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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mercredi 18 mars 2015 - Vol. 44 N° 41

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 20, Loi édictant la Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée


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Table des matières

Étude détaillée (suite)

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Médecins québécois pour le régime public (MQRP)

Conseil québécois LGBT

Association des médecins de CLSC du Québec (AMCLSCQ)

Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James (CCSSSBJ)

Intervenants

M. Marc Tanguay, président

Mme Marie Montpetit, présidente suppléante

M. Gaétan Barrette

Mme Diane Lamarre

M. François Paradis

M. Amir Khadir

M. Geoffrey Kelley

Mme Lorraine Richard

*          M. Jean Lacharité, CSN

*          Mme Andrée Lapierre, idem

*          Mme Anne Pineau, idem

*          Mme Isabelle Leblanc, MQRP

*          M. Francis Livernoche, idem

*          Mme Saïdeh Khadir, idem

*          Mme Mona Greenbaum, Conseil québécois LGBT

*          M. Sylvain Dion, AMCLSCQ

*          Mme Catherine Risi, idem

*          Mme Adriana Comisso, idem

*          Mme Bella Moses Petawabano, CCSSSBJ

*          Mme Darlene Kitty, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures quarante-cinq minutes)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 20, Loi édictant la Loi favorisant l'accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Non, M. le Président.

Étude détaillée (suite)

Le Président (M. Tanguay) : Ce matin, nous recevons donc les représentants, représentantes de la Confédération des syndicats nationaux ainsi que les Médecins québécois pour le régime public. Nous ajournerons nos travaux vers 18 heures.

Alors, sans plus tarder, nous souhaitons la bienvenue, donc, aux représentantes, représentants de la Confédération des syndicats nationaux.

Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez, comme vous le savez bien, d'une période initiale de 10 minutes de présentation. Par la suite, vous aurez des échanges avec les parlementaires. Peut-être prendre le soin de bien vous identifier ainsi que les fonctions que vous occupez. Alors, la parole est à vous.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

M. Lacharité (Jean) : Alors, merci, M. le Président. Alors, je vous présente d'abord les gens qui m'accompagnent : Andrée Lapierre, du Service des relations du travail de la CSN, et Me Anne Pineau, qui est adjointe au comité exécutif de la CSN. Moi-même, Jean Lacharité, je suis vice-président de la CSN, responsable notamment des politiques en santé et services sociaux pour notre organisation syndicale.

Alors, merci, M. le ministre. Mesdames messieurs les députés, bonjour. Merci à la commission de nous offrir l'opportunité de présenter nos positions eu égard à une pièce législative majeure, le projet de loi n° 20.

Je vais procéder en trois temps pour la brève présentation. J'imagine que vous avez le mémoire que l'on a produit entre les mains. Alors, c'est sûr qu'en 10 minutes je vais escamoter un peu certaines lignes directrices, mais on pourra par la suite, à la période d'échange, revenir plus en profondeur.

D'abord, M. le ministre, je veux saluer le fait que vous vous attaquez au problème des services de première ligne. Vous savez, avoir accès rapidement à un médecin de famille, c'est souvent un casse-tête pour plusieurs Québécoises et Québécois. Avoir un accès rapide au médecin de famille, au service de première ligne, c'est souvent un tour de force. Alors, M. le ministre, je vais commencer en vous disant que vous êtes excellent quand vous faites vos objets de projet de loi. Le problème, c'est quand vous arrivez aux pistes de solution où — vous me permettrez de vous le dire avec tout le respect que je vous dois — on vous trouve, à la CSN, beaucoup moins performant. Là, je ne parle pas de vous en tant que médecin, de votre pratique médicale, mais, comme médecin ministre de la Santé, on trouve ça un peu moins performant sur les pistes de solution.

Alors, on va, dans un premier temps, vous entretenir un peu sur une mise au jeu, mais aussi, dans un deuxième temps, sur les risques associés aux solutions proposées dans le projet de loi n° 20, pour terminer avec ce qui nous apparaîtrait des pistes de solution alternatives à ce qui est proposé dans le projet de loi n° 20 pour améliorer l'accès à la première ligne et l'accès aux médecins de famille.

Donc, on doit s'attaquer à ce problème-là, c'est évident, ça fait des années qu'on le vit. On n'y arrive pas, mais on pense que, si on n'y arrive pas, c'est parce qu'on a misé beaucoup trop souvent sur des modifications structurelles, des modifications de structure. Or, dans le projet de loi, par exemple, il n'y a rien pour les soins à domicile. Même, depuis 2003, ça a été négligé. Les services de première ligne ont été notamment négligés, ce qui entraîne beaucoup de pression sur les proches aidants qui sont en très grande majorité des femmes, à 80 %, qui doivent assumer souvent le support aux personnes qui ont besoin de soins à domicile. On observe que les groupes de médecine familiale, les fameux GMF, sont souvent fermés, pour la plupart souvent fermés le soir, les week-ends, les jours fériés, et ça a un impact direct, ça. C'est l'augmentation de l'achalandage dans les urgences, ce que vise justement à solutionner le projet de loi n° 20 : diminuer l'achalandage dans les urgences en permettant un meilleur accès aux services de première ligne.

Et, à cet égard-là, il y a eu une enquête de l'Institut de la statistique du Québec, en 2013, sur les services de santé et soins de santé, notamment qui portent sur la question de l'achalandage dans les urgences, et l'Institut de la statistique du Québec nous rapporte qu'il y a 36 % des personnes qui se présentent à l'urgence qui s'y présentent pour un problème non urgent. Et, de ces 36 % là, il y en a 74 % qui affirment que, s'ils sont allés à l'urgence, c'est faute d'avoir eu accès à des cliniques sans rendez-vous ou à des GMF parce qu'ils étaient fermés. Alors, on a un sérieux problème de ce côté-là, et nous, on pense qu'il y aurait peut-être des pistes de solution à regarder de ce côté-là, mais j'y reviendrai.

• (11 h 50) •

Votre projet de loi n° 20, M. le ministre, nous apparaît, au niveau des pistes de solution, comme un très mauvais remède pour solutionner la problématique que vous avez identifiée, mauvais remède en imposant des quotas de patients aux médecins que... si la cible n'est pas atteinte, vous allez diminuer ou vous attaquer à leur rémunération, sur les activités médicales particulières, sur les conditions que vous voulez imposer aux médecins spécialistes. Et vous avez affirmé que vous allez proposer un projet de règlement pour faire une pondération, là, entre les clientèles plus lourdes en comparaison des clientèles plus légères. Mais on ne le connaît pas, votre projet de règlement, donc, nous, pour nous, on fonctionne un peu à l'aveugle.

Et, pour nous, les risques associés à ce que vous mettez sur la table sont énormes, et j'en nomme quelques-uns, je n'ai pas la prétention d'en faire ici une liste exhaustive, mais quelques-uns qui frappent de plein fouet, à notre avis. D'abord, on risque, et il y a des menaces à cet égard-là, d'assister à un certain nombre de désaffiliations de certains médecins au régime d'assurance maladie du Québec. On risque d'assister au fait que les médecins sélectionnent des clientèles beaucoup plus légères, ce qui va affecter l'accès des cas plus lourds au système de santé et de services sociaux. Ils risquent fort d'être laissés pour compte. Quand on parle de cas plus lourd, là, on parle de gens qui vivent des problèmes de multichronicité, des problèmes de santé mentale, des problèmes de toxicomanie. On craint également que, par le fait que vous imposiez des quotas aux médecins, avec le nombre que vous voulez leur imposer, les consultations médicales soient beaucoup plus brèves et, si tel est le cas, nous, on considère que ça va affecter la qualité des consultations médicales, d'une part, et que ça va... ça risque d'amener une déshumanisation de la pratique médicale. Autre effet pervers possible : les médecins plus âgés qui travaillent à temps partiel, qui sont à l'âge de la retraite, mais qui continuent à pratiquer tout de même, mais souvent à temps partiel, est-ce qu'ils ne choisiront pas tout simplement de se retirer du système? Ça, c'est un autre effet pervers possible.

Et c'est un secret de Polichinelle, là, on n'a qu'à regarder les statistiques : de plus en plus de femmes dans les facultés de médecine. Alors, à ce que je sache, ce sont encore elles qui peuvent procréer et donc elles qui peuvent avoir accès à des congés de maternité, des femmes qui ont souvent plus de responsabilités familiales que leurs conjoints, donc risquent de ne pas être capables d'atteindre les quotas que vous voulez imposer. Est-ce qu'elles ne choisiront pas tout simplement de prolonger leurs congés de maternité, de ne faire aucune pratique plutôt que de faire 20, 25 heures de pratique par semaine?

Alors, c'est des écueils que votre projet de loi ne règle en rien, bien au contraire, et, comme on ne connaît pas votre projet de règlement, bien, c'est très difficile... Ce qu'on observe, c'est plus de risques associés au fait qu'on accroisse l'achalandage dans les urgences, ce qui va totalement à l'encontre de l'objectif visé par votre projet de loi, et ça diminue l'accès aux services de première ligne.

Un mot sur votre approche qu'on qualifie de coercitive, M. le ministre, là. On pense que ça vous prendre une bureaucratie assez imposante pour pouvoir contrôler ça, et là vous n'atteindrez pas vos objectifs de diminution des coûts, là, pour l'État. C'est un autre problème, ça, alors que vous appliquez d'énormes compressions budgétaires dans le réseau de la santé et des services sociaux actuellement qui affectent directement les services à la population.

Je vais vous dire que, par ailleurs, les fédérations médicales ne peuvent pas s'en laver les mains. Elles font partie du problème, et il va falloir qu'elles aussi mettent l'épaule à la roue. Mais il faut que vous acceptiez de travailler avec elles et eux sans une approche coercitive parce que, sinon, on pense que vous n'y arriverez pas, malheureusement. Et c'est pour ces raisons-là que nous, on vous demande de retirer votre projet de loi et de lancer une vaste consultation, une véritable consultation qui nous apparaît nécessaire auprès de l'ensemble des acteurs du réseau.

Quelques pistes de solution alternatives qui n'apparaissent pas au projet de loi pour améliorer l'accès aux services de première ligne, améliorer l'efficience des services de première ligne. Nous, on pense qu'il y a un nécessaire travail à faire sur les équipes interdisciplinaires.

La Présidente (Mme Montpetit) : En conclusion s'il vous plaît.

M. Lacharité (Jean) : Bon, très bien, alors je vais juste énumérer les pistes de solution et je conclus.

La Présidente (Mme Montpetit) : Très rapidement.

M. Lacharité (Jean) : Très rapidement. On pense que vous devriez vous attaquer à la révision du mode de rémunération des médecins, le paiement à l'acte. Toutes les commissions qui ont passé l'ont suggéré. On pense que vous devriez vous attaquer à la lutte au surdiagnostic. On en a déjà discuté ensemble, je sais que vous n'êtes pas d'accord avec l'Association médicale du Québec, mais on pourra y revenir. On pense que vous devriez mettre l'accent sur la prévention, mais là-dessus vous allez complètement à contre-courant en coupant la direction régionale de la santé publique, leur budget de l'ordre de 33 %. Il faut améliorer l'information avec de bons systèmes informatisés sur les données cliniques. Enfin, il faut augmenter le financement des soins à domicile et le financement pour les maladies chroniques.

Je vais conclure en vous disant — je ne parlerai pas du programme de procréation médicalement assistée, on y reviendra — que tout ça se passe dans une prolifération de pièces législatives majeures : projet de loi n° 10, projet de loi n° 28, qui s'attaque aux pharmaciens, le projet actuel de loi n° 20, vous avez annoncé d'autres réformes en préparation, le financement à l'activité, les supercliniques, la révision de la loi sur la santé et les services sociaux. Nous, on trouve que vous procédez à la pièce, M. le ministre, sans qu'on soit capables d'avoir une vue d'ensemble. Alors, vous avez peut-être un plan structuré, je termine...

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie, M. Lacharité. Malheureusement, nous avons amplement dépassé le temps...

M. Lacharité (Jean) : Trois mots pour terminer.

La Présidente (Mme Montpetit) : Trois mots. Les trois derniers.

M. Lacharité (Jean) : S'il vous plaît, «time out», «time out», «time out».

La Présidente (Mme Montpetit) : Parfait, je vous remercie, M. Lacharité pour votre présentation.

Juste avant de poursuivre, il y a un remplacement qui n'a pas été fait au niveau de la commission. Donc, M, le secrétaire.

Le Secrétaire : Oui, Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré) est remplacée par M. Boucher (Ungava).

La Présidente (Mme Montpetit) : Parfait. Alors, je vous remercie. Donc, nous allons débuter la période d'échange avec la banquette ministérielle.

Comme nous vous avons alloué 1 min 30 s supplémentaire, M. le ministre, il vous restera 8 min 30 s.

M. Barrette : 8 min 30 s?

La Présidente (Mme Montpetit) : Oui.

M. Barrette : Mon Dieu! O.K. Je vais commencer par une pointe d'humour... Bien, M. Lacharité, Mme Pineau, et Mme Lapierre, une petite pointe d'humour. Vous savez que Greenpeace ne sera pas content de vous, là, parce qu'à la quantité de fax que vos membres m'envoient, là... Ce n'est pas méchant.

M. Lacharité (Jean) : ...dans l'industrie du papier.

Des voix : Ha, ha, ha!

• (12 heures) •

M. Barrette : Bien, écoutez, je vais aller rapidement parce qu'on n'a malheureusement pas beaucoup de temps, j'en suis fort désolé. Il y a certains éléments, là, que vous avancez qui me surprennent pas mal, puis j'aurais quasiment envie de vous aborder d'une façon plus générale. Vous avez émis un certain nombre de critiques, et je postule que certaines des critiques que vous faites sont d'abord et avant tout basées sur le fait que vous n'avez — ça, je le comprends, vous avez raison — pas eu encore accès aux éventuelles pondérations. Bon, j'imagine que vous avez suivi la commission, vous avez entendu le témoignage de la RAMQ hier qui, elle, a dit que pour ce qui est de la bureaucratie de cette chose-là, pour utiliser votre expression, c'est des choses qui étaient déjà en place pour la majorité et que, dépendamment de l'évolution du projet de loi, il y aurait des aménagements peut-être à faire, mais, pour le moment, la RAMQ peut faire ce qui est dans le projet de loi. Ils l'ont dit d'une façon, à mon avis, assez claire.

Maintenant, pour ce qui est des autres éléments, là, vous avez parlé de craintes de désaffiliation, de sélection de clientèle, de choses comme ça, je postule que vous avez ces appréhensions-là à cause du fait que nous n'avez pas vu les grilles de pondération, puis là je vais prendre des exemples. Ne pensez-vous pas qu'à un médecin à qui on demande une charge de prise en charge spécifique, si elle est pondérée correctement, ça permet au médecin de s'acquitter de sa tâche? Je vous donne un exemple. Je vous demande votre opinion là-dessus, là. Je prends un exemple que vous avez donné, là. Si, par exemple, pour certaines clientèles à domicile, en fin de vie, on compte un patient pour 18, 19, 15, par exemple, hein, quand on fait quelque chose comme ça, ça veut dire qu'il y a un médecin à qui on demande de prendre en charge 1 000 patients normaux, bien là, si j'en compte un pour 15, ça en fait pas mal moins, là, vous comprenez? Alors, c'est la même chose pour l'âge. Vous avez émis une inquiétude, exprimé une inquiétude à propos des médecins plus âgés. À partir du moment où on pondère ce que l'on demande à ces gens-là, en fonction de l'âge du médecin par exemple, ne trouvez pas que, par une pondération, il est tout à fait possible de s'attendre à une charge de prise en charge, si vous me permettez le pléonasme, là, qui est tout à fait prenable par le médecin? Puis ça, cette réponse-là, vous allez me la donner, et, en même temps, là, il faut bien quelque chose.

Vous, vous êtes la CSN. Vous venez d'un monde où vous vous battez historiquement pour des descriptions de tâches, puis là je ne fais pas de commentaires subjectifs, là. Vous venez d'un univers où l'attendu, la description de tâches, fait partie de votre ADN, si vous me passez l'expression, là. Comment voulez-vous qu'on puisse améliorer la situation actuellement s'il n'y a pas une garantie de livrable, d'une part, et comment serait-il nocif d'avoir une définition de livrable basée sur une certaine pondération négociée, à la limite? Il va bien falloir avoir, à un moment donné, une condition. Si c'est juste une question de bon vouloir de tout un chacun, on l'a essayé, le bon vouloir, là, puis vous aller convenir, et je pense que vous l'avez fait dans votre introduction, que le bon vouloir n'a pas donné les résultats escomptés.

M. Lacharité (Jean) : C'est à moi?

M. Barrette : Je vous laisse la parole.

M. Lacharité (Jean) : Bien, ça fait partie du problème, effectivement, là. Le fait qu'on n'ait pas accès à vos grilles de pondération et que personne n'y ait accès, comment voulez-vous qu'on n'ait pas d'appréhensions? Premièrement.

M. Barrette : La question que je vous pose, c'est : À partir du moment où il y a une pondération... Je vais vous la poser différemment. Admettons que la pondération est raisonnable. Je vous donnais l'exemple, là, un patient lourd à domicile, là, on le compte pour 15, rien que ça, là, ça vous apparaît-u quelque chose de raisonnable, d'une part? À partir du moment où on a des pondérations raisonnables, n'est-il pas raisonnable aussi de fixer des livrables à atteindre?

M. Lacharité (Jean) : Bien, une pondération raisonnable, elle va être jugée raisonnable à condition que vous vous entendiez avec les fédérations médicales. Là, vous avez une approche qui est coercitive, sans entente, sans négociation avec les fédérations médicales, et vous comprendrez que, pour une organisation syndicale, c'est difficile de vous approuver dans la façon dont vous fonctionnez actuellement.

M. Barrette : Non, je ne vous demande pas de m'approuver. La question que je vous pose, c'est...

M. Lacharité (Jean) : Bon. Mais, si les fédérations médicales le jugent raisonnable et que ça permet d'atteindre des livrables, tant mieux, on va saluer ça, puis si ça permet d'améliorer les actions aux services de première ligne. Mais là vous m'avez parlé des médecins plus âgés aussi. Qu'est-ce que vous allez faire pour les femmes qui prennent des congés de maternité ou qui reviennent au travail de façon graduelle ou à temps partiel?

M. Barrette : Moi, je propose, je vous le dis tout de suite, que les femmes médecins soient traitées de la même manière que vos membres.

M. Lacharité (Jean) : C'est-à-dire?

M. Barrette : Vos membres, après leur année de congé de maternité, ils reviennent au travail?

M. Lacharité (Jean) : Oui, mais vous savez aussi, M. le ministre, que ce sont encore les femmes qui assument le plus de responsabilités familiales très souvent, et donc elles peuvent faire des choix en matière de conciliation travail-famille qui vont faire en sorte qu'elles vont passer un peu plus de temps avec l'enfant. Et je ne dis pas que ça doit être comme ça, là, je ne dis pas que les hommes ne doivent pas prendre leurs responsabilités, là, ce n'est pas ça que je suis en train de dire, mais on est devant un état de fait, et qui n'est pas corrigé encore, et qui ne se corrigera pas nécessairement demain matin. Alors, il va falloir que vous leur permettiez de faire une certaine conciliation travail-famille, parce que, si elles sont pour travailler, par exemple, 20, 25 heures par semaine, puis se retrouver pénalisées par votre matraque de baisse de rémunération à l'autre bout parce qu'ils n'ont pas suffisamment... qu'elles n'ont pas atteint les quotas ou les cibles, leur choix, ça peut être très facilement de dire : Bien, je ne travaille pas pantoute. Alors là, vous allez diminuer l'accès et vous allez accroître les problèmes d'achalandage dans les urgences.

M. Barrette : Je peux vous dire que c'est une avenue qui est très peu praticable pour les médecins, parce que les médecins sont assujettis à des règles qui font en sorte qu'ils ne peuvent pas arrêter de travailler au-delà d'un certain temps, là. Ça pose des problèmes qui sont significatifs. Et j'ai envie de faire le lien, avec le commentaire que vous venez de faire, avec celui du Conseil du statut de la femme.

M. Lacharité (Jean) : C'est-à-dire?

M. Barrette : Bien, c'est-à-dire que le Conseil du statut de la femme... et je cite approximativement la position qui a été exprimée par Mme Miville-Dechêne : Entre les choix des professionnels mieux nantis et les besoins des patientes, qui sont souvent des aidantes naturelles, bien, ils choisissent les patientes plutôt que le professionnel. Dit différemment, ils considéraient, et là je mets un peu des mots dans leur bouche, là, qu'un certain niveau de contrainte chez les femmes médecins était justifié parce que le besoin de la clientèle — les hommes et les femmes, évidemment, pour le Conseil du statut de la femme, plus les femmes — avait préséance sur la situation individuelle des femmes médecins. Parce qu'à un moment donné il va bien falloir aller le chercher, le service. Si on ne fait rien, on n'aura jamais de résultat.

M. Lacharité (Jean) : Bien, c'est un point de vue qui peut se défendre, mais n'empêche que la réalité, c'est aussi autre chose, et c'est ça qu'on vous dit, là. Donc, vous devez porter une attention particulière à cela, mais moi, je vais vous poser une autre question, là. Quand on prône une réorganisation de la médecine familiale, quand on prône beaucoup plus de travail interdisciplinaire avec les autres professionnels de la santé, que ce soient des physio, des psychologues, travailleurs sociaux, ergothérapeutes, infirmières, pharmaciens, avec des équipes de travail bien intégrées, qui ont des plans de soins, des plans de suivi, qui ont comme optique de faire de la prévention auprès de leurs patients, bien, ça, votre projet de loi, il est tout à fait muet autour de ça.

M. Barrette : M. Lacharité, je vous soumettrai que ce dont vous parlez était faisable avant le 27 novembre 2014, ça ne s'est pas fait, ça ne s'est pas fait. Les circonstances... le cadre dans lequel notre société évolue et dans lequel se retrouvent des médecins n'empêchait pas ça. La seule et unique raison pour laquelle ce projet de loi là existe, et d'ailleurs, manifestement, il a eu cet effet-là, c'est qu'il n'y a personne qui, spontanément, livrait cette marchandise-là. Il n'y a personne qui n'empêchait personne.

Vous nous avez parlé, par exemple, d'informatisation. Il n'y a personne qui empêche les médecins de s'informatiser; il y a seulement 35 % des médecins qui le sont. À un moment donné, vous ne trouvez pas qu'il faut créer des conditions qui amènent les gens dans cette direction-là, la direction du service à la population?

M. Lacharité (Jean) : Là, vous êtes en train d'identifier comme coupable...

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie. Je vous remercie. Malheureusement, le temps est écoulé. Donc, je vais céder la parole à la députée de Taillon.

• (12 h 10) •

Mme Lamarre : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, M. Lacharité, Mme Pineau et Mme Lapierre. Bonjour. Écoutez, moi... on a peu de temps, 6 min 38 s. D'abord, ce que je retiens de vos recommandations, vous en avez émis plusieurs, solutions, qui ne passent pas nécessairement par des lois, et le ministre semble orienter vraiment ses choix vers tout ce qui est légal. Il veut forcer par le biais d'une loi. Et je vois dans ça, par exemple, une diminution du surdiagnostic, du surtraitement, une meilleure utilisation des infrastructures dans les hôpitaux. Il y a plein d'éléments qui peuvent améliorer la fluidité. Vous avez parlé d'un meilleur recours à des infirmières, des pharmaciens. On n'a pas besoin de faire des lois pour ça, on peut faire ces choses-là tout de suite, mais ça, le ministre ne nous en parle pas, ça fait un an qu'il est en pouvoir, et il ne nous en parle pas.

Donc, il y a une dimension où, effectivement, comme vous, je me questionne sur la vue d'ensemble. Il nous dit qu'il y a des choses qui se font au niveau de l'informatique, on ne les voit pas. Il nous dit que tout va être dans les règlements avec la pondération, et on ne la voit pas. Mais moi, je sais que vous faites beaucoup d'évaluations puis de calculs, j'en fais un avec les quelques indices que le ministre nous donne. Il nous dit : Mettons qu'on aurait un patient lourd à domicile et que ça vaudrait 15 patients. Alors, actuellement, les gens qui ont 65 ans et plus au Québec, il y en a 1,3 million, 65 ans et plus. Mettons qu'on prend seulement ceux qui ont 75 ans et plus, puis, arbitrairement, je vous dirais qu'on en avait autour de 500 000 probablement. Si ces 500 000 personnes là, ce sont des personnes âgées de 75 ans et plus, là-dessus, on n'a pas inclus... vous me direz qu'il y a peut-être quelques personnes qui sont encore autonomes, mais on a des handicapés qui sont plus jeunes, handicapés physiques, on a des gens en soins palliatifs à domicile, on a des gens qui ont des déficiences mentales graves, qui pourraient avoir besoin. Donc, on a 500 000 potentielles personnes, là, qui auraient besoin d'avoir des soins à domicile. Si on met un ratio de 15 pour ces patients-là, on arrive à 7,5 millions d'habitants. Ça veut dire que, si les médecins s'occupaient juste des 500 000 cas lourds, on aurait encore 7,5 millions de Québécois sans médecin de famille, ce qui n'améliorerait pas notre portrait et le quotidien des gens.

Alors, moi, j'aimerais ça un peu que vous nous parliez de l'importance de cette pondération et de l'importance d'avoir une vue d'ensemble.

M. Lacharité (Jean) : Je vais laisser Mme Lapierre répondre à la question.

Mme Lapierre (Andrée) : Ça s'allume tout seul, cette affaire-là?

