L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des relations avec les citoyens

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des relations avec les citoyens

Version finale

39e législature, 1re session
(13 janvier 2009 au 22 février 2011)

Le mercredi 7 octobre 2009 - Vol. 41 N° 5

Consultations particulières sur le projet de loi n° 16 - Loi favorisant l'action de l'Administration à l'égard de la diversité culturelle


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats

(Quinze heures six minutes)

Le Président (M. Bernier): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de consultations particulières sur le projet de loi n° 16, Loi favorisant l'action de l'Administration à l'égard de la diversité culturelle.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements.

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve) remplace Mme Lapointe (Crémazie).

Le Président (M. Bernier): Merci. Avant de faire lecture de l'ordre du jour, je vous souhaite la bienvenue. Bienvenue à tous. Bienvenue, les collègues du gouvernement, collègues de l'opposition. Mme la ministre, bienvenue.

Mme James: Bonjour. Merci.

Le Président (M. Bernier): C'est un grand plaisir. Bienvenue également aux invités. On aura l'occasion, durant ces séances de travail, de procéder à des discussions sur le sujet, au niveau du projet de loi n° 16. Je veux saluer aussi les gens de l'Assemblée nationale qui m'accompagnent et souhaiter bonne commission à tous.

Donc, sans plus tarder, l'ordre du jour. Nous recevrons, vers 15 h 15, la Régie de l'assurance maladie du Québec et, par la suite, suivie du Conseil du statut de la femme. Et notre ajournement est prévu aux alentours de 17 h 15, 17 h 30.

Remarques préliminaires

Alors, si ça va, dans un premier temps, nous allons commencer avec les remarques préliminaires de Mme la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles. À vous la parole. Vous avez huit minutes.

Mme Yolande James

Mme James: Huit minutes. Alors, merci, merci beaucoup, M. le Président. Je suis très heureuse d'avoir l'occasion d'être ici présente et de participer à ces consultations particulières sur le projet de loi favorisant l'action de l'Administration à l'égard de la diversité culturelle. Je comprends que je n'ai que huit minutes, mais de toute façon je veux surtout permettre aux groupes qui ont eu vraiment... qui vont venir témoigner devant nous d'avoir l'opportunité d'échanger avec eux. Alors, je vais privilégier ce temps-là.

Vous allez me permettre, d'abord et avant tout, de saluer tout particulièrement le député de Deux-Montagnes, qui est nouveau critique en matière d'intégration et de communautés culturelles, et de lui assurer de ma bonne collaboration, ainsi que les autres collègues de la commission et le député... j'allais dire «le député Deltell», M. le député de Chauveau, avec lequel on aura sûrement l'occasion de continuer d'échanger. Je veux saluer ma députée parlementaire... adjointe parlementaire ainsi que les autres collègues du côté ministériel également.

Vous savez, M. le Président, l'étude de... cette consultation particulière de ce projet de loi chemine depuis un certain temps. Je veux vous rappeler qu'il y a eu une très grande consultation touchant l'ensemble des questions touchant l'intégration. Mais notre volonté est de vouloir s'attaquer sur toutes les questions touchant la discrimination mais plus profondément la représentation et l'intégration de la population immigrante et des communautés culturelles dans notre société et notamment dans l'administration publique. M. le Président, vous me permettez de vous dire, d'entrée de jeu, je pense que c'est important pour nous tous et je pense que là-dessus on est sur la même longueur d'onde, que l'immigrant qui fait le choix de quitter son pays fait ce choix parce qu'il souhaite... il est conscient du potentiel que lui offre le Québec, et, nous, de notre côté, on veut de cet immigrant parce qu'on reconnaît ce potentiel. Et le défi, et je l'ai dit très clairement, parce que je pense que c'est vraiment à ça qu'on doit s'attaquer au quotidien, c'est de... comment s'assurer ce bon vivre-ensemble dans le respect de qui nous sommes, et j'insiste énormément, dans le respect de qui nous sommes.

n (15 h 10) n

Les Québécois nous ont dit à maintes reprises oui à l'immigration mais à la condition que ces personnes puissent s'intégrer à la société québécoise. Sans rentrer dans le détail de l'ensemble des gestes qu'on a posés face à tout ça, je veux rapidement arriver sur le contenu du projet de loi et sur ce qu'on va pouvoir discuter dans un contexte où on veut favoriser cette intégration-là.

Que ce soit par la francisation, l'intégration en emploi, notre gouvernement a fait des investissements puis des changements sans précédent à ce niveau-là. Il faut aussi être capables de faire en sorte à ce que les personnes immigrantes et des communautés culturelles vont pouvoir faire valoir leur plein potentiel et le faire notamment à l'administration publique. Je vous rappelle, j'ai pu participer à la première consultation qu'il y a eu sur ce sujet à titre d'adjointe parlementaire à l'Immigration et des Communautés culturelles, et on a entendu bien des groupes, et, à ce moment-là, les gens nous ont dit... et depuis l'importance pour nous d'assurer, oui, de se fixer des objectifs au niveau de notre capacité d'attirer les gens, mais se donner les moyens de bien réussir. Et ce que je veux dire par là, M. le Président, et c'est vraiment le sujet... ou le coeur du sujet de ce qu'on veut aborder, c'est de dire: Comment est-ce qu'on va s'assurer de bien attirer ce talent-là? Comment est-ce qu'on veut, pour la suite des choses... parce qu'on est enrichis par cette diversité-là, comment on va s'assurer d'intégrer ce talent-là dans le respect de qui nous sommes?

Parce que, la réalité, M. le Président, on veut garder ce talent-là chez nous, au Québec. Bon nombre de pays se font concurrence pour garder les gens dans leurs différentes juridictions et pays. Et, moi, j'estime que le Québec a beaucoup à offrir et qu'on a aussi non seulement une responsabilité, mais ça fait partie de qui nous sommes d'être ouverts à cette diversité dans le respect collectif de qui nous sommes comme Québécois.

Alors, quand on parle de ça, c'est important de se donner à la fois un plan d'action, de se donner des orientations sur lesquelles on veut procéder, et c'est ce qui est prévu, pour voir... par un processus de reddition de comptes également, de voir où sommes-nous rendus. Est-ce qu'on intègre bien? Est-ce que la fonction publique ou l'action gouvernementale reflètent la société québécoise? Je vais vous dire, M. le Président, c'est bien clair. Je ne sais pas s'il me reste une minute, ou trois minutes, ou cinq minutes.

Le Président (M. Bernier): Il vous reste environ trois minutes.

Mme James: Trois minutes. C'est parfait. Je ne prendrai pas tout mon temps. Je vais vous dire que, pour moi, c'est plus qu'une politique, c'est plus qu'une orientation, c'est plus qu'un projet de loi, ça fait partie de mes convictions profondes qu'on doit s'attarder à ça. Et on peut le faire dans le respect et on doit le faire dans le respect de qui nous sommes comme Québécois, incluant toutes ces valeurs-là: le français, l'égalité entre les hommes et les femmes, et ainsi que toute la question de la laïcité de nos institutions.

Sur ça, vous allez me permettre, M. le Président, de dire très clairement que nous sommes... de rappeler que nous sommes maintenant à l'étape des consultations particulières suite à la large consultation qu'on a eue. On a eu l'adoption de principe à l'Assemblée nationale, à l'unanimité. On poursuit maintenant une consultation particulière sur ces... sur les groupes qu'on va entendre aujourd'hui et demain. Je veux dire aux gens qui sont ici présents cet après-midi ainsi que ceux qui vont se joindre à nous demain que je serai non seulement à l'écoute, mais attentivement à vos commentaires ou à des recommandations qu'on pourrait apporter face à ça, puis je vais, avec l'ensemble des collègues, étudier très sérieusement toutes les propositions qui seront là, parce que je crois qu'on vise tous la même chose, moi, je le crois profondément, on veut tous la même chose, c'est de vivre ensemble puis d'être bien, et c'est sans doute qu'on va être capables de faire ça. Merci.

Le Président (M. Bernier): Merci, Mme la ministre, de ces propos. Donc, je vais saluer effectivement M. le député de Deux-Montagnes, porte-parole officiel. Bienvenue. M. le député, vous avez six minutes pour vos remarques préliminaires. La parole est à vous.

M. Benoit Charette

M. Charette: C'est bien gentil. Merci, M. le Président. À mon tour, vous me permettrez de saluer Mme la ministre à qui j'ai aussi assuré par le passé mon entière collaboration, saluer mes collègues de la partie gouvernementale et mes collègues de ma formation politique ainsi que M. Deltell, député de Chauveau, donc.

Des voix: ...

M. Charette: Oui, voilà. Désolé, désolé pour ce manquement.

Donc, M. le Président, le 22 septembre dernier, la formation politique que je représente a accepté de donner son accord de principe au projet de loi n° 16, ceci parce qu'il nous est difficile d'être contre la vertu.

Avec cet accord de principe, nous nous donnions également le privilège, comme parlementaires, d'entendre des groupes interpellés par ce projet de loi. Notre accord de principe était accompagné de nombreux questionnements. Il nous semblait et il nous semble encore particulier que le projet de loi mette d'avantage l'accent sur les accents... sur les efforts, plutôt, à mettre pour permettre à la société québécoise de s'ouvrir à la diversité plutôt que sur les moyens à retenir pour faciliter l'intégration des immigrants qui nous arrivent de partout et qui contribuent de façon formidable au développement du Québec. La société québécoise est-elle si fermée sur elle-même, M. le Président? Je croyais et continue de vouloir croire que le Québec est cité partout dans le monde pour son ouverture d'esprit.

L'absence de référence aux principes mêmes qui définissent notre société nous interpelle aussi grandement. Nous sommes également circonspects devant le fait qu'à aucun endroit dans le texte du projet de loi n° 16 le français ne soit mentionné comme outil clé d'intégration des immigrants. Enfin, nous sommes étonnés par la quasi-absence de suivi de reddition de comptes prévu dans le texte proposé. C'est ce qui nous fait dire que le projet de loi, dans sa mouture actuelle, n'est purement que cosmétique. Nous souhaitons, dans une... tous dans une intégration réussie des immigrants, mais force est de constater que le gouvernement, à travers ce projet de loi, ne se donne pas les moyens d'atteindre cet objectif. La question de l'immigration des immigrants est une question sensible. Rappelons-nous le difficile mais nécessaire débat sur les accommodements raisonnables.

Avons-nous retenu quelque chose de ce débat? Il est difficile de le croire avec le dépôt du présent projet de loi et les événements des derniers jours. Le premier ministre, ce matin même, lors de la période de questions, a déclaré que le cas de la Société de l'assurance automobile du Québec, dont il est question depuis quelques jours dans les journaux, ne pouvait s'appliquer qu'à six dossiers sur l'ensemble... ou, sinon, les 26 000 dossiers traités par la SAAQ. Ce que le premier ministre et son gouvernement ne saisissent pas, c'est que ce sont, d'une part, six cas de trop mais que ces causes contribuent à l'émergence de nouvelles normes, d'une jurisprudence non écrite contraire aux valeurs, pourtant établies, du Québec. Et, puisque le gouvernement refuse systématiquement d'établir les balises claires en ce sens, le fardeau de la décision, lorsqu'une demande d'accommodement sera formulée, reviendra aux organisations elles-mêmes. Il leur reviendra donc de déterminer ce qui est, oui ou non, conforme au respect de l'identité québécoise et de nos valeurs. Ils le feront bien sûr au meilleur de leurs connaissances mais au prix, souvent cher payé, de notre volonté de construire un véritable mieux-vivre ensemble, une notion qui se doit d'être définie mais qui, pour notre formation politique, signifie qu'aucun droit fondamental ne doit surclasser le droit à l'égalité entre les hommes et les femmes.

Cela est d'autant plus vrai qu'il reviendra à chaque organisation touchée par le projet de loi n° 16 d'adapter sa propre politique de gestion de la diversité culturelle, sans véritable balise du gouvernement. Là aussi, le gouvernement se déleste de ses responsabilités.

La ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles mentionnait hier que le projet de loi n° 16 ne concerne aucunement le dossier des accommodements raisonnables. À prime abord, je lui donne raison. Cependant, lorsque le gouvernement refuse systématiquement d'établir des balises claires et précises au niveau notamment des principes de laïcité et d'égalité entre les femmes et les hommes, on touche de plein fouet l'objet même du projet de loi, qui, dois-je le rappeler, a pour titre Loi favorisant l'action de l'Administration à l'égard de la diversité culturelle. Le gouvernement se doit donc d'agir. Il doit prendre ses responsabilités et déterminer les balises qui ne pourront que permettre une intégration réussie des communautés culturelles à la société québécoise et une lutte efficace contre toutes les formes de discrimination. Le gouvernement évoque régulièrement le principe de la laïcité de l'État. Ce qu'il refuse de faire cependant, c'est de donner de la valeur à ce concept, qui n'est pourtant en rien compliqué. L'État doit en tout temps demeurer neutre dans son offre de services et demeurer neutre dans la façon de les offrir. Quant au principe de l'égalité entre les hommes et les femmes, cela est également fort simple: ce principe doit, et en tout temps également, prévaloir sur le principe de liberté religieuse.

Ce matin, le premier ministre a évoqué le racisme lors de la période de questions. J'aimerais, dans un premier temps, dire à ce sujet que jamais je n'accepterai que l'on taxe l'opposition de raciste ou de xénophobe, alors que nous cherchons justement à bâtir une société inclusive et respectueuse de la diversité.

En guise de conclusion, je dirai seulement que nous aurons le grand privilège de recevoir différents groupes au cours des consultations particulières qui débutent. Je m'engage, en mon nom et au nom des collègues de ma formation politique, à participer de façon constructive aux échanges qui débuteront dans les prochaines minutes. Nous serons particulièrement intéressés par la perception de ces groupes à l'égard du projet de loi qui nous réunit tous aujourd'hui. Leurs propos nous seront précieux. Nous pourrons ainsi proposer, de façon encore plus éclairée, des amendements au projet de loi.

Quant à la ministre, je le mentionnais en début d'intervention, je lui réitère mon entière collaboration. Je souhaite qu'elle puisse ultimement reconnaître que son gouvernement a un rôle beaucoup plus important qu'il souhaite se donner dans l'intégration et la pleine participation des communautés culturelles à la société québécoise. La politique du laisser-faire doit céder sa place à une véritable politique d'intégration des immigrants, à qui nous disons naturellement bienvenue.

n (15 h 20) n

Le Président (M. Bernier): Merci, M. le député de Deux-Montagnes. Donc, la parole est maintenant au porte-parole de la deuxième opposition. Probablement que c'est des séquelles de vos anciennes responsabilités qui portent les collègues à vous interpeller par votre nom, mais, M. le député de Chauveau, vous avez deux minutes, la parole est à vous.

M. Gérard Deltell

M. Deltell: Merci infiniment, M. le Président. Mes salutations à Mme la ministre, mes confrères, consoeurs du parti ministériel, M. le député de Deux-Montagnes, mes amis de l'opposition officielle.

M. le Président, c'est avec beaucoup d'émotion que je participe à ce projet de loi... à l'étude de ce projet de loi, pour une raison fort simple, je suis moi-même fils d'immigrants. Mes parents ont choisi... et ont été choisis pour vivre ici il y a 51 ans, 51 hivers, comme dit mon père, et c'est avec beaucoup d'émotion donc que je participe. Et je dois rappeler aussi que je ne suis pas le seul, le député de Shefford est un fils d'immigrants, le député de La Peltrie est un fils d'immigrants, la moitié du caucus de la deuxième opposition sont des fils d'immigrants. Alors, oui, nous sommes en faveur de l'immigration, on en est l'exemple vivant. Nous sommes également d'accord, M. le Président, concernant les mesures d'accueil, d'intégration, de francisation, d'accès à l'égalité qui nous gouvernent dans ce projet de loi là. Nous sommes aussi d'accord avec le projet de loi qui a été adopté il y a quelques mois, peut-être même plus de un an, concernant le fait que le Québec forme une société à prédominance francophone, qui repose sur l'égalité de l'homme et de la femme et également sur la laïcité de l'État.

Ce qui nous déçoit dans l'attitude actuelle du gouvernement, c'est le flou, le manque de volonté de définir ce qu'est la laïcité de l'État. Je vous rappelle qu'à la commission Bouchard-Taylor on avait fait une recommandation, par l'entremise d'un livre blanc, que l'on... que le gouvernement pourrait définir c'est quoi exactement, un État laïque, parce qu'actuellement il y a un flou, et ça amène quoi? Bien, ça amène un fonctionnaire de la Société de l'assurance auto d'être pris avec une situation où, là, il ne sait pas quoi faire. Ça amène un chauffeur du RTC, le service de la ville, ici, d'autobus municipal à Québec, ça amène un chauffeur du RTC à agir de lui-même quand arrive quelqu'un qui a le visage voilé et qui donc doit, lui, prendre une décision parce qu'actuellement le gouvernement n'a pas eu le courage d'agir pour définir c'est quoi, un État laïque.

Et nous estimons que tout ce que nous faisons actuellement doit être fait avec une précision concernant la laïcité de l'État. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bernier): Merci, M. le député de Chauveau. J'invite donc les représentants de la Régie de l'assurance maladie du Québec à prendre place, s'il vous plaît, et je désire également vous rappeler que le temps alloué pour la période de présentation est de 10 minutes. Donc, vous aurez 10 minutes pour faire une présentation. Par la suite, les membres parlementaires formant le gouvernement auront 25 minutes à leur disposition pour interroger... et 25 minutes pour l'opposition, dont 20 minutes à l'opposition officielle et cinq minutes au deuxième groupe formant l'opposition.

Auditions

Donc, je demanderais au témoin de s'identifier, de présenter les personnes qui l'accompagnent et de procéder à votre présentation. Vous avez 10 minutes.

Régie de l'assurance maladie
du Québec (RAMQ)

M. Giroux (Marc): Mme la ministre, M. le Président de la commission, Mmes et MM. les membres de la commission, à titre de président-directeur général de la Régie de l'assurance maladie du Québec, je vous remercie de me fournir l'occasion de vous faire part du vécu de la régie en matière de diversité culturelle, vécu qui s'inscrit d'ailleurs dans la lignée des objectifs visés par la Loi favorisant l'action de l'Administration à l'égard de la diversité culturelle.

