaires.

Vous semblez mettre un peu en opposition une préoccupation environnementale avec le fait qu'il y a d'autres intérêts publics dont on doit tenir compte. Comment définissez-vous cette affirmation où vous dites qu'il ne faut pas avoir uniquement un comportement qui touche l'environnement? Vous dites, entre autres: "Les décisions en matière d'environnement ne découlent pas de considérations uniquement centrées sur les questions d'environnement". Que voulez-vous dire par là? Puisqu'un projet de loi environnemental touche l'environnement.

M. Hutten-Czapski: C'est un point de philosophie. À notre avis, l'environnement, c'est tout ce qui est autour de nous. Ce n'est pas seulement l'air pur, l'eau pure ou le bruit ou les radiations. C'est aussi notre bien-être. Je peux vous donner un exemple. Dans le pays d'où je suis venu, dans quelques régions de la Pologne, il y a une bonne pollution de l'air. Chaque printemps, on enlève des trottoirs quelques pouces de poussière, mais, dans cette région, la vie moyenne est de quinze années plus longue pour les personnes dans le luxe que pour celles qui n'ont rien à manger. C'est un point. Il y a une balance. Nous pouvons obtenir l'air pur, mais il faut payer pour cela. De temps en temps, il faut payer par la vie. C'est pour cela que nous pensons que l'environnement, c'est un complexe dans lequel il y a des choix à faire, les choix les plus logiques, les plus acceptables de la population.

Si vous demandez à la population de Silésie si elle veut obtenir un air pur pour le coût de diminuer la vie de quinze ans, la réponse est bien connue.

M. Léger: Mais, quand vous parlez des coûts économiques possibles pour une dépense environnementale, vous avez quand même à tenir compte du coût social que la collectivité devra payer si l'entreprise qui veut intervenir n'a pas cette préoccupation et s'il n'y a pas une loi qui l'oblige à tenir compte, dans le produit fini qu'elle a à vendre ou à donner ou à distribuer, du coût social causé par elle et non pas que la population ait à payer à même ses taxes le coût de la dépollution par la suite. Je pourrais peut-être vous renseigner sur un aspect qui m'a bien intéressé aux États-Unis où on s'aperçoit de plus en plus que les avantages économiques d'une politique environnementale amènent des dépenses qui se transforment en emplois. Dans une étude qui a été faite aux États-Unis, on a même calculé que le taux de chômage, en 1976, était de 0,4% plus bas grâce à des programmes environnementaux qui avaient embauché 400 000 personnes aux États-Unis. Donc, une préoccupation environnementale peut apporter beaucoup d'emplois, diminuer de beaucoup le coût social que la collectivité devrait payer pour que ce coût soit payé par celui qui, en retirant un profit plus tard pour son entreprise, a inclus dans le coût de sa production le coût de la protection de l'environnement qui devait être le sien.

M. Hutten-Czapski: M. le ministre, je suis tout à fait d'accord sur le principe du nettoyage de l'atmosphère et du nettoyage de l'eau. Mais il faut obtenir un bon équilibre. Les petits points font une grande différence. Je vais vous donner un exemple. Je travaille sur le problème de l'environnement dans le domaine de l'aciérie. Il y a un système de nettoyage. Vous dépensez $7 millions et vous obtenez une efficacité de 90%. Si vous voulez obtenir une efficacité de 97%, vous devrez ajouter encore $15 millions. Et après, lorsque vous ajoutez $15 millions, vous obtenez une situation dans laquelle, pour tourner les moteurs des ventilateurs, vous devrez utiliser l'énergie électrique. Cette énergie électrique, si elle est faite dans une usine qui brûle le charbon, doit polluer plus que vous gagnez ici.

C'est un point qui vous montre qu'il y a une petite balance; un point de demandes fait une grande différence. C'est pour cela que nous pensons qu'il faut, dans chaque règlement, une profonde étude pour obtenir la meilleure efficacité sociale de chaque règlement.

M. Léger: J'espère que ma réponse va vous satisfaire. L'équilibre entre la préoccupation environnementale et les autres considérations économiques, énergétiques, comme vous avez mentionné tantôt, va se faire au niveau du Conseil des ministres, qui regroupe les ministres concernés

par toutes les préoccupations d'un État, aussi bien économiques qu'énergétiques ou autres.

Donc, l'aspect environnemental va être apporté par la proposition du ministre de l'environnement au Conseil des ministres et les autres préoccupations vont être retenues par les ministres qui ont une vocation économique. Sur ce même aspect, vous mentionnez, dans votre rapport, la composition du bureau d'audiences publiques, où vous dites qu'il devrait y avoir des représentants du domaine économique.

Il faut quand même réaliser que l'objectif de la création du Bureau d'audiences est d'avoir un organisme qui va être à l'écoute des citoyens, aussi bien le promoteur ou l'entreprise que les citoyens qui vont être entendus lors de l'audience publique. Ainsi, l'arbitrage se fera parce qu'il y aura des spécialistes de l'écoute des citoyens et des entreprises, qui sont des fonctionnaires, et dont la tâche précise est justement d'aller voir les avantages et les désavantages, écouter les citoyens qui vont s'exprimer, comme l'entreprise qui va amener des arguments que vous avez donnés tantôt, d'où l'importance d'un Bureau d'audiences, de spécialistes à temps plein qui seront continuellement disponibles pour toutes les études qui seront nécessaires.

Je terminerais en vous disant quand même que vous voulez donner au ministre une sorte de pouvoir discrétionnaire de refuser ou d'accepter les études ou les audiences qui sont demandées. Moi je pense qu'on a mis l'accent sur l'aspect frivole d'une demande où le ministre peut la rejeter, mais il faut tenir compte que, comme les demandes d'audiences publiques vont être faites surtout parce qu'elles proviennent du secteur public, il faut donc les soumettre à des règles bien claires et définies, qui ne soient pas à la discrétion du ministre, mais que les gens sachent fort bien qu'ils peuvent le faire ou non, dépendant des normes qui sont clairement définies. Sinon, le gouvernement deviendrait juge et partie à ce moment-là et on ne pourrait pas entendre les préoccupations de gens qui vont subir cette déformation de leur milieu environnemental, d'où l'importance que le ministre n'ait pas ce pouvoir discrétionnaire. C'est la raison pour laquelle on a préféré mettre des normes claires et précises pour que tout le monde soit entendu.

Vous avez un dernier aspect, c'est la question de la confidentialité des rapports que les... Pardon?

M. Hutten-Czapski: ...

M. Léger: Des procédés vous voulez dire?

M. Hutten-Czapski: ... et aussi donnent des marchandises.

M. Léger: Là-dessus, c'est entendu qu'on n'est pas pour fournir des données publiques très très confidentielles, concernant un procédé particulier à une entreprise. On ne peut pas laisser la liberté à l'entreprise elle-même de dire des rensei- gnements qui seraient requis pour que la population sache les conséquences environnementales. C'est l'entreprise qui décidera si elle les donne ou pas.

M. Hutten-Czapski: M. le ministre, ce sont mes interprétations. Je pense que les renseignements doivent être donnés par l'entreprise, mais ils doivent être tenus confidentiels. Ils ne doivent pas être divulgués sans approbation. (18 heures)

Le Président (M. Laplante): Messieurs, il est 6 heures; est-ce que votre groupe serait prêt à revenir ce soir à 8 heures pour continuer?

M. Massé: Je ne crois pas qu'on ait grand-chose, à moins que les autres membres de la commission aient des questions à poser, sauf peut-être une remarque à faire, et je m'adresse en partie au député de Beauharnois et en partie au ministre.

Tout à l'heure, M. le député de Beauharnois disait qu'il y avait beaucoup de pollueurs dans son comté, mais...

Le Président (M. Laplante): Écoutez un peu, c'est parce qu'on est pris avec le règlement ici.

M. Massé: Très bien.

Le Président (M. Laplante): Cela prend un accord unanime des membres de la commission. Le ministre m'a informé qu'il a un rendez-vous à 18 heures piles. Est-ce que, si le ministre s'en va, vous êtes prêts à continuer cinq minutes pour libérer le groupe?

M. Léger: Si ce n'est que pour cinq minutes, je n'ai pas d'objection. Ce n'est pas moi qui dois partir, c'est la salle qui doit être disponible pour...

Le Président (M. Laplante): Bon! D'accord! Cinq minutes.

M. Massé: Je peux continuer ma remarque?

Le Président (M. Laplante): Oui, très courte, s'il vous plaît, monsieur.

M. Massé: Très courte. Tout à l'heure, le député de Beauharnois disait qu'il y avait beaucoup de pollueurs, sauf que dans l'entreprise privée, parfois, il y en a qui posent des gestes sans avoir de pression gouvernementale. Si je me souviens bien, à grands coups de frais, il y a eu $9 millions pour enlever une cheminée qui envoyait des émanations, par contre...

Le Président (M. Laplante): Je vous demanderais, monsieur, d'aller aux questions.

M. Massé: Oui.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee, vous avez une courte question aussi?

M. Goldbloom: Oui, très brièvement, M. le Président. Je suis heureux que le ministre ait abordé la question du caractère confidentiel de certains renseignements, parce que, même s'il y a, dans l'opinion publique, un certain désir de tout connaître, il me semble que nous avons un régime qui existe depuis très longtemps quant au caractère confidentiel de certaines données, de certains procédés dans le domaine industriel et que nous ne pouvons chambarder tout ce régime existant sans en examiner, en grand détail, les conséquences.

L'autre chose sur laquelle j'avais l'intention de poser une question a trait aux remarques que vous faites sur les articles 120a et 120d qui concernent la saisie de produits soupçonnés d'être la cause d'une contamination possible. Si je comprends bien, ce que vous proposez est surtout une rédaction plus précise. Comme dans le cas de l'article 120a, au lieu de parler d'un produit, vous aimeriez que la loi parle de l'échantillon d'un produit, pour que ce soit clair. Alors, je n'ai pas besoin de poser d'autres questions.

M. Massé: Oui, c'était exactement ça.

Le Président (M. Laplante): Le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Merci, M. le Président.

À la page 4 de votre mémoire, concernant la clause 9, l'évaluation des impacts sur l'environnement de certains projets, vous avez écrit: "Toutefois, afin d'éviter les pièges auxquels a donné lieu une législation analogue ailleurs, on devrait tenir compte de ce qui suit:..." Pourriez-vous nous indiquer de quelle loi il s'agit et à quel endroit? L'avant-dernier paragraphe, à la fin du paragraphe.

M. Hutten-Czapski: Je dois lire la loi premièrement. Je ne peux pas vous donner la réponse tout de suite, je vais vous répondre ensuite. D'accord?

M. Cordeau: D'accord.

Le Président (M. Laplante): D'accord. M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Si vous me le permettez, M. le Président, je ne voudrais pas me substituer à vous, mais je laisserais la parole à M. l'intervenant qui voulait me parler tout à l'heure de mon comté. Il n'y a rien que j'aime mieux que cela.

Le Président (M. Laplante): Vous avez trente secondes, monsieur.

M. Massé: Trente secondes. Je vous ai expliqué tout à l'heure que vous faisiez état du fait que l'entreprise privée dans votre comté n'avait peut-être pas prévu des dépenses assez substantielles pour enrayer la pollution. Par contre, il y a une entreprise dans votre comté qui a fait cela, qui a fait disparaître une des cheminées à un coût de $9 millions, et à la fin, sans peu de retour financier. Si je me souviens bien, M. le ministre, à l'inauguration de ce système de dépollution, avait certainement encouragé l'entreprise privée à y aller peut-être avant qu'il n'y ait une loi. C'était simplement pour faire une petite correction à ce que vous disiez.

M. Lavigne: M. le Président, vous me permettez de passer quelques réflexions sur ce que monsieur vient de souligner. Effectivement, je sais à quelle usine ou compagnie vous faites allusion. Il s'agit de la compagnie Chromasco, cela me fait plaisir de la mentionner ici — qui est vraiment attentive à l'environnement et qui a donné un effort financier, comme vous le dites, de $9 millions pour remplacer une cheminée qui polluait d'une façon épouvantable la région de Beauharnois par un système antipollution qui aujourd'hui récupère trente tonnes de poussière par jour. J'en suis fier et je souhaite que, dans le plus court laps de temps possible, les autres compagnies du comté de Beauharnois et de tout le Québec, et même du monde entier, pensent de la même façon et arrivent à substituer à leur pollution des systèmes antipolluants.

Le Président (M. Laplante): Sur ce...

M. Goldbloom: M. le Président, il faudra que vous me permettiez de partager la satisfaction du député de Beauharnois, parce que je suis celui qui a lancé le processus qui a mené à la dépollution de cette usine.

Le Président (M. Laplante): II me reste à remercier M. Hutten-Czapski, M. Hurtubise, M. Berthiaume et M. Massé. Je m'excuse de pousser un petit peu.

Sur ce, les travaux sont ajournés à huit heures, mais on change de salle à huit heures. On sera à la salle 81-A en bas, à la droite de la porte du sauvage.

(Suspension de la séance à 18 h 8)

(Reprise de la séance à 20 h 12)

Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous plaît!

On ne peut pas inscrire les rires dans le journal des Débats.

Reprise des travaux de la commission de la protection de l'environnement pour la réception des mémoires sur le projet de loi 69.

J'appelle maintenant le groupe Fer et titane. Bonjour, messieurs. Si vous voulez identifier votre organisme et les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Fer et titane du Québec

M. Duchesneau: M. le Président, mon nom est Jules Duchesneau, avocat à Montréal. Je suis

associé au bureau de Courtois et Associés et je représente ici Fer et titane du Québec. Je suis accompagné, ayant l'honneur de les représenter aujourd'hui devant votre commission, de M. Richard Geren, ingénieur préposé à l'environnement chez Fer et titane, ainsi que de son adjoint, M. Roland Courtemanche, ingénieur des projets affectant l'environnement chez Fer et titane.

M. le Président, M. le ministre, messieurs les députés, nous avons déjà produit un mémoire dont vous avez sans doute pris connaissance. Vous allez sans doute le lire attentivement et prendre bonne note des remarques qui y sont contenues; je voudrais que vous sachiez qu'elles ont été portées, pensées et couchées de façon constructive et j'espère que vous saurez les apprécier dans ce sens-là.

Par contre, je serais malvenu, M. le Président, de vous lire tout simplement le mémoire; cela serait trop facile. Ce que je voudrais bien faire, c'est vous présenter mes remarques sur trois volets; le premier volet, les délais indus, croyons-nous, qui résulteraient de l'application de certaines dispositions de la loi; deuxième volet, les injonctions et, enfin, une question, si cela nous est permis après les remarques de cet après-midi, traitant d'un aspect un peu cocasse et particulier des engagements préalables à un certificat d'autorisation. Nous y arriverons tout à l'heure.

D'abord, qui est Fer et titane? Ma cliente exploite une mine d'ilménite à Tio, c'est près de Havre-Saint-Pierre; elle embauche là-bas environ 350 employés. Une fois le minerai extrait, il est expédié par bateau à Tracy, près de Sorel, que tout le monde connaît, et là, à son usine, elle transforme ceci en fonte, en scories et en poudre de métal. Ceci, depuis 1949, M. le Président. Alors, on sait tous que, vers les années 1949/50/51 et après, il n'y avait aucune législation qui existait traitant de l'environnement et de la pollution. Alors, on ne peut pas blâmer ma cliente si, dans le passé, elle aurait pu polluer. Elle le reconnaît. D'ailleurs, elle le reconnaît tellement que depuis 1972, avec les pressions et surtout les bons offices du Service de protection de l'environnement, compte tenu des compétences que nous reconnaissons à ce service à tous les points de vue, au point de vue ingénierie et au point de vue compétence légale — d'ailleurs, nous connaissons bien les gens de ce service — nous avons réussi, par le passé, à pouvoir mutuellement tirer profit de nos discussions à un point tel, M. le Président, que depuis les derniers six ans, depuis que les lois ont été adoptées, même avant l'adoption des règlements que vous allez sous peu nous révéler, ma cliente a dépensé, pour remédier à la situation qui était incontrôlable quant à elle, tout près de $20 millions.

Ce ne sont pas des sommes sans importance. Je peux vous dire que lorsque nous nous présentons devant vous aujourd'hui, vu qu'on parle pollution, c'est avec des mains très nettes. D'ailleurs, on parlera de mains nettes en parlant d'injonction. Ceci étant dit, notre première remarque, avons-nous dit, traiterait des délais indus pouvant résul- ter des dispositions dont traite le projet de loi. Sans entrer dans les détails, il y a deux aspects particuliers. D'abord, la création d'un bureau des audiences publiques avec, M. le Président, tout ce qui pourrait en découler. Je peux facilement concevoir que lors d'un projet d'une certaine envergure et lorsque le bureau siégerait sur l'avis du ministre, à ce moment, on peut entrevoir toutes sortes d'organismes plus ou moins intéressés, M. le Président, qui formuleraient des interventions, et de cette façon, les débats traîneraient éternellement.

Cela épuiserait un temps incalculable, et à quel profit? Nous avons déjà, M. le Président, le Service de protection de l'environnement qui existe. Ce service fonctionne et c'est pour cela que j'ai mentionné tout à l'heure, que nous avons fonctionné très bien, Fer et Titane, avec le service, par le passé, pour établir des normes, établir des façons de procéder, remédier à des situations qui s'avéraient intolérables. Ce que nous voulons tout simplement dire, c'est que les mécanismes existants avec la loi existante, avec les pouvoirs qui sont accordés au directeur et à ses adjoints, avec les compétences qu'on reconnaît et qui sont reconnues à ce service sont, selon nous, plus que suffisants pour répondre aux besoins, encore là, qui sont évidents dans notre société contemporaine, de contrôler, de surveiller l'environnement. Je crois, M. le Président, que les moyens que nous avons là suffisent.

Parlons maintenant, si vous voulez, d'études d'impact sur l'environnement automatique. Ce que nous entrevoyons, c'est lors de projets d'envergure qui ne sont pas encore définis, parce que le règlement n'existe pas, lors de ces études d'impact... Encore là, M. le Président, l'expérience d'ailleurs démontre que cela prend un temps incalculable. Cela ne finit jamais. Une entreprise qui veut s'améliorer ou prendre de l'expansion, ou encore s'installer, ou faire de nouvelles installations, comment voulez-vous qu'elle puisse sérieusement envisager aujourd'hui, en 1978 ou 1979, ou par après, de venir au Québec?

L'expérience nous démontre que toute cette accumulation, toute cette multiplication, cette multiplicité de séquences ne font que retarder et, malheureusement, empêcher des réalisations. Lorsqu'une entreprise, comme ma cliente, veut s'installer — elle s'installe ailleurs aujourd'hui, par la force des marchés et tout — qu'elle veut effectuer une installation très importante, une nouvelle installation au Québec, croyez-moi, M. le ministre, elle a plusieurs considérations à examiner.

Premièrement, son financement. Lorsqu'on parle de dizaines et de centaines de millions de dollars d'investissement, l'investisseur doit, évidemment, aller chercher de l'argent sur les marchés de l'argent. Il doit savoir quel intérêt il va payer, le délai avant que soit implantée l'entreprise, le délai entre la pensée et l'exploitation de l'entreprise. Cela prend habituellement deux ou trois ans. Mais s'il s'avère que des délais indus et incalculables — c'est là que j'insiste, sur le mot incalculable — vont arriver, l'entreprise va y penser

deux fois. Il se pourrait, M. le Président, qu'avant que ne soient arrivés les délais de la mise en activité de la nouvelle entreprise ou de l'entreprise améliorée le marché soit déjà parti chez un concurrent, dans un autre endroit.

Nous ne voulons pas prétendre — ce serait ridicule — qu'on ne doit pas respecter les normes de l'environnement, mais nous répétons que les mécanismes existants, qu'on connaît très bien et avec lesquels nous avons su vivre de façon honnête, en tant que bons citoyens, sont suffisants.

Nous ne voulons tout simplement en avoir les mains nettes. On ne vient pas ici tenter d'obtenir une situation privilégiée ou favorisée. Nous avons notre expérience, ici au Québec et ailleurs, ma cliente étant une filiale d'une entreprise de grande importance aux États-Unis, une internationale, c'est un mot qui existe.

À ce moment-là je puis vous dire que dans d'autres États la situation au point de vue des délais d'obtention d'autorisations et de permis, devient intolérable pour ces entreprises-là.

J'ai remis à M. le Président, avant l'ouverture des débats, un extrait tiré du Business Week du 11 septembre 1978, n'est-ce pas M. le président? J'ai demandé de le distribuer à vos collègues ici en commission et vous allez voir, messieurs, à la page — il faut que je mette mes lunettes, M. le président — 55, à gauche, qu'on parle de "one-stop permit to woo new industry". Malheureusement M. le ministre, je n'ai pas vos facilités de traduction instantanée, alors je dois traduire de façon très libérale. Mais on s'aperçoit, à la lecture de ce document — ce n'était pas voulu, M. le Président...

