L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts

Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le jeudi 10 février 1977 - Vol. 19 N° 3

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude de la situation énergétique du Québec


Journal des débats

 

(Quatorze heures six minutes)

Etude de la situation énergétique du Québec

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, mesdames, messieurs!

La commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts continue ses travaux.

Les membres désignés aujourd'hui sont: M. Baril (Arthabaska), M. Bérubé (Matane), M. Dussault (Châteauguay) remplace M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Brochu (Richmond), M. Garneau (Jean-Talon), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Goulet (Bellechasse), M. Grégoire (Frontenac), M. Laberge (Jeanne-Mance) remplace M. Johnson (Anjou), M. Joron (Mille-Iles), M. Michaud (Laprairie) remplace M. Landry (Fabre), M. Forget (Saint-Laurent) remplace M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski), M. Mercier (Berthier), M. O'Gallagher (Robert Baldwin).

Les organismes qui se feront entendre aujourd'hui sont: le Conseil québécois de l'environnement, l'INRS, Northern and Central Gas Corporation, Gulf Oil Canada Ltée, Benoit & Associés, Petrofina Canada Ltée.

Le premier organisme à qui je demande de se présenter est le Conseil québécois de l'environnement. Vous avez environ 45 minutes pour faire votre présentation et pour la période des questions. Je vous demanderais de présenter les gens qui sont à vos côtés.

M. Maldague (Michel): Si j'ai bien compris, c'est 45 minutes pour la présentation.

Le Président (M. Laplante): Non. Pour la présentation et la période des questions, environ.

Conseil québécois de l'environnement

M. Maldague: M. le ministre, MM. les députés, avant de commencer l'exposé, je voudrais vous présenter les personnes qui m'accompagnent. A ma gauche, Mme Bazaar, première vice-présidente du Conseil québécois de l'environnement, membre du conseil exécutif pour le Club de Rome et membre du conseil exécutif de l'Association canadienne pour les Nations Unies.

A sa gauche, le Dr Michel Jurdant qui est directeur à Environnement Canada pour les questions d'inventaires écologiques intégrés, membre de notre bureau de direction, et, à ma droite, M. Daniel Waltz qui est le président du comité de coordination du bureau scientifique du Conseil québécois de l'environnement. Je m'excuse, je n'ai pas vu qu'à mon extrême droite se trouvait M. Yvon Pageau, directeur du département des sciences de la terre de l'Université du Québec à Montréal.

Comme vous avez tous eu l'occasion de disposer du document, je ne vais pas prendre le temps de le lire intégralement. Je vais vous en faire un exposé, insistant sur certaines questions plus que sur d'autres.

Dans le document du Conseil québécois de l'environnement se trouvent trois parties: la première porte sur le contexte énergétique du Québec dont je dirai quelques mots; la deuxième porte sur la problématique et la troisième partie porte sur la demande de moratoire.

Je passerai très rapidement sur la première partie, c'est-à-dire sur le contexte énergétique du Québec, parce qu'il y en a de beaucoup plus qualifiés que nous qui auront axé leurs interventions sur ce plan. Nous rappelons dans ce document que le bilan énergétique du Québec comprend actuellement 2% pour ce qui est du charbon, le gaz naturel intervient pour 6%, le pétrole 70% et l'électricité 22%. Cette électricité vient surtout sous forme d'hydroélectricité. Vous trouverez les quelques chiffres qu'il y a dans le document.

Nous nous attardons également quelques instants sur la croissance de la demande énergétique et nous estimons, en tout cas notre conseil estime que les pronostics actuels qui consistent à supposer que cette croissance va doubler tous les dix ans ne nous semblent pas réalistes.

Et, pour les trois raisons que je vais vous mentionner, le conseil estime que nous devrions pouvoir nous fixer un potentiel de puissance électrique pour l'an 2000 sur une base qui nous semble réaliste de 35 000 mégawatts, considérant qu'actuellement, la puissance installée est de 11 500. Ce qui nous justifie dans ce chiffre, qui est hypothétique, bien entendu, ce sont trois ordres de considération. Le premier, c'est qu'il serait utile de mettre dans le circuit énergétique l'énergie venant de nouvelles formes d'énergie.

Donc, cela est un des premiers arguments. Le deuxième, c'est qu'il sera utile d'utiliser une politique de conservation de l'énergie, notamment dans le domaine des transports et dans le domaine de l'isolation thermique des bâtiments. Le troisième argument que nous utilisons est le fait que nous pourrions utiliser beaucoup plus le gaz qui vient, notamment, de l'Ouest et qui se trouve en quantité considérable.

Nous estimons donc que — et c'est un des points de ce contexte énergétique, à notre avis — de toute façon nous ne pouvons pas continuer une utilisation exponentielle de l'énergie comme dans certains cas on suppose que cela devrait être.

Nous ajoutons également une chose. Sur le plan de l'hydro-électricité, le Québec est bien pourvu, étant donné qu'on sait qu'il existe un potentiel non aménagé de 25 000 à 30 000 mégawatts pour lesquels on reconnaît que 15 000 à 20 000 mégawatts pourraient être facilement aménagés.

Nous mentionnons également le coût extrêmement élevé que représenterait un équipement électronucléaire. Nous soulignons le caractère re-

lativement précaire des ressources en combustible nucléaire et, finalement, nous faisons appel également, sur ce plan-là, au manque de personnel qualifié dans ce domaine.

Par conséquent, si on a en tête cette idée de potentiel réaliste, de demandes réalistes et le fait que le Québec est très riche en certaines sources d'énergie, nous estimons qu'il est relativement possible de disposer d'un répit, presque calculable mathématiquement, de quinze années. Au bout de ces quinze années, deux choses peuvent se produire: Ou bien on aura trouvé une sorte de consensus parmi les experts internationaux qui diront: II n'y a plus de problèmes non résolus. Dans ce cas-là, nous aurons le temps, puisque nous avions assez de ressources pour nous engager dans cette voie, ou bien, d'ici quinze ans et même plus tôt, on se sera rendu compte que cette voie de l'énergie nucléaire est à peu près la pire chose qu'on puisse imaginer et qu'on affirmera non seulement ici, mais presque universellement. Ceci représente à peu près notre première partie, le contexte énergétique.

Dans une deuxième partie, très rapidement — ici, je n'insiste véritablement pas — nous prônons un vigoureux programme d'économie de l'énergie.

Troisièmement, nous mentionnons que dans le contexte canadien il y a énormément de ressources énergétiques, notamment 500 milliards de barils de pétrole, 1500 kilomètres cubes de gaz, réserves prouvées, et 118 milliards de tonnes de charbon.

J'en arrive à la deuxième partie de notre document, la problématique du domaine nucléaire. Je commencerai par attirer l'attention de vous-mêmes, messieurs les députés, sur quatre dimensions fondamentales de ce problème. La première est ce que nous avons appelé l'interférence potentielle avec révolution humaine. En deux mots, cela veut dire que, depuis 1942, nous sommes dans une nouvelle phase de l'histoire humaine. On ne peut donc pas parler de recommencement. 1942 est la date où l'on a montré que la réaction en chaîne pouvait se faire et qu'il y avait donc possibilité d'exploiter l'énergie potentielle de l'atome. C'est un fait évident. Vous allez voir comment on doit relier ceci à la question de l'évolution humaine.

Deuxième grande dimension, c'est le facteur temps. Dans le domaine qui nous occupe, le temps doit être considéré sous une tout autre échelle que celle où nous avons eu l'habitude de le considérer. Cette échelle n'est pas une invention; c'est simplement le fait qu'avec l'énergie nucléaire nous mettons dans la biosphère des éléments, j'en citerai un en particulier, le plutonium qui a une demi-vie de 24 000 ans. Cela veut dire que, si ma montre était un morceau de plutonium aujourd'hui, dans 24 000 ans, il rayonnerait encore 50% de sa radioactivité. Ce qui veut dire que, pour que ce plutonium ne soit plus dangereux, il faut compter 20 fois la demi-vie, multiplier 20 par 24 000, cela vous fait à peu près un demi-million d'années.

Par conséquent, nous devons ici, si nous vou- lons raisonner proprement, utiliser des échelles de temps que nous n'avons pas l'habitude de manipuler, qui sont des échelles de temps géologique. Ce n'est pas une invention; c'est une donnée scientifique élémentaire.

Troisième donnée fondamentale du problème, c'est la question de la liberté et de la responsabilité. De toutes les espèces animales, aussi curieux que cela puisse paraître de rappeler cela dans cette assistance, l'homme est la seule espèce qui est douée de la capacité de réflexion et de conscience. C'est-à-dire que, contrairement aux animaux, nous sommes devenus responsables des décisions que nous prenons. Dans une société animale — prenons, pour fixer les idées, les termites, une erreur n'est pas possible. Un insecte ne peut pas se tromper. Un animal ne se trompe pas. Au contraire, l'homme est devenu libre de ses automatismes instinctifs et il est en face de ses responsabilités. Ceci est très important, puisqu'il s'agit d'engager éventuellement des décisions qui vont avoir des répercussions sur plusieurs centaines de milliers d'années.

Ici, je me permets de lire une phrase qui n'est pas de moi, mais du professeur Grasse, célèbre zoologiste qui écrit: "Si la sagesse consiste à prévoir et à prévenir les conséquences de nos actes, notre époque est bien folle car elle ne cesse dagir et de plus en plus vite sans s'interroger sur ce que produiront ses actes, sur ce qui adviendra de ses entreprises, sur ce qui découlera de ses lois. En vérité, ajoute-t-il, l'homme pense, mais pas assez et dans l'incohérence ".

Quatrième dimension, la dimension éthique. Cette dimension éthique vient du fait que ce qui est en cause dans le problème qui nous concerne actuellement, au CQE, et dont je vous parle, ce qui est en cause n'est ni plus ni moins que deux choses. La première de ces choses, c'est de préserver les conditions fondamentales d'existence sur la terre, et la deuxième chose est de ne pas porter de détérioration à l'homme et à ses descendants. Par conséquent, toutes ces questions, pour être traitées, encore une fois, proprement, ne peuvent l'être qu'à travers une perception éthique des choses. Si on fait fi de ces considérations éthiques, il n'y a plus moyen évidemment d'avoir la moindre discussion valable.

A ce point de vue, je voudrais faire une petite allusion à une chose qui est très banale, c'est la rareté de la vie humaine. Les recherches de ces dernières années ont permis, notamment, de considérer que la probabilité de trouver des conditions propices à l'existence humaine dans une autre planète était extrêmement rare. Ceci veut dire que la vie humaine est une chose rare et précieuse. Par conséquent, ce dont nous parlons doit être considéré à un prix infini. Ceci est très important si on veut utiliser des arguments de nature économique. Ce qui est en jeu, ce sont nos conditions de survie et la valeur de la vie humaine.

Ceci étant dit, quels sont les caractères de cette pollution radioactive avant d'en arriver aux problèmes non résolus. Ces caractères sont spécifiques à la pollution nucléaire pour différentes raisons. La première, ce sont les durées d'acti-

vite — je vous ai déjà fait allusion à cela — je ne rappelle plus le cas de plutonium, un demi-million d'années, donc une très grande échelle de temps.

Deuxièmement, il est question ici d'influence sur la santé humaine, et cette influence sur la santé humaine revêt deux dimensions. Je vais comparer, si vous voulez, rapidement, les effets d'une pollution radioactive avec les effets d'autres pollutions.

Au point de vue de l'effet de la santé, on peut distinguer deux types de réactions, des réactions somatiques et des réactions génétiques.

Des réactions somatiques sont les réactions d'un polluant, par exemple, qui affectera les organes anatomiques ou physiologiques. Je prends un exemple, ici, d'un polluant très répandu, le DDT, le PCB dérivé du DDT, qui n'a aucun effet, ni génétique, ni somatique. Quiconque d'entre vous avez dans votre tissu adipeux une certaine quantité de déchets de dérivés de DDT, etc., cela n'affecte pas, semble-t-il, l'homme. Il y a des volontaires qui ont absorbé des quantités considérables de ce produit sans, apparemment, se trouver en mauvais état.

Or, le DDT et ses dérivés ont été interdits, alors que l'homme n'y est pas tellement sensible, parce que ces produits affectaient la capacité de reproduction des oiseaux et des poissons. Mais disons que pour l'homme ce n'était pas bien grave.

Les PCB, eux-mêmes, font actuellement l'objet, au niveau d'Environnement Canada, de restrictions très grandes. Donc, pas d'effets génétiques et, encore, pas d'effets somatiques et encore moins d'effets génétiques.

Je prends maintenant le cas de pollution ou d'atteintes qui ont des effets somatiques. Ces effets somatiques peuvent être temporaires ou permanents. Cas d'un effet temporaire: Vous absorbez de l'eau qui contient des germes, vous pouvez avoir une affection gastro-intestinale mais, une fois que la cause aura disparu, il ne restera plus de traces.

Il peut y avoir également des effets somatiques plus ou moins durables suivant la durée d'exposition au phénomène en question. Je prends deux exemples: Un cas, c'est celui où vous inhalez de l'air qui aurait en suspension de petites particules qui sont susceptibles d'affecter vos tissus pulmonaires. C'est le cas de l'amiante et de l'amiantose. Vous pouvez avoir des effets durables, somatiques qui vont même aller jusqu'à la mort.

Un autre cas: Vous exposez des gens à des bruits insupportables pendant un certain temps; ils pourront avoir des lacunes auditives ou des surdités, donc des effets somatiques permanents.

Dans le cas de la radioactivité, vous avez non seulement des effets somatiques immédiats, qui peuvent aller jusqu'à la mort, mais vous pouvez avoir également des effets génétiques. Quant aux précédents, quelqu'un peut avoir été accidentellement assourdi, ses enfants ne seront pas sourds, bien entendu. Mais, dans le cas des polluants radioactifs, vous avez des effets sur l'homme, lui-même, actuel, et sur les générations à venir.

On a remarqué, à ce point de vue, premièrement, l'inexistence d'une dose-seuil; c'est-à-dire que, quelle que soit la dose de radiation à laquelle on affecte quelqu'un, si minime soit-elle, il y a des effets nuisibles possibles.

Deuxièmement, le danger des doses cumulées. Ceci veut dire que pour un enfant, ce qui est dangereux, ce n'est pas le rayonnement qu'il y aura directement, mais c'est la dose totale de rayonnement que ses parents auront reçue depuis qu'ils auront été eux-mêmes conçus, c'est-à-dire que vous avez une accumulation qui se fait tout au cours de la vie de chaque génération.

Troisièmement, grande sensibilité des tissus embryonnaires, troisième dimension aux caractéristiques de la pollution radioactive, le fait que vous ne pouvez pas l'interrompre. Une fois qu'elle a commencé il n'y a rien qui vous permet de l'arrêter sauf le temps qui permet d'en réduire les effets, des temps qui sont à l'échelle géologique.

Quatrièmement, les rayonnements sont inodores, incolores, insipides et silencieux, c'est-à-dire qu'on ne les perçoit pas par les sens, ce qui donne à cette pollution un caractère particulièrement insidieux. Il y a des cas, exactement, qui se sont produits où, grâce à ces propriétés, on a camouflé au public certaines pollutions.

Cinquième caractéristique, le fait que ces polluants radioactifs, comme d'autres, d'ailleurs, entrent dans la chaîne alimentaire, c'est-à-dire, qu'en passant d'un stade au stade suivant de la chaîne trophique dont l'homme est souvent le consommateur terminal, vous avez des coefficients d'enrichissement, des concentrations qui se font et, précisément, la principale voie de contamination chez l'homme, c'est la chaîne alimentaire.

Problèmes non résolus et risques encourus. D'une façon générale, la technique et la science doivent viser à assurer la sécurité: la sécurité des ouvrages, la sécurité des moyens d'exploitation, la sécurité des machines, des procédés, etc. Or, dans le cas qui nous occupe ici, affirmer qu'il n'y a pas de technologie qui permet notamment le stockage indéfini des déchets radioactifs est difficilement réfutable.

Je vais me permettre, ici, de vous mentionner les dix problèmes qui ne sont pas résolus et cette liste est faite en nous référant à un nombre considérable de documents.

Premièrement, la possibilité de contamination radioactive grave de l'environnement provoquée par les rejets inévitables de déchets gazeux et liquides. Cette contamination doit être considérée en regard du phénomène de concentration biologique dont je viens de vous parler.

Deuxièmement, les risques liés à la sécurité des centrales; les accidents potentiels qui pourraient être catastrophiques aboutiraient au rejet massif de déchets radioactifs dans la biosphère.

Troisièmement, l'élimination des déchets radioactifs durant les opérations normales entraînant des fuites aux centrales. Il y a toujours des fuites aux centrales, même en opération normale.

Quatrièmement, le stockage, la manipulation, le transport de déchets solides, spécialement ceux de haute activité; les risques d'accident au cours

de toutes les phases de l'exploitation, de l'utilisation et du transport augmentent en fonction de la multiplication des centrales et des usines de traitement.

Cinquièmement, le contrôle absolu du plutonium, le risque, justement, également, du vol de produits radioactifs.

Sixièmement, l'isolement et l'emmagasinement perpétuels et sûrs des déchets radioactifs de haute intensité à des échelles de temps qui dépassent de très loin la durée des cultures humaines. Si je vous dis que le plutonium est dangereux pendant un demi-million d'années, rappelons-nous que notre espèce elle-même, l'homme, a une durée qu'on fait remonter à peu près à 100 mille ans.

Huitièmement, l'élimination de la chaleur rési-duaire. Je n'insiste pas.

Neuvièmement, les risques de défaillances humaines.

Dixièmement, le contrôle permanent qu'une telle société exigerait, on pourrait courir le risque d'une société nucléaire ou d'un état policier.

Nous estimons par conséquent, au nom de la raison, que le fardeau de la preuve de l'innocuité d'une telle technologie devrait être fait avant d'être imposé.

J'en arrive à la troisième partie de notre document, que je vais me permettre de vous lire, cette fois-ci, intégralement et qui s'intitule: Demande d'un moratoire sur l'électronucléaire. En se plaçant sur le double plan de la démarche scientifique et de préoccupations d'ordre éthique, le Conseil québécois de l'environnement estime, en conséquence, qu'il n'est pas justifié de voir le Québec s'engager dans la voie de l'exploitation de l'énergie nucléaire, alors que tant de problèmes cruciaux ne sont pas résolus. Par suite de leurs répercussions potentielles sur l'espèce humaine et sur la poursuite de l'évolution socio-culturelle de l'homme, ces problèmes sont en réalité les plus graves que le monde ait jamais connus.

Nous n'assistons pas, dans le cas présent, à une quelconque répétition de l'histoire, mais entrons, bien au contraire, dans un âge nouveau, l'âge de l'atome, à l'aube duquel la raison devrait s'opposer à toute précipitation.

Le CQE se refuse à assister sans réagir à l'acheminement de l'humanité vers un futur périlleux, édifié au mépris même de la science, de l'éthique et de la dignité de l'homme. Aussi, après s'être penché durant plusieurs années sur les problèmes que posent au Québec les options énergétiques, le Conseil québécois de l'environnement estime qu'il est urgent d'informer la population de la position qu'il entend défendre par les moyens dont il dispose.

Premièrement, le CQE s'oppose à toute précipitation dans les décisions visant à engager le Québec dans la voie de l'électronucléaire, rappelle ses prises de positions antérieures et condamne toute utilisation de cette forme d'énergie pour la production d'électricité dans les conditions actuelles.

Deuxièmement, le CQE estime inacceptable, voire immorale, car contraire à l'éthique, la dé- marche qui consiste à proposer et, a fortiori, à imposer à un pays une technique qui présente de nombreux problèmes non résolus scientifiquement.

Troisièmement, le CQE fait appel aux citoyens pour exiger un moratoire suspendant tout projet d'implantation de centrale électronucléaire au Québec.

Quatrièmement, le CQE estime que la durée de ce moratoire dépend du moment où se sera dégagé au sein de la communauté scientifique internationale un consensus sur l'acceptabilité de l'électronucléaire.

Cinquièmement, à cet égard, le CQE fait appel à la conscience du gouvernement du Québec et insiste pour qu'il encourage et développe des recherches scientifiques orientées vers les aspects sécuritaires de l'électronucléaire, en vue de hâter la solution des problèmes actuels, une solution acceptée pouvant mener ipso facto à la levée du moratoire.

Sixièmement, le CQE demande que le gouvernement du Québec tienne les citoyens informés de toutes les décisions qu'il entend prendre dans le domaine de l'électronucléaire et des raisons qui le motivent. Dans sa détermination à apporter des changements favorisant l'équilibre de la société québécoise, le gouvernement ne devrait-il pas, dans le cas de l'énergie, étudier et retenir une série d'options intégrées qui permettraient de résoudre les problèmes énergétiques sans avoir recours à une voie qui ne pourrait manquer d'engendrer, sur le plan social aussi bien que biophysique, d'innombrables difficultés?

Si le gouvernement du Québec acceptait la demande de moratoire, il témoignerait de l'importance qu'il attache au respect de la vie et à la dignité de l'homme ainsi qu'à la confiance qu'il n'hésite pas à placer dans l'esprit créateur de l'espèce humaine et dans la capacité innovatrice du peuple québécois. Le Québec est le pays de la terre le plus riche en eau douce per capita. Conscient d'une situation aussi privilégiée, ne serait-il pas logique et cohérent qu'il donne la preuve de ce qu'il est capable d'imaginer et d'appliquer des solutions humaines, utilisant rationnellement ses ressources naturelles et se refusant à recourir à la réaction de fission nucléaire pour faire bouillir de l'eau alors même que la terre se trouve inondée d'énergie perdue?

Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Joron: M. Maldague, j'aimerais, en commençant par une des dernières parties de votre mémoire, vous poser plusieurs questions qu'on peut peut-être résumer en une, le chapeau étant la suivante. Vous dites que nous devrions adopter une politique énergétique en tenant compte d'une option intégrée. J'aimerais que vous développiez un peu ce que vous entendez par cette option intégrée et, en particulier, que vous nous apportiez quelques informations sur les points suivants. Vous avez évoqué, par exemple, les nouvelles for-

mes d'énergie douce. Quel pourcentage voyez-vous ces formes d'énergie nouvelle occuper dans le bilan énergétique québécois à la fin du siècle, par exemple, ou plus tôt, si vous avez un chiffre pour une autre date?

D'autre part, vous avez également mentionné que les ressources hydro-électriques québécoises facilement exploitables pourraient, si on les développait toutes, totaliser une puissance de production installée de quelque 35 000 mégawatts vers... que le montant de puissance installée possible est à peu près de 35 000 mégawatts plus, disons, les 5000 mégawatts, ou un peu moins, que nous tirons de Churchill Falls, ce qui fait un total d'à peu près 40 000 mégawatts.

Encore, il faudrait fixer ou rattacher cela à une date; parlons, si vous voulez, de 1990 ou de l'an 2000. Si ces 40 000 mégawatts étaient développés, quel pourcentage est-ce que cela représenterait, encore une fois, dans le bilan énergétique global? En d'autres mots, ma question se relie à la première que vous avez soulevée, qui est le rythme de croissance dans la demande énergétique. Quel rythme estimez-vous possible, compte tenu des options qui sont les vôtres? Quel rythme de croissance estimez-vous possible, d'ici la fin du siècle, par exemple? Plus particulièrement, seriez-vous capable de développer un peu le point suivant? Je ferai une hypothèse pour bien illustrer la question que je veux vous poser.

Si on devait, à la fin du siècle, avoir d'énergie disponible per capita la même chose que ce qu'on a aujourd'hui; en d'autres mots, la croissance de l'énergie à partir d'aujourd'hui ne serait que reliée à l'augmentation naturelle de la population, quelles conséquences voyez-vous à cela sur le taux de développement de la croissance économique, d'une part? Quelle incidence est-ce que vous y voyez sur le développement économique? En d'autres mots, est-il possible de ne pas augmenter l'énergie disponible par habitant et en même temps d'augmenter considérablement le bien-être économique ou le niveau de vie quantitatif — je ne parle pas de qualité, toujours — des citoyens, sans augmenter nécessairement la consommation per capita d'énergie?

M. Maldague: Pour la première question, qu'est-ce que nous entendons par option intégrée, cela signifie, en fait, trois choses, parce que ce n'est pas uniquement sur le plan de la production énergétique qu'il faut voir cette notion d'option intégrée, ces trois choses étant une diversification des sources d'énergie. Cette diversification, elle existe déjà, je vous l'ai dit, mais elle pourrait peut-être prendre encore d'autres dimensions; étant donné que nous n'avons pas encore l'intervention, par exemple, de certaines formes d'énergie douce, dans l'option intégrée, il faudrait les faire intervenir progressivement au fil des ans.

Deuxièmement, il y a des formes d'utilisation d'énergie qui ne sont pas utilisées comme elles pourraient éventuellement l'être. Je vois, par exemple, 6% pour le gaz naturel. D'autre part, il y a également, dans cette option donc, à côté de la diversification des sources d'énergie, le fait qu'il faut éviter ce que nous faisons à l'heure actuelle, soit du gaspillage d'énergie. Il est à peu près évident que nous pourrions récupérer un bon pourcentage qui serait peut-être difficile à chiffrer ici en évitant les gaspillages et en réorientant certaines choses qui ne nuiraient pas au mode de vie. J'entends par là, par exemple, une rationalisation sérieuse du transport en commun qui est une chose dont on parle pour différentes raisons et pas seulement pour des raisons d'économie d'énergie, mais pour des questions d'aménagement urbain ou d'aménagement du territoire en général. Ce sont des choses qui peuvent avoir des objectifs multiples, polyvalents. On pourrait résoudre à la fois certains problèmes d'aménagement du territoire, certains problèmes énergétiques. Par conséquent, cette rationalisation énergétique sur le plan de l'économie du transport doit être considérable. Vous savez combien d'efforts se font dans de multiples pays pour utiliser des transports en commun confortables, rapides, non polluants, etc.

Deuxièmement, cela signifie également que, dans certains domaines, il faudrait — et ici, j'ai fait allusion à cela dans notre document — essayer de montrer au public qu'il faut changer de conception. Cela ne veut pas dire qu'il faut réduire le niveau de vie. Entendons-nous bien, j'ai compris votre question. Vous me demandez: que faudrait-il faire, sans pour cela, quantitativement, diminuer notre niveau de vie? Et bien! on pourrait très bien ne pas modifier quantitativement le niveau de vie tout en épargnant énormément d'énergie tout simplement par l'économie que chaque individu pourrait faire. Pas nécessairement par des moyens coercitifs, bien qu'il ne serait pas mauvais, dans certains cas, d'agir sur la tarification de l'énergie, mais tout simplement en insistant sur l'éducation, comme on devrait d'ailleurs le faire, l'éducation mésologique, l'éducation en environnement, en général, pour que chaque citoyen devienne conscient de ses responsabilités. Il y a également dans cette option énergétique d'autres choses qui interviennent. Toute la question du recyclage.

Voilà bien une chose sur laquelle l'humanité en général, et peut-être l'Amérique du Nord, en particulier, ne s'est jamais beaucoup souciée. Nous avons exploité les ressources, c'est-à-dire que nous avons franchi une partie du cycle, toujours le même. On parle économiquement parlant de la marchandise. Et on n'en parle plus, une fois que la marchandise n'est pas utilisée, mais tout l'impact et l'astreinte écologique sur ce qui a été nécessaire pour faire la marchandise et ce que la marchandise devient après, est passé sous silence. C'est un concept qui doit intervenir dans cette option intégrée, un concept de recyclage, de recyclage à tous les points de vue.

Par conséquent, ceci permettrait certainement de faire une économie d'énergie que, malheureusement — et ici, je vous l'avoue bien franchement — je ne pense pas que nous puissions, que n'importe qui, d'ailleurs, pourrait chiffrer. Pourquoi? Parce que cela dépend des options qu'on décidera de faire. Si nous décidons de rationaliser les transports, d'éviter le gaspillage de l'énergie à

toutes les étapes, de faire des recherches sur de nouvelles formes d'énergie, d'utiliser notre énergie hydroélectrique convenablement, de recycler tout ce qui se produit, c'est évidemment, une nouvelle conception de notre attitude vis-à-vis de l'environnement qu'il faut faire et qui ne va pas, à mon avis, nécessairement, contre le niveau de vie des individus, c'est-à-dire que, quantitativement, nous pourrons vivre à peu près comme nous vivons maintenant, mais on peut vivre aussi bien sans gaspiller. C'est une question, ici, évidemment, d'éducation.

En ce qui concerne les ressources hydroélectriques du Québec, nous avons eu des informations à plusieurs reprises de la part de personnes de l'Hydro Québec mentionnant les énormes ressources qui subsistaient au Québec. Je vous ai mentionné le chiffre tantôt, et on ajoute toujours ceci, on ajoute, de ces ressources là, qui sont, à peu près, de 30 000 mégawatts, on pourra en utiliser assez facilement 15 000 à 20 000, mais, ajoute-t-on toujours, il peut y avoir des raisons économiques, écologiques et sociales qui s'opposeraient a la mise en valeur de tout le potentiel énergétique. Mais je n'ai jamais été capable de comprendre ce que ces personnes avaient en tête quand elles disaient des oppositions d'ordre écologique, économique et social.

Je pense que ce sont ces points qui pourraient constituer des contraintes, que je ne connais pas, qu'il faudrait absolument étudier. Je trouve qu'il est presque inadmissible qu'on ne sache pas, à l'heure actuelle, d'une certaine façon, assez précise, ce que nous pourrions utiliser comme ressources énergétiques et comme ressources hydroélectriques. A mon avis, ce sont des chiffres qui sont encore extrêmement vagues. On joue ici avec plusieurs milliers de mégawatts sans se donner, apparemment, la peine d'examiner à fond les facteurs limitants afin de pouvoir éventuellement utiliser, d'une façon plus complète, les ressources énergétiques dont nous disposons.

Le rythme de croissance. Qu'est-ce que devrait être le rythme de croissance? Il y a une chose qu'il faut mentionner, c'est que le rythme de croissance historique, dont on parle depuis longtemps, et qui est estimé à 7.75%, est, évidemment, une extrapolation, la plus simple que l'on puisse imaginer. On voit ce qui s'est passé dans le passé et on continue.

Sans même entrer quantitativement dans des détails, cette espèce de vision des choses ne peut être que condamnée parce qu'il est tout à fait évident qu'on ne peut pas continuer à doubler tous les dix ans. Par conséquent, encore ici, il va falloir que, dans le cadre d'une politique — et c'est bien ce que vous cherchez ici à définir — on puisse, grâce à une option intégrée, grâce à toutes les ressources dont nous pouvons disposer, voir à diminuer le rythme de croissance. Je pense que dans les années futures, il faudra accepter un rythme de croissance qui soit encore de 7% à 8%, parce que le mouvement n'est pas donné. Mais il faudrait, aujourd'hui, que vous décidiez, un beau jour — le plus tôt serait le mieux — qu'on commence à prendre des mesures qui vont, d'an- née en année, au lieu de l'augmenter, le diminuer relativement pour qu'on arrive, peut-être vers la fin du siècle, vers les années 90 — je vous donne ici un chiffre qui est évidemment basé sur rien, parce qu'il s'agirait de mettre en marche de nombreux ordinateurs pour cela — à penser qu'un rythme de 3% à 4% devrait être raisonnable avec une politique d'économie qui soit acceptée par la population et qui n'entre pas en opposition avec son mode de vie.

Je crois, d'ailleurs, qu'il y a des études suédoises qui ont démontré très bien qu'on pouvait réduire de 30% les besoins ou les demandes énergétiques sans porter préjudice au niveau de vie des gens.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier, en premier lieu, le Conseil québécois de l'environnement pour son exposé qui est d'un genre très différent de ceux que nous avons entendus jusqu'à maintenant, puisqu'il s'est situé d'emblée sur le plan des grandes orientations d'une politique de l'énergie, alors qu'inévitablement, bien sûr et sans faire de reproches aux groupes qui vous ont précédés, il s'agissait, dans la plupart des cas, d'éléments ou de contributions particulières à une politique de l'énergie. On attirait notre attention tantôt sur le rôle du transport automobile, tantôt sur l'importance des besoins en chauffage et la contribution de certains agents économiques dans ce secteur ou dans le secteur du gaz naturel, mais il s'agissait, encore une fois, de contributions partielles.

Vous attirez notre attention sur la philosophie qui doit inspirer l'orientation d'une politique de l'énergie et vous nousfaites, à ce sujet, des propositions, vous avancez des thèses qui sont absolument capitales.

J'aimerais poursuivre un peu la question qui vous a été posée par le ministre pour bien saisir si la première affirmation que vous faites, à savoir que le développement des sources énergétiques au Québec, et en particulier la production d'électricité, devrait se limiter, jusqu'à la fin du siècle, au développement d'une capacité de 35 000 mégawatts.

Il est clair que, d'après le raisonnement que vous tenez au long de votre mémoire, cette limitation de la capacité de génération de l'électricité paraît souhaitable. Je crois que le ministre a, dans sa question, cherché à vous faire préciser si, en plus de vous paraître souhaitable — ce qui est évident et pour des raisons qui sont également évidentes — une telle restriction vous paraît possible.

J'aimerais vous l'entendre redire, peut-être en d'autres mots, parce qu'on peut envisager de deux façons l'affirmation que vous faites. Ou il s'agit d'un jugement de fait, même s'il ne s'agit que d'une opinion que vous exprimez avec beaucoup de confiance ou avec une confiance mitigée — ceci, vous pourrez le préciser — ou il s'agit d'une opinion sur un fait dis-je — vous croyez qu'effectivement ceci est possible — ou il s'agit

d'une hypothèse de travail et vous laissez à d'autres le soin de la vérifier ou de la contredire.

Etant donné la composition du Conseil québécois de l'environnement, il me paraît particulièrement important et utile pour la commission de savoir si vos membres, ayant considéré cette affirmation, se sont persuadés eux-mêmes, étant donné la connaissance qu'ils ont de différents champs d'action sur le plan scientifique, sur le plan de l'ingénierie, sur le plan des problèmes de l'énergie, présumément aussi, s'ils se sont persuadés eux-mêmes qu'il s'agit là d'un jugement de fait.

M. Maldague: Je pense que la manière dont ce chiffre de 35 000 mégawatts paraît dans le document est à la fois une hypothèse de travail et un jugement de fait. Je pense qu'il serait difficile de préciser cet objectif si on ne dispose pas en même temps d'un ensemble de moyens qui permettraient de se fixer une politique.

J'essaie d'expliciter ceci. Si vous décidez que vous vous fixez cette valeur de 35 000 mégawatts, il faudrait, bien entendu, prendre une série de moyens pour vouloir arriver à cela. C'est évident que si on laisse aller les choses, pour des lois très simples, on a beaucoup plus de facilité à gaspiller de l'énergie qu'à la conserver. C'est la loi physique, le deuxième principe de la thermodynamique, l'augmentation de l'entropie.

Par conséquent, le Conseil québécois de l'environnement a mentionné ce chiffre de 35 000 mégawatts d'électricité, en considérant qu'actuellement il y avait à peu près — je vous ai dit le chiffre tantôt — 11 500 mégawatts d'installés au Québec, plus bientôt 7000; cela veut dire qu'on a environ actuellement 23 000 mégawatts. On pourrait donc au moins doubler ce que nous avons déjà d'installé actuellement. Ceci n'aurait pas de sens, si on ne décide pas en même temps de compléter cela par d'autre chose. C'est pour cela que nous avons dit — ici vous allez me dire: Vous flottez dans l'utopie — qu'il faudrait utiliser d'autres formes, notamment l'énergie douce. C'est tout à fait évident que si on veut arriver à ces 35 000, pour que cela ne reste pas un jugement de fait mais que cela devienne un objectif, il faudrait l'assortir d'une série de prises de décisions. C'est pour cela que nous revenons à notre idée d'option intégrée.

Ne croyez pas que nous venons de vous dire que ce chiffre de 35 000, on l'a sorti quelque part comme cela, comme une vérité. Nous ne le connaissons pas, mais nous estimons que nous sommes dans une situation suffisamment dangereuse pour que la politique ne soit pas le résultat, si vous voulez, d'une conséquence, d'une situation qui avance un peu n'importe comment, mais qu'on puisse la diriger et la fixer dans une certaine direction. Cette direction pour nous, c'est ce chiffre réaliste de 35 000 mégawatts d'hydroélectricité ou d'électricité installée. Cela veut dire qu'on pourrait y arriver si on veut y mettre les moyens, faire des recherches sur les énergies douces. Toutes les questions dont je vous ai parlé, c'est cela qui exigerait de faire une politique énergétique.

C'est pour cela que notre document s'intitule: Contribution à la politique énergétique.

Par conséquent, ce n'est pas un chiffre absolu, ce n'est pas un chiffre qui est prouvé, c'est une hypothèse réaliste qui pourrait devenir un objectif si on le voulait.

M. Forget: Si vous me permettez, M. le Président, d'aller un peu dans le même sens, et pour bien être sûrs que nous comprenons ce que vous venez nous dire. Vous répondez à ma question: Est-ce une hypothèse de travail ou un jugement de fait?

Effectivement, c'est un jugement de fait, mais conditionnel. C'est-à-dire que c'est une prédiction de ce qui peut se réaliser — et c'est ici que j'aimerais encore peut-être une précision additionnelle, étant donné les derniers propos que vous venez de tenir — une prédiction qui peut se réaliser à partir de décisions qui seraient prises d'engager des moyens connus. Des moyens qui ne sont pas indûment restrictifs de la liberté des individus et qui n'impliquent pas une chute brutale ou un arrêt complet de toute espèce de croissance économique. Si on fait, en fait, de telles affirmations, on a une conclusion très importante. Si, par ailleurs, vous y avez fait un peu allusion, vous dites: C'est un jugement de fait sur ce qu'il est possible de réaliser, mais pourvu qu'on fasse des recherches, ce qui sous-entend qu'il y a un certain nombre de moyens qui sont inconnus à l'heure actuelle qui, seuls, nous permetttraient de réaliser cet objectif, alors, évidemment, ce n'est plus tout à fait le même genre de raisonnement. C'est un peu plus une hypothèse que ce ne le serait dans le cas contraire.

M. Maldague: Je suis bien d'accord avec cela. En fait, cette prédiction pourrait se réaliser parce que nous avons tous les moyens de le faire si nous le voulons. Cela n'exigerait pas d'aller dans le pur inconnu. Il suffirait d'utiliser les mille et un moyens qui existent déjà à notre disposition. Je ne fais que vous citer le rapport 23 du Conseil des sciences du Canada, de Nelman, sur la politique de conservation de l'énergie. Mettons-nous à appliquer tous ces points dont certains sont archi-simples, ou va déjà facilement récupérer des milliers de mégawatts sans se fatiguer. Si, en plus de cela, on se lance dans la recherche de nouvelles formes d'énergie qui sont également connues, parce que des capteurs solaires, c'est une affaire aussi banale que n'importe quoi... On nous dit: Cela coûte cher. C'est comme si votre voiture automobile était faite uniquement pour vous; elle coûterait un prix astronomique. Mais attendez qu'on arrive à faire ces choses en série, et cela ne va pas tarder. D'ici quelques années, nous pourrons certainement récupérer, je pense, si je ne me trompe pas, 50% du chauffage des habitations. Vous avez d'autres formes d'énergie qui ne sont pratiquement pas utilisées non plus. Nous avons d'ailleurs appelé ce chiffre réaliste parce qu'il n'y aurait rien qui s'opposerait à y aller. La grande chance que le Québec a, et c'est peut-être le seul

pays au monde qui a cette chance, ce sont les ressources énergétiques qu'il a et qu'il a encore.