Mon nom est Marc Giroux. Je suis accompagné de Francine Jacques, qui est vice-présidente à l'administration et à la gestion de l'information, et de M. Pierre Cantin, qui est directeur des programmes hors du Québec, des aides techniques et financières, qui représente la vice-présidence aux personnes... aux services assurés qui...

Des voix: ...

M. Giroux (Marc): Merci. Avant de partager avec vous l'expérience de la régie en matière de diversité culturelle, je tiens à vous donner quelques chiffres qui illustrent l'importance des services offerts par la régie et qui en font l'organisme public qui touche le plus grand nombre de personnes au Québec.

Pour l'année 2008-2009, la régie, c'est: 7,5 millions de personnes couvertes par le régime d'assurance maladie; 3,2 millions de personnes couvertes par le régime public d'assurance médicaments; 34 000 professionnels de la santé, dispensateurs de services et prescripteurs rémunérés par la régie; près de 1,8 million d'appels traités par les préposés aux renseignements; 118 000 visites tenues au bureau de Montréal et 28 000 au bureau de Québec; 148 000 premières inscriptions au régime d'assurance maladie; 2,2 millions de cartes d'assurance maladie émises à chaque année.

Voilà des chiffres qui parlent, des chiffres qui donnent un aperçu du rôle prépondérant que joue la Régie de l'assurance maladie dans la prestation des services à la population mais aussi, de façon plus particulière, au chapitre de l'intégration des nouveaux arrivants.

En fait, la régie figure parmi les premiers organismes vers lesquels ces derniers se tournent dès leur arrivée en sol québécois. L'inscription au régime d'assurance maladie ou au régime public d'assurance médicaments constitue alors une étape déterminante pour eux. Justement, parlant de services aux citoyens, je tiens à souligner la dynamique particulière qui anime la régie, à savoir qu'une grande partie de la clientèle issue des communautés culturelles se présente à notre bureau de Montréal. Cette clientèle est très diversifiée sur les plans culturel et linguistique. Nos employés composent quotidiennement avec cette réalité, c'est pourquoi la formation qui leur est dispensée met l'accent sur la nécessité de faire preuve d'ouverture et de compréhension. Selon le protocole d'entrevue, le préposé s'assure que la personne comprend bien les informations pour le traitement de sa demande.

Ceci étant dit, il importe de préciser que, conformément à la politique linguistique gouvernementale, le français est la langue d'usage dans les communications orales avec le public. Le premier contact avec la personne se fait toujours en français. Cependant, à la demande de la personne ou si la situation l'exige, le préposé peut poursuivre l'entrevue en anglais. Il peut arriver que de nouveaux arrivants maîtrisent peu le français ou l'anglais. Grâce à leur formation et à leur expertise dans la façon de mener des entrevues, les préposés sont en mesure d'aider les nouveaux arrivants à surmonter leurs difficultés linguistiques. À cette fin, la formulation de questions claires, l'utilisation du langage gestuel et la lecture des formulaires avec le nouvel arrivant contribuent à lui rendre la vie plus facile. Si, malgré les efforts déployés de part et d'autre, il n'y a aucune possibilité de communiquer en français ou en anglais, les nouveaux arrivants sont invités à revenir à nos bureaux en compagnie d'un interprète qui peut être un membre de la famille ou de leur communauté culturelle. En effet, nous nous faisons un devoir de nous assurer que nos clientèles comprennent bien les informations fournies et la nature des documents à signer.

Je vais maintenant vous faire part de la réalité de la régie quant à l'embauche des personnes issues des communautés culturelles. Les règles gouvernementales actuelles visent à atteindre l'égalité en emploi et à privilégier les groupes cibles qui sont les membres des communautés culturelles, les anglophones, les autochtones et les personnes handicapées. L'objectif global fixé pour l'ensemble de ces groupes cibles représentent 25 % de l'embauche du personnel, tant pour les effectifs réguliers, occasionnels, les étudiants et les stagiaires. Ainsi, en 2008-2009, la régie a embauché 266 personnes à statut régulier ou occasionnel. De ce nombre, 37 faisaient partie des groupes cibles, soit 14 % d'entre elles. 28 de ces 37 personnes s'identifiaient comme membres d'une communauté culturelle, soit une proportion de 75 %. Actuellement, pour l'ensemble de la régie, en termes de représentativité, 88 des 1 420 employés à statut régulier et occasionnel s'identifient comme membres d'une communauté culturelle, soit 6,2 % d'entre eux. Il s'agit d'un minimum, puisqu'il s'agit d'une déclaration volontaire. À Québec, 45 des 1 275 employés sont membres d'une communauté culturelle, soit 3,5 %, tandis qu'à Montréal 43 des 145 employés le sont, soit 30 %. À titre comparatif, les données de Statistique Canada de 2006 indiquaient que le taux de représentativité des minorités visibles dans la région de Québec était de 2 %, alors qu'il était de 16,4 % dans la région de Montréal.

De façon plus spécifique, le personnel du bureau d'accueil de Montréal qui donne le service aux nouveaux arrivants compte 71 personnes. De ce nombre, 32 s'identifient comme provenant de communautés culturelles, soit 45 %. Plus récemment, 16 des 18 dernières personnes recrutées provenaient de diverses communautés culturelles, soit 89 %. Certains sont nés ici, d'autres proviennent de pays tels la Colombie, la Roumanie, l'Algérie, le Maroc, la Chine. Certains sont des immigrants récents, c'est-à-dire qu'ils sont au Québec depuis moins de cinq ans.

À l'heure actuelle, il n'y a pas de mesure d'intégration spécifique des nouveaux employés en fonction de l'appartenance à une communauté culturelle. Les mêmes règles s'appliquent à chaque employé, qui bénéficie des mêmes droits et des mêmes chances d'avancement tout en étant soumis aux mêmes obligations. Le processus de formation, les mesures de rendement et les programmes d'assurance qualité s'appliquent uniformément à tous les employés. L'expérience du bureau de Montréal démontre que la diversité culturelle qui caractérise son effectif favorise les échanges sur les valeurs culturelles et les expériences de vie de chacun. Cela contribue ainsi à créer une atmosphère collégiale ouverte à la réalité de la clientèle provenant des communautés culturelles.

n (15 h 30) n

En ce qui concerne plus spécifiquement le projet de loi n° 16, Loi favorisant l'action de l'Administration à l'égard de la diversité culturelle, celui-ci prévoit une politique gouvernementale et une politique de gestion de la diversité pour les ministères et organismes concernés. Ces dispositions vont rendre encore plus visibles les actions déjà entreprises et impliqueront de la part des organismes visés une plus grande sensibilité et une vigilance accrue quant à la réalité des communautés culturelles. De plus, cela devra se traduire dans le plan stratégique et dans la reddition de comptes reflétée dans le rapport annuel de gestion.

Quant aux valeurs de respect, de responsabilité, d'équité et de vigilance adoptées par la régie, celles-ci s'inscrivent parfaitement dans les objectifs poursuivis par la loi. L'adoption de cette loi exigera éventuellement pour les ministères et organismes une évolution de leurs façons de faire et de leurs programmes de formation afin de les ajuster aux nouvelles réalités de la diversité culturelle.

Enfin, en ce qui a trait à ses effectifs, la régie relève déjà le défi lié à l'intégration des personnes provenant des communautés culturelles et elle souscrit entièrement aux objectifs du projet de loi. Cependant, considérant le contexte de la concentration d'activités gouvernementales dans la région de Québec, ce défi est tributaire de l'augmentation de la population immigrante dans la région de la Capitale-Nationale. Ce défi interpelle l'action gouvernementale dans son ensemble et, bien entendu, celle des autres acteurs publics et privés.

Il me fera plaisir, M. le Président, de répondre, avec le soutien de mes collaboratrices et collaborateurs, aux questions des membres de la commission. Je vous remercie.

Le Président (M. Bernier): Merci, M. Giroux, de votre intéressante présentation. Maintenant, Mme la ministre, du côté parlementaire, du côté du gouvernement, vous avez 25 minutes pour échanger...

Mme James: Oui, pour échanger avec vous.

Le Président (M. Bernier): ...avec les gens de la Régie de l'assurance maladie du Québec.

Mme James: Merci. Excusez-moi. Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, M. Giroux, Mme Jacques, M. Cantin, d'être... ainsi que vos collaborateurs qui vous accompagnent. Vous avez évoqué plusieurs points, et ensemble, avec les collègues, je vais essayer de profiter du 25 minutes limité pour aller chercher le maximum de votre expérience puis d'expertise.

J'ai bien aimé à la fois dans votre exposé que vous avez évoqué et élaboré sur la réalité dans vos bureaux à Montréal, que pour bien des immigrants, et c'est effectivement le cas, ça se trouve à être la régie d'assurance... l'assurance automobile du Québec... je veux dire, la Régie de l'assurance maladie du Québec se trouve à être une des premières étapes dans leur progrès d'intégration à la société québécoise. Et aussi, par rapport à votre commentaire, et peut-être commencer là-dessus, face à tout le défi de la représentativité montréalaise versus la Capitale-Nationale ou d'autres régions du Québec, je vais vous laisser élaborer sur ce point-là tout en vous mettant peut-être le contexte ou la prémisse à la question. C'est que c'est sûr que vous parlez de la réalité montréalaise face au... évidemment le nombre plus élevé d'employés issus des communautés culturelles, que c'est très... J'ai bien aimé, vous avez dit que c'est la même règle, pareil pour tout le monde et que ça se vit relativement bien, c'est ce que je retiens de vos propos, et qu'en même temps vous avez pu voir cette évolution au niveau du nombre, de l'augmentation de l'employabilité ou de l'employabilité de... ou de l'embauche, pardon, des employés.

Mais, dans d'autres juridictions, évidemment le défi est beaucoup plus difficile, pour plusieurs raisons, là, face à la présence même de ces communautés-là sur ces territoires-là, ça je le comprends, d'où vient l'importance, et ça, je l'ai toujours dit, de faire la gestion de la diversité, de se donner un plan.

Je dis que, quand on regarde les entreprises comme Desjardins, par exemple, qui ont développé une certaine expertise sur ces questions-là, la gestion de la diversité, c'est à la fois une capacité de dire, bien, qu'est-ce qu'on va faire pour recruter, pour attirer les gens qui ont un talent, qui ont le talent, les compétences pour venir travailler chez nous, comment est-ce qu'on veut s'assurer d'une bonne intégration. Peut-être, dans un contexte montréalais, c'est moins un enjeu. Mais il faut être capables de se dire que, la première fois... je vais utiliser l'exemple d'un Noir ou d'une Noire, c'est peut-être plus facile dans mon contexte, qui se présente dans un bureau où il n'y en a pas, il faut être capables de se dire que peut-être que ça pourrait créer... Puis ça, ce n'est pas accuser personne de racisme ou quoi que ce soit. La nature humaine, c'est se poser des questions quand on n'a jamais vu, jamais parlé, de craindre un peu de se poser des questions.

Comment est-ce qu'un employeur, pour favoriser une intégration face à... ou l'intégration de cette personne-là dans l'entreprise, quand ils ont prévu, dans l'action gouvernementale... afin de faire en sorte à ce que cette personne-là ne part pas, ne quitte pas pour d'autres horizons? Parce que cette intégration va... c'est le coeur de ce qui est la gestion de la diversité. Vous semblez dire par vos propos qu'à Montréal c'est quelque chose que vous avez, et vous réussissez assez bien. Qu'est-ce que vous voyez comme plan ailleurs au Québec, comme les enjeux ou les obstacles face à cette réalité-là?

Le Président (M. Bernier): Alors, M. Giroux, s'il vous plaît. Puis, pour les autres personnes qui vous accompagnent, lorsque vous prenez la parole, simplement vous identifier, s'il vous plaît.

M. Giroux (Marc): Oui. Marc Giroux. Donc, à Montréal, lorsqu'on se présente au bureau de la régie à Montréal, on voit la diversité culturelle, elle est là, elle est omniprésente, et on s'en imprègne assez facilement, et même très facilement, de telle façon que nos employés, parce qu'ils travaillent quotidiennement avec des gens qui viennent de plusieurs pays, trouvent eux autres mêmes naturel de faire partie de ces communautés-là, et ça s'insère en douceur, sans problème majeur, de telle façon que ça va bien.

Je peux vous dire que ça va bien, ça va très bien, on n'a pas de problème majeur dans l'intégration du personnel. Que les gens soient de différentes communautés religieuses ou ethnies, c'est accepté, il y a de la tolérance. Cette tolérance-là, je pense qu'elle est peut-être plus facile à la régie parce que les 40 000 ou 50 000 personnes qui émigrent arrivent à la régie. Donc, c'est difficile pour moi de comparer la régie avec les autres ministères, organismes parce qu'on est le lieu d'arrivée, on est, par définition, multiculturels. Donc, c'est un peu normal autant pour les employés que pour les personnes qui viennent recevoir leurs cartes d'assurance maladie de trouver un milieu qui est assez... qui est même très paisible. Puis ça, ça se déroule dans l'harmonie, on n'a pas de problème particulier. Par contre, à Québec, si on veut recruter des personnes issues des minorités, c'est plus difficile parce que les listes d'éligibilité à Québec contiennent très, très peu de candidats, et tous les ministères et les organismes se les arrachent. Donc, on peut les... C'est effectivement le cas.

Donc, c'est plus difficile à Québec, mais, à Montréal, ça va de soi, c'est rendu dans notre culture. Et, comme je vous dis, même si l'origine des gens est hétérogène, leur comportement, lorsqu'ils travaillent pour la régie, devient homogène, devient, excusez-moi l'expression, québécois, là. Ce sont des citoyens à part entière, des employés à part entière, on ne peut pas les distinguer les uns des autres. Pour nous, c'est un peu notre réalité.

Le Président (M. Bernier): Merci.

Mme James: Bien, je pense que, en fait je vais faire du pouce sur votre dernier commentaire, c'est notamment ce qu'on souhaite, que... L'intégration, c'est ça, c'est que tout le monde fait partie de la même équipe, puis on joue dans le même carré de sable et les mêmes règles du jeu s'appliquent à tout le monde, et c'est justement dans un contexte où on veut favoriser ça.

Vous savez que vous avez parlé de toute cette question de la liste d'éligibilité. J'ai de la misère avec ma prononciation aujourd'hui, mais je pense que ça a bien sorti, là. Et souvent c'est ce qu'on entend de d'autres, je dis ça... peut-être de d'autres ministères ou aussi dans le privé, où les gens ont un certain nombre d'obstacles. Et, je l'ai dit dans mon mot d'introduction ou plus tôt aujourd'hui, je ne me rappelle plus, mais on parlait de toute cette question d'être capable de dire... O.K., souvent on se fixe des objectifs, nous, on se dit que c'est normal. Et, la société, on s'attend à ce que la société... ou son gouvernement ou l'action gouvernementale représentent la société dans laquelle on vit, avec sa diversité, etc. Mais en même temps, à partir du moment où on se dit ça, même si on voulait se fixer des objectifs, puis ce n'est même pas ce qui est prévu, c'est de dire comment est-ce qu'on va arriver à là, comment est-ce qu'on peut favoriser un recrutement.

Combien de fois que j'entends les gens, qui ne sont pas nécessairement immigrants, soit dit en passant, M. le Président, des gens qui sont même nés au Québec, peut-être fils ou filles d'immigrants, et... ont tous les diplômes requis, mais, d'une part, peut-être ne pensent même pas à la possibilité de travailler, je ne mets pas ça nécessairement sur le dos de l'employeur, mais ne pensent même pas que c'est une possibilité pour eux.

n (15 h 40) n

Dans un contexte de vieillissement aussi puis de renouvellement, il faut aussi passer... pardon, penser à l'avenir, qu'est-ce qu'on peut faire pour s'assurer d'un meilleur recrutement. Jamais je ne croirai, même pour des gens qui sont à Montréal... par exemple, la minute qu'on leur dit qu'ils auraient l'opportunité de travailler avec vous à Québec, je suis convaincue qu'on pourrait trouver des gens qui seraient prêts à faire le déménagement ou... Mais qu'est-ce que... On n'a pas trouvé cette formule-là, et c'est, entre autres, ce qui est prévu, par la gestion de la diversité, de ce qu'on peut faire pour que ça fonctionne mais évidemment dans le respect aussi, dans le contexte de chaque organisme, dans votre cas, ou dans chaque ministère, parce qu'on comprend que les fonctions et les réalités sont différentes.

Comment vous vivez ça? Comment vous voyez ça? J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Giroux (Marc): Je pense, je vais passer la parole à Mme Jacques, qui est dans son rayon d'action, pour vous fournir un complément d'information.

Mme Jacques (Francine): Alors, Francine Jacques, vice-présidente à l'administration.

Je trouvais intéressante votre préoccupation, mais je pense qu'un exemple que je pourrais vous donner... Je trouve qu'il y a beaucoup d'évolution dans ce domaine-là. Il y a de la rareté du côté des communautés peut-être à Québec mais aussi de la rareté dans différents corps d'emploi.

Mme James: ...à Québec, là, je regarde mes collègues...

Mme Jacques (Francine): Non, mais notamment, notamment à Québec ou dans d'autres...

Mme James: Parce qu'il y a quand même une augmentation de 30 % des immigrants dans la Capitale-Nationale. Je tiens juste à le dire. C'est beau.

Mme Jacques (Francine): Tout à fait. D'ailleurs, on a une représentativité, là, qui augmente de plus en plus. Mais, un bon exemple qu'on a vécu lors de la dernière année au niveau des corps d'emploi difficiles à attirer dans la fonction publique, puis pas juste dans la fonction publique, il y a un manque au niveau des analystes en informatique, notamment.

Alors, avec le Centre des services partagés, il y a eu une expérience qui a été faite pour attirer les analystes en informatique et les communautés culturelles, dont plusieurs communautés sont spécialisées aussi, vont dans ce domaine-là à l'université, en informatique. Et ça s'est tenu par des invitations où est-ce que les gens... Au lieu d'être les gens qui venaient faire des entrevues, c'étaient les ministères et organismes qui étaient présents, un peu une foire à l'emploi, et qui vendaient leurs organisations, et c'est plutôt les candidats qui posaient des questions. Et, de cette façon-là, nous avons recruté. Notamment, nous, à la Régie de l'assurance maladie, on est rendus avec... aux alentours d'une vingtaine de professionnels, dont une partie vient de cet exercice-là d'offrir, d'expliquer qui on est, et tout ça. Et on a attiré effectivement des gens qui étaient de communautés culturelles de la région de Montréal.