M. Proulx: Soyez guidé par la main de Dieu... Une voix: C'est à vous d'être prudent...

M. Duchesneau: ... Alors on dit ici "one-stop permit to woo new industry"; on continue à la page 166, "one-stop to do at all". On s'aperçoit à la lecture du document qu'aux États-Unis, il existe aujourd'hui une concurrence entre États américains pour s'enlever la future clientèle des industries en tant que nouveaux citoyens investisseurs.

On voit que l'État de la Géorgie, par exemple, fait tout ce qu'il peut pour ramasser dans un seul organisme tout ce phénomène de multiplicité d'obtention de permis et de tout ce que vous voulez.

On voit qu'en Californie, par exemple, des compagnies, la Dow Chemical et La Standard Oil, ont dû annuler des investissements de plusieurs milliards parce que cela faisait deux ans et demi que cela traînait devant les différents organismes qui sont l'équivalent de ceux qu'on voudrait proposer aujourd'hui. Elles ont annulé leurs investissements et leurs réalisations à cause de ces délais-là.

On voit aussi qu'en Californie, vu ces délais indus qui sont imposés, la Législature a adopté une loi fixant à 18 mois les émissions d'autorisations. Si, pour une raison ou pour une autre, les émissions ne sont pas complétées dans ce délai automatiquement les permis sont émis.

On s'aperçoit donc qu'il commence à y avoir, dans d'autres États qui ont déjà adopté des législations semblables, un genre de recul. Les gens réalisent peut-être que c'est très bien d'avoir imposé, mis sur pied toutes sortes de mécanismes, mais est-ce fonctionnel? C'est le message, M. le ministre et M. le président, qu'on veut vous transmettre sur ces deux points-là. C'est l'impact économique que peuvent avoir ces études d'impact sur l'écologie ou les audiences publiques.

J'ai terminé, M. le Président, mes remarques sur cet aspect. J'arrive maintenant à l'aspect des injonctions.

M. le ministre, dans son éloquence proverbiale, nous disait aujourd'hui: "Les citoyens ont notamment déploré avec véhémence le fait que la Loi de la qualité de l'environnement ne leur faisait aucune place, comme si le citoyen n'avait aucun rôle à jouer dans la gestion de l'environnement. Il y a là une anomalie fondamentale que le gouvernement s'est engagé à corriger."

Je suis tout à fait d'accord, M. le Président. Certes, le citoyen a un rôle à jouer dans et pour son propre environnement. Mais encore une fois — c'est redondant et je me répète — M. le Président, le mécanisme existe. Vous avez sur pied le SPE, un organisme compétent et fonctionnel. Nous croyons que, si le citoyen sent ou voit qu'il y a des abus, des violations de la loi ou des règlements, à ce moment-là, il n'a qu'à dénoncer le pollueur ou le "violenteur" de la loi et des règlements auprès d'un service approprié et compétent, une autorité compétente, afin que cette autorité-là puisse agir. En passant, M. le Président, j'aimerais souligner tout simplement que le droit à l'injonction, qu'on voudrait accorder au citoyen par une loi de droit statutaire, existe déjà en droit commun.

En effet, M. le Président, je voudrais vous souligner qu'en droit commun, selon les critères du bon voisinage, selon les critères de l'abus de droit et de la faute selon les dispositions du Code civil, un citoyen qui est lésé peut s'adresser aux tribunaux. Lorsque le mal, le dommage causé par le voisin est tel que c'est un abus de droit vraiment exagéré, abusif, alors, là, les tribunaux ont déjà, par le passé, émis des injonctions pour arrêter ces entreprises. Là, je ne parle pas de décisions prises voilà quelques semaines ou quelques mois; on parle de décisions au début du siècle, la fameuse affaire de Brown et Canada Paper, par exemple, où on avait arrêté une entreprise de papier dans un contexte de pollution.

Déjà, le citoyen, M. le Président, a ce droit. Il peut avoir recours à l'injonction. Je dirais peut-être, M. le Président, et je m'adresse aussi en même temps au ministre, que ce serait rendre un mauvais service au citoyen que de lui accorder un tel droit dans une loi statutaire. Voici pourquoi: vous pouvez vous imaginer comment réagiraient les entreprises face à une demande d'injonction: des batteries d'avocats devant les tribunaux. Cela prend du temps, croyez-moi. Comment le simple citoyen, avec ses moyens financiers plutôt limités, pourrait-il faire face à des moyens financiers peut-être un peu plus abondants auprès de ceux qui

voudraient contester les demandes d'injonction effectuées par le simple citoyen? Je crois que c'est peut-être avoir recours au portefeuille du citoyen, alors qu'il pourrait peut-être s'en servir ailleurs.

Sur cette question de l'injonction, encore une fois je suggère — et je parle toujours pour Fer et titane — que si un citoyen croit qu'il y a violation de la loi et des règlements, il peut s'adresser auprès du SPE, lequel, par le passé, a pris des injonctions contre des personnes physiques ou morales qui ont violé la loi ou les règlements.

En passant, si, pour une raison ou pour une autre, on devait concrétiser dans la loi un tel droit au citoyen, qu'on pose des conditions assez difficiles pour qu'il puisse l'exercer, pour qu'il n'y ait pas d'abus non plus. Je parle d'autorisation par la Cour supérieure, je parle de cautionnement assez élevé pour décourager des demandes frivoles.

Enfin, sur une question qu'on peut peut-être poser, qu'on s'est posée — c'est peut-être une cocasserie de rédaction — dans l'article 123a du projet de loi, on voudrait — je vais me référer à mes notes — punir, si vous voulez, les personnes qui ne respectent pas les normes fixées par la loi ou les règlements. Je suis tout à fait d'accord avec cela. On va un peu plus loin. On dit qu'une personne qui ne respecte pas ses propres normes, quoiqu'elle puisse respecter les normes fixées par la loi ou les règlements, soit aussi punie. Là, je trouve étrange que si, pour une raison ou pour une autre, une personne — vous connaissez les ingénieurs, ils tentent de respecter les lois et les règlements partout — si un ingénieur — comme il se doit d'ailleurs, pour avoir un coussin, comme on dit, un genre de tampon, c'est normal dans l'ingénierie — se fixe un tampon de tant pour être sûr de répondre aux normes, et si, pour une raison ou pour une autre, il y a une faille quelconque dans la norme qu'il s'est fixée, quoique l'état de la situation soit telle qu'il ne satisfasse pas aux normes qu'il s'est fixées lui-même, mais qu'il satisfasse aux normes fixées par le règlement, qu'on punisse ensuite l'entreprise, cela me semble un peu cocasse. Alors, je me pose la question, on s'est posé la question; il y a sans doute une réponse, mais on ne la connaît pas. (20 h 30)

Ceci étant dit, M. le Président, j'ai terminé mes remarques d'ordre général. J'espère que je n'ai pas été trop long et j'inviterais les membres de la commission à poser quelques questions.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. Il vous restait encore du temps. M. le ministre.

M. Léger: M. le Président, je veux remercier les représentants d'être venus nous exposer leur point de vue. Ce sont les questions ou les perceptions de différents groupes de la société qui peuvent nous permettre de corriger un projet de loi ou d'expliciter certains aspects qui pourraient ne pas avoir été complètement saisis.

D'abord, concernant les études d'impact, je voudrais quand même expliquer l'importance de procéder à des études d'impact avant l'implantation de gros projets. Ce ne sont pas nécessairement des études d'impact qui vont être requises pour tous les projets d'implantation. Le règlement va déterminer les types d'entreprises ou de projets qui nécessiteront l'étude d'impact. Donc, cela prend des gros projets. Parmi les raisons pour lesquelles nous calculons qu'il faut des études d'impact, il faut quand même réaliser que l'environnement, c'est l'affaire de tout le monde et que trop souvent on donne l'impression que les citoyens n'ont pas tellement de choses à dire. Ils peuvent crier, ils peuvent faire des manifestations, mais on ne semble pas réaliser jusqu'à quel point il est important, dans le processus d'évaluation de projets qui peuvent affecter l'environnement des citoyens, de leur permettre d'avoir un mot à dire à l'intérieur d'un processus officiel que tout le monde connaît.

Cela est l'objectif de ce projet de loi de permettre aux citoyens d'avoir d'abord un droit à l'information de ces projets qui s'en viennent et qui peuvent changer leur milieu de vie; deuxièmement, de leur permettre de s'exprimer. Donc, s'il faut qu'ils s'expriment, il faut qu'ils s'expriment sur quelque chose de connu; d'où l'importance d'avoir une étude d'impact sur les conséquences écologiques d'un projet qui s'en vient, soumis à la population qu'il va directement impliquer pour qu'elle puisse en faire l'analyse et apporter, par la suite, son point de vue dans ce processus-là.

Donc, l'importance des études d'impact comporte cinq points, cinq objectifs. Premièrement, c'est de rendre les coûts environnementaux à l'intérieur du projet. Une entreprise qui décide d'utiliser des ressources naturelles ou de saccager des ressources naturelles pour la réalisation de son objectif doit nécessairement tenir compte que, si elle détériore un environnement qui appartient à tout le monde, elle se doit d'inclure à l'intérieur de son projet une part de responsabilité sur le plan financier. C'est ce qu'on appelle le coût social de leur entreprise. Ce n'est pas à la collectivité de payer plus tard un prix cinq à dix fois plus élevé pour dépolluer ou corriger une situation quand c'était encore possible. Notre première raison, c'est de rendre, je dirais "internaliser" les coûts de l'environnemental dans la planification des projets. Le deuxième objectif des études d'impact, c'est d'éviter de créer des coûts sociaux qui devraient être assumés par l'ensemble de la société, parce que, nécessairement, les profits vont aller à l'entreprise comme telle. Il y aura certainement des emplois de créés, mais quelle est la valeur des emplois temporaires ou partiels correspondant à l'ensemble des coûts sociaux que la société, à même ses taxes, devra payer pour corriger une situation qui n'aura pas été prévue?

Troisièmement, c'est pour faire apparaître aussi des solutions de rechange à un projet. Quand une entreprise décide de s'implanter à un certain endroit, elle a ses projets, mais s'ils affectent le milieu, il est grand temps que l'étude d'impact lui permette de réaliser qu'elle pourrait atteindre les mêmes objectifs en tenant compte des considérations écologiques qu'elle avait ou-

bliées et, à ce moment-là, d'apporter des solutions de rechange qui n'auraient pas été prévues s'il n'y avait pas eu une étude d'impact, parce que je ne pense pas que les entreprises s'implantent en disant: Nous autres, on veut protéger l'environnement comme objectif premier. C'est toujours un objectif qu'on a par la bande parce que nécessairement on va déplaire à bien du monde, et, nécessairement, il faut tenir compte de cela. Donc, les études d'impact vont faire apparaître des solutions de rechange à un projet donné. Il y a la création, aussi, de nouveaux mécanismes de communication et de participation du public au processus décisionnel susceptibles de modifier la qualité de l'environnement. On l'a dit au début, il ne faut pas oublier que le projet a pour objectif d'impliquer les citoyens et non pas simplement de leur faire réaliser, quand les grues sont dans la cour derrière chez eux, qu'il y a un gros projet qui s'en vient. Peut-être cela aurait-il pu passer à côté, et peut-être qu'on aurait pu faire autrement. Donc, il est important que le citoyen soit inclus dans ce procédé de façon que le développement soit fait pour les citoyens et non pas que les citoyens subissent un développement qui est contraire à leurs besoins.

Et, finalement, je pense, c'est surtout dans le but de modifier les modes de planification et de décision de sorte qu'on y intègre l'évaluation des coûts et des bénéfices environnementaux au départ. Ceci permettra peut-être de planifier le projet. Je vais essayer de répondre, en même temps, à votre autre crainte qui est celle des "délais indus". Une entreprise, quand elle décide de s'implanter quelque part, doit tenir compte, dans tout le processus de réalisation de son projet, d'un paquet de contraintes qui souvent, ne touchent pas l'environnement mais qui l'obligent à tenir compte d'un échéancier précis, sachant que, pour atteindre son objectif, il va falloir qu'elle tienne compte des différents facteurs de production, de matériel, de permis, etc. Ainsi, elle peut savoir d'avance combien cela prendra de temps pour implanter un projet.

Si les règles du jeu touchant l'environnement sont déjà connues implicitement dans l'esprit des "développeurs", ils vont être obligés d'inclure en plus cette préoccupation qui, souvent, n'amènera aucun délai supplémentaire parce que ces travaux, ces études étant faits au début, cela va nécessairement éviter des délais. Très souvent, cela arrive même avec des projets gouvernementaux où, n'ayant pas prévu des délais, n'ayant pas prévu qu'il y avait un permis à aller chercher, il y a des ministères dans un gouvernement qui décident de faire un projet et quand ils sont à la veille de commencer les travaux, ils disent: Cela prend peut-être un permis de l'environnement. Là, ils nous le demandent et ils sont tous en maudit de voir que cela prend un mois de plus, mais s'ils l'avaient su au début de leur projet, ils auraient inclus ce mois à l'intérieur de l'échéancier et seraient probablement arrivés en même temps.

Donc, je pense que pour les délais, il ne faut pas dramatiser, parce que je pense que, dans la plupart des États américains qui ont ces projets, c'est par exception qu'il y a eu des grands délais. Je voyais dans votre article tantôt que cela prenait 700 "environmental and construction permits".

Comme de raison, il peut y avoir des abus ou des gens qui sont tombés sur la tête quelque part, mais je pense bien que c'est l'exception. Je pense qu'au Québec on n'a pas l'intention — en tout cas, je peux vous le dire — de multiplier les permis. Le processus ou les règles du jeu étant définis au départ, les gens vont savoir d'avance les délais et s'assurer de réaliser leurs projets dans les mêmes délais qu'ils peuvent prévoir au départ. Sur un autre point, vous semblez dire, au sujet de l'injonction, que les citoyens ont déjà les mécanismes actuels. Il faut quand même faire une différence. On est loin, en tout cas dans ce qu'on propose dans la loi actuelle, du droit traditionnel de défense de la propriété.

Là, on veut aller plus loin que cela; on veut donner un droit à la qualité de l'environnement aux citoyens, leur permettant de la défendre à partir de chez eux, autrement dit d'être des partenaires de l'État là-dedans. Je ne pense pas que l'environnement appartienne uniquement aux entreprises et au gouvernement. L'environnement, cela appartient à ceux qui vivent continuellement les avantages ou les désavantages qu'ils subissent par les contraintes des pollueurs ou des agresseurs dans leur milieu de vie. Donc, je pense qu'avec ce droit il n'est pas exagéré de dire que le citoyen va maintenant se sentir participant. Cela va peut-être redonner au citoyen une nouvelle approche, je dirais un changement de comportement sachant qu'on a non seulement un droit théorique, mais une possibilité pratique de le défendre.

Je pense qu'on peut dire que le citoyen, sachant qu'il a maintenant des pouvoirs supplémentaires, va maintenant se sentir responsable et aura lui-même un changement de comportement envers son propre environnement, dans la façon dont il va agir face à son environnement. Je me demande encore — et cela me surprend dans votre mémoire — pour quelle raison vous avez tellement peur que des citoyens abusent de ce droit à l'injonction. Pourquoi des citoyens seraient-ils plus bêtes que des entreprises ou des organismes qui, eux, utilisent régulièrement la procédure d'injonction pour retarder des choses qui peuvent avoir des conséquences graves? Pourquoi des citoyens n'auraient-ils pas aussi la même faculté d'avoir un jugement valable pour réellement utiliser ce droit à bon escient sans en faire des abus? Cela me surprend que vous ayez semblé dire cela.

M. Duchesneau: Si vous le permettez, M. le Président, je vais répondre à M. le ministre en disant ceci: II y a l'aspect pratique de la question. Vous voulez faire participer les citoyens à un processus de police, si vous voulez, d'une loi ou des règlements. Le citoyen, je crois, a le droit, par les services de son gouvernement, qu'on puisse lui donner la protection voulue. Je crois que c'est

lui rendre un mauvais service de lui dire: Quand tu verras une situation qui va contre une loi ou un règlement, je te donne pleine liberté de prendre des injonctions. Il y a une question financière qui se pose, M. le Président, importante et je crois que c'est déplacer un fardeau important.

En soi, que ce soit le ministère public ou que ce soit un citoyen qui prenne une injonction, la personne qui serait l'intimé va prendre les moyens pour se défendre, n'est-ce pas? À ce moment, il y a une question de coût importante. Je n'ai pas peur des citoyens du tout. Ce n'est pas une crainte qu'on a. C'est tout simplement que nous croyons sincèrement que les services du ministère, les Services de protection de l'environnement existent et qu'on peut en faire usage. C'est une question d'éducation, M. le Président. Si les gens se sentent lésés aujourd'hui pour telle ou telle raison, ils vont voir la police s'ils pensent que quelqu'un a commis un crime contre eux. Dans ce cas-ci, s'ils pensent que quelqu'un viole la loi ou les règlements traitant de l'environnement, qu'ils aillent voir le SPE. Les mécanismes sont là. Je crois que c'est peut-être imposer un trop lourd fardeau aux citoyens. La participation, c'est excellent à tous les points de vue, mais à quel prix? C'est la question qu'on se pose.

M. Léger: M. le Président, je voudrais quand même corriger certaines impressions que peut vous laisser ce projet de loi. Ce n'est pas un rôle de policier qu'on veut donner au citoyen. C'est un rôle de responsabilité, c'est-à-dire de se sentir réellement responsable du milieu dans lequel il vit. Je pense que c'est beaucoup plus un rôle de participant à la planification du développement de son milieu qu'un rôle de policier.

Mais de toute façon, le rôle de policier, cela ne veut pas dire que tous les policiers qui se promènent sur une route, quand les automobiles font de la vitesse, doivent arrêter tout le monde. Mais juste la présence de la petite cerise rouge qui se promène, cela rend les gens un peu plus vigilants.

Je pense que les entreprises qui savent qu'elles doivent respecter les lois, sachant que les citoyens qui vivent dans leur environnement peuvent s'assurer que tout le monde respecte bien les lois, n'ont pas à craindre si elles corrigent une situation qui n'est pas légale de la part des compagnies. Si elles les corrigent, les citoyens n'auront pas la possibilité de faire une injonction. C'est uniquement s'il y a des gestes illégaux qui se poursuivent.

Donc, que ce soient le gouvernement ou les citoyens, ce ne sont uniquement que des gestes illégaux que le citoyen pourra arrêter par une injonction. Je pense que cela n'empêche pas le gouvernement et les Services de protection de l'environnement de continuer leur leadership en ce sens. Mais le fait que les citoyens ont ce pouvoir, c'est une sorte de soupape de sécurité pour s'assurer que ce qui doit être fait dans la légalité doit continuer à se faire dans ce sens-là. Et les gens qui vont s'impliquer davantage, ce ne sera pas uniquement l'environnement qui est très loin.

Je me rappelle l'été dernier, où il y avait le problème d'implantation de carrière d'une façon illégale. Les inspecteurs du ministère de l'environnement devaient prendre des gens sur le fait de poser des gestes illégaux. Les inspecteurs allaient là une journée, les entrepreneurs qui agissaient d'une façon illégale arrêtaient les travaux. Lorsque les inspecteurs étaient partis, ils continuaient à travailler. C'est quand on a permis à des citoyens d'avoir des formules d'affidavit pour s'assurer que les gestes illégaux avaient des témoins qu'ils ont fait le geste. Mais cela a amené, au niveau du ministère de l'environnement, un engorgement pour régler le problème chez nous, alors que chaque citoyen aurait pu régler la cause beaucoup plus rapidement s'il avait eu la possibilité d'émettre une injonction contre quelqu'un qui agit illégalement chez lui. Autrement dit, cela va activer la chose et même, cela va prévenir des gestes illégaux. Il y aura beaucoup moins de poursuites devant les tribunaux du fait qu'il y aura suffisamment de gens impliqués dans la région, pour s'assurer que les personnes, comme si elles voyaient une police passer, vont peut-être décider de respecter l'environnement, puisque les citoyens qui en subissent les premiers les conséquences vont être les premiers à avoir le droit de nous arrêter de le faire.

M. Duchesneau: M. le Président, je pense que le ministre a répondu à ma question lui-même puisque l'exemple qu'il nous a cité est très éloquent. Les citoyens voyaient des gens commettre des actes illégaux et, lorsque les enquêteurs allaient en prendre note, les entrepreneurs, insouciants, arrêtaient les travaux.

Mais voilà, c'est une question de mécanique dont on parle, M. le Président. Que ce soit le service de l'environnement ou que ce soit le citoyen qui prenne les procédures appropriées, cela n'a vraiment aucune importance, du moment que quelqu'un fait quelque chose.

