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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mercredi 5 octobre 2016 - Vol. 44 N° 125

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 99, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d’autres dispositions


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Table des matières

Auditions (suite)

Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec (OPPQ)

Pétales Québec

Mémoires déposés

Intervenants

M. Marc Tanguay, président

Mme Lucie Charlebois

M. Jean-François Lisée

M. Sébastien Schneeberger

*          M. Denis Leclerc, OPPQ

*          M. Jean Hénault, idem

*          Mme Danielle Marchand, Pétales Québec

*          Mme Diane Toupin, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures dix-huit minutes)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de vos téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 99, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d'autres dispositions.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Hivon (Joliette) est remplacée par Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve) et M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière), par M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs).

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, aujourd'hui, nous recevrons, dans un premier temps, les représentants de l'Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec de même que les représentants de PETALES Québec.

Auditions (suite)

Alors, sans plus tarder, nous recevons donc les représentants de l'Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec. Je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation. Par la suite, vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Pour les fins d'enregistrement, je vous demanderais de bien prendre soin de vous nommer et de préciser vos fonctions. Alors, sans plus tarder, la parole est à vous.

Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec (OPPQ)

M. Leclerc (Denis) : Alors, merci. Alors, M. le président de la commission, Mme la ministre, Mmes et MM. les parlementaires, mesdames et messieurs, bonjour.

Je suis Denis Leclerc, président de l'ordre, et je suis accompagné de M. Jean Hénault, coordonnateur aux admissions et au soutien professionnel.

L'Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec remercie la commission de l'invitation qui lui a été faite de commenter le projet de loi n° 99. L'ordre a été créé en 2010, et les psychoéducateurs font partie du système professionnel depuis 2000. À ce jour, notre organisation compte plus de 4 500 membres, dont plus de 85 % travaillent dans le secteur public. Une grande proportion d'entre eux ont des liens directs ou indirects dans le cadre de leur travail avec le secteur de la protection de la jeunesse et sont donc concernés par le projet de loi n° 99.

• (11 h 20) •

D'entrée de jeu, je souligne que l'ordre est en accord avec l'essentiel des principes et propositions du projet de loi n° 99. Nous croyons qu'il répond à des enjeux souvent soulevés par des psychoéducateurs. Dans les prochaines minutes, nous expliciterons notre position et nous introduirons certaines recommandations qui se retrouvent dans notre mémoire.

L'ordre accueille favorablement l'insertion, à l'article 1 de la Loi sur la protection de la jeunesse, des notions de milieu de vie substitut et famille d'accueil de proximité. Nous comprenons que l'objectif vise à ce qu'un enfant qui est retiré de son milieu de vie ait les mêmes droits, peu importe le nouveau milieu de vie dans lequel il sera placé, et que les familles d'accueil de proximité bénéficient des mêmes ressources que les autres familles d'accueil.

L'ordre accueille également favorablement l'intention du législateur de reconnaître l'importance de l'exploitation sexuelle comme motif de compromission à l'intégrité physique et psychologique des jeunes. Ainsi, nous sommes en accord avec la modification proposée à la Loi sur la protection de la jeunesse visant à ajouter la notion d'exploitation sexuelle à l'article 38d, qui porte sur les abus sexuels. En accord avec la recherche portant sur le sujet, nous croyons qu'il est important de reconnaître les particularités de l'exploitation sexuelle et de les distinguer des autres formes d'abus sexuel. En ce sens, nous considérons qu'il serait souhaitable que le projet de loi apporte des précisions sur ce que l'on entend par «exploitation sexuelle». Pour cette raison, nous proposons d'insérer dans le projet de loi une définition claire et opérationnelle de la notion d'exploitation sexuelle.

La pratique des psychoéducateurs démontre que l'évaluation et l'orientation en lien avec les abus sexuels, dont l'exploitation sexuelle, impliquent un risque élevé de préjudices pour les jeunes. Les professionnels et autres intervenants amenés à intervenir dans un tel contexte doivent détenir les compétences nécessaires pour agir efficacement dans l'intérêt supérieur des personnes.

L'ordre recommande donc que le ministère de la Santé et des Services sociaux s'assure que les professionnels et les intervenants puissent agir avec compétence et qu'ils aient accès à de la formation continue permettant un accompagnement de qualité des jeunes et de leurs parents.

J'aborderai maintenant les dispositions concernant les communautés autochtones. Plusieurs études et commissions ont fait état d'une surreprésentation des enfants autochtones dans les services de protection de l'enfance, tant au Canada qu'au Québec. Les données analysées révèlent qu'au Canada 18 % des enfants autochtones sont signalés à la direction de la protection de la jeunesse, la DPJ, comparativement à 5 % pour les non-autochtones. Selon certains chercheurs au Québec, de tous les signalements d'enfants faits à la DPJ, ceux concernant des enfants autochtones sont trois fois plus susceptibles d'être retenus pour évaluation. Les enfants autochtones identifiés comme ayant un développement compromis sont cinq fois et demie plus à risque que les allochtones d'être placés dans une ressource externe à la famille par les services sociaux. Bien que ces placements en ressource externe peuvent souvent offrir un environnement stable, on ne peut ignorer les impacts négatifs de tels placements hors communauté, tant sur le développement identitaire et culturel que sur le développement psychologique et de l'autonomie des enfants.

Tel qu'il est présenté, le projet de loi n° 99 offre la possibilité aux communautés de réagir aux propositions soumises par la protection de la jeunesse et en provenance de la cour. Les modifications législatives proposées permettront que des solutions locales soient davantage considérées et que l'identité culturelle des jeunes soit prise en compte dans le processus de décision. Le projet de loi ouvre des portes pour la mise en place de nouvelles mesures, de nouvelles mobilisations et de nouveaux partenariats entre institutions et communautés. Nous croyons également que le projet de loi aura un impact positif sur l'autodétermination des communautés.

Concernant les changements touchant les familles d'accueil, l'ordre reconnaît l'importance de considérer la préservation de l'identité culturelle de l'enfant lors du choix d'un milieu de vie substitut. Nous sommes donc favorables à l'insertion dans la Loi sur la protection de la jeunesse de l'article 37.6, qui favorise la conclusion d'une entente entre un établissement et une communauté autochtone, permettant à celle-ci de recruter et d'évaluer, dans le respect des critères généraux déterminés par le ministre, des personnes en mesure d'accueillir un ou plusieurs enfants membres de la communauté. À notre avis, cet article apporte une proposition concrète visant à favoriser l'implication des communautés autochtones et la préservation de leur identité culturelle. Il va de soi pour nous que ces familles d'accueil de la communauté devraient avoir accès aux mêmes ressources que les autres familles d'accueil du Québec pour prendre soin des enfants qu'elles hébergent.

Si le projet de loi n° 99 est un pas dans la bonne direction, il n'est pas garant de succès à lui seul. L'adoption de nouvelles politiques, si elles ne sont pas accompagnées de ressources ou mesures concrètes et basées sur les besoins identifiés par la communauté, risque d'avoir des répercussions contraires à celles attendues par le projet de loi. Dans plusieurs communautés, surtout les plus éloignées, il existe peu de services de première ligne, offrant donc des possibilités limitées d'action pour les intervenants et les familles. Plusieurs d'entre elles n'ont aucun accès à un psychoéducateur ou à d'autres professionnels et bénéficient de très peu de ressources d'intervention psychosociale. Nous considérons donc qu'il serait important de tenir une réflexion sur les pistes de solution permettant de combler le manque de ressources humaines en relation d'aide dans les communautés autochtones.

On ne pourrait traiter les ressources humaines sans aborder la question de l'accès, pour les psychoéducateurs et autres intervenants, à des formations sur l'intervention en contexte interculturel, et plus spécifiquement en contexte autochtone. L'enjeu est important, car nos professionnels ne peuvent intervenir avec compétence sans un minimum de connaissances sur l'histoire, la culture, la manière d'éduquer les enfants, la notion de temps, etc. De plus, on ne peut faire fi des différences dans la façon d'aborder le bien-être et le développement des enfants. Par exemple, les intervenants allochtones tendent souvent à axer leurs interventions sur l'individu ou la famille. De son côté, l'intervenant autochtone agira davantage sur les macrosystèmes tels que la communauté élargie.

Il est donc important pour nous que la formation initiale des professionnels en relation d'aide comporte un volet intervention interculturelle qui traite de l'importance de prendre en compte les différences culturelles, tout particulièrement l'histoire des peuples autochtones et les enjeux propres aux communautés autochtones.

De plus, il nous apparaît essentiel de pouvoir faciliter l'accès à la formation continue sur l'intervention en contexte autochtone qui tienne compte de l'histoire et de la culture et qui s'adresse aux différents intervenants du domaine psychosocial appelés à collaborer avec les communautés autochtones.

De même, l'inclusion de membres de la communauté dans le processus de décision est primordiale pour assurer que ces décisions soient signifiantes pour les familles et les communautés, pour faciliter la collaboration des acteurs essentiels, pour que les interventions soient efficaces et, enfin, pour favoriser l'autodétermination des peuples autochtones. Toutefois, cette inclusion n'est pas sans défis majeurs et requiert beaucoup de temps et de soutien pour éviter des ruptures de communication et la reproduction de dynamiques de pouvoir inégales.

Plusieurs décisions des acteurs de protection de la jeunesse sont prises lors de situations de crise. Ces événements sont moins propices pour assurer une participation des membres de la communauté et des familles dans le choix de décisions éclairées dans un contexte où l'on relève par surcroît un manque significatif de ressources professionnelles autochtones ou ayant les compétences culturelles en mesure d'assurer un leadership dans le processus décisionnel. Agir dans de telles situations requiert, nous en conviendrons, des ressources humaines habilitées, mais aussi l'établissement d'un climat de collaboration et de confiance entre agents des services de protection de la jeunesse et membres des communautés. Pour ces raisons, nous considérons important que des mesures soient mises en place pour favoriser l'accroissement du nombre d'intervenants autochtones habilités à exercer les activités réservées liées à la Loi sur la protection de la jeunesse.