M. Forget: M. le Président, si je peux encore insister, avec votre permission, je crois que c'est là une affirmation extrêmement importante que les membres de la commission voudront retenir, puisque s'il est possible de réaliser un tel objectif à même des moyens connus, pourvu que les décisions appropriées soient prises, c'est sans aucun doute à la lumière d'une affirmation comme celle-là que nous voudrons examiner la formulation éventuelle d'une politique de l'énergie pour le Québec.

J'aimerais toucher, le plus brièvement possible, le deuxième aspect de votre exposé alors que vous faites état des risques qui existent dans l'exploitation de l'énergie nucléaire et qui, selon vous, sont si graves que l'on doit absolument observer ce moratoire que vous recommandez avant de prendre une décision de développement.

Je m'inquiète un peu de la façon dont vous définissez le problème. Elle préjuge, en quelque sorte, ou presque, de la conclusion à laquelle on doit arriver. L'on sait qu'il est très difficile de faire une preuve négative, et la façon dont vous formulez le problème équivaut presque à dire qu'il ne faut rien faire dans ce secteur à moins d'avoir la preuve de l'innocuité ou de l'absence de danger d'une telle méthode de production de l'énergie électrique.

Or, il est assez difficile d'imaginer les preuves négatives. On a beau accumuler l'expérience que l'on voudra de l'absence d'accident absolument catastrophique, il est toujours impossible d'éliminer une possibilité ou de prouver qu'elle n'existe pas. Il est plus facile de faire une preuve positive, bien sûr. Est-ce que ce n'est pas un peu repousser vers un avenir indéfini une décision qui, peut-être, un jour ou l'autre de toute manière, risque de devenir inévitable que de formuler le problème de cette façon? Ou peut-être ai-je mal compris la façon dont vous l'avez exprimée.

M. Maldague: Je crois que vous l'avez bien compris. C'est-à-dire que le raisonnement que nous tenons est très simple. Nous avons affaire à quelque chose qui est tellement dangereux, parce que les conséquences sont fondamentales, je pense que tout le monde reconnaît cela, qu'il ne nous semble pas normal qu'on s'engage dans cette voie aussi longtemps que l'on a tous ces problèmes qui ne sont pas résolus. Parce que ce qu'on fait actuellement c'est, en fait, c'est dans le texte aussi, une sorte de pari technologique ou de confiance absolue dans le fait qu'éventuellement nous allons pouvoir trouver des solutions.

Je regrette, mais il ne me semble pas que ce soit une attitude scientifique. Cela veut dire: allons-y carrément, on a assez d'intelligence pour trouver des solutions au fur et à mesure. Cela pourrait se faire dans des cas où l'enjeu n'est pas aussi considérable, mais actuellement l'enjeu est trop considérable.

Nous sommes, ne l'oublions pas, au début d'une exponentielle de l'industrie nucléaire.

Il n'y a pas encore beaucoup de centrales, plusieurs sont fermées, notamment. On s'attend à ce qu'il y en ait quelques milliers d'ici à l'an 2000, c'est-à-dire une véritable exponentielle, avec — j'ai le chiffre dans des dossiers, ici — des nombres considérables de déchets radioactifs dont on ne sait pas quoi faire. Par conséquent, imaginez ce que le problème va devenir d'ici aux prochaines années. On aura pris une voie sans avoir les solutions et les enjeux sont considérables. Par conséquent, je ne comprends pas comment, en toute objectivité, on puisse accepter cela, scientifiquement parlant. Ce n'est pas étonnant pour cela de voir que, dans de nombreux pays du monde, des groupes de scientifiques se sont réunis pour dire à peu près ce que nous disons ici.

Ce qu'il me semble utile de mentionner ici, c'est que c'est une voie irréversible. Ce n'est pas comme quelque chose qu'on pourrait arrêter. Admettons, on a mis du DDT sur toute la planète, on arrête en 1970. Il y en aura encore pendant quinze ou vingt ans et puis il va s'éliminer de lui-même de la chaîne trophique. Il n'aura pas fait de grands dégâts chez l'homme, aucun pratiquement, et on l'aura arrêté à temps. Je prends souvent cet exemple. Voilà un polluant qui a été mis dans la biosphère en 1942, qui a été commercialisé et qu'on a arrêté trente ans après parce que les poissons et les oiseaux en souffraient.

Ici, notre industrie électronucléaire est neuve. Elle est née, d'ailleurs — ici, je me permets de faire cette remarque, à mon sens, claire — d'un sous-produit de recherches militaires. Evidemment, comme il y avait, par la voie de la facilité, une ressource énergétique facilement utilisable, on s'est précipité dessus sans avoir pris les précautions de la tester. Il ne me semble pas qu'on puisse accepter cela et ce sont ceux qui s'estiment le droit de compromettre la vie humaine et la biosphère qui devraient prendre leurs responsabilités. S'ils ne le font pas, cela, je ne peux pas les forcer, mais les populations entières devraient l'exiger et, un beau jour, ne plus accepter cela. On joue avec quoi? On joue avec la vie. C'est incontestable, à mon point de vue. Comment voulez-vous laisser jouer avec la vie si on ne vous fait pas les preuves de l'innocuité. Or, ici, on est très loin des preuves de l'innocuité. On n'a aucune preuve sur rien; on a simplement la chance qu'il n'y ait jamais eu un grand accident de centrale nucléaire. C'est à peu près tout ce qu'on a eu comme chance, avec un très petit nombre d'années

Le Président (M. Laplante): Le député de Jean-Talon, s'il vous plaît.

M. Garneau: Juste une question. Elle sera relativement brève. Les centrales nucléaires — je pense bien que c'est une vérité de La Palice — ce ne sont pas les hommes politiques qui les ont inventées. Ils en seraient incapables, probablement, mais elles existent.

Ce sont donc des scientifiques comme vous, comme votre groupe, qui les ont inventées. Pourquoi, après ce que vous nous dites, ces mêmes

scientifiques, parce que ce sont encore eux qui les construisent, continuent-ils d'en faire?

M. Maldague: Ici, M. Garneau, la réponse est très facile. C'est que le scientifique peut avoir des capacités intellectuelles, mais vous pouvez avoir, parmi les scientifiques, comme parmi n'importe qui, des gens qui ont le sens moral ou qui ne l'ont pas. Vous pouvez avoir des scientifiques pour lesquels l'éthique a une signification et d'autres pour lesquels il n'y en a pas. Autrement dit, vous pouvez avoir des scientifiques mercenaires et des scientifiques qui ne le sont pas.

Par conséquent, vous avez des scientifiques qui ont les capacités de faire une centrale nucléaire, qui vont la faire et qui ne vont pas réfléchir aux conséquences à long terme de leurs actes. C'est un des grands problèmes que nous avons actuellement; c'est qu'il y a des esprits qui ont la propension de penser à long terme et il y a des esprits qui n'ont pas la propension de penser à long terme et qui sont autant valables sur le plan scientifique les uns que les autres. Il y en a pour lesquels le sens des responsabilités, ils ne l'ont pas de la même manière. Il y en a qui peuvent aussi bien dire: Admettons que le problème ne soit pas résolu, ce n'est plus notre affaire. On nous demande de faire une centrale. Voilà la centrale. Les autres scientifiques se casseront la tête avec les problèmes. Voyez-vous.

Ici, je pense que ce n'est pas une question d'être scientifique pour être pour ou contre. Vous pouvez avoir des scientifiques pour et des scientifiques contre, suivant l'orientation de ces scientifiques.

M. Garneau: Quand vous vous réunissez entre scientifiques, y a-t-il un point d'accord ou s'il n'y en a pas, sur cette question? Parce que je suis bien prêt à admettre l'hypothèse que vous faites que certaines personnes peuvent avoir une éthique, une conscience morale plus articulée que d'autres, mais j'imagine qu'il y en a aussi qui travaillent là-dedans et qui ont une perception de ces dangers. Quand il y a des colloques là-dessus, il doit y avoir des pour et des contre. Tous les gens, même ceux qui auraient une conscience morale moins développée, admettent-ils les dangers qui subsistent, quand même? Les admettent-ils ou si...

M. Maldague: La réponse ici est assez complexe. D'abord, vous n'avez pas nécessairement unanimité là-dessus. Je vais vous parler de certains très bons esprits que j'estime énormément, des scientifiques nucléaires, des physiciens nucléaires qui, dans un texte que je possède d'ailleurs, tentent par tous les moyens d'être objectifs, mais, lorsque vous examinez le texte dans ses moindres détails, vous constatez que le maximum qu'ils peuvent vous offrir comme objectivité, c'est une sécurité qui va jusqu'à cent ans.

Voilà des gens qui estiment que les conteneurs dans lesquels on pourrait mettre les déchets, etc., pourraient résister cent ans. La plupart vont vous dire: On sait d'ailleurs que cent ans, c'est beaucoup. Ils essaient de faire un effort pour montrer qu'on a fait un effort pour au moins protéger pour cent ans. Pour d'autres, cela n'a plus de sens, des arguments pareils. Alors, on ne peut pas taxer un tel scientifique de mauvaise volonté, il fait tout ce qu'il peut, mais il se limite forcément. Maintenant, parmi les scientifiques chevronnés, vous avez là-dedans des gens d'abord qui hésitent, il y en a. Je ne veux pas dire de noms ici, vous avez un professeur de physique nucléaire au Collège de France qui est tout à fait contre l'utilisation électro-nucléaire qu'on fait. Vous en avez d'autres qui ne sont ni pour ni contre, et qui essaient de jouer, qui essaient de donner parfois des arguments qui ne sont pas honnêtes, d'ailleurs. Je pourrais vous donner des noms, mais je préfère ne pas le faire maintenant.

Alors, vous avez là différentes opinions et il est très difficile de parler de consensus. C'est pour cela que nous avons dit: Nous demandons un moratoire. Nous le lèverons lorsqu'il y aura un consensus qui se sera dégagé. Cela veut dire quoi? Cela veut dire qu'on n'entend pas ce qu'on entend maintenant. Un groupe de 400 scientifiques français qui ont fait une demande, des groupes aux Etats-Unis, des ingénieurs nucléaires responsables de la sécurité qui démissionnent, une commission britannique qui vient de mettre, si vous voulez, en garde contre l'installation de surgénérateurs, les phénix français qui sont arrêtés, d'ailleurs, les problèmes qui se posent dans de nombreux pays avec l'utilisation qu'on peut faire de ces sous-produits nucléaires. Donc, on ne peut pas dire qu'actuellement... Le seul consensus qu'il n'y a pas actuellement, c'est qu'il n'y a pas un consensus pour l'utilisation de ce genre de fission.

M. Garneau: Le moratoire que vous demandez, est-ce qu'il s'applique également à Gentilly 1 et 2 ou s'il s'applique à un éventuel Gentilly 3?

M. Maldague: Ecoutez, pour être bien franc, disons qu'on pourrait passer sous silence Gentilly 1 et 2, puisqu'ils existent déjà et que cela n'est jamais intervenu pour grand-chose dans la production hydroélectrique du Québec. Utilisons-le, Gentilly, point 5 de notre demande, pour les recherches sécuritaires. Laissez-les fonctionner et que cela devienne des centres expérimentaux pour tester la sécurité, mais alors d'une façon totale et objective.

Le Président (M. Laplante): Le député de Laprairie.

M. Michaud: A la lumière de votre mémoire et au nom de la raison, il va de soi qu'il faudrait éviter tout recours à l'énergie électronucléaire. J'aimerais poser une question assez courte et avoir une réponse assez précise aussi. Est-ce que vous avez fait une étude d'impact de l'énergie électronucléaire par rapport aux stocks d'armements nucléaires qui existent ou qui ont été utilisés? Je veux dire, la pollution qui pourrait arriver finalement avec les usines d'énergie électronucléaire et la pollution qui pourrait arriver avec les armements en stock présentement.

M. Maldague: Non. Je vous avoue que nous ne pouvons pas, et je crois que c'est impossible de tenir compte de la dimension que représentent les armements nucléaires existant à la surface de la terre. Parce que si on en arrive là, la phrase de Grasse s'applique parfaitement. Il faut avouer que si on raisonne sur ce plan, l'homme est devenu fou. Parce que tout le monde sait qu'il y a assez d'armes nucléaires sur la terre actuellement pour faire sauter la planète plusieurs fois et supprimer tous ses milliards d'habitants. Plusieurs fois. Par conséquent, nous sommes sur une poudrière. Il faut espérer qu'une espèce d'équilibre...

Donc, c'est un point que nous excluons totalement de nos raisonnements. La seule chose que je vous ai dite tantôt, c'est que ce développement de l'énergie nucléaire s'est fait en grande partie à cause de découvertes militaires qui sont déjà, en elles-mêmes, très regrettables et qui, évidemment, risqueraient, sur un plan non militaire, de nous entraîner dans une voie qui n'est pas acceptable.

Le Président (M. Laplante): Dernière intervention, M. le ministre.

M. Joron: Oui. J'aimerais revenir sur la question du taux de croissance non pas uniquement de l'électricité, mais de l'énergie en général. Vous avez dit, au tout début, qu'une croissance exponentielle, en utilisant le chiffre de croissance historique de l'électricité, par contre, de 7% ou 8% par année, 7 1/2% ou 7 3/4%, faisait doubler la production à tous les dix ans.

Je veux bien croire que c'est impensable d'imaginer qu'on peut continuer à ce rythme pendant trois ou quatre générations encore. Avant que la plupart d'entre nous soient morts, il y aurait probablement 500 centrales nucléaires sur le territoire du Québec à ce rythme.

Vous avez ensuite avancé le chiffre d'un taux de croissance plus réaliste de 3% ou 4%, ce qui est déjà encore beaucoup plus élevé que la croissance de la population au Québec, qui est en bas de 1% finalement, maintenant, et qui est prévue pour rester à peu près à ce niveau par les démographes jusqu'à la fin du siècle. 3% ou 4%, c'est à moitié moins. 3 1/2%, prenons la moyenne, là, on double à tous les vingt ans. Cela m'apparaît tout aussi insoutenable. C'est deux fois plus, me direz-vous, mais, quand même, il va arriver, dans le temps, un moment où ce ne sera plus possible non plus.

Je veux revenir sur la question que je vous posais. Est-il possible d'imaginer de réduire davantage le taux de croissance? Parce que même aux 3% ou 4% que vous mentionnez, on n'y arrivera pas avec le 35 000 mégawatts. Ces 35 000 mégawatts ne représenteraient, si le taux de croissance était de 3% à 4% jusqu'à la fin du siècle et, qu'à la fin du siècle on avait 35 000 mégawatts, l'électricité compterait pour un pourcentage probablement moindre qu'aujourd'hui dans le bilan énergétique québécois... Ce qui veut dire qu'on serait dépendant à 80% sur des sources alternatives qui, elles, si on ne compte pas la technologie nouvelle, cela ne peut pas être un facteur très très important avant la fin du siècle, on compterait donc sur des sources non renouvelables qui s'épuisent à un rythme effarant dans le reste du monde.

Là, je me sens coincé quand vous parlez de cela. Et, je reviens à ma question, à savoir peut-on aller plus loin encore dans la diminution du taux de croissance, la ramener au même taux que la croissance même de la population? Et, à ce moment, c'est la première question que je vous posais qui me paraît la plus importante. Si on faisait un tel choix, est-ce que la quantité de biens et services disponibles par habitant, elle, pourrait augmenter, sans que l'énergie disponible par habitant n'augmente?

M. Maldague: Je voudrais donner l'occasion peut-être à M. Pageau de répondre au moins à la première partie de votre question.

M. Pageau: La cible de 35 000 mégawatts en hydroélectrique, nous savons que les types d'énergie ne sont pas interchangeables absolument. Nous en aurions 100 000 mégawatts, cela ne fera pas avancer ma voiture. Donc, il faut que ce soit complémentaire, c'est un train d'options énergétiques qu'il faut organiser. SOQUIP a présenté l'idée que le Québec n'utilise que 6% de gaz naturel; en Ontario, il y en a 30% et 32%; pourtant le bilan énergétique de l'Ontario est beaucoup plus grand que celui du Québec, cela représentait presque 50% du bilan énergétique. Le gaz existe, les réserves sont considérables et on pourrait compter sur lui pour remplacer une tranche de pétrole, première tâche.

Le charbon est encore considérable au Canada, cela peut être également utilisé, il peut être gazéifié et on y revient dans plusieurs pays du monde, il faudrait y revenir et on peut y revenir en assurant l'écologie, l'environnement. Plattsburg a son ciel bleu et les plus grandes sidérurgies du monde y sont centralisées. Le ciel est devenu de nouveau bleu, puis cela marche toujours au charbon. Enfin, le pétrole des sables bitumineux, il est exploité, le pétrole sort actuellement.

M. Joron: En petite quantité, mais il faudrait savoir...

M. Pageau: Mais je suis convaincu que d'ici dix à quinze ans, il sera rentable sur les marchés canadien et québécois.

M. Joron: Tout dépend à quel prix. Je veux dire si "if price is no object", comme on le dit.

M. Pageau: A quel prix M. le ministre. L'énergie nucléaire, la première usine d'eau lourde commerciale au Canada, Glace Bay, Nouvelle-Ecosse, a coûté un milliard. Faite par des grands ingénieurs et des grandes maisons, elle a été presque démantelée parce qu'on avait oublié que l'eau salée était corrosive. On en a construit une autre, il y a quatre ans, à Peterborough, Nouvelle-Ecosse, pour la remplacer. On en fait une à La Prade, maintenant. Là, le fédéral a arrêté

ses fonds. Nous sommes rendus à des prix de 3/4 de million, ce n'est pas fini...

M. Joron: 3/4 de milliard.

M. Pageau: 3/4 de milliard, pardon! L'industrie nucléaire, ça se fait, mais cela ne sera pas bon marché.

M. Joron: Je ne vous posais pas la question en relation avec l'obligation de faire du nucléaire. Remarquez, les sources alternatives dont vous parlez: gaz, elles sont limitées dans le temps aussi. On prévoit trente ans, vingt-trois ans, vingt-sept ans, trente-deux ans, peu importe, c'est l'avenir qu'on est en train de construire. On n'essaie pas de régler le problème d'une génération. Ce gaz-là aussi s'épuisera. Les sables bitumineux, on ne sait pas à quel prix, mais même encore là, disons que cela nous fait faire un autre cinquante ans; mais après? Vous n'avez pas répondu à ma question. Ce n'est peut-être pas de votre compétence d'y répondre, mais la question que je veux poser est: Est-ce que, d'après vous, il y a relation directe entre la croissance énergétique et la croissance économique? C'est cela, ma question.

M. Maldague: M. le ministre, ici, je voudrais vous donner un élément de réponse et céder la parole à Michel Jurdant. Je crois, ici, que vous avez demandé en fait si nous parvenions a baisser encore le taux de croissance, et je suis d'accord avec vous, quand on dit 3% et 4% d'ici les vingt-cinq prochaines années, mais il faudra arriver pratiquement à le baisser encore, qu'est-ce que cela aura comme effet sur le niveau de biens et de services qu'on va donner aux gens. Je crois que la réponse est la suivante: Quand on discute de cette question de taux de croissance, ce n'est pas tellement pour savoir si la croissance est bonne ou mauvaise, mais ce qu'il va falloir faire, c'est la réorienter. C'est-à-dire que des choses qui sont des biens et des services que les gens veulent maintenant, ne devraient peut-être plus être à leur disposition parce qu'au fond, ce n'est pas tellement bien que cela.

Je voudrais demander cependant à Michel Jurdant, qui vient d'écrire un livre sur le sujet, de répondre peut-être un peu à ces questions de niveau de vie.

M. Jurdant: Je peux répondre surtout à votre question fondamentale, que j'estime la plus fondamentale. Il y a deux volets, donc le taux de croissance de 1%, est-ce qu'un taux de croissance de 1% serait acceptable; d'un autre côté, les quantités de biens et services. Tout est, en fait, dans la définition de ce qu'on entend par biens et services pour les Québécois. Le Québécois, le Québec et, par l'intermédiaire de son gouvernement, se doit de se définir dans une politique énergétique qu'est-ce qu'on entend par un bien et par un service. C'est aussi simple que cela. La politique énergétique est liée intimement à cette définition fondamentale.

Le Président (M. Laplante): C'est tout? Merci, madame, merci, messieurs. Les membres de cette commission vour remercient de l'apport et de l'éclairage que vous avez voulu apporter.

M. Maldague: Merci beaucoup.

Le Président (M. Laplante): L'Institut national de la recherche scientifique. Vous avez le même temps, environ 45 minutes. Veuillez identifier les gens qui vous accompagnent.

Institut national de la recherche scientifique

M. Lemay (André): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés. Je suis accompagné ici cet après-midi d'un groupe de professeurs de l'INRS-Energie. INRS veut dire Institut national de la recherche scientifique. Ce groupe de professeurs de l'INRS-Energie, en apprenant la tenue de ces auditions, a bien voulu préparer un mémoire que le professeur le Dr Jacques Martel vous lira dans quelques instants. J'ai aussi à ma gauche M. Michel Desjardins, qui est le directeur du groupe INRS-Pétrole, qui lui aussi a bien voulu s'adresser à vous cet après-midi. J'ai cru bon expliquer un peu la situation un peu particulière de l'Institut national de la recherche scientifique par rapport aux autres universités. J'ai, à mes côtés, je crois, le professeur Tudor Johnston, de l'INRS-Energie, le professeur Benoît Jean; j'ai à ma gauche le professeur Héroux, de l'INRS-Pétrole. Il y a un groupe de quatre professeurs et un étudiant de troisième cycle de l'INRS-Energie qui nous accompagnent.

L'INRS est une constituante de l'Université du Québec qui a, selon ses lettres patentes, comme objectif principal la recherche fondamentale et appliquée ainsi que l'enseignement, mais toutefois un enseignement limité aux deuxième et troisième cycles. De plus, l'INRS doit constituer, en liaison avec les organismes publics compétents, des centres de recherche ordonnée au développement économique, social et culturel du Québec.

Ce mandat qui a été confié à l'INRS fait de nous une institution différente des autres établissements universitaires. Une approche thématique, toujours multidisciplinaire, caractérise chacun de nos centres ou groupes de recherche déjà existants et ceux-ci sont répartis sur le territoire du Québec. A ce jour, huit centres ou groupes ont été institués et deux ont des programmes de recherche touchant directement au secteur prioritaire de l'énergie, soit l'INRS-Energie et l'INRS-Pétrole. L'INRS-Energie est situé à Varennes, voisin de L'IREQ; alors, il y a eu une collaboration établie avec l'institut de recherche de l'Hydro-Québec depuis plusieurs années déjà et là, on poursuit des programmes de recherche appliquée en relation avec l'éventuelle production d'énergie par fusion thermonucléaire.

Là est peut-être l'après auquel M. le ministre faisait référence il y a quelques instants. L'interaction laser-matière, le confinement magnéto-électrique et la technologie des réacteurs à fusion

sont des projets ayant actuellement cours. De plus, on y poursuit plusieurs études sur l'application des plasmas, toujours dans le domaine de l'énergie. Le groupe INRS-Pétrole a déjà collaboré étroitement avec la SOQUIP, le ministère des Richesses naturelles du Québec, SOQUEM et bien d'autres organismes, dont plusieurs sont étrangers au Québec. Il poursuit des recherches associées aux problèmes techniques d'exploration pétrolière, sans toutefois négliger l'étude de problèmes généraux rencontrés en sédimentologie et même en exploration minière.

L'INRS, comme un tout, est donc disponible et prêt à aider le gouvernement du Québec dans tous ses efforts visant à résoudre les problèmes énergétiques présents et futurs. Je vais donc demander, pour l'instant, au professeur Martel de vous résumer le mémoire présenté par les professeurs de l'INRS-Energie. Professeur Martel, s'il vous plaît.

M. Martel (Jacques): Je ne sais trop si je dois me présenter comme un de ces bons ou mauvais scientifiques au départ. J'avoue que je n'ai jamais considéré cette question sous cet aspect. Quand on a su qu'il y avait justement une commission parlementaire, tous les professeurs du centre, chez nous, ont décidé: Peut-être qu'on pourrait donner quelques idées. Je ne pense pas qu'il était question, à ce moment-là, d'élaborer une politique en deux semaines. Cela aurait été un peu prétentieux. D'autre part, on a dit: On va essayer de faire participer, parce que ça fait quand même cinq ans que nous nous penchons sur les problèmes énergétiques.

D'accord, on "trip " peut-être un peu plus sur la fusion, mais c'est tellement loin que, pour tout de suite, ce n'est pas trop grave. On se concentre dans des domaines un peu plus réalistes. On essaie surtout, je pense que c'est ça qui est important, de les appliquer au domaine québécois.

On a été tenté d'intituler notre petit texte "Notre pays, c'est l'hiver ", pour plusieurs raisons, surtout parce que cela donne une connotation particulière au problème québécois, qui est vraiment différent d'un problème au Mexique. On y reviendra peut-être un peu plus tard pour les questions d'énergie solaire, les technologies bucoliques ou douces, je ne sais, pour savoir exactement ce qu'on doit faire.

Je vais passer le texte rapidement; je crois que vous avez tous celui-ci. Ce qu'il faut au départ, et je pense que c'est le rôle de cette commission, c'est de faire une évaluation globale. Il ne faut pas considérer énergie synonyme d'électrique et tout à coup, synonyme de pétrole, mais il faut avoir une vue d'évolution. On mentionnait qu'il y a certaines énergies qui sont interchangeables, d'autres non. Mais il faut quand même savoir où on s'en va et ce que cela nous donne.

En particulier, prenons le contexte québécois. Je vais essayer de faire ressortir un exemple. On compare souvent le Québec à la Suède. Cela semble être un exemple qui se tient assez bien.

Les données de 1971, parce qu'il s'adonnait que c'étaient celles-là qui étaient complètes pour les trois pays, nous montrent que la Suède, pays reconnu pour son économie, consomme 52 000 kWh par habitant. Les Etats-Unis, le gros gaspilleur d'énergie, en consomment 96 000, donc, énormément plus...

M. Garneau: Excusez, quand vous dites cela, est-ce que vous avez converti toute l'énergie en kilowatts?

M. Martel (Jacques): Oui, ceci inclut toutes formes d'énergie, électrique, pétrole, ainsi de suite, pour l'industrie, le commercial, le domestique; enfin, c'est un bilan total. Donc, 96 000. Où se situe le Québec là-dedans?

On a 56 000 comparativement à 52 000 pour la Suède. Est-ce que cela veut dire — et c'est cela notre point — qu'on consomme plus? Qu'on ne gaspille pas beaucoup? Ce qu'on prétend, c'est qu'en fait, on ne le sait pas, parce que les gens qui ont fait l'étude et la comparaison entre la Suède et les Etats-Unis, allaient beaucoup plus dans le détail de la consommation. Cela dépend de l'industrie, du type d'industrie, des modes de production, du climat, évidemment. S'il faut se chauffer ou ne pas se chauffer, c'est un apport.

Donc, cette étude détaillée de la structure de l'économie, du climat, doit être faite. Elle doit être faite en disant: Non, ou oui, c'est bien, mais en allant dans les détails, dans chacun des coins, pour savoir où sont les dépenses d'énergie.

Premier point, avant de vraiment aller trop loin dans une étude, sachons où nous sommes. Evidemment, c'est bien beau de trouver des solutions à ces problèmes une fois qu'on connaît les départs, mais il faut aussi évoluer vers ces solutions et cela peut être très long. Quand on écrivait le texte, on se demandait si un gouvernement pouvait prévoir beaucoup plus que quatre ans d'avance. Dans ce cas-ci, il va falloir le faire, je ne sais pas trop comment, mais il y a quand même une évolution, une ligne, parce que ce ne sont pas des problèmes à résoudre immédiatement.

Il nous apparaît essentiel d'établir un programme d'évaluation, de recherche et d'éducation avant d'établir une politique globale, ou, en fait, de la terminer complètement. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas l'amorcer, mais la terminer. C'est d'ailleurs notre proposition majeure en fait de recommandation. Nous espérons évidemment pouvoir vous aider dans ce domaine.

Je vais peut-être élaborer un peu sur ce qu'on entend par cette évaluation, cette recherche et cette éducation. Ce qui nous apparaît d'abord primordial, c'est de déterminer ou de fixer les objectifs sociaux des gens, c'est-à-dire ce que la personne veut. On a peut-être tendance, souvent, et d'un côté et de l'autre des différentes controverses énergétiques, à prendre nos désirs pour des réalités. Est-ce que vraiment tout le monde veut vivre dans une arche de Noé où il fait tout lui-même sans se fier à personne, etc.?

D'autre part, est-ce qu'on veut vraiment avoir tout automatique et tout contrôler à distance, en consommant énormément d'énergie? Je pense que les niveaux sont à déterminer. Préfère-t-on

vraiment, dans un exemple banal, faire de la motoneige tous les soirs ou veut-on faire du ski de fond? Ce n'est pas à nous d'imposer aux gens — nous ne le croyons pas — nos goûts.

D'abord, déterminer où on veut aller au point de vue social; deuxièmement, bien comprendre qu'il n'y a pas de solution magique. Toutes les solutions qui sont proposées ont des désavantages et des avantages. On n'en a jamais eu d'ailleurs, mais on est plus conscient du fait qu'on n'aura jamais rien pour rien.

Il faut être prudent dans l'évaluation de nouvelles solutions. Il faut connaître les risques, les impacts, quels qu'ils soient, bien les déterminer. Il y a beaucoup d'erreurs qui circulent facilement. Nous devons donc considérer les impacts, mais bien les connaître objectivement. Il faut que cela soit fait, si possible avant de faire la chose. C'est aussi préférable.

Un autre point, je pense, qu'il faut mentionner dans ce système, c'est la fiabilité des modes de production. Le pétrole, l'huile à chauffage qu'on a chez nous, on fait des stockages locaux d'énergie. On n'a pas d'heure de pointe dans le chauffage à l'huile. Malheureusement, alors qu'on est quasiment autonome au point de vue de la sécurité, on est obligé d'avoir de l'électricité pour faire marcher notre fournaise à l'huile, de sorte que si on n'a pas d'électricité, pif! on n'a plus de chauffage.

Or, le chauffage' si vous parlez aux gens de Buffalo de ce temps-ci, ils aimeraient peut-être en avoir un peu plus. Ne pourrait-on pas, dans des solutions simples de départ, trouver des mécanismes pour faire fonctionner des choses en état de difficultés ou faire fonctionner à 50% de chaleur? Est-ce qu'on peut baisser certaines choses? On fonctionne beaucoup dans des systèmes où c'est tout ou rien.

Donc, dans la recherche, il y a des solutions qui ne sont pas nécessairement magiques et immenses à faire là-dedans, mais il y a du travail à faire de ce côté. Evidemment, il faut avoir des scénarios d'évolution. Nous sommes bien d'accord qu'il y aura des taxes à imposer ou des rations. Si on décide de mettre une immense taxe sur la bière et qu'on ne donne pas de choix, les gens vont continuer à prendre de la bière. Si on a un choix entre le vin et la bière, peut-être que, là, ils continueront au vin. C'est bien beau d'augmenter, le prix du pétrole a doublé. Cela n'a pas empêché grand-monde de se promener dans sa voiture. On peut le tripler peut-être, mais cela ne changera pas grand-chose. Alors, il faut donner des options. Il faut toujours se souvenir aussi, par exemple, que, dans le transport, un autobus est pire qu'une voiture à six. Ce n'est pas toujours évident qu'elle est la meilleure solution. Donc, évoluer vers cela. Il faut tenir compte, comme on le mentionnait, des facteurs particuliers au Québec. Il faut donc développer une politique qui nous est propre, qui réponde à nos aspirations, à nos besoins et à nos ressources.

J'aimerais peut-être parler un petit peu d'un domaine qui attire beaucoup de monde, c'est l'énergie solaire. Quand on présente l'énergie solaire, on présente toujours une maison unifami- liale, en banlieue, si possible, plus loin des arbres et des forêts, parce qu'évidemment, on ne veut pas d'arbres devant nos collecteurs solaires. Cela part mal. On en présente très rarement sur la rue Duluth à Montréal, avec des gros collecteurs solaires, je ne sais pas où. Donc, au départ, qu'est-ce qu'on veut solutionner comme problème avec cela? Oui, comme besoin de montrer qu'on peut se servir de choses faciles, qui ne coûtent "rien", je veux dire, la vitre est très dispendieuse, surtout l'isolante contre le soleil. C'est $10 le pied carré. Mettons que cela descende à $7 ou $6 le pied carré, installé, on reste avec des coûts exorbitants. Je ne veux pas entrer dans les chiffres, mais on a pris un exemple des maisons solaires françaises, etc., dans le texte, où on indique que, finalement, on est quatre fois plus mal placé, c'est-à-dire qu'on a deux fois moins de soleil, qu'il fait deux fois plus froid. Donc, eux, ont 60%, nous, on a 15%. L'unifamiliale, en banlieue, il n'y en a pas tant que cela. En supposant que tout l'unifamilial, du jour au lendemain, se transforme à l'énergie solaire, on sauve 1% ou 2% du bilan énergétique total du Québec. Est-ce qu'on veut mettre tous nos efforts de ce côté? Est-ce qu'il n'y a pas moyen de trouver une solution mieux adaptée au problème de chez nous, du Québec? Est-ce qu'on a des choses? Alors, on ne dit pas qu'il y a des solutions, mais, sachant où on veut aller, qu'est-ce qu'on va sauver avec cela? Donc, la recherche de solutions technologiques au problème de l'énergie doit, tout en faisant appel à des connaissances internationales, se trouver un style québécois dans ses applications.

Rapidement, quelles sont nos composantes d'abord pour lancer un programme? Il existe actuellement non pas une politique énergétique québécoise, mais un fait énergétique québécois. On doit donc partir de là pour aboutir. Pour ce faire, on a préparé — en fait, c'était fait l'an dernier — on a accolé à notre mémoire une série de tableaux sur l'évaluation des sources. Alors, on a mentionné toutes les nouvelles sources possibles, imaginables.

On ne prétend pas, que ce tableau soit exhaustif, ni complet, mais, enfin, on a essayé de faire un bilan assez global dans lequel on a mis tous les éléments, le coût, qu'on peut estimer actuellement. Tout cela n'est évidemment pas faisable en même temps, mais, dans ces tableaux — il y en a trois pages — sur le stockage, la transformation rationnelle, qu'est-ce qu'il y a d'application chez nous? Par exemple, est-ce que, si on est obligé d'aller au nucléaire, pour des raisons... On est très conscient des dangers ou des problèmes. Est-ce qu'on veut construire du nucléaire où on rejette 60% de la chaleur dans la rivière? Ne serait-il pas tout simplement préférable de retarder un peu et d'utiliser cette chaleur pour l'hiver, pour le chauffage domestique ou l'eau chaude, et l'été, pour accélérer certains processus biochimiques ou biologiques? Allonger la saison agricole dans certains coins, se servir de cette eau chaude pour dégeler le sol plus rapidement, prolonger une récolte, enfin, ne pas la gaspiller. Utilisons-la pour une chose en hiver, pour une autre chose en été.

On va être obligé d'importer. Est-ce qu'on peut exporter quelque chose avec cette énergie qu'on acquiert d'ailleurs? Donc, bien évaluer et peut-être retarder certaines choses pour les appliquer avec une efficacité ou une utilisation rationnelle plus grande.

Pour ce faire, il faudra peut-être changer certains buts ou l'orientation de certains organismes, en ce sens que l'Hydro-Québec doit produire de l'électricité et non de la chaleur et non de l'énergie en général. Quand on fait ce genre de choses avec les centrales thermiques ou nucléaires, ça n'a pas d'importance, on a tendance à diminuer l'efficacité de production électrique pour obtenir une chaleur un petit peu plus élevée à la sortie; donc, perte d'un côté, gain de l'autre. Au point de vue purement électrique, ce n'est pas bon. C'est une perte totale. Il n'y a aucune compagnie d'électricité qui veut le faire, naturellement. Mais ça, c'est à voir.

Il faut aussi voir tous les réseaux de distribution, les réseaux de stockage. On mentionne que l'hydroélectrique a actuellement des gros problèmes de pointe de cinq à sept heures. Mais pourquoi? Est-ce qu'on l'a voulu? Qu'est-ce qu'il y a à faire? Est-ce qu'on ne peut pas trouver un système de stockage temporaire, des méthodes de déclencher, d'arrêter les chauffe-eau, par exemple, directement — ça se fait et ça peut se faire — d'un point et d'empêcher les gens de chauffer leur eau de cinq heures à sept heures? L'eau chaude, on n'en a pas besoin de cinq heures à sept heures. On peut attendre à sept heures et demie pour faire ce qu'on avait à faire à six heures et demie. Pardon?

M. Grégoire: ... de cinq heures à sept heures.

M. Martel (Jacques): C'est ça. Donc, ne pas se servir de l'eau chaude.

M. Grégoire: C'est l'heure où il se demande le plus d'eau chaude.

M. Martel (Jacques): Pour faire cuire, on n'a pas besoin d'eau chaude. Pour laver la vaisselle, on la fera à sept heures et demie. Elle est déjà chaude, d'ailleurs. Ce n'est pas une question de réchauffer l'eau.

M. Grégoire: C'est l'heure de pointe de l'eau chaude.

M. Martel (Jacques): Oui, mais vous n'avez pas besoin de 100 gallons. Vous pourrez peut-être vous contenter de 40. Enfin, on pourra en discuter plus longuement. Finalement, la consommation et la conservation. Je pense bien que personne n'est contre la conservation. Ce serait vraiment être contre le sirop d'érable, je ne sais pas. Mais, où économiser? Où est-ce valable d'économiser? Est-ce qu'on sait vraiment, à part dire: Oui, c'est mieux une maison R-28 qu'une maison R-20... Bon! Enfin, pourquoi avoir deux codes d'isolation dans les maisons? Cela m'apparaît un peu fort de dire: Certaines maisons peuvent être moins bien que les autres. Mais jusqu'où doit-on isoler? Enfin, tout ça, ça pose beaucoup plus de questions, et je pense que c'est ça qui est notre affaire. La politique qui doit être mise sur pied doit s'adresser certainement précisément aux problèmes à court terme. Certaines mesures peuvent être mises en oeuvre rapidement et sans bouleversement majeur. Il est impératif d'arrêter le gaspillage et de freiner une consommation démesurée et superflue.

Il faut peser, au meilleur des connaissances actuelles, les avantages et les inconvénients des systèmes d'énergie. Mais cette politique doit aussi intégrer des mécanismes d'évolution qui permettent l'évaluation et la recherche de solutions à long terme. Cette partie est essentielle car les délais pour la découverte et la mise en application d'une nouvelle technologie sont grands.

Une Voix: Peut-être que...

Le Président (M. Laplante): Juste un moment. Il vous reste environ vingt minutes pour la période des questions, parce qu'on va avoir des questions à vous poser probablement, s'il peut être assez court dans son exposé.

M. Lemay: Le directeur, Michel Desjardins, de l'INRS-Pétrole, a un énoncé très court.

M. Desjardins (Michel): Merci. Effectivement, cela peut être très court. D'ailleurs, si vous regardez le mémoire qui a été présenté à la commission, il ne contient que deux pages et je vous ferai grâce de le lire.

Mon intervention, pour reprendre un peu l'introduction de mon collègue de l'INRS-Energie, va sûrement...

Le Président (M. Laplante): Le micro, s'il vous plaît, monsieur.

M. Desjardins: Pardon. Cela va mieux?

Alors, mon intervention, pour reprendre l'introduction de mon collègue de l'INRS-Energie, va sûrement vous faire paraître les scientifiques de l'INRS-Pétrole comme des mauvais scientifiques, dans le sens que je ne vous parlerai pas de conservation, de réduction de consommation d'énergie, etc., mais plutôt de recherches et spécialement de recherches de pétrole, tout particulièrement au Québec.

