L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission spéciale de la formation professionnelle

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission spéciale de la formation professionnelle

Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le jeudi 25 mai 1995 - Vol. 34 N° 3

Consultations particulières dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi n° 90 - Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre (titre modifié)


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions

Organisation des travaux

Auditions (suite)


Intervenants
M. Joseph Facal, président
M. Gérald Tremblay, président suppléant
Mme Louise Harel
M. Yvon Charbonneau
M. Mario Dumont
M. Michel Bourdon
Mme Lyse Leduc
Mme Monique Gagnon-Tremblay
M. Michel Côté
M. Henri-François Gautrin
M. Matthias Rioux
*M. Pierre Paquette, CSN
*M. François Lamarche, idem
*M. Gérald A. Ponton, AMQ
*M. Gaston Charland, idem
*Mme Micheline Simard, CIAFT
*Mme France Lessard, idem
*M. Michel Gadbois, ADA
*M. Pierre Legault, idem
* Mme Lise Lapointe, Association québécoise des entreprises privées de formation de la main-d'oeuvre
*M. Pierre Lefebvre, idem
*M. Julien Boucher, idem
*M. Remy Racine, idem
*Mme Renée Ouimet, idem
*M. Claude Gingras, CSD
*M. Louis Tremblay, idem
*M. Michel Fournier, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Facal): Bonjour à tous et à toutes. Comme nous avons le quorum, je vous propose de commencer tout de suite. Alors, nous ouvrons cette séance de la commission spéciale sur la formation professionnelle, dont le mandat est de procéder à des consultations particulières dans le cadre de l'étude du projet de loi 90, Loi favorisant le développement de la formation professionnelle.


Auditions

Nous recevons ce matin les responsables de la CSN. Je leur rappelle que la durée maximale de leur exposé doit être de 20 minutes et que cette période sera suivie d'un échange avec les membres de la commission d'une durée maximale de 40 minutes partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition.

Alors, cela étant dit, j'inviterais nos invités à commencer peut-être par se présenter et ensuite à entreprendre leur présentation de 20 minutes.


Confédération des syndicats nationaux (CSN)

M. Paquette (Pierre) : Alors, je suis accompagné de François Lamarche, qui est adjoint à l'exécutif de la CSN. Moi-même, c'est Pierre Paquette, secrétaire général de la CSN. Alors, notre mémoire est assez court, je vais en faire la lecture. Je crois que ça va entrer tout à fait dans le temps que vous nous avez donné.

Alors, nous sommes très heureux de participer à cette commission parlementaire spéciale sur la formation professionnelle. Déjà en 1982, la Commission Jean sur la formation des adultes, instituée par le gouvernement du Québec, recommandait l'adoption de mesures législatives visant à spécifier les obligations des employeurs en matière de formation. La CSN avait participé activement aux travaux de cette Commission et, à de nombreuses occasions, nous avons insisté auprès du gouvernement pour qu'il donne suite à cette recommandation. Treize ans plus tard, le projet de loi 90 déposé à l'Assemblée nationale va enfin dans cette direction, et nous ne pouvons qu'applaudir à cette initiative.

La CSN représente près de 245 000 salariés oeuvrant dans tous les secteurs d'activité et habitant dans toutes les régions du Québec. Depuis le début des années quatre-vingt, nos membres ont été durement touchés par l'intensification de la concurrence et la restructuration de plusieurs secteurs de l'économie. La crise des finances publiques a accentué l'effet déstabilisant de ces bouleversements.

Pour faire face à cette conjoncture, la CSN a préconisé notamment une nouvelle organisation du travail plus efficiente, fondée sur une réelle mise en valeur des ressources humaines, c'est-à-dire sur un contrôle accru, par les salariés, de leur travail, donc sur une gestion moins hiérarchique, plus démocratique des entreprises et des établissements. Il va sans dire qu'une telle approche a contribué à mettre au centre de nos préoccupations l'accès à la formation continue pour les salariés. La question est particulièrement d'actualité dans le secteur public.

Il y a consensus aujourd'hui pour considérer les questions relatives à l'éducation et à la formation au centre de la problématique du développement. D'autant plus que, dans un contexte d'essor scientifique et de renouvellement accéléré des technologies, aucune formation m'apparaît définitive et finale.

Dans cette optique, il est évidemment essentiel d'investir collectivement dans la formation initiale des jeunes, afin qu'ils puissent être en mesure d'évoluer dans un monde complexe, changeant et de plus en plus exigeant. Cette question est d'ailleurs au centre des états généraux de l'éducation auxquels la CSN et ses composantes comptent participer activement.

Mais il est aussi essentiel que des efforts importants soient consentis afin d'assurer une formation appropriée aux personnes déjà engagées sur le marché du travail, car c'est en bonne partie sur celles-ci que repose la responsabilité de répondre, à brève échéance, aux nouvelles exigences en matière de qualifications ou de compétences au travail, d'où l'importance d'un accès continu à la formation pour les travailleuses et les travailleurs.

Actuellement, les salariés qui s'engagent dans une voie de formation professionnelle le font trop souvent sans soutien réel de leur milieu de travail. Malgré les avantages reconnus, les employeurs hésitent encore à investir dans la formation de leur personnel ou, lorsqu'ils le font, ils ont tendance à privilégier une formation pointue, non reconnue et non transférable sur le marché du travail.

Selon une enquête réalisée par l'ex-ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, 83,5 % des dirigeants d'entreprises québécoises interrogés considèrent avoir la responsabilité d'assurer le perfectionnement de leur personnel. Toutefois, 26 % d'entre eux n'offrent aucune activité de formation à leurs employés et 20,8 % n'assurent qu'une formation sur le tas ou un entraînement sur les postes de travail. C'est dire que 46,8 % des entreprises québécoises n'offrent aucune formation structurée.

Dans l'ensemble des entreprises étudiées lors de cette enquête, 27 % des employés reçoivent de l'entraînement au travail et seulement 14 % de la formation structurée.

Ces résultats révèlent une situation inacceptable qui traduit le retard du Québec dans l'accessibilité à la formation pour sa main-d'oeuvre. Selon le Centre canadien du marché du travail et de la productivité, le Québec arrive au dernier rang des provinces canadiennes en ce qui a trait aux entreprises déclarant donner de la formation structurée ou non structurée.

La formation en cours d'emploi est devenue un enjeu trop important pour qu'elle dépende du bon vouloir ou des craintes des employeurs. Ceux-ci doivent comprendre que les dépenses de formation sont en fait des investissements qui contribuent à la viabilité des entreprises comme au développement du Québec. Au lieu de s'opposer de façon primaire à l'actuel projet de loi en brandissant les épouvantails éculés de l'interventionnisme étatique, les associations patronales devraient en appeler à la responsabilisation de leurs membres et contribuer en pratique au développement d'une culture de la formation continue sur les lieux de travail.

(10 h 20)

Après tout, dans le projet de loi en discussion, il n'est question de prélever 1 % de la masse salariale que si l'entreprise ou l'établissement ne consent pas un effort correspondant en matière de formation. Pour nous, il s'agit là d'un strict minimum. En effet, les efforts à faire pour favoriser un réel accès à la formation sur les lieux de travail sont considérables. L'obligation d'y consacrer 1 % de la masse salariale pour les entreprises et les établissements devrait être présentée comme un seuil minimal dans le projet de loi, à l'article 3. La Commission Jean, au début des années quatre-vingt, préconisait d'aller jusqu'à 1,5 % de la masse salariale pour la formation. Dans les positions votées par nos instances, la CSN revendique 2 % de la masse salariale pour la formation. Certaines entreprises, actuellement, investissent au-delà de 1 % de leur masse salariale. Il ne faudrait, en aucun cas, que cette norme serve de prétexte pour limiter les efforts des employeurs en matière de formation.

Par ailleurs, nous sommes heureux que le projet de loi lie les secteurs public et parapublic. Avec les réorganisations en discussion au sein des ministères et des services publics, l'accès au perfectionnement et au recyclage devient primordial pour les salariés concernés. Toutefois, compte tenu des politiques budgétaires actuelles, nous tenons à exprimer notre vive inquiétude sur le financement de la mesure du 1 % dans les cas où elle signifierait de nouveaux déboursés pour les établissements. Il serait tout à fait absurde qu'une telle mesure soit financée par une diminution du personnel ou des services publics. Nous osons croire que le gouvernement appliquera pour lui-même le principe qu'il avance dans le projet de loi 90 et injectera de l'argent neuf là où la situation l'exige.

Nous croyons, à la CSN, que la formation dispensée en milieu de travail ne doit pas se limiter au strict entraînement sur les postes de travail. Il faut que les salariés aient aussi accès à une formation qualifiante, reconnue et transférable sur le marché du travail. Ceci nous apparaît essentiel pour accroître réellement le niveau de qualification de la main-d'oeuvre et pour permettre aux travailleuses et aux travailleurs de faire face aux changements dans leurs secteurs d'activité.

Dans la même optique, nous croyons que les ressources dégagées en vertu de la loi en discussion devraient pouvoir être utilisées pour des programmes de formation de base destinés aux travailleuses et aux travailleurs. On connaît par exemple l'importance des besoins en matière d'alphabétisation. Il faut être en mesure d'y répondre adéquatement, à défaut de quoi c'est l'accessibilité et la maîtrise des nouvelles techniques qui seront compromises.

Toujours dans cette veine, il nous apparaît important, chaque fois que c'est possible, de recourir aux ressources des institutions publiques d'enseignement, y compris pour la formation sur mesure sur les lieux de travail. En plus de représenter le principal regroupement d'expertises en matière d'enseignement professionnel, technique et d'éducation des adultes, les institutions publiques sont les plus habilitées à assurer une formation reconnue et transférable sur le marché du travail.

Ceci dit, nous sommes en accord avec le pouvoir de réglementation dévolu à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre pour l'établissement des dépenses de formation admissibles – l'article 5. D'ailleurs, la CSN a déjà déploré le peu de pouvoir laissé à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre en vertu de sa loi constitutive. Toutefois, en concordance avec le discours du budget du ministre des Finances qui maintient le crédit d'impôt à l'égard des stagiaires et des apprentis, il doit être sans équivoque que les dépenses de formation admissibles sont faites au bénéfice du personnel de l'entreprise ou de l'établissement concerné.

Par ailleurs, nous jugeons le projet de loi trop timide en ce qui a trait au rôle des salariés et de leur syndicat, le cas échéant, dans l'élaboration d'un plan local de formation. Si l'on admet que la concertation entre les parties est souhaitable pour le succès des changements à opérer, il faut aussi admettre que ce principe est applicable à tous les paliers de décision et d'action. À notre avis, le projet de loi doit traduire ce principe et, comme c'est le cas dans les comités d'adaptation de la main-d'oeuvre, reconnaître, notamment à l'article 6, troisième alinéa, qu'un plan local de formation doit être discuté et agréé par un comité paritaire créé au sein de l'entreprise ou de l'établissement. En plus de faciliter l'adhésion au plan de formation, une telle disposition favoriserait une plus grande équité dans l'accès aux ressources entre les catégories de salariés. D'ailleurs, un certain nombre de conventions collectives prévoient maintenant la mise en place d'un comité conjoint de formation; là-dessus, je dois dire qu'une enquête interne, qu'on vient de terminer à la CSN, nous montre que 43 % de nos syndicats ont, dans leur convention collective, ce comité conjoint, mais particulièrement, il faut le dire, dans le secteur public, relativement moins dans le secteur privé.

De plus, nous sommes d'avis que les versements effectués par l'employeur à une association sectorielle et régionale, à un comité paritaire ou à tout autre organisme reconnu ne soient admis comme dépenses au bénéfice du personnel que s'ils sont agréés par le comité conjoint de formation. Nous croyons que cette condition offre plus de garanties pour que de tels versements soient effectués dans l'intérêt des salariés de l'entreprise ou de l'établissement.

Toutefois, nous nous opposons avec vigueur à ce que l'amortissement des dépenses d'équipement soit admis à titre de dépenses de formation, même si ces équipements sont utilisés à des fins de formation – l'article 9. À notre avis, une telle disposition ne répond à aucune logique, puisque, règle générale, ce sont les changements technologiques qui commandent les besoins de formation et non l'inverse. Par exemple, il nous apparaît abusif qu'un employeur puisse calculer dans ses dépenses de formation les frais d'amortissement de l'équipement informatique, du seul fait que leur utilisation requiert de la formation. Nous croyons que cette disposition peut conduire à toutes sortes d'abus et atténuer grandement la portée du projet de loi. C'est pourquoi nous demandons qu'elle soit retirée.

Autres dispositions. Nous sommes évidemment en accord pour que l'administration du Fonds national de formation professionnelle soit confiée à la SQDM. Une telle responsabilité s'imbrique tout à fait dans les champs de compétence et dans la juridiction de la Société. Et, pour assurer que le Fonds réponde bien aux besoins dans les différents milieux, nous souhaitons que les sociétés régionales soient étroitement associées à l'élaboration du plan d'affectation des ressources du Fonds national.

Cependant, nous manifestons des réserves vis-à-vis de la disposition permettant à la SQDM de défrayer, à même le Fonds, ses salariés affectés à l'application de la présente loi – l'article 27. À notre avis, cette loi amène de l'eau au moulin et alimente pratiquement la mission de la SQDM, de sorte qu'il relève de facto de la responsabilité et des moyens de la Société d'en assurer l'application. Dans l'actuel contexte de crise budgétaire, nous voulons éviter tout risque que des ressources générées par l'application de la présente loi soient détournées pour financer le fonctionnement de la SQDM ou de tout autre organisme. Il doit être définitivement admis que ces nouvelles ressources doivent être consacrées essentiellement à la formation des salariés.

Dernière remarque concernant les dispositions finales. Il est stipulé que la participation des employeurs à la formation professionnelle est applicable à compter de l'année 1996 – l'article 59. Il devrait être précisé que cette disposition ne peut d'aucune manière être évoquée dans le cas du litige concernant le fonds de formation institué en 1990 dans l'industrie de la construction, fonds auquel les employeurs sont déjà tenus de cotiser.

Donc, en résumé, la CSN applaudit au dépôt du projet de loi favorisant le développement de la formation professionnelle. Compte tenu du retard du Québec dans la formation de sa main-d'oeuvre, il est grand temps qu'une mesure législative vienne spécifier les obligations des employeurs en matière de formation professionnelle.

Les efforts à faire dans ce domaine sont considérables, et l'obligation pour les entreprises ou les établissements de consacrer 1 % de leur masse salariale à la formation de leurs salariés doit être considérée comme un strict minimum. Il faut viser à ce que cette formation ne se limite pas à un simple entraînement sur les postes de travail. Elle doit pouvoir répondre aux besoins des travailleuses et des travailleurs en connaissances de base et aussi donner accès à des qualifications reconnues et transférables sur le marché du travail.

La CSN juge que le projet de loi est trop timide en ce qui a trait au rôle des salariés et de leur syndicat, le cas échéant, dans l'élaboration du plan local de formation. Le projet de loi doit s'inspirer du principe de fonctionnement des comités d'adaptation de la main-d'oeuvre et reconnaître qu'un plan local de formation doit être discuté et agréé par un comité paritaire créé au sein de l'entreprise ou de l'établissement. C'est là un bon moyen d'assurer que les dépenses admises aux fins de formation soient réellement effectuées au bénéfice des salariés.

Dans cette optique, la CSN s'oppose à une disposition du projet de loi qui permet d'inclure dans les dépenses de formation les frais d'amortissement des équipements qui sont utilisés à des fins de formation. Nous croyons que cette disposition peut conduire à de nombreux abus et réduire considérablement la portée du projet de loi. Nous demandons qu'elle soit retirée.

De même, la CSN manifeste des réserves vis-à-vis de la disposition du projet de loi permettant à la SQDM de défrayer, à même le Fonds national de formation professionnelle, ses salariés affectés à l'application de ladite loi.

Pour la CSN, il doit être définitivement admis que les ressources générées par l'application du 1 % doivent être utilisées essentiellement à la formation des salariés. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup, M. Paquette. Alors, nous débutons la période des échanges. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Alors, merci, M. Paquette, M. Lamarche. Votre expertise à tous deux en matière de formation reliée à l'emploi mais aussi en matière de politique de l'emploi est connue et appréciée.

(10 h 30)

J'aimerais bien, immédiatement, en entrée de jeu, reprendre avec vous les résumés qu'on retrouve aux pages 10 et 11. Dans le peu de temps qui nous est alloué, je crois qu'il serait souhaitable d'échanger sur les différents aspects que vous introduisez. Bon, d'une part, je prends acte, et je m'en réjouis, que vous êtes satisfaits, en fait, du principe du projet de loi, là. Il y a des modalités sur lesquelles vous souhaiteriez des modifications. Mais non seulement vous êtes satisfaits, mais je crois comprendre que je dois vous mettre aussi parmi ceux qui se réjouissent qu'enfin le Québec décide d'agir dans ce domaine.

Et je vous remercie, là, d'avoir rappelé à notre mémoire les enquêtes assez récentes. En fait, vous citez 1993 en ce qui concerne le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu. Alors, je ferai parvenir aux membres de la commission, dès nos travaux cet après-midi, si c'est possible, ou dès la semaine prochaine, l'étude complète dont vous citez quelques extraits qui nous permettent bien de constater à quel point il y a du rattrapage à faire, parce que c'est de rattrapage dont il est question quand on pense que, actuellement, selon cette étude-là citée, en 1993, 26 % des entreprises québécoises interrogées n'offrent aucune activité de formation à leurs employés, que 20 % n'assurent qu'une formation sur le tas ou un entraînement sur les postes de travail et que presque 50 % n'offrent aucune formation structurée.

Bon, alors, reprenons, si vous le voulez bien, là, chacun des éléments sur lesquels, plus précisément, vous attirez notre attention ce matin. D'une part, vous avez raison, dans le projet de loi, il va être utile, je crois, pour la compréhension de tous, là, d'y amener une modification à l'effet que c'est au moins 1 %. Vous allez me dire: Ça ne change rien quant à l'obligation que cela soit au moins 1 %, mais ça indique bien l'intention du législateur et, je pense, une intention plus large de bon nombre de gens, c'est que ça soit considéré comme un plancher et pas un plafond, d'une part. Je pense que plusieurs intervenants avant vous nous l'ont signalé également.

D'autre part, il y a une sorte de clarification à faire qui peut-être peut s'exprimer très simplement de la façon suivante. C'est que c'est de l'argent, d'une certaine façon, privé, là. Ce n'est pas de l'argent prélevé à partir d'une taxe ou d'un impôt. Ce n'est pas comme la CSST non plus. Même si la CSST est entièrement financée par une cotisation d'employeurs, les employeurs doivent la verser. Ils ne peuvent pas décider de la dépenser. En d'autres termes, c'est une philosophie complètement différente, là, que celle de la santé et sécurité et de la CSST, parce que l'employeur ne peut pas garder l'équivalent de ce qu'il verse à la CSST en disant: Je vais faire moi-même de la prévention et je vais m'acquitter moi-même de ma responsabilité en matière de santé et sécurité. Alors, il doit verser une cotisation qui lui est prélevée automatiquement. À l'inverse, ici, ce dont il s'agit, c'est d'une dépense. Vous l'avez bien dit, c'est un investissement. Alors, cette dépense, l'employeur la fait en fonction de ce qui est considéré comme prioritaire pour le développement de son entreprise. Et je dois vous dire que j'ai fait, moi, bien attention, dans l'élaboration du projet de loi, pour que ça continue d'être considéré comme, si vous voulez, de l'argent privé. Privé, signifiant, évidemment, travailleurs, employeurs, parce que c'est d'eux qu'il s'agit. L'entreprise, c'est les deux composantes, n'est-ce pas, qui la constituent.

Donc, il ne s'agit pas de décider, nous, au gouvernement, comment ça va être dépensé, mais, à l'inverse, je ne pense pas, non plus, qu'il faille que l'argent du public ou l'argent des impôts, l'argent, si vous voulez, de ce qui est prélevé chaque année, n'est-ce pas – puisqu'on est dans ces mois de rapport d'impôts – il ne faudrait pas, non plus, penser que c'est cet argent-là qui va devoir être utilisé pour administrer ces fonds-là.

Alors, par exemple, quand vous nous dites, notamment, dans votre mémoire, que ceux des employés de la SQDM qui seront affectés à l'administration d'un fonds éventuel, que l'on espère, finalement, le plus à sec possible... Mais ceux d'entre eux qui le seront, affectés, je ne pense pas qu'il y a intérêt à penser que c'est à l'État de financer ça, c'est-à-dire à l'ensemble des citoyens. Parce que c'est un fonds qui est essentiellement constitué d'argent privé, sur lequel les partenaires du marché du travail auront seuls un mot à dire. Je ne pense pas qu'il n'y aura jamais, de la part du gouvernement, aucune prétention à décider quel usage doit être fait du fonds. Ceci étant dit, tantôt, j'aimerais bien entendre votre point de vue là-dessus; je vous ai exprimé le mien.

D'autre part, tout de suite aussi vous indiquer qu'il y a peut-être une confusion qui a pu s'installer dans la notion d'équipement. Jamais il n'est question d'équipement de production. Et je pense qu'il faut être très clair, parce que l'équipement dont il est question, c'est à des fins exclusives de formation. Alors, s'il y a besoin que cela soit précisé, cela le sera. Mais, l'équipement dont il est question, c'est vraiment l'utilisation d'équipement de formation.

D'autre part, il y a une question de fond – vous y revenez avec raison – le plan local de formation. J'aime beaucoup le qualificatif que vous y introduisez qui est «local» et je pense qu'on va devoir l'introduire, nous aussi, parce que je me rends compte qu'il a pu y avoir un malentendu, étant donné qu'on parle de plans de formation agréés pour les fins de mutualiser des fonds. Alors, ces plans de formation agréés le sont, finalement, par la SQDM. Parce qu'on mutualise des fonds, on permet à des organismes de prélever des fonds, on leur permet, finalement, d'être le réceptacle où les entreprises vont pouvoir verser les fonds. Ça, c'est l'article 8. Tandis que, ça, il faut qu'il y ait une certaine validation, à défaut de quoi on ne veut pas non plus discréditer toute cette mesure en plans qui seraient un peu frimés pour les fins, si vous voulez, de s'acquitter de l'obligation de verser sans que cela soit satisfaisant.

Alors, les plans de formation, je pense qu'il faut garder cette appellation pour ceux des plans qui le seront par des organismes prévus à l'article 8: associations sectorielles, comités paritaires, ça pourrait être une corporation de développement économique et communautaire, ça pourrait même être une chambre de commerce, l'idée étant que le plan de formation, lui, devra être validé. Et vous avez raison de dire qu'il faudrait appeler ça un plan local. Et le plan local, lui, dans la mesure où il est agréé conjointement, il n'a pas besoin d'être validé. Ça, je pense qu'il faut être clair là-dessus et je pense qu'on devra l'être en trouvant un libellé qui le dira clairement dans le projet de loi. Le plan local, justement, il est introduit pour permettre que cela se fasse comme ça nous a été demandé, sous forme de formation sur le tas, mais ce le sera parce que c'est agréé par les travailleurs et l'employeur. Donc, cet agrément-là, c'est ça qu'il faut convenir que ça se fasse conjointement, mais ça n'a plus besoin d'être validé autrement.

Mais on revient à la vraie question de fond, qui est celle de la formation qualifiante. Bon. Parce que la formation peut être structurée sans être qualifiante. C'est le cas présentement avec le crédit d'impôt. Elle est structurée, elle est même enrégimentée, n'est-ce pas, et pourtant elle n'est pas toujours qualifiante parce que la qualification, dans notre société, c'est uniquement l'éducation, au sens des institutions d'intérêt public, qui peut l'octroyer. C'est comme un monopole, finalement, qui leur est attribué. Et cette qualification, actuellement, au moment où on se parle, la formation structurée, par exemple, qui est admissible aux fins du crédit d'impôt par les firmes privées, c'est une formation structurée mais qui n'est pas qualifiante.

Alors, comment arriver à une formation qualifiante tout en reconnaissant que la formation sur le tas est souhaitée, je pense, dans les milieux de travail, autant par les travailleurs que par les employeurs? Alors, cette formation sur le tas, comment arriver à ce qu'elle soit un peu plus visible, formalisée? C'est donc par le plan local de formation. Comment arriver à ce qu'elle soit qualifiante? Ça, je pense que c'est un processus sur lequel on ne peut pas légiférer péremptoirement à travers le Québec tout entier.

Il y a une dynamique aussi dans un milieu de travail, et c'est en mettant un pas devant l'autre, évidemment, qu'on peut avancer, et en souhaitant que, d'un plan local de formation, on puisse cheminer vers de la formation souhaitée, de part et d'autre, de plus en plus qualifiante. Je ne sais pas si c'est la même vision que vous partagez, mais j'aimerais bien vous entendre là-dessus.

(10 h 40)

M. Paquette (Pierre): Bien, d'abord, sur la question du au moins 1 %, c'était tout à fait l'esprit de notre proposition. Je suis content de voir que ça va être corrigé pour que le signal soit très clair qu'effectivement on veut développer une culture de la formation continue, de la formation professionnelle. Nous, l'approche qu'on a avancée – d'ailleurs, vous avez pu voir que le mémoire est quand même assez sommaire – nous, ce qu'on veut, c'est que l'équivalent de 1 %, au moins 1 % de la masse salariale soit essentiellement utilisé pour la formation des salariés.

Alors, on a un peu d'inquiétude, avec, entre autres, les deux mesures qui sont annoncées, de voir des fonds détournés, si on veut, soit pour l'amortissement des machines. Et, dans le libellé, je dirais, nous, ce qui nous a un peu inquiétés, disons, par exemple, qu'on achète un équipement informatique, on donne 60 heures de formation, alors, d'après ce que j'ai lu, la façon dont j'ai lu ça, les 60 heures de formation, fois tant de personnes, pourraient être considérées comme étant une utilisation en termes de formation et elles pourraient être comptabilisées dans le 1 %.

Alors, si c'est des équipements qui sont strictement pour la formation, je pense qu'on ne coupera pas les cheveux en quatre, mais on ne voudrait pas qu'à travers une mesure qui est assez large, probablement bien reçue des entreprises, finalement, on détourne la vocation de la loi.

Et justement, dans les suites de votre intervention, si la SQDM a à réglementer l'utilisation des fonds, on dit: Pourquoi retrouver ça dans le projet de loi? Que la SQDM, à partir des réalités sectorielles, des réalités régionales, des réalités locales, détermine un certain nombre de conditions. Et aussi, au niveau local, on est tout à fait d'accord avec l'approche que les partenaires dans l'entreprise sont suffisamment matures pour être capables de déterminer l'utilisation du au moins 1 % en termes de formation.

Alors, on ne veut pas avoir une loi qui prévoie toutes les situations mur à mur. On veut une loi qui responsabilise les partenaires aussi bien au niveau de la SQDM que de l'entreprise et, dans ce sens-là, on trouve que c'est peut-être un petit peu trop précis comme annonce, entre autres la question de la possibilité d'amortir les équipements utilisés à des fins de formation.

Sur la question de la SQDM et de l'utilisation du fonds national, nous, on a toujours compris que c'était la vocation de la SQDM de justement s'assurer que la formation professionnelle s'effectue dans l'ensemble du Québec. Alors, on dit: La SQDM a été créée pour ça. Alors, s'il faut prélever de l'argent sur le fonds national, il y a un petit peu, là, un problème pour nous sur la vocation d'origine de la SQDM. Et on sait, il y a beaucoup de critiques qui sont faites, je pense, et elles sont partagées en partie par le gouvernement, que la SQDM, c'est une grosse machine, et je pense qu'on pourrait leur demander, dans le cadre des efforts qui sont demandés à l'ensemble du secteur public, d'intégrer cette mission-là dans l'ensemble de leur fonctionnement.

Dernière chose que je voudrais dire, c'est que, si on pense, si on partage l'idée que c'est les partenaires qui sont les mieux placés pour choisir la façon d'utiliser le au moins 1 %, il me semble qu'on devrait, dans le projet de loi, favoriser la création de comités paritaires au niveau local, que ce soit mentionné. Là où il y a un syndicat, c'est plus facile. Là où il n'y aura pas de syndicat, il y a des mécanismes qui existent déjà. D'ailleurs, c'est utilisé au niveau de la santé et de la sécurité au travail. Je ne sais pas si François, peut-être...

M. Lamarche (François): Juste une remarque sur une question que vous avez soulevée, Mme la ministre, touchant la nécessité de favoriser ou d'aller dans le sens d'une formation qualifiante, y compris pour celle qui est un entraînement sur les postes de travail. Évidemment, on est en accord avec ça, mais on pense qu'une des meilleures garanties pour faire en sorte que la formation donnée sur le lieu de travail, y compris la formation sur mesure, soit une formation qui soit reconnue sur le marché du travail, il faut favoriser au maximum le recours aux institutions publiques d'enseignement.

Et on sait qu'il y a des débats en cours à l'intérieur du milieu de l'éducation pour faire en sorte que les institutions d'enseignement puissent s'adapter à ces nouvelles réalités, aux nouveaux besoins du marché du travail. Il est question notamment de développer des unités d'éducation continue qui peuvent être autant de garanties que la formation, y compris la formation sur mesure, soit reconnue.

Il y a un aspect qu'on ne soulève pas dans notre mémoire et sur lequel, puisque la question est soulevée, je voudrais attirer l'attention, c'est aussi la nécessité de développer la reconnaissance des acquis. Parce qu'il est difficile de parler d'une formation qualifiante sur les lieux de travail si, en même temps, on n'avance pas de façon assez substantielle et opérationnelle sur la question de la reconnaissance des acquis, reconnaître les acquis «expérientiels» sur les lieux de travail. Et ça, à mon avis, c'est aussi une urgence qui interpelle le secteur de l'éducation.

Mme Harel: Vous avez tout à fait raison parce que c'est évident que seules les institutions publiques d'enseignement peuvent garantir cette transférabilité des apprentissages qui peuvent être reconnus. Et la question, c'est de savoir comment on y arrive. Vous savez que, au moment même où se déroulent nos travaux, il y a également les états généraux de l'éducation, et je sais que ce sera un débat extrêmement important à l'occasion de ces états généraux. Cependant, il ne faut jamais perdre de vue que le au moins 1 %, c'est de l'argent, je dirais, pour qu'on puisse le distinguer des impôts ou d'une taxe, à caractère privé. Et on ne peut pas, je pense, moi, en tout cas, comme législateurs, décider que, par exemple, l'entreprise doit obligatoirement ne le dépenser que dans le cadre d'un contrat ou d'une entente avec une institution d'enseignement.

Donc, c'est l'ouverture qui est faite, la variété est là, la souplesse est là, la gamme, là, de choix, l'éventail est quand même très, très large, là, et ça pourrait être autant par une firme répertoriée que par une institution d'enseignement publique ou privée, ou par un plan local de formation agréé par les parties, ça, j'en conviens aussi. Donc, il y a là une diversité, n'est-ce pas, très grande, là, et je ne vois pas comment on pourrait autrement agir que d'inciter le milieu de l'éducation à être proactif, là, dans cette dynamique, parce que lui peut qualifier, ce que personne d'autre ne peut faire, et donc d'offrir cette qualification-là en étant proactif auprès des entreprises, auprès des employeurs et auprès des milieux de travailleurs et des milieux syndicaux. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Lamarche (François) : Oui, c'est évident que la question qu'on soulève interpelle le milieu de l'éducation, je parle du système public. On parle d'un secrétariat à la concertation, et il est aussi dans les responsabilités du gouvernement ou du ministère d'assurer que le système public d'éducation soit en mesure de répondre aux besoins qu'on soulève par rapport au développement d'une formation qualifiante sur les lieux de travail. On parle d'une préoccupation qui est soulevée, qu'on soulève à tout le moins dans notre mémoire, qui interpelle les politiques gouvernementales.

On peut admettre aussi qu'il y a un éventail de ressources dans le domaine de l'éducation. Dans certains cas, y compris sur les lieux de travail, il y a des formations qui peuvent être données, qui peuvent être assumées à l'intérieur d'une expertise développée à l'intérieur des entreprises. On ne veut pas nécessairement développer des automatismes, mais on souligne une préoccupation qui interpelle le système public d'éducation. Évidemment, dans le cadre des états généraux, c'est des questions qu'on va soulever et des préoccupations qu'on va véhiculer.

Mme Harel: Alors...

M. Lamarche (François): Si vous permettez, je vais revenir sur la question...

Mme Harel: Oui. Parce qu'il y a une dernière question, en tout cas, sur laquelle j'aimerais beaucoup que l'on échange, c'est celle du secteur public et de l'effort qui sera demandé au secteur public également. Mais vous voulez terminer sur...

M. Lamarche (François): Je veux juste soulever, sur la question des équipements, peut-être qu'on fait une lecture trop susceptible, disons, de l'article du projet de loi, mais vous admettrez avec moi que, dans le cadre des consultations qui ont été faites pour la préparation du projet de loi, il y a énormément d'affirmations qui ont été dites touchant l'amortissement des équipements utilisés à des fins de formation, et il me semble qu'il y a une profonde ambiguïté dans la disposition telle qu'elle est libellée à l'article 9.

Mme Harel: Alors, je vous remercie pour ces commentaires. Vous avez abordé, et je pense qu'il est souhaitable de le faire, et vous êtes les premiers qui abordez avec la commission l'effort qui est maintenant réclamé des employeurs du secteur public en matière de formation de leur personnel. Alors, évidemment, l'impact nous permet de comprendre que, dans les réseaux... Et on a fait faire des études sur l'impact de l'obligation des employeurs à contribuer à la formation. On se rend compte que les réseaux en général, en tout cas sans exception, je crois, là, dépassent le 1 %, mais c'est par réseau. Alors, il n'y a pas, non plus, de visibilité pour ceux des personnels qui se demandent où ça a été, finalement, ces montants-là.

Dans la loi, ce qui est prévu, c'est que les employeurs, qu'ils soient publics ou privés, sont assujettis, finalement, aux mêmes obligations, c'est-à-dire donc calendrier d'implantation, calendrier qui, comme vous le savez, débute au 1er janvier 1996 et qui va se poursuivre durant trois ans, et qui, à terme, va demander à tout employeur dont la masse salariale dépasse un quart de million de dollars de s'acquitter de l'obligation. Alors, par exemple, dans les municipalités, on a fait faire le décompte, c'est un total de 196 municipalités sur 1 474 qui, donc, auront à s'acquitter de l'obligation. Dans les réseaux, ce qui est nouveau, c'est évident que c'est par employeur. C'est, par exemple, l'hôpital de Gaspé qui aura à s'acquitter de l'obligation en regard finalement d'un personnel qui pourra peut-être prendre le bénéfice des installations du cégep de Gaspé ou de la polyvalente de Gaspé. Et il faut comprendre que ce n'est pas nécessairement un effort budgétaire plus grand, parce que je dois vous dire que, vérification faite, c'est un effort qui est supérieur à 1 %, habituellement. Mais là, ce qui est nouveau, c'est que c'est chaque employeur qui aura à s'acquitter de cette obligation, et il y aura donc une meilleure prise des personnels sur la question de la formation.

(10 h 50)

M. Paquette (Pierre): Nous, on avait bien compris que, localement, il y aurait l'application du au moins 1 %, mais on voulait s'assurer que ce ne soient pas des contraintes supplémentaires, en particulier dans le cadre de la politique des enveloppes fermées cette année, puis des compressions qui ont été annoncées pour les années à venir. Alors, il faudrait, je pense, s'assurer qu'il y a une répartition équitable des montants qui sont prévus déjà.

Par exemple, dans le réseau des affaires sociales, c'est 5 000 000 $, à ma connaissance, qui est prévu dans le cadre de la convention collective. Alors, il faudrait peut-être que le montant soit bonifié, puis réparti de façon à s'assurer qu'il n'y ait pas de coupure de services ou de coupure de personnel à cause de l'application de la loi 90. Alors, c'est cette préoccupation-là, puis on mentionne bien que c'est là où la situation le nécessite. Moi, je viens du secteur collégial. Il y a déjà une tradition assez grande de formation continue. Je pense que les budgets sont là déjà.

Le Président (M. Facal): Merci, M. Paquette. Alors, le temps du groupe ministériel est écoulé. Alors, au tour de l'opposition maintenant. M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Merci, M. le Président. Je voudrais à mon tour remercier la CSN de sa contribution qui nous montre une fois de plus l'importance que cette organisation accorde au développement des ressources humaines et à des mesures innovatrices de ce côté-là. La CSN salue l'initiative de la ministre, d'une part, et, d'autre part, formule des questions substantielles et des réserves considérables sur plusieurs aspects du projet de loi qui finalement feront la vie de ce projet de loi dans le concret, dans le quotidien.

Je voudrais revenir sur quelques aspects et obtenir vos réactions aux commentaires que je vais faire. Hier, nous avons reçu une organisation, la Fédération des cégeps, qui regroupe des établissements que vous connaissez bien, et la Fédération des cégeps exprimait le désir que le Fonds proposé par la ministre, si jamais il y a de l'argent qui s'y rend, puisse servir à la formation des jeunes et non seulement à des travailleurs en emploi. Comment réagissez-vous à ce désir exprimé par la Fédération des cégeps?

M. Paquette (Pierre): Nous, on n'aurait pas d'objection à ce que le Fonds national serve en partie pour la formation de base, mais je pense qu'on vise les gens qui sont sur le marché du travail. Ça peut être des jeunes. On sait qu'il y a déjà une bonne proportion de jeunes qui sont sur le marché du travail, avec des problèmes de qualification. Qu'on cible ça comme étant une priorité peut-être dans les suites du forum national qui s'en vient, je n'ai pas de problème, mais qu'on utilise l'argent du Fonds national pour le réseau collégial régulier, je pense que là carrément ce serait détourner l'objectif de la loi.

M. Charbonneau (Bourassa): Donc, vous, vous voyez l'utilisation de cet argent pour des travailleurs en emploi. Évidemment, il s'en trouve des plus âgés...

M. Paquette (Pierre): Exactement.

M. Charbonneau (Bourassa): ...et des plus jeunes, mais à partir du moment où ils ont un emploi d'abord.

M. Paquette (Pierre): Oui. Puis, comme vous le savez, il y a déjà maintenant... Près des deux tiers des gens qui sont en emploi vont l'être dans 10 ou 15 ans. Alors, on ne peut pas compter simplement sur le renouvellement de la main-d'oeuvre, l'entrée de nouveaux travailleurs et travailleuses pour relever le niveau de qualification. Il faut relever le niveau de qualification des gens qui sont déjà sur le marché du travail.

M. Charbonneau (Bourassa): Êtes-vous d'accord, par conséquent, avec l'article 5 du projet de loi, qui prévoit que les dépenses puissent être faites pour les stagiaires et les apprentis qui sont, évidemment, des gens qui n'ont pas encore d'emploi? Par définition, un stagiaire est quelqu'un qui se cherche un emploi.

M. Paquette (Pierre): Justement, avec la même préoccupation, nous, on serait plutôt défavorables que, dans le 1 %, on inclue la question des stagiaires et des apprentis parce que, justement, ce ne sont pas des gens qui sont déjà sur le marché du travail. Ceci dit, on le mentionne dans le mémoire, le crédit d'impôt prévu au budget, qui existait et qui a été maintenu, entre autres, pour ces catégories d'étudiants... On n'a pas de problème à ce qu'il y ait un appui à l'entreprise pour ses efforts d'encadrement des stagiaires ou des apprentis, mais on pense que ce n'est pas la vocation du au moins 1 %.

M. Charbonneau (Bourassa): Alors, je vais vous poser une question plus globale, puisque vous n'êtes pas très favorables à l'article 5, quoique vous ne l'ayez pas mentionné clairement dans votre mémoire: Quelle est votre préoccupation pour l'insertion des jeunes en emploi et pour l'intégration des jeunes en emploi, une préoccupation que Mme la ministre a expliquée à maintes reprises comme étant sienne, et elle veut que le Fonds et toutes les initiatives reliées au 90 servent aussi à cela?

On sait que la CSN est très, très motivée pour les politiques d'emploi, de plein-emploi; elle parle souvent aussi de l'accès des jeunes à l'emploi. Ici, on a des dispositions dans le 90 qui tendent, d'après ma compréhension – l'article 5 – à favoriser les stages.

Mme Harel: M. le Président, là, je ne voudrais pas qu'il y ait interprétation de mes intentions par le porte-parole de l'opposition. Ce que j'ai toujours dit, c'est que notre intention était de n'empêcher aucun choix de l'entreprise. Alors, le projet de loi contient tous les choix possibles, mais ce n'est pas nous qui allons décider à la place de l'entreprise si c'est au bénéfice de son personnel ou si c'est en accueillant des apprentis ou des stagiaires qu'elle doit s'acquitter de l'obligation.

M. Charbonneau (Bourassa): M. le Président, est-ce que... Moi, j'aimerais ça avoir un dialogue souvent avec la ministre et lui demander d'expliquer ces articles qui sont obscurs et qu'elle explique d'une manière, mais qu'on peut s'expliquer de l'autre aussi.

Mme Harel: Mais, M. le Président, on va avoir...

M. Charbonneau (Bourassa): Et c'est une belle occasion...

Mme Harel: ...l'article par article, hein. Ça va durer des jours et des jours.

M. Charbonneau (Bourassa): Mais là on est dans une période où on discute avec nos interlocuteurs.

M. Tremblay (Outremont): ...des mois à parler de ça.

Le Président (M. Facal): M. le député de Bourassa, quand nous aurons fini les consultations particulières, nous allons l'étudier article par article. Le temps consacré au groupe ministériel est maintenant terminé.

M. Charbonneau (Bourassa): C'est ce qu'on a compris.

Le Président (M. Facal): C'est le tour de l'opposition. Mais, il y a un article du règlement qui dit que, lorsqu'un député estime que ses propos ont été mal compris ou déformés, elle ou il peut faire une brève mise au point. C'est dans cet esprit-là que j'ai permis à la ministre d'intervenir. Cela dit, c'est maintenant votre 20 minutes.

Pour ce qui est de l'échange continu avec la ministre, vous l'aurez article par article à compter du 5 juin, je pense.

M. Charbonneau (Bourassa): Ah oui! À compter du 5 juin, article par article?

Le Président (M. Facal): Du 5 ou 6, je ne sais pas trop, là, quand est-ce qu'on commencera l'étude détaillée en commission... Ah non, après l'adoption du principe.

M. Charbonneau (Bourassa): Mais, si vous m'aviez laissé finir, j'allais vous dire que ça m'intéressait justement de pouvoir dialoguer avec la ministre. Même maintenant. Malheureusement, nos règles nous obligent à... C'est heureux parce que...

Le Président (M. Facal): Elles sont ainsi faites.

M. Charbonneau (Bourassa): ...souvent, on a des interprétations des articles. On essaie de faire de notre mieux pour les lire, pour les projeter dans la discussion et, en réalité, la ministre semble dire que ça veut dire autre chose. Alors, il faudrait le savoir. Si on attend article par article, le 12 ou le 15 juin, après l'adoption du débat du principe de la loi, il est tard pour s'enligner sur certaines questions, pour émettre certains commentaires, surtout si la ministre prétend qu'on interprète mal certains aspects du projet de loi. C'est pour ça que ce serait intéressant d'avoir des périodes, à un moment donné, où on peut procéder à ces clarifications-là. Malheureusement – heureusement pour nos interlocuteurs, parce que c'est ainsi prévu – pour l'avancement du débat entre nous parfois, il subsiste un brouillard sur l'interprétation à donner à certains articles.

J'ai quand même compris. Ma question que je voulais formuler à la CSN à travers ça, c'est: Vous qui êtes préoccupés d'accès des jeunes au marché du travail, etc., comment expliquer cette relative timidité ou ce peu de faveur que vous exprimez à l'occasion du présent débat pour des mesures susceptibles de favoriser l'intégration des jeunes au travail?

M. Paquette (Pierre): Bien, d'abord, je voulais mentionner qu'au bas de la page 7 on y fait référence directement. Bon, nous, comme je l'ai mentionné, le projet de loi vise à relever le niveau de qualification des gens qui sont déjà sur le marché du travail. Pour nous, c'est ça, le principe. Alors, ça ne s'oppose pas du tout à la nécessité de développer des nouvelles formes de relations entre l'école et l'entreprise, apprentissage, stages, alternance école-études-travail.

(11 heures)

Alors, on travaille là-dessus. D'ailleurs, dans le cadre du forum national Action emploi jeunesse, on va arriver avec des projets très concrets au niveau des stages. On travaille actuellement sur un apprentissage au niveau des aides-cuisiniers, avec la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Je veux dire, là-dessus, on est impliqué. Mais, pour nous, la priorité de cette loi-là, c'est de s'attaquer aux problèmes de qualification de la main-d'oeuvre – déjà le mot le dit, là – des travailleurs et des travailleuses sur le marché du travail. Je pense que François pourrait peut-être rajouter là-dessus.

M. Lamarche (François): Peut-être ajouter, ce qui a dû être souligné aussi devant cette commission, qu'une politique visant la formation professionnelle en milieu de travail, ça ne remplace pas une politique d'emploi. Il est clair qu'une réelle politique d'insertion au marché du travail pour les jeunes doit s'accompagner d'une politique d'emploi. À la CSN, c'est des questions, évidemment, qui nous préoccupent, sur lesquelles on se compromet, notamment sur la question d'une gestion plus équitable du temps supplémentaire pour favoriser des emplois pour des gens qui n'en ont pas actuellement.

Je trouve qu'il y a un certain danger à opposer les deux nécessités, c'est-à-dire une nécessité d'une formation adéquate pour les jeunes, y compris sur le plan de la formation professionnelle, et une nécessité aussi, qui à notre avis est une urgence, de développer une formation adéquate pour les salariés qui sont déjà au travail, pour empêcher qu'il y ait des gens éventuellement qui se retrouvent au chômage parce que, au fur et à mesure que les changements se sont faits dans l'entreprise, ces gens-là, les salariés, se déclassifient.

Donc, à notre avis, il y a une priorité touchant la formation en cours d'emploi, la formation destinée aux salariés au travail, et le projet de loi doit répondre à cette priorité-là. Il y a une urgence, on constate des carences énormes.

Évidemment, ça n'invalide pas l'importance de la formation pour les jeunes. Il y a d'autres dispositions, il y a d'autres questions qui abordent ces priorités, d'autres tribunes, je veux dire, qui abordent ces priorités-là. Il nous semble que le projet de loi doit admettre cette priorité-là, la formation nécessaire pour les salariés. Et notre préoccupation, c'est que ça serve, le 1 %, à ça, puisque c'est 1 % qui est calculé sur la masse salariale, il ne faut pas l'oublier.

M. Charbonneau (Bourassa): L'autre question que je voulais soulever, à ce moment-ci – je vais partir de l'article 6, paragraphe 3°, du projet de loi; je pourrais partir de certains des paragraphes de votre mémoire aussi – vous parlez de formation qualifiante, reconnue, transférable. Est-ce que vous êtes satisfaits de la formulation de 6.3°, tel qu'il est ou s'il vous inquiète par rapport aux objectifs de formation qualifiante, reconnue, transférable?

Deuxième question, tant qu'à y être, à 6.3°, il est question aussi d'un comité créé au sein de l'entreprise. C'est bien à ce niveau que vous insistez pour que ce soit plutôt un comité paritaire, décisionnel? C'est bien à ce niveau-là?

M. Paquette (Pierre): Oui, c'est ça. C'est le comité... Nous, on voudrait que ce soit spécifié, entre autres, là où il y a un syndicat, que ce soit la partie syndicale qui y soit représentée. Je pense que ça va de soi. Un peu comme on retrouve, au niveau de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, les principaux partenaires. Bon, évidemment, ça s'applique au plan national, donc c'est plus large que simplement les travailleurs, les travailleuses et les employeurs. Mais c'est à ça qu'on fait référence.

Maintenant, sur le libellé, comme tel, par rapport à la question de la formation qualifiante, il faudrait que je le relise, là...

M. Charbonneau (Bourassa): La ministre a qualifié son 6.3° de formation sur le tas. Elle nous a dit que c'est de ça qu'il s'agit quand on passe à 6.3°. Est-ce que vous retrouvez là les garanties que vous recherchez face à vos objectifs: formation structurante, qualifiante et transférable ou reconnue?

M. Lamarche (François): On indique, dans notre mémoire, nos préoccupations touchant la formation à développer sur les lieux de travail. À notre avis, il faut développer la formation qualifiante, y compris quand on parle de formation sur mesure. Syndicalement, évidemment, dans les entreprises, on est présent, on va s'en occuper.

On exprime une préoccupation, et, en même temps, on dit qu'on est d'accord pour qu'il y ait des responsabilités à ce chapitre-là qui soient dévolues à la SQDM, au conseil d'administration, pour faire en sorte que la formation, qui serait éventuellement admise au titre du projet de loi, soit une formation qui réponde adéquatement aux besoins des milieux de travail. On exprime aussi notre préoccupation, mais on est d'accord pour qu'il y ait une latitude de donnée à la SQDM touchant la définition de dépenses admissibles.

Par ailleurs, il y a une préoccupation assez nette qu'on exprime touchant les comités paritaires, parce qu'on pense que l'élaboration des plans de formation, c'est capital dans les lieux de travail. Il faut que le projet de loi encourage la formation de ces comités-là. Et, là, j'ai entendu que, dans le cas où un plan de formation serait agréé par un comité paritaire, c'est un plan de formation qui sera reconnu aux fins de l'application de la loi.

M. Charbonneau (Bourassa): Une dernière question, à ce moment-ci, pour moi. Étant donné que vous parlez de comité paritaire décisionnel, etc., vous dites que c'est une responsabilité sociale, une responsabilité des employeurs. Est-ce que vous reconnaissez aussi que c'est une responsabilité des travailleurs et de leurs organisations que d'aller dans le sens d'un meilleur investissement en formation professionnelle? Et est-ce que vous reconnaîtriez l'opportunité d'une contribution versée par les travailleurs aussi, je ne dis pas égale à celle des employeurs, mais dans une certaine proportion, comme ça a été évoqué par le Conseil supérieur de l'éducation et comme ça a été évoqué ailleurs aussi, une contribution aussi de la part des travailleurs?

M. Paquette (Pierre): Bien, je pense que, bon, d'abord, il y a une responsabilité syndicale au niveau de la formation professionnelle, d'ailleurs on l'assume dans la mesure de nos moyens en termes de sensibilisation auprès de nos membres à la nécessité de se former. Je dis souvent, moi, que la seule vraie sécurité d'emploi, actuellement, c'est les qualifications que tu as. Mais ça se fait dans le cadre d'une entreprise qui a un propriétaire et qui va récolter les fruits de cet investissement en formation. Alors, je pense que, dans le cadre d'une entreprise et quand on parle de formation de main-d'oeuvre, les individus ont une responsabilité en termes de s'impliquer dans la formation, syndicalement et personnellement, mais je ne pense pas que ça aille jusqu'à une contribution autre que celle qu'ils font à travers les impôts qu'ils paient et qui assure les budgets du ministère de l'Éducation déjà. Alors, moi, je ne pense pas qu'on devrait aller dans ce sens-là.