Pour conclure, nous tenons à saluer l'intention du gouvernement, avec le dépôt du projet de loi n° 99, d'apporter des solutions concrètes aux problématiques vécues chez les communautés autochtones et d'inclure la notion d'exploitation sexuelle à l'article 38d, traitant de l'abus sexuel. Merci de votre attention.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, pour 16 min 30 s, je cède la parole à Mme la ministre.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. Bon matin.

Le Président (M. Tanguay) : Bon matin.

Mme Charlebois : Je suis contente de vous retrouver. Bonjour aussi à tous mes collègues du gouvernement et des oppositions. On va avoir une belle matinée encore aujourd'hui à consulter sur le projet de loi n° 99, bref, sur la Loi de la protection de la jeunesse, qu'on vise à améliorer. Parce que la société évolue, bien, il faut évoluer dans nos stratégies aussi puis dans notre façon de faire pour protéger nos jeunes.

Alors, tout d'abord, vous souhaiter la bienvenue, M. Leclerc et M. Hénault. Merci d'être là et de nous partager vos réflexions. C'est super important qu'on ait un petit peu un point de vue de tous les horizons pour qu'on puisse faire du mieux qu'on peut pour bonifier le projet de loi. Je vais aller au vif du sujet. Vous commencez en parlant de l'exploitation sexuelle. Vous dites dans votre mémoire que vous nous suggérez d'insérer une définition claire, opérationnelle à la notion d'exploitation sexuelle, et vous mettriez ça, vous, dans la loi, ou dans le cadre de référence, ou... Avez-vous une position là-dessus? Parce qu'on a plusieurs personnes qui nous en ont parlé, puis elles nous suggéraient de plutôt mettre ça dans le manuel de référence pour faire en sorte que, s'il y avait...

Vous savez, là, on a eu un groupe qui nous a parlé de cyberintimidation à caractère sexuel, cybervictimisation sexuelle, puis peut-être que, dans deux ans, on parlera d'autres choses. Alors, eux autres, ils nous disaient : Bien, ce serait mieux de l'inclure dans le manuel de référence, dans les normes, là, plutôt que dans la loi parce que, la loi, on ne l'ouvre pas à tous les jours. Ce serait plus ciblé, puis on pourrait modifier plus facilement. Qu'est-ce que vous en pensez?

• (11 h 30) •

M. Leclerc (Denis) : Merci de votre question, Mme la ministre. Je vais vous répondre en deux temps. D'abord, sur l'alternative entre le mettre dans la loi ou le mettre dans des documents reliés, honnêtement, je ne peux pas vous dire qu'est-ce qui serait... n'étant pas juriste, et tout ça, l'ensemble là-dessus... Mais le coeur de notre proposition, c'est de faire ressortir qu'à partir du moment où, antérieurement, on prenait le terme «abus sexuel», qui englobait à lui seul plusieurs enjeux, si, dans la loi, on trouve pertinent de démarquer deux termes, c'est-à-dire les abus sexuels et l'exploitation sexuelle, bien, il nous semble également pertinent, possiblement dans la loi... mais, comme je vous le dis, on n'a pas de demande précise là-dessus, mais il nous semble, à tout le moins, pertinent de bien distinguer ces deux termes-là, qui, tout à coup, vont se côtoyer dans la loi. Donc, si on trouve qu'il est pertinent de les nommer, de les identifier, il faut s'assurer qu'ils ne seront pas amalgamés. Et, évidemment, on endosse le fait de le mettre parce que chacun implique par la suite une analyse des situations, une orientation des interventions différenciées — ça, ça va de soi — et c'est le sens de notre distinction, pour éviter l'amalgame.

Mme Charlebois : Je comprends, puis, en même temps, je me demande... En tout cas, on va vérifier, comme vous le dites, avec les juristes. Moi non plus, je ne suis pas juriste, là, on va s'informer auprès d'eux comment on peut bien faire ça. Parce que j'entends votre préoccupation, je trouve qu'elle est légitime, mais moi, je ne veux juste pas qu'on se contraigne à... s'il y a d'autres phénomènes qui arrivent, qu'on ne puisse pas y faire face, là, qu'on ne puisse pas, tout de suite, prendre les moyens pour protéger les jeunes. Mais, en tout cas, on va regarder qu'est-ce qui est le mieux, comment on peut faire bien et mieux.

Concernant les familles d'accueil et de proximité, vous saluez le fait qu'on spécifie ces deux notions-là dans le projet de loi. Vous savez que le Barreau et la CDPDJ sont contre. Vous savez qu'il y a certaines associations qui demandent aussi à ce que les familles d'accueil de proximité aient les mêmes obligations que les familles d'accueil. J'aimerais ça avoir votre commentaire là-dessus. En tout cas, votre évaluation. Est-ce que vous croyez que le lien qu'a l'enfant avec la famille d'accueil de proximité doit être considéré davantage que certaines dispositions ou, en tout cas, certaines normes qu'ont les familles d'accueil? Notamment, je pense au cours de — comment ça s'appelle? — RCR. Bon, mais, tu sais, eux autres, ils disent : Non, ça devrait être aussi important. Et est-ce que vous croyez que toutes ces normes-là ne peuvent pas empêcher...

Je vous donne un exemple simple... qui n'est pas simple, mais un exemple, on va dire ça comme ça. Un professeur qui décide que, dans sa classe, tel enfant mérite son attention, puis elle a un coup de coeur pour cet enfant-là, puis elle dit — je dis elle parce que je suis habituée, dans mon milieu, mes tantes étaient toutes enseignantes, ma mère aussi, mais ça pourrait être un il — décide... la personne décide, le prof décide que, moi, cet enfant-là, je voudrais devenir famille d'accueil de proximité. Il n'y a pas de lien de parenté, mais il y a un lien suffisamment fort entre l'enfant et le prof pour qu'elle devienne famille d'accueil de proximité. Est-ce que vous considérez que ces conditions-là pourraient l'empêcher de devenir une famille d'accueil de proximité, de respecter tous les règlements ou toutes les normes que les familles d'accueil pourraient avoir?

M. Leclerc (Denis) : Vous soulevez plusieurs enjeux, effectivement, puis je vais inviter mon collègue, M. Hénault, à répondre à cette dimension-là, si vous le permettez.

Mme Charlebois : ...

M. Hénault (Jean) : Comme dans toute chose, on pourrait dire qu'il y a des indications et des contre-indications, dans le fond, face à cet aspect-là. C'est sûr que, par rapport aux familles d'accueil de proximité près de la famille de l'enfant, il y a certains bénéfices qu'on doit considérer. C'est l'extension de la famille, donc le déracinement est moins grand. Il y a certains avantages à ce qu'on privilégie la famille d'accueil de proximité. Puis aussi, toujours considérant que la famille de proximité, c'est des parents proches de l'enfant, c'est qu'il y a des données au niveau de la recherche qui nous disent que les enfants qui sont placés en famille de proximité, famille proche, dans le fond, ils ont plus de chances de retourner... la probabilité est plus grande qu'ils retournent auprès de leur famille, leur père, leur mère, et aussi les probabilités que la durée du prolongement du placement... donc, la durée est souvent moins longue. La durée du placement, qui est un élément aussi à considérer.

Il y a une prudence. C'est sûr que, si on parle, là, que l'enfant est placé auprès de la famille proche, c'est qu'il faut s'assurer, dans le fond, s'il y a nécessité, qu'il y ait une certaine distance entre le père, la mère et l'enfant. Est-ce que le fait que l'enfant est placé chez ses parents, des parents proches... est-ce que cette distance-là, qui est importante pour l'enfant, sera respectée? Donc, il y a des éléments à considérer, importants à regarder.

Est-ce que, si on leur demande les mêmes exigences que les familles d'accueil, je dirais, traditionnelles... On est nuancés là-dessus. On n'est pas sûrs que, dans le fond... Puis notre position, elle n'est pas... on n'a pas pris position clairement là-dessus, mais on n'est pas sûrs qu'on doit avoir l'ensemble des mêmes exigences ou obligations que pour une famille d'accueil qui accueille plus d'un enfant puis qui accueille, dans le fond, des fois, plusieurs enfants et des enfants, dans le fond, qui ont des problématiques souvent aussi fort complexes. Si on parle, dans le fond, de famille d'accueil de proximité, on parle, dans le fond, d'une famille qui va accueillir un enfant qui fait partie de leur famille. C'est une situation qui est à considérer, il y a des nuances à apporter par rapport à l'ensemble des obligations. Est-ce qu'on doit demander à un oncle et une tante qui accueillent leur neveu en famille d'accueil de proximité... les obliger à suivre le cours de RCR? C'est sûr que c'est un plus, mais est-ce qu'on doit absolument les obliger à le suivre? Est-ce que ça devrait être obligatoire? Il faut considérer, dans le fond, le cadre qui est spécifique, et pas nécessairement généraliser, en faire un cas comme si c'était une famille d'accueil, je dirais plus... qu'on connaît plus officielle, dans le fond, là, normée, dans le fond, par les lois.

Mme Charlebois : J'ai presque le goût de vous dire... de vous aider dans votre réponse. C'est ma réflexion, mais je suis toujours en mode écoute, hein, parce qu'il reste encore un groupe. Mais, dans ma réflexion, je me dis : Il y a des intervenants et des intervenantes au dossier, là, il y a un DPJ qui examine le dossier. Je ne peux pas croire qu'il n'y aura pas une évaluation. Si quelqu'un a un dossier criminel, ils n'enverront pas l'enfant.