Bien, effectivement, c'est intéressant que vous preniez le ratio comme ça. C'est parce que le nombre de patients, on le voit bien, là, ce n'est pas toute la question. Il faut savoir qu'est-ce que c'est, une prise en charge, parce que le soutien qu'il manque au médecin pour s'occuper de s'informatiser, pour faire plus de choses, c'est toutes des conditions dont il faut discuter.

On est en train de rentrer dans le vrai problème de pourquoi qu'on ne l'a pas, la vraie première ligne du Québec. Depuis les années 70 qu'on la veut puis, depuis les années 70, on sait aussi que le mode de rémunération, ça a de l'influence. Mais le projet de loi est muet sur ça. Il est muet sur l'interdisciplinarité, il est muet sur tout un ensemble de conditions qui sont corollaires. Le ministre aime ça parler de Kaiser Permanente, mais on ne voit pas c'est quoi, les marches pour aller là. Là, on est avec un corset brutal, et puis nous autres, on dit : Il en manque des bouts, là. Alors, c'est ça, notre... La question des bonnes pondérations, j'en suis. Possiblement que c'est possible qu'avec des bonnes pondérations on comprenne un peu mieux. C'est tout le connexe qui n'est pas sur la table, là.

Mme Pineau (Anne) : ...

Mme Lamarre : Oui?

Mme Pineau (Anne) : Et, en fait, c'est des discussions qui ont cours, là... Si on prend, par exemple, le rapport de 2009, là, du Commissaire à la santé, déjà, dans les recommandations — il en faisait 10 — on avait la médecine de groupe en première ligne, le dossier informatisé, l'interdisciplinarité, on avait aussi la rémunération des médecins qui devait être revue, mais un vrai débat public en commission parlementaire pour avancer sur ces questions-là de façon globale. On n'en a pas, de ça, et c'est ça qu'on réclame, parce que je pense qu'on est rendus là, il faut régler ce problème-là. On est convaincus qu'il faut le régler, mais il faut le régler en s'assurant qu'on ait des choses qui fonctionnent, et, pour ça... Et c'est ce pourquoi le projet de loi n° 20 provoque autant de craintes chez nous. On craint que ça ne marche pas. Ça ne marche pas parce que ça prend un minimum d'adhésion et ça prend un minimum de consensus. Et le projet de loi n° 20, avec ses quotas, bien, ça signifie du volume éventuellement, des courtes consultations, tout ça avec une rémunération à l'acte. Or, on pense que c'est dangereux. Ce n'est pas la track qu'on devrait prendre. On doit plutôt axer sur le travail interdisciplinaire, fixer, à la limite, des cibles, mais des cibles pour une équipe de soins et où on utilise le plein potentiel de tous les professionnels de la santé qui travaillent de plus en plus avec les médecins.

La Présidente (Mme Montpetit) : M. Lacharité.

M. Lacharité (Jean) : Oui. J'ajouterais à cela que c'est des réformes à la pièce. Je l'ai dit tantôt, on ne voit pas la vision d'ensemble. Il y en a d'autres qui s'en viennent, on est incapables d'avoir une vision d'ensemble, de ce que ça va devenir. On pense, nous, que... parce que ce sont des réformes majeures, là, pour un réseau qui est extrêmement complexe.

Et moi, je vais vous souligner une autre crainte que j'ai, et ce n'est pas juste... Ce n'est pas une crainte. Quand on parle au monde qui travaille sur le terrain, ce qu'ils nous disent, c'est qu'ils sont en train de se démotiver, qu'ils sont débordés, qu'ils sont tout le temps en train de courir pour rendre une bonne qualité de service, parce qu'ils veulent rendre une bonne qualité de service, mais ils deviennent insatisfaits de par les conditions dans lesquelles ils se retrouvent et de par les réformes qu'on leur impose et les compressions qu'on leur impose également actuellement dans le cadre des politiques d'austérité. Ils n'arrivent plus, et, pour faire des réformes aussi majeures, moi, je vous signale qu'on a besoin du monde terrain, là, et s'ils sont démotivés, s'ils tombent en congé de maladie, en burn-out, on n'y arrivera pas, malgré la bonne volonté du ministre.

Le ministre se dit pressé en disant : On aurait pu faire ça dans le passé, on ne l'a pas fait, alors moi, j'agis. Mais on peut-u avoir une vision d'ensemble de ce qu'il veut faire, c'est ça qu'on exige, là, puis avoir un vrai débat public avec l'ensemble — je vais le dire comme ça, en chinois, là — du «bucket», de ce qui s'en vient? C'est ça qu'on exige.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie. Donc, nous allons continuer avec le député de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Lacharité, Me Pineau, Mme Lapierre. Ce que vous êtes en train de nous dire, c'est que, de un, vous manquez énormément d'éléments pour analyser de bonne façon ce qui pourrait se produire. Mais, manifestement, à l'oeil, on n'est pas en train de faire une révolution qui va permettre d'améliorer, à votre avis, l'accessibilité, qui est un principe que vous défendez, soit dit en passant. On s'en va dans le mur avec ça?

M. Lacharité (Jean) : Je pense que oui, malheureusement. À tout le moins, on est en train de fragiliser de façon incroyable le réseau de la santé et des services sociaux et les travailleuses et les travailleurs qui y oeuvrent. Puis, quand je parle des travailleuses et des travailleurs, là, je parle du monde qu'on représente, mais je vais parler aussi des corps médicaux. Je pense que... Et ce n'est pas possible, ce n'est pas possible de pouvoir faire une réforme comme celle-là dans un climat de confrontation comme celui qu'on est en train de créer. On va avoir besoin de la collaboration du monde à un moment donné. Il y a une confrontation avec les fédérations médicales, il y a une confrontation avec les pharmaciens, il y a une confrontation...

Et je vous signale aussi qu'il y a une négociation du secteur public qui s'en vient, d'autres politiques d'austérité, d'autres compressions budgétaires. Moi, je vais vous dire que... Je ne sais pas où il s'en va, le réseau, mais ma crainte, ma plus grande crainte, c'est qu'à un moment donné on ne soit plus capable de livrer les services, dans le cadre public, de façon adéquate. Et ce sera quoi, là, la conséquence de ça? Ça va être de la privatisation. Donc, on va s'attaquer... et finir par fragiliser le réseau public de santé et de services sociaux, qu'on veut universel et accessible.

M. Paradis (Lévis) : Permettez-moi... je sais que vous aviez quelque chose à ajouter probablement, Mme Lapierre, mais d'aller... Parce que le temps file très vite, puis on en a très peu. Vous avez des pistes de solution quand même, vous dites qu'il y a des choses à revoir. Vous avez parlé de rémunération, et ça a été énormément, ici, questionné puis suggéré. Donc, la rémunération à l'acte, de revoir ça, plusieurs ont dit que la méthode idéale, c'est la mixte, avec, bon, un équilibre entre la prise en charge et l'acte. Vous parlez aussi, dans votre document, de rémunération basée sur le salaire. J'aimerais ça vous entendre davantage.

M. Lacharité (Jean) : Bien, nous, ce qu'on veut, là, c'est qu'il y ait des études... La rémunération à l'acte n'a pas fait ses preuves. Ça, c'est un des problèmes. Alors, ce qu'on dit, c'est : Regardons quelles seraient les meilleures formules. C'est-u un régime hybride? C'est-u du salariat dans certains cas? C'est-u des équipes interdisciplinaires, pour lesquelles il y aurait des budgets adéquats qui sont accordés? Mais moi, je vais vous dire que, si on a des équipes interdisciplinaires, on va être comme le ministre, on va exiger aussi qu'il y ait des cibles, là, à atteindre pour qu'on puisse avoir les livrables. Mais pas imposer par en haut, sans qu'il y ait eu consultation en bas et sans qu'on ait fait l'ensemble des études qui y soient afférentes. Alors, attablons-nous.

Tant la commission Rochon que la commission Clair ont dit qu'il fallait remettre en question... Et même Castonguay-Nepveu, à l'époque, avait dit... n'avait pas recommandé qu'on passe par le paiement à l'acte. Et même le ministre Couillard, dans sa réforme, en 2004, disait qu'il fallait envisager une révision du paiement à l'acte. Aucune suite n'a été donnée à ça. Le ministre actuel, au lieu de donner des suites à cela, il procède par une approche coercitive en disant : Vous allez avoir tant de quotas, tant de cibles à atteindre, puis, si vous ne les atteignez pas, je vais couper votre rémunération.

Alors, comprenez que ça va être difficile, ça va être difficile pour l'avenir du réseau, ça, là, et je ne vois pas comment on va s'en sortir puis comment on se met dans des conditions pour atteindre l'objet du projet de loi, qui est d'améliorer l'accessibilité aux médecins de famille et aux soins de première ligne.

M. Paradis (Lévis) : Vous dites, M. Lacharité... Vous faites référence aux commissions de la santé du passé, qui traçaient à peu près toutes le même constat, en tout cas, qui revenaient avec des pistes de solution, et vous parlez de celle... Vous parlez de l'actuel premier ministre Philippe Couillard, qui, lui-même, en tout cas, mettait de l'avant des pistes de solution, dont le requestionnement de la rémunération. Il disait quoi à ce moment-là, en 2004? Ce que vous dites à peu près ou ce qui devrait être fait?

M. Lacharité (Jean) : Bien, le ministre Couillard, à l'époque, s'est concentré sur une réforme de structure beaucoup plus que sur ce qu'il devait faire. Et c'est ce que le ministre Barrette est en train de faire aussi : c'est des réformes structurelles, qui n'ont rien à voir avec l'organisation terrain de l'amélioration de l'efficience pour une meilleure accessibilité. Et le ministre Couillard nous avait promis qu'en créant les CSSS il diminuerait les frais de bureaucratie. Selon les données que l'on a, nous, les frais de bureaucratie ont augmenté de 30 % avec la création des CSSS, exactement l'effet contraire qu'il visait à contrecarrer.

La Présidente (Mme Montpetit) : Je vous remercie, M. Lacharité. Donc, on va enchaîner avec le député de Mercier.

• (12 h 20) •

M. Khadir : Merci. M. Lacharité, bienvenue, Mmes Lapierre et Pineau. Je pense que le ministre a besoin de votre aide. Je vais vous expliquer. En fait, c'est vraiment dans un esprit de collaboration que j'interviens. Vous avez identifié les risques de ce projet de loi : désaffiliation, pression à la sélection des patients, diminution de la qualité de la consultation, donc déshumanisation, etc., les pressions que ça pourrait exercer sur l'urgence.

Vous avez identifié aussi des pistes de solution. Je pense que vous les avez dégagées d'une consultation que vous avez menée avec plusieurs autres partenaires au cours de la dernière année, dont je suis au courant, et qui ne sont pas dans le projet de loi. Ensuite, concluant de tout ça, vous avez proposé que le ministre abandonne son projet de loi, consulte tous les... surtout qu'il y a un climat maintenant d'affrontement qui n'aide pas. Et, en plus, on sait que l'autorité morale du ministre a été sérieusement entamée par ce qui est arrivé au CHUM, et, dans ce climat-là, c'est sûr que ça n'a pas amélioré les choses.

Est-ce que vous pensez, à ce moment-là, que, si le ministre retire son projet de loi et dit : Je vais vous consulter, puis on va faire une espèce d'états généraux pour trouver des solutions pour changer ça, ça va augmenter sa crédibilité et son autorité morale ou ça va l'entamer davantage, puis les gens vont dire : Bien, il complètement déconsidéré?

M. Lacharité (Jean) : Bien non, moi, je pense que ça augmenterait énormément sa crédibilité morale de vouloir travailler avec l'ensemble des gens du milieu parce que là le problème, c'est qu'il passe pour quelqu'un qui se veut omnipotent. Et d'ailleurs, dans le projet de loi n° 10, il s'est donné énormément de pouvoir, ce qui a donné naissance en partie à la crise qu'on a vécue au CHUM dernièrement, et là il a une approche coercitive.

M. Khadir : Donc, le retrait du projet de loi aiderait la force d'intervention et de mobilisation du ministre.

M. Lacharité (Jean) : Bien, ça motiverait entre autres les gens qui sont sur le terrain à dire : Oui, enfin, on va nous écouter et on va trouver des pistes de solution ensemble, pas contre le ministre, avec le ministre, avec le ministère, sans qu'on se substitue au ministère, parce que le ministère a un rôle à jouer.

M. Khadir : Je pense que ça lui sourit parce qu'il sourit à cette proposition. Moi, j'ai terminé. Je pense qu'on n'a pas besoin de, disons, aller plus loin dans cette démonstration de bonne volonté des gens qui disent : Il faut mobiliser l'ensemble des acteurs. Il y a des solutions. On ne peut pas accepter le statu quo. Les fédérations ont des responsabilités. Tout le monde le reconnaît, mais il faut que le ministre soit à l'écoute des gens.

La Présidente (Mme Montpetit) : Parfait. Alors, je vous remercie, M. Lacharité, Me Pineau, Mme Lapierre. Merci pour votre présentation et vos réponses à nos questions.

Donc, je vais suspendre les travaux quelques instants et j'invite le prochain groupe à prendre place.

(Suspension de la séance à 12 h 22)

(Reprise à 12 h 32)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux. Nous accueillons maintenant les représentantes, représentants des Médecins québécois pour le régime public.

Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation, prendre le temps de bien vous présenter, nous préciser vos fonctions. Par la suite, vous aurez un échange avec les parlementaires. La parole est à vous.

Médecins québécois pour le régime public (MQRP)

Mme Leblanc (Isabelle) : Bonjour. Merci de nous accueillir. Mon nom est Isabelle Leblanc. Je suis la présidente de Médecins québécois pour le régime public. J'ai avec moi Francis Livernoche, qui est un pédiatre et un Fellow en pédiatrie sociale, qui est un conseiller auprès de MQRP, et Dre Saïdeh Khadir, qui est une médecin de famille qui travaille en urgence et qui est aussi une conseillère au sein de MQRP.

MQRP est ici, un peu comme plusieurs autres groupes, je pense, pour dire : Très bon diagnostic, il y a un grand problème d'accessibilité en première ligne au Québec, il faut vraiment s'y attaquer, mais, nous aussi, pour dire que la solution présentée n'est pas bonne, et, en fait, on demande le retrait du projet de loi n° 20. On va vous présenter quelques commentaires pour vous dire pourquoi on pense que ce projet de loi là est inapproprié et dangereux pour le système de santé public et ensuite nos propositions de solution pour l'accessibilité.

Le premier grand problème du projet de loi n° 20, c'est que c'est un autre projet de loi autocratique et autoritaire qui répond de façon non négociée à des enjeux complexes. On a déjà vu, avec le projet de loi n° 10, qui a été adopté sous bâillon, que le ministre s'octroyait des pouvoirs quasi absolus sur les établissements. Maintenant, avec le projet de loi n° 20, encore une fois, c'est lui qui va avoir beaucoup de contrôle sur l'organisation de la pratique des médecins.

Il y a aussi un manque de transparence. On nous dit : Ah oui! il y a le projet de loi, mais vous n'avez pas vu encore les règlements, vous n'avez pas encore vu les quotas, vous n'avez pas encore vu les pondérations. Mais c'est très difficile de se faire une idée sur un projet de loi quand, en fait, on ne connaît pas vraiment le contenu. C'est presque comme une coquille vide, et ça nous semble symptomatique de la façon dont le ministre de la Santé, en ce moment, et le gouvernement refusent d'avoir des dialogues démocratiques avec les membres de la société civile. Donc, on incite le ministre à reprendre un dialogue honnête et ouvert avec l'ensemble du corps médical afin de faire face au défi majeur de l'accessibilité dans notre milieu de santé.

Notre deuxième grande crainte, c'est la privatisation et la perturbation du réseau. On a pu voir, depuis que le projet de loi n° 20 a été annoncé, beaucoup de médecins qui, en réponse au projet de loi n° 20, parlent de désaffiliation, que ce soit comme moyen de pression ou pour avoir des meilleures conditions de travail. On voit déjà les cliniques privées qui font des annonces. On reçoit tous maintenant des annonces dans nos courriels : Venez travailler pour nous, dans le privé, ça va aller mieux, vous allez avoir une bonne qualité de vie : autonomie de pratique, horaire flexible, temps protégé pour les rencontres avec leurs patients. Parce que c'est un des points particuliers : les médecins ont l'impression qu'on n'aura plus assez de temps pour faire une médecine de qualité avec nos patients.

L'autre problème, avec la privatisation et la perturbation du réseau, c'est que le réseau est déjà sous le coup du projet de loi n° 10, maintenant la loi n° 10, qui bouleverse la façon dont on va pratiquer en établissement et dont les soins de santé vont être organisés. Si, en plus, on bouleverse les soins de santé primaires en même temps, il va y avoir des ratés, encore plus de ratés dans le système, encore plus de difficulté d'accès, encore plus de difficulté d'avoir des soins de qualité, et ça, ça va pousser les patients et les médecins à aller vers le privé. Donc, c'est notre grande crainte, la privatisation et la perturbation du réseau.

M. Livernoche (Francis) : Un autre risque qu'on craint avec ce projet de loi là, c'est que le système de quotas emmène une sélection des patients. On en a parlé tout à l'heure. Quant à nous, il n'y a aucun système de pondération qui est assez exhaustif pour regrouper toutes les conditions psychosociales ou médicales qui emmèneraient un médecin à voir son patient plus de 20 minutes. On est trois médecins ici qui travaillent dans des milieux défavorisés. On peut vous dire... Moi, juste en pédiatrie, je pourrais nommer une centaine de codes pour des patients qui ont besoin de plus de temps ou de plus de suivi que d'autres enfants.

On s'inquiète aussi de la qualité des soins qui vont être donnés dans le contexte de ce projet de loi là. On sait qu'un médecin qui a moins de temps avec son patient va avoir plus tendance à référer à d'autres spécialistes, va avoir tendance à plus médicamenter des conditions qui ne devraient pas l'être, et, en bout de ligne, un médecin de famille, c'est surtout une approche, c'est surtout un soignant qui écoute, qui accompagne, le médecin, son patient qui lui explique sa condition, puis, pour ça, ça prend du temps.

Notre troisième point qu'on avait, c'est par rapport à la méconnaissance du rôle qu'a pris l'omnipraticien dans notre système dans les dernières années. C'est un médecin qui endosse plusieurs chapeaux en ce moment. Il ne s'occupe pas seulement de la première ligne. Il joue un rôle crucial dans les institutions hospitalières. Ils ont développé une expertise, une polyvalence, puis ça, il faut le respecter et le préserver. Pour nous, ce projet de loi là, c'est une attaque directe contre le choix personnel des individus. C'est une ingérence, hein, une nouvelle ingérence du ministre dans ce qui devrait rester de l'ordre de la décision personnelle du professionnel. On voit là une attaque directe contre les femmes médecins qui, pour des raisons familiales, ont souvent besoin, pour quelques années, d'alléger leur pratique. Pour nous, c'est assez évident qu'on assiste ici à de la discrimination importante.

Mme Khadir (Saïdeh) : Bon, alors, après cette analyse, MQRP propose 10 solutions pour assurer l'accessibilité aux soins par les médecins de famille au Québec.

Premièrement, pour accroître l'offre de services, nous demandons au gouvernement d'exercer son pouvoir pour arrêter le désengagement et interdire aux médecins non participants de réclamer des honoraires supérieurs à ceux du régime public. Donc, comme explication, il y a un réel mouvement de désengagement qui est commencé depuis les années Chaoulli. Alors qu'en 2000 il y avait 15 médecins de famille au Québec désengagés, précisément, en 2010, on était rendu à 140, et le flot a continué : en 2012, à 180, et aujourd'hui, février 2015, nous sommes à 225 médecins désaffiliés, désengagés. Et, à partir des chiffres mêmes du ministre, donc, si chacun de ces 225 médecins prenait au moins 1 500 patients en charge, ça veut dire près de 400 000 Québécois qui sont privés de soins universels gratuits présentement à cause de ce phénomène qui risque de s'accentuer avec le projet de loi, avec l'adoption du projet de loi n° 20.

Il y a aussi l'importance, comme en Ontario, de faire en sorte que les médecins qui se désengagent soient payés avec les mêmes tarifs que les médecins du régime public, ce qui n'est pas maintenant le cas au Québec.

Deuxième proposition. Nous demandons au gouvernement de mettre fin à ce système à deux vitesses et d'offrir une couverture publique complète de l'imagerie médicale, conformément aux engagements du Parti libéral du Québec lors des dernières élections. Il faut attendre, dans certaines régions pas très loin de Montréal ou des grandes villes, près d'un an pour avoir une échographie. Il n'y a presque aucune indication d'une échographie après quelques mois. Ces examens sont pourtant disponibles illico, le jour même, dans une clinique privée très près de l'hôpital, faits par les mêmes radiologistes. Il y a plus de machines, techniciens d'imagerie en IRM, scan et échographie au Québec, dans les études de l'ISIS, que partout ailleurs au Canada, alors que les listes d'attente y sont beaucoup plus élevées. Par exemple, les listes d'attente qui sont problématiques et dont on parle en Ontario, comme ordre de grandeur, ne sont que d'un mois. C'est ça, pour eux, une liste d'attente trop longue. Ici, ce n'est pas le cas.

Troisième proposition. Nous demandons au gouvernement et à la RAMQ de voir à l'application de la Loi sur l'assurance maladie sur les frais imposés aux patients pour des soins médicalement requis et de garantir que les médicaments ne soient facturés qu'à leur coût réel. Actuellement, les frais accessoires sont une barrière financière réelle à l'accessibilité du médecin de famille aux plateaux techniques, donc une limitation de ses outils pour intervenir.

Quatrièmement, nous demandons une couverture publique de tous les soins médicalement nécessaires, incluant ceux prodigués par les autres professionnels de la santé. Donc, la question qui se pose, c'est : Une fois qu'on a vu notre médecin de famille, là, qu'est-ce qu'on fait si on n'a pas accès au physiothérapeute, si on n'a pas accès au psychologue, si on n'a pas accès à l'orthophoniste, au nutritionniste? Pour traiter un malade, il faut des outils. Un médecin de famille ne peut pas seulement agir avec des médicaments. Donc, qu'est-ce qu'il se passe en raison de cette inaccessibilité? Il y a une perte de temps de consultations supplémentaires pour gérer une chronicité de la maladie. Il y a en fait une surmédicalisation au lieu de finalement intervenir efficacement.

• (12 h 40) •

Mme Leblanc (Isabelle) : Notre cinquième proposition, c'est que le ministère entreprenne avec les milieux universitaires et les principaux intéressés un relevé systématique des solutions d'accessibilité aux services spécialisés dans les autres provinces qui fonctionnent et favoriser leur application ici au Québec. C'est très difficile comme médecin de famille d'avoir accès à des consultations avec des spécialistes en temps opportun. Il y a des programmes, par exemple, en Colombie-Britannique, d'accès par téléphone, le programme RACE, où les médecins de famille peuvent appeler, avoir une consultation téléphonique en temps opportun. Il y a aussi, dans certains CSSS, ici au Québec, des centres de répartition de demandes de service. Votre patient a besoin de voir un orthopédiste, vous remplissez le formulaire, le patient va avoir un rendez-vous plus rapidement comme ça. C'est organisé. Ça devrait être généralisé partout au Québec pour favoriser l'accessibilité aux services spécialistes.

Notre sixième demande, c'est demander qu'on encourage la pratique des rendez-vous en accès adapté pour qu'elle devienne la norme. Ça, vous en avez déjà entendu parler, beaucoup de groupes l'ont mentionné, c'est avoir un rendez-vous avec votre médecin quand vous en avez besoin et pas trois à six mois plus tard. Ça demande une réorganisation de la pratique, ça demande une éducation du patient, donc ça demande du temps à établir, mais, quand c'est établi, tout le monde a une meilleure accessibilité.

Et on demande que les notions de PREM et d'AMP soient reconsidérées pour que les modes de pratique des médecins soient négociés, prévus en fonction des besoins des régions et ne découragent pas une pratique consacrée exclusivement à la prise en charge. Comme on a dit, les médecins omnipraticiens sont polyvalents, travaillent dans différents milieux. Mais, si on veut vraiment augmenter l'accessibilité, on devrait permettre aux médecins de famille de ne faire que de la prise en charge de première ligne.

M. Livernoche (Francis) : Une autre proposition qu'on a, c'est de maintenir la liberté de choix du patient comme il est défendu par la Loi de l'assurance maladie. Nous croyons aussi à la prévention plutôt qu'à l'austérité. Nous, on recommande... Pour nous, il y a un lien évident entre l'accessibilité et les indicateurs sociaux, donc on devrait investir davantage dans des politiques qui visent à supprimer les inégalités. Et finalement, dans le contexte actuel, on est d'avis que ce n'est pas par des mesures coercitives qu'on va arriver à résoudre ce problème d'accessibilité qui est complexe, qui demande la collaboration de tout le monde. Donc, nous incitons le ministre à reprendre le dialogue avec le corps médical, mais surtout à nous exposer sa vision du système de santé pour qu'on puisse ensemble travailler aux solutions.

Le Président (M. Tanguay) : 6 min 30 s. Alors, merci beaucoup. Alors, à la demande du ministre, nous vous avons permis évidemment de dépasser de 1 min 15 s le temps, ce qui est parfait. Donc, de 7 min 45 s, le ministre dispose de 6 min 30 s, et que les échanges commencent. M. le ministre.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, excusez-moi, Dre Leblanc, Dre Khadir... Vous avez un lien de parenté, j'imagine?

Mme Khadir (Saïdeh) : Pas du tout.

M. Barrette : Pas du tout, hein?

M. Khadir : ...

M. Barrette : C'est correct. Bon, nous ne sommes pas tous frères et soeurs ici, dans la salle. Dr Livernoche. Alors, merci d'être venus ici nous faire votre présentation. Je vais vous poser une question très directe d'entrée de jeu. Compte tenu de vos orientations, pourquoi vous ne nous proposez pas le salariat des médecins?

