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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le lundi 31 août 2015 - Vol. 44 N° 62

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 44, Loi visant à renforcer la lutte contre le tabagisme


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Table des matières

Auditions (suite)

Coalition québécoise pour le contrôle du tabac (CQCT)

Association des marchands dépanneurs et épiciers du Québec (AMDEQ)

Imperial Tobacco Canada ltée

Coalition nationale contre le tabac de contrebande (CNCTC)

Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)

Intervenants

M. Marc Tanguay, président

M. Marc H. Plante, président suppléant

Mme Lucie Charlebois

M. Jean-François Lisée

Mme Chantal Soucy

M. François Paradis

*          Mme Flory Doucas, CQCT

*          M. Steve Manske, idem

*          M. Eric LeGresley, idem

*          M. Yves Servais, AMDEQ

*          M. Olivier Tousignant, idem

*          M. Odina Desrochers, idem

*          M. Eric Gagnon, Imperial Tobacco Canada ltée

*          M. Richard Voisine, idem

*          M. Michel Rouillard, CNCTC

*          M. Jean-Pierre Fortin, idem

*          M. Stéphane Forget, FCCQ

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Treize heures six minutes)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 44, Loi visant à renforcer la lutte contre le tabagisme.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Iracà (Papineau) est remplacé par M. Huot (Vanier-Les Rivières).

Auditions (suite)

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, aujourd'hui, nous recevrons la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, l'Association des marchands dépanneurs et épiciers du Québec, Imperial Tobacco, la coalition contre le tabac de contrebande et la Fédération des chambres de commerce du Québec.

Alors, d'entrée de jeu, je salue et remercie pour leur présence les représentantes, représentants de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez, dans un premier temps, d'une période de 10 minutes de présentation, par la suite vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. J'aimerais que d'entrée de jeu vous puissiez vous nommer, préciser vos fonctions, et par la suite le 10 minutes est à vous. La parole est à vous.

Coalition québécoise pour le contrôle du tabac (CQCT)

Mme Doucas (Flory) : Merci. Merci, M. le Président. Mme la ministre déléguée, membres de la commission. Mon nom est Flory Doucas, je suis codirectrice et porte-parole pour la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. Je suis accompagnée par M. Steve Manske, qui est chercheur senior pour le centre des populations de l'Université Waterloo, et par Me Eric LeGresley, qui est conseiller juridique, se spécialisant au niveau des stratégies de l'industrie du tabac.

Nous sommes reconnaissants d'avoir l'opportunité de vous adresser la parole aujourd'hui. D'emblée, permettez-nous de féliciter Mme la ministre déléguée pour le projet de loi n° 44, qui livre en majeure partie la marchandise, la principale lacune étant son silence sur les enjeux des emballages, qui ne cessent d'évoluer et diminuent l'efficacité des mises en garde. Nous avons néanmoins chaleureusement applaudi ce projet de loi, car la ministre dit envisager la possibilité d'optimiser l'efficacité des mises en garde en les standardisant par le biais d'une réglementation.

La coalition rappelle aux membres de la commission que l'initiation au tabagisme et l'exposition à la fumée secondaire sont des phénomènes quotidiens pour des centaines de Québécois, dont un bon nombre sont des enfants et des adolescents. C'est pourquoi l'adoption et la mise en oeuvre rapide des dispositions du projet de loi sont non seulement cruciales pour leur qualité de vie actuelle, mais déterminantes pour celle qui les attend dans 40 ou 50 ans. Voilà pourquoi la coalition considère qu'à ce stade-ci il serait mal avisé d'avancer les propositions d'amendement de grande envergure au projet de loi n° 44 comme l'instauration de l'emballage neutre, un moratoire sur les nouveaux produits ou encore l'introduction... l'interdiction, pardon, de cigarettes ultraminces, trois mesures pourtant souhaitées par la coalition. C'est aussi pourquoi nous nous limitons à recommander des amendements d'envergure limitée. Le mémoire fait état de l'ensemble des amendements que nous réclamons, mais je n'aborderai ici que ceux qui ont fait peu ou pas l'objet de discussions à la commission.

D'emblée, nous souhaitons signaler notre appui à l'Association des propriétaires du Québec d'amender le projet de loi n° 44 pour préciser qu'un propriétaire d'immeuble d'habitation peut interdire de fumer dans tout lieu, intérieur ou extérieur, de sa propriété.

Concernant la vente du tabac, nous réclamons un nouveau pouvoir réglementaire pour définir les quantités qui constituent une mise en marché régulière, afin d'interdire les «duo packs».

• (13 h 10) •

Le projet de loi prévoit assouplir le critère qui interdit depuis 2006 la vente de tabac dans les établissements exerçant une activité de restaurateur au sens de la loi sur les aliments en l'interdisant plutôt seulement à ceux qui exercent principalement l'activité de restaurateur. Le projet de loi devrait être amendé pour interdire la vente de tabac dans tout lieu permettant la consommation de repas sur place, notamment par la présence de tables ou de chaises destinées au public. Ainsi, un dépanneur possédant un comptoir pour l'achat de café, de viennoiseries ou de sandwichs pourrait vendre du tabac seulement s'il ne comporte pas de mobilier encourageant la consommation sur place, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur.

Le projet de loi devrait également être amendé pour inclure un pouvoir réglementaire afin d'encadrer les ententes entre fabricants et détaillants du tabac pour interdire tout incitatif à la vente de tabac autre que la marge de profit.

Le projet de loi n° 44 devrait également être amendé en spécifiant que tout affichage ou publicité montrant un produit ou emballage de tabac dans les points de vente est interdit, sauf lorsqu'il est prescrit par le gouvernement, de sorte à interdire des affiches contre-productives qui montrent des cigarettes, alors qu'on a pourtant interdit l'étalage des produits du tabac.

Le projet de loi n° 44 devrait être amendé pour modifier l'article 26 de la loi afin d'assujettir la publicité qui s'adresse aux commerçants de tabac... pardon, afin que s'adressent aux commerçants de tabac certaines dispositions qui encadrent la publicité directe et indirecte en faveur du tabac destinée au public.

Nous souhaitons également que l'article 27 soit amendé pour continuer d'assujettir les cigarettes électroniques, afin d'empêcher la commercialisation de cigarettes électroniques comportant des noms et des éléments de marque de tabac.

Dans le cadre des audiences sur le projet de loi n° 44, la coalition demande un engagement ferme du gouvernement pour le développement rapide d'un règlement standardisant les mises en garde des produits du tabac vendus au Québec, pour adoption aussitôt que possible suite à l'adoption du projet de loi. Cet engagement viendrait assurer la révision complète de la Loi sur le tabac et appuierait le législateur dans la poursuite de son objectif de réduction du tabagisme de 6 % en cinq ans.

Je passe la parole à mon collègue, M. Manske.

M. Manske (Steve) : Bonjour. D'abord, j'aimerais m'excuser pour ne pas pouvoir vous parler en français.

Mr. Chairman and Committee Members, good afternoon, and thank you for the opportunity to share my research. I'm a senior researcher at the Propel Centre at the University of Waterloo and I have led the national Canadian Student Tobacco, Alcohol and Drugs Survey the past 11 years. CSTADS is Canada's most scientifically sound and up-to-date evidence on youth tobacco use. In 2012‑2013, we randomly selected and recruited 41 Québec schools, and over 6,100 Québec students in Grade 6 through Secondary V participated. 92% of the students we asked to participate did so, so we have very high rates of participation, and we carefully weight then their responses to reliably estimate rates of tobacco use amongst Québec youth.

Today, I'll tell you why our data, as well as data from around the world, support, strongly support Bill 44, and especially the proposed menthol ban. We hear a lot about candy and fruit-flavored tobacco, but menthol is by far the most popular tobacco flavor among Québec youth. Of the almost 30,000 students in Québec who use flavored tobacco, nearly a third of them, 9,600, used menthol cigarettes. In simple terms, banning flavor tobacco without banning menthol is sort of like banning soda pop but allowing Coke and Pepsi to continue. And, just as a side note, Québec has the worst percentage of flavored tobacco users of all the provinces in Canada, and unfortunately our youth bear an unequal burden of the menthol use. While one third of youth who smoked used menthol in the past 30 days, just one in 20 adult smokers uses menthol, and this discrepancy is even more pronounced amongst youth who are daily smokers. In Québec, 47% of daily smokers in Secondary III to V have used menthol cigarettes in the past 30 days.

So, flavors, and especially menthol, make it easier for youth to start smoking. We recently published a study showing that Canadian kids who report currently smoking menthol smoke about two more cigarettes per day than those who do not, and they also report intending to continue smoking more than kids who do not. Many studies have found that menthol cigarette use increases nicotine addiction and actually makes it harder for kids or smokers, anyone, to quit smoking.

And tobacco industry groups like convenience store associations that have close ties with the tobacco industry purport to have conducted a research that weakens my statements, and I refer back to my earlier statement about our Canada-wide survey that is conducted in order to provide confidence in our results. Unlike the BAT study, that some of you may have read, we did not have a convenient sample that was selected by people with an interest in the outcome, but rather we randomly selected our sample, the confidence intervals that, for our estimates, can reliably be generalized to the population of youth in Québec, unlike the BAT study. There are other points that raise doubt about conclusions of that BAT study. That was likely funded by an industry whose motive is profit, not the health of our youth.

So, here's our message: Québec needs a complete ban on all tobacco flavors, enacted without delay. It's within your grasp to help protect Québec youth from beginning a deadly addiction, Bill 44 can make it happen.

• (13 h 20) •

M. LeGresley (Eric) : Thank you very much. Mr. Chairman, I wonder if I can beg an indulgence of the Committee to permit me to speak in English. I would appreciate that. Thank you.

Let me begin by first congratulating the Minister, and the Government, and everyone involved in tobacco control in Québec with Bill 44. This is a significant bill, a comprehensive bill. But, in my view, it's one that could be made much better if we move forward on the issue of standardizing the warnings in the bill, and that can be done through the regulatory process.

Before we travel too far down the line of what a standardized warning might be, let me first say what it is not. It's not plain packaging. It's not tantamount to plain packaging, it's not a slippery slope towards plain packaging; it's a separate, stand-alone measure. And I think the best way to view it is plain packaging seeks to control what the tobacco industry can do, it seeks to control this sort of alluring imagery they can present on their packaging, whereas standardized warnings would seek to protect the existing warnings that exist on cigarette packages from further being eroded by changes in packaging that the tobacco industry has been implementing in Québec and elsewhere.

So, with that set aside, because standardized warning allows you to move in a much simpler manner and it avoids some of the jurisdictional issues related to trademarks, etc., I think we can only understand what standardized warnings mean and what health warnings mean to the tobacco companies if we look at it in context of what the tobacco companies have done through the years.

First of all, as we all know, they opposed for a long period of time any warnings at all. Then, when that was coming along, they sought to preempt mandated warnings by a voluntary code, voluntary measures that they applied. Then, after that, when mandated warnings were finally coming forward, they fought very hard to delay the implementation of those, and anybody who's been involved on these issues knows that quite well. Then, they sought to undermine the substantive content of those warnings. And finally, when all of that was done, when the content was decided, when the regulation or when the warnings were passed into law, they sought to change their packaging in order to decrease the effectiveness of those warnings. You've seen it in Québec, but it's not new and it's not restricted to Québec. Here's a quote from BAT in 1994 — and I'm one of these people who sits down and read through tobacco industry documents all day long : «Clever positioning and use of color have ensured minimum impact on the overall design and minimum legibility [of the health warning] to the smoker.» So, outside of Canada, 20 years ago, they were already seeking to undermine the effectiveness of a warning that was being mandated.

In Québec, some of the changes that you've seen are quite stark. Here is an old warning. Look at the size of this warning, this is a 50% warning. Here is a 75% warning. They have been able to shrink the warning at the same time the warning size as a percentage of the package, per federal requirements, has gone up, and that's by the changes in the design of the package. We see a couple of examples of how they have...

Le Président (M. Tanguay) : Mr. LeGresley, from 10 minutes, now, you have a presentation of 13 min 30 s. No problem because... But we are taking that time on the Minister's time, so, if you want to have enough time to have a discussion with our colleagues... For how long do you think you still have to...

M. LeGresley (Eric) : Oh! Well, I'll tell you what, I'll pass on showing packages, and we can do that with questioning, which, I think, will be a better forum for that, and I'll just go to a summation right now. Give me one more moment, then, OK?

Le Président (M. Tanguay) : Perfect. Perfect, thank you.

M. LeGresley (Eric) : You know, when I look back at what's happened in Québec in the last few years, the Létourneau judgment has been of immense importance, obviously, it's related to civil liability with respect to smokers and people who were harmed and addicted, but part of that judgment gives us sort of a road map as to how we should be thinking about this in policy terms. This is paragraph 227 from the judgment : «The obligation to inform — meaning inform the smoker — includes the duty not to give false information; in this area, both acts and omissions [which] amount to fault.» If you are changing your packaging, and that creates a false impression on the smokers, you are leading down the same path as judge Létourneau said amounted to a civil wrong, so I think it's incumbent upon public officials to ensure that tobacco industry decisions regarding packaging do not add to that public misinformation and confusion by reducing the effectiveness of these warnings. Thank you very much.

Le Président (M. Tanguay) : Thank you. Thank you very much. Now, you'll have a discussion, an open discussion will start with the Minister for a period of time remaining of 17 minutes.

17 minutes, Mme la ministre, pour l'échange. La parole est à vous.

Mme Charlebois : Alors, d'abord, bonjour, Mme Doucas, M. LeGresley, et M. Manske. Je le prononce correctement? Good. Pleased to meet you here. Vraiment, on est contents de vous recevoir, d'entendre vos réflexions. Et vous vous doutez qu'on va vous questionner sur certains aspects. Merci d'avoir pris le temps vraiment d'analyser le projet de loi dans son ensemble, de voir les points forts mais voir aussi ce que nous pouvons améliorer. Et je pense que l'ensemble des parlementaires ici ont pour intention de justement favoriser le meilleur projet de loi possible pour faire en sorte qu'on ait de moins en moins de jeunes qui fument mais aussi que les adultes puissent non seulement cesser le tabagisme, mais aussi ne pas intoxiquer nos jeunes avec la fumée secondaire.

Alors, j'ai beaucoup de questions qui concernent la fumée secondaire. Vous ne serez pas étonnés non plus de m'entendre parler des saveurs, vous en avez parlé tantôt. Il y a quelques questionnements sur... On a eu d'autres présentations, puis j'ai quelques questionnements par rapport à d'autres présentations, je veux vous entendre là-dessus. On vous a moins entendus, dans le mémoire, sur certains autres éléments.

Alors, commençons donc tout de suite. Quand vous m'avez parlé du menthol, un peu plus tôt, quand vous dites que c'est comme, pour les boissons gazeuses, de dire : On va toutes les interdire, sauf une marque en particulier, les détaillants nous ont dit, là... une association de détaillants, dépanneurs nous ont dit qu'il n'y avait pas tant de vente que ça aux jeunes. Même que ça m'a frappée, parce que je me suis dit : C'est donc qu'il y en a. On n'est pas supposé, mais il y en a. Alors, d'où vous prenez vos statistiques? Comment faire en sorte que les gens comprennent bien qu'effectivement beaucoup de jeunes commencent à fumer avec le menthol parce qu'on sait que ça adoucit?

Puis vous savez quoi? À la lecture des mémoires, tout ça, j'ai réalisé que, quand j'avais commencé à fumer, moi aussi, adolescente, je dois me confesser... puis, Dieu m'en garde, je ne fume plus, là, maintenant, mais tout ça pour vous dire que moi aussi, j'ai commencé avec ça, puis je ne m'en souvenais même pas, à l'époque. Alors, comment faire pour conscientiser les gens que, oui, les jeunes sont autant interpellés par le menthol que par les saveurs? D'où vous tenez vos chiffres?

M. Manske (Steve) : Thank you for your question. Our survey is done every two years across each of the provinces in Canada, and, as I indicated, we randomly select schools to represent the full province. We are funded by Health Canada, but we work closely with INSPQ in Québec to help, actually, implement the survey.

The kind of questions that we ask are questions that have been asked in the past, so that we can make comparisons, but also trying to identify new trends. And, when we identified that simply smoking cigarettes was not the only issue we need to be focused on, we started to ask more questions about what kinds of cigarettes are kids actually using and what other tobacco products are they using. Menthol has been a focus of the last few surveys that we've done, and we're seeing more and more that it's an issue that we need to pay more attention to if we're going to reduce the overall burden of tobacco amongst our youth.

The other concern that I have is that, as we broaden the number of tobacco products that are available, kids' exposure to them is actually increased, and so more kids start to see that that's a normal behavior. If we reduce what kinds of flavors are available and might attract some kids, then it's actually reducing the potential harm for kids who are moving beyond those who have actually tried. Those who are at risk would be more at risk in the future.

Mme Charlebois : Merci. Bien, tant qu'à parler de saveurs, parlons-en donc jusqu'au bout. On a eu aussi des groupes qui sont venus nous dire... à travers leurs mémoires, là, ils n'ont pas concentré leurs mémoires là-dessus, mais ils nous ont quand même dit qu'on travaillait... de la façon qu'on travaillait, en interdisant les saveurs, qu'on allait augmenter la contrebande. Et je veux vous entendre là-dessus parce que moi, j'ai une opinion, en ce sens que, si je sens quelqu'un qui fume une cigarette à la fraise sur la rue, je vais savoir que ce ne sera pas légal en partant, hein, ça va être clair. Alors, qu'est-ce que vous pensez de ça, vous, que... Est-ce que c'est un incitatif à augmenter la contrebande que d'interdire les saveurs?

Mme Doucas (Flory) : Chaque mesure qui est mise de l'avant, qui réglemente le produit ou qui en augmente son prix, bien, si on utilisait la logique que chaque mesure a le potentiel d'augmenter la contrebande, on n'aurait rien fait. Puis en fait c'est un des arguments qui revient de façon systématique. Quand on a interdit les étalages, l'industrie, particulièrement les détaillants sont arrivés en disant que ça allait augmenter la contrebande. Rappelez-vous qu'on a interdit les étalages en 2008, puis c'est justement de 2009 à 2011 où on voit quand même une grande baisse au niveau de la contrebande. Et puis cette baisse-là, elle se maintient, on est toujours à 14 %.

Ça fait que la façon de contrôler la contrebande, c'est de mettre en place un système efficace pour contrer les réseaux, pour intercepter les produits. Une fois qu'on a mis en place ces mesures-là qui sont structurantes... Puis c'est pour ça que le Québec a fait des progrès que d'autres provinces n'ont pas encore faits. On a mis en place des mesures qui sont structurantes puis qui font en sorte que c'est difficile, c'est beaucoup plus difficile maintenant de faire la contrebande. Puis ça va rester tout aussi... plus difficile de faire la contrebande des produits mentholés aussi.

• (13 h 30) •

Mme Charlebois : Vous avez raison, la contrebande a diminué, au cours des dernières années, de façon... Puis je pense que c'est dans les mesures. Puis, comme je vous dis, il me semble que ça va être gênant que de nous rencontrer puis que ça sente la fraise sur le chemin, là, tu sais, quand... Honnêtement, là, moi, je serais gênée. Ça fait que je pense que l'ensemble de la population, quand ça va sentir autre chose que vraiment la cigarette ordinaire, ils vont être en train de dire : Bien, moi, je suis en train de fumer quelque chose d'illégal. Je ne pense pas que les gens ne sont pas prudents à ce point-là.

Maintenant, je veux vous entendre me parler aussi du... On a eu des gens qui nous ont parlé pour le neuf mètres de distance entre les établissements publics et le lieu où on pouvait fumer. Je vous dirais qu'en fin de semaine... Parce que je suis une députée très... beaucoup terrain, hein, vous savez que je fais beaucoup d'activités. Puis c'est assez étonnant, parce qu'honnêtement je ne m'attendais pas à autant de réceptivité que ça face au projet de loi, je vous le dis comme je le pense. Dans toutes mes activités, tout le monde m'a abordée ou presque pour me dire : Aïe! c'est bon, le projet de loi sur le tabac, puis serrez la vis, puis, bon, on ne souhaite pas que nos enfants commencent à fumer — vous avez compris qu'une grosse partie de mes activités il y avait des enfants.

Mais il y a eu, dans un autre événement, je vous dirais, plusieurs personnes qui m'ont dit... Et notamment — je vais donner des exemples concrets, peut-être qu'il y a des gens qui vont se reconnaître, sans les nommer — il y a des dames qui me disaient : Resserrez plus fort, mon mari fume encore, je voudrais qu'il arrête. J'ai trouvé ça tellement comique! Je leur ai dit que je leur enverrais de l'information pour leur dire à quel point c'est nocif, le tabac. Mais j'ai une dame, elle, qui a dit : Moi, c'est mon amie, ma cigarette. Elle, elle a dit : Le neuf mètres, là, ça m'écoeure. Je vous le dis comme elle me l'a dit. Et une sur l'ensemble du lot, dimanche, là, j'ai trouvé ça pas nombreux, mais quand même on a eu des présentations qui nous ont dit comment ça allait être difficile d'application.

Alors, je me demandais si vous, vous aviez des pistes de solution, parce qu'il y en a que... ça a même... il y en a qui nous ont dit : Il va falloir faire des fumoirs parce que, nous qui avons des terrasses, s'ils ne peuvent plus fumer sur les terrasses, si c'est à neuf mètres, comment on peut faire pour servir notre clientèle, etc.? Alors, je ne sais pas si vous aviez pensé à des pistes de solution qui nous permettraient de, comment dire, protéger la population tout en essayant de trouver des mesures accommodantes, je ne sais pas trop comment le dire, mais est-ce que vous auriez quelque chose à nous proposer dans ce sens-là ou si vous n'y voyez pas d'issue?

Mme Doucas (Flory) : Bien, je pense qu'en fait c'est à même les informations que le ministère avait observées. Quand on a interdit de fumer à neuf mètres dans les entrées des hôpitaux, des établissements de santé, il s'avère que... le rapport de mise en oeuvre montre qu'il y a eu une plus grande conformité là où, dans les établissements, ils ont fait les lignes bleues, par exemple, parce que ça, ce n'est pas mandaté par la loi. Donc, des repères un peu contextuels comme ça s'avèrent aidants.

Mais je pense qu'aussi ce qui a engendré beaucoup de discussions... Je pense qu'il y a une certaine incompréhension face à cet article-là, parce que c'est un neuf mètres des portes, ce n'est pas un neuf mètres de tous les murs, ce n'est pas un neuf mètres de l'ensemble du terrain. Si le terrain ou... le trottoir arrive avant le neuf mètres, bien ça s'arrête là. Ça fait qu'à notre sens c'est... On ne demande pas aux gens d'aller fumer au milieu de la rue, là, comme certains l'ont avancé.

Mme Charlebois : Tout à fait, vous avez raison. Ce n'est pas le but de l'exercice, hein, on ne va pas les faire fumer sur la ligne blanche, là, quand même. Mais c'est neuf mètres jusqu'à concurrence d'où le terrain va se terminer. Alors, si le terrain de l'établissement se finit à cinq mètres de la porte, bien ça va arrêter là. Ça, on se comprend, là. Mais on est en train de réfléchir comment on peut le rédiger pour que ce soit encore plus clair, là, pour tout le monde.

Mais vous n'avez pas de piste de solution, finalement, à nous... outre que de respecter le neuf mètres?

Mme Doucas (Flory) : Les lignes, apparemment, dans... Le rapport de mise en oeuvre de la Loi sur le tabac qui a été déposé en 2010 nous dit qu'il y avait un plus haut taux de conformité à cette disposition de la loi lorsque les établissements avaient fait une ligne indiquant il est où, le neuf mètres.

Mme Charlebois : Moi, je pense que les... Puis je veux vous entendre commenter ça. Est-ce que vous croyez que la population a évolué dans sa façon de consommer les produits du tabac, c'est-à-dire qu'ils sont de plus en plus respectueux, les fumeurs, des non-fumeurs?

Mme Doucas (Flory) : C'est indéniable, parce qu'on le voit particulièrement au niveau des fumeurs, qui font en sorte qu'ils ne fument plus à la maison, à l'intérieur de leur maison. Il n'y a rien qui interdit ça, mais de plus en plus on voit un fort pourcentage de fumeurs l'interdire, notamment quand ils ont des enfants, mais même quand ils n'en ont pas.

Mme Charlebois : Vous avez absolument raison. Il y a une des deux dames que son mari fumait, elle dit : Il fume encore mais dehors. Ça fait que j'ai trouvé ça... C'est dire que... Bon.

Je veux vous entendre parler aussi... vous avez parlé dans votre mémoire... puis rapidement parce que je veux passer à l'étiquetage des paquets, je veux vous entendre me parler des centres d'hébergement, des installations de santé où il y a actuellement des fumoirs disponibles, où il y a le neuf mètres, là. Si on interdit sur l'ensemble du terrain de l'établissement, est-ce que vous ne croyez pas... Parce qu'il y a des établissements, il y a des représentants du monde de la santé qui sont venus nous dire : Nous, ce qu'on souhaite, c'est avoir des établissements sans fumée. Il y en a déjà qui ont adhéré au fait d'être des établissements sans fumée. Évidemment, il y a un accompagnement pour les gens qui désirent arrêter de fumer et tout. Est-ce que vous ne croyez pas qu'on devrait garder quand même un minimum? Je pense aux gens qui malgré tout vont sortir dehors en petite jaquette d'hôpital, l'hiver, qui vont aller au-delà du neuf mètres mal habillés, fumer un petit peu. Est-ce que vous ne croyez pas qu'on devrait conserver un fumoir et/ou quelques chambres pour ces gens-là? Parce qu'il y a aussi l'enjeu de la marijuana thérapeutique.

Mme Doucas (Flory) : Je vous dirais que, par rapport à ça, tu sais, pour la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, les fumeurs sont avant tout les premières victimes de l'industrie du tabac, on ne cherche pas à faire souffrir des fumeurs plus qu'ils ne souffrent. Mais il faut aussi penser que les hôpitaux, c'est aussi des milieux de travail, puis, lorsque les gens vont fumer à l'intérieur, bien invariablement les études qui ont porté sur les fumoirs montrent que c'est plus ou moins efficace, qu'il y a toujours un peu de contamination de l'air environnant, puis qu'il y a des travailleurs qu'il faut qu'ils se rendent dans ces fumoirs-là pour les nettoyer, les entretenir. Il faut aussi garder en tête... Au moment donné où on est en train de faire plein de coupures au niveau de la santé, bien ce n'est pas pour rien qu'il n'y a pas grand-chose par rapport à l'inspection puis à la surveillance des fumoirs dans les rapports de mise en oeuvre, tant celui de 2005 que celui de 2010. C'est extrêmement cher, c'est complexe puis, à notre sens, c'est quelque chose qu'on devrait délaisser.

On devrait peut-être les garder pour les CHSLD, à notre sens. Selon nous, ça, c'est quelque chose qui a de l'allure, on parle d'une clientèle, là, qui est probablement peu ambulante. Mais autre que ça, je vous dirais, on... Les établissements de santé se veulent être des modèles sans fumée. On ne peut pas se permettre d'aller à l'encontre des données probantes.

Mme Charlebois : Et d'autant plus que, si on a un bon programme d'accompagnement pour ces gens-là qui veulent non seulement arrêter de fumer à l'intérieur de l'établissement, il peut y avoir des travailleurs qui fument encore, malheureusement, mais aussi pour les gens qui occupent les lits, bien ça va être possible, là, je pense, de la façon dont on nous a présenté ça.

Je vais aller sur l'étiquetage, ou l'emballage, ou je ne sais pas comment... en tout cas dans l'ensemble. Pourquoi, selon vous, il est plus facile, du point de vue légal, de standardiser les mises en garde plutôt que de standardiser les emballages?

M. LeGresley (Eric) : Moving on the package as a whole, if we move to implement plain packaging, it raises some issues related to trademarks, for example, so you have jurisdictional issues with the federal Government there. My view, my personal view is plain packaging would be a wonderful public health measure adopted by the federal Government. Absent, that, would I recommend that one embark down upon a long series of litigations with the industry over the restriction on trademarks? No, I would not. I think you could achieve many of the goals of plain packaging, not get as far as plain packaging would be, but achieve many of the goals of plain packaging by protecting what you already had or what was initially intended with the federal warnings by moving to stop the industry being able to shrink them down by package redesigns. So, you avoid a whole bunch of problems while retaining, for the protection of the citizens of Québec, the broad measure of the impact of the initial warning systems.

Mme Charlebois : Est-ce que vous croyez que, si nous légiférons en donnant des dimensions à l'étiquette de mise en garde, avec une mise en garde, mettons... je n'ai pas les dimensions en tête, là, mais avec une mise en garde vraiment normée, ça va faire en sorte que les paquets ne pourront plus être petits, on va devoir respecter un certain format de paquet de cigarettes, ou s'il faut réglementer et la grosseur du paquet et l'étiquette?

• (13 h 40) •

M. LeGresley (Eric) : It certainly would be within the regulatory authority of the Province of Québec to regulate the size of the packaging. That said, I think you are best placed if you undertake that measure which achieves the public health goal while permitting the tobacco industry enough flexibility for them to market their products on the package until such time as a federal plain packaging law comes into play. So, whether you go to a minimum package, a minimum warning size as determined by, you know, length and width, or a minimum size determined by an area, square centimeters, for example, that's an open choice, and I'm not going to venture an opinion as to which would be better, but I do know, and this is... I'll pick up on something that my colleague Rob Cunningham pointed out: if you regulate a minimum size of the warning, that doesn't prevent the tobacco industry from changing the dimensions of their package so that they would increase their marketing space at the bottom with a... and you would also have a significant increase in the health warning portion, as well. So, if they wanted to put 25 cigarettes all laid out flat, you could have very large packages with very large warnings on them, but it would increase their area. I think they're unlikely to do that because the objective of moving to smaller packs is not so much to generate brand identity or related to the packaging shape but to adversely impact this health warning.

Le Président (M. Tanguay) : Thank you very much. Now, we will be continuing the conversation. Et je passe maintenant la parole à notre collègue de Rosemont pour une période de 13 min 30 s.

M. Lisée : Merci, M. le Président. Mme Doucas, Mr. LeGresley, Mr. Manske, welcome to the National Assembly. Bienvenue à l'Assemblée nationale.

Alors, comme vous, je pense que cette législation, après, comme vous l'écrivez, 10 ans d'inaction, est bienvenue et elle fait une bonne partie du travail. Cependant, comme vous l'indiquez, elle ne fait pas tout le travail. Alors, vous avez un certain nombre d'amendements que vous proposez, qui recoupent des amendements que nous avons entendus de part et d'autre.

Cependant, vous nous dites quelque chose d'assez étonnant. Vous dites : «...la coalition considère qu'il serait mal avisé d'avancer des propositions d'amendements de grande envergure au projet de loi n° 44, comme l'instauration de l'emballage neutre, un moratoire sur les nouveaux produits ou encore l'interdiction de cigarettes ultraminces, trois mesures pourtant souhaitées par la coalition et de nombreux groupes de santé.»

Alors, comme vous savez, moi, je suis favorable à ces amendements-là. Je ne suis pas certain que nos collègues de la CAQ y sont défavorables, d'après ce que j'ai entendu. Alors, de quoi avez-vous peur?

Mme Doucas (Flory) : Notre compréhension des processus, c'est que pour... certaines de ces mesures-là, en fait je dirais pour les trois, qui sont d'envergure, auraient pris des études d'impact, et ça, comme à notre connaissance il n'y en a pas eu, il n'y en a pas eu qui ont été déposées dans le cadre du projet de loi, on craint que ça ferait retarder l'adoption du projet de loi et la mise en oeuvre de certaines mesures, notamment la question de l'aromatisation qui est si cruciale, qui à chaque jour vient tenter des jeunes qui s'initient au tabagisme.

M. Lisée : Alors, comme vous savez, moi, j'étais présent, en 1998, lorsque la première loi Rochon a été adoptée, qui a fait un grand pas en avant. Ensuite, il y a eu la loi Couillard, en 2006, et là on est en 2015, donc en moyenne ça prend 10 ans avant que l'Assemblée nationale se penche sur ce problème. Et là nous sommes tous mobilisés autour de ce problème, nous sommes tous informés, nous avons tous appris beaucoup de choses au cours des derniers mois et, pour plusieurs d'entre nous, nous sommes prêts à agir davantage. Alors, si vous avez une réticence à ce qu'on propose des amendements qui vont dans le sens de vos souhaits, est-ce que c'est que des membres du gouvernement vous ont dit : Écoutez, on ne pourra pas livrer ça, ça va être très long... ou quelles sont les informations sur lesquelles vous vous basez pour être réticents à ce qu'on fasse ce que vous demandez, par ailleurs?

Mme Doucas (Flory) : Notre expérience et ce qu'on voit, ce qui s'est passé aussi au niveau des autres provinces, donc, pendant longtemps il y avait des questions qui touchaient l'emballage, au Manitoba, ou la question du menthol, et ça a retardé d'une année à l'autre.

Comme vous l'avez souligné, on n'a pas été chanceux avec l'adoption de... la révision de la Loi sur le tabac. En fait, le gouvernement précédent en avait fait aussi un engagement électoral, et on a peur que ça tombe dans les craques. Je vous dirais, quand on pense à la question de l'interdiction de fumer dans les voitures avec enfants, où on est encore la dernière province à ne pas le faire, où à chaque jour des enfants développent peut-être des otites puis se rendent à l'hôpital à cause de ça, puis encore une fois la question de l'aromatisation, il y a une question de vie et de mort ici. C'est vrai qu'on ne le voit pas souvent, là, mais c'est ça. Je vous dirais, M. Lisée, M. le député, si vous avez ces études d'impact là, si vous connaissez des gens qui en ont, ce serait super, parce que c'est des mesures dans lesquelles on croit, mais on craint que...

M. Lisée : C'est que vous... Parce que, écoutez, ces mesures-là ont été adoptées en Australie, ont été adoptées ailleurs, donc sont déjà en vigueur en Australie, elles ont été adoptées par d'autres gouvernements, on sait ça. Donc, on peut s'appuyer sur les études qui ont été faites là en se disant que c'est la volonté politique de le faire.

Et donc vous semblez avoir des raisons de penser qu'au sein du gouvernement libéral actuel il y aurait une réticence très importante qui retarderait l'adoption et qu'il n'y aurait pas la volonté politique d'adopter ces choses-là dès cet automne. Moi, je n'ai pas cette information-là. Ce n'est pas ce que je sens de la ministre, hein, je sens de la ministre une grande volonté d'agir. Je sais que le premier ministre est très fier de sa loi de 2006. Et je lui ai parlé brièvement de cette loi-ci, et il veut agir.

Alors, moi, ce que je vous dis, madame, c'est que je vais les déposer, ces amendements-là, on va se battre pour ces amendements-là. Il est probable que, sur certains d'entre eux, nos collègues de la CAQ vont se battre pour ces amendements-là. On sait que la majorité de la population québécoise veulent ces amendements-là, la majorité, et parfois la majorité des fumeurs. Alors, on va tester ça, on va tester ça. Et nous demandons que ça se fasse le plus rapidement possible. Moi, je veux qu'à Noël cette loi soit adoptée, soit adoptée et sanctionnée, à Noël, et je pense que c'est la volonté de la ministre aussi. Alors, je vous indique ça, je vous indique ça.