En quelques mots, un bref historique. Créé en 1972, l'INRS-Pétrole avait pour mission tout principalement d'aider — je fais une parenthèse pour dire qu'il a été créé en paternité conjointe avec le ministère des Richesses naturelles, la SOQUIP et, bien entendu, le ministère de l'Education puisque nous sommes universitaires — avait donc pour but d'aider l'exploration pétrolière au Québec. Ce travail a été fait en grande partie et on arrive, aujourd'hui, au point où on se pose la question qui n'a pas encore été posée — je me permets de le faire— Est-ce qu'il y a du pétrole au Québec? Déjà, la SOQUIP est intervenue pour dire qu'il y avait du gaz; on a trouvé du gaz. Les études qui ont été faites à l'INRS-Pétrole ont montré que, de

Montréal jusqu'à la vallée de la Matapédia, les formations sédimentaires contiennent un potentiel de gaz non négligeable. A l'est de la vallée de la Matapédia, il y a un potentiel de pétrole non négligeable. Entre le potentiel pétrole et le potentiel réservoir, il y a toute une différence.

Quels sont les moyens qui ont été mis en oeuvre jusqu'à présent pour essayer de découvrir ce potentiel pétrolier dans la province de Québec? On a mis — je ne citerai pas de chiffres précis — des centaines de milliers de dollars, alors que présentement, sur la côte du Labrador où l'INRS-Pétrole intervient en tant que consultant, on a mis des millions de dollars. Pour la petite histoire, lors d'une conversation téléphonique récente un collègue me disait: Attention, les Russes sont allés en Chine — je ne compare pas les Russes avec la SOQUIP ou les multinationales qui viennent au Québec et je ne compare pas la Chine au Québec — et avec les moyens du bord, parce que cela date de quelques années, en sont partis en disant: II n'y a pas de pétrole. Aujourd'hui, la Chine exporte du pétrole. Elle fournit sa propre consommation et elle en exporte.

Nous croyons qu'il y a du pétrole au Québec. Combien y en a-t-il? Cela reste à déterminer. Comment déterminer s'il y en a et quelles sont les choses? C'est une question de moyens. Je ne veux pas créer de polémique, mais lorsque, pour des raisons comme le déficit des Jeux olympiques, de simples petites études et du bricolage de l'ordre de $20 000 ou $30 000 sont annulés, on se demande où sont les priorités.

Personnellement, nous croyons que, si on veut évaluer le véritable potentiel pétrolier — je parle, entre autres, de la Gaspésie présentement ou même, peut-être, il faudra penser au golfe plus tard et aux côtes en "off shore", il faudra y mettre des millions et des millions de dollars.

Un autre argument que je veux faire valoir devant la commission, c'est celui de — je pourrais utiliser le mot indépendance; je préférerais utiliser celui de autonomie — l'autonomie scientifique. Le fait d'avoir à l'intérieur du Québec un groupe de spécialistes, directement reliés aux questions d'exploration pétrolière — je parle bien de recherches et non de conservation — nous met dans une situation favorable. Je vous mentionnais, par exemple, tout à l'heure que l'INRS-Pétrole a servi et continue de servir les multinationales qui font de l'exploration sur les côtes du Labrador et sur les côtes des provinces maritimes. Ce fait d'avoir l'expertise au Québec nous place donc dans une position de pouvoir de négociation avec les gens. Il n'en demeure pas moins que, du point de vue promotion-exploration, si on veut que les gens viennent faire de l'exploration au Québec, il faudra que les organismes impliqués y mettent les budgets appropriés.

Je voudrais tout simplement terminer en résumant dans une phrase le mémoire que nous avons présenté: Nous existons, grâce au gouvernement; nous avons travaillé au Québec et nous sommes disponibles pour l'aider. Je vous remercie.

Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs. M. le ministre.

M. Joron: J'ai deux questions, une, au premier intervenant, une, au second. Pour le premier mémoire qui a été présenté, il couvrait de multiples choses, enfin on n'essaiera pas de les couvrir toutes car le temps nous presse. Je voudrais seulement vous demander si vous pouvez, succinctement, nous dire ce que vous entendez quand vous nous invitez à développer une politique énergétique proprement québécoise, basée sur nos aspirations et nos ressources. Quelles sont ces aspirations et ces ressources? Qu'est-ce que cela veut dire? Je relie cela avec un autre énoncé que vous faites. Vous proposez une recherche de style québécois; qu'est-ce que cela veut dire? Vers quoi, dans quels domaines vous voyez cette recherche-là?

M. Martel (Jacques): Pour être très bref, si on prend fusion, est-ce qu'on doit absolument ne rien faire en fusion au Québec? On n'a certainement pas les moyens de développer une technologie complète de la fusion. D'autre part, est-ce qu'il est valable de prendre une certaine police d'assurance, au cas où la fusion marche en l'an 2000? Quelle doit être l'intensité de cette police? C'est-à-dire est-ce qu'on doit tenir des "washing briefs"? Est-ce qu'on doit faire un peu de recherche ou pas du tout pour se garantir une entrée, lorsque la technologie sera disponible, qu'on aura des gens formés ou en partie formés pour l'appliquer à nos besoins? A ce moment-là, ce n'est pas nécessaire de faire ce que les Américains ou X ou Y font, mais de le faire pour nos besoins. Cela vaut, pour chez nous, tant d'argent ou tant d'hommes. C'est sous cet aspect-là. Il y a aussi un aspect peut-être plus pratique de la technologie pour le Québec; on ne fera pas des collecteurs solaires horizontaux au Québec, parce que le premier va dire: Bien, cela va être plein de neige, il n'y aura pas d'espoir. On va les mettre verticaux, parce que le soleil, en hiver, ne lève pas haut. Cela est une application d'un extrême à l'autre.

M. Joron: Quand vous dites: Développer une politique tenant compte de nos ressources propres, vous voulez dire quoi par ressources?

M. Martel (Jacques): Bien, nos ressources ou l'absence de nos ressources.

M. Joron: Tenant compte de ce qu'on a et de ce qu'on n'a pas. D'accord. Pourriez-vous nous donner une idée très brève de la ventilation des efforts déployés par INRS-énergie selon les différents secteurs énergétiques ou les différentes formes d'énergie. Est-ce qu'il y a moyen de savoir quel poucentage de vos activités, en termes d'hommes, d'heures, d'années, peu importe, mais grosso modo, à quoi passez-vous votre temps?

M. Martel: Je dirais, d'une façon globale, sur la fusion, technologie, laser, enfin, tout l'aspect

fusion thermonucléaire, on passe de 60% à 75% de notre temps. On a un intérêt un peu particulier de l'ordre de 10% à 15% dans le solaire, surtout parce qu'il y a beaucoup de monde qui en parle de ce temps-ci; et, évidemment, quant au reste, le fait d'établir des dossiers comme nous l'avons fait. Je n'irai pas dans les raisons pour lesquelles c'est comme cela.

M. Joron: C'est seulement pour voir où était l'accent; vous avez bien répondu, je vous remercie.

Je voulais seulement, poser une question par rapport au pétrole, rapidement. Vous avez évoqué des liens entre l'INRS-pétrole et SOQUIP. Est-ce que cette collaboration continue, existe toujours et quelle forme prend-elle?

Quand vous dites, partant de votre conviction qu'il y a un potentiel pétrolier au Québec, mais que tout dépend de l'effort d'exploration qu'on y mettra, par qui voyez-vous cet effort réalisé et qu'est-ce que cela peut impliquer comme ordre de grandeur au point de vue...? Evidemment, on parle de sous. Qu'est-ce que vous voyez comme ordre de grandeur?

M. Desjardins: Pour répondre à la première partie de votre question, j'ai mentionné au tout début que, jusqu'à un certain point, la SOQUIP, le ministère des Richesses naturelles et le ministère de l'Education, puisque nous sommes des universitaires, sont les parrains de l'INRS-Pétrole. Le besoin se faisait sentir, entre autres, par la SOQUIP, d'obtenir des expertises de laboratoire sur le pe-tentiel en pétrole et en gaz au Québec. Ces études étant de nature confidentielle, la SOQUIP se devait de les faire au Québec. Le ministère des Richesses naturelles, d'un autre côté, voulait promouvoir au Québec l'exploration pétrolière, c'est-à-dire voulait inciter les compagnies, entre autres la SOQUIP, les multinationales, en leur donnant des résultats montrant un potentiel favorable. Enfin, le ministère de l'Education avait accepté qu'un dossier sur le pétrole s'ouvre à l'intérieur de l'institut. Cette coopération a continué et diminué considérablement durant la dernière année, ou durant les deux dernières années, pour des raisons que je ne vais pas analyser en grandeur. Elles sont sûrement, entre autres, d'ordre budgétaire, elles sont sûrement aussi, de la part de la SOQUIP, parce qu'elle est entrée, jusqu'à un certain point, dans une période de production, spécialement... on vous a mentionné les gisements de Saint-Flavien, etc., et, lors de la production, les interventions d'INRS-Pétrole sont toujours possibles, mais moins importantes que dans les périodes d'exploration.

Finalement, il est assez difficile d'évaluer, de chiffrer globalement, ce qu'il faudrait faire pour regarder le potentiel pétroligène de la Gaspésie. Si on le regarde du côté INRS-Pétrole, c'est sûrement des centaines de milliers de dollars. Si on le regarde du côté des sociétés pouvant explorer là-dedans, alors là, il faut penser à des millions, des dizaines de millions de dollars.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Seulement une question, messieurs. Hier, devant cette commission, nous avons parlé d'énergie douce et d'énergie solaire. Il est venu également un scientifique, mais, je ne sais pas si ses formules étaient empiriques. Il a essayé de nous démontrer, même de nous prouver avec des formules que pour conserver l'énergie au Québec actuellement, une maison chauffée à l'aide des rayons solaires, même il a fait mention de prix, on pouvait épargner jusqu'à 50%. Dans votre rapport, j'ai pris connaissance que vous arrivez et vous démontrez de 1% à 2%. Si cela avait été de 5% à 10%, je n'aurais pas parlé, mais il me semble que c'est beaucoup et lui avait des formules également. J'aimerais simplement savoir... Même ses données étaient basées sur des prototypes de maisons au Québec, non pas en France, au Québec, dont une à Sainte-Flavie, en tout cas, près du fleuve Saint-Laurent, et une autre maison, à Montréal, nous avions même la photo de la maison; mais je vois à la page 8 que vous êtes rendus à 1% ou 2% et, hier, c'était 50%.

On a répondu à une question que j'ai posée, à savoir combien ça coûterait pour modifier une maison, actuellement, unifamiliale, pour... — Qui est président de la commission, monsieur? — ...pour modifier une maison unifamiliale, on m'a dit qu'on pourrait modifier une maison, actuellement, pour $5000. Or, vous arrivez avec les mêmes prix, $10 du pied carré, les résultats seraient dans l'ordre de 10% à 15%; mais si ce sont toutes les maisons unifamiliales au Québec — 40% des gens demeurent dans des maisons unifamiliales — ce serait une économie de 1% ou 2%. Les chiffres ne concordent plus, je ne comprends plus. Est-ce que vous pouvez m'expliquer?

M. Martel (Jacques): Je vais demander à Benoît Jean de nous expliquer ça un peu plus.

M. Jean (Benoît): Un pour cent, ici, il s'agit d'un pourcentage sur le bilan énergétique total de la province. C'est-à-dire qu'on ne parle pas d'économiser, je crois, 50% de toute l'énergie de la province en utilisant l'énergie solaire pour le chauffage, puisque le chauffage lui-même ne représente pas 50%.

M. Goulet: Non, mais vous donnez 10% à 15% pour une maison; lui donnait 50%.

M. Jean: Nous avons basé ces chiffres sur des évaluations faites en particulier à Odeillo et que j'ai eu l'occasion justement de revérifier la semaine dernière en visitant deux projets importants de l'électricité de France, où on a construit, dans le nord de la France, au Havre, et dans le sud, près de Marseille, à Aramon, des groupes, non pas des maisons individuelles, des groupes de maisons parmi un développement d'une cinquantaine de maisons où on a pu faire, à ces endroits, des bi-

lans énergétiques très bien évalués, en ce sens que non seulement on en fait des bilans d'évaluation scientifique en mesurant des températures et en mesurant des pertes d'énergie, mais également en comparant à des maisons exactement similaires et en comparant les bilans énergétiques de chacun.

Or, au Havre et à Aramon, on arrive avec des rendements de l'ordre de 40% à 50%. Je ne sais pas si vous êtes capable de comparer le climat de la région de Marseille avec celui de la région de Montréal. Il est assez évident, simplement en regardant le nombre de degrés-jour dans les deux régions, que nous sommes défavorisés par au moins, au départ, un facteur deux. L'ensoleillement dans les régions sud de la France est beaucoup plus élevé qu'ici. De plus, dans notre évaluation de 10% à 15%, on n'a pas tenu compte d'expériences qu'on a suggéré de faire, à savoir de déterminer l'influence des phénomènes météorologiques comme la neige, le verglas, le givre, que l'on rencontre dans nos régions et qui se rencontrent très peu dans ces régions.

Or, justement, chez nous, le verglas se produit à des températures extrêmement basses. On va nous répondre généralement que ce verglas, sous l'action du soleil, va fondre puisque le capteur va réémettre une partie de son énergie. Si c'est le cas, ce capteur est inefficace. Par contre, si le capteur est très efficace, il sera donc froid, le verglas ne partira pas, son efficacité tombera.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Jean-Talon.

M. Garneau: Je voudrais revenir, M. le Président, très brièvement, au pétrole dans la Gaspésie. Y a-t-il d'autres moyens que le forage pour vérifier l'existence du pétrole, sur le plan scientifique?

M. Desjardins (Michel): Au départ, pour être bref encore une fois, il y a des études de terrain qui doivent être faites pour déterminer si les formations qu'on va rencontrer au sous-sol sont susceptibles d'avoir donné du pétrole. C'est ce qu'on appelle le potentiel pétroligène des formations, c'est la première chose que l'on fait d'habitude. La deuxième, c'est une campagne sismique, c'est-à-dire qu'on envoie sur le terrain des camions qui émettent des ondes et qui déterminent la séquence que l'on rencontre au sous-sol et la troisième, c'est le forage.

Les campagnes sismiques dans la Gaspésie, il y en a eu quelques-unes de faites, ça demande des moyens non négligeables. Il faut construire des routes pour se rendre sur place, faire les études et ça coûte très cher. Finalement, lorsqu'on voit des pièges, il faut forer. Ces forages étant faits, qu'ils soient secs ou pas, il faut faire une étude globale pour évaluer les réservoirs et c'est à ce moment-là que nous, IRS-Pétrole, on intervient, au départ, sur les campagnes de terrains, lors de l'étude des échantillons de forage et, à la fin, pour faire une synthèse globale.

M. Garneau: Quand vos deux premières opérations donnent des indications de formation géologique où il pourrait exister éventuellement du pétrole et que vous faites des forages... Vous parliez de budget tout à l'heure, j'en ai discuté déjà avec les gens de SOQUIP. J'avais l'impression qu'ils jouaient à la roulette russe, parce qu'ils font des trous dans la terre et, à un moment donné, c'est sec ou ce n'est pas sec. Je crois que c'est une des raisons poor lesquelles on avait augmenté leur budget, leur capitalisation, pour leur permettre de faire certaines opérations de forage.

Mais y a-t-il un moyen scientifique de démontrer que si vous avez fait un forage ici et que vous en faites un à 2000 pieds plus loin ou à 3000 pieds plus loin, dans le fond, pour être sûr qu'il n'y en a pas, il faudrait en faire à tous les 200 ou 300 pieds? C'est un peu cela que je disais quand j'avais l'impression qu'ils jouaient à la roulette russe. C'est une figure de style. Je comprends qu'il fallait bien qu'ils le fassent, mais y a-t-il des moyens scientifiques de déterminer... Quelle est la distance la plus rapprochée entre deux forages pour faire la preuve qu'il n'y a réellement pas de pétrole? Est-ce que, dans le fond, vous creusez ici et que si vous aviez creusé 300 pieds plus loin, vous en auriez trouvé?

M. Desjardins: Non.

M. Garneau: Cela devient très difficile dans l'établissement des priorités budgétaires, à un moment donné, de dire: Est-ce que c'est $15 millions? Est-ce que c'est $5 millions? Est-ce que c'est $500 000? Est-ce que c'est $10 millions? Vous, vous nous dites qu'il y a possiblement du pétrole en Gaspésie. Mais quand vous avez des ressources limitées, il peut y avoir des erreurs de parcours dans l'utilisation des ressources budgétaires de l'Etat. Ce n'est certainement pas déterminé à l'avance, ces erreurs. Jusqu'où faut-il aller pour le savoir? Sur le plan scientifique, y a-t-il une technique développée pour dire que lorsqu'on a creusé des trous à tous les 3000 pieds, on est sûr qu'il n'y en a pas, ou s'il faut en creuser à tous les 50 pieds?

M. Desjardins: Je vais essayer d'être le plus précis et le plus bref possible. Forer à tous les 300 pieds, c'est impensable, à moins qu'il y ait un problème très particulier de production, et non d'exploration. On fore s'il y a des structures. Quand je parle de structures, je parle donc de la forme des sédiments sous la terre, qui permettent de penser qu'il y a pu y avoir accumulation de pétrole.

De plus, on sait, au départ, que les formations qui sont là, qu'on a déjà reconnues en surface, possèdent un potentiel pétroligène élevé. Alors, quand vous me posez la question: Est-ce que c'est jouer à la roulette? Non. C'est aller forer sur des structures et de la façon la plus précise possible. Pour cela, ce sont des études sismiques, de géophysique, qui entrent en jeu. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

M. Garneau: Je comprends très bien ce que vous dites. J'ai déjà eu le même genre d'explication. C'est bien difficile pour une personne ou un gouvernement qui a à déterminer les allocations budgétaires de dire: On arrête ou on continue.

Si vous me dites qu'il y en a, mais qu'il s'agit de le trouver, on peut peut-être décider de mettre $20 millions. Mais si, après les $20 millions, il n'y en a pas, qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on continue encore parce que vous croyez qu'il y en a? Qu'est-ce qu'on fait?

M. Desjardins: J'aimerais préciser ici que je n'ai pas dit qu'il y avait du pétrole. J'ai dit qu'il y avait un potentiel pétroligène. Mais j'ai posé la question: Est-ce qu'il y a des réservoirs? Pour savoir s'il y a des réservoirs, il faut forer. En surface, on peut dire: Oui, telle roche peut contenir du pétrole, c'est-à-dire qu'elle a la porosité, la perméabilité qui permettent au pétrole de s'incruster dans la roche et de former un réservoir.

Le potentiel pétroligène, on peut le déterminer facilement. On regarde la quantité de matière organique qu'il y a dans les sédiments, on regarde sa maturité, autrement dit, la pression et la température qu'a subies cette matière organique. On dit: Oui, il y a eu formation de pétrole. Où est-il allé? Est-ce qu'il a migré? Est-ce qu'il est allé vers un réservoir? C'est là où les forages entrent en ligne de compte.

Il ne faut pas se leurrer. A partir du moment où on trouve une belle structure, on va la forer, on va courir le risque de la forer, mais les forages sur terre, présentement, peuvent aller jusqu'à $200 000 ou $300 000. Dans la mer du Nord, on a foré une centaine de trous avant de pouvoir dire quelque chose de vraiment intéressant sur l'étendue des réservoirs. Dans d'autres endroits, dans la mer du Labrador, il y a eu moins de forages, parce qu'on a eu un peu plus de chance, mais il va se forer des centaines de trous et il va se dépenser des centaines de millions de dollars.

Le Président (M. Laplante): Le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Au début, vous vous êtes demandé si vous étiez des bons ou des mauvais scientifiques. Pour permettre à la commission de vous classer, est-ce que je pourrais vous demander ce que vous pensez en tant que scientifiques de la demande de moratoire suspendant tout recours à l'électronucléaire présenté par le Conseil québécois de l'environnement?

M. Martel (Jacques): En tant que scientifiques ou en tant qu'individus?

M. Brassard: Scientifiques.

M. Martel (Jacques): Je pourrais vous faire la réponse classique d'un scientifique: En tant que scientifique, je n'ai pas d'opinion comme telle. Je pense que, finalement, ce qui est important — je ne sais pas si le moratoire comme tel est le mode — c'est de savoir si on peut faire autre chose que du nucléaire. Si oui, à quel prix? Préfère-t-on importer du pétrole? Préfère-t-on importer du gaz? Quelles vont être les pénalités? Il faudrait que ceci soit expliqué clairement aux gens. On a mentionné hier un type de référendum ou une autre forme de consultation. Il faudrait que les détails soient clairement définis. Ce n'est pas à moi de prendre une décision là-dessus. Ce n'est pas aux scientifiques de prendre une décision.

Si on n'a pas le nucléaire, qu'est-ce que cela implique? Cela implique peut-être que l'hiver il faudrait chauffer moins, avoir des maisons plus froides? Est-on prêt, préfère-t-on avoir des maisons plus froides et porter un chandail que d'avoir du nucléaire? C'est au peuple de décider si c'est cela qu'il veut. Si c'est cela qu'il veut, faisons-le. S'il aime mieux, par exemple, les risques étant connus, avoir des centrales nucléaires et garder un certain niveau énergétique, si on peut parler de comportement énergétique, c'est à lui de le décider, parce que, finalement, ce sont ses choix, ses priorités. C'est un peu cela que je mentionnais en disant que c'était une détermination, proprement la nôtre, du peuple comme tel.

Je ne peux pas vous dire: Personnellement, cela ne me ferait rien de vivre à côté d'une centrale ou, personnellement, je ne veux pas vivre à côté d'une centrale nucléaire. C'est mon choix en tant qu'individu que j'exprimerai à ce moment mais, en tant que scientifique, je n'ai qu'à exposer les choix, en le faisant bien.

M. Brassard: En tant que scientifique justement.

M. Martel (Jacques): Le plutonium, c'est une chose; les produits radioactifs, c'en est une autre. Le plutonium, c'est un combustible. Il se brûle. Son problème, c'est de le transporter, le stocker, jusqu'à temps qu'on le fasse brûler à nouveau. Une fois brûlé, il disparaît. Il n'y en aura plus de plutonium. Il va en produire d'autre par l'uranium 238. Il faut savoir... Je ne sais pas, la demi-vie de l'uranium naturel dans la terre est de dix millions ou cinquante millions d'années.

Le Président (M. Laplante): Le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président! C'est dans la même ligne de pensée, mais sans vouloir lier un débat entre des groupes qui se succèdent; ce serait un peu injuste, puisque vous n'avez pas les uns vis-à-vis des autres des droits de réplique. Il reste, sur le terrain des jugements scientifiques, des possibilités. Evidemment, vous pouvez me dire que vous n'êtes peut-être pas en mesure de répondre à cela, parce que c'est une affirmation qui est très large. On nous a dit tout à l'heure — vous étiez présent, je crois — que, si on se borne à la production de l'énergie électrique avec des moyens connus qui n'impliquent aucune restriction indue du libre choix des individus et aucune baisse de notre niveau de vie, il est possible de

restreindre à des proportions qui ont été mentionnées — je pense que c'est 35 mégawatts — la demande globale d'énergie électrique pour la fin du siècle.

Comme scientifique, connaissant présumément ces mêmes moyens d'économie d'énergie et supposant que les décisions nécessaires seraient prises pour utiliser ces moyens, êtes-vous d'accord que ceci est possible actuellement? Ou, plutôt, indiquez-vous qu'il y a toutes sortes de recherches à faire avant d'être vraiment sûr que c'est possible ou pas?

M. Martel (Jacques): Une réponse complète demanderait une étude du type d'industries et tout cela, parce qu'elles aussi en consomment. Je crois qu'on peut faire un gain. Dans le fond, la conservation, c'est une nouvelle source d'énergie, parce que cela nous permet de sauver 10%; en produire 10% de plus ou en sauver 10%, c'est la même chose. Le chiffre exact, c'est très difficile. Je préférerais ne pas répondre à cela, parce que je n'ai pas les chiffres ou les données en main. L'Hydro-Québec est peut-être capable de le faire. Surtout, pour les chiffres dans le domaine électrique, c'est tellement échangeable, les sources d'énergie, que vraiment je préfère ne pas répondre à cette question.

Le Président (M. Laplante): Le député de Rimouski.

M. Marcoux: C'est à la fois une question et un commentaire. Ce n'est pas à tous les mémoires qu'on a l'occasion de se poser des questions qui touchent à la fois une certaine philosophie sociale, une philosophie politique, une certaine conception de la société, en somme, qui doit diriger nos gestes et nos choix. Il y a une chose, je pense, un des postulats sur lesquels vous fondez un peu votre attitude et vos opinions cet après-midi, qui est hautement discutable. C'est celui de savoir que vous affirmez que la science est neutre. C'est un sujet hautement discuté parmi les scientifiques, mais, pour employer l'expression d'une autre langue, je pense que la science est "value oriented" ou "free oriented", ou plutôt "value free". On dit qu'elle est soit orientée vers des valeurs ou qu'elle n'est pas orientée par des valeurs. Il y a un débat entre les scientifiques sur le sujet. Vous êtes un partisan évident de l'optique qui fait que la science est censément neutre, "objective", qu'elle n'est pas liée à un système de valeurs, alors que je pense que l'histoire de la science montre l'inverse. La science a toujours été liée à des choix faits par des sociétés, faits par des systèmes économiques ou des systèmes politiques et les hommes de science eux-mêmes ont été partie liée. Ce ne sont pas des abstractions dans notre système social, dans notre système économique, dans notre système technique. Je reviens. On a posé la question, je ne la reposerai pas directement, mais je vais plutôt faire un commentaire, en fait, et dire que je crois qu'il est inacceptable de la part d'un scientifique de ne pas répondre à la question sur le nucléaire. On vous a dit: On nous propose un choix qui est de stopper le nucléaire au Québec, un moratoire. Vous avez dit: Sur cette question, en tant qu'homme de science, finalement, je n'ai rien à dire, alors que, dans d'autres mémoires, des hommes de science nous disent beaucoup de choses et des choses qui doivent influencer notre jugement, à mon sens. Quand on nous dit que je peux choisir d'aller dans une voiture à cheval ou de prendre une auto, cela a des conséquences sur le rythme de vitesse, mais si je choisis de me lancer dans le nucléaire plutôt que dans l'hydroélectrique, on introduit la notion de temporalité, tantôt la notion de temps. Je n'ai pas la même référence au niveau du temps et des conséquences. Ce sont des choses que les hommes de science doivent dire et qui ont des conséquences qui, en fait, déterminent les choix et impliquent des choix. Alors, sous cet aspect, vous aurez le dernier mot, vous aurez la réplique, après le long commentaire-question, je me tairai. Mais votre mémoire me déçoit, je dirais, parce qu'il indique qu'il faudrait se poser beaucoup de questions, mais il nous dit finalement qu'en même temps, jusqu'à maintenant, vous n'avez pas le cadre des réponses.

M. Martel (Jacques): Vous nous dites, d'une part, que les scientifiques orientent la science par différents moyens. Lorsqu'ils ne le font pas, vous nous dites: Oui, mais vous ne nous dites pas ce qu'on doit faire. Est-ce que vous pensez vraiment que les scientifiques aiment travailler sur les bombes, que c'est un gros "fun" et qu'ils veulent que tout le monde se tire des bombes par la tête? Quand même pas. On est orienté énormément par des décisions politiques, beaucoup plus peut-être que les politiciens ne le réalisent, et l'argent disponible dans un domaine fait que tranquillement la science se dirige vers ce domaine. Il y a beaucoup d'exemples à cet effet. Peut-être qu'il faudrait connaître un petit peu plus chacun son domaine pour savoir. D'autre part, je pense bien que, le reste, on peut le laisser comme débat. Personnellement, je suis d'accord qu'un scientifique doit, dans la mesure du possible, donner tous les faits qu'il connaît, les présenter le plus objectivement possible. Ce que je voulais dire, c'était uniquement qu'il doit présenter les faits et tout ce qu'il connaît, mais il n'a pas à choisir pour les autres.

Le Président (M. Laplante): Dernière intervention, M. le ministre.

M. Joron: Oui. Je voulais poser au monsieur qui a présenté le mémoire de INRS-Pétrole une simple question. Vous semblez croire très fortement à un potentiel pétroligène élevé dans la Gaspésie, peut-être aussi, et par extension, dans le golfe Saint-Laurent. Vous pourrez peut-être apporter une précision là-dessus. Mais ce qui m'étonne, dans cette affirmation, c'est que dans une époque de pénurie ou enfin de quasi pénurie, surtout à une époque où les pays consommateurs sont, disons, très inquiets de leur dépendance vis-à-vis des pays de l'OPEP et qu'ils engagent des fonds considérables dans l'exploration de nouvelles res-

sources, comment se fait-il, si votre affirmation est exacte, qu'il n'y a pas une nuée de gens prêts à faire du forage dans cette région?

M. Desjardins: Dans mon mémoire, je parle de découvertes faciles. Au point de vue géologique, on va diviser la province en deux: le nord du Saint-Laurent et le sud. Au nord, il n'y a pas de pétrole, c'est du cristallin, on le sait. Il reste le sud. C'est petit. Il y a des bassins sédimentaires qui sont non négligeables et considérés par les multinationales encore comme une "frontier area", c'est-à-dire un endroit où il sera difficile de trouver du pétrole, beaucoup plus difficile qu'à d'autres endroits, à cause de la complexité géologique. Les problèmes géologiques n'ont pas encore été assez étudiés, et c'est là où entrent les études géologiques au Québec, pour susciter cette exploration vers la province de Québec. C'est mon opinion.

Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs, de la coopération que vous avez apportée à cette commission.

J'appelle maintenant le groupe Northern and Central Gas Corporation. Vous avez environ le même temps pour votre exposé et période de questions.

Northern and Central Gas Corp. Ltd

M. Leroux (Jean-Jacques): M. le Président, messieurs, avant de vous donner un exposé de notre mémoire, permettez-moi de me présenter. Mon nom est Jean-Jacques Leroux, ingénieur, président de Northern and Central Gas Corporation, localisée à Toronto, et filiale à part entière de Nor-son Energy Resources Limited.

A ma droite, Me René Amyot, notre avocat, procureur et également vice-président et administrateur d'une filiale appelée le Gaz Provincial du Nord du Québec, qui opère dans la région de Rouyn-Noranda, et à ma gauche, M. Les Hartford, qui est vice-président aux opérations, qui avait la responsabilité de la préparation de ce mémoire, et M. Sharp, qui est président des conseillers en matière d'énergie de Zinder and Associates of Canada, et nous sommes à votre disposition, après notre exposé, pour répondre à vos questions.

M. le Président, nous sommes heureux de l'occasion qui nous est donnée de présenter notre mémoire devant la commission parlementaire ici réunie. La société Northern and Central Gas Corporation Limited oeuvre depuis l'année 1965 dans l'industrie du gaz naturel au Québec. Au début, elle distribuait du gaz naturel dans la région de Rouyn-Noranda sous la raison sociale du Gaz Provincial du Nord du Québec Limitée.

Après avoir fait l'acquisition, en 1967, des actions de Gaz Métropolitain, nous avons étendu notre activité par le truchement de Gaz du Québec, qui est maintenant implanté dans la ville de Sherbrooke où on distribue du gaz propane.

En dehors du Québec, notre société opère également des réseaux de distribution de gaz naturel en Ontario et au Manitoba, principalement dans la région communautaire de Winnipeg.

En raison même de ces intérêts que nous détenons, nos préoccupations se situent avant tout dans le domaine du gaz naturel.

Nous pensons que la demande du gaz naturel et d'autres sources d'énergie ne cessera de s'accroître dans la province de Québec et qu'elle engendrera, du même coup, des difficultés d'approvisionnement. Si nous voulons trouver des solutions à ce problème d'importance majeure, c'est avec fermeté et un souci de centralisation que nous devons aborder l'étude d'une politique de l'énergie qui prenne en considération l'offre et la demande.

Jusqu'à maintenant, le gaz naturel n'a pas joué un rôle important dans le tableau énergétique du Québec. Je crois que, précédemment, quelqu'un avait mentionné que c'était à peu près 5% de l'énergie totale consommée au Québec.

Nous sommes d'avis que ce combustible favorisera l'essor économique du Québec, dans la mesure où cette province pourra en disposer en qualité suffisante.

J'aimerais demander maintenant à Me Amyot s'il peut vous donner un court résumé des points importants de notre mémoire.

M. Amyot: M. le Président, MM. les membres de la commission, permettez-moi de vous rappeler au tout début que la Corporation Northern & Central Gas, en raison des liens étroits qu'elle a ici, au Québec, avec Gaz Métro, Gaz du Québec et Gaz provincial du nord, est profondément engagée dans le secteur de l'énergie. La corporation estime souhaitable la réalisation d'une étude globale ayant pour but de prévoir les quantités, les prix de l'énergie, ainsi que le rôle que le gaz naturel sera appelé à jouer à long terme. Il faut éviter, par contre, que les objectifs à long terme, quels qu'ils soient, compromettent ou retardent les changements que nous devons implanter dans l'immédiat ou à court terme pour améliorer la disponibilité de l'énergie.

Les besoins de gaz des clients actuels ou potentiels doivent être assurés. Les conséquences et l'importance des engagements financiers pour les projets d'approvisionnement en gaz à long terme, tels la Canadian Arctic Gas Pipeline et le projet de Polar Gas, doivent retenir l'attention d'une façon particulière. Ce sont deux choses extrêmement importantes, je crois, pour l'avenir du Québec ici, principalement le projet de Polar Gas. Evidemment, il reste à voir de quel côté de la baie d'Hud-son cette ligne pourra se faire, soit à l'ouest, soit à l'est, du côté du Québec.

Mais, un approvisionnement en gaz doit être solidement établi pour les consommateurs actuels et éventuels de ce combustible. Le Québec pourrait disposer d'approvisionnements assurés si le Canada réduisait ses exportations de gaz naturel; le Québec, par substitution, exporterait davantage d'électricité. En prévision des pénuries possibles d'énergie, il faut envisager des programmes de répartition susceptibles d'assurer la protection des consommateurs. Il faut notamment prévoir une répartition rationnelle des diverses sources d'énergie, de manière à favoriser les rendements

et les économies d'échelle pendant la croissance anticipée des besoins en énergie.

Bien qu'un régime de réglementation prévoie des mécanismes de contrôle assurant aux consommateurs une protection satisfaisante, des améliorations peuvent être envisagées dans ce domaine. Notre corporation estime que votre commission devrait étudier les effets des sources d'énergie non réglementées sur les sources d'énergie qui le sont, c'est-à-dire à l'égard desquelles des prix ont été établis et font l'objet d'une surveillance. Il est souhaitable, par contre, de préconiser le recours au stockage souterrain et d'utiliser dans une plus large mesure des réservoirs de gaz naturel liquéfié. Ce type de stockage offre, entre autres avantages, une sécurité d'approvisionnement pour le consommateur et des coûts de transport inférieurs.

Le prix réel de l'énergie à la consommation doit être examiné à la lumière des différences at-tribuables aux impôts provinciaux et aux taxes municipales que paient les fournisseurs. Il y aurait lieu également d'étudier les rapports entre les coûts du pétrole et du gaz au point de livraison, tels que définis dans les règlements établis en vertu de la Loi sur l'administration du pétrole.

Malgré le caractère particulier de l'exposé de la corporation Northern & Central Gas, cette corporation apprécie l'occasion qui lui est offerte d'exprimer ici son point de vue sur la nouvelle politique de l'énergie que le gouvernement du Québec doit mettre en place. Gaz Métro, comme on le mentionnait tout à l'heure, est bien une filiale à 82% de notre société, qui se classe en tête parmi les services de distribution de gaz naturel au Québec. Elle a déposé, comme vous le savez, un mémoire sur la question qui nous préoccupe aujourd'hui. En effet, Gaz Métro, je pense, sera entendue le 17 février prochain.

La corporation désire ajouter que notre présence, aujourd'hui, indique que la société Northern and Central Gas apportera à sa filiale principale, Gaz Métro, l'appui financier dont la compagnie aura besoin dans le rôle qu'elle aura à jouer au sein d'une nouvelle politique énergétique. Cet appui tiendra compte de la possibilité, pour Gaz Métro et Northern and Central, de se procurer, à un coût raisonnable, les fonds nécessaires.

Ce mémoire, nous le croyons, aidera ou, nous l'espérons, pourra aider, d'une façon ou d'une autre, ceux qui ont pour tâche de statuer sur cette nouvelle politique énergétique. Nous profitons de cette occasion pour assurer l'entière collaboration de la compagnie à la commission et au gouvernement. Nous vous remercions de votre attention et, encore une fois, M. le Président, si vous avez certaines questions qui peuvent être dirigées, nous tenterons d'y répondre.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Joron: Vous venez tout juste de dire que Northern and Central Gaz est prête à apporter à sa filiale, Gaz Métro, tout l'appui financier nécessaire à son expansion. Je relie cela à deux questions que vous avez soulevées, celles de la répartition et de la place que doit occuper le gaz naturel dans le bilan énergétique du Québec. Compte tenu des sources d'approvisionnement possibles, à l'heure actuelle, celles qui sont prévisibles pour les années quatre-vingt et ainsi de suite, à combien estimez-vous la part raisonnable que pourrait occuper le gaz naturel dans le bilan global énergétique du Québec?

M. Leroux: M. le ministre, les prévisions à long terme d'utilisation de gaz naturel au Québec, ou n'importe où ailleurs dans la province, comme vous pouvez facilement le constater, sont une question très délicate et très difficile à déterminer simplement en regardant la question du côté compétitif entre les diverses sources d'énergie, ou des sommes qui sont disponibles, à certains tarifs, aux utilités dans certaines régions, et aussi, le genre de promotion et le genre de contrôle qui peuvent exister sur une source d'énergie, qui n'existe pas sur une autre... En d'autres mots, je ne puis dire directement, et exactement ce qu'il va y avoir dans la province. Un chiffre de grandeur serait que, si l'élan qui existe actuellement en Al-berta où de plus en plus, il y a un accroissement continuel depuis certainement, il y a eu un relâchement en 1973-74... en 1976, plus de 4700 puits ont été forés et beaucoup ont été des puits producteurs. Les réserves ont sensiblement monté dans des réserves qui ne se qualifient peut-être pas comme des réserves à très long terme, comme les réserves, dans le temps, des champs Leduc, etc. Si on prend aussi en considération le fait, au point de vue de la conservation d'énergie, que les utilités publiques, les industries, de même que les consommateurs ont mis "en force", je dirais avec force... nous, comme utilité publique, travaillons dans trois provinces au Canada, et pouvons vous dire présentement, comme récemment à Winnipeg, où il y a eu une conservation d'énergie, un programme par le gouvernement assez, je pourrais dire, féroce, que nous voyons que, en 1976, la consommation moyenne, sur une base normale de température, a baissé de 7.6%, contre 1976 qui est un chiffre assez phénoménal. Nos hommes de service, lorsqu'ils entrent dans les maisons, nous disent qu'ils constatent que les thermostats, durant le jour, sont à 68 ou 65 degrés. On remarque aussi qu'on a des demandes, on a des programmes de financement qui facilitent, rendent disponibles des fonds aux propriétaires pour améliorer l'isolation thermique des maisons, encore une fois, pour réduire la consommation de gaz.