M. Charbonneau (Bourassa): Et jusqu'à quel point jouerait la règle de l'ancienneté s'il y avait un comité paritaire dans l'entreprise syndiquée pour répartir l'argent hypothétique d'un fonds, là? Est-ce que ça serait réparti par ancienneté?

M. Paquette (Pierre): Moi, à mon avis, je ne pense pas que ça va être un problème, la question de l'ancienneté. La formation, ça dépend souvent plus de l'organisation générale du travail dans l'entreprise. Ça va être peut-être au niveau d'un secteur, par exemple, je ne sais pas, l'entretien ménager, s'il y a besoin d'une formation professionnelle, bien, peu importe l'ancienneté, ça va être ce département-là qui va bénéficier du plan de formation local. Alors, l'ancienneté, pour moi, ne devrait pas être un obstacle. Il se peut très bien que, s'il y a des cas particuliers, je veux dire, ça, c'est... Mais je pense que ça dépasse de beaucoup le projet de loi actuel.

Le Président (M. Facal): M. le député d'Outremont.

M. Tremblay (Outremont): Je vous remercie, M. le Président. Je dois vous dire, M. Paquette, que j'ai toujours considéré que vos interventions étaient convaincantes et très pertinentes parce que, habituellement, vous êtes très convaincu. Aujourd'hui, je ne sens aucun enthousiasme et aucun dynamisme dans la présentation que vous nous avez faite. Alors, je vais vous donner la chance, là, de réagir, justement parce que ce n'est pas dans la nature de la personne que vous êtes et des objectifs que vous représentez.

Est-ce que c'est parce que vous êtes préoccupé qu'il n'y ait pas de vision d'ensemble dans ce projet de loi? Ça explique sûrement pourquoi mon collègue vous pose certaines questions que je considère des plus pertinentes notamment au niveau de l'intégration des jeunes et des femmes sur le marché du travail. J'écoutais, c'est-à-dire je lisais, ce matin, les déclarations du nouveau président du conseil d'administration d'Hydro-Québec qui dit, de façon très claire, qu'il est inacceptable que la moyenne d'âge des professionnels et des travailleurs d'Hydro-Québec soit de plus de 40 ans, qu'il n'y ait pas plus de jeunes et qu'il n'y ait pas plus de femmes à Hydro-Québec.

Alors, j'ai l'impression que ce que vous venez faire aujourd'hui, parce que vous êtes forcé de le faire – vous êtes forcé de le faire – vous venez défendre les «inclus» de la société, les «inclus» que vous représentez, c'est-à-dire vos travailleurs. Donc, vous voulez, parce que c'est ce qu'on vous demande, défendre de la formation continue. Mais, si ce projet de loi était intégré dans une vision d'ensemble, dans ce que vous faites qui n'est pas traité par le projet de loi, notamment les efforts que vous faites au niveau des jeunes et des moins jeunes qui vont éventuellement intégrer le marché du travail, peut-être qu'on pourrait en arriver rapidement à des conséquences concrètes du Forum pour l'emploi, où vous participez, et à une politique d'emploi. Donc, c'est bien beau de défendre les travailleurs qui ont présentement un emploi, mais il faut absolument préparer les secteurs d'avenir, de demain et les travailleurs en devenir.

Alors, c'est la seule explication que je peux voir, là, de votre manque d'enthousiasme et de dynamisme tant dans la présentation que dans vos réponses. Parce que, ce que mon collègue vous dit, ce n'est pas là, mais vous le faites. Mais vous n'en parlez pas parce que ce qu'on vous demande, c'est de dire: Bon, un projet de loi, 1 % de la masse salariale, et, par la suite, peut-être qu'il y aura une politique d'emploi, peut-être qu'il y aura une vision d'ensemble du développement économique, social, éducatif et culturel du Québec. À ce moment-là, on reviendra et on fera d'autres représentations.

Est-ce que vous pourriez me rassurer que tout ce que je viens de dire, ce n'est certainement pas ce que vous pensez?

M. Paquette (Pierre): D'abord, par les temps qui courent, c'est rare que la CSN applaudit à une initiative du gouvernement, même du gouvernement du Parti québécois. Alors qu'on écrive dans le texte, à deux reprises, qu'on applaudit au projet de loi, c'est qu'on est enthousiaste. Peut-être qu'on n'est pas débordant, je dirais de... C'est tellement évident que cette loi-là aurait dû s'appliquer il y a 13 ans, que c'est tout simplement combler un retard.

(11 h 10)

Alors, c'est sûr que ça ne dispose pas de toute la question. Par exemple, j'aurais pu bien dire qu'un des éléments essentiels à une politique d'emploi, c'est le rapatriement au Québec de tous les leviers nécessaires pour le faire. Mais c'est un débat qui se fait, en général, dans la société à laquelle on participe. On est venu ici pour débattre de la loi 90. Comme, par exemple, j'ai déploré, quand le budget Campeau a été déposé, qu'on nous annonce une politique d'emploi pour l'automne, alors qu'on aurait dû l'avoir dès les premiers mois du gouvernement et qu'elle aurait dû se refléter dans les choix budgétaires.

Ceci dit, ce que la ministre a déposé nous semble être une base satisfaisante de discussion. On a des réserves ici et là parce qu'on veut s'assurer que le 1 % serve à relever les qualifications des gens qui sont sur le marché du travail. Ça ne dispose pas, comme le mentionnait François, de la nécessité de s'occuper de l'intégration des jeunes, de l'équité en emploi pour les femmes, toutes sortes d'autres sujets sur lesquels on n'arrête pas quotidiennement de se prononcer.

Ceci dit, je voulais juste amener une information supplémentaire à la connaissance du comité. On a fait faire une enquête interne, je vous le mentionnais, il y a eu plus de 900 syndicats sur 2 000 qui ont répondu à cette enquête-là. C'est un taux de réponse incroyablement élevé pour ce genre d'enquête. Il y a 32 %, presque 33 % de nos syndicats qui disent n'avoir absolument rien sur la formation, rien dans la convention collective, rien dans l'entreprise; 33 %, le tiers de nos syndicats, n'ont absolument aucune formation, rien de prévu à cet égard-là. Et on parle actuellement de la mondialisation, de la réorganisation des entreprises, de la concurrence qui va s'accélérer. Il y a seulement 22,6 % des syndicats qui ont quelque chose de prévu dans leur convention collective sur la formation. Il y en a 24,5 % qui ont, nous disent-ils, une entente verbale. Alors, on sait ce que ça vaut une entente verbale. Donc, ça veut dire qu'à peine le tiers de nos syndicats ont actuellement... même pas, le quart de nos syndicats ont quelque chose sur la formation, et on n'arrête pas de dire, depuis des années, que la formation professionnelle, c'est la clé, une des clés pour l'avenir du développement économique et social du Québec.

Alors, pour nous, le projet de loi 90, dont le débat ce matin est une bonne base, ça ne règle pas tous les problèmes d'emploi. Loin de là, on a besoin d'une politique de plein-emploi qui va s'articuler autour de mesures budgétaires, de mesures fiscales, autour de développement sectoriel, de développement régional, autour de mesures actives de main-d'oeuvre.

Bon, par exemple, on a aussi mis de l'avant l'idée qu'il faut réformer la fiscalité pour décourager le temps supplémentaire. Vous savez comme moi que notre régime fiscal encourage le temps supplémentaire dans les entreprises. Richard Le Hir, quand il était président de l'Association des manufacturiers, le disait constamment. C'est des choses qu'on doit pousser, sur lesquelles on pousse, et on espère qu'on aura aussi, sur ces questions-là, du gouvernement, des réponses dans les prochains mois, dans les prochaines semaines.

Ceci dit, je pense que la loi 90, c'est un minimum dont on aurait dû, comme société, se doter depuis fort longtemps. Je sais que, comme ancien ministre de l'Industrie et du Commerce, vous avez toujours été préoccupé par ces questions-là. Alors, vous savez très bien que c'est un élément nécessaire, mais ça ne dispose pas de l'ensemble de la question.

M. Tremblay (Outremont): Si je résumais vos propos de la façon suivante – et sentez-vous bien à l'aise de les qualifier d'une façon différente...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Outremont): ...mais, dans mon appréciation des discussions qu'on va avoir, c'est important – si je disais ceci: Il serait beaucoup plus facile d'avoir un consensus entre le milieu de l'enseignement, la partie patronale et la partie syndicale si le gouvernement mettait de l'avant une vision d'ensemble du développement économique, social, éducatif et culturel du Québec, et également régional, qui comprendrait une stratégie industrielle, pour identifier les secteurs créateurs d'emplois, une révision de la fiscalité québécoise demandée par tous les intervenants, les intervenants syndicaux que vous représentez et également la partie patronale, s'il y avait une politique d'emploi qui favorise des emplois permanents de qualité pour les «inclus» que vous représentez majoritairement, mais également pour les exclus, notamment les jeunes et les femmes, on discuterait peut-être beaucoup moins non pas de l'objectif du projet de loi, parce que tous et toutes sont d'accord avec l'importance de la formation professionnelle, mais on discuterait réellement d'un projet de loi d'avenir pour le Québec, qui répondrait aux attentes légitimes de tous les intervenants, et, à ce moment-là, on aurait un consensus de toutes les parties, et non pas une division clairement annoncée tant du côté patronal que du côté syndical.

M. Paquette (Pierre): Je vous dirais que, peut-être, dans une vie idéale, une société idéale, c'est ce qu'il faudrait faire. Sauf que, moi, je constate qu'il y a un consensus sur la formation professionnelle qui s'est fait, entre autres au Forum pour l'emploi, qui a été réitéré après l'élection du gouvernement. J'étais présent, avec Mme Harel, quand on a posé la question à tous les partenaires syndicaux et patronaux: Est-ce que vous êtes toujours en faveur de l'importance de la formation professionnelle, du rapatriement de tous les leviers? Et les gens ont dit oui.

On dépose un projet de loi qui est un strict minimum, on le dit, et il y a levée de boucliers de la part du patronat. Donc, il y a consensus, mais, quand on veut le concrétiser, les résistances, je dirais, on les a qualifiées de primaires... Il y a des résistances peu compréhensibles sur la base des discours qui ont été tenus, entre autres, par les associations patronales. Votre propre gouvernement, quand votre gouvernement a voulu mettre sur pied la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, projet qu'on a appuyé fortement, il y a eu des résistances au niveau patronal. Pas des petites résistances. Si on se rappelle bien, la Chambre de commerce de Montréal avait levé les boucliers avec le CPQ. L'Association des manufacturiers avait réagi de façon plus, je dirais, modeste. Mais, à mon avis, là, on a un test majeur pour voir si réellement, dans la société québécoise, on est capable de concrétiser les discours et les consensus qui se font. Moi, je pense qu'on est capable de les concrétiser. Il y a des résistances, à mon avis, qui sont des résistances d'arrière-garde. Je suis convaincu que nos entrepreneurs, individuellement, voient davantage d'avenir dans l'investissement en formation professionnelle que les associations patronales ont pu en démontrer depuis quelques jours.

Alors, je pense qu'il est temps de concrétiser les beaux discours, en particulier sur la question de la formation professionnelle. Et, encore une fois, ça ne dispose pas des autres questions sur lesquelles on devra faire consensus. Entre autres, pour moi, il y a une échéance qui est majeure au mois de juin, c'est le Forum pour l'emploi, Action emploi jeunesse. Là, on va prendre des engagements comme centrale syndicale, mais on s'attend aussi à ce que les patrons prennent des engagements, que le gouvernement prenne des engagements, que les institutions d'enseignement prennent des engagements aussi.

Alors, moi aussi, j'aurais aimé avoir, peut-être, un consensus sur une politique d'emploi globale, mais, à mon avis, si on n'est pas capable de marquer des points sur ce projet de loi là, on ne sera pas capable, sur l'emploi, de marquer des points demain.

(11 h 20)

M. Tremblay (Outremont): C'est ma dernière question, M. le Président: Êtes-vous d'accord que le consensus patronal-syndical du milieu de l'enseignement, au Forum pour l'emploi et au Rendez-vous économique 1993, où tous les partenaires étaient présents, incluant vous, à plusieurs reprises, et également Gérald Larose, ce consensus était basé sur deux prémisses: la première, oui à la formation professionnelle en autant que ça soit à la suite de mesures incitatives; deuxièmement, oui à un fardeau additionnel, s'il fallait qu'il y en ait un, en autant qu'il y ait une révision de la fiscalité québécoise?

Vous avez mentionné tout à l'heure Richard Le Hir. Richard Le Hir le dit et le répète. Même en tant que ministre du gouvernement, il a dit de façon très claire qu'il a réussi à faire inclure dans «Des idées pour mon pays», le programme du Parti québécois, la petite phrase qui dit que, si jamais il y avait une augmentation ou une taxe de 1 %, elle serait conditionnelle à ce que la fiscalité québécoise soit repensée, et ce n'est pas fait. Alors, on y va, encore une fois, à la pièce, et vous êtes les premiers à demander un projet de société pour le Québec. Si on n'est pas capable d'avoir un projet de société pour l'emploi, la base même d'une société – je suis d'accord – pourquoi toujours y aller à la pièce, alors qu'on n'a aucune assurance que votre souhait le plus profond et le plus légitime sera réalisé à court terme? On avait une belle occasion, dans le budget, de repenser la fiscalité québécoise, d'envoyer au moins un signal clair.

M. Paquette (Pierre): Moi, le consensus que je me rappelle, entre autres, au Forum pour l'emploi, il est en 14 points, là. Je ne me les rappelle pas tous par coeur, mais, je veux dire, les deux points majeurs que j'ai retenus, moi, c'est: premièrement, le rapatriement de tous les leviers en termes de main-d'oeuvre au Québec et, deuxièmement, l'importance de la formation professionnelle. Il n'y a jamais eu consensus sur la question des mesures coercitives ou des mesures incitatives. Parce que, nous, on avait déjà fait, je dirais, le bilan que les mesures incitatives ne donnaient rien. Je pense que le crédit d'impôt, ça a été assez manifeste à ce niveau-là.

Ce que je constate, c'est qu'aussi bien sur la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, qui ne disposait pas de tout, que sur le projet de loi 90, dans les deux occasions, les organisations patronales se sont opposées à ces petits bouts de chemin qu'on faisait comme société. Alors, je veux dire, je ne m'étonne pas qu'aujourd'hui le Conseil du patronat ou la fédération des entreprises indépendantes s'y oppose, mais je pense que, comme société, le consensus est assez clair, et on doit avancer.

M. Tremblay (Outremont): Juste un dernier commentaire pour corriger un propos.

Le Président (M. Facal): M. le député d'Outremont, si c'est vraiment pour corriger un propos...

M. Tremblay (Outremont): Oui, oui.

Le Président (M. Facal): ...très brièvement, parce que votre temps est expiré.

Mme Harel: M. le Président, on va réclamer, évidemment, le même temps qui a été accordé à l'opposition.

M. Tremblay (Outremont): Moi, j'ai posé des questions, là. En fait, j'ai juste posé des questions. Je veux juste corriger un propos, M. le Président. Je savais que le temps...

Mme Harel: Ce n'est pas à partir de maintenant, c'est à partir d'il y a déjà un bon moment, là.

M. Tremblay (Outremont): Alors, je cite le Conseil du patronat, juste pour votre information, parce que vous avez mentionné que vous ne pouviez pas vous rappeler de tout, mais la résolution qui a été adoptée au Conseil du patronat, en 1993, par tous les intervenants, et je lis juste la première ligne: Que toutes les entreprises soient incitées à investir au moins 1 % de leur masse salariale. Alors, c'était bien une résolution unanime qui disait inciter et non pas obliger à le faire.

Le Président (M. Facal): Votre mise au point ayant été faite, le temps imparti aux deux partis est maintenant expiré. Alors, peut-être un mot de remerciement de part et d'autre. De remerciement.

M. Charbonneau (Bourassa): Allez-vous m'imposer mon message?

Le Président (M. Facal): Non, vous dire simplement que, s'il ouvre un nouveau chapitre, je serai dans l'obligation de...

M. Charbonneau (Bourassa): D'accorder l'équivalent à madame.

Le Président (M. Facal): Absolument.

M. Charbonneau (Bourassa): Bon, alors ça me permet de parler.

Le Président (M. Facal): Non, non, non, au contraire, de dire également à madame que ce sera un mot de remerciement et pas l'ouverture d'un nouveau débat. Nous avons déjà 22 minutes, et les intervenants suivants attendent patiemment en arrière. Absolument.

M. Charbonneau (Bourassa): Vous savez bien, M. le Président, que nous apprécions les contributions qui nous sont apportées, et nous aimons le dire d'entrée de jeu et le redire à la fin, tout en soulignant qu'il y a des éléments d'échange qu'on aurait aimé approfondir à partir de plusieurs idées que nous avons et que nous aurions aimé vérifier avec vous. Malheureusement, nous devons nous arrêter à ce moment-ci, mais insatisfaits, quand même, quant à ce que nous aurions aimé faire en termes d'échange avec vous.

Le Président (M. Facal): Merci. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, moi, je veux remercier la CSN pour son appui et leur dire que ce que le député d'Outremont a réclamé pendant neuf ans de son gouvernement, c'est-à-dire une vision intégrée du développement économique et social, je souhaite bien, là, que, dans les neuf mois, qui se terminent le 26 juin prochain, nous puissions, nous, en neuf mois, réaliser ce qu'ils n'ont pas pu réaliser en neuf ans, c'est-à-dire une stratégie de mise en oeuvre d'une politique de l'emploi. Mais il ne faudrait pas que cela devienne, ce qu'ils n'ont pas pu faire maintenant, le prétexte pour tenter de nous empêcher maintenant d'avancer. Alors, on va avancer en même temps sur tous les fronts, avec l'héritage qu'on nous a laissé. Je vous remercie.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup. Alors, je remercie moi aussi nos invités.

(Consultation)

Le Président (M. Facal): Nous allons poursuivre nos travaux. Alors, je constate que le prochain groupe, qui est l'Association des manufacturiers du Québec, a déjà pris place. J'inviterais nos invités, d'abord, à se présenter. Je leur rappelle, ensuite, qu'ils auront droit à 20 minutes pour leur exposé, avant d'ouvrir notre période d'échange. Alors, bienvenue. Si vous voulez procéder.


Association des manufacturiers du Québec (AMQ)

M. Ponton (Gérald A.): M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission. Mon nom est Gérald Ponton, je suis le président-directeur général de l'Association des manufacturiers du Québec et je suis accompagné, à ma gauche, de notre vice-président ressources humaines et qualité, M. Gaston Charland, qui siège également au conseil d'administration de la SQDM, au nom de l'Association des manufacturiers du Québec.

Alors, notre Association des manufacturiers du Québec tient à exprimer aux membres de la commission spéciale sur la formation professionnelle ses remerciements pour l'opportunité qui lui est offerte de commenter le projet de loi 90, Loi favorisant le développement de la formation professionnelle.

L'AMQ, je tiens à vous le rappeler, regroupe des entreprises, au Québec, responsables de plus de 60 % de la production manufacturière et qui embauchent 70 % de la main-d'oeuvre de cet important secteur de notre économie. Les activités de nos membres touchent tous les secteurs de l'activité manufacturière et sont réparties à travers les diverses régions du Québec.

Au cours des cinq dernières années, les manufacturiers du Québec ont dû s'adapter aux réalités économiques d'une compétition internationale intense et de changements technologiques toujours plus rapides. Ces mesures se sont soldées par une amélioration notable de la productivité. La production par travailleur a augmenté de 4,1 % en 1993, 1,1 % en 1994 et affichera, nous l'espérons, selon nos prévisions, une hausse de 0,8 % en 1995, malgré les ralentissements des deux derniers mois. Les industries ont appris que, pour survivre à court terme et prospérer à long terme, elles se devaient d'afficher un rendement de niveau international.

Le secteur manufacturier confronte également de nouveaux défis. La nouvelle économie, les pressions concurrentielles ainsi que le développement des technologies du savoir exigent que les entreprises investissent tant dans les technologies de pointe que dans l'amélioration de la productivité, dans la formation de la main-d'oeuvre, dans des procédés de contrôle de la qualité et dans des systèmes de production plus flexibles et plus rentables.

Les manufacturiers ont maintes fois fait valoir l'importance d'un objectif tel l'investissement en ressources humaines. En ce sens, en décembre 1994, nous appuyions l'idée d'augmenter les mesures actives dans le cadre du programme d'assurance-chômage, appui qui a été répété, renouvelé à la ministre, suite à son accession au Conseil des ministres. L'AMQ manifestait une opinion non équivoque au passage des mesures passives de l'assurance-chômage vers des mesures actives, soit une réorientation des dépenses publiques consacrées au marché du travail, de passer d'un concept statique de garantie de revenu et de protection à une conception dynamique d'investissement dans les ressources humaines, orientée vers l'avenir.

(11 h 30)

Ainsi, à notre avis, les employeurs qui offrent la formation à leurs employés devraient pouvoir, et je cite un extrait du «Programme: Emploi et croissance – La sécurité sociale dans le Canada de demain», à la page 58, «réduire leurs cotisations qui favorisent la formation nécessaire à leurs employés pour atteindre certaines normes de compétences adéquatement certifiées. Cela s'appliquerait aux employeurs qui participent au perfectionnement de leurs employés et à ceux qui offrent de l'expérience de travail et de la formation en milieu de travail aux personnes en chômage.»

Cette approche constitue, de notre point de vue, une voie unique pour que les entreprises ne soient pas assujetties à une double taxation pour le développement de leur main-d'oeuvre, par le fait qu'elles déboursent déjà 4,20 $ du 100 $, 4,2 % de leur masse salariale pour la caisse de l'assurance-chômage.

L'investissement en ressources humaines exigé dans le cadre du projet de loi 90 est appelé, selon nous, bien respectueusement, à devenir une taxe additionnelle sur la main-d'oeuvre si le gouvernement ne prévoit pas de mesures compensatoires, comme il s'y est engagé lors de la campagne électorale. Nous maintenons que cette taxe de 1 % sur la masse salariale pour la formation entraînera des déboursés additionnels pour les entreprises québécoises.

Le corps de notre mémoire comprend trois parties: la perte du crédit d'impôt, la pertinence du contrôle exercé en vertu du projet de loi ainsi que des commentaires particuliers sur des aspects spécifiques du projet de loi 90.

Le projet de loi 90 origine d'un constat à l'effet que le crédit d'impôt à la formation n'obtenait pas les résultats escomptés. Cette mesure fiscale de type incitatif a cependant connu une croissance fulgurante de 1990 à 1993. Selon les données disponibles qui nous ont été fournies par le Secrétariat à la concertation en décembre 1994, les activités de formation exécutées par les sociétés de formation privées, les commissions scolaires et les collèges sont passées de 82 728 heures en 1990 à 4 251 268 en 1993, pour toucher 253 366 participants.

On compte, il est vrai, seulement 4 477 corporations totalisant 2 % de l'ensemble du nombre des 219 822 corporations identifiées, lesquelles ont profité du crédit d'impôt à la formation, mais qui, fort probablement, génèrent – et c'est une statistique que nous n'avons pas – un niveau d'activité économique qui est peut-être de l'ordre de 70 % à 80 % de ce qu'on retrouve comme activité au Québec. Je parle ici des 4 477 compagnies en question.

On peut aisément présumer que ces 4 477 entreprises légales deviendront régies en totalité, ou presque, par le projet de loi 90 et ainsi seront privées en grande partie de leur crédit d'impôt à la formation, ce que le projet de loi prévoit d'ailleurs par l'abolition, à partir du 1er janvier 1996, du crédit d'impôt à la formation existant actuellement. Selon les données disponibles, il s'agit là d'un manque à gagner, M. le Président, de près de 69 700 000 $ – 24 000 000 $ de crédits – pour ces entreprises et surtout d'une diminution importante de leur incitatif à augmenter l'investissement en ressources humaines. Cette remarque constitue une illustration étonnante de l'effet négatif indéniable que risque de provoquer l'approche du gouvernement, puisque plusieurs entreprises utilisaient ces crédits d'impôt pour augmenter leur budget de formation.

Par ailleurs, cette mesure incitative a connu des limites dues au contrôle administratif requis. En effet, les règles, M. le Président, établies sous les directives du ministère du Revenu du Québec, ont limité les activités de formation à une formation structurée nécessitant la présence d'un formateur approuvé et à un contrôle inhabituel dans les entreprises manufacturières. À titre d'exemples, l'avis à transmettre à la SQDM avant le début du cours, le registre des présences, et je passe d'autres critères de qualification ou d'admissibilité. Ces règles, fort louables pour le contrôle requis par une institution publique, ont limité la participation des entreprises à celles qui pouvaient se payer le luxe d'affronter une telle bureaucratie. Et il y a une vive inquiétude parmi les manufacturiers, et que nous avons eu récemment l'occasion de communiquer à Mme la ministre de l'Emploi et d'État à la Concertation, et fort justifiée à notre avis, qu'un tel comportement se perpétue advenant l'adoption du projet de loi 90.

La finalité du projet de loi 90 vise à susciter des efforts accrus de formation dans les entreprises, principalement celles manufacturières, le cas qui nous occupe. La surveillance de cet effort nécessitera la mise en place d'une procédure de contrôle pour s'assurer de l'application de la loi.

Pour fins d'exemple, les manufacturiers doivent déjà rencontrer les exigences de la mondialisation des marchés en obtenant une certification ISO 9000 – sans aucun doute, M. le Président, les membres de la commission sont familiers, en ont déjà entendu parler dans leur comté respectif – garantissant que des normes de qualité élevées sont mises en place et auditées dans l'entreprise. Cette procédure, développée au niveau international et admise, M. le Président, par les divers intervenants, permet l'obtention d'une certification délivrée par des organismes accrédités qui attestent de la démarche qualité d'une entreprise. Le contrôle s'exerce sur les résultats en vérifiant le processus de qualité au sein d'une entreprise. L'entreprise certifiée n'est pas soumise à un contrôle continu, mais possiblement périodique d'un organisme accréditeur ou d'un organisme régulateur. Un audit de qualité peut vérifier sporadiquement l'état du dossier formation au sein de l'entreprise.

Cette forme d'obligation de résultats n'a malheureusement pas été considérée par les concepteurs de la taxe sur la masse salariale pour fins de formation. Un système statutaire de lois et de règlements aurait pourtant pu être évité en permettant aux entreprises satisfaisant à un audit de formation de se libérer de cette voie bureaucratique et, malheureusement, coûteuse.

Les aspects particuliers du projet de loi. Au niveau de l'article 1, nous vous soumettons respectueusement qu'il devrait être amendé pour refléter que l'entreprise soit identifiée clairement comme étant le premier intervenant de la formation professionnelle. À notre avis, il appartient à l'entreprise de déterminer la formation requise à son succès et à l'organisme régulateur d'en constater la réalisation. L'entreprise doit également intégrer la formation continue en emploi dans ses valeurs et dans sa mission. Quant à la qualification de la main-d'oeuvre, elle relève d'une compétence gouvernementale, il va de soi, où il doit y avoir une participation des divers intervenants. Les manufacturiers sont soucieux de la capacité de leurs employés à se qualifier dans les normes d'un système qui leur permettrait d'acquérir des compétences et une diplomation reconnue.

Dans cet esprit, M. le Président, nous souscrivons à la participation des divers intervenants, comme le milieu de l'enseignement, pour favoriser l'atteinte de tels résultats. Nous approuvons que l'administration de cette loi soit confiée à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, communément connue sous le sigle SQDM, où siègent les principaux partenaires du marché du travail, dont l'AMQ.

Au niveau des articles 3 et 4, à notre avis, les entreprises doivent pouvoir transférer à une autre année d'imposition les dépenses admissibles pour lesquelles elles ont investi un montant excédentaire au cours d'une année donnée. Essentiellement, cette modification proposée vise à répartir l'implantation de nouvelles technologies et ses coûts de formation sur plusieurs années, le nombre suggéré étant de cinq années. Certains secteurs doivent composer avec la réalité des cycles économiques et reporter leurs activités de formation dans les périodes appropriées. Cette flexibilité aurait le mérite de prévoir les dépenses admissibles majeures lors d'une restructuration des opérations d'une entreprise.

Relativement aux articles 5 et 6, pour l'Association des manufacturiers du Québec, les dépenses de formation admissibles telles que déterminées à l'article 6.3° relèvent d'un plan de formation établi à l'égard d'une entreprise. Cette notion de plan de formation ne correspond pas au vécu, selon nos membres des entreprises québécoises, même celles qui sont très structurées. Les besoins ponctuels, entre autres, brisent le déroulement usuel des activités. Les groupes d'amélioration continue ont, pour fins d'exemple, des besoins ponctuels de formation liés à l'acquisition de compétences des membres du groupe. Les formations ad hoc et continue répondent à des exigences de l'entreprise. Celle-ci doit décider de ses activités de formation selon les besoins courants. Il serait souhaitable que le législateur indique dans la loi-cadre le principe à l'effet que la formation non structurée ou sur le tas soit incluse dans les dépenses admissibles, comme, d'ailleurs, la ministre s'y est engagée verbalement à plusieurs occasions par le passé.

À cet égard, les manufacturiers demandent qu'une définition de cette formation non structurée ou formation sur le tas et des dépenses admissibles soit déposée, par le biais d'un règlement, avant l'adoption de la loi. Les manufacturiers vous soumettent en annexe un modèle de calcul des investissements en ressources humaines qui décrit les dépenses admissibles en formation. Ce mode de calcul a été diffusé par le Forum pour l'emploi, avec l'accord du comité de parrainage de cet organisme dont nous faisons partie. Nous présumons que le consensus minimum requis pour ce type de dépenses existe dans le milieu, et, à notre avis, le gouvernement devrait en tenir compte. À ce sujet, j'attire votre attention sur l'extrait de cette annexe qui est joint au mémoire, sur la documentation du Forum pour l'emploi, et qui comporte deux pages à la fin du présent mémoire.

De plus, certaines entreprises ont leur centre de formation interne. Les manufacturiers s'interrogent sur la pertinence pour la SQDM de contrôler les activités de formation de ce type d'organisation. La présence de centres de formation ou de services de formation devrait permettre de reconnaître implicitement l'ensemble des sommes prévues au budget de ces organisations comme étant des dépenses admissibles.

(11 h 40)

La formation après consultation d'un comité créé au sein de l'entreprise nous amène à une problématique discutée lors de la mise sur pied de la SQDM, à laquelle, soit dit en passant, l'AMQ a donné son entier appui. Les entreprises doivent décider de leur mode de gestion et, face à la concurrence, elles doivent en assumer les risques. Plusieurs d'entre elles conviendront qu'elles se doivent d'impliquer les employés dans la conception d'un plan de formation. D'autres préféreront seulement les tenir informés. Pour l'Association des manufacturiers du Québec, il n'y aurait pas lieu d'inclure cette exigence, la création d'un comité de formation nécessitant, à notre point de vue, une modification de la loi créant la SQDM.

Relativement à l'article 8, la notion de plan de formation agréé, encore une fois, selon l'AMQ, doit être exclue de la loi pour les mêmes raisons que mentionnées précédemment. Les entreprises doivent être responsables d'investir dans leurs ressources humaines. La stratégie corporative quant au développement des ressources humaines fait partie intégrante de la mission de l'entreprise. Et, à ce titre, nous rejoignons les commentaires que nous faisions à l'article 1 relativement à l'importance de centrer l'entreprise comme l'intermédiaire responsable de la formation de ses employés dans le contexte du projet de loi.

Relativement à l'article 9, les dépenses d'acquisition d'équipement, selon l'AMQ, doivent être traitées au même titre que l'allocation du coût en capital prévue à la Loi sur les impôts, en y modifiant, cependant, le terme «exclusivement» par le terme «principalement», parce qu'il se peut que de l'équipement – souvent à prix très élevé, que ce soit des appareils motorisés, moteurs d'avion ou d'hélicoptère, ou autres, équipements informatiques, robots – puisse servir à la formation, et le fait de geler de façon exclusive certains équipements additionnerait inutilement aux coûts de réalisation du projet, aux dépens de la formation des employés, qui est visée principalement par le projet de loi. Des remarques de même nature réfèrent également aux dépenses d'acquisition, de construction et d'aménagement des locaux.

Relativement aux articles 12, 14 et 16, M. le Président, les employeurs désirent s'assurer que la SQDM conserve, ainsi que le ministère de l'Emploi, la responsabilité de la définition et de l'application des dépenses de formation admissibles. Il y a lieu de préciser le rôle exact du ministère du Revenu. De plus, il serait souhaitable qu'il y ait une provision pour limiter la durée du recours à l'encontre d'un employeur à une période de trois ans. L'AMQ suggère de prévoir un mécanisme de conciliation en cas de litige sur l'application des dépenses admissibles et sur les frais de perception convenus entre les ministères concernés.

Relativement à l'article 18, les manufacturiers se doivent de constater, à notre avis, qu'il s'agit d'une loi fiscale. Ceci confirme notre prétention à l'effet qu'il s'agit bel et bien d'une taxe sur la masse salariale, étant donné le processus de perception par le ministère du Revenu. L'expression consacrée pour ce type de déduction, «payroll tax», précise la nature exacte de la contribution. En conséquence, il importe de préciser la juridiction prépondérante de la ministre de l'Emploi.

Relativement à l'article 20 et au règlement sur les dépenses admissibles, d'une façon générale, les employeurs tiennent à exprimer des réserves sur la réglementation et les certificats. Particulièrement, l'article 20 précise une orientation quant à la gestion d'un règlement sur les dépenses de formation admissibles. On y mentionne que ces dépenses peuvent être admissibles, et je cite, «à l'agrément ou à la reconnaissance par la Société d'enseignements, de formations, plans, programmes, formateurs ou organismes». Un peu plus loin, les paragraphes 2° et 3° stipulent, et je cite, les critères, principes, facteurs, documents, renseignements, inspections, conditions dans lesquelles l'agrément ou la reconnaissance peut être renouvelée, suspendue ou révoquée.

Dans la pratique, cette intention législative indique nettement que le processus de contrôle des dépenses admissibles ne peut pas s'effectuer sans la mise en place de mécanismes compliqués, complexes et dont les frais seront assumés par des droits exigibles. En quelque sorte, on institue, par le plan de formation, une acceptation par les représentants de la SQDM du contenu de la formation donnée en entreprise. Les entreprises doivent être assurées qu'elles conservent l'entière responsabilité de leur formation et n'accordent aux responsables chargés d'appliquer le règlement que le rôle de constater d'une façon adéquate qu'il y a bel et bien eu des activités de formation.

Le gouvernement doit prendre, à notre avis, un engagement ferme à l'effet que la réglementation applicable aux dépenses admissibles doit être acceptée par la majorité des représentants des employeurs au conseil d'administration de la SQDM avant la publication de tout règlement à cet égard. Cette garantie assurerait et viserait à convaincre les employeurs que le dynamisme des entreprises sera appuyé plutôt que restreint par une réglementation mal perçue et, par conséquent, mal acceptée.

Les manufacturiers souhaitent également que soient précisées les dispositions de l'article 21 qui exigent du ministère du Revenu un avis avec l'approbation d'un règlement par le gouvernement. Il faut se souvenir des vives préoccupations exprimées par les employeurs dans l'application du crédit d'impôt à la formation, où les contrôles ont restreint la portée de ce programme.

Relativement à l'article 27 sur les dépenses liées à l'administration du Fonds national de formation professionnelle, nous souhaiterions que cet article 27 soit amendé pour préciser que les sommes pourront être affectées pour couvrir la rémunération et les dépenses afférentes. Et, à cet égard, les employeurs jugent approprié qu'un maximum des sommes requises de 4 % soit alloué pour couvrir ces frais.

En conclusion, M. le Président, nous aurions souhaité que la démarche du gouvernement s'inspire d'une volonté ferme de convaincre les principaux intervenants sur les moyens à prendre pour atteindre des résultats tangibles et nationaux sur la formation professionnelle.

L'intervention étatique demeure une source de préoccupation constante pour nos membres manufacturiers. La réglementation gouvernementale constitue un moyen fort questionné de nos jours pour atteindre les objectifs de l'État.

L'Association des manufacturiers du Québec a toujours manifesté son appui à des mesures incitatives et aurait souhaité un débat ouvert sur les enjeux réels de la formation professionnelle. Le gouvernement, à notre avis, manque une belle opportunité de rallier tous les partenaires du marché du travail à faire front commun pour réviser l'effort de formation professionnelle dans un contexte où il y a lieu de considérer que nous sommes, M. le Président, selon le dernier rapport du «The World Competitiveness Report» de 1994, au cinquième rang des plus grands investisseurs au monde en éducation et formation.

S'il me reste quelque temps, M. le Président, j'aurai peut-être l'occasion, au cours des questions, avec mon collègue, de préciser certains des propos qui ont été donnés comme étant ceux de l'Association des manufacturiers du Québec. Or, il nous fera plaisir d'apporter des correctifs à ce que notre collègue, M. Paquette, vous a indiqué tantôt, qui n'était pas tout à fait selon l'orthodoxie des positions de l'AMQ à l'époque. Merci beaucoup.

Le Président (M. Tremblay, Outremont): Alors, merci, M. le président. Alors, Mme la ministre de l'Emploi.

Mme Harel: M. le Président, je vous salue. Ha, ha, ha! Ça ne vous empêchera pas de parler, j'espère bien.

Écoutez, M. Ponton, M. Charland, évidemment, bienvenue à cette commission. Je dois vous dire que, d'un côté ou de l'autre de la commission, on ressent souvent la même frustration, compte tenu du peu de temps qui nous est alloué pour les échanges, mais, évidemment, c'est la règle du jeu, celle habituelle. Il n'y a pas d'exception à cette règle-là. Alors, j'y vais immédiatement dans les affirmations que l'on retrouve dans le document.

D'abord, moi, je veux vous remercier. J'ai pris connaissance du communiqué de presse que vous publiez aujourd'hui, et qui fait écho à votre présence avec nous, et dans lequel, et je vous cite, vous me demandez de reprendre les discussions avec Ottawa pour ramener sous juridiction québécoise l'entière gestion des programmes de formation professionnelle et ainsi limiter les dédoublements de coûts pour les entreprises. Alors, je comprends que, là-dessus, on fait toujours front commun.

Non seulement je vous en remercie, mais je comprends aussi que ce n'est pas, dans le fond, étranger à ce qu'on discute ici. Pourquoi ce n'est pas étranger? Parce que vous-même, dans votre mémoire, l'avez abordé à la page 3, lorsque vous mentionnez les mesures actives en comparaison de l'importance des mesures passives à l'assurance-chômage. Et, là, je vous le dis d'entrée de jeu, comme j'ai eu l'occasion de vous le dire à votre colloque que vous teniez il y a quelques jours ici même, à Québec, en fait, ça m'étonne toujours, finalement, de vous voir, comme vous l'avez fait tantôt, d'ailleurs, réitérer votre position en faveur des mesures actives dans le cadre de l'assurance-chômage, puis de vous voir vous opposer à cette contribution de 1 % qui est demandée aux entreprises. Puis, je m'en explique très rapidement.

Parce que, dans les mesures actives dans le cadre de l'assurance-chômage, c'est lorsque les employés ont perdu leur emploi. Donc, ce n'est pas en faveur des employés en emploi, et pas plus en faveur des entreprises en emploi. À ce que je sache, vous représentez, vous, les entreprises qui sont toujours en activité. Donc, ces entreprises-là qui sont en activité ont à financer des mesures actives pour celles de leurs concurrentes qui ferment et pour leur personnel qui se trouve sans emploi, et sur lesquelles dépenses, dans les mesures actives de l'assurance-chômage, vous n'avez aucun mot à dire parce que, finalement, contrairement à ce 1 % dont on discute maintenant – ce 1 %, j'y reviendrai – mais qui vous permet une variété de choix dans la manière de l'utiliser, dans ce que vous payez à l'assurance-chômage, les programmes vous arrivent, comme ils nous arrivent aussi au gouvernement du Québec, sans qu'on ait un mot à décider là-dessus.

Alors, donc, c'est finalement non pas pour vos employés en emploi mais pour ceux qui ont perdu leur emploi, pas pour décider ce que vous allez faire avec ces mesures actives mais pour vous les laisser imposer, et puis vous semblez plus choisir cette façon-là de procéder que celle qu'on vous propose. Parce que c'est évident que, à 7,2 % de taxes sur la masse salariale que constitue aujourd'hui la cotisation à l'assurance-chômage – 4,2 % pour les employeurs et 3 % pour les travailleurs et travailleuses, c'est 7,2 % de taxes sur la masse salariale que coûte l'assurance-chômage – et on sait qu'une partie importante de ces 7,2 %, au-delà de 1 %, est détournée pour les fins de financer les programmes qu'Ottawa a décidé de couper, 600 000 000 $ cette année puis 900 000 000 $ l'an prochain – c'est dans le budget Martin; ce n'est pas de l'interprétation, ça, c'est voté – alors, là, il y a comme un paradoxe. Il me semble que là-dessus aussi on devrait pouvoir facilement faire front commun en se rappelant que, oui, il y a nécessité d'intégrer tout ça et qu'il y a nécessité d'en tenir compte dans l'effort qui, maintenant, vous est demandé. Encore faut-il, pour ça, pouvoir rapatrier.

D'autre part, vous me semblez nostalgique aussi du crédit d'impôt. Moi, je ne peux pas vous comprendre, tellement j'ai entendu parler contre le crédit d'impôt au cours des cinq dernières années. Il avait été annoncé par le regretté Gérald Tremblay en 1990...

(11 h 50)

Une voix: Il est encore là.

Mme Harel: Excusez-moi.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Tremblay, Outremont): Ça va venir, mais pas tout de suite. Ha, ha, ha!

Mme Harel: Alors, vous voyez, c'est un lapsus, mais c'est l'estime que je lui porte quand même – ha, ha, ha! – de son vivant. Je n'attendrai pas, pour la lui manifester, qu'il soit mort. Et il avait été annoncé en 1990, et ça devait être une dépense qui totaliserait, en trois ans, 275 000 000 $. En cinq ans, c'est à peine 60 000 000 $ qui ont été engagés.

Et je vous rappelle que le crédit d'impôt remboursable, c'est un cadeau. C'est un cadeau, ça, parce que les entreprises au Québec ne paient pas vraiment beaucoup d'impôts, hein. C'est 5,8 % des petites entreprises et 8,7 %, je crois, des grandes seulement qui paient de l'impôt. Les autres, pour toutes sortes de considérations, arrivent à ne pas en payer, d'impôts, tandis que le crédit remboursable, c'est un cadeau dans ce sens que c'est les impôts de tout le monde qui sont remboursés pour les dépenses qui sont effectuées par l'entreprise. Alors, ça demeure, le crédit d'impôt. Les 24 000 000 $ dont vous parliez tantôt, là, d'utilisation qui a été faite pour l'année qui s'est achevée, ces 24 000 000 $ restent. Ils vont rester au fur et à mesure pour les entreprises qui ne sont pas assujetties. Il y en a 140 000, entreprises qui ont des salariés, qui ne sont pas assujetties.

Et j'incite le président de notre séance à comprendre que ce sont des entreprises dans lesquelles, le plus souvent, on retrouve ceux qu'il appelle les exclus, c'est-à-dire les jeunes et les femmes en particulier, qui se retrouvent dans ces petites entreprises qui, bientôt, vont bénéficier du crédit d'impôt. Elles vont bénéficier d'une démarche proactive de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre pour les inciter à utiliser ce crédit d'impôt remboursable. Ça, c'est le deuxième élément.

Le troisième. Immédiatement, je dois vous rappeler qu'à la page 6, là, ce que vous décrivez pour la certification ISO 9000, c'est ce système-là qu'on veut instaurer pour le 1 %. Voyez, vous nous dites que vous êtes prêts, là, à accepter ces contrôles, parce que, avec ISO 9000, il y a contrôle, comme vous nous le signalez. Ce contrôle s'exerce par une certification qui est délivrée par un organisme accrédité. Bien, c'est ça, le système, là, qui est en place. Alors, s'il n'est pas satisfaisant, tel que rédigé, on va avoir pas mal de temps dans l'étude article par article pour le retravailler.

Mais c'est quoi, finalement? Voyez, exactement ceci: l'an dernier, l'entreprise manufacturière, que vous représentez, elle a dépensé l'équivalent de 18 % de la masse salariale pour acheter de l'équipement puis du matériel. Elle a gardé ses factures. Puis, il y a eu vérification externe, puis elle a fait un poste budgétaire, parce que, si le gouvernement, par échantillonnage, au ministère du Revenu, a à faire les vérifications, eh bien, il y a un comptable qui va devoir s'en expliquer. Bien, ça va être la même chose pour les dépenses de formation, si tant est que ces dépenses ont été effectuées au sens de l'article 6, paragraphes 1° et 2°, avec une institution d'enseignement ou un formateur agréé. Et je reviendrai sur le formateur agréé. C'est exactement ce que vous décrivez dans l'article 20, avec appréhension, ce qui existe présentement dans le manuel des formateurs agréés au sens du crédit d'impôt.

Et on va faciliter les choses, parce qu'on a ajouté le paragraphe 3° qui n'existe pas avec le crédit d'impôt, qui va permettre la formation sur le tas en autant qu'il y a un plan, appelons-le local, de formation, pour se comprendre, qui va être agréé par les employeurs et les travailleurs, comme c'est le cas, par exemple, avec un comité d'adaptation de la main-d'oeuvre, un CAMO. Voyez, c'est la leçon que j'ai tirée de la tournée que j'ai faite après avoir été nommée au poste que j'occupe. C'était unanime, autant chez les employeurs que chez les travailleurs, de considérer que, les CAMO, ça avait été utile et performant chaque fois qu'un tel comité d'adaptation de la main-d'oeuvre avait été mis sur pied.

Alors, donc, c'est exactement la même chose. Qu'est-ce que l'entreprise a à faire? Ouvrir un poste budgétaire. Vous nous recommandez, et vous avez raison, d'utiliser ce qui a été mis au point par le Forum pour l'emploi en termes de mode de calcul des investissements en ressources humaines. Oui, il faut largement en faire la promotion. Alors, un poste budgétaire comme c'était le cas pour l'outillage, l'équipement, la rénovation de bâtiments, qui s'appelle maintenant la formation, des factures, et puis, finalement, vérification externe, et, si tant est qu'il y a la formation sur le tas, un plan local de formation. Et il faut bien s'entendre, dans la mesure où il est agréé conjointement, il n'aura pas besoin d'être validé. Alors, c'est de ça qu'il s'agit, là, hein. Le reste, c'est de l'appréhension, à mon point de vue. Je ne veux pas vous en faire grief, mais le reste, c'est de l'appréhension mal placée, si vous me permettez.

Et j'aimerais bien revenir sur ce que vous décrivez à la page 9, là, et qui a l'air outrancier, mais c'est dans le manuel actuel d'agrément des formateurs. C'est pour éviter les Temple solaire et tout autre groupe, là, qui pourraient vouloir se glisser ou se faufiler à l'occasion de ces dépenses accrues qui vont être finalement effectuées. Alors, là, je voudrais peut-être vous entendre immédiatement, mais en vous rappelant que, ce qui est le plus performant présentement, c'est le plan de développement de ressources humaines. Et les entreprises, dans ce plan de développement de ressources humaines, ont démontré que ce n'était pas compliqué, un plan de formation, qu'au contraire, en général, avant de dépenser, la première chose dont elles s'équipent, c'est d'un plan de développement de ressources humaines.

M. Ponton (Gérald A.): Oui, si vous me permettez, M. le Président. Mme la ministre a été très éloquente et a soulevé beaucoup d'éléments. J'ai pris quelques notes. Je vais les reprendre un par un, et mon collègue Gaston va se permettre de compléter avec moi, si jamais j'en oubliais des segments.

Quand vous parlez – et c'est votre dernier propos – du plan de développement de ressources humaines, moi, j'ai été longtemps dans une entreprise où il y en avait. C'était une grande organisation. Par contre, chez les PME, on ne retrouve pas du tout ce même genre de pratique. Et, malheureusement, les entreprises, à tort ou à raison, pensent et perçoivent le projet comme étant une intervention non souhaitée dans leurs opérations, dans leurs succès, dans leurs décisions. Vous parliez tantôt d'équipement. Oui, on en a acheté, de l'équipement, comme on en fait, de la formation. Et, là-dessus, je sais que vous ne partagez pas le même point de vue que nous, ni le Secrétariat à la concertation. Mais, les entrepreneurs ne souhaitent pas l'intervention étatique dans leurs processus. Ce que les entrepreneurs nous disent – et je pense qu'ils ont eu l'occasion de vous le communiquer également dernièrement, aux journées parlementaires auxquelles vous avez fait allusion – c'est que, oui, la formation, on en a besoin pour réussir, mais laissez-nous maîtres de déterminer ce qui est bon pour nous, et donnez-nous les encadrements, les paramètres des secteurs industriels où il faut vraiment qu'on mette des efforts pour développer l'emploi, et facilitez-nous la tâche.

(12 heures)

Je reprends les propos de votre collègue, M. Paillé, qui, aux mêmes journées parlementaires, nous disait: Quand j'ai mis mon programme de la petite entreprise sur pied, le fonds de création de petites entreprises, j'ai appliqué deux principes: Comment faire confiance? Comment nuire le moins possible? Et je souhaiterais, honnêtement, retrouver ces deux règles-là à l'intérieur du projet de loi. Parce que l'AMQ n'en a pas contre la formation, n'en a pas contre la SQDM. Ce que l'AMQ craint, si on a une loi-cadre où les règlements ne sont pas encore précisés, c'est dans quelle mesure la réglementation... Et c'est vrai qu'on va y participer, et je vais revenir à ce point-là tantôt, on va avoir la chance de dire notre mot à ce niveau-là, et je suis certain que vous allez vous montrer réceptive, parce qu'il y va de la compétitivité et de la survie de nos entreprises québécoises. Mais, dans quelle mesure est-ce que ce qu'on nous dit aujourd'hui va effectivement se traduire dans les règlements?

Alors, une des recommandations qu'on vous fait, c'est: avant de mettre la loi en vigueur, pour rassurer et faciliter la mise en place de ces règlements-là, ça serait d'obtenir un consensus, un appui, peut-être pas de tout le monde mais d'une bonne majorité des employeurs autour de la table, à la SQDM, pour s'assurer qu'on a un consensus minimum avec lequel on peut opérer, ce qui, actuellement, malheureusement, ne m'apparaît pas évident. Ça, c'est le premier point.

