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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le lundi 11 juin 1979 - Vol. 21 N° 124

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 121 - Loi modifiant la Loi constituant la Société nationale de l'amiante


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 121

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des richesses naturelles se réunit pour poursuivre l'étude article par article du projet de loi no 121, Loi modifiant la Loi constituant la Société nationale de l'amiante.

Les membres de la commission sont: M. Bérubé (Matane), M. Bordeleau (Abitibi-Est) remplacé par M. Parizeau (L'Assomption); M. Brochu (Richmond), M. Forget (Saint-Laurent), M. Grégoire (Frontenanc), M. Laplante (Bourassa), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Rancourt (Saint-François), M. Raynauld (Outremont).

Les intervenants sont: M. Dubois (Huntingdon), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Godin (Mercier), M. Landry (Fabre), M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M. Léger (Lafontaine), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. O'Gallagher (Robert Baldwin), M. Paquette (Rosemont).

Chez les membres: M. Raynauld (Outremont) est remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal); M. O'Gallagher (Robert Baldwin), chez les intervenants est remplacé par M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys).

Acquisition par voie d'expropriation (suite)

Nous allons reprendre à l'article 1, paragraphe 20. Un amendement avait été présenté, qui avait été voté. Alors, on revenait au paragraphe 20 original de l'article 1.

M. Forget: M. le Président, quant à moi, je suis prêt à passer au vote sur le paragraphe 20.

Le Président (M. Marcoux): Le paragraphe 20 est adopté.

Une Voix: Adopté.

Le Président (M. Marcoux): Paragraphe 21 ?

M. Forget: A moins que le ministre n'ait une déclaration à faire sur l'article 21...

Le Président (M. Marcoux): Adopté?

M. Forget: Non, M. le Président. On se souviendra, M. le Président, que jusqu'à maintenant, si on ignore le travail fait sur la fin du projet de loi, enfin sur tous les articles techniques sur le mécanisme de l'arbitrage comme tel, nous avons successivement présenté deux motions d'amendement qui ont été rejetées, bien sûr, par la majorité ministérielle dans chacun des cas. J'en rappelle brièvement le sens pour montrer qu'il y a un cheminement entre les deux amendements qui ont déjà été rejetés et le troisième que nous allons présenter relativement au paragraphe 21.

Dans le premier cas, il s'agissait, on s'en souviendra, à titre de motion préliminaire, de permettre aux membres de la commission de se former une opinion indépendante quant aux probabilités qui doivent être rattachées aux différentes estimations du coût d'acquisition. Une invitation était adressée par cette motion aux experts des deux parties à venir s'expliquer sur les différences qui ressortent de la lecture de leurs rapports respectifs.

Cette motion étant rejetée, nous avons suggéré au gouvernement qu'il désigne lui-même des experts de son choix de manière que, cette fois, non plus l'Assemblée nationale, mais des experts désignés par le gouvernement se livrent à un exercice analogue et communiquent leurs conclusions, leurs observations, à l'Assemblée nationale, avant même que ne s'enclenche le processus d'expropriation, pour que, dans ce contexte aussi, il soit possible à l'opinion publique, aux parlementaires, de savoir de quoi il retourne sur le plan des probabilités qu'on doit, encore une fois, attacher aux deux estimations qui sont en présence l'une de l'autre.

Devant un nouveau refus, ce que nous faisons, en troisième lieu, c'est de suggérer que le gouvernement, au moment où il exprime l'avis prévu par l'article 20 et l'article 21, autrement dit, au moment où il décide d'aller à l'expropriation — comme on le sait, ce moment-là n'est pas le même que le moment où la loi est sanctionnée, ce peut être un moment subséquent, le délai étant, bien sûr, laissé entièrement à la discrétion du gouvernement — avec un délai de quelques jours, qu'il saisisse l'Assemblée nationale et l'opinion publique de ses conclusions à lui. Autrement dit, on ne lui demande même pas de participer à cette évaluation par la commission parlementaire, on ne lui demande même pas de le faire par des experts, on lui demande, en tant que gouvernement, d'exprimer, quant à lui, une espèce de bilan de sa négociation, mais de façon assez officielle et assez complète. Par définition, s'il a choisi d'exproprier, il sera en mesure de le faire et d'exprimer, vis-à-vis des différentes évaluations en présence, des hypothèses, son analyse à lui. Par écrit, qu'il se mouille, en quelque sorte, sur le plan politique, en nous disant ce que, comme gouvernement, il juge être l'issue la plus probable et pourquoi; non seulement l'issue la plus probable quant à l'avenir, mais qu'il fasse un certain retour en arrière pour dire: Voilà ce qui s'est passé, voilà le déroulement. (10 h 15)

II faut bien se rendre compte que jusqu'à maintenant ce genre de bilan, ce genre d'évaluation a été fait de façon très sommaire. Je comprends d'ailleurs pourquoi puisque chaque fois, on nous a prévenus que la négociation était toujours en cours, qu'il ne fallait pas préjuger de son issue, qu'il ne fallait pas faire des déclarations qui pourraient gêner cette négociation. Par définition, lorsque le gouvernement en aura assez, qu'il sera satisfait que toutes les issues aient été

épuisées, il me semble qu'il serait décent, face à l'opinion publique, de lui tracer un bilan qui soit véritablement complet et de donner quelques jours pour que l'opinion publique puisse digérer cela avant que la décision finale soit actualisée par la publication, j'imagine, dans la Gazette officielle — je ne sais pas quelle est la procédure exacte qu'on a en vue — officielle et irrévocable.

C'est le sens d'une troisième motion qui, évidemment, est beaucoup moins exigeante que les deux premières. Il ne s'agit pas, pour les membres de l'Assemblée nationale, encore une fois, de faire cela pour leur propre compte, indépendamment. Il ne s'agit pas de demander que le gouvernement le fasse en quelque sorte par experts interposés mais qu'il le fasse lui-même, directement, mais qu'il le fasse aussi complètement que possible. Il y aura quand même à ce moment-là, c'est un moment qui peut être reculé d'un mois, de trois mois, de six mois pour toutes sortes de raisons qui tiennent à la dynamique même d'une négociation... Il se sera passé forcément des choses; des offres, des contre-offres auront été faites. Je pense que le contribuable a le droit à ce moment-là, puisque cela ne peut plus porter préjudice à la négociation, d'avoir la version gouvernementale, en étant bien conscient qu'il s'agit d'une version gouvernementale; il ne s'agit pas d'un jugement venant de Sirius, il ne s'agit pas non plus d'une tentative d'influencer le conseil d'arbitrage parce que tout le monde sait bien que le gouvernement a sa position à lui, je pense que ce n'est pas un secret pour personne. La loi est explicite, il y a l'arbitrage qui doit y succéder. Mais, pour donner un avant-goût en quelque sorte du plaidoyer que le gouvernement va faire devant le conseil d'arbitrage mais qu'il doit faire d'abord et avant tout devant le tribunal de l'opinion publique, si on veut, de manière qu'on ne puisse pas dire après — c'est important — que le gouvernement s'est engagé là-dedans, il a posé des gestes essentiellement irréversibles étant donné leur nature, sans vraiment qu'à aucun moment il ne fasse vraiment son bilan, qu'il ne donne vraiment d'indication complète et circonstanciée des cheminements qui l'ont conduit là où il s'est finalement dirigé et éviter également qu'on dise après que le résultat de l'arbitrage sera connu: II s'agit là d'une surprise ou d'un développement non anticipé, surprenant. Je pense que le public aurait le droit de se plaindre si un gouvernement prenait une décision qui l'entraînerait dans un enchaînement de circonstances qui apparaissent hors de son contrôle. M. le Président, je pense que tout le monde peut voir les avantages, pour les fins d'une bonne gestion de ce dossier, que le public soit dûment informé.

La motion que je vais faire adopte une formule — il faut être bien clair là-dessus, M. le Président — qu'on considère entièrement discutable, en ce sens que si le ministre des Finances ou le ministre des Richesses naturelles y voient des possibilités de faire des modifications pour en améliorer l'efficacité ou corriger certains dangers qu'ils pourraient y avoir et qui auraient échappé à notre attention au moment de la rédaction, je pense qu'ils doivent tenir pour acquis au départ, comme c'est arrivé lors de notre discussion de vendredi après-midi, je crois, à l'occasion d'une ou deux motions que j'ai eu l'occasion de présenter, quand le ministre des Richesses naturelles les a reprises, en quelque sorte, à son compte en suggérant des modifications que nous avons volontiers acceptées que c'est la même chose qui vaut ici.

La notion principale que l'on veut mettre de l'avant, c'est qu'il y a là une étape importante qui sera franchie au moment où le gouvernement en arrivera à ses conclusions et dira: II faut exproprier. Je crois qu'il faut plus à ce moment-là, par exemple, qu'une simple déclaration ministérielle à l'Assemblée nationale. Une telle déclaration, ordinairement, comporte deux ou trois pages, est extrêmement sommaire. Ce n'est pas le format qui est, la plupart du temps, approprié pour véritablement expliquer un cheminement et présenter un certain nombre d'arguments. Je pense que cela se borne ordinairement à une annonce publique d'une décision sans vraiment aller très profondément dans ses motifs et dans son explication. Mais encore une fois, je ne voudrais pas — après avoir dit qu'on était large d'esprit quant à la formulation — exclure quoi que ce soit si on nous fait une argumentation en ce sens que telle ou telle formule serait plus appropriée pour le gouvernement. Pourvu que le principe que le public, les contribuables, les électeurs du Québec soient mis au courant d'un bilan gouvernemental circonstancié avant la décision finale d'exproprier, je pense que nous serions satisfaits.

A tout événement, l'amendement tel que rédigé se lit de la façon suivante: "Que le paragraphe 21 de l'article 1 soit modifié en ajoutant dans la deuxième ligne du premier alinéa, après le mot "expropriés", les mots: "Cette signification ne peut se faire que lorsque l'Assemblée nationale siège"; et en ajoutant, après le premier alinéa, l'alinéa suivant: "Huit jours avant la signification de l'avis, le gouvernement doit déposer à l'Assemblée nationale un document relatif aux négociations. Ce document doit contenir, entre autres, les renseignements suivants: la chronologie détaillée des événements, y compris les rencontres de négociations, un sommaire des offres et des contre-offres, ainsi que la position finale des deux parties."

Encore là, sur le plan de l'énumération des éléments, c'est pour essayer de dégager les éléments principaux d'information qui semblent pertinents. Il y en a peut-être d'autres que nous avons omis, mais que j'ai mentionnés, malgré tout, dans mes remarques d'introduction. Par exemple, il arrive fréquemment que, dans une prénégociation, les écarts se rétrécissent sans, malgré tout, se rejoindre. On pourrait supposer que c'est la situation dans laquelle on sera au moment d'une décision d'expropriation. Si c'était le cas, je pense que cela constituerait une information extrêmement pertinente. D'ailleurs, c'est ce que je suggère ici en disant: "un sommaire des offres et des contre-

offres," bien sûr, avec peu d'explications alentour, un peu de chair alentour pour permettre de comprendre quel est le raisonnement qui a servi aux parties à rétrécir l'écart de leurs estimations.

Enfin, c'est assez, généralement, un ensemble de données qui permettrait aux contribuables de dire: Voici une décision qui, finalement, est la seule possible dans les circonstances. Il est assez manifeste que la négociation ne pouvait pas aller plus loin. Il est manifeste également que le gouvernement mainteint vis-à-vis du propriétaire antérieur une position qui est basée sur tel et tel éléments qui sont inconciliables pour lesquels il faudra qu'un arbitre tranche. Voici l'objet du litige. Dans le fond, c'est pour permettre un jugement éclairé de la population sur une décision qui — je suis sûr que c'est le point de vue du gouvernement — a une certaine importance historique et qu'il serait déplorable de laisser largement inexpliquée.

Autrement, on se rend compte qu'à défaut d'une telle déclaration, on se trouve devant un geste administratif qui est pris en dehors de toute possibilité de débat parlementaire et qui, dans la mesure où il est suivi presque immédiatement d'une négociation sur l'indemnité mais dans le contexte d'une expropriation ou d'un arbitrage qui peut se faire à huis clos, va nous amener une période considérable, peut-être plusieurs mois, où toutes les suppositions sont possibles indépendamment des suppositions où, de toute façon, l'opinion publique risque d'être dans une obscurité considérable parce qu'il est bien clair qu'au moment où l'arbitrage sera véritablement engagé, ce ne sera pas un moment propice pour les déclarations publiques. Chaque parti va vouloir respecter, dans le fond, le jugement indépendant du tribunal et le gouvernement sera placé dans la position de ne pas vouloir sembler faire pression sur le déroulement de l'arbitrage. Mais, au moment de prendre la décision, il y a là une fenêtre ouverte pour faire un certain nombre de déclarations, et la fenêtre se referme aussitôt, en quelque sorte, dans les jours qui suivent dès que le conseil d'arbitrage est formé. Le conseil d'arbitrage peut siéger un bon nombre de mois. Ce sont des choses qui se trouvent. Je pense que c'est l'occasion dont le gouvernement devrait profiter pour éclairer l'opinion publique.

C'est tout, M. le Président, je pense que notre point de vue est adéquatement exprimé et nous sommes fort intéressés à voir si le gouvernement au moins va accepter cette demande minimale qui vise à informer le public.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, est-ce qu'on pourrait suspendre quelques minutes de façon qu'on puisse examiner l'amendement, ou est-ce que c'est anormal de vous le demander?

Le Président (M. Marcoux): Comme il y a consentement, nous allons suspendre.

M. Laplante: C'est normal, on peut passer à un autre article en attendant que vous étudiiez cet amendement.

M. Parizeau: J'aimerais, d'autre part, qu'on soit seul si on pouvait.

Le Président (M. Marcoux): La commission suspend ses travaux pour quelques minutes.

Suspension de la séance à 10 h 27

Reprise de la séance à 10 h 28

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre! La commission reprend ses travaux. M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, il y a, dans l'amendement qui nous a été proposé, certaines choses qui me paraissent acceptables, d'autres qui, à mon sens, le sont moins. Que le public soit mis au courant quelques jours avant qu'on procède, huit jours comme on le suggère, de la chronologie des événements et du résultat des négociations, cela peut, effectivement, clarifier des choses dans l'opinion publique; je n'en disconviens pas et cela ne me paraît pas anormal que ce soit demandé. Cependant, que ce soit rendu public alors que l'Assemblée nationale siège, cela veut dire qu'en pratique on ne peut pas bouger avant le mois d'octobre. Alors là, je voudrais expliquer, comment dire, des questions que la commission ne sait peut-être pas mais une question de fait se pose; la direction de General Dynamics, c'est-à-dire le président de la compagnie et le vice-président exécutif, MM. Lewis et Fiske, sont en voyage autour du monde jusqu'au 24 juin, jusqu'à la Saint-Jean-Baptiste, dans des pays tels, n'est-ce pas, qu'on voit assez mal les tractations se faire par téléphone autour de cette question.

C'est d'ailleurs à leur demande que, pour ce qui a trait à cette voie la plus récente de négociations, on s'est entendu pour que des travaux soient faits sous la direction du sous-ministre des Finances, ici, d'une part, et sous la direction du trésorier de la compagnie, M. Wells, d'autre part, étant entendu cependant que ce n'est qu'à leur retour, le 24, que l'on apprécierait le fait de savoir si la voie que nous explorons à l'heure actuelle et qui semble intéressante pour les deux parties, enfin, à prime abord, vaut la peine d'être poursuivie ou non. (10 h 30)

Donc, on est certain à cause de cet événement que le rapport en question ne pourrait pas être déposé avant l'ajournement de la Chambre, ce qui reporterait tout au mois d'octobre. Ceci me paraît à la fois malsain et potentiellement dangereux en ce sens que nous allons savoir quand même très vite après le 24 juin si la voie que nous explorons est porteuse d'un règlement ou pas.

Normalement, en l'espace de très peu de temps — quand je dis très peu de temps, je veux dire quelques semaines — on va le savoir. Alors là, deux choses peuvent se produire. Ou bien, effectivement, il y a une entente de gré à gré, ou bien il n'y a pas d'entente. S'il n'y a pas d'entente et qu'on s'en rend compte, disons, le 15 juillet, on attend jusqu'en octobre. Cela veut dire trois mois où les deux parties savent ou sauraient qu'il n'y a pas d'entente possible et où la compagnie, dans ces conditions, pendant ces trois mois, pourrait faire n'importe quoi. Quand je dis n'importe quoi, cela peut être sur le plan aussi bien des dividendes que des ventes, que du marché. Il n'y aurait, à ce moment, qu'une certitude que la compagnie aurait, c'est qu'elle va être expropriée, mais que l'expropriation n'aura pas lieu avant trois mois. Cela ne me paraît pas sain que, dans les rapports que nous pouvons avoir avec l'Asbestos Corporation, la compagnie, pendant trois mois, puisse être certaine qu'elle va être expropriée et que, pendant ces trois mois, elle puisse littéralement, sur le plan de ses activités, de son marché, de son financement, de ses dividendes à payer, faire n'importe quoi.

Dans ce sens, ce que l'on pourrait peut-être accepter, c'est qu'effectivement un rapport, un peu dans le sens de celui qui est demandé par l'amendement, soit rendu public, mais dès que le gouvernement jugera bon de le faire, et non pas en s'imposant à lui-même d'attendre jusqu'au mois d'octobre.

Nous sommes en train de préparer une forme d'amendement à l'amendement. Dès qu'il sera prêt, on pourra peut-être le mettre sur la table.

M. Forget: Très brièvement, M. le Président, en attendant les modifications suggérées par le ministre, je reconnais avec plaisir son acceptation de principe de l'idée qu'un document officiel fasse état d'un certain nombre de choses, préalablement à l'avis d'expropriation, pourvu que le délai ne soit pas trop long et qu'il contienne à peu près en gros les éléments suggérés.

Pour ce qui est du problème de la non-disponibilité de l'Assemblée nationale en tout temps, qui est soulevé, je me permettrais de rappeler une chose que, je pense bien, tout le monde connaît malgré tout. C'est qu'on pourrait retrouver que durant les quinze dernières années, à un moment ou l'autre, l'Assemblée nationale a été convoquée pour une question importante, en juillet, en août, en septembre, pour des séances d'une journée, deux ou trois au maximum. Malheureusement, la plupart du temps, il s'agissait de voter une loi de retour au travail dans le cas d'une grève soit des pompiers — je ne sais pas si les pompiers ont été là-dedans, mais enfin, par hypothèse — des infirmières ou des transports en commun. Cela n'a jamais présenté de difficultés considérables sur le plan logistique, en ce sens qu'à l'intérieur de quelques jours, les convocations sont faites et on trouve que, même si c'est la période des vacances, la plupart des députés sont rejoignables assez facilement. De toute façon, le problème de quorum ne s'est jamais posé à ces occasions. Cela ne dure pas très longtemps, mais cela permet, dans le fond, de pallier l'absence de l'Assemblée nationale durant ces périodes. Même avec le nouveau règlement, on sait que même s'il y a des dates qui sont prévues pour les séances de l'Assemblée nationale, on peut siéger en tout temps, même en dehors de ces dates, avec une simple motion d'urgence. Il est assez évident qu'aucun parti d'Opposition ne trouverait justifié de débattre longuement une motion d'urgence visant à faire siéger l'Assemblée nationale sur un sujet autour duquel il y a eu de si longs débats.

Je pense qu'à la fois mon collègue de l'Union Nationale et moi-même pouvons spontanément donner au gouvernement l'assurance que, s'il voulait faire siéger l'Assemblée nationale pour entendre un pareil rapport, il n'y aurait véritablement pas de débat pour s'y opposer. On serait, au contraire, tout à fait heureux de fournir au gouvernement l'occasion de faire son bilan avant de passer à l'acte d'expropriation.

Je le mentionne pour que cela ne soit pas oublié. Je pense que l'objection du ministre des Finances, si ce n'était de cette possibilité, est tout à fait justifiée. Même si la radio lui attribuait — je pense que c'est vendredi matin, au réseau anglais de Radio-Canada — une déclaration qu'il n'a peut-être pas faite, d'ailleurs, à savoir que rien ne se ferait du côté de l'expropriation avant la fin de l'été; en fin de semaine, il a dit quelque chose qui s'interprète différemment, soit que cela se ferait plus rapidement.

M. Parizeau: Bien sûr.

M. Forget: Quoi qu'il en soit, il semble y avoir un peu d'imprécision là-dessus. Je pense bien que le ministre des Finances ne peut pas, à ce moment-ci, s'engager définitivement sur une date; c'est contaire à la logique même de la position gouvernementale là-dessus. Quoi qu'il en soit, même si cela ne prend pas trois mois, auquel cas il n'y aurait pas de problème, si ça prend moins de trois mois, il y a toujours l'autre possibilité que je viens de mentionner, qui est véritablement une chose très facile qui a été faite dans le passé et qui continue d'être une possibilité.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Là-dessus, je voudrais quand même signaler que, quand on réunit le Parlement d'urgence, c'est, comme le disait le député de Saint-Laurent, pour adopter une loi et c'est vraiment une situation d'urgence. Là, il n'y a pas de loi à adopter puisqu'elle serait adoptée. Le gouvernement n'a pas à demander d'autorisation additionnelle, puisque ce n'est pas le sens de l'amendement. Donc, on réunirait l'Assemblée nationale essentiellement pour déposer un rapport et, j'imagine, en discuter pendant X temps.

D'abord, je ne suis pas certain que cela corresponde du tout à l'esprit des convocations de

l'Assemblée nationale en dehors des périodes prévues ou même à la lettre de notre règlement là-dessus. Mais je ne le connais pas suffisamment, de façon assez précise pour me prononcer là-dessus. Encore une fois, il serait très difficile de justifier qu'on réunisse l'Assemblée nationale simplement pour lui présenter un rapport. Ce serait, d'ailleurs, un précédent assez remarquable qu'on n'invoque pas l'urgence, qu'on n'invoque pas une crise, qu'on n'invoque surtout pas la nécessité d'adopter une loi rapidement pour réunir l'Assemblée. Je ne suis pas certain que nos amis de l'Opposition officielle aimeraient beaucoup que le gouvernement lui-même établisse un précédent pareil. On pourrait la réunir sur bien des choses pendant l'été. Encore une fois, il n'y aurait pas de loi à adopter, il n'y aurait pas de pouvoirs additionnels à demander à l'Assemblée nationale, car, en vertu de cette loi, elle les aurait donnés.

M. Forget: On pourrait réunir une commission parlementaire, cela se fait couramment.

M. Parizeau: Ce qu'on pourrait sans doute proposer, c'est d'inscrire quelque chose comme ceci à l'article 21 : Le gouvernement doit, avant de signifier l'avis, rendre public un document contenant les renseignements suivants: la chronologie détaillée des événements et un sommaire des négociations et de leur résultat. Cela implique effectivement que le gouvernement doit expliquer publiquement ce dont il s'agit.

Une des raisons pour lesquelles je suis peut-être un peu moins spécifique que le texte original présenté par le député de Saint-Laurent, c'est qu'il peut être très difficile pour le gouvernement, par exemple, d'expliquer ce qu'est la position finale de l'autre partie. Dans le sens d'une chronologie, on peut dire: Voici, enfin, la dernière qu'ils nous ont exprimée. Est-ce que c'était vraiment leur position finale ou non? Allez donc savoir. Le gouvernement ne peut tout de même pas, à un moment donné, préjuger des intentions de la partie d'en face. Si elle décide de bluffer au cours des derniers jours, je ne prendrais pas la responsabilité de signer un document qui consiste à dire: Voilà la position finale de l'autre partie. Je ne vois pas comment je pourrais faire cela.

Mais en indiquant le sommaire des négociations et de leur résultat, là évidemment cela implique que le gouvernement présente sa version de la façon dont les négociations ont évolué, les positions prises par chacun et les résultats que cela a donné mais sans avoir à préjuger du caractère final ou pas de ce que General Dynamics a offert. D'autant plus que puisqu'il y aurait quelques jours entre le document et l'avis et que c'est l'avis qui détermine à partir de quel moment le gouvernement ne peut pas revenir en arrière, il serait toujours possible qu'entre le résultat, enfin, un document comme celui-là rendu public par le gouvernement et l'avis, la compagnie, dans les dernières 48 heures, décide de changer son fusil d'épaule. Le gouvernement aurait l'air particulièrement intelligent d'avoir annoncé trois jours avant que la position finale de la compagnie c'était ceci, et 48 heures plus tard, que la compagnie décide de la changer. On discute en termes de quelques jours; je ne joue pas au poker pour être capable de deviner à ce point quelle est la position finale de l'autre partie.

M. Forget: Cela n'existe jamais, d'ailleurs, sauf par référence au calendrier.

M. Parizeau: C'est cela, la plus récente, oui, la finale.

M. Forget: Finale à telle date.

M. Parizeau: C'est cela. C'est pour cela que je dis: la chronologie détaillée des événements. Cela, bien sûr, la chronologie, or peut le dire.

M. Bérubé: ... de parler même de proposition irrévocable; on sait à quel point c'est éphémère.

M. Parizeau: Bien sûr.

M. Forget: Vous risquez d'être en train de l'apprendre.

M. Bérubé: Vous l'avez déjà appris.

M. Parizeau: Et dans d'autres circonstances et dans un autre contexte, je l'ai appris aussi, longuement. Je pense que l'idée, quand même, que le gouvernement rende public une sorte de rapport avant d'envoyer l'avis, c'est une idée à laquelle je me rangerais volontiers, M. le Président.

M. Brochu: M. le Président, si vous permettez, j'aurais une question: Pourquoi a-t-on enlevé dans la motion de sous-amendement l'idée d'inclure au sommaire la question des offres et des contre-offres?

M. Parizeau: C'est la même chose, je ne suis pas certain qu'on puisse décrire les offres de l'autre partie comme on décrit les siennes propres. Je voudrais être en mesure, si un rapport comme celui-là est présenté, d'indiquer, comme le gouvernement les voit, les offres ou contre-offres qui ont été présentées par la compagnie, mais en laissant à tous égards le droit à la compagnie de corriger le lendemain en disant: Ecoutez vous avez présenté ma position comme étant complètement de travers.

M. Brochu: Si je comprends bien, il ne s'agit pas d'une interprétation des offres, mais simplement de données factuelles en ce qui concerne le contenu même de ce qui a été offert de part et d'autre.

M. Parizeau: C'est très difficile pour...

M. Brochu: Est-ce qu'on ne risquerait pas un peu de se retrouver dans une situation similaire à

celle qu'on a déplorée au point de départ? On disait: General Dynamics dit qu'il n'y a pas eu négociation. Le gouvernement dit qu'il y a eu négociation. On est resté sur deux prix fixes et, à toutes fins utiles, on n'a pas su plus que cela.

M. Parizeau: Voici pourquoi. Il y a des offres et des contre-offres qui sont à ce point discutées par suffisamment de techniciens et de consultants pour qu'on puisse considérer qu'elles ont été vraiment explorées jusqu'à leur conséquence ultime. Les chiffres ont été calculés. Des papiers, même, ont été préparés de part et d'autre et cela a été confronté à une table. On en est arrivé à la conclusion que cela intéresse peut-être une partie et cela n'intéresse pas l'autre. Donc/'cette voie est éteinte. Elle s'arrête là. Dans d'autres cas, vous avez des offres ou des contre-offres qui sont rigoureusement exploratoires, qui commencent au téléphone et où le résultat est très rapide: Non, cela ne nous intéresse pas. Et là, on ne va pas commencer à écrire au long, de chaque côté, le papier qui désigne cette offre et cette contre-offre, parce qu'il est apparu en dix minutes qu'une des deux parties n'est absolument pas intéressée.

J'irai plus loin que cela. Il est arrivé qu'un prix soit simplement lancé au téléphone pour voir comment l'autre réagit, sujet, bien sûr, à l'acceptation par des instances plus élevées et où la réponse vient tout de suite: Non, pas au prix original et pas à ce prix-là non plus. Est-ce qu'on écrit tout cela? En somme, ce que je veux dire, c'est qu'il y a des offres et des contre-offres qui ont été très très fouillées et sur lesquelles il y a des foules de papiers. Il y a une base matérielle sur laquelle on peut s'appuyer et il y a des offres et des contre-offres qui ont été simplement le résultat — et j'imagine que cela va continuer comme cela — de sondages. Si on dit: Les offres et les contre-offres, c'est tout, la totalité de tout cela, avec la possibilité de discussions sempiternelles: Non, ce n'est pas ce que je vous ai dit au téléphone. Oui, c'est ce que vous m'avez dit au téléphone, on n'en sort plus. Il y a aura nécessairement dans un mémoire comme celui-là, c'est pour cela que je dis un sommaire des négociations et de leur résultat... Ce qu'il faudrait mettre là-dedans, ce sont des choses qui ont été quand même assez longuement explorées. Moi, c'est un peu comme cela que je l'interprétais, c'est-à-dire ce qui a donné lieu quand même à pas mal de discussions et une certaine préparation technique de la part des équipes des deux côtés. Oui, cela, il faut en faire état, bien sûr.

M. Brochu: L'essentiel de l'ossature de...

M. Parizeau: C'est cela. C'est cela, mais pas tous les appels téléphoniques...

M. Ciaccia: Mais pour donner...

M. Parizeau: ... parce que, là, on entre dans des appréciations subjectives dont on ne sortira jamais.

M. Ciaccia:... un portrait exact de ce qui s'est passé, si c'est une question d'information publique, l'élément essentiel au public n'est pas seulement que vous vous êtes rencontrés et que vous ayez négocié. Je pense qu'on le présume. L'élément essentiel n'est-il pas que nous avons offert X dollars, que cela a été refusé et la compagnie a demandé X dollars et nous l'avons refusé? N'est-ce pas là l'essentiel de l'information?

M. Parizeau: Oh! non. Non, parce que...

M. Ciaccia: Un des points principaux devrait être le prix. Si vous écartez le prix, les offres et les contre-offres, je pense que...

M. Parizeau: Non. Je vais vous donner un exemple de ce que je veux dire. Une des offres qui nous ont été faites — j'ai eu l'occasion d'en faire état à l'Assemblée nationale — a été ceci: un certain prix et un honoraire de gestion, l'honoraire de gestion étant tel qu'en fait, assez rapidement, la compagnie retrouvait le prix qu'originairement elle avait demandé. Ce qui était correct en soi. Je veux dire que c'est une position de négociation comme une autre. Donc, cela n'est pas une question de: "Je vous offre un prix et vous me répondez par un prix". C'est qu'il y a eu des tas de façons de définir — disons — pas seulement le prix, mais la compensation ultime de la compagnie. Etablir la compensation ultime de la compagnie, il y a bien des façons de faire cela.

M. Ciaccia: Cela fait partie de l'offre et de la contre-offre, que ce soit seulement le prix de X dollars l'action ou X dollars pour les actifs, incluant...

M. Parizeau: Plus ceci, moins cela, etc. Bien sûr.

M. Ciaccia: Ne trouvez-vous pas que ce serait essentiel que le public sache cela?

M. Parizeau: C'est la raison pour laquelle je veux un sommaire des négociations et de leurs résultats. C'est dans ce sens-là que je le comprends. C'est indiqué que le sommaire des négociations doit être normalement un résumé de chacune des voies qui ont été abordées, enfin, les voies importantes qui ont été examinées sérieusement — je ne parle pas des appels téléphoniques parce qu'au téléphone on ne s'en sortira jamais, d'autant plus qu'il s'en fait à tous les niveaux et que je serais bien embarrassé d'être certain que chaque appel téléphonique a été noté avec son contenu — chacune des voies qui ont été explorées et le résultat que cela a donné.