Donc, du côté conservation, on peut s'attendre que ceci va libérer certaines quantités de gaz qui peuvent devenir disponibles pour un accroissement de la demande actuelle. Mais nous ne pouvons pas, comme on dit en anglais, "hang your hat" dans cet élément. Cela va prendre du gaz qui va venir de sources autres que l'Alberta d'ici 1982, 1983. Si on regarde les réserves de pétrole et de gaz, nous voyons que dans un avenir pas si lointain, peut-être 1985, l'Alberta sera loin, de suffire aux exigences des marchés actuels au

Canada. Il faut donc, comme M. Annyot le disait tout à l'heure, que les gouvernements, fédéral et provinciaux, prennent une part active à l'apport sur leurs marchés d'une source d'énergie qui est en assez grande quantité, mais non encore prouvée. Tout de même, dans le delta du Mackenzie, présentement, il y a à peu près cinq à six trillions de pieds cubes de gaz à prouver, avec un potentiel éventuel aussi grand que 200 à 250 millions.

Un projet tel que le Canadian Arctic Gas Pipeline Ltd., comme vous le savez, est à l'étude et a soumis une demande de réalisation à Ottawa, à l'Office national de l'énergie. Ceci amènerait sans aucun doute une relève ou un soulagement, tous les services publics exprimant au Canada actuellement le désir d'investir des fonds à long terme. Lorsqu'on va chez un prêteur et qu'il dit: Je vous avance en première hypothèque $1 million, il y a dix ans ou quinze ans, on avait des termes de remboursement de dette qui allaient jusqu'à 25 ans. Aujourd'hui, on est chanceux d'avoir quinze, seize ou dix-sept ans. Pourquoi? Parce qu'il se dit: C'est bien beau ce réseau de distribution, mais si, au bout de quinze ou seize ans, il n'y a plus de ressources de gaz naturel, qu'est-ce qu'ils vont en faire?

M. le ministre, il y a un point cependant que j'aimerais préciser qui, peut-être, éclairerait un peu mieux la question de philosophie ou de principe, je crois, comme vous me l'avez demandé. Au point de vue de l'énergie, je crois que tout pays, tel que le Canada, les Etats-Unis ou la Suède, qui ont été mentionnés tout à l'heure, ne peut avancer, progresser de toutes les façons, au point de vue culturel, au point de vue du sport, de la science, etc., que s'il a à sa disposition une source d'énergie appréciable pour répondre aux exigences de la technologie des années 1975 qui vont augmenter encore plus lorsqu'on va entrer dans les années 2000, 2100. Je m'avance peut-être loin dans l'avenir, mais je me rappelle que quand j'étais jeune et que je regardais les bandes dessinées "cartoons" de Buck Rogers, je trouvais cela un peu enfantin, parce que j'étais enfant, mais aujourd'hui je trouve que demain nous serons peut-être tous dans ces avions. Par cet exposé, j'essaie d'établir le fait que l'énergie est requise si nous voulons rester en vie. Il y a des questions de prix relativement aux besoins lorsqu'on parle d'énergie, qui ne sont pas aussi sensibles que le débit d'un type d'énergie qui est utilisé d'une façon ou d'une autre. Un exemple: l'électricité est utilisé pour le chauffage considérablement au Québec, un peu moins en Ontario, mais tout de même... Si on regarde le prix unitaire par BTU, par unité de chauffage unitaire, on remarque peut-être que le prix est presque une fois et demi sinon deux fois le prix du gaz naturel ou du pétrole. La personne choisit cela parce que c'est cela qu'elle veut avoir. Par contre, s'il n'y a pas suffisamment d'énergie de tous les genres, gaz, pétrole, nucléaire, électricité, en quantité suffisante pour répondre à tous les besoins énergétiques, le prix n'entre presque plus en considération.

Chez vous, si vous avez une famille, vous avez le devoir de garder votre famille en santé, de la loger, de chauffer les lieux où vous habitez, etc. Si vous dites: Moi, j'aime mieux le gaz naturel, mais le gaz naturel, il n'y en a plus et il n'y a que de l'huile à $10 le gallon, je crois que vous allez acheter l'huile à $10 le gallon; vous ne pouvez pas vous en passer. Peut-être allez-vous vendre votre Cadillac, marcher à pieds avec de bonnes chaussettes.

En d'autres mots, ce que je veux dire, c'est que lorsque l'énergie est abondante, comme elle l'a été dans les premières années de la découverte du gaz naturel, du pétrole en Alberta, il y a, comme on peut dire, un gros gaspillage de l'énergie. Aujourd'hui, ces gaspillages sont terminés et on est dans une période de conservation assez importante.

Le genre d'économie qu'on peut considérer au point de vue industriel, commercial dans un pays qui est plutôt industrialisé, commercialisé, comme de raison, est beaucoup plus considérable que dans un pays qui a à sa base, comme le Brésil, l'agriculture.

M. Joron: M. Leroux, si vous permettez. Si on prenait un pari, par exemple, si on comptait sur les nouvelles sources d'approvisionnement de gaz venant du delta du Mackenzie ou de l'Arctique vers 1980 ou 1985. A ce moment-là, à quel coût estimez-vous le prix de ce gaz livré à Montréal, par exemple, en 1983, 1984 ou 1985, dans ce coin-là? D'autre part, si on devait étendre considérablement le réseau de distribution de gaz naturel au Québec, parce qu'on ne peut pas l'acheter s'il n'y a pas un réseau pour le distribuer, ce qui implique qu'il faut faire des investissements, il y a un pari à prendre. A ce moment-là, il faut être sûr qu'on va avoir du gaz qui va nous être livré. Dans quelle mesure votre société, d'une part, peut nous assurer ces approvisionnements? Et finalement, étant donné que vous avez des filiales qui distribuent du gaz naturel dans le Nord de l'Ontario, Winnipeg, et il y en a peut-être d'autres que j'oublie, par quel mécanisme décidez-vous de la répartition des investissements de vos filiales? Quels critères guident Northern and Central Gas pour décider si on prolonge le réseau de Greater Winnipeg Gas ou Gaz Métro, ainsi de suite?

M. Leroux: Très bonne question. Au point de vue du coût du gaz de l'Arctique, je suis certain que les compagnies comme Gulf, Shell ou Petro-fina qui vont nous suivre sont beaucoup plus au courant de ça, mais nous sommes membre, comme vous le savez, du consortium qui se propose de construire cette ligne. Je dirais que dans la région Toronto-Montréal, au commencement, le prix va être plus élevé jusqu'à ce qu'on ait atteint la capacité de charroyage, j'utilise cette expression, du pipe-line, qui est prévu pour le Canada à 2,5 millions de pieds cubes de gaz par jour. Je dirais qu'au commencement le coût serait peut-être de $3.25 ou $3.50. Lorsqu'on aura le transport au complet, l'utilisation maximum du pipe-line, ce serait peut-être à $2.75.

M. Joron: Juste en passant. Si on devait, par exemple, doubler ou tripler le volume de gaz

qu'on achète actuellement au Québec, quel effet cela aurait-il sur la capacité de transport de Trans-Canada Pipe Lines? Est-ce que physiquement...

M. Leroux: II n'y a aucun doute que TransCanada Pipe Lines, pour satisfaire aux nouvelles exigences, va être obligée de dessiner ou de construire des facilités additionnelles pour prendre soin de ces nouveaux débits.

M. Joron: Pourriez-vous me dire...

M. Leroux: Ce prix-là est compris dans le prix que je vous ai donné.

M. Joron: D'accord. Pourriez-vous répondre aux deux autres questions que je vous ai posées? Quel rôle pouvez-vous jouer pour assurer des approvisionnements? La deuxième question, comment répartissez-vous vos investissements entre vos filiales, à partir de quel critère?

M. Leroux: L'assurance d'approvisionnement, comme vous avez si bien dit, il n'y a aucun doute qu'aucun système de distribution ne devrait, comme je l'ai dit tout à l'heure, s'étendre sans savoir, premièrement, s'il y a un approvisionnement à long terme pour satisfaire aux besoins des consommateurs qui vont se rattacher à ce système de distribution.

Je crois que si nous avons le gaz requis à long terme et si un marché existe au Québec ou ailleurs, au Québec surtout, s'il y a une demande pour notre produit, étant donné son prix, et j'ai fait la nuance que cela n'avait pas tant d'importance que cela, ce qui existe, cependant, c'est le fait qu'un système de distribution, comme un système de distribution électrique, ne peut être profitable ou rentable que s'il y a une certaine saturation rattachée à ce système. L'électricité, c'est simple, toutes les maisons ont des lumières, toutes les maisons ont des cadrans, ont des téléviseurs, ont ceci et cela.

Mais, au point de vue du gaz, si je bâtissais un système de distribution et que je n'avais un client qu'à toutes les cinq ou six heures, je ne crois pas que le projet serait rentable, parce que la capitalisation requise par dollar de revenu serait insuffisante et il faudrait automatiquement un certain subside de la part d'un autre groupe de clients qui seraient plus concentrés.

En d'autres mots, un exemple, c'est que le marché de Montréal, avec sa concentration, qui est un marché assez appréciable, servirait de subside à un développement de gaz naturel dans la ville de Québec pendant un certain temps. Cela ne peut pas être autrement que cela pour autant que je suis concerné. Il faudrait, autant que possible, que le Québec ait un seul distributeur pour pouvoir englober tout cela.

Prenons Sherbrooke comme exemple. Nous avons dit tout à l'heure que nous avons une filiale qui fait affaires à Sherbrooke. Présentement, nous sommes en voie d'abandonner peut-être le projet de Sherbrooke. Premièrement, nous n'avons pas le gaz naturel à Sherbrooke, nous perdons des clients continuellement; alors, il n'y a pas lieu d'introduire du gaz naturel à Sherbrooke demain, avec la construction d'une ligne de 100 ou 120 milles de Montréal, sans savoir si on a du gaz à long terme et, deuxièmement, si on va avoir une certaine saturation. C'est cela le gros point.

C'est pour cela que, dans notre mémoire, nous parlons — je ne sais pas si c'est le bon mot français, "allocation" — "d'allocation". Déterminer qu'une région va peut-être... D'accord, dans cette région, nous allons promouvoir l'utilisation de l'électricité; dans cette autre région, qui est essentiellement industrielle, nous allons promouvoir le gaz naturel ou l'huile, etc.

Il va falloir absolument que des considérations comme cela soient faites. J'en viens encore au fait que l'investissement est rattaché complètement à la saturation du réseau, la même chose que dans le réseau éjecté ou dans le facteur de charges.

Maintenant, dans votre dernière question, combien alloue-t-on de fonds, je crois que c'est cela que vous aviez à l'esprit. Ce n'est pas comme cela, M. le ministre, que l'on détermine, à Northern and Central ou Norcen, si on a tant d'argent dans nos coffres, en disant; Toi, voici $5, $15, etc. Chaque compagnie est autonome. Montréal et Winnipeg sont complètement autonomes au point de vue de leur budget et déterminent, d'après l'exigence de la concession qu'elles exploitent, le marché qu'elles entendent rattacher durant cette année-là, le montant qui sera requis pour la construction afin de rattacher ce marché et, en plus de cela, la construction requise pour maintenir le réseau dans un état sécuritaire et qui rend service aux clients comme ils en ont besoin.

Lorsque ces budgets sont présentés, la compagnie alloue les fonds nécessaires après approbation, par chaque bureau de direction de chaque compagnie, du budget et d'une capitalisation requise, d'un fonds de roulement requis, pour faire cette construction. Ce n'est pas la question de dire que nous n'avons que tant de dollars et de dire à un client: On ne te fournit pas le gaz, ce n'est pas parce qu'on n'a pas d'argent. Je ne crois pas que nos concessions nous donnent cette liberté aussi claire.

Je crois que c'est un principe très simple. En d'autres mots, ce que vous voulez dire, en supposant que le profit sur le dollar investi à Winnipeg est plus grand que celui investi à Montréal ou à Québec, on dirait: On va investir notre dollar là et Winnipeg et Montréal, elles, n'en auront pas. Ce n'est pas comme cela. Les demandes sont déterminées, nous satisfaisons aux exigences de nos concessions.

Le Président (M. Laplante): Le député de Saint-Laurent. Est-ce qu'il y aurait possibilité, dans vos réponses, d'être assez bref et le plus clair possible, s'il vous plaît?

M. Leroux: Oui.

M. Forget: Vous indiquez dans votre mémoire, avec raison d'ailleurs, que le gaz naturel est une source énergétique très importante pour l'industrie. Il y a donc un intérêt considérable à ce que le prix du gaz naturel, en provenance de l'Ouest du pays, qui est livré dans les zones industrielles, par exemple, du Québec par rapport aux zones industrielles de l'Ontario, respecte un certain équilibre ou soit sur une base de parité.

Tout à fait à la fin de votre mémoire, aux pages 16 et 17, vous faites certaines recommandations de changement dans la méthode de détermination des prix, présumément par l'Office national de l'énergie. Seriez-vous assez bon d'expliquer aux membres de la commission un peu comment jouent les critères actuels et comment joueraient, dans ce sens d'un équilibre Ontario et Québec, les critères que vous proposez?

M. Leroux: Oui, la question est que c'est un rapport que nous faisons avec ce qui pourrait exister dans l'industrie du gaz qui existe depuis un certain temps au point de vue de l'huile. En d'autres mots, il y a un prix fixé d'huile, OPEP, qui entre à Montréal, et la différence entre cela et l'huile qui vient de l'Alberta est subventionnée par le gouvernement fédéral.

La relation que nous faisons ici est une relation semblable qui pourrait exister au point de vue industriel seulement, je crois. Par le fait que nous sommes réglementés, nos prix sont fixés. Nous n'avons aucune latitude. Lorsqu'une compagnie d'huile arrive avec un surplus d'huile no 6, elle peut dire à un client: Je comprends, notre contrat est de $0.25 le gallon, mais j'en ai sur les bras, voici $0.22 et je te le donne. Nous ne pouvons pas faire cela. Les prix sont fixes. C'est le rapport que nous essayons de faire ici. Je ne sais pas si ce sera faisable, mais c'est une suggestion que nous faisons qui devrait être étudiée.

M. Forget: Dans le cas du gaz naturel, il n'y a pas d'importation, à l'heure actuelle, au Canada. Tout vient de l'Alberta.

M. Leroux: D'accord.

M. Forget: La même règle ne pourrait pas s'appliquer de la même façon, du moins. C'est le mécanisme...

M. Leroux: Elle pourrait s'appliquer vis-à-vis de l'huile.

M. Forget: Oui, elle s'applique vis-à-vis de l'huile, puisque, bien sûr, la subvention qui est versée relativement à l'huile importée est financée, au moins en partie, par certaines taxes et certains prélèvements sur l'huile domestique, y compris celle qui est exportée aux Etats-Unis.

Dans le cas du pétrole, on voit mal que votre suggestion soit identique, c'est plutôt une réglementation qui produirait par elle-même et à un niveau uniforme de prix pour l'usage industriel, à Montréal, pour prendre cet exemple, à Toronto par un mécanisme qui obligerait les compagnies distributrices à se subventionner elles-mêmes, à subventionner un marché avec le produit de l'autre, en quelque sorte.

M. Leroux: Non, ce n'est pas tout à fait notre intention, M. Forget. Je crois que ce qu'on suggère plutôt ici, c'est que le gouvernement du Québec peut-être, dans l'intérêt de la province, au point de vue d'expansion industrielle, au point de vue d'amener une source d'énergie dans une certaine région où autrement ce n'est pas faisable, accorde une subvention semblable. C'est plutôt cela que nous voulons dire dans notre mémoire.

Le Président (M. Laplante): M. le ministre, le député de Matane.

M. Bérubé: Essentiellement, vous nous avez parlé de votre implication au niveau des réseaux de distribution. J'aimerais savoir dans quelle mesure vous comptez investir dans le développement des sources de gaz, du côté de l'exploration et de l'exploitation des puits, soit dans le Mackenzie. Quels sont vos programmes de recherche de ce côté? Je poserai une deuxième question après.

M. Leroux: Northern and Central Gas Corporation elle-même ne fait pas d'investissements directement dans l'exploration ou le développement de production d'une réserve d'huile ou de gaz. Tout ce travail est fait par la compagnie mère, Norcen Energy Resources Ltd. Celle-ci investit en moyenne, annuellement, entre $45 millions et $65 millions dans la recherche de l'huile et du pétrole. Ce que notre compagnie a fait et continue à faire, ce sont des investissements dans le consortium de Canadian Gas Arctic Pipeline qui va amener du gaz naturel.

M. Bérubé: La deuxième question porte essentiellement sur un problème qui résulte finalement de la présentation du mémoire de SOQUIP. SOQUIP propose, évidemment, une part plus importante à jouer par le gaz dans la contribution énergétique au Québec. La question que je me pose, parce que j'ai l'impression que M. Cloutier devait avoir des visées de pénétration sur le marché, sans quoi il n'en aurait pas parlé, c'est: Quelle est la possibilité de faire fonctionner les deux compagnies simultanément dans la distribution du gaz à l'intérieur du Québec?

M. Leroux: Excusez-moi, la dernière partie?

M. Bérubé: Comment pouvez-vous faire cohabiter Norcen et SOQUIP à l'intérieur du Québec dans le réseau de distribution?

M. Leroux: Comme je l'ai dit tout à l'heure, je crois que j'ai insinué que la possibilité de la rentabilité de deux compagnies distributrices de gaz naturel dans la province de Québec ne serait pas dans le meilleur intérêt de la province. Par exemple, supposons que toute l'expansion serait faite

par SOQUIP en dehors du territoire que nous avons à Montréal présentement; je crois sincèrement qu'il en serait coûteux énormément à la province, parce que tous ces projets sont de petits projets; ce sont de petites villes, il n'y a pas le gros marché de Montréal avec une concentration. Alors, ce serait très cher. En d'autres mots, je comparerais cela, à ce qui arrivait dans le temps où j'étais à l'Hydro où on avait l'électrification rurale. C'était toujours fait par le gouvernement. Pourquoi? Parce que ce n'était pas rentable. Alors, je ne dis pas qu'il n'y a pas de place pour deux entreprises au Québec, mais je dirais que ce ne serait pas la meilleure solution.

M. Bérubé: Peut-être une dernière question. Etant donné que vous êtes impliqué dans la question du pipe-line, pouvez-vous me dire quel tracé vous favorisez pour le pipe-line de gaz venant de l'Arctique? Il y a deux hypothèses pour le tracé du pipe-line.

M. Leroux: Pour le gaz ou... M. Bérubé: Oui.

M. Leroux: Pour le gaz, je crois que le tracé dépend beaucoup plus d'une question technique ou d'une question de choix. La question technique, ce sont les traversées entre les îles de certaines mares d'eau, qui deviennent très critiques, en d'autres mots, qui pourraient peut-être annuler le projet au complet. Personnellement, comme président de ma compagnie, je ne crois pas avoir aucune préférence pour une ou pour l'autre. D'après les données et les estimations, ils disent que cela va coûter plus cher de passer par le Québec. Par contre, cela dépend où est le marché futur. Si jamais le Québec passe de 5% à 20%, je suis pas mal certain que cela devrait passer par le Québec, aucun doute. Ce sont toutes des choses à venir. Il va falloir voir où le tracé va dans l'avenir.

M. Bérubé: Vous ne pensez pas au choix du tracé.

M. Leroux: Non. Nous ne sommes pas dans le Polar Gas. Nous sommes dans le Canadian Arctic Gas Pipeline qui amène le gaz. Il y a deux champs d'action pour ce qu'on appelle le "frontier gas". Il y a la question du delta du Mackenzie où il y a des réserves prouvées. Il y a la question de l'Arctique, les îles de l'Arctique et surtout Pétro-Canada qui est là, avec Panarctic Oils. Nous avons des investissements dans Panarctic Oils au point de vue de l'exploration. Nous participons au défraiement des coûts des puits, etc. Nous sommes propriétaires de certains permis d'exploitation dans les eaux et les terres de l'Arctique.

Le Président (M. Laplante): Le député de Jean-Talon.

M. Garneau: Si vous étiez ministre des Finances du Québec et que vous aviez à faire l'alloca- tion des ressources qui sont certainement limitées, quel serait votre choix en ce qui regarde le gaz naturel? Est-ce que vous tenteriez d'investir dans l'achat d'approvisionnement ou dans l'achat de distribution? On nous a proposé, en d'autres mots, de nous porter acquéreur de Gaz Métropolitain et de développer le marché. On pourrait employer l'expression: Est-ce que c'est la poule qui vient avant l'oeuf ou l'oeuf qui vient avant la poule? Est-ce qu'on doit commencer par s'assurer des approvisionnements en termes d'investissements et de les transporter ou si on doit commencer — si on ne peut pas faire les deux, à moins qu'on soit capable de faire les deux — par tenter de développer un marché?

M. Leroux: Non, il faut nécessairement avoir — je crois que c'est mettre l'oeuf avant la poule — d'ici à 1980 ou à 1982, des expansions phénoménales dans des nouveaux territoires au Canada. Même s'aventurer dans des industries complètement nouvelles qui vont demander 50 millions ou 100 millions de pieds cubes de gaz par jour, je ne crois pas que ce soit faisable, parce que la quantité de gaz n'est pas là. Personne ne va bâtir une usine, disons, d'ammonium, qui ne donne du gaz que pour cinq ans. Ce n'est pas rentable.

Je crois que vous ne pourriez pas financer un système de distribution à moins d'avoir des garanties de gaz à long terme.

Le Président (M. Laplante): Dernière intervention, M. le ministre Joron.

M. Joron: Oui. C'est une brève question. Je voudrais vous demander la relation dans le prix du gaz entre le coût de production du gaz et le prix lui-même. On sait que le prix du gaz, comme celui du pétrole maintenant, est essentiellement déterminé par des facteurs politiques. Tout à l'heure, vous parliez de $3.25 peut-être, au début, pour du gaz venant du Mackenzie en 1983, 1984, quelque chose comme ça. Vous y incluiez un coût de transport, évidemment, mais quel est le coût réel de ce gaz? Si les gouvernements n'intervenaient pas, d'une part, pour réglementer artificiellement le coût du gaz par rapport à celui du pétrole et ensuite avec les fixations arbitraires du coût du gaz, ce serait quoi, le coût du gaz?

M. Leroux: Personnellement, je n'ai aucune connaissance ou expertise dans ce domaine, mais, récemment, à l'assemblée nationale du bureau de l'Energie à Ottawa, sur la question de Gas Arctic, je crois que la compagnie Gulf a dit que ça lui prendrait, en incluant la construction des équipements pour purifier le gaz avant de le mettre dans le pipe-line, $1.50. Imperial Oil, je crois, a parlé de $1, $1.25, quelque chose comme ça. Le tout va dépendre du coût final de construction et du coût de construction des usines nécessaires à la purification du gaz, ce qu'on appelle les "gas stripping plants".

M. Joron: C'est tout. Mercil

Le Président (M. Laplante): Les membres de cette commission vous remercient, messieurs, de la coopération que vous avez voulu leur apporter.

Maintenant, nous allons suspendre nos travaux pour dix minutes, pour donner une chance à Gulf de se préparer pour l'audition du prochain mémoire.

(Suspension de la séance à 16 h 53)

Reprise de la séance à 17 h 1

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, messieurs!

Faute de temps, nous sommes obligés de nous abstenir. On devait présenter un petit film, un document audio-visuel qui devait durer environ deux heures et trente. La commission n'a pas tout ce temps; on s'excuse, messieurs.

Maintenant, vous pouvez commencer à présenter votre mémoire.

Gulf Oil Canada Limitée

M. Blais: Premièrement, M. le Président, permettez-moi de me présenter et de présenter également les collègues qui m'accompagnent, ici, aujourd'hui. Je suis Louis Blais, directeur des relations institutionnelles. A ma droite, M. Michael Bregazzi, directeur régional du service de Marketing pour l'Est du Canada, y compris le Québec et les provinces maritimes. Près de lui, M. Allan Short, de nos bureaux à Toronto. Ce dernier est responsable pour beaucoup de données qui paraissent dans notre mémoire. A ma gauche immédaitement, M. Benoît Champagne, de Montréal, chef du service du contentieux pour l'Est du Canada. M. Champagne m'aidera à faire la lecture du texte. A côté de lui, M. Gordon Connell, de nos bureaux de Calgary. M. Connell est directeur des études énergétiques pour le service d'exploration et de production. Il est ici avec nous, aujourd'hui, au cas où vous auriez des questions à poser dans les domaines d'exploration et de production.

Gulf Canada Limitée a l'honneur de s'adresser à la commission parlementaire chargée d'étudier la politique en matière d'énergie.

Nous croyons que l'évaluation réaliste des orientations actuelles et futures de la politique énergétique du Québec ne peut être effectuée qu'en fonction de son contexte, à savoir la conjoncture énergétique tant au Canada que sur le plan mondial. Voilà pourquoi nous allons commencer notre présentation par un exposé des perspectives d'avenir dans le monde et au Canada, pour ensuite transposer cette étude sur le plan provincial.

Après l'analyse de la demande totale du Québec en énergie, nous allons examiner l'offre et la demande en pétrole et en gaz naturel, car ce sont deux sources d'énergie dont Gulf peut traiter en toute connaissance de cause. Encore une fois, nous ferons autant que possible un parallèle entre la situation en contexte canadien et en contexte québécois.

La prochaine étape consistera en une étude du commerce international du Canada en matière de pétrole brut et de gaz naturel, ainsi que des prix du pétrole brut sur les plans national et international.

Nous traiterons ensuite du rapport entre la capacité de raffinage et la demande en produits raffinés, pour terminer par une étude des questions d'exploration et de mise en valeur. En conclusion, nous avons formulé des orientations que nous nous permettons de juger favorables pour le Québec.

Etant donné la longueur du mémoire, nous n'avons pas l'intention de le lire au complet. Nous ne ferons que souligner les points saillants de chacune des sections. Je demanderais à M. Benoît Champagne de lire les résumés.

M. Champagne: M. le Président, M. le ministre. Le premier chapitre de notre mémoire traitait de la situation énergétique mondiale. Voici, à notre avis, les points importants qu'il y aurait lieu de retenir.

Premièrement, la demande d'énergie mondiale continuera d'augmenter à un rythme élevé. Elle doublera pendant la période de 1975 à 1990. Deuxièmement, le pétrole et le gaz naturel réunis compteront encore pour la plus grande partie de la demande d'énergie, soit près de 70% en 1990. Troisièmement, la demande sera encore concentrée dans les pays industrialisés, notamment dans ceux qui ont le niveau d'autosuffisance le moins élevé, ce qui en fait les plus vulnérables. Quatrièmement, les pays membres de l'OPEP possèdent 70% des gisements de pétrole traditionnel dans le monde. Tant qu'ils formeront un cartel, ils continueront d'avoir une importante influence sur l'offre et les prix du pétrole brut.

Au deuxième chapitre, le mémoire traitait de la demande d'énergie primaire au Canada. On en retient, premièrement, que la demande totale d'énergie du Canada a augmenté de 70% au cours des dix dernières années. Elle aura presque doublé en 1995, malgré les premières mesures visant à la conservation de l'énergie. Il est prévu que la croissance dans l'Est du Canada sera légèrement inférieure, la demande devant augmenter de 70% de 1975 à 1995. Le pétrole et le gaz qui, réunis, accaparaient 77% de la demande canadienne en 1975 compteront pour 72% de la demande en 1995. L'apport du pétrole diminuera cependant, passant de 50% à 44%, tandis que celui du gaz, qui était de 22%, grimpera à 28%. Quatrièmement, les besoins en pétrole de l'Est du Canada dépasseront largement ceux du reste du Canada en 1995. Le pétrole comptera alors pour 66% de la demande d'énergie et le gaz pour seulement 9%. L'apport du charbon à la demande totale passera, de 11% qu'il était en 1975, à 14% en 1995, surtout en raison de l'augmentation de la production des centrales thermiques de l'Ouest canadien. D'ici à 1995, toutefois, le charbon ne comptera que pour

1% de la demande totale de l'Est du Canada. Ce qui montre la rareté de cette source d'énergie dans cette région et l'importance que peut y avoir l'énergie hydroélectrique.

Finalement, dans l'ensemble, les mesures visant à la conservation de l'énergie influenceront davantage la demande dans le secteur du transport que dans les autres domaines. Il s'ensuivra que le pourcentage de la demande du secteur du transport passera, de 25% qu'il était en 1975, à 16% en 1995.

Troisièmement, notre mémoire a traité de la demande d'énergie primaire au Québec. En résumé, selon nos prévisions, la demande d'énergie totale, au Québec, augmentera d'environ 70% de 1975 à 1995. Le pétrole sera encore la source d'énergie la plus utilisée. En 1995, il accaparera 62% de la demande québécoise, alors qu'il comptera pour 44% de la demande à l'échelle du Canada.

L'énergie hydroélectrique et l'énergie nucléaire réunies viendront au deuxième rang au chapitre de la demande, le rapport global passant de 22% qu'il était en 1975 à 29% en 1995. On utilisera de plus en plus l'énergie nucléaire. La demande de charbon deviendra négligeable, si bien que nous n'en tenons plus compte dans nos prévisions de 1995. Le gaz naturel comptera d'ici 1995 pour 9% de la demande estimative totale. L'utilisation grandissante de cette source d'énergie sera liée à la mise en valeur éventuelle des gisements des régions frontalières et à l'aménagement d'un réseau de gazoducs nécessaire à l'acheminement du gaz. La diminution de la demande dans les secteurs du transport est attribuable aux mesures visant à la conservation de l'énergie. L'électricité et le gaz naturel augmenteront leur part de la demande dans les domaines résidentiels et commerciaux au détriment du pétrole. Au niveau de l'offre et de la demande du pétrole brut, nous avons retenu les points suivants. Au fur et à mesure de la baisse de la production des gisements traditionnels et même après l'élimination des exportations, l'écart entre l'offre et la demande ne cessera de s'élargir, surtout dans l'Est du Canada, et devra être comblé par les importations ou mieux encore par la production tirée de nouveaux gisements. Deuxièmement, les gisements de sables bitumineux et de pétrole lourd sont très importants, mais leur mise en valeur nécessite un temps considérable et l'utilisation de techniques coûteuses. L'extraction des réserves secondaires et tertiaires ne fournissent qu'une solution à court terme. Selon nos prévisions, les mesures de conservation de l'énergie pourraient faire en sorte qu'en 1995 la demande de produits pétroliers serait de 77% du niveau qu'elle aurait atteint sans l'application de ces mesures.

Le Canada ne peut espérer remédier quelque peu à cette insuffisance avant 1986 car on ne compte pas commencer plus tôt l'exploitation des gisements du delta du Mackenzie ni de la côte atlantique. Pour que soit assuré le succès de la politique fédérale visant à l'autarcie en matière d'énergie — l'autarcie consistant ici à ne compter sur les importations que pour satisfaire le tiers des besoins — politique fédérale à laquelle adhère Gulf Canada, il faut d'abord accentuer l'importance des mesures de conservation de l'énergie. Deuxièmement, appliquer des mesures incitatives spéciales pour pousser plus avant la mise en valeur des gisements de sables bitumineux; appliquer d'autres mesures incitatives spéciales pour promouvoir l'extraction des réserves secondaires et tertiaires. Au Canada, le seul espoir d'autarcie en matière de pétrole brut réside dans le potentiel extractif de l'Arctique et de la côte atlantique. Par conséquent, il faudra absolument appliquer des mesures incitatives et des règlements en matière territoriale afin que l'industrie soit en mesure d'effectuer les dépenses énormes qu'exige l'exploitation, la mise en valeur des gisements et l'aménagement de pipe-lines. Maintenant, au niveau du gaz naturel, offre et demande, les prévisions sont plus encourageantes qu'en matière de pétrole, mais à long terme l'autosuffisance du Canada dépendra largement des questions suivantes. L'exploration qu'on devra poursuivre dans le delta du Mackenzie, la mer de Beaufort, les îles de l'Arctique ainsi qu'au large de la côte atlantique. L'exploration et la mise en valeur continue des régions frontalières, ce qui nécessite l'adoption de règlements gouvernementaux encourageant l'exécution de ces travaux dans le Nord du Canada. Enfin, l'aménagement d'un réseau de gazoducs comme celui du Canadian Arctic Gas, ou celui qui est projeté pour le pôle Arctique, rendu nécessaire pour l'acheminement du gaz vers les marchés.

Même si on devait remplir toutes les conditions déjà mentionnées, on ne pourrait avoir un excédent qu'en 1988 au plus tôt, avec la production provenant des îles de l'Arctique. Au niveau des échanges commerciaux du Canada avec l'étranger, en raison de la nécessité croissante des importations de pétrole pour l'Est du Canada, le pays connaît une balance commerciale de plus en plus déficitaire que l'on ne réussit à compenser que partiellement par les exportations de gaz naturel provenant de l'Ouest canadien.

Deuxièmement, le programme de compensation du gouvernement fédéral a protégé l'Est du Canada des montées en flèche du prix du pétrole brut étranger par l'égalisation des prix du pétrole importé et du pétrole canadien livré à Toronto.

Troisièmement, Gulf Canada appuie le gouvernement fédéral qui soutient que le prix du pétrole canadien devrait, le plus rapidement possible, augmenter jusqu'au niveau du prix mondial et que celui du gaz naturel devrait grimper de façon à devenir compétitif avec celui du pétrole et des autres combustibles, sans toutefois imposer de nouvelles contraintes, ni à l'industrie, ni au consommateur.

En comblant l'écart entre le prix du pétrole canadien et celui du pétrole importé, on permettrait une baisse des crédits nécessaires au maintien du programme fédéral de compensation. En supposant, en outre, que les producteurs touchent un pourcentage raisonnable des nouveaux revenus, on constaterait également une augmentation

des capitaux destinés à l'exploration et à la mise en valeur de nouveaux gisements, ce qui réduirait les importations.

Au chapitre de la capacité de raffinage et de la demande de produits, le Québec et l'Est du Canada accusent un excédent considérable de capacité de raffinage et cette situation ne pourra que s'accentuer avec le ralentissement progressif de la croissance de la demande et l'augmentation de la capacité de raffinage que connaîtra l'Ontario dès l'an prochain. Cette capacité excédentaire alliée à la dépendance de l'Est canadien face au dumping de produits raffinés importés a nettement influé sur le rendement des capitaux consacrés au raffinage et à la commercialisation des produits.

Quant au rendement des capitaux que Gulf a investis au Québec, il s'est révélé insuffisant depuis plusieurs années. En raison de ces facteurs, il plane un certain doute quant à l'intention de toute société pétrolière d'investir dans ce secteur de l'économie québécoise.

Finalement, au niveau de la production et de l'exploration, Gulf Canada s'est vu concéder, pour fins d'exploration, des territoires dans les régions offrant les meilleures possibilités de découvertes et de production. Les faibles possibilités du Québec qui ne soutiennent pas la comparaison avec celles de ces régions ne justifieraient aucunement une reprise des travaux d'exploration sur son territoire. Actuellement, le prix du baril du pétrole brut canadien en tête de puits est de $9.75 et après qu'on a déduit les frais d'exploitation de $0.70 par baril, les redevances de $0.15 par baril, les provinces productrices et le gouvernement fédéral reçoivent 74% des revenus, tandis que les producteurs n'en touchent que 25,7%.

Les sommes nécessaires à la poursuite des travaux d'exploration et de mise en valeur sont très importantes. Elles totalisent $31 milliards pour les dix prochaines années, outre le coût des pipelines qui se chiffrera par $25 milliards. Ces capitaux doivent provenir de la production de séries de gisements déjà exploités dans les provinces productrices. Les mesures d'incitation ou réinvestissement dans l'exploration et la mise en valeur sont raisonnablement généreuses. Toutefois, l'industrie ne sera véritablement motivée à effectuer ces dépenses que si elle entrevoit la sérieuse perspective d'un rendement satisfaisant proportionnel aux risques courus advenant la réussite de l'exploration et la mise en valeur des gisements.

Je demanderais maintenant à M. Blais d'énoncer les conclusions et les recommandations qui se trouvent dans notre mémoire.

M. Blais: En conclusion, nous croyons qu'il serait prétentieux de notre part de vouloir établir en détail une politique énergétique pour la province de Québec. Cependant, à la lumière des renseignements fournis, plusieurs orientations s'offrent au Québec. Nos prévisions s'échelonnent sur vingt ans.

Cependant, nous devons nous rappeler que les combustibles fossiles ne se renouvellent pas et qu'ils seront donc vite épuisés. Nous ne croyons pas que l'apport de sources d'énergie nouvelles et renouvelables, telles que l'énergie solaire, éo-lienne et marémotrice, soit important avant la fin du siècle. Nous devrons continuer à miser sur le pétrole et le gaz naturel pour répondre aux trois quarts de la demande d'énergie du Québec et du reste du Canada. Cependant, à long terme, nous devrons nous tourner vers des sources d'énergie renouvelables pour répondre à la demande. Nous encourageons donc la poursuite de recherches dans les domaines qui semblent les plus prometteurs.

Chose certaine, l'énergie, quelle qu'elle soit, coûtera plus cher dans l'avenir. C'est pourquoi nous devrons trouver un juste équilibre parmi nos orientations en tenant compte des techniques actuelles et des frais à engager.

Puisque le Québec dispose des richesses et des connaissances techniques nécessaires, il semble logique qu'il concentre ses efforts, au cours des vingt prochaines années, sur le développement optimal de l'énergie électrique. Le pétrole et le gaz naturel doivent cependant demeurer les deux options principales pour le Québec, car ces deux sources d'énergie devront continuer à satisfaire plus de 70% des besoins énergétiques d'ici 1995.

A notre avis, le Québec doit encourager tous les consommateurs à utiliser plus efficacement la forme d'énergie qui répond le plus à leurs besoins. Par exemple, le gaz naturel pour le chauffage, le charbon, l'électricité et l'énergie nucléaire pour l'industrie et les matières brutes pour le transport. L'utilisation rationnelle de l'énergie et l'application de programmes efficaces de conservation sont de première importance pour la province de Québec, si elle veut en arriver à réduire le rythme de croissance de la demande.

D'une façon plus concrète, nous suggérons les orientations suivantes qui, selon nous, sont à la fois réalistes et réalisables.

Conservation. La conservation est l'une des façons les plus raisonnables et les moins coûteuses d'alléger le fardeau de l'approvisionnement en énergie dans les années qui viennent. Nous disposons actuellement de techniques qui peuvent nous faire réaliser des profits importants et ce, à un coût relativement peu élevé. Une étude menée récemment démontre que près de 50% de l'énergie utilisée au Canada est gaspillée.

L'industrie peut vraisemblablement réduire sa consommation d'énergie de 15% à 40%. Au Canada, l'industrie du raffinage a réussi à réduire sa consommation de près de 10% et ce chiffre pourrait éventuellement passer à 20%. Dans nos édifices publics, nous pouvons immédiatement diminuer la consommation d'énergie de 10% simplement en abaissant la température et en réduisant les heures d'éclairage.

Comme nous l'avons mentionné précédemment, le transport est le secteur qui se prête le plus à la conservation de l'énergie. L'application de mesures visant à réduire la vitesse limite sur nos routes et à diminuer la consommation d'essence, alliées à l'augmentation du prix de l'es-

sence, permettront une conservation accrue de l'énergie.

Nous aimerions souligner que, selon nos prévisions pour 1995, la demande d'énergie ne représente que 77% de ce qu'elle aurait été sans programme de conservation. Pour ce qui e.st du pétrole seulement, ceci représente, au Canada, une économie de 700 000 barils par jour en 1995, ce qui équivaut aux besoins de tout l'Est du Canada en 1976. Pour le Québec seulement, l'économie serait de l'ordre de 200 000 barils par jour en 1995. Ceci veut dire que si nous ne tenons pas compte de la conservation, le Québec aurait à débourser, en 1995, un montant additionnel de $1 milliard en pétrole, lequel est évalué au prix actuel.

