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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le mardi 6 février 2024 - Vol. 47 N° 65

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 37, Loi sur le commissaire au bien-être et aux droits des enfants


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Journal des débats

9 h 30 (version non révisée)

(Neuf heures quarante-cinq minutes)

Le Président (M. Provençal) :À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 37, Loi sur le commissaire au bien-être et aux droits des enfants.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Chassin (Saint-Jérôme) est remplacé par Mme Picard (Soulanges); Mme Caron (La Pinière) par Mme Garceau (Robert-Baldwin); M. Morin (Acadie) par Mme Prass (D'Arcy-McGee); et M. Marissal (Rosemont) par M. Cliche Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne).

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Nous débuterons ce matin par les remarques préliminaires puis nous entendrons les témoins suivants : Mme Régine Laurent, deux ex-commissaires de la commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse et la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

J'invite maintenant le... Vous pouvez prendre votre... une petite gorgée, M. le ministre. Alors, je vais inviter M. le ministre à nous faire ses remarques préliminaires. Et vous... vous disposez de six minutes, M. le ministre.

M. Carmant : Parfait. Merci beaucoup, M. le Président. Très heureux d'être parmi vous aujourd'hui pour ce projet de loi que je nommerai, je pense, d'historique.

Premièrement, je tiens à remercier mes collègues, la députée de Robert-Baldwin qui est là avec nous, le député de Saint-Henri—Sainte-Anne et le député de... des Îles-de-la-Madeleine, ainsi que mes collègues, la députée de Bonaventure, la députée de Soulanges et la députée de Marie-Victorin, mon adjoint parlementaire en plus, et toutes les équipes du ministère, là, qui ont travaillé très fort pour ce projet de loi.

M. le Président, pendant cette semaine, on va parler de nos enfants. Et vous savez, moi, c'est un... c'est très important, là, pour moi, les... et c'est mon... ma... pour ça que j'ai... j'ai fait le saut en politique, pour améliorer la situation des enfants. Et en tant que pédiatre...

M. Carmant : ...on m'a toujours appris que les deux choses les plus importantes pour nos enfants, c'est l'amour et la stabilité pour développer leur confiance, leur autonomie, et s'assurer d'atteindre leur plein potentiel.

Comme vous le savez, une des premières choses que j'ai faites en venant en politique, c'est de déployer le programme Agir tôt où ça fait exactement ça, s'assurer, à 18 mois, que tous nos jeunes sont sur la bonne trajectoire développementale et que les enfants ou les familles puissent obtenir de l'aide au besoin, assez tôt pour rectifier la trajectoire si c'est nécessaire. Mais, au gouvernement, quand on m'interpelle à propos des enfants, on m'interpelle plus sur les mesures de protection des enfants que sur les mesures à mettre en place pour s'assurer que chaque enfant puisse grandir en sécurité et atteindre ce plein potentiel.

Alors, nous, ce qu'on veut faire, cette semaine, c'est parler de prévention parce qu'on a besoin de plus de prévention et de moins de signalements, moins de DPJ dans la vie de nos enfants. Puis, pour renverser cette tendance, je pense que le commissaire dont on va discuter va avoir un rôle extrêmement important. J'aimerais emprunter les termes d'une travailleuse sociale, Mme... que j'ai rencontrée la semaine dernière à un colloque des avocats sur le... du Barreau sur les personnes vulnérables. Elle mentionnait à ses équipes qu'il fallait passer de bienveillance à bientraitance. Et c'est ça que... la prochaine étape, selon moi. Je pense que, trop souvent, bienveillance se limite à signaler les enfants, alors que bientraitance nous demanderait de nous impliquer personnellement pour améliorer la situation de ces enfants.

J'ai toutes sortes d'exemples que j'aimerais partager avec vous. J'ai rencontré une agricultrice, une fois, qui m'a dit que son conjoint étant malade, elle a dû avoir son enfant qui travaillait avec elle le matin avant d'aller à l'école, puis l'enfant, on l'a... on a signalé cet enfant-là parce qu' a l'école en se plaignait qu'il ne sentait pas bon. C'était vraiment inapproprié, M. le Président. Des enfants, là, dans certaines communautés culturelles, ou des enfants autistes qui se font signaler pour des histoires de boîte à lunch qui sont toujours... qui contiennent toujours les mêmes aliments, ce n'est pas acceptable, M. le Président. Les communautés culturelles aussi, qui ont des enjeux particuliers au niveau de développement. Et encore, je pense que l'exemple qu'on voit le plus souvent, actuellement, ce sont nos familles réfugiées qui traversent l'Amérique à pied avec leurs enfants pour leur donner un avenir meilleur, et on n'a pas en place un système pour donner ce que ces enfants ont besoin, des services. Puis qu'est-ce qu'on fait à la place? On appelle la DPJ. Ça aussi, c'est inacceptable. C'est notre devoir, de changer ça. M. le Président.