Mme Leblanc (Isabelle) : Le salariat?

M. Barrette : Bien oui.

Mme Leblanc (Isabelle) : Vous pensez que ça va régler le problème?

M. Barrette : Non, non. Je vous pose une question comme ça parce que vous avez une approche qui me semble aller dans cette direction-là.

Mme Leblanc (Isabelle) : Pourquoi vous pensez que ça va dans cette direction-là?

M. Barrette : C'est une impression.

Mme Leblanc (Isabelle) : D'accord. Bien, je pense qu'on pense qu'il faut s'attaquer à la rémunération des médecins, mais on ne pense pas qu'il y a des solutions simples comme : ah! on augmente les quotas ou ah! on fixe un taux d'assiduité, ah! on passe au salariat. Je pense qu'il faudrait voir des études précises pour voir quelle sera la meilleure façon. On ne parle pas de rémunération dans le projet de loi n° 20, dans notre étude du projet de loi n° 20.

M. Barrette : Je suis sûr qu'au MQRP vous avez déjà eu une réflexion sur la rémunération des médecins.

Mme Leblanc (Isabelle) : Ça va même être le sujet de notre rapport annuel cette année.

M. Barrette : Ah! ça veut dire que vous ne voulez pas me divulguer, me dévoiler des choses secrètes?

Mme Leblanc (Isabelle) : Bien, on ne voit pas le rapport. Dites-moi comment vous trouvez que ça a rapport avec le projet de loi n° 20. Nous, notre inquiétude avec le projet de loi n° 20, d'abord, c'est que ça nous arrive un peu comme un cheveu sur la soupe, sans concertation, ça vous donne beaucoup, beaucoup de pouvoir, et nous, on a vraiment une crainte que ça va ouvrir à la privatisation. C'est vraiment ça, notre crainte avec le projet de loi n° 20.

M. Barrette : Alors, moi, je peux vous dire que l'objectif n'est pas d'aller vers la privatisation, d'une part. D'autre part, vous me dites... vous me posez la question pour voir quel est le lien avec la rémunération. Tous les groupes qui viennent ici font le lien entre la rémunération... et vos prédécesseurs, d'ailleurs, l'ont fait il y a quelques instants et ils n'ont pas été les seuls. Et, compte tenu de votre orientation sociopolitique, je suis surpris que vous ne mettiez pas ça sur la table. Mais c'est correct. Ce n'est pas une critique que je fais, j'exprime ma surprise.

Maintenant, je n'ai pas beaucoup de temps. Je regarde vos propositions : il n'y en a pas beaucoup qui traitent de l'accès. Il y en a beaucoup qui traitent de la nature publique du paiement. Le patient qui va au privé, il a un service. Je ne fais pas l'apologie du privé, là, ce n'est pas ça que je fais, là. Le patient qui va au privé, il a un service, et le patient qui va au public, il a un service. Ce n'est pas le même payeur, et le problème qu'on vit aujourd'hui, c'est l'accès au service en quantité. Le problème qu'on vit aujourd'hui, ce n'est pas un problème, à mon sens, qui est un problème de paiement, c'est un problème d'accès à une capacité de service.

Mme Leblanc (Isabelle) : ...et, si vous avez un médecin... Si vous êtes médecin de famille, vous avez un patient qui vient avec un mal de dos, qui n'a pas accès à un physiothérapeute, qui n'a pas accès à de l'imagerie, il va revenir me voir plus souvent, il va prendre la place d'un autre patient qui pourrait venir, c'est un problème d'accès, ce n'est pas vrai. Puis les barrières financières, c'est un... accès pour des patients. Un patient ne peut pas nécessairement payer 500 $ pour aller faire une gastroscopie. Il va revenir dans mon bureau plus souvent.

M. Barrette : Je comprends. Actuellement, il n'y a pas d'attente pour les services de première ligne en privé, c'est à la demande, et je n'en fais pas la promotion d'aucune manière, mais il y a une attente au public. Ça veut dire que la capacité offerte au privé fait son travail, entre guillemets, et la totalité de la capacité qui est offerte n'est pas optimale. Alors, je ne vois pas beaucoup de recommandations qui traitent spécifiquement de l'accès comme tel.

Je vais vous donner des exemples. Votre recommandation n° 6. Au numéro 6, vous demandez qu'on encourage la pratique des rendez-vous en accès adapté pour qu'elle devienne la norme. Ça existe depuis 1950 quelque, là, l'accès adapté. C'est une vieille notion, vieille notion, là. Ce n'est pas une nouveauté dans le comportement médical. Pourquoi les médecins ne l'ont pas fait spontanément à date? Vous demandez... Parce qu'il n'y en a pas beaucoup, là. En fait, il n'y en a vraiment pas beaucoup.

Vous reprochez au système la gestion des PREM et des AMP. Vous voudriez que les AMP soient reconsidérées. Vous trois, là, vous avez une pratique en partie à l'hôpital. Expliquez-moi comment l'hôpital, demain matin, peut fonctionner correctement si on a un déplacement, mettons, massif de l'hôpital vers le cabinet, ce qui nous emmène à la problématique globale de la capacité. Je ne sais pas si vous avez lu ma lettre ouverte d'il y a deux jours, là... d'il y a une journée, il est là, le problème, et on va le chercher comment? Je ne le vois pas dans vos propositions.

Mme Leblanc (Isabelle) : Parce que nous, on n'est pas d'accord avec le diagnostic que les médecins ne travaillent assez, c'est pour ça qu'il y a un problème. On voit que le problème est structurel, le problème est global. C'est sûr que, si on s'en va, si on arrête les AMP demain matin, il va y avoir un problème, mais c'est quelque chose qui peut être planifié. Les choses n'ont pas nécessairement besoin d'être faites en deux mois, rapidement, avec tous les pouvoirs à une seule personne. Les choses peuvent être faites en concertation, les choses peuvent être faites avec la négociation. Il y a des gens qui voudraient faire la prise en charge à temps plein, il y a des gens qui voudraient en prendre plus, de patients, mais qui ne peuvent pas parce qu'ils doivent travailler en établissement. C'est un problème.

M. Barrette : Je comprends. Je vous invite à oublier les histoires de pouvoir, là. Oubliez ça. Ça fait une conversation intéressante que les oppositions aiment beaucoup. La problématique aujourd'hui, là, demeure une problématique de capacité. Que proposez-vous pour augmenter la capacité... pas augmenter, utiliser la capacité non rendue... pas encore rendue disponible à la population? Elle est là, la problématique. Laissons faire tout le reste, qualitatif, là, du pouvoir. Pour moi, là, ça dévie la discussion du vrai débat qui est celui de la capacité. On est-u capable d'en donner plus? Vous me dites vous-même, là, que, si on sort les médecins de l'hôpital, là, ça va poser un problème, puis je suis bien d'accord avec vous. Il ne faut pas les sortir complètement ou, si on les sort, c'est progressif.

Mme Leblanc (Isabelle) : ... planifier ce qu'on va faire.

M. Barrette : Bon. Mais il n'en reste pas moins qu'il y a une problématique de capacité. On va la chercher comment, cette capacité-là?

Le Président (M. Tanguay) : Pour une vingtaine de secondes.

• (12 h 50) •

Mme Khadir (Saïdeh) : Je pense qu'on peut s'inspirer de l'exemple de toutes les autres juridictions canadiennes dont aucune n'utilise de telles méthodes coercitives. Pas parce qu'ils ne peuvent pas le faire, ils peuvent le faire, mais parce que ça ne marche pas. Donc, ce n'est pas parce qu'on ne veut pas augmenter la capacité, ce n'est pas parce qu'on ne reconnaît pas qu'il y a une capacité à aller gagner, mais on n'est pas d'accord avec vos méthodes d'action et puis on a proposé plusieurs méthodes, et une façon d'attirer les médecins de famille vers une pratique qui est...

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je dois maintenant céder la parole à notre collègue — je suis désolé, vous pourrez poursuivre — de Taillon pour 4 min 30 s.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, écoutez, j'ai 4 min 30 s, mais je suis prête à vous concéder 15, 20 secondes pour que vous terminiez votre idée.

Mme Khadir (Saïdeh) : Voilà. Donc, je pense qu'il y a une façon d'intéresser les médecins de famille. On n'a qu'à aller voir les exemples dans les autres provinces. Il y a un programme, par exemple, RACE en Colombie-Britannique, qui sont des méthodes innovatrices, qui n'ont pas eu besoin de loi, et de grande pompe, et des réformes structurelles chères, et coûteuses, et déstructurantes. C'est un programme où le médecin de famille a accès à une série de spécialistes d'une vaste gamme qui sont de garde, là, et qui répondent en temps réel à la consultation du médecin de famille, qui fait qu'en temps réel il peut gérer son patient, et ça marche très bien. Les études ont montré qu'il y a une diminution des visites à l'urgence, diminution des visites en personne chez le spécialiste et une augmentation de satisfaction et un gain d'efficience monétaire.

Donc, il y a beaucoup de méthodes innovantes. On n'a pas besoin d'une loi avec des potentiels aussi nocifs, c'est-à-dire qu'un système de santé...

Mme Lamarre : ...maintenant. Merci. Alors, bonjour, Dre Leblanc. Bonjour, Dre Khadir et Dr Livernoche. Alors, ce que vous traduisez, dans le fond, c'est que ce dont on avait besoin, c'était une meilleure coordination, une meilleure organisation et non pas des mesures drastiques et un peu perçues, en tout cas, comme brutales.

Vous êtes des Médecins québécois pour le régime public. Vous dites qu'il y a une augmentation du nombre de médecins qui se désengagent. Est-ce que vous avez un peu pris le pouls, depuis que le projet de loi n° 20 a été déposé, sur les intentions de médecins? Est-ce que c'est sérieux? Parce qu'on peut aussi se dire : Bon, écoutez, c'est sûr que c'est l'argument qu'on aimerait bien, que les gens peuvent évoquer, mais est-ce que, dans votre réalité, vous avez des données assez certaines...

Mme Leblanc (Isabelle) : Beaucoup de demandes... Beaucoup de gens nous envoient : Voici ce que les cliniques privées qui recrutent nous envoient, donc on sait que les cliniques privées recrutent plus. Depuis le mois de décembre, il y a une dizaine de personnes qui sont désaffiliées, omnipraticiens, donc, sur 200, ça fait quand même 5 % d'augmentation depuis, là, le mois de décembre. Donc, il y a plus...

Mme Lamarre : 200 de votre environnement...

Mme Leblanc (Isabelle) : Non, en général, qui se sont désaffiliés, donc de médecins qui se sont désaffiliés dans les derniers trois mois.

Vous disiez tout à l'heure qu'on pense que ça prend une meilleure coordination, ça prend aussi la vision que la première ligne, ce n'est pas seulement les médecins. Là, on s'en va dans une vision extrêmement médicocentriste. Mais, si on a accès à d'autres professionnels de santé, si on coordonne mieux avec d'autres professionnels, il va y avoir un meilleur accès avec le même nombre de médecins parce qu'ils vont pouvoir voir les patients avec une meilleure qualité de soins, sans avoir à les revoir aussi souvent.

Mme Lamarre : Donc, ça ferait aussi partie de vos propositions...

Mme Leblanc (Isabelle) : Bien, la couverture, c'est ça, on les a mis, oui.

Mme Lamarre : ...cette meilleure coordination avec les autres. Vous parlez de l'accès adapté. C'est quelque chose, effectivement, qui est connu. On peut se demander pourquoi les fédérations médicales, et même le ministre, quand il était à la FMSQ, n'ont pas aussi proposé ça dans les contextes, et je pense que le bilan qu'on voit, c'est qu'on a donné beaucoup d'argent mais sans imputabilité, sans avoir de garantie. On a même donné les primes avant de donner... finalement d'avoir le résultat. Et l'expérience de la Colombie-Britannique à laquelle vous faites référence, j'y suis allée, et c'est sûr qu'il y avait une prise en charge populationnelle, et les primes arrivaient après, quand on avait des résultats, qu'on avait diminué l'hospitalisation des patients, quand on avait eu un meilleur contrôle, par exemple, des glycémies chez les patients diabétiques.

Alors, ici, on a fait l'inverse, et là je pense qu'il y a des mesures à récupérer, mais ce n'est pas ça qu'on voit, ce n'est pas de cette façon-là que l'analyse est faite. Si vous aviez deux priorités, parce que là vous en avez 10, c'est beaucoup, mais, si vous en aviez deux à prioriser, ce serait quoi pour préserver notre système public?

Mme Leblanc (Isabelle) : D'abord, une vraie concertation.

Le Président (M. Tanguay) : ...30 secondes, juste pour vous guider.

Mme Leblanc (Isabelle) : Oui. D'abord, une vraie concertation avec tous les acteurs, pas seulement les médecins, pas seulement une personne qui écrit un projet de loi, mais que tout le monde soit concerté pour voir ce qui fonctionne. En Colombie-Britannique, encore, il y a un groupe de médecins omnipraticiens qui travaillent avec le gouvernement pour s'assurer un meilleur accès. Penser à faire quelque chose comme ça. Donc, avoir une meilleure concertation pour vraiment faire un bon diagnostic pour trouver le bon traitement, je pense, ce serait le premier. Le deuxième, c'est de mettre un frein à la désaffiliation puis au fait que les médecins, surtout dans un contexte comme on se trouve en ce moment, peuvent arrêter de pratiquer. On voit ça, moi, je suis dans une GMF avec des médecins résidents. Il y en a beaucoup qui me disent : Je vais aller au privé parce que ça va être plus facile. Donc, mettre un frein à ça.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Maintenant, la parole est au collègue de Lévis pour trois minutes.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Dre Leblanc, Dre Khadir, Dr Livernoche, merci d'être là. Vous avez établi des conséquences au projet de loi s'il devait être adopté comme il est proposé. Vous parlez de la désaffiliation. Vous parlez aussi d'un effet sur l'attraction de la profession. Le sentez-vous également à la lumière de ça? Parce que certains nous ont dit : On le voit. Pour les futurs médecins, on décidera de faire autre chose. Sentez-vous aussi cette conséquence potentielle là?

Mme Leblanc (Isabelle) : Très fortement, en fait, puis je pense que ça fait longtemps qu'il y a un discours pas très gentil face aux médecins de famille dans les médias, véhiculé par plein... dont les fédérations médicales, les journaux, beaucoup de choses. On travaille très fort pour convaincre les étudiants, les résidents, que la médecine de famille, c'est un bon choix. De voir que la qualité de la pratique... On leur apprend vraiment à avoir une pratique de qualité et bien écouter le patient, bien prendre soin d'eux. De voir qu'ils ne pourront plus faire ça parce que tout va être minuté, tout va être selon des quotas, ça décourage beaucoup de gens. Et le fait qu'il y ait autant de contraintes aussi ou qu'ils perçoivent qu'il y a autant de contraintes fait que beaucoup de gens vont préférer aller en spécialité ou aller pratiquer au privé.

M. Paradis (Lévis) : Vous le sentez. Alors, vous sentez ce mouvement-là.

Mme Leblanc (Isabelle) : Le projet de loi est sorti deux jours avant que les étudiants choisissent leur spécialité, et on a vu beaucoup moins de gens appliquer en médecine de famille, beaucoup plus aller pour des spécialités.

M. Paradis (Lévis) : J'y vais rapidement, sans vouloir vous couper, parce qu'on a peu de temps.

Mme Leblanc (Isabelle) : Oui, oui.

M. Paradis (Lévis) : Mais vous parlez aussi du fonctionnement, c'est-à-dire, vous dites : Le fonctionnement va représenter une charge administrative significative. Donc, vous imaginez qu'il y aura aussi comme conséquences des coûts à ça. Expliquez-moi.

Mme Leblanc (Isabelle) : On n'a pas... Bien, apparemment, la RAMQ a beaucoup de données, mais moi, je pense que, pour vraiment établir s'il y a vraiment des quotas sur la vulnérabilité, ça va prendre un fonctionnaire par médecin pour vraiment analyser quels sont les vrais critères de vulnérabilité. En ce moment, on en a quatorze, et ils ne fonctionnent pas. La moitié des patients vulnérables n'ont pas un de ces codes de vulnérabilité là. Il y a des gens qui ne sont pas du tout vulnérables qui peuvent avoir un de ces codes-là. Si on commence à gérer chaque patient en changeant... La trajectoire de vie peut vraiment varier, donc quelqu'un peut être non vulnérable un jour, très vulnérable le lendemain. Je ne peux pas imaginer en termes de bureaucratie.. Ensuite, les médecins ne vont pas être d'accord avec les coupes de 30 %, vont aller contester. Il va probablement y avoir un fardeau en termes d'administration qui est impensable. Peut-être qu'en ce moment on pense qu'il n'y en aura pas, mais, au quotidien, je suis sûre qu'il va y en avoir un.

M. Paradis (Lévis) : Et je vous poserai une dernière question parce qu'il me reste à peu près 40 secondes. Mais je salue le fait que vous parliez notamment de l'accessibilité des examens d'imagerie par résonnance magnétique parce qu'on a sorti des chiffres récemment prouvant qu'il y a 80 000 Québécois qui sont en attente présentement. Donc, à travers vos solutions, corrigez-moi si je me trompe, vous favoriseriez aussi des ententes avec des cliniques spécialisées affiliées au réseau public pour des examens ou des chirurgies ambulatoires faisant en sorte qu'on puisse diminuer la pression?

Mme Leblanc (Isabelle) : Bien, on pense que ça devrait être offert par le public. Autant que possible, ça devrait être offert par le public. En période de transition, peut-être que ça peut être couvert, mais c'est sûr que, si on ramène ça au public... Dr Barrette qui est radiologue, mon patient qui doit attendre un an pour une échographie... Connaissez-vous une raison médicale pour laquelle quelqu'un peut avoir besoin d'une échographie après un an? C'est quelque chose de... Il n'y en a pas, n'est-ce pas? On est d'accord. C'est quelque chose d'impensable.

M. Barrette : ...

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Ceci met fin... Ne compliquez pas ma tâche, ne partez pas le ministre parce que je pense qu'il a le goût de répondre. Alors, la parole est au collègue de Mercier pour 2 min 30 s.

M. Khadir : J'ai le goût de laisser au ministre de répondre à ça.

Le Président (M. Tanguay) : Voulez-vous ce...

M. Khadir : Oui. Mais, juste une chose, je vais aussi poser une question. C'est complémentaire. Vous avez dit donc que le problème d'accessibilité actuellement est fortement aggravé parce que, quand le médecin de famille voit un patient puis que, visite après visite, ce patient n'a pas obtenu le suivi psychologique, n'a pas obtenu son test diagnostique, n'a pas eu sa consultation, bien, il engorge le système, et il n'y a rien dans ce projet de loi qui puisse permettre de le faire. Donc, répondre au ministre en me... Non. En fait, permettez-moi de donner mon temps au ministre.

Le Président (M. Tanguay) : Oui. M. le ministre. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Barrette : Oui. Alors, la réponse, c'est non, et, comme le gouvernement, le Parti libéral s'est engagé, nous allons rendre publiques... ramener dans le secteur public la totalité des échographies dès le retour à l'équilibre budgétaire.

Des voix : ...

M. Khadir : Mais là je rappellerai...

M. Barrette : Ou même avant, potentiellement, mais ça demande quand même quelques aménagements administratifs pour le faire, mais ça sera fait. C'est un engagement.

Le Président (M. Tanguay) : M. le député de Mercier.

M. Khadir : D'accord. Pour ce qui est de la révision des primes et des AMP, êtes-vous au courant de sondages qui disent combien de médecins parmi ceux qui sont obligés, par obligation, de le faire resteraient quand même dans les établissements hospitaliers, même si les AMP tombent?

Mme Leblanc (Isabelle) : Moi, j'en ai vu un seul qui date d'il y a à peu près quatre ans, et 85 % des gens continueraient à faire une pratique hospitalière. Donc, il y a à peu près 15 % des gens qui travaillaient à ce moment-là, qui sont sous le coup des AMP, qui voudraient aller...

M. Khadir : L'abolition des AMP ne causerait pas une catastrophe. Il y aurait une petite migration qui pourrait être adaptée.

Mme Leblanc (Isabelle) : Et mais ça devrait être planifié.

M. Khadir : Planifié de toute façon.

Mme Leblanc (Isabelle) : C'est sûr que, si on décide ça demain matin, il risque d'y avoir des problèmes.

Mme Khadir (Saïdeh) : ...mais une certaine liberté dans certaines régions, selon les priorités des gens sur place, de permettre aux gens qui le veulent, de le faire. Mais je ne pense pas qu'une abolition...

M. Khadir : Très bien.

Mme Leblanc (Isabelle) : Et la permission de faire de la prise en charge pour ceux qui le veulent.

M. Khadir : J'ai fini. C'est bon. Merci. Pas besoin de prolonger les choses.

Le Président (M. Tanguay) : Il vous reste 30 secondes.

M. Barrette : Mais je peux les prendre, d'abord.

• (13 heures) •

Mme Leblanc (Isabelle) : Bien, Dr Barrette veut les prendre.

Le Président (M. Tanguay) : Si cela termine, peut-être un mot de la fin. Je vous en prie.

M. Livernoche (Francis) : Bien, on revenait sur l'idée. Vous disiez deux idées maîtresses, on en a une troisième, c'est vraiment... ça va avec qu'est-ce qu'on dit, outiller l'omnipraticien. Puis c'est quelque chose qu'on n'a pas beaucoup parlé, mais toute l'informatisation, améliorer la fluidité de l'information, c'est vraiment quelque chose qui va sauver du temps, puis, pour répondre à votre question, M. Barrette, un médecin qui passe moins de temps à faire de la paperasse, à aller... à regarder ses laboratoires va voir plus de patients. Donc, vous l'avez, votre résultat, là.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.

Alors, compte tenu de l'heure, je suspends les travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise à 15 h 20)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons donc poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 20, Loi édictant la Loi favorisant l'accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée.

Je souhaite maintenant la bienvenue à la représentante du Conseil québécois LGBT.

Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation. Par la suite, vous aurez un échange avec les parlementaires. Peut-être bien prendre le soin de vous présenter de même que de nous préciser vos fonctions, et, sans plus tarder, la parole est à vous.

Conseil québécois LGBT

Mme Greenbaum (Mona) : Merci beaucoup. Donc, je m'appelle Mona Greenbaum. En fait, je porte deux chapeaux aujourd'hui. Je suis une administratrice au Conseil québécois LGBT, qui est le groupe principal au Québec pour la défense des droits des personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles et trans, et je suis aussi la directrice de la Coalition des familles LGBT. Donc, premièrement, je m'excuse d'avance parce que je suis un peu grippée, donc je vais tousser un peu, malheureusement.

Donc, M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les parlementaires, merci de votre invitation à venir présenter notre mémoire. Dans les 10 minutes qui me sont allouées, je vais parler de certains points clés de notre mémoire que vous avez reçu. En fait, il y a quatre éléments principaux dans le projet de loi qui nous inquiètent.

Le premier concerne l'interdiction pour les femmes de plus de 42 ans d'avoir recours à la procréation assistée. Avec cet article, le gouvernement rendra illégal l'accès de ces femmes au traitement de fécondation in vitro, et ce, même si elles en défraient elles-mêmes les coûts. De plus, il est prévu que les médecins qui aident ces femmes à obtenir les traitements désirés à l'extérieur du Québec soient mis à l'amende.

De manière générale, nous sommes en accord avec le principe selon lequel les interventions médicales présentant un taux de succès limité ne soient pas couvertes par des fonds publics ainsi qu'avec le fait que toute procédure mettant potentiellement en danger la santé d'un enfant à naître soit interdite. Il y a un déclin évident de la fertilité des femmes avec l'âge. Ceci dit, la santé reproductive de chaque femme peut dépendre d'un grand nombre de facteurs. L'âge ne constitue qu'un de ces facteurs. C'est la raison pour laquelle nous connaissons tous des femmes de plus de 42 ans qui ont conçu et donné naissance à des enfants en santé, parfois même sans recours à la procréation assistée. Nous estimons donc que les femmes de plus de 42 ans devraient pouvoir être évaluées de façon holistique par leur médecin et que l'accès à la fécondation in vitro devrait être permis dans les cas où la situation de santé et le potentiel de fertilité de la femme sont considérés comme raisonnablement prometteurs. Nous considérons donc que l'exclusion systématique des femmes âgées de plus de 42 ans constitue une discrimination médicalement et éthiquement non justifiable et doit donc être enlevée du projet de loi.

Le deuxième élément qui nous concerne est l'impact du crédit d'impôt proposé sur l'accès à la parentalité. Comme vous le savez, pour la communauté LGBT, la procréation assistée est l'option la plus utilisée pour fonder une famille. Il y a très peu d'autres choix pour nous. À cause des lois des pays d'origine, nous ne pouvons pas adopter des enfants à l'international. L'adoption des enfants québécois est très limitée aussi à cause du faible nombre d'enfants adoptables au Québec et un processus qui est lourd et compliqué.

