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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le mardi 26 septembre 1978 - Vol. 20 N° 161

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Présentation de mémoires sur le projet de loi no 69 - Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement


Journal des débats

 

Présentation de mémoires sur le projet de loi no 69

(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous plaît!

Reprise des travaux de la commission parlementaire permanente de la protection de l'environnement, pour recevoir les mémoires en vue de l'étude du projet de loi 69.

Les membres de cette commission sont M. Beauséjour (Iberville), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Caron (Verdun) remplacé par M. Picotte (Maskinongé); M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Goldbloom (D'Arcy McGee), M. Lavigne (Beauharnois) remplacé par M. Proulx (Saint-Jean); M. Léger (Lafontaine), M. Mercier (Berthier).

Les intervenants sont M. Baril (Arthabaska), M. Dubois (Huntingdon) remplacé par M. Brochu (Richmond); M. Grégoire (Frontenac), M. Léonard (Laurentides-Labelle), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marquis (Matapédia), M. Roy (Beauce-Sud), M. Saindon (Argenteuil), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Verreault (Shefford).

Ce matin, pour toute la journée, je vais donner les noms des organismes que nous allons entendre jusqu'à 23 heures. Ces organismes sont l'Hydro-Québec et la Société d'énergie de la baie James, le Comité de citoyens de Saint-Jean-de-Matha, l'Association québécoise des techniques de l'eau — je les appelle par ordre — l'Association des mines de métaux du Québec, l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques, Society to Overcome Pollution (STOP), le Conseil du patronat du Québec, l'Association des biologistes du Québec, un groupe de chercheurs de l'INRS-Eau, un groupe de protection de l'environnement.

J'appelle maintenant l'Hydro-Québec et la Société d'énergie de la baie James. Pour les groupes qui n'y étaient pas hier, je rappelle que chaque groupe a un maximum d'une heure pour la présentation du mémoire et les questions. Autant que possible, nous demandons aux groupes de prendre le moins de temps possible, vu que les mémoires ont été lus; expliquez seulement en gros votre mémoire pour que les membres de la commission puissent vous questionner sur votre mémoire.

Monsieur, si vous voulez identifier votre groupe pour les fins du journal des Débats, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît!

Hydro-Québec et Société d'énergie de la baie James

M. de Broux (Michel): Mon nom est Michel de Broux, avocat au contentieux de l'Hydro-Québec. Immédiatement à ma gauche, Me Jean Boulanger, directeur du contentieux de l'Hydro-Québec, à ma droite, M. Armand Couture, membre du comité de gérance et responsable du secteur de l'environnement à la Société d'énergie de la baie James. Également à ma droite, M. Gaston Galibois, directeur de l'environnement à l'Hydro-Québec et enfin, à mon extrême droite, M. Alain Soucy, responsable du service environnement à la Société d'énergie de la baie James.

M. le Président, M. le ministre délégué à l'environnement, MM. les membres de la commission permanente de la protection de la qualité de l'environnement, l'objectif de la comparution de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la baie James, ce matin, est de faire ressortir les faits saillants du mémoire conjoint qu'elles ont déposé le 16 août 1978.

En guise de remarque introductive, permettez-moi de vous rappeler que, selon un plan opérationnel de l'Hydro-Québec pour les années 1979 à 1983, il est prévu que l'Hydro-Québec aura à construire quelque douze centrales, plusieurs centaines de kilomètres de lignes de transport d'énergie électrique, dont celle de la baie James, des dizaines de nouveaux postes de transformation, des centaines de modifications à des postes de transformation existants, quelques réseaux routiers, des édifices administratifs, des aéroports et autres installations logistiques, des dépôts de matériaux et de nombreux travaux reliés à la distribution de l'énergie électrique à travers le territoire du Québec. Tous ces travaux sont, évidemment, en plus des travaux d'envergure qui sont bien connus sur la rivière La Grande et qui sont exécutés par la Société d'énergie de la baie James.

L'Hydro-Québec et la SEBJ se préoccupent grandement de la question de la qualité et de la protection de la qualité de l'environnement et de minimiser l'impact sur l'environnement de leurs projets majeurs. Cette préoccupation des deux entreprises que nous représentons existe dans le cadre du mandat de chacune d'elles: fournir aux Québécois l'électricité dont ils ont besoin, et ce, d'une façon rationnellle, responsable et économique. D'ailleurs, dès 1973, l'Hydro-Québec et la Société d'énergie entreprenaient des études d'impact sur l'environnement de leurs projets majeurs. À cette fin, toutes deux ont retenu les services de nombreux professionnels de l'environnement et ont même suscité, dans certains cas, la création de firmes conseils dans le domaine de la protection de l'environnement. Toutes deux ont également contribué à la mise au point de nouvelles techniques et de nouvelles méthodologies visant la protection de l'environnement. Enfin, l'Hydro-Québec s'est engagée, depuis quelques années, dans un processus de consultation des publics affectés par certains de ses projets majeurs.

L'Hydro-Québec et la Société d'énergie sont favorables à certains aspects du projet de loi 69, tels que la nécessité de préparer et de soumettre des études d'impact sur l'environnement de certains projets. Nous sommes également favorables

au besoin, dans certains cas, de procéder à une consultation publique.

Le projet de loi comporte, cependant, certains aspects qui, si on n'y remédie pas, pourraient imposer de lourdes contraintes à la réalisation des travaux de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie, des aspects qui pourraient même risquer de compromettre l'exécution de certains travaux ou même de paralyser complètement certains travaux.

Le livre blanc sur la politique québécoise de l'énergie, qui a été déposé cet été, a, parmi ses objectifs, celui d'accroître l'autonomie énergétique du Québec en doublant d'ici 1990, c'est-à-dire d'ici à douze ans, la présence des sources d'énergie québécoises dans le bilan énergétique du Québec. La part actuelle de l'électricité dans ce bilan est d'environ 20%. L'objectif du livre blanc est donc de faire passer cette part de l'électricité à 41% en 1990. (10 h 15)

On vous a exposé tantôt les activités qui devront être menées par l'Hydro-Québec dans la période 1979-1983. Si le livre blanc et cet objectif que l'on vient d'énoncer est mis en vigueur, l'activité sera accrue au niveau des projets que l'Hydro-Québec et la Société d'énergie auront à réaliser. C'est pourquoi, si le projet de loi 69 est adopté dans sa forme actuelle, l'Hydro-Québec et la Société d'énergie de la baie James doutent fort de pouvoir réaliser cet objectif du livre blanc, et ce, principalement parce que le projet de loi accorde à toute personne le droit individuel à la qualité de son environnement.

En matière de protection de l'environnement, il faut chercher un juste équilibre entre les besoins légitimes de la société, dont les besoins énergétiques, et la protection de la qualité de l'environnement. Le mémoire que nous présentons aujourd'hui se veut à la fois positif et constructif et c'est dans cet esprit que nous aimerions résumer les faits saillants de ce mémoire tout en ajoutant cependant au préalable que, n'ayant pas eu le privilège d'étudier les règlements d'application qui suivront nécessairement ce projet de loi, il peut arriver que certains des points ou des questions que l'on soulève soient réglés par ces règlements, ou même que ces règlements suscitent de notre part des commentaires additionnels, sur quoi on réserve la possibilité de le faire à une date ultérieure.

Le premier fait saillant que l'on désire souligner est le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. L'Hydro-Québec et la Société d'énergie sont favorables à la création d'un tel organisme afin que les personnes intéressées par la protection de l'environnement et les personnes concernées par un projet donné puissent faire valoir leur point de vue de façon publique à un organisme consultatif.

Il est également important, par contre, que ce processus de consultation se fasse selon des règles précises, des règles qui traiteraient du déroulement des audiences, de la durée des audiences, des règles qui traiteraient également des méthodes d'intervention aux audiences, de la nécessité pour un intervenant de produire un mémoire énonçant les motifs de son intervention, des règles qui toucheraient également le droit à l'interrogatoire et au contre-interrogatoire des témoins et qui fixeraient un délai au Bureau d'audiences publiques pour produire son rapport au ministre. Ces règles sont nécessaires afin que l'échéancier des travaux soit respecté pour assurer la meilleure exécution du mandat respectif de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la baie James.

Quant au mandat ou à l'étendue du mandat du Bureau d'audiences, nous aimerions souligner que pour ce qui est du territoire de la baie James, il existe, dans la convention de la baie James et du nord québécois, des mécanismes pour traiter des questions touchant la protection de la qualité de l'environnement. Pour éviter un double emploi entre ces mécanismes prévus dans la convention et les mécanismes prévus dans le projet de loi, il est nécessaire, selon nous, de prévoir une réserve quant à l'application des dispositions du projet de loi 69 au territoire de la baie James.

Pour les projets majeurs nécessitant des études d'impact sur l'environnement ceux visés par les articles 31a et suivants, nous croyons que la composition du bureau d'audiences devrait être de trois membres et ce pour assurer, premièrement, une meilleure compréhension des problèmes importants qui vont nécessairement être soulevés lors de ces audiences, pour assurer également un apport plus grand à la solution de ces problèmes et, enfin, dans le but d'assurer que tous les aspects de la question seront considérés. Ces aspects sont non seulement les aspects environnementaux, mais également les aspects économiques et les aspects techniques d'un projet donné. La composition du bureau d'audiences devrait donc permettre que tous ces aspects soient pris en considération face à un projet donné.

Nous allons maintenant vous entretenir quelques minutes sur ce qui est, à toutes fins utiles, la partie la plus importante de notre mémoire, et cela traite des articles 19a à 19f du projet de loi qui revêtent une importance capitale pour l'Hydro-Québec et la Société d'énergie de la baie James. On parle évidemment des articles qui consacrent le droit individuel à la qualité de l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes. La protection de l'environnement est sans aucun doute un objectif important de toute société. L'Hydro-Québec et la Société d'énergie sont conscientes de l'importance de cet objectif.

Cependant, la poursuite de cet objectif doit être compatible avec la poursuite des autres objectifs de la société tels que le développement économique et le bien-être de l'ensemble de la population. Elle doit également être compatible avec la poursuite des objectifs de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la baie James qui sont de fournir l'électricité dont les Québécois ont besoin de façon économique, rationnelle et responsable. Le concept de qualité de l'environnement doit être défini objectivement, c'est-à-dire en

rapport ou en relation avec des lois et des règlements de l'État. Ce concept ne peut être défini subjectivement, ce qui risque de se produire si on confère aux droits à la qualité de l'environnement le statut de droits individuels.

Le droit à l'environnement doit demeurer un droit collectif et l'État doit exercer ce droit collectif en assurant le respect de ses lois et de ses règlements.

Les intérêts des individus ne sont pas nécessairement les intérêts de la collectivité. Les intérêts collectifs doivent, à bon droit, tenir compte de plusieurs facteurs tels que l'environnement, le développement économique et social, le droit à la propriété, le bien commun et, enfin, également, les besoins énergétiques. Si le droit à la qualité de l'environnement est un droit individuel, ces facteurs, tous aussi importants l'un que l'autre, ne seront pas considérés de la même façon que si ce droit est collectif. Il est même possible et probable que, dans certains cas, certains de ces facteurs ne soient pas considérés du tout si on confère au droit à l'environnement le statut de droit individuel, car on ne peut demander à l'individu de prendre en considération des facteurs dont il n'est souvent pas en mesure d'apprécier toute la portée. Seule la collectivité, par l'entremise de l'État, est en mesure d'apprécier tous ces facteurs.

La philosophie qui sous-tend la loi actuelle est de protéger la qualité de l'environnement en édictant des normes qui doivent obligatoirement être suivies dans la réalisation de tout projet. Doit-on en plus donner à tout groupe ou à tout individu le droit de prendre une injonction pour protéger son environnement? Ou doit-on plutôt assurer le protection de la qualité de l'environnement envisagé de façon globale? N'est-on pas en train de créer, par ce droit individuel à l'injonction, une incertitude dans la réalisation de tout projet, dont ceux de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la baie James?

Même si le projet de loi prévoit que le recours à l'injonction n'est pas permis à l'encontre d'un projet déjà autorisé ou en voie de l'être, le droit individuel à la qualité de l'environnement existe indépendamment du recours à l'injonction. Une action au mérite en dommages, par exemple, demeure possible en plus du recours à l'injonction.

L'article 19a du projet de loi se lit comme suit: "Toute personne a droit à la qualité de l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent dans la mesure prévue par la présente loi et les règlements." Or, la loi ne précise pas de mesure ou de balise aux droits individuels. La loi actuelle et le projet de loi ne sont pas conçus pour définir ou pour mesurer le droit individuel à la qualité de l'environnement, mais plutôt pour édicter les règles et les normes devant être respectées par le promoteur de tout projet désirant obtenir un certificat d'autorisation.

Le droit à l'injonction est limité dans le projet de loi. En effet, il ne peut être exercé contre un projet déjà autorisé ou en voie de l'être suivant les articles 31a à 31i du projet de loi. Ici, j'aimerais ouvrir une parenthèse, parce qu'il faudrait aussi prévoir à l'article 19f que le droit à l'injonction n'existe pas lorsqu'un projet est autorisé ou est en voie de l'être en vertu de l'article 22 et pas seulement en vertu des articles 31a et suivants. Je disais donc que le droit à l'injonction est limité par le projet de loi, mais le droit individuel à la qualité de l'environnement créé par l'article 19a existera indépendamment et en plus du droit individuel à l'injonction. La loi et les règlements n'apportent pas de mesure ou de limite à ce droit. Ce droit individuel pourrait, selon un tribunal, être atteint même si les règlements ont été respectés.

Si le but du législateur est de créer un droit individuel à la qualité de l'environnement seulement lorsque les règlements ne sont pas respectés, à ce moment, ce n'est pas un droit individuel à la qualité de l'environnement qu'il faut donner, c'est un droit à tout individu de voir à ce que les règlements soient respectés. Je pense que ce droit existe de toute façon. De plus, le respect des lois et des règlements, c'est le pouvoir judiciaire qui doit voir à l'exercer et non pas nécessairement les individus.

Il faut donc assurer aux générations actuelles et futures de Québécois une certaine qualité de l'environnement. Il faut aussi réaliser des projets pour assurer à ces mêmes générations de Québécois une qualité de vie adéquate dans son sens large. Or, on sait que tout projet altère inévitablement la qualité de l'environnement à un degré ou à un autre. Ce choix entre protéger l'environnement et réaliser des projets pour le bien commun revient à la société dans son ensemble et ce choix ne peut être sujet au subjectivisme des intérêts individuels. De plus, en ajoutant le recours à l'injonction aux recours actuels prévus dans la loi, l'on ajoute un palier de décision supplémentaire car la loi actuelle et le projet de loi 69 créent déjà trois paliers de décision: celui du directeur des Services de protection de l'environnement, en vertu de l'article 22, celui du ministre de l'Environnement, en vertu des articles 31a et suivants, et celui, enfin, du lieutenant-gouverneur en conseil. Et par le recours à l'injonction, on ajoute le pouvoir judiciaire comme palier de décision, ce qui ne fait, en dernière analyse, qu'ajouter à la possibilité de décisions conflictuelles sur un même projet.

Quelle est la solution alternative, selon nous? Elle est de consacrer le droit individuel d'intervention dans le processus de décision touchant les questions de protection de l'environnement. Elle est d'assurer le droit collectif à l'injonction dans certains cas. Ce droit collectif à l'injonction serait alors exercé en tenant compte de tous les facteurs que nous avons énoncés précédemment. Cette solution est également de préciser et de circonscrire l'intérêt requis de toute personne désirant intervenir dans le processus de décision, et enfin d'édicter des règles claires et précises pour l'exercice de ce droit à l'intervention.

Pour ce qui est de la question des études d'impact sur l'environnement de certains projets, c'est-à-dire les articles 31a et suivants du projet de

loi, nous désirons souligner que, de façon générale, nous sommes favorables à ce que des études d'impact soient requises pour certains projets majeurs.

Le Président (M. Laplante): Avez-vous l'intention de tout lire?

M. de Broux: M. le Président, j'en ai pour à peu près trois ou quatre minutes.

Le Président (M. Laplante): Merci. (10 h 30)

M. de Broux: Je disais donc que pour ce qui est des études d'impact sur l'environnement, l'Hydro-Québec et la Société d'énergie sont favorables à ce que des études soient requises dans certains cas. Nous faisons déjà de telles études depuis plusieurs années, mais il est également souhaitable que des règles claires déterminent le contenu de ces études. Lorsque la loi et les règlements entreront en vigueur, l'Hydro-Québec et la Société d'énergie auront sûrement des projets en cours de réalisation. Il faut éviter, selon nous, que la loi ait un effet rétroactif quant à la nécessité des études d'impact. L'article 31a énonce que nul ne peut entreprendre la réalisation d'un projet sans préparer une étude d'impact et sans demander un certificat d'autorisation. Pour nous, la réalisation d'un projet commence avec des études préliminaires d'avant-projet. À ce stade, il n'est pas toujours possible de préparer une étude d'impact, de demander un certificat d'autorisation, parce que le projet embryonnaire, il peut être abandonné pour des raisons techniques, économiques ou environnementales et, enfin, on n'est pas alors en possession des informations requises pour préparer une étude d'impact et demander un certificat d'autorisation.

Nous croyons plutôt que l'article 31a devrait utiliser le concept que nul ne peut entreprendre la construction d'un projet sans préparer une étude d'impact et demander un certificat d'autorisation.

Il faut se rappeler que l'article 31b énonce que tout promoteur d'un projet doit aviser le ministre de son intention d'entreprendre la réalisation d'un projet. Le ministre serait donc informé dès les premières étapes d'un projet et pourrait alors indiquer si, à une date ultérieure, une étude préliminaire ou détaillée serait requise. Pour ce qui est, encore une fois, du territoire de la baie James, on pense que l'on devrait exclure ce territoire de l'application de ces articles 31a et suivants dans la mesure, encore une fois, où la Convention de la baie James et du Nord québécois prévoit un régime spécial traitant de la nécessité, dans certains cas, de préparer des études d'impact. Le projet de loi stipule également que deux types d'études peuvent être demandés, soit des études préliminaires ou des études détaillées. L'étude préliminaire étant nécessairement sommaire par rapport à l'étude détaillée, qui, elle, est plus approfondie, nous croyons que pour assurer une information complète du public et pour éviter que le promoteur d'un projet ait à défendre une étude préliminaire, donc nécessairement sommaire, les audiences publiques ne devraient avoir lieu que pour étudier ou prendre en considération une étude d'impact détaillée.

Un mot seulement sur la question des délais, qui devraient selon nous se retrouver dans le projet de loi ou dans les règlements pour assurer une bonne planification des projets. Nous croyons qu'il est nécessaire d'inclure un tel échéancier au processus décisionnel. C'est pourquoi nous avons suggéré, dans le mémoire, certains délais pour le déroulement du processus décisionnel quant aux études d'impact et l'octroi du certificat d'autorisation.

Sur la question de la décontamination, l'article 114a, introduit par le projet de loi, prévoit que toute personne, ce qui peut vouloir dire une personne autre que le responsable de la contamination, peut en cas d'urgence recevoir l'ordre de décontaminer. L'Hydro-Québec et la Société d'énergie souscrivent au principe que le pollueur doit décontaminer à ses frais et qu'on devrait lui permettre de le faire conformément à la loi et aux règlements en vigueur et sous la surveillance des autorités compétentes. Si le pollueur refuse de décontaminer et ne le fait pas conformément aux règles, à ce moment, les Services de protection de l'environnement devraient le faire aux frais du pollueur.

En conclusion, donc, l'esprit dans lequel nos commentaires vous ont été formulés est qu'une telle loi peut occasionner des coûts supplémentaires. Ces coûts supplémentaires doivent être comparés aux avantages pour la collectivité découlant de ces contrôles accrus. Il faut se rappeler qu'en dernière analyse cela sera cette même collectivité qui aura à défrayer ces coûts additionnels. La Loi de la qualité de l'environnement doit assurer un équilibre entre les bénéfices résultant de normes plus restrictives, un équilibre avec les conséquences économiques qui en résultent et les intérêts globaux de la collectivité québécoise. Le but de ce mémoire était de vous sensibiliser à la nécessité de rendre compatibles la protection de l'environnement, l'atteinte des objectifs globaux de la société québécoise et, de façon plus particulière, l'atteinte de l'objectif propre à l'Hydro-Québec et la Société d'énergie de la baie James qui est de fournir aux Québécois l'électricité dont ils ont besoin dans le cadre du mandat qui leur est actuellement donné, ou qui leur sera donné suite aux dispositions du livre blanc sur la politique québécoise de l'énergie. Merci de votre attention.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Léger: Je veux d'abord remercier les représentants de l'Hydro-Québec d'être venus nous rencontrer à la commission parlementaire et, en même temps, les remercier de leur appui aux dispositions et aux principes de la loi. Je dois dire aussi que je dois les féliciter chaleureusement du souci grandissant que l'Hydro-Québec manifeste envers la protection de l'environnement. Je

pense qu'il est très intéressant — et pour les autres sociétés privées ou paragouvernementales — de voir qu'il est possible, quand on manipule des grands capitaux, comme l'Hydro-Québec le fait actuellement avec ses projets de la baie James et un peu partout au Québec, d'avoir un souci de l'environnement de mettre des moyens à la disposition des citoyens pour qu'ils puissent se faire entendre et de procéder à l'élaboration de grands projets après une consultation populaire. Je pense que cela n'a peut-être pas été assez mis en évidence devant la population et que l'Hydro-Québec peut servir d'exemple à beaucoup d'entreprises puisque, avec des gros capitaux, cela ne veut pas dire que, parce que ce sont des gros projets, on oublie le citoyen. Je pense que l'Hydro-Québec mérite de grandes félicitations à ce sujet. Maintenant, il y a certains points que j'aimerais clarifier concernant les procédures d'audiences qui se tiendraient sur le territoire de la baie James. On est d'accord avec votre recommandation sur le fait que, plutôt que de faire double emploi, étant donné que sera bientôt déposée à l'Assemblée nationale une loi... Vous protestez silencieusement... Je reviens à ce que je disais. C'est que, sur le territoire de la baie James, je ne pense pas qu'il soit nécessaire de doubler les mécanismes d'audiences et de consultation populaire. La prochaine loi que je déposerai en Chambre concernant justement la protection de l'environnement à l'intérieur de la baie James permettra de soustraire à l'Hydro-Québec la responsabilité sur le territoire de la baie James. Cela ne l'enlèvera pas, cependant, sur le reste du territoire du Québec où on devra nécessairement continuer à procéder avec les conclusions ou, du moins, avec la loi quand elle aura été adoptée.

Vous avez demandé aussi un peu plus loin que le bureau d'audiences siège avec plus d'un membre à la fois. Une chose est certaine, c'est que pour les grands projets de l'envergure de l'Hydro-Québec, il y aurait nécessairement un minimum de trois membres qui siégeraient; cela veut dire qu'on leur donnerait l'importance voulue à cause des conséquences des projets que vous mettez de l'avant.

Concernant maintenant les délais possibles ou appréhendés dans le processus d'un mécanisme d'audiences après étude d'impact, je pense qu'on ne peut pas s'attendre qu'il y ait des interrogatoires ou des contre-interrogatoires comme cela a pu être le cas dans le passé, puisque l'objectif du bureau d'audiences est tout simplement d'être un organisme qui est l'oreille du ministre de l'environnement auprès de la population et qu'il n'a pas de pouvoir de recommandation. Il n'est pas là pour essayer d'obtenir une sorte de contre-interrogatoire de chacun des intervenants, mais il va chercher seulement l'information, l'opinion des citoyens et des organismes qui sont impliqués dans ce développement pour ramener cela au ministre qui, lui, avec ces informations, recommandera au Conseil des ministres l'approbation du projet ou certains correctifs à apporter.

Un peu plus loin, je vois que vous avez suggéré qu'il n'y ait pas uniquement les implications environnementales dans la décision et qu'on devrait y inclure un ensemble de préoccupations socioéconomiques. Le but du projet — en même temps, cela va me permettre de corriger une affirmation qui a été faite dans certains journaux ce matin — ce ne sont pas les impacts écologiques qui vont être arbitrés au Conseil des ministres, ce sont les impacts globaux. Le point de vue du ministre de l'environnement sera présenté au Conseil des ministres avec les résultats des renseignements qu'il a obtenus auprès de la population et auprès de l'organisme concerné pour amener au Conseil des ministres la responsabilité environnementale, le point de vue environnemental. Mais l'arbitrage au Conseil des ministres se fera sur l'ensemble des autres données au niveau de l'importance, au niveau du court terme, de l'urgence. Toutes les dimensions autres que l'environnement seront arbitrées avec le Conseil des ministres, d'où la possibilité d'un meilleur équilibre devant une décision fondamentale, puisque l'ensemble des ministres est responsable de l'ensemble des préoccupations de la société et pas uniquement de l'environnement.

Maintenant, j'ai trouvé un peu curieux que, comme société d'État, vous apportiez des arguments qui vont un peu à l'encontre de la politique du ministre de l'énergie concernant un droit qui ne peut être que collectif. Si on regarde la politique du ministre de l'énergie, il est bien indiqué — je lis certains passages — que "le développement des activités énergétiques et notamment la mise en place des grands projets au secteur de l'énergie ont des implications directes sur l'environnement. Il apparaît donc essentiel que les particuliers directement touchés par ces projets aient la possibilité de faire entendre leur avis avant toute décision définitive." Plus loin, on dit: "Jusqu'à présent, le gouvernement a laissé à l'Hydro-Québec la responsabilité d'organiser la consultation de la population en cause, mais l'implication des citoyens dans la mise en place de la politique énergétique correspond à un souci général du gouvernement qui souhaite que les citoyens participent dans toute la mesure du possible à l'élaboration des grandes orientations gouvernementales. Le public est, au niveau de la demande, l'acteur principal. Une politique énergétique ne prévoyant pas de mécanismes d'information et de consultation de la population serait sérieusement compromise dès le départ."

Plus loin, le ministre de l'énergie dit: "Certains des mécanismes que le gouvernement entend mettre en place pour accroître la protection du consommateur et la participation du citoyen à la sauvegarde de l'environnement impliquent, on l'a vu, une intervention directe du citoyen avant certaines décisions gouvernementales fondamentales. La consultation systématique que sont sur le point de mettre en place les Services de protection de l'environnement va permettre une participation accrue du citoyen à l'administration du secteur

énergétique." D'où, je pense, l'importance de bien réaliser que, même si l'environnement est un bien collectif, ce doit être nécessairement l'individu qui doit être capable d'intervenir. Pour nous, l'individu, en tant que membre de la collectivité, a l'intérêt requis pour faire respecter l'environnement et il doit pouvoir défendre la collectivité et non seulement défendre sa propriété. Je pense que c'est un peu une façon d'aller plus loin dans l'association du citoyen au processus de décision. Dans une société de consommation, les citoyens qui veulent consommer davantage à cause du système se voient de plus en plus relégués à une réaction un peu égoïste. Je défends mon bien, mais qui défend le bien de la collectivité? Est-ce uniquement l'État qui doit le faire ou ne faut-il pas y associer le citoyen qui vit quotidiennement ces problèmes d'agression à un bien collectif?

Si on ne donne pas des droits précis à des citoyens de défendre le bien collectif, on verra ce qu'on commence de plus en plus à voir: un accident sur la route et les gens n'arrêtent pas. Ce n'est pas leur affaire. Cela ne leur appartient pas. Deux personnes sont en train de battre une troisième personne et on ne se mêle pas de cela. C'est le droit des autres. Moi, je m'occupe de mon affaire. Je deviens égoïste, je défends mon petit lopin de terre, et ce qui se passe à côté, cela ne m'appartient pas. Ce n'est pas cela. Ce n'est pas l'avenir d'une société. (10 h 45)

Si on veut faire une société de membres qui ont de plus en plus de maturité, il faut leur donner l'occasion de se sentir responsables de ce qui se passe autour d'eux. Pour cela, il faut leur donner non seulement le droit en principe, mais le droit aussi précis avec des moyens de le défendre, d'où la responsabilité du citoyen. Il peut dire: Si on ne me permet pas de défendre un lac, si on ne me permet pas de défendre une forêt parce que cela appartient à d'autres, je deviens un citoyen égoïste qui s'attend que les autres prennent les responsabilités à ma place. Un peuple qui devient responsable comprend les individus qui se sentent impliqués dans la défense des droits collectifs et ne remettent pas toujours à l'État cette responsabilité. C'est l'objectif que nous voulons viser avec le projet de loi que nous mettons de l'avant: donner à des citoyens l'occasion de se sentir responsables et de plus en plus respectueux de leur environnement parce qu'ils ont les pouvoirs de le faire.

Vous le voyez, je suis pas mal en désaccord avec ceux qui ne veulent pas accorder des droits nouveaux aux citoyens. Je suis au contraire d'avis qu'il est sain et normal que les citoyens aient des droits. Nous avons conçu ces nouveaux droits dans le cadre d'une politique globale destinée à impliquer davantage les citoyens dans la protection de l'environnement. Les moyens qu'on a mis de l'avant, je vais les résumer pour qu'on voie bien le tableau clair du projet de loi no 69.

D'abord, la création d'un bureau d'audiences publiques pour être mieux à l'écoute de la population. Deuxièmement, une reconnaissance au ci- toyen du droit à un audience publique. Donc, c'est un droit à l'information, dans le cas d'un projet soumis à une étude d'impact sur l'environnement. Donc, il faut que le citoyen connaisse le contenu des conséquences écologiques pour son milieu d'un projet de développement. Reconnaissance du droit à la qualité de l'environnement mais dans la mesure prévue par le règlement et la loi de façon qu'on s'assure qu'il y ait certaines balises pour éviter, au départ du moins, des abus qui pourraient être désastreux. Création d'un recours en injonction pour faire respecter ce droit, et reconnaissance du droit d'intenter des poursuites pénales, et reconnaissance au citoyen de droit d'intervenir devant la commission municipale en cas d'appel pour le directeur.

Je pense que tout citoyen doit avoir des droits dans une matière qui intéresse tous les citoyens, c'est-à-dire, la sauvegarde de la qualité de l'environnement selon des règlements et des normes édictés par l'État. Cela ne veut pas dire que l'État perd ses responsabilités. Cela ne veut pas dire que l'État va laisser à d'autres son leadership. L'État doit établir une politique, mais doit donner au citoyen les moyens d'être associé aux pouvoirs de l'État. Tout cela vise à faire en sorte que ceux qui affectent l'environnement le fassent en suivant des règles qui ont été édictées afin d'assurer ce fameux équilibre dont je parlais au début de la commission hier. La notion d'environnement, c'est une notion d'équilibre, c'est une notion d'harmonie. Souvent, on fait l'erreur de dire: Ce n'est pas un individu qui veut défendre sa propriété contre un intervenant style société gouvernementale, paragouvernementale ou privée, ce n'est pas un individu comme tel qui pense à sa propriété, c'est tout simplement l'homme, citoyen, qui est nombreux mais qui subit continuellement l'agression de ceux qui veulent lui donner les services.

Que ce soient des autoroutes, que ce soit du travail, que ce soit du linge, que ce soit de l'aliment, que ce soient des loisirs, que ce soit n'importe quel besoin, tous ceux qui sont des intervenants pour lui donner ces services, ce sont des gens qui amènent certaines agressions dans l'environnement. Et cet équilibre entre tous ceux qui veulent fournir des besoins à l'homme comme tel, l'individu, qui représente la collectivité, amène un déséquilibre s'il n'y a pas au préalable une préoccupation où chacun des intervenants doit se sentir comme faisant partie de l'ensemble de l'équilibre et non pas étant supérieur à l'équilibre parce que, souvent, le développeur économique se dit: Je suis indispensable, donc, je peux me permettre n'importe quoi.

Le développeur économique n'est qu'un des intervenants et il doit aussi respecter l'équilibre des forces au service de l'homme. C'est pour cela que je disais hier: II ne faut pas que l'homme dépende du développement, mais que le développement dépende de l'homme. Quand on parle de l'homme, c'est l'homme qui représente la collectivité. C'est dans ce sens, je pense, qu'il faut bien comprendre l'objectif du projet de loi qui est d'associer le citoyen à son développement en lui

donnant la possibilité non pas d'être un policier, mais d'être toujours responsable, non seulement de sa petite propriété privée, ce droit on l'a depuis bien longtemps.

Dans notre mémoire, je vois que vous parlez du droit d'informer. Je pense qu'on l'a déjà eu depuis bien longtemps. Le droit de s'exprimer, le citoyen l'a eu depuis toujours. Cela ne veut pas dire que cela a changé grand-chose. Il faudrait qu'ils soient bien nombreux pour que l'État ou que les organismes bougent. Le droit à l'information, le droit de donner son opinion, cela fait longtemps qu'il l'a. Le droit de défendre sa propriété, cela fait longtemps que le citoyen l'a. Mais le droit d'être responsable pour défendre la collectivité, cela, il ne l'a pas tellement eu. C'est pour cela qu'on a eu souvent des sociétés de gens qui ne se sentent pas responsables, où dans les villes on voit des gens qui ne se connaissent pas, qui ne se parlent pas, parce qu'on s'occupe chacun de ses affaires.

Je vais vous donner un exemple que j'ai vécu dernièrement. Une personne me disait: J'ai vu un camionneur venir déverser des déchets dans le lac. Je lui ai dit: Ne faites pas cela. Il m'a dit: Ce n'est pas de vos affaires. Elle a dit: Je me suis fermée, ce n'était pas de mes affaires. J'ai dit: Non, madame, c'était de votre affaire, parce que le lac appartient à tout le monde. Donc, tous les gens qui peuvent utiliser un lac et qui ont droit au lac se doivent de le défendre contre l'intrus qui, lui, ce n'était pas de ses affaires de déverser les déchets de son camion dans le lac. Mais sa préoccupation, sa première réaction a été de dire: C'est vrai, ce n'est pas de mes affaires, il m'a dit de me mêler de mes affaires.

C'est cette mentalité qu'il faut changer. Au Québec, il faut que chaque citoyen se sente responsable de l'ensemble des besoins de la collectivité.

J'ai peut-être parlé un peu longtemps sur ce sujet, mais cela me frappe quand je vois que dans des mémoires on oublie que la collectivité, c'est toujours l'affaire des autres. Tant que ce ne sera pas l'affaire des autres, il n'y a pas grand-chose qui va être réglé dans la collectivité, ce seront uniquement ceux qui s'occuperont des affaires des autres qui vont réellement amener des changements. Je ne suis pas sûr que si l'on ne donne pas au citoyen l'occasion de s'exprimer cela va être fait en fonction et pour le bien du citoyen.

Je voulais peut-être aussi vous demander... Vous affirmez aussi, un peu plus loin, la possibilité qu'un organisme qui aurait eu un permis, un certificat de fonctionnement pourrait être poursuivi en cas d'infraction de la loi. Je pense que, dans le processus de l'obtention d'un permis, il ne peut pas y avoir de poursuite au pénal ou d'injonction. Dans le cas d'un organisme qui aurait obtenu un certificat d'autorisation, après qu'il aurait obtenu son certificat d'autorisation, s'il ne respecte pas la loi et les règlements, là, il pourrait être poursuivi uniquement s'il ne respecte pas la loi et le certificat qu'il a obtenu. Mais, à l'intérieur du processus d'obtention du certificat, il n'y aurait pas de poursuite possible. La même chose s'appli- que pour un organisme ou une compagnie ou une industrie qui signe un protocole d'entente avec le gouvernement ou le ministère de l'environnement, dans le but de corriger son système de pollution, de façon qu'il puisse dépolluer davantage et s'équiper de ce dont il a besoin pour corriger sa façon de laisser aller ses déchets. Pendant ce processus, à l'intérieur de l'échéancier, il ne pourrait pas y avoir de poursuites venant d'un tiers ou d'une personne par injonction quelconque, puisque ceci va être réinscrit dans la loi. Ce n'est pas tel quel, actuellement, mais l'esprit était là et nous allons l'ajouter, de façon qu'on soit certain que ceux qui sont respectueux de la loi, respectueux d'ententes avec le ministère de l'environnement, en voie de corriger une situation, ne pourront pas être poursuivis en justice.

Vous dites entre autres qu'il ne faudrait pas mêler... Vous dites que les besoins énergétiques sont de première importance, et je suis d'accord avec vous là-dessus. Cependant, je pense qu'il faut accorder en même temps autant d'importance aux besoins énergétiques des individus qu'aux besoins d'approvisionnement en eau, en santé ou en bien-être des personnes. C'est pour cela que le processus, le mécanisme mis de l'avant permet de tenir compte autant de ces besoins fondamentaux que de celui de la protection des besoins énergétiques.

Pour le moment, je n'ai pas d'autres remarques à faire. Je pense que dans l'ensemble, sauf les quelques points que je vous ai mentionnés, votre mémoire est un atout et est un exemple pour beaucoup d'entreprises. Je vous en félicite à nouveau. Peut-être que tantôt j'aurai d'autres questions après que les députés de l'Opposition auront...

Le Président (M. Laplante): Oui, monsieur, vous avez une réponse?

M. de Broux: Oui, M. le Président, juste une brève réplique, premièrement, pour vous remercier, M. le ministre, de l'appréciation que vous avez apportée à notre mémoire.

Vous avez souligné que vous étiez surpris du fait qu'il semble avoir, selon vous, une divergence entre les vues exposées dans notre mémoire et les vues exposées dans le livre blanc sur l'énergie. Il est vrai que, dans un livre blanc sur l'énergie, on mentionne que les particuliers doivent pouvoir participer à la protection de l'environnement. Nous avons, je pense, dit la même chose dans notre mémoire, dans la mesure où on s'est déclarés favorables à la création d'un bureau d'audiences publiques, favorables à l'idée de la consultation publique.

La seule chose sur laquelle nous ne sommes pas d'accord, c'est d'accorder à l'individu le droit, non seulement de participer, mais le droit, possiblement, d'arrêter les travaux pour protéger son environnement à lui. Je me demande dans quelle mesure l'individu va, lorsqu'il va vouloir protéger son environnement, penser à la collectivité; il va plutôt être, d'après moi, porté à penser à ce qui le touche de près.

Espérons que par l'éducation de la population un jour, la collectivité dans son ensemble sera consciente de la nécessité de protéger l'environnement. Peut-être devrions-nous mettre un peu plus l'accent sur l'éducation de la population que sur la création de droits individuels à protéger par l'injonction ou par les poursuites pénales et l'accumulation des amendes, protéger l'environnement de cette façon.

Je voulais tout simplement souligner qu'on ne voudrait pas que notre mémoire soit interprété comme étant une divergence de vues avec le ministre délégué à l'énergie.

M. Léger: Je suis heureux de voir que vous êtes du même avis que votre ministre. Je veux quand même vous faire remarquer que la philosophie politique de notre gouvernement est de gouverner le plus démocratiquement possible, c'est-à-dire en permettant aux citoyens de participer à la gestion de leur environnement. L'environnement étant un bien collectif, c'est pourquoi on pense que chacun peut le protéger en ayant les pouvoirs voulus. L'Hydro et la Société d'énergie de la baie James se disent très soucieuses de la qualité de l'environnement, et je les crois. Il faut donc que vous agissiez en conséquence, en étant logiques avec votre affirmation de principe en acceptant que le citoyen puisse avoir les moyens de le protéger.

Quand vous affirmez que le danger est que le citoyen ne voudra que protéger son petit environnement autour de lui, c'est sûr que jusqu'à présent les législations précédentes ont toujours limité le citoyen à la préoccupation de son petit bien collectif. On veut, par cette loi, élargir les horizons des citoyens, élargir leur champ de responsabilités de façon qu'ils deviennent de plus en plus des citoyens responsables en ayant les pouvoirs d'aller plus loin. La preuve, je pense que vous allez l'avoir parce que j'ai vu beaucoup d'autres mémoires qui s'en viennent de groupes de citoyens qui ont démontré jusqu'à quel point les horizons sont pas mal élargis depuis quelque cinq à dix ans sur la participation et le désir d'avoir une responsabilité plus grande que le droit privé et personnel uniquement.

Je pense que cette loi va faire avancer davantage la maturation d'un peuple en lui donnant plus de responsabilités, et je prends le pari sur le peuple.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: Merci, M. le Président. J'aimerais poser des questions sur deux sujets.

Me de Broux, vous avez décrit, d'une façon nécessairement un peu sommaire, le processus décisionnel, la gestation d'un projet, et vous avez indiqué qu'au début, à l'étape avant-projet, l'Hydro-Québec et la Société d'énergie ne sont pas nécessairement en mesure d'apprécier elles-mêmes toutes les implications, encore moins de fournir aux autorités compétentes un rapport qui prévoit l'impact de ce projet sur l'environnement.

Vous avez également indiqué qu'en ce qui concerne les projets déjà en marche, vous craindriez au nom des organismes que vous représentez, un effet rétroactif d'une éventuelle loi parce qu'il y a un processus qui est en marche et qui vise la fourniture d'électricité suivant des besoins déterminés. (11 heures)

Si je prends ces deux considérations et que je les mets ensemble, je me dis ceci: Dans l'évolution d'un projet, il y a un moment où il devient définitif. La décision est prise, on va de l'avant. À partir de ce moment-là, on doit pouvoir répondre aux questions qui sont posées: Quels seront les effets de ce projet? Il y a un autre moment dans l'évolution d'un projet où il devient irréversible.

Il me semble — et c'est la nature de la question que je voudrais vous poser — que le moment où un projet devient définitif ne doit pas coïncider avec le moment où il devient irréversible. Autrement, ni les autorités, encore moins la population n'auraient la possibilité de s'exprimer de façon valable et utile sur ce projet. La question que j'aimerais vous poser est donc la suivante: Pour que nous ayons un ordre de grandeur — je ne veux pas que vous me donniez un chiffre qui serait un engagement absolu au nom de l'Hydro-Québec — j'aimerais savoir, dans le cas d'un projet assez important, quel est normalement l'intervalle entre le moment où le projet devient définitif et le moment où il devient irréversible et où toutes les audiences publiques du monde n'amèneraient pas l'Hydro-Québec à changer son projet; sa réponse serait: II est trop tard.

M. de Broux: Je vais demander à M. Galibois de répondre à cette question, si vous me le permettez.

M. Galibois (Gaston): Les projets majeurs de l'Hydro-Québec, disons les projets de production de l'énergie se réalisent en différentes étapes. La première étape en est une d'étude préliminaire; la seconde étape en est une d'avant-projet préliminaire et, finalement, il y a l'étape d'avant-projet définitif. Or, on prévoit que les études d'impact et les rapports d'impact seront complétés à l'étape de lavant-projet définitif. C'est à ce moment-là, à la fin de cette étape, que l'Hydro-Québec prend une décision de réaliser ou de mettre de côté le projet. Normalement, les études environnementales ont commencé dès le début, dès l'amorce du projet et se poursuivent, pour des projets d'envergure, pendant une période de deux, trois ou quatre ans et, finalement, au moment de la prise de décision, généralement, on dispose d'études d'impact et de rapports assez détaillés et assez complets.

M. de Broux: M. Couture voudrait ajouter quelques commentaires.

M. Couture (Armand): M. le Président, nous essayons de prévoir, dans tous nos projets futurs, une étape d'approbation entre les études et le rapport d'impact, et le début de la construction. Un

projet devient irréversible, pour répondre spécifiquement à votre question, au moment où sa construction est commencée ou au moment où la planification ne peut pas être changée. Alors, pour éviter tout conflit et pouvoir bien répondre aux objectifs de la Loi de la qualité de l'environnement, nous prévoyons maintenant des études beaucoup plus tôt pour les grands projets. Nous faisons les études à un moment où il est encore possible de faire un choix alternatif et nous allouons une période de plusieurs mois pour être capables d'obtenir les approbations requises. Pendant cette période de plusieurs mois, nous devons avoir une réponse, oui ou non. Une fois que la construction est commencée, nous considérons le projet comme irréversible et, à ce moment-là, nous voudrions que le projet soit protégé contre des actions de qui que ce soit pour l'empêcher de se construire.

M. Goldbloom: Merci. J'aimerais poursuivre en prenant comme exemple une autre sorte de projet...

M. Léger: Ici, je me permettrais, étant donné que vous changez de question...

M. Goldbloom: Certainement, oui.

M. Léger: Est-ce que vous pourriez me dire, dans le projet de lignes de transport — c'était la question que le député de D'Arcy McGee vous posait tantôt — à quel moment préférez-vous — puisqu'il n'y aura qu'une seule audience — avoir cette audience? Au moment où vous avez déterminé votre alternative, avant de déterminer votre alternative de routes, ou une fois que l'alternative est choisie, sur les détails à donner. Il ne faut pas oublier que si le choix est fait pour les citoyens qui voudraient s'exprimer sur votre choix il est trop tard. Si vous le faites après sur des modalités, ce sont seulement des petits correctifs. À quel moment — puisqu'il n'y aurait qu'une procédure d'audience — dans des constructions de corridors ou des lignes de transport, verriez-vous l'audience?

M. Galibois: Je pense que l'audience devrait se situer au moment où l'on fait la demande de certificat, donc, au moment où l'on dépose le rapport. Il faut admettre qu'encore là le processus de consultation que l'Hydro-Québec suit, présentement, permet quand même un "input" des citoyens, des organismes et des milieux gouvernementaux dès l'amorce du projet.

M. Léger: Je ne comprends pas.

M. Galibois: En fait, on rencontre tous ceux qui ont un intérêt dans un projet en matière d'aménagement de territoire ou de protection de l'environnement. Au niveau des inventaires, par exemple, on peut savoir quelles sont les ressources importantes qui doivent être respectées et, par la suite, il y a consultation sur des variantes. Ce processus se fait, évidemment, en dehors des audiences publiques.

M. Léger: Mais vous ne verriez pas l'audience au moment où vous faites la demande au ministère de l'Environnement pour un certificat. Parce que c'est là qu'on vous demande de faire l'étude d'impact. Il faut, quand même, qu'une étude sommaire d'impact soit faite...

M. Galibois: Oui.

M. Léger: ... pour les orientations ou les choix, mais...

M. Galibois: Généralement, on...

M. Léger: ... vous les feriez s'exprimer à quel moment?

M. Galibois: Ce serait au moment où on fait la demande d'un certificat, parce qu'à ce moment-là les études sont complétées, l'Hydro-Québec, généralement, propose une solution. Je crois que c'est là-dessus que devrait porter...

M. Léger: Mais, c'est avant ou après l'étude détaillée?

M. Galibois: C'est après l'étude détaillée.

Le Président (M. Laplante): Maintenant, MM. les membres de la commission, l'heure est écoulée. Vu qu'il y avait eu une entente pour la réception des mémoires et que c'était une heure pour tout le monde, au maximum, que faites-vous?

M. Goldbloom: M. le Président, je pense qu'il y a une entente auxiliaire qui nous permettrait de continuer encore quelques minutes et, effectivement, j'en ai pour quelques minutes seulement, le ministre ayant posé la question que je voulais poser.

Le Président (M. Laplante): On s'entend pour dix minutes encore?

M. Goldbloom: Oui, à peu près, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Merci, Messieurs. On est d'accord?

M. Goldbloom: Si je peux poursuivre, je voulais avoir une idée plus précise — parce que la première série de réponses a rendu claire une espèce de vérité de La Palice, c'est que si l'on commence à construire un barrage, il est trop tard pour changer, mais dans le cas des lignes de transmission, (je me rappelle des événements, notamment, en ce qui concerne l'anneau que l'Hydro est en train de compléter autour de la région métropolitaine de Montréal, la question de la localisation du poste Châteauguay, la ligne dans

le coin du canal de Beauharnois, le comté de Vaudreuil-Soulanges, la traverse du Lac des Deux Montagnes et tout cela; il y a d'autres projets dont nous entendrons parler au cours de la journée, je pense bien) — je voulais avoir une idée plus précise, dis-je, du mécanisme qui permettrait à des gens de s'exprimer là-dessus, parce que justement il y a des options, il y a des choix à faire. J'aimerais poser une avant-dernière question. Dans le mémoire, vers le début, l'Hydro-Québec expose ses projets pour les quatre ou cinq prochaines années, des chiffres impressionnants en nombre de projets à être réalisés. Vous avez indiqué dans votre présentation et dans vos réponses que ce n'est pas du jour au lendemain qu'une telle décision se prend. Très simplement, ayant vécu six années au ministère et ayant connu certaines difficultés — je m'excuse de le dire aussi brutalement —. J'aimerais savoir si, au cours des 22 derniers mois, l'Hydro-Québec a effectivement soumis à l'attention du gouvernement, du ministre de l'environnement, toute cette série de projets. Est-ce que l'on a effectivement — maintenant que l'on demande qu'il n'y ait pas d'effets rétroactifs — au préalable soumis ce programme qui commencera à se réaliser l'an prochain? Est-ce que l'on a effectivement soumis cela à l'attention du ministre?

M. Couture (Armand): M. le Président, l'Hydro-Québec et la SEBJ ont soumis un certain nombre d'études d'impact au ministère continuellement depuis les dernières années et nous avons — ainsi que nous l'appelons — déclenché le processus d'évaluation pour des projets futurs. Alors, concernant les projets qui viendront au cours des prochaines années, au fur et à mesure que les études préliminaires avancent, nous en informons le ministère et nous informons aussi les intervenants ou le public intéressé et les avisons des différentes étapes par lesquelles nous allons passer, si vous voulez, pour en arriver à un processus de décision finale. Le problème, c'est que nous travaillons dans un contexte où le processus décisionnel varie. Alors, il n'y a pas de problème à discuter des projets futurs. Le problème, c'est lorsqu'un projet a déjà débuté et que la loi vient changer le processus décisionnel en cours de route. Cela est un problème particulier à court terme dont nous n'avons pas besoin, je pense, de discuter.

M. Goldbloom: M. le Président, j'ai une dernière question; elle est un peu technique peut-être, mais quand même pas tellement. À part la localisation des lignes de transmission, s'il y a une activité de l'Hydro-Québec qui a provoqué et provoque toujours sans doute des plaintes de la part de la population, c'est le dégagement de ces mêmes lignes de transmission, pour fins de sécurité évidemment, pour fins d'accessibilité en cas de bris ou pour assurer un bon entretien. Ce dégagement se faisait — probablement se fait-il toujours — par moyen de l'arrosage d'herbicides. Il y a eu des constatations faites par diverses person- nes que ces produits chimiques ont eu fatalement — fatalement est le bon mot, je crois — des effets sur la flore et la faune surtout — je m'excuse, j'allais plutôt dire la faune.

Quelle est l'évolution de cette pratique qui, à un moment donné, paraissait aux yeux de certains être un peu trop généreuse? L'Hydro a essayé de restreindre cet arrosage, restreindre l'étendue, l'intensité, le volume de l'application de ces produits. J'aimerais savoir où nous en sommes présentement et si, effectivement, à cause d'une évolution de cette politique, de cette pratique, il y a maintenant une diminution des plaintes reçues par l'Hydro au sujet de ce que je viens de mentionner. (11 h 15)

M. Galibois: Je n'ai pas vérifié dernièrement les statistiques concernant les plaintes, mais c'est un fait qu'on utilise des volumes d'herbicides qui sont moindres que ce qu'on utilisait, par exemple, il y a cinq ans ou dix ans. Les herbicides qu'on utilise sont du même type que ceux qui sont utilisés pour des fins agricoles. Je crois que les plaintes sont plutôt du point de vue de l'esthétique. Je ne crois pas qu'il y a eu tellement de plaintes qui aient été portées à notre attention sur d'autres considérations que des considérations esthétiques.

M. Goldbloom: M. Galibois, j'ai une petite sous-question. Depuis un certain temps, des effets nocifs sur la santé humaine sont attribués à certains produits chimiques utilisés comme herbicides. Pouvez-vous nous assurer que le choix fait par l'Hydro évite les produits qui sont présentement soupçonnés d'avoir des effets sur les êtres humains et même plus particulièrement sur le foetus?

M. Galibois: Comme je l'ai mentionné, je crois qu'il y a eu une étude qui a été effectuée dans les années 1970 et 1971 pour éliminer les produits et les herbicides qui pouvaient présenter des dangers. Vous avez parlé, je crois, des PCB. Les PCB sont de moins en moins utilisés. On ne les utilise plus dans les transformateurs. On doit encore les utiliser dans les condensateurs mais, présentement, on envisage d'utiliser d'autres produits.

Par contre, on a des normes et des directives très sévères visant au contrôle et à l'élimination des PCB.

M. Goldbloom: Je tiens pour acquis que vous suivez de près la recherche médicale qui se fait dans ce domaine. Merci, M. le président.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: M. le Président, j'aurais deux questions à poser, des sous-questions concernant les questions que M. le député de D'Arcy McGee vous a posées. Tantôt, vous avez mentionné que vous aviez présenté au ministère de l'Environnement plusieurs études d'impact concernant des

projets futurs de l'Hydro-Québec. Est-ce que, à la suite de la présentation de ces études d'impact, vous avez reçu du ministère de l'environnement certaines recommandations afin de continuer vos études d'impact, ou si vos études d'impact ont été acceptées telles quelles?

M. Couture (Armand): M. le Président, dans certains cas, nous avons reçu des demandes de précisions à fournir et nous avons fourni les précisions. Eventuellement, nous avons obtenu le permis de construire.

M. Cordeau: Vous n'avez pas de problèmes avec le ministère de l'environnement? Cela va très bien?

M. Couture (Armand): Nous nous entendons très bien. Nous nous faisons poser des questions et nous répondons aux questions. Je pense que jusqu'à maintenant, tout au moins, le dialogue a été très heureux.

M. Léger: On règle les problèmes à mesure...

Le Président (M. Laplante): Avez-vous d'autres questions, M. le député?

M. Cordeau: Oui, j'en aurais une autre concernant les pesticides.

M. Léger: Les quoi?

M. Cordeau: Les pesticides.

M. Léger: Les pesticides.

M. Cordeau: Tantôt, M. Goldbloom a fait allusion à ces produits qui sont déposés à certains endroits pour contrôler les mauvaises herbes, etc. Dans la Presse du 8 septembre 1978, on peut lire: "Malgré les opposants, l'épandage de pesticides continuera aux abords des routes provinciales." C'étaient des citoyens qui s'étaient plaints de cela. Est-ce que votre projet de loi va donner l'occasion ou le pouvoir aux citoyens de faire valoir leurs droits concernant ces épandages de pesticides?

M. Léger: En gros, il ne faut pas oublier que les pesticides et les herbicides amènent un problème majeur et qu'on ne peut pas légiférer uniquement sur l'obligation de ne pas les utiliser comme tels. Il y a une question de gestion dans ce domaine. J'ai demandé à mon Conseil consultatif de l'environnement, qui a une vocation maintenant par la loi de prospective, de me préparer une politique globale de gestion de ces herbicides et de ces pesticides. Suite à leurs recommandations que je devrais recevoir dans les prochaines semaines, je pense — parce qu'ils sont dans la salle et ils m'écoutent, j'attends ces rapports bientôt — j'aurai, je pense, la possibilité de présenter bientôt à l'Assemblée nationale un projet qui amènerait une solution, je pense bien, globale et définitive à ce problème.

Le Président (M. Laplante): Sur ce, M. de Broux, M. Boulanger, M. Couture, M. Galibois, M. Soucy, les membres de cette commission vous remercient pour votre participation.

M. de Broux: Merci infiniment.

Le Président (M. Laplante): J'appelle maintenant le comité de citoyens de Saint-Jean-de-Matha. On distribue aux membres de cette commission et aux journalistes, un mémoire sur le rejet du projet de lignes électriques de la région de Saint-Jean-de-Matha. Cela ne fait pas partie de la commission. C'est seulement de l'information. M. Ouimet, si vous voulez, s'il vous plaît, vous identifier et identifier votre organisme pour les fins du journal des Débats.

Comité de citoyens de

Saint-Jean-de-Matha

M. Ouimet: Luc Ouimet et Paul Perron, représentant le comité de citoyens de Saint-Jean-de-Matha.

Le Président (M. Laplante): Vous pouvez commencer, monsieur.

M. Ouimet: Étant donné l'heure tardive et l'espace non seulement physique, mais le temps qu'a pris l'Hydro-Québec, étant donné également l'importance de notre mémoire, nous demanderions à la commission, si c'était possible, de le déposer intégralement au journal des Débats et, pour les fins de la commission, nous essaierions d'abréger la lecture de ce contenu. Nous allons faire une brève présentation et nous pourrions en lire les extraits qui nous apparaissent les plus importants ou pertinents. Pour éviter, peut-être, la monotonie de la lecture, nous allons alterner la lecture, si vous le permettez.

Le Président (M. Laplante): Je ne crois pas qu'il y ait d'opposition chez les membres de la commission. Accordé, monsieur. (Voir annexe A)

M. Goldbloom: Oui, certainement, M. le Président, mais simplement pour information, est-ce que c'est ce document-ci ou celui-ci?

M. Ouimet: Le petit blanc, c'est celui-là.

M. Goldbloom: Qui serait consacré à la postérité au journal des Débats. Parfait.

M. Ouimet: Dr Goldbloom, la raison pour laquelle on a déposé l'autre document, c'est qu'il y a un certain nombre de textes en annexe qui appuient des affirmations que l'on fait ici et, en même temps, qui tiennent compte d'une expérience vécue.