• (9 h 50) •

Donc ce qu'on cherche maintenant, c'est quelqu'un qui va porter la voix de ces enfants. Quelqu'un qui va faire ça à temps plein, qui va être focussé sur le rôle de la société et de nos différents programmes pour s'assurer que nos enfants aient tout ce dont ils ont besoin pour se développer de façon adéquate. Quelqu'un qui va être vraiment dédié pour que tout soit mis en place. Le droit international l'exige, et la première recommandation du rapport de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse était la création de cette instance de commissaire à la défense des droits des enfants. Suivant le dépôt de ce rapport, puis j'aurai la chance de lui redire tout à l'heure, j'avais dit à Mme Laurent que le rapport ne serait pas tabletté. Elle disait que c'était un projet de société, elle nous donnait 10 ans pour le mettre en place. J'avais promis qu'on le ferait en six ans puis je pense qu'on est toujours sur la cible, M. le Président, mais, aujourd'hui, tous ensemble, vraiment tous ensemble, il faut qu'on soit fiers de ça, nous entamons une étape historique pour améliorer le devenir de nos enfants. Puis je tiens à dire à tous mes collègues ici qu'ils peuvent compter sur ma plus grande collaboration pour améliorer ce projet de loi. J'ai pris du temps pour lire tous les mémoires qui ont été soumis, puis je dois dire qu'on a encore du travail à faire, puis s'assurer que le rôle de commissaire au bien-être et aux droits des enfants puisse jouer pleinement son rôle de porte-voix de tous les enfants du Québec.

Voilà pourquoi, M. le Président, j'ai hâte d'entendre nos invités puis de travailler avec tous mes collègues, ensemble, à définir la position de notre commissaire par rapport aux autres instances déjà existantes. Je pense que ça va être quelque chose qui va nécessiter du doigté, en se rappelant les principes suivants : que cette personne soit dédiée aux enfants, soit... nous aide à créer une société bientraitante, pas seulement bienveillante, qu'on veille à l'intérêt des enfants dans les politiques gouvernementales, faire la promotion de l'importance de la prévention et aussi avoir une approche spécifique pour nos enfants des Premières Nations et Inuits...

M. Carmant : ...merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, M. le ministre. J'invite maintenant la porte-parole de l'opposition officielle et députée de Robert-Baldwin...

(Interruption) Excusez-moi. C'est votre première fois, j'en suis très impressionné.

Des voix : ...

Le Président (M. Provençal) :...à nous partager ses remarques préliminaires pour une durée de trois minutes 36 secondes. Je vous cède la parole.

Mme Garceau : Merci beaucoup, M. le Président. C'est... J'apprécie le temps de parole et d'être avec vous aujourd'hui. Oui, un projet de loi historique, un projet de loi bien attendu, nous le savons très bien, et c'est pour ça qu'on est ici, c'est pour faire avancer et progresser le droit des enfants, le respect de leurs droits et surtout de leur protection. Oui, prévention, mais aussi protection. Et je dis protection parce qu'on a vu les lacunes, et il faut se le dire, qu'il y a des lacunes importantes dans notre système de protection de la jeunesse, qui démontrent un manque de services dédiés à la protection des droits des enfants et au respect de leurs droits. Malheureusement, les amendements à la protection de la jeunesse qui... ont été adoptés en juin 2022 ne se sont pas concrétisés sur le terrain. De plus, depuis la pandémie, il y a eu une augmentation fulgurante de dossiers de violence conjugale, une augmentation de nombre de signalements à la DPJ, du jamais-vu, une liste d'attente importante au niveau des évaluations des enfants, un exode significatif de personnel et une pénurie de main-d'œuvre qui persiste. Et donc la voix des enfants, malheureusement, n'est pas souvent entendue, que ça soit dans le processus judiciaire ou des évaluations.

Face à ces constats alarmants des droits bafoués, des droits des enfants bafoués, lésion de droit également dans notre système démocratique... on a eu des constats alarmants, et, en février 2022, il y a eu cri du cœur, cri du cœur du commissaire Lebon, cri du cœur de la commissaire Mme Laurent, que c'était urgent. On avait besoin de notre chien de garde, ça, on parle de février 2022, un chien de garde pour protéger, pour assurer de veiller au bien-être des enfants et au respect de leurs droits. Et même la bâtonnière du Barreau du Québec, Maître Claveau, un autre cri du cœur en janvier... en juin... juillet, je m'excuse, 2023, qui lançait un cri du cœur aux trois ministres, incluant le ministre Carmant, qu'il était urgent d'agir en matière de protection de la jeunesse. Et le ministre a décidé, une décision fut prise, de sept recommandations-phares du rapport Laurent, la première recommandation et même la deuxième, donc nomination d'un commissaire au bien-être et aux droits des enfants et la charte. Vous avez décidé de mettre ça dans la deuxième phase, au niveau de... du commissaire, et même la charte, on est rendus à la troisième phase, qui est pour moi une incohérence monumentale.