Le deuxième point, c'est que – et, là, je vous amène sur ISO – les entreprises, chez nous, croient beaucoup à ISO. C'est une façon de... Vous savez, 90 % des exportations, cette année, dans la croissance économique, viennent du secteur manufacturier. Il y avait quelques données économiques, dans mon mémo, là, j'ai passé par-dessus parce que je suis sûr que vous êtes tannés de vous entendre faire dire la même chose à chaque fois que je vous vois, mais 90 %, c'est des exportations, et ça nous oblige à nous ajuster à un concept mondial d'entreprise où on fait des affaires. Et, malheureusement, les gouvernements, fussent-ils nationaux, ont de plus en plus, je pense, de difficultés à vouloir encadrer ou enchâsser les bons objectifs qu'ils veulent poursuivre et se refusent souvent à vouloir s'adapter aux nouvelles tendances internationales qui sont de contrôler les résultats et de ne pas gérer les processus. Et ce qu'on reproche aussi, beaucoup, au projet, c'est l'ancienne notion de contrôle à chaque étape, alors que la norme dit qu'il faut produire des papiers. Et, même si tu as un budget de formation de 6 000 000 $ et que tu as une masse salariale, mettons que tu dépenses 4 %, 5 %, il faut quand même que tu produises des papiers. Alors, on trouve qu'il y a des évidences, là, dont la SQDM pourrait, au niveau administratif, se doter pour faire en sorte que ce soit facile pour tout le monde et qu'on ait un processus efficace, efficient, performant.

Sur les normes ISO, c'est des organismes privés qui font l'audit ou la réglementation. Il y a une concurrence entre les services qui offrent ces services-là de certification. Au Canada, il y en a trois ou quatre, ils sont en concurrence les uns avec les autres, ils sont certifiés par un organisme international. Bon. Alors, je pense qu'on parle de secteur public versus approche secteur privé, et la nuance que j'apporte à ce niveau-là, quand vous dites que c'est ce que vous voulez pour la SQDM, je pense qu'elle est très importante dans la façon dont le projet de loi est présenté et dans la façon dont nous, les manufacturiers, vivons l'expérience ISO.

Sur la question du rapatriement des mesures actives, bien, on vous a supporté à ce niveau-là. Le constat que je ferais, c'est que nous avons comparu devant la commission sur l'avenir du Québec, nous avons été une des seules associations patronales à le faire et on a respecté un mandat de neutralité. Je ne voudrais pas, aujourd'hui, déborder le mandat que je n'avais pas dans le temps et que je n'ai pas plus aujourd'hui, sauf pour vous dire que, dans un domaine très précis comme les mesures actives, on pense, et on vous l'a dit, on vous l'a répété, que c'est au Québec que ça devrait venir, que ça devrait être géré.

Quant aux façons de régler ça, là ce serait de déborder notre mandat, et je n'ai pas, malheureusement, le mandat de mes membres d'aller, de franchir cette... ou de boire la coupe de la ciguë. Je ne peux pas aller jusque-là, je n'ai pas la permission, je me chercherais un autre emploi demain matin. Alors, vous allez respecter et comprendre cette position-là, tout en vous disant, cependant, qu'on fait un constat, c'est qu'on paie 4,2 %, avec les employés 7,2 %. C'est vrai qu'on n'a pas un mot à dire, mais il y a jusqu'à 15 % qui vont dans les mesures actives, qui reviennent au Québec. Et le constat qu'à l'AMQ, de fait, nous faisons, c'est que nous sommes taxés deux fois ou qu'il y a deux organismes de gouvernement qui veulent qu'on forme nos gens. Et c'est pour ça qu'on vous invite à reprendre les efforts, parce que, idéalement, on devrait être capable, abstraction faite du débat constitutionnel, de déduire les sommes que l'on fait en formation, les cotisations qu'on paie d'assurance-chômage.

Bon. Et, tantôt, on disait: Peut-être que les employés pourraient en payer une partie, malgré que, de toute façon, on a un rapport du Bureau international du travail qui semble nous dire que le marché finit toujours par s'autorégulariser à ce niveau-là. Alors, nous, ce qu'on vous dit, c'est qu'on constate une situation de fait. On ne peut pas embarquer dans la solution de la problématique, sauf pour vous dire qu'on vous réitère notre appui et qu'on vous encourage, encore une fois, à prendre votre bâton de pèlerin pour obtenir le rapatriement des mesures actives.

Sur le crédit d'impôt à la formation, le seul commentaire – je ne suis pas nostalgique – c'est que, à notre avis, c'était un système qui aurait pu fonctionner pour le peu qu'on se serait entendus entre partenaires patronaux et syndicaux et le milieu de l'éducation avec la SQDM, dans le cadre d'une commission parlementaire préliminaire au projet de loi, qu'on a proposée à la ministre à plusieurs reprises, où on se serait entendus sur les paramètres de la formation. Parce que j'ai apporté avec moi l'étude que l'Université du Québec à Trois-Rivières a rendue publique et qui, malheureusement, ne va pas dans le sens des données du Secrétariat à la concertation, avec tout le respect que j'ai pour l'équipe en place. On a des données, ici, d'entreprises manufacturières qui nous disent que les entreprises qui intègrent des technologies font aussi de la formation. Et l'ordre de grandeur des données recrutées par le chercheur, qui a un doctorat de l'Université du Québec à Trois-Rivières, et l'étude a été faite en collaboration avec le CEFRIO, le centre francophone de la réorganisation des entreprises en matière d'informatique, bien, ça nous dit clairement qu'il y a de la formation qui se fait dans les entreprises.

On aurait souhaité s'entendre sur les paramètres et, à partir de là, faire de la formation un objectif national, sur une période de trois, quatre ans, avec des objectifs précis à atteindre en corrigeant ce qui, à notre avis, n'était pas pertinent ou fonctionnel dans les crédits d'impôt à la formation. Et, nous, on est convaincus, et on le demeure toujours, que ça aurait été une excellente occasion, en même temps, d'amorcer des politiques plus globales de plein-emploi, que la ministre a à son agenda et que l'AMQ va supporter, parce que, nous aussi, on veut remettre le plus possible de Québécois au travail. On trouve que le chômage, actuellement, c'est inadmissible. Il n'y a pas juste l'OCDE qui se préoccupe du chômage, à l'AMQ, aussi, on s'en préoccupe. On se préoccupe du chômage chez les jeunes et on se préoccupe du chômage aussi chez les femmes, les différentes couches de la population active, mais il faut commencer quelque part.

Mme Harel: Mais, M. Ponton, si vous me permettez....

Le Président (M. Facal): Mme la ministre, juste un petit instant. Je veux planifier le temps qu'il nous reste. Selon notre règlement, le député de Rivière-du-Loup, quand il se joint à nos travaux comme député indépendant, a droit à cinq minutes, qui doivent être prises à raison de 2 minutes et demie dans le bloc de chacun des deux groupes parlementaires. Alors, je veux savoir si le député indépendant a l'intention de se prévaloir ou non de son cinq minutes.

M. Dumont: Oui.

Le Président (M. Facal): Alors, évidemment, cela réduit d'autant le temps disponible pour les deux groupes parlementaires.

Une voix: Il y a consentement...

Le Président (M. Facal): Il y a consentement pour que la ministre fasse peut-être une dernière courte intervention? Et, également, je sais que nous disposons de peu de temps, mais si on pouvait peut-être aussi resserrer un petit peu la durée des réponses.

M. Ponton (Gérald A.): Simplement, M. le Président, c'est que la ministre m'en a posé une très longue, alors je veux...

Mme Harel: Oui, oui, oui.

M. Ponton (Gérald A.): ...quand même rendre crédit à la question qu'elle m'a posée, je ne veux pas passer à côté. Le dernier point, rapidement, 30 secondes, 15 secondes, même, c'est sur la fiscalité. M. Picher, dans La Presse de ce matin, il ne dit pas que les entreprises du Québec ne paient pas d'impôts. Mme Harel, je veux simplement corriger ça, j'ai même des tableaux que je pourrais vous montrer, tantôt. Ça a déjà fait l'objet d'une communication avec votre collègue le ministre des Finances, et on a bien l'intention de revenir là-dessus dans le courant de l'été. Merci.

Le Président (M. Facal): Merci, M. Ponton. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, écoutez, je sais que le temps nous est compté, là, peut-être simplement vous rappeler que, à l'égard des cotisations et de la taxe, là, sur la masse salariale qui est payée à la caisse d'assurance-chômage, il y avait eu une ouverture de M. Axworthy à l'effet que ça pouvait être déduit pour celles des entreprises qui finançaient la formation, mais je comprends que ça a été abandonné. Mais, sur la question de revenir à la charge, c'est indispensable, surtout avec ce que The Globe annonçait la semaine dernière, les intentions du ministre à l'effet d'annoncer dans un mois, là, c'est-à-dire en juillet, quand à peu près chacun de nous ne sera plus en fonction active, d'annoncer, à ce moment-là, ses intentions à l'égard du transfert vers la caisse d'assurance-chômage d'un financement de mesures actives, mais à la fois, maintenant, pour l'ensemble des personnes sans emploi. On voit bien qu'il y a là un détournement de mission de la caisse d'assurance-chômage et qu'il y a là une sorte de détournement des fonds qui y sont versés.

(12 h 10)

D'autre part, en matière de crédit d'impôt, je ne voudrais pas qu'il y ait une confusion qui s'installe parmi nous. Ça va fonctionner, le crédit d'impôt. Il n'est pas abandonné, le crédit d'impôt. Le crédit d'impôt, vous savez qu'il faut le dire clairement aussi et inviter les entreprises, là, qui, dans le calendrier d'implantation, n'auront pas à satisfaire l'obligation du 1 % au 1er janvier prochain à en profiter immédiatement, par exemple, pour se donner un plan de développement de ressources humaines, dont une partie importante pour la PME, 40 %, va être remboursée par l'État. Alors, au fur et à mesure de l'implantation, il faut inviter les entreprises à profiter du crédit d'impôt pour se doter, justement, d'un plan de développement de ressources humaines. Il restera, par la suite, le crédit d'impôt pour les entreprises qui ne sont pas assujetties au 1 % et qui sont la majorité de celles qui engagent des jeunes et des femmes. On aura l'occasion d'y revenir.

Je veux juste vous dire, en terminant, que vous avez bien fait de venir, parce qu'il y a un élément sur lequel on va travailler fort dans ce que vous nous recommandez. Suite à la consultation tenue en février passé, j'ai bien compris que, du côté patronal, on souhaitait énormément une définition, dans la loi, de la formation structurée et non structurée et de celle que l'on retrouve, même si elle peut paraître imparfaite, à l'article 6, mais je pense que ça donnait suite aux représentations qui avaient été faites. Là je comprends que vous voulez un pas de plus, qu'on définisse, dans la loi, pas seulement la formation admissible, mais les dépenses admissibles dans la formation admissible. Et ça, c'est un pas de plus.

Moi, j'avais compris, au départ, que cette loi était conçue comme une intervention de l'État sans que ce soit géré par l'État. Je pense que c'est vers ça qu'on s'en va, de plus en plus, distinguer l'intervention de la gestion, qu'on a confondue, au cours des 20 dernières années, avec les résultats qu'on connaît maintenant. Intervenir sans gérer, c'est une autre manière, aussi, de gouverner. Mais là je comprends que c'est du côté patronal que l'on nous dit: Allez plus loin, dites-nous comment vous voulez qu'on l'applique. Alors, vous nous l'avez dit pour ce qui était de la formation admissible, et je comprends que, maintenant, vous nous le dites pour ce qui est des dépenses admissibles. Soyez convaincus qu'on va regarder ça de près, mais ne venez pas nous reprocher, à partir de là, de l'avoir décidé.

M. Ponton (Gérald A.): M. le Président, un petit point. C'est dans les règlements, madame, qu'on souhaite que ces définitions-là soient précisées, avant l'adoption de la loi. Parce qu'on réalise que ça évolue, une loi, ça ne se change pas facilement. Mais, dans les règlements, il faudrait les préciser, puis, pour être rassurés sur les objectifs, les avoir avant que la loi soit proclamée.

Le Président (M. Facal): Merci, M. Ponton. Alors, nous allons passer la parole à l'opposition officielle. M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Avant de commencer, M. le Président, pourriez-vous nous dire combien de temps, au total, a été utilisé par le parti d'en face?

Le Président (M. Facal): Commencez votre intervention, puis je vais vous le dire quand on l'aura calculé. Vingt-cinq.

M. Charbonneau (Bourassa): Vingt-cinq minutes.

Le Président (M. Facal): Soyez sûr que nous sommes également souples des deux côtés.

M. Charbonneau (Bourassa): Non, non. D'accord. C'était pour être sûr d'avoir 25 minutes aussi. On n'a pas de problème avec ça.

Mme Harel: M. le Président, je n'ai pas tantôt fait un point de règlement, mais j'avais demandé le temps pour le groupe précédent et l'opposition avait utilisé 30 minutes. On en avait utilisé, nous, je pense, 24 ou 25. Bon. Alors, si tant est que c'est le cas maintenant, je pense qu'il y a une justice immanente.

M. Charbonneau (Bourassa): Très bien. Alors...

Mme Harel: C'était normal que l'opposition prenne plus de temps avec la CSN et nous avec l'AMQ, peut-être. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Facal): Je ne sais pas pourquoi vous dites ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau (Bourassa): Nous sommes heureux de pouvoir connaître le point de vue de l'AMQ sur ce projet de loi très important et sur les objectifs qu'il poursuit aussi. Vous nous dites plusieurs choses d'une manière assez claire et d'autres d'une manière un peu moins claire, et ce sera l'objet de nos échanges.

La ministre a repris au vol la demande que vous lui faites ici de reprendre les discussions avec Ottawa pour ramener sous juridiction québécoise l'entière gestion des programmes. Je suis heureux que vous fassiez ce rappel. Nous en avons nous-mêmes prié la ministre à l'occasion d'un débat qu'elle a suscité au mois de mars dans une certaine motion. Nous lui avons dit: Mais hâtez-vous d'aller rencontrer votre homologue, d'autant plus qu'il vous en fait l'invitation pressante. Nous lui avons redit à l'occasion du débat sur les crédits et nous sommes heureux que vous alliez dans le même sens, parce que, en effet, au lieu de dire: Mais, il faudrait le faire, je pense qu'à un moment donné il faut passer à l'action. Et, quand on a une invitation, il faut vraiment en profiter, et, si on revient avec un non, eh bien, ça va concourir à la thèse de ceux qui ont le Oui à défendre. Puis, si on revient avec des propositions, eh bien, on fera comme quand on est en négociations: on regarde les propositions, puis on essaie de faire avancer le dossier à travers les méandres d'une négociation qui peut être parfois ardue, mais qu'il faut savoir faire. Alors, j'encourage la ministre, tout comme vous le faites, à prendre ces responsabilités-là. En attendant que d'autres décisions se prennent au Québec, il y a quand même des dossiers qu'on peut faire avancer ou du moins sur lesquels on peut faire le point si on s'y met.

Je vois aussi que vous nous dites, vous ainsi que d'autres avant, qu'il faudrait en revenir à prendre le CIRF ou l'expérience du Crédit d'impôt remboursable pour la formation comme référence, comme point de départ. Et de dire: Comme ça n'a pas marché, etc., c'est l'argument de la ministre, c'est l'argument de certains autres groupes aussi, vous nous dites, après d'autres: Attention! C'est une fausse référence. Il n'y a pas eu d'échec au crédit d'impôt. Ce n'est pas avec les statistiques du crédit d'impôt qu'on doit conclure que c'est une méthode qui n'a rien donné et qu'il n'y a pas d'espoir de ce côté-là. Je pense qu'il y a d'autres manières de regarder, de faire le bilan, que de se référer au soi-disant peu de succès du crédit d'impôt. Vous nous le dites vous aussi. J'espère que la ministre va finir par en prendre note. Elle dit: J'ai tellement entendu parler contre. Elle pourrait nous dire: J'ai tellement parlé contre. C'est peut-être pour ça que ses paroles lui reviennent à l'oreille. Elle dit: J'ai entendu parler contre. En réalité, il y a du monde qui a parlé pour aussi, et l'expérience mérite peut-être d'être prolongée sous divers modes.

Une fois de plus, vous nous dites, à la fin de votre mémoire – il faut le lire jusqu'à la fin, et c'est ce que j'ai fait – que vous déplorez le manque de débat ouvert ou que vous êtes préoccupés, vous auriez souhaité un débat ouvert sur les enjeux réels de la formation professionnelle. Et vous manifestez votre appui à des mesures incitatives.

«Le gouvernement manque une belle opportunité de rallier tous les partenaires du marché du travail à faire front commun.» Ce sont des phrases, quand on les met en relief dans une conclusion, c'est des phrases auxquelles il faut apporter la plus grande attention, à ce moment-ci. On parle de formation, d'un dispositif de formation. Ça ne peut fonctionner que dans l'harmonie et le consensus réel, le consensus actif, pas seulement le consensus déclaratoire autour de l'objectif. Tout le monde qui passe ici souscrit à l'objectif d'investir dans la formation. Ça, ça me fait penser aux gens qui sont pour la maternité, qui sont pour la famille, motion à l'Assemblée nationale pour féliciter la famille, pour féliciter la maternité. Taux de natalité: 1,6, le plus bas en Occident. À un moment donné, on peut déclarer des choses puis regarder les réalités et les difficultés de tout ça.

Alors, j'espère qu'on va dépasser ce stade-là et qu'on va en arriver vraiment à atteindre un consensus. Pour ça, il faut un débat approfondi, parce qu'on n'est pas dans des matières faciles, mais ce n'est pas des matières qui s'imposent non plus. La formation, c'est un peu comme l'appétit, ça, je veux dire, tu as faim ou tu n'as pas faim. Si je n'ai pas faim ou si je ne suis pas disposé à manger, mets-moi la plus belle assiette devant moi, les meilleures boissons, je n'ai pas faim, je ne suis pas disposé, ça ne me plaît pas, ce n'est pas l'heure.

Il faut regarder ça de près, avec attention, et, encore une fois, vous nous dites, ici – j'espère qu'on en prend compte – qu'on ne peut pas forcer la formation. Il faut bâtir un consensus autour de ça. Puis le premier ministre a prévu, dans sa distribution des responsabilités au Québec, confier l'emploi et la concertation à la même ministre, la même personne. Donc, j'espère que la ministre d'État à la Concertation va venir au renfort de la ministre de l'Emploi assez prochainement, parce que, d'après ce qu'on voit depuis le début de ces auditions, la concertation n'a pas été encore vraiment réussie.

On a toutes sortes d'attentes. En fait, le projet de loi 90 est un tissu d'ambiguïtés. La ministre est obligée, elle nous l'a dit, d'entrée de jeu... À l'ouverture de ces audiences, elle nous a dit: Ça a beaucoup cheminé. Autrefois, il y a une dizaine d'années, on avait en tête une contribution obligatoire universelle avec constitution d'un fonds. Puis, finalement, tout ça a changé à travers les années. On a compris les représentations qui nous ont été faites.

Le groupe qui vous a précédé a apporté son appui, a applaudi au projet de loi, puis, en même temps, il a demandé de resserrer une série de dispositions qu'il trouvait trop larges, exactement à peu près les mêmes dispositions que, vous, vous demandez d'élargir, ce qui démontre l'ambiguïté profonde de ce projet de loi qui essaie de mettre la table pour tout le monde, de satisfaire les uns et les autres. Mais le jour où on arrivera avec une définition, à un moment donné, de la formation, les rangs vont se prendre entre les pour et les contre. D'ailleurs, je n'ai pas trop saisi, si vous aviez à voter à notre place, vous, si vous êtes pour ou si vous êtes contre, là. En tout cas, c'est une question que vous pouvez noter, j'aimerais entendre votre réponse là-dessus. Mais, moi, je constate, en écoutant nos invités, que tout le monde a des espoirs autour de ce projet de loi là. Les uns veulent que ce soit beaucoup plus serré sur des objets vitaux, puis les autres veulent que la porte soit ouverte, et puis qu'on puisse faire toutes sortes de choses, et puis que les contrôles soient diminués. C'est une très dangereuse manière – et nous en avions prévenu la ministre lors de l'étude des crédits, on a eu des débats, aussi, sur la concertation, à ce moment-là – que de mettre la table, parce qu'on suscite toutes sortes d'attentes, et puis, à un moment donné, il va falloir que ce soit noir ou que ce soit blanc. Il va falloir, en tout cas, qu'il y ait une définition de la formation à quelque part.

Il y a des demandes pressantes qui sont faites. On réfère ça aux parties, à la SQDM. La SQDM peut travailler avec soin sur des questions, mais c'est des mois et des mois de discussions entre des partenaires qui viennent nous expliquer ici qu'ils ne s'entendent pas du tout. Ils n'ont pas du tout les mêmes visions. Est-ce que, parce qu'ils vont être 18 réunis autour d'une table, ils vont en arriver à des solutions à tous ces problèmes-là? Il me semble que la ministre devrait clarifier certaines ambiguïtés profondes de sa proposition, et puis là on pourra dire si on est pour ou si on est contre, et puis on cessera de naviguer dans cette ambiguïté. Il ne faudrait pas confondre consensus apparent sur les objectifs puis l'ambiguïté qu'on constate sur les mesures vitales, les organes vitaux de cette proposition.

(12 h 20)

J'ai entendu, encore, la ministre dire: On ne veut pas d'intervention de l'État. Qu'est-ce que c'est que l'article 20?

Mme Harel: ...gestion.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, dans la gestion. Qu'est-ce que c'est que l'article 20? Je ne sors pas du mot «gestion» non plus. «La Société peut, par règlement...» C'est 19. Article 20: «Un règlement pris en vertu de 19 peut [...] subordonner, s'il y a lieu, l'admissiblité de dépenses de formation professionnelle à l'agrément ou à la reconnaissance par la Société d'enseignements, de formations, plans, programmes...» Non seulement par la Société, lisons 21, l'article 21 vient mettre le couvercle dessus: «Les règlements de la Société pris en application de l'article 19 sont soumis à l'approbation du gouvernement.» Bien, c'est clair, là. Il me semble que c'est clair que c'est le gouvernement, finalement, qui pourra toujours, en définitive, sanctionner, approuver les règlements qui ont été faits par les partenaires. Donc, qu'on ne dise pas que le gouvernement est absent de la gestion, ici.

Vous aviez une question, aussi, sur la responsabilité de la ministre de l'Emploi sur l'aspect fiscal de la loi. Bien, vous avez une réponse, je crois. Je ne suis pas légiste, mais 62, l'article 62 donne une bonne réponse: «Le ministre de l'Emploi est chargé de l'application de la présente loi, à l'exception de la section II du chapitre II dont l'application relève du ministre du Revenu.» Vous avez souhaité, vous, que la ministre soit responsable de l'ensemble de la loi. L'article 62 est très clair. Cette section-là de la loi, c'est au ministre du Revenu qu'en revient l'application. Ça veut dire que, s'il y a des problèmes, s'il y a des interprétations, s'il y a des débats à faire, s'il y a toutes sortes de paperasses et de poursuites, de malentendus, c'est avec le Revenu que les entreprises vont avoir à se débattre et non pas avec la gentille ministre de l'Emploi. Et on sait comment c'est facile, débattre des affaires avec le Revenu. On a des articles dans les journaux à tous les jours qui nous montrent comment c'est un cauchemar pour les entreprises que de se débattre avec le ministère du Revenu. Épouvantable. Alors, vous avez bien fait d'attirer l'attention là-dessus, mais vous avez une réponse à 62, pour le moment, si ça ne change pas.

Alors, je voudrais, pour ma part, terminer ma présentation en vous demandant: Est-ce que vous êtes pour ou si vous êtes contre le projet de loi?

M. Ponton (Gérald A.): Bien, M. Charbonneau, je n'aurai pas à voter, donc vous allez me permettre... je vais garder mon opinion personnelle pour moi. Mais, au niveau de l'Association des manufacturiers du Québec, on partage l'objectif de formation. Et, dans la mesure où le projet de loi impose ce qui est, pour nous, une taxe, établit une structure de gestion de contrôle ou gouvernementale de type traditionnel, bien, l'AMQ ne pourra pas supporter l'adoption du projet de loi. Parce que le mandat qu'on a de nos membres est justement à l'effet contraire, de permettre une plus grande marge de manoeuvre pour permettre aux entreprises québécoises de s'adapter au contexte économique mondial et, surtout, de ne pas avoir une taxe additionnelle à verser sur la masse salariale.

Je m'en voudrais de ne pas soulever toute la question qui est également reliée aux états généraux de l'éducation, auxquels on a l'intention de participer très activement, parce que, là aussi, il y a toute une dimension formation professionnelle, stages en entreprise, alternance travail-emploi, qui va avoir des implications avec le projet de loi pour lequel on comparaît aujourd'hui. Alors, nous, on aurait préféré un forum préliminaire, et ça a été dans ce sens-là qu'on a fait des recommandations à la ministre.

Le Président (M. Facal): M. le député d'Outremont.

M. Tremblay (Outremont): M. le Président, vous mentionnez, à la page 7 de votre mémoire, concernant les articles 3 et 4, que vous aimeriez que les entreprises puissent transférer à une autre année d'imposition les dépenses admissibles pour lesquelles elles ont investi un montant excédentaire au cours d'une année donnée. Et vous mentionnez, là, un nombre suggéré étant de cinq années.

Est-ce que vous seriez d'accord que le ministère du Revenu emploie les mêmes années, si je me rappelle bien, c'est un report d'une année antérieure, trois années à venir, des pertes d'une entreprise, plutôt que d'utiliser une nouveauté? Alors, si on pouvait réussir à convaincre la ministre pour qu'elle puisse convaincre le ministre du Revenu d'employer la même méthode au niveau des pertes d'une entreprise – une entreprise peut reporter ses pertes, une année précédente et trois années à venir – je pense, ça serait peut-être plus facile de faire accepter la suggestion que vous faites aux articles 3 et 4.

M. Ponton (Gérald A.): M. le député d'Outremont, M. le Président, nous, on serait d'accord avec une mesure qui va reconnaître que l'entreprise est cyclique, qu'un cycle, c'est plus qu'une année. Donc, à partir de ce qui existe en matière fiscale, d'une façon générale, on n'aurait pas de difficultés à ce que le même critère puisse s'appliquer également à cette obligation de faire de la formation dans un créneau ou une période qui ne correspond pas à la priorité de l'entreprise. Et là on serait obligés de faire un chèque automatiquement, ce qui ne nous apparaît pas l'objectif de la loi. La ministre nous l'a dit longtemps que ce n'était pas de collecter de l'argent, c'était de faire de la formation.

M. Tremblay (Outremont): Très bien. Une deuxième question, c'est concernant les normes internationales ISO 9000 auxquelles vous faites référence à la page 6. Il n'y a aucun doute que le Québec a pris un retard considérable sur l'implantation, dans les entreprises, des normes internationales 9000. Je pense qu'au Canada il y a possiblement quelques centaines d'entreprises qui sont certifiées ISO 9000, tandis qu'en Europe il y en a plus de 20 000. Alors, lorsque vous mentionnez que vous êtes d'accord avec un objectif national de formation professionnelle, je crois qu'on devrait davantage parler d'un objectif international, parce que, avec une économie ouverte sur le monde, on est appelé à concurrencer sur la scène internationale. Donc, je comprends très bien l'impatience de la ministre de l'élément confiance au niveau des entreprises, parce que, si les entreprises n'adoptent pas les normes internationales le plus rapidement possible, il est évident que c'est l'État qui doit, en dernier ressort, assumer le chômage des travailleurs et des travailleuses et la sécurité du revenu.

J'ai, en 1991, après 10 années d'efforts, réussi à convaincre l'Ordre des comptables agréés du Québec d'accepter qu'on puisse mettre aux états financiers des entreprises des notes reconnaissant les investissements en formation professionnelle, en qualité totale et en recherche et développement. Si vous preniez les états financiers des membres de l'Association des manufacturiers du Québec – donc, on parle de grandes entreprises – je serais très curieux de voir combien d'entreprises ont demandé à leur vérificateur de mettre des notes à leurs états financiers divulguant de façon très claire les investissements dans les trois secteurs que je viens de demander.

Alors, il n'y a aucun doute que la solution idéale est celle que vous suggérez, parce que, si, au Québec, on a réussi à innover par l'Ordre des comptables agréés, si on pouvait avoir, comme vous le suggérez, un audit de formation dans les entreprises, ça serait évident aux états financiers, ça serait évident pour le ministère du Revenu du Québec. Il y aurait moins de bureaucratie, moins de réglementation et moins d'apport au niveau de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre.

(12 h 30)

Alors, je vais remettre aux membres de la commission la documentation qui a été préparée par l'Ordre des comptables agréés, qui a été remise aux 14 000 vérificateurs du Québec. Et ce que j'apprécierais, c'est si vous pouviez, par votre secrétariat, nous revenir le plus rapidement possible et nous dire combien d'entreprises faisant partie de l'Association des manufacturiers du Québec ont accepté les directives de leur vérificateur et l'incorporation à leurs états financiers des notes, là, dévoilant de façon très claire les investissements en formation professionnelle, en qualité totale et en recherche et développement. Je pense que, ça, ça pourrait crédibiliser la demande que je considère légitime.

Et je suis convaincu que la ministre serait également d'accord si c'était, de façon concrète, la réalité. Si, dans les états financiers des entreprises, on reconnaissait un audit de formation, je pense que là on pourrait parler de choses très sérieuses. Mais j'anticipe un peu le résultat de vos recherches, et on va s'apercevoir qu'il y a beaucoup d'entreprises qui n'ont pas donné suite à cette volonté gouvernementale et à la volonté de l'Ordre des comptables agréés.

M. Charland (Gaston): Je pense que je peux peut-être vous donner une réponse là-dessus. Sur le nombre exact, ça peut être difficile de répondre aujourd'hui. Sur l'intention – je prends l'exemple de la formation professionnelle – une des difficultés, et on le voit dans les études qui ont été faites, c'est d'avoir l'évaluation exacte des dépenses en formation professionnelle. Même, on parle de discuter de dépenses admissibles dans un règlement. Donc, on ne s'est pas encore entendu sur ce dont on parle quand on parle de formation, de formation sur le tas, pour fins d'exemple. À ce moment-là, il est difficile d'avoir les données. C'est pour ça qu'on avait développé, d'ailleurs, pour le Forum pour l'emploi, une espèce de guide d'investissement des ressources humaines. Mais notre raisonnement va peut-être un petit peu plus loin que ça. Ce qu'on a tout le temps souhaité, au niveau de l'Association des manufacturiers, c'est de valoriser une approche de type incitatif. Nous autres, on dit: Bien, écoutez, essayez de mettre en valeur ce qui se fait. Peut-être qu'il y a lieu de modifier un peu notre approche au niveau de la formation.

Les gens me disent: Peut-être qu'on peut regarder d'autres façons de contrôler que par voie de lois ou de règlements ce qui se fait en formation au Québec et d'en faire une évaluation. Peut-être qu'on pourrait apporter des approches qui pourraient être dans le sens dans lequel les entreprises travaillent au Québec présentement. On a une résistance qui se manifeste la minute qu'on parle d'une loi ou d'un règlement. Les gens veulent plutôt parler d'investissements, veulent plutôt parler de résultats. Et, lorsqu'on parle de résultats, les entreprises sont prêtes à investir.

Maintenant, on s'aperçoit – et c'est vrai, ça a été noté dans divers rapports – de la difficulté d'identifier les dépenses réelles en formation. Je pense que l'initiative que vous avez soulignée de la part de l'Ordre des comptables agréés mérite d'être vérifiée. Mais ce serait une façon, avant d'aller trop loin là-dedans, de voir exactement à quel endroit on se positionne.

M. Tremblay (Outremont): Un dernier commentaire, M. le Président. En 1972, lorsque j'étudiais aux États-Unis, ce qu'on m'a notamment enseigné, c'est que l'actif le plus important d'une société, c'était sa ressource humaine. Nous sommes rendus en 1995 et, après des efforts considérables au niveau gouvernemental, nous sommes encore rendus dans une situation où on ne peut pas identifier de façon très claire les investissements que les entreprises font dans la ressource humaine, leur actif le plus important.

Ce n'est pas un reproche que je vous fais. C'est un reproche qu'on pourrait faire à l'Amérique du Nord. Alors, la seule suggestion que je vous fais, c'est: Pour crédibiliser la demande que vous faites à la ministre, au niveau de l'audit de formation, est-ce que vous ne pourriez pas faire – on n'en a pas besoin aujourd'hui, je suis d'accord avec vous – dans les semaines qui viennent, des appels téléphoniques à vos membres pour leur dire: Écoutez, là, est-ce que vous notez à vos états financiers la formation, étant bien conscients que la formation n'est pas clairement définie, aujourd'hui, que les dépenses admissibles au niveau de la formation ne sont pas clairement définies, mais ce n'est pas une raison pour une entreprise de ne pas tenter, du moins avec son vérificateur, de ventiler ses investissements en formation professionnelle, en qualité totale et en recherche et développement?

M. Ponton (Gérald A.): On va faire un suivi, M. le Président, pour le député de l'opposition et on pourra revenir à M. Tremblay ou à la ministre sur les données que l'Ordre des comptables pourrait nous fournir ou encore que nos membres nous indiqueraient à ce sujet-là. On peut avoir les états financiers annuels et... On va faire le suivi.

M. Tremblay (Outremont): Je préfère que ce soit à la commission, M. le Président...

M. Ponton (Gérald A.): À la commission.

M. Tremblay (Outremont): ...et principalement à la ministre.

M. Ponton (Gérald A.): Parfait. Alors, au président et à Mme la ministre.

Le Président (M. Facal): Merci. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. D'abord, bienvenue aux représentants de l'AMQ qui viennent nous faire réfléchir sur des questions sûrement importantes, surtout en regard de l'analyse de Claude Picher, ce matin – je pense qu'on l'a tous regardée avec attention – sur l'évolution phénoménale des taxes sur la masse salariale qui ont, on le sait, un impact désincitatif sur l'emploi.

Je reprends deux éléments de votre mémoire. Je pense que vous êtes un peu, vous-même, comme représentants d'entreprises, dans le même dilemme que plusieurs personnes, probablement que la ministre et d'autres. Vous nous dites, dans votre conclusion: On aurait souhaité que la démarche soit autrement. Vous dites: «La réglementation gouvernementale constitue un moyen fort questionné pour atteindre les objectifs de l'État», les objectifs de formation, une déclaration avec laquelle je suis à 100 % d'accord.

Par contre, en page 6, vous mettez une tête de chapitre: «Obligation de résultats». Je pense que le député d'Outremont vient de l'exprimer, il y a, en matière de formation, à l'heure où on se parle, obligation de résultats. Alors, tout le défi, c'est de faire le pont, justement, entre l'obligation de résultats, en respectant le principe que la réglementation gouvernementale, le nez du gouvernement dans les affaires des entreprises, ça leur plaît assez peu, et on les comprend, avec les expériences qu'elles ont pu vivre. Ce qui me semble, pour vous, un pont entre les deux, c'est un système d'audit, donc un audit de formation qui permettrait de se libérer de cette voie bureaucratique et coûteuse. C'est ce que vous nous dites.

Ma question, au fond, c'est: Est-ce que vous êtes allés plus loin, à savoir est-ce que le projet de loi qu'on a devant nous, pour vous, avec des modifications, pourrait reprendre des principes d'un audit et devenir, avec un changement d'articles, acceptable? Si oui, est-ce que vous avez pensé, à des articles précis, comment ça pourrait être réorganisé ou si ce projet de loi, pour vous, ce n'est pas un point de départ possible en soi, contraire à la réconciliation des objectifs?

M. Ponton (Gérald A.): Si je peux me permettre, le gouvernement a tracé son orientation. Puis, amender son projet de loi pour permettre les audits de formation, je pense que c'est quelque chose qui pourrait être possible. Les vérificateurs vérifient des millions, pour ne pas dire des milliards de dépenses dans les états financiers, et c'est le système qu'on connaît pour certifier de l'exactitude des renseignements puis des impôts que l'on paie sur les taxes à plusieurs niveaux. Alors, le volet formation pourrait être intégré dans un contexte de ce que doivent comprendre les états financiers pour les entreprises qui font des affaires au Québec. Puis, là, la ministre pourrait fixer les objectifs sur trois ou quatre ans, puis les compagnies devraient atteindre certains résultats.

Nous, on ne dément pas qu'il faut atteindre des résultats, parce que la formation est une nécessité, si on y va de manière incitative, avec une approche où tous les partenaires conviendraient des règles du jeu en collaboration avec le gouvernement. Puis s'il n'y a pas de possibilité, bien, le gouvernement pourrait toujours prendre ses responsabilités. Mais je pense qu'il faut donner l'opportunité aux partenaires de s'impliquer et de collaborer à l'atteinte des objectifs. En tout cas, depuis que je suis à l'AMQ, c'est ce qu'on essaie de mettre en place et de véhiculer auprès de nos entreprises. Oui, Gaston?

M. Charland (Gaston): Si vous me permettez d'ajouter quelques commentaires pour répondre très directement à la question. Si on considère une autre façon comme un audit de formation, ça serait définitivement un autre modèle qu'il faudrait regarder. C'est pour ça qu'on a invoqué, dans notre mémoire... Écoutez, on comprend qu'il y a un principe d'une taxe sur la masse salariale. On vous a soumis une implication avec le gouvernement fédéral. On vous dit qu'il est prévu, dans le rapport qui avait été préparé à l'époque, une façon d'inciter les entreprises à faire de la formation sans qu'il y ait augmentation de coûts.

On vous dit aussi: Regardez ce qui se fait dans le domaine de la qualité. Écoutez, vous savez que je suis très impliqué dans le domaine de la qualité. Je pense que, si on réussit à remplir le forum puis à amener des gens à parler de formation au forum comme on l'a fait pour la qualité l'année passée, 5 000 employeurs et dirigeants syndicaux, je pense que ça aura un succès étonnant.

(12 h 40)

Lorsqu'on parle d'un audit de formation, bien, il faudrait réfléchir un petit peu. C'est d'ailleurs pour ça qu'on avait souhaité, qu'on avait exprimé, avant d'aller trop loin dans un principe de loi pour ne pas être obligé de mettre le gouvernement dans une position relativement délicate, de prendre un peu de temps puis de regarder tout ce qui se fait en formation et en éducation. Notre point de base, bien, il y a peut-être un audit de formation qui pourrait répondre à ça, mais il y a aussi peut-être le raisonnement que ça nous permettrait peut-être de convaincre encore plus les entreprises de la nécessité d'établir certains barèmes qui permettent de se comparer. Parce qu'un audit de formation, si on le compare à un audit de qualité, c'est un barème de comparaison qui vous permet de vous faire reconnaître avec toute votre expertise à l'extérieur de l'entreprise.

M. Dumont: Donc, pour reformuler ça, c'est sur l'article 14, entre autres, que vous en avez, c'est-à-dire qui place sur les épaules de l'entreprise la responsabilité de produire, au moyen d'un formulaire, un de plus, une déclaration à l'égard de la masse salariale sur laquelle doit être calculée sa participation et de démontrer sa participation en termes de formation. Si, ça, c'était remplacé par une formule d'audit, en incluant peut-être à l'article 6 ou à l'article, je ne me souviens plus lequel, celui où on inclut, sur quatre ou sur cinq années, les transferts, ces deux modifications-là, pour vous autres, changeraient substantiellement votre position à l'égard du projet de loi. C'est bien ça?

M. Charland (Gaston): Et, si vous le regardez, il faut raisonner de deux façons. On a raisonné, nous autres, à partir du projet de loi qui est présenté là. Si on parle d'audit de formation, il faudrait regarder de quelle façon on peut l'articuler. Mais il est vrai que, lorsqu'on va étudier les règlements, c'est d'ailleurs pour ça qu'on souhaite que ce soit au niveau de la SQDM, il faut avoir une grande marge de manoeuvre puis regarder des modèles qu'on peut utiliser, qui vont correspondre aux besoins des entreprises. Dans ce sens-là, si je reviens à l'article 14, peut-être qu'il faudra modifier un peu les paramètres qui vont être utilisés pour mesurer la formation qui se fait.

Le Président (M. Facal): Merci. Alors, ceci épuise le temps que nous avions à notre disposition. Peut-être que, si les porte-parole veulent émettre un court mot de conclusion...

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, avec plaisir, M. le Président. Je suis heureux de cet échange. Il nous a permis d'approfondir un certain nombre d'aspects. Je voudrais vous remercier de votre contribution et, tout particulièrement, de nous avoir rappelé l'importance d'avoir accès aux règlements ou aux projets de règlements avant l'adoption du projet de loi. Je vous remercie.

Le Président (M. Facal): Merci. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je veux, peut-être avant de remercier nos invités, remercier le député de Rivière-du-Loup parce qu'il nous rappelle à un objectif à poursuivre et à atteindre, celui d'une obligation de résultats en matière de formation de la main-d'oeuvre. Je crois que cet objectif de résultats, nous le partageons, et il faut trouver la façon la plus efficace pour s'en assurer. J'aimerais également, M. le Président, assurer M. Ponton et M. Charland que tout est mis en oeuvre pour tenter d'ébranler l'entêtement du fédéral en matière de rapatriement des mesures actives. Mon collègue, le député de Bourassa, qui m'invite à cela, ne sait peut-être pas que j'ai personnellement, à deux reprises, écrit à M. Axworthy pour le rencontrer, lui offrir de le rencontrer. Et je comprends qu'il m'évite systématiquement. Et j'ai, avec ma collègue responsable du dossier des affaires canadiennes, aussi réclamé non seulement des rencontres privées, mais aussi une conférence fédérale-provinciale. Alors, je souhaiterais que nous puissions poursuivre au niveau de la motion déjà présentée pour, justement, adopter une position commune qui ferait en sorte que quelque chose se passerait dans ce qui apparaît un mur de béton, de ciment, à l'égard des demandes répétées du Québec.

Le Président (M. Facal): Merci, Mme la ministre. Alors, je vous remercie, moi aussi. Nous suspendons nos... Oui? M. le député d'Outremont, oui.


Organisation des travaux

M. Tremblay (Outremont): Avant la suspension, est-ce qu'on pourrait... Je voudrais juste comprendre ce qui se passe au niveau de l'horaire des auditions. Il me semble que l'entente, c'est qu'on avait convenu d'un certain nombre de jours avec une plage horaire qui nous permettait de rencontrer un certain nombre d'intervenants. Pour des questions de logistique, et je ne veux pas en discuter aujourd'hui, la question possiblement du 5 juin, si on peut trouver une façon de trouver un compromis, ça va. Mais ce qui me surprend, c'est que, par exemple aujourd'hui, on avait prévu un intervenant à 20 heures et un autre intervenant à 21 heures. Nous avons eu, comme la ministre, des représentations de certains intervenants, notamment de la compagnie Rivetec-Adhertec et de l'association des entrepreneurs en entretien ménager de Québec. Nous serions prêts à les rencontrer. Vous m'avez informé que le problème, c'est qu'il semblerait que, si on accordait un statut particulier à ces deux intervenants... C'est que la ministre aurait reçu un nombre important d'autres demandes.

Alors, est-ce qu'il y a moyen de prendre connaissance de toute cette liste? Si la ministre nous démontrait de façon très claire qu'on pourrait causer préjudice ou créer un précédent en invitant, mettons, ces deux intervenants, alors qu'il y en a une liste de 30 qui existe, là je pourrais comprendre. Je ne demande pas qu'on fasse ça immédiatement. Mais, avant de fermer ces horaires-là, de prendre des décisions qui sont un peu différentes de celles que nous avions convenues au départ, j'aimerais ça comprendre l'ampleur du problème pour qu'on puisse, de façon éclairée, prendre les bonnes décisions et, surtout, permettre à la très grande majorité des intervenants qui veulent se faire entendre, qui nous appellent, qui font des représentations par téléphone, par courrier, par télécopieur... Alors, étant donné qu'il y a beaucoup d'intervenants qui se sont désistés, au moins presque une vingtaine, est-ce qu'on ne pourrait pas substituer des intervenants qui sont intéressés et qui ont des choses à dire à ces intervenants qui se sont désistés?

Le Président (M. Facal): Mme la ministre, dans la mesure où les représentations ont été faites auprès de vous, est-ce que vous voulez commenter la requête du député d'Outremont?

Mme Harel: M. le Président, je comprends que nous allons siéger jusqu'au lundi 5 juin, lundi midi, 5 juin. Je comprends aussi que nous avons beaucoup de demandes. J'ai demandé au personnel du cabinet de constituer la liste des différents organismes qui souhaitent se faire entendre. Si, je pense, nous les satisfaisions, nous n'adopterions pas le projet de loi avant la Saint-Jean. Alors, c'est ça l'enjeu important.

Et puis, évidemment, lorsqu'on accepte une ou l'autre des demandes, ce sont tous les autres qui m'expriment leur mécontentement en disant: Pourquoi vous ne nous entendez pas, nous aussi? C'est le cas, par exemple, dans la construction. Vous voyez, suite aux représentations de l'opposition, on a accepté l'APCHQ, par la suite l'AECQ. Là, c'est maintenant l'ACQ, et, du côté syndical, on dit: Si vous avez entendu les patrons, il n'y a pas de raison de ne pas nous entendre. Alors, c'est l'international qui veut maintenant se faire entendre et, également, les autres syndicats de la construction, y compris la CSN, dans la construction spécifiquement, puisqu'ils ont un régime particulier, comme vous le savez, dans le projet de loi 90.

Alors, si c'est vers ça que vous nous amenez, c'est évident qu'à ce moment-là c'est, d'une certaine façon, une mesure dilatoire pour ne pas terminer le 5.

M. Tremblay (Outremont): M. le Président, l'entente était jusqu'au 5. L'intention de l'opposition, ce n'est certes pas d'aller au-delà du 5. Alors, il faut bien s'entendre là-dessus. La ministre a sûrement planifié ses délais. Si elle a l'intention de faire adopter le projet de loi comme elle vient de nous le mentionner, elle avait pris pour acquis que nous siégions jusqu'au 5.

La seule représentation que nous faisons... Nous avons eu des entrepreneurs, des personnes qui veulent venir en commission parlementaire. Ce que la ministre nous dit – et ça, je le comprends très bien – c'est qu'on pourrait frustrer certains intervenants si on en accepte quelques-uns. Est-ce qu'on peut comprendre l'ampleur du problème? C'est tout ce que je demande. Si la ministre pouvait, avant que nous revenions cet après-midi après la période des affaires courantes, demander à ses collaborateurs de faire une liste...

Le Président (M. Facal): J'ai cru comprendre que c'est ce qu'elle leur a demandé de faire.

Mme Harel: Hier.

M. Tremblay (Outremont): Oui. C'est ça. Non, j'ai compris ça aussi, mais on ne l'a pas. Puis, ce n'est pas un reproche que je fais à la ministre. On a besoin, nous... Avant de causer préjudice à des intervenants qui veulent se faire entendre, on a besoin de connaître l'ampleur de la situation, parce que je comprends la préoccupation de la ministre, mais je vois également que, sur l'horaire des auditions, il y a encore des points d'interrogation et il y a des espaces vides. Alors, si on se ramasse à sept, huit, neuf, 10 places qui pourraient se libérer, d'autant plus qu'il y en a une quinzaine qui ont décidé de ne pas venir à la commission, je pense qu'on a intérêt, à cause de l'importance du problème, à équilibrer les représentations des intervenants qui viendraient. Je serais même prêt, s'il le fallait, à tirer au sort pour pouvoir justifier la présence de certains intervenants, leur dire: Écoutez, on ne pouvait pas vous entendre tous parce qu'on avait des limites, sauf qu'on est allé au sort et, heureusement, vous avez gagné ou vous avez perdu. Mais, au moins, on va pouvoir dire au public en général que, lorsqu'on veut se faire entendre, il y a une possibilité, surtout que la disponibilité semble s'avérer, selon l'information que le secrétaire de la commission nous a remise.

Le Président (M. Facal): La liste que vous demandez, elle est en préparation. Aussitôt qu'on l'aura, on avisera, à la lumière de ce qu'elle contient. Alors, je vous propose de suspendre nos travaux jusqu'à aujourd'hui, 15 heures.

(12 h 50)

M. Tremblay (Outremont): Juste un dernier commentaire, M. le Président. Ce serait assez urgent, parce qu'il y a un espace ce soir à 21 heures. Si on pouvait, à 15 heures, aux affaires courantes...

Mme Harel: M. le Président, avant peut-être que nous quittions, hier j'avais demandé au secrétaire de la commission, si tant est que c'était possible d'y mettre un organisme, de trouver une soirée où on entendrait deux organismes. Est-ce que c'est possible?

Le Secrétaire: Vous voulez dire pour ce soir?

Mme Harel: Pour ce soir, oui, c'est bien ça.

Le Secrétaire: Ce n'est pas possible d'en ajouter un ce soir, d'autant plus que, dans les groupes que j'avais, tout le monde avait sa case.

Le Président (M. Facal): Il faut comprendre que...

Mme Harel: Oui, mais il était possible...

Le Secrétaire: Il faut créer un trou quelque part si j'en mets un ce soir.

Mme Harel: Il me semble qu'hier on avait discuté spécifiquement de la possibilité de demander un organisme qui était déjà prêt puisqu'il avait déjà sa case, comme vous dites, donc qui était déjà prêt, qui savait déjà pouvoir être invité, de lui demander peut-être de devancer. Parce que c'est évident, M. le député d'Outremont, que c'est un court délai, si tant est que l'organisme n'a pas déjà été averti un peu à l'avance, de lui demander de venir dans la même journée ou le lendemain, mais on peut le faire pour un organisme qui est prévu la semaine suivante. Alors, je comprends que ça n'a pas été fait hier, ça.

Le Secrétaire: Pour ce soir.

M. Tremblay (Outremont): Là, on parle...

Le Secrétaire: Ça n'avait pas été demandé pour ce soir. Il y a des organismes, pour les déplacer... Il y en a qui l'ont été. Ils sont en attente aussi de certaines confirmations. Mais, pour ce soir, ce n'était pas possible.

M. Tremblay (Outremont): Mais le mandat du secrétaire, c'était uniquement de voir la possibilité de déplacer des organismes qui avaient été retenus. Par contre, je suis convaincu que, si vous appeliez M. Luc Tremblay, un ancien député du Parti québécois du comté de Chambly, qui vous a fait parvenir une lettre de quatre pages, il partirait de Montréal dans les plus brefs délais pour être ici ce soir, à 21 heures. Ça, c'est un exemple, là.

Mme Harel: L'avez-vous vérifié?

M. Tremblay (Outremont): Non. Mais je suis convaincu que, si je l'appelle, il va venir. Ça... Mais ce serait intéressant. Ce serait intéressant. Il a un point de vue qui est très intéressant. Moi, j'aimerais ça l'entendre, un dirigeant de petite et moyenne entreprise venir nous expliquer son point de vue. Ça, c'est un exemple.