M. Hénault (Jean) : Dans les obligations d'évaluer la famille d'accueil de proximité, de procéder à cette évaluation-là, c'est tout à fait pertinent. On doit s'assurer que, dans le fond, que les pratiques, l'encadrement qui sera fourni à cet enfant-là ne le mettront pas en danger et ne viendront pas compromettre son développement. Ça, je pense que c'est important. Donc, il faut dire : Il y a un ensemble d'obligations. Celle qu'il y ait une évaluation du milieu, celle-là, elle est importante, on ne doit pas passer à côté pour le bien et la sécurité de l'enfant. Certaines autres obligations, je pense qu'il faut qu'elles soient regardées dans un contexte plus spécifique, à notre avis.

Mme Charlebois : Vous allez me permettre juste de corriger quelque chose parce que je vous ai dit, en entrée en matière, que la DPJ, la CDPDJ... Non, je vous ai dit que le Barreau et la CDPDJ étaient contre les familles d'accueil, c'est faux, je me suis trompée. La CDPDJ est d'accord avec les familles d'accueil de proximité, c'est les DPJ qui...

Une voix : Vous avez dit le Barreau.

Mme Charlebois : ...le Barreau, plutôt, qui ne commente pas positivement. Je me suis trompée, alors je veux rectifier ça tout de suite en cas qu'ils nous écoutent.

Une voix : ...

Mme Charlebois : Non, non, mais, farce à part, c'était erroné, alors je veux rectifier ça.

Alors, je vais vous amener maintenant à me parler des familles des Premières Nations et des Inuits, et vous nous avez dit qu'il faudrait davantage d'intervenants autochtones. J'entends ça, et je suis allée à Kuujjuaq et Puvirnituq aussi, puis j'ai compris que la diplomation était difficile là-bas. L'année où j'y suis allée, il y avait un adolescent qui terminait son secondaire V. Alors, pour être intervenant, ça prend un minimum de scolarité.

Est-ce que vous avez des pistes de solution? Est-ce que ça peut, selon vous, devenir un incitatif pour les études si on explique aux jeunes qu'ils pourraient devenir intervenants? Est-ce que vous avez des pistes de solution? Comment vous voyez ça, vous? Comment on peut faire pour arriver à avoir... Parce que je suis d'accord avec vous que plus il y aura d'intervenants des Premières Nations et inuits, plus ça va être facile pour eux d'entrer en communication et de bien saisir leur culture, leurs habitudes et tout ce qui les concerne. J'essaie de voir parce que ce n'est pas si évident que ça, là, d'avoir plus de Premières Nations qui sont intervenants. Comment vous voyez ça, vous?

• (11 h 40) •

M. Leclerc (Denis) : Si vous me permettez — merci — évidemment, c'est un enjeu qui est d'une très grande complexité, et il n'y a sûrement pas de piste de solution simple à un problème aussi complexe. Ça, on va s'entendre. Actuellement, le fonctionnement traditionnel fait en sorte qu'on va essayer de trouver des solutions pour recruter des intervenants professionnels diplômés. On va être très, très contents quand ces professionnels-là sont en plus issus de la communauté, mais, comme vous venez de le souligner, c'est très difficile. Pour les personnes autochtones et les communautés, ils ont de la difficulté même à atteindre le niveau d'entrée pour pouvoir faire une demande dans les professions telles que la psychoéducation. Et en plus, bien, ça, ça veut dire un déracinement pendant cinq ans dans notre cas, puisque c'est une maîtrise qui est le diplôme d'entrée à la psychoéducation. Souvent, ceux qui pourraient être admis, bon, ils ne continuent pas toujours et, quand ils continuent, ils ne reviennent pas toujours non plus. Donc, c'est des problématiques qui sont d'une grande complexité.

Vous nous demandez s'il y a des pistes de solution. Il peut y avoir au moins l'importance de tenir une réflexion. On a commencé à tenir certaines réflexions puis certaines discussions sur ces éléments-là à savoir est-ce qu'il peut y avoir des façons différentes de voir la formation et la qualification des personnes. Il n'y a rien de définitif, mais je pense qu'il y a une piste de ce côté-là. Une autre piste qui m'apparaît, en tout cas, relativement gagnante, vous soulevez une visite que vous avez eue, j'ai également fait la même chose, et ce qu'on constate inévitablement, c'est qu'il n'y a pas tant de débouchés, d'emplois de façon générale dans les communautés, si ce n'est, entre autres, les types d'emplois offerts par le gouvernement dans les différents services. Et ce n'est peut-être pas quelque chose qui est tellement valorisé, qui est très valorisé déjà au niveau des communautés, donc c'est quand même une manière de pouvoir éventuellement avoir un emploi intéressant, une rémunération intéressante en restant dans la communauté en autant qu'on puisse avoir l'accès à cette formation-là.

Vous savez, je me permets d'ajouter dans le contexte, c'est certain qu'on discuterait moins du problème s'il y avait beaucoup d'intervenants qualifiés, diplômés qui allaient dans ces communautés-là, d'intervenants qu'on dit allochtones. Il y a un problème d'attraction important. Et, quand on parle de problème de rétention, que ce soit dans les communautés cries ou inuites, on parle d'une moyenne d'à peu près 18 mois de rétention. Alors, c'est certain qu'il faut qu'on aborde la question autrement et, comme je vous ai dit, réfléchir à est-ce qu'il n'y aurait pas des façons différentes de qualifier, de former et d'accompagner les gens dans un processus non traditionnel que je qualifierais, là, que je décrirais comme étant... La personne s'inscrit à l'université, passe quatre ans, cinq ans avec des cours et des stages puis, ensuite, elle est en mesure de travailler. Est-ce qu'il n'y a pas des manières différentes de regarder cela? Les réflexions avancent, progressent de ce côté-là, mais je pense qu'il faut vraiment le faire de façon sérieuse.

Mme Charlebois : Voir s'il n'y a pas de la formation possible à distance et/ou envoyer des formateurs là-bas. En tout cas, je vous entends. Je ne suis pas en train de trouver la solution facile, je vous dis juste que, oui, je vous entends, puis on va regarder ça.

Puis vous avez dû entendre parler du dossier du projet Saqijuq, où Mme Minnie Grey, qui est une autochtone là-bas, une Inuite et qui, avec moi, copréside une table de coordination avec... Justement, les gens là-bas veulent se prendre en main eux-mêmes plutôt que, nous, leur dire comment faire, quoi faire, etc. Alors, ils sont dans le mode prévention, tout ça, mais il y a l'éducation qui est à la table, sécurité publique, justice, tout ça. Mais ce sera certainement quelque chose que je pourrai suggérer.

Je sais qu'il ne me reste plus beaucoup de temps, alors je vais aborder un autre sujet. Sur les fugues, vous n'avez pas parlé beaucoup, bien, pour ne pas dire pas du tout, je pense, dans votre mémoire, des fugues, hein?

M. Leclerc (Denis) : Non.

Mme Charlebois : Est-ce que c'est un sujet sur lequel vous avez réfléchi, ou c'est juste que vous avez manqué de temps, ou...

M. Leclerc (Denis) : Honnêtement, on n'a pas intégré dans notre réflexion cette dimension-là spécifique, effectivement. C'est une orientation qu'on aurait pu davantage prendre, mais on ne l'a pas prise. On pense qu'il y a beaucoup de choses qui ont été dites dans les derniers mois autour de ces événements-là et on n'avait pas le sentiment de pouvoir y apporter du neuf de façon particulière, si ce n'est de réitérer une position qu'on a prise publiquement au printemps un peu dans la lignée de tout cela où on disait que, pour certains de nos professionnels, de nos membres, on a un constat que, dans le contexte des centres jeunesse, parfois on n'a peut-être pas toujours les conditions pour pouvoir actualiser au maximum l'autonomie et le plein jugement... pas le jugement, mais l'autonomie professionnelle des intervenants dans plusieurs contextes et...

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Merci.

M. Leclerc (Denis) : Je vous remercie.

Le Président (M. Tanguay) : Maintenant, pour la suite des débats, pour une période de 10 minutes, je cède la parole au collègue de Rosemont.

M. Lisée : Merci, M. le Président. M. Leclerc, M. Hénault, merci beaucoup d'être là. Vous représentez 4 500 psychoéducateurs, des gens dont on parle beaucoup ces derniers mois, ces dernières années pour dire qu'il en manque, qu'on en a besoin. Alors, c'est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle pour vous parce que, donc, votre travail est très valorisé. La mauvaise nouvelle, c'est que vous avez un certain nombre de vos membres qui ont perdu leur emploi dans les commissions scolaires alors que, là, ils faisaient un travail indispensable.

J'ai lu votre mémoire et je suis d'accord avec l'essentiel de vos recommandations. Je voudrais vous poser la question autrement. D'abord, combien de membres avez-vous dans les centres jeunesse?

M. Leclerc (Denis) : De manière précise, dans les centres jeunesse, j'avoue que je ne peux pas vous le dire. De manière plus générale, étant donné que la situation, avec le projet de loi n° 10 du secteur santé et services sociaux, de manière générale, le secteur général santé et services sociaux est rendu amalgamé à l'intérieur de CISSS et CIUSSS, donc, sur les 4 500, ce que je peux vous dire, c'est qu'on a un peu plus de la moitié de ces 4 500 là qui travaillent dans le secteur santé et services sociaux, donc, par définition, à l'intérieur de CISSS et de CIUSSS. Mais certains peuvent être dans le secteur des centres de réadaptation en déficience intellectuelle et au niveau des troubles de l'autisme; d'autres, centres jeunesse; d'autres, hôpitaux; d'autres, un peu les classiques CLSC. Donc, la proportion directement de centres jeunesse, on ne l'a pas de façon claire.