Et donc nous sommes ici parce que nous devons nous assurer d'avoir le meilleur régime, système de protection de la jeunesse. Et je tiens à soulever qu'il manque deux... deux recommandations fondamentales dans ce rapport... dans ce projet de loi, un concernant le transfert de toutes les responsabilités et des pouvoirs de la CDPDJ au commissaire et également la recommandation concernant la nomination d'un commissaire adjoint au bien-être et aux droits des enfants autochtones, on va en parler plus amplement lors de nos échanges avec nos... les auteurs des mémoires. Et donc, oui, une ouverture, j'espère, M. le ministre, à bonifier et surtout à amender ce projet de loi afin de vraiment pouvoir promouvoir, protéger les droits de tous les enfants du Québec. Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, Mme la députée. Je vais maintenant inviter le porte-parole du deuxième groupe d'opposition et député de Saint-Henri-Sainte-Anne à nous partager ses remarques préliminaires pour une durée d'une minute 12 secondes. Je vous cède la parole.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, M. le Président. Très heureux d'être avec vous aujourd'hui, suivant mes nouvelles responsabilités de responsable du dossier des services sociaux pour le deuxième groupe d'opposition. Déjà, j'ai eu des contacts constructifs avec M. le ministre Carmant dans les derniers mois. J'espère qu'on pourra avancer conjointement ensemble de la même façon dans ce projet de loi là. Eu égard au p.l. 37, c'est un privilège d'être ici avec vous ce matin, mais je sais aussi qu'on est tous et toutes investis par un sentiment de devoir, de responsabilité et d'urgence afin de pouvoir faire le mieux possible pour protéger nos enfants, surtout nos enfants les plus...

M. Cliche-Rivard : ...évidemment, nous portons un jugement positif sur le p. l., mais nous allons porter une attention particulière aux fonctions, aux responsabilités et aux pouvoirs du commissaire qui devraient, je pense, être étoffés davantage. On reviendra notamment sur certains éléments centraux du rapport Laurent, qui mériteraient également de se retrouver, je pense, dans le projet de loi. Je pense qu'on a une belle base pour le... sur laquelle on peut travailler, mais que le p. l. 37, comme tout p. l., peut évidemment être perfectible, et j'espère y contribuer au maximum, M. le ministre. Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, M. le député. Nous allons conclure les remarques préliminaires avec l'intervention du député des Îles de la Madeleine pour une minute.

M. Arseneau : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. le ministre, d'avoir déposé ce projet de loi tant attendu. Le rapport de la commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse datant quand même de mai 2021, donc nous avions bien hâte de pouvoir nous pencher sur l'une des recommandations phares de ce rapport, donc la mise en place d'un Commissaire au bien-être et aux droits des enfants. Il est impératif, évidemment, là, que nous puissions avoir un regard en continu sur la situation des enfants au Québec. Donc, l'idée d'avoir le pendant du vérificateur général pour les enfants avec un rapport annuel, avec la possibilité de soumettre des avis, des recommandations, une instance permanente qui est à la fois la voix des enfants, mais également qui permet aussi de les appuyer dans l'exercice de leurs droits. On souscrit évidemment à tout ça,  y compris, là, les jeunes adultes issus de la DPJ. Donc, nous allons contribuer positivement parce qu'on pense effectivement que le projet de loi n° 37 est perfectible, puis on rentrera dans le vif du sujet dans quelques instants. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) :Merci, M. le député, pour vos remarques préliminaires. Nous allons maintenant débuter les auditions. Je souhaite la bienvenue à Mme Régine Laurentn. Mme Laurin, vous aurez 10 minutes pour nous faire part de votre exposé et, par la suite, nous procéderons aux échanges avec les parlementaires. Je vous cède immédiatement la parole, Mme.

Mme Laurent (Régine) : Merci, M. le Président. Bonjour à vous toutes et toutes. J'aurais aimé être avec vous en personne à Québec, mais des engagements en début d'après-midi à Montréal m'en empêchent.

Alors, le 26 octobre dernier, j'étais profondément touchée par le dépôt de ce projet de loi sur le Commissaire au bien-être et aux droits des enfants. Un projet de loi qui répond à un pan fort du rapport de la commission spéciale que j'ai eu l'honneur de diriger. D'ailleurs, l'importance d'instituer un Commissaire au bien-être et aux droits des enfants apparaît dès les premières pages du rapport et constitue l'essence du premier chapitre intitulé Respecter et promouvoir les droits des enfants.

Par le dépôt de ce projet de loi. M. le ministre, vous avez marqué un pan important de l'histoire de la société québécoise, celui de reconnaître l'importance de donner une voix aux enfants du Québec pour leur propre avenir et celui du Québec. Aujourd'hui, entouré de vos collègues pour étudier ledit projet de loi, je vous remercie tous, de même que tous les parlementaires qui porteront celui-ci jusqu'à son adoption, pour les générations d'enfants et de jeunes Québécois qui bénéficieront.

• (10 heures) •

Dans l'ensemble, le projet de loi proposé répond aux préoccupations soulevées et recommandations contenues dans le rapport de la commission eu égard à la mise sur pied du Commissaire au bien-être et aux droits des enfants. Par ailleurs, des éléments des recommandations contenues au rapport y sont absents et je souhaite attirer l'attention de la commission sur certains d'entre eux, croyant toujours à l'importance qu'ils soient repris dans le projet de loi.

Tout d'abord, dans le préambule du projet de loi, de nombreux considérants viennent préciser les assises et les motivations à la base du contenu du projet de loi. Ces considérants reprennent l'importance du respect des droits des enfants contenus à la Convention relative aux droits de l'enfant, placent le bien être de l'enfant, son intérêt, de même que l'importance de l'action préventive pour améliorer son bien être et faciliter l'exercice de ses droits à la base de la... de la création du commissaire. Tous ces considérants sont en cohérence avec le rapport de la commission. On les retrouve tout au long de celui-ci. L'importance d'agir en amont, en prévention pour le bien être de tous les enfants et dans le respect de leurs droits. Ce qui constitue, à mon avis, le cœur de la société bienveillante que nous voulons pour tous nos enfants et nos jeunes. D'ailleurs, le titre du rapport de la Commission spéciale, c'est Instaurer une société bienveillante pour nos enfants et nos jeunes, soutient l'importance et le mandat du commissaire.