Mme Harel: Il n'y a rien qui vous empêche de le rencontrer. Comme moi-même, j'ai bien l'intention de rencontrer M. Tremblay que j'ai toujours apprécié comme collègue. Je lui ai écrit, d'ailleurs, en réponse à la lettre qu'il m'a fait parvenir. Mais, imaginez-vous si, dans une commission, on commence à entendre tous les individus qui veulent se faire entendre. Alors, c'est vraiment inusité. Ça ne s'est jamais présenté de cette façon-là. C'est évident qu'on privilégie d'abord les organismes qui sont représentatifs d'un courant ou d'une façon de penser. Les individus, on a toujours l'occasion de les rencontrer personnellement.

M. Tremblay (Outremont): Mme la ministre, M. le Président, va convenir avec moi que c'est inusité, pour un projet de loi qui est aussi important, qu'on ait le désistement de l'Assemblée des évêques, de l'Association des hôpitaux du Québec, de l'Association des hôtels du Grand Montréal, de l'Association des industries de portes et fenêtres...

Mme Harel: Vous n'avez pas besoin de...

M. Tremblay (Outremont): Non, mais je pourrais tous les dire. C'est grave.

Mme Harel: ...les énumérer, je les ai comme vous. Mais je peux dire deux choses à ce sujet-là. J'ai quand même reçu quelques centaines de lettres; celle de M. Tremblay en est une parmi d'autres. Alors, est-ce que, en recevant M. Tremblay, il faut recevoir aussi la quelque centaine d'entrepreneurs qui, sous l'initiative de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, m'ont écrit à partir d'éléments erronés d'information? Ça, c'est la première chose.

La deuxième, c'est qu'il faut constater que, comme le disait si bien le porte-parole de la CSN ce matin, c'est tellement considéré comme allant de soi ou étant évident qu'une telle mesure s'impose qu'il y a beaucoup d'organismes qui disent: De toute façon, le gouvernement a l'intention d'aller de l'avant, alors ce n'est pas nécessaire pour nous de venir renchérir sur le fait que vous avez raison de continuer.

M. Tremblay (Outremont): Je suis d'accord avec la ministre, M. le Président, qu'on n'a pas à rencontrer une centaine d'intervenants. La seule suggestion que je faisais, c'est que, si jamais il y en avait un nombre aussi important à la suite de la liste qui va nous être donnée, étant donné qu'il y a peut-être cinq ou six espaces, s'il faut faire un choix, qu'on mette les 100 dans une boîte, qu'on tire au sort puis qu'on en mette cinq pour qu'au moins on ait un point de vue, puis, là, le sort décidera de ceux et celles qui vont venir témoigner devant la commission.

Le Président (M. Facal): Commençons par prendre connaissance de cette liste-là. Nous suspendons.

(Suspension de la séance à 12 h 55)

(Reprise à 15 h 35)

Le Président (M. Facal): Bonjour à tous et à toutes. Alors, nous ouvrons cette nouvelle séance de la commission spéciale sur la formation professionnelle, qui a pour mandat de procéder à des consultations particulières dans le cadre de l'étude du projet de loi 90, Loi favorisant le développement de la formation professionnelle.


Auditions (suite)

Nous allons recevoir, avec un petit peu de retard sur notre horaire, dont nous nous excusons, le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail. Alors, je vous invite à venir prendre place devant nous.

Je voudrais, dans un premier lieu, rappeler à nos invitées que la durée maximale de leur exposé devra être de 20 minutes et que s'ensuivra un échange de 40 minutes divisées également en deux blocs de 20 minutes, d'une part le groupe ministériel et, d'autre part, l'opposition.

Alors, si vous vouliez bien avoir l'amabilité, d'abord, de vous présenter et puis, ensuite, il nous fera plaisir de vous entendre.


Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail du Québec inc. (CIAFT)

Mme Simard (Micheline): Alors, il me fait plaisir de me présenter, Micheline Simard, présidente du Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, qui vais vous lire les grandes lignes des recommandations qu'on fait à la commission, et Mme France Lessard, qui est membre du conseil d'administration du CIAFT et également présidente du Comité de la formation professionnelle au CIAFT.

Alors, je sais que, parmi vous, il y a plusieurs personnes qui connaissent bien le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, particulièrement ceux et celles qui sont concernés par la formation professionnelle. Mais je sais également qu'il y en a plusieurs qui n'en ont jamais entendu parler, qui le connaissent peu étant donné que ce n'est pas un organisme qui a une très grande visibilité sur la place publique, mais qui a une très grande reconnaissance au niveau de l'ensemble des groupes de femmes du Québec concernant ces principaux dossiers sur lesquels il intervient, soit le travail, le monde du travail, l'éducation, l'économie, la formation professionnelle.

Tout d'abord, je voudrais vous mentionner que, le mémoire que vous avez entre les mains, nous allons le compléter. Nous allons vous faire une courte présentation de notre organisme, vous disant au juste qu'est-ce qu'on fait, qui on est. Par la suite, Mme Lessard va vous présenter un peu un court compte rendu de la situation des femmes en formation professionnelle, des problématiques particulières que vivent les femmes en formation professionnelle et, par la suite, nous allons passer directement aux recommandations que nous, le CIAFT, faisons. Étant donné la limite de temps que nous avons eue pour préparer ce mémoire, on vous demande d'excuser les coquilles qu'il y a à l'intérieur du mémoire, et, ensuite, deuxièmement, nous avons des propositions que nous allons vous faire, qui ne sont pas incluses dans le mémoire et que nous vous ferons parvenir.

Alors, ça y est. Le CIAFT – je le répète, le Conseil d'intervention, ce n'est pas «la» CIAFT – le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail regroupe 130 groupes membres ou membres individuels et rejoint annuellement près de 10 000 femmes au Québec. La clientèle desservie par nos groupes membres est principalement composée de femmes défavorisées sur le plan de l'emploi, souvent à cause d'une formation insuffisante et désuète. Elles sont, pour la plupart, prestataires de la sécurité du revenu ou de l'assurance-chômage et sans revenu.

L'intervention de nos groupes membres auprès de ces femmes nous a permis de développer une connaissance réaliste du marché du travail puis des obstacles qui freinent leur accès à la formation professionnelle et à des emplois qui sont équitablement rémunérés. Alors, dans ce présent mémoire, comme je vous le disais, nous allons faire une courte présentation de la problématique, et je passe la parole à Mme Lessard.

Mme Lessard (France): Bonjour. Je vais brièvement faire état de la situation des femmes en emploi. Tout d'abord, on aurait pu penser que l'entrée massive des femmes sur le marché du travail depuis plusieurs décennies aurait davantage contribué à améliorer leur situation économique et que l'atteinte de l'égalité entre les femmes et les hommes sur le marché de l'emploi serait résolue. Pourtant, les femmes qui travaillent à temps plein ne touchent que 73 % du salaire des hommes et 61 % des emplois payés au salaire minimum sont occupés par des femmes. Malgré certains efforts tels les programmes d'accès à l'égalité et d'autres interventions spécifiques auprès des femmes, on s'aperçoit qu'il subsiste encore de la discrimination à l'égard de la main-d'oeuvre féminine. Celle-ci a encore beaucoup de difficultés à intégrer les emplois traditionnellement occupés par les hommes, qui leur donneraient des salaires plus élevés.

(15 h 40)

La situation n'est pas plus reluisante dans les secteurs d'emplois traditionnellement féminins. En attendant que la politique d'équité salariale se concrétise, les emplois traditionnellement féminins demeurent en général sous-évalués et sous-payés. La ségrégation perdure pendant que les femmes sont cantonnées dans une gamme restreinte de catégories d'emplois. Malgré des percées timides dans quelques professions traditionnellement masculines, leur représentation n'a cessé de s'accroître dans la plupart des professions féminines, accentuant encore la ségrégation.

Depuis 1975, 46 % des nouveaux emplois créés le sont à temps partiel, et ils sont majoritairement occupés par des femmes. Et, en 1992, 68 % de tous les emplois à temps partiel étaient occupés par des femmes. Or, dans un contexte de globalisation des marchés, on prévoit une augmentation du nombre d'emplois non standard, c'est-à-dire des emplois qui ne sont ni permanents ni à temps plein mais qui sont étroitement liés à la nécessité d'une compétitivité accrue entre les entreprises, et, comme on le sait, ces emplois sont davantage exposés au chômage.

La croissance économique s'effectue actuellement sans création d'emplois, donc sans diminution du chômage. En effet, les entreprises optent plutôt pour la réduction de leurs frais en personnel et investissent dans des technologies et équipements qui favorisent une hausse de la productivité en économisant sur la main-d'oeuvre. Considérant les difficultés spécifiques des femmes face au marché du travail, le CIAFT considère que, cette crise de l'emploi, ce sont les femmes qui en sont encore les principales victimes.

Un récent rapport du Forum pour l'emploi indique qu'en 1991, en pleine récession, 100 % des élèves qui avaient terminé un Diplôme d'études collégiales dans plusieurs secteurs de techniques physiques ont trouvé du travail. On y mentionne que ces secteurs sont très ouverts aux femmes, actuellement sous-représentées. Ce que l'on ne dit pas dans ce rapport, par contre, c'est que la majorité des femmes n'ont ni les préalables nécessaires ni les moyens d'accéder à ces formations techniques. C'est pourquoi le CIAFT considère que, sans mesures incitatives fermes et claires pour favoriser l'entrée des femmes dans ces secteurs, elles continueront d'être exclues. La formation qualifiante et la formation continue deviennent des outils essentiels pour donner aux femmes leur chance d'intégrer les métiers d'avenir.

Maintenant, je vais passer à la problématique des femmes en formation. Qu'elles soient prestataires de la sécurité du revenu, de l'assurance-chômage ou travailleuses, qu'elles vivent seules ou avec un conjoint, les besoins de formation des femmes sont encore très différents de ceux des hommes. Pour les femmes, le taux de participation à la main-d'oeuvre active demeure lié à la scolarisation. En effet, le taux d'activité des femmes qui ont moins de neuf années de scolarité s'établit à 21,7 % comparativement à 50 % chez les hommes. Selon une étude récente du Conseil du statut de la femme, 83 % des femmes adultes inscrites à temps plein au secondaire en 1992 étaient concentrées dans trois secteurs professionnels sur 23, ce qui est encore tout aussi déroutant lorsqu'on s'aperçoit que les filles, les jeunes filles inscrites au secondaire régulier suivaient exactement le même cheminement en 1992, puisque 83,5 % d'entre elles étaient concentrées dans les trois mêmes secteurs.

Si l'emploi se retrouve dans les techniques physiques, comme nous l'avons vu plus avant, les femmes inscrites au Diplôme d'études collégiales en 1992 ne représentaient cependant que 9 % des inscriptions dans ces techniques. Par ailleurs, ce sont des formations de courte durée que l'on dispense aux adultes dans les collèges où les femmes constituent la majorité de la clientèle adulte. De cette façon, les femmes n'ont pas accès aux emplois d'avenir.

Les difficultés d'accès des femmes à la formation professionnelle sont de plus en plus grandes en raison des restrictions budgétaires importantes des différentes ressources gouvernementales concernées par la formation de la main-d'oeuvre. Les coupures budgétaires gouvernementales menacent également la survie des programmes de préparation au retour au travail, tels que Transition-Travail et Initiation aux métiers non traditionnels. Ces programmes, spécialement conçus à l'intention des femmes désirant réintégrer le marché du travail après une période plus ou moins longue d'absence, permettent à ces dernières de reprendre confiance en elles-mêmes, d'identifier leurs compétences et d'effectuer une démarche d'orientation professionnelle.

Par ailleurs, les femmes pourront-elles compter sur la formation en entreprise pour compenser la diminution des programmes de formation à l'égard des femmes? Le CIAFT est convaincu que non, tenant compte du fait que ces dernières n'occupent pas les secteurs d'emplois visés par les activités de formation et de perfectionnement.

Alors que la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre vise à augmenter les compétences de la population active en emploi, le gouvernement fédéral, lui, axe ses priorités vers les besoins des entreprises. Dans ce contexte, qui s'occupera des besoins de formation qualifiante des personnes sans emploi? Qui s'occupera des besoins spécifiques des femmes au regard de leur accès à la formation professionnelle et de leur intégration au marché du travail?

Maintenant, l'emploi des femmes. J'aimerais tout d'abord mentionner que, dans un rapport récent de l'OCDE sur l'importance de tenir compte des femmes dans les changements structurels, on démontre clairement qu'on mesure le degré de pauvreté et de développement d'un pays, que ce soit un pays en voie de développement ou un pays industrialisé, au degré de pauvreté et de développement des femmes qui le composent.

Maintenant, à la veille du départ de la marche des femmes contre la pauvreté, le CIAFT s'associe aux revendications mises de l'avant par celles-ci et s'objecte à tout exercice qui chercherait à banaliser la situation inéquitable des femmes sur le marché du travail. Au moment où les priorités d'intervention semblent résolument orientées vers d'autres groupes sociaux discriminés sur le plan de l'emploi, nous désirons rappeler que chacun de ces groupes sociaux est aussi composé de femmes qui vivent des réalités doublement discriminatoires. Considérant que la société québécoise a besoin de toutes les compétences de ses citoyennes et citoyens, le présent gouvernement devra prendre des mesures concrètes pour éviter d'exclure une grande partie de sa main-d'oeuvre. Il faudra, pour commencer, remettre l'emploi des femmes au rang des priorités. Cela signifie non seulement l'adoption d'une loi proactive en équité salariale, que nous savons être sur la planche de travail de la ministre de la Condition féminine, mais aussi l'établissement de politiques d'équité efficaces et cohérentes qui permettront aux femmes prestataires d'assurance-chômage ou de la sécurité du revenu, ou sans revenu, d'accéder au marché du travail et à la formation générale et professionnelle.

Par conséquent, cela implique de façon très concrète qu'avant de procéder à des coupures encore plus sévères dans certains programmes comme Transition-Travail et Initiation aux métiers non traditionnels le gouvernement devra explorer toutes les avenues possibles pour assurer le maintien des services spécifiquement destinés aux femmes. Une de ces avenues pourrait être notamment de les transférer aux organismes sans but lucratif spécialisés en intégration des femmes sur le marché du travail. Ces derniers ont démontré depuis longtemps leur compétence en ce domaine et sont reconnus par différents ministères.

La prise en compte des besoins de la main-d'oeuvre féminine signifie une implication soutenue de la part des entreprises, des syndicats, des milieux communautaires ainsi que du gouvernement québécois et de ses sociétés. Elle suppose donc, par exemple, que les entreprises ayant implanté des programmes d'accès à l'égalité appliquent les mêmes principes d'équité pour leurs programmes de formation professionnelle et, de cette façon, permettent à leur main-d'oeuvre féminine d'y accéder.

(15 h 50)

Mme Simard (Micheline): Alors, étant donné la limite de temps que nous avons, nous allons procéder directement aux recommandations que fait le CIAFT, suite à l'état de situation que vient de vous faire Mme Lessard. Alors, la première des propositions, c'est que l'article 3 intègre un énoncé de principe visant l'application d'une politique d'équité en termes d'accès à la formation des femmes. Auparavant, je tenais à dire, et c'est important, que le CIAFT appuie sans réserve l'intention du gouvernement d'obliger les employeurs à consacrer 1 % de leur masse salariale à la formation de leur personnel.

Nous le soutenions lorsque nous avons rencontré le ministre Bourbeau lors de la création de la loi créant la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Cette mesure est non seulement nécessaire, mais elle est, somme toute, plutôt minimale, si on considère les sommes qui sont consacrées dans les pays européens ou japonais. Mais, nous sommes d'avis que cette loi devrait comporter un énoncé de principe visant l'application d'une politique d'équité en termes d'accès à la formation.

Alors, concernant aussi l'article 6, on vous fait la recommandation que les OSBL, c'est-à-dire les organismes sans but lucratif ou les organismes communautaires, travaillant au développement de l'employabilité soient reconnus comme formateurs agréés à la SQDM.

À l'article 7, que l'article confirme le statut des organismes communautaires de développement de la main-d'oeuvre en leur donnant la même reconnaissance que les établissements d'enseignement pour la prestation de services. Je vous ramène au texte que Mme Lessard nous lisait tout à l'heure concernant les programmes Transition-Travail et IMNT.

Que l'exemption visée par l'article 11 soit abrogée de façon à ce que tous les employeurs disposant d'une masse salariale de plus de 100 000 $ soient couverts par la loi; qu'un fonds minimal de 20 % puisse être affecté au financement de programmes de formation destinés à la main-d'oeuvre sans emploi et aux femmes non prestataires de la sécurité du revenu et de l'assurance-chômage, et, finalement, ce que les femmes du Québec, l'ensemble des femmes du Québec, particulièrement le CIAFT, demandent depuis plusieurs années, que la Loi sur la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre désigne d'office un siège aux représentantes des groupes de femmes à l'intérieur du conseil d'administration de sa structure nationale et des conseils régionaux.

En plus de ces recommandations concernant la loi et ce que nous avons eu entre les mains, il nous apparaît clair qu'il y a certains articles qui n'apparaissent pas, que nous voudrions voir apparaître. Nous sommes préoccupées par la tarification du 1 $ l'heure qu'on charge aux programmes d'aide aux individus en fonction de la capacité de payer de ceux-ci. Donc, ce qu'on demande, c'est qu'on abolisse cette tarification-là de 1 $ l'heure, en tout les cas que ça apparaisse au niveau de la loi que c'est un service gratuit.

Maintenant, on voudrait voir inscrire l'obligation de «sexuer» les statistiques pour permettre d'établir sur une base fiable les réels progrès des femmes dans les programmes de formation professionnelle. Il y a quelques années, nous avions des statistiques qui étaient sexuées, et on pouvait voir l'évolution de la participation des femmes sur ces programmes. À l'heure actuelle, ce n'est pas possible, donc on n'est pas capable de vous donner des statistiques fiables depuis 1992.

Exiger également des entreprises l'obligation de présenter un plan d'action en formation, particulièrement concernant la formation des formateurs en entreprise, ce qui n'apparaît pas, la formation continue en entreprise et la formation concernant... c'est-à-dire, pour toute formation spécifique en entreprise, et qui n'est pas reconnue, ou il n'existe pas de devis de formation au ministère de l'Éducation ou dans des organismes reconnus, donc qu'il y ait obligation de faire reconnaître les devis de formation.

La dernière recommandation, ça serait, pour les entreprises où il existe un syndicat, l'obligation de mettre sur pied un comité paritaire de formation en entreprise et, pour celles où il n'existe pas de syndicat, l'obligation de mise sur pied d'un comité d'entreprise pour gérer les programmes ou le plan de formation et l'obligation, sur ces comités, d'une représentation équitable des femmes. Voilà, je vous remercie.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup, Mme Simard et Mme Lessard. Alors, nous allons débuter l'échange avec le groupe ministériel.

M. Charbonneau (Bourassa): Juste avant de débuter l'échange, M. le Président, il y a eu des recommandations dont on n'a pas le texte. Est-ce que nous pourrions avoir le texte pendant que la discussion va s'amorcer avec Mme la ministre? Il y a eu quatre, cinq recommandations.

Le Président (M. Facal): En effet, ce serait très utile. Est-ce que c'est possible?

Mme Simard (Micheline): Malheureusement, c'est comme je vous le disais, nous venons de toutes les régions du Québec et nous n'avons pas pu nous réunir. Du moment où on a eu l'invitation à venir, on a produit le mémoire. Je les ai ici, manuscrites, et je n'ai malheureusement pas de copies, à moins qu'il y ait une photocopie qui puisse être distribuée.

Le Président (M. Facal): Oui, oui. Il y a une photocopieuse pas loin. Même si c'est manuscrit... Absolument. Merci.

Alors, nous allons débuter les échanges avec le groupe ministériel.

M. Bourdon: Il y aurait peut-être...

Le Président (M. Facal): M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: ...le «transcript» du Journal des débats qui sera imprimé incessamment.

Le Président (M. Facal): Oui, en effet.

Mme Harel: Alors, M. le Président...

Le Président (M. Facal): Mme la ministre.

Mme Harel: M. le Président, je vais vous demander une gestion serrée du temps qui est imparti au gouvernement, de façon à ce que je puisse le partager avec ma collègue, Mme la députée de Mille-Îles, qui a, pendant 10 ans, je crois, été directrice générale du CIAFT et qui connaît bien toute la problématique de la main-d'oeuvre féminine pour y avoir, évidemment, travaillé et l'avoir fait évoluer, d'ailleurs, au cours de ces 10 années.

Alors, donc, bienvenue, et, évidemment, je vous remercie de l'appui sans réserve que vous donnez à cette intention gouvernementale d'amener les entreprises à s'acquitter d'une obligation d'au moins 1 % à l'égard de la formation de leur personnel. Je comprends également et je partage votre perception du fait que le marché du travail laissé à lui-même est plein de facteurs d'exclusion, puisque les êtres humains sont en concurrence sur un libre marché – le marché du travail est un libre marché – et que, mis en concurrence, il y a des faits de culture qui jouent plus en faveur de certains groupes sociaux et en défaveur de certains autres. Alors, il y a, depuis au-delà de deux décennies maintenant, l'identification de groupes cibles, lesquels étant: la main-d'oeuvre féminine; les jeunes, en particulier quant à leur difficulté d'insertion; les personnes handicapées; les travailleurs et travailleuses d'origine immigrante en particulier et particulièrement dans d'autres régions que dans les centres urbains; les travailleurs autochtones. Alors, c'est ce qu'on appelle communément les groupes cibles qui réclament un soutien accru étant donné qu'ils ne bénéficient pas de la même égalité de traitement.

Alors, je partage cette analyse et je crois aussi que vous avez raison de nous rappeler que, à cet égard-là, les gains réalisés au cours des dernières années ont été en partie paralysés ou neutralisés par le fait que des bouleversements importants sont survenus dans le marché du travail lui-même et que des contraintes importantes sont survenues à l'égard de la nature du statut de l'emploi qui est de moins en moins permanent et régulier, de plus en plus précaire, occasionnel ou à temps partiel. Et il y a donc là un constat qui vaut cependant pour l'ensemble de ce que les travailleuses et les travailleurs ont à vivre.

(16 heures)

Bon. Au regard des recommandations que vous nous faites et que l'on retrouve aux pages 16 et suivantes de votre mémoire, d'abord peut-être un rappel très important. Lorsque la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre est créée en 1992, son mandat ne consiste pas à s'occuper seulement, en tout cas tout au moins dans sa loi constitutive, de la population active en emploi. Cependant, je comprends que, au départ, il y a eu un vice de forme parce que l'ensemble des programmes d'employabilité s'adressant aux prestataires d'aide sociale n'a pas été couvert par le mandat de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, comme s'il y avait deux types de travailleurs au Québec: ceux sans emploi qui pouvaient bénéficier des programmes de la SQDM et ceux sans emploi à qui on n'offrait que les mesures d'employabilité de la sécurité du revenu.

Alors, là-dessus, je pense qu'il y a vraiment ce vice de forme à corriger, puisque c'est d'une vision intégrée qu'il s'agit, pour la main-d'oeuvre en emploi comme pour la main-d'oeuvre sans emploi. Cependant, la SQDM a quand même hérité d'une mission à l'égard du développement de la main-d'oeuvre pour l'ensemble de tous ceux et celles qui ne sont pas des prestataires d'aide sociale.

Je comprends cependant que, par un effet de glissement ou de dérapage, qui vient sûrement des pressions économiques du milieu, en l'absence de politique d'adaptation de la main-d'oeuvre, une fois l'entente du libre-échange signée, une fois ensuite les accords élargis au Mexique et une fois tous ces bouleversements issus de la mondialisation des marchés, c'est évident qu'il y a eu un dérapage vers un effort accru pour la main-d'oeuvre en emploi. Mais je comprends qu'une des conséquences du projet de loi 90, ce sera justement de rétablir l'équilibre de façon à ce que la main-d'oeuvre en emploi puisse trouver satisfaction avec l'effort accru qui sera fait dans le cadre du projet de loi 90 et de façon à ce que la SQDM puisse se recentrer aussi pour l'ensemble, donc, de la mission qu'elle a à l'égard de la main-d'oeuvre québécoise. Ça, c'est le premier aspect dont je voulais parler avec vous.

Le second, très rapidement, quant aux organismes de bienfaisance, je dois vous dire que c'est une définition encore plus restreinte que celle qui est déjà en vigueur à la Commission des normes du travail que nous avons retenue dans le cadre du projet de loi 90, et c'est une notion qui n'est pas à confondre avec les organismes sans but lucratif. «De bienfaisance» renvoie à des organismes caritatifs du type Centraide ou du type fabrique de paroisse, et non pas à des organismes sans but lucratif. C'est d'autre chose qu'il s'agit.

Alors, c'est une définition très, très restreinte que l'on prévoit à l'article 11 que vous questionnez, je pense, dans la troisième de vos recommandations à la page 17, mais je ne pense pas qu'il s'agit de ce que vous appréhendez, parce que la définition est beaucoup plus restreinte qu'il vous semble, en tout cas.

Mais je reviens à...

Mme Simard (Micheline) ...signifier pour ces organismes-là qui ont des masses salariales au-delà de 100 000 $. Alors, on se disait qu'ils pouvaient aussi se conformer.

Mme Harel: Oui. Vous savez sûrement que le calendrier d'implantation que prévoit le gouvernement est celui qui, à partir du 1er janvier 1996, sur trois ans, nous amènera à assujettir les entreprises dont la masse salariale est de plus de 250 000 $. Alors, c'est donc à partir de 250 000 $, donc un quart de million de dollars.

Alors, vous nous dites vouloir faire reconnaître la problématique main-d'oeuvre féminine, et la question c'est de savoir comment on peut y arriver. Vous avez raison de nous dire que le 1 % va, en partie, passer au-dessus de la main-d'oeuvre féminine qui se retrouve très souvent dans les entreprises dont la masse salariale est d'un quart de million et moins. C'est la raison pour laquelle le crédit d'impôt à la formation qui, dans le fond, est plus généreux, parce que c'est un cadeau de l'État, est maintenu et le sera pour toutes les entreprises qui ne sont pas assujetties, de façon justement, suite aux représentations faites par le Secrétariat à la condition féminine, à ce que les jeunes et les femmes qui se retrouvent principalement dans ce genre d'entreprises puissent bénéficier d'un effort accru de l'État à l'égard de la formation dans ces entreprises.

Mais vous nous dites et vous nous rappelez qu'au niveau du gouvernement fédéral un certain nombre de programmes existaient, qui permettaient à celles qui voulaient reprendre du service, en allant chercher la formation requise, sans être bénéficiaires de prestations d'assurance-chômage ou d'aide sociale, de le faire. Et je comprends, malheureusement, avec les coupures de 60 000 000 $, au Québec, que le gouvernement fédéral s'apprête à faire, dont 20 000 000 $ dans les programmes qui étaient administrés par la SQDM, que cela va se révéler de plus en plus difficile.

Et, d'autre part – je termine aussi là-dessus – votre recommandation d'un siège désigné pour les représentantes de groupes de femmes, je comprends que c'est la façon dont vous concevez qu'on pourra prendre en compte la problématique de la main-d'oeuvre féminine. Mais, à ce sujet-là, vous savez que ça heurte profondément, d'une certaine façon, la culture québécoise, parce que, auquel cas, il faudrait ajouter aussi un siège pour les jeunes qui le réclament, un siège pour les personnes handicapées qui réclament aussi des mesures appropriées et légitimes de réintégration à l'emploi. Et je comprends aussi qu'il pourrait en être de même pour les organismes de plus en plus préparés, là, des travailleurs immigrants, qui le réclament également.

Alors, ce qu'on vous propose – je pense que c'est en voie, là, d'élaboration – c'est plutôt de prendre en compte la problématique de la main-d'oeuvre féminine dans le cadre de comités d'adaptation de main-d'oeuvre. Alors, il y a déjà un précédent avec la main-d'oeuvre handicapée, et ça permet des choses intéressantes, y compris de préciser la problématique, d'identifier et d'analyser les obstacles, de déterminer des cibles, d'élaborer un plan d'action, d'émettre des avis, également, et d'aller chercher des appuis chez les partenaires du marché du travail. Alors, j'aimerais entendre votre point de vue là-dessus.

Mme Simard (Micheline): Alors, tout d'abord, Mme la ministre, permettez-moi de vous rappeler que nous composons 52 % de la population, que, parmi les autres clientèles, parmi les handicapés et parmi les jeunes, il y a des femmes et que, à l'heure actuelle, le problème majeur, c'est que les femmes sont exclues pratiquement des entreprises qui sont ciblées par le 1 %, par la loi 90. Alors, c'est pour ça qu'on vous dit qu'il est important qu'on voie l'ensemble de la problématique féminine comme un problème particulier, mais qui vient rejoindre aussi les autres personnes, les handicapés, les clientèles handicapées et les clientèles jeunes.

Deuxièmement, concernant un comité d'adaptation de la main-d'oeuvre, nous sommes préoccupés présentement par l'action. Et ce qu'un comité d'adaptation de la main-d'oeuvre fait, principalement, c'est des diagnostics, comme vous disiez, de situations. Il établit des plans d'action sur une moyenne de trois ans. Présentement, avec la régionalisation et la décentralisation des décisions, il est important d'agir et que les femmes, au moment où il va y avoir des modifications à la loi, puissent bénéficier des programmes qui seront offerts dans les entreprises. Et je ne pense pas que ça soit un CAMO qui puisse répondre à ce besoin-là. Alors, quand on demandait un siège particulier «femmes», c'est principalement, en tous les cas, pour considérer, vous faire comprendre que les femmes sont un secteur économique important. Nous le verrions mieux dans un comité sectoriel que dans un CAMO, un comité d'adaptation de la main-d'oeuvre créé tout d'abord pour aider les petites collectivités ou les entreprises en difficulté, avec des critères spéciaux, pour en arriver à ce que les acteurs du milieu trouvent des solutions, par eux-mêmes, qui répondent aux besoins.

Maintenant, de le faire au niveau d'une clientèle à l'échelle nationale, peut-être que ce programme-là... En tous les cas, on peut voir pour l'instant que les critères ne répondent peut-être pas aux besoins que nous vous avions exprimés là-dessus. Donc, notre préoccupation principale, c'est que les femmes puissent, et de façon urgente et pressée, participer à la relance économique et à la relance de la formation professionnelle ici, au Québec. Donc, la nécessité d'avoir un siège femmes, on y tiendra tout le temps. C'est une lutte qu'on mène. On avait rencontré M. Paradis là-dessus... M. Bourbeau, c'est-à-dire. Pourquoi je dis M. Paradis? M. Bourbeau, il était tout à fait réfractaire à cette idée. On connaît ses opinions là-dessus, on les a eues. On revient avec vous, Mme Harel. Voilà!

(16 h 10)

Le Président (M. Facal): Merci, Mme Simard. Alors, je souligne, à titre d'information, qu'il reste encore sept minutes au groupe ministériel. On pourrait procéder par alternance. Est-ce que l'opposition veut... Ou tout de suite à la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc: Non, moi... C'est mieux l'alternance.

Mme Harel: C'est mieux l'alternance.

Le Président (M. Facal): Très bien. En fait, généralement, quand les 20 minutes ne sont pas utilisées en bloc, on procède par alternance. Mais c'est vraiment libre à la commission. Consentement? Bon, alors, Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc: Bon, bien, là... O.K. Alors, c'est sûr que vous avez quand même élaboré sur la présence des femmes dans les lieux décisionnels que sont les conseils d'administration régionaux, à la fois nationaux et régionaux de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Bon, vous avez quand même donné les raisons, parce que c'est à ce moment-là que les décisions qui sont implantées sur le terrain se prennent. Alors, je comprends votre désir d'avoir une représentation là.

Où je voudrais que vous élaboriez un peu plus, c'est que, pour moi, ce n'est pas contradictoire avec un CAMO, là. Alors, l'un n'est pas contradictoire avec l'autre, dans le sens qu'il y ait aussi un CAMO qui, à ce moment-là, puisse ne pas recommencer tout le travail qui a été fait, parce que, au point de vue diagnostic, et tout ça, il y a quand même des choses qui sont faites, mais qui puisse quand même mettre en lumière, ou donner, si tu veux, de l'importance à ce diagnostic-là et intégrer les partenaires. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Mais j'ai aussi une autre question que je voulais vous poser et elle est liée beaucoup au fait que c'est sûr que la contribution de 1 % s'adresse à la clientèle en emploi, et vous avez toujours eu des préoccupations par rapport aussi à ce qu'on appelle les exclus. Et vous avez une recommandation qui demande un énoncé de principe en équité en emploi dans la formation, et ça me semble très intéressant, parce que, si on se rappelle – j'aime toujours être positive – si on ne veut pas parler d'échec, on va dire la performance mitigée des programmes d'accès à l'égalité, je pense que c'est aussi lié peut-être au fait qu'il n'y avait pas ce type d'action en formation. Alors, c'était un préalable. Alors, votre recommandation, ici, me semble aller dans ce sens-là, pour tenter de corriger cette situation.

Vous parlez, à la page 15, de passerelles. Vous donnez un exemple. Je vous demanderais d'élaborer un peu là-dessus, parce que c'est évident que, si la contribution de 1 % s'adresse aux personnes qui sont en emploi, il y a quand même des femmes qui sont en emploi, mais je pense que votre expérience et les études qu'on a font que cette formation-là n'est pas nécessairement offerte aux femmes qui sont en emploi dans une entreprise qui va faire de la formation. Alors, je pense que, là, cette proposition-là pourrait être intéressante dans ce sens-là. Je vous demanderais un peu d'élaborer là-dessus.

Mme Simard (Micheline): Alors, pour revenir à la première question concernant le CAMO, bien, c'est un peu ce que je vous disais tout à l'heure. Je vous confirmais que les CAMO sont axés sur les études, établir des diagnostics, faire des plans d'action et que, à l'heure actuelle, on trouve que ce sont des structures aussi qui sont bouffeuses d'argent, mais pas – comment je dirais ça – orientées sur l'action.

Ce qu'on veut, c'est que, à cause de l'urgence de la situation, on aille plus vite et être mieux à même d'agir sur la problématique. Les femmes ne sont pas dans ces entreprises-là. Les femmes doivent prendre le virage de la formation technologique si elles veulent se sortir des créneaux de la pauvreté. Alors, à l'heure actuelle, on aimerait mieux une intervention sectorielle, à ce moment-là. On préférerait soit un comité sectoriel, que des fonds soient appliqués et qu'on regarde dans l'ensemble d'un secteur problématique de notre économie. Oui?

Mme Lessard (France): Mme Leduc, j'aimerais ajouter que, effectivement, votre commentaire à l'effet de dire que l'un n'exclut pas l'autre, c'est tout à fait vrai. Je pense que c'est une approche qu'on va favoriser, les sièges femmes dans les structures, et aussi une autre structure qui est plus horizontale, disons, pour les femmes, soit dans un CAMO ou, enfin, la structure qu'on verra la plus adéquate possible.

Mme Simard (Micheline): Mais en quoi la nécessité de cette structure-là? C'est juste de voir comment est-ce qu'on peut arrimer ça pour être dans l'action. Ce qu'on veut, c'est d'orienter cette structure-là. Des études, on en a fait. Le CIAFT a développé, depuis plusieurs années, des analyses. Je pense qu'on est suffisamment articulé à ce niveau-là; maintenant, il faut passer à l'action. Donc, c'est de trouver une structure qui puisse répondre... Si le CAMO peut changer certains critères et qu'on puisse répondre à l'action, ça irait dans le sens que le CIAFT veut bien.

Autre chose, c'est le support en région. C'est en région aussi que la mise en oeuvre des programmes de formation va se faire. Avec l'élargissement des critères, les critères vont répondre aux besoins régionaux. Quelque part, on a vu que les femmes restaient cantonnées dans les 3 catégories d'emplois où elles ont toujours été. Donc, si on veut, quelque part, qu'elles ouvrent vers d'autres orientations, il faut les supporter, il faut mettre des mesures. Une façon de les supporter, c'est que, quelque part, leur message passe clairement, soit à l'intérieur des structures que vous avez déjà à la SQDM, soit celle du conseil d'administration ou soit celle des conseils régionaux.

Maintenant, les autres questions concernant l'équité. Effectivement, Mme Leduc, vous connaissez la lutte qu'on a menée pendant plusieurs années ensemble. C'est qu'une politique d'équité en emploi ne peut pas se faire sans l'accompagnement d'une politique claire et nette d'équité en formation professionnelle; les deux vont ensemble.

Concernant la passerelle, vous savez qu'avec les mises à pied majeures qui se font dans les entreprises il va falloir supporter les entreprises pour que, dans ces entreprises-là où il y a des mises à pied massives de femmes, elles puissent avoir accès à des postes à l'intérieur de l'entreprise, que ce soit des postes de cols bleus ou de techniciens demandant un diplôme de formation professionnelle, et qu'on prépare cette voie-là.

Mme Leduc: Je pense que c'est une façon, parce que c'est vrai que ces entreprises-là... Vous avez dit: Il n'y a pas de femmes. Il y en a des femmes, mais elles ne sont pas dans des emplois qui vont être ciblés pour la formation. Alors, c'est...

Mme Simard (Micheline): C'est en plein ça.

Mme Leduc: ...de trouver des moyens pour qu'elles puissent y accéder.

Mme Simard (Micheline): On est très préoccupé par le fait que les femmes sont absentes des emplois ciblés par les entreprises de 250 000 $ et plus.

Le Président (M. Facal): Merci. Ce qui épuise le temps dont disposait le groupe ministériel. Est-ce que l'opposition veut bien procéder?

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, M. le Président. Merci, M. le Président. Je vais faire quelques remarques, peut-être une ou deux questions et, ensuite, ma collègue, Monique Gagnon-Tremblay enchaînera, elle qui a été pendant quatre ans ministre à la Condition féminine.

(16 h 20)

Vous avez un mémoire, mesdames... D'abord, je veux vous féliciter, et vous féliciter sous l'angle particulier suivant, c'est que, tout en parlant du projet de loi 90, vous nous parlez d'enjeux beaucoup plus fondamentaux et beaucoup plus englobants. Ceci est une préoccupation aussi que nous avons exprimée à quelques reprises depuis le début de ces échanges. Nous avons le sentiment d'être enfermés, encarcanés un peu par ce débat que nous avons consenti à faire sur le projet de loi 90. On est encarcanés dans le sens qu'on a là un certain nombre de mesures qui constitueraient un dispositif qu'on appelle un fonds et, d'autre part, une obligation pour les entreprises d'investir, soit volontairement, soit à travers le fonds, dans la formation professionnelle. Donc, une espèce de dispositif. Mais, ce qui manque comme éclairage nous permettant de voir tout le sens de ce projet de loi, c'est de situer ce projet de loi là dans un ensemble, dans un continuum qui part d'une vision des grands axes de développement industriel. Vous avez vous-mêmes souligné que les femmes n'étaient peut-être pas en position d'accéder aux emplois de pointe. Je me réfère en particulier à votre mémoire, au bas de la page 7, où vous citez même les grappes industrielles comme référence.

On revient donc à un débat à la fois beaucoup plus large et, je dirais, beaucoup plus pertinent, en même temps. On peut juger d'un dispositif, comme le 90 nous en propose un, mais à partir d'une vision plus large qui commence, je pense, au niveau d'une politique de développement industriel, assortie d'une politique d'emploi, de plein-emploi, pour ceux dont c'est le vocabulaire, accompagnée de mesures favorisant l'équité, non seulement l'équité salariale – vous en avez parlé – mais l'équité d'accès à l'emploi et l'équité d'accès à la formation comme composantes d'une politique d'emploi. Et, à travers tout ça, on a une formule, finalement, une politique de main-d'oeuvre, de développement de la main-d'oeuvre.

Et, quand on a un contexte comme celui-là qui est devant nous, un continuum, un horizon politique de ce type-là, c'est là qu'on pourrait apprécier mieux si ce dispositif qu'on nous propose, cette pièce qu'on nous propose, ce fonds, ce 1 % va contribuer à résoudre certains problèmes très, très, très importants que vous nous rappelez soit à l'aide de chiffres, comme vous avez fait une bonne synthèse ici des phénomènes de ségrégation, de précarisation, la spécificité des besoins de formation de la main-d'oeuvre féminine, une espèce de manque d'accès ou de possibilités d'accéder aux emplois d'avenir, aux emplois de pointe, parce qu'on n'est pas assis sur les bons sièges au bon moment, et il y en a toujours d'autres qui y ont accès auparavant.

L'exclusion... Vous nous êtes revenues à deux ou trois reprises avec cette affirmation qui fait vraiment réfléchir – et j'espère que la ministre va, à un moment donné, nous apporter des compléments de réflexion là-dessus – vous nous soulignez ici un aspect, c'est que les entreprises visées par le projet de loi 90 sont celles auxquelles les femmes ont le moins accès. Donc, logiquement, vous avez une tendance à ramener le seuil à 100 000 $. Parce que, si on est à 1 000 000 $, ou à 500 000 $, ou à 250 000 $, le pourcentage de main-d'oeuvre féminine est moindre, d'après ce qu'on peut comprendre. Vous ramenez ça à 100 000 $. C'était dans les premières versions, les premières ébauches du projet de loi, 100 000 $, on a vu des documents là-dessus, et c'est passé à d'autres seuils. Je ne sais pas si on trouvera des explications, à un moment donné, de tout ça.

Mais toujours est-il que vous mettez le doigt sur des problèmes très profonds, à notre avis, que le projet de loi 90 n'est pas équipé pour régler beaucoup, quant à notre lecture, la lecture que nous en faisons. Bien sûr, ça part d'un bon objectif, d'un bon esprit, mais la mécanique qui est là, elle fait beaucoup mirage.

Quand on regarde, notamment, les articles 5 et 6, il s'agit de règles ou, disons, de balises que la ministre propose eu égard aux dépenses que les entreprises accepteraient de faire elles-mêmes, d'elles-mêmes, au bénéfice de leur personnel, de stagiaires ou d'apprentis – 5 et 6. Si les entreprises font de telles dépenses, à la hauteur de 1 %, il n'y a pas un dollar qui se rend au fonds. On comprend bien, puisqu'elles l'ont fait volontairement. Et, ce matin, la ministre nous a expliqué qu'on était là dans le circuit de l'argent privé. Donc, c'est les gens qui font la dépense qui jugent comment faire la dépense, à qui accorder la priorité.

Donc, vos revendications, eu égard à 5 et 6, vous frappez un premier mur, là. C'est de l'argent qui circule, sous la bonne volonté et les décisions des entreprises, avec un comité, mais le comité, ici, on parle d'un comité créé au sein de l'entreprise. C'est vrai qu'il y a des textes qui ont circulé qui parlent de comités conjoints ou mixtes avec les syndicats, là, mais ce n'est pas des textes officiels. Ça, c'est de l'argent qui circule de manière volontaire. À la hauteur de 1 %, on est exempté du prélèvement.

Il faut aller voir 19 et 20 pour voir ce qui se passerait avec l'argent qui aurait été accumulé dans le fonds. Et c'est là que vous accrochez vos espoirs, et on les partage, vos espoirs, d'une certaine façon. Vous souhaitez que 20 % de l'argent accumulé au fonds soit dérivé vers des mesures spécifiques. Mais la ministre fait tout pour nous convaincre qu'il serait préférable qu'il n'y ait jamais d'argent qui se rende au fonds. Elle souhaite un fonds à sec parce qu'elle y verrait là la preuve que les entreprises ont compris qu'il valait mieux le faire d'elles-mêmes et que l'argent circule en fonction de 5 et 6.

Je vous fais remarquer ici, encore une fois, que, quel qu'en soit le bien-fondé – et je partage beaucoup, beaucoup de ce que vous avez dit – le dispositif du projet de loi 90 est loin d'être dessiné ou conçu pour faire face à ce genre de revendication. C'est pourquoi je reviens à mon introduction, vous avez élevé le débat en le portant au niveau d'une politique industrielle, d'une politique d'emploi, d'une politique de main-d'oeuvre et d'une politique antidiscrimination, à bien des égards, systémique. Ça, je veux le souligner parce que c'est ce genre de débat là qu'on aurait besoin de faire au Québec entre les partis politiques, avec les partenaires, avant de se lancer à improviser des dispositifs beaucoup trop compliqués, d'une part, pour les questions, par ailleurs, très complexes qu'on a devant nous.

Une question que je veux poser. Vous avez mentionné, dans vos recommandations manuscrites... Vous voulez que soit exigée des entreprises l'obligation de – votre recommandation 3. Est-ce que vous pourriez peut-être nous dire à quoi vour raccrochez ça dans le projet de loi? Par quelle porte d'entrée vous voyez qu'il y aurait une prise pour insérer un amendement comme celui-là?

Mme Simard (Micheline): Naturellement, lorsqu'on a pris... Nous, ce sont des recommandations qu'on faisait. De quelle façon, par quelle emprise, je ne vous dirais pas que je suis suffisamment... je laisse les parlementaires trouver les portes. À Mme Harel, je lui en propose une. C'est que, quelque part, on le sait très bien, c'est axé sur la formation en entreprise, mais, à quelque part, l'obligation de présenter un plan d'action, comme il se fait, je ne le sais pas, dans les institutions gouvernementales, ou dans les sociétés, ou peu importe, pour dire: L'argent, maintenant... pour «imputabiliser» l'entreprise qui va avoir à mettre un 1 %, que son 1 % aille au fonds, à ce moment-là elle n'a plus à se responsabiliser par rapport à ça, à demander des fonds. Mais, pour celle qui administre, qui gère à l'intérieur de son entreprise, je pense qu'il faut mettre des barèmes et qu'il faut voir à ce que la formation qui sera donnée réponde le mieux possible aux intérêts des individus qui seront formés en entreprise. Je pense que ce que la loi doit regarder d'abord et avant tout, comme Mme Harel le disait tout à l'heure, elle doit viser l'individu, qu'il soit en emploi ou qu'il soit sans emploi. Nous, on parle, dans notre mémoire, particulièrement des femmes qui sont sans emploi, mais particulièrement qui ne sont pas en emploi dans ces entreprises-là.

Alors, concernant la formation, nous, à quelque part, c'est que, pour que cette formation-là ait une qualité, un contenu et qu'elle donne quelque chose, il faudrait qu'il y ait des balises au niveau de la formation des formateurs, qu'on remette un plan. Avant de dire que nous allons procéder, nous allons donner le libre arbitre aux entreprises de mettre n'importe quel plan de formation... pas plan de formation, qu'elles fassent n'importe quelle formation, que ça s'inscrive dans un plan de formation à l'intérieur des entreprises; que, si elles veulent faire affaire avec leurs propres formateurs, il y ait une formation des formateurs. Si ce sont des techniciens, si ce sont des journaliers qui ont acquis sur le tas, bien, de préparer ces formateurs-là.

Troisièmement, concernant l'obligation de produire des devis de formation pour toutes formations spécifiques en entreprise et pour lesquelles il n'existe pas de formation reconnue par le ministère, je pense que c'est la moindre des choses de l'exiger ici. Ça se compare un peu à ce qui se fait en Europe, particulièrement en Allemagne où – ici, on retrouve à peu près 5 000 devis de formation en formation professionnelle pour différentes professions qui existent – j'ai pris connaissance qu'en Allemagne il y avait au-delà de 25 000 devis de formation. Et c'est tant mieux; plus il y en a, plus elle est réglementée et plus on sait qu'elle est faite correctement. Alors, c'était notre préoccupation de ce côté-là.

(16 h 30)

Concernant l'article dont vous me parliez tout à l'heure, concernant le fonds zéro, je vous ai répondu, mais je vous ramènerais aussi à l'article 3 où on demande que soit accompagné... Tout part de l'article principal, au niveau de l'article 3. Et, si vous revenez à l'article 3, on demande que soit mise en même temps une politique d'équité en formation professionnelle. Donc, cette politique, c'est que tout employeur dont la masse salariale à l'égard d'une année civile excède un montant fixé par règlement doit l'accompagner d'une politique d'équité en emploi. À partir de ça, je pense qu'on va pouvoir répondre aux besoins des femmes. Voilà, monsieur.

M. Charbonneau (Bourassa): Je vous remercie. J'interprète votre réponse, là, que c'est en regard des articles 3, 4, 5, 6, enfin, 3, 5 et 6 que vous avez exprimé le voeu, votre voeu d'intervention de la part du gouvernement.

Mme Simard (Micheline): C'est ça.

M. Charbonneau (Bourassa): Merci.

Mme Lessard (France): J'aimerais ajouter une préoccupation que nous avons au CIAFT. En fait, je pense qu'il y a un problème au niveau de la formation professionnelle et de la formation en entreprise, au Québec. Je pense que le projet de loi 90 vise beaucoup à remédier à cette situation-là. On n'a pas pensé non plus, au CIAFT, que, par les recommandations qu'on faisait ou le contenu du projet de loi, on en viendrait à régler tous les problèmes qui ont trait à la situation des femmes sur le marché du travail. Par contre, je pense que, par certains règlements sur l'équité, on peut, en haussant la formation professionnelle qui est donnée par les employeurs, arriver aussi à favoriser une meilleure formation pour les femmes par certaines règles d'équité. Je pense qu'un des moyens de favoriser l'équité en formation professionnelle, c'est aussi d'avoir des représentantes des groupes de femmes dans les différentes structures décisionnelles.

Le Président (M. Tremblay, Outremont): Alors, Mme la députée de Saint-François, en vous rappelant qu'il reste sept minutes à la députation de l'opposition.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Alors, je veux, bien sûr, saluer les représentantes du CIAFT et dire que j'ai toujours reconnu le CIAFT comme étant une organisation qui a su défendre les intérêts des femmes sur le marché du travail et avec une très bonne réputation.

En vous lisant, d'ailleurs, la première remarque qui m'est venue à l'esprit, je me disais: Quel éternel recommencement! dans le sens qu'on se pose toujours la question... On est toujours en train d'identifier, bien sûr, de dire que les femmes, malheureusement, ne se retrouvent pas dans les créneaux les plus rémunérateurs et qu'on souhaiterait que les femmes puissent accéder à des emplois plus rémunérateurs. Je me disais, cependant, que, pour être capable de sortir les femmes de ces créneaux de pauvreté, il faut, d'une part, qu'elles puissent assurer leur autonomie financière. Et, pour assurer leur autonomie financière, ça passe par une bonne formation de base et ça passe aussi par des choix judicieux au moment où on est encore adolescente. Ça, c'est toujours assez difficile. Je me souviens combien il était difficile de faire comprendre aux jeunes filles qu'il faut poursuivre des études, entre autres en sciences. Je me souviens, entre autres, avoir mis sur pied le prix Irma-LeVasseur pour justement inviter les jeunes filles à aller plus loin au niveau des sciences, parce qu'on sait que ce sont des créneaux d'avenir. Donc, c'est important de mettre vraiment l'emphase sur nos jeunes adolescentes pour qu'elles puissent, d'une part, choisir une éducation qui pourrait leur permettre d'accéder à des emplois plus rémunérateurs et aussi à des emplois d'avenir.