Et, je pense, c'est des façons d'innover dans la façon de recruter. C'est une façon d'attirer, de se faire connaître. Alors, moi, j'ai applaudi beaucoup cet exercice-là qui a été fait en partenariat avec le Centre des services partagés. Je pense que, de plus en plus, c'est des exercices comme ça qui vont nous permettre de faire connaître ce qui se fait et d'attirer.

Le Président (M. Bernier): Merci, Mme Jacques. Mme la ministre.

Mme James: Oui. Peut-être aussi... Puis après ça, si vous me permettez, je vais permettre à notre chère adjointe parlementaire, la députée de Mille-Îles, d'intervenir, elle aurait des questions à poser, ainsi que l'ensemble des collègues.

Mais je souhaitais faire ce commentaire parce que je pense que, par votre réponse à la question, vous évoquez le coeur de tout ce qui est le débat ou de ce qui se passe, c'est d'être capables justement d'innover dans nos façons de faire pour recruter mais aussi, j'ajouterais, d'apprendre à partager les expériences qu'on peut développer face au recrutement aussi. Quand on parle, dans le projet de loi, de se donner pas juste des orientations, mais un plan d'action, ça fait partie de ça aussi, d'être capables de non seulement avoir un plan pour bien partir sur le plan de match, mais aussi d'être capables de partager vos expériences et les expertises que vous avez développées.

Sur ce, M. le Président...

Le Président (M. Bernier): Merci de vos questions, Mme la ministre. J'inviterais Mme la députée de Mille-Îles à prendre la parole.

Mme Charbonneau: Merci, M. le Président. Bonjour. Je crois que, si j'avais à choisir des premiers intervenants à une commission, je vous aurais choisis, d'emblée. J'ai beaucoup apprécié, dans votre présentation, le mot «même», parce que vous avez fait une allocution sur votre façon de gérer, mais par contre le mot «même» est revenu à un moment très précieux où vous avez dit: Chez nous, tout le monde est traité pareil, on parle du même monde, puisque la diversité, vous l'aviez dit, à Montréal est vraiment suffisamment présente pour que tout le monde soit les mêmes. Donc, c'est fort apprécié. Malheureusement, on n'entend pas toujours le mot «même», mais chez vous on sent qu'il est vraiment présent.

On est à réfléchir à notre comment et à notre pourquoi. Donc, puisque vous avez soulevé la question, de votre côté, vous feriez quoi pour améliorer, pas pour mettre en place, parce que j'ai vraiment l'impression qu'on va... Si on avait à l'adopter tout de suite, on vous remettrait un document que vous connaissez par coeur, puisque vous le mettez en application avec beaucoup de facilité. Mais, si on avait à l'améliorer, à le bonifier, à lui donner une responsabilité au-delà de ce qui est écrit dans le texte, quelles suggestions pourriez-vous nous donner?

M. Giroux (Marc): On parle de suggestions. C'est une bonne question. On connaît bien les activités de la régie, on connaît moins bien les activités des autres ministères et organismes dans cette problématique-là. Moi, je pense, et c'est prévu au projet de loi, là, que donc il y aura un plan d'action, un plan d'action qui aura une concertation avec le Conseil du trésor et là je pense que la réalité de chaque ministère et organisme pourra être expliquée et comparée... et voir lesquels sont en avance et s'inspirer des, comme on dit, des bonnes pratiques.

Est-ce que ce qu'on fait, nous, à la régie, c'est exportable, entre guillemets, à tous? Je ne le sais pas. Je ne suis pas capable de répondre à ça parce qu'on n'a pas fait de comparaison. Nous, on a un modèle, un modèle qui fonctionne bien pour la régie. Est-ce qu'il fonctionne pour les autres? Je ne le sais pas. Mais, nous, le modèle, à l'heure actuelle, c'est un peu ça, c'est: de par le fait qu'on est un passage obligé pour les nouveaux arrivants, il se crée un bouillon de culture peut-être un peu différent dans lequel il y a une belle harmonie. Donc, je pense qu'un des éléments importants en termes de recommandation, c'est, oui, avoir des innovations pour aller chercher les gens, les amener chez nous, mais, une fois qu'ils sont rendus chez nous, je pense qu'il faut les traiter comme tous les autres, là. C'est ça qui est une nuance qu'on ferait, là. Oui, de la créativité, dire: Bon, on a un problème à Québec, on manque d'immigrants, on les amène, on les amène dans les locaux de la régie, mais, une fois qu'ils sont là, c'est les mêmes... la même formation, le même contrôle de qualité pour tous les gens.

Mais je pense que ce serait peut-être un axe intéressant, là, pour les autres organismes.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la députée.

Mme Charbonneau: Dans cette même voie là, puisqu'on est toujours dans comment s'améliorer, nous, dans les demandes qu'on aurait, au niveau de la reddition de comptes, vous l'avez bien dit tantôt, puis je pense que notre collègue le député de Deux-Montagnes a glissé aussi là-dessus dans son discours, au niveau de la reddition de comptes, la ministre est responsable de la reddition de comptes, mais malgré tout chaque organisme a sa responsabilité face à cette reddition de comptes. Y aurait-il des choses à pointer? Puisque tout sujet sur l'immigration est assez sensible, y aurait-il des choses à pointer dans une reddition de comptes, qui pourraient mettre en valeur l'accueil que vous avez fait et la rétention que vous avez réussi à faire au niveau de votre organisme, puisque je comprends fort bien qu'on ne peut pas faire dans... du modèle de votre maison de toutes les autres maisons? Ça ne marche pas comme ça dans une rue, toutes les maisons ont les règles qui leur appartiennent.

Mais comment on pourrait faire pour s'assurer que, dans une reddition de comptes, on puisse, avec beaucoup de perspicacité, cibler une reddition de comptes face à la diversité de la clientèle, sans en faire un 30 % ou un 4 %, là?

Le Président (M. Bernier): M. Giroux.

M. Giroux (Marc): Oui, une bonne question. Effectivement, la Régie de l'assurance maladie a un conseil d'administration, on a une planification stratégique et on comprend très bien qu'avec le projet de loi on va inscrire notre reddition de comptes dans notre planification stratégique. Et la façon de rendre compte, quand on rend compte dans les autres secteurs d'activité autres que celui-là, c'est avec des indicateurs de gestion et de performance. Et la question que vous me posez: Est-ce que vous connaissez des indicateurs de performance en matière d'intégration?, c'est une bonne question. Compte tenu que, nous, on n'a pas vraiment de gros problèmes à ce niveau-là, on n'a pas... on n'est pas rendus au niveau de se développer des indicateurs de performance ou de gestion à cet endroit-là, mais je pense qu'encore là, si les ministères et organismes travaillent ensemble, on va certainement être capables d'en identifier. Puis, à ce moment-là, on fera comme dans les autres plans ou d'autres secteurs de notre planification stratégique, avoir des indicateurs de performance pour rendre compte au conseil d'administration qui rend compte au ministre.

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la députée.

Mme Charbonneau: Juste en terminant, puis avant de laisser la parole aux autres, je voulais vous remercier, puisque, dans le fond, le privilège qu'on a, c'est de rencontrer des gens qui disent: Nous, on s'est arrangés, on a fait les choses qu'on avait à faire, et ça va bien.

Et, quand vous me parlez d'indicateurs, vous avez compris que vous allez être les premiers à qui on va en demander, puisque vous avez peut-être un regard tellement, et ça ne se veut pas péjoratif, tellement neutre qu'il sera nécessaire de nous aider dans ce guide-là, puisqu'on devra être, dans la mesure du possible, le plus neutre possible dans un indicateur d'immigrant intégré dans un milieu de travail aussi important que le vôtre, mais dans toutes les autres maisons aussi. Donc, merci beaucoup.

n (15 h 50) n

M. Giroux (Marc): Merci.

Le Président (M. Bernier): Merci, Mme la députée. M. le député de Viau.

M. Dubourg: Merci, M. le Président. Bon après-midi à toute l'équipe, M. Giroux. Écoutez, M. Giroux, dans votre présentation, vous avez parlé de deux aspects: vous avez parlé de la prestation de services et vous avez mentionné comment est-ce que ça va bien dans votre organisme, bravo, et l'autre aspect, c'est la gestion de la diversité, vous parlez... bon, Montréal, Québec. Mais il me semble qu'à un moment donné vous avez dit que 25 % de l'embauche, ça concernait des, enfin, des groupes ethniques ou bien des minorités visibles. Moi, j'aimerais savoir, bon, d'abord, confirmer que ce chiffre-là est vrai, mais j'aimerais savoir comment est-ce que ça a été établi, ce 25 %, dans l'organisme, comment est-ce que les employés, ils voient ce chiffre-là. Est-ce que ça a été imposé? C'est quoi, leur réaction par rapport à ça? Est-ce qu'ils sont au courant de ce 25 % là?

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme Jacques.

Mme Jacques (Francine): Alors, Francine Jacques. Ce qu'il est important de savoir, c'est que la cible gouvernementale au niveau de l'embauche est de 25 %, mais, au niveau des groupes cibles, la partie des communautés culturelles est un des membres. En ce qui concerne la régie, au niveau de l'embauche, exemple, l'année passée, en 2008-2009, on a engagé 28 communautés culturelles, un pourcentage, je vous dirais, à Montréal... un pourcentage à Montréal quand même ? attendez un petit peu ? de... Au total, on a 10,5 % d'embauche. Ce qui est plus important qu'uniquement l'embauche, qui... à chaque année, on essaie d'augmenter notre niveau d'embauche, c'est notre représentativité. La représentativité, au niveau de la Régie de l'assurance maladie, atteint 30 %, et puis à Montréal... et, à Montréal, 30 %, c'est quand même très, très bon quand on sait que c'est 16 % ou 17 % au niveau de la région de Montréal, la représentativité, selon Statistique Canada, je crois. Donc, on est près du double. À Québec, c'est 2 %, la représentativité, puis, pour la régie, on est à 3,5 %, 4 %. Donc, aux deux endroits, on est à peu près au double à ce moment-là.

Le Président (M. Bernier): Merci. Donc, M. le député de Lévis, il reste environ quatre minutes. Donc, j'ai le député de Lévis, le député de Chomedey qui veulent...

M. Lehouillier: O.K. Juste pour avoir un complément d'information. Parce qu'évidemment, depuis quelques années, le gouvernement agit au niveau des valeurs de notre société, et c'est sûr que les Québécois dans l'ensemble ont une ouverture, entre autres, face à l'immigration.

Et, depuis deux ans... deux, trois ans, le gouvernement agit beaucoup sur les fronts du français, de l'emploi de même que sur le front des valeurs, puis on sait que maintenant les gens qui viennent ici, au Québec, puis ça, c'est du concret, là, c'est de la réalité, bien ils s'engagent dans une déclaration: le français est notre langue officielle, il y a égalité entre les hommes et les femmes, il y a séparation entre l'État et la religion. Donc, fort de ces acquis-là, qui sont la base fondamentale, la loi, finalement... le projet de loi vise à favoriser l'action de l'Administration en matière de lutte contre la discrimination fondée sur la race, la couleur, la religion ou l'origine ethnique. Donc, c'est ce qui fait qu'une fois que les gens adhèrent à nos valeurs il reste quand même qu'il y a un autre pas à parcourir. Parce qu'une fois que tu as dit ça, puis tout le monde signe la déclaration puis tout le monde dit: On est d'accord avec ces trois éléments-là, le fait français, l'égalité, la séparation... Vous dites que la régie est favorable à l'adoption du projet de loi et vous êtes d'avis que les dispositions du projet vont rendre plus visibles les actions déjà entreprises.

Pouvez-vous nous donner, par des exemples concrets, ces actions-là? Et quel va être l'effet, à partir du moment où tout le monde adhère aux trois valeurs que je viens de nommer, puis ça, c'est des actions qui sont quand même posées concrètement... Quelles sont ces actions-là qui sont intéressantes pour poursuivre la sauvegarde de ces valeurs fondamentales chez nous?

Le Président (M. Bernier): M. Giroux.

M. Giroux (Marc): Un exemple facile, c'est qu'en se préparant pour la commission parlementaire on a sorti des statistiques qu'on ne sort pas habituellement, mais...

Ça a l'air un peu drôle à dire, mais on n'a pas, dans nos systèmes de reddition de comptes, ces indicateurs-là. Donc, de se présenter ici, ça nous fait faire un exercice qui nous satisfait, parce qu'on se dit: Bon, on n'est pas si pires que ça, là, ça va relativement bien. Et ça nous inspire pour avoir aussi des indicateurs dans le futur. Ça fait que qu'est-ce que ça va donner? C'est que nos indicateurs qu'on a, ceux qu'on vous a donnés et ceux probablement qui vont être reliés à des plaintes... Parce que probablement on va dire: Bon, parce qu'on a des plaintes, maintenant on va les colliger de façon plus spécifique, ça, c'est tous des éléments, qui fait qu'à un moment donné ça va être inscrit, en termes de reddition de comptes, dans nos objectifs, ça va devenir des indicateurs. Le conseil d'administration va suivre ça, et on va faire rapport. Dans notre rapport annuel de gestion, il y aura un chapitre là-dessus.

Donc, ça va cristalliser, ça va rendre plus évident, plus transparent, cette démarche-là, puis en même temps ça va nous porter à en faire plus pour s'améliorer.

M. Lehouillier: Donc, vous voulez un projet...

Le Président (M. Bernier): Excusez. Excusez, monsieur...

M. Lehouillier: Ah, c'était terminé? Excusez-moi, M. le Président. Ah, bien j'avais juste...

Le Président (M. Bernier): Il vous reste deux minutes, M. le député de Chomedey, question et réponse.

M. Lehouillier: ...un petit complément. J'aurais voulu compléter, c'est malheureux.

Le Président (M. Bernier): M. le député de Chomedey.

M. Ouellette: Merci, M. le Président. M. Giroux, bonjour. Je suis content que vous abordiez que vous avez fait du travail de statistique parce que c'était là-dedans que je voulais aller. Pour les transferts, pour amener du monde à Québec, vous pourriez faire ce que je faisais dans mon ancien... mon ancienne vie, ils nous transféraient en cours de carrière, puis ça effectivement faisait bonifier toute la fonction publique et tout l'État québécois.

Ceci étant dit, dans le travail que vous avez fait, vous avez parlé des plaintes, vous avez un service à la clientèle qui semble extraordinaire. On a parlé... le député de Deux-Montagnes a parlé que... il a fait référence à ce que le premier ministre a parlé à matin, là, de six cas sur 26 000. Des plaintes par rapport à votre service à la clientèle, qui pourrait être ma première question, combien vous en avez? Et, sur les 118 000 visites que vous avez à Montréal, vous en avez combien qui touchent la diversité culturelle? C'est-u 1 000 ou c'est-u 50 000? Ou avoir un ordre de grandeur.

Le Président (M. Bernier): Merci. Vous avez une minute pour répondre.

M. Giroux (Marc): On n'a pas des données précises sur les plaintes qui sont reliées à cet élément-là de diversité culturelle, on a des plaintes générales. C'est pour ça que le fait effectivement d'arriver avec un projet de loi et de nous faire réfléchir un peu plus là-dessus, ça va nous permettre effectivement d'ajouter cette catégorie-là à nos plaintes. Essentiellement, les plaintes qu'on reçoit, c'est relié à la rapidité avec laquelle on répond au téléphone. C'est essentiellement 90 % des plaintes, qui ont diminué d'ailleurs grandement cette année, en passant, donc. Mais, pour répondre à votre question, on ne les a pas actuellement.

Le Président (M. Bernier): Alors, merci...

M. Ouellette: ...dans le 30 secondes qu'il reste.

Le Président (M. Bernier): 30 secondes; il reste environ 10 secondes.

M. Ouellette: Bon, bien 10 secondes. Dans le 118 000, vous en avez combien, là, que c'est relié à la diversité culturelle?

Mme Jacques (Francine): Des visites?

M. Ouellette: Oui.

M. Giroux (Marc): Il y a 30 000 immigrants sur les 100 000.

M. Ouellette: Sur les 118 000?

M. Giroux (Marc): Oui.

Le Président (M. Bernier): Alors, merci. C'est ce qui met fin au bloc au niveau du groupe gouvernemental. Donc, M. le député de Deux-Montagnes, vous avez un bloc de 20 minutes consacré à l'opposition.

M. Charette: C'est bien gentil. Bloc que je partagerai avec mes collègues. Tout d'abord, madame, messieurs, aux gens qui vous accompagnent également, bonjour.

Vous avez évoqué des chiffres dans votre présentation qui franchement sont tout à votre honneur. On était ravis de les entendre. En même temps, on parle d'intégration. On disait tout à l'heure que l'intégration passait beaucoup par la maîtrise du français mais passe également beaucoup par le travail. Donc, des chiffres qui, à Montréal, sont enviables, à Québec, qui sont fort honorables aussi. Est-ce que vous avez interpellé le gouvernement ou est-ce que le gouvernement, d'une façon ou d'une autre, pourrait vous aider à ce que vos chiffres... ou votre recrutement sur le côté de Québec soit facilité auprès des gens, là, qui nous arrivent d'ailleurs? Première question. Et, déjà je vous dis, elles seront en rafale, hein? On va essayer de multiplier les échanges de sorte que mes collègues puissent y aller de quelques questions aussi. Donc, une première question.

On a évoqué la langue aussi parmi nos préoccupations. Est-ce qu'au niveau de votre bureau de Montréal tous les échanges entre vos employés se font en français? Est-ce que c'est véritablement la langue d'usage au bureau de Montréal? Et sinon est-ce qu'il arrive à vos employés, des groupes d'employés, là, d'utiliser d'autres langues pour leurs échanges à l'interne?

Enfin, au niveau de l'utilisation de l'anglais, vous avez précisé: au niveau verbal, le premier contact, il est systématiquement en français, c'est la langue d'usage. Mais, pour la correspondance écrite, par contre est-ce que la possibilité d'une correspondance en anglais, elle est offerte? Et, une fois qu'elle est offerte, si c'est le cas, est-ce que c'est une correspondance qui se fera systématiquement en anglais la vie durant de l'usager si d'autre demande spécifique de sa part n'est pas formulée?