Maintenant, l'enfant sujet de droit, pour moi, c'est une affirmation à rendre visible. Il est peut-être temps de franchir un pas de plus dans la société pour confirmer le poids de nos enfants et de nos jeunes dans la société que nous voulons construire pour eux et avec eux, la société qui sera la leur, la société qui sera eux. Pour cela, je propose...


 
 

10 h (version non révisée)

Mme Laurent (Régine) : ...qu'on retrouve au sein d'un considérant l'affirmation que le Québec reconnaît ses enfants comme des sujets de droit. Il faut en finir avec l'idée que les enfants sont des êtres de statut inférieur, sans occulter, bien sûr, qu'ils ont besoin de notre bienveillance pour assurer leur sécurité et le développement de leur plein potentiel. Faire un premier pas dans la reconnaissance des enfants comme sujets de droit est non négligeable. En effet, cela renforcerait leur capacité de se défendre, de faire respecter leurs droits, renforcerait leur participation aux discussions sur les droits qui les concernent. Des témoins nous ont indiqué que plusieurs droits de l'enfant sont appliqués de façon variable et que le respect des droits des enfants semble improbable tant qu'ils ne seront pas considérés comme sujets de droit.

Maintenant sur la correction physique. Pour moi c'est clair dans le rapport aussi une violence à reconnaître et à dénoncer. On n'a fait aucune recommandation. Il a fait l'objet dans le rapport, mais l'enjeu de l'utilisation de la force pour imposer une correction à l'enfant a fait partie des nombreuses discussions lors de nos travaux. Bien entendu, comme vous le savez, le Code criminel qui prévoit à son article 43 le recours possible à la force pour corriger un enfant est de juridiction fédérale, ce qui est bien en dehors, évidemment, du mandat de la commission. Par ailleurs, dans le cadre de son mandat, la commission n'a pu passer sous silence le fait que le recours à la correction corporelle envers les enfants nuit à leur développement. Il n'y a pas lieu de laisser planer que l'usage de la force pour amener un changement de comportement chez un enfant soit justifié, acceptable ou encore, entre guillemets, un bon geste à poser.

Je me permettrai un parallèle. Il fut un temps pas si lointain dans nos sociétés occidentales où le droit de correction maritale était de coutume. En effet, afin de corriger les soi-disant défauts de sa femme, un homme pouvait lui infliger une correction physique, un châtiment. Nul besoin de discuter longtemps pour convenir que cette pratique archaïque était épouvantable, irrespectueuse envers le droit des femmes, contraire au principe d'égalité entre les femmes et les hommes aujourd'hui reconnu. Et si ce n'était déjà fait, cette pratique serait condamnée et abolie de manière consensuelle dans notre société. Alors pourquoi ne pas affirmer haut et fort que le droit d'user de force... de la force pour corriger un enfant est archaïque, inutile et contraire au respect des enfants.

Comme il en était mention dans notre rapport, les enfants sont la seule catégorie de personne qui ne soit pas protégée contre les voies de fait. Cette situation est révoltante, particulièrement dans un contexte où les enfants sont souvent sans voix et sans moyens pour protéger leur intégrité physique. Je vous suggère donc un considérant qui exprime clairement que les corrections physiques sont contraires aux valeurs de la société québécoise et au respect des droits des enfants. Cela enverrait un message clair à tous les citoyens et citoyennes sur cet enjeu. De plus, il permettrait de donner les coudées franches aux commissaires et aux commissaires associés dans leur travail d'information, d'éducation à l'égard du recours à la correction physique envers les enfants et les jeunes, et les aider aussi à faire la promotion de la valeur de respect de l'intégrité physique de ceux-ci.

Concernant les fonctions du commissaire, je salue la mise en place d'un comité consultatif composé d'enfants et de jeunes afin d'obtenir leur avis sur toute question concernant une matière relevant de ses fonctions. Cependant, je pense que c'est peut-être un oubli, il n'y a pas spécifiquement un comité consultatif d'enfants et de jeunes autochtones aux mêmes fins.

Concernant maintenant l'accréditation des avocats appelés à exercer un rôle spécial, je plaide en faveur de l'ajout d'un mandat au commissaire au bien être, aux droits des enfants, soit celui de développer et superviser un mécanisme d'accréditation des avocats désignés pour représenter des enfants incapables de donner un mandat à leur avocat, tel qu'il apparaît dans le rapport de la Commission spéciale sur les droits des enfants. La commission avait repris dans son rapport quelques points contenus dans le mémoire que lui avait déposé la Commission des services juridiques, qui détient, à mon avis, une expertise qu'on ne peut contester en matière de représentation. L'organisme public expliquait que l'avocat travaille souvent à la frontière des aspects cliniques d'un dossier et de ses composantes juridiques, sans formation adaptée. La Commission des services juridiques était d'avis que des formations sur mesure devraient être offertes aux avocats représentant les enfants et ajoutait, et je cite : On ne peut improviser avec les droits des enfants. Et je partage cet avis. Quand il est question des enfants en bas âge, il n'existe aucune base juridique pour guider l'avocat qui doit seul décider si l'enfant a la capacité ou est en mesure de lui donner des directives en lien avec la situation qu'il l'amène...