Pétrole. Nous prévoyons qu'au .Québec le pétrole continuera d'être au premier plan en matière d'énergie. Il devra satisfaire, d'ici à 1995, à plus de 60% de la demande totale d'énergie. Il est également important de souligner que la quantité de pétrole canadien acheminé par l'oléo'duc Sarnia-Montréal sera insuffisante et que nous devrons compter sur l'importation pour combler la demande; le pétrole importé sera donc soumis aux décisions du cartel de l'OPEP.

La baisse des réserves de pétrole traditionnel du pays devra être compensée par l'exploitation du pétrole synthétique provenant des sables bitumineux, et ce, conformément aux prévisions que nous avons faites afin d'assurer l'approvisionnement de l'oléoduc Sarnia-Montréal. La possibilité d'un approvisionnement supplémentaire reposera sur l'extraction des réserves secondaires et tertiaires des gisements traditionnels de l'Ouest.

Mais qu'advient-il du pétrole de l'Arctique canadien et des régions frontalières situées au large des côtes? Nous croyons que la production de pétrole de ces régions n'atteindra un niveau suffisamment élevé que vers 1986. La quantité de pétrole disponible dépendra en grande partie du dynanisme avec lequel l'industrie mènera ses travaux d'exploration qui sont directement reliés aux règlements en matière territoriale.

Nos géologues estiment qu'il est très peu probable qu'il existe, à l'intérieur des limites territoriales de la province de Québec, des gisements importants de pétrole. Il existe ailleurs, et de façon certaine, d'autres sols riches en pétrole qui méritent d'être considérés.

Ceci impliquerait qu'en plus de faire un usage judicieux des produits pétroliers, le Québec devrait inciter fortement le gouvernement fédéral à adopter les règlements qui s'imposent en matière d'exploitation des régions frontalières et même prendre part activement à l'exploration de ces régions par l'intermédiaire de SOQUIP, sa propre société pétrolière.

Le Québec devrait également prendre part, et de façon active, à la mise en valeur des sables bitumineux et des huiles lourdes, et préconiser l'adoption de mesures visant à surmonter les obstacles à l'exploitation des réserves secondaires et tertiaires des gisements de pétrole traditionnels.

Nous estimons que les réseaux de distribution du pétrole brut dans l'Est du Canada peuvent ré- pondre adéquatement aux besoins futurs et sommes d'avis que les capitaux prévus pour des installations additionnelles devraient être consacrés à l'exploration, de façon à assurer un approvisionnement adéquat au pays.

Gaz naturel. Les perspectives à court terme en ce qui a trait au gaz naturel sont encourageantes, puisque, sur le plan national, l'offre excède la demande et n'est que légèrement insuffisante pour répondre aux exportations que le pays s'est engagé à faire. Les perspectives à long terme sont d'autant plus encourageantes qu'elles laissent entrevoir la possibilité pour le Canada de disposer de surplus rassurants à compter de 1988, année qui devrait marquer le début de l'exploitation des gisements de l'Arctique. Toutefois, la mise en valeur de ces gisements et la disponibilité du gaz dépendent de la mise au point définitive des règlements fédéraux relativement aux territoires des régions frontalières et à la construction des conduites nécessaires à l'acheminement du gaz vers les centres de consommation.

Ainsi, le Québec devrait fortement promouvoir l'adoption de la politique territoriale fédérale et devrait aussi affermir sa position face au mode d'acheminement du gaz.

Nous nous permettons d'appuyer les travaux sur le pipe-line du Canadian Arctic Gas. Nous croyons qu'il fournit le moyen le plus économique de transporter le gaz du delta du Mackenzie et de la mer de Beaufort. Nous serions heureux de pouvoir vous remettre une documentation plus poussée sur cette question.

L'apport du gaz naturel des régions frontalières sera d'une importance significative pour le Québec, puisqu'il permettra, pour la première fois, de structurer la demande provinciale en énergie. Moyennant le prolongement de ses gazoducs, la province se verrait en mesure de promouvoir l'utilisation du gaz dans les secteurs où il est le plus efficace, à savoir, dans les domaines résidentiel et commercial. L'application de ces mesures se solderait par la diminution de la dépendance face à l'électricité qui nécessite d'importantes dépenses en immobilisation et au pétrole importé qui exige de fortes sorties de capitaux du pays.

Intervention gouvernementale. Avant de déterminer les orientations du Québec en matière d'énergie, le gouvernement doit sérieusement évaluer la portée d'une intervention accrue dans le domaine de l'industrie, car une intervention trop importante pourrait décourager le secteur privé. L'industrie possède déjà l'expérience, les effectifs et le matériel nécessaires à un fonctionnement des plus efficaces. Le gouvernement fédéral, le Québec, ainsi que plusieurs autres provinces sont actuellement directement engagés dans l'exploration et la production de gaz et de pétrole. Le succès des sociétés d'Etat comme SOQUIP dépend, en définitive, de la mesure dans laquelle elles contribuent ou elles nuisent à la réalisation de l'objectif fixé. Par exemple, si SOQUIP s'engageait dans les secteurs du raffinage et dans la commercialisation en construisant une nouvelle usine, elle contribuerait à accentuer l'excédent déjà important de la

capacité de raffinage. De plus, si les sociétés d'Etat jouissaient de privilèges particuliers, elles provoqueraient la baisse des investissements provenant du secteur privé.

Nous croyons que ces sociétés devraient axer leurs activités principalement sur l'exploration et la mise en valeur dans les régions que le gouvernement trouve essentielles à la satisfaction de la demande future, car ces travaux, étant donné leur envergure ou leur durée, peuvent manquer d'intérêt aux yeux des investisseurs du secteur privé. D'une façon plus générale, des projets de l'ordre de plusieurs milliards de dollars, tels que la construction d'usines de traitement des sables bitumineux et de l'huile lourde, la mise en valeur des régions frontalières, l'aménagement des pipe-lines dans les régions du nord nécessiteront un appui financier de la part du gouvernement.

En conclusion, si nous devions formuler ce que Gulf Canada juge prioritaire relativement aux orientations de la politique énergétique, nos objectifs seraient les suivants: premièrement, redoublement des efforts en ce qui a trait aux programmes de conservation; deuxièmement, accroissement des travaux d'extraction des réserves secondaires et tertiaires; troisièmement, incitation à une exploration approfondie dans l'Ouest du Canada en vue de la découverte de gisements; quatrièmement, approbation dans le plus bref délai possible de la construction du pipe-line de l'Arctique; cinquièmement, poursuite des travaux de traitement des sables bitumineux au rythme prévu; sixièmement, poursuite à un rythme accéléré de l'exploration dans les régions frontalières.

Nous croyons qu'il serait opportun que la commission établisse les mesures qu'elle juge prioritaires pour le Québec. Nous tenons à assurer la commission de notre entière collaboration pour toute demande d'information relativement aux sujets abordés et à toute autre question passée sous silence dans le présent document. Merci beaucoup.

Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs. M. le ministre.

M. Joron: Messieurs, permettez-moi d'abord de souligner la qualité de votre mémoire qui contient des tableaux, annexes, etc. Visiblement, vous y avez apporté un soin considérable, nous l'apprécions. D'autre part, ce qui me frappe, c'est que, somme totale, bien que les sources des approvisionnements varient dans le temps, le portrait que vous nous tracez pour 1995 n'est pas substantiellement différent de celui d'aujourd'hui. Il est fondé sur un taux de croissance quasi historique, un peu décroissant après 1985. La part des différentes sources d'énergie ne varie guère, l'électricité passant de 22 à 29, alors que la plupart des autres dépositions semblaient indiquer une part beaucoup plus grande pour l'électricité. D'autre part, par voie de conséquence, pétrole et gaz naturel, additionnés ensemble, comptent à peu près, grosso modo, pour la même proportion qu'aujourd'hui dans le bilan énergétique. En somme, vous ne voyez pas beaucoup de changement dans l'évolution globale.

M. Blais: Est-ce que vous parlez pour la province de Québec?

M. Joron: Oui. Cela semble indiquer que vous ne voyez pas de changements bien fondamentaux, somme toute, tout en prônant la conservation.

En introduisant le facteur conservation, en fait, on peut dire que ça repose sur une extension des taux de croissance qu'on a pu vérifier dans le passé et la part de chacune des formes d'énergie ne semble pas se modifier beaucoup dans votre bilan. D'autre part, il y a une particularité et, là, je pense que c'est peut-être le premier mémoire qui diffère, à cet égard, des autres. Vous ne semblez pas, vous, croire que le pipe-line Sarnia-Montréal va être renversé, en ce sens que vous attachez beaucoup plus d'importance que tous les autres déposants avant vous à l'avenir des sables bitumineux, entre autres. C'est probablement la raison pour laquelle vous pensez que le flot va continuer dans le même sens, alors qu'à peu près tout le monde témoignait d'un intérêt beaucoup plus mitigé vis-à-vis des sables bitumineux. Ils pensaient, évidemment, que l'on serait obligé d'en importer; c'est ce qui leur faisait dire que le pipe-line serait renversé.

J'aimerais ça. Pour commencer, — je vais vous poser ces questions, l'une, par rapport au pétrole, l'autre, par rapport au gaz — que vous parliez davantage de votre foi dans l'avenir des sables bitumineux et que vous nous parliez aussi des prix. En effet, il est toujours théoriquement possible de sortir du pétrole, mais ça dépend du prix qu'on est disposé à payer. Comment voyez-vous aussi l'évolution des prix, compte tenu de ça, d'une part? Ceci pour le pétrole. Deuxièmement, pour le gaz, vous invitez le gouvernement du Québec à intervenir dans la question de l'acheminement du gaz naturel. C'est un point que vous avez soulevé, je ne me souviens plus à quelle page de votre mémoire. J'aimerais que vous élaboriez un peu sur ce que vous attendez du gouvernement du Québec à cet égard, quand vous l'invitez à intervenir par rapport à l'acheminement du gaz.

M. Blais: Vous me posez plusieurs questions à la fois, M. le ministre.

Je vais traiter de la situation du pipe-line Sarnia-Montréal, si vous voulez. Ce qu'on pourrait faire, peut-être, c'est de retourner à la page D-9. Il y a un graphique qui démontre, en fin de compte, ce à quoi on s'attend. Il faut souligner que ce sont les projections de Gulf Canada. Il faut absolument qu'on s'assure que les découvertes prévues dans les régions frontalières vont être réalisées — c'est très important — et aussi dans la période prévue. Aux alentours de 1986, on voit l'exploitation des gisements des Territoires du Nord-Ouest, de Beau-fort et aussi de la côte atlantique. A défaut, maintenant, de découvertes sur la côte atlantique, il faudrait, à ce moment, qu'on fasse davantage d'importation de produits. Si on regarde en haut,

pour l'année 1995, la section colorée en bleu, il faudrait importer environ 317 000 barils par jour, toujours. Si les découvertes de la côte atlantique ne se réalisent pas, en fin de compte, ça voudrait dire qu'il faudrait importer, de surplus, 280 000 à 300 000 autres barils par jour. Cela voudrait dire, enfin, qu'on serait rendu à environ 600 000 barils par jour, encore davantage si les découvertes dans les Territoires du Nord-Ouest et dans la mer de Beaufort ne se réalisent pas. En 1995, il faudrait importer 700 000 autres barils par jour, ce qui voudrait dire qu'effectivement le Canada, et plutôt l'Est du Canada, parce que c'est ici qu'on se sert des huiles importées, aura besoin d'importer environ 1 300 000 barils par jour. A ce moment-là, les besoins pour l'Est du Canada se chiffreront peut-être par environ 800 000 barils par jour, ce qui voudrait dire que le reste serait acheminé vers l'Ontario probablement. Dans ce cas, il faudrait sans doute renverser le pipe-line. Tout est basé sur le fait que les découvertes vont être réalisées en temps et lieu, selon les prédictions que la compagnie a faites.

Maintenant, M. le ministre, nous pensons que toute décision concernant la question des facilités, superport et ainsi de suite, devrait être prise seulement après qu'on aura une idée à savoir si les découvertes vont se réaliser. Et cela, on devrait le savoir d'ici à quelques années. Il me semblerait qui si on frappe dans la mer de Beaufort, cela devrait être cette année ou l'année prochaine, ou bien il faudrait aller examiner ou explorer ailleurs.

M. Joron: Voulez-vous, avant de parler de l'acheminement du gaz, dire un mot par rapport au prix, l'évolution des prix du pétrole? Comment voyez-vous l'avenir de ce côté? Prix internationaux d'une part, mais les prix canadiens y seront probablement reliés très bientôt, et la relation...

M. Blais: Au niveau international?

M. Joron: Oui, d'une part, et au niveau canadien aussi, si le prix canadien est décroché et varie selon le prix mondial. La relation aussi entre coût et prix. Par exemple, pour le pétrole venant de la mer de Beaufort, des îles de l'Arctique ou des sables bitumineux, les différences de coût d'exploitation de ces différents champs pétroliers.

M. Blais: Bien, premièrement, pour ce qui a trait au pétrole brut, au prix international, c'est difficile à dire, naturellement. Mais nous croyons que, probablement, on pourrait s'attendre que le prix du pétrole brut international monte à peu près au même rythme que l'inflation. On a vu, cette année, que les pays de l'OPEP avaient un peu de problèmes pour s'accorder au point de vue des hausses. Il y en avait quelques-uns qui voulaient monter de 10% et d'autres de 5%. Il nous paraît que cela va chiffrer alentour de 7%. C'est cela qu'on attend de voir d'ici à l'avenir. On pourrait s'attendre de voir le prix international monter à peu près au même rythme que l'inflation, ce qui voudrait dire peut-être de 7% à 8% par année.

Maintenant, pour le gaz naturel provenant du delta du Mackenzie, c'est une question que vous avez déjà posée d'ailleurs, disons que le gaz provenant du delta du Mackenzie doit être assez coûteux, parce qu'il faut se rendre compte du fait que, premièrement, cela vient des régions frontalières, donc un endroit où l'exploration est extrêmement coûteuse. Je pourrais vous donner un exemple. L'année passée, on a participé avec d'autres compagnies à du forage dans la mer de Beaufort. Nous avons fait seulement un trou, foré seulement un trou. Ce trou a coûté à Gulf $35 millions. On est en train de faire du forage au large du Labrador.

Le coût moyen d'un trou, sur la côte du Labrador, est aux alentours de $10 millions. C'est extrêmement coûteux, le forage dans les régions frontalières. Les conditions sont inclémentes et, disons même, si vous voulez, que le transport des matériaux nécessaires pour faire le forage est extrêmement coûteux, parce que, d'habitude, c'est fait par avion ou quoi que ce soit.

Maintenant, la deuxième chose. Après une découverte, cela prendrait un genre d'usine de traitement pour le gaz. Les mêmes considérations s'appliquent parce que cela va être extrêmement coûteux pour bâtir, dans le delta du Mackenzie, une usine de traitement; on peut même imaginer au point de vue des matériaux nécessaires et le transport, etc. La main-d'oeuvre est extrêmement coûteuse. Ce n'est pas tout le monde qui veut aller travailler dans le Nord. Il y a cela.

Maintenant, les systèmes de transport, les pipe-lines, en fin de compte, vont être énormément chers, parce qu'ils sont extrêmement longs. Il y a des estimations qui sont faites pour la Canadian Arctic Gas Pipelines, qui se chiffrent par un peu plus de $7 milliards, pour la construction de cette usine. Il faut qu'il y ait un genre de rendement.

Il y a l'autre aspect qui se rattache plutôt en particulier à la province de Québec. C'est qu'elle se retrouve, donc, à l'extrémité, si vous voulez, du pipe-line. Tous ces facteurs ensemble voudraient dire que le gaz va coûter cher. On prévoit, nous autres, que cela pourrait se chiffrer aux alentours de $4 à $4.50 par mille pieds cubes, rendu aux concessions, ici à Montréal. Ceci équivaut, si vous voulez, à $23, $26 pour le baril d'huile équivalent. Maintenant, disons qu'on pourrait peut-être attendre d'avoir le gaz ici.

M. Joron: En quelle année, cela?

M. Blais: Cela devrait être vers les années 1985-1986, disons. Alors, maintenant, le prix de l'huile brute, à ce moment-ci, le prix international, est aux alentours de $14. Ce qui voudrait dire qu'il y aurait une hausse aux alentours de $9, si vous voulez, durant une période de huit à neuf ans. Cela entre en ligne de compte avec l'inflation, on s'attendrait de voir que cela pourrait aussi affecter le prix international. Cela devrait entrer en ligne de compte pour rivaliser avec le prix de l'huile brute.

M. Joron: Est-ce que vous souhaitez une in-

dexation du prix du gaz par rapport à celui de l'huile brute? Pensez-vous que les deux prix doivent être reliés l'un à l'autre?

M. Blais: Oui. On dirait que, pour leur valeur de chaleur en BTU qui devrait être l'équivalent, si vous voulez, je crois que le gaz naturel se chiffrera autour de 85% de la valeur... Il y a peut-être des raisons aussi autour de cela. Il faut comprendre d'ailleurs que le gaz naturel, en comparaison avec les autres combustibles, le charbon, le mazout lourd, si vous voulez, parce qu'assez souvent on essaie de comparer le gaz naturel avec le mazout lourd, n'est pas réellement comparable parce que le gaz naturel est d'une haute qualité, presque non polluant, tandis que le soufre qui se trouve toujours dans le mazout lourd est un polluant. Ils ne sont pas nécessairement comparables, il nous semble.

Il me semblerait qu'avec ces considérations le gaz naturel devrait sûrement avoir une prime au-dessus du pétrole au point de vue du prix. L'équivalence, c'est assez. Il me semblerait que ces choses devraient être prises en considération pour la fixation des prix. D'ailleurs, ce ne sont pas les compagnies pétrolières qui fixent les prix. A ce stade-ci, c'est le gouvernement des pays producteurs à l'extérieur du Canada ou cela pourrait être le gouvernement fédéral en collaboration avec les gouvernements provinciaux. Je ne sais pas si j'ai répondu adéquatement, M. le ministre.

M. Joron: Merci.

Le Président (M. Laplante): Le député de Jean-Talon.

M. Garneau: M. le Président, moi aussi j'aimerais souligner l'appréciation de la qualité du document qui nous est présenté. Je voudrais revenir à un point que l'on retrouve, je crois, dans la section H et qui touche la fiscalité et la répartition du prix du baril de pétrole entre les gouvernements provinciaux, le gouvernement fédéral et les compagnies. Quand vous nous donnez, par exemple, au tableau de la page H-4, pour un baril de pétrole, au 1er janvier, $9.75, et que vous dites que la compagnie reçoit $2.28, ce sont $2.28 pour extraire le pétrole à la tête du puits de pétrole?

M. Blais: II y a les $0.70 qui comprennent ce qu'on appelle les coûts de "collect", les coûts qui sont associés directement avec l'extraction après que le puits est en marche, si vous voulez. C'est un coût d'exploitation plutôt. Maintenant, les $2.28 sont les profits, effectivement, qui reviennent au producteur.

M. Garneau: C'est cela que j'essayais de savoir. Est-ce un profit ou une allocation du prix qui doit couvrir les dépenses d'exploitation d'une société comme la vôtre?

M. Blais: Ce n'est pas un profit net.

M. Garneau: C'est une allocation du prix...

M. Blais: Un profit brut, si vous voulez, qui nous revient. C'est avec cet argent, avec les $2.28 que Gulf est en train de faire ses programmes capitaux d'exploration, ainsi de suite. Pour donner une idée, notre compagnie a des dépenses de capitaux projetés d'environ $900 millions dans les trois prochaines années, au total. C'est de là que vient la majeure partie de notre profit.

M. Garneau: Oui, mais j'ai de la misère à saisir ça. C'est une question qui nous est souvent posée, comme hommes publics. On nous dit: Les multinationales font d'immenses profits, elles exploitent les pauvres consommateurs, etc. C'est une argumentation qui est souvent servie aux hommes politiques, pour essayer d'intervenir davantage dans l'industrie du pétrole, et on nous dit que les profits sont énormes, les marges sont grandes. Je ne suis pas sûr de comprendre le sens des $2.28 que vous donnez. Vous dites que ce sont les profits bruts, mais de quoi? De votre opération générale, ou uniquement avant que le pétrole entre dans la raffinerie, ou si c'est le profit brut à partir du pétrole qui sort du puits après les frais d'exploitation et qui se termine par le prix de vente à quelqu'un, à un moment donné.

Je voudrais essayer de savoir à quel endroit vous faites vos profits? Est-ce que c'est au niveau du raffinage, de la distribution au consommateur, que représente, $2.28? On dit que le prix du baril est de $9.75 au 1er janvier 1977, je ne suis pas sûr de comprendre ce que signifie $2.28.

Tout à l'heure, je vais en venir à d'autres aspects en ce qui regarde l'intervention de l'Etat par rapport au libre commerce et c'est pourquoi je voudrais bien comprendre ce que signifient ces $2.28. On va prendre votre société à titre d'exemple.

M. Blais: Oui.

M. Garneau: Vous achetez du pétrole, si vous n'êtes pas propriétaire du puits, vous achetez du pétrole et il est payé $9.75. Là-dessus, il y en a une partie qui va en "royautés", une partie au gouvernement fédéral et il vous reste $2.28, qu'est-ce que vous faites avec ça? Quelle genre d'opération menez-vous pour arriver à un profit net?

M. Blais: Premièrement, M. Garneau, disons que Guld ne produit qu'à peu près 1/3 du besoin du pétrole brut, ce qui voudrait dire qu'on doit acheter à peu près 2/3 de nos besoins ailleurs, d'autres compagnies. Premièrement, l'huile brute se vend par l'entremise du Alberta Marketing Oil. Ce qui arrive, c'est que tout le monde, ceux qui ont des puits, soit des indépendants qui n'ont pas nécessairement des opérations de commercialisation ou de raffinage, mais enfin, tout le monde vend sa production à l'Alberta Marketing Oil et ensuite, on la rachète, au besoin.

Maintenant, dans le cas où c'est un puits qui nous appartient, qu'on a foré, qu'on a découvert et qu'on a développé, mis en valeur. Le profit que nous allons retirer, quand le produit, l'huile brute, se vend $9.75, c'est $2.28. Maintenant, la plupart

de nos profits, qui se chiffraient aux alentours de $176 millons l'an dernier, provenaient de la production. C'est là qu'il faudrait qu'on trouve nos fonds pour réinvestir et trouver d'autres gisements.

M. Garneau: Je constate qu'il est six heures et qu'on doit ajourner. Je reviendrai, à moins qu'il y ait autre chose.

Le Président (M. Laplante): On va finir, parce que...

M. Blais: Je ne sais pas si je vous réponds adéquatement.

M. Garneau: Bien...

M. Blais: J'ai mal compris votre question. C'est plutôt un profit, donc, il n'y a pas taxe. On entre en ligne de compte tous les frais d'exploitation d'une compagnie pétrolière, comme l'administration, etc. Les coûts qui sont associés ici sont les coûts directement reliés à l'exploitation de ce puits.

M. Joron: Si vous me permettez, cela ne tient pas compte du rendement sur le capital ni des frais d'administration globaux de la compagnie. Les $0.70, c'est ce que cela coûte strictement pour l'extraction, un point c'est tout. Cela ne tient pas compte de votre salaire par exemple?

M. Blais: Seulement à ce puits... M. Joron: D'accord.

M. Blais: Moyennement, cela coûte aux alentours de $0.70 pour extraire un baril de pétrole sous la terre.

M. Garneau: Mais sur ces $2.28 — je comprends qu'on doive terminer...

Le Président (M. Laplante): Vous pouvez terminer.

M. Garneau: Les $2.28, vous les interprétez vous-même, dans vos propres termes, comme étant un profit brut et non pas... Si moi, je vends une chaise comme cela $100, je reçois $100; c'est une entrée de fonds, ce n'est pas un profit brut. Vos $2.28, vous ne les interprétez pas comme étant une entrée de fonds provenant d'une vente, mais comme un profit brut, si j'ai bien compris.

M. Blais: Oui.

M. Garneau: Alors, quelles sont les principales catégories de dépenses, en très grandes lignes — je ne veux pas vous demander votre salaire — qui s'enlèvent sur ces $2.28 avant d'en arriver au profit net de l'entreprise?

M. Blais: Ah! mon Dieu. Il y a tous les salaires des employés, qui sont de 10 000 à peu près.

M. Garneau: Vous parlez de toute l'exploitation, y compris vos raffineries?

M. Blais: Oui.

M. Garneau: De toute l'exploitation jusqu'à ce que votre huile à chauffage soit rendue, soit chez le consommateur, chez le grossiste détaillant ou encore à la station de service?

M. Blais: Peut-être en le mettant dans un autre contexte, si vous voulez. Je n'ai par le rapport annuel avec moi, mais vous allez en recevoir une copie. Nous autres, on fait à peu près $0.01 le gallon.

M. Garneau: $0.01 de profit net?

M. Blais: $0.01 de profit net le gallon.

M. Garneau: Cela veut dire que, sur un baril de pétrole il y a 30 gallons, 33 gallons, 35 gallons. Combien est-ce exactement?

M. Blais: 35 gallons.

M. Garneau: 35 gallons. Cela veut dire que, sur un baril de pétrole, il vous reste comme profit net, sur un montant de $9.75, $0.35?

M. Blais: Oui, environ.

M. Garneau: Environ. C'est avec ces $0.35 que vous financez vos dépenses d'exploration ou si vos dépenses d'exploration, compte tenu de tous les dédales de la fiscalité, vous pouvez les soustraire avant d'arriver au profit net?

M. Blais: Toutes les dépenses viennent par après. On ne sépare par les opérations comme telles. Si le service de production était complètement séparé à la compagnie et si le service de marketing était complètement séparé ainsi que les autres secteurs, ce serait peut-être plus facile de répondre à votre question. A ce moment, on s'attendrait que le service d'exploration ou de production, en fin de compte, fasse des profits assez élevés. On avait inclus un genre de charte, un graphique qu'on a ici, qui démontre un peu le rendement sur les capitaux pour le marketing, qui est aux alentours de 6%.

M. Garneau: J'ai été surpris par la faiblesse de ces rendements.

M. Blais: C'est décourageant.

M. Garneau: C'est pour cela que je pose autant de questions.

M. Blais: Cela veut dire qu'effectivement c'est la production qui supporte le marketing.

M. Garneau: C'est aussi ma conclusion. Si j'étais investisseur, je n'investirais probablement pas chez vous, compte tenu du faible taux de rendement.

M. Blais: Exactement.

M. Garneau: C'est ce qui se produit?

M. Blais: C'est exactement ce qui se produit.

M. Garneau: La raison pour laquelle je vous posais ces questions, c'est que... Est-ce que dans le fond...

M. Blais: Pardon?

M. Garneau: Est-ce que, dans le fond, ce sont les gouvernements qui empêchent le secteur privé de nous garantir les approvisionnements par une capacité de recherche et d'exploration plus grande? Je vais arriver tout à l'heure au dernier aspect de ma question qui va être le suivant, peut-être que cela va vous aider.

Voici ma deuxième question: Est-ce que ce sont les gouvernements qui, à cause de leur fiscalité trop élevée, empêchent les entreprises d'investir plus lourdement dans la recherche, dans l'exploration, parce qu'ils n'ont pas suffisamment de capitaux pour les financer? Si votre réponse est affirmative ou négative, peu importe, là où je veux en arriver, c'est de savoir si, dans le système économique dans lequel on vit, sur le continent nord-américain, et aussi dans la plupart des pays industrialisés, l'Europe, etc., on doit faire supporter cette exploration et ces dépenses pour aller découvrir des sources d'énergie et les mettre à profit, si on doit les faire payer par l'utilisateur, qui est le consommateur de pétrole sous toutes ses formes, ou si on doit le faire payer par le contribuable.

Si, comme membre d'un gouvernement ou de l'Assemblée nationale, j'appuie un projet de loi pour taxer encore plus lourdement le pétrole, ce n'est pas pour le plaisir uniquement de le faire. Cela peut peut-être être pour financer temporairement un budget, mais il peut y avoir aussi, comme philosophie d'approche, le fait qu'on juge que c'est plus pratique ou plus équitable de faire financer l'exploration et la recherche par l'ensemble de la collectivité via la fiscalité, plutôt que de le faire via les utilisateurs du pétrole. J'ai cru saisir, dans votre mémoire, que vous optiez pour la première solution, en disant: Donnez-nous une marge de $2.28, on va faire cela un tiers, un tiers, un tiers, peut-être que ce sera déjà une amélioration. On va être capable d'accélérer sans doute nos programmes de recherche et mettre au point les nouvelles découvertes.

Si on faisait cela, est-ce que ce n'est pas un risque énorme de la part d'un pays comme le Canada, puisqu'il faut le voir sur le plan global — et en tout cas, tant qu'on n'aura pas trouvé le pétrole au Québec, on est mieux de le regarder sur ce plan — est-ce que ce n'est pas un risque pour une société comme la société canadienne de s'en mettre un peu à votre bon jugement et de dire: On espère qu'en leur donnant les capitaux, ils vont faire l'exploration et, tôt ou tard, on aura notre part des approvisionnements dans le monde. C'est cela la situation dans laquelle les gouvernements sont placés.

M. Blais: C'est vrai.

M. Garneau: Comment peut-on avoir ces garanties si, comme membre de l'Assemblée nationale, je dis au nouveau gouvernement — on n'est pas grand-chose ici — disons qu'on part une campagne et qu'on dise au gouvernement fédéral: Vos $2.39, cela n'a ni queue, ni tête. Prenez donc une piastre et laissez le reste aux entreprises. Probablement que vous allez applaudir, mais je ne suis pas sûr que vos applaudissements vont me donner du pétrole dans vingt ans.

M. Blais: Oui.

M. Garneau: Comment réagissez-vous face à cette argumentation?

M. Blais: II y a plusieurs façons de répondre, mais je crois que, premièrement, c'est le gouvernement qui, en fin de compte, a tous les pouvoirs nécessaires. Si vous êtes capables, que ce soit au niveau provincial ou au niveau fédéral, d'avoir des conditions pour vous assurer que les profits sont effectivement dépensés dans l'exploration, vous n'avez qu'à introduire, faire des lois ou des arrangements fiscaux pour vous assurer que nous allons débourser cet argent en faisant d'autres explorations. Le pouvoir, c'est à vous, enfin.

On peut dire aussi que, si on regarde — je crois que c'est indiqué à la page H-8, qui est un peu un historique des investissements et des dépenses en immobilisation, en exploration de l'industrie pétrolière, à partir de 1965 jusqu'à 1975 — on verra qu'en 1965, il y avait environ $0,75 milliard qui ont été dépensés. Maintenant, en 1975, cela a monté, je crois, à un milliard et demi de dollars. On pourrait dire que, pour employer une expression anglaise, le "track record" n'était pas si pire. Si on tourne la page encore, à H-9, on verra des chiffres qui sont des projections, si vous voulez. Cela prendrait environ $31 milliards dans les dix prochaines années afin d'effectuer les explorations nécessaires pour vous tenir, moyennement, dans une position d'autarcie. Ce ne sont pas nos chiffres, en fin de compte, ce sont des chiffres publiés par M. Gillespie, une stratégie énergétique pour le Canada. En plus de cela, ce sont les $25 milliards qu'on aura besoin de trouver quelque part pour construire des pipe-lines, etc., dont on aura besoin d'ici une dizaine d'années.

M. Garneau: Est-ce possible, monsieur, de mettre...

M. Blais: En allant un peu plus loin, si vous me permettez, M. Garneau, on dit aussi que... C'est démontré à la page H-6 que les encouragements à réinvestir sont assez généreux de la part du gouvernement.

M. Garneau: Est-ce que vous avez terminé, M. Blais?

M. Blais: Oui.

M. Garneau: Est-ce que, sur les $11 milliards et les $31 milliards, est-ce qu'il est possible — parce que là vous parlez de dépenses réelles, du moins pour les $11 milliards — de mettre au-dessus de cela un chiffre en dollars le baril qui soit en relation avec les $2.28 ou si ce n'est pas possible ou si cela n'aurait aucune signification?

M. Blais: Franchement, je ne sais pas la réponse à cette question.

M. Garneau: Un pourcentage du moins?

Si, par exemple, l'industrie pétrolière canadienne avait financé les $11 milliards d'investissements qu'elle a faits avec un pourcentage, $2.28 sur $9.95, cela fait quoi? C'est 22% à peu près? Est-ce cela?

M. Blais: C'est de là que viennent les fonds, enfin.

M. Garneau: Oui, je comprends. Quel pourcentage net de recettes a produit les revenus suffisants pour financer les $11 milliards par baril, c'est cela?

M. Blais: Oui, oui.

M. Garneau: Je voudrais essayer de savoir, dans le fond, si on prend le pari — le "on" collectif, c'est-à-dire tout le monde ensemble au Canada — de faire confiance aux entreprises du secteur privé pour assurer l'approvisionnement en pétrole au Canada pour l'avenir, quel serait le pourcentage moyen qu'il faudrait vous donner, à moyen terme, et que vous le sachiez non pas uniquement pour une année pour le baisser ensuite selon les circonstances, mais de quel genre de pourcentage du prix du baril de pétrole auriez-vous besoin pour être capables de financer ces $31 milliards? J'ai compris que les $2.28, c'était une proportion qui vous paraissait difficile, ce serait quoi, au lieu de 22%, est-ce que ce serait 27%, 30%?

M. Blais: On n'aura pas la réponse à cette question, M. Garneau. J'essaie de trouver peut-être quelque chose pour vous donner une idée et relier l'affaire des $11 milliards avec les $31 milliards.

M. Garneau: Je vous pose la question.

M. Blais: Pour relier l'affaire du $11 milliards, si vous voulez, avec le $31 milliards. Là, il faudrait que je parle complètement dans le contexte de Gulf Canada, à ce moment-ci, et non pas au nom de l'industrie. Mais pour une période d'à peu près vingt ans jusqu'à 1974 environ, ce qui veut dire à partir de 1954 jusqu'à 1974 environ, le rendement sur l'investissement de notre compagnie n'a jamais dépassé 6%. Maintenant, c'est durant la période dont on parlait, ici, en arrière, historique- ment, qu'on avait fait des investissements aux alentours de $11 milliards, à peu près. Naturellement, on aurait été mieux, comme compagnie, d'acheter des obligations; on aurait fait de l'argent. Dans les dernières années, prenez l'année passée, notre rendement sur l'investissement avait augmenté jusqu'aux alentours de 14%. Maintenant, on pourrait dire: qu'est-ce que cela prend comme rendement, pour une compagnie pétrolière, pour passer à travers? Ceci est aussi difficile à dire. Peut-être que ce qu'on devrait faire serait de diviser nos opérations.

On avait dit, tantôt, que pour faire l'exploration cela prend beaucoup de risques. Disons que les capitaux que nous investissons dans l'exploration, il faudrait qu'ils soient générés à l'intérieur de l'entreprise. Ce n'est pas une question d'aller à la banque, d'emprunter de l'argent pour aller faire de l'exploration. Ce serait la même chose ou l'équivalent d'aller à la banque et de demander au gérant de nous prêter $1000 pour aller jouer à Blue Bonnets. C'est à peu près la même chose. Vous ne faites pas de "gambling", en fin de compte, si vous n'êtes pas capable de l'aborder.

Il me semblerait, avec les risques qu'il y a à l'intérieur du secteur de l'exploration, que sûrement, dans cet endroit, les fonds sont générés par la production et que, dans la production, le rendement devrait être supérieur. Maintenant, je ne suis pas pour vous donner une "figure", mais il y a des études qui ont été faites par des individus, des écoles et des universités qui diraient que dans ce genre d'activités, les rendements sur les investissements devraient être, peut-être, aux alentours de 30%. Maintenant, prenez le secteur de commercialisation ou de raffinage, sûrement les risques sont moindres. On a beaucoup plus de contrôle aux alentours des circonstances. Si on a bien choisi notre coin de rue, cela va être profitable, notre poste de service. Dans ce cas, peut-être que les risques sont moindres, mais au moins on devrait avoir un rendement qui équivaut à la valeur du capital, qui est aux alentours de 12%, aujourd'hui. Il me semblerait que les compagnies pétrolières seraient assez contentes avec ce genre de rendement.

Le Président (M. Laplante): Le député de Rimouski, dernière intervention.

M. Marcoux: J'ai également été étonné, disons, par la qualité de votre mémoire où s'alignent des chiffres très précis, autant par la qualité de la présentation que par le contenu lui-même.

Une chose qui m'a frappé, tout de même, comparativement à d'autres personnes qui sont venues nous rencontrer depuis deux jours, c'est que la plupart soulignaient que ce n'était presque pas possible de prévoir de façon très précise l'évolution pour les vingt, vingt-cinq prochaines années, alors que, dans votre rapport, on trouve des chiffres très précis, 14%, 22%. L'avenir des vingt prochaines années est assez clair. C'est même très, très clair, par opposition à ce qu'on pouvait nous affirmer dans les autres dépositions.

M. Blais: Vous laissez entendre que nous avons une boule de cristal pour regarder le futur.

M. Marcoux: En tout cas, vous avez une bonne équipe de recherchistes. La première question que je voudrais poser est reliée à la page 2 de votre conclusion. Vous indiquez ceci: "Une étude menée récemment démontre que près de 50% de l'énergie utilisée au Canada est gaspillée". Lorsqu'on lit le reste du rapport, on a l'impression que vous ne tenez pas compte de cette donnée-là. C'est comme si vous disiez: Dans l'avenir, ça va continuer à peu près comme on a fonctionné depuis quinze ou vingt ans. Mais j'ai l'impression que l'on ne pourra plus fonctionner, dans les quinze ou vingt prochaines années, comme on a fonctionné dans le passé. A partir du moment où l'on sait que l'on gaspille, où l'on gaspille et comment on pourrait économiser, autant les gouvernements que les autres corps publics n'auront pas le choix d'intervenir ou non pour limiter au maximum le gaspillage.

Ce que je trouve paradoxal dans votre mémoire, avec vos raisonnements et les chiffres que vous avancez, c'est comme si c'était le statu quo qui allait être maintenu ou à peu près; une diminution de la croissance, bon, tout le monde le sait, en particulier au Québec.

Alors, comment, en somme, pouvez-vous fonder votre politique d'avenir sur une espèce de statu quo, alors que, par ailleurs, vous affirmez qu'on gaspille, donc qu'il va y avoir des mesures antigaspillage? Cela est ma première question.

La deuxième question, c'est à propos de la page 6 de la conclusion également où vous indiquez: "L'application de ces mesures (concernant le gaz, entre autres) se solderait par la diminution de la dépendance face à l'électricité, qui nécessite d'importantes dépenses en immobilisations, et au pétrole importé qui exige de fortes sorties de capitaux du pays."

Vous êtes le premier groupe qui proposez au gouvernement du Québec de diminuer sa dépendance face à l'électricité. Disons que les motifs sur lesquels vous vous fondez ne sont pas tellement explicites. J'aimerais connaître quels sont les... Vous êtes le premier groupe qui nous recommande de diminuer notre dépendance face à l'électricité...

M. Blais: Oui. Face à l'électricité, oui.

M. Marcoux:... comme source énergétique. Je ne trouve pas dans le rapport les motifs qui fondent ce voeu de votre groupe. J'aimerais savoir pourquoi le Québec devrait se fixer comme objectif de diminuer sa dépendance face à l'électricité. Cela m'apparaît paradoxal par rapport à tout ce qui a été dit au Québec depuis dix ou quinze ans à ce sujet.