M. Goldbloom: D'accord.

M. Ouimet: C'était pour l'information à la fois

des membres de la commission et de la presse. Une des choses qu'on voudrait dire au tout début, parce que cela pourrait prêter à interprétation, c'est de penser que les gens qui sont préoccupés de la participation des citoyens et de la protection de l'environnement ne sont pas également des gens préoccupés du développement économique à la fois des industries et du Québec. Je pense que, s'il y avait des interprétations comme cela, il faudrait qu'elles soient effacées parce que, comme Québécois, nous sommes autant préoccupés du développement économique, de l'utilisation rationnelle de nos ressources qu'on l'est de la protection de l'environnement.

Dans ce sens, nous souhaiterions que les gens qui se préoccupent principalement du développement économique soient, comme nous, autant préoccupés de la protection de l'environnement et de la participation des citoyens. Dans ce sens, également pour enlever peut-être toute équivoque concernant, par exemple, l'Hydro-Québec qui nous a précédés, c'est une des entreprises québécoises dont on peut être fier de par ses réalisations techniques, de par son importance dans l'aménagement des ressources. Nous, ce que nous disions, c'est qu'on voudrait aussi en être complètement fiers, concernant la participation des citoyens à la protection de l'environnement.

Nous avons vécu de façon profonde — nous ne l'avons pas choisie — l'expérience de Saint-Jean-de-Matha. À travers cette expérience, nous avons pu vivre ce qu'est la pratique de la participation des citoyens dans un cas qui peut être un prototype. Nous avions, comme d'autres Québécois, lu les documents officiels concernant la participation des citoyens, aussi bien la citation que nous faisait le ministre Léger du livre blanc sur la politique de l'énergie où on insiste sur la participation des citoyens, aussi bien que dans le document officiel du Parti québécois que dans d'autres documents précédents. On parlait du rapport Castonguay sur la participation des citoyens, et dans tous les cas, au niveau du discours, c'est assez intéressant, c'est très prometteur. Mais entre ce que l'on dit et les moyens qui sont effectivement offerts aux citoyens, nous avons pu mesurer l'écart. Nous avons évalué le projet de loi 69 dans cet effort de restreindre cet écart et de donner vraiment aux citoyens les moyens de participation.

Peut-être que l'expression que nous allons prendre ici va vous apparaître un peu pompeuse. Nous allons être un peu la voix des gens sans voix, dans le sens suivant: il n'y a pas énormément, il n'y a pas une file de comités de citoyens qui viennent ici en commission parlementaire ou qui peuvent le faire. Nous avons souligné les difficultés à cet égard. Tout l'appareillage technique d'une commission parlementaire est déjà un facteur qui ne facilite pas en tous les cas l'expression spontanée de beaucoup de citoyens, compte tenu du fait que, dans bien des cas, le citoyen n'avait pas le minimum d'informations pour être capable de participer. Tantôt, le Dr Goldbloom soulignait que même, des fois, le ministère de l'environnement n'avait pas toutes les informations nécessaires. À plus forte raison lorsqu'il s'agit de citoyens. Dans ce sens, on voudrait indiquer que les suggestions que l'on fait sont peut-être encore plus profondément ressenties par des citoyens qui n'ont peut-être pas les mêmes chances que celles que nous avons.

Nous allons lire, à partir de maintenant, quelques extraits du mémoire. Nous allons à la page 8: La démocratie de participation veut donc pallier le contrôle technocratique, mais également les dangers d'arbitraire politique et de la loi du plus fort ou de certains groupes d'intérêt. Elle ne peut s'implanter sans volonté politique d'assurer sa vitalité et sans moyens efficaces pour la soutenir.

Plusieurs déplorent le peu de participation des citoyens, leur manque d'intérêt aux élections scolaires, par exemple. De leur côté, la grande majorité des citoyens ne veulent pas participer parce qu'à notre avis ils n'ont pas confiance dans ces processus pour influencer réellement la décision. Ils sont battus d'avance, croient que tout est arrangé par les puissants entre eux et estiment les moyens actuels inadéquats. Cela, on se l'est fait dire dans le cas de lignes électriques: cela ne sert à rien, l'Hydro-Québec va aller là où elle veut.

Peut-on leur donner tort? Nous pourrions donner de multiples exemples où les citoyens ont vu s'implanter des équipements collectifs (arénas, écoles), se modifier des règlements de zonage, s'établir des usines, se construire des routes et des lignes électriques avec un sentiment total d'impuissance pour influencer l'ordre des choses.

Sans moyens efficaces, on reste au niveau du discours, à la limite du simulacre et parfois de la fumisterie. Le citoyen s'en aperçoit vite. Il s'en aperçoit, il réclame du solide: des élections certainement, c'est un processus de participation, mais aussi des référendums — on a vu, ces derniers temps, que l'utilisation des référendums concernant les emprunts dans les municipalités ont presque tous été rejetés, mais c'est une forme négative de participation, pour empêcher certains types de dépenses — des recours collectifs, des droits de poursuite, des audiences publiques dans le processus de décision, des consultations obligatoires institutionnalisées, un accès réel à l'information, l'assistance technique pour décoder les jargons juridiques, scientifiques, techniques, etc. C'est seulement lorsque ces moyens seront présents et expérimentés qu'on pourra juger de la qualité du civisme des gens. (11 h 30)

M. Perron (Paul): Maintenant, j'aimerais vous référer à la page 10, pour faire un peu le bilan de l'expérience Saint-Jean-de-Matha.

Chacun d'entre nous peut examiner les possibilités de participation qui lui sont offertes dans son milieu ou dans divers secteurs, portant sur des questions générales et permanentes ou sur des problèmes ponctuels. La situation est semblable dans la plupart des milieux et des secteurs d'activité.

Nous voulons témoigner ici de l'expérience vécue lors du projet d'implantation de la ligne

hydroélectrique à 735 kV. Plusieurs d'entre nous avions déjà des expériences professionnelles, soit de gestion, soit d'animation, dans des structures de participation, ou rédigé des rapports sur le même sujet. Nous avions de l'information, une connaissance des appareils, une certaine mobilité au travail. Tout au cours de notre expérience, nous songions aux obstacles plus grands que ressentent les citoyens qui n'ont pas ces avantages, qui travaillent à horaires fixes (seulement le midi ou le soir pour téléphoner au gouvernement ou rencontrer la presse) qui ne peuvent se payer des comptes élevés de téléphone dirigés à Québec ou des secrétaires pour taper des documents.

Nous tenons à souligner quelques-uns des obstacles que nous avons rencontrés et que nous avons réussi à surmonter grâce à l'aide que nous avons obtenue du ministère de l'environnement. a) Une grande difficulté à connaître et à obtenir l'information juridique et technique pertinente, ainsi que les règles usuelles du jeu (les lois, les réglementations, les autorisations, les mécanismes d'approbation et d'évaluation, les critères et leur application). b) Une certaine difficulté à comprendre les jargons, à juger de la valeur technique des procédés, à obtenir une contre-expertise par manque de temps, mais surtout d'argent et d'un quasi-monopole en faveur du promoteur. Nous pourrions donner des exemples où même des commissions parlementaires ont rencontré les mêmes difficultés. Que l'on songe aux commissions qui se sont tenues avant les Jeux olympiques. c) Difficulté de savoir quoi faire avec l'information, à qui s'adresser, où sont les centres et les divers mécanismes de décision, ministères, comités, Conseil des ministres... d) Difficulté d'intéresser les media (la cause est-elle légitime, ne défendent-ils pas leurs petits intérêts mesquins, sont-ils d'affreux contestataires?). Au départ, le service des relations publiques de l'Hydro-Québec avait plusieurs longueurs d'avance sur nous. Nous avons senti son efficacité à plusieurs reprises et nous n'avons pu pénétrer certains media. e) Difficulté de faire disparaître le défaitisme chez nos concitoyens: "L'Hydro va faire ce qu'elle veut, comme elle veut, vous perdez votre temps". Nous en avons entendu sur tous les registres. f) Difficulté d'accepter les refus, les irritations de certains fonctionnaires, parfois leur incompétence, avec un sentiment d'en déranger certains pour qui les choses seraient plus simples s'il n'y avait pas de citoyens pour intervenir dans les services publics, "ils n'en mouraient pas tous"... Heureusement qu'il y a des secteurs entiers, comme à la direction générale de la nature, où le citoyen est bienvenu. g) La difficulté d'espérer, alors que nous n'avions aucun droit légal réel (absence de mécanisme obligatoire) sinon le droit moral, celui de tout citoyen d'essayer de faire triompher le bon sens et d'en convaincre le gouvernement. h) Enfin, la difficulté de garder sa sérénité malgré les angoisses, l'insécurité sur ce qui va survenir, le stress venant du travail supplémentaire occasionné par tous les efforts de la participation et la nécessité de garder le même rendement au travail et dans son milieu. Quand on entre dans cette galère, on ne sait pas dans quel port on va aboutir ni dans combien de temps. La guerre d'usure est plus facile à supporter par les appareils qui "marchent tout seuls".

L'expérience vécue nous permet d'affirmer qu'il serait dangereux de sous-estimer l'importance de ces obstacles existant à divers niveaux. S'ils ne sont pas levés ou contrés, la participation est illusoire.

M. Ouimet: Nous allons à la page 13, cependant en faisant sauter des paragraphes. Il y en a peut-être un qu'il était important de mentionner, étant donné le caractère toujours public de cette information. Nous tenons de façon particulière à le lire, c'est celui qui est à la page 10 où on parle de l'information publique et où on dit: "À ce chapitre, on doit constater que le ministre responsable de l'environnement l'a sûrement compris, car il est un des ministres les plus "transparents" et le plus présent sur la place publique. Nous sommes entièrement d'accord avec cette pratique, car elle court-circuite à l'avance l'utilisation exagérée de circuits plus discrets." Cela pourra revenir dans l'évaluation des processus publics.

Est-ce que le projet de loi 69 apporte des réponses adéquates? Cela représente, d'après nous, une étape importante, amorce un mouvement intéressant vers la réalisation des engagements dont nous avons pris connaissance précédemment, et pour répondre aux attentes exprimées par les citoyens préoccupés à la fois de la protection de l'environnement, de la rationalisation du développement et de la participation efficace des citoyens concernés.

Ce grand pas franchi prend la forme d'une déclaration du droit à la qualité de l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent, assorti d'un recours civil en injonction (limité cependant à certaines catégories de personnes), le droit d'appel à la Commission municipale du Québec élargi à toute personne ou municipalité, et surtout la création d'un bureau d'audiences publiques pour entendre les représentations des gens concernés sur toute question relative à l'environnement que lui soumet le ministre.

Malgré son intérêt, nous devons déclarer qu'à notre avis, il s'agit d'une symphonie inachevée et d'un arbre qui ne produira pas les fruits attendus, ou qui pourrait ne pas les produire, parce que ses racines ne sont peut-être pas assez solides et les engrais peut-être pas assez riches. Nous allons tenter, dans la présentation du document, de vous indiquer un certain nombre de ces éléments manquants. Nous sautons par-dessus un certain nombre.

Nous allons à la page 16, Pouvoirs de la commission.

Il s'agit là d'une question vitale. L'édifice entier risque de s'écrouler si ses fondements ne

sont pas assez solides. Comme pour la santé de l'économie, il faut que les agents économiques aient confiance. C'est toujours cela qu'on nous a appris. Si les agents économiques n'ont pas confiance, l'économie ne va pas bien. Pour que les audiences publiques soient viables, il faut que les groupes concernés y croient et leur fassent confiance., "sentent" qu'elles sont un rouage essentiel intégré à la prise de décision, en un mot, qu'elles soient utiles. Sinon, cela ne fonctionne pas ou cela risque de ne pas fonctionner.

Si les citoyens, comme les promoteurs, estimaient que le vrai endroit où il faut aller pour influencer la décision c'est au bureau du ministre ou au Conseil des ministres, les représentations se feraient à ce niveau. Nous serions alors loin des fondements de la démocratie de la participation.

La commission d'audiences a besoin d'obtenir les conditions qui lui confèrent toute l'autorité et la crédibilité nécessaires pour assumer son rôle.

Nous allons à la page 17 qui fait suite à cela.

Si la commission n'était qu'une courroie de transmission de certaines données recueillies au moment des auditions, le jeu n'en vaudrait peut-être pas la chandelle et sans doute les participants potentiels se convaincraient-ils de son inutilité. En tout cas, c'est une hypothèse sérieuse.

Il faudrait, pour que les représentations lors des audiences soient intégrées vraiment dans le processus de décision, que la commission ait un pouvoir décisionnel, comme certaines commissions et régies fédérales ou québécoises. Nous disons, dans le cas où la conjoncture spécifique à l'environnement ne permettrait pas cette chose, qu'il faudrait, tout au moins, s'attendre que la commission analyse les données, arrive à des conclusions et fasse part au ministre de ses recommandations qui devraient être rendues publiques.

Nous allons passer à la page 18. La question de l'étude d'impact préliminaire et détaillée et la participation du public.

La participation du public durant l'élaboration d'un projet et avant son autorisation est essentielle, rappelons-le, pour minimiser les impacts négatifs et maximiser les impacts positifs, lorsqu'il y en a, et tenir compte des valeurs et des priorités des populations. Comme le précisait le programme du Parti québécois à ce chapitre, il est important que cette participation commence dès les premières phases du projet. Consultations comme audiences publiques doivent avoir lieu à l'étape de l'étude d'impact préliminaire. C'est à ce moment que les corrections de tir sont le plus nécessaires.

Nous pouvons évoquer de nouveau le cas de Saint-Jean-de-Matha. Nous avons obtenu une audience publique après une étude d'impact détaillée sur le choix d'une variante où nous avons fait part de nos points de vue sur un tronçon de 18 milles. La direction des Services de protection de l'environnement a refusé le certificat à l'Hydro-Québec. Neuf mois de travail venaient d'être couronnés. Mais, au cours de nos études, nous avons découvert que les raisons qui justifiaient les 150 milles du corridor étaient inacceptables quant à l'environnement. Cette question aurait dû être abordée au moment d'une étude d'impact préliminaire et aurait évité le gaspillage de beaucoup d'énergie.

Je sauterai maintenant à la page 20: La commission et les services au public. On pense, ici, que certains aspects devraient être inscrits dans le projet de loi. Le projet de loi est trop discret sur l'aide qu'il faut apporter aux citoyens et, dans certains cas, aux petites et moyennes entreprises en vue des audiences publiques. Nous suggérons que le texte de loi lui fasse obligation d'offrir cette assistance afin que la participation soit équitable et valable.

Information sur le rôle de la commission d'enquête. Le secrétariat de la commission doit pouvoir informer les citoyens qui en font la demande sur le rôle de la commission, ses rouages, ses modes de fonctionnement, sur la loi et les règlements qui la régissent, sur les expériences antérieures, sur les conditions pour la tenue d'audiences, sur les droits des personnes.

Il devra parfois fournir une documentation de base sur les projets en cause, aider à décoder les jargons afin que les groupes jugent de la pertinence de demander une audience publique. On pourrait supposer que ces sessions privées seraient suffisantes dans un certain nombre de cas.

Une fois la demande d'audience publique acceptée, le secrétariat de la commission devrait fournir aux groupes l'assistance technique de base nécessaire à une participation équitable: documentation, services élémentaires de secrétariat. Les citoyens qui ne peuvent pas se les donner devraient pouvoir retenir les services d'experts, à la manière de l'assistance juridique dans le cas de questions légales. Nous voulons, ici, poser le principe de cette forme d'assistance. Les moyens d'y répondre pourraient être diversifiés et sont matière à options.

Le secrétariat de la commission. Comme nous venons de le suggérer, la commission, par son secrétariat, sera de façon permanente en liaison avec le public et à son service. L'article 6h nous laisse entendre que le secrétariat de la commission sera dans le territoire de la Communauté urbaine de Québec. Nous comprenons les motifs de cette situation, eu égard au fait que le siège du gouvernement se trouve dans la ville de Québec. Mais, comme montréalais, nous savons que plus de la moitié de la population du Québec préférerait des bureaux situés dans le territoire de la Communauté urbaine de Montréal. Il nous apparaît donc important qu'il y ait au moins une annexe du secrétariat à Montréal. À moins que ce ne soit l'inverse.

Compte tenu du désir de faciliter l'accès à l'information, à la documentation, à l'assistance technique et aux séances de consultation privées pour tous les citoyens, nous suggérons fortement que le texte de loi indique une présence effective de la commission d'audiences dans la région de Montréal. Nous serions sûrs de gagner une élection portant sur cette proposition. De façon plus sérieuse, nous sommes convaincus que cette

disposition est essentielle à la pratique de la démocratie en réduisant un certain nombre d'obstacles.

Consultation des documents relatifs à une demande de certificat d'autorisation. Le projet de loi n'est pas explicite quant aux modalités d'accès aux documents préparés par les promoteurs pour la consultation publique. Ne devraient-ils pas être disponibles dans les divers bureaux des Services de protection de l'environnement du Québec, tout au moins à Montréal et à Québec? Dans tous les cas, on devrait prévoir le service de décoder les jargons pour que les citoyens puissent évaluer la teneur et l'impact du projet. Il faudra éviter la situation qui prévaut dans le cas des amendements aux règlements de zonage. Il faut être spécialiste et en possession de tous les documents de référence pour comprendre de quoi il s'agit. Cet hermétisme est voulu pour décourager le simple citoyen de s'occuper vraiment de ses affaires.

M. Ouimet: À la page 24, on arrive au moment des conclusions. M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, le projet de loi no 69 apporte des amendements à la loi 49 pour la bonifier et en faire une véritable charte de l'environnement. À notre avis, pour atteindre cet objectif, il faudra y incorporer des suggestions que d'autres groupes et le nôtre vous auront présentées. Il est important que la réforme que vous proposez soit véritable tout en étant raisonnable. Il est important de ne pas décevoir, de ne pas la manquer, car un échec ajouterait au peu de confiance que les citoyens accordent actuellement à la valeur des moyens de consultation et justifierait les technocrates qui ne souhaitent pas la participation de penser que ces mécanismes sont inutiles et inefficaces. (11 h 45)

Ce qui, fondamentalement, est le plus important et n'apparaîtra toujours qu'indirectement dans un texte de loi, c'est la volonté politique réelle de l'appliquer. C'est surtout le souci permanent non seulement du développement économique de nos ressources et de la protection de l'environnement naturel et habité, mais du citoyen. Voir à ce qu'il se sente vraiment écouté et qu'il le soit. Comme pour le civisme, c'est par "une foule de petites choses" que ce souci apparaîtra et convaincra le citoyen.

Il est essentiel que la commission d'audiences et tous ses moyens d'appui aient un caractère humain et ne représentent pas qu'une machine de plus. D'autres groupes d'intérêt vous auront fait part de leurs points de vue. Les citoyens attendent du législateur la clairvoyance devant leurs besoins et le courage de prendre les mesures pour y répondre, sans compter que ces moyens qui apparaissent dans la loi 69 se situent par rapport à un ensemble d'autres moyens, et il y a des effets d'interaction les uns sur les autres.

Nous vous remercions de nous avoir permis de nous exprimer, de communiquer nos expériences, nos réflexions et nos suggestions.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Léger: M. le Président, je veux d'abord non seulement vous remercier d'être venus, mais féliciter votre comité qui, je pense, constitue un exemple de ce que les citoyens responsables peuvent faire pour défendre la qualité de l'environnement. D'ailleurs, le projet de loi va reconnaître formellement le rôle et l'utilité de telles initiatives à la base. Je pense qu'il va créer un genre de forum et de mécanismes obligatoires pour que la participation de la population joue un rôle utile dans le processus de certificat d'autorisation ainsi que d'émission.

Votre comité a agi pas mal comme pionnier en matière de participation des citoyens, et je pense que cela mérite pas mal d'admiration de tout le monde.

Vous avez dû quand même remarquer que c'était pas mal difficile et que c'était pas mal exigeant pour un citoyen qui devient responsable. Je pense que vous avez fait face à des embûches, parce que je sais fort bien qu'un citoyen, qui est un individu, qui fait face à des gros, à des organismes qui ont de l'argent, qui ont des techniciens, qui ont des spécialistes, qui possèdent déjà le courant de pensée de I'"establishment" de financer le développement de n'importe quelle région, semble un peu démuni. Si on ne donne pas des droits au citoyen, il ne pourra jamais se défendre. L'équilibre doit être fait par une aide qu'on donne au citoyen, par un mécanisme dans la loi pour éviter que le citoyen qui essaie de s'exprimer se sente "bulldozé".

Si vous avez trouvé cela difficile, il faut quand même admettre qu'il y a aussi des conséquences au niveau de l'État. Exemple: Vous demandez si le bureau d'audiences devrait faire des recommandations plutôt qu'informer le ministre uniquement. Il ne faut pas oublier une chose: l'objectif de ce bureau d'audiences n'est pas de faire des recommandations, en ce qui nous concerne, parce que nous, il y aurait un danger de distorsion face aux opinions exprimées en audiences publiques. Ce qu'on veut, au niveau du ministère de l'Environnement, c'est l'opinion des citoyens et non pas la distorsion et l'opinion de spécialistes, sinon ils prendraient ni plus ni moins la place et du ministre et du Conseil des ministres en nous faisant une recommandation qui risquerait d'aller dans les objectifs peut-être inconscients ou subconscients des personnes qui sont à l'écoute.

Ce dont nous avons besoin, c'est de savoir ce que les citoyens pensent et de le savoir intégralement de façon qu'on puisse, par la suite, apporter au Conseil des ministres une proposition. Lui prend la décision totale et globale, qui a des implications pour le Québec. Il doit être capable d'avoir un point de vue précis. Un gouvernement, qu'on le veuille ou non, de quelque parti qu'il soit, se doit de prendre les meilleures décisions possible qui aident le plus possible la population. Le pouls de la population est un élément très important, et cela permettra, je pense, au gouver-

nement de prendre les décisions les plus éclairées puisqu'il est le seul responsable — les seuls qui sont élus — et qu'il doit rendre compte de son mandat.

Donc, pour nous, le bureau est un organisme qui doit être un organisme d'écoute des citoyens, spécialisé pour la compréhension de ce que les citoyens veulent dire, parce que souvent les citoyens qui ont des sentiments à exprimer, qui ont des droits à faire respecter, n'ont souvent pas les moyens techniques ou la capacité de tous les exprimer avec toute la facilité technocratique que les hauts fonctionnaires d'un gouvernement puissent posséder.

Je vous pose la question suivante: Qu'est-ce que vous pensez, avec l'expérience que vous avez, de la notion d'un fonctionnaire neutre qui serait dans un bureau d'audiences, d'un fonctionnaire arbitre ou d'un fonctionnaire ayant un parti pris pour l'environnement qui s'en va écouter les citoyens? Lequel de ces trois types de fonctionnaires devrait aller écouter ces citoyens? Est-ce plutôt un fonctionnaire qui a un parti pris, qui est neutre ou qui s'en va arbitrer les choses?

M. Ouimet: Si vous me le permettez, je pense que ce n'est ni l'un ni l'autre. Ce que l'on essaie de suggérer ici, dans le sens de l'esprit de la loi, c'est un mécanisme plutôt qu'une personne. C'est un mécanisme qui intervient dans un processus de décision entre des gens qui veulent faire un projet avec toutes sortes de données et qui peut avoir des conséquences sur l'environnement naturel et habité. Un mécanisme qui permet à des gens autres que le promoteur — le promoteur également, évidemment — de faire valoir leur point de vue et de participer à la décision, d'apporter des éclairages. Qu'il y ait une interaction de l'ensemble des données avant que le certificat ou l'autorisation de procéder soit donnée.

Dans ce sens, c'est un mécanisme, comme vous le dites, qui ne doit pas se substituer à la décision du ministre ou du Conseil des ministres, qui ne peut prendre toute sa valeur, toute son importance. Cela ne veut pas dire qu'il n'y en aurait pas autrement. C'est une question de degré — on est dans le gris — mais qui ne pourrait prendre vraiment sa valeur que dans la mesure où les faits qui sont déposés là sont analysés les uns par rapport aux autres et qu'il y a un certain nombre d'éléments ou de lignes directrices, de recommandations publiques qui sont formulés au ministre. Le Conseil des ministres reste libre de prendre, dans le cas, des décisions en fonction d'autres valeurs ou en fonction d'autres données qui viendraient en ligne de compte. Sinon, si ce n'est qu'une transmission de bandes magnétiques que le ministre devra réécouter pour savoir ce qu'il faut dégager de ces lignes de force; on pense que cela ne donnerait peut-être pas toute l'importance qu'on veut donner à ce mécanisme.

M. Léger: Maintenant... M. Ouimet: Pardon!

M. Léger: L'autre partie de votre question, vous disiez: Quelle sorte de préjugés?

M. Ouimet: Dans le cas, je pense bien que c'est la Loi de la qualité de l'environnement qui est le fondement de l'intervention dans un processus de développement de gens. Ce qui doit préoccuper tout le monde, y compris la commission d'audiences, c'est de voir effectivement si, dans l'ensemble de projets, on tient compte de la protection de la qualité de l'environnement naturel et habité, si on essaye de minimiser les impacts négatifs de cet environnement ou de favoriser l'harmonie d'un projet par rapport aux citoyens qui sont là et à l'environnement. Cela, je pense bien que c'est d'avoir un préjugé non seulement favorable mais c'est le sens même de la loi.

M. Léger: Pour avoir une sorte d'unité d'action d'un gouvernement qui aurait à la fois des fonctionnaires qui aideraient à promouvoir des projets de développement et, en même temps, d'autres fonctionnaires qui pourraient aider des citoyens à s'opposer à ces projets ou à corriger ces projets, vous voyez quand même une difficulté d'homogénéité de fonctionnement d'un gouvernement?

M. Ouimet: Non. Je pense que le gouvernement établit des mécanismes dont les attributions sont prévues. Je pense bien que c'est la même chose dans le cas des cours. Parfois, c'est le gouvernement qui poursuit. Parfois, il y a l'assistance juridique qui aide les citoyens. Pour autant que les mécanismes sont clairement identifiés et que les règles du jeu sont clairement précisées, il y a des mécanismes qui sont décisionnels, il y en a d'autres qui sont faits pour faire le développement et d'autres qui sont là pour faire participer les gens dans un processus de développement. Dans ce sens, si les choses sont claires, il n'y a pas de difficulté.

M. Léger: Concernant l'information dont les citoyens ont besoin, peut-être pourriez-vous me donner quelques exemples des difficultés que vous avez pu avoir pour avoir réellement l'information requise pour que le comité des citoyens puisse faire valoir son point de vue en ayant les données pour répondre aux affirmations du promoteur qui, lui, a des données que les citoyens n'auraient pas. Avez-vous eu des problèmes de ce côté? Comment voyez-vous une solution de ce côté?

M. Ouimet: Dans le cas spécifique, les difficultés sont considérables. Je reviens à une question que le Dr Goldbloom posait tantôt aux gens de l'Hydro-Québec pour savoir s'ils ont déjà déposé de la documentation sur leurs projets pour les cinq prochaines années. Nous aussi, nous avons commencé par apprendre le problème de la boucle métropolitaine et, comme le disait le livre blanc, si on veut participer aux politiques énergétiques et s'exprimer, il faut au moins qu'on voie les

solutions de rechange. Est-ce que les besoins sont là, quels sont les besoins, quels sont les moyens qu'on a pris pour répondre à ces besoins? Parce que c'est de cela dont on va se servir pour justifier qu'on prend telle décision et qu'on s'en va dans tel endroit. Il y a donc toute une information préalable, soi dit en passant, qui ne semble exister nulle part, même pas aux services de protection de l'environnement.

La difficulté première qu'on a eue, c'est que quand il y a eu une demande qui a été déposée aux services de protection de l'environnement, ceux qui ont déjà vu ce que c'est qu'un dépôt de documentation par l'Hydro-Québec pour un tronçon savent que c'est à peu près épais comme cela, plus des cartes et des références à d'autres documents. Cela d'épais et, au départ, je pense que vous êtes témoins qu'il a fallu tordre des bras, cogner à des portes et dire: Y a-t-il moyen au moins de pouvoir lire, avoir au moins une copie de cette documentation pour que les gens de Saint-Jean-de-Matha ne soient pas obligés de venir à Québec pour la lire, mais en avoir une copie.

Déjà, simplement avoir cette documentation, cela a été des problèmes considérables. Quand on lit cela, on s'aperçoit qu'il y a des parties qui sont présentes, il y en a d'autres qui ne sont pas là, et il faut un temps considérable. On n'aurait pas pu passer à travers si on n'avait pas eu l'assistance technique, par exemple, en particulier du Conseil consultatif de l'environnement qui avait fait un document qui s'appelait: Localisation des corridors de transport, qui nous a guidés un petit peu à nous débrouiller dans cette documentation. Dans ce sens, c'est considérable parce qu'on est aux prises avec une masse de documents et, évidemment, c'est la technique du rouleau compresseur, c'est-à-dire qu'on vous dépose un ensemble de documents. Au départ, vous ne pouvez pas ne pas avoir raison quand vous avez autant de documents et que c'est aussi épais que cela.

L'une des premières questions qu'on a posées aux Services de protection de l'environnement, c'est: Est-ce que vous avez beaucoup de spécialistes pour nous aider à évaluer cette chose? On n'en a pas beaucoup, mais ils sont bons, et c'est vrai. On l'a vérifié, ils étaient bons. Je sais qu'il y en a qui sont ici, alors, je ne suis pas pour dire le contraire. À ce moment, l'autre difficulté qu'on a connue, c'était de savoir quelles étaient les firmes qui pouvaient nous dire... Vous savez, dans la protection de l'environnement, quand vous voulez faire des études, des contre-expertises, où est-ce que vous vous adressez? Dans un cas comme celui-là, on s'adresse aux firmes qui sont habituellement employées par l'Hydro-Québec. À ce moment, on est dans une situation complètement difficile.

Obtenir la documentation, l'évaluer, être capable de cheminer là-dedans sans assistance, c'est impossible. Un citoyen est fait au départ.

M. Léger: Pour vous rassurer, dans le projet de règlement qui s'en vient, il va y avoir l'obligation pour celui qui est promoteur du projet sur lequel il y aura une étude d'impact obligatoire de déposer, dans la localité où aura lieu le projet, tous les dossiers pertinents à ce projet. Pour répondre aussi en même temps à une autre question que vous posiez tantôt, quand vous disiez que Montréal est un grand bassin et que si on faisait voter les gens pour voir s'ils veulent le bureau à Montréal ou à Québec, il y a plus de chances de l'avoir à Montréal, il y a de grosses chances, c'est entendu, mais je peux vous dire qu'il y aura un local d'information et à Montréal et à Québec, avec tous les documents, ainsi qu'une assistance de base et à Montréal et à Québec.

Maintenant, en plus de cela, le bureau d'audiences publiques va faire lui-même de l'information sur son rôle pour que les citoyens soient bien au courant de l'implication de ce bureau, de ses objectifs, de sa composition. Il y aurait aussi quand même une autre question à vous poser. À un moment donné, vous avez parlé de l'aménagement et de l'environnement. Comment voyez-vous la différence entre une responsabilité environnementale et la portion de la responsabilité de l'environnement pour s'assurer un aménagement, puisque l'aménagement est quand même un autre type de responsabilité au niveau d'une vocation qu'il doit lui donner? Comment voyez-vous la distinction entre l'aménagement et l'environnement?

M. Ouimet: Comme vous voyez, on a abordé cette question dans le mémoire parce qu'on sait que c'est une difficulté, justement, de jonction. Le gouvernement va procéder, évidemment, à un aménagement du territoire du Québec pour que s'harmonisent les différentes vocations et fonctions. On le voit actuellement. Il y a le zonage agricole. Il y aura toute la question des périmètres urbains. Il y a les problèmes de l'environnement, mais il peut y avoir ceux qui veulent développer d'autres types d'industries, soit des industries récréatives ou des industries qui utilisent, font l'extraction et l'exploitation des ressources naturelles. (12 heures)

Dans ce sens, l'aménagement est un plan de base, là également fait avec les citoyens, pour déterminer les principales valeurs et voir comment peut s'harmoniser l'ensemble du développement. Cela devient un guide d'aménagement du territoire. Mais, lorsqu'arrive un cas spécifique d'un projet donné, cela ne remplacera jamais les études spécifiques qu'il faut faire dans ce projet. Ce n'est pas parce que vous avez un règlement de zonage dans une municipalité que cela vous dispense de faire l'étude spécifique lorsqu'il y a une demande de permis pour l'implantation de telle usine. Même, pour prendre un cas qui n'a pas nécessairement d'aspect négatif sur l'environnement, pour l'implantation d'un réseau scolaire, on peut faire en sorte d'exiger une consultation pour voir s'il n'y aurait pas moyen de faire de la concertation avec les ressources municipales et scolaires. Pourtant, il peut y avoir eu un règlement de zonage, puis un projet d'aménagement. Or, les questions d'aménagement et les questions d'études ponctuelles sur

un projet donné pour voir les impacts sur l'environnement et le milieu habité, ce sont deux choses différentes. Il est bien évident que dans ce cas, s'il y a eu au préalable des schémas d'aménagement ou des propositions d'aménagement dans le coin, cela aidera comme références pour l'étude d'un projet particulier. Cela aidera encore plus, j'imagine, aussi les promoteurs pour essayer de voir dans quelle zone ou selon quelles priorités ils peuvent aller.

Il y a interrelation, mais il n'y a pas opposition. Je pense que le secteur d'aménagement ne pourra jamais se substituer au rôle qui est dévolu actuellement dans ce projet de loi à l'environnement.

M. Léger: Une dernière question. Concernant le fait qu'il n'y a qu'une seule audience publique, est-ce que vous la voyez... Vous vous remarqué quand même une flexibilité dans le texte de loi pour que l'audience puisse avoir lieu avant, c'est-à-dire au moment des études préliminaires, ou après les études déterminées. Pour vous, comment voyez-vous la place où devrait être cette audience publique?

M. Ouimet: On est un petit peu embêté avec les deux mots "préliminaire" et "détaillée" et, je pense, également par une question qui a été posée par le Dr Goldbloom à l'Hydro-Québec tantôt, à savoir: À quel moment le processus est-il irréversible? Est-ce qu'à ce moment on l'appelle préliminaire ou détaillée? Là, peut-être que les deux mots ne sont pas suffisants pour rendre compte de la réalité. Ce qu'on dit qui est important, c'est qu'au moment où se prennent les décisions majeures, qui engagent, c'est là que la participation des citoyens doit venir d'une part, mais c'est là également que la préoccupation sur l'environnement doit être prise en considération. Prenons le cas qui est encore en suspens, de Saint-Jean-de-Matha. On a décidé, d'après les données que nous avons vues au moment des études, de tracer un corridor de 150 milles entre le poste de La Vérendrye et Duvernay à Montréal, en faisant un détour pour des considérations économiques. Semble-t-il, selon tous les témoignages qu'on a eus à ce moment, l'information visible et publique, il n'y a pas eu d'autres considérations. Mais après on a décidé de faire des variantes pour dire: Comment est-ce qu'on minimiserait l'impact sur l'environnement? On n'en a pas tenu compte au moment du choix du corridor. On ne préjuge pas des conclusions, mais si à ce moment on avait tenu compte à la fois des aspects environnementaux, selon les deux aspects, le milieu naturel et le milieu habité, possiblement qu'on aurait évité de faire des études d'impact et des batailles à ce niveau. C'est dans ce sens qu'on dit: Cela devrait être assez tôt dans le processus, pas trop tôt parce qu'on n'a pas assez de données, mais c'est au moment où les décisions engagent l'avenir que la participation devrait se faire.

La définition à ce moment, de préliminaire sera peut-être à préciser par règlement, c'est peut-être là la difficulté, mais il nous paraît, à première vue, préférable de faire commencer le processus dès ce moment.

M. Léger: Je voudrais vous remercier encore et, en regardant le travail que votre comité a fait, ainsi que d'autres comités qui ont travaillé dans le domaine de la protection de l'environnement, de la planification et de la prévention, je pense que, malgré les difficultés et les embûches que les citoyens ont dans le projet, le pari dont je parlais pour les citoyens, c'est un pari qu'il faut tenir; puisqu'on est une société en devenir au Québec, il faut nécessairement donner le plus possible aux citoyens l'occasion de se sentir responsables. C'est l'objectif du projet de loi et je vous félicite du travail que vous avez fait.

M. Ouimet: M. le ministre, juste une chose. Vous avez mentionné tantôt qu'il y avait telle ou telle intention de la part des Services de protection de l'environnement du ministère de créer tel service ou tel autre. Ce qu'on souhaite, c'est que ce soit indiqué dans la loi qu'il y aura un service d'assistance aux citoyens et qu'il y aura également une présence sur les différentes parties du territoire.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Perron (Paul): Si je peux ajouter seulement un petit dicton sur la dernière question par rapport à avant ou après les études détaillées, disons qu'il vaut mieux prévenir que guérir.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, c'est une heureuse juxtaposition de mémoires que nous venons de recevoir. Il faut que quelqu'un soit le premier et l'autre le deuxième. Si l'ordre avait été inversé, nous aurions eu, peut-être, des questions additionnelles à poser à l'Hydro-Québec.

Le témoignage que nous avons entendu de la part du Comité des citoyens de Saint-Jean-de-Matha est important, est instructif, parce que ce n'est pas la première fois que nous entendons le récit d'une expérience de cette nature. Nous pouvons espérer que, par ce genre d'aération qui se fait, ce sera la dernière fois, que les mécanismes de consultation seront améliorés et deviendront satisfaisants de part et d'autre. En attendant, peut-être, si vous m'excusez, une petite blague, puisque votre cause est toujours en suspens — vous venez de le dire — nous pourrions tous adresser quelques prières à Sainte-Émilie-de-l'Énergie.

M. le Président, je n'ai pas vraiment de questions à poser parce que le mémoire, la documentation d'appui et notamment les réponses aux questions du ministre ont été extrêmement claires. J'en ai quand même une que j'aimerais poser plutôt au ministre parce que nous avons tout ce problème du choix des corridors. Je me permets

une parenthèse: le mémoire, à un moment donné, a encensé indûment un gouvernement qui n'en méritait pas autant, mais je me suis senti encensé un peu aussi quand, M. Ouimet, vous avez parlé du document publié par le Conseil consultatif de l'environnement justement sur la détermination des meilleurs corridors pour les lignes de transmission.

Avant d'avoir reçu ce document, nous avions étudié un rapport publié par une université américaine, l'université du Wisconsin, si ma mémoire est fidèle. Les hommes de science à cette université avaient conçu une méthode d'évaluation du territoire en divisant la carte en petits rectangles et en évaluant, pour chacun, par une série de critères, la vocation: vocation agricole, vocation récréative, toutes les fonctions que peuvent représenter des parcelles de territoire pour les citoyens habitant la région. Un système a été développé qui permet d'attribuer des couleurs ou des intensités de couleurs à chaque rectangle, ce qui donne, par un choix judicieux de couleurs, un moyen d'avoir un portrait — j'allais prononcer un pléonasme: "de voir visuellement", mais il n'y a pas d'autre moyen de voir — de tracer visuellement le meilleur corridor.

Il me semble, M. le Président, qu'il y a plus que les audiences publiques qui sont importantes ici. Il y a également l'approche scientifique qui évolue. J'aimerais que le ministre nous indique si, effectivement, avec le rapport du conseil consultatif en main et avec les autres éléments de documentation, s'il y a du progrès qui se fait pour que nous puissions, en quelque sorte, réduire cette pile de documentation à une carte qui permettrait à tous les intéressés de regarder ensemble et de voir la situation et de dire: On ne doit pas faire passer la ligne de transmission de ce côté-là parce que l'agriculture est importante, on ne doit pas détruire les accès à la récréation qu'a la population de l'autre côté; il y a des habitations à tel endroit et ainsi de suite. Il me semble qu'il serait plus facile de s'entendre, de se comprendre sur des tracés si l'on avait une présentation visuelle de cette nature. J'espère qu'il y a du travail qui se fait et de toute façon, puisque s'il se fait il n'a pas encore abouti à un produit fini, j'aimerais encourager le ministre à poursuivre ce processus de raisonnement et d'analyse scientifique.

M. Léger: Tout ce que je peux répondre, c'est que la proposition est certainement intéressante de voir à résumer, sur un tableau ou une carte, les objectifs ou les vocations du territoire sur lequel pourraient passer des lignes. Je pense qu'on pourrait peut-être, à l'occasion du règlement, émettre certaines directives pour que les documents puissent se résumer avec un document visuel d'une situation. Nécessairement, il ne faut pas oublier que cela demanderait au préalable qu'il y ait eu aussi une loi de l'aménagement qui ait été adoptée permettant de déterminer quelle est la vocation de chacune des régions. C'est pour cela qu'on disait en Chambre qu'il faudrait qu'il y ait quatre lois qui s'en viennent pratiquement en même temps, mais quatre lois très difficiles à mettre de l'avant, qui sont la loi de l'aménagement, la loi du zonage agricole, la loi de l'urbanisme et la loi sur la spéculation foncière; c'est un tout. Mais, comme dans chacune de ces lois il faut impliquer les citoyens, vous comprenez le temps que cela peut prendre avant d'avoir quelque chose qui soit conforme aux objectifs des citoyens dans leur région, en déterminant, au niveau de conseils de comté ou autres, quels devraient être la vocation et l'aménagement qu'ils veulent de ce côté-là. Mais, quand même, l'idée est intéressante au niveau d'une image plutôt visuelle, pour faire le même pléonasme, de l'ensemble des documents. Nous allons penser, de ce côté-là, pour voir s'il y a possibilité d'avoir des directives pour que cela soit plus facile d'accès et de compréhension pour la population.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Tantôt, vous avez mentionné que les comités de citoyens avaient de la difficulté pour se faire entendre devant les commissions parlementaires concernant certains coûts. Par contre, j'ai vu votre mémoire — je ne sais pas à combien d'exemplaires il a été imprimé, cela doit avoir coûté passablement cher — avez-vous reçu de l'aide pour l'impression de ce document qui a certainement rendu service à plusieurs?

M. Ouimet: Oui, nous avons reçu de l'aide des Services de protection de l'environnement via différentes directions et en particulier la direction générale de la nature. Nous l'avons indiqué, nous avons reçu de l'aide des différents mécanismes. En fait, nous avons créé des précédents. Nous avons reçu de l'aide du Conseil consultatif de l'environnement, nous avons pu, pour une première fois, avoir de l'information publique, nous avons pu aussi recevoir l'aide de la direction générale de la nature et nous avons pu, grâce à une petite subvention, engager des experts de l'Université de Montréal pour nous aider à compléter nos études. Tous ces éléments-là ont été fort importants. Remarquez bien que $2500 comparativement aux $600 000 qu'on nous a dit qu'on avait consacrés aux études d'impact, c'est quand même raisonnable. Mais, oui, nous avons reçu de l'aide.

M. Cordeau: Je ne suis pas contre l'aide que vous avez reçue du ministère de l'environnement, mais c'était pour vous faire spécifier que des coûts, pour l'impression, d'un volume semblable... Vous avez reçu de l'aide.

M. Ouimet: Mais remarquez que c'est encore bien mince comparé à la pile de l'Hydro-Québec!

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe. Autre question?

M. Cordeau: Seulement une. À la page 17 de votre mémoire, tantôt, vous mentionniez qu'il fau-

drait, pour que les représentations lors des audiences soient intégrées vraiment dans le processus de décision, que la commission ait un pouvoir décisionnel. C'est un de vos souhaits. J'aimerais connaître l'opinion du ministre. (12 h 15)

M. Léger: J'ai eu quelques secondes de distraction. Voulez-vous répéter?

M. Cordeau: On dit: II faudrait, pour que les représentations, lors des audiences, soient intégrées vraiment dans le processus de décision, que la commission ait un pouvoir décisionnel, comme certaines commissions et régies fédérales ou québécoises.

M. Léger: Je pense quand même avoir répondu tantôt, dans mon intervention, ou peut-être que c'était à votre tour d'être distrait quand je l'ai dit; maintenant, c'est à mon tour. Mais j'ai dit tantôt que, nécessairement, on ne voulait pas donner au bureau d'audiences un pouvoir de recommandation, parce que selon nous la vocation du bureau c'est une vocation d'être à l'écoute des citoyens, de permettre aux gens de s'exprimer et de nous apporter leur opinion, et non pas une opinion qui pourrait être "distorsionnée" par la spécialité des fonctionnaires prenant la place de ceux qui ont les décisions à prendre, qui sont les ministres ou le Conseil des ministres. C'est beaucoup plus un rôle d'écoute des citoyens, favorisant les mécanismes nous permettant de prendre une décision au niveau gouvernemental qui provient de ceux qui sont élus.

Le Président (M. Laplante): Sur ce, M. Ouimet et M. Perron, les membres de cette commission vous remercient de votre participation. Un dernier mot, M. Ouimet?

M. Ouimet: Cela va être très rapide. En fonction de cela, je voudrais quand même faire une distinction entre le pouvoir décisionnel qui serait possible, comme dans le cas du CRTC, mais ici, on dit ce n'est pas votre option. Le pouvoir de recommandation, c'est qu'on fait plus que simplement transmettre les bandes magnétiques; on fait une certaine analyse, on fait une analyse des données qui ont été présentées dans le sens de l'esprit de la loi de l'environnement et on donne, à ce moment-là, au ministre des outils objectifs pour prendre sa décision. C'est lui qui la prend. Nous, ce que l'on souhaite, ce n'est pas que l'impression soit qu'on n'est préoccupé que par des lignes hydro-électriques dans la participation des citoyens. C'est le cas pour bien d'autres questions et on souhaiterait que vous preniez en sérieuse considération les suggestions qu'on vous a formulées de façon à les inscrire dans un projet de loi pour donner aux citoyens, non seulement, l'idée qu'ils puissent participer, mais les moyens réels pour qu'ils puissent participer.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. Ouimet. M. Léger: Juste cinq secondes. Le bureau pourrait faire, quand même, des synthèses des tendances perçues lors des rencontres. C'est donc dire que cela ne sera pas la même pile de documents. Cela serait, ni plus, ni moins, l'ensemble des préoccupations des gens qui serait synthétisé et qui serait remis au ministre.

Le Président (M. Laplante): J'appelle, maintenant, l'Association québécoise des techniques de l'eau. Messieurs, si vous voulez identifier votre organisme et les personnes qui vous accompagnent pour les fins du journal des Débats.

Association québécoise des techniques de l'eau

M. Marcil (Gaston): Notre association, c'est l'Association québécoise des techniques de l'eau, qui regroupe plus de 1100 membres, tous des ingénieurs, techniciens et spécialistes oeuvrant dans leur activité quotidienne dans le domaine de l'eau et de l'environnement. À ma droite, M. André Perreault, vice-président de l'association; à ma gauche, M. Jean-Daniel Massicotte, directeur du comité de l'environnement. Mon nom est Gaston Marcil, président de l'association. M. le Président, M. le ministre de l'environnement, MM. les membres de la commission permanente de l'environnement, notre intervention ne sera pas très longue pour vous permettre de rattraper un peu le temps. Le 28 août dernier, nous vous avons fait parvenir le mémoire de notre association contenant nos commentaires sur certains points précis du projet de loi 69. Avant de discuter ces points, permettez-moi de vous souligner l'appréciation générale de notre association sur ce projet de loi.

Tout d'abord ce projet de Loi modifiant la Loi de la qualité de l'environnement est à notre sens une modification bien mineure au regard de l'imbroglio des responsabilités des différents ministères et organismes gouvernementaux ayant un mot à dire dans l'administration de l'eau, de l'air, de la terre et de l'environnement en général. Notre mémoire, intitulé Réforme dans le domaine de l'eau au Québec, présenté au premier ministre en février 1977, préconisait la formation d'organismes de gestion de toutes les ressources, contrebalancés par un organisme de protection de toutes les ressources qui pourrait être, à notre avis, un vrai ministère de l'environnement, avec un ministre à plein temps. Nous osons espérer que le présent projet de loi n'est que le début d'une réforme en profondeur.

Concernant le Conseil consultatif de l'environnement, nous déplorons le fait qu'avec les modifications proposées dans le projet de loi le Conseil consultatif de l'environnement perd énormément de pouvoirs en n'ayant plus la possibilité d'entendre des requêtes et suggestions des citoyens à moins d'une demande du ministre. Cette amputation de ses pouvoirs, jointe à son légendaire manque de personnel et de moyens financiers, l'empêchera de jouer son rôle de chien de garde d'un gouvernement toujours préoccupé par le court terme des problèmes alors que les problèmes environnementaux doivent être envisagés à

long terme. Nous recommandons donc que des pouvoirs plus étendus soient accordés au Conseil consultatif de l'environnement, supportés par le personnel nécessaire et les crédits appropriés.

Pour ce qui est de la participation du public, notre association a, par expérience, acquis la certitude que le développement de la province et la protection de son environnement ne pourront se faire sans la participation active du public en général. Cette participation devra cependant être orientée de façon que la population soit non seulement consciente de l'agression des autres sur l'environnement, mais aussi de sa propre agression sur l'environnement. Nous déplorons souvent le fait que les politiciens aient tendance à déculpabiliser les électeurs sur ces problèmes.

Notre association s'est préoccupée dès 1976 de l'impact des projets sur l'environnement. Elle en a fait le thème de son congrès et toute une série de conférences ont été prononcées sur le sujet. Nous nous permettons de vous donner une copie des textes de ces conférences qui vous feront connaître les aspects politiques, juridiques et techniques des études d'impact.

Nous vous rappelons que, lors de ce congrès, notre association s'est prononcée en faveur des études d'impact, même consciente du fait que cette procédure d'évaluation des impacts et de consultation du public alourdira le processus décisionnel des projets. Nous ne pouvons cependant que répéter le souhait que ces études fassent ressortir les solutions les plus positives possible et que les normes qui définiront le contenu des études dans les futurs règlements soient suffisamment claires pour qu'il soit possible d'arriver rapidement à une solution de rejet ou de réalisation.

Je vais passer maintenant aux quelques commentaires qui ont été faits ou aux quelques remarques qui ont été faites sur le projet de loi lui-même.

Concernant le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, le bureau est composé d'au plus cinq membres nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil et a pour fonction d'enquêter sur toutes les questions d'environnement que lui soumet le ministre, alors que le Conseil consultatif de l'environnement est composé de onze membres nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil et doit donner son avis au ministre à sa demande ou de sa propre initiative.

Puisque la qualité de la vie, la qualité de l'environnement et l'économie en général sont dans une même balance et afin d'éviter les rapports biaisés ou l'excès de zèle, il est recommandé que: a) la composition du Conseil consultatif de l'environnement soit révisée pour inclure des représentants du travail, de l'industrie et du commerce (article 10 de la loi); b) la composition du Bureau d'audiences publiques soit révisée pour inclure un représentant du conseil consultatif; et c) les audiences publiques soient conduites par au moins trois membres du bureau.

Concernant l'article 6b, l'article 11 de la présente loi fixe la durée du mandat du président du conseil consultatif à cinq ans et celle des autres membres à deux ans avec la restriction que les mandats ne peuvent être renouvelés qu'une seule fois consécutivement. L'article 6b spécifie la composition, le traitement et les allocations des membres du bureau, mais ne spécifie pas la durée du mandat.

Il est donc recommandé que l'article 6b soit modifié pour rendre applicable l'article 11 de la loi au Bureau d'audiences publiques.

Concernant l'article 19b, cet article permet à un juge de la Cour supérieure d'accorder une injonction à la requête de toute personne physique pour empêcher tout acte ou toute opération qui porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à l'exercice du droit à la qualité de l'environnement.

L'expression de la susceptibilité dans cet article est un élément d'extrême confusion pouvant mener à une contradiction, car, d'une certaine façon, toute personne peut être susceptible de contrevenir à la loi ou aux règlements. Les mots "... ou est susceptible de porter atteinte" devraient être supprimés et remplacés par "ou portera atteinte".

L'article 19d. Dans le cas d'une injonction interlocutoire, le cautionnement maximum est fixé à $500. Puisque l'importance des requêtes et des contraventions peut permettre des proportions tellement variées, la décision sur le montant du cautionnement devrait être entièrement laissée aux juges.

L'addition du paragraphe m) à l'article 31 se confond avec le paragraphe f) qui se lisent comme suit: m) déterminer les modalités selon lesquelles doit être faite toute demande de permis, certificat, autorisation, approbation ou permission prévues en vertu de la présente loi; f) déterminer les modalités selon lesquelles une demande de certificat d'autorisation de plans et devis ou de projet doit être faite en vertu des articles 22 et 24, etc.

Sur la question de l'évaluation des impacts sur l'environnement de certains projets, selon l'article 31a, nul ne peut entreprendre la réalisation d'une construction, d'une industrie, d'un plan, d'un programme, d'un projet ou d'une activité faisant partie d'une catégorie déterminée par règlement sans préparer une étude d'impact sur l'environnement et obtenir un certificat d'autorisation.

Il existe actuellement le règlement 75-430 relatif à l'administration de la loi, AC37891-75 qui définit les limites à l'application de certains articles de la loi concernant les certificats d'autorisation en y excluant certains projets, lequel peut s'appliquer selon l'article 31c, paragraphe a).

Il est recommandé que ce règlement soit modifié avant l'entrée en vigueur du projet de loi, car il deviendra nécessaire de faire une étude d'impact pour tous les projets qui ne sont pas exclus par ce règlement.

L'article 109b. Dans la détermination du montant de l'amende, le tribunal tient compte notamment, dans l'ordre suivant, le dernier: e) des revenus annuels du contrevenant. Les revenus an-

nuels du contrevenant ne devraient pas être un critère dans la détermination d'une amende et devraient être enlevés de cet article.

Finalement l'article 115a. Cet article permet au ministre de réclamer tous les frais directs et indirects afférents aux mesures prises par le ministre pour éviter ou diminuer un risque de dommage à l'environnement de toute personne ou corporation responsable, que celle-ci ait été ou non poursuivie pour infraction à la présente loi. Dans les circonstances où il n'y a pas de poursuite, cet article devrait être modifié pour prévoir un mécanisme qui établit la responsabilité avant qu'ait lieu la réclamation. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

M. Léger: Seulement trois courtes questions. D'abord, je vous remercie de votre participation et de l'intérêt que vous portez à l'environnement. Je ferai remarquer que votre association, depuis quelques années, a pris une orientation qui est des plus bénéfiques pour l'environnement et je vous félicite.

La première question, c'est que vous semblez affirmer, à la page 2 de votre mémoire, que le rôle d'un conseil consultatif de l'environnement, c'est d'être le chien de garde du gouvernement. Je pense qu'il faudrait corriger cette image, ce n'est pas le rôle de chien de garde. Le rôle de chien de garde, c'est l'opposition, c'est la population qui peuvent, eux, continuellement surveiller et voir les erreurs ou les correctifs auxquels le gouvernement ne penserait pas. Pour bonifier un projet de loi, pour bonifier les décisions, l'opposition est là pour jouer ce rôle. Je l'ai appris pendant cette année. C'est un rôle important qu'il faut jouer. Je pense que le rôle du conseil consultatif est beaucoup plus d'être un conseiller du ministre délégué à l'environnement dans ses responsabilités, et conseiller au point de vue de ce que la population va dire à ses représentants des différentes régions et des différentes couches de la société qui sont au conseil consultatif de l'environnement et qui doivent donner des avis, prendre le pouls de la population sur des politiques à long terme du gouvernement, entre autres.

Le deuxième point que je veux soulever, c'est quand vous parlez de remplacer les mots "susceptible de porter atteinte" par "portera atteinte" pour déterminer la possibilité d'une injonction. D'une part, je pense qu'il y a une grosse nuance légale et que le fardeau serait très lourd pour le citoyen de dire que cela va porter atteinte alors que ce qu'il y a plus que de porter atteinte, c'est le danger qu'il faut prévenir. On préfère le mot "susceptible". C'est beaucoup plus permissible à quelqu'un qui veut arrêter une opération qui peut être dangereuse que de prouver que cela va lui porter atteinte. (12 h 30)

Quand vous dites que le montant du cautionnement ne devrait pas être plafonné à $500, il faut revenir à ce que je disais tantôt, à l'occasion de la présentation de l'autre groupe. Je disais que c'est tellement difficile pour un citoyen de remplir son rôle de responsable du milieu de l'environnement que des sommes de $500 et plus, cela devient un obstacle très difficile pour quelqu'un de faire une action dans ce sens. Il faut penser que ce sont quand même des petites gens, des personnes individuellement qui doivent porter le coût de ces $500. On pense que, s'il fallait augmenter le montant de $500, cela pourrait même réduire les possibilités de recourir à l'injonction.

Finalement, vous parlez aussi des revenus annuels du contrevenant. Je vais vous poser une question. Le gros pollueur, une grosse industrie ou une personne qui est très bien financièrement placée qui pollue, pensez-vous que l'amende va pouvoir être dissuasive si elle n'est pas en proportion de la possibilité de payer de celui qui a un contrevenu? Cela peut être un montant dérisoire pour lui, à ce moment; c'est ce que nous craignons. Je vous pose la question: Ne craignez-vous pas qu'on continue à préférer payer une amende quand on est gros que de respecter l'environnement? Ce critère avait comme objectif de dissuader le gros pollueur.

Que pensez-vous de cet article qui dit qu'il faut quand même tenir compte de la capacité de payer?