Mme Laurent (Régine) : ...dossier. De plus, dans le rapport de la Commission, on rapporte des propos tenus par certains témoins à l'effet qu'en l'absence de balises juridiques, les avocats appliquent des critères disparates dans leur évaluation de la capacité de l'enfant. Une situation qui ne peut perdurer et pour laquelle il est impossible d'affirmer qu'elle s'inscrit dans l'intérêt de l'enfant. Pour toutes ces raisons, je vous demande d'inclure dans les fonctions du Commissaire au bien-être et aux droits des enfants ce mécanisme d'accréditation des avocats désignés pour représenter des jeunes enfants incapables de donner un mandat à leur avocat.

Avant de conclure, je tiens à vous émettre un souhait, que le commissaire... que le commissaire associé dispose des moyens humains, financiers, technologiques pour remplir leur mandat. En terminant, je témoigne qu'une bonne partie de nos recommandations se retrouvent dans ce projet de loi. En mon nom et en celui du personnel, particulièrement de l'équipe de la recherche, qui a œuvré à la commission, nous saluons ce projet de loi. Je vous fais confiance, parlementaires, pour le bonifier, prendre en compte les modifications proposées, l'adopter dès que possible pour que l'Assemblée nationale puisse nommer rapidement le commissaire et le commissaire associé. Je vous remercie.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, Mme Laurent. Nous allons maintenant procéder à la période d'échange avec les parlementaires. Et, de ce fait, je vais céder la parole au ministre. M. le ministre, allez-y.

M. Carmant : J'ai une période de temps de?

Le Président (M. Provençal) :Seize minutes, 28 secondes.

M. Carmant : D'accord. Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Mme Laurent. Toujours un plaisir.

Mme Laurent (Régine) : Bonjour, M. le ministre.

M. Carmant : Merci de prendre le temps de vous joindre à nous ce matin. Bien, peut-être quelques petits commentaires sur ce que vous avez dit. Je suis tout à fait en accord avec le... nommer que l'enfant est un sujet de droit. D'autres nous l'ont mentionné. Donc, je pense que ça, c'est quelque chose qui va de soi. Au sujet de la correction corporelle, je ne sais pas si vous êtes au courant, mais le... dans la réforme du droit de la famille, adoptée en juin 2022, mon collègue ministre de la Justice a clairement introduit que la parentalité doit s'exprimer sans violence. Est-ce que c'est une modification qui vous satisfait ou vous insistez quand même, ou vous vous appuyez encore sur le besoin que, dans le projet, qui... qui en fait est pour créer le poste de commissaire, qu'on mette ce considérant-là? Pouvez-vous élaborer un peu plus pour moi?

Mme Laurent (Régine) : Oui... comprendre, M. le ministre, mais, comme je vous ai dit, si on le met dans le projet de loi créant le commissaire, l'information, ce qui est important aussi pour moi, c'est qu'il faut lui donner les coudées franches pour faire de l'information à toute la population, faire de l'éducation à toute la population. Parce que ce qui est du droit de la famille, à moins que j'aie manqué un bout, mais il n'y aura pas d'information, de campagne sur ce sujet spécifique concernant les enfants. Alors, c'est pour ça que le commissaire, lui, ça lui donnerait... ce serait une partie de son travail de... qui, pour moi, c'est clair que, quand on parle du bien être et des droits des enfants, de l'avoir lui, dans son projet de loi, ça ne viendrait que renforcer sa capacité à faire le travail.

• (10 h 10) •

M. Carmant : D'accord, d'accord. Maintenant, à propos des Premières Nations, plusieurs l'ont mentionné, le Comité consultatif des jeunes, et je dois vous dire que c'est nos... dans nos échanges avec les Premières nations et Inuits, qui nous ont suggéré de ne pas l'inclure dans les... Nous, c'était dans nos intentions, mais ce sont les groupes représentant les Premières Nations, Inuits qui nous ont demandé de ne pas l'inclure. Donc, ça, je voulais vous aviser puis aviser tout le monde qui a fait cette remarque-là. Ce n'était pas notre volonté d'exclure ce comité consultatif là, mais c'est vraiment à la suggestion des groupes Premières nations, Inuits. On va en recevoir deux, d'ailleurs, au cours des différentes consultations.

Mme Laurent (Régine) : Est-ce que c'est possible, M. le ministre, de nous expliquer leur... ou leur orientation, ce qui les a amenés à prendre cette décision-là? Parce que, nous, à la commission, on avait... on avait consulté des... différents groupes autochtones. On a fait toute une semaine avec des groupes autochtones. Alors, j'aimerais juste comprendre ce qui les a amenés à prendre cette position-là.

M. Carmant : Bien, c'était une question de garder leur autonomie, de ne pas, entre guillemets, influencer ces jeunes-là. Donc, c'est la raison qu'ils nous ont soulevée, mais on pourrait leur redemander quand ils vont se présenter, absolument...