Mme Doucas (Flory) : ...compter sur l'appui de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac.

M. Lisée : Très bien. J'ai une ou deux questions supplémentaires à vous poser.

Vous dites... bon, vous proposez qu'on ait un pouvoir réglementaire pour que chemin faisant on puisse interdire la fumée dans d'autres lieux. Ça, je pense que c'est excellent.

Vous dites que vous voulez... Par exemple, il y a une question... bon, la question du neuf mètres, qui a été abordée par la ministre, continue à nous tarabuster. Je parlais à un tenancier de bar-terrasse de la rue Saint-Hubert, hier, qui me disait que, bien, lui, il avait été content de l'interdiction de la fumée dans son bar et que ça n'avait pas baissé... parce que lui est un non-fumeur, alors tous les soirs il arrivait chez lui puis il sentait la fumée, puis que, sur sa terrasse, bien, ça ne le dérangeait pas d'interdire sur sa terrasse, mais sa propriété s'arrête à la limite de sa terrasse, sa terrasse est sur le trottoir. Alors là, il y a des commerces à droite, il y a des commerces à gauche. Ça veut dire que mes fumeurs vont aller là, ce n'est pas interdit sur la place publique.

Comment est-ce qu'on résout ce problème-là? Vous, vous avez vu ce qui s'est passé dans les autres villes nord-américaines, parce que, comme vous l'avez dit, pour les hôpitaux, là, on a créé un mur de fumée que les patients doivent traverser à neuf mètres de la porte de l'hôpital. Est-ce qu'on va... Comment on gère ce problème-là, ce problème collatéral de l'interdiction de fumer sur la terrasse?

Mme Doucas (Flory) : Je vous dirais, ailleurs, comme pour la ville d'Ottawa, où c'est le cas, là, depuis quelques années, l'interdiction de fumer sur les terrasses, ces grands problèmes là ne se sont pas manifestés. Ce qu'on demande aux fumeurs, en réalité, c'est : Allez fumer un peu plus loin, hein, ce n'est pas plus compliqué que ça.

C'est sûr qu'il va encore y avoir des fumeurs qui vont fumer juste à côté de la terrasse, probablement, mais la réalité, c'est que les fumeurs sont des gens comme nous, ils ont un souci de la santé des autres aussi, ils sont les premiers à ne pas vouloir voir leurs propres enfants fumer. Et, dans ce sens-là, moi, j'ai confiance dans la population québécoise. On l'a vu avec la conformité qu'on a eue aux autres dispositions, que ce soit l'interdiction de fumer dans les bars... Si vous vous souvenez, M. le député, à ce moment-là il y avait eu une manifestation sur la rue Sherbrooke, les commerçants avaient entraîné tout ça. Le grand chaos ne s'est jamais concrétisé.

M. Lisée : Une autre question, bon, c'est le chicha. Alors, le chicha, on a un gros problème parce que les ados, qui de toute façon pensent qu'ils sont invincibles, alors c'est une de nos difficultés pour la réduction du tabagisme, mais en plus ils se sont mis dans la tête que c'était moins pire, c'est une pipe à eau, on fume de l'eau. Alors, on sait que c'est bien pire, hein? Fumer une heure la pipe à eau, c'est comme consommer de 100 à 200 cigarettes. Alors, j'ai dit ça récemment, et il y a quelqu'un qui a envoyé par courriel : Bien, branchez-vous, là, c'est 100 ou c'est 200, il faudrait savoir. Bon, bien, en tout cas, disons au moins 100.

Et là on a une dizaine d'endroits qui ont, depuis la loi de 2006, une clause grand-père, où ils peuvent faire ce commerce, et il y a des commerces illégaux qui sont nombreux. Alors, vous, vous dites : Bien, il faut arrêter ça, il faut arrêter les 10 où ils peuvent le faire déjà. Et les gens sont venus ici, les responsables, les propriétaires, nous dire : Bien là, tout ce que ça va faire, c'est qu'ils vont aller dans les endroits illégaux.

Alors, je vous soumets une hypothèse. Je ne dis pas que c'est ma proposition, mais on réfléchit ensemble. Moi, je trouve qu'il y a un gain à faire en sorte que, dans les 10 lieux qui sont légaux, il y ait des affiches qui disent : Fumer une heure ici, c'est comme fumer 100 cigarettes, pour qu'ils le sachent, parce qu'il y a une question d'information, mais qu'on donne un délai pour l'extinction de la clause grand-père, disons que vous avez cinq ans, huit ans, 10 ans, si vous mettez ces affiches-là pendant cette période-là, puis on fera une campagne d'information sur la nocivité de ça, mais qu'on n'arrête pas du jour au lendemain, ce qui pourrait avoir une conséquence négative de donner de l'élan aux sites illégaux. Qu'en pensez-vous?

• (13 h 50) •

Mme Doucas (Flory) : Bien, premièrement, je pense que l'affichage et la mise en garde dans ces lieux-là serait une excellente idée. Par ailleurs, ces produits-là n'ont pas de mise en garde de Santé Canada qui est efficace, elles n'ont pas été renouvelées comme celles des cigarettes. En fait, plusieurs n'en contiennent pas du tout.

Mais je vous dirais que nous, on n'a pas privilégié l'idée d'éliminer les salons de fumeurs... les salons de chicha existants; pas qu'on est contre cette idée-là, mais on pense que le problème de la chicha est plus grand que celui qui se passe dans ces établissements-là. En fait, il faut se rappeler que les mineurs n'ont pas accès, ne sont pas censés avoir accès à ces lieux-là, alors qu'on voit que le phénomène de la chicha est quand même répandu même chez les élèves du secondaire. On pense que l'interdiction des produits aromatisés, qui incluent la chicha, va faire en sorte que la chicha, de toute manière, va perdre son attrait, on va droit au but, et on pense que c'est ça, la solution pour réduire l'usage de la chicha.

M. Lisée : Oui, bien ils sont d'accord avec vous, les propriétaires, parce qu'ils disent qu'ils n'ont pas de produit non aromatisé, que tous leurs produits sont aromatisés. Qu'est-ce que vous répondez?

Mme Doucas (Flory) : C'était le cas pour la majorité des petits cigares. Ça ne fait pas en sorte que c'est des produits qu'on peut permettre, notamment en raison du fait qu'ils sont extrêmement populaires chez les jeunes. Dans une société où on met tant d'efforts pour réduire le tabagisme, il faut qu'il y ait une certaine cohérence. On ne peut pas juste parler d'information puis de sensibilisation puis omettre des obligations sur les fabricants en les laissant produire des produits qui sont extrêmement attrayants pour les jeunes.

M. Lisée : Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Saint-Hyacinthe pour une période de neuf minutes.

Mme Soucy : Merci, M. le Président. Bonjour. Je comprends à travers vos propos que le plus important pour vous est l'adoption le plus rapidement possible du projet de loi, plus important même que d'adopter des amendements importants comme le moratoire sur les nouveaux produits du tabac. Dois-je comprendre que vous craignez, en fait, que l'industrie du tabac poursuive le gouvernement puis que ça ralentisse ou ça retarde l'entrée en vigueur du projet de loi? Est-ce que c'est ce que je comprends à travers vos propos?

Mme Doucas (Flory) : Je vous dirais, à certains égards, oui, l'industrie du tabac a fait preuve, dans le passé, de beaucoup d'innovation pour trouver des gens pour aller se battre et défendre ses intérêts. Les documents qui ont été rendus publics suite aux jugements, entre autres, avec les recours collectifs montrent que des grandes associations, par exemple, d'événements commandités, hein, qui étaient contre l'interdiction qui allait mettre fin à la commandite du tabac étaient en fait mises sur pied par l'industrie du tabac. Donc, dans ce sens-là, oui, on craint qu'il pourrait y avoir des affaiblissements sérieux par rapport à la Loi sur le tabac, et je pense que c'est... Pour nous, ça fait 10 ans qu'on attend. La question, c'est l'urgence d'agir. Si on s'était parlé il y a cinq ans, au moment où on attendait la révision de la loi, je pense qu'on aurait été plus patients, mais en ce moment on voit des circonstances qui nous semblent aberrantes à chaque jour, la question des produits aromatisés, puis on se dit que le Québec ne peut pas se permettre d'attendre encore longtemps avec ça.

Mme Soucy : Toujours au niveau de... mettons au niveau de l'emballage standardisé et neutre, vous savez qu'en Australie il y a eu une réduction du taux de tabagisme de 3 % en quelques années seulement. Alors, vous ne craignez pas qu'on peut perdre davantage en n'adoptant pas les amendements importants comme les deux que je viens de vous mentionner, à défaut de prendre quelques jours ou quelques semaines de plus? Parce qu'en fait les amendements peuvent aller très vite. On peut proposer un amendement à la ministre, et puis ça peut être adopté en quelques minutes. Ça ne veut pas dire, qu'on demande des amendements, que ça va vraiment étirer le processus de l'adoption pendant plusieurs mois. Alors, vous ne pensez pas que c'est plus important de bonifier le projet de loi, vu les résultats possibles, qui sont positifs, qui ont été démontrés ailleurs?

Mme Doucas (Flory) : On a peut-être une mauvaise connaissance des processus, puis ce sera aux membres de la commission de voir ce qu'ils peuvent faire puis jusqu'où ils peuvent aller. Puis c'est certain que, tous les progrès qu'on peut faire au niveau de la lutte antitabac, on va les accueillir et on va les appuyer favorablement. Donc, ce sera à vous de décider.

Mme Soucy : Je reviens sur les craintes, en fait, que l'industrie du tabac poursuive. Habituellement, ils vont poursuivre après l'adoption, après l'adoption du projet de loi, lorsque la loi est en vigueur, et non pas pendant le processus d'étude article par article. Alors, j'ai de la difficulté un petit peu avec la crainte que vous avez... à moins que je ne saisisse bien vos propos, mais ça me paraît non justifié, je vous dirais, cette crainte-là.

Mme Doucas (Flory) : Je vous donnerais l'exemple... En fait, le projet de loi n° 44 vient éliminer les clauses d'harmonisation qu'on a par rapport, entre autres, aux emballages. Ces clauses-là, en fait, sont apparues un peu de nulle par, en 1998, et ce qu'on a compris par la suite, c'était que c'était une concession qui avait été faite à l'industrie du tabac, qui menaçait de fermer ses usines si on allait de l'avant avec le projet de loi. Elle craignait que ça allait ouvrir la porte pour de la réglementation par rapport à des emballages, et donc une façon de contrer, de freiner des développements à cet égard-là, c'était de dire : Bien, parfait, il va falloir que le Québec s'harmonise avec la réglementation fédérale.

Jusqu'à maintenant, mais j'imagine que vous allez entendre... Et je n'ai toujours pas vu les mémoires, là, de l'industrie. Le projet de loi, tel qu'il est, fait des grands gains, des grands pas, et je vous dirais que nous, on n'a pas entendu des objections par rapport aux clauses d'harmonisation, par exemple. On pense que le Québec devrait aller de l'avant, devrait assumer sa compétence en matière de santé, et on a confiance en vous. Donc, dans ce sens-là, si vous nous dites que ça peut aller de l'avant, qu'on peut aller plus loin que le projet de loi, que tous les outils sont nécessaires, n'ayez pas crainte, la coalition québécoise sera là.

Mme Soucy : Avez-vous des exemples dans d'autres provinces qu'il y a eu des poursuites intentées par les industries du tabac pendant l'adoption ou pendant l'étude d'un projet de loi?

Mme Doucas (Flory) : Non, et ce n'est pas tellement ça qu'on craint, mais c'est l'affaiblissement du projet de loi, plutôt qu'une poursuite, parce que dès qu'une mesure est efficace... Et les plus efficaces, elles sont invariablement contestées par l'industrie du tabac. C'est un signe que ça va marcher.

Mme Soucy : ...jusqu'à présent, tous les amendements qu'autant mon collègue du Parti québécois a proposés... en fait tous les amendements sont là pour bonifier le projet de loi et non pas pour faire du nivellement vers le bas, donc pas pour l'affaiblir.

Alors, bien, écoutez, on vous a entendus. Puis on travaille de bonne foi avec la ministre, et puis, bien, faites-nous confiance.

Mme Doucas (Flory) : Parfait.

Mme Soucy : Je pense qu'on va essayer, en tout cas, de travailler dans la bonne foi pour l'adopter le plus rapidement possible.

Mme Doucas (Flory) : Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, ceci met fin aux échanges. Je remercie beaucoup les représentantes et représentants de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac.

J'invite les représentants de l'Association des marchands dépanneurs et épiciers du Québec de faire... de s'avancer tranquillement.

Et je suspends nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 13 h 59)

(Reprise à 14 h 7)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux. Nous accueillons maintenant les représentants de l'Association des marchands dépanneurs et épiciers du Québec. Bienvenue à votre Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation, à l'intérieur de laquelle nous aimerions, évidemment, pour les fins d'enregistrement, que vous preniez le temps de vous nommer, vous trois, et préciser vos fonctions, et par la suite vous aurez une période d'échange avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.

Association des marchands dépanneurs
et épiciers du Québec (AMDEQ)

M. Servais (Yves) : Merci. Donc, je me présente : Mon nom est Yves Servais, je suis directeur général pour l'AMDEQ, l'Association des marchands dépanneurs et épiciers du Québec. À ma droite, vous avez M. Odina Desrochers, qui est conseiller aux affaires gouvernementales, et, à ma gauche, M. Olivier Tousignant, qui est consultant juridique pour l'association.

Nous, on aimerait, premièrement, vous faire un bref résumé de notre mémoire, et après ça, bien, on répondra à vos questions, parce qu'on a beaucoup, beaucoup de sujets et on aimerait se faire poser beaucoup de questions sur les différents points du projet de loi.

Donc, ceci dit, nous tenons d'abord à remercier les membres de la Commission de la santé et des services sociaux de nous recevoir aujourd'hui afin de nous permettre de vous faire connaître notre point de vue et de faire certaines recommandations dans le cadre de l'examen du projet de loi n° 44. Au nom de l'AMDEQ, à maintes reprises, en 2000, 2005, 2013, 2014 et aujourd'hui, en 2015, nous avons témoigné pour vous faire connaître nos opinions et nos suggestions sur toutes les questions du tabagisme au Québec. C'est avec un esprit d'ouverture, de collaboration et de partage que nous vous présentons nos préoccupations.

Dans un premier temps, permettez-moi de vous faire connaître l'Association des marchands dépanneurs et épiciers du Québec, qui est une coopérative de dépanneurs indépendants — ça, c'est un terme qui est très important — d'environ 1 000 membres au Québec et répartis sur l'ensemble du territoire québécois. Je tiens à mentionner aussi que, parmi nos 1 000 membres, nous avons au-delà de 350 dépanneurs d'origine chinoise et que ces derniers nous ont demandé aussi, également, de les représenter aujourd'hui.

L'AMDEQ existe depuis plus de 30 ans maintenant. En plus d'être un groupement d'achats de type coopératif, l'AMDEQ... l'association cherche à répondre adéquatement aux besoins et aux préoccupations de ses membres. Dans les dossiers où les intérêts socioéconomiques sont en jeu, comme c'est le cas pour la Loi sur le tabac, l'AMDEQ a la responsabilité de les représenter et de les défendre.

Nous tenons également à vous mentionner que l'AMDEQ est complètement indépendante de toute corporation, que ce soient des grands réseaux de dépanneurs corporatifs ou des compagnies de tabac. Bien que l'on représente un peu plus de 1 000 membres, dépanneurs indépendants, nos propos correspondent aux préoccupations de l'ensemble des dépanneurs du Québec.

Durant cette audience, nous souhaitons, entre autres, nous exprimer sur les outils législatifs et de communication qui sont, à notre avis, devenus indispensables pour améliorer l'application des lois par les propriétaires de point de vente de tabac afin de lutter contre le tabagisme. Dans cette avenue, l'AMDEQ demande de rendre la présentation d'une carte d'identité obligatoire pour les personnes de 25 ans et moins pour l'achat des produits du tabac. L'AMDEQ demande ou presse le gouvernement de s'engager à mettre en place une campagne média pour informer les mineurs qu'il leur est interdit d'acheter du tabac, sous peine de sanction — très important pour nous. Du coup, si la recommandation de l'AMDEQ est retenue, cette campagne devra aussi informer de l'obligation de présenter une preuve d'âge pour les moins de 25 ans. L'AMDEQ propose que la carte d'assurance maladie devienne la carte désignée pour le cartage. L'AMDEQ appuie l'interdiction pour un mineur d'acheter des produits du tabac, sous peine de sanction, telle que proposée dans le présent projet de loi. L'AMDEQ désapprouve l'augmentation abusive des amendes; désapprouve également la modification de l'article 43.5 qui pénaliserait un détaillant du fait qu'il aurait dû savoir, qu'il aurait dû savoir qu'un adulte achète du tabac pour un mineur — très important aussi, il y a des abus qui pourraient se présenter à ce niveau-là; demande au gouvernement à ce que la vente de cigarettes électroniques ne soit pas réservée qu'aux boutiques spécialisées; demande au gouvernement d'améliorer — très important — d'améliorer la gestion et le traitement des infractions émises par le Service de lutte au tabagisme.

À ce point-là, j'aimerais peut-être inviter Me Tousignant de vous parler un petit peu de la problématique de l'application ou des mises en sanction par le Service de lutte au tabagisme.

• (14 h 10) •

M. Tousignant (Olivier) : Alors, bonjour. On m'a demandé de faire un petit aparté, et par la suite ce sera M. Servais qui continuera. Ce seront des commentaires très concrets relativement principalement au processus préjudiciaire suivant, en fait, la commission d'une infraction par un détaillant qui aurait vendu des produits de tabac à des personnes d'âge mineur.

Alors, ce qu'il faut savoir, c'est qu'il y a, premièrement, l'infraction. Par la suite, un inspecteur du ministère va revenir pour informer le détaillant qu'il y a une infraction qui a été commise, par la suite il y aura judiciarisation du processus, donc constat d'infraction, et par la suite divulgation de la preuve, là, ce qui peut prendre de huit à 10 mois en moyenne, je vous dirais.

Alors, personnellement, j'ai dû représenter à peu près une vingtaine de détaillants membres de l'AMDEQ dans le cadre de dossiers pour de la vente de tabac aux mineurs, et les problèmes suivants, c'est ceux que j'ai constatés. Donc, ils sont principalement au niveau du processus préjudiciaire. Donc, il peut se dérouler... j'ai vu des périodes allant jusqu'à huit semaines entre la date de l'infraction et l'information par les inspecteurs du ministère qu'une infraction a été effectivement commise par le détaillant. Donc, pendant près de deux mois, le détaillant ne sait même pas qu'une infraction a été commise dans son établissement. Durant cette période-là, donc, le détaillant ne sait pas ce qu'il en est. Et par la suite il peut prendre de huit à 10 mois avant que la divulgation, la communication de la preuve soit transmise, ce qui veut dire que dans bien des cas, durant toute cette période-là, le détaillant ne sait pas ce qui s'est produit dans son dépanneur, ne sait pas la date; certaines fois la date, mais certainement pas l'heure, dans la majorité des cas.

Alors, les deux conséquences pour le détaillant sont les suivantes — je serai bref. Donc, un, ça empêche le détaillant de réagir rapidement à la commission d'une infraction puis à prendre les mesures nécessaires dans son établissement afin que ça n'arrive pas. Et, deuxièmement, ça mine sa capacité à faire une défense de diligence raisonnable, qui nécessite, selon les critères de la jurisprudence, notamment la preuve de sanction de l'employé ou des employés, des avertissements qui sont faits suite à l'infraction. Et, pour des raisons que je ne connais pas, que ce soit volontaire ou non, on laisse souvent les détaillants dans le néant ou dans la brume sur ce qui s'est déroulé à la date de l'infraction.

Alors, j'ai deux solutions rapides, très rapides, là, à vous dire. Donc, premièrement, ce serait un retour rapide des inspecteurs du ministère chez le détaillant pour les informer qu'il y a une infraction commise à une date x. Et, au même moment, je suis d'avis qu'ils devraient remettre au détaillant un détail de l'infraction, un rapport sommaire de l'inspecteur qui permettrait de savoir l'heure, le jour et certainement la description physique sommaire du commis. Ce sont des choses que le détaillant demande, et à mon avis ce serait facile, je crois, par les inspecteurs du ministère à mettre ces mesures en place.

Alors, je laisse la parole à maître... à M. Servais, pardon.

M. Servais (Yves) : Merci, Me Tousignant, d'avoir apporté ces précisions. Donc, les principales demandes que l'AMDEQ adresse au gouvernement visent la réalisation des trois objectifs suivants : premièrement, un meilleur contrôle de l'accès à des produits du tabac aux mineurs, ce qui préoccupe beaucoup le législateur; deuxièmement, pour nous, c'est de faciliter et soutenir le travail quotidien des dépanneurs quant au cartage; et, troisièmement, changer le comportement et la perception des consommateurs face au cartage. Parce qu'il faut vous dire que ce n'est pas évident. On nous demande de jouer à la police, c'est ingrat. On fait face à des consommateurs qui n'acceptent pas d'être cartés et qui font preuve d'impatience, qui sont irrités, qui agressent verbalement les jeunes commis de dépanneur, puis ça va même jusqu'à agresser, à l'occasion, physiquement. Le meilleur exemple, c'est l'année dernière à Charny, juste ici sur la Rive-Sud à Québec, un jeune adulte de 23 ans a sacré... — excusez le mot — a sacré une claque par la tête au commis qui voulait vérifier son identité. Donc, c'est des choses que l'on vit à tous les jours.

L'AMDEQ, pour aider le gouvernement du Québec dans sa lutte pour interdire la vente de tabac à des mineurs, entend miser sur une approche de partenariat. De part et d'autre, il faut miser sur la responsabilisation de toutes les parties impliquées dans ce débat : le gouvernement, les associations, les détaillants, le citoyen et les fumeurs.

En 2011, en lançant notre programme Nous cartons, qui est un programme pour sensibiliser les détaillants et leurs employés au cartage et aux différents aspects de la loi, nous avons posé un geste concret pour former et informer nos membres de l'importance de carter les jeunes de 25 ans et moins et, par le fait même, améliorer le contrôle de l'accès à des produits de tabac aux mineurs. J'aimerais vous faire remarquer que notre programme, que l'on a mis en place il y a maintenant quatre ans, a été complètement défrayé par les frais de l'association, aucune corporation, aucune compagnie de tabac n'a fourni... c'est l'argent des membres qui a servi à mettre en place le programme Nous cartons. Et actuellement la réputation du programme a fait en sorte qu'on a été approchés par le comité sectoriel de la formation de la main-d'oeuvre du commerce alimentaire, le CSMOCA, pour acheter les droits d'auteur de notre programme. Nous souhaitons maintenant que le ministère de la Santé et des Services sociaux s'engage à son tour dans une campagne de sensibilisation et d'information pour amener les jeunes fumeurs à présenter une carte d'identité de façon obligatoire lorsqu'ils veulent acheter des produits du tabac. À ce chapitre, nous sommes même prêts à nous associer avec vous pour le faire d'une façon ordonnée et professionnelle.

S'il nous reste encore du temps, j'aimerais revenir sur la première demande que l'on fait, qui sont très importantes, c'est-à-dire la présentation d'une carte d'identité. Donc, pour faciliter le travail des détaillants, l'AMDEQ propose de modifier l'article 13.1 de la loi actuelle qui dit que «toute personne qui désire acheter du tabac ou être admise dans un salon de cigares peut être tenue de prouver qu'elle est majeure», peut être tenue... qu'elle est majeure. L'AMDEQ demande que, dans un point de vente de tabac, toute personne âgée de 25 ans et moins qui désire acheter des produits du tabac est tenue de prouver qu'elle est majeure en présentant une pièce d'identité. Il n'y a pas une grosse différence, c'est juste dans le temps du verbe. Donc, au lieu de «peut être tenue», on veut que le consommateur, le jeune adulte à qui on demande des cartes d'identité soit tenu de présenter une pièce d'identité. On vous suggère cet article-là. Par contre, vous pouvez, vous aussi, le modifier comme vous voulez. Mais ce qu'on demande en particulier, c'est que, si le détaillant demande à un acheteur des produits du tabac... qu'il doit, à ce moment-là, présenter une carte d'identité pour prouver qu'il est majeur. À la demande du détaillant, le consommateur doit prouver qu'il est majeur en présentant une carte d'identité.

D'ailleurs, je vous rappelle — puis je ne sais pas comment vous allez l'interpréter — dans le projet de loi vous donnez beaucoup de pouvoir aux inspecteurs du Service de lutte au tabagisme, et, parmi les nouveaux articles de loi, maintenant les inspecteurs vont pouvoir demander une carte d'identité ou vérifier l'âge d'une personne qui achète du tabac en sortant du commerce. Donc, on voudrait, nous aussi... Puis je suis certain, sûr et certain que le consommateur, là, ou le citoyen n'aura pas le choix de présenter sa carte d'identité à l'inspecteur qui veut identifier la personne qui a acheté du tabac. Donc, c'est la même chose pour nous.

Nous, on vend des produits du tabac à la journée longue, on a peut-être des centaines de transactions par jour à ce niveau-là, donc nous, on veut une aide du gouvernement pour faciliter notre travail, pour faciliter le travail puis pour faire en sorte que les objectifs du ministère de la Santé soient atteints, c'est-à-dire contrôler l'accès des produits du tabac aux mineurs. On est rendus à 85 % de conformité. Vous me direz... bien en tout cas il y en a qui disent que ce n'est pas beaucoup, mais je me souviens qu'en 2005 les taux de conformité étaient à 45 % puis 50 %, donc on a quand même eu une belle progression. Puis même je voudrais peut-être profiter de l'occasion qui se présente de saluer puis de féliciter le travail des détaillants, parce qu'il y a eu une grosse amélioration. Il y aura toujours de l'amélioration, mais ça, on peut le faire tous ensemble pour atteindre des 90 % puis des 95 %, taux de conformité.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup, M. Servais. Alors, à la demande de la ministre, évidemment, nous vous avons permis de compléter de 10 minutes à 12 min 30 s, ce qui diminue son temps, mais néanmoins elle a toujours 20 minutes pour discuter avec vous. Alors, sans plus tarder, je lui cède la parole.

• (14 h 20) •

Mme Charlebois : Alors, bonjour, M. Servais, M. Desrochers et M. Tousignant. Merci d'être avec nous et de venir nous faire part de vos préoccupations quant au projet de loi. Ce que je comprends... bien, en tout cas, je vais quand même me permettre... parce que je ne l'ai pas fait d'entrée de jeu, avec l'autre groupe qui vous a précédés, mais j'aurais dû le faire pour commencer la journée, en fait, rappeler aux gens pourquoi on a fait le projet de loi n° 44, parce qu'il faut toujours se ramener à pour qui on fait ça, hein, c'est quoi, le but visé par un projet de loi, parce qu'on ne se lève pas le matin en disant : On va faire ça, là, puis c'est comme ça, là, ça m'a tenté un matin. Non. Notre but visé avec le projet de loi n° 44, puis c'est toujours en continuité avec les projets de loi qui ont été déjà déposés, les évaluations qui ont été faites des projets de loi, les mises en oeuvre des projets de loi, ce qui est visé en ce moment par le projet de loi n° 44, c'est la réduction du tabagisme, la prévalence au tabac, inévitablement — ça, on ne vous cachera pas ça — protéger la santé des non-fumeurs, c'est clair. Moi qui ne fume pas, respirer la fumée des autres... J'ai déjà fumé, mais là j'ai fait le choix de ne pas fumer; bien, je ne veux pas fumer la boucane des autres, parce qu'on sait que la fumée secondaire est encore plus toxique que fumer directement. Et ce qu'on souhaite faire, non seulement ça, mais c'est s'assurer que les jeunes ne commencent pas à fumer.

Je pense que c'est aussi ce que... Vous ne vous opposez pas, je pense, aux buts visés par la loi, hein? Bon, alors, dans ce sens-là, je dois vous dire que j'ai vu votre mémoire, puis j'ai vu votre programme de formation relativement à l'identification, et je dois vous dire que vous avez été novateurs, à mon avis. Et combien de détaillants, déjà, sont membres de votre association?

M. Servais (Yves) : Nous, on regroupe tout près de 1 000 propriétaires de dépanneur indépendants.

Mme Charlebois : Combien vous pensez qu'il y en a au Québec au total?

M. Servais (Yves) : Je vous dirais plus ou moins 6 000, là, ça peut être 5 500, 6 000.

Mme Charlebois : Ça veut dire que votre programme pourrait être étendu à plus de monde que ça, hein?

M. Servais (Yves) : Avec la transaction qui vient de survenir, avec le comité sectoriel de la formation de la main-d'oeuvre, il va être étendu à l'ensemble des détaillants du Québec. Parce que le comité sectoriel, ils ont, bien entendu, un conseil d'administration, et sur le conseil d'administration vous retrouvez Provigo, Metro, IGA-Sobeys, Beaudry & Cadrin, les grossistes en alimentation. Donc, eux, justement, sont en train de finaliser, sont en train de refaire leurs sites Internet actuellement pour rendre notre programme, notre bébé que l'on a mis au monde en 2011... Puis maintenant il va être disponible à l'ensemble des détaillants du Québec.

Chose que je n'ai pas mentionnée : Ça, ça vous rappelle quelque chose? C'est le manuel des détaillants que vous avez rendu disponible en 2005. Le programme Nous cartons, 90 % du contenu du programme Nous cartons provient du manuel des détaillants que le ministère de la Santé a mis en place en 2005.

Mme Charlebois : Donc, ce ne serait pas une grosse affaire, pour l'ensemble des détaillants, d'avoir tous les outils disponibles pour faire de la formation et d'intensifier la formation?

M. Servais (Yves) : Bien, effectivement, j'ai assisté, la semaine dernière ou il y a deux semaines, à la présentation de M. Florent Gravel, de l'Association des détaillants en alimentation. Vous lui avez demandé : Ça vous prend un programme de formation? Non, on n'a pas besoin de programme de formation parce qu'on l'a déjà, on l'a déjà.

Par contre, vous allez apporter des modifications à la loi, donc le comité sectoriel va devoir apporter des modifications aussi, là. Nous, juste au niveau informatique, par exemple, lorsqu'on a mis la promotion en ligne, il n'était pas adaptable aux tablettes; là, il faut le rendre adaptable aux tablettes puis il faut apporter toutes les modifications que vous allez apporter. Mais le CSMOCA sont là pour rendre la formation disponible à l'ensemble des détaillants du Québec, c'est ça.

Mme Charlebois : Bien, j'en prends bonne note puis je pense que ça peut être, comme vous le dites, un bon outil de travail pour l'ensemble des détaillants. Parce que ce qu'on nous a dit, les autres qui vous ont précédés — vous l'avez entendu, vous étiez là — c'est que c'est difficile quand moi, je carte puis mon voisin ne carte pas; bien, mon client part de chez nous, s'en va là-bas parce que c'est plus facile, jusqu'à temps qu'il se fasse prendre puis qu'il paie une bonne amende. Mais, si tout le monde s'entend, dire : Bien, on donne la formation correctement, bien, les jeunes, s'ils le savent, les commis, autant que lui... Le détaillant paie, mais, si le commis est mis à l'amende et le jeune qui achète est mis à l'amende, eux aussi, substantiellement, il va y avoir une meilleure sensibilisation parce que... Mon père, il me disait tout le temps : «Money talks.» Quand on parle d'argent, qu'on va chercher de l'argent dans tes poches, d'habitude, c'est un bon moyen de sensibiliser les gens, là, parce que c'est comme... ils ne veulent pas payer pour des affaires comme ça.

Mais, ceci étant, je pense qu'on est mieux de faire de la pédagogie que de toujours mettre à l'amende, mais ça nous prend des outils. Puis je vous entends parler de ça. On va examiner ça de près pour voir comment on peut s'assurer que c'est disponible pour tout le monde.

Une voix : Mme la ministre...

Mme Charlebois : Ce que j'ai le goût de vous ajouter, juste avant, parce que je me doute du commentaire qu'il va me faire, oui, sur les amendes et...

Une voix : Non, non, même pas...

Mme Charlebois : Non? O.K. Mais, juste avant, puis je vais vous laisser la parole après parce que le but, c'est de vous entendre, hein, j'ai le goût de vous demander aussi... Les dépanneurs vendent du vin, vendent de la boisson. Est-ce que je me trompe?

Une voix : Oui.

Mme Charlebois : Est-ce que vous cartez les jeunes qui veulent acheter, en bas de 18 ans?

M. Servais (Yves) : Oui, effectivement. Pour l'alcool, pour la loterie et le tabac, bien entendu. Donc, oui, effectivement. Puis autant on met de l'avant la politique du 25 ans, bien entendu, comme la SAQ met la politique du 25 ans, comme Loto-Québec met le politique du 25 ans. Nous, dans le programme Nous cartons, on met en force la politique du 25 ans. Puis même, compte tenu de la sévérité de la loi puis les nouveaux pouvoirs que vous accordez au Service de lutte au tabagisme, on est en train de préparer une petite campagne d'affichage en magasin où il est interdit de vendre... non, moins de 25 ans, pièce d'identité obligatoire, une politique de la direction. Pas de tabac... Pas de carte, pas de...

Mme Charlebois : ...

M. Servais (Yves) : Pardon?

Mme Charlebois : C'est pour vos membres, ça, cette...

M. Servais (Yves) : Ça, c'est pour nos membres. Vous comprendrez que l'association, c'est peut-être la moins riche des associations parmi celles que vous avez rencontrées, on n'a pas des tonnes d'argent arrière de... un coussin en arrière de nous autres pour mettre en place des moyens d'action pour essayer de sensibiliser nos membres, mais là il faut aller plus loin que sensibiliser les détaillants, il faut sensibiliser le consommateur et les habituer à présenter une carte d'identité comme c'est fait aux États-Unis.

Puis j'aimerais vous mentionner que... Je n'ai pas eu le temps d'en parler, mais, dans l'exemple qu'on vous apporte, au niveau du cartage, on a fait des petites recherches sur Internet. Vous savez qu'en France ils ont procédé au même exercice que vous, et les législateurs français... puis ça, M. Lisée, il doit être content, parce que vous aimez aller en France régulièrement, mais les législateurs français, au mois de mai, ils ont voté une loi, dont sur le paquet neutre, mais aussi avec l'obligation de présenter une carte d'identité à l'achat des produits du tabac. Donc, ce n'est pas juste nous qui le demande, les législateurs français l'ont mis dans un projet de loi, comme c'est le cas aux États-Unis, comme le Maroc s'apprête à le faire et comme au moins deux provinces canadiennes le font actuellement.

Ça fait que nous, Mme la ministre, pour aider à atteindre vos objectifs... On a dit qu'on avait passé de 45 %, 50 % à 85 %. Est-ce qu'on peut passer à 90 % ou à 95 %? Peut-être, mais ça nous prend des outils, donc le cartage obligatoire, on a notre formation. Ça prend une campagne de sensibilisation, Mme la ministre. La SAQ, la SAQ fait une très belle campagne, depuis deux ans, pour inciter les consommateurs qui achètent des produits alcooliques dans les SAQ à présenter une carte d'identité; bien, nous, c'est la même chose qu'on attend de la part du ministère. Et, bien entendu, après ça, bien il faudrait peut-être faire quelque chose pour officialiser une pièce d'identité au Québec, puis nous, on vous suggère la carte d'assurance maladie.