M. Ciaccia: Je n'ai pas à donner un chiffre à ces résultats-là. De la façon dont votre amendement est rédigé, il n'y a aucun engagement de votre part de donner le prix ou de donner l'offre concrète. Vous dites: Un résultat. On a exploré une telle possibilité et cela a abouti à une non-avenue;

cela n'a rien donné. Il n'y a aucune obligation de faire le point sur les chiffres réels et les dollars réels.

M. Parizeau: Pas nécessairement, en effet, parce que je ne voudrais pas qu'on écrête... Je ne voudrais pas qu'à un moment donné, par exemple, on ait tendance à plaider devant le tribunal d'arbitrage la meilleure partie de chaque offre ou de chaque contre-offre. Il est évident que chaque offre et que chaque contre-offre peut comporter un prix bas, un autre type de compensation, un prix plus élevé et pas de compensation du tout. Je ne suis pas du tout certain que tous les chiffres, pour toutes ces offres et pour toutes ces contre-offres, doivent être mis sur la table parce que, à ce moment-là, ce n'est pas la pression... On peut facilement commencer à plaider qu'il faut ramasser la meilleure partie de chaque offre. Je ne suis pas du tout certain que...

M. Ciaccia: Cela peut oeuvrer contre General Dynamics aussi, parce que la même chose peut se produire.

M. Parizeau: Sauf que General Dynamics ne présente pas un rapport. Elle ne présente pas un rapport de cela. En tout cas, elle peut bien le présenter ou ne pas le présenter, mais elle ne s'engage pas. N'oubliez pas que c'est un engagement que je prends d'après la loi.

M. Ciaccia: C'est un engagement de...

M. Parizeau: Si je prends un engagement comme celui-là, je veux quand même avoir un minimum de latitude parce que la compagnie ne s'est pas engagée à faire la même chose.

M. Ciaccia: Non, mais l'engagement n'est pas seulement de dévoiler vos offres. L'engagement est également de dévoiler la position de la compagnie et cela devient, je dirais, presque l'information que la compagnie aurait donnée parce que...

M. Parizeau: La compagnie peut fort bien nier.

M. Ciaccia: A moins que la compagnie ne dise: "Non, je n'ai pas dit cela".

M. Parizeau: Je n'ai pas dit cela. M. Ciaccia: Alors, à ce moment-là...

M. Parizeau: J'irai plus loin. J'irai plus loin encore. C'est que, normalement ou logiquement, dans cet esprit, si on veut faire un travail correct, on devrait fournir une espèce de rédaction préliminaire, un papier comme celui-là à la compagnie, en disant: Est-ce que vous êtes d'accord que c'est un résumé honnête? A un moment donné, elle peut bien dire: Ecoutez! Oui, mais si vous mentionnez telle chose, cela peut être préjudiciable à ma présentation devant un tribunal d'arbitrage; je ne veux pas que vous parliez de cela. J'aurais à décider si j'en parle ou si je n'en parle pas. Ce que je veux dire, c'est que, encore une fois, ce n'est pas parce qu'on écrirait un amendement comme celui-là dans la loi que la compagnie pourrait se sentir liée de quelque façon que ce soit. A un moment donné, j'aurais à apprécier le contenu. C'est assez clair. Ou présenter quelque chose qui me paraît correct, quitte à m'engager à ce qu'il y ait un débat public avec la compagnie, ou bien de chercher à sortir un papier qui, autant que possible, pour les deux parties, représente un résumé honnête de ce qui s'est passé.

Donc, je ne peux pas m'engager dans l'article de la loi à une description trop précise du contenu, tout en respectant, cependant, je pense, ce que vous avez suggéré. Je pense que ce n'est pas une mauvaise idée qu'effectivement le public soit mis au courant avant qu'on procède.

M. Laplante: A l'Hydro-Québec, qu'est-ce qui s'était passé à ce moment-là? Il n'y avait pas de loi d'expropriation, mais est-ce qu'on a publicise l'accord et le désaccord entre les compagnies? Il a dû y avoir des désaccords pour certaines compagnies?

M. Parizeau: Avec la Shawinigan, il y en a eu d'extraordinaires.

M. Laplante: Est-ce qu'on a publicisé cela?

M. Parizeau: Non, il n'y avait pas eu quelque chose d'aussi formel.

M. Ciaccia: Cela a été déposé.

M. Parizeau: Cela a été une offre, mais une offre sur le marché. Comme il n'y avait pas de groupe qui contrôlait un intérêt majoritaire dans le cas de la Shawinigan, c'est une offre qui a été faite à la Bourse, alors qu'au contraire, dans le cas de Northern Power ou de la Compagnie de pouvoir du Bas-Saint-Laurent, il y avait des actionnaires majoritaires et cela a été une transaction de gré à gré qui a été simplement annoncée après. On a dit: On s'est entendu pout tel prix.

M. Laplante: C'est dangereux, ce qu'on fait pour votre crédibilité et la crédibilité du gouvernement.

M. Parizeau: C'est la raison pour laquelle je veux quand même me laisser un peu de latitude.

M. Forget: J'ai bien l'impression que les arguments que donne le ministre des Finances, premièrement, sur la question de savoir jusqu'à quel point les déclarations qu'il ferait pourraient être interprétées en sa faveur au moment de l'arbitrage ne tiennent pas davantage que dans le cas des déclarations qui seraient prêtées à la compagnie. Il est coutumier dans des négociations de faire des offres et des contre-offres sans préjudice. D'ailleurs, c'est souvent l'expression qui est utilisée

étant donné qu'on ne peut pas porter préjudice à sa cause, même s'il est question d'aller en cour. On sait très bien qu'on peut presque faire des admissions de responsabilité, implicitement au moins, dans des offres de règlement hors cour, qui ne peuvent pas être retenues comme des admissions de responsabilité si, effectivement, cela va devant le tribunal. Je ne pense pas, non plus, qu'il faille exagérer l'importance que l'on donne dans une situation de négociation à des déclarations qui sont faites dans ce contexte. Lorsqu'après il est saisi d'une cause, un tribunal qui vaut son sel sait très bien que chacune des parties est prête, pour obtenir un règlement de gré à gré, à faire des concessions qu'elle ne fera pas dans un autre contexte.

D'un autre côté, si le gouvernement est persuadé qu'il doit être extrêmement prudent dans une telle déclaration, cela nous place dans une situation extrêmement difficile parce qu'il est clair que le libellé qu'on nous propose est un libellé extrêmement modeste, extrêmement restrictif, dans le fond, par les domaines qu'il mentionne explicitement; il y en a très peu. On serait mal placé, après coup, de condamner le gouvernement pour en avoir fait une interprétation extrêmement restrictive si on y souscrit d'avance. Je pense que le gouvernement, par la bouche du ministre des Finances, a manifesté qu'il était d'accord en principe pour dire quelque chose au moment où il prendra sa décision finale d'exproprier. D'ailleurs, il est fort possible qu'il va, de toute façon, devoir dire quelque chose. Un gouvernement, après tout, ne prend pas une décision comme celle-là dans le silence le plus complet. D'un autre côté, des éléments...

M. Parizeau: Ce n'est pas le tonnerre de Zeus, cela.

M. Forget: ... essentiels se trouvent à manquer. D'une part, plus j'écoute le ministre des Finances plus il devient incertain qu'il va y avoir suffisamment d'information là-dedans pour que cela soit véritablement utile pour permettre aux citoyens de savoir où on s'en va dans cet arbitrage. Deuxièmement, il n'y a aucune possibilité d'échanges et de débat parlementaire, ce qui veut dire que l'Assemblée nationale, là-dedans, n'est qu'un témoin passif et muet de ce que le gouvernement décide de faire. Pour ces deux raisons, je serais porté à dire: Laissons le gouvernement assumer ses responsabilités et le faire de la façon qu'il le voudra et laissons le public et l'Assemblée nationale le juger subséquemment quant à la façon de s'exécuter. (11 heures)

Si nous ne sommes pas pour aller plus loin que cela, dans le fond, ce qu'il y a dans cet amendement modifié n'est rien d'autre que ce qu'on peut déduire des principes généraux du fonctionnement d'un gouvernement démocratique, c'est-à-dire, qui doit s'expliquer. Mais s'il n'est pas astreint à des explications précises dans un contexte de débat parlementaire, dans le fond, l'amende- ment perd un peu sa raison d'être et je serais porté, quant à moi, sous réserve de ce que mes collègues peuvent avoir à ajouter là-dessus, à dire: Cela n'en vaut peut-être pas la peine.

M. Parizeau: Si le député de Saint-Laurent, M. le Président, juge que cela n'en vaut pas la peine, moi je n'avais pas présenté formellement l'amendement précisément pour sonder la réaction de nos amis d'en face. S'ils jugent que ce n'est pas nécessaire, je n'y tiens pas. Il est évident, comme le disait le député de Saint-Laurent, que je vois très mal, de toute façon, le gouvernement émettre un avis d'expropriation à 16 heures, un après-midi, sans explication aucune. Ce serait quand même assez baroque. C'est le moins qu'on puisse en dire.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous êtes prêts à voter l'amendement?

M. Brochu: Si j'ai bien compris, le député de Saint-Laurent retire la proposition d'amendement qu'il avait faite?

M. Forget: On ne retire pas la proposition, la commission aura à se prononcer sur l'amendement tel que présenté.

M. Parizeau: On ne discutait que de l'amendement.

M. Ciaccia: J'ai demandé si le ministre a donné des raisons pour lesquelles il ne peut pas convoquer l'Assemblée nationale ou s'il va envoyer un avis durant l'été avant que l'Assemblée nationale soit ajournée. Il a donné ses raisons, je pense qu'elles étaient assez valables. Est-ce que le ministre nous dit qu'il refuse de convoquer une commission parlementaire pour déposer un tel document? Cela se fait. Les commissions parlementaires se convoquent durant l'été et cela ne crée pas de précédent.

M. Bérubé: M. le Président, je pense que lorsqu'on consulte la presse, on se rend compte d'un commentaire assez universel suivant lequel les discussions entourant le présent projet et le projet de loi no 70 créant la Société nationale de l'amiante ont permis de faire ressortir à peu près tout ce qu'il y avait d'arguments pour et contre. D'ailleurs, la presse souligne assez fréquemment depuis quelque temps le peu de nouveauté des arguments, tant du gouvernement que de l'Opposition. Par conséquent, il n'apparaît pas, en tous les cas, que les présentes discussions fassent progresser de façon significative tant la thèse du gouvernement que la thèse de l'Opposition, dans la mesure où il s'agit d'une opposition un peu politique, à savoir: doit-on faire appel à un moyen pour promouvoir le développement de l'industrie de l'amiante ou non, l'Opposition étant favorable au principe de la transformation, mais estimant qu'il n'est pas nécessaire de posséder une mine pour la transformation. C'est le débat de fond.

En ce qui concerne le prix à payer, le présent projet de loi vise à constituer un tribunal d'arbitrage qui permettra de fournir un mécanisme neutre pour évaluer ce qu'est la juste valeur marchande pour l'entreprise, advenant le cas où la négociation a achoppé. Nous n'avons donc pas à nous substituer à ce tribunal, mais nous devons tout simplement le constituer, lui définir des critères sur lesquels il doit évaluer l'expropriation et le laisser jouer son rôle d'arbitre. Ce n'est pas à l'Assemblée nationale de décider quel est le prix à payer. C'est d'ailleurs la position du gouvernement depuis le début. Nous préférons un tribunal d'arbitrage à caractère juridique plutôt qu'un débat politique avec toutes les passions que l'on connaît et les opinions personnelles qui, finalement, prévalent sur une saine justice, une saine objectivité.

Par conséquent, je ne vois pas l'utilité d'un nouveau débat concernant l'expropriation, d'autant plus qu'advenant l'hypothèse où la société General Dynamics n'aurait pas accepté les recommandations du Parti libéral et n'aurait pas choisi de publier ses études, donc, advenant cette situation, la population ne serait guère plus éclairée qu'elle ne l'est présentement.

Le Parti libéral, évidemment, n'a pas intérêt à avoir la publication de ces documents de General Dynamics puisqu'ils y ont accès couramment, facilement et qu'ils ont toute l'information nécessaire. Donc, ils connaissent très bien les différences entre la position gouvernementale et la position de General Dynamics puisque la société les a mis au courant. Ils sont d'ailleurs les seuls dans cette situation, parce que les députés de notre formation politique n'ont pas accès à cette information et les députés de l'Union Nationale non plus.

Donc, dans la mesure où la société General Dynamics choisirait de ne pas rendre publiques ces études, nous ne serions pas plus avancés. Nous nous retrouverions à nouveau dans la situation où, sans avoir plus d'information que ce que nous avons en main présentement, nous voudrions entreprendre un débat. Ce débat risquerait non pas de tourner court, parce qu'on connaît la facilité avec laquelle ces débats peuvent être prolongés pendant des heures et des heures, mais je pense qu'on éclairerait fort peu l'opinion publique. Elle ne le serait certainement pas plus qu'elle ne l'est déjà, car, présentement, il faut quand même reconnaître que nous avons déposé nos propres études; la population sait que nous estimons à $42 un prix juste, la juste valeur marchande est évaluée à $42. Nous sommes fermement convaincus que c'est une évaluation généreuse et que, par conséquent, nul ne pourra nous en faire reproche.

Nous avons fourni à l'Assemblée nationale plus même que ce que l'Opposition a réclamé; l'Opposition a réclamé trois experts choisis par le gouvernement, nous avons fait appel à des experts neutres véritablement de l'extérieur en les mandatant de nous faire une analyse qui résisterait à toute contestation juridique. Dans ces conditions, nous sommes fermement convaincus que nous disposons d'une très bonne base de discussion, une très bonne base de départ, et nous ne voyons pas en quoi une discussion à l'Assemblée nationale va faire progresser l'étude plus que cela, sinon qu'elle va lasser les gens d'entendre l'Opposition réitérer, réitérer ad nauseam les mêmes arguments qui ne permettent pas de faire avancer les débats, en aucune façon.

M. Ciaccia: C'est le non le plus long que j'aie jamais entendu. J'accepterais s'il avait dit seulement non. Il a fait certains commentaires qu'on ne peut laisser passer. Si je comprends bien le ministre, on pourrait venir à la conclusion qu'une commission parlementaire c'est absolument inutile. Toutes les commissions parlementaires que nous avons eues, soit sur le projet de loi no 70, soit sur l'expropriation, cela aurait pu se faire par l'entremise des journaux, et voir si la presse va informer la population.

Cela ne vous fait rien si je suis un peu en désaccord sur ce point de vue. Le débat aux commissions parlementaires, le débat à l'Assemblée nationale, c'est là où nous avons pu obtenir certaines informations, où nous avons pu démontrer qu'on n'avait pas d'information, qu'on manquait d'information, et c'est de cette façon que nous avons pu informer le public.

Le but de la commission parlementaire que vous pourriez convoquer à l'été ne serait pas de reprendre le débat complètement sur toutes nos raisons pour ou contre l'expropriation. Nous avons déjà donné le but de cette commission parlementaire, ce serait l'information, donner de l'information au public et nous permettre à nous de poser certaines questions. Juste déposer un document donnant le point de vue du gouvernement, je ne pense pas que ce soit de cette façon que l'information se donne. Ce serait un genre d'information biaisée. Le but des commissions, c'est de permettre de faire ressortir certains points, ou que vous avez omis, ou que vous auriez dû inclure. C'est seulement de cette façon qu'on peut informer la population.

On dirait que vous craignez, selon toutes vos remarques, cette commission parlementaire. Vous voulez que le moins d'information possible soit donnée au public. Nous ne pourrions pas, à la suite d'une telle commission, où nous étudierions l'état des négociations ou les positions et l'information que vous allez donner, reprendre tout le débat. Ce serait justement de maintenir un peu la confiance. Les gens de l'extérieur, à la façon avec laquelle le gouvernement se comporte, parce que cela affecte la confiance...

Pour ceux qui sont soucieux de cela, je pense qu'une fois qu'on a admis, on est contre l'expropriation, mais une fois que vous en aurez pris la décision, nous voulons seulement nous assurer que toutes les mesures possibles, que toutes les précautions, que toute l'information a été donnée non seulement pour informer la population, mais aussi pour démontrer à ceux qui sont en dehors du Québec que le gouvernement a vraiment fait tout son possible et qu'il a procédé seulement quand c'était final, qu'il n'y avait pas d'autre choix. C'est pour ces raisons que nous avons voulu une

commission parlementaire pour étudier un document, mais non un document qui ne donnerait pas de détail. Nous aurions voulu le document qui était spécifié dans la motion d'amendement du député de Saint-Laurent pour nous permettre de poser les questions nécessaires et pour donner aussi l'information nécessaire au public.

M. Forget: Est-ce que le ministre pourrait nous donner le résultat de la réflexion qu'il nous a promis de faire, je pense, vendredi soir, relativement à la publication de l'étude maison, de l'évaluation maison? On a appris vendredi qu'une évaluation maison avait été faite préalablement à la conclusion de l'étude Kidder, Peabody pour un montant de $46.80 ou $46.20, je ne me souviens plus exactement. Le ministre a dit qu'il réfléchirait à l'opportunité de déposer, avec certaines omissions relatives aux données fiscales, ce document. Est-ce qu'il y a une conclusion, de ce côté-là, qu'on pourrait connaître?

M. Bérubé: Nous sommes présentement à regarder l'étude en question et à vérifier la nature des informations qui pourraient être de caractère confidentiel, de manière à pouvoir y apporter des corrections. A la lumière de cela, nous pourrons juger si le document n'est pas à ce point dénaturé qu'il perd sa valeur, ce qui éviterait à l'Opposition de jouer les vierges offensées et protester contre certaines soustractions un peu trop généreuses.

M. Forget: Vous pensez que d'ici quelques jours vous allez en arriver à une conclusion là-dessus? On pourra revenir à l'Assemblée nationale avec une question.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Au sujet de ce que disait tout à l'heure le député de Mont-Royal, je voudrais faire quelques commentaires. D'abord, il disait qu'il faut prendre un certain nombre de précautions, et je suis bien d'accord avec lui là-dessus. Il faut prendre des précautions de tout genre et, surtout, il ne faut pas jouer les naïfs. Il y a des précautions qu'on doit prendre, quand ce ne serait qu'à l'égard de l'argent des contribuables. Cela aussi, c'est important. Il va arriver, à un moment donné, quand les directeurs de General Dynamics vont revenir de leur voyage, où, assez rapidement, ils auront à se prononcer sur cette voie que nous avons ouverte. J'imagine qu'ils vont demander un délai. D'ailleurs, ce serait normal. Je ne vais pas m'imaginer qu'en 48 heures ils vont donner une réponse, ce ne serait pas raisonnable. Ils vont donc demander un délai. Au bout de ce délai, ça marche ou ça ne marche pas. Je reviens sur ce que je disais précédemment. Supposons qu'on constate que ça ne marche pas et qu'on va à l'expropriation, à partir de ce moment, à partir du moment où les deux parties savent bien qu'il n'y a plus de voie à explorer, qu'on va vers l'expropriation, là, il faut faire attention pour ne pas perdre de temps. Là, on serait naïf de réunir une commission parlementaire qui siégerait une couple de jours, une semaine; ensuite, une journée, une deuxième semaine; ensuite, un rapport public; ensuite, plusieurs jours plus tard, l'avis.

Il ne faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages! Une compagnie qui sait qu'elle va être expropriée, à partir du moment où il est clair qu'elle va l'être, il ne faut pas lui donner trop de temps pour se retourner.

M. Bérubé: II y a la spéculation.

M. Parizeau: Je ne veux, d'aucune espèce de façon, porter des accusations à l'égard de qui que ce soit, mais il ne faut pas être naïf non plus, n'est-ce pas?

D'autre part, le député de Mont-Royal disait: II faut s'assurer, auprès des gens qui sont hors du Québec, qu'ils sachent qu'on a procédé correctement. Je voudrais revenir sur une chose que j'ai déjà soulignée à l'Assemblée nationale. On dit que je ne donne pas beaucoup de renseignements, mais sous l'effet des questions du député de Saint-Laurent, j'en donne régulièrement. Je reviendrai d'ailleurs là-dessus tout à l'heure.

Je rappellerai au député de Mont-Royal que j'ai procédé à quelque chose qui est assez unique sur ce plan lorsque certaines interrogations nous sont venues de l'ambassade des Etats-Unis. Je leur ai dit: Envoyez donc un observateur aux discussions. On ne fait pas cela toujours, vous savez. C'est assez inédit comme proposition. Que l'ambassadeur des Etats-Unis ait décidé de refuser mon offre, bon, parfait, cela le regarde. Mais qu'on ne vienne pas nous dire qu'on tient toutes ces histoires cachées et qu'on cherche à procéder par des voies détournées. Le rapport de Kidder, Peabody est public; toute une série de questions ou d'interrogations au sujet des voies de négociation qui ont été ouvertes et puis fermées, tout cela est finalement sorti. Que des inquiétudes que pouvaient avoir certains milieux politiques américains se soient traduites par des démarches de l'ambassadeur, bien sûr, on lui a fourni toute possibilité de se renseigner sur la façon dont cela évoluait et cela me paraissait, d'ailleurs, normal. Qu'il n'ait pas suivi cela, cela le regarde.

Quatrièmement, il ne faut quand même pas se faire d'illusions, non plus, sur les répercussions réelles que cela a à l'extérieur du Québec. Les milieux financiers à New-York, qui sont après tout un baromètre extrêmement précis de la nervosité ou de l'absence de nervosité qu'il peut y avoir aux Etats-Unis, sont — comment dire — parfaitement au courant de ce que nous faisons depuis fort longtemps, en fait depuis le discours du premier ministre à l'Economic Club au début de 1977. Certaines des conversations que nous avons eues avec ces milieux financiers de New York donnent des résultats absolument étonnants. Est-ce que, effectivement, on se sent nerveux là-bas? Réponse: Bien non, cela fait deux ans que vous nous répétez la même chose. Je vous avouerai que cette réaction hors Québec des milieux financiers me

paraît quand même la réaction majeure; c'est celle-là qui, pour nous, a le plus d'importance et le plus d'impact. Est-ce qu'ils comprennent où on va? Est-ce qu'ils se rendent compte de ce qu'on veut faire? Ils nous répondent: Certainement, on le sait, cela fait deux ans que vous nous l'avez dit; il n'y a rien de particulièrement nouveau dans tout cela.

Alors, l'impression que nous avons à tous égards, M. le Président, c'est que, jusqu'à maintenant, on a fourni beaucoup de renseignements, on a rendu publiques beaucoup de choses, mais que là on arrive vraiment à l'échéance; il reste une voie à examiner et, si elle ne marche pas, il faut procéder. On ne peut pas reporter constamment les échéances. A un moment donné, quand on commence à reporter les échéances, cela devient de notre part simplement une preuve de naïveté. Alors, qu'on essaie de nous présenter cela comme une preuve de sérieux du gouvernement qu'il franchisse à nouveau d'autres étapes, il arrive un moment où ce n'est pas une preuve de sérieux; encore une fois, c'est une preuve de candeur, pour ne pas dire de naïveté.

M. Grégoire: M. le Président, je crois qu'il serait bon aussi de soumettre ici le point de vue du milieu, de la région, à ce sujet. Quand on a l'occasion de rencontrer les syndiqués, les travailleurs de l'amiante, quand on a l'occasion également de rencontrer la direction de la mine, on s'aperçoit que c'est une situation qui traîne déjà depuis assez longtemps et que tout délai nouveau apporté à une solution entraîne une dégradation du moral de ceux qui travaillent dans le milieu. On sait qu'une mine, ce n'est pas comme une entreprise; il y a de l'entretien à faire quand c'est souterrain. Si la compagnie s'attend à un changement, à être expropriée, on néglige l'entretien et même les directeurs des opérations à Thetford Mines reconnaissent qu'il y a une négligence de ce côté. Ceux qui sont sous-entrepreneurs des mines pour voir à l'entretien reconnaissent que cela fait énormément diminuer la vie économique dans ce secteur à Thetford et les syndiqués mêmes sont les premiers à s'en plaindre. Pour toutes ces raisons, je crois que des délais nouveaux, après toutes les discussions qu'il y a eu depuis deux ans à ce sujet, seraient préjudiciables à l'économie de la région.

M. Forget: M. le Président, j'aurais juste une question à poser au ministre des Finances; après quoi, quant à nous, on serait prêt à voter sur l'amendement et sur l'article. Le ministre des Finances a dit, en réponse à mon collègue de Mont-Royal, que du côté américain on était satisfait de la bonne marche de la négociation, qu'on n'y voyait rien d'inquiétant ou d'anormal. La-dessus, il a certainement des informations...

M. Parizeau: Je parlais des milieux financiers.

M. Forget: ... de meilleure source que nous, puisque nous ne sommes pas en relation avec ces milieux de la même façon qu'il l'est pour les fins de l'administration gouvernementale. Il a cependant fait une allusion à la participation possible, comme observateurs, des services de l'ambassade américaine au Canada, et il a laissé entendre que c'était une initiative qu'avait prise l'ambassade auprès du gouvernement du Québec, à la demande de General Dynamics. Est-ce bien ce qu'il faut comprendre, que l'initiative procède dans ce sens-là, c'est-à-dire: de General Dynamics, démarche auprès du gouvernement américain ou les milieux diplomatiques américains, et à son tour, démarche de l'ambassadeur auprès du gouvernement du Québec?

M. Parizeau: M. le Président, on disait tout à l'heure qu'il faut présenter un résumé des offres et des contre-offres. Je disais: II faut faire attention, cela peut mener dans des ambiguïtés d'interprétation extraordinaires. Là, on en a un très bon exemple. Je ne peux savoir, moi, qui a fait des démarches auprès de qui pour obtenir tel résultat. Je peux avoir mes convictions, mais des convictions, ce n'est pas une démonstration. Ce que je sais, c'est que l'ambassadeur des Etats-Unis est venu me voir.

M. Forget: II a pris l'initiative de venir vous voir...

M. Parizeau: Oui.

M. Forget:... sans que personne au gouvernement du Québec ne le pressente au départ?

M. Parizeau: Pas que je sache, non. Cela s'est fait en deux temps. Moi, j'ai eu le deuxième temps. Le premier temps — si je comprends bien — il a rencontré M. Bérubé et un ou deux autres ministres...

M. Bérubé: Et M. Morin.

M. Parizeau: C'est cela. Alors, comme je ne pouvais pas assister à la réunion, j'ai eu le deuxième temps. Il est venu me voir à Montréal et m'a dit: J'aimerais être davantage au courant de ce qui se passe dans cette négociation. Il est apparu assez clairement qu'il avait — comment dire — certaines inquiétudes sur la façon dont cela pouvait se dérouler. Je lui ai donc répondu: II n'y a pas de raison que vous ayez des inquiétudes sur le déroulement. Tenez! Il y a des réunions qui recommencent... C'était à New York, je pense? C'est cela?

M. Bérubé: Oui.

M. Parizeau: A New York, deux ou trois jours après. Pourquoi n'envoyez-vous pas quelqu'un regarder? Parlez-en à General Dynamics. Pour moi, en tout cas, de mon côté, cela ne présentait aucun problème. Et il y avait à cette réunion — ce n'est pas là, encore une fois, une conversation téléphonique ou une réunion, comment dire, à deux, sans témoin, il y avait... C'était Clark?

M. Bérubé: C'est cela.

M. Parizeau: II y avait M. Clark, qui est conseiller économique de l'ambassade des Etats-Unis, qui assistait à la réunion, et le sous-ministre des Finances, M. Caron. Et encore une fois, il n'y a rien là-dedans qui me paraît anormal. Quand des gens ont des inquiétudes ou peuvent avoir des inquiétudes sur la façon dont on procède, la façon la plus simple est de dire: Venez voir.

M. Forget: II n'y a rien d'anormal, M. le Président. Le seul but de ma question est de savoir qui avait fait le premier pas, parce que cela a quand même un certain intérêt. Je comprends que le ministre ne peut pas savoir s'il s'est passé quelque chose ou dans quel ordre cela s'est fait entre General Dynamics et l'ambassade. Ce n'est évidemment pas l'objet de ma question. Mais pour ce qui est des contacts qu'il y a eu entre l'ambassade américaine et le gouvernement du Québec, il est extrêmement intéressant de savoir si c'est l'ambassade qui a pris l'initiative de la première démarche ou si c'est peut-être le gouvernement du Québec qui l'aurait faite.

M. Parizeau: Je laisserai M. Bérubé répondre parce qu'encore une fois, il était du premier temps de cette opération.

M. Bérubé: Essentiellement, c'est le consulat de Québec qui a ménagé une rencontre non officielle autour d'une table où, à cette occasion, l'ambassadeur des Etats-Unis était présent d'ailleurs. Nous ignorions le but de la rencontre comme telle. C'était une invitation amicale à laquelle, d'ailleurs, nous sommes habitués puisque les relations sont bonnes entre le consul américain et plusieurs membres du gouvernement et moi-même, je dois dire. Donc, à l'occasion d'un dîner, purement et simplement — l'ambassadeur américain était présent — nous avons discuté de quantité de choses. Ce qui est apparu concernant le cas plus précisément qui nous intéresse en ce moment, étant donné certaines déclarations publiques de la société General Dynamics à savoir qu'il n'y avait pas eu vraiment de négociations entre le gouvernement et la société, l'ambassadeur américain voulait se renseigner personnellement, à savoir si, effectivement, il y avait eu négociation. Il s'était même offert, non pas à négocier à la place du gouvernement, mais si nous avions des problèmes de contacts avec l'entreprise, il s'offrait à assurer de telles rencontres. Nous lui avons fait savoir à ce moment-là qu'au contraire, les contacts avaient été multiples entre l'entreprise et le gouvernement et que ce n'était pas une question de contacts, mais plutôt une question de désaccord quant à la valeur de l'entreprise.

M. Forget: Cette rencontre était la première entre un membre du gouvernement du Québec et l'ambassade américaine au sujet de... Elle n'avait été précédée par aucun autre contact par aucun de vos collègues, y compris le ministre des Affaires intergouvernementales?

M. Bérubé: Non. A ma connaissance, à notre connaissance, non.

M. Forget: A votre connaissance. Est-ce que c'est seulement à votre connaissance ou si c'est une affirmation catégorique que cela n'a pas été précédé d'une autre...

M. Bérubé: Pour autant que le premier ministre, le ministre des Affaires intergouvernementales, le ministre des Finances et moi-même sommes concernés, c'était la première rencontre.

M. Parizeau: C'est cela.

M. Forget: La première rencontre et le premier échange.

M. Bérubé: Oui.

M. Forget: Y compris les premiers échanges téléphoniques sur le sujet.

M. Parizeau: Maintenant, comme je ne pouvais pas assister à cette première réunion, il y a donc eu un deuxième temps, car je n'y étais pas.

M. Forget: Alors, M. le Président, satisfait de ces assurances du gouvernement, à savoir qu'il ne s'agissait pas d'une initiative du gouvernement du Québec pour faire intervenir l'ambassade américaine dans une négociation qui s'étirait ou qui allait mal, mais que c'était une question légitime que pose un représentant de n'importe quel gouvernement auprès d'un gouvernement étranger, on n'a pas d'autres questions sur le sujet. Je pense qu'il serait peut-être approprié qu'on vote sur notre amendement pour passer à autre chose.

Le Président (M. Marcoux): J'appelle le vote enregistré. L'amendement apporté est le suivant: "Que le paragraphe 21 de l'article 1 soit modifié en ajoutant dans la deuxième ligne du premier alinéa après le mot "expropriés." les mots "Cette signification ne peut se faire que lorsque l'Assemblée siège."; et en ajoutant après le premier alinéa, l'alinéa suivant: "Huit jours avant la signification de l'avis, le gouvernement doit déposer, à l'Assemblée nationale, un document relatif aux négociations. Ce document doit contenir, entre autres, les renseignements suivants: la chronologie détaillée des événements y compris les rencontres de négociations, un sommaire des offres et des contre-offres ainsi que la position finale des deux parties."