M. Blais: Oui. Disons que, premièrement, selon l'étude à laquelle on se réfère, 50% de l'énergie est gaspillée. Disons que c'est une étude théorique. Premièrement, c'est une étude qui a été en- treprise par le ministère de l'énergie de l'Ontario sous la direction du ministre, M. Timbrell. Si cela vous intéresse, je suis certain que vous êtes capable d'en avoir une copie. Maintenant, cela rendait compte de l'efficacité des appareils, comme des appareils de combustion. Prenez, disons, dans la fournaise, chez vous, si vous êtes alimenté par l'huile, une efficacité aux alentours de 75% est probablement le maximum. Dans cette étude, on a dit qu'il y avait 25% qui était gaspillé, qui montait dans la cheminée. C'est encore pire quand on en vient aux centrales thermiques pour l'électricité. Nous autres, on trouve que c'est épouvantable de voir du gaz naturel pour alimenter un système ou une centrale thermique, parce qu'il y a à peu près 70% de l'énergie qui monte à travers la cheminée. C'est du gaspillage épouvantable.

Maintenant, pour donner un peu les hypothèses que nous avions incluses dans notre présentation qui reflète un peu la conservation, vous pouvez peut-être regarder, la page D-8, pour vous rendre compte qu'au moins dans le secteur de l'huile brute, on démontre ici la différence entre un programme de conservation et sous conservation.

Vous voyez le secteur rose: cela démontre ce qu'on aurait épargné au point de vue de la conservation. Quelles sont les présomptions employées pour arriver à ces chiffres? Premièrement, dans le secteur du transport, on estimait que le millage par gallon, en 1976, était d'à peu près 17,5, tandis qu'en 1985, on avait évalué que c'était pour être environ 23 milles au gallon et en 1995, 30 milles au gallon. C'est à cause de la législation fédérale qui traitait spécifiquement de l'industrie de l'automobile. On a fait des hypothèses au sujet du poids des véhicules à moteur qui serait moins lourd, des vitesses limites sur les routes. Il faut aussi faire des hypothèses autour du nombre de personnes par automobile, parce qu'il semblerait qu'on est en train de se servir de plus en plus des automobiles. On avait estimé que le point de saturation serait atteint vers les années quatre-vingt et il serait, à ce moment-là, autour de deux personnes par auto.

Tous ces facteurs cumulatifs représentaient environ 40% d'épargne. Quant aux domaines résidentiels et commerciaux, les facteurs cumulatifs étaient de 20% jusqu'à 1995 et ce que nous avions inclus là-dedans, c'étaient les révisions des codes de construction, c'est-à-dire que, probablement, les normes ou les exigences, au point de vue de l'isolation, seraient fixées, soit 3 pouces ou 4 pouces au lieu de 2 1/2 pouces de laine pour les murs.

Il y avait aussi de nouvelles normes concernant les appareils domiciliaires. Acheter des brosses à dents électriques, il me semble que cela devrait disparaître.

Il y avait le facteur d'isolation, comme tel, qui avait influencé jusqu'à 15% à 30% d'épargne. Alors, c'est très important. Maintenant, on avait aussi estimé ou inclus que 40% des domiciles devront avoir leur isolation améliorée d'ici 1980, ce qui voudrait dire qu'il devrait y avoir une incitation à la collectivité ou un encouragement à améliorer l'isolation dans les maisons.

Dans l'industriel, on avait évalué les facteurs cumulatifs qui pouvaient rapporter une épargne aux alentours de 21% en 1995. Et ces facteurs-là reposaient plutôt sur le coût de l'énergie. A mesure que le coût de l'énergie montera, si ce sont des hommes d'affaires, naturellement, ils essayeront de faire le mieux possible pour épargner. Alors, dans le secteur industriel, c'est plutôt une question de prix.

Maintenant, j'ai oublié votre deuxième question.

M. Marcoux: Pourquoi nous recommandez-vous de diminuer notre dépendance, face à l'hydroélectricité?

M. Blais: Cela revient un peu aux projections que nous avions faites pour la province de Québec. Je vous réfère à la page C-1, où on parle de demande d'énergie primaire, les sources d'énergie. Vous allez voir ce qui revient à l'énergie nucléaire. Ce qui est inclus dans les données pour 1975 c'est à l'usine nucléaire de Gentilly, 1%.

Maintenant, entre 1985 et 1995, on avait prévu qu'il y aurait une centrale nucléaire bâtie par année durant cette période. Effectivement, à peu près une dizaine de centrales nucléaires...

Il me semble qu'un coût d'à peu près $1 milliard par usine n'est pas extraordinaire.

M. Joron: En somme, il faut faire la distinction entre l'hydroélectricité et l'électronucléaire. Quand vous combinez les deux, vous parlez de l'électricité comme telle, globalement.

M. Blais: Oui.

M. Joron: Vous prévoyez quand même une légère augmentation de la part de l'électricité dans le bilan énergétique.

M. Blais: Oui. Ils sont réunis.

Le Président (M. Laplante): Messieurs, il me reste à vous remercier au nom des membres de cette commission pour l'apport que vous avez voulu leur apporter.

La séance est suspendue jusqu'à 8 h 15. Il y a une cafétéria au sous-sol pour ceux qui veulent manger.

(Suspension de la séance à 18 h 25)

Reprise de la séance à 20 h 19

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, messieurs!

J'inviterais M. Fernand Benoît à venir présenter son rapport. M. Benoît, environ trente minutes pour votre exposé. Question?

Benoît et Associés

M. Benoît: Merci, monsieur. Alors, je me présente: Fernand Benoît, de Benoît ? Associes.

Présentation spontanée sur l'énergie-Québec 1977.

La communauté a permis à Benoît & Associés d'étudier et de connaître à fond les richesses naturelles du Québec et nous pouvons et voulons en faire profiter les Québécois à la seule condition qu'ils le veuillent bien. Pour nous, et par ordre d'importance, l'énergie du Québec peut se classer comme suit: hydroélectrique en grand, projets gigantesques en cours, en moyen et petit, à développer. Deuxièmement, température et biogaz de la biogradation des matières organiques, déchets urbains, déchets agricoles, bous d'égouts, autres matières organiques. Troisièmement, minéraux radioactifs. Quatrièmement, gaz et pétrole. Cinquièmement, solaire-éolienne.

Je précise que je parle pour l'énergie du Québec.

L'énergie des groupes 1, 2 et 5 est renouvelable et non polluante et cette présentation traitera surtout de l'énergie renouvelable de température et gaz produite par la biodégradation des matières organiques.

Energie-Québec: hydroélectrique en grand. L'énergie qui est et qui sera produite grâce au grand projet hydroélectrique est plus importante aux Québécois que le pétrole l'est aux Arabes du fait surtout que cette énergie est renouvelable et non polluante. Mentionnons seulement que, pour des experts en géologie appliquée, il est incompréhensible et presque scandaleux que l'on persiste à nous imposer des techniques de construction de barrages où l'on doit combattre le froid plus de neuf mois par année au lieu d'utiliser des techniques beaucoup plus économiques, qui pourraient combattre une température moins froide moins de trois mois par année.

Hydroélectrique en moyen et petit. Benoît & Associés a commencé à étudier très sommairement l'utilisation facile et économique de notre potentiel hydroélectrique pour des besoins locaux, pour des communautés moyennes à petites: municipalités, industries, individus, etc.

Nous avons au Québec tous les éléments essentiels pour développer cette source d'énergie très peu ou pas utilisée. Le développement de cette richesse renouvelable nous permettrait même d'être des exportateurs d'ici quelques années de moyennes et petites centrales hydroélectriques, etc.

La page 3 a été corrigée légèrement.

L'ignorance et l'abondance nous ont fait oublier ce développement logique des potentiels hydroélectriques et mécaniques, moyens et petits.

Ces deux facteurs sont responsables en partie du fait que l'industrie québécoise ne fabrique pas encore d'équipement pour transformer sans pollution la puissance de ce potentiel, moyen à petit, en énergie nécessaire qui est devenue aujourd'hui très dispendieuse depuis peu.

Energie, température et biogaz de la biodégradation des matières organiques. Nous savons que la biodégradation aérobique (eau et air) produit surtout de la chaleur (115oF à 160oF ou 46oC à 171oC — correction) et que la biodégradation anaérobique (eau sans air, température optimum 85oF à 105oF ou 30oC à 40oC) produit surtout des biogaz à plus de 50% de méthane CHU.

D'après le rapport du comité sur la gestion des déchets solides du 19 décembre 1972, le Québec produit par année quelque 6 762 000 tonnes de déchets urbains, 8 579 000 tonnes de déchets agricoles de végétaux et quelque 21 573 000 tonnes de déchets agricoles d'animaux pour un grand total de quelque 36 915 000 tonnes de matériaux principalement constitués de matériaux organiques biodégradables.

A ces quantités viendront s'ajouter sous peu le potentiel de millions de tonnes de boues d'égouts et des quantités inestimables de végétaux et autres matières organiques non utilisées et renouvelables.

Chaque tonne de déchets urbains libère par biodégradation plus de 4 millions de BTU gaz et chaque tonne de déchets agricoles (100% organique ou presque) encore beaucoup plus. J'ai une étude pratique en cours présentement.

En supposant qu'un gallon de pétrole de 180 000 BTU coûte $0.42, ceci nous donne une valeur d'énergie en gaz de plus de $9 la tonne et un potentiel de valeur d'énergie de plus de $60 millions/an pour les déchets urbains du Québec seulement, plus de $270 millions/an pour les déchets agricoles et des multimillions pour les boues d'égouts et les matières organiques disponibles au Québec.

Les déchets urbains. Depuis dix ans, nous avons étudié et calibré en pratique les réactions aérobiques, température, et anérobiques de dépotoirs de déchets urbains par biodégradation. Durant cette période, nous nous sommes intéressés activement à la solution idéale pour le Québec de disposer de ses déchets urbains. Cette étude nous a fait conclure positivement que l'enfouissement sanitaire en milieu biodégradant contrôlé était de loin la solution et condamnait l'incinération, méthode déjà désuète, et la pyrolyse, méthode de demain.

Nous avons constaté qu'en milieu géologique donné il est moins dispendieux de procéder à un enfouissement sanitaire biodégradable capteur d'énergie et antipolluant que de procéder à un enfouissement dit sanitaire antibiodégradant, tel que proposé au Québec.

Cette technique, en plus de fournir une énergie facilement utilisable près du site, tend vers l'obtention d'une masse inodore et exempte de virus pathogènes qui recèlera une source de métaux et d'autres matières inorganiques exploitables. A cause de la crise de I énergie, on exploite le biogaz de certains dépotoirs américains avec un certain succès, mais il faut mentionner que ces dépotoirs furent faits de façon à éviter les conditions biodégradantes. Depuis dix ans, nous avons pu étudier et combattre les éléments nécessaires à la production du biogaz des dépotoirs dans des conditions pourtant très peu favorables. Depuis 1976, nous avons décidé qu'au lieu de combattre cette biodégradation nous l'optimiserions. Dans des conditions géologiques favorables, il est moins dispendieux de procéder à la fabrication d'une pile bioénergétique optimum ou digesteur que de procéder à l'enfouissement sanitaire normal.

En pratique, nous espérons appliquer la captation de cette énergie au site de Delson, comté de Châteauguay, qui pourrait être utilisé en tout ou en partie pour la culture en serres. Ce site, dit D-1 — référence 11, que je mentionne dans mon rapport — contiendra sous peu plus de 740 000 tonnes de déchets urbains qui recèlent théoriquement plus de 4 millions de BTU en gaz par tonne ou l'équivalent de plus de 22 gallons de pétrole. Cette énergie équivaut donc à une valeur de plus de $9 la tonne pour un total de plus de $6 millions exploitables dans une période de moins de cinq ans à plus de dix ans, selon la demande, car la méthode est contrôlable.

Les déchets agricoles. L'utilisation du méthane de la biodégradation du fumier a cours dans plusieurs pays à court d'énergie: 8000 fermes en Chine, 2000 fermes connues en Inde, etc. Présentement, une fosse expérimentale a été préparée par Benoît et Associés et entrera en opération au printemps 1977. Nous savons que nous pourrons prouver qu'avec un investissement de moins de $500 nous pourrons récupérer plus de $2000 d'énergie, tout en fabriquant un engrais de première qualité. Les piles bioénergétiques de matières organiques à 100% dans des conditions optimum produisent plus de $30 la tonne, basé sur 180 000 BTU égale $0.42, de valeur de CH4 et les résidus sont des engrais de première qualité. Nous espérons qu'en 1976 plusieurs cultivateurs pourront se suffire en énergie électrique et chaleur et pourront même cultiver des légumes en serres de dimensions proportionnelles à leurs opérations.

Les boues d'égouts. Quelques petites usines de traitement des eaux d'égouts sont déjà en exploitation au Québec sans qu'aucune, à notre connaissance, ne récupère l'énergie produite. Cependant, la construction en cours de l'usine de la CUM dans l'île de Montréal justifie à elle seule une étude pratique sur la captation de l'énergie à cet endroit.

Mentionnons seulement qu'on rapporte que l'usine de traitement des eaux d'égouts Mogden, à Londres, produit, depuis 1935, du biogaz qui recèle de 600 à 700 B.T.U. par pi.3 et que l'ordre de grandeur de la production actuelle est de 8 millions de pi.3/jour. Si 180 000 B.T.U. égalent $0.42, cette production peut donc représenter une valeur de $11 000 à $13 000 par jour. d) Autres matières organiques. Beaucoup

d'autres matières organiques, telles les récoltes avariées ou tout autre bien de consommation avarié, etc., seront utilisées dans les "digesteurs" que nous proposerons.

Ce domaine trop vaste ne peut être discuté dans cette présentation spontanée.

Minéraux radio-actifs. En tant que nous sommes concernés, cette énergie polluante au possible est une richesse vendable et est, à l'heure actuelle, de loin beaucoup moins économique que notre énergie renouvelable.

Gaz et pétrole. Souvenez-vous, messieurs, que c'est du combustible fossile. Comme pour le charbon il n'y en a pas beaucoup. Cela a été produit avec des micro-organismes aussi, des "bibi-tes". Notre potentiel en pétrole est relativement faible, mais notre gaz naturel devrait être développé pour l'utilisation très locale par des individus ou autres.

Energie solaire-éolienne. La biodégradation des végétaux est indirectement une utilisation de l'énergie solaire qui est de loin la façon la plus favorable pour notre climat d'accumuler cette énergie solaire.

L'énergie éolienne est certainement intéressante à plusieurs points de vue, mais nous voyons l'utilisation de cette énergie comme énergie parallèle à une autre source, telle celle de la biodégradation, de nos cours d'eau, etc.

L'énergie hydroélectrique, c'est aussi du soleil et du vent. Si on n'avait pas de soleil et de vent, messieurs, on n'aurait pas de rivières ni de lacs. Si on n'avait pas de montagnes non plus.

Conclusion. Les problèmes d'énergie et d'environnement favorisent grandement les Québécois et les obligent à inventorier leurs richesses naturelles renouvelables le plus rapidement possible.

L'application immédiate de la récupération de la température et du biogaz combustible dans des conditions géologiques données pour des utilisations locales mais qui seraient possibles pour chaque Québécois résoudrait plusieurs problèmes d'énergie, d'environnement, d'agriculture, d'économie et même de politique.

Messieurs, ayons la sérénité d'accepter les choses que nous ne pouvons pas changer, mais le courage de changer les choses qu'on peut, et la sagesse d'en connaître la différence. Merci.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. Benoît, M. le ministre.

M. Joron: M. Benoît, c'est la première fois, depuis trois jours que la commission siège, qu'on a l'occasion de se pencher sur cette ressource naturelle qu'on avait oubliée jusqu'ici.

Je voudrais vous demander d'expliciter davantage la façon dont vous avez construit une fosse expérimentale. Comment est-ce qu'on sort de la chaleur du gaz? C'est du gaz que l'on peut sortir. Expliquez-nous donc cela avec plus de détails. Quelle est l'utilisation la plus rationnelle à laquelle cela peut servir? Au chauffage du district avoisi-nant? A quoi au juste?

M. Benoit: Pour un début, je vous mentionne qu'à Lachine — j'ai les recettes d'ailleurs qu'un de mes copains de Lachine va vous fournir — on a 8000 fermes, à cet endroit, pour les déchets agricoles. J'ai la documentation et je me ferais un plaisir de vous la donner. On a une cellule de 5 pieds sur 5 pieds sur 5 pieds sur 6 pieds et une fosse à côté de la moitié de la grandeur. Avec le fumier de deux cochons, on produit assez de bio-gaz pour faire de la nourriture pour ciq à six Chinois. Cela va durer tant que les cochons vont être là. C'est aussi cocasse que cela. Cela fait du bien de rire un peu de toute façon. Avec tous mes diplômes... D'ailleurs, si je suis ici, c'est que j'ai été à la baie James et un type qui faisait un travail...

Présentement, j'ai un de mes copains qui est un Italien, qui a 150 cochons. Je lui ai dit: Si cinq Chinois vivent avec deux cochons, un Italien c'est un millionnaire avec 150 cochons. Je perds du temps. Vous me volez du temps.

Une Voix: Et ils ne sont pas obligés de tuer les cochons!

M. Benoît: Présentement, à Sainte-Biaise, chez Grégoire Ferry, j'ai une fosse de 80 pieds de long, de 25 pieds de large et de 10 pieds de profond. Les conditions, je les connais très bien. Un cheval, à ma connaissance, ne marche pas, ni avec la radioactivité, ni avec du pétrole, ni avec de l'électricité. Du foin puis de l'eau et cela fonctionne. C'est de l'énergie, messieurs. On rit, mais c'est cela.

Le cultivateur sait très bien que son foin est mouillé. S'il le met dans la grange, cela fait de la chaleur et il peut mettre le feu. Cela, c'est de l'aérobie: chaleur, matière organique, eau et air. J'enlève l'air, c'est simplement du gaz surtout. Ici, au Québec, j'ai vécu trois expériences: Première étude, école de Verdun; deuxièmement, stationnement Victoria, cinq jours, solution. On trouvait même les endroits dangereux par le biogaz produit par les dépotoirs, cinq jours avant, avec un essai à la flamme, une nouveauté au Québec. Troisième expérience: Cell-Rock, deux ans de temps, condamné à $2 millions de réparations. On l'a fait pour $200 000. J'ai vécu les faits, je sais.

A un moment donné, j'ai pompé 5 millions de gallons d'eau à 90 degrés Farenheit en plein hiver. Je faisais fondre la neige dans la rue Murray. C'est devenu, à cause de la chance que j'ai eue, de constater des faits... Alors, si j'ai 5 millions de gallons à 90 degrés... la semaine passée, j'ai eu la chance de participer à un séminaire international sur l'enfouissement sanitaire, les vidanges. On m'a rapporté 140 degrés Farenheit à un endroit, à cause de la biodégradation. Je vous répète encore que le gaz et le pétrole dont on parle, cela a été fait avec des forêts il y a quelques années. Ce n'est pas de la roche. On les a, les forêts, on les a, les végétaux. Ignorance et abondance, peut-être, mais c'est là. Comme je vous dis, non, je ne pourrai pas le dire tout de suite, je vous le dirai après. Il y a beaucoup d'expériences. Vous fonctionnez. On a du biogaz, messieurs. On a de la chaleur aussi. Ce n'est rien de nouveau.

Aux Indes, et j'ai des articles ici, un poulailler

de volailles fournit son électricité avec une génératrice. Ils font l'incubateur et tout cela. Cela se fait partout, ce n'est pas nouveau, ce que je vous dis.

M. Garneau: Comment cela se fait-il? Comment font-ils cela? Ils mettent le fumier à une place et...

M. Benoît: D'accord. Les bous d'égouts, je crois, seraient peut-être la meilleure solution, parce qu'on a beaucoup de documentaire qui se fait sur les bous d'égouts. Quand je dis Mogden, à Londres, ce sont mes Chinois qui m'ont répété qu'à Londres — j'ai vérifié, c'est vrai — les bous d'égouts, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? J'ai envie de vous le donner tout de suite, M. Garneau.

M. Garneau: Ce ne sont pas les mêmes Chinois que tout à l'heure.

M. Benoît: Cela fait du bien, en fait, après un dîner ou un souper. Messieurs, je l'ai vécu. J'avais six cheminées pour pomper mon dépotoir à Cell-Rock, sur la rue Murray, à Saint-Hubert. J'allumais mes cheminées tous les soirs. J'ai des photos de mes cheminées sur le stationnement Victoria. Les gens de la Gazette parlaient de volcans et tout cela. C'est du biogaz, messieurs. Même étudiants, vous avez peut-être fait des concours de biogaz. C'est simple comme cela. C'est là. Encore une fois, le pétrole... Tout ce dont je vous parle, énergie, cela vient du soleil et du vent. On cherche des sources d'énergie, et on les a là. Je vous dis que le Québec, d'après moi, dans ma petite tête, c'est qu'on a mis sur un radeau une bouteille d'eau et on a dit: C'est seulement cela que tu as. Goûtez l'eau alentour du radeau, c'est un lac limpide et cristallin. Pourquoi se battre pour une bouteille d'eau? C'est technique, pour répondre à M. Garneau, pour le moment, je ne veux pas aller chercher l'énergie et la ramener à un endroit donné et la retourner. Je n'amènerai pas la montagne aux gens. Les serres dont je vous parle, j'ai parlé avec M. Harnois, de Joliette, d'une industrie prometteuse au Québec, qui a été coupée justement à cause du coût du pétrole. Je connais plusieurs types qui ont acheté des serres Malheureusement, c'est en faillite aujourd'hui à cause du prix du pétrole. Ces serres, le site Delson dont je vous fais mention, pourraient facilement alimenter, sans être optimiste, plusieurs acres de serres.

Je disais l'an passé: Mon rêve, c'est de vendre des oranges aux gens de la Floride. J'ai peut-être raison, avec la température qu'ils ont eue cette année. C'est comique, c'est vrai. Mais c'est peut-être plus vrai qu'on ne le pense. La seule chose qu'on demande, c'est d'essayer. Présentement, j'ai présenté un projet au fédéral — malheureusement, le "timing" n'était pas bon — sur le site de Cell-Rock. En renouvelable, on essaie de cacher nos vidanges pour que ça ne réagisse pas. Aux Etats-Unis, présentement — j'ai des articles que j'ai eue la semaine passée; je ne les avais pas lors de ma présentation spontanée — on extrait le gaz qu'on place dans un circuit normal de gaz naturel. On dit — M. Brunet, un Haïtien, à Mountain View, je crois, en Californie — que leur coût est identique à celui du gaz qu'ils achètent du Canada présentement, qui est $2.57 les mille pieds cubes. On dit ça dans l'article. Mais pensez bien que ces enfouissements sanitaires ont été faits pour éviter qu'il ne se forme du gaz. J'ai vécu, depuis dix ans, la même chose, ici, au Québec. Le coût, quand on parle de coût... Je commence avec des cultivateurs dans des endroits imperméables. Autrement dit, je n'ai pas de nappe d'eau. Même si les types mettent du béton, je n'ai pas de nappe d'eau. Je ne peux pas polluer. J'évite le béton ou les matières... la piscine, autrement dit. C'est le défi que je relève et je vous inviterai avec plaisir, au printemps, à manger du steak cuit au biogaz qui ne sent pas, une fois qu'on le capte. Avec un investissement de $500, le type personnellement, sur une ferme, peut sortir un minimum de $2000. Je suis très sécuritaire lorsque je vous parle de BTU. Ce sont des articles de M. Berman, de France, récemment, dans Géologie au futur, revue 2000.

Présentement, je fais ma ferme chez un cultivateur de Sainte-Biaise, mon Italien, qui est un chic copain. J'aimerais avoir la chance... J'ai envoyé six copies à M. Lévesque pour le site de Deslon où, je crois, on peut appliquer cette technique. Je crois que la meilleure façon, c'est de le prouver enfin Cela élimine beaucoup de théories et de placo-tage.

M. Joron: A Delson, justement, on pourrait s'en servir pour quoi, pour le chauffage?

M. Benoit: Mon but, c'est de chauffer des serres à Delson pour prouver un point, qu'au Québec on peut... Cela vient d'une drôle de façon. Je connais des types qui ont quitté la culture en serres à cause du coût de l'énergie et qui travaillent dans des industries. Ce n'est pas leur place. Ce sont des génies en culture en hiver, mais, malheureusement, on ne leur donne pas la chance de le faire. Delson, c'est un endroit où beaucoup de gens s'intéressent à la culture en été.

M. Joron: J'en retiens que l'application première que vous y voyez, c'est d'abord en milieu rural, sur la ferme, pour assurer une certaine autonomie énergétique à une ferme. C'est la culture en serres surtout que vous voyez comme preuve.

M. Benoit: Mon premier but immédiat, oui, mais ça laisse des latitudes, étape par étape. C'est du gaz naturel, encore une fois. Dans le moment, aux Etats-Unis, il y a trois endroits où on le fait.

C'est du gaz naturel. Il y a traitement pour enlever l'eau, mais aux Etats-Unis on a fait des essais sur des génératrices avec 40% de CH4. Si on obtient plus de 50% ou 70%, on le réduit à 40%. Cela me fait plaisir, M. Harnois, ce sont des ouvrages et les gens vont travailler. Deuxièmement, c'est qu'on ne donne pas du poisson au cultivateur. Mon rêve, c'est de lui installer son équipement et il ne paiera qu'un montant de 10% à 25% de ce qu'il va recevoir. S'il ne peut pas récolter du gaz, il ne paie pas.

M. Joron: Recommencez donc cela, le financement de ces installations.

M. Benoît: Je répète. Moi, je cherche un moyen de financement. D'abord, je ne veux pas donner, ce n'est pas bon. Vous avez mis 100 feuilles aujourd'hui, je suis venu pour en chercher, il n'y en avait plus, c'était gratuit. Vendez-les dix cents, j'en aurai une au moins. Il ne faut pas donner. Mais, mon rêve c'est d'installer à ce cultivateurs une fosse. Lorsqu'ils récupèrent l'énergie, ils me paient sur ce qu'ils récupèrent ou ils paient à un organisme quelconque. Seulement s'il y a des..

M. Joron: Vous avez besoin de trouver un banquier...

M. Benoît: Non, je n'en veux pas, j'ai de la misère avec eux, beaucoup.

M. Joron: ... Imaginatif.

M. Benoît: J'ai essayé de manger un billet de $1000 avec du ketchup et ce n'est pas bon. Je m'excuse, il faut des valeurs naturelles. Je crois qu'on a les richesses naturelles et je crois que notre dollar vaut beaucoup. Il s'agit de le prouver maintenant. Je crois que cette façon d'approcher le problème... Je cherche encore une façon logique, sans donner, de permettre aux gens qui ont des talents d'avoir la chance de les développer. C'est tout. Je cherche encore la solution.

M. Giasson: Quand vous dites qu'une fosse expérimentale a été préparée par Benoît et associés et entrera en exploitation au printemps 1977, cela veut dire que vous avez lancé une expérience?

M. Benoît: Oui, je m'excuse, cela devrait marcher. J'ai deux tuyaux de 100 pieds que j'ai utilisés pour envoyer de l'eau d'un endroit à l'autre, parce que je ne veux pas dépasser mes $500. J'ai une fosse, présentement, avec mes tuyaux verticaux et, après quinze jours, je voulais avoir un bélier mécanique parce qu'il y avait une partie du fumier qui était gelée. Vous allez dire: Comment se fait-il que cela gèle?

M. Giasson: Cette fosse, vous l'exploitez à quel endroit au Québec?

M. Benoît: A Sainte-Biaise, dans le rang deux, je pense. Je pourrais vous donner l'adresse exacte. Présentement, j'ai une fosse que j'ai fait-creuser, 80 pieds de long et 25 pieds de creux.

M. Giasson: Mais lorsque vous parlez de l'expérience des Chinois qui font surir du fumier de porc, ce n'est pas dans un but de produire de l'énergie.

M. Benoit: Certainement.

M. Giasson: C'est tout simplement une opération de compostage.

M. Benoît: Non, je m'excuse. Est-ce que je peux me permettre de vous remettre... Je n'ai malheureusement pas tout... j'avais même le dessin de la fosse ici. Est-ce que je peux me permettre de vous l'apporter? Je vous le donnerai tantôt. Les Chinois n'ont pas les problèmes qu'on a. Ils sont obligés de se déniaiser avec ce qu'ils ont. Ils ont trouvé que cela allait bien pour chauffer, ils n'en prennent pas beaucoup, ils ont le fameux plat chinois dont vous avec la photographie. D'une part, ils récupèrent assez d'énergie pour eux, ils fonctionnent à 10% dans ces cas.

C'est simplement de l'eau et du fumier dans un trou, avec une plaque en zinc, parce qu'ils ont du zinc, et un petit tube en U pour garder la pression. Cela doit leur coûter à peu près $9.95, s'ils ont un sol imperméable. Présentement, cela se fait sur 8000 fermes. J'ai l'article ici. Cela me fera plaisir de vous le distribuer. Mais, d'un autre côté, cela améliore, c'est qu'on enlève... Imaginez-vous tous les déchets; on parle de mines, tous les déchets qu'on jette. On ne peut pas les manipuler, on a eu des mauvaises expériences parce que cela ne sent pas bon. Mais, une fois que ma réaction est terminée, cela sent bon. Il vous reste des protéines, des métaux, qu'on cherche ailleurs et qu'on a là, et du sol. Alors, à Delson, il y a deux sites qu'on pourrait exploiter. On fait cinq ans à un endroit. On peut la réinjecter aussi. Si on la réinjecte à un endroit imperméable, encore une fois... A Delson, c'est un site idéal parce qu'imperméable. La nappe d'eau ne passe pas. Je peux réinjecter. On a eu des fois vingt voyages de raisin avarié, vous réinjectez cela dans votre dépotoir, c'est de l'énergie.

Le Président (M. Laplante): Le député de Rimouski, s'il vous plaît.

M. Marcoux: Le moins qu'on puisse dire, c'est que je pense qu'il faut noter l'imagination qu'il y a dans votre mémoire. Je pense que cela stimule l'imagination de tous les membres de la commission.

J'ai toutefois certaines questions. La première question, un bout que je n'ai pas du tout compris, un des bouts que je n'ai pas du tout compris. A la page 2, vous dites: "On persiste à nous imposer des techniques de construction de barrage où l'on doit combattre le froid pour plus de neuf mois par année au lieu d'utiliser des techniques beaucoup plus économiques qui pourraient combattre une température moins froide pour moins de trois mois par année". Franchement, là, je...

M. Benoît: En 1972, j'étais à la baie James pour Québec Engineering. D'ailleurs, j'ai fait, sur le pont, les premiers 21 milles, Simard & Denis, Cie Ready-Mix, Lajeunesse, j'ai localisé six des sept carrières, je suis allé pour Québec Engineering pour les portails amont et aval de LG 2. Le 22 juillet 1972, si je me souviens bien, j'ai pris une photographie sous six pouces de mousse, j'avais de la glace où le camp des hommes est installé. On combat le froid, croyez-le ou non. Le noyau du barrage à LG 2, à l'automne, on le recouvre de

gravier et de glace artificielle pour qu'il ne gèle pas. Au printemps, on revient et on enlève la partie qui a gelé quand même. Quand il pleut, on ne travaille pas sur le noyau. On nous impose... Si je vous donne de l'argent, je vais dire oui, mais il faut que je te surveille. C'est malheureux. J'ai mis cette entrée peut-être pour une autre commission parlementaire. Mais, au Québec, présentement, les barrages sont faits dans des conditions pour combattre le froid dans le moment. On ne veut pas que les noyaux gèlent, tandis qu'en Russie, présentement, on fait des barrages gelés. Là-bas, l'eau qui arrive n'est pas chaude. Vous irez vous baigner en plein été dans La Grande, vous verrez que c'est froid. S'il y a 40 pieds de roc gelé, mais on nous impose quand même des barrages. L'énergie hydroélectrique, c'est la faute de personne. C'est peut-être de l'ignorance comme j'en avais. Quand on le sait, j'ai mentionné cela, peut-être, pour une ouverture, pour un autre projet que j'ai en tête.

M. Marcoux: En tout cas, disons que vous avez essayé de m'expliquer et je n'ai pas compris.

M. Benoît: Et je m'excuse, mais j'ai soumissionné pour Caniapiscau. J'avais suggéré comme l'habitant, son foin mouillé fait de la chaleur; je voulais que la tourbe soit mouillée et qu'on fasse de la chaleur. Malheureusement, mon correcteur n'a pas eu le contrat.

M. Marcoux: Voici ma deuxième question. Si on mettait en application l'ensemble des techniques de récupération de la chaleur que vous proposez dans votre mémoire, par rapport à la consommation globale du Québec, je ne sais pas, dans une dizaine d'années, cela représenterait quoi comme valeur d'énergie? l%, 2%?

M. Benoît: Vous êtes beaucoup plus pessimiste que ma femme. Je vous réponds...

M. Marcoux: Non, je vous pose une question.

M. Benoît: Oui, d'accord, c'est très clair, je vous comprends très bien. Le type m'a dit: Fer-nand, combien de temps va durer l'énergie des Chinois? Tant que les cochons vont vivre. La personne qui est là, elle a un besoin, elle fait quelque chose. La matière organique, c'est là.

Je n'ai pas parlé non plus de transformation en alcool de bois, de débris de bois, de bran de scie, je ne parle pas de cela. C'est proportionnel à la capacité. Si je vous dis que chaque cultivateur peut s'autosuffire, cela va enlever un poids pour donner de l'énergie aux industries. Je peux même pousser jusqu'à aller voir Miron à Montréal. C'est fantastique l'énergie qu'il y a là. Mettons-la dans des conditions favorables.

M. Marcoux: Vous semblez connaître votre secteur. Dans votre mémoire, partout, il y a des chiffres, 18 000 BTU, 37 000, c'est rempli de chiffres. Je voudrais quand même avoir un ordre de grandeur. Si on utilisait les techniques que vous proposez de récupération de la chaleur dans votre mémoire, les techniques qu'on n'utilise pas jusqu'à maintenant, qu'est-ce que cela pourrait représenter par rapport à l'ensemble des besoins?

M. Benoit: Je vous jure que si on applique les techniques hydroélectriques, grand, moyen, petit et biodégradation, on n'a pas besoin d'autre énergie. Regardez notre pays, c'est impensable...

M. Marcoux: D'accord. Cela répond à ma question. Une dernière question. Que le fumier chauffe, je pense que...

M. Benoit: Tout le monde sait cela.

M. Marcoux: ... l'on n'a pas découvert cela aujourd'hui. Nos parents l'avait découvert, nos grands-parents, nos arrière-grands-parents. Le problème, c'est la récupération de cette chaleur. Comment procédez-vous, quelles sont les techniques de récupération de cette chaleur?

M. Benoit: On a plusieurs techniques, comme je vous l'ai dit tantôt. Je vous parlais des Chinois, je pourrais vous dire qu'ils récupèrent 10%. Présentement, à Saint-Biaise, c'est un trou dans une terre imperméable, 80 pieds de long. Cela va prendre un maximum de $200 de tuyau de polythène, de PVC, et un polythène croisé avec de la terre noire. Pour le mélange du fumier, il me faut toujours la température — important— la perméabilité — c'est pour cela que le fumier de vache gèle, il n'y a pas de perméabilité— deuxièmement, le pH c'est naturel, cela se tient là comme cela. Et pour isoler, dans notre climat, c'est en aérobie, par-dessus je mets de l'aérobie, ce sont des matériaux avec de l'eau et de l'air. C'est pour tenir isolé mon milieu biodégradant. Je ne vais pas chercher de méthodes compliquées, absolument pas. Cela s'applique immédiatement dans des régions où le sol est imperméable, toute la région de Napierville, Saint-Blaise, Châteauguay, c'est presque le cas. Toute la rive sud pour les enfouissements sanitaires, on est dans du "shale ", une zone imperméable. On n'a pas besoin de béton ou de masse imperméable. Pour les régions comme Joliette où il y a du sable, des bonnes sources d'eau, c'est différent, mais il faudrait prouver le coût de rentabilité et si ce coût le justifie, mettre des fosses en béton, en polythène, etc.

Le Président (M. Laplante): Le député de Châteauguay.

M. Dussault: M. le Président, c'est un plaisir pour moi de constater que l'esprit inventif des Québécois rentre en partie à l'Assemblée nationale aujourd'hui grâce à quelqu'un qui vient de mon comté. M. Benoît, la méthode, quand même, dont vous nous parlez aujourd'hui a l'air d'une méthode maison. Vous parlez de polythène et de tuyaux et d'un trou que vous faites. Est-ce que c'est quand même une méthode qui pourrait être rationalisée à un coût peu considérable et qui pourrait être utilisée plus largement que le fait de chauffer une serre, par exemple?

M. Benoît: Certainement. D'ailleurs, des ingénieurs essaient de codifier et on ne peut pas codifier les choses. On doit prendre les éléments qu'on a et une fois qu'on a les éléments, le faire. C'est pour cela que je ne peux pas. J'aimerais bien vous donner la recette miracle, mais elle n'existe pas. Cela dépend du climat. Autant une maison en Floride et une maison au pôle nord sont différentes, autant ma méthode. Je le répète encore, si c'est de l'énergie pour des individus, chaque individu, quand il jette...

Dans un pays d'abondance, on a des déchets. C'est autosuffisant. C'est définitif, encore une fois, que je ne remplace pas l'apport, mais quand on parle de croissance de l'énergie, je crois qu'on peut, de beaucoup, la freiner. On m'a rapporté qu'un type, près de Montréal, avait son propre... Cela lui a coûté $6000 il y a dix ans, et il s'éclaire et se chauffe avec 40 ou 50 bêtes à cornes. Malheureusement, je n'ai pas pu le voir. Ce que je vous dis s'est fait dans plusieurs pays. Souvent, c'étaient des recettes secrètes qui n'ont rien de secret une fois qu'on connaît les éléments de base. Ce qu'il manque, en fait, ce n'est pas l'énergie, ce sont les techniciens pour l'appliquer. Il faudrait former des gens qui puissent aider les autres.

M. Dussault: J'aurais une deuxième question. Vous avez parlé de l'eau. Vous avez dit qu'il faut tirer l'eau du gaz qu'on tire de cette technique. Est-ce que cela peut créer un gros problème d'eau au niveau du traitement de l'eau?

M. Benoît: Absolument pas. Je vais vous donner un article qui est tout récent, que j'ai lu la semaine passée, encore une fois, dans un séminaire international, d'un endroit aux Etats-Unis. Je crois que c'est... De toute façon, c'est de Los Angeles que j'ai l'article ici. Un article dans lequel on traite du gaz. Eux sont assez audacieux, ils veulent faire recirculer le gaz dans le gaz naturel qui est à 90% en méthane et plus. Ils ont réussi, avec ce système, d'après eux, à en arriver à un coût égal à celui qui l'achète du Canada présentement. Malheureusement, je n'ai pas fait assez d'études spécialisées; je veux en faire. Commencer par une petite étape et aller d'étape en étape.

Le Président (M. Laplante): Le député de Robert-Baldwin.

M. O'Gallagher: Pourriez-vous nous décrire la technique utilisée à Londres? Vous avez mentionné dans votre rapport qu'à Londres, dans une usine d'épuration, on se sert des boues d'égouts pour faire du gaz. Quelle technique ils utilisent pour cela?

M. Benoit: Je peux vous donner la technique sur des digesteurs normaux. Je crois que même à New York on le fait. Malheureusement, Mogden, cela provient des références à cette documentation-ci. Je vais vous la lire textuellement. Je n'ai pas la technique, mais je suis certain que c'est très simple. De toute façon, je la ferai très simple.

On dit textuellement ici: "The Mogden sewage plant in London has been producing a methane reached 600, 700 BTU cubic feet gas since 1935. Total production at Mogden is now almost 8 million cubic feet per day and in Germany, most major cities have been generating much gas from sewage using and similar approach since the turn of the Century." En tout cas, je vous laisse le soin de regarder cela.