Il nous semble que beaucoup de familles seront très désavantagées par le système de crédits d'impôt. À titre d'exemple, un couple ayant un revenu familial moyen québécois de 70 000 $ par année aurait accès à des crédits d'impôt de 60 %. Ainsi, si les coûts liés à la procréation assistée pour cette même année étaient de 20 000 $, le couple devrait tout de même défrayer 8 000 $, un somme difficile à assumer pour un couple avec ce niveau de revenus. Ajoutez à ça des frais de déplacement et des journées d'absence au travail pour les couples qui vivent en région, des médicaments et puis nous... ce serait très cher. Nous aimerions que ces crédits d'impôt soient bonifiés pour prendre en compte le lourd fardeau de tous ces coûts, sinon, nous aurons un système où seulement les personnes riches auront la possibilité de fonder une famille. De plus, étant donné que le projet de loi propose qu'une proportion significative des dépenses liées à la procréation assistée sera assumée par les futurs parents, nous aimerions que le ministère de la Santé instaure des directives strictes afin d'assurer le contrôle des frais associés aux différentes procédures médicales et tests liés à la procréation assistée. En effet, le Dr Pierre Miron a récemment prédit une hausse certaine des prix des services procréation assistée dans les cliniques privées en raison d'une baisse de volume. Dans Le Devoir, il a dit : «Si le volume diminue, les coûts vont augmenter et les patients vont devoir éponger.» De tels propos évoquent la possibilité d'importantes variations d'une clinique à l'autre des coûts associés à la procréation assistée.

La troisième chose qui nous touche dans le projet de loi concerne les personnes transgenres de notre communauté. Les personnes transgenres prennent de plus en plus leur place dans notre société. Elles ont de plus en plus une visibilité et une reconnaissance sociale au Québec. Le diagnostic de dysphorie de genre, des fois attribué aux personnes transgenres, est largement reconnu par la communauté médicale. La réassignation sexuelle, ou changement de sexe, s'est avérée bénéfique et efficace dans le traitement de certains individus avec un diagnostic de dysphorie de genre. Certaines personnes trans vont avoir des chirurgies et prendre des hormones pour aligner leur corps au genre ressenti. D'autres vont juste prendre des hormones. Toutes ces procédures peuvent engendrer la stérilité. Parce que les interventions chirurgicales et hormonales sont essentielles pour les personnes trans, les organismes médicaux reconnus à l'international recommandent que les personnes entamant un changement de sexe fassent l'objet d'un suivi en fertilité et qu'elles puissent préserver leurs gamètes.

Le projet de loi n° 20 prend compte des services requis à des fins de préservation de la fertilité déterminés par règlement. Avec cet article, le gouvernement propose de couvrir les dépenses de toute personne dont l'infertilité résulte des traitements médicaux. L'exemple donné est celui d'une personne atteinte du cancer, qui doit suivre des traitements de chimiothérapie qui la rendront infertile. La Coalition des familles LGBT recommande que le gouvernement, dans ses règlements liés à cet article, inclue les personnes trans dans la couverture de la préservation de la fertilité.

Finalement, nous sommes en accord avec l'idée selon laquelle un médecin qui aurait des raisons justifiables de soupçonner qu'une personne ou qu'un individu ne possède pas les capacités parentales nécessaires pour élever un enfant puisse demander qu'une évaluation psychosociale soit effectuée. Nous croyons toutefois que ce type d'évaluation, qui s'étend habituellement sur plusieurs semaines ou même des mois, ne devrait pas être obligatoire pour tout couple ou individu ayant recours à un don de gamètes. De toute évidence, dans le cas des personnes LGBT ayant recours à la procréation assistée, il existe toujours le besoin d'un don de gamètes. Exiger une évaluation psychosociale de toute personne ayant ce besoin équivaudrait à cibler systématiquement les minorités sexuelles.

De plus, il existe des inquiétudes au sein de la communauté LGBT à l'effet que des psychologues ou des travailleurs sociaux inadéquatement formés puissent considérer une famille avec parents LGBT déficiente par définition. Nous considérons qu'avec cet article les personnes LGBT deviendront le sujet d'un profilage. De nous soumettre à des évaluations psychosociales sans raison serait non seulement une discrimination, mais aussi une atteinte à notre dignité. La seule discrimination justifiable d'un point de vue éthique pour restreindre l'accès aux services de procréation assistée est celle fondée sur le bien-être de l'enfant. Or, il n'y a aucune donnée scientifique qui puisse mettre en doute le bien-être des enfants issus et élevés au sein des familles LGBT. Les recherches sur nos familles ont d'abord porté sur l'évaluation de la capacité des personnes LGBT à être parents. Elles ont également évalué le développement psychosocial et émotif des enfants dans leurs familles. Finalement, elles ont évalué l'expérience sociale de ces enfants avec d'autres jeunes et avec les adultes.

• (15 h 30) •

En bref, aucune de ces pistes de recherche ne constate l'existence de différences significatives entre nos familles et celles de la majorité. Les parents sont aussi compétents, les enfants sont aussi épanouis. Il n'y a donc aucune donnée probante qui justifie une discrimination quant à l'accès à la parentalité basée sur l'orientation sexuelle ou l'identité de genre, et donc aucune raison d'exiger une évaluation psychosociale pour 100 % de notre communauté. Le Québec est connu mondialement pour son ouverture envers les minorités sexuelles. Des évaluations psychosociales ciblant 100 % de notre communauté seront une tache dans l'histoire des personnes LGBT québécoises. Dans la situation actuelle, les couples ou les individus ayant recours au don de gamètes ont accès à une session de suivi psychologique d'une heure au cours de laquelle il est question du fait que l'enfant n'aura pas de connexion génétique commune avec au moins un des deux parents. Nous considérons ce système approprié et adéquat dans la plupart des circonstances.

En conclusion, même si le projet de loi part d'une bonne intention et comporte plusieurs aspects positifs, il comporte quand même des risques importants pour les minorités sexuelles. Merci de votre attention.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, maintenant, nous allons débuter la période d'échange, et je cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux pour 18 min 30 s.

M. Barrette : Merci, M. le Président. Alors, madame, bienvenue à cette commission parlementaire.

Écoutez, je vais commencer par faire une remarque générale. L'évaluation psychologique n'a absolument aucun lien avec l'orientation sexuelle des couples ou des individus, et j'irais même jusqu'à dire que, dans l'expérience du moins du Québec, et je suis convaincu que c'est l'expérience internationale, lorsque ces évaluations-là... surtout dans le temps qu'il y avait des crédits d'impôt, ces évaluations-là se faisaient assez régulièrement, la communauté LGBT était toujours parmi les plus, entre guillemets, là, performantes dans les évaluations de capacité de parentalité. Alors, je peux vous dire que non seulement, de notre côté, il n'y a pas d'intention ou de profilage de quelque nature que ce soit, mais l'expérience montre qu'au contraire, disons, si on met ça de façon générale, là, les évaluations pointaient beaucoup... assez rarement vers une problématique réelle dans votre communauté, ce qui, j'espère, va vous rassurer. Alors, les évaluations ne sont pas faites pour faire du profilage, et, dans le milieu de la fertilité ou de l'infertilité, c'est un élément qui est très connu, et je vois difficilement... Je comprends votre inquiétude, mais je vois difficilement comment ça pourrait se matérialiser. Maintenant, à l'opposé, à l'adoption, pour ceux qui arrivent à passer dans ce processus-là, il y a ça, il y a cette évaluation-là. Ce serait assez difficile de justifier d'un côté et de ne pas justifier de l'autre.

J'aimerais ça que vous reveniez et que vous élaboriez un petit peu plus sur la suggestion que vous faites à propos des crédits d'impôt. Je comprends que vous ne contestez pas ou du moins vous avez un certain niveau d'acceptation de l'approche du crédit d'impôt, mais vous considérez que le crédit, ce n'est pas à la bonne hauteur. Alors, quelle serait la bonne hauteur, d'après vous?

Mme Greenbaum (Mona) : En fait, je ne suis pas économiste, mais ce que je peux dire, c'est que c'est sûr qu'avec les crédits d'impôt offerts ça va éliminer l'accès à une grande portion de notre communauté parce que les frais vont être très élevés, et puis on sait qu'à travers les années, en fait depuis l'année... au début des années 2000, c'est une valeur de notre société de permettre aux gens d'avoir des enfants. On a vu, avec différents gouvernements, libéral, Parti québécois, une hausse progressive des subventions gouvernementales, avec la procréation assistée, jusqu'à 100 % récemment, depuis 2010, et puis donc là on va revenir à quelque chose qui, en fait, est pire que ce qu'on avait avant 2010. Donc, il y aura beaucoup de gens qui ne vont pas avoir accès du tout, et ça, c'est particulièrement vrai pour les gens qui vivent en région. En plus d'avoir ces frais à payer, ils vont être obligés de payer les médicaments qui ne sont pas couverts, ils vont être obligés de payer des frais de déplacement. Donc, moi, j'aimerais que ce soit comme beaucoup bonifié, sinon qu'on garde le même système en place, c'est sûr.

En termes de l'évaluation psychosociale, je vous comprends que vous êtes... que vous ne profilez pas notre communauté par exprès, mais, par contre, le résultat sera que 100 % de notre communauté va être obligée de passer à travers une évaluation très lourde. Donc, je me demande pourquoi c'est juste... L'objet de ça, c'est juste les personnes qui reçoivent des dons de gamètes. Est-ce que notre capacité parentale est plus en question qu'un couple hétérosexuel qui arrive dans une clinique qui utilise leur propre gamète? Parce qu'une évaluation psychosociale — j'ai vérifié sur le site Web de l'association des travailleurs sociaux, l'ordre des travailleurs sociaux et l'Ordre des psychologues — donc, ça exige au minimum deux rencontres avec le couple, une rencontre avec chaque membre du couple, une visite à domicile. Il y a aussi dans ça un recueil de données personnelles, des références, formulaires médicaux, preuves d'emploi, état des revenus, preuve de résidence, vérification des dossiers judiciaires, etc. Aussi, ça va être des coûts qui vont être, j'imagine, assumés par les couples ou les individuels. Donc, ça, si on paie déjà 150 $ à 200 $ pour une rencontre avec une psychologue pour un suivi d'une heure, donc j'imagine que ça va être dans l'ordre de 2 000 $. Et puis pourquoi est-ce que notre capacité parentale soit soupçonnée d'être moins bonne que des parents qui ont des liens génétiques avec leurs enfants?

Alors, ça, c'est ma question. Je pense que, si vous voulez que tous les couples en fertilité soient évalués, tous... qui reçoivent les donneurs de gamètes et que vous voulez êtes vraiment transversaux, donc je vous suggère que vous appliquiez ça à tout le monde et pas juste aux personnes qui reçoivent des dons des gamètes. Et puis, en plus, pourquoi ne pas demander ça à tous les Québécois en général, une évaluation psychologique? Je me demande pourquoi est-ce qu'on serait sujets à cette évaluation.

M. Barrette : O.K. Je prends bonne note de vos commentaires. Maintenant, je vais vous avouer que vous m'avez surpris quant à votre questionnement sur les transgenres. Techniquement, de mémoire, ce n'est pas exclu dans le projet de loi.

Mme Greenbaum (Mona) : Non, pas du tout, c'est juste... Notre idée dans ça, ce n'était pas que vous proposez qu'ils soient exclus, mais c'était juste pour assurer qu'ils soient inclus. Donc, de ne pas oublier, parce que j'espère que ça va compter dans ça. Parce que c'est sûr que la dysphorie de gens, c'est un diagnostic médical. Et puis, pour les personnes qui vont suivre des traitements d'hormones ou qui vont avoir des chirurgies, ça peut les rendre stériles. Donc, on espère que ça soit couvert, juste comme les personnes qui vont suivre des traitements de chimio.

M. Barrette : Bien, écoutez, vous avez compris que, dans le projet de loi, il y avait un aspect de protection de fertilité dans certaines circonstances, là. Et je pense que, manifestement, ça peut être inclus implicitement dans cette catégorie-là. Alors, ce n'était pas non plus l'intention du projet de loi d'exclure un certain nombre d'individus.

Mme Greenbaum (Mona) : O.K. Parfait.

M. Barrette : Pour la question du 42 ans, vous considérez que ça s'applique intégralement de la même manière chez les couples de la communauté LGBT?

Mme Greenbaum (Mona) : Oui et peut-être même un peu plus, parce que, pour nous, c'est sûr que nos enfants n'arrivent pas juste comme ça. Donc, l'âge moyen de procréation est peut-être un peu plus tard que la population en général. Donc, il y a des personnes qui vont commencer à penser à fonder leur famille un peu comme des personnes un peu plus âgées, mais, oui, ça nous touche comme les autres, oui.

M. Barrette : Mais vous considérez que c'est un problème suffisamment significatif pour s'y adresser du point de vue de votre communauté?

Mme Greenbaum (Mona) : Oui, oui.

M. Barrette : Vous n'avez pas fait de commentaire — ou j'ai mal saisi — sur la nécessité, parce que c'est une chose que l'on a mise spécifiquement dans le projet de loi, de passer par l'insémination avant la FIV spécifiquement pour les couples lesbiens. Ça, avez-vous des commentaires critiques à formuler ou ça vous va?

Mme Greenbaum (Mona) : Bien, s'il n'y a pas comme un problème physiologiquement reconnu, donc, oui, je pense, en fait, c'est dans notre façon de voir les choses qu'il y ait l'intervention médicale la moindre possible.

• (15 h 40) •

M. Barrette : Parce qu'il est probablement statistiquement pas mal moins probable que les deux membres du couple femme-femme soient les deux infertiles.

Mme Greenbaum (Mona) : Oui, c'est vrai, mais ce n'est pas toujours les deux femmes qui veulent porter un enfant. Ça peut être le cas, mais ce n'est pas le cas dans toutes nos familles.

M. Barrette : Oui, mais là, à un moment donné, on rentre dans une zone grise.

Mme Greenbaum (Mona) : Dans une?

M. Barrette : Une zone plus grise.

Mme Greenbaum (Mona) : Oui, mais ce n'est pas... Comme pour tout le monde, comme dans la communauté hétérosexuelle, ce n'est pas toutes les femmes hétérosexuelles qui veulent porter un enfant. Des fois, ça peut marcher...

M. Barrette : Pour avoir un enfant, ils n'ont pas le choix de passer par là, là.

Mme Greenbaum (Mona) : Oui, oui, c'est vrai, mais, dans un couple lesbien, on a le choix, et des fois, pour diverses raisons, c'est seulement une des deux femmes qui veut porter l'enfant, même si les deux veulent devenir parents. Mais, oui, en théorie, il y a certains couples lesbiens où les deux peuvent avoir une chance de porter l'enfant, mais ce n'est pas vrai pour tous les couples.

M. Barrette : Là, je vais vous avouer que c'est un sujet qui est peut-être sensible, mais avec lequel j'ai une certaine difficulté, parce que, sur le plan de l'accès à la parentalité, et là je vais le dire avec le plus de délicatesse possible, vous avez la chance d'avoir deux possibilités, dans votre couple, d'avoir un enfant, et là il me semble que ça ne devrait pas être une question de choix : Qui porte? Qui ne porte pas? C'est : Qui peut porter? Si c'est les deux, tant mieux, si c'est une, bon, il y en a au moins une des deux, là.

Mme Greenbaum (Mona) : Oui, et c'est souvent le cas que, si ça ne fonctionne pas pour une, donc, l'autre, si elle n'est pas trop âgée ou si elle n'a pas un problème de fertilité, peut comme essayer. Donc, dans plusieurs couples, j'ai vu ça, mais je ne peux pas dire que c'est vrai pour 100 % des couples.

M. Barrette : Actuellement, en termes d'accès, vous n'avez pas de problème dans votre communauté?

Mme Greenbaum (Mona) : Non. Majoritairement non. C'est sûr qu'il y a un manque de sensibilisation des fois parmi certains médecins. Donc, des fois, on peut rencontrer un médecin qui est moins à l'aise avec notre communauté, mais en général ça va bien.

M. Barrette : O.K. Alors, bon, ça me va. J'ai vu la liste de vos recommandations. Essentiellement, il y a des choses là-dedans qui sont déjà prévues dans le projet de loi, et ça, on est bien d'accord avec ça. Je reçois quand même de façon intéressée les critiques que vous faites. On va les prendre en considération, certainement. Je vous remercie. Je n'ai pas d'autre question, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous cédons maintenant la parole à notre collègue de Taillon pour 11 minutes.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Mme Greenbaum. Bienvenue à la commission parlementaire. D'abord, je souligne, dans votre mémoire, le fait que vous commenciez par mettre en évidence un certain nombre d'éléments sur lesquels vous êtes d'accord avec le projet de loi, et ça correspond tout à fait à notre vision, c'est-à-dire qu'il y avait besoin de certaines balises, et vous les traduisez très bien.

Par contre, certains éléments qui sont inclus nous questionnent beaucoup. Ce matin, j'ai questionné le ministre entre autres sur le sort réservé aux femmes de plus de 42 ans, l'accès, mais même le fait de rendre illégal le recours à la fécondation in vitro. Le ministre a semblé avoir de l'ouverture. Alors, je vous invite à suivre l'adoption article par article ensuite, quand on arrivera, pour voir si ça va se concrétiser, mais, de ce côté-ci, on a l'impression qu'il y avait une ouverture du côté du ministre.

Dans la section qui suit, vous parlez des crédits d'impôt, et vous avez une mise en situation avec un revenu familial moyen de 70 480 $, mais, où je suis un peu étonnée, c'est quand vous parlez des coûts. Vous les estimez à 20 000 $. C'est un peu plus élevé que ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant, là, par l'association des gynécologues et obstétriciens. Peut-être que vous pouvez nous présenter un petit peu comment vous arrivez à ce montant-là.

Mme Greenbaum (Mona) : Honnêtement, c'est un chiffre rond. Donc, je n'ai pas calculé, mais c'était comme selon le constat que, comme les prix pour les FIV peuvent varier énormément, ce qu'on a vu, entre 5 000 $ et 8 000 $, et que ça peut prendre plus qu'une FIV pour devenir... pour tomber enceinte, en plus les médicaments, les tests, tous les autres frais associés à ça, donc je pense que, même si on envisage un certain nombre de FIV et puis des tests, le montant peut monter assez vite, mais c'est...

Mme Lamarre : Même si on coupait les frais de moitié, ça reste quand même des coûts importants pour les personnes qui souhaitent... Là, il faut défrayer l'équivalent de 4 000 $ selon vos calculs et selon ceux aussi auxquels on arrive. Qu'est-ce qui serait la meilleure façon d'aller chercher une contribution? Vous faites référence, là, à peut-être des versements anticipés ou une façon de rassurer les gens sur le fait qu'ils vont avoir accès rapidement et au bon moment à cet argent pour leur garantir que... éviter qu'ils aient à l'économiser à l'avance?

Mme Greenbaum (Mona) : Bien, même avec les versements anticipés, c'est quand même très lourd comme fardeau comme de penser que ça va coûter plusieurs mille dollars par année. Donc, c'est sûr que, sans les versements anticipés, la majorité des gens ne vont pas avoir la liquidité nécessaire pour payer. Donc, ça, c'est important. Mais, quand même, ça reste très dispendieux pour la majorité des familles au Québec. Et puis je vois ça déjà dans ma communauté. Il y a des familles qui sont en grand rush pour faire leur rendez-vous parce qu'ils savent que, l'année prochaine, si le projet de loi passe, ils ne vont pas être capables de former leur famille. Donc, ça va mettre un grand x sur leur projet parental parce que, pour nous, il n'y a pas beaucoup d'autres choix.

Mme Lamarre : Donc, vous entendez, au sein de la communauté LBGT, vraiment une urgence, là, de se prévaloir de ça avant l'entrée en vigueur du projet de loi n° 20.

Mme Greenbaum (Mona) : C'est ça. Et puis, en plus, les gens qui ont déjà un enfant sont en panique parce que les crédits d'impôt ne vont même pas être... la proposition qu'ils ne soient pas offerts aux personnes pour un deuxième enfant. Et puis donc là ça rendra le plan de leur famille impossible.

Mme Lamarre : O.K. Vous avez parlé de l'évaluation psychosociale. Effectivement, on peut se demander quel est l'objet de l'évaluation psychosociale. J'ai lu, par d'autres regroupements, que, dans le fond, ça s'appliquait, par exemple, à... l'évaluation était pertinente dans le cas d'une parenté naturelle parce que les gens devaient faire le deuil d'une parenté naturelle qu'ils avaient anticipé, alors que, dans le cas des personnes LGBT, des familles LGBT, bien, c'était déjà conçu et pensé qu'elles auraient besoin d'avoir accès à la procréation médicalement assistée. Est-ce que c'est la seule raison que vous voyez pour l'évaluation psychosociale?

Mme Greenbaum (Mona) : Je pense à... Actuellement, il y a un suivi psychologique d'une heure, et puis c'est, en fait, pour soutenir les couples dans ça. Parce que ce que je crois, c'est que la majorité des couples hétérosexuels qui entrent dans une clinique de fertilité entrent en pensant que les médecins vont réussir à mettre leurs gamètes ensemble pour faire l'enfant, et puis, de temps en temps, ça ne fonctionne pas. Donc, ils ont besoin de prendre cette nouvelle... d'adapter à cette nouvelle, et puis le suivi d'une heure d'un psychologue les aide à dealer avec ce deuil-là.

Nous, la communauté LGBT, on entre dans les cliniques déjà très heureux. On n'assume pas qu'on va faire des bébés avec nos gamètes ensemble, ça, c'est sûr. Donc, est-ce qu'on a besoin de ce soutien-là? Moi, je ne crois pas. Honnêtement, même le suivi d'une heure... Les membres de ma communauté me disent que c'est le fun. C'est une rencontre d'une heure, et puis on discute. Donc, c'est vu comme un soutien, mais certainement, dans une heure, ce n'est pas une évaluation : c'est un soutien, et aucun psychologue ne peut évaluer notre capacité parentale dans une heure. Donc, une vraie évaluation psychosociale, c'est quelque chose d'extrêmement rigoureux, et puis ce n'est pas indiqué pour nous, et puis moi, je crois... non plus, ce n'est pas indiqué pour les couples hétérosexuels, à moins qu'ils disent : Je suis très mal à l'aise parce que mon enfant ne va pas avoir un lien génétique avec moi. Mais normalement, rendus à ce point, après plusieurs années d'essais, même les couples hétérosexuels, je pense, seraient à l'aise à accepter cette nouvelle-là. Donc, est-ce qu'ils ont besoin d'être évalués? Je comprends qu'il y a eu des problèmes dans certains hôpitaux, certains patients qui étaient acceptés qui ont dû ne pas être acceptés dans le programme, mais c'est très minimal, ça, et il n'y a pas comme une énorme quantité des gens qui étaient acceptés qui n'auront pas dû avoir des enfants.

Donc, pourquoi, à cause de ces problèmes, ces petits problèmes, qui étaient médiatisés, mais qui ne représentent pas la majorité, est-ce qu'on va être tous obligés de suivre une vraie évaluation psychosociale? Pour moi, ça ne fait aucun sens du tout.

• (15 h 50) •

Mme Lamarre : Vous dites qu'actuellement il y a déjà, en fait, une période de soutien, que vous appelez, qui n'est pas vraiment une évaluation, mais d'une heure, qui est obligatoire. Est-ce qu'à votre connaissance il y a déjà des couples LGBT qui ont été refusés dans leurs démarches de procréation médicalement assistée à la suite de cette évaluation-là?

Mme Greenbaum (Mona) : Moi, je suis la directrice de cet organisme depuis une vingtaine d'années, et puis on a accès à la procréation assistée depuis 2001, 2002, je n'ai jamais entendu qu'une personne soit refusée. Donc là, de les obliger de faire l'évaluation psychosociale, je crois que c'est une perte de temps, une perte d'argent aussi. Ça va «delayer» comme... ça va retarder un processus où les gens sont déjà un peu comme dans le rush, parce qu'avec... La fertilité est de moins en moins présente avec l'âge. Et puis, si les travailleurs sociaux ne sont pas disponibles pour nous tout de suite pour des rendez-vous, pour les quatre, cinq rendez-vous que ça va prendre, ça peut retarder le processus pour un autre an.

Donc, moi, je trouve que ce n'est pas du tout indiqué ici pour la communauté LGBT et puis pour la grande majorité des personnes hétérosexuelles aussi qui ont besoin des dons de gamètes. Je ne vois pas pourquoi... Je comprends, si un médecin ou le psychologue a l'idée que les personnes devant lui sont vraiment farfelues, donc là on peut suggérer une évaluation psychosociale, mais pourquoi commencer avec ça a priori? Pour moi, ce n'est pas logique.

Mme Lamarre : Vous verriez peut-être deux étapes, la rencontre de soutien psychologique et, sur référence, une évaluation psychosociale ultérieure? Ce serait plus comme ça comme vous le verriez?

Mme Greenbaum (Mona) : Mais ça peut être comme ça si c'est vu comme un problème, si on a une raison justifiable de soupçonner qu'il y a un problème. Donc, ça, ça pourrait être une façon. C'est sûr que, si, comme par exemple, une portion de notre communauté sera ciblée systématiquement par les psychologues, comme par exemple les personnes trans vont être suggérées d'aller tout le temps vers l'évaluation psychosociale, donc on va voir ça encore comme un profilage. Mais moi, je crois que, dans certains cas, pas dans la communauté trans nécessairement, mais en général, pour la société québécoise, il peut y avoir une raison pour une évaluation psychosociale, mais pas pour un groupe spécifiquement, oui.

Mme Lamarre : Déjà que les besoins en évaluation psychosociale sont nombreux pour beaucoup d'autres personnes dans la société.

Mme Greenbaum (Mona) : C'est ça. C'est un système qui est déjà très chargé.

Mme Lamarre : Vous faites référence au registre, et ça, beaucoup de gens en ont parlé dans leurs mémoires, mais on n'a pas beaucoup de temps pour en parler dans nos questions. Alors, je vais... Il me reste une minute, mais je vais vous la laisser. Quels sont les avantages pour vous d'avoir ce registre?

Mme Greenbaum (Mona) : Bien, c'est ça, il y a eu... Juste en général, comme...

Mme Lamarre : Parce qu'il était prévu dans le projet de loi et il ne s'est jamais concrétisé.