M. Bérubé, Matane, pour ou contre l'amendement?

M. Bérubé: Contre l'amendement de l'Opposition libérale.

Le Président (M. Marcoux): M. Parizeau, L'Assomption?

M. Parizeau: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Brochu, Richmond?

M. Brochu: Pour.

Le Président (M. Marcoux): M. Forget, Saint-Laurent?

M. Forget: Pour.

Le Président (M. Marcoux): M. Grégoire, Frontenac?

M. Grégoire: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Laplante, Bourassa?

M. Laplante: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Ouellette, Beauce-Nord? M. Rancourt, Saint-François? M. Ciaccia, Mont-Royal?

M. Ciaccia: Pour.

Le Président (M. Marcoux): Alors, l'amendement est rejeté: 4 contre et 3 pour. Alors, nous revenons au paragraphe original 21.

M. Forget: M. le Président, j'ai un autre amendement au sujet du paragraphe 21 dont le sens va être apparent. Par le biais d'un amendement, c'est de poser, dans le fond, une question très formelle au gouvernement pour obtenir une indication d'intention. Je vais lire immédiatement cet amendement: "Que le deuxième alinéa du paragraphe 21 de l'article 1 soit modifié en ajoutant dans la troisième ligne après les mots "le sont." les mots "Toutefois, les biens visés dans ce cas comprennent exclusivement les biens relatifs à l'exploitation continue des mines et moulins situés à Thetford Mines."

L'alinéa amendé se lirait comme suit: "Si les biens du propriétaire ne sont expropriés qu'en partie, l'avis d'expropriation contient soit la description de biens qui ne sont pas expropriés, soit la description de ceux qui le sont. Toutefois, les biens visés dans ce cas comprennent exclusivement les biens relatifs à l'exploitation continue des mines et moulins situés à Thetford-Mines."

Il est devenu apparent, M. le Président, dans le cours de nos débats la semaine dernière que le gouvernement n'a pas l'intention — si jamais nous avons mal compris, c'est l'occasion de manifester que nous avons mal compris, de la part du gouvernement — d'acheter l'usine située en Allemagne de l'Ouest. Il y a eu un long débat, à savoir si c'était une impossibilité juridique ou si c'était une décision gouvernementale. Il est évident qu'à défaut d'une opinion juridique circonstanciée qui aurait été rendue disponible aux membres de la commission nous en sommes restés sur une divergence de points de vue. Nous croyons qu'il est légalement possible d'exproprier des actions et ceci repose sur une interprétation de droit international privé quant au situs des actions. Mais je n'entrerai pas dans le détail. Nous demeurons persuadés, jusqu'à preuve du contraire. Encore une fois, seulement un avis juridique circonstancié pourrait constituer une preuve adéquate qu'il est légalement possible d'exproprier les actions de la filiale Asbestos qui est propriétaire de l'usine en Allemagne.

Mais que ce soit une impossibilité juridique comme le prétend le gouvernement ou que ce soit une décision comme nous le prétendons, je pense qu'il est assez clair que le gouvernement a dit qu'il n'achèterait pas l'usine de l'Allemagne de l'Ouest. C'est la prémisse sur laquelle se fonde l'amendement que nous présentons ici. (11 h 30)

Nous croyons que si le gouvernement n'achète pas l'usine en Allemagne de l'Ouest, il serait très imprudent, pour le moins, de se porter acquéreur d'une mine qui a essentiellement un seul marché possible, un seul client captif lui aussi, mais la captivité joue des deux côtés. Demain matin, s'il n'était pas possible d'écouler la production de la mine qui est située dans l'Ungava, à Baie Déception, en livrant sa production en totalité à Nordenham, en Allemagne de l'Ouest, la mine de Baie Déception devrait fermer ses portes. Il n'est pas impossible, si l'expropriation ne porte pas sur l'ensemble des biens, y compris la filiale en Allemagne de l'Ouest, qu'il y ait un battement, un moment d'incertitude quant à la possibilité de continuer à écouler cette production. Même si on continue à l'écouler, il n'est pas impossible que cela se fasse dans des conditions qui rendent beaucoup moins avantageuse l'opération continue de la mine à Baie Déception, ce qui forcerait le gouvernement à faire un investissement nouveau et considérable pour une usine située près d'un port de mer.

Devant l'alternative de devoir construire une usine au Québec, soit à Matane ou Dieu sait où, pour traiter le minerai, s'il doit y avoir un port de mer dans le Bas-du-Fleuve — je pense qu'on est en train d'en construire un à Godbout ou dans la région — il faudrait donc construire une usine près d'un port de mer puisque le minerai, par définition, arrive imparfaitement traité par la voie maritime. Ce n'est pas du tout une allusion malencontreuse au fait que le ministre est député du comté de Matane; je pense que c'est un peu la géographie qui le voudrait ainsi. De toute façon, peu importe où serait située l'usine, c'est un investissement considérable. A cet investissement considérable devrait s'ajouter un autre investissement considérable qui est imminent dans le cas de Baie Déception puisqu'il faut, comme le ministre l'a d'ailleurs indiqué, envisager, étant donné que les pentes ont été maintenues assez abruptes, si on veut continuer l'exploitation à ciel ouvert, des dépenses de décapage et de redressement des pentes qui constituent un investissement considérable ou, alors, il faut faire un investissement considérable pour aller sous terre. L'ordre de l'investissement impliqué est probablement de $50

millions pour la mine souterraine et, évidemment, avec une usine sur un port du Saint-Laurent, on peut peut-être compter un investissement analogue, au prix d'aujourd'hui, ce qui fait un investissement très lourd de $100 millions peut-être. Alors, le pouvoir de marchandage de la Société nationale de l'amiante qui serait propriétaire de la mine dans le Nouveau-Québec n'est pas très fort si elle n'est pas en même temps propriétaire de l'usine de traitement du minerai en Allemagne de l'Ouest. Cela risquerait de se refléter dans des prix pour le minerai partiellement traité qui seraient loin d'être avantageux et qui pourraient, d'ailleurs, mettre en péril assez facilement la rentabilité de la mine en question.

Devant cet alternative, le ministre lui-même a fait allusion au fait que le gouvernement pourrait préférer développer, par exemple, une mine dans la région de l'Abitibi, puisqu'il y a un dépôt qui est propriété de Brinco, pour lequel on cherche un partenaire, etc. Devant cet alternative, il semble qu'il n'est pas prouvé que l'acquisition de la mine de Baie Déception soit avantageuse, loin de là. La Société nationale de l'amiante serait placée dans une situation qui, apparemment, est assez vulnérable. Ce n'est pas toujours un argument valable que de dire: Oui, mais la société Asbestos, qui continuerait d'être propriétaire de l'usine en Allemagne de l'Ouest, serait aussi dans une position difficile puisque sa seule source d'approvisionnement serait la mine de Baie Déception ou n'importe quelle autre mine qui serait prête à lui livrer du minerai seulement partiellement traité, ce qui n'est pas inconcevable. Malgré tout, on a vu des situations où, à la suite d'arbitrages ou de négociations non concluantes ou dont les résultats ne sont pas appréciés de façon égale par les deux parties, des gens et même des sociétés commerciales se sont fait mutuellement tort. D'ailleurs, la perspective de pouvoir le faire constitue un élément de la négociation, comme on le sait très bien.

Il est possible que General Dynamics, dans un tel contexte, veuille prouver un point. Si on a raison de croire qu'ils ne veulent vraiment pas vendre, comme ils l'affirment, il n'est pas exclu de croire qu'ils veuillent,- en quelque sorte, montrer de quel bois ils se chauffent par une négociation extrêmement difficile sur la question du prix de transfert du minerai en provenance de l'Ungava. Devant un tel contexte, il me semble qu'il serait imprudent pour la Société nationale de l'amiante de se porter acquéreur en même temps des mines de Thetford Mines et de cette mine, toujours dans le contexte qu'on n'achète pas l'usine en Allemagne de l'Ouest, ce que nous prétendons représenter une décision politique plus qu'une nécessité juridique. Le débat ne se pose pas vraiment là. On tient pour acquis que l'usine de l'Allemagne de l'Ouest, encore une fois, ne sera pas acquise.

De manière à limiter la surface d'exposition, si on veut, à diminuer les risques possibles de se trouver dans des situations difficiles pour la Société nationale de l'amiante face à un actif dont la valeur serait assez chancelante dans ce contexte, nous disons: II faut mieux limiter cela à ce qui est très certainement l'actif le plus valable — d'ailleurs, c'est le gros de la production — et envisager comme un problème entièrement nouveau la question de savoir si les investissements nouveaux sont possibles; considérer de novo, en quelque sorte, le problème en se demandant: Est-ce qu'il vaut mieux investir en Abitibi, est-ce qu'il vaut mieux, dans une deuxième étape, penser à un échange quelconque ou à une entente quelconque avec la General Dynamics vis-à-vis de l'ensemble du problème du Nouveau-Québec relativement à cette question? Autrement dit, prendre le problème par étapes plutôt que d'un coup sec.

Il est vrai que l'investissement envisagé dans l'Abitibi — c'est tout près d'Amos, je pense, que le gisement se trouve — n'est pas de la même envergure que l'investissement nécessaire dans le cas même de la mise en exploitation souterraine et même de la construction d'une nouvelle usine pour l'exploitation du nord. Là, les chiffres ne sont pas entièrement comparables; même s'il est vrai que ce n'est pas de la même envergure, cela ne veut pas nécessairement dire que, parce que le projet est plus gros, il n'est pas plus rentable. Il peut très bien être plus rentable, même s'il est deux fois ou trois fois plus gros en termes bruts. Pour ce qui est des mises de fonds, cela ne veut pas, non plus, dire que les mises de fonds sont très différentes parce que, dans le cas d'une société, d'une mine comme celle de Baie Déception où il faut aller en souterrain et construire une nouvelle usine, tout dépend des mécanismes de financement utilisés. Quelle est la part de l'équité et de la dette à long terme, etc? Donc, a priori, il ne faut pas faire des comparaisons trop simplistes en disant: On compare un investissement de $300 millions avec un investissement de $100 millions. Effectivement, les deux choses devraient être regardées à leur mérite en fonction de leur rentabilité respective. C'est l'esprit de cet amendement. Autrement dit, on demande au gouvernement indirectement, par la présentation de cet amendement: Démontrez-nous la logique de votre position. Une fois que vous avez décidé de ne pas acheter l'usine en Allemagne de l'Ouest, il nous semble que vous vous placez dans une situation extrêmement vulnérable et, pour une première étape, nous croyons qu'il est plus acceptable de limiter cette première démarche. A moins que le gouvernement ne puisse nous faire la démonstration qu'il n'y a pas du tout de vulnérabilité dans sa position, que c'est clairement avantageux.

Ce sont, je dois dire, M. le Président, des doutes qui n'existaient pas dans notre esprit avant d'aborder l'étude article par article, mais qui ont été soulevés, suscités largement par les remarques du ministre des Richesses naturelles relativement à cette question. Il nous a semblé envisager des choses qui, clairement, posent un problème. C'est pour cela que nous attendons avec une très grande curiosité les explications que le ministre des Richesses naturelles va nous fournir pour peut-être faire sien cet amendement ou pour le re-

jeter. Encore une fois, il y a un élément d'information qui fait sérieusement défaut du côté de la population et des membres de l'Assemblée nationale.

M. Brochu: M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Richmond.

M. Brochu: ... si vous permettez quelques remarques également sur la proposition d'amendement qui est devant nous maintenant. Je pense qu'elle vient juste à point et elle s'inscrit également dans la ligne des préoccupations que j'ai souventefois manifestées soit à l'Assemblée nationale ou soit même dans les travaux de cette commission parlementaire depuis que nous avons commencé l'étude article par article du projet de loi no 121.

On se rappellera que le projet initial du gouvernement, qui avait été rendu public, au point de départ, devait inclure l'ensemble des actifs de I'Asbestos Corporation. C'était présenté, à ce moment — on me corrigera si mes remarques sont inexactes — comme un tout pratiquement indissociable. On liait même je crois ce projet comme un tout à sa rentabilité comme telle. C'est dans ce sens que s'inscrivent maintenant mes préoccupations et les quelques questions que j'aimerais poser au ministre sur ce projet, puisque cela a changé en cours de route. Au point de départ, on disait: On va exproprier l'ensemble des actifs de l'Asbestos Corporation, cela va être un projet rentable et on a besoin — c'est ce que sous-entendait le projet depuis le début et les propos mêmes de ceux qui le défendaient — d'exproprier les ensembles d'actifs de l'Asbestos Corporation pour mettre notre projet de l'avant et arriver à la rentabilité maximale dans ce secteur. Maintenant, il arrive qu'en cours de route, on s'aperçoit — et on a pu s'en rendre compte par le dépôt même du projet de loi no 121 où il y avait une porte ouverte de ce côté — que le gouvernement tend maintenant à laisser de côté certains actifs de l'Asbestos Corporation. Il y a une porte ouverte dans le projet de loi actuellement pouvant permettre d'agir de la sorte et d'éviter d'acquérir l'ensemble des actifs d'Asbestos Corporation.

Il y a donc une atrophie, en ce qui concerne le projet initial, d'une partie du projet lui-même. Cela, évidemment, a certaines implications financières et certaines implications au niveau de la rentabilité du projet comme tel également. C'est sur ce point que j'aimerais peut-être avoir beaucoup plus d'explications maintenant — je pense que c'est le temps maintenant — de la part du gouvernement dans ce sens. J'ai posé la question lors de mon discours en deuxième lecture à l'Assemblée nationale et les réponses ne sont pas venues. On est peut-être maintenant rendu à la tribune idéale pour pouvoir obtenir les éclaircissements dont on a besoin. Je pense que, dans ce sens, je vais appuyer la motion sans réserve, puisque ces questions, j'avais l'intention de les poser directement au ministre des Finances en particulier, au cours des travaux de cette commission parlementaire.

On sait, au point de départ, que les installations de la mine de Baie Déception présentent un produit particulier dans le domaine de l'amiante, produit qui est acheminé vers l'usine de Nor-denham, en Allemagne. Là-bas, les installations comportent des techniques particulières pour le traitement de cette fibre. C'est d'ailleurs là-dessus qu'on a assis toute l'argumentation voulant que l'une et l'autre ne peuvent être dissociées. C'est-à-dire qu'on ne peut pas dissocier la mine de l'Ungava des installations particulières de l'usine de Nordenham. Donc, cela va de soi qu'on doit les considérer dans l'ensemble et la décision du gouvernement a donc des implications dans ce sens. On se rappellera également que, dans le dernier rapport qui vient d'être remis aux actionnaires de l'Asbestos Corporation, on disait que suivant l'action du gouvernement, General Dynamics verrait, s'il y a lieu, à s'approvisionner ailleurs, que cela semblait être possible, peut-être sous-entendant même le raisonnement de changer l'équipement, l'installation là-bas pour traiter d'autres fibres, donc de mettre fin, en fin de compte, à l'approvisionnement de fibres venant de la mine de l'Ungava, ce qui mettrait en péril les 500 emplois qui sont tributaires de l'exploitation de cette mine.

Donc, cela a une importance assez grande et j'insiste sur ce fait auprès du ministre, puisque cette question est vraiment interreliée de façon directe. Je comprends, par exemple, que dans le contexte des négociations dans lequel on se trouve actuellement, il y a peut-être un peu plus de fumée qu'il a y de feu dans les discussions qui ont cours et dans ce qu'on lance de part et d'autre dans une négociation comme celle-là. Par contre, il y a des données réelles qui demeurent les mêmes, c'est que l'usine de Nordenham, avec son installation particulière, et la sorte de fibre qu'on extrait du sous-sol de l'Ungava sont interreliés de façon directe, ce qui veut dire que si, dans les faits, on coupait l'approvisionnement ou si le gouvernement ne se portait pas acquéreur, comme cela semble être le cas de l'usine de Nordenham, il devrait, s'il veut continuer d'exploiter la mine de l'Ungava, s'il veut s'en porter acquéreur, reconstruire une usine avec l'installation spécifique particulière pour traiter la sorte de fibre qu'on extrait là-bas. Cela a donc certaines implications assez importantes. (11 h 45)

C'est dans ce sens que je me permets de poser ces questions au ministre et de demander maintenant: Quelles sont vraiment les intentions du gouvernement en ce qui concerne les mines de l'Ungava. Est-ce que le gouvernement a vraiment l'intention d'acquérir, de gré à gré, ou d'exproprier seulement les actifs de l'Asbestos Corporation comprenant les mines et les installations de Thet-ford, ce qui est le sens de la motion, ou s'il a l'intention d'acquérir également les mines de l'Ungava? A ce moment-là, quelles implications financières, au niveau de la rentabilité, cela a-t-il

pour le gouvernement? Est-ce que cela a été étudié, est-ce que le ministre est maintenant en mesure de nous donner certaines réponses en ce qui concerne ce plan? Plus précisément, si le gouvernement acquiert les mines de l'Ungava, est-ce son intention de reconstruire une usine neuve et d'effectuer sa propre transformation dans ce domaine plutôt que d'essayer de maintenir le marché européen? C'est la question que je pose. Quel impact cela a-t-il sur le projet total en termes de rentabilité puisqu'au point de départ — je le rappelle en terminant mes propos — le gouvernement semblait faire de son projet un tout indissociable auquel il liait la rentabilité de l'ensemble de son entreprise en voulant s'ingérer dans le domaine de la transformation de l'amiante via l'acquisition d'entreprises et des actifs surtout de l'ensemble de la société Asbestos?

M. Parizeau: Je pourrais peut-être présenter certains éléments de réponse aux questions qui ont été posées. Ensuite, le ministre des Richesses naturelles complétera sur des questions qui relèvent davantage de ses attributions et de sa compétence.

Commençons d'abord par la question de savoir si on peut nationaliser des actions. L'aspect juridique est important ici, en ce sens que c'est douteux ou discutable. Donc, parce que c'est douteux ou discutable, on pourrait fort bien, en cherchant à nationaliser des actions, s'embarquer dans des procès qui seraient tels qu'alors là toute possibilité pour le gouvernement de bouger pourrait être bloquée pendant des années. Il est évident qu'on ne peut soutenir que les avis juridiques sont unanimes et qu'il est absolument impossible de nationaliser des actions, mais personne n'a le goût de plaider pendant des années. Dans ces conditions, c'est donc une voie qu'on ne choisit pas parce que juridiquement elle est trop douteuse. C'est pour cela d'ailleurs que le projet de loi parle, dans son esprit en tout cas, d'actifs. Même si le mot "biens" puisse être ambigu, en fait, on pense à des actifs physiques et financiers, bien sûr. Des actifs, des valeurs d'actifs, des valeurs de bilan.

Deuxièmement, la question de Nordenham. Le député de Saint-Laurent dit qu'il va y avoir, dans la mesure où le gouvernement met la main sur les gisements du nord, des investissements à faire pour les pentes, possiblement, et un développement souterrain, bien sûr. Cela a été inclus dans les études d'évaluation des deux parties, mais pas au même rythme; il y a une divergence ici. Nous croyons qu'effectivement il va falloir refaire les pentes et la compagnie soutient que non. Cela devient sans doute une question de fait au niveau des techniciens, mais cela devient aussi une question de surveillance des mines. J'allais dire qu'il y a une façon bien facile d'avoir raison dans ce domaine, c'est de dire, du point de vue du gouvernement: Les pentes sont dangereuses. Et donc, de faire en sorte que les rectifications se fassent. Bien sûr, c'est incorporé dans l'évaluation que nous faisons des actions.

Deuxièmement, la compagnie prévoit de faire les investissements dans la mine souterraine plus que nous, dans les évaluations. Elle voit cela très rapidement; nous voyons cela un peu plus lentement. Cela aussi a certaines conséquences sur l'évaluation des actions, remarquez, assez mineures par rapport aux grandes divergences qui nous séparent sur les prix. Mais ce que je veux dire ici, c'est que dans l'évaluation des deux côtés, ces investissements ont été incorporés; il n'est pas nécessaire de les ramener une deuxième fois. Ils ont été examinés et incorporés dans les évaluations par les deux parties.

Nous, comme gouvernement, avons intérêt — et je pense que l'optique à cet égard n'a pas changé — et nous avons toujours l'intention d'exproprier l'ensemble des mines. Mais lors des négociations que nous avons eues avec General Dynamics, je n'ai pas du tout exclu qu'on puisse examiner, à un moment donné, la possibilité de ne garder pour le gouvernement de Québec que Thetford. Cela a fait partie des négociations à un moment donné. Effectivement, c'est une voie que la compagnie n'a pas beaucoup explorée, je pense qu'on peut dire cela. Cela n'avait pas l'air de l'intéresser farouchement.

Cela ne veut pas dire que cela change l'intention du gouvernement. Cela veut dire que dans une négociation on explore toute espèce de voie. Mais l'objectif du gouvernement reste le même, c'est-à-dire prendre le contrôle de l'ensemble des mines appartenant à cette compagnie au Québec. Advenant que des discussions aient pu déboucher sur une sorte de partage — il y a un mois ou cinq semaines, on discutait de cela — je pouvais manifestement ne pas être contre qu'on explore la division de Thetford, au gouvernement, et les mines du nord, mais gardées sous un contrôle quelconque de la compagnie. Mais cela n'a pas l'air de l'intéresser plus que cela.

La position qu'elle a prise à ce moment-là est peut-être une position d'attente, je n'en sais rien. Mais comme les négociations ne sont pas terminées, c'est bien difficile de se brancher. Quant à savoir dans quelle position cela met le gouvernement sur le plan du marchandage de contrôler la mine et pas Nordenham, c'est l'évidence même qu'on ne pourra pas contrôler Nordenham si on exproprie les actifs; on ne peut pas aller exproprier les actifs en Allemagne, dans un pays étranger. Alors, où est la position de force et où est la position de faiblesse là-dedans? Si on prend le contrôle de la mine du nord, nous avons devant nous plusieurs possibilités de faire traiter ce minerai dans une usine, à Nordenham ou ailleurs. On peut avoir une usine du genre de Nordenham dans le nord. On peut en avoir une autre, non pas Dieu sait où, comme Matane, comme disait le député de Saint-Laurent... J'aurais pensé qu'il puisse dire: Dieu sait où, par exemple Nordenham, mais Dieu sait où, par exemple Matane! Il y a beaucoup de gouvernements qui n'auraient pas accepté un "deal" comme celui-là et qui auraient fait en sorte que l'usine au moins soit dans le pays d'origine du minerai. J'y reviendrai tout à l'heure d'ailleurs.

Matane, ce n'est pas Dieu sait où, c'est chez nous.

Donc, il y a une deuxième possibilité qui consiste à établir une usine quelque part le long du Saint-Laurent. Il y a une possibilité d'en arriver à un arrangement avec un consommateur pour l'achat de Nordenham tout seul, parce que Nordenham, entre les mains de General Dynamics, sans sa source d'approvisionnement — j'y reviendrai tout à l'heure — c'est un éléphant blanc.

Quatrièmement, il y a une possibilité même de revendre la propriété de l'Ungava à celui qui contrôle Nordenham. Ce que je veux dire, c'est que même sur ce plan, une fois qu'on a nationalisé, il y a des tas de possibilités de négociation. Il faut donc se garder toutes les portes ouvertes.

Quelles sont les chances qu'effectivement General Dynamics puisse trouver une autre source pour Nordenham? On a fait regarder cela de façon assez précise et la seule source possible qu'on trouve ce serait le projet du développement d'un gisement d'amiante en Grèce, à Zidani. C'est le seul qu'on trouve qui puisse être tel que cela pourrait se brancher sur Nordenham.

Mais il y a un certain nombre d'obstacles. D'abord, ce n'est pas fait, cette opération, parce que le gisement est très loin de la mer, 100 milles. Deuxièmement, la fibre est d'une nature tout à fait différente et, donc, cela impliquerait des changements majeurs à Nordenham. Troisièmement — et c'est la beauté de la chose — le projet est développé par le gouvernement grec qui ne semble pas avoir, à l'égard du traitement de la fibre à l'étranger, le genre de mollesse que les gouvernements québécois antérieurs ont pu avoir. Il n'est pas du tout certain que le gouvernement grec accepterait ce que, au Québec, on a accepté, c'est-à-dire de faire traiter la fibre ou d'extraire la fibre du concentré à l'étranger. Il y a des gouvernements qui se tiennent plus debout que d'autres, qu'est-ce que vous voulez! Donc, c'est la seule source qu'on peut trouver qui pourrait peut-être s'adapter à cela. Notre estimation, c'est qu'elle n'a pas beaucoup de chances de se matérialiser. Donc, General Dynamics est "poigné" avec Nordenham littéralement comme éléphant blanc. Il est évident que, dans ces conditions, nous avons tout intérêt à garder les portes de discussion avec General Dynamics au sujet de Nordenham ouvertes.

Je conclus en disant simplement ceci: Notre objectif demeure le même: prendre le contrôle des installations minières au Québec. Deuxièmement, je ne nie pas que, dans des négociations qui ont eu lieu, mais qui ont avorté, la question de la division des deux groupes de mines ait été examinée. Troisièmement, je soutiens que, dans la mesure où le gouvernement du Québec contrôle l'Asbes-tos Hill, il place General Dynamics au sujet de Nordenham dans une situation de négociation qui n'est vraiment pas forte. Je conclus en disant que, d'autre part, à supposer, pour prendre l'hypothèse du député de Saint-Laurent, que par mauvaise humeur General Dynamics dise: J'ai un éléphant blanc et je le garde — remarquez que je ne sais pas combien de temps ses actionnaires accepte- raient de faire cela, mais, enfin, à supposer que la mauvaise humeur soit la caractéristique dominante — on a d'autres possibilités. Dans ces conditions, je tiens pour acquis que notre jeu de cartes est pas mal meilleur que le leur.

M. Brochu: Comme sous-question justement là-dedans, si vous me le permettez, M. le Président...

M. Parizeau: J'avais dit tout à l'heure que le ministre des Richesses naturelles compléterait ma réponse.

M. Bérubé: M. le Président, si M. le député de Richmond me le permet...

M. Brochu: Oui, oui.

M. Bérubé: ... quelques notes rapides. D'une part, ce que je n'aime pas dans l'amendement tel que proposé, c'est qu'il prête à contestation juridique. Lorsque l'on dit: "Toutefois, les biens visés dans ce cas comprennent exclusivement les biens relatifs à l'exploitation continue des mines et "moulins" situés à Thetford Mines", il est bien évident que l'entreprise qui ne désire pas être expropriée pourra trouver là motif à contestation juridique pour souligner que tel bâtiment n'était pas absolument nécessaire à l'exploitation continue, que tel document technique n'était pas absolument nécessaire, impliquait de l'information à la fois sur l'Asbestos Hill et sur Thetford et, par conséquent, donnait un avantage indu à un concurrent. On pourrait donc trouver un grand nombre de motifs permettant une contestation juridique uniquement à partir des mots "comprennent exclusivement les biens relatifs à l'exploitation continue des mines et "moulins" situés à Thetford Mines". A titre d'exemple, la maison du président ou du directeur ou le club de golf, par exemple, pour permettre au député de Frontenac d'avoir les 18 drapeaux, comme le disait l'Opposition. Enfin, il y a un certain nombre, comme cela, d'actifs qu'il n'est certainement pas évident qu'il est absolument nécessaire d'avoir pour l'exploitation continue. Par conséquent, cela pourrait prêter à un débat. Donc, la formulation comme telle est, à mon avis, trop obscure pour qu'elle soit acceptable.

Mais on peut revenir sur le fond du problème soulevé par l'Opposition pour s'interroger à savoir s'il est intéressant ou non de ne pas exproprier l'Asbestos Hill, quels sont les avantages et les inconvénients. Le ministre des Finances a indiqué qu'il était très avantageux pour nous de récupérer la mine de l'Asbestos Hill. Cela nous met dans une position de force vis-à-vis de la compagnie puisque celle-ci se retrouverait avec une usine de traitement de la fibre inutilisée, inutilisable; par conséquent, des pertes financières importantes. (12 heures)

Effectivement, il y aurait même des inconvénients à ne pas exproprier l'Asbestos Hill. D'une part, nous permettrions à un concurrent de plus

sur le marché, qui a déjà établi une clientèle, qui a donc certains avantages que nous risquerions de perdre... Si vous vous souvenez, nous avons, à l'article 28, indiqué que le personnel actuellement à l'emploi de la société Asbestos devient automatiquement employé de la Société nationale de l'amiante. Dans l'hypothèse où nous distinguons entre le gisement de Thetford et le gisement de l'Asbestos Hill, il va de soi que cet article 28 doit maintenant être amendé; il doit être modifié. Car quelle distinction fera-t-on entre un ingénieur minier qui réside normalement à Thetford, puisque toutes les opérations minières sont dirigées de Thetford, et qui, quelques mois par année, va séjourner à l'Asbestos Hill pour diriger l'exploitation de la mine? Il va de soi qu'il faudrait distinguer entre cet employé qui travaille à mi-temps à Thetford et à mi-temps à l'Asbestos Hill, et décider s'il est employé à mi-temps de la société Asbestos ou employé à mi-temps de la Société nationale de l'amiante. On voit la complexité du problème et on se rend bien compte que l'article 28, qui nous permettait avec élégance de faciliter le transfert des employés de la société Asbestos à la Société nationale de l'amiante, devient maintenant complètement obscur et très difficile d'application.

Donc, ceci nous laisserait un concurrent qui serait même dans une position pour aller chercher une partie du personnel, peut-être le personnel le plus intéressant, pour le transférer aux opérations de l'Asbestos Hill; ce qui permettrait d'ailleurs de vérifier une des assertions de l'Opposition, à savoir qu'on n'est nullement certain de voir le personnel présentement à l'emploi de l'Asbestos Corporation continuer avec la Société nationale de l'amiante. Cela deviendrait véritablement dangereux. Présentement, cela ne l'est pas avec le projet de loi, tel qu'il est présenté, dans la mesure où la société General Dynamics n'ayant aucune opération minière dans le domaine de l'amiante, on voit mal quel genre de poste elle pourrait offrir à du personnel technique qui n'est valable que dans la mesure où il opère dans un contexte d'exploitation minière. Donc, cette fuite du personnel nous apparaissait fort douteuse, d'autant plus que les contacts que nous avons eus avec le personnel actuel de l'entreprise ne nous indiquent pas leur désir de quitter l'emploi. Mais on pourrait imaginer une campagne de maraudage féroce, advenant l'obligation pour General Dynamics de continuer les opérations à l'Asbestos Hill et devant chercher à récupérer le plus de personnel compétent possible. Il pourrait y avoir une campagne de maraudage qui serait néfaste pour le bon fonctionnement des opérations de Thetford Mines.

Donc, l'hypothèse que le député de Saint-Laurent soumet en est une, à mon avis, dangereuse et il est, je pense, utile d'exproprier l'Asbestos Hill de manière à disposer de la fibre. Je pense que ce qui est important à retenir, dans le domaine minier, c'est que ce qu'il est utile d'avoir dans l'industrie minière, ce n'est pas une usine, mais une mine. Celui qui détient la mine détient finalement la seule raison d'être d'une installation de transformation du minerai.

Dans la mesure où il existe des réserves suffisantes pour encore un bon nombre d'années à l'Asbestos Hill, il va de soi que l'existence de ces réserves en soi justifie le développement d'une mine. On pourrait s'interroger: Est-il plus intéressant de développer cette mine en construisant une usine de transformation dans la région de l'Asbestos Hill ou — je pense plus logiquement — dans le sud? Est-il logique de préférer cette approche plutôt que de développer un nouveau gisement, par exemple, qui serait le gisement d'Abitibi? Il ne fait aucun doute que le gisement d'Abitibi va coûter entre $400 millions et $450 millions et que, évidemment, il n'y a aucune commune mesure entre le développement de ce nouveau gisement et la simple construction d'une usine de transformation au Québec. Par conséquent, il nous apparaît, en tout cas, qu'il est beaucoup plus intéressant de posséder la mine que de posséder un moulin. Ce sera, dans le cas de la société Asbestos, un problème passablement insoluble que de se voir pris avec un moulin à Nordenham et aucune source d'approvisionnement, alors que, de notre côté, évidemment, la possession d'un gisement souterrain de très grande valeur peut, en soi, constituer un avantage important.