M. Lisée : On a eu plus tôt pendant cette consultation des directeurs de la santé publique, la présidente de l'Ordre des travailleurs sociaux qui nous ont décrit une situation plutôt préoccupante de la part de leurs membres dans le système en ce moment. Comment est-ce que vous décrivez ce que vos membres qui sont dans les CISSS et les CIUSSS vous disent sur la situation qu'ils vivent au quotidien?

M. Leclerc (Denis) : Je ne vous cacherai pas que nos membres sont également préoccupés par l'ensemble des changements, parfois des changements qui sont structurels, évidemment, là, puis qui amènent une insécurité d'organisation du travail, et tout ça. De notre côté, c'est moins la perspective qu'on doit prendre, puisque les conditions de travail, elles ont un lien avec l'acte professionnel, on ne le cache pas, mais elles ont aussi un lien avec les conditions de travail. Donc, on a toujours une certaine prudence.

J'ai souligné tout à l'heure à la ministre que ce qu'on soulève, notamment dans le secteur des centres jeunesse, c'est que la qualité du travail professionnel est parfois compromise par différents contextes qui peuvent être variés. On avait déjà soulevé dans notre avis à ce moment-là que, notamment, le roulement de personnel peut avoir un impact sur des clientèles avec lesquelles on travaille qui ont des difficultés et des problèmes d'attachement. Donc, des éléments comme ça nous apparaissent préoccupants. Donc, on est plus sur les conditions pour avoir — comment je le dirais, là? — un cadre professionnel de compétence. Ça, on a une préoccupation. On est quand même prudents à aller un peu plus loin, on est conscients aussi que les changements sont majeurs, ils perturbent beaucoup, beaucoup d'intervenants, mais ils sont encore relativement récents. Mais on essaie de suivre la situation avec attention, je vous le reconnais.

• (11 h 50) •

M. Lisée : ...un changement structurel, c'est une chose, on peut s'adapter. Les psychoéducateurs ne sont pas des cadres, ils font un travail auprès d'une clientèle. Alors, ça devrait se passer un petit peu au-dessus de leur tête, puis leur dire : Bon, bien, on a changé de patron, on a changé de filière puis on a changé de façon de faire de la reddition de comptes, mais nous, on s'occupe des enfants.

M. Lebon, dans son entrevue à La Presse, a été très dur en disant que non seulement les tâches devenaient de plus en plus lourdes, mais le taux de roulement n'était pas de nature à bien faire son travail. Il dit : «...un jeune hébergé pendant six mois peut croiser 150 personnes différentes à cause des listes de rappel, des vacances, des remplacements. "C'est une aberration"...» Êtes-vous d'accord?

M. Leclerc (Denis) : On a une proposition en appui avec ce constat sur l'impact sur la qualité du service professionnel. Donc, j'ai déjà dit que j'étais en accord avec cette vision-là et que c'était préoccupant également.

M. Lisée : Alors, quelle est la solution?

M. Leclerc (Denis) : Là, vous m'amenez dans une direction où je pense qu'encore là des solutions, dans un contexte de complexité comme celle-là, elles sont difficiles. On a des enjeux de restructuration, on a des enjeux syndicaux qui... Il ne faut pas se le cacher que la situation qui a été dénoncée par M. Lebon — et il l'a dit lui-même — n'est pas strictement en lien avec les changements récents au niveau du projet de loi n° 10, et donc de la création des CISSS et CIUSSS, mais quelque chose qui s'est implanté de plus en plus progressivement et depuis longtemps au niveau des centres jeunesse. M. Lebon soulignait sa préoccupation par rapport aux clientèles des centres jeunesse qui est... cette préoccupation-là, elle est là depuis plusieurs années. Donc, c'est une situation qui est, effectivement, complexe. Nous, ce qu'on dit, c'est...

M. Lisée : ...est-ce que la fusion des unités d'accréditation, qui est forcée par la loi n° 10, va permettre de régler certains de ces problèmes ou non?

M. Leclerc (Denis) : Honnêtement, M. le député, je ne suis pas en mesure de pouvoir juger de l'impact réel d'une restructuration de cette ampleur sur l'ensemble des structures. Mais c'est sûr que la distance des lieux de décision peut être préoccupante. Il y a un élément qui, en soi, peut être à mettre de l'avant, c'est-à-dire l'autonomie professionnelle, qui risque d'être plus grande, mais il faut que les gens aient la possibilité d'avoir cette autonomie-là. S'il y a moins de cadres, moins de décideurs, moins de patrons, bien, il y a un élément d'autonomie à ce moment-là qui peut être à mettre de l'avant. Est-ce que la culture a suivi de ce côté-là? La question demeure aussi.

M. Lisée : La statistique qu'on a ici : taux de roulement dans les centres jeunesse, 9 %; taux d'absentéisme de 6 % à Laval; à 31 %, sur la Côte-Nord; un éducateur sur trois part après un an dans certains centres. La présidente de l'ordre des travailleurs sociaux nous a dit qu'il y avait depuis deux ans une augmentation des plaintes pour conflits de loyauté, ce qui signifie que le professionnel considère qu'il ne peut pas exercer correctement ses actes professionnels, compte tenu du contexte budgétaire ou autre qui contraint ses gestes. Est-ce que vous, vous avez aussi une recrudescence de ces plaintes?

M. Leclerc (Denis) : On a des indications qui nous amènent à dire que la situation des psychoéducateurs n'est pas nécessairement totalement différente, mais on a moins de manifestations concrètes et de signalements concrets de ces situations-là par nos membres actuellement. Mais on ne peut pas dire qu'on est différents. Mais je n'ai pas de données qui me permettent, comme ma collègue, de pouvoir décrire de façon précise la situation.

M. Lisée : C'est-à-dire que les travailleurs sociaux sont plus enclins à se plaindre d'une situation similaire, et les psychoéducateurs, moins?

M. Leclerc (Denis) : Le cadre des travailleurs sociaux est un peu plus centré au niveau des milieux de travail, puis ils sont quand même pratiquement trois fois plus nombreux. Puis il y a une situation qui a changé beaucoup pour eux dans leur cadre de travail, il y a eu également les transferts de certaines ressources professionnelles des secteurs services sociaux vers les GMF, et ça a touché davantage les travailleurs sociaux que nos professionnels. Donc, sans être totalement à jour sur les détails, mais ce qu'on a pu constater, c'est que les changements structurels ont eu un impact plus direct et plus immédiat pour les travailleurs sociaux que pour les psychoéducateurs.

M. Lisée : Alors, vous êtes un témoin de l'interne, donc vous avez la moitié de vos membres qui sont dans le système de santé. Je voudrais rapidement tester une ou deux affirmations avec vous.

On a la Protectrice du citoyen qui, la semaine dernière, nous a dit dans un rapport très fouillé qu'il y avait eu une réduction de la qualité des services notable, significative, troublante dans le système de santé, et on a le premier ministre qui nous dit que non, tout ça, c'est du vent, les budgets ont toujours été augmentés. Lequel dit vrai?

M. Leclerc (Denis) : Je ne me prononcerai pas sur la véracité de l'un ou de l'autre. Comme vous, je trouve que les constats de la Protectrice du citoyen sont préoccupants, sont à analyser, mais je ne me ferai pas juge de la position de l'un et de l'autre si vous me le permettez.

M. Lisée : Alors, vous êtes très prudent. Si je vous dis que la ministre nous dit qu'il n'y a eu aucune coupure dans les centres jeunesse, dans les services, qu'il y a eu des coupures purement administratives puis que, quand, dans les centres jeunesse, on lui montre que des gens qui étaient des psychoéducateurs ne sont plus là, etc., ça n'existe pas, il n'y a que des coupures administratives, il n'y a aucune réduction de services ces deux dernières années, est-ce que c'est également ce que vous voyez ou c'est autre chose?

M. Leclerc (Denis) : Pour ce qui est des coupures, de façon précise, ce n'est pas des types de données pour lesquels on bénéficie d'information. Un syndicat va avoir ces informations-là, malheureusement un ordre ne les aura pas de façon directe. Ce qu'on entend, ceci dit, c'est que les coupures au niveau des structures, au niveau de l'encadrement, au niveau de l'administration ont parfois des effets indirects sur le travail des professionnels, qui, parfois, doivent compenser parce qu'ils ont moins de soutien d'adjointes administratives, moins de soutien de techniciens, supposons, ou moins d'encadrement et, par le fait même, moins...

M. Lisée : ...leur charge de travail est augmentée.

M. Leclerc (Denis) : Bien, la complexité, la charge de travail... C'est-à-dire que, pour un même dossier... un même nombre de cas, si on a des fonctions qu'on doit ajouter qui, avant, étaient assumées par un soutien, supposons, administratif, donc c'est le cas.

Puis l'autre élément, bien, c'est la question de l'autonomie. J'en ai parlé tout à l'heure, il est difficile aussi pour les professionnels... Quand on a une culture qui n'a pas nécessairement évolué sur l'autonomie qu'on donne puis qu'on octroie aux professionnels, mais qu'on a moins d'encadrement, c'est tout aussi difficile pour les personnes qui encadrent que pour le professionnel.

Le Président (M. Tanguay) : Merci, M. Leclerc. Alors, pour 6 min 30 s, je cède la parole à notre collègue de Drummond—Bois-Francs.