M. Marcil: Oui, en fait, on reconnaît qu'il faut... Par contre, ce qu'on voulait faire ressortir, c'est que, si l'infraction est grande, l'article précédent permet de donner une amende qui est grasse. Mais la capacité de payer n'a rien à voir avec l'infraction elle-même. Si l'infraction est grande, l'amende est grande. Si l'usine en question est en difficultés financières, sa capacité de payer est faible. Mais, si l'infraction est grande, l'infraction est grande. C'est ce qu'on voulait souligner.

M. Léger: Mais c'est le dernier critère qu'on a mis. Les quatre autres...

M. Marcil: Oui, les quatre autres, on n'a pas rien dessus.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, je voudrais d'abord appuyer le ministre en ce qui concerne la rédaction de l'article 19b. Notre système juridique est fondé sur la notion de doute raisonnable et, si l'on demande à quelqu'un de prouver hors de tout doute raisonnable que quelque chose portera atteinte à l'environnement, ce sera extrêmement difficile de le faire; il est plus facile de prouver que quelque chose lui a déjà porté atteinte, car il y a des preuves scientifiques qui peuvent être fournies. Il me semble que l'article doit demander aux tribunaux de juger s'il y a un doute raisonnable quant à la susceptibilité de l'environnement à un produit qui serait émis ou déversé là-dedans.

J'ai une question, elle se rapporte à la deuxième page du mémoire auxiliaire dont vous avez

fait lecture au début de votre présentation. En bas de la page, sous le sous-titre Participation du public, vous dites ce qui suit: "Cette participation devra cependant être orientée de façon que la population soit non seulement consciente de l'agression des autres sur l'environnement, mais aussi de sa propre agression sur l'environnement". Aussi, la phrase suivante: "Nous déplorons le fait que les politiciens aient tendance à déculpabiliser les électeurs sur ces problèmes".

Je demeure perplexe devant cette expression. Je ne voudrais pas être désobligeant, désagréable. J'avoue qu'il y a un certain nombre d'années, avant d'être un homme politique moi-même, j'avais une tendance à regarder agir les politiciens et, des hauteurs de ma perfection et de la pureté de ma motivation, je les critiquais à gauche et à droite. Je faisais cette généralité: Les politiciens, ils font telle chose, telle chose. Maintenant, après douze années et demie, je constate et je dis que les politiciens — je fais abstraction de ma personne, je regarde mes collègues actuels et anciens — sont en forte majorité des hommes et des femmes qui veulent bien faire, qui ont les mêmes faiblesses humaines que, sans doute, les membres de l'Association québécoise des techniques de l'eau, qui sont sujets, donc, à ne pas faire parfaitement ce que l'opinion publique, et surtout un secteur de l'opinion publique, voudrait qu'ils fassent.

Ayant dit tout cela, à part cette généralité au sujet des politiciens, il demeure quelque chose que je ne comprends pas exactement. De quelle façon trouvez-vous que les politiciens déculpabilisent les électeurs quant à leur propre agression sur l'environnement? Il me semble que depuis l'existence des Services de protection de l'environnement, depuis la nomination au gouvernement du Québec d'un ministre de l'environnement, il y a justement un effort soutenu, aidé par l'Association québécoise des techniques de l'eau et par beaucoup d'autres organismes, à amener la population à se rendre compte de sa propre responsabilité. C'est ainsi que le ministre a commencé l'étude de ce projet de loi, hier, dans son laïus d'ouverture.

Si, malgré cette volonté, nous avons quand même une tendance à déculpabiliser les électeurs, surtout que quand vous dites les électeurs, vous ne dites pas la population en général — les électeurs par rapport aux politiciens, c'est un rapport assez spécial — j'aimerais avoir des explications sur cette phrase.

M. Marcil: II ne s'agit pas de blâmer qui que ce soit. Je pense qu'on s'est rendu compte, à l'Association québécoise des techniques de l'eau, que depuis 30 ans l'épuration des eaux, par exemple, et la pollution des eaux se sont aggravées à un rythme effarant, à notre sens, puis la population en général s'est sentie agressée, a senti qu'il y avait quelqu'un quelque part qui polluait et que c'étaient des gros méchants, comme on dit. Mais elle n'a pas dit au gouvernement: Écoutez, moi, ma pollution, vous allez vous en occuper, vous allez mettre les budgets qu'il faut puis vous allez empêcher que mes égouts se rendent jusqu'à la rivière ou au fleuve sans traitement. Elle ne se sentait pas responsable. On a même, par expérience, rencontré des gens dans l'industrie qui déversaient des choses dans les cours d'eau et qui n'étaient pas conscients de la pollution qu'ils pouvaient causer, des dommages à l'environnement que cela pouvait causer. Des agriculteurs... En fait, souvent on parle à la population comme étant des inspecteurs, alors que la population, de par les activités urbaines modernes c'est tous des pollueurs. On a vu souvent des gens le long des routes — ce n'est peut-être pas la pollution de l'eau, mais c'est la pollution en général — qui jettent toutes sortes de choses. Là-dessus, on rejoint le ministre de l'environnement dans ce sens que ce qu'on voulait faire ressortir, c'est que la population a besoin d'éducation et de comprendre l'envergure des problèmes. C'est un rôle qu'on s'est donné, de sensibilisation du public à ces agressions sur l'environnement.

M. Goldbloom: M. Marcil, je vous remercie de cette amplification et je suis heureux qu'elle puisse être reproduite au journal des Débats pour ne pas laisser toute nue la phrase que vous aviez mise en bas de la page 2 de votre mémoire auxiliaire.

Le Président (M. Laplante): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: Merci, M. le Président. À la page 1 de votre mémoire, en bas, clause 1, article 6b, vous avez manifesté l'intention que les membres du bureau soient nommés pour un mandat spécifique. Vous faisiez allusion à cela. M. le ministre pourrait peut-être expliciter sa pensée, car, si ce sont des fonctionnaires, ils sont permanents.

M. Léger: Oui, c'est cela. Les fonctionnaires, ayant une expérience de l'écoute des citoyens, connaissant le domaine de l'environnement, vont être les mieux habilités à comprendre ce que les citoyens vont donner.

Je vais en profiter en même temps pour répondre à la préoccupation dans le domaine de l'éducation. Je pense que, de plus en plus, il va falloir qu'on mette de l'avant des méthodes ou des possibilités d'éducation des citoyens. On a justement mis, à l'environnement, un module d'éducation qui s'occupe d'être disponible autant pour le ministère de l'Éducation dans ses programmes sur l'environnement que pour aider les groupes, les initiatives dans les commissions scolaires pour donner des cours sur l'environnement soit à l'élémentaire ou au secondaire, même au cégep et à l'université, et même auprès des comités de citoyens pour qu'ils puissent avoir de plus en plus de données et être ensuite capables d'être contagieux dans leur région — dans le bon sens, des bons microbes — pour s'assurer que de plus en plus les citoyens comprennent ce que sont leurs responsabilités.

Je pense que la formule d'éducation est une...

Je disais dernièrement dans une conférence que, pour combattre la pollution, nous sommes en retard, pour protéger l'environnement, nous sommes exactement à l'heure, mais pour éduquer une population, nous sommes à l'avant-garde.

Le Président (M. Laplante): MM. Marcil, Perreault, Massicotte, les membres de cette commission vous remercient pour votre participation. Merci, messieurs.

Maintenant, nous serons obligés de suspendre les travaux jusqu'à 15 heures, mais, avant de suspendre, je ferais appel à l'Association des mines de métaux du Québec Inc., qui commencera à 15 heures. D'accord?

Les travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 43)

(Reprise de la séance à 15 h 15)

Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous plaît!

Reprise des travaux de la commission permanente de la protection de l'environnement concernant le projet de loi 69. Réception des mémoires.

L'Association des mines de métaux du Québec, M. Langlois, si vous voulez vous identifier et identifier votre groupe et les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Association des mines de métaux du Québec

M. Langlois (Gonzague): Mon nom est Gonzague Langlois. Je suis le directeur général de l'Association des mines de métaux du Québec. J'ai à mes côtés M. Guy Pelletier, qui est le président du comité de l'environnement, et le Dr Claude Drouin, qui est le directeur des services techniques à l'association.

M. le Président, M. le ministre délégué à l'environnement, MM. les membres de la commission de l'environnement, tout d'abord quelques mots pour vous expliquer ce qu'est l'Association des mines de métaux du Québec et ce qu'elle regroupe. Cette association regroupe en fait les producteurs de métaux ferreux et non ferreux ainsi que deux producteurs de minéraux industriels. Les mines d'amiante ne sont pas membres de notre organisme. Les mines de métaux sont situées dans le Nord-Ouest québécois sur la Côte Nord et en Gaspésie, tandis que les producteurs de minéraux industriels sont dans la région de Montréal, sur la rive nord du fleuve.

Notre association a donc pris connaissance du projet de loi 69 modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement, et elle tient à souligner les problèmes qui sont susceptibles de porter atteinte à l'exercice des activités de ses membres.

Le projet de loi est analogue au National Environment Policy Act américain en ce sens qu'il établit un bureau d'audiences, qu'il donne aux individus le droit d'intervenir devant les tribunaux au sujet d'un projet donné, qu'il restreint les activités du conseil consultatif de l'environnement au niveau des politiques, qu'il oblige les promoteurs de projets à préparer des études d'impact afin d'éclairer le ministre et la population sur le bien-fondé du projet et de ses bienfaits sur la société québécoise.

Bien qu'il soit impossible de s'opposer à la philosophie générale qui sous-tend cet ensemble de mesures en soi très considérables, nous nous interrogeons sérieusement sur les moyens donnés aux intervenants qui pourraient s'opposer à la mise en marche d'un projet.

Nous nous proposons de considérer l'impact d'une telle loi sur l'industrie minière et nous vous serions reconnaissants de bien vouloir tenir compte de nos commentaires à cette audience et possiblement d'incorporer dans votre projet les formules de rechange qui s'imposent, selon nous, afin que cette loi soit réellement un outil bienfaisant pour tous les membres de la société québécoise.

Tout d'abord, nous voulons traiter des études d'impact. Le nouvel article 31a de la loi stipule que nul ne peut entreprendre la réalisation d'un projet sans procéder à une étude d'impact.

Il est essentiel de connaître les catégories d'activités pour lesquelles cet article est applicable afin d'en faire une critique logique et nous croyons que cette liste doit apparaître dans la loi afin d'en permettre une évaluation au niveau de l'Assemblée nationale.

Quant au domaine minier, nous ne croyons pas qu'il y a lieu de faire des études d'impact pour toutes les activités. L'étude d'impact n'est certainement pas nécessaire pour la poursuite des activités d'explorations géologiques, géochimiques et géophysiques; dans ces cas, les seules autorisations du ministère des Richesses naturelles nous apparaissent suffisantes.

Lorsque l'exploration s'est avérée plus prometteuse, avant de procéder à des excavations, ou au fonçage de puits d'exploration, ou à l'érection d'usines pilotes, il y aurait lieu de demander un certificat d'autorisation en accompagnant la demande d'une étude préliminaire d'impact.

La loi parle d'étude préliminaire et d'étude détaillée à l'article 31b, mais elle ne les définit pas. Nous croyons qu'une étude préliminaire consiste essentiellement à faire l'inventaire des sources potentielles d'impact.

Enfin, lorsque l'entreprise considère la possibilité d'aller en production, l'étude d'impact devrait accompagner l'étude de rentabilité. Toutefois, l'État devrait fournir à l'industrie les données scientifiques de base relatives au milieu, car, selon nous, il n'appartient pas à une seule entreprise de faire toutes les études écologiques régionales. Tout comme le ministère des Richesses naturelles procède continuellement à l'acquisition des connaissances de la géologie du Québec, les Services de protection de l'environnement pourraient compiler les connaissances environnementales du ter-

ritoire et procéder aux recherches scientifiques de base afin de faciliter les études d'impact. Le rôle des Services de protection de l'environnement ne devrait pas se limiter à un rôle de pure surveillance, mais aussi à celui d'un centre d'informations de base pour les aspects environnementaux dans l'élaboration des projets.

Les audiences publiques, bien que désirables dans un schéma de participation du public dans la prise de décision, amènent, en pratique, la contribution d'une quantité considérable d'agents hostiles, soit parce qu'il y a conflits d'intérêts ou encore affrontements idéologiques. Il semble donc qu'il y aurait lieu de prévoir dans la loi, ou dans les règlements, un mécanisme pour freiner la dominance des contributions strictement négatives. Par exemple, la soumission des mémoires un certain nombre de jours avant l'audience, comme dans le cas de cette commission parlementaire, peut être une mesure efficace de filtration. Il faut éviter que les audiences publiques deviennent une forme de défoulement collectif aux dépens des promoteurs de projets.

En second lieu, nous nous interrogeons sérieusement sur la constitution du bureau d'audiences. Nous recommandons qu'une audience soit tenue par au moins trois personnes dont au moins une viendrait du milieu industriel concerné.

Il est très difficile pour un individu d'entendre seul toutes les diverses opinions au sujet d'un projet et de pouvoir juger la situation correctement. Ainsi, en Ontario, le quorum est de trois personnes qui peuvent s'adjoindre des experts conseils.

En troisième lieu, il faut se demander si tous les projets, miniers ou autres, doivent être soumis aux audiences publiques. Nous croyons que la loi devrait prévoir un mécanisme défini pour déterminer la nécessité de tenir des audiences. Alors, s'il y a lieu, les audiences ne seront tenues qu'après la présentation de l'étude préliminaire d'impact.

L'ensemble des procédures environnementales prévues ne devrait s'appliquer qu'à partir du moment où les promoteurs miniers considèrent la mise en valeur d'un gisement.

Il serait dangereux de soumettre le projet à la consultation populaire, à la consultation publique prématurément, car la spéculation sur les propriétés concernées et les propriétés avoisinantes qui en découlerait pourrait s'avérer désastreuse pour de nombreux citoyens et l'entreprise elle-même.

Aussi, la loi devrait définir clairement les procédures d'audiences et prévoir que les bureaux d'audiences puissent faire des recommandations et soumettre leur rapport dans des délais précis.

Enfin, les pouvoirs et l'immunité conférés aux commissaires sont inquiétants! Pourrait-on exiger qu'une entreprise divulgue de l'information confidentielle de valeur technique ou économique acquise à grand prix, information possiblement sans importance première pour l'environnement?

Le projet de loi 69 prévoit pour le conseil consultatif de l'environnement le seul rôle de conseiller du ministre sur les questions d'intérêt général. Nous croyons réellement que ce n'est pas le rôle du conseil de s'arrêter aux cas particuliers et alors, nous endossons cette modification. Toutefois, une telle modification suppose que le conseil sera formé presque exclusivement d'experts bien informés dans les disciplines impliquées, dans les législations et les règlements relatifs à l'environnement et leurs impacts économiques. La représentation des profanes au Conseil consultatif de l'environnement n'a plus la même signification dans ce contexte, car ces derniers auront toutes les occasions de se faire entendre lors des audiences publiques.

Le Conseil consultatif de l'environnement doit, à notre avis, être majoritairement un véritable conseil d'experts, supportés par une équipe scientifique compétente et, pour ce faire, il doit jouir d'un budget qui lui permette d'agir efficacement.

Enfin, puisque le CCE se prononce strictement sur des principes, il devrait pouvoir automatiquement rendre ses avis publics après les avoir remis au ministre. Le CCE est impuissant et inefficace s'il est totalement lié par la volonté du ministre.

L'article 19a proposé déclare que le droit à la qualité de l'environnement est un droit personnel et, en vertu de ce droit, la personne décrite à l'article 19c peut obtenir une injonction de la cour, conformément aux articles 19b et 19d, lorsque ce droit est présumément lésé ou est susceptible de l'être. Nous sommes ici en présence de quatre articles des plus lourds de conséquences, car il y aura toujours des individus qui s'opposeront de façon systématique aux activités minières ou industrielles, même à celles qui s'efforcent d'atteindre un équilibre entre les conditions d'un environnement acceptable et les impératifs socio-économiques du milieu.

Si on donne aux mécontents des pouvoirs facilement accessibles et, en même temps, qu'on inscrit des termes de références vagues dans les textes de lois, nous aurons alors mis en place tous les moyens pour geler ou, à tout le moins, ralentir l'activité économique.

Nous acceptons certainement le fait que les projets doivent répondre à un besoin de la société et qu'ils soient réellement bienfaisants pour elle, mais il est impossible de prévoir un projet qui fera l'unanimité de la population. En fait, un projet doit répondre aux désirs d'une majorité de la population. C'est là l'essence même de la démocratie.

Par exemple, lorsque le gouvernement vote une loi, il y a toujours des opposants et, pourtant, le gouvernement ne donne pas un droit de veto automatique aux adversaires. C'est le bien commun qui prime et non le bien particulier.

Ainsi, le projet de loi, dans sa forme actuelle, pourrait permettre à un individu de tenter d'obtenir une injonction pour une opération autorisée par le directeur des services de l'environnement même après que celui-ci aurait reçu toute l'information pertinente.

Nous nous opposons donc au concept du droit individuel en matière d'environnement. De plus, nous nous opposons au recours en justice pour les individus en vue de l'obtention d'une

injonction. Lorsque certaines personnes se croient lésées dans leurs droits, c'est aux Services de protection de l'environnement qu'elles doivent se référer. Le directeur a déjà tous les pouvoirs voulus pour prendre une action efficace, si elle est justifiée et justifiable.

Le projet de loi donne au directeur l'autorité de demander tous les renseignements qu'il juge nécessaires (article 5 modifiant l'article 22 de la loi). De plus, le ministre acquiert les mêmes pouvoirs, du moins pour certains projets, au nouvel article 31d. En général, l'article 31 laisse planer l'incertitude sur l'étendue des exigences et laisse présager des coûts et des délais considérables. La façon de corriger cette situation qui finira par engendrer des conditions intolérables est de publier les règlements au moment même de l'adoption de la loi et de spécifier le contenu des études désirées. Il y a suffisamment de lois, de règlements et d'expériences à ce moment de l'histoire pour que le gouvernement inscrive des précisions dans les textes proposés.

L'article 8 du projet de loi modifie l'article 31 de la Loi de la qualité de l'environnement en y ajoutant le paragraphe k) qui spécifie qu'un certificat d'autorisation ne sera valide que pour une période dont la durée peut varier au gré d'une décision gouvernementale. Il n'y a pas lieu d'obtenir un certificat des SPE pour les travaux d'exploration car le ministère des Richesses naturelles couvre déjà cette phase d'activité. Nous acceptons le principe d'un certificat d'étapes durant la phase de mise en valeur, mais nous le rejetons dans le cas des exploitations proprement dites.

Un certificat d'autorisation devrait garantir en principe une sécurité d'existence pour une opération en autant qu'elle se conforme aux normes et obligations auxquelles elle s'est engagée. Ceci implique de prévoir un mécanisme de révision par lequel on pourrait redéfinir, s'il y a lieu, de nouvelles exigences, suite à un changement de conditions ou au développement de problèmes imprévus.

Enfin, il est important de mentionner l'article 45 du projet de loi no 69 qui introduit le nouveau article 123a. Au deuxième alinéa, on dit qu'une personne qui a obtenu une autorisation doit respecter ses engagements, même si ses estimations sont plus contraignantes que les normes. Cet article comporte une exigence exagérée et forcerait l'industrie à faire preuve de prudence à outrance dans les renseignements fournis au gouvernement, nécessitant des études détaillées et coûteuses.

Lorsque le projet concerné prévoit utiliser une technologie conventionnelle, les prévisions peuvent être relativement précises, mais dans le cas d'une nouvelle technologie, les résultats obtenus peuvent s'écarter considérablement des résultats prévus. Il nous semble donc impensable d'accepter cet article.

La loi prévoit des amendes extrêmement lourdes aux nouveaux articles 106 et 107, tandis qu'elle donne le pouvoir au lieutenant-gouverneur en conseil d'établir des amendes encore plus for- tes dans les règlements. Toutefois, l'aspect le plus tragique de cet ensemble de provisions, c'est le nouvel article 109b qui institutionnalise l'arbitraire. Une infraction doit être évaluée strictement en fonction du préjudice, les revenus et les bénéfices du contrevenant étant des éléments étrangers au problème en question.

Le projet de loi accorde soit au ministre, soit au Conseil des ministres, soit au directeur des pouvoirs discrétionnaires extraordinaires qu'il y a lieu de souligner. Par exemple, à l'article 6c, le ministre décide s'il doit y avoir des audiences. À l'article 31b, le ministre indique la nature et l'étendue de l'étude d'impact. À 31d, le ministre demande toutes les informations dont il estime avoir besoin. À l'article 31h, le ministre décide quels sont les renseignements fournis par les promoteurs qui sont de nature confidentielle. À l'article 104, le ministre est soustrait aux modalités et barèmes prévus par règlement du lieutenant-gouverneur en conseil pour distribuer des subventions et des prêts. À l'article 114a, le ministre estime qu'il y a urgence de prendre des actions et il prend les mesures requises. À l'article 115a, le ministre est autorisé à prendre toutes les mesures qu'il indique pour nettoyer, recueillir ou contenir des contaminants émis, déposés, dégagés ou rejetés ou susceptibles de l'être. Au dernier alinéa de l'article 115a, le ministre peut réclamer des frais sans passer par la cour et, à l'article 116a, les analyses faites par ou pour les Services de protection de l'environnement reçoivent la facture de l'infaillibilité. Tous ces articles et de nombreux autres sont suffisants pour démontrer l'inquiétude de l'industrie minière face à tous ces pouvoirs discrétionnaires. La seule recommandation que nous puissions faire en ce moment est d'inscrire des précisions dans le texte de loi à chacun de ces articles et, s'il est réellement impossible de circonscrire le problème, les pouvoirs discrétionnaires devraient être dans les mains du Conseil des ministres.

Le projet de loi 69 est destiné à protéger l'environnement, mais a-t-on considéré à quel coût? Les pouvoirs d'injonction, la possibilité infinie des demandes d'études et d'informations de toutes sortes, les pouvoirs discrétionnaires du ministre, du directeur et des fonctionnaires, les délais causés par les demandes d'autorisation, les qualités, les difficultés à surmonter pour survivre aux audiences, etc. La société québécoise peut-elle se payer de telles exigences? L'industrie minière est consciente des problèmes environnementaux reliés à ses activités et a déjà mis de nombreux programmes en place. Il est évident qu'à l'avenir les mines devront respecter des normes toujours plus rigoureuses et c'est heureux, mais il faudra toujours vivre à l'intérieur de la réalité des contraintes économiques.

Nous terminons notre mémoire en citant le président actuel du Conseil consultatif de l'environnement, M. Réal L'Heureux. Ce dernier déclara, le 3 mai 1976: "Autant il était regrettable dans le passé de ne pas prendre en considération la protection de l'environnement, autant il serait peu

sage de ne pas tenir compte des implications socioéconomiques et techniques". Merci, monsieur.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Léger: M. le Président, je voudrais remercier l'association et ses représentants de leur mémoire et de leur apport au débat. J'aurais quelques petites questions à leur poser.

Vous dites, à un moment donné, dans votre mémoire, que le projet ne définit pas "études préliminaires" et "études détaillées". Est-ce que votre association aurait des définitions à proposer ou est-ce que vous suggéreriez qu'on attende qu'un projet soit le plus complet possible avant qu'une décision soit prise ou qu'une audience publique se tienne? À quel moment voyez-vous cela?

M. Drouin: M. le ministre, je crois que nous avons dit un petit mot là-dedans sur les études détaillées, l'étude préliminaire, en disant que ce devait être un inventaire des ressources qu'on suggère au lieu des études détaillées.

M. Léger: Qui se verrait à quel moment?

M. Drouin: Nous le saurons mieux à la page 3: "Nous croyons qu'une étude préliminaire consiste essentiellement à faire l'inventaire des sources potentielles d'impact." C'est une phase, en d'autres mots, une étude d'impact qu'on vous propose.

M. Léger: Plus loin, vous dites que les audiences publiques, bien que désirables, — je vois que vous avez un voeu de ce côté-là, mais vous reculez un petit peu ensuite — amènent en pratique la contribution d'une quantité considérable d'agents hostiles. Pourquoi cette méfiance envers le public qui, nécessairement, de plus en plus, est composé de gens qui subissent des problèmes d'environnement et qui ont l'occasion de s'exprimer? Pourquoi devrait-on considérer que les intérêts du promoteur, quels qu'ils soient, ne sont pas sur le même pied que les intérêts des citoyens devant s'exprimer sur un projet qui amènera une contribution du développeur mais aussi des conséquences? Pourquoi cette méfiance de penser que, nécessairement, il va y avoir du charriage lors des audiences, même si cela peut être l'exception?

M. Drouin: Je crois qu'on pourra seulement se référer aux expériences vécues, qui sont assez simples, tout de même. On pourrait commencer simplement par un rapport qui est ici, qui a été présenté à une conférence sur les études d'impact d'environnement au Canada vers 1973, dans laquelle on rapporte le comportement des populations qui intentaient des poursuites, aux États-Unis, en 1973, après l'Act du NEPA. On disait que les représentations des citoyens étaient telles que, premièrement, soit qu'on refusait... On disait qu'il n'y avait pas eu d'études d'impact ou, deuxièmement, si elles avaient eu lieu, les citoyens disaient qu'elles étaient incomplètes et insuffisantes, et lorsqu'elles étaient complètes et suffisantes, on disait: On a tiré les mauvaises conclusions. Alors, on est toujours perdant du côté de la participation des citoyens. Nous ne sommes pas contre le principe de la participation, mais j'écoutais ce matin les gens de Saint-Jean-de-Matha, qui disaient eux-mêmes qu'ils n'ont pas toujours ni les ressources, ni les compétences pour étudier tous ces problèmes. Quiconque s'attaque à un problème sans en connaître toutes les grandeurs automatiquement a des jugements qui ne sont pas précis, et ce manque de précision dans son jugement comporte nécessairement des difficultés. Ce n'est pas sur le principe que nous ne sommes pas d'accord; c'est seulement la réalité que nous avons vécue. J'ai d'ailleurs participé moi-même aux audiences des Îles-de-la-Madeleine à deux reprises et on voit bien que tout n'était pas nécessairement extrêmement assis du côté fondamental et objectif dans les déclarations des citoyens.

M. Léger: Donc, c'est un manque d'information qui pourrait amener des comportements un peu exagérés?

M. Drouin: Je ne dirais pas que c'est un manque d'information. Vous avez dit le mot tout à l'heure. C'est un manque de connaissance de toutes les données et, qu'on le veuille ou non, les citoyens sont dans une position où ils ne peuvent jamais avoir toutes les connaissance des données, soit qu'ils n'aient pas la compétence pour pouvoir les comprendre ou parce qu'à un moment donné il y a des choses qui ne sont pas toutes bonnes à dire au point de vue du commerce, au point de vue de la protection ou de n'importe quoi; il y a des secrets, il y a des complots un peu partout.

M. Léger: Mais est-ce que cela veut dire que la vérité va être cachée aux citoyens? Si elle n'est pas cachée, ne pensez-vous pas que, s'ils ont des expertises au niveau de l'audience, s'ils ont la connaissance technique fournie par des experts qui les aideraient, avec la connaissance de l'étude d'impact, il y aurait de grosses chances qu'en général — j'admets les exceptions — les citoyens, ayant la même chance de connaître les données via des experts qui seraient au service des citoyens, puissent avoir un bon jugement?

M. Drouin: Sur le jugement, je suis d'accord avec vous, M. le ministre. Mais ce n'est pas le jugement qui va manquer, c'est la compétence. Pour parler avec un type, par exemple, qui est écologiste, la seule personne qui est capable de parler sur un pied d'égalité avec un écologiste, c'est un autre écologiste. Et peut-être pas tout le temps, d'ailleurs. On voit un peu toutes sortes de jugements là-dedans. C'est impossible que la population ait la même compétence que les promoteurs ou que les autres personnes. Ce n'est pas de la mauvaise volonté. On croit que c'est impossible

M. Léger: Est-ce que vous êtes en train de me dire qu'il y a seulement les spécialistes qui peuvent parler ensemble de l'environnement?

M. Drouin: Je ne crois pas qu'il y ait seulement les spécialistes, mais ce qu'on veut dire, c'est que la population devrait s'exprimer par un certain canal, mais qu'on ne devrait pas s'attendre aux audiences publiques qu'on tienne compte aussi des conséquences socio-économiques.

M. Léger: Je pense qu'il faut mettre cela bien clair. Le bureau d'audiences a comme objectif bien précis d'aller écouter les citoyens qui voient venir un projet qui peut avoir les plus grands mérites possible, mais qui peut perturber leur milieu de vie. Ils viennent s'exprimer; ce n'est pas nécessaire qu'ils s'expriment en grands termes, ni qu'ils viennent "perler", mais ils peuvent quand même venir exprimer leurs appréhensions avec leur langage peu spécialisé. C'est beaucoup plus leur état d'âme. À ce moment-là, le bureau d'audiences est là pour connaître les réactions des citoyens. Et ce n'est pas là que le débat va se faire sur le plan de la décision à prendre concernant l'implication socio-économique. C'est au niveau du Conseil des ministres. Ce bureau d'audiences a pour but d'écouter les implications environnementales du projet, avec aussi les réponses, nécessairement, du promoteur. À la suite de cela, le ministre va faire une recommandation au Conseil des ministres où se trouvent d'autres spécialistes de la voix du peuple, c'est-à-dire d'autres personnes élues, qui, elles, auront à combattre ou à faire l'arbitrage des données socio-économiques et de l'urgence et de l'importance, en plus de la notion environnementale.

M. Langlois: On n'est pas contre un bureau d'audiences. Tout ce qu'on dit, c'est que le bureau d'audiences devrait siéger avec trois membres au lieu de cinq.

M. Léger: Là-dessus, on est d'accord que sur les gros projets, ce sera probablement trois membres.

M. Langlois: Sur les gros projets, entre autres, je pense que le bureau d'audiences a sa place...

M. Léger: II y aura aussi des commissaires ad hoc pour des cas spéciaux dans les régions éloignées.

M. Langlois: Si vous avez remarqué, on est contre l'injonction en cour, mais on n'est pas contre le bureau d'audiences.

M. Léger: D'accord. J'aurais une autre question à vous poser. Vous êtes sans doute au courant que lorsqu'on a fait une sorte de statistique des déchets dans l'environnement, on a appris que 18% des déchets solides au Québec sont de source agricole, que 2% sont de source industrielle, que 4% sont de source commerciale ou domestique et que 75% proviennent des déchets solides provenant des mines. Qu'est-ce que vous avez trouvé jusqu'à maintenant pour essayer d'apporter un commencement de solution à ce problème? Vous avez, les mines, les plus grosses proportions de déchets qui existent et, aussi, dans lesquels il y a une partie qui est toxique donc, très dangereuse. Je ne sais pas à quoi vous avez pensé de ce côté pour essayer d'apporter des correctifs.

M. Drouin: Alors, les correctifs précis, ce serait, l'idéal, de miner du minerai qui serait à 100% de minerai avec aucune espèce de gangue dedans et nous serions très heureux de le faire. On minerait du minerai de fer à 100% de fer, du cuivre à 100% de cuivre, ce serait très intéressant. Malheureusement, la nature a placé le minerai à une proportion, peut-être, de 2% de cuivre dans un minerai et dont 98% ne sont pas du minerai. Et si on veut avoir du cuivre, du zinc ou du fer ou du plomb ou de l'acier, il faut le prendre quelque part, à un moment donné. La nature des déchets miniers n'est pas la même que celle d'un tas de déchets biologiques. Une tonne de roches cassées, ce n'est pas un volume grand comme la chambre, c'est plus petit, pas plus qu'une tonne de plumes. C'est 12 pieds cubes, pour une tonne de roches cassées. Dans la quantité des déchets qui sont accumulés — ce qu'on appelle chez nous des déchets c'est un mot péjoratif, c'est plutôt des résidus miniers — il y a trois sortes de résidus miniers chez nous. Il y a le mort-terrain d'abord qui est la sorte de déchets que l'on prend sur le dessus du dépôt, qui est, en fait, égal à la même composition que le terrain du lieu. Et les stériles, qui sont des gros matériaux qui ne contiennent généralement pas de sulfure, aucune trace de pollution avec eux, qui sont vraiment des tas de roches. Ces matériaux trouvent généralement une utilisation supplémentaire dans la production, la construction des routes, ces choses-là. Cela ne constitue pas de problème, sauf dans les régions où il n'y a pas de route, par exemple, où il n'y a pas de chemin pour s'en servir. La troisième sorte de déchets; ce sont les résidus miniers, qui sont des particules très fines de broyage, qui sont tout de même empilées sur des lieux très précis, très confinés. Quand on regarde la superficie, la quantité de terrain qui est couverte par l'industrie minière dans la province de Québec, nous avons fait un inventaire en 1972, nous avons mesuré la quantité totale de surface qui est couverte par les activités minières, cela faisait 25 milles carrés. Et en disant qu'il y a probablement des mines fermées, et même en sachant que les plus grosses mines sont encore existantes, supposons que l'industrie minière a couvert une majorité de surface d'environ 50 milles carrés dans toute la province dans son existence. 50 milles carrés, c'est une surface qui est égale au dixième de la surface du lac Saint-Jean. C'est une pollution...

M. Léger: Qu'est-ce que vous faites avec le mercure des mines d'or fermées qui voyage? Il dépasse les 50 milles carrés sur lesquels vous étiez.

M. Drouin: Le mercure, oui, on peut en parler. Tout le monde en parle.

M. Léger: Le columbium à Oka? M. Drouin: Oui.

M. Léger: Ce sont quand même des résidus de mines qui amènent comme problème une possibilité de radio-activité.

M. Drouin: Tout de même, vous avez émis la dimension de ce problème dans vos déclarations. Il y a une différence entre la dimension de la radioactivité et la dimension du problème que vous avez décrit vous-même, dans vos déclarations. (15 h 45)

M. Léger: Je suis d'accord que j'ai été obligé de mettre la dimension pour exactement situer les conséquences, mais je parle de ce pourcentage important de résidus miniers qui provient de vos opérations, et je fais le lien avec ce que vous avez dit tantôt concernant les poursuites ou les injonctions ou la participation des citoyens là-dedans en disant que pratiquement uniquement des spécialistes, ou à peu près, peuvent se comprendre là-dedans. Mais je pense au fait que plusieurs de vos activités ont beaucoup d'impact sur la santé des gens et de leur environnement. Malgré cela, les gens n'ont pas grand-chose à dire. Je trouve un peu curieux que vous trouviez que les citoyens ne puissent pas s'exprimer en audiences alors que définitivement il y aura des conséquences sur leur santé. Ils ne peuvent peut-être pas s'exprimer clairement en termes techniques, mais ils ont quand même la possibilité d'exprimer le danger possible pour eux.

Devant les problèmes occasionnés par la quantité de déchets que vous avez, les conséquences des produits toxiques qui se promènent dans le décor, ne pensez-vous pas que les citoyens devraient nécessairement avoir la possibilité de s'exprimer et de défendre leur santé contre les conséquences de l'environnement via les procédures contre ceux, uniquement ceux qui violeraient les lois? Parce qu'il y en a qui peuvent empoisonner légalement. Mais je dis illégalement. Ne pourraient-ils pas avoir la possibilité de s'exprimer?

M. Langlois: Écoutez! En principe, on est bien d'accord. D'ailleurs, ils l'ont la possibilité de s'exprimer. Présentement, il y a une cause devant les tribunaux au sujet du mercure, comme vous le savez très bien; je pense qu'il y a quatre ou cinq compagnies qui sont poursuivies, et la cause est devant les tribunaux au sujet du mercure justement. Dans le cas des parcs à déchets, on devrait ajouter aussi que la plupart des parcs à déchets présentement sont ensemencés. La majorité des parcs à déchets qui ne sont plus actifs sont ensemencés. Je ne sais pas si Claude a quelque chose à ajouter.

M. Léger: Prenons les mines d'or qui ont été fermées et qui sont, d'après les recherches, une des causes possibles — je dis bien possibles — parce que le BEST, le Bureau d'étude sur les substances toxiques, est en train d'évaluer les causes humaines ou les causes naturelles du cycle du mercure. De quelle façon votre association peut-elle s'assurer qu'une fois que la mine a terminé son exploitation il y ait une protection de façon qu'il n'y ait pas de conséquences environnementales qui ne seraient plus contrôlées?

M. Langlois: Au niveau des mines d'or, M. le ministre, on n'emploie plus de mercure; on l'a employé dans les tout débuts, dans les procédés d'amalgamation. Mais on se sert des procédés de flottation, présentement pour recouvrer l'or. On n'emploie plus de mercure dans le cas des mines d'or.

Donc, il peut y avoir certaines traces de mercure dans les parcs à déchets qui ont été entraînés dans l'environnement, mais depuis au moins dix à quinze ans, à ma connaissance, on n'emploie plus de mercure dans le procédé de concentration. Je ne sais pas si Claude...

M. Drouin: Non, je ne reviens pas sur le mercure, M. le ministre, mais j'aimerais faire remarquer un aspect qu'on a dit, au point de vue de la participation des citoyens, dans notre mémoire à la page 4. Nous ne nous opposons pas au principe de participation aux audiences. Nous disons que la question des audiences devrait se faire strictement au moment où on considère la possibilité de mise en valeur. En d'autres mots, pour faire l'exploration géologique, on ne veut pas faire d'audiences parce que, même à ce niveau-là, il y a beaucoup de concurrence entre les différents chercheurs. Au niveau de l'exploration élémentaire, nous disons: Demandons un certificat d'exploration et accompagnons cette demande-là d'une étude d'impact préliminaire. Lorsque nous parlons d'aller en étude préliminaire, on dit: Faisons la procédure complète, mais mettons dans la loi un processus de filtration pour empêcher le défoulement collectif au détriment, aux dépens du producteur. C'est tout ce qu'on dit. On n'est pas contre. On veut un contrôle pour limiter ce défoulement-là.

Le Président (M. Laplante): D'autres questions, M. le ministre?

M. Léger: II ne faut pas oublier, je pense bien, que les citoyens vont nécessairement réviser leur jugement quand ils auront toute l'information; l'importance de renseigner la population ne devrait pas être oubliée. C'est pour cela que nous tenons à cette dimension dans la commission d'audiences.

Je veux seulement vous assurer que je suis d'accord avec ce que vous venez de dire concernant le moment de l'audience, c'est-à-dire non pas au moment de la prospection, mais au moment où vous avez les travaux à mettre en activité.

Une dernière question. Vous semblez dire à la

page 11 de votre mémoire que le ministre, le sous-ministre, le directeur et le Conseil des ministres décident, décident et indiquent... Mais qui sait si ce ne sont pas des gens élus qui doivent prendre une décision à un moment donné? Qui va rendre cette décision-là?

M. Drouin: Je suis tout à fait d'accord avec vous, M. le ministre. On ne vous dit pas qu'il n'est pas question qu'ils la prennent. En page 12, on vous dit que toutes ces choses, ces éléments qui sont discrétionnaires, ce sont tous des éléments tout à fait impondérables. Quand vient le temps de faire une étude de rentabilité, de quelle façon va-t-on prévoir le coût d'une opération avec une série de... Nous n'avons nommé ici que douze articles. II y a une quantité d'impondérables là-dedans. Si on ajoute à cela les possibilités de l'article 22 de la loi, on n'est plus capables de faire de prévisions.

Financièrement, on n'est plus capables de s'asseoir pour faire un budget parce qu'on ne sait pas à quand cela va aller et quelle application on va en faire. On vous demande de le préciser au maximum, pour nous permettre de calculer un budget dans ces entreprises.

M. Langlois: Surtout dans le cas de l'industrie minière...

M. Léger: On peut vous assurer que c'est au niveau du règlement que l'échéancier va être précisé de façon que vous ayez l'occasion de le voir d'abord, avant qu'il soit adopté. Les réponses à vos préoccupations vont être incluses dans le règlement qui va être publié dans la Gazette officielle. Vous aurez le temps de le regarder et de nous faire part de vos commentaires.

M. Drouin: D'accord.

M. Léger: Alors, on vous remercie. C'est en se parlant qu'on s'informe et qu'on se comprend.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, j'ai deux sujets que j'aimerais aborder avec les représentants de l'Association des mines de métaux. M. Langlois, dans les commentaires de l'association qui portent spécifiquement sur des articles du projet de loi, il y a, à la page 9 de votre mémoire, des remarques sur le nouvel article 123a qui est proposé.

Si je comprends bien l'opinion que vous exprimez au nom de l'association, d'une part, le gouvernement, en vertu de la loi, édicte des normes et les impose; d'autre part, ce même gouvernement, transigeant avec les compagnies qui exploitent nos ressources minières, cherchant donc à établir un programme particulier pour chaque compagnie et chaque exploitation, concluent une entente. Il est prévu, dans cet article, que l'entente pourrait différer, quant à ses exigences, des normes générales édictées par règlement.

Si je comprends bien votre point de vue, la loi devrait être uniforme, devrait s'appliquer également et équitablement à tout le monde. Et s'il y a des normes, ces normes devraient s'appliquer. Point.

J'aimerais d'abord que vous me disiez si j'ai bien compris l'objection que vous exprimez à l'article 123a qui est proposé par le gouvernement. Après cela, j'aimerais que le ministre nous explique dans quelles circonstances et pour quelles raisons des exigences différentes seraient imposées par entente à des compagnies quand il y a un règlement qui a été publié et qui devrait s'appliquer à tout le monde.

M. Langlois: M. Pelletier pourrait peut-être répondre à cette question.

M. Pelletier (Guy): M. le député, on peut peut-être répondre à cela par un exemple. Supposons qu'un gisement de cuivre est exploité et qu'après une analyse on détermine que, dans l'effluent final, il y aurait environ 0,1% de zinc. Aujourd'hui, les normes usuelles sont de 0,5%. Alors si, en cours de route, en cours de production, à cause d'un changement dans le gisement, on produisait 0,2% de zinc, ce qui est encore en deçà des normes — mais une étude du début avait dit environ 0,1% — on ne voudrait pas être tenus à retourner à 0,1% lorsque 0,2% est satisfaisant. C'est dans ce sens qu'on dit qu'on suppose à l'article 123 qui, pour nous, est une exigence non nécessaire.

M. Goldbloom: C'est une illustration qui est très claire. Je me tourne maintenant vers le ministre, M. le Président, pour qu'il nous explique, lui aussi, le sens pratique de l'article 123a.

M. Léger: C'est qu'il ne faut pas mêler les objectifs qu'on veut atteindre par cet article qui est quand même présenté ici en vue d'obtenir votre point de vue. S'il y a des correctifs à apporter, on les apportera. C'est beaucoup plus dans le sens d'obtenir de ceux qui demandent un certificat d'exploitation des informations qui sont suffisamment sérieuses, qui correspondent aux données qu'ils nous ont soumises. Si les informations qui nous sont données concernant l'analyse de notre part de la possibilité de donner un certificat ne sont pas suffisamment explicites pour nous confirmer le sérieux de ces données, il peut y avoir des demandes supplémentaires d'information.

C'est au niveau de l'information et non pas au niveau de mesures plus strictes de respect d'un règlement au niveau des données que vous avez données tantôt. Ce n'est pas dans ce sens. Ce sont les informations pour nous permettre de savoir si les affirmations que vous nous donnez nous permettent de décider si le certificat peut être émis et si les informations données étaient suffisamment sérieuses pour qu'on puisse se baser là-dessus.

M. Pelletier: La seule chose que je veux souli-

gner, M. le ministre, c'est qu'un gisement minier est une chose qui peut varier. Une information fournie en toute bonne foi pourrait se révéler plus tard ne plus être exacte, parce qu'il y a eu un changement en cours de route. C'est là qu'on dit que ce serait peut-être serrer les choses d'un petit peu trop de près en nous forçant à atteindre une chose parce qu'on a mentionné, à un moment donné, que c'était la composition de la mine.

M. Goldbloom: M. le Président, je soutiens respectueusement et amicalement à l'endroit du ministre que ce qu'il vient de dire n'est pas ce que dit le deuxième alinéa de l'article 123a. J'en fais lecture: "Toute personne qui a soumis certains renseignements ou qui a prétendu être en mesure de respecter certaines normes en vue d'obtenir un certificat d'autorisation est tenue de respecter ses engagements si un certificat d'autorisation a été émis, même si les représentions du requérant sont plus exigeantes que celles prescrites par tout règlement du lieutenant-gouverneur en conseil". Alors, ce n'est pas seulement pour information, M. le Président, c'est contraignant; et je pense que c'est le mot "normes", qui ensuite est confirmé par le mot "règlement" à la dernière ligne, qui crée une situation qui ne me semble pas au premier abord parfaitement normale.

Si le désir du ministre est d'imposer à des exploitants de gisements miniers — parce que c'est de cela que nous parlons, mais l'article est général — la définition de certains objectifs qui ne sont pas couverts par des règlements publiés, édictés en vertu de la Loi de la qualité de l'environnement et s'il dit dans de telles circonstances: Celui qui s'engage devra respecter son engagement, d'accord, mais il me semble que, quand le gouvernement publie, édicte un règlement en vertu de la loi, ce fait rend ce règlement obligatoire, exécutoire et crée une obligation pour tous ceux qui veulent agir de façon à exploiter nos ressources naturelles. C'est là que je trouve que les objections de l'Association des mines de métaux méritent une réponse encore plus précise et peut-être, de la part du ministre, un engagement à revoir le texte de l'alinéa en question. (16 heures)

M. Léger: M. le Président, je suis quand même prêt à reconsidérer l'article, mais il faut bien comprendre les objectifs qu'il y a derrière cela. Peut-être que le libellé pourrait être corrigé. Mais les objectifs là-dedans étaient d'abord une question de renseignements. Je suis d'accord avec le député de D'Arcy McGee qu'il y avait aussi une question de certaines normes. Ce qui est important, c'est que, premièrement, au niveau des renseignements, si les renseignements qui nous ont été donnés nous permettent de donner un certificat, il n'y a pas de problème, mais si les renseignements ne sont pas suffisamment, selon nous, pertinents à la question qu'on posait et n'étaient pas suffisamment sûrs, on veut s'assurer de demander plus de renseignements.

Sur la question des normes, supposons que le règlement permet, je donne des normes en l'air, de 0,5 de n'importe quel procédé. Le règlement dit 0,5 et la compagnie pourra obtenir son certificat si elle dit qu'elle est capable d'obtenir la norme de 0,2. Le certificat est donné. Si, par la suite, le certificat est donné pour le 0,2, même si le règlement était de 0,5, si les conditions ont changé et que ce n'est plus 0,2 mais 0,3, même si c'est un règlement à l'intérieur du règlement, on veut être averti de ces nouvelles transformations. C'est dans cet esprit.

M. Goldbloom: M. le Président, je comprends bien que le ministre veuille en être informé, mais je reviens à ce que je disais. Ce n'est pas ce que prévoit le texte de l'alinéa en question. Je me pose une question un peu bête. Pourquoi quelqu'un qui a la tête solidement sise sur ses épaules s'engagerait-il à respecter des exigences plus sévères que celles énoncées par les règlements?

M. Léger: Elle n'est pas bête, la question. Ce que je peux vous dire, c'est que les règlements veulent protéger un environnement qui ne sera jamais parfaitement propre, parfaitement pur, et la qualité légale de l'environnement est basée sur la technologie connue. Si, par hasard, une entreprise a découvert un procédé qui lui permet d'aller beaucoup plus loin dans le résultat d'une qualité d'environnement, eh bien! si elle change, ce n'est pas parce que le règlement lui permettait d'aller à 0,5. Si elle est capable, avec une technologie nouvelle, d'arriver à 0,2, c'est normal. Elle n'a pas absolument à dire: Je vais en mettre plus dans l'atmosphère, parce qu'on me donne la permission. Je peux mettre moins. Tant mieux! Mais pour nous, le certificat a été donné pour un chiffre précis, et en vertu du règlement, il faut qu'on soit averti qu'il y a un changement.

M. Goldbloom: II me semble, M. le Président, que s'il y a un but à cet article, s'il y a une application pratique qui peut découler de l'adoption éventuelle de cet article, d'après les explications que vient de fournir le ministre qui, pour la première fois, je pense, portent sur la question véritable, ce serait pour couvrir une période intérimaire, la période entre le développement d'une nouvelle technologie qui permettrait de faire mieux, de mieux protéger l'environnement, de réduire considérablement, en deçà des normes existantes, les émissions vers cet environnement, et le moment où le ministre, reconnaissant l'existence de cette nouvelle technologie, publierait et édicterait un nouveau règlement.

Or, si le ministre me dit que c'est cela, d'accord. Je prétends que non seulement un exploitant de gisement minier serait mal inspiré — je ne plaide pas pour lui plus qu'il ne le faut et surtout pas dans le sens de vouloir ajouter indûment à la charge que doit supporter l'environnement, tel n'est point mon but — je suggère que celui qui veut proposer une exploitation n'aurait pas de raison de s'engager à aller plus loin que le règlement publié par le gouvernement, et que le ministre — à moins que je ne me trompe — n'aurait pas, en

vertu de la loi, le pouvoir d'exiger qu'il aille plus loin autrement que par la publication d'un nouveau règlement plus exigeant.

M. Léger: Mais le député sait fort bien qu'il y a des normes ou des règlements qui ne sont pas en vigueur parce que cela toucherait l'ensemble du territoire alors que certains types d'entreprises ne pourraient pas respecter les normes, je dirais, nationales. Tout de même, vu que chacune des industries est appelée à signer un protocole d'entente avec un échéancier pour réaliser certains objectifs, il se peut fort bien que tel type d'entreprise puisse respecter des normes en deçà, d'un règlement futur pour l'ensemble du territoire. Dans ce temps-là, ce qui compte, c'est la technologie connue, qui nous permet d'aller jusqu'où? Un certificat a été donné parce qu'il y a eu entente entre l'entreprise et le gouvernement et, à ce moment-là, le respect de ce certificat doit être la base. Mais s'il y a un changement pour d'autres implications qui ne sont connues ni du gouvernement ni de l'entreprise, mais que le changement existe, on doit être avertis. Dans l'ensemble, je ne pense pas que ce soit un traquenard. Nous allons regarder à nouveau ce paragraphe pour voir s'il peut être amélioré pour atteindre les mêmes objectifs sans créer de problèmes particuliers.

M. Goldbloom: M. le Président, je termine, si mon collègue de Saint-Hyacinthe me le permet, par un commentaire et une dernière petite question.

Nous partageons — et je l'ai dit au tout début de notre séance d'hier — le même objectif, celui de réduire au maximum possible, ou peut-être devrais-je dire au minimum possible — on peut l'exprimer des deux façons — autant que possible les émissions de polluants vers l'environnement. Ce dont je parle ne diminue en rien l'engagement que j'ai — depuis longtemps d'ailleurs — à cet égard, c'est seulement une réflexion sur un texte de loi et sur l'application pratique de ce texte de loi.

Ma dernière question porte sur une déclaration en bas de la page 11 du mémoire, le tout dernier alinéa qui se lit comme suit: "À l'article 116a, les analyses faites par ou pour les Services de protection de l'environnement reçoivent la facture de l'infaillibilité." Je suis obligé de poser une question superposable à celle que le ministre a formulée, il y a quelques minutes, il faut qu'au bout de la ligne il y ait une décision exécutoire; il faut qu'au bout de la ligne il y ait des résultats d'analyses qui reçoivent l'assentiment de tout le monde ou bien qui font l'objet de l'application de la loi et des règlements, parce qu'il faut que la loi et les règlements soient respectés.

Si ce ne sont pas les analyses des Services de protection de l'environnement, les analyses de qui seraient jugées définitives?

M. Pelletier: M. le député, ce à quoi on s'oppose, c'est au fait qu'un analyste qui travaille pour les SPE ne peut pas faire d'erreur. Je trouve ceci un petit peu singulier; la même personne pourrait travailler aujourd'hui pour une compagnie et demain pour les SPE, et sa compétence n'aurait pas tellement augmenté en dedans de 24 heures. Ce à quoi on veut en venir, dans ces cas, je crois que l'approche la plus logique est que, s'il y a différence d'opinions par rapport, disons, à un niveau de polluants, on fasse appel à une troisième partie qui détermine, qui arbitre entre les deux. Mais que la personne qui fait le travail pour les Services de protection de l'environnement ait automatiquement raison, on trouve cela difficile à concevoir.

M. Goldbloom: Je suis d'accord avec vous. Il faut arrêter à un moment donné et accepter des résultats s'il y a — espérons-le — un degré significatif de concordance entre ceux qui ont été obtenus; mais, s'il y a des divergences importantes, il me semble que vous avez raison, on devrait faire intervenir une troisième partie pour essayer de régler la question.

M. Pelletier: J'aimerais ajouter ceci, M. le député. Dans nos relations avec les Services de protection de l'environnement, d'habitude, nos différends se règlent d'une façon scientifique. On regarde nos méthodes d'analyse, on discute des résultats et, la plupart du temps, on se met d'accord. Ce qu'on n'aime pas, c'est que la loi consacre une infaillibilité.

M. Goldbloom: D'accord, merci.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Léger: On n'a pas un pape dans tous les gouvernements!

M. Cordeau: M. le Président, j'aimerais poser une question à M. le ministre pour clarifier les deux premiers paragraphes de la page 8 du mémoire. Est-il exact que ce projet de loi, dans sa forme actuelle, permet à un individu d'obtenir une injonction pour une opération autorisée par le directeur des Services de protection de l'environnement, même après que celui-ci aurait reçu toute l'information pertinente, si cet individu se croit lésé dans ses droits?

M. Léger: Je pense avoir un peu répondu à cela ce matin quand je disais que, quand un permis a été donné, si l'exploitation se conforme aux lois et aux règlements, il ne peut pas y avoir de poursuite au niveau d'une injonction. Ce sont deux choses. Pendant l'obtention du certificat et la procédure normale de demande de permis, il ne peut pas y avoir de poursuite. Après que le permis a été donné, durant l'exploitation, s'il n'y a pas respect de la loi, il peut y avoir une poursuite, mais s'il y a respect de la loi, il n'y a pas possibilité d'avoir injonction de ce côté-là.

Le Président (M. Laplante): Sur ce, MM. Lan-

glois, Pelletier et Drouin, les membres de cette commission vous remercient pour la coopération que vous avez bien voulu donner, surtout par votre participation. Merci.

M. Langlois: M. le Président, est-ce qu'on pourrait faire une dernière remarque, s'il vous plaît? Trois secondes. On aimerait rappeler une des recommandations que l'on considère les plus positives dans notre mémoire, à la page 3, à savoir que les Services de protection de l'environnement devraient non seulement se résigner à un rôle de chien de garde, si on veut, mais aussi faire des études positives, des études générales, des études écologiques, de la même manière que le ministère des Richesses naturelles procède continuellement à l'acquisition de données de la géologie du Québec. Merci infiniment de nous avoir écoutés.

M. Léger: Je pourrais peut-être donner une petite information qui va correspondre à une question que vous avez posée au début. Pour faciliter les études d'impact, les Services de protection de l'environnement vont mettre sur pied une banque bibliographique des données environnementales qui sera disponible pour les auteurs de projets. C'est donc dire que les promoteurs pourront avoir accès à cette banque bibliographique de données. Cela pourrait être une contribution du service, autant pour les spécialistes que pour le simple citoyen.

M. Langlois: Merci infiniment.

Le Président (M. Laplante): Merci. J'appelle maintenant l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques.

Si vous voulez, pour les fins du journal des Débats, identifier votre organisme et les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît!

Association canadienne des fabricants de produits chimiques

M. Lemieux (Laurent): Mon nom est Laurent Lemieux, directeur général à l'exploitation, CIL, région de Québec. Je suis ici à la place de M. Macdonald dont le nom apparaît sur le mémoire que vous avez reçu. Avec moi j'ai, à ma gauche, M. Lederer, directeur technique et du contrôle de l'environnement de Tioxide du Canada Limitée, M. Robert Murray, assistant au directeur général de Canadian Titanium Pigments Limited, et M. John Prinsen, directeur de la technologie, Union Carbide of Canada Limited. À ma droite, le Dr John Mclrvine, chef ingénieur chimiste, service de l'ingénierie de Canadian Industries Limited. À mon extrême droite, M. William Neff, officier de la technologie à l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques.

M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, j'aimerais, à travers l'exposé en trois parties, cet après-midi, d'abord, en avant-propos, traiter de points généraux et ensuite finir par une série de suggestions apportées au projet de loi 69. (16 h 15)

Je ne lirai pas nécessairement tout le mémoire qu'on vous a envoyé. L'association représente quelque 62 compagnies de produits chimiques qui oeuvrent au Canada, dont 42 dans la province de Québec; au-delà de 70% de ces compagnies exploitent des usines au Québec. Vous en avez la liste en appendice A de notre mémoire.

L'industrie est vaste et apporte une contribution importante au niveau de vie élevé et au bien-être économique des Canadiens. En tout, $1 milliard ont été investis au Québec et, d'ici 1980, des investissements de quelque $150 millions additionnels auront lieu. L'industrie emploie au Québec quelque 10 000 personnes en emplois directs et elle veut remplir efficacement toutes ses obligations. Pour ce, il lui faut une liberté d'action maximale dans la poursuite de ses objectifs économiques légitimes, tout en assumant ses responsabilités envers ses employés, ses clients et le grand public.