Les inconvénients à posséder le gisement d 'Asbestos Hill sans posséder les installations de Nordenham sont quand même évidents. Je pense qu'ils ont été soulignés. Je pense nue nous retrouver avec le gisement de l'Asbestos Hill nous obligerait à chercher rapidement une solution à l'écoulement de cette fibre, c'est-à-dire soit à chercher à obtenir de gré à gré la possession de l'usine de Nordenham, soit tenter d'établir un contrat de vente avec cette usine de Mordenham qui demeurerait propriété de la société allemande Asbestos ou soit, carrément, décider de construire une nouvelle usine au Québec. On a dit Matane, ce pourrait être Sainte-Anne-des-Monts; je n'ai pas d'objection, n'importe où.

M. Forget: ...

M. Bérubé: Oui, je n'ai pas d'objection. Le taux de chômage est, de toute façon, élevé dans l'ensemble du comté et je n'ai aucune objection à promouvoir une solution de cet ordre. Mais il ne fait aucun doute, pour autant que je suis concerné, que cela nous obligerait à prendre des décisions rapidement, que cela pourrait représenter une décision de mise dans les boules à mites du gisement de l'Asbestos Hill pendant un certain nombre d'années si nous n'arrivons pas à négocier et si, comme le disait le ministre des Finances, la mauvaise humeur de General Dynamics est le facteur déterminant dans la négociation d'une entente de commercialisation, par exemple, pour notre concentré et que, par conséquent, on soit plus mal pris. Cependant, cela ne représente tout de même pas une perte considérable parce que, si on évalue la valeur des actifs associés comme tels au gisement de l'Asbestos Hill, le fait de garder ces actifs inopérants pendant un an ou un an et demi ne serait pas catastrophique pour la rentabilité de toute l'opération.

M. Forget: M. le Président, très brièvement.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: M. le Président, je voudrais en venir à ceci: Dans la rédaction de l'amendement tel que présenté, on dit: "Toutefois, les biens visés dans ce cas comprennent exclusivement les biens relatifs à l'exploitation continue des mines et moulins situés à Thetford Mines." Le député de Saint-Laurent voudrait par cet amendement établir à l'avance et immédiatement la règle que tous les choix, toutes les possibilités qui s'offrent ne s'offrent plus et ne se présentent plus. Il y en a des choix, il y en a des possibilités mais, avant même qu'on puisse avoir l'occasion de les étudier — ne serait-ce que les étudier, ne serait-ce que considérer si on n'y trouverait pas un avantage marqué — on cadenasse les portes, on se bâillonne à ce sujet, on se menotte complètement, c'est définitif, on adopte la loi — disons d'ici le 23 juin — et aussitôt, de par la loi, on ne peut plus étudier aucune possibilité. Or, il y a des possibilités. Je crois que le député de Saint-Laurent peut envisager certaines de ces possibilités. Prenons un facteur: En Allemagne, contrairement au Québec — le ministre des Finances parlait à juste raison, tout à l'heure, des gouvernements qui se tiennent plus solidement debout que d'autres en mentionnant que la Grèce, normalement, va chercher à transformer sa fibre chez elle...

M. Parizeau: Elle l'a déjà annoncé d'ailleurs.

M. Grégoire: Elle l'a déjà annoncé. Il y a ici un autre cas...

M. Forget: Elle a aussi un meilleur climat.

M. Grégoire: Oui, mais revenons au problème d'un gouvernement qui se tient debout.

M. Forget: II y a moins de glace.

M. Grégoire: N'oublions pas une chose, au moment où l'usine de Nordenham... A ce moment-là, il n'était pas encore question de transformer les résidus et le gouvernement allemand a imposé une clause que l'Asbestos Corporation a été obligée de suivre. Elle est obligée d'enfouir de nouveau ses résidus. Ils ont dit: C'est polluant; vous voulez faire de l'argent avec la fibre d'amiante, vous voulez faire quelque chose, vous ne viendrez pas nous polluer comme vous avez pollué au Québec. A ce moment-là, il n'était pas question de transformer les résidus. On les oblige à enfouir les résidus. Cela leur coûtait, en 1975, $7 la tonne. Imaginez-vous, avec les centaines et les centaines de millions de tonnes de résidus que nous avons dans le coin, ce que cela aurait coûté. Simplement, ce phénomène des $7 la tonne en 1975 qui seraient répartis maintenant sur des coûts de transport, peut-être additionnels mais qui ne seraient pas tellement élevés, de prendre le minerai — n'oublions pas que le minerai d'Asbestos Hill est un minerai concentré — et l'amener vers Thetford, vers Asbestos ou East Broughton...

M. Bérubé: C'est ce qu'il faudrait faire avec Sainte-Anne-des-Monts.

M. Grégoire: A ce moment, on n'aurait pas besoin de bénéficier du coût, de la réduction de $7 la tonne que représente le réenfouissement des résidus. Disons que s'il y a une petite chicane à faire avec mon ministre, le ministre des Richesses naturelles, on a déjà tellement une grosse richesse, au sujet de laquelle le ministre nous déclarait en fin de semaine qu'un avenir très prometteur se présentait à la région de Thetford Mines, justement à cause de l'amiante, que je n'aurais aucune hésitation à laisser des retombées dans le beau comté de Matane si bien représenté par le ministre des Richesses naturelles. M. le Président, c'est déjà un choix que ces $7 nous apportent. Les $7 peuvent représenter en définitive l'investissement requis pour la construction d'une nouvelle usine adaptée à Matane. Ces $7 peuvent le représenter. Pourquoi nous fermerions-nous cette porte? Pourquoi nous dirions-nous ici aujourd'hui: Les amis, on ne pense plus à cela, on amende la loi et là on se bouche toute ouverture nouvelle? Je ne crois pas que ce serait normal. Je crois que ce serait même de la mauvaise gestion, de la mauvaise administration et ne pas prendre les intérêts du Québec.

Il y a une autre possibilité qui s'ouvre, M. le Président. Il est question — je ne dis pas que c'est une politique gouvernementale, je ne dis pas que c'est décidé — après 100 ans d'exploitation des mines d'amiante, de nouveaux procédés...

M. Bérubé: Un non nuancé.

M. Grégoire: ... d'extraction de la fibre. Par exemple, on a mis à l'essai, aux Etats-Unis, le procédé humide et on parle d'étudier au moins la possibilité d'avoir une usine ultra moderne à Thetford Mines, étant donné que celle de la mine King Beaver a été détruite par le feu il y a quatre ans. On parle d'un procédé humide qui permettrait de récupérer entre 10% et 15% de plus de fibre, selon le rapport du comité des mines des Cantons de l'Est dont le président était un ingénieur à la Johns-Manville, M. Roger Laliberté. On parle de ce procédé qui nous permettrait de récupérer entre 10% et 15% de plus de fibre. Sur une production totale de $500 millions de fibre d'amiante, cela peut commencer à être important. A ce moment, on a déjà des usines qui existent à la mine Normandie qui pourraient être transportées à Matane, qui pourraient servir pour...

M. Brochu: C'est ce dont vous parliez l'autre jour.

M. Grégoire: II y en a de cela... dont l'Asbestos Corporation est propriétaire et dont elle se sert à l'heure actuelle pour aller récupérer justement ce pourcentage de fibre qui est' dans les résidus. On a commencé à se servir des résidus pour aller récupérer de la fibre parce qu'autrefois le procédé d'extraction était moins bon. Il reste pas mal de fibre dans ces tas de résidus, de la fibre qui peut être exploitable, et on a de ces usines transportables. La Carey pense en avoir une pour tous les tas qui sont échelonnés sur plusieurs milles à East-Broughton. Alors, s'il y a des usines récupérables comme cela, pourquoi se fermer une avenue? Je ne dis pas que ce sont des choses qui vont arriver, mais je dis que ce sont des choses qui sont "étudiables" et qui sont passibles. On nous demande aujourd'hui, pour l'avenir, de se fermer toutes ces avenues. Je trouve cela absolument inacceptable.

Je pense que si on considère ces points, on réalisera que la rédaction et l'idée derrière la rédaction de l'amendement du Parti libéral sont complètement inacceptables.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Très brièvement, M. le Président. Je pense qu'il y a deux choses qui se dégagent des remarques des porte-parole du gouvernement, les deux ministres, relativement à cette question. D'abord, l'argumentation du ministre des Richesses naturelles nous porte presque à conclure qu'il est indispensable d'acquérir la mine dans le Nouveau-Québec, à Baie Déception, parce qu'il s'est longuement étendu sur les difficultés de partage, l'intérêt et les avantages considérables qu'il y a d'acquérir cette mine.

Remarquons qu'il n'a pas conclu pour autant que c'était l'intention du gouvernement de l'acheter. D'ailleurs, le ministre des Finances a très bien dit que la porte est ouverte à ce qu'il ne l'achète pas. C'est donc dire que toute cette argumentation est un peu spécieuse, c'est-à-dire qu'elle est un peu faite pour meubler l'argumentation, plutôt que pour convaincre qui que ce soit, parce que le gouvernement n'a pas nécessairement l'intention d'acheter la mine de Baie Déception. Donc, il y a tous les arguments disant que cela causerait des inconvénients, qu'il y a des difficultés; ce qu'il ne mentionne pas, c'est qu'il peut y avoir aussi des difficultés de l'acquérir.

Donc, je pense bien que le ministre n'avait pas l'intention de nous persuader qu'il fallait acquérir cette mine, mais seulement qu'il y aurait certaines conséquences peut-être désagréables si on n'en faisait pas l'acquisition. Ce n'est pas du tout la démonstration que notre amendement n'est pas approprié. Au contraire, le gouvernement laisse la porte entièrement ouverte à la non-acquisition de la mine de Baie Déception.

M. Bérubé: Le député de Saint-Laurent me permettrait-il... En fait, après avoir écouté le député de Frontenac dans son argumentation extrêmement étoffée, il m'a même tellement convaincu que je suis en train de me poser la question: Est-ce que c'est bien d'exproprier Thetford ou si on ne devrait pas simplement se contenter de l'Asbestos Hill.

M. Forget: Plaisanteries mises à part, il reste que je pense bien que ni l'un ni l'autre des ministres ne vont nier qu'effectivement ils n'ont pas voulu faire la démonstration qu'il était nécessaire d'exproprier ou d'acquérir même la mine qui est dans le nord du Québec. Bien sûr, il y a toutes sortes de difficultés: il faut faire le partage des actifs, du personnel, etc., mais ce sont des hors-d'oeuvre, essentiellement. Le gouvernement ne prétend pas avoir fait cette démonstration qu'il est nécessaire d'acheter la mine.

Or, le deuxième point qui a été développé par le ministre des Finances, c'est qu'il s'agit essentiellement d'une partie de poker, si l'on veut, entre General Dynamics et le gouvernement du Québec relativement à cette question. Si les deux installations, celle de Baie Déception et celle d'Allemagne sont détenues par des propriétaires différents, il est bien clair que dans un cas on a une mine qui pourrait être inutilisée et dans l'autre cas on a une usine qui pourrait être inutilisée. Il est bien clair que quand on dit: Pourrait être inutilisée, cela ne veut pas dire inutilisable, parce que là, il y a un problème d'adaptation, de prendre d'autres décisions, de part et d'autre, d'ailleurs, qui feraient qu'on trouve des solutions de rechange.

Le gouvernement du Québec dit: D'accord, il y a des investissements additionnels. Autrement dit, dans ce jeu de poker, quels sont nos atouts? Nos atouts, c'est qu'on peut toujours se débrouiller tout seul pourvu qu'on le veuille bien. En plus des investissements qui sont de toute façon nécessaires dans la mine, je veux bien croire qu'on en tient compte dans le prix, mais il faudrait encore les débourser, les $50 millions, le moment venu, pour aller sous terre à Baie Déception. Parce que là, comprenons-nous bien, ce que le gouvernement va acheter, c'est la mine, ce n'est pas l'ensemble des actifs y compris le fonds de roulement et les comptes en banque, etc. Il va acheter essentiellement une installation physique avec, évidemment, l'équipement etc., mais il n'achète pas les actifs financiers, les réserves financières lui permettant de dire: En achetant, on a déjà tenu compte du besoin d'investir. On en a tenu compte parce qu'on a peut-être payé $1 de moins, $2 de moins par action, enfin, toute proportion gardée, mais ce n'est pas cela qui est capital, c'est qu'il y aura une mise de fonds qui sera nécessaire de $50 millions pour maintenir la production. Qu'on le fasse à la deuxième année, dans trois ans, dans quatre ans, dans cinq ans, il reste que c'est une chose qui s'en vient et qui s'en vient rapidement. En plus, il faudra faire un investissement d'une cinquantaine de millions. Evaluer à $50 millions une usine de transformation, au prix actuel, ce n'est pas divaguer, c'est dans un ordre de grandeur qui n'est pas absolument irréaliste.

M. Parizeau: Est-ce que le député de Saint-Laurent me permettrait une intervention? Juste une question de fait.

M. Forget: Oui.

M. Parizeau: Les estimations que nous avons sont entre $25 millions et $40 millions.

M. Forget: On sait ce que les estimations donnent souvent. Quand viendra le temps de construire, avec une inflation de 10% par année, les estimations qui sont faites à cette date-ci en viendront à $40 millions ou $50 millions facilement. C'est l'ordre de grandeur que je mentionnais.

M. Parizeau: Cela pourra être mieux surveillé que les Jeux olympiques.

M. Forget: Oui, mais, même à cela, on va voir...

M. Bérubé: On n'invitera pas le député de Marguerite-Bourgeoys, d'ailleurs, à surveiller les...

M. Forget: II reste qu'on sait ce qui arrive des évaluations de coût qui sont faites pour des projets non répétitifs de cette nature. Il y a très souvent des dépassements de coût. D'ailleurs, c'est heureux que le ministre le mentionne parce qu'il devrait citer également le dépassement de coût qui s'est réalisé au moment où la mine a été installée à Baie Déception par General Dynamics et non pas par le gouvernement. On avait envisagé une dépense de $50 millions et cela a coûté $100 millions. Cela est assez curieux, mais cela a coûté deux fois plus cher que prévu. Evidemment, il y avait des conditions difficiles à Baie Déception qu'on ne rencontrera certainement pas en Grèce, mais c'est un fait.

Donc, on a du côté gouvernemental, dans son jeu, des atouts qui ne sont pas absolument des as. On dit: On peut se passer de la mine en Allemagne. Mais tout le monde sait très bien, et General Dynamics la première, qu'il y a là une mise de fonds additionnels d'une centaine de millions pour qu'on puisse vraiment dire qu'on va jusqu'au bout et qu'on n'a absolument pas besoin de vous. Il y a une difficulté additionnelle. On sait très bien que si du jour au lendemain, et pendant une période de temps déterminé, il y avait une crise de mauvaise humeur, comme le dit le ministre des Finances, cela ne durerait pas nécessairement éternellement. On sait combien sont sensibles les gouvernements à des mises à pied. Or, du jour où il y a des difficultés d'approvisionner l'usine en Allemagne, parce qu'on ne s'entend pas sur le prix, parce qu'on ne s'entend pas sur la façon de faire le contrat, les mises à pied doivent se faire. Il y a 400 emplois à Baie Déception, et tout le monde sait, General Dynamics la première, que les gouvernements sont sensibles à ce genre de chose. Ce n'est certainement pas une carte d'atout du côté du Québec.

Du côté de la compagnie, on dit: Eux aussi sont mal pris, on n'est pas les seuls à être mal pris avec cette question. Eux aussi, ils seraient mal pris si nous nous portons acquéreurs de la mine dans le Nouveau-Québec et qu'ils demeurent propriétaires de l'usine. Ils seraient mal pris parce qu'ils ne trouveraient pas ailleurs à s'approvisionner, du moins, pas facilement. Je veux bien que ce ne soit pas absolument facile, qu'il y ait aussi des délais, mais je ne suis pas absolument certain qu'à l'heure où on se parle il soit si difficile qu'on le prétend, du côté gouvernemental, de se procurer du minerai d'amiante qui a déjà été épuré aux deux tiers. Bon, on dit: C'est seulement du côté de la Grèce. Il reste à déterminer si cette affirmation est juste. On sait, par ailleurs, que l'Union soviétique possède de très gros gisements de minerai; elle a d'ailleurs développé, depuis quelques années, la plus grosse mine au monde, plus grosse encore que celle de la ville d'Asbestos au Québec, dirigée par Johns-Manville. On sait également que l'Union soviétique a beaucoup de difficultés, dans la finition de la fibre, à produire un produit uniforme, gradé, avec les qualités appropriées et demandées par les clients. Ils ont énormément de difficultés à faire cela et il n'est pas du tout impossible qu'ils trouveraient avantageux de desservir le marché européen en ayant une usine à Nordenham qui fonctionne probablement avec des standards d'uniformité des produits, de classification homogène, etc. des différents grades de fibre.

Cela leur permettrait de satisfaire leur clientèle européenne à des conditions probablement avantageuses et à y trouver leur compte même parce qu'ils pourraient exiger un prix probablement plus avantageux pour une fibre mieux classée, plus uniforme, plus homogène que ce qu'ils ont pu obtenir jusqu'à maintenant pour un produit qui est notoirement insatisfaisant sur le plan du contrôle de la qualité.

Je mentionne tout ceci, M. le Président, pour dire deux choses. Premièrement, dans tout ce que le gouvernement nous a dit sur cet amendement, il n'a pas du tout fait son lit relativement à une décision qui n'est évidemment pas prise de se porter nécessairement acquéreur de la mine dans le Nouveau-Québec. Il va peut-être l'acquérir, il ne l'acquerra peut-être pas, ce qui démontre encore une fois que non seulement on n'est au courant de rien quant au prix, on ne sait même pas ce qu'on achète précisément et on ne sait même pas quand on va l'acheter.

Mais voyons ce qui en est de ce jeu de poker. La décision de l'acheter étant prise, quelle est l'équilibre des forces de négociation entre General Dynamics et le gouvernement du Québec dans cette situation? Tout ce qu'on a là-dessus, ce sont les affirmations du gouvernement: Oh! cela va très bien, merci. Ce qu'on sait, c'est que, pour vraiment que ce soit cru, il faut être prêt à mettre $100 millions au-dessus et au-delà de ce qu'on va verser pour l'acquisition de la mine, de toute manière. Les $100 millions, cela ne court pas les rues au gouvernement du Québec de ce temps-ci, on le sait abondamment parce qu'on vient de terminer l'étude des crédits. On a évidemment très peu d'information quant aux alternatives de la partie adverse mais on peut imaginer que, l'ingéniosité hu-

maine étant infinie, il n'est pas dit que le fin mot de l'histoire nous ait été donné là-dessus par le ministre des Finances qui, évidemment — et c'est de bonne guerre — n'est pas celui qui va faire la publicité des alternatives qui sont ouvertes à General Dynamics là-dessus.

Alors, M. le Président, je pense que le sens de notre amendement était très clair; c'était d'amener les ministres du gouvernement à préciser leur position là-dessus. Essentiellement, ils n'en ont pas de définitive, ils sont ouverts à tout; ils n'ont pas fait leur lit quant à l'envergure des biens dont ils vont faire l'acquisition et leur prétention, quant à leur pouvoir de marchandage si jamais ils vont jusqu'à acheter la mine dans le Nouveau-Québec, est assez fragile et est basée sur des mises de fonds additionnels de l'ordre de $90 millions à $100 millions. Quant à nous, nous sommes prêts à voter.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Richmond.

M. Brochu: Sur le même sujet, M. le Président. Je voudrais revenir sur les propos qui ont été tenus par le ministre des Finances. D'abord pour rappeler la question que j'ai posée, à savoir s'il était de l'intention du gouvernement d'acquérir, oui ou non l'Asbestos Hill et les installations de l'Ungava. La réponse, à toutes fins utiles, si j'ai bien compris les interventions du ministre des Richesses naturelles et du ministre des Finances, a été oui et non.

M. Forget: Peut-être bien que oui, peut-être bien que non.

M. Brochu: Cela me surprend un peu, d'ailleurs, parce que j'ai situé ma question au niveau des intentions. Si on se situe dans ce qui se passe actuellement, le gouvernement a un projet politique, celui d'acquérir une entreprise exploitant la fibre d'amiante pour procéder à plus de transformation. Dans un premier temps, il négocie avec une entreprise d'extraction de fibre d'amiante pour acquérir ses actifs et, si cela ne fonctionne pas, avec l'instrument qu'il se donne actuellement, il a l'intention de procéder à l'expropriation. Donc, le résultat de tout cela, ce sera tout simplement ce que le gouvernement a comme intention. Ce qu'il veut avoir au point de départ, c'est qu'il aura au bout de la course, parce que, s'il ne peut pas l'avoir de gré à gré, il l'aura avec la loi par la force de l'expropriation. Ce qui me fait dire qu'on n'a pas répondu à ma question — et j'aimerais qu'on y revienne — c'est que le résultat dépend tout simplement de ce qu'est l'intention réelle du gouvernement. Si cela dépend uniquement de l'intention réelle du gouvernement, j'imagine qu'à ce stade-ci, étant donné qu'on est presque à la toute fin de toute cette démarche, le gouvernement doit être capable de cerner son intention, de la définir exactement et de la livrer au moins aux membres de la commission.

C'est de grande importance parce que je rattache cela à ce qui avait été présenté comme un tout indissociable au point de départ. Donc, si vous avez accepté en cours de route d'en laisser tomber une partie ou si vous ouvrez la porte maintenant à en laisser tomber une partie, c'est donc qu'il y a des raisons majeures et on aimerait — et la population aussi dans ce sens-là — savoir pourquoi et savoir aussi quel impact de rentabilité cela a sur le projet total. Si c'est si important que cela de garder la mine de l'Ungava, dans la partie du oui que vous m'avez donné, pourquoi exactement et, en termes de rentabilité financière, cela veut dire quoi? Et si — lorsque je prends la partie non de votre réponse — vous n'avez pas l'intention de la garder, quel impact aussi cela a-t-il sur l'ensemble de votre projet initial de vouloir acquérir l'ensemble des actifs de l'Asbestos Corporation pour oeuvrer dans le domaine de la transformation? Je pose de nouveau la question dans ces termes-là parce qu'il me semble, à ce stade-ci, qu'on n'est pas plus avancé qu'on ne l'était. On n'est pas plus avancé que lorsque j'ai posé la question même en deuxième lecture, à savoir si c'était l'intention du gouvernement d'acquérir les actifs de Nordenham, d'une part, et les actifs surtout de l'Asbestos Hill dans le nord.

Il y a un autre aspect là-dedans et je reviens à la question de l'humeur. Le ministre des Finances a dit que General Dynamics pourrait se retrouver, si elle a une saute d'humeur, avec une usine non exploitable en territoire européen, notamment en Allemagne, en décrivant cette installation comme un éléphant blanc.

Ce n'est peut-être pas aussi simple que cela au point de départ parce que, d'abord, le gouvernement a eu la préoccupation d'aller voir ce qui existait. Il existe quelque chose en Grèce pouvant alimenter cette usine. Donc, il y a une source d'approvisionnement. Que je sache, il existait peut-être d'autres sources également. Le député de Saint-Laurent y a touché lorsqu'il a parlé de la production russe d'amiante. Ce n'est pas une situation négligeable en ce qui concerne l'approvisionnement de l'usine de Nordenham.

Maintenant, il y a également un autre élément. On a parlé de la Grèce en disant que la Grèce se protège avec des lois bien spécifiques, bien précises. Mais il ne faut pas oublier un autre phénomène en Europe également. Actuellement, il y a la construction des Etats-Unis d'Europe et la Grèce n'est pas étrangère à cette situation, surtout avec les derniers développements. On sait qu'avec la construction des Etats-Unis d'Europe, il existe évidemment des lois sur ce continent qui protègent les productions locales de l'un des pays de l'Europe des dix. On doit maintenant l'appeler de cette façon puisque, à toutes fins utiles, c'est réalisé. Alors, la garantie derrière laquelle on semblait vouloir se retrancher, à savoir que la Grèce protégerait unilatéralement son territoire, est beaucoup moins forte qu'on était peut-être porté à le penser au point de départ. On va penser davantage et je ne pense pas que le cheminement puisse se retourner, à un moment donné.

Le cheminement de l'Europe, c'est de s'unifier, c'est de se renforcer et de devenir une force économique pour faire un contrepoids à d'autres

forces économiques et, en même temps, se préserver contre la force des Etats-Unis. C'est la réalité dans laquelle on se situe pour cette négociation. La question de la Grèce, celle de l'absolue protection de la Grèce est un argument qui est, pour le moins, discutable au point de départ. On peut, dès maintenant, dire: C'est une forme de protection dans la situation actuelle. Mais en considérant ce vers quoi l'Europe s'en va actuellement, la question change de forme et elle se pose d'une tout autre façon. (12 h 30)

Dans ce sens-là, même les marchés — j'ai eu l'occasion de le souligner à différentes reprises — européens, en ce qui concerne les produits qui sont usinés ou touchés en sol européen, sont protégés par une entente qui existe entre l'Europe des neuf, avant même que la Grèce y adhère directement. En sol européen, les pays de la communauté s'engageaient à ne pas acheter les mêmes produits qui étaient fabriqués dans d'autres pays extérieurs à la communauté. Donc, c'est une forme de garantie qu'on retrouve dans ce mouvement de renforcement d'une fédération qui s'appellerait les Etats-Unis d'Europe.

Je pense que cela devient plus ou moins douteux de prétendre que nous ici, de ce côté-ci de l'océan, puissions ne pas tenir compte de ces situations et décider, de façon unilatérale, ce qu'on va faire en disant: La General Dynamics va être mal prise avec son usine là-bas.

Je ne pense pas qu'elle soit tout à fait dans la position qu'on prétend à ce moment-là. Il y a aussi un autre élément là-dedans. Supposons que General Dynamics se retrouve avec l'éléphant blanc dont le ministre des Finances a parlé tout à l'heure. Avec quel genre d'éléphant se retrouverait-on ici puisqu'il est le partenaire du premier en ce qui concerne la mine de l'Ungava? Le ministre des Richesses naturelles a bien dit tout à l'heure qu'on pourrait, dans la partie du oui de la réponse, acquérir la mine de l'Ungava et la laisser sans fonctionner pendant un an, un an et demi, peut-être deux ans, mais avez-vous imaginé qu'il y a un coût d'investissement qui va être là et qui va dormir? Après cela, supposons qu'on construit une usine. Combien va coûter votre usine? Peut-être $40 millions, $50 millions, $60 millions? Vous avez aussi la question d'aller sous terre pour l'exploitation, ce qui est encore une valeur à surajouter à cela, et, un élément qu'on n'a pas touché: Une fois que vous allez avoir fait tout cela, qu'est-ce qui va vous assurer des marchés européens vers lesquels va actuellement la fibre extraite du sous-sol du nord du Québec, en particulier d'Asbestos Hill? A ce moment-là, on va se retrouver dans le contexte où les ponts vont être définitivement coupés entre General Dynamics et le gouvernement du Québec s'il a procédé par expropriation et qu'il n'y a pas eu entente même pour vendre la fibre là-bas. D'autre part, pendant ce temps, l'Europe va continuer de s'autoprotéger dans ce mouvement d'avoir une Europe unie beaucoup plus indépendante, beaucoup plus forte et beaucoup plus autonome. Dans quelle position va-t-on se retrouver? Avec une mine qu'on va avoir achetée, avec une usine qu'on va devoir construire, avec des investissements à faire pour aller chercher le minerai en sous-sol et avec des marchés qui sont loin d'être garantis. C'est dans ce sens que je repose la question et je pense que le gouvernement devrait maintenant être en mesure de nous donner la réponse puisque c'est lui qui est le meneur de jeu et qui a lancé ce projet d'aller dans le domaine de l'acquisition d'une entreprise. Est-ce que, oui ou non, c'est l'intention du gouvernement, dans la partie où c'est faisable c'est-à-dire Asbestos Hill, d'acquérir, dans sa démarche d'expropriation ou d'entente gré à gré, les installations d'Asbestos Corporation dans l'Ungava? De là dépend, évidemment, l'ensemble de toutes les autres questions.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Je pense que, quand on lira la transcription des débats de ce matin et qu'on reculera d'une demi-heure, trois quarts d'heure, on se rendra compte que j'ai répondu très spécifiquement à la question à la fois posée par le député de Saint-Laurent à nouveau et par le député de Richmond. C'est toujours l'intention du gouvernement d'exproprier ou d'acheter la mine de l'Asbestos Hill. On s'entend bien? C'est toujours dans les intentions du gouvernement. Deuxièmement, il est parfaitement...

M. Brochu: Je m'excuse, je ne sais pas si le ministre me permet.

M. Parizeau: Oui.

M. Brochu: Cela veut donc dire que ce n'est pas sujet à faire partie des négociations, à savoir si cela va être fait ou non; cela va être fait.

M. Parizeau: On trouvera aussi dans la transcription des débats que j'ai dit il y a trois quarts d'heure qu'à un moment donné on a examiné le fait de scinder les deux et que General Dynamics n'a pas exprimé un intérêt particulier pour cela. Il est évident que dans le cours des voies à explorer de deux choses l'une: ou bien on dit que je n'ai pas négocié, ou bien on dit que j'ai négocié. Si j'ai négocié, il est clair comme de l'eau de roche que toute une série de roches, comme on dit en anglais, ont été tournées pour voir ce qu'il y avait en dessous et il y a un certain nombre de roches qui ont révélé qu'il n'y avait rien en dessous. Cela en est une. Au point de vue de la compagnie, cela n'a pas évoqué d'écho particulier. Je répète que c'est toujours dans l'intention du gouvernement d'exproprier ou d'acheter l'ensemble des installations minières d'Asbestos au Québec. Deuxièmement... Cela va?

M. Forget: Mais l'envergure de cela est négociable.

M. Parizeau: C'est-à-dire qu'on peut imaginer des tas de choses. On peut imaginer à partir de là que si jamais General Dynamics revient avec cette question et dit: Très bien, vous êtes propriétaires de l'Asbestos Hill, mais on va s'entendre pour une sorte de contrat de façon à relier sur une longue période de temps avec un prix déterminé pour le minerai les rapports qu'il y aura entre l'Asbestos Hill et Nordenham. On serait complètement fou de dire: Non, on ne peut pas garder cela. Voyons, cela va de soi. Ce n'est pas parce qu'on est propriétaire qu'on refuse de regarder toute espèce de liaison entre l'usine allemande et l'usine Asbestos Hill. Ce serait ridicule qu'on ne la garde pas. Si à un moment donné, il y a des propositions à faire là-dessus, il n'y en a pas pour le moment, très bien, cela viendra peut-être.

Deuxièmement, il est parfaitement inutile de revenir à nouveau sur la question que cela pourrait coûter $100 millions d'investissements et que $100 millions ne poussent pas sous des roches. On verra aussi dans la transcription que j'ai clairement indiqué que dans notre estimé de Kidder, Peabody, comme dans celui de Lazard Frères, les investissements dans l'Asbestos Hill ont été incorporés dans toutes les projections de "cash flow", dans toutes les projections en somme de revenu net de l'entreprise, tout cela est incorporé.