Mme Charlebois : Je pense que dans notre... pas je pense, je suis certaine, dans notre projet de loi on a un endroit où il est spécifié que, pour l'identification, on va, par règlement, dire quels seront les outils disponibles qu'on va reconnaître, justement, pour l'identification.

M. Desrochers (Odina) : À ce sujet-là... Excusez-moi. À ce sujet-là, on fait déjà la recommandation d'utiliser la carte d'assurance maladie, parce que la carte d'assurance maladie, elle est universelle. Il y a beaucoup de gens... Parce qu'il y a des statistiques qui ont sorti relativement... Avant ça, on utilisait beaucoup le permis de conduire, mais, le permis de conduire, avec la sévérité qui a été faite avec les amendes, on sait qu'il y a à peu près 20 % des jeunes qui n'en ont pas, de permis de conduire. Donc, c'est pour ça qu'on aimerait que la carte d'assurance maladie remplace le permis de conduire. Et en même temps ça nous donnerait la chance d'avoir une carte d'identité officielle au Québec.

Mme Charlebois : Mais j'ajouterais... J'ai pris en note votre recommandation, mais je pense qu'on va devoir en mettre plus qu'une, carte.

• (14 h 30) •

M. Servais (Yves) : Moi, je n'ai pas de problème avec ça, Mme la ministre, mais la carte d'assurance maladie, comme M. Desrochers dit, est la plus répandue. Puis la problématique avec la carte d'assurance maladie puis le permis de conduire, c'est qu'on peut peut-être la demander, mais le citoyen, il n'est pas obligé de nous la montrer, parce qu'au niveau de la carte d'assurance maladie, selon la loi sur la carte d'assurance maladie, la carte d'assurance maladie sert seulement à des prestations de santé, à des services de santé, à part d'une exception qui est lors des élections, où la carte d'assurance maladie peut être présentée. Donc, pour nous, c'est simple, par contre, c'est juste un petit amendement à la loi puis de faire en sorte qu'elle devienne... qu'on puisse officiellement la demander. D'ailleurs, ça va servir aussi à vos inspecteurs sur la route, parce que vos inspecteurs sur la route vont devoir carter maintenant des jeunes qui sortent des dépanneurs avec des produits du tabac. Donc, il faut que tout le monde soit en règle aussi, là. Donc, si on peut la demander, bien il faut que le citoyen soit obligé, qu'il puisse... que la carte d'assurance maladie peut être considérée comme une carte valable.

Puis aujourd'hui, en 2015, avec toute la technologie qui existe, c'est facile de mettre un code-barres sur la carte d'assurance maladie, puis tout ce qu'on voit... C'est comme avec le permis de conduire. Dans le lecteur optique de la valideuse Loto-Québec, il y a juste une lumière rouge ou une lumière verte qui s'allume. Ça, ça veut dire qu'une lumière verte, O.K., tu peux faire de la vente; une lumière rouge, oublie ça, il a en bas de 18 ans. Donc... Puis, aux États-Unis, presque tout le cartage ou la vérification du cartage se fait par le biais d'un lecteur optique de la valideuse de loterie.

Mme Charlebois : Est-ce que votre lecteur voit la photo puis la personne qu'il y a devant, est capable de faire la comparaison?

M. Servais (Yves) : Pour voir la photo, non. Bien, il faut quand même laisser une part de responsabilité au détaillant. Il voit la photo, il constate que, oui, c'est bien la bonne personne, mais il scanne dans le lecteur optique de Loto-Québec, et la lumière rouge ou verte s'allume à ce moment-là. Aucune donnée confidentielle, aucune donnée confidentielle.

Mme Charlebois : Me permettez-vous de donner la parole à M. Tousignant que j'ai interrompu tantôt? Il voulait me dire quelque chose.

M. Servais (Yves) : Oui.

M. Tousignant (Olivier) : Oui. En fait, je voulais juste mentionner que le programme de formation n'est pas la solution à tous les problèmes des détaillants, parce qu'ils auront beau avoir la plus grande volonté, la meilleure volonté du monde, il ne demeure pas moins que, je vous dirais, 90 % des infractions, si ce n'est pas plus, sont commises par des commis — excusez-moi la répétition. Mais donc ce sont des gens sur lesquels les propriétaires n'ont pas de contrôle. Alors, ils ont beau les former du mieux qu'ils peuvent, il y aura toujours des produits du tabac vendus par de leurs commis.

Et ce qu'il faut comprendre aussi, c'est que ce sont généralement des emplois précaires. Si on regarde, si on faisait une moyenne, en fait, de l'âge des employés qui sont des employés... de ces commis-là, souvent on a des gens de 16 à 22 ans, je vous dirais, en moyenne, et généralement un ou deux employés plus âgés, qui est le permanent. Ce sont des étudiants ou des gens sous-scolarisés qui ont des emplois précaires. Il suffit qu'il y ait un avertissement, et ils quittent.

Alors, ça, c'est la réalité à laquelle les détaillants ont à faire face, et c'est pour ça que je veux quand même mettre un bémol sur vos commentaires précédents en disant que c'est là où vient l'importance de ce que M. Servais a dit, parce que c'est mettre un fardeau énorme sur le dos des détaillants, de s'assurer que leurs commis ne procèdent jamais à la vente de tabac à des personnes d'âge mineur. Et je le vois dans mes dossiers...

Mme Charlebois : Moi, j'ai un petit bémol mettre à votre affirmation, parce que j'ai déjà eu une entreprise où il y avait des camions sur la route, puis c'était de ma responsabilité de m'assurer que mes camions étaient en bon état et d'avoir du monde qui était suffisamment prudent pour conduire correctement. Puis je pense que, quand on est en affaires, il faut un minimum... C'est sûr qu'on ne peut pas contrôler tout le monde, je le sais, j'ai été en affaires, mais il faut faire un effort minimal.

Est-ce que j'ai dit que c'était juste ça qui va faire le changement à la donne? Non, mais je pense que, là, on a un élément qui permet d'améliorer la situation, O.K.?

M. Tousignant (Olivier) : Tout à fait, tout à fait.

Mme Charlebois : On se comprend là-dessus?

M. Tousignant (Olivier) : Oui, oui, on se comprend.

Mme Charlebois : O.K. J'ai une question autre, on est dans un tout autre sujet, mais on s'est compris sur l'ensemble des choses. Cigarette électronique, vous dites dans votre mémoire que, l'encadrement de la cigarette électronique comme un produit du tabac, vous n'êtes pas tellement favorables à ça.

M. Servais (Yves) : La cigarette... Bien, nous, le produit existe, il y a une demande également pour ce produit-là, donc nous... Vous savez qu'il y a les boutiques spécialisées puis il y a les dépanneurs aussi qui en vendent, mais nous, on veut juste s'assurer, si vous réglementez le produit, que le détaillant puisse continuer à vendre la cigarette électronique. Puis oui, effectivement, il y a besoin d'un encadrement, parce que la nicotine, actuellement, qui est dans le liquide, souvent c'est des laboratoires qu'on ne connaît pas, donc ça prend vraiment un encadrement.

On est d'accord avec vous pour la vente aux mineurs, puis, voyez-vous, c'est pour ça, là. Là, vous rajoutez un autre produit à contrôler. Demain matin ou l'année prochaine, ça va peut-être être des boissons énergétiques que vous voulez qu'on contrôle. Il y a deux ans, vous avez demandé à ce qu'on contrôle... aux salons de bronzage de demander de contrôler l'âge des personnes qui rentrent dans les salons de bronzage. Donc, il va y avoir un paquet de contrôles à faire, mais il faut qu'on ait des outils pour le faire, puis c'est pour ça qu'on vous approche.

Puis ce n'est pas vraiment compliqué parce qu'au niveau du cartage obligatoire, entre ce qu'il y a dans la loi actuellement puis ce qu'on vous suggère, il n'y a pas vraiment une grosse différence. Quand on parle de campagne de publicité, promotionnelle auprès du grand public concernant le cartage, bien ça, je pense que normalement... Moi, quand je regarde les commissions parlementaires précédentes, puis on regarde les conclusions puis les recommandations, il est toujours question d'une campagne de sensibilisation et d'éducation auprès du grand public. Puis, oui, vous en avez fait concernant la fumée secondaire, puis ça, c'est correct, la nocivité du produit, mais, au niveau de la sensibilisation puis de l'éducation du grand public au niveau du cartage, ce n'est pas fait.

Aux États-Unis, il n'y a personne qui pose la question, là, des gens de 40 ans, ça sort les cartes d'identité automatiquement, parce que c'est réglementé, puis les gens, maintenant, en ont l'habitude. Mais au Québec ce n'est pas le cas. Comme je vous dis, il y a beaucoup de violence puis d'agressions verbales dans les dépanneurs par rapport à ça. Donc, nous, en sachant, mettons, que, oui, le gouvernement va demander... va autoriser ou va dire que tous les détaillants... que les détaillants qui demandent une pièce d'identité à un consommateur, bien, le consommateur est tenu de présenter sa pièce d'identité.

Mme Charlebois : Pour la boisson, c'est-u «est tenu»? Pour la loterie, c'est-u «est tenu»? Est-ce qu'il y a autant de violence quand vous demandez les cartes pour ces produits-là?

M. Servais (Yves) : Ah! pour l'alcool ça arrive, parce qu'on a des gens un peu éméchés des fois qui peuvent se présenter. Mais, tu sais, la loi, comme tel, je vous dirais, avec Loto-Québec, bien il y a un plus grand support. Au niveau du tabac, on n'a de support de personne.

Mais, au niveau de Loto-Québec, la perte du permis survient seulement qu'à la troisième suspension. Tantôt, on parlait de la sévérité des amendes, mais, dans le cas du tabac, c'est la première, première infraction, là, donc il faut vraiment être encore plus à nos aguets puis s'assurer que la vente du tabac est contrôlée. Puis c'est pour ça qu'on a besoin de votre aide, parce que c'est sûr que nous, là, on dit ça sur notre pancarte à nous autres, la direction puis l'AMDEQ, là, mais, si on voit le petit logo, là, du ministère de la Santé après sur une carte de même, bien, le consommateur qui argumente après le commis, il va dire : Aïe! regarde, mon chum, là, regarde, c'est la loi, O.K., tu dois présenter ta carte d'identité lorsque tu veux acheter des produits de...

Mme Charlebois : Est-ce que vous seriez d'accord pour partager avec les membres de la commission un exemplaire de...

M. Servais (Yves) : Oui. Ce n'est pas la version finale, mais, oui, il n'y a pas de problème. On est en train...

Mme Charlebois : O.K. Parce que ça peut nous aider pour la suite des choses éventuellement.

Mais concernant... Je reviens à la cigarette électronique parce que vous savez que la cigarette électronique peut être un incitatif, pour des jeunes, à fumer, malheureusement, et ce n'est pas ce qu'on souhaite, mais ça peut être là le point de démarrage, parce que j'en ai vu à 10 $, toutes «cute», toutes colorées, etc. Par contre, j'en ai vu qui sont plus dispendieuses et qui aident les gens à arrêter de fumer. Ça fait que le but n'est pas de ne pas permettre aux gens de s'en servir à bon escient et/ou à l'escient qu'ils veulent, hein, je veux dire, sauf que comment on va faire pour réglementer ça si dans les boutiques spécialisées on dit : C'est 18 ans, puis chez vous c'est 16 ans? Il va falloir qu'on mette une uniformité, là.

M. Servais (Yves) : 18 ans, 18 ans, je n'ai aucun problème avec ça. 18 ans.

Mme Charlebois : 18 ans? Vous êtes d'accord avec ça?

M. Servais (Yves) : Puis par contre, comme je vous dis, si vous réglementez... si vous permettez le marchandisage ouvert, nous, on est pour le marchandisage ouvert parce que, vous l'avez dit, il y a des cigarettes électroniques à 2 $ qui ressemblent vraiment à une cigarette puis d'autres, des cigarettes électroniques, beaucoup plus développées, mais il faut quand même que le consommateur qui les achète puisse voir qu'est-ce que ça a l'air puis puisse voir c'est quoi qu'il achète.

Mme Charlebois : ...à partir du moment où on achète un produit pour arrêter de fumer, en principe — c'est comme la cigarette — il peut être caché, mais on sait ce qu'on veut, là, hein?

M. Servais (Yves) : Oui, mais il y a plusieurs sortes, donc il faudrait... Si vous mettez... vous appliquez la même loi pour la cigarette électronique que le tabac, il va falloir que vos inspecteurs sur la route fassent preuve de diligence, parce que, lorsque vous allez ouvrir, mettons, le présentoir de cigarettes électroniques, l'achat ne se fera pas dans une minute, là, ça va peut-être prendre deux, trois minutes à dire : Ah! celle-là, c'est quoi, la particularité? Oui, celle-là, c'est quoi? C'est quoi? C'est quoi? Ça va peut-être être, peut-être, trois, quatre minutes, là. Mais, si l'inspecteur est là puis il dit : Aïe! regarde, ton présentoir est ouvert puis... Non. Il pourrait faire... Ça, c'est ma crainte. On connaît vos inspecteurs sur la route, on entend toutes sortes de choses. Donc, c'est une crainte que j'ai.

Mme Charlebois : Est-ce que vous êtes au courant que, les inspecteurs, la majorité du temps les inspections se font en été?

M. Servais (Yves) : Se font?

Mme Charlebois : En été.

M. Desrochers (Odina) : Oui, oui. Ça, on le sait, oui.

M. Servais (Yves) : En Estrie, ça?

M. Desrochers (Odina) : En été.

M. Servais (Yves) : En été, oui, oui. Bien non, pas juste en été!

Mme Charlebois : Non, mais la majorité du temps.

M. Servais (Yves) : Dans la période des fêtes, dans les grands congés, ils sont constamment sur la route.

Mme Charlebois : Que dites-vous de ça, qu'il y ait tant de gens qui se font prendre à vendre des cigarettes aux mineurs, alors que les gens savent que c'est là qu'il y a le plus d'inspections?

M. Servais (Yves) : Bien, nous, en tout cas, on... Au 24 juin, là, vous pouvez être certains que nous, on avise nos membres : Préparez-vous, l'été s'en vient, les inspecteurs s'en viennent aussi. Puis c'est la même chose pour la période des fêtes.

Mais, comme je vous disais, Mme la ministre, tout à l'heure, en 2005 j'étais gêné de répondre aux médias quand on me parlait du taux de conformité de 45 % puis 50 %, j'étais gêné. On est rendus à 85 %, puis on me dit qu'on est un petit peu supérieur à la moyenne canadienne, donc je trouve que ce n'est pas mauvais.

Est-ce qu'on peut faire... Il y a toujours de la place à l'amélioration. Nous, on veut le faire avec vous puis que vous nous donniez des outils pour monter une coche, deux coches, trois coches.

Mme Charlebois : On va regarder ça. Oui, allez-y.

• (14 h 40) •

M. Desrochers (Odina) : Écoutez, Mme la ministre, ce n'est pas compliqué. Si on a l'outil, par exemple vous faites une campagne de sensibilisation, d'information, vous dites : Le cartage, c'est obligatoire, et que, là... je veux dire, les dépanneurs n'auront pas le choix, écoutez. À ce moment-là, le dépanneur ou l'employé qui va vendre du tabac à des mineurs, bien il aura juste à s'en prendre à lui, parce que, là, il va avoir tous les outils. On va l'avoir informé, on va l'avoir sensibilisé, on va lui avoir donné un outil pour le faire. Après ça, là, je veux dire, les questions des amendes, n'importe quoi, ça devient, à ce moment-là, de la régie interne.

Nous autres, ce qu'on veut, c'est... dans le fond, on parle de la responsabilisation de toutes les parties, que ce soit le gouvernement, que ce soit le détaillant, que ce soit notre association. Et, à ce moment-là, en faisant de la responsabilisation, tout le monde est impliqué, et on peut s'attendre véritablement à des résultats beaucoup plus forts et concrets dans la démarche collective que nous menons présentement.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Rosemont pour une période 13 min 30 s.

M. Lisée : Merci. Bonjour, M. Servais, M. Tousignant, M. Desrochers. J'ai eu l'occasion de vous recevoir cet été dans mon bureau à Rosemont, vous aviez gagné des points. Là, plus tôt dans votre intervention, vous en avez perdu en parlant de la France, là, bon, mais je vais essayer d'être quand même magnanime.

Écoutez, on va faire ça de façon assez systématique. Si je vous dis que je suis favorable au cartage obligatoire, on est d'accord?

M. Servais (Yves) : Oui.

M. Lisée : Si je vous dis que je suis d'accord pour proposer à la ministre d'harmoniser le processus pour Loto-Québec, pour la SAQ puis pour le tabac, pour faire en sorte que ce soit une réglementation très similaire, sinon identique, vous êtes d'accord?

M. Servais (Yves) : Oui.

M. Lisée : Si je vous dis que je veux que vous ayez un avertissement, un deuxième avertissement, puis la troisième prise vous êtes out, vous êtes d'accord avec moi?

M. Servais (Yves) : Oui.

M. Lisée : Si je vous dis que je suis d'accord pour vous permettre de demander des cartes, que ce soit assurance maladie ou autres — on va en discuter avec la ministre, qui veut qu'il y en ait plusieurs qui soient disponibles — c'est ce que vous voulez?

Et je comprends aussi que vous voulez être informés rapidement de l'infraction qui a été commise pour que vous puissiez voir si c'est un employé qui l'avant-veille a mal agi puis vérifier sur votre... même sur vos caméras vidéo qu'est-ce qui s'est passé : Est-ce que c'était son chum? Est-ce que c'était son frère? Est-ce que c'était son cousin? Est-ce qu'il a été menacé? Est-ce qu'il a été giflé? Pourquoi est-ce que l'infraction a été commise?

Vous êtes d'accord avec moi?

M. Servais (Yves) : Oui.

M. Lisée : Et que, donc, l'inspecteur puisse, un peu comme un policier ou des agents de stationnement, vous remettre la contravention sur place, ça, ça pourrait se faire, ça, vous seriez d'accord avec ça? Bon. Alors, finalement, on est pas mal d'accord.

M. Servais (Yves) : On se croise les doigts, M. le député.

M. Lisée : On va bien s'entendre, on va bien s'entendre.

Mais, pendant que je vous ai, puisqu'on est d'accord sur presque tout, je vais vous poser des questions sur d'autres inspecteurs qui viennent dans vos dépanneurs, les inspecteurs des compagnies de tabac; des inspecteurs qui viennent voir si les dépanneurs qui ont signé des contrats avec Imperial Tobacco ou Benson & Hedges respectent leurs contrats. Pouvez-vous me parler de ça un petit peu?

M. Servais (Yves) : Pas dans les détails, parce que je suis... Je sais qu'il y a des contrats qui se signent. De quelle nature? Ça, je ne pourrais pas vous le dire comme tel, malheureusement, j'aurais bien aimé répondre à vos questions. Mais effectivement il y a toutes sortes de contrats pour favoriser un produit ou une compagnie par rapport à une autre. C'est la guerre, c'est la guerre. Ça, je peux vous le dire, ça, c'est sûr.

M. Lisée : Oui, c'est ça. Donc, vos membres vous en parlent, là, qu'ils sont sollicités.

M. Servais (Yves) : Oui, oui, oui.

M. Lisée : Ils sont sollicités par les compagnies de tabac pour essayer de faire des contrats qui visent à faire quoi?

M. Servais (Yves) : Bien, à mousser une compagnie plus qu'une autre.

M. Lisée : C'est ça. Donc, les compagnies, entre eux, disent...

M. Servais (Yves) : ...c'est le seul moyen, à un moment donné, pour aller chercher des parts de marché. Est-ce que tu travailles avec moi ou tu travailles avec une autre compagnie? C'est des choses qui se passent.

M. Lisée : Est-ce qu'un dépanneur peut signer avec plusieurs compagnies?

M. Servais (Yves) : Bonne question, bonne question. Je vous dirais, il y a quelques années, il y avait des premières positions, des deuxièmes positions, des troisièmes positions. Aujourd'hui, c'est plus rare.

M. Lisée : Ça veut dire quoi, première position, deuxième position?

M. Servais (Yves) : Bien, dans un sens que le détaillant peut avoir de meilleures conditions s'il pousse vraiment une compagnie plus qu'une autre. Là, je vous réponds...

M. Lisée : C'est ça. M. Desrochers.

M. Desrochers (Odina) : Oui. Avant qu'on cache les cigarettes, c'est sûr que, là, c'était plus intéressant, puis c'était comme n'importe quel produit, les cigarettiers se battaient pour avoir une belle place, une bonne vision, un peu comme on voit les produits de la bière puis les produits de loto. Alors, à ce moment-là, c'est sûr que les compagnies de tabac faisaient des pressions pour être à l'avant-plan, être mieux positionnés.

Mais vous allez comprendre qu'avec la disparition des marques de tabac, tout ça, là, leur marge pour influencer le public, il n'y en a pas tellement. Les gens arrivent, ils posent des questions. Vous savez, maintenant beaucoup de dépanneurs ont leurs tiroirs à même leur comptoir, donc ils ouvrent leur comptoir, ils prennent la cigarette puis ils leur donnent. Auparavant, vous aviez tout l'étalage visuel. Ça fait que ça, ça a enlevé énormément de pouvoir de marketing auprès des compagnies de tabac.

M. Lisée : Alors, j'ai ici entre les mains les modalités du programme de fidélisation de Benson & Hedges, O.K.? C'est en français. C'est dans un bon français, d'ailleurs, c'est bien écrit, bien traduit. Et donc, pour participer au programme, vous devez être un détaillant autorisé à vendre des produits de tabac. Vous devez soumettre un formulaire d'adhésion, nous devons accepter votre adhésion en tant que membre du programme. Et évidemment il y a des conditions que nous établissons de temps à autre, et nous pouvons, à notre entière discrétion — c'est la compagnie qui parle — suspendre, modifier, prolonger ou autrement changer le programme.

Et qu'est-ce que vous avez? Bien, écoutez, c'est comme Aéroplan, vous avez la section... vous pouvez être dans le niveau prestige, platine, or ou argent, hein? Donc, on connaît ça. Et évidemment ça dépend du nombre de cigarettes vendues, ou de paquets de cigarettes, ou de cartons de cigarettes. Et vous pouvez avoir en échange des récompenses-voyages. Ça, c'est des voyages. Je pense qu'Imperial Tobacco — on va leur demander tout à l'heure — eux, ils n'ont pas de voyage, mais ici... «Les récompenses-voyages peuvent comprendre le transport par avion, la chambre d'hôtel, la location d'une voiture, des forfaits ou d'autres éléments du voyage. Les récompenses-voyages ne peuvent être délivrées qu'au nom des membres du personnel de vente de produits de tabac.» Alors, si vous avez un gros dépanneur puis qu'il y en a... Quelqu'un qui vend du shampooing, lui, il ne peut pas y aller, c'est juste ceux qui vendent le tabac.

Est-ce que vous connaissez des gens qui ont profité de ce genre de...

M. Servais (Yves) : Les gens ne nous disent pas s'ils adhèrent à un programme d'Imperial Tobacco, RBH ou JTI. Mais vous êtes très bien renseigné, très bien renseigné, oui, ça existe. Puis, oui, j'ai des appels de détaillants, à l'occasion, qui se plaignent de tel comportement, de tel comportement des compagnies de tabac. Ça fait que je ne veux pas trop embarquer là-dedans, il y a des gens qui vont vous en parler en arrière de moi, mais c'est des choses qui existent.

M. Lisée : Bien, moi, je vous ai, là, puis je vous pose la question : De quel comportement ils se plaignent exactement? Donnez-moi des exemples.

M. Servais (Yves) : Là, vous me faites parler, là.

M. Lisée : Bien oui.

M. Servais (Yves) : Mécontentement, mécontentement des exigences des compagnies de tabac.

M. Lisée : Des exigences comme quoi?

M. Servais (Yves) : Comme celles que vous avez nommées.

M. Lisée : O.K. Parce que nous, on a des courriels, là, qu'on a reçus, que des gens nous ont envoyés, qui se plaignent, justement... des détaillants comme vous, des anglophones aussi, francophones et anglophones qui se plaignent, justement, de l'arrivée d'inspecteurs, des inspecteurs viennent dans les... d'une compagnie. Et là il y a un avis, là, de non-conformité qui a été envoyé par Benson & Hedges : «Veuillez prendre note que le détaillant susmentionné a reçu son premier avis de non-conformité.» Et non-conformité pourquoi? «Parce que, lors de ma visite à votre magasin aujourd'hui, dit l'inspecteur, j'ai remarqué que vous ne respectiez pas un ou plusieurs livrables de notre entente avec les commerces de détail : marge plafond pour les produits...» Il prenait une marge trop élevée sur le produit. Parce qu'évidemment le contrat dit : Je vais te fournir des cigarettes avec un rabais, et les rabais peuvent aller de 1 $ à 7 $ par carton de cigarettes — c'est gros, ça, 7 $ par carton de cigarettes — mais en échange tu ne peux pas vendre plus cher que mes concurrents ou tu dois vendre moins cher que mes concurrents. Puis là je suis allé dans ton dépanneur puis j'ai vu que tu fais trop de profits, et là je te donne un premier avis, puis après trois avis je ne te livre plus mes cigarettes. Comment vous trouvez ça, vous?

M. Servais (Yves) : M. Lisée, vous êtes très bien informé. S'il y a des détaillants qui se sont plaints à vous, il y a des détaillants qui se sont plaints à moi aussi. On se comprend-u?

M. Lisée : Est-ce qu'on devrait interdire ça?

M. Servais (Yves) : Pas nécessairement, non. Moi, regardez, c'est au détaillant de prendre sa décision. Est-ce qu'il préfère avantager les produits d'Imperial, les produits de RBH ou les produits de JTI? C'est eux autres qui prendront la décision. Mais, encore une fois, bien candidement... Je ne devrais pas être aussi ouvert que ça, mais effectivement la game — excusez l'anglicisme — a changé beaucoup au cours des dernières années, depuis la disparition des étalages de tabac, et c'est des pratiques commerciales qui se font actuellement.

• (14 h 50) •

M. Lisée : Parce que clairement, bon, ces gens-là sont dans la business; leur objectif, c'est de vendre des produits. Moi, mon père était épicier, puis tout le monde essaie que son produit soit plus proche de la caisse, où les taux d'achat sont plus élevés, les marges de profit aussi, ça fait partie du commerce de détail. Mais là on a un commerce détail d'un produit toxique dont on essaie de réduire sans l'interdire, c'est un choix de société, on a choisi de ne pas l'interdire, mais on essaie d'en réduire la consommation au maximum, et là les compagnies ont développé, ce qui est légal... Certains pensent que certaines... on pourrait contester la légalité de ces programmes-là, mais en tout cas présumons que c'est légal ou ça se débat. L'objectif, évidemment, c'est d'augmenter leurs ventes, mais, en augmentant leurs ventes, ils augmentent aussi la consommation. Et nous, on est dans un processus où des pneumologues, des cardiologues sont venus nous dire : Écoutez, là, c'est mieux que personne ne fume rien, mais la situation qu'on va créer avec la loi, c'est que l'adulte qui veut acheter un produit au menthol va se faire dire : Il n'y en a plus. Ça, la ministre, là, puis même le gars de l'opposition, puis les représentants du troisième parti, ils ont dit : C'est fini, le menthol. Ça fait que, là, il y a deux solutions. Ou bien je te dis : Oui, mais j'ai une réduction sur un «duo pack» — ça, c'est deux paquets de cigarettes mis ensemble — puis franchement ça vaut la peine que tu essaies ça, ou bien, si ça, c'est interdit, bien j'ai une cigarette électronique ici au menthol; il y a la nicotine, mais il n'y a pas les 69 produits cancérigènes, tu pourrais peut-être passer là. Ça, les pneumologues puis les cardiologues, c'est ça qu'ils veulent. Alors, si c'est ça qu'on veut, nous aussi, ce ne serait pas mieux de dire aux compagnies de tabac : Écoutez, vous vendez votre tabac au dépanneur, il est interdit d'avoir de programme de fidélisation ou de programme d'augmentation des ventes, puis chaque dépanneur décidera selon le libre marché quelle marge de profit il veut avoir sur ses cigarettes? Ça ne vous enlèverait pas un poids, ça, aux dépanneurs?

M. Desrochers (Odina) : Qui va contrôler encore?

M. Lisée : Bien, il n'y aura pas de contrôle, je veux dire, vous allez vendre, les gens vont vendre, puis ils n'auront pas le droit de vous envoyer des inspecteurs, puis vous n'aurez pas le droit de signer des contrats de fidélisation. Vous allez vendre au prix du marché, qu'ils fixeront en compétition entre eux, puis vous choisirez vos marges de profit.

M. Servais (Yves) : M. Lisée, je ne suis pas encore rendu là. Je vous dirais qu'on est dans un marché de libre concurrence, les détaillants ont le droit d'accepter ou de refuser de telles offres, malgré que, je suis d'accord avec vous, il y a beaucoup de mécontentement par rapport à ça, mais... Puis je ne suis pas d'accord à ce que ça fasse augmenter la consommation. Ça va faire augmenter la consommation d'une compagnie par rapport à une autre mais pas la consommation générale. Les trois compagnies se battent actuellement pour essayer de garder leurs parts de marché, d'avoir un peu plus de marché, puis ils demandent la collaboration pas de tous les détaillants, de certains détaillants.

M. Lisée : Mais ça pousse au volume, ça pousse au volume quand même.

M. Servais (Yves) : Je vous dirais que oui.

M. Lisée : Bon.

M. Servais (Yves) : Je vous dirais que nous, on est des dépanneurs indépendants, on en a des petits, des moyens, des gros. Les petits et les moyens sont souvent exclus de ces programmes-là, c'est les gros qui sont avantagés et les réseaux corporatifs.

M. Lisée : Bien, en tout cas, moi, ça me tente, ça me tente de faire en sorte que les dépanneurs n'aient plus d'inspecteur, en plus des inspecteurs de la ministre que je soutiens, des inspecteurs des compagnies de tabac que je ne soutiens pas, puis ils n'aient plus à se demander, sur un texte, là, de sept pages : Si je vends plus de cigarettes à plus de monde, est-ce que je vais pouvoir avoir un voyage? Non, regarde, mets ton taux de profit, là, puis fais des voyages avec ta femme ou avec ton chum, comme tu veux...

M. Servais (Yves) : Vous savez, M. Lisée, je suis mal placé, mais j'ai eu des commentaires négatifs de la part de certains de mes membres, ça, c'est certain, ça, c'est certain, par rapport à ces pratiques-là.

M. Lisée : O.K. Donc, si on abolit ça... Vous ne le demandez pas, mais vous ne pleurerez pas.

M. Servais (Yves) : Très bonne question.

M. Lisée : C'est une bonne réponse. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Lévis pour une période de neuf minutes.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Je reviendrai rapidement sur ce que mon collègue vient de soulever, mais... Vous dites que vous avez des membres qui sont mal à l'aise avec ces programmes de fidélisation dont on parle. Est-ce que ça a forcé de votre part des discussions avec les manufacturiers pour aborder ce thème-là? Puis ma sous-question : Est-ce que de ceux que vous représentez ont déjà souffert sur leur chiffre d'affaires, par exemple, au-delà d'un voyage qu'on fait ou qu'on ne fait pas, du fait qu'une compagnie les prive d'un produit par rapport à un autre?

M. Servais (Yves) : Bien, malgré que, regardez, il y a toujours quand même trois compagnies qui existent dans le marché du tabac. Donc, si le programme, mettons, de RBH ne fait pas l'affaire, il y a peut-être toujours une autre petite compagnie, mettons une plus petite, avec moins de parts de marché, qui est plus ouverte, puis le détaillant va se rabattre du côté de cette compagnie-là.

L'autre question que vous m'aviez demandée...

M. Paradis (Lévis) : Alors donc, discussion directement avec des... Non.

M. Servais (Yves) : Non. Non, pas de discussion avec les compagnies...

M. Paradis (Lévis) : Et des effets directs...

M. Servais (Yves) : ...parce que nous, comme je vous dis, on... Comment je pourrais vous dire ça, donc? Nos relations sont très minimes avec les compagnies de tabac, honnêtement, là, sont très minimes.

M. Paradis (Lévis) : En même temps, vous avez dit, et je sais, que vous protégez vos membres et que... vous nous avez souvent dit que, des dépanneurs, ce n'est pas nécessairement facile aujourd'hui non plus de tirer son épingle du jeu, hein, les profits, au bout du compte, ne sont pas si énormes que ça. C'est pour ça que vous défendez aussi le fait de pouvoir offrir de la marchandise, faisant en sorte que l'économie roule.

Et on complétera là-dessus. Est-ce que certains des dépanneurs qui se plaignent ont déjà dit : Cette pression-là d'inspecteurs, des manufacturiers a fait en sorte qu'on m'a pénalisé puis que mes chiffres d'affaires déjà pas faciles en ont souffert?

M. Servais (Yves) : C'est dérangeant. On a... J'ai eu des détaillants qui se sentent agressés ou dérangés par ce type de contrat là.

M. Paradis (Lévis) : Avec des résultats concrets sur une année pas facile?

M. Servais (Yves) : Ça, je ne pourrais pas vous le dire, non. Non, ça, je ne pourrais pas vous le dire.

M. Paradis (Lévis) : O.K. Je reviens... Et je laisserai ma collègue poser également une question, alors je suis mon temps également. Reste que l'élément crucial de votre argumentation, c'est le cartage obligatoire. Et comprenons bien, que ce soit bien clair encore une fois — c'est comme ça que je le saisis — vous êtes prêts à le faire, vous avez préparé une campagne pour le faire, pour sensibiliser vos gens, mais, cette pression uniquement sur vos épaules, si dans la loi on inscrit cette obligation-là vous permet, à quelqu'un qui décide d'enguirlander un commis, de dire : Bien, regarde, là, ce n'est pas ma décision à moi, c'est là, puis c'est collectivement qu'on le fait.

M. Servais (Yves) : C'est ça.

M. Paradis (Lévis) : Vous pourriez quand même avoir des cas où certains clients risquent d'être agressifs, même dans un cartage obligatoire, parce que vous serez celui qui poserez le geste.

M. Servais (Yves) : Oui, effectivement. Effectivement. Mais je pense qu'au Québec on est très loin par rapport à ce qui se passe aux États-Unis, par exemple, hein? C'est toujours l'exemple qu'on donne. Aux États-Unis, que vous ayez 40 ou 50 ans, vous êtes... bien, en tout cas, peut-être pas sûr à 100 %, mais vous allez vous faire carter certain. Puis, si vous avez 20 ans, bien ça, c'est sûr aussi. Bien, même, à 20 ans, tout dépendant des États... Parce que l'âge minimum est différent d'un État à l'autre, là. Mais effectivement ça ne peut pas... Ça peut faire en sorte que, oui, on peut en échapper, mais, encore une fois, quand il faut que tu argumentes pendant deux, trois minutes avec un jeune adulte, entre parenthèses, plus ou moins baveux qui n'accepte pas d'être carté, bien là on le sort : Regarde, c'est la loi, c'est la loi.

M. Paradis (Lévis) : Et à celui qui vous dirait : Regarde, tu tombes bien mal, je ne l'ai pas, ma carte, là, je veux dire?