Et enfin j'avais une autre petite note ici concernant le projet de loi n° 16. Bon, il y a une référence dans votre présentation, mais j'aimerais vous entendre de façon plus spécifique. Oui, vous partez avec une belle longueur d'avance, à mon sens, c'est l'impression que j'en ai, mais est-ce que ce projet-là de loi spécifiquement, dans sa mouture actuelle, va vous aider à agir au niveau de la problématique qui est en cause? Est-ce que concrètement il y a des éléments, là, qui sont profitables et qui vont vous aider dès l'adoption si le cas se confirme?

n (16 heures) n

Le Président (M. Bernier): Merci, M. le député. M. Giroux.

M. Giroux (Marc): Oui. Je vais répondre dans le sens inverse de vos questions, en commençant par la dernière. Et, la première, Mme Jacques va lui répondre.

Donc, est-ce que le projet de loi va nous aider? La réponse, c'est: Il nous a déjà aidés parce qu'on s'est préparés pour la commission parlementaire, et ça a mis en évidence certains chiffres avec lesquels on n'était pas quotidiennement familiers. Donc, je pense qu'il nous a déjà aidés. Il va nous aider dans le sens que, vous savez... dans l'administration publique, les lois, les règlements, les politiques, les programmes, le directives, etc. Et le fait de cristalliser un projet de loi, ça nous aide beaucoup pour nous guider, pour nous fixer des objectifs et surtout le mettre sur le palier supérieur de la reddition de comptes, de la planification stratégique et d'en faire mention dans le rapport annuel de gestion. Donc, pour un administrateur public, ça nous oblige, ça complète notre démarche et ça l'officialise, si je peux dire. Ça, c'était...

L'anglais, bon, maintenant, l'anglais, effectivement, quand les gens arrivent, on leur parle en français. S'ils disent: Bien, j'aimerais que vous me répondiez en anglais, on passe en anglais sur les communications orales. La même chose pour les communications écrites, on commence en français et, si les gens disent: J'aimerais mieux avoir ma correspondance en anglais, on passe en anglais, et, dans nos systèmes informatiques, il y aura un indicateur que dorénavant il faut s'adresser à cette personne-là en anglais. Tant et aussi longtemps que la personne ne nous dira pas d'enlever cet indicateur-là, on va lui... on va s'adresser à...

M. Charette: ...possibilité de faire la demande pour que la correspondance soit changée de l'anglais au français?

M. Giroux (Marc): En tout temps.

M. Charette: Parfait. Merci.

M. Giroux (Marc): Le troisième élément, c'était la langue d'usage au bureau de Montréal. La langue d'usage au bureau de Montréal, c'est le français, c'est la langue qui se parle dans les corridors, qui va... la langue qui se parle à la cafétéria. Une des raisons pourquoi c'est la langue d'usage, c'est qu'il y a tellement de communautés différentes que le dénominateur commun, c'est la langue française. Donc, si c'était 80 % de gens qui étaient anglophones, on aurait peut-être un autre problème, mais là c'est tellement plusieurs communautés qu'ils n'ont pas de difficulté à se rallier au niveau du français.

Ceci étant dit, ça pourra arriver. Lorsque les gens... deux Roumains vont aller se chercher un café, ça peut arriver qu'ils se parlent des résultats sportifs dans leur langue. Ça, ça peut arriver. Mais ce n'est pas pour des fins administratives. Et finalement c'est... est-ce que j'ai répondu à votre question?

M. Charette: Oui, puis c'est gentil. Merci.

M. Giroux (Marc): Oui? Et, la dernière, la première question, que vous m'avez posée, en ce qui concerne le recrutement, Mme Jacques va y répondre.

Le Président (M. Bernier): Mme Jacques.

Mme Jacques (Francine): Bien, en réalité, un des enjeux qu'on... au gouvernement, c'est d'attirer... un, de faire bien comprendre aux communautés le fonctionnement des concours, à savoir que, pour être recruté, il faut avoir fait des concours. C'est une façon de... c'est la façon de rentrer au gouvernement, pour se retrouver sur des listes. Et par la suite, à ce moment-là, l'innovation va être, un petit peu comme je vous disais tantôt, de trouver des façons d'attirer les gens dans d'autres régions que Montréal. Il y a plusieurs régions très intéressantes au Québec. Je pense que c'est de ce côté-là où il faudra continuer à innover. Il y a des choses qui se sont faites, comme je vous l'ai dit, et, quand je parlais tantôt de cette façon de faire là, ça s'est fait avec plusieurs ministères et organismes, donc c'était gouvernemental. Il faudra continuer dans ce sens-là. Mais, dans un premier temps, il faut vraiment bien faire comprendre, je crois, aux gens qu'il faut qu'ils appliquent au gouvernement, il faut absolument qu'ils passent ces concours-là, c'est l'équité, et par la suite d'attirer. Ça fait que c'est les premiers éléments...

Le Président (M. Bernier): M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: Peut-être rapidement une dernière question avant de passer la parole à mes collègues. On a fait référence aux gens, aux usagers qui faisaient une demande de service en anglais pour ce qui est de la correspondance écrite. Est-ce que vous avez une idée du ratio, du pourcentage ou du nombre de ces usagers?

M. Giroux (Marc): Oui. En 2008-2009, il y a 15 % des formulaires qui ont été émis en anglais, donc 85 % en français.

M. Charette: C'est bien gentil. À mon tour, je céderais la parole à ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve.

Le Président (M. Bernier): Alors, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, la parole est à vous.

Mme Poirier: Merci, M. le Président. Alors, à la page 8 de votre mémoire, vous nous dites: «À l'heure actuelle, il n'y a pas de mesures d'intégration spécifiques des nouveaux employés en fonction de l'appartenance à une communauté culturelle.» Je comprends bien qu'à ce moment-ci il n'y en a pas, mais est-ce qu'il pourrait y en avoir? Et quelles pourraient être ces mesures d'intégration là, en tant que tel?

Le Président (M. Bernier): M. Giroux.

M. Giroux (Marc): Bon. Donc, il n'y en a pas actuellement parce qu'on a déjà des mécanismes de prévus pour les nouveaux employés. On a des séances de formation, des séances de perfectionnement, que ce soit en langue française, que ce soient différents cours qu'on leur donne. Donc, on a déjà un mécanisme d'accueil qui est, entre guillemets, universel pour tous les employés. Est-ce que, suite aux délibérations de la commission, l'adoption de la loi, ça pourrait changer? Ça pourrait changer, oui. Si, lorsque le plan d'action va être élaboré, en collaboration, entre autres, avec le Conseil du trésor... et qu'on fait une démarche d'étalonnage, on regarde les meilleures pratiques, bien on pourra trouver peut-être que, dans un pays ou un ministère X, il y a une approche qui semble meilleure que celle qu'on a, alors, à ce moment-là, on y jettera un regard attentif. Mais, compte tenu qu'on ne sait que notre propre expérience en la matière à ce moment-ci, je ne peux pas vous en dire plus que ça.

Le Président (M. Bernier): Mme la députée.

Mme Poirier: Et là je vais vous poser un cas très concret: Si une personne se présente au comptoir et demande d'être servie par une femme, s'il y a un homme devant elle et elle demande d'être servie par une femme, qu'est-ce que vous faites?

M. Giroux (Marc): Bon. C'est...

Le Président (M. Bernier): M. Giroux.

M. Giroux (Marc): ...une bonne question.

Le Président (M. Bernier): ...donne la parole à Mme Jacques?

M. Giroux (Marc): Non.

Le Président (M. Bernier): Non?

M. Giroux (Marc): Je vais...

Des voix: ...

M. Giroux (Marc): Il faut un peu se projeter... il faut se projeter à Montréal. Bon, on est dans la salle d'attente de la Régie de l'assurance maladie.

Il y a de 500 à 800 personnes qui passent là à tous les jours. La plupart sont d'origine... des ethnies différentes. Donc, vous avez 25 comptoirs qui sont disponibles pour recevoir les gens, et la première étape, c'est la vérification de l'identité. Donc, les gens vont arriver, ils vont dire: Bon, vérifions l'identité. Est-ce que c'est bien vous? Ils vont avoir des photos, ils vont avoir le passeport, tout ça. On vérifie l'identité. Et par la suite il y a une prise de photo. Bon, par exemple, on prend... il y a trois comptoirs dédiés à la prise de photo. On prend 100 000 photos par année. Une fois à toutes les 10 000 photos, il y a une personne qui dit: J'aimerais ça que ce soit une femme qui prenne ma photo plutôt qu'un homme. Peut-être bien une fois sur 10 000, donc 10 fois par année. Et, à ce moment-là, qu'est-ce qui se passe? Ce n'est pas compliqué, le préposé va se retourner de bord, il y a des collègues, à côté, de sexe féminin, ils vont intervenir pendant quelques secondes pour compléter la transaction, et ça va se faire simplement comme cela, sans plus de difficulté que ça.

Donc ça, oui, ça arrive. Ça arrive assez rarement. Et, sur un plan opérationnel, ce qu'on fait actuellement semble convenir à tout le monde.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Bernier): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Poirier: Est-ce que ce serait le même genre de réponse pour quelqu'un qui dirait: Moi, je ne veux pas être servi par un Blanc, je ne veux pas être servi par un Noir? Est-ce qu'à ce moment-là vous acquiescerez de la même manière, dans le fond, en disant: Bien, on va trouver quelqu'un sur le plancher, qui n'est pas Noir, qui n'est pas Blanc, qui est peut-être asiatique, je ne sais pas, là? Mais est-ce que vous allez acquiescer? Parce que, dans le fond, ce que vous faites, c'est acquiescer à la demande du citoyen en, dans le fond, en respectant sa priorité religieuse versus notre règle d'égalité d'hommes-femmes au Québec.

Le Président (M. Bernier): M. Giroux.

M. Giroux (Marc): Bon, dans d'autres cas, la réponse, c'est qu'on ne peut pas changer de préposé, la personne qui est là va vous servir. Par contre, il est toujours possible pour la personne de retourner en arrière de la file d'attente puis de risquer, entre guillemets, de tomber sur quelqu'un qui va mieux lui convenir. Ça, on ne contrôle pas ça. Mais on ne change pas les préposés, on ne change pas le sexe ni de rien des préposés qui sont là, là. La réponse, c'est non.

Mme Poirier: Mais vous le changez pour la photo.

M. Giroux (Marc): Bien, on le change une fois par 10 000 occurrences, oui.

Mme Poirier: Mais vous le changez.

M. Giroux (Marc): Oui, une fois sur 10 000.

Mme Poirier: D'accord.

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques.

n (16 h 10) n

M. Lemay: Oui. Merci, M. le Président. À mon tour, je salue tout le monde. Votre rapport est rafraîchissant, rafraîchissant en ce sens que quelquefois, les manchettes, les débats politiques, le mot «discrimination» revient souvent, «fermeture»... Même dans le projet de loi, là, il y a des termes, et on pourra y revenir quand on aura le débat. Et, vous, vous dites qu'avec une méthode d'embauche agressive, intelligente, nouvelle vous réussissez, sans faire d'effort particulier, je le dis de la bonne façon, à faire en sorte que vous ayez le double de représentation dans vos employés. Le double, à Montréal, par exemple, c'est 30 % sur 15 %, 16 %. À Québec, c'est le double également.

Donc, vous nous dites: Vous faites bien votre travail, et regardez les résultats qu'on a. Donc, je trouve votre mémoire rafraîchissant parce que, dans le fond, on a tendance, quand on est trop idéologue, on a tendance à oublier l'essentiel et le pratico-pratique de la vie. Il y a une organisation qui a besoin d'employés, qui fait les efforts pour aller les trouver, et elle les trouve. Et ces employés-là, au hasard, sont déterminés selon la composition sociodémographique d'une région donnée. Alors, bravo, c'est rafraîchissant dans ce sens-là. Des universitaires, probablement que... de façon beaucoup plus complexe, nous auraient dit des choses pas mal plus complexes que vous nous dites. Vous dites ? je reviens à l'anglais: L'utilisation... je vous le dis d'entrée de jeu, moi, ça m'irrite. Ça m'irrite que quelqu'un qui demande, d'entrée de jeu, d'être servi en anglais... et il est servi en anglais le restant de ses jours. Ça m'irrite un peu. Vous dites que 15 % demandent d'être servis en anglais, donc 85 %...

Est-ce que c'est au Québec, ça, que... J'ai manqué ce petit bout là, là. Est-ce que c'est au Québec ou à Montréal, ça, ce 15 % là?

Le Président (M. Bernier): M. Giroux.

M. Giroux (Marc): C'est au Québec. On n'a pas de...

Une voix: ...

M. Giroux (Marc): À Montréal, je ne sais pas si on l'a. Je n'ai pas de statistique sur cet élément-là, malheureusement. C'est seulement les formulaires écrits, là, qui sont... qui couvrent l'ensemble du Québec.

M. Lemay: Permettez-moi...

M. Giroux (Marc): Mais on...

M. Lemay: Permettez-moi...

Le Président (M. Bernier): M. le député.

M. Lemay: ...de dire que votre 15 %, là, va être... dans la région de Montréal, est probablement beaucoup plus élevé. Et j'aimerais ça, M. le Président, qu'on ait éventuellement une réponse quand ils jugeront...

Le Président (M. Bernier): Est-ce que c'est possible, M. Giroux, d'obtenir des informations plus précises et de nous les faire parvenir au secrétariat de la Commission des relations avec les citoyens?

Une voix: ...

Le Président (M. Bernier): Monsieur... Je vous en prie, M. le député, je vous en prie. Donc, si vous pouvez faire parvenir à la commission ces informations...

Une voix: Oui.

Le Président (M. Bernier): Vous pouvez poursuivre, M. le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques.

M. Lemay: Oui. Parce que, là ? merci, M. le Président ? parce que, là, effectivement, ad vitam aeternam, les gens ont un geste à faire, et tout. En tout cas, moi, cette disposition-là... Mais... Et c'est une décision qui a été prise, qui a été prise par le conseil d'administration de la régie? C'est une... c'est un... c'est dans une loi quelconque, c'est...

M. Giroux (Marc): On suit les recommandations.

Le Président (M. Bernier): M. Giroux.

M. Giroux (Marc): On suit les recommandations de l'Office de la langue française. C'est les recommandations que l'office fait à l'administration publique. On s'y conforme en tous points, là.

M. Lemay: À la lettre?

M. Giroux (Marc): Oui.

M. Lemay: D'accord. Une dernière question en ce qui concerne la... On voit les résultats de votre embauche qui, encore une fois j'insiste... vous atteignez le double de ce qui normalement pourrait vous être demandé, théoriquement. En ce qui concerne la reconnaissance des diplômes donc des gens qui font des demandes chez vous, vous parliez... madame parlait tout à l'heure de techniciens en informatique. Est-ce que vous avez souvent le choix entre soit des diplômes émanant d'une université québécoise, ou canadienne, ou américaine et des diplômes émanant, disons, d'Amérique du Sud, du nord du continent africain, du Maghreb, et tout? Est-ce que vous avez une technique, là, de, je vais vous... de reconnaissance de formation équivalente? Avez-vous développé ça en vos services?

M. Giroux (Marc): Mme Jacques.

Le Président (M. Bernier): Mme Jacques.

Mme Jacques (Francine): Dans le fond, cette question-là, c'est le Conseil du trésor qui serait le mieux placé pour vous répondre, mais on suit les règles du Conseil du trésor et sur les équivalences. Alors, plus ça va, plus le Québec tend à reconnaître les diplômes d'ailleurs, mais naturellement, là, c'est les règles du Conseil du trésor, qu'est-ce qui est reconnu, qu'est-ce qui ne l'est pas. Et ça, c'est les gens de ressources humaines qui suivent les normes telles quelles. Mais on ne peut pas avoir la latitude de dire: Bien ça, on trouve que, nous, à la régie, c'est bon ou ce n'est pas bon, là. On suit ce qui nous est dit par les gens du Conseil du trésor dans la reconnaissance. Et déjà il se fait beaucoup de travail du côté du gouvernement pour faire reconnaître...

M. Lemay: O.K. D'accord. Merci.

Le Président (M. Bernier): Alors, M. le député de Prévost. Non? M. le député...

Une voix: ...complet de notre côté.

Le Président (M. Bernier): Ça complète vos questions? Merci. Donc, je vais passer la parole maintenant, pour un bloc de cinq minutes, à M. le député de Chauveau. La parole est à vous.

M. Deltell: Merci infiniment, M. le Président. Monsieur, madame, soyez les bienvenus à l'Assemblée nationale, ça me fait plaisir de vous parler.

D'abord, comme tout le monde, je veux souligner le fait des efforts qui ont été déployés et de l'accueil que vous faites aux immigrants, et tant mieux si par bonheur, à Québec, ça s'augmente encore plus. C'est ce qu'on souhaite tous. Étant un gars de Québec et député de la région de Québec, on en est tous bien conscients. Je veux revenir sur la question posée par ma consoeur d'Hochelaga-Maisonneuve concernant les prises de photo, parce que vous êtes évidemment la banque de données la plus importante ou presque, avec l'État civil, qu'on puisse avoir au Québec, et tous les Québécois frappent à votre porte, et il y a une prise de photographie. Vous avez expliqué tout à l'heure comment ça se passe au bureau à Montréal, où vous avez énormément de personnes qui passent, et vous avez aussi beaucoup de postes d'accueil pour ces gens-là. Et on comprend que c'est de bonne foi, tout le monde s'arrange, puis on attend un petit peu puis on trouve quelqu'un, puis ça se fait.

Donc, c'est ça. J'aimerais savoir: Est-ce qu'il y a une règle précise qui existe ou on laisse aller les choses telles qu'elles vont, puis jusqu'à présent il n'y a pas eu de problème, ou est-ce que vous avez précisément donné un code de conduite à vos employés là-dessus?

Le Président (M. Bernier): M. Giroux.

M. Giroux (Marc): Il n'y a pas de directive opérationnelle précise sur ce point-là. Je pense que c'est issu des activités quotidiennes et régulières des employés qui, à un moment donné, trouvaient que c'était peut-être la solution la plus souple pour tout le monde. Mais ça n'a pas fait l'objet d'une directive opérationnelle précise de la part de la régie.