Ce que nous proposons ici, c'est d'accorder au citoyen un droit aussi facile d'apparence et donner au citoyen un droit qui pourrait être abusif. Je crois que c'est vraiment le rôle de l'État d'agir et non celui du citoyen. Le citoyen a le devoir de dénoncer, mais c'est à l'État d'agir. On parle de mécanisme, de forme, et non pas de substance. On s'entend très bien, M. le ministre. (20 h 45)

M. Léger: La deuxième partie de ma remarque était la suivante: C'est que le citoyen qui a signé un affidavit était souvent déçu de voir que les Services de protection de l'environnement, via le contentieux, ne pouvaient toujours donner suite à sa demande, alors qu'il ne se sentait pas responsable. Il disait: Le gouvernement va poursuivre. C'est pour cela que le système d'affidavit n'était qu'une faible possibilité qu'on donnait au citoyen. Ce qui est important, c'est qu'il se sente responsable, capable d'aller au bout de sa poursuite, de façon à s'assurer qu'il n'y aura pas de tempori-

sation, de lourdeur administrative du gouvernement et que lui peut faire le travail chez lui.

Chez la raison pour laquelle nous pensons qu'associer le citoyen à la protection de son milieu de vie ne peut pas se faire uniquement théoriquement, il faut qu'il ait le pouvoir de le faire. C'est la raison pour laquelle on a mis ce pouvoir dans la loi, pour permettre ainsi que les citoyens, en ayant un pouvoir, soient de plus en plus des personnes qui vont aider à l'amélioration de leur milieu de vie, en ne dépendant pas toujours du grand frère au niveau du gouvernement, qui, lui, va poursuivre, mais à l'intérieur de la lourdeur administrative.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: Si le ministre a terminé! M. Léger: Oui.

M. Goldloom: M. le Président, le ministre nous a livré une longue homélie, après la présentation du mémoire. Je me permettrai de parler brièvement dans le même sens.

Le ministre, pour illustrer la pensée qui anime le gouvernement en présentant ce projet de loi, a parlé de la grande route et de l'attention, de l'autosurveillance que vont s'imposer les citoyens s'ils voient ici et là, de temps en temps, une voiture de police qui se promène sans que le policier n'arrête nécessairement chacun des contrevenants.

Je voudrais lui faire remarquer, M. le Président, que, s'il veut se servir de cette analogie, ce qu'il est en train de nous proposer, c'est que chaque citoyen puisse s'adresser à un bureau quelconque, quelque part, pour obtenir une cerise rouge pour sa voiture et se promener ainsi sur la route. Or, ce n'est pas du tout la même chose.

M. le Président, le ministre — et je suis parfaitement d'accord avec lui quant à la philosophie fondamentale — nous dit: II faudra que tous les citoyens partagent la responsabilité de la protection de l'environnement. M. le Président, il y a quand même une différence entre une société au sein de laquelle chaque citoyen sent la responsabilité de se surveiller, de respecter ce qu'il fait, et une société au sein de laquelle la loi dit: Vous êtes, chacun de vous, chacun des citoyens, un inspecteur, un informateur, un dénonciateur.

M. le Président, regardons très objectivement ce que nous faisons avec ce projet de loi. J'aimerais que le ministre nous assure que le genre de société que je viens de décrire n'est pas celui qu'il veut créer.

Maintenant, je m'adresse à Me Duchesneau. Je remarque à la page 13 de votre mémoire, que la société Fer et titane du Québec — entre parenthèses, c'est une usine que je connais et je sais pertinemment que c'est une société qui fait face à des difficultés techniques qui sont importantes, à cause de la nature de ses produits, ses sous-produits et ses résidus — et je suis favorablement impressionné par un chiffre que je remarque à la deuxième ligne du deuxième alinéa, un chiffre de $20 000 000. Ce n'est pas une somme négligeable. J'aimerais vous demander, Me Duchesneau, de m'indiquer d'abord si la majeure partie de cette somme a été dépensée ou investie, selon le cas. J'aimerais que vous fassiez la distinction parce que vous indiquez ici que c'est une somme investie, il y a donc un pourcentage sur ce montant qui a déjà été dépensé.

Il nous serait intéressant de savoir combien a déjà été dépensé. Mais j'aimerais savoir d'abord si la majeure partie de cette somme a été dépensée à Havre-Saint-Pierre ou à Sorel, et, ensuite, dans un cas comme dans l'autre, de quelle façon l'argent a été utilisé, à quelles fins, qu'est-ce que l'on a réussi par cet investissement.

M. Duchesneau: Très bien, M. le Président, je vais répondre aux questions de M. le député.

Sur les quelque $20 millions à investir, déjà $15 millions ont été dépensés. La plupart des dépenses ont été effectuées à Tracy-Sorel pour la construction d'équipement et la mise en place d'équipement antipollution, à savoir pour dépolluer d'abord l'intérieur de l'usine et l'atmosphère. C'est un peu complexe. Il s'agit de grosses boîtes qui aspirent la poussière et qui jettent ça dans des sacs, lesquels sont brassés et on jette la poussière. C'est aussi simple que ça, mais cela a coûté $15 millions.

Quant au Havre-Saint-Pierre, à la mine de Tio, il s'agit d'une mine à ciel ouvert. Là, ce n'est pas le même genre de pollution, si vous voulez. C'est plutôt le fait qu'on a creusé un gros trou et, éventuellement, il va falloir faire quelque chose avec. Mais il n'y a pas vraiment de problème de pollution à Havre-Saint-Pierre dans le sens qu'on discute ce soir.

On peut dire que le problème s'est posé — je dis bien s'est posé — à Tracy-Sorel.

M. Goldbloom: Me Duchesneau, à l'usine de Sorel ou Tracy, de quelle façon les effluents liquides sont-ils traités présentement? Y a-t-il un traitement qui est pratiqué?

M. Duchesneau: Non, il n'y a pas de traitement, puisque l'effluent liquide, c'est seulement une matière inorganique qui sort. Il y a un problème dans le moment qui est en train d'être étudié, c'est à l'étude, c'est un aspect important. On peut considérer que dans les prochaines années quelque $25 millions vont être investis sur ce point.

M. Goldbloom: Sur ce point-là. M. Duchesneau: Sur ce point-là. M. Goldbloom: Merci.

M. Duchesneau: Mais ça, c'est encore à l'étude à cause de son importance. Cela ne pollue pas dans le sens que cela affecte le fleuve Saint-

Laurent. C'est une matière inorganique, c'est de la poussière qui est jetée là.

M. Goldbloom: Et vous affirmez que le fleuve n'est pas endommagé à cause du déversement de ce résidu?

M. Duchesneau: Ce que je peux répondre, c'est que c'est non toxique.

M. Léger: C'est non quoi? M. Duchesneau: Non toxique. M. Goldbloom: Non toxique.

M. Duchesneau: Non toxique, à ce qu'on me dit.

M. Léger: Ah bon! Voilà, c'est mieux. Parce que le journal des Débats enregistre tout ça.

M. Duchesneau: Je le sais. C'est pour ça que je l'ai dit, M. le Président.

M. Goldbloom: Bon! Nous allons vivre d'espoir.

Me Duchesneau, à la page 11, au nom de la société Fer et titane, vous faites des commentaires sur les amendes actuelles et celles qui sont proposées dans le projet de loi. Vous trouvez que les amendes actuelles sont suffisantes et l'augmentation, dans une proportion de trois à six fois, vous paraît exagérée.

Pourriez-vous m'indiquer, me citer des cas où les tribunaux ont imposé des amendes tellement élevées, en vertu de la loi existante, qu'il ne serait pas nécessaire, à votre avis, de l'avis de la compagnie, d'augmenter le maximum?

M. Duchesneau: M. le Président, je n'ai pas de cas qui me viennent à la pensée, mais peut-être Me Piette, qui est assis à la table et qui est beaucoup plus connaissant que moi dans ces matières, pourrait-il répondre à la question. Je ne le sais vraiment pas.

M. Léger: Est-ce que vous voulez que je réponde?

M. Goldbloom: Vous vous improvisez avocat?

M. Duchesneau: D'ailleurs, Me Piette est une des personnes compétentes auxquelles je me référais tout à l'heure.

M. Léger: Voilà! Disons donc que je pense qu'il est de notoriété publique que les amendes prévues dans le premier projet de loi étaient quand même insuffisantes pour être dissuasives auprès des entreprises et qu'il y a même des entreprises qui n'opposaient pas de défense, plaidaient coupables et continuaient à polluer, tout simplement parce que ça coûtait moins cher de payer l'amende et de continuer à polluer. Donc, sur l'aspect d'une augmentation trop élevée des amendes, je ne pense pas qu'on ait atteint l'objectif qu'on voulait avec l'expérience des six dernières années. On nous a plutôt reproché que la loi n'avait pas suffisamment de dents. C'est pour cela que nous les avons augmentées que nous avons fait une différence, quand même, entre les amendes contre une personne et contre une entreprise parce que le degré de dissuasion était beaucoup moins fort du côté de l'entreprise que vis-à-vis de l'individu et les dommages étaient souvent beaucoup plus forts dans l'environnement venant des entreprises que des individus.

M. Cordeau: Sur le même sujet.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau : Également, à la page 11, vous dites : "Toutefois, l'aspect le plus sérieux de l'amendement 33 est le nouvel article 109b. Nous croyons qu'une infraction doit être évaluée en fonction du préjudice causé et non d'après les revenus et bénéfices du contrevenant." Pouvez-vous nous expliciter votre point de vue sur les amendes?

M. Duchesneau: Vous allez me permettre de référer...

M. Cordeau: Oui.

M. Duchesneau: M. le député, on veut aller à des amendes allant jusqu'à $100 000. On doit reconnaître que c'est beaucoup d'argent. Je pense bien que l'important ici, c'est que le contrevenant soit reconnu coupable, une première fois et une deuxième fois. On parle aussi d'emprisonnement. C'est un peu comme les coalitions, par exemple, si on fait une comparaison. L'élément le plus fort, à un moment donné, ce n'est pas l'amende qu'on impose à ceux qui sont des conspirateurs. L'élément le plus fort, c'est la menace par voie d'injonction ou d'ordonnance contre les dirigeants des entreprises que, si les situations perdurent et se perpétuent, ils vont être emprisonnés. D'après moi, cela a beaucoup plus de force que des amendes, croyez-moi par expérience.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, pour terminer sur le sujet des amendes, vous comprendrez sûrement que cela me déchire d'être obligé d'être d'accord avec le député de Lafontaine, ministre de l'environnement, mais, effectivement, je crois qu'il faut faire une distinction entre les chiffres qui sont inscrits dans la loi et les montants qui sont décrétés par les tribunaux comme amende. Mon souvenir est que les montants imposés ont été passablement faibles par comparaison aux maximums prévus dans la loi actuelle. Donc, j'ai de la difficulté à m'opposer à cette augmentation.

M. Duchesneau, vous indiquez — je voudrais enchaîner avec mon collègue de Saint-Hyacinthe —

qu'à votre point de vue l'imposition d'une amende qui tiendrait compte de la richesse du contrevenant — je ne veux pas vous prêter des paroles, mais j'en ai eu l'impression — serait de la mauvaise législation. Y a-t-il, à votre connaissance — et je poserai la même question au ministre, qui a son savant conseiller juridique à côté de lui — des précédents dans la législation, dans les statuts du Québec, y a-t-il des lois où l'on donne une directive au juge pour lui indiquer de quoi il doit tenir compte? Plus spécifiquement, y a-t-il des précédents où l'on donne à un juge la directive de tenir compte des revenus annuels du contrevenant?

M. Duchesneau: Lorsqu'un juge rend une décision et trouve un inculpé coupable, si la loi ne fixe pas de minimum — le minimum, c'est $1 — et s'il y a un maximum, il peut aller jusqu'au maximum. Alors, il n'y a pas de directive de fixée dans les lois imposant à un juge l'obligation d'imposer telle ou telle amende. Tout ce qu'il peut faire, c'est imposer le minimum prévu par la loi. S'il n'y en a pas, cela peut aller jusqu'à $1, j'ai dit, ou encore le maximum prévu par la loi. Il y a toujours un maximum de prévu. Alors, il n'y a pas d'antécédent; c'est laissé purement à la discrétion des juges. (21 heures)

M. Goldbloom: Je présume, sans être un homme de loi, que dans certains cas — notamment du côté civil — un juge tiendra quand même compte de la situation financière de la personne qu'il s'apprête à condamner. Je pense, par exemple, à des pensions alimentaires qu'il pourra peut-être calculer en fonction du revenu disponible de celui qui doit payer la pension.

M. Duchesneau: La capacité de payer et le besoin de la personne qui reçoit la pension.

M. Goldbloom: Je crois comprendre le but visé par le sous-paragraphe e) du nouvel article 109b proposé dans le projet de loi. Je crois que c'est en quelque sorte le pendant des autres articles qui font une distinction entre une personne physique et une personne morale, une corporation. Mais j'aimerais, M. le Président, avec votre permission, demander si le ministre peut nous fournir un peu de lumière sur cette considération. Outre la différence qui existe quant au montant de l'amende, le gouvernement demanderait à l'Assemblée nationale d'obliger les juges à tenir compte des revenus annuels des contrevenants.

M. Léger: Pour répondre à la question du député de D'Arcy McGee, je dois dire que cet article-là est quand même très novateur. Auparavant, les possibilités de sanctions en amendes sur lesquelles le juge pouvait se baser étaient très limitées. Il y avait un minimum et un maximum. Ce qui est novateur dans le projet, c'est que maintenant, on a mis des critères obligatoires permettant au juge d'évaluer, dans la situation donnée, des implications du geste illégal qui a été posé. C'est pour cela qu'il y a cinq critères, par ordre, qui permettent d'évaluer la sanction qu'il devrait donner à la gravité de la situation, avec l'objectif de redonner un ferme propos de ne plus recommencer à la personne pour qu'il n'y ait pas de récidive. Alors, ayant les critères de préjudice physique, de danger créé pour la santé, d'altération temporaire ou permanente de la qualité de l'environnement, donc l'ampleur du désastre qui a été causé, les revenus du contrevenant de façon que ce soit pour lui aussi une occasion de ne pas recommencer — parce que vous savez qu'il y a des pollueurs, avec des sommes dérisoires qu'il y avait auparavant, qui préféraient payer l'amende et continuer à polluer et ne pas respecter la loi — donc, devant ces critères-là, cela va permettre au juge d'avoir un minimum et un maximum. Il y aura aussi, par règlement, la détermination d'après cinq types de possibilités. Certains seront par règlement, d'autres directement d'après le type d'intervention qui aura eu lieu. À ce moment-là, quelque chose permettra au juge de dire non pas: J'aurais bien aimé mettre plus que cela; vous mériteriez bien plus que cela, mais la loi ne me le permet pas. Là le juge, en évaluant la situation, aura toutes les panoplies, les possibilités de sanctions permettant de s'assurer qu'il n'y ait pas une récidive.

M. Duchesneau: Avec tout le respect sincère que je dois à M. le ministre, je crois que c'est l'inverse qui pourrait se produire, M. le Président, parce qu'un juge verrait — je le suggère très respectueusement — d'un très mauvais oeil de telles directives dans une loi. D'abord, cela l'encarcane dans sa décision et cela le limite. En plus de cela, si vous fixez des normes, cela facilite de beaucoup les appels parce que là, le juge dans sa décision, doit motiver, n'est-ce pas, le pourquoi de ceci et de cela.

Si, pour une raison ou pour une autre, il commet des erreurs de jugement dans l'application de sa décision, relativement à ces critères-là, vous ouvrez la porte à ce que des procédures interminables s'ensuivent par voie d'appel. Je pense qu'on doit laisser une discrétion aux tribunaux pour pouvoir agir selon leur jugement à eux.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, je ne voudrais pas être désobligeant à l'endroit de qui que ce soit, surtout pas à l'endroit du Barreau et encore moins à l'endroit de la magistrature. Mais, quand j'ai pris connaissance de ce projet de loi et, notamment, de l'article 33 qui prévoit les nouveaux articles 109a et 109b, je me suis dit dans mon for intérieur: Sûrement que le Barreau, au nom de la profession qu'il gouverne, et le juge en chef, au nom de la magistrature, feront des commentaires là-dessus. J'espère qu'il n'est pas trop tard, et je voudrais faire publiquement appel au Barreau et, notamment, à la magistrature pour que nous ayons, avant le débat sur le projet de loi no 69, les commentaires des hommes de loi, de l'institution et de notre système judiciaire sur l'article 109b, notamment.

Que le législateur dise aux tribunaux: II y aura un minimum et un maximum, cela s'est déjà vu et il me semble que c'est une chose acceptable. Mais je me pose la question suivante: Si un juge, en essayant d'évaluer la cause qui lui est présentée, en essayant de déterminer l'amende qu'il imposera à une personne — disons une personne morale — qu'il s'apprête à juger coupable, si ce juge, dis-je, ne tient pas compte de tout préjudice physique, psychologique ou esthétique subi par des êtres humains, la faune, la flore et la vie biologique par suite de l'infraction, de tout danger créé pour la santé humaine par l'infraction, de toute altération temporaire ou permanente de la qualité de l'environnement causée par l'infraction et des revenus que le contrevenant a pu retirer de la commission de l'infraction, je me demande de quoi il va tenir compte en arrivant à son verdict.

Mais vous avez remarqué, M. le Président, que j'ai laissé tomber le sous-paragraphe e, les revenus annuels du contrevenant; je trouve que c'est une innovation qui va passablement loin. Je reviens aux quatre premiers sous-paragraphes pour dire au ministre — et c'est le sens de ce que je viens de dire — que si l'on est obligé de donner de telles directives aux magistrats pour qu'ils s'acquittent de leurs fonctions, je me demande ce que notre magistrature fait depuis son origine. Il me semble, avec tout le respect que je dois au ministre et à ceux qui l'ont aidé à rédiger cet article, que l'on peut se demander si c'est de la législation acceptable dans le respect normal de l'équilibre qui doit exister entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire.

Le Président (M. Laplante): Une dernière question de M. le député d'Iberville.

M. Beauséjour: M. le Président, je suis resté avec une certaine interrogation; je prendrais la page 13, je ne sais pas si Me Duchesneau pourrait me répondre. On a indiqué qu'on aura investi quelque $20 millions et j'ai cru comprendre qu'actuellement il y avait environ $15 millions investis; est-ce que cela vous serait possible de nous indiquer quel est le chiffre d'affaires annuel de cette compagnie?

M. Duchesneau: Ce ne sont pas tellement les chiffres annuels que les profits qui sont importants.

M. Beauséjour: Oui, ou bien de voir, peut-être, le pourcentage du montant qui a été investi, supposons $15 millions par rapport aux bénéfices nets.

M. Duchesneau: Le chiffre de ventes est d'environ $160 millions par année mais les profits se chiffrent par environ $15 millions, M. le Président. 8% à 10%.

M. Beauséjour: Je vous remercie.

Le Président (M. Laplante): M. Duchesneau,

M. Geren, M. Courtemanche, les membres de la commission vous remercient de votre mémoire.

M. Duchesneau: À notre tour, M. le Président, je voudrais remercier les membres de la commission de leur attention tout à fait exceptionnelle et, en mon nom et en celui de mes collègues, puis-je dire que nous avons apprécié votre réception et votre cordialité.

Le Président (M. Laplante): Merci.

M. Léger: M. le Président, je voudrais terminer en disant que j'ai bien apprécié les questions que vous nous avez posées, et spécialement concernant cet article parce que, pour nous, on est bien conscient que c'est un article innovateur. On regrette même, comme le député de D'Arcy McGee le disait, qu'il n'y ait pas eu de mémoire provenant du Barreau pour qu'on puisse voir quelle est la façon, comment ces gens entrevoient cet article et c'est avec des points de vue différents qui vont nous être amenés à mesure qu'on avance dans le projet de règlement qu'on pourra peut-être corriger, améliorer cet article qui est quand même du droit nouveau. Pour faire du droit nouveau, il faut l'appliquer ou il faut le frotter aux opinions des gens qui le vivent quotidiennement.

M. Duchesneau: M. le Président, il s'agit de communiquer avec le Barreau pour lui faire part de vos questions.

M. Léger: Certainement.

M. Duchesneau: C'est ce que j'ai cru comprendre.

M. Léger: Vous avez le mandat.

Le Président (M. Laplante): J'appelle Mme Bernice Goldsmith. Mme Goldsmith, est-ce que vous venez à titre personnel ou pour Concordia University?

Mme Goldsmith: Personal.

Le Président (M. Laplante): Personnel. Si vous voulez vous identifier, s'il vous plaît.

Mme Bernice Goldsmith

Mme Goldsmith: Mr President, the Honorable Mr Léger, Dr Goldbloom, Members of Parliament, it gives me great pleasure to be here today presenting my brief to the parliamentary commission. First, to introduce myself, l am Bernice Goldsmith, whose full-time job is that of wife and mother. On a part-time basis, l am a student at Concordia University and, also on a part-time basis, at that university l coordinate and teach a course for social aspects of engineering to undergraduate engineers on environmental impact assessment which explains my appearance before you today. Second, my brief will attempt to cover three

things: l will make a general statement. l will explain the need for clarifications of some of the terms of the Environment Quality Act of bill 69 and the need to include some terms that are not in the act. And finally, my comments and criticisms of the act and bill.