Je me disais aussi combien il est important de faire l'arrimage, par la suite, entre cette éducation de base et une formation continue. Souvent, ce qu'on oublie, c'est que la formation... On ne doit pas cesser d'étudier. Je pense que c'est toute une vie. On étudie à 15 ans, on étudie à 30 ans, on étudie à 50 ans. On connaît des femmes qui sont même retournées à l'université à 65 ans. Donc, je pense qu'on ne peut jamais cesser d'étudier et qu'il faut poursuivre cette formation. Cette formation, elle peut se poursuivre de différentes façons, soit, justement, par des cours qu'on peut donner au niveau de l'entreprise, de l'emploi, ou tout simplement pour avoir une formation d'appoint dans d'autres professions, d'autres métiers. Parce qu'on choisit une carrière, ou un métier, ou une profession, ça ne veut pas dire qu'on n'aura pas à en choisir une autre, compte tenu, aujourd'hui, des mises à pied dans tous les secteurs d'activité.

Donc, je reviens sur la question de l'autonomie financière qui passe par une bonne formation, mais aussi par des soutiens à la famille, parce que, malheureusement, la femme est encore trop identifiée comme étant responsable de la famille. On a beau changer ça, en 1985 j'en parlais et je me rends compte qu'on en parle encore aujourd'hui. On a réussi à convaincre certaines personnes, mais je vous avoue qu'on se rend compte que c'est encore la femme qui a le lot des charges familiales. Tout ça pour vous dire que c'est important aussi, l'arrimage entre le secteur de l'éducation et le secteur de l'entreprise. Et ça, ça ne touche pas uniquement les femmes, mais ça touche aussi les jeunes, les garçons comme les filles. Il y a quelque temps, il y a quelques années, on ne sentait pas, pour le milieu de l'éducation, souvent cette nécessité d'arrimer cette formation avec les entreprises et les entreprises ne sentaient pas ce besoin-là non plus, jusqu'au moment où les entreprises se sont rendu compte que ça va tellement vite, les technologies sont tellement rapides que si, elles ne le font pas, cet arrimage avec l'éducation, elles ne pourront pas être plus compétitives, elles ne pourront pas avoir la main-d'oeuvre pour répondre à cette compétitivité. Sauf que c'est important, c'est la base comme telle.

Cependant, vous parliez aussi de la question des mises à pied qui s'en viennent. Je suis très préoccupée aussi, surtout dans les secteurs... Pensons, par exemple, au secteur de la santé. On devra probablement obliger... non pas obliger, mais, je veux dire, permettre à des femmes de se recycler. Ça va être absolument essentiel, compte tenu des nombreuses fermetures d'hôpitaux, entre autres, qu'on pressent. Aussi, au niveau des infirmières, que ce soit au niveau des infirmières ou encore au niveau des infirmières auxiliaires, je me rends compte qu'on essaie autant que possible de modifier le rôle des infirmières auxiliaires ou de les inciter à poursuivre leur formation comme infirmière, mais, par contre, on continue encore à leur donner l'éducation, l'instruction au niveau du collège. Alors, on ne peut plus continuer à les former s'il n'y a plus de place pour trouver des emplois. Donc, je pense qu'il y a tout un questionnement qu'on devra faire au cours des prochaines années sur toute cette transition au niveau de l'emploi et de la formation. Alors, bien sûr que la formation est importante, surtout la formation continue, mais la formation de base.

Donc, je reviens à votre mémoire. Lorsque vous parlez du 1 %, vous dites que c'est sûr que vous êtes consentantes à ce que le 1 % soit nécessaire. Cependant, la première question que je vous poserai, c'est: Si vous aviez le choix à faire pour dépenser ce 1 %... Parce que ce 1 % représente aussi une structure, des structures, de la bureaucratie, de la réglementation, beaucoup de réglementation qu'on retrouve, entre autres, au niveau du projet de loi, bon, auquel on va devoir souscrire. Donc, si vous aviez à dépenser ce 1 %, ne trouvez-vous pas que ces structures sont plutôt lourdes et qu'on pourrait trouver une solution ou des moyens pour assouplir, pour rendre plus flexible et pour faire en sorte qu'on ne dépense pas dans le béton, ou dans les structures, ou dans la réglementation, mais qu'on dépense davantage dans la formation?

Mme Simard (Micheline): Je vais répondre. Je pense, en tout cas concernant... Si j'avais à dépenser pour la formation le 1 %... Je reviens d'un conseil régional; je suis membre du conseil régional sur la Côte-Nord. Je regardais les budgets qu'il nous restait, qui nous sont alloués cette année pour la formation professionnelle. Je regarde les coupures, et, pour cette année, dans les enveloppes restantes, on n'en a pas suffisamment pour faire l'année. Alors, à quelque part... Ce que j'ai le goût de vous dire, c'est qu'il faut du nouvel argent en formation professionnelle. Je ne sais pas de quelle façon on peut aller le chercher, mais ça fait longtemps qu'on parle de responsabiliser les entreprises, les organismes, les employeurs, l'ensemble des employeurs dans la formation. C'est par là qu'on va s'en sortir.

(16 h 40)

Si on regarde au niveau européen ou japonais, mais particulièrement européen où on investit massivement dans ce qu'ils appellent la première ressource humaine... La première ressource, c'est-à-dire, de leurs entreprises, c'est les ressources humaines. Tant et aussi longtemps que les entreprises ne prendront pas ce virage-là, n'auront pas cette mentalité-là, qu'elles laisseront sous la responsabilité du gouvernement de trouver des sous pour former les gens, je pense que l'arrimage dont vous parliez tout à l'heure ne se fera jamais. Alors, je pense que, même nous, on irait plus loin, étant donné l'étendue du problème et le peu d'argent qu'il y a. Si on prévoit les coupures, si on regarde les coupures qu'il va y avoir au niveau fédéral l'an prochain, c'est encore moins d'argent qu'il va nous rester. Donc, il faut du nouvel argent, il faut responsabiliser. C'est là-dessus qu'on a basé, nous autres, notre position.

Mme Gagnon-Tremblay: Je pense qu'il faut réaliser aussi que...

Le Président (M. Facal): Mme la députée de Saint-François, si vous permettez, l'opposition vient de dépasser le temps qui lui était alloué, tout comme la partie ministérielle tout à l'heure. Peut-être une dernière très courte question pour ne pas que la fin soit trop brutale. Sans préambule.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Ce que je disais, c'est qu'on a beau parler des coupures au niveau du gouvernement fédéral, il faut bien savoir aussi qu'avec les enveloppes fermées qu'accorde le gouvernement actuellement à chacun des ministères il ne faut pas s'imaginer que vous allez avoir des augmentations.

Donc, ce que j'essaie de voir, c'est que je me dis: Si, par exemple... Aussi, c'est que, pour être capable de faire de la formation, il faut avoir une volonté. Tout à l'heure, je pense que ma collègue parlait des programmes d'accès à l'égalité qui ne sont pas nécessairement un succès parce qu'il n'y a jamais eu de volonté. Ça prend une volonté, et, pour avoir une volonté, il faut qu'elle vienne des têtes dirigeantes. Et ça prend un changement de mentalité et d'attitude. Est-ce que c'est par des moyens coercitifs ou si c'est finalement... Parce qu'on s'est rendu compte que, même avec des programmes d'accès à l'égalité, pour certains, on a poussé un petit peu plus l'expérience, puis, malgré tout... Donc, est-ce que c'est au niveau coercitif ou si c'est une question de faire comprendre aux entreprises que, dans le contexte actuel, c'est important de faire de la formation?

Mme Simard (Micheline): Il en va de leur survie, madame.

Le Président (M. Facal): Merci. Cela met fin au temps dont nous disposions. Peut-être un tout petit mot de remerciement.

M. Charbonneau (Bourassa): Merci beaucoup d'avoir enrichi notre réflexion sur les grands enjeux qui sont à l'horizon, à travers une discussion sur un projet de loi comme celui-ci. Merci.

Mme Simard (Micheline): Merci.

Le Président (M. Facal): Mme la ministre.

Mme Harel: Merci de nous avoir rappelé que vous voulez être au coeur des décisions. Je suis certaine qu'on va trouver une façon d'opérationaliser votre volonté.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup.

Mme Simard (Micheline): Merci de nous avoir entendues.

Le Président (M. Facal): Étant donné que nous avons un léger retard sur l'horaire prévu, j'inviterais tous les membres à prendre place pour que nous puissions poursuivre.

Nous allons maintenant recevoir l'Association des détaillants en alimentation du Québec, dont j'invite les représentants à venir prendre place.

Nous vous souhaitons la bienvenue à cette commission spéciale sur le projet de loi 90. Étant donné que vous avez assisté aux représentations du groupe précédent, je pense qu'il est inutile de vous rappeler longuement les règles du jeu. Vous disposez de 20 minutes pour présenter votre mémoire, puis s'ensuivra un échange de 40 minutes, divisé en deux blocs de 20 minutes.

Alors, si vous voulez bien avoir la gentillesse de commencer par vous présenter, puis ensuite entreprendre la présentation de votre mémoire.


Association des détaillants en alimentation du Québec (ADA)

M. Gadbois (Michel): Je vous remercie tout d'abord de nous avoir invités. Je vais vous présenter les gens à ma gauche et à ma droite. Alors, à ma gauche, c'est Carole Fortin, qui est la directrice des affaires gouvernementales et juridiques à l'Association; à ma droite, M. Pierre Legault, dont la fonction dans la vie, c'est d'être un détaillant Provigo. Il détient deux magasins Provigo: un sur la rue Masson et l'autre sur la rive sud, à Saint-Hubert.

Le Président (M. Facal): Est-ce que je pourrais vous demander de parler bien dans le micro pour qu'on vous entende? Merci.

M. Gadbois (Michel): Je pensais qu'on m'entendait bien, mais je vais parler plus fort. Moi-même, Michel Gadbois, qui suis le président-directeur de l'Association des détaillants en alimentation du Québec.

Je n'ai pas regardé la liste des gens qui présentent des mémoires. Je ne sais pas si on est les seuls du secteur bioalimentaire qui présentons un mémoire sur la formation professionnelle, d'une part. D'autre part aussi, sommes-nous le seul secteur du détail qui présentons un mémoire?

Le Président (M. Facal): Du détail, non; de l'alimentaire, oui.

M. Gadbois (Michel): D'accord. Vous verrez, de par les précisions que je ferai sur notre secteur, c'est important, parce que, à la fois notre secteur bioalimentaire est... Le fait qu'on soit au détail fait que le rôle et les responsabilités en formation professionnelle des détaillants est très, très spécifique. C'est ce que j'ai essayé de détailler. Évidemment, les brefs délais de préparation pour le mémoire ont fait qu'on a pu vous le faire parvenir uniquement hier. J'espère que vous aurez le temps de le parcourir plus en détail. On vous a fourni aussi une modification à l'annexe IV qui nous semblait importante pour des changements de chiffres.

Ce que je ne veux surtout pas faire, c'est lire le mémoire, même pas lire le sommaire. Je vais essayer de vous donner, dans l'ordre, qui est l'ADA, quelles sont les particularités de notre secteur, comment ces particularités-là conditionnent notre expérience et, surtout, nos attentes face à la formation professionnelle. Finalement, dans le contexte actuel, avec ce que nous connaissons du projet de loi, nous vous soumettons les recommandations que vous retrouvez à la fin du mémoire. Nous présumons, comme le groupe précédent, que nos recommandations vont évoluer en fonction de ce qu'on va apprendre des travaux de la commission, des réponses qu'on va avoir aujourd'hui. Il est très possible qu'on présente d'autres éléments de recommandations.

L'ADA, pour ceux qui ne la connaissent pas, est une association volontaire qui regroupe tous les détaillants en alimentation, quelle que soit leur bannière ou quelle que soit leur surface. Alors, c'est autant des très grandes surfaces que des dépanneurs. La condition de base pour être membre de l'ADA, c'est d'être propriétaire du commerce. Je vous donnerai la différence, un peu, de la composition des propriétaires des magasins corporatifs un peu plus tard.

Évidemment, seuls les propriétaires de commerces peuvent être membres du conseil d'administration, à l'ADA, qui prennent les décisions ultimes. Aussi, l'ADA est structurée en 10 régionales, un peu comme les régions du Québec, et il y a des structures organisées à travers toutes les régions du Québec. Alors, les détaillants ont leur propre organisation locale qui relève de l'ADA générale.

L'ADA n'a pas pu solliciter de mandat clair sur le projet de loi actuel, évidemment, compte tenu du délai. Elle compte le faire. Elle compte le faire au niveau de son conseil d'administration, et surtout en assemblée générale, et, éventuellement, comme je l'ai dit tout à l'heure, modifier nos recommandations, s'il y a lieu, face aux précisions que nous aurons aujourd'hui. Par contre, l'ADA a un mandat très clair – je vous réfère à l'annexe I, dans le document – qui a été voté en assemblée générale, où nous incombe la responsabilité de développer un plan de formation dans notre secteur, qui, effectivement, souligne la complexité et le besoin fondamental d'avoir une harmonisation dans la formation professionnelle.

(16 h 50)

Le secteur lui-même maintenant, si je tente de le décrire, il se compose d'environ 10 000 commerces en alimentation à travers le Québec. Alors, c'est vraiment intégré dans toute la structure ou tout le tissu québécois. Récemment, d'ailleurs, j'avais à faire des commentaires face aux pharmaciens sur les médicaments non ordonnancés et je faisais remarquer que c'est beaucoup plus facile d'avoir accès à des magasins d'alimentation que d'avoir accès à des pharmacies, à travers le Québec. Alors, on est vraiment intégrés dans toutes les régions du Québec, dans tous les villages à travers le Québec. Sur les 10 000, il y en a 9 000 indépendants; 2 000, en moyenne, sont des grandes et moyennes surfaces, c'est-à-dire qui varient de 5 000 à 20 000 pi², et le reste représente des dépanneurs et des magasins spécialisés de type boucherie, fruiterie et autres.

C'est très spécifique au Québec, cette structure-là, parce que, si vous regardez, on représente à peu près 80 % du marché québécois, les propriétaires. C'est une évolution historique qui était là bien avant l'arrivée des grands magasins. Si on se compare avec le restant du Canada, les propriétaires indépendants de commerces sont aux alentours de 45 %. Alors, vous voyez la grande différence: ce qui domine, à l'extérieur du Québec, c'est les magasins corporatifs; ce qui domine, au Québec, encore aujourd'hui, malgré la compétition féroce, c'est les propriétaires de commerces, alors c'est des entrepreneurs indépendants.

Parmi les éléments qui conditionnent notre secteur au niveau de notre disponibilité d'investir, il faut rappeler que – contrairement à ce que bien des gens s'imaginent, on a tous notre expérience de l'épicerie – le profit net est aux alentours de 1 % et moins dans le commerce de détail en alimentation. Alors, ça vous donne une idée, quand même, du faible taux de marge de manoeuvre ou d'argent disponible pour le détaillant. Aussi, nous avons un très haut taux de main-d'oeuvre; c'est très intensif, parce que c'est un secteur qui est tourné vers le service à la clientèle. Alors, si vous regardez aussi, ceux qui sont directement touchés par la loi, ceux qui se situent à 250 000 $, 500 000 $ et 1 000 000 $ et plus, sont des groupes hautement syndiqués. Donc, l'impact du coût des salaires des employés, chez nous, est très élevé comparativement à d'autres secteurs.

Si je regarde aussi d'autres éléments pour que vous compreniez exactement notre relation face à la formation professionnelle, c'est un secteur qui est hautement compétitif. Il n'a pas de croissance. C'est un secteur qui est très mature, parce que c'est lié à la démographie. Alors, évidemment, comme il n'y a pas plus de consommateurs, il n'y a pas de création de nouveaux commerces. C'est un secteur qui est en constante évolution, vous pouvez le voir. On doit réagir rapidement aux changements dans le marché et aux comportements des consommateurs. Je donne comme exemple l'arrivée des clubs entrepôts, il y a un plafonnement, en ce moment, dû, justement, aux changements dans les familles, etc., dans les modes de consommation, et l'ouverture des commerces le dimanche qui a affecté la structure dans notre secteur.

Le contrôle québécois, aussi, du secteur est mis à défi. Ce qu'il faut comprendre, c'est que souvent on pense que, la formation professionnelle, ça nous donne un avantage comparatif au niveau des entreprises internationales et sur le marché international, sauf que, chez nous, la compétition est déjà là. Il faut avoir de l'expertise et de la formation très avancées pour faire face à des groupes non québécois, par exemple les Sobeys et les Loblaws, qui sont sur le territoire québécois et qui prennent de l'expansion, Sobeys en particulier, dans l'Est du Québec et dans le Bas-du-Fleuve, et avec l'arrivée des Club Price, comme vous avez vu, et des Wal-Mart. Alors, la compétition est là et la formation joue un rôle déterminant dans notre capacité de demeurer propriétaires de ces entreprises-là.

Pour ce qui est de la particularité de la main-d'oeuvre et de la formation dans notre secteur, je vais vous référer aussi à un document qui est en annexe. J'ai oublié le numéro de l'annexe. C'est l'annexe V, le document «Sommaire, La distribution des denrées bioalimentaires au Québec».

En plus du mandat qu'on a eu des détaillants, c'est évident que, depuis deux ans maintenant, on fait énormément de travail pour connaître les besoins dans notre secteur pour essayer de développer un programme complet – vous allez voir la complexité de le développer pour notre secteur. Par contre, on a travaillé, avec l'appui du MAPAQ, à une analyse des besoins dans notre secteur, ce qui n'existait pas, et avec les gens de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Alors, il y a eu beaucoup de collaboration là-dessus. On a quand même une bonne connaissance, maintenant, des besoins dans notre secteur, surtout des carences dans notre secteur.

Si je devais identifier les particularités qui vont vous permettre de comprendre un peu notre attitude générale face à la formation, il faut comprendre – et je pense que tout le monde a quand même une expérience avec l'épicerie ou le contexte dans lequel ça fonctionne – qu'il y a un haut taux de roulement de la main-d'oeuvre dans notre secteur, ce qui veut dire qu'il y a peu de stabilité. C'est difficile de... Il faut former les gens rapidement, mais ils quittent rapidement aussi, ce qui a un effet sur la compétition. On a peur de trop former les gens, jusqu'à un certain point, parce qu'ils peuvent aller à la compétition. On n'est pas sûrs si on va les garder. Il y a peu de formation à l'entrée, mais énormément de formation sur le tas. Il n'y a pas de programme en tant que tel, mais il y a énormément d'heures et de temps investis. C'est pour ça que j'ai demandé à M. Legault d'être ici, il va pouvoir vous expliquer comment se fait la formation chez nous. Et ça se fait véritablement sur le plancher, autour des comptoirs, etc.

Mais il y a d'autres facteurs qui jouent énormément sur notre conditionnement face à la formation. On a une responsabilité au niveau de la sécurité publique, du service à la clientèle et de la mise en marché. Ce sont des éléments très complexes, des éléments qui demandent beaucoup de connaissances dans le secteur. Ce que je veux mentionner, c'est que, vous remarquerez, dans ces différentes demandes là, il n'y a pas un secteur plus complexe au niveau du détail. Il y a 14 000 produits différents dans un magasin d'alimentation. Vous pouvez vous imaginer que, entre le lait, la viande et les produits secs, etc., ça demande toute une présentation différente, ça demande des connaissances du contrôle de température, du contrôle biologique, etc. Ça fait partie des préoccupations.

Si je regarde le propriétaire, évidemment, le propriétaire pourra vous donner une idée du nombre de chapeaux qu'il doit porter. Moi, je me permets, puisque je ne suis pas un détaillant en alimentation, de dire qu'une fois que vous avez du succès dans la gestion d'un magasin d'alimentation, vous pouvez vous lancer dans n'importe quoi, vous allez réussir, parce qu'il n'y a pas un secteur plus complexe à gérer. Je ne sais pas si, moi, je me lancerais là-dedans, mais... C'est peut-être comme la politique, il faut avoir la vocation.

Je terminerai peut-être par vous faire comprendre qu'il n'y a pas de formation formelle. Par contre, si on veut que les propriétaires demeurent propriétaires, c'est clair que ces gens-là doivent devenir des gestionnaires très compétitifs. Il n'y a pas de formation de ce type-là à l'université. Ils doivent avoir des connaissances de technologie. C'est un secteur qui devient de plus en plus important et les investissements en technologie deviennent de plus en plus coûteux.

C'est pour ça que, nous, on a un mandat clair de nos membres – vous l'avez, il est détaillé, je ne me rappelle plus dans quelle annexe, là, mais vous l'avez, l'annexe I – pour développer un programme. On veut un programme qui soit clair, qui soit pointu, qui soit accessible. On croit que ça motiverait les détaillants à participer beaucoup plus, parce que le taux de participation à la formation est très faible. Mais, quand on ne quantifie pas non plus la formation sur le tas, c'est difficile d'évaluer à quel point c'est fait. S'il y a un programme structuré, c'est clair que les détaillants vont pouvoir réagir parce qu'il n'y a rien de disponible en ce moment. Je vous donne l'exemple des commissions scolaires. Il se donne certaines formations en sécurité alimentaire, les gens les passent et, l'examen, il n'y a pas de possibilité de le passer, parce que c'est très mal structuré, avant un an et demi. Alors, imaginez-vous, vous passez les tests, vous prenez l'information, puis, un an et demi plus tard, vous pouvez être reconnu pour le faire.

Dans notre volonté de faire reconnaître aussi l'ADA, qui a le mandat d'avoir un rôle complet relié à la formation dans notre secteur, il y a les responsabilités qui en découlent. On veut aussi rester très prêts. On ne veut pas qu'il y ait de structures administratives complexes au-dessus de cette opération-là parce qu'on est plus en mesure de réagir immédiatement aux transformations dans notre secteur, aux demandes de nos membres.

Alors, je ne détaillerai pas les recommandations, je pense que vous les avez. Je préfère qu'on ait des échanges et qu'on puisse répondre plus spécifiquement, dans le cas de M. Legault, à ce qui se passe véritablement puis où on veut aller là-dedans. Merci.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup. M. Legault, est-ce que vous désirez vous exprimer tout de suite ou attendre la partie des échanges?

M. Legault (Pierre): Je vais plutôt attendre la partie des échanges.

Le Président (M. Facal): D'accord. Alors, on va les débuter tout de suite. Mme la ministre.

Mme Harel: Merci, M. Legault, M. Gadbois, Mme Fortin. Je vais tout de suite vous demander: Ça se passe comment la formation, chez vous, M. Legault?

(17 heures)

M. Legault (Pierre): D'entrée de jeu, ça va vite. C'est comme chez nous. Ça se passe comment? Vous savez, l'embauche de personnel dans le milieu des épiceries au détail, on embauche... Environ 80 % à 90 % de notre personnel, ce sont des étudiants, ce sont des gens qui viennent chez nous pour travailler à temps partiel, au début, et qui, dans certains cas – environ 20 % ou 10 %, même – demeurent avec nous dans l'entreprise plus de trois ans. Généralement, les gens, chez nous, sont de passage parce que, comme je vous ai dit, tout près de 60 % à 65 % de notre main-d'oeuvre, ce sont des étudiants qui sont au niveau cégep ou universitaire. Ces gens-là ont déjà choisi une autre carrière qui n'est pas la nôtre, mais ils travaillent chez nous afin d'arrondir leurs fins de mois et d'être capables un jour d'exercer une autre profession.

Il est évident qu'on a quand même un noyau de main-d'oeuvre qui est permanente; celle-là se retrouve surtout au sein de nos employés à temps complet. Et ces gens-là, ce sont nos formateurs dans les magasins. Ces gens-là ont acquis, au cours des années, des précédents, la formation requise dans chacun des emplois qu'ils occupent. Donc, ces gens-là forment ce qu'on pourrait appeler les plus jeunes aux méthodes de travail et investissent le temps qu'il faut afin de rendre le commerce efficace et bien rodé. Donc, ça se transmet non pas de père en fils maintenant, mais de plus vieux à plus jeunes. Et, dans toutes les fonctions de l'entreprise, c'est la façon dont la formation se fait.

Mais il y a beaucoup d'investissement qui est fait. Je dois vous dire que, lorsqu'on embauche, que ce soit une caissière ou un commis dans les fruits et légumes, il y a des quantités énormes d'heures investies au début afin de les rendre productifs, et le plus rapidement possible. Vous comprendrez qu'avec un taux de rotation de près de 50 % de notre main-d'oeuvre par année c'est un travail harassant et très coûteux. C'est comme ça que ça se passe.

Mme Harel: Écoutez, j'ai pris avec intérêt connaissance des commentaires qui se trouvent aux pages 13 et suivantes du mémoire. Et, si vous permettez, puisque... En fait, je ne voudrais peut-être pas mal interpréter votre position, mais je comprends que vous êtes modérément contre, et je voudrais peut-être mieux comprendre pourquoi vous êtes contre. Et j'apprécierais peut-être d'échanger à partir des recommandations que vous faites. Je comprends que vous nous dites que vous auriez préféré que ce soit par voie incitative plutôt que par voie coercitive. Je retrouvais aujourd'hui une déclaration faite par un prédécesseur, le député de Laporte, M. Bourbeau, le 9 mai 1991. Et l'article du Devoir s'intitule «Québec menace de taxer les entreprises pour financer la formation professionnelle». Et le ministre responsable, M. André Bourbeau, disait: «Le gouvernement a opté pour l'incitatif fiscal parce que nous ne sommes pas de l'école coercitive. Mais, si ça ne fonctionne pas, il faudra penser à autre chose. C'est une épée de Damoclès au-dessus de la tête des entreprises.» Et ça, vous voyez, ça fait déjà quatre ans de ça. Alors, là, on peut penser qu'il faut continuer à ce que l'épée de Damoclès demeure au-dessus de la tête, puis que ça ne marche pas. Mais, ce matin, il y a un député, le député de Rivière-du-Loup, qui nous a dit qu'il nous fallait une obligation de résultats. Et je pense que, comme société, là, ce à quoi on est tous invités en matière de formation professionnelle, c'est à une obligation de résultats.

Ceci dit, vous en faites, de la formation, vous en faites déjà. Et puis vous nous dites que vous avez déjà identifié vos besoins, déjà identifié vos carences. En tout cas, vous êtes pas mal en avance, je dois vous dire. Vous nous dites aussi, à la page 15, prôner le principe d'alternance travail-études pour permettre aux détaillants de poursuivre déjà leur implication. Alors, vous voyez la formation pratique sous forme de stages rémunérés et supervisés par du personnel d'expérience, toute chose que permet, comme vous le savez, le projet de loi.

Vous nous dites aussi être en faveur, à la page 14, d'un plan général de formation. Donc, vous nous dites être même prête, comme association sectorielle, à élaborer, à approuver puis à accréditer, pour le secteur de l'alimentation, un tel plan. Et vous nous rappelez que l'employeur doit être le seul maître d'oeuvre de la mise en place d'un plan de formation.

Alors, je comprends qu'il y a pas mal d'éléments qui peuvent, en fait, cohabiter avec votre façon de travailler. Ce que vous nous dites, cependant, c'est deux choses, à savoir que vous ne voulez pas que ce plan local de formation soit convenu avec vos employés. Alors, ça, pourquoi? Est-ce que la meilleure façon de les impliquer, ce n'est pas justement de convenir d'un plan local de formation où ils ne voient pas ça comme une menace mais, au contraire, comme un support, comme un coup de pouce, comme une façon de les mieux impliquer dans l'entreprise et pas comme une façon de les tester pour éventuellement ne plus les garder dans l'entreprise? Parce que c'est ça, souvent, le problème. Très souvent, les travailleurs ne vont même pas révéler leur problème d'alphabétisation parce qu'ils se disent: Si ça se sait, je vais peut-être être le prochain sur la liste à être écarté. Ça, c'est peut-être un élément important.

Quant à l'apprentissage sur le tas, vous avez bien compris qu'il serait possible et qu'il le serait dans le cadre d'un plan local de formation. Et, là, ce qui m'apparaît peut-être un peu difficile à vous donner satisfaction, c'est que vous demandez, dans le fond, d'avoir le monopole de l'agrément des plans de formation et également le monopole des formateurs. Cependant, si c'était le cas, c'est l'entreprise qui n'aurait plus sa liberté d'agir, là. Je pense qu'il faut dire oui à ce que vous élaboriez le plan de formation qui est prévu à l'article 8, oui que vous le fassiez accréditer, et oui que vous puissiez devenir, si vous voulez, l'organisme à qui le 1 % est versé, mais de là, en plus, à obliger toutes les entreprises à ne passer que par vous, il me semble qu'il y a un pas à ne pas franchir. J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus.

M. Legault (Pierre): O.K. Votre question comporte plusieurs volets. Je vais tout d'abord commencer par certains et je passerai la parole à Michel pour d'autres.

Premièrement, je pense qu'on est plus modérément pour votre projet que modérément contre, avec, même, toutes les notes que vous nous avez soumises. C'est peut-être dans le «teintement» du pour et du contre. Mais, je peux vous dire que c'est sûr que, même moi, à titre de trésorier de l'Association, je n'ai pas de mandat de mes membres, je n'ai pas de mandat des gens que je représente pour vous dire que j'accepte ou que je refuse, ou que j'appuie ou que je n'appuie pas ce projet. Par contre, personnellement, comme détaillant de deux supermarchés à grande surface qui seraient éventuellement totalement soumis à ce projet-là dès la première année, je peux vous dire que, personnellement, je suis pour le projet dans son ensemble, mais assorti des conditions qu'on y a mises au niveau des conditions dans nos recommandations. Et je n'ai pas eu l'occasion de lire en détail votre projet de loi, compte tenu des délais, mais, si la formation sur le tas fait partie des dépenses de formation comptabilisables, si également l'employeur contrôle la dépense de formation à l'intérieur de certains critères qui seront imposés, mais contrôle totalement sa dépense de formation seul, je peux difficilement être contre la vertu, comme on peut dire. C'est évident que je ne peux pas m'opposer.

Mme Harel: Et est-ce que vous faites le 1 % présentement?

M. Legault (Pierre): Non. Présentement, si je ne comptabilise... Mais, ça dépend. Si je comptabilise la formation sur le tas, ce que je n'ai jamais calculé, peut-être que je le ferais, peut-être que je ne le ferais pas. Mais, en ne comptabilisant pas la formation sur le tas, je ne le fais pas présentement.

Mme Harel: Et la formation sur le tas, c'est bien celle que vous décrivez au bas de la page 14? Celle que vous nous dites se donner par apprentissage du métier d'épicier sur le tas, parce que vous nous dites qu'il n'y a pas de cours qui existe dans le domaine.

M. Legault (Pierre): Exact.

Mme Harel: Alors, vous nous dites: Comme il n'y a pas de programme traditionnel, finalement, ce sont des cours donnés par des techniciens spécialisés. Et vous dites: Les marchés d'alimentation assument à frais élevés la formation de toutes les personnes intégrées au métier d'épicier. C'est donc dire que vous le faites déjà, mais vous ne le comptabilisiez pas.

M. Legault (Pierre): Exact.

Mme Harel: Et je comprends donc que les personnes qui bénéficiaient de votre formation n'avaient pas non plus une reconnaissance de leurs acquis ou de leur apprentissage. Et, là, dorénavant, elles pourront être gagnantes à ce niveau-là aussi.

(17 h 10)

M. Legault (Pierre): Oui. Elles seraient certainement gagnantes. Et il y aurait aussi, pour nous, lors de l'embauche, une plus grande facilité. Vous savez, lorsqu'on embauche des gens à la cadence qu'on le fait, tout ce sur quoi on peut se fier, c'est sur un c.v. qui nous dit: J'ai travaillé trois mois à tel endroit, 18 mois à tel endroit. C'est sûr que, si c'était plus encadré ça serait pour nous peut-être beaucoup plus facile de faire notre embauche en fonction de cours déjà accrédités que les gens auraient suivis. C'est sûr que ça nous faciliterait les choses également.

Mme Harel: Je vous remercie. Je reviendrai par la suite, M. le Président.

M. Gadbois (Michel): Je m'excuse. Je voudrais juste...

Mme Harel: Ah oui! Il y avait une question, là, sur le monopole que l'ADA recherche, là. Ha, ha, ha!

M. Gadbois (Michel): Oui. Je réagis toujours face aux monopoles. Il y a une chose qu'il faut comprendre, c'est que ce n'est pas un monopole qui se veut englobant. Je peux vous dire que, depuis qu'on sait que le projet de loi est là, j'ai des appels quotidiens de formateurs extraordinaires qui ont le meilleur programme qui s'est jamais vu sur la terre, puis c'est drôle, ils n'étaient pas là avant. Alors, il y en a tout plein. Il y a des champignons qui poussent partout. Nous, ce qu'on veut, c'est qu'on pense qu'on est le meilleur garant des besoins des détaillants, des propriétaires, parce que, si, ce qu'on accrédite, ce qu'on reconnaît... On ne veut pas automatiquement toutes les faire et les offrir. Je pense que ça serait absurde. Ce qu'il faut comprendre, c'est que c'est très difficile, parce qu'on est partout au Québec, c'est très difficile pour les détaillants de toujours avoir accès géographiquement, là, à des programmes. Il va falloir concevoir des programmes sur vidéo, des choses que nous reconnaîtrons comme étant valables parce que les détaillants nous diront: Oui, c'est de ça que j'ai besoin. C'est bon, c'est productif, c'est efficace. Mais, je peux vous dire qu'il y a encore du travail à faire là-dedans. Ce qui nous fait peur, c'est que des gens pas connectés à cette réalité-là aient la capacité de reconnaître cette formation-là. Ça, on ne le voudrait pas.

Quand on parle aussi de consultation, on veut avoir la consultation avec les employés, et c'est normal, c'est tout à fait valable. Ce qui nous fait peur – puis vous le savez – c'est la réaction qu'on a avec le comité paritaire. On a l'expérience avec la CSST, on les a un peu partout, O.K., sur les décrets, etc., et on se fait avoir partout. O.K.? Je peux vous le dire. Alors, si vous dites ça aux détaillants qu'ils n'auront pas le contrôle sur la dépense qu'ils font, c'est clair que la première réaction, c'est de dire: Bien, c'est moi qui paie. Pourquoi on viendrait me dire ou que le syndicat m'imposerait des normes ou des critères? Je le sais, c'est moi qui veux l'efficacité de mes employés.

Bon. Il va se faire de la consultation. Il s'en fait à tous les jours. Si vous regardez ce qui se passe dans un commerce de détail, s'il n'y a pas de consultation ou d'entente, ça ne marchera pas. Parce que l'employé, s'il n'est pas heureux, il fait face au client, il peut faire perdre le client. Si on perd un client, ça coûte cher. Ça fait que, de l'harmonie, on doit en avoir. La seule chose, c'est qu'en bout de ligne s'il y a un élément d'imposition où est-ce qu'il doit y avoir des ententes, je vous dis que ça va virer en une espèce de situation qui va stagner, parce que ça va être des négociations de conventions qui vont se faire à l'intérieur des reconnaissances de types de cours ou du nombre d'heures suivies, puis, là, à ce moment-là, vous allez perdre tous les détaillants. Ils ne voudront plus investir là-dedans. Alors, c'est pour ça qu'on dit que ça va se faire naturellement, la consultation. Si ce n'est pas efficace, ça va tomber. O.K.? Si c'est efficace, il va y avoir de la consultation. C'est normal, parce que les employés vont être heureux de la formation qu'ils vont avoir. C'est là qu'on met nos réserves.

Mme Harel: M. le Président, compte tenu de la réponse, là, que le directeur général de l'ADA, M. Gadbois, vient de faire, j'apprécierais peut-être pouvoir lui préciser que le dispositif qui est mis en place dans le projet de loi prévoit que l'entreprise, à sa convenance, choisit, par exemple, la formation auprès d'une institution d'enseignement reconnue d'intérêt public ou privé, ou auprès d'une firme, et que, si elle le fait sur le tas, c'est à ce moment-là qu'elle doit le faire conjointement avec le personnel, à défaut de quoi il n'y aura pas une batterie puis une brigade, là, de fonctionnaires, nulle part, pour aller vérifier. La seule façon de le faire, c'est de le faire par cette autorégulation, mais l'entreprise a toujours la possibilité de le verser dans une association sectorielle qui, elle, fait accréditer un plan de formation. Alors, on comprend, à ce moment-là, que le caractère paritaire, là, n'intervient que dans la mesure où ce n'est pas dans le cadre d'une institution d'enseignement, ce n'est pas avec un formateur agréé et ce n'est pas non plus dans le cadre d'un plan de formation prévu à l'article 8. Alors, si ce n'est rien de cela, il faut que ce soit, à ce moment-là, conjoint. C'est ça, l'économie générale, là, du projet de loi.

Et je comprends que vous, à l'ADA, ce que vous voulez, c'est que la SQDM vous traite comme une association sectorielle, parce que les associations sectorielles vont avoir l'avantage d'élaborer des plans de formation, et à partir de quoi elles vont pouvoir mutualiser les fonds pour les réaliser, mais c'est certain qu'elles ne pourront pas donner elles-mêmes la formation. En fait, c'est suite à des représentations faites par des associations patronales qui nous ont alertés sur la situation qui avait prévalu en Angleterre, où les associations sectorielles pouvaient à la fois être mutualisées pour recevoir les fonds et en même temps donner la formation. Là, il y a eu vraiment une confusion des gens, qui a discrédité le processus.

Alors, je comprends cependant que l'ADA, vous-même, quand vous dites un plan de formation, vous ne le donnez pas, vous n'avez pas vos propres formateurs à votre emploi. Vous engagez des firmes pour le faire ou vous passez par une institution d'enseignement pour le faire. Est-ce que c'est bien le cas?

M. Gadbois (Michel): Ce que je tentais d'expliquer tout à l'heure aussi, c'est que ce n'est peut-être pas fonctionnel. Alors, ce qu'on voulait savoir... Oui, la double capacité. Moi, j'ai une façon de contrôler très simple: si ça ne satisfait pas les propriétaires, ils ne sont plus membres; s'ils débarquent, je suis fait. Alors, je veux dire, au départ, que je suis probablement l'organisme le plus facile à contrôler sur la satisfaction des propriétaires. S'ils n'aiment pas ce qu'on donne, s'ils n'aiment pas les formateurs qu'on leur propose, s'ils n'aiment pas la structure qui est donnée... Et je peux vous dire, à date, que les commissions scolaires ne répondent pas à ces demandes-là, pour toutes sortes de raisons. Il s'improvise toutes sortes de formateurs. Et, comme je vous dis, même quand c'est des formateurs qui sont, par exemple, des anciens bouchers, le boucher va être là pour donner le cours; pour passer l'examen, il n'est plus là. On peut attendre un an, un an et demi avant que ça se fasse. C'est pour ça qu'on veut avoir la responsabilité qui en découle. Moi, en bout, si je fais de l'argent avec ça, mes membres vont me dire: Combien tu as fait à la fin de l'année avec ça? Je suis tellement contrôlable par mes membres que, si ce n'est pas efficace, mon système, vous me passerez l'expression, je suis fait encore.

Alors, je trouve que, pour nous, c'est non seulement notre vocation, nos membres nous le disent. Parce que, ce qu'il faut comprendre, c'est que, dans notre secteur, il n'existe pas d'organisme neutre à part nous. Les distributeurs ne le sont pas, les autres ne le sont pas. Les autres ne peuvent pas répondre à cette demande directe des détaillants. C'est pour ça que, pour nous, ça nous semble tellement naturel, c'est pour ça qu'on a le mandat. On ne veut pas s'empêtrer dans 10 000 formateurs et avoir en une batterie ou une école. Mais, si, effectivement, on commence à donner un cours, un cours volant qui se fait par le biais, par exemple, de nos structures régionales, ça peut être des formateurs, des détaillants formateurs en région dans notre structure régionale, si ça ne répond pas, ils vont nous le dire tout de suite. Ils ne viendront pas ou ils vont dire: L'ADA abuse, ou quoi que ce soit.

Mais, nous, on se sent tellement responsables face à nos détaillants qu'on se dit: On ne peut pas abuser du système. Si on ne répond pas à la demande, je suis facilement condamnable par mes membres. Et on pense qu'on est les mieux placés pour répondre rapidement aux besoins des détaillants, même en région. Et vous savez, des fois, s'arranger pour que le cours soit disponible en Abitibi et sur la Côte-Nord en même temps, moi, je peux juste me fier sur mes régionaux, mais ces gens-là sont des experts. Ils voudraient l'avoir, ça. Et n'oubliez pas, en ce moment, c'est très difficile, parce que les distributeurs, quand il y a un cours de disponible, c'est un élément de compétitivité. Vous ne voulez pas le donner, vous avez peur que, si votre employé l'a, il va vous quitter pour aller chez le compétiteur. Nous, ce qu'on veut faire, c'est le rendre disponible tellement à tout le monde que ce ne sera plus un élément compétitif à l'intérieur du système.

Mme Harel: M. Gadbois, je vous remercie, parce que l'échange que nous avons eu m'amène à penser qu'on mettait peut-être trop rapidement de côté, à la lumière de l'expérience britannique, la possibilité que les associations de nature sectorielle ou régionale donnent la formation. Dans la mesure, justement, où il n'y a pas de monopole – c'est qu'en Angleterre il y avait un monopole; il y avait 82 conseils sectoriels – vous avez bien raison. S'ils ne sont pas contents, de toute façon, leur obligation de 1 %, ils peuvent s'en acquitter d'une toute autre façon, par n'importe quelle entente directe avec une polyvalente, ou avec une firme agréée, ou avec un cégep, ou avec une association régionale. Alors, dans ce sens-là, vous êtes mieux d'être bons. Vous avez bien raison, vous êtes obligés, vous avez une obligation de résultats.

M. Gadbois (Michel): Vous avez bien compris.

Mme Harel: C'est ça. Merci.

Le Président (M. Facal): M. le député de La Peltrie.

(17 h 20)

M. Côté: Merci, M. le Président. Madame, messieurs, bonjour. Dans votre secteur, vous avez mentionné que vous avez beaucoup de main-d'oeuvre et aussi qu'il y a un haut taux de mouvement de cette main-d'oeuvre-là. Mais, en contrepartie, vous mentionnez l'importance d'avoir du personnel qualifié également dans votre secteur. Alors, moi, j'ai de la misère à faire le lien de ces trois éléments-là que je viens de mentionner, alors que, d'un autre côté également, vous dites, dans la recommandation 1, à la fin du deuxième paragraphe: «L'impact est majeur dans le secteur de l'alimentation au détail où les marges bénéficiaires sont inférieures à 1 %.» Donc, c'est très mince comme marge de bénéfice, alors que le personnel représente une grande proportion au niveau, je pense, des salaires, mais aussi de l'importance pour la qualité de votre service. Alors, pourquoi vous dites, à l'article 1 de vos recommandations: «Il est recommandé de ne pas imposer d'obligation légale pour favoriser le développement de la formation professionnelle?»

Je pense que vous avez un secteur, considérant qu'il y a beaucoup de main-d'oeuvre, où la compétitivité, j'imagine que c'est là qu'elle compte, au niveau de votre personnel. Alors, j'ai de la misère à imaginer un peu votre réticence au fait d'encourager ou de favoriser le développement de la formation professionnelle.

M. Gadbois (Michel): Merci. Vous me permettrez de préciser, je pense, quelque chose qui est fondamental. Ma réticence est basée sur la connaissance qu'on a du projet de loi actuellement. Il y a des éléments qu'on nous précise autour de la table aujourd'hui, puis, pour nous, on a dit qu'on va revenir sur des éléments de recommandations. M. Legault s'est engagé à le faire aussi au niveau du conseil d'administration. On n'a pas de mandat de nos membres, donc on ne peut pas leur dire qu'on est d'accord, nous, clairement, pour imposer un prélèvement d'argent. On ne peut pas le dire en ce moment.

Par contre, ce que je vous dis, c'est que, si les éléments qui sont là font partie... On en a précisé un sur notre mandat. Si on a la capacité de faire ça, si la formation sur le tas est reconnue, le principe de ne pas avoir d'obligation formelle contrôlée par d'autres groupes que le propriétaire – de la consultation, oui, c'est essentiel pour nous – si on a ces éléments de base là, je peux vous dire que, déjà, ça serait plus réceptif. Et on s'engage, nous, à revenir à notre conseil d'administration, puis à nos membres, puis à dire: Bon, bien, voilà des éléments qui font que, effectivement, on peut remplir le mandat que vous nous avez donné, sinon, bien, comment est-ce qu'on va la financer, cette opération-là? C'est simple, là.

Et, pour répondre au début de votre question, la contradiction est évidente. C'est pour ça qu'on a travaillé depuis deux ans à créer un plan de formation. On a vraiment étudié... Vous regarderez l'étude qui s'est faite par le MAPAQ. Avant de savoir ce qu'on va faire, il faut savoir ce qui ne marche pas. On a vu ce qui ne marchait pas. On ne veut pas refaire les erreurs qui se sont faites dans le passé. On en développe un, mais c'est très coûteux pour nous, là. Je veux dire, l'ADA, c'est une association à but non lucratif, les cotisations sont volontaires.

En ce moment, j'essaie, avec les moyens du bord, de développer le programme avec l'aide de la SQDM et d'autres, mais c'est clair que quelqu'un qui arrive dans notre secteur et qui ne sait pas c'est quoi, le secteur, qui ne sait pas qu'il y a des programmes... Le meilleur exemple qu'on puisse donner, c'est qu'il pourrait exister un cours Alimentation 101 en secondaire V, puis qui dit: Voilà ce que vous allez faire si vous rentrez en alimentation. Vous pouvez faire telle job, telle job, telle job, telle job. O.K. Puis, un jour, vous pouvez devenir propriétaire si vous voulez. Ça demande tel type de formation. Idéalement, c'est ça qu'on voudrait, mais on ne peut pas le faire en ce moment. Ce n'est pas élaboré, ce n'est pas prêt.

Et ça va pour tout le reste des employés, des gérants et des propriétaires. Et, pour nous, c'est fondamental, et on va le faire. On va le faire à petits pas si on n'a pas les sous, puis on va le faire à grands pas si on a des sous.

Le Président (M. Facal): Merci, M. Gadbois. Ceci épuise le temps dont disposait le parti ministériel. Alors, si l'opposition veut bien y aller. M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Merci, M. le Président. Messieurs, madame, merci de votre contribution. Il est important pour des parlementaires d'avoir accès à de l'information concrète comme celle dont dispose un regroupement comme le vôtre. Parfois, nous rencontrons des organisations qui nous entretiennent de la nécessité d'avoir de grandes politiques, etc. Il en faut. Puis, en même temps, il faut aussi voir comment ça peut vivre, tout ça, sur le plancher – et je n'ai pas vu souvent d'épicerie à deux étages – donc, sur l'unique plancher des grands marchés, comment ça fonctionne. Vous nous l'expliquez, puis ça fait du bien.

Je vois aussi que vous avez entrepris par vous-même un travail, un travail de bilan et un travail de planification. Je vois que vous avez de la sensibilité pour la question de l'intégration au travail, stagiaires, apprentissage, alternance. Vous avez des propos très intéressants là-dessus, et je voulais le souligner et vous féliciter d'avoir intégré ces données-là.

Quant à savoir si vous êtes profondément contre, ou modérément contre, ou modérément pour, moi, je m'en tiendrais à la page 18 de votre mémoire; je ne vous ferai dire rien d'autre que ce qui est écrit là. La première recommandation, c'est de ne pas imposer d'obligation légale; la deuxième recommandation, c'est d'investir de façon volontaire – ça donne une bonne idée de ce que vous pouvez avoir comme conclusion, finalement, par rapport au projet de loi 90. Quatrièmement: explorer de nouvelles mesures incitatives, donc c'est en complémentarité. Vous n'avez rien contre le principe des crédits d'impôt. Au contraire, vous suggérez de les maintenir et d'en augmenter la portée. Donc, ceci approfondit votre orientation vers des mesures volontaires plutôt que d'être contraints. C'est d'accepter la discussion, cependant, que nous impose ou que nous propose le projet de loi 90.

Vous avez l'air d'avoir des réticences contre les comités paritaires. Je ne sais pas d'où vient cette réticence. Ça ne doit pas être à la lecture du projet de loi, parce que le projet de loi, il parle de consultation d'un comité créé au sein de l'entreprise, à 6.3°. Je sais, tout à l'heure, que la ministre, dans son exposé, a référé à un comité paritaire. Je ne sais pas si elle citait plutôt l'ébauche d'un règlement, pour fins de discussion, qui circule. Elle, en effet, cette ébauche, parle de comité paritaire, mais le projet de loi n'en parle pas vraiment, il parle d'un comité au sein de l'entreprise. Alors, est-ce que la ministre nous annonce un amendement au projet de loi à partir de cette déclaration qui n'était pas faite pour la première fois, d'ailleurs?

Mais, si on discute du projet de loi, ce n'est pas là que c'est écrit. Ça ne veut pas dire que ce ne serait pas une bonne chose; ça dépend des points de vue. Il y en a qui ont soutenu le principe, surtout là où il y a des entreprises syndiquées. Encore faut-il voir quel est le pouvoir qu'on donne à un comité paritaire qui peut n'être que consultatif ou qui peut être décisionnel et qui peut même aller à la cogestion de la caisse qui peut exister dans une entreprise. Donc, il y a, encore là, derrière l'expression «paritaire», différents niveaux de responsabilité qu'on peut attribuer à un tel comité. S'il n'est que consultatif, on s'en doute que c'est plus acceptable à des employeurs, d'autres sont peut-être prêts à aller à une codécision et d'autres, parfois, sont prêts à laisser la caisse en cogestion parce que ça responsabilise les parties, sous le principe que ça responsabilise les parties. C'est à voir. Mais, de toute façon, pour le moment, le projet de loi ne nous demande pas d'aller aussi loin et nous suggère la mise en place d'un comité créé au sein de l'entreprise. Voir ce que ça contient, ce serait très, très utile. C'est pourquoi nous réclamons souvent d'avoir les propositions de règlements, les ébauches de règlements que la ministre, enfin, que la SQDM ou les services de la ministre font circuler dans le milieu. Ça nous aiderait à voir son intention et, là, on pourrait faire une discussion plus définitive. Néanmoins, ces échanges-là ne sont pas sans intérêt.

Si j'ai bien compris, à partir de la page 14 et à partir d'une annexe, vous estimez à environ 2 500 000 $, 3 000 000 $ l'argent qui sera en quelque sorte mis en pool, si je comprends bien, sous l'égide de votre Association. Et, à partir de ces 2 500 000 $, 3 000 000 $, si on considère les entreprises de 1 000 000 $ et plus de masse salariale – les seuils descendront par la suite, on le sait, sur trois ans – si je comprends bien, et, là, c'est une question que j'esquisse, vous verriez que votre Association ait comme la responsabilité de les traduire en activités de formation, après avoir mis au point un plan. En activités de formation. Vous percevriez donc auprès de vos membres ces 3 000 000 $, à peu près. Vous auriez la responsabilité de bâtir un plan, puis ensuite la responsabilité d'exécuter ou d'assurer des services de formation auprès de ces membres qui auraient cotisé à travers ce circuit. Est-ce que c'est ça que vous envisagez? C'est ça que vous souhaitez, comme mandat de votre Association? J'aurai une sous-question ensuite.

