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Version finale

30e législature, 2e session
(14 mars 1974 au 28 décembre 1974)

Le lundi 18 février 1974 - Vol. 15 N° 3

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Vente du Soleil


Journal des débats

 

Commission spéciale sur le problème de la liberté de presse

Vente du Soleil

Séance du lundi 18 février 1974

(Quinze heures treize minutes)

M. GRATTON (président de la commission spéciale sur le problème de la liberté de presse): A l'ordre, messieurs!

La commission spéciale sur le problème de la liberté de presse reprend ses travaux, et avant de procéder, j'aimerais aviser la commission des changements suivants: M. Cornellier (Saint-Hyacinthe) remplace M. Hardy; M. Shanks (Saint-Henri) remplace M. L'Allier; M. Boudreault (Bourget) remplace M. Leduc; M. Lachance (Mille-Iles) remplace M. Parent (Prévost).

M. BOURASSA: Est-ce qu'il y a quelqu'un qui remplace M. Burns?

M. CHARRON: Non.

Rapport sur Information-Québec

M. LALONDE: M. le Président, au tout début, j'aurai l'honneur de déposer, à la commission, la deuxième partie de l'enquête sur la diffusion de l'Information-Québec qui est la dernière partie du travail de SORECOM dans le cadre de la dernière commission parlementaire. Alors des exemplaires en nombre suffisant seront déposés à la tribune de la presse incessamment.

Examen des documents

M. BOURASSA: M. le Président, juste un mot. On avait distribué les documents à la dernière réunion. Je pense que les documents avaient trait à la transaction et il y avait aussi le contrat qui avait été distribué ou la promesse de vente. J'avais demandé au député de Maisonneuve d'en faire l'examen sur le plan juridique mais je ne sais pas si le député de Saint-Jacques peut confirmer. J'avais lu dans un journal, je crois que c'est le Montreal Star, que le député de Maisonneuve avait dit qu'il n'y avait pas de clause ad hoc, comme l'avait souligné le député de Saint-Jacques. Le député de Maisonneuve va probablement retirer son offre de service juridique puisqu'il a contredit formellement le député de Saint-Jacques sur cette question-là. Alors, je pense qu'il ne voudra plus accepter mon offre. Je ne sais pas s'il doit être ici, cet après-midi?

M. CHARRON: M. le Président, est-ce que je dois répondre immédiatement?

LE PRESIDENT (M. Gratton): Oui.

M. CHARRON: Le député de Maisonneuve n'a pas contredit le député de Saint-Jacques. En fait, j'ai essayé de savoir à partir d'un renseignement — toujours maintenu d'ailleurs — du directeur du Devoir, qui spécifie dans un article auquel j'ai fait référence à la dernière séance — à laquelle je peux faire référence encore — qu'outre ce contrat de vente il existerait un billet dont serait encore possesseur M. Desmarais et par lequel il se gardait le droit de définir le prochain acquéreur du Soleil au cas où cela ne devrait pas être Power Corporation. Ce renseignement, je le donnais à la commission parlementaire avec tout le respect que j'ai pour le directeur du Devoir. Quand nous entendrons le directeur du Devoir, comme la commission l'entendra, nous aurons l'occasion de revenir sur le sujet. Mais puisque le premier ministre...

M. BOURASSA: Je m'excuse, si le député me permet. Le député disait que, dans le contrat lui-même, c'est pour cela qu'il a insisté — s'il peut me laisser terminer — pour que l'on rende le contrat public.

On l'a fait et j'avais demandé au député de Maisonneuve d'examiner le contrat pour voir si telle clause existait. Et il a dit au Montreal Star qu'elle n'existait pas. Le député dit que ce serait dans un autre document.

M. CHARRON: C'est ce qu'a dit le directeur du Devoir. Je peux vous référer à l'article auquel j'ai fait référence encore. Si on veut reprendre le débat de la dernière séance, M. le Président, je n'ai aucune objection, mais je voulais m'assurer que d'abord ce n'était pas dans le contrat de vente lui-même qu'une telle clause était en vigueur. L'étude du contrat a prouvé qu'il n'y avait pas telle clause mais, puisque le premier ministre m'a invité à discuter du contrat de vente...

M. BOURASSA: On va revenir là-dessus quand monsieur...

M. CHARRON: On peut en parler. Le contrat de vente, de l'avis du député de Maisonneuve, est parfaitement valide et valable encore aujourd'hui. C'est certainement une des questions...

M. BOURASSA: Voici l'article 1475. C'est malheureux que le député ne soit pas ici.

M. CHARRON: 1165.

M. BOURASSA: C'est l'article 1474, la promesse de vente, l'article 1474 du code civil. Avons-nous un code civil ici, M. le Président?

M. CHARRON: Je n'ai pas les connaissances du premier ministre en cette matière.

M. BOURASSA: J'en ai pas tellement, mais je me souviens d'avoir lu cet article et d'en avoir

discuté avec mon conseiller juridique ad hoc, c'est-à-dire le député de Maisonneuve. Il avait dit que tout ce qui existait, c'était une promesse de vente avec les poursuites en dommages et intérêts normales dans une promesse de vente.

M. CHARRON: C'est exact.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Messieurs, je pense que nous sommes réunis pour entendre un témoin, soit M. Guy Gilbert. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires que les membres de la commission voudraient faire avant que nous invitions M. Gilbert à témoigner? Sinon, j'invite M. Gilbert à s'identifier, s'il vous plaît, et à se présenter.

Témoignage de M. Guy Gilbert

M. GILBERT: Guy Gilbert, président et directeur général du Soleil.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Est-ce que vous avez des commentaires ou des représentations?

M. GILBERT: Je n'ai aucun commentaire à faire. Je vais simplement répondre à des questions pour autant qu'elles seront pertinentes et directes et que je pourrai y répondre.

M. LALONDE: Si vous me le permettez, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. LALONDE: M. Gilbert, est-ce que vous avez donné un "billet" ou un document quelconque à M. Desmarais lui donnant le droit de choisir l'acquéreur du Soleil si ce n'était pas lui?

M. GILBERT: II n'y a jamais eu un tel document donné à M. Desmarais et à personne d'autre non plus.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Je vais demander à votre avocat, M. Gilbert, de s'identifier.

M. RIVARD: Jean Rivard.

M. BONNIER: Comparativement aux états financiers du Soleil, est-ce qu'on pourrait avoir... On ne les a pas ici, les états financiers. Je ne sais pas si c'est possible de les avoir pour les trois dernières années. Je serais intéressé en particulier à connaître quels sont les profits bruts, après impôt, du Soleil durant les trois dernières années, et quelles sont les projections pour les trois prochaines années.

M. GILBERT: Personnellement, je ne les remettrai pas. Je ne suis pas autorisé à remettre les états financiers du Soleil. Je ne crois pas que ce soit l'affaire de la commission parlementaire de voir les états financiers du Soleil.

M. BONNIER: Je serais intéressé à connaître les profits bruts, après impôt.

M. GILBERT: Le Soleil est une compagnie privée et, à ce moment-là, je ne vois pas pourquoi je remettrais les états financiers du Soleil ici. Il y a eu assez de choses dans la transaction du Soleil qui ont été mises sur la place publique, je ne crois pas que les états financiers seront mis sur la place publique.

M. CHARRON: M. le Président, je remercie immédiatement M. Gilbert d'être venu à la demande du parti de l'Opposition témoigner cet après-midi devant la commission parlementaire.

M. Gilbert, vous n'avez pas fait de déclaration à l'ouverture de la séance. C'est parfaitement votre droit, et nous entendons ici procéder par les questions les plus pertinentes et directes possible pour avoir les réponses les plus claires possible. Vous ne nous refuserez pas, probablement, de procéder par ordre chronologique, ce qui facilitera l'entendement de tout le monde et fera le plus de lumière possible sur la transaction de votre journal.

M. Gilbert, un des vice-présidents de Québécor, M. Pierre Gauvreau, a affirmé que c'est en mai 1973, pour la première fois, que M. Marcel Bélanger du Soleil, un de vos employés...

M. GILBERT: Pardon, c'est un administrateur.

M. CHARRON: ... un administrateur du Soleil a communiqué avec le groupe Péladeau comme on l'appelle entre nous, pour lui signifier votre intention, à vous et à votre frère, de mettre en vente le journal Le Soleil. Est-ce que votre décision de mettre le journal en vente date de cette époque-là effectivement?

M. GILBERT: Notre décision date de cette époque-là et le groupe Péladeau a été approché comme plusieurs groupes. A ce moment-là, plusieurs autres groupes ont été approchés aussi.

M. CHARRON: C'est donc au printemps 73 que votre décision s'est prise.

M. GILBERT: Elle a été arrêtée au printemps 73.

M. CHARRON: Est-ce qu'on peut vous demander pourquoi, ayant une entreprise dont vous refusez de révéler les états financiers mais que plus d'un juge en bon état de santé, puisque le prix de vente est quand même assez élevé,

votre famille a décidé de mettre en vente le quotidien de la capitale nationale?

M. GILBERT: Je pense que là-dessus il y a des raisons personnelles, il y a des raisons de famille. Je pense que quelqu'un, à n'importe quel moment, peut décider qu'il met son entreprise en vente parce qu'il veut, peut-être, s'orienter ailleurs... Comme je vous le disais, il y a certainement des raisons de famille. Nous sommes une famille assez nombreuse et les deux administrateurs étaient parmi les plus jeunes. Ce qui veut dire que c'est une famille qui vieillissait. Il y avait des problèmes. Les autres actionnaires étaient intéressés à toucher le capital qui était dans l'entreprise.

A ce moment, c'était simplement une question de planification pour l'avenir. Pour une entreprise comme le Soleil, aujourd'hui, il est beaucoup plus difficile de rester seul. Je pense que nous avions une entreprise qui n'était pas diversifiée. Nous avions commencé un peu à la diversifier, mais elle était peut-être un peu trop pesante pour la structure de la famille et c'est une autre des raisons pour lesquelles nous avons décidé de vendre.

M. CHARRON: Quand vous avez pris la décision de mettre le journal en vente, M. Gilbert, vous avez dit que vous avez communiqué avec plusieurs groupes que vous pensiez être intéressés à l'achat du journal. Je vous ai mentionné le groupe de Québécor. Quels sont les autres groupes avec qui, en mai 1973, à la même époque où vous avez approché M. Péladeau, vous avez eu des contacts?

M. GILBERT: Entre autres, il y a eu les caisses populaires; il y a eu la Laurentienne, il y a eu l'Industrielle et aussi le groupe Desmarais de Power Corporation.

M. CHARRON: Dès mai 1973, à la même époque.

M. GILBERT: Oui. Ils savaient, ils ont été informés que le Soleil était à vendre.

M. CHARRON: Est-ce qu'ils ont été informés par M. Bélanger aussi...

M. GILBERT: Non. Pas par M. Bélanger. M. Bélanger a informé le groupe Péladeau. Nous avons informé certains groupes et il y a d'autres personnes qui ont informé d'autres groupes.

M. CHARRON: Est-ce que c'est vous-même qui avez informé M. Desmarais?

M. GILBERT: Non.

M. CHARRON: Est-ce qu'il y a eu une rencontre entre vous ou votre frère ou quelqu'un de l'administration du Soleil et M. Desmarais à cette époque du début de l'été 1973?

M. GILBERT: Non. On n'a pas vu M. Desmarais avant le mois de septembre. C'est au mois de septembre que nous avons signé les promesses de vente. Nous n'avons pas rencontré M. Desmarais avant cette date.

M. CHARRON: Aviez-vous rencontré quelqu'un d'autre de la chaîne de M. Desmarais pour les premiers contacts?

M. GILBERT: Non.

M. CHARRON: II y a un hebdomadaire du dimanche qui a fait état à un certain moment que vous aviez rencontré M. Desmarais accompagné d'autres personnes au Manoir Richelieu. Est-ce que c'est vrai ou est-ce que c'est faux? Cela se situerait aux alentours du 11 août 1973.

M. GILBERT: C'est absolument faux. Cela met en doute la véracité de ce journal. Je n'ai été au Manoir Richelieu qu'une fois dans l'été avec ma famille et je n'ai vu personne à ce moment.

M. CHARRON: Quand vous avez rencontré M. Desmarais pour la première fois, était-ce lors de la signature du contrat de vente?

M. GILBERT: Nous avons eu une rencontre préliminaire avec M. Desmarais au début de septembre.

M. CHARRON : Début de septembre.

M. ROY: Lorsque vous avez rencontré M. Desmarais au début de septembre, si on regarde tous les documents et toutes les informations qui nous ont été donnés, il y a eu une option qui daterait du 11 septembre entre les propriétaires, vous autres, et M. Desmarais. Est-ce que c'est exact?

M. GILBERT : Premièrement, il y a eu la première rencontre avec M. Desmarais où on a parlé de la transaction, au début de septembre. Le 11 septembre, nous avons signé en fait une promesse de vente qui a été déposée, que vous avez eue et qui a été le papier qui a été signé, la promesse de vente.

M. ROY: Est-ce qu'il y a eu renonciation mutuelle des deux parties pour annuler cette option?

M. GILBERT: Oui.

M. ROY: A quelle date a-t-elle été annulée?

M.GILBERT: Elle a été annulée le 14 janvier 1974.

M. ROY: Est-ce que vous accepteriez de déposer ce document annulant l'option du 11 septembre?

M. GILBERT: Une photocopie, il n'y a pas d'objection.

M. ROY: Une photocopie, pas nécessairement l'original. Une photocopie, cela va faire. Est-ce que les droits acquis par l'entente du 11 septembre entre les propriétaires du Soleil et M. Desmarais sont encore valides?

M. GILBERT: Non.

M. ROY: Les propriétaires du Soleil sont-ils entrés en négociation avec M. Péladeau, ou s'il n'y a eu que des discussions préliminaires?

M. GILBERT: Cela dépend. J'ai parlé des négociations du mois de mai.

M. ROY: Est-ce qu'il y a eu des ententes de signées avec le groupe Péladeau?

M. GILBERT: II n'y a pas eu d'entente signée.

M. ROY: II n'y a eu aucun document de signé avec le groupe.

M. GILBERT: II n'y a eu aucun document de signé avec le groupe Péladeau, excepté que le groupe Péladeau a déposé une offre écrite qu'on aurait, à ce moment-là, simplement paraphée et qu'on n'a pas paraphée.

M. ROY: Quand M. Péladeau a fait son offre, est-ce que l'entente du 11 septembre avec M. Paul Desmarais était encore en vigueur? Lorsque vous avez discuté...

M. GILBERT: Oui. Elle était encore en vigueur.

M. ROY: Est-ce que cette promesse de vente que vous aviez envers M. Paul Desmarais aurait été une des causes de la non-poursuite, si vous voulez, des négociations avec le groupe Péladeau?

M. GILBERT: Non.

M. ROY: Est-ce que c'est cette option qui les a empêchées?

M. GILBERT: Non, d'aucune façon.

M. ROY: Remarquez bien que je ne prêche ni pour l'un, ni pour l'autre.

M. GILBERT: Non, je vous réponds: d'aucune façon.

M. ROY: Pardon.

M. GILBERT: Je vous réponds: D'aucune façon.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON : Est-ce qu'il y aurait eu entre le Soleil et le groupe Desmarais d'autres documents que celui que vous nous avez déposé, d'autres documents qui ont été signés?

M. GILBERT: Aucun autre, excepté celui qu'on a déposé et celui qu'on vient de déposer, ou le désistement. Cela a été déposé avec le document initial; c'est l'amendement qu'il y a eu lorsqu'on a accepté le moratoire qui retardait le "closing" au 14 décembre.

M. SAMSON: Est-ce que vous avez d'autres documents, dossiers, soit des documents préliminaires avec d'autres groupes que celui de Desmarais?

M. GILBERT: Il n'y a aucun autre document.

M. SAMSON: Lorsqu'il a été question de la formation d'un consortium, est-ce que vous seriez en mesure de nous dire quelles ont été les démarches faites de la part du ministre représentant le gouvernement à cet effet auprès du Soleil?

M. CHARRON: M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Je ne veux pas empêcher le député de Rouyn-Noranda de poser les questions qu'il a à poser. Cela me fait plaisir de le voir participer à la commission parlementaire. Mais j'avais passé la parole au député de Beauce parce que je croyais qu'il manifestait le désir de poser des questions sur le sujet que j'avais abordé. Je n'étais pas rendu au consortium...

M. SAMSON: M. le Président, je ne voudrais pas être désagréable envers le député de Saint-Jacques, mais je n'ai pas l'impression qu'il a à nous imposer un ordre du jour. C'est à nous de décider quel genre de questions on veut poser et à quel moment on veut les poser. Cependant, si M. Gilbert veut bien répondre à ma question, pour être agréable au député de Saint-Jacques, je lui passerai facilement la parole s'il veut. Mais j'ai posé une question, j'aimerais bien avoir une réponse.

M. BOURASSA: Vous êtes en force aujourd'hui, vous, du Parti créditiste?

M. SAMSON: On est toujours en force et en forme.

UNE VOIX: 100 p.c. du caucus.

M. SAMSON: 100 p.c. du caucus. Essayez d'en faire autant.

M. GILBERT: Alors, voulez-vous répéter la question, s'il vous plaît? On a été un peu...

M. SAMSON: Oui. Les démarches faites par le ministre représentant le gouvernement auprès de vous, concernant ce consortium...

M. GILBERT: Les démarches pour le consortium, en fait, n'ont pas été faites par... Vous voulez parler de M. Lalonde?

M. SAMSON: Oui.

M. GILBERT: C'est le premier ministre lui-même, M. Bourassa, qui nous a parlé du consortium. Ce n'est pas M. Lalonde qui a abordé l'idée du consortium.

M. SAMSON: J'imagine que M. Lalonde a dû entrer en contact avec vous.

M. GILBERT: M. Lalonde est entré en contact avec nous après les élections pour étudier le problème et s'éclairer un peu lui-même sur la situation qui existait, où on en était. Mais à ce moment-là — je l'ai rencontré une fois — il nous a peut-être parlé de l'idée d'autres acheteurs, mais l'idée du consortium comme telle n'a pas été abordée par M. Lalonde.

M. SAMSON: Cela voudrait dire qu'il n'y a pas eu de suite de la part du gouvernement aux discussions que vous avez eues avec le premier ministre concernant ce sujet.

M. GILBERT: Qu'est-ce que vous voulez dire exactement? Il y a des suites et des suites. Cela dépend de ce que vous voulez.

M. SAMSON: Si j'ai bien compris, vous nous avez dit que c'est le premier ministre qui a lancé l'idée du consortium et que son ministre délégué, par la suite, n'a pas continué les démarches en ce sens. Est-ce que c'est bien cela que j'ai compris?

M. GILBERT: Non, ce que je vous dis, c'est que j'ai rencontré M. Lalonde après les élections et non pas le premier ministre. A ce moment-là, l'idée du consortium, tel qu'on en a parlé, n'est pas venue dans la conversation. Je dis que c'est le premier ministre qui a parlé du consortium comme tel, qui nous a proposé un consortium et c'est vers le 14 décembre, au moment où le moratoire était pratiquement terminé. M. Lalonde a assisté à certaines réunions; on s'est parlé au téléphone sur des sujets secondaires, mais M. Lalonde n'a pas eu affaire au consortium directement.

M. ROY: Est-ce qu'il y a eu des réunions parmi les personnes qui faisaient partie de ce consortium ou si c'est seulement une idée qui a été lancée qu'il pourrait y avoir éventuellement un consortium?

M. GILBERT: C'est une question qui me plaît. En fait, si on parle de réunions de groupe du consortium, il n'y en a pas eu. On a suggéré un homme d'affaires à un moment donné, mais il n'y a pas eu de réunion avec lui. Il n'y a eu aucune réunion de groupe du consortium et le seul membre du consortium qui avait donné son adhésion au consortium, mais qui n'a pas posé de geste concret a été la Caisse de dépôt. Ni les caisses populaires, ni les autres personnes, à aucun moment, n'ont posé des gestes concrets pour nous montrer qu'elles étaient favorables au consortium et qu'elles voulaient en faire partie.

M. ROY: Est-ce que vous avez rencontré... Excusez-moi.

M. GILBERT: En fait, mon procureur me fait remarquer qu'il y a eu une visite très courte et pas très significative de représentants des caisses populaires, à peu près deux semaines après que l'on eut commencé à parler du consortium. Je pense qu'à un moment donné ils se sont sentis gênés; ils nous ont envoyé des émissaires — ce n'est pas moi qui les ai reçus, c'est mon frère — pour voir si on voulait bien établir un consortium et ce qu'il en était, mais rien de sérieux, ni de concret.

M. ROY: Si j'ai bien compris, le consortium, en tant que tel, a existé seulement au niveau d'une idée qui a été lancée dans le public, mais il n'y aurait pas eu de rencontres parmi les membres de ce prétendu consortium qui a fait des approches avec vous ou vos représentants de façon à pouvoir entamer des négociations sur une base d'affaires.

M. GILBERT: C'est exact.

M. ROY: II n'y a rien eu de cela. Est-ce que vous avez eu des contacts avec les dirigeants du mouvement Desjardins, entre autres, M. Rouleau, par exemple, à ce sujet?

Est-ce qu'il en a discuté, est-ce que vous avez eu des conversations téléphoniques avec lui?

M. GILBERT: Non, jamais.

M. ROY: M. Rouleau n'a d'aucune façon manifesté son intention?

M. GILBERT: M. Rouleau s'est toujours gardé à l'extérieur de tout cela. Il ne s'est jamais mêlé de cela; il n'a jamais voulu s'en mêler, je crois.

M. ROY: Et les représentants de la Caisse de dépôt, estrce qu'il s'agissait du directeur général de la Caisse de dépôt ou s'il s'agissait...

M. GILBERT: Oui, j'ai eu la visite de M. Cazavan, le directeur général de la Caisse de dépôt, qui est venu me voir dans le temps où on

a commencé à parler du consortium, mais il s'agissait plutôt d'une enquête pour s'enquérir un peu de ce qu'était le Soleil et tout cela. Cela a été la rencontre que j'ai eue avec M. Cazavan.

M. ROY: Est-ce que l'on me permettrait de poser, sur le même point, une question à l'honorable premier ministre?

Est-ce que vous avez pris l'initiative, à un moment donné, ou pris la responsabilité de réunir les personnes avant de lancer cette idée dans le public, d'un consortium, de l'éventualité d'un consortium pour acheter le journal?

M. BOURASSA: Disons que j'ai répondu à tout cela la dernière fois.

M. ROY: Non, je l'ai lu dans le journal des Débats également; j'ai lu la page que vous m'aviez indiquée.

M. BOURASSA: J'ai dit que j'avais communiqué avec M. Cazavan qui, publiquement, a dit qu'il était d'accord pour investir 20 p.c. J'ai dit que j'avais communiqué avec les caisses populaires à la suite des déclarations de M. Rouleau qui avait dit, je crois, publiquement qu'il était d'accord ou qu'il ne voyait pas d'objection à ce que les caisses populaires puissent investir minoritairement dans l'achat du Soleil. Cela n'a pas marché et M. Lalonde a communiqué avec deux ou trois entreprises qui auraient investi leurs 5 p.c. Disons qu'il y avait des ententes de principe qui semblaient être remises en question, il n'y avait rien de très certain. La seule réponse certaine que l'on avait obtenue était de la Caisse de dépôt. Alors, il y avait eu une rencontre à laquelle M. Lalonde a référé à la dernière réunion, une rencontre de différents groupes pour discuter de cette question.