M. Servais (Yves) : Tu ne vends pas. La consigne, c'est que tu ne vends pas... à moins que le gars, il a 50 ans, tu sais, ou il a l'air d'un gars de 50 ans, tu sais, il faut user de jugement aussi, là.

Mais la problématique, c'est vraiment de faire de la, comment dire... de discriminer entre un jeune ou une jeune... un mineur de 17 ans puis un jeune adulte de 22, 23 ans, c'est là qu'est la problématique, puis, nous, c'est cette catégorie de personnes là qu'on vise. Puis aux États-Unis c'est la même chose. Eux, c'est les jeunes, ils visent les jeunes... bien les jeunes adultes de moins de 27 ans, peut-être aussi parce que l'âge minimum, dans plusieurs États, c'est 21 ans; ici, c'est 18 ans. Puis, la politique du 25 ans, comme je vous dis, Loto-Québec, la SAQ, tout le monde vise 25 ans pour s'assurer qu'il n'y a pas de jeunes... de mineurs qui ont l'air plus vieux qui vont passer à travers les mesures de contrôle qu'on met en place.

M. Paradis (Lévis) : Harmonisation, uniformisation. C'est un peu ce que vous prônez également.

M. Servais (Yves) : Je reviens à... On n'en a pas parlé beaucoup, mais la valeur, le montant des amendes...

M. Paradis (Lévis) : Bien, j'y étais, permettez-moi également... Puis je pense que c'est Me Tousignant qui a à représenter ou qui a représenté à l'occasion des gens qui aussi font partie de l'association sur la fixation ou l'imposition d'amendes. On sait que les choses changent radicalement. Il y a des chiffres, vous le savez, hein, ça se multiplie par cinq, par 10, bon, et davantage. Parlez-moi de votre expérience de plaideur. C'est-à-dire qu'on dit : Donnez-nous une chance, première, deuxième offense, mais, dans le cas... Actuellement, lorsqu'arrive une offense, est-ce qu'habituellement la justice impose la peine maximale?

M. Tousignant (Olivier) : Non. En fait, dans ma situation, je n'ai jamais eu de cas de récidive, ça a toujours été des premières infractions. Ce que je peux vous dire, c'est que l'amende, à la limite, ça va, l'amende, ils sont capables puis ils acceptent, mais le problème, c'est les suspensions de permis. Alors là, en ce moment, ce que l'on veut faire avec la modification dans le projet de loi, c'est non seulement augmenter l'amende, mais augmenter la période de suspension des permis. L'amende... On le sait, ces commerces-là — et je vais prendre la balle au bond — sont souvent des commerces de proximité. Il y en a beaucoup, des membres de l'association, ce sont des commerçants de village, ce sont, on pourrait dire, le nouveau magasin général, c'est ça, alors il y a du prêt-à-manger qui est fait, il y a les Tylenol, il y a tout ça. Ce sont ces types de commerce là qui ont souvent des santés financières relativement précaires. Et en ce moment je vous dis que l'effet dissuasif est plus qu'atteint, dans les faits, là, parce que la suspension d'un mois, pour ce type de commerce là, déjà à la première infraction, c'est désastreux. C'est beaucoup de dizaines de milliers de dollars, généralement, qui vont être perdues par des ventes croisées, et tout ça.

• (15 heures) •

M. Paradis (Lévis) : Alors, l'imposition... la décision de retirer le produit, dans votre tête à vous, dans le meilleur des mondes, automatique à partir d'une récidive? Troisième offense? Deuxième offense?

M. Tousignant (Olivier) : Si on regarde ce qui est fait au Québec, on voit que c'est troisième offense, de ce que j'ai vu. Je vous dirais que ce n'est certainement pas à la première que c'est, à mon avis, opportun. L'avis, il est plus qu'efficace au premier avertissement, là. Je veux dire, les gens, qu'il y ait suspension ou non ou amende ou non, je peux vous dire qu'ils réagissent très fortement lorsque ça arrive, là. Et je vous dirais qu'on peut penser, je vous dirais, dans l'intérêt des membres de l'association, en troisième offense c'est amplement suffisant; je vous dis qu'il y a peu de gens qui vont se rendre à la deuxième, j'en suis convaincu, de mon expérience de représentation des membres de l'AMDEQ notamment.

M. Paradis (Lévis) : En quelques secondes. Je veux donner la parole à ma collègue, si vous le voulez bien, monsieur.

M. Servais (Yves) : Bien, j'aimerais tout simplement dire aussi que ce n'est pas juste la valeur de l'amende. Quand vous perdez votre permis, Me Tousignant l'a dit, ça peut être 10 000 $ et 15 000 $ de perte en ventes et en revenus, parce que ce n'est pas juste la perte des cigarettes... des ventes de tabac qu'on perd, c'est le client qui vient ici, il achète du tabac, il achète du lait, il achète de la gomme, du chocolat, un journal. C'est toutes ces pertes-là puis la notoriété du dépanneur. Perdre le permis... Puis là tu dis : Pourquoi tu perds ton permis? Parce que j'ai vendu aux mineurs. C'est la notoriété du dépanneur qui est attaquée, puis ça, c'est grave.

M. Paradis (Lévis) : M. le Président, je vais donner la parole...

Le Président (M. Tanguay) : 1 min 15 s, collègue de Saint-Hyacinthe.

Mme Soucy : Merci, merci. Puis félicitations aussi pour votre initiative de formation commis 101! Même si ce n'était pas exigé, c'est une belle initiative de votre part.

Les experts en santé publique admettent que, bon, il nous manque encore de l'information sur la cigarette électronique, mais certains experts et associations demandent qu'on puisse légiférer afin de rendre le produit accessible pour la cessation du tabagisme. Dans cette perspective, nous savons également que les personnes qui tentent de cesser de fumer ont également besoin de support, de conseils. Alors, dites-moi comment un commis de dépanneur pourrait aider un consommateur à choisir le bon produit qui lui convient, étant donné que, bon, dans les cigarettes électroniques, il y a beaucoup de produits disponibles sur le marché, avec, bon, les quantités et tout, là, qu'on connaît.

M. Servais (Yves) : C'est sûr que, je vous dirais, on ne peut pas être des spécialistes dans tout puis on ne peut pas être des spécialistes dans le sevrage au niveau du tabac, mais on parle d'encadrement, il faut encadrer les compagnies qui desservent les boutiques spécialisées ou encore les points de vente comme les nôtres pour au moins offrir un minimum d'information. Mais ce n'est pas vrai, Mme la députée, qu'on va devenir des spécialistes, là, au niveau du sevrage. Ça, c'est certain.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Merci beaucoup. Alors, ceci met fin à nos échanges. Nous remercions les représentants de l'Association des marchands dépanneurs et épiciers du Québec.

Je suspends nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 3)

(Reprise à 15 h 8)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous poursuivons nos travaux. Nous accueillons maintenant les représentants d'Imperial Tobacco. Bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation, par la suite vous aurez une période d'échange avec les parlementaires. Bien prendre soin, s'il vous plaît, pour les fins d'enregistrement, de bien vouloir vous identifier, préciser vos fonctions également. Et la parole est à vous.

Imperial Tobacco Canada ltée

M. Gagnon (Eric) : Merci. Donc, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les parlementaires, je m'appelle Eric Gagnon, je suis le directeur principal Affaires externes et corporatives chez Imperial Tobacco Canada. Je suis accompagné aujourd'hui par le Dr Richard Voisine, directeur des affaires scientifiques et réglementaires; le Dr Voisine est un chimiste avec plus de 20 ans d'expérience dans l'étude des composantes et des émissions des produits du tabac. Nous tenons à remercier la Commission de la santé et des services sociaux pour l'invitation à participer aux consultations portant sur le projet de loi n° 44 présenté par Mme la ministre déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse et à la Santé publique.

D'entrée de jeu, Imperial Tobacco Canada reconnaît les risques pour la santé liés au tabagisme et considère que les personnes mineures ne devraient pas consommer de produits du tabac. En ce sens, nous sommes d'accord avec l'intention du projet de loi n° 44 telle que mentionnée par la ministre Charlebois, soit de protéger les jeunes contre le tabagisme. Par contre, nous sommes d'avis que certaines mesures proposées ne sont pas basées sur des données probantes et qu'elles ne contribueront pas à atteindre les objectifs gouvernementaux en matière de santé publique. Nos commentaires et recommandations d'aujourd'hui visent à favoriser le développement d'une réglementation qui est à la fois efficace, raisonnable, basée sur des données probantes et qui pourra véritablement contribuer à améliorer la santé publique au Québec.

• (15 h 10) •

Pour débuter, j'aimerais souligner que, contrairement à ce qui est parfois évoqué, le taux de tabagisme chez les jeunes Québécois est en forte décroissance depuis 2008. En effet, selon l'Institut de la statistique du Québec, on observe une baisse générale de l'usage à la cigarette chez les jeunes Québécois du secondaire alors que 6 % des jeunes ont dit avoir fait usage de la cigarette au cours des 30 derniers jours précédant l'enquête. Cette proportion est en nette baisse depuis l'étude précédente de 2008.

Malgré ces résultats encourageants, nous sommes d'accord qu'il y a encore trop de jeunes qui fument. Conséquemment, pour favoriser la prévention du tabagisme chez les jeunes, notre première recommandation est que le gouvernement accentue ses efforts de prévention et d'éducation surtout auprès des jeunes mais aussi auprès de leur entourage, quand on sait que 75 % des jeunes déclarent obtenir leurs produits de sources sociales, soit de leur famille et de leurs amis. De plus, nous appuyons l'interdiction pour les adultes d'acheter des produits du tabac pour les jeunes, tel qu'inscrit dans le projet de loi n° 44, mais nous suggérons que le Québec s'inspire des autres provinces pour également inclure l'interdiction de fournir ou d'offrir des produits du tabac aux mineurs. À notre avis, l'accès aux produits du tabac est une cause importante de l'initiation au tabagisme.

En ce qui concerne l'interdiction envisagée des arômes dans les produits du tabac, comme dans les petits cigares à saveur de bonbons ou de friandises qui sont vendus à l'unité et dont la commercialisation relativement récente semble plaire aux mineurs, elle nous apparaît souhaitable, car nous sommes d'avis que de telles saveurs n'ont pas leur place dans les produits qui comportent des risques pour la santé tels que le tabac.

Par contre, nous demandons au gouvernement de faire une distinction entre les produits à saveur de bonbons et de friandises et les produits traditionnels destinés aux adultes. Il n'existe aucune raison de bannir un produit traditionnel comme les cigarettes au menthol. En dépit des affirmations de certains groupes, aucune étude ne démontre que les jeunes commencent à fumer à cause des cigarettes mentholées. Il est donc erroné de prétendre qu'en bannissant les cigarettes mentholées le Québec contribuera à la prévention du tabagisme chez les jeunes. En fait, les données indiquent que la clientèle qui fait usage de cigarettes mentholées au Canada est principalement composée d'adultes de plus de 30 ans. C'est d'ailleurs pourquoi la législation fédérale prévoit une exemption pour les produits mentholés et que certaines provinces, dont la Colombie-Britannique, qui a pourtant le taux de tabagisme le plus bas au pays, ont décidé de ne pas bannir le menthol mais plutôt de s'aligner avec la réglementation fédérale.

Enfin, il faut considérer l'impact d'une interdiction complète des produits mentholés sur les activités de la contrebande. À l'heure actuelle, les cigarettes mentholées sont vendues légalement en paquet d'au moins 20 cigarettes, cachées de la vue du public derrière des paravents, et dont les emballages comportent des messages de santé couvrant 75 % de la surface. Concrètement, les ventes passeraient d'un cadre légal, taxé, réglementé et bien contrôlé à un marché illégal, non réglementé et non taxé auquel les jeunes ont facilement accès. Il est important de noter qu'il a récemment été répertorié, au Québec et en Ontario, plus de marques de tabac au menthol illégales que de marques légales. Et, comme ce produit représente environ 5 % des ventes de cigarettes légales, son interdiction pourrait engendrer des pertes fiscales pouvant atteindre 35 millions de dollars, et tout cela au profit des contrebandiers.

En ce qui concerne les cigarettes électroniques, nous reconnaissons la nécessité de réglementer ce produit, bien qu'aucune cigarette électronique contenant de la nicotine n'ait encore été autorisée par Santé Canada. Plusieurs intervenants du domaine de la santé reconnaissent l'impact que peut avoir la cigarette électronique dans la lutte contre le tabagisme et, par conséquent, dans l'amélioration de la santé publique. Cependant, pour atteindre ce potentiel, il est important de réglementer de façon appropriée cette nouvelle catégorie de produits. Cette réglementation doit faire en sorte que la cigarette électronique ne soit pas vendue ou consommée par des mineurs, mais elle doit aussi permettre une communication factuelle aux adultes. Nous encourageons donc le gouvernement à ne pas assujettir la cigarette électronique à la Loi sur le tabac, qui est trop restrictive, mais plutôt à définir un cadre réglementaire spécifique pour assurer une communication factuelle et adéquate avec le consommateur et pour permettre la distribution de ce produit dans les différents réseaux où les fumeurs achètent habituellement leurs cigarettes. De plus, Imperial encourage fortement le Québec à supporter le développement de normes nationales ayant pour but d'assurer la qualité du produit et de ses composantes afin de protéger les consommateurs.

Dans un autre ordre d'idées, de nombreux groupes prônent l'adoption de l'emballage neutre au Québec. Un examen attentif des résultats de l'expérience australienne, souvent mentionnée à l'appui à l'emballage neutre, montre qu'il s'agit d'une mauvaise mesure. En effet, de nombreux rapports de groupes de santé publique et du gouvernement australien montrent des résultats des plus mitigés. Par exemple, le déclin du tabagisme en Australie n'a aucunement accéléré depuis l'adoption de l'emballage neutre. Le taux de tabagisme chez les jeunes a atteint son niveau le plus haut depuis les sept dernières années, et la consommation de produits du tabac de contrebande a augmenté de manière importante depuis l'adoption de l'emballage neutre. Cet examen des données disponibles ne permet en aucun cas de conclure que l'emballage neutre conduit à une réduction de l'incidence du tabagisme chez les adultes et chez les jeunes. Ce que l'expérience australienne démontre toutefois, c'est que les mesures réglementaires extrêmes engendrent leur lot de problèmes et qu'elles ne favorisent pas les objectifs de santé publique.

En terminant, on ne peut passer sous silence le fait que l'encadrement des produits du tabac au Québec se fait dans un contexte économique et social bien particulier, caractérisé par la présence de produits illicites partout sur le territoire. Ces produits n'obéissent à aucune règle, et les taxes applicables ne sont pas perçues.

Cela dit, nous tenons à saluer les mesures mises en place par le gouvernement libéral de M. Charest, soit l'adoption de la loi n° 59 et la création du programme ACCES Tabac. Ces mesures, qui se poursuivent sous la gouverne du premier ministre Couillard, ont grandement contribué à atténuer le problème du tabac illégal.

Il serait toutefois imprudent de considérer le problème comme réglé. Encore aujourd'hui, environ 15 % des produits du tabac sont vendus de façon illégale, ce qui représente une perte annuelle de plus de 200 millions de dollars en taxes pour le fisc québécois. À cet égard, nous déplorons l'absence, dans le projet de loi n° 44, de toute mesure pour intensifier la lutte contre les produits illégaux du tabac. Ceux-ci demeurent faciles d'accès aux jeunes de moins de 18 ans, ce qui peut contribuer de manière importante à l'initiation au tabagisme. Nous savons que cet enjeu relève principalement du ministre des Finances, mais, à notre avis, il est impossible d'examiner de nouvelles mesures de contrôle sans tenir compte de l'ampleur du commerce illicite du tabac au Québec.

Pour conclure, je désire vous rappeler les cinq recommandations à prendre en considération pour le projet de loi n° 44.

Premièrement, nous croyons que la meilleure stratégie pour prévenir le tabagisme chez les jeunes repose sur des mesures significatives d'éducation et sur des mesures spécifiques s'adressant aux populations à risque et à leur entourage.

Deuxièmement, pour aider à prévenir le tabagisme auprès des jeunes, le gouvernement devrait inclure l'interdiction à toute personne de fournir ou d'offrir des produits du tabac aux mineurs.

Troisièmement, le projet de loi n° 44 devrait bannir les saveurs de bonbons ou de friandises dans les produits du tabac mais exempter les saveurs traditionnelles dans les cigarettes telles que le menthol.

Quatrièmement, nous encourageons le gouvernement à ne pas assujettir les cigarettes électroniques à la Loi sur le tabac mais plutôt à définir un cadre réglementaire spécifique pour permettre une communication factuelle avec le consommateur et rendre accessibles ces produits dans les différents réseaux de distribution où les fumeurs achètent habituellement leurs cigarettes, tout en interdisant la vente aux mineurs.

Et finalement le gouvernement du Québec devrait inclure des mesures fortes pour attaquer une fois pour toutes la production illégale et la contrebande de produits du tabac au Québec.

Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la ministre pour une période de 21 min 30 s.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, d'abord saluer les représentants d'Imperial Tobacco, M. Gagnon et M. Voisine, pour votre présence. Et j'ai entendu la présentation de votre mémoire, et honnêtement c'est particulier d'entendre une compagnie qui vend du tabac nous dire qu'on prend des mesures qui ne sont pas appropriées. J'ai ici la conclusion de vos recommandations, où on dit : «ITCAN croit que certaines mesures proposées par le projet de loi n° 44 ne contribueront pas à l'atteinte des objectifs gouvernementaux en matière de santé publique et [que], dans certains cas, elles [vont s'avérer] contre-productives.»

Ma première question : En 1998, en 2005, vous êtes-vous déclarés favorables aux projets de loi qui avaient été présentés à cette époque?

• (15 h 20) •

M. Gagnon (Eric) : Écoutez, moi, je n'étais pas là en 1998 ni en 2005. Ce que je peux vous dire, c'est que, je pense, tel qu'on l'a énuméré dans notre mémoire, et à la lecture de mes notes, il y a plusieurs mesures que l'on supporte.

Et donc on reconnaît les risques associés au tabagisme, surtout lorsqu'on parle de prévenir le tabagisme auprès des jeunes. Quand on parle de certaines mesures qui n'auront pas d'impact et qui n'aideront pas à rencontrer les objectifs visés, bien entendu, on parle notamment du menthol. Bien qu'à la base l'idée de bannir le menthol soit une bonne idée ou humble de... l'objectif, il est... personne ne peut s'opposer à la vertu, ce que l'on démontre, c'est qu'il n'y a aucune étude aujourd'hui sur le marché qui démontre que les jeunes commencent à fumer à cause du menthol, et donc de bannir le menthol n'aura pas d'impact de prévenir le tabagisme auprès des jeunes. Les jeunes fument ce qu'ils ont entre les mains.

Puis, je pense, la vraie question qu'il faut se poser, c'est : Pourquoi les jeunes commencent à fumer? Et, tel que je l'ai stipulé dans le mémoire et dans mes notes, 75 % des jeunes ont affirmé commencer à fumer à cause des sources sociales, de la famille et des amis. Et donc ce qu'on dit, c'est que, plutôt que de bannir le menthol, on croit que, pour prévenir le tabagisme auprès des jeunes, il y a des mesures plus concrètes qui peuvent être prises.

Mme Charlebois : Je pense, M. le Président, qu'un ensemble de mesures, vous avez raison, un ensemble de mesures va être plus efficace. Et ce n'est peut-être pas une étude scientifique, mais je peux vous dire que moi, quand j'ai commencé à fumer, à la cachette, en plus, de mes parents, j'ai commencé avec du menthol, parce que fumer du tabac régulier, ça me faisait mal à la gorge. Je me suis souvenu de ça il y a une semaine et demie, quand on était en commission parlementaire, j'ai dit : C'est vrai, j'ai commencé comme ça à fumer. Ce n'est pas bien, bien scientifique, mais j'ai questionné d'autres jeunes, puis je me suis fait dire sensiblement la même chose.

Ceci étant, quand vous me parlez qu'il n'y a pas d'étude scientifique qui nous démontre ça, et vous avez aussi dit, dans le début de la matière sur votre présentation, que les données probantes ne sont pas là, qu'on met en place des mesures qui ne sont pas appuyées sur des données probantes, j'ai le goût de vous demander : Est-ce que, les données probantes provenant de l'INSPQ, l'Institut national de santé publique, l'Organisation mondiale de la santé, OMS, Surgeon General des États-Unis, l'Institut de la statistique du Québec, Santé Canada et Statistique Canada, vous considérez que ce sont des données assez probantes?

M. Voisine (Richard) : Si vous permettez, je vais répondre à celle-là. Écoutez, l'ensemble des données, il y a beaucoup de données dans le marché, mais le problème, c'est l'interprétation, c'est-à-dire on parle beaucoup de prévalence ou d'associations, mais on ne parle pas de cause. Et dans l'ensemble de la littérature il y a des études... Il y a un manque de consensus dans l'ensemble de la littérature, et on ne peut pas conclure à la cause. Par exemple, l'American Health Science Foundation ne trouve pas de différence entre des cigarettes au menthol par rapport à des cigarettes ordinaires. Alors, ce n'est pas clair dans la littérature qu'effectivement le menthol est relié à l'initiation, par exemple.

Alors, je vais vous donner un exemple. Si demain matin on interrogeait tous les gens qui ont fait un excès de vitesse et que 30 % déclaraient avoir, dans les 30 jours précédents, conduit une voiture rouge, est-ce qu'on conclurait que la couleur rouge est la cause des excès de vitesse? C'est un peu la même chose. Les études observent, mais la relation de cause à effet n'est pas démontrée de façon probante.

Mme Charlebois : Si je vous parle de... 26 % des jeunes qui ont fumé et qui fument ont fumé des cigarettes au menthol, qu'est-ce que vous répondez à ça?

M. Voisine (Richard) : L'étude, si on réfère soit à l'étude de l'Institut de la statistique ou du Youth Smoking Survey, je veux dire, il n'y a pas de raison de croire que ce n'est pas des résultats de prévalence qui sont valables, je n'ai pas... on n'a pas de problème avec ça.

Mme Charlebois : Pourquoi les compagnies de tabac tiennent tant au menthol? Pourquoi, si on veut vendre des cigarettes, on ne vend pas seulement des cigarettes ordinaires? Pourquoi tenez-vous tant au menthol?

M. Gagnon (Eric) : En fait, je pense, la question, c'est... l'objectif qui a été affirmé, c'est de prévenir le tabagisme auprès des jeunes, et donc, à la base, de bannir le menthol ne rencontre pas cet objectif-là. Il y a 5 % du marché aujourd'hui que c'est des produits mentholés, les études démontrent que les produits mentholés sont à la baisse. Et donc, nous, ce qu'on dit, c'est que, si l'objectif du gouvernement, c'est vraiment de bannir... de prévenir le tabagisme auprès des jeunes, on croit qu'il y a des initiatives qui pourront atteindre ces objectifs-là...

Mme Charlebois : Il y a aussi, dans nos objectifs, réduire la prévalence au tabac, protéger la santé des non-fumeurs, protéger les enfants contre la fumée secondaire.

Alors, si ça représente 5 %, et vous dites que c'est en décroissance, pourquoi y tenez-vous tant?

M. Gagnon (Eric) : Parce qu'il y a une partie des adultes fumeurs qui ont fait un choix de fumer un produit qui est des produits mentholés.

Mme Charlebois : On pourrait dire la même chose des fraises.

M. Gagnon (Eric) : Pardon?

Mme Charlebois : De la saveur de fraise.

M. Gagnon (Eric) : Ah! mais là c'est un tout autre débat, parce que les études démontrent...

Mme Charlebois : Non, mais pourquoi vous défendez plus le menthol que toute autre saveur?

M. Gagnon (Eric) : Bien, je pense que Dr Voisine l'a énuméré. Ce qu'on dit, c'est qu'il n'y a pas d'étude qui démontre que les jeunes commencent à fumer à cause des produits mentholés.

Je vais reprendre votre exemple, Mme la ministre. La question, c'est que... Lorsque vous avez commencé à fumer, s'il n'y avait pas eu de menthol, vous auriez peut-être commencé à fumer, ce n'est pas à cause du menthol. Et la question qu'il faut vraiment se poser, c'est : Comment qu'on fait pour s'assurer que les jeunes ne commencent pas à fumer? Et les études, et ce n'est pas les études d'Imperial, c'est les études de Santé Canada et des groupes de santé, démontrent que 75 % des jeunes qui commencent à fumer — et même ce niveau-là était au-dessus de 80 % au Québec — la raison qu'ils commencent à fumer, c'est à cause qu'ils ont des frères qui fument, ils ont des soeurs qui fument, ils ont des parents qui fument ou ils ont des amis qui fument. Et donc je pense que ce qui serait important, plutôt que de s'attaquer au menthol, c'est de s'attaquer... faire de l'éducation auprès de ces groupes-là pour leur expliquer que les jeunes ne devraient pas fumer.

Mme Charlebois : Mais parlons-en donc, de la promotion. Vous en faites une recommandation de prévention et d'éducation. C'est ce qu'on fait depuis des années, on s'aperçoit que la prévalence au tabac chez les jeunes est stable. Vous nous recommandez de continuer cette méthode-là. Vous voulez qu'on continue à vendre des cigarettes à ces jeunes-là sur le même palier, parce qu'on sait que c'est déjà stable. Alors, si on n'apporte pas de modification, la prévalence au tabac va rester la même. Comprenez-vous ce que je veux dire?

M. Gagnon (Eric) : En fait, ce qu'on a proposé, ce n'est pas de faire la même chose, c'est d'intensifier l'éducation et la sensibilisation. C'est ce qu'on dit.

Mme Charlebois : Comment?

M. Gagnon (Eric) : Écoutez, il y a sûrement plusieurs manières, puis il y a sûrement des groupes beaucoup mieux placés que l'industrie du tabac pour vous proposer des campagnes de sensibilisation et d'éducation. Mais aujourd'hui d'aller bannir le menthol, ce que nous, on vous dit, c'est que, basé sur les études, ça n'aura pas d'impact. Et je pense que la prohibition, ce n'est pas la piste de solution pour prévenir le tabagisme auprès des jeunes, mais plutôt de s'assurer que les gens, premièrement, n'achètent pas, n'offrent pas des produits du tabac aux jeunes et s'assurer que les jeunes comprennent les risques associés au tabagisme.

Mme Charlebois : Vous avez raison en partie, mais moi, je demeure convaincue que d'interdire les saveurs pour l'ensemble des jeunes, étant donné toutes les données probantes que nous avons, bien on peut... On ne partage pas le même point de vue, puis je vous entends, O.K.?

Je vais vous amener maintenant à parler de la cigarette électronique. Vous nous demandez — attendez un peu — à la recommandation 4 : «Nous encourageons le gouvernement à ne pas assujettir les cigarettes électroniques à la Loi sur le tabac, mais plutôt à définir un cadre réglementaire», etc. On m'a dit, et je veux vérifier avec vous... Est-ce que c'est exact de dire que les compagnies de tabac, dont la vôtre, on fait l'acquisition de compagnies de cigarettes électroniques?

M. Gagnon (Eric) : C'est-à-dire que les maisons mères... Je ne parlerai pas pour les autres entreprises, je vais parler pour Imperial Tobacco. On appartient à un groupe qui s'appelle British American Tobacco à Londres. On a beaucoup, beaucoup d'efforts pour essayer de trouver des produits qui sont moins nocifs pour la santé. Vous savez, on est dans une industrie où est-ce qu'il y a une grande partie de nos consommateurs qui soit veulent arrêter ou qui veulent essayer de réduire ou trouver des produits moins nocifs, donc, pour nous, c'est logique d'essayer de développer des produits qui sont moins nocifs pour la santé, dont la cigarette électronique. Donc, en date d'aujourd'hui, on a deux produits de cigarette électronique en vente en Angleterre, on n'en a pas au Québec et au Canada. En fait, les cigarettes électroniques avec nicotine demeurent illégales à moins d'être approuvées par Santé Canada, et, de ce que l'on sait, il n'y a aucune cigarette électronique avec nicotine qui a été approuvée, donc tous les produits qui sont vendus aujourd'hui avec nicotine demeurent des produits illégaux. Mais, pour répondre à votre question, oui, c'est un marché auquel on regarde et auquel dans d'autres pays, notamment en Angleterre, on est partie à travers notre maison mère.

Mme Charlebois : Je comprends que vous n'en avez pas actuellement au Québec et au Canada à cause de l'illégalité de la chose, mais vous savez que ça existe et vous nous dites : Encadré et réglementaire mais pas trop. Bref, une fois que ça va être reconnu, vous allez avoir une porte ouverte.

Est-ce que vous saisissez bien pourquoi on encadre? C'est-à-dire que ce qui n'est pas souhaité, c'est la renormalisation du geste de fumer, d'une part, et, d'autre part, c'est d'éviter, encore là, que des jeunes s'habituent à une forme autre de tabagisme, au vapotage, on va le dire le mot, c'est comme ça que les gens appellent ça. Est-ce que vous ne croyez pas qu'on fait bien que tout de suite on s'assure que les jeunes sont déjà dans l'interdiction d'acquérir ces produits-là, qu'il y aura déjà des conséquences et pour les adultes et pour les jeunes s'il y a des gens qui font l'acquisition pour ces jeunes-là? Et, si on encadre ça bien dans la loi, ça va éviter justement qu'il y ait des produits qui ne sont pas normés qui soient là. Est-ce que vous ne considérez pas que c'est un... Tu sais, on n'empêche pas les gens de la consommer, là, au même titre qu'on n'empêche pas les gens de consommer de la cigarette. Tout ce qu'on veut, c'est bien encadrer ces produits-là.

• (15 h 30) •

M. Gagnon (Eric) : Je vais laisser le Dr Voisine, après moi, peut-être juste parler de statistiques, mais auparavant, je pense, je veux juste être clair. On n'a pas dit... Aucunement, dans notre mémoire ou dans mes notes, on ne vous dit de ne pas trop réglementer ça. En fait, ce qu'on vous dit, c'est que c'est un produit particulier qui mérite un cadre réglementaire particulier.

En fait, là, vous êtes... Parce que le gouvernement désire réglementer un produit qui n'est pas un produit du tabac comme un produit du tabac. Je vais donner un exemple. C'est comme si demain matin vous dites : La bière sans alcool, on la réglemente exactement comme la bière avec alcool. Il n'y a pas d'alcool, ce n'est pas une bière avec alcool.

Et donc la cigarette électronique a un bénéfice, un potentiel énorme en termes de santé publique, mais, pour y arriver, ce que l'on dit, c'est qu'il doit y avoir une certaine communication qui doit pouvoir être faite au consommateur. On est tout à fait d'accord avec vous que les jeunes ne devraient pas pouvoir se procurer des cigarettes électroniques et on le supporte, je l'ai dit, et on l'a énuméré dans notre mémoire, mais on pense qu'assujettir la cigarette électronique sous la Loi sur le tabac, ça va minimiser le potentiel de ce produit-là en tant que produit qui peut potentiellement être moins nocif pour les consommateurs et que les consommateurs pourront utiliser dans le futur.

Mme Charlebois : Est-ce vous convenez avec moi, juste avant que M. Voisine prenne la parole — puis j'imagine que c'est lui qui va même répondre à cette question-là — que la nicotine... Premièrement, le produit, en ce moment, là, ça relève de Food and Drugs Canada. Il n'y a personne qui sait ce qu'il y a dans ces produits-là, en ce moment, exactement, il y a des petits laboratoires maison, il y a toutes sortes de choses qui se produisent avec ça. J'ai extrêmement hâte que ce soit légiféré, le produit, comme tel. Nous, ce qu'on encadre, c'est quand on peut consommer ça, qui peut consommer ça et où on peut le consommer, un peu comme on fait avec la cigarette. Moi, je vais vous avouer que, pour des gens qui ont arrêté de fumer, de voir quelqu'un vapoter dans une salle de restaurant, c'est un petit peu tannant parce que ça nous fait penser... ça nous ramène à nos anciennes pratiques.

Ceci étant, est-ce que vous ne considérez pas que la nicotine qui est dans ces produits-là, au dosage qu'on ne sait pas trop si c'est exact, ce qui est écrit sur la petite fiole, crée une dépendance? Est-ce que c'est exact qu'il y a une dépendance à ces produits-là aussi?

M. Voisine (Richard) : Écoutez, il est connu et reconnu par le public et de façon générale dans la communauté, au sens qu'on définit la dépendance aujourd'hui, que la nicotine peut créer ça, mais il faut se rappeler que, les cigarettes électroniques, la valeur de ces produits-là, c'est dans un contexte de réduction des méfaits ou, on dit en anglais, «harm reduction». C'est pour des gens qui choisissent d'arrêter de fumer ou qui veulent passer de fumer à... mais continuer à utiliser des produits qui contiennent de la nicotine. C'est une façon de réduire le risque significative, et c'est la valeur de ces produits-là. Alors, pour ça, c'est important, parce que ça a un impact sur la santé publique.

Les études en Angleterre démontrent aussi qu'au niveau de l'initiation à fumer il n'y a pas d'observation de ce phénomène-là, et l'Angleterre est probablement le pays où il y a le plus d'expérience avec ça. Et ce qu'il est important aussi de comprendre, c'est qu'évidemment la réglementation qui entoure ça est importante aussi, parce qu'une mauvaise réglementation pourrait peut-être faire qu'il y ait des phénomènes différents, alors c'est important. Et c'est pour ça qu'on est absolument d'accord que ce n'est pas un produit pour des jeunes de moins de 18 ans.

Mme Charlebois : Honnêtement, je reviens à ma prémisse de départ, puis vous allez peut-être me trouver un petit peu drôle : J'ai de la difficulté à comprendre qu'une compagnie de tabac veut que les gens arrêtent de fumer puis qu'ils se prévalent d'outils. Votre marché va être en décroissance de plus en plus si on arrive à convaincre les gens de fumer de moins en moins. Or, vous êtes en train de faire l'acquisition de bidules qui vont faire qu'on va encore moins fumer parce qu'en principe, ce qu'on m'a dit, les cigarettes électroniques, c'était là pour aider les gens à arrêter de fumer.

C'est quoi, votre intérêt à ce que les gens arrêtent de fumer, étant une compagnie qui vend du tabac?

M. Gagnon (Eric) : En fait, on est une compagnie responsable, là, bien qu'on est une compagnie de tabac, et on reconnaît qu'il y a des risques associés au tabagisme, donc on ne viendra pas ici aujourd'hui puis vous dire de ne pas réglementer une industrie qui a des risques importants. Il y a un déclin naturel de l'industrie de 2 % à 3 % par année. Ce qu'on essaie de faire... Imperial a 50 % de part de marché au Québec et au Canada. Notre objectif, c'est d'essayer d'agrandir notre part de marché avec les adultes qui ont déjà fait un choix de fumer. À partir de là, on en a énuméré, mais il y a des pistes de solution qui nous permettent, à travers des produits moins nocifs pour la santé ou d'autres produits qui peuvent intéresser les consommateurs qu'on a déjà... Et donc... Mais de dire aujourd'hui qu'il n'y a pas de risque associé au tabagisme, ce ne serait pas crédible, là, donc c'est pour ça qu'on vous dit qu'il y a des risques importants associés au tabagisme.