M. Schneeberger : Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Premièrement, vous parliez de familles de proximité, vous dites qu'il faut donner les mêmes ressources que la famille d'accueil régulière. Quand vous parlez de ressources, est-ce que vous parlez de ressources financières, ou de ressources professionnelles, ou les deux?

M. Leclerc (Denis) : Je vais inviter M. Hénault à répondre si vous voulez.

M. Hénault (Jean) : Bien, je dirais, d'un dossier à l'autre... mais je crois qu'on doit englober, dans le fond, les différents types de ressources : ressources humaines, professionnelles puis ressources financières, oui. Parce que, dans le fond, la famille d'accueil de proximité va avoir des besoins similaires à une autre famille d'accueil, d'être accompagnée, d'être soutenue par rapport aux problématiques de l'enfant, et c'est sûr que la dimension financière, elle est présente, et on doit considérer cette dimension-là puis s'assurer qu'on va soutenir les familles d'accueil de proximité sur les différents plans. Donc, plan financier, oui, mais plan soutien au niveau du psychosocial, au niveau de comment on peut accompagner ces parents-là proches de l'enfant à jouer leur rôle de la meilleure façon possible.

 (12 heures)

M. Schneeberger : Depuis quelques jours maintenant, on parle beaucoup des Premières Nations. On sait la problématique dans les communautés. Certaines communautés sont venues nous voir pour féliciter l'approche, et autres. Pour connaître des personnes très proches de moi qui ont déjà travaillé, notamment, à Salluit, je peux vous dire que la réalité là-bas est tout autre d'ici. Et, pour nous — je vais qualifier de blancs, entre guillemets — aller là-bas, il faut être missionnaire un peu, c'est presque une vocation si on parle du long terme. Malheureusement, la plupart vont là une année, question d'expérience, ou, des fois, de salaire, ou autre. Et il y a aussi des problèmes d'acceptation parce que ces gens-là, ils disent : Bon, venez chez nous. Les jeunes s'accrochent, des fois, parce qu'une autre culture, et autres... Finalement, ils repartent. Ça fait qu'il y a des bris, là, des bris émotionnels qui se font couramment. Et ils nous appellent un peu les visiteurs. Tu sais, je n'ai pas le mot exact, mais c'est ça.

En même temps, si on veut venir en aide, ils ont besoin de nous à quelque part, et on sait la problématique pour avoir des professionnels autochtones, là, avec le taux de diplomation, et autres. Est-ce qu'à ce moment-là... Moi, je regarde ça, là, je trouve, la volonté est là, et autres, mais au bout, là, au bout de tout ça, au bout du cheminement, est-ce qu'on ne serait pas mieux de travailler beaucoup plus en amont, c'est-à-dire directement au niveau des familles? Parce que le problème, il se crée là. Ce n'est pas l'enfant qui est le problème, c'est le milieu familial. Et je pense que, dans ces communautés-là, si on peut faire de quoi, c'est beaucoup plus en amont, au niveau du noyau familial, parce qu'on sait les problèmes de... Puis c'est aussi pour nous, aussi, hein, on s'entend, ce n'est pas très différent que ça, mais il faut... Écoutez, c'est délicat, c'est des choses délicates à parler, mais, je pense, si on n'en parle pas, on ne réglera pas.

Le problème de drogue, tu sais, moi, la personne me disait que les jeunes là-bas inhalaient des produits d'acide, des choses comme ça, là, tu sais, je veux dire, c'est extrême, là. Parce que c'est des produits qui sont là puis qui ne coûtent rien, mais ça nuit beaucoup à la communauté, puis, veux veux pas, le noyau familial en prend un coup. Je trouve que, là, il y a un manque là-dessus, puis je pense que, si on veut régler le problème, c'est vraiment là qu'il faudrait mettre l'emphase. Moi, je voudrais vous entendre là-dessus, là. Par expérience, avez-vous la même vision que moi ou c'est tout autre?

M. Leclerc (Denis) : Évidemment, ce que vous décrivez, c'est une situation qui est excessivement inquiétante et préoccupante pour l'ensemble de notre société. Vous soulevez les problèmes, et, effectivement, sous l'angle d'un ordre comme le nôtre puis une profession comme la nôtre, ce qu'on constate, c'est que les clientèles autochtones sont, de façon générale, parmi les plus vulnérables de l'ensemble du Québec, et il y a des problématiques multiples, hein? Vous avez parlé de toxicomanie. La violence, le suicide, ce sont des problèmes majeurs qui sont associés à plusieurs problèmes plus ou moins importants, mais qui sont préoccupants tous, évidemment.

Dans ce sens-là, vous soulevez est-ce qu'on doit aller en amont, puis, entre autres, les problèmes sont familiaux. Je vous dirais que la manifestation des problèmes peut être familiale, mais je vous dirais qu'ils sont beaucoup aussi sur les questions des conditions de vie de façon générale. La pauvreté sera toujours un élément qui va engendrer des problèmes, et il faut le reconnaître. Donc, il y a ces éléments-là.

S'ajoute dans la complexité... Vous l'avez soulevé rapidement, mais, pour un intervenant allochtone, vous dites : D'arriver là, il y a des éléments culturels, des éléments de langue, donc c'est très difficile. On a encore souvent des allochtones — excusez, si je prends le terme, mais c'est le terme qui est souvent utilisé — on a souvent des intervenants professionnels qui y vont un petit peu pour le défi, pour l'aventure, comme vous le dites. Parfois, ce sont des jeunes, pas des professionnels de grande expérience encore, avec beaucoup de bon vouloir qui restent, comme je le disais, 18 mois. Donc, ce que je veux soulever dans ça, c'est que c'est un constat qu'on fait sur une situation, un statu quo qui n'est pas acceptable, et il faut trouver des façons différentes de le faire, et il faut essayer de valoriser puis de trouver des manières de faire en sorte que, les intervenants locaux, tout en gardant l'importance d'une compétence professionnelle, clinique, ainsi de suite, la plus haute possible, on puisse profiter de leurs compétences culturelles, linguistiques, qu'on puisse profiter du fait qu'ils connaissent la communauté.

Vous disiez tout à l'heure : Les gens, ils ne sont pas acceptés. Mais, quand vous pensez, il y a très peu d'intervenants — parlez de Blancs allochtones — qui connaissent la langue inuite, très, très, très peu, hein, seulement quelques-uns qui ont... Donc, ils arrivent là, ils travaillent pendant un an et demi, deux ans, trois ans — tant mieux si c'est plus long — sans jamais être en mesure de discuter directement avec une grand-mère qui parle un peu anglais et beaucoup inuit. Donc, il y a une distance importante.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, nous vous remercions, les représentants de l'Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec.

Je suspends nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 5)

(Reprise à 12 h 7)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous poursuivons nos travaux et, ce matin, nous recevons donc les représentantes de Pétales Québec. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous disposez d'une période de 10 minutes de présentation. Par la suite, vous aurez l'occasion d'échanger avec les parlementaires. Pour les fins d'enregistrement, je vous demanderais de bien vouloir vous nommer et préciser vos fonctions. Et, sans plus tarder, la parole est à vous.

Pétales Québec

Mme Marchand (Danielle) : Merci. Merci, M. le Président, Mme la ministre et les membres de la commission, pour nous avoir invitées à cette audience. Je précise que nous sommes ici en tant que porte-voix des parents que nous représentons à notre association. Je me présente, Danielle Marchand, je suis directrice, coordonnatrice des activités, et intervenante à Pétales Québec, et membre fondateur. À ma gauche, Mme Diane Toupin, qui est aussi membre fondateur et secrétaire au conseil d'administration depuis la fondation de Pétales.

Notre principal intérêt concerne toutes les questions liées à la théorie de l'attachement, aux défis d'attachement et aux troubles de l'attachement. Troubles de l'attachement dans le sens de la définition dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, qu'on appelle le DSM-5. Nous venons en aide à tous les parents dont les jeunes présentent des défis d'attachement ou des troubles de l'attachement, qu'ils soient des parents biologiques, adoptifs, des parents de familles d'accueil et des familles de proximité. Nous sommes convaincus qu'une meilleure connaissance de la théorie de l'attachement, de la reconnaissance des défis d'attachement et des troubles de l'attachement permettrait le développement de ressources mieux adaptées pour les jeunes, pour donner de meilleurs soins à nos jeunes.

Un grand nombre de parents adoptifs ont fait appel à nous. Ces parents ont accueilli des jeunes lourdement atteints. Étonnamment, leurs témoignages se recoupent en plusieurs points, dont en voici quelques-uns. Ces jeunes sont convaincus qu'ils doivent impérativement s'autoprotéger. Incapables de faire confiance, ils sont généralement opposants. Ils auront des gestes de provocation, des attitudes de rejet envers les autres, d'agressivité, de violence et d'évitement. Incapables de réguler leurs émotions, ils sont explosifs de manière imprévisible. Ayant des séquelles sur le plan cognitif, ils ont de grandes difficultés scolaires. Ces jeunes manquent cruellement d'habiletés sociales. L'amour, la patience et le temps ne sont pas suffisants pour créer un lien si essentiel pour pouvoir les éduquer et les faire grandir.

• (12 h 10) •

Permettez-moi de citer M. Pierre Lévy-Soussan, psychiatre, en français : «Quand le jeune a vécu trop longtemps dans des mécanismes de survie et que le passé carentiel et traumatique est beaucoup trop long, il ne pourra pas transformer l'adulte en [son] parent.» Ces parents cherchent à comprendre, à comprendre la problématique de leurs jeunes et, surtout, à avoir de l'aide. Malheureusement, il n'existe aucune ressource appropriée pour les enfants présentant des troubles de l'attachement adoptés. La seule issue est une prise en charge par la DPJ.