L'industrie chimique canadienne s'est engagée à prendre toutes les précautions pratiques pour assurer que ses activités, ainsi que l'utilisation et la destination finale de ses produits ne présentent pas de risques inacceptables pour ses employés, ses clients et le public. Elle appuie l'élaboration de normes équitables, pratiques et réalisables, et considère que la meilleure manière de protéger la santé et le bien-être des Canadiens et de leur environnement, c'est de contribuer à deux points: d'abord, à ce que les directives et règlements établis par les gouvernements quant aux dangers dus aux produits chimiques soient fondés sur des données à base scientifique et représentent une prise en compte réaliste des relations entre avantages et coûts pour la société; et, deuxièmement, à ce que soit respecté le caractère confidentiel justifié des secrets industriels.

Dans ses efforts pour assurer que son activité ne constitue pas de risques inacceptables, l'industrie chimique canadienne s'est engagée à élaborer et à mettre en place des plans, des programmes et des échanges d'information à l'intérieur de l'industrie et avec les gouvernements, les agences régulatrices, les autres groupes de ressource et les parties en cause. Nous saisissons donc cette occasion de donner une présentation formelle de notre point de vue sur ce projet de loi.

Les commentaires présentés dans ce mémoire ont été préparés par le Comité sur la qualité de l'environnement de l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques et nous avons pour but, cet après-midi, d'apporter une contribution positive par les suggestions qui viendront dans la troisième partie. Les membres qui sont avec moi, ici, cet après-midi, font partie de ce comité et M. Lederer en est le président.

Il y a quatre grands points qu'on veut toucher pour ensuite passer aux commentaires spécifiques. Nous reconnaissons que le but du projet de loi est de reconnaître à toute personne le droit à

un environnement sain et salubre et de sauvegarder les espèces vivantes. Toutefois, le projet de loi ne propose aucune définition de la qualité de l'environnement à laquelle une personne a droit, quoique le projet permet d'accorder une injonction lorsqu'un acte est susceptible de porter atteinte à ce droit. Alors, on a une inquiétude de ce côté et nous croyons que les droits de l'individu ne doivent pas être en conflit avec les droits de la collectivité. Je crois que cela a déjà été mentionné encore aujourd'hui dans plusieurs présentations. Nous soumettons que la qualité de l'environnement doit être définie et que les critères pour toute action judiciaire doivent être basés sur les règlements émis sous la Loi de la qualité de l'environnement. Le premier point, c'est la question de définir. Le deuxième point, c'est l'élaboration des règlements.

Étant donné que le projet de loi 69 est une loi-cadre, la méthode d'élaboration de règlements acquiert une importance primordiale. Par conséquent, nous espérons que, dans l'avenir, il nous sera possible d'établir une communication directe avec toutes les parties en cause dès l'étape initiale du processus d'élaboration des règlements de manière à produire des normes pratiques et efficaces. Les membres de l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques désirent affirmer publiquement qu'ils sont prêts à offrir leurs connaissances et leur expertise pour participer d'une manière constructive à la formation de règlements valables. Alors le deuxième point principal, c'est la participation, disons, que nous souhaitons.

Le troisième point, c'est une question de délai dans l'approbation des projets. Nous appuyons le besoin d'évaluer l'impact sur l'environnement d'un projet avant sa réalisation. Cependant, il nous semble inquiétant que les modifications proposées à la loi auront comme effet d'accroître les délais. L'obtention d'un certificat d'autorisation constitue déjà un sérieux problème administratif étant donné que les délais avant l'approbation peuvent être considérables. Le processus de décisions, tel que proposé aux articles 31b, c, d et e, sera pour nous la cause de délais additionnels. Alors, nous tentons d'offrir, dans nos commentaires spécifiques, des suggestions qui aideraient à rendre la planification des projets plus efficace.

Un quatrième point que nous voulons soulever, c'est la confidentialité de l'information qui serait donnée durant ces examens. Nos membres sont inquiets que les renseignements, les documents confidentiels soumis ne soient dévoilés au public et particulièrement à leurs concurrents industriels. Quand on se retrouve avec une gamme de compagnies, dont plusieurs sont en concurrence l'une avec l'autre, il y a des fois des informations qui seraient demandées et nous préférerions, les uns les autres, les garder pour nous.

Alors, nonobstant les prévisions de l'article 31h, ce projet de loi peut exiger la soumission de renseignements de nature confidentielle sans que le requérant ait aucune assurance qu'ifs ne seront pas divulgués lors d'une audience publique.

Nous proposons, dans les commentaires spécifiques, des variantes au projet, que nous croyons des variantes positives, pour rectifier ces quatre grands points qui nous inquiètent.

Je vais passer, M. le Président, aux commentaires spécifiques. On les a à la suite, en fonction du projet, tel qu'il est préparé. L'article 1, section IIA du projet, vous réfère à l'article 6b: Nous recommandons que quelqu'un capable de représenter l'industrie soit nommé comme membre du bureau. À l'article 6b, on explique que le bureau est composé de cinq membres dont un président, un vice-président, etc. Alors, nous suggérons qu'un membre qui représentait l'industrie soit nommé.

À l'article 6f, nous recommandons qu'avant que soient adoptées les règles de procédure relatives au déroulement des audiences publiques, il y ait possibilité de les commenter, selon l'article 124 de la Loi de la qualité de l'environnement, comme c'est le cas présentement. Ceci est d'une importance capitale pour nos membres qui sont inquiets de la divulgation de renseignements confidentiels soumis par eux.

Je passe à l'article 8. Au troisième paragraphe, nous recommandons d'enlever la phrase "a la demande du ministre". Je lis l'article 8 en question: "Le Conseil doit donner son avis au ministre sur toute question que celui-ci lui soumet relativement aux sujets visés par la présente loi. Il peut aussi, de sa propre initiative, formuler un avis sur toute question relative à la qualité de l'environnement. Il peut, à la demande du ministre, recevoir et entendre les requêtes et suggestions des individus et des groupes sur toute question visée par la présente loi." Nous suggérons que "à la demande du ministre" soit biffé. Ceci ramène l'article tel qu'il est dans la présente loi.

À l'article 4, qui modifie l'article 19, nous vous référons à nos commentaires d'ordre général concernant les définitions. En somme, toute personne a droit à la qualité de l'environnement, je l'ai mentionné tantôt. Alors, nous vous référons ici à la définition que nous croyons nécessaire quant à la signification de la qualité de l'environnement.

L'article 19b. L'article actuel se lit comme suit: "Un juge de la Cour supérieure peut, sur requête, accorder une injonction pour empêcher tout acte ou toute opération qui porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à l'exercice d'un droit conféré par l'article 19a." Nous recommandons de modifier cet article comme suit: Un juge de la Cour supérieure peut, sur requête, et après avoir entendu les représentations du répondant, accorder une injonction...

Remarquez bien qu'on préférerait ce que d'autres mémoires ont déjà soumis. Le projet offre un grand nombre de possibilités d'avoir des injonctions. On préférerait que ce ne soit pas comme cela. Par contre, nous suggérons ici, dans le texte, que nos représentants soient entendus.

Article 4. Nous recommandons l'addition d'un nouvel article 19g. La qualité de l'environnement et la sauvegarde des espèces visées dans l'article 19a seront telles que définies par les règlements émis sous la présente loi. Effectivement, ceci don-

ne, par le fait même, une définition à ce qu'est la qualité de l'environnement. Effectivement, s'il y a infraction, ce paragraphe devrait contribuer à définir.

L'article 5 se réfère à l'article 22. Nous nous référons encore une fois à nos commentaires généraux au sujet de la confidentialité. Nous recommandons d'ajouter un alinéa additionnel à l'article 22, comme suit: "Sur demande de la part du requérant, le directeur maintiendra confidentiels tout renseignement et document soumis et désignés comme tels par le requérant". Encore une fois, ce n'est pas la question de ne pas vouloir informer le public mais surtout de protéger les données commerciales qui peuvent être reliées d'une industrie à l'autre, de ne pas les exposer à la concurrence.

Article 9. Nous recommandons d'ajouter, encore une fois, un deuxième alinéa à l'article 31b, comme suit: "Lorsque le ministre demande une étude d'impact, il établira une cédule pour les différentes étapes de l'étude, et la décision finale." Encore une fois, c'est la question des délais. C'est déjà assez long d'obtenir des autorisations, des permis, des certificats. Alors, nous demandons qu'une cédule ou un échéancier soit établi à l'article 31b.

À l'article 31e, l'article se lit comme suit: "Lorsque l'étude d'impact est jugée satisfaisante par le ministre, elle est soumise, avec la demande d'autorisation, au lieutenant-gouverneur en conseil. Ce dernier peut délivrer un certificat d'autorisation pour la réalisation du projet avec ou sans modification et aux conditions qu'il détermine ou refuser de délivrer le certificat d'autorisation. Cette décision peut être prise par tout comité de ministres dont fait partie le ministre et auquel le lieutenant-gouverneur en conseil délègue ce pouvoir."

Nous recommandons de modifier la première phrase de l'article 31a comme suit: "Lorsque l'étude d'impact est jugée satisfaisante par le ministre, elle est soumise, avec la demande d'autorisation, au lieutenant-gouverneur en conseil, selon la cédule établie à l'article 31b". Encore une fois, c'est une question de parer aux délais.

À l'article 31h, nous vous référons de nouveau à nos commentaires généraux au sujet de la confidentialité. Nous recommandons d'ajouter à l'article 31h un deuxième alinéa, comme suit: "Le ministre ne doit, sans avoir reçu l'approbation écrite du requérant, divulguer les renseignements soumis par un requérant lorsque ce dernier a stipulé que les renseignements sont confidentiels et les a désignés comme tels."

L'article no 36, qui se réfère à 114a du projet, se lit comme suit: "Lorsqu'il estime qu'il y a urgence, le ministre peut ordonner à toute personne ou municipalité de ramasser ou d'enlever tout contaminant déversé, émis, dégagé ou rejeté, etc." Nous recommandons une version modifiée, comme suit: "Lorsqu'il estime qu'il y a urgence, le ministre peut ordonner à toute personne expérimentée dans ce genre d'activité..." Ici, le point, c'est que toute personne, cela peut être quelqu'un d'autre que celui qui a déversé. On juge que cela peut être dangereux avec certains produits. Alors, on demande que le mot "expérimentée" soit ajouté. (16 h 30)

Article 116a du projet: "Dans toute poursuite civile ou pénale intentée pour l'application de la présente loi et dans tout appel interjeté selon la section XI, etc." — je ne le lirai pas au complet — nous demandons dans le texte, nous recommandons que le premier alinéa de l'article soit modifié comme suit: "Dans toute poursuite civile ou pénale intentée pour l'application de la présente loi et dans tout appel interjeté... un certificat relatif à l'analyse d'un contaminant ou de toute autre substance et signé par un membre de l'Ordre des chimistes du Québec, qui a agi à la demande des Services de protection de l'environnement, etc.".

Nous avons introduit là "par un membre de l'Ordre des chimistes du Québec" pour bien s'assurer que l'analyse est faite par une personne jugée compétente.

Article 119 du projet. Nous nous référons encore une fois à nos commentaires généraux sur la confidentialité. L'article proposé accorde à tout fonctionnaire une autorité qui n'est pas nécessaire pour l'application de la loi, et il n'y a aucune prévision pour maintenir confidentiels les renseignements obtenus. Ici, on se réfère à l'addition de l'examen des registres, qui n'était pas dans la loi actuelle.

L'article 45 se réfère à l'article 123a du projet. Nous recommandons que le second alinéa de l'article 123a soit remplacé par le texte suivant: "Nonobstant un règlement passé en vertu de l'article 31, une autorisation, un permis, un certificat d'autorisation, un ordre ou un certificat délivré par le directeur ou le lieutenant-gouverneur en conseil en vertu de la présente loi s'appliquera. "En ce cas, ladite autorisation, ledit permis, etc., sera considéré comme règlement dans le contexte de cette loi".

En somme, ce paragraphe remplace celui qui a été discuté dans la soumission précédente, comme première discussion. Nous avons suggéré une nouvelle rédaction de ce paragraphe. M. le Président, je vous remercie. C'étaient les commentaires que nous voulions apporter.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Léger: M. le Président, je vous remercie d'être venu nous rencontrer et nous présenter votre point de vue. Je pense qu'il y a plusieurs points que vous avez soulevés qui ont déjà eu réponse. Je ne voudrais pas prolonger le débat inutilement. Je vais plutôt me référer au point principal de votre mémoire. Je pense que c'est la question de la confidentialité. Je pense qu'il n'est pas question, en tout cas, en ce qui nous concerne, de laisser le promoteur décider seul de ce qui peut ou ne peut pas être rendu public. Ce qui est

important, je pense, que le projet de loi ne parle que de cela, c'est le secret des procédés industriels. On est convaincu qu'il est important que ce soit secret. Est-ce que c'est un genre de protocole quelconque qui nous lierait, le gouvernement, à ne pas donner les détails d'un projet ou des mesures prises pour assurer la protection de l'environnement ou les impacts possibles des activités de vos membres? Est-ce que c'est aussi cela que vous voulez garder secret ou si c'est uniquement le secret du procédé industriel?

M. Lemieux: C'est surtout la question... Il n'est pas question de cacher en somme ce qui doit être connu. C'est surtout le secret industriel qui peut toucher à des procédés ou à des méthodes qui sont la propriété des compagnies affectées. Est-ce que M. Lederer a quelque chose à ajouter?

M. Lederer: Non, je ne crois pas, c'est très bien exprimé comme cela.

M. Lemieux: C'est plutôt cela, monsieur.

M. Léger: Vous n'avez pas dans votre préoccupation l'idée de ne pas donner le détail des précautions que vous prenez.

M. Lemieux: Non, il n'est pas question de cacher quoi que ce soit au point de vue des précautions. C'est tout ce qui est relié à la question commerciale, disons, entre compagnies. Il y a certaines informations où on ne veut pas... C'est normal, d'ailleurs.

M. Léger: Le contenu des procédés industriels, on est d'accord, on s'entend bien là-dessus.

Mais nécessairement, si dans les procédés que vous avez il y a certains produits chimiques très dangereux qui auraient des conséquences sur l'environnement, vous ne voulez pas dire par là que ces procédés qui pourraient être utilisés et qui pourraient avoir des conséquences sur l'environnement, vous ne voudriez pas que le public le sache?

M. Lemieux: Non, il n'est pas question de cacher quoi que ce soit de ce côté-là.

M. Léger: Êtes-vous d'accord pour que le gouvernement ou le ministère de l'environnement rende publics les rapports de la pollution dont vous seriez la cause?

M. Lederer: Je ne crois pas qu'on ait déjà fait objection à cela, M. le ministre.

M. Léger: D'accord. Je pense qu'on va s'estimer mieux maintenant. Je vois dans l'article que vous dites: "Le ministre ne doit sans avoir reçu l'approbation écrite du requérant, divulguer les renseignements soumis par un requérant lorsque ce dernier a stipulé que les renseignements sont confidentiels et les a désignés comme tels." On ne peut pas, nous autres, comme représentants de la population, dire que c'est la compagnie qui détermine ce qui doit être caché et ce qui doit être divulgué. C'est là-dedans que je voyais quand même un jeu mais vous m'avez rassuré de ce côté-là.

Je voudrais juste poser une question, entre autres. Je voyais dans un article de journal aujourd'hui qu'un des premiers syndicats à avoir appuyé la clause de sécurité santé sur la possibilité d'abandonner le travail en cas de danger celui que la compagnie Union Carbide à Beauharnois, est en train de vouloir renégocier. C'est quand même une clause importante pour la santé des travailleurs. Le fait qu'un travailleur puisse vouloir avoir le droit d'arrêter sans préjudice contre lui, c'est un problème qui peut devenir grave, d'autant plus que le projet de loi qui s'en vient sur la santé et la sécurité des travailleurs doit plutôt donner, justement, cette possibilité aux citoyens ou aux travailleurs de s'opposer à tel travail s'il est jugé dangereux. Est-ce que, dans un problème comme celui-là où il y a des conséquences sur la santé des travailleurs, le contenu chimique de votre produit doit être rendu public pour que, justement, le travailleur sache vers quel danger il peut aller s'il n'y a pas certaines mesures qui sont prises pour le protéger?

M. Lemieux: Exactement. Il faut tout expliquer à ce moment-là et divulguer. Il n'est pas question de cacher quoi que ce soit de ce côté-là, M. le ministre.

M. Prinsen (John): Je suis John Prinsen, représentant de la compagnie Union Carbide. J'aimerais bien répondre à deux ou trois choses. D'abord, je veux rectifier une chose. L'usine de Beauharnois n'est pas une usine chimique. Alors, je ne parle par pour l'usine de Beauharnois. C'est une autre division. Cela ne veut pas dire qu'on n'a pas de responsabilités, mais à cette commission, on ne représente pas l'usine de Beauharnois. La deuxième chose que j'aimerais ajouter, c'est qu'à Beauharnois on a connaissance qu'il y a possiblement un problème de santé. Actuellement, on a appliqué un programme de contrôle en coopération avec le syndicat qui est très actif. C'est un des meilleurs exemples, je pense, même au Canada, d'hygiène industrielle. La troisième chose, pour répondre à votre question — et je parle encore uniquement de Union Carbide — c'est la politique de coopération dans tout le monde; si on découvre que tel produit chimique pose un danger pour les travailleurs, les autorités aux États-Unis et, par conséquent, aussi au Canada sont avisées de ce danger et les syndicats, par conséquent, sont informés. Comme exemple, je peux vous dire qu'on a découvert que dans certains de nos produits, la projection d'éthylène sur la peau peut être cancérigène. On n'a pas caché cela du tout. On a dit cela directement à l'EPA et, par conséquent, tout le monde le sait.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, il y a plusieurs points dans ce mémoire que je voudrais relever rapidement. Le premier a pour moi un caractère fondamental; je suis convaincu que le ministre et ses conseillers y ont pensé très sérieusement avant de rédiger le projet de loi. Cela concerne la définition d'un droit; ici, il s'agit du droit à un environnement de qualité acceptable.

C'est une chose de faire un discours à titre de ministre, d'écrire un article à titre de journaliste ou d'éditorialiste et de définir, dans un tel texte, la qualité de l'environnement qui doit être à la disposition de tout le monde. C'est une autre chose d'écrire cela dans une loi, parce qu'une loi est à la disposition des citoyens et entre les mains des tribunaux pour application.

Donc, quand on définit un droit dans une loi, on doit en même temps prévoir, aussi clairement que possible, de quelle façon ce droit sera exercé et quels seront les recours — et les répercussions de l'exercice de ces recours — qui seront à la disposition des citoyens. Je vous remercie de nous avoir amenés, encore une fois — parce que d'autres l'ont fait depuis hier — à penser très objectivement à cette considération qui, encore une fois, me paraît fondamentale.

J'ai une question assez précise qui concerne une inquiétude que vous exprimez. À la page 5 du mémoire, vous parlez des délais d'approbation. J'aimerais vous demander tout simplement de nous dire, avec la même objectivité avec laquelle vous avez présenté tout le mémoire, si les délais actuels, à votre avis, à l'avis des compagnies que vous représentez, sont déjà trop longs ou s'ils vous semblent raisonnables, avec les procédures qu'il y a à suivre?

M. Lemieux: Cela devient assez difficile de répondre parce que c'est relatif, M. le député, mais c'est déjà long, dans notre optique. En somme, au moment où on amorce un projet, qu'on en fait l'étude préliminaire, il faut commencer, si c'est nécessaire, à travailler avec les Services de protection de l'environnement pour divulguer et présenter; alors c'est déjà long. De la manière dont l'article est écrit, il ne spécifie pas de date finale. Ce qu'on suggère c'est qu'un échéancier soit donné après la déposition, par exemple, de l'information requise, que dans X jours, par exemple, une décision soit rendue. C'est ce que nous demandons pour ne pas que cela soit sans fin.

M. Goldbloom: Ma question et votre réponse nous ramènent en quelque sorte au débat que nous avons poursuivi plus tôt dans la journée avec les porte-parole de l'Hydro-Québec, parce que nous avons essayé de déterminer si la demande d'approbation est formulée au bon moment, ou si l'on attend trop tard avant de déposer la demande pour pouvoir obtenir rapidement une approbation. Je fais ce commentaire simplement parce que si les délais sont longs, il y a deux causes possibles. Les délais peuvent se prolonger à un bout ou à l'autre, c'est-à-dire un délai trop long, au départ, avant le dépôt de la demande ou un délai trop long à l'autre bout pour l'analyse du dossier.

À la page 7, vous suggérez, au bas de la page, que le juge de la Cour supérieure soit tenu d'entendre les représentations du répondant avant de rendre son verdict quant à l'octroi, à l'émission d'une injonction. Je ne suis pas un avocat, mais il me semble, d'après mon expérience personnelle, qu'il y a des cas où des injonctions sont émises sans que le répondant ne soit présent. Il me semble, effectivement, que si la loi exigeait que le juge écoute le répondant avant d'accorder l'injonction, tout ce que le répondant aurait à faire serait de ne pas se présenter et le juge serait paralysé quant à l'émission d'une injonction. (16 h 45)

Je ne sais pas s'il y a dans nos statuts des précédents pour ce que vous suggérez. Vous avez peut-être eu l'appui de vos conseillers juridiques qui vous ont indiqué qu'il y a, effectivement, des précédents pour cette recommandation, mais il me semble que le processus risquerait d'être paralysé si le juge était obligé, par la loi, d'écouter le répondant avant de rendre son verdict.

Deux brefs commentaires. Non, je m'excuse, j'allais ajouter quelque chose à ce dernier sujet avant de le quitter. C'est un commentaire général parce que, à d'autres moments — et nous avons parlé du nouvel article 119b, si ma mémoire est fidèle, en ces termes — de votre côté vous voudriez donner ici des directives au juge et imposer des contraintes au juge. Le ministre, par son projet de loi, voudrait faire de même. Il me semble — et c'est un commentaire personnel que je fais — que, quand on nomme quelqu'un juge, c'est parce que l'on croit qu'il a la qualité de jugement; et quand on le nomme juge, normalement, on lui permet de juger selon son meilleur jugement.

Mes deux derniers commentaires se feront rapidement. En bas de la page 10 vous suggérez que, pour le nettoyage d'un contaminant, le ministre soit tenu de faire appel à une personne expérimentée. Je pense que, là aussi, il y a un facteur de jugement qui doit intervenir. Ecrire dans un texte de loi que l'on doit faire appel à une personne expérimentée oblige le législateur à définir, en même temps, qu'est-ce qu'une personne expérimentée, quelles sont les qualités, l'expérience, et tout cela. Il me semble que votre voeu est important, mais l'écrire dans un texte de loi pourrait être difficile.

Finalement, j'aimerais mettre en relief votre recommandation, à la page 11, que les certificats relatifs à l'analyse d'un contaminant ou de toute autre substance soient signés par un membre de l'Ordre des chimistes du Québec. Je ne me sens pas en mesure d'exprimer un avis sur cette recommandation. Je trouve cependant qu'elle mérite une évaluation sérieuse. J'aimerais demander au ministre — il ne m'écoute pas dans le moment, mais il lira le journal des Débats — de bien vouloir soumettre cette question à son collègue responsable des professions, parce qu'il y a des attributions qui sont reconnues à des professions et il faut les respecter. Je pense que c'est important que vous nous ameniez à nous pencher sur cette question: Y a-t-il lieu ou n'y a-t-il pas lieu de

définir, dans la loi, la qualité de la personne qui signe le certificat comme étant membre de l'Ordre des chimistes du Québec? Merci, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Merci, MM. Lemieux, Lederer, Murray, Prinsen, Neff, McIrvine, de votre participation.

M. Lemieux: Merci de nous avoir entendus.

Le Président (M. Laplante): J'appelle maintenant la Society to Overcome Pollution (STOP).

Pour les fins du journal des Débats, identifiez vous-même les personnes qui vous accompagnent et votre organisme.

Society to Overcome Pollution (STOP)

M. Walker (Bruce): M. le Président, je m'appelle Bruce Walker et je voudrais présenter M. Georges Wardosh, membre du conseil d'administration de STOP. STOP est un organisme formé de citoyens, sans but lucratif, incorporé au Québec en 1970. Nous ne l'avons pas mentionné dans notre mémoire officiel; je voudrais le mentionner maintenant. Je voudrais savoir si les membres de la commission ont reçu la copie française de notre mémoire.

Le Président (M. Laplante): Oui, on vous en remercie, monsieur. Vous pouvez lire celle que vous voulez.

M. Walker: STOP appuie fortement l'idée d'une injonction. Nous avons de l'expérience dans ce domaine et je voudrais vous raconter une petite histoire. En 1972, STOP et trois propriétaires de la ville de Pierrefonds ont poursuivi en Cour supérieure du Québec la ville de Pierrefonds, la Communauté urbaine de Montréal et le gouvernement du Québec. Ces trois propriétaires demeuraient sur la côte sud de la rivière des Prairies. L'égout municipal, qui est une usine de traitement primaire, a causé des effets néfastes, incluant des odeurs nauséabondes. STOP et ces trois propriétaires ont demandé une injonction, premièrement; deuxièmement, des dommages. Le jugement a été rendu en mai 1974. Le juge a trouvé la ville de Pierrefonds seule coupable et lui a dit de payer des dommages d'environ $20 000 et de garder la rive propre. Le gouvernement du Québec n'était pas coupable, parce que, selon le juge, il n'avait qu'un rôle administratif dans cette affaire. Je voudrais ajouter que l'égout municipal de Pierrefonds cela venait d'une usine de traitement primaire, mais selon les témoignages cette usine était en réalité seulement une station de pompage, avec un traitement d'une efficacité d'environ 3%, ou 5%, c'est tout. Cette action légale nous a coûté plusieurs milliers de dollars. Par exemple, nous avons engagé les services de Me Claude-Armand Sheppard.

Évidemment, les 6 millions d'inspecteurs au Québec ont besoin du droit à l'injonction préconisé dans ce projet de loi.

STOP appuie fortement aussi le processus d'évaluation des impacts sur l'environnement de certains projets. S'il faut justifier ce processus, et selon certains témoignages, ici, il faut justifier ce processus, on pourrait tout simplement lire quelques rapports du Conseil consultatif de l'environnement. Je donne trois exemples: L'Hydro-Québec au mont Rigaud; deuxièmement, les Services de protection de l'environnement à la Baie James, avec le 1.5 inspecteur, et finalement la SOQUEM aux Îles-de-la-Madeleine.

STOP s'oppose fortement à certains amendements à la loi de la qualité de l'environnement concernant le Conseil consultatif de l'environnement. Cela se trouve à la première page de notre mémoire.

Le prédécesseur de M. Marcel Léger a pendant plusieurs mois retardé la publication d'un document du conseil intitulé "Rapport sur le tracé hydroélectrique Chénier-Châteauguay ". Le ministre délégué à l'environnement lui-même a retardé durant plus d'un an la publication d'un rapport en provenance du conseil, intitulé "Politique gouvernementale sur la qualité du papier et le recyclage ". Le conseil avait entrepris cette étude après avoir reçu une lettre de STOP en juillet 1976. STOP croit que le conseil devrait garder toute sa liberté pour lancer des enquêtes et publier ensuite les résultats. Évidemment, c'est au conseil à choisir ses propres priorités, pas au ministre.

Au bas de la page 1, vous pouvez lire nos amendements suggérés, surtout à l'article 8, troisième paragraphe. Le projet de loi no 69 préconise que le conseil peut, à la demande du ministre, recevoir et entendre les requêtes et suggestions des individus et des groupes sur toute question visée par la présente loi. STOP suggère que l'on élimine seulement la phrase "à la demande du ministre ". La loi actuelle dit: "II peut, — le conseil évidemment — de sa propre initiative, recevoir et entendre les requêtes et suggestions des individus et des groupes, etc.".

Au deuxième paragraphe de l'article 9, le projet de loi dit: "Le ministre est tenu de rendre publics les avis du conseil." STOP suggère: Le ministre est tenu de rendre publics les avis et les études du conseil dans les soixante jours de leur réception. Par exemple, le bureau a la même période de soixante jours pour publier le rapport.

Je voudrais maintenant aborder le sujet de la confidentialité ou le droit de savoir. STOP est tout à fait d'accord avec l'affirmation que "toute personne a droit à la qualité de l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent" (article 19a). Cependant, nous croyons que ce texte est lettre morte si le public n'a pas un droit d'accès à l'information ayant trait à l'environnement, information vitale pour défendre ce droit devant les tribunaux. STOP demande donc au gouvernement d'inscrire ce droit à l'information dans la loi. C'est ainsi que le règlement relatif aux effluents liquides des raffineries de pétrole stipule que les raffineries doivent analyser leurs eaux usées et envoyer mensuellement un rapport à leur sujet aux SPE.

Maintenant, je voudrais lire quelques passages d'une correspondance. J'ai personnellement écrit, le 23 janvier dernier, au ministre délégué à l'environnement en ce qui concerne — annexe A de ce règlement — le rapport mensuel sur les eaux usées d'une raffinerie de pétrole. J'ai dit: "Est-ce qu'un individu a le droit de consulter ce rapport au bureau des Services de protection de l'environnement (au siège social à Sainte-Foy et/ou au bureau régional à Montréal)? Est-ce qu'un individu a le droit de demander de faire photocopier ces rapports? J'ai reçu une réponse datée du 8 février signée par M. Gilles Jolicoeur, le directeur: "En ce qui concerne le rapport mensuel sur les eaux usées d'une raffinerie de pétrole, il s'agit d'un document d'ordre administratif pour l'utilisation de nos services. Pour obtenir des détails de ces résultats, je considère qu'il serait préférable, au préalable, de communiquer avec le responsable des raffineries de pétrole de façon à maintenir de bons liens de communication."

STOP trouve cela tout simplement incroyable. Les lois en vigueur aux États-Unis, notamment le Clean Air Act et le Water Pollution Control Act, stipulent que toute information doit être mise à la disposition du public. Le ministre délégué à l'environnement ne cesse de répéter à qui veut l'entendre qu'il lui faut l'aide de la population pour faire respecter les lois de l'environnement. Mais ceci est extrêmement difficile alors que des données importantes sont gardées secrètes. STOP n'est pas du tout d'accord avec le gouvernement qui prétend que les citoyens devraient s'adresser aux pollueurs concernés afin d'obtenir les renseignements pertinents. Les corporations n'ont des comptes à rendre qu'à leurs actionnaires et au gouvernement, mais le gouvernement doit rendre compte au public. Les procédures proposées pour l'évaluation des impacts sur l'environnement semblent très compliquées et coûteuses. STOP et les autres groupes intéressés seront grandement handicapés si le droit à l'information n'est pas garanti par la loi.

Je voudrais simplement ajouter que ce que nous proposons, ce n'est pas ce qu'on appelle "a freedom of information access"; c'est un simple amendement à la Loi de la qualité de l'environnement, comme cela se trouve aux États-Unis dans le "Clean Air Act" et le "Water Pollution Control ACT". Tous les citoyens ont le droit de regarder, de consulter gratuitement et de payer $0.15 par photocopie pour des rapports d'effluents et des émissions des industries. Évidemment, cela n'inclut pas des rapports techniques sur les procédés des industries. Mais, pour ma part, il n'y a aucune question de confidentialité dans le taux d'émission de tel ou tel pollueur.

Évidemment, le projet de loi 69 n'est pas une vraie charte des droits de l'environnement. Selon nous, il n'y a aucune raison logique de garder ces rapports secrets; il n'y a aucune raison technique, il n'y a aucune raison légale. Peut-être il y a une raison politique de garder ces rapports secrets. (17 heures)

Je voudrais maintenant passer à la page 4, projets de règlements. Nous tenons à souligner que nous apprécions à leur juste valeur le travail accompli par le ministre délégué à l'Environnement, M. Marcel Léger. Il reste cependant beaucoup de pain sur la planche. Nous donnons la liste des projets de règlements qui n'ont pas encore été adoptés: 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7. Deux des sept datent du mois de septembre 1974, une étude de quatre années. On aimerait voir aboutir ces projets de règlements au plus tôt. L'efficacité de la loi de la qualité de l'environnement est grandement réduite à cause du nombre de règlements en suspens.

À la page 5, les véhicules à moteur et la Communauté urbaine de Montréal. En admettant que la pollution de l'air à Montréal est un problème majeur causé par l'automobile et que le gouvernement du Québec ne semble pas vouloir agir dans ce domaine, par exemple, on pourrait simplement citer le projet de règlement relatif aux émissions des véhicules automobiles daté du 25 septembre 1974. Plus de quatre années et il n'est pas encore adopté. Évidemment, ce n'est pas une priorité pour le gouvernement du Québec.

STOP recommande qu'on donne à la Communauté urbaine de Montréal les pouvoirs légaux pour réglementer la pollution de l'air par les véhicules à moteur. Il faudra tout simplement amender la loi de la Communauté urbaine de Montréal. Évidemment, c'est surtout la responsabilité du ministre des Affaires municipales et du ministre des Transports. Par exemple, on peut lire, dans la version française de la loi de la Communauté urbaine de Montréal: La communauté peut introduire et réglementer l'utilisation et la possession de toute substance, appareil, machine, ouvrage ou installation dont l'usage peut causer l'émission, etc. Nous suggérons simplement d'ajouter le mot "véhicule". On peut noter que la version anglaise de cette même loi inclut le mot "vehicle".

Autre mesure importante, c'est simplement la question des rapports annuels. Pour notre part, le plus récent rapport annuel disponible des Services de protection de l'environnement date de 1975-1976. On pose la question: Pourquoi pas un rapport annuel tous les ans? Ce serait peut-être seulement un autre exemple de ce qui n'existe pas au Québec, un vrai ministère de l'environnement. De plus, au sujet des rapports annuels, nous suggérons qu'à l'avenir on ajoute, dans tous les rapports annuels, une liste de toutes les ordonnances émises, premièrement, par le ministre et, deuxièmement, par le directeur, aux municipalités, corporations et individus. Comme exemple, je cite l'ancien rapport annuel de la Régie des eaux du Québec qui liste toutes les ordonnances émises, année par année. Il y a aussi certaines mesures non législatives qui, selon nous, sont importantes, en ce qui concerne surtout l'évaluation des impacts sur l'environnement.

Outre les textes légaux pour encourager la participation du public, le gouvernement du Québec devrait faire un effort pour informer les citoyens des procédures à suivre, des projets à l'étude ou en chantier. STOP recommande que le

Québec ait une publication similaire à: a) Registre des projets et bulletin, en provenance du Bureau fédéral d'examen des évaluations environnementales, d'Environnement Canada, et b) Environmental Assessment Update, a digest for people interested in environmental assessment, du ministère de l'Environnement de l'Ontario. Ces deux périodiques sont gratuits pour tout le monde qui en fait la demande.

À part cela, je voudrais lire un court passage d'un rapport de la commission des évaluations environnementales, d'Environnement Canada. Le rapport s'intitule "Rapport de la commission environnementale sur le projet de raffinerie d'uranium de l'Eldorado Nucléaire Limitée à Port Granby, Ontario, publié par le ministère des Approvisionnements et services, Canada, 1968. Je lis la page 49, recommandations, le paragraphe 6,3: financement. C'est très intéressant. Ce n'est pas long, monsieur. En dépit des bonnes intentions et de la somme considérable de travail des particuliers et des groupes de pression au cours des deux séances d'audience publique, la participation a été rendue inopérante à cause du manque de ressources financières pour accomplir le travail. Cela était particulièrement vrai pour les personnes et les groupes des niveaux local et régional les plus directement concernés par le projet. En conséquence, la commission recommande que le Bureau fédéral d'examen et d'évaluation en matière d'environnement ébauche une proposition en vue de trouver des fonds ou d'autres formes d'aide pour que la population participe aux études de la commission.

La proposition devra définir quels groupes et individus pourraient être financés, les méthodes de financement possible, l'analyse raisonnée de ces recommandations et le critère d'allocation et de contrôle des fonds. C'est seulement l'exemple d'un processus d'évaluation des impacts sur l'environnement existant. On pourrait noter aussi que tous les membres de cette commission étaient des fonctionnaires fédéraux, sauf pour un sociologue du milieu universitaire. Merci.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Léger: M. le Président, j'apprécie énormément la participation de STOP, qui est un mot maintenant reconnu dans la langue française. J'apprécie l'effort que vous avez fait d'exprimer votre mémoire en français. Je dois vous dire qu'il y a beaucoup de recommandations là-dedans sur lesquelles nous sommes d'accord et des remarques sur lesquelles nous admettons une certaine responsabilité. Des citoyens nous disent: Vous devriez faire ceci. Vous n'avez pas fait cela. Quand on ne l'a pas fait, on va l'admettre. On l'admet et je suis prêt à plaider partiellement coupable là-dessus. Je voudrais d'abord vous faire remarquer que, concernant les règlements, nous avons passé quatre règlements dernièrement, depuis au moins un an, un an et demi à peu près, sur les carrières et sablières, les piscines et les pataugeoires, règle- ment sur les rejets des raffineries de pétrole, déchets liquides, c'est-à-dire, ainsi qu'un règlement sur les déchets solides pour la disparition des dépotoirs. Quatre règlements qui sont maintenant en vigueur.

Nous avons aussi présenté en première lecture des règlements que le public connaît maintenant et je suis en train d'étudier celui des productions animales, pour lequel il y aura une commission parlementaire les 17, 18 et 19 octobre prochain. Nous avons aussi amené le règlement des bétons bitumineux modifié parce qu'il avait été adopté une fois et il a fallu faire des corrections. Nous avons aussi présenté un règlement sur les carcasses d'automobiles qui a eu une première présentation; donc, nous attendons les conclusions des mémoires pour le présenter d'une façon définitive. Les règlements dont vous avez dit que vous attendez leur présentation, il faut tenir compte que le règlement relatif aux émissions des véhicules automobiles, que vous réclamez, devait suivre la loi que nous présentons aujourd'hui parce qu'il y a une relation entre les deux.

Nécessairement, nous attendons que la loi soit adoptée pour présenter ce règlement. Le règlement relatif à la qualité du milieu de travail devrait sortir très bientôt, sous peu. Le règlement relatif aux effluents de déchets des fabriques de pâtes et papiers, ce règlement va sortir en même temps que nous allons compléter l'entente au niveau de la modernisation des entreprises de pâtes et papiers. Il inclut en même temps un investissement très fort du gouvernement envers les compagnies de pâtes et papiers pour les aider à se moderniser et en même temps respecter les normes de l'environnement qui sont dans ce règlement. Donc, les deux doivent se faire de pair. On ne pourra pas le sortir tout seul. Il faudrait nécessairement qu'il y ait une politique d'ensemble incluant la modernisation et le respect des normes d'environnement.

D'ailleurs, je tiens à vous dire que c'est le règlement qui est la locomotive devant le projet de modernisation des entreprises de pâtes et papiers. C'est parce que les entreprises voient la volonté gouvernementale d'apporter des correctifs à la situation de la pollution provenant des pâtes et papiers. Comme nous avions un règlement qui était ferme là-dessus, cela a aidé toutes les mesures et les ententes que le gouvernement devait signer avec les compagnies de pâtes et papiers. Le règlement relatif à la qualité de l'atmosphère, vous êtes sans doute au courant que, concernant la Communauté urbaine de Montréal, j'ai rapidement exprimé aux représentants, aux élus de la ville de Montréal qu'on était d'accord pour leur règlement puisqu'il est nécessairement plus sévère que le règlement provincial. Il est confiné à des endroits aussi denses que la ville de Montréal et, nécessairement, nous l'acceptions. Même si le règlement provincial est, sous certains aspects, moins sévère, cela ne veut pas dire que nous rejetons le règlement de Montréal, au contraire. La décision est maintenant entre les mains des élus municipaux que nous appuyons et que

nous pressons encore, une troisième fois, de l'adopter, puisque au niveau provincial, nous l'acceptons, ce règlement.

Il y a les autres points sur lesquels vous avez apporté des précisions. Vous recommandez que le Québec crée une publication semblable aux bulletins provenant du bureau d'examen des évaluations environnementales du Canada. C'est une bonne recommandation; nous allons regarder positivement cette possibilité-là. Vous dites aussi que les SPE devraient publier une ou deux fois par an une liste de toutes les ordonnances envoyées aux municipalités, corporations et individus. Je pense que c'est une bonne suggestion que nous allons probablement suivre. De toute façon, nous la recevons très positivement. Vous avez parlé aussi du rapport annuel des SPE don le dernier était en 1975. Je dois vous dire que celui de 1976-1977 vient de sortir chez nous et je vais le présenter très bientôt pour être publié. Le prochain n'est pas encore fait, mais 1977-78, on est dedans. Il devrait être publié très rapidement.

Je dois dire que, dans l'ensemble, nous sommes très heureux de votre préoccupation. Vous suggérez que le Conseil consultatif de l'environnement devrait rendre publics ses avis. Vous devez remarquer quand même que le projet de loi a pour objectif de créer deux organismes avec des objectifs différents: un qui est public, qui est à l'intérieur des opérations administratives, comme le bureau des audiences publiques. Cela va être public. Tout le monde va être au courant de ce qui se passe à l'intérieur. L'autre rôle qu'on veut donner au Conseil consultatif de l'environnement est beaucoup plus celui d'un organisme qui est composé de personnes provenant de toutes les régions du Québec et qui ont une certaine compétence dans le domaine environnemental ou para-environnemental, ce qui en ferait un peu le représentant, du moins du mode de pensée, des citoyens des régions. Pour moi, c'est un outil extraordinaire pour penser et préparer des politiques à long terme au ministère de l'environnement et aussi pour donner des avis au gouvernement. C'est pour cela que nous avons donné deux vocations différentes à ces deux organismes pour aider davantage le ministre de l'environnement à réaliser davantage dans ces deux aspects, aspect opérationnel et aspect avis, conseils du ministre, mais conseils provenant des citoyens.

Je voudrais vous remercier et vous féliciter de votre mémoire. Peut-être que tantôt vous aurez des questions. Les députés de l'Opposition ont peut-être des choses plus précises à dire avant d'aller à des questions. Oui?

M. Walker: Dans votre dernier point, M. le ministre, il y a de moyennes différences entre le conseil et le bureau. Mais il y a bien des cas au Québec où des citoyens cherchent quelque chose, une sorte de commission où ils peuvent faire diverses plaintes. On parle surtout de la pollution existante. Le bureau discute seulement de la pollution de l'avenir, mais la pollution existe maintenant au Québec. Il y a des citoyens ici qui s'oc- cupent des problèmes de diverses sources. Selon nous, le Conseil consultatif de l'environnement doit maintenir son indépendance et sa liberté de choisir ses propres priorités. S'il veut entendre un groupe de citoyens du quartier Saint-Michel ou de votre comté de Lafontaine ou de telle ou telle partie du Québec, selon nous, ce serait son choix. De toute façon, s'il y a d'autres cas, par exemple, les politiques à long terme, les politiques économiques ou tel type de réglementation etc., selon nous, tous ces rapports doivent être publics sans délai, ou avec un délai de 60 jours.

Le Président (M. Laplante): Merci. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, le mémoire est très clair. D'ailleurs, STOP n'a jamais eu l'habitude de mâcher ses mots. Je ne trouve donc pas de questions à poser pour avoir des éclaircissements additionnels. Mais je voudrais faire un commentaire. (17 h 15)

Depuis sa fondation — et STOP est parmi les plus anciens des organismes qui se préoccupent de la qualité de l'environnement — cet organisme agit comme conscience des hommes publics, des gouvernements pour les amener à mieux faire, à être plus efficaces, plus exigeants, plus rapides. Je pense, M. le Président, que nous ne ferons jamais assez, et nous n'agirons jamais assez rapidement, pour satisfaire pleinement l'opinion de STOP et d'autres organismes, mais il est bon qu'il en soit ainsi.

Pour moi, l'élément clef de ce mémoire, c'est l'appel lancé à la liberté en ce qui concerne l'accès à l'information. Nous avons beaucoup évolué dans ce domaine, mais les porte-parole de STOP nous indiquent — avec raison, je crois — que nous devons, encore une fois, repenser la façon dont nous rendons l'information accessible ou dont nous gardons cette information confidentielle pour des raisons qui peuvent paraître valables aux yeux de certaines personnes et qui, de toute évidence, ne paraissent pas valables aux yeux d'autres personnes.

Je voudrais dire simplement ceci: S'il est prévisible que vous ne serez jamais totalement satisfaits de l'action des autorités publiques, cela n'a pas été dans le passé, cela n'est pas aujourd'hui et cela ne sera pas dans l'avenir à cause des imperfections personnelles de ceux qui ont été, sont ou seront en place. Ce sera surtout à cause des imperfections de la société tout entière. Donc, l'oeuvre que vous poursuivez depuis longtemps, l'oeuvre d'éducation auprès de la population tout entière, est une oeuvre très importante.

Les gouvernements successifs ont travaillé pour conscientiser la population. Le ministre actuel — et cela lui fait honneur — a fait un effort particulier à cet égard. Alors, vous nous rendez un service, vous rendez un service à la collectivité en éveillant notre conscience, en essayant d'être notre conscience parce qu'il y a toujours énormément à faire, il y aura toujours énormément à faire

et je vous félicite bien sincèrement du mémoire que vous avez présenté.

Le Président (M. Laplante): D'autres questions? Oui, monsieur.

M. Léger: Je veux seulement dire que je suis passablement d'accord et qu'on va aussi voir de quelle façon on pourrait le faire puisque la question que vous posez avait été posée inversement au groupe précédent. Il s'agissait de rendre publiques toutes les données de la pollution causée par une compagnie polluante. Dans votre mémoire, vous faisiez allusion au fait qu'on vous avait dit d'aller voir la compagnie elle-même pour avoir les renseignements et des données sur la pollution. Je pense que votre mémoire demande que les données concernant la pollution causée par une compagnie puissent être accessibles aux citoyens. En gros, je pense que nous sommes d'accord là-dessus aussi.

Le Président (M. Laplante): M. Walker, merci beaucoup pour la participation que vous avez bien voulu donner à cette commission.

M. Walker: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): J'appelle maintenant le Conseil du patronat du Québec.

Voulez-vous identifier votre organisme, vous identifier ainsi que les membres qui vous accompagnent, pour les fins du journal des Débats.

Conseil du patronat du Québec

M. Dufour (Ghislain): Mon nom est Ghislain Dufour, du Conseil du patronat. Je suis accompagné, à ma gauche, par Me Micheline Laliberté, conseiller juridique à l'Association des constructeurs de grandes routes et de grands travaux. Le Dr Claude Drouin, qui est avec l'Association des mines de métaux, qui a été le délégué du Conseil du patronat pendant plusieurs années au conseil consultatif de l'environnement. À ma droite, M. Raymond Chaperon, qui est directeur de la préservation du milieu chez Shell Canada, et Me Bérangère Gaudette qui est conseiller juridique au Conseil du patronat.

M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, nous avons remis ce matin à M. Pouliot un résumé de notre mémoire. Il fait 24 pages, naturellement on en retirera simplement les grandes orientations. Le mémoire que nous avons déposé auprès de la commission reflète l'opinion exprimée par nos associations membres au cours d'une consultation organisée spécifiquement sur ce sujet, le 8 août dernier. Là-dessus on doit remercier le ministre d'avoir changé, à un moment donné, son échéancier pour nous permettre, justement, ce type de consultation. Bon nombre des hommes d'affaires qui ont participé à cette consultation sont des cadres affectés à temps plein aux problèmes de l'environnement au sein de leur entreprise ou industrie, et qui possèdent donc une expérience concrète de ces problèmes. Il va de soi que le Conseil du patronat a analysé le projet de loi 69 en tenant compte, bien sûr, des intérêts de ses membres, mais aussi, en même temps, de l'intérêt de l'ensemble de la collectivité, les deux étant, dans les questions fondamentales, complémentaires.

Rappelons d'abord nos positions de principe. Le CPQ est d'accord aujourd'hui, comme il l'a été dans le passé, sur la nécessité de veiller, en toutes nos actions, à protéger et à améliorer la qualité de notre environnement et il reconnaît que c'est une responsabilité de l'État moderne que d'édicter et de faire respecter les règles nécessaires à cette fin. Nous le rappelons clairement dans le mémoire que nous avons déposé devant votre commission, comme nous l'avions affirmé lors de l'adoption de la Loi sur la qualité de l'environnement en 1972. Et, pour bien montrer que nos propos ne sont pas purement un "discours de circonstance", je rappelle le texte de novembre 1972: Nous sommes "d'accord avec le principe d'une législation visant à la conservation et à l'amélioration de l'environnement (...). Il appartient à l'État, plus qu'à tout autre groupe de la société, de prendre les grandes initiatives à l'égard de ces questions, d'imaginer les grands programmes qui devront être mis sur pied et d'en surveiller l'application".

Or, le projet de loi 69 n'est pas une refonte complète mais seulement un amendement de la loi de 1972. Dans la mesure, donc, où le projet de loi 69 poursuit les objectifs de la loi actuelle, nous n'avons rien à changer à cet accord de principe.

Cela dit, et sans limiter d'aucune façon la portée de ce qui précède, nous sommes ici pour discuter les points à propos desquels il y a, selon nous, des corrections à apporter au projet d'amendement. Exprimer un accord de principe sur un objectif aussi large que la qualité de l'environnement ne suffit pas. Il faut encore s'astreindre à la tâche difficile de choisir les moyens concrets d'atteindre cet objectif, de mesurer le coût de ces moyens et de tenir compte des effets négatifs que peut avoir l'action en ce domaine vis-à-vis d'autres objectifs sociaux, tout aussi légitimes, qu'il faut poursuivre en même temps.

C'est donc dans cette perspective que nous voulons commenter le projet de loi 69 et à ce moment-ci nos remarques porteront essentiellement sur trois points: Premièrement, le recours en injonction, la procédure relative aux études d'impact et l'aspect administratif.

On a beaucoup parlé de l'article 4 du projet de loi 69 qui propose l'addition à la loi de la section NIA qui accorderait à tout citoyen le pouvoir de s'adresser directement aux tribunaux pour faire cesser toute activité qu'il juge préjudiciable à l'environnement. Selon les mots utilisés par le ministre, il s'agit de faire des six millions de citoyens québécois autant d'inspecteurs de l'environnement. Pour justifier ce pouvoir, le projet de loi formule l'idée générale du droit de tous à la qualité de l'environnement.

D'une part, nous trouvons cette notion du droit à la qualité de l'environnement trop vague et

trop imprécise eu égard au rôle qu'on veut lui faire jouer dans la loi et, d'autre part, l'injonction prévue à l'article 19b nous paraît inacceptable, parce qu'elle correspond à une dangereuse conception des rapports du citoyen avec l'administration de la justice.

Le CPQ n'a évidemment pas été le seul à souligner que la notion de qualité de l'environnement n'est définie nulle part dans le projet de loi. Nous sommes d'accord pour reconnaître qu'un tel droit existe, qu'il est même manifestement le fondement philosophique de la Loi de la qualité de l'environnement et que l'on pourrait fort bien utiliser cette formule dans le préambule du texte de la loi. Mais, cette proposition est trop vague pour être une disposition particulière de la loi susceptible d'une application concrète. La généralité même d'une telle formule conduirait à des interprétations diverses et subjectives.

Nous estimons, par conséquent, que l'article 19a est trop général et trop imprécis pour servir de fondement au pouvoir accordé à chaque citoyen par l'article 19b.

En ce qui concerne, maintenant, l'injonction. L'idée de confier à six millions d'inspecteurs la responsabilité de faire appliquer la loi nous paraît, pour le moins, discutable. De la même façon que le citoyen en tant que tel n'a pas à se faire policier, puis accusateur, nous croyons que le citoyen n'a pas à devenir un inspecteur mandaté par la loi pour la protection de l'environnement. Nous comprenons que l'intention du gouvernement est de favoriser l'action directe des citoyens dans les situations d'urgence. Mais, la loi actuelle donne justement au directeur des SPE le pouvoir de faire cesser toute activité qu'il estime préjudiciable à la qualité de l'environnement, et cela, sans préavis, dans les cas d'urgence. Si un citoyen estime qu'une entreprise ou un de ses concitoyens porte atteinte à la qualité de l'environnement, il doit porter plainte auprès de l'autorité compétente, en l'occurrence les SPE, qui devront normalement faire enquête avant de donner suite à cette plainte, mais qui ont aussi le pouvoir d'agir rapidement et sans préavis dans le cas d'urgence.

De plus, les problèmes relatifs à l'environnement sont complexes. Pour l'examen objectif de ces problèmes, on doit faire appel à des connaissances scientifiques et à des analyses techniques. Même bien intentionné, le citoyen ordinaire ne possède sûrement pas une pareille expertise, et c'est se leurrer beaucoup que de croire qu'il puisse devenir du jour au lendemain un inspecteur judicieux. Ce sont, quant à nous, les SPE qui, parce qu'ils possèdent les ressources techniques et scientifiques nécessaires, sont le mieux en mesure de faire ces analyses et de porter un jugement, pas nécessairement infaillible, bien sûr, mais certes plus rigoureux que celui du profane. Et, de toute façon, les tribunaux saisis d'une demande d'injonction devront avoir recours à l'expertise de ces services. Enfin, le recours en l'injonction nous paraît dangereux, parce qu'un tel pouvoir sera inévitablement utilisé, à l'occasion, par certains groupes, comme un instrument de luttes sociales, sans égard au bien commun.

C'est pourquoi nous demandons que le moyen pour les citoyens de faire cesser une activité quelconque à cause des risques apparents pour l'environnement soit normalement les ordonnances du directeur des SPE et non pas le recours en injonction. Si, toutefois, notre recommandation n'était pas acceptée, notre préoccupation demeure de limiter le plus possible les dangers d'abus, et alors le recours en injonction devrait à tout le moins être mieux encadré. Cela peut se faire, premièrement, en stipulant que le citoyen ou la municipalité qui réclame une injonction devra démontrer qu'il possède un intérêt suffisant, relié directement aux faits allégués; deuxièmement, en amendant l'article 19d relatif au cautionnement pour s'en tenir à la règle de l'article 755 du Code de procédure civile et laisser au juge la discrétion d'établir le montant du cautionnement en tenant compte, notamment, des dommages qui peuvent être causés à l'autre partie.

La procédure relative aux études d'impact. Le projet de loi aurait pour effet, entre autres, de remanier la procédure administrative afférente aux études d'impact et aux demandes d'autorisation. C'est là un aspect de la réforme que nous trouvons positif, dans la mesure où l'on se trouve à clarifier ou à préciser les étapes de cette procédure. Nous ne sommes pas opposés aux études d'impact et nous admettons fort bien qu'il y a certains types de projets ou d'opérations pour lesquels de telles études sont justifiées. Nous tenons à souligner cependant deux problèmes: les délais et les coûts qu'entraînent ces études, et à demander que les moyens soient recherchés pour en limiter les conséquences. (17 h 30)

D'abord, la question des délais, on en a beaucoup parlé. Le fait que les délais qui doivent s'écouler entre deux étapes de la procédure soient indéterminés représente, bien sûr, une source d'embarras sérieux pour les entreprises. Nous recommandons donc que les articles 31a à 31h comportent des délais précis, selon un échéancier réaliste, et de façon à ne pas pénaliser indûment les requérants.

Les coûts. Le coût d'une étude d'impact peut être considérable. Il faut que le législateur s'assure que seuls les projets d'envergure, dont le coût justifie celui d'une étude d'impact, feront partie de la catégorie assujettie à cette exigence.

Concernant le bureau d'audiences publiques, nous sommes d'accord avec l'idée que des audiences publiques sont parfois utiles pour évaluer des projets susceptibles d'affecter de façon sensible le cadre de vie ou la manière de vivre d'un groupe de citoyens. Mais nous ne croyons quand même pas que l'utilité des audiences publiques soit la règle générale. C'est pourquoi nous ne croyons pas à la nécessité de créer un bureau permanent. Une commission ad hoc pourra jouer correctement ce rôle au besoin.

Par ailleurs, il y a un risque que les audiences publiques servent des objectifs tout autres que ceux poursuivis par le gouvernement en créant le bureau. Il est facile, sur des questions reliées à l'environnement, de faire de la démagogie et de

mettre une entreprise au pilori, sans que celle-ci ne puisse se défendre adéquatement. Il suffirait, dans certains cas, de rendre un projet impopulaire pour le rendre pratiquement irréalisable.

Pour prévenir ce genre d'abus, nous estimons que le droit d'intervention des citoyens devrait être mieux balisé. Nous recommandons, par conséquent, "que le projet de loi cerne de plus près le type de projets ou de programmes qui peuvent faire l'objet de discussions en audiences publiques, en les limitant, par exemple, aux projets qui peuvent soulever des questions d'intérêt général". De plus, comme nous l'avons recommandé dans le cas de l'injonction, il faudrait que l'article 31c prévoie "que toute personne ou municipalité qui requiert la tenue d'une audience publique soit tenue de prouver un intérêt suffisant en relation avec le projet, le programme ou l'activité en question".

Enfin et rapidement, soulignons certains passages du projet de loi où deux autorités peuvent intervenir dans une décision administrative. Dans notre mémoire, nous citons au moins trois exemples de chevauchement. Là-dessus, nous demandons une clarification de ces dispositions, afin que le texte de loi établisse de façon plus précise dans quelles circonstances il faut l'autorisation du Conseil des ministres, et dans quels cas c'est celle du directeur qui est requise, ou même, s'il y a des cas où les deux autorisations sont requises, quand et pour qui elles le sont.