Mme Greenbaum (Mona) : Oui, c'est ça. Mais, en général, nous, nous avons beaucoup de revendications en termes de la procréation assistée. C'est un grand enjeu social qui affecte beaucoup, beaucoup de Québécois et Québécoises. Donc, on trouve ça triste qu'on est comme limités à faire des commentaires sur seulement les choses qui sont dans le projet de loi, et puis il y a tellement d'autres enjeux importants comme le registre.

Et puis, en fait, on a deux revendications autour d'un registre : premièrement, un registre pour suivre les traitements dans la procréation assistée pour assurer... qu'il réussit, donc pour mesurer le taux de succès, et aussi les impacts à court, à moyen et puis à long terme sur les femmes qui portent les enfants et puis sur leurs enfants, et que ce registre soit publiquement accessible. Donc, ça, c'est un type de registre qu'on aimerait voir, parce que, pour nous, comme personnes qui utilisent ces traitements, on n'a aucune idée, honnêtement.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Merci beaucoup. Nous devons maintenant céder la parole à notre collègue de Lévis pour 7 min 30 s.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Bienvenue, Mme Gauthier. Merci d'être là. Je vais vous permettre de continuer. Parce que vous disiez, évidemment, en marge du projet de loi n° 20... puis j'y reviendrai un petit peu, mais, je veux dire, vous avez aussi... puis vous avez présenté des revendications ou des propositions qui vont au-delà du projet de loi et du dossier de la procréation assistée dans le projet de loi. Notamment, vous y étiez avec les registres. Alors, je vous laisse la possibilité de poursuivre un petit peu sur l'importance de cet outil-là pour vous.

Mme Greenbaum (Mona) : Merci. C'est très gentil. Donc, l'autre aspect de ce registre, et puis c'est une grande... c'est un discours qu'on a, une discussion qu'on a dans notre société, c'est pour que les enfants peuvent avoir accès à leur origine génétique. Donc, la situation actuelle, c'est que les donneurs de gamètes, les donneurs de sperme ou les donneurs d'ovules, sont anonymes pour la grande majorité des cas. Donc, nous, nous aimerions que le système soit changé pour qu'on puisse avoir accès à des donneurs à identité ouverte comme on a... On a un système comme ça aux États-Unis. Et puis, aux États-Unis, quand les enfants auront 18 ans, s'ils veulent avoir contact avec... ou avoir des informations sur le donneur, ils peuvent contacter la clinique de fertilité et puis, la clinique, les mettre en contact.

Donc là, nous, on veut un registre centralisé avec les informations sur les donneurs de gamète. Donc, si un enfant veut avoir des informations médicales, génétiques, «whatever», sur le donneur, donc il peut avoir accès. Donc, ça, c'est comme une autre de nos revendications...

M. Paradis (Lévis) : Permettez-moi, Mme Gauthier, sur ce dossier-là, parce que vous en parlez en page 9 de votre mémoire, l'accès aux informations médicales et génétiques sur les donneurs et donneuses de gamètes, parce que vous dites que, de toute façon, il y a, et c'est ce que vous écrivez, quand même... Il y a des gens qui y auront recours à... ou iront aux États-Unis pour justement être en mesure d'avoir ces informations-là qu'on souhaiterait avoir ici, au Québec. Vous avez, chez vous, dans la communauté LGBT, des gens qui font cette manoeuvre-là?

Mme Greenbaum (Mona) : Oui, c'est ça parce qu'au Canada les donneurs sont, par définition, anonymes, mais il y a comme une façon un peu de contourner ça parce que nous, dans notre communauté et puis, je pense, de plus en plus dans la communauté des parents hétérosexuels, on pense que c'est important de donner cette possibilité à nos enfants d'avoir accès à leur origine génétique. Donc, nous, la façon comme de contourner ce manque d'accès, c'est d'acheter du sperme de ce qu'on appelle des donneurs à identité ouverte, des banques de sperme américain. Donc, dans ça, on est obligés de payer les frais pour les échantillons de sperme, mais, quand même, on pense que ça vaut la peine parce que c'est important pour nos enfants d'avoir accès.

M. Paradis (Lévis) : Je reviendrai sur un autre phénomène, puis vous abordez aussi ce thème, puis je vais me garder quelques secondes pour parler davantage aussi... Je vais revenir sur l'évaluation psychosociale et toute la notion de paiement et de crédit d'impôt que vous questionnez. Vous parlez aussi d'un petit dossier. Vous abordez la gestation pour autrui, une pratique qui existe au Québec, et vous voudriez aussi, dans votre document, proposer des choses.

Mme Greenbaum (Mona) : Je sais que, comme il y a un manque d'encadrement légal autour de la gestation pour autrui au Québec... Il y a juste une chose qui dit que les contrats entre mères porteuses puis les parents «intendés» ne sont pas légalement reconnus. Donc, ce que ça fait, c'est que, des fois, comme on a eu récemment au Québec dans un couple hétérosexuel, à la première instance, la mère «intendée» n'était pas reconnue par le juge, donc le père biologique, son conjoint, était légalement reconnu. La gestatrice a renoncé à ses droits parentaux, mais, quand c'était le temps que la deuxième personne, la conjointe du père soit légalement reconnue, le juge a refusé, donc l'enfant s'est trouvé juste avec un parent légal. Donc là, c'est allé en Cour d'appel, et puis finalement la mère a eu sa reconnaissance légale comme parent.

Mais ça met en danger ça. Ça, c'est juste une jurisprudence, donc on pense qu'il doit y avoir, comme ailleurs au Canada, des contrats avec les mères porteuses qui protègent les mères porteuses, ça va protéger aussi les donneuses d'ovule, ça protège les futurs parents et puis ça protège particulièrement l'enfant d'avoir des contrats en place, parce qu'on a tous entendu des histoires où comme, par exemple, l'enfant est né handicapé et les parents «intendés» ne veulent pas le prendre ou, contrairement à... Il y a des cas où, par exemple, un homme donne son sperme, il veut devenir parent, et puis la gestatrice dit à la fin : Je veux garder l'enfant. Donc là, c'est l'enfant qui se trouve en garde partagée. C'est compliqué, donc on ne peut pas ignorer que cette pratique existe et puis que ça va continuer à exister. La situation actuelle, ce qui arrive, c'est qu'il y a un tourisme reproductif parce que les gens vont aller ailleurs au Canada ou aux États-Unis.

Donc, il faut légiférer sur ça, mais c'est un enjeu social qui est compliqué. Donc, ce qu'on a demandé... je sais que c'est un enjeu légal, mais nous, on a demandé au ministère de la Santé d'avoir une consultation publique. Ça, c'est juste un des aspects liés à la procréation assistée. Donc, pour nous, ça ne fait pas de sens qu'un grand sujet comme ça, la procréation assistée, soit attaché à une autre loi qui est très importante, et puis il y a peut-être trois ou quatre personnes qui présentent sur ça, et puis on met ça à côté.

M. Paradis (Lévis) : Je comprends, et là je reviens sur l'élément, parce qu'on s'éloigne un peu du projet de loi n° 20, puis pas tant que ça non plus parce que, dans la mesure... Ce que vous êtes en train de me dire, c'est que vous auriez souhaité qu'on scinde le projet de loi pour être en mesure de traiter de la question de la procréation assistée, ce qui aurait permis davantage d'avancer plutôt que de faire en sorte que les deux sujets, quelque part, se confrontent.

• (16 heures) •

Mme Greenbaum (Mona) : C'est ça. Moi, je pense que le sujet disparaît dans la plus grande discussion autour des quotas avec les médecins. Donc, on n'a pas un temps suffisant pour discuter de quelque chose qui est tellement important, qui affecte de plus en plus les familles québécoises, et il y a tellement d'enjeux autour de ça, et puis on a comme 15, 20 minutes à discuter de ça.

M. Paradis (Lévis) : Je compléterai en vous demandant, et en revenant sur le projet de loi n° 20, ce que vous me dites, si je vous comprends bien, c'est que, dans sa facture actuelle, c'est-à-dire dans ce qui existe présentement, ça demeure, à vos yeux, pour la communauté et en général, la meilleure façon de faire. Vous craignez donc la modification du mode de remboursement des crédits d'impôt, parce que vous me dites qu'actuellement vous sentez dans la communauté une espèce d'urgence d'aller justement consulter, parce que, sinon, il y a des projets parentaux qui vont tomber.

Mme Greenbaum (Mona) : Oui, mais, c'est sûr, je ne sais pas si on doit garder le système actuel, moi, j'aimerais ça, c'est sûr, là, on trouve que ça marche bien pour la grande majorité des familles...

M. Paradis (Lévis) : Alors, permettez-moi... Je m'excuse de vous couper, mais, si on voulait avoir quelque chose pour justement faire en sorte qu'on puisse... qui coûte moins cher, c'est-à-dire, quelles seraient les balises, ou qu'est-ce que vous pourriez apporter, ou la suggestion pour faire en sorte qu'on puisse économiser sans couper le projet parental de parents?

Mme Greenbaum (Mona) : Mais il y a des modèles ailleurs. Donc, encore, comme j'ai dit à M. Barrette, je ne suis pas économiste, mais, par exemple, au moins, comme subventionner un cycle de FIV pour chaque enfant, de ne pas limiter ça à un enfant, peut-être de bonifier des crédits d'impôt. Il y a plusieurs façons. C'est sûr que je n'ai pas la solution, mais je crois que c'est une valeur de notre société d'aider les personnes à fonder une famille, et puis il y a même certains économistes qui vont dire que de créer des enfants, à long terme, ça va bénéficier économiquement notre société. Donc, c'est une solution à court terme de couper ce programme-là, mais, à long terme, pour nous, ce n'est pas une solution, et puis c'est sûr que ça va empêcher beaucoup de gens de fonder leurs familles.

M. Paradis (Lévis) : Merci.

Mme Greenbaum (Mona) : Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, à la demande de notre collègue de Mercier, il vous a permis de compléter votre réponse. Pour 2 min 30 s, collègue.

M. Khadir : On sait que, depuis une quinzaine d'années, différentes mesures de nature sociale, mais aussi législatives ont permis de reconnaître, d'abord, les droits de la communauté LGBT; ensuite, il y a eu plusieurs, aussi, améliorations dans toutes sortes de législations entourant l'adoption, entourant l'aide à la fertilité, appelons-le comme ça. Vous avez parlé des problèmes, des quatre problèmes essentiels que présente ce projet de loi pour la communauté LGBT ou plus en général. Maintenant, si on devait compléter... Parce qu'on voit que la parentalité, par les exemples que vous avez donnés, la parentalité, la notion de parent est en évolution dans la société, et les lois, les dispositions législatives n'accompagnent pas cette évolution pour mieux le baliser, l'encadrer. Si vous aviez à compléter des mesures, c'est-à-dire, on vous disait : À la place du ministre, écrivez-nous dans un projet de loi quelques éléments... incluez dans le projet de loi quelques éléments qui vont venir compléter ce qu'on a fait depuis 15 ans, ça serait quoi?

Mme Greenbaum (Mona) : Bien, comme j'ai dit tantôt, c'est sûr que d'avoir des registres centralisés, donc, des registres sur les donneurs de gamètes, des registres aussi suivant les différentes technologies de procréation assistée pour voir leurs impacts à court terme et à long terme sur les parents, sur les enfants aussi...

J'aimerais aussi voir potentiellement de la recherche sur les causes d'infertilité. Ça, c'est une chose qu'on ne discute pas, mais, on voit, il y a un taux augmentant d'infertilité dans notre société et puis on ne regarde pas les causes. J'aimerais aussi qu'au Québec ça soit changé, qu'on puisse avoir accès aux donneurs à identité ouverte. J'aimerais...

M. Khadir : ...

Mme Greenbaum (Mona) : Ça veut dire comme des donneurs qui ne sont pas anonymes.

M. Khadir : ...

Mme Greenbaum (Mona) : Oui, c'est ça. J'aimerais aussi voir, comme on a dit, une discussion autour de la gestation pour autrui, pour avoir l'encadrement légal et social sur ces pratiques-là. Aussi sur le consentement. Donc, il y a beaucoup de personnes qui entrent en procréation assistée, qui sont très dans le rush pour faire des traitements, qui vont signer des consentements tout de suite, sans savoir exactement qu'est-ce qui est dedans. Donc, on veut avoir comme un système en place, dans les cliniques, pour accompagner ces patients, parce qu'ils font des décisions, par exemple, sur les embryons surnuméraires. Donc, quand on fait une fécondation in vitro, des fois, on a des extras à la fin.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme Greenbaum. Ça a été un bel échange. Ceci met fin, donc, à la période de temps qui vous est allouée à titre de représentante du Conseil québécois LGBT.

Je suspends nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 5)

(Reprise à 16 h 10)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux. Nous accueillons maintenant les représentantes, représentants de l'Association des médecins en CLSC.

Alors, bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre présentation. Par la suite, vous aurez un échange avec les parlementaires. Je vous demanderais de bien prendre le temps de vous identifier et de préciser vos fonctions, et, sans plus tarder, la parole est à vous.

Association des médecins de CLSC du Québec (AMCLSCQ)

M. Dion (Sylvain) : Merci, M. le Président. M. le Président de la commission, M. le ministre de la Santé, Mmes et MM. les parlementaires, je me présente : Sylvain Dion, je suis médecin de famille à Lac-Etchemin, dans la belle région de Chaudière-Appalaches. Je pratique la médecine de famille depuis 27 ans et j'exerce en CLSC, GMF, UMF et également en CHSLD, dans mon établissement. Je suis ici, bien sûr, en tant que président de l'Association des médecins de CLSC du Québec.

Permettez-moi d'abord de remercier la commission pour l'occasion qui nous est donnée de réagir au projet de loi n° 20 actuellement à l'étude et de débattre avec vous des enjeux liés à l'accessibilité aux services médicaux de première ligne au Québec.

Je suis accompagné, à ma droite, de la Dre Catherine Risi, qui est médecin de famille en santé publique en Montérégie et vice-présidente de notre association; et, à ma gauche, de Dre Adriana Comisso, du CLSC GMF Sainte-Rose, à Laval. Dre Comisso pratique aussi dans le programme clinique jeunesse et planning du CLSC et également en milieu hospitalier.

Notre association regroupe près de 1 000 médecins de famille oeuvrant en CLSC. Je souligne aussi que nous comptons dans nos rangs plus d'une centaine de médecins qui pratiquent en santé publique, dont une majorité a également une pratique clinique. D'entrée de jeu, nous tenons à affirmer que nous adhérons à l'objectif de ce projet de loi qui est d'améliorer l'accessibilité aux services médicaux de première ligne. Vous comprendrez cependant dans notre propos que nous rejetons l'approche proposée par le ministre, et nous voulons échanger avec vous de solutions combien plus mobilisatrices pour assurer aux Québécois un meilleur accès à un médecin de famille.

Permettez-moi d'abord de parler de la pratique de la médecine familiale en CLSC. Les premiers CLSC ont vu le jour il y a plus de 40 ans. Il s'y est développé, au fil des années, une médecine distinctive intégrant des services de prise en charge et de suivi de patients de tous âges à une pratique auprès de clientèles spécifiques, ce que nous appelons les programmes en CLSC. Ce modèle de pratique, nous l'avons nommé le projet médical en CLSC. Nous voulons ici mentionner quelques caractéristiques de notre pratique. Nous offrons une médecine globale, une médecine de proximité souvent dans le milieu de vie des patients, à la maison, à l'école ou encore dans les milieux de travail. Le travail de collaboration interprofessionnel développé en CLSC a été à l'avant-garde des pratiques de première ligne actuelles. Nul doute que nos modes de rémunération y sont pour quelque chose. Finalement, la prévention des maladies et la promotion de la santé sont des préoccupations constantes de nos médecins.

Les médecins de famille en CLSC ont également développé des expertises précieuses souvent en lien avec des orientations ministérielles. Ces médecins assurent des services de grande qualité en santé mentale, adulte et jeunesse, en maintien à domicile, en soins palliatifs, et dans les cliniques jeunesse, et bien d'autres programmes aussi. Ces services peuvent s'inscrire dans un suivi longitudinal du patient, mais souvent sur une base temporaire, le patient étant soit référé par un médecin traitant dans la communauté ou le patient consultant lui-même au CLSC.

Encore aujourd'hui, nos médecins sont un maillon essentiel de l'offre de service en première ligne en complémentarité avec le réseau des cabinets médicaux. Cependant, le projet de loi n° 20 constitue malheureusement une menace pour ce modèle de pratique, et tout particulièrement pour les services rendus aux patients les plus vulnérables. Nous verrons plus loin que nos médecins peuvent cependant contribuer à l'amélioration de l'accessibilité tout en préservant ce modèle.

Pourquoi le projet de loi n° 20 est-il irrecevable pour notre association? Nous devons ici vous faire part de nos inquiétudes pour les services que nos médecins offrent en CLSC. Tout d'abord, l'approche arithmétique préconisée par ce projet de loi est incompatible avec notre pratique et les besoins de nos patients. La complexité des situations et des contextes ne se mesure pas en termes de nombre de patients à rencontrer sur un temps x et encore moins par des équivalences dont nous ne savons à peu près rien.

Le suivi d'un patient en CLSC requiert du temps, requiert de l'empathie. Nous n'accepterons pas de sacrifier la qualité de nos suivis pour répondre à des exigences bureaucratiques. Il sera impossible pour plusieurs de nos médecins de faire la démonstration qu'ils assurent le suivi d'un quota de patients, car plusieurs de ces patients ne peuvent pas être inscrits. Dans nos programmes spécifiques, le patient demeure souvent au nom de son médecin dans la communauté, et le suivi en soins palliatifs de quelques semaines d'un patient s'accommoderait bien mal d'une procédure d'inscription alors que ce même patient est en fin de vie.

Notre pratique est aussi beaucoup axée sur le travail de collaboration interprofessionnelle. Selon les patients, un temps important est consacré en discussion de cas avec infirmières, travailleurs sociaux, inhalothérapeutes, et j'en passe. Beaucoup de temps est investi en échange avec les familles et les aidants naturels également. Ici encore, une approche arithmétique ne peut s'appliquer.

Ce projet de loi va donc à l'encontre des orientations gouvernementales en matière de services à développer en santé publique, en santé mentale, en maintien à domicile et, plus récemment, en soins palliatifs, avec la loi n° 52, la Loi concernant les soins de fin de vie. Nous ne voulons pas laisser tomber ces patients.

Nous voulons aussi contester l'imposition de contraintes supplémentaires aux médecins de famille. Déjà, les activités médicales particulières nous sont imposées depuis plus de 20 ans. Je signale aux parlementaires qui l'ignoreraient que le régime des AMP oblige les médecins, depuis les années 90, et ce, sous peine de pénalité financière sur leur rémunération de première ligne, à consacrer un minimum de 12 heures par semaine en milieu hospitalier. Actuellement, en raison des AMP, un très grand nombre de médecins omnipraticiens passent beaucoup de temps à exercer leur profession en deuxième ligne, et ce, au détriment de la première ligne. Les effets pervers de cette mesure sont évidents, sans quoi nous ne serions probablement pas ici à discuter de ce projet de loi.

Notre association a toujours dénoncé les risques de dérive des AMP. L'histoire nous aura malheureusement donné raison. Pourtant, le projet de loi qui est déposé veut en allonger la période d'application et impose une contrainte supplémentaire avec un quota de patients à inscrire. L'AMCLSCQ croit que le régime des AMP doit être rapidement revu et modifié pour permettre aux médecins et, en particulier, les plus jeunes, de faire du suivi de clientèle. Il n'est pas rare de rencontrer un médecin qui nous dit qu'il voudrait faire davantage de suivi en première ligne, mais qu'il en est incapable, car il doit satisfaire ses AMP en milieu hospitalier.

Finalement, nous devons nous élever contre la volonté gouvernementale d'instaurer par la force de la loi un régime de travail fondé sur la coercition et les pénalités financières. Bien au-delà des questions d'autonomie professionnelle, ce projet de loi s'attaque à nos jeunes médecins, spécialement les femmes. Nous préférons des médecins fiers et dynamiques, qui soignent bien leurs patients, à des médecins démotivés, voire découragés de la médecine familiale.

Passons maintenant en mode solution. Notre association reconnaît que le statu quo n'est pas possible. Nous entendons et comprenons les attentes de la population, et, en professionnels responsables, nous voulons répondre à cette responsabilité collective. Les médecins de CLSC sont partants pour collaborer à un plan d'amélioration de l'accessibilité. Il faut assurer à un plus grand nombre de Québécois la possibilité d'avoir son médecin de famille. Collectivement, nous pouvons inscrire un nombre significatif de nouveaux patients sans compromettre l'accès aux services que nous offrons aux clientèles vulnérables. Une fois inscrit, le patient doit avoir accès à son médecin de famille dans un délai raisonnable. Nous souscrivons à l'accès adapté et nous incitons nos membres qui ne l'ont pas encore adopté à s'y mettre le plus rapidement possible.

Le réseau d'accessibilité en sans rendez-vous doit par ailleurs être consolidé dans les zones à forte densité de population. Les cliniques-réseaux actuelles ne sont pas en nombre assez grand pour répondre aux besoins. Les médecins de CLSC pourront s'impliquer aussi dans ces milieux. Et, comme je viens de le signaler, le régime des activités médicales particulières doit être révisé pour permettre un rééquilibrage de l'offre de services entre la première et la deuxième ligne.

Nous devons passer le message que le coeur de la pratique de la médecine familiale est le suivi des patients en première ligne. Dans cette perspective, notre association désire souligner que le travail hospitalier doit aussi faire l'objet d'un nouveau partage entre médecins de famille et médecins des autres spécialités.

Finalement, nous demandons au ministre de la Santé et des Services sociaux de considérer, dans une approche constructive et tout à fait réalisable, que notre contribution à l'amélioration de l'accessibilité devrait permettre l'ajout à court terme des ressources requises en CLSC pour des gains d'efficacité dans une perspective gagnant-gagnant. Le support clérical, le dossier médical électronique, l'accès aux plateaux techniques et aux consultations en spécialités devront être au rendez-vous.

En conclusion, nous invitons donc respectueusement les parlementaires à rejeter ce projet de loi. Il ne contient aucune garantie de réussite. Au contraire, il menace les services auprès de nos patients les plus vulnérables et la pratique de la médecine familiale en CLSC. Nous invitons le gouvernement à choisir une approche collaborative pour mettre en place les mesures qui permettront assurément d'atteindre l'objectif que nous partageons tous avec vous : un meilleur accès en médecine de famille au Québec.

• (16 h 20) •

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, à la demande du ministre, je vous ai permis de compléter. Il disposait de 20 minutes, je lui retire donc 30 secondes, et vous avez donc une période d'échange avec le ministre notamment pour une période de 19 min 30 s. M. le ministre.

M. Barrette : M. le Président, merci. Alors, Dr Dion, c'est ça, Dre Risi... Est-ce que c'est Risi ou Risi?

Mme Risi (Catherine) : Risi.

M. Barrette : Risi. Et Dre Comisso. Bienvenue à cette commission parlementaire.

J'ai bien entendu et reçu vos commentaires, et je dois vous avouer que j'ai une certaine difficulté à suivre votre raisonnement, et je m'explique. D'un côté, vous nous faites votre démonstration que ce que vous considérez être de la coercition n'est pas la bonne voie à suivre. Vous nous faites une assez longue démonstration de votre implication dans vos milieux, et je ne mets pas ça en doute d'aucune manière. Mais vous concluez, en fin de présentation, que vous pouvez en faire plus. Et ça, vous venez de nous le dire, là, vous venez de conclure, dans la fin de votre présentation, à votre capacité non offerte à la population, et vous considérez qu'elle pourrait l'être moyennant certaines conditions. Et vous-même, vous faites référence, par exemple, à l'accès adapté, chose que je promeus moi-même abondamment. Je ne peux pas m'empêcher de vous poser la question très simple : Pourquoi ce n'était pas fait avant? Pourquoi il faut attendre ce projet de loi là pour mettre en place un profil de pratiques historiquement et éminemment reconnu comme étant une grande amélioration quant à l'accès aux patients, et changement de profil de pratiques qui implicitement signifie qu'on s'adapte aux patients plutôt qu'à l'inverse et qui, tout aussi implicitement, signifie qu'avant on n'était pas adaptés? Pourquoi là puis pourquoi pas avant?

Et là je vais aller un pas plus loin. Pourquoi là, moi, là, je retirerais le projet de loi, parce que les gens me demandent de le retirer constamment, pourquoi je le retirerais alors qu'actuellement les gens de votre communauté médicale semblent enclins à s'adresser au problème réel, d'une façon réelle, parce qu'il y a le projet de loi? Moi, là, comme gestionnaire de risques, là — j'ai fait ça, dans ma vie, là, de la gestion de risques, là — ce que vous me proposez, c'est de prendre une décision qui va éteindre le mouvement au moins qui est créé par le dépôt du projet de loi n° 20. Là, il faut que vous m'expliquiez ça, parce que j'ai bien de la misère à vous suivre.

M. Dion (Sylvain) : Sur l'accès adapté, contrairement à ce qu'on entend des fois, ce n'est pas marginal, des médecins qui s'y sont mis. Dans un récent sondage qu'on a fait auprès de nos membres, tout près de 50 % ont déjà adopté un modèle d'accès adapté, qui n'est peut-être pas celui qui est décrit dans les livres, mais au moins les gens ont été sensibilisés à ça. Ici, au Québec, ça ne fait quand même pas 10 ans qu'on en parle, c'est quelque chose qu'on parle depuis peut-être, là, deux, trois ans. Et d'ailleurs notre fédération, la FMOQ, a développé des accès en ce sens-là. Et, sans avoir suivi les formations requises, les gens ont compris qu'il y avait une autre façon de gérer notre offre de rendez-vous à nos patients pour qu'ils puissent nous voir dans un délai raisonnable. Ça, c'est sur l'accès adapté. C'est un élément qu'on retrouve dans le projet de loi et qui n'a rien à voir, d'ailleurs, avec les mesures coercitives que l'on dénonce dans ce projet de loi là. Donc, sur l'accès adapté, on est sur la bonne voie et on est d'avis qu'en continuant à travailler avec nos médecins... de les amener, pour une grande majorité, à être capables d'adopter le modèle d'accès adapté.