M. Gadbois (Michel): D'abord, pour préciser les chiffres, c'est plus de 3 300 000 $, puis je pense que c'est important de le faire, parce que beaucoup de gens s'imaginent que, dans le secteur du détail en alimentation, la masse salariale n'est pas ce qu'elle est. Alors, je pense que ça a été bon de faire réfléchir les gens...

M. Charbonneau (Bourassa): Les 3 000 000 $, là?

M. Gadbois (Michel): Oui. Ça, c'est la première année; après ça, ça monte, c'est évident, parce que vous étendez la base. Moi, je parlerais plus d'un solde...

(17 h 30)

M. Charbonneau (Bourassa): D'un?

M. Gadbois (Michel): ...d'un solde que d'un capital. Je veux dire, cet argent-là doit être réinvesti totalement. Le détaillant, s'il le fait, c'est évident qu'il y a un élément, là-dedans, de préparation et d'investissement. Je pourrais bêtement me retourner vers le gouvernement et dire: S'il vous plaît, donnez-moi tout l'argent tout de suite, je vais développer le programme, je vais être payé pour, et, après, bien, on verra, on fera un calcul pour voir qui est compensé ou pas. Je ne sais pas c'est quoi, la méthode. Mais, chose certaine, je l'ai dit tout à l'heure, le détaillant, il doit en avoir pour son argent.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui.

M. Gadbois (Michel): Donc, c'est le solde de ce qui ne sera pas dépensé, peut-être. Je ne le sais pas, je ne sais pas la formule encore.

M. Charbonneau (Bourassa): J'essaie de vous suivre, là. La formule que vous nous proposez, on pourrait essayer de voir, là, si c'est compatible avec les articles qui sont là ou s'il y a moyen d'arranger ça. Vous nous dites qu'il y a à peu près disponibilité de 3 000 000 $; par ailleurs, vous dites: On aimerait ça que notre Association soit accréditée pour percevoir, pour mettre en commun, les mutualiser ces 3 000 000 $, et vous aimeriez même avoir la capacité de traduire ça en services, en activités auprès de vos membres. Est-ce que c'est à ça que vous aspirez?

M. Gadbois (Michel): Pas entièrement...

M. Charbonneau (Bourassa): C'est 3 000 000 $ la première année, et si c'est 4 000 000 $ la deuxième et 4 500 000 $ la troisième. Est-ce que c'est ça qui est le mandat que vous cherchez?

M. Gadbois (Michel): Pas entièremement. Je pense que la meilleure façon de l'expliquer, c'est en le caricaturant ou en exagérant un peu. Si tout le monde le fait et que les programmes sont reconnus, je n'aurai pas une cent. Je n'aurai pas une cent. Je veux dire, ça va se faire par lui-même. Je pense que Mme la ministre l'a dit précédemment dans l'autre, le but, c'est d'arriver à zéro, un solde de zéro à la fin de l'année, que tout le monde ait participé dedans...

M. Charbonneau (Bourassa): Non, mais on ne parle pas de la même chose du tout, là.

M. Gadbois (Michel): Bien, c'est parce que comment voulez-vous que je le perçoive si je n'offre rien? Un moment donné, c'est de dire aux détaillants: Vous allez payer cette année, mais, éventuellement, je vais vous donner des cours, O.K., et vous serez compensés pour le paiement de l'année prochaine...

M. Charbonneau (Bourassa): Non, mais...

M. Gadbois (Michel): ...parce que, là, on part à zéro. Il n'y en a pas de cours, il n'y a rien de reconnu. C'est pour ça que je vous dis que c'est difficile d'évaluer, en ce moment, parce qu'il n'y a pas de programme. Si on a le programme, puis que je vous dis combien ça coûterait, je peux vous dire si, effectivement, je demanderais une contribution de 0,5 % du 100 $ que ça coûterait pour le mettre en place, des frais de gestion que l'ADA aurait à encourir. Je ne le sais pas encore.

M. Charbonneau (Bourassa): Si vous me permettez, là, la ministre vous offre la possibilité, de par la structure de sa loi, ici, de ne rien envoyer au fonds. Elle vous offre la possibilité, en vertu de l'article 6, de faire les affaires entre vous – 6 et d'autres articles, 8...

Mme Harel: L'article 8.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, mais, à partir de 6, 7, 8, ça vous permet de faire les affaires entre vous, soit entreprise par entreprise ou bien moyennant des formules d'accréditation, un collectif qui pourrait s'appeler... votre Association pourrait assumer le mandat, là. C'est ça, là, elle vous offre cette possibilité-là. Si vous jouez cette partie-là, vous n'avez pas à vous casser la tête pour envoyer... il n'y aura pas d'argent, on ne vous prélèvera rien, d'après la structure.

Donc, laissons de côté la question du fonds de la ministre, puisque, vous, principalement, vous êtes en train d'essayer de nous convaincre que votre ADAQ, votre Association, elle pourrait fort bien s'occuper de cela. Moi, je vous questionne sur le «cela». Le «cela», ça veut donc dire percevoir, regrouper ces 2 500, ces 3 000, ces 10 000, ces 15 000, selon la grosseur des épiceries en question, vous mettez tout ça ensemble, vous faites un plan et vous redistribuez des services de formation aux membres après ça. Est-ce que c'est ça que vous aspirez à faire?

M. Gadbois (Michel): Si j'avais à répondre par un oui ou par un non, c'est oui.

M. Charbonneau (Bourassa): Bon.

M. Gadbois (Michel): Ce que je reconnais, par contre, c'est la capacité, par exemple, de la SQDM ou d'autres de vérifier si, effectivement, ces programmes-là répondent à des normes...

M. Charbonneau (Bourassa): Bien sûr.

M. Gadbois (Michel): ...d'être contrôlé, de répondre.

M. Charbonneau (Bourassa): Ça, c'est prévu de toute façon. Vous allez devoir respecter un certain nombre de règlements, là, ils sont marqués ici.

Ma question, ma sous-question, que j'ai préparée, que j'ai pensée: Comment réconciliez-vous cela avec la concurrence très vive que se livrent par ailleurs vos membres, coin de rue par coin de rue, chaîne par chaîne, à travers tout le Québec?

M. Gadbois (Michel): Justement parce que je suis le seul organisme neutre.

M. Charbonneau (Bourassa): Vous êtes le...

M. Gadbois (Michel): Le seul organisme neutre. Moi, j'ai toutes les bannières, toutes les surfaces dans mon Association. C'est le seul endroit où, effectivement, les gens peuvent accepter qu'il y a un programme qui est disponible, quelle que soit la bannière, quelle que soit la surface. Le problème, c'est que, quand Métro met sur pied un programme de coupe de viande ou quoi que ce soit, il va faire attention. Ses détaillants ne le prendront peut-être pas parce qu'ils ont peur que le boucher, après, s'en aille chez l'autre, de l'autre bord, où ne se donne pas la coupe de viande. Alors, le distributeur est de moins en moins intéressé à en donner, des programmes comme ça, et il y a de moins en moins de programmes qui se donnent.

Alors, essentiellement, c'est pour ça, nous, quand on a regardé ça, quand on a eu le mandat de nos membres – c'est venu bien avant la proposition du projet de loi, je veux dire, ça fait quand même un bout de temps qu'on l'a, ce dossier-là – les membres nous ont dit: Vous êtes normalement les récipiendaires du développement général de la formation dans notre secteur – c'est aussi simple que ça – et vous êtes un regroupement volontaire. Si quelqu'un n'aime pas ça, il s'en va.

M. Charbonneau (Bourassa): En tout cas, nous aurons, comme législateurs... la ministre aura à nous faire des propositions suite à ces échanges, et on verra. Mais c'est une décision importante de savoir si on laisse aller les fonds, l'utilisation des fonds, entreprise par entreprise, ou si on prévoit la mutualisation de cela et dans quel contexte ça a du bon sens de prévoir cela. Il y aura un débat de clarification entre nous parce qu'on pourrait bien, aussi, dire... Vous avez combien d'épiceries, d'entreprises? Deux cent cinquante.

M. Gadbois (Michel): Si vous voulez...

M. Charbonneau (Bourassa): Ici, je vois ça, 250. Alors, comme on le disait, c'était dans un autre débat tout à l'heure, cégep par cégep, hôpital par hôpital, commission scolaire par commission scolaire, ce sont tous des employeurs, et chacun doit voir à atteindre le 1 %. C'est une manière de faire, et puis la loi permet ça, elle nous dirige à ça.

Par contre, il y a aussi l'option du regroupement, de la mutualisation. À quelles conditions cela a du bon sens? Ça va être un objet de discussion important entre nous.

Mme Harel: C'est à la condition d'un plan de formation validé, et, à ce moment-là...

M. Charbonneau (Bourassa): Mais collectif, pour un secteur, et non plus local. C'est ça qu'il nous offre, lui.

Mme Harel: Oui. C'est ça la distinction entre le plan local de formation qu'il fallait faire et le plan de formation validé.

M. Gadbois (Michel): C'est pour ça que j'ai voulu bien vous démontrer la spécificité du secteur de l'alimentation du détail. C'est pour ça que je vous ai posé la question: Est-ce que vous avez des gens de détail qui viennent ici? Est-ce que vous avez des gens du bioalimentaire qui viennent ici? Vous allez les voir, les écouter? Et ce n'est pas simplement pour se dire: Regardez-nous, on est très différents. La réalité fait qu'il n'y a personne qui peut faire ce qu'on fait. Les autres secteurs du détail n'ont pas du tout les préoccupations que nous avons. Et le bioalimentaire, c'est évident que l'UPA ne donnera pas des cours sur la formation de la vente de détail en alimentation.

Alors, regardez les différents groupes. C'est pour ça qu'on dit que c'est peut-être malheureux, dans un sens, mais c'est aussi heureux parce qu'on répond aux besoins de notre secteur. C'est pour ça qu'on existe comme association.

Le Président (M. Facal): L'opposition dispose encore de huit, neuf minutes, là. M. le député d'Outremont.

M. Tremblay (Outremont): Oui. Si je comprends bien les propos de M. Gadbois, c'est qu'il nous dit que, dans son Association, il y a un ensemble d'entreprises d'un même secteur d'activité qui veulent se regrouper, interagir entre elles pour améliorer leur compétitivité et accélérer leur croissance. C'est mot à mot la définition d'une petite grappe industrielle.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Outremont): Non, mais on revient...

M. Gadbois (Michel): Je la voyais venir. Non, c'est correct.

M. Tremblay (Outremont): ...M. le Président, toujours, toujours au même objectif. Ce que vous nous dites, c'est que vous voyez des économies d'échelle, vous êtes les mieux placés pour définir quelle sera la formation structurée et la formation non structurée – ce que vous qualifiez de formation sur le tas – vous voulez, en fonction de vos objectifs, de vos buts, vous êtes prêts à accepter l'obligation de résultats. Ce que vous dites à la ministre: On va vous soumettre, à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, nos programmes structurés et non structurés. Une fois que vous aurez accepté ces programmes, nos membres vont s'engager à investir 1 % de leur masse salariale pour faire de la formation professionnelle. Et le gros avantage que vous allez avoir, c'est qu'il y a peut-être des plus petits membres qui n'ont pas les ressources financières aujourd'hui pour investir le 1 %, mais, étant donné la synergie de votre Association et que c'est dans le même intérêt que tous vos membres aient la formation, si jamais, par exemple, une ressource quitte un endroit et va à un autre endroit, au moins, on va échanger des ressources qualifiées, compétentes, donc ça pourrait profiter aux autres entreprises qui, d'après le projet de loi, d'ici 1998, ne seraient pas soumises parce que leur masse salariale serait en bas des 250 000 $.

(17 h 40)

Alors, je suis convaincu que la ministre, après les représentations que vous faites, va être entièrement d'accord avec ça. Alors, là, je comprends, c'est là que je comprends très bien pourquoi, dans votre mémoire... Et votre mémoire est très modéré parce que sur l'objectif vous êtes d'accord, mais, là, ça ne devient plus... ce n'est plus une obligation légale comme telle, c'est une recommandation d'investir, mais vous allez avoir l'obligation de résultats, les 3 000 000 $. Et on va arriver d'une certaine façon à ce que tout le monde veut au Québec, incluant les membres de votre Association.

Est-ce que je l'ai bien exprimé? M. Gadbois, sentez-vous bien à l'aise, moi je... Il faut bien vous connaître, puis M. Legault aussi, parce que c'est vous, sur le terrain, qui vivez ça à tous les jours. La conclusion, ça veut dire que votre Provigo, là, sur la rue Masson, je crois, et l'autre que vous avez à Longueuil, vont devoir investir – assumons que c'est 250 000 $ votre main-d'oeuvre – 2 500 $ – on convient que ce n'est pas beaucoup – dans de la formation structurée, de la formation non structurée, pour vous permettre de mieux compétitionner, de mieux concurrencer.

M. Legault (Pierre): Je veux rien qu'ajouter, dans le cas de mes deux commerces, que ça représenterait environ une dépense de 1 % de 3 000 000 $, donc 30 000 $. Mais 30 000 $ sur deux commerces, effectivement, c'est...

M. Tremblay (Outremont): Combien de travailleurs?

M. Legault (Pierre): Pour 220 travailleurs.

M. Tremblay (Outremont): 30 000 $...

M. Legault (Pierre): Ce n'est pas une dépense que je pourrais qualifier d'astronomique.

M. Tremblay (Outremont): D'autant plus qu'on a eu une recommandation, ce matin, d'un organisme qui dit que, étant donné que c'est cyclique, étant donné que ce n'est peut-être pas à toutes les années si vous gardez votre personnel, mettons qu'il y a moins de rotation du personnel, alors il y aurait une possibilité – une suggestion qui est faite à la ministre – de modifier ou de s'assurer que l'article 3 et l'article 4 permettraient de reporter sur une année précédente ou trois années subséquentes le montant de la formation pour que ça soit une moyenne sur quatre ans.

Donc, ça pourrait répondre, des fois, à des besoins plus pressants. Tout à coup, vous avez une malchance, puis il y a 25 travailleurs ou travailleuses qui vous quittent, à ce moment-là, vous pourriez peut-être dans une année investir plus que 1 %, dans les années subséquentes investir peut-être un petit peu moins, comme on peut reporter au ministère du Revenu les pertes sur des années précédentes et des années subséquentes. On pourrait dire au ministère du Revenu d'employer la même formule. On aurait les mêmes résultats et on pourrait, à la suite, pour avoir moins de bureaucratie, moins de réglementation, s'assurer que votre vérificateur mette une note aux états financiers et dise que vous avez bel et bien rempli les obligations du projet de loi 90.

Le Président (M. Facal): Merci. Oui.

M. Gadbois (Michel): La question était: Est-ce que j'ai bien exprimé? Je pense que oui. L'élément de synergie, je suis content que vous le souleviez parce que ça répond un peu à l'interrogation à laquelle on n'est pas capable de répondre maintenant: Si on en avait un programme, s'il était disponible, si on voyait la performance, ceux qui ne tomberaient pas sous le chapeau de la loi, est-ce que, à ce moment-là, ils viendraient volontairement? Ma réponse naturelle, c'est de dire oui, parce qu'ils vont voir le degré de compétitivité qui va augmenter. Alors, ces gens-là vont venir parce que ça sera peut-être encore moins cher pour nous de le donner, là; il va être en place.

L'autre élément, c'est la stabilité, puis, à stabilité, j'ajoute professionnalisme. Pour nous, le comportement de chaque employé a un effet direct sur nos ventes parce que c'est la clientèle qui juge. Alors, plus on va avoir des mesures qui vont stabiliser les gens chez nous, plus on va pouvoir être professionnels, plus on va pouvoir être compétitifs. Et je pense qu'au Québec, parce qu'on a cette structure de propriété là, on veut être beaucoup plus axés sur la clientèle versus les grandes surfaces qui sont généralement des entreprises hors Québec ou étrangères. C'est de là que vient la compétitivité et c'est là qu'on a toujours été le plus fort. On a été capables de les battre jusqu'à maintenant parce que le Québec réagit, en tout cas le consommateur québécois réagit à cette approche-là. Alors, nous, il faut qu'on gère ça. C'est pour ça que, oui, la synergie peut être très importante.

Le Président (M. Facal): Merci. Il reste encore trois, quatre minutes à l'opposition.

M. Tremblay (Outremont): Je trouve ça extraordinaire, M. le Président. Juste une... Peut-être M. Legault. Est-ce que vos travailleurs sont syndiqués?

M. Legault (Pierre): Oui.

M. Tremblay (Outremont): Dans les conventions collectives, est-ce qu'il y a des clauses qui obligent l'employeur à un certain niveau de formation ou est-ce que vous avez un comité – peut-être ce n'est pas un comité paritaire – avec les travailleurs pour justement aller chercher les idées qui seraient susceptibles d'alimenter votre Association sur les besoins réels de formation? Parce que vous ne feriez certainement pas ça en vase clos. Vous le feriez avec la complicité de vos travailleurs pour établir les besoins réels de formation structurée et non structurée.

M. Legault (Pierre): Il n'existe pas de comité de formation comme tel. On a un comité de santé et sécurité au travail et, aussi, on a un comité, qui représente les employés également, pour les problèmes de relations de travail normales, là. Il y a déjà des employés en magasin qui représentent les employés et qui communiquent avec la direction sur une base régulière, là, à chaque fois qu'il y a un problème.

Le fait de discuter ensemble, ce n'est pas... Je n'ai rien contre la consultation comme telle, monsieur. On disait tantôt: Un comité paritaire. Ça dépend du caractère qu'on lui donne. C'est très vrai. Si c'est un comité paritaire, il est consultatif. C'est très différent, là. Je pense que, parfois, quand on émet les choses, on ne va pas jusqu'à la fin des mots, là. Mais c'est sûr que de former des comités pour prendre des décisions et orienter les choses, il n'y a pas de problème.

La seule chose, je pense, la position, peut-être, qui peut paraître radicale, c'est de dire qu'on doit laisser à l'employeur le soin de dépenser son argent. C'est un petit peu l'expérience acquise au sein d'autres dépenses. Vous comprendrez qu'on contrôle pratiquement à 2 % notre dépense de CSST. On est les seuls payeurs et on ne décide rien dans ce dossier-là; on ne veut pas répéter l'expérience dans un autre dossier. C'est une dépense qui a pris des proportions alarmantes au cours des années, on est rendus que ça nous coûte tout près de 4 % de notre masse salariale pour la CSST, dans le domaine de l'alimentation au détail. C'est beaucoup plus que la formation, et je n'ai pas un mot à dire avant d'envoyer mon chèque, là. Ça fait que ça ne me tente pas d'en dépenser un autre 1 % sans...

M. Tremblay (Outremont): Non, non, d'accord. Là...

M. Legault (Pierre): ...décision, là.

M. Tremblay (Outremont): Oui. Non, non, là. Le point, je suis d'accord avec vous sur ce... C'est vous qui signez le chèque, donc, la décision, elle est importante pour vous. C'est juste à la dynamique de la prise de décision que je faisais allusion. En d'autres mots – et, là, peut-être que M. Gadbois peut nous le dire – quand vous allez présenter un plan de formation structurée et non structurée à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, la question était la suivante: Est-ce que vous allez vous assurer que ce plan a été élaboré conjointement par l'employeur avec la complicité des travailleurs et des travailleuses pour s'assurer qu'il réponde bel et bien aux besoins de toutes les parties? Par la suite, l'engagement de dépenser votre 1 % ou d'investir 1 % dans l'avenir de vos travailleurs et de votre entreprise va être imposé, si la ministre donne suite à son projet de loi, par un projet de loi. Alors, je voudrais juste m'assurer que, si la ministre donnait suite à votre demande, que je considère légitime, il y aurait une complicité dans l'élaboration du plan d'affaires entre la partie patronale...

Le Président (M. Facal): M. le député d'Outremont...

M. Tremblay (Outremont): ...et la partie syndicale.

Le Président (M. Facal): M. Gadbois, il vous reste 30 secondes pour réagir, et ce sera vraiment le mot de la fin, je suis infiniment désolé.

M. Gadbois (Michel): Pour réagir, la réponse est: Oui. La seule chose que je voudrais souligner, c'est que c'est important pour les détaillants en alimentation indépendants d'avoir un programme qui est neutre, parce que les distributeurs, des fois, offrent des programmes, et c'est une façon, si vous voulez, de contrôler le commerce. C'est comme les marques privées. Alors, si vous êtes lié à un programme de formation à votre distributeur, vous perdez une partie du contrôle de votre propriété, qui est votre commerce. C'est pour ça que les détaillants nous ont donné le mandat, nous, d'offrir ce service-là sur une base neutre. C'est la seule façon dont ça peut se faire, si ces détaillants-là sont pour demeurer en contrôle de leur commerce.

M. Charbonneau (Bourassa): Si M. le Président était là, il me dirait de conclure en vous remerciant, alors je n'attendrai pas qu'il me le dise. Je voudrais vous remercier de votre contribution et...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau (Bourassa): ...soyez sûrs que nous sommes très attentifs à des suggestions concrètes, là, qui sont apportées, quoiqu'elles fournissent aussi des occasions d'approfondir la mise en oeuvre de certains aspects du projet de loi.

Le Président (M. Facal): Merci.

Mme Harel: Alors, écoutez, M. le Président, là, je dois vous dire que je suis très contente de l'échange que nous avons eu avec l'ADA. Soyez certains que votre venue à Québec aura été utile pour la suite des choses et que nous avons bien compris les messages que vous nous avez transmis. Alors, je vous en remercie.

(17 h 50)

Le Président (M. Facal): Merci infiniment.

(Consultation)

Alors, si vous voulez, tous et toutes, prendre place, afin que nous puissions procéder comme prévu en essayant de minimiser le retard accumulé.

Alors, nous souhaitons la bienvenue maintenant à l'Association québécoise des entreprises privées de formation de la main-d'oeuvre. Comme nos invités ont déjà pu assister à la présentation de leurs prédécesseurs, je ne prendrai pas beaucoup de temps pour vous rappeler les règles du jeu. Vous avez droit à 20 minutes, comptées assez strictement, pour la présentation de votre mémoire, suivi d'une période d'échange de 40 minutes, divisées en deux blocs de 20, tantôt avec le parti ministériel et tantôt avec l'opposition.

Je vous prierais de commencer par présenter les gens qui vous accompagnent et, ensuite, d'entreprendre la lecture de votre mémoire, et je prierais... Un instant, s'il vous plaît! On m'informe que nous n'avons pas vos mémoires. En avez-vous des copies avec vous?


Association québécoise des entreprises privées de formation de la main-d'oeuvre

Mme Lapointe (Lise) : Vous êtes supposés les avoir reçues. On a envoyé par messager, hier, toutes les copies.

Le Président (M. Facal): Alors, nous allons tout de suite envoyer un messager au secrétariat voir si... Rassurez-vous, les délais étaient tellement courts que vous n'êtes pas le seul groupe dans cette situation-là.

Ah! vous, vous avez des copies? Mais, fort bien, très bien.

M. Gautrin: Ah! il y a des gens qui ont été favorisés.

Mme Lapointe (Lise): Lui, c'est parce qu'on l'a envoyé par fax.

Mme Harel: Permettez-moi une question avant qu'on ne finisse les travaux: Vous avez bien transmis au secrétariat de la commission la copie du mémoire?

Mme Lapointe (Lise): Pardon?

Mme Harel: Je reprends la question, Mme Lapointe: Vous avez bien transmis au secrétariat de la commission la copie du mémoire?

Mme Lapointe (Lise): Oui.

Le Président (M. Facal): Alors, la dame ici m'informe qu'au Secrétariat des commissions il n'y a strictement aucune copie du mémoire.

Mme Lapointe (Lise): Bien, il y en a une qui a été envoyée par fax et des copies qui ont été envoyées par messager.

Une voix: Alors, il y a une confusion entre deux secrétariats, peut-être.

Le Président (M. Facal): Alors, je pense que vous les avez envoyées au cabinet de la ministre par inadvertance.

Mme Lapointe (Lise): Non.

Le Président (M. Facal): Non.

Mme Harel: Non, je viens de l'avoir moi-même cet après-midi.

Le Président (M. Facal): Ah bon!

Mme Harel: Alors, de toute façon, je pense qu'on en avait des copies pour les membres du cabinet...

M. Tremblay (Outremont): On l'a, on l'a.

Le Président (M. Facal): Bon, on l'a maintenant.

Mme Harel: Nous l'avons, c'est ce qui compte, et vous allez nous le présenter.

M. Gautrin: Je n'en ai pas.

M. Charbonneau (Bourassa): Bien, il n'y en a pas assez pour tout le monde.

Le Président (M. Facal): Il s'en vient, M. le député de Verdun, il circule. Voilà! Vous êtes contenté, là?

M. Gautrin: Oui.

Le Président (M. Facal): Bon.

Mme Lapointe (Lise): Alors, l'Association québécoise des entreprises privées en formation de la main-d'oeuvre vous remercie de nous recevoir. On va se présenter à tour de rôle. Mon nom est Lise Lapointe, je suis présidente de cette Association.

M. Lefebvre (Pierre): Mon nom est Pierre Lefebvre, je suis trésorier de cette Association.

M. Boucher (Julien): Julien Boucher, vice-président de l'Association.

M. Racine (Remy): Remy Racine. Je suis administrateur sur l'Association.

Mme Ouimet (Renée): Je suis Renée Ouimet. Je représente mon mari, Denis Ouimet, qui est administrateur sur l'Association.

Mme Lapointe (Lise): Alors, l'Association québécoise des entreprises privées et ses membres ont des intérêts touchés par le projet de loi à l'étude. On entend les expliquer le plus simplement et le plus directement possible.

On a aussi étudié le projet de loi en tant que tel, à savoir si ce projet répondait aux objectifs qu'il s'était fixé au niveau de la formation professionnelle.

J'aimerais tout d'abord vous expliquer qui est notre Association et comment on fonctionne dans le marché présentement.

L'Association québécoise des entreprises privées a été formée en 1993 et elle représente les entreprises québécoises ayant un siège social ici, au Québec, et dont les produits sont québécois. Elle regroupe actuellement une vingtaine de membres qui comptent sur un effectif de plus de 600 formateurs et gestionnaires et qui forment au-dessus de 200 000 personnes par année. Ce chiffre, il représente environ la moitié de l'industrie québécoise privée de la formation, si on regarde naturellement les règles qu'on s'est fixées où une entreprise doit avoir un minimum de trois employés.

Notre mission est donc de favoriser l'émergence d'une industrie québécoise privée de la formation de la main-d'oeuvre, au Québec, de classe mondiale, donc de favoriser les entreprises d'ici avec des produits d'ici.

Au service de cette mission, nos objectifs sont donc de promouvoir nos intérêts communs auprès des pouvoirs publics, de favoriser les contacts entre nos membres et avec les employeurs et les associations de gens d'affaires, de nous donner des services communs pour favoriser le développement de notre industrie et de développer une charte de déontologie pour assurer la qualité des services à nos clients.

Signalons ici que notre perspective est, naturellement, d'abord orientée sur l'entreprise – qui sont nos clients – qui souhaite accroître ou maintenir sa compétitivité ou intégrer de nouvelles technologies et qui, pour ce faire, constate des besoins de formation s'adressant à différents niveaux, que ce soit à des cadres supérieurs, du personnel de supervision, des techniciens ou du personnel d'exécution.

Une récente étude réalisée pour la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante démontre un très fort taux de satisfaction à l'endroit des institutions privées de formation professionnelle. Plus de 80 % des entreprises ont été satisfaites des services de nos membres. Moins de 50 % de ces mêmes entreprises là ont été satisfaites des cégeps et des écoles secondaires.

Notre concurrence, il faut bien le comprendre, provient en majorité des États-Unis où se sont développées de très grandes entreprises de formation qui sont souvent identifiées aux nouvelles technologies. Présentement, au Québec, les gros contrats de formation sont en majorité octroyés à des firmes américaines. Il faut donc comprendre que l'argent s'en va à l'étranger.

(18 heures)

Notre principal intérêt, si le projet de loi 90 devait être adopté dans une forme quelque peu semblable à sa facture actuelle, c'est de nous assurer que nos membres puis les services de formation qu'ils offrent soient intégrés comme parties reconnues de la loi et, plus particulièrement, de son article 7, comme établissements reconnus.

Dans un deuxième temps, nous voulons que cessent les pratiques discriminatoires et répétées qu'on a vécues depuis nombre d'années avec la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre et, avant, avec les CFP, de détourner vers d'autres organismes formateurs, généralement du secteur public, des entreprises qui ont sollicité les services de nos membres, et pour lesquelles des programmes de formation ont été élaborés, et qui, lorsque ces programmes-là sont soumis à la Société, se font informer par leurs agents que les mêmes programmes seraient difficilement admissibles aux divers incitatifs financiers et fiscaux s'ils sont donnés par l'entreprise privée qui les a préparés, mais qu'ils le seraient pleinement si donnés par tel cégep ou telle commission scolaire. Il s'agit non seulement de coercition et de chantage, mais aussi d'encouragement à la concurrence déloyale et au plagiat de nos efforts.

Les organismes de formation du secteur public jouissent déjà d'avantages concurrentiels qui sont considérables. Par exemple, le prix chargé pour leurs programmes ne reflète pas leur coût réel parce qu'il ne tient pas compte des frais fixes des organismes. Nos membres doivent compenser cette situation par la qualité et l'efficience, tant dans leurs programmes que dans leur prestation. Il faut comprendre qu'ici, au Québec, les prix de la formation, dû à cette situation-là, sont la moitié de nos amis en Ontario et à Vancouver. Pour un service de formation ici – et je vais vous donner l'exemple – en informatique, où on charge 95 $ par jour, ils vont en charger 200 $ à Toronto et 275 $ à Vancouver. Alors, les compagnies d'ici doivent être drôlement compétitives et offrir des services de très haute qualité.

Ces pratiques existent, puis un grand nombre de nos membres en ont été victimes. Elles ne sont permises ni par la Loi sur la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre ni par les règlements qui en découlent. Après nous en être plaints à plusieurs reprises et sans effet, nous avons soumis une demande d'être représentés officiellement au conseil d'administration de la Société, afin de confirmer notre intégration au système de formation actuel et de mettre un terme à ces pratiques qui nous nuisent, certainement, mais qui, en définitive, nuisent encore plus à l'avenir de la formation en limitant les efforts d'innovation et en minant la crédibilité des organismes formateurs. Il faut mettre l'effort à développer une industrie de formation qui soit forte, au Québec, afin de concurrencer les étrangers, surtout les Américains, et non à créer une concurrence entre le privé et le public qui sert seulement à affaiblir l'industrie de la formation.

Le projet de loi à l'étude traduit à la fois une vision et une approche qui diffèrent fondamentalement des nôtres. Plus tôt, nous vous indiquions que notre perspective est d'abord centrée sur les besoins de l'entreprise, car c'est elle qui est soumise à la concurrence, aux évolutions constantes, aux pressions de satisfaire un marché exigeant et au défi de croître et d'occuper une part de plus en plus importante du marché. C'est elle qui doit être performante et s'organiser en conséquence. C'est du moins, nous le croyons, sur ce paramètre essentiel et prioritaire que s'est fondé ce grand consensus québécois sur la nécessité de contrôler, au Québec, la formation professionnelle. C'est d'abord pour permettre à nos entreprises de devenir et de continuer à être performantes, de grandir, de conquérir des marchés et de s'y maintenir, ce faisant, de créer ici des emplois intéressants, stimulants et rémunérateurs.

Or, le projet de loi implique bien les entreprises dans l'acquittement de la note, mais les évacue totalement comme clients qui manifestent des besoins spécifiques auxquels on doit répondre. Le projet de loi a pour objet, comme le dit explicitement son article 1, d'améliorer la qualification de la main-d'oeuvre et ainsi de favoriser l'emploi de même que l'adaptation, le réemploi et la mobilité des travailleurs. Loin de nous l'idée de ne pas être d'accord à améliorer la qualification de la main-d'oeuvre, mais ne faudrait-il pas se demander qu'est-ce qu'ils font actuellement, tous les intervenants de nos réseaux scolaires et collégiaux, dans la formation professionnelle. Pourquoi a-t-on besoin d'ajouter à toute cette structure des mécanismes pour la qualification de la main-d'oeuvre?

Quant à l'approche, le projet de loi et les esquisses de projets de règlements que nous avons pu consulter traduisent une vision d'enseignement plutôt que d'apprentissage, sur lequel sont orientées aujourd'hui toutes les méthodes de training; «teaching» par opposition à «learning». Or, aujourd'hui, la formation professionnelle est d'origine multisource: intra-entreprise par des mécanismes formels et informels, inter-entreprise en y ajoutant les colloques, les conférences, surtout au niveau des cadres, par des firmes privées, par des institutions et même par les moyens électroniques que sont la vidéo, le multimédia et l'Internet. Le projet de loi devrait reconnaître ces réalités-là au lieu de s'en tenir à son approche actuelle. Cela ne peut se faire par règlement, même la formation en entreprise sur le tas, car on en viendrait rapidement à conclure que la loi, présentement, telle qu'on la voit, ne le permet pas.

Autre carence majeure du projet de loi, en ciblant le travailleur dans son objet plutôt que l'entreprise, il laisse délibérément de côté toute la formation de ses cadres et dirigeants. C'est pourtant ceux sur qui la société compte pour offrir vision, leadership, compétence et mise à jour des compétences pour assumer l'avenir des entreprises et créer les emplois recherchés. Demandez-vous simplement si le projet de loi permet de financer un congé sabbatique pour qu'un dirigeant d'entreprise puisse mettre à jour ses connaissances sur telle ou telle technique susceptible de créer de nouveaux débouchés pour son entreprise. On parle surtout ici au niveau des colloques.

Si on y regarde bien, on constate que le projet de loi adapte la formation professionnelle à la structure de l'offre institutionnelle plutôt que de l'adapter aux besoins réels des entreprises. Il faut bien le reconnaître, d'ici trois à cinq ans, alors qu'il va y avoir beaucoup d'argent qui va être dépensé en formation professionnelle, il y aura, dans le même gouvernement, un ministre de l'Emploi, une société, un fonds national chargés de la formation professionnelle, un ministre de l'Éducation de qui relèvent deux réseaux de formation professionnelle, sans que les deux ministres n'aient réussi à arrimer ni leur vision ni leurs objectifs et encore moins leurs institutions.

Le projet de loi exige que l'entreprise paie deux fois: par ses taxes et ses impôts, et par la taxe prévue sur sa masse salariale pour la formation professionnelle gérée par l'État.

Le projet de loi vise à favoriser l'emploi de même que l'adaptation, le réemploi et la mobilité des travailleurs en augmentant la qualification de la main-d'oeuvre, à l'article 1. Pour ce faire, les employeurs sont tenus de consacrer à des dépenses de formation professionnelle admissibles un montant représentant 1 % de leur masse salariale.

Les dépenses de formation professionnelle admissibles sont établies selon les règlements de la Société. Les dépenses au bénéfice du personnel peuvent notamment concerner la formation dispensée dans le cadre d'un plan de formation établi à l'égard d'une entreprise dans les conditions prévues par les règlements de la Société, après consultation d'un comité créé au sein de l'entreprise, dont la composition obéit aux règles déterminées par la Société.

Nous nous interrogeons à savoir où l'arrimage peut se faire entre l'entreprise et ses besoins de formation. À la seule exception, non négligeable, de l'adaptation de sa main-d'oeuvre prise ici dans un autre contexte que les programmes d'adaptation conséquents à une formation d'entreprise, les autres objectifs du projet de loi ne concernent d'aucune façon l'entreprise ou l'employeur.

La qualification professionnelle du travailleur est une condition d'emploi préalable à l'embauche. La mobilité et le réemploi des travailleurs sont des conditions qui n'interviennent qu'avant la formation d'un lien avec l'employeur ou après sa cessation. Comment donc justifier, pour l'entreprise, des dépenses au bénéfice du personnel, alors que le personnel n'est pas encore ou ne sera plus à son emploi? En quoi le projet de loi apportera-t-il une solution concrète à la situation des limites imposées à l'entreprise dans son développement, faute de pouvoir compter et recruter une main-d'oeuvre qualifiée? En quoi le projet de loi apporte-t-il une solution aux milliers de postes non comblés, faute de personnel qualifié?

Ici interviennent deux discours contradictoires. D'une part, on dit souhaiter que les entreprises mises à contribution dépensent effectivement l'équivalent et même plus à la formation de leur personnel, ce qui serait nécessairement limité à l'adaptation et ne laisserait rien, au fonds, à distribuer. C'est la théorie de la neutralité. D'autre part, tout le chapitre III du projet de loi vise la distribution de la manne du fonds par la Société selon un plan annuel d'affectation des ressources.

En définitive, il faut conclure que le projet de loi répond plus à des impératifs gouvernementaux et à ses besoins qu'à ceux de la main-d'oeuvre ou des entreprises. D'autre part, dans sa facture et ses orientations, le projet de loi est calqué sur de lourdes interventions législatives – structures, pouvoirs réglementaires, bureaucratisation – pour régler des problèmes des années quatre-vingt-dix qui commandent légèreté de la structure, souplesse dans les moyens, innovation dans l'exécution, excellence dans la conception et la prestation. Toute la rapidité qui est demandée en 1990 est alourdie par une structure.

Le projet de loi fait de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre le véritable client des nouveaux fonds destinés à la formation professionnelle. Il vient ici liquider un vieux contentieux des années soixante-dix, entre les ministères du Travail et de l'Éducation, sur la responsabilité gouvernementale de la formation professionnelle. Le véritable client de la démarche n'est ni le travailleur et encore moins l'entreprise. Les articles 19, 20 et 22 du projet de loi illustrent très bien qui est le véritable client. Nous faisons nôtres les commentaires exprimés à leur sujet par le Conseil du patronat, dans son mémoire à cette commission.

(18 h 10)

Dans ce contexte, le projet de loi est peu susceptible d'atteindre les objectifs qu'il énonce et encore moins de satisfaire les besoins identifiés de la société québécoise.

Le projet de loi impose à toutes les entreprises, selon un échéancier variable, une taxe sur la masse salariale destinée au développement de la formation professionnelle. En même temps, il leur impose de consacrer à des dépenses admissibles de formation professionnelle un montant équivalent pour récupérer le produit de la taxe. Il y a là deux actes de coercition. Ça nous choque, d'autant plus que la coercition ne vise jamais à répondre aux besoins de ceux qui en font l'objet, par définition. Elle vise à répondre aux desiderata de celui qui l'applique.

Nous croyons fortement que, les mesures incitatives, peut-être que ça fait quatre ans qu'ils en font, mais, nous, ayant des compagnies de formation, on sait très bien que ces mesures incitatives n'ont pas répondu aux besoins des clients et n'étaient calquées sur leurs besoins, d'aucune façon. Les FME de la SQDM ne répondaient pas aux besoins de nos clients; les 80 heures de formation qui étaient demandées étaient impensables, par personne, dans les entreprises, étaient beaucoup trop élevées.

Alors que le Québec consacre 8,8 % de son PIB à l'éducation, soit plus que la majorité des pays industrialisés, nous ne pouvons nous résoudre à admettre que nous n'en avons pas pour notre argent, et de loin, lorsqu'on nous compare à tous les autres pays du monde. Nous gaspillons allégrement des ressources que nous n'avons plus. Nous devrions avoir le courage de faire un vrai ménage afin d'obtenir satisfaction, mais nous préférons encore ajouter d'autres ressources financières, quitte à mettre en péril la fragile compétitivité de nos entreprises, selon le même modèle qui a fait preuve de son incompétence jusqu'à maintenant.

Au Québec, on se dit une société démocratique où les valeurs sociales de justice associées à la social-démocratie ont cours. Pourtant, nous nous livrons collectivement à la discrimination en laissant croire à des jeunes et moins jeunes qu'ils se débrouillent bien dans un système d'enseignement de qualité qui est présentement inférieur, voulu pour éviter de les stigmatiser. On se surprend par la suite de constater qu'on a un taux de décrochage de 30 % à 40 %, puis un taux d'analphabétisme fonctionnel qui est très élevé.

Depuis maintenant quelques années, nous parlons collectivement d'imputation et de responsabilité, les pendants au discours des droits. Cependant, comment mettre l'accent sur l'effort et la responsabilité pour montrer aux jeunes à surmonter les difficultés plutôt que de tenter de les éviter, alors que l'exemple du contraire nous vient de ceux qui nous gouvernent?

Le projet de loi 90, Loi favorisant le développement de la formation professionnelle, ne vise pas à répondre aux réels besoins de formation professionnelle que connaissent la société québécoise et ses entreprises dans le contexte actuel. Il ne contribue en rien à l'amélioration de la qualité et de la pertinence de la formation professionnelle dans le réseau public responsable au premier titre de la qualification professionnelle. Le projet de loi ne fait qu'ajouter une nouvelle structure, une autre bureaucratie, une liasse de règlements et prévoir leur financement par une taxe qui est coercitive. Elle est une nuisance au développement des entreprises.

Le projet de loi 90 n'est pas le moyen d'atteindre les objectifs qu'il s'est fixés. Pour ces motifs, l'Association québécoise des entreprises privées de formation de la main-d'oeuvre ne peut appuyer ce projet de loi. Enfin, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre doit mettre un terme définitif aux pratiques discriminatoires qu'elle exerce à l'encontre de nos membres et plutôt encourager, au Québec, l'éclosion d'un secteur privé de la formation de classe et d'envergure mondiale.

Nous avons certaines recommandations que nous aimerions faire. Nous aimerions recommander que la formation professionnelle englobe tout le personnel, syndiqué et non syndiqué, quand on parle des cadres et dirigeants...

M. Tremblay (Outremont): Ce n'est pas dans le texte.

Mme Lapointe (Lise): Non. Ça, c'est...

M. Tremblay (Outremont): Pouvez-vous nous les donner?

Mme Lapointe (Lise): Oui. On vous les fournira tout à l'heure. Nous aimerions aussi recommander...

M. Charbonneau (Bourassa): Voulez-vous répéter la première recommandation, s'il vous plaît?

Mme Lapointe (Lise): Oui. Que la formation professionnelle englobe tout le personnel, syndiqué et non syndiqué, c'est-à-dire les cadres et les dirigeants, en comprenant bien les besoins de ces cadres et dirigeants qui n'est pas de la formation institutionnelle. Nous aimerions aussi recommander, pour nos entreprises, pour les PME et pour les moyennes entreprises, de diminuer la bureaucratie, parce que ça prend beaucoup de temps dans nos entreprises, ceci en éliminant l'intermédiaire qu'est la SQDM puis en laissant au ministère du Revenu le soin de vérifier que le 1 % a réellement été dépensé selon les critères préétablis.

Faire confiance aux entreprises en ce qui concerne le développement de leur plan de formation, qu'elles savent où elles s'en vont et comment elles doivent former leur personnel. Et c'est à elles de faire le choix de leur fournisseur.

Nous désirons aussi recommander de considérer nos membres de l'Association québécoise des entreprises privées de formation de la main-d'oeuvre comme établissement reconnu à l'article 7. Les compagnies, comme COSE et CFC, sont en affaires depuis plus de 30 ans au Québec. Elles ont précédé les cégeps et ont formé la plupart des intervenants dans ces cégeps. Je pense qu'elles ont droit à une place privilégiée. Je crois aussi que les entreprises en formation ne vivraient pas très longtemps si ce n'était pas qu'elles offrent une qualité exceptionnelle dans leurs services. Parce qu'on est au détriment des lois du marché: les gens sont contents, on est là; les gens sont mécontents, ils ne viennent plus chez nous. Dans le réseau public, ils sont protégés. Alors, les gens sont contents ou ils ne sont pas contents, ce n'est pas grave, on continue à payer.

On veut aussi suggérer de maintenir les crédits d'impôt parce que ça fait des années... C'est certain que ça a été long à démarrer, mais aujourd'hui on voit de plus en plus d'entreprises s'en servir, puis on croit que ça les pénaliserait. Les gens qui font plus de 1 % de formation devraient continuer à bénéficier des crédits d'impôt en formation. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup, Mme Lapointe. Alors, nous allons entreprendre nos échanges. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je dois vous dire qu'à l'écoute des déclarations qui viennent d'être faites, je comprends qu'un bon nombre d'affirmations le sont de façon erronée. Je vais prendre immédiatement la première, par exemple, celle qui concerne les personnels. Le projet de loi n'exclut personne. C'est au bénéfice du personnel. Alors, le projet de loi, il y a manifestement... Et ça se sent, je crois, malheureusement, dans l'ensemble de ce qui nous est présenté. Il y a manifestement non seulement un préjugé défavorable, mais l'expression lourde d'un préjugé défavorable, parce que interpréter le projet de loi comme ne s'appliquant exclusivement qu'aux travailleurs et travailleuses syndiqués ou travailleurs et travailleuses des lignes de production ou autres... À sa face même, je me suis demandé, en vous écoutant: Est-ce que vous l'avez lu, le projet de loi?

D'autre part, je ne pense pas que ce soit utile de citer l'étude. Si vous voulez vous appuyer sur des études, ne citez pas celles de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Vous savez, la première ne portait pas sur la bonne question, elle portait sur l'assurance-chômage; la deuxième, elle portait sur l'interdiction de la formation sur le tas qui, comme vous le savez, est pourtant reconnue, à l'article 6, paragraphe 3° du projet de loi et la troisième et dernière étude portait sur des questions hautement fantaisistes en termes de définition de ce qu'est la formation formelle et informelle. On a d'ailleurs eu l'occasion de s'en expliquer longuement avec la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Alors, avant d'utiliser les conclusions que vous nous mentionnez dans votre mémoire, lisez le questionnaire. J'imagine que cette lecture va être suffisante pour vous faire comprendre qu'il y a peu d'intérêt à en utiliser les résultats comme vous l'avez fait d'entrée de jeu.

(18 h 20)

Je comprends que vous vous sentez discriminés. Vous avez dit que, depuis des années, vous vous considérez comme victimes de pratiques discriminatoires et répétées. Je dois vous dire qu'en matière de critères qui concernent les firmes rien n'a changé à la SQDM. Depuis que le député de Bourassa y était à la vice-présidence, l'été passé, c'est les mêmes critères en ce qui concerne l'attribution ou l'agrément, si vous voulez, des firmes. Ça, ça n'a pas encore été modifié substantiellement. Alors, en quoi ces pratiques sont discriminatoires?

Je vous invite également à ne pas oublier que le FME que vous mentionnez, c'est un programme fédéral, défini par le fédéral. Et je comprends qu'en matière de fonds publics, ce que le précédent gouvernement a décidé en matière de fonds publics, c'est que ça allait être attribué en préséance à des institutions d'intérêt public, qu'elles soient publiques ou privées, mais à des institutions d'intérêt public qui sont financées à 100 %, ou à 60 %, ou à 80 % par l'ensemble des contributions, des taxes et des impôts des gens.

Ça, c'était la décision de l'ancien gouvernement, qui était une décision sage, parce qu'il n'y a pas de raison de financer un réseau et de ne pas l'utiliser quand vient le temps. Alors, on a simplement maintenu la décision prise auparavant. Mais, en matière de 1 %, c'est de l'argent de l'entreprise, et l'entreprise a un choix. Je comprends que vous ne voulez pas le constater, mais l'entreprise aura le choix complètement soit de procéder par la voie d'une institution d'enseignement d'intérêt public – d'intérêt public, c'est-à-dire ça signifie donc publique ou privée – soit par la voie d'une firme privée. C'est le paragraphe 2° de l'article 6. Alors, il sera donc loisible à l'entreprise de le décider, y compris de décider de mettre son argent dans une association sectorielle qui a un plan de formation ou de le mettre dans un comité paritaire ou dans une association régionale. Mais c'est l'entreprise qui va le décider.

Donc, à partir de là, je comprends mal la virulence de votre position. Vous nous dites, par exemple, et je vous cite: «deux actes de coercition qui nous révoltent», à la page 6; «nous nous livrons collectivement à la discrimination de la pire espèce», à la page 7; le projet de loi «est une nuisance au développement des entreprises», toujours à la page 7; la coercition nous choque, à la page 6. Il y a là un ton, une virulence qu'on ne peut pas s'expliquer dans le contexte du projet de loi. On n'est pas dans le contexte des critères mis en place par le gouvernement précédent pour les crédits d'impôt ni des programmes financés à même les fonds publics. Là, on est dans le contexte d'un projet de loi qui, justement, est pensé pour que l'entreprise puisse le décider, décider comment elle va dépenser son argent. La seule obligation qui lui est faite, c'est de le dépenser. Le comment, ça lui est laissé. Alors, qu'est-ce qui justifie une virulence semblable?

Mme Lapointe (Lise): Je vais vous répondre. Je pense, Mme la ministre, que, malheureusement... Je vais vous répondre sur différents points, en commençant par le premier, et je vais vous dire pourquoi à la fin.

Le premier point, pourquoi nous avons dit que le projet de loi ne regarde pas la formation des cadres et des dirigeants, c'est que, dans l'ébauche de règlement, il est très clairement établi, au point c, que les activités de formation suivantes ne seraient pas admissibles: conférences, colloques, congrès, quand on sait très bien que les dirigeants d'entreprises n'ont pas le temps de s'asseoir sur les bancs d'école et que la plupart de leur formation est faite de cette façon.

Mme Harel: Si vous pensez que c'est satisfaisant, moi non. Je regrette infiniment, mais je pense que les dirigeants d'entreprises et leurs cadres intermédiaires ont bien des façons d'aller chercher de la formation autrement que dans un congrès. Des organismes sérieux, SOFEDUC en particulier – que vous connaissez sûrement, n'est-ce pas – nous ont fortement recommandé de ne pas, justement, rendre admissibles les congrès et les colloques à l'occasion desquels il n'y a pas vraiment de la formation, mais de le faire si tant est qu'il y a des sessions de formation qui sont nettement et clairement identifiées.

Mais je voudrais aussi... À la page 5 de votre mémoire, quant à la charge que vous faites sur ce qui est fondamental, vous dites, vous: C'est la responsabilité de l'État exclusivement. C'est fondamental. Je comprends l'opposition qui nous... la différence. Nous, on pense que le recyclage et le perfectionnement, c'est une responsabilité partagée. Évidemment, il y a là, je dirais de façon ontologique, une différence vraiment importante. Mais, quand vous dites aussi qu'il y aura toujours, comme s'il fallait se résigner, deux réseaux de formation professionnelle, eh bien, c'est sans compter ce qui peut survenir, et on peut le souhaiter... J'imagine que vous allez faire des représentations dans ce sens-là aux états généraux sur l'éducation qui se déroulent au Québec présentement. Mais est-ce que je comprends que ce que vous nous demandez, dans le fond, c'est de devenir le troisième réseau, de devenir un réseau parallèle?

M. Lapointe (Lise): Ce que j'aimerais, c'est pouvoir vous répondre point par point aux questions que vous m'avez posées. C'est ce que j'aimerais pouvoir faire en premier lieu. La première question que vous m'avez posée regardait les cadres. Alors, on aimerait pouvoir terminer notre réponse à ce niveau-là.