Les parents dans cette situation nous témoignent ceci. Le signalement est vécu comme un désaveu de leurs compétences parentales. L'évaluation est perçue comme une enquête intrusive, sans égard aux difficultés du jeune adopté souffrant de troubles d'attachement. Certaines décisions cliniques entravent totalement la mise en place d'un plan d'intervention respectant les besoins spécifiques de ces jeunes, générant une perte de temps considérable, à risque de louper des périodes cruciales pour intervenir au bon moment. Ces parents se sentent dans l'obligation d'exécuter les directives des intervenants. S'il y a mésentente ou s'ils refusent de signer certains documents, ils doivent obligatoirement s'en référer au juge, ajoutant pour ces derniers des frais considérables d'honoraires d'avocat.

Cette emprise de l'État maintient le parent dans ce rôle du mauvais parent, confirmant insidieusement au jeune souffrant de troubles de l'attachement qu'il a tout à fait raison de ne pas faire confiance à ses parents ainsi disqualifiés. Il est alors impossible de maintenir le lien. Les rapports biaisés demeurent au dossier du jeune tout au long de la prise en charge. Les perceptions faussées qui en découlent risquent de confirmer l'image altérée que le jeune a de ses parents. Conséquemment, à la fin de la prise en charge, ce dernier sera incapable d'aller vers eux et, inversement, n'acceptera pas l'aide offerte par ses parents. Ces parents parlent de leur impuissance devant la dérive de leurs jeunes vers la psychopathologie, l'exclusion et la marginalité sociale. Diane.

Mme Toupin (Diane) : Alors, comment sortir de cette impasse? Nos pistes de solution sont les suivantes. Comme il nous apparaît inopportun de prendre en charge ces jeunes en protection, nous souhaitons la mise sur pied de services adaptés à leur condition. D'abord, des cliniques en troubles de l'attachement non soumises à une démarche juridique. Les troubles de l'attachement devraient être pris en charge par des cliniques ayant toute l'expertise nécessaire pour l'évaluation diagnostique, le suivi des traitements, le répit, l'hébergement thérapeutique et les programmes d'accompagnement des parents. Ces cliniques seront liées de près à la recherche.

De plus, des ressources en postadoption facilement accessibles sont nécessaires pendant tout le parcours du jeune, même au-delà de sa majorité. De tels services exigent d'avoir une expertise pointue en adoption, en attachement et en troubles de l'attachement, d'avoir un accès direct aux cliniques de troubles de l'attachement, s'il y a lieu, d'offrir du soutien à la fratrie, de prévoir des services pour les jeunes adoptés au passage à la vie adulte, de soutenir les démarches du jeune adopté adulte pour des retrouvailles.

Mme Marchand (Danielle) : La mise en chantier de ces solutions ci-haut mentionnées requiert du financement et du temps. Dans l'attente de ces ressources, dans l'immédiat nous devons améliorer la situation de ces familles. Nous sommes convaincues qu'il est possible d'apporter certaines modifications dans l'application des règles de la présente loi. Des correctifs sont essentiels pour améliorer la situation du jeune adopté souffrant de troubles d'attachement et de sa famille.

Premièrement, pour une pratique mieux adaptée, la connaissance et la reconnaissance sont des prémisses incontournables... que sont l'adoption, les défis de l'attachement et les troubles de l'attachement. Ce qui signifie la mise en place de programmes de formation continue obligatoires pour tous les intervenants du DPJ pour soutenir la pratique auprès de ces jeunes — on parlait tout à l'heure que les cas sont de plus en plus lourds, les représentants des psychoéducateurs vous l'ont encore nommé — pour soutenir les pratiques auprès de ces jeunes, intervenants pivots, experts en adoption et en troubles de l'attachement au sein de toutes les équipes de la DPJ.

À l'étape de l'évaluation, la grille d'évaluation bonifiée, dont les critères suivants seraient prioritaires : identification du statut de la famille adoptive, et ce, dès le signalement; l'historique préadoption et postadoption; les facteurs de risque liés à l'adoption et aux troubles de l'attachement; les composantes de santé mentale identifiées ou diagnostiquées.

 Quant aux orientations et aux mesures volontaires qui s'ensuivent, prioritairement, que les orientations soient établies en fonction des troubles de l'attachement du jeune adopté; une prise en charge clinique incluant les parents comme étant aussi des intervenants experts de leur enfant; des placements thérapeutiques avec maintien du lien selon les modalités adaptées et la capacité du jeune à le tolérer; un retour de l'enfant dans la famille qui n'est pas nécessairement obligatoire — à ce moment-là, nous aurions davantage des services de placement thérapeutique visant davantage l'autonomie du jeune en tenant compte des composantes de santé mentale liées aux troubles de l'attachement; un suivi clinique du jeune au passage à la vie adulte lui offrant différents services en fonction des composantes de sa santé mentale.

Pour un hébergement en réadaptation répondant à leurs besoins, la stabilité des milieux d'hébergement et des intervenants, les méthodes d'intervention régulièrement évaluées par une équipe multidisciplinaire et l'imputabilité des centres jeunesse et de leurs intervenants face à leur intervention appliquée avec la même rigueur que celle envers les parents.

Pour un meilleur suivi clinique, la mise en place de modalités de suivi plus efficientes entre le centre jeunesse et les services de pédopsychiatrie. Diane.

Mme Toupin (Diane) : Les jeunes âgés de 14 ans et plus démontrent une grande immaturité à l'âge où ils acquièrent des droits civils, au risque de faire de mauvais choix, de s'opposer à des traitements ou de refuser toute autorisation d'accès à leur dossier. Dans un tel contexte, il devient alors impossible de travailler en alliance parent-intervenant. Nous recommandons que soit révisée cette loi dans ce contexte de santé mentale. Ces jeunes, informés de pouvoir être défendus par un avocat, ont une forte tendance à utiliser sans discernement ces services. Alors, nous recommandons que soit établie une ligne directrice pour les accompagner. Ces jeunes ayant accès à leur dossier risquent de faussement interpréter les informations. C'est pourquoi nous recommandons qu'obligatoirement une lecture de leur dossier soit faite en présence de l'intervenant, des parents et de lui-même.

Lors du passage à la vie adulte, nous considérons essentielle la mise sur pied d'un cadre thérapeutique permettant un suivi clinique par l'établissement d'un partenariat entre la pédopsychiatrie, les centres jeunesse et la psychiatrie adulte, par l'accès à des ressources en psychiatrie et en hébergement pour accueillir ces jeunes dans des délais très courts, par la possibilité, s'il y a lieu, d'entreprendre des démarches pour une mise sous tutelle ou curatelle d'un jeune lourdement atteint.

Mme Marchand (Danielle) : En conclusion, Mme la ministre et les parlementaires, nous souhaitons des efforts considérables de la part des élus, des dirigeants, et des professionnels, et des intervenants afin que s'améliorent les conditions de vie de ces jeunes et leurs familles.

Des efforts sont à déployer rapidement, tant pour la prévention, l'accompagnement et la réadaptation de ces jeunes adoptés souffrant de troubles d'attachement. Une responsabilité partagée en alliance parents-professionnels est essentielle pour atteindre ces objectifs. C'est leur avenir qui est en jeu. C'est aussi des citoyens de demain envers qui nous devons tous agir dès maintenant. Nous vous remercions de votre écoute.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Alors, pour une période de 13 min 30 s, je cède la parole à Mme la ministre.

Mme Charlebois : Merci, M. le Président. D'abord, vous saluer, Mme Marchand et Mme Toupin. Merci d'être là, de nous partager vos réflexions. Vous êtes notre dernier groupe, mais pas le moindre. Et, d'entrée de jeu, je vais vous dire que, votre conclusion, je suis totalement en accord sur le fait que ce sont nos citoyens de demain. C'est l'affaire de tout le monde de protéger notre jeunesse au Québec.

Vous allez me dire si ma compréhension est bonne, est-ce que votre mémoire s'adresse plus aux services qu'au projet de loi par lui-même?

Mme Marchand (Danielle) : Il est évident que le projet de loi n° 99 comprend des articles sur lesquels on ne s'est pas attardées article par article, mais on a un peu profité de cette tribune pour plutôt parler de l'application des règles actuelles de la loi. Mais, par rapport aux articles concernant les jeunes de 14 ans et plus, on souhaiterait vraiment une révision qui en touche d'autres, lois, aussi sur les droits et privilèges qu'on accorde à un enfant de 14 ans qui présente des difficultés majeures sur le plan de la santé mentale et, souvent, une immaturité tant cognitive qu'affective. Ils ont des décisions à prendre qu'ils sont incapables de prendre et qui peuvent nuire à leur réhabilitation et même nuire au développement, là, du jeune vers sa vie adulte. Pour ces articles-là, on y met un point particulier.

Mais, par rapport à la loi actuelle, aux règles, oui, on pourrait davantage, mieux former, mieux informer, mieux sensibiliser, mais surtout donner les outils et les moyens aux différents intervenants pour qu'on puisse mieux recevoir, signaler et orienter les enfants adoptés présentant des défis ou des troubles de l'attachement. Je fais la nuance parce que troubles de l'attachement, c'est un problème de santé mentale reconnu.

Mme Charlebois : J'ai presque le goût de vous dire qu'une majorité des jeunes qui sont sous la Loi de la protection de la jeunesse souffrent du trouble d'attachement.

Mme Marchand (Danielle) : ...je vous le conviens. Comme je vous ai dit, Pétales Québec, c'est toutes les familles, mais particulièrement les familles adoptives pour le cas de cette audience, parce que c'est une majorité de parents qui, depuis 2013, nous ont manifesté leur grande difficulté par rapport à l'adoption des enfants présentant des troubles d'attachement.