Un mot sur le caractère de loi-cadre. Comme la loi actuelle de la qualité de l'environnement, le projet de loi 69 est une loi-cadre. Bien que le C.P.Q. admette, dans certains cas, l'opportunité d'une loi-cadre, par exemple, lorsqu'il s'agit de mesures à caractère technique qui ne pourraient pas se discuter de façon valable à l'Assemblée nationale — nous avons en tête, par exemple, la Loi sur les mécanismes de machines fixes — de façon générale, il n'est pas favorable aux lois-cadres, parce que, d'une part, elles laissent subsister trop d'incertitude quant à la portée réelle de la loi et, d'autre part, parce qu'il est pratiquement impossible aux intéressés d'intervenir avant l'adoption des règlements pour faire des représentations. Le projet de loi 69 n'échappe pas à cette critique, en particulier en ce qui concerne le pouvoir de réglementation de l'article 31i.

À ce sujet, nous réitérons les suggestions déjà faites dans nos mémoires antérieurs à propos de la pré-publication des projets de règlements: premièrement, discussion préalable des projets de règlements avec le conseil consultatif et, s'il y a lieu, avec un comité ad hoc créé par le conseil consultatif; deuxièmement, publication des projets de règlements dans la Gazette officielle avec un délai d'au moins 60 jours pour permettre aux intéressés de proposer des corrections.

En terminant, M. le Président, je tiens à réaffirmer que le patronat souscrit aux objectifs de la Loi sur la protection de l'environnement, même lorsque celle-ci représente toutes sortes de contraintes pour les entreprises.

Cependant, malgré ses aspects positifs, le projet de loi 69 comporte, à notre avis, des dispositions dangereuses qui risquent d'être utilisées de façon abusive. Nous souhaitons que les travaux de cette commission aideront le législateur à faire un choix judicieux des moyens de protéger et d'améliorer l'environnement en tenant compte des autres objectifs sociaux qu'il faut poursuivre en même temps.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Léger: M. le Président, je remercie l'organisme qui est venu nous rencontrer et qui a nécessairement suscité le débat, puisque c'est le mémoire qui nous a été présenté qui correspond le plus à des oppositions au projet de tous les mémoires que nous avons eus. Alors, cela va nous permettre de discuter des choses en profondeur, malgré qu'il reste peu de temps.

Au départ, j'aimerais faire réaliser que votre association a nécessairement l'objectif de défendre dans la société les intérêts de vos membres. Je pense que vous le faites fort bien. Le ministre délégué à l'environnement a, comme objectif, devant un organisme comme le vôtre — je ferais l'inverse pour un autre organisme — de défendre l'intérêt du petit, l'intérêt du citoyen démuni qui veut savoir ce qui se passe, qui n'a pas les moyens de se défendre face à la grosse machine de ceux qui ont les moyens financiers et techniques de protéger leurs intérêts. L'objectif du ministre, dans ce projet de loi, c'est de donner des droits aux citoyens, c'est d'essayer d'associer le citoyen à la gestion de son environnement.

Tout le long du projet de loi, l'objectif est bien précis. C'est de permettre que le citoyen ait le droit à l'information, le droit d'intervenir, le droit d'exprimer son point de vue et le droit de faire changer des choses qui contribuent à détériorer son milieu de vie. C'est la raison pour laquelle, je pense que, tout en ayant les mêmes objectifs, les moyens ne sont peut-être pas les mêmes que ceux que vous nous proposez dans votre mémoire.

J'aimerais relever certains points. Au départ, vous parlez nécessairement en hommes d'affaires en disant: Est-ce que nous avons les moyens? Est-ce qu'un État comme le nôtre doit défendre des objectifs qui ne correspondent pas à nos moyens? Je pense qu'il faudrait plutôt — et c'est la politique de mon ministère de l'environnement — avoir une politique qui corresponde à nos besoins, mais l'appliquer progressivement selon nos moyens. J'inverserais un peu les objectifs de façon que, s'il y a des besoins criants, il va falloir qu'objectivement on trouve les moyens de réaliser cela non pas en retardant les besoins à corriger, mais en mettant davantage l'élan ou le focus sur le besoin et en étalant progressivement dans le temps les étapes, selon les moyens de l'État.

Vous dites que l'injonction est inacceptable — cela m'a bien frappé — parce qu'elle correspond à une dangereuse conception des citoyens. L'exemple typique de ce qu'on disait dans le discours d'ouverture, c'est que le CPQ

considère que l'environnement, c'est l'affaire du gouvernement et des promoteurs. Autrement dit, le gouvernement devrait être celui qui équilibre les choses avec les promoteurs qui ont des objectifs de développement. Je pense que l'environnement, c'est une propriété collective. Donc, c'est l'affaire de tous. La chambre de commerce l'a compris puisqu'elle nous disait cela à l'ouverture de la commission. Aussi, je pense que permettre à chacun de surveiller l'application d'une loi, ce n'est pas nouveau. Dans sept provinces du Canada, dont l'Ontario, les citoyens peuvent intenter des poursuites pénales aux contrevenants de la loi. Il en a été de même au Québec jusqu'en 1972 et nous voulons maintenant redonner aux citoyens un droit qu'ils avaient et que l'État bureaucratique a un jour décidé de monopoliser.

Quant au droit à la qualité de l'environnement et au pouvoir de recours en injonction, ceci est nouveau au Canada, mais cela existe aux États-Unis, dans quatorze États dont le Michigan, le Minnesota, le Massachusetts, la Floride, New York, la Californie, le Rhode Island, etc. C'est une arme que les citoyens ont eue et ils s'en sont servi à l'occasion. Les avalanches de poursuites que vous craignez de voir venir, cela ne s'est pas passé. On a les statistiques au Michigan où, de 1970 à 1976, avec une loi comme celle-ci, seulement 122 poursuites au civil en six ans dans un État de 8 millions d'habitants ont été présentées. Là-dessus, le bilan a été de 47 réussites; 22 ont été rejetées, 11 ont été abandonnées et 41 sont encore pendantes. Les tribunaux ont accordé 30 injonctions. La plupart ont eu pour effet d'apporter des modifications dans la poursuite de projets afin de tenir compte des objectifs environnementaux et non pas arrêter les projets. La Chambre des représentants du Michigan concluait, en 1975, qu'il n'y avait eu aucune preuve que la Loi de l'environnement ait entraîné la perte de pouvoirs ou la fermeture d'industries.

Le droit à la qualité de l'environnement. Vous dites qu'il est vague et imprécis et inutile. Je concède que ce droit est nouveau et peut être défini différemment selon les personnes. Pour éviter ce risque de trop grandes variations, nous avons précisé qu'il s'appliquera dans la mesure prévue par la loi et les règlements. Donc, c'est quand même limité à cela ni plus ni moins. Le droit à l'environnement doit être limité à la connaissance ou aux implications légales de la qualité de l'environnement et non pas à une définition tout simplement que nous voyons déjà dans la loi 49 que nous avons actuellement où on dit que l'environnement, c'est l'eau, l'atmosphère, le sol ou toute combinaison de l'un ou l'autre ou, d'une manière générale, le milieu ambiant avec lequel les espèces vivantes entretiennent des relations dynamiques.

C'est la définition actuelle et nous y avons donné une définition un peu plus précise, mais quand même qui est limitée au niveau du degré de qualité environnement légale qui est celui de la loi et des règlements. Je pense que ceci devrait inciter les citoyens et tous ceux qui posent des gestes ayant des conséquences sur l'environnement à être plus responsables et respectueux de la loi.

Un peu plus loin, vous dites qu'il y a six millions d'inspecteurs au service de l'État. Je vais simplement corriger cette affirmation. J'ai parlé de six millions d'inspecteurs au Québec, non pas des inspecteurs au service de l'État, qui pourraient être des délateurs pour qui cela rapporterait quelque chose d'être un défenseur de l'environnement sur le plan mercantile, mais beaucoup plus des inspecteurs de l'environnement au service d'eux-mêmes et de la collectivité, de façon qu'ils se sentent impliqués parce qu'ils ont les possibilités de leurs objectifs.

Donc, si on veut responsabiliser les individus, il faut aussi leur donner des moyens. On ne peut pas donner à des gens uniquement une responsabilité, si on ne leur donne pas aussi une certaine autorité. Quand il s'agit de défendre la propriété privée, un individu a beaucoup de droits et de pouvoirs et il peut recourir à l'injonction, mais la défense unique de la propriété privée amène une attitude un peu égoïste du citoyen et de je-m'en-foutisme sur la chose générale, la chose sociale, la chose de l'État. C'est pour cela qu'en voulant agrandir les horizons des citoyens en leur permettant de réaliser que si le citoyen fait partie de la collectivité, cela lui donne le droit strict aussi de défendre le bien de la collectivité et l'intérêt de la collectivité, ceci, je pense, va agrandir les horizons et enlever ce je-m'en-foutisme trop souvent reconnu des citoyens qui ne s'occupent pas d'autre chose que de leur propre petite personne. On veut qu'il en soit de même pour défendre le droit à l'environnement que cela peut l'être pour le droit à l'entreprise privée ou le droit de la propriété privée.

Vous parlez aussi de l'augmentation des effectifs pour être plus efficace. Là-dessus, nous sommes bien d'accord avec vous. Le pouvoir accordé aux citoyens, vous dites, nous paraît inutile, nuisible et dangereux. Je dois vous dire que l'Association des hommes d'affaires du Michigan avait dit la même chose avant la loi en 1970. Maintenant, je pense qu'ils ne seraient pas d'accord pour enlever cette loi, puisqu'elle n'a pas apporté les effets dramatiques qui avaient été prévus par les hommes d'affaires qui, nécessairement, craignent toujours l'inconnu, craignent toujours des changements. C'est normal.

Je pense qu'il faut faire un pari pour une société qui veut devenir adulte, un pari pour les citoyens en balisant au départ les possibilités d'exagération. Je pense que la loi, actuellement, limite quand même le droit à l'injonction du citoyen à un acte illégal, et cela ne toucherait pas une industrie ou une compagnie qui serait en train de demander un permis. Cela ne permettra pas non plus une poursuite à quelqu'un qui est en train d'accepter un échéancier et une procédure d'implantation d'équipement antipollution chez lui. Donc, cela met à l'abri toute entreprise qui respecte les lois, les règlements et les certificats d'autorisation. Je pense qu'on n'a pas à craindre

le pouvoir accordé aux citoyens et que c'est une soupape de sûreté placée dans la loi, qui est très importante. Cela permet peut-être à toutes les entreprises qui pourraient indécemment ou insouciamment vouloir poser des gestes qui contreviennent à l'environnement de savoir qu'il y a des citoyens autour qui ont l'intention de voir à ce que ces lois soient respectées. (17 h 45)

Vous parlez des études d'impact et des audiences publiques qui entraîneront des délais et des coûts. Je dois vous dire qu'on vise surtout la planification écologique, c'est-à-dire une qualification qui tienne compte, non seulement des considérations économiques, mais aussi écologiques. On veut, de plus en plus, éviter qu'on oppose le développement économique au développement écologique, qu'on oppose des emplois à la question d'une qualité de vie et qu'on n'arrive pas avec des affirmations un peu farfelues qu'on doit avoir un choix entre un travailleur malade ou un chômeur en santé. Je pense qu'il y a une grande différence entre ces deux objectifs. Il faut qu'on mette ensemble un développement écologique et économique qui ne s'opposent pas l'un contre l'autre et qu'on soit assuré que le fait de protéger l'environnement n'amène pas des coûts improductifs. Bien sûr, les études d'impact vont coûter quelque chose, mais on estime le coût des études d'impact à un maximum de 1% et même moins que cela. D'autres études amènent jusqu'à 0,7% du coût total des investissements du projet. Donc, je pense que le coût des études d'impact ne devrait pas entrer en ligne de compte, puisque ce coût, qui devrait être assumé par celui qui peut détériorer l'environnement, va peut-être permettre d'éviter des coûts dix fois plus élevés à la collectivité qui devra payer, sous forme de taxes, toute l'agression qu'il y a eu contre l'environnement et qui devra payer, sous forme de taxes, plus tard, un coût de dépollution qui provient d'un oubli ou d'une insouciance des générations passées.

Vous parlez des études de coûts-bénéfices. Je pense qu'il ne faut pas oublier qu'on parle souvent du produit national brut. De plus en plus, on parle aussi du bonheur national brut. Les citoyens ne sont pas là uniquement en vue de faire des profits. Il faut qu'ils soient capables de jouir de ces profits et d'avoir un environnement dans lequel il sera plaisant pour eux d'avoir fait des profits et les dépenser à bon escient avec la nature qui restera autour. Les coûts pour la santé sont des choses importantes dont il faut tenir compte au niveau du coût des études d'impact et de la protection de l'environnement. Les scientifiques s'entendent pour attribuer à l'environnement la cause d'environ 80% des cancers, sans parler des maladies industrielles. On pourrait aussi mentionner une grande partie des maladies respiratoires.

On doit parler aussi des coûts de traitement ou de dépollution pour des ressources naturelles indispensables à l'homme; par exemple, l'eau potable. Il faut des investissements exceptionnels, exorbitants dans des usines de traitement et d'ap- provisionnement, parce qu'on n'a pas eu, dans le passé, la responsabilité de prédire les détériorations que nous vivons aujourd'hui, les coûts pour nettoyer l'environnement, en récupérer les usages. Exemples: les mines qui ont été abandonnées avec des montagnes de résidus toxiques, les lacs et les rivières qui ont été pollués et saccagés avec des déchets et des résidus industriels. Ce sont des coûts que la société québécoise devra payer plus tard et dont on devrait aussi tenir compte quand on parle de coûts sociaux.

La perte de nos richesses naturelles est encore un aspect bien important. L'homme, aujourd'hui, a la capacité de détruire en quelques jours ce que la nature a mis des centaines d'années à faire. Du côté des coûts, bien sûr que cela entraînera des dépenses très élevées, mais quand on parle des coûts pour les industriels, par exemple, il est faux de ne parler que de coûts improductifs. D'abord, cela suppose souvent la modernisation des équipements. Dans l'augmentation de la productivité, par exemple, dans le secteur des pâtes et papiers, il y a là un investissement de près de $450 millions de dollars qui ont été prévus sur un total de $1 200 000 000 pour des équipements antipollution, mais cela contribuera à la modernisation des équipements. Donc, en même temps, cela ramènera des revenus et des profits aux entreprises, mais on aura réglé un problème d'environnement qui a des conséquences sur des gens qui subissent les désavantages du développement économique.

Ensuite, je pense que cela va souvent permettre la réutilisation et le recyclage de déchets ou résidus qui étaient purement et simplement jetés dans la nature. Ce type d'activité commence d'ailleurs à devenir de plus en plus rentable et la concurrence est très forte entre les récupérateurs.

Aux États-Unis, on a diminué de 0,4% le taux de chômage à cause des mesures environnementales puisque la préoccupation et l'industrie des matières antipollution ou des équipements antipollution ont créé 400 000 emplois. Il arrive souvent, aussi, que les dépenses qu'on va faire dans ce domaine prolongent la vie des équipements. Exemple: l'industrie qui s'approvisionne en eau a tout intérêt à ce que cette eau ne soit pas trop corrosive parce que son équipement pour aller chercher son eau potable ou l'eau pour l'industrie peut lui coûter plus cher du fait que l'eau qui aurait été polluée détériorerait complètement les tuyaux qui lui amèneraient cette eau.

Ajoutons aussi la création d'emplois par des activités reliées à la qualité de l'environnement. Je pense, par exemple, que pour chaque million investi dans la dépollution des eaux, on crée 13 emplois directs et environ 21 emplois indirects. On a commencé à dire que l'environnement peut devenir une mesure intéressante et productive au niveau des emplois. Vous parlez souvent du fait que les compagnies ont investi des sommes considérables pour se conformer aux exigences de la loi actuelle. Les chiffres que vous citez sont probablement exacts, et pourtant, malgré les dépenses faites par les industries, on estime que la

grande majorité des industries du Québec ne se conforment pas à nos normes et que des programmes d'envergure devront être entrepris pour y arriver. Si les coûts sont élevés pour les industries, c'est qu'elles jouent un rôle important dans la pollution.

La pollution de l'air. À l'heure actuelle, les procédés industriels émettent 72% des matières particulées et 70% de l'anhydride sulfureux. Dans la majorité des grandes villes industrielles du Québec, les problèmes de la qualité de l'air ambiant sont reliés à des sources industrielles. Exemples: Montréal-Est, un comté que je connais fort bien, avec ses raffineries de pétrole, ses carrières et ses industries chimiques et pétrochimiques; Shawinigan avec ses alumineries et ses industries chimiques; Sorel, Tracy et Contrecoeur avec leurs fonderies et leurs aciéries.

Le domaine de la pollution de l'eau. Les activités industrielles sont responsables en quasi-totalité de la pollution chimique. Au niveau de la pollution organique, des matières en suspension, la DBO, en matière nutritive, même si les citoyens contribuent pour beaucoup, l'industrie reste encore la principale cause. Exemple: les usines de pâtes et papiers polluent pour l'équivalent d'une population de 18 millions d'habitants alors que les productions animales, au niveau seulement des matières organiques, polluent pour 35 millions, les industries laitières pour 2 500 000. Le Saint-Laurent, l'Outaouais, le Saint-François, la Chaudière sont des cours d'eau spécialement affectés par les activités industrielles.

La pollution du sol. 75% des déchets solides, comme je le disais tantôt, proviennent des activités minières, alors que 18% proviennent de source agricole et 2% d'autres activités industrielles. Les industries font donc largement leur part du côté du volume des déchets; de plus, ils contiennent souvent des substances toxiques dont l'effet est durable. Tous ces chiffres, j'espère, justifient notre prétention qu'il est normal que les industries assument leurs responsabilités environnementales. Ajoutons que l'industrie peut bénéficier de l'aide gouvernementale quand elle investit dans des équipements antipollution et que les mesures fédérales d'incitation fiscale représentent 25% des dépenses. Le gouvernement du Québec a, lui aussi, des mesures par des programmes spéciaux à l'intérieur de différents ministères; au ministère des Transports du Québec, les usines de béton bitumineux; au ministère des Terres et Forêts, les usines de pâtes et papiers. Les coûts sont donc récupérables en partie par l'aide gouvernementale. Les industries peuvent même, à l'intérieur des coûts d'équipement antipollution, retirer, dans les deux années qui suivent les investissements, à l'intérieur de leurs profits, des sommes d'argent au moins pour la moitié des coûts que pourraient leur occasionner des équipements antipollution.

Je pense qu'il faut aussi retenir les objectifs du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement qui n'est pas un tribunal populaire. L'expérience a montré qu'il est facile de l'utiliser à des fins autres qu'environnementales, comme vous dites, mais je pense que le Bureau d'audiences publiques n'est ni un tribunal, ni une régie. Il n'a pas de pouvoir décisionnel, ni même de pouvoir de recommandation. La chambre de commerce se dit heureuse de cette mesure, mais le Conseil du patronat lui-même se dit d'accord avec le principe de tenir des audiences publiques. Alors, quels sont ces pays équipés d'un bureau d'audiences publiques sur l'environnement qui se transforme en tribunaux populaires? Je me pose la question. Je pense que les mesures que nous avons mises là ont pour objectif de rendre le citoyen participant à la gestion de son environnement. Nous avons mis des balises pour éviter qu'il n'y ait des exagérations et je pense que vous devriez, comme nous, faire le pari que pourvu qu'on informe le citoyen, qu'on lui donne les moyens de décoder les mesures techniques ou les discussions ou les affirmations des spécialistes les décoder pour comprendre ce qu'elles veulent dire qu'on lui permette aussi de s'exprimer, de recoder cela pour que les spécialistes comprennent son point de vue, peut-être que les deux groupes pourront se comprendre au niveau d'une audience publique.

Le Président (M. Laplante): Avez-vous des remarques?

M. Dufour: Les remarques seront très brèves parce que, finalement, on reprendrait l'argumentation à l'inverse. Une des premières constatations qu'a faites le ministre a été de dire que l'objectif du gouvernement était de protéger le petit. Ce n'est pas tout à fait notre conception du gouvernement. Le gouvernement est là pour essayer de jouer avec les différents objectifs que se donnent les différents groupes dans la société. Il a à pondérer tout cela et à présenter une législation qui tient compte des préoccupations de l'ensemble des citoyens.

M. Léger: Je dois quand même corriger. J'ai dit: le ministre de l'Environnement a cette préoccupation, parce que les autres ministres ont l'ensemble des préoccupations des gouvernants.

M. Dufour: Oui, mais le ministre fait partie d'un Conseil des ministres et exprime une politique gouvernementale. De toute façon, je pense qu'il y a une réaction assez négative de la part du ministre à notre mémoire. Je ne sais pas si c'est une certaine forme de conditionnement, mais en ce qui concerne le Bureau d'audiences publiques et les études d'impact, je pense qu'on est beaucoup plus positif que le ministre le laisse voir. On accepte des principes, on tente de baliser, justement, l'affaire pour en arriver à éliminer certains des coûts, dont vous-même, M. le ministre, vous parlez.

Il y a peut-être deux ou trois corrections que je voudrais apporter aussi. Quand vous dites: D'autres groupes patronaux ont accepté l'idée des poursuites pénales, bien, vous ne retrouvez pas dans notre mémoire qu'on s'oppose à cette dispo-

sition de la loi. Et on est au fait, aussi, qu'il y a d'autres provinces où c'est déjà prévu. Il y a ce genre de vérifications qu'il faudrait sûrement faire, purement au niveau des faits, dans notre mémoire.

Mais, notre problème le plus important dans tout le débat, c'est la question de l'injonction, et cela, je pense qu'on ne peut pas passer à côté. L'injonction, vous ne l'inventez pas, dans le projet de loi 69, cela existe. Il ne s'agit pas de remettre en cause le principe de l'injonction, cela existe déjà dans le Code de procédure civile. Il s'agit tout simplement de savoir quelle instance va prendre un tel type d'injonction. Quant à nous, au moment où, dans d'autres ministères gouvernementaux, notamment au ministère du Travail, on s'interroge, justement, sur la valeur des injonctions dans d'autres domaines, on peut, au moins, nous permettre de nous interroger, ici, sur une nouvelle orientation.

L'autre question — et là on pourrait l'adresser au ministre — c'est qu'aujourd'hui on a un droit qui nous est, semble-t-il, donné par cette loi, un droit fondamental à la qualité de l'environnement. Pour faire appliquer ce droit fondamental, on a une ouverture à l'injonction. Est-ce qu'on peut dire que demain, dans d'autres domaines où il y a des droits aussi fondamentaux, tous ceux qui sont couverts par la Charte des droits et libertés de la personne, par exemple, notamment le droit à la santé, on peut escompter que les citoyens, la population auront un recours possible en injonction? Finalement, dans quelle société on s'oriente au moment où, au niveau d'un droit, on donne ce type de recours?

Le Président (M. Laplante): M. le député D'Arcy McGee. Maintenant, est-ce que les membres de la commission sont d'accord pour continuer quelques minutes, parce que M. Dufour m'a signalé qu'il ne pouvait pas être ici passé 6 heures.

M. Goldbloom: M. le Président, je n'ai certainement pas d'objection, mais quant à moi, je n'en ai que pour deux minutes, de toute façon.

Je voudrais attirer votre attention, M. Dufour, à la page 8 de votre mémoire. En haut de la page, il y a deux recommandations que fait le Conseil du patronat et la première se lit comme suit: "Que le projet de loi cerne de plus près le type de projets ou de programmes qui peuvent faire l'objet de discussions en audiences publiques". Pourriez-vous brièvement me donner une idée des projets que vous trouveriez convenables et des autres qui, à votre point de vue, au point de vue du Conseil du patronat, devraient être exemptés du processus d'audiences publiques?

M. Dufour: M. Drouin.

M. Drouin (Claude): Je crois, M. le Président et M. le député, que là-dessus il faudrait se limiter à des projets en fonction de l'investissement qui est concerné et aussi en fonction des effets qui résultent de l'investissement. Faire une liste exhaustive de tout ce qui peut rentrer là-dedans, évidemment en parlant de mon secteur, c'est que nous avons déjà dit que nous sommes d'accord avec les études d'impact pour nos projets miniers en général. Nous sommes d'accord avec cela.

Dans toute grosse industrie sidérurgique où il y aurait peut-être des émissions atmosphériques qui peuvent s'étendre assez loin, c'est encore la même chose. Je ne sais pas si réellement c'est à nous de vous donner une liste complète de tout ce qui rentre là-dedans — vous me prenez un peu au dépourvu pour faire une liste de ce genre. Je vous suggérerais que vous dressiez une liste. Justement, dans vos cas de révisions de projets de règlements, on vous dira si cela convient. Les peintures tout à l'heure, on a dit qu'on était d'accord avec ce genre d'études d'impact. Je suis convaincu que les corridors de transport, question des routes, il n'y a pas de problème à ce sujet; il n'y aura pas d'objection à s'embarquer dans ce genre de projet. Mais dans les petits projets, par exemple, une scierie, je me demande s'il y a lieu de faire une étude d'impact pour une scierie. Une carrière: évidemment, cela dépend où elle est située; ce n'est pas le même genre d'étude d'impact qu'on va faire si elle est faite le long de la route de la baie James ou si c'est fait en plein centre de Montréal. Il y a des dimensions à reconsidérer dans tout cela.

Je ne sais pas si j'ai le droit de prétendre pouvoir vous donner une réponse complète à votre question, M. le député, actuellement. (18 heures)

M. Dufour: Je peux peut-être ajouter à cela, M. le député, que, quand on a préparé notre mémoire, c'était au mois d'août au moment où on n'avait aucune connaissance du contenu éventuel de l'article 31a. Il faut dire que depuis, en fin de semaine, le ministre Léger a commencé à baliser l'article 31a. Là, on sent tout de suite qu'il y a certains secteurs qui ne sont pas concernés par les études d'impact. Notamment, cette affirmation est faite devant GM hier après-midi. Il reste, par ailleurs, que même dans le projet de règlement qui a été un peu dévoilé samedi, les mots sont encore très généraux quand on parle de construction ou quand on parle de mines et qu'à l'intérieur de cela, nous, notre principe, c'est la recherche de l'intérêt général.

M. Goldbloom: M. Dufour et M. Drouin, ce n'est pas dans mon esprit de vous demander de fournir une liste. Par contre, il faut avoir des critères. Si vous demandez au législateur de faire en sorte que la loi cerne de plus près le type de projet, il faut rédiger un article de loi qui atteint cet objectif. Ce n'est pas une critique désobligeante que je fais en suggérant que souvent des opinants qui viennent devant une commission parlementaire proposent un texte alternatif pour un article du projet de loi.

Je suis convaincu que si vous arriviez la semaine prochaine avec une proposition quant à un nouveau texte qui répondrait à votre objectif, le ministre ne refuserait pas de le regarder et de l'étudier avec ses conseillers juridiques.

Mon autre question concerne la dernière partie de ce même alinéa où le Conseil du patronat demande que toute personne ou municipalité qui requiert la tenue d'une audience publique soit obligée de prouver un intérêt suffisant. Vous savez, dans la loi, on voit souvent le mot "peut". Le ministre peut décréter la tenue d'audiences publiques. Le ministre peut procéder à une enquête, ayant reçu une demande en ce sens. Souvent, des opinants disent: Au lieu de "peut", on devrait écrire "doit". Quand on écrit "doit", on place le ministre à la merci de toute personne qui peut être de mauvaise foi, être un illuminé ou n'importe quoi. Il faut laisser une certaine discrétion, et cette discrétion me paraît être exprimée dans le texte de loi tel que rédigé.

J'aimerais vous demander, là aussi, si vous pouvez me donner une ébauche de définition d'"intérêt suffisant". Quel serait un intérêt suffisant qui justifierait que le ministre accorde la tenue d'une audience publique et quel serait un intérêt insuffisant qui devrait mener le ministre à rejeter la requête?

M. Dufour: Sur la distinction que vous faites entre peut et doit dans la loi, je pense que nous sommes d'accord là-dessus. Il s'agit tout simplement d'incorporer dans cet article du projet de loi où on dit que le ministre "peut" l'idée d'intérêt suffisant. C'est déjà une notion de droit qui est connue et qui est affichée, qui d'ailleurs est un des points d'appui lorsqu'on demande justement une injonction. C'est parce qu'on a parlé jusqu'à un certain point cet après-midi, à deux occasions dans des mémoires, du pouvoir discrétionnaire du ministre. Dans ce cas-ci, c'est peut-être un des pouvoirs discrétionnaires du ministre qui s'accepte. Mais il faudrait que lui aussi soit cerné et justement que dans la loi on ajoute la notion d'intérêt suffisant. Et, pour les juristes, je pense que c'est clair.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président. Une simple remarque, d'abord, au point de départ, en ce qui concerne certains propos tenus par M. Dufour. Je pense que vous avez touché un principe assez fondamental, celui du recours direct du citoyen dans les circonstances prévues par la loi-cadre. Vous avez tracé une analogie possible avec le même principe qui pourrait ou devrait prévaloir en ce qui concerne le citoyen touché d'une façon ou l'autre à quelque autre niveau que ce soit de la vie d'une collectivité. Vous avez donné l'exemple du citoyen par rapport à la santé. Est-ce qu'on ne devrait pas, par la même occasion, reconnaître ce recours direct au citoyen qui se voit lésé dans sa demande de soins de santé, par exemple? Est-ce que c'est moins vital que d'être lésé au niveau de l'environnement lorsqu'il y a une mésentente avec un voisin pour une façon d'organiser son arrière-cour?

Je caricature un peu, mais vous avez quand même touché un point fondamental qui mériterait peut-être d'être discuté beaucoup plus en profondeur ici. C'est pour cela que je fais simplement rappeler, souligner l'intérêt que personnellement je porterais à ce point particulier. La discussion pourrait être fort longue à ce sujet et on aura d'ailleurs à revenir, je pense, sur le bien-fondé de l'ensemble de cette question. J'aurai simplement, à ce stade-ci, une question que j'adresserai au ministre en me référant au document qui a été présenté par le Conseil du patronat du Québec, à la page 8, où, dans l'aspect administratif, on indique un chevauchement possible en ce qui concerne les autorisations à donner, par exemple, au niveau de l'autorisation du Conseil des ministres ou du côté du directeur, où cela peut être requis de l'un ou l'autre ou des deux, dans certains cas. J'ai vérifié dans le mémoire plus complet présenté également par le Conseil du patronat et on ne semble pas assuré que, dans le libellé de la loi, ce soit directement inclus, mais on craint qu'à certaines occasions, la loi ne soit pas suffisamment claire, de sorte qu'on puisse arriver, à un moment donné, à des situations ambiguës où on doive avoir recours aux deux autorités pour avoir l'autorisation. Est-ce que le ministre peut faire le point sur ce point particulier qui a été soulevé et nous indiquer, en même temps, quelle est son intention en ce qui concerne ce point?

M. Léger: En général, la décision concernant les certificats sera une recommandation du ministre au Conseil des ministres, de façon qu'on puisse avoir l'arbitrage de tous les responsables de tous les aspects du développement d'un État. Donc, non seulement l'environnement qui, lui, sera présenté par le ministre de l'environnement, mais les autres ministres qui ont aussi à voir à d'autres préoccupations qui sont économiques ou d'autres types qui vont faire l'arbitrage. Il s'agira parfois, par exemple — ce sera précisé par règlement — de cas où la décision du Conseil des ministres devra être vérifiée par le directeur pour s'assurer que la réalisation du projet est conforme à la décision du Conseil des ministres. Ce sera une surveillance par la suite. Je voudrais en profiter peut-être, puisqu'on me pose une question, pour répondre à une autre question qui m'a été posée en même temps.

Le Président (M. Laplante): Êtes-vous capable de faire cela en 30 secondes, M. le ministre, s'il vous plaît?

M. Léger: En 30 secondes, à peu près, oui. La loi que nous présentons, contrairement à la loi américaine, sera beaucoup plus précise et beaucoup plus sécuritaire pour les investisseurs. Dans la loi américaine, on prévoyait qu'il y aurait des études d'impact pour tous les grands projets, projets majeurs qui n'étaient pas définis, alors que nous, dans le règlement, il y aura une définition précise, directe et bien déterminée des types de projets qui seront susceptibles de nécessiter une étude d'impact au préalable. Comme ces projets

seront expliqués à l'intérieur du règlement, il y aura quand même une période de 60 jours pour permettre à des organismes comme le vôtre de regarder cela et de nous apporter votre éclairage pour qu'on soit certain que le règlement qui sera en vigueur correspond autant aux préoccupations du domaine de développement économique que de la protection de l'environnement.

Je voudrais terminer en vous disant... il me reste encore quinze secondes, à ce qu'il paraît?

Le Président (M. Laplante): C'est passé.

M. Léger: Je suis très heureux des dernières remarques de M. Dufour, parce que la collaboration entre votre organisme et le ministère de l'environnement est essentielle. Quand je disais tantôt que le ministre responsable de l'environnement devait s'occuper de celui qui semblait démuni, le citoyen, c'était justement parce que je situe le citoyen comme le centre qui subit les avantages et les désanvatages d'un environnement sain ou d'un environnement qui a été agressé. Donc, je me dois de l'aider mais en collaboration avec ceux qui ont, aussi, une préoccupation du développement économique.

Je veux qu'on termine en s'assurant que la collaboration sera pour le meilleur intérêt du Québec, aussi bien pour son progrès économique qu'écologique.

Le Président (M. Laplante): II me reste, Mme Laliberté, M. Drouin, Mme Chaperon, M. Gaudette, M. Dufour, à vous remercier pour votre participation à cette commission. Les travaux sont suspendus à ce soir, vingt heures, avec comme premier groupe l'Association des biologistes du Québec.

(Suspension de la séance à 18 h 11)

(Reprise de la séance à 20 h 15)

Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous plaît! Regagnez vos sièges, s'il vous plaît. Est-ce que ce monsieur est un député?

Association des biologistes du Québec

Maintenant, j'appelle l'Association des biologistes du Québec. Monsieur, identifiez votre organisme vous-même et les membres qui vous accompagnent pour les fins du journal des Débats.

M. Dupont (Michel): Messieurs les membres de la commission, l'Association des biologistes du Québec regroupe quelque 500 professionnels de la biologie, tous préoccupés, dans un domaine ou dans un autre, de la protection de la qualité de l'environnement. J'agis moi-même comme procureur de l'association; mon nom est Michel Dupont. J'ai avec moi, ce soir, à mon extrême droite, le président de l'association, M. Jean Burton, de même que le vice-président de l'association, M. Michel Cantin.

L'Association des biologistes tient d'abord à faire part de sa satisfaction en regard des modifications proposées par le projet de loi 69 et considère qu'il s'agit là d'une étape importante dans le processus visant à assurer la qualité de l'environnement. Beaucoup d'autres problèmes demeurent cependant sans solution et nous osons, en conséquence, espérer que ce projet de loi sera bientôt suivi par d'autres.

L'Association seconde particulièrement le ministre lorsqu'il propose la reconnaissance officielle du droit à la qualité de l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes. Elle est également heureuse de constater qu'on fait franchir à cette déclaration de principe le stade de voeu pieux en mettant à la disposition du citoyen le recours en injonction et la possibilité d'entamer les procédures civiles et pénales.

La section prévoyant la création du bureau d'audiences publiques vient renforcer ce souci de rendre la recherche de la qualité de l'environnement accessible au citoyen en lui permettant non seulement de faire valoir ses droits devant les tribunaux, mais surtout d'exprimer régulièrement son opinion auprès du ministre chargé d'appliquer cette loi. Enfin, nous approuvons les contrôles additionnels dont le projet de loi fait mention, dont, et de façon non limitative, la nécessité de procéder à une étude d'impact dans les cas qui seront fixés par règlement et l'augmentation du montant des amendes en cas de contravention.

Nous avons cependant noté un certain nombre de lacunes dans le projet de loi et croyons également que cette occasion devrait être utilisée pour corriger quelques autres déficiences dans la législation actuelle. Comme nos commentaires sous cette rubrique apparaissent de façon détaillée dans la seconde partie de ce mémoire, nous nous contenterons d'en souligner les éléments les plus importants, lesquels ont été regroupés sous quatre titres.

Premièrement, quant aux définitions, deux termes, ceux de "environnement" et de "polluant" nous sont apparus incomplets dans la signification que leur donne la loi et doivent, à notre point de vue, être modifiés dès maintenant. On réalise en effet, que la définition de "environnement" ne rencontre ni le sens scientifique, ni même le sens populaire car n'y sont pas incluses les espèces végétales et animales. Puisque la loi vise clairement à assurer la qualité tant du milieu physique que des organismes qui y vivent, le terme "environnement" devrait recevoir tout le sens qu'on lui reconnaît. Un tel amendement, en plus d'éviter de traiter sur deux plans des éléments qui n'en font qu'un, permettra de corriger des lacunes graves. Il en est ainsi des certificats d'autorisation qui, avec la définition actuelle, ne seraient pas nécessaires si la modification à l'environnement ne portait que sur des organismes vivants.

Quant à l'expression "polluant" ou "pollution", elle fait abstraction de toutes ces interventions physiques qui n'ont d'autre trait commun avec les contaminants que celui de résulter en une dégradation de l'environnement aussi importante qu'irréparable. Aussi, est-il urgent qu'on vienne

procurer à ceux qui ont la responsabilité de la qualité de l'environnement les moyens de contrôler et d'enrayer non pas quelques sources de pollution, mais toutes.

Deuxième commentaire, sur le Bureau d'audiences publiques. À l'examen, ce bureau se révèle bien plus un organisme d'enquête que d'audiences publiques. Or, nous comprenons mal que le rôle du bureau soit limité à livrer ses constatations. Nous estimons que, sur les sujets qui lui seront confiés, le bureau devrait avoir le pouvoir de soumettre des recommandations.

L'association s'interroge également sur les relations qu'entretiendront le Bureau d'audiences publiques et le Conseil consultatif de l'environnement et soumet que le projet de loi devrait apporter les précisions nécessaires sur leurs sphères d'activités respectives.

Troisième point, les recours des citoyens. Puisque l'on reconnaît à toute personne le droit à la qualité de l'environnement, l'association ne s'explique pas comment on peut en limiter l'exercice aux seuls individus et, qui plus est, à ceux-là seuls qui se qualifieront en fonction du critère de résidence énoncé dans le projet de loi.

Nous considérons injustifiables ces restrictions qui viennent empêcher le citoyen de s'assurer aujourd'hui de l'intégrité d'un endroit que lui-même ou ses enfants occuperont peut-être demain, qui viennent soustraire au recours en injonction ces territoires du nord encore peu ou pas habités et éliminer également la participation de toutes ces organisations dont la majorité s'intéresse souvent plus que le citoyen pris individuellement au maintien de la qualité de l'environnement.

Quatrième point, sur les études d'impact. En tant que directement impliqués dans ces études, les biologistes ne s'expliquent pas la discrétion qui est laissée au ministre quant au choix d'une étude préliminaire ou détaillée. Comme principe, l'association soumet qu'aucune autorisation ne devrait être accordée à un projet qui n'a pas fait l'objet d'une étude d'impact rigoureuse et qu'en aucun cas on ne devrait se contenter de ce que le projet de loi appelle l'étude préliminaire. Nous n'admettons pas non plus qu'on puisse, en cours d'application, soustraire à l'étude d'impact des projets que, par règlement, on aura à l'origine considérés comme nécessitant une telle étude. Aucun pouvoir discrétionnaire ne devrait être conféré sur cette question, pas plus qu'il n'est justifiable de permettre que certains contaminants soient soustraits des exigences posées par la réglementation.

Enfin, nous croyons que la section sur les études d'impact risque d'être inapplicable aux projets de moyenne et grande envergure qui seront mis en oeuvre dans les prochaines années. Les critères de planification et de conception proposés à l'article 31f sont beaucoup trop élastiques et permissifs et devraient plutôt être remplacés par la notion de réalisation physique.

En conclusion, l'association se permet d'insister pour que les dispositions du projet de loi 69 ne demeurent pas lettre morte faute de réglementation appropriée et espère que le ministre fera diligence pour que soient adoptés dans les meilleurs délais les règlements qui viendront se greffer à la loi, dont celui relatif aux études d'impact.

De façon plus générale, nous soumettons que les objectifs poursuivis par la Loi de la qualité de l'environnement ne peuvent être efficacement rencontrés que par la centralisation des responsabilités en matière de protection des ressources. Ce processus, d'abord applicable à des domaines particuliers tels les espaces verts, devrait déboucher sur la création d'un véritable ministère de l'environnement qui, nous l'espérons, fera l'objet du prochain projet de loi.

J'aimerais aussi, messieurs les membres de la commission, demander que la deuxième partie du mémoire soit reproduite dans le journal des Débats.

Le Président (M. Laplante): Je ne crois pas qu'il y ait d'objection de la part des membres pour la reproduction de la deuxième partie du mémoire. Chose acceptée, monsieur. (Voir annexe B). M. le ministre, avez-vous des commentaires ou des questions?

M. Léger: Je veux vous remercier d'abord de votre mémoire ainsi que du sérieux et de l'intérêt que votre association porte à tous les projets et toutes les batailles de l'environnement. Je sais que vous avez été d'une utilité extraordinaire dans une bataille qui semblait un peu perdue à l'occasion de la préservation de la ouananiche du lac Saint-Jean. Les données que vous avez fournies ont certainement aidé à comprendre l'importance de ce qu'il fallait sauver là-bas. Je profite de cette première occasion pour vous le dire.

Le rapport que vous présentez amène quand même certaines questions de ma part. Vous parlez de la définition de l'environnement qui devrait inclure les espèces végétales et animales. Quand on parle d'espèces vivantes, selon vous, cela ne comprendrait pas les espèces végétales et animales?

M. Dupont: Non, je pense que la question n'est pas là.

Selon la définition même d'environnement, on donne, comme définition d'environnement, l'eau, l'atmosphère et le sol ou toute combinaison de l'un ou de l'autre ou, d'une manière générale, le milieu ambiant avec lequel les espèces vivantes entretiennent des relations dynamiques. Alors, ce n'est pas le milieu physique avec lequel les espèces vivantes ont un lien mais cela comprend également les espèces vivantes elles-mêmes, substances vivantes s'appliquant aux espèces animales et végétales.

M. Léger: Dans l'article 19a, étant donné qu'on redéfinit un peu, on dit que toute personne a droit à la qualité de l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes qui l'habitent. Même là, cela ne suffirait pas. Vous voulez l'avoir dans la définition du début de la loi comme telle.

M. Cantin: On voudrait que ce soit repris dans

la définition de l'environnement parce qu'on s'est rendu compte, à la lecture du projet de loi 69, que le législateur se sentait obligé de répondre à cette déficience en ajoutant, à plusieurs reprises: "... et des espèces vivantes", à deux ou trois reprises. Plutôt que d'amener cette notion d'espèces vivantes à deux ou trois endroits et la négliger à d'autres endroits, on voudrait que ce soit tout simplement inclus dans la définition d'environnement.

M. Léger: D'accord. Un peu plus loin, vous dites que le bureau d'auditions devrait avoir des pouvoirs de recommandation. Comme je l'ai répété plusieurs fois aujourd'hui — vous étiez probablement présents — notre objectif, c'est de faire de ce bureau des enquêteurs qui vont être l'oreille du ministre, capables de rapporter le plus fidèlement possible les impressions des citoyens. On ne voudrait pas qu'il arrive une sorte de pouvoir dans le pouvoir qui apporte des recommandations qui ne correspondraient pas nécessairement à l'opinion des citoyens. Cela pourrait devenir un genre de petit tribunal qui ferait que le ministre, par la suite, pourrait publier des recommandations qui ne tiendraient pas compte des implications politiques, financières et autres dont le bureau n'a pas la préoccupation et la connaissance administrative. Comme c'est lui qui est élu, il doit rendre compte de son administration; c'est l'élu, le ministre du Conseil des ministres. On préfère que ce soit plutôt un organisme qui nous apporte le plus fidèlement possible, d'une façon synthétique, l'opinion réelle des citoyens sans la distorsion possible d'une opinion générale de l'organisme.

Toutefois, on n'est pas fermés à l'idée de cette éventualité, mais je pense qu'au moins une expérience doit être vécue afin de permettre aux différents acteurs sociaux de se familiariser avec la nouvelle procédure. Peut-être qu'on pourrait corriger cela, à la longue, voyant les avantages et les inconvénients de la formule mise de l'avant. D'un côté, il y a une différence avec le Conseil consultatif, où nous voulons qu'on évite le dédoublement des responsabilités en se mêlant à des dossiers opérationnels.

Étant jusqu'à un certain point représentatif de la population, il est très avantageux que le Conseil consultatif, où siègent des personnes qui représentent des couches de la société de régions différentes et de disciplines personnelles différentes, puisse donner, de son initiative ou sur demande, des avis au ministre en matière d'environnement. On veut surtout qu'il s'habitue à préparer une perspective de politique globale à long terme, qu'il développe ainsi cette habitude de conseiller le ministre sur les grandes politiques de l'environnement. Il est aussi question qu'il devienne un interlocuteur privilégié en matière réglementation sur l'environnement, de façon qu'avant même qu'un règlement soit présenté dans la Gazette officielle, on puisse, grâce au Conseil consultatif de l'environnement, vérifier auprès des gens qui vont être impliqués leur opinion grâce à cet organisme qui est paragouvememental.

En gros, c'est un peu ce qu'on veut mettre de l'avant. Vous dites quand même que l'article 31f ne devrait s'appliquer que pour les projets ou activités déjà en cours de réalisation physique. Je pense en effet que votre demande pourrait être retenue, sinon il y a peut-être un risque qu'on exclue un très grand nombre de projets de l'article 31. Je pense que vous nous avez apporté un éclairage intéressant là-dessus. Vous dites que le règlement et les études d'impact devraient être adoptés avec diligence. On est d'accord là-dessus. On est pratiquement prêt, sauf qu'on voulait voir les implications et les réactions des citoyens sur les principes de la loi, et, nous basant dessus, apporter les correctifs voulus dans le règlement.

Il y a une question que j'aimerais vous poser. Vous êtes d'accord, d'après votre mémoire, mais vous avez quand même eu l'occasion d'entendre des organismes qui défendent des intérêts économiques ou d'autres sortes d'intérêts dans la société et dont certains s'opposaient à la procédure d'injonction, au droit d'injonction, ou manifestaient surtout des réticences par rapport aux études d'impact et à la consultation publique. Autrement dit, comme c'est nouveau de donner un pouvoir réel à des citoyens, il est normal que certains organismes qui sont habitués de jouer dans ce domaine facilement parce qu'ils en ont la possibilité financière et technique, étant au centre des connaissances de ce milieu, craignent un peu que les citoyens ne soient peut-être pas aussi à la hauteur. Qu'est-ce que vous pensez des réactions de certains organismes qui parlaient de cette crainte que cela ne dégénère un peu de façon anarchique et qui disaient qu'il pourrait y avoir des exagérations de la part des citoyens si on leur donne des pouvoirs?

M. Burton (Jean): Je pense que c'est tout à fait normal — disons, les promoteurs, ou les gens qui jusqu'à maintenant ont fait fi d'une façon régulière des objections pouvant venir des citoyens ou de groupes représentatifs oeuvrant dans le domaine de l'environnement, ces promoteurs, appelons-les sous ce vocable, ont raison à ce stade-ci de craindre que des pouvoirs accrus mis dans les mains des citoyens puissent dégénérer dans des procédures qui causeraient des retards. (20 h 30)

Dans leur esprit, c'est normal qu'on s'attende à cette réaction. Mais, pour nous, nous avons bien précisé dans notre mémoire que non seulement nous sommes d'accord pour que ce soit les citoyens de la municipalité ou les citoyens résidents qui puissent disposer de ce pouvoir, non seulement eux, mais tous les citoyens du Québec et pas uniquement les personnes physiques, mais aussi les groupes préoccupés par l'environnement. Si on confie à la conscience populaire, si vous voulez, la protection de l'environnement, je ne pense pas qu'on aboutisse à un tollé général et à l'encombrement des cours de justice pour des causes de pollution ou de contraventions à la loi de l'environnement. Les gens craignent. C'est normal. L'appréhension vient peut-être du fait

qu'on n'a pas encore de règlements. C'est une loi-cadre. On n'a pas suffisamment défini les mécanismes. On peut s'attendre qu'il y ait des appréhensions au niveau des promoteurs. Pour notre part, nous sommes conscients que ce pas, de confier aux citoyens la protection de l'environnement, c'est un pas énorme et c'est une lourde responsabilité qu'on leur confie. Comme vous avez pu le voir dans notre mémoire, on insiste sur le fait que le critère de résidence ne soit pas retenu et que ce ne soit pas, non plus, que les personnes physiques qui puissent jouir de ce droit à la qualité de l'environnement, mais aussi les associations et les personnes morales.

M. Léger: Je pense bien manifester une certaine ouverture vis-à-vis des personnes morales. On va voir comment on peut l'inclure. J'aimerais vous poser une question bien pratique concernant l'application de cette loi, si elle était en vigueur, à un problème que nous avons devant nous. Je parle des battures de Beauport. Vous savez comme moi qu'on a dit au début de la commission parlementaire que la notion d'environnement est une notion d'équilibre et d'harmonie entre les différents intervenants qui influent sur la qualité du milieu, chacun dans l'intention d'apporter un bien-être au citoyen, l'homme qui reçoit tous ces avantages de routes, de loisirs, d'habitations, d'industries, de travail, et de tout ce que vous voulez. Tous ces gens sont des intervenants, mais, s'ils le font d'une façon un peu trop forte, venant d'un seul intervenant, cela peut avoir des conséquences sur l'environnement. Je dirais peut-être que, quand on parle trop pour protéger un arbre, on oublie toute la forêt. Mais quand on est rendu au niveau où les gens réclament des travaux comme l'autoroute de Beauport, est-il encore temps de penser en termes d'équilibre, alors qu'il y a des besoins très précis, très criants pour un des intervenants, celui qui donne des "jobs" et qui va construire l'autoroute? Est-ce que pour la compréhension des citoyens, à ce niveau, il n'est pas trop tard pour voir l'ensemble des équilibres qui aurait dû être planifié avant, mais qu'en ce moment précis, on essaie de retarder les derniers dégâts pour une bêtise qui a été décidée il y a plusieurs années. Est-il encore possible de faire comprendre aux gens qui vivent le problème très proche que cet équilibre dans l'environnement a été rompu et qu'il faudrait y apporter un correctif? Comment voyez-vous cela, comme biologistes, vous qui êtes responsables? Il y en a qui ont dit que les "oiseaulogues", ce n'était pas important, qu'il fallait donner du pain et du manger aux citoyens. Comment voyez-vous ce combat qui semble un peu inégal à ce moment-là?

M. Cantin: Nous sommes très conscients de ce problème parce que nous y sommes impliqués depuis déjà un bon moment. Le cas des battures de Beauport montre justement un cas où on avait déjà un règlement qui s'appliquait et où on demandait l'étude d'impact préliminaire; on demandait l'étude d'impact avant les travaux où on demandait l'autorisation pour faire la route. Tout ceci ne s'est pas fait et si, vraiment, on avait fait une étude d'impact sérieuse avant de faire les travaux, très probablement que même le ministère des Transports n'aurait pas persisté à poursuivre ce projet.

Lorsqu'on parle de créer de l'emploi, lorsqu'on parle de donner à manger aux citoyens, nous sommes parfaitement d'accord. Nous aussi devons utiliser les routes pour nous déplacer; nous aussi, il nous faut du papier pour écrire, mais le point sur lequel on se base est qu'on ne veut pas que ce développement se fasse au détriment de l'environnement. Il me semble que le territoire du Québec est suffisamment grand pour qu'on puisse faire des routes ailleurs que dans un cours d'eau. Cela est encore réalisable.

M. Léger: J'aurais une autre question à vous poser. Avant que le projet soit réalisé, c'est plus facile, parce que les intervenants ne sont pas aussi viscéralement impliqués, et c'est facile de comprendre cet équilibre. Mais au moment où on est rendus, où l'autoroute est quasiment terminée et que la bataille devient des oiseaux à protéger ou des sites biologiques importants à protéger contre des emplois, est-ce que vous ne croyez pas qu'il est un peu trop tard pour essayer de faire comprendre cela? Est-ce qu'il est actuellement encore possible de défendre l'environnement à ce niveau-là, quand c'est aussi proche, faire une bataille des oiseaux contre des citoyens à nourrir?

M. Cantin: Je pense que jusqu'à présent on n'a pas fait la preuve qu'il y avait d'autres hypothèses de travail. On a toujours présenté un projet qui était, soi-disant, décidé à l'avance; on donne des contrats et, après cela, on fait une étude d'impact. Je pense que c'est procéder à l'envers. Lorsqu'on décide de bâtir un centre d'achats ou une industrie, on regarde la rentabilité avant de commencer. Lorsqu'on choisit un site, on devrait considérer les valeurs de l'environnement au même titre que les valeurs économiques. De là à dire que maintenant le projet est suffisamment avancé, il y a un pas, parce que tout ce qu'on a actuellement, c'est une digue. Entre une digue et une autoroute à quatre ou six voies, il y a une marge. C'est justement pour cela que nous insistons sur le fait qu'on demande l'avis de la population sur ce sujet parce que nous considérons que c'est très important, ce développement de la région de Québec, et que c'est absolument nécessaire de le faire. Personnellement, nous avons confiance en l'éveil de la population et nous ne considérons pas que déjà il est trop tard; nous considérons qu'il est encore temps d'agir.

M. Léger: Je vous remercie.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: Merci, M. le Président. J'ai été particulièrement heureux de prendre connaissance du mémoire de l'Association des biologistes du

Québec, parce que c'est une profession qui, pendant trop longtemps, n'a pas eu toute la reconnaissance qu'elle méritait, surtout en ce qui concerne le travail collectif pour la protection de l'environnement. C'est une profession qui a une importante contribution à apporter et cette contribution ne lui a pas été demandée assez souvent. Il est vrai que nous n'avons pas toujours eu assez de biologistes compétents pour répondre aux demandes. Je pense que cette situation — je l'espère, du moins — est en train de s'améliorer.

Maintenant, M. le Président, j'ai deux questions. Je voudrais dire que l'on ne doit pas s'offusquer si les questions ne sont pas plus nombreuses; ce sont les mémoires les moins convaincants qui suscitent le plus grand nombre de questions. J'en ai seulement deux.

Dans un commentaire, à la page 2, repris à la page 7 dans la deuxième partie de votre mémoire, vous exprimez l'avis que la définition des mots "polluant" et "pollution" n'est pas suffisamment large. Si je comprends bien, vous trouvez que la loi actuelle, qui évolue avec le projet de loi 69 que nous avons à étudier maintenant, donne une définition qui est surtout de nature chimique, si je peux m'exprimer de cette façon, biologique aussi, mais qu'il y a des changements physiques qui peuvent être infligés à l'environnement, qui ne sont pas suffisamment reconnus dans la définition que fournit la loi pour que celle-ci puisse être utilisée pour une intervention utile.

Il me semble que vous avez sûrement raison quant à cette définition, mais j'aimerais vous demander, et peut-être demander au ministre en même temps, de réfléchir sur ceci: Avez-vous regardé les autres lois du Québec, notamment celles qui sont de la responsabilité du ministre des Richesses naturelles? Il y a la Loi du régime des eaux qui ne permet certainement pas à n'importe qui de faire n'importe quoi sur le lit d'une rivière, d'un cours d'eau. Le ministre nous promet depuis un certain temps une certaine fusion des services qui sont actuellement sous l'autorité du ministre des Richesses naturelles avec ceux qui sont sous son autorité. Si tel était le cas, il y aurait peut-être lieu de fusionner les lois de façon à fournir une définition plus complète. Mais en vous posant la question, j'ai plutôt le désir de vous rassurer un peu, parce que je crois qu'il y a quand même, dans d'autres lois du Québec, une protection qui devrait être utilisée.

Je reconnais en disant cela que les recours qui sont offerts aux citoyens par le projet de loi no 69 ne s'appliquent qu'à la Loi de la qualité de l'environnement et ne s'appliquent pas à la Loi du régime des eaux. C'est plutôt un commentaire, mais si vous en avez en retour, je serais très heureux de les entendre.

M. Burton: La raison pour laquelle nous sommes intervenus à ce niveau, c'était que pour nous la notion de pollution, lorsqu'on l'appose uniquement à un élément qui est dans l'environnement en contravention à une norme, comme dans la définition de "polluant" où on disait que c'était un contaminant ou un mélange de plusieurs contaminants présents dans l'environnement en concentration en quantité supérieure au seuil permissible déterminé par règlement du lieutenant-gouverneur en conseil... Alors, on s'est dit: La pollution ou un polluant, cela dépasse très nettement ce que le lieutenant-gouverneur en conseil peut déterminer comme étant une norme à ne pas dépasser. Il y a beaucoup d'autres choses qui peuvent être considérées comme étant de la pollution qui ne font pas encore l'objet de normes et qui, peut-être, vont mettre énormément de temps à apparaître sous forme de normes, pour la bonne raison qu'il faut faire des recherches avant d'établir des normes. On ne fait pas cela très rapidement. Donc, la définition d'un polluant et de la pollution, nous apparaissait tout à fait incomplète. S'il y a d'autres ministères et d'autres lois qui assurent la protection particulière, entre autres la Loi du régime des eaux, cela n'empêche pas, dans le cas d'une loi aussi générale que la loi-cadre sur l'environnement, d'inclure la définition la plus complète possible de la pollution ou d'un polluant.