M. Boucher (Julien): Oui. Il y a une des orientations qu'on a eues par rapport au projet de loi, c'est qu'on parlait de mobilité des travailleurs. Pour nous, «travailleurs», ça n'inclut pas nécessairement les employés au sens large, syndiqués et non syndiqués. C'est peut-être la tendance qu'on a prise à la lecture. C'est sûr qu'on n'a pas participé à cette rédaction-là. Mais, à lire le document, au chapitre I, article 1, on parle de réemploi et de mobilité des travailleurs. Il n'y a aucun endroit, par la suite, où on parle de gestionnaires, de cadres ou d'employés au sens plus large. Donc, si on a pris une mauvaise orientation – et ce n'était pas notre intention – on s'en excuse, mais c'est comme ça qu'on l'a interprété.

Le deuxième point que vous avez mentionné, c'est la conclusion...

Mme Lapointe (Lise): Les critères qui n'ont pas changé au niveau de la SQDM. C'est certain que les critères au niveau de la SQDM, au niveau de la loi, au niveau de ce que les gens présentent, c'est que la firme de formation a le choix de son fournisseur. Mme la ministre, dans la réalité, ce n'est pas ça qui se passe. Vous êtes peut-être loin de ce qui se passe au niveau de la SQDM dans les bureaux des conseillers, mais ce n'est pas ça qui se passe. Quand on arrive avec des plans de formation – et on peut vous arriver avec un pied d'épais d'exemples qui se sont passés à travers la province de Québec, et c'est encore pire en région que dans les grandes villes – quand on arrive avec un client et un plan de formation, les agents de la SQDM tentent délibérément, par tous les moyens, de détourner ce client-là dans le réseau public. Et ça, il n'y a aucune firme qui peut dire... C'est non professionnel. Ces agents-là, ce n'est pas leur rôle de déterminer qui le client doit choisir.

Mme Harel: Mme Lapointe, attendez. On va bien s'entendre, là. Ce que vous me décrivez, c'est donc une situation qui prévaut lorsqu'il y a des subventions qui sont allouées à l'entreprise à partir de l'argent public. Cet argent public peut être fédéral dans le cadre de ce qui est géré par la SQDM ou peut être provincial dans le cadre de ce qui est voté dans les crédits, ici, à la SQDM. C'est dans le cadre de cette situation.

J'ai moi-même vérifié en arrivant, compte tenu des allégations qui étaient faites. Alors, j'ai vérifié et j'ai fait sortir les décisions du Conseil du trésor, les décrets antérieurs, pour me rendre compte que c'étaient les institutions d'intérêt public – encore une fois, publiques ou privées, là, il faut bien se comprendre; il y a aussi des institutions privées – qui bénéficiaient du fait que, dans le cadre de ce qui est dépensé par les gouvernements à même ce qui est prélevé aux citoyens, il y a priorité, si tant est que l'institution publique ou privée d'intérêt public peut le dispenser, elles ont priorité. C'est ce que j'ai dit tantôt. C'est uniquement s'il n'y a pas livraison possible dans le cadre des institutions d'intérêt public qu'à ce moment-là c'est confié à un formateur agréé.

Mais je vous dis que, dans le cadre du projet de loi 90, c'est l'entreprise qui va dépenser. Et l'entreprise, si vous lisez bien, elle va ouvrir un poste budgétaire, puis son vérificateur externe va avoir simplement, comme c'est le cas pour n'importe quelle autre dépense, à garder des factures, en tout cas pendant l'année, pour pouvoir garantir que la dépense a été effectuée soit auprès d'une institution d'enseignement, soit auprès d'une firme agréée sans que cela passe par quiconque. Il n'y aura pas de tiers. C'est ça, le projet de loi, paragraphe 2° de l'article 6.

Vous voulez y voir autre chose et vous y voyez beaucoup de choses. À la page 5, vous nous dites également: «Comment donc justifier, pour l'entreprise, des dépenses au bénéfice du personnel, alors que le personnel n'est pas encore ou n'est plus à son emploi?» En fait, vous vous en prenez, si j'ai bien compris, à la possibilité qu'il y a, j'imagine, d'accueillir des stagiaires ou des apprentis.

Mais comment vous justifiez que l'entreprise, justement, dépense, dans le cadre, par exemple, des mesures d'assurance-chômage, un montant extrêmement important, 7,2 % de taxes sur la masse salariale, dont plus de 1 % s'en va en mesures actives, qui n'est justement pas pour son personnel, qui n'est justement pas une dépense, sur lequel elle n'a pas un mot à dire et sur lequel elle n'a même pas à décider? Alors, comment vous pouvez être aussi virulents en matière d'un projet qui donne à l'entreprise l'obligation de dépenser, mais aussi le choix de la dépense?

Mme Lapointe (Lise): L'obligation de dépenser, le choix de la dépense, mais la structure est tellement, tellement lourde. Une entreprise, une PME, une moyenne entreprise – parce que c'est elles qui sont visées surtout, les grandes entreprises font déjà plus de 1 % – doit être flexible, doit pouvoir changer son plan de formation en fonction de ses demandes. Une PME, ça change aux deux mois, aux trois mois, aux six mois. On ne peut pas prendre un plan de formation annuel, geler ça dans le ciment puis décider qu'on va aller vers ce plan de formation, le faire accréditer par la SQDM, parce qu'on n'est même pas en moyen de décider nous-mêmes de ce que devrait être notre plan de formation, et passer par une réglementation, un contrôle. C'est le contrôle...

(18 h 30)

Mme Harel: M. le Président... Je vous interromps, malheureusement, Mme Lapointe, parce que manifestement le plan de formation dont vous parlez, j'imagine, dans l'entreprise, c'est un plan si l'entreprise ne passe pas par une firme comme vous ou par une institution d'enseignement. Alors, si la firme a décidé de ne pas effectuer la dépense avec une institution ou avec une firme, c'est à défaut de ces deux scénarios-là, si, finalement, elle le fait par ses propres moyens sans passer par une firme, sans passer par une institution, que, là, bien, il faut un plan, oui, parce qu'à défaut de quoi on ne saurait pas du tout à quoi cet argent-là a servi parce qu'il n'y a pas de factures, il n'y a pas de dépenses qui peuvent être, si vous voulez, visiblement prouvées.

Mme Lapointe (Lise): Pouvez-vous me dire clairement, dans la loi, où c'est écrit?

Mme Harel: C'est écrit clairement, Mme Lapointe, à l'article 6.

M. Boucher (Julien): Parce que, Mme Harel, ce matin, je crois, dans le journal, dans La Presse , on mentionnait les règlements suite à la présentation du Conseil du patronat, et un des règlements était «Acceptation de dépenses raisonnables»...

Mme Harel: Bon. Il faut... Vous savez comme moi...

M. Boucher (Julien): ...et il veut...

Mme Harel: Non. Vous savez comme moi qu'il ne faut pas se fier à la lecture des journaux, parce que je reviens... Même à ça, là, je reviens, même à cela, vous voyez, c'est un document de discussion; ce n'est même pas un projet de règlement. Il faut le lire pour voir à quel point ce n'en est pas un. C'est une liste de sujets de discussion pour fins de consultation. Et, même à ça, on le prend au mot, à la lettre, et on voit très bien qu'il ne s'agit que de déterminer ce qui doit se passer quand il y a le paragraphe 3° de l'article 6, c'est-à-dire quand il n'y a ni une firme ni une institution d'enseignement, mais une formation dite interne. C'est l'expression qui est utilisée dans ce document, et j'ai vérifié ce que ça voulait dire, «interne»; ça voulait dire «sur le tas». Alors, je pense que c'est maladroitement qualifié, parce que, «interne», ça peut être aussi avec une firme ou ça peut être par une institution d'enseignement, mais c'est de ça qu'il s'agit.

Alors, je comprends que, de façon assez systématique, vous avez, je le répète, une tendance lourde...

M. Lapointe (Lise): Il faut éclaircir.

Mme Harel: ...et un préjugé très évident, parce que vous venez nous dire que vous voulez exactement ce qu'on vous donne dans le projet de loi: vous voulez faire affaire directement avec l'entreprise et vous voulez que l'entreprise fasse affaire directement avec vous. Paragraphe 2°, article 6.

Mme Lapointe (Lise): Je pense qu'il faudrait l'éclaircir.

Mme Harel: Et, si l'entreprise le fait, elle garde ses factures, elle doit le faire pour l'équivalent de 1 %; son vérificateur externe et comptable le met ensuite dans ses états financiers, et, si tant est qu'un jour le Revenu, par échantillonnage, vient contrôler comme il peut contrôler, eh bien, à ce moment-là, ce sera comme n'importe quelle autre dépense. C'est ça que vous voulez? C'est ça qu'on vous donne dans le projet de loi. Mais je comprends que votre idée était faite avant et que...

Mme Lapointe (Lise): Non.

Mme Harel: ...vous étiez contre bien avant...

Mme Lapointe (Lise): Pas du tout.

Mme Harel: ...parce que, manifestement, ce que vous nous dites que vous voulez, c'est ça qui...

Mme Lapointe (Lise): Pas du tout.

Mme Harel: ...est proposé.

M. Boucher (Julien): Mme Harel, vous avez senti, et vous avez raison, que tous nos membres sont agressifs face à la SQDM. On se sent lésés, on a de la difficulté, on travaille, on va chercher des clients, on fait des contacts. À un moment donné, la réalisation se passe ailleurs, on contrôle nos honoraires en nous comparant au secteur public qui ne paie pas de taxes municipales et qui n'a pas de bureaux administratifs à payer parce que l'infrastructure est là, il utilise ce réseau-là. Quand vous parlez: Le réseau est établi, ils utilisent pour la grande partie des contractuels qui ont déjà travaillé chez nous. Ha, ha, ha! Et ce n'est pas du personnel du réseau comme tel, c'est nous qui les avons nourris.

C'est vrai qu'on est agressifs par rapport à la SQDM et c'est vrai que, lorsque l'on regarde le projet de loi et tous les règlements qui devraient être établis par la suite par la SQDM, nous restons sceptiques. Pour nous, notre préoccupation, c'est de rendre service à nos clients qui sont les entreprises privées, afin d'atteindre des résultats, de développer des compétences, non pas de donner du savoir du ministère de l'Éducation, mais de développer du savoir-faire et du savoir-être en termes d'habileté et de comportement, et c'est ça qui fait que les entreprises sont performantes. Et on a beaucoup de difficultés, avec la bureaucratie qui nous arrive en arrière et les orientations à l'intérieur de la SQDM, à demeurer une entreprise. Même, je l'appellerais une industrie, parce qu'on est une industrie de la formation au Québec. Et je pense, comme industrie de la formation, que c'est une des raisons pour lesquelles on disait qu'on devrait être inclus à l'intérieur de l'article 7, comme des établissements reconnus. Et, vous l'avez constatée, notre réaction, je pense qu'elle est vraie, et, si elle est là, c'est parce qu'elle existe d'une façon ou d'une autre.

Le Président (M. Facal): Mme la ministre.

Mme Harel: Mais ça ne veut pas pour autant dire qu'elle est justifiée. Je pense qu'elle est hors proportion en regard de ce qui est proposé. Tant que ça restera des fonds publics, les fonds publics, là, quel que soit le gouvernement, attendez-vous bien à ce qu'il y ait toujours un contrôle sur les fonds publics, parce que les fonds publics, nous, de l'autre côté, au salon bleu, il faut en répondre, de l'usage des fonds publics.

Mais ce qui est dans ce projet de loi, je l'ai dit depuis le début, puis c'est dans cette conception-là qu'on l'a développé en le rédigeant, on le considère comme de l'argent privé, et de l'argent privé même s'il y a une obligation de dépenser. Cette obligation-là, on ne dit pas comment; on laisse le choix à l'entreprise. Et ça, je vous le dis bien sincèrement, je voudrais que vous arriviez à lire le projet de loi avant de le dénaturer.

M. Boucher (Julien): J'ai hâte de voir les règlements qui vont sortir de la SQDM.

Mme Harel: Les règlements ne portent...

M. Boucher (Julien): Ils doivent être en orientation avec ce que vous venez de dire.

Mme Harel: Les règlements ne porteront ni sur le paragraphe 1° ni sur le paragraphe 2° de l'article 6, mais sur le paragraphe 3°, définitivement.

Le Président (M. Facal): Cela étant dit...

Mme Lapointe (Lise): ...de l'article 6 n'est pas clair.

Le Président (M. Facal): Mme Lapointe, je suis absolument désolé de devoir mettre fin à cet échange passionnant qui rappelle le salon bleu, en effet...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Facal): ...mais le temps est même un petit peu dépassé. Alors, c'est l'opposition, maintenant, qui va avoir l'occasion de...

M. Tremblay (Outremont): M. le Président...

Le Président (M. Facal): M. le député d'Outremont.

M. Tremblay (Outremont): ...je comprends que vous avez été très indulgent. Je veux juste m'assurer d'une chose, là. En tout objectivité, je voudrais m'assurer que les personnes qui se sont déplacées ont eu l'opportunité de répondre aux questions qui ont été posées par la ministre et principalement la dernière, pourquoi il y a un ton agressif dans le mémoire. Je veux juste m'assurer que, avant que vous nous donniez la parole... Je vous donne le consentement, au nom de mes collègues de l'opposition, pour permettre très brièvement, j'en conviens... Si vous n'avez pas eu l'opportunité de répondre, moi, je suis prêt à donner le consentement pour que vous restiez deux ou trois minutes pour que vous répondiez à la question de la ministre. Moi, je veux m'assurer de ça.

Le Président (M. Facal): Mais il m'apparaît que M. Lefebvre a eu largement l'occasion... Celui qui est à droite de Mme Lapointe.

M. Boucher (Julien): C'est M. Boucher.

Le Président (M. Facal): Oui. Il me semble que M. Boucher a eu largement l'occasion de nous dire les raisons de son agressivité à l'endroit de la SQDM, et je pense que la ministre en a pris bonne note.

M. Boucher (Julien): Oui, mais, pour résumer dans l'autre partie notre réaction par rapport au projet de loi, pour bien répondre à M. Tremblay notre pensée, c'est que, en orientant la formation vers les travailleurs exclusivement, comme on l'a vu, en termes de développement, recyclage, mobilité de la main-d'oeuvre, il dit: Ce n'est pas ça, le besoin de l'entreprise; c'est avoir des gens qui ont des compétences et non pas former des gens pour qu'il y ait de la mobilité. Ça, ça revient au ministère de l'Éducation, et c'est comme ça qu'on l'a vu.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup, M. Boucher. Je suis sûr que, dans le cadre de vos échanges avec l'opposition, vous aurez là aussi l'occasion de... Alors, M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui. Merci, M. le Président. Je voudrais, à mon tour, vous souhaiter la bienvenue et vous remercier de votre contribution. Faites-vous-en pas, dans une autre vie, moi aussi, je me suis fait reprocher d'avoir des mémoires virulents et un langage féroce, puis regardez ce que je suis devenu maintenant.

Une voix: Ha, ha, ha! Il les écoute. Ha, ha, ha!

M. Charbonneau (Bourassa): Ça n'a jamais fait mourir personne d'entendre ça ou de les faire. Il faut regarder le message derrière le ton et au-delà de certaines expressions.

Je voudrais, pour ma part, essayer de décoder un peu le message. Je crois que, sur la question première, à savoir qu'il y a une orientation plus exclusive vers les travailleurs, moi, je suis plutôt d'accord avec la ministre là-dessus dans le sens que l'article 5, c'est ça qui... Vous avez lu, à travers ça, des projets de règlements. J'ai vu, dans une note de votre mémoire, que vous avez été consultés sur des ébauches, des esquisses de règlements que M. Dufour nous a communiquées. Ça mêle un peu les affaires. Mais le texte de la loi, en tout cas, il dit «au bénéfice de son personnel», n'est-ce pas? Alors, je pense que, là-dessus, vous pourriez être sereins au sortir d'ici. C'est écrit «au bénéfice de son personnel», et le personnel d'une entreprise, que je sache, c'est tous ceux qui sont sur la masse salariale, hein, les dirigeants, les cadres. Alors, ça, là-dessus, on pourrait peut-être trouver un point de sérénité.

D'autre part, là où je pense que vous avez quand même raison d'être inquiets, à moins que la ministre, dans des explications ultérieures, nous rassure, nous aussi, c'est la question de l'agrément, 6.2°, à laquelle la ministre vous renvoie. Elle dit: Regardez, vous n'avez pas besoin de réclamer rien en 7, vous avez votre espace à travers 6.2°. C'est bien ça? L'article 6.2°, il dit cependant: «...formateur agréés par la Société...

(18 h 40)

Mme Harel: Ils sont agréés.

M. Charbonneau (Bourassa): ... – un instant – et qui fait l'objet de l'agrément. Et l'agrément, on en entend parler, ensuite, la fois suivante, à ma connaissance, à 20, à l'article 20. Et des gens qui veulent discuter, je pense, honnêtement du projet de loi ont le droit d'essayer d'être rassurés de la mécanique qu'il y a derrière ça. L'article 20: un règlement pris en vertu de 19 peut subordonner l'admissibilité de dépenses à l'agrément ou à la reconnaissance par la Société. Là, il y a une énumération: enseignements, formations, plans, programmes, formateurs ou organismes.

Ces gens-là ont lu le projet de loi, Mme la ministre, et je pense qu'ils disent ici: Voici, la Société peut octroyer ou retirer un agrément. C'est écrit, au paragraphe suivant de 20, les principes, critères et facteurs pour accorder un agrément.

Mme Harel: C'est ce qu'elle fait maintenant et ce qu'elle faisait quand vous en étiez vice-président.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, oui! Et j'y arrive, à tout ça. Mais que des gens se questionnent et disent: Finalement, l'agrément, il peut nous être accordé, il peut nous être retiré, c'est la Société qui est maître du jeu... C'est rien que ça que ces gens-là nous disent. Donc, ils expriment un certain sentiment d'exclusion face au processus de décision qui les concerne. Oui, c'est normal qu'ils nous disent qu'ils se sentent exclus. Ils vous ont demandé une place au conseil d'administration de la Société; ça, c'est vous qui accepterez ou qui refuserez la demande. Moi, je n'ai pas de point de vue là-dessus à ce moment-ci. Quand vous en aurez émis un, on pourra le commenter. Mais ils vous disent: C'est d'autres qui décident si on est dans le portrait ou si on est exclus du portrait. Je prends ce message, et on va le regarder avec attention.

Ces gens-là nous ont rappelé la contradiction. Ils expriment, à la page 6 de leur mémoire, le discours qui dit aux entreprises: Faites votre possible, faites votre 1 % de dépenses, puis l'autre discours qui fait comprendre aussi qu'il peut y avoir peut-être un fonds. Mais la ministre nous a déjà avertis qu'elle souhaitait, quant à elle, que ce fonds soit à sec. Vous avez relevé ce que vous appelez une double facette au discours. On a déjà remarqué ça aussi.

Quant à ce que vous appelez la discrimination, là-dessus, la discrimination de la SQDM, je pense qu'il y a des maux puis qu'il y a des réalités, et, malheureusement, Mme la ministre, je ne peux pas disconvenir qu'il y a, au sein de la SQDM – mais, moi, je n'emploierais pas le mot «discrimination» – des directives qui sont données par le conseil d'administration aux gestionnaires des programmes de privilégier le recours aux établissements d'intérêt public, en certaines circonstances. C'était même...

Je me souviendrai de ma première réunion du comité de gestion de la SQDM, quand je suis arrivé, en novembre 1993, c'était le problème le plus crucial que le comité avait sur sa table, au mois de novembre 1993, quand je suis arrivé. Je le comprenais à peine, c'était un vocabulaire assez abscons, tout ça. Et il a passé d'une table à l'autre pour arriver au conseil d'administration quelques mois plus tard. Le document a été refoulé. C'est toujours sans doute le même système qui est en place, les mêmes directives. Ce serait bon d'avoir une note actualisée quant à ce qui a été fait, parce que ce débat-là...

Il y a un mandat de donné au plan d'action 1994-1995 – là, on s'en va vers l'autre année – de le régler, ce problème-là. Et j'ai eu, moi, comme vice-président, à rencontrer des gens qui font partie de leur organisation et qui sont venus me faire le même genre de représentations dans le bureau. On leur a dit: Les directives, pour le moment, sont celles-ci. On regarde le problème, il n'est pas facile, le problème que vous nous posez, et je ne sais pas si, un an plus tard, il y a de l'avancement là-dessus ou des clarifications.

Mais une note que vous pourriez demander à vos services, Mme la ministre, pourrait nous rendre tous plus à l'aise pour en discuter. La situation a-t-elle évolué? C'est difficile pour moi... Moi, je n'emploie pas le mot «discrimination» à mon compte, mais je comprends que des gens qui se sentent exclus par ces directives-là puissent recourir au terme. Il faut le prendre pour le message qu'ils nous apportent.

Il y a un autre élément qui est un message, je pense, dont il faut regarder le côté positif. Vous nous dites: L'activité de formation doit être dictée par le besoin, mais non pas par la structure de l'offre. Ça, c'est un leitmotiv aussi qui hante la SQDM. Mais il faut reconnaître que c'est assez difficile de se convertir dans cet esprit. Ils nous rappellent l'importance de ça. Et, surtout s'agissant de la PME, c'est vrai que c'est un tournoiement constant. Ils attirent notre attention aussi sur peut-être les nouvelles technologies en matière de formation.

Beaucoup d'entreprises n'auront pas à investir dans des équipements lourds, elles n'auront qu'à se brancher sur des réseaux pour avoir accès à de la formation. Comment allez-vous comptabiliser ça? Comment cela sera-t-il pris en compte à travers les règles de reconnaissance, d'agrément, les conditions, etc.? Tu sais, des réalités. C'est assez fluide. Ils ont nommé les grands réseaux et les nouvelles technologies. Je voyais récemment une coupure de journal qu'on pourrait apporter ici. Dans l'Estrie, il y a une espèce de réseau aussi. C'est au Québec.

Il faut dire que le projet de loi témoigne d'une approche qui est assez genre papier quadrillé de l'affaire, tandis que la réalité est devenue de plus en plus fluide à cet égard-là. Je pense que, là, il y a des messages qu'il faut regarder. Vous avez donc secoué quelque peu nos concepts et ce qu'on croyait acquis, et il faut quand même essayer d'aller chercher le positif là-dedans.

Pourriez-vous nous nommer... Vous avez 16 membres principaux. C'est ce que vous dites, au début.

Des voix: Vingt membres.

M. Charbonneau (Bourassa): Une vingtaine de membres. Pourriez-vous nous nommer cinq, six noms principaux, disons, pour faire image? Il y a COSE, bien sûr, mais...

Mme Lapointe (Lise): M. Boucher, de COSE; Pierre Lefebvre, de Devcom; nous avons Remy Racine...

M. Charbonneau (Bourassa): Ou, si vous avez la liste, écoutez...

Mme Lapointe (Lise): ...de Multi Hexa.

M. Lefebvre (Pierre): Je peux déposer la liste des membres.

Mme Lapointe (Lise): Oui.

M. Charbonneau (Bourassa): C'est bien. S'il vous plaît. Ça va nous aider à concrétiser les noms des personnes.

Le Président (M. Facal): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Pour poursuivre sur la liste des membres, est-ce qu'il y a de vos membres qui sont couverts par l'article 7.8°, c'est-à-dire des autres établissements mentionnés sur la liste établie par le ministère de l'Éducation en vertu des paragraphes 1° et 3° du premier alinéa de l'article 56 de la Loi sur l'aide financière? Et ça, c'est essentiellement la possibilité, pour les gens qui fréquentent des établissements, d'avoir droit aux prêts-bourses. Dit en termes vulgaires, c'est ça que ça veut dire. Est-ce que, parmi vos membres, vous avez des établissements qui donnent droit aux prêts-bourses, actuellement?

M. Racine (Remy): Oui, il y en a quelques-uns.

M. Gautrin: Donc, à l'intérieur de vos membres, vous en avez un certain nombre qui seraient couverts, actuellement, par 7.8°. Est-ce que je comprends bien?

M. Racine (Remy): Mais c'est une minorité. Je pense qu'il y a peut-être une ou deux compagnies, pas plus.

Mme Lapointe (Lise): Puis elles sont séparées, aussi.

M. Boucher (Julien): C'est que les règlements... Antérieurement, dans les années soixante, c'était possible d'avoir un permis qui nous classait au niveau des écoles de danse et autres, même si on faisait de la formation professionnelle, et les règlements ont changé, ce qui fait que maintenant ce n'est plus possible, ce qui fait en sorte que, même si on prend... À titre d'exemple, on va prendre les HEC à Montréal qui font la formation des cadres. Il y a des sessions d'une semaine. Eux, ils peuvent émettre des crédits, ils peuvent émettre, parce qu'ils sont accrédités, des reçus pour l'impôt.

M. Gautrin: Eux, ils sont couverts par l'article...

M. Boucher (Julien): Alors, on ne peut pas, nous. Les lois ont été changées là-dessus.

M. Gautrin: O.K. Est-ce qu'il y aurait peut-être des représentations à faire, à ce moment-là, auprès du ministère de l'Éducation?

M. Boucher (Julien): Ha, ha, ha! Là, il s'agit de changer les règlements du ministère dans les conditions d'éligibilité.

M. Gautrin: Non, non, mais c'est une chose qui se fait. Ici, je ne vous demande pas de le faire là-dedans...

M. Boucher (Julien): On a déjà essayé.

M. Gautrin: ...mais est-ce que ça aurait un sens d'étendre à vos étudiants – excusez-moi le terme, je ne veux pas faire de débat entre enseignement et apprentissage – le mécanisme des prêts-bourses, ou c'est impossible?

M. Boucher (Julien): C'est...

M. Lefebvre (Pierre): Bien, c'est...

M. Boucher (Julien): Vas-y.

M. Lefebvre (Pierre): Bien, c'est bien sûr une de nos demandes de faire partie de la liste de l'article 7, où actuellement on n'est reconnus d'aucune façon.

M. Gautrin: Oui, oui, je comprends, mais vous voulez être reconnu nommément et non pas par le biais du mécanisme des prêts-bourses. Bien, je pense qu'on aura à échanger sur...

M. Boucher (Julien): C'est ça.

Mme Lapointe (Lise): Oui.

M. Boucher (Julien): On ne fait pas de l'enseignement.

M. Gautrin: Je comprends.

M. Boucher (Julien): On fait de la formation et du développement de la main-d'oeuvre directement.

M. Gautrin: O.K.

M. Boucher (Julien): Ce n'est pas de l'enseignement, on ne donne pas des diplômes. L'enseignement, on laisse ça aux universités puis aux cégeps. Pour nous, on fait...

Mme Lapointe (Lise): De la formation.

M. Boucher (Julien): ...de la formation sur le savoir-faire et le savoir-être.

(18 h 50)

M. Gautrin: Je comprends. Je connais la différence entre les deux. Je voudrais réellement bien vous écouter sur les critiques que vous faites sur 6.2°. D'accord? On va relire ensemble 6.2°: «Les dépenses au bénéfice du personnel peuvent notamment concerner – et je lis l'article 6.2° – la formation qui est dispensée par un organisme formateur ou un formateur – d'une façon, à ce moment-là – agréés par la Société et qui fait l'objet de l'agrément...» Si je comprends bien, vous êtes, enfin vos 20 membres sont tous agréés, actuellement...

M. Boucher (Julien): Oui.

M. Gautrin: ...par la SQDM.

M. Boucher (Julien): Oui, pour 500 $, comparativement à une commission scolaire, où ça coûte 50 $, mais c'est juste une autre discrimination. Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Donc, à l'heure actuelle... Là, ce que je voudrais bien comprendre de vous, c'est que vous êtes couverts, actuellement, par 6.2°.

Mme Lapointe (Lise): On n'a pas le choix, pour émettre les crédits d'impôt, monsieur, d'être agréés.

M. Gautrin: Pardon?

Mme Lapointe (Lise): On doit être agréés pour pouvoir émettre les crédits d'impôt pour nos clients.

M. Gautrin: D'accord. Je comprends. Donc, à l'heure actuelle, vous êtes couverts par 6.2°.

Mme Lapointe (Lise): Oui.

M. Gautrin: Tel que rédigé actuellement, qu'est-ce qui vous ennuie dans l'article 6.2°? Je ne l'ai pas compris.

M. Boucher (Julien): Les agréments.

M. Gautrin: Mais vous l'êtes déjà.

M. Boucher (Julien): Non, parce que les modalités, les règles qui vont venir par la suite relativement à l'article 9 tel que...

M. Gautrin: C'est 20, à ce moment-là, qui vous ennuie. C'est ça?

Mme Lapointe (Lise): Oui, c'est ça. C'est 19, 20, dans ceux-là, oui.

M. Gautrin: C'est-à-dire que vous pourriez...

Mme Lapointe (Lise): C'est 20: «subordonner, s'il y a lieu, l'admissibilité de dépenses...» C'est ça, c'est 20, paragraphe 1°, où ils vont élaborer leurs règlements qu'on ne connaît pas au niveau de l'admissibilité.

M. Gautrin: Je comprends que, dans un monde idéal, on pourrait ne pas vouloir cette loi-là et je comprends que votre choix, c'est qu'on ne devrait peut-être pas l'avoir. Mais on fonctionne, à l'heure actuelle, et je crois que les intentions du gouvernement sont très claires: il veut aller de l'avant avec ce projet de loi. Alors, là, qu'est-ce qu'il serait important d'avoir à l'intérieur du projet de loi pour vous permettre de pouvoir fonctionner, à part – j'ai compris l'intervention de M. Boucher – le fait que, dans l'article 7, vous soyez reconnus? Ça, ça réglerait vos problèmes.

M. Boucher (Julien): Ça, ça réglerait notre problème, parce que, comme le disait Mme Harel antérieurement, on favorise le secteur public. Ça veut dire que, par rapport aux agréments, on ne sait même plus si on va rester ou pas. Si on était dans l'article 7, on sait qu'on va être là. On est une industrie, on est des gens qui créons de l'emploi et on ne veut pas être mis en compétition avec un réseau. En fin de compte, c'est exactement ça.

M. Gautrin: Ça, je comprends ça, mais donc vous...

M. Boucher (Julien): En étant à l'intérieur de l'article 7, ça nous enlève toutes les modalités d'agrément qu'il pourrait y avoir, qu'on ne connaît pas et qui font qu'on est là aujourd'hui puis qu'on ne sait pas si on va être là demain.

Mme Lapointe (Lise): C'est un marché...

M. Gautrin: Autrement dit, la crainte... Excusez-moi. Allez-y, madame.

Mme Lapointe (Lise): Ça doit être un marché où la concurrence et le libre marché prévalent. Alors, on veut des résultats, Mme la ministre veut des résultats. Je pense que les compagnies qui resteront, c'est les compagnies qui donnent des résultats et, donc, qui sont de qualité. Donc, on veut être reconnus en tant que tels sans avoir à être dans un agrément de la SQDM.

M. Gautrin: Et je suis sûr que les 20 compagnies qui sont membres de votre organisme sont des compagnies sérieuses. Je n'en conteste pas du tout le sérieux. Mais vous comprenez qu'il faut quand même qu'on ait une forme de protection pour éviter que n'importe qui parte demain sa...

M. Boucher (Julien): On a un code de déontologie, on n'accepte pas n'importe quel membre. Quand même, comme association, on vérifie la qualité des services donnés par nos membres. On s'en assure aussi.

Mme Ouimet (Renée): Est-ce que le système scolaire – cégeps ou commissions scolaires – à des membres plus sérieux que nous? Finalement, c'est à voir, ça aussi.

M. Gautrin: Non, non, mais je ne veux pas contester la qualité. Je dirais, vous...

Mme Ouimet (Renée): C'est ça.

M. Gautrin: Non. Le problème... Comprenez-moi bien. J'essaie de voir comment on peut améliorer et répondre à vos besoins, et, dans ce cadre-là, je me pose la question... Et je ne conteste aucunement la qualité de ce que vous faites, mais vous pouvez aussi avoir des gens qui partiraient des organismes de formation sans avoir la qualité de vos organismes à vous si on n'a pas un mécanisme de protection à l'intérieur de la loi.

M. Boucher (Julien): C'est pour ça que, dans l'article 7, on parlait de membres de l'Association.

Le Président (M. Facal): M. Boucher, si vous me permettez, simplement rappeler à l'opposition et à vous-même qu'il reste une minute. Alors, si vous vouliez vous rapprocher de votre conclusion.

M. Gautrin: Alors, si vous pouvez conclure, et je laisserai au député de Bourassa cette minute pour pouvoir remercier les personnes.

Le Président (M. Facal): D'accord.

M. Gautrin: J'échangerai après.

Le Président (M. Facal): S'il vous plaît, oui.

M. Racine (Remy): Ça va conclure et ça va répondre en partie à votre question. Ce qu'on veut, finalement... L'Association veut que l'industrie de la formation de main-d'oeuvre soit reconnue comme une industrie valable au Québec. Nous voulons prendre part au débat. Nous voulons prendre part aux mêmes discussions au même titre que le réseau public de l'enseignement. C'est pour cette raison-là que nous avons demandé un siège à la SQDM. On ne veut pas être un mal nécessaire dans la Société, on veut être un partenaire avec les gens de la SQDM, avec Mme la ministre et avec tous les intervenants. Alors, le sens, je pense, de notre intervention cet après-midi, c'est ça. C'est qu'on veut être considérés comme des partenaires, à parts égales, de tout le monde.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup. Alors, peut-être le mot de la fin, M. le député de Bourassa, puis Mme la ministre.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, M. le Président, bien volontiers. Nous venons de parcourir la liste de vos membres, et je peux reconnaître ici, par les noms qui sont sur cette liste, qu'il y a là les poids lourds de la formation privée au Québec. Donc, c'est une annexe qu'il aurait été très, très important de mettre d'entrée de jeu sous nos yeux. Je vous remercie de nous l'avoir donnée et je vous remercie de nous avoir apporté votre message. Vous savez, les arbres sont aussi beaux s'ils ont une écorce rude que s'ils ont une écorce douce, hein. Ce n'est pas ça qu'il faut regarder. Il faut regarder le message final.

Vous nous dites qu'il y a de l'insécurité dans votre secteur, qu'il y a des règles que vous ne comprenez pas trop, vous voulez voir plus clair dans le système qui s'en vient, vous avez été consultés sur des ébauches, des esquisses de projets de règlements, vous voudriez bien savoir ce qui s'en vient pour être plus sûrs pour pouvoir adhérer davantage ou comprendre davantage. Nous aussi, l'opposition, on essaie de comprendre quelles sont les règles du jeu qui s'en viennent et qui vont donner vie au projet de loi.

Le Président (M. Facal): Merci, M. le député de Bourassa. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je dois vous dire que je regrette le parti pris qui a animé l'Association depuis quelques semaines déjà. Avant même que le projet de loi soit connu, votre opposition, elle, l'était. Par exemple, je réfère à la discussion qui s'est terminée sur l'article 7. Vous voyez, l'article 7, on ne l'a pas conçu à partir de rien, c'est exactement les institutions agréées par le ministère de l'Éducation. Alors, on est agréé par quelqu'un: ou bien on est agréé par le ministère de l'Éducation – c'est l'article 7 – ou on est agréé par la SQDM, et il faut l'être, agréé, parce qu'à défaut de quoi dites-vous bien que, les Temple solaire, ça pullule dans notre société, et vous n'avez pas idée des maux de tête que la SQDM a eus justement parce que le répertoire des firmes est de 1 200. Vous avez 20 membres, mais il y a 1 200 firmes répertoriées – 1 200 firmes – parce qu'il faut être une firme pour être répertorié. Alors, vous représentez les meilleurs, certainement, de l'industrie, mais vous ne représentez même pas 5 % de l'industrie. Quand on légifère, c'est pour l'ensemble d'une société puis l'ensemble d'une industrie. Alors, ça, il faut que vous en teniez compte, parce qu'à défaut de quoi ce que vous nous proposez devient inopérant.

Moi, ce que je souhaite, c'est que vous vous développiez justement grâce au projet de loi 90, que vous avez pourtant tant critiqué, et que vous vous développiez dans un rapprochement sans chaperon, comme je le dis, sans intermédiaire, directement, l'entreprise puis vous, comme c'est dorénavant permis.

Le Président (M. Facal): Merci, Mme la ministre.

M. Boucher (Julien): Juste une remarque: ça dépend toujours des agréments. Et, lorsque vous parlez des membres, je peux vous dire que, dans les corporations ou les organisations qui oeuvrent en formation, inscrites à la SQDM, qui ont plus de trois employés, dans ces organisations-là, on en compte peut-être à peu près 60, 70. On a fait le tour. Le reste, c'est des individus qui sont inscrits.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup, M. Boucher, Mme Lapointe, ainsi que vos accompagnateurs. Alors, nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 59)

(Reprise à 20 h 11)

Le Président (M. Facal): Alors, bonsoir à tous et à toutes. Je pense que nous sommes prêts à commencer.

Nous ouvrons la séance de la commission spéciale sur la formation professionnelle dont le mandat est de procéder à des consultations particulières dans le cadre de l'étude du projet de loi 90, Loi favorisant le développement de la formation professionnelle.

Alors, nous accueillons les représentants de la Centrale des syndicats démocratiques, à qui je rappelle que, selon nos règlements, ils disposent de 20 minutes pour nous présenter leur mémoire. Et cette présentation sera suivie d'une période d'échange de 40 minutes divisée en deux blocs égaux de 20 minutes: d'une part, le groupe ministériel et, d'autre part, le parti d'opposition.

Alors, si vous vouliez bien avoir l'amabilité de commencer par vous présenter ainsi que les gens qui vous accompagnent et, ensuite, d'entreprendre la présentation de votre mémoire.


Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

M. Gingras (Claude): Alors, je vous remercie, M. le Président. Alors, m'accompagnent, aujourd'hui, pour la présentation du mémoire de la CSD, Michel Fournier, qui est le président du Syndicat des travailleurs de la construction de la CSD, qui est à ma droite, et, à ma gauche...

M. Rioux: Un Gaspésien.

M. Gingras (Claude): Un Gaspésien, oui, comme disait Matthias, un Gaspésien. Alors, m'accompagne également Louis Tremblay, qui est responsable du service de la recherche à la CSD.

Alors, M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission parlementaire, la CSD a été associée, depuis l'automne 1990, aux travaux de la Conférence permanente sur l'adaptation de la main-d'oeuvre qui ont conduit, bien sûr, à la création de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Ces travaux ont également contribué à enrichir le projet du gouvernement de favoriser la formation professionnelle en établissant une contribution obligatoire des entreprises.

La CSD souscrit, d'entrée de jeu, sans réserve aux objectifs du projet de loi déposé par le gouvernement, en souhaitant qu'il rallie rapidement tous les intervenants qui sont désireux d'agir pour créer une véritable culture de la formation au Québec. On doit passer du discours à l'action, et je pense que c'est urgent.

La formation est un outil de transition et de développement puissant. Miser sur la formation, c'est miser sur la compétence des travailleuses et des travailleurs, et elle passe par la connaissance. Alors, ce sont eux qui connaissent le mieux les réalités de leur milieu de travail, et il est important de leur permettre un accès à la formation qui assure leur développement.

Un projet de modernisation ne peut se réaliser efficacement sans une préparation adéquate de ceux et celles qui en sont les réalisateurs. De même, la technologie nouvelle appelle une bonne préparation. Considérant les problèmes d'analphabétisme, de sous-scolarisation, qui sont connus, je pense, pour la plupart d'entre vous, il est inconcevable de relever les nouveaux défis sans penser à la préformation, à la formation de base adéquate, à la formation sur mesure et à la formation professionnelle ainsi qu'au perfectionnement.

La formation doit répondre à plusieurs caractéristiques si elle veut servir la démocratisation des milieux de travail et la réalisation du plan de l'entreprise. Alors, selon nous, elle doit: être développée dans la concertation; être précédée par une information préalable aux travailleuses et aux travailleurs sur les besoins de l'entreprise; se développer sur mesure pour répondre aux besoins d'adaptation particuliers des travailleuses et des travailleurs; être transférable, reconnaissant ainsi aux personnes le droit de pleinement se l'approprier en développant leur autonomie; couvrir aussi bien les aspects humains que techniques du travail; se tenir autant que possible sur les lieux et aux heures habituelles de travail; garantir la rémunération des travailleuses et des travailleurs lorsqu'ils y participent et miser sur l'accroissement de la polyvalence; de plus, être élaborée pour concourir au respect de l'ancienneté en étant prioritairement accessible aux travailleuses et aux travailleurs concernés; favoriser la culture ouvrière et la promotion collective des travailleuses et travailleurs; répondre aux exigences des changements technologiques et faire preuve de flexibilité dans les moyens pédagogiques. Voilà une série de paramètres, je pense, qui doivent guider nos choix. Il est impératif que la formation soit faite en fonction de où les gens sont et non seulement où on veut les amener.

Le financement de la formation a toujours été un problème parce que l'investissement n'est pas réparti équitablement. Un des motifs souvent soulevés par les employeurs et les entreprises pour ne pas offrir de formation aux travailleurs est que les entreprises qui n'offrent pas de formation recrutent les travailleuses et les travailleurs des entreprises qui offrent de la formation, et ça, on entend ce discours-là régulièrement. Pourquoi investir dans des ressources humaines qui s'empressent de s'en aller chez un concurrent? Ce cercle vicieux doit être brisé et céder le pas à une approche qui pénalise, entre guillemets, les entreprises qui ne font pas d'efforts d'investissements en formation et qui récompense de tels efforts.

Pour la CSD, la situation est claire depuis longtemps, les entreprises doivent choisir entre contribuer à un fonds pour la formation ou encore effectuer des dépenses équivalentes en formation. Seuls les salaires versés et les autres dépenses encourues par les travailleuses et les travailleurs en formation doivent être considérés comme des dépenses de formation admissibles. Les sommes perçues grâce à la contribution obligatoire devraient être retournées aux entreprises qui investissent plus que le minimum de 1 % prévu, afin de compenser l'excédent de leurs dépenses.

C'est en s'appuyant sur cette position, qui a été adoptée par les délégués de la CSD réunis en congrès, que nous accueillons bien sûr favorablement le projet de loi 90, loi qui favorise le développement de la formation professionnelle et qui va dans le sens de nos revendications.

Or, ce projet de loi prévoit que les entreprises qui n'investiraient pas l'équivalent de 1 % de leur masse salariale pour la formation de leurs travailleuses et travailleurs seraient tenues de contribuer à un fonds national de formation professionnelle. Pourquoi, disent certains? Les raisons sont fort simples pour nous: trop peu d'entreprises se soucient de la formation de leurs ressources humaines et de nombreux organismes, comités, commissions diverses ont soulevé, à de multiples occasions, que celles-ci se doivent d'investir dans la formation de la main-d'oeuvre.

Le précédent gouvernement avait adopté une approche incitative qui visait à sensibiliser les entreprises. Le Crédit d'impôt remboursable pour la formation, outil privilégié de cette approche, reste malheureusement peu utilisé après cinq ans d'expérience. Or, seulement 2 % des entreprises, soit environ 4 477, ont réclamé ce Crédit en 1993, pour une valeur de 27 000 000 $. Si c'est ça l'investissement en formation professionnelle, c'est triste comme constat.

L'heure est à l'action. Alors, nous profitons présentement de périodes de transition. Tout le monde sait que ce sont des périodes cruciales, périodes prévues par les accords commerciaux avec nos partenaires économiques dans le cadre des accords de libre-échange. On n'a pas des multitudes d'années pour faire nos devoirs. Les entreprises doivent profiter de ces périodes pour s'adapter et accroître leur compétitivité.

Malheureusement, bien que le discours sur la nécessité de faire de la formation fasse pratiquement l'unanimité, on ne peut en dire autant des pratiques des entreprises. Comme il ressort de l'analyse «La performance des organisations québécoises», un fossé énorme existe entre le discours et la réalité. Les faits saillants parlent d'eux-mêmes, et nous en énumérons quelques-uns, mais permettez-moi d'insister sur quelques-uns de ceux-ci: les organisations québécoises en sont au stade initial de performance; les ressources humaines occupent le dernier rang des priorités; les outils de mesure de la performance font cruellement défaut; la formation et la participation suscitent très peu d'efforts; la mentalité réseau et l'innovation technologique tardent à s'imposer; l'orientation stratégique est obstruée par une vision à courte vue; la rentabilité immédiate l'emporte sur les moyens d'action. Alors, ces faits démontrent avec éloquence quels sont les problèmes des entreprises québécoises et, parmi ceux-ci, bien sûr, la formation qui suscite très peu d'efforts.

(20 h 20)

Le projet de loi se veut un outil indispensable pour apporter une des réponses nécessaires pour s'attaquer aux constats ci-haut décrits. L'investissement de 1 % de la masse salariale en dépenses de formation pour les travailleuses et travailleurs contribuera, selon nous, à changer ces tristes constats. Les entreprises pourront comptabiliser les dépenses de formation réalisées pour leurs travailleuses et travailleurs. Les montants déboursés au Fonds national dépendront de l'effort que les employeurs consacreront à la formation de leurs propres travailleuses et travailleurs.

Ce projet de loi s'applique à tous les secteurs d'activité économique, donc pas de statut spécial pour le secteur public, Dieu merci, qui, lui aussi, est confronté au même diagnostic évoqué plus haut pour le secteur privé.

Alors, les employeurs pourront donc satisfaire à l'obligation imposée en investissant dans la formation au bénéfice de leur personnel ainsi que pour des dépenses de stagiaires ou pour du soutien à la formation professionnelle, notamment la fourniture de personnel ou de matériel, ou l'octroi de congés de formation. Plusieurs dépenses admissibles sont déjà prévues par le projet de loi, et la SQDM devra notamment ajouter dans son rôle: de définir des dépenses de formation admissibles; d'établir les règles quant à l'admissibilité des dépenses de formation réalisées par les employeurs aux fins de calcul de la contribution et la mise en place de mécanismes de reconnaissance et d'accréditation d'activités de formation, et également d'accréditer les organisations issues de partenariats sectoriels régionaux ou de tout autre regroupement d'organismes habilités à définir ou à prendre en charge l'un ou l'autre des volets du plan national.

La CSD désire souligner sa satisfaction au sujet de certaines modifications au projet original qui avait fait l'objet de consultations. L'assujettissement complet du secteur public, la reconnaissance de la formation sur le tas comme formation admissible, si elle est prévue dans un plan de développement des ressources humaines élaboré et réalisé conjointement avec les travailleuses et les travailleurs, la possibilité de l'étalement des dépenses de formation sur plus d'une année sont des recommandations que la CSD avait formulées à la ministre et qui ont enrichi le projet initial.

Cependant, quelques aspects du projet de loi restent à améliorer selon nous. Alors, la CSD, bien sûr, souhaite que la définition de la formation professionnelle, telle que déjà discutée à la Conférence permanente sur l'adaptation de la main-d'oeuvre, comprenne l'ensemble des activités visant à assurer l'acquisition des connaissances, des qualifications et des attitudes nécessaires pour exercer une profession ou certaines fonctions avec compétence et efficacité. Ces activités peuvent correspondre à différents types de formation: la formation initiale, la mise à jour des connaissances, la formation spécifique adaptée à un emploi, etc. Pour la CSD, il est nécessaire qu'on entende par formation professionnelle toute la formation qui prépare à la formation technique telle que l'alphabétisation, la formation générale.

Le projet de loi ne prévoit pas non plus de règles de répartition des dépenses de formation effectuées par une entreprise au prorata des effectifs. Or, la formation risque d'être accessible pour des groupes privilégiés. Les cadres bénéficient, selon nous, trop souvent de façon discriminatoire de cet investissement, et c'est le cas actuellement dans de nombreuses entreprises. La CSD recommande que le projet de loi soit amendé pour introduire une règle de répartition des dépenses de formation par catégories de salariés, selon la proportion que chaque groupe représente par rapport à l'ensemble des ressources humaines de l'entreprise. Nous croyons qu'il s'agirait d'une mesure d'équité.

Le projet de loi prévoit que la contribution d'une entreprise à la formation peut prendre la forme de prêts et de dons d'équipement à des institutions d'enseignement. Sur ce volet, la CSD a des réserves importantes sur une telle possibilité. Nous sommes conscients des problèmes rencontrés par le système public en ce qui concerne la formation initiale. Cependant, nous rappelons à la ministre que la raison du présent projet de loi est le peu de formation offert aux travailleuses et aux travailleurs en emploi. Si le gouvernement souhaite voir les entreprises contribuer au financement de la formation professionnelle initiale, à l'apprentissage ou au congé-éducation, la CSD croit qu'une contribution supplémentaire devient nécessaire pour assurer ce financement.

Contrairement à l'annonce du budget en ce qui concerne l'abolition du Crédit d'impôt remboursable pour la formation, les entreprises qui dépasseront le plancher de contribution obligatoire de 1 % devraient pouvoir utiliser le Crédit d'impôt pour les sommes excédentaires qu'elles investissent en formation. Or, une telle mesure serait, bien sûr, selon nous, un incitatif important pour l'investissement en formation.

La définition d'entreprise revêt un caractère important considérant l'exclusion des entreprises dont la masse salariale ne dépasse pas 250 000 $ par année. Assisterons-nous à une multiplication des raisons sociales, alors que seront créées de nouvelles entreprises dont la masse salariale serait inférieure à 250 000 $, en divisant certaines entreprises existantes dont la masse salariale est supérieure à ce plancher?

Selon les statistiques fournies par la ministre, ce sont 13,7 % des employeurs du secteur privé qui seront touchés par la contribution obligatoire en 1998. Leur masse salariale représente 84,6 % de la masse salariale du secteur privé. Or, la contribution sera déductible dans le calcul de l'impôt sur les profits. Comme le taux d'imposition au fédéral et au provincial augmente en fonction de la taille de l'entreprise, on risque d'observer le même phénomène que celui qui prévaut pour les contributions à des REER, alors que les économies d'impôt sont plus importantes pour les particuliers à revenus élevés. L'impact du seuil de 250 000 $ fera que le fardeau fiscal des PME accroîtra davantage que celui des grandes entreprises.

La proposition initiale qui avait été soumise à la Conférence et qui a fait l'objet de discussions prévoyait une exemption de 100 000 $ pour les employeurs dont la masse salariale ne dépassait pas 1 000 000 $. Ainsi, le taux effectif de contribution s'élevait graduellement, comme le démontre un tableau qu'on vous a fourni. Cette proposition, selon nous, a trois avantages. D'une part, elle diminue les facteurs qui pourraient inciter les entreprises à la multiplication des raisons sociales. D'autre part, elle n'a pas l'impact régressif que la proposition d'exclusion pour les entreprises ayant une masse salariale de moins de 250 000 $ comporte. Enfin, ce sont 53 000 entreprises qui seraient touchées par la contribution obligatoire, soit 40 % de plus que l'actuel projet de loi. La CSD recommande bien sûr que le projet de loi soit amendé pour remplacer l'exclusion de 250 000 $ par une exemption de 100 000 $ pour les entreprises ayant une masse salariale de 1 000 000 $ et moins avec application progressive de la contribution.