The assessment of environmental damage before a project is undertaken has long been a noble goal. It is at last been legislated by the Quebec government as one of the first jurisdictions in Canada to consider implementation of environmental impact assessment legislation. At the same time, to affirm the need for a high degree of public participation in the process, the Quebec government is to be congratulated. However, for these very reasons, it is important that those who will follow Quebec's action have for a precedent legislation which offers to the public the proper access to the assessment process. This will be the best means of insuring that the quality of the environment will be stabilized and maintained.

In order for the above to be realized, there are a number of amendments to the Environment Quality Act and Bill 69 that must be brought about: Definitions that need clarification. The following words need expanding and clarification: "Environment ". The meaning is too restricted to properly implement EIA process. Its meaning must be brought in to include the social, cultural, physical environment and economic criteria. "Person ' and "natural person": The meanings are also unclear. They need clarification to enable further analysis of these terms within the act. Perhaps natural persons should be changed to physical persons. "Proper quality" needs further clarification. How do you measure quality? What is the quality in the environment? Does the government only consider a quality in the environment the removal of toxic substances or does it consider a quality of the environment to include good and pleasant surroundings with all its inherent criteria. (21 h 15)

Frequenting needs further clarification. l will discuss this in section C-19. Definitions that are not included in the Bill or the Act, and that should be: Environmental impact assessment means that part of the process consisting of studies by which construction, industry, plan, program, project or other activity, forming part or a class, determined by regulation, are subject to varying degrees of identification, description and evaluation, in order to determine the beneficial and averse effects of such projects and their alternatives on the environment and the people. Environment impact statement or statement means the report prepared by the proponent in accordance with the Act.

The amendments in Bill 69 have given extensive powers to the minister, but left a great deal of important details out, which are to be worked out by him and his civil servants, with little input by the public.

The carrying out of these amendments, with some major alterations and the implementation of regulations depends a great deal on the budget allotted to the Environment Department. Without a sufficient budget, the programs and regulatory process to carry out the goals of the Act will not be possible.

In my next part of the presentation, l will go through the Act, section by section.

Section 6b. Appointees to the Bureau should be experts, competent in their field to fulfill the role of 6-1 and 6-2, and should hold office on the basis of good conduct because if the government does not approve of what the Bureau members do, they could easily be removed.

Section 6c. Minister may make too many political decisions, therefore hearing decisions should be made by an independent board. The creation of an independent powerful environmental review board is a prerequisite to public confidence in the new procedures. The powerful and independent review board which would set at all times, invested like a Court, would give clear substance to the often expressed view regarding the importance of environmental concerns. A mechanism which would still make the board responsible to the elected representatives would also be available through the legislature.

Section 6d. Public hearings should be heard anywhere in the Province of Quebec, specifically in the community, municipality or town where the people will be most affected by the action. This would allow the citizens to participate without incurring any expenses for travelling, hotels, meals, loss of time from work. Or the Minister should set up an expense allowance for citizens wishing to present briefs before the government. This latter also applies to parliamentary hearings.

Section 6f. What impact will the Bureau's bylaws have on public input? If guidelines are to be drawn up, public opinion should be sought, so that unforeseen complications do not arise after the Bureau is functioning.

Section 8. This whole section locks out the citizen from direct access to the advisory Council, except at the discretion of the Environment Minister and since the function of the Bureau will be a hearing board for EIS, there is no mechanism set up for dealing with important presentative issues of environmental concerns. Environmental impact assessment requires analysis of conflicting values. It requires that the general public must have an effect on the assessment process.

Section 9. "The minister must make public the opinions of the Council". "Opinions" must be changed back to "studies", as opinions can be outlined in a letter or press release, which would not give the public access to information contained in the studies done by the Council. There should also be a time limit of 60 days and then the study must be released to the public.

Section 19, a and b, are good provisions. However, until the regulations are passed and the definition of "proper quality" is defined, the government's policy on a proper quality of the environment will not be known.

Section 19c. The term frequenting, needs clarification. What does frequently mean with respect to a number of visits that are occasioning the vicinity.

I question this term for two reasons: 1- Although I do not frequent or occasion a place or a vicinity, there may be in that place a polluting company or person that is affecting my air or water 50 or 60 miles away, therefore causing me to seek recourse for this inconvenience. Since I do not frequent the place or immediate vicinity, I would be denied from seeking this recourse if this provision remains as it is. 2- I would also suffer physical, psychological and aesthetic injury if certain areas of our province were to be damaged due to an act or operation. Even if I did not frequent the area, I feel it is my obligation to intervene upon this act or action. I, as a citizen of Québec, have no voice in this development or any other area of my own, which is totally unacceptable to those of us who feel that there are natural entities to be given a human voice.

I speak here today for the inanimate environment, that part which cannot speak for it self.

The second problem with this provision is that even if a person were able to obtain an injonction to take the case to court, he would be unable to go to court because of the cost that might be charged against him. This factor is a very serious problem for individuals and groups wishing to use the court as a recourse to their environmental problems.

Section 19f. This section contains many excellent interventions, but accomplishes the opposite. The problems areas are:

No recourse to the Minister's decisions.

If environmental approvals are weak, it will end up negatif sections 19a and 19b. What are the monitoring provisions? Who will be responsible for the inspections of the recommendations made in the Certificate of Authorization? How will the public be kept informed if the project is going as planned?

There is a confusion in these amendments with the concept of obtaining a certificate of authorization with respect to effluents standards, air pollution levels, and the concept of EIA which is based on whether the project should proceed, regardless if the standards or levels can be met. The question is whether the project is needed. Need can only be fully established through the process of comparison and evaluation of the advantages and disadvantages of the available alternatives.

Section 22 (3). These studies should be made public, for the same reasons mentioned in this provision, that is to understand the consequences the project will have on the environment.

Division IV A, section 31a. This provision says a great deal, however it will remain to be seen what and how soon these regulations will be instituted and how effective these amendments and the act will be. Regulating programmes will also serve a secondary and important function for Québec and Quebeckers in that it will offer a great opportunity to develop jobs, jobs that will add to the quality of Québec's environment.

A firm timetable must be established for implementation of legislation in both the public and private sectors. The dates for such a time phasing should be determined at public hearings, with basic phase periods appearing in legislation, not in regulations.

All project, public or private, must be required to comply with this time-table where it is determined that they will have a environmental impact.

This deal does not give any substantive terms in dealing with environmental impact assessment, because the deal does not discuss EIA; it only discusses IAS, which are the statement, not the assessment. (21 h 30)

There is, in effect, no criteria laid out for valuing the assessment of projects, just for the procedural processes of the statements. Since the act's purpose is not clearly defined, it therefore seems that EIS will be nothing more than an information document that will make sure the technical aspects of actions are being met. No other considerations are being contemplated, such as the social, cultural, economic, aesthetic impacts of an undertaking.

The law must require social and environmental assessment statements, a cost-benefit analysis prior to project development approval for projects likely to have significant environmental impact.

The law must clearly state that no matter what other approvals are obtained, no project likely to have an effect may be started without environmental impact assessment. Also, there is no specific mention in the amendments that EIS's are to be made public documents and how they are to be made public documents. Without access to these documents, how will the public be able to participate? This must be clearly stated in the act or it will cause a great deal of problems for those wanting to examine the EIS.

What is not specified in the act would be left to the discretion of the proponents, which must not be the intention of this act. 31b. It is at this point in the procedure that the public should be advised of the contemplation of a project, which would give them enough time to (a) initiate their own preliminary assessment and inquire into the undertaking and, if necessary, (b) apply for private or public financial assistance in preparing their submission, which would be made available to objectors acting in the public interest; (d) line up their experts to help them with their projects. All of these aspects take a great deal of time, and if the public is to play a meaningful role in this process, then mechanisms should be set in motion that would make this possible. 31c. As long as there are no regulations, there will be no public consultation. What if the promoter disagrees with the Minister's decision? What if the promoter takes too long in notifying the public, since he is paying the bills? No mention is made of how or when the EIS will be made available to the public.

Early notice of a proposed project must reach all those interested and likely to be affected. In order to alert any person who might object to a

proposed undertaking, notice should be given whenever a project proponent files his assessment document or application for exemption from assessment with the minister or the board. Such notice would be given by publication in the Gazette officielle du Québec, by advertising in local and provincial media and by registered mail so as to reach all individuals and groups who are interested or likely to be affected.

Section 31c (2). The question here is: Are municipalities' projects bound by EIS? 31c (3). Who decides if the application is frivolous? It is important to have an appeal heard by the board from this provision. Also, a public notice explaining the reasons for considering this application frivolous should be published. 31d. This information must be made public, for the reasons stated in this provision, that is for the public to be able to fully evaluate the consequences of the proposed project on the environment. 31e. In effect, this provision allows the minister to bypass the whole process including initiating the public consultation and public view of EIS together with the application for authorization. What if the EIS is not considered satisfactory by others than the minister? What recourse will they have?

Any person should be able to require the board to consider whether a proposed project needs an environmental impact assessment or if an assessment has been filed, whether it adequately explains expected environmental effects. There is a large grey area of projects where discretionary power must be examined in determining the need for such a document. However, a discretionary screening mechanism that ignores the cumulative effects on the environment of many small projects would delude the public into thinking that pollution and environmental degradation are being stopped. In many instances, the public is the best defender of the public interest and must, therefore, not be locked out of the reviewing process. (21 h 30) 31e (2). This is a good provision. However, the decisions should be made public and not only transmitted to the promoter of the project and to the person having representation. 31f. The term "begun" needs more detailed explanation and clarification. This provision will be abused by most proponents, unless a time-limit and criteria for exemptions is specified in the act, and then regulated. The public should have the opportunity to review all exemptions so that the process does not become a sham. 31h. Public access to all information about proposed project must be guaranteed. The public must have the right to have made available all the facts to which the project proponent is party. Where industrial trade secrets or processes might be exposed, the board should have the right in closed session to review this aspect of the information to determine whether or not it would be made public. Also, adequate legislation must be amended, so that civil servants may comment publicly on Government and private projects without fear of jeopardizing their career. 31i (b). This section should read: Determine the minimum and maximum of an environmental impact statement by developing guidelines which would define the meanings of a draft impact statement and final impact statement. It is also important to regulate the size of the statement. It has been found in the United States that much extremist documentation was included in the statements, and they have presently regulated the contents of the EIS. It would be advantageous for the Québec Government to streamline the process as much as possible, in that, I would say, valuable time and money. 104. (a) This section of the Act must be broadened to include more than environmental protection of air, water, land and solid waste. Grants subsidies for studies, research and programmes in social, cultural and economic concerns toward the environment must also be included, that is if the environment quality Act is to provide "a person's right to a proper quality of the environment and to the protection of the living species inhabiting it". 109. (a) This is a very good provision, however it is interesting to note that such criteria are being taken into consideration when an injury due to pollution has been inflicted on human beings, the fauna, the flora and biological life, as a result of the offence, then the criteria of physical, psychological or aesthetic injury are being taken into consideration. However, nowhere in the Act or the Bill is the Minister obliged to take into consideration these criteria. The EIA and the EIS would be the logical place, as it would provide a much needed, preventive measure to society.

The legislation of EIA concept is an important step toward in Québec environmental policy. However, legislating a concept without too much substance is futile. As Bill 69 now stands, there is not much substance. Consequently, there is much work to be done before the Bill can be considered acceptable as a piece of workable legislation. That is if the policies of the Environment Minister and the Québec Government are to be implemented in a positive way. The task is a great one for all of us, Government, industry, and business, and certainly citizens too.

To comment on the fact that some of the former interveners claim that the ESP is or should be responsible for policing the environment concerns of the people, that the price of having citizens to have a say in a project is too expensive and too complicated, my comment is that ESP cannot do it alone. Like the police department, they depend on the public involvement to catch those who break the law. No one can act alone, we must act together to achieve the intentions of this Bill, but with willingness, cooperation and understanding, we can do the job and do it well for all Quebecers who wish to live dans la vraie belle province de Québec.

Le Président (M. Laplante): Merci, madame. M. le ministre.

M. Léger: I would say that your brief is so

interesting that l hope many other interveners will listen closely to what you have just said.

First, l would say that we will take into account many of your remarks; l would say most of them, because they were judicious, helpful and adequate remarks which we will certainly take into account. l would say that many of them will probably be seen in the regulation that will follow this law. l hope that when this new regulation will be published in the Official Gazette, we will have a chance to receive your comments on this regulation, because you are touching lots of good and important points. So, l thank you very much for those things.

We will not talk very longly about all the details that you have said, but l have a few remarks on a few items at least. First, l would like to talk about the definition of the word "environment". Regarding certain definitions, l think we must consider the other side of the matter, because the word "environment" is a word still in the course of development. It seems advisable, in the matter to exercise foresight and not risk giving this term a too restrictive meaning by overly specific definition now, maybe too soon. It would seem, besides, that this manner of proceeding is more likely to bring about decisions favourable to environmentalists in the courts and the jurisprudence in coming years. So, I think this word will be more developed in the near future and we should not take the chance of developing right now the word "environment".

With regard to the word "person", we are prepared to consider the possibility of recognizing individuals on the same footing as citizens groups or corporate bodies (artificial persons). We will, if necessary, see to it that the bill is made more precise on this point, to ensure that it is as all-embracing as possible.

You also talked about large budgets. We agree on that, absolutely. Larger budgets to foster better information and participation by the general population will, in accordance with the objectives of our Department, preclude sky-high budgets to repair the damage from badly conceived projects or to find or restore uses for resources vandalized by unconscious developers.

We would also like to talk about the point of the independence of the bureau of EIS. The point has been missed here. The role of the bureau is to assist the Minister and the government to make enlightened decisions, but the government does not intend to abdicate its responsibilities. It has been elected to make decisions. The experts have another role to play. Those who know what should be done are not those who can do it, nor necessarily those who are willing to do it. So, that is why we think that the two bodies have different approach and different objectives.

You also talked about hearings anywhere or everywhere to avoid useless expenses for the population. We intend to hold hearings at the places where the problems arise. So that investigation hearings were set up nearly in three different places where the problems occurred. It was in Valleyfield, Saint-Jean-de-Matha and Beauport, where we have seen problems. People were expecting to be here. So, we have, we will have and we had also the hearings very near the people, where the people live, where the people want to express themselves.

You are talking about the "conseil consultatif", that it is no longer to the public. I would like you to develop more this question because it will be certainly raised before the bill is finally approved, because opinions are divided and one more point of view can do no harm about this matter.

You are talking about the publication of the opinion of the "conseil" within 60 days; this raises a question. Who should publicize these opinions, would it be the minister or the "conseil"? If it is the minister, I think we should have sufficient time to consider it and to decide how it should be implemented; 60 days are rather restrictive and could well be too short. We would like to have the "conseil" make longer range projections, we want the "conseil" to think about projections, policies that we want to forecast. What do you think about this way of operating with the "conseil"? Do you think the minister has to publicize everything the "conseil" writes in reply to his questions? How do you see the role of the "conseil consultatif" with the new arrival of the "bureau", which has another objective?

Maybe you have a few answers about some of those remarks I just made?

Mme Goldsmith: With respect to the "bureau", it is the "bureau'"s role as an audience for public EIS, that role stands as it is and I find that satisfactory. What I find now that is missing, basically missing, is that the interventions that the public wants to make that have nothing to do with any EIS's, these are other environmental concerns that would be maybe looking more into areas that could possibly cause problems. There are very many questions that have not got a specific immediate role that need to be looked into and right now, as the bill stands, we do not see any way that we could... Unless, I must be honest, we present these things to you personally and they are sent back down into the advisory council which, according to the bill, has got quite a load of work to do. They are going to be advisory to you, they are going to be, perhaps, some kind of a hearing board if they have time and the third one... I know that they have three roles to perform and I find that quite a heavy load for them to be able to, what is their budget, how much of a staff are they going to have, what is going to be their support staff? Before I can answer your questions, I need answers to other questions too, but I do feel that there must be some avenue for citizens to be able to go directly to somebody — it does not necessarily has to be a council, maybe the "bureau" could expand their role — but somebody so that they could make representation to them on their concerns but it does not necessarily has to be on EIS, it could be on other questions that deal with environmental concerns.

Le Président (M. Laplante): Avez-vous autre chose à ajouter, M. le ministre?

M. Léger: There is also another question that I have asked you.

Mme Goldsmith: You asked about the 60 days and when they should be... The reason for the...

M. Léger: Yes, and who should put it public?

Mme Goldsmith: Actually, I feel that it should be the "conseil", if they are the ones that are doing the studying, then, they are the ones that should make it public. I am sure that there is no question that you would oversee what they are doing. The reason for wanting the 60 days is that if you leave it too broadly open, then, it presents a problem of when. There has to be some kind of time delay at least to get an idea of when the studies are going to be done. Obviously, your point is well taken in the sense that certain studies of course take longer and have to be refined, but there has to be a cut off date and then there should be, at some point, a publication. The public should know that they are going to be able to get access to it within a certain time, 60 days, 120 days, but, at least, they have some idea of when, after a certain point of time, these are going to be available to them and not something that can sit on your desk for a year or two, and they know that the studies are being done but, for whatever reasons, they just cannot get to them.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee. (21 h 45)

M. Goldbloom: Mrs. Goldsmith, you have a number of firsts to your credit in coming before the parliamentary committee. You are the first individual as distinct from a company or an organization to express your view; you are the first person to speak in English, and you are the first person to take the basic viewpoint that the bill does not go quite far enough. Those who spoke before you felt that it probably went a little too far.

I think that we all share the objective that you set out in your first remark, that is to say, that the definition of the word "environment" should be as broad and as all encompassing as possible. Virtually everything that contributes to the quality of our life forms part of the environment in which we live, by the very fact that we live in it and that we relate to those things and beings which surround us.

I am sure you recognize, however, that the purpose of a law — not the only purpose, but in setting standards, in setting limits and restrictions and forbidding certain things, one of the practical purposes of a law — is to allow someone, the government or someone else, to take somebody else to court and to gain redress for something which has been done. Therefore, it seems to me that the definition of the word "environment" has to be sufficiently pragmatic in terms of what can be brought before a court, supported by evidence, in order to bring about a judgment which provides redress for something which is done.

I think that is the basic reason why the definition of the word "environment" — which, incidentally, back in 1972, in the debate which went on at that time, was considered by many people to be much too broad, and some of the articles of the bill (20 and 22, as I remember) were criticized as giving such broad powers as virtually to be unapplicable — I think we have come a long way since then, and I think that we have as our common objective the definition of the word "environment" in as broad a way as possible, in terms of the law, so as to allow people to ensure, through such action as the law makes available to them the recovery of their rights with respect to the environment.

Now, having said that, there are just two or three points that I would like to raise with you. You refer, in your brief, to article 6b which sets forth the procedure for naming members of the council. Your comment, if I understood it correctly, was that the law should specify that those named to such a council should be, by requirement imposed on the government that names them, recognized experts in their field. I think you can appreciate that when a law says that someone should be named to fulfill a certain function, it is implicite in that statement that the person should have competence in the field for which he or she is being asked to act. I would like to ask you though, because you make such a specific point of asking that the article be modified in order to specify that those people must be recognized experts — I am not asking you to embarrass anyone, including yourself — but have there been people named to assume functions on behalf of the environment who, in your view, have not been adequately competent, have not been recognizably expert in the field, or is it a general comment that you are making?

Mme Goldsmith: It is a general comment. I just want to be best assured that the people who are going in the position to hear, in the Bureau are competent in what they have to analyse, and this is extremely important. It is a general comment; it has no reflexion on anybody in the past. It is a general comment that certainly anybody who is nominated should be of the highest calibre obtainable.

M. Goldbloom: That reassures me, and I am sure it reassures the present Minister. My concern, as you can, I am sure, understand, would not be that the people that the Minister would name would not be competent. My problem would be that they would all be "péquistes". That is another story.

M. Léger: Cela va ensemble. M. Goldbloom: Si c'était vrai!

There is really only one other question that I would like to put to you and it relates to your comments about article 6c, in which you refer to the question of the independence of the Board. You say, in effect: "A Minister has political pressures which are exerted upon him or her, and an independent Board would be free of such pressures and would, in that regard, be better able to express the public viewpoint in more absolute terms of the requirement of protecting the environment. "

The same kind of feeling comes through to me when you make what is, I must say — and this is the only place at which I will make this comment — a rather unusual recommendation, a counter traditional recommendation, when you say that civil servants should be freed from the constraints which presently exist upon them and should be allowed to speak out, whether they agree with their Minister of their Government or not. It seems to me that if that were adopted as a policy, it would become rather difficult for any Government to govern. Anyone who works within a government has to consider himself or herself a part of a team.