Mais tant que je n'avais pas une réponse définitive des caisses populaires, il fallait que j'y aille avec une certaine prudence, d'autant plus que l'on m'avait accusé de bousculer les caisses populaires. Alors, je n'étais pas trop intéressé à être accusé publiquement continuellement sur cette question et c'est pourquoi cela était assez... D'ailleurs, c'était la liberté de commerce qui était en cause; je ne pouvais pas intervenir plus qu'à un certain degré.

M. ROY: Maintenant, il n'y a pas eu de réunions auxquelles vous avez convoqué toutes les parties pouvant être intéressées en même temps pour voir s'il n'y aurait pas possibilité d'en venir à un consensus?

M. BOURASSA: II y avait eu une réunion à laquelle a référé M. Lalonde et les parties devaient — il pourrait me confirmer cela — donner des réponses sur leur intérêt véritable. Alors, la première étape, c'était de les réunir. Elles se sont réunies. Il y avait, je crois, les caisses populaires, la Caisse de dépôt et on peut vous donner la page où on a dit cela. Il est peut-être bon de lire ce qui a été dit la dernière fois. Alors, elles se sont réunies et il devait y avoir une nouvelle rencontre quand elles se seraient décidées. Alors, comme elles ne se sont pas décidées, il n'y a pas eu de nouvelle rencontre.

M. CHARRON: M. le Président, le brin de lumière que l'on vient d'apporter, comme vient de le signaler le premier ministre lui-même d'ailleurs, ne fait que rajouter à la conclusion que l'on pouvait déjà tirer de la première séance de la commission, c'est que le projet de consortium n'a jamais été autre chose qu'un écran de fumée et n'est jamais venu près de se réaliser.

M. BOURASSA: M. le Président, c'est absolument faux. J'invoque le règlement, le député de Saint-Jacques fait une affirmation complètement fausse et ridicule qui explique son isolement aujourd'hui alors qu'il est délaissé par ses collègues.

J'ai clairement dit que la Caisse de dépôt avait accepté, mais je ne pouvais pas forcer les caisses populaires plus qu'à un certain point à investir les 20 p.c. Je pense que le gouvernement a démontré, par ses gestes, qu'il était allé relativement loin dans une question qui implique la liberté de commerce.

M. CHARRON: Très relativement, oui. Je veux demander à M. Gilbert, dans toutes les raisons qui ont milité pour l'échec du consortium — qu'on soit venu près ou non de le faire, on verra cela un peu plus loin — ce qui planait au-dessus de tout le monde, c'était ce que vous aviez déjà affirmé au moment de la mise en vente de votre journal, soit le fait que vous préfériez voir votre journal passer à une chaîne de quotidiens francophones. Vous annonciez, à ce moment-là, votre préférence pour la chafne que dirige M. Desmarais. Je ne vous cacherai pas que c'est précisément une des raisons pour lesquelles on vous a convié aujourd'hui ici, puisque ce n'est pas l'opinion de tout le monde qu'il fallait que le Soleil passe à une chafne de quotidiens francophones.

Or, si vous aviez pris cette décision — vous l'avez annoncée, je crois en août, en même temps que le Soleil publiait dans ses premières pages qu'il était sur le point d'être cédé à des intérêts autres que ceux de la famille Gilbert — il y a une coincidence de dates que vous m'aideriez à éclairer peut-être. C'est qu'à la même époque M. Desmarais s'est porté acquéreur de Montréal-Matin, le 11 août 1973. Enfin, la transaction a été bâclée le 20 novembre, mais l'annonce en a été faite le 11 août, à peu près à la même date où le Soleil annonçait publiquement qu'il était en vente. Est-ce une coincidence de dates ou si l'arrivée d'une véritable chafne... Là, vous aviez raison d'en parler puisque Montréal-Matin passant dans le camp de Power Corporation faisait qu'à peu près

l'ensemble des quotidiens francophones, à l'exception du Devoir, de Montréal, passaient à Power Corporation. Est-ce à partir de la connaissance de cette vente que vous affirmiez votre intérêt à voir le Soleil passer à la chafne?

M. GILBERT: D'abord, je vais revenir au début sur une des premières questions que vous m'avez posées. Quand est-ce qu'on a décidé de vendre? Je vous ai dit au mois de mai. On n'a pas décidé de vendre quand ils ont annoncé qu'une chafne serait formée. Ce que j'ai dit dans le journal, c'est qu'au moment où j'ai donné une entrevue dans le journal, je pense, M. Lemelin a déclaré qu'il favorisait beaucoup une chaîne de journaux. Personnellement, j'ai dit, à ce moment-là, que je favorisais la création d'une chafne de journaux, telle que proposée par M. Desmarais et M. Lemelin. Je n'avais jamais parlé ni à M. Lemelin, ni à M. Desmarais, mais dans mon idée à moi —et je reste toujours de la même idée encore aujourd'hui— je favorisais une chafne telle que proposée par M. Desmarais et par M. Lemelin. A mon idée, c'était la meilleure chose qui pouvait arriver pour l'information et pour la presse.

M. CHARRON: Si je vous comprends bien, M. Gilbert, vous annonciez cette préférence que vous aviez sans même avoir eu de contact avec Power Corporation?

M. GILBERT : Non, je l'ai annoncée à la suite de la déclaration de M. Lemelin qui a dit qu'il voulait créer une chafne et même — je ne l'ai pas dit à M. Péladeau directement — on a fait savoir à M. Péladeau qu'on arrêtait les négociations, parce qu'on en avait parlé pendant l'été. A ce moment-là, comme je l'ai dit dans le journal, j'ai dit que je prenais du recul pour regarder de plus près la création de cette chafne de journaux, étant donné le développement qui se faisait dans les journaux lorsque M. Desmarais a acheté Montréal-Matin et tout cela, et que, quant à moi, je favorisais, j'aimais beaucoup l'idée de la chaîne telle que préconisée par M. Lemelin. C'est exactement cela.

M. CHARRON: J'imagine que cette déclaration a fait plaisir à MM. Lemelin et Desmarais et qu'ils sont entrés en contact avec vous assez rapidement, par la suite. Pouvez-vous fixer...

M. GILBERT: Ecoutez, je vais répondre. La première chose, je pense qu'à notre âge on ne se fait plus plaisir, c'est tout simplement une question de faire des affaires.

M. CHARRON: Non, mais...

M. GILBERT: On ne cherche pas à faire plaisir. On dit simplement que cela peut marcher et après cela on se parle...

M. CHARRON: Sans jouer sur les mots, M.

Gilbert, parce qu'on n'est pas ici pour perdre du temps, quand je disais faire plaisir, vous savez très bien ce que cela veut dire. Il y avait possibilité pour Power Corporation de mettre la main sur le quotidien qui dessert la ville de Québec et l'est du Québec. Les actuels détenteurs du quotidien se disaient intéressés, n'avaient aucune réticence, ni idéologique, encore moins financière j'imagine, à voir le quotidien passer à la chafne. C'est dans ce sens-là que je voulais dire...

M. GILBERT: Absolument.

M. CHARRON: A la suite de cette affirmation d'intérêt, où vous ouvriez vos caisses à l'offre éventuelle de Power Corporation. C'est ce que je voulais dire par faire plaisir, M. Gilbert. Dans combien de temps, par la suite, MM. Lemelin ou Desmarais sont-ils entrés en contact pour vous faire une première offre?

M. GILBERT: Quelques jours après l'annonce de la vente de Montréal-Matin.

M. CHARRON: Tantôt vous m'avez répondu que le premier contact avec M. Desmarais était au début de septembre.

M. GILBERT: C'est dans ce temps-là. M. CHARRON: Au début de septembre?

M. GILBERT: J'ai dit que l'annonce a été faite le 11. Alors ce sont les jours qui ont suivi le 11. Quand l'annonce a été faite que Montréal-Matin était vendu, que les intérêts Fran-coeur se séparaient des intérêts de TransCanada, se séparaient des quotidiens et que M. Francoeur prenait les hebdomadaires et tout le reste, c'est à ce moment-là qu'on a eu un contact avec M. Desmarais.

M. CHARRON: On ne se trompera pas. Le Montréal-Matin...

M.GILBERT: Le 11.

M. CHARRON: ... a été vendu le 11 août. Le contrat de vente que vous avez signé...

M. GILBERT: II a été vendu le 11 août, mais j'ai dit que l'annonce de la vente — il y a eu une conférence de presse, je ne me rappelle plus...

M. CHARRON: Le 11 août.

M. GILBERT: J'avais l'impression que c'était en septembre. Alors c'est dans les jours qui ont suivi le 11 août. Cela doit être le 15 ou le 16 qu'on a rencontré M. Desmarais.

M. CHARRON: Tantôt vous m'avez dit au début de septembre.

M.GILBERT: J'avais le mois de septembre dans la tête. C'est à la suite de la déclaration de la vente quand il y a eu la conférence de presse, et où, le même jour aussi, Montreal Star se vendait à FP Publication. C'est dans les jours qui ont suivi qu'on a eu les première tractations avec M. Desmarais.

M. CHARRON: Avec M. Desmarais lui-même?

M. GILBERT: Avec M. Desmarais lui-même.

M. CHARRON: Dans les jours qui ont suivi la vente du Montréal-Matin à Power Corporation?

M. GILBERT: Exactement.

M. CHARRON: Maintenant, quand le premier ministre vous a téléphoné, le mardi 28 août, pour vous demander de surseoir à la vente, il nous a dit la semaine dernière qu'il a obtenu de vous l'assurance que le Soleil ne serait pas vendu, n'était pas vendu. Est-ce exact qu'il n'était pas vendu à cette époque-là, qu'il n'y avait aucune entente?

M. GILBERT: II n'était pas vendu à cette époque-là. Si vous regardez le contrat de vente...

M. BOURASSA: ... le 28 août, M. le Président.

M. CHARRON: ... dans le Journal des Débats.

M. GILBERT: C'est-à-dire que M. Bourassa m'a appelé. Il y a eu deux choses: il y a eu un appel téléphonique de M. Bourassa, je ne me rappelle pas quand, il m'avait demandé de surseoir pour trois ou quatre jours, ou peut-être une semaine, et je lui avais dit que...

M. BOURASSA: C'est pas mal plus tard. Le 28 août — je ne sais pas si les dates ont de l'importance dans le débat — mais le moratoire était de trois mois et il se terminait le 14 décembre. Et j'ai annoncé le moratoire le lendemain.

M. CHARRON: J'ai ici un article de la Presse de Montréal, du mercredi 29 août 1973, dont le titre est: "Bourassa intervient auprès du Soleil". Le correspondant n'est pas indiqué. On dit comme on dit toujours chez Power Corporation: "De notre bureau de Québec". Je lis: "Le premier ministre du Québec, M. Robert Bourassa, a obtenu du propriétaire du quotidien Le Soleil, M. Gilbert — je ne sais pas si c'est vous ou votre frère — l'assurance que le journal ne sera pas vendu avant la mi-septembre". C'est le 28 août...

M. BOURASSA : Le premier moratoire.

M. GILBERT: C'est exact. J'ai eu un appel téléphonique de M. Bourassa et le Soleil n'a pas été vendu avant la mi-septembre si vous regardez...

M. CHARRON: Vous lui avez donné cette assurance le 28 août.

M. GILBERT: Oui. A ce moment-là.

M. CHARRON: II avait également été convenu, comme il est dit dans cet article, d'une rencontre entre vous et le premier ministre qui devait se tenir dans la semaine du 2 septembre.

M. GILBERT: Je vais parler là-dessus. J'ai une bonne mémoire. Je me rappelais cette rencontre qui devait avoir lieu avec le premier ministre. M. Bourassa m'avait dit: II faut se rencontrer. J'avais dit à M. Bourassa: M. le premier ministre, c'est très important tout de même que vous rencontriez les deux intéressés et qu'on en discute. M. Bourassa m'a dit: Je suis très occupé actuellement mais je reviens — je pense — dans la semaine du 2 et on va se rencontrer. Et, après cela, je ne sais pas si M. Bourassa n'avait pas pris de note ou s'il l'a oublié, mais il ne m'a pas rencontré. Alors, je n'ai pas couru après et c'est après cela que, le 11 nous avons signé une entente.

M. CHARRON: Vous n'avez donc pas eu cette rencontre avec M. Bourassa?

M. GILBERT: Non. Nous n'avons jamais eu cette rencontre avec M. Bourassa.

M. CHARRON: Lors de la conversation téléphonique du 28 août, un communiqué émis par le bureau du premier ministre nous informe que le premier ministre aurait reçu à cette époque, à cette date du 28 août, par téléphone de votre part ou de votre frère, l'assurance que le Soleil ne serait pas vendu avant la mi-septembre. Vous me l'avez confirmé tantôt.

M. GILBERT: C'est moi qui ai parlé au téléphone à M. Bourassa. Mon frère était absent à ce moment. M. Bourassa m'a demandé trois jours. J'ai dit à M. Bourassa que le Soleil ne serait pas vendu mais il faudrait se rencontrer. Il a dit: On va se rencontrer. J'ai dit: Tant et aussi longtemps qu'on ne se sera pas rencontré... Et M. Bourassa a dit: On va se rencontrer dans la semaine du 2. Je ne sais pas si c'est le 2 ou... Alors, quand la date a été passée, M. Bourassa ne m'a pas fait signe. Comme M. Bourassa ne m'avait pas fait signe, à ce moment, j'étais relevé de la promesse que je lui avais faite. On a alors vendu le Soleil le 11. C'est exactement comment cela s'est passé.

M. CHARRON: Comment expliquez-vous...

M. GILBERT: Et il y a même des gens qui m'ont demandé à ce moment si j'avais des

engagements avec M. Bourassa. Je leur ai répondu que j'en avais jusqu'à hier ou jusqu'avant-hier mais je ne n'en avais plus.

M. CHARRON: Avez-vous informé le premier ministre à ce moment que vous ne vous sentiez plus lié par la promesse que vous lui aviez faite au téléphone?

M. GILBERT : Je n'avais pas besoin de l'informer. On était censé se rencontrer. J'étais censé être convoqué et je n'avais pas été convoqué.

M. CHARRON: Quand le premier ministre vous a parlé au téléphone le 28 août, en même temps qu'il vous demandait de surseoir à la vente jusqu'à la mi-septembre — cela n'était pas dans ces termes précis mais il semble que c'était l'entente — jusqu'à ce que vous vous rencontriez... C'est exact?

M. GILBERT : La conversation téléphonique n'a pas duré une demi-heure et elle n'a pas été longue. Et je ne me rappelle pas tout ce qui s'est dit, excepté qu'on s'est entendu pour une rencontre, et à ma suggestion. J'ai dit: M. le premier ministre, il est très important que les intéressés se rencontrent. On voudrait au moins vider le sujet. A ce moment, M. Bourassa m'a dit: On va se rencontrer. Je te téléphone à la date du — je ne m'en rappelle plus — lundi dans la semaine pour arranger une rencontre dans la semaine. La date est arrivée, et je n'ai jamais été convoqué. J'étais donc relevé de ma promesse et on a vendu le journal. Je ne peux pas vous en dire plus. Même si on parlait de cela pendant une heure, cela ne donnera rien.

M. CHARRON: Je regrette, M. Gilbert; je n'ai aucune hostilité dans les questions que je vous pose.

M. GILBERT: Non, je n'en ai pas, mais je veux dire que c'est ce qui s'est passé. Même si vous vouliez me dire qu'il s'est passé autre chose...

M. CHARRON: D'accord, dites-moi ce qui s'est passé, c'est tout ce que je vous demande.

M. GILBERT: Je ne peux rien dire là-dessus.

M. CHARRON: Au téléphone, quand M. Bourassa vous a dit: Je te téléphone la semaine prochaine et je te convoque, est-ce qu'en même temps il vous a avisé que le gouvernement n'allait pas accepter la cession du Soleil aux mains de Power Corporation?

M. GILBERT: Pas en termes formels. M. CHARRON: Pas en termes formels. M.GILBERT: Non, il m'a dit qu'à ce mo- ment-là c'était dangereux, qu'il y avait de la concentration; il m'a parlé vaguement. Je lui ai dit que oui et que moi, j'avais le droit de vendre. Enfin, on s'est parlé comme cela. Mais il n'y a pas eu de termes formels, rien de cela.

M. CHARRON : Le premier ministre vous a-t-il parlé à ce moment-là et vous êtes-vous engagé par le fait même à un moratoire?

M. GILBERT: Non, pas de moratoire à ce moment-là.

M. CHARRON: A ce moment-là, aucun. Donc, quand le communiqué du bureau du premier ministre nous disait qu'il avait reçu l'assurance que le journal ne serait pas vendu avant la mi-septembre, c'était extrapoler. En fait, la seule assurance que vous lui aviez donnée, c'était de ne pas le vendre tant qu'il ne vous convoquerait pas, puisqu'il vous avait dit: Je te téléphonerai la semaine prochaine.

M. GILBERT: Vous savez que les journalistes ont cette qualité d'extrapoler.

M. CHARRON: Notez bien que ce ne sont pas les journalistes; c'est le bureau du premier ministre, mais enfin peut-être...

M. GILBERT: Vous savez que le bureau du premier ministre a ordinairement des déclarations de cette sorte.

M. BOURASSA: Pas un communiqué. M. le Président, puisqu'on me met en cause...

M. CHARRON: M. Charles Denis a déjà eu une formation journalistique, il me semble.

M. BOURASSA: Non, mais je voudrais poser une question au député. Ce n'était pas le communiqué du 12 septembre, c'est-à-dire qu'on s'était entendu, quoique je ne me souvienne pas des termes exacts, sur le fait qu'il y aurait une rencontre à la mi-septembre, et elle a eu lieu, avec M. Desmarais. C'est là que le moratoire de trois mois a été décidé.

M. CHARRON: D'accord. Le premier ministre a raison de clarifier la chose. Moi non plus je ne tiens pas à mélanger les deux choses.

M. BOURASSA: II n'y a pas eu de communiqué le 28 août. Est-ce que je peux en avoir une copie?

M. CHARRON: Je regrette, il y a un communiqué en date du 28 août.

M. BOURASSA: D'accord, on va...

M. CHARRON: II a été repris ici dans tous les quotidiens. Si tous les quotidiens publient la même nouvelle...

M. BOURASSA: Non, on va voir, je ne suis pas sûr qu'il y en a un pour le 28 août. Peut-être qu'il y en a un, mais je ne suis pas sûr. Je sais qu'il y en a un pour le 12 septembre.

M. CHARRON : Je ne peux pas vous produire le communiqué de votre bureau actuellement...

M. BOURASSA: Je comprends que vous ne pouvez pas le produire, parce que je doute beaucoup qu'il existe.

M. CHARRON: ... mais ce que je peux vous reproduire, c'est la même nouvelle reproduite identiquement, et dans la Presse et dans le Soleil...

M. BOURASSA: Est-ce la Presse canadienne?

M. CHARRON: Non, c'est de notre bureau de Québec pour la Presse. On a ici M. Gérald Leblanc au nom du Devoir.

M. BOURASSA: Parfois la Presse canadienne prend le Devoir.

M. CHARRON: Le Soleil publie, à la même date, la même nouvelle dans les mêmes termes.

M. BOURASSA: Est-ce que je peux en avoir des copies?

M. CHARRON : Vous reconnaîtrez le style de votre attaché de presse.

M. BOURASSA: Je voudrais une copie. Je peux dire au député que, lorsque nous publions un communiqué, nous l'envoyons à la Tribune de la presse. Il a pu produire le communiqué du 12 septembre. Il n'a pas été capable de produire le communiqué du 28 août. C'est pourquoi je me pose des questions: Est-ce qu'à ce moment-là il y a eu un communiqué ou si ce n'est pas tout simplement une déclaration que j'ai faite à un ou deux journalistes qui l'ont transmise à d'autres?

M. CHARRON: M. le Président, je suis obligé de fonctionner comme je fonctionne là. Nous ne recevons pas au bureau de l'Opposition les communiqués de presse émis par le bureau du premier ministre.

M. BOURASSA: Comment cela se fait-il que vous ayez celui du 12 septembre?

M. CHARRON: Je n'ai pas encore parlé de celui du 12 septembre. Je suis à discuter de l'engagement, quand vous aviez dit à M. Gilbert: Je te téléphone la semaine prochaine. On en est encore à cette étape-là.

M. BOURASSA: Vous venez d'affirmer qu'il y a eu un communiqué de presse le 28 août. Je vous dis: Je ne peux pas vous contredire parce que je ne me souviens pas exactement s'il y en a eu un, mais j'en doute beaucoup. Je me souviens d'avoir rédigé un communiqué pour le 12 septembre, mais pas pour le 28 août.

M. CHARRON: Ecoutez, je vous lis un quotidien respectable, le Devoir. M. Gérald Leblanc écrit — ce n'est pas long, ce sont deux paragraphes; c'est mot à mot le même texte; c'est visiblement un communiqué— "Le premier ministre du Québec, M. Robert Bourassa, a obtenu du propriétaire du quotidien Le Soleil, M. Gilbert, l'assurance que le journal ne sera pas vendu avant la mi-septembre. Entre-temps, M. Bourassa rencontrera M. Gilbert et il décidera, s'il y a lieu, de convoquer la commission parlementaire sur la liberté de presse".

C'est exactement le même texte. Et M. Gérald Leblanc ajoute: "Ces informations fournies en soirée, hier soir, par le bureau du permier ministre, faisaient suite à un télégramme envoyé à M. Bourassa par le syndicat des journalistes du Soleil".

M.BOURASSA: D'accord, mais ce n'est pas sous forme de communiqué.

M. SAMSON: M. le Président...

M. CHARRON: Si le député de Rouyn-Noranda me le permet.

M. SAMSON: M. le Président, j'invoque le règlement.

M. CHARRON: Je termine là-dessus, je vous ai laissé poser des questions. Quand on aura vidé cet aspect de la question, on aura...

M. SAMSON: M. le Président, j'invoque le règlement. Quand on fait état à une commission parlementaire d'un document, un député, je pense, en n'importe quel moment, peut en demander le dépôt.

M. le Président, à ce moment-ci, je demande au premier ministre, puisqu'il est question d'un communiqué émis en date du 28 août, de déposer ce document, de vérifier immédiatement s'il y a un tel document, de le déposer ainsi que tous les communiqués de presse relativement à ce sujet, avant qu'on aille plus loin parce que je pense que c'est important pour nous qu'on en prenne connaissance.

M. BOURASSA: Je vais faire des recherches. On a trouvé celui du 12. J'ai tous les communiqués de l'an dernier, on va voir s'il y en a un.

M. CHARRON: Je remercie le député de Rouyn-Noranda de son intervention. Communiqué ou non, nous le verrons, ce que l'on doit conclure pour le moment sur cette question — M. Gilbert je vous demande votre avis là-des-

sus — c'est qu'on n'interprétait pas au bureau du premier ministre l'appel téléphonique de la même façon que vous l'interprétiez, vous. Le premier ministre assurait les Québécois qu'il avait reçu de votre part l'assurance que vous ne vendriez pas le journal avant la mi-septembre et vous, vous ayez compris cette entente dans le sens: Autant que je ne te rappellerai pas... Puisqu'il ne vous a pas rappelé, à bon droit, vous vous êtes senti délié de la promesse que vous aviez faite. Notez bien que sur cet aspect de l'événement, il y a une mésentente des deux côtés. Mais peu importe pour le moment cet aspect de la question...