Sur les mesures coercitives, M. le ministre, vous comprendrez que là on parle d'un autre volet, sur lequel vous ne m'avez pas posé de question. Mais vous parlez de quotas dans votre projet de loi, et malheureusement c'est quelque chose qui est incompatible avec les types de pratiques, les types de clientèles que l'on a. Là, vous allez me dire : Il faudrait peut-être avoir des objectifs. Quels sont les objectifs qu'on a ici, au Québec, par ce projet de loi? C'est d'améliorer l'accès à son médecin de famille, d'inscrire un plus grand nombre de Québécois. Et c'est là-dessus que je suis arrivé, à la fin de mon commentaire, sur les solutions que l'on apporte. Oui, nous croyons que nos médecins, collectivement, autant les médecins de CLSC que les autres médecins qui travaillent en première ligne, on est capables d'inscrire un nombre significatif de patients pour atteindre cet objectif-là. L'objectif, ce n'est pas que tel médecin suive tant de patients, mais que les patients aient accès à un médecin de famille.

M. Barrette : Bon, alors, moi, par les réseaux sociaux, il y a un grand nombre de vos membres, qui pratiquent en CLSC, qui s'expriment assez librement, et c'est tout à leur honneur, et les plus intéressantes citations, pour moi, viennent de médecins de CLSC qui disent que... Je vais vous en citer un, là, à 90 % verbatim : J'ai 35 ans. Avant... c'est-à-dire, je pratiquais en CLSC d'une façon plus traditionnelle et j'étais brûlé — c'est le mot qu'il a utilisé. Maintenant, je suis en accès adapté, mes patients n'ont plus d'attente, je suis heureux plus, plus, plus — là, pour les gens qui nous écoutent, ça veut dire que c'est un grand niveau de bonheur, là, quand un médecin écrit ça — et je vois plus de patients qu'avant.

L'accès adapté, ce n'est pas banal, et tous les médecins, tous, qui se sont exprimés publiquement soit privément avec moi, en m'envoyant des messages dans les réseaux sociaux, là, ou très ouvertement, toujours sur les réseaux sociaux, tous, de façon uniforme, disent la même chose. Moi, ça m'étonne. Ça m'étonne qu'aujourd'hui tout le monde ne soit pas passé à l'accès adapté dans la problématique actuelle parce que... Et ça, c'est l'expérience qu'on a au ministère aussi, là. Vous savez, l'accès adapté au Québec, là, ça a été mis de l'avant par le ministère, et les gens qui en font la promotion et qui en ont fait la promotion à la FMOQ sont dans cette pièce-ci. Ce n'est pas la FMOQ qui en a fait la promotion la première fois, c'est le ministère, et ça prend du temps à se déployer.

Je vous pose une question. Vous qui l'avez manifestement vécu, je comprends que vous y êtes passé, à l'accès adapté... Vous trois, peut-être? Je ne sais pas si vous avez tous et toutes eu la même expérience. Bien, vous avez augmenté votre capacité de services de combien, là, «ball park», là : 10 %, 15 %, 20 %, 30 %, 100 %?

M. Dion (Sylvain) : Je ne pourrais pas vous quantifier... Peut-être 10 %, peut-être 15 %. Effectivement, l'accès adapté nous permet peut-être d'avoir... d'améliorer un peu le nombre d'inscriptions. Je dirais que le principal effet de l'accès adapté, c'est des patients heureux et des médecins qui sont heureux aussi de...

M. Barrette : Mais ce n'est pas rien, ça!

• (16 h 30) •

M. Dion (Sylvain) : Mais tout à l'heure, M. le ministre, je n'ai pas contesté la volonté que le gouvernement a qu'on passe à l'accès adapté. Je vous ai dit qu'il y avait déjà la moitié de nos membres qui s'y étaient mis et qu'on va continuer à travailler pour que l'autre moitié y passe aussi. Ceci dit, ce que ça permet, l'accès adapté, c'est un patient qui est plus heureux puis un médecin qui est bien heureux quand son patient entre dans le bureau puis qui lui dit : C'est le fun, j'ai été capable d'avoir un rendez-vous en dedans d'une semaine, 10 jours.

Sur le nombre d'inscriptions, au-delà de l'accès adapté, ce qui peut aider les médecins à inscrire un plus grand nombre de patients, c'est le support qu'ils ont, que ce soit du support clérical ou du support professionnel. Et ça, je peux vous témoigner qu'en CLSC j'ai malheureusement un grand nombre de mes membres qui doivent faire des tâches cléricales, faire les photocopies, faire du classement de rapports dans leurs dossiers, et ça, c'est sans compter qu'ils ne peuvent même pas... qu'ils ont des difficultés à inscrire leurs patients parce que les secrétaires et le CLSC en question refusent que les secrétaires fassent l'inscription au niveau du registre de la RAMQ. Ça fait qu'on comprendra que ce médecin-là n'est pas très, très enclin à aller inscrire des patients, d'ouvrir le logiciel de la RAMQ puis inscrire le patient. C'est des tâches cléricales qui devraient être faites autrement, qui sont faites d'ailleurs, en cabinet, par du personnel de secrétariat, mais malheureusement on a plusieurs CLSC qui refusent de supporter la pratique médicale, et là on aurait un gain d'efficience important qui pourrait être fait.

M. Barrette : Mais, Dr Dion...

M. Dion (Sylvain) : Je veux juste terminer...

M. Barrette : Là-dessus, je vous donne raison. Je vous donne raison là-dessus. Loi n° 10. La loi n° 10, là, ça doit faire partie des orientations, là. Je suis d'accord avec vous là-dessus. Mais, si on prend comme point de référence votre situation actuelle, clairement, il y a de la capacité à aller chercher... Même si on ne change pas, là, le dysfonctionnement que vous décrivez et auquel j'acquiesce, l'accès adapté viendrait augmenter la capacité.

M. Dion (Sylvain) : Bien d'accord.

M. Barrette : Et, comme votre milieu a déjà dit qu'il manquait 1 000 médecins au Québec, hein, et votre milieu... Corrigez-moi si je crée un impair, je ne veux pas faire un impair, mais, dans votre milieu, qui est le milieu de la médecine de famille, on a souvent compté le nombre de médecins de famille moins 1 000 en disant : Il y en a 1 000 qui ne sont pas vraiment en pratique, ainsi de suite, là, ça fait que c'est 15 %, là. S'il manque 1 000 médecins, il manque l'équivalent de 15 % du volume de services donné par les médecins en place. Bien, 15 %, vous venez de nous dire aujourd'hui que l'accès adapté le donne. Imaginez si, en plus, on allait chercher le nombre de visites qui n'est pas donné par le temps. Et là je veux m'adresser au temps, parce que, là, c'est le deuxième élément pour lequel vous m'avez beaucoup étonné. Mais là j'aimerais ça que vous élaboriez là-dessus, là.

Les AMP, à moins que vos membres, les 1 000 médecins de CLSC, aient mal interprété le régime des AMP, c'est 12 heures, Dr Dion, qui sont demandées, là, pas 24, pas 36, pas 48. C'est 12. Et 12 heures, ce n'est pas deux jours, comme les gens disent, c'est une journée et demie. Les trois autres journées et demie, là, elles existent. Alors, c'est difficile pour moi de recevoir, disons, de façon constructive le commentaire, l'argument ou l'argumentaire basé sur les AMP pour expliquer qu'on n'est pas capable de faire du suivi en cabinet.

M. Dion (Sylvain) : O.K. Chose que, je pense qu'il faut comprendre, puis je pense que je vais essayer d'éclairer les parlementaires là-dessus, quand on dit au jeune médecin : Il faut que tu ailles faire 12 heures d'AMP par semaine pour pouvoir avoir ta rémunération pleine et entière, on lui passe un message. Ce qui est important au Québec...

M. Barrette : ...dire : On dépasse le message?

Une voix : On lui passe...

M. Barrette : On passe le message. Excusez-moi.

M. Dion (Sylvain) : On lui passe le message que ce qui est important au Québec, c'est d'aller faire de la médecine en milieu hospitalier. Déjà que c'est une pratique qui est plus glamour, où tu as accès rapidement à des services spécialisés... Tu demandes une consultation en spécialité, tu l'as dans la journée même, tu demandes un «scan», tu l'as le lendemain, alors que, quand tu es dans ton bureau, puis ça, ils l'expérimentent, les résidents de médecine familiale quand ils sont dans les unités de médecine familiale — on est une UMF, chez nous, on le voit — bien là, ça prend six mois avant d'avoir un examen, qu'une consultation en spécialité, dépendamment des milieux, bien, ça peut aller jusqu'à 12, 18 mois. Ça fait qu'on comprendra que, déjà là, dans l'incubateur, les nouveaux médecins vivent des choses difficiles par rapport à la première ligne, et, quand ils arrivent en pratique, il faut que tu ailles en première ligne.

Maintenant, 12 heures. Effectivement, c'est peut-être juste 12 heures, mais, quand tu mets les pieds à l'hôpital, O.K. puis vous dites que c'est une journée et demie, on peut-u s'entendre que ça va virer en deux jours? Et les hôpitaux sont tout de même assez goinfres au niveau des médecins de famille, en disant : Bien là, il y aurait tel service à développer, on va le demander aux médecins de famille. C'est ce qu'on a vécu au Québec. Puis, bon, les médecins de famille trouvaient là un milieu de pratique qui était satisfaisant pour eux, et ils s'y sont engagés, puis, bon, on le reconnaissait, ça. Il faut changer ce paradigme-là au Québec et de passer un nouveau message. C'est pour ça qu'on dit, nous, qu'il faut réviser les activités médicales particulières.

M. Barrette : Est-ce que je dois comprendre de votre propos qu'en réalité, quand vous dites : Réviser... Et je l'ai dit — je ne sais pas si vous avez suivi la commission parlementaire à date, là, probablement pas parce que vous étiez occupé à votre profession — il y a des gens, là — j'ai dit ça à plusieurs reprises en entrevue et ici — dans votre milieu — quand je dis «votre milieu», je parle de médecine familiale, là, je ne parle pas de votre endroit où vous pratiquez vous-même, évidemment — qui évoquent la possibilité de limiter le nombre d'heures d'AMP, c'est-à-dire le nombre d'heures à l'hôpital. Le régime demande 12 heures, vous me confirmez évidemment une chose que je savais déjà, là : il y a bien des gens qui, bien, le 12 heures se transforment en 36 par intérêt et non par obligation, et ça, c'est un peu ce que vous venez de dire, là. Est-ce que j'interprète erronément ce que vous venez de me dire?

M. Dion (Sylvain) : Non, mais par intérêt...

M. Barrette : Par intérêt, dans le sens qu'ils sont bien là puis ils aiment ça, là.

M. Dion (Sylvain) : Par intérêt, par besoin, mais, en même temps, on les a éloignés au niveau de la première ligne, là.

M. Barrette : C'est un choix, là. Il n'y a personne qui a le fusil sur la tempe, le matin, pour s'en aller à l'hôpital, là. Il y a un intérêt pour les gens d'aller là. Alors, êtes-vous en train de me dire que vous seriez, vous, dans l'école ou dans le schème de pensée, de limiter le nombre d'heures présent à l'hôpital? Je vais plafonner ça, là. Je vais plafonner ça, là, je vais vous dire, mais ça...

M. Dion (Sylvain) : Vous allez mettre ça à six, je suis bien d'accord. Ce qu'il faut...

M. Barrette : Non, non, je vais les mettre à 12; je vais arrêter de payer après 12.

M. Dion (Sylvain) : Ah! mais ce n'est pas ça que je dis...

M. Barrette : Je ne vous dis pas que je vais faire ça, là. C'est une... Je vous pose une question...

M. Dion (Sylvain) : Mais, M. le ministre... M. le ministre...

M. Barrette : Sinon, demain, je vais avoir une question à la période des questions comme quoi...

M. Dion (Sylvain) : M. le ministre, ce qu'on propose, nous, c'est : Regardons donc ça à l'envers. C'est la première ligne qui est importante, c'est ça qui est actuellement en difficulté au Québec. Disons à nos jeunes médecins et à nos moins jeunes...

M. Barrette : Je m'excuse de vous interrompre. Demain matin, si je veux avoir un effet en cabinet, là, qu'est-ce que vous me proposez pour avoir un effet rapide?

M. Dion (Sylvain) : Un effet rapide?

M. Barrette : Bien, mettons dans l'année, dans les 12 prochains mois.

M. Dion (Sylvain) : Bien, déjà, si on dit aux jeunes médecins : Tu n'es plus obligé d'aller à l'hôpital... Il y en a, des jeunes médecins, qui ne veulent aller faire que de la prise en charge, mais ce n'est pas ça qui se passe actuellement. Ils doivent aller à l'hôpital faire 12 heures, initialement, pour leur minimum, puis, à un moment donné, ça peut augmenter. Puis là je laisserai peut-être d'autres groupes, qui vont venir vous rencontrer, qui vont dire, des fois, que ce n'est pas toujours compatible, au niveau de la gestion des frais de pratique en cabinet, de gérer, là, tout ce qu'il en est, là, quand tu dois aller... tu dois avoir une prestation de services à l'hôpital. Ça fait que c'est ça, notre vision que l'on a de reviser les AMP. Est-ce qu'on va en avoir encore besoin dans quelques années? Parce qu'on sait qu'actuellement le nombre de médecins de famille augmente au Québec, il y a eu des décisions gouvernementales qui ont été prises pour augmenter le nombre de médecins de famille, et, avec ces ressources-là, on va être capables de régler nos problèmes.

M. Barrette : Il y a un autre élément que je voudrais aborder avec vous, c'est historique, et c'est notoire, et c'est vérifié, c'est en CLSC qu'on a toujours le moins de nombre de patients inscrits. Pourquoi on ne peut pas en avoir un peu plus? Moi, avec tous les égards que ça exige, là, je ne suis pas d'accord avec vous que la pratique en CLSC soit antinomique à l'inscription de médecins... de patients, pardon.

M. Dion (Sylvain) : Je vous ai donné des exemples tout à l'heure où ce n'est pas possible d'inscrire un certain nombre de patients. On peut en inscrire d'autres. Un médecin qui ne fait que du maintien à domicile, pour dire quelque chose, ne pourra pas inscrire x centaines de patients. Par contre...

M. Barrette : Non, mais il peut en inscrire pareil s'ils sont pondérés correctement.

M. Dion (Sylvain) : Est-ce que je peux terminer? Par contre, ce médecin-là, qui ne fait que du maintien à domicile, donc une clientèle gériatrique, oui, pourrait inscrire des patients gériatriques ambulatoires qui viendraient le voir au CLSC. Maintenant, faudrait-il encore que ce CLSC-là, qui a un programme maintien à domicile avec des médecins dedans, donne un bureau au CLSC aux médecins où ils pourront rencontrer des patients. Ça, c'est des contraintes qu'on rencontre. Donc, oui, il y a un potentiel d'inscriptions.

Est-ce que vous me... Vous me posez la question : Pourquoi le nombre d'inscriptions est si faible? Il y a la question des clientèles, que je vous ai dit tout à l'heure, des patients qui veulent maintenir leurs médecins de famille dans la communauté, des patients qui viennent pour des consultations ponctuelles. Je regarde Dre Comisso, qui travaille en clinique jeunesse, il n'est pas rare de voir une adolescente qui n'ira pas voir son médecin de famille pour un dépistage ITSS ou pour sa contraception parce que, bien, papa, maman vont voir également ce médecin-là. Donc, il y a tout un contexte qui explique pourquoi est-ce qu'on a des patients qui consultent sur une base ponctuelle dans nos programmes en CLSC.

M. Barrette : Juste un... C'est un commentaire que je vous fais, là, puis je vous invite à commenter mon commentaire. Moi, je connais des médecins qui ont des pratiques du type de celles que vous décrivez, soins à domicile, soins palliatifs, qui ont des patients inscrits. Et la question pour eux, ce n'est pas le nombre de patients inscrits, mais la pondération des inscriptions. Je ne vois pas de... ce qui est antinomique avec le profil de clientèle, là. La question est la pondération, vous n'êtes pas... vous ne pensez pas?

M. Dion (Sylvain) : Bien, quand vous parlez de pondération, vous voulez parler du régime d'équivalence qui nous est annoncé, mais dont on n'a eu aucune...

M. Barrette : Oui, mais que vous allez voir à un moment donné. Sur le principe, là, sur le principe...

M. Dion (Sylvain) : Il aurait été...

M. Barrette : Sur le principe théorique, là. Moi, ce que je vous dis, là, c'est qu'on va prendre un chiffre exagéré, là, qui n'a pas d'allure, là, mais, si un patient en soins de fin de vie ou en perte d'autonomie sévère comptait pour 45, là, bien c'est une pondération qui fait que ça ne prendrait pas bien, bien de patients à suivre pour rencontrer les objectifs, là. Ça n'arrivera pas, là, 45, mais on comprend que...

M. Dion (Sylvain) : Mais j'ai retenu 45.

• (16 h 40) •

M. Barrette : Non, non, ne le retenez pas. C'est un beau chiffre, là, mais ça fait... Non. Mais vous comprenez que, dans mon esprit, je ne vois pas pourquoi on ne peut pas pondérer pour prendre en compte une certaine lourdeur, là.

M. Dion (Sylvain) : C'est cette approche arithmétique là que l'on conteste. Le médecin de famille va devoir commencer à calculer : j'ai combien de patients soins palliatifs lourds, soins palliatifs «il va décéder dans trois mois»? J'ai combien de maintien à domicile qui est plus lourd, plus léger? Et là on tombe vraiment, là, dans une gymnastique arithmétique qui n'aura pas de fin. Et on ne veut pas aller vers cette proposition-là.

Ce qu'on demande au gouvernement, c'est : Convenons ensemble d'un plan qui va nous permettre d'atteindre nos objectifs de rendre accessibles à la population des services médicaux de première ligne efficaces et de qualité. Et c'est à ça qu'on convie le gouvernement, de s'asseoir avec nous, puis qu'on se donne des objectifs et qu'on ait une reddition de comptes pour y parvenir. Mais sans aller vers une démarche qui n'en finit plus de quotas, de pondération.

M. Barrette : Un dernier mot, Dr Dion. C'est la démarche qui a été faite dans les 10 dernières années, là. J'étais aux premières loges des négociations, et l'échange qu'on vient d'avoir dans la dernière minute était l'échange aux tables de négociation, et ça n'a pas donné des résultats.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Taillon pour 12 minutes.

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue, Dr Dion, Dre Risi, Dre Comisso. Je vous remercie. Vraiment, on a des échanges très, très proches de la réalité avec vous, et votre mémoire aussi en témoigne.

J'entends le ministre dire : On a augmenté le nombre d'effectifs. Il l'a répété plusieurs fois. Ensuite, on a donné le rattrapage financier, et là les médecins n'ont pas rendu ce qu'on voulait, donc là, on frappe avec un projet de loi matraque. C'est un peu la réflexion et le cheminement qu'on voit. On constate aussi qu'ailleurs on a lié le rattrapage économique avec des éléments de coordination, du soutien à l'informatisation et également certaines obligations, un peu de redditions de comptes, là, dans tout ça.

Le modèle qui nous est proposé, puis je vous écoutais parler puis j'écoutais le ministre parler, c'est un peu comme un jeu de Monopoly. On part avec 1 000 $, là... Dans ce cas-ci, ce sera 1 250 points patient, puis on va répartir notre 1 250 points patient en fonction de certains patients qui valent plus de points ou moins de points. C'est aberrant. On ne peut pas fonctionner comme ça, et ça ne nous donne absolument aucune garantie qu'on va améliorer l'accès à la première ligne, qu'on va améliorer l'efficience du réseau. On va stigmatiser certains sous-groupes de patients et on va donner... orienter encore plus que ce qu'on le fait avec les AMP. Les AMP, là, c'était un élément de guide, et on voit un peu qu'il y a des effets pervers que vous décrivez et que vous avez, avec raison. L'effet pervers, c'était 12 heures à faire à l'extérieur d'une pratique, et on voit les conséquences que ça donne, avec les écarts.

Et là on veut aller encore plus loin dans cet exercice-là en qualifiant quelque chose qui va être à l'intérieur du 24 heures qui reste. C'est vraiment, vraiment très, très risqué, et plus j'entends parler, plus je trouve qu'il y a énormément de dangers dans tout ça. Parce que, pour avoir fait des consultations pendant plusieurs années dans des CLSC, je sais que, souvent, les CLSC sont blâmés par rapport à leurs volumes de patients. Et, moi, ce que j'ai pu constater, c'est que les cas les plus lourds, les plus complexes, souvent, les cas accompagnés de difficultés sociales vraiment multiples, les problèmes de santé mentale — vous y faites référence — les soins palliatifs, les jeunes qui ont besoin de soutien psychologique, les interruptions volontaires de grossesse, qui sont plus que juste une interruption volontaire de grossesse, mais qui traduisent d'autres problèmes, c'est beaucoup les CLSC qui les ont actuellement. Et ça, on n'a pas voulu reconnaître ça.

Si je fais, par contre, la perspective des citoyens, je me dis : Vous étiez presque parfaits, mais il vous manquait de la disponibilité les soirs et les fins de semaine, parce qu'on a besoin de ça. Et la première ligne, actuellement, ce qui fait défaut à la population, c'est un meilleur accès. On a investi dans les GMF en pensant qu'on aurait ça. Si ce n'est pas les CLSC, si ce n'est pas les GMF, il faut trouver quelque chose qui va nous donner un meilleur accès. Qu'est-ce que ce serait, vos solutions? Et, si vous aviez... Quelles seraient les solutions qui permettraient que vous soyez ouverts, vraiment, là, jusqu'à 9, 10 heures le soir avec un nombre important de médecins puis les fins de semaine?

M. Dion (Sylvain) : Comme on le dit dans notre mémoire, le réseau d'accessibilité en heures étendues, comme vous le décrivez, existe déjà, mais c'est un réseau qui est partiel par rapport au besoin qui est identifié. La fédération à laquelle notre association appartient avait déposé, il y a déjà plus de 18 mois, un plan d'accessibilité qui parlait de consolider ce réseau-là, qui est actuellement d'autour de 50 cliniques-réseaux, et de le développer jusqu'à un nombre de 100 cliniques-réseaux pour pouvoir donner cette accessibilité-là surtout dans les régions urbaines en heures, là, étendues, là, ce qu'on appelle chez nous, là, des heures défavorables.

Donc, vraiment, il doit y avoir là un engagement et du gouvernement et des médecins à développer ce réseau-là, à y participer et, en ce sens-là, les médecins de CLSC peuvent mettre l'épaule à la roue. Déjà là, il y a des cliniques-réseaux qui sont sises en CLSC. Ça pourrait être également d'autres CLSC qui puissent être identifiés comme ayant un plateau technique suffisant pour supporter une clinique de sans-rendez-vous efficace, parce qu'idéalement ça prendrait de la radiologie sur place pour pouvoir être capable, là, d'au moins régler le cas des patients, puis éviter de les envoyer à l'hôpital, et qu'ils aillent engorger l'urgence. Donc, il y a cette composante-là d'un réseau d'accessibilité, d'un filet de sécurité, finalement, quand les GMF ne sont pas capables de suffire à la tâche.

Par contre, le réseau des GMF ont quand même l'obligation de donner, en fonction du nombre d'inscriptions qu'ils ont, un nombre d'heures d'accessibilité, incluant le soir et les fins de semaine, là. Donc, on a déjà ce réseau-là qui est tout de même assez développé et on a au-delà de 5 % de nos médecins qui participent, qui donnent des services en GMF, déjà, là, qui sont déjà des CLSC-GMF, comme on appelle.

Mme Lamarre : Là, il n'y a plus beaucoup d'argent, et, je pense qu'on n'en a même plus du tout, là, ce qu'on nous dit. On soupçonne qu'on n'en a plus beaucoup, on l'a tout donné dans le rattrapage. Il n'a pas encore été servi, mais il y en a une partie qui a été donnée et on n'a pas les services. On a des structures, des infrastructures qui sont quand même là, les GMF, il y a des heures d'ouverture, mais il n'y a pas des heures d'ouverture complètes, là. Le samedi à 4 heures, si vous vous coupez un doigt, il y a à peu près juste l'urgence où vous pouvez aller, et ce n'est pas nécessairement un cas qui justifie le recours à l'urgence. Alors, est-ce que vous pensez qu'il y a une mobilisation qui est possible pour faire en sorte qu'on retravaille tout ça? L'accès adapté m'apparaît une option, mais l'accès adapté, encore, il ne nous garantit pas la disponibilité les soirs et les fins de semaine. Vous appelez ça des heures défavorables, mais moi, je pense qu'en santé il n'y en a pas, d'heures favorables ou défavorables. On ne choisit pas quand on est malade, et il faut avoir une certaine disponibilité de première ligne à différents moments, incluant toutes les heures de la fin de semaine, pas la nuit, là, mais on s'entend, là, que de 9 à 5, de 9 à 6, le samedi, le dimanche, on n'a pas ça, là, actuellement, on n'a pas ça, ni dans les CLSC ni dans les GMF.

M. Dion (Sylvain) : La disponibilité des médecins pour consolider ce réseau-là, il faudra qu'on aille la chercher. Il va falloir qu'on mobilise les médecins à embarquer là-dedans, et ce n'est pas avec l'approche du projet de loi que les médecins sont actuellement intéressés à donner un coup de main au ministre de la Santé, ça c'est clair.