Présentement, je suis impliqué avec un entrepreneur pour soumissionner sur l'usine, les tunnels, etc. Je trouve décevant de voir que ce n'est pas grave. On pourrait toujours la capter facilement. Capter du gaz dans ces cas-là? Je me suis même laissé dire qu'avec un polythène — je m'excuse encore — par-dessus, vous allez les capter. Même les petites usines. Je connais même un type qui a capté du gaz au-dessus d'un marais. Pour lui-même, cela lui suffit.

Le Président (M. Laplante): Le député d'Arthabaska.

M. Baril: Si j'ai bien compris, vous transformez le fumier en énergie?

M. Benoît: II se transforme, de toute façon. On capte l'énergie qui se transforme. C'est cela.

M. Baril: Bon. Vous savez aussi que pour enrichir le sol, cela prend de l'engrais organique ou de l'engrais chimique. Si on engraisse le sol uniquement avec de l'engrais chimique, vous savez qu'il vient un temps où le sol manque d'engrais organique, il n'y a plus de mucus. Donc, le sol produira moins. Comment voyez-vous cela? On sait que dans l'Ouest, actuellement, eux, ils fertilisent à peu près uniquement avec de l'engrais chimique et c'est calculé que dans les années à venir le sol sera beaucoup moins productif.

M. Benoît: Merci de la question. D'abord, il y a une chose. Vous savez aussi que le fumier qu'on produit immédiatement, on ne le met pas sur la terre tout de suite parce que ce n'est pas bon. On attend qu'il vieillisse. Les Chinois me disent: Messieurs, on améliore la qualité. Même les Chinois poussent plus loin.

Ils disent: Si on le pousse plus loin, c'est de la nourriture à canards. Je ne rêve pas en couleur, messieurs. Vous enlevez quoi? Du carbone et de l'hydrogène. L'hydrogène vient de l'eau. C'est du pétrole qu'on met. Je ne rêve pas en couleur. L'engrais, traité de cette façon, est amélioré. C'est aussi stupide que cela.

M. Baril: Mais, cela ne détériore pas tout?

M. Benoît: Non, vous allez avoir un concentré d'engrais de première qualité. Il ne se détériore pas. Le carbone et l'hydrogène qui vient de l'eau, que j'enlève de mon fumier, ce n'est pas cela que le sol veut. Il veut des protéines et c'est cela qui reste. C'est pour cela que mes bibites à gaz, elles ne mangent pas cela, elles le laissent là. Je m'excuse, mais c'est cela, c'est aussi simple que cela.

M. Baril: D'accord.

Le Président (M. Laplante): Le député de Bellechasse.

M. Goulet: Juste une question, M. Benoît. Vous dites qu'un investissement de $500 égale $2000 d'énergie; vous parlez d'engrais. Est-ce qu'on peut savoir la quantité? Et je reviendrai avec une petite question.

M. Benoît: Dans ce cas-là, j'ai mis une rangée — je m'excuse de la recette maison, mais en voici une — de balles de foin dont j'ai enlevé les broches, à la base, pour la perméabilité, pour que mon eau y ait accès. J'ai des tuyaux verticaux à tous les dix pieds. J'ai mis des arbres — et c'est mon gros secret — pour que l'eau ait accès à toutes les parties de la matière organique. Je vais avoir un tuyau à la base et un tuyau en PVC, qui coûte très bon marché, en surface. J'ai recouvert le tout d'un polythene.

Pour réactiver ma perméabilité, c'est le "lead-shale " que, comme je vous le disais, j'ai pompé 5 millions de gallons, que je peux utiliser pour mettre une perméabilité là-dedans, pour que les bibi-tes, en tout temps, aient de l'eau. Coupez l'eau et votre cheval meurt; donc, les bibites meurent.

Je tiens mon niveau d'eau sursaturé continuellement. C'est anaérobique et cela fait du gaz. Pour le tenir, en hiver, je mets une couche que je mouille; cela fait de l'aérobie, cela fait de la chaleur.

Alors, j'ai de la paille, des arbres du fumier de cochon, qui est mélangé avec un peu de paille ou de ripes de bois. Je connais les quantités qu'il ne faut pas dépasser, parce qu'il y a un rapport carbone, azote. Je vous fais grâce de toutes les fameuses formules. Mais j'ai une chose. J'ai commencé par les vidanges. J'allumais mes tuyaux de gaz tous les jours, en arrivant à l'Expo, et j'ai vu une flamme de huit pieds. Je calcule mes quantités par la longueur d'une flamme qui brûle continuellement. J'avais Cell-Rock que j'ai coupé. A Cell-Rock, c'est simple, je l'ai recouvert d'une couche imperméable et l'eau s'en va. Il n'y a presque plus d'eau dans mon dépotoir; donc, je n'aurai plus de gaz d'ici un an. Mais je vais encore avoir de la matière organique. Je veux de l'énergie, je réinjecte de l'eau. La recette, c'est comme un gâteau, il faut la savoir.

M. Goulet: Juste une question... M. Benoît: C'est simple.

M. Goulet: On rit, mais, actuellement, vos projets, vos essais vont assez lentement. Pourquoi ne continuez-vous pas? Vous n'êtes pas obligé de me répondre.

M. Benoît: Je vais vous répondre.

M. Goulet: Est-ce parce que vous n'avez pas de subvention ou que vous manquez d'argent?

M. Benoît: Non, je manque de compréhension.

M. Goulet: Au Québec, il me semble que je connaîtrais plusieurs personnes qui, si elles étaient capables de faire $2000 plus de l'engrais avec $500, seraient intéressées; il me semble que cela ne serait pas long.

M. Benoît: Cela ne fait pas longtemps que je l'ai appris moi-même, au point de vue cultivateur. C'est pour cela que je veux l'appliquer.

M. Goulet: II y a même j'imagine, de nos bons amis journalistes qui seraient contents d'aller photographier cela, faire des reportages et de vous faire connaître. A un moment donné, on n'aurait même plus besoin de se réunir en commission parlementaire pour conserver l'énergie, on en aurait... Je suis sérieux.

M. Benoît: Oui.

M. Goulet: Mais j'imagine que la commission va vous prendre au sérieux et que, l'an prochain, à pareille date, on n'aura pas besoin de réunir une commission parlementaire sur l'énergie, parce que vous arrivez avec des solutions. Je dis encore ce que mon collègue de Jean-Talon disait: C'est le bon Dieu qui nous envoie des solutions magiques.

M. Benoît: Je ne me prends pas pour le Christ, mais c'est déjà fait.

M. Goulet: Je ne ris pas, c'est sérieux.

M. Benoît: D'ailleurs, j'ai lu un article d'un journaliste par hasard, dans la Presse du 30 décembre concernant la rive sud. M. Pierre Gingras, c'est la première fois que je vois... Excusez-moi, les journalistes, mais l'article est très bien. Je l'ai bien fourni. Techniquement, je m'excuse. Techniquement, je n'ai pas de reproches à faire. Je suis allé à la télévision aussi.

Je suis impuissant devant bien des choses, mais je sais une chose. Je crois que je dois le faire à un endroit. Je veux surtout de la coopération d'idées plutôt que de piastres. Si je dis que ce n'est pas cher, je n'ai pas besoin de demander des millions de dollars. J'avais demandé au gouvernement fédéral un budget de $150 000 très explicite sur le site Cell-Rock. Pour des raisons différentes, on l'a refusé. Je l'ai ici. Cela me fera plaisir de le laisser à la commission comme souvenir. J'étais sincère et eux aussi étaient sincères. Mais le "timing" n'était pas bon, disons.

A Delson, pourquoi? C'est que j'ai des conditions justement idéales à cet endroit. Mais les gens ne me croient pas; ils ne croient pas cela. Seulement la permission d'un et je suis certain... Je pense que c'est la meilleure façon.

On pourrait parler des heures sur la théorie. La pratique, voyons-la. Assurément qu'à l'été... Je vous jure que les journalistes viendront photographier et que j'ai donné des chiffres vrais. Je n'ai aucune raison...

M. Goulet: $150 000, si on tient compte des coûts de la baie James, de tous les projets hydroélectriques et des centrales nucléaires, il me semble que ce serait de l'énergie à bon marché.

M. Benoît: Je sais bien, mais je pense que vous savez comme moi que cela s'appelle la comédie humaine. Il faut vivre avec et je l'aime d'ailleurs, sans cela ce ne serait pas intéressant. Non, je ne parle pas là-dessus, je parlerai plus tard. Je ne veux pas être négatif, Dieu sait qu'il faut être positif.

Le Président (M. Laplante): Les membres...

M. Brochu: Je m'excuse, si vous permettez. En somme, ce que vous nous dites, si je comprends bien, c'est que, dans un certain sens, vous êtes un innovateur au Québec à ce niveau. Est-ce que ce dont vous nous parlez existe dans d'autres pays, est-ce que cela se fait?

M. Benoît: Plus que cela, cela existe au Québec et on ne le sait pas. J'ai la chance, avec mes diplômes et ma place, d'essayer de le promouvoir et je veux, je vais le promouvoir. J'aimerais bien avoir de l'aide.

M. Brochu: Une des principales difficultés qui se posent à vous actuellement, c'est peut-être de changer la conception que l'ensemble des citoyens ont de l'énergie ou la non-connaissance de l'utilisation du potentiel qui est là.

M. Benoît: Vous avez raison, c'est très difficile.

M. Brochu: C'est un des écueils majeurs que vous frappez, d'après ce que vous dites actuellement.

M. Benoît: Assurément. C'est nouveau, c'est très dur, mais si on pensait comme cela, on n'aurait même pas de tomahawk, parce que c'est nouveau et que ce n'est pas bon. Je crois qu'il y a encore au Québec assez de personnes pour essayer des choses.

M. Brochu: II se fait un certain nombre de petites expériences. J'ai eu connaissance de certaines...

M. Benoît: Oui, au Québec on en a plusieurs.

M. Brochu: ... sur un plan très artisanal, de la part de gens qui, soit par intuition ou par un début de processus scientifique, si vous voulez, à une très petite échelle...

M. Benoît: Assurément.

M. Brochu: ... même plus petitement que vous le faites, tentent des choses ou des procédés dans ce domaine. Il semble que le principe qu'il y a une foule de choses qui nous entourent qui sont de l'énergie...

M. Benoît: Exactement.

M. Brochu: ... ou qui pourraient en être, si on appliquait un processus utilisable, c'est une réalité.

M. Benoît: Vrai. Regardez à l'été, avant l'automne, tout le soleil qu'il y a autour de vous. Du vert, des mauvaises herbes, comme on les appelle, c'est de l'énergie solaire, messieurs. Il s'agit de la capter.

M. Brochu: Est-ce que vous iriez jusqu'à dire que dans le processus d'utilisation de l'énergie de la part des populations ou de l'homme, de façon générale, dans l'histoire, on s'est servi, au point de départ, de tout ce qui était le plus facilement utilisable, tout simplement.

M. Benoît: C'est normal aussi. Si le pétrole était à $0.10, je ne serais pas ici et vous autres non plus.

M. Brochu: D'accord. M. Benoît: C'est tout.

M. Brochu: C'est important qu'on situe peut-être exactement là où vous en arrivez dans le processus de recherche de l'énergie, parce que c'est quand même relativement nouveau comme concept ici. Si on n'a pas.abordé plus à fond cette démarche, c'est que peut-être il n'y en avait pas de besoin avant aujourd'hui.

M. Benoît: Exact.

M. Brochu: Cela souligne en même temps qu'il faudrait peut-être, par mesure de prévoyance, y regarder de plus près.

M. Benoît: Assurément, le potentiel est là, les outils sont là, il s'agit de s'en servir.

M. Brochu: Merci.

Le Président (M. Laplante): M. Benoît, les membres de la commission vous remercient de cette nouvelle recette surtout: Comment devenir millionnaire. Merci!

M. Benoît: Merci!

Le Président (M. Laplante): J'appelle Petro-fina, s'il vous plaît. Bonsoir, messieurs! Comme tout autre groupe, vous avez environ trois quarts d'heure.

Petrofina Canada Limitée

M. Nadeau (Pierre): M. le Président, on va essayer d'être bref. L'heure avance, le Carnaval est en marche.

Le Président (M. Laplante): Avez-vous eu la chance d'y aller, monsieur?

M. Nadeau: M. le Président, M. le ministre délégué à l'énergie, MM. les membres de la commission, étant donné que vous avez déjà reçu copie de notre mémoire, pour épargner un temps précieux à la commission, je me limiterai à souligner les grandes lignes et les principales conclusions du document qu'on vous a soumis.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous pourriez les...

M. Nadeau: Je vais vous présenter d'abord les membres de mon équipe. J'ai ici, à ma droite immédiate, M. Roland Redding, notre vice-président en marketing; à sa droite, M. J.J. MacDonald, assistant au président; à ma gauche immédiate, M. Van Son, vice-président aux approvisionnements et à la distribution et M. Raymond Vien, conseiller juridique et membre de notre contentieux.

Mon nom est Pierre Nadeau, je suis président de la compagnie Petrofina.

Mon préambule étant fait, je vais donc au second paragraphe. Le marché du Québec est manifestement d'une extrême importance pour Petrofina car il exerce une influence marquée sur les résultats d'ensemble et sur les projets d'avenir de la société. Dans ce contexte, Petrofina est heureuse de participer aux travaux de la commission parlementaire et elle souhaite que sa collaboration puisse contribuer à l'élaboration de politiques rationnelles en matière d'énergie au Québec.

Petrofina Canada est une société pétrolière intégrée dont le siège social est établi à Montréal. Constituée en vertu de la Loi des compagnies du Canada, elle s'occupe principalement d'exploration et de production pétrolières et gazières au pays, ainsi que de raffinage, de transport et de commercialisation de produits pétroliers et pétrochimiques. Depuis sa création en 1953 jusqu'à la fin de 1975, les investissements faits au Canada par Petrofina, sous forme de biens immobiliers, installations et équipement, excédaient $477 millions, dont plus de $212 millions étaient au Québec. En 1976, Petrofina employait directement 2390 personnes et indirectement des milliers d'autres, notamment les concessionnaires, détaillants, agents et distributeurs. Parmi les employés de la société, 1560 étaient des citoyens du Québec et les 830 autres se répartissaient en Alberta, en Ontario et dans les Maritimes.

La société exploite à Pointe-aux-Trembles une raffinerie d'une capacité de production de 93 000 barils par jour et commercialise ses produits au Québec, en Ontario et dans les Maritimes. En 1975, 1460 postes de commerce de détail arboraient la marque Fina.

En raison de la situation de sa raffinerie, toutefois, la plus grande partie de sa clientèle se concentre au Québec. Parallèlement aux gammes de carburants et de combustibles habituels, de même que des produits pétrochimiques aromatiques pour le marché canadien et l'exportation, elle commercialise un certain nombre de produits chimiques spéciaux s'inscrivant sous 21 catégories distinctes.

La question de l'approvisionnement en énergie est d'une importance vitale pour le Québec. Selon les données statistiques du Canada, la consommation d'énergie au Québec en 1974 se répartissait de la façon suivante: Pétrole, 73,3%; gaz naturel, 5%; charbon, 1,5%; hydroélectricité, 20,2%. On prévoit que, d'ici la fin des deux prochaines décennies, la consommation d'électricité hydraulique et nucléaire aura atteint 30% et que celle du pétrole diminuera dans des proportions correspondantes. A la condition que le gaz du bassin Beaufort-Mackenzie soit disponible au début des années quatre-vingt-dix, et le gaz de l'Arctique plus tard au cours de cette même décennie, les approvisionnements de ce combustible seront suffisants pour permettre au Québec de porter sa consommation à quelque 20% de la demande totale d'énergie et peut-être même de se rapprocher du niveau de 30% prévu pour l'ensemble du Canada en 1995.

Le pétrole continuera d'être la principale source d'énergie au cours des deux prochaines décennies, et même plus tard, alors que, pendant cette période, la consommation totale de l'énergie du Québec est appelée à doubler.

Dans la pratique, le Québec ne peut compter que sur deux sources pour son approvisionnement pétrolier: l'Ouest du Canada et l'Organisation des pays exportateurs. Dans son rapport, l'offre et la demande de pétrole canadien de septembre 1975, l'Office national de l'énergie concluait que. d'ici 1983, l'Ouest du Canada ne sera plus en mesure de satisfaire ses marchés habituels, dont les 250 000 barils par jour expédiés à Montreal. On s'attend donc que, dès les premières années de la décennie quatre-vingt, le pétrole traité par les raffineries du Québec provienne entièrement de sources étrangères, comme c'était le cas avant 1976.

Dans l'étude de la planification de ses approvisionnements d'énergie pour les années quatre-vingt, le Québec devrait également tenir compte de la prévision de l'Office national de l'énergie selon laquelle il se produira d'ici 1983, un écart de 300 000 barils par jour entre l'offre et la demande dans le secteur du marché situé à l'ouest de la vallée de la rivière Outaouais. Cet écart pourrait être comblé de diverses manières, mais la façon la plus logique serait de faire compléter les approvisionnements de la partie ontarienne du secteur en cause par des sources d'outre-mer avec laide des installations de transport se trouvant au Québec.

Pour sa part, Petrofina estime que les demandes combinées du Québec et de l'Ontario vers la moitié de la décennie quatre-vingt et par la suite présenteraient une occasion d'économie d'importance dans le transport du brut, depuis la côte de l'Est jusqu'aux centres de raffinage de Montréal et de Toronto.

Du point de vue de la disponibilité, les sources qui ont approvisionné jusqu'ici le Québec en pétrole pourraient satisfaire ses besoins essentiels pendant une période assez longue pour lui permettre de s'habituer graduellement à utiliser davantage les combustibles fossiles solides et les au-

très formes d'énergie auxquelles il devra faire appel pour suffire à ses exigences.

Dans ce contexte, l'expansion de l'oléoduc Portland-Montréal deviendrait nécessaire vers 1986, afin de répondre à l'accroissement prévu de la demande. Par ailleurs, l'écart de la disponibilité de brut de l'Ouest aux raffineries ontariennes pourrait être comblé par le renversement de ce qu'on appelle le prolongement montréalais de l'oléoduc interprovincial.

En résumé, les observations suivantes s'imposent:

Le pétrole continuera d'être la principale source d'énergie du Québec pendant encore au moins deux décennies;

Le Québec est appelé à redevenir totalement dépendant des importations de brut d'ici 1983;

La conservation des ressources rares impose l'utilisation d'un seul réseau de transport pour amener le brut depuis la côte de l'Est jusqu'à Montréal.

Pour ce qui est des raffineurs canadiens, au nombre de seize, au début de 1976, leur capacité globale s'établissait à 2 077 000 barils par jour. Par suite de l'entrée en production de la raffinerie de Saint-Romuald et d'agrandissements importants réalisés dans certaines raffineries montréalaises dans ces dernières années, la position du Québec est plus que convenable avec plus de 31.2% de la capacité nationale. Il est toutefois à prévoir que cette proportion diminuera au cours des prochaines années, à la suite de l'entrée en production de nouvelles raffineries en Ontario, et d'expansions majeures dans les Maritimes.

La situation du marché pétrolier canadien pour la période de 1966 à 1980 se caractérise de la façon suivante: D'abord, avant 1973, la capacité canadienne de raffinage était insuffisante, et les importations de produits finis ont atteint les 200 000 barils-jour. Par suite de nouvelles mises en chantier et de fortes expansions, le pays est devenu un exportateur net de produits finis. La capacité de raffinage est maintenant excessive par rapport à la demande en produits pétroliers, fortement réduite en raison de la nouvelle conjoncture économique.

L'allure de marche ou la mise en oeuvre n'est que de 80%, et, à moins d'une reprise économique sérieuse, ce pourcentage pourra s'affaiblir encore davantage avec l'entrée en production des installations construites plus récemment.

Les frais fixes d'exploitation sont proportionnellement élevés par rapport aux frais variables chez les raffineurs, et toute activité à une fraction de la capacité affecte la rentabilité. Il en résulte une concurrence très forte dans un marché affaibli.

En plus des problèmes de surcapacité de raffinage et du ralentissement du taux d'accroissement de la demande, il faut ajouter l'intervention de l'Etat comme troisième élément de difficulté pour les raffineurs-distributeurs.

Le même profil se retrouve pour l'Est du Canada, mais il faut noter l'importante de la surcapacité qui impose un taux d'utilisation de moins de 75%. Pour ce qui est du Québec, il est desservi par sept raffineurs, dont la capacité globale s'élève à 648 000 barils-jour, et la proportion de chacun n'excède pas 20% du total. Un raffineur a ses usines à Saint-Ronuald et les six autres sont établis dans l'Est de Montréal, le plus grand centre de raffinage du pays.

Pour l'année 1974, le rapport importation-exportation de produits finis représentait une balance favorable de quelque 12 000 barils-jour. Pe-trofina est le seul raffineur dont toutes les installations de raffinage sont au Québec. Le profil de la demande du Québec en produits pétroliers pour l'année 1974 diffère singulièrement du profil canadien par l'importance des distillats pour chauffage, par rapport à l'essence. La cause en serait la faible disponibilité du gaz naturel pour chauffage. Le haut rapport distillat-essence dans la demande au Québec impose aux raffineurs des problèmes et des frais d'exploitation plus importants, entre autres, les coûts en combustibles utilisés en raffinerie.

Entre autres perspectives, on peut envisager les suivantes. D'abord, au Québec, l'excès de capacité de raffinerie cessera d'ici quelques années. Ensuite, le Québec, qui a longtemps approvisionné en produits pétroliers la partie ontarienne de la vallée de l'Outaouais, pourrait perdre ce marché, vu la forte surcapacité de raffinage dans le sud de l'Ontario.

Enfin, la région de l'Atlantique exporterait ensuite vers le Québec ces excellentes productions. En résumé l'industrie pétrolière au Québec se limite aux opérations de raffinage et de distribution. L'intense concurrence qui s'exerce sur le marché est fonction directe de la surcapacité actuelle de production et de la faiblesse de la demande. Cette situation se maintiendra par suite de l'entrée en production de nouvelles installations dans l'Est du Canada.

La rentabilité de raffinage et de distribution est soumise à de fortes pressions que seule une amélioration des conditions économiques ou une plus grande ouverture à l'exportation pourrait alléger. En matière de distribution, selon les conditions régionales et locales dans l'optique des meilleurs intérêts des consommateurs, Petrofina utilise tous les moyens de transport et de distribution des produits pétroliers depuis la raffinerie montréalaise de la société jusqu'à ses 57 terminaux, installations de stockage et dépôts ruraux répartis dans les divers centres de communication du Québec.

Les gros camions-citernes et les trains-remorques constituent le dernier chaînon entre la société et près de 600 établissements de taille au Québec identifiés par l'emblème Fina.

Petrofina est en mesure de témoigner du caractère extrêmement concurrentiel du marché du Québec. Les méthodes de distribution des produits pétroliers au Québec offrent un excellent exemple des avantages assurés aux consommateurs par un système concurrentiel de libre entreprise soumis aux exigences du marché. La distribution est moderne, efficace et souple. Elle permet aux consommateurs de choisir parmi un grand nombre de fournisseurs et donc d'obtenir

les produits au meilleur prix possible. Elle s'adapte très rapidement au changement dans les besoins et les demandes, comme elle l'a démontré encore récemment par la création de postes d'essence libre service et par la rapidité avec laquelle l'essence sans plomb est devenue disponible.

Le consommateur sera servi au mieux par le maintien de ce système dans sa forme actuelle avec le minimum de réglementation et de contrôle par le gouvernement.

La question des prix n'a cessé d'être débattue ces dernières années et elle continuera de l'être. Les niveaux de prix du pétrole et du gaz naturel au Québec, comme dans le reste du Canada, sont largement inférieurs à ceux observés dans la plupart des pays industrialisés. Afin de stimuler le développement de nouvelles ressources énergétiques et la conservation de l'énergie, il serait souhaitable de rattraper le plus rapidement possible les niveaux de prix mondiaux. Dans ce contexte, une politique de prix de l'énergie devrait comprendre les éléments suivants: Favoriser l'établissement de prix relatifs tenant compte des qualités propres de chacune des formes d'énergie et de leur intérêt pour le consommateur; deuxièmement, alléger les nombreux contrôles ayant une incidence plus ou moins directe sur le niveau des prix; troisièmement, rattraper les niveaux de prix mondiaux le plus rapidement possible.

Petrofina est consciente que la plupart de ces éléments ont trait à des mesures relevant du gouvernement fédéral ou du gouvernement canadien ou d'ententes fédérales-provinciales. Elle souhaite cependant que le gouvernement du Québec, soucieux de l'impact des politiques actuelles, entreprenne les démarches nécessaires pour obtenir les correctifs suggérés.

En termes de redressement, d'expansion et d'intégration économique, il est reconnu que le Québec doit s'attaquer au développement de sa base d'industries secondaires. Il lui faut intéresser les entreprises financièrement solides, employant une main-d'oeuvre nombreuse, à investir chez nous. Il ne faut pas perdre de vue que ces entreprises n'entendent pas investir dans des régions où se pratiquent à un haut degré les activités syndicales de désorganisation et où le climat est incertain quant aux politiques gouvernementales. Elles n'investiront pas, non plus, sans avoir l'assurance d'un rendement satisfaisant sur le capital, ce qui implique, entre autres facteurs, l'importance d'une solide base énergétique.

L'industrie pétrolière est bien consciente de ses responsabilités à cet égard. A maintes reprises, elle a fait la démonstration pratique de son attitude. Toutefois, si on tient compte des hauts niveaux de consommation énergétique des années antérieures, de la dépendance du Québec à l'égard des sources extérieures d'énergie et de la montée en flèche des coûts de toute forme d'énergie, il est impossible d'envisager que les tendances passées dans la consommation puissent continuer. En fait, le facteur prix à lui seul imposera un réaménagement complet de tous les secteurs de l'économie en vue d'une utilisation optimale de l'énergie.

De plus, à mesure qu'augmenteront les prix et que diminuera la disponibilité de cette ressource non renouvelable, le pétrole deviendra trop précieux pour servir de combustible, en particulier pour les usages où d'autres formes d'énergie peuvent lui être substituées. On le réservera de plus en plus pour la pétrochimie et les applications chimiques spécialisées.

Avec l'encouragement du Québec, Petrofina est entrée dans le domaine pétrochimique en 1964 et elle a continué à y accroître ses immobilisations au cours des années. Dans cet esprit, la société étudie à nouveau les possibilités d'autres investissements au Québec. Si toutes les nouvelles immobilisations étaient réalisées, elles auraient pour effet d'accroître sa production actuelle et d'augmenter encore la valeur de sa production pétrochimique. Cette orientation exigera des mises de fonds d'au moins $20 millions d'ici à 1980.

Le gouvernement du Québec ne peut manquer de reconnaître comment il serait important de voir se constituer une industrie pétrochimique de base assez avancée. Son existence augmenterait les possibilités d'attirer une foule d'entreprises concurrentes de traitement ultérieur, de même que certaines autres axées davantage encore sur la main-d'oeuvre. Une telle orientation renforcerait la position de Montréal comme l'un des trois principaux centres canadiens de la pétrochimie.

Aussi bien dans l'intérêt public que dans celui de ses actionnaires et, en particulier, dans le contexte actuel, l'industrie pétrolière doit viser à l'optimisation de ses investissements.

Pour Petrofina, optimiser les investissements consiste à investir son "cash-flow" de manière à obtenir le meilleur taux de rendement sur l'investissement, non seulement à court, mais à moyen et à long termes. Cette politique s'applique en tenant compte des disponibilités financières et de l'intérêt des projets envisagés: dépenser plus en exploration et en mise en valeur, avec tous les risques que cela comporte ou en raffinage et en commercialisation pour améliorer la performance ou accroître les ventes. A ce sujet, il importe de souligner que les politiques actuellement appliquées au Canada visent à encourager l'exploration et la mise en valeur, de même qu'à réaliser toutes les économies possibles d'énergie. L'ensemble des mesures fiscales prises depuis deux ans favorise le réinvestissement, particulièrement en exploration et en mise en valeur. Elles taxent lourdement les sociétés se contentant de retirer des profits.

Il importe également de rappeler que le Québec, à diverses reprises, notamment lors des conférences fédérales-provinciales, a accepté les augmentations du prix du pétrole et du gaz naturel à condition que le "cash-flow" ainsi généré soit réinvesti de la façon indiquée ci-dessus.

Les effets de ces politiques ont été les suivants. D'abord, la rentabilité des opérations dites en amont, c'est-à-dire l'exploration et la production, a largement augmenté. Ensuite, la rentabilité des opérations dites en aval, donc, le raffinage et la commercialisation, a diminué.

Les sociétés pétrolières disposant de moins de production, dont Petrofina, ont été largement

affectées depuis deux ans par les effets d'une telle politique. La concurrence est très forte dans les conditions ainsi créées et le consommateur en bénéficie. Mais, par la même occasion, le "cashflow" généré par les activités en aval est moindre et, donc, le développement de la société se trouve ralenti.

Comme le Québec redeviendra tôt ou tard complètement dépendant de l'importation du pétrole, il serait préférable de mieux équilibrer la rentabilité des opérations en amont et en aval, de manière à rendre les investissements plus intéressants en aval. Le Québec aurait tout à y gagner: nouvelles expansions, accroissement d'emplois, etc.

Petrofina compte un certain nombre d'actionnaires au Québec dont la Caisse de dépôt et placement et, depuis 1971, le cours de l'action ordinaire s'est peu amélioré malgré l'augmentation des activités de la société. Il s'est particulièrement affaibli récemment, suivant en cela l'exemple de l'ensemble de l'industrie. Au prix actuel de l'action, Petrofina se retrouve au niveau des années 1960. Cette situation qui s'étend à l'ensemble de l'industrie explique l'inquiétude des investisseurs.

Concrètement et à court terme, il nous semble qu'une politique d'exportation plus ouverte contribuerait au raffermissement des marges et, partant, à l'augmentation de la rentabilité des opérations en aval. Nous souhaitons que le gouvernement du Québec prenne l'initiative de faire valoir auprès du gouvernement fédéral les effets d'entraînement d'un accroissement de rentabilité pour l'industrie au Québec.

La question de la conservation de l'énergie est forcément à l'ordre du jour. A mesure que le prix de l'énergie va s'accroître, il est à prévoir que les consommateurs, particuliers et industries, intensifieront leurs efforts de conservation. Dans le secteur industriel, les coûts croissants tendront à justifier les mesures de conservation qui, dans le passé, ont été négligées parce que les économies à réaliser n'étaient pas proportionnées aux mises de fonds nécessaires.

Le gouvernement du Québec peut favoriser la conservation en adoptant des dispositions législatives appropriées dans le secteur relevant de sa compétence. Le respect des limites de vitesse pour économiser l'essence en est un bon exemple. Une législation visant à la conservation de l'électricité pour les usages industriels là où il n'existe pas d'autres sources satisfaisantes d'énergie serait une autre mesure appropriée.

En matière de protection de l'environnement, Petrofina prévoit que les mesures antipollution continueront d'être l'une des principales préoccupations de l'industrie comme de l'Etat. Elle entend continuer de collaborer avec le gouvernement chaque fois que des mesures nouvelles s'imposeront. De son côté, le gouvernement du Québec doit étudier soigneusement les avantages de nouvelles mesures de contrôle en regard de leurs conséquences économiques. En outre, lorsque plusieurs méthodes permettront d'obtenir les résultats envisagés, chacune doit être évaluée sous l'angle des meilleures possibilités de conservation de l'énergie. Il faut également s'assurer que les mesures proposées pour la protection de l'environnement correspondent aux besoins réels du Québec et qu'elles ne soient pas basées sur la législation étrangère, en particulier celle des Etats-Unis qui ne peut guère être appropriée au Québec.

M. le ministre, MM. les membres de la commission, je vous remercie d'avoir bien voulu recevoir notre mémoire et de m'avoir permis de vous en souligner les points saillants.

Mes collaborateurs et moi-même sommes maintenant à votre disposition si vous voulez nous poser des questions.

Le Président (M. Laplante): Merci, M. Na-deau. M. le ministre.

M. Joron: M. Nadeau, le mémoire que vous nous présentez est peut-être le plus complet qu'on ait eu jusqu'à maintenant sur les aspects pétroliers de la situation énergétique au Québec. Il diffère déjà d'un mémoire qu'on entendait cet après-midi quant aux sources d'approvisionnement. Vous croyez que le Québec va, dans un bref avenir, redevenir tributaire des sources d'approvisionnement extérieures. A cet égard, j'ai quelques questions. Commençons donc par celles-là, si vous voulez bien. Quelles étaient, avant que le pétrole arrive de Sarnia, les sources d'approvisionnement extérieures de Petrofina, quelles seront-elles après que le pétrole redeviendra essentiellement du pétrole importé et qu'est-ce que vous pouvez nous dire quant à la sécurité des approvisionnements et peut-être de leurs coûts?

M. Nadeau: Vous parlez de Petrofina en particulier et non pas de l'industrie.

M. Joron: Oui.

M. Nadeau: Pour Petrofina, la source, traditionnellement, a été le Moyen-Orient, en petites parties le Venezuela pour des bruts spécialisés, pour manufacturer de l'asphalte ou des choses semblables. Mais, en grande partie, cela venait des pays du Moyen-Orient. Depuis la crise, cela a continué à être le Moyen-Orient. Depuis l'avènement du prolongement de l'oléoduc interprovincial, c'est en partie 35% de nos approvisionnements qui viennent de l'Ouest canadien et lereste vient encore des pays du Moyen-Orient. Maintenant, la troisième partie de votre question...

M. Joron: Quant à la sécurité de ces...

M. Nadeau: Quant à la sécurité d'approvisionnement, à ce point de vue-là, nous n'avons aucune inquiétude. Je crois que les pays du Moyen-Orient, enfin, les pays de l'organisation, seront en mesure d'approvisionner le Canada pour encore au moins une cinquantaine d'années. On n'est pas inquiet quant à l'approvisionnement du brut, en ce qui nous concerne, nous.

M. Joron: Est-ce que votre brut, pour la partie qui vient du Moyen-Oeient, est acheté directement

par Petrofina Canada au Moyen-Orient ou par Pe-trofina Belgique et racheté par vous de la compagnie mère?

M. Nadeau: Petrofina Belgique, probablement à cause de son rôle depuis sa fondation, n'a jamais été traditionnellement un producteur de brut; elle a toujours été un acheteur de brut et probablement l'un des plus gros acheteurs de brut, parce que, par sa nature même, elle n'avait pas de production. Elle en a depuis récemment, dans la mer du Nord, mais elle n'en avait pas avant. Nous avons bénéficié ici, au Canada, des possibilités d'achat de la compagnie mère ou de notre actionnaire majoritaire, si vous voulez, nous avons acheté, par l'entremise de notre compagnie mère aussi bien que directement. Nous achetons selon les conditions du marché. Si nous obtenons des conditions meilleures à l'extérieur de Petrofina Bruxelles, nous achetons tout simplement.

M. Joron: Votre confiance dans la sécurité de vos approvisionnements, si je peux me permettre d'interpréter votre réponse, est fondée sur le pouvoir d'achat considérable de l'ensemble du groupe Petrofina dans le monde, d'une part; est-ce que je peux vous demander s'il est lié avec des contrats à long terme qui vous donnent cette confiance de sécurité d'approvisionnement?

M. Nadeau: Non, c'est tout simplement parce que nous croyons fermement que les ressources des pays du Moyen-Orient ou des pays de l'OPEP, si vous voulez, seront suffisantes pour nous approvisionner dans les cinquante prochaines années, au moins.

M. Joron: A cet égard, votre opinion diffère aussi d'autres sons de cloche entendus devant cette commission.

M. Nadeau: C'est possible.

M. Joron: Pour ce qui est des coûts, par exemple. Il y a deux choses. Vous comprendrez que si le Québec doit accepter votre proposition, c'est-à-dire qu'il maintient finalement une part relative substantiellement importante aux produits pétroliers, on doit forcément se poser la question de la sécurité de ces approvisionnements-là et de leur coût aussi. Je ne sais pas si vous pourriez nous donner votre opinion sur l'évolution de ces coûts. Finalement, on parle des prix mondiaux, des prix internationaux.

M. Nadeau: Evidemment, là, vous savez qu'on est un peu soumis au cartel, les pays de l'OPEP, alors...

M. Joron: N'est-ce pas dangereux pour le Québec d'être à la merci justement, autant quant aux approvisionnements eux-mêmes que quant à leurs coûts...

M. Nadeau: Enfin, est-ce que c'est dangereux pour le Québec? Je pense qu'on a comme objectif, ici, au Canada, d'abord, pour notre huile domestique produite au Canada, c'est-à-dire notre brut de l'Ouest, d'atteindre éventuellement, et dans un avenir pas trop éloigné, le niveau mondial. Je ne pense pas qu'il y ait un danger pour nous d'être assujettis, si vous voulez, au bon vouloir des pays de l'OPEP, pas plus qu'il ne l'est pour tous les pays industrialisés, d'ailleurs.

Cela peut avoir pour effet aussi... L'augmentation des prix du brut peut avoir comme conséquence directe le développement d'autres méthodes non conventionnelles, comme les sables bitumineux, par exemple, ou les huiles lourdes et ces choses-là, qui sont aujourd'hui plus ou moins rentables, mais qui pourraient le devenir avec l'augmentation des prix du brut conventionnel.

M. Joron: J'aurais deux autres questions à vous poser, si vous le permettez. Vous avez justement souligné que la rentabilité des opérations en aval était passablement moindre que celle des opérations en amont. Oui. Je veux vous demander comment le Québec... Vous souhaitez que le gouvernement tente d'ajuster cette situation. Comment, dans le cadre actuel des pouvoirs qui lui sont conférés, le gouvernement du Québec peut-il faire quelque chose pour changer cette situation-là?

M. Nadeau: La raison pour laquelle cette situation est aussi désastreuse pour les opérations en aval, c'est qu'il y a une surcapacité de raffinage dans l'Est du pays, notamment en Ontario, au Québec et dans les Maritimes.

Le gouvernement fédéral nous impose certaines restrictions sur les exportations de produits finis, ce qui veut dire que cette surcapacité de raffinage doit être écoulée sur le marché local. A ce moment-là, à cause de la rentabilité des installations qui y sont, nous devons écouler ces produits sur le marché local, étant donné que nos produits à l'exportation ne sont pas compétitifs, concurrentiels, à cause des taxes à l'exportation et des permis qu'on doit obtenir du gouvernement fédéral.

Le gouvernement du Québec n'a aucune juridiction sur ces exportations, on le reconnaît, mais c'est pour cela qu'on dit que le gouvernement du Québec pourrait peut-être insister auprès du gouvernement fédéral afin qu'on puisse libéraliser un peu ces exportations vers l'étranger afin de nous rendre un peu plus concurrentiels et de stabiliser un peu les marchés.

Parce qu'on fonctionne actuellement — comme je l'ai dit dans mon exposé — à 75% de capacité, ceci rend la rentabilité des raffi-neurs...

M. Joron: Marginale. Ceci m'amène à ma dernière question qui a trait à la pétrochimie qui pourrait être un débouché, étant donné cet excédent de capacité actuel. Je voudrais que vous nous disiez quelques mots sur la façon dont vous voyez... Vous pouvez nous dire quelques mots, si vous voulez bien, des projets particuliers de Petrofina dans le domaine pétrochimique et si vous pouvez aussi nous donner une idée de la façon

que vous voyez la rentabilité. A quoi tient la rentabilité d'une industrie pétrochimique au Québec? Je vous pose la question parce qu'hier, un de vos concurrents, Aigle d'Or, a semblé balayer assez rapidement la possibilité de rentabilité d'une expansion pétrochimique au Québec. Aujourd'hui, vous nous présentez tout à fait une opinion inverse.