M. BOURASSA: On vient de vérifier, M. le Président, il n'y a pas eu de communiqué le 28 août. Il y en a eu un le 14 septembre.

M. CHARRON: Alors, il faudrait demander aux journalistes qui ont tous publié le même texte...

M. BOURASSA: Le député devrait savoir ce qui se passe. Ils peuvent enregistrer la déclaration qui est faite. J'ai pu parler à un journaliste, mon attaché de presse a pu parler et le journaliste a pu faire écouter cette déclaration-là à d'autres. Ce n'est pas plus compliqué que cela.

M. CHARRON: D'accord. Alors, supposons qu'un journaliste vous a enregistré au moment où vous avez dit: J'ai reçu l'assurance de M. Gilbert que le Soleil ne sera pas vendu avant la mi-septembre...

M. BOURASSA: De fait, j'ai vu...

M. CHARRON: Tous étaient parfaitement en droit de reproduire le même texte.

M. BOURASSA: De fait, j'ai vu M. Desmarais et j'ai communiqué avec M. Gilbert le 11 ou le 12.

M. CHARRON: Nous n'en sommes pas là, M. le premier ministre, nous en sommes au 28 août encore.

Peu importe. M. Gilbert, selon votre idée, puisque le premier ministre, malgré sa promesse de vous rappeler, ne l'avait pas fait dans la semaine du 2 septembre...

M. BOURASSA: Je l'ai rappelé le 11.

M. CHARRON: ... le 11 septembre vous avez signé un contrat de vente avec M. Desmarais. Entre le 28 août, date de l'appel téléphonique autour duquel on tourne depuis tantôt, et la signature du contrat de vente, y avait-il eu nouvelle communication avec le premier ministre?

M. GILBERT: Non.

M. CHARRON: Vous avez donc signé sans avoir eu d'autres nouvelles que le 28 août.

M. GILBERT: Oui.

M. CHARRON: Avez-vous, à ce moment-là, informé le premier ministre, le 11 septembre, que vous veniez de signer un contrat de vente avec M. Desmarais?

M. GILBERT: Je ne l'ai pas informé mais il a été informé.

M. CHARRON: II a été informé par qui? M. GILBERT: Je ne sais pas.

M. CHARRON: Qui vous dit qu'il en a été informé?

M. GILBERT: II a été informé. Je ne peux pas vous dire s'il était au courant qu'il y avait eu une vente de faite ou non, mais je sais qu'il était au courant qu'il y avait eu certainement... D'ailleurs, j'ai déclaré que les choses étaient très avancées.

M. CHARRON: M. Gilbert, croyez-vous que ce pourrait être — c'est une interprétation, si vous ne voulez pas répondre à ma question, vous êtes parfaitement libre — l'autre partie, c'est-à-dire la partie qui s'est portée acquéreur du Soleil qui aurait informé le bureau du premier ministre du contrat de vente signé le 11 septembre?

M. GILBERT: Je ne le sais pas. Je ne le sais absolument pas.

M. CHARRON: Sur cette partie-là le premier ministre nous éclairera du mieux qu'il pourra quand viendra le temps de le faire. Entre les premiers contacts avec Power Corporation et la signature du 11 septembre 1973, il y a eu évidemment une période de négociation. On ne vend pas un journal de cette valeur et de cette importance sans qu'on ait étudié, d'un côté comme de l'autre, toutes les retombées économiques chez chacun des partenaires. Cette période de négociation s'est tenue donc à partir de cinq ou six jours, m'avez-vous dit tantôt, après le 11 août, date de la transaction de Montréal-Matin, jusqu'au 11 septembre. Mettons deux à trois semaines. Quand avez-vous donné la permission à M. Desmarais de faire étudier vos états financiers et de visiter vos ateliers?

M. GILBERT: M. Desmarais a étudié nos états financiers, on les lui a remis à la réunion, comme je vous l'ai dit, après le 11 août. On lui a fait parvenir les états financiers.

Ni M. Desmarais ni personne de son entourage n'ont jamais visité les ateliers du Soleil. On peut appeler ça, acheter "blind".

M. CHARRON: Ils ont acheté "blind". M. GILBERT: Oui.

M. CHARRON: II n'y a eu aucun examen autre que les états financiers que vous lui avez fait parvenir par la poste, j'imagine, ou autrement?

M. GILBERT: Absolument.

M. CHARRON: Qui a conduit les négociations pour parvenir au contrat de vente bel et bien signé le 11 septembre dernier? J'imagine que, des deux côtés de la table, on avait des bureaux d'avocats?

M. GILBERT: Je peux vous dire que les négociations ont été une transaction très simple. On les a conduites, mon frère Gabriel et moi. Ensuite notre procureur, Me Rivard, d'un côté, et le procureur de M. Desmarais, de l'autre, ont préparé le contrat de vente concernant ce sur quoi on s'était entendu.

M. CHARRON: Qui sont les procureurs de Desmarais, savez-vous?

M. GILBERT: M. André Monast. M. CHARRON: De quel bureau?

M. GILBERT: Saint-Laurent, Monast et autres.

M. CHARRON: Le prix de vente qui figure dans le contrat du 11 septembre, comment était-on parvenu à ce chiffre, si on n'avait fait aucune évaluation des ateliers ou de quoi que ce soit autre que les états financiers? Comment s'est fixé ce prix de vente?

M. GILBERT: II s'est fixé par discussion. On a simplement discuté. On voulait avoir un tel prix et M. Desmarais était prêt à payer tel prix ; on en est venu à l'entente qui est là.

M. CHARRON: Mais M. Desmarais s'est offert à vous verser ce montant sans vérifier la valeur réelle de la marchandise de cette importance?

M. GILBERT : II avait une confiance extraordinaire en nous.

M. CHARRON : Cela aussi — vous me faisiez une leçon sur les milieux financiers — vous admettez que c'est assez rare. Pas plus on se fait plaisir, pas plus on se fait confiance.

M. GILBERT: Un instant; dans les milieux financiers, il y a des gens à qui on donne la main et c'est un contrat.

M. CHARRON: Etait-ce le cas avant le 11 septembre avec Power Corporation?

M. GILBERT: Non.

M. CHARRON: La seule promesse formelle est venue par le contrat dûment signé le 11 septembre?

M. GILBERT: Oui.

M. CHARRON: Le 20 septembre, M. Gilbert, la date de fermeture du contrat qui avait été signé le 11 a été reportée du 28 septembre au 14 décembre. Pourquoi?

M. GILBERT: C'était à la suite de la demande du premier ministre d'avoir un moratoire de trois mois sur la vente du Soleil. Ce moratoire, je voudrais le dire tout de suite, c'est un grand mot, ce n'est pas nous qui avons sorti l'expression. Pour moi, c'est un "gentlemen agreement" avec le premier ministre. C'est un "gentlemen agreement" à trois parties.

M. CHARRON: Cette date a-t-elle été négociée ou si le premier ministre...

M.GILBERT: Elle n'a pas été négociée, le premier ministre a demandé un moratoire, un "gentlemen agreement" ou trois mois où rien ne se ferait, où on arrêtait — je me le rappelerai toujours — les choses où elles en étaient. A ce moment-là, on a arrêté les choses où elles en étaient. Trois mois, ça faisait au 14 décembre. Vous avez vu au contrat qu'il y a un document qui dit que la date de fermeture est remise du 28 septembre au 14 décembre.

M. CHARRON: Avez-vous une copie de ça? M. GILBERT: Oui, cela a déjà été déposé.

M. CHARRON: M. Gilbert, quand le premier ministre vous a téléphoné...

M. GILBERT: Voulez-vous que je vous lise... M. CHARRON: S'il vous plaît.

M. GILBERT: "Conformément aux dispositions de l'article 3 de l'entente entre les parties en date du 11 septembre 1973, il est convenu que la fermeture de la transaction a été reportée au 14 décembre 1973 à la même heure et au même endroit. En foi de quoi, les parties ont signé ce 20 septembre 1973."

M. CHARRON: D'accord. Quand le premier ministre vous a téléphoné, c'est ce qu'il nous a dit la semaine dernière, pour vous proposer ce "gentlemen agreement" de trois mois, est-ce

que c'est à ce moment-là que vous l'avez informé que le contrat était déjà signé depuis le 11 septembre ou s'il le savait déjà?

M. GILBERT : Je ne sais pas s'il le savait. Je ne l'ai jamais informé que le contrait était signé, j'ai dit que j'arrêtais les choses où elles en étaient.

M. CHARRON: Les choses où elles en étaient, c'est qu'elles étaient bâclées...

M. GILBERT : Le contrat était signé. M. CHARRON: ... et signées. M. GILBERT : Oui.

M. CHARRON: Habituellement, c'est là où on arrête les choses.

M. GILBERT: Un instant, le "closing" n'était pas fait. Quand on fait une promesse de vente, on fait un "closing". Tant que le "closing" n'est pas fait, la transaction n'est pas finie.

M. CHARRON: Vous avez accepté de reporter le "closing" du 28 septembre au 14 décembre.

M. GILBERT: La preuve de ça, c'est que la transaction ne s'est pas faite.

M. BOURASSA: M. le Président, juste pour rafraîchir la mémoire de tout le monde, à moins que ce soit la mienne, je crois que j'avais parlé à votre frère, M. Gilbert, à ce moment-là. J'avais rencontré M. Desmarais, qui était d'accord pour le moratoire, et j'avais appelé votre frère pour voir s'il était d'accord.

M. GILBERT: Oui, pour le moratoire, c'est avec mon frère. Pour le moratoire de trois mois, c'est avec mon frère parce que je pense que vous n'avez pas pu me rejoindre. C'est avec mon frère...

M. CHARRON: M. Gilbert, est-ce que le premier ministre vous a indiqué, au moment où vous faisiez ce "gentlemen agreement", qu'il souhaitait vous voir vous mettre à l'oeuvre pendant ce laps de temps pour trouver un autre acheteur que M. Desmarais?

M. BOURASSA: J'ai parlé à son frère, je n'ai pas parlé à M. Gilbert.

M. CHARRON: Ou à votre frère?

M. GILBERT: Enfin, à mon frère le premier ministre a dit, je l'ai su après parce que l'on ne se cache rien, je pense... Il reste qu'à ce moment-là on n'a pas parlé d'autre acheteur, on s'est entendu sur un moratoire de trois mois, on arrêtait les choses où elles en étaient. Il n'a pas été question de trouver un autre acheteur, il n'a pas été question de cela; il était question, à ce moment-là, d'étudier le problème.

M. CHARRON: M. Gilbert, votre frère, que, entre parenthèses, on aurait bien aimé voir ici cet après-midi, puisque...

M. BOURASSA: Vous ne l'avez pas demandé.

M. CHARRON: Oui, on l'a demandé. Enfin, peu importe. Votre frère vous a-t-il informé que, lors de ce "gentlemen agreement", le premier ministre lui avait signalé que, du côté gouvernemental, on allait tout mettre en oeuvre pour trouver un autre acheteur que Power Corporation et que le gouvernement n'avait pas l'intention d'accepter la vente du Soleil à Power Corporation?

M. BOURASSA: C'est du oui-dire, M. le Président, il faudrait laisser répondre...

M. CHARRON: Ce n'est pas du oui-dire, parce que M. Gilbert est propriétaire du Soleil au même titre que son frère et qu'il devait très certainement être au courant des obligations qui lui incombaient à la suite du "gentlemen agreement" II se trouvait lié, par son frère, au "gentlemen agreement" qui venait d'avoir lieu entre les deux parties.

M. GILBERT: Je vais répondre là-dessus. Le "gentlemen agreement" était que l'on arrêtait les choses où elles en étaient et que l'on ne faisait rien pour les trois prochains mois. La preuve de cela c'est que l'on a retardé le "closing" au 14 décembre.

M. CHARRON: Mais pas un mot de la part du gouvernement sur le fait que le gouvernement ne voulait pas voir Power Corporation mettre la main sur le Soleil? Ce n'était pas cela?

M. BOURASSA: Si on arrêtait, la question est ridicule.

M. CHARRON: Non.

M. BOURASSA: Si on demandait un moratoire, c'est parce que l'on était opposé à la vente.

M. CHARRON: Je regrette, mais la question n'est pas ridicule, et peut-être que M. Gilbert peut répondre là-dessus.

M. BOURASSA: Elle est ridicule pour moi.

M. GILBERT: Ecoutez, ce n'est pas moi qui ai reçu l'appel et je n'ai pas l'impression que c'étaient les termes de la conversation téléphonique.

M. CHARRON: Parce qu'il y a une autre hypothèse qui n'est pas si ridicule que cela. Je l'ai rappelée au premier ministre la semaine dernière et elle revient sur la table cet après-midi, c'est que...

M. BOURASSA: Quelle est l'hypothèse?

M. CHARRON: L'hypothèse était que l'on en était à quelques jours du déclenchement, des élections générales au Québec.

M. BOURASSA: Douze jours.

M. CHARRON: Tout ce qui importait, pour le moment, était d'écarter le dossier de la place publique, et je crois tirer de vos réponses, M. Gilbert, que c'était le "gentlemen agreement" auquel on était venu.

M. BOURASSA: ... Power...

M. GILBERT: Pardon, je m'excuse, d'abord vous n'avez pas à tirer de conclusion de mes réponses, je pense. Je n'accepte pas que vous disiez, de ce que j'ai dit, que c'était cela. Le premier ministre nous a demandé, à ce moment-là, un moratoire de trois mois. Nous ne lui avons pas posé de questions comme telles, nous lui avons dit: Nous sommes prêts à surseoir pour trois mois à la transaction, c'est-à-dire arrêter où elle en était, mais il n'a pas été question, à ce moment-là, d'élections ou pas. Je ne voudrais pas que, vous me mettiez des mots dans la bouche quand je ne les ai pas dits.

M. CHARRON: D'accord. Je les mettais moi-même mais peu importe pour le moment. Les frères Gilbert, propriétaires du Soleil, n'avaient pas été formellement avisés que ce moratoire avait pour but de trouver un autre acheteur que Power Corporation et que le gouvernement n'avait aucunement l'intention d'autoriser la vente du Soleil à Power Corporation. On n'en a pas profité, au moment de cette entente, ce "gentlement agreement", pour vous dire que le but était d'écarter du dossier l'acheteur qui avait dûment signé le 11 septembre.

M. GILBERT: Un instant. J'ai dit, au début, que le premier ministre nous avait fait voir qu'à ce moment-là il y avait des problèmes à la transaction. Lors du premier appel téléphonique qu'il m'avait fait, il avait déjà soulevé ce problème. Il ne nous a pas demandé, certainement, de ne pas faire la transaction, d'arrêter la transaction parce qu'il ne voyait aucun problème. C'est parce qu'il y voyait des problèmes probablement qu'il nous a demandé cela. On savait qu'il voyait des problèmes et le premier ministre, à ce moment-là, nous a dit: On va étudier le problème, il y a un problème et on va l'étudier. Nous, nous avons dit: Nous sommes prêts pour trois mois, comme cela a été demandé. C'est tout.

M. BOURASSA: En attendant une solution du Parti québécois. S'il avait eu une solution, peut-être qu'il aurait pu trouver un acheteur.

M. CHARRON: Mais le premier ministre vous avisait donc, si je prends votre dernière réponse, que l'on allait profiter de ces trois mois, auxquels on vous demandait de consentir, pour étudier le problème puisque le problème existait, mais cela ne s'est aucunement précisé au point de vous dire que ce n'était pas simplement pour étudier le problème mais aussi pour trouver un autre acheteur que Power Corporation.

Cela n'a pas été jusque-là. Je ne le crois pas.

M. ROY: Pendant ce moratoire, M. le Président, est-ce que M. Gilbert pourrait nous dire si d'autres acheteurs que ceux dont il a été question ici, devant la commission, ou même dans les journaux, se seraient présentés auprès des propriétaires du journal comme étant susceptibles d'être intéressés?

M. GILBERT: Cela a été le calme plat pendant le moratoire.

M. ROY: Est-ce que vous avez fait des démarches...

M. GILBERT: Aucune.

M. ROY: ... autres que celle pour laquelle des questions vous ont été posées? Est-ce que vous avez fait d'autres démarches...

M. GILBERT: Aucune.

M. ROY: ... pour trouver un autre acheteur?

M. GILBERT: Aucune démarche.

M. ROY: Vous n'en avez fait aucune.

M. GILBERT: Quand on a un bon acheteur, on n'en cherche pas d'autres.

M. ROY: Est-ce qu'on peut vous demander pourquoi justement vous n'auriez fait aucune autre démarche?

M. GILBERT: Ce n'était pas à moi de faire des démarches. J'avais déjà vendu mon entreprise. A ce moment-là, ce n'était pas à moi de faire des démarches pour la vendre à un autre. Voyons!

M. BOURASSA: II n'était pas intéressé à vendre à d'autres acheteurs, il voulait vendre à Power Corporation.

M. GILBERT: Je voulais vendre à Power Corporation.

M. ROY: Pour vous, c'était décidé que vous vouliez vendre à Power Corporation.

M. GILBERT: C'était même fait. M. CHARRON: C'était fait.

M. GILBERT: C'était même fait. Une promesse de vente, c'est une vente. Il reste simplement à...

M. ROY: A la suite des demandes que vous avait faites le premier ministre...

M. GILBERT: Pardon?

M. ROY: A la suite des demandes que vous avait faites le premier ministre...

M. GILBERT: Le premier ministre nous a simplement demandé d'arrêter les pourparlers où ils étaient rendus. C'est la seule chose à laquelle on s'est entendu.

M. CHARRON: II s'agissait de retarder le "closing".

M. GILBERT: Probablement que le premier ministre ne le savait pas. Je ne sais pas s'il le savait ou s'il ne le savait pas. Il savait qu'on était rendu loin mais il ne savait pas...

M. CHARRON: Est-ce que le premier ministre était au courant du contrat de vente au moment où il a téléphoné pour demander un moratoire? Savait-il que tout ce qu'il restait à faire, c'était de retarder le "closing"? Etait-il au courant que le contrat était signé depuis le 11 septembre?

M. BOURASSA: On m'avait dit qu'il y avait une entente de principe qui devait être ratifiée. Donc, tant qu'il n'y avait pas ratification, l'entente n'était pas valide.

M. CHARRON: Qui était votre informateur?

M. BOURASSA: Quand j'avais rencontré M. Desmarais pour lui demander le moratoire, avant d'appeler M. Gilbert, il m'avait dit: Les pourparlers sont pas mal avancés. On s'était entendu en principe. Je ne savais pas quelles implications légales cela pouvait impliquer, mais ce n'était pas terminé. Donc, c'est pourquoi dans mon communiqué — je signale au député que c'est la sixième fois que je le signale — c'est écrit que le premier ministre a indiqué qu'il n'hésiterait pas à procéder à une intervention législative, c'est-à-dire une loi rétroactive, qui est quand même un procédé exceptionnel, si cette suspension n'était pas respectée. Je pense que je menaçais, par cette déclaration officielle du gouvernement, les parties en cause parce qu'on m'avait dit qu'il y avait des pourparlers relativement avancés — je menaçais les parties en cause d'une intervention législative.

Je ne me souviens pas des termes exacts, cela fait quand même quatre mois, mais on m'avait dit que les négociations ou ententes étaient avancées mais qu'elles n'étaient pas complétées. C'est pourquoi, quand on m'a remis le document, j'avais demandé à mon conseiller juridique si c'était complété. Il m'avait dit: Ce n'est pas complété, c'est simplement une promesse de vente.

M. ROY: J'aimerais savoir du premier ministre quand il a demandé de suspendre l'affaire, par son moratoire de trois mois, pourquoi il l'a fait avec la menace d'une loi rétroactive. Dans quel but? Je ne prenais pas ces propos pour les prêter à M. Gilbert, parce que M. Gilbert n'est pas concerné directement par cela, mais est-ce que c'était tout simplement pour traverser la campagne électorale ou si c'était dans le but de trouver des acheteurs éventuels autres que le groupe Desmarais pour acquérir le Soleil?

M. BOURASSA: Si j'ai parlé d'intervention législative, cela ne touche pas les délais, c'est parce que j'avais été informé qu'il y avait des démarches très avancées. Je ne me souviens pas des termes exacts, mais il y avait des démarches très avancées entre les frères Gilbert et Power Corporation. C'est pourquoi j'ai dit: Si je ne mets pas cette menace d'une intervention législative, cela peut se compléter très rapidement.

M. ROY: Je veux savoir pourquoi. Si le premier ministre avait demandé un moratoire de trois mois, le premier ministre avait certainement des...

M. BOURASSA: C'est évident que, si on voulait retarder la vente, il s'agissait de voir. Disons qu'à ce moment j'étais sceptique, parce que j'avais eu des échos suivant lesquels les offres faites étaient de $6 millions ou $5 millions. Je ne sais pas de combien on vous avait fait une offre. Je sais que Power a fait une offre de $8 millions ou $8 1/2 millions.

M. GILBERT: On n'a jamais eu une offre écrite. Le groupe Péladeau s'est rendu jusqu'à une offre de $5 1/2 millions, je pense simplement qu'en discutant comme cela, je leur ai dit que je n'étais absolument pas intéressé.

M. CHARRON: M. Gilbert, je vous ai posé...

M. ROY: Un instant, j'aimerais bien continuer, étant donné que c'est mon tour de poser des questions, encore une fois je ne suis pas satisfait de la réponse du premier ministre.

J'aimerais bien savoir une chose. On a demandé un moratoire de trois mois parce que le premier ministre nous a révélé tout à l'heure qu'il avait peur de la concentration de la presse en un groupe qui contrôlerait toutes les chaînes, autrement dit tous les journaux d'expression française. Maintenant, le moratoire de trois mois a existé. Pendant ce moratoire de trois

mois, quels ont été les efforts et les tentatives que le gouvernement du Québec a faits pour éviter que le journal ne passe au groupe Desmarais?

M. BOURASSA: J'ai dit tout ce que j'avais fait. Durant la période électorale, je n'ai pas fait grand-chose dans ce domaine-là...

M. ROY: Cela vous a passablement tenu occupé.

M. SAMSON: On s'en doutait.

M. BOURASSA: C'est après que je...

M. ROY: D'ailleurs, vous ne nous apprenez rien.

M. CHARRON: Je peux répondre au député de Beauce-Sud?

M. ROY: Je l'ai lu, le journal des Débats; c'est parce que les réponses qui sont données dans le journal des Débats ne me donnent pas satisfaction. Il me semble qu'on a tout simplement fait un moratoire de trois mois pour essayer de trouver une formule pour retarder le débat, retarder la discussion pour que le calme revienne partout et surtout éviter le débat public durant la campagne électorale. C'est mon impression, M. le Président. J'ai quand même droit à mes opinions.

M. SAMSON : M. le Président, est-ce que je pourrais demander au premier ministre...

M. BOURASSA: ... Power n'a pas acheté, finalement.

M. CHARRON: On verra.

M. SAMSON: M. le Président, est-ce que je peux poser une question au premier ministre?

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: M. Gilbert a mentionné tantôt que le premier ministre a communiqué avec son frère pour cette question du moratoire. M. le premier ministre, est-ce que vous vous rappelez cette discussion que vous avez eue avec le frère de M. Gilbert? Quels sont les arguments invoqués à l'occasion de cette communication pour lui demander d'accepter le moratoire de trois mois?