Mme Laurent (Régine) : Mais il y aura quand même...

M. Carmant : Non, allez-y.

Mme Laurent (Régine) : Il y aura quand même un comité, il y aura quand même un comité consultatif formé de jeunes autochtones, mais qui... qu'eux vont prendre le lead, excusez-moi, l'expression, pour... ou il n'y aura pas de comité de jeunes consultatif autochtones?

M. Carmant : Pour le moment, il n'y en aura pas, mais si... ils se présentent à la...

M. Carmant : ...et ils changent leurs demandes, nous, on va... c'est sûr qu'on peut considérer, parce que, d'emblée, on n'était pas... on était en faveur de ce deuxième comité de jeunes là. Bon. La grosse question, c'est...

Mme Laurent (Régine) : Est-ce que vous me permettez une dernière?

M. Carmant : Oui, allez-y.

Mme Laurent (Régine) : Un dernier petit bout, M. le ministre, j'y tiens beaucoup. C'est que, dans la logique de créer le commissaire, d'être la voix des enfants, pour nous, c'était important pour l'ensemble des commissaires que les jeunes et les enfants soient consultés. Alors, je vous invite à essayer encore de convaincre pour qu'il y ait formellement un comité consultatif formé d'enfants et de jeunes autochtones.

M. Carmant : Absolument. Ce sera fait. Une des choses que vous n'avez pas mentionnées, c'est que dans notre version, dans notre projet de loi, on positionne vraiment le commissaire comme le porte-parole, le porte-voix de tous les enfants. Alors, on insiste beaucoup plus sur l'aspect prévention et déploiement des programmes que sur l'aspect juste de la protection. Pourriez-vous commenter par rapport à ce positionnement qu'on a choisi?

Mme Laurent (Régine) : Je n'en ai pas parlé, M. le ministre, parce que, dans les temps qui m'est imparti, ce qui était conforme à notre rapport, j'ai un peu laissé de côté, mais, pour nous, c'était important. Le Commissaire au bien-être et aux droits des enfants, puis, à chaque fois, on le répète, de tous les enfants, et surtout pas uniquement les enfants de la DPJ, parce qu'il faut qu'il y ait quelqu'un qui soit au-dessus de la mêlée pour être capable de voir, est-ce que telle politique ou telle réglementation... est-ce que c'est bon pour l'ensemble des enfants? Est-ce que cette façon de faire va aider au bien-être des enfants? Qu'est-ce qu'on fait pour respecter leurs droits? Alors, pour moi, ça va dans le sens de l'orientation qu'on a voulue dans le rapport, c'est pour ça que je ne l'ai pas soulevé, M. le ministre. C'est très important qu'il soit vraiment au-dessus de la mêlée, porte-voix des enfants.

M. Carmant : Merci beaucoup. M. le Président, je passerais la parole à la députée de Laporte, qui aurait une question.

Le Président (M. Provençal) :Oui. Mme la députée.

Mme Poulet : Merci. Merci, M. le Président. Bonjour à tous, chers collègues. Mme Laurent, c'est un honneur pour moi de vous parler, de vous questionner. Merci pour votre excellent travail. Merci d'être présente aujourd'hui encore.

J'ai une question concernant le mécanisme d'accréditation. Vous mentionnez qu'il n'y a pas de formation adaptée. Il n'y a pas de base juridique puis aucune... il y a l'absence... une absence de balises juridiques. Selon vous, concrètement, quelles seraient les étapes, le contenu d'un mécanisme pour cette accréditation-là? Qu'est-ce que les... dans les... concrètement, qu'est-ce que les avocats auraient besoin? Qu'est-ce que vous suggérez? Pouvez-vous développer à ce niveau-là, s'il vous plaît?

Mme Laurent (Régine) : Mme la députée, écoutez, un enfant de trois ans, par exemple, il y a un avocat qui est désigné pour le représenter. En ce moment, il n'y a pas de grille pour évaluer effectivement la capacité de l'enfant. C'est l'avocat qui décide tout seul. Par exemple, est-ce qu'on peut dire aujourd'hui que tous les avocats désignés ont une formation sur le développement de l'enfant? Est-ce que tous les avocats désignés aujourd'hui ont une expertise sur ce que veut dire le temps pour l'enfant? Vous le retrouvez dans notre rapport, on dit qu'il faut tenir compte du temps de l'enfant. Un enfant de deux ans, six mois, ça n'a pas du tout la même importance et la même portée que six mois pour vous et moi. Donc, il faut être capable d'avoir des avocats qui sont... connaissent le développement de l'enfant, qui sont capables d'avoir... d'être mieux outillés pour prendre des décisions qui ont un impact sur la vie de l'enfant, mais que l'enfant n'est pas capable d'argumenter, à trois ans ou à cinq ans. Alors, pour nous autres, c'était vraiment important, cette accréditation-là, pour qu'on s'assure que les formations nécessaires pour représenter un enfant... que les avocats aient cette formation-là. Et c'est pour ça qu'on tenait à cette forme d'accréditation par le Commissaire au bien-être et aux droits des enfants.