M. Deltell: Vous avez combien de bureaux à travers la province?

M. Giroux (Marc): On en a seulement deux: un à Québec, un à Montréal.

M. Deltell: D'accord. Et, à Québec, c'est quoi, il y a combien de personnes en tout qui travaillent, en ordre de grandeur, tout ça? Juste pour avoir un ordre de grandeur, c'est quoi? C'est deux fois plus petit, trois fois plus petit?

Mme Jacques (Francine): Attendez un petit peu, je vais vous donner les derniers chiffres.

Le Président (M. Bernier): Mme Jacques.

Mme Jacques (Francine): Nous avons au total, à la régie... au 15 septembre, il y avait 1 420 ressources. Et puis, Montréal, c'est 404.

M. Deltell: Ce n'est pas ça, ma question, c'est la capacité d'accueil.

Mme Jacques (Francine): Ah, la capacité d'accueil.

M. Deltell: Vous dites que vous avez 800 personnes qui passent par vos bureaux à Montréal. À Québec, c'est... on parle de combien, là?

Mme Jacques (Francine): L'accueil, c'est surtout à Montréal. Québec, c'est vraiment plus minime. Mais là les chiffres pour Montréal, Québec, est-ce que... Le global, c'est Montréal.

M. Giroux (Marc): Vous parlez en termes de visites?

M. Deltell: Oui, c'est ça, je veux savoir, c'est...

M. Giroux (Marc): En termes de visites, il y a 118 000 visites au bureau de Montréal à chaque année et 28 000 au bureau de Québec. Dans une visite, il peut y avoir plusieurs personnes, là. Ça peut être une famille qui nous visite. Donc, c'est plus que 118 000 personnes.

Une voix: ...

M. Giroux (Marc): Oui, dossiers.

Des voix: ...

M. Deltell: Ce qu'on comprend, c'est qu'à Montréal c'est quatre fois plus fréquenté qu'à Québec, et, je crois comprendre, donc, puisqu'il n'y a pas de ligne directrice, il n'y a pas de directive précise à vos employés à Montréal, il n'y en aura pas plus à Québec. Tout à l'heure, ma collègue posait la question concernant quelqu'un qui refuse d'avoir affaire avec une personne d'une race différente que la sienne. Supposons que quelqu'un arrive avec... Parce qu'une de vos employés pourrait porter un signe religieux distinctif et apparent, et quelqu'un, un immigrant qui frappe à votre porte, refuse de faire affaire avec cette personne-là en raison de sa religion. Qu'est-ce que vous faites?

Le Président (M. Bernier): M. Giroux.

M. Giroux (Marc): Effectivement, il y a des employées de la régie à Montréal qui portent le voile qui ne couvre pas le visage. C'est arrivé, me dit-on, à une reprise que quelqu'un ne voulait pas se présenter à ce comptoir-là. Là, à ce moment-là, on lui a dit: Nous, on ne bouge pas, là, c'est là que tu passes. Ou encore, ça, l'histoire ne le dit pas, est-ce qu'il a fait... il a repris la file d'attente puis il est allé en arrière de la file d'attente en espérant que ce soit une personne différente qui soit au comptoir? C'est ça. Donc, j'ai un cas que je pourrais qualifier d'anecdotique, là, qui... Ça se serait passé une fois. Mais, nous, on ne changera pas les employés. Parce que, là, bon, est-ce que c'est parce que la personne avait un voile ou c'est parce que c'était une femme qui avait un voile ou... bon, on ne rentrera pas là-dedans, mais, nous, on ne les change pas, là, on ne change pas les gens de place pour cette raison-là. Mais, comme je vous dis, c'est un cas sur... vous savez la quantité qu'on passe, là, à peu près 168 000 personnes par année, depuis des décennies, là. C'est pour ça que je vous dis que ça relève de l'anecdote un peu.

M. Deltell: Mais vous me confirmez qu'il n'y a...

Le Président (M. Bernier): Merci. Une dernière question.

n (16 h 20) n

M. Deltell: Oui. Vous confirmez qu'il n'y a pas donc de ligne directrice par rapport à ça. Quelles sont vos lignes directrices par rapport à la prise de photo? Quelqu'un qui se présente, par exemple, avec un voile, tout ça, quel est... comment les gens peuvent se faire photographier? Comment ils doivent se faire photographier?

M. Cantin (Pierre): Peut-être...

Le Président (M. Bernier): M. Cantin.

M. Cantin (Pierre): Oui. Pierre Cantin. Lorsque la personne se présente, elle peut avoir le voile, mais, si elle a la figure... C'est ça, il faut qu'on voie sa figure pour l'authentifier, dans un premier temps, O.K., puis, dans un deuxième temps, pour la prise de la photo, comme vous demandez, effectivement, lorsqu'elle se présente, si... il faut qu'elle se dévoile pour prendre la photo, O.K.? Elle peut garder sur les cheveux... mais il faut qu'on voie son visage pour prendre la photo.

Le Président (M. Bernier): Alors, merci. Alors, merci aux parlementaires. M. Giroux, Mme Jacques, M. Cantin, merci de votre participation, merci de votre présence. Merci aux gens du ministère et de la société, qui accompagnaient les représentants.

Nous allons suspendre quelques instants afin de permettre aux représentants du Conseil du statut de la femme de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 21)

 

(Reprise à 16 h 26)

Le Président (M. Bernier): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous allons reprendre nos travaux. Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants du Conseil du statut de la femme. Mme Christiane Pelchat, Mme Caroline Beauchamp et Mme Béatrice Farrand, bienvenue à cette commission parlementaire. Vous aurez, dans un premier temps, 10 minutes pour faire une présentation. Par la suite, nous procéderons à une période d'échange avec les parlementaires. Donc, la parole est à vous pour un bloc de 10 minutes.

Conseil du statut de la femme (CSF)

Mme Pelchat (Christiane): Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'être ici au nom du Conseil du statut de la femme du Québec, comme vous le savez, qui est un organisme qui existe depuis 1978, un organisme qui a été créé par feu M. Robert Bourassa alors qu'il était premier ministre, en 1973. Le conseil a été créé à la demande de groupes de femmes afin de conseiller le gouvernement sur l'égalité entre les femmes et les hommes. Le conseil a été au coeur des changements qui l'ont fait avancer, qui ont fait avancer cette égalité. Malheureusement, l'égalité entre les femmes et les hommes n'est toujours pas accomplie.

D'abord, le conseil est heureux d'avoir l'occasion d'être entendu sur cette question de la gestion de la diversité culturelle et donc des accommodements raisonnables au sein de l'administration publique, une question qui touche évidemment le droit des femmes. Il est malheureux cependant de traiter de la laïcité dans un projet de loi qui vise l'intégration des immigrants parce qu'en effet, vous le savez, la laïcité et de même que l'égalité entre les femmes et les hommes débordent la question des nouveaux arrivants, puisque nous l'avons même dit à la commission Bouchard-Taylor plusieurs fois, et nous avons même dit que la commission Bouchard-Taylor avait mal saisi l'enjeu du débat et que ce n'était pas la responsabilité des immigrants mais bien de toute la société québécoise de veiller aux valeurs communes.

En 2007, donc le conseil a rendu public un avis où il dressait un portrait de la situation des droits des femmes par rapport à la liberté religieuse, particulièrement lorsque vient le temps d'accorder un accommodement raisonnable en vertu de cette dernière. Il soulevait notamment la délicate question de savoir comment doivent s'articuler le droit à l'égalité et la liberté religieuse lorsque surgit la discrimination envers les femmes. Au terme d'une analyse historique, sociale et juridique, cet avis faisait six recommandations au gouvernement pour renforcer le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes. L'une d'elles a trouvé écho dans l'adoption du projet de loi n° 63, qui a modifié la charte québécoise afin d'y inclure nommément le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes. Le conseil a soutenu que le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes devait être respecté et qu'on ne devait pas y porter atteinte au nom de la liberté de religion. Nous considérons toujours qu'un accommodement qui porte atteinte à l'égalité entre les femmes et les hommes est un accommodement déraisonnable et qu'il irait à l'encontre de la charte telle qu'elle a été modifiée le 10 juin 2008.

Dans cet avis, le conseil faisait aussi les recommandations suivantes: que les représentantes et les représentants ou les fonctionnaires de l'État ne puissent arborer ni manifester de signes religieux ostentatoires dans le cadre de leur travail; que le gouvernement se dote d'une politique de gestion de la diversité religieuse dans les institutions de l'État et que cette politique intègre, de façon claire et non équivoque, la dimension fondamentale de l'égalité entre les sexes. La recommandation concernant les agents de l'État donnait suite au constat que la neutralité de l'État est une valeur commune partagée par l'ensemble des Québécoises et des Québécois. Pour nous, il coulait donc de source que les agents de l'État doivent véhiculer cette valeur fondamentale.

Le projet de loi n° 16 semble faire un pas dans le sens de notre deuxième recommandation. En effet, il est réjouissant de constater que le gouvernement embrasse le rôle de chef... son rôle de chef d'orchestre de la fonction publique et manifeste le désir de la doter d'une politique cohérente et coordonnée en matière de diversité culturelle et d'accommodements raisonnables. Nous voyons dans ce geste une tentative de donner suite à cette question délicate qui a fait couler beaucoup d'encre et qui a mobilisé de nombreuses personnes notamment lors de la commission Bouchard-Taylor. Néanmoins, le projet de loi n° 16 appelle plusieurs commentaires et soulève de grandes inquiétudes.

n (16 h 30) n

D'abord, le conseil se demande depuis quand une politique gouvernementale précède une loi. Il est curieux en effet que le projet de loi n° 16 réfère à la politique gouvernementale et non l'inverse.

Ensuite, le projet de loi manque de balises claires qui devraient nécessairement encadrer la gestion de la diversité culturelle et religieuse. Par exemple, pour les signes religieux, il y a plusieurs messages, dont certains sont contradictoires. Ainsi, le 22 mars dernier, la ministre mentionnait dans un communiqué que ce projet de loi se faisait dans le respect des valeurs communes. Nous ne voyons pas où sont affirmées ces valeurs communes dans le projet de loi. Tout au plus, le premier considérant du projet fait référence au préambule de la charte, comme il a été modifié le 10 juin 2008. De plus, on n'y retrouve nullement la mention de la neutralité de l'État, cette valeur collective fondamentale, le socle sur lequel doit nécessairement reposer toute politique québécoise de la gestion de la diversité culturelle et religieuse.

De la même façon qu'un enfant apprend à marcher avant de courir, l'État doit se définir et s'affirmer collectivement avant de s'ouvrir à l'autre. Or, en matière de laïcité, le Québec en est à ses balbutiements en ce qui concerne son affirmation. La laïcité québécoise n'est pas le fruit d'une longue tradition comme aux États-Unis ou en France, par exemple. À l'occasion, le gouvernement québécois réaffirme cette laïcité, comme l'a fait le premier ministre du Québec lors de la création de la commission Bouchard-Taylor sur les accommodements reliés aux différences culturelles. Cependant, en termes strictement juridiques, le Québec et le Canada ne sont pas des États laïques. Cette laïcité n'est proclamée nommément ni dans la charte ni dans aucun document quasi constitutionnel. Il est donc fondamental de l'affirmer haut et fort dans toute loi et politique traitant de la diversité religieuse. C'est la base, la pierre d'assise qui permet l'ouverture à l'autre.

Dans une société marquée par d'importantes mutations sociales, dont un apport migratoire significatif, le partage d'un socle commun de valeurs citoyennes est nécessaire au maintien de l'équilibre sociétal tout autant qu'un vecteur d'intégration des nouveaux arrivants. Pour le Conseil du statut de la femme, le projet n° 16 ne peut être adopté sans qu'il n'énonce clairement les valeurs collectives dont il est issu. Dans l'élaboration des lois et des politiques de l'État, il est impératif que les valeurs d'égalité et de laïcité soient clairement affirmées. Personne n'ignore que globalement les religions ne font pas l'apologie des droits des femmes. Il en est de même pour plusieurs cultures, également. Si l'État québécois n'affirme pas clairement les valeurs collectives qui sont les siennes, les valeurs d'égalité entre les femmes et les hommes et de laïcité, au même titre qu'il le fait, par exemple, lorsqu'il s'agit de préserver le fait français, il existe un danger réel que les valeurs qui nous définissent comme société soient bafouées.

Le projet de loi n° 16 ignore des questions qui sont inextricablement liées à la gestion de la diversité culturelle. Comment l'État va-t-il gérer les demandes d'accommodement basées sur la religion? Le port des signes religieux par les fonctionnaires va-t-il être permis, voire encouragé afin de favoriser l'intégration des personnes immigrantes dans la fonction publique? Et, si oui, sur quelles bases? Quelle place occupe la laïcité dans l'esprit du gouvernement québécois? À cet égard, le projet de loi est muet. La politique et les mesures qui seront adoptées en vertu de cette loi interdiront-elles le port de la burqa chez les fonctionnaires mais autoriseront le port du hidjab, comme les membres du gouvernement l'ont déjà affirmé en Chambre? Où se retrouvent les balises claires qui guideront les décideurs?

Depuis le dépôt du rapport de la commission Bouchard-Taylor, la Commission des droits de la personne offre un service-conseil en matière d'accommodement raisonnable. Ce service est réservé aux situations où la demande d'accommodement correspond à la définition juridique d'un accommodement raisonnable. La Commission des droits de la personne procède alors à l'examen de la demande faite par les gestionnaires sur le plan des faits et à un examen du cadre légal et de la jurisprudence applicables. Son service-conseil veille au respect des droits et des valeurs de la charte: «La commission ? et je cite ? s'assurera que les solutions proposées respectent les valeurs fondamentales à la base de la Charte des droits et libertés de la personne, tels que [...] le respect de la dignité et de l'égalité de toutes les personnes, notamment le respect de l'égalité entre les hommes et les femmes, ainsi que l'obligation de neutralité religieuse de l'État.»

Il est heureux que la commission, dans ses documents administratifs, prenne soin de mentionner qu'elle portera une attention particulière au respect de ces deux valeurs collectives, la laïcité et l'égalité entre les sexes, lorsqu'elle dispensera ses services. Pour le conseil, il s'agit d'un indicateur patent, d'abord, de la place qu'occupent ces valeurs dans notre société mais aussi de leur fragilité lorsque vient le temps de juger de la raisonnabilité d'un accommodement. Plus encore, n'est-il pas extrêmement étonnant que la commission des droits de la personne et de la... la protection des droits de la personne et de la jeunesse précise nommément qu'elle attachera une grande importance au respect de ces valeurs, alors qu'elles ne figurent nulle part dans une loi ou une politique traitant de la gestion des accommodements raisonnables?

En fait, le gouvernement laisse le soin à la Commission des droits de la personne de gérer les accommodements sans lui donner d'indications législatives. La commission est chargée d'appliquer une création jurisprudentielle, sans balise claire du législateur et du gouvernement du Québec. Est-il plus facile pour le gouvernement d'adopter des politiques d'ouverture et d'intégration plutôt que d'affirmer juridiquement quelles sont les valeurs de notre société? Si l'État doit permettre l'expression des croyances religieuses et culturelles et favoriser l'intégration des personnes issues des communautés culturelles, il doit absolument, au nom des valeurs collectives et du respect de la dignité humaine, en favoriser l'expression.

Le Président (M. Bernier): En conclusion.

Mme Pelchat (Christiane): En terminant, nous ne trouvons donc pas les bases de ces valeurs fondamentales dans le projet de loi n° 16.

Et, en terminant, M. le Président, je ferais une proposition: que le projet de loi n° 16 soit amendé pour y inclure les valeurs communes telles qu'elles figurent dans la brochure du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles Affirmer les valeurs communes de la société québécoise... soient partie intégrante de toute politique découlant du projet n° 16.

Le Président (M. Bernier): Merci, Mme la présidente.

Mme Pelchat (Christiane): Est-ce que vous me permettez, M. le Président, de déposer, pour le bénéfice des membres de cette commission, l'excellent document Pour enrichir le Québec ? Affirmer les valeurs communes de la société québécoise, du ministère. Nous aimerions que cet amendement soit intégré au projet de loi.

Document déposé

Le Président (M. Bernier): Je vous permets le dépôt du document.

Mme Pelchat (Christiane): Merci.

Le Président (M. Bernier): Je permets le dépôt du document. Si on veut le rendre disponible, s'il vous plaît.

Donc, lors des échanges, je vous demanderais de vous identifier, les personnes, au moment où vous prenez la parole. Donc, nous allons débuter par un premier bloc de 25 minutes avec les membres formant le gouvernement. Donc, Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme James: Oui. Et, je vais dire, M. le Président, le défi va vraiment être d'essayer de rester focussés parce qu'évidemment on aborde beaucoup, beaucoup, beaucoup de sujets. Et je pense que c'est très simple puis très bien qu'on ait l'opportunité non seulement de poser des questions, mais d'échanger sur les choses. Je sais que les collègues, tous les collègues veulent intervenir avec les représentants du Conseil du statut de la femme. Vous allez me permettre de dire d'entrée de jeu: Merci de déposer ce beau document. Je pense que le contenu est très bon.

Deuxièmement, je reçois avec ouverture l'amendement que vous souhaitez proposer, puis, comme je le dis d'ouverture, je vais très sincèrement regarder de quelle façon qu'on pourra évaluer une modification, un amendement ou d'autres recommandations que vous souhaiteriez poser à mon attention.

M. le Président, j'avais, en écoutant toute la présentation et l'éloquence que je reconnais à la présidente du Conseil du statut de la femme, beaucoup de choses à dire puis, je vais vous dire, j'ai l'habitude d'y aller avec mon coeur, et c'est ce que je vais faire à l'instant. Quand on aborde l'ensemble des questions du vivre-ensemble, que ce soit au niveau de l'accueil ou de l'intégration de la population immigrante, c'est sûr que c'est des questions pour tout le monde qui demeurent éminemment sensibles. Moi, j'ai la chance, et je dis «la chance», d'être à la fois femme et issue d'une minorité, alors je comprends, je sais de quoi je parle, je vais dire ça en bon québécois. Et je peux vous dire que, personnellement, mais aussi c'est une des raisons pour lesquelles je m'implique en politique et je participe activement, que j'estime sur le même pied qu'il n'y a aucun compromis à faire sur ces deux points-là qu'autant que je lutte pour l'égalité des hommes... je veux dire, des femmes, des femmes...