M. BOURASSA : M. Gilbert a répondu tantôt. J'ai parlé de la concentration de la presse.

M. SAMSON: M. le premier ministre, il ne nous a pas répondu parce que ce n'est pas lui qui a eu la communication. C'est vous qui avez parlé avec le frère de M. Gilbert...

M. BOURASSA: J'ai parlé de la concentration de la presse...

M. SAMSON: ... vous avez parlé de cela.

M. BOURASSA: J'ai dit que cette vente se trouvait à accélérer le phénomène parce que M. Gilbert m'a demandé pourquoi: Qu'y a-t-il de mal là-dedans, c'est un crime de vendre mon journal? Cela a été sa réaction. J'ai dit que si cela accélérait le phénomène de la concentration de la presse... Je ne sais pas si on a parlé de la liberté qui existe pour les journalistes actuellement, je ne m'en souviens pas, mais cela a été sa réaction. Pourquoi m'empêchez-vous...?

M. SAMSON: Je comprends sa réaction. Quelqu'un qui a un bien qu'il possède a le droit de s'en départir, de le vendre...

M. BOURASSA: C'est cela.

M. SAMSON: ... jusqu'à ce jour, il n'y a aucune loi qui empêche quelqu'un de se départir de ses biens au meilleur prix possible.

M. BOURASSA: C'est cela. Si ce n'est pas un crime, pourquoi m'empêchez-vous de vendre?

M. SAMSON: Est-ce que vous pouvez nous dire...

M. BOURASSA: Alors, j'ai parlé de la concentration de la presse.

M. SAMSON : Pour le bénéfice de la commission parlementaire, est-ce que vous pouvez nous dire si, en plus d'avoir parlé du phénomène de la concentration des entreprises de presse, vous avez mentionné clairement au frère de M. Gilbert que pendant ce moratoire c'était l'intention du gouvernement de suggérer publiquement que le Soleil soit vendu à une entreprise autre que Power Corporation?

M. BOURASSA: On n'a pas enregistré les conversations, mais en parlant des dangers de la concentration de la presse...

M. SAMSON: M. le premier ministre, je ne vous ai pas demandé si vous aviez enregistré la conversation — je pense que vous l'avez fait, comme vous le faites généralement — mais je vous demande ceci: Est-ce que vous vous en souvenez?

M. BOURASSA: ... des accusations fausses... M. SAMSON: Non, M. le Président...

M. BOURASSA : Est-ce que le député pourrait me donner un cas?

M. SAMSON: Justement, j'ai demandé au

ministre de la Justice de vérifier mes lignes et on ne m'a pas encore assuré que mes conversations n'étaient pas enregistrées, ici, au Parlement. Cela fait déjà trois mois. Je regrette si je fausse le débat, mais c'est le premier ministre qui nous amène sur ce terrain-là pour nous faire oublier ce qu'il a dit ou ce qu'il n'a pas dit au frère de M. Gilbert, et cela nous intéresse, M. le Président. Est-ce que vous leur avez expliqué clairement quelles étaient les intentions du gouvernement?

Il y a deux choses que nous retenons. Premièrement: Vous avez, par voie de communiqué, menacé d'avoir recours à une loi spéciale, rétroactive...

M. BOURASSA: C'est grave pour...

M. SAMSON: Oui, c'est grave, mais on a le droit de savoir quelles étaient vos intentions. On a le droit de savoir quelles étaient les intentions du gouvernement. Quand on parle d'une loi spéciale, rétroactive, qu'est-ce que cela voulait dire?

M. BOURASSA : Comment se fait-il que le député n'ait pas protesté quand j'ai émis ce communiqué, lui qui, il y a deux semaines, a parlé de la liberté de commerce?

M. SAMSON: M. le Président, j'avais déjà, à ce moment-là, compris que c'était une manoeuvre électorale du premier ministre. J'avais déjà compris que le moratoire exigé donnait un répit au premier ministre.

M. BOURASSA : Comment se fait-il que le député n'était pas libre de parler de ça dans son comté pour l'élection?

M. SAMSON: Nous étions en campagne électorale. M. le Président, on n'a pas utilisé ce genre de choses. Le premier ministre a utilisé ce qu'il avait à portée de la main. On le comprend, c'est sa méthode à lui. Mais est-ce que vous pouvez nous dire à quoi vous faisiez référence quand vous parliez de loi spéciale et rétroactive? Qu'est-ce que cela voulait dire?

M.BOURASSA: Je me suis assuré d'une chose: que la vente n'était pas complétée, que la vente n'était pas finale.

M. SAMSON: Oui.

M. BOURASSA: II y a toutes sortes d'étapes, légalement, mais si cela avait été fait, je voulais que cela soit clairement exprimé, publiquement exprimé que le gouvernement passerait une loi rétroactive. C'était la seule façon...

M. SAMSON: Au moment où vous avez communiqué avec M. Gilbert, qu'est-ce que vous avez donné comme arguments? Il est bien beau de dire: On passera une loi spéciale si vous vendez cela tout de suite. On fait un moratoire de trois mois, on comprend cela. Mais qu'est-ce qu'on fait pendant ce moratoire? Est-ce que cela voulait tout simplement dire qu'on reportait la vente à trois mois? Laissez-nous faire nos élections, et au bout de trois mois, vous vendrez et nous ne vous dérangerons pas, ou est-ce que cela voulait dire que, en principe, la vente, on ne l'accepte pas? Il faudrait trouver autre chose que cela. C'est ce que j'aimerais savoir. Je m'imagine les propriétaires du journal Le Soleil recevant un appel téléphonique du premier ministre disant: Mes amis, voulez-vous retarder cela de trois mois? Et tout de suite, on se dépêche de dire: Oui, M. le premier ministre. Je pense que cela ne doit pas s'être passé comme cela. On doit avoir demandé...

M. BOURASSA: Ce n'était pas un oui très enthousiaste.

M. SAMSON: ... des raisons. Ce sont ces raisons que nous aimerions savoir à moins que — et le gouvernement peut faire cela— le gouvernement n'utilise en quelque sorte cette commission parlementaire que pour nous amuser un peu, et au fond, son idée est faite à l'avance. Cela ne dérangera rien. Nous concevons que le gouvernement aurait aussi ce droit, M. le Président. Nous concevons que vous avez ce droit comme les frères Gilbert avaient le droit de vendre à n'importe qui.

M. BOURASSA: M. le Président, question de privilège. On ne convoque pas la commission...

M. SAMSON: M. le Président, j'invoque le règlement. Il n'y a pas de question de privilège en commission parlementaire. Je demanderais au premier ministre de regarder son petit livre vert.

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. BOURASSA: D'accord. On ne peut pas dire qu'on convoque la commission pour s'amuser et nous amuser, je pense que c'est tout simplement parce qu'on fait preuve de sens démocratique, qu'on gouverne comme si on était minoritaire, à passer des heures ici à se faire contre-interroger.

M. SAMSON: M. le Président, dire que la commission est convoquée pour nous amuser, c'est être réaliste parce que c'est la drôle d'impression que nous avons depuis la semaine passée. On s'amuse.

M. BOURASSA: Cela fait sept heures que je me soumets à vos questions.

M. SAMSON: Pourquoi avez-vous convoqué cette commission?

M. BOURASSA: Vous me posez des questions comme: Dans telle conversation téléphonique, à quatre heures, que disiez-vous? Dans telle rencontre, qu'est-ce que vous disiez? J'accepte cela patiemment...

M. SAMSON: Oui mais vous ne nous répondez pas.

M. BOURASSA: ... comme si je devais me souvenir de toutes et chacune des paroles que j'ai pu dire il y a cinq ou six mois.

M. SAMSON: Pourquoi ne répondez-vous pas?

LE PRESIDENT (M. Gratton): A l'ordre!

M. SAMSON: C'est quand même sérieux. Je pose à nouveau ma question au premier ministre. J'ai le droit d'avoir une réponse. Je demande quelle est l'argumentation qu'il a employée. Qu'est-ce qu'il leur a dit? Pendant ce moratoire, qu'allez-vous faire? Et qu'est-ce que vous avez exigé? C'est ce que nous voulons savoir. C'est une question simple.

M. BOURASSA: Je réfère le député à un document public qui est le communiqué de presse qui a été rendu public...

M. SAMSON: M. le Président, vous ne m'avez pas convoqué pour lire les journaux. Vous m'avez convoqué à une commission parlementaire. Le premier ministre est là pour nous répondre. C'est lui qui a téléphoné. Ce n'est pas dans le document public.

M. BOURASSA: J'ai répondu il y a deux semaines et je viens de répondre. J'ai parlé de la concentration de la presse qui atteignait un niveau inadmissible ou intolérable — je ne me souviens pas du terme exact — et que le gouvernement se devait d'intervenir dans une telle situation, parce que les frères Gilbert se demandaient, et le député de Rouyn-Noranda probablement, à juste titre, ce que le gouvernement venait faire dans une telle transaction. J'ai répondu que c'était le devoir du gouvernement de protéger l'intérêt public et d'arrêter la concentration de la presse à un niveau qui soit acceptable, tenant compte des autres facteurs.

M. SAMSON: Est-ce que vous pouvez nous dire, M. le premier ministre, quelles ont été les exigences du gouvernement pendant le moratoire?

M. BOURASSA: Une semaine après, j'ai déclenché des élections.

M. SAMSON: C'est une exigence politique. Vous ne répondez pas.

M. BOURASSA: Cela m'est parti de l'esprit.

M. SAMSON: M. le premier ministre, vous n'allez quand même pas penser qu'on va se satisfaire de ce genre de réponses. Donnez-nous donc une réponse.

M.BOURASSA: Après les élections, j'ai chargé M. Lalonde, le député de Marguerite-Bourgeoys, d'essayer de trouver un autre acheteur. Et on a tout dit cela la semaine dernière.

M. SAMSON: Est-ce que vous aviez informé...

M. BOURASSA: Je suis prêt à le répéter encore...

M. SAMSON: Oui, d'accord.

M.BOURASSA: ... à faire preuve d'une patience orientale vis-à-vis des questions du député de Saint-Jacques...

M. SAMSON: Orientez-vous mieux que cela. Est-ce que vous avez informé les frères Gilbert, du journal Le Soleil, de l'intention du gouvernement de chercher un autre acheteur? Est-ce que vous les aviez informés à ce moment?

M. BOURASSA: J'ai dit...

M. SAMSON: Je veux savoir si eux savaient que le gouvernement exigeait un autre acheteur?

M. BOURASSA: Je ne sais pas si c'est le terme exact que j'ai employé mais, en parlant de la concentration de la presse qui atteignait un niveau inadmissible, forcément cela voulait dire qu'il fallait trouver un autre acheteur. Le député de Saint-Jacques veut me poser une question depuis quinze minutes là.

M. SAMSON: M. le Président, le député de Saint-Jacques a posé plusieurs questions, nous avons aussi le droit d'en poser.

M. BOURASSA: D'accord.

M. SAMSON: Pourquoi...

M. BOURASSA: II a l'air impatient.

M. SAMSON: Vous avez parlé de votre souci d'empêcher ce phénomène de la concentration des entreprises de presse. Evidemment, vous avez fait référence à Power Corporation. Aujourd'hui, si nous comprenons bien, M. le Président, comme il y a deux semaines, nous avons été convoqués pour essayer de déterminer si la transaction qui est devant nous accentue ce phénomène de concentration des entreprises de presse. Il a été démontré, à la lettre du moins, que l'acheteur, M. Francoeur, n'était pas Power Corporation sauf qu'à l'étude des documents qu'on a déposés il nous apparaît que l'acheteur

précédent, Power Corporation, exerce un contrôle sur l'acheteur actuel, M. Francoeur.

Si, à l'étude de ces documents, on en arrivait à la conclusion que celui qui finance ou celui qui a favorisé le financement doit être considéré comme l'acheteur, à ce moment-là, par hypothèse, M. le Président, je demande au premier ministre: Que serait-il arrivé si, au lieu de vendre leur entreprise à M. Francoeur, les frères Gilbert avaient tout simplement décidé de ne pas vendre et d'hypothéquer leur entreprise avec Power Corporation? Qu'auriez-vous fait à ce moment-là?

M. BOURASSA: Cela aurait été un problème extrêmement difficile à trancher parce que, d'un côté, je privais les frères Gilbert d'une occasion de réaliser leurs actifs dans la mesure où le seul acheteur était Power Corporation et, d'un autre côté, je me trouvais à permettre l'accélération du phénomène de la concentration de la presse. Il aurait fallu évaluer les...

M. SAMSON : Je ne pose pas la question dans ce sens-là. Si, au lieu de vendre, les frères Gilbert avaient décidé d'hypothéquer leurs biens — oui, faire un emprunt, cela se fait, M. le premier ministre— d'emprunter auprès de Power Corporation, directement à elle-même, vous auriez fait quoi, à ce moment-là? Est-ce que vous n'auriez pas été un peu gêné de dire aux frères Gilbert: Vous n'avez pas le droit d'emprunter de Power Corporation parce qu'elle possède déjà d'autres journaux?

M. BOURASSA: On aurait vu cela, à ce moment-là.

M. SAMSON: Cela aurait pu arriver, parce...

M. BOURASSA: II y a toutes sortes de choses qui arrivent.

M. SAMSON: Vous avez déclaré...

M. BOURASSA: Les frères Gilbert auraient pu décider de garder leur journal et on aurait épargné pas mal de temps.

M. SAMSON: Vous avez déclaré publiquement...

M. BOURASSA: Mais ils voulaient vendre.

M. SAMSON: Oui, mais on aurait été devant le même problème. On aurait été devant le même problème. Là, on étudie un problème qui est le suivant: Ils ont vendu à M. Francoeur, mais dans le fond on cherche à déterminer si en arrière de cela Power Corporation ou M. Desmarais n'aurait pas favorisé le financement. En partant de cela, on voudrait tenter d'en arriver à déterminer si cela va accentuer le phénomène de concentration de la presse. Si tout simplement, au lieu de vendre, ils avaient décidé d'emprunter de l'argent du même organisme, Power Corporation, vous auriez fait quoi?

M. BOURASSA: Si le candidat créditiste dans Saint-Jean avait été élu, vous ne seriez pas ici aujourd'hui.

M. SAMSON: Pardon? S'il avait été élu dans Saint-Jean, le candidat créditiste? Il aurait fallu qu'il y en ait un.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, les questions que je posais tout à l'heure à M. Gilbert tendaient à vérifier une affirmation que nous a faite le premier ministre la semaine dernière, selon laquelle, dans son idée, le "gentlemen agreement" vous donnait comme obligation de trouver un autre acheteur. Vous m'avez dit tout à l'heure, avec raison, je crois, que vous ne l'entendiez pas de la même façon. Vous aviez déjà votre acheteur, le contrat était bel et bien signé, et ce n'était qu'à cause du "gentlemen agreement", à l'égard du premier ministre, que vous acceptiez le retard du "closing" jusqu'au 14 décembre 1973. Parce qu'en commission, à la dernière séance, le premier ministre nous a dit ceci, je le cite, en parlant de la période moratoire: Les frères Gilbert, voyant que c'était très lent et voyant qu'ils subissaient des pertes financières à chaque semaine, importantes à leur point de vue, et je comprends leur inquiétude, ont décidé d'accélérer les négociations avec d'autres acheteurs que Power Corporation, parce qu'ils savaient que dans le cas de Power Corporation le gouvernement ne l'accepterait pas.

M. GILBERT: Un instant là. Je pense que ce que vous dites revient au mois de janvier. C'est après le corsortium cela. Quand on parle de perte d'argent, c'est qu'on a dit au premier ministre et à d'autres qu'en intérêts la famille — pas l'entreprise comme telle — perdait tant d'argent par mois en intérêts sur de l'argent qu'on aurait pu placer alors qu'on n'était pas payé. Si on avait vendu à Power le 14 et même si on avait vendu à Power le 28, on avait déjà consenti à perdre trois mois d'intérêts. A ce moment-là il y avait aussi la question de l'entreprise, au mois de janvier, où on ne pouvait pas prendre de décisions importantes, où il y avait beaucoup d'inquiétudes parmi les cadres et les employés, tout cela. Mais l'allusion que vous faites là, nous avons dit cela au premier ministre après l'histoire du consortium, je pense que c'est le matin du 7 janvier qu'on a fait savoir au premier ministre que maintenant nous étions fatigués d'attendre et qu'on réglait notre problème nous-mêmes dans la semaine. C'est ce qu'on a fait d'ailleurs.

M. BOURASSA: Vous n'étiez pas de bonne humeur, ce matin-là.

M. GILBERT: Non, pas très.

M. CHARRON: M. Gilbert, pendant l'histoire du consortium, comme vous appelez cela, vous avez été en contact, à plusieurs reprises, avec le ministre d'Etat que le premier ministre avait chargé de régler le dossier?

M. GILBERT: Nous avons été en contact avec le ministre d'Etat, M. Lalonde, et avec le premier ministre aussi.

M. CHARRON: Le ministre vous a-t-il informé, au moment où il a été nommé, de son mandat, du mandat qu'il avait lorsqu'il vous a rencontré pour la première fois?

M. GILBERT: Il m'a informé de quoi?

M. CHARRON: De son mandat qu'il avait reçu du premier ministre.

M. GILBERT: Non. Il m'a dit qu'il avait le mandat d'étudier le problème qu'il avait devant lui. Il ne m'a pas informé exactement s'il s'en allait à droite, à gauche ou dans le milieu.

M. CHARRON: Vous a-t-il dit que le premier objectif qu'il avait dans son mandat était d'écarter Power Corporation du Soleil?

M. GILBERT: Non. Il ne m'a jamais dit cela.

M. CHARRON : Vous a-t-il dit que son deuxième objectif était de former un groupe de Québécois qui devait prendre la place de Power Corporation, parce que le gouvernement n'accepterait jamais? Vous a-t-il demandé de vérifier le contrat du 11 septembre?

M. GILBERT: Est-ce que je peux vous arrêter? La première fois que j'ai rencontré M. Lalonde après les élections, M. Lalonde m'a rencontré simplement pour faire le point. Il ne m'a pas dit quel était son mandat, quel n'était pas son mandat. Je l'ai rencontré, on a fait le point. Je lui ai donné mon point de vue, il l'a pris, de son côté, A ce moment-là il m'a fait certaines réflexions mais il n'y a eu rien de conventionnel. M. Lalonde ne m'a pas fait un discours pour me dire: Le gouvernement va vers ceci, vers cela. Cela a été simplement un échange de vues, une échange d'idées.

M. CHARRON: Vous a-t-il demandé le contrat de vente le 11 septembre?

M. GILBERT: Non. D'ailleurs, il ne me l'a pas demandé, je pense qu'il ne savait même pas qu'il y en avait un.

M. LALONDE: Si vous permettez, M. le Président.

M. CHARRON: Je vais terminer et vous pourrez après. J'achève cette question. Est-ce que le ministre vous a informé qu'il n'avait pas besoin de voir le contrat puisque de toute façon...

M. GILBERT: Quand j'ai rencontré... Un instant...

M. CHARRON: Je pose une dernière question, M. Gilbert, avant de céder la parole au ministre.

M. le ministre nous a dit la semaine dernière qu'il ne vous avait pas demandé le contrat de vente parce que de toute façon cela ne lui importait pas; dans son esprit à lui, ce contrat-là n'atteindrait jamais ses fins, il n'était pas valide. Le gouvernement n'acceptait pas le passage du Soleil à Power Corporation. Il nous l'a dit à nous en nous expliquant pourquoi il n'avait pas reçu le contrat de vente du 11 septembre. Est-ce qu'il vous l'avait dit à vous aussi?

M. GILBERT: Il ne m'a pas dit cela parce qu'à ce moment-là d'abord ce n'est pas venu dans la conversation, parce que je ne savais pas si M. Lalonde avait le contrat ou non. On avait toujours l'entente à ce moment-là. On avait dit: On a arrêté les négociations où elles sont rendues. Alors, dans la première rencontre que j'ai eue avec M. Lalonde, on a simplement fait le point et j'ai donné mon point de vue. Il m'a fait simplement quelques réflexions et on s'est laissé comme cela. Il n'y a rien eu de tranché de cela. Il l'avait peut-être dans sa tête. Je ne sais pas, il ne me l'a pas dit.

M. LALONDE: M. le Président, si vous le permettez, je peux confirmer ce que M. Gilbert vient de dire. Lors de la première réunion, il m'a exprimé d'une façon non équivoque son désir de donner suite à la transaction lors de la fin du moratoire. Un des buts de l'entretien, c'était sûrement de faire le point. C'était un nouveau dossier que j'avais. Devant la décision sans appel, il me semblait, de M. Gilbert de donner suite au contrat, j'ai cru bon faire rapport au premier ministre parce qu'il nous semblait que le temps qui nous restait avant la fin du moratoire était un peu court pour faire un travail utile de recherche de formules de rechange.

C'est un peu plus tard, lors de conversations téléphoniques, qu'on a affirmé davantage notre fermeté de ne pas laisser compléter la transaction le 14. D'ailleurs, elle n'a pas été complétée.

M. CHARRON: M. Gilbert, si ce n'est pas à la première rencontre, à quel moment avez-vous été formellement avisé, que ce soit par le premier ministre ou par le ministre qui était responsable du dossier, que le gouvernement n'accepterait pas que votre journal passe à Power Corporation?

M. GILBERT: Ecoutez, la date...

M. BOURASSA: Je veux répondre là-dessus; j'ai répondu également tantôt. S'il n'y avait pas eu d'autres acheteurs — disons que pour M. Péladeau, ça s'est concrétisé les derniers jours avec une offre écrite — le gouvernement aurait eu à prendre une décision lourde de conséquences. C'est ce que je veux faire comprendre au député et je pense que le député lui-même aurait eu à réfléchir s'il avait été à ma place. S'il n'y avait pas eu d'autres acheteurs, est-ce qu'on bloquait les frères Gilbert qui, disons, comme je le disais, avaient tous leurs actifs ou à peu près dans le Soleil, et avaient des problèmes familiaux? Est-ce qu'on les bloquait ou est-ce qu'on laissait faire la transaction? C'est pour ça qu'on a tout fait pour essayer de trouver un autre acheteur, mais c'était une décision qu'il fallait prendre.

M. CHARRON : Le saviez-vous, ça, M. Gilbert, si je reprends la réponse que vient de donner le premier ministre et que je l'ajoute à la mienne?

M. GILBERT: Vers le 14 décembre, dans le temps où on était censé faire le "closing" c'est sûr qu'on a eu des conversations; ça nous a été dit de façon non équivoque. D'ailleurs, le "closing" ne s'est pas fait, parce qu'à ce moment-là les deux parties se sont entendues pour dire on ne fait pas le closing, parce qu'on savait qu'on s'exposait à avoir, de la part du gouvernement — cela nous avait été dit très clairement — une loi rétroactive et que le gouvernement bloquerait la transaction. On a continué à parler avec le gouvernement et on a dit: Apportez des solutions, faites quelque chose.

M. CHARRON : A cette époque-là, M. Gilbert, 14 décembre, soit à la fin du moratoire, si vous aviez ça très clair dans votre esprit, où en était rendue l'histoire du consortium? Est-ce que ça vous apparaissait comme une possibilité sérieuse?