Mme Poulet : O.K., merci. Je ne sais pas si je peux... oui? J'aurais une autre question pour vous. Depuis le dépôt de votre rapport, qu'avez-vous remarqué de positif? Qu'est-ce qui a changé depuis le dépôt de votre rapport, là, tout le travail que vous avez accompli, toutes les consultations depuis ce moment-là? Est-ce qu'il y a eu des avancées?

Mme Laurent (Régine) : Notre rapport, c'était essentiel. La population avait des attentes. Remettons-nous du choc qu'on a vécu qui a amené la mise sur pied de la commission. Il y a une chose importante qui est arrivée, pour moi, c'est les changements...

Mme Laurent (Régine) : ...changements majeurs à la loi de la protection de la jeunesse. Nous avions demandé que... par exemple, que l'intérêt de l'enfant soit la considération primordiale, et on le retrouve à différents articles du rapport. Le préambule que nous avions demandé... la loi... pardon, le préambule que nous avions demandé pour interpréter la loi, c'est présent. Et je l'ai dit, pour moi, c'est important, ce nouveau... cette nouvelle loi, parce que c'est ça qui sert de guide dans toutes les décisions qui sont prises pour les enfants qui doivent être pris en charge par l'État. Donc, il faut leur donner une base, par exemple, que l'intérêt de l'enfant soit pris en compte et non pas regarder les droits, les intérêts d'un parent ou d'un autre. On regarde l'intérêt de l'enfant. Pour moi, c'est vraiment bénéfique et ça fait partie des choses que vous avez mises en place mais qu'on va voir les effets au fil des ans. Alors, ce n'est pas instantané, mais, quand on parle de changer les choses, changer les cultures, moi, je sais que ça prend un petit peu de temps. Je sais qu'aussi il y a eu... je ne sais pas... parce que je ne suis pas sur le terrain, mais la formation des intervenantes sur la nouvelle loi, ça, c'est vraiment important. J'espère qu'elles vont avoir, tout le monde, cette formation-là adéquate, qu'elles vont avoir le soutien clinique aussi, parce que, tout le long du rapport, on a parlé, dans le chapitre concernant les intervenantes, que c'est important, le soutien clinique, leur formation. Alors, moi, je pense que les choses avancent. Il faut juste s'assurer qu'on continue d'avancer.

Le Président (M. Provençal) :...Marie-Victorin.

Mme Dorismond : Bonjour, Mme Laurent.

Mme Laurent (Régine) : Bonjour.

Mme Dorismond : Merci d'être là aujourd'hui. Et j'aurais une question. Vous avez parlé tout à l'heure aussi de l'importance de promouvoir les droits des enfants, car les enfants ne connaissent pas l'ensemble de leurs droits. Pendant votre commission, est-ce que vous pouvez nous donner des exemples dans lesquels les droits des enfants sont privés?

Mme Laurent (Régine) : Je me souviens d'une audience à huis clos avec un jeune, je pense qu'il avait 12 ans, et qui nous exprimait que lui, là, il ne voulait pas aller chez l'autre parent, en l'occurrence, le père, mais il dit : Moi, j'étais obligé d'y aller, j'avais... Alors, c'est où, le droit de l'enfant? Où est-ce qu'on a écouté la parole de l'enfant dans cet exemple-là? Et l'enfant, ça l'a vraiment perturbé parce qu'il n'a pas été respecté. C'est quoi, son droit de l'enfant? Le droit de l'enfant, c'est de dire : Si je ne suis pas bien à tel endroit, pouvez-vous respecter et ne pas m'y envoyer? Alors, ça, c'est le basique, le très, très concret quand on n'a pas respecté et... en tout cas, qu'on n'a pas entendu la parole d'un enfant.

• (10 h 20) •

Mme Dorismond : Merci beaucoup.

M. Carmant : D'autres questions de ma collègue? Moi, ça fait...

Le Président (M. Provençal) :Pas d'autres questions?

M. Carmant : Non, c'est... Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) :Alors, s'il n'y a pas d'autre question de la part du côté... Parce qu'il vous reste quelques minutes si vous posez une dernière question, M. le ministre.

M. Carmant : ...Mme Laurent, est-ce que... Dans le dans le positionnement du commissaire, est-ce qu'on... Comment vous le voyez interagir avec les autres partenaires, le nouveau protecteur de l'élève, la Commissaire à la santé et au bien-être? Moi, je pense, c'est le gros travail qu'on doit faire pendant cette commission-là, c'est de bien le positionner pour qu'il y ait... pour qu'on puisse avoir une synergie entre tous ces individus.

Mme Laurent (Régine) : Oui, bien, il le faut, M. le ministre, parce que c'est comme si, pour moi, pour les cliniques, il faut l'imager un peu, c'est comme si toutes ces portes-là sont ouvertes pour le commissaire. Toutes ces portes-là doivent pouvoir informer le commissaire, va pouvoir répondre aux questions du commissaire. Un des problèmes majeurs que nous avions, puis on s'en est rendu compte à la commission : Tout le monde travaille en silo. Tout le monde est de bonne foi, mais tout le monde travaille en silo. Ça, ce ne sera pas possible. Le commissaire, pour moi, il est au-dessus de tout ça. Il peut et doit questionner tous les acteurs, tous les organismes dont il a besoin pour évaluer le bien-être des enfants puis évaluer comment leurs droits sont respectés ou non. Pour moi, il est au-dessus de tout ce monde-là. Parce que, quand vous me parlez du Protecteur de l'élève, le Protecteur de l'élève, c'est très bien, mais il regarde l'élève...