The question that I want to ask you, in relation to both of these things is: You seem to make an assumption that a political person, an elected person would be likely not to say the kinds of things that you would like to hear them say, would be likely not to take the kind of position that you would like them to take, would be likely to be influenced by influences that you would not consider good, proper, pro-environment influences.

The implication is that the independent board, or the civil servants, would be almost certain to say the right things in your view, to say the proenvironment things and to be free of influences.

What I would like to ask you is: What would you do if it were the other way around, if the independent Board, contrary to the minister, said something that you did no feel was proenvironment? What if the civil servants said something that you did not feel was the right thing, a pro-environment position? In particular, if there are influences that are exerted on anybody, is it not true that the elected person has to act out in the full light of public opinion, and that the person who sits on a board, or who occupies a position which is not elected, does not have quite that same spotlight put on them? How would you change those people, if they did something or if they were subjected to and responded to influences that you thought were bad influences? At least when an election comes around, you can change the elected people.

Mme Goldsmith: Well, first of all, I think that perhaps the impression you got was that everybody has to agree with me, which is not true.

M. Goldbloom: No, but we all share the objective of doing the right thing about the environment.

Mme Goldsmith: Whatever that is and if the board or an independent board gave an opinion that perhaps I did not agree with, it did not necessarily mean that their opinion is incorrect. It is their opinion, as long as they were an independent board and made an independent decision. That is the only point I am making.

The other point is that, often times, there are civil servants that could, out of their jobs, you know, as civil servants, be witnesses at various hearings and because of the fact that they are civil servants and they have valuable information to give and they find themselves hampered in the fact that they cannot appear before these hearings because of that fact. I think that there is room for improvement on that point. I do not think that even if an opinion contrary to what I think is right is given, it is not a good opinion.

M. Goldbloom: No, I was not suggesting that you were putting forward your own opinion as being absolutely right and the only one that was right.

I would like to say, in closing, that I hope some day you will be elected to public office and I hope you will become a minister. Then I would like to ask you the same questions again.

Mme Goldsmith: Thank you very much, but I do not think I would accept... Thank you, Mr President.

M. Léger: Mr President, I would just like to ask one question to the member of Saint-Hyacinthe. I would just like to know if he has any comment about the brief.

M. Cordeau: I just want to thank you, Mrs Goldsmith, for your active participation...

Mme Goldsmith: ...you're very welcome.

M. Cordeau: ...to this commission and I hope that our Minister will take into serious consideration all your comments when he will prepare the regulations regarding this Bill.

M. Léger: Thank you...

Mme Goldsmith: Thank you very much.

M. Goldbloom: Mr Chairman, never underestimate your adversary!

Le Président (M. Laplante): Mme Goldsmith, les membres de cette commission vous disent merci. The members of this commission say thanks for your participation.

Mme Goldsmith: Thank you for listening to me.

Le Président (M. Laplante): J'appelle le Comité antipollution de Saint-Michel. Si vous voulez identifier votre groupe et les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît, M. Lauzon.

Comité antipollution des citoyens de Saint-Michel

M. Lauzon (Daniel): Je m'appelle Daniel Lauzon, MSc. Je représente le Comité antipollution des

citoyens de Saint-Michel. Avec moi, il y a mon père, qui s'appelle Roméo Lauzon, qui n'est pas comme tel un membre du comité antipollution, mais qui reste à Saint-Michel depuis 27 ans et qui peut rendre témoignage.

M. le Président, je ne viens pas ici, évidemment, avec mon avocat, mon président, mon vice-président et mon directeur de marketing, parce que nous autres, le Comité antipollution des citoyens de Saint-Michel, sommes un groupe de travailleurs des classes plutôt inférieures de la population. Cependant, c'est un peu pour nous qu'on édicte peut-être une charte de l'environnement. Alors, on a cru bon de déléguer quelqu'un.

Il a été dit à quelques reprises, même aujourd'hui, que les comités de citoyens pouvaient être frivoles. Avant de lire mon mémoire, je voudrais expliquer un peu ce qu'est le Comité antipollution des citoyens de Saint-Michel et montrer qu'on n'est peut-être pas aussi frivoles que cela. Le Comité antipollution des citoyens de Saint-Michel a été créé à la fin de 1975, et c'est M. Renaud qui l'a parti; c'est un type qui demeurait près de la carrière de Francon et, à un moment donné, la compagnie Francon a fait partir une mine qui a envoyé une roche par-dessus les maisons, et, à deux rues de là, il a reçu la roche dans sa maison; cela a défoncé ses murs et cela aurait pu mettre sa vie en danger, en un sens, la vie de sa famille. Le gars voulait fermer les carrières dans Saint-Michel, non seulement à cause de la roche, mais pour d'autres raisons, les mines, la pollution par la poussière, etc. Il y a eu d'ailleurs une pétition qui a été passée par le comité qui réclamait la fermeture de la carrière et qui a recueilli la quasi-totalité des noms sollicités sur le boulevard Saint-Michel. (22 heures)

Ceci dit, il y avait des raisons graves, on trouvait, à cette époque, pour réclamer la fermeture des carrières, mais, d'un autre côté, on se rendait compte aussi que c'était peut-être une demande qui pouvait être acceptée seulement avec réticence. Nous-mêmes, on la faisait avec hésitation.

Donc, ce qu'on réclamait, d'une façon un peu plus subtile, c'était une commission d'enquête sur les coûts sociaux de la pollution dans Saint-Michel qui pouvaient être comparés aux coûts économiques et on se disait: Si l'enquête prouvait qu'il n'y avait pas moyen de faire autrement, qu'il n'y avait pas moyen, pour les compagnies, de respecter des normes antipollution, là, on disait: II faudrait peut-être envisager la fermeture de la carrière, d'autant plus qu'une carrière, de toute façon, ça doit être fermé quand on a fini de l'exploiter, et là, on sait que c'est dans dix ans ou dans quinze ans, mais, à l'époque, on n'était pas trop sûr. De toute façon, peut-être qu'un grand trou comme ça, en plein milieu de la ville, il ne faut pas le laisser creuser jusqu'à perpétuité, mais il faudrait peut-être l'arrêter de creuser, à un moment donné, pour pouvoir le réaménager. Donc, ce n'était pas une demande vraiment irresponsable, mais cela heurtait les intérêts vitaux des citoyens, qui pouvaient mettre leur vie même en danger en restant à Saint-Michel. D'ailleurs, M. Renaud a réglé son problème en déménageant, en laissant son problème à celui qui a acheté sa maison.

D'un autre côté, le comité, après ça, s'est rendu compte, parce qu'on a appris des choses qu'on ne savait pas, que les compagnies qui étaient à Saint-Michel n'avaient pas simplement des droits acquis à faire de la pollution ou à faire des dommages à l'environnement, mais que, entre autres, de 1969 à 1975, leur production de ciment a doublé. Cela, ce n'est vraiment pas un droit acquis. Elles ont doublé leur production. C'est un droit plus qu'acquis. Ce n'est même pas un droit, à notre avis, et on s'est dit: Si on fait des règlements antipollution et, en même temps, si on laisse les compagnies produire autant qu'elles veulent, c'est tout à fait une bouffonnerie ridicule, à ce moment-là.

Pour le moment, notre revendication consiste plutôt — c'est le sens du mémoire — à demander le plafonnement des niveaux de production de compagnies telles que celles-là. Il y a d'autres problèmes à Saint-Michel évidemment, c'est la proximité des carrières. Mais si, au moins, on pouvait obtenir le plafonnement des niveaux de production à un niveau raisonnable et en tenant compte du fait qu'il y a d'autres équipements antipollution qui s'installent continuellement, peut-être que cela réglerait le problème d'une façon acceptable, en bonne partie, jusqu'à ce que les carrières ferment.

Alors, le sens du mémoire, c'est de justifier cette demande. C'est une demande, d'ailleurs, qu'on avait fait passer dans les amendements qu'on avait proposés dans le cadre du fonds de défense du projet de règlement de l'assainissement de l'air de la Communauté urbaine de Montréal l'an passé, projet de règlement qui n'est toujours pas adopté d'ailleurs, au conseil, et on a fait adopter une partie de ces idées dans le cadre du programme administratif du Rassemblement des citoyens de Montréal.

Je vais lire le mémoire. Le Comité antipollution des citoyens de Saint-Michel a reçu l'offre aimable du gouvernement de lui soumettre un mémoire appréciatif sur le projet de loi no 69 qu'il présente à l'Assemblée nationale du pays.

Nous en sommes très honorés et nous tenons à souligner la considération qu'on a pour nous dans un gouvernement progressiste à Québec actuellement, alors que les politiciens conservateurs du passé ne nous témoignaient que trop de mépris parce que nous étions les porte-parole de classes de la population trop modestes pour régler avec eux les affaires du pays, semblaient-ils croire.

Cela ne vise pas seulement les gouvernements provinciaux, mais plutôt encore plus les municipaux.

La grave question de la politique antipollution nationale est l'objet de notre attention depuis plusieurs années déjà. C'est un problème qui est abordé surtout sous l'angle abstrait de la justice, parce que tout ce que le citoyen demande, c'est justice, mais, à vrai dire, une analyse sociale-démocrate correcte du phénomène fait poser la question plutôt sur le plan de l'économie politi-

que, c'est-à-dire la lutte des gens qui ne contrôlent pas la production polluante, contre les politiques sans conscience sociale de ceux qui possèdent ou contrôlent les moyens de production polluants.

Nous sommes heureux de penser qu'un État social-démocrate cherche à combattre le mépris des pollueurs contre les travailleurs qu'ils emploient et la population qui avoisine leurs activités. Malheureusement, ni la constitution, ni la culture politique actuelle de ce pays ne permettent encore une planification économique vraiment efficace éliminant ces problèmes. Ce mémoire expose nos idées en la matière: Une stratégie dont le souci n'est pas bêtement d'opposer la prospérité économique à la qualité de la vie — comme on le fait souvent — mais plutôt de les lier l'un à l'autre.

Le projet de loi no 69 reçoit notre appui dans cette perspective.

Principe d'action: Voici, dans le contexte actuel, une proposition de stratégie sociale-démocrate correcte de lutte contre les effets polluants du capitalisme et de défense de la santé et de la propriété des travailleurs.

Étant donné que dans un régime capitaliste les contrats pour des produits, dont le traitement est polluant, peuvent être donnés de façon à avantager certaines compagnies aux dépens d'autres compagnies concurrentes, là réside le point stratégique d'intervention publique contre les pratiques polluantes.

Trois éléments sont à prendre en considération: On privilégiera aux dépens de leurs concurrentes les compagnies installées à une distance suffisante de toute habitation ou bâtiment utilitaire pour ne pas constituer une nuisance à la population. Par exemple, pour une carrière de ciment, environ 600 mètres sont requis pour ne pas nuire, selon le règlement actuel du Québec.

Deuxièmement, on privilégiera de même les compagnies qui n'ont pas un niveau de production excessif, surtout en milieu peuplé. Par exemple, une entreprise cimentifère avec une capacité d'un million de tonnes par an est inacceptable en milieu urbain. Ceci revient à dire qu'on doit favoriser la déconcentration des industries les plus polluantes et lutter contre la monopolisation. Ceci permet en même temps de protéger ou de créer des emplois dans les moyennes entreprises, tandis que la monopolisation élimine ce genre d'emplois industriels, comme chacun le sait.

On privilégiera encore les compagnies polluantes qui ne sont pas concentrées l'une près de l'autre, de sorte que leurs émissions de matières polluantes ne s'additionnent pas. Par exemple, si une raffinerie et une cimenterie sont à quelques milles l'une de l'autre, il faut les avantager par rapport à une raffinerie et une cimenterie collées l'une sur l'autre.

Ces trois principes stratégiques visent à limiter la production des compagnies polluantes et faire monter, au contraire, la production et l'emploi des compagnies moins malsaines. L'objectif antipollution coïncide alors avec l'objectif de la protection de l'emploi.

Pour atteindre ces objectifs, les tactiques employées doivent consister à hausser les coûts de production des compagnies polluantes pour que leur monopole soit privé de son avantage comparatif par rapport aux autres compagnies. Ce résultat peut être obtenu par les moyens suivants: fortes amendes particulièrement élevées contre les très gros pollueurs; obligation d'installer des équipements antipollution suffisamment efficaces pour que l'air d'un quartier demeure sain; taxes spéciales sur les sources polluantes pour payer les frais du nettoyage de l'environnement. Par exemple, en ce qui concerne les réseaux d'égouts, les utilisateurs pourraient peut-être se voir exiger une taxe; limitation pure et simple de la capacité de production des nouvelles industries et des anciennes et limitation du niveau de production des industries existantes si le système juridique le permet.

Il est évident que ces moyens tactiques favorisant la déconcentration industrielle et luttant contre les monopoles frappent tous les prix à la consommation, puisque les monopoles produisent à meilleur marché. Cependant, ces tactiques ont l'avantage d'éliminer les coûts de la pollution causée par ces dégâts et protègent nos emplois. Par ailleurs, un tarif douanier est nécessaire pour protéger nos propres industries contre les pays qui favorisent les monopoles chez eux. Il y a une autre possibilité aussi, c'est de signer des traités d'entente transnationaux sur la question de la protection de l'environnement.

La seule alternative qu'on peut proposer à cette stratégie est de subventionner les compagnies monopolistiques avec des taxes répartissant alors les coûts de la pollution sur tout un État, plutôt que sur un seul quartier. On avance cette idée pour abaisser les coûts de production au profit des consommateurs locaux, ce qui aurait un effet monopolistique néfaste sur l'emploi, cependant, ou au profit des consommateurs étrangers qui sont ainsi fort privilégiés. Ceci protège les emplois si l'industrie est exportatrice, quoique l'effet monopolistique sera encore néfaste pour l'emploi. En ce cas, nous subventionnons le développement à bon marché de nos partenaires commerciaux.

Nous mettons fortement en garde qu'une stratégie pensant favoriser l'économie doit éviter d'être monopolistique, servilement capitaliste, attaquer le bien-être et la santé des citoyens livrés sans défense à la pollution, et enfin, éliminer des emplois, parce que le libre jeu du marché capitaliste aboutit, à notre avis, à ces résultats.

Pour donner une idée de la réalité, c'est-à-dire la nécessité de la lutte antipollution, supposons un instant que dans le quartier Saint-Michel, on ne tente pas d'enrayer la pollution actuelle par les industries cimentifères. En 1977, ces industries, rapprochées à moins de 40 pieds des habitations (dans un quartier de 90 000 habitants) et groupées (2 carrières, 1 cimenterie, 7 bétonnières et 4 usines de mélange asphaltique sur moins d'un mille carré) produisent une atmosphère dans I quartier polluée à 150% de la norme permise. S dans l'ensemble, les appareils antipollution filtrer

à 98% les émissions, il est facile de calculer que l'absence de ces filtreurs multiplierait par 50 le niveau des émissions nettes (qui seraient alors égales aux émissions brutes), de sorte qu'on aurait là un niveau de pollution à 7500% de la norme permise, bien que le niveau actuel de la pollution à Saint-Michel soit le plus bas depuis qu'on a commencé à mesurer les taux (la production de ciment a baissé après les Olympiques). La santé et la propriété de la population seraient alors si affectées que des déménagements massifs devraient être ordonnés pour évacuer les habitants à des coûts sociaux considérables.

Il est évident que le problème de la pollution industrielle est causé par la propriété privée des moyens de production dont les activités sont sans contrôle social (de même pour les entreprises publiques dans un État qui ne tiendrait pas compte des intérêts des citoyens). Le Comité antipollution des citoyens de Saint-Michel réclame une politique de lutte des classes pour contrôler directement la pollution et la production au profit des travailleurs.

Le projet de loi 69. Nous mentionnions plus haut un élément essentiel d'une planification économique digne de ce nom: au lieu de laisser les lois d'une économie de marché massacrer sauvagement l'environnement et l'emploi, il faut tenter "la limitation pure et simple de la capacité de production... et du niveau de production des industries existantes, si le système juridique le permet", ou les deux autres stratégies dont j'ai parlé.

Le projet de loi 69 apporte d'excellentes mesures quant aux moyens tactiques que nous proposons. Notamment, le recours civil en injonction devrait permettre (espérons-nous) d'interdire aux compagnies de hausser leur production polluante dans un environnement où les normes de qualité de l'air sont dépassées. Si cette mesure est efficace, il ne sera pas nécessaire de recourir à des moyens plus radicaux (comme ordonner le réaménagement des carrières et sablières).

Pour protéger les intérêts vitaux des citoyens, la sévérité des tribunaux ne devrait être requise que pour abaisser la production par tous les moyens, pécuniaires ou injonctifs. La fermeture devrait plutôt être considérée comme un échec de la planification économique. Les travailleurs québécois doivent rechercher le contrôle de leur économie, non en provoquer l'arrêt.

Mise en garde. Le projet de loi pouvant soulever des controverses dans le pays, nous pensons devoir souligner pour sa défense le sens profond des articles 19f et 109b. Ce qu'on y appelle un "préjudice physique, psychologique ou esthétique" est qualifié de l'expression "par suite de l'infraction". De même, le "droit à la qualité de l'environnement" est restreint par la locution adverbiale "dans la mesure prévue par la présente loi et les règlements".

Donc, nulle injonction ni amende ne pourra être imposée sans infraction. Ce n'est pas le simple avis subjectif des citoyens et des juges qui décidera, mais la politique de planification économique du gouvernement.

En fait, nous pensons que le côté "psychologique ou esthétique" ne doit pas être trop aveuglément recherché. Quelques arbres peuvent efficacement masquer une usine hideuse et, si le niveau de production de celle-ci ne met pas en danger la santé de la population avoisinante, sa laideur ne sera sûrement pas intolérable (nous pensons aux fumées et poussières qui, en somme, sont surtout laides si elles sont dangereuses).

Ainsi donc, nous pouvons créer un environnement sain par des filtreurs ou des limitations de production ou des règlements de zonage. Dès lors, nous espérons que notre petit mémoire contribuera à démystifier la propagande des têtes de mule capitalistes contre la défense des intérêts des travailleurs québécois, qui forment la majorité de la population.

Je voudrais faire un petit ajout, M. le Président. C'est à propos de la dimension du secret qui a été abordé un peu aujourd'hui par d'autres intervenants. J'en discutais justement hier soir avec quelqu'un du fonds de défense du projet de règlement de l'assainissement de l'air de la CUM. C'est une chose que j'avais oublié de mettre dans mon mémoire. C'est que, effectivement, le secret qui est souvent pratiqué par le gouvernement... Par exemple, il ne nous avait pas dit qu'il permettait à la compagnie Miron de doubler sa production en six ans. Ce sont des choses que les citoyens ne savent pas. À partir du moment où les politiciens s'acharnent à ne pas informer la population et à faire toutes sortes de choses en coulisse, il est entendu que, finalement, le droit à l'environnement, la charte du droit à l'environnement devient une bouffonnerie. Parce qu'on ne peut pas compter tellement sur la bonne foi des conseillers municipaux et, en ce qui concerne les conseillers municipaux, ma foi, on peut donner des exemples qui prouvent qu'ils sont souvent complices des compagnies. (22 h 15)

De toute façon, nous à Montréal... Cela a été avancé quelques X fois aujourd'hui que, peut-être, ce serait la municipalité qui devrait aller en cour pour protéger les citoyens. Nous ne voulons pas laisser cela à la municipalité parce qu'à Montréal nous avons un problème; nous avons une administration qui aime le secret, la dictature, qui ne veut rien savoir de la participation populaire, qui est antidémocrate, antipopulaire, qui se préoccupe plutôt de mettre $8 millions de béton dans le sol en dessous du vélodrome olympique et qui en met autant dans nos poumons, mais qui ne se préoccupe pas du tout de la qualité de la vie. Donc, si on laissait cela à la municipalité, comme on l'a laissé en bonne partie depuis 1970, cela resterait tout à fait inefficace comme lutte antipollution.

La dernière fois où j'ai posé une question publique au maire sur le projet de règlement d'assainissement de l'air de 1977, il m'a dit que celui de 1970 était meilleur; alors, c'était pour cela qu'il ne présentait pas celui de 1977.

Il y a un autre exemple de mauvaise foi de la part de la Communauté urbaine de Montréal qui peut être donné. Cet été, on s'est réuni dans un

bureau attenant à celui du député de Bourassa et il y avait un représentant de la Communauté urbaine qui était là, du Service d'assainissement de l'air. Je lui ai posé la question: Vous avez écrit dans votre rapport de 1975 que la cimenterie Miron avait doublé sa production de 1969 à 1975. Je lui demandais si c'était une augmentation seulement de la production ou si c'était une augmentation de la capacité de production. Le type m'a dit: II n'y a pas eu d'augmentation de la capacité de production sur les installations de Miron depuis un bon moment.