De notre côté, ce qu'on demande, c'est que la réglementation qui soit mise en place soit une réglementation qui soit raisonnable pour une entreprise... ou une industrie légale, basé sur des faits probants et non basé sur des émotions. Et, je sais, quand on parle de tabac, ça devient très émotif, ça devient très émotif parce qu'on l'a tous vécu à travers des gens dans notre réseau ou dans notre famille qui ont été affectés, mais honnêtement je pense qu'en tant que législateur, le rôle du législateur, c'est de s'assurer que la réglementation qui est mise en place, elle soit basée sur des faits et qu'elle va avoir un impact réel sur la santé publique des Québécois.

Mme Charlebois : Parlons-en, des émotions, parce que j'ai entendu un commentaire là-dessus après ma première revue de presse, là, quand on a lancé le projet de loi sur le tabac et j'ai parlé de mon père qui est décédé d'un cancer du poumon, que j'ai vu mourir à petit feu. Je veux vous rassurer, là, ce n'est pas que je n'ai plus d'émotions quand je parle de mon père, c'est vrai qu'il en reste parce que ça reste mon père, mais est-ce que je suis dans la grande émotion et que j'ai bâti mon projet de loi là-dessus? Non. Je veux vous rassurer, là, le projet de loi a été bâti par une équipe, et on va le bonifier avec l'ensemble des collègues. Et ce n'est pas... Oui, je peux vous dire que, quand on voit quelqu'un décéder d'un cancer du poumon, et quand ton père te dit : S'il vous plaît, arrête de fumer et essaie de convaincre tes frères d'arrêter de fumer parce que ce n'est pas une belle façon de mourir, et quand tu accompagnes quelqu'un jusqu'à la fin comme ça, puis j'ai vu une dame ici qui nous a fait un témoignage drôlement plus punché... je vous dirais que ce n'est pas avec des émotions que je vous parle, c'est factuel, c'est concret, je l'ai vu de mes yeux. Mon père, il est mort en 2000, là, alors je suis capable de faire la distance par rapport à mes émotions. Mais je vais vous dire que l'image de l'homme qui était branché avec des machines d'oxygène puis qui ne voulait pas mourir, veux veux pas, là, ça reste dans nos images, dans notre tête, et tout ça.

Alors, je veux vous rassurer quand même, dire que je n'ai pas fait le projet de loi toute seule, il y a toute une équipe qui m'a accompagnée là-dedans, on a été conseillés aussi par des gens. Et on va le bonifier avec les collègues et on va faire ça de façon très, très, très rationnelle. C'est dans ce sens-là que je veux parler de mes émotions.

Ceci étant, on va parler de contrebande rapidement. Vous savez que la contrebande a été réduite de moitié depuis 2008, vous savez qu'on fait des efforts en ce sens-là et qu'au ministère des Finances ils continuent à faire des efforts avec le programme ACCES Tabac. Est-ce que vous ne considérez pas, du fait que ça a baissé de 14 %... de plus que la moitié, en fait, plus que 14 %, là, on est rendus à 14 % du marché... Vous ne considérez pas qu'on a fait des efforts énormes? Puis je ne suis pas en train de vous dire qu'on va arrêter là, hein, on va continuer nos efforts, mais vous savez très bien que ce n'est pas la contrebande qui va faire en sorte qu'il n'y aura plus de dommage avec le tabac, là. Il faut, comme gouvernement responsable, qu'on s'occupe de la santé publique, puis on ne peut pas toujours plaider sur la contrebande.

J'en conviens, qu'on doit encore travailler, mais est-ce que vous êtes conscients que ce qui se vend... Je comprends que vous voulez accaparer la majeure partie du marché du tabac, mais vous convenez avec moi qu'il faut qu'on légifère pour faire en sorte qu'il y ait de moins en moins de gens qui fument et qui intoxiquent les autres avec la fumée secondaire.

M. Gagnon (Eric) : Tout à fait. Puis je pense que je l'ai dit, on reconnaît les efforts qui ont été faits au niveau de la contrebande.

De l'autre côté, je pense qu'il faut également reconnaître qu'il y a encore 15 % du marché qui est illégal, qu'il y a encore 350 cabanes à tabac et qu'il y a 175 groupes de crime organisé qui vendent des produits du tabac, tel que stipulé par la GRC. Et donc, nous, ce qu'on demande, c'est... À la lecture de notre mémoire, on n'a pas demandé que vous mettiez des efforts seulement au niveau de la contrebande, on supporte et on est en accord avec une bonne partie de vos recommandations, mais ce qu'on dit, c'est... Je reviens au menthol. Il faut reconnaître qu'aujourd'hui il y a plus de marques illégales de produits mentholés au Québec qu'il n'y en a de produits légaux, et donc de bannir, par exemple, les produits mentholés, les gens n'arrêteront pas de fumer ces produits-là. Ce qu'ils vont faire, c'est qu'ils vont les acheter illégalement. Et donc en tant qu'entreprise légale, des fois, ce qu'on a l'impression, c'est qu'il y a davantage de réglementation sur l'industrie légale, sans prendre en considération le réseau illégal, qui est prêt à s'approprier du marché.

Mme Charlebois : Je vous remercie pour votre présentation, mais je n'ai pas d'autre question pour l'instant.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Rosemont pour une période de 13 minutes.

M. Lisée : Merci, M. le Président. M. Gagnon, M. Voisine. Je vais poser la question que vous avez sans doute tous les jours : Est-ce que vous êtes parent avec Roch?

M. Voisine (Richard) : Je réponds toujours en blague que mon cousin ne veut pas que je le dise. Mais ce n'est pas mon cousin.

• (15 h 40) •

M. Lisée : Très bien. Écoutez, ça prend un certain cran pour venir à la commission, donc je vous salue pour ça. Vous êtes la seule compagnie de tabac à le faire, et donc sachez que je m'adresse à vous, mais je m'adresse aussi à vos collègues qui ne sont pas là.

Je voudrais commencer par lire un extrait du jugement de la Cour supérieure du 27 mai dernier, du juge Brian Riordan, qui va nous donner, je pense, un certain niveau... quel est le niveau de confiance qu'on doit donner au témoignage des compagnies de tabac lorsqu'il s'agit de déterminer des mesures de santé publique. Alors, je le cite. Et vous me direz que cette cause est en appel, mais ça recoupe des jugements de dernière instance d'Amérique du Nord sur le cas. Alors, le juge dit : «En choisissant de n'informer ni les autorités de santé publique ni directement le public de ce qu'elles savaient, les compagnies [de tabac] ont choisi le profit avant la santé de leurs clients. Quoi qu'il puisse être dit d'autre à propos de ce choix, il est clair que cela représente une faute des plus outrancières[...].

«Les compagnies ont conspiré pour empêcher le public de prendre connaissance des dangers inhérents au tabagisme et, ce faisant, elles ont commis une faute, une faute distincte — et plus grave — que leur défaut d'informer.

«Imperial Tobacco Canada — ça, c'est vous — et les autres compagnies, par le biais du Conseil canadien des fabricants de produits du tabac et directement, ont commis des fautes outrancières du fait de déclarations publiques qu'elles savaient fausses et incomplètes à propos des risques et dangers du tabagisme.

«La réaction de l'industrie canadienne du tabac [...] a été de [...] poursuivre ses efforts, non seulement pour cacher la vérité au public, mais aussi pour retarder et diluer au maximum possible les mesures que le Canada souhaitait appliquer pour mettre en garde les consommateurs contre les dangers du tabagisme.

«[Les] compagnies ont, en fait, nuit à et retardé l'acquisition de connaissances par le public. [...]elles ont volontairement et en connaissance de cause nié ces risques et relativisé les preuves [des] dangers associés à leurs produits.

«Les compagnies ont résisté aux mises en garde à [toutes les étapes de leur mise en place] et ont cherché, et généralement réussi, à les diluer.

«Nous concluons que les compagnies ont non seulement [caché] de l'information [essentielle], mais [...] ont [créé chez leurs clients] l'illusion d'une absence d'urgence quant aux dangers.

«[Pendant] l'essentiel de la période considérée [par ce procès] — 50 ans — les mises en garde [sur les paquets de cigarettes] étaient incomplètes et insuffisantes [...] — ce que les compagnies savaient — et, pire encore, celles-ci ont activement fait des représentations pour qu'il en demeure ainsi. Il s'agit d'une faute des plus graves lorsque le produit en question [...] est [...] toxique, comme les cigarettes.

«Durant les presque 50 années de la période considérée, et durant les 17 ans depuis[...], les compagnies ont gagné des milliards de dollars aux dépens des poumons, des gorges et du bien-être général de leurs clients. Si les compagnies sont autorisées à s'en tirer indemnes maintenant, quel [sera] le message envoyé aux industries qui aujourd'hui ou demain feraient face à un conflit moral semblable?»

Et il conclut : «Les actions et les attitudes des compagnies durant la période considérée étaient, en fait, "particulièrement répréhensibles", et doivent être dénoncées et punies de la plus sévère des façons.»

Alors, la question que j'ai pour vous... Vous nous parlez de ce que vous pensez de nos actions sur le menthol, sur comment les jeunes commencent à fumer, sur les paquets. Si on avait à déterminer sur une échelle de zéro à 10 la crédibilité d'Imperial Tobacco pour nous parler de questions de santé publique liées au tabac, zéro étant aucune crédibilité et 10 étant Gandhi, où est-ce que vous vous situeriez?

M. Gagnon (Eric) : Avant de répondre à votre question, je vais commenter, cependant, le...

M. Lisée : J'aimerais, non, que vous répondiez à mes questions.

M. Gagnon (Eric) : Oui, oui, mais je vais quand même commenter...

M. Lisée : Est-ce que vous pensez que vous avez une quelconque crédibilité sur cette question?

M. Gagnon (Eric) : Tout à fait. Très crédible.

M. Lisée : Oui?

M. Gagnon (Eric) : Tout à fait.

M. Lisée : Après tout ce qui s'est passé, après tous les mensonges, après toutes les faussetés que vos compagnies ont dites pendant des décennies, ce qui est maintenant prouvé, vous pensez que vous avez encore une once de crédibilité pour venir conseiller les législateurs sur la réglementation du tabac?

M. Gagnon (Eric) : Tout à fait. Je pense qu'en tant que législateur il est important de s'adresser à toutes les parties prenantes, quand on fait de la réglementation, je pense que c'est important de le faire. Je pense...

M. Lisée : ...fallu que vous fassiez pour que vous admettiez que vous n'avez pas de crédibilité? Ça aurait été quoi, là, le seuil?

M. Gagnon (Eric) : Si vous me permettez de répondre, si vous me permettez de répondre, même vous, vous avez dit, il y a deux semaines, que, lorsqu'Imperial sera ici, ils seront très crédibles, car ils sont là pour représenter Imperial. Donc, je pense qu'on a une certaine crédibilité.

Ceci dit, ceci dit...

M. Lisée : On croira que vous représentez vos propres intérêts. Et je crois que vous présentez vos intérêts mais pas les intérêts de la santé publique.

M. Gagnon (Eric) : Ceci dit, le jugement que vous avez lu a aussi dit que l'industrie devait payer 1,1 milliard en exécution provisoire, et cette décision-là a aussi été renversée par la Cour d'appel quelque temps après. Donc, je pense qu'avant de dénoncer et de dire que le jugement qui a été émis par la Cour du Québec est un jugement final on va attendre de voir ce qui va se passer en Cour d'appel. On continue à croire que...

M. Lisée : Vous convenez avec moi que ce genre de conclusions ont été rendues par d'autres juges dans le monde dans des décisions finales qui ont forcé vos compagnies à payer plusieurs milliards de dollars à leurs clients?

• (15 h 50) •

M. Gagnon (Eric) : En fait, je veux vous rappeler qu'au Canada, en fait, il y a de messages de santé sur les paquets de cigarettes depuis 1972, que les gouvernements québécois et canadien connaissent les risques associés au tabagisme depuis des décennies, que c'est eux qui ont émis les licences pour que l'industrie puisse vendre les produits, donc...

M. Lisée : Je comprends que vous êtes payé pour dire ça et j'espère que vous êtes très bien payé, parce que, moi, il n'y aurait pas de prix que j'accepterais pour dire ce que vous dites.

M. Gagnon (Eric) : Mais ça vous appartient, ça.

M. Lisée : Ça, ça m'appartient. Puis, vous, vos choix moraux vous appartiennent.

M. Gagnon (Eric) : Tout à fait.

M. Lisée : Alors, moi, je n'ai pas l'intention de perdre le temps de la commission et des gens qui nous écoutent en vous posant des questions sur la science de la santé publique entourant le tabac. Je pense que votre crédibilité, elle n'existe pas, hein? Vous êtes, sur la question de la santé du tabac, des menteurs professionnels.

Bon, cela dit, ce que vous connaissez...

Le Président (M. Tanguay) : Collègue de Rosemont, faire attention, s'il vous plaît. Merci.

M. Lisée : C'est la dernière fois que je le dis, une fois suffit.

Maintenant, ce que vous savez et ce sur quoi je voudrais vous interroger, maintenant, c'est la pratique que vous avez développée depuis la loi de 2005‑2006 qui interdisait de présenter, de faire de la publicité et de présenter dans les dépanneurs, chez les détaillants.

Alors, dès deux ou trois ans après, Liel Miranda, qui était adjoint à la division du «trade, marketing and distribution» d'Imperial Tobacco Canada... Je ne sais pas s'il est toujours à votre emploi. Non? En tout cas, il disait dans une conférence : «Auparavant, nous payions pour de l'espace, de la communication visuelle, mais, maintenant que l'espace n'y est plus, l'ensemble du partenariat est fondé sur la croissance du secteur. Qui peut travailler avec le fabricant pour obtenir la croissance y parviendra et en tirera des bénéfices, des rabais.»

Et donc vous avez institué, avec les détaillants au Québec et ailleurs — mais parlons du Québec — un système qui pousse à l'augmentation de la vente de vos produits chez les détaillants. Pouvez-vous nous parler de ce système-là? Comment ça fonctionne?

M. Gagnon (Eric) : Bien, en fait, comme toute autre industrie de produits de consommation, on a des ententes avec nos distributeurs et les gens qui vendent nos produits pour essayer d'augmenter nos parts de marché dans l'industrie.

Ceci dit, je pense qu'il faut bien comprendre la Loi sur le tabac actuelle, parce qu'à moins que je me trompe, ce que vous insinuez, c'est qu'on essaie de pousser nos produits vers les consommateurs. Il faut comprendre que c'est impossible, pour un détaillant, de parler de tabac aujourd'hui, sur la Loi sur le tabac. La seule chose que les détaillants peuvent faire, c'est répondre à certaines questions factuelles qui sont posées par les consommateurs. Donc, si vous insinuez qu'Imperial Tobacco Canada, à travers des programmes de partenariat avec les détaillants, incite les gens à fumer, c'est tout à fait faux. Ce que l'on fait...

M. Lisée : Ils incitent, ils incitent.

M. Gagnon (Eric) : Ce que l'on fait, ce que l'on fait, c'est, à travers des adultes qui ont fait un choix de fumer, d'essayer d'augmenter nos parts de marché. Mais en aucun temps les détaillants... Et, si les gens des détaillants étaient ici, ils vous expliqueraient qu'ils ne peuvent pas parler de tabac, ils ne peuvent pas faire de promotion de tabac. La seule chose qu'ils peuvent faire, c'est répondre à des questions.

M. Lisée : Les détaillants étaient ici juste avant vous...

M. Gagnon (Eric) : Puis leur avez-vous posé la question?

M. Lisée : ...et ils ont dit qu'ils recevaient des plaintes des détaillants qui ont des contrats de fidélité avec des compagnies comme la vôtre.

J'en ai une entre les mains. Alors, la personne ne veut pas être identifiée parce que vous avez des inspecteurs qui vont dans les détaillants pour voir s'ils respectent leurs contrats. Alors, la personne dit — et c'est en anglais : «I have a contract with Imperial Tobacco, which means the price I get is probably better than those who do not have their contracts. The difference may be $5 per carton.» Alors, 5 $ par cartouche de moins que le prix général parce qu'il a signé un contrat avec vous.

«In the agreement with Imperial Tobacco, we have a target that needs to be reached every season.» Alors donc, ils ont des objectifs de vente qui doivent être satisfaits chaque saison.

M. Gagnon (Eric) : Comme les autres industries.

M. Lisée : «Je reçois des appels la dernière semaine de chaque saison. Combien de cartouches est-ce que j'ai besoin de plus pour atteindre ma cible? Généralement, je suis obligé d'en commander davantage que ce dont j'ai besoin pendant la semaine, sinon je pourrais perdre mon contrat.»

Alors donc, vous mettez les détaillants dans un système où vous faites une pression à la vente, et d'ailleurs vous appelez à la fin de chaque période pour être sûrs qu'il va avoir son objectif. Et son objectif, évidemment, est toujours supérieur à ce qu'il était avant. C'est ça, l'idée. Et donc vous me dites que sérieusement vous ne pensez pas que ça pousse le détaillant à essayer de vendre davantage de cigarettes?

M. Gagnon (Eric) : Encore une fois, M. Lisée, il n'y a aucune promotion qui peut être faite par les détaillants.

M. Lisée : Dans la vraie vie, là.

M. Gagnon (Eric) : Dans la vraie vie, dans la vraie vie.

M. Lisée : Dans la vraie vie, là, ce gars-là n'est pas incité à vendre plus de cigarettes que s'il n'y avait pas ce programme de fidélité, avec des objectifs puis quelqu'un qui l'appelle une semaine pour dire : Tu n'en as pas vendu assez?

M. Gagnon (Eric) : Dans la vraie vie, les détaillants ne peuvent faire ni promotion ni proactivement parler de tabac auprès des consommateurs.

M. Lisée : Puis ça, ça ne les incite pas à enfreindre la loi en poussant des cigarettes pour atteindre leurs objectifs puis continuer à avoir les rabais qui leur permettent d'être compétitifs?

M. Gagnon (Eric) : Pas du tout.

M. Lisée : Vous ne créez pas un système qui les pousse à l'illégalité?

M. Gagnon (Eric) : Non. On crée un système où est-ce que, s'ils vendent nos produits, versus les produits de la compétition, nous, ça augmente nos parts de marché, comme toute autre industrie légale qui est dans une industrie de consommation. Et honnêtement je n'ai aucune idée où est-ce que cette discussion s'en va en lien avec le projet de loi n° 44.

M. Lisée : Bien, moi, je vais vous dire c'est quoi, l'idée, parce que c'est clair. Quand j'ai dit que vous étiez crédibles, je vous crois quand vous voulez vendre plus de cigarettes. C'est tout ce que je crois. Vous voulez vendre le plus de cigarettes possible au plus grand nombre de gens possible. Et, sur le reste, je ne vous crois pas. Si vous dites que vous ne voulez pas le vendre aux mineurs, je ne vous crois pas. Tout ce que vous avez fait depuis des décennies, c'est de trouver des moyens d'attirer les mineurs, de modifier vos paquets, de les rendre plus intéressants, qu'ils ressemblent à des produits cools. Alors, vraiment, là... Je n'utiliserai pas le terme qui a offensé le président, malgré sa véracité. Alors, là-dessus, c'est non.

Moi, je pense que les programmes de fidélité, ils existent pour des produits non toxiques, et c'est bien, mais, pour les produits toxiques, je vais essayer de convaincre la ministre qu'il ne devrait pas y avoir de programme de fidélisation ni pour les acheteurs, les clients, ni pour les distributeurs, ni pour les détaillants. Et ça, je vous l'annonce. Et j'espère que la ministre va avoir une oreille attentive à ça, parce que tout ce qui incite à plus de vente de tabac devrait être interdit.

C'était ma dernière question, je vous remercie encore d'être venus, mais je n'ai pas... non, je ne suis pas intéressé à vous entendre davantage.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. MM. Gagnon et Voisine, je dois maintenant, comme président, céder la parole à notre collègue de Lévis pour une période de 8 min 30 s, et vous aurez l'occasion, évidemment, durant ce bloc, d'ajouter quelques commentaires. Alors, collègue de Lévis.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Vos propos sont un peu étonnants mais en fait pas vraiment dans la mesure où vous continuez votre vision. Vous êtes représentants d'une compagnie, c'est un produit commercial, et vous en faites malheureusement la promotion. Vous n'avez pas le choix, vous allez chercher des clients quelque part.

Vous parlez de menthol, et de jeunes, et d'adultes. Moi, je vous dirai que je connais aussi, et la ministre abordait la situation de gens qu'elle connaît... je connais des adultes qui continuent à fumer à cause du menthol, parce que moins irritant, parce qu'ils ont l'impression de ne pas fumer la cigarette régulière, que ça fait moins de dommages, et tout ça, et moi, honnêtement, ça me désole.

Vous dites que ce produit-là, ce n'est presque rien, c'est 5 % de l'industrie, les produits mentholés. D'abord, parenthèse, produisez-vous du tabac aromatisé?

M. Gagnon (Eric) : Aucun, en fait, à part les produits mentholés. Mais je l'ai dit.

M. Paradis (Lévis) : Non, mais je comprends fort bien... Non, non, mais c'est parce qu'on comprend fort bien, vous le disiez tout à l'heure et vous l'avez carrément dit, là, verbalement vous avez dit : On est d'accord qu'on retire tout ce qu'il y a d'arômes dans les produits du tabac, sans aucun problème avec ça. C'est sûr, vous n'en faites pas.

Mais vous faites du menthol, puis là vous dites : Ne touchez pas à ça. Puis là on se demande le pourquoi du comment parce que, si vous voulez vraiment viser la santé des Québécois puis que vous devenez des défenseurs de la santé publique, bien que vous remettiez en question les études puis les chiffres qui sont présentés, est-ce que justement, pour la santé, au nom de la santé des Québécois, on ne doit pas prêcher par précaution? Ce n'est rien dans votre marché, vous dites, c'est 5 %, ça ne touche personne. Pourquoi vous attarder à ça, ce n'est pas notre marché? Bien, si ce n'est pas votre marché, interdisons. Ça ne changera rien dans votre vision d'affaires.

M. Gagnon (Eric) : Ce qu'on vous dit et ce qu'on dit au législateur, c'est... Le législateur a le droit de bannir les cigarettes mentholées, puis, de ce qu'on comprend, c'est ça qui va arriver. Ce qu'on vous dit, là, c'est : Dans cinq ans, quand il va y avoir une révision de la Loi sur le tabac, là, le taux de tabagisme au Québec n'aura pas accéléré à cause que vous avez banni le menthol, un, la prévention ou l'initiation au tabagisme auprès des jeunes n'aura pas été impactée à cause que vous bannissez le menthol, et les gens qui fument des produits mentholés vont les acheter illégalement. Donc, croyez-nous pas, mais en bout de ligne c'est ce qui va arriver. C'est exactement le même exemple qu'en Australie, là, avec l'emballage neutre. Et c'est ça, la réalité.

M. Paradis (Lévis) : M. Gagnon, je comprends ce que vous dites, vous dites : Dans cinq ans, on verra que... Bien, dans cinq ans, on se rassoira puis on regardera les chiffres, puis vous verrez l'incidence, par exemple, d'une proposition mise de l'avant comme celle-là et de ses effets. Reste que c'est quand même surprenant, pour ceux et celles qui nous regardent et nous écoutent, de vous voir défendre un produit qui est si peu présent dans le marché, selon vos propres propos.

Vous venez de parler de paquet neutre. Encore une fois, vous remettez en question des études puis des données venant de l'Australie, qui, eux, ont décidé d'adopter le principe du paquet neutre. Et en même temps, lorsqu'il a été question de mise en garde sur les paquets, vous vous êtes évertués, sur le plan de la commercialisation, à créer d'autres paquets où le 75 % n'est presque plus lisible, où il y a moins d'incidence là-dessus. Je connais des gens qui fument, je connais des gens qui fument, vous avez même des paquets où on peut retirer l'emballage supérieur pour conserver sans la mise en garde le paquet, pour y conserver ses cigarettes. Vous vous évertuez à combattre ça. C'est difficile aussi de juger de votre crédibilité par rapport à un paquet neutre en Australie alors que vous êtes les défenseurs de ce qu'on ne voit plus.

M. Gagnon (Eric) : M. Paradis, avez-vous, honnêtement, retiré l'emballage dont vous faites mention d'un paquet de cigarettes, honnêtement? Savez-vous ce qui arrive? Vous enlevez le paquet que vous dites, et toutes les cigarettes tombent.

M. Paradis (Lévis) : Avez-vous réussi... Réussissez-vous à lire facilement ce qui est écrit là-dessus?

M. Gagnon (Eric) : Tout à fait.

M. Paradis (Lévis) : Ah! Bien... Parce que la majorité des Québécois et des Québécoises n'arriveront pas à le lire.

M. Gagnon (Eric) : 75 % du paquet demeure un message de santé, un. Deux...

M. Paradis (Lévis) : O.K., je vous pose la question...

M. Gagnon (Eric) : Attendez. Deux...

M. Paradis (Lévis) : Non, non, mais je vous pose la question : Si le gouvernement décidait de standardiser les paquets de cigarettes, de faire en sorte qu'on ne puisse plus jouer avec un petit paquet de cigarettes qui ressemble à un produit cosmétique de bâton de rouge à lèvres ou ce que vous voudrez, est-ce que vous allez poursuivre le gouvernement ou vous allez vous plier?

M. Gagnon (Eric) : On va continuer à défendre les intérêts de notre entreprise, nos marques de commerce en tant qu'entreprise légale.

M. Paradis (Lévis) : Donc, vous allez entreprendre des démarches en justice pour contester l'éventuelle possibilité de standardisation des paquets de cigarettes.

M. Gagnon (Eric) : Quand on sera rendus devant un projet de loi qui voudra standardiser, on verra qu'est-ce qu'on fait, mais il est clair...

M. Paradis (Lévis) : Non, mais manifestement, à travers vos propos...

M. Gagnon (Eric) : Non, mais il est clair, en tant...

M. Paradis (Lévis) : Non, mais je comprends, là. Vous dites : Oui, on verra, mais c'est comme notre affaire dans cinq ans, là. Soyons clairs, là.

M. Gagnon (Eric) : Soyons clairs.

M. Paradis (Lévis) : Pour demain matin, je vous l'oblige. Vous me poursuivez?

M. Gagnon (Eric) : Demain matin, s'il y a un projet de loi, on verra notre décision finale. En tant qu'entreprise légale, comme toute autre industrie légale qui a des marques de commerce, on croit qu'on a le droit d'utiliser nos marques de commerce pour les consommateurs qui utilisent nos produits. Il n'y a aucune autre industrie qui accepterait que ses marques de commerce soient retirées du marché.

M. Paradis (Lévis) : Est-ce qu'on s'entend qu'en Australie il y a eu des poursuites de la part d'une compagnie comme la vôtre sur les paquets neutres qui ont maintenant été imposés?

M. Gagnon (Eric) : On s'entend qu'en Australie il y a eu des poursuites, tout à fait, et on s'entend aussi...

M. Paradis (Lévis) : Et vous les avez perdues.

M. Gagnon (Eric) : Oui, mais toute autre...

M. Paradis (Lévis) : Non, mais globalement oui.

M. Gagnon (Eric) : Oui, mais l'Australie, c'est l'Australie, on verra pour le Canada.

M. Paradis (Lévis) : Oui, mais il reste que quand même...

M. Gagnon (Eric) : Ceci dit, l'objectif de l'Australie, c'était de réduire le taux de tabagisme, c'était de prévenir le tabagisme auprès des jeunes, et après trois ans en Australie l'emballage neutre n'a atteint ni... n'a ni accéléré le taux de tabagisme auprès des adultes... et en fait il y a plus de jeunes qui fument depuis l'emballage neutre.

Et donc mettez-vous à notre place. Pourquoi que les gouvernements veulent aller de l'avant avec de la législation qui n'a pas d'impact?

M. Paradis (Lévis) : Selon vos données, M. Gagnon, bien sûr que vous...

M. Gagnon (Eric) : Non, non, non, ce n'est pas nos données. C'est...

M. Paradis (Lévis) : Non, non, mais depuis le début vous confrontez des chiffres...

M. Gagnon (Eric) : Non.

M. Paradis (Lévis) : ...vous confrontez des chiffres qu'on a ici, qu'on a présentés sur l'usage, par exemple, du menthol chez les jeunes, du fait que la majorité d'entre eux, dans les 30 jours précédents, ont fumé également de ce type de cigarette, puis là vous confrontez ces chiffres-là. C'est sûr qu'on peut faire dire... M. Voisine est probablement très bon là-dedans aussi, parce qu'il analyse les études, mais on peut faire dire à peu près, et vous le savez fort bien, tout ce qu'on veut à des chiffres.

M. Voisine (Richard) : Oui, mais, monsieur, on n'a pas contesté ce chiffre-là, là, O.K., on le reconnaît. C'est son interprétation.

M. Gagnon (Eric) : Et en Australie, M. Paradis, ce n'est pas nos données, c'est les données du gouvernement australien. Et je pense qu'à un moment donné aussi il faut faire attention parce que, de l'autre côté, il y a des groupes de santé qui veulent avancer leurs agendas, parce qu'il y a beaucoup de groupes qui sont beaucoup plus anti-industrie que prosanté. Et avant, nous, ce qu'on demande, c'est de vraiment prendre en considération toutes les études et les données.

M. Paradis (Lévis) : Mais, monsieur, honnêtement, là, vous ne les remettez pas en... Quand je vous dis que le tabac puis la cigarette, c'est mauvais pour la santé, on ne contestera quand même pas ça, là.

M. Gagnon (Eric) : Tout à fait d'accord.

M. Paradis (Lévis) : Puis que ça coûte une fortune aux Québécois et Québécoises, donc, on ne va pas contester ça non plus, là.

M. Gagnon (Eric) : Oui, mais attendez...

M. Paradis (Lévis) : Non, non, mais en soins de santé, vous le savez fort bien. On ne contestera pas ça, là.

M. Gagnon (Eric) : Tout à fait. Mais je veux juste vous rappeler que le gouvernement du Québec — et le gouvernement fédéral — fait beaucoup plus d'argent que l'industrie du tabac sur le tabac.

M. Paradis (Lévis) : Mais parlez-moi des Québécois que vous voulez défendre. Vous dites que vous êtes... vous aussi, vous faites partie de ceux qui...

M. Gagnon (Eric) : ...1 milliard.

M. Paradis (Lévis) : Non, non, mais, tu sais...

M. Gagnon (Eric) : 1 milliard en taxes sur le tabac cette année.

M. Paradis (Lévis) : Oui, oui, mais, au-delà de ça, parlez-moi du Québécois que vous voulez protéger à travers votre industrie, c'est ce que vous êtes en train de me dire...

M. Gagnon (Eric) : Tout à fait, oui.

• (16 heures) •

M. Paradis (Lévis) : ...alors que vous continuez à faire progresser ou tentez d'aller chercher des parts de marché. Très honnêtement, là, à partir du moment où vous me dites ce que vous me dites là, la solution la plus logique, c'est d'agir par précaution et d'aller de l'avant avec l'interdiction du menthol, la standardisation des paquets, faisant en sorte qu'on puisse, dans cinq ans, peut-être se revoir et voir l'effet que ça aura eu, mais ne ratons pas la chance d'aller vers ça pour sortir les gens du tabagisme. Et je comprends que vous ne pourrez pas me dire : Bien oui, on est d'accord, parce que vos parts de marché vont tomber.

M. Gagnon (Eric) : Non, en fait, nos parts de marché ne tomberont pas. Implanter le menthol, l'emballage neutre, ça n'aura aucune incidence sur le taux de tabagisme au Québec, c'est ce qu'on vous dit. Ça n'aura pas d'impact sur le taux de tabagisme.

M. Paradis, 75 % du message du paquet, c'est un message de santé, un. Les paquets sont cachés de la vue du public, il n'y a plus personne qui voit...

M. Paradis (Lévis) : Mais expliquez-moi sur le plan marketing pourquoi un paquet comme ça? Vous voulez séduire qui puis aller chercher qui? Ce n'est pas fait pour n'importe qui, là, il y a une... vous allez chercher une clientèle avec ça.

Le Président (M. Tanguay) : Quelques secondes.

M. Gagnon (Eric) : Produit destiné aux femmes adultes qui ont fait un choix de fumer. Je pense que les femmes adultes ont...

M. Paradis (Lévis) : Et pour faire en sorte qu'une femme adulte puisse peut-être s'initier au tabac en disant : Ah! c'est cool, c'est jet-set, ça paraît bien, c'est tendance.

M. Gagnon (Eric) : Pas du tout, pas du tout. 75 % des gens qui fument le font à cause des sources sociales. Les paquets sont cachés. Il n'y a personne qui rentre dans un dépanneur, qui dit : Tiens, aujourd'hui j'ai décidé de fumer.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci. Alors, ceci met fin à nos échanges. MM. Gagnon et Voisine, merci beaucoup pour votre présence.

Je suspends nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 1)

(Reprise à 16 h 5)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous accueillons maintenant les représentants de la Coalition nationale contre le tabac de contrebande. Bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec. Vous disposez d'un temps de présentation de 10 minutes. Bien vouloir, s'il vous plaît, pour les fins de l'enregistrement, vous nommer et préciser vos fonctions. Et vous allez faire la présentation à l'aide d'images dont copies seront distribuées durant les échanges. Alors, la parole est à vous.

Coalition nationale contre le tabac de contrebande (CNCTC)

M. Rouillard (Michel) : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, mon nom est Michel Rouillard. Je suis accompagné de M. Jean-Pierre Fortin, du syndicat des douaniers et agents d'immigration, qui va se présenter plus longuement tantôt.

Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, bonjour. Je suis Michel Rouillard, sergent à la retraite, ayant travaillé 30 ans comme policier à la Sûreté du Québec, et je suis également porte-parole de la coalition nationale contre la contrebande du tabac.

Active depuis 2009, la coalition représente 17 membres qui sont des organismes et des associations qui proviennent de tous les secteurs d'activité et de partout au Canada, tels que le secteur de la prévention et de la sécurité publique, du développement économique, du commerce de détail ainsi que la défense des intérêts des contribuables, tous préoccupés par la problématique de la contrebande du tabac au Canada, et particulièrement au Québec et en Ontario.

M. Fortin (Jean-Pierre) : Bonjour, M. le Président. Je suis Jean-Pierre Fortin, agent des services frontaliers à l'Agence des services frontaliers du Canada depuis 33 ans, et je suis également président national du syndicat des agents, le Syndicat des douanes et de l'immigration. Mon organisation syndicale et mes membres savent que la contrebande de tabac est une grave problématique nationale, et c'est pourquoi nous sommes membres de la coalition.

M. Rouillard (Michel) : Nous sommes heureux de témoigner aujourd'hui afin de mettre en garde le législateur contre la très grande lacune du projet de loi n° 44, l'énorme éléphant blanc dans la salle : le très sérieux problème de la contrebande du tabac.

Malgré nos efforts de sensibiliser la ministre et le gouvernement face à cette problématique de santé publique, de sécurité publique, de fiscalité et de développement économique, aucune nouvelle mesure de lutte à la contrebande n'apparaît dans le projet de loi n° 44. Pire encore, on ne fait aucune référence à la problématique de la contrebande, le mot n'y est même pas mentionné.