C'est ce qui explique — on verra la transcription d'il y a à peu près une heure — parce qu'on envisage de faire les investissements plus rapidement alors que General Dynamics le fait moins rapidement. La projection de "cash flow" des deux rapports pour les premières années est très différente, mais dans les deux cas, c'est fait, c'est financé à même le "cash flow". C'est ce qui explique, par exemple, que pour les quatre premières années, le rapport Lazard conclut un "cash flow" d'à peu près $20 millions par année net une fois ces investissements faits, alors que le rapport de Kidder est beaucoup plus modeste sur le plan du "cash flow" au cours des premières années, puisqu'on prévoit de faire les investissements rapidement. Cela a été incorporé, il ne sert à rien de le faire réapparaître une deuxième fois. C'est dedans, c'est dans les chiffres.

Pour ce qui a trait à la construction possible d'une nouvelle usine, j'ai dit aussi tout à l'heure qu'on peut faire ou qu'on peut ne pas le faire, il y a plusieurs voies possibles, soit par entente, soit par construction et quand on dit les Grecs pourraient être amenés à cause du développement de l'Europe unie à changer leurs positions. Oui, mais il y a des choses qui ne vont pas changer. C'est que le gisement est à 150 kilomètres de la mer. Cela, Europe unie ou pas Europe unie, là il y a des frais de transport. Si c'est trop loin en termes de transport, de promener des concentrés, les concentrés ne se promèneront pas. De plus, cela implique nécessairement de très grosses transformations à Nordenham. Il n'est pas du tout certain que la compagnie va trouver que c'est rentable de faire des transformations comme celles-là. En troisième lieu, comme je disais, le gouvernement grec a déjà annoncé sa position.

Alors, il ne faut pas confondre les préoccupations d'intégration de l'Europe sur 20 ans et des préoccupations immédiates sur la façon dont on traite un minerai et où. A l'heure actuelle, les Russes sont dans une situation qui est complètement renversée. Tout le monde s'attendait qu'ils envoient énormément de minerai dans l'Ouest et c'est le contraire qui s'est produit depuis une couple d'années. Avant qu'on commence à extrapoler la position des Russes, il faudrait juste se rendre compte d'une chose, c'est que leur position par rapport à il y a deux ou trois ans est sensiblement modifiée. On s'attendait qu'ils inondent le marché; ils ne l'inondent pas, ils reculent. S'imaginer que les Russes vont s'amener avec des quantités de minerai sur le marché, je comprends qu'il y a des tas de gens qui disent cela depuis trois ans, mais c'est exactement le contraire qui s'est produit. Il semble qu'ils aient des problèmes de développement de leurs gisements qui sont passablement plus considérables que certains ne pouvaient le penser il y a deux ou trois ans.

Dans ce sens, qu'est-ce que vous voulez, si ce que les membres de l'Opposition veulent dire, c'est que la vie comporte normalement un certain nombre de points d'interrogation, c'est vrai. Si ce qu'on veut dire, c'est que l'avenir n'est pas parfaitement connu, c'est exact. Il n'y a que les professeurs d'université à poser des hypothèses dans le genre de : Supposons l'avenir parfaitement connu. Mais il reste qu'il s'agit de savoir où les cartes sont les meilleures et où sont les positions de force. Ce à quoi nous concluons, c'est que l'achat d'Asbes-tos Hill nous met dans ce débat dans une position de force plus grande. Le fait de ne pas l'acheter du tout risquerait de nous mettre dans une position de force moins grande. Même une fois qu'on l'a achetée, c'est comme les baïonnettes de Napoléon; on peut faire n'importe quoi avec sauf s'asseoir dessus.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que je peux maintenant appeler le vote sur l'amendement?

Une Voix: Oui.

Le Président (M. Marcoux): La proposition d'amendement est la suivante: Que le deuxième alinéa du paragraphe 21 de l'article 1 soit modifié en ajoutant à la troisième ligne, après les mots "ne sont", les mots "toutefois les biens visés dans ce cas comprennent exclusivement les biens relatifs à l'exploitation continue des mines et moulins situés à Thetford Mines."

Est-ce que vous êtes pour ou contre l'amendement? M. Bérubé (Matane)?

M. Bérubé: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Parizeau (L'Assomption)?

M. Parizeau: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Brochu (Richmond)?

M. Brochu: Pour.

Le Président (M. Marcoux): M. Forget (Saint-Laurent)?

M. Forget: Pour.

Le Président (M. Marcoux): M. Grégoire (Frontenac)?

M. Grégoire: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Laplante (Bourassa)?

M. Laplante: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Ouellette (Beauce-Nord)?

M. Ouellette: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Rancourt (Saint-François)? M. Ciaccia (Mont-Royal)?

La motion d'amendement est rejetée cinq à deux.

Nous revenons au paragraphe 21 tel que rédigé dans le projet de loi. Est-ce que le paragraphe 21 est adopté?

M. Forget: Sur division, M. le Président. M. Grégoire: Adopté.

Le Président (M. Marcoux): Le paragraphe 22?

M. Forget: On ne l'a pas débattu, celui-là? M. Grégoire: Le paragraphe 27.

Le Président (M. Marcoux): Un instant, là. Je l'ai appelé de façon automatique.

M. Grégoire: II est adopté.

M. Forget: Je pense que cela va au paragraphe 27, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Une seconde. Oui, paragraphe 27.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): Adopté?

M. Forget: Non, M. le Président. Je peux en faire la lecture pour ceux qui n'ont pas le texte devant eux: "La société assume, jusqu'à concurrence de l'indemnité, le paiement des dettes se rapportant aux biens expropriés."

Il y a un deuxième paragraphe qui dit que quand il y a des dettes contractées juste avant l'expropriation, il y a une certaine procédure de contestation pour éviter que les actifs ne soient évacués de façon pratiquement frauduleuse.

Le deuxième alinéa ne pose aucune espèce de difficulté. Il y a évidemment la question du principe qui est contenu au premier alinéa qui soulève chez nous un certain nombre d'interrogations. En effet, on procède à une expropriation d'actifs qui sont connus ou connaissables de manière certaine. Ce sont des mines, ce sont des morceaux d'équipement, ce sont des choses qui sont bien délimitées. D'un autre côté, on crée par cet article, ce premier alinéa, un droit de créance sans limite à la faveur, au bénéfice de toute personne qui peut avoir ou qui peut prétendre avoir une créance quelconque envers la société Asbestos Ltée. Il y a plusieurs types de créances. Il y a des créances certaines, connues, enregistrées, des créances hypothécaires, des obligations, des emprunts bancaires ou des prêts bancaires, dans le cas de créances, et cela est facile à connaître parce que c'est mentionné au bilan financier. On peut déterminer avec précision quelles sont ces dettes.

Mais il y a aussi toutes sortes de choses qui, à un moment donné, peuvent ne pas avoir le même caractère de certitude: des réclamations, des poursuites, toutes sortes de passifs contingents qui peuvent se réaliser à une période future et, donc, qui sont extrêmement difficiles à évaluer. Or, une rédaction aussi généreuse pour le propriétaire antérieur au bénéfice de General Dynamics nous semble poser un certain nombre de questions. Qu'est-ce qu'on a à l'esprit quand on dit cela, essentiellement? On a à l'esprit un certain nombre de poursuites qui pourraient, dans l'avenir, être intentées à la suite et tirant leur origine d'événements se produisant, par exemple, aux Etat-Unis ou en Europe où on mettrait en doute la possibilité que des utilisateurs éventuels, des travailleurs qui sont employés par des usines de transformation à l'étranger, aillent se prémunir auprès du fournisseur de la fibre, fassent en quelque sorte une espèce de recours en garantie. Cela existe déjà, il y a déjà un certain nombre d'actions intentées par des utilisateurs américains contre des fabricants américains, mais aussi contre le fournisseur de la fibre, à l'origine. (12 h 45)

Le problème de l'amiantose est assez bien connu, je pense qu'il a été assez bien circonscrit. Il est aussi exact de dire qu'il touche principalement les travailleurs. Le problème du cancer, par exemple, que certains allèguent être causé par la fibre d'amiante, même chez des utilisateurs éventuels, dans certains cas, pose une inconnue. Il nous paraît que la rédaction assez large, même extrêmement large, de ce premier alinéa ouvre la porte à ce que n'importe quand dans l'avenir, et en dehors de ce qui est prévisible à court terme dans le cadre de la négociation, on crée une créance qui n'a pas de limite. Dans dix ans, un héritier d'une personne qui est morte de cancer et qui a été un utilisateur dans un pays étranger pourrait dire: Cette fibre venait du Canada, elle venait de la société Asbestos. Finalement, c'est le fournisseur de la fibre qui n'a pas pris les précau-

tions pour avertir les utilisateurs éventuels des risques, etc. C'est une possibilité que tout un enchaînement de poursuites produise des résultats comme ceux-là.

Je ne mentionne que celle-là, M. le Président, mais il y a un aspect plus formel à tout ceci; c'est qu'il nous semble qu'au moment où on va établir le quantum de l'indemnité — il y a un article subséquent qui dit que l'indemnité, c'est ce qu'on va offrir, c'est la valeur marchande moins les dettes assumées — il va falloir connaître avec précision les dettes assumées. Or, sur le plan de la procédure de divulgation des créances, on a très peu de choses qui permettent de dire: Bien, voici, on a une procédure qui doit être suivie pour faire sortir ces créances, en connaître le montant, les vérifier en quelque sorte et être sûrs que le chiffre de dettes assumées que l'on a et que l'on soustrait du montant de la valeur marchande pour arriver à l'indemnité, c'est vraiment un chiffre qui est définitif, qui est certain, qui est précis.

Pour produire ce résultat, il nous semble que l'article 27 devrait être beaucoup plus prolixe. Il devrait contenir, justement, un mode de détermination des créances vis-à-vis de la société Asbestos Limitée, qui nous donnerait une assurance qu'on ne s'en va pas dans une situation où on peut voir surgir tout à coup un créancier dont le montant de la créance était même contesté par la société Asbestos qui a dit: Ecoutez, ce n'est pas une créance, vous n'assumez pas cela. Nous nions toute responsabilité, nous ne devons pas cette somme; c'est une prétention farfelue, etc. Ce n'est qu'une affirmation qui, à défaut d'une procédure d'enregistrement des créances vraiment rigoureuse, n'aurait aucune valeur en droit; on ne pourrait pas opposer le fait qu'au moment de l'expropriation la société Asbestos croyait ne pas être redevable d'un montant X.

Si un jour un tribunal dit: Non, il y a une responsabilité civile, il y a une responsabilité pénale — Dieu sait quoi — il y a un montant qui est dû, il faudrait pouvoir aller en arrière et dire: Ecoutez, la loi d'expropriation prévoyait un certain cheminement. Il y a des créanciers qui ont suivi ce cheminement et ce sont ceux dont les créances sont protégées qui sont pris en charge. Les autres ne perdent pas leur recours; la société Asbestos Limitée continuera d'exister comme entité légale et ils poursuivront le propriétaire antérieur. Mais au moins, c'est pour limiter la responsabilité du gouvernement du Québec, vis-à-vis des choses qu'on ne peut pas connaître parce que le montant n'est pas liquidé, c'est débattu, on n'en parle pas; la cause d'action est survenue, mais l'action elle-même n'a pas été intentée, par exemple. Cela, par définition, il n'est pas possible de le prévoir. Donc, il faut que ce soit une définition limitative.

Encore une fois, nous n'avons pas toutes les ressources d'expertise juridique nécessaires pour faire une rédaction qui soit peut-être à l'épreuve de toutes les critiques de juristes, mais je pense que l'intention est assez claire; c'est un texte d'ailleurs qui est assez long. Là-dessus, si le gouvernement a une rédaction différente à suggérer, il est bien entendu, M. le Président, qu'on fait cette motion avec toute l'ouverture d'esprit qui s'impose si jamais le gouvernement était d'accord avec notre souci de protéger les intérêts du Québec pour éviter d'ouvrir la porte trop large à la prise en charge des dettes même non liquidées de la société Asbestos.

Alors, cela se lirait un peu comme suit: "Que le paragraphe 27 de l'article 1 soit modifié en ajoutant dans la deuxième ligne du premier alinéa, après le mot "expropriés", les mots "exigibles dans un délai d'un an à compter de la date d'expropriation" et en ajoutant, après le deuxième alinéa, les alinés suivants: "Toute autre obligation résultant d'un contrat, d'une réclamation en responsabilité civile ou pénale ou de toute autre source doit être divulguée à la société par une déclaration à cet effet qui lui est signifiée par le propriétaire antérieur dans les 30 jours de l'avis prévu à l'article 21. Cette déclaration doit contenir une indication des créanciers et de leurs créances." C'est-à-dire l'identité du créancier et le montant de la créance. "La société doit, dans les 30 jours suivant l'expiration du délai mentionné à l'alinéa précédent, signifier à chacun des créanciers qui y sont visés ou dont les créances apparaissent aux états financiers du propriétaire antérieur une copie de l'avis prévu à l'article 21. "Sur réception de la copie de l'avis signifié en vertu de l'alinéa précédent, tout créancier du propriétaire antérieur doit dans un délai additionnel de 30 jours signifier à la société le montant de sa créance envers le propriétaire antérieur au moment de l'expropriation. Les créances ainsi dûment vérifiées sont réputées être des créances valables devant être assumées par la société. Toutefois, s'il existe un différend entre le propriétaire antérieur et un créancier quant à l'existence ou au montant de l'obligation, cette dernière ne peut être assumée par la société, mais demeure à la charge du propriétaire antérieur qui devra l'acquitter lui-même, le cas échéant. "Si l'avis prévu à l'article 21 ne vise pas l'ensemble des biens situés au Québec et appartenant au propriétaire antérieur, la société n'assume que le paiement des dettes se rapportant directement aux biens expropriés. Cette relation s'établit par l'analyse de la provenance et de l'utilisation des fonds et non pas en proportion de la valeur marchande des biens expropriés par rapport à l'ensemble des biens du propriétaire antérieur. "Quant aux dettes, quelle que soit leur nature ou leur origine, non assumées par la société en vertu de cet article, elles demeurent à la charge du propriétaire antérieur et ne peuvent être prises en compte dans la détermination de l'indemnité."

Je pense que c'est assez clair, M. le Président. Ce que nous visons, c'est d'abord, dans le jeu des trois délais successifs et des avis dûment signifiés aux parties intéressées, d'établir une procédure qui sert à vérifier, en dehors de toute contestation future possible, que tout le monde s'entend sur la nature des créanciers et le montant des créances. C'est un peu une procédure analogue qui est utilisée au moment d'une liquidation d'une entreprise

ou d'une mise en faillite, etc., ou même d'une vérification de routine qui donne lieu, parfois, de la part des vérificateurs, à de pareilles demandes de renseignements aux créanciers d'une entreprise qui fait l'objet de vérification. Donc, généralement parlant et encore sous réserve d'améliorations de forme qui seraient sans aucun doute possibles, encore une fois, sur la base d'une expertise plus accessible, il s'agit de déterminer une procédure qui nous dise: Voilà! On sait de quoi il s'agit. On sait qu'il n'y aura pas de contestation. Donc, non seulement on assume des dettes, mais on n'assume pas des procès à venir. C'est essentiellement cela, le problème.

Enfin, il s'agit de préciser, dans les articles subséquents, que s'il y a des différends, s'il y a des procès en cours, etc., on n'assume pas des passifs contingents dont on ne connaît pas le montant. Dans le fond, on va donner des dollars avec 100 cents dans la piastre quand il s'agira de verser une indemnité. Il ne s'agit pas de prendre des responsabilités qui peuvent être estimées à $0.25 et qui vont coûter $0.30 ou qui peuvent être estimées à $10 et qui vont en coûter $150. Dans la mesure où ce n'est pas liquidé, je crois que le gouvernement du Québec, face au passé de la société Asbestos, n'a pas à prendre en charge quelque dette que ce soit. Si les dettes sont liquidées... Bien sûr, une dette qu'on prend en charge, c'est l'équivalent d'une indemnité que l'on verse. Alors, là il n'y a pas de problème.

M. Laplante: M. le Président, il serait peut-être sage, aux fins du journal des Débats, que vous la jugiez recevable ou non recevable.

M. Forget: Ah oui.

M. Laplante: Je m'excuse, M. le député de Saint-Laurent. Ce n'est pas par méchanceté si...

M. Forget: Non, d'accord. Vous avez raison.

Le Président (M. Marcoux): Y a-t-il des membres de la commission qui veulent...

M. Laplante: Non, on n'a pas d'objection.

Le Président (M. Marcoux): A mon avis, après la présentation qui a été faite, je crois qu'elle est recevable.

M. Forget: Je vous remercie, M. le Président. C'est essentiellement de ne pas assumer des procès, assumer des dettes absolument vérifiables, et certaines quant à leur montant sur lequel l'identité du créancier ne fait pas de débat non plus, de manière à ne pas être pris dans des litiges. Dans le fond, c'est un héritage du propriétaire antérieur qu'on n'a pas besoin d'assumer. S'il y a des choses qui ne sont pas correctes dans son passé, dans sa gestion, dans ses relations avec ses créanciers, je ne vois pas pourquoi le gouvernement du Québec se mettrait sur le dos des frais juridiques, etc.; seulement des choses certaines.

Le problème, c'est que, tenant compte de l'incertitude, dans le fond, quant à l'envergure de l'expropriation, il y a tout le problème de ne pas non plus... Supposons qu'on n'achète pas tous les actifs, qu'on achète seulement les actifs dans la région de Thetford Mines, il serait important de ne pas assumer plus que la part des dettes qui tire son origine de cette entreprise. Ce que je veux dire, M. le Président, c'est un peu la chose suivante: il peut y avoir des emprunts à long terme qui ont été contractés. Je n'en sais rien, mais c'est une possibilité contre laquelle il faut se prémunir, dans l'ignorance que l'on est, forcément, à l'Assemblée nationale, de ces choses-là. Il est fort possible que des emprunts à long terme aient été contractés au moment de l'installation de la mine dans le Nouveau-Québec. Si on n'achète pas la mine, je pense bien qu'il ne s'agit pas de dire: On va prendre 60% des dettes à long terme, si 100% de ces dettes à long terme ont été encourues pour la mine du Nouveau-Québec. C'est, il me semble, un partage qui devrait être fait, pas en tenant compte simplement du pourcentage des actifs, mais des fins pour lesquelles ont servi ces sommes-là.

Cela a un certain intérêt, je pense, parce que, finalement, ces éléments de passif vont se retrouver dans la structure financière de la Société nationale de l'amiante. Il serait déraisonnable de la grever. Supposons qu'on lui donne seulement une partie des actifs, d'une part disproportionnée à ses actifs, de la dette à long terme si la dette à long terme n'a pas servi à leur constitution. Du moins, il me semble que c'est un principe qui a un certain sens étant donné, encore une fois, l'incertitude qu'on a à savoir à quoi va véritablement s'appliquer la mesure d'expropriation. Je pense que j'ai essayé — il y a peut-être des éléments de doute qui restent dans les esprits — de prévenir un certain nombre de questions que cet amendement pourrait soulever.

En terminant, notre objectif est très clair: Nous ne sommes pas contre que le gouvernement, plutôt que de verser au comptant une indemnité, préfère assumer pour une partie les dettes déjà encourues de l'entreprise, mais nous tenons à ce que ces dettes soient des dettes certaines, des dettes liquidées, des dettes au sujet desquelles il n'y a pas de contestation possible.

Le Président (M. Marcoux): Avant de donner la parole au ministre des Richesses naturelles, on me signale qu'il y a une faute de français au deuxième paragraphe, à la deuxième ligne. Il faudrait lire "de toutes autres sources", au pluriel, "doivent être divulguées".

M. le ministre des Richesses naturelles.

M. Bérubé: Je constate qu'il ne reste que quatre minutes avant le...

Le Président (M. Marcoux): On pourrait peut-être adopter le paragraphe 27 avant l'ajournement?

M. Forget: Cela dépend un peu de l'issue. Je ne sais pas, le gouvernement aimerait peut-être réfléchir un peu à cette question de dettes.

M. Bérubé: Cela m'apparaît difficile. J'ai l'impression qu'on voudra sans doute préciser, d'autant, plus qu'il reste encore d'autres articles à débattre.

M. Forget: Essentiellement l'article 44, oui.

M. Bérubé: Donc, il ne faut pas s'attendre à terminer avant 13 heures. Par conséquent, il faut donc envisager de se retrouver ici en début d'après-midi vers 15 heures. Cependant, aux fins de l'organisation des travaux, j'aurais aimé avoir, de la part de l'Opposition, un avis d'intention concernant la possibilité que nous terminions vers 18 heures ce soir, ceci pour permettre au leader de planifier son horaire.

M. Forget: Je n'y vois pas de difficulté. Si je comprends bien, cependant, on ne commencera pas à 15 heures parce qu'il y a la période des questions, on va commencer vers 16 h 30, ce qui nous laisse une heure et demie.

M. Bérubé: Oui.

M. Forget: Nous avons un autre débat — si on veut — autour de l'article 44. On me dit qu'il reste deux amendements mais ils sont tous les deux relatifs au même article 44 où il y a cette notion de juste valeur marchande et les modalités de détermination de la juste valeur marchande. Nous avons des suggestions à faire au gouvernement mais, en une heure et demie, je pense qu'on peut disposer à la fois de la motion qui vient d'être déposée et de ces deux motions.

M. Bérubé: Je transmettrai cette information au leader.

M. Forget: Avec la collaboration évidemment de tous les membres de la commission.

M. Laplante: Pour aider à activer les travaux, est-ce que vous pourriez leur donner les deux amendements pour qu'ils puissent y réfléchir en même temps? Peut-être qu'ils auraient des réponses positives à vous donner, à un moment donné, sur les deux motions d'amendement.

M. Forget: Comme vous le savez, M. le Président, il n'est pas coutumier, mais je pense que, pour une fois, je vais déroger à la coutume et je vais communiquer aux ministres seulement ces deux textes, parce qu'ils soulèvent également des points techniques qu'ils voudront peut-être examiner avant. Je pense que cela peut accélérer les travaux. (13 heures)

M. Parizeau: M. le Président, si je peux ajouter juste un mot. Avant qu'on reprenne nos travaux, je suggérerais, cela pourrait aussi accélé- rer les débats cet après-midi, que l'Opposition regarde la note aux états financiers de la société Asbestos au sujet de leurs assurances en cas de poursuite. Cela nous éviterait d'avoir à lire cela cet après-midi, parce que c'est... Je veux seulement m'assurer qu'elle l'a lue.

M. Forget: Oui. J'ai déjà lu la note, mais je pense qu'elle ne répond pas à 100% à l'objection qu'on soulève parce qu'évidemment, est-ce qu'on va exproprier les polices d'assurance? Cela semblerait être la réponse que le ministre va nous faire, mais je ne pense pas.

M. Parizeau: Non, pas du tout, ce que je voudrais simplement, c'est que nous, de notre côté, on va regarder l'amendement qui vient de nous être donné d'ici 16 h 30 et, d'autre part, je pense que cela ne serait pas mauvais que les gens de l'Opposition regardent la note au bilan quant aux assurances, de façon qu'on puisse partir sur des textes connus.

Le Président (M. Marcoux): La commission des richesses naturelles ajourne ses travaux sine die.

Fin de la séance à 13 h 1

Reprise de la séance à 16 h 29

Le Président (M. Marcoux): La commission des richesses naturelles est réunie pour poursuivre l'étude article par article du projet de loi no 121, Loi modifiant la Loi constituant la Société nationale de l'amiante.

Les membres de la commission sont: MM. Bérubé (Matane), Bordeleau (Abitibi-Est), Brochu (Richmond), Forget (Saint-Laurent), Grégoire (Frontenac), Laplante (Bourassa), Ouellette (Beauce-Nord), Rancourt (Saint-François) remplacé par Parizeau (L'Assomption); M. Raynauld (Outremont) remplacé par Ciaccia (Mont-Royal).

Les intervenants sont: MM. Dubois (Huntingdon), Fontaine (Nicolet-Yamaska), Godin (Mercier), Landry (Fabre), Larivière (Pontiac-Témiscamingue), Léger (Fontaine), Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), O'Gallagher (Robert Baldwin) remplacé par Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), Paquette (Rosemont).

Nous en étions à la discussion de l'amendement proposé par le député de Saint-Laurent amendant le paragraphe 27 de l'article 1. M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Je tenterai de compléter les renseignements quant à la discussion que nous avons eue ce matin relativement aux réactions aux Etats-Unis, à l'égard de la mesure qui est proposée par le projet de loi. J'ai essayé d'établir une distinction entre la façon dont réagissent certains éléments politiques aux Etats-Unis et la façon dont réagissent les milieux financiers. J'ai eu l'occasion de

dire, ce matin, qu'effectivement ces milieux financiers étaient relativement très calmes. Je voudrais simplement, à titre d'illustration de ce calme, confirmer que depuis à peu près une demi-heure nous avons fait signer aux Etats-Unis un emprunt de $200 millions à l'Hydro-Québec, à 30 ans, à 10 1/8%. C'est, je pense, la meilleure preuve qu'on puisse donner que le déroulement de ce qui se produit au Québec laisse les marchés financiers de New York, d'un calme imperturbable.

Le Président (M. Marcoux): Ceci étant dit, est-ce... Je ne suis pas convaincu que c'est pertinent à l'amendement, peut-être aux interrogations manifestées ce matin.

M. Bérubé: M. le Président, je voudrais intervenir sur l'amendement tel que formulé. Dans la mesure où je crois comprendre l'esprit qui préside à sa formulation, j'en partage entièrement d'ailleurs, les préoccupations, à la lecture attentive de l'amendement, il s'agit de s'assurer qu'en prenant... je vais lire le texte tel quel: "La société assume jusqu'à concurrence de l'indemnité le paiement des dettes se rapportant aux biens expropriés." Je suppose donc que l'Opposition craint qu'en assumant les créances, les dettes de l'entreprise, nous soyons pris avec éventuellement même des poursuites judiciaires, avec toute sorte de créances que possède la corporation.

Il faut dire, cependant, que ceci ne serait vraiment le cas que si nous étions dans la mesure d'exproprier les actions détenues par General Dynamics dans la société Asbestos, dans lequel cas, il est tout à fait évident que nous deviendrions l'actionnaire principal de la société Asbestos et nous devrions assumer, forcément, les dettes corporatives. Toutefois, nous avons, au cours de cette commission, discuté en long et en large de la probabilité que nous puissions exproprier de telles actions et, à cause du caractère de territorialité de nos lois, il paraît impossible de pouvoir mettre une telle décision en application. Par conséquent, on ne peut exproprier les actions de l'Asbestos; nous pouvons tout au plus exproprier les biens, les actifs situés géographiquement au Québec.

Dans ces conditions, lorsque nous assumons les créances, il s'agit là de créances soit hypothécaires, soit résultant du nantissement de biens spécifiques, je pense à du matériel mobile; nous n'assumons en fait que les créances se rapportant spécifiquement aux biens en question. Toute autre dette corporative, comme devant résulter d'une poursuite judiciaire que l'entreprise aurait perdue, toute autre dette qui ne fait pas l'objet d'une créance sur les biens que nous exproprions, les actifs que nous exproprions, évidemment, nous n'en prenons pas la responsabilité.

De ce fait, l'article, tel que rédigé, vise essentiellement et atteint les objectifs que l'Opposition poursuit en proposant les amendements, car toutes les précautions qu'introduit l'amendement présenté par le Parti libéral sont incluses dans l'article 27, puisque nous disons de façon très claire que la société assume, à concurrence de l'indem- nité, le paiement des dettes se rapportant aux biens expropriés. Il s'agit donc de dettes rattachées aux biens; comme il s'agit d'une expropriation d'actifs, forcément, nous ne pouvons assumer que les dettes qui sont liées, soit par nantissement, soit par hypothèque, aux biens que nous exproprions.

Evidemment, nous ne prenons pas à charge toute autre dette corporative de l'entreprise, en ce sens que la société Asbestos Corporation, en cas d'expropriation, va continuer à exister sur le plan légal, elle va continuer à avoir des responsabilités civiles suite à des poursuites judiciaires, par exemple, elle va continuer à devoir assumer toute autre dette qui n'a pas été contractée en échange d'un lien sur les biens dont nous prendrions possession.

M. Forget: M. le Président, je prends note de l'observation du ministre. Si l'interprétation que le gouvernement place sur cet article est la bonne, évidemment, on ne le saura qu'éventuellement, et, comme dans toutes les questions légales, on n'est pas à l'abri d'une interprétation nouvelle ou d'une jurisprudence créatrice qui pourrait introduire un élément nouveau, mais dans la mesure où on nous dit que c'est une interprétation la plus restrictive qui s'applique au premier alinéa, c'est effectivement l'objectif que nous recherchions par l'amendement.

Il s'est, malgré tout, glissé certains doutes dans notre esprit, que cela pourrait être interprété peut-être plus largement, cette belle distinction entre les responsabilités corporatives et les dettes se rattachant directement aux biens. D'ailleurs, on dit "se rapportant aux biens", on ne dit pas "se rapportant directement et exclusivement aux biens."

Mais il reste que c'est une question d'interprétation. L'Opposition a fait son devoir en soulignant que, selon elle, il pouvait exister un problème. Evidemment, on remarque que, dans la note 9, sur laquelle le ministre des Finances attirait notre attention, il y a effectivement un passif contingent ou un passif éventuel qui est considérable, encore que le sort que les tribunaux vont lui faire est évidemment inconnu. Je cite cette note pour le bénéfice du journal des Débats: "Les personnes travaillant ou ayant travaillé pour des entreprises utilisatrices d'amiante, alléguant qu'une longue exposition aux fibres d'amiante a porté atteinte à leur santé, ont intenté, aux Etats-Unis, des poursuitesà l'encontre de divers fournisseurs de fibres et de produits d'amiante. La compagnie est l'un des nombreux fournisseurs de fibres d'amiante et fabricants de produits d'amiante cités dans certaines de ces causes. La compagnie n'admet aucune responsabilité, cela va de soi. Les procédures ne sont pas encore très avancées et sont vigoureusement contestées. Le total des dommages-intérêts réclamé est très élevé. Mais, en cas de jugement défavorable, les sommes que la compagnie pourrait devoir payer seraient, quel qu'en soit le montant, couvertes en grande partie ou même en totalité, par des prestations d'assurance."

Encore là, il y a, de la part de la compagnie, de la part des vérificateurs, une déclaration qui est probablement strictement vraie au moment où elle est faite, qui n'est pas nécessairement vraie quelques années plus tard. A supposer que l'interprétation de la compagnie soit que, dans le fond, comme elle a vendu les biens qui donnent cause, qui ont donné naissance à ces actions, elle n'a plus à maintenir ces primes dans ses polices d'assurance, qu'elle appelle la recette d'un montant de $150 000 000 ou $175 000 000 du gouvernement du Québec, décide, après quelques années, essentiellement de liquider ses opérations, éventuellement, qu'arrive-t-il de ces créances? Est-ce qu'elles s'éteignent ou est-ce qu'il y a un droit de recours éventuel? On sait qu'on a affaire à ce moment-là à des tribunaux qui ont devant eux des travailleurs qui souffrent d'amiantose ou de cancer, etc., et, d'autre part, à une compagnie qui exploite l'amiante et qui est désormais la propriété d'un gouvernement. On sait que la sympathie naturelle des juges, comme dans tous les cas d'assurance, va de manière à trouver une signification dans la loi et dans les textes qui va faire qu'on va permettre une compensation plutôt que de la refuser, étant donné la disproportion des forces et le désanvatage énorme qu'il en résulte pour des individus, alors que, pour un gouvernement, on se dit: Mon Dieu, s'il est obligé de payer $25 millions ou $30 millions, après tout, il en a déjà vu d'autres. Il y a quand même cette pression sur les tribunaux. Mais, encore une fois, on n'est pas ici pour faire des arguties juridiques, M. le Président; nous voulions simplement faire le devoir qui nous incombe et qui est de dire: Quant à nous, il nous semble qu'il y a peut-être un risque. Le ministre nous dit qu'il est satisfait. C'est bien sûr lui qui a accès à l'expertise juridique du gouvernement et de la fonction publique.