• (12 h 20) •

Mme Charlebois : Puis, quand je vous ai posé ma question, ce n'était pas pour disqualifier votre mémoire, là, hein, ne prenez pas ça comme ça, ce n'est pas du tout... c'est juste pour ma compréhension. Puis j'entends vos préoccupations, puis elles sont importantes, là. Vous nous dites que votre organisme nous dit que la DPJ est défavorable envers les parents qui présentent un trouble de santé mentale. Vous nous parlez de ça à un moment donné dans votre mémoire. Est-ce que je me trompe?

Mme Marchand (Danielle) : ...préciser votre question parce que je ne crois pas qu'on dit qu'ils sont défavorables.

Mme Charlebois : Bien, c'est comme si vous nous dites... Oui, vous nous dites que les DPJ sont défavorables pour les parents qui ont un trouble de santé mentale face à... Parce que, moi, ma perspective, là... en tout cas, ma compréhension, à chaque fois que je vais dans les centres jeunesse, à chaque fois que je parle à des intervenants ou à des psychoéducateurs, c'est que, dans le projet de vie, la première priorité, c'est toujours de réintégrer — autant que faire se peut, parce que, des fois, ce n'est pas possible — dans le milieu naturel de l'enfant, dans son milieu familial. Alors, ce que vous me dites, c'est que... En tout cas, ce que j'ai compris, c'est que les parents qui souffrent d'une maladie mentale ou d'un trouble de santé mentale seraient jugés défavorablement par les directeurs de protection de la jeunesse.

Mme Marchand (Danielle) : Ce n'est pas tout à fait ça, j'espère... Bien, ce n'était pas le but de notre mémoire. C'est que le but de votre mémoire, c'est un peu vous présenter la situation des familles adoptives pour qui l'enfant présente des difficultés d'attachement, mais particulièrement des troubles de l'attachement. Ce qu'on a fait la preuve dans notre mémoire, c'est qu'on ne passe peut-être pas par la bonne porte. Si nous avions davantage de services en postadoption sur tout le parcours du jeune, on pourrait y déceler, tout au long de ce parcours-là, des situations plus problématiques sur le plan du trouble de l'attachement, et là on pourrait référer ces familles-là et les jeunes dans des cliniques d'attachement.

On n'a pas ces services-là actuellement. Ces cliniques d'attachement pourraient offrir autant à tous les enfants du Québec des services au niveau du trouble de l'attachement, mais, particulièrement pour les familles adoptives, il y a comme un espace qui ne leur est pas accordé qui est celui de la postadoption, il n'y en a pas. Donc, on décèle en postadoption des enfants qui présentent des troubles de l'attachement, on les réfère à des cliniques en troubles de l'attachement, mais, si à la suite de ce parcours auprès de professionnels et d'équipes multidisciplinaires on dénote toujours une possibilité de compromission pour la sécurité et le développement, c'est certain que le DPJ va jouer son rôle.

Mme Charlebois : Une fois l'adoption faite, là, il y a plus de suivi du tout?

Mme Marchand (Danielle) : Non, il n'y a pas aucun service post-adoption au Québec. Vous allez me parlez du CLSC Jeanne-Mance, c'est une toute petite équipe en adoption internationale. Quand les cas sont trop lourds, on nous les réfère à Pétales pour qu'on puisse trouver une solution pour les parents, il n'y en a pas.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Nous allons suspendre les travaux, nous sommes appelés, comme députés, à aller voter. Alors, nous revenons dans quelques minutes pour poursuivre le débat. Alors, ne bougez pas, nous revenons.

Mme Marchand (Danielle) : Parfait.

Le Président (M. Tanguay) : Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 23)

(Reprise à 12 h 45)

Le Président (M. Tanguay) : Alors, nous sommes de retour, alors, pour conclure l'échange avec Mme la ministre pour encore quatre minutes, quatre minutes. La parole est à vous.

Mme Charlebois : D'accord. Merci, M. le Président. J'ai pris connaissance de votre mémoire et, honnêtement, je vais faire une dernière question pour ensuite... J'ai quelques commentaires, vous... je pense que je m'apprêtais... Je vous ai questionnées sur les nations inuites avant de vous quitter? Je ne m'en souviens plus.

Mme Marchand (Danielle) : Non, pas du tout.

Mme Charlebois : Non. Bon, Je vais y aller. Est-ce que vous croyez que les modifications qu'on propose pour maintenir l'identité culturelle des enfants issus des Premières Nations vont être une valeur ajoutée pour eux, pour ces personnes-là là-bas, pour, justement, aider à diminuer les troubles d'attachement? Parce que c'est ce que vous nous entretenez beaucoup.

Mme Marchand (Danielle) : C'est intéressant, la question, Mme la ministre, puis elle me touche beaucoup et me préoccupe tout autant que vous. Effectivement, si on regarde la situation des nations autochtones, on pourrait... Effectivement, le lien d'attachement avec le parent et l'enfant, dans les conditions où il se trouve aujourd'hui, c'est... Je ne veux pas revenir dans l'histoire, mais je crois qu'il y a eu des erreurs monumentales lorsqu'on a retiré ces enfants des milieux et qu'on les a inscrits dans les orphelinats. On sait maintenant par les études quels sont les impacts, et c'est effectivement par la culture, reprendre leur culture, se réapproprier leur culture, leur communauté, de pouvoir... c'est effectivement une voie à suivre pour faire en sorte qu'on puisse mieux travailler, bien travailler des situations plus complexes, plus difficiles dans l'ordre du lien d'attachement au sein des familles autochtones. C'est la voie à suivre.

Mme Charlebois : Merci pour votre réponse. Écoutez, il ne me reste plus beaucoup de temps, puis je tiens à vous remercier de nous avoir présenté votre mémoire. Ce n'est pas parce qu'on n'a pas d'autres interrogations, mais on va consulter votre mémoire à fond. Je veux, si vous me le permettez, M. le Président, vous dire que l'ensemble des consultations... je suis satisfaite de ce que nous avons mené comme consultations. Et on a entendu beaucoup de propositions qui ont été très enrichissantes pour tout le monde, alors on va pouvoir bonifier le projet de loi. Chaque groupe a apporté son point de vue, a amené une couleur, a amené des éléments de réflexion sur lesquels on va tous travailler pour le bien-être des enfants. Il nous reste encore beaucoup de travail à faire, on va réfléchir aux propositions qui touchent notamment l'exploitation sexuelle qui nous ont été faites, les mesures transitoires, l'encadrement intensif, les fugues, les demandes des familles d'accueil, les propositions des groupes des Premières Nations et Inuits.

Alors, je veux remercier tout le monde qui a pris part aux travaux, mais aussi... Vous, vous vous êtes déplacés, mais il y en a d'autres qui nous ont écrit, je veux les remercier aussi. Merci à mes collègues parlementaires du gouvernement et des oppositions de leur écoute et de leur participation toujours positive. Et, bien sûr, un merci spécial aux gens du ministère qui nous accompagnent et qui prennent des notes pour, justement, bonifier le projet de loi.

En terminant, M. le Président, vous allez me permettre de satisfaire les besoins de l'opposition. Puisqu'ils nous ont demandé de fournir les données sur les enfants confiés à... et les familles d'accueil de proximité, alors je vous informe, M. le Président, que nous serons disposés à vous transmettre ces données-là cet après-midi, et elles seront à la disponibilité des députés de l'opposition et, bien entendu, du gouvernement. Alors, sur ce, merci beaucoup, M. le Président. Merci à nos invités. Merci beaucoup.

Mme Marchand (Danielle) : Merci.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, nous nous assurerons, au secrétariat, de communiquer, évidemment, votre correspondance.

Alors, pour 5 min 30 s, je cède la parole au collègue de Rosemont.

M. Lisée : Merci, M. le Président. Mme Marchand, Mme Toupin, je suis content de vous revoir. On s'est vus, il y a déjà deux ans. Je suis allé visiter vos installations, d'ailleurs, dans le nord de Montréal.

Vous nous avez dit qu'il y a deux CLSC seulement au Québec qui sont outillés pour faire du suivi lors d'adoptions qui présentent des problèmes d'attachement. Où sont-ils?

Mme Marchand (Danielle) : Je dis deux CLSC. C'est le CLSC Jeanne-Mance, qui a une petite équipe, et le CLSC du Lac-Saint-Louis, qui a une encore plus petite équipe. Ce sont de la postadoption... Ils sont dans les quelques mois de l'arrivée des parents, mais particulièrement dans l'adoption internationale.

M. Lisée : O.K. Et, lorsqu'ils ont des cas lourds, c'est vous qu'ils appellent?

Mme Marchand (Danielle) : Quand ils ont des cas lourds, certains parents dont les services et CLSC ne répondaient pas aux difficultés spécifiques des enfants en troubles d'attachement sont référés, bien entendu, vers la pédopsychiatrie pour avoir des évaluations. Mais, pour avoir du soutien ou pour pouvoir trouver des ressources, quelquefois, oui, ces parents se sont référés à nous.

M. Lisée : Bon. Alors donc, depuis deux ans, j'essaie de vous aider un petit peu à être reconnus par le gouvernement, à être soutenus, à être financés. Avec quel succès?

Mme Marchand (Danielle) : Avec le succès qui va avec l'effort citoyen qu'on nous demande au niveau des restrictions budgétaires pour atteindre un objectif commun ici, au Québec, qui était le déficit zéro. Donc, on nous a toutes conviées, comme associations communautaires, de participer à l'effort citoyen. Donc, nos moyens sont quand même très, très modestes.