Si le mandat de la ministre est de réduire le tabagisme, de quelle manière est-ce que la contrebande, qui augmente grandement la disponibilité des cigarettes illégales à bas prix, ne constitue pas une composante importante de son projet de loi? De quelle manière la contrebande de tabac, qui met des cigarettes illégales dans les mains de fumeurs de moins de 18 ans, ne cadre pas dans le mandat? De quelle manière des produits de tabac fabriqués clandestinement à un jet de pierre de Montréal, distribués allègrement à travers la province et vendus dans des Baggies en quantités de 200 cigarettes pour le prix d'un billet de cinéma en toute impunité ne constituent pas une priorité pour la santé publique?

• (16 h 10) •

M. Fortin (Jean-Pierre) : Tous les organismes policiers, de renseignements, de sécurité publique et de l'application de la loi le savent, le crime organisé est maître d'oeuvre dans cette activité illégale qui se déroule à grande échelle, notamment au Québec. Même la Gendarmerie royale du Canada l'a clairement dit lors d'un témoignage à la Chambre des communes, et je cite : «La vente du tabac de contrebande est utilisée par plus de 175 groupes criminels organisés aux fins de financer leurs activités illégales telles que le trafic de drogue, d'armes et la prostitution.» Par «groupes criminels organisés», on fait particulièrement référence aux motards criminalisés tels que les Hell's Angels, la mafia italienne et de nombreux gangs de rue de ce monde.

De pair avec nos partenaires canadiens et américains de la sécurité publique, les agents des services frontaliers surveillent et veillent à la sécurité de nos frontières. Le contexte géographique de notre problème de contrebande de tabac est extraordinaire et unique dans le monde, principalement à cause des circonstances de la frontière commune entre le Canada, les États-Unis, les provinces de l'Ontario et du Québec et l'État de New York, de la voie maritime entre les deux pays, dont le segment entre Cornwall et Montréal, des communautés autochtones qui fabriquent les cigarettes illégales à partir de leurs territoires, dont un qui chevauche la frontière internationale, ainsi que dû à l'incidence de la frontière, qui est extrêmement poreuse dans cette zone.

La situation canadienne est tellement unique que même la firme mondiale KPMG, dans une étude portant sur la contrebande de tabac dans les Amériques, place le Canada, notamment dû à l'Ontario, au deuxième rang parmi tous les pays en Amérique pour son taux de contrebande à plus de 30 %. Les contrebandiers exportent même notre contrebande dans d'autres pays pour participer à leur marché illicite.

Je suis donc ici pour vous dire que la contrebande de tabac est un véritable et très sérieux enjeu de sécurité publique, de sécurité nationale ainsi que de santé publique et que le législateur doit en prendre compte et amener la ministre à le considérer dans l'étude du projet de loi n° 44.

M. Rouillard (Michel) : Outre l'absence de reconnaissance de la problématique de la contrebande, la notion de bannir les produits aromatisés du tabac, notamment les cigarettes mentholées, incluse dans le projet de loi nous chatouille particulièrement. Par exemple, les mentholées seraient un marché banal, rapporté de 5 % au Québec, qui n'attire ni jeunes ni nouveaux fumeurs, dont la vieille clientèle établie pourrait continuer à fumer leurs mentholées en toute quiétude parce qu'elles sont fabriquées à Kahnawake et disponibles auprès de leurs revendeurs préférés. D'ailleurs, nous avons récemment recensé 13 marques de cigarettes mentholées illégalement fabriquées, clandestinement, et/ou disponibles à Kahnawake. Les voici, je les ai avec moi. Les contrebandiers en servent, et en produisent, et en distribuent déjà.

Le projet de loi n° 44 ne fait rien contre les cigarettes illégales mentholées, tout comme il ne fait rien contre les cigarettes illégales et la contrebande de tabac, point à la ligne. Devant vous, à l'écran, ce sont des images captées par la coalition la semaine dernière à Kahnawake. On y voit clairement des panneaux publicitaires, de l'affichage extérieur et des étals de cigarettes illégales, toutes mentholées, et disponibles pour achat. En fait, la seule chose que le projet de loi n° 44 accomplit en matière de contrebande, c'est de servir sur un plateau d'argent aux contrebandiers l'exclusivité du marché de la cigarette mentholée ou aromatisée.

Vous le savez, le ministère des Finances nous disait jusqu'à l'année dernière qu'il y aurait 15 % de contrebande au Québec, mais il est impossible de cerner avec précision l'ampleur d'une activité clandestine illégale, criminelle qui se fait au noir. Je peux vous dire que mes échanges avec les milieux policiers me portent à croire que c'est beaucoup plus, qu'on frôle la perte de contrôle sur la contrebande au Québec. Même si nous ne croyons pas que 15 % soit représentatif de la vraie réalité, que c'est la pointe de l'iceberg, nous dégageons ceci : à 15 % de contrebande, ça représenterait tout de même 19 000 Baggies de 200 cigarettes illégales vendus au Québec par jour, soit 150 000 paquets de 25 cigarettes; des cigarettes illégales, bon marché, très disponibles aux jeunes notamment, qui sont vendues au Québec à travers les mêmes réseaux que les revendeurs de drogue.

Je me demande bien combien de cigarettes illégales vendues au Québec par jour ça prend pour que ça devienne une problématique en santé publique. Quand un Baggies de 200 cigarettes coûte le prix d'un billet de cinéma, ça tourne en dérision les efforts gouvernementaux de contrôler le taux obstinément haut de tabagisme chez les jeunes. Dans leur témoignage récemment, même les centres jeunesse de Montréal croient que les jeunes, qui sont en grande partie des fumeurs, fumeraient certainement des cigarettes illégales.

Il faut également dire que le prix d'un Baggies de 200 cigarettes est également incroyablement stable à environ 12 $ le Baggies. Si le prix de la cigarette de contrebande ne fluctue pas, c'est que les opérations policières ne font qu'égratigner la surface du problème. Il se produit des millions, peut-être même des milliards de cigarettes illégales ici même, au Québec; quelques dizaines de caisses saisies ici et là, c'est comme une goutte d'eau dans un océan de contrebande. Et un facteur indéniable d'attrait aux cigarettes illégales est donc son bas prix — «money talks», comme on dit — sa grande disponibilité due à la fabrication en masse à Kahnawake par 40 fabriques clandestines et les réseaux de distribution apparentés aux revendeurs de drogue, les petits pushers de rang ou de quartier, tous reliés et de connivence avec le crime organisé.

M. Fortin (Jean-Pierre) : Chaque année, le 31 mai, l'Organisation mondiale de la santé et ses partenaires célèbrent la Journée mondiale sans tabac. À l'occasion de la Journée mondiale sans tabac 2015, l'OMS a invité les pays à collaborer pour mettre fin au commerce illicite des produits du tabac. Sous la rubrique Journée mondiale sans tabac 2015 : éliminer le commerce illicite des produits du tabac, l'OMS dit : «Les responsables politiques doivent reconnaître que le commerce illicite du tabac aggrave l'épidémie mondiale du tabagisme et les conséquences sanitaires associées, mais qu'il a également des répercussions sur le plan de la sécurité car il sert à financer le crime organisé, notamment le trafic de drogues, d'êtres humains et d'armes, ainsi que le terrorisme.»

M. Rouillard (Michel) : Il faut donc que la ministre s'en saisisse et fasse de la lutte à la contrebande une priorité. La Coalition nationale contre le tabac de contrebande et ses sept membres appellent donc le législateur à revoir le texte de projet de loi n° 44 afin d'y inclure des notions de lutte à la contrebande pour protéger le public. La ministre ne peut continuer à prétendre que la contrebande de tabac n'est pas la responsabilité... et pelleter le problème vers le ministère québécois de la Sécurité publique ou vers le gouvernement fédéral uniquement. La ministre déléguée à la Santé publique doit donc agir. Elle a une responsabilité de protection du public des méfaits de la contrebande du tabac, de ses ramifications avec le crime organisé et de ses impacts sur la santé publique des Québécois. Mme la ministre, M. le Président, merci beaucoup.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Maintenant, nous avons une période d'échange avec les parlementaires. Je cède la parole à la ministre pour un bloc de 23 minutes.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. D'abord, remercier les gens, M. Robillard et M. Fortin, de se présenter ici.

J'ai une petite curiosité. Vous savez que, le collège des douanes et accises, la formation de tous les nouveaux douaniers se tient dans mon comté, à Rigaud précisément. Est-ce que vous venez tous les deux de là? Avez-vous été formés à Rigaud, bref, au collège des douanes et accises?

M. Fortin (Jean-Pierre) : Non... bien moi, oui.

Mme Charlebois : Oui?

M. Fortin (Jean-Pierre) : Oui, comme tout agent de douane. C'est le seul au Canada, donc effectivement... Il y a un collège. Je peux dire que, certaines personnes, ça peut déranger un peu. Parce que c'est une belle organisation. En tout cas, moi, j'en suis fier. Je viens du Québec, je représente les agents de douane et d'immigration à travers le pays. Le cours, là-bas, comme vous savez peut-être, Mme la ministre, c'est un cours de 18 semaines qui nous forme, là, présentement, oui.

Donc, non, je ne savais pas que c'était votre comté, par exemple.

Mme Charlebois : Oui, vous êtes...

M. Fortin (Jean-Pierre) : J'aurais dû faire mes recherches, hein? Je suis souvent devant la législation plutôt fédérale que... C'est ma première fois que je viens ici, au Québec, témoigner.

Mme Charlebois : Non seulement vous êtes dans mon comté, mais ma nièce, la fille d'un de mes frères, fait sa formation actuellement au collège des douanes et accises. Alors, c'est ça, c'est un petit aparté.

Et je veux vous dire que, si vous avez été formé à Rigaud, je comprends que vous me parliez de contrebande, parce que vous êtes sensibilisé à ce qui se passe particulièrement dans mon comté. Et, j'ai le goût de vous dire, vous savez ce qui se passe avec ACCES Tabac. Moi, j'ai eu aussi quelqu'un très près de moi qui travaille pour la Sûreté du Québec. Vous savez qu'il y a des ententes entre la Sûreté du Québec, la GRC, le SPVM et différents corps de police, mais il y a aussi plusieurs ramifications qui travaillent pour combattre la contrebande de tabac, notamment avec le projet... le programme — je vais le dire, excusez-moi — ACCES Tabac, et vous savez qu'on est passés, de 2008 à 2014, de 30 % de contrebande à 14 %. Bref, on a coupé de plus de la moitié.

Je conviens avec vous qu'il reste du travail à faire, mais vous reconnaissez qu'il y a eu du travail de terrain de fait puis... qu'il en reste encore, oui, mais qu'il y a eu un gros travail? Je vous épargne tous les chiffres, là, des cartouches de cigarettes puis du marché noir, puis etc., vous le savez aussi bien que moi, là, qu'est-ce qu'on peut sauver, mais vous convenez qu'il y a eu un progrès quand même acceptable sur le marché de la contrebande?

M. Rouillard (Michel) : J'en conviens avec vous. Je me promène partout au Canada pour la coalition contre le tabac de contrebande et je mets le Québec un peu en exemple là-dessus parce qu'au niveau du travail de sécurité publique, les policiers, le gouvernement de M. Charest, en 2009, via le ministère des Finances ou du Revenu, je ne me souviens pas trop, ils ont passé la loi n° 59 qui permet aux policiers municipaux d'intervenir, ce qui n'existe pas dans les autres provinces et qui a aidé énormément à contrer la contrebande.

Ceci étant dit, il reste encore quand même environ... plus ou moins 15 %, on ne s'obstinera pas, là, sur le... parce qu'on sait que ces chiffres-là, c'est quand même aléatoire, là, parce que c'est un marché noir, mais il y a encore quand même beaucoup de travail à faire là-dessus, et ce qu'on craint, c'est que... Le 5 % de mentholées, c'est quand même des fumeurs avertis, normalement, qui... plutôt des fumeurs, là, habitués qui fument ce genre de cigarettes là, et, si on l'enlève du marché, bien ça va être facile pour eux de s'en procurer parce que, regardez, ici j'en ai 13 paquets différents, là, tous faits à Kahnawake, c'est tout de la cigarette illégale, ça, là, là. Il n'y en a pas dedans, là, c'est des paquets vides, pour votre information, mais c'est pour vous montrer que ce n'est pas... on n'invente pas ça, là, c'est là. Et vous voyez aussi devant vous défiler un paquet de panneaux publicitaires avec de la cigarette de contrebande, autant mentholée qu'autres. Alors, on ne voudrait pas servir sur un plateau d'argent aux contrebandiers ce marché-là.

Mme Charlebois : J'ai le goût de...

M. Fortin (Jean-Pierre) : Si vous me permettez...

Mme Charlebois : Oui. Oui, allez-y.

• (16 h 20) •

M. Fortin (Jean-Pierre) : Si vous me permettez, Mme la ministre, vous touchez à un bon point par rapport aux groupes qui font la répression. On parle surtout des services de renseignements, dont même l'Agence des services frontaliers en font partie. On parle que la Sûreté du Québec, les gens de la police de Montréal, la Gendarmerie royale du Canada en font partie. Le problème, présentement, c'est que ces gens-là génèrent énormément de renseignements, mais il y a très peu de ressources dédiées à la répression et d'être capable d'intercepter sur le terrain. Il est là, le problème. Une fois qu'on a généré le renseignement et qu'on comprend bien les corridors, qu'on appelle, nous, dans notre jargon, les autoroutes de la contrebande, on se doit également de réagir et de pouvoir intervenir de façon ponctuelle, de là l'importance de mon témoignage aujourd'hui par rapport à mon organisation, là.

Mme Charlebois : Mais soyez assurés qu'on vous entend, là. Puis je ne suis pas en train de dire que la contrebande, c'est une bonne affaire, hein, au contraire. Moi, honnêtement, j'ai déjà fumé, puis il y en a qui m'en ont offert, des cigarettes de contrebande, mais j'ai toujours dit que, tant que je vais fumer, je vais payer toutes mes taxes, puis c'est ce que j'ai toujours fait puis j'en suis fière. Honnêtement, je n'ai jamais acheté de cigarettes de contrebande, bien qu'à une certaine époque il y en avait pas mal, dans le 30 %, là, il y en avait même plus que ça avant ces années-là, avant 1998.

Ce que je veux vous dire, c'est que vous êtes d'accord avec moi que le taux de la contrebande a été réduit, bien qu'il n'était pas dans le projet de loi sur la réduction du tabagisme en 1998, en 2005. Et je veux juste vous dire que ce n'est pas parce qu'on ne vous entend pas, là, hein, qu'on ne l'a pas inclus dans le projet de loi. C'est que l'objectif principal du projet de loi, c'est la réduction du tabagisme, un, chez ceux qui fument; deux, faire en sorte que les jeunes ne se mettent pas à la cigarette; trois, protéger l'environnement des non-fumeurs, notamment les jeunes, exemple, dans une voiture, etc. Mais ça ne veut pas dire, parce que ce n'est pas dans le projet de loi, qu'on ne se soucie pas de la contrebande, la preuve étant que, vous l'avez dit vous-mêmes, ACCES Tabac, vous avez connu ce... la contrebande, ACCES Tabac, là, Actions concertées pour contrer les économies souterraines, bref, vous convenez que ça a été réduit et vous convenez qu'on a posé des gestes. Et ça ne veut pas dire qu'il n'y aura pas d'autres gestes de posés, sauf que, dans le projet de loi qui nous occupe, ce n'est pas axé... ce n'est pas l'objectif principal, de contrer la contrebande. Je ne dis pas que ce n'est pas important, je dis qu'il y a d'autres ministères qui s'occupent de ça. C'est juste ça que je veux vous dire.

Ceci étant, quand vous me parlez de la mentholée, parce qu'on va revenir à tout ça, honnêtement, pendant un petit bout de temps j'ai fermé mes yeux puis je me suis dit : Coudon, c'est-u Imperial Tobacco qui est assis là? Non, non, non, j'ai été obligée de me rattraper puis dire, c'est les douaniers qui sont ici... en fait c'est la coalition contre la contrebande du tabac. Et j'ai le goût de vous dire que l'ensemble des saveurs est un marché pour les jeunes, y compris les mentholées. Puis je ne sais pas si vous étiez là tantôt quand j'ai dit que moi-même... puis, je veux dire, je ne suis pas une statistique, là, mais j'en suis une qui, quand j'ai commencé à fumer, en cachette de mes parents, à l'adolescence, bien je fumais ça parce que c'était trop dur, des cigarettes ordinaires. Puis tu parles avec d'autres, puis c'est un petit peu le portrait qu'on a.

Alors, moi, je veux vous sensibiliser à l'ensemble des saveurs plutôt que faire accent juste sur la mentholée, parce que, oui, vous avez des paquets, mais il y a plein d'autres sortes de cigarettes qui se vendent aussi sur le marché de la contrebande. Est-ce que vous convenez de ça avec moi?

M. Rouillard (Michel) : Regardez, je comprends ce que vous dites, Mme la ministre, et moi aussi, j'ai commencé à fumer à la cachette quand j'étais jeune parce que tout le monde fumait à l'époque, puis on était jeunes, on voulait faire comme les grands, excepté que l'accessibilité à la cigarette, ce n'était pas le fait qu'elle était mentholée ou non, c'est qu'on l'avait à deux pour 0,05 $, puis c'était le plus brave de la gang qui allait la chercher puis il partageait la cigarette avec les autres. Ça aurait pu être de la mentholée comme n'importe quelle autre marque, à l'époque. Et ce qu'on prétend, c'est que les jeunes se font approcher dans les cours d'école, au niveau secondaire, à l'âge qu'ils n'ont même pas le droit d'aller au dépanneur s'acheter des cigarettes, ils se font approcher là pour acheter de la cigarette de contrebande à 12 $ la cartouche, alors que ça se vend alentour de 80 $, 85 $ et plus dans les dépanneurs.

Mme Charlebois : Mais encore là je veux vous rassurer, il va être interdit sur les terrains d'établissement scolaire et de fumer, encore moins de s'en procurer. Ça fait que le gars qui va vouloir aller vendre de la contrebande sur le terrain d'une école, il va être mal pris.

M. Rouillard (Michel) : Oui. En tout cas, il y a bien des choses qui sont défendues, dans la vie, puis ça fait pareil. Puis je ne pense pas que parce qu'on va défendre demain matin de fumer à l'école... De toute façon, c'est déjà défendu, je pense, dans la plupart des cours d'école, la cigarette. Ça n'empêche pas le marché d'exister, là.

Mme Charlebois : Oui, mais vous allez convenir avec moi qu'il y avait déjà des progrès d'accomplis contre la contrebande. Puis je ne vous dis pas qu'on arrête nos efforts, au contraire, il y aura sûrement d'autres efforts, mais ce que je veux... Puis je vous entends, là. J'ai le comté — je n'ai pas besoin de vous en dire plus — où on est en très grande communication... on n'est pas très loin des États-Unis, hein, bon, ce n'est pas loin de chez nous, pour ne pas dire que la finalité est chez nous. Et il y a eu une réduction, puis je le sens, moi, sur le terrain, je le sens. Est-ce qu'il en reste? Oui. Est-ce qu'il y a encore des efforts à faire? Oui. Moi, je pense que oui. Et, dans ce sens-là, je pense qu'on va juste retenir votre mémoire puis on va le présenter aux bonnes personnes pour qu'elles agissent encore plus.

Mais je ne veux pas que vous partiez d'ici en pensant que, parce qu'elle n'est pas dans le projet de loi sur le tabac, on ne va pas se soucier de la contrebande, c'est juste comme pas dans ce projet de loi là qu'il faut que ce soit mis. Mais vous avez bien fait de venir parce qu'on va en tenir compte pour la suite des choses, parce que moi, j'y tiens, à lutter contre la contrebande, puis je n'ai pas besoin de vous exposer pourquoi. Parce que, quand on parle de contrebande... Québec, Ontario, hein, il y a des ententes, et tout ça. Quand on parle de contrebande de cigarettes, ce que les gens ne réalisent toujours pas, hein, puis je prends la peine de regarder la caméra, c'est que non seulement on parle de tabac, mais on parle de drogues, on parle d'armes à feu. Quand on encourage un réseau sur le tabagisme illégal, bien, c'est bien de valeur, on encourage tout le crime organisé. Je tenais à faire le point pour ceux qui nous écoutent.

Mais, à part de tout ce que vous avez entendu, quand on coupe les saveurs, quand je vous parle de cigarette électronique, dans tout ce qu'il y a dans le mémoire... dans notre projet de loi, est-ce que vous êtes favorables dans l'ensemble du projet de loi?

M. Rouillard (Michel) : L'ensemble du projet de loi, dans la mesure où, quelque part, on essaie de prévenir le tabagisme auprès des jeunes, on ne peut pas être contre, comme tel. Par contre, je maintiens que la meilleure façon d'empêcher le tabagisme, c'est encore la prévention ou l'éducation. Ça a fait ses preuves à date énormément. Et puis aujourd'hui, en 2015, si je compare juste 20 ans en arrière, on voit beaucoup plus de jeunes faire du jogging dans les rues, faire du cyclisme dans les pistes cyclables là où il y en a, etc., qu'on n'en voyait antérieurement, encore moins à notre époque, et donc le tabagisme a diminué d'autant. Alors, je pense que, si on continue à travailler au niveau de l'éducation et de la prévention, quant à moi — et même au niveau des drogues c'est la même chose — c'est préférable ça à la coercition.

Mme Charlebois : Vous avez raison qu'il faut continuer à faire de la promotion des saines habitudes de vie, on va travailler aussi là-dessus. On travaille sur une politique de prévention qui va être déposée incessamment, mon adjointe parlementaire est à la veille d'aller en consultations là-dessus. Et le tabagisme fait partie des préoccupations qu'on a, c'est pour ça qu'il y a ce projet de loi là.

Je veux vous remercier pour votre présentation, sachez que ça va être pris en compte. Et, si jamais j'ai d'autres questions, on va communiquer avec vous. J'aimerais bien même récupérer vos cartes quand on ira vous saluer. Mais sachez que tout ce que vous avez écrit...

J'aurais aimé ça, par exemple, avoir une copie de votre mémoire, si c'est possible de nous le faire parvenir.

M. Rouillard (Michel) : Oui. Il y a eu un petit problème, mais vous connaissez notre position et vous allez le recevoir, là, très bientôt.

Mme Charlebois : Bien, c'est gentil, parce que ça va m'aider, justement, à transmettre vos préoccupations au bon ministère. Mais sachez qu'on va en tenir compte, de vos commentaires. Merci beaucoup d'être venus.

Le Président (M. Plante) : Merci beaucoup, Mme la ministre. Maintenant, je...

Mme Charlebois : Ah! excusez. Excusez, M. le Président, j'avais un collègue qui avait une question.

Le Président (M. Plante) : Vous avez encore du temps.

Une voix : ...

Mme Charlebois : Non? Y en a-tu qui ont des questions? Non? Excusez-moi, M. le Président, je vous interromps.

Le Président (M. Plante) : De rien, Mme la ministre. Donc, merci, Mme la ministre. Maintenant, je cède la parole à l'opposition officielle, au député de Rosemont, pour une période de 14 minutes.

M. Lisée : Merci, M. le Président. Bienvenue à tous les deux, M. Rouillard, M. Fortin. M. Rouillard, vous êtes porte-parole. Vous n'êtes pas président, vous n'êtes pas D.G., vous êtes porte-parole. Expliquez-moi.

M. Rouillard (Michel) : En fait, c'est que j'ai été approché par la Coalition nationale contre le tabac de contrebande à savoir si j'acceptais d'être le porte-parole il y a déjà trois ans de ça, et, ayant compris très bien que la contrebande servait surtout le crime organisé, étant aussi sensibilisé au fait que la cigarette, on s'entend que ce n'est pas ce qu'il y a de meilleur pour la santé...

M. Lisée : Vous avez été policier pendant plusieurs années, vous avez connu ça, non, je comprends votre engagement.

M. Rouillard (Michel) : J'ai... Oui. Alors, toutes ces choses-là ont été ma motivation derrière à dire oui, j'acceptais de...

M. Lisée : Vous avez aussi écrit un livre qui s'appelle Reconnaître les personnalités en 7 secondes.

M. Rouillard (Michel) : Oui.

M. Lisée : Alors, est-ce que vous avez reconnu des personnalités depuis que vous êtes là?

M. Rouillard (Michel) : Ce livre a été sorti en 2009, et le mot «personnalité», dans ça, est un choix de l'éditeur, mais c'est sur les comportements, en fait, lorsqu'on a affaire à des gens dans la vie de tous les jours, mais surtout pour les commerçants.

M. Lisée : Bien, moi, je suis d'accord avec vous, j'aime reconnaître les personnalités, mais ça me prend plus que sept secondes, ça fait que j'aimerais en consacrer quelques-unes. Parce que, comme la ministre l'a dit tout à l'heure, on vous entend parler, et la question de la contrebande est une question grave, sérieuse, importante, mais parfois on a l'impression qu'on entend Imperial Tobacco. Alors, la question est évidemment posée : Quelle est la proportion du budget de la coalition qui vient des compagnies de tabac?

M. Rouillard (Michel) : Écoutez, je ne sais pas du tout. Moi, il y a 17 membres de la coalition, dont, entre autres, les chambres de commerce de l'Ontario et du Québec, Crime Stoppers en Ontario, Échec au crime au Québec qui en sont membres, il y a l'association des payeurs de taxes canadiens qui en sont membre, il y a des associations que vous avez entendues, je pense, l'association des dépanneurs, ces choses-là. Quelle portion qui vient de...

M. Lisée : ...vous n'avez pas une idée? Est-ce que c'est 10 %? Est-ce que c'est 90 %?

M. Rouillard (Michel) : Je n'en ai absolument aucune idée. Tout ce que je peux vous dire, c'est que, moi, le salaire que j'ai est très modeste, et je travaille sur appel, tout simplement, et je suis simplement un porte-parole.

M. Lisée : Et vous êtes payé par la coalition ou par une firme de relations publiques?

M. Rouillard (Michel) : Par la coalition. Mon employeur, c'est la coalition.

M. Lisée : Écoutez, c'est quand même bizarre que le porte-parole d'une coalition nationale n'ait pas d'idée de la provenance des fonds qui financent la coalition. Vous ne trouvez pas ça bizarre? Vous ne vous êtes pas posé la question? Vous n'êtes pas curieux?

• (16 h 30) •

M. Rouillard (Michel) : Écoutez, mon mandat n'est pas là. Mon mandat, moi, c'est de lutter contre la contrebande, contre le crime organisé et ses ramifications, ça se limite à ça. La balance, on me dit : M. Rouillard, on vous offre tant pour être notre porte-parole si vous êtes d'accord. Et, si, lorsqu'on me fait dire des choses, je ne suis pas d'accord avec, je ne les dirai pas.

M. Lisée : Je comprends. Impact Affaires publiques, vous les connaissez?

M. Rouillard (Michel) : Bien oui.

M. Lisée : Est-ce qu'ils ont des représentants ici, dans la salle?

M. Rouillard (Michel) : Oui. En fait, Impact Affaires publiques, c'est la firme de communication qui a eu le contrat de m'engager.

M. Lisée : De vous engager.

M. Rouillard (Michel) : C'est ça.

M. Lisée : O.K. Mais est-ce que c'est eux qui signent vos chèques de paie?

M. Rouillard (Michel) : C'est la coalition... Bien là, savez-vous, belle question. Mais «anyway» c'est la coalition qui me paie.

M. Lisée : Vous n'avez pas regardé, là, dans vos chèques de paie, si ça vient d'Impact Affaires publiques ou...

M. Rouillard (Michel) : Je pense que oui, mais...

M. Lisée : Et qui les paie, eux, Impact Affaires publiques? Est-ce que c'est les compagnies de tabac ou c'est la coalition?

M. Rouillard (Michel) : Bien, c'est la coalition.

M. Lisée : C'est la coalition.

M. Rouillard (Michel) : Bien, écoutez, moi, je ne me mêle pas du tout de ce côté administratif là, là. Ce n'est pas dans mon mandat et ça ne me regarde pas vraiment, dans le fond.

M. Lisée : Bien, ça ne vous regarde pas... Mais votre patron, là... Vous, vous êtes porte-parole. Qui est votre patron?

M. Rouillard (Michel) : Bien, mon patron, en fait, c'est l'agence de communication, qui me demande : Michel, peux-tu être présent à telle date à tel endroit?, dont être ici après-midi, par exemple.

M. Lisée : O.K. On pourrait demander à la personne d'Impact Affaires publiques de venir au micro puis de répondre à la question.

Une voix : Je vous remercie beaucoup, M. Lisée, mais ce n'est pas moi qui témoigne aujourd'hui, puis d'autant plus que le projet de loi n° 44 a une thématique très, très précise, et je doute de la pertinence de mes réponses ou de vos questions.

M. Lisée : Bien, écoutez, moi, je m'excuse de...

Le Président (M. Plante) : M. le député, M. le député, vous le savez très bien, on va vous demander de rester... de questionner les témoins de la commission qui sont assis à la table.

M. Lisée : Oui, bien, moi, j'aime la transparence puis j'aime avoir le plus d'information possible. Et moi, je serais content de parler de contrebande puis de c'est quoi, la meilleure façon, etc., mais j'aime reconnaître les personnalités, c'est-à-dire j'aime savoir : Est-ce que je parle à quelqu'un qui est financé par les policiers, les détaillants, les victimes de la contrebande?

Si vous me disiez, là : Écoutez, nous, là, c'est les détaillants des régions qui sont proches de la contrebande qui se sont mis ensemble, ils ont pris leur argent puis ils ont dit : Allez-y, là on parlerait juste de ça. Mais, comme, sur les questions autres que la contrebande, les messages que vous avez sur le menthol, par exemple, sont identiques à ceux des compagnies de tabac, et que vous-même, vous êtes incapable de me dire quelle est la proportion de votre salaire qui vient des compagnies de tabac, bien là je ne reconnais pas la personnalité, alors je ne sais pas à qui je parle.

M. Rouillard (Michel) : Moi, la situation des marchands d'alimentation, la situation des dépanneurs et tous ces gens-là qui font partie de la coalition, eux, ils ont des employés qui paient leurs taxes, qui paient leurs impôts et qui paient l'assurance maladie, et eux, ils sont très contents de me voir, et c'est eux, quelque part, qui nous donnent le mandat de venir vous parler ici. Les 17 membres, et ils sont disponibles, là, faciles à trouver, et je suis certain que, si vous avez trouvé que j'avais écrit un livre, vous avez été capable de trouver les 17 membres de la coalition...

M. Lisée : Oui, bien...

M. Rouillard (Michel) : ...c'est tous ces gens-là qui mettent l'argent en commun dans le pot. Et à savoir quelle partie qui vient des épiceries, qui vient du dépanneur puis qui vient du conseil des fabricants, aucune idée.

M. Fortin (Jean-Pierre) : M. Lisée, est-ce que...

M. Lisée : Non, c'est que moi, je vais cesser là, parce que...

M. Rouillard (Michel) : Il y a même M. Fortin, ici, qui est un membre de la coalition.

M. Lisée : Oui. Vous êtes membre de la coalition?

M. Fortin (Jean-Pierre) : Oui.

M. Lisée : Est-ce que vous recevez un salaire de la coalition?

M. Fortin (Jean-Pierre) : Pas du tout. C'est pour ça que j'avais hâte que vous me posiez la question. Pas du tout.

M. Lisée : Pas du tout. Vous êtes bénévole, vous êtes bénévole.

M. Fortin (Jean-Pierre) : C'est mon organisation qui paie mes dépenses pour être devant vous, M. Lisée, aujourd'hui...

M. Lisée : Oui, très bien, vous êtes du syndicat.

M. Fortin (Jean-Pierre) : ...et à vrai dire c'est nous qui payons une contribution à l'organisation, parce qu'on a des intérêts évidents, nous, par rapport à la protection des frontières, puis ils rejoignaient une certaine idéologie de mon organisation.

M. Lisée : O.K., bien, moi, je suis syndicaliste comme vous. Est-ce que vous n'avez pas eu la curiosité de savoir quelle est... Dans l'organisation à laquelle vous participez, vous financez et vous venez faire des représentations, vous n'avez pas eu la curiosité de savoir quelle était la proportion du budget de la coalition qui venait des compagnies de tabac?

M. Fortin (Jean-Pierre) : Pas du tout.

M. Lisée : Non?

M. Fortin (Jean-Pierre) : Je vais vous dire, moi, je n'avais pas d'intérêt. Ça donnait une tribune, à titre de syndicaliste, de pouvoir, moi... Je parle devant, aujourd'hui, la législation du Québec...

M. Lisée : Oui, mais, vous savez...

M. Fortin (Jean-Pierre) : ...je le fais un petit peu partout à travers le pays. J'arrive d'ailleurs du Yukon.

M. Lisée : Très bien. Mais, vous savez...

M. Fortin (Jean-Pierre) : Donc, c'est juste pour vous dire que je me sers à peu près de toutes les tribunes pour essayer de vendre l'idée de faire une meilleure job et de fermer certaines routes au crime organisé, c'est mon seul intérêt et... tout simplement ça.

M. Lisée : Je vous salue pour ça, je vous salue pour ça. Mais vous savez que certaines compagnies de tabac ont été reconnues coupables d'avoir organisé la contrebande dans les dernières décennies.

M. Fortin (Jean-Pierre) : Soupçonnées, non... sûrement. D'avoir été trouvées coupables, pas du tout.

M. Lisée : Bon, écoutez, moi, j'avoue que j'aime parler à des gens dont la crédibilité est certaine. Et, si vous ne savez pas quelle est la proportion de votre budget qui vient des compagnies de tabac, j'ai de la difficulté à vous accorder beaucoup de crédibilité sur les autres questions. Alors, je vais redonner mon temps à la commission.

Le Président (M. Plante) : Merci, M. le député. Donc, maintenant, je cède la parole au député de Lévis pour une période de neuf minutes.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. M. Rouillard, M. Fortin. Expliquez-moi seulement l'espèce d'incompatibilité dans votre position. Je comprends... Puis la lutte, la lutte aussi à la contrebande, j'en suis. Vous donnez des chiffres, puis, oui, ce n'est pas évident, puis, oui, il faut continuer à combattre, je crois comprendre la ministre qui dit : Il n'y a rien qui justifie le fait qu'on cesse d'avoir cette préoccupation-là que vous avez. Mais en même temps, bien, je suis obligé d'admettre, comme mon collègue, que vous ciblez un produit qui manifestement, à travers les chiffres que l'on reçoit, est un accrocheur pour les jeunes, la version mentholée de la cigarette, puis, je vous dirai, pas seulement pour les jeunes. Puis, même si c'est un petit marché, même... Et là c'est même, encore une fois, paradoxal. Vous réagissez, M. Rouillard, vous me regardez en faisant signe : Oui, mais c'est-u vraiment ça? Et même l'industrie nous dit que dans le marché total, mentholée, ce n'est rien que 5 %.

Alors, parlons santé publique, parlons santé de ceux et celles qui vous entourent, de votre famille, de la mienne, de ceux que vous croisez, des jeunes, de ceux dont vous parliez il y a deux instants dans la cour d'école, qui sont sollicités par des vendeurs de cigarettes qui ne devraient pas être là, de cigarettes illégales, puis restons dans la santé publique. Dans la mesure où on continue à avoir les mêmes objectifs que vous avez, c'est-à-dire de mettre un terme à la contrebande le plus possible pour la santé des Québécois, pour ce que ça coûte en frais de santé à travers ceux et celles qui commenceront à fumer puis ceux qui fument, est-ce qu'on n'a pas tout intérêt à prendre tous les moyens disponibles, y compris le fait de retirer le seul arôme dont vous parlez, qui est le mentholé, sous prétexte qu'on va se le procurer ailleurs? Je ne vois pas le trait d'union logique entre vos propos et la mission qu'on se donne de faire en sorte qu'on soit tous en meilleure santé.