Quant à nous, nous n'avons pas l'intention de faire autre chose que de dire: Mon Dieu, le problème est peut-être encore là, mais le gouvernement nous assure qu'il en a tenu compte.

M. Bérubé: M. le Président, une petite note pour illustrer le point que j'avançais il y a quelques instants. Un des dangers, d'une part, de l'amendement tel que proposé, c'est de nous rendre responsables d'un certain nombre de créances dont nous n'avions pas l'intention de nous rendre, responsables, puisque, tel que rédigé, l'amendement disait: "Toute autre obligation résultant d'un contrat, d'une réclamation en responsabilité civile ou pénale doit être divulguée à la société." L'amendement proposait une procédure qui aurait limité le nombre de telles poursuites dont la Société nationale de l'amiante aurait pu se rendre responsable. L'amendement tel que proposé, finalement, ouvre la porte à une certaine responsabilité.

Or, si l'on se réfère, par exemple, à un texte de Martel qui s'intitule "Les aspects juridiques de la compagnie au Québec" et qui porte sur l'achat d'actions par opposition à l'achat d'actifs, on y lit, à la page 578: "Si la compagnie acquérante se rend responsable de dettes réelles, c'est-à-dire portant sur les biens qu'elle a acquis, la compagnie acquise n'en demeure pas moins, sauf dispositions au contraire, responsable des obligations ou dettes personnelles qu'elle a contractées avant la vente de ses actifs alors qu'elle était une compagnie productive."

En d'autres termes, la société Asbestos pourrait avoir contracté des dettes, des créances qui ne sont pas supportées par des hypothèques ou des liens sur les actifs, au moment de l'expropriation desdits actifs, il va de soi que cette société continuera à être responsable des créances qu'elle a contractées. De ce fait, il est donc préférable, par un amendement qui voudrait protéger le gouvernement contre trop de créances dont nous n'aurions pas voulu nous rendre responsables, de lui faire assumer des créances qui, normalement, lorsqu'on procède par voie d'expropriation d'actifs, ne seraient pas assumées par celui qui exproprie. En d'autres termes, la formulation telle que l'article 27 le présente, avait l'avantage de nous reporter à la façon normale d'interpréter la Loi des compagnies, et faisait en sorte que nous ne nous portions responsables que des dettes liées aux actifs, et non de toute autre forme de dette ou de toute autre créance résultant, par exemple, de poursuites judiciaires.

A cet égard, je dirai même que l'article 27 est plus restrictif encore que l'amendement avancé par le député de Saint-Laurent qui se voulait lui-même un rempart contre des excès.

M. Forget: Je suis conscient de cela. Je remercie le ministre de ces éclaircissements. Bien sûr que l'amendement était fait sur la base d'une lecture plus large du premier alinéa qu'il semble que ce ne soit l'intention du gouvernement dans sa rédaction. Cependant, il est probablement exact que dans le cas d'une opposition comme le texte qui est cité, le fait entre une acquisition d'actifs et une acquisition d'actions, il est probable qu'on puisse faire cette distinction, et qu'elle est valable. De toute manière, il y a dans le cas d'une acquisition, généralement, un contrat qui détermine justement l'étendue des obligations qui seront assumées de part et d'autre.

Donc, il y a là une certaine forme de garantie, la plupart du temps explicite. Ici, on parle d'une loi d'expropriation. Dans le fond, on crée des droits ou des obligations avec un alinéa de deux lignes. On n'a pas d'autre contexte. On n'a pas une entente. On n'a pas une annexe à la loi qui permette de constater exactement les biens sur lesquels... Evidemment, il y aura un avis, si je comprends bien, qui sera émis par le Conseil des ministres éventuellement quant à la désignation des biens expropriés.

La loi dit: La désignation des biens expropriés et non pas la spécification des biens expropriés et des dettes assumées. Ceci veut dire qu'en définitive, si jamais il y avait une difficulté légale, la seule base pour vérifier si une dette a été assumée ou non se retrouverait dans ces deux lignes de l'article 27 et il n'est pas sûr, encore que je ne fais

pas d'affirmation là, mais il ne me semble pas sûr, à première vue, qu'on interprétera ces deux lignes, dans une loi d'expropriation, comme ayant le même effet qu'une acquisition de gré à gré accompagnée d'un contrat qui donne le loisir aux parties d'être très explicite quant à la description des biens, des actifs, des passifs, etc.

Encore une fois, M. le Président, je souscris, bien sûr, à l'intention du ministre et j'espère que, effectivement, les assurances qu'il nous donne sont à toute épreuve, parce que notre intention, c'est effectivement d'être sûrs. Dans le fond, ce n'est pas important combien de dettes on assume, pourvu qu'on en connaisse avec certitude le montant. On peut les assumer toutes si on veut; pourvu qu'on sache ce qu'on assume, on a d'autant moins à payer en termes d'indemnités comptant. C'est la certitude qui est importante. C'est être absolument sûr qu'il n'y aura pas de surprise. C'est ça qui compte. (16 h 45)

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, je ne voudrais surtout pas qu'on — comment dire? — repousse du revers de la main les propositions qui ont été faites par le député de Saint-Laurent. Nous avons, pendant que la période des questions se déroulait, fait examiner ou confirmer certaines des implications légales que nous avions déjà examinées. Est-ce que je pourrais demander la suspension pour quelques minutes pour qu'une proposition puisse être regardée rapidement qui, peut-être, satisferait le député de Saint-Laurent, si c'est possible?

Le Président (M. Marcoux): Y a-t-il consentement pour suspendre?

M. Forget: ... la suspension ne soit pas trop longue, parce que...

M. Parizeau: Trois minutes?

Ml. Forget: ... sans protester, on a accepté de considérer, par ordre de l'Assemblée, que c'était notre dernière séance. Alors, il nous reste une heure et quart pour traiter d'un autre point assez important.

M. Parizeau: Je demande trois minutes, M. le Président.

M. Forget: D'accord.

Le Président (M. Marcoux): Nous suspendons la séance pour quelques minutes.

Suspension de la séance à 16 h 46

Reprise de la séance à 16 h 52

Le Président (M. Marcoux): Nous reprenons l'étude du paragraphe 27.

M. Parizeau: M. le Président, je pense que nous arrivons peut-être à quelque chose qui introduirait... en tout cas, un affidavit révélant les dettes dont il est question. Comme nous venons cependant de procéder à une modification et qu'il nous faudrait le temps nécessaire pour faire reproduire le texte en question et le faire taper à la machine, pourrait-on sauter par-dessus, passer à l'article suivant et revenir à la fin sur cette question?

M. Forget: Pas de problème, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Article 27, suspendu. Article 29.

M. Forget: M. le Président, à l'article 29, je n'entreprendrai pas d'argumentation. Il y avait là également un certain élément d'incertitude, quant au montant d'un passif ou d'un actif possible, puisque la Société nationale de l'amiante se substitue au propriétaire antérieur dans des poursuites, soit des poursuites où la Société nationale de l'amiante est défenderesse, soit dans des poursuites où elle est demanderesse, mais, de toute façon, il s'agit là de montants inconnus de dettes ou de créances qui introduisent donc dans le calcul de l'indemnité une espèce de zone grise, parce qu'on ne sait pas comment ça va tourner, comment ça va finir. Il nous semble que ça représente le même genre de difficulté. Evidemment, il est bien clair que si un client n'a pas payé la dernière livraison de fibre et qu'on le poursuit sur compte, en quelque sorte, je pense qu'on sait à quoi s'en tenir, il s'agit là d'une simple réclamation commerciale.

Cependant, s'il y a des poursuites en responsabilité ou des histoires qui peuvent... Je ne sais pas ce qui peut arriver, mais on a pu intenter une poursuite contre un concurrent, parce qu'on croit qu'il a utilisé un secret de fabrication qui avait été breveté ou un procédé de fabrication qui était breveté, sans payer la royauté nécessaire. On ne sait pas comment ça peut tourner, ça peut vouloir dire des dizaines de millions ou alors la société Asbestos pourrait aussi être la cible d'une telle poursuite et ça pourrait impliquer $50 millions de royautés, je ne sais pas, si ça fait huit ans qu'on utilise le procédé.

Cela nous a inquiétés un peu, parce qu'on ne sait pas ce qu'il y a là-dedans. Je pense que peut-être qu'on s'est satisfait, du côté gouvernemental, que ça n'existait pas et qu'on peut aller de l'avant dans cette substitution en cours d'instance.

Je préférerais que de telles substitutions n'aient pas lieu, mais il est difficile d'y échapper. Enfin, je ne sais pas quelle est la solution appropriée, remarquez que je ne fais que soulever le problème. Cela me semble causer possiblement une difficulté, mais on n'a pas les données qui nous permettraient, nous, du côté de l'Opposition, d'en juger.

M. Parizeau: Concernant 29, M. le Président, je pense que l'argumentation présentée par le

ministre des Richesses naturelles prend encore plus de portée. Il ne peut littéralement y avoir que deux types de procédures judiciaires: des procédures judiciaires à l'égard d'une compagnie ou des procédures judiciaires à l'égard des biens. Des procédures judiciaires à l'égard de la compagnie ne concernent pas le gouvernement s'il a exproprié des biens. Et s'il a exproprié des biens, les prochaines procédures judiciaires ne peuvent porter que sur ces biens-là. Là, je ne vois pas vraiment... Le 29 me paraît plus clair que le 27, à certains égards. C'est l'un ou c'est l'autre. Si on achète la compagnie de gré à gré, toute procédure judiciaire, on se trouve à s'y substituer. Si on achète des biens, des actifs, ce ne peut être que des procédures judiciaires sur ces actifs eux-mêmes.

M. Forget: J'accepte cette explication, M. le Président, on est prêt à adopter ça.

Le Président (M. Marcoux): Paragraphe 29, adopté.

Une Voix: Adopté.

Le conseil d'arbitrage

Le Président (M. Marcoux): Paragraphe 31.

M. Forget: II y avait un problème apparemment de délai, mais je pense que c'était à cause d'une mauvaise lecture. On est prêt à l'adopter.

Le Président (M. Marcoux): Paragraphe 31, adopté. Paragraphe 38.

M. Forget: 38?

Le Président (M. Marcoux): Oui, le paragraphe 38 est suspendu.

Une Voix: Vous deviez penser à faire un amendement. Vous ne l'avez pas apporté, vous avez demandé de suspendre...

M. Parizeau: L'affidavit?

Le Président (M. Marcoux): Non, 38. 37 est adopté.

M. Forget: Ce n'est pas nous qui avions demandé la suspension, je pense.

M. Grégoire: C'est nous qui avions demandé la suspension pour permettre au ministre de prendre un avis.

M. Forget: Au ministre de réfléchir à cette question-là. Oui. On avait dit: Est-ce qu'il est possible de circonscrire la possibilité, par exemple, de General Dynamics, de demander le huis clos pour toute l'affaire, ce qui nous inquiétait, mais sans donner ouverture à des arguties non plus...

M. Bérubé: Je me souviens de mon intervention qui était plutôt opposée à une modification de l'amendement, dans la mesure où, voulant définir les conditions propres à un huis clos, on aurait ouvert la porte à certaines contestations juridiques, alors que, dans le cas présent, le conseil peut, de son chef, ordonner le huis clos.

J'ai sous les yeux un avis juridique manuscrit qui a été préparé par notre conseiller juridique, que je n'ai malheureusement pas eu le temps de lire. Si vous voulez passer à un autre article, je vais le lire et...

M. Forget: On peut peut-être aller tout de suite à l'article 44 et revenir à celui-là, parce que c'est un article qui concerne plus directement le ministre des Finances, étant donné qu'il s'agit de la question des indemnités.

L'indemnité Le Président (M. Marcoux): Alors, l'article 44.

M. Forget: L'article 44, c'est un article sibyllin, dans un certain sens, puisqu'il dit que la grande question de $64 000, c'est le moins qu'on puisse dire dans cette affaire, est tranchée en fonction d'un critère, celui de la juste valeur marchande. L'indemnité est calculée par le conseil selon — le conseil d'arbitrage, sous-entendu — la juste valeur marchande des biens établie en fonction de leur exploitation continue au moment où la société en est devenue propriétaire.

Il est bien clair qu'en droit, comme l'a indiqué le ministre, en citant d'ailleurs des précédents, mais ce n'était pas du tout nécessaire de le faire, il y a un critère qui est toujours utilisé, mais qui est probablement implicitement le critère, de toute façon, que les deux maisons d'expertise ont utilisé elles-mêmes pour arriver à leurs évaluations, comme on le sait, fort divergentes. La juste valeur marchande des biens doit être établie comme le prix qui eut été librement payé à un vendeur qui n'est pas tenu de vendre par un acheteur qui n'est pas tenu d'acheter. C'est une chose qu'on connaît très bien, mais, une fois qu'on a dit ça, on s'est entendu, dans le fond, sur un concept de non-obligation de part et d'autre, mais on n'a pas dit beaucoup sur la façon de calculer ce qu'un vendeur ou un acheteur non contraint est prêt à payer où à recevoir pour se départir des biens.

Même s'il est utile de mentionner ce critère pour éviter qu'au moins celui-là soit ignoré, il est dans la jurisprudence, mais ça ne nuit pas de le mentionner, il reste qu'il y a des dimensions différentes que l'on pourrait inscrire dans un projet de loi. Par exemple, on peut et on devrait, nous semble-t-il, exclure spécifiquement la perte de valeur qui peut résulter de la non-expropriation. Ailleurs dans la loi d'ailleurs, on dit que "la perte qui résulte de l'expropriation ne peut pas être prise en compte." (17 heures)

Autrement dit, General Dynamics ne peut pas dire: Comme vous nous enlevez ça de force, vous

devez nous verser une espèce de prime pour la coercition. Mais il n'y a pas de prime de coercition. D'un autre côté, s'il se trouvait que le gouvernement du Québec n'exproprie que les actifs de Thetford Mines ou même non... si elle exproprie également la mine de Baie Déception dans le nord du Québec, il faut être bien sûr que la société General Dynamics ne peut pas plaider que l'indemnité doit comprendre un montant qui résulte de la perte de valeur de son usine en Allemagne. On ne s'en occupe pas quand on parle de la perte qui résulte de l'expropriation, parce que dans le fond, c'est la perte qui résulte de la non-expropriation. C'est ce que nous cherchons à prévenir par cet amendement. Si on n'exproprie pas tout, il peut y avoir des pertes pour la partie qu'on n'exproprie pas. Dans l'indemnité, on ne devrait pas inclure un montant pour dédommager le propriétaire antérieur de cette soi-disant perte.

Il y a autre chose qu'on peut inclure. Là-dessus, nous avons été particulièrement impressionnés et ce n'est pas un piège que je tends au gouvernement, mais je pense que c'est un problème qui va se présenter si on va à l'arbitrage. C'est un problème qui peut être très sérieux si les faits allégués par General Dynamics sont vrais. On allègue, du côté de General Dynamics, que les méthodes de calcul et le taux d'escompte utilisés dans l'étude de Lazard Frères, sont les méthodes de calcul et le taux d'escompte qui ont été utilisés lors d'un arbitrage volontaire qui a été effectué à l'occasion de l'expropriation des mines de potasse en Saskatchewan.

On sait que la différence d'évaluation entre General Dynamics et le gouvernement, pour 22% du total — le chiffre précis m'échappe — est attribuable au taux d'escompte. S'il fallait que leur affirmation voulant que le taux d'escompte qu'ils ont utilisé, donc qui sous-tend leur valeur de $99.75, en partie au moins, pas en totalité, soit attribuable à un taux d'escompte et qu'il y a déjà un précédent dans un arbitrage volontaire au Canada, dans une prise de contrôle par un gouvernement d'une ressource naturelle, je pense que le gouvernement du Québec, dans le fond, aurait le fardeau de la preuve devant une cour, devant un tribunal d'arbitrage, de démontrer que même si c'est valable pour la potasse, le même taux d'escompte n'est pas valable dans le cas de la détermination de la valeur de l'amiante. Cela nous inquiète passablement. Nous n'avons pas fait d'enquête en Saskatchewan, quoiqu'il aurait été probablement assez facile de le faire, pour savoir si oui ou non cette allégation de General Dynamics est vraie.

Si elle est vraie, elle nous inquiète. Dans le fond, nous avons utilisé la voie de l'amendement pour, ici aussi, susciter une discussion en commission parlementaire et obtenir du gouvernement possiblement des assurances que ce chemin, ils l'ont parcouru en entier et qu'ils peuvent effectivement nous garantir que le taux d'escompte utilisé par General Dynamics n'est pas celui qui a été utilisé dans des arbitrages relativement à des achats de richesses naturelles par des gouverne- ments, en particulier, celui de la Saskatchewan. Je pense que c'est un argument lourd de conséquences.

Pour ce qui est de la méthode de calcul, la méthode des "discounted cash flows" qui est typiquement celle qui produit le résultat de General Dynamics, mais qui est aussi une méthode qui a été retenue par Kidder, Peabody, évidemment, là aussi, il y a un intérêt à prendre position vis-à-vis de cette méthode.

Les deux références, à la fois à la méthode de calcul et au taux d'escompte, sont des illustrations, mais les deux meilleures illustrations, je pense, du genre de chose que l'Opposition officielle a à l'esprit quand elle a dit, durant la deuxième lecture, au gouvernement: Ne cherchons pas par une loi à déterminer le prix de l'acquisition. Ce serait un geste odieux, parce qu'il y a des jugements de valeur et il y a des jugements de fait. Or, il n'appartient pas à l'Assemblée nationale de poser des jugements de fait, de constater si oui ou non certains actifs existent, quelle est la valeur sur un plan d'ingénierie minière, sur un plan technique.

Il y a aussi un certain nombre de jugements de méthodologie d'approche qui sont des jugements presque d'ordre politique, en fonction des précédents, en fonction de ce qui se fait ailleurs, en fonction de ce qui est ou non faisable dans des choses comme celles-là. Et nous n'avons pas donné de précision à ce moment-là, mais les choses que nous avions à l'esprit, c'étaient précisément celles-là. Il serait concevable que dans une loi, on dise: Voici, le conseil d'arbitrage se fera guider par une méthode de calcul parmi d'autres, soit la méthode des flux anticipés escomptés en valeur présente, ou alors une autre méthode, le rapport du prix au rendement, etc., Dieu sait quoi, il y en a quand même une certaine variété. Ce sera fait sur la base d'une méthode que nous jugeons valable et ce raisonnement pourrait être appuyé sur des précédents.

Cela restreindrait tout de suite l'écart. Tout de suite, il y aurait moins de possibilité de divergences entre le gouvernement et General Dynamics. C'est la même chose pour le taux d'escompte. Est-ce que oui ou non les précédents qui ont été établis dans cette matière sont pertinents? Je pense qu'encore une fois, ce sont des illustrations de ce que nous avions à l'esprit en disant: Le gouvernement a intérêt à ne pas laisser le champ libre à des interprétations très divergentes de ce qu'est la juste valeur marchande, parce qu'il est possible de contenir cela à l'intérieur d'un certain corridor, pas en termes de prix, mais en termes de méthode de calcul. Autrement, nous avons peur, très franchement, qu'effectivement, les précédents utilisés, les méthodes de calcul utilisées, auxquelles le gouvernement lui-même a souscrit dans sa propre étude, c'est-à-dire le "discounted cash flow", les taux d'escompte utilisés pour ces choses-là dans des matières analogues dans le passé, n'amènent un tribunal d'arbitrage à adjuger un prix qui ne soit pas le prix de Lazard Frères, entendons-nous bien. Nous avons nous-mêmes un

certain nombre de questions et de doutes dans notre esprit quant à la validité de certaines prétentions dans l'étude de Lazard Frères et je pense que c'est normal: c'est un document de négociation, après tout.

Cela dit — d'ailleurs, ce sont des doutes qu'on n'a pas pu éclaircir, parce qu'on n'a pas eu l'occasion d'interroger les auteurs de l'étude — il reste qu'il demeure un noyau de conclusions et un niveau de prix dans l'étude de Lazard Frères qui semble appuyé très solidement sur des méthodes de calcul et sur des taux d'escompte et, ce qu'on aimerait bien que le gouvernement nous dise, en réponse, dans le fond, à l'amendement que je me propose d'introduire, c'est que nous pouvons les exclure, nous pouvons exclure ces possibilités de façon très explicite, à défaut de quoi nous devrons conclure que ce que nous disons depuis le début, c'est que la porte est ouverte très large à une décision arbitrale qui paraîtrait étonnante pour l'opinion publique au Québec, étant donné la position qu'a adoptée le gouvernement du Québec que c'est vrai, que cela existe, que ce risque-là existe, est très réel, qu'on ne peut rien faire et qu'on ne trouve rien dans la loi pour l'écarter, le restreindre ou le réduire.

Dans cet esprit, M. le Président, dans l'esprit d'obtenir du gouvernement des assurances précises là-dessus, je formule un amendement que j'ai d'ailleurs donné au ministre dès avant la suspension de notre séance de ce matin: Que le paragraphe 44 de l'article 1 soit modifié en ajoutant à la fin les alinéas suivants: "La juste valeur marchande des biens expropriés doit être établie comme étant le prix qui eût été librement payé, au moment de l'expropriation, par un acheteur qui n'est pas tenu d'acheter à un vendeur qui n'est pas tenu de vendre."

Je pense que cela peut faire assez facilement l'unanimité. C'est presque mot pour mot la jurisprudence qu'a citée le ministre, mais on dit tout simplement: Cette jurisprudence est applicable, parce qu'il y a eu aussi dans d'autres provinces un certain flottement à savoir si c'était là la façon de l'établir. Cela fait entrer toute la question de savoir si le fait que c'est une expropriation, que c'est forcé, doit entrer comme facteur de compensation de la compagnie expropriée, etc. Je pense que cela élimine ces possibilités très clairement.

Deuxième alinéa, qu'on ajouterait à la fin de l'article: "Dans la détermination de la juste valeur marchande, aucun compte ne doit être tenu d'une perte, d'un dommage ou d'une diminution de la valeur des biens, entreprises ou exploitations appartenant au même propriétaire antérieur et non expropriés en vertu de la présente loi." C'est pour empêcher la General Dynamics de dire: Vous n'avez pas acheté ou exproprié, peu importe les raisons, notre usine d'Allemagne. Vous nous faites faire une perte sur cette usine, parce qu'elle n'a plus la même valeur pour nous qu'elle avait avant, compensez-nous pour cela, même si vous ne l'avez pas expropriée. On veut exclure cette possibilité.

M. Bérubé: Le député de Saint-Laurent me permettrait-il une question? A l'article 45 du projet de loi, il y a déjà un article qui dit que, dans le calcul de l'indemnité, on ne peut tenir compte d'aucun préjudice pouvant résulter de l'expropriation. Est-ce que cela n'a pas le même sens?

M. Forget: Cela n'a pas le même sens, parce que... Là aussi, c'est un problème d'interprétation, mais on peut interpréter de façon restrictive l'article 45 pour dire qu'on ne peut pas demander une compensation pour un préjudice causé en regard des biens qui sont expropriés, par le fait qu'on est forcé de les vendre et que cela nous cause une perte, parce qu'on ne les vend pas au bon moment, que cela ne fait pas notre affaire, qu'on a droit à une espèce de compensation pour vente forcée sur les biens qui sont expropriés, mais ce n'est pas nécessairement une exclusion d'une perte qui serait due au fait qu'un bien n'est pas exproprié.

Evidemment, là, on entre dans le problème de l'interprétation des textes. N'importe quel argument est bon, dans une certaine mesure, quand il s'agit de millions de dollars. Je pense que, si cela va sans dire, cela va toujours mieux en le disant, quand des possibilités de litige existent comme celles-là.

Le troisième alinéa, c'est que, dans la détermination de la juste valeur marchande, la méthode de calcul de cette valeur, y compris le taux d'escompte utilisé, dans les sentences arbitrales rendues en vertu de "An Act respecting the development of potash resources in Saskatchewan, Statutes of Saskatchewan, 1975/76, chapitre II" a valeur de précédent. Dans le fond, relativement au troisième alinéa, ce qu'on voudrait, c'est que le gouvernement nous dise que ce précédent n'existe pas. On ne veut pas nécessairement que cet alinéa soit ce qui se produit. Dans le fond, si on n'adopte pas un alinéa comme celui-là, on va avoir le même effet s'il y a effectivement eu un précédent. Je suis persuadé que, devant un conseil d'arbitrage, on va introduire en preuve des arbitrages analogues dans des matières analogues. Si la prétention de General Dynamics est vraie, à savoir que c'est un taux d'escompte de 11%, selon le "discounted cash flow", déjà General Dynamics a gagné 25% de sa cause. Cela nous inquiète un peu. La solution, même si on n'adopte pas un tel article, n'est pas là, parce que l'argument conserve sa valeur pour l'autre partie. Si ce n'est pas cela qu'on veut, je pense qu'il faudrait voir ce que le gouvernement veut. Il y a deux réponses à cela: Est-ce qu'un tel précédent existe? S'il existe, comment concilier l'existence de ce précédent avec la position actuelle du gouvernement du Québec, relativement à la valeur de la société Asbestos?

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, j'ai trois observations à présenter sur chacun des paragraphes concernés ici. Dans le premier cas, c'est-à-dire la définition, une espèce de définition abstraite de la juste valeur marchande...

Le Président (M. Marcoux): Oui, l'amendement.

M. Parizeau: Cela va. Merci, M. le Président.

M. Laplante: Excusez-moi si je vous ai réveillé.

M. Bérubé: ... prendre le président...

M. Parizeau: Nous n'avons pas mis l'équivalent d'une définition de caractère abstrait, comme cela dans la loi, pour une raison très simple: C'est, comme le disait le député de Saint-Laurent, que la jurisprudence, quant à la définition de la juste valeur marchande, est très claire. Cela s'échelonne dans toute une série de causes, commençant par un jugement du Conseil privé en 1914 jusqu'à maintenant. S'il y a un domaine où la jurisprudence est assez claire, c'est bien celui-là. Dans ce sens, cela nous paraissait, comment dire, inutile. Je reste persuadé que le deuxième paragraphe est redondant. Il est couvert par l'article 45. Quand on dit: On ne peut tenir compte d'aucun préjudice pouvant résulter de l'expropriation, "aucun" a un sens très fort, qu'il s'agisse à la fois des biens expropriés ou d'autres biens qui ne le sont pas; quand on dit "aucun préjudice", c'est clair, "aucun". Dans ce sens, cela me paraît assez largement redondant avec l'article 45. L'article central, c'est le troisième. Je pense que ce que le député de Saint-Laurent nous demande de faire est basé sur une ambiguïté qui existe dans son cheminement dans ce dossier, quant à la signification du taux d'escompte. (17 h 15)

Le taux d'escompte reflète, dans une bonne mesure, l'incertitude des résultats escomptés. Si on est tout à fait certain de l'augmentation des prix et de l'augmentation des coûts, on a un taux d'escompte relativement faible, un taux d'escompte qui est très voisin de ce qu'on paierait comme taux d'intérêt sur des obligations d'un gouvernement. Quand on croit, au contraire, que les projections qu'on fait surtout sur une longue période d'années sont aléatoires, plus on pense que c'est aléatoire, plus le taux d'escompte va être élevé.

Or, le problème majeur qu'il y a entre le gouvernement et General Dynamics depuis le début, on le sait, c'est la projection du prix de l'amiante par rapport à ses coûts pour les 20 ou 25 prochaines années.

Personnellement, j'accepterais très volontiers la démonstration de General Dynamics quant à sas prix prévus pour l'avenir, mais j'y associerais un taux d'escompte tellement élevé, parce que c'est tellement aléatoire, qu'à toutes fins utiles, j'annulerais complètement, dans la valeur actuelle de ses actions aujourd'hui, l'impact de cette augmentation de prix. Il suffirait simplement que je monte — je n'ai jamais fait le calcul — à 20% de taux d'escompte, et, à ce moment-là, qu'est-ce que je dirais? Peut-être ont-ils raison de prévoir des augmentations de prix aussi sensationnelles pour l'avenir. Mais c'est tellement aléatoire, que je vais lier à ces augmentations de prix un taux d'escompte très élevé et, alors, on arrivera au même résultat que celui que le gouvernement du Québec a suggéré.

En somme, dans ce sens-là, la potasse et l'amiante, l'amiante et le cuivre, le cuivre et le pétrole, ça n'a pas du tout le même degré d'aléatoire. Si on avait aujourd'hui à dire: Quel va être le prix du cuivre pour les 20 prochaines années? Cela a un caractère aléatoire très considérable, parce que le prix du cuivre évolue de façon prodigieuse. Il monte, il baisse, il s'effondre, il repart. S'il s'agissait de faire des projections sur le prix du pétrole, on aurait un taux d'escompte déjà un peu plus bas. S'il s'agissait de déterminer le rendement escompté d'une maison d'habitation bien placée, on aurait un taux d'escompte très bas. Parce qu'à moins d'une catastrophe où il n'y a pas moyen de louer les locaux... On sait quel a été le prix de la construction de l'immeuble, etc. C'est-à-dire, en somme, que le taux d'escompte, en lui-même, n'a pas de signification propre tant qu'on n'a pas posé un jugement de valeur sur le caractère plus ou moins aléatoire des projections.

C'est dans ce sens-là où toute allusion dans le projet de loi quant au taux d'escompte devient une directive au Tribunal d'expropriation qui peut littéralement être odieuse. Parce que là, le gouvernement se trouve à être juge et partie. Il se trouve à dire: Je vais donner au tribunal des instructions quant au taux d'escompte, parce que non pas comme gouvernement, mais comme acheteur, je me suis déjà fait une idée de la façon dont il faut considérer certains facteurs comme aléatoires.

Prendre des mesures comme celles-là dans un texte de loi a toujours été considéré, je veux dire dans un certain degré de correction ou de civilisation comme étant quelque chose qu'il ne faut pas faire, parce qu'alors là, le gouvernement est clairement en conflit d'intérêts.

Il est évident que si tout ce qu'on cherche à faire, c'est d'abattre toute démonstration de General Dynamics, on peut le faire dans un projet de loi, mais cela a un petit air de république de bananes du pire aloi. On peut bien donner des directives sur le taux d'escompte et, encore une fois, en fonction de la démonstration que j'ai essayé de faire tout à l'heure. Toute directive donnée quant au taux d'escompte implique un jugement de valeur de l'acheteur quant au caractère aléatoire des projections.

Je n'ai aucune espèce d'objection d'écrire un paragraphe... Enfin, je n'ai pas d'objection... Je n'aurais pas d'objections théoriques, mais j'en aurais de très pratiques à dire: On va utiliser un taux d'escompte, ou des directives qui vont produire un taux d'escompte très élevé. Mais, à toutes fins utiles, je viens d'annuler, dans la loi, toute

possibilité pour General Dynamics d'aller faire la preuve, ou d'essayer de faire la preuve ou la démonstration que le gouvernement juge certaines perspectives très aléatoires, alors que General Dynamics les trouve pas mal moins aléatoires. C'est là-dessus, c'est sur ces démonstrations des deux parties devant les juges qu'un taux d'escompte va apparaître.

Le taux d'escompte, c'est un résultat, ce n'est pas un point de départ. Alors, quand je disais: Je n'ai pas d'objection théorique; encore une fois, pratiquement, j'en ai beaucoup. J'ai des objections très sérieuses à ce que le gouvernement du Québec soit un gouvernement de république de bananes.