Mme Lamarre : D'accord.

M. Dion (Sylvain) : Et, l'autre élément, vous parliez tout à l'heure que l'argent a été dans le rattrapage des médecins, mais il y a quand même, là, des coûts de fonctionnement qui vont être nécessaires, là, pour faire fonctionner ces cliniques-réseaux-là, ou supercliniques, comme il y en a eu d'annoncées. Ça va prendre du personnel infirmier, puis, bon, je ne pense pas que ce soit avec l'argent du rattrapage que ça aurait été financé de toute façon, là. Il y a de l'investissement pour améliorer les services à la population. Tout ça pour dire que, tant pour améliorer l'accès à un médecin de famille en heures prolongées, comme vous le décrivez, que pour assurer à un plus grand nombre de médecins l'accès à son médecin de famille, qu'ils puissent en avoir un, il y a là un engagement qui doit être pris entre le gouvernement et les médecins pour dire : On se donne tant de temps puis on monitorise où est-ce qu'on s'en va. Et vous comprendrez que la crise qu'on vit actuellement et surtout le contexte dans lequel ça s'est vécu, il y a là un électrochoc pour les médecins, là, puis là je ne veux pas... je ne voudrais pas que le ministre se glorifie de cet électrochoc-là, mais il y a quand même là, je dirais, une crise qui a été créée au Québec qui fait en sorte que les médecins sont prêts à se mobiliser, et c'est en ce sens-là, nous autres, qu'on travaille avec nos médecins en CLSC pour que, même à l'intérieur d'une pratique plus spécifique qu'ils auraient, ils puissent également mettre l'épaule à la roue à la hauteur de leurs compétences et de leur type de pratique.

• (16 h 50) •

Mme Lamarre : J'ai peu de minutes, je vais vous lancer mes trois idées qu'il me reste. Moi, ce que j'entends quand vous me dites que vous êtes obligés, comme médecins, de faire des photocopies puis de faire des choses comme ça, il y a de l'optimisation de base, et, à un moment donné, de ne pas faire faire les bonnes choses par les bonnes personnes, ça coûte très cher. C'est un peu comme quand on décide d'envoyer tout le monde à l'urgence plutôt que de les soigner ailleurs, ça coûte très cher, et là il y en a, de l'argent à économiser et à récupérer. Donc, un élément.

Les liens aussi deuxième ligne-première ligne, moi, j'en entends beaucoup parler. Vous parliez de l'intérêt des jeunes médecins d'aller travailler parce qu'ils ont un retour rapide, donc les liens entre spécialistes, omnipraticiens, et j'entends de part et d'autre : les résultats n'arrivent pas assez vite du spécialiste ou la consultation qui arrive du médecin de famille, c'est juste un mot sur un papier, puis on repart à zéro et on perd du temps.

Et l'autre dimension, c'est la rémunération mixte. C'est un gros défi. Mais vous aviez tout ça dans votre mémoire.

M. Dion (Sylvain) : Sur le support à la pratique, vous parlez du clérical, l'accès à un dossier médical électronique, actuellement, là, pour avoir accès, en CLSC, à un dossier médical électronique, tu dois être GMF. Est-ce qu'on pourrait avoir une autre approche, là, pour permettre à l'ensemble des médecins d'avoir accès à un dossier médical électronique?

Ce qu'il faut comprendre sur le support, il y a des établissements qui supportent bien leurs médecins de CLSC, mais il y en a d'autres qui disent à leurs médecins : Vous ne devriez pas pratiquer ici. Allez au cabinet en face. Je ne pense pas que c'est très, très gagnant-gagnant parce qu'on nos médecins...

Mme Lamarre : Qui doit faire ça à ce moment-là? Est-ce que ce sont les gestionnaires qui n'ont pas assez de pouvoir?

M. Dion (Sylvain) : C'est les gestionnaires qui...

Mme Lamarre : Qu'est-ce qu'il faut faire pour que les bonnes personnes fassent les bonnes choses partout au Québec?

M. Dion (Sylvain) : Il va falloir à un moment donné que le ministère... Puis je suis bien heureux d'entendre que le projet de loi n° 10 va... ce n'est plus un projet, là, que la loi n° 10 va...

Mme Lamarre : On est loin, là.

M. Dion (Sylvain) : ...permettre de dire aux administrateurs : Vous allez supporter vos docteurs, vous allez leur donner une secrétaire qui va faire l'inscription des patients puis qui va leur donner du support de secrétariat, classer les rapports dans le sens du monde, etc. Donc, ça, c'est une chose.

Sur la deuxième...

Mme Lamarre : On a un conseil d'administration qui va gérer 500 000 habitants et qui va aller jusqu'à des détails comme ceux-là.

M. Dion (Sylvain) : Je rêve... pas «je rêve», je suis très nostalgique de mon CLSC que j'avais à Lac-Etchemin avec son conseil d'administration qui desservait 17 000 de population. Maintenant, j'ai un gros CISSS Chaudière-Appalaches. Ceci dit, la parenthèse est fermée.

Première, deuxième ligne. Bien d'accord avec vous. Je pense qu'il faut améliorer l'environnement de pratique de nos médecins pour que ce soit davantage attractif, mais il va falloir également que nos médecins comprennent que c'est là qu'on doit se diriger, puis peut-être que, mais qu'on ait livré la marchandise, on sera capable peut-être de mettre davantage de pression auprès du gouvernement pour dire : Il faut que tout le système fonctionne, et pas seulement la première ligne, mais que les liens entre la première et la deuxième se fassent.

Mme Lamarre : Mais aussi mettre le patient au coeur de ça, là. Quand on s'échange de l'information, on sait très bien que cette information-là, si c'est juste un mot sur une demande de consultation, ça n'aide pas le patient, ou si on retarde le retour d'une évaluation par un spécialiste à un médecin de famille, on n'aide pas le patient, là.

M. Dion (Sylvain) : Je suis d'accord avec vous. Sur la rémunération mixte, vous vouliez savoir quoi?

Mme Lamarre : Bien, vous aviez parlé de ce modèle-là dans... Vous aviez : Mettre en place un mode de rémunération, votre recommandation n° 5. À quoi vous pensiez?

M. Dion (Sylvain) : C'est quelque chose qu'on travaille déjà depuis plusieurs années pour... Actuellement, la rémunération est sur base de temps uniquement, avec des forfaits qui sont versés selon le nombre de patients qu'on suit. On veut faire évoluer cette rémunération-là pour maintenir quand même un certain forfait quotidien qui couvre l'ensemble des activités du médecin et de rajouter une composante d'actes pour les patients qui sont vus. À l'intérieur de ça, ce que ça permet de préserver, c'est notre modèle de pratique, mais on ajoute un élément d'efficience avec la rémunération à l'acte.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, je cède la parole à notre collègue de Lévis pour huit minutes.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Dr Dion, Dre Risi, Dre Commisso. Je vais vous permettre de continuer un peu, c'est intéressant. C'est un des points aussi, la rémunération que vous souhaiteriez, la rémunération mixte, c'est-à-dire ce que l'on vit présentement, à l'acte, à, quoi, 80 %, par rapport à une rémunération qui pourrait tenir compte de la prise en charge, bon, ce qui est aussi proposé par de vos collègues, des médecins, le milieu. Ça fait aussi partie de la solution, on doit passer par là.

M. Dion (Sylvain) : Pour les médecins de CLSC, il est évident que, quand on pense à la rémunération mixte, il y a là une composante qui est liée à l'efficience, au nombre de patients que tu vois. Donc, on trouve là... Puis, on ne se le cachera pas, là, les médecins qui sont allés en CLSC, là, allaient là parce qu'ils n'avaient pas à se casser la tête avec rien, hein? C'était un tarif horaire qui était versé. On perd peut-être un petit peu, là, la notion de — je n'aime pas ça utiliser le terme, mais appelons un chat un chat — la productivité, et on est d'avis, nous, que cette mesure-là, de la rémunération mixte, va créer un nouvel environnement au niveau de la rémunération, une nouvelle façon de voir les choses qui devrait donner des résultats positifs. C'est ce qu'on vise. Et, bon, en même temps, il y a comme un genre d'incitatif qui est créé à l'intérieur de cette rémunération-là.

Par contre, il faut qu'on garde une base forfaitaire. Il n'y a pas un mode de rémunération qui est pratique... qui est, je dirais, idéal, qui est parfait. Ce qu'on avait comme chance au niveau de la pratique en CLSC, c'est que, quand on fait des téléphones à nos patients, qu'on règle des problèmes, quand on fait des représcriptions, on est rémunérés pour ça. Donc, on veut garder notre base forfaitaire pour reconnaître cette partie-là de notre pratique parce qu'on évite au patient de prendre un rendez-vous pour rien pour avoir ses résultats d'examen, là. Donc, pour le patient, il y a un gain là, puis c'était beaucoup apprécié, on veut préserver ça tout en rajoutant l'autre composante qui est plus une rémunération à l'acte pour les patients, là, qui sont évalués.

M. Paradis (Lévis) : Je reviens sur votre pratique personnelle, votre réalité à vous. Vous me dites : On est 1 000 médecins de CLSC omnipraticiens; madame travaille pour l'une, davantage en santé publique. Vous faites beaucoup avec, bon, clinique jeunesse, etc. Alors, c'est une clientèle qui est très différente. Est-ce que je comprends, à travers ce que vous me dites, que le projet de loi n° 20, tel qu'il vous est présenté, pour votre pratique et votre réalité, fait en sorte que vous auriez beaucoup de mal à être productifs et atteindre les gains d'efficacité que l'on demande lorsqu'on s'adresse à vous dans un projet comme celui-là?

M. Dion (Sylvain) : Premièrement, vous le décrivez bien, nos pratiques sont hétérogènes en CLSC, donc le modèle, l'approche proposée par le projet de loi avec du mur-à-mur, on voit mal comment est-ce que ça pourrait atterrir dans nos milieux.

Ceci dit, toute l'approche des quotas de nombre de patients, elle est là, la difficulté. On parlait tout à l'heure... Moi, je fais plus une pratique de type ambulatoire. Ça ressemble beaucoup à ce qu'un médecin fait en cabinet. Par contre, j'ai des collègues qui ne font que de la santé mentale jeunesse. Est-ce qu'on peut s'entendre que, quand il rentre un jeune dans leur bureau, ça prend plus, là, que 20 minutes, là, pour voir ce patient-là et que, les évaluations, ça inclut également beaucoup de contacts avec le centre jeunesse, avec l'école, avec un psychologue, etc. Donc, l'approche qui est proposée ne rejoint pas nos types de pratique que l'on a en CLSC.

M. Paradis (Lévis) : Quelle est la réalité? Je me permets, vous avez vos collègues avec vous, puis, bon, je comprends, mais je ne veux pas non plus forcer la voix à qui que ce soit. Mais cette réalité-là dont vous me parlez, par exemple, du suivi d'une clientèle jeunesse, du suivi d'une clientèle en fin de vie également, vous en parlez, vous avez même dit et vous écrivez : Le p.l. n° 20 entre en contradiction avec certains des principes déontologiques les plus fondamentaux. Et il y avait une pensée derrière ça. Permettez-moi de comprendre un peu ce que suppose le projet de loi par rapport à une pratique collée sur une intervention jeunesse, par exemple.

Mme Comisso (Adriana) : Bien, je peux vous expliquer, en fait, la clinique jeunesse, comment ça fonctionne chez nous. On a des infirmières qui ont maintenant des ordonnances collectives. Donc, ça, c'est une façon aussi d'augmenter l'efficacité. Nos infirmières sont capables de voir les patients qui viennent pour un dépistage d'infections transmises sexuellement, par exemple, de les voir sans que le médecin ait à intervenir. Donc, elles vont faire le dépistage, prescrire les tests, et même les patients qui ont des tests positifs, donc qui ont une infection à gonorrhée ou à chlamydia, par exemple, mais qui sont asymptomatiques toujours, elles vont pouvoir leur prescrire encore une fois la médication nécessaire, le traitement sans que le médecin ait à intervenir. Donc, ça, ça donne beaucoup d'autonomie à l'infirmière, c'est très intéressant. Et puis il faut un médecin répondant par contre, donc, moi, je suis là, je suis dans la clinique ITSS ce matin-là. Je vais voir les patients qui ont des symptômes, tout ce qui demande mon expertise, finalement, mais les infirmières sont capables d'avoir une certaine autonomie, mais je suis le médecin répondant. Il y a aussi des infirmières dans les écoles.

Il y a des infirmières qui travaillent dans les écoles, il n'y a aucun médecin, mais on est disponibles pour eux. S'il y a un jeune qui cause problème, bien, à ce moment-là, on va pouvoir répondre pour eux. Elles vont pouvoir nous appeler. Mais ça, ça demande à avoir une rémunération à tarif horaire, hein? Donc, moi, je ne peux pas... je ne charge aucun acte, je fais juste aider l'infirmière. Donc, ça, c'est juste un exemple, puis ça, c'est le programme jeunesse.

Il y a plusieurs programmes comme ça dans les CLSC. Ces programmes-là sont en péril. Si jamais le projet de loi n° 20 passe, à ce moment-là, il n'y a plus aucun médecin. Moi, je ne vais pas pouvoir atteindre mes quotas, je ne vais pas pouvoir avoir assez de patients à mon nom, inscrits à moi. Donc, c'est un exemple pour vous donner.

M. Dion (Sylvain) : Le lien avec la déontologie, ce que nous, on voit dans ce projet-là, c'est que le projet de loi va faire en sorte d'amener les médecins à prendre des patients moins lourds pour pouvoir aller atteindre les quotas qui leur sont demandés.

M. Paradis (Lévis) : Et là on vous dira qu'il y a une pondération, on vous en a parlé il y a deux instants.

• (17 heures) •

M. Dion (Sylvain) : Mais, un, on ne la connaît pas, et, deux, ce qu'on vous illustre, c'est que ça va devenir d'une complexité bureaucratique qui n'a pas d'allure, là. Donc, sur le plan déontologique, il y a ça. L'autre affaire sur le plan déonto, c'est que c'est évident que, si à un moment donné, tu as une obligation de faire un travail à la chaîne, nous autres, on craint là qu'il y a une menace à la qualité de la pratique et du suivi qu'on fait à nos patients.

M. Paradis (Lévis) : Je reviendrai sur la notion des AMP, parce qu'il s'est dit beaucoup de choses là-dessus, puis il s'en dira encore beaucoup. Vous avez prôné, vous avez expliqué que l'on devrait revoir le principe des AMP. D'aucuns suggèrent, et nous en sommes, d'abolir graduellement les AMP en évitant les bris de service, en le faisant à partir de cohortes qui ont davantage d'expérience, donc de le faire sur une période donnée en monitorant, si vous me permettez, là, en regardant, en ayant des indicateurs pour éviter les bris de service dont je vous parlais. Et certains diront : Bien, on risque d'avoir un désengagement total, créant le chaos, parce que tous les omnipraticiens voudront donc quitter pour s'en aller en cabinet.

Votre vision de ça. Est-ce que vous craignez... Est-ce que vous y croyez, à une abolition graduelle des actes médicaux particuliers?

M. Dion (Sylvain) : Je pense, moi, qu'il faut qu'on y aille progressivement dans cette matière-là, et, le plus important, comme je le disais tout à l'heure, c'est qu'on passe un nouveau message. S'il y avait un AMP à offrir au Québec, ça devra être de la prise en charge et du suivi de patients dans la communauté.

Ceci dit, est-ce qu'on risque de créer une pénurie en milieu hospitalier? J'en doute fort, parce que, quand même, les médecins qui y pratiquent actuellement, les médecins de famille, ils font un travail qui est intéressant, d'une part, mais ils sont également conscients, là, que, s'ils désertent le bateau, ça va être le fouillis total, et il doit y avoir une transition là-dedans pour un nouveau partage avec les médecins spécialistes.

Les AMP, à un moment donné, ça a peut-être eu sa raison d'être, parce qu'on comprendra que, dans les années 90, on avait créé une très grande pénurie de médecins avec un programme de mises à la retraite qui nous a fait énormément mal. Avec l'effet concomitant de la mise en place des AMP qui amenaient les gens dans les établissements, on s'est retrouvés, en première ligne, avec un important déficit de médecins, là. Donc, pour ce qui est des AMP, il faut aller progressivement.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, on va céder la parole maintenant à notre collègue de Mercier pour trois minutes.

M. Khadir : Merci. Dre Risi, Dre Comisso, Dr Dion, bienvenue. Vous savez, moi-même, je suis spécialiste en maladies infectieuses, mais mes docteurs préférés, c'est les médecins de CLSC. Tellement que, bon, enfin, ce n'est pas une préférence basée sur des choix personnels, mais sur le choix collectif que nous avons fait dans notre parti de penser que ça devait être à l'alentour de CLSC, qui sont une idée vraiment géniale, mais délaissée par l'establishment médical parfois nous représentant depuis des années et les gouvernements successifs, qu'on doit organiser la première ligne, la renforcer, de sorte que nous avons même mis ça comme un des axes principaux de notre dernière campagne électorale, avec 600 millions qu'on irait chercher en négociant de meilleurs prix pour nos médicaments. Donc, pour mieux utiliser les ressources au lieu de les gaspiller en prix trop chers, au lieu de les gaspiller en prix trop chers, on renforcerait la première ligne.

Mais il faut quand même reconnaître certaines limitations, certains problèmes auxquels vous avez fait allusion, et j'aimerais que, pour aider le ministre... Parce qu'il a besoin de notre aide. Lui et moi, on connaît peu la pratique de médecine d'omnipratique. En fait, je lui en parle, parce que je suis sûr qu'il a, je dirais, la... j'essaie de trouver le bon mot quand même, pour ne pas prêter des intentions... l'humilité nécessaire pour reconnaître que, comme radiologiste, il ne connaît pas la pratique d'omnipraticien, surtout dans les CLSC.

Alors, comment ça se fait, parce qu'il y a deux versions à ça... Pourquoi, qu'est-ce qui fait que le personnel dans les CLSC ne veut pas faire le travail clérical? C'est juste une espèce de non-collaboration ou parce que, déjà, ce personnel-là est complètement dépassé par les autres exigences de leur travail et qu'ils sont mal financés?

M. Dion (Sylvain) : Au niveau des CLSC, il y a eu des CLSC qui se sont vraiment construits, qui ont été créés sur une base de besoins de services médicaux. Puis, historiquement, on voit que c'est des CLSC qui fonctionnent quand même relativement bien et où le support à la pratique est tout de même, je dirais, acceptable.

Par contre, on en a d'autres, CLSC, plus dans les deuxièmes vagues, les années 80, là, où c'étaient des CLSC dits plus sociaux, mais que, bon, il y avait quand même besoin des médecins. Le médecin, il est devenu un mal nécessaire. C'est ce qui a limité, je crois, en bonne partie... On parlait tout à l'heure, là, de l'establishment médical, mais moi, je pense qu'il y a beaucoup de directions générales d'établissement qui ne voulaient pas avoir de médecins dans leurs établissements ou, à tout le moins, c'était le mal nécessaire toléré, et les efforts pour supporter cette pratique-là n'ont pas été déployés.

M. Khadir : D'accord. Qu'est-ce qui empêchait, alors, d'avoir des accès 24 heures sur 24... pas 24 heures, mais sept jours sur sept au moins ou là où ça l'exige, les besoins le commandent, même 24 heures sur 24? Est-ce que c'est parce que les médecins et les intervenants sociaux ou autres intervenants de santé ne voulaient pas, ou c'est parce que c'est un manque de financement, ou parce qu'il n'y avait pas de besoins?

M. Dion (Sylvain) : Bien, moi, je pense que, d'une part, il y a un problème d'effectifs en CLSC, là. Autant il a été possible d'attirer des médecins en CLSC à une certaine époque, autant, dans les dernières années, ça s'est avéré être très difficile. Donc, si tu as une équipe de cinq, six médecins, tu ne peux pas avoir une accessibilité qui est étendue, comme vous le décrivez.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.

M. Khadir : C'est terminé?

Le Président (M. Tanguay) : Alors, ceci met fin à l'échange avec les parlementaires. Nous remercions donc les représentantes, représentants de l'Association des médecins en CLSC.

Et je suspends quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 6)

(Reprise à 17 h 11)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux.

Alors, nous avons l'honneur de recevoir les représentantes du Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James.

So, welcome to your National Assembly. You have a 10-minute presentation and afterwards you will have an exchange with the Members of the National Assembly.

Please, make sure just to mention your name and your functions, your responsibility within the organization. C'est votre tour de parler. Merci.

Conseil cri de la santé et des services
sociaux de la Baie-James
(CCSSSBJ)

Mme Petawabano (Bella Moses) : Thank you, Mr. President, Minister, Members or Parliament. I'm Bella Petawabano. I'm the chair of the Cree Board of Health and Social Services of James Bay.

Mme Kitty (Darlene) : And I'm Dr. Darlene Kitty, family physician, Chisasibi Hospital, president of the Council of physicians, dentists and pharmacists for region 18.

Mme Petawabano (Bella Moses) : On behalf of the Cree Board of Health and Social Services, I would like to thank you for allowing the board to address Bill 20. That assistance deeply concerns us, given its potential impacts on the maintenance and sustainability of access to medical services in a board's territory.

Our presence here today also underscores our unconditional support of the Council of physicians, dentists and pharmacists as to the detrimental consequences of Bill 20 in its current form, as outlined in the memoire of the Cree Board of Health.

The memoire prepared by the CPDP explains the difficulties of recruiting physicians to work in the Eeyou Istchee, «the people's land», that is to say region 18 of the health and social services network. She points out that the proposed requirements of Bill 20 will have a negative impact on the board's part-time and temporary doctors. This in turn will lead to a loss of physicians and a limit access to family physicians in Eeyou Istchee.

We share Bill 20 stated objective of improving access to family medicine. Our strategic regional plan strives to serve of that very objective. However, far from improving access to family medicine, Bill 20, as now drafted, would hinder it. For the reasons that Dr. Kitty will elaborate in a few minutes, the implementation of Bill 20 in its current form would lead to a massive exodus of physicians from region 18. This is simply unacceptable in a remote region like Eeyou Istchee that is already facing severe challenges, both in health conditions and in recruiting and retaining physicians.

Any measures having such effects would be contrary to Québec's treaty obligations to the Cree of Eeyou Istchee set out in section 14 of the James Bay and Northern Québec Agreement. They would also be inconsistent with Québec's undertakings in the Cree-Québec Health Agreement of 2012. One key principle of section 14 of the JBNQA is that the Cree health board has the jurisdiction over and responsibility for administering health and social services in region 18.

Another key principle is that in implementing the JBNQA and in dealing with the Cree health board, Québec must recognise and, to the maximum extent possible, allow for the unique difficulties of operating facilities and services in the north. This entails among other things: in recruiting and retaining staff, generally to ensure that working conditions and benefits should be sufficiently attractive to encourage competent personnel from outside region 18 to accept post for periods of time ranging from three to five years; in budgeting for the development and operation of Health and Social Services and facilities, to compensate for the disproportionate impact of northern costs, including transportation, construction and fuel costs. By virtue of these specific provisions, Québec commits to recognise and allow for the unique difficulties faced by the Cree health board in recruiting and retaining staff in the remote region of Eeyou Istchee. However, Bill 20 would compensate the ability of the board to recruit and retain family physicians.

As signatories of the Cree-Québec Health Agreement of 2012, the parties committed to implement the strategic regional plan of the Cree health board. A central priority of the plan is to improve access for the Cree to local health and social services trough the integrated delivery of Health and Social Services in the Cree communities. The strategic regional plan explicitly refers to the exceptional challenges faced by the board in obtaining and retaining qualified personnel to provide the health and social services needed in region 18.

These challenges include high staff turnover related largely to difficulties associated with the Nordic conditions, isolation and distance. The Cree-Québec Health Agreement includes a funding framework for the period of 2013‑2018 in order to permit the Cree health board to implement its strategic regional plan. In recognition of the historical underfunding of the board and the severe health and social challenges facing the Cree, this funding includes a development envelop to allow the board to catch up on the programs and services offered to the Cree. It will not be possible to achieve this objective without an adequate number of physicians and other health professionals.

The Cree health board has made strenuous efforts to recruit and retain physicians in order to improve access to family medicine and increase a quality of care in the Cree communities. But all these efforts would be compromised by the requirements that Bill 20 would impose on family physicians working in region 18. These requirements, which include minimum caseload, minimum number of hours, would have the negative effect of reducing the number of family physicians working with the board in region 18 and be detrimental to the health and well-being of the Cree.

This would be contrary to the treaty rights of the Cree under section 14 of the JBNQA. Québec has a constitutional obligation to consult and accommodate the Cree before making any decisions or taking any actions that might have adversely affect Cree treaty rights under the JBNQA. No such consultation has taken place. Instead, in order to secure any invitation to these hearings, the board was obliged to solicit the Committee on Health and Social services at the National Assembly, a process that does not meet Québec's constitutional duty to consult and accommodate the Cree.

As already stated, the implementation of Bill 20 in its current form would lead to address the reduction in the number of physicians and the quality of medical services in region 18. Since Cree patients would necessarily have to be treated outside the region at a much greater cost, this reduction would have the direct and no less drastic effect of increasing the cost of the non-insured Health Benefits program, which is currently under discussion with your ministry. Dr. Kitty.

• (17 h 20) •

Mme Kitty (Darlene) : The CMDP of region 18 would like to emphasize our concerns regarding Bill 20 in its current form. Rather than increased access to family physicians and medical care, it will have the opposite effect. The implications of Bill 20 will lead to a cascade of consequences for family physicians, particularly our part-time and «dépanneurs» physicians who, because of personal reasons, such as partner, children, aging parents living down in the South, their work in emergency departments, family practices and other clinics in the South... To meet quotas, number of weeks mentioned in Bill 20, these physicians will likely choose to stay in the South even if they are exempt from region 18.