Une voix: Et des hommes.

n(16 h 40)n

Mme James: ...des hommes, oui, des hommes aussi. Je lutte également pour s'assurer d'une bonne représentativité puis d'intégration des immigrants ici, et, pour moi, ça ne représente pas une contradiction. Et, si vous sentez, dans certains peut-être commentaires, ou quoi que ce soit, ou des interprétations, des commentaires que je pourrais faire, une certaine... je ne suis pas fâchée face à ça, c'est parce que je sens qu'on pourrait essayer de laisser entendre qu'il y a une contradiction en soi de ces deux choses-là, et je... énormément à ça.

Alors, je voulais juste peut-être mettre la table pour vous expliquer un peu d'où vient l'esprit de ce projet de loi là. Vous savez qu'on fait le choix de l'immigration. Ce n'est pas en 2009 qu'on a commencé à faire ce choix-là. Ça fait fort... ça fait bien des années qu'on parle de l'immigration et que le Québec continue de se construire avec l'immigration, et c'est une relation, et Bouchard-Taylor... la présidente du Conseil du statut de la femme connaît très bien le rapport Bouchard-Taylor sur cette relation de la réciprocité à la fois d'une capacité, pas juste d'une capacité, mais d'une volonté des gens de venir épouser des valeurs du Québec, mais aussi de la part de la société québécoise de dire qu'on s'ouvre à la diversité, mais évidemment dans le respect des valeurs communes.

Et c'est la raison pour laquelle je continue d'être très ouverte aux recommandations que le Conseil du statut de la femme veut nous porter, mais je souhaitais qu'on revienne peut-être un peu, un instant, sur l'objet du projet de loi, de la politique et le plan d'action et pourquoi on a abordé tout ce processus-là.

Vous savez qu'il y a eu une large consultation en 2006, où, suite... N'oubliez pas, même avant ça, il y a eu l'adoption sur la Loi sur l'accès à l'égalité. Il y a des normes mises en place par le Conseil du statut... pas du conseil... du Conseil du trésor pour les groupes cibles, mais depuis fort longtemps le gouvernement québécois s'est fixé des objectifs face à une volonté d'aller de l'avant avec une bonne représentativité, et cette politique, et ce projet de loi, fait en sorte d'assurer une pérennité face à notre capacité de gérer la diversité. Et ça veut dire effectivement plusieurs choses, mais, entre autres, quand on regarde, j'utilise souvent... je ne fais pas de publicité pour Desjardins, mais je pense que c'est un excellent exemple du côté privé, où les gens ont pu mettre de l'avant une bonne gestion de la diversité, où on travaille sur trois points, les trois points suivants: une capacité d'attirer chez nous; deuxième point, une capacité d'intégrer... Ça, ça ne veut pas dire qu'on veut assurer la séparation des gens, là.

Quand on dit qu'on veut intégrer, ça veut dire, je pense que je vais employer les termes de M. Giroux, qu'une fois que la personne arrive chez nous elle vient comme les autres, on devient un noyau dur, afin de s'assurer de bien retenir, et, pour moi, c'est essentiel pour la suite des choses, et faire ça nullement et d'aucune façon, pour moi ni pour le gouvernement, ne vise ou met en danger toute la question de l'égalité entre les hommes et les femmes, et je le dis pas juste comme je le sens, que ce soit, vous l'avez évoqué dans votre présentation, la modification de la charte à la loi n° 63 qui a été adoptée, ainsi que l'ensemble des mesures qui ont été mises de l'avant par le ministère au niveau de l'intégration.

Je sais que j'y vais longtemps. Quand je pars, je sais que je n'arrête pas, mais je veux... ce sont des questions qui sont éminemment...

Une voix: ...

Mme James: ...mais je vais permettre à la présidente ainsi qu'à ses collaborateurs de commenter. Mais je comprends très bien aussi tous les questionnements qu'on va continuer à avoir, ça fait partie de la vigilance, ça fait partie de notre société, sur l'espace qu'occupe la religion dans notre société. Mais je suis la première à le dire, puis c'est confirmé à la fois par les personnes qui sont les experts par la question, que toute la question de la religion, et l'espace qu'elle occupe dans notre société ou dans notre administration, dans notre société tout court, n'est pas une question limitée à l'immigration. Quand on parle de ces questions-là, M. le Président, ça inclut l'ensemble de la population québécoise.

Et l'objet de ce projet de loi là et mon mandat à titre de ministre de l'Immigration et de l'intégration des immigrants, c'est de faire en sorte à ce que les gens vont pouvoir s'intégrer dans la société. Moi, je ne rêve pas d'un Québec où c'est un groupe de Québécois, d'une part, et les souches, d'une autre, puis je fais partie des souches, soit dit en passant, M. le Président.

Sur ce, je vais lancer une question très, très ouverte sur comment, dans un contexte où... Puis ce n'est pas juste le gouvernement. Moi, je vous dirais que je suis convaincue que c'est aussi la volonté du Conseil du statut de la femme, parce que, parmi les femmes, il y a les femmes immigrantes et les femmes issues des communautés culturelles, et pour toutes sortes de raisons. Comment s'assurer... Selon vous, pouvons-nous nous assurer de poursuivre la volonté que... de ce que je comprends par votre présentation et du mémoire qui a été présenté, assurer cette intégration-là, favoriser l'attraction, l'intégration, la rétention, tout en pas jetant le bébé avec l'eau du bain? C'est ça. Je vais laisser ça comme ça.

Le Président (M. Bernier): Merci. Alors, Mme Pelchat, vous vous identifiez.

Mme Pelchat (Christiane): Merci. Christiane Pelchat. Caroline Beauchamp, à gauche. Je suis la seule qui parlerai au nom du conseil, mais je veux signaler que Caroline est notre juriste qui a rédigé notre avis, en collaboration avec M. Henri Brun aussi, professeur maintenant agrégé de l'Université Laval, et Béatrice est l'attachée de presse du Conseil du statut de la femme.

Une voix: ...

Mme Pelchat (Christiane): Oui. Maintenant, Mme la ministre, le projet de loi qui est devant nous, dans la note explicative, nous dit: «Ce projet de loi vise à favoriser l'action de l'Administration à l'égard de la diversité culturelle résultant des particularités ethnoculturelles [...] en matière de lutte contre la discrimination fondée sur la race, la couleur, la religion ou l'origine ethnique ou nationale.»

C'est le premier projet de loi que l'on a à étudier depuis la commission Bouchard-Taylor. C'est un projet de loi qui essentiellement va forcer et l'administration des ministères et, d'autre part, l'administration publique à se doter d'une politique, d'un plan d'action pour la gestion de la diversité culturelle. Alors, c'est clair, pour nous, que, dans la gestion de la diversité culturelle, il y ait évidemment les accommodements raisonnables qui sont partie de la diversité culturelle, puisque, vous l'avez vu, vous aussi, Mme la ministre, le beau rapport qui a coûté très cher au gouvernement. Nous, au conseil, on manque d'argent beaucoup, beaucoup, hein, vous savez. On a le même budget depuis 1994, on est obligés de couper des ressources. On aurait...

Une voix: ...

Mme Pelchat (Christiane): Non, mais on aurait voulu avoir cet argent-là pour faire... le même argent que le rapport de Bouchard-Taylor.

Ils ont passé... ce rapport a passé des... une année et des mois à examiner la question d'accommodement raisonnable. Vous ne pouvez pas nous reprocher, nous, du Conseil du statut de la femme... bon, moi, je suis juriste, Caroline est juriste, cet avis-là, c'est un avis juridique, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse?, c'est notre seul défaut, d'ailleurs, de le regarder sous l'angle des accommodements raisonnables et de dire au gouvernement: Voilà, vous avez la chance... Vous voulez, après avoir déposé une politique de la gestion de la diversité, avec des valeurs que je trouve extraordinaires, qui vont plus loin même que ce je souhaitais bien des fois, parce qu'on parle de l'État, de l'institution publique qui est laïque, j'adore ça... Alors, c'est certain qu'on vous dit: Vous avez trois valeurs qui sont inscrites là-dedans: la laïcité des institutions publiques, l'égalité entre les femmes et les hommes et le fait français. Mettez-le dans un article, et c'est cela que... vous le dites vous-même, ce sont ces valeurs, et non pas dans un préambule, je signale, parce que souvent, les préambules, les juges ont de la difficulté avec l'interprétation téléologique, comme vous le savez, Mme la ministre.

Alors, c'est cela qui va structurer donc ce plan d'action de la gestion de la diversité culturelle.

Ce que je voulais vous dire concernant le... Vous avez dit que la diversité culturelle et la diversité de religion, les accommodements raisonnables... religieux ne touchent pas seulement les immigrants, et vous avez raison. J'arrive d'une formation, avec les juges administratifs, sur la diversité culturelle. À la question qui a été posée par une Mme Morrison, qui nous faisait un peu l'explication de la diversité culturelle, quelle est la plus grande menace pour les juges administratifs?, et ça a adonné qu'on était... qu'il y avait beaucoup de femmes, la première menace, les juges administratifs, ce qu'elles ont dit, c'est: À chaque fois qu'elles rentrent dans une salle, les hommes disent: Hein, je vais être jugé par une femme. Et c'est beaucoup des Blancs catholiques de souche, que j'appelle catholiques de souche francophone, qui ont une épouse à la maison, là. C'est vraiment le Québécois moyen de souche, que vous appelez, là, qui dit ça. Ce n'est pas... ça n'a rien à voir avec l'immigration, mais ça fait partie de la diversité culturelle, parce que c'est certain que, quand on arrive... Et on est plus vieux, hein, on n'a pas eu beaucoup de contacts avec des femmes en poste de décision, et tout ça, bien ça fait un peu drôle. Et je vous invite... parler à toutes ces...

Une voix: ...

Mme Pelchat (Christiane): Oui, en plus. Mais aussi de s'apercevoir que ces femmes-là ont dit que ce n'est pas la religion ou l'ethnicité qui fait ça, et c'était vraiment intéressant de voir ces femmes-là. Donc, je suis d'accord avec vous, ça n'a rien à voir avec l'immigration.

Le Président (M. Bernier): Merci, madame. Mme la ministre.

Mme James: Je veux juste, parce qu'on va manquer de temps...

Le Président (M. Bernier): Oui.

n(16 h 50)n

Mme James: Je veux juste vous dire que je suis... j'accueille et je vais analyser très sérieusement la proposition que vous nous faites. Je vais laisser ça là-dessus. On aura sûrement la chance d'en reparler.

Mme Pelchat (Christiane): Je veux juste vous dire que je ne dénigre pas le préambule évidemment parce que le préambule, c'est important, mais ce serait bien que ce soit dans un article aussi.

Mme James: Oui. Malheureusement, je vais laisser, parce que, sans ça, mes collègues...

Le Président (M. Bernier): Alors, Mme la collègue, Mme la députée de Mille-Îles. Vous avez 12 minutes, les collègues de l'opposition, à vous partager.

Mme Charbonneau: Merci.

Le Président (M. Bernier): Les collègues du gouvernement. Excusez.

Mme Charbonneau:«Les collègues», ça aurait été suffisant, M. le Président, on est tous collègues à cette table.

Le Président (M. Bernier): Donc, allez-y, Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Charbonneau: Mesdames, bonjour. Mme Pelchat, c'est la première fois que j'ai l'opportunité d'être assise à une table où on peut se parler de cette façon-là, puisque, la dernière fois, vous étiez assise dans la salle et j'étais assise à la table. Par contre, votre réputation vous précède, donc je ne suis pas inquiète sur les réponses que vous êtes capable de me faire.

Au moment de Bouchard-Taylor, j'avais le privilège d'être la présidente de la deuxième plus grosse commission scolaire du Québec. Vous savez que les commissions scolaires sont laïques dans la forme et dans le fond et, de ce fait, pratiquent au quotidien l'application de la vertu de la laïcité. Par contre, vous avez, dans votre préambule à vous que j'ai très bien écouté, situé certains éléments sur lesquels j'aimerais que vous reveniez avec beaucoup de liberté, puisque je vous connais ou je vous reconnais cette liberté-là de faire face à certaines questions.

La première va être un petit peu plus pointue que les autres, puisque vous avez ou vous semblez avoir porté un questionnement sur ce qu'on appelle le hidjab, et j'ai peur de... non, mais, dans votre intro, vous êtes revenue sur le fait que, dans une société où il y a des services gouvernementaux, il peut y avoir des gens qui portent des symboles...

Mme Pelchat (Christiane): Ce n'est pas ça qu'on a dit, mais je vais vous répondre.

Mme Charbonneau: Parfait, parfait. Dans le fond, je voulais un peu glisser là-dessus parce que, je me disais... et je me suis informée pour savoir comment s'appelle celui que, nous, on porte. Je dis «nous», parce que je suis catholique de religion, mais les soeurs religieuses catholiques portent aussi le voile, et on en a encore dans notre société. Donc, je me demandais: La perception que vous en avez, est-ce que, pour vous, ça équivaut la même perception que le signe religieux hidjab ou...

Le Président (M. Bernier): Mme Pelchat.

Mme Pelchat (Christiane): Le conseil ne s'est jamais prononcé... d'abord, il n'y a pas... pour moi, votre question n'a pas nécessairement rapport avec le projet de loi devant nous, là. Nous ne nous sommes jamais prononcés sur la signification de quelque signe religieux que ce soit. Pour nous, c'est le fait que le premier ministre, dans la politique aussi de l'égalité entre les femmes et les hommes qui m'est très chère, puisque j'étais directrice de cabinet de Mme Théberge lorsque cette politique a été rédigée et adoptée, alors je la connais bien, dans cette politique-là, la sous-ministre et la chef de cabinet ont fait introduire une petite note qui dit que l'État est laïque et que la liberté de religion ne peut empiéter sur l'égalité entre les femmes et les hommes. On était visionnaires, nous autres, dans le temps, je vous le dis.

Donc, puisque l'État est laïque...

Une voix: ...

Mme Pelchat (Christiane): ...puisque l'État est laïque, on dit qu'on ne devrait pas avoir de signes religieux ostentatoires, et on a dit bien, nous, au conseil, «ostentatoires».

Mme Charbonneau: Ostentatoires.

Mme Pelchat (Christiane): Il ne s'agit pas de la croix, de la petite croix de Fatima, ou la croix de David, ou le...

Une voix: ...

Mme Pelchat (Christiane): ...le crucifix. Merci. Donc... Alors, je ne peux pas me prononcer là-dessus. La valeur des signes religieux, je ne sais pas.

Le Président (M. Bernier): Mme la députée.

Mme Charbonneau: Probablement que, dans votre préambule, j'ai été distraite au moment où vous avez parlé.

Mme Pelchat (Christiane): En fait, ce qu'on peut dire, par exemple, et Béatrice me le rappelle, c'est que, pour le conseil, la laïcité, c'est une garantie de l'égalité.

Une voix: Oui, j'ai compris ça.

Mme Pelchat (Christiane): La religion... les trois religions monothéistes, je regrette, ont consacré l'inégalité entre les femmes et les hommes, et surtout l'infériorisation des femmes et, un mot qu'on n'aime pas dire dans notre... je vais encore passer pour une féministe à barbe, là, d'après les journalistes...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Pelchat (Christiane): ...a consacré le système patriarcal dans notre société, et malheureusement nous sommes encore dans une société de rôles où les rôles sexués, de genres sont encore présents, et les femmes, malheureusement, on a tendance à nous inférioriser dans bien des situations.

Mme Charbonneau: Je ne voulais surtout pas vous amener là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Charbonneau: Vous avez par contre parlé de la neutralité de l'État. J'aimerais entendre votre définition de la neutralité de l'État.

Mme Pelchat (Christiane): En fait, la neutralité de l'État, c'est, avant toute chose, la séparation entre le religieux et l'État. Ce que ça veut dire, c'est que le religieux ne dicte pas comment doit se comporter l'État, et l'État ne dicte pas comment le religieux doit se comporter. Ce qui est intéressant, et vous me permettez d'élaborer un peu sur la non-laïcité affirmée du Québec, puisque nous avons ce que l'on appelle une laïcité implicite et une laïcité de...

Une voix: ...

Mme Pelchat (Christiane): Non, je ne pense pas que... Moi, j'ai beaucoup de difficultés avec une laïcité ouverte, Mme la ministre. Les menus de pizza, moi, je n'aime pas tellement ça.

Une voix: ...

Mme Pelchat (Christiane): Vous avez vu ça. Effectivement. Alors, je pense que la Cour suprême nous a bien dit que la laïcité, que la liberté de religion, là, c'est un tout. On ne peut pas commencer à dire: Je veux un petit peu de ceci mais pas de cela, mais peut-être de ceci. Non, ça ne fonctionne pas comme ça. La liberté de religion, c'est un tout. Alors, quand on dit que l'État n'est pas laïque, c'est qu'il n'y a pas d'affirmation de la laïcité au Québec. Et je regarde ici, il n'y a pas de crucifix, mais il y en a un à l'Assemblée nationale et...

Une voix: ...

Mme Pelchat (Christiane): Je n'ai pas dit: Des crucifiés.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Pelchat (Christiane): Alors donc, c'est important que cette laïcité-là soit expliquée et vous dire que c'est une... la laïcité de l'État, c'est une condition de la liberté de religion, ça fait partie de la liberté de religion et de la définition qu'en a donnée la Cour suprême du Canada qui a dit que, pour qu'il y ait une liberté de religion, il faut qu'il y ait la neutralité de l'État. Donc, il ne faut pas que l'État se mêle de la religion, il ne faut pas que la religion dicte quoi que ce soit à l'État, et c'est ça qu'on entend par laïcité de l'État et neutralité. Et j'aime bien, dans la déclaration, dans le document du MICC... j'aime beaucoup la laïcité des institutions publiques. Parce qu'il faut se souvenir que le conseil n'a jamais dit et n'a jamais revendiqué qu'il n'y ait pas de port de signes religieux pour les élèves dans les écoles, par exemple, nous ne demandons pas ça, ou pour les personnes qui seront servies à la fonction publique. Ce n'est pas ce que nous demandons. C'est toujours pour les fonctionnaires et les personnes qui oeuvrent et qui sont les représentantes et représentants de l'État.