M. ROY: Si on me le permet, M. le Président, j'aimerais revenir sur la question précédente du député de Saint-Jacques. Est-ce que, pendant le temps où le moratoire a été accepté de part et d'autre, vous ou votre frère avez fait part au gouvernement des risques ou des possibilités de perte que cela pouvait vous occasionner, le fait de retarder la vente? Vous avez parlé tout à l'heure d'un montant d'argent. D'ailleurs, il a été mentionné dans les journaux des pertes d'intérêts. Est-ce que cette question a été discutée avec le premier ministre?

M. GILBERT: La question a été discutée. On a dit au premier ministre, à la fin des trois mois...

M. BOURASSA : Assez, c'est assez.

M. GILBERT: ...Assez, c'est assez, parce que c'est simple, $8 millions comptant, mettez ça à 9 p.c, c'est $720,000 d'intérêts par année; divisez ça par 4 et vous allez savoir ce que ça donne.

M. ROY: C'est $2,000 d'intérêt par jour.

M. GILBERT: A ce moment-là, c'est sûr qu'on a dit au gouvernement que ça ne pouvait pas durer beaucoup plus longtemps.

M. ROY: Est-ce que le gouvernement vous a fait voir...

M. GILBERT: II nous a fait voir bien des choses.

M. ROY: ... a tenté d'amorcer une solution, une compensation éventuelle? Est-ce que le gouvernement a dit qu'il y aurait possibilité de dédommagement ou autre? Le premier ministre trouve ça drôle, je pense que ça l'inquiète un peu.

M. BOURASSA: Voir si je vais vous faire des promesses de subvention.

M. GILBERT: Le gouvernement n'a jamais été aussi généreux que ça et n'a jamais fait montre d'autant de générosité que ça. On a suggéré à M. Bourassa que le gouvernement devrait payer les intérêts et qu'alors on était prêt à attendre. Mais ça n'a pas pris beaucoup; on ne l'a pas convaincu.

M. CHARRON: M. Gilbert, dans l'histoire du consortium, le ministre nous avait informé en Chambre, le premier ministre également que — de façon réticente, je l'admets; ils l'ont signalé eux-mêmes — vous aviez accepté de conserver 40 p.c, de façon réticente en regardant de loin les partenaires éventuels. Quand ce chiffre de 40 p.c. a-t-il reçu votre agrément?

Vous avez signalé tantôt en réponse aux questions du député de Beauce-Sud, qu'à votre connaissance il n'y avait jamais eu de rencontre formelle, autour de la table, de tous les partenaires éventuels de ce consortium que nous vantait de tous les côtés le gouvernement.

M. BOURASSA: J'invoque le règlement. C'est faux, M. le Président.

M. CHARRON: Quand sont venus les 40 p.c...

M. BOURASSA: J'ai dit, il y a deux semaines, que l'on ne s'est jamais vanté du succès du consortium.

M. CHARRON: Vous ne pouviez pas vous vanter du succès, il n'y en avait pas. Mais ce dont vous étiez en train de vous vanter est de monter, encore une fois, un écran de fumée.

M. BOURASSA: C'est faux.

M. CHARRON: J'ai posé une question à M. Gilbert. A quel moment de la transaction, avant ou à la fin, ou après la fin du moratoire, avez-vous accepté de conserver ces 40 p.c?

M. GILBERT: Voici, à la fin du moratoire... Je pense que le consortium est arrivé à la fin du moratoire, à un moment donné sur papier, parce qu'il n'a jamais dépassé le stade du papier. Nous, nous demeurions à 40 p.c.; on avait un homme d'affaires qui mettait 20 p.c; on avait, en plus de cela, la Caisse de dépôt, qui mettait 20 p.c; les caisses populaires, 20 p.c. J'avais d'ailleurs dit au premier ministre, à ce moment-là, que je ne croyais pas à cela mais que, si cela se passait ainsi, on était prêt à l'accepter. Mais, après cela, ce qui est arrivé, c'est que les 20 p.c. des caisses populaires ne se sont jamais matérialisés ni de loin, ni de proche et les 20 p.c. de l'homme d'affaires, un moment donné, étaient rendus à 5 p.c. Et là,on cherchait des petits 5 p.c. partout. Alors, nous on a dit: On va faire les innocents et on va rester à 40 p.c. avec des petits 5 p.c. qui vont venir nous emmerder. Alors, on a dit: Là, ça ne marche plus. C'est comme cela que ça s'est passé.

M. CHARRON: Mais votre réticence première, M. Gilbert, est-ce qu'elle tenait au fait que, dans cette histoire de consortium, vous deviez garder 40 p.c. alors que vous vouliez vous départir complètement de vos intérêts dans le Soleil?

M. GILBERT: Certainement, parce qu'il n'est jamais bon de rester minoritaire dans une entreprise. A ce moment-là, il faut être très sûr de ses autres partenaires.

M. CHARRON: Ce consortium, en plus des conditions financières où l'on vous demandait de participer encore à 40 p.c, se voyait greffer d'autres conditions — peut-être, par exemple, la nomination d'un nouveau rédacteur en chef ou d'un nouveau directeur du Soleil — qui n'auraient pas reçu votre assentiment même comme participant minoritaire?

M. GILBERT: On n'a jamais parlé de cela. Je pense que c'est un autre acheteur qui avait fait des promesses.

M. CHARRON: Oui, on est au courant de cela.

M. GILBERT: Un autre acheteur éventuel.

M. CHARRON: Mais dans le projet de consortium, l'histoire du consortium qui n'a jamais dépassé le stade du papier et qui ne s'est même pas réalisé autour d'une table où les partenaires éventuels auraient pu discuter de la tenue du journal, il n'a jamais été question de qui dirigerait le journal?

M. GILBERT: II était entendu que, dans le consortium, nous restions à la tête du journal et à la direction générale du journal.

M. CHARRON: C'était une condition que vous aviez posée pour vos 40 p.c?

M. GILBERT: C'est cela.

M. CHARRON: Combien de temps cette histoire de consortium vous a-t-elle paru comme une possibilité sérieuse?

M.GILBERT: Jamais, mais cela a duré beaucoup trop longtemps.

M. CHARRON: Mais cela n'a jamais paru sérieux.

M. ROY: Est-ce que vous avez eu des entretiens ou des contacts avec le groupe SODEP, qui est intéressé à un journal éventuel qui doit voir le jour...

M. GILBERT: Qu'est-ce que SODEP?

M. ROY: SODEP, c'est Yves Michaud et compagnie.

M. BOURASSA: Le financier Yves Michaud.

M. GILBERT: Et M. Parizeau aussi, le grand économiste.

M. ROY: Est-ce que vous avez eu des contacts avec eux?

M. GILBERT: Non, jamais.

M. ROY: Vous n'avez jamais eu de contacts. Vous n'avez jamais entendu...

M. GILBERT: Je n'aurais même pas voulu en avoir.

M. ROY: Bon, pour vous c'était une question décidée?

M. GILBERT: J'ai dit aussi dans mes déclarations que l'on ne vendrait pas le journal à n'importe qui, que l'on ne regardait pas seulement l'argent mais aussi l'avenir du journal. Alors, cela éliminait SODEP.

M. SAMSON: Vous n'étiez pas pour l'indépendance planétaire.

M. CHARRON: M. Gilbert, j'ai d'autres petites questions. On est rendu au mois de décembre, on arrive, vous allez vous libérer bientôt. Le 11 décembre, vous avez été convoqué à Montréal par les enquêteurs fédéraux — par le gouvernement fédéral, je veux dire — nommés en vertu de la Loi sur les coalitions, en même temps que M. Desmarais. Est-ce que ces enquêteurs étaient au courant du contrat signé le 11 septembre avec Power Corporation?

M. GILBERT: Ils n'étaient peut-être pas au courant mais on a déposé ces documents à ce moment-là. Ils nous ont demandé de déposer nos documents, on les a déposés, à ce moment-là.

M. CHARRON: A quelle date aviez-vous reçu l'avis de convocation?

M. GILBERT: II faut que je cherche. J'ai failli déchirer cela, d'ailleurs, hier.

M. BOURASSA: Prenez votre temps, on n'est pas pressé. Le député a encore beaucoup de questions à poser. Il est tout seul à part cela. Ses collègues n'ont pas voulu l'appuyer.

M. GILBERT: J'ai été convoqué deux fois. Avec moi, j'ai seulement la deuxième convocation. Je peux vous dire que j'ai été convoqué probablement... On a comparu le 11, c'est cela que vous m'avez dit?

M. CHARRON: C'est cela.

M. GILBERT: J'ai dû avoir la convocation deux ou trois jours avant, quatre jours avant... L'autre est au bureau, je ne l'ai pas ici.

M. CHARRON: L'autre avant, porte-t-elle sur le même sujet? M. Desmarais...

M. GILBERT: Oui, on a eu deux convocations avec le fédéral; on a eu la première sur la vente à Power Corporation, à GESCA, et, lorsqu'on a vendu à M. Francoeur, on a eu la deuxième convocation qui était le 21 janvier.

M. CHARRON: Le 21 janvier dernier.

M. GILBERT: Celle-là, je l'ai ici. On a été convoqué le 21 janvier pour...

M. CHARRON: Avez-vous comparu en même temps que M. Desmarais le 11 décembre?

M. GILBERT: J'ai comparu les deux fois.

M. CHARRON: Vous avez comparu les deux fois. Quand vous êtes sorti de cette comparution à huis clos, le 11 décembre dernier...

M. GILBERT: Oui.

M. CHARRON: ... aviez-vous dans votre esprit comme avertissement, de la part du gouvernement fédéral, qu'une transaction impliquant Power Corporation pourrait être contestée en vertu de la Loi sur les coalitions? Est-ce que vous aviez un avis quelconque de cette manière, après l'examen?

M. GILBERT: Je ne sais pas si je dois répondre à cette question parce qu'on était du côté fédéral. Ici, c'est la commission parlementaire provinciale. Je ne le sais pas. Enfin, on avait eu des avis. C'était partagé.

M. CHARRON: Est-ce qu'il serait vrai de dire que cette intervention fédérale, comme vous nous le rappelez...

M. GILBERT: Je vais vous dire tout de suite que la première intervention fédérale nous emmerdait royalement. A la deuxième, on avait pris nos précautions.

M. CHARRON: Parlons de la première. Est-il exact de dire que cela a été un point tournant dans la vente et que c'est à ce moment précis que vous vous êtes mis à la recherche d'autres acheteurs, en plus de la menace voilée du provincial qui vous parlait d'une loi à caractère rétroactif...

M. BOURASSA: La menace était très claire.

M. CHARRON: ... la menace qu'il pourrait peut-être y avoir une loi?

M. GILBERT: Laquelle? Vous parlez de la première?

M. CHARRON: La première, avec M. Desmarais.

M. GILBERT: C'est-à-dire qu'il aurait pu y avoir des problèmes sérieux pour l'acheteur devant le fédéral mais, à ce moment-là, je pense que le consortium commençait à fonctionner. Ce n'est pas seulement l'affaire du fédéral qui a fait pencher la balance.

M. CHARRON: C'est quoi, alors?

M. GILBERT: C'est-à-dire que c'est tout le contexte. Vous aviez un contexte. Vous aviez, d'un côté, le provincial qui faisait des objections et, de l'autre côté, vous aviez le fédéral. A ce moment-là, nous avons pris la décision qu'on devait surseoir. A un moment donné, on a dit: On ne peut pas vendre. D'ailleurs, cela ne s'est pas vendu à Power.

M. CHARRON: Mais la résiliation...

M. GILBERT: Quelle résiliation? La résiliation s'est faite lorsque... C'est simple, vous voulez dire la résiliation de GESCA?

M. CHARRON: Oui.

M. GILBERT: Elle s'est faite lorsqu'on a trouvé un autre acheteur. Je n'aurais pas laissé partir mon premier acheteur qui me payait en lui disant: Je te donne la résiliation, va-t'en et après cela je vais trouver un autre acheteur.

M. CHARRON: Est-il exact de dire, M. Gilbert, que même si la résiliation n'est sur-

venue que le 14 janvier — vous l'avez déposée — dès le 11 décembre Power Corporation était moins intéressée au "closing" de l'acte de vente du 11 septembre à cause des ennuis qu'elle aurait pu avoir en vertu de la loi sur les coalitions.

M.BOURASSA: Je pose la question à M. Desmarais.

M. GILBERT: Vous poserez la question à Power Corporation, ce que je sais c'est que nous...

M. CHARRON : Vous avez un excellent souffleur, de haute qualité.

M. GILBERT: ... je vais continuer la réponse. Nous, de notre côté, avions un papier pour embarrasser Power Corporation d'une façon pas mal bonne, alors à ce moment-là...

M. CHARRON: M. Gilbert, je vais vous poser la question d'une façon plus claire, si vous voulez. Admettons, entre nous, cette hypothèse que M. Desmarais confirmera on infirmera, je l'admets la prochaine fois, comme l'a soufflé le premier ministre... mais admettons que l'avertissement était suffisamment sérieux de la part des enquêteurs fédéraux pour que Power Corporation craigne l'application de la loi sur les coalitions, il se peut qu'à ce moment-là, Power Corporation vous ait laissé davantage carte blanche, en quête d'autres acheteurs pour vous engager à signer un contrat de résiliation le jour où vous en aurez trouvé un autre.

M.BOURASSA: C'est un élément de la situation.

M. GILBERT: J'ai compris le sens de votre question. Vous voulez savoir exactement si Power nous tenait et que nous n'avions pas le droit d'en chercher un autre? Il n'a jamais été question de cela avec Power. C'est qu'à un moment donné, lorsqu'on a cherché d'autres acheteurs, on a dit à M. Desmarais: Si... nous allons chercher d'autres acheteurs. Nous en avons cherché. M. Desmarais ne nous a jamais dit: Vous ne chercherez pas d'autres acheteurs. Excepté que quand je cherchais un autre acheteur, je savais pertinemment que j'avais déjà vendu. Je savais que, lorsque j'avais un acheteur, il fallait après cela que j'aie le désistement de M. Desmarais. M. Desmarais ne m'a jamais dit qu'il ne se désisterait pas.

M. CHARRON: Non, mais M. Desmarais, par définition même...

M. GILBERT: S'il ne se désistait pas, il était obligé d'acheter à ce moment-là, quand j'avais un autre acheteur, il aurait acheté. H se serait démerdé avec ses problèmes.

M. CHARRON: Peut-être que M. Desmarais, lui-même sachant... il était acheteur. Il avait signé et vous pouviez à n'importe quel temps demander l'application du contrat de vente. Vous vouliez vendre et il voulait acheter. Cela ne peut pas mieux marcher. Mais sachant qu'il pourrait éventuellement avoir des ennuis du côté provincial avec une loi rétroactive et, éventuellement, des ennuis du côté fédéral avec l'application de la loi sur les coalitions, peut-être que c'est lui qui s'est mis à la recherche d'un autre acheteur.

M. GILBERT: Vous le lui demanderez.

M. CHARRON: Très bien.

M. GILBERT: Ce n'est pas mon problème.

M. CHARRON: M. Gilbert, à cette date du 11 décembre où nous sommes, est-ce qu'il y avait déjà eu des contacts avec M. Francoeur?

M. GILBERT: Au 11 décembre? Non, jamais de contacts sur la vente du Soleil. J'ai rencontré M. Francoeur par affaires.

M. CHARRON: Le 14 décembre, en vertu du contrat signé le 11 septembre, modifié le 20 septembre, vous deviez remettre aux journaux Trans-Canada de M. Desmarais les actions du journal Le Soleil, n'est-ce pas?

M. GILBERT: Le 14 décembre?

M. CHARRON: Le "closing" était au 14 décembre.

M. GILBERT: Oui, c'est exact... pas aux journaux Trans-Canada, je ne comprends pas...

M. CHARRON: A M. Desmarais. M. GILBERT: A M. Desmarais. M. CHARRON: A GESCA. M. GILBERT: A GESCA.

M. CHARRON: Pourquoi ne l'avez-vous pas fait?

M. GILBERT: On ne l'a pas fait, parce qu'à ce moment-là — je ne devrais pas dire cela — on avait le consortium, on avait le premier ministre qui ne nous encourageait pas et on avait le fédéral qui ne nous encourageait pas. Alors, on a été prudent. C'est simplement la vertu de prudence.

M. CHARRON: Y a-t-il eu report de la date, à ce moment-là, ou abandon?

M. GILBERT: Pardon?

M. CHARRON: Report de la date de "closing" ou abandon du contrat?

M. GILBERT: Non. C'est-à-dire qu'on a écrit une lettre à M. Desmarais dans laquelle on lui disait qu'on se gardait le droit de faire le "closing", de demander d'aller livrer les actions et de demander le paiement en n'importe quel temps, en l'avertissant, je pense, deux jours à l'avance.

M. CHARRON: Pouvez-vous déposer cette lettre, M.Gilbert?

M. GILBERT: Elle n'a pas été déposée?

M. CHARRON: Avant le 14 janvier, M. Gilbert, le document que vous nous avez remis tout à l'heure: résiliation du contrat, avant cette date, il n'y avait rien d'autre écrit entre M. Desmarais et vous même concernant la renonciation de poursuite en dommages et intérêts pour bris de contrat?

M. BOURASSA: Il vient de déposer... M. GILBERT: Je viens de déposer... M. CHARRON: A part cela?

M. GILBERT: Vous avez là tous les papiers. Il n'en reste plus. C'est le dernier. N'en demandez plus, il n'y en a plus.

M. CHARRON: Avez-vous accusé réception de cette lettre...

M. GILBERT: Pardon?

M. CHARRON: Avez-vous accusé réception de cette lettre?

M. GILBERT: C'est nous qui l'avons envoyée.

M. CHARRON: Vous a-t-on envoyé un accusé de réception par la suite?

M. GILBERT: Nous n'en avions pas besoin et nous n'en avons pas reçu non plus.

M. CHARRON: M. Gilbert, outre ce contrat de vente avec M. Desmarais, signé le 11 septembre, existe-t-il un ou des contrats de quelque nature que ce soit entre vous et les propriétés de M. Desmarais?

M. GILBERT: Aucun.

M. CHARRON: Aucun. Est-ce qu'en date du 14 décembre vous aviez indication de la part de M. Francoeur qu'il se préparait à vous faire une offre?

M. GILBERT: Aucune indication.

M. CHARRON: Est-ce avant ou après le 14 décembre que vous avez demandé à M. Marcel

Bélanger d'approcher à nouveau le groupe Péladeau à Montréal?

M. GILBERT: Je ne peux pas vous dire la date exacte où nous avons demandé à M. Bélanger d'approcher... Cela devait être après le 14 décembre, probablement à ce moment... Et on a dit à M. Bélanger de faire part à M. Péladeau que s'il déposait une offre écrite — nous avions mis un minimum — il avait de bonnes chances d'obtenir le Soleil.

M. CHARRON: Etait-ce avant ou après que M. Francoeur vous signale son existence dans le dossier que vous avez communiqué avec M. Péladeau?

M. GILBERT: Je ne peux pas vous dire parce que, dans ce temps, il s'est passé bien des choses. Mais, je pense que c'est avant... ou après. Je ne sais pas. Je ne peux pas vous dire.

M. CHARRON: Et qui a pris contact avec M. Francoeur?

M. GILBERT: C'est M. Francoeur qui a communiqué avec moi.

M. CHARRON: Pensez-vous qu'en même temps que vous vouliez vous libérer du contrat de vente, devant les menaces de part et d'autre de nos deux gouvernements, l'acheteur éventuel aussi voulait se libérer du contrat de vente, et qu'il ait pu être à la recherche d'acheteurs éventuels comme vous?

M. GILBERT: Je ne sais pas.

M. CHARRON: M. Gilbert, quand avez-vous entendu parler pour la première fois que M. Francoeur voulait vous faire une offre d'achat du Soleil?

M. GILBERT: M. Francoeur m'a téléphoné, je pense, le 20 décembre — c'était un jeudi ou un vendredi, cela peut être le 19 ou le 20 — vers 4 heures de l'après-midi, pour me demander si je considérerais une offre pour lui vendre le journal. Je lui ai demandé quelle était son offre et, en gros, c'est l'offre qui a été signée. Je lui ai dit: Envoie ton offre par écrit et je l'accepte.

M. CHARRON: Est-ce que M. Francoeur était au courant du montant sur lequel vous étiez déjà parvenu à un accord, le 11 septembre dernier, avec Power Corporation?

M. GILBERT: Non. Je n'en ai jamais parlé avec M. Francoeur. Il savait qu'on avait parlé à M. Desmarais avant, mais il ne savait même pas, je crois, qu'il existait un papier entre M. Desmarais et nous. Il ne savait pas qu'il y avait une promesse de vente. Du moins, je ne le pense pas. Je ne le lui ai jamais dit.

M. CHARRON: Est-ce que M. Francoeur vous a demandé d'examiner ou de faire examiner les livres de votre compagnie?

M. GILBERT : Non.

M. CHARRON: A quelle date...

M. GILBERT: Si vous lisez la promesse de vente, il se garde le droit de faire examiner les livres et les bilans de la compagnie. Et si, à ce moment, il y a quelque chose, l'acheteur peut se récuser.

M. CHARRON: Mais est-ce que vous lui avez envoyé, à un moment ou à un autre, les états financiers de votre entreprise?

M. GILBERT : Oui. C'est sûr. M. CHARRON: Vous les a-t-il demandés? M. GILBERT : Oui, il les a demandés. M. CHARRON: A quelle date?

M. GILBERT: Quand il m'a appelé, il m'a dit: Envoie-moi des états financiers. Fais-moi parvenir des états financiers. Fais-moi parvenir certains documents qu'il voulait avoir. Je les lui ai fait parvenir.

M. CHARRON : Est-ce que quelqu'un du groupe Unimédia s'est rendu visiter l'atelier du Soleil?

M. GILBERT: Non.

M. CHARRON: Personne. Le même genre d'achat que Power Corporation?

M. GILBERT: Oui et, dans ce cas, c'est peut-être beaucoup plus plausible parce qu'on avait déjà eu, il y a peut-être un an ou deux, des gens d'Unimédia, de Trans-Canada qui étaient venus au Soleil pour visiter, simplement pour voir notre installation. Eux qui sont dans les journaux étaient beaucoup plus au courant de nos installations.

M. CHARRON : A quelle date M. Francoeur a-t-il fait une offre formelle pour l'achat du Soleil?

M. GILBERT: M. Francoeur m'a fait une offre formelle ce soir-là.

Le lendemain, on s'est parlé au téléphone et il m'a dit que cela fonctionnait, que cela marchait, qu'il arrangeait son financement et que cela marchait.

A ce moment-là — c'était le temps de Noël, le temps du jour de l'An — on a communiqué avec M. Francoeur pour lui dire: "Ecoute, il faut que cela se fasse rapidement". C'est justement le 7 janvier, le lundi, que les choses n'allaient pas assez rapidement, qu'on a eu l'offre de M. Péladeau. Nous avons communiqué avec lui et il a déposé l'offre le jeudi. A ce moment-là...

M. CHARRON: Y en avait-il d'autres que M. Francoeur et M. Péladeau, à ce moment-là?

M. GILBERT: Non.

M. CHARRON: L'offre que vous...

M. GILBERT: II y avait le consortium.

M. CHARRON: Oui, toujours, l'histoire du corsortium, bien sûr, il ne faut pas l'oublier. M. Gilbert, cette offre était-elle différente de beaucoup des clauses ratifiées le 14 janvier?

M.GILBERT: Les clauses ratifiées le 14 janvier?