M. Cantin: Si je peux me permettre... M. Goldbloom: Oui, certainement.

M. Cantin:... une autre remarque, au sujet de l'exemple que vous avez cité tout à l'heure au sujet de Loi du régime des eaux, il existe quand même des cas où la loi ne s'applique pas. Si, on prend l'exemple qu'a soulevé tout à l'heure le ministre Léger, un ministère n'est pas soumis à la Loi du régime des eaux. Le gouvernement n'est pas soumis à la Loi du régime des eaux, alors on pourrait déverser un altérogène physique qui ne conviendrait pas à la Loi du régime des eaux, mais comme c'est le gouvernement qui le fait lui-même, cela ne contredit pas la Loi du régime des eaux. On voudrait que cette notion de physique, puisse être incluse dans le polluant.

M. Goldbloom: Ce sont des points importants que vous soulignez et je vous en remercie. Je vous pose ma deuxième question qui se rapporte à la page 4 de votre mémoire. (20 h 45)

Le premier alinéa de la partie qui traite des études d'impact exprime l'avis, au nom de votre association, qu'aucune autorisation ne devrait être accordée à un projet qui n'a pas fait l'objet d'une étude d'impact rigoureuse.

Il me semble que, si nous parlons de définitions, et nous en avons parlé tout à l'heure, il faudra, pour donner un sens législatif à la recommandation que vous faites, définir le mot "projet". Qu'est-ce qu'un projet? Dans le sens strict du terme, n'importe quelle construction est un projet. Si j'ai une maison qui a été construite sans garage et si je veux ajouter un garage, c'est certainement un projet. Ce projet peut même avoir un certain impact sur l'environnement autour de chez moi, surtout si, par exempte, je me sers de ce garage pour recevoir des voitures qui ont besoin de

petites réparations. Si je lance un tel commerce, et fais des tests de fonctionnement des moteurs, je peux certainement polluer.

Mais dans quelle mesure pouvons-nous dire que tout projet doit être précédé d'une étude rigoureuse de l'impact de l'environnement?

M. Dupont: Si je peux me permettre de répondre à M. le député, ce n'est pas de façon aussi générale que le commentaire a été formulé, mais plutôt en regard des deux définitions ou des deux notions qu'on a introduites dans le projet de loi, qui sont celles d'étude préliminaire et d'étude détaillée.

Ce que l'association a voulu exprimer, c'est que, dans les cas où par règlement on viendra créer la nécessité d'une étude d'impact, des cas, je présume, qu'on aura jugés au point de départ importants, on ne voudrait pas que, relativement à ces cas-là, on se contente d'une étude d'impact qui ne sera pas rigoureuse dans tous les sens du terme. Ce qu'on veut éviter, c'est qu'on vienne créer deux catégories d'études: l'une qu'on pourrait appeler "écourtichée" et l'autre complète, qu'on pourrait appeler préliminaire et l'autre détaillée, et que, dans certains cas, on autorise des projets en se contentant d'une étude qui n'aura pas été réalisée de façon adéquate. C'est là-dessus qu'on demande que le principe à suivre soit, dans tous les cas fixés par règlement: Faisons une étude en bonne et due forme avant d'autoriser quelque projet que ce soit.

M. Goldbloom: C'est une clarification très utile et je vous en remercie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Merci, M. le Président. D'abord, je veux remercier l'association qui est devant nous des remarques pertinentes qu'elle porte à l'attention de la commission ce soir. Je voudrais lui indiquer en même temps que, dans ses conclusions, elle a sûrement fait grandement plaisir au ministre en soulignant l'importance de la création d'un véritable ministère de l'environnement. J'ai l'impression de me retrouver, à ce moment-là, dans une commission qui m'est plus familière, celle de l'énergie, où de temps à autre on reformule également ce voeu de voir la création d'un véritable ministère de l'énergie. Évidemment, c'est à souhaiter, je pense, dans ce cheminement dans lequel on est engagé de gré ou de force parce qu'il est appuyé sur la réalité, que dans ce processus-là on débouche inévitablement sur la création de ce ministère. Je tiens à souligner que c'est une remarque fort appréciable.

Maintenant, lorsque je regarde votre mémoire, au bas de la page 3, vous indiquez, en ce qui concerne le recours du citoyen, que certaines restrictions — et je cite — viennent soustraire au recours en injonction des territoires précis, soit les territoires du nord encore peu ou pas habités, et éliminer également la participation de toutes ces organisations. Quelle importance, dans l'ensemble du mémoire, accordez-vous à cet aspect particulier? De quelle façon, de votre point de vue, devrait-on corriger le cadre législatif qui est devant nous actuellement pour éviter ce problème que vous soulignez avec pertinence, je crois? D'autre part, iriez-vous jusqu'à dire dans cette évaluation que vous faites que le fait de mettre à part tout un territoire de la province de Québec équivaudrait en quelque sorte à replacer ce territoire-là dans le cadre des situations où était l'ensemble du Québec il y a plusieurs années, c'est-à-dire dans une situation de grande permission où on n'a pas tellement de recours, à toutes fins utiles? Autrement dit à permettre que la situation se détériore beaucoup avant qu'on ouvre la porte à une action directe. Est-ce dans ce sens que vous soulignez cela? Quelle importance y accordez-vous et de quelle façon aimeriez-vous que le cadre législatif soit modifié pour atteindre cet objectif?

M. Cantin: D'abord, il y a deux volets dans notre remarque. On veut, d'une part, étendre la notion de personne justifiée à demander un recours en injonction à la personne morale. Ceci est un point. Lorsqu'on s'engage dans des procédures judiciaires, c'est souvent difficile pour une personne isolée, qui est peu familière avec les questions judiciaires, de commencer toute une procédure. On craint, nous personnellement, en tout cas, que les groupes qui sont impliqués depuis bon nombre d'années et qui montrent un intérêt à la conservation de l'environnement n'aient pas la chance de s'exprimer.

Le deuxième volet, c'est que nous trouvons une faiblesse dans le projet de loi tel qu'exprimé actuellement, en ce qui a trait à la fréquentation d'un lieu. Actuellement, on ne donne le droit de recours en injonction qu'aux personnes qui fréquentent un lieu. Alors, pour nous, ceci pose des problèmes parce qu'il y a des endroits qui sont peu ou pas fréquentés, comme nous l'avons mentionné, et les personnes qui sont assises sur le problème souvent ne le voient pas. C'est à cet égard que nous voulons absolument que les citoyens du Québec, en général, aient droit de mettre le doigt sur un problème, peut importe où il se situe. Nous ne voulons pas une loi pour la vallée du Saint-Laurent et une absence d'intervention sur le reste du territoire.

M. Brochu: En termes pratiques, pour donner un exemple, si un groupe quelconque d'individus ou un individu cause des dommages à la faune dans le nord de la province de Québec de quelque façon que ce soit, vous voudriez que l'Association des biologistes du Québec soit habilitée, dans le cadre de la loi, et dise: Nous, on se sert du recours prévu pour porter à l'attention du gouvernement qu'il y a une situation anormale qui détériore l'environnement dans ce secteur.

M. Cantin: Exactement.

M. Léger: M. le Président, si vous me le permettez, avant que vous n'alliez trop loin dans cette direction, j'ai un renseignement qui va

répondre à vos préoccupations. Ce matin, j'ai dit, pendant que votre collègue était présent, qu'on avait exclu le territoire de la baie James de cette loi parce qu'il y a une entente qui a été signée avec les autochtones qui s'appelle la Convention de la baie James et qui demande une loi spéciale que nous allons présenter ces jours-ci. La loi va s'appeler Loi qui modifie la qualité de l'environnement de la baie James dans le nord-ouest québécois, à la suite de l'entente qui a été signée avec les Indiens et les Inuit là-bas. C'est donc dire que les implications des autochtones dans le processus de décision et dans des audiences pour que les autochtones puissent déterminer la qualité d'évaluation des impacts vont être directement incluses dans le projet de loi, ce qui veut dire que le même procédé qu'il y aura ici sera inclus dans le territoire de la baie James sous une autre loi parce qu'elle fait suite à la Convention de la baie James.

M. Brochu: J'aurais une question additionnelle à poser au ministre. À toutes fins utiles, est-ce que cela veut dire que le même recours et le même droit fondamental qu'on reconnaît ici à d'autres citoyens du Québec seront, par d'autres mécanismes à l'intérieur de cette entente, clairement identifiés? Est-ce un droit équivalent ou tout simplement un droit similaire qui se fera sentir au niveau des décisions d'ordre général?

M. Léger: Non. C'est dans le même mécanisme qui donnera aux Indiens et aux Inuit qui ont signé la Convention de la baie James la possibilité d'embarquer à l'intérieur du processus qui est le même pour les citoyens dans le reste du Québec.

M. Brochu: Ah, bon! Cela fait partie de la même série d'ententes générales avec les autochtones où on vote des lois dites particulières pour le nord du Québec.

Le Président (M. Laplante): Y a-t-il d'autres questions, M. le député de Richmond?

M. Brochu: Non. Cela va pour le moment, M. le Président. Je vous remercie.

Le Président (M. Laplante): Sur cela, M. le député...

M. Léger: Je n'aurais qu'une explication, M. le Président, si vous me le permettez, concernant l'expression "les polluants". Vous pensiez qu'ils n'incluaient pas les interventions physiques qui dégradent l'environnement. Cela pourrait être vrai mais cela ne veut pas dire que les interventions physiques sont exclues de l'application de notre loi. À l'article 22 de la loi, actuellement, il est précisé que nul ne peut, par exemple, entreprendre l'exercice d'une activité s'il est susceptible d'en résulter une modification de la qualité de l'environnement. Donc, par l'article 22, on rejoint l'objectif que vous mentionnez en parlant du projet de loi qui est sur la table actuellement.

Le Président (M. Laplante): Sur ce, MM.

Dupont, Burton, Cantin...

M. Brochu: M. le Président, si vous me permettez juste une petite question adressée au ministre avant qu'on termine avec ce mémoire. Qu'en est-il de la position du ministre à ce stade-ci en ce qui concerne le recours possible attribué aux groupes et organismes comme tels, le volet particulier qui a été rappelé dans la réponse que les biologistes ont donnée à ma question précédente? Est-ce qu'à ce moment-ci de la commission le ministre a réévalué la position de son ministère en ce qui concerne ce recours possible à donner à des groupes ou à des personnes morales plutôt que simplement des individus?

M. Léger: Votre collègue pourrait confirmer ce que je vais vous dire. C'est qu'hier on a justement expliqué qu'on était ouvert à inclure la notion de groupes pour la possibilité soit de demander une audience publique, soit aussi d'avoir le recours à l'injonction.

Le Président (M. Laplante): Les membres de cette commission vous remercient, messieurs, de votre participation. J'appelle maintenant le Groupe de chercheurs de l'INRS-Eau. Veuillez vous identifier, monsieur, pour les fins du journal des Débats et identifier votre groupe, vous-même et les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Groupe de chercheurs de l'INRS-Eau

M. Leclerc (Michel): Mon nom est Michel Leclerc. Le groupe en question est principalement composé de Denis Couillard, de l'INRS-Eau, et de Hubert Demar. Denis Couillard devrait arriver prochainement.

Le Président (M. Laplante): M. Damase? M. Leclerc: M. Demar.

Le Président (M. Laplante): Demar, DEMAR?

M. Leclerc: De l'INRS-Eau. M. le Président, le groupe que je représente ici ce soir a une formation multidisciplinaire, c'est-à-dire que nous travaillons ensemble depuis plusieurs années et chacun d'entre nous provient de disciplines très diversifiées allant du génie à la chimie, à la biologie. Nous avons depuis huit ans dû développer un langage pour apprendre à communiquer entre nous. Notre principale préoccupation a été centrée, particulièrement au cours des dernières années, vers une gestion rationnelle des ressources du milieu naturel, particulièrement l'eau, comme le nom de notre centre l'indique. Donc, de purement scientifique et cloisonnée qu'était notre démarche au point de départ, cette démarche a évolué vers une perception multidisciplinaire des ressources naturelles et de plus en plus vers la

gestion. Comme la loi qui fait l'objet de cette commission porte principalement sur des questions de gestion du milieu, nous nous sommes sentis en devoir de venir exprimer notre opinion sur ce point.

Ainsi que l'exprimait l'ingénieur américain David Bella et, cet après-midi, notre ministre, pour la première fois depuis l'existence de l'humanité l'homme a atteint un stade de l'évolution technologique tel que sa capacité d'intervenir dans l'environnement est suffisante pour modifier ou rompre les grands équilibres naturels comme le climat et les écosystèmes. Je ne veux pas insister là-dessus, M. le Président, MM. les commissaires, mais je voudrais ici, dès maintenant, formuler un premier principe qui est à la base de la démarche de notre mémoire. Les valeurs conservationnistes et respectueuses du milieu naturel et la recherche d'une véritable qualité de vie doivent rapidement prendre le pas sur les valeurs traditionnelles qui conduisent à la croissance sauvage et à la destruction de la biosphère.

D'autre part, il ne suffit pas de mentionner des principes comme ceux-là. Je crois qu'évidemment c'est au niveau des moyens que les véritables intentions de protection de l'environnement se manifestent. Dans nos sociétés démocratiques libérales, les normes d'appréciation de la qualité des actions humaines relèvent en dernière analyse des valeurs et du niveau de conscience de la population. C'est le processus politique et toute la machine gouvernementale y est en principe soumise. (21 heures)

Considérons maintenant la question de l'environnement. On assiste actuellement à un vaste mouvement de conscientisation vis-à-vis des impacts de l'homme sur son milieu, ainsi que, par exemple, sur d'autres questions comme la consommation, les loisirs, le logement, les droits de l'homme, on assiste à la multiplication, actuellement, de groupes de pression qui prennent en charge carrément ces questions.

Évidemment, c'est le cas pour la question de l'environnement. C'est bon qu'il en soit comme cela, parce qu'on a peut-être trop vécu dans le passé une période où l'environnement était trop pris en charge uniquement au niveau des technocrates ou du gouvernement et, finalement, la population ne se sentait pas tellement impliquée à ce niveau. Comprenez bien que ce n'est pas un reproche de notre part. C'était peut-être, à notre avis, une amorce normale d'une politique de l'environnement. Un danger demeure, cependant. On peut compter énormément sur la population pour prendre en charge l'environnement, puisque l'environnement ne peut pas se protéger lui-même. Mais il faut, d'autre part, éviter des biais énormes au niveau de la perception du milieu naturel, car il est bien sûr que la population verra, en premier lieu, les portions de l'environnement qui la concernent directement, c'est-à-dire le bout de rivière en face de chez elle ou la carrière de sable qui ouvre à côté de chez elle. Finalement, on risque de perdre de vue certaines question envi- ronnementales, telles que l'utilisation des substances toxiques ou, par exemple, la réalisation de projets dans des régions éloignées où des populations sont absentes.

Donc, notre second principe serait le suivant: Pour assurer le respect et la mise en valeur adéquate de l'environnement, celui-ci doit être pris en charge par la population. D'autre part, l'État, en plus de veiller à l'exercice traditionnel de ses responsabilités, doit voir à ce que l'information favorise une conscientisation adéquate et ainsi valorise le processus démocratique.

Maintenant, nous voudrions apporter quelques commentaires sur le projet de loi 69 lui-même, à la lumière des principes que nous venons de formuler. La question du bureau d'audiences. Concernant la mise sur pied d'un bureau chargé d'enquêter, de tenir des audiences et de faire rapport, nous tenons à exprimer notre satisfaction générale, car, selon notre analyse, ce mécanisme devrait favoriser l'émergence de groupes organisés, devrait permettre la diffusion et la pénétration par les mass media des valeurs environnementales, le renforcement du processus politique de décisions et, finalement, le rapprochement des milieux technocratiques des différentes couches de population.

À notre avis, le bureau devrait fonder sa démarche sur un préjugé favorable à l'environnement et laisser aux processus politiques le soin d'arbitrer la décision entre les différentes tendances socioéconomiques. J'ai entendu plusieurs fois M. le ministre, aujourd'hui, nous faire le compte rendu de son opinion. Nous tenons quand même à notre opinion sur cette question, car il y va de la crédibilité du bureau d'audiences vis-à-vis des groupes populaires.

Deuxièmement, pour reprendre la question de l'information auprès des groupes populaires et de l'assistance technique, il est bien sûr que les Services de protection de l'environnement devront prévoir une augmentation substantielle de leur personnel-ressource. Nous aimerions ajouter, ayant vécu personnellement des situations où l'animation était importante, que ce personnel qu'on verra à engager pour assister les groupes populaires devra disposer d'une formation dans les disciplines d'animation. Je crois que je n'ai pas à convaincre M. le ministre de ces remarques. Quant au conseil consultatif, son rôle spécifique nous est apparu quelque peu obscur, au premier abord, compte tenu des interactions avec le bureau d'audiences. Nous voudrions simplement mentionner notre souhait qu'un amendement à la loi permette une meilleure diffusion des activités du conseil, soit par voie d'audiences publiques, également en ajoutant un délai de publication de ses avis et en assouplissant l'objet sur lequel il serait susceptible de se pencher. Il semble, actuellement que le Conseil consultatif de l'environnement n'aura à soumettre des avis que sur des questions concernant directement la loi ou les règlements. Il serait intéressant que le Conseil consultatif puisse émettre des avis sur des questions qui débordent carrément le cadre de la loi.

Maintenant, nous aimerions aborder la question du droit à la qualité de l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes. Là encore, l'association soulève évidemment la définition du concept d'environnement. Nous ne voudrions pas nous étendre trop longuement sur cette question. Nous voudrions simplement mentionner notre souhait que les Services de protection de l'environnement coordonnent leurs activités et leur procédure avec les autres ministères ou organismes chargés de tenir compte d'aspects patrimoniaux, par exemple le patrimoine historique ou naturel, ou d'aspects sociaux ou des aspects liés à la condition de vie des autochtones, car ces questions sont toutes finalement interreliées et participent d'un concept global d'environnement.

Quant au mécanisme d'injonction prévue dans la loi pour favoriser l'exercice du droit à l'environnement, il nous apparaît un excellent choix dans la mesure où son usage sera simple, souple et très rapide. Les questions qui seront éventuellement l'objet des demandes d'injonction toucheront les situations où les autres mécanismes de la loi sont impuissants à donner satisfaction aux demandeurs.

Donc, ces situations devront être considérées par un tribunal éventuel avec une diligence proportionnelle au degré d'irréversibilité et d'intensité du dommage causé à l'environnement. Nous pensons particulièrement à des situations comme des empiétements rapides dans les lits des cours d'eau aux lieux de frayères, à des cas de décapages de sols précédés de coupes de bois précipitées en vue de l'ouverture de carrières ou de sablières. Même si ces questions sont prévues dans la loi, au niveau de certains articles, il se peut très bien qu'à certains endroits des situations comme celles-là se produisent de façon précipitée et le mécanisme devra être souple et diligent.

Quant à l'évaluation des impacts, cette procédure est sans contredit un des aspects de la nouvelle loi qui suscite chez nous à la fois le plus de satisfaction et également le plus d'interrogations. Disons que les interrogations et les inquiétudes concernant l'application effective de cette procédure sont nombreuses et interreliées. Elles touchent particulièrement l'évaluation des impacts au stade supérieur de la planification et de l'aménagement du territoire, les critères et les procédures permettant d'atteindre un degré acceptable de qualité d'évaluation ou ce qu'on pourrait appeler l'éthique de l'évaluation et, enfin, la procédure de consultation du public par le promoteur ou l'éthique de l'information.

Permettez-nous, M. le Président, de lire textuellement les quelques dernières pages, puisque c'est peut-être l'aspect le plus important sur lequel nous voulons insister. Donc, au chapitre Planification, aménagement du territoire et évaluation des impacts sur l'environnement, page 15.

Ce point constitue notre interrogation la plus sérieuse. La loi mentionne que tout projet faisant partie d'une catégorie déterminée par règlement du lieutenant-gouverneur en conseil soit soumise à la procédure d'évaluation d'impact, à la deman- de d'autorisation et à la consultation. L'article commence par le terme "nul", comme si un seul promoteur était concerné par le terme "projet". Or, on sait très bien qu'aujourd'hui plusieurs projets ont une envergure géographique ou financière telle que plusieurs promoteurs peuvent participer au plan d'ensemble par la réalisation de sous-projets. Ainsi, le projet des battures de Beauport pris dans son ensemble et tel que formulé originalement comprenait un réseau autoroutier, des installations portuaires, des infrastructures de services, des industries diverses, une usine d'épuration, etc. Si l'on se fie à la procédure présentée dans le projet de loi, devra-t-on procéder à des évaluations d'impact sous-projet par sous-projet, promoteur par promoteur, sans souci pour le point de vue d'ensemble? Poursuivant dans la même logique, il pourra très bien arriver que les premières phases ou sous-projets d'un programme d'ensemble n'aient que peu d'impact sur le milieu et qu'on autorise leur mise en oeuvre. La somme des premières réalisations pourrait donner un momentum tel à l'ensemble du programme qu'il serait devenu pratiquement impossible de stopper sa poursuite même si les étapes subséquentes comportaient des risques importants pour l'environnement.

Nous craignons, messieurs les commissaires, que la procédure actuelle liée à la pertinence du règlement définissant la nature du projet ne se limite à minimiser les impacts d'un projet sur l'environnement sans recours réel pour l'interdire si besoin se faisait sentir, ceci grâce à un procédé bien connu de morcelage et de fragmentation des projets d'ensemble en sous-projets plus faciles à accepter à la pièce.

Nous souhaitons donc vivement que le futur règlement inclue dans la définition de projet une possibilité de considérer la planification d'ensemble même si plusieurs promoteurs sont impliqués dans sa réalisation.

Au chapitre "Ethique de l'évaluation", cette section relève de l'éthique scientifique qui sous-tend le processus. Sans entrer dans le détail de cet aspect, mentionnons quelques points fondamentaux à surveiller pour préserver la qualité des études d'impact. Il y a d'abord la question des solutions alternatives. Est-ce qu'on évalue, messieurs les commissaires, un projet uniquement sur une solution finale ou sur un ensemble de solutions alternatives incluant la non-réalisation? Cette question s'adresse également à l'étape de la consultation.

Deuxièmement, les impacts secondaires et tertiaires d'un projet relient soit sa réalisation, soit ses effets d'entraînement. J'aimerais mentionner, par exemple, que dans le cas des battures de Beauport, particulièrement, on tend un peu trop à oublier, par exemple, l'ouverture systématique de carrières de sable dans un périmètre éloigné du projet. Finalement, on n'est pas porté à considérer cet impact comme faisant partie du projet, et pourtant, il est directement relié à la réalisation.

Troisièmement, il y a la question de l'échelle spatiale des impacts. Comme exemple de cet

aspect, j'aimerais mentionner la question suivante: Est-ce que la ouananiche du lac Saint-Jean appartient à la rivière Chamouchouane et aux citoyens de Saint-Félicien ou si elle appartient au lac Saint-Jean et à la population du Lac-Saint-Jean et, finalement, du Québec globalement, puisque cela a contribué à son patrimoine? Il y a toute la question de la définition du périmètre géographique du projet.

Il y a aussi la question du contrôle des impacts à la suite de la réalisation ou de la mise en oeuvre du projet; les critères d'évaluation tels que I'irréversibilité ou l'unicité; la nature des méthodes en fonction des objectifs recherchés telle que la possibilité de communiquer pédagogiquement au public ou de comparer des alternatives.

À ce chapitre, la littérature scientifique est extrêmement abondante et les techniques sont nombreuses, d'autant plus que l'expérience de l'évaluation des impacts est vécue depuis déjà plusieurs années en Amérique du Nord. Notre propos est surtout d'illustrer combien il peut être délicat et complexe de prévoir une procédure technique aux fins d'évaluation d'impact tout en respectant une éthique scientifique.

Je crois que j'ai un peu dépassé mon temps. Sur la question de la consultation du public par le promoteur, les risques sont évidents et je crois qu'ils ont été suffisamment mentionnés aujourd'hui par les gens qui ont vécu ce type d'expériences. Merci beaucoup.

Le Président (M. Laplante): Merci monsieur. Vous m'aviez demandé tout à l'heure d'inscrire votre mémoire au journal des Débats. Je crois que ce sera accordé comme aux autres aussi. Accordé, monsieur (Voir annexe c). M. le ministre.

M. Léger: M. le Président, je voudrais d'abord vous remercier et vous féliciter parce que parmi tous les mémoires que nous avons reçus, vous êtes quand même un de ceux qui sont en avance dans la réflexion. Je vous félicite de répondre un peu à votre titre de chercheurs et vous êtes allés pas mal plus loin. En passant, la dernière remarque, quand vous parlez des implications, dans les études d'impact, qui dépassent le territoire même où il doit y avoir des travaux avec des implications à l'extérieur, donc des problèmes de sous-contractants ou de sous-projets ou d'un périmètre qui dépasse de beaucoup le territoire prévu, je tiens à vous dire que dans le règlement, les études demanderont aux requérants d'identifier les conséquences d'entraînement de leur projet. Par exemple, une autoroute qui amène nécessairement la possibilité d'avoir un port et d'avoir aussi des effets secondaires devra aussi être identifiée de façon qu'on puisse avoir une idée globale et complète des conséquences sur l'environnement. Donc ce que vous dites là, c'est en avant de votre temps, mais c'est exactement ce qu'il faudra faire. Je vous félicite, je ne ferai pas de remarques négatives, mais plutôt positives. Ce sont des points qu'il faut nécessairement prévoir dans nos règlements pour nous assurer qu'on va couvrir le plus de possibilités possible.

Un peu plus loin, vous dites, dans les principes que vous mettez de l'avant pour atteindre l'objectif de prise en charge de l'environnement par la population, que l'État doit favoriser la conscientisation. Je pense que vous êtes au courant — on en a parlé un peu aujourd'hui — de ce que nous avons mis sur pied, un mini-module d'éducation, aux Services de protection de l'environnement, de façon qu'on puisse aider davantage tous ceux qui s'occupent d'éducation, les aider dans la façon dont l'environnement peut être enseigné aux groupes aussi bien étudiants qu'adultes. (21 h 15)

Vous dites, un peu plus loin, que le Bureau d'audiences devrait fonder sa démarche sur un préjugé favorable à l'environnement, et par conséquent, de tenir peut-être un pouvoir de recommandation. Je ne reviendrai pas encore sur la partie recommandation, mais, quand même, je tiens à vous dire que le préjugé favorable à l'environnement, le Bureau d'audiences va certainement l'avoir par sa fonction et par son mandat. Il se développe de plus en plus, aux Services de protection de l'environnement, cette préoccupation constante à tous les niveaux chez tous les fonctionnaires, cette préoccupation environnementale dans tous les gestes qu'ils posent, même les gestes les plus techniques. Je pense que c'est avant tout une question d'attitude. On considère que la crédibilité du bureau va se créer à partir de sa fiabilité à rapporter exactement ce qu'il entendra, sa capacité de favoriser l'expression surtout de la population lors des audiences publiques. Je pense que vous vouliez me poser une question?

M. Leclerc: Oui, je voudrais mentionner ceci: Est-ce que le bureau d'audiences pourrait s'accommoder d'un préjugé favorable à l'environnement de la même façon que les députés péquistes s'accommodent d'un préjugé favorable aux travailleurs?

M. Léger: C'est, quand même, un bon exemple et pour...

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee aimerait réentendre votre phrase. Vous pouvez la répéter?

M. Leclerc: Je ne voudrais pas fournir des armes aux adversaires du ministre. Je demandais si le Bureau d'audiences pouvait s'accommoder d'un préjugé favorable à l'environnement de la même façon que les députés du gouvernement s'accommodent d'un préjugé favorable aux travailleurs.

M. Goldbloom: M. le Président, je pense que n'importe qui peut s'accommoder facilement d'un préjugé favorable aux travailleurs. Il y a une société fort complexe, aux exigences de laquelle nous devons nous accommoder en même temps. C'est la seule chose que je voudrais dire. Je pensais que nous étions ici pour parler du projet de loi 69.

M. Léger: Je pense, M. le Président, que la remarque, les deux sujets, c'était "synagogue". Un peu plus loin, vous dites que le droit à la qualité de l'environnement aurait dû inclure le droit au patrimoine paysager et historique, l'intégrité du tissu social et, en bref, l'écologie humaine. Comme votre mémoire le souligne, ces domaines ne sont pas de nos compétences à l'environnement. Mais on essaie de coordonner des activités avec les autres organismes chargés d'en tenir compte. Les organismes d'autres ministères qui, éventuellement, vont venir à l'environnement ont déjà commencé à s'adapter aux fonctionnaires de l'environnement de façon que des activités qui, souvent, étaient similaires et parallèles vont maintenant se faire dans la même direction.

Vous parlez d'un mécanisme d'injonction qui est bien apprécié par les chercheurs, vous citez des cas, comme l'empiétement des cours d'eau, les décapages des sols, etc. Est-ce que vous pourriez me donner un peu votre point de vue sur les mécanismes d'injonction étant donné que d'autres organismes m'ont plus tôt mentionné l'inverse — quelques-uns, du moins — concernant les oppositions qu'ils avaient au mécanisme d'injonction? Est-ce que vous pouvez me donner votre point de vue là-dessus? Comment voyez-vous le mécanisme d'injonction?

M. Leclerc: Nous on a vu ce mécanisme comme pouvant être efficace dans des situations de catastrophe, où le fait se produit très rapidement. Lorsqu'on considère un projet d'ensemble, les mécanismes prévus dans la loi, autres que celui d'injonction, peuvent être suffisants. Il y a toute une procédure, il y a des inspecteurs et tout cela. Mais on peut arriver sur des questions comme celles que je vous ai mentionnées, et probablement qu'on pourrait trouver des tas d'autres exemples, y compris un certain contrôle a posteriori qui suit la réalisation des projets. Il y a un contrôle a posteriori. Parfois les citoyens sont peut-être les mieux placés pour voir vraiment si le promoteur respecte ses engagements vis-à-vis de la population et peut-être remplacer, si vous voulez, ou pallier une forme de désintéressement des inspecteurs du gouvernement. Je ne sais pas, je me risque sur une certaine voie. Mais il y a une chose qui est sûre, c'est que le mécanisme sera efficace dans la mesure où il sera souple et rapide. Nous nous interrogeons actuellement sur la possibilité de procéder rapidement à des injonctions. Est-ce qu'il existe le personnel juridique pour satisfaire une telle demande qui va se produire, qui ne tardera pas à venir d'ailleurs. J'en suis sûr!

M. Léger: Justement, la procédure d'injonction est nécessairement le mécanisme habituellement le plus rapide, spécialement en ce qui concerne l'injonction interlocutoire, pour permettre de s'adapter rapidement à une situation d'urgence. Exemple: Les Agrégats d'Oka, où il a fallu agir rapidement. Il s'agissait de bien indiquer dans la demande en injonction faite par le gouvernement qu'il y avait des cas susceptibles de créer des dangers. À ce moment-là, nous avons obtenu rapidement l'injonction interlocutoire.

M. Leclerc: Est-ce que je peux vous poser une question, M. le ministre? Sur combien de jours peut-on compter, disons en termes d'efficacité, pour ce mécanisme-là? Est-ce que c'est deux jours, une semaine, quinze jours?

M. Léger: Ce sera nécessairement un peu plus long que la consultation que je viens d'avoir. Comme je ne suis pas avocat, je suis obligé de me fier à mon conseiller juridique sur ce point-là.

M. Leclerc: Cela serait fameux si c'était plus court que cela.

M. Léger: Mais je peux vous dire quand même qu'il faut, selon l'importance du projet ou de l'acte illégal, ramasser des preuves, préparer une procédure et nécessairement apporter ce qu'il faut pour que le juge de la Cour supérieure accorde cette injonction interlocutoire. Cela peut être une question de quelques jours pour certains cas et cela peut être un peu plus long pour d'autres, selon l'ampleur du projet et de la preuve à apporter.

Vous indiquez un peu plus loin que l'éthique de l'évaluation devrait être surveillée étroitement. D'abord, je dois vous remercier comme chercheur pour plusieurs propositions sur des points à surveiller afin de préserver cette qualité de l'étude d'impact. Je pense que le gouvernement va sûrement compter étroitement sur votre aide à vous, chercheurs, et sur votre vigilance pour mettre au point les techniques et les procédures d'évaluation d'impact qui sont conformes à l'esprit de la loi 69 et aux exigences du règlement de même qu'aux moeurs propres au Québec. Je pense que vous pourriez certainement nous apporter de bonnes solutions ou de bonnes méthodes qui répondraient au besoin de la situation.

Pour terminer, les mécanismes de consultation, d'après vous, peuvent être le point le plus litigieux de la loi. Vous appréhendez que l'information qui sera fournie par le promoteur ressemble à de la propagande et que le promoteur ne consulte que ceux qui feront bien son affaire. Je veux quand même vous rassurer en vous disant que les mécanismes d'audiences publiques vont être conduits par le bureau. Donc, c'est le Bureau d'audiences publiques qui va mettre l'information à la disposition des gens; c'est lui qui va convoquer les personnes pour les audiences publiques en plus, évidemment, de permettre l'accès à tout citoyen désireux de s'exprimer ainsi que l'accès à l'information aux endroits où elle est disponible, c'est-à-dire proche, dans la municipalité où le projet doit avoir lieu s'assurant ainsi que les gens qui ont des choses à dire soient à proximité de l'information.

Je voudrais terminer en vous remerciant infiniment et laisser la parole à mes collègues. Je crois que vous avez un mémoire des plus intéressants parce que vous allez encore plus de l'avant, et c'est ce qu'on cherche puisque notre loi n'est

quand même qu'un pas en avant. Nécessairement, avant de courir, il faut apprendre à marcher. Mais la première étape, je pense bien, est très importante et votre appui va nous êtres très utile.

M. Leclerc: Nous avons cru utile, M. le ministre, d'établir un contact entre certains milieux de la recherche et certains milieux politiques bien que, évidemment, ce soit difficile et qu'on ne puisse pas s'attendre toujours à la perfection. Je crois que c'est le processus politique qui fonctionne. En ce qui nous concerne, nous ne sommes pas restreints où contraints par le processus politique et nous pouvons mener nos réflexions avec une relative liberté. D'ailleurs, c'est le propre des chercheurs chez nous de jouir d'une liberté qu'on dit académique.

M. Léger: Le politicien, c'est l'art du possible; le chercheur, c'est l'art de l'impossible.

Le Président (M. Laplante): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. Leclerc, mon préjugé favorable à l'environnement m'oblige à exprimer une réaction très favorable à votre mémoire.

M. Leclerc: II y a de l'encens des deux côtés.

M. Goldbloom: À l'instar du ministre, je remarque votre recommandation fondamentale, à la page 6, à savoir que la population doit prendre en charge son environnement. Vous faites allusion à la conscientisation qui se fait et qui doit s'intensifier, évidemment, et qui doit réussir.

Si nous avons peut-être — je dis peut-être — quelques divergences de vues d'un côté de la table contre l'autre, c'est sur les moyens, ce n'est pas sur les objectifs. Cela est évident depuis le début de nos audiences.

Vous faites un commentaire, une recommandation même, en bas de la page 11, que je trouve importante. Vous parlez de certains empiétements sur l'environnement naturel et vous dites: "Ces situations devront être considérées par le tribunal avec une diligence proportionnelle au degré d'irréversibilité et d'intensité du dommage causé à l'environnement." Nous avons déjà fait des commentaires sur des articles du projet de loi et même sur des avis exprimés par des opinants qui voulaient en quelque sorte — dans le cas du projet de loi très littéralement — donner des directives aux juges. Je n'englobe pas votre commentaire dans cela, parce que vous ne cherchez pas vraiment à donner une directive aux juges, mais plutôt, dans le sens de l'appréciation des problèmes auxquels nous faisons face, indiquer que voilà un genre de problème dont la sévérité, la gravité a peut-être été sous-estimée jusqu'à maintenant. C'est un appel très valable à notre sensibilité, à ce genre de problème.

À la page 15, là où vous avez commencé à lire intégralement votre texte, vous mentionnez l'article qui commence par le mot "nul" et vous interprétez ce mot comme faisant allusion à une seule personne morale, à un seul promoteur. Je serais intéressé d'avoir l'avis des conseillers juridiques là-dessus parce que ce n'est pas l'interprétation que moi, comme profane, j'ai donnée à ce mot. J'ai toujours cru que le mot "nul" est un mot presque absolu et que, si ce mot fait allusion à une seule personne, il fait allusion en même temps à toutes les personnes qui pourraient être impliquées.

Je soulève cela pour vous rassurer un peu, même si ce que moi je peux faire pour vous rassurer ne vaut pas ce qu'un avocat compétent pourrait faire. Vous avez une intervention que vous voudriez faire?

M. Leclerc: Est-ce que le ministre veut consulter son conseiller juridique? En ce qui nous concerne, ce qui est à retenir de la remarque que nous avons voulu faire ici, c'est surtout l'aspect que, dans le cas de certains grands projets, on va avoir affaire, éventuellement dans toute la réalisation du programme, à un ensemble de promoteurs. Il faut accorder autant d'importance à l'ensemble du processus qu'à chacune des parties. C'est simplement l'essentiel de ce que nous avons voulu exprimer ici.

Quant à la nuance de "nul", je note votre remarque. Je crois qu'elle est pertinente.

C'est un "nul", je crois, qui signifie peut-être "personne", personne pouvant vouloir signifier quelqu'un ou aucun

M. Goldbloom: II y a des personnes que nous appelons nullités, mais cela c'est autre chose.

M. Leclerc: On ne les mentionne pas.

M. Goldbloom: Je termine en disant que votre mémoire est lui-même un effort de conscientisation, mais adressé surtout aux législateurs. À cet égard, je trouve les trois dernières pages tout à fait remarquables. Je vous remercie d'avoir éveillé notre réflexion sur des points très précis dont nous devons tenir compte dans notre désir de trouver la meilleure application possible de la loi. (21 h 30)

Je remarque, M. le Président, que nous sommes rendus à au moins une quinzaine de mémoires, peut-être davantage. Nous aurions pu avoir au début, en faisant une lecture rapide de la pile de mémoires, l'impression qu'ils se divisaient en deux ou trois groupes et qu'il y avait beaucoup de duplication et que, rendus vers la fin de la deuxième journée, nous ne recevrions plus de nouvelles idées, de nouveaux commentaires. Tel n'est évidemment pas le cas. M. Leclerc, vous avez ajouté à nos réflexions des éléments qui ne se sont pas trouvés dans les mémoires précédents et je vous en remercie bien sincèrement.

Le Président (M. Laplante): Merci. Pas d'autres questions? MM. Leclerc et Demar, je vous remercie de votre contribution. Bonsoir. J'appelle maintenant le Groupe de protection de l'environ-

nement, et j'attire votre attention, c'est un groupe du comté de Lafontaine. Pointe-aux-Trembles, je pense que c'est bien cela? Je demanderais de vous identifier et d'identifier votre groupe, monsieur.

M. Goldbloom: M. le Président, vous n'aviez sûrement pas besoin de faire cela.

Le Président (M. Laplante): Non?

M. Goldbloom: Le ministre s'en serait chargé.

Groupe de protection de l'environnement

M. Mathieu (André): Mon nom est André Mathieu. Je représente le Groupe de protection de l'environnement, qui oeuvre principalement dans l'est de Montréal.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que je peux leur dire que vous faites partie de mon comté monsieur?

M. Mathieu: Je vous en prie.

M. Goldbloom: Les messages publicitaires se suivent mais ne se ressemblent pas.

M. Léger: Un citoyen de Lafontaine est un représentant de votre comté?

Le Président (M. Laplante): On s'occupe de l'environnement, chez nous.

M. Mathieu: Le Groupe de protection de l'environnement se félicite que soit enfin reconnu par les autorités gouvernementales le besoin de rafraîchir et d'affermir la Loi de la qualité de l'environnement. Déjà, en 1972, quand la loi fut adoptée, il était évident que sa portée restreinte ne permettait pas de stopper la plupart des agressions importantes contre l'environnement. La voie alors choisie visait uniquement à réduire la pollution causée par certaines activités humaines et ne tenait pas compte des interrelations tant biophysiques que psychologiques et sociologiques qui existent entre l'homme et son milieu de vie.

Il n'était ainsi nulle part question de la protection des milieux fragiles; on ne reconnaissait pas cette science fondamentale qu'est l'écologie et encore plus, on limitait la portée du mot environnement aux seuls concepts d'eau, d'air et de sol comme si la jouissance de ces trois éléments pris séparément ou interreliés pouvait garantir la totalité de la qualité du milieu de vie. La Loi de la qualité de l'environnement ne permet pas de protéger le sol, elle empêche seulement qu'on y déverse des polluants. Elle ne protège pas non plus les espèces qui vivent dans les milieux aquatiques, elle empêche seulement que soit altérée la qualité de l'eau. Encore moins, elle ne protège pas l'homme et son milieu de vie.

Malheureusement, le projet de loi no 69 suit les mêmes sentiers battus et n'apporte que très peu de nouveau dans la philosophie de base du combat québécois pour la protection de l'environnement. Il s'agit, tout au plus, d'un simple réajustement permettant de régler les problèmes particuliers les plus flagrants.

Encore plus grave, sur certains points, les modifications proposées par le ministre délégué à l'environnement affichent un net recul par rapport au texte original de la loi 49. Il en est ainsi de la création du Bureau des audiences publiques et de l'article 109b, qui, à toutes fins pratiques, rendent inopérant l'ensemble de la loi 49 en réduisant les amendes imposées à leur valeur minimale.

Le bureau, quant à lui, restreint le rôle du public dans les débats environnementaux en donnant au ministre et au Conseil des ministres l'entier du mécanisme des débats publics. Auparavant, un individu ou un groupe pouvait amorcer une discussion publique sur un problème important par le biais du Conseil consultatif de l'environnement. Cela ne pourra plus se faire; le conseil est muselé, et pour obtenir une audience publique il faudra que le ministre ne juge pas la demande frivole.

Par ailleurs, on donne aux citoyens un certain droit à la qualité de l'environnement, droit qu'ils possèdent d'ailleurs déjà en vertu du Code civil. On leur promet aussi un processus imparfait d'évaluation des impacts, ce qui, encore une fois, existait déjà dans la loi 49. On augmente la possibilité de hausser par règlement le montant des amendes, ce qui reste théorique, sans règlement ou sans changement à ceux déjà adoptés. On donne aussi le privilège pour un individu pollueur d'aller en prison, mais cette peine ne s'applique pas aux corporations pollueuses. On oublie, par ailleurs, d'apporter une solution aux problèmes les plus graves auxquels nous ayons à faire face, soit la destruction des équilibres écologiques, la protection des milieux fragiles, le manque d'espaces verts en milieu urbain et l'amélioration de la qualité de la vie en général. Malgré les amendements proposés, la Loi de la qualité de l'environnement demeure toujours une loi antipollution et non une charte de l'environnement, comme on serait en droit de s'y attendre. Le rôle du public est quelque peu redéfini; on lui donne l'odieux de mener les luttes antipollution, mais on lui enlève le recours de se faire entendre en dehors de la volonté du ministre.

Somme toute, GPE porte un jugement sévère sur le projet de loi 69, tout en reconnaissant que certains changements mineurs apportent des améliorations certaines. Nous aurions aimé voir des changements dans la portée de la loi par sa redéfinition du mot environnement, par l'élargissement du recours par le citoyen qui est limité à l'injonction et, enfin, nous sentons le besoin d'une vraie politique d'espaces verts en milieu urbain.

Comme la plupart des groupes écologiques, GPE ne possède ni les moyens ni l'expertise pour effectuer une étude sérieuse et en profondeur du projet de loi 69. Nous espérons que le ministre excusera l'imperfection de notre critique et qu'il

comprendra le sens profond de nos craintes et de nos objections.

Les commentaires particuliers qui suivent et que je tenterai de résumer se limitent aux modifications proposées par le ministre, en plus d'ajouter certains oublis que je souligne immédiatement. Afin de transformer réellement la loi antipollution no 49 en une loi de la protection de l'environnement, nous nous permettons d'ajouter quelques articles. Entre autres, nous proposons un élargissement du sens du mot environnement de la même façon que l'INRS-Eau. De plus, ce qui va être désagréable à l'Association des mines de métaux, nous croyons que les déchets miniers doivent être considérés au même titre que tout autre déchet et être soumis aux mêmes critères.

GPE considère que l'article 2 de la loi 69, en plus de décrire les pouvoirs et fonctions du ministre, devrait également préciser sa responsabilité. En effet, le ministre est responsable de la qualité de l'environnement. Il est bien important de l'indiquer. GPE croit que le ministère de l'environnement devrait pouvoir construire, acquérir et exploiter les usines de traitement des eaux potables, d'épuration ou de déchets. De plus, il devrait pouvoir gérer les espaces verts en milieu urbain, à tout le moins.

Maintenant, je passerai rapidement sur les articles amendés par le projet de loi 69. En ce qui concerne le Bureau d'audiences, nous comprenons mal le besoin de créer ce bureau puisqu'il y a déjà le Conseil consultatif qui joue ce rôle. On espère que la création du bureau n'aura pas pour objet de museler le conseil, car les amendements proposés nous incitent à penser en ce sens. Donc, GPE s'oppose à la création de ce bureau et préférerait plutôt que le Conseil consultatif de l'environnement garde sa forme actuelle, en élargissant son pouvoir d'enquête, en augmentant ses budgets de fonctionnement et en obligeant le ministre, évidemment, à publier, dans un délai raisonnable, ses rapports et recommandations. Nous sommes donc, de façon générale, défavorables aux modifications de la section II. Pour résumer notre pensée là-dessus, on voit le Bureau des audiences publiques de la même façon qu'un puits où on lance de la monnaie en disant un souhait et pensant être exaucé. Nous voyons le Bureau d'audiences publiques comme une immense oreille ministérielle où les gens vont parler, vont dire ce qu'ils en pensent. Étant donné que le bureau ne fera ni résumé, ni constatation et encore moins de recommandations au ministre, nous croyons que cela va limiter le pouvoir que le peuple a de se faire entendre. Il va pouvoir aller parler mais le ministre l'entendra s'il décide de se référer à ce qui a été dit, d'écouter les bandes, etc.

De plus, le bureau ne peut faire enquête que sur la demande du ministre. Le conseil perd ainsi son pouvoir de tenir des audiences publiques de sa propre initiative ou à la demande du public, ce que nous déplorons également.

À la section III, sur le droit à la qualité de l'environnement et la sauvegarde des espèces vivantes, à l'article 19a, nous croyons qu'il serait important de retrancher les quelques mots à la fin de la définition, c'est-à-dire que l'article devrait se lire: "Toute personne a droit à la qualité de l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent". Car, en effet, il est très possible que des cas de pollution légaux existent, mais s'ils ne sont pas couverts par un règlement ou par la loi 49 elle-même, telle qu'amendée, et ce même avec la meilleure volonté des législateurs, l'environnement pourrait souffrir.

Aussi, nous croyons que l'article devrait conserver son maximum de généralité afin de couvrir sans exception tous les cas possibles.

Nous sommes en désaccord complet avec l'article 19b. En effet, si quelqu'un commet un acte ou une opération qui porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à un droit conféré à l'article 19a, c'est au ministre de l'environnement et à ses fonctionnaires de voir à interdire cet acte ou cette opération et non aux citoyens. Cela tombe sous le sens. D'ailleurs, comment pense-t-on qu'un citoyen réussira à avoir gain de cause si le ministre lui-même n'en est pas capable? Ainsi, par exemple, le cas des modifications des rives du fleuve actuellement en cours à Bécancour, qui sont sous le coup d'une injonction, se poursuivent quand même et on attend de voir ce qui se produira.

De plus, il faudrait que ce soit une cour provinciale qui accorde un injonction, éventuellement, plutôt que la Cour suprême. Nous ne croyons pas que la section NIA ajoute beaucoup de pouvoirs au citoyen, pas plus qu'il n'en a actuellement dans la loi 49 ou que le Code civil ne lui en donne. On a vu cet après-midi qu'en effet, le citoyen pouvait poursuivre des compagnies ou des firmes. L'exemple de STOP et de la municipalité de Pierrefonds, je crois, était précis là-dessus, et nous ne voyons pas qu'est-ce que la section NIA peut ajouter. Cet article n'accorde que la possibilité de stopper les travaux ou actions s'il y a contravention à la loi et non s'il y a pollution ou dommage à l'environnement. S'il y a pollution en cours, on peut obtenir une injonction, mais s'il y a eu un épisode de pollution tel que l'émission de quelques tonnes de chlore, par exemple, cela s'est produit dans l'espace de quelques minutes, l'épisode est terminé, on ne peut pas demander d'injonction pour arrêter quelque chose qui est déjà produit mais qui va causer un tort irréparable à l'environnement.

Aussi, GPE, en résumé, recommande de remplacer ces six courts articles par une vraie charte de l'environnement et également de créer un tribunal de l'environnement.

Nous souscrivons également à ce que d'autres groupes ont suggéré, c'est-à-dire que des groupes, associations ou compagnies à but non lucratif puissent éventuellement tenter d'obtenir une injonction. (21 h 45)

À la modification 6 concernant l'article 27a, nous aimerions que soit précisé que toute carrière ou sablière doit être réaménagée durant ou à la fin de son exploitation. Il serait sans doute plus économique de le faire progressivement. De mê-

me, nous demandons que toutes les carrières abandonnées soient réaménagées de la même façon.

À la modification 8, nous sommes d'accord avec les ajouts du ministre, mais nous en suggérons trois autres afin d'étendre la juridiction sur les espaces verts et tout site écologique. Nous insistons sur le fait que le ministre doit accaparer dès maintenant ce champ vacant constitué par les espaces verts. En effet, tout le monde en parle, mais personne ne veut réellement s'en occuper.

Les amendements 31a à 31i n'apportent rien de neuf à la loi et ont pour effet d'atténuer et surtout d'alourdir un pouvoir qui existait déjà de par l'article 22. Nous aurions plutôt préféré qu'un règlement sur les études d'impact soit édicté, et cela depuis longtemps. Toutefois, on fait les commentaires suivants: Nous disons que c'est le ministre de l'environnement qui doit avoir la main haute sur tout projet ayant un impact écologique et sa décision ne doit pas être affectée par des soucis provenant d'autres ministères. En effet, si le ministre juge que l'environnement sera endommagé irrémédiablement et que, par exemple, le ministre de l'Industrie et du Commerce prétend créer des emplois, on constate tout de même que l'environnement sera éventuellement détruit.

En rapport avec l'article 31b, il semble que le personnel des SPE ne soit pas tellement familier avec les études d'impact. En effet, il y a toujours étude préliminaire et, si elle est approuvée par le ministre, ce dernier demande une étude détaillée avant de savoir s'il doit émettre un certificat d'autorisation. Nous relevons, au passage, une perle qui s'est sans doute glissée à l'article 31c. En effet, le ministre, après examen de l'étude d'impact, demande à l'initiateur du projet d'entreprendre la consultation publique. Aussi est-il automatique que quiconque s'intéresse à ce projet endosse la demande du ministre et demande lui-même les audiences publiques. La demande ne peut jamais être frivole à moins que...

L'article 31e doit préciser que dans l'éventualité de l'obtention d'un certificat d'autorisation, le promoteur du projet doit, avant de commencer la réalisation du projet, obtenir tous les permis et certificats requis par la loi et ses règlements. Dans tous les cas, le ministre doit s'empresser de rendre sa décision publique.

L'article 31f nous inquiète particulièrement étant donné qu'on semble vouloir enlever l'obligation d'entreprendre des études d'impact sur les projets qui ont déjà été planifiés. Tel qu'on l'a vu ce matin, l'Hydro-Québec a avoué candidement que, depuis 1973, il y a une douzaine de centrales qui sont déjà planifiées. Si, une fois que la planification est établie, on ne peut plus demander d'étude d'impact, il y a de nombreux projets qui ont été planifiés il y a cinq ou six ans, des études d'autoroutes, des études de corridors électriques, etc., qui vont être éliminés par le fait même.

Nous croyons aussi que seulement lorsque les travaux seront commencés... Est-ce que le ministre pourra dispenser le responsable de l'obligation de fournir une étude d'impact? Encore, nous avons des réserves.

L'article 31g — j'espère que les conseillers juridiques se pencheront sur le sujet — semble illégal, car le directeur de l'environnement fait respecter la loi, quoi qu'en pense le ministre, et ne peut pas être lié par une décision contraire du ministre.

À l'article 31h, nous croyons que certains documents doivent rester confidentiels. Toutefois, on aimerait savoir quels types de renseignements on cache à la population. Si c'est la description spécifique du procédé, je crois que le public serait satisfait. En résumé, GPE croit qu'il devrait y avoir étude d'impact préliminaire et détaillée dans tous les cas prévus au règlement, automatiquement accompagnée d'audiences publiques à chaque étape.

À la modification 10, nous relevons que les rédacteurs du projet de règlement semblent avoir oublié, dans la phraséologie des amendements, d'inclure les usines de traitement des eaux potables et des eaux usées.

À la modification 23, nous aimerions préciser que la commission municipale fixe les taux exigés par l'exploitant de tout lieu d'élimination des déchets afin de permettre une concurrence libre pour l'obtention des contrats. Il s'agirait que le taux soit fixe partout dans la province.

À l'article 104, nous croyons que le texte original du paragraphe introductif est supérieur à la modification proposée et permet d'éviter l'arbitraire dans l'octroi des subventions. Nous introduisons, également, une quatrième catégorie de personnes pouvant avoir droit aux subventions, c'est-à-dire celles, couvrant l'achat de terrains, immeubles ou autres dans le but de créer des espaces verts et de les entretenir.

Nous arrivons, maintenant, à l'article 109a, où nous nous déclarons en désaccord complet avec cet article, car on se demande pourquoi un individu serait susceptible d'encourir une peine d'emprisonnement et de payer une amende, alors qu'une corporation serait exemptée de la prison. Du strict point de vue légal, cet article devrait être corrigé, il nous semble.

À 109b, nous insistons fortement sur cet article qui, s'il est adopté, rendra tout à fait minime l'importance du ministère de l'environnement par rapport aux firmes et compagnies, car après avoir fait la preuve qu'une compagnie est coupable de pollution, on devra également déterminer les cinq points qui sont inclus dans l'amendement afin de pouvoir déterminer le montant de l'amende. Et étant donné que les très grosses compagnies multinationales ont de vastes facilités de faire de l'évasion fiscale, nous croyons que, dans tous les cas, le juge ne réussira pas à donner une amende autre que minimum.

En dernier lieu, nous félicitons le ministre de l'amendement 118c qui est une amorce de décentralisation. Toutefois, il faudrait que, dans tous les cas, les régions soumises à cet amendement adoptent des normes plus sévères que celles prescrites dans le règlement général et non pas moins sévères. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Léger: M. le Président, je vous remercie de l'appui que vous nous donnez à l'article 118c. Je suis quand même obligé de remarquer qu'un groupe pour la protection de l'environnement et qui veut faire avancer la cause se doit d'être nécessairement en avance et même, parfois, très en avance sur un gouvernement. Si c'était l'inverse, si le gouvernement était en avance sur les groupes de protection de l'environnement, cela commencerait à être inquiétant. C'est donc dire que les mesures que vous recommandez peuvent être ajoutées plus tard, et certaines remarques pourraient être ajoutées immédiatement. Vous dites qu'il y avait des lacunes dans la loi 49, que le projet de loi 69 n'a pas été assez loin, vous parlez même d'un recul. À noter que le projet de loi 69 — il ne faut pas oublier cela — vise spécialement d'abord et avant tout à permettre aux citoyens de participer à la protection de l'environnement. C'est l'objectif premier. Ce n'était pas de corriger toute l'autre loi en y apportant des amendements qui amèneraient la loi de l'environnement à un degré tel d'avance qu'il n'y aurait aucune province qui pourrait nous rejoindre. Nécessairement, il fallait y aller au départ; comme je le disais tantôt, il faut apprendre un peu à marcher avant de courir. Je ne suis pas du tout déçu que vous nous disiez qu'il faudrait aller plus loin. C'est encourageant. C'est donc dire qu'on est au moins dans la bonne direction.

Cependant, vous dites un peu plus haut que le bureau restreint le rôle du public dans les débats environnementaux. Je pense que vous allez peut-être un peu trop loin. Avec la loi actuelle, le public est complètement absent tandis qu'avec la loi que nous apportons nous allons quand même permettre aux citoyens de s'exprimer et d'avoir des pouvoirs de poursuites au pénal ou en injonction pour arrêter des travaux qui seraient dans l'illégalité.

Si l'accès au Conseil consultatif pouvait être un peu plus facilité, je pense qu'on pourrait accepter l'idée, votre désir de recevoir des requêtes du public. Je pense que cela est déjà prévu dans les amendements que nous avons apportés, même si vous jugez que c'est absolument insuffisant.

Maintenant, vous dites que les citoyens possèdent déjà un certain droit à l'environnement, mais seulement au niveau de la propriété privée. Le citoyen, actuellement, n'a pas individuellement des droits à l'environnement et c'est ce que nous donnons par le nouveau projet de loi, qui n'est pas uniquement la défense de la propriété privée.