Le Président (M. Bernier): Merci.

Mme Charbonneau: On est-u correct? Je peux faire une autre question, M. le Président, ou on est limités?

Le Président (M. Bernier): Bien, si vous voulez, il reste environ 5 min 30 s.

Mme Charbonneau: Alors, en quelques minutes, Mme Pelchat, parce que vous avez sûrement plus qu'une recommandation. Vous en avez fait une...

Mme Pelchat (Christiane): Oui.

Mme Charbonneau: ...une bonne qui est... on l'a tous prise en note puis on s'est dit: C'est vraiment une bonne. Et j'ai encore plus apprécié le fait que vous dites que, dans le petit laïus du début, les juges ont de la difficulté, ce qui va renforcir un peu où on veut aller au niveau des règles qu'on veut mettre dans cette loi. Par contre, si vous en aviez d'autres comme ça, là, qui vous passent par la tête, je suis sûre que...

Mme Pelchat (Christiane): Ça ne me passe pas par la tête, nos recommandations doivent toujours être entérinées par notre conseil, alors...

Mme Charbonneau: Tout à fait, tout à fait.

Mme Pelchat (Christiane): ...je ne m'aventurerais pas à vous en faire...

Mme Charbonneau: Non, non, mais...

Mme Pelchat (Christiane): ...qui n'ont pas été...

Mme Charbonneau: ...vous avez compris ce que je voulais dire.

Mme Pelchat (Christiane): Oui, oui, tout à fait. Le conseil avait aussi recommandé d'affirmer dans la Loi sur l'instruction publique que la valeur d'égalité entre les sexes doit être véhiculée dans la politique d'éducation et qu'elle ne doit pas être mise de côté pour des considérations religieuses ou culturelles. Peut-être que ce n'est pas exactement le projet de loi qui pourrait accueillir cette recommandation, mais nous n'avons pas besoin, je crois, d'un projet de loi pour accueillir cette recommandation. Et nous avons déjà signifié deux fois à la ministre, Mme Courchesne, la ministre de l'Éducation, notre inquiétude quant à, un, l'absence de l'enseignement de l'égalité entre les femmes et les hommes dans le cours des valeurs d'éthique et de culture religieuse... et aussi d'absence du critère de l'égalité entre les femmes et les hommes dans le rapport Bergman Fleury pour justement accorder des accommodements raisonnables particulièrement pour les jeunes filles et les jeunes garçons dans nos écoles au Québec.

Le Président (M. Bernier): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres collègues? Oui, Mme la députée de Trois-Rivières.

Mme St-Amand: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Mme Pelchat, bonjour. Bonjour, mesdames. J'aimerais ça vous entendre sur ce que vous proposez. Et il y a certainement, vous avez regardé le projet de loi, des choses que vous pourriez proposer pour faciliter, améliorer l'accès des femmes des communautés culturelles à la fonction publique.

n(17 heures)n

Mme Pelchat (Christiane): Bien, je vais vous dire franchement, j'endosse à 100 % le rapport de Marie-Thérèse Chicha qui a été rendu public il n'y a pas tellement longtemps.

Et ce projet de loi... et c'est peut-être pour ça que nous y voyons beaucoup les accommodements raisonnables sans y voir autre chose qui donnerait suite effectivement à la politique contre le racisme et la discrimination, parce qu'il est vague. Peut-être que c'est consciemment qu'il est vague. Mais, je vais vous dire, ce qui me choque le plus pour les femmes immigrantes, c'est la non-reconnaissance des diplômes. Et on a une contradiction, et je l'ai dit à Mme la ministre, mais je l'ai dit aussi au sous-ministre au MICC, que je trouvais inacceptable, quand on accueille. Nous, on sélectionne, au Québec, nos immigrants. On dit: Tu vas avoir 25 points de plus si tu as un diplôme universitaire, alors ton diplôme vient peser dans la balance pour que tu sois accueillie au Québec. Quand la personne arrive au Québec, la femme immigrante arrive au Québec, on dit: Oui, mais ton diplôme, il n'est pas reconnu ici, tu ne peux pas travailler.

La majorité, et c'est Marie-Thérèse Chicha qui l'a dit, la majorité de ces femmes immigrantes ne travaillent pas en vertu de leurs compétences et de leurs qualifications. Pour moi, ça, c'est du racisme. Et je vous dirais que... j'ai envie de vous dire que ça, c'est de la discrimination systémique, c'est dans le système. Bien, ce n'est pas notre faute, c'est parce que les universités ne le reconnaissent pas. Bien oui, c'est ça. Ça, ça me fait penser que... Bien là, les Noirs ne vont pas à l'école, aux États-Unis. Bien, pourtant, ils ont le droit. Mais c'est parce qu'ils n'ont pas d'école dans leurs villages. Parce que c'est bien beau, oui, c'est marqué dans... C'est la même chose: Bien là, c'est parce que c'est les universités.

C'est à nous à faire cet effort-là. Et la ministre le sait, elle le dit, elle travaille avec les ordres professionnels. Mais, moi, ça, là, je suis impatiente puis je suis tannée de voir ça parce que ça, c'est long, très, très long, et ça nous... ça m'énerve. Je connais combien de femmes qui ont fait... qui arrivent ici, qui sont radiologistes, qui sont diplômées en sciences, ingénieures, etc., puis qui travaillent comme préposées aux bénéficiaires, qui travaillent comme techniciennes, alors que... ça me rend malade. Et ça, c'est notre ouverture à nous, au Québec, c'est ça qu'il faut faire. Et, oui, effectivement. Et la commission, avec la loi d'accès à... d'emploi à l'égalité... on a un outil extraordinaire qui est inconnu, qui n'est pas assez utilisé. Et on a trop des gestionnaires...

Ça prend plus d'Emmanuel Dubourg comme gestionnaires puis ça prend plus de Yolande James comme gestionnaires. Moi, je ne suis pas une Québécoise de souche, Mme la ministre, je suis...

Une voix: ...

Mme Pelchat (Christiane): Oui, vous, vous l'êtes. Bravo. Moi, je ne suis pas une Québécoise de souche. Mon grand-père puis ma grand-mère, c'étaient des immigrants, comme on dit. Alors... Et il travaillait, il travaillait, mon grand-père, il était plus éduqué que toutes les personnes avec qui il travaillait. Lui, il travaillait dans les explosifs, pour... Dans ce temps-là, ce n'était pas Hydro-Québec. Parce que c'étaient des... c'étaient les Polonais puis les Italiens, les Wops puis les Polacks, qu'on appelait ça, à Montréal, qui travaillaient là parce que les Blancs catholiques de souche, francophones, catholiques, qui ont une épouse à la maison, eux autres, ils ne touchaient pas à ça, ces jobs-là, madame, monsieur. Alors, c'est ça. Mais pourquoi? Parce que c'étaient des immigrants, puis on ne reconnaissait pas...

Une voix: ...

Mme Pelchat (Christiane): Alors, c'est une façon. D'abord, reconnaître les diplômes et s'assurer, avec une politique aussi, puis... et la mise en vigueur de cette loi merveilleuse, qui est la Loi d'accès à l'égalité, qui est ignorée.

Le Président (M. Bernier): Alors, merci.

Mme Pelchat (Christiane): ...

Le Président (M. Bernier): Alors, merci. C'est... Le temps est malheureusement écoulé, du côté du gouvernement. Je vais passer du côté de l'opposition officielle. M. le député de Deux-Montagnes, la parole est à vous pour un bloc de 20 minutes.

M. Charette: C'est bien gentil. Tout d'abord, merci. Merci à Mme Pelchat, à son équipe de se présenter devant nous pour nous apporter leur éclairage. On va procéder un petit peu différemment, c'est-à-dire y aller de questions en rafale avec mes collègues de sorte qu'on puisse véritablement permettre le plus d'échanges possible.

J'aurais, en commençant, quelques petites questions pour vous, et... afin de nous éclairer davantage. On a un projet de loi sur la table, qui est le projet de loi n° 16. Est-ce que concrètement on peut établir justement un lien entre le fameux débat des accommodements raisonnables et le projet de loi lui-même? Quel lien on peut y établir?

Aussi, comme autre question... On a cru entendre de votre présentation que le gouvernement avait peut-être manqué de rigueur ou du moins est peut-être allé trop rapidement. Peut-être qu'on aurait dû considérer, dans la procédure, des étapes préalables. Quelles pourraient être ou quelles auraient dû être ces étapes-là, d'une part? Et est-ce que ce serait pertinent, pour la suite des choses, pour le Québec de se doter... que ce soit d'une charte de la laïcité ou sinon d'un guide de la laïcité? Deuxième question.

Troisième question. Je l'avoue d'emblée... Vous avez fait des confidences sur vos origines. Je vais vous en faire une autre, pour ma part, qui n'en est pas une, je suis un tout nouveau parlementaire, donc votre expérience à vous me sera très, très utile. Vous connaissez... ou vous devinez la suite des choses. Il y a des étapes qui nous attendent au cours des prochains jours, des prochaines semaines, en fonction de ce que vous aurez répondu, des étapes préalables, nécessaires. Qu'est-ce qu'on fait, à ce stade-ci? Est-ce qu'on essaie obstinément d'apporter des amendements pour rendre ce projet-là acceptable ou ne serait-ce pas mieux de tout simplement le retirer pour se donner le temps de remplir les étapes préalables et d'arriver avec une mouture qui déjà contiendrait ces éléments-ci?

Autre question. Tout juste avant votre passage, nous avons eu le plaisir de rencontrer et d'échanger avec des fonctionnaires de la RAMQ, de la Régie d'assurance maladie du Québec. On a pu entendre, à travers les différents témoignages, les différents échanges, deux faits qui, pour nous, nous apparaissent un petit peu troublants. On a questionné sur la procédure qui est suivie lorsqu'une personne, par exemple, au moment de sa prise de photo pour sa fameuse carte d'assurance maladie, avait des demandes particulières, à savoir: Est-ce que cette personne-là peut demander au fonctionnaire qui la reçoit... ou est-ce qu'elle peut exiger que ce fonctionnaire-là soit un homme ou une femme? À cette question-là, la Régie de l'assurance maladie, par ses répondants, nous a dit: Oui, effectivement, et c'est chiffré, ils ont la possibilité d'exiger que ce soit un autre fonctionnaire qui prenne la prise de photo.

Et, à l'inverse, on a demandé: Est-ce qu'un fonctionnaire peut être... est-ce qu'il peut être invité à céder sa place à un autre s'il porte... s'il devait porter des signes ostentatoires et que ça gênait, gênait le client qui se présentait à ça? La réponse à cette question a été: Non, le fonctionnaire ne peut pas être remplacé par un autre. Au mieux ou au pire, tout dépendant, si le client n'est pas satisfait, il est invité à refaire la file et espérer tomber sur un autre ou une autre fonctionnaire pour répondre à sa question.

Et enfin, dans la même veine, on parle de signes ostentatoires, visibles. Est-ce qu'en fonction de tous ces éléments-là on peut effectivement penser qu'un fonctionnaire, qu'il soit homme ou femme, puisse porter un signe religieux ostentatoire tout en respectant le principe général de laïcité de l'État?

C'est mon premier bloc de questions.

Le Président (M. Bernier): Merci. Alors, la table est mise, Mme Pelchat.

Mme Pelchat (Christiane): Sur la première... le premier commentaire que l'on a fait sur: il est plutôt rare qu'une politique précède une loi, je veux dire, n'importe quel juriste va vous dire ça, un jurisconsulte va vous le dire aussi.

Donc, c'est, pour nous, c'est une grande surprise parce que nous avons même, je le dis, souligné et nous avons même bien accueilli la... nous avons même fait un communiqué de presse pour accueillir la politique de la ministre. Donc, c'est notre interrogation. Et on s'est posé la question, si effectivement cette loi n'était justement pas là pour les accommodements raisonnables, justement. Et c'est là aussi, c'est un lien qu'on s'est fait. Parce que vous savez que, pour limiter le droit à la liberté de religion, par exemple, ou pour limiter le droit à la liberté d'expression, la Cour suprême nous a dit, autant pour l'article 1 de la Charte canadienne que pour l'article 9.1 de la charte québécoise... elle nous a dit que ça prend une règle de droit. On ne peut pas imposer par une politique une limite à un droit individuel si ce n'est pas dans une règle de droit qui est dans une loi ou un règlement. Donc, on s'est dit: Tiens, on prend la peine de faire une loi qui dit: Il va falloir que chaque ministère, que le Conseil du trésor et que les sociétés d'État et organismes adoptent un plan d'action.

Donc, on s'est dit: C'est donc probablement le lien avec les accommodements raisonnables, puisqu'on parle de diversité, diversité culturelle tout en incluant, un peu partout dans le projet de loi, la religion comme critère éventuel de discrimination.

Pour nous, c'est clair qu'il s'agit d'accommodements raisonnables. On ne peut pas passer à côté des accommodements raisonnables, dans ce projet de loi là, puisqu'on parle de la gestion de la diversité culturelle, diversité culturelle, parce que sinon c'est quoi? Si ce n'est pas les accommodements raisonnables, de quoi parle-t-on? On ne peut parler... parce qu'on ne peut pas parler de l'accès à l'égalité à l'emploi. Nous avons une loi excellente, la Loi d'accès à l'égalité à l'emploi, qui est mal appliquée peut-être, qui ne rend pas tous ses fruits, mais il faudrait quand même savoir que cette loi existe. C'est quoi sinon? Est-ce qu'on ne peut pas parler... on ne peut pas dire, si on veut faciliter l'intégration... La Commission des droits fait déjà des outils. Il y a déjà des politiques de gestion culturelle qui ne sont pas... de diversité culturelle qui ne sont pas autorisées par une loi.

Je prends l'exemple de ce qu'Emploi-Québec a adopté, une très belle politique de gestion de diversité culturelle, où on mentionne d'ailleurs que les accommodements raisonnables font partie de cette politique de gestion de la diversité culturelle.

Donc, c'est certain que, pour nous, ce que ça vient faire, cette loi-là, en plus de favoriser l'intégration, ça vient aussi permettre aux organismes de se doter d'un plan d'action pour gérer les accommodements raisonnables. Et, nous, on dit, comme la commission Bouchard-Taylor a dit, comme beaucoup d'organismes, puis on les a répertoriés, ont dit: Ça prend des balises pour les sociétés d'État et ça prend des balises pour les organismes pour savoir qu'est-ce qu'on fait. Est-ce qu'on en accepte, des signes religieux? Si on accepte des signes religieux, est-ce qu'on accepte aussi de donner des accommodements qui pourraient mettre en péril les droits des femmes, etc.? C'est tout ça, qu'on pense, qui est dans ce projet de loi là.

Maintenant, la charte de la laïcité, nous, ce qu'on dit, c'est que ça prend une déclaration de la laïcité. Je vais vous dire que, si le projet de loi est amendé pour inclure les valeurs que madame... de la ministre de l'Immigration, le document, qui est si bien fait, pour nous, c'est notre demande, et on vivra très bien avec l'amendement et on sera très heureuses du projet de loi tel qu'il est amendé. Toutefois, ça ne veut pas dire que le débat sur la laïcité sera terminé, ou même sur l'égalité entre les femmes et les hommes.

Ce que ça veut dire, c'est qu'on a là... on aura là des plans d'action pour la diversité culturelle qui devront prendre en compte les trois valeurs telles que... telles qu'énoncées dans ce document. Et, pour nous, ce sera satisfaisant. Toutefois, je le répète, la charte de la laïcité, que ce soit une charte... Parce que, pour nous, on n'a pas vraiment... au conseil, on n'a pas décidé. Est-ce que ça nous prend une charte? Est-ce que ça prend tout simplement la modification de la charte québécoise? On ne sait pas. Mais on ne pourra jamais faire l'économie d'un débat sur la laïcité au Québec.

Il faut faire un débat sur la laïcité. Et je répète que, pour nous, la laïcité, c'est le garant de l'égalité entre les femmes et les hommes.

n(17 h 10)n

Le Président (M. Bernier): Merci. M. le député.

M. Charette: Peut-être revenir pour avoir vos commentaires ou vos impressions sur la Régie de l'assurance maladie.

Mme Pelchat (Christiane): Oui, sur la RAMQ. Oui. Écoutez, moi, je vais vous dire... c'est pour ça qu'on dit en ce moment, dans notre projet de loi... dans le... dans notre intervention, on dit qu'il ne faut pas laisser aux juges l'interprétation de ce qui est raisonnable et déraisonnable. Ça appartient au législateur et au gouvernement de dire ce qui est raisonnable et déraisonnable. En ce moment, la SAAQ, ou la RAMQ, ou la Commission des droits de la personne utilisent le droit tel qu'il est, tel qu'il a été interprété par la Cour suprême, malheureusement pour la commission ou d'autres personnes qui interprètent.

La Cour suprême change un peu, là. La Cour suprême, on dirait que, depuis Bruker contre Marcovitz, elle est en train de dire que, wo, la liberté de religion, ce n'est pas si large que ça, là. On peut tellement la limiter, la liberté de religion, qu'on va reconnaître que le droit de la liberté de M. Bruker va être limité, de M. Marcovitz va être limité par le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes de madame. Alors, woup, on a fait ça. Dernièrement, on vient de dire que les huttérites n'ont pas le droit de ne pas avoir de photo sur leurs permis de conduire, comme leur dicte la religion, parce que, et comme le dit si bien le document, aussi, des valeurs du MICC, parce que, et la Cour suprême le dit, l'État a le droit de limiter, pour le bien public...

Une voix: ...

Mme Pelchat (Christiane): ...liberté de religion. Donc ça, pour nous, là, c'est clair. Alors ça, ce que qu'on veut, c'est qu'autant dans ce projet de loi que dans toute politique de gestion de la diversité culturelle on veut entendre notre gouvernement, on veut entendre notre législateur dire qu'est-ce qui est déraisonnable et qu'est-ce qui est raisonnable autant en ce qui a trait à l'égalité entre les femmes et les hommes que d'autres domaines.