M. Nadeau: Nous, on y croit à la pétrochimie. Mais vous savez que la pétrochimie, c'est à peu près, au maximum, entre 5% et 6% du baril. C'est assez dispendieux de faire de la pétrochimie. Quand on fait de la pétrochimie, forcément, on doit, par la force des choses, produire des distil-lats, produire de la gazoline, produire des huiles lourdes et ainsi de suite.

Si, en faisant de la pétrochimie, on est obligé de faire marcher notre raffinerie à 100% de sa capacité et que, d'un côté, on perd sur l'huile à chauffage, sur la gazoline ou sur le mazout, on ne peut pas récupérer assez, dans les 5%, pour rendre toute l'opération justifiable ou rentable.

Nous croyons à la pétrochimie parce que c'est l'optimisation du processus de raffinage. On y croit, on est aujourd'hui — et on est fier de le dire — le plus gros producteur de BTX ou d'aromatiques au Canada. C'est le benzène, le toluène et le xylène.

On aimerait aussi passer au stade ultérieur, à un stade plus avancé, convertir ces "feed stocks" en des produits plus raffinés encore. Cela ne peut se faire que s'il y a un climat qui est favorable aux investissements que cela demande.

M. Joron: Pourriez-vous être un peu plus spécifique en ce qui concerne le climat nécessaire?

M. Nadeau: Je ne parle pas de subsides de la part des gouvernements, je parle de conditions économiques, je parle de reconnaître la justification des profits. Il faut qu'on reconnaisse aussi que, même si Petrofina est une multinationale, nous ne sommes pas ici pour manger tous les petits Canadiens français et qu'on veut agir dans un climat où le gouvernement nous fait confiance, où les unions nous font confiance, où le public nous fait confiance. Un tel climat ne peut être créé, je crois, que par l'institution qui domine toutes les affaires de la province, donc, le gouvernement.

M. Joron: En terminant sur la pétrochimie, pourriez-vous nous dire quelle serait la position concurrentielle de l'industrie pétrochimique au Québec, par rapport à celle de Sarnia, par exemple?

M. Nadeau: Celle du Québec, pour être concurrentielle, pour être rentable, doit jeter un regard assez sérieux sur les exportations. Evidemment, le marché du Québec n'est pas suffisant pour absorber la totalité des produits qui se feront ou qui se font actuellement. Même dans notre cas, on exporte, nous autres, énormément de produits dramatiques, par exemple, le "feed stock", tel que benzène, toluène et xylène.

Pour qu'elle soit rentable, il faut qu'il y ait des débouchés sur les marchés d'exportation, nécessairement, parce que le marché du Québec ou de l'Est du Québec n'est pas suffisant pour absorber une usine, par exemple, qui sera d'une dimension nécessaire pour devenir concurrentielle, ce qu'on appelle un "world scale plant".

M. Joron: Quels sont vos principaux marchés potentiels d'exportation?

M. Nadeau: Les Etats-Unis, l'Europe et, cette année, on a exporté au Japon la plus grosse cargaison de benzène qui s'est jamais faite, du Canada vers le Japon. Il faut être assez alerte et assez avide aussi pour pouvoir trouver ces marchés. C'est extrêmement difficile, mais on a un avantage géographique, si vous voulez, que le centre de Sarnia n'a pas, parce que son marché est le Canada, donc l'Ontario ou une certaine partie des Etats-Unis, alors que, nous autres ici, à cause de notre situation géographique, la voie maritime, la navigation, évidemment un certain nombre de mois par année, on peut exporter nos produits, en autant que les conditions s'y prêtent.

M. Joron: Je vous remercie.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Jean-Talon.

M. Garneau: ...la sécurité dans la fourniture de ce que vous appelez le BTX qu'une société comme la vôtre peut fournir en vue de l'établissement d'une usine qui serait dans un stade plus avancé de transformation, en termes de volume?

M. Nadeau: Je n'ai pas compris votre question. Au début, vous n'aviez pas le micro, M. Garneau.

M. Garneau: Vous dites que votre société produit ce qu'on appelle le BTX.

M. Nadeau: Oui.

M. Garneau: Combien de volume de cette production pouvez-vous assurer? Vous êtes sans doute au courant des discussions et des pourparlers qui ont déjà eu lieu et qui ont peut-être encore lieu en vue de l'établissement d'usines de transformation à un niveau plus élevé. Je ne connais pas toutes les formules techniques. Avoir su que vous soulèveriez cette question, ce soir, j'aurais apporté une documentation un peu plus volumineuse. Ma connaissance là-dedans est très limitée, mais il m'est apparu, avec la faible connaissance que j'avais du dossier, parce que ce n'était pas un des miens durant le temps que j'étais de l'autre côté de la table, qu'un des problèmes qu'il y avait, en plus de l'assurance des débouchés, une fois les produits transformés, une des difficultés, c'était justement de s'assurer, pour une période assez longue, d'un volume de production de ce benzène, les autres parties, je les oublie, mais qui forment le BTX, cela m'apparaissait,

en tout cas, une des difficultés de l'établissement. Dans l'éventuelle implantation d'une telle usine, il fallait, d'une façon ou d'une autre, assurer soit par des approvisionnements garantis par l'Etat ou par d'autres, de ce produit de base.

C'est pour cela que je vous demandais quel est le volume, la quantité que Petrofina pouvait fournir, offrir sur le marché par année de cette chose. En fabriquez-vous à l'occasion ou si...

M. Nadeau: Nous autres, on manufacture à peu près 1,5 million de barils par année de BTX, une partie est absorbée sur le marché canadien, ce qui est à peu près 30% ou 40%, selon les produits, suivant que c'est du benzène, du toluène ou du xylène. Le reste est exporté. Je ne sais pas si je comprends très bien votre question, mais nous manufacturons actuellement plus qu'il est nécessaire pour satisfaire les marchés canadiens qui nous sont accessibles, entendons-nous, parce qu'évidemment, on n'ira pas exporter vers la Colombie-Britannique, parce que cela ne deviendrait pas rentable et compétitif. Alors, pour les marchés qui nous entourent, ceux qu'on peut supporter, on les satisfait très bien et on exporte la différence, si vous voulez, vers les marchés d'Europe ou vers le golfe du Mexique où sont les grandes usines de chimie. Pardon?

M. Garneau: Une société comme la vôtre, en fait, n'a pas d'objection à envisager, évidemment, des fournitures à long terme de ce genre de produits.

M. Nadeau: Non, mais ce qu'on voudrait, nous autres, c'est une transformation secondaire, si vous voulez, de ces produits dans des produits plus avancés encore.

M. Garneau: Oui, c'est ce que...

M. Nadeau: C'est-à-dire de se servir de cette base, de ce "feed stock " au Québec pour transformer davantage et avoir une valeur additionnée plus élevée.

M. Garneau: Votre société elle-même, pour se lancer dans de tels investissements, désire une certaine assurance de rentabilité pour une période de temps dans un contexte économique qui rencontre les objectifs qui font qu'une société privée...

M. Nadeau: Economique, social, ouvrier et politique qui est favorable à de l'investissement.

M. Garneau: Je ne poursuivrai pas là-dessus — avoir su cela, je me serais préparé autrement — mais quand même, je reviendrai peut-être à l'occasion d'autres mémoires, M. le ministre, sur cette question. Je voudrais revenir sur la complexité qu'il y a, pour des membres d'une commission comme la nôtre, de juger de la valeur des opinions. M. le ministre, tout à l'heure, en a souligné une, en tout cas, sur la question des approvisionnements. Vous étiez dans la salle tout à l'heure lorsqu'on a reçu, avant d'aller dîner, le mémoire d'une de vos sociétés, une entreprise compétitrice à la vôtre. En fait, on semblait nous indiquer que l'approvisionnement en provenance du Canada, au moins pour tout l'ouest de la vallée de l'Outaouais, était assuré jusqu'en 1995. Je ne sais pas si vous aviez les tableaux, mais c'est comme cela que je l'ai compris; il y avait des hypothèses, mais ils les donnaient d'une façon assez rassurante. On me disait même que le renversement du pipe-line Montréal-Sarnia, c'était quand même beaucoup plus hypothétique. Dans votre cas, vous semblez dire qu'à partir de 1983, ce serait la situation.

Je comprends que vous êtes tous de bonne foi et que vous travaillez avec une connaissance de votre secteur, mais si la commission parlementaire ici avait fait une recommandation quelconque et qu'elle devait savoir si on aura du pétrole après 1983 ou s'il n'y en aura pas, on serait peut-être obligé de prendre un $0.05 et dire: Face, c'est Petrofina et pile, c'est Gulf. On le tire en l'air et on le laisse tomber et finalement, on est pris un peu dans cette situation. Je trouve cela assez surprenant quand même qu'il y ait autant de différence dans les appréciations.

M. Nadeau: Les réserves actuellement connues, et je ne parle pas des réserves hypothétiques, de ce qu'on peut découvrir dans la mer de Beaufort, ou dans l'Arctique ou dans ces régions, mais si on prend les réserves connues, probables même, et si on prend les nouvelles usines dont les mises en oeuvre viendront sur le marché en 1977 et 1978, si on prend en considération les projets de l'Alberta, disons, pour des usines chimiques ou pétrochimiques, si on prend tout ça en considération, je pense qu'on en viendra à la conclusion qu'en 1983, c'est certain qu'on ne recevra plus, dans le Québec, de pétrole de l'Ouest canadien. Les probabilités sont que non seulement on n'en recevra plus, mais que la région de l'Ontario n'aura pas, non plus, suffisamment de pétrole brut de l'Ouest canadien pour suffire à ses besoins. Donc, à ce moment, on devra renverser le pipeline et envoyer là-bas du pétrole qui est importé et qui viendra par Montréal ou par un autre pipe-line quelque part.

M. Garneau: Le deuxième point que je voulais soulever, c'est votre appréciation concernant le transport. Vous n'avez pas relu tout à fait dans le même ordre le mémoire. Cela faisait quelque temps que je l'avais lu. Si ma mémoire est fidèle, vous exprimez l'opinion qu'il y aurait avantage à renforcer la capacité — vous employez un terme que je ne comprends pas trop — la cadence. Je ne sais pas au juste si c'est la pression dans le tuyau que vous vouliez dire, pour augmenter la capacité du pipe-line Portland-Montréal, plutôt que...

M. Nadeau: En fait, ce qu'on voulait dire, c'est que plutôt que de construire un nouveau pipe-line qui viendrait de l'est, parce qu'on connaît maintenant les coûts du prolongement de l'interprovin-cial de Sarnia à Montréal; on en connaît les coûts

d'exploitation, au lieu d'installer de nouveaux pipe-lines qui viendraient d'oléoducs, qui viendraient soit du bas du Saint-Laurent, soit des Maritimes, à un coût qui est énorme aujourd'hui, ce serait peut-être mieux commencer dès maintenant les négociations avec le port de Portland et les autorités de I Etat du Maine, afin de pouvoir augmenter la capacité du pipe-line Portland-Montréal. On pourrait, à ce moment, avec des coûts beaucoup plus réduits, approvisionner l'Ontario par suite du manque de pétrole canadien qu'il y aura à ce moment-là. Ce serait beaucoup plus économique de le faire de cette façon que de construire un nouveau pipe-line avec tous les risques que ça comporte, de construire un nouveau port avec tous les risques que ça comporte. On serait beaucoup mieux vus, si vous voulez, d'engager des négociations avec les autorités des Etats concernés pour augmenter la capacité du pipe-line de Portland.

M. Garneau: En termes de sécurité d'approvisionnement, vous ne trouvez pas que ça peut être quand même assez risqué pour une région comme la nôtre d'avoir seulement un endroit, dans le fond, pour s'approvisionner, qui serait Portland? Si c'est polluant dans le fleuve Saint-Laurent, ça peut être polluant dans la région du Maine aussi, et, finalement, les gens pourraient dire: C'est assez! X centaines de mille barils par jour, ça suffit, et si vous voulez le doubler, ça ne marche plus.

M. Nadeau: C'est exactement pour ça que je vous dis qu'on devrait commencer les négociations maintenant. Au point de vue pollution, c'est sûr qu'il y a des risques. Nick, tu as les chiffres de ce qui...

M. Van Son: De Portland.

M. Nadeau: ... tu peux peut-être les donner ici.

M. Van Son: L'année passée, il y avait un chiffre de six gallons au total qui ont été perdus dans l'eau. C'est tout le gaspillage dans le port de Portland.

M. Garneau: Six gallons?

M. Van Son: Six gallons. Ce n'est pas croyable, à la fin.

M. Nadeau: Dans toute l'année. M. Van Son: C'est six point quelque chose. M. Garneau: C'est beaucoup ou rien du tout. M. Van Son: C'est rien. Cela fait...

M. Garneau: C'est-à-dire que quand un bateau s'éventre, c'est beaucoup, mais...

M. Nadeau: Maintenant, écoutez! Il y aura certainement des critères plus sévères qui seront éta- blis pour l'entrée des vaisseaux, des navires dans le port de Portland et dans tous les ports, d'ailleurs, de la côte de l'Amérique, que ce soit chez nous ou ailleurs, à cause des événements récents. Même avec ces critères — et on devrait les établir, parce qu'on doit protéger l'environnement de la pollution, c'est sûr — même avec ces critères sévères, il y a encore moyen de négocier, si on n'attend pas à la dernière minute, avec l'Etat du Maine pour augmenter la capacité du port et du pipe-line. C'est quelque chose dont il faudra s'occuper d'ici peu de temps. Sans cela, on sera pris dans une crise et on devra construire un autre pipe-line qui nous viendra soit du Bas-Saint-Laurent — ce serait malheureux parce que les coûts seraient exorbitants, les dangers seraient exorbitants aussi — ou d'une ligne qui nous viendrait de la Nouvelle-Ecosse ou du Nouveau-Brunswick.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Laprairie.

M. Michaud: Merci, M. le Président. M. Nadeau, si on part d'une hypothèse que les importations du Moyen-Orient cessent du jour au lendemain, supposons une guerre ou quelque chose, si, par accident géographique ou autre chose, les importations de l'Ouest cessent aussi en même temps, quelle est la réserve disponible ici, au Québec, en entreposage, en milliers de barils ou en jours?

M. Nadeau: 60 jours.

M. Van Son: Cela dépend de la période de l'année, mais disons 60 jours en moyenne, c'est un bon chiffre. Si c'était à l'automne, ce serait beaucoup mieux, un peu mieux.

M. Michaud: D'accord, merci.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: M. Nadeau, nous avons parlé à cette commission d'énergie et d'environnement. Il y a un point qui me surprend dans votre rapport. Lorsqu'on parle d'essence sans plomb, est-ce que c'est possible qu'on dise que cela coûte plus cher à la compagnie, donc, davantage aux consommateurs et, en plus, cela oblige à des déboursés supplémentaires à l'achat d'une automobile. Cela n'améliore pas la conservation de l'énergie parce que les résultats sont moindres que ceux de l'essence ordinaire. Quant aux résultats sur la protection de l'environnement, c'est à peu près nul ou cela ne donne pas les résultats escomptés. Est-ce possible que cela soit...

M. Nadeau: Ces convertisseurs catalytiques dont on parle, sur les automobiles, qui exigent une essence sans plomb ont été conçus pour des régions dont la population est très dense, comme, par exemple, Los Angeles. On a établi des normes pour une région qui est très polluée, qui est très

condensée, dont la population est intense et on les applique, par exemple, à travers l'Amérique du Nord. Je vous dis que c'est un gaspillage parce que, d'abord, cela coûte plus cher de fabriquer de l'essence sans plomb, le rendement est moindre pour l'automobile et on fait cela à un coût plus élevé. Je me dis: Ce sont des normes qui sont établies pour une région qui ne s'appliquent pas nécessairement à une autre région parce qu'on n'en a pas besoin réellement et que ce n'est pas prouvé encore...

Le spécialiste là-dedans, c'est M. MacDonald. Il est spécialiste de l'environnement, de la pollution et de ces choses. Il a été président de la société PACE, qui est un organisme fondé au sein des compagnies de pétrole pour la protection de l'environnement. Les études nous prouvent de façon très définitive que ces normes, ces critères ne sont pas nécessaires dans des régions comme les nôtres. Le pauvre bonhomme, qui est en Gaspésie, s'il est obligé d'acheter une voiture avec un convertisseur catalytique, le coût est plus élevé. Deuxièmement, la pollution, il n'y en a pas.

M. Goulet: Mais je ne sais pas si vous avez des chiffres, disons, au Québec ou au Canada ou même en Amérique. Si nous prenons du brut, nous faisons tant de gallons d'essence. Si avec mon automobile, avec dix gallons, je fais tant de milles et avec de l'essence sans plomb, j'en fais moins. Si on arrive avec un chiffre global, combien y a-t-il de différence, par exemple, au Québec ou au Canada? Avez-vous des chiffres là-dessus de différence de gallons pour le même usage? Avec de la matière brute, combien cela en prend-il de plus pour faire le même usage ou le même travail ou développer le même nombre...

M. Nadeau: Je vais vous laisser répondre. Il y a la question de compression.

M. Goulet: Si vous dites que les résultats sont moindres...

M. MacDonald: On a vu dans les deux dernières années une augmentation de l'économie avec l'essence sans plomb. Mais si vous compter l'année à partir de 1960, on a diminution de l'économie avec l'essence au plomb. C'est seulement après l'année 1974, après le convertisseur catalytique, qu'on a été capable de régler le moteur pour faire une meilleure économie. Le catalyseur mange tous les hydrocarbures, l'oxyde de carbone. C'est seulement depuis les deux dernières années que nous avons eu une augmentation dans l'économie. Avec la mesure de conservation, pour faire l'essence sans plomb, cela coûte 4% en plus de l'huile brute, pour faire un gallon sans plomb que pour un gallon avec plomb.

M. Goulet: 4% à la base pour le brut et, à la fin, cela peut donner combien, puisque c'est 4% globalement, on peut dire que c'est 4% de plus globalement, parce que vous parlez de brut. C'est cela ma question.

M. Nadeau: C'est pour remplacer...

M. Goulet: L'économie est de combien en pourcentage?

M. Nadeau: II n'y pas d'économie avec l'essence sans plomb...

M. Goulet: Non, il n'y en a pas...

M. Nadeau: ...mais il y a un coût d'à peu près 4% plus élevé, parce qu'évidemment, l'efficacité de la gazoline est basée sur le poids et non pas sur le volume, et quand on extrait le plomb, on est obligé d'y réingurgiter des aromatiques pour remplacer le plomb qu'il y avait dedans.

M. Goulet: Mais les 4%, est-ce que c'est bien en matière première? Je ne parle pas en argent, mais en matière première.

M. Nadeau: C'est 4% de diminution dans votre rendement du baril brut.

Le Président (M. Laplante): Le député de Rimouski.

M. Marcoux: Ma première question sera très brève, parce que le député de Jean-Talon s'est déjà avancé longuement sur le sujet. Simplement pour ajouter un élément, si on entre dans votre hypothèse, où il faudrait déjà commencer à négocier avec les Etats-Unis pour accroître éventuellement l'importation de pétrole à partir de Portland, sur quoi peut-on s'appuyer pour négocier ceci? Vous savez qu'aux Etats-Unis il y a de forts groupes qui veillent de plus en plus à l'environnement et le gouvernement américain lui-même s'y intéresse de plus en plus, quels sont les arguments? Quand on veut négocier, il faut qu'il y ait des arguments des deux bords. Quel est le poids que le Québec peut mettre dans la balance pour justifier qu'il y ait plus de bateaux qui puissent décharger leurs cargaisons à Portland?

M. Nadeau: Le Québec en soi, je ne sais pas s'il peut négocier avec force, mais une chose certaine, c'est que le Canada vient de signer récemment un traité avec les Etats-Unis sur les oléoducs et les gazoducs. Il ne faut pas oublier que, cet hiver même, au moment où on se parle, il y a des Américains qui gèlent. Il y a des usines qui ont été fermées. On a exporté vers les Etats-Unis des surplus de gaz que nous avions ici au Canada. C'est le temps d'échanger des idées et de négocier: Si vous voulez, on va vous donner du gaz, mais donnez-nous certaines possibilités de sécurité d'approvisionnement par... et ainsi de suite. Comment cela peut-il se faire? C'est au niveau politique. Vous êtes là-dedans, la politique, c'est à vous de décider comment on peut faire cela, mais il y a certainement des façons de le faire.

M. Marcoux: Quand il y a des arguments éco-

nomiques ou des arguments techniques, des choses comme cela qui aident, cela aide l'homme politique à négocier.

M. Nadeau: Les arguments techniques. D'abord, vous avez tout de suite un argument économique parce que le coût d'un pipe-line, qui nous viendrait de Port Hawkesbury ou de Gros Cacouna... Il ne faut pas rêver en couleur. Gros Cacouna, oublions cela. Ce serait un désastre écologique, cette histoire-là. Le coût d'un nouveau pipe-line, c'est assez pour justifier le commencement de négociations de la part du gouvernement provincial ou fédéral ou des deux ensemble, si cela peut se faire. Ce que je veux dire, c'est qu'il ne faut pas attendre que le feu soit pris; il faut prévenir et agir avant que l'incendie prenne. Il faut aller négocier tout de suite si on veut avoir quelque chose dans cinq ans.

M. Marcoux: Sur cela, je pense que les membres de la commission vont probablement être convaincus de votre idée. J'essayais de savoir s'il y avait des arguments de poids qui pouvaient jouer en notre faveur.

M. Nadeau: Un argument de poids, je pense bien, c'est que le système est déjà là. Quant au pipe-line lui-même, il n'y a aucun danger écologique, si vous voulez. On ne fait qu'installer des lignes parallèles, augmenter la production, augmenter les stations de pompage, etc. Il faut peut-être augmenter un peu la capacité du port de Portland. C'est là que les dangers écologiques peuvent venir ou les peurs, si vous voulez, au point de vue de l'environnement. Je pense qu'il y a des compensations qui peuvent être de considération assez importante pour qu'on puisse trouver des arguments convaincants auprès des autorités de l'autre côté de la clôture.

M. Marcoux: J'aurais le goût de pousser plus loin cet aspect. Vous dites dans le Canada, mais, puisque vous parlez des besoins pour 1983, peut-être que la situation sera changée. Quant à savoir s'il y a des arguments de poids, disons qu'on va laisser la question en suspens.

Deuxième question. Vous parlez de la situation par rapport à l'expansion économique et vous dites que cela va dépendre des activités syndicales de désorganisation et du climat politique ou des politiques gouvernementales. Ce que je voudrais savoir, c'est si dans le passé, disons dans les dix dernières années, le syndicalisme québécois a eu des effets sur les décisions qui ont été prises, pas nécessairement par votre compagnie, dans le secteur pétrolier au Québec.

M. Nadeau: Ah oui!

M. Marcoux: Je veux dire: Le syndicalisme québécois a joué dans l'ensemble de notre société, dans le secteur de l'enseignement, etc.

M. Nadeau: Ah oui! Surtout dans le domaine de la construction. Je peux vous donner des exemples qui sont pertinents et qui nous affectent, nous autres. On est entré dans un programme d'expansion, en 1971, à peu près, qui devait nous coûter une trentaine de millions de dollars. On était en plein milieu de notre construction quand on a eu ces ralentissements voulus de la part de certains syndicats. C'était tout simplement du chantage à droite et à gauche. Pour mieux illustrer ma pensée, je dirais que j'ai posé la question, à un moment donné, à un de nos bonshommes. Je lui ai demandé: Tu vas m'illustrer cela de façon concrète pour que je puisse comprendre ce que cela veut dire.

Il me dit: Par exemple, un bon soudeur — les chiffres ne sont pas exacts — devrait souder 180 pouces par jour. Le gars de l'union, le Stewart ou je ne sais pas trop qui, passe et lorsque le gars a soudé 30 pouces, il lui dit: Arrête, fume et prends ta tasse de café, c'est fini pour la journée. C'est la productivité. C'étaient des ralentissements voulus, commandés. C'est là que je parle de la désorganisation.

Cela n'encourage pas le gars qui veut installer une usine et qui dit: Pour installer une usine dans la province de Québec, cela va me coûter 10% ou 20% de plus que si je l'installais dans une autre province où il y a de l'organisation et où il n'y a pas de troubles syndicaux. C'est cela que je veux dire par la désorganisation syndicale. Je pense que c'est important qu'on mette une certaine priorité sur la productivité des individus et qu'on commence à être fiers de ce qu'on fait comme travail, tout le monde, que ce soit le briqueteur, le soudeur, le menuisier ou, enfin, ce qu'on voudra.

M. Marcoux: Vous avez répondu à ma question. Je voulais savoir si cela avait joué dans votre secteur. Vous me dites oui, je vois que vous avez des exemples.

M. Nadeau: Oui.

M. Marcoux: Est-ce qu'il y a eu des politiques gouvernementales lors des six, sept ou huit dernières années du gouvernement?

M. Nadeau: Vous voudriez que je fasse de la politique et je ne suis pas ici pour cela.

M. Marcoux: Non, au cours des dix dernières années, je veux dire des mesures fiscales, des mesures budgétaires ou des choses comme cela qui ont eu des conséquences, ou des amendements à des lois.

M. Nadeau: Des mesures fiscales, évidemment, on se plaint toujours des taxes qu'on paie, c'est évident, mais ce n'est pas là que j'en suis de façon spécifique. Je parle surtout des conditions de travail, des relations de travail, si vous voulez au Québec dans les dernières années, qui ont été, à mon point de vue, désastreuses et qui ont dû coûter au Québec un certain nombre d'industries.

M. Marcoux: Une dernière question concernant ce...

M. Nadeau: J'ai mentionné aussi, et je pense que vous avez fait allusion à cela, une espèce de climat d'incertitude. Encore une fois, je ne fais pas de politique, mais il y a un climat d'incertitude qui existe aujourd'hui. Il faut tout de même réaliser que ceux qui projettent ou qui veulent faire des investissements regardent la rentabilité des capitaux qu'ils vont investir.

Le capital, c'est comme une espèce de fantôme, cela s'en va et cela vient et on ne sait pas pourquoi. On sait pourquoi, c'est parce que la rentabilité est meilleure à une place qu'à l'autre. Cela s'en va de même.

Je dis qu'on devrait avoir ici au moins certains éléments qui nous donnent une certaine certitude quant à l'avenir et qu'ils nous disent: Ecoutez, les gars, c'est d'accord, venez investir chez nous, parce que cela va être rentable. On ne vous changera pas les règles du jeu à mi-chemin. C'est un peu ce que je voulais dire.

M. Marcoux: Ma dernière question concerne SOQUIP. En tout cas, sauf erreur, dans votre mémoire, vous ne parlez pas comme telle de cette institution québécoise. Partant du principe que le gouvernement du Québec, dans sa nouvelle politique énergétique, décide de favoriser le développement de cette entreprise publique — il décide de le faire, de toute façon — comme le député de Jean-Talon soulevait la question, je crois, cet après-midi, qu'il y a le choix entre investir davantage dans le secteur du raffinage ou de la distribution ou dans le secteur de l'exploration, où lui conseillez-vous d'investir?

M. Nadeau: Je ne vous le conseille pas. Si vous regardez les chiffres qu'on vous a soumis et que d'autres compagnies vont ont soumis, je ne conseille pas à la compagnie d'Etat de se lancer dans le raffinage et la distribution, parce qu'actuellement, c'est un désastre et cela a été un désastre depuis déjà plusieurs années. Je veux dire que le rendement sur le capital investi n'a jamais été quelque chose à ne pas écrire à sa grand-mère.

M. Marcoux: Comme les capacités de raffinage, dans cinq...

M. Nadeau: Comme les...

M. Marcoux: ...six ou sept ans vont atteindre leur maximum, à ce moment, cela peut devenir rentable.

M. Nadeau: Elles vont atteindre leur maximum dans le Québec, mais, dans l'Est du pays, elles vont avoir encore une surcapacité, parce que vous avez Petrosar qui s'en vient en Ontario, vous avez Texaco qui s'en vient avec une raffinerie de 100 000 barils, vous avez, dans l'Est, Irving qui s'en vient avec 240 000 barils-jour, de 120 à peu près. Vous avez une raffinerie qui est fermée actuellement, qui est dans les boules à mites à Terre-Neuve, Come-by-Chance, qui est un désastre. J'espère qu'elle n'ouvrira pas tout de suite, parce que cela a été une des causes de la chute, si vous voulez, des revenus plus ou moins raisonnables dans le raffinage et dans la distribution. Si vous mettez tout cela ensemble et si vous embarquez SOQUIP par-dessus cela et qu'elle se construit une raffinerie, bonne chance! Vous allez peut-être en voir quelques-uns qui vont en fermer une autre, je ne le sais pas, mais il n'y a pas de place.

M. Marcoux: Non pas par-dessus, mais à la place d'une ou deux ou quelque chose du genre.

M. Nadeau: Comment voulez-vous que ce soit à la place, à moins qu'elle en achète une. Pensez-vous que SOQUIP...

M. Marcoux: SOQUIP nous a demandé d'ouvrir le dossier.

M. Nadeau: Je n'ai rien contre les sociétés d'Etat. Bernard Cloutier, c'est un de mes bons "chums". Il est parti.

M. Marcoux: C'est parce que SOQUIP nous a demandé d'ouvrir le dossier.

M. Nadeau: Je ne pense pas que les sociétés d'Etat puissent administrer le raffinage, la distribution de façon plus efficace que l'entreprise privée. "Let us put it this way".

Le Président (M. Laplante): M. le ministre.

M. Joron: J'ai une dernière question. Evidemment, vous cherchez les moyens de vous sortir du désastre dans lequel se trouvent les raffi-neurs et les distributeurs dans le marché de l'Est, à l'heure actuelle. Vous suggériez un peu plus tôt ou vous conseilliez au gouvernement du Québec de faire des pressions auprès du gouvernement fédéral, de façon à pouvoir, éventuellement, vous permettre à nouveau d'exporter des produits finis à l'extérieur. Tant qu'on est sous un contrôle des prix, comme le contrôle actuel, comment peut-on justifier l'idée que... Parce que ces produits finis que vous faites ici, vous les faites à partir de pétrole importé en partie, majoritairement même, subventionné. Est-ce que cela n'équivaut pas, à ce moment, à une subvention à l'exportation?

M. Nadeau: Non, parce que, vous savez, quand on exporte, on perd les subventions, automatiquement. Alors, cela n'a aucun effet sur les subventions.

M. Joron: En d'autres mots, si vous...

M. Nadeau: Quand on exporte un baril d'huile, que ce soit gazoline, distillat ou huile brute ou huile lourde, on perd automatiquement le subside. On est obligé de le rembourser au gouvernement fédéral. En plus de cela, c'est qu'il y a une taxe à l'exportation qui vient s'ajouter à tout cela, ce qui rend notre produit sur le marché exté-

rieur non compétitif avec celui qui est importé des îles, par exemple, ou d'Europe ou d'ailleurs.

M. Joron: Les marchés extérieurs auxquels vous pensez, c'est le Nord-Est américain?

M. Nadeau: Bien oui.

M. Joron: Quelle est la situation dans ce marché, le raffinage par rapport à la demande, la capacité de raffinage par rapport à la demande?

M. Nadeau: II y a une pénurie de capacité de raffinage dans ce coin.

M. Joron: Qui est comblée d'où, à l'heure actuelle?

M. Nadeau: Du golfe du Mexique, surtout. On exporte de la partie Midwest des Etats-Unis vers l'Est.

M. le Président, si vous me permettez, j'aimerais, je ne veux pas venir à la rescousse de mon confrère qui s'est présenté avant le dîner, mais la question des $2.28...

M. Garneau: Je vais vous dire...

M. Nadeau: Pour le bénéfice de la commission ou des journalistes qui y ont assisté, j'ai été un peu malheureux de la réponse que vous avez eue.

Le Président (M. Laplante): Allez-y. Cela nous intéresse.

M. Nadeau: Les $2.28, ce n'est pas un profit. C'est un revenu brut. Vous avez fait le parallèle avec la chaise que vous vendez à $100. Evidemment, ces $2.28, c'est le revenu brut après le "lifting-cost" ou le coût de production de $0.70 dont on a parlé; c'est ce qui revient à la compagnie. Cela sert à éteindre les puits secs, les "dry holes" qu'on a faits. Cela sert à faire du travail sismique pour savoir où sont les structures à creuser. Cela sert aussi à l'achat de location de terrains sur lesquels on peut faire des travaux sismiques ou faire de l'exploration. Cela sert à amortir, si vous voulez, tous les autres coûts qui viennent avec ça.

C'est faux de dire que c'est un profit pour la compagnie de pétrole, ces $2.28. En somme, il n'en reste pas beaucoup, à la fin du compte, quand on a tout réinvesti dans toutes ces affaires. Ce qui reste, c'est le "cash flow", et c'est ça qu'on investit pour trouver de nouvelles sources de pétrole ou de gaz. Comme exemple ou parallèle, une compagnie comme la nôtre — pour faire la différence entre le profit et le "cash flow" — qui n'est pas grosse, pas de l'envergure de celle qui s'est présentée devant vous tantôt, on investira, par exemple, en 1977, en capitaux, pour l'exploration, la production, le développement, le marketing et tout ça, quelque chose comme $48 millions, en chiffres ronds, si vous voulez, ou $50 millions, en chiffres ronds, et nos profits pour l'année 1976 se situent à $22 millions. C'est avant qu'on ait payé les dividendes. On est loin des $2.28 de profit net. J'espère que l'explication...

M. Garneau: Non, d'ailleurs, je suis venu de moi-même à la rescousse, parce que peut-être qu'il avait mal saisi le sens de ma question. C'est pour ça que je donnais l'exemple de la chaise. Je ne suis pas revenu ce soir, peut-être un peu parce que, au terme de la soirée, on est un peu moins agressif...

Une Voix: Vous manquez de chaises...

M. Garneau: ... et un peu plus fatigué, mais je suis content quand même que vous y reveniez, sauf que vous apportez une autre ambiguïté en voulant y répondre.

M. Nadeau: Posez...

M. Garneau: Parce que là, vous m'obligez à me réveiller pour vrai. Vous avez parlé des études sismiques, comme vous les avez appelées, les "dry holes", etc., mais vous ne m'avez pas parlé des raffineries.

M. Nadeau: Bien non, mais ce sont deux affaires séparées. Les $2.28, c'est le revenu...

M. Garneau: Parce que si vous avez remarqué, cet après-midi, peut-être qu'il y a réellement eu un dialogue de sourds. Je ne sais pas, au juste, si moi, je m'expliquais mal, et comme je n'étais pas au fait...

M. Nadeau: Séparez les deux opérations, d'abord, la production, l'exploration, le développement, qui est la partie où on extrait le brut, où on le vend, et tout ça, et l'autre partie, qui est le raffinage et la distribution. Il faut séparer ces deux éléments, définitivement. Cela, c'est le "lifting cost", qu'on appelle...

Une Voix: Je sais ça...

M. Nadeau: ... c'est-à-dire que c'est le coût direct pour extraire du sol un baril de brut.

M. Giasson: Le pompage du puits.

M. Nadeau: C'est ça.

M. Giasson: $0.70 du baril.

M. Nadeau: $0.70, et dans le Moyen-Orient, ça coûte à peu près $0.05, parce qu'il est moins profond, il y a moins de pompes, il y a plus de pression, il y a tout ce que vous voudrez. Mais dans l'Ouest canadien, en moyenne, ça coûte $0.70 le baril pour sucer un baril de pétrole du fond du trou, le monter à la surface, à la tête du puits. Là, il reste $2.28 après ça, et ces $2.28 sont un revenu brut. Avec cet argent, ces $2.28, l'industrie réinvestit, fait des trous qui sont secs, ce qu'on appelle les "dry holes". Ils creusent des trous un peu

partout et ils font des études sismiques. Il y a des géologues, des géophysiciens, des géo-ci et des géo-ça, tous ces gars font des travaux. Il faut les payer, et il faut payer aussi l'amortissement de tous ces "dry holes", parce que c'est une partie de poker, en fait, l'exploration pour le pétrole.

Nos géologues et nos géophysiciens nous disent: II y a une structure à telle place, on a fait l'étude sismique, cela a coûté tant. On a acheté le terrain ou on a loué le terrain, ils appellent cela des "leases" et cela a coûté tant. Après cela, ils disent: Peut-être qu'on a une chance parce qu'il y a une belle structure. On s'en va là, par exemple, dans le delta du Mackenzie, et on creuse un trou. Cela coûte $3,5 millions pour creuser ce trou. A un moment donné, quand on est rendu à 13 000 pieds, il n'y a rien. On a dépensé $3,5 millions juste pour creuser le trou, on a dépensé deux autres millions ou $1,25 million pour savoir qu'il y avait une structure là et qu'on arrive et que c'est de l'eau salée, par exemple. Tout cela fait partie des $2.28. C'est là que cela va. Ce n'est pas un profit net.

M. Garneau: J'étais convaincu que cela ne pouvait pas être un profit net, ni même un profit brut.

M. Nadeau: Maudit, qu'on serait riche, si c'était un profit net!

M. Garneau: J'imagine. Mais vous, est-ce que vous êtes un peu plus "gambler" que votre prédécesseur? Etes-vous prêt à nous dire quelle serait la répartition des $9.75 qui serait le plus souhaitable pour l'économie de l'industrie?

M. Nadeau: Cela dépend de ce que l'on veut dans l'avenir. Si on veut se maintenir ou se satisfaire que nos réserves s'en aillent en décroissant, $2.28 cela va satisfaire à peu près ce désir. Mais si on veut qu'on poursuive l'exploration, parce que les moyens sont tout de même limités, on ne peut qu'opérer en dedans d'un certain "cash-flow" et si le "cash-flow" n'est pas suffisant, on n'ira pas faire les explorations dans les mers de l'Arctique et dans les mers de la côte Est, dans les mers un peu partout et dans les régions frontalières, on n'aura pas les moyens de le faire. On va être obligé de se contenter de creuser des petits trous pour trouver un petit peu de gaz en Alberta, c'est moins cher. On va faire cela. Mais si, par exemple, le pays veut et cherche une espèce d'autonomie ou d'autarcie dans le domaine du pétrole et du gaz, à ce moment-là, il faudra que les compagnies de pétrole aient assez de "cash-flow" pour pouvoir aller faire cette exploration. C'est là-dessus qu'on se bat constamment contre les gouvernements provinciaux et le fédéral.

On dit: Sur $9.75, vous prenez environ $6, laissez-nous en un petit peu plus et on va faire plus d'exploration. Mais laissez-nous les moyens de le faire. Aujourd'hui, le gouvernement fédéral a institué une espèce de système par lequel il surveille les investissements et le "cash-flow" des compagnies et il nous demande des rapports suivant nos résultats, ce qu'on retire et ce qu'on investit.

On gueule toujours contre les multinationales, mais celles qui sont établies ici au Canada sont à peu près les seules qui réinvestissent leur "cashflow" strictement au Canada. Et ce sont des compagnies qui sont essentiellement canadiennes qui vont investir du "cash-flow" en mer du Nord ou en Egypte ou en Italie ou ailleurs. Mais c'est un fait.

Le Président (M. Laplante): Messieurs, les membres de cette commission vous remercient de la coopération que vous avez bien voulu leur apporter. Nous ajournons cette séance au mardi 15 février, 14 heures, avec les organismes suivants: Hydro-Québec 37M, Sauvons Montréal 70M, Texaco Canada Ltée 58M, Canadian Coalition for Nuclear 21 M, Association québécoise des professionnels de la communication scientifique 71 M, Labrecque, Bissonnette & Lemieux Ingénieurs 42M, Taillon Jean, Couture Marcel, Gauthier Jean, Théberge Ghyslain 65M. Merci.

(Fin de la séance à 22 h 21)

Document(s) associé(s) à la séance