En gros, je vais vous dire que la définition de l'environnement est assez facile à exprimer en dehors d'un texte de loi. Mais le concept de l'environnement ne peut pas être un concept nébuleux ou volatile ou pas tout à fait capable d'être circonscrit. Nécessairement, pour qu'il soit facile d'être interprété par les juges, il faut être capable d'y mettre une délimitation au moins minimale. C'est un concept physique de milieu de vie que nous avons voulu donner dans la définition de l'environnement. Elle peut être encore corrigée, mais c'est quand même la contrainte que nous avons. La définition de l'environnement devait être quelque chose de facilement compréhensible et praticable pour un juge qui aura à émettre des décisions à la suite de situations qui lui seront présentées.

Vous avez tantôt dit que vous trouviez qu'il y avait eu une ordonnance d'émise dans la région de Bécancour pour des travaux qui se font actuellement et qui pourraient être dans l'illégalité. Je dois quand même vous corriger. Il n'y a pas eu d'ordonnance pour les travaux qui se font à la Société du parc industriel de Bécancour. Maintenant, je suis d'accord avec vous pour affirmer... Il n'y a pas eu d'injonction non plus contre eux. Je peux vous dire que du fait que la Société du parc industriel de Bécancour empiète d'une façon démesurée sur le fleuve il était nécessaire qu'il y ait au préalable une demande de certificat et un permis de l'environnement, choses qu'ils n'ont pas eues parce qu'ils ne nous ont pas donné les renseignements voulus. C'est pour cela que nous avons, dès hier, envoyé une mise en demeure de se conformer en nous donnant — aux Services de protection de l'environnement — les renseignements concernant les objectifs ou les orientations qu'ils veulent donner à leurs travaux, spécialement concernant la disposition des déblais; deuxièmement, un plan de la disposition des eaux usées pour le parc industriel de Bécancour et, finalement, déterminer si c'est possible de réduire les sédiments en suspension. Cette mise en demeure devra les obliger dans les quelques heures qui viendront à se conformer sinon nous allons tout simplement... D'ailleurs, aujourd'hui nous avons été vérifier sur place s'ils avaient accepté de se conformer à la mise en demeure. Si demain il n'y a pas eu de changement, nous allons prendre action et ce n'est pas parce que c'est une société para-gouvernementale qu'il y aura des privilèges. Nous allons prendre action dès que la période de la mise en demeure sera terminée. S'il n'y a pas eu satisfaction à la demande, nous allons prendre action et je verrai, à ce moment-là, à prendre la décision qu'il faut pour faire respecter l'environnement.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. le ministre. M. le député de D'Arcy McGee. (22 heures)

M. Goldbloom: M. Mathieu, dans vos commentaires, vous dites, à plus d'une reprise, que la Loi de la qualité de l'environnement, soit telle qu'elle est présentement rédigée, soit telle qu'elle pourrait être modifiée par le projet de loi no 69, demeure loin d'une charte de l'environnement.

Je suis d'accord avec vous que l'on pourrait certainement envisager un jour une loi encore plus complète, encore plus globale, mais il n'y a que deux façons de protéger l'environnement: ou bien on doit faire l'éducation de tous les citoyens sans exception pour que personne ne pose un geste dommageable à l'environnement — si des gestes ne sont pas posés, on n'a pas besoin d'intervenir — ou bien il faut avoir une loi et cette loi doit être une loi contre la pollution. S'il y a pollution, il faut qu'il y ait une loi contre la pollution.

Mais quand il y a une loi — nous ne vivons pas en dictature, heureusement — son application, sauf certains aspects administratifs, est normalement confiée aux tribunaux. Devant les tribunaux, il faut porter une accusation, fournir une preuve et espérer que le juge sera convaincu par la preuve offerte. Mais c'est dans une situation contradictoire, n'est-ce pas? Il y a un adversaire, l'intimé, qui ne laissera pas tout simplement l'accusation être formulée sans réagir.

Je prends l'exemple que vous offrez, à la page 11 de votre mémoire détaillé, par rapport à l'article 19b. Vous parlez d'une compagnie d'engrais chimiques qui déverse une importante quantité de fertilisants dans un lac. D'abord, il faut qu'il y ait un témoin et il faut que ce témoin aille devant le tribunal. L'accusé pourrait répondre: Ce n'étaient pas des engrais chimiques, c'était simplement du sable, on m'a demandé de fournir du sable pour faire une plage. Il faudrait alors une preuve quelque part pour démontrer que c'étaient effectivement des engrais chimiques. Le fait qu'il existerait un jour une charte de l'environnement ne changerait rien à cela.

Je regarde, à la page précédente, votre exemple B, l'ouverture d'une sablière dans une zone résidentielle sans permis des Services de protection de l'environnement. Mais le fait que les Services de protection de l'environnement n'avaient pas accordé un permis voudrait dire, dans la forte majorité des cas, que les Services de protection de l'environnement n'étaient même pas au courant de l'ouverture de cette sablière; d'autant plus de raisons pour les citoyens d'agir, d'agir soit par voie d'injonction — c'est une option qui leur serait offerte par le projet de loi no 69 — soit en avertissant les Services de protection de l'environnement. Il me semble, en lisant l'exemple que vous exposez, qu'il n'y a pas moyen d'éviter la nécessité d'une intervention qui saisirait soit les tribunaux, soit les Services de protection de l'environnement de l'existence d'un problème. Ce que vous avez décrit ici, c'est une situation où, pendant deux mois, les Services de protection de l'environnement, déjà avertis, n'auraient pas agi. Ce n'est pas acceptable qu'il en soit ainsi et l'on essaie toujours de réagir aussi rapidement que possible.

Mais ce n'est pas par une charte de l'environnement que l'on peut faire agir plus rapidement les Services de protection de l'environnement. C'est un facteur humain.

Je pense que vous nous avez rendu un service en nous obligeant à repenser chacun des articles que vous avez mentionnés ici. Mais j'ai voulu faire la démonstration de certains aspects pratiques de la protection de l'environnement. Comme je l'ai dit en commentant un mémoire précédent, l'objectif est essentiellement identique des deux côtés de la table. Nous discutons de moyens et, par votre mémoire, vous nous amenez à revérifier nos opinions quant aux moyens à prendre. Nous voulons tous le même résultat que vous, c'est-à-dire la protection intégrale de l'environnement.

Le Président (M. Laplante): Pas d'autres questions? Sur ce, M. Mathieu, je vous remercie de la coopération que vous avez bien voulu donner à cette commission. Bonsoir.

Maintenant, pour demain, où il y aura ajournement à 22 heures, les organismes suivants... Maintenant, il y avait M. Michel Jurdant qui avait un mémoire et qui veut seulement le déposer pour les fins du journal des Débats. Est-ce accepté? Je sais qu'il ne pourra pas venir. Il n'a pas pu. Seulement le déposer pour l'inscrire au journal des Débats. Adopté. (Voir annexe D).

M. Goldbloom: M. le Président, il s'agit de quel mémoire?

Le Président (M. Laplante): Le mémoire de Michel Jurdant.

Une voix: Numéro?

Le Président (M. Laplante): 34.

M. Goldbloom: 34, je ne l'ai pas reçu.

Le Président (M. Laplante): Demain, les organismes suivants se feront entendre: Mme Elizabeth Hone-Bellemare et Marisol Hone-Martinez, à titre personnel, le mémoire no 19; les Clubs 4-H du Québec et l'Association forestière québécoise Inc., 31-M; Fédération des associations pour la protection de l'environnement des lacs, 15; Conseil régional de l'environnement de l'Est du Québec, 23-M et 23-Ma annexe; l'Union des producteurs agricoles, 33; l'Association pétrolière du Québec, 8; M. Lorne Giroux, avocat, à titre personnel, 22; le Conseil consultatif de l'environnement, 9.

Sur ce, bonsoir. Ajournement à demain, 10 heures. Merci.

(Fin de la séance à 22 h 9)

ANNEXE A

Mémoire du Comité de Citoyens de St-Jean-de-Matha

concernant le projet de loi no 69: Loi modifiant la loi de la qualité de l'environnement

Présenté à la Commission parlementaire de l'environnement

1. Introduction

1.1 À quel titre sommes-nous ici?

C'est à titre de citoyens membres du comité de citoyens de St-Jean-de-Matha que nous sommes ici. Notre comité s'est constitué à l'occasion d'un projet de ligne de transport d'électricité à 735 KV.

Parce que (précédent sur précédent) nous obtenions l'information de base, l'assistance technique, la possibilité d'obtenir la contre-expertise, des audiences publiques, nous avons fait prévaloir le respect de l'environnement naturel et habité et l'esprit de la loi 49. Nous avons alors remonté le courant contre les vents de la consultation-bidon tenue par le CRD Lanaudière et les marées des divers experts de l'Hydro.

Lors de la rédaction de notre mémoire à l'intention du SPE, nous avons tenu à aborder certaines questions concernant les études d'impact et la participation des citoyens sous le mode de la consultation. (Des copies de ce mémoire sont déposées pour les membres de cette commission parlementaire). Nous voulions contribuer à éviter que d'autres citoyens du Québec soient dans l'avenir victimes d'erreurs aussi grossières.

C'est pourquoi, avec le même sens civique et un grand plaisir, nous venons témoigner sur le bien-fondé d'une "Charte de l'environnement" qui devrait rencontrer les attentes de la population actuelle avant même d'être "un cadeau pour les générations futures".

1.2 Limites de notre travail

La commission parlementaire est un mode de participation et de consultation avec des règles et des exigences (mémoire dactylographié, 110 copies, présence à Québec) qu'il est plus facile à des groupes d'intérêts et à des institutions publiques de rencontrer qu'aux petits comités de citoyens. Nous vous livrerons dans ce mémoire l'essentiel de nos propos et nous nous tenons à votre disposition pour élaborer davantage lors des séances de votre commission parlementaire.

1.3Notre point de vue en bref

Compte tenu de ces limites et du fait que certains aspects seront bien couverts par d'autres participants, nous limiterons nos commentaires sur le triptyque des études d'impact, des audiences publiques et de l'assistance aux citoyens.

Nous allons d'abord situer le thème de la participation dans les sociétés modernes technologiques et en évoquer le discours, et le comparer à l'expérience vécue et aux moyens concrets qui sont à la portée du citoyen, et qui en constitue la pratique.

C'est dans ce contexte que nous essaierons d'évaluer le projet de loi (qui constitue une étape très importante avec le droit au citoyen de poursuivre, l'information sur les projets, les audiences publiques, etc.), de souligner ses principales lacunes (le manque de pouvoirs du bureau et le manque de crédibilité, l'importance d'audiences publiques lors de l'étude d'impact préliminaire, la faiblesse des moyens de consultation, l'inexistence de l'assistance aux citoyens), et enfin de suggérer des moyens concrets pour renforcer l'atteinte des objectifs de la réforme: la notion de l'environnement, le fonctionnement de la commission, les mécanismes de la consultation, l'accès physique aux services de la commission et l'assistance technique aux citoyens et aux petites et moyennes entreprises.

2. La participation des citoyens

2.1 Quelques fondements théoriques et idéologiques

Nous pouvons trouver dans un certain nombre de travaux les fondements théoriques de la participation dans les sociétés modernes. Mentionnons:

FORTIN, Gérald, La société de demain, ses impératifs, son organisation, Commission d'enquête sur la santé et le bien-être social, gouvernement du Québec, sept. 1970, annexe 25.

GÉLINAS, André, Organismes autonomes et centraux, PUQ, Montréal 1976, 346 p.

LANGROD, Georges & Al, La consultation dans l'administration contemporaine, Cujas, Paris 1972, 971 p.

Référer à la version PDF page B-6592

Dans notre mémoire ci-haut mentionné, nous avons inclus quelques extraits relatifs à la consultation (pp. 70 à 145).

Le Conseil consultatif de l'environnement, ainsi que divers groupes et plusieurs individus, se préoccupent depuis quelques années de cette question et ont accumulé une somme importante de documentation. On peut y retrouver entre autres les mécanismes de participation du public aux questions environnementales, suggérés ou adoptés dans divers états européens, américains et canadiens.

2.1.1 Engageant les membres du présent gouvernement

Si l'on veut convaincre les membres de la présente commission parlementaire représentant le parti au pouvoir de la nécessité d'une réforme complète et satisfaisante en vue d'appuyer le ministre Léger dans cette entreprise, nous les référons à quelques exemples tirés du programme officiel du parti Québécois adopté au mois de mai 1977.

Référer à la version PDF page B-6593

Des engagements semblables ont été pris dans les Livres verts sur l'éducation et le loisir, dans le Livre blanc du développement culturel, dans les projets de décentralisation et de réforme électorale municipale.

Il faut donc présumer que tous les ministres du gouvernement actuel responsables de la vie économique aussi bien que responsables de la vie sociale et culturelle reconnaîtront ces engagements et appuieront sans réserve (ce qui n'exclut pas les nuances) les efforts du ministre Léger dans son projet de créer des outils pour assurer la participation effective des citoyens.

2.1.2 Engageant d'autres secteurs de la société

Par manque de temps, nous n'avons pu examiner dans le détail les engagements pris par d'autres formations politiques ou les études commandées par eux sur ces questions. Nous tenons à souligner cependant deux jalons importants dans l'établissement des fondements idéologiques de la participation: — Les travaux (rapport et annexes) de la Commission d'enquête Castonguay-Neveu; — Les travaux (rapport et annexes) du groupe de travail sur l'urbanisation, présidé par M. Claude Castonguay.

Tous reconnaîtront l'influence que ces rapports ont eu sur la démocratisation de certains services et sur l'expérimentation de formules de participation. Le travail sur l'urbanisation contient des suggestions fort pertinentes pour améliorer la qualité de vie démocratique dans les municipalités.

2.1.3 Quelques commentaires sur les fondements

Les textes auxquels nous référons contiennent de nombreuses précisions sur la "démocratie de participation". Rappelons qu'il s'agit d'une réponse à la société technologique et à la constitution d'une expertocratie pour rétablir la démocratie et pour que les citoyens puissent déterminer l'orientation de cette société. Si les techniciens doivent nous fournir les réponses aux alternatives au niveau des "possibles", il revient aux citoyens ordinaires (même les experts d'une question sont citoyens ordinaires dans les centaines d'autres) de définir les "souhaitables" du développement.

La démocratie de participation veut donc pallier au contrôle technocratique, mais également aux dangers d'arbitraire politique et de la loi du plus fort ou de certains groupes d'intérêt. Elle ne peut s'implanter sans volonté politique d'assurer sa vitalité et sans moyens efficaces pour la soutenir.

Plusieurs déplorent le peu de participation des citoyens, leur manque d'intérêt aux élections scolaires par exemple. De leur côté, la grande majorité des citoyens ne veulent pas participer parce qu'ils n'ont pas confiance dans ces processus pour influencer réellement la décision. Ils sont battus d'avance, croient que tout est arrangé par les "puissants" entre eux et estiment les moyens actuels inadéquats.

Peut-on leur donner tort? Nous pourrions donner de multiples exemples où les citoyens ont vu s'implanter des équipements collectifs (arénas, écoles), se modifier des règlements de zonage, s'établir des usines, se construire des routes et des lignes électriques avec un sentiment total d'impuissance pour influencer l'ordre des choses.

Sans moyens efficaces, on reste au niveau du discours, à la limite du simulacre et parfois de la fumisterie. Le citoyen s'en aperçoit vite. Il réclame du solide: des élections certainement, mais aussi des référendums, des recours collectifs, des droits de poursuite, des audiences publiques dans le processus de décision, des consultations obligatoires institutionnalisées, un accès réel à l'information, l'assistance technique pour décoder les jargons juridiques, scientifiques, techniques, etc. C'est seulement lorsque ces moyens seront présents qu'on pourra juger de la qualité du civisme.

2.1.4 L'utilisation des Mass Média

Les moyens de communication de masse (publics, privés ou communautaires) constituent des relais essentiels entre les groupes et un support indéniable à la démocratie, non seulement comme lieu de l'expression libre et des échanges, comme organe d'information et d'analyse des tendances générales de la société et des gestes de la vie quotidienne, mais également comme le principal code de jurisprudence de nos pratiques sociales mises à jour régulièrement.

C'est par les média que l'on sait ce qui s'est passé dans tel cas, à tel endroit et avec tels résultats. L'étude publique d'un dossier permet aux promoteurs, aux groupes de citoyens, aux techniciens et aux hommes politiques d'en tirer des leçons et d'orienter leurs pratiques. Il faudra donc tenir compte de cet outil dans la mise en place de mécanismes pour étayer la vie démocratique.

À ce chapitre, on doit constater que le ministre responsable de l'environnement l'a sûrement compris, car il est un des ministres les plus "transparents " et le plus présent sur la place publique. Nous sommes entièrement d'accord avec cette pratique, car elle court-circuite à l'avance l'utilisation exagérée de circuits plus discrets. 2.2 L'expérience vécue 2.2.1 À St-Jean-de-Matha

Chacun d'entre nous peut examiner les possibilités de participation qui lui sont offertes dans son milieu ou dans divers secteurs, portant sur des questions générales et permanentes ou sur des problèmes ponctuels. La situation est semblable dans la plupart des milieux et des secteurs d'activité.

Nous voulons témoigner ici de l'expérience vécue lors du projet d'implantation de la ligne hydroélectrique à 735 KV. Plusieurs d'entre nous avions déjà des expériences professionnelles, soit de gestion, soit d'animation, dans des structures de participation, ou rédigé des rapports sur le même sujet. Nous avions de l'information, une connaissance des appareils, une certaine mobilité au travail. Tout au cours de notre expérience, nous songions aux obstacles plus grands que ressentent les citoyens qui n'ont pas ces avantages, qui travaillent à horaires fixes (seulement le midi ou le soir pour téléphoner au gouvernement ou rencontrer la presse) qui ne peuvent se payer des comptes élevés de téléphone dirigés à Québec ou des secrétaires pour taper des documents.

Nous tenons à souligner quelques-uns des obstacles que nous avons rencontrés et que nous avons réussi à surmonter grâce à l'aide que nous avons obtenue du ministère de l'environnement. a) Une grande difficulté à connaître et à obtenir l'information légale et technique pertinente, ainsi que les règles usuelles du jeu (les lois, les réglementations, les autorisations, les mécanismes d'approbation et d'évaluation, les critères et leur application, etc.). b)Une certaine difficulté à comprendre les jargons, à juger de la valeur technique des procédés, à obtenir une contre-expertise par manque de temps, mais surtout d'argent et d'un quasi-monopole en faveur du promoteur. Nous pourrions donner des exemples où même des commissions parlementaires ont rencontré des difficultés semblables. Que l'on songe aux commissions qui se sont tenues avant les Jeux olympiques. c) Difficulté de savoir quoi faire avec l'information, à qui s'adresser, ou sont les centres et les divers mécanismes de décision, ministères, comités, conseil des ministres... d)Difficulté d'intéresser les média (la cause est-elle légitime, ne défendent-ils pas leurs petits intérêts mesquins, sont-ils d'affreux contestataires?) Au départ, les services de relations publiques de l'Hydro-Québec avaient plusieurs longueurs d'avance sur nous et nous avons senti leur efficacité à plusieurs reprises et nous n'avons pu pénétrer certains média. e) Difficulté de faire disparaître le défaitisme chez nos concitoyens: "L'Hydro va faire ce qu'elle veut, comme elle veut, vous perdez votre temps", nous en avons entendu sur tous les registres. f) Difficulté d'accepter les refus, les irritations de certains fonctionnaires, parfois leur incompétence, avec un sentiment d'en déranger certains pour qui les choses seraient plus simples s'il n'y avait pas de citoyens pour intervenir dans les services publics. "Ils n'en mouraient pas tous"... Heureusement qu'il y a des secteurs entiers, comme à la direction générale de la nature, où le citoyen est bienvenu. g) La difficulté d'espérer alors que nous n'avons aucun droit légal réel (absence de mécanisme obligatoire) sinon le droit moral, celui de tout citoyen d'essayer de faire triompher le bon sens et d'en convaincre le gouvernement.

h) La difficulté de garder sa sérénité malgré les angoisses, l'insécurité sur ce qui va survenir, le stress venant du travail supplémentaire occasionné par tous les efforts de la participation et la nécessité de garder le même rendement au travail et dans son milieu. Quand on entre dans cette galère, on ne sait pas dans quel port on va aboutir ni dans combien de temps. La guerre d'usure est plus facile à supporter par les appareils qui "marchent tout seuls".

L'expérience vécue nous permet d'affirmer qu'il serait dangereux de sous-estimer l'importance de ces obstacles existant à divers niveaux. S'ils ne sont pas levés ou contrés, la participation est illusoire.

2.2.2 Ailleurs où la participation a eu des résultats

Dans tous les cas que nous avons pu vérifier où les citoyens ont mené avec valeur et avec succès leurs interventions, les mêmes ingrédients étaient présents: des technocrates dans d'autres secteurs possédant de l'information, des réseaux de connaissance pouvant s'appuyer sur les ressources et l'expertise d'universités et/ou l'assistance technique d'organismes privés ou para-publics.

2.2.3 Quelques commentaires sur l'expérience vécue

Ce n'est pas demain que sans moyens ni assistance, les citoyens pourront participer avec intérêt et avec efficacité à "décider des questions qui les concernent".

Soyez rassurés également contre l'excès contraire dans le cas où ces moyens seront présents car notre expérience nous permet d'affirmer que malgré toute l'assistance nécessaire, le travail qui attend le citoyen qui veut participer, la quantité d'efforts qu'il doit fournir est considérable au plan physique et moral. Il faudra encore du mérite pour participer. Ils ne seront pas légion mais ils pourraient être beaucoup plus nombreux que maintenant.

3. Le projet de loi no 69 apporte-t-il des réponses adéquates?

Le projet de loi no 69 représente une étape importante, amorce un mouvement intéressant vers la réalisation des engagements dont nous avons pris connaissance précédemment et pour répondre aux attentes exprimées par les citoyens préoccupés à la fois de la protection de l'environnement, de la rationalisation du développement et de la participation efficace des citoyens concernés.

Ce grand pas de franchi prend la forme d'une déclaration du droit à la qualité de l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent, assorti d'un recours civil en injonction (limité cependant à certaines catégories de personnes), le droit d'appel à la commission municipale du Québec élargi à toute personne ou municipalité, et surtout la création d'un bureau d'audiences publiques pour entendre les représentations des gens concernés sur toute question relative à l'environnement que lui soumet le ministre.

Malgré son intérêt, nous devons déclarer qu'à notre avis, il s'agit d'une symphonie inachevée et d'un arbre qui ne produira pas les fruits attendus, parce que ses racines ne sont pas assez solides et les engrais pas assez riches. Nous allons tenter dans les lignes qui suivent de vous indiquer un certain nombre de ces éléments manquants.

3.1 La notion d'environnement

II est important que l'on précise mieux la notion d'environnement afin que les "espèces vivantes " qui entretiennent des relations dynamiques avec le milieu ambiant comprennent dans l'esprit et la lettre l'espèce humaine.

Nous avons trouvé à l'article 109-b des indications qu'il pourrait en être ainsi lorsque, parlant de l'évaluation d'une amende, il est suggéré de considérer dans l'ordre suivant: a)Tout préjudice physique, psychologique ou esthétique subi par des êtres humains, la faune, la flore et la vie biologique. b)De tout danger créé pour la santé humaine...

Nous sommes d'avis que réduire la protection de l'environnement au milieu naturel sans y introduire l'homme, enlèverait toute signification et support à cette loi. Les impacts d'un projet sont susceptibles d'affecter non seulement la vie bio-physique, mais la vie économique, sociale et culturelle. Toutes les dimensions sont tellement imbriquées que chaque projet les atteindra toutes. Et toutes, elles seront soulevées lors d'audiences publiques. Evitons donc dès maintenant le risque d'un débat sur la tentation d'une interprétation restrictive.

Votre collègue de l'aménagement craindra peut-être que cette définition de l'environnement porte la commission d'audiences publiques à entrer de plein pied dans les questions d'aménagement du territoire. Nous ne le croyons pas, puisque l'établissement de schémas et de plans d'aménagement établiront la configuration idéale de l'utilisation du territoire. Ils représentent des outils essentiels de gestion préalables aux interventions ponctuelles.

Ce sont avant tout des interventions ponctuelles dont doit s'occuper la commission d'audiences publiques. Un règlement de zonage n'enlève pas la nécessité d'obtenir un permis respectant toutes les normes, ni la nécessité d'évaluer un projet de construction d'école en fonction des besoins actuels et des effets sur l'ensemble des services. Nous croyons donc qu'il s'agit de mandats fort différents, la réalisation de l'autre. Nous avons autant besoin de politiques d'aménagement du territoire que de protection de l'environnement.

Dans les cas où telles dimensions économiques et sociales seraient importantes dans une étude d'impact et lors d'une audience publique, il serait toujours possible au lieutenant-gouverneur en conseil de nommer un ou deux commissaires ad hoc venant de ces milieux.

3.2 Pouvoirs de la commission

II s'agit là d'une question vitale. L'édifice entier risque de s'écrouler si ses fondements ne sont pas assez solides. Comme pour la santé de l'économie il faut que les agents économiques aient confiance, pour que les audiences publiques soient viables il faut que les groupes concernés y croient, lui fassent confiance, "sentent" qu'elles sont un rouage essentiel intégré à la prise de décision, en un mot, qu'elles soient utiles.

Si les citoyens comme les promoteurs estimaient que le vrai endroit où il faut aller pour influencer la décision c'est au bureau du ministre ou au Conseil des ministres, les représentations se feraient à ce niveau. Nous serions alors loin des fondements de la démocratie de la participation.

La commission d'audiences a besoin d'obtenir les conditions qui lui confèrent toute l'autorité et la crédibilité nécessaires pour assumer son rôle.

3.2.1 Bureau ou commission

Dans les milieux préoccupés de l'environnement, on parlait du projet d'une commission d'audiences publiques. Certaines déclarations ministérielles comportaient cette même appellation. En choisissant maintenant le mot "bureau", veut-on marquer par là son caractère partiel, réduire son importance, ou est-ce seulement un choix de mot pour un organisme que l'on veut doter de pouvoirs adéquats?

3.2.2 Demande à la commission de la tenue d'une audience publique

Dans le cas où la demande d'audience publique est reliée à un projet soumis à l'obligation d'une étude d'impact et de la consultation publique, nous croyons que la demande doit être adressée à la commission, qui ne peut la refuser, à moins "qu'elle ne la juge frivole".

La commission devrait également tenir des audiences publiques dans tous les autres cas où le ministre le requiert.

3.2.3 Rapport de ses constatations ou de ses recommandations

Si la commission n'étaient qu'une courroie de transmission de certaines données recueillies au moment des auditions, le jeu n'en vaudrait pas la chandelle et sans doute, les participants potentiels se convaincraient-ils de son inutilité.

Il faudrait, pour que les représentations lors des audiences soient intégrées vraiment dans le processus de décision, que la commission ait un pouvoir décisionnel, comme certaines commissions et régies fédérales ou québécoises.

Dans le cas où la conjoncture spécifique à l'environnement ne le permettrait pas, il faudrait tout au moins s'attendre à ce que la commission analyse les données, arrive à des conclusions et fasse part au ministre de ses recommandations, qui devraient être rendues publiques.

Nous remarquons une absence importante à l'article 31-e. L'article ne fait aucune allusion à ce qui a pu se passer aux audiences publiques et laisse supposer que seule l'étude d'impact est prise en considération. Dans le cas où la décision est prise au conseil des ministres, il faudrait tout au moins transmettre en même temps que l'étude d'impact, soit les constatations, soit les recommandations selon l'option retenue.

3.2.4 Confusion possible avec le rôle du Conseil

Lorsque l'article 6-c dit: "Le bureau a pour fonctions d'enquêter sur toute question relative à la qualité de l'environnement que lui soumet le ministre..., il doit tenir des audiences publiques dans les cas où le ministre le requiert", et que l'article 8 précise "Le Conseil peut, à la demande du ministre, recevoir et entendre les requêtes et suggestions des individus et des groupes sur toute question visée par la présente loi", nous croyons qu'il y a un risque de confusion, de conflit. Les objets pour lesquels le bureau d'une part et le conseil de l'autre peuvent entendre des représentations doivent être clairement identifiés et être exclusifs.

3.3 L'étude d'impact préliminaire et détaillée et la participation du public

La participation du public durant l'élaboration d'un projet et avant son autorisation est essentielle, rappelons-le pour minimiser les impacts négatifs et maximiser les impacts positifs (lorsqu'il y en a), tenir compte des valeurs et des priorités des populations. Comme le précisait le programme du Parti québécois à ce chapitre, il est important que cette participation commence dès les premières phases du projet. Consultation comme audiences publiques doivent avoir lieu à l'étape de l'étude d'impact préliminaire. C'est à ce moment que les corrections de tir sont les plus nécessaires.

Nous pouvons évoquer de nouveau le cas de St-Jean-de-Matha. Nous avons obtenu une audience publique après une étude d'impact détaillée sur le choix d'une variante où nous avons fait part de nos points de vue sur un tronçon de 18 milles. La direction des SPE a refusé le certificat à l'Hydro. Neuf (9) mois de travail venaient d'être couronnés. Mais au cours de nos études, nous avons découvert que les raisons qui justifiaient les 150 milles du corridor étaient inacceptables quant à l'environnement. Cette question aurait dû être abordée au moment d'une étude d'impact préliminaire et éviter le gaspillage de beaucoup d'énergie.

Les mécanismes prévus actuellement par le projet de loi n'existaient pas. Le législateur a maintenant l'occasion de combler des lacunes dont on voit maintenant les désavantages.

S'il y avait à choisir (mais ce n'est pas nécessaire) entre une audience publique lors de l'étude d'impact préliminaire ou lors de l'étude d'impact détaillée, il faudrait sans hésiter opter pour la première.

Certains de vos collègues estimeront peut-être que le nombre d'audiences publiques risque d'être trop élevé avec deux audiences possibles par projet dans chacune des catégories prévues par règlement. Ce danger est réel. Il faudrait à notre avis que la commission d'audiences ne devienne pas une régie des loyers qui règle un nombre considérable de cas. Elle perdrait alors toute signification. Il serait préférable d'en réduire le nombre mais de leur accorder toute l'attention nécessaire.

Nous suggérons la pédagogie suivante: choisir parmi les demandes des cas-types, représentatifs de plusieurs autres projets, leur donner au moment des audiences tout l'éclairage voulu, faire jouer tous les mécanismes de la commission à plein et de façon visible, sous le regard attentif des moyens de communication de masse et donc du public. De cette manière, les promoteurs, les citoyens, les experts engagés dans d'autres projets tirent des conclusions des résultats de cette audience et l'appliquent à leur cas. Il ne sera alors peut-être pas nécessaire de tenir des audiences publiques dans tous les cas.

Nous croyons, monsieur le ministre, qu'il serait préférable ou bien d'appliquer la formule des audiences publiques d'abord aux projets les plus importants (selon des critères à préciser), ou sur moins de catégories de projets pour l'expérimenter avant de l'étendre. Quelle que soit l'option, il est éminemment souhaitable de faire jouer les processus et les mécanismes de participation au complet.

3.4 La commission et les services au public

Le projet de loi est trop discret sur l'aide qu'il faut apporter aux citoyens et dans certains cas aux petites et moyennes entreprises en vue des audiences publiques. Nous suggérons que le texte de loi lui fasse obligation d'offrir cette assistance afin que la participation soit équitable et valable.

3.4.1 Information sur le rôle de la commission d'enquête

Le secrétaire de la commission doit pouvoir informer les citoyens qui en font la demande sur le rôle de la commission, ses rouages, ses modes de fonctionnement, sur la loi et les règlements qui la régissent, sur les expériences antérieures, sur les conditions pour la tenue d'audiences, sur les droits des personnes.

Il devra parfois fournir une documentation de base sur les projets en cause, aider à décoder les jargons afin que les groupes jugent de la pertinence de demander une audience publique. On pourrait supposer que ces sessions privées seraient suffisantes dans un certain nombre de cas.

Une fois la demande d'audience publique acceptée, le secrétariat de la commission devrait fournir aux groupes l'assistance technique de base nécessaire à une participation équitable: documentation, services élémentaires de secrétariat. Les citoyens qui ne peuvent se les donner devraient pouvoir retenir les services d'experts, à la manière de l'assistance juridique dans le cas de questions légales. Nous voulons ici poser le principe de cette forme d'assistance. Les moyens d'y répondre pourraient être diversifiés et sont matière à options.

3.4.2 Le secrétariat de la commission

Comme nous venons de le suggérer, la commission, par son secrétariat, sera de façon permanente en liaison avec le public et à son service. L'article 6-h nous laisse entendre que "le secrétariat de la commission sera dans le territoire de la communauté urbaine de Québec".

Nous comprenons les motifs de cette situation, eu égard au fait que le siège du gouvernement se trouve dans la ville de Québec. Mais comme Montréalais, nous savons que plus de la moitié de la population du Québec préférerait des bureaux situés dans le territoire de la communauté urbaine de

Montréal. Il nous apparaît donc important qu'il y ait au moins une annexe du secrétariat à Montréal. À moins que ce ne soit l'inverse.

Compte tenu du désir de faciliter l'accès à l'information, à la documentation, à l'assistance technique et aux séances de consultation privées pour tous les citoyens, nous suggérons fortement que le texte de loi indique une présence effective de la commission d'audience dans la région de Montréal. Nous serions sûrs de gagner une élection portant sur cette proposition. De façon plus sérieuse, nous sommes convaincus que cette disposition est essentielle à la pratique de la démocratie en réduisant un certain nombre d'obstacles.

3.5 Consultation des documents relatifs à une demande de certificat d'autorisation

Le projet de loi n'est pas explicite quant aux modalités d'accès aux documents préparés par les promoteurs pour la consultation publique. Ne devraient-ils pas être disponibles dans les divers bureaux des SPE au Québec, tout au moins à Montréal et à Québec? Dans tous les cas, on devrait prévoir le service de décoder les jargons pour que les citoyens puissent évaluer la teneur et l'impact du projet. ll faudra éviter la situation qui prévaut dans le cas des amendements aux règlements de zonage. Il faut être spécialiste et en possession de tous les documents de référence pour comprendre de quoi il s'agit. Cet hermétisme est voulu pour décourager le simple citoyen de s'occuper vraiment de ses affaires.

3.6 Consultation des citoyens

Nous sommes conscients d'aborder ici une question difficile. Le mémoire du comité de citoyens de St-Jean-de-Matha aux SPE en fait largement état.

Si le législateur veut obliger les promoteurs à consulter les populations afin que les opinions de la population fassent partie intégrante des données qui conduiront au choix final du projet et de ses modalités, il lui faudra être plus exigeant quant aux mécanismes à utiliser.

Tout promoteur qui, sans obligation par la loi, veut connaître en partie les opinions d'une population, peut utiliser diverses techniques, dont la plus connue demeure le sondage, on veut influencer cette opinion pour "vendre" un projet, saura utiliser les divers moyens de relations publiques, y compris parfois des séances d'information et de consultation.

Une réelle consultation de la population avec toutes les règles de l'art, y compris un traitement objectif des données, suppose non seulement d'être réalisé avec toute l'expertise nécessaire, mais également par un organisme dont la neutralité et la crédibilité soient évidentes. Une consultation des populations ne saurait être tenue par le promoteur du projet sans rencontrer de grands dangers de manipulation du processus, des données, des résultats, et de devenir partie intégrante d'un exercice de relations publiques. Encore une fois, l'expérience vécue à St-Jean-de-Matha illustre assez bien la nécessité d'aborder cette question avec tout le sérieux qu'elle mérite.

Si donc le législateur veut en faire une obligation, il devra en prévoir les moyens par règlement adopté par le lieutenant-gouverneur en conseil. La commission d'audiences ou autre mécanisme neutre non responsable de la décision finale pourrait se voir confier ce rôle.

En attendant, nous croyons qu'un groupe d'études devrait se pencher plus attentivement sur la question, réunir les connaissances et les expériences au Québec et à l'extérieur par divers groupes et proposer au ministre une politique précise en ce domaine. Nous croyons qu'il serait prématuré de s'engager dans cette direction sans avoir réalisé cette étape.

4. Conclusions ou commentaires généraux sur l'esprit de la Loi

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les membres de la commission, le projet de loi no 69 apporte des amendements à la loi 49 pour la bonifier et en faire une véritable charte de l'environnement. À notre avis, pour atteindre cet objectif, il faudra y incorporer des suggestions que d'autres groupes et le nôtre vous auront présentées. Il est important que la réforme que vous proposez soit véritable tout en étant raisonnable. Il est important de ne pas décevoir, de ne pas la manquer, car un échec ajouterait au peu de confiance que les citoyens accordent actuellement à la valeur des moyens de consultation et justifierait les technocrates qui ne souhaitent pas la participation de penser que ces mécanismes sont inutiles et inefficaces. •

Ce qui fondamentalement est le plus important n'apparaîtra toujours qu'indirectement dans un texte de loi, c'est la volonté politique réelle de l'appliquer. C'est surtout le souci permanent non seulement du développement économique de nos ressources et de la protection de l'environnement naturel et habité, mais du citoyen. Voir à ce qu'il se sente vraiment écouté et qu'il le soit. Comme pour le civisme, c'est par "une foule de petites choses" que ce souci apparaîtra et convaincra le citoyen.

Il est essentiel que la commission d'audiences et tous ses moyens d'appui aient un caractère humain et ne représentent pas qu'une machine de plus. D'autres groupes d'intérêt vous auront fait part de leurs points de vue. Les citoyens attendent du législateur la clairvoyance devant leurs besoins et le courage de prendre les mesures pour y répondre.

Nous vous remercions de nous avoir permis de nous exprimer, de communiquer nos expériences, nos réflexions et nos suggestions. Nous demeurons à l'entière disposition de la commission.

Le comité de citoyens de St-Jean-de-Matha Paul Perron Luc Ouimet

ANNEXE B Seconde partie du mémoire de l'Association des biologistes du Québec

Note explicative

Tel que précédemment mentionné, l'A.B.Q. entend dans cette seconde partie non seulement apporter ses commentaires en regard de certains articles du projet de loi 69, mais également suggérer d'ajouter aux amendements déjà proposés de façon que l'objectif de qualité de l'environnement qui a été fixé soit mieux poursuivi.

Pour fins de compréhension il ne sera pas tenu compte des numéros sous lesquels apparaissent les articles du projet de loi 69, mais bien de la numération de la loi de la qualité de l'environnement telle qu'elle se présenterait dans sa version globale, tenant compte des modifications et additions contenues dans le projet de loi 69.

ARTICLE 1 (Environnement)

Le paragraphe 4 de l'article 1 de la loi actuelle limite la définition du terme "environnement" au seul milieu physique (eau, atmosphère, sol) et ne comprend par conséquent pas les organismes vivants, tant végétaux qu'animaux.

Or, il ne fait pas de doute qu'une définition sérieuse de l'environnement doit englober ces espèces vivantes et que cette optique rencontre les principes de base énoncés dans la loi alors qu'on vise spécifiquement à sauvegarder ces espèces (articles 19 A, 20 et autres).

Il serait en conséquence souhaitable d'introduire la notion d'organisme vivant dans la définition actuelle du terme "environnement" et de prévoir dans le projet de loi 69 un amendement en ce sens.

ARTICLE 1 (Polluant)

La définition du terme "polluant" telle qu'elle apparaît au paragraphe 6 de l'article 1 de la loi limite la pollution à la seule présence de contaminants, sans tenir compte des activités ou interventions physiques de nature à affecter l'environnement.

Or, de nombreux exemples de dégradations physiques des écosystèmes pourraient être apportés. Qu'il s'agisse de la modification du lit d'un cours d'eau, de l'altération des berges ou de la modification du régime hydrique, les conséquences en seront toujours extrêmement importantes au point de vue de l'environnement.

Il est donc recommandé d'étendre la définition du terme "polluant" pour y inclure ces altérogènes physiques qui mènent à une dégradation de l'environnement.

ARTICLE 6 A

En regard du rôle attribué au Bureau par l'article 6 C, cet organisme apparaît principalement axé vers une fonction d'enquêteur avec, accessoirement ou subséquemment, la possibilité de tenir des audiences publiques.

Dans cette optique, le titre de Bureau d'audiences publiques sur l'environnement apparaît incomplet et devrait être révisé pour correspondre plus exactement à l'article 6 C.

ARTICLE 6 B

II serait souhaitable que les cinq membres du Bureau dont il est question au premier paragraphe de cet article soient nommés pour un terme fixe pour assurer une certaine stabilité et continuité au sein de l'organisme.

Par référence au terme prévu dans le cas du Conseil consultatif de l'environnement et à l'expérience quotidienne, un terme de cinq ans serait raisonnable.

ARTICLE 6 C

L'article tel que rédigé laisse entendre que le rapport d'enquête que le Bureau sera appelé à préparer devrait se limiter aux constatations qui auront été faites. Or, une enquête complète et consciencieuse mène irrémédiablement à la formulation de recommandations. Nous présumons d'ailleurs qu'il n'était pas dans l'intention des rédacteurs de ce projet de loi d'exclure des fonctions du Bureau ce pouvoir de tirer des conclusions à partir des informations qui auront été recueillies.

Ainsi, pour demeurer conséquent dans les attributs du Bureau et éviter les problèmes qui résultent régulièrement d'un manque de précision, la fonction de recommandations devrait être spécifiquement mentionnée à l'article 6 C.

ARTICLE 6 H

Puisque l'article 6 B introduit une certaine hiérarchie entre les membres du Bureau, le rôle de président devrait être défini en rendant applicable au Bureau l'article 13 de la loi, avec les modifications qui peuvent s'imposer.

Le Bureau d'audiences publiques et le Conseil consultatif de l'environnement

L'introduction de ce nouvel organisme avec pouvoir d'enquête et incidemment de recommandations vient créer une certaine confusion lorsqu'on réalise que ses attributions se rapprochent à plusieurs points de vue de celles décernées au Conseil consultatif de l'environnement.

Tous conviendront qu'il serait inadmissible qu'on maintienne deux organisations pour remplir des fins identiques ou similaires et qu'au manque d'efficacité rattaché à une telle situation vienne s'ajouter un risque de concurrence.

Il est en conséquence du plus grand intérêt que les sphères d'activités et les attributions du Conseil consultatif de l'environnement et du Bureau d'audiences publiques soient clairement définies dans la loi.

ARTICLE 8

Puisque l'article 8 autorise le Conseil à formuler, de sa propre initiative, un avis sur toute question relative à la qualité de l'environnement, il possède forcément un pouvoir ancillaire d'enquêter et d'étudier tout sujet sur lequel il aura ainsi décidé de se prononcer. L'exercice de ce pouvoir ne saurait logiquement exclure la possibilité de recueillir l'opinion du public sur les questions en cause.

Aussi, nous estimons que l'amendement proposé au paragraphe 3 de l'article 8 n'ajoute rien aux droits déjà conférés au ministre de s'adresser au Conseil pour obtenir son avis sur toute question et risque plutôt d'être interprété comme limitant les moyens mis à la disposition du Conseil et de nuire ainsi à son efficacité.

ARTICLE 9

De la même façon que l'article 6 G vient prévoir la publication des rapports du Bureau d'audiences publiques dans les soixante jours de leur réception, un délai devrait être mentionné pour rendre publics les avis du Conseil.

ARTICLE 19 B

Un examen de la procédure prévue par les articles 19 B et 19 D nous amène d'une part à réaliser que ce recours diffère au point de vue pratique de l'action en injonction prévue dans les articles 751 et suivants du Code de procédure civile et qu'une certaine confusion risque d'être provoquée entre la requête en injonction mentionnée à l'article 19 B et la requête pour injonction interlocutoire à laquelle réfère l'article 19 D.

Pour éviter tout débat sur des questions de forme, il y aurait intérêt à clarifier les règles de procédure qui seront applicables au recours en injonction que se propose de créer le projet de loi, en tenant compte du fait que ces procédures devraient rencontrer des objectifs de célérité et d'économie.

ARTICLE 19 C

Le projet de loi vient limiter l'exercice du recours en injonction aux seules personnes physiques. Or, ce droit, aux termes de l'article 19 A, était reconnu à toute personne, ce terme étant défini par l'article 1 paragraphe 9 comme comprenant tout individu, société, association coopérative ou corporation autre que municipalité. Il apparaît inconcevable qu'une partie seulement des personnes à qui ce droit est reconnu puisse effectivement l'exercer. Aussi, aucun qualificatif ne devrait accompagner le mot "personne" utilisé à l'article 19 C.

Cet article vient également limiter le recours aux seules personnes qui fréquentent le lieu où le voisinage immédiat du lieu à l'égard duquel une contravention est alléguée. Une telle restriction ne saurait être justifiée puisque fondamentalement tout résident Québécois a droit à l'intégrité de tout le territoire québécois. Sachant que bien souvent l'ignorance, l'indifférence ou des contraintes de différents types font que la population d'abord affectée par la contravention risque d'être la dernière à se plaindre, il apparaît nécessaire d'abandonner cette restriction. Ces considérations sont d'ailleurs d'autant plus justes qu'avec la formule proposée, aucun recours en injonction ne pourrait être exercé en regard des territoires immenses qui continuent d'être inhabités dans le Nord Québécois.

ARTICLE 19 F

Cet article vient soustraire du recours en injonction non seulement les projets déjà autorisés, avec les restrictions qui s'imposent, mais également tout cas pour lequel le processus d'évaluation des impacts visés par les articles 31 A et suivants aura été commencé.

Or, il n'y a aucune raison pour qu'une quelconque contravention à la loi ou aux règlements soit soustraite du pouvoir de surveillance accordé aux citoyens par le biais de ce recours en injonction, simplement parce que la contravention en question est commise en regard d'un cas pour lequel une étude d'impact est déjà commencée.

C'est pourquoi la section suivante de l'article devrait être complètement retranchée: "ou pour lequel la procédure visée dans ces articles est commencée."

ARTICLE 20

Pour les raisons déjà fournies en rapport avec la définition du terme "polluant" à l'article 1, la prohibition créée par l'article 20 devrait toucher non seulement les contaminants, mais également tout autre intervention physique que les règlements auront au préalable qualifiée de dégradante pour l'environnement.

ARTICLE 22

L'article tel que présentement rédigé ne commande pas d'obtenir un certificat avant d'entreprendre une activité qui porterait atteinte à la sauvegarde d'espèces végétales ou animales. Aussi, à moins que la définition du mot "environnement" ne soit modifiée dans le sens déjà proposé, l'article 22 devrait spécifiquement inclure le cas de modificatons à la qualité de vie des espèces vivantes.

D'autre part, l'expérience démontre que le second paragraphe de l'article 22 connaît de grandes difficultés d'application du fait qu'il n'exige pas que soient indiquées la qualité du milieu sujet à être perturbé de même que la nature et l'importance des organismes vivants qui y habitent. C'est à cette condition que le directeur des Services de protection de l'environnement sera en mesure de prendre une décision éclairée sur les réels effets dans l'environnement de l'activité projetée alors que les informations qui sont présentement exigées ne visent qu'à mesurer la quantité ou la concentration de contaminants qui résulteront de l'activité en cause, ce qui, comme nous l'avons déjà mentionné, ne constitue qu'une forme de pollution.

Il serait au surplus souhaitable qu'une certaine publicité entoure la procédure prévue par l'article 22. Ainsi, nous suggérons que soit publiée, dans un journal local, à intervalles rapprochés, la liste des nouvelles demandes de certificats d'autorisation et des décisions récemment rendues en regard de celles pendantes. Telle formule permettrait aux citoyens de faire les représentations qu'ils pourront juger opportunes dans les circonstances et de prendre plus amplement conscience du travail effectué par les Services de protection de l'environnement.

ARTICLE 24

Comme suite aux remarques que nous avons soulevées à la section précédente, nous croyons que les critères pour justifier de l'émission d'un certificat d'autorisation ne doivent pas être limités aux contaminants qui pourraient résulter du projet étudié. Le directeur devrait également tenir compte, comme le stipule d'ailleurs l'article 22, de toute modification à la qualité de l'environnement que l'activité projetée serait susceptible d'entraîner.

ARTICLES 25 et 26

Les pouvoirs conférés par ces articles au directeur ne devraient pas être limités aux seuls contaminants mais inclure également toute source de pollution affectant l'environnement, ces termes de "polluant" et "d'environnement" étant ici utilisés en tenant compte des modifications que nous avons déjà proposées relativement à leur signification.

ARTICLE 30

La consultation prévue par l'article 30 nous porte à conclure que dans le cas des municipalités, le directeur doit tenir compte d'autres facteurs que ceux qui touchent purement la qualité de l'environnement.

Un tel article vient soumettre le directeur à des pressions qui risquent de le forcer à s'écarter du rôle qui lui a été fixé par la loi.

De plus, cet article laisse planer un fort danger d'injustice si les ordonnances visant à la protection de l'environnement deviennent différentes dépendant qu'il s'agit de municipalités ou d'autres personnes.

Aussi, il nous apparaît que l'article 30 dans sa formulation actuelle devrait disparaître, quitte par contre à ce qu'aucune ordonnance touchant une municipalité ne soit décernée sans l'approbation préalable du ministre chargé de l'application de la loi de la qualité de l'environnement.

ARTICLE 31 paragraphe B

Dans la mesure où le contaminant vient, au sens de l'article 1 paragraphe 5, altérer de quelque manière la qualité de l'environnement, nous ne nous expliquons pas comment par règlements on pourrait soustraire des contaminants et des sources de contamination à l'application de la loi.

Un tel pouvoir réglementaire apparaît exorbitant et non conforme aux buts visés par la loi.

ARTICLE 31 paragraphe F

Dans la mesure où l'article 22 couvre des projets d'où peuvent résulter non seulement une émission de contaminants mais également une modification de la qualité de l'environnement, aucun pouvoir réglementaire pour soustraire certaines catégories de projets de l'application de cet article ne devrait exister.

ARTICLE 31 paragraphe J

Considérant que l'article 21 oblige quiconque est responsable de la présence accidentelle dans l'environnement d'un contaminant à en aviser le directeur sans délai, nous ne voyons pas comment l'on pourrait par règlement venir préciser des délais que la loi n'autorise pas.

De toute façon, la présence dans l'environnement d'un des contaminants visé par l'article 20 commande qu'on s'en occupe avec la plus grande des célérités et il ne saurait être question de permettre aux responsables d'aviser les autorités autrement que sur le champ.

Article 31 B

Dans la mesure où l'étude d'impact tend de plus en plus à s'affirmer comme un processus scientifique d'évaluation des répercussions d'un projet sur l'environnement, elle doit, lorsqu'elle est bien menée, rencontrer des critères de base que le ministre ne devrait pas avoir le loisir de modifier en fonction d'un projet particulier.

D'autre part, les notions d'étude préliminaire et d'étude détaillée utilisées dans cet article ne correspondent pour le moment à rien et ne sont pas non plus assimilables à quelque pratique actuellement en cours. Toutefois, les termes employés laissent entendre que l'impact d'un projet d'environnement ne sera véritablement cerné qu'au niveau de l'étude détaillée. Aussi, si une discrétion est laissée au ministre de requérir soit une étude préliminaire, soit une étude détaillée, soit les deux à la fois, la seule étude préliminaire ne devrait cependant jamais, à elle seule, permettre l'autorisation d'un projet.

ARTICLE 31 C

Puisque le ministre peut ou non faire droit à une requête de la part d'un citoyen en vue de la tenue d'une audience publique, toute décision ayant pour objet de rejeter une telle requête devrait être motivée, rendue par écrit et adressée directement à la personne en cause.

Il apparaîtrait également souhaitable qu'un délai soit fixé au ministre pour prendre une décision, négative ou affirmative, à la suite d'une demande d'audience publique.

ARTICLE 31 F

Sachant que la conception de certains projets remonte parfois à plusieurs années et même à l'occasion à plus d'une décennie, il y a lieu de craindre que l'article tel que proposé ne vienne soustraire à l'obligation de procéder à une étude d'impact, bon nombre des grands projets qui seront réalisés dans les prochaines années.

Nous estimons que seuls les projets dont la réalisation physique a été commencée avant une date donnée pourraient ainsi passer outre à la loi. D'autre part, pour permettre de respecter les droits acquis des projets dont la réalisation physique serait commencée peu de temps après l'entrée en vigueur de la loi, il est suggéré que la date dont nous faisions précédemment mention soit fixée à un an après l'entrée en vigueur de la loi.

ARTICLE 31 H

Dans le cas où des renseignements ou données seraient soustraits en conformité de l'article 31 H, le dossier devrait faire mention que des retraits ont ainsi été opérés. D'autre part, on ne devrait jamais, sous le couvert de protéger un procédé industriel, pouvoir soustraire à la consultation publique l'identité des contaminants qui seraient émis dans l'environnement advenant la réalisation du projet.

ARTICLE 96

Étant donné qu'on reconnaît à toute personne le droit à la qualité de l'environnement, l'appel prévu à l'article 96 devrait être ouvert non seulement à ceux visés par une ordonnance ou qui se sont vus refuser un certificat d'autorisation ou d'approbation, mais également à toute autre personne qui, pour les motifs déjà exposés à l'article 96, est en désaccord avec la décision ou l'ordonnance qui a été rendue.

Si l'on admet le principe que le directeur peut commettre une erreur en refusant l'émission d'un certificat et que cette erreur peut être corrigée à l'occasion d'un appel devant la commission municipale du Québec, il faut également admettre que le directeur n'est pas infaillible lorsqu'il accorde un certificat et prévoir dans de tels cas la possibilité d'un appel devant la commission municipale.

ARTICLE 116

Puisque les intentions annoncées au début de la loi sont de permettre à toute personne d'entreprendre des poursuites, aussi bien civiles que pénales, pour rendre cette loi applicable, les amendements proposés à l'article 116 devraient faire plus que simplement abolir le principe de l'autorisation préalable de la part du procureur général. L'article 116 devrait à notre sens mentionner spécifiquement la possibilité qu'auront dorénavant les personnes résidant ou ayant une place d'affaires au Québec d'y intenter des procédures civiles ou pénales en conformité de la loi.

ARTICLE 117

L'article ne devrait pas être restreint aux seuls cas d'émission de contaminants portant atteinte à la santé ou aux biens d'une personne mais devrait être applicable à toute pollution de l'environnement, ces termes étant encore ici entendus dans le sens proposé à l'article 1.

D'autre part, pour des raisons analogues à celles fournies à l'occasion de la discussion de l'article 19 C, toute personne ayant sa résidence ou une place d'affaires dans la province de Québec devrait pouvoir requérir une enquête, qu'elle soit ou non directement affectée par le polluant en cause.

Enfin, un délai devrait être prévu pour que le ministre rende une décision sur une requête présentée conformément à l'article 117 et, dans les cas où le ministre en viendra à la conclusion qu'il n'y a pas lieu de donner suite à la requête, cette décision devra être motivée, rendue par écrit et transmise directement au requérant.

ARTICLE 118 C

Nous comprenons mal les raisons pour lesquelles il faudrait spécifiquement soustraire une municipalité à l'application de certains articles de la loi puisque tout protocole d'entente qui prévoira des normes inférieures au seuil fixé serait inacceptable et que d'autre part il n'est pas nécessaire d'être "hors-la-loi" pour faire plus que le minimum exigé.

La seule utilité que nous voyons à cet article est celle d'éviter, dans des cas particuliers, le processus d'un certificat d'autorisation ou de permis lorsque le protocole d'entente fournit déjà la garantie que les activités, constructions ou autres, qui seront réalisées dans le cadre de ce qui est prévu dans l'entente rencontreront les normes déjà en place. Or, il s'agit là d'une approbation anticipée des projets en cause dont une municipalité peut bénéficier sans qu'il soit besoin de la soustraire à l'application de certaines parties de la loi.

Aussi, l'article 118C nous apparaît-il injustifié.

ANNEXE C

Mémoire d'un groupe de chercheurs de l'INRS-Eau Le 31 août 1978.

Messieurs les Membres de la Commission,

Monsieur le Président, avant d'aborder le contenu spécifique de notre mémoire, nous aimerions nous situer personnellement dans l'ensemble des participants à ce débat. Les réflexions que vous allez entendre dans ce mémoire sont le fruit d'une lente évolution scientifique qui s'est opérée depuis huit (8) ans dans le cadre de l'Institut National de la Recherche Scientifique. Au départ, encadrés dans des limites disciplinaires étroites, les chercheurs du centre de l'eau de l'INRS ont appris graduellement à déborder de leurs disciplines respectives pour pouvoir communiquer entre eux. Ils ont également développé une préoccupation commune pour une gestion rationnelle des ressources du milieu naturel, particulièrement l'eau, comme le nom* de notre centre l'indique.

De purement scientifique et cloisonné qu'il était au départ, l'engagement des chercheurs chez nous a donc évolué vers une perception multidisciplinaire des ressources naturelles et de l'environnement, et une certaine vision de ce que devrait être sa gestion rationnelle. Compte tenu du cadre dans lequel nous avons évolué, notre présente réflexion est marquée par la recherche méthodologique et s'adresse particulièrement aux aspects du projet de loi 69, portant sur la participation du public aux débats sur l'environnement, la vocation des organismes de consultation, les études d'impacts et le droit à la qualité de l'environnement.