M. CHARRON: C'est-à-dire du contrat.

M. GILBERT: Quel contrat du 14 janvier?

M. CHARRON: Quand M. Francoeur vous a téléphoné, vers le 20 décembre...

M. GILBERT: Oui.

M. CHARRON: ... pour vous dire: "Je m'occupe de mon financement et j'embarque".

M. GILBERT: Oui.

M. CHARRON: L'entente sur le prix et l'entente sur les modalités...

M. GILBERT: Etaient faites. M. CHARRON: ... étaient faites? M. GILBERT: Etaient faites.

M. CHARRON: Ce sont les mêmes que l'on retrouve dûment signées le 14 janvier?

M. GILBERT: Oui.

M. CHARRON: Donc, entre le 20 décembre et le 14 janvier, il n'y a pas eu de négociations qui auraient pu altérer l'entente formelle du départ?

M. GILBERT: Non, la seule différence, c'est qu'au premier appel téléphonique, M. Francoeur achetait comptant. A ce moment-là, il n'a pas été capable, il nous a demandé si on prendrait un solde. C'est à ce moment-là qu'on est arrivé aux $5 millions comptant et aux $3 millions en débentures, plus les actions privilégiées.

M. CHARRON: Qui a conduit les négocia-

tions chez vous avec M. Francoeur, du côté du Soleil?

M. GILBERT: C'est moi.

M. CHARRON: C'est vous. Et du côté de M. Francoeur?

M. GILBERT: M. Jean-Guy Faucher, vice-président de Unimédia.

M. CHARRON: M. Faucher est-il à l'emploi exclusif d'Unimédia?

M. GILBERT: Oui.

M. CHARRON: Avez-vous informé M. Francoeur des négociations que vous aviez avec le groupe Péladeau au moment du 7 janvier, comme vous me le disiez tantôt?

M. GILBERT: Le 7 janvier, non. Je ne suis pas informé.

M. CHARRON: Au moment où M. Francoeur était à rédiger l'offre, en termes écrits, l'offre formelle qu'il vous avait faite le 20 décembre, il n'était absolument pas au courant que M. Péladeau était également dans la course?

M. GILBERT: Non, il n'était pas au courant.

M. CHARRON: Personne de chez vous ne l'avait avisé?

M.GILBERT: Non. Je l'ai avisé que M. Péladeau nous avait fait une offre écrite, je lui ai téléphoné le 14 au soir, c'est le vendredi... Je l'ai avisé le 10 janvier.

M. CHARRON: M. Gilbert, quand avez-vous informé le ministre d'Etat que vous aviez reçu une offre formelle de M. Francoeur le 20 décembre?

M. GILBERT : Je ne sais pas.

M. CHARRON: L'avez-vous avisé?

M. GILBERT: Je ne crois pas, non.

M. CHARRON: Avez-vous avisé M. le ministre que vous aviez fait des démarches auprès du...

M. GILBERT : Je pense, par exemple, que M. Francoeur lui-même a communiqué avec M. Lalonde.

M. CHARRON: M. Francoeur lui-même a communiqué avec M. Lalonde?

M. GILBERT: Oui, avant de poursuivre les négociations, il a demandé à M. Lalonde et, je pense, au premier ministre aussi, s'il se présentait comme acheteur, s'il serait agréé, si, à ce moment-là, il pourrait faire la transaction.

M. CHARRON: Etait-ce sur votre conseil que...

M. GILBERT: Non.

M. CHARRON: Avez-vous signalé à M. Francoeur, vous, au moment où vous discutiez avec lui, que M. Desmarais devrait s'écarter du dossier pour des raisons et provinciales et fédérales? Lui avez-vous signalé que, si lui avait une chance de mettre la main sur le Soleil, c'était parce que le contrat dûment signé du 11 septembre 1973...

M. GILBERT: Je pense qu'à ce moment-là, il le savait.

M. CHARRON: II le savait.

M. GILBERT: Oui, je n'ai pas eu besoin de le lui dire. Tout le monde le savait à ce moment-là.

M. CHARRON: Aviez-vous informé, d'autre part, les gens du groupe Péladeau que M. Francoeur était maintenant en liste?

M. GILBERT: Non. Je n'ai jamais informé les gens du groupe Péladeau que M. Francoeur... Quand j'ai parlé avec M. Péladeau... N'ayant plus de nouvelle de M. Francoeur depuis peut-être sept ou huit jours ou cela ne se concrétisait pas, je ne le considérais même plus comme un acheteur, à ce moment-là.

M. CHARRON: M. Péladeau?

M. GILBERT: Non. M. Francoeur.

M. CHARRON: M. Francoeur?

M. GILBERT: Oui, parce qu'il ne me donnait pas de nouvelles. On avait dit qu'il fallait que cela se fasse vite et, à ce moment-là, il n'y avait rien qui se passait. A ce moment-là, je ne le considérais même plus comme un acheteur.

UNE VOIX: Vers quelle date? M. CHARRON: Oui. C'est cela.

M. GILBERT: Cela devait être dans la semaine du 7. A ce moment-là, je n'avais pas eu de nouvelles de M. Francoeur. Il m'avait dit que cela marchait en principe, mais c'est un peu comme le consortium, où tout le monde marchait en principe, mais personne ne marchait en réalité. Moi, j'aime les faits. Alors, à ce moment-là, je ne le considérais plus.

M. CHARRON: Mais, c'est seulement après,

devant les lenteurs de M. Francoeur, que vous avez communiqué avec le groupe Péladeau?

M. GILBERT: Je ne me rappelle pas exactement quand il a été contacté. Je pense qu'il a été approché dans ce temps-là, aussi, probablement vers le 7. Oui, c'est cela.

M. CHARRON: Tantôt, vous m'avez dit avant.

M. GILBERT: J'ai dit avant. Je vous ai dit tantôt que je ne me le rappelle pas exactement. La personne qui pourrait vous donner les dates exactes, c'est M. Marcel Bélanger qui a communiqué avec le groupe Péladeau. Le groupe Péladeau n'a pas été approché, je crois, avant Noël. Il a peut-être été approché après Noël ou à cette date-là, le 7 janvier, au début. C'est dans ce temps-là qu'on a demandé à M. Bélanger d'entrer en contact avec le groupe Québécor et de dire qu'à ce moment-là ils avaient de bonnes chances.

M. CHARRON: Nous n'avons pas encore entendu les représentants du groupe Québécor, mais nous avons en main une déclaration écrite du groupe qui dit et qui affirme que le premier contact ou, si vous voulez, le second, qui suivait celui du mois de mai 1973, est venu le 15 décembre 1973, quelques jours après la comparution...

M. GILBERT: Cela se peut. Je ne dis pas non. Je ne dis pas oui. Je vous dis...

M. CHARRON: Donc, avant l'offre de M. Francoeur.

M. GILBERT: ... qu'il s'est passé tellement de choses pendant ce temps-là que je ne peux pas vous le dire. Cela peut être le 15, cela peut être plus tard.

M. CHARRON: M. Francoeur nous a raconté — pas encore parce qu'on ne l'a pas interviewé; c'est sa version des faits, qui est publiée dans votre quotidien aujourd'hui — qu'il aurait eu vent, à un moment donné, de l'affaire et qu'il se sentait seul dans la course. Il avait entendu dire — tout le monde le savait, comme vous me l'avez dit tantôt — que M. Desmarais ne mettrait pas la main sur le Soleil. C'est alors qu'il a décidé de faire une offre et qu'il vous a téléphoné. Etait-il au courant que vous aviez été en contact avec le groupe Péladeau également là-dessus? Savait-il qu'il avait des concurrents?

M. GILBERT: Je ne le sais pas. M. CHARRON: L'en avez-vous informé? M. GILBERT: Non. Je ne l'ai pas informé. M. CHARRON: L'offre que M. Péladeau faisait expirait vendredi, le 11 janvier, à 15 heures. Pourquoi avez-vous demandé à M. Péladeau de prolonger cette offre jusqu'au mardi suivant?

M. GILBERT: L'offre de M. Péladeau était beaucoup plus engageante et beaucoup plus compliquée que l'offre que j'avais de M. Desmarais et que les ententes verbales qu'on avait eues avec M. Francoeur. Cela demandait beaucoup plus d'études de ce côté-là et on voulait avoir plus de temps pour regarder exactement toutes les facettes de cette transaction-là. C'est une transaction qui était beaucoup plus restrictive. Simplement au point de vue du règlement final, il y avait certaines choses dans l'offre d'achat qui pouvaient faire varier le chiffre final de la vente, le faire diminuer de plusieurs centaines de mille dollars.

M. CHARRON: Auriez-vous objection à déposer l'offre de M. Péladeau?

M.GILBERT: Cela n'a pas été déposé? Alors, c'est parfait, je vais la déposer.

M. CHARRON: M. Péladeau, que nous n'avons pas encore entendu et qui s'est exprimé ailleurs — et cela a été rapporté dans les journaux — a dit qu'il vous avait clairement indiqué, au moment où il avait refusé de prolonger son offre...

M. GILBERT: Pardon?

M. CHARRON: II a dit qu'il vous avait clairement indiqué, au moment où il a refusé de prolonger son offre jusqu'au mardi suivant, que, si vous lui en faisiez la demande, il était prêt à rajouter sur le montant global qu'il vous avait offert. Est-ce exact?

M. GILBERT: Non. Ce n'est pas exact. L'offre que j'ai déposée de M. Péladeau de Québécor, à ce moment-là n'était pas satisfaisante. C'est pour cela, d'ailleurs, que nous avions demandé de la prolonger.

J'ai discuté avec M. Poissant, au téléphone, son vérificateur, pour faire des changements; il y avait des choses dans le prix qui ne nous allaient pas. On s'est entendu au téléphone et il m'a dit qu'il était prêt à faire ces changements. Lorsqu'on s'est laissé au téléphone, c'était final des deux côtés, et jamais M. Péladeau ne nous a fait miroiter qu'il nous donnerait $8,500,000 ou $9 millions ou qu'il nous paierait comptant comme il l'a dit; au contraire, il ne s'est jamais ouvert de ce côté.

M. LALONDE: M. Gilbert, si vous permettez, est-ce que vous considérez que l'offre de M. Francoeur est plus favorable que l'offre de M. Péladeau? On a dit dans les journaux que l'une était plus...

M. GILBERT: Nettement. L'offre initiale de M. Péladeau était de $4 millions comptant et $4 millions en débentures, et après ça, en billets promissoires; ensuite on s'est entendu pour la changer, c'était $5 millions comptant et $3 millions en débentures, comme M. Francoeur. Sauf que le reste de la dette était à 8 p.c. alors que celui de M. Francoeur était à 9 p.c. Comme je l'ai dit, l'offre de M. Francoeur était de $8,425,000, et l'offre de M. Péladeau était à peu près de $8,200,000. Selon l'interprétation des contrats, des surplus et tout ça, elle pouvait diminuer de quelques centaines de milliers de dollars.

M. LALONDE: Une autre question si vous le permettez, est-ce que, d'une façon, M. Francoeur vous a indiqué, à compter du début des négociations jusqu'à la fin, qu'il représentait M. Desmarais, qu'il agissait pour M. Desmarais?

M. GILBERT: Jamais. Il a même insisté plusieurs fois pour me dire que c'était lui qui achetait et qu'il ne représentait pas M. Desmarais.

M. CHARRON: M. Gilbert, il y a une coincidence de dates qu'il serait bon d'éclairer. Ce n'est pas moi qui ai fait cette interprétation, c'est le directeur du Devoir. Je le cite pour permettre de commenter. M. Ryan a dit que le délai que vous aviez demandé le 11 janvier jusqu'au mardi suivant était dans le but de vous libérer du contrat signé avec Power Corporation. Dans le document que vous nous avez donné aujourd'hui, on voit que la résiliation du contrat s'est effectivement réalisée le 14 janvier comme si — c'est une interprétation que soutient le directeur du Devoir — M. Desmarais devait accorder son consentement quant à l'acheteur éventuel et que c'est ainsi que vous avez refusé à M. Péladeau la possibilité de rajouter à son offre pour rejoindre, dans la concurrence, l'offre que M. Francoeur vous avait faite et qui allait être signée également le 14 janvier.

M. GILBERT: A M. Péladeau, le 10 janvier, lorsque j'ai parlé avec M. Poissant, j'ai dit que j'avais besoin de temps, qu'il y avait une autre chose dans l'affaire. Je l'ai mentionné à M. Wilbrod Gauthier, qui est l'avocat de M. Péladeau, lors d'un appel téléphonique qu'il avait fait chez moi pour avoir certains renseignements quand il préparait l'offre, qu'on avait un papier signé qui était la promesse d'achat de M. Desmarais et qu'il fallait que j'aie un désistement, que je ne pouvais pas vendre le journal deux fois.

M. CHARRON: Quand l'avez-vous informé de l'existence du contrat du 11 septembre?

M. GILBERT: Je ne l'ai pas informé, je lui ai dit qu'il y avait un papier. J'ai parlé à M.

Gauthier vers le 7 ou le 8 janvier alors que le groupe Péladeau préparait son offre.

M. CHARRON: Je suis obligé de vous demander ça comme ça, avez-vous l'impression que vous lui appreniez l'existence...

M. GILBERT: Je lui ai dit que je voulais sincèrement être honnête avec eux, je voulais lui dire que j'avais déjà un papier, que j'avais quelque chose... d'ailleurs, tout le monde le savait, c'était un secret de Polichinelle mais je voulais le lui dire. J'ai dit à M. Poissant, le 10 janvier: Vous savez, je ne peux pas vendre le journal deux fois. Il faut que j'aie un désistement de M. Desmarais et il faut que je lui parle pour qu'il se désiste.

M. CHARRON: Avez-vous invoqué cette raison importante du désistement nécessaire de M. Desmarais à l'appui de votre demande de prolongation jusqu'au mardi suivant?

M. GILBERT: Cela a été dans une des demandes, en plus de vouloir regarder le contrat.

M. CHARRON: Quelle a été la réponse de M. Péladeau?

M. GILBERT: La réponse de M. Poissant au téléphone, a été la suivante: On a l'impression que l'on peut, dans le moment, si on vous donne du temps, se faire doubler ou quelque chose dans ce genre. Nous, il n'en est pas question, ils nous ont donné vingt-quatre heures de plus. En fait, on avait jusqu'au jeudi, à trois heures; ils nous ont donné jusqu'au vendredi.

M. CHARRON: Jusqu'au vendredi, oui, je sais.

M. GILBERT: C'est la raison qu'ils nous ont donné. Alors on a dit: C'est cela, on va vous donner une réponse. A ce moment, on a fait part à M. Desmarais que l'on avait un acheteur.

M. CHARRON: Quand?

M. GILBERT: Le 10, on a dit à M. Desmarais: On a un acheteur, Québécor est acheteur, on a une offre écrite qui est acceptable et on se propose de l'accepter.

M. CHARRON: Aviez-vous communiqué à M. Desmarais que vous aviez une offre de Québécor?

M. GILBERT: Oui, le 11, il fallait communiquer avec M. Desmarais.

M. CHARRON: Pas avant? M. GILBERT: Pas avant.

M. CHARRON: Et c'est à ce moment que M. Desmarais...

M. GILBERT: Et le 11, on a communiqué aussi au premier ministre que l'on avait une offre de Québécor, si le premier ministre se le rappelle.

M. CHARRON: M. Gilbert, quand avez-vous communiqué à M. Desmarais l'existence de l'offre de M. Francoeur?

M. GILBERT: On a dit à M. Desmarais: Ecoutez, monsieur, c'est l'offre de M. Francoeur.

M. Francoeur a communiqué avec M. Desmarais pour lui dire qu'il faisait une offre.

M. CHARRON: Quand?

M. GILBERT: Moi, j'ai communiqué avec M. Francoeur, le 10 au soir; vers 8 heures, chez moi, j'ai appelé M. Francoeur parce que, pour être honnête, il n'avait jamais retiré son offre, elle était toujours là, excepté qu'elle ne se matérialisait pas, disons, dans les faits et j'ai dit: M. Francoeur, moi, j'ai une offre et il faut que je donne une réponse, au plus tard, demain à trois heures; alors, vous avez jusqu'à trois heures pour me donner une réponse et vous engager formellement.

Alors, à ce moment, il a dit qu'il regarderait les choses et le lendemain il m'a téléphoné.

M. CHARRON: Pour vous dire quoi?

M. GILBERT: Pour me dire qu'il achetait, que son offre tenait et qu'à ce moment il achetait et que l'on signerait les papiers, que l'on serait prêt le plus rapidement possible.

M. CHARRON: C'est seulement alors que vous avez communiqué ensuite avec M. Desmarais pour lui signaler l'existence de M. Francoeur?

M. GILBERT: Non, à ce moment, M. Francoeur avait averti M. Desmarais qu'il se proposait à lui faire une offre. Il avait averti M. Desmarais.

M. CHARRON: Donc, M. Desmarais s'est trouvé le 11 janvier dernier au courant de l'existence des deux acheteurs?

M. GILBERT: Absolument.

M. CHARRON: Et il a signé en faveur d'un acheteur, le 14?

M. GILBERT: Oui, mais il n'a pas signé en faveur d'un acheteur, il s'est désisté.

Le papier que vous avez est ce même papier qui aurait pu servir pour M. Péladeau. M. Desmarais n'étant pas en mesure, parce que le gouvernement et M. Bourassa, à ce moment... d'acquérir le Soleil, de pouvoir donner suite à son offre, a été obligé de se désister. S'il ne s'était pas désisté, j'aurais dit à M. Desmarais: Payez-moi et vous vous arrangerez avec vos ennuis. Cela aurait été aussi simple que cela. Il fallait d'abord que j'aie un acheteur pour lui dire de me payer. J'étais entre deux chaises.

M. CHARRON: M. Gilbert, quand vous avez communiqué avec M. Desmarais, le 11 janvier, pour lui demander son désistement, qui devait venir le lundi suivant, vous lui avez communiqué l'existence de deux offres, n'est-ce pas?

M. GILBERT: Oui, c'est-à-dire qu'il connaissait déjà l'existence de l'offre de M. Francoeur, que M. Francoeur était dans la course à ce moment. Alors on lui a dit: On a eu l'offre de M. Péladeau. Après cela j'ai communiqué avec M. Francoeur et à ce moment M. Desmarais savait que M. Francoeur était dans la course depuis un petit bout de temps mais que cela ne se matérialisait pas. C'est après cela que j'ai téléphoné à M. Francoeur pour lui dire qu'il avait jusqu'à demain pour se décider.

M. CHARRON: M. Desmarais s'est-il enquis de celui des deux que vous alliez préférer, à qui vous aviez décidé de laisser le journal?

M. GILBERT: C'est-à-dire que... D'abord, il ne s'en est pas enquis à ce moment parce que... On a dit que l'on avait l'offre écrite de M. Péladeau et qu'on l'acceptait. On avait décidé de l'accepter à la condition... C'est là que j'ai téléphoné à M. Francoeur parce que, tout de même, j'avais un engagement moral vis-à-vis de M. Francoeur.

M. CHARRON: Le 10?

M. GILBERT: Le 10 au soir. A ce moment, on a dit à M. Francoeur qu'il avait jusqu'à demain pour qu'il concrétise l'offre qu'il avait faite sinon nous vendrions à Péladeau, à Québécor.

M. CHARRON: Et il l'a concrétisée le lendemain?

M. GILBERT: II l'a concrétisée le lendemain.

M. CHARRON: Avait-il été en contact avec M. Desmarais depuis?

M. GILBERT: Je ne le sais pas.

M. CHARRON: S'était-il assuré du désistement éventuel de M. Desmarais?

M. GILBERT : II devait savoir que M. Desmarais se désisterait.

M. CHARRON: En sa faveur.

M. GILBERT: Pas en sa faveur. La question du désistement, c'est la question que M. Desmarais ne pouvait pas donner suite à son offre. A ce moment-là, il ne pouvait pas nous refuser un acheteur. Il se désistait et je vendais à qui je voulais. J'aurais pu vendre le journal $5 millions, le lendemain, à un autre acheteur si j'avais décidé cela.

M. CHARRON: M. Desmarais vous a-t-il demandé le montant de l'offre de Québécor?

M. GILBERT: Non.

M. CHARRON: A-t-il paru intéressé?

M. GILBERT: On lui a dit que l'offre de Québécor était une offre intéressante.

M. CHARRON: Lui avez-vous fait part à ce moment-là du...?

M. GILBERT: Je ne l'ai pas dit à Francoeur, non plus.

M. CHARRON: D'accord, mais avez-vous signalé à M. Desmarais, à ce moment-là, auquel des deux vous entendiez céder le journal.

M. GILBERT: Non.

M. CHARRON : Quand en avez-vous informé M. Desmarais?

M. GILBERT: Le lendemain, le vendredi, lorsque j'ai eu la réponse de M. Francoeur.

M. CHARRON: Là, vous lui avez dit: J'ai choisi M. Francoeur.

M. GILBERT: Nous avons vendu à M. Francoeur. Nous vendons à M. Francoeur et il va falloir se rencontrer pour signer un papier confirmant que le contrat qu'on a signé est nul.

M. CHARRON: D'accord. On s'est plié à votre demande et, le 14 janvier, on signait le contrat.

M.GILBERT: Le 14 janvier, dans l'après-midi, nous étions convoqués pour signer la promesse d'achat de M. Francoeur et, le matin, en arrivant à Montréal, nous nous sommes rendus au bureau de Power Corporation et M. Desmarais a signé le papier qui avait été préparé par Me Rivard.

M. CHARRON: Etiez-vous accompagné de M. Francoeur?

M. GILBERT: Non.

M. CHARRON: Pas à ce moment-là.

M. GILBERT: Non.

M. CHARRON: M. Desmarais vous a-t-il signalé, à un moment ou à un autre, dans votre conversation téléphonique du 11 janvier avec lui, qu'il préférerait revendiquer son droit d'acheteur tel que le reconnaissait le contrat du 11 septembre, plutôt que de le céder à Québécor?

M. GILBERT: Jamais.

M. CHARRON: II ne vous l'a signalé...

M. GILBERT: II n'a pas été question de cela du tout.

M. CHARRON: ...d'aucune façon?

M. GILBERT: Non.

M. CHARRON: Allez-y, je vous en prie.

M. BONNIER: M. Gilbert, durant toutes ces transactions... J'écoute cela avec beaucoup d'intérêt.

M. GILBERT: C'est intéressant.

M. BONNIER : Si on se réfère au point de départ, l'intervention du premier ministre était en relation avec le problème de la concentration de la presse. Jusqu'à quel point ce problème de concentration vous préoccupait-il, pas simplement dans le cas de M. Desmarais ou de GESCA, mais dans le cas de M. Francoeur ou même de M. Péladeau? Est-ce que cette question était en effervescence dans votre esprit?

M. GILBERT: Pour moi, la question de la concentration de la presse est une toute autre chose, mais, enfin, je vais vous dire, en quelques mots, ce que j'en pense. D'abord, vous avez la concentration qui existe dans tout le Canada, dans toutes les provinces. Un journal comme la Tribune de Sherbrooke, c'est de la concentration à Sherbrooke. Ce sont toutes des entités différentes. A mon avis, la concentration de la presse, les chaînes de journaux... D'ailleurs, au Etats-Unis, c'est encore, si on veut, le "trend" de la concentration des entreprises de presse. A mon avis, cela ne met absolument pas en danger la liberté de la presse. La liberté de la presse est défendue par d'autres choses que par le danger de la concentration des entreprises. On pourrait en parler peut-être plus longtemps, mais...