Et je vous donne l'exemple de la langue française, la loi 101, la Charte de la langue française, malgré qu'elle a été un peu décapitée. Excusez-moi, mais... Et la Cour suprême du Canada a dit, en vertu de la charte québécoise, faut-il le rappeler, qu'il était urgent et nécessaire de protéger la langue française et que l'État avait le droit de limiter l'expression des anglophones, par exemple, autant pour le droit d'aller à l'école anglaise, hein, c'est toujours le cas, et autant pour l'affichage. Ce n'est quand même pas rien. Et, nous, on veut que le gouvernement fasse avec la laïcité et l'égalité la même chose qu'il a faite avec la charte de... la loi 101.

En ce qui a trait précisément à la RAMQ, c'est toujours, en ce moment, du cas-par-cas. Ce que je vais vous dire, c'est que, si effectivement, et je vais prendre l'exemple de la SAAQ, qui a été jugée correcte par la Commission des droits, si effectivement... Et la Commission des droits de la personne n'a rien à se reprocher là-dedans. Il y a beaucoup de démagogies qui se font. On a une excellente Commission des droits de la personne, je peux vous dire, et ils appliquent le droit. Ils ne font pas d'autre chose qu'appliquer le droit et appliquer la loi. Alors, c'est pour ça que le législateur, vous, mesdames messieurs, vous êtes là pour indiquer comment appliquer ce droit.

Cas par cas, toujours les accommodements raisonnables, cas par cas. Alors, le monsieur ou la madame arrive, il voit un répartiteur, puis il dit: Bon, j'ai un examen de conduite, et le répartiteur lui dit... Bien, moi, en vertu de ma liberté de religion, je préférerais être servi par une femme ou par un homme. Bon, le répartiteur voit les dossiers puis il dit: Bon, voici, vous allez, tout à l'heure, passer. Et là effectivement il n'y a pas d'atteinte à l'égalité à sa face même, mais, là où il y a une atteinte à l'égalité où, là, où, moi, j'ai une crainte comme présidente du conseil, et comme féministe, et comme la ministre qui est attachée au droit à l'égalité entre les femmes et hommes, c'est qu'éventuellement on banalise l'égalité entre les femmes et les hommes, et que bien ça devienne une norme ou ça devienne systématique, et que... Et je vous le dis, et il y a des personnes qui m'ont dit: Attention, ce que l'on a peur, c'est qu'on vienne hiérarchiser les droits au Québec et que la liberté de religion passe toujours avant les autres droits. Ça, c'est une de nos craintes.

Alors, à ce moment-là, s'il y a une atteinte, c'est quand, par exemple, la personne, l'homme ou la femme, qui est à la SAAQ ou à la RAMQ, qui dit: Bien, coudon, ça fait deux heures que, moi, je n'ai pas de client, c'est toujours mes collègues qui en ont, qu'est-ce qu'il arrive?, il va voir son répartiteur, puis le répartiteur lui dit: Bien, c'est parce qu'il y a eu des demandes d'accommodement raisonnable, puis tu es un homme ou tu es une femme, puis il faut te tasser. Cette personne-là, comment pensez-vous qu'elle va se sentir? Là, il y a une atteinte à l'égalité. Et là ce qu'on dit, c'est que, si effectivement cette personne-là se sent atteinte dans son droit à l'égalité et dans sa dignité humaine, il faut refuser l'accommodement raisonnable.

Le Président (M. Bernier): M. le député.

Une voix: ...

Le Président (M. Bernier): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Poirier: Bonjour, Mme la...

Mme Pelchat (Christiane): Bonjour, Mme la députée.

Mme Poirier: Ça va bien?

Mme Pelchat (Christiane): Ça va très bien. Merci.

Mme Poirier: Alors, je reprends une phrase que vous venez de nous dire: Le droit de limiter les droits religieux pour le bien commun. C'est... vous citiez la Cour suprême. Écoutez, Québec, on a une ministre de la Condition féminine qui est assez silencieuse par ces temps-ci. Une chance que vous prenez le relais avec le Conseil du statut de la femme et...

Le Président (M. Bernier): ...s'il vous plaît, madame, je vous invite à la prudence. Posez vos questions.

Mme Poirier: C'est ce que je vais faire, M. le Président. Et la Commission des droits de la personne, qui nous dit, d'ailleurs c'est dans un des avis, là, que je reprends, l'annexe au document de réflexion, qui nous dit qu'il n'y a... que l'article 50.1 ne devrait pas être interprété dans le sens d'une primauté accordée a priori au droit à l'égalité.

Mme Pelchat (Christiane): Qui a dit ça?

Mme Poirier: La Commission des droits de la personne. Alors, je vous lis exactement au texte: «Par ailleurs, la commission a déjà souligné que l'article 50.1 ne peut, et ne devrait pas, être interprété dans le sens d'une primauté accordée a priori au droit à l'égalité sans discrimination fondée sur le sexe [et] les autres droits et libertés.» Par ailleurs, lors de l'adoption de la loi n° 63, la ministre de la Condition féminine, qui était, à ce moment-là, responsable de l'adoption de la loi, portait un tout autre propos. Elle nous disait que «l'instant est solennel alors que nous nous préparons à poser un geste d'une grande portée historique et juridique, un geste nécessaire afin que notre société soit véritablement imprégnée de cette valeur prééminente, prépondérante et prédominante». Ça, c'est ce que la ministre disait.

Pour vous, est-ce qu'il y a deux discours présentement sur la table? Et, le fait qu'il y ait deux discours, il y a un vide entre les deux, ce qui fait que toutes les sociétés d'État, les organismes gouvernementaux, les ministères interprètent et appliquent, selon leur... et là-dessus je leur fais confiance, là, c'est selon leur lecture des faits, à peu près n'importe quoi. La SAAQ nous dit tout à l'heure: Ah, c'est un cas sur tant, nous, on fait avec. Si c'est un homme qui se présente puis il dit: Moi, je voudrais absolument avoir un homme qui prend ma photo, on se tourne de bord puis on dit: Ah, bien il y en a un ici disponible, puis c'est lui qui va prendre la photo. Moi, je voudrais avoir votre interprétation, là. Qu'est-ce qui prédomine, là? Est-ce que notre société a décidé que l'égalité entre les hommes et les femmes prédominait sur les droits religieux?

Le Président (M. Bernier): Mme Pelchat.

Mme Pelchat (Christiane): D'abord, la liberté individuelle du droit à la liberté de religion. Les droits qui sont protégés, les droits de 1 à 9 de la charte québécoise, il faut faire attention, ce ne sont pas... on ne peut pas parler de règles générales, c'est toujours du cas-par-cas. C'est toujours parce que le droit à la liberté d'une personne, c'est son droit à elle et c'est comment cette personne-là se sent par rapport au traitement... C'est une... On ne peut pas faire de règle générale. Ça, c'est la première chose.

Nous, ce qu'on dit, c'est que le projet de loi n° 16 en ce moment est fuyant. On n'a pas... On ne sait pas exactement. On sait qu'il n'y a pas de mesure concrète, et ça, ça nous inquiète, parce que, comme vous dites, les fonctionnaires ne peuvent pas, au gré de leurs croyances, au gré de leur culture, de leurs perceptions de l'égalité, etc., et de leur éducation, par exemple, dire: Bien, c'est comme ça, ça, c'est plus égal que moins égal. Alors ça, on aimerait que le projet de loi, et peut-être un règlement qui suivra, sait-on jamais, puisse énoncer des mesures concrètes pour justement aider nos sociétés d'État, etc. Ce qu'on dit, nous, c'est que la liberté de religion s'arrête là où l'égalité entre les femmes et les hommes est balayée sous le tapis. Il ne faut pas que ça se produise, et c'est dans ce sens-là que nous avons demandé la modification à la charte... au mois de juin 2008, pardon.

Et donc c'est ce qu'on dit. On ne peut pas... il n'y en aura pas, de hiérarchisation. Il n'y a pas de hiérarchisation comme telle. Toutefois, au cas-par-cas, si on voit que, là, par exemple, comme je vous disais, le préposé à l'évaluation se sent... dire: Bien, moi, je suis un peu insulté d'être systématiquement écarté quand c'est une femme, ça m'atteint dans ma dignité, on ne pourra plus donner cet accommodement parce qu'à notre sens il est déraisonnable.

n(17 h 20)n

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme la députée.

Mme Poirier: Je dirais, une petite complémentaire. Si une religion ne reconnaît pas l'égalité... Dans une religion... Il y a des religions qui ne reconnaissent pas l'égalité entre...

Mme Pelchat (Christiane): ...des religions monothéistes ne reconnaissent pas l'égalité, reconnaissent l'inégalité entre les femmes et les hommes.

Mme Poirier: Donc, si certaines religions ne reconnaissent pas l'égalité entre les hommes et les femmes, comment la commission, à ce moment-là, peut porter un jugement en mettant le droit religieux avant le droit de l'égalité?

Mme Pelchat (Christiane): La commission, d'abord, la commission vérifie la croyance religieuse, a vérifié... pas la commission, mais la SAAQ a vérifié, doit vérifier si la demande d'accommodement raisonnable est vraiment basée sur une croyance religieuse. On ne peut pas sortir n'importe quoi, là: Je ne veux pas être servie par un homme parce que je n'aime pas sa grandeur ou je n'aime pas sa cravate ou... C'est vraiment qu'il y ait une croyance. Donc, c'est ça qui doit être vérifié, premièrement. Et c'est la...

Une voix: ...

Mme Pelchat (Christiane): C'est ça, c'est... exactement. Et donc c'est la croyance qui est protégée. C'est la croyance qui est protégée et c'est ça que... et c'est comme ça.

Notre droit, nous sommes dans une société de chartes, hein? Nous avons toujours été très fiers de nos chartes. Nous sommes dans une société de chartes. Il faut vivre avec nos chartes. Nous ne sommes pas dans une république comme en France, donc nous sommes dans une société libérale qui reconnaît les droits individuels, mais alors donc on ne peut pas dire que la Commission des droits de la personne... on ne peut pas conclure que la Commission des droits de la personne fait ceci, fait cela. C'est qu'à la longue, effectivement, il faut se poser comme question: Quand les droits à... l'égalité entre les femmes et les hommes sera atteinte, au même titre que... Et, je vous donne l'exemple, moi, j'arrive à la SAAQ et je veux être servie en anglais. C'est la même chose. On va me dire: Mais, non, l'administration publique, c'est en français. Ou je veux avoir... Pouvez-vous, s'il vous plaît, m'écrire... M. le ministre, écrivez-moi en anglais, s'il vous plaît. Je ne peux pas. C'est... Alors, oui, ça brime ma liberté d'expression, oui, ça brime ma liberté comme Canadienne, Québécoise anglophone, mais c'est la loi.

Et c'est là quand on dit: C'est pour le bien public, et ce sont des valeurs, c'est l'intérêt public et c'est notre article 9.1 qui nous permet de faire ça, comme l'article 1 de la Charte canadienne.

Le Président (M. Bernier): Alors, merci. Merci, Mme Pelchat. Nous allons donc passer au deuxième groupe de l'opposition pour un bloc de cinq minutes. M. le député de Chauveau.

Une voix: ...

Le Président (M. Bernier): Oui, c'est un bloc de 20 minutes. M. le député de Chauveau, la parole est à vous.

M. Deltell: Si jamais le député veut venir dans mon groupe parlementaire...

Des voix: ...

Une voix: On appelle ça...

Le Président (M. Bernier): Je vous invite à poursuivre vos négociations. Alors, la parole est à vous, M. le député.

M. Deltell: Merci, M. le Président. Mesdames, ça me fait plaisir de vous rencontrer. Mme Pelchat, on s'est rencontrés en d'autres temps, d'autres lieux sous d'autres rôles. C'est la première fois qu'on le fait actuellement dans mes nouvelles fonctions, et je vous salue.

D'abord, je dois saluer votre fougue à défendre votre point de vue. Je trouve ça quand même un peu curieux que votre fonction, c'est de conseiller le gouvernement. Force est d'admettre que, dans le cas présent, vos conseils n'ont peut-être pas été suivis à la lettre, c'est le moins qu'on puisse dire. J'aimerais revenir sur certains points, puisqu'une question m'a été posée par un journaliste. Il m'a dit: Est-ce que vous souhaitez que ce soit... Puisque, nous, on prétend qu'il faut que le gouvernement fasse son lit et définisse clairement ce qu'est l'État laïque. Et le journaliste me demandait: Est-ce que vous estimez que ça devrait être par un projet de loi, par un livre blanc ou... Bon. Et, je vous avoue en toute franchise, je n'ai pas répondu à la question, ça arrive parfois, en disant que ce n'est pas...

Des voix: ...

M. Deltell: ...en disant que pour le moment...

Des voix: ...

Le Président (M. Bernier): ...prie, je vous en prie.

M. Deltell: ...pour le moment ce n'est pas là le point...

Une voix: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Bernier): Je vous en prie.

M. Deltell: ...mais bien plutôt l'importance que l'on doit accorder à la définition de ce que c'est. Alors, je vous pose la question à laquelle je n'ai pas répondu: Est-ce que vous estimez que ça doit se faire par l'entremise d'un projet de loi ou encore d'un livre blanc, tel que le suggérait Bouchard-Taylor? Qu'est-ce qui, selon vous, devrait être fait pour que clairement on puisse définir au Québec ce qu'est un État laïque?

Le Président (M. Bernier): Merci. Mme Pelchat.

Mme Pelchat (Christiane): Moi, je n'ai pas de mandat pour me prononcer là-dessus précisément, mais je répète qu'on ne peut pas faire l'économie d'un débat sur la laïcité au Québec. Quelle que soit la façon, donc il faudra le faire, éventuellement.

Le Président (M. Bernier): M. le député.

M. Deltell: Je vous pose un cas. On a parlé tout à l'heure que, bon, il y a des cas qui arrivent, et c'est toujours du cas-par-cas. Un homme, par exemple, qui se présente à l'hôpital, et qui est traité par une femme médecin, et qui ne veut rien savoir, pour des raisons x, y, z, de religion, il ne veut rien savoir d'être traité par une femme, comment vous jugez, à ce moment-là, cet homme-là? Et qu'est-ce qui devrait être fait?

Le Président (M. Bernier): Mme Pelchat.

Mme Pelchat (Christiane): J'aimerais vous dire que d'abord la loi sur la santé permet le choix du médecin. C'est un... Et d'ailleurs ça découle... le droit du choix au médecin découle justement de la discrimination systémique dont les femmes ont été victimes pendant toutes ces années. Et, bon, les hommes en bénéficient aussi par la bande.

Donc, la loi sur la santé prévoit déjà le choix du médecin. Mais, ce que je peux vous dire, si c'était dans un autre domaine, et je prends l'exemple des juges administratifs avec qui j'étais cette semaine, c'est certain que, si elles arrivent au tribunal et qu'une personne arrive, un homme, qui lui... ou une femme, qui lui dise: Écoutez, vous n'avez pas d'autorité pour me juger, je veux être servie par un homme, écoutez, je peux vous dire qu'en discuter seulement lors de notre formation que l'on a eue sur la diversité culturelle, c'était en soi une atteinte à leur dignité humaine, toutes les femmes qui étaient là. Alors, je pense bien que ce serait un accommodement déraisonnable qu'on ne pourrait pas accorder.

Le Président (M. Bernier): M. le député.

M. Deltell: Si vous me permettez, rapidement j'aimerais juste revenir sur les balises claires. Tout à l'heure, le député de Deux-Montagnes en a fait état, la Régie nous a dit qu'il n'y avait pas de balise qui existait, il n'y avait pas de code qui existait, il n'y avait pas de ligne directrice qui était écrite, précise pour dire aux employés comment se comporter lorsque quelqu'un justement refuse de parler à telle personne parce que c'est une femme ou quoi que ce soit.

Mme Pelchat (Christiane): Excusez-moi, M. le député, mais, en vertu du projet de loi n° 16, ils vont être obligés d'adopter un code, un plan d'action pour gérer la diversité culturelle. Alors, ils vont être obligés de le faire. Et ce qu'on souhaite, c'est que ce soit un peu plus clair, qu'on sache un peu exactement quelles sont les balises. Mais, ils ont raison, ils n'en ont pas. Et, tout au long de la commission Bouchard-Taylor, on a entendu, que ce soient des écoles, que ce soient des universités: Est-ce qu'on accorde des lieux de prière ou pas? Est-ce qu'on accorde... Alors, il faut... La beauté de ce projet de loi là, c'est justement de prévoir un plan d'action pour chaque organisme et société d'État et bien sûr pour la fonction publique pour avoir une gestion de la diversité culturelle et donc des accommodements raisonnables.

Le Président (M. Bernier): Vous avez une minute, M. le député, question et réponse.

M. Deltell: À ce moment-là, est-ce que vous estimez qu'on devrait laisser à chaque organisme le loisir de définir lui-même son plan de match, son plan d'action ou au contraire il devrait y avoir des directives qui soient émises pas l'État, par le gouvernement, où clairement on affirme: Voici les lignes auxquelles vous devez... pour éviter que ce soit, comme c'est actuellement le cas, le préposé à la société de l'assurance auto qui décide qu'est-ce qu'il fait ou encore, comme on a vu à Québec la semaine dernière, le chauffeur du RTC qui décide, lui, comment il fait?

Mme Pelchat (Christiane): Je suis tout à fait d'accord avec vous, ça prend des directives, ça prend des balises qui sont claires. La commission Bouchard-Taylor en parle, donne même certaines indications. Il doit certainement y avoir une marge de manoeuvre, puisque c'est du cas-par-cas, lorsqu'il y a des demandes d'accommodement, mais ça prend des balises claires sur la gestion des accommodements raisonnables. Et on a une belle ouverture ici avec le projet de loi n° 16, et j'espère qu'on va la saisir.

Le Président (M. Bernier): Merci beaucoup. Vous voyez, nos échanges passent très rapidement. Le temps court très vite. Beaucoup de questions. Fort intéressant. Et, Mme Pelchat, Mme Beauchamp, Mme Farrand, je tiens à vous remercier de votre présentation.

Donc, la commission ayant accompli son mandat aujourd'hui, j'ajourne les travaux jusqu'à demain, le jeudi 8 octobre 2009, après les affaires courantes, où la commission se réunira à la salle du Conseil législatif afin de poursuivre ce mandat. Donc, bonne fin de soirée à tous, merci de votre participation.

(Fin de la séance à 17 h 28)


Document(s) associé(s) à la séance