Or, seulement une semaine après, dans le Journal de Montréal du 15 juin et ensuite du 20 juin, il y a eu un grand article: Miron dépense $3 millions pour faire une nouvelle bétonnière, une nouvelle usine de blocs de béton qui est une des plus modernes et des plus vastes du genre au Québec et même au pays, entièrement automatisée, qui peut produire 12 millions d'unités par année. C'est le genre de déclarations qu'on nous fait souvent à la municipalité.

Ceci pour dire que la dimension du secret, à ce moment-là, est considérée comme très importante par les groupes de citoyens et nous ne pouvons tolérer qu'on laisse simplement à la municipalité le soin de protéger les citoyens. C'est ridicule. Merci!

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. Est-ce que les membres de cette commission me permettraient de souhaiter la bienvenue à deux électeurs du comté de Bourassa, faisant partie d'un groupement antipollution? Je crois que cela fait au moins cinq ans qu'ils luttent actuellement pour essayer de conserver un milieu décent à Saint-Michel. C'est une des seules villes où il n'y a ni parc, ni verdure pour la population qui est d'à peu près 90 000. Le député de Bourassa ne se cache pas de travailler activement avec eux et même le ministre pourra annoncer certaines solutions, certaines approches qui se font actuellement pour le comté de Bourassa. Je tiens énormément à vous remercier de votre venue ici. Continuez votre action, on en a besoin.

M. le ministre.

M. Léger: M. le Président, je pense que, dans l'environnement, même si on sauvait "Laplante", cela serait déjà un gros avancement.

Je veux simplement, peut-être, vous féliciter pour l'aspect positif du mémoire. C'est normal. On s'aperçoit que vous vivez une préoccupation constante dans votre milieu et vous n'avez touché du projet de loi que l'aspect qui touchait les carrières. J'aimerais seulement poser une question. L'article 27 que nous amenons comme amendement oblige les propriétaires d'une carrière ou un exploiteur de carrière à faire un projet de réaménagement une fois que cela est terminé. Est-ce que vous pensez que c'est une mesure qui peut aider à dédommager, du moins à un moment donné, peut-être dans quelque temps, quand même les citoyens qui ont vécu tous les inconvénients de cette carrière? Est-ce que vous pensez que cet amen- dement est une chose positive et qui est acceptable?

M. Lauzon: Oui. Nous insistons beaucoup. D'ailleurs, on avait critiqué l'autre projet de règlement, celui qui concerne seulement les nouvelles carrières et sablières, parce qu'on trouvait que dans cela vous aviez mis que justement les nouvelles carrières et sablières devaient être réaménagées. Pour les anciennes — nous sommes poignés avec des anciennes — on est intéressé à ce qu'elles soient réaménagées à un moment donné, d'autant plus que ce sont des grands trous.

Évidemment, là, ce n'est pas une question de pollution; c'est une question de planification urbaine. C'est que ces deux grands trous, cela coupe en deux, même en trois tout le quartier. Vous avez une partie de Saint-Michel qui est sur Pie IX, une autre partie qui est sur Saint-Michel et tout cela est coupé du reste de la ville. Du moins, dans le sens nord-sud. Alors, vraiment cela cause des problèmes de transport, de planification urbaine assez importants.

M. Léger: Est-ce que vous pensez qu'avant d'émettre une ordonnance pour faire appliquer l'article 27a obligeant à un plan de réaménagement du terrain les citoyens soient consultés sur le type de réaménagement qu'ils souhaiteraient dans leur milieu?

M. Lauzon: Oui.

M. Léger: Maintenant, je dois dire aussi que, nécessairement, le rôle des comités de citoyens est très important. Quand vous avez commencé votre intervention en mentionnant que les comités de citoyens ne sont pas des comités frivoles, je pense bien que je suis d'accord avec vous puisque les comités de citoyens ont justement une obligation et une responsabilité, c'est celle de défendre les intérêts des citoyens du milieu. Je pense que le travail que vous avez fait chez vous a certainement amené à sensibiliser les compagnies Francon et Miron, puisqu'à une visite que j'ai faite là-bas, cela s'est soldé par une acceptation, de la part de la compagnie Miron, de dialoguer avec les représentants du milieu, du comité de citoyens, les relations futures, le correctif à apporter selon les besoins du milieu. Aussi, j'ai appris que la compagnie Francon avait accepté de commencer, au début de l'année 1979, à rencontrer les citoyens du milieu.

C'est donc dire que le travail que vous avez fait a permis de sensibiliser les gens de là aux inconvénients qu'ils causaient et à la possibilité d'essayer de les minimiser en participant à un dialogue avec le comité de citoyens. Je veux vous féliciter sur ce côté. Je n'ai pas d'autres questions. Étant donné que le temps avance, je ne veux pas prolonger puisqu'il y a un autre groupe qui est ici et on est déjà à 22 h 20. Je vais laisser la parole aux députés de l'Opposition.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, je pense — je le dis amicalement au ministre, par votre intermédiaire — que le temps que l'on prend pour les questions doit être déterminé selon la valeur du mémoire et pas selon l'heure qui avance.

Je me demande, M. le Président, pourquoi le ministre est tellement pressé de cesser ces interventions. Est-ce parce qu'avant le 15 novembre 1976, il suffisait que le Parti québécois arrive au pouvoir pour que tous ces problèmes soient réglés immédiatement? On est 22 mois plus tard maintenant, on écoute les doléances des citoyens de Saint-Michel et l'on constate que le problème n'est pas encore réglé et que tout ce que le ministre a pu réussir, c'est d'obtenir l'acceptation du dialogue de la part des dirigeants de la compagnie Miron. Ce n'est pas mirobolant comme succès.

M. le Président, je passe sous silence des éléments de ce mémoire, sauf que je dois dire que, pendant douze années et demie de vie publique, j'ai essayé d'éviter d'avoir du mépris à l'endroit de qui que ce soit. Je passe sous silence les épithètes désobligeantes à l'endroit de diverses personnes.

Ce mémoire nous indique que la solution à ce problème, et sans doute à beaucoup d'autres, se situe dans la lutte des classes. M. le Président, je pense que ce que nous devons réussir ici, c'est la rédaction d'un projet de loi, d'une éventuelle loi qui permettra des interventions de la part du gouvernement, des interventions de la part des citoyens selon les faits, selon ce qui peut être prouvé, parce que nous avons quand même un régime où la loi doit être respectée et le respect de la loi doit être assuré par les tribunaux.

La situation dans le quartier qui est affligé par les difficultés que l'on connaît, c'est une situation qui n'a pas pris naissance hier. Effectivement, j'ai été intéressé par une des recommandations, celle qui propose que le gouvernement privilégie les carrières de ciment qui sont à une distance d'au moins 600 mètres des habitations. Je me permets de croire qu'il y avait une époque, je ne saurais l'affirmer en ayant mesuré les distances, mais il me semble qu'il y avait une époque où il y avait effectivement une distance de 600 mètres entre la carrière Miron, la carrière Francon et la plupart des habitations du voisinage. Je me demande, encore aujourd'hui, comment il se fait que des permis de construction aient été émis pour construire sur cette lisière.

Mais le fait est que c'est jusqu'au bord du cratère que l'on a construit. C'est absolument regrettable que cela ait été fait. Aujourd'hui, nous nous trouvons devant une situation extrêmement complexe, complexe non seulement à cause de cette chronologie du développement du quartier, mais complexe aussi —et je ne voudrais pas que vous preniez mes paroles comme étant un appui aux exploitants des carrières, ce n'est pas du tout mon but — mais regardez le problème social que nous avons.

Malgré le développement dont je viens de parler et d'autres développements dans la région métropolitaine, il y a eu aussi énormément de démolitions, une autre tragédie de notre histoire, et les démolitions ont souvent dépassé en nombre, en une année donnée, les constructions. Les familles, les personnes à faible revenu ont été expulsées du centre-ville et des frais de transport ont été ajoutés aux frais inhérents à leur habitation.

Aujourd'hui on parle, peut-être un peu moins depuis quelques mois, mais l'on parle toujours d'une crise du logement. S'il y a une crise du logement, il est évident que, pour certains groupes, certaines familles, certaines personnes, il y a des subventions qui sont disponibles. Mais il y a la masse de la population qui ne pourra jamais être subventionnée, qui devra toujours s'adresser au marché pour trouver un logement convenable. Si nous éloignons les carrières des centres de population, nous ajoutons des frais de transport au coût de l'habitation. Il faut quand même se servir du ciment pour les solages et tout cela. Si l'on doit aller à 50 milles de Montréal pour chercher ce ciment, la maison va coûter plus cher. Et c'est un problème social qui est très grave.

Je pense qu'il serait irresponsable de ma part d'essayer de dire qu'il y a une solution facile à tout cela. Il n'y en a pas. Mais l'effort se fait depuis plusieurs années et se continue. J'ai lancé des flèches dans la direction du ministre tout à l'heure, mais c'était avec un certain sourire, parce que sérieusement je suis aussi conscient que lui de la difficulté qui existe face aux problèmes que vous avez si bien décrits. Et vous avez bien décrit ces problèmes. Je laisse de côté une certaine phraséologie que vous avez bien voulu utiliser; en dessous de cette phraséologie, il y a un problème humain qui est très réel, un problème d'environnement qui est très réel. Je pense qu'il s'impose que nous vous remercions d'avoir attiré encore une fois ce problème à l'attention non seulement des élus, mais de la collectivité. Cela nous servira comme incitation à une vigueur plus intense pour trouver une solution.

Je sais qu'il y a des gens qui sont à la fois des affligés de la pollution et des travailleurs des usines en question. Voilà un autre problème social qui est fort complexe. Parce que l'on peut faire beaucoup de théorie, mais le fait est que le gagne-pain de la famille doit pouvoir travailler afin de faire vivre sa famille, son épouse et ses enfants. (22 h 30)

II y a une limite à ce que l'on peut faire pour compenser des pertes d'emplois. Si nous faisions perdre les emplois de tous les travailleurs qui oeuvrent actuellement dans des industries polluantes, le bien-être social ne serait jamais capable de suffire aux besoins. La richesse collective du Québec ne suffirait pas pour répondre à ce besoin. Il faut donc échelonner une intervention à l'égard de chacun des pollueurs. Même si l'on est tenté souvent, je dirais, à être un peu partisan et faire peut-être des blagues, parce que la vie doit avoir un peu de piquant de temps en temps, sérieusement, il y a une unanimité des deux côtés de la table devant le cri d'alarme que vous lancez, et une volonté, des deux côtés de la table, de faire quelque chose, de faire le mieux possible.

Sans avoir des questions, c'est ce que j'ai voulu exprimer parce que je su is passé par là moi aussi et je connais les difficultés. J'ai confiance que le gouvernement, même si sa couleur politique n'est pas celle que je préfère, cela est dans le jeu normal de la

démocratie, ces choses changeront un jour... Je connais le député de Lafontaine depuis longtemps et malgré tout ce que je pourrais dire à son sujet qui serait un peu désobligeant, je ne le taxerai jamais d'un manque de sincérité en ce qui concerne la protection de l'environnement et en ce qui concerne la protection de la santé des gens qui sont exposés à des contaminants de toutes sortes. Alors, je le prie, en votre nom, de continuer son travail et de réussir aussi rapidement que possible.

Le Président (M. Laplante): Monsieur...

M. Lauzon: Je le prie moi aussi de continuer. Je voudrais vous faire remarquer que, comme je l'ai dit dans le mémoire, l'industrie, qu'elle soit capitaliste ou socialiste, en effet, va polluer autant s'il n'y a pas de planification économique. Quand je dis que c'est une politique de lutte des classes, ce que je veux dire, c'est que de toute façon nous autres, les travailleurs de Saint-Michel, on ne possède pas la compagnie Miron.

Cette compagnie — je parle de Miron, mais on pourrait parler de Francon aussi — est possédée par des capitalistes belges et canadiens. On n'a pas de contrôle là-dessus. Et le problème, c'est que c'est une grosse multinationale qu'on a laissé grossir et c'est une industrie trop grosse en milieu urbain. Donc, même si on ne la fermait pas complètement, cela ne me dérangerait pas, du moment qu'elle serait moins grosse.

D'autre part, vous avez parlé des coûts de l'habitation. Franchement, quand on vient d'investir un milliard dans les Olympiques, je trouve que le coût de l'habitation a bien des raisons d'augmenter et le fait d'abaisser un peu la production de quelques grosses industries en plein milieu de la ville, ce n'est pas là la grosse catastrophe. Ce sont d'autres bouffonneries qui se font en dehors de cela.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe, vous avez une question?

M. Cordeau: Oui. Tout d'abord je voudrais me situer parce que j'aurais peut-être des questions à poser. Alors, je suis un travailleur, j'ai toujours été un travailleur tout le temps de ma vie et je suis encore un travailleur au service de ma province et de mes concitoyens.

Ceci dit, vous mentionnez à la page 4: Le comité antipollution des citoyens de Saint-Michel réclame une politique de lutte des classes pour contrôler directement la pollution et la production au profit des travailleurs.

Croyez-vous sincèrement que si les travailleurs possédaient les carrières actuellement, il y aurait moins de pollution?

M. Lauzon: Comme je vous l'ai dit, s'il n'y a pas de planification économique, le problème pourrait être aussi grave. C'est une question d'avoir un adversaire de moins avec qui parler.

M. Cordeau: Comment, un adversaire? Qu'entendez-vous par "adversaire"?

M. Lauzon: Si vous avez une compagnie dont les possédants sont en Europe et qui se fichent pas mal peut-être de ce qui se passe dans un quartier perdu de Montréal, évidemment, ce n'est peut-être pas l'ami du coin de la rue à qui vous donnez une tape sur l'épaule et vous arrangez ça en un clin d'oeil.

M. Cordeau: Tantôt, vous avez parlé de capitalistes polluants. Croyez-vous qu'il n'y a que des capitalistes polluants et qu'il n'y a pas des individus polluants?

M. Lauzon: C'est-à-dire qu'actuellement on vit dans un système capitaliste. Comme j'ai dit, les industries socialistes sont aussi polluantes, s'il n'y a pas de planification. Quant à savoir s'il y a des individus polluants, les principaux, les plus gros, ce sont les capitalistes, tout de même.

M. Cordeau: Mais seulement, plusieurs petits en forment un gros, ils peuvent égaliser un gros.

M. Lauzon: Mais ça, il ne faut pas se lancer là-dessus et dire aux citoyens: Ah! si vous n'étiez pas plusieurs petits polluants, vos problèmes...

M. Cordeau: Non...

M. Lauzon: ... d'environnement seraient réglés. Ce n'est pas vrai.

M. Cordeau:... mais je pense qu'il ne faut pas garrocher les roches seulement aux gros capitalistes.

M. Lauzon: Non.

M. Cordeau: II faut être un peu positifs dans vos revendications. Je pense que c'est une éducation de toute la population que même les comités de citoyens devraient prôner et non la lutte entre les classes...

M. Lauzon: C'est un aspect du problème.

M. Cordeau: ... comme vous le présentez, d'ailleurs, dans votre mémoire. Je l'ai lu. Je crois que ce serait bon que vous soyez un peu plus positif, et moins négatif...

M. Lauzon: Je trouve qu'on l'a été pas mal.

M. Cordeau: ... de ce côté-là.

Aussi tantôt, vous avez visé beaucoup de gens dans la province de Québec lorsque vous avez affirmé que les conseillers municipaux étaient de mauvaise foi. Je dois vous avouer humblement que je suis un conseiller municipal...

M. Lauzon: À Montréal.

M. Cordeau: ... et qu'à l'ouverture du congrès de l'Union des municipalités du Québec, je dois m'inscrire en faux contre une telle affirmation gratuite et mensongère. Je ne sais pas quels sont les conseillers que vous fréquentez, vous pouvez peut-être porter des jugements sur des conseillers, soit à Montréal, parce que vous n'en connaissez peut-être pas d'autres, mais je dois vous assurer qu'ici, je m'inscris en faux contre vos affirmations et cela, je ne le fais pas à mon égard, parce que les citoyens de Saint-Hyacinthe m'ont déjà jugé, mais, par contre, parce que j'ai été réélu par acclamation la dernière fois, contre ce que vous avez affirmé lorsque vous avez donné vos explications, car je me dois ici de défendre un peu les conseillers municipaux qui, pour plusieurs, travaillent quasiment pour des prières.

Alors, je crois que ces gens-là méritent considération et que la population doit leur savoir gré de leur désintéressement et leur bonne foi.

M. Lauzon: Je suis content que vous disiez ça, parce que, moi-même, vu que je trouve qu'il y en a quelques-uns qui ne sont pas de bonne foi, je suis décidé de me présenter comme conseiller municipal.

M. Cordeau: Vous vous embarquez dans une méchante galère. Vous ne savez pas qui vous allez fréquenter.

Le Président (M. Laplante): Au nom des membres de cette commission, je tiens à vous dire merci.

M. Lauzon: Merci, M. le Président et merci à tous les membres de la commission de nous avoir entendus.

M. Cordeau: Je vous remercie, par contre, de votre mémoire. Étant donné qu'on vit dans un pays démocratique, vous avez encore le droit. J'espère que cela durera longtemps...

M. Lauzon: Moi aussi.

M. Cordeau:... parce que si on en vient à vivre dans un pays peut-être que vous aimeriez, que certaines politiques prônent ici, je crois que vous n'auriez pas eu l'occasion de présenter un tel mémoire.

M. Lauzon: Je n'irai pas jusqu'à être dans ces pays-là.

Le Président (M. Laplante): J'appelle le Conseil de l'environnement du Saguenay. Vous avez deux mémoires, un concernant le ministère de l'environnement et l'autre sur le projet de loi no 69.

M. Bouchard (Philippe-Auguste): C'est un ajout à...

Le Président (M. Laplante): C'est une suite.

M. Bouchard (Philippe-Auguste): Oui.

Le Président (M. Laplante): C'est une annexe seulement, d'accord. Si vous voulez vous identifier et identifier votre groupe et les personnes qui vous entourent, s'il vous plaît!

Conseil de l'environnement Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau Inc.

M. Bouchard (Philippe-Auguste): Conseil de l'environnement Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau Inc. Philippe-Auguste Bouchard, président; Julien Tremblay, administrateur, Louis Coulombe, vice-président, Louise Accolas, secrétaire, et Gérard Claveau, administrateur.

Le Président (M. Laplante): Excusez-moi, les deux derniers sont...?

M. Bouchard: Louise Accolas...

Le Président (M. Laplante): Accolas?

M. Bouchard: Accolas.

Le Président (M. Laplante): Et le dernier?

M. Bouchard: Gérard Claveau.

Le Président (M. Laplante): Claveau. Merci. On débute?

M. Bouchard: Oui. M. le Président, messieurs les membres de la commission parlementaire, le Conseil de l'environnement Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau Inc. est un organisme à but non lucratif qui rassemble des personnes et des associations concernées par les questions de l'environnement. Il se veut un agent de coordination et de consultation de tous les groupes et personnes du milieu. Le conseil est constitué en corporation selon la Loi des compagnies du Québec, troisième partie, et selon les lettres patentes octroyées par Son Excellence le lieutenant-gouverneur de la province de Québec le 1er novembre 1973. Le conseil, afin de réaliser le plein épanouissement de l'individu dans un environnement sain, se fixe comme objectifs de promouvoir l'utilisation rationnelle de l'environnement, de favoriser la participation et réaliser la consultation de tous, de participer à l'éducation et à l'information de ses concitoyens, d'analyser les problèmes et d'étudier la solution en toute matière touchant la protection et la sauvegarde de l'environnement. Le Conseil de l'environnement Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau Inc. compte présentement 215 membres répartis comme suit: 177 membres individuels, 15 corporations municipales, 19 associations bénévoles ou organismes, 3 maisons d'enseignement ou institutions scolaires, une corporation privée.

M. le Président, c'est avec une grande satisfaction que nous venons devant vous exprimer nos vues sur un sujet qui nous tient à coeur, soit

celui de l'environnement. Si le débat écologique est déjà vieux de plusieurs années, cette rencontre constitue pour nous la confirmation qu'un pas important a été accompli. Loin de nous asseoir sur cette première victoire, c'est avec toute la ruse du carcajou et l'oeil perçant de l'aigle pêcheur que nous avons scruté le projet de loi 69 soumis à notre critique. Nous vous livrons donc nos constatations avec toute la franchise des gens conscients de la justesse de leur démarche.

Le Président (M. Laplante): Monsieur, je ne voudrais pas vous brimer dans vos droits, c'est vous qui allez le juger, mais vu l'heure tardive est-ce que vous seriez capable de faire un résumé du mémoire pour que les membres de cette commission puissent vous questionner?

M. Bouchard: M. le Président, je suis bien d'accord. J'ai à peu près 20 minutes de texte à lire.

Le Président (M. Laplante): C'est justement...

M. Bouchard: On a fait 150 milles ce matin. On a été convoqué pour 15 heures cet après-midi. Nous allons faire encore 150 milles pour retourner. Je crois qu'on mérite qu'on soit entendu jusqu'à la fin, qu'on réponde correctement à nos questions et qu'on réponde aussi à vos questions.