M. Rouillard (Michel) : Dans mon travail, j'ai eu à côtoyer, justement, là, l'association des dépanneurs, les épiciers, et tout ça, lorsqu'ils font des congrès, ces choses-là, et d'entendre leurs doléances face à la contrebande du tabac. Lorsque vous êtes contrebandier... lorsque vous êtes dépanneur, pardon, dans une petite municipalité, O.K., prenons Saint-Joachim-de-Shefford, par exemple, qui est un petit village, et qu'en face du dépanneur le gars vend de la cigarette de contrebande, lui, là, c'est 25 %, 30 % de son chiffre d'affaires qui diminue. Lui, il paie ses employés légalement, etc. Si...

M. Paradis (Lévis) : ...je comprends, M. Rouillard, je comprends...

M. Rouillard (Michel) : Bon, laissez-moi terminer...

M. Paradis (Lévis) : ...mais attaquons-nous à ça. Mais, je veux dire, parlons du produit mentholé.

M. Rouillard (Michel) : M. Paradis, M. le député, vous avez posé une question, j'essaie de vous répondre. Dans ce marché-là, il y a aussi de la mentholée, O.K.? Ce 5 % là, si on parlait tantôt de 150 000 paquets par jour pour le 15 %, bien là on parle à peu près du 5 % de 150 000, c'est quand même de l'argent.

M. Paradis (Lévis) : C'est les produits... Mais c'est le marché total, là.

M. Rouillard (Michel) : Oui, marché total, je suis d'accord avec vous.

M. Paradis (Lévis) : On convient-u qu'il n'y a pas 5 % des gens qui vont, du jour au lendemain, aller dans un kiosque à Kahnawake acheter des cigarettes?

M. Rouillard (Michel) : Pour un dépanneur, c'est peut-être 10 % de ses ventes; pour un autre, c'est peut-être 2 %, on s'entend, là. Je veux dire, c'est global. On y est, dans le global. Je ne veux pas faire une guerre de chiffres, moi non plus, mais quelque part eux essaient de protéger leur marché le plus possible. Et, lorsque le projet de loi a sorti, on leur dit, à nos membres : Qu'est-ce que vous en pensez?, et il y a des membres qui disent : Aïe! on vient encore, quelque part, nous enlever une part de notre marché, parce que les contrebandiers le vendent, eux autres. Puis la preuve est ici, là. C'en est toutes, des cigarettes de contrebande, ça, 13 marques différentes faites juste à Kahnawake.

M. Paradis (Lévis) : M. Rouillard, je comprends, là, mais soyons aussi logiques à travers votre explication. Puis je sais que globalement vous avez peut-être envie que tous, on se sente mieux dans notre peau puis que vous n'ayez pas à subir les contrecoups de quelqu'un qui fume, peut-être que des proches arrêtent de fumer dans votre entourage. Moi, j'en ai, moi, j'en ai, il y en a qui fument, puis il y en a qui fument du menthol, il y en a qui fument du menthol parce qu'ils ont l'impression qu'ils ne fument pas, tu sais, très honnêtement. Il y a des gens qui fument du menthol, puis c'est moins dur, c'est moins dur pour la gorge, puis cette espèce de saveur là fait en sorte qu'ils ont l'impression que, non, ce n'est pas des fumeurs. Ce sont des fumeurs. Et j'imagine que demain on fait en sorte qu'il n'y ait plus de produit mentholé; je vois très mal ceux que je connais partir à la course pour aller s'acheter du menthol, du produit de contrebande. Je vais rien que leur couper, probablement, un produit sur lequel ils ont une fausse vision des choses, faisant en sorte que même les jeunes s'approprient la cigarette en passant par ce raccourci-là d'une saveur qui s'appelle le menthol.

Alors, travaillons pour la même chose. Dans la mesure où on a le même objectif de faire en sorte que les méchants paient pour leurs crimes... Basiquement, c'est ça. Vous avez été policier. Arrêter les pas corrects, tu sais, je veux dire, on est tous d'accord avec ça, on va courir après tous ensemble. Mais est-ce qu'on peut se donner des outils pour faire en sorte que globalement, au-delà de ça, continuant cette mission-là, on puisse éventuellement couper un produit qui fait en sorte que le nombre de fumeurs, selon les statistiques que vous mettez en doute, grimpe?

M. Rouillard (Michel) : Je les mets en doute, en fait, parce que c'est des statistiques sur un marché noir, alors c'est toujours un peu aléatoire. On s'entend-u, là?

• (16 h 40) •

M. Paradis (Lévis) : On n'a pas ce même... Donc, est-ce qu'à la limite, si on veut atteindre l'objectif qu'on s'est donné, puis si on se donnait rendez-vous... Les gens qui sont venus précédemment, je l'ai dit aux gens d'Imperial Tobacco : Donnons-nous rendez-vous dans cinq ans, parce qu'eux disent : Ah! ça n'aura pas d'effet puis ça ne changera... Donnons-nous rendez-vous dans cinq ans, on les regardera, les chiffres, mais donnons-nous la chance d'essayer. C'est un peu ça que vous faites quand vous protégez puis que vous travaillez à combattre le crime, c'est de tout mettre les chances de votre côté pour éviter qu'un crime ne se produise, c'est ça. Est-ce qu'on ne s'entend pas que c'est une voie dans la bonne direction à partir du moment où on ne perd pas l'objectif de faire en sorte que la contrebande soit diminuée?

M. Rouillard (Michel) : C'est parce que, là, le problème, c'est que le produit existe ailleurs, et, quelque part, si on ferme une porte, ils vont ouvrir l'autre. Tu sais, la nature, ça a horreur du vide, comme on dit, là.

Et en plus on parlait des jeunes, tantôt, de tabagisme chez les jeunes. À 12 $ du «carton» de cigarettes, c'est alléchant en titi alors que l'autre coûte 80 $, 85 $ puis peut-être plus, même, à certains endroits.

M. Paradis (Lévis) : Regarde, je prendrai une image, hein? Oui, on ouvre une porte, on en ferme une autre, mais, si on veut combattre, faire en sorte qu'il n'y ait plus de courant d'air, dans une maison, oui, il va falloir en fermer, puis refermer celles qui s'ouvrent, puis travailler davantage puis en refermer encore avec un objectif commun, c'est qu'à un moment donné il n'y ait plus de courant d'air. Dans ma tête à moi, c'est ça.

Et je comprends, comme je vous dis, difficilement que vous ayez cette position, qui me donne l'impression, à moi, puis peut-être à ceux qui nous regardent et nous écoutent que vous défendez un produit qui manifestement est montré du doigt comme étant une porte d'entrée vers une habitude qu'on sait être malsaine. Et ça, ça me dérange.

M. le Président, je pense que ça fait le tour, moi, je vais... pour le peu de temps qu'il nous resterait.

Le Président (M. Plante) : Vous avez terminé? Merci beaucoup, M. le député de Lévis. Donc, on remercie les gens de la Coalition nationale contre le tabac de contrebande.

Et on va suspendre quelques instants pour que le prochain groupe, la Fédération des chambres de commerce du Québec, se prépare. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 16 h 42)

(Reprise à 16 h 50)

Le Président (M. Plante) : Donc, on est à la reprise des travaux. Et maintenant nous entendrons la Fédération des chambres de commerce, donc nous accueillons M. David Laureti ainsi que M. Stéphane Forget. Je vous demanderais de vous nommer, vos noms, vos fonctions et vos titres. Et vous avez une période de présentation de 10 minutes, et par la suite ce sera suivi d'une période d'échange entre les parlementaires. Merci.

Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)

M. Forget (Stéphane) : Alors, merci beaucoup de nous recevoir. Stéphane Forget, vice-président Stratégie et affaires économiques à la Fédération des chambres de commerce du Québec. Je suis accompagné de mon collègue David Laureti, qui est directeur Stratégie et affaires économiques à la fédération.

Peut-être un bref rappel, quoique je sais que les gens connaissent bien la fédération. La fédération regroupe un peu plus de 140 chambres de commerce en plus d'accueillir près de 1 100 entreprises à titre de membres corporatifs. Elle constitue le plus important réseau de gens d'affaires et d'entreprises au Québec, exerçant leurs activités dans tous les secteurs de l'économie et dans toutes les régions du Québec.

La fédération souscrit à plusieurs efforts consentis depuis des années par les gouvernements successifs en matière de tabagisme. Si elle intervient dans le présent débat, ce n'est aucunement pour chercher à accroître la consommation de tabac ni pour atténuer les effets des campagnes contre le tabagisme, mais le tabac demeure un produit légal soumis à des règles très strictes de production et de commercialisation. Les activités de fabrication et de vente des produits du tabac doivent certes être encadrées, et elles le sont beaucoup, mais l'État doit respecter les principes élémentaires de commerce. C'est sur ces règles de base de l'activité commerciale et économique appliquées aux produits du tabac que la fédération intervient aujourd'hui. On ne peut pas appliquer à un produit légal des interdictions ou des graves entraves au commerce comme s'il s'agissait d'un produit illicite. Dans ce contexte, nous désirons vous parler des enjeux de surréglementation, de l'information sur le tabac et ses effets, d'un moratoire sur les produits du tabac, de contrebande, et quelques mots sur la cigarette électronique.

La fédération est souvent préoccupée par les effets négatifs de la surréglementation que nous constatons trop souvent dans la mise en oeuvre et l'application de différentes mesures, et ce, dans plusieurs domaines. Un sondage réalisé à l'été par la firme CROP pour le compte de la FCCQ auprès de 1 000 adultes fait apparaître que, globalement, la réglementation gouvernementale est perçue comme étant très présente, voire imposante, au Québec. Il est donc important et légitime que le gouvernement poursuive ses efforts pour lutter contre le tabagisme, mais il convient, sur un certain nombre de sujets, de faire preuve de discernement et de prendre en compte les données objectives et les faits provenant des différentes composantes de l'industrie du tabac.

Selon diverses études, les campagnes contre le tabagisme et l'adoption d'une multitude de règlements ayant pour effet de restreindre la commercialisation et la consommation des produits du tabac ont fait en sorte que les fumeurs actuels consomment du tabac en connaissance de cause. Il n'en est pas de même pour les jeunes, qui sont nettement plus influençables et peuvent sous-estimer les conséquences à long terme du tabagisme. C'est pourquoi la FCCQ appuie les campagnes contre le tabagisme, en particulier celles qui sont destinées aux jeunes, et c'est aussi pourquoi nous insistons pour intensifier la lutte contre la contrebande du tabac, parce que le prix des cigarettes de contrebande est particulièrement attractif pour les jeunes. Nous y reviendrons.

La grande majorité des fumeurs actuels sont alertés depuis plusieurs années des risques d'une consommation soutenue pour leur santé. L'étude réalisée par CROP pour le compte de la fédération révèle qu'une écrasante majorité des adultes québécois, 86%, dont 89% des fumeurs, se disent bien informés par rapport aux risques du tabac. Le tabac est d'ailleurs de loin, avec l'alcool, le produit dont les Québécois se disent le mieux informés des risques.

À ce compte, nous avons mené une réflexion de nature commerciale lorsqu'il est question, par certains groupes, de l'emballage neutre. Pour la fédération, l'emballage neutre pose deux problèmes.

Il s'agit, en premier lieu, d'une véritable expropriation d'une marque de commerce. Or, les règles élémentaires relatives à la propriété intellectuelle interdisent ce genre d'expropriation. Tant que le tabac demeure un produit qui peut être distribué et vendu en toute légalité, nous croyons qu'il est tout à fait contraire aux règles de commerce d'interdire au producteur de faire connaître minimalement son produit et certaines de ses caractéristiques.

En deuxième lieu, la fédération a des raisons de douter que l'emballage neutre ne change pas véritablement le comportement des fumeurs. Ce serait comme crier plus fort un message déjà bien connu et répété ad nauseam. À ce titre, la FCCQ trouve sage que le projet de loi n° 44 n'inclue pas de réglementation plus contraignante visant l'emballage neutre, car, en plus des éléments liés au commerce, il faudrait tenir compte des questions de juridiction et d'harmonisation de normes à l'échelle canadienne.

De plus, les tenants d'un renforcement de la réglementation sur les produits du tabac plaident en faveur d'un moratoire sur tout nouveau produit du tabac. On a peine à imaginer une interdiction totale à ce chapitre. La plupart des innovations, si on peut le dire ainsi, de l'industrie n'émanent pas du Québec ni même du Canada. Comment, dans un univers économique globalisé, pourrait-on concevoir une telle interdiction? La fin ne peut pas justifier tous les moyens. Le Québec ou le Canada ne peuvent pas fermer leurs frontières à des produits qui sont légalement autorisés au pays.

Par contre, la fédération considère raisonnable d'interdire ou de restreindre nettement la vente des produits de tabac qui contiennent des saveurs particulièrement attrayantes pour les jeunes. Nous ne parlons pas ici des cigarettes au menthol — différentes opinions ou différentes études sont partagées à ce sujet — mais bien des produits à saveur de friandises. Comme nous l'avons signalé au départ, il faut protéger les jeunes contre le tabagisme.

Parlant innovation, la cigarette électronique est un exemple. Elle est arrivée sur le marché canadien, même si elle n'a jamais été homologuée par Santé Canada ou un autre organisme de réglementation. Sans en faire la promotion active, plusieurs autorités médicales ont exprimé des avis plutôt favorables à ce que certains appellent la vaporette. La FCCQ n'a pas la compétence pour participer à l'aspect médical de ce débat. Elle invite tout de même le gouvernement fédéral à légaliser la vente de la cigarette électronique et à contrôler les produits qui y sont associés. Des standards de qualité de ce nouveau produit doivent être édictés. Il faut combler l'actuel vide juridique parce que la vaporette est effectivement vendue au pays et qu'il y a lieu d'encadrer raisonnablement ce marché.

Cela dit, il convient de constater que la cigarette électronique n'est peut-être pas ou possiblement pas un produit du tabac. Selon la FCCQ, il y a peut-être lieu de s'interroger sur la nécessité de lui appliquer toute la réglementation en vigueur pour les produits du tabac, ce que prévoit le projet de loi n° 44. Par contre, elle estime justifié de ne pas vendre de cigarettes électroniques aux jeunes de moins de 18 ans.

Concernant la contrebande, l'action gouvernementale des dernières années a permis de réduire considérablement la contrebande de produits de tabac au Québec. Malgré ces efforts, le Québec estime encore le taux de contrebande à près de 15 %, représentant une perte d'impôts sur le tabac de plus de 200 millions de dollars par année. Et le phénomène de contrebande n'est pas à l'abri d'une recrudescence.

Ceux qui sont le plus sensibles au prix des cigarettes sont les jeunes et les personnes à faibles revenus, les campagnes contre le tabagisme ciblent précisément ces deux groupes de personnes. Or, l'accès à du tabac pas cher mine ces campagnes de sensibilisation. Un bon moyen de lutter contre le tabagisme, surtout chez les jeunes, consiste à intensifier la lutte contre la contrebande des produits du tabac.

De même, vous n'êtes pas sans savoir que la production du tabac de contrebande n'est soumise à aucun contrôle, aucune inspection, contrairement à l'industrie, qui est assujettie à plus de 200 règlements. Le risque pour la santé est encore plus grand avec le tabac illicite, car il n'existe pas d'assurance au niveau de la qualité des produits. Le sondage réalisé pour le compte de la FCCQ indique que le niveau de contrôle exercé par le gouvernement québécois semble bien plus insuffisant lorsqu'il s'agit du tabac de contrebande que celui vendu légalement.

Au niveau de la perception des Québécois par rapport à la taxation du tabac, le sondage réalisé par CROP révèle que, bien qu'une majorité des Québécois s'expriment en faveur d'une hausse générale des taxes et du prix du tabac, cette majorité disparaît lorsqu'on les informe du niveau actuel de taxation. Ce que nous voulons vous dire à ce sujet, c'est qu'une hausse de taxe sur les produits du tabac devrait toujours tenir compte du fragile équilibre entre le marché légal, la contrebande et les revenus gouvernementaux. Ainsi, il nous apparaît souhaitable de conclure la réflexion sur un cadre stable basé sur une augmentation progressive des taxes de l'ordre du taux d'inflation, au lieu de chocs tarifaires résultant d'augmentations importantes mais sporadiques des taxes sur le tabac. C'est ce que nous avons plaidé à l'occasion des travaux de la Commission d'examen sur la fiscalité québécoise.

En conclusion, la Fédération des chambres de commerce du Québec considère importantes les initiatives du ministère de la Santé et des Services sociaux visant à lutter contre le tabagisme et salue une bonne partie des propositions incluses dans le projet de loi n° 44. Elle invite cependant la ministre déléguée, dans le cadre de la révision, et l'ensemble des parlementaires à éviter les raccourcis faciles qui consistent à surréglementer pour atteindre des objectifs somme toute fort louables mais qui pourraient être compromis en utilisant cette voie. Nous l'invitons également à ne pas recourir à des mesures coups-de-poing qui ultimement n'auraient pas les effets escomptés et ne changeraient pas le comportement des fumeurs mais au contraire seraient susceptibles d'encourager le commerce illicite du tabac. Enfin, il nous apparaît clair que le gouvernement du Québec doit harmoniser ses actions et ses initiatives avec celles du gouvernement fédéral en la matière. C'est particulièrement important, à notre avis, en matière d'affichage. Je vous remercie.

• (17 heures) •

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à la ministre pour un échange de 25 minutes.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Alors, tout d'abord vous saluer, M. Forget et M. Laureti, d'être ici et de nous faire présentation de vos préoccupations concernant le projet de loi.

Je vais commencer par vous dire que j'ai été fort surprise de plusieurs propos dans votre mémoire parce que je n'avais pas la perception... en tout cas j'ai mal compris, probablement, comment vous aviez vu les choses précédemment. Mais en tout cas, ceci étant, on a l'occasion d'échanger pour pouvoir clarifier certaines affaires.

Mais j'ai le goût de vous dire que vous avez bien compris l'objectif de la loi, oui, je le sais, vous en avez parlé, soit réduire la prévalence au tabac, éviter que les enfants soient dans un environnement de fumée secondaire le plus possible, faire en sorte qu'on n'augmente pas la prévalence au tabac mais qu'on puisse faire en sorte que ceux qui fument puissent arrêter de fumer. Et tout ça pourquoi? Parce qu'on sait que la fumée de tabac contient 7 000 substances chimiques, 69 substances cancérigènes. On ne peut pas passer à côté de ça. Puis ce n'est pas un raccourci, là, c'est le Surgeon General des États-Unis qui dit qu'il n'y a pas de seuil minimal sécuritaire en matière d'exposition à la fumée du tabac. Or, ce n'est pas juste chez les jeunes. Quand les adultes fument et que les... tu sais, quand on est chez nous, puis que les adultes fument, puis que les jeunes sont dans la maison... On peut bien enlever tout l'environnement autour, mais il faut aussi s'occuper des adultes, pas juste des jeunes, en résumé c'est ce que je veux vous dire.

Et j'ai le goût aussi de vous parler des coûts qui sont rattachés au tabac; non seulement de coûts sociaux, parce que, quand on perd un membre de notre famille, il y a un coût social, hein, dans nos vies, mais il y a un coût monétaire, là. Quand je regarde, là... Les chiffres qu'on a, là, c'est directement du ministère. Les coûts directs en soins de santé imputables au tabagisme, on ne parle pas des maladies secondaires : 1,6 milliard par année. C'est beaucoup d'argent, là. En 2002, on avait estimé que les coûts directs en soins de santé et les coûts indirects du tabagisme s'élevaient à 4 milliards par année. Quand on parle de coûts indirects, là, c'est directement chez vos membres, c'est-à-dire que quelqu'un qui engage des gens qui fument... et/ou des membres de la famille autour d'un fumeur, il y a une conséquence directe, il y a un taux d'absentéisme plus élevé, il y a un paquet de facteurs, l'entreprise devient victime d'avoir quelqu'un qui est moins productif parce qu'il a des maladies liées au tabagisme, et on ne peut pas passer à côté de ça.

Il y a aussi une autre enquête sur laquelle je veux... c'est une enquête québécoise sur le tabac, l'alcool, la drogue et le jeu chez les élèves du secondaire — puis je prends le temps de vous parler de ces études-là, là, je vous donne ça en vrac, puis après ça je vais arriver avec mes questions — qui nous disait qu'au secondaire, en 2013 — ce n'est pas il y a si bien longtemps que ça, là, c'est assez récent — les produits aromatisés, chez les élèves québécois, ils sont consommés beaucoup plus significativement que dans le reste du Canada. Pire que ça : dans le cas de la cigarette mentholée, 26 % des élèves du secondaire qui fument la cigarette en ont fait usage. Or, quand on sait que ces jeunes-là deviennent des adultes, quand on sait que le tabac crée 10 000 décès annuellement pas dans le monde, là, au Québec, c'est assez terrible.

Le tabac tue près de la moitié des individus qui fument la majeure partie de leur vie, et 50 % de ces décès surviennent avant l'âge de 69 ans. L'espérance de vie des fumeurs est diminuée de 10 ans par rapport à celle des non-fumeurs. Puis je vous dirai que, dans les statistiques... Moi, j'ai perdu mon père, il avait 66 ans, grand gaillard, du cancer du poumon. Moi, j'ai été absente un mois et demi du travail pour accompagner mon père puis je connais un paquet de gens qui vivent la même situation, ce qui explique les chiffres que je vous ai donnés précédemment.

Dites-moi combien vous avez de membres qui vendent des produits du tabac. Est-ce que les compagnies de tabac sont membres de votre... Je ne comprends pas pourquoi vous faites un plaidoyer sur le menthol, pour protéger la marque de cigarettes menthol, pour favoriser que les adultes puissent consommer ça. Mais, non seulement ça, on sait que les jeunes commencent à fumer avec ça. Alors, expliquez-moi, compte tenu de tous les chiffres que je viens de vous donner, expliquez-moi pourquoi vous voulez qu'on garde le menthol, je n'arrive pas à comprendre. Combien vous avez de membres qui vendent du tabac dans votre association?

M. Forget (Stéphane) : En fait, c'est un chiffre que je ne peux pas... Il faut comprendre que la fédération a deux chapeaux, là, elle est la fédération. Donc, les chambres de commerce ont des membres, des commerçants, il y a plus de 60 000 membres à travers les chambres de commerce, donc je suis incapable de vous dire... Je n'ai pas de statistique sur le nombre d'entreprises qui vendent des produits du tabac et qui sont membres des chambres de commerce locales, je ne suis pas en mesure de vous donner cette statistique-là, malheureusement.

Mme Charlebois : Les compagnies de tabac sont-elles membres chez vous?

M. Forget (Stéphane) : Il y a certaines compagnies de tabac, effectivement, qui sont membres chez nous. On a un membership très varié, donc on a des représentants dans l'industrie du tabac, des gens dans l'industrie de la santé, des entreprises de tous les secteurs. Donc, oui, y a certaines... elles ne sont pas toutes membres, mais certaines le sont effectivement, effectivement.

Mme Charlebois : Bien...

M. Forget (Stéphane) : Concernant...

Mme Charlebois : Oui, allez-y.

M. Forget (Stéphane) : Bien, peut-être que je me suis mal exprimé, mais on n'a pas fait de plaidoyer pour la défense du menthol.

Mme Charlebois : ...

M. Forget (Stéphane) : Ce que je vous ai dit, tantôt ce que j'ai mentionné, c'est que sur le menthol particulièrement il y a des opinions diverses qu'on a entendues. On est tout à fait d'accord sur les saveurs de friandises, là, on les a appelées comme ça, mais, sur le menthol, il y a des avis qui divergent de part et d'autre. Donc, on n'est pas habilités, nous, à vous dire, sur le plan de la santé, si le menthol devrait ou ne devrait pas... De toute évidence, selon ce qu'on comprend, selon notre membership, il y aurait une distinction à faire entre les saveurs de friandises et le menthol.

Mme Charlebois : Est-ce que...

M. Forget (Stéphane) : Cela dit, si je peux me permettre Mme la ministre...

Mme Charlebois : Oui. Oui, allez-y.

M. Forget (Stéphane) : ...ce qu'on constate et ce qu'on a... j'ai pu même, moi, le constater, de mes yeux vu, parce que j'ai de la famille du côté de Châteauguay, c'est l'opportunité que les contrebandiers ont saisie le jour où le gouvernement a annoncé qu'il était pour abolir le menthol. Je l'ai vu, de mes yeux vu. Et une des préoccupations de la fédération, c'est évidemment lié au transfert de la contrebande. Je l'ai souligné tantôt, il y a un travail gigantesque qui a été fait au fil des ans, au Québec, pour réduire la contrebande, mais je l'ai vu parce que c'est ma mère qui habite du côté de Châteauguay, où je vais régulièrement, et j'ai vu, de mes yeux vu l'affiche gigantesque apparaître, du côté de la réserve, les jours qui ont suivi l'annonce qui a été faite.

Donc, je ne fais pas un plaidoyer... on ne fait pas un plaidoyer pour ou contre le menthol. On en fait un contre les saveurs de friandises assurément. Sur le menthol, on dit : Il y a beaucoup d'arguments, et on ne peut pas, nous... on n'a pas l'expertise pour trancher de cette façon-là. C'est l'argument que je peux vous donner sur le menthol.

Mme Charlebois : O.K., mais moi, j'ai le goût de vous dire que les études qui nous proviennent de la Santé publique doivent primer sur les études autres, parce que j'ai comme l'impression que ces études-là sont là effectivement pour protéger la santé de la population en général et non pas favoriser quelque autre intérêt que ce soit. Alors, en ce sens-là, je dois vous dire qu'il y a d'autres endroits qui ont interdit le menthol, parmi les autres saveurs, et ça fonctionne très bien. Et, quand on verra, vous et moi, du côté de Châteauguay mais aussi du côté de Soulanges, des paquets affichés «menthol», quand il y aura une interdiction, on saura qu'on fait affaire à des gens qui achètent des produits illicites...

M. Forget (Stéphane) : De contrebande.

Mme Charlebois : ...puis on pourra toujours les dénoncer, si le cas a lieu. Mais honnêtement je ne pense pas que ça, ça constitue... Ce n'est tellement pas une grosse part de marché. Pourquoi permettre aux gens d'adhérer aux produits du tabac avec une saveur plutôt qu'une autre? On le sait, ça engourdit la gorge. Je ne vois pas pourquoi on va favoriser la consommation de ces cigarettes-là. Si on interdit les saveurs, on les interdit toutes ou pas du tout.

Et, j'ai le goût de vous dire, pire que ça, la contrebande, vous avez entendu parler... Je ne sais pas si vous étiez là, c'est ça, on en a parlé.

M. Forget (Stéphane) : Une petite partie.

Mme Charlebois : Il y a ACCES Tabac... Vous savez qu'on est passé de 30 % à 14 % de contrebande, l'ensemble de la criminalité.

M. Forget (Stéphane) : ...c'est pour ça que je vous l'ai souligné. C'est formidable, le travail qui a été réalisé.

• (17 h 10) •

Mme Charlebois : Tout à fait. Puis on ne va pas lâcher ce travail-là, honnêtement, il faut poursuivre. Mais l'objectif du projet de loi sur lequel on travaille n'est pas de contrer la contrebande, mais on en a pris note puis on va transmettre ça au ministre des Finances, au ministère des Finances pour que continuent les actions et qu'on s'occupe de faire en sorte que nous puissions encore réduire de beaucoup la contrebande.

Puis, quand je vous parle de produits, là, j'ai tous les chiffres ici, là, mais il y a plusieurs équipes de policiers, la Sûreté du Québec, la GRC, tantôt on avait les douaniers, tout le monde travaille en partenariat à faire en sorte que ce marché-là puisse arrêter, et on a des statistiques qui nous démontrent très bien... Tout le monde convient que ça a beaucoup diminué, tout le monde convient qu'à travers les années il y a eu des efforts substantiels pour contrer la contrebande.

Mais ce qui m'étonne dans les propos que vous... dans la présentation de votre mémoire, c'est que vous êtes allés exactement là où Imperial Tobacco est allé. Ils ont parlé du menthol, ils ont parlé de la contrebande, ils ont parlé des emballages neutres. C'est pour ça que je vous ai demandé : Dites-moi c'est qui, vos membres, parce que... c'est-u la majorité ou... Vos membres, quand il y a un coût relié à la santé, tel que je vous parlais, en coûts directs et indirects, là, de 4 milliards de dollars par année, vos membres paient pour ça, là. Quand on parle de coûts de système de santé, vos membres paient pour ça. Moi, j'étais en affaires avant, je sais très bien que les employeurs paient une grappe pour ça, là. Alors, comment on peut dire aux gens : Continuons, faisons juste de la promotion de... — c'est ce que nous a dit Imperial Tobacco — faisons de la formation, faisons de la sensibilisation? Mais on s'aperçoit que, chez les jeunes, le taux de tabagisme est stable. Il faut donc changer nos façons de faire, comprenez-vous? Quand ils ont parlé de cigarette électronique, ils avaient presque les mêmes propos que vous autres, mais je les questionnais puis j'ai demandé : Avez-vous fait l'acquisition de compagnies de cigarettes électroniques?, ils m'ont répondu oui. Alors, je me demande, dans tous vos propos, est-ce que vous êtes conscients que vos membres subissent les coûts du tabagisme?

M. Forget (Stéphane) : Absolument. D'ailleurs, premièrement, il faut que vous reconnaissiez qu'on a mentionné à plusieurs égards, dans le mémoire et dans ma présentation, que nous sommes d'accord avec la plupart des mesures et... l'ensemble des mesures qu'on a prises pour les enjeux du tabac au fil des ans et les gouvernements qui se sont succédé, parce qu'on est bien conscients de l'impact que cela a.

L'enjeu, pour nous, c'est qu'à partir du moment où on considère que c'est un produit légal, selon les règles du commerce... On n'a pas voulu... on n'est pas des spécialistes en santé publique. Selon les règles du commerce, à partir du moment où on convient que quelque chose est légal et qu'on décide de le permettre, d'en permettre sa vente, on devrait respecter, comme je vous le disais, un minimum de règles liées au commerce. Ça, c'était notre premier argument.

Le deuxième, sur la cigarette électronique, ce qu'on dit simplement, c'est : Est-ce qu'on la rend légale, oui ou non?, parce qu'actuellement c'est un produit qui est un peu entre deux zones. Et on pense que, si tel est le cas, on est mieux de le contrôler que de le laisser dans un no man's land, si je peux le mentionner ainsi.

Si je peux me permettre deux autres commentaires, les mémoires, à la fédération, sont écrits, discutés, échangés et approuvés aussi, donc, quand la fédération prend des positions, ce n'est pas au nom d'une entreprise ou d'une organisation, c'est au nom de la fédération, et c'est parce qu'on défend un certain nombre d'éléments. Dans le cas présent, je vous le rappelle, et on l'a dit à plusieurs égards, nous sommes favorables à la plupart des éléments qu'on retrouve dans le projet de loi n° 44 et on applaudit aux mesures qui ont été prises au fil des ans. Cependant, comme organisation économique, quand un produit est légal et se vend dans les commerces, on demande simplement de respecter un certain nombre de ces règles minimales de commerce et, l'autre élément — et ça, c'est ce qui nous préoccupe le plus — qu'on pose des gestes qui ne transféreront pas la consommation vers le marché de contrebande. C'est depuis des années que la fédération suit cet enjeu de la contrebande. Ce n'est, bien évidemment, pas la responsabilité du ministère de la Santé, mais on ne peut pas, on croit, prendre des décisions en matière de santé sans tenir compte qu'il peut y avoir des conséquences favorables ou défavorables du côté du tabac illicite ou de la contrebande. C'est essentiellement ce qu'on veut souligner.

Mme Charlebois : Je vous entends quand vous me dites que c'est un produit légal, qu'il faut respecter les règles d'organisation économique. C'est donc dire qu'on n'aurait pas dû légiférer en 1998, qu'on n'aurait pas dû légiférer en 2005, qu'on ne devrait pas faire rien encore pour faire en sorte que la consommation, le taux de prévalence au tabac diminue. 1 %...

M. Forget (Stéphane) : Ce n'est pas ce qu'on dit du tout, ce n'est pas ce qu'on...

Mme Charlebois : Non, mais, si on y va dans la même logique, ce serait ça...

M. Forget (Stéphane) : Non, pas du tout. Non, non.

Mme Charlebois : ...parce que, quand vous me dites : Organisation économique, respect des règles de l'économie, oui, mais, quand on parle de la santé publique, il y a un coût qui se rattache là pour toute la population, c'est tout le monde qui paie pour les coûts économiques et sociaux. Alors, moi, mon rôle comme ministre qui s'occupe de la santé publique, c'est de protéger l'ensemble de la population.

M. Forget (Stéphane) : Absolument.

Mme Charlebois : Et, quand on parle de tabagisme, honnêtement, c'en est, un... J'allais dire «un fléau». C'en est un, un fléau, pour lequel j'ai le goût de faire des combats, honnêtement, parce que je sais qu'il y a là non seulement des coûts monétaires, mais des coûts humains.

M. Forget (Stéphane) : Absolument.

Mme Charlebois : Et, quand on est entrepreneur, qu'on voit son personnel disparaître de l'entreprise parce qu'ou bien il est malade ou bien il accompagne quelqu'un de malade, quand on fait du porte-à-porte, comme député, puis qu'on s'aperçoit qu'à toutes les portes il y a, à peu près, quelqu'un dans sa famille qui a été atteint du cancer... Souvent... Encore en fin de semaine, j'ai rencontré quelqu'un qui me dit : Si c'était à refaire... Je vais être branché avec une machine que je vais devoir traîner, je fais de l'emphysème; Lucie, vas-y pour le tabac. Je vous le dis, j'ai fait du terrain toute la fin de semaine. Tout le monde... Même les fumeurs, ils n'osent pas trop parler, sauf une personne qui s'est un peu révoltée puis qui m'a dit que c'était son amie, mais même les fumeurs disent : Pas de problème, on va aller fumer à 30 pieds de la porte.

Je vous le dis, je comprends que votre mémoire va dans un sens de commerce, mais, tu sais, la liberté des uns s'arrête où la liberté des autres commence...

M. Forget (Stéphane) : Absolument.

Mme Charlebois : ...et ce n'est pas un droit... honnêtement ce n'est pas un droit ultime que de fumer dans l'environnement de celui qui ne fume pas. Et moi, je pense que toutes les statistiques nous ont démontré... puis je ne sais pas comment vous voyez ça, vous, je veux vous entendre là-dessus entre autres, toutes les études qui ont été faites à travers les années, j'en ai parlé tantôt, faites par l'Institut national de santé publique, par l'Organisation mondiale de la santé qui d'ailleurs nous recommandent d'encadrer la cigarette électronique, qui nous demandent d'éliminer le menthol. Tantôt, je n'ai pas eu le temps de le dire à la compagnie de tabac et aux douaniers, mais c'est... Ils nous relataient l'OMS. Bien oui, l'OMS nous dit d'éliminer le menthol. Surgeon General US, c'en est un autre. L'Institut de la statistique du Québec, Santé Canada, Statistique Canada nous parlent... nous donnent des chiffres sur comment c'est dommageable, la prévalence au tabac.