Specialists and public health physicians will also be affected. The lost of family physicians will negatively impact full-time physicians remaining who will have much increased workload. And some will leave for family reasons. Medical coverage and work with nurses with «rôle élargi», recent efforts in recruitment and retention, knowledge and expertise in indigenous health and remote medicine, and teaching medical trainees will be affected.

Then, health services will decline. Physicians will focus on essential services, and clinics for community health, chronic disease management and preventive care will decrease, which will lead to a decline in health status. Significant health disparities in Eeyou Istchee and other aboriginal communities will worsen, such as diabetes, increasing complications such as heart and kidney disease, mental health, addictions and social issues. Challenges due to complexity of care and limited resources will be magnified. All this will lead to a significant decrease in the quality of care, culturally safe care and access to care in Eeyou Istchee.

Family physicians in region 18 and the rest of Québec are the backbone of the healthcare system and provide good primary care, but their autonomy, career choices and scope of practice will be reduced. Therefore, the Cree health board and the CPDP oppose Bill 20 in its current form. Our treaty rights to health, obligation to provide health and social services to the Cree must be fully respected to avoid severe impact and loss of physicians. We request an exemption from Bill 20 or that specific consideration to the bill and its bylaw be made so that our physicians can continue to serve the Cree population who, like other aboriginal communities in Québec and Canada, face many challenges in their health and social contexts.

Mme Petawabano (Bella Moses) : The Cree Board of Health and Social Services of James Bay wishes to find solutions for these issues. Thank you for your consideration and your commitment to improving health and social services in the remote regions of Québec.

Le Président (M. Tanguay) : Thank you very, very much for your presentation. Now, it is time to have an open discussion with the Members of the National Assembly, and, to that effect, for a period of 15 min 30 s, I'll let the minister ask you questions and to exchange with you. Thank you very much.

M. Barrette : Thank you, Mr. President. Mrs. Moses Petawabano and Dr. Kitty, welcome to your National Assembly for those hearings. I'm quite pleased to see that you made this trip to come here, and to address our commission, and to make sure that your point of view is well expressed and well received by us, parliamentaries, and it will be.

As you can see, at my right, with me, there's Mr. Kelley, Minister Kelley, and let me extend my welcome to all the members of your community, who made also, obviously, the trip from James Bay to this commission, and to the consultants that are accompanying... that are with you today, I know a few people of.

OK, so, to tell you the truth, I'm quite happy for you to be here to express yourselves and to make your point in terms of making sure that Bill 20 does not impact you in any way. As, obviously, you know, in our asking for this to be implemented, there are agreements between your nation and our nation in order to provide a given number of services, and there are agreements providing your authority on a large part of those services and there are agreements about financing those services. And I can tell you one thing, as of today, and that will go on for the whole process, those agreements will be honored. What exists today and what has been agreed upon will be maintained.

I can understand your first reaction and, in many ways, I would be very comfortable to tell you that your reaction to... the current status of the bill might have significant negative effects on the medical services that are provided in region 18, and, as such, I received very positively the comments that you have made a few moments ago.

That being said, I need to tell you that the bill in its current form is addressing medical services in Québec's areas outside regions, especially region 18. Clearly, there will be provisions in the bill that are not published as we speak, but that will soon be published, that will make it so that what exists today basically will remain, OK? So, roughly said, if I may, the way services are provided in your community as we speak today will remain. Your authority will remain and there will have no provision in the law that will apply negatively to you. And, by saying that, I'm addressing the issue of physicians or staff coming from the South, going to the North to provide services in your communities. It will not be possible for them to be penalized by the fact that they go to your communities.

• (17 h 30) •

There will be arrangements that will be clear, that will make it so that a physician, for instance, that comes from the South, momentarily or for a given period of time, that will go to your community to provide services... There will be provisions prohibiting any penalty to that physician based on the fact that, for instance, the ratios, their hours, their quotas or whatever are not met in the South... no, on a yearly basis because they went from the South to the North, OK? What will happen is that the way things are functioning today, and I understand, having practiced close to your community in the past, I quite understand... I understand quite well your problematics, the way services are provided, and the distances, and the dispensaries, and all that. I understand the problems that you're facing and I understand the scope of the issues that you're facing and how difficult it is to face those problems on a day-to-day basis or on a yearly basis. So, it is our intention to make sure that Bill 20 in any way will not affect you.

Now, if I can put it differently, let me just tell you, to resume in a nutshell, what you're doing today... The doctors, what they are doing today coming from the South to your community, and yourself Dr. Kitty, you will not be affected by Bill 20. Bill 20 will be adapted to your reality in both ways. It has to be adapted to your reality, and your reality cannot and will not affect a physician that comes from the South to the North. That's the way it's going to be. I cannot tell you today the details of what I'm saying, I can just reaffirm what I just said : that there will be provisions in the bill that will not allow anyone to be penalized or anyone in your community actually practicing having to change his or her own practice in order to adapt Bill 20. Bill 20 will have to adapt to you. OK?

Now, it would very interesting for me to... That being said, now that you know that we will not in any way... or we will do whatever we can... no, whatever we have to, and you will have the opportunity to, as you always have, either trough Mr. Kelley's Ministry or trough my Ministry, to express yourselves to make sure that, if there is something wrong happening, let's put it this way, we will answer your call and we will adapt the situation.

Now, that being said, can you tell me what would be the specifics of what is not working well in your community today in relationship with the South community in order to improve things? Now that you know that Bill 20 will not affect you, that being said, it doesn't mean that things are perfect in terms of medical services provided to your community. So, there must be some ways to improve that. And, since you've made that trip, I'm please to give you this opportunity to address those issues with us today.

Mme Kitty (Darlene) : Thank you, Minister Barrette. One of the things... one of the priorities that we have in addressing Bill 20 is the potential loss — and it's a highly potential loss — of physicians that work in the South. The part-time physicians and «dépanneurs» physicians, many of them work in emergency departments. We have quite a few emergency doctors from Montréal General, Royal Victoria Hospital who come up to do their «dépannage», and they are obligated obviously to work in the South because they will be expected to meet Bill 20 there, the obligations of Bill 20. So, our concern is, even though physicians working in region 18 will be exempted, the part-time and «dépanneurs» physicians may not be able to come to work because they're still obliged to meet Bill 20 in the South. So, we must find a solution for that.

M. Barrette : There is already a solution, and I can give you a rough example of the solution. The kind of work that you're addressing in your comment, not only will it be addressed, but it will be compensated in a way that a doctor working at the Montréal General doing one week a month, for instance, moonlighting in Chisasibi for instance, that doctor will be double-compensated for his work in your community. Not only will he be compensated, compensated in terms of Bill 20, not in terms of money, but he will be compensated, and, in many ways, it will be an incentive for him to go to your community. OK? We have provisions in the bill that will make it so that there is no way for that doctor, for this example... will be penalized. And, in many, many instances, it may be an incentive for him, for her to do that again and do more.

Mme Kitty (Darlene) : We appreciate that that is being considered.

M. Barrette : Rest assured that it is really, to us, our intention to make sure that there is no detrimental effect on the practices of doctors or services provided by doctors practicing mainly in the South that, today and in the future, will continue going in your community. And, if that is to happen, I will be there to answer your call because the way things are designed is to make sure that this kind of detrimental effect will not happen. As I said, we understand fully what is at stake here for you and, in many ways, you're facing more dire situations than we do in the South.

Le Président (M. Tanguay) : Thank you very much. Now...

Mme Kitty (Darlene) : ...

Le Président (M. Tanguay) : Sure.

Mme Kitty (Darlene) : ...many, many cases when our physicians work very hard. Sometimes, we're on planes escorting patients to the South. We lose doctors for a day because they're down bringing that patient to ICU. And, over the years, it has come to a comfortable level because of our recruitment efforts. And, in the last year or so, we've actually come up to a level that's very built... well-balanced medical team built of family physicians and some emergency doctors, specialists — we suffer a shortage right now, but we're trying to recruit specialists — and, all together, we strive to give care to the Cree nation. Of course, you realise that indigenous health and social issues are paramount in our regions and other regions in Québec, and it's great that we've built this team. Now, we're afraid our efforts will be set back because of Bill 20.

M. Barrette : ... again, rest assured that we will do whatever we need to do to make sure that what you have today will remain, and that goes for both GP's and specialists.

Le Président (M. Tanguay) : Thank you very much. And now, in order to allow our Minister responsible for the Native Affairs to have a conversation with you, I need to have the consent of the colleagues.

Est-ce qu'on a le consentement pour laisser le ministre des Affaires autochtones... Oui? Alors, M. le ministre.

M. Kelley : Merci beaucoup, M. le Président.

Just very quickly, welcome. I'd like to thank the Minister for his opening. I met with one of your «dépanneurs» doctors from Chisasibi who lives in my part of the world and works in your part of the world, and I had a long conversation with the Minister earlier about the unique mix because you have the doctors that live permanently in your communities, but the swing team, the «dépanneur» team, play a role that's very important.

A number of agreements have been signed in the past. I think I see Marcel Villeneuve in the room, and we signed an agreement in 2005 that was very forward looking in terms of our relationship with the Cree nation. It created, I think, the first department of public health in a First Nation and across Canada, so it's really something very innovative. So, we have to continue to build on the strength of it.

With our former colleague Yves Bolduc, I was in Mistissini recently, and there's a magnificent clinic that he authorised when he was Minister of Health. And very rarely in the life of a politician we get to see the realisation of something we had a hand in and getting trough the various comities and cabinet and get approval, and go to Treasury Board and all those other things. So, we were in Mistissini. It's a magnificent building, it's a very forward-looking building.

So, I came here today to listen to my colleague but just to assure you that we will work together to make sure that the specific reality of the Cree, when it comes to providing health care and their work with the Québec Government, we take that into account. It applies to the Inuit as well, in Northern Québec, who have their own realities in Kuujjuaq and Puvirnituq and everything else. So, I thank you very much for bringing the Cree reality to our reflections today.

Le Président (M. Tanguay) : Thank you very much. Now, I'll turn to our colleague from the opposition. Et je vais laisser la parole à notre collègue de Taillon pour une période de 11 minutes.

• (17 h 40) •

Mme Lamarre : Merci beaucoup, M. le Président. Mme la présidente Petawabano, Dr Darlene Kitty, je vais poser mes questions en français. Je comprends bien l'anglais, donc vous pourrez répondre en anglais, mais je vais poser mes questions en français, si vous permettez.

D'abord, je veux vous dire que je suis très contente de vous rencontrer. Le 18 février dernier, nous avons eu, le Cercle des femmes parlementaires, une première rencontre avec le congrès des femmes élues de l'Assemblée des Premières Nations. Il y avait 60 femmes des Premières Nations qui ont rencontré toutes les femmes députées de cette législation, tous partis confondus, et ça a été vraiment une occasion de bien comprendre les réalités que vous vivez.

Vous avez parlé, dans votre présentation, de maladies comme le diabète, de santé mentale, de dépendance. Les conversations que j'ai eues avec les femmes, les chefs des Premières Nations étaient sur les difficultés d'accès à la dialyse pour des patients diabétiques. Je suis pharmacienne et je sais comment ça fait une différence d'avoir accès ou non-accès à la dialyse, et comment l'accès vous oblige à vous déplacer loin de votre milieu de vie pour avoir accès à ces services importants et essentiels, et les choix difficiles parfois que des membres de votre communauté doivent faire en finalement décidant de ne pas avoir accès à la dialyse pour ne pas s'éloigner de leur milieu de vie. Et je trouve que c'est terrible qu'en 2015 on soit obligés de faire des choix aussi difficiles que ça et que les gens de vos nations soient difficilement... aient ce genre de difficulté d'accès.

Alors, je vous remercie beaucoup pour la qualité du mémoire que vous avez déposé et pour la présentation que vous avez faite. J'ai bien entendu les commentaires du ministre, et je suis contente, et je crois que vous pouvez vous fier sur nous pour valider et nous assurer que ce qu'il a dit arrivera. Mais je ne peux m'empêcher d'être surprise et déçue qu'il n'ait pas prévu, et écrit, et rédigé déjà, dans le projet de loi n° 20, sa vision pour les gens de votre communauté. Ça vous aurait évité probablement beaucoup de préoccupations ou d'incertitudes, et je crois que c'était quelque chose qui normalement aurait dû être inclus dans le projet de loi n° 20, parce que normalement on doit penser à ces choses-là avant de déposer un projet de loi. Nous allons bien suivre les amendements et nous allons nous assurer que vos représentations seront bien entendues.

Vous avez, dans votre mémoire, deux tableaux très intéressants, un à la page 19 et un à la page 27. Vous nous montrez comment, sur vos territoires, il y a un équilibre fragile entre les médecins à temps complet, les médecins à temps partiel et ceux qui sont dépanneurs. En fait, si on regarde à la page 27... Alors, à la page 27 de votre mémoire, nous voyons qu'il y a une augmentation du nombre de médecins entre 2011 et 2015... «Page 27».

Mme Kitty (Darlene) : Sorry, we're looking at the English version.

Mme Lamarre : Oh! Maybe...

Mme Kitty (Darlene) : The page numbers don't match. We got it.

Mme Lamarre : It's just the personal medical staffing. Sorry! OK.

Ce que l'on voit, c'est que, pour des médecins que vous aviez un certain nombre en 2011, il y a eu une augmentation en 2015, mais que, dans l'ensemble des médecins que vous avez, sur 140 médecins, vous en avez 119 qui sont soit à temps partiel ou des dépanneurs, ce qui rend vos effectifs médicaux particulièrement vulnérables et fragiles, et pour lesquels un changement de législation peut faire une différence dans cet état que vous avez acquis. Est-ce que vous pouvez nous parler des facteurs qui ont permis, quand même, d'avoir l'augmentation du nombre de médecins entre 2011 et 2015?

Mme Kitty (Darlene) : This increase is due to the many efforts of our physicians who teach medical students and residents over the years. These medical trainees return to the North and become «dépanneurs» or permanent physicians. It also is because we reach out to career fairs, and medical schools, and the family medicine programs here, in Québec, to trying to recruit physicians.

Because of the way we work and the team building that we've been doing over the last couple of years, word gets out to other physicians that have not come to the North as a medical student or resident, and they tell others. So, the results of those numbers in recruitment show that. And also it attracts people who are physicians who enjoy remote medicine and challenges of working in aboriginal communities.

So, over the years, it's a very good increase, but it's very fragile, it's a delicate balance, and there's always some turnovers, because physicians return to the South because their young children are starting school, because their partner cannot get a job in the North, they seek for their training, and there are many other reasons like that, that's very individualized for those physicians.

If we are looking at Bill 20 and we had to think of the worst possible situation, we totaled the number of part times and «dépanneurs» and compare it to the total, and we get 85%. 85% of our total physicians have a potential to leave the territory if Bill 20 goes through and applies to us. And that leaves barely no... hardly no physicians in our territory.

In our territory, although it's 16 000 across nine communities, almost 17 000, a few numbers of non-Cree but mostly Cree, the challenges they face in their medical needs, the health care problems that they have, social issues... we need physicians to come and work, learn about the culture, learn about the health problems and interact in the communities, and they enjoy this, and that's what attracts them, and that's what helps us recruit, but that balance is so thin, so it's important that we retain physicians as much as possible.

We have other challenges, like housing for physicians, you know, and we also have three new clinics starting to be built in the coming years and a new hospital.

Le Président (M. Tanguay) : Thank you very much. Now, we'll let our colleague from Duplessis ask you a couple of questions. Thank you.

Mme Richard : Bonjour, Mme Petawabano, Mme Kitty. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Je dois vous dire que je suis extrêmement contente de vous entendre, que vous savez, je...

Une voix : ...

Mme Richard : O.K. On me dit de parler plus lentement, là. Dans mon coin de pays, je parle assez vite, puis, comme le temps nous manque souvent, j'ai ce défaut-là de parler très, très vite. J'ai adoré vous entendre, parce que j'ai beaucoup de similitudes avec vous. C'est ma réalité, en Basse-Côte-Nord, sept communautés autochtones pas reliées par le reste du monde par un réseau routier. Écoutez, l'hémodialyse, moi aussi, j'ai eu à défendre ce dossier-là pour qu'on puisse l'implanter dans ma région, parce que, sinon, et ça fait partie surtout des réalités des peuples autochtones, le diabète, et tout ça, donc ils devaient s'expatrier.

J'ai entendu le ministre, je vous le souhaite sincèrement, que ça ne soit pas votre communauté ainsi que les médecins qui s'adaptent au projet de loi n° 20, mais que le projet de loi n° 20 s'adapte aux réalités qu'est le Québec de ses régions nordiques, qu'est le Québec également.

Je veux vous poser une question. Il ne me reste pas beaucoup de temps. Est-ce qu'après avoir entendu le ministre de la Santé vous croyez, vous avez un espoir que celui-ci ait compris vos réalités et que celui-ci fasse une exception pour votre communauté? Je le souhaite sincèrement. Je peux vous dire, je vais vous laisser la parole, mais je peux vous dire qu'en terminant, de ce côté-ci, moi, je vais m'assurer que le ministre respecte sa parole puis je vais continuer à débattre pour qu'il ait la même ouverture pour mon coin de pays. Je veux vous entendre, si vous croyez réellement que le projet de loi n° 20 ne viendra pas compromettre les services chez vous.

Le Président (M. Tanguay) : You have 30 seconds left.

Mme Kitty (Darlene) : I am more reassured, but not completely until I see it in black and white on paper. I think it is very important to realize that our physicians need those special considerations. As I reemphasize, part-time and «dépanneurs» physicians need to have some sort of credit for the work they do in the South plus in the region 18, and not be penalized, and they can still achieve their commitment to the North and do the work that they love to do up there.

Le Président (M. Tanguay) : Thank you.

Mme Kitty (Darlene) : It is very hard work and they want to come but we fear the worst with this bill and I am glad at least this will be considered. Just one more point for the dialysis.

Dialysis, we already have services, a satellite unit in Chisasibi Hospital, 19 patients right now receiving dialysis there three days a week. We anticipate in the near future this might go to six days a week because our dialysis needs are growing and also, in Mistissini, they just opened a dialysis clinic there. I'm not sure exactly how many people right now. They just started with the nurses training, the laboratories there. So, we anticipate, though, that we will have more need for dialysis in the future and it is because of the chronic kidney disease that we see for... because of diabetes and other kidney diseases that cause kidney failure and will eventually lead to dialysis. So, our family physicians follow these patients and, because of the complex nature of their care, we have to be more informed and adapt at caring for patients with kidney disease to try and prevent that progression, but inevitably we will have more Cree patients on dialysis in the coming years.

Le Président (M. Tanguay) : Thank you very much. It is time now to let our colleague from Lévis to speak, and he asked us to give you part of his time, 1 min 30 s. So colleague, you have 6 minutes left. M. le député de Lévis, pour six minutes.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Mme Petawabano, Dr Kitty, merci. Votre mémoire est extrêmement instructif. Vous avez une réalité que vous décrivez parfaitement, et les gens qui nous écoutent et nous regardent comprendront l'importance de votre présence ici et le besoin d'être rassurées en vertu d'un projet de loi qui, manifestement, tel que présenté, a raison de vous faire craindre et de provoquer des inquiétudes. Ma collègue de Taillon parlait de données qui sont extrêmement intéressantes. Il y en a plusieurs : bien sûr, les effectifs et la répartition de vos effectifs, la fragilité de ceux-ci, de même que, en pages 18, 14, bon, l'état de santé de la communauté et les problématiques auxquelles vous devez faire face. Le ministre vous a rassurées en vous disant que vous ne seriez pas touchées. Je comprends, cependant, que vous auriez souhaité être consultées avant que ne soit présenté le projet de loi n° 20, ce qui n'a pas été le cas. Confirmez-moi.

Mme Kitty (Darlene) : We were not consulted.

 (17 h 50)

M. Paradis (Lévis) : Dites-moi l'effet immédiat du projet de loi n° 20, celui dont on discute, chez les médecins qui aujourd'hui vous donnent des services. Outre le fait qu'ils vous manifestent une inquiétude également, est-ce qu'il y a des réactions automatiques? Je vous explique. Des professionnels nous ont dit que certains médecins de famille songeaient déjà, nonobstant les propos du ministre pour votre communauté et la région 18... que les médecins de famille souhaitaient déjà... ou pensaient déjà à quitter le milieu de la médecine familiale. Des gens disaient : Nous irons ailleurs. Est-ce que les médecins, le personnel soignant qui travaille avec vous, ont manifesté ces inquiétudes? Est-ce qu'il y a déjà des signes concrets qui vous font craindre le pire?

Mme Kitty (Darlene) : Definitely. There is already one physician leaving from Chisasibi and I am sure others... Most of them have families in the South or young children. There are some young couples in the North with babies, but eventually they will leave for the South when their kids start kindergarten, but they might end up leaving sooner because they are parents or grand-parents in the South, and many of the physicians that are part time or «dépannage» already work down South. Their homes are there, their families are there, and, you know, it's very isolating when you are working up in the North, you are away from your family. So, if Bill 20 happened, we fear that most of the physicians will stay in the South, although they don't want to, and that leaves the bare minimum physicians left in the territory to run clinics.

In Chisasibi hospital, we need five physicians to run the hospital; in the Mistissini clinic, four physicians minimum. And, in the villages, the smaller communities, they will loose their physicians because their priorities will be more to those busier, larger communities. And, you know, obviously, the health services will be impacted because their physician is part of the health care team and we work closely with the nurses in the communities, especially in Chisasibi and Mistissini, and also with other health professionals there.

And also we have other obligations, administrative work, teaching medical students in residence, and, if they see this happening with Bill 20, they are not going to come to the North, they might do family medicine residency somewhere else other than Québec, and the medical students won't choose family medicine for residency. So, it has a ripple effect, and we rely so much on medical student in residence. We enjoy teaching them about our health of the people, the culture and alternative approaches to treating our patients using culturally safe practice. So, this is all going to be lost if Bill 20 happens, say, tomorrow, and that's why, as soon as we heard, we had to start working on preparing our position to oppose Bill 20 and present our concerns.

M. Paradis (Lévis) : Le défi que vous avez, ce que vous me racontez, c'est de maintenir vos équipes qui sont dévouées et qui ont une tâche à accomplir hors de l'ordinaire, et vous en faites mention à la page 21. Vous parlez du rôle et de l'emploi du temps des médecins de famille chez vous. C'est énorme, ce que l'on a à accomplir. Le temps requis n'a pas de commune mesure avec le travail d'un médecin de famille en zone urbaine, par exemple à Québec ou à Montréal, à la lumière de ce que vous me présentez.

Vous me parlez d'enseignement, de jeunes qui pourraient choisir d'aller vers une autre voie.

Le Président (M. Tanguay) : En quelques secondes, malheureusement.

M. Paradis (Lévis) : Est-ce que vous sentez, là aussi, que des choix se font et vous craignez que des gens changent de profession en raison du projet de loi tel qu'il est?

Mme Kitty (Darlene) : It's very possible.

Le Président (M. Tanguay) : Thank you very much.

Mme Kitty (Darlene) : If they are forced to stay... to train in Québec and stay under Bill 20 legislation, they won't want to choose family medicine.

Le Président (M. Tanguay) : Thank you very much. Now, it's time for our colleague from Mercier, the riding of Mercier, to have a two-minute conversation with you. Collègue, three, trois.

M. Khadir : (S'exprime en cri) ...à tout le peuple, en fait, à tous les gens d'Eeyou Istchee qui sont avec vous.

• (18 heures) •

Je voudrais vous... I would want to insure you that you're not the only ones that the Government has not consulted over this bill. In fact, every other group that has come here and every group that we have consulted, professionals, directions of health care, health care facilities, people in the universities who are involved in, you know, finding solutions for access, nobody, strictly nobody has been consulted by the Minister — or unless we don't know — because up to now... So, you have not been the only ones, and it's not a directed discrimination. Unfortunately, we have all been discriminated by this non-democratic approach of this Government.

I have heard the response of the Minister to your preoccupations. It's good, but I think it would be wrong that the Government considers that as a favor given to your people, because we consider, in my party, that, for so long, your people has been dispossessed from unmeasurable amounts of resources, billions, literally, of natural resources, for example, in return of which, I think, it wouldn't be exaggerated... Correct me if I'm wrong, it wouldn't be exaggerated at least partially to compensate all the wrongdoings, all the insufficiencies of our past policies, that today the health care facilities in Eeyou Istchee could include dialysis program, a comprehensive dialysis program, because it's an important aspect of the problems that you see. I don't think it would be exaggerated, am I wrong?

Mme Kitty (Darlene) : It's much less expensive to prevent kidney diseases or monitor it in early stages than to build dialysis units. So, how do we do that? We need family physicians to do that, and nephrologists.

M. Khadir : Of course. So, what I'm saying is that I think it wouldn't be exaggerated, from my point of view, that the people, the Cree people...

Le Président (M. Tanguay) : 10 seconds.

M. Khadir : ...asked for whatever it takes to prevent, through interventions, «les services de première ligne», first-line services to prevent...

Le Président (M. Tanguay) : Thank you.

M. Khadir : ...but also its necessary dialysis program.

Le Président (M. Tanguay) : Thank you very much.

M. Khadir : After all, you deserve it.

Le Président (M. Tanguay) : Thank you very much.

Mme Kitty (Darlene) : Thank you.

Le Président (M. Tanguay) : This is all the time we have. So, thank you very much for your participation.

Alors, ceci met fin à nos travaux pour la journée. Compte tenu de l'heure, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, après les affaires courantes. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 2)

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