M. Cordeau: D'accord.

Le Président (M. Laplante): Vous êtes d'accord pour passer 23 heures? Tout le monde est d'accord.

M. Léger: Si tout le monde est d'accord...

Le Président (M. Laplante): C'est le voeu unanime des membres de cette commission.

M. Bouchard: Je vous remercie beaucoup, M. le Président, et les membres de la commission.

Dès la première lecture du projet de loi 69, nous avons vivement apprécié la volonté exprimée de donner une vie légale, de reconnaître à toute personne et à toute espèce vivante le droit à la qualité de l'environnement, de donner aux citoyens du Québec les outils nécessaires à l'exercice effectif de ce droit. Cette reconnaissance représente l'aboutissement de longues années de lutte, d'un lent travail de conscientisation nécessaire à la réalisation de chaque étape du processus d'évolution humaine. Dans la même ligne de pensée, le projet de loi 69 soumis à notre jugement constitue une amélioration certaine de la Loi 34 de 1972.

La création d'un bureau d'audiences publiques favorisera la prise en charge par la population de la qualité de son habitat. Non seulement des débats publics offriront à chacun la possibilité d'exprimer ses vues sur les différentes facettes de la pollution et l'impact des projets industriels ou autres sur l'équilibre naturel de sa région, mais le simple fait de débattre sur la place publique ce genre de sujet aura des conséquences plus que bénéfiques pour l'ensemble des citoyens impliqués.

Enfin, les dossiers écologiques sortiront des chapelles que représentent les universités pour rendre cet aspect de notre réalité aussi quotidien et vivant que l'économie, la santé publique et l'éducation. (22 h 45)

Sur la place publique, l'écologie ne restera plus une science ésotérique, mais un débat normal et naturel, qui sait, peut-être aussi populaire que les finales de hockey. Nous voyons là une occasion de créer une parole d'homme libre, d'homme qui se respecte et s'estime, puisqu'il s'agira à chaque fois de définir globalement, cas par cas, et dans le détail, la qualité de la vie.

Débattre de la qualité de la vie, c'est définir la qualité et aussi définir la vie. C'est une recherche de nuances, de limites et de frontières; c'est explorer à rebours les racines humaines les plus profondes, les plus secrètes; c'est reposer définitivement à la collectivité la question de l'homme.

Cette question de l'homme nous incite à définir le minimum de laideur tolérable, le minimum de santé tolérable pour l'espèce humaine et celles qui partagent son habitat. Parler de minimum, c'est parler de limite, c'est valoriser chaque espèce, quantifier l'importance objective et subjective de chacune d'elles, c'est ne plus pouvoir considérer l'homme comme couronnement de la création, mais comme le gestionnaire d'un patrimoine duquel il tire sa subsistance, mais aussi face auquel il a des devoirs de protection. Ces devoirs ne sont pas seulement des devoirs moraux, des devoirs comme ceux que le fils a envers son père, mais des devoirs vitaux, des devoirs de l'ordre de ceux qu'un père contracte envers ses enfants.

Débattre publiquement l'environnement, poser collectivement la question de l'homme, c'est poser publiquement la question de la valeur de nos enfants. Leur léguerons-nous en héritage un habitat sain, productif et viable, ou un minable désert de cochonneries improductif, une planète dégénérée sur laquelle ils n'auront d'autre possibilité que de se crever à cultiver dans le gravier pour arracher leur subsistance.

Ces considérations donnent à l'avance l'échelle dans laquelle nous situons notre intervention, l'importance que nous attachons à nos démarches, et affirment que dorénavant, nous exigerons de tous le respect de ce territoire qui ne nous appartient pas tout à fait.

Ce que nous demandons d'une loi sur la qualité de l'environnement, c'est un outil tranchant bien affûté, une arme efficace pour la défense des frontières de notre dignité d'homme. Ce que nous exigeons, c'est le moyen d'imposer à qui que ce soit le respect de notre vie en symbiose avec notre pays et du patrimoine que nous léguerons à nos enfants.

La première faille que nous avons remarquée dans le projet de loi 69 concerne l'article 1, paragraphe 6.

Nous éprouvons quelques malaises à constater le manque de représentativité de nos concitoyens au sein du bureau d'audiences publiques. Nous demandons une représentativité garantie par la loi de la population au sein de ce bureau et ce, par le biais des conseils régionaux d'environnement.

Nous souffrons difficilement de renoncer à notre droit de regard et de parole après les audiences publiques, ne serait-ce que pour ramener les spécialistes à des conclusions et des résolutions qui ne noieraient pas dans des textes inaccessibles et incompréhensibles l'opinion de nos représentants lors de ces mêmes audiences.

De toute façon, nous considérons que le débat sur l'environnement étant un débat fondamental, il nous appartient directement et, quel que soit l'échelon où il se situe, nous ne voulons pas le perdre de vue.

Le deuxième trou, et il est de taille, que nous rencontrons à la lecture du projet de loi 69 concerne l'article 4, paragraphe 19c. La politique étant ce qu'elle est, nous craignons le danger qu'un conflit d'intérêts entre différents champs d'activités des divers niveaux de gouvernements ne relègue au second rang ce que nous considérons comme une priorité. Il nous apparaît même probable qu'une municipalité, prise entre son besoin d'expansion et de développement et son service d'environnement, dans un calcul que nous n'admettons pas, opte pour son développement et laisse tomber les considérations environnementales. Le gouvernement du Québec, les exemples ne manquent pas, n'est pas lui non plus à l'abri de telles tractations.

C'est pourquoi nous considérons indispensable que les conseils régionaux d'environnement, sollicités par n'importe quel citoyen, soient eux aussi mandatés par la loi à pouvoir requérir une injonction contre quiconque entreprend une opération qui porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à notre droit à la qualité de l'environnement. Cet ajout représenterait, pour la population, une espèce de recours collectif souvent nécessaire face à des personnes trop puissantes ou face à des délits mineurs multipliés à l'infini.

Nous réexprimons que nous voulons, par la loi 69, nous donner un outil efficace pour la protection de notre patrimoine et que la moindre possibilité qu'un individu ou une autre personne puisse passer outre soit écartée. Dans ce cas, notre seule garantie, c'est de pouvoir directement, par un organisme qui nous appartient, recourir à la justice pour nous faire respecter. Donc, nous demandons que l'article 19c spécifie que les conseils régionaux de l'environnement puissent requérir en injonction, au même titre que le procureur général du Québec, les municipalités, un citoyen ou une autre personne physique.

Dans le même ordre d'idées, nous demandons que l'article 9, paragraphe 31c, spécifie explicitement que toute personne, municipalité ou CRE, puisse demander au lieutenant-gouverneur en conseil la tenue d'une audience publique. Une troisième faille du projet de loi 69, qui nous a frappés et que nous jugeons très grave, concerne l'article 9, paragraphe 31f. Il est absolument inadmissible qu'une personne ou qu'une industrie puisse être soustraite à quelque prescription de la loi en matière d'environnement. Nous ne sommes plus en 1900. Les études sur les problèmes d'environnement sont amorcées depuis déjà assez longtemps pour que personne puisse feindre l'ignorance de ces problèmes lors de l'élaboration d'un projet. Nous considérons que, quelle que soit la nature du projet, le fait de n'avoir pas sérieusement inclus dans son élaboration une étude d'impact sur l'environnement constitue une faute grave, au moins d'ignorance crasse, sinon carrément de mauvaise foi évidente. En conséquence, nous voulons voir rayer complètement du projet de loi 69 l'article 31f, de façon à soustraire à toute possibilité de tractation politique, à tout jeu de coulisse, à toute notion d'arbitraire le respect de l'intégrité de notre terre.

Nous soutenons que nul ne doit avoir la possibilité de spolier notre environnement, de franchir les frontières de notre dignité d'homme, sous quelque considération que ce soit. Il n'est que justice que ceux qui ont négligé d'y songer par le passé soient obligés aujourd'hui de justifier leurs actes, de réparer les torts causés à la propriété collective et soient ainsi contraints de s'amender et de régulariser leur situation. Nous avons rencontré plus loin dans le projet de loi 69 quelques imprécisions et abstentions qui laissent encore trop de latitude aux gens qui auront à appliquer la loi sur la protection de l'environnement.

Nous voudrions voir préciser à l'article 10 que tout système d'égouts ne puisse dorénavant être construit sans un système de traitement des eaux usées. Ce système devra assurer le rejet d'une eau absolument compatible avec les normes établies par les services de protection de l'environnement, quels que soient les coûts encourus par le procédé nécessaire au traitement de ces eaux. L'eau doit être chimiquement et biologiquement propre.

Pour assurer que cette loi soit appliquée avec toute la rigueur nécessaire, nous demandons de plus la suppression pure et simple du paragraphe p) de l'article 17 de la loi 69. Nous considérons que cet article laisse trop de passe-droits. Il nous apparaît nécessaire de rappeler encore que nous ne souffrirons aucune possibilité pour qui que ce soit de passer outre à cette loi qui doit protéger notre habitat. Finalement, pour nous assurer d'abord la participation affective de la population, et aussi multiplier presque à l'infini le nombre des agents de la protection de l'environnement, nous demandons que l'article 119 de la loi 34 élargisse la notion de mandataire des services au simple citoyen de façon que, chaque fois que deux personnes sont témoins directs d'une infraction, elles puissent, après une simple formalité d'assermentation, procéder à la mise en accusation du ou des contrevenants.

La notion d'infraction devra elle aussi couvrir explicitement les délits mineurs ou considérés

comme tels. Le simple fait de jeter par la fenêtre d'une auto un emballage, un papier, un contenant ou autre objet, devrait, comme cela est fait dans différents États américains et certaines provinces canadiennes, encourir des amendes allant jusqu'à $500 et ce sur simple sommation par n'importe quel des agents de la paix, gardes forestiers, officiers d'environnement, policiers municipaux ou la Sûreté du Québec. La protection de l'environnement englobe toutes les formes de l'activité humaine et ce n'est qu'au prix d'une vigilance et d'une attitude inflexibles que nous arriverons à conserver, parfois même à redonner au territoire québécois toutes les qualités d'un pays riche, prospère et sauvagement magnifique.

Les premières photographies par satellite nous ont jeté à la tête une réalité que nous avions toujours ignorée ou feint d'ignorer. La terre n'est ni plus ni moins qu'un gigantesque vaisseau spatial aux ressources limitées. La prise de conscience de cette réalité s'est faite par étapes rapides, plus ou moins violentes et pressantes, selon les régions et les groupes humains. Il n'en demeure pas moins que l'homme du 20e siècle est désormais confronté avec le caractère fini de sa planète. Du coup, chacun s'est posé la question de sa survie. Notre vaisseau transporte-t-il une cargaison suffisante de tout ce qui est nécessaire à la vie de tous? On s'est vite rendu compte qu'il ne s'agissait pas de cargaison, mais bien d'un système intégré, infiniment interdépendant, d'une fragilité relative comparable à sa complexité.

Les chercheurs se sont mis à l'oeuvre pour aboutir à un immense acte d'humilité. L'homme n'est pas le but de l'univers, mais un chaînon essentiel éminemment dépendant de son écosystème. Les débats se sont donc succédé enflammés. Qu'il nous suffise de mentionner la vigueur et parfois même la violence déployée par les mouvements européens et américains et il faut se rendre à l'évidence de plus en plus de gens qui considèrent que la protection de l'environnement doit devenir une préoccupation des sociétés humaines aussi importante que l'économie ou la recherche de solutions aux problèmes sociaux. Qui plus est, à étudier l'écosystème, les chercheurs ont clairement fait ressortir que l'écologie n'était pas un champ d'étude restreint, mais bien qu'elle embrassait toute activité humaine, physique ou sociale, que le processus de vieillissement des territoires et des systèmes écologiques était toujours directement accéléré par les activités sociales, économiques et culturelles des hommes qui l'habitent.

L'écologie et la protection de l'environnement ne peuvent plus être considérées comme un à-côté ou une activité secondaire, mais comme la seule discipline capable d'assurer aux hommes avec lesquels nous vivons et à ceux qui nous suivront une vie décente dans un milieu sain et agréable.

Il est nettement inadmissible que l'on mette tant d'énergie à exploiter à tout prix les ressources d'un pays, en considérant les gens préoccupés de la qualité de leur habitat comme des gêneurs, des empêcheurs et des braillards. Il est grand temps de donner à la protection de l'environnement ses titres, sa raison sociale et politique. Il est beau et normal de protéger les vieux objets et les vieilles pierres, mais il serait aussi important de protéger notre bien le plus précieux: une vie saine et heureuse.

Nous faisons donc la proposition ferme au gouvernement du Québec de créer immédiatement le ministère de l'environnement et de le doter de tous les moyens, outils et pouvoirs nécessaires à l'accomplissement d'une tâche aussi vaste et fondamentale que celle de sauvegarder notre héritage et notre patrimoine environnemental. Notre plus cher désir est que les historiens de l'an 2100 puissent qualifier la huitième décennie du XXe siècle l'ère du ministère québécois de l'environnement.

Lorsque, en 1976, le chef du gouvernement québécois, M. René Lévesque, proposa la création de quatre superministères ou ministères d'État, il innovait cette espèce de dichotomie qui régnait entre certains ministères à vocation connexe ou tout au moins semblable. De plus, sans vraiment créer un ministère de l'environnement, le gouvernement québécois a fait preuve de volonté en dégageant, à temps plein, un ministre, pour que ce dernier s'occupe des questions propres à l'environnement. Déjà un pas venait d'être franchi.

Mais voilà, il ne faut pas s'arrêter là, il faut aller de l'avant. Nous savons que même les gouvernements municipaux, provinciaux et fédéral, par le biais de leurs activités dans différents ministères, sont peut-être les plus grand pollueurs et qu'ils ne respectent pas toujours l'écologie. Pensons seulement aux quelques ministères suivants: Transports, Agriculture, Terres et Forêts Affaires sociales, Richesses naturelles, Tourisme, Chasse et Pêche, etc.

Il faut que les préoccupations pour l'environnement soient regroupées sous la responsabilité du même titulaire si nous voulons une action efficace, cohérente et concertée dans toutes les sphères de l'activité humaine.

Le Québec a connu sa révolution tranquille, l'ère de l'éducation; nous sommes à la fin de l'époque des loisirs et des sports; les sommes investies dans ce domaine furent énormes et profitables. Cependant, ce qui se dessine à l'horizon ressemble étrangement à l'ère de l'écologie et de l'environnement. Nos légataires ne nous pardonneront jamais d'avoir manqué de perspicacité et d'avoir omis de leur assurer un avenir agréable dans un environnement sain.

Nous croyons que dans l'avenir il faudra investir des milliards de dollars dans le redressement de certaines situations en matière d'environnement. En même temps, nous devrons nous donner les instruments d'épuration nécessaires à la conservation et à l'amélioration de notre territoire. En ce sens, le Conseil de l'environnement du Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau Inc. recommande au gouvernement québécois la création immédiate d'un super ministère ou ministère d'État à l'environnement.

Le domaine de la protection de l'environne-

ment regroupant toutes les activités humaines et industrielles de notre société, nous croyons qu'un ministère d'État à l'environnement représente une solution rationnelle et logique face à la présente situation.

L'individu, les gouvernements et l'industrie peuvent être qualifiés de plus gros pollueurs. En ce sens, il s'avère important que notre structure parlementaire témoigne d'assez de souplesse pour permettre au ministre de l'environnement d'agir et d'intervenir rapidement dans tous les cas de préjudices causés à l'environnement, et ce, sans égard aux pollueurs.

À notre avis, notre attitude face à l'environnement, devra devenir celle d'un peuple conscient que son milieu de vie est une richesse naturelle. Les pétrodollars s'épuisent, bientôt nous négocierons en hydrodollars et en touridollars. Pour en tirer tous les avantages, il nous faut un Québec propre, propre, propre.

C'est pourquoi nous croyons que le futur ministère d'État à l'environnement devrait non seulement orienter son action vers une présence concrète dans le milieu (dépollution), mais se donner aussi une vocation de recherches.

Afin d'éviter dédoublements, pertes d'énergie et coûts astronomiques, le ministère de l'environnement devrait obtenir les outils de travail suivants: laboratoire de recherche, centre de formation, personnel suffisant dans les régions, mise sur pied des conseils régionaux de l'environnement, formation, aide technique et financière aux groupes de pression.

De plus, nous suggérons que le ministère de l'environnement se voit confier les mandats suivants: Recherches, formation, surveillance, légiférer, contrôle et droit de pénalisation.

Nous insistons sur le fait que le ministère de l'environnement travaille en priorité sur les points suivants: réglementation de tous les pesticides, herbicides, engrais chimiques, etc., réglementation des normes de pollution de l'air par les acides, les hydrocarbures, réglementation sur le contrôle des sols et des nappes phréatiques, réglementation sur le traitement des eaux primaires, secondaires et tertiaires.

Finalement, le Conseil de l'environnement Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau Inc. recommande au gouvernement québécois que des négociations soient entreprises avec le gouvernement fédéral, afin que le Québec rapatrie la totalité des pouvoirs en ce qui a trait à la protection de l'environnement et à l'intégrité de son territoire.

Le Québec doit être le maître-d'oeuvre de son patrimoine environnemental. Merci. (23 heures)

Le Président (M. Laplante): Bon lecteur! M. le ministre.

M. Léger: M. le président, je dois féliciter les représentants de la région du Saguenay-Lac Saint-Jean-Chibougamau pour le ton positif de leur mémoire, le dynamisme des propositions qu'ils ont faites, le panache avec lequel ils ont présenté leur proposition. C'est digne des gens de votre région.

Je dois quand même, pour ne pas éterniser — étant donné que je suis pas mal d'accord sur la plupart des propositions que vous mettez de l'avant — peut-être toucher quatre points.

Nécessairement, votre mémoire met en principe qu'il doit y avoir un ministère de l'environnement. Je ne sais pas si ce sera un ministère d'État à l'environnement, mais ce sera nécessairement au moins une étape qui va être la création d'un ministère de l'environnement. Nous avons mis sur pied la plupart des mécanismes nous permettant d'avoir un projet précis en ce sens, incluant toutes les implications des différentes directions qui sont responsables, d'une façon particulière, de l'environnement dans les différents ministères. Je pense que d'ici très bientôt, avant même Noël, un geste concret sera posé, dont je ne peux pas déterminer les modalités aujourd'hui, mais qui vont dans le sens de ce que vous proposez. Je pense que ce sera une solution qui saura plaire à ceux qui veulent défendre l'aspect écologique du développement du Québec.

Concernant un deuxième point, vous parlez de la possibilité qu'aucun système d'égout ne soit construit sans un système de traitement des eaux usées. Je dois dire que c'est quand même une politique administrative, celle que vous proposez là. C'est assez difficile à mettre dans une loi. C'est une politique que nous faisons d'une façon habituelle, maintenant, depuis au moins deux ans, et qui est suivie par nos services de protection de l'environnement.

Maintenant, il faut tenir compte aussi que l'objectif premier, c'est de faire du traitement là où c'est nécessaire et là où on peut récupérer les eaux usées, et que le mettre directement dans un amendement à la loi sans vérifier les conséquences d'un tel changement sur la situation existante, ça pourrait créer certains problèmes, parce qu'il faut tenir compte quand même des prolongements de réseaux existants. S'il fallait qu'à chaque fois qu'on prolonge un réseau existant d'égout il faille nécessairement faire un traitement immédiatement, ça ne veut pas dire que ce serait toujours la chose souhaitable. Il faut tenir compte du fait que c'est beaucoup plus une décision qui doit tenir compte des usages qu'on peut retrouver immédiatement et, tout en ayant cette politique en tête dans notre façon d'administrer le ministère, on doit quand même réfléchir deux fois avant de le mettre directement dans le projet de loi, parce que ce n'est pas quand même l'objectif du présent projet de loi, qui est beaucoup plus de créer un droit à l'environnement et des mesures pour donner les outils aux citoyens pour le faire. C'est un point sur lequel nous sommes très sensibilisés et nous allons avoir des mesures dans cette direction, mais de là à affirmer, ce soir, qu'il y aura nécessairement un amendement à la loi, on n'est pas encore prêt, mais on réfléchit dans ce sens-là.

Vous dites aussi qu'un conseil régional devrait avoir le droit de demander une injonction et de demander une audience publique. Je pense que

cet objectif pourrait être atteint si on remplaçait nécessairement certains mots comme "individu" pour le mot "personne", ce qui inclurait nécessairement les conseils régionaux. C'est une suggestion qui mérite d'être étudiée. J'apprécierais avoir l'opinion des députés de l'Opposition là-dessus, tantôt, en mettant "personne morale". Comme je l'ai dit, l'objectif était de rejoindre les personnes qui avaient la possibilité de fréquenter les lieux où il pourrait y avoir une perturbation de l'environnement. Est-ce qu'une personne morale pourrait atteindre le même objectif? Je ne le sais pas, mais, en tout cas, je ne suis pas fermé. C'est une suggestion qui doit être étudiée. J'apprécierais les commentaires des députés de l'Opposition là-dessus.