M. BONNIER: Vous ne croyez pas qu'au Québec...

M. GILBERT: ...à mon avis, c'est un faux problème. En fait, on a discuté pendant tout ce temps autour d'un faux problème.

M. BONNIER: C'est l'impression que j'ai M. le Président qu'on était beaucoup plus préoccupé de faire une transaction, évidemment, mais...

M. GILBERT: C'est sûr.

M. BONNIER: ...que le phénomène de la concentration n'était pas tellement présent.

M. GILBERT: J'ai toujours dit que j'aurais aimé mieux vendre le Soleil, pas à M. Desmarais comme tel, mais à la chaîne parce que j'aimais le principe qu'il y avait en arrière. C'est qu'on formait une chaîne des quotidiens du Québec et, à ce moment-là, on faisait une compagnie publique et on mettait 75 p.c. des actions du journal dans le public. Alors, c'était simplement une question de finances pour M. Desmarais.

Il récupérait l'argent qu'il avait mis dans les journaux, ces investissements, et à ce moment-là, vous arriviez avec une chaîne des principaux journaux, des quotidiens, qui était à 70, 75 p.c. dans le public, et la liberté de la presse n'était absolument pas en danger. A mon avis, c'était la solution la plus logique et la plus intéressante.

Cela n'a pas été partagé par tout le monde. C'est mon idée sur la concentration de la presse et sur la liberté de l'information.

M. CHARRON: M. Gilbert, nous en sommes rendus à peu près au contrat de vente, mais avant, je vais vous demander: Quand avez-vous informé ou le ministre de l'Etat ou le premier ministre de la vente à M. Francoeur?

M. GILBERT: Je pense que ce n'est pas moi, je pense que c'est M. Francoeur lui-même qui a informé le premier ministre ou M. Lalonde de la vente à M. Francoeur.

M. BOURASSA: M. Francoeur m'a appelé le matin, vendredi ou...

M. GILBERT: Peut-être... Je pense que c'est cela. Mais ce n'est pas moi et ce n'est pas de notre côté.

M. BOURASSA: ... pour me demander si le gouvernement s'opposait.

M. CHARRON: Quand je pose la question au premier ministre, c'est pour savoir si le vendredi matin, 11 janvier, vous ou le ministre d'Etat...

M. BOURASSA: Je lui ai parlé. Je ne sais pas si le ministre l'a fait aussi. Je crois que c'est le seul moment où je lui ai parlé.

M. CHARRON: Il vous a informé qu'il allait se porter acquéreur du...

M. BOURASSA: Je lui ai dit qu'il faudrait que cela soit clair.

M. CHARRON: Pourtant, il ne pouvait pas vous affirmer cela catégoriquement puisqu'en même temps, M. Gilbert lui avait demandé une prolongation du délai de M. Péladeau...

M. BOURASSA: Je ne sais pas si c'est le 11.

M. GILBERT: Excusez, mais ce n'est pas cela. Le 11 janvier, il n'y avait pas de prolongation. Je donnais une réponse à M. Péladeau dans l'après-midi. Alors, le 11 janvier au matin, M. Francoeur m'a dit qu'il achetait et son offre était meilleure. J'ai accepté l'offre de M. Francoeur.

M. CHARRON: Immédiatement, d'accord.

M. BOURASSA: C'est à ce moment-là que j'ai prévenu M. Francoeur qu'il devrait venir devant la commission parlementaire avec des documents.

M. CHARRON: D'accord, mais vous-même, M. Gilbert, vous êtes-vous préoccupé — cela fait un peu suite à la question du député de Taschereau — des liens qui pouvaient exister entre M. Francoeur et M. Desmarais...

M. GILBERT: Absolument pas.

M. CHARRON: Absolument pas.

M. GILBERT: Cela ne m'intéressait pas.

M. CHARRON: C'est une question que je vous pose comme cela, mais qui n'est peut-être pas anodine non plus. J'ai en main, depuis la dernière séance de la commission, les deux contrats de vente, soit celui du 11 septembre et celui du 14 janvier. Comment se fait-il qu'ils soient à ce point identiques, y compris jusque dans le montant?

M. GILBERT: Ils sont identiques, mais pas dans le montant. Parce que vous n'êtes pas sans savoir, si vous comparez les deux, qu'il y a toujours un million en jeu...

M. CHARRON: D'accord.

M.GILBERT: ...qui était une possibilité réelle. Maintenant ils sont identiques parce que...

M. BOURASSA: L'intervention du gouvernement a pu vous faire perdre un million?

M. GILBERT: Oui, plus que cela...

M. CHARRON: Message du commanditaire.

M. GILBERT: Pour continuer...

M. BOURASSA: C'est vrai ou ce n'est pas vrai?

M. GILBERT: C'est vrai parce qu'il y avait tout de même un million en jeu et on aurait probablement eu un autre million. Mais voici...

M. BOURASSA: Le député de Rouyn-Noranda est...

M. GILBERT: Là où les deux contrats se ressemblent, c'est qu'on a dit à M. Francoeur: II faut que cela se passe vite. Alors il a dit: Oui, mais les contrats ne sont pas faits, et on a dit: Ecoute, les conditions du premier acheteur, est-ce que tu les acceptes, à l'exception du prix, de certaines choses, dans certaines modalités de paiement? Alors on va autoriser nos conseillers juridiques et votre conseiller juridique à communiquer avec Power Corporation pour avoir le contrat de vente, et, à ce moment-là, suivez-le en faisant les changements qu'on voulait faire et c'est ce qui nous a permis de signer le lundi.

M. CHARRON: D'accord. Alors, tout ceci s'est fait dans la fin de semaine, la rédaction même...

M. GILBERT: Les avocats ont travaillé. Les parlementaires travaillent en fin de semaine, les avocats le font aussi quelquefois.

M. CHARRON: Et les propriétaires de journaux également?

M. GILBERT: Non, pas beaucoup. Je ne crois pas à cela. Je trouve que les parlementaires travaillent trop. Vous devriez vous reposer plus.

M. CHARRON: Vous êtes bien gentil. Je pense qu'on doit se reporter au texte du contrat lui-même, à la transaction du 14 janvier dernier. Cela va vous paraître curieux, mais je vais commencer par les amendements.

M. SAMSON: Le premier ministre a mentionné une communication de M. Francoeur lui demandant si le gouvernement s'opposerait à son achat. Quelle a été votre réponse exactement?

M. BOURASSA: Que s'il était prêt à venir devant la commission parlementaire et à déposer tous les documents démontrant qu'il est le vrai acheteur, le véritable acheteur, le gouvernement n'avait pas d'objection.

Et c'est pourquoi, dans sa déclaration d'achat, il a fait part qu'il viendrait à la commission parlementaire.

M. SAMSON: A condition qu'il établisse devant la commission qu'il est le véritable acheteur...

M. BOURASSA: C'est cela.

M. SAMSON: ... vous lui avez fait part du fait que le gouvernement ne s'opposerait pas.

M. BOURASSA: Ne s'opposerait pas? En fait, je ne voyais pas les raisons pourquoi...

M. SAMSON: Non. Je ne tente pas d'interpréter votre opinion.

M. BOURASSA: Si ce n'était pas Power

Corporation — et c'est ce qu'on discute actuellement depuis le début des séances de la commission parlementaire — le gouvernement n'était plus justifié d'orienter cela dans un sens. L'idéal aurait été le consortium en question mais cela n'a pas marché. C'était soit M. Péladeau, soit M. Francoeur. Le gouvernement n'avait aucune préférence.

M. SAMSON: D'ailleurs, cela n'est pas le rôle du gouvernement d'avoir des préférences non plus...

M. BOURASSA: Non. D'accord.

M. SAMSON: ... parce qu'il y a quand même une liberté de commerce qui existe.

M. BOURASSA: Non. D'accord.

M. CHARRON: M. Gilbert, est-ce que, lors de la signature du contrat le 14 janvier dernier, vous connaissiez comment M. Francoeur comptait financer les $5 millions qu'il devait payer comptant au terme de la transaction?

M. GILBERT: Oui.

M. CHARRON: Est-ce que vous connaissiez, à ce moment, le taux d'intérêt exigé par la Banque Canadienne Nationale?

M. GILBERT: Non et je ne le connais pas encore.

M. CHARRON: Le taux d'intérêt est fixé actuellement à 1 p.c. au-dessus du taux préférentiel de la Banque Canadienne Nationale, avec un minimum de 9 1/2 p.c.

M. GILBERT: J'ai l'impression qu'il doit payer 10 1/2 p.c. probablement.

M. CHARRON: Pardon?

M. GILBERT : II doit probablement payer 10 p.c. ou 10 1/2 p.c. Je ne le sais pas.

M. CHARRON: Est-ce que vous ne trouvez pas curieux que le taux de la Banque Canadienne Nationale, qui a la première garantie, au terme de cette transaction...

M. GILBERT: Oui.

M. BOURASSA: II n'a pas d'affaire à répondre à cela.

M. CHARRON: C'est parce que M. Gilbert... M. GILBERT: Posez la question.

M. CHARRON : Le taux de la Banque Canadienne Nationale,...

M. GILBERT: Oui.

M. CHARRON: ... qui a la première garantie,...

M. GILBERT: Oui.

M. CHARRON: ... est à 9 1/2 p.c

M. GILBERT: Oui.

M. CHARRON: Vous qui aviez, lors de la transaction du 14 janvier, accepté la deuxième garantie, donc plus de risques, vous deviez vous contenter d'un taux de 9 p.c. C'est, financièrement parlant, assez curieux...

M. GILBERT: Je vais vous expliquer.

M. CHARRON: ... parce que, habituellement, celui qui a la deuxième garantie exige un taux d'intérêt plus élevé.

M. GILBERT: Parfait mais...

M. CHARRON: Je ne vous l'apprends pas mais c'est utile de le savoir.

M. GILBERT: Cela s'explique très facilement. Dans une vente comme cela, il y a un "willing buyer" et un "willing seller". A ce moment, je n'ai pas demandé à M. Péladeau non plus, quand il m'a offert 8 p.c, combien il payait d'argent à la banque — parce que lui aussi empruntait — s'il payait à 10 p.c. Cela me satisfaisait. Les 9 p.c. offerts, sur mon argent, sur la dette, satisfaisaient les actionnaires. A ce moment, c'est une décision personnelle. Ce n'est pas comme une deuxième hypothèque. Ce n'est pas la même chose. On n'est pas dans les mêmes transactions. C'est très normal, dans les transactions de ce genre, que l'acheteur qui reste en deuxième accepte un intérêt qui est en dessous de l'intérêt de la banque, comme l'intérêt de la banque peut varier. Dans un an, peut-être que j'aurai 9 p.c. et que la banque aura 8 1/2 p.c. Je ne sais pas. Cela n'est rien d'anormal. Je pense que c'est...

M. CHARRON : D'accord. C'était une question d'information...

M. GILBERT: C'est une transaction.

M. CHARRON: ... parce qu'à d'autres moments c'est le contraire.

M. GILBERT: Oui. Dans la deuxième hypothèque, par exemple, mais pas sur des débentures comme cela...

M. LALONDE: Si vous me permettez, M. le Président, M. le député. Connaissant les affaires du Soleil comme vous les connaissez, les possibilités d'Unimédia de vous rembourser les $3 millions sont-elles excellentes d'après vous? Est-ce que vous êtes confiant?

M. GILBERT: Ecoutez, je pense...

M. LALONDE: C'est une question un peu étrange.

M. GILBERT: Je peux répondre. Je vais vous donner... C'est une opinion personnelle.

M. LALONDE: Oui parce que, dans les journaux, on a déjà dit que parfois...

M. GILBERT: J'ai calculé moi aussi parce que cela me préoccupait. J'étais le deuxième et je voulais bien être payé. Deuxièmement, simplement par curiosité. Et avec le budget du Soleil de cette année, plus le Progrès du Saguenay, ces deux entreprises peuvent prendre soin des $8 millions de la vente du Soleil.

M. BOURASSA: Cela va dépendre de la convention collective.

M. GILBERT: C'est une autre chose. Mais c'est le risque des affaires. Et Unimédia doit avoir un chiffre d'affaires de $15 millions par année. Elle doit faire de l'argent. Lorsqu'on regarde la transaction de près, ce n'est pas une transaction de dupes et je pense qu'elle peut faire face à ses obligations. C'est quelque chose de personnel.

M. BONNIER: Vous n'êtes plus deuxième, vous êtes troisième d'après ce qu'on peut comprendre.

M. GILBERT: Oui. On est en troisième sur les biens d'Unimédia. Lorsqu'on a signé, on était en deuxième. Ce qui est arrivé, c'est qu'au point de vue juridique cela créait des problèmes assez sérieux. Il fallait changer pas mal d'affaires.

Nous avons consenti d'être en troisième, de passer après Power pour les biens d'Unimédia mais on reste en deuxième avec la banque pour les actions du Soleil. C'est-à-dire que, si jamais il y a quelque chose, les actions du Soleil sont données en garantie à la banque et nous restons en deuxième, derrière la banque, pour les actions du Soleil.

M. CHARRON: Les actions valent-elles plus que les biens d'Unimédia?

M. GILBERT: Je ne sais pas combien vaut Unimédia. Il y en a qui tirent des chiffres, moi je n'aime pas tirer des chiffres en l'air. Je sais que j'ai vendu le Soleil $8 millions. J'ai des actions, sur $8 millions, pour $3 millions. Cela me suffit.

M. CHARRON: Mais la valeur des actions repose sur la valeur des biens, non?

M. GILBERT: Non, pas nécessairement. C'est bien plus sur la possibilité de gagner selon

la conjoncture, selon demain. N'achetez jamais une action sur la valeur des biens mêmes, parce que vous pouvez prendre une "carpiche". C'est mieux de regarder ce que cela vaudra demain. C'est comme les actions de Bombardier; si vous achetez cela sur les biens, dans le moment, je pense que ce n'est pas une raison...

M. BOURASSA: L'action de la SGF.

M. CHARRON: Je vais revenir là-dessus. Tantôt, j'avais entrepris une question qui mérite d'être éclairée...

M. GILBERT: C'est la capacité de gagner qui est importante.

M. CHARRON: Vous n'étiez pas au courant du taux d'intérêt de la Banque Canadienne Nationale dans...

M. GILBERT: Je suis au courant des taux d'intérêt comme ceci. On emprunte de l'argent, à un moment donné, on le sait, mais dans ce cas-là cela ne m'intéressait pas d'être au courant des taux de la banque.

M. CHARRON: Mais le Soleil, votre entreprise, le 27 août 1973, a emprunté auprès de la BCN?

M. GILBERT: Oui, j'ai des emprunts. Le Soleil a des emprunts à long terme.

M. CHARRON: Quel était le montant de l'emprunt à long terme à l'égard de la BCN?

M. GILBERT: Je pense que cela ne vient pas dans la conversation ici, je n'ai pas à donner cela ici. Ce ne sont pas les problèmes de la commission parlementaire.

M. CHARRON: Je vais vous poser une question qui est de l'intérêt de la commission parlementaire. Est-ce qu'il y a des liens entre vos emprunts au nom de la compagnie Le Soleil, auprès de la BCN, et la transaction où M. Francoeur a pu bénéficier de $5 millions de prêt de la BCN?

M. GILBERT: Les emprunts que le Soleil avait étaient antérieurs au 27 août, étaient antérieurs au mois de mai. Ce sont des emprunts qui ont été faits, à un moment donné, lorsqu'on a fait des changements technologiques, lorsqu'on a acquis le Progrès du Saguenay. Cela ne regarde absolument pas la transaction.

M. CHARRON: Etes-vous intervenu personnellement...

M. GILBERT: Pardon?

M. CHARRON: Etes-vous intervenu auprès de la BCN pour...

M. GILBERT: Je ne me pense pas assez gros pour cela.

M. CHARRON: Non, il y a des gens qui pensent que M. Francoeur ne l'est pas non plus. Pourtant, il a obtenu $5 millions de prêt.

M. GILBERT: C'est curieux, il a obtenu $5 millions, mais pas sur rien. Il a tout de même Unimédia. Comme je dis, il y a la capacité de gagner de l'entreprise. Je suis sûr que la banque a évalué beaucoup plus les capacités de gagner de toutes ses entreprises ensemble que les biens qu'il avait.

M. CHARRON: Vous n'êtes jamais intervenu auprès de la BCN?

M. GILBERT: D'aucune façon.

M. CHARRON: M. Francoeur, à votre connaissance, a fait ses démarches seul auprès de la BCN pour ce prêt?

M. GILBERT: Je ne me suis pas occupé de cela. J'ai su qu'il avait $5 millions de la BCN, c'est tout.

M. CHARRON: D'accord. Le contrat, tel qu'il est là, a été amendé deux fois. Le 16 janvier, d'abord, vous vous êtes entendu avec Unimédia pour donner un délai de six mois à M. Francoeur. Un délai de six mois pour la livraison des débentures, sa dette de $3 millions.

M. GILBERT: Oui, c'est encore simple. On a donné un délai de six mois parce que, à ce moment-là, on voulait faire le "closing" rapidement. C'est sûr et certain que, pour écrire des débentures, il y a toutes sortes de choses juridiques qui arrivent. Cela lui prenait un délai pour nous livrer les débentures. Pour autant qu'il me paie les intérêts, quand même j'aurais les débentures dans huit mois, je m'en fous. Ce qui était important pour nous autres, c'est que l'intérêt courait à partir du 14 janvier. Qu'on me donne le papier pour me dire que je vais avoir de l'intérêt, cela est secondaire.

M. CHARRON: Le délai, vous venez d'expliquer pourquoi, mais avez-vous exigé une compensation, une garantie sur le délai de la signature des débentures?

M. GILBERT: Non, parce que j'ai mes intérêts. Il me paie mes intérêts à partir du 14, alors des débentures, quand il va me les livrer, vont porter intérêt à partir du 14 janvier.

Quand bien même il me les livrerait au mois de juillet, je m'en fous. Ce n'est pas quelque chose d'important. C'est normal dans des transactions que les "débentures" ne soient pas livrées tout de suite. C'est très normal.

M. CHARRON: C'est normal aussi que, dans une entreprise d'intérêt public comme celle dont vous étiez propriétaire jusqu'à la signature de ce contrat, nous ayons l'intention d'examiner chacune des choses, même si elles apparaissent très normales.

M. GILBERT: Je voudrais dire une chose: D'intérêt public jusqu'à un certain point, mais je ne partage pas votre avis jusqu'où est l'intérêt public.

M. CHARRON: C'est le public qui vous a permis de faire ces transactions-là.

M. GILBERT: Le public est intéressé pour autant que le journal qui est un journal d'information lui donne l'information, tel qu'il doit la donner. Tous les côtés financiers de l'entreprise, cela ne regarde pas le public, je m'excuse, une fois qu'on livre la marchandise au point de vue de l'information.

M. CHARRON: Dans le contrat de vente, en page 4, on dit que les vendeurs déclarent et se portent garants envers l'acheteur de ce qui suit: Ils reconnaissent que l'acheteur se fie sur lesdites déclarations et garanties sans lesquelles ils n'auraient pas acheté. En des termes qu'on comprendra, cela veut dire que l'acheteur, M. Francoeur, pour signer ce contrat de vente là, s'est fié à certaines déclarations que vous faisiez au moment de la signature du contrat. Une de celles-là est au paragraphe f) de la page 7 où l'acheteur s'est fié au fait que vous lui affirmiez qu'aucune personne, société ou corporation, sauf l'acheteur en vertu de la présente convention, ne détient présentement, ne détiendra à la date de fermeture, un droit d'achat ou d'option en rapport. Cette clause f ), qui pourrait invalider le contrat dans l'existence d'un autre contrat de vente comme celui du 11 septembre dernier, a-t-elle été signée avant ou après le désistement?

M. GILBERT: Après. Cela fait partie du contrat intégral, cela a été signé avec le contrat. M. Desmarais s'est désisté le matin et on a signé l'après-midi.

M. CHARRON: Mais si M. Desmarais— vous le reconnaissez également — ne s'était pas désisté le 14, il aurait toujours pu — et M. Francoeur également — se prévaloir de la clause f )?

M. GILBERT: Pas M. Francoeur. Ce contrat ne se serait pas signé.

M. CHARRON: S'il n'avait pas été signé.

M. GILBERT: Je n'aurais pas vendu. J'aurais dit à M. Desmarais de me payer, par exemple.

M. CHARRON: D'accord. Dans l'amendement du 28 janvier auquel se référait le député de Taschereau tout à l'heure, j'aimerais que vous repreniez l'explication de ce procédé par lequel vous avez cédé le deuxième rang à M. Desmarais. Etait-ce une exigence de M. Desmarais pour signer le papier de désistement, le matin du 14 janvier?

M. GILBERT: Non. Il n'a absolument pas été question de cela, le matin du 14 janvier. On a découvert qu'à un moment donné M. Desmarais était déjà en deuxième; il était même en première, je crois, avec Unimédia. Quand la Banque Canadienne Nationale a prêté $5 millions, ils ont pris tous les actifs d'Unimédia; alors, ils sont tombés en première, lui est tombé en deuxième et, à ce moment-là, nos procureurs nous ont suggéré qu'au point de vue juridique — c'est pour cela que cela aurait été peut-être difficile qu'on reste en deuxième dans le cas — de consentir plutôt à venir troisième sur les actifs d'Unimédia, mais de rester deuxième après la Banque Canadienne Nationale sur les actions du Soleil. Ils nous disaient que notre protection était aussi bonne.

M. CHARRON: C'est sur l'avis de vos conseillers juridiques que vous avez accepté ça?

M. GILBERT: Absolument.

M. CHARRON: La garantie est suffisante, même en troisième lieu, sur...

M. GILBERT: Elle est suffisante en troisième lieu; ayant les actions du Soleil en deuxième lieu avec la Banque Canadienne Nationale, notre garantie est suffisante.

M. CHARRON: Avant que vous acceptiez l'amendement du 28 janvier qui vous faisait descendre au troisième rang, est-ce que vous avez étudié ou fait étudier les contrats entre MM. Francoeur et Desmarais pour savoir quelle force se trouvaient à avoir les créances qui prenaient rang avant les vôtres?

M. GILBERT: Jamais. On disait à ce moment-là qu'il y avait des choses entre M. Desmarais et M. Francoeur. Nous avons signé le contrat et ça ne nous intéressait pas de ce côté.

M. CHARRON: Vous étiez au courant du fait que M. Desmarais avait promis, en créance, les biens d'Unimédia depuis la transaction du 11 août?

M. GILBERT: C'est-à-dire qu'on n'était pas au courant lorsqu'on parlait avec M. Francoeur mais, par la suite, tout le monde a parlé et cela a été admis officiellement. Ils ne s'en sont pas cachés, alors nous avons été au courant.

M. CHARRON : Vous connaissiez le montant de la débenture de $3,500,000?

M. GILBERT: Je l'ai connu quand tout le monde l'a dit. Cela a été assez public, cette affaire.

M. CHARRON: C'était assez public, mais est-ce suffisant, encore aujourd'hui, pour céder le deuxième rang quand vous savez...

M. GILBERT: Ecoutez, ce sont encore les décisions du vendeur. Moi, je suis vendeur là-dedans. On me donnait $5 millions comptant, $3 millions en débentures, les actions du Soleil tombaient en deuxième après la Banque Canadienne Nationale. Après avoir consulté nos avocats, on a dit: Oui, on est prêt à accepter ça, ça fait notre affaire. C'est une décision du vendeur. Je pourrais bien me mettre au dixième rang, si je voulais.