M. Forget: M. le Président, la réponse du ministre des Finances...

M. Parizeau: Excusez-moi, 30 secondes pour compléter.

Je ferai remarquer que, d'autre part, en Saskatchewan, il y a eu tout ce qu'on veut comme types de règlements et comme types de négociations et que, en fait, des négociations ont été à ce point différentes, sur le taux d'escompte entre autres, que le gouvernement de la Saskatchewan n'a jamais rendu publique l'analyse des résultats de la méthologie suivie dans le cas de chacune des compagnies. Il y a eu une espèce de méthologie d'ensemble, dont le gouvernement de la Saskatchewan a fait état à un moment donné, mais les dossiers de règlement avec chacune des compagnies, une par une, n'ont jamais été rendus publics et pour une raison très simple, c'est que ça a été de la négociation très dure, à partir d'arguments très différents d'une compagnie à l'autre.

Alors, se servir de ça comme précédent me paraît — si je peux me permettre un mauvais jeu de mots, par rapport à ce que je viens déjà de dire — très aléatoire.

M. Forget: On est justement dans l'aléatoire, M. le Président, parce que, s'il n'y avait pas d'aléatoire, il n'y aurait pas de débat. La question est de savoir quel genre de billet de loterie on est en train de nous vendre. Evidemment, le ministre nous dit: C'est un billet de loterie, on ne peut jamais connaître l'avenir et on verra bien. Il reste, cependant, qu'il ne peut pas exclure que le coût de ce billet de loterie — là, on ne parle pas de gains possibles, mais de coûts possibles, alors c'est dans le négatif qu'on fonctionne, plutôt que dans le positif — peut être singulièrement plus élevé, étant donné cet élément aléatoire considérable, que ce que prétend le gouvernement. C'est le sens de tout le débat sur ce projet de loi. Le gouvernement dit: Notre prix est de $42. Nous disons au gouvernement: Vous mettez en marche un mécanisme qui, étant donné les éléments aléatoires nombreux qui s'y trouvent, peut vous donner un résultat fort différent de celui sur la base duquel vous faites accepter, à la population du Québec, une telle orientation.

Je ne suis pas rassuré par les exemples que le ministre des Finances vient de donner parce qu'il vient de donner des exemples pour justifier un taux d'escompte, celui de 15% que propose le gouvernement, en disant: II y a des choses qui sont stables, qui sont prévisibles, il y en a d'autres qui ne le sont pas, qui sont plus volatiles. Quand il s'agit d'un prix très volatile, qui peut aller vers le haut et vers le bas, comme il l'a fait de façon très sensible dans le passé, je suis bien prêt à accepter n'importe quelle projection, mais avec une prime de risque très élevée.

Or, ce raisonnement ne s'applique pas très bien au cas de l'amiante qui est une matière qui a été l'objet d'une très grande stabilité des prix pendant de longues années et qui a subi des variations à la hausse, sans fluctuation, depuis à peu près quatre ou cinq ans; des hausses très sensibles, que le ministre des Richesses naturelles a d'ailleurs résumées dans son discours de deuxième lecture, c'est un facteur de multiplication de 3 ou 3,5 sur une période de cinq ans si on veut, de 300% à 350% du prix dans les montants cumulatifs.

Il y a donc là un facteur important, ce n'est pas comme dans le cuivre, ce n'est pas comme le prix du sucre, il s'agit là d'un matériau qui n'a pas subi de fléchissement de son prix au cours des derniers 20 ans. Il y a eu une stabilité et, avec la hausse générale de toutes les matières premières, il a également vu une hausse assez sensible de son prix depuis quatre ou cinq ans.

Quand on parle d'un taux de 11% ou 15%, qui sont, dans le fond, les taux de la part des deux parties en présence, ça a l'air de taux raisonnables. Le ministre disait tout à l'heure: On emprunte à 10%; mais on ne parle pas des mêmes choses, ce sont deux phénomènes entièrement différents: Le taux d'escompte dont on parle, c'est un taux d'escompte réel, c'est-à-dire qu'on met de côté l'incertitude majeure que constitue l'inflation; on dit: Même si les prix restaient, de façon générale, absolument stables, il nous faut 11% de plus, l'an prochain, pour compenser le fait qu'on reçoit une somme l'an prochain plutôt que cette année. C'est énorme, parce que, quand on emprunte à 10%, taux nominal, et que l'inflation est à un taux de 10% il faut bien se rendre compte que le taux d'escompte pour les obligations du gouvernement, c'est pratiquement zéro au taux actuel; le taux réel d'escompte est pratiquement de zéro, on peut emprunter, en termes réels, pour rien dans le moment, à toutes fins utiles.

M. Parizeau: On a eu l'occasion de rappeler ça en Chambre.

M. Forget: ... d'ailleurs, on l'utilise abondamment. Je pense bien que je n'apprends rien au ministre des Finances. Quand on emprunte des milliards dans une année, c'est effectivement parce qu'on a affaire à une aubaine qui ne se refuse pas. Il reste que ce n'est pas ce dont on parle, on parle d'un taux réel, un taux déduction faite de l'inflation. Or, 11% ou 15%, c'est très élevé

quand on pense qu'à long terme, le taux d'escompte réel se situe aux environs de 3%. C'est donc un ordre de grandeur de trois fois ce qu'on exige pour un investissement qui serait considéré comme absolument stable et, dans le fond, c'est 0% actuellement pratiquement dans les... Je veux bien admettre que ce n'est pas un taux à long ternie, il reste que ce n'est pas une expectative à long terme. Il reste qu'on est déjà dans des choses assez astronomiques.

Le ministre a dit: "II y a eu bien des décisions qui ont été rendues dans le cas de l'achat des ressources de potasse en Saskatchewan." Sans doute, il y en a eu qui se sont faites plus facilement que d'autres. Certaines se sont faites de gré à gré et on s'est entendu sur un prix sans se donner la peine de savoir pourquoi on s'entendait de part et d'autre sur le même prix. Peut-être qu'on y arrivait par des chemins différents. De toute façon, pourvu qu'on s'entende sur le prix, c'était tout ce qui comptait. Mais, dans un cas particulier où on ne s'est pas entendu de gré à gré, sauf dans le sens de vouloir aller en arbitrage, l'arbitrage a donné lieu à des décisions qui, j'ai bien peur, constitueront, devant un tribunal québécois, dans le domaine des richesses naturelles, des précédents.

Or, si c'est vrai, on a déjà, du côté de l'autre partie, celle qui négocie avec le ministre des Finances actuellement, un bout de chemin de fait pour avoir raison. On a déjà gagné une partie de sa cause.

Du côté des prix, M. le Président, j'ai dit tout à l'heure que ce n'est pas un tableau d'extrême instabilité, au contraire, de grande stabilité, en termes réels, je pense que ça peut facilement se démontrer. Evidemment, en termes nominaux, une augmentation sensible depuis quatre ou cinq ans, c'est assez normal, mais une augmentation, je le souligne, qui est plus sensible, plus considérable que l'augmentation des prix. Alors, de ce côté-là aussi, on a un élément de vulnérabilité. Mais, quelle que soit la question des prix, ce n'est pas pertinent à notre débat, il reste que, sur le plan des méthodes de calcul, à la fois le gouvernement et le propriétaire s'entendent pour utiliser la méthode du "discounted cash flow" des flux financiers escomptés en valeur présente. Sur cette base-là, bien sûr, on doit se rendre compte que c'est la base la plus propice au vendeur. C'est la plus propice au vendeur, à l'exception, peut-être, de la valeur de remplacement, étant donné l'inflation terrible dans le monde de la construction depuis un certain nombre d'années. Donc, on met de côté, assez délibérément... comme c'est une méthode de calcul commune aux deux, à l'arbitrage, c'est certainement celle qui sera retenue aussi, on se place délibérément sur un terrain qui est propice au vendeur plutôt qu'à l'acheteur.

Or, des deux façons, je pense que l'article 44 tel qu'il est formulé, avec sa référence "à la juste valeur marchande", cette juste valeur marchande s'interprète de bien des façons. Comme le texte de loi est silencieux sur les modalités à adopter, il y a des choses qui vont jouer. Il y a d'abord les ententes tacites entre les deux parties, l'utilisation du "discounted cash flow" qui n'est pas du tout défavorable au vendeur, et un certain nombre de précédents. Pour aucun de ces deux éléments peut-on dire que le silence de la loi va être interprété en faveur du Québec, en faveur du gouvernement du Québec. Au contraire, c'est précisément de ce côté-là qu'on peut s'attendre à des surprises désagréables, et je regrette, pour ma part, qu'on n'aille pas plus loin.

Le ministre dit à plusieurs reprises: "C'est la république de bananes que de vouloir aller plus loin." Je lui ferais remarquer que l'article correspondant de la loi de Saskatchewan ne contient pas moins de huit paragraphes. Je ne pense pas que personne ait jamais comparé la Saskatchewan à une république de bananes, mais on a fait, dans cette loi-là, un effort pour aller plus loin dans la détermination de critères d'évaluation. Non pas parce qu'on a voulu piper les dés de façon délibérée en faveur du gouvernement, mais on s'est dit: Quand on se lance dans un arbitragre, finalement, on met son sort, pour ainsi dire, entre les mains d'un seul homme; on se fie à son jugement, parce que c'est le président qui va finalement avoir à trancher. (17 h 30)

Est-ce qu'il est prudent, étant donné qu'il y a un si grand nombre de jugements posés, de se fier si exclusivement au jugement d'un seul homme ou est-ce que la loi, qui peut-être débattue démocratiquement, etc., qui doit pouvoir être justifiée par un gouvernement qui se respecte et qui tient à maintenir sa réputation à l'étranger, peut malgré tout, circonscrire les dégâts possibles?

Le jugement humain est faillible, M. le Président, il est toujours possible qu'une erreur arrive, qu'un président d'un conseil d'arbitrage saisisse mal le sens d'un certain nombre de précédents, de certains sens d'expertises; cela est beaucoup plus prudent, à mon avis, quand on sait que la juste valeur marchande, c'est $40 l'action, mais c'est aussi $99.75.

Il y a des experts qui sont prêts à en jurer de part et d'autre. Il est clair qu'un juge et le droit seul ne peuvent pas trancher.

M. Bérubé: ...

M. Forget: Le problème n'est pas là pour eux, il s'agit de réclamer, il ne s'agit pas de payer. Mais il y a des experts de réputation. Je ferais remarquer au ministre des Finances, je pense qu'on peut attirer l'attention là-dessus, que les experts qui, sur le plan de la géologie et sur l'expertise proprement technique, ont fait l'évaluation pour General Dynamics sont ceux qui ont fait l'évaluation pour le gouvernement de la Saskatchewan. D'ailleurs, General Dynamics ne se fait pas faute de le souligner. Ils connaissent donc assez intimement les méthodes utilisées pour ces évaluations et ils seront en mesure d'apporter un très grand nombre de lumières sur la manière dont un autre gouvernement, qui n'était certainement pas un gouvernement acoquiné avec la grande entreprise — le gouvernement néo-démocrate de la Saskatchewan n'a pas cette réputation — sur la façon dont

un gouvernement néo-démocrate au Canada a procédé dans son évaluation et dans la détermination finale du prix.

Alors, ce n'est pas une joute d'enfants d'école, ça va être dur et l'arbitrage va être serré. Il y a des précédents dans l'air. Je ne peux pas faire autrement que de m'inquiéter d'une référence aussi généreuse à l'endroit, premièrement, du président du tribunal d'arbitrage, du conseil d'arbitrage, et généreuse, possiblement par ses conséquences, à l'endroit de General Dynamics, soit le dernier mot du gouvernement dans l'adoption de ce projet de loi. Il me semble qu'on donne, comme on dit selon l'expression anglaise, des otages à la fortune, des otages au sort. C'est aléatoire, c'est plein de risques, on est même prêt à considérer une espèce de prime de risques dans le taux d'escompte très grand. Mais le risque, il faut bien s'en rendre compte, joue des deux côtés. Il ne joue pas seulement à notre avantage, il joue également à notre désavantage et c'est le président du tribunal d'arbitrage qui va trancher. Pour trancher, c'est bien connu dans les bouquins qui ont été écrits sur la façon d'approcher des arbitrages, il y a deux façons qui sont classiques. Il y a d'abord de dire: Quand on n'a aucun point de repère, on tranche la poire en deux et, comme ça, on ne peut pas être accusé de parti pris. S'il n'y a vraiment pas de possibilité de s'accrocher à quelque chose d'objectif, on dit qu'on va aller à peu près à moitié chemin, en éliminant des choses qui sont évidemment incorrectes, erronées, etc. Mais c'est ordinairement une très petite marge. On tranche la poire en deux.

Ou alors, si on peut s'accrocher à des éléments objectifs tels que des précédents, tels que des façons de faire qui semblent s'établir dans un domaine donné, on se dit: Ecoutez, on ne peut pas être blâmé d'avoir fait ce que d'autres ont fait, étant donné que leurs décisions, dans ces cas-là, en appliquant ces critères, ont été acceptées. Encore une fois, il semble qu'il y ait des précédents que le ministre des Finances n'a pas niés d'ailleurs; il a dit: La situation est complexe, il y a plusieurs choses qui se sont produites. Mais il y a eu en particulier un arbitrage et le ministre des Finances le sait très bien. Cet arbitrage a été décidé selon les critères qui servent à General Dynamics à établir son évaluation avec les mêmes experts que ceux que le gouvernement de la Saskatchewan a utilisés pour ce faire.

J'ai l'impression que, devant un tribunal d'arbitrage, le gouvernement du Québec va avoir un fardeau de preuve qui est lourd à surmonter et pour lequel il ne trouvera pas d'appui dans sa loi, parce que sa loi, encore une fois, ouvre les portes extrêmement largement.

M. le Président, c'est essentiellement ça pour l'instant. Je pense qu'on peut, là-dessus, étant donné que le gouvernement ne semble pas prêt à aller plus loin que cette allusion très vague de la juste valeur marchande, conclure l'argument là-dessus, à moins qu'il n'y ait des éléments nouveaux que le ministre des Finances veuille nous communiquer.

M. Bérubé: M. le Président, il y a deux points que je soulèverai. D'une part, lorsque le député de Saint-Laurent laisse entendre que la loi créant la corporation pour le développement de la potasse de la Saskatchewan a prévu, au niveau de la procédure d'expropriation, des détails beaucoup plus explicites que la présente loi, je pense que, malheureusement, ce n'est pas exact.

En effet, il ne fait aucun doute qu'à l'examen de la loi, lorsqu'il dit que cette loi a huit articles, il a parfaitement raison. Cependant, s'il compare la loi que nous discutons, il voit que certains de ces articles correspondent tantôt à l'article 44 de notre loi, tantôt à l'article 45, 46...

M. Forget: II y en a quelques-uns qui s'y retrouvent, mais pas tous.

M. Bérubé: En d'autres termes, les éléments importants nous apparaissent se retrouver dans le présent projet de loi, et par conséquent, je pense que ce n'est pas tout à fait exact de dire que, parce que le présent projet de loi a préféré identifier en articles différents chaque élément du processus d'expropriation, alors que la loi de la Saskatchewan a regroupé dans un seul article, avec des alinéas, je pense que c'est seulement une différence de forme.

Ce que j'aimerais porter à l'attention du député de Saint-Laurent, c'est la raison pour laquelle je suis assez peu chaud à l'idée — bien que les conseillers juridiques me disent que le troisième alinéa n'a pas comme tel, de valeur, d'obligation, il s'agit de dire que la méthode utilisée en Saskatchewan a simplement valeur de précédent, on n'est pas obligé d'en tenir compte — d'introduire cela dans un alinéa pour lui donner une valeur. Le juge va peut-être s'interroger: Pourquoi l'Assemblée nationale a-t-elle voulu indiquer que cette loi d'expropriation et la procédure qui a prévalu lors des règlements de gré à gré entre la Saskatchewan et diverses compagnies minières, a fait appel à certains taux d'escompte, a fait appel à certaines méthodes de calcul, par conséquent on doive sans doute y faire attention, puisque le gouvernement insiste pour le porter à notre attention...

Je pense qu'il s'agit de deux cas totalement différents. Dans le cas de la potasse, il n'y a qu'un seul exportateur dans le monde, c'est le Maroc, dont la stabilité politique est à tout le moins aléatoire. Tout récemment un article portait justement sur l'évaluation du risque politique dans les investissements à l'étranger. Et parmi les facteurs de risque politique, le facteur de stabilité politique en est un très important. Les facteurs géopolitiques sont des facteurs capitaux. Et le Maroc n'est certainement pas considéré dans les régions du globe entièrement à l'abri des fluctuations politiques qui pourraient affecter la libre circulation des produits.

Donc, d'une part, vous avez un seul exportateur, situé en Afrique, et dont la stabilité politique est à tout le moins aléatoire.

D'autre part, on sait que tout industriel veut bien avoir une certaine diversification de ses approvisionnements. On n'aime pas dépendre d'une seule entreprise, surtout lorsque cette société est gouvernementale, comme c'est le cas des phosphates siliceux.

Donc, il va de soi que tout industriel va chercher à diversifier ses sources d'approvisionnement, on le voit d'ailleurs dans le cas du niobium. Nous pouvons mettre en marché du niobium québécois pour une raison très simple. Bien que notre niobium soit plus coûteux que le niobium du Brésil, il demeure que les industriels américains, nord-américains, n'aiment pas dépendre d'une seule source d'approvisionnement qui peut être tarie par suite de troubles politiques.

Ce désir des entreprises à diversifier leurs sources d'approvisionnement est de nature à faciliter, favoriser, la mise en marché du phosphate de la Saskatchewan.

Troisièmement, on ne découvre pas de nouvelles mines importantes de potasse. Les utilisateurs demeurent dépendants des sources traditionnelles, soit du Maroc et du Canada, et par conséquent, on n'envisage pas de substitution à la potasse actuelle.

Quatrièmement, je pense que tous les économistes s'entendent pour indiquer qu'un des graves problèmes que le monde doit affronter présentement, c'est le problème de la malnutrition, c'est le problème de l'approvisionnement en produits alimentaires dans le monde.

Sachant que l'expansion de l'agriculture est prévue par absolument tous les économistes dans le monde, sachant qu'on devra faire appel à des techniques de plus en plus modernes en agriculture, donc à l'utilisation d'engrais chimiques de toutes sortes pour accroître la productivité de nos sols. Il faut donc s'attendre que la potasse soit un produit appelé à un brillant avenir.

Dans ces conditions, il m'apparaît normal que l'on accepte de postuler que le risque est faible et qu'on accepte donc 11% de taux d'actualisation, mais lorsqu'on aborde le problème de l'amiante, on n'aborde plus du tout le même problème, puisqu'il faut quand même reconnaître qu'il y a cinq producteurs québécois; il faut tout de même reconnaître qu'il y a un producteur à Terre-Neuve, qu'il y a un producteur en Colombie-Britannique, qu'il y a des producteurs en Afrique, qu'il y a un nouveau producteur russe, enfin qu'il y a quand même des sources d'approvisionnement diversifiées. Par conséquent, la société Asbestos sera loin de contrôler l'ensemble des approvisionnements de l'industrie du monde libre. Déjà, première différence: les sources sont diversifiées et, par conséquent, l'industriel n'est pas lié à une source en particulier.

Deuxième problème: il est lié à la substitution. Il ne fait aucun doute que la substitution représente peut-être la principale menace à l'amiante, dans la mesure où on reconnaît aujourd'hui qu'il existe des substituts qui ne sont pas toujours tout à fait aussi économiques, qui ne sont pas toujours des propriétés tout aussi intéressantes, mais qui, néanmoins, talonnent l'amiante d'assez près. Par conséquent, nous sommes limités quant à la l'expansion du prix de l'amiante. Il ne faut pas s'attendre à une croissance trop rapide dans les années à venir, parce qu'on ne fera qu'encourager la substitution à un rythme encore beaucoup plus prononcé.

Troisièmement — je pense que les députés de l'Opposition n'ont pas manqué de le souligner — les problèmes de santé, de salubrité associés à l'utilisation de la fibre, des fibres minérales — et l'amiante en est une — sont des problèmes réels qui font planer au-dessus de l'amiante certainement — et je crois que je ne l'ai jamais caché dans mon discours de réplique plus particulièrement — une menace. Même si on a des raisons d'être optimiste, il y a quand même des menaces. Un pays comme la Suède a banni l'amiante. En d'autres termes, on ne peut pas parler d'un avenir qui est absolument sans nuages noirs à l'horizon.

Dans ces conditions, ayant fait cette comparaison, va-t-on utiliser un taux d'actualisation supérieur, dans le cas de l'amiante, ou inférieur à celui de la potasse? Il m'apparaît absolument évident qu'on va utiliser un taux d'actualisation supérieur, dans le cas de l'amiante, à celui de la potasse. Par conséquent, si je devais utiliser le précédent de la Saskatchewan pour définir mon taux d'actualisation, je m'en servirais comme précédent pour dire que cela doit être un taux plus élevé que celui de la Saskatchewan, alors que l'article tel que rédigé pourrait prêter à n'importe quelle interprétation, y compris une interprétation dans le sens où on postulerait que le taux d'actualisation doit finalement, de l'avis de l'Assemblée nationale, se situer autour de celui accepté dans le cas de la potasse.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Je vous avouerai qu'il y a dans toute cette discussion-là quelque chose qui me gêne profondément, M. le Président. Je regarde le projet de loi, enfin la loi plutôt — ce n'est pas un projet de loi — de la Saskatchewan. Effectivement, elle a huit alinéas, mais qui sont essentiellement couverts par nos articles 44, 45, 46, premier et deuxième alinéa du projet de loi que nous avons devant nous. Il n'y a aucune indication, dans la loi de la Saskatchewan, au sujet du taux d'actualisation ou du taux d'escompte, absolument rien. Il n'y a pas un mot sur le taux d'escompte, rien du tout.

Les préoccupations de l'article 45 de la loi de la Saskatchewan sont les préoccupations de nos articles 44, 45 et 46. Cela se recoupe. Ils sont un petit peu plus verbeux que nous, mais cela arrive souvent dans la rédaction des lois en anglais, qu'on est passablement verbeux et qu'on essaie de couvrir tous les angles. Il arrive qu'un seul mot en français suffise et rende exactement la même chose, ce n'est pas la première fois que ce serait constaté. Mais il n'y a absolument rien quant à

savoir de quel genre de taux d'escompte on doit se servir. D'autre part, l'amendement qui nous est présenté, dans son troisième paragraphe, dit: Dans la détermination de la juste valeur marchande, la méthode de calcul de cette valeur, y compris le taux d'escompte utilisé, dans les sentences arbitrales rendues en vertu de "An Act respecting the development of potash resources in Saskatchewan", a valeur de précédent. Je ne vois pas où ont été les sentences arbitrales. (17 h 45)

On voudrait mettre d'abord dans notre loi quelque chose qui n'existe pas dans la loi de la Saskatchewan, et nous lier à des sentences arbitrales en Saskatchewan qui n'ont pas eu lieu. On cherche à faire vérifier si. effectivement, il y a eu, à un moment donné, une tentative d'arbitrage volontaire de la part des deux parties, mais, une chose est claire, c'est que tout s'est réglé à l'amiable finalement. On ne peut pas s'appuyer...

M. Forget: ... avec des arbitrages volontaires.

M. Parizeau: Je comprends, mais on ne peut pas s'appuyer sur une sentence. Une sentence arbitrale, cela a un sens bien précis. On ne peut pas s'appuyer sur une sentence arbitrale qui n'a pas eu lieu.

M. Forget: Ne jouons pas sur les mots. Elle a pu avoir lieu de façon volontaire, mais elle est là quand même.

M. Parizeau: II faut bien s'entendre. Je voudrais dire qu'on se lierait dans notre loi à un processus d'arbitrage volontaire qui aurait eu lieu en Saskatchewan alors que la loi de la Saskatchewan ne prévoyait rien à ce sujet?

Une Voix: Ce ne serait pas sérieux.

M. Forget: Non, mais la nôtre en prévoit.

M. Parizeau: En somme, je reviens à ce que je disais tout à l'heure. La loi de la Saskatchewan ne donnait pas fondamentalement d'autres indications à ces tribunaux d'arbitrage que ce que notre loi donne. Nous nous situons, à cet égard, exactement sur le même plan que la Saskatchewan. On ne leur en donne pas plus et on ne leur en donne pas moins. C'est libellé différemment, mais fondamentalement, c'est la même chose: 44, 45, 46, chez nous, reviennent à 45 en Saskatchewan.

Dans ce sens, je reviens à ce que je disais tout à l'heure. A mon sens, le premier paragraphe de l'amendement ne fait que répéter ce que la jurisprudence a établi clairement; le deuxième paragraphe est redondant avec notre article 45; pour le troisième, je vous avouerai que je serai absolument opposé à ce qu'un tribunal volontaire, fait d'arbitrages volontaires en Saskatchewan, dans un tout autre contexte, ait pu avoir des recommandations que nous placerions dans notre loi, alors que la Saskatchewan elle-même ne les trouvait pas nécessaires.

M. Forget: M. le Président, le temps ne nous permet pas de donner par chapitre et verset les points sur lesquels je pense qu'on fait une lecture trop rapide de l'article 45 de la loi de la Saskatchewan, mais, effectivement, il y a certaines précisions qui n'apparaissent pas dans la loi québécoise. Encore une fois, le temps manque. En particulier, ce qui est mentionné au deuxième alinéa figure spécifiquement à la fois dans ce qui est dans l'article 45, et ce qui est dans le deuxième alinéa de notre amendement figure spécifiquement dans deux alinéas distincts, comme il s'agit de deux problèmes distincts de la loi de Saskatchewan, c'est-à-dire le paragraphe 6 et le paragraphe 8. On nous dit, dans le texte de 45 qui reproduit, dans le fond, seulement le paragraphe 6, qu'on a tenu compte également du paragraphe 8. Cela pourrait être débattu longuement, mais, évidemment, il n'en est pas question, puisque nous n'avons pas le temps.

Il reste de tout ceci, M. le Président, que quelles que soient les réactions de surprise du ministre des Finances relativement à ce qui est contenu dans nos amendements, il y a fort eu de matière pour accrocher la détermination de ce qu'est, en pratique, la juste valeur marchande. On sait qu'il y a deux évaluations qui se prétendent être la traduction en chiffres de la juste valeur marchande. Il y a entre elles quelque chose comme $160 millions d'écart. Même en précisant ce que veut dire la jurisprudence par juste valeur marchande, on n'a pas fait un très grand progrès. Le ministre nous dit: Je ne veux pas inscrire dans la loi des références à des précédents qui ont pu exister ou ne pas exister. Ce que j'ai dit au ministre, c'est que je n'avais pas l'intention de lui tendre un piège. Le but de cet amendement est justement de susciter cette discussion sur un cas précis. Mais, ce qu'il faut en retirer comme leçon, M. le Président, c'est que le ministre ne peut pas nous donner l'assurance que ce précédent, dans la mesure où il existe et dans la mesure où on pourrait en faire la preuve, n'aura pas une influence déterminante sur le jugement du conseil d'arbitrage. Ce que nous disons, c'est qu'en ouvrant la porte aussi largement, déjà, on n'est plus à un niveau de $40 ou $42 l'action ou son équivalent en ternies de dollars pour l'ensemble des actifs physiques, on s'approche déjà sensiblement d'une autre valeur supérieure. On le regrette, parce qu'on aurait voulu avoir du ministre des Finances des assurances qui nous auraient permis d'exclure cette possibilité. Mais, que voulez-vous? Les précédents sont là ou ils ne sont pas là. Je ne m'engagerai pas ici dans un débat — ce n'est pas le lieu — pour faire la preuve que les précédents existent. Ce sera fait dans un autre contexte. Mais, justement, on ne peut pas, parce qu'on a prétendu qu'ils n'existaient pas ici, les faire disparaître. Dans la mesure où ils existent, on en fera bien la preuve un jour ou l'autre et c'est là que l'intérêt du Québec est en jeu, parce que, s'ils vont dans le sens dans lequel je crois qu'ils vont, encore une fois, sous le bénéfice d'inventaire, il reste que, déjà, on va payer chèrement l'existence d'un tel

précédent et la preuve que General Dynamics va, sans aucun doute, tenter de faire.

Le fait que l'article, encore une fois, est vague, nous empêche de fermer la porte à ces interprétations, nous permet de conclure que les risques inhérents à cette aventure sont très réels et, plus on approche justement de cette question, plus on voit d'où ils peuvent venir. Toute la question des prix aussi, on pourrait longuement s'y étendre et on se rendrait compte que les risques existent dans ce secteur aussi, des risques très distincts dont dépend d'ailleurs largement la différence d'évaluation.

Il est bien clair que, plus on prend un taux d'escompte élevé, plus cette différence est diminuée, mais, dans la mesure où le conseil d'arbitrage prendrait un taux d'escompte bas, évidemment, la conséquence de ce qu'il trouverait, par ailleurs, relativement à l'évolution future des prix, serait d'autant plus importante. Ces deux facteurs ne jouent pas indépendamment. Ils se renforcent l'un l'autre. Le gouvernement a choisi de prendre l'option qui lui était la plus favorable. On ne jouerait pas notre rôle, M. le Président, si on ne signalait pas que, de l'autre côté, on se prépare à faire une lutte fort impressionnante là-dessus. Peut-être que ce sera un échec pour la General Dynamics et un succès pour le Québec. A ce moment-là, bravo! Mais le risque est véritable, il est très sensible et, malheureusement, il semble que l'Assemblée nationale ne sera pas en mesure de faire quoi que ce soit pour le rétrécir.

Alors, je serais prêt à adopter l'article 44, M. le Président; comprenant que le ministre rejette notre amendement...

Le Président (M. Marcoux): D'abord, on va demander le vote...

M. Forget: ... peut-être qu'on pourrait dire simplement: Rejeté sur division.

Le Président (M. Marcoux): Bon! L'amendement composé de trois alinéas est rejeté sur division.

M. Forget: Oui. Il y aurait un autre amendement, M. le Président, que j'aimerais faire très brièvement.

Il s'agit d'un amendement qui porte encore sur le paragraphe 44 et qui se lit de la façon suivante: — là je pense qu'il n'y a même pas d'explication nécessaire — "L'indemnité doit être diminuée de tout montant nécessaire au moment de l'expropriation pour satisfaire complètement aux normes gouvernementales relativement à l'environnement et à la santé ou à la sécurité des travailleurs en vigueur à ce moment."

Le ministre peut répondre ceci: Nous en avons tenu compte dans les évaluations, parce que le "cash flow" va permettre de payer pour ça. Mais là n'est pas véritablement le problème; on acquiert une entreprise qui est grevée, présumément, au moment où on se parle, d'un certain nombre d'obligations dont l'exécution est différée, parce que le gouvernement accepte de différer, dans le temps, l'application de standards d'hygiène et de salubrité en disant: Ce n'est pas possible de faire ça d'un coup sec. Donc, il y a encore des travaux à faire, en vertu des normes actuelles. C'est du moins l'hypothèse de travail que nous devons retenir pour l'instant.

Dans cette mesure, de nous faire dire que les revenus sur lesquels on compte, pour faire le développement de la transformation au cours des années prochaines, le "cash flow" qui va résulter de l'exploitation des mines, on va pouvoir l'utiliser pour ça, c'est nous dire, dans le fond, que c'est nous, à titre de propriétaire collectif, comme contribuables du Québec, qui allons devoir payer, à l'avenir, à même ce "cash flow", pour lequel on va payer d'ailleurs un prix certain, pour satisfaire à des normes de salubrité qui sont présumément déjà édictées, mais pour lesquelles on a permis à la compagnie un certain délai.