Les versements effectués par l'employeur à une association sectorielle ou régionale, un comité paritaire ou un autre organisme reconnu par la SQDM en vue de la mise en oeuvre d'un plan de formation agréé par cette dernière seront des dépenses de formation admissibles selon les conditions qui restent à fixer par la SQDM. Or, la CSD est en accord avec cette disposition et recommande au gouvernement, pour assurer la même transparence que celle exigée de la part de la SQDM, que ces organismes soient tenus à des mesures de contrôle et de suivi. Le projet de loi prévoit qu'un comité créé au sein de l'entreprise sera consulté sur le plan de la formation. En particulier à l'article 6.3°, il est prévu ceci: «...la formation dispensée dans le cadre d'un plan de formation établi à l'égard d'une entreprise, d'un ministère ou d'un organisme public dans les conditions prévues par règlement de la SQDM, après consultation d'un comité créé au sein de l'entreprise, du ministère ou de l'organisme dont la composition obéit aux règles déterminées par règlement de la SQDM...»

Dans le communiqué de presse, on était beaucoup plus confortable avec la déclaration qui disait: «L'entreprise qui souhaite recourir à des activités de formation sur le tas sera également habilitée à le faire en intégrant tout simplement celle-ci dans un plan de formation élaboré conjointement avec les travailleuses et les travailleurs.»

La CSD estime, Mme la ministre et membres de la commission parlementaire, qu'il ne s'agit pas seulement de consulter les travailleuses et les travailleurs sur le plan de formation de l'entreprise. Il s'agit plutôt de la reconnaissance de la formation sur le tas comme formation admissible, si elle est prévue dans un plan de développement des ressources humaines élaboré et réalisé conjointement avec les travailleuses et les travailleurs. Bien que la CSD croit que la formation sur le tas est essentielle, elle doit faire partie d'un tout, et les travailleuses et les travailleurs peuvent définir celui-ci. Nous recommandons que l'article 6.3° soit modifié pour préciser le rôle décisionnel du comité sur le plan de formation.

(20 h 30)

Enfin, l'article 5 du projet de loi évoque la possibilité de l'octroi d'un congé de formation. Le droit à un tel congé n'est toujours pas balisé au Québec. Parmi des mesures susceptibles d'encourager et d'accroître l'accès à la formation via le réseau régulier, le congé-éducation est un instrument essentiel. Pour que cette mesure soit attrayante, elle doit cependant s'appliquer à l'ensemble des cours et programmes de formation disponibles. Le support financier lié au congé-éducation doit compenser les pertes de revenus de travail.

Or, un simple programme est cependant insuffisant s'il n'est pas complété par un régime de droits particuliers prévu par la Loi sur les normes du travail. Ce régime doit prévoir, tel que ça a déjà été discuté, entre autres, à la Conférence permanente, le cadre à l'intérieur duquel la travailleuse et le travailleur pourront se prévaloir de ces droits. Ce cadre doit indiquer les conditions de l'exercice du droit au congé-éducation et les conditions minimales de retour en emploi. Sans un tel régime, le retour aux études est un privilège réservé aux élites ou à ceux et celles qui se verront consentir cette opportunité par l'employeur au mépris, dans bien des cas, du droit du salarié qui, en vertu de son ancienneté, peut prétendre à des emplois qu'offre l'entreprise.

Nous revendiquons bien sûr que le droit au congé-éducation soit établi clairement et qu'aucune restriction ne vienne toucher le type de formation que désire recevoir celui ou celle qui se prévaudra de ce congé. Les conditions minimales d'exercice du congé et de retour en emploi doivent également être contenues dans la Loi sur les normes.

Enfin, le projet de loi confie à la Commission de la construction du Québec la perception et l'administration des contributions des employeurs couverts par le décret, bientôt par des conventions collectives. Alors, le conseil d'administration aura la responsabilité de gérer ces sommes.

La Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction prévoit que les questions concernant la formation relèvent du mandat du Comité sur la formation professionnelle dans l'industrie de la construction, une espèce de comité paritaire qui avise, en fait, la Commission.

Afin que les partenaires patronaux et syndicaux soient les seuls responsables de la gestion des contributions pour la formation dans ce secteur – parce qu'on connaît la composition, quand même, de la Commission de la construction – au même titre que les comités sectoriels dans d'autres industries, la CSD recommande que la loi stipule que le conseil d'administration ne puisse disposer des sommes pour la formation que sur recommandation du Comité sur la formation professionnelle dans l'industrie de la construction, plus communément appelé le CFPIC. Ainsi, les parties seront responsables de la gestion de la formation dans l'industrie de la construction.

Conclusion. Le projet de loi 90 répond, selon nous, à l'urgence de stimuler l'effort de formation au Québec. Il constitue un pas vers l'établissement d'une véritable culture de la formation au profit des entreprises de demain qui veulent prétendre au succès et à l'impératif de maintenir et créer des emplois de qualité.

Alors, la CSD souhaite que les propositions qu'elle formule afin de l'enrichir et de lui permettre d'atteindre ses objectifs plus efficacement soient retenues. Il est temps de cesser de tergiverser pour passer à l'action. Il faut investir dans l'avenir et fournir aux travailleuses et travailleurs du Québec l'opportunité de développer leur employabilité et leurs compétences. C'est la condition nécessaire pour leur procurer l'occasion d'être les artisans du développement d'entreprises compétitives qui génèrent des emplois de qualité et une économie dynamique. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup. Alors, nous allons débuter nos échanges. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, merci, M. le président Gingras, M. Fournier qui êtes président du Syndicat des travailleurs de la construction – je reviendrai d'ailleurs, M. Gingras, à ce que vous suggérez – et M. Tremblay qui êtes responsable de la recherche. J'ai dit d'ailleurs à mes collègues du Conseil des ministres, au moment où je déposais le mémoire qui recommandait le dispositif qu'on retrouve dans le projet de loi 90, que la formation sur le tas, la formule qui en avait été trouvée était celle-là même que vous m'aviez suggérée à l'occasion de la consultation qui a été faite auprès de tous les partenaires du marché du travail. Et je comprends que vous insistez sur le fait que cette formation sur le tas est nécessaire. Vous m'en aviez d'ailleurs démontré l'utilité puis la pertinence avec des moyens concrets, là.

J'aimerais peut-être que vous les repreniez pour le bénéfice des membres de la commission. Mais, effectivement, vous avez raison, comme l'entreprise a le choix de procéder en matière de formation auprès d'une institution d'intérêt public, ou auprès d'une firme, ou auprès d'une association sectorielle qui a un plan de formation, ou d'un comité paritaire, ou d'un tout autre organisme qui aurait fait valider un plan de formation qui l'intéresse, quand on a ajouté la possibilité d'acquitter l'obligation du 1 % en faveur d'une formation sur le tas, c'est qu'il fallait que cette formation soit conjointement planifiée avec les employés. Alors, vous avez tout à fait raison de dire que ça va nécessiter un resserrement dans la rédaction de la loi pour que cela soit plus clairement exprimé que ça ne l'est présentement, puisque, de toute façon, l'entreprise aura, avant d'arriver à cela, bien d'autres moyens à sa disposition et qu'elle n'arrivera à la formation sur le tas que dans la mesure justement où elle n'aura pas d'autres factures ou preuves à présenter que celle du plan conçu avec ses employés. J'insiste pour peut-être vous rappeler que ce plan local de formation dont il est question, ça n'en est pas un qui a à être validé par un tiers quelconque. Ce n'est pas la SQDM qui le valide, ce sont les employés. Je pense que vous l'aviez bien compris d'ailleurs, parce que c'est vous qui me l'aviez proposé.

Alors, vous nous dites, à la page 5 de votre mémoire: «Malheureusement, bien que le discours sur la nécessité de faire de la formation fait pratiquement l'unanimité, on ne peut en dire autant des pratiques des entreprises.» Je sais que votre expérience est assez éloquente à cet égard, mais vous avez aussi participé, comme organisation syndicale, à de belles expériences. Je pense à Weston en particulier. J'aimerais peut-être que vous nous la rappeliez, parce que je comprends que, dans le dossier de Weston, il s'agissait justement à la fois de formation initiale et à la fois de formation reliée à l'emploi. Alors, je vous laisse peut-être le soin de le préciser.

M. Gingras (Claude): Écoutez, il est certain que les plus belles expériences qu'on a vécues, ça a été des expériences où on n'a pas nécessairement fait appel aux systèmes de formation qui existait dans leur forme actuelle, parce qu'on prétend que, même s'il y a des efforts qui sont faits pour essayer quand même de répondre aux besoins par la formation traditionnelle, notre plus grand constat, c'est celui de s'apercevoir que, dans les milieux de travail, on n'est pas capables, avec ces systèmes-là, de répondre à nos véritables besoins. Et, quand arrivent des situations comme celles qu'on a vécues – entre autres, vous citez l'exemple de Weston – quand arrivent des entreprises qui font appel à une technologie tout à fait novatrice, pour ne pas dire pratiquement exceptionnelle, dans le secteur des boulangers, où on décide de partir d'une entreprise qui est très traditionnelle pour s'en aller dans ce qu'on appelle la plus fine pointe de la technologie en matière de boulangerie, je vais vous dire une chose, les devoirs à faire sont énormes, et les constats qu'on fait, à ce moment-là, sur la préparation des travailleurs à vivre de tels changements sont incroyables.

Alors, le premier constat qu'on fait, quand on regarde les ressources, c'est que, bon, on constate qu'il y a 33 % d'analphabètes avec qui on doit faire cette transformation-là. On constate également que les niveaux de formation varient d'une personne à l'autre et qu'il n'y a plus pratiquement aucune opération de l'entreprise qui va être manuelle; on s'en va sur des opérations toutes informatisées. Donc, personne ne va pouvoir ignorer l'informatisation, personne ne va pouvoir ignorer devoir compter, devoir lire des choses, parce qu'ils vont avoir à manipuler des ordinateurs. Or, ça, je vous dis que, quand tu arrives devant un constat comme celui-là, tu regardes d'où tu pars et où il faut que tu arrives, puis que, si tu ne réussis pas cette opération-là, c'est que, demain matin, tu n'as plus d'emploi, tu vas être soit déqualifié de ton travail ou, si tu réussis à t'adapter, tu vas pouvoir conserver possiblement un emploi, pour ceux qui vont pouvoir le conserver... Il est bien sûr que l'entreprise qui s'est transformée de cette façon-là, ce n'était pas nécessairement dans l'objectif de conserver tous les travailleurs qui faisaient la même tâche auparavant d'une façon traditionnelle. C'est qu'on voulait être plus efficace, on voulait être plus performant, on voulait être plus compétitif. Donc, s'assurer d'une place dans le marché de demain, c'est ça qui était l'objectif de la transformation.

(20 h 40)

Bien sûr, les travailleuses et les travailleurs qui étaient présents, ça a été un drame pour eux de voir l'enjeu qui était là, puis, si on ne faisait pas le bon choix, bien, ça signifiait la perte considérable d'emplois. Alors, les travailleurs ont fait des choix, puis l'employeur, heureusement – ça, c'est un cas, c'est un exemple merveilleux – dans ce cas-là, a décidé de miser sur sa main-d'oeuvre en place, alors que la réalité nous oblige à constater que, dans bien des cas, on ne prend pas la peine de miser sur la main-d'oeuvre en place. On dit: Celle qui est en place n'est pas qualifiée, c'est trop lourd la tâche de les adapter, il y a trop de choses à faire, il faut partir de l'alphabétisation avant d'arriver à leur apprendre à compter et à écrire et puis, après ça, à leur apprendre également à assumer techniquement leur emploi éventuel, alors on est peut-être mieux d'engager des nouveaux et de tout mettre ça dehors, pour régler nos problèmes.

Alors, écoutez, c'est ce genre d'expérience là qu'on vit et c'est à ça qu'on est confronté dans les milieux de travail, et ça, c'est la triste réalité avec laquelle on a à composer. Ça, ça en est un exemple. Mais, ces exemples-là, on les a à la douzaine dans beaucoup d'autres entreprises. Quand on importe, dans l'industrie du meuble, des technologies allemandes qui sont des technologies à succès actuellement pour assurer la compétitivité des entreprises, je vais vous dire une chose, nos gens ne sont pas nécessairement préparés à travailler avec ce genre de technologie là, puis ils sont dans la même situation que les employés de Weston, et, souvent, on est obligé de partir de loin pour arriver à notre objectif.

Alors, je pense qu'on n'a pas le droit de tolérer que cette situation-là perdure et demeure. Je pense qu'il va falloir qu'on arrive à régler des grands enjeux. Comme l'alphabétisation des travailleurs, à un moment donné, il va falloir qu'on arrête de faire ça à la pièce. À un moment donné, il va falloir qu'on mette un effort plus soutenu; il va falloir aussi qu'on essaie de développer la formation générale de nos gens pour que, ces gens-là, on ne soit pas obligé de faire des programmes sur mesure à chaque fois qu'on a à régler des situations de transformation de nos entreprises.

Mme Harel: Ça, M. Gingras...

M. Gingras (Claude) : Oui.

Mme Harel: ...vous nous recommandez, dans le mémoire, de favoriser la transférabilité de la formation qualifiante et vous êtes, par ailleurs, aussi, favorable à la formation sur le tas qui ne favorise pas pour autant la diplomation ou la formation qualifiante. Est-ce que vous le voyez comme une contradiction ou comme une façon d'y arriver?

M. Gingras (Claude): Bon. On le voit comme une façon d'y arriver, parce que la formation sur le tas, à notre avis, c'est une formation qui est disponible dans certains milieux de travail et qui permet à des personnes d'acquérir des compétences directement dans le milieu du travail, pas nécessairement par des formations institutionnelles ou des formations prises à l'extérieur, dans le cadre d'un programme précis de formation.

Prenez des soudeurs dans une entreprise, on est capable de former des soudeurs dans une entreprise par un programme structuré puis un programme de compagnonnage, à un moment donné, de personnes. On peut arriver à une certaine formation. Il s'agit de mesurer cette formation-là qui a été acquise et puis de lui assurer une transférabilité après. Mais ça existe, et, à mon avis, c'est souvent des exemples de la meilleure formation qu'on peut obtenir parce qu'elle est en fonction des besoins véritables de l'entreprise et puis qu'elle est centrée sur ces besoins-là.

Or, dans ce sens-là, elle est peut-être moins large, mais elle conduit quand même au même résultat. Et, dans ce sens-là, pour nous, elle est importante. Peut-être un complément de réponse de la part de mon collègue, confrère Louis Tremblay.

M. Tremblay (Louis): Si vous permettez. L'exemple qu'on citait sur l'industrie du meuble qui achète une technologie allemande; les Allemands viennent, installent la technologie, forment quelques relayeurs dans l'entreprise, donnent des cours théoriques à tous les travailleurs qui vont avoir à travailler sur la machine. Sauf que les Allemands sont là un bout de temps, puis, en cours d'emploi, il est nécessaire de faire des mises au point. Les relayeurs, ceux qui ont eu la formation la plus complète sur la machine forment sur le tas, en cours d'emploi, les travailleurs. Donc, c'est un complément, mais ça fait partie d'un tout, un tout qui implique la préformation, la formation sociale chez nous, qu'on appelle, la formation en communication, pour le travail d'équipe, la résolution de problèmes, qui sont des connaissances qui, quant à nous, sont transférables. Mais ça implique aussi, pour compléter la formation, une formation sur le tas qui, elle, est pointue et non transférable.

Mme Harel: Alors, je comprends que vous travaillez d'ailleurs, M. Gingras, je pense, au sein de la SQDM sur un projet de régime d'apprentissage.

M. Gingras (Claude): Exact.

Mme Harel: Et je comprends que, dans les jours, sinon les semaines immédiates, on pourra articuler, je pense, un projet de régime d'apprentissage qui viendra assurer une autre filière de reconnaissance de compétences que ce qu'on connaissait par la filière traditionnelle de la scolarisation du métier. On arrêtera de seulement offrir la scolarisation du métier, mais on pourra offrir l'environnement du métier dans l'apprentissage du métier. C'est le cas, je crois, hein?

M. Gingras (Claude): C'est exact. Il existe quand même certaines expériences d'apprentissage dans des régimes de qualification qu'on a au Québec, mais c'est très timide. On a quelques programmes dans le secteurs de l'automobile, il en existe un peu dans le secteur de la construction, ce qu'on appelle la qualification transférable, un peu, dans le cadre de programmes d'apprentissage. Je pense qu'on a intérêt à élargir ce système-là qui vise à qualifier des gens et à leur donner une formation qui est transférable, de façon à ce que tout ne soit pas à recommencer à chaque fois dans les milieux de travail. Parce que, comme on n'a pas d'outils de mesure pour assurer cette qualification-là de quelque façon, c'est qu'il n'y a pas une reconnaissance parce qu'il n'y a personne qui peut se fier à rien dans le contexte actuel, sauf dans les régimes où il existe des régimes d'apprentissage. Mais on s'aperçoit que c'est vraiment performant dans ces secteurs-là et que les entreprises qui ont des régimes d'apprentissage font appel en toute confiance à la main-d'oeuvre qui est formée et qualifiée dans le cadre de ces régimes d'apprentissage là.

Mme Harel: On s'était beaucoup parlé, nous, des UEC, des Unités d'éducation continue, qui est un système de quantification des apprentissages qui semble se développer. Il y a la Société de formation et d'éducation continue qui est venue nous présenter son projet, et je crois que ça va certainement, en tout cas, se propager, j'ai l'impression, assez rapidement.

Vous nous recommandez, si tant est que de l'argent s'accumulait dans le fonds, qu'il soit prescrit que cet argent soit redistribué aux entreprises qui font plus de 1 %. Et je sais que ça part d'un bon naturel. En fait, vous dites: Une prime à ceux qui font bien les choses. Mais le danger est le suivant: les entreprises qui en font le plus, ce sont souvent les très grandes entreprises. Par exemple, dans la tournée récente que j'ai pu faire, moi, des grandes papeteries, des grandes entreprises minières m'ont dit faire 4 %, parfois 5 %, parfois jusqu'à 7 % de formation. Alors, c'est donc pour elles qu'il y aurait une prime, si vous voulez, et c'est ce que nous révèlent, quand on regarde de près, les études menées sur les expériences européennes. Les fonds accumulés souvent ont servi à financer des entreprises qui étaient déjà parmi les plus performantes.

Est-ce que, à l'inverse, il ne serait pas plus intéressant que, si tant est qu'il n'était pas à sec complètement, malgré tous les moyens qu'on a pris pour qu'il soit dépensé autrement, dans un comité paritaire, une association sectorielle, une association régionale, le fonds serve, si vous voulez, à former ceux qu'on appelle les exclus dans notre société?

M. Gingras (Claude): Écoutez, on n'écarte pas cette possibilité-là, mais on se dit qu'il doit y avoir des incitatifs. On propose deux avenues, en fait. On vous dit, un: Est-ce qu'il n'y aurait pas une partie de cet argent-là qui pourrait devenir un incitatif à la formation ou peut-être pour donner un encouragement à ceux qui veulent dépasser la barrière psychologique du 1 %? Est-ce qu'on ne pourrait pas en affecter une partie à ça?

Puis, la deuxième recommandation qu'on vous formule, on vous dit: Bon, pour tout excédent d'une compensation de cette contribution-là à la formation, pourquoi on ne garderait pas l'incitatif qui existait, là, le crédit d'impôt à la formation? En fait, je pense qu'il faut développer une culture de la formation dans nos entreprises, et on n'est pas convaincu à la CSD...

Je suis d'accord avec vous qu'actuellement c'est les grandes entreprises qui font de la formation, qui investissent le plus en formation et, donc, selon la réalité actuelle, qui pourraient peut-être en profiter le plus. Mais, à mon avis, je ne sais pas si on évalue mal la situation, mais on croit que, dans un programme qui inciterait les entreprises – et je pense que la loi va dans ce sens-là – cette réalité-là va changer. On croit que cette réalité-là va changer et on croit que plus on va mettre d'incitatifs, pour la PME, de se soucier de cette question-là, plus on va changer la réalité que c'est les grandes entreprises uniquement qui font de la formation. On pense que c'est ça, et, actuellement, les petites entreprises n'en font pas et souvent parce qu'elles se disent: On n'a pas les moyens de le faire. Or, si on a des incitatifs pour les encourager à le faire, bien, à ce moment-là, au moins, on a des outils avec lesquels on peut travailler vis-à-vis des petites et moyennes entreprises.

(20 h 50)

Mme Harel: Vous savez que le crédit d'impôt a été déjà annoncé, dans le discours du budget, par le ministre des Finances, pour l'ensemble des entreprises, au fur et à mesure où elles sont assujetties au 1 %. Elles en sont exclues, c'est certain, mais le crédit d'impôt reste accessible à toutes les autres, y compris à celles qui ont un seuil de moins de 250 000 $ pour les inciter, finalement, à en faire. Parce que ça reste un cadeau, le crédit d'impôt remboursable aux entreprises qui ne paient pas d'impôt et qui peuvent quand même se faire rembourser les dépenses.

Mais je m'en voudrais de ne pas vous parler de construction, parce que vous êtes les premiers qui nous en parlez.

M. Gingras (Claude): Oui.

Mme Harel: Et je comprends que, vous, ce que vous souhaitez, c'est, oui, de maintenir que la contribution déjà versée est l'équivalent de ce qui est réclamé dans le 1 %, mais que ce soit géré non pas par le conseil d'administration, mais par le Comité sur la formation professionnelle dans l'industrie de la construction. Et je comprends que, ça, ce n'est pas l'autre comité qui avait été mis sur pied pour gérer un fonds sur lequel il y a présentement une injonction.

M. Gingras (Claude): Pas du tout.

Mme Harel: Ça, c'est le comité prévu dans loi, Comité sur la formation professionnelle dans l'industrie de la construction.

M. Gingras (Claude): Exact, parce qu'on ne pourrait pas proposer l'autre, on était parmi les exclus de ce comité. Alors, je vous assure que, comme on est présent sur le Comité sur la formation professionnelle, on préfère que ce soit centralisé là, parce que les parties sont effectivement toutes présentes au niveau du CFPIQ.

Mme Harel: Puis j'aimerais bien vous entendre sur le fait, par exemple, qu'on devrait confier au Comité sur la formation professionnelle... En fait, il s'agirait d'un amendement, là, au projet de loi actuel. Quelles seraient les bonnes raisons que vous nous donneriez pour procéder ainsi?

M. Gingras (Claude): Écoutez, au départ, la première raison, c'est celle de vraiment centrer l'utilisation et la gestion de la formation professionnelle sur les parties elles-mêmes. On sait que la composition de la commission de l'industrie de la construction, c'est un peu une composition tripartite. Ce n'est pas nécessairement uniquement les parties qui sont là, la partie gouvernementale est là aussi. Alors, pour que ce soit un peu...

Mme Harel: En quoi peut-elle nuire?

M. Gingras (Claude): Bien, écoutez, on croit que de confier, peut-être, à des tiers, le soin de décider de l'avenir, ça va à l'encontre de la responsabilisation des parties. Alors, c'est un peu dans ce sens-là. Et, en même temps, c'est que ça vient probablement changer la façon de faire aussi, parce que, ce qui nous inquiète – je vais vous le dire – c'est que, au CFPIQ, on ne règle pas les problèmes, en sachant qu'on va peut-être les régler à un autre niveau. Comprenez-vous, là? C'est qu'on bloque systématiquement des discussions puis la résolution de certaines choses au niveau du CFPIQ, en se disant: Bien, la Commission va trancher, puis, à ce niveau-là, on réglera des choses. Alors, ça, ça nous inquiète. Puis je vous dis que ce n'est peut-être pas la façon idéale de responsabiliser des parties au niveau de la Commission de la construction du Québec.

Le Président (M. Facal): Merci, M. Gingras.

M. Gingras (Claude): M. Fournier aimerait peut-être ajouter...

Le Président (M. Facal): Oui, oui, oui.

M. Gingras (Claude): ...parce qu'il est du secteur de la construction. Peut-être...

Le Président (M. Facal): Oui, c'est-à-dire que le temps consacré au groupe ministériel est terminé. Donc, vous ferez votre intervention, et je vous inviterais à essayer de ramasser toutes vos idées, là, pour... Je vous en prie, oui?

M. Fournier (Michel): Pas de problème. En complément, ce que j'aimerais ajouter, parce que je siège au comité de formation dans l'industrie de la construction, c'est qu'en 1987 la Commission de la construction s'est vue confier le mandat de former la main-d'oeuvre de l'industrie de la construction. Et, à partir de ce moment-là, le comité de formation a tout mis en oeuvre pour remettre sur les rails un système de formation, peut-être déficient, pour les travailleurs de la construction.

Le comité de formation a créé des instances, des sous-comités, des sous-comités de métiers, des sous-comités professionnels. Ces gens-là de métiers ont refait l'ensemble des cours de formation professionnelle donnés dans l'industrie de la construction. Ça a pris quatre ans à prendre son envol.

Moi, je suis arrivé là justement après ce fameux quatre ans, et, depuis quatre ans – depuis huit ans maintenant – que je participe au comité de formation, il s'est fait des choses incroyables. On a maintenant une place dans les écoles. On siège sur des comités de gestion. Il y a des écoles dédiées à la formation professionnelle dans l'industrie de la construction. Le comité sur la formation est organisé. Ça va très bien. On fait des recommandations au conseil d'administration. Jamais, dans les quatre dernières années, je n'ai vu le conseil d'administration revenir et redemander au comité de formation de refaire ses devoirs. Ça fait qu'on ne voudrait surtout pas que le conseil d'administration gère ces sommes-là à d'autres fins que la formation. C'est pour ça qu'on a demandé à la CSD d'intervenir dans le dossier au niveau de l'industrie.

Le Président (M. Facal): Merci beaucoup, M. Fournier. Alors, nous allons maintenant passer à l'échange entre vous et l'opposition. M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, M. le Président, dire que nous accueillons avec le plus grand intérêt la contribution de la CSD. Nous y reconnaissons son caractère pragmatique, son sens pratique, droit au but, des suggestions concrètes. C'est très apprécié pour nous éclairer dans le débat.

Je voudrais revenir sur quelques énoncés pour échanger avec vous. À la page 2 de votre mémoire, vous énoncez environ une douzaine de caractéristiques de la formation. La première, vous dites: «être développée dans la concertation». Est-ce que vous avez le sentiment, à ce stade-ci, et dans un avenir prévisible – deux ou trois semaines avant l'adoption de la loi – que nous sommes dans un contexte où la concertation souhaitable est atteignable?

M. Gingras (Claude): Bien, ça dépend. Si vous me parlez de faire l'unanimité avec toutes les parties qui représentent actuellement les gens... On est au courant qu'il y a beaucoup d'associations patronales qui s'érigent un peu contre l'objectif du projet de loi. Bien, à notre avis, si c'est ce genre de concertation là... Mais, pour nous autres, c'est plus la concertation dans les entreprises qui nous intéresse. Parce que la concertation des groupes, c'est à souhaiter, à mon avis, mais la réaliser, ça semble assez difficile.

Mais, je vais vous dire une chose, c'est que les expériences qu'on vit quand on capable de s'asseoir, la partie syndicale, la partie patronale, dans les entreprises et de s'entendre sur les plans de formation, sur les objectifs à atteindre, et tout ça, sur le plan d'entreprise et ce qu'il faut faire pour le réaliser, c'est les plus belles expériences de concertation. Et ça, ça a l'avantage d'informer les travailleurs sur le projet d'avenir de l'entreprise, sur ses besoins futurs et également sur le fait que l'entreprise compte les réaliser avec la participation de ses travailleurs. Alors, c'est dans ce sens-là que, nous autres, on parle d'«être développée dans la concertation».

M. Charbonneau (Bourassa): Vous vous référez plutôt, à ce moment-là, à la dynamique au niveau d'une entreprise qu'à la concertation entre les grandes organisations à un certain niveau.

M. Gingras (Claude): Je vous ai dit, elle est souhaitable, mais je vais vous dire que, quand j'entends le discours rétrograde de certaines associations patronales, je suis devenu méfiant sur ce genre de concertation parce que, à mon avis, ce n'est pas là où on fait les plus grandes réalisations.

M. Charbonneau (Bourassa): Par contre, dans la dynamique du projet de loi 90, les questions embarrassantes, elles sont référées au conseil d'administration de la SQDM pour être tranchées sous forme de règlement. Donc, si on a réussi à les contourner en juin, vous allez vous retrouver confronté à les régler sous un certain mode au conseil d'administration de la SQDM dans quelques mois.

M. Gingras (Claude): Je vous avoue que c'est une partie qui nous inquiète un peu, mais, en même temps, on est prêt à faire l'exercice. En tout cas, on est prêt à faire l'exercice et à voir... C'est parce que, essayer de tout régler ça dans un projet de loi, aussi, ça semble être assez périlleux. En tout cas, au départ, ça semble être assez périlleux. Le faire graduellement dans le cadre d'un organisme comme la SQDM, qui a été créé quand même pour que les partenaires regardent ensemble de quelle façon ils veulent s'adresser aux défis de l'avenir, bien, écoutez, on est prêt à faire un essai loyal.

Je ne vous dis pas qu'on a une confiance inébranlable et absolue dans les résultats, à ce moment-ci. On vit beaucoup d'espoir et d'espérance qu'on va réussir à convaincre nos vis-à-vis de la nécessité de faire les bons gestes et de passer à l'action. Mais, écoutez, on est prêt à faire l'exercice et on est prêt à faire ce qu'il faut. Mais ça ne nous empêchera pas, même si on ne réalise pas tous nos objectifs, de continuer de le faire au niveau de chacune des entreprises prises individuellement. Et c'est là qu'on a eu le plus de succès à venir jusqu'à maintenant.

M. Charbonneau (Bourassa): D'accord. De toute façon, quiconque connaît un peu la dynamique des lois et des règlements sait bien que la plupart des lois sont mises en oeuvre à travers un certain nombre de règlements. Mais il y a un dosage aussi. Il faut quand même que la loi clarifie un certain nombre d'enjeux essentiels.

N'en est-il pas ainsi à propos de la définition de la formation professionnelle? Page 9 de votre mémoire, vous avancez, vous, une définition. Est-ce qu'il ne serait pas souhaitable que la loi clarifie au moins ce que c'est, la formation dont on parle?

Mme Harel: C'est dans la loi.

M. Charbonneau (Bourassa): À quel article?

M. Gingras (Claude): D'ailleurs, c'est le souhait qu'on a formulé. D'ailleurs, dans les échanges qu'on a eus, les échanges préalables, c'est qu'on voulait clarifier la définition de la formation pour qu'elle inclue quand même... Mais la ministre semble être convaincue que ça inclut toutes ces...

(21 heures)

M. Charbonneau (Bourassa): Ce qui m'intéresse, moi, c'est vous. Êtes-vous convaincu que la loi...

M. Gingras (Claude): Non, on n'est pas convaincu. D'ailleurs, c'est pour ça qu'on en fait part...

M. Charbonneau (Bourassa): C'est ça.

M. Gingras (Claude): ...et on pense que la définition de la formation professionnelle doit être élargie à tout ce qui est nécessaire pour faire en sorte que la personne soit préparée techniquement à bien assumer son rôle, partant de l'alphabétisation.

M. Charbonneau (Bourassa): C'est ça. C'est une préoccupation que nous avons. Nous l'avons exprimée à maintes reprises et plusieurs de nos interlocuteurs ont dit la même chose. Il faudrait au moins définir l'essentiel. C'est sûr qu'il y a des bribes de définition. Il y a des espèces de référence. Oui, on peut se faire une idée du profil, mais l'objet lui-même n'est pas vraiment défini, si bien que tout le monde vient ici et il voit différentes choses.

Et on dit: Ce sera défini plus tard, de toute façon, à la SQDM. Il y a un danger, là. Nous attirons l'attention de la ministre là-dessus, et vous vous faites bien de revenir là-dessus à la page 9 de votre mémoire. Si c'est pris en considération, ça va aider tout le monde.

Une autre question. Les dépenses admissibles. Les dépenses admissibles, vous dites à la page 3: «Seuls les salaires versés et les autres dépenses encourues par les travailleuses et les travailleurs en formation doivent être considérés comme des dépenses en formation admissibles.» Et vous clarifiez votre pensée, page 7, page 10. Si on comprend bien, il y aurait des amendements que vous souhaitez à la loi à cet égard-là parce qu'il y a plusieurs autres choses qui sont admissibles.

Ici, si on regarde 6.4°, l'élaboration des plans de formation, c'est admissible. Si on regarde un peu plus loin, l'acquisition d'équipement, l'aménagement de locaux, etc. Vous avez des réserves là-dessus, n'est-ce pas?

M. Gingras (Claude): Oui, on a des réserves sur ça. Alors...

M. Tremblay (Louis): Sur 6.4°, l'élaboration du plan, écoutez, ça, on est d'accord que ce soit dedans parce qu'on veut que ce soit élaboré conjointement. Donc, on est prêt à admettre que ce soit une dépense admissible. Sur la préparation des locaux, bien, si c'est des locaux pour les travailleurs, pour la formation des travailleurs, il n'y a pas de problème là-dessus.

Là où on accroche, c'est quand il y a des prêts d'équipement au réseau de l'éducation. Et, là-dessus, on est prêt à accepter qu'il y ait une contribution plus élevée que 1 %, peut-être 0,1 %, 0,2 % qui soient prévus spécifiquement pour l'apprentissage, pour les stagiaires ou autres.

M. Charbonneau (Bourassa): Pour stagiaires et apprentissage, pas de problème?

M. Tremblay (Louis): Oui, entre autres.

M. Charbonneau (Bourassa): Parce que c'est formulé en disant: «Seuls les salaires versés et les dépenses encourues...»

M. Tremblay (Louis): Oui, pour le 1 %, mais on est prêt à accepter que ce soit 1,1 % ou 1,2 % – le dixième ou les deux dixièmes supplémentaires – qui soit prévu pour le réseau de l'éducation pour des stagiaires.

M. Charbonneau (Bourassa): Donc, le 5 vous convient. Le 5 tel qu'il est là, c'est-à-dire au bénéfice du personnel, y compris les apprentis et les stagiaires, pas de problème avec ça.

M. Tremblay (Louis): Si les apprentis, c'est des travailleurs de l'entreprise, oui.

M. Gingras (Claude): Oui, aucun problème.

M. Tremblay (Louis): Mais le stagiaire, par définition, ce n'est pas encore un travailleur, c'est un étudiant qui vient faire des stages.

M. Gingras (Claude): C'est exact.

M. Tremblay (Louis): Ce serait à préciser le statut du stagiaire, oui.

M. Charbonneau (Bourassa): Ça, vous n'êtes pas d'accord pour le financement de.

M. Gingras (Claude): Si c'est un stagiaire de l'entreprise, parce que, à un moment donné, dans le cadre de son programme d'apprentissage ou de son programme de formation, il vient faire un stage dans sa propre entreprise, écoutez, ça, c'est différent.

M. Charbonneau (Bourassa): O.K. Les congés de formation, là, vous avez marqué votre point de vue, à la condition qu'il y ait un cadre et que ce cadre se retrouve, par exemple, dans la loi sur les normes. C'est ce qu'on a compris là-dessus.

M. Gingras (Claude): C'est ça.

M. Charbonneau (Bourassa): Toujours à la page 3. Les sommes perçues grâce à la contribution obligatoire, si elles dépassent 1 %, vous dites qu'elles sont retournées aux entreprises, mais vous dites aussi que ça pourrait être sous forme du maintien du crédit d'impôt. C'est là que vous avez dit qu'il y avait deux voies possibles.

M. Gingras (Claude): Oui, c'est ça. C'est que, nous autres, on dit: Bon, il y a peut-être une partie de l'argent qui va être accumulé au niveau du fonds de formation, qui pourrait être retourné aux entreprises qui investissent et qui font un dépassement, au niveau du 1 %, à titre d'incitatif. Et, bon, le supplément pourrait continuer d'être couvert par le crédit d'impôt qui existait comme mesure incitative. Même si elle n'a pas eu beaucoup de succès, c'est qu'on croit que le mérite du projet de loi ça va être au moins d'un peu forcer la main des entreprises à investir, là, pas uniquement sur le plan de l'incitatif, parce que, écoutez, après quand même le nombre d'années que ce programme-là a été disponible pour les entreprises et le peu d'utilisation qu'elles en ont fait, on ne peut pas dire que juste cette mesure-là va contribuer à créer une véritable culture de la formation professionnelle au Québec.

Alors, c'est pour ça qu'on dit: Bon, un peu d'obligation, ce ne sera pas mauvais, mais je pense qu'on ne doit pas faire disparaître l'incitatif, en plus, d'aller un peu plus loin que le 1 %.

M. Charbonneau (Bourassa): Très bien. Sur le 6.3°, le fameux 6.3°, dont je pense qu'il y en a qui vous reconnaissent la paternité ou l'inspiration, est-ce que c'est vraiment intégral ou s'il ne manque pas quelques doigts au bébé, là, le 6.3°? Si je tiens compte de ce que vous dites à la page 13, on dirait qu'il manque un petit peu de...

M. Gingras (Claude): Oui, bien, c'est parce qu'on y dit: après consultation avec le comité. Et, à notre avis, «consultation» n'est pas un terme assez fort, et il faut absolument qu'on arrive à réaliser, si on veut que le syndicat et les travailleurs soient les chiens de garde de la formation sur le tas, là... Parce que, nous autres, on est d'accord à ce que cette formation-là fasse partie de la formation admissible, cependant il faut absolument qu'elle soit contrôlée, puis on se dit: Qui mieux que les travailleurs qui seraient à ce moment-là appelés à se prononcer sur le programme de formation pourrait déterminer quelle formation sur le tas devrait être éligible dans le cadre d'un programme de formation? Et ça, ce n'est pas seulement à titre consultatif mais à titre décisionnel. Alors, si on veut comptabiliser des dépenses de formation qui font partie d'un programme de l'entreprise, bien, à mon avis, je pense que ça doit recevoir un consentement et non pas uniquement une consultation. C'est dans ce cadre-là qu'on...

M. Charbonneau (Bourassa): Que vous suggérez votre amendement à la page 13.

M. Gingras (Claude): C'est ça, c'est exact.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, ça rend le bébé plus reconnaissable venant d'une proposition d'une organisation syndicale. Qu'est-ce que vous pensez de l'article 17, ceux qui ne paient pas sont libérés de leur...

M. Gingras (Claude): Ça, je vous avoue que...

M. Tremblay (Louis): Article 17...

M. Charbonneau (Bourassa): Oui. Ils sont libérés de leur obligation, de leur responsabilité en matière de formation. On dit que l'objectif du projet de loi, c'est de faire en sorte qu'il y ait de la formation, mais, si tu n'en fais pas, tu paies au fonds, puis tu es libéré de ton obligation. Qu'est-ce que vous pensez de ça?

M. Gingras (Claude): Bien, écoutez, ce n'est sûrement pas dans le sens de l'objectif de la loi. Moi, à mon avis... C'est peut-être un article, là, qui nous a échappé un peu au niveau de l'analyse, mais je peux vous dire qu'en le regardant à sa face même ce n'est sûrement pas une mesure qui vise à encourager. Je comprends qu'à un moment donné un établissement peut peut-être se soustraire, mais je pense que l'objectif de la loi ne devrait pas être de permettre qu'il puisse se soustraire systématiquement et indéfiniment à l'application ou à la responsabilisation en matière de formation. Alors, écoutez, sur ça, je vous avoue que vous soulevez un point qui nous inquiète un peu.

M. Tremblay (Louis): Et, dans ces entreprises-là, on a un rôle syndical à jouer. Celles qui vont payer systématiquement, on va s'assurer, en négociations, à les obliger à dépenser pour la formation. Ça, on est conscient de notre rôle dans les entreprises pour les obliger à dépenser 1 %.

M. Gingras (Claude): D'ailleurs, on a eu un congrès récemment de la fédération du textile et du vêtement, chez nous, qui a réuni tous les syndicats de ce secteur-là, et, eux autres, ils n'ont pas attendu le dépôt de la loi, ils ont adopté déjà une politique de négociation qui... En tout cas, j'ai eu l'occasion de participer à ce congrès-là. J'ai vu qu'ils ont débattu une politique de négociation et qu'ils ont décidé et convenu de définir cette politique-là de la façon suivante: tenter, au niveau de chacun des établissements où on représente des travailleurs, de négocier la constitution d'un comité de formation à l'intérieur de l'entreprise, comité de formation qui serait chargé de la gestion, de la formation et qui, selon nous, forcera probablement l'employeur à faire de la formation et non pas à souscrire à un fonds.

M. Charbonneau (Bourassa): Alors, souhaitons que ça inspire la future négociation. J'aurais deux, trois autres questions; il me reste cinq minutes, il y en a d'autres qui veulent parler. Je vous demanderai juste, à votre estimé, si la ministre vous accordait une définition de la formation, dans la loi, tel que vous le suggérez, si elle vous accordait un comité d'entreprise paritaire avec pouvoir de décision, si elle vous accordait une définition plus restreinte des dépenses admissibles, tel que vous le souhaitez, d'après vous, est-ce qu'on se rapprocherait d'un consensus avec les autres parties ou si on s'éloignerait d'un consensus?

(21 h 10)

M. Gingras (Claude): Bien, écoutez, croire que plusieurs entreprises souhaitent devoir composer avec d'autres pour disposer ou décider de la formation en entreprise, c'est peut-être un peu rêver à ce moment-ci, mais je pense que l'objectif à atteindre, c'est d'associer les partenaires. Vous savez, l'exercice qui se mène actuellement dans les entreprises pour essayer de s'inscrire dans un programme de qualité, tout le monde convient au départ qu'obtenir la certification qualité c'est une chose, mais assurer la permanence de la qualité des produits dans l'entreprise – et ça, votre collègue, l'ancien ministre de l'Industrie et du Commerce doit connaître ça un petit peu – ça demande une association et un partenariat très serrés avec les travailleurs et les travailleuses de l'entreprise. Or, en ce qui nous concerne, c'est bien sûr que la culture de nos entreprises québécoises n'est peut-être pas rendue à ce niveau-là, mais je vous dis qu'elle progresse et je vous dis que les entreprises qui réussissent actuellement à faire de grands pas et à s'installer d'une façon beaucoup plus performante sont celles qui font appel à leurs ressources humaines et celles qui composent avec leurs ressources humaines. Et on en a, des expériences, nous autres, et on en mène sur le terrain, des expériences dans ce domaine-là.

Le Président (M. Facal): Merci, M. Gingras. Est-ce qu'il y a d'autres députés de l'opposition qui voudraient intervenir?

M. Tremblay (Outremont): Ce qu'on aimerait, c'est céder le peu de temps qu'il nous reste à notre collègue, M. le député de Matane, qui aimerait sûrement poser des questions. Je le vois hocher la tête...

M. Charbonneau (Bourassa): On aimerait bien ça.

M. Tremblay (Outremont): On est d'accord de...

Le Président (M. Facal): C'est très généreux de votre part.

Mme Harel: C'est vraiment gentil. Parce que je n'avais qu'un regret, et je remarquais aussi à quel point il participait du point de vue corporel...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Facal): M. le député de Matane.

M. Rioux: Oui. J'ai l'impression de me retrouver en famille ce soir, parce que, s'il y a des gens qui m'ont aidé au cours des 10 dernières années à réfléchir sur l'importance de la formation professionnelle, c'est bien les gens de la CSD avec qui j'ai entretenu, pendant de nombreuses années, des relations assez exceptionnelles. Vous évoquiez le cas de Weston tout à l'heure. On en avait fait, nous, à l'époque, un cas d'espèce, en espérant que ça fasse des petits, mais, évidemment, on a les rejetons qu'on peut.

Je trouve que la CSD ouvre deux pistes, et il va falloir s'arrêter à ça. C'est lorsque la CSD dit qu'il faudrait peut-être encourager ceux qui ont le goût de faire plus et mieux, ce qu'on appelle les excellents. Quand ils parlent du crédit à la formation qu'il faudrait peut-être appliquer pour ceux qui débordent le 1 %, moi, je trouve qu'il y a là une piste extrêmement riche, et il faudrait être bête pour ne pas approfondir cette notion-là. La CSD nous ouvre une belle porte qu'il va falloir examiner.

J'écoutais M. Gingras, de l'Association des manufacturiers, qui est venu plaider haut et fort l'importance de la formation professionnelle et l'obligation de résultats qui était la leur, étant donné la mondialisation des marchés, et combien il était important, pour ne pas dire impératif de se qualifier ISO 9000.

Moi, j'aimerais, dans un premier temps, que vous m'expliquiez – parce que vous avez échappé les mots «culture de la formation»; ça fait vibrer, vous comprendrez bien, ceux qui écrivent et qui réfléchissent là-dedans depuis des années – comment il se fait que la formation professionnelle, qui est rattachée à la qualité des services et des produits et qui a une incidence directe sur les profits des entreprises, ne puisse pas recevoir l'aval du monde patronal. Vous qui connaissez ça mieux que quiconque, j'aimerais ça que vous nous en parliez.

Et ma deuxième question, ce serait sur le comité paritaire, que vous souhaitez décisionnel, et je trouve que, là encore, vous faites preuve d'une agressivité intelligente. Et je vous demanderais comment on va gérer les PME qui, elles, vont probablement aller beaucoup dans la formation sur le tas – ce que vous souhaitez voir accrédité – comment on va travailler avec les PME qui n'ont pas de syndicat et qui n'auront pas de pouvoir à une table pour parler d'égal à égal avec l'employeur? Ça m'inquiète un peu.

M. Gingras (Claude): Vous savez que, nous autres, on favorise la syndicalisation. Alors, si ces travailleurs-là ont besoin d'un encadrement et ont besoin de services, d'appui, et tout ça, bien sûr, on est là, nous autres, pour les soutenir.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gingras (Claude): On est là pour leur fournir cette assistance-là et cette aide technique là, soyez-en assuré. Et, deuxièmement, en ce qui a trait à la position des employeurs, pourquoi ils sont comme ça? Écoutez, moi, le discours traditionnel des employeurs, j'ai un peu de difficultés, là. C'est un peu ce qu'on disait dans notre mémoire, c'est que, dans le discours, ils sont pour la vertu, mais, quand il s'agit de la pratiquer, ils sont moins stimulants. Alors, la formation dans les entreprises, notre constat, c'est que, quand on n'est pas proactif pour les forcer à faire des choses, à travailler avec eux et à les convaincre, au prix d'investissements assez importants, on a de la misère à faire bouger ça et à leur faire comprendre que ça peut faire partie de conditions déterminantes pour assurer l'avenir de l'entreprise. Mais, comme je vous ai dit tout à l'heure, ça progresse, et on pense qu'actuellement les entreprises sont de plus en plus sensibles et de plus en plus... Bon, elles veulent faire des choses en partenariat. Il faut comprendre que l'avenir est à ceux qui vont quand même faire partager le défi de l'entreprise de demain avec leurs travailleurs, avec tous ceux qui sont à l'intérieur de cette entreprise-là. Parce que, si ce n'est pas comme ça que ça se passe, il est certain que les travailleurs, à ce moment-là, ne partageront pas le projet de l'entreprise et ils vont s'en désintéresser, avec ce que ça comporte; c'est que l'entreprise va éventuellement fournir un produit de mauvaise qualité ou va avoir de la misère à s'établir dans son marché.

Nous autres, on ne peut pas assister passifs à cette situation-là ou à cette éventualité-là sans rien faire. Alors, sans projet de loi, nous, à la CSD, on a toujours été proactifs. En tout cas, on a essayé, au niveau de chacune des entreprises, de créer cette conscience-là. On a essayé d'être proactifs. On ne laisse pas les entreprises essayer de disparaître d'elles-mêmes. Alors, on veut jouer un rôle à ce niveau-là et on veut que ces entreprises-là soient quand même conscientes qu'elles jouent avec les emplois de nos travailleurs. Et, quand elles n'acceptent pas de relever les véritables défis et de mettre en place les véritables moyens pour assurer leur avenir, à ce moment-là, elles compromettent non seulement leur avenir, mais également l'avenir de nos emplois. On travaille beaucoup sur cet aspect-là de la situation.

Pour nous autres, le projet de loi force la conscience des employeurs un petit peu dans ce sens-là. À notre avis, ça va être le coup de pouce qui nous manque un petit peu pour en arriver à convaincre. Parce que, des fois, il faut être coercitif. Je vais vous donner un exemple: Demain matin, laissez libres les entreprises, sans législation au niveau de la prévention en santé et sécurité, d'agir dans le champ. Qu'est-ce que vous pensez qu'il va se passer? Bon, faites la même chose pour la formation, et vous allez avoir le même résultat. C'est pour ça que je dis qu'il est difficile de penser que, demain matin, on va établir une culture si on n'impose pas une certaine volonté politique de changer les choses et d'aller vers des objectifs. Et, à notre avis, le projet nous conduit un peu là.

Le Président (M. Facal): Merci infiniment, M. Gingras. Ceci met fin au temps dont nous disposions. Peut-être que l'opposition veut dire un dernier mot en guise de remerciement, puis ce sera Mme la ministre, puis nous ajournerons.

M. Charbonneau (Bourassa): Bien sûr, M. le Président, qu'on vient d'apprécier notre échange avec vous, messieurs de la CSD. On sait que vos suggestions sont enracinées dans un vécu très concret et que vous vous en faites les porte-parole les plus transparents possible. On apprécie ce genre de dialogue. On a bien compris que vous êtes favorables à l'essentiel du projet de loi 90, mais que vous avez aussi des améliorations substantielles à proposer. Merci.

Le Président (M. Facal): Merci. Mme la ministre.

Mme Harel: M. le Président, je vais laisser les derniers mots à mon collègue, le député de Matane.

Le Président (M. Facal): M. le député de Matane.

M. Rioux: Moi, je voudrais dire que je reconnais la CSD parce que ce sont des pionniers en ce qui a trait à la formation. Je ne voudrais pas être méchant, je dirais qu'ils ont fait de l'éducation des adultes auprès des employeurs en matière de formation de la main-d'oeuvre. Si on doit accrocher un fleuron à la CSD, c'est la formation. Ils ont été des leaders, ils ont été des concepteurs extraordinaires. Moi, ce que je souhaite, c'est que non seulement vous continuiez, mais je vous souhaiterais présents un peu plus à toutes les tables où on parle de ça. Ce sont des interlocuteurs importants qu'on n'a pas le droit d'ignorer, de cacher ou de marginaliser. Merci.

Le Président (M. Facal): Merci, M. le député de Matane. M. Gingras, M. Fournier, M. Tremblay, merci infiniment. Alors, nous ajournons nos travaux jusqu'à mardi matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 20)


Document(s) associé(s) à la séance