M. CHARRON: D'accord, mais vous admettrez avec moi, tout en prônant la liberté de décision de l'acheteur, qu'il faut que ce soit vraisemblable. Avant de signer, il faut avoir une certaine garantie que ce rang n'équivaut pas à être payé dans la semaine des trois jeudis. Vous ne l'auriez pas accepté...

M. GILBERT: Si vous êtes au deuxième rang pour les actions du Soleil, la compagnie qui a été payée $8 millions, je la connais telle qu'elle est et, pour une garantie de $3 millions, je trouve que c'est suffisant, je l'accepte, je ne vous ai pas dit que je me mettrais en dixième. Dans ce cas, être en deuxième là et en troisième ailleurs, c'était suffisant et on l'a fait sur le conseil de nos avocats.

M. CHARRON: Si tous les biens du Soleil passaient à Desmarais, que vous vaudraient vos actions?

M. GILBERT: Qu'ils passent n'importe où, il est toujours là-, le Soleil. Les biens ne peuvent pas passer, ce sont les actions, et les actions sont toujours là.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Laporte a demandé la parole.

M. DEOM: M. Gilbert, afin d'éclairer la réaction de la Banque Canadienne Nationale envers M. Francoeur — si c'est indiscret, vous me le direz — est-ce que vous pourriez nous dire à quel multiple des gains par action vous avez vendu?

M. GILBERT: Je pense que le Soleil ne s'est pas vendu sur des gains par action.

H s'est plutôt vendu sur les possibilités du Soleil pour demain. C'est plus là-dessus. Peut-être que cela a été le plus grand tort de M. Péladeau de vouloir s'attacher trop aux gains par action et aux états financiers de la dernière année, et nous on ne s'attachait pas à cela parce que, connaissant l'entreprise, on savait... Il y en a d'autres qui ont compris, ou cela a fait leur affaire de prendre notre façon de voir. Le Soleil ne s'est pas vendu, en fait, sur les gains par action strictement. Cela est entré en ligne de compte mais pas strictement là-dessus.

M. CHARRON: M. Gilbert, je reviens là-dessus parce que la transaction est un aspect important. Vous affirmez — et je suis obligé de prendre votre parole, ici, cet après-midi, il n'est aucunement question de la mettre en doute, mais elle paraît rapide comme conclusion, à mon avis — qu'un homme d'affaires, comme vous qui transigez dans les millions accepte de reporter sa créance, à toutes fins pratiques, au troisième rang, après le pouvoir de M. Desmarais, dans le domaine. Il me semble qu'elle aurait exigé normalement, dans le domaine des affaires — c'est vous qui m'avez appris les règles du monde des affaires tantôt, qui m'avez ramené aux règles du monde des affaires tantôt — elle aurait exigé normalement une contrepartie autre que celle des actions du Soleil.

M. GILBERT: Ecoutez, vous pouvez peut-être le demander à des conseillers, vous devez avoir des conseillers autour de vous, des gens que vous connaissez, qui connaissent les affaires. Passez-leur le problème, faites-leur analyser le problème pour voir s'ils n'ont pas des garanties qui sont intéressantes, qui seront suffisantes pour leurs trois millions.

M. CHARRON: A votre avis, la place en troisième rang équivaut... Très bien, dans le domaine des actions du Soleil, vous êtes en deuxième.

M. GILBERT: Oui.

M. CHARRON: D'accord. Cette place est équivalente... Vous n'avez rien perdu avec l'amendement du 28 janvier?

M. GILBERT: Ecoutez, on perd...

M. CHARRON: Dans les garanties que vous aviez dans le contrat originel et dans l'amendement qui vous fait maintenant figurer en troisième lieu et en deuxième lieu dans les actions du Soleil, vous n'avez rien perdu. C'est du pareil au même.

M. GILBERT: Vous dire que l'on n'a rien perdu... H est certain que si l'on est en troisième alors que l'on était en deuxième, on a glissé d'un rang. Mais il reste tout de même que l'on était à une transaction qui était complétée et pour laquelle on avait déjà été payé $5 millions. Et dans les circonstances où la vente du Soleil est faite actuellement, annuler une vente pour cela, où l'on était tout de même suffisamment protégé, je le dis encore, je pense que cela aurait été une décision un peu ridicule, de notre part, d'annuler une vente parce que l'on passait en troisième à un endroit, qu'on restait en deuxième à un autre. On a des garanties, on ne demeure pas sans rien, on demeure avec des garanties suffisantes, alors à ce moment-là...

M. CHARRON: M. Gilbert, vous venez de me dire que vous considériez les garanties

comme suffisantes. C'est pourquoi vous avez accepté le troisième rang, parce que vous ne teniez pas à annuler cette vente?

M. GILBERT: C'est-à-dire que, à un moment donné, j'aurais pu discuter. Après avoir consulté nos avocats, je n'ai pas cru que c'était sérieux et que cela aurait donné beaucoup de choses de faire une longue discussion qui aurait pu durer je ne sais pas combien de temps, alors que nos avocats nous disaient: Etant en deuxième pour les actions du Soleil avec la Banque Canadienne Nationale, on vous donne une garantie qui est suffisante. C'était simplement une décision, on a dit oui et on accepte cela.

M. CHARRON: M. Gilbert, il n'y avait pas de danger d'annuler la vente. La vente était signée depuis le 14 janvier. Vous pouviez exiger l'application intégrale qui vous mettait au deuxième rang.

M. GILBERT: Absolument. On ne l'a pas fait.

M. CHARRON: Vous avez accepté le troisième rang en échange de quoi?

M. GILBERT: En échange de rien.

M. CHARRON: En échange de rien. Mais quel pouvoir avait donc Power Corporation d'exiger cette deuxième place?

M.GILBERT: C'est parce qu'elle était en deuxième et selon la discussion, au point de vue juridique, elle était déjà là avant nous.

M. CHARRON: Mais comment pouvait-elle interférer dans ce contrat fait entre deux parties qui supposément sont tout à fait distinctes?

M. GILBERT: Elle n'a pas produit d'interférence comme ceci, mais, si Power était déjà en deuxième pour les biens d'Unimédia, il aurait pu y avoir une discussion. Pourquoi Power aurait-elle dit alors: Je m'en vais en troisième?

M. CHARRON: Vous aviez le droit.

M. GILBERT: Power aussi avait le droit si elle était en deuxième.

M. CHARRON: Vous aviez signé un contrat avec une partie autonome.

M. GILBERT: Unimédia, c'est une autre chose.

M. CHARRON: Unimédia n'est pas autonome?

M. GILBERT: Elle est autonome, mais il y avait déjà des débentures avec Power de $3.5 millions et...

M. CHARRON: Mais d'où vient qu'Unimédia devait céder le deuxième rang et vous demander par un amendement de prendre le troisième? D'où vient la force de Power Corporation pour s'infiltrer...

M. GILBERT: Non, elle ne s'est pas infiltrée.

M. CHARRON: ... dans un contrat entre deux parties indépendantes?

M. GILBERT: On va revenir à la discussion; vous allez comprendre, je pense. Vous avez l'air d'un homme très intelligent. C'est bien simple. Unimédia déjà devait $3,500,000 à Power et, à ce moment-là, elle était première, parce que je pense que la banque n'était pas dans le jeu. Unimédia fait un contrat avec nous pour acheter le Soleil. Alors, elle emprunte $5 millions à la banque.

M. CHARRON: D'accord.

M. GILBERT: La banque insiste toujours pour être en première place. Les banques sont toujours en première, c'est rare qu'on les voie en deuxième. On fait le contrat de vente et nos avocats précisent qu'on est en deuxième et tout le monde est d'accord.

M. CHARRON: C'est normal, ce sont deux parties indépendantes.

M. GILBERT: Un instant! Mais déjà, antérieurement à nous, ce qui n'a pas été vu, c'est que Power était premier avec Unimédia avant que nous et la banque entrent dans le jeu. Power tombait alors deuxième automatiquement alors que nous étions deuxième. Alors, il y avait quelque chose de fautif dans notre contrat. A ce moment-là, ils nous ont dit: Ecoutez, tombez troisième.

M.,CHARRON: Vous n'étiez pas obligé d'obéir.

M. GILBERT: A ce moment-là, il y en a un qui est en avant de nous. On peut accepter. On est quasiment obligé de le faire, en principe; par contre, on a insité auprès de Power Corporation. On a dit: Ecoutez, pour les biens d'Unimédia, on va se mettre en troisième, mais pour les actions du Soleil, on se met en deuxième.

M. CHARRON: Pourquoi n'avez-vous pas accepté plutôt de renoncer à être deuxième sur les biens d'Unimédia pour prendre le troisième rang, et prendre le deuxième rang et sur les biens et sur les actions du Soleil, pour écarter Power Corporation du Soleil?

M. GILBERT: Comment? On n'écarte pas Power Corporation, Unimédia, c'est comme tel, excepté qu'Unimédia nous avait donné quelque chose qu'il ne pouvait pas nous donner.

M. CHARRON: Mais vous aviez signé le 14 janvier.

M. GILBERT: Si j'avais vendu le Soleil à M. Francoeur sans avoir eu de désistement de M. Desmarais, j'aurais été dans l'eau chaude. Ma vente à M. Francoeur aurait été nulle.

M. LALONDE: Si vous me permettez, M. le Président, si je comprends bien M. Gilbert, il y avait une défectuosité dans le contrat au fond. Par le jeu des charges, vous vous êtes trouvés tous les deux au même rang, en principe, c'est-à-dire tel que c'était écrit, mais c'est impossible...

M. GILBERT: C'est impossible.

M. LALONDE: ... parce que la date précédente donnait le rang préférentiel à GESCA ou à Trans-Canada...

M. GILBERT: A Power Corporation.

M. LALONDE: ... à Power Corporation, et, d'après ce que je peux comprendre, c'est simplement pour régulariser le contrat que vous avez fait l'amendement.

M. GILBERT: Absolument.

M. LALONDE: Vous n'avez rien perdu parce que vous n'avez jamais rien eu.

M. GILBERT: Non. On n'a rien perdu excepté qu'on a réussi à obtenir que pour les actions du Soleil on soit en deuxième.

M. LALONDE: Oui.

M. CHARRON: J'y reviens, M. Gilbert, parce que c'est important aussi.

M. GILBERT: Pour vous, pas pour moi.

M. CHARRON: De la façon que vous me racontez comment on est arrivé à rédiger cet amendement qui vous fait passer en troisième lieu, c'est comme si vous vous disiez au lendemain de la signature du 14 janvier: Je me suis aperçu que j'avais signé avec un partenaire qui avait des exigences plus fortes que je ne l'aurais pensé. Ce partenaire était déjà fortement lié avec Power Corporation qui occupait déjà le deuxième rang sur tous ses biens et mon partenaire du contrat de vente a exigé d'incorporer Power Corporation également, puisque Power Corporation est deuxième sur tous les biens d'Unimédia. Le Soleil devenant un bien d'Unimédia, Power Corporation devenait deuxième.

M. GILBERT: Enlevons le nom de Power Corporation...

M. CHARRON: Desmarais devenait...

M. GILBERT: Enlevons tout cela et disons que c'était la Canada Life qui aurait eu une débenture de trois millions et demi en première et qui aurait accepté de tomber deuxième avec la banque, parce que les banques passent toujours en premier.

Pensez-vous que la Canada Life se serait désistée pour tomber en troisième, en arrière de nous? Ils sont là en premier.

M. CHARRON: Si la Canada Life avait déjà eu un contrat de vente, signé avec vous pour acheter votre journal et qu'elle avait posé comme condition de son désistement son entrée en deuxième place, cela aurait été différent.

M. GILBERT: C'est-à-dire que, si nous n'avions pas été protégé, nous aurions pu dire: Donnez-nous des garanties supplémentaires. Excepté que, lorsqu'ils nous ont présenté la chose, nos avocats nous ont dit: C'est vrai, vous tombez en troisième avec Unimédia, mais, par contre, vous restez en deuxième pour les actions du Soleil après la banque et, à ce moment, vous êtes amplement protégé pour vos $3 millions.

M. LALONDE: D'ailleurs...

M. CHARRON: Excusez, je veux juste terminer...

M. LALONDE: Oui.

M. CHARRON: ... pour voir si j'ai bien compris M. Gilbert. Ce qui veut dire que la dépendance qu'avait antérieurement Unimédia par rapport à Power Corporation a permis à Power Corporation de s'inscrire maintenant en deuxième sur les biens du Soleil. Sur les actions, c'est vous qui êtes encore en deuxième, mais sur les biens du Soleil, Power Corporation est en deuxième.

M. GILBERT: Quand vous avez un droit sur des actions, les actions sont les biens, c'est la valeur des actions, parce que ce ne sont pas les biens du Soleil qui sont possédés par Unimédia; ce sont des actions du Soleil. C'est un concept très différent.

M. CHARRON: D'accord.

M. GILBERT: Unimédia n'a pas acheté les biens, elle a acheté les actions du Soleil. Elle n'a pas acheté les actifs et le passif; elle a acheté les actions du Soleil. Etant donné que ce sont des actions du Soleil, en ayant des actions du Soleil, j'ai les biens du Soleil. J'ai le Soleil. Si, demain matin, elle ne fait pas honneur à ses obligations, la banque dit: Je me fais payer, à ce moment, je vais m'organiser avec la banque et je vais reprendre le Soleil et je vais m'en aller avec. Tout le monde va être heureux à ce moment. Je ne pense pas que cela arrive.

M. LALONDE: Si vous me le permettez, est-ce que Power Corporation a une charge sur les biens directement du Soleil?

M. GILBERT: Aucune.

M. LALONDE : Je ne crois pas.

M. GILBERT: Aucune. Je viens d'expliquer que, pour la vente du Soleil, on a vendu les actions à Unimédia.

M. LALONDE: Oui.

M. GILBERT : Unimédia possède les actions.

M. LALONDE: C'est cela. Quant aux actions, Power Corporation ne pouvait pas exiger une charge parce que c'est un nouvel actif d'Unimédia.

M. GILBERT: C'est cela. Exactement.

M. LALONDE: D'après les contrats existants, les seules charges spécifiques qu'elle avait, c'est sur les actifs qui existaient avant la transaction du Soleil...

M. GILBERT: Absolument.

M. LALONDE: ... en plus de la charge générale.

M. GILBERT: Cela se passe à l'intérieur des compagnies. Si j'achète une bâtisse où, à un certain moment, il y a un créancier hypothécaire, qui est en première hypothèque, ce dernier reste en première hypothèque. Je ne peux pas le débarquer pour un autre. Alors, c'est la même chose.

M. LALONDE: La créance de $3 millions est rattachée directement aux actions du Soleil...

M. GILBERT: Oui.

M. LALONDE: ... qui étaient l'objet de la vente.

M. GILBERT : Et les actions comprennent les actifs.

M. CHARRON: M. Desmarais est-il intervenu auprès de vous, directement ou indirectement, pour obtenir cet amendement du 28 janvier?

M. GILBERT: Aucunement. Je n'ai rien eu de M. Desmarais. Cela s'est fait par l'entremise des avocats qui, à un moment donné, nous ont fait part de cette anomalie dans notre contrat.

M. CHARRON: Les avocats de M. Francoeur.

M. GILBERT: A ce moment-là, M. Fran- coeur a dû réaliser qu'il avait déjà donné sa première hypothèque ou ses premières garanties.

M. BOURASSA: Est-ce que le jeune financier, le député de Saint-Jacques, aurait d'autres questions à poser? Si M. Bernard veut s'asseoir à côté, nous n'avons pas d'objection.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Nous espérions pouvoir ajourner à six heures.

M. BOURASSA: Nous allons prolonger de quelques minutes, si vous n'avez pas d'objection...

M. GILBERT: Je n'ai pas d'objection à finir mon témoignage.

M. BOURASSA: ... de manière à pouvoir ajourner.

M. BONNIER: Si vous le permettez, je voudrais faire juste une remarque par rapport au consortium, quitte à revenir sur cette question qui est assez importante aussi. On a donné l'impression au cours des délibérations que l'idée du consortium, ce n'était pas très sérieux. Moi, je pense que c'est important qu'on examine cela de plus près parce que cela aurait pu être sérieux. Peut-être que, dans ce cas-ci, ça ne s'est pas matérialisé, mais ce n'est quand même pas une idée qu'il faudrait peut-être dans d'autres circonstances mettre de côté. M. Gilbert, si cela avait été possible pour vous — je comprends que vous aviez des intérêts financiers, des intérêts qui n'entraient pas et du manque à gagner, dans le fond — d'attendre, je ne sais pas, une semaine ou deux, j'ai l'impression que le consortium, pour ce que j'en sais, aurait probablement pu se matérialiser et, à ce moment-là, vous auriez peut-être touché un certain montant comptant plus intéressant que ce que vous avez eu.

Je ne voudrais pas qu'on laisse l'impression chez le public et dans le journal des Débats que l'idée du consortium n'était pas une idée sérieuse. A mon avis, cela aurait pu fonctionner.

M. GILBERT: L'idée du consortium était sérieuse au début. Je pense qu'elle l'était. Nous l'avons acceptée avec réticence parce que, tout de même, on restait à 40 p.c. Je ne dis pas qu'elle n'était pas sérieuse. Cette idée, nous l'avons même eue avant le gouvernement parce que nous sommes allés voir les caisses populaires, la Laurentienne et l'Industrielle pour former un groupe, à Québec; on était intéressé à rester pour 25 p.c. dans le groupe avant qu'on vende à Power Corporation et toutes ces choses.

Mais c'est malheureux que les gens de ces compagnies n'aient pas un esprit de décision plus rapide.

LE PRESIDENT (M. Gratton): L'honorable député de Trois-Rivières.

M. BACON: On parle du consortium depuis une bonne partie de la séance. Dans vos discussions avec le consortium, quel que soit le moment dans toutes vos transactions, est-ce qu'il y a quelqu'un dans le consortium qui a tenté ou qui a posé un geste pour prendre au moins une option d'achat sur vos actions?

M. GILBERT: Personne. M. BACON: Merci.

LE PRESIDENT (M. Gratton): Alors, messieurs, si les membres de la commission n'ont plus de... L'honorable premier ministre.

M. BOURASSA: Moi, j'ai juste une remarque. Je dois m'excuser, M. le Président, j'ai mal informé la commission parlementaire sur le communiqué du 28 août. J'ai dit qu'il n'y avait eu aucun communiqué le 28 août. Il y a eu un communiqué le 28 août, mais cela ne portait pas sur le sujet en question. Cela portait sur le refus de publier le budget d'un Québec indépendant et le geste le plus malhonnête jamais posé par le Parti québécois depuis sa fondation. Alors, c'est cela...

M. CHARRON: II préparait bien plus ses élections qu'il s'occupait du Soleil.

M. BOURASSA: C'est à la suite de cela qu'ils ont publié leur budget et les seuls qui ont été élus ce sont ceux qui n'en ont pas parlé.

Prochains travaux

M. CHARRON: M. le Président, d'abord je voudrais remercier M. Gilbert d'avoir répondu à nos questions. Avant l'ajournement je voudrais qu'on clarifie les travaux ultérieurs de la commission parce qu'il y a d'autres témoins que nous devons entendre. Normalement nous aurions été prêts ce soir à travailler avec M. Péladeau que nous devons entendre, ou M. Desmarais ou les autres que nous avions demandés...

M. BOURASSA: Est-ce que tout le monde a terminé avec M. Gilbert?

M. CHARRON: Pour ma part, oui, M. le Président.

M.BOURASSA: D'accord! Merci, M. Gilbert.

M. GILBERT: Merci.

M. BOURASSA: J'aviserai le leader parlementaire, le député de Maisonneuve, probablement la semaine prochaine.

M. CHARRON: Est-ce qu'on peut s'entendre sur le témoignage du président de Québécor?

M. BOURASSA: Je n'ai pas d'objection. M. Péladeau m'a dit qu'il était prêt.

M. CHARRON: Je le sais. M. Desmarais aussi éventuellement. Peut-être les deux dans la même journée?

M. BOURASSA: Nous allons reprendre avec M. Francoeur, il va être ici la semaine prochaine.

M. CHARRON: II serait préférable de continuer avec M. Péladeau immédiatement et...

M. BOURASSA: M. Péladeau n'est pas partie à la transaction. Il me semble logique d'entendre M. Francoeur qui a fait la transaction en plus de cela.

M. SAMSON: Je suis absolument d'accord sur ce principe, celui d'entendre les parties intéressées d'abord. Après cela, on n'a pas d'objection à en entendre d'autres.

M. CHARRON: D'accord, mais je suis...

M. BOURASSA: On sera rendu au mois de juillet à ce moment.

M. CHARRON: C'est vous qui déterminez le calendrier; nous, on a été disponible tout au cours du mois de février. Normalement, on aurait pu avoir...

M. BOURASSA: Vous êtes tellement disponibles que vous êtes seul aujourd'hui.

M. CHARRON: Moi, je suis disponible pour venir ici deux ou trois jours par semaine pour faire la lumière sur cette transaction.

M. BOURASSA: Et nos électeurs?

M. CHARRON: C'est aussi pour les électeurs de mon comté que je travaille ici.

M. BOURASSA: J'imagine, ils ne doivent pas en dormir la nuit.

M. CHARRON : J'ai demandé au premier ministre, de la façon que vient de suggérer le député de Rouyn-Noranda, si on doit procéder par étapes. La première étape était le 11 septembre, avec Power Corporation. A ce moment-là, on est mieux de fonctionner avec M. Desmarais avant d'avoir M. Francoeur, qui n'est intervenu que très tard dans le dossier. Le premier contrat de vente qu'on a, qui était valide jusqu'au 14 janvier dernier, c'est celui de M. Desmarais.

M. SAMSON: M. le Président, quant à nous, nous ne partageons pas cette opinion. Ce que nous avons à étudier, c'est la vente qui a effectivement eu lieu, pas celle qui aurait pu avoir lieu; c'est celle qui a eu lieu. Ce pour quoi

on a été convoqué, c'est pour déterminer, à l'étude de ce dossier, si cette vente qui a eu lieu n'a pas été faite à un prête-nom. C'est ce qu'on a à déterminer. C'est pourquoi nous sommes d'accord pour entendre les parties intéressées directement à la vente d'abord. Cela ne veut pas dire qu'on s'opposerait à en entendre d'autres, mais je ne vois pas pourquoi on amènerait devant la commission des gens qui n'ont pas été parties à la vente alors qu'on n'entend pas ceux qui sont directement intéressés. Je veux entendre ceux qui sont intéressés à la vente d'abord et après ça, si vous calculez qu'il serait bon d'en entendre d'autres, on a pas d'objection mais, pour le moment, on veut entendre les intéressés.

M. BOURASSA: Je vais communiquer...

M. CHARRON : Je préfère toujours entendre M. Desmarais.

M. BOURASSA: D'accord. Tous les autres partis préfèrent entendre d'abord la partie à la vente, M. Francoeur.

M. SAMSON: Ceux qui ont signé le contrat.

M. BOURASSA: Si le député veut se rallier à cette...

M. CHARRON: Je ne me rallie pas.

M. BOURASSA: Est-ce que le député exige un vote?

M. CHARRON: Oui!

LE PRESIDENT (M. Gratton): La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 10)

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