Concernant les responsables des déchets sauvages, vous proposez que l'amende soit augmentée à $500. Je pense que c'est une suggestion à retenir. Si la population ne change pas son comportement, je pense qu'il va falloir arriver avec des mesures plus sévères. Je tiens à dire quand même, pour votre information, que, depuis cet été, nous avons conclu une entente avec le ministère des Transports. L'amende, qui est actuellement de $200, n'était pas tellement connue et maintenant elle est de plus en plus connue. Nous avons mis des panneaux sur les autoroutes et on va en mettre aussi sur les routes ordinaires, avec une enseigne qui indique bien le marteau du juge, avisant: Si quelqu'un enfreint le règlement sur le lancement de déchets sauvages sur les routes et sur les milieux publics, il y aura une pénalité de $200. Nous allons voir l'effet que cela donne, cette mesure de publiciser la possibilité d'une amende de $200. Si on voit que cela n'améliore pas tellement la situation, on pourrait peut-être avoir des mesures plus sévères. Oui?

M. Bouchard: Évidemment, le sens de cette intervention, on demande que les citoyens soient un peu des délateurs. En fait, cela revient à une remarque que j'ai entendue de M. le député tout à l'heure. Je comprends que c'est une chose qui est sévère. Il n'y a pas seulement le long des routes que ces choses se font. Il y a surtout nos lacs, rivières en forêt et ainsi de suite, mais là, par exemple, vous avez moins de surveillance. Maintenant, je ne connais pas beaucoup de municipalités... Je sais, par exemple — c'est bien — qu'on est plus facilement porté à installer des radars le long de la route qu'à donner une contravention à celui qui a jeté sa bouteille vide ou qui a jeté n'importe quoi le long de la route. C'est un peu le sens de cette intervention.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, je retrouve des amis et je suis heureux de les revoir. Je reconnais dans leur texte le style qu'ils impriment depuis le début de leur organisme à leur lutte pour la protection de l'environnement de leur région et cela leur fait honneur. J'aime particulièrement une déclaration faite deux fois dans le mémoire, que l'homme n'est pas le couronnement de la création, mais le gestionnaire du patrimoine. C'est cette philosophie qui devrait nous animer dans toute notre action. Il est évident que nous avons causé des torts à la faune, à la flore. Nous avons causé des torts à l'environnement en général, parce que nous nous sommes vus comme l'aboutissement du processus de la création plutôt que comme gestionnaire de ce qui nous a été confié.

Je voudrais tout simplement faire quelques commentaires parce que le mémoire lui-même est assez clair, les recommandations que vous faites sont explicites et je n'ai pas de difficulté à les comprendre. Quand on dit que gouverner, c'est l'art du possible, ce n'est pas un faux-fuyant; cela peut être utilisé à une telle fin, mais dans la bouche de personnes sincères, ce n'est pas un faux-fuyant; c'est une reconnaissance d'une certaine réalité.

Je donne un exemple. Vous indiquez que les articles — parce qu'il y en a deux, je pense — qui permettent au ministre de soustraire de l'application de la loi certaines choses qui ne devraient pas avoir d'exception du tout. Je dois vous dire tout simplement que, parfois, on se trouve devant des situations insolubles et on n'est pas capable, en toute justice, d'appliquer la loi avec toute sa rigueur à des gens qui, malgré leur volonté, ne sont pas capables de régler le problème, les mécanismes n'existant pas, n'ayant pas été inventés. Ce n'est pas de leur faute.

Cette exemption, ce droit entre les mains du ministre d'exempter des choses de l'application de la loi existe — si ma mémoire est fidèle — depuis le début. J'ai eu à appliquer la loi au nom d'un gouvernement pendant quatre années. Je pense que je m'en suis servi une fois pour exempter un cas absolument extraordinaire; je dis cela sans pouvoir me rappeler qu'il y avait effectivement un cas, mais je suis convaincu qu'il n'y en avait pas deux. Je suis convaincu que l'actuel ministre ne s'en servira pas non plus. Ce n'est pas une crainte que j'ai à l'égard de ce ministre-ci ou de tout successeur qu'il pourra avoir. L'opinion publique n'accepterait jamais que le ministre accorde des exemptions à gauche et à droite; ce serait impensable. C'est simplement pour permettre justement que justice soit rendue dans un cas où il n'y a, dans le moment, rien à faire, mais il faut travailler pour trouver quelque chose à faire.

Pour être un peu plus pratique à cet égard, et ce n'est pas désobligeant, ce que je vais dire, je regrette que vous ne soyez pas ici mercredi pour assister à la présentation du mémoire de l'Union des producteurs agricoles, parce que, justement, les producteurs agricoles vont nous dire: Écoutez, la population du Québec veut manger et il y a des limites à ce que l'on peut faire pour protéger l'environnement, même si l'idéal serait de tout corriger et tout protéger. Dans ce genre de contexte, il est possible que le ministre dise: Bien, on est obligé de laisser de côté, présentement, certains aspects de l'exploitation agricole, au lieu de dire: II y a des amendes qui peuvent totaliser

des milliers de dollars qui seraient imposées aux cultivateurs du Québec. Si tel devait être le cas, on perdrait les fermes encore plus vite que dans le moment, et c'est déjà inquiétant.

Je dis cela simplement pour vous donner un exemple d'une situation qui pourrait se présenter, où la loi pourrait ne pas trouver son application parfaite en septembre 1978, mais il faudra viser l'application parfaite et intégrale, sans exception, sans exemption de la loi et vous avez raison de l'exiger.

Il y a l'autre chose que je voulais dire... Il y a peut-être deux ou trois commentaires rapides. Vous demandez, en quelque sorte, que les CRE aient le droit de désigner des membres du bureau; je pense... Je m'excuse, si j'ai mal interprété votre recommandation. Allez-y.

M. Bouchard: Ce n'est pas qu'on veuille désigner, c'est qu'on invite le ministre à choisir quelqu'un parmi les conseils régionaux représentant la population directement au sein du bureau. C'est là le sens de notre intervention.

M. Goldbloom: J'allais justement vous suggérer qu'il est assez rare que, dans nos lois, on accorde à des organismes extragouvernementaux, le droit de désigner quelqu'un, mais, la communication devrait sûrement se faire. J'encourage publiquement le ministre à vous consulter et je vous encourage à envoyer vos recommandations au ministre. Je suis certain qu'il en tiendra compte.

Vous mentionnez un problème très embêtant ici aussi, idéalement, vous auriez parfaitement raison — vous recommandez qu'aucun système d'égouts ne soit construit sans qu'il n'y ait une usine d'épuration au bout. Je suis profondément d'accord avec vous que tel doit être notre objectif. Je ne crois pas cependant que l'application intégrale d'une telle mesure soit possible aujourd'hui, 25 septembre 1978. On se trouverait à paralyser la construction de maisons dans de nombreuses municipalités. Il faudra agir en parallèle, à mon sens, et amener les municipalités à épurer leurs eaux usées tout en permettant quand même certaines extensions de réseaux. Je ne parle pas d'un développement tout à fait nouveau où l'on défricherait, l'on construirait dans les champs, mais là où il y a déjà un réseau et il y a un développement qui nécessite un certain prolongement.

Il me semble qu'il serait vraiment impossible de dire aujourd'hui: On cesse tout cela. L'économie du Québec est influencée profondément par l'activité dans le domaine de la construction, mais je prends votre avis comme une recommandation très sérieuse vers un objectif à atteindre et je suis convaincu que c'est ce que le ministre voudra pouvoir réussir à brève échéance.

M. Bouchard: Comme explication supplémentaire, si vous voulez, on se fait dire des fois, en tout cas, nous, dans notre région — vous connaissez tous la région; on a sept usines à papier et on a deux grosses alumineries, l'industrie forestière — on se fait dire, à un moment donné, par une compagnie de pâtes et papiers: Que la ville dépollue et nous autres, on dépolluera à notre tour. Nous, on dit: D'accord, on est prêt à faire cela, mais cela ne nous coûtera pas cher d'avoir une usine d'épuration. Mais vous autres, quand on l'aura fait, vous allez vous dépolluer; là, cela va coûter cher. C'est pour l'avenir, évidemment, mais c'est aussi dans le sens, peut-être, de cas particuliers et, dans notre région, au niveau du développement domiciliaire, on n'est pas encore trop restreint.

Je comprends qu'on n'est pas à Montréal, ni peut-être à Québec pour ces choses. (23 h 15)

M. Goldbloom: M. le Président, j'ai deux derniers commentaires que je fais très rapidement. Vous soulignez, dans votre mémoire, le dilemme presque quotidien auquel fait face un conseil municipal pris entre les besoins de protéger l'environnement et les besoins fiscaux représentés par le développement. Je suis convaincu que, tout en nous encourageant à agir au niveau de l'Assemblée nationale par le truchement des lois, vous encouragez vos membres à éduquer les conseils municipaux parce que, parfois, cela prend un encouragement à la résistance. C'est peut-être un peu trop facile, parfois, d'accepter le développement sans réflexion, et l'on sait — ce n'est pas une critique générale que je fais des conseils municipaux; c'est simplement une constatation que j'ai dû faire au cours des années — qu'il y a tragiquement trop de municipalités qui n'ont même pas un plan directeur d'urbanisme et, à part le problème de l'environnement, le développement de la municipalité ne respecte pas les normes urbanistiques que l'on devrait appliquer au développement d'une municipalité.

Finalement, vous avez demandé que la loi soit modifiée de façon à vous assurer le droit, comme organisme, de vous servir des recours prévus dans la loi et le ministre nous a invités à faire des commentaires de ce côté de la table. Je voudrais lui dire, en toute simplicité et en toute humilité, que j'avais lu le projet de loi et que je ne l'avais pas lu avec l'oeil espiègle qui m'aurait permis de voir que ce n'est pas vraiment permis dans la loi. Je tenais pour acquis que si le particulier pouvait intervenir, l'organisme le pouvait aussi. Si M. Henri Dupont signe en son nom personnel ou à titre de président d'un CRE, je pense que, dans les deux cas, cela doit être valide et cela doit être une intervention permise aux intéressés comme organisme ou comme individus.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: À mon tour, je voudrais vous féliciter sincèrement pour le magnifique mémoire que vous avez présenté à cette commission, pour l'objectivité de votre mémoire. Également, je crois que si les conseils municipaux sont appuyés par des organismes comme le vôtre ou par d'autres

organismes valables, qui font comprendre à la population que telles dépenses seraient faites pour leur bien et leur protection, c'est plus facile pour eux de prendre des décisions lorsqu'ils se sentent appuyés par des organismes valables.

M. le ministre, tantôt, vous avez demandé si on avait objection qu'une personne morale puisse intervenir. Personnellement, je n'ai pas d'objection pour autant que c'est un organisme dûment reconnu et organisé, pas seulement deux ou trois citoyens qui vont s'organiser, sous l'impulsion du moment, pour s'identifier comme personne morale. Il faudrait que ce soit un organisme sérieux et dûment reconnu dans le milieu.

Ce sont à peu près mes commentaires, étant donné l'heure tardive, M. le Président. Je vous remercie, et je vous souhaite bon voyage.

Je n'ai pas le privilège d'avoir, comme M. Goldbloom, reconnu des amis, mais j'espère que, ce soir, je me suis fait des amis.

M. Léger: M. le Président, j'aurais peut-être juste deux clarifications avant. Vous sembliez dire tantôt que des représentants ou groupes ne pourraient pas demander une audience. Dans la Loi, l'article 31c dit que toute personne ou municipalité peut réclamer une audience publique. Donc, vous avez déjà ce pouvoir-là dans la Loi, du moins telle que présentée ou proposée.

Deuxièmement, vous parliez d'avoir un représentant du CRE ou d'un conseil régional d'environnement, d'être présent à l'intérieur du bureau d'audiences. Il ne faut pas oublier que l'objectif du bureau d'audiences, c'est d'avoir des fonctionnaires à temps plein, spécialisés dans l'écoute des citoyens pour rapporter au ministre le point de vue des citoyens.

Donc, ce n'est pas un organisme qui regroupe des gens élus ou des représentants de la popula- tion. C'est beaucoup plus un prolongement du ministre par un bureau comprenant des fonctionnaires à temps plein.

Maintenant, il est prévu dans la Loi qu'il soit possible qu'il y ait des commissaires ad hoc, c'est-à-dire des personnages qui aideraient des représentants de l'organisme. Peut-être qu'il y aurait possibilité d'avoir comme représentants du comité ad hoc, des gens d'un groupe qui représente la protection de l'environnement.

On va se pencher là-dessus pour voir s'il est possible de le faire.

M. Bouchard: Merci beaucoup.

Le Président (M. Laplante): C'est bien, M. Bouchard, Mme Accolas, M. Tremblay, M. Coulombe et M. Claveau. Les membres de cette commission vous disent merci pour votre participation.

M. Bouchard: Merci.

Le Président (M. Laplante): Maintenant, pour demain, les organismes qui se présenteront seront l'Hydro-Québec, mémoire no 5M, le Comité de citoyens de Saint-Jean-de-Matha, no 16M, l'Association québécoise des techniques de l'eau, no 6M, l'Association des mines et métaux du Québec, no 12, l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques, no 10M, la Society To Overcome Pollution (Stop), no 30M, le Conseil du patronat du Québec, no 3M, l'Association des biologistes du Québec, no 13M, un groupe de chercheurs de l'INRS-EAU, no 29M, le Groupe de protection de l'environnement, no 17M.

Les travaux sont ajournés à demain 10 heures, dans la même salle.

(Fin de la séance à 23 h 22)

ANNEXE

Mémoire de l'Institut Canadien des Textiles

L'Honorable Ministre Marcel Léger Ministre de l'environnement Édifice A, Chambre 56A Hôtel du Gouvernement Québec

Soumission à la commission permanente de la protection de l'environnement

OBJET: Projet de loi no. 69 "Loi modifiant la loi de la qualité de l'environnement (L.Q. 1972, chapitre 49). Monsieur,

L'Institut Canadien des Textiles soumet les commentaires qui suivent au ministre de l'environnement en ce qui a trait au projet de loi no. 69.

En guise de commentaire préliminaire, l'Institut Canadien des Textiles apprécie que le projet de loi no. 69 comble deux (2) lacunes importantes de la loi actuelle. Il s'agit plus particulièrement de: 1) Le recours à l'injonction pour assurer le droit à la qualité de l'environnement, etc., 2) La procédure d'étude d'impact.

Nous prions cependant la commission de prendre note des commentaires suivants qui nous, l'espérons, serviront à rendre la loi encore plus efficace.

SECTION 11-A "Le bureau d'audience publique sur l'environnement "

Article 6-b "Le bureau est composé d'au plus cinq membres... " avec la possibilité que le lieutenant-gouverneur puisse nommer des membres additionnels lorsque nécessaire.

Compte tenu de l'article 6 qui prévoit l'institution du Bureau, sa composition, ainsi que ses fonctions, et compte tenu de l'importance de la qualité de la vie en général ainsi que de l'économie d'un pays en tant que facteurs intimement liés à la qualité de l'environnement, l'Institut suggère qu'il y ait une représentation des travailleurs, de l'industrie, des commerçants et des manufacturiers en plus des spécialistes de l'environnement au niveau des membres permanents du Bureau. L'Institut croit que c'est une formule pouvant mieux assurer l'objectivité nécessaire pour aborder les questions de protection de l'environnement avec la sauvegarde de l'économie en général.

Article 6-c "II (le Bureau) doit tenir des audiences publiques... "

Selon l'article 31 -c "Du projet de loi (d'autre part...)" Le Ministre indique à l'initiateur d'entreprendre la consultation publique prévue..." Il y a risque de confusion si le Bureau et l'initiateur entreprennent des audiences publiques. Il est recommandé que seul le Bureau entreprenne la consultation publique.

Article 6-c "Le Bureau a pour fonctions d'enquêter sur toute question relative à la qualité de l'environnement..."

D'autre part le conseil consultatif de l'environnement semble jouir des mêmes fonctions (article 8, paragraphe 3). "Il (le conseil) peut entreprendre des études de toute question relative à la qualité de l'environnement..."

Il est recommandé que les devoirs et fonctions du "Bureau" et du "Conseil" soient définis afin d'éviter de la duplication d'efforts et nous suggérons encore que les enquêtes par voie de consultation publique soient faites par le Bureau.

Article 6-d "Le Bureau peut tenir simultanément plusieurs audiences publiques qui peuvent être conduites par un ou plusieurs membres du Bureau selon que le détermine le président..."

Il est recommandé que les audiences publiques soient conduites par un minimum de trois membres de manière à éviter des préjugés dans la rédaction du rapport d'enquête du Bureau et afin que soit mieux reflétée l'objectivité qui doit prévaloir en la matière.

Article 6-f "Ces règles entrent en vigueur, après leur approbation par le lieutenant-gouverneur en conseil..."

Il est recommandé de modifier comme suit: "Ces règles entrent en vigueur, après une période de consultation de 60 jours et après leur approbation par le lieutenant-gouverneur..."

Il est évident qu'il devrait avoir une consultation publique sur les procédures concernant le déroulement des audiences publiques.

SECTION 111-A "Le droit à la qualité de l'environnement et la sauvegarde des espèces vivantes "

Selon l'article 19-a "Toute personne a droit à la qualité de l'environnement et la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent dans la mesure prévue par la présente loi et les règlements..."

Bien que l'énoncé de principe soit noble et que le projet de loi prévoit un mécanisme judiciaire pour assurer le respect du droit, il faut aussi être conscient que les droits à la qualité de l'environnement peuvent être contradictoires. Selon le point de vue à considérer, collectif ou individuel, le tribunal pourrait accorder une injonction empêchant une personne de jouir de son droit à la qualité de l'environnement de façon à léser l'intérêt public. Une attention toute particulière devrait être donnée à cet aspect du problème lors de la rédaction de la réglementation.

Afin d'éviter les procédures judiciaires futiles nous suggérons que le requérant d'une injonction démontre son intérêt avant de pouvoir loger sa requête. De plus la discrétion du tribunal devrait être la règle en matière d'injonction et nous suggérons que l'article 19 (d) soit enlevé du projet de loi.

Article 8

L'article 1 de ladite loi est modifié par l'addition à la fin des paragraphes suivants: m) — "Déterminer les modalités selon lesquelles doit être faite toute demande de permis, certificat, autorisation... en vertu de la présente loi".

L'article 31, paragraphe f de la loi actuelle se lit comme suit: "Déterminer les modalités selon lesquelles une demande de certificat d'autorisation... ou de projet..."

Il semblerait que ces deux articles, f et m, se répètent, et nous ne voyons pas l'utilité de la répétition proposée par le projet de loi.

SECTION IV-A "Évaluation des impacts sur l'environnement sur certains projets "

Selon l'article 31-a "Nul ne peut entreprendre la réalisation d'une construction, d'une industrie, d'un plan, d'un programme, d'un projet, ou d'une activité faisant partie d'une catégorie déterminée par règlement ou sans préparer une étude d'impact sur l'environnement et obtenir un certificat d'autorisation..."

Parmi les règlements actuels on retrouve l'arrêté en conseil 3789-75, règlement 75-430 qui est un règlement général pour l'administration de cette loi. L'article 22 de ce règlement définit les limites de l'application de certains articles de la loi.

Il est recommandé que l'arrêté en conseil (3789) soit modifié avant l'entrée en vigueur de la loi si non, il deviendra nécessaire de faire une étude d'impact pour toutes les activités qui ne sont pas spécifiquement exclues par le règlement.

Article 50

Le projet de loi propose de remplacer cet article et l'Institut suggère que la restriction imposée soit conditionnelle à la réglementation gouvernementale et à cet effet nous proposons le changement suivant: "50... dans l'atmosphère et pour lequel un règlement... "

Article 109

Cet article que propose le projet de loi devrait établir comme priorité dans la détermination de l'amende le danger créé par la santé humaine. L'Institut suggère de plus que la condition des revenus tirés par le contrevenant ne soient pas un critère de détermination de l'amende.

Le montant de l'amende ne devrait pas dépendre des revenus d'une personne.

Article 115

Cet article proposé au projet de loi (article 37 et plus particulièrement au second alinéa) donne au ministre un pouvoir exorbitant. Nous suggérons que le ministre procède contre le responsable qui a été reconnu judiciairement comme tel.

Article 120

L'article 42 du projet de loi propose de remplacer l'article 120 de la loi. En ce qui a trait au pouvoir d'ordonner l'affichage, l'Institut suggère que les affiches nécessaires à la protection du public soient déterminées par réglementation.

Veuillez agréer, monsieur le ministre, nos sentiments les plus distingués.

J.M. Robertson Directeur Général Adjoint

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