Vous comprendrez, Monsieur le Président, que notre intervention, tout en se voulant objective et apolitique, ne peut éviter de situer l'environnement comme valeur centrale. Par ailleurs, compte tenu de notre manque d'expérience au niveau des mécanismes administratifs ou des formulations juridiques notre mémoire se situera donc à un niveau relativement global, particulièrement au niveau des principes, des objectifs et des fonctions reconnus par le projet de loi, en vous laissant juges de la qualité des outils et des moyens.

1. L'homme et sa technologie — vs — l'environnement

Ainsi que l'exprimait l'ingénieur américain David Bella, pour la première fois depuis l'existence de l'humanité, l'homme a atteint un stade d'évolution technologique tel que sa capacité d'intervenir dans l'environnement est suffisante pour modifier ou rompre les grands équilibres naturels comme le climat, les écosystèmes, etc. À la limite, et poussé par une folie aveugle, il pourrait détruire la planète elle-même par les armes atomiques. Bella poursuit cette réflexion apocalyptique en affirmant que la capacité de l'homme d'intervenir dans l'environnement s'accroît plus rapidement que sa conscience des impacts qui en résultent, et, à plus forte raison, sa capacité d'en tenir compte.

Sans vouloir statuer sur le bien-fondé de tels énoncés, nous les croyons pertinents au débat actuel. À venir jusqu'à une époque récente, nos sociétés dites "développées" ont usé de cette force technologique à des fins, il faut bien l'admettre, parfois inconsidérées: — soit pour accroître un bien-être matériel fondé sur un credo d'abondance des ressources et identifié à la recherche d'une soi-disant "qualité de vie"; — soit pour maintenir artificiellement un momentum d'activité économique créatrice d'emploi; — soit encore pour permettre la poursuite d'objectifs de profit.

La résultante de telles pratiques conduit inévitablement vers une croissance aveugle et incontrôlée qui peut certes recouper la trajectoire d'un développement social adéquat mais qui demeure trop souvent à la merci du hasard ou d'une pseudologique économique.

Nous voulons donc ici formuler un premier principe:

Les valeurs conservationnistes et respectueuses du milieu naturel et la recherche d'une véritable qualité de vie doivent rapidement prendre le pas sur les valeurs traditionnelles conduisant à la croissance sauvage et la destruction de la biosphère.

2. Démocratie et conscience environnementale

Dans nos sociétés démocratiques libérales, les normes d'appréciation de la qualité des actions humaines relèvent en dernière analyse des valeurs et du niveau de conscience de la population. C'est le processus politique, et toute la machine gouvernementale y est, en principe, soumise. Considérons maintenant la question de l'environnement. On assiste actuellement à un vaste mouvement de conscientisation vis-à-vis des impacts de l'homme sur le milieu. La pollution, les débats écologiques, l'épuisement des ressources sont présents quotidiennement dans les media. À l'instar de domaines tels *INRS-Eau

la consommation, le loisir, les droits de l'homme et ainsi de suite, l'environnement est l'objet d'une vaste prise en charge par la population de son respect. Ainsi, la création de groupes organisés autour de ces questions a la réputation d'avoir un rythme de doublement d'effectifs quinquennal. Ce mouvement de prise en charge populaire est sans doute attribuable à une crise de confiance vis-à-vis des institutions gouvernementales desquelles on a eu le tort de tout attendre. C'est une réalité salutaire dont le gouvernement doit tenir compte et dont il pourra éventuellement se servir pour accroître le momentum et la qualité de ses politiques environnementales.

Un danger demeure cependant: faute d'information adéquate, la perception du milieu naturel court le risque d'être biaisée par les limites du champ de perception de la population. Certaines questions environnementales telles l'utilisation de substances toxiques, ou la réalisation de projets dans des régions éloignées des populations peuvent ainsi échapper à la prise en charge de la population, et, conséquemment, au processus politique. On verrait donc une multiplication de préoccupations très localisées au détriment de questions moins apparentes mais pouvant comporter des risques environnementaux très supérieurs.

Le second principe que nous voulons énoncer est donc suivant:

Pour assurer le respect et la mise en valeur adéquate de l'environnement, celui-ci doit être pris en charge par la population. D'autre part, l'État doit veiller à ce que l'information favorise une conscientisation adéquate et ainsi valorise le processus démocratique.

3. Le projet de loi 69

C'est à la lumière de ces deux principes généraux que nous voulons considérer certains des éléments constitutifs du présent projet de loi.

3.1 Le bureau d'audience

Concernant la mise sur pied d'un bureau chargé d'enquêter, de tenir des audiences et de faire rapport, nous tenons à exprimer notre satisfaction générale car, selon notre analyse, ce mécanisme devrait permettre ou favoriser: — l'émergence de groupes organisés, constituant ainsi, peu à peu, le tissu de base de la conscience collective environnementale; — la diffusion et la pénétration par les mass media des valeurs environnementales; — le renforcement du processus politique de décision puisque fondé sur un jugement bien éclairé, à la fois par des points de vue locaux ou sectoriels, mais également par des informations ou données obtenues en vertu des pouvoirs d'une commission; — le rapprochement des milieux technocratiques de l'environnement des différentes couches de population.

Nous désirons cependant formuler certaines réserves concernant ce mécanisme. Nous voulons surtout déplorer le fait que le Bureau ne transmet pas officiellement d'avis ou de recommandations laissant ainsi l'entière responsabilité de la décision aux instances politiques. Ses rapports ne devront finalement représenter que des images fidèles des mémoires entendus, ce qui risque, à moyen terme, de diminuer sa crédibilité vis-à-vis des groupes populaires. À notre avis, le Bureau devrait fonder sa démarche sur un préjugé favorable à l'environnement et laisser au processus politique le soin d'arbitrer la décision entre les différentes tendances.

Enfin, il est évident que la formation de groupes intervenant avec des mémoires lors des éventuelles audiences est étroitement liée à la disponibilité de ressources scientifiques et techniques d'appui. Nous savons que de telles ressources existent actuellement aux SPE; il faudrait certainement prévoir une augmentation éventuelle de ce personnel, ajouté à une formation spéciale dans les disciplines d'animation, pour éviter une prise en charge envahissante des futurs groupes.

3.2 Le Conseil Consultatif

Quant au Conseil Consultatif, son rôle spécifique nous est apparu quelque peu obscur au premier abord. Nous constatons que cet organisme jouit d'une autonomie supérieure au Bureau d'audience au plan de l'initiative d'enquêter et du pouvoir de recommander.

Il cède cependant cette autonomie au plan de l'objet autorisé d'enquête et des moyens. Cet organisme, dont nous attendions des prérogatives d'ordre stratégique concernant les débats sur les grandes questions d'environnement, est voué, à moins d'une fausse perception de votre part, à jouer un rôle relativement effacé. D'autant plus qu'il ne semble pas détenir le pouvoir de tenir des audiences publiques, et ses avis ne sont pas soumis à des délais de publication.

Ce mécanisme pourra certainement continuer à jouer un rôle positif concernant la pertinence et le bien-fondé des modifications à la loi ou aux règlements. Nous déplorons seulement que sa fonction ne contribue pas plus au débat public sur l'environnement, particulièrement au niveau des grandes questions stratégiques, comme le débat énergétique par exemple.

À la lumière de cette analyse, nous souhaitons donc un amendement à la loi permettant une meilleure diffusion des activités du Conseil (par voie d'audiences publiques) en ajoutant un délai de publication de ses avis et en assouplissant l'objet sur lequel il serait susceptible de se pencher. Faute de tels amendements, nous souhaitons que le Bureau d'audience n'oublie pas d'inscrire à son agenda ces questions d'ordre stratégique, au risque de recouper les débats d'aménagement du territoire.

3.3. Droit à la qualité de l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes

Nous sommes heureux de constater ici que l'objet de ce droit déborde le concept traditionnel d'environnement, généralement plus centré sur le milieu de vie de l'homme et des ressources naturelles qu'il utilise que sur l'intégrité des écosystèmes naturels. Ce droit reconnaît l'inaptitude de certains écosystèmes à assurer par leurs seuls propres moyens leur pérennité et associe parallèlement au pouvoir de l'homme de perturber la biosphère un devoir de prise en charge et de protection du milieu naturel. Quant au droit à un milieu de vie pour l'homme, il est difficile pour nous d'émettre un avis ou une critique puisque ce droit s'inscrit dans un contexte plus global où d'autres règlements ou pratiques recherchent également la protection du milieu de vie. Pensons à l'hygiène industrielle, par exemple. Quant à l'objet de ce droit, mentionnons qu'il omet d'inclure certains aspects géographiques ou sociaux tels le patrimoine paysager et historique, l'intégrité du tissu social de communautés urbaines ou autochtones qui constituent, au sens large, le concept d'environnement dans lequel les activités humaines viennent s'inscrire. Ces éléments d'environnement, bien que ne relevant pas toujours de la compétence des Services de protection de l'environnement, sont en filiation étroite à son activité courante ou prévue dans le projet de loi. On peut donc souhaiter que les Services coordonnent leurs activités et leur procédure avec les autres ministères ou organismes environnementaux chargés de tenir compte de ces aspects patrimoniaux et sociaux.

Le mécanisme d'injonction prévu dans la loi pour favoriser l'exercice du droit à l'environnement nous apparaît un excellent choix dans la mesure où son usage sera simple, souple et très rapide. Les questions qui seront éventuellement l'objet des demandes d'injonction toucheront les situations pour lesquelles les autres mécanismes de la loi sont impuissants pour donner satisfaction aux demandeurs. Nous pensons particulièrement aux cas d'empiètement dans les cours d'eau aux lieux de frayères, les décapages de sol précédés de coupe de bois précipitée en vue de l'ouverture illégale de carrières et sablières. Ces situations devront être considérées par le Tribunal avec une diligence proportionnelle au degré d'irréversibilité et d'intensité du dommage causé à l'environnement.

3.4 L'évaluation des impacts

Cette procédure est sans contredit un des aspects de la nouvelle loi qui suscite chez nous à la fois le plus de satisfaction et également le plus d'interrogations. Adoptées depuis des périodes variables dans la plupart des pays industrialisés, des lois similaires commencent d'ores et déjà à porter leurs fruits. D'autant plus que cette pratique est en filiation étroite avec les mécanismes de participation du public aux audiences publiques sur les impacts puisqu'il en constitue le contenu d'information.

De façon générale et à moyen terme, le développement du mécanisme de la prévision des impacts devrait permettre: — de mieux situer l'influence de l'homme et de sa technologie dans le cadre limité de la biosphère; — de décloisonner progressivement les connaissances actuelles trop souvent monodisciplinaires et les resituer dans une perspective respectant l'intégrité des systèmes naturels; — identifier les systèmes naturels dont on ignore le comportement et corriger ainsi l'effort d'acquisition de données et de connaissances; — de valoriser l'information scientifique trop souvent aride et inaccessible à l'usage des groupes populaires et donc développer une culture populaire de l'environnement.

Il ne faut pas attendre de cette pratique qu'elle élimine tous les impacts des activités humaines sur l'environnement. Cet objectif est trop lié à la conjoncture économique et politique et au degré de conscientisation du public pour que l'arbitrage décisionnel penche toujours vers l'environnement. Par ailleurs, bien que le principe de ce projet d'article corresponde parfaitement aux principes que nous avons énoncés au début de notre mémoire, son application efficace demeure problématique et dépend de l'imagination des promoteurs qui sauront bien exploiter ses faiblesses, le contourner ou minimiser ses effets. Car il ne faut pas se bercer d'illusions, cette obligation pour les promoteurs privés ou publics d'évaluer les impacts de leurs projets sur l'environnement, de consulter une ou deux fois le public sur ces questions et de se soumettre aux délais administratifs des pouvoirs publics pour obtenir des autorisations aura certainement pour effet de rallonger le délai entre la planification et la réalisation. C'est d'ailleurs ce qui a été constaté aux États-Unis pour les projets du Corps des Ingénieurs. Cependant, c'est à notre avis le prix à payer pour améliorer la pertinence et les modalités environnementales des interventions de toutes sortes sur le milieu et de reprendre ainsi bien en main les leviers de contrôle de la machine technologique débridée et aveugle.

Les interrogations et les inquiétudes concernant l'application effective de cette procédure sont nombreuses et interreliées et nous allons tenter de vous les résumer rapidement. Elles touchent: — l'évaluation des impacts aux stades supérieurs de la planification et de l'aménagement du territoire; — les critères et les procédures permettant d'atteindre un degré acceptable de qualité d'évaluation ou l'éthique de l'évaluation; — la procédure de consultation du public par le promoteur et l'éthique de l'information.

Bien que d'autres points puissent faire l'objet de discussion nous voudrions nous en tenir à ceux que nous venons de vous mentionner.

3.4.1 Planification, aménagement du territoire et évaluation des impacts sur l'environnement

Ce point constitue, sans contredit, notre interrogation la plus sérieuse. La loi mentionne que tout projet faisant partie d'une catégorie déterminée par règlement du lieutenant-gouverneur en conseil soit soumise à la procédure d'évaluation d'impact, à la demande d'autorisation et à la consultation. L'article commence par le terme "nul" comme si un seul promoteur était concerné par le terme projet. Or, on sait très bien qu'aujourd'hui, plusieurs projets ont une envergure géographique ou financière telle que plusieurs promoteurs peuvent participer au plan d'ensemble par la réalisation de plusieurs sous-projets. Ainsi, le projet des "battures de Beauport" pris dans son ensemble et tel que formulé originalement comprenait un réseau autoroutier, des installations portuaires, des industries diverses, une usine d'épuration, etc... Si l'on se fie à la procédure présentée dans le projet de loi, devra-t-on procéder à des évaluations d'impact sous-projet par sous-projet, promoteur par promoteur sans souci pour le point de vue d'ensemble? Poursuivant dans la même logique, il pourrait très bien arriver que les premières phases ou sous-projets du programme d'ensemble n'aient que peu d'impact sur le milieu et qu'on autorise leur mise en oeuvre. La somme des premières réalisations pourrait donner un momentum tel à l'ensemble du programme qu'il serait devenu pratiquement impossible de stopper la poursuite du programme même si les étapes subséquentes comportaient des risques importants pour l'environnement.

Nous craignons, messieurs les commissaires, que la procédure actuelle liée à la pertinence du règlement définissant la nature d'un projet, ne se limite qu'à minimiser les impacts d'un projet sur l'environnement sans recours réel pour l'interdire si besoin se faisait sentir. Ceci grâce à un procédé de morcelage des projets d'ensemble en sous-projets plus facile à accepter à la pièce.

Nous souhaitons donc vivement que le futur règlement à venir inclut dans la définition de projet une possibilité de considérer les plans d'ensemble faisant appel à plusieurs promoteurs identifiés pour réaliser des portions de plan.

D'ailleurs, il nous apparaîtrait souhaitable que cette liste de catégories de projet prenne place directement dans la loi avec une disposition supplémentaire autorisant le législateur à ajouter au besoin d'autres catégories par voie de règlement.

3.4.2 L'éthique de l'évaluation

Cette question relève de l'éthique scientifique qui sous-tend le processus. Sans entrer dans le détail de cet aspect, mentionnons quelques points fondamentaux à surveiller pour préserver la qualité des études d'impacts: — La question des solutions alternatives; — Les impacts secondaire et tertiaire d'un projet relié soit à sa réalisation, soit à ses effets d'entraînement; — L'échelle spatiale des impacts; — Leur aspect dynamique; — Le contrôle en région d'exploitation; — Les critères d'évaluation tels l'irréversibilité ou l'unicité; — La nature des méthodes en fonction des objectifs recherchés tel la possibilité de communiquer pédagogiquement au public ou de comparer des alternatives, etc..

À ce chapitre, la littérature scientifique est extrêmement abondante et les techniques sont nombreuses. D'autant plus que l'expérience de l'évaluation des impacts est vécue depuis déjà plusieurs années en Amérique du Nord, particulièrement aux États-Unis. Notre propos est surtout d'illustrer ici combien il peut être délicat et complexe de prévoir une procédure technique aux fins d'évaluation d'impacts tout en respectant une éthique scientifique.

3.4.3 L'éthique de la consultation par le promoteur

La loi 69 prévoit un mécanisme de consultation du public par le promoteur. Celui-ci est soit simple: à l'une des deux étapes de l'évaluation, soit double: aux deux étapes de l'étude préliminaire et de l'étude

détaillée. C'est certainement le point le plus litigieux de la loi. Ici encore nous n'entrerons pas dans les détails. Les interrogations les plus graves concernent: — L'éthique de l'information transmise par le promoteur aux personnes consultées; cette information court un grand risque de ressembler à de la propagande et ainsi, tout le processus de consultation pourrait ressembler à une campagne d'opinion publique; — La définition des personnes susceptible d'être l'objet de consultation. Qui, en effet pourra empêcher le promoteur de ne consulter que ceux dont les intérêts sont les mieux servis par le projet? — La crédibilité du promoteur vis-à-vis du consulté peut par ailleurs limiter grandement la participation du public à un débat et justifier ainsi le promoteur d'ignorer les préoccupations de ce public.

Espérons qu'à cet égard nos craintes s'avéreront non fondées et que l'expérience démontrera que nous avions tort.

Merci, monsieur le Président et messieurs les membres de la Commission.

ANNEXE D

Mémoire présenté à la Commission Parlementaire sur l'Environnement

par: Michel Jurdant 1, écologiste

septembre 1978 "La révolution passera par vélo camarade ah la bicyclette elle te permet d'aller cinq fois plus vite que le piéton tu dépenses cinq fois moins d'énergie et tu vas cinq fois plus loin en vérité je te le dis camarade la révolution passera par le vélo"

Julos Beaucarne 2

Cela se passait à Sainte-Foy le printemps dernier. Il faisait un temps superbe ce dimanche là et toute la nature nous invitait par son débordement de vie si caractéristique à cette époque de l'année. Le gigantesque centre d'achats de Place Laurier était cependant ouvert car il s'y passait un événement qui attirait cet après-midi là une foule cosmopolite et anxieuse. Le spectacle n'en valait-il pas la peine? Six personnes entourant un véhicule automobile qu'elles n'avaient pas cessé de toucher depuis plus de soixante heures dans l'espoir de devenir la dernière à le "lâcher" et gagner ainsi cet objet qu'ils convoitaient ainsi que la dizaine d'autres personnes qui avaient commencé cette compétition à la suite d'un tirage au sort parmi plus d'une centaine de candidats. L'automobile, symbole de la réussite et du bonheur, mais aussi vache sacrée de la société industrielle dont elle est devenue en quelque sorte la caricature! Autrefois, objet de luxe, elle est aujourd'hui un besoin qui conditionne nos moeurs, nos valeurs, notre mode de vie, l'organisation de l'habitat, les relations sociales et le développement économique. C'est cela la libération de l'homme des contraintes de la nature! C'est cela le progrès!

En première page du journal "Le Devoir" le 1er mars 1978, deux manchettes n'ayant en apparence aucun lien entre elles. D'une part, l'annonce de nouvelles augmentations du prix des produits pétroliers servant de toile de fond pour justifier les inquiétudes concernant la poursuite de la croissance économique. D'autre part les résultats d'une analyse scientifique démontrant qu'au cours des cinquante dernières années, les disparités sociales et économiques n'ont pas cessé d'augmenter au Québec. Notre société se débat pour poursuivre une croissance matérielle au nom d'objectifs visant au bonheur de l'homme alors qu'elle n'est même pas en mesure de réduire les injustices sociales.

L'éveil d'une conscience écologique

Mai 1968 à Paris, c'est le premier événement d'envergure qui remet en cause les valeurs et les résultats des sociétés industrielles. C'est le point de départ d'une prise de conscience collective basée

VAdresse: 254, rue des Chênes, Loretteville, Québec. G2A 2K1

V "Julos Beaucarne écrit pour vous", 1975, p. 76. Ed. Duculot, Gembloux.

sur une critique honnête et sérieuse de la société de consommation, sur le refus de la poursuite d'une croissance qui ne peut se réaliser qu'en accentuant les disparités entre les riches et les pauvres, entre les pays nantis et le tiers monde et qui s'accompagne de déséquilibres écologiques mettant en péril non seulement les espèces végétales et animales mais l'homme lui-même. Le mythe de la technologie libératrice est condamné par tous ceux qui réalisent la nécessité et l'urgence d'organiser notre avenir en tenant compte des avertissements de l'écologie, science qui étudie les rapports des êtres vivants entre eux et avec leur milieu naturel.

On ne change pas la société sans changer la vie, mais on ne change pas la vie sans changer la société. L'écologisme est né. "Se battre contre le triste état du milieu naturel exige autre chose que d'en souffrir... Il faut pour cela visualiser un rapport très clair entre la nature, la technologie, les pouvoirs économiques et le pouvoir politique."

Jean-François Revel

Nous savons aujourd'hui qu'il existe une limite au gaspillage de la nature, un seuil que l'on ne peut dépasser sans perturber irréversiblement les mécanismes de la vie. Cette constatation, clairement établie lors de la conférence mondiale sur l'environnement en 1971 à Stockholm, amène les pays industrialisés à se doter de mécanismes pour pallier au plus pressé, pour tenter de corriger les dégâts les plus visibles de la société industrielle. C'est ainsi que le Québec se dote en fin 1972 d'une Loi de la Qualité de l'Environnement.

En 1972, il y a le cri d'alarme du Club de Rome qui met en lumière l'épuisement rapide des ressources naturelles non renouvelables de la terre. Ensuite c'est, le 6 octobre 1973, la guerre du Kippour. Cet événement constitue un tournant décisif dans l'histoire car cette crise politique du pétrole révèle durement au monde entier la possibilité d'une évolution catastrophique de l'humanité. La surface limitée de la planète et le caractère limité des sources d'énergie et de matières premières constituent la base de la problématique de l'environnement. Ignorer ces faits est non seulement de l'inconscience mais également une injustice criante alors que le cinquième de la population mondiale (dont nous, québécois, faisons partie) utilise, ou plutôt gaspille, plus de quatre-cinquième des ressources de la terre.

Au Québec, la crise de l'environnement est d'abord perçue par son côté le plus classique et le plus perceptible. C'est par la lutte contre les nuisances industrielles et la pollution que la plupart des citoyens sont amenés à tenir compte de l'écologie. En 1973, il y a la contestation publique autour des projets d'aménagement hydro-électrique à la Baie James. C'est à cette occasion qu'un vaste courant d'opinions commence à réaliser l'ampleur des dégâts à la nature créés par nos besoins collectifs de confort et de bien-être matériel. À peu près en même temps sont mis de l'avant d'énormes projets de centrales électronucléaires dans la plaine du St-Laurent. C'est ce qui déclenche la naissance d'un courant de pensée écologique pour faire face à ce qui constitue la pointe de l'iceberg d'une société hyperindustrielle en pleine folie, elle qui n'hésite pas à envisager l'utilisation d'une technologie dangereuse pour la survie de l'espèce humaine et qui, sans aucune mesure par rapport aux technologies qui la précèdent, affermit la dépendance de l'homme à la technique, à la matière et à l'argent. Un peu partout au Québec il se crée des mouvements, des comités, des groupes d'action pour défendre les véritables valeurs de notre société. La protection des paysages, la sauvegarde des quartiers populaires, la protection des terres agricoles, la recherche d'une plus grande autonomie régionale, la promotion de la bicyclette et du transport en commun, la libération des femmes, l'autogestion communautaire, la promotion de l'alimentation naturelle ou d'une agriculture biologique sont aujourd'hui des sujets de préoccupation et de lutte s'intégrant dans la recherche d'une plus grande harmonie de l'homme avec la nature. Même inconsciemment, l'écologie est ainsi à la base de revendications pour un grand nombre de Québécois pour qui le progrès culturel, social et esthétique est plus important que le progrès matériel économique.

En février 1977 ont lieu les séances de la commission parlementaire sur la politique énergétique du Québec au cours desquelles plusieurs groupes écologiques préconisent le rejet de la filière électronucléaire. Leurs revendications ne sont que partiellement satisfaites par la décision du gouvernement de limiter, du moins provisoirement, le programme électro-nucléaire à la construction d'une seule centrale additionnelle. Les espoirs des écologistes sont cependant ravivés lors de la parution du livre blanc sur la politique énergétique. Entre temps, il y a la manifestation anti-nucléaire de Gentilly, le 22 octobre 1977, au cours de laquelle 750 personnes expriment publiquement leur refus d'une société hyperindustrielle productiviste et leur désir de promouvoir l'avènement d'une société écologique. C'est le départ de l'écologisme québécois et depuis le colloque des écologistes au Lac Saint-Joseph en juin dernier le mouvement est officiellement lancé.

La tenue d'une commission parlementaire sur la politique de l'environnement suscite chez les écologistes l'espoir que le Québec se dotera enfin d'un outil efficace d'aménagement, de gestion et de protection du milieu et du mode de vie des Québécois.

Progrès économique ou progrès écologique

Le Conseil du Patronat du Québec se dit d'accord avec la nécessité de protéger l'environnement mais suggère de ne pas oublier en même temps le développement économique qui, dit-il,1/ "est voulu par la société dans son ensemble, et pas seulement par les hommes d'affaire". Cette position illustre admirablement l'enjeu du débat concernant l'avenir de notre société. D'un côté il y a les productivistes, partisans de la croissance à tout prix, pour lesquels il existe une conviction profonde que le progrès économique et le bonheur son indissociables; pour eux, le bonheur est lié à la possession de biens matériels, au profit, à l'argent. D'autre part il y a les écologistes, partisans d'une croissance réduite, ou bien adversaires de la croissance; ils sont convaincus qu'il est possible de faire plus (et surtout mieux) avec autant (et même avec moins); ils croient que les valeurs immatérielles de la vie sont aussi sinon plus importantes que les valeurs matérielles, ils croient que les valeurs sociales actuelles (consommation, croissance, richesse matérielle, pouvoir, ordre, profit, individualisme) peuvent être remplacés avantageusement et à un bien moindre coût par de nouvelles valeurs: qualité de vie, justice, paix, harmonie, tendresse, convivialité, interdépendance.

L'enjeu est important pour l'avenir d'une politique de l'environnement car il faut réaliser la gratuite de l'affirmation du Conseil du Patronat du Québec prétendant que la population désire avant tout le progrès économique. En effet, elle ne prend pas en considération le fait que les personnes défavorisées pourraient voir leur situation matérielle améliorée par une meilleure distribution de la richesse collective sans qu'il y ait augmentation de celle-ci. De plus cette affirmation est tendancieuse car elle présuppose que nous vivons actuellement dans une ère de progrès.

Parlons-en du progrès économique et de ses bienfaits!

Peut-on considérer comme progressiste une société acculée à inventer sans cesse non pour satisfaire des besoins mais pour nourrir la machine économique? C'est ainsi que nous sommes voués à fabriquer n'importe quel produit, pourvu qu'il soit nouveau, faute de quoi notre système est ainsi fait qu'il s'écroulera à la moindre faiblesse. L'inflation que nous subissons en est le signe le plus évident.

Comment se fait-il que ce sont les sociétés les plus riches (et donc d'après les productivistes, les plus heureuses) qui recherchent avec le plus d'ardeur une augmentation de leur croissance économique?

Et que dire de l'efficacité du système industriel? Peut-on dire que les américains qui consomment trois fois plus que les européens sont également trois fois plus heureux? ... qu'ils ont trois fois plus de culture?... Bien sûr, ils sont arrivés à marcher sur la lune, mais ils ne peuvent plus se promener en sécurité dans leurs grandes villes!

En principe on pourrait croire qu'une société à haute technologie possède d'immenses possibilités de libération humaine. Or on constate que le surcroît de richesses et l'augmentation de la productivité par l'automation ont pour effet, sauf pour une minorité, de déposséder l'homme au travail de son pouvoir de décision et de création. L'homme est devenu un outil, un moyen de production, beaucoup plus facilement remplaçable que la machine. Bref, l'abondance matérielle de la civilisation industrielle est à l'origine de l'appauvrissement intellectuel et moral de l'homme.

Une société de croissance ne peut se concevoir autrement qu'au travers d'une augmentation de la taille et de la complexité des entreprises et des institutions. C'est l'ère hyper-industrielle (les hypermarchés, l'avion supersonique Concorde, les centrales électro-nucléaires de 1000 mégawatts, etc...) Ce gigantisme s'accompagne inévitablement d'une concentration accrue du savoir et du pouvoir et nous entrons alors dans un monde où l'homme comprend de moins en moins ce qui se passe. Nous devons tout accepter car tout est trop complexe, trop gigantesque,... et nous entrons graduellement dans "le meilleur des mondes" d'Aldous Huxley où nous serons "programmés" en individus alpha et omega!

Le cas de l'industrie de l'énergie est particulièrement frappant car elle tend à devenir un monstre autosuffisant; en effet elle finira peut-être par consommer autant d'énergie qu'elle en produira (déjà aujourd'hui, la construction d'une centrale électro-nucléaire requiert la production d'une autre centrale de même taille durant cinq ans alors que sa durée de vie n'est que de 15 ans!). Évidemment l'économiste sera satisfait car il y aura augmentation du P.N.B. et le politicien sera content car il y aura augmentation du nombre d'emplois!

Il y a tout lieu de penser que bien des Québécois sont prêts à sacrifier leurs brosses à dent électriques, leur "TV dinners", leur publicité commerciale, les quatre-vingts pages de leur journal du dimanche, leurs gâteaux chimiques et même leur automobile de luxe si la société pouvait leur offrir un modèle de progrès plus conforme à leurs aspirations fondamentales.

Jusqu'à un certain point, le Conseil du Patronat du Québec n'a pas tout à fait tort de proclamer que les citoyens privilégient le développement économique puisque c'est la seule voie qui leur est offerte. Espérons qu'Environnement-Québec prendra à coeur de relever le défi et de promouvoir les alternatives valables sur le plan de la sauvegarde des équilibres de la nature. Ce n'est que lorsque nous aurons choisi de prendre le chemin de l'écologisme que nous pourrons espérer atteindre un résultat pendant qu'il est encore temps.

V article du journal Le Devoir, 13 septembre 1978, p. 2 par Gilles Provost intitulé "CPQ: le pouvoir d'injonction est inutile, nuisible et dangereux ".

Le temps presse cependant car, comme nous le dit Philippe Lebreton 1) à la fin de son livre sur l'écologisme: "Les chances à notre portée sont encore nombreuses, et si notre société redistribuait astucieusement ses richesses et ses possibilités, le monde entier pourrait connaître le bonheur dans un univers respecté, où il ferait bon vivre; tout simplement. Mais si nous ne tenons pas dès maintenant les changements nécessaires, une autre génération que la nôtre en aura-t-elle encore la possibilité?"

Écologisme et écosociété

L'écologisme est une attitude, une idéologie, une action qui a pour but l'établissement d'une société en équilibre avec la nature (écosociété) et soucieuse de l'intégrité de l'espèce humaine.

Quant à l'écosociété, c'est un nouveau modèle de société, une société d'équilibre dynamique, traduisant dans la vie quotidienne et sur les terrains économique, social et politique, les observations et les avertissements de l'écologie. Elle a pour but la préservation de la vie nécessitant l'intégration et l'harmonisation des activités humaines au milieu naturel. Elle s'oppose à la société industrielle qui est productiviste et basée sur une croissance indifférenciée.

Lorsque le patronat du Québec réclame du gouvernement de procéder à des analyses "coûts-bénéfices " face aux divers projets ou programmes il a raison mais ne serait-il pas temps dans ces analyses de ne pas comptabiliser que les coûts et bénéfices économiques (au sens classique et "monétaire") et de considérer également les coûts et bénéfices sociaux, les coûts et bénéfices écologiques, les coûts et bénéfices esthétiques.

Par exemple, Philippe Saint-Marc2/ dénonce l'industrie automobile française qui, en 1972, s'est inscrite pour $9 milliards à la production, pour $6 milliards au niveau des accidents et pour $500 millions quant à la pollution. Participation au Produit National Brut (PNB): 9+6+0.5=$15.5 milliards Participation au Bonheur National Brut (BNB): 9+6+0.6=$2.5 milliards

L'économie traditionnelle introduit ici un facteur de distortion proche de 6 par rapport à une comptabilité écologique.

Non, l'écosociété n'est pas un retour à la bougie, à la caverne ou vers un mode de vie bucolique. C'est au contraire prendre un autre chemin pour aller plus loin. Bien sûr elle implique une remise en question des tendances lourdes qui prédominent actuellement. Nous réalisons qu'il est impossible, du simple point de vue de la quantité des ressources disponibles, d'étendre notre niveau de vie nord-américaine à toute la planète mais par contre nous reconnaissons la nécessité d'organiser la mise en valeur des ressources de manière à satisfaire les besoins fondamentaux de tous les hommes. Dans une telle optique, la production n'est plus érigée comme une fin en soi mais comme un moyen pour permettre l'instauration d'un style de vie conçu pour durer en permanence. Gandhi disait: "La terre produit assez pour satisfaire les besoins de chacun mais non pour satisfaire sa cupidité". Comme on le voit, c'est une question de dignité et de sagesse: il faut pouvoir autocontrôler nos besoins, refuser de nous soumettre à la tyrannie des besoins et savoir répondre à la question "Combien est assez?"

Il est donc grand temps de reconnaître avec Ignacy Sachs3/ que "L'enjeu, c'est de trouver des modalités et des usages de la croissance qui rendent compatibles le progrès social et la gestion saine des ressources du milieu".

Écologisme et emploi

Le développement économique est devenu une véritable mystique. Qu'il suffise de voir la frénésie avec laquelle nos hommes d'affaires s'efforcent de relancer la machine économique, quitte à nous inonder de nouveaux gadgets encore plus inutiles et plus éphémères que ceux que nous connaissons déjà. Comme si cela constituait la seule planche de salut pour résoudre nos problèmes de chômage!

Quand donc reconnaîtra-t-on clairement que la cause principale de la crise de l'emploi réside dans l'augmentation de la productivité individuelle permise entre autre par l'expansion énergétique? Réalise-t-on bien par exemple que le coût de création d'un emploi dans l'industrie électronucléaire se chiffre par plusieurs millions de dollars? (Une centrale de 1000 mégawatts coûte environ $1 milliard et fournit de

V Philippe Lebreton, 1978. L'ex-croissance Les chemins de l'écologisme. Éd. Denoël. 346 p.

Vtiré de Ph. Lebreton, op. cit. p. 137 3/ Ignacy Sachs, 1978. Environnement et Développement. Nouveaux concepts pour la formulation de politiques nationales et de stratégies de coopération internationale. Min. Approv. et Services Canada N°cat. En21-24/1978F.

l'emploi à 3000 ouvriers durant sa période de construction de 5 ans, et 150 emplois durant sa période de production qui est de 15 à 20 ans). Ceci nous amène à dire avec Ph. Lebreton qu'une technicité croissante doit être interprétée comme une forme de débauchage. De là à dire que la croissance est génératrice de sous-emploi, il n'y a qu'un pas.

Les industries de l'aluminium et de plastique sont toutes deux très énergivores, gaspilleuses de matières premières non renouvelables et non autochtones (la bauxite et le pétrole), leurs produits sont non biodégradables, les usines sont extrêmement polluantes et les coûts de création des emplois sont relativement élevés en raison de la haute technicité de ce type d'industrie. Sont-elles justifiables? Combien de petites industries et d'ateliers artisanaux ont-elles déplacé? Combien d'emplois seraient-ils créés si on remplaçait ces produits par d'autres plus authentiquement québécois et dérivés de nos propres ressources naturelles: bois, silice, pierre, fer, cuivre, argile, laine. Voilà un exemple où l'on pourrait ajouter les coûts-bénéfices économiques aux coûts-bénéfices sociaux, écologiques et esthétiques.

Au nom de la création d'emplois, nous devons même subir le conditionnement créé par la publicité dans nos journaux pour la construction d'avions militaires. En arriverons-nous à faire la guerre pour lutter contre le chômage?

Que propose l'écologisme face à la crise de l'emploi? Les solutions suivantes sont audacieuses et pourront sembler utopiques surtout pour les partisans de la croissance à outrance mais elles pourraient sans doute susciter un débat d'où sortirait une plus grande harmonie:

(1)La réduction du temps de travail. L'alternative pourrait bien être la suivante: continuer de travailler 40 heures par semaine et disposer dans 20 ans de 8 fois plus de biens de consommation ou bien travailler 20 heures par semaine et disposer de 4 fois plus de biens de consommation.

(2)La réduction de l'amplitude des revenus. L'objectif à long terme pourrait être de fournir à chacun selon ses besoins. En fait c'est la notion même d'emploi qui est révisée et qui ne devrait plus être associée à un travail rémunérateur.

(3) L'élimination ou la réduction des emplois à haute technicité grâce à des mesures comme: —une augmentation du nombre d'emplois artisanaux, —le retour à l'utilisation de matériaux naturels: pierre, bois, laine, etc..., —le remplacement des technologies dures par des technologies douces et alternatives, —l'accent sur l'utilisation des sources d'énergie renouvelables.

(4) La déconcentration des entreprises et des institutions grâce à des mesures comme: —la décentralisation des pouvoirs et des administrations, —l'autogestion communautaire des entreprises, —l'arrêt du développement des mégalopoles, —la municipalisation des forêts publiques, —l'intensification de l'agriculture et le retour à la polyculture, —la promotion de l'agriculture biologique, —la promotion de petites unités de production, —la poursuite d'une autosuffisance locale, régionale et nationale.

(5) La création d'emplois visant à augmenter la qualité de la vie grâce à des mesures comme: —la lutte contre toutes les formes de pollution, —le recyclage des matériaux et de l'énergie, —la promotion d'une industrie agroalimentaire naturelle, —la reconstruction de villes plus humaines, —l'embellissement de l'habitat, —l'aménagement des paysages, —la protection des écosystèmes fragiles, —la promotion du transport en commun, —l'aménagement de l'espace pour les piétons et cyclistes, —la promotion de la production d'objets biodégradables et recyclables, —la socialisation de la nature.

L'environnement: un bien collectif

Dans les lignes qui précèdent, j'ai tenté d'expliquer que notre société se trouve à un carrefour et que le débat qui s'engage est capital pour sa survie. La dimension écologique de notre avenir doit être analysée le plus honnêtement possible.

J'ai tenté d'apporter certains éléments de jugement selon un éclairage bien particulier mais qui semble rejoindre les préoccupations d'une faction importante de notre société, surtout parmi les jeunes. La désaffectation grandissante du public face à des événements et à des structures de plus en plus inhumaines, dures, gigantesques et complexes est inquiétante. Bien souvent ce sont les êtres les plus

généreux, les plus sensibles et les plus clairvoyants qui décident de tout lâcher... ces "drop-outs" constituent des avertissements. Savons-nous les écouter? Savons-nous comprendre leur dégoût face à une société qui accorde 25 fois plus de "valeur" à une personne pour courir après une rondelle sur une patinoire (salaire de $100 000/ année pour un joueur de hockey) qu'à un artiste (revenu de $4 000/année pour un assisté social)?

Le goût d'un retour aux vraies valeurs, le goût de vivre en harmonie avec la nature, le goût de retrouver les racines de la morale paysane: dignité, austérité, frugalité, le goût de redonner aux choses leur valeur d'usage plutôt qu'une valeur d'échange, tous ces goûts impliquent une nouvelle éthique, une éthique de tendresse et d'équilibre, une éthique qui nous rend responsable de notre planète.

Bien sûr, la résistance est et sera grande, principalement parce qu'un tel programme bouleverse des habitudes de vie basées sur la recherche du plus-être et des privilèges. Mais il faut prévoir et dire la vérité: on n'a plus le droit de cacher à l'humanité qu'elle se trouve au bord de la faillite, faillite technologique et sociologique, mais aussi faillite économique!

C'est précisément pour éviter cette faillite que nous pouvons nous donner un instrument d'action à travers une politique véritablement écologique de l'environnement. Une politique de l'environnement ne sera cependant écologique que si elle reconnaît clairement et sans aucune restriction que l'environnement est un bien collectif. Le Québec est à la veille de se doter de moyens pour faire valoir l'importance des valeurs autres que les valeurs économiques. Essayons donc de ne pas manquer le bateau. C'est dans cette optique que les propositions suivantes sont formulées.

Un ministère de l'écologie

Nous avons un ministère de l'économie qui a pour objet de veiller au développement économique du Québec. Pourquoi pas un ministère de l'écologie pour veiller au développement écologique du Québec? Cette proposition est donc beaucoup plus globalisante que celle de créer un ministère de l'environnement. Il s'agit en effet de créer un ministère dont les attributions seraient telles que toute intervention ou toute intention d'intervention des pouvoirs technologiques, économiques, politiques, industriels ou autres seraient analysées, interprétées et évaluées quant à leurs incidences à court et à long terme sur les relations des êtres vivants entre eux et avec leur milieu au Québec. Comme on le voit, on est loin de la simple protection de l'air, de l'eau et du sol des lois actuelles. L'écologie, c'est l'économie de la nature. Un ministère de l'écologie serait ainsi le gestionnaire de la nature.

Une définition écologique de l'environnement

Dans l'avant-propos d'un récent texte d'Ignacy Sachs V sur l'environnement et le développement Ch. A. Jeanneret et H.F. Fletcher dénotent ce qui suit: "Parler d'environnement, il y a dix ans, c'était évoquer un univers de pollution de l'air, de l'eau et du sol. Aujourd'hui, notre conception de ('"environnement" s'est élargie pour englober presque toutes les activités de l'homme aussi bien que les valeurs humaines et les cadres institutionnels."

Malheureusement notre loi de la qualité de l'environnement définit encore celui-ci comme: "l'eau, l'atmosphère et le sol ou toute combinaison de l'un ou l'autre ou, d'une manière générale, le milieu ambiant avec lequel les espèces vivantes entretiennent des relations dynamiques".

Il est évident qu'avec une telle définition, il soit difficile de considérer comme une question relevant de la qualité de l'environnement, la destruction d'un quartier populaire de Québec et l'expulsion de plusieurs centaines de citoyens pour la construction de l'autoroute Dufferin-Montmorency alors que la destruction de sites pour les oiseaux migrateurs par cette même autoroute autorise une intervention sans aucune difficulté. En tant qu'écologiste je ne puis qu'être révolté de voir qu'une outarde est mieux protégée par une loi sur la qualité de l'environnement qu'une personne humaine.

Dans le but de donner une dimension plus écologique à la loi, je propose donc la définition suivante pour "L'environnement": portion de la biosphère composée d'êtres vivants: hommes, animaux et végétaux, et d'éléments inertes: atmosphère, sol, eau; tous ces éléments entretiennent entre eux des relations dynamiques fonctionnelles régies par les lois de l'écologie."

Par cette définition, "l'environnement" se superpose à la notion d'"écosystème". Dans un ouvrage traitant de l'inventaire du Capital-Nature2/ nous avons considéré l'environnement comme étant "l'ensemble des composantes bio-physiques, socio-économiques, socio-culturelles et politiques qui définissent l'espace-habitat de l'homme et influence quotidiennement son mode de vie individuel et collectif. Par mode de vie, nous entendons tous les comportements par lesquels l'homme vise à satisfaire tous ses besoins fondamentaux, aussi bien physiques, physiologiques que psychiques et spirituels". 7 Ignacy Sachs op. cit. piii. 7 M. Jurdant, J.L. Bélair, V. Gerardin et J.P. Ducruc, 1977. L'inventaire du Capital-Nature. Service des Etudes Ecologiques Régionales, Pêches et Environnement Canada, Québec. Min. Approv. et Services Canada , N° cat. En 73-3/2F, 202 p.

Aménagement, gestion et protection de l'environnement

Telle qu'elle se présente aujourd'hui, la loi sur la qualité de l'environnement concerne presque exclusivement la lutte contre les nuisances industrielles et la pollution. Il ne faut donc guère se surprendre si la protection de l'environnement est de plus en plus perçue dans le public comme une vaste opération quasi-policière, coûteuse et sommes toutes néfaste (parce que partielle) à la promotion d'une vision véritablement écologique de la société. Sans sous-estimer l'importance de la lutte contre les pollutions, il est grand temps que la dimension écologique du développement soit défendue au niveau de l'État. Celle-ci doit être fondée sur une saine utilisation des ressources, du point de vue environnemental pour la satisfaction des besoins actuels et futurs de la société québécoise.

C'est la notion de protection qu'il faut élargir jusqu'à englober celle de développement, ou mieux d'écodéveloppement. Tel que formulée par la déclaration de Cocoyoc1/, cela implique la nécessité d'aider les populations à s'éduquer et à s'organiser en vue de la mise en valeur des ressources spécifiques de chaque écosystème pour la satisfaction de leurs besoins fondamentaux.

À la lumière de ce qui précède, je propose donc que l'article 2 de la loi sur la qualité de l'environnement se lise comme suit: "Le ministre a pour fonction d'élaborer et de proposer au gouvernement une politique d'aménagement et de gestion écologique de l'environnement, de mettre cette politique en oeuvre et d'en coordonner l'exécution ".

Évidemment cette proposition élargit considérablement la portée de la loi et elle explique la proposition de la création d'un ministère de l'écologie. Elle est cependant essentielle si l'État veut se doter d'outils pour promouvoir le progrès écologique et pour contrer cette idée de progrès défendue par les tenants de la croissance à tout prix et que Eric Fromm2/ voit comme "conçu dans le sens d'un constant accroissement de la production, de la consommation, de l'efficience, du profit, de la rentabilité de toutes les activités économiques sans se préoccuper des conséquences possibles sur la vie et le développement de l'homme".

Le bureau d'audiences publiques sur l'environnement

La proposition dans le projet de loi n° 69 d'instituer un bureau d'audiences publiques sur l'environnement constitue un progrès énorme dans la direction d'une plus large participation des citoyens à la gestion de son milieu et de son mode de vie. Cette proposition est courageuse car elle ne manquera pas de susciter des réactions négatives en provenance des catégories privilégiées de la population qui verront là un outil mettant en péril leurs privilèges. Il ne se trompe pas, Ivan Illich3/, lorsqu'il dit que "jouir de la nature est en train de devenir le privilège des privilégiés". La reconnaissance par l'État Québécois que la nature est un bien collectif permettrait de remettre en cause de nombreux privilèges abusifs et de les débattre au sein du bureau d'audiences publiques.

Une telle démarche s'inscrit parfaitement dans la pensée de l'écologisme, qui préconise entre autres l'instauration d'une structure socioéconomique favorisant une meilleure distribution des ressources entre les individus et les pays, l'autogestion communautaire et une justice sociale plus grande.

Le droit à la nature

La section III A sur "le droit à la qualité de l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes" constitue un grand pas dans la voie de la reconnaissance d'un droit fondamental qui est celui du droit à la nature. Celui-ci devrait cependant être plus large que celui prévu par le projet de loi 69 et reconnaître beaucoup plus explicitement le fait que la nature (l'environnement) est un bien collectif. Il faudrait que ce droit puisse permettre une lutte efficace contre la commercialisation de la nature, contre la privatisation des plus beaux sites du Québec (quel pourcentage des rives de nos lacs et rivières est-il accessible au grand public?), pour la préservation de l'intégrité des paysages, pour la promotion d'une alimentation saine, pour la création d'espaces pour les piétons et les cyclistes, pour la promotion d'une agriculture biologique, etc., bref pour la défense des équilibres homme-nature.

Il faudrait cependant faire attention à ne pas faire de chaque Québécois un délateur en donnant à chaque citoyen le droit de faire une requête en injonction. Dans le même esprit de socialisation de la nature, une telle requête pourrait être accordée à tout citoyen qui aura recueilli au moins une cinquantaine d'adhésions.

La protection de l'environnement

La section IV de la loi sur la qualité de l'environnement devrait plutôt être intitulée "la lutte contre les pollutions", car c'est bien de cela que traitent les articles concernés. Il est regrettable en effet de constater que dans l'esprit de la plupart des citoyens la protection de l'environnement soit limitée à l'élimination des diverses formes de pollution. Cette vue étroite de la protection de l'environnement est très préjudiciable à l'instauration d'attitudes véritablement positives face à une nature qui, même non polluée, pourrait bien quand même ne pas être vivable pour l'homme. Il faut éviter de laisser croire à la

VVoir la déclaration de Cocoyoc, adoptée par les participants au Symposium sur les modèles d'utilisation des ressources: stratégies pour l'environnement et le développement, organisé par le PNUE et la CNUCED, Cocoyoc Morelos, Mexique, 1974.

VFromm, E., 1971. Introduction à "Libérer l'avenir " par Ivan Illich. Ed. du Seuil, pp. 7-10

VIvan Illich, 1973. La convivialité. Ed. du Seuil, 158 p.

population que le contrôle de la qualité de l'environnement est possible par les seuls moyens technologiques. La protection de l'environnement est associée à une lutte contre les pollutions, particulièrement dans les classes moyennes et aisées de notre société, lesquelles sont les dernières à reconnaître que le gaspillage des ressources et les nuisances spatiales (éloignement de la nature, privatisation de la nature, banalisation et uniformisation du milieu de vie) sont responsables de toutes les formes de pollution que nous connaissons aujourd'hui.

Evaluation des impacts sur l'environnement de certains projets

Enfin l'État se décide à se doter de moyens législatifs lui permettant de juger du bien-fondé de projets de développement par l'instauration d'une procédure d'évaluation des impacts sur l'environnement. Outre le fait que ces impacts sur l'environnement devraient être évalués dans l'optique des recommandations qui précèdent, je dois déplorer qu'il ne soit pas prévu d'analyse écologique encore plus tôt dans le processus décisionnel. C'est ce qui fait l'objet de la proposition suivante:

Evaluation des alternatives écologiques de certains projets

Alors que le processus d'évaluation d'impact prévu dans la section IV A qui précède analyse des projets déjà dans leurs phases d'étude, ce qui est proposé ici est l'établissement d'une procédure d'évaluation des alternatives au moment des pré-études, au niveau des grandes orientations. Ce qui est demandé, c'est que l'on tienne compte des équilibres écologiques dès le moment où l'on commence à envisager certains types de développement. Au lieu de concentrer les efforts vers la réponse à la question "quel est l'impact du projet proposé?", ce processus d'évaluation viserait à répondre à une question plus rationnelle: "où, dans le territoire, le projet proposé doit-il être réalisé afin de minimiser l'impact négatif et de maximiser l'impact positif sur l'environnement?". Des exemples d'études de ce genre existent déjà et mériteraient d'être suivis, il s'agit d'une étude de corridor routier pour relier LG-2 à Poste à la Baleine 1/ et d'une étude réalisée par l'Hydro-Québec concernant les voies d'accès au complexe Grande Baleine.2/

Le processus d'évaluation des alternatives écologiques devrait encore aller plus loin et se situer au niveau de l'opportunité même de certaines décisions collectives. Je pense en particulier à des grandes décisions comme l'opportunité du zonage agricole, l'adoption de la filière électronucléaire, l'opportunité de se doter d'une nouvelle aluminerie ou la planification d'un développement urbain.

La planification écologique

La loi de la qualité de l'environnement devrait prévoir la prise en considération de l'écologie au niveau de la planification.

La planification a pour objet la formulation d'alternatives de développement. La poursuite d'objectifs quantitatifs (matérialisés par l'indice classique du Produit National Brut) détermine toujours, chez nous, l'ensemble du processus. De fait, nous avons fondé beaucoup d'espoir sur la planification "économique" avec la conviction sincère mais naïve que le bonheur de l'homme est lié quasi-exclusivement à son bien-être matériel.

Nous sommes forcés aujourd'hui de constater l'inefficacité des plans de développement basés uniquement sur la planification économique. L'extension suburbaine démesurée, anarchique, et dévoreuse des terres agricoles, la désertification des régions rurales, la banalisation de l'habitat et des centres commerciaux, la destruction des paysages par les infrastructures, la privatisation des plus beaux espaces naturels, ne sont que quelques-uns des aspects d'une crise de l'environnement qui débouche, elle aussi, comme toute autre crise, sur un renforcement des ségrégations sociales et une augmentation des disparités économiques. La planification économique a pour objectif principal de "rentabiliser", mais oublie de prendre en compte les "externalités". Ces "externalités" surviennent lorsqu'une transaction entre A et B entraîne une série de conséquences indirectes qui affectent le bien-être de C, D et E sans que ceux-ci soient à même d'intervenir et de faire des propositions compétitives. Ce qui est grave c'est que nous avons peu à peu considéré la nature comme une marchandise pour arriver à ne plus voir que sa valeur monétaire. Dans certaines conditions, on est même arrivé au point où la valeur d'un terrain est directement proportionnelle au droit qu'on a d'y détruire la nature. L'interdépendance des hommes entre eux, des hommes et des autres êtres vivants, des êtres vivants avec leur milieu, telle est la loi fondamentale de l'écologie dont nous devons tenir compte dans le processus de planification.

On ne peut plus aujourd'hui concevoir les changements socioéconomiques sans analyser les rapports qui s'instaurent entre l'économie de la nature (l'écologie) et l'économie de société. Comment aménager le territoire en adaptant les activités humaines aux milieux naturels? Telle est la question qui se pose aux planificateurs d'aujourd'hui.

La planification écologique de l'espace est une planification où l'espace n'a pas seulement une valeur économique, mais également une valeur biologique, esthétique, culturelle et sociale, une

VSociété d'Energie de la Baie James, 1977. Complexe Grande Baleine. Étude de Corridors: route LG2-GB.

VHydro-Québec, 1978. Etudes générales d'accès au Complexe Grande Baleine. Document de Consultation.

planification qui saura donner une valeur aux biens immatériels. La planification écologique est donc tout simplement une planification qui, en plus des critères économiques et sociaux, tient compte des critères écologiques. L'environnement ne constitue, dans cette optique, qu'une dimension supplémentaire.

Le contrôle des dépenses publiques sur l'environnement

II semble qu'on peut estimer qu'au moins 350 millions de dollars auront été dépensés en études et travaux d'environnement sur le Complexe La Grande à la Baie James lorsque les chantiers fermeront en 19731/. Sans être unique, cet exemple démontre on ne peut plus clairement qu'il y a de la place pour un aménagement des dépenses publiques et je pense qu'un ministère de l'écologie devrait pouvoir effectuer ce contrôle de manière à ce que ces dépenses soient effectuées de manière véritablement écologique. D'autres parcs Lafontaine dans nos grandes villes ou aménagement des réservoirs pour la sauvegarde de quelques populations de castors?...

Pour une commission écologique du Québec

II va falloir que les Québécois définissent eux-mêmes le type de société qu'ils désirent. Comment pourraient-ils y arriver s'ils ne sont pas dotés d'un outil permettant à toutes les couches de la population de s'exprimer? Nous commençons tous à sentir, même si c'est encore confus, que la société actuelle doit changer, que la civilisation est à un tournant décisif. Nous sentons aussi qu'il ne faut pas laisser dans les mains des seuls technocrates, intellectuels, scientifiques et politiciens, les rênes de notre destin collectif. L'enjeu dépasse largement la simple décision de savoir si oui ou non on "se paie" des installations olympiques, si oui ou non on construit une centrale nucléaire! L'enjeu est celui de savoir si oui ou non nous allons continuer à être les esclaves de la technologie. Ou bien nous dirons "oui" et nous accepterons l'éventualité d'une catastrophe écologique et économique,... ou bien nous dirons "non" et alors il faudra nous retrousser les manches et définir clairement ce que sera notre écosociété Québécoise.

Pour cela il va falloir créer un "Forum" ou une "Commission Ecologique du Québec" dont le mandat serait de:

(1) définir une politique écologique pour le Québec,

(2) déterminer des scénarios d'écodéveloppement,

(3) proposer les mesures à court, moyen et long terme en vue de l'établissement de l'écosociété.

Cette Commission Ecologique devrait être composée de représentants élus du peuple, de représentants des mouvements écologiques et de personnes-ressources. Son travail devrait être constamment à l'écoute des préoccupations régionales et locales. Ceci pourrait être réalisé par une structure souple permettant à des Commissions régionales, locales et même à des Commissions de quartier de siéger de manière informelle dans n'importe quelle circonstance. En fait, la Commission Ecologique du Québec devrait être un outil entre les mains des citoyens et du gouvernement: outil d'analyse et de recherche, outil d'information et de sensibilisation, outil de participation populaire.

Conclusion

Nous savons aujourd'hui que c'est la rapidité phénoménale de la croissance industrielle, économique et technologique qui est à l'origine de ce que l'on nomme aujourd'hui la "crise écologique" qui est constituée en fait de crises nombreuses: crise de l'alimentation, crise de l'énergie, épuisement des matières premières, pollution, violence et terrorisme, pillage du tiers-monde, chômage et inflation des pays riches, misère des pays pauvres.

Puissions-nous chercher une voie pour libérer notre avenir et nous inspirer de ce message du Club de Rome en conclusion du rapport du Massachusetts Institute of Technology sur les limites à la croissance. "Nous avons la conviction que la prise de conscience des limites matérielles de l'environnement mondial et des conséquences tragiques d'une exploitation irraisonnée des ressources terrestres est indispensable à l'émergence de nouveaux modes de pensée qui conduiront à une révision fondamentale, à la fois du comportement des hommes, et, par la suite, de la structure de la société actuelle dans son ensemble". 1/ d'après l'article de Michel Gauquelin, 1978. La Baie James pour le meilleur et pour le pire. La technologie s'installe et l'écologie répare. Québec Science. Vol. 17, n°1, pp. 15-26.

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