M. Lisée : Donc, vous n'avez pas de financement récurrent de l'État québécois?

• (12 h 50) •

Mme Marchand (Danielle) : On a un financement récurrent qui vient du Programme de soutien aux organismes communautaires et une très grande générosité de la part des ministres concernés et de certains députés en région. Nous sommes, tout de même, une association nationale et nous tentons par notre ligne 1 800 et Pétales Québec, sur la route, de rejoindre le plus possible les familles chez eux, dans leurs régions.

M. Lisée : Quand on s'était vu, vous étiez sur le bord de devoir mettre des gens à pied. Donc, une partie de ce problème-là a été résolue?

Mme Marchand (Danielle) : On me mettait à pied, puis on ne m'a pas mise à pied. On a été en mesure d'avoir le soutien nécessaire par les enveloppes discrétionnaires, en particulier de...

M. Lisée : C'est ça. On avait fait une grande campagne de discrétionnaire.

Mme Marchand (Danielle) : On a fait une très grande campagne de soutien qui nous a permis de remettre minimalement nos activités.

M. Lisée : Et la ministre a contribué, on a écrit à tous les ministres. Donc, on remercie. Cependant, par rapport aux besoins que vous avez identifiés, il vous manquerait combien?

Mme Marchand (Danielle) : Si vous voulez aller sur ce terrain-là, si j'allais sur les chiffres, le seuil plancher, à l'époque, des agences, par rapport aux organismes communautaires comme le nôtre, nationaux, avec une mission nationale, le seuil plancher était à 125 000 $, mais aucun organisme communautaire n'atteint le seuil plancher, bien entendu. Mais c'est certain qu'il faudrait qu'on ait plus que 21 000 $ du PSOC. Ça, c'est certain.

M. Lisée : Donc, vous avez 21 000 $ par année et vous considérez que ça devrait...

Mme Marchand (Danielle) : On a 21 000 $ pour passer notre année plus ce qu'on est allés chercher en soutien. On va être capables, cette année, de maintenir un poste à la permanence sans que j'aie des coupures de temps.

M. Lisée : Donc là, on parle vraiment... on est dans des fonds de tiroirs, là. Vous avez 21 000 $, vous êtes une organisation nationale. Il y a juste deux CLSC qui offrent le service, puis, quand c'est des cas lourds, c'est vous qu'ils appellent. Donc, vous êtes vraiment le service de... même pas de dernier recours, de premier recours pour ces cas-là.

Mme Marchand (Danielle) : Oui, quand on nous réfère, c'est sûr qu'on n'offre pas des services professionnels, on est une ligne, là, psychosociale d'accueil et de soutien. Surtout de sensibilisation parce qu'on croit que les parents sensibilisés et formés seront en mesure de peut-être mieux tenir la route, si on veut, ou gérer la situation au quotidien. Mais on est là pour, un peu, référer les parents, malheureusement, vers le privé, des services privés, au privé.

M. Lisée : Je me souviens que, quand on s'était rencontré, vous vouliez avoir une rencontre avec la ministre. Est-ce que vous l'avez eue?

Mme Marchand (Danielle) : Oui, on a eu une rencontre avec la ministre en été 2014. Le suivi de notre dossier s'est fait avec les attachés politiques. Nous devions poursuivre ce dossier de la prise en charge des familles adoptives avec l'Association des centres jeunesse du Québec, un comité de DPJ devait se former. Mais, vu que l'association a été dissoute, bien, nos démarches pour faire avancer le dossier pour qu'on puisse développer de nouvelles ressources ou, toujours bien, de nouveaux outils au sein de la DPJ, bien, c'est en suspens.

M. Lisée : C'est en suspens. Bon. Et puis, donc, votre préoccupation principale, c'est de pouvoir créer des centres d'hébergement adaptés. Ça, pour l'instant, c'est nulle part sur les rails, nulle part dans les projets, nulle part dans les cartons.

Mme Marchand (Danielle) : Pour l'instant, non. Comme on l'a expliqué dans notre mémoire, la porte d'entrée actuellement pour les enfants qui présentent des troubles de l'attachement adoptés, pour ce qui est du cadre du mémoire, pour l'instant, c'est les centres jeunesse qui nous offrent cet hébergement. Mais ça n'est pas un hébergement suffisamment adapté pour des enfants qui présentent des problèmes de santé mentale, un trouble de l'attachement.

M. Lisée : Oui. Ce que vous dites, c'est que les enfants qui ont un trouble lourd de l'attachement ne doivent pas être détachés de leurs parents adoptifs si leurs parents adoptifs veulent continuer à s'y attacher.

Mme Marchand (Danielle) : Les enfants adoptés qui présentent des troubles de l'attachement, quand la situation devient suffisamment sévère, parfois il faut une mise à distance thérapeutique. On souligne bien que, malgré qu'on est peut-être à créer une distance thérapeutique parce que le jeune a des conduites à risque pour lui-même et pour les autres et qu'il a besoin de soins en santé mentale, il faut maintenir le lien. Il y a des modalités qu'on peut mettre sur pied pour maintenir le lien, effectivement, pour éviter une brisure définitive. Et, pour arriver à ces fins, il nous faudrait des milieux comme des cliniques en troubles de l'attachement qui pourraient développer ce type de ressources.

M. Lisée : Merci beaucoup.

Le Président (M. Tanguay) : Merci. Alors, pour 3 min 30 s, je cède la parole à notre collègue de Drummond—Bois-Francs.

M. Schneeberger : Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Premièrement, je voudrais savoir, au niveau de la génétique, est-ce qu'il y a des enfants qui, peu importe le milieu, les bonnes conditions, auront des troubles de l'attachement?

Mme Marchand (Danielle) : C'est un point intéressant. Il y a des études actuellement ici, au Québec, à l'Hôpital Sainte-Justine, McGill, je pense, aussi, l'hôpital associé à l'Université McGill, il y a des recherches fort intéressantes, probantes et récentes qui démontrent qu'un enfant qui vit dans des situations très adverses dès la petite enfance et que ça se prolonge dans la maltraitance, la négligence, des traumas importants... ils réalisent que ça peut avoir des effets épigénétiques évidents, et qui rend plus difficile d'intervenir auprès de ces jeunes quand on tarde à intervenir d'une façon préventive. Effectivement, il y a des effets épigénétiques qui sont maintenant démontrés. Je pourrais vous le démontrer davantage, mais on n'aura pas le temps aujourd'hui de vous parler en détail.

M. Schneeberger : Vous parlez de génétique, mais moi, je veux dire, à ce moment-là, moi, je verrais ça plus d'ordre social, c'est parce qu'il n'est pas né dans un milieu favorable. C'est-à-dire que, tu sais, je veux dire, il y en a que la génétique, là... peu importe ce qu'on peut faire, on aura un problème parce qu'il y a des maladies qui sont d'ordre génétique, là. Mais là on parle de problèmes au niveau mental, des choses comme ça, qui sont peut-être souvent... sont accentués ou développés parce que le milieu familial n'est pas adéquat.

Mme Marchand (Danielle) : O.K. Là, pour ce qui est des familles adoptives ou substituts qui accueillent un enfant qui pourrait présenter des défis ou des troubles d'attachement, effectivement, si on regarde l'historique de cet enfant, on peut retrouver cet enfant dans un milieu qui n'était pas favorable pour diverses raisons. Par contre, si on regarde de près la théorie de l'attachement, il ne faudrait pas non plus faire une équation si rapide. Des enfants très grands prématurés, des mamans qui ont fait des dépressions post-partum, des situations de violence conjugale, mais qui, par la suite, se solutionnent, la maman reprend ou le papa reprend un lien plus significatif et sécurisant avec l'enfant, l'enfant peut présenter quelques années plus tard des signes au niveau d'un défi d'attachement ou même de trouble d'attachement. Mais, pour ce qui est des parents substituts d'accueil ou adoptifs qui prennent en charge des enfants présentant des troubles de l'attachement, oui, dans la grande majorité, l'historique de ces enfants-là sont des milieux très défavorables à plusieurs niveaux.

M. Schneeberger : Est-ce qu'il n'y a pas, un peu, un aveu d'échec à quelque part au niveau des centres jeunesse, DPJ? Tu sais, quand on parle de ballottage, là, des enfants, là, d'une famille à l'autre à cause du système, bon, telle famille ne pouvait pas prendre tel l'enfant, et autres, ça, on en voit, des cas de même, finalement, tu sais, on a entendu des personnes qui sont venues nous dire ça, qu'il y avait des problématiques là-dessus, là. Est-ce que ça, ça contribue directement à créer ces problématiques-là?

Mme Marchand (Danielle) : Ce ne sont pas des conditions qu'on doit souhaiter. Avec un enfant qui présente des problématiques de trouble d'attachement, il faut s'assurer le plus de stabilité possible, et on en parle dans notre mémoire au niveau des centres d'hébergement et des intervenants. Des familles substituts qui vont accueillir de tels enfants, on en parle aussi dans notre mémoire, il faut mettre en place rapidement des ressources d'accompagnement. Et vous avez un exemple concret au centre jeunesse de Lanaudière avec Delphine Collin-Vézina et son équipe qui ont mis sur pied depuis... — le temps passe vite, hein, ça fait peut-être même cinq ans — un programme de soutien pour les familles d'accueil de permanence dont les enfants présentent des troubles de l'attachement, justement, pour éviter les déplacements. Donc, ça existe.

Le Président (M. Tanguay) : Merci beaucoup. Nous vous remercions très chaleureusement, Mmes Marchand et Toupin, de l'organisme Pétales Québec.

Mémoires déposés

Avant de conclure, je vais procéder au dépôt des mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions.

La commission ayant accompli son mandat, j'ajourne les travaux à jeudi 6 octobre, à 13 heures, où elle se réunira en séance de travail. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 12 h 58)

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