Mme Laurent (Régine) : ...mais, quand l'enfant est ailleurs, qui regarde?

M. Carmant : Tout à fait, tout à fait. Et on a eu beaucoup aussi de gens qui nous ont parlé du lien avec les différents organismes sur le terrain. Comment vous voyez cette relation entre, justement, le commissaire et... et... et les services qui se donnent, là, sur le terrain pour nos jeunes?

Mme Laurent (Régine) : Oui, alors c'est là où j'ai envie de vous dire que de là l'importance d'avoir un comité consultatif de jeunes parce que ce sont ces jeunes-là qui consomment — je n'aime pas le mot — mais qui consomment ou qui font appel à ces services-là. Donc, c'est eux qu'il faut entendre pour voir comment est-ce qu'ils reçoivent les services, qu'est ce qu'ils aimeraient améliorer, qu'est-ce qui correspond à leur monde d'aujourd'hui. C'est aujourd'hui, et ce n'est pas le même monde qu'on a connu dans le passé, donc il faut les écouter. Et il faut aussi donner toute leur importance aux intervenantes et intervenants qui... qui interagissent avec les gens, que ce soit dans les organismes, les intervenants qui sont dans la rue. Donc, pour moi, c'est important et c'est pour ça que j'ai... Tantôt, j'ai parlé aussi de moyens technologiques et de moyens humains et financiers, parce qu'il faut que le commissaire puisse avoir un portrait de ce qui se passe sur le terrain pour les jeunes et pour les enfants.

M. Carmant : Oui. Puis on s'est assuré quand même de son indépendance parce que c'est le bureau de l'Assemblée nationale, donc ça, ça va être très important pour moi, là, et puis je suppose que c'est la même chose pour vous également.

Mme Laurent (Régine) : Ça, M. le ministre, dans os discussions, c'était... on est rapidement arrivés à un consensus. C'était majeur pour l'ensemble des commissaires de trouver une façon de s'assurer de l'autonomie et de l'indépendance du commissaire. Alors, nommé aux deux tiers par l'Assemblée nationale, pour nous, c'est une assurance qu'il va être autonome et indépendant.

Le Président (M. Provençal) :Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Dorismond : Merci, M. le Président. En lien avec le comité consultatif des jeunes, je me posais comme question si on devait changer aussi le projet de loi en lien avec qui devrait siéger dans un autre comité consultatif, exemple, les communautés ethnoculturelles, une personne en situation handicap. Est-ce que vous croyez qu'on devrait changer le projet de loi pour identifier des personnes en lien avec d'autres cultures pour faire en sorte qu'on est plus cohérent?

Mme Laurent (Régine) : J'ai... j'ai de la difficulté à trop, trop, trop encadrer le commissaire. Il faut, je pense, lui donner les coudées franches. Ce qu'on a dit dans notre rapport, c'est qu'il doit tenir compte des enfants qui sont ici dans la société québécoise. Donc, il faut qu'il ait des enfants de différents âges qui doivent communiquer de différentes régions, des différentes communautés ethnoculturelles. Donc, c'est à lui, dans son mandat, de réunir tous les jeunes dont il a besoin pour être sûr de consulter des gens qui représentent toutes les factions de jeunes dans la société.

Mme Dorismond : Parfait.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup.

Mme Dorismond : Merci.

Le Président (M. Provençal) :Alors, je vais maintenant céder la parole à la députée de Robert-Baldwin.

Mme Garceau : Merci beaucoup. Merci, Mme Laurent, d'être ici. Je dois vous dire, sur le plan personnel, ayant oeuvré à 30 ans dans le domaine du droit de la famille, je dois... et j'ai représenté quelques enfants, mais beaucoup de parents dans des conflits assez sérieux et je vous remercie pour le travail colossal que vous avez fait pour faire en sorte que le... qu'il y ait une progression au niveau de la protection des droits de nos enfants et aussi de respecter leurs droits, et leurs voix, et de s'assurer que leurs voix soient entendues, parce que je trouve que ça, c'est un des enjeux les plus importants où il y a, Mme Laurent, des lacunes importantes dans notre régime de protection de la jeunesse.

Et j'ai lu attentivement votre rapport, et aussi je suis retournée lire le rapport de votre commission, et surtout parce que vous avez entendu... ça fait... c'est une période de deux ans, avec des centaines de mémoires que vous avez lus, des centaines de témoignages de représentants dans différentes instances. Vous avez été personnellement frappée, je crois, par l'ampleur des problèmes, l'ampleur des... des lacunes dans notre système, et vous avez fait écho...

Mme Garceau : ...vous avez parlé de la Convention, la Convention des Nations Unies, la Convention relative aux droits des enfants, que le Québec a adhéré depuis 1991, une convention très, très importante, et qui découlent, de cette convention-là, des obligations. Et c'est face à ces obligations-là que vous avez affirmé, il me semble assez fermement, toute cette question qu'il faut réparer et remettre à l'ordre du jour une société bienveillante. Ça nécessite des changements législatifs, mais aussi structurels afin de vraiment mettre l'intérieur... supérieur de l'enfant au premier plan, au cœur de toutes les décisions