Il me semble que, pour donner suite aux engagements que, à la fois le ministre des Finances et le ministre des Richesses naturelles ont pris dans le passé, c'est en moins prenant, immédiatement, au moment de la transaction que ça doit se traduire, relativement à la compagnie et au gouvernement. Il s'agit de déterminer ce qu'on lui paierait, si elle avait satisfait toutes ces normes, en fonction du "cash flow", du taux d'escompte et de tout ce qu'on voudra et dire: Maintenant, vous avez à faire face, messieurs, à des obligations de salubrité. On sait très bien que vous n'avez pas pu vous exécuter tout d'un coup, ça prend du temps faire ces investissements, mais il y a quand même là une somme de travail à faire, un solde de responsabilités à assumer et, ça, on va vous le déduire tout de suite du paiement qu'on vous fait. Il est bien sûr que, éventuellement, on pourrait le faire nous-mêmes, à même nos propres revenus, mais c'est contraire au but même de l'exercice. Il nous semble que l'indemnité devrait être diminuée, non pas des dettes qu'on assume, mais une espèce de dette sociale de la compagnie envers la société de respecter les lois et les règlements relatifs à la salubrité dans le milieu. Ce sont des dettes qui ne sont peut-être pas réalisées actuellement, parce qu'on n'a pas fait ces dépenses, on a eu la permission de les différer dans le temps, mais au moment où ça change de mains, il faut en tenir compte de façon explicite.

On sait que ces dépenses sont estimées à des montants d'ailleurs variables — parce que je pense bien que ça aussi ça peut être débattu — entre $15 millions et $25 millions, si je comprends bien. Peut-être que je ne comprends pas les expertises qui ont été faites là-dessus, mais je pense que c'est bien de ça qu'il s'agit et, si c'est vrai, je pense que c'est un montant qui devrait apparaître au compte final de l'opération comme une déduction sur l'indemnité que le gouvernement va verser à la société General Dynamics.

M. Parizeau: M. le Président, est-ce qu'on peut me donner 30 secondes? Je pense qu'effectivement, on peut régler ça assez rapidement.

Le Président (M. Marcoux): La commission suspend ses travaux pour quelques minutes.

M. Parizeau: Comme il peut y avoir, et comme, en fait, il y a plusieurs moyens de satisfaire aux normes gouvernementales avec des déboursés différents, est-ce que le député de Saint-Laurent accepterait qu'on mette: L'indemnité doit tenir compte de tout montant nécessaire, doit être diminuée de tout montant nécessaire? Cela veut dire qu'on met un montant spécifique. On ne dit pas qu'il y a trois façons d'atteindre le même objectif, il n'y en a qu'un. Si on met "doit être diminuée de tout montant" ça veut dire qu'on détermine qu'il y a une façon de le faire et pas d'autres, un coût pour le faire et pas d'autres.

M. Forget: Quelles sont ces autres façons de faire, sauf de diminuer l'indemnité?

M. Parizeau: Non, non. De toute façon, l'indemnité doit être diminuée.

M. Forget: Oui.

M. Parizeau: Forcément, pour tenir compte de ça. Et là, on dit: Doit être diminuée de tout montant, donc, on s'entend qu'il n'y a qu'un seul montant significatif, alors qu'on sait très bien que, selon qu'on choisit l'une ou l'autre méthode, dans le cas de tel type d'équipement ça peut être $3 millions, c'est-à-dire $3 millions d'équipement neuf ou $1 500 000 de réparations d'équipement. On se trouve à avoir un choix à faire quant à la méthode, trois mois plus tard ou deux mois plus tard ou six mois plus tard, dépendant de l'échelonnement des travaux, pour satisfaire les normes.

M. Forget: Vous avez à l'esprit "doit être diminuée d'un montant nécessaire".

M. Parizeau: Pas seulement. L'indemnité doit tenir compte de tout montant nécessaire, au moment de l'expropriation, pour satisfaire complètement...

M. Forget: Oui, sauf que c'est une expression qui... On peut tenir compte d'une chose en l'ignorant, mais en le disant.

M. Parizeau: Je comprends l'esprit. L'esprit, c'est qu'au moment où le gouvernement détermine le montant de l'indemnité, voici ce qu'on a... voici l'ordre de grandeur des montants qui nous paraissent nécessaires pour satisfaire à ces normes-là. On veut que ce soit mentionné et je n'ai pas d'objection particulière. C'est un ordre de grandeur. Doit être diminuée, je ne voudrais quand même pas qu'on soit amené à poser un acte illégal parce que, tout à coup, trois mois plus tard, on se rendrait compte qu'il y a $500 000 d'un côté ou $1 million de l'autre. Il y a des travaux d'aménagement là-dedans qui vont se découvrir à l'usage, quand on va être dedans.

M. Forget: Sans doute, mais on parle toujours de dévaluation faite au moment du changement de propriété. Je pense bien que si l'avenir s'avère différent, ça fera partie des aléatoires et des impondérables.

M. Parizeau: II y aura aussi les normes du change. Je n'en suis pas tellement à cela, c'est que c'est très astreignant sur le plan comptable, cet article-là. Il doit être diminué de tout montant pour satisfaire complètement... Donc, ça veut dire un chiffre et un seul, précis à part ça.

M. Forget: De deux choses l'une, ou les parties s'entendront sur le montant ou ça fera partie des choses qui seront arbitrées.

M. Parizeau: Non, pas en comptabilité. L'indemnité, c'est quelque chose que le gouvernement déclare en même temps, par les preuves, de façon presque concomitante au moment où il envoie l'avis d'expropriation. Cela peut être changé par le tribunal par la suite, mais c'est au fond un état... Là, on nous demande une espèce d'état comptable dès le départ, avant même d'avoir mis le pied dans l'usine. Evidemment, on a un ordre de grandeur de ce que ça va représenter. Je comprends qu'on veuille le faire sortir, cet ordre de grandeur.

M. Forget: Peut-être peut-on me suggérer un autre endroit pour faire le même amendement. Je ne m'intéresse pas tellement au montant de l'indemnité qui sera déclaré initialement par le gouvernement, parce que ça fera partie de la petite histoire de l'amiante au Québec un jour, mais cela n'aura peut-être aucun autre intérêt.

M. Parizeau: Exactement.

M. Forget: Ce qui m'intéresse, c'est le montant qui sera finalement payé, soit de gré à gré ou en vertu d'une sentence arbitrale, et qui devrait tenir compte d'un montant déterminé avec tout ce qu'on connaît, qui est le plus certain possible et qui tient compte de ça.

M. Parizeau: Un instant! C'est une instruction, c'est donc à l'article 44 qu'on fait cet amendement. Je m'excuse, cela m'avait échappé. C'est une instruction qu'on donne au tribunal d'arbitrage.

M. Grégoire: De tenir compte...

M. Forget: De tenir compte de façon explicite en disant: On aurait versé tant, on aurait recommandé que soit versé un montant de X, mais c'est un montant de X moins Y, y étant le montant qui sera nécessaire aujourd'hui pour satisfaire complètement aux normes de sécurité actuellement en vigueur. Evidemment, ce sera une estimation, mais ce sera la meilleure estimation possible aux yeux du conseil d'arbitrage.

M. Laplante: Et complètement présente... M. Forget: Elle est présente si on veut, mais...

M. Laplante: Complètement à la satisfaction de qui, si vous n'êtes pas satisfait et qu'on n'est pas satisfait? (18 heures)

M. Forget: Du tribunal d'arbitrage ou alors par entente. Si on s'entend, on s'entend.

M. Bérubé: La proposition du ministre des Finances est explicite: lorsqu'elle dit que l'indemnité doit tenir compte de tout le montant nécessaire, on enjoint une directive au conseil, on enjoint le conseil, c'est-à-dire...

M. Forget: C'est un peu comme les choses compensatoires devant les cours. Quand il y a responsabilité partagée, on peut toujours dire qu'on en a tenu compte, de la responsabilité partagée, on donne 1% à un et 99% à l'autre. On en a tenu compte, sauf que cela, dans le fond, ne veut rien dire.

M. Parizeau: Ce que l'on veut faire, si je comprends bien, c'est de mettre de la pression sur le tribunal pour qu'il soit très explicite là-dessus.

M. Forget: C'est ça.

M. Parizeau: Si on mettait: "L'indemnité doit tenir compte explicitement de tout montant nécessaire au moment de l'expropriation pour satisfaire..." Cela veut dire que le tribunal doit sortir un montant, ce qu'il peut faire d'ailleurs. Tout à l'heure, je raisonnais dans l'optique de la première indemnité et je disais: On peut nous forcer à un exercice comptable pas futile, mais faux.

M. Forget: Non, cela n'a pas d'intérêt à ce moment-là.

M. Parizeau: Cela n'a pas d'intérêt. Au niveau du tribunal, il peut le savoir et l'idée, c'est de faire en sorte qu'il en tienne compte explicitement. Je pense que c'est une instruction qu'on peut donner au conseil sans les aspects républiques de bananes dont je parlais tout à l'heure, c'est-à-dire qu'il nous dise: Pour satisfaire aux normes, voici quel montant on a retenu.

M. Forget: Cela m'irait.

Le Président (M. Marcoux): L'indemnité doit tenir compte explicitement de tout montant...

M. Parizeau: Nécessaire au moment de l'expropriation pour satisfaire complètement...

Le Président (M. Marcoux): De tout montant nécessaire au moment de l'expropriation pour satisfaire complètement aux normes gouvernementales relativement à l'environnement et à la santé ou à la sécurité des travailleurs en vigueur à ce moment.

Est-ce que l'amendement sera adopté?

M. Parizeau: Un petit instant. J'ai des avis juridiques du "vice-consul auriculaire".

Le Président (M. Marcoux): Nous suspendons la séance pendant quelques minutes.

Suspension de la séance à 18 h 2

Reprise de la séance à 18 h 4

M. Bérubé: M. le Président, concernant un amendement que nous avions gardé en suspens relativement à l'article 38, est-ce qu'il serait possible pendant que nos légistes approfondissent...

Le Président (M. Marcoux): On va revenir à l'article 27, d'abord. Je pense qu'il y a... L'article 27. Vous avez un projet d'amendement.

M. Parizeau: Est-ce qu'il y a des copies de l'article 27?

M. le Président...

Une Voix: Un instant!

M. Parizeau: On va distribuer las...

Le Président (M. Marcoux): D'abord, il faudrait disposer de l'amendement à l'article 27 qui a été proposé par le député de Saint-Laurent. L'amendement est rejeté.

M. Forget: Je le retire, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Le nouvel amendement proposé par le ministre des Finances...

M. Forget: Je pense qu'on nous présente une formulation qui est valable.

Le Président (M. Marcoux):... à l'article 27, se lirait comme suit: Remplacer le premier alinéa de l'article 27 par le suivant: "Si le propriétaire antérieur fournit à la société dans les soixante jours de la signification de l'avis d'expropriation un affidavit contenant le nom et l'adresse de tous les créanciers ainsi que le montant et la nature de la créance se rapportant aux biens expropriés, la société assume jusqu'à concurrence de l'indemnité le paiement des dettes en résultant et se rapportant à ces biens."

Une Voix: Adopté.

M. Parizeau: Cela correspond à l'esprit de ce qui avait été discuté ce matin.

M. Forget: C'est cela.

M. Parizeau: II est entendu cependant que, si pour une raison ou pour une autre, le propriétaire — il faut bien comprendre le sens de l'amendement — ne fournit pas d'affidavit, l'indemnité est payable, mais il n'y a pas de créance assumée.

M. Forget: C'est cela, parfait.

Le Président (M. Marcoux): L'article 27 tel qu'amendé est adopté?

Une Voix: Adopté. M. Forget: Adopté. Le Président (M. Marcoux): L'article 38?

M. Bérubé: M. le Président, il s'agissait d'un article que nous avions gardé en suspens pour avoir un avis juridique concernant une possibilité d'amendement, amendement dans le sens où nous aurions défini des conditions de huis clos. Le député de Saint-Laurent avait craint qu'étant donné que le conseil pouvait décider du huis clos qu'il puisse y avoir éventuellement des décisions allant à l'encontre d'un droit du public à l'information.

Essentiellement, j'avais montré une certaine réticence à un tel amendement, dans la mesure où toute spécification des conditions d'un huis clos aurait pu être arguée par une des parties pour vice de forme, advenant une contestation du jugement. De fait, pour vérifier, j'ai donc demandé une opinion juridique sur le sujet. Effectivement, tel que rédigé, et en faisant appel à la Loi d'interprétation, c'est-à-dire à l'article 51, où il dit que, chaque fois qu'il est prescrit qu'une chose sera faite ou doit être faite, l'obligation de l'accomplir est absolue, mais s'il est dit qu'une chose pourra ou peut être faite, il est facultatif de l'accomplir ou non. Donc, dans le cas présent, nous avons laissé le conseil parfaitement libre de décider ou non.

Il semble que vouloir restreindre la portée du présent article au seul cas de la confidentialité, ce que le député de Saint-Laurent avait proposé, c'est-à-dire que, dans le cas où dommage pourrait résulter de la divulgation en public de certains secrets de l'entreprise, à ce moment, le conseil pourrait décréter le huis clos. Donc, l'introduction d'une telle clause de confidentialité poserait des problèmes d'interprétation, puisqu'il va de soi que la partie en désaccord pourrait toujours invoquer la confidentialité des données qui seront discutées et, par conséquent, pourrait rendre assez difficile la décision par le conseil, d'autant plus qu'une telle décision pourrait, à ce moment-là, être contestée en vertu même de la loi.

On doit également constater que, tout au plus, lie-t-on le huis clos à l'intérêt de la morale ou à l'ordre public, en général. Donc, on reste très général, très vague, quant aux conditions devant entourer le huis clos, justement parce que de telles conditions pourraient facilement invalider toute décision du tribunal, advenant un huis clos décrété qui n'aurait pas reçu l'approbation des deux parties. Pour cette raison, il me semble préférable de ne pas ajouter de conditions au présent article et de laisser finalement au conseil d'arbitrage le soin de décider du huis clos, de manière à ne pas ajouter de conditions pouvant amener l'invalidation de la décision du juge.

Le Président (M. Marcoux): L'article 38 sera donc adopté.

M. Forget: Je suis sensible à ces arguments, M. le Président; il nous reste seulement à espérer que le conseil ne se sentira pas obligé, dès qu'il en recevra la demande d'une des parties, de décréter le huis clos. Encore là, je pense qu'on remet notre sort entre les mains du conseil d'arbitrage de bien des façons, alors, on n'en est pas à une façon près. Je pense bien qu'on pourrait peut-être lui donner pleins pouvoirs dans ce domaine aussi.

Le Président (M. Marcoux): Le paragraphe 38 est-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Marcoux): Nous revenons donc au paragraphe 44 et au projet d'amendement qui était présenté par le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, je vais simplement voir si les conciliations sont faites.

M. Laplante: M. le Président, en attendant qu'il ait fini.

Le Président (M. Marcoux): Non, nous sommes rendus à l'article 44. Nous allons continuer dans l'ordre.

M. Parizeau: 45, 46... il y a un certain mérite à les amener à se brancher... oui, laissez donc... si je comprends bien, d'ailleurs, l'esprit de la chose. Je suggérerais, M. le Président, la reformulation suivante. Je m'excuse, on n'en a pas de copie, mais...

Le Président (M. Marcoux): Cela sera plus simple de la lire tranquillement.

M. Parizeau: Plutôt que de faire l'amendement à l'article 44, on ajouterait un deuxième alinéa à l'article 45...

Le Président (M. Marcoux): Pouvez-vous nous le lire tout de suite?

M. Parizeau: ... qui se lirait ainsi: "Dans le calcul de l'indemnité, on doit, cependant, tenir compte explicitement des investissements nécessaires pour respecter les normes relatives à l'environnement et à la santé ou la sécurité des personnes liées à l'exploitation des biens expropriés. " Donc, le juge...

M. Forget: Et en vigueur au moment de l'avis, peut-être, pour éviter des confusions s'il y avait jamais des changements pendant la période. Il s'agit de les tenir responsables au moment où l'avis est donné.

Une Voix: Cela se pourrait peut-être.

M. Bérubé: Pour les normes en vigueur, le problème est que, certainement, elles ne vont entrer en vigueur qu'en 1980 et 1981.

M. Forget: Alors, il s'agirait...

M. Parizeau: A partir du moment où le juge... Au fond, si je comprends l'esprit de la proposition qui a été faite par le député de Saint-Laurent, il veut que le juge discute explicitement de cette question et dise: Moi, dans mon évaluation, j'ai affecté tel montant ou tant de dollars par action pour tenir compte de la mise en place de ces normes. Cela me paraît respecter...

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que vous pourriez répéter pour que je puisse le prendre en note? Je n'ai pas eu le temps de tout noter.

M. Parizeau: "Dans le calcul de l'indemnité, on doit cependant tenir compte explicitement des investissements nécessaires pour respecter les normes relatives à l'environnement et à la santé ou la sécurité des personnes liées à l'exploitation des biens expropriés."

M. Grégoire: M. le Président, je voudrais poser une question. Justement dans le cas des normes à respecter dans les mines et les usines, on a établi une règle en 1977 ou 1978 qui dit: II faudra que vous ayez satisfait à ces normes en 1981. On exproprie en 1979. En 1979, la compagnie n'était pas obligée d'avoir terminé ses travaux et, souvent, tant que les travaux ne sont pas terminés, les normes ne sont pas respectées. A ce moment-là, la compagnie peut dire: En 1979, je n'étais pas tenue à ce que mes usines ne dégagent pas plus de deux fibres par centimètre cube. J'étais tenue à cela en 1981. Donc, vous ne pouvez pas me déduire quoi que ce soit sur l'indemnité à laquelle j'ai droit, parce que je ne devais avoir respecté mes normes qu'en 1981, même si la loi avait été votée en 1977.

M. Brochu: C'est cela, c'est exact.

M. Grégoire: Est-ce qu'on laisse au tribunal, à ce moment-là, le soin d'apprécier: Pour faire ces travaux dans les autres mines, cela a pris quatre ans, vous n'en avez pas fait du tout? Est-ce qu'on ne s'embarque pas dans... (18 h 15)

M. Parizeau: Non, ce qu'on force le tribunal à faire, je pense, c'est de dire: La compagnie aurait dû, de toute façon, procéder à tel type de travaux d'ici à 1981. C'est une obligation juridique qui lui était faite. Comme tribunal d'arbitrage, nous éva- luerons la valeur d'aujourd'hui, la valeur actuelle, de ces travaux à faire pendant deux ans à tel montant et, alors que nous étions prêts à donner X dollars par action, c'est X dollars moins Y dollars que cela représente. En somme, nous ne disons pas au tribunal: Voici comment vous allez les évaluer, mais vous allez dire explicitement quel montant vous avez mis. C'était bien cela, au fond, le sens de l'amendement.

M. Forget: C'est bien cela et je pense que cela répond à la question du député de Frontenac qui était aussi la question que j'allais poser, parce que dans le fond la valeur de ces actifs physiques est aujourd'hui moindre, même si on a donné ce délai. Le délai est à l'avantage de la compagnie, tant qu'elle demeure propriétaire. Mais elle ne doit pas être une espèce de chose qu'elle peut monnayer en quelque sorte; c'est un délai qu'elle ne peut monnayer.

M. Parizeau: Qui est de nature juridique et les...

M. Forget: C'est ça.

M. Parizeau:... dépenses qu'elle fera en 1980 ou 1981, ont une valeur aujourd'hui, avec un taux d'escompte.

Le Président (M. Marcoux): Le paragraphe 44 sera adopté sans amendement, c'est-à-dire qu'on a retiré l'amendement du député de Saint-Laurent et on revient au paragraphe...

M. Forget: C'est-à-dire qu'il y en avait deux dont le premier a été déjà rejeté.

Le Président (M. Marcoux):... on l'avait rejeté.

M. Forget: D'accord, je le retire et j'accepte l'article 45 avec l'amendement suggéré par le ministre.

Le Président (M. Marcoux): L'article 45 adopté avec amendement. L'article 46.

M. Forget: Adopté.

Une Voix: 47 n'est pas adopté.

Le Président (M. Marcoux): On est rendu à 46.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Marcoux): II y a un amendement qui s'en vient.

M. Bérubé: M. le Président, nous aurions un amendement de nature fiscale, étant donné la très grande compétence de mon distingué collègue des Finances dans ces questions; je vais le laisser le défendre.

Le Président (M. Marcoux):... paragraphe 46.

M. Parizeau:... à la deuxième ligne de la page 7, on dit: "de cette loi qui était applicable au moment de". On le remplace par "en vigueur, au moment de". Après ça, il y a un changement que je ne comprends pas.

Au 46, je m'excuse, M. le Président, je pensais que cela avait déjà été passé, si bien que ça explique les consultations de dernière minute. Donc, à l'article 46, le premier paragraphe est exactement le même que le premier paragraphe de l'article 46, sauf que "applicable" dans l'avant-dernière ligne du premier paragraphe de l'article 46, "applicable" est remplacé par "en vigueur".

D'autre part, tout le reste de l'article 46 est remplacé par ce que nous avons devant nous, c'est-à-dire le paragraphe qui commence par "toutefois".

M. Forget: Le choix prévu par l'article 406 est de réinvestir dans un délai donné le produit de cette expropriation dans une autre entreprise analogue? De quel choix s'agit-il?

M. Parizeau: II s'agit essentiellement de ceci, c'est qu'on prévoit dans le deuxième alinéa aux fins du calcul de l'indemnité l'impôt qui serait payable dans l'année d'expropriation et les années subséquentes et celui qui résulterait du transfert des biens à une autre corporation., si la société Asbestos pouvait faire le choix prévu à l'article 406 de la loi sur les impôts et à l'article 85 de la Loi de l'impôt sur le revenu. On traiterait Asbestos sur le plan fiscal exactement comme si la vente — aux fins de cet article — avait été faite de gré à gré. On lui permet de rouler. Dans ce sens, cela ne lui est pas préjudiciable, mais cela clarifie les choses.

M. Forget: En lui permettant de rouler, cela lui permet de ne pas être imposée sur le gain de capital?

M. Parizeau: Ah! non, pas nécessairement. C'est simplement aux fins de l'indemnité, du calcul de l'indemnité.

M. Forget: Je comprends...

M. Parizeau: Cela ne veut pas dire que sur le gain de capital on ne sera pas taxé comme tout le monde.

M. Forget: Non, mais l'indemnité, étant calculée en fonction d'une situation financière donnée, le roulement permet, justement, de ne pas payer le gain de capital, en le taxant par ailleurs.

M. Parizeau: En le taxant par ailleurs, c'est cela, on s'entend bien.

M. Forget: Oui, oui.

M. Parizeau: D'accord, c'est seulement sur la façon du calcul de l'indemnité.

M. Forget: Je comprends, ceci n'abroge pas la Loi des impôts.

M. Parizeau: Non, non.

M. Forget: ... des finances. Mais on fait comme si ce paiement, en le faisant rouler, justement, permettait d'évaluer, de faire la cotisation aux fins d'impôt sur le gain de capital. Ceci se trouve, dans le fond, à permettre... pour le calcul de l'indemnité, on estime que la situation financière de la société Asbestos est meilleure qu'elle pourrait effectivement être, si elle ne fait pas ce choix en vertu des articles 406 et 85.

M. Parizeau: Je ne pense pas qu'on puisse tirer cette conclusion. Cela roule, mais dans l'intérêt de qui?

M. Forget: Cela doit être dans l'intérêt de la société Asbestos qui dispose d'un délai, je pense, pour faire ce roulement d'actifs. Non?

M. Parizeau: Non, c'est l'année 1979. Or, l'année 1979 n'étant pas terminée... On va présenter des explications, je pense que cela serait presque plus utile. 406 permet à un contribuable qui exerce une entreprise seul de transférer ses biens dans une corporation en ne réalisant pas ses actifs. Ici, l'effet de l'amendement, c'est de donner au gouvernement la possibilité de minimiser sur l'indemnité les impôts que cela coûterait, parce qu'ici la société Asbestos ne peut pas rouler. Alors, les impôts qu'elle paierait seraient très élevés. En présumant que c'est un roulement, on se trouve à diminuer l'indemnité en réduisant effectivement le montant des impôts.

M. Forget: C'est cela. Je pense que j'avais bien compris. On diminue le montant des impôts parce qu'il n'y a pas de réalisation. Comme il n'y a pas de réalisation, la société Asbestos est réputée, pour les fins du calcul de l'indemnité, être dans une situation relativement avantageuse. Comme la Loi de l'impôt n'est pas modifiée, il n'est pas dit, par ailleurs, pour d'autres fins que le calcul de l'indemnité, qu'elle ne sera pas tenue, effectivement, de payer...

M. Parizeau: Cela, c'est clair.

M. Forget: ... le gain sur la réalisation.

M. Parizeau: Cela, c'est tout à fait clair.

M. Forget: II y a évidemment là une situation assez curieuse parce qu'on dit: Ecoutez, quand il s'agit de vous payer l'indemnité, on va prétendre qu'on ne vous force pas à faire une réalisation et qu'on n'ira pas vous chercher un impôt sur le gain de capital que vous réalisez ainsi, mais, par ailleurs, quand il s'agit de vous imposer, on va vous traiter comme ne faisant pas de roulement, parce que ce n'est pas permis par la Loi de l'impôt dans ce cas d'expropriation, ce n'est pas envisagé par la Loi de l'impôt, donc on va vous imposer sur le gain de capital.

De la part du propriétaire antérieur, est-ce qu'on n'est pas en droit de dire: Evidemment, c'est le gouvernement, il fait les lois, il négocie, alors, il est dans une situation extrêmement avantageuse pour se faire plaisir des deux façons?

M. Parizeau: Non, je ne pense pas.

M. Bérubé: J'avais l'impression que vous vouliez, en général, qu'on paie moins cher.

M. Forget: Oui, mais il reste qu'il s'agit... Je veux bien croire, mais dans un cas comme celui-là, je me soucie également de ce qu'on peut dire de la manoeuvre.

M. Parizeau: Je pense qu'il faut être logique. On a dit tout à l'heure: Ce qu'on demande au tribunal, c'est d'évaluer la juste valeur marchande. On dit: La juste valeur marchande, un des critères fondamentaux, c'est la valeur d'un vendeur qui n'est pas tenu de vendre et d'un acheteur qui n'est pas tenu d'acheter. Si c'est cela qu'on utilise pour déterminer la juste valeur marchande, il faut que, sur le plan des impôts, on adopte le même critère, n'est-ce pas? Introduire le principe du roulement ne fait que confirmer la définition qu'on donnait de la juste valeur marchande.

En ce qui a trait au traitement fiscal du gain de capital, c'est une toute autre paire de manches. La Loi des impôts ne va pas être suspendue.

M. Forget: C'est logiquement distinct, c'est impeccable sur le plan logique.

M. Bérubé: Cela aide, si vous me permettez, M. le député.

M. Forget: Cela aide aussi, cela aide le gouvernement du Québec. La question que je posais, c'est: Est-ce que, outre l'avantage pour le gouvernement du Québec, d'une telle façon de calculer les choses au double avantage du Québec diminue l'indemnité et produit un rendement fiscal? Est-ce que ce n'est pas, à la limite, un comportement qui pourrait être taxé de l'équivalent de dicter au tribunal d'arbitrage une décision qui n'est manifestement pas la décision la plus juste? Dans le fond, le ministre des Finances a eu le louable souci de ne rien dicter au conseil d'arbitrage, il faut prendre cela comme acquis, mais il reste que là, on lui dicte effectivement quelque chose et on adopte une attitude qui est contradictoire. Quand on administre la Loi de l'impôt, il y a une réalisation et il y a un impôt qui est payable; quand on vient faire le calcul de l'indemnité, on dit: Ecoutez, on va faire comme si on ne vous avait pas forcé à faire cette réalisation et vous imposer un gain de capital. Il reste que, des deux côtés, c'est le vendeur forcé qui paie. Cela équivaut presque sur le plan de la réputation de l'opération, de son image publique, au moins, à dicter une indemnité inférieure à celle qu'elle devrait.

M. Parizeau: Ce que je ne vois pas exactement, ici, c'est comment on pourrait défendre la juste valeur marchande, d'un côté, l'indemnité basée sur la juste valeur marchande, dans le sens où on l'a définie tout à l'heure, et dire: Du point de vue fiscal, quant à la détermination de l'indemnité, on va vous considérer comme un vendeur forcé. Il est forcé ou il n'est pas forcé.

Si, dans l'évaluation de la juste valeur marchande, on le considère comme un vendeur non forcé, il faut bien que du point de vue fiscal du même calcul de l'indemnité, ce soit un mandat non forcé, aussi.

M. Forget: Sur le plan logique, le ministre des Finances a tout à fait raison, M. le Président, et je ne l'attaque pas du tout là-dessus; d'ailleurs, je ne l'attaque pas du tout, je pense qu'il veille admirablement, dans ce cas-ci, aux intérêts du fisc québécois, mais je me dis: On peut avoir tort malgré la logique, sur un plan du tableau que cela projette, d'une espèce d'incohérence — non pas une incohérence logique, bien sûr, en fonction des lois, c'est comme cela que ça doit s'appliquer — mais une incohérence d'attitude où on prend une logique pour déterminer la juste valeur marchande en disant: On fait comme s'ils n'étaient pas forcés, et quand il s'agit de faire l'imposition, on dit: Là, ils sont forcés, alors on va les imposer comme s'ils étaient forcés.

Il reste que l'illogisme existe au moins à ce niveau. Il n'y a peut-être pas de façon de le résoudre, à l'intérieur, justement, du concept de juste valeur marchande qui, dans la mesure où il y a expropriation, finalement, est une fiction juridique commode, mais une fiction juridique qui contredit la réalité. (18 h 30)

M. Parizeau: Mais je dirais que cela pourrait être bien pire si on était muet quant au traitement fiscal.

M. Forget: Oui, cela accroîtrait l'incertitude de toute l'opération.

M. Parizeau: De toute l'opération.

M. Forget: Sans aucun doute. M. le Président, je pense que le gouvernement décide de le faire comme cela et on ne plaidera pas avec lui, parce qu'il a tout à fait raison. On a toujours plaidé pour que ce soit limité plutôt vers le bas que vers le haut, mais il serait tout aussi... D'abord, c'était mystérieux pour la plupart des gens qui ont lu l'amendement. Maintenant qu'on a su ce que cela voulait dire, je pense qu'on doit le laisser là, accepter l'amendement et l'approuver quant à...

Le Président (M. Marcoux): En fait, c'est proposé. Je pense qu'il vaudrait mieux lire le début: Remplacer le paragraphe 46 de l'article 1 de ce projet par le suivant. Est-ce que vous êtes d'accord? Parce que le début est: Remplacer l'article 46 ajouté par l'article 1 de ce projet. Je

pense que c'est... Cela va? Alors, le paragraphe 46 tel qu'amendé est adopté?

M. Forget: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Le nouveau paragraphe.

M. Forget: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): 48?

M. Forget: Approuvé, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): L'article 48 est adopté. 47 l'était déjà.

La commission a complété l'étude article par article...

M. Laplante: Je propose l'article global, l'article 1, parce que le premier paragraphe n'est pas adopté.

Le Président (M. Marcoux):... du projet de loi 121.

M. Laplante: M. le Président, il faudrait adopter l'article 1 au complet, parce que le premier paragraphe, qui annonçait l'article, n'a pas été adopté.

Le Président (M. Marcoux): L'article 1 est-il adopté?

Une Voix: Adopté.

M. Forget: Sur division, M. le Président. Il y a assez de composantes qu'on a adoptées sur division pour faire la même chose sur l'article général.

M. Laplante: Tout de même, cela a été l'une des plus belles journées. Les questions qu'on a posées ont été instructives pour nous. Cela a été bien agréable.

M. Forget: Un peu rapide, mais...

Le Président (M. Marcoux): La commission des richesses naturelles a complété l'étude article par article du projet de loi no 121. Je demanderais au rapporteur de faire part de nos travaux à l'Assemblée nationale. Le projet de loi 121 a été adopté avec amendements.

Des Voix: Adopté.

Fin de la séance à 18 h 34

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