Alors, moi, j'ai beaucoup de difficultés à comprendre... puis, je ne le sais pas, je ne comprends pas comment la Fédération des chambres de commerce peut nous dire : Vous pouvez y réfléchir, au menthol, vous pouvez... la cigarette électronique, c'est un autre marché qui va se développer. Je vous entends, là, puis je comprends le libre marché, mais en même temps vous conviendrez avec moi qu'il faut protéger la santé publique et qu'il y a là vraiment un problème, avec le tabagisme. Il faut... On était des leaders, au Québec, on avait fait des avancées incroyables, et là ça stagne. Puis il y a des coûts rattachés à ça. Alors, vous ne pensez pas qu'on doit aller plus loin?

M. Forget (Stéphane) : Bien, Mme la ministre, je vais le redire, nous l'avons écrit noir sur blanc, je vous l'ai mentionné, nous sommes favorables avec la majeure partie des articles du projet de loi n° 44. Je ne peux pas le dire autrement, c'est ce qu'on dit. Donc, on est favorables à ces mesures-là.

Ce qu'on vous dit, c'est que, dans le cadre où le gouvernement, dans un premier temps, décide de prendre des mesures qui touchent, par exemple, aux marques de commerce, je vais prendre celles-ci, il y a des règles de commerce qu'on doit suivre parce qu'on est dans le cadre d'un produit qui se veut légal. Donc, dans les mesures que vous souhaitez prendre qui touchent les règles du commerce, on vous dit : Soyez vigilants parce qu'il y a des règles qui existent.

Vous m'avez parlé de l'OMS tantôt, l'OMS vous dit qu'il faut réglementer la cigarette électronique. Ce qu'on vous dit dans le mémoire, c'est : On doit réglementer la cigarette électronique. On dit la même chose que vous à cet égard-là.

Alors, cela étant dit, dans le cas des mesures de votre mémoire qui touchent les règles de commerce, notamment... bon, il n'en est pas question dans le projet de loi n° 44, mais vous en avez beaucoup entendu parler, de l'emballage neutre ou des règles qui touchent le commerce, on vous dit : Soyez vigilants, il y a des règles qui existent, et il y a des précédents qu'on crée, et il faut par la suite être en mesure de vivre avec. Alors, c'est l'essentiel du message en ce qui a trait aux règles de commerce. Je...

Mme Charlebois : Est-ce que je peux vous poser une dernière...

M. Forget (Stéphane) : Absolument.

Mme Charlebois : Bien, ce n'est pas une dernière question, en fait, il me reste assez de temps, six minutes. Vous ne vous êtes pas prononcés sur les terrasses. Est-ce que vous êtes en faveur de ça, l'élimination du tabagisme sur les terrasses?

• (17 h 20) •

M. Forget (Stéphane) : Sur les terrasses, bien, on ne s'est pas prononcés parce qu'il y a d'autres organisations qui l'ont fait. La réponse, c'est oui. Ce qui est intéressant, et je vous le dis pour votre réflexion à vous, on a posé la question quand on a fait un sondage sur la surréglementation notamment cet été, on a posé des questions sur les terrasses, et vous ne serez sûrement pas étonnés, mais la majorité des Québécois sont d'accord avec le fait qu'on réglemente sur les terrasses. Ce qui est curieux, c'est que, dans une deuxième question, les gens disent... par contre ils sont à parts égales, 47-47, en disant : C'est l'État qui devrait légiférer en ce qui a trait aux terrasses, l'autre moitié dit : Ça devrait être les propriétaires de terrasse qui devraient déterminer si leur terrasse l'est ou pas. Alors, on n'a pas pris position sur ce sujet-là, mais je vous le dis juste pour votre réflexion, que c'est intéressant que la majorité soit d'accord à ce qu'il se passe quelque chose eu égard aux terrasses, mais après ça il y a une division claire entre, oui, c'est l'État qui doit le dire ou, non, c'est le propriétaire de l'espace, de la terrasse ou de l'endroit qui doit le déterminer. Alors, je vous le mentionne pour votre réflexion.

Mme Charlebois : Bien, merci de nous informer là-dessus, mais, quant à moi, si on est favorable à ce qu'il n'y ait plus de fumée sur la terrasse, peu importe qui va décider, il n'y aura plus de fumée sur la terrasse.

Dernière question, vous nous avez... vous semblez vous opposer à l'élimination des clauses d'harmonisation avec le fédéral. Pourquoi?

M. Forget (Stéphane) : Non, au contraire. Ce qu'on suggère, ce qu'on souhaite, c'est qu'il y ait une harmonisation.

Mme Charlebois : C'est ça, vous voulez qu'on harmonise les conditions.

M. Forget (Stéphane) : Oui, oui. Oui, oui, c'est ça.

Mme Charlebois : Donc, vous ne voulez pas qu'on aille plus loin que ce que le fédéral fait jusqu'à ce qu'ils réglementent, eux autres, plus loin.

M. Forget (Stéphane) : Ou qu'il y ait du travail qui se fasse conjointement pour qu'il y ait une harmonisation, parce qu'on sait bien, là, on est au Canada, les frontières sont celles qu'elles sont, donc il y a du commerce interprovincial, il y a différentes mesures. On dit : Dans le cadre du commerce interprovincial notamment, il y a des règles qui s'appliquent. Si on veut que les mesures qu'on prenne soient efficaces, il devrait y avoir une harmonisation à l'échelle canadienne.

Mme Charlebois : Honnêtement, ça ne changera rien aux règles existantes. Puis en plus on serait la seule province qui a cette clause-là, là, d'harmonisation avec le fédéral. Là, en l'enlevant, ce que ça permet, c'est qu'on puisse aller plus loin que ce qui est actuellement demandé par le fédéral dans leur propre loi. Et c'est la seule raison pourquoi c'est là, et moi, je suis bien à l'aise... Mais peut-être que ça peut porter à confusion, pourquoi l'harmonisation, là, mais honnêtement les règles interprovinciales sont les mêmes, ça ne changera rien.

Alors, merci. Moi, je n'ai pas d'autre question, M. le Président.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Rosemont pour une période de 15 minutes.

M. Lisée : Merci, M. le Président. Bonjour à tous les deux. Je suis extrêmement étonné de votre mémoire. J'ai été ministre du Commerce extérieur, j'ai rencontré plein de gens dans les chambres de commerce, il y a du monde de tous les milieux, comme vous l'avez dit tout à l'heure, des gens de l'industrie de la santé, des gens de l'industrie du tabac, je suis sûr qu'ils sont membres de la chambre de commerce de Montréal, et j'aurais pensé que ça aurait été très, très difficile de faire un consensus avec des propositions fortes à cause de la diversité des gens que vous représentez. Or, le mémoire que vous nous présentez aujourd'hui, il est très univoque. Bon, c'est sûr que sur certains aspects, comme interdire la fumée dans les voitures, ou etc., bon, vous n'êtes pas contre, mais sur plusieurs éléments non seulement vous êtes contre, vous reprenez, comme l'a noté la ministre, des arguments des compagnies de tabac.

Mais, M. Forget, je vous connais, vous êtes un homme sérieux, vous citez des trucs là-dedans que jamais je n'aurais pensé que vous diriez ça. Bon, par exemple, vous citez une étude de London Economics UK et Philip Morris International. Dans un mémoire de la Fédération des chambres de commerce, vous vous appuyez sur une étude de Philip Morris, alors qu'il y a un juge qui vient de les condamner à 15 milliards de dollars, elle puis les autres compagnies de tabac, en disant qu'elles ont falsifié les études pendant 60 ans, puis vous les citez. Puis ensuite vous citez une autre compagnie... une autre étude, de KPMG Australie — et je vous félicite d'avoir la probité intellectuelle de dire que l'étude a été faite avec la collaboration de certains producteurs de tabac. Bien, je pense que vous n'auriez pas dû la citer. On le sait, qu'ils falsifient leurs études depuis 60 ans. Pourquoi est-ce que vous les citez dans un mémoire de la Fédération des chambres de commerce du Québec?

M. Forget (Stéphane) : Vous faites référence à l'emballage neutre. On a cité... Bien, deux choses. On a cité les études qui étaient disponibles à l'époque où on a fait ça. On a cité parce que l'exemple de l'Australie est, pour nous, un bel exemple où le dossier de l'emballage neutre, ce n'est pas tout noir ou tout blanc. Certaines études démontrent l'efficacité de la mesure mise en place; d'autres semblent dire que ce n'est pas aussi efficace. Il y a les règles de commerce...

M. Lisée : ...des études, mais celle de Philip Morris, M. Forget...

M. Forget (Stéphane) : Mais est-ce que...

M. Lisée : ...est-ce que ce n'est pas un drapeau rouge, là, que, si vous voulez être crédible, vous ne devez pas citer une étude commandée par une compagnie de tabac?

M. Forget (Stéphane) : Est-ce que les études de tous les groupes de l'autre côté sont plus crédibles que celles de l'opposé, de celles du côté... Mais ça, moi...

M. Lisée : Mais celle de Philip Morris... Pour vous, une étude financée par Philip Morris, ça a la crédibilité nécessaire pour être citée dans un mémoire de la Fédération des chambres de commerce?

M. Forget (Stéphane) : Ce que je peux vous dire, c'est que le résultat, à ce jour, en Australie, nonobstant cette étude-là, qui était citée à titre d'exemple, n'a pas fait la démonstration encore, sur le plan commercial... Je ne veux pas prendre... porter de jugement sur la santé, ce n'est pas notre domaine de spécialité.

M. Lisée : Bien là, c'est parce que vous prenez ça. Je vais vous donner un autre exemple. Vous citez les contestations devant l'Organisation mondiale du commerce...

M. Forget (Stéphane) : Oui, oui, c'est sûr.

M. Lisée : ...qu'ont présentées certains pays à l'encontre de la politique australienne relative à l'emballage neutre, alors que, vous savez, ces pays-là, ce sont la République dominicaine, Cuba, l'Indonésie et le Honduras, et les compagnies de tabac paient pour leurs frais légaux.

Alors, je veux dire, là, là, moi, c'est pour votre crédibilité, là. Moi, j'aime la Fédération des chambres de commerce, j'aime les chambres de commerce, mon père était membre d'une chambre de commerce, il a été sur l'exécutif, puis je suis peiné aujourd'hui que ce soit... Je veux dire, que vous vouliez défendre les compagnies, c'est une chose qui est...

M. Forget (Stéphane) : Non, M. le député, je m'excuse. M. le député, je m'excuse, là...

M. Lisée : ...mais que ce soit fait de façon tellement contestable, là, j'ai de la peine.

M. Forget (Stéphane) : Si je peux me permettre, M. le député, là...

M. Lisée : Je vous en prie.

M. Forget (Stéphane) : ...je ne suis pas ici aujourd'hui pour défendre les compagnies de tabac ou défendre une autre organisation, là. Vous venez de dire : Vous voulez défendre les compagnies de tabac.

M. Lisée : Vous reprenez leurs arguments de façon transparente, vous les citez directement.

M. Forget (Stéphane) : Je suis... on est ici pour... Et, dans le cas de l'emballage neutre, qui de toute façon n'est pas, à ce jour, dans le projet de loi, on voulait dire : Soyons prudents sur les mesures qu'on prend, parce qu'il y a des membres chez nous ailleurs que dans l'industrie du tabac qui sont préoccupés par les marques de commerce. Quand un État décide de jouer sur cela dans un domaine qui à ce jour est légal, ça peut s'étendre à beaucoup d'autres par la suite, et là il y a des membres dans nos organisations qui sont préoccupés par le précédent qu'on pourrait créer en faisant ceci.

M. Lisée : Je comprends ce que vous dites.

M. Forget (Stéphane) : Alors, tout ce qu'on vous dit en citant ces exemples-là, c'est de dire : Soyons prudents lorsqu'on décide de légiférer en cette matière.

M. Lisée : Je suis d'accord. Lorsque la Fédération des chambres de commerce vient me parler de surréglementation, j'écoute. Lorsqu'elle me parle de protection des marques de commerce, j'écoute.

Et, juste pour finir sur Philip Morris, vous savez que Philip Morris s'est rendue célèbre en finançant une étude pour le gouvernement tchèque qui disait que, finalement, la cigarette, c'était bien parce que, comme les gens en meurent plus tôt, dans la balance, ça coûte moins cher en frais de retraite qu'en frais de santé. Ça, c'est une étude de Philip Morris. Ça fait que moi, j'éviterais de les citer.

Maintenant, sur la question de la réglementation puis des marques de commerce, vous dites : Écoutez, c'est un produit légal, donc, si c'est un produit légal, on ne peut pas faire des entraves au commerce particulières, pour un produit légal. Oui, mais c'est un produit légal toxique. Tu sais, ce n'est pas comme de la gomme balloune, qui est même un peu mauvaise pour la santé en grande quantité; celui-là, il est toxique. Alors, vous êtes d'accord qu'on devrait être plus réglementé pour un produit toxique que pour un produit non toxique?

M. Forget (Stéphane) : Absolument.

M. Lisée : J'ai relevé que, lorsque le gouvernement canadien a décidé d'étendre à 75 % de la surface les mises en garde, vous étiez contre, à l'époque. Est-ce que vous êtes toujours contre ou vous considérez que finalement, avec l'expérience, ce n'est pas mauvais?

• (17 h 30) •

M. Forget (Stéphane) : Écoutez, franchement je ne sais pas quelle était la position à l'époque, au moment où ça a été développé, là, je n'étais pas à la fédération, vous m'excuserez, je n'ai peut-être pas lu cette étude-là, mais il n'y a aucun enjeu à la fédération, au moment où on se parle, sur le 75 %. Mais on parle de marque de commerce minimalement, c'est ce qu'on a mentionné. Donc, on pense qu'il y a minimalement un espace qui doit être réservé aux marques de commerce dans un produit qui, comme vous l'avez mentionné, est toxique mais qui, jusqu'à preuve du contraire, est légal et permis de vente ici, au Québec.

M. Lisée : Vous avez fait un sondage CROP qui indique que... Vous avez demandé aux gens : Est-ce que vous considérez que vous êtes suffisamment informés sur le tabac? Les gens ont dit oui. Puis ils sont mieux informés là-dessus que le reste, je ne suis pas étonné de la question...

M. Forget (Stéphane) : ...là-dessus, sur l'alcool, mais ils le sont beaucoup moins sur d'autres éléments, là. Mais, sur ces deux-là, ils le sont.

M. Lisée : Oui, je ne suis pas étonné. Mais moi, je me pensais assez bien informé avant la commission parlementaire, et, si on m'avait posé la question, j'aurais dit : Oui, je suis très bien informé. Puis là si on m'avait demandé : Est-ce que vous savez que dans une cigarette il y a 69 substances cancérigènes?, oups! Ça, je ne le savais pas. Si on m'avait demandé : Est-ce que vous savez que la fumée secondaire est plus nocive pour la santé que la fumée principale?, non, j'étais sûr que c'était moins. Si on m'avait demandé : Est-ce que vous savez que fumer la chicha pendant une heure, c'est comme fumer 100 cigarettes?, j'aurais dit : Écoutez, arrêtez, là, c'est une blague. C'est Surprise sur prise qui m'appelle?

Alors, vous, vous nous dites, à partir de cette statistique-là : Ça ne sert à rien de continuer à les informer, c'est comme crier, c'est comme dire... c'est le «hardcore» des fumeurs...

M. Forget (Stéphane) : Non. Non, ce n'est pas ce qu'on dit.

M. Lisée : Bien oui, là, je peux vous citer au texte, là. Vous dites : C'est comme... Crier plus fort ne sert à rien.

M. Forget (Stéphane) : Non, ce n'est pas ce qu'on dit, M. le député.

M. Lisée : «Les consommateurs n'apprennent rien de nouveau. Ils en viennent même à trouver certains messages exagérés.»

M. Forget (Stéphane) : Ce qu'on dit... Ce n'est pas ce qu'on dit du tout.

M. Lisée : Je vous cite au texte.

M. Forget (Stéphane) : 75 %, ça permet de bien expliquer aux gens les enjeux liés au tabac, les mesures que vous avez... les dangers que vous venez d'évoquer. Est-ce que de passer à l'emballage neutre on augmenterait le niveau de connaissance des gens par rapport aux enjeux du tabac? Ce qu'on prétend, ce qu'on pense, ce qu'on croit, c'est que plus de 75 % ou un emballage neutre à 100 % n'augmenterait pas le niveau de compréhension ou d'information auprès des fumeurs, c'est ce qu'on mentionne dans notre mémoire.

M. Lisée : Vous dites aussi que... Vous mettez en cause la statistique disant qu'il y a 30 % des journées d'hospitalisation qui sont liées au tabagisme. Et là vous faites une liste des principales causes d'hospitalisation puis vous... bien vous mettez le cancer — c'est le deuxième — maladies de l'appareil circulatoire, maladies de l'appareil respiratoire.

Je trouvais ça intéressant quand ça a commencé, je me suis dit : Ah bon! ils vont le décomposer puis ils vont faire une démonstration. En fait, vous ne le décomposez pas, vous ne dites pas en quoi les journées de cancer puis d'appareil respiratoire, ça fait ou non 30 %, mais ce que vous dites — et là je suis un peu déçu, j'aurais aimé que vous le déconstruisiez — vous êtes très impressionniste, mais vous dites : «Même en l'absence totale de toute consommation de tabac pendant de nombreuses années, on ne réduirait pas de 30 % les hospitalisations.» Mais n'êtes-vous pas d'accord que plus on réduit la consommation, moins il y aura de journées liées à ça...

M. Forget (Stéphane) : Absolument.

M. Lisée : ...et plus on pourra soulager les entreprises que vous représentez et les consommateurs d'un fardeau fiscal que vous considérez excessif?

M. Forget (Stéphane) : Je suis d'accord avec vous. L'exemple mentionné dans le mémoire est pour simplement dire... et c'est un travail très difficile, j'en suis convaincu, pour les parlementaires et pour les gens, c'est d'essayer de prendre des décisions à l'intérieur d'un cadre qui est vérifiable, vérifié et qui se tient. Il y a de toutes parts de la démagogie quand il est question de tabac. Ce qu'on dit, c'est : Dans le domaine qui nous touche, nous, sur les mesures qui nous préoccupent dans le projet de loi, il faut essayer de discerner les études... Vous avez mentionné celle de Philip Morris, donc... Vous l'avez critiquée, puis c'est correct, je respecte ça. Mais de part et d'autre on peut voir des études qui servent aussi à faire valoir le point de vue de l'un et de l'autre.

Et j'ajoute un élément intéressant. Justement, dans le sondage qu'on a fait, il y a une question qui a été demandée aux gens : Lorsque les législateurs prennent des décisions eu égard au tabac, à qui ils devraient se fier? Aux groupes antitabac, aux commerçants? À qui parmi les gens qui interviennent dans le tabac? Bien, les gens sont très nuancés, ils disent : Non, les législateurs ne doivent pas se fier seulement aux groupes antitabac ou aux groupes de santé, ils devraient écouter et avoir une réflexion qui tient compte des opinions des gens qui sont touchés par le tabac, autant les gens qui en font le commerce que les gens qui sont des groupes antitabac, que les gens dans le domaine de la santé. Donc, il y a un équilibre dans la réflexion autour de ça, et c'est intéressant, je pense, de vous le mentionner.

M. Lisée : Je n'ai pas de doute que c'est ce qu'ils ont effectivement répondu, mais, mieux informés, est-ce qu'ils devraient davantage se lier à des professionnels de la santé publique dont la fonction est de soigner les gens ou à des compagnies qui ont été condamnées pour avoir menti pendant 60 ans sur l'aspect nocif de leurs produits? Peut-être qu'avec cette information-là on aurait une autre...

Mais je m'excuse de dire que vous avez quand même deux poids, deux mesures, là. En parlant de la Société canadienne du cancer, qui est une organisation sans but lucratif, vous dites : «...leur plaidoyer tombe dans l'excès et [...] la désinformation», parce qu'ils disent que le tiers des journées d'hospitalisation sont liées au tabac. Et là vous ne démontrez pas en quoi ils désinforment, vous ne le démontrez pas. Et ensuite vous citez Philip Morris comme étant une bonne source. Je m'excuse...

M. Forget (Stéphane) : Non, mais, M. le ministre, je pense que... M. le député, je m'excuse, je pense que c'est un raccourci, là, vous prenez deux moments de notre mémoire d'un certain nombre de pages que vous...

M. Lisée : À une page d'avis.

M. Forget (Stéphane) : Oui, mais pas sur le même sujet, là.

M. Lisée : Bien, pas sur le même sujet, mais je vois que... je trouve que vous balancez difficilement vos sources. Vous êtes durs sans faire une démonstration à l'un puis vous prenez pour du cash ce que dit l'autre, qui n'est pas une compagnie à but non lucratif.

Je vous demanderai quand même... Je reviens à cette surprise, parce que tous les commerçants puis les industriels qui s'occupent... qui savent la difficulté de gérer leurs paies puis leurs travailleurs savent qu'un travailleur en santé puis qui arrête de fumer sa productivité s'améliore, son absentéisme se réduit, le risque d'incendie est réduit, les primes d'assurance de santé est réduit, et donc il me semble qu'à l'intérieur du consensus que vous avez fait je suis surpris de ne pas voir cet élément-là, de dire : Bien, nous savons qu'en tant que commerçants moins on a de salariés qui fument, mieux c'est pour nos marges de profit.

M. Forget (Stéphane) : Bien, M. le député, vous l'avez, le consensus. J'ai commencé en vous disant que nous étions favorables et nous soutenions les mesures prises au cours des années par les gouvernements successifs en matière de lutte contre le tabagisme et que nous étions en faveur de la plupart des articles du projet de loi n° 44. Le consensus des membres de la fédération est du fait que nous appuyons ces mesures-là mais que nous donnons et nous mentionnons un certain nombre de caveats sur des mesures qui, sur le plan du commerce ou sur le plan économique, ont des impacts. Et, deuxièmement, nous et nos membres, qui sont partout sur le territoire, ont une grande préoccupation sur les décisions qu'on pourrait prendre qui pourraient chavirer du côté de la contrebande.

M. Lisée : Et ce sont exactement les mêmes caveats que l'industrie du tabac. Je vous remercie d'être venus.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Ceci met fin à l'échange. Je cède maintenant la parole à notre collègue de Lévis pour une période de 10 minutes.

M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour. C'est un fait, hein, et je dois abonder dans le même sens, la ministre l'a questionné, le collègue l'a questionné également, puis c'est vrai que c'est étonnant, moi aussi, ça m'a étonné, moi aussi, j'ai pris une note, moi aussi, j'ai souligné le fait que vous faisiez référence à une étude concernant l'emballage neutre manifestement financée par l'industrie elle-même. C'est un peu étonnant que vous n'ayez pas fait la part des choses. Puis, à la même enseigne, dans l'analyse que vous faites des tant de journées d'hospitalisation versus ce qui amène quelqu'un en centre hospitalier, moi aussi, ça m'étonne un peu. M'étonne un peu... Ça m'étonne beaucoup.

Je reviendrai sur l'emballage neutre, parce que vous défendez ce que vous dites être l'expropriation d'une marque de commerce dans l'emballage neutre. Et, je le rappelle, là, eu égard à ce que vous présentez comme étude en disant que ça ne donne pas de résultat, là, je veux dire, les chiffres que vous amenez par le biais de cette étude-là, bien, inévitablement et malheureusement, pour moi, ils me débalancent un peu, là. Je ne comprends pas que vous vous soyez arrêtés à cette étude-là et que c'est celle que vous nous présentez.

Reste que je reviens sur l'expropriation de la marque de commerce. Sur un paquet comme celui-là, à 75 % de mise en garde, arrive en tout petit ici la marque de commerce, on s'entend. Je veux dire, là vous êtes des spécialistes, vous êtes en affaires, là, puis vous avez des membres qui sont des gens d'affaires, etc., alors parlons-en, comprenons le phénomène. Alors, c'est Player's, et la marque de commerce, elle est indiquée là. Et ce que je lis au-dessus, Un goût qui t'appartient, je pense que c'est davantage un slogan que la marque de commerce, en tout cas vous me corrigerez, mais en tout cas c'est... De toute façon, c'est tellement petit que vous aurez probablement de la difficulté à le lire, c'est rendu minuscule. C'est encore pire si je regarde des paquets comme ceux-ci. Reste que sur l'emballage neutre dont vous nous parlez, par exemple en Australie, la marque de commerce, la compagnie y figure malgré tout.

Expliquez-moi seulement, je ne comprends pas le sens, et que les gens le comprennent. Vous dites : Ça n'a pas de sens, pas seulement parce que ça ne donne pas de résultat puis ça n'a pas eu d'effet, nous dites-vous, eu égard aux études que vous nous présentez, sur la diminution du taux de tabagisme, mais vous dites que c'est l'expropriation d'une marque de commerce. Expliquez-moi la différence, je ne sais pas pourquoi.

M. Forget (Stéphane) : Bien, parce qu'une marque de commerce, c'est au-delà de simplement un nom.

M. Paradis (Lévis) : Alors, c'est la couleur, c'est le dessin, c'est la calligraphie...

M. Forget (Stéphane) : Non, c'est... Bien, une marque de commerce, c'est ce qui identifie une entreprise.

M. Paradis (Lévis) : Non, mais est-ce que, par exemple, dans ce cas-ci, Player's, ce n'est pas ça, ça ne l'identifie pas? Je parle au nom du consommateur, pas des pros, là, de l'analyse commerciale; celui qui aura à acheter un paquet de cigarettes, par exemple. Et là je comprends bien, hein, mais c'est parce que vous l'avancez, je comprends bien l'emballage neutre, c'est... mais, parce que vous l'avancez, j'essaie de comprendre davantage. Celui qui va acheter verra la marque de commerce sur un paquet neutre. En quoi on vient de briser, là, cette espèce de notion de commercialisation et de marque de commerce?

M. Forget (Stéphane) : Parce que, bon, tout d'abord, on a décidé ici... on a dit aux entreprises : Bienvenue au Québec, bienvenue au Canada. Vous allez payer vos taxes, vous allez payer les impôts des gens que vous allez engager, mais on va s'assurer qu'on va aller chercher un revenu important du côté de l'État avec un produit qu'on veut encore légal aujourd'hui. Ça, c'est la décision qu'on a prise. Je ne la conteste pas, c'est un choix qu'on a fait. Puis, quand on parle aux gens du côté... Je comprends que ce n'est pas le ministère de la Santé, mais ça reste toujours le même gouvernement. Quand on parle du côté des Finances, les revenus provenant du tabac sont relativement importants. Ça, c'est le premier élément.

Deuxième élément, sur la marque de commerce, combien d'autres produits dans le temps on pourra décider d'exclure ou de retirer la marque de commerce parce que ce sont des produits qui nécessitent une réglementation plus grande? La préoccupation de nos membres, M. le député, c'est sur le précédent, à ce moment-ci, d'interdire l'usage d'une marque de commerce qui, comme je vous dis, est autre que juste le nom de la compagnie. L'usage d'une marque de commerce, en l'interdisant, on crée ici un précédent qui pourrait s'appliquer aussi à d'autres industries, et la préoccupation de nos membres, elle est à cet égard-là.

M. Paradis (Lévis) : On est dans la notion, évidemment, là, de l'analyse commerciale, vos craintes, les précédents, ce qui pourrait se produire, mais là on parle... Je m'excuse, là, est-ce qu'on conviendra tous les deux qu'on parle d'un produit unique qui s'appelle la cigarette? Et, quand vous me dites que ça rapporte, vous conviendrez avec moi... Puis vous êtes des gens d'affaires, puis j'en connais, de vos membres, puis ça brasse des affaires puis ça essaie d'arriver. Dans la balance, entre ce qu'on rapporte par rapport à ce que ça coûte socialement, on s'entend-u qu'il y a comme quelque chose qui ne balance pas? On s'entend-u?

M. Forget (Stéphane) : Oui, mais ça, c'est une décision qu'on doit prendre comme société, là, voilà.

M. Paradis (Lévis) : Bien... Mais est-ce qu'on n'est pas justement en train de faire ça, tu sais, je veux dire, de faire en sorte qu'au-delà de la défense de puis du fait... venez puis vous aurez de la place, puis on va... Globalement, l'effort qu'on a à faire, vous, dans ce document-là qui est questionnable dans certains de ses aspects, à travers vos membres qu'on rencontre partout sur les territoires, est-ce qu'il n'y a pas cette volonté-là commune de faire en sorte que, pour un produit aussi unique que celui-là, il faille prendre aussi des moyens assez particuliers pour éviter que vous comme moi, collectivement, on ait à payer, à débourser davantage que ce que ça rapporte? On le sait, c'est le produit unique. Alors, quand on parle de précédent, on pourrait en faire une liste, je ne sais pas ce que vous avez en tête, mais celui-là est comme assez particulier par rapport à tout ce à quoi vous pouvez penser.

M. Forget (Stéphane) : Absolument.

M. Paradis (Lévis) : Est-ce qu'on s'entend, donc?

M. Forget (Stéphane) : Bien, on s'entend. C'est ce qu'on vous a... on a mentionné au mémoire.

Mais, une marque de commerce, il faut savoir que, je vous le répète, c'est autre chose que le nom d'un produit, ça peut... Une marque de commerce, c'est autre chose que le nom d'une entreprise, parce qu'une entreprise va avoir différentes marques de commerce. Alors, c'est le principe du commerce lié à la défense ou à l'expropriation d'une marque de commerce. C'est ça, l'enjeu.

M. Paradis (Lévis) : Oui, je comprends. Oui, il y a un principe, puis il y a des effets. Tu sais, je veux dire, je pense que, là, les effets, ce dont on parle dépasse l'histoire du principe. Puis au gouvernement...

M. Forget (Stéphane) : Ah! mais là, oui, mais... Oui, mais là...

M. Paradis (Lévis) : Mais vous l'admettrez avec moi, du côté de l'Australie, également, il y a eu, et d'ailleurs Imperial Tobacco est venue ici nous en parler... Puis d'ailleurs on lui a reposé la question, j'ai posé directement la question, à savoir : Si on faisait une standardisation des emballages de tabac, est-ce que vous contesteriez?, et à mots couverts... J'imagine ce qui pourrait se passer. Il y en a eu en Australie, vous le savez également, il y a eu des recours devant les tribunaux, et le gouvernement australien, bien qu'il y ait encore des causes qui se continuent, ils ont gagné...

M. Forget (Stéphane) : Absolument. Bien oui, absolument, absolument.

• (17 h 40) •

M. Paradis (Lévis) : ...ils ont gagné leur cause sur ces mêmes notions qui ont été apportées là aussi.

Mais je comprends, là, qu'on peut en débattre pendant une journée, mais collectivement, ensemble, là, on est en train de faire du chemin pour tenter de comprendre si on est capables de faire en sorte que ce produit-là qui a des incidences sur la santé, sur le portefeuille, sur la vie de nos jeunes, sur la vie de nos aînés, etc... si on doit faire quelque chose pour faire en sorte qu'on réussisse à diminuer le nombre de personnes qui s'accrochent à un produit comme celui-là. Alors, dans les moyens, au-delà du principe, vous conviendrez que les moyens dont on parle là sont tout à fait justifiés.

M. Forget (Stéphane) : Bien, c'est ce que je vous dis depuis le début. Cela étant dit, si on est ici aujourd'hui, c'est parce qu'on veut contribuer à la réflexion pour les décisions que vous avez à prendre comme parlementaires. Comme organisme à vocation économique, on vous dit : Sur l'emballage neutre, sur les marques de commerce, soyez prudents, il y a des règles de commerce au niveau international qui doivent s'appliquer. Donc, aujourd'hui, on est ici pour vous faire... vous porter une réflexion qui doit contribuer à votre propre analyse et aux propres décisions que vous allez prendre dans les prochains mois. C'est ce qu'on essaie de faire.

M. Paradis (Lévis) : Permettez-moi de poser la question, parce qu'encore hier je rencontrais dans des événements des gens qui font partie de la fédération par le biais de leur participation à leurs propres chambres de commerce. Au-delà du sondage que vous avez fait sur la connaissance ou la méconnaissance des effets du tabac et le reste, parce que vous êtes allés plus loin que ça également, puis la particularité, puis comment ça se décline du système de santé, est-ce que vos membres ont dit globalement, à travers ça : Oui, c'est ça, écoute, nous, le neutre, on n'en veut pas; le menthol, on se pose des questions, on n'est pas sûrs? Au-delà de dire : On réglemente trop, on ne réglemente pas assez, qu'on ne laisse peut-être pas le libre choix suffisamment par rapport, bon, à la décision prise par... unilatéralement, est-ce que ce que vous nous dites, là, c'est validé par tous les membres des chambres de commerce du Québec?

M. Forget (Stéphane) : Non, non, M. le député. Il y a 150 000 gens d'affaires, 60 000 membres. Les décisions... Les recommandations de la fédération, dans tous les domaines, ne font pas l'unanimité, elles ne font pas l'unanimité dans tous les secteurs.

M. Paradis (Lévis) : Il pourrait y avoir des membres de la chambre de commerce qui disent : Ah! je suis surpris de la position de la fédération aujourd'hui.

M. Forget (Stéphane) : Absolument. Puis d'autres qui vont dire dans d'autres sujets : On est très heureux. Et c'est vrai dans toutes les prises de position que nous allons prendre.

M. Paradis (Lévis) : Et la consultation pour faire en sorte que vous reflétiez davantage la majorité de ceux au nom de qui vous parlez, ça a été quoi, je veux dire?

M. Forget (Stéphane) : Ça a été de dire que nous appuyons les mesures prises par les gouvernements successifs depuis de nombreuses années et nous sommes favorables à la majeure partie des articles du projet de loi n° 44, sauf sur certains éléments liés au commerce, où on vous dit : Attention!

M. Paradis (Lévis) : Ça, je comprends, c'est votre position.

M. Forget (Stéphane) : Voilà.

M. Paradis (Lévis) : Je ne veux pas vous mettre en boîte, je veux rien que comprendre, là, je veux dire, j'ai rien qu'envie de pouvoir croiser quelqu'un d'une chambre de commerce puis lui dire : Aïe! coudon, en passant, tes représentants sont venus, puis toi, tu penses que... Rien que pour le plaisir de la chose.

Sur l'ensemble de tout ça, vous m'avez dit que c'était impossible, vous avez trop de monde, mais, globalement, la position que vous représentez, la consultation que vous avez faite auprès des membres, là, de tous ceux et celles que vous représentez, elle s'est faite de quelle façon?

M. Forget (Stéphane) : Bien, c'est le mémoire que... C'est par nos instances, par notre conseil d'administration, par les instances... par un comité sur la surréglementation qu'on a à la fédération.

M. Paradis (Lévis) : Et chaque chambre de commerce au Québec a eu à réfléchir...

M. Forget (Stéphane) : Non, le conseil d'administration, qui représente un pourcentage des membres.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup.Alors, ceci met fin à l'échange. Nous remercions les représentants de la Fédération des chambres de commerce du Québec.

Compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux de la commission au jeudi 3 septembre, à 8 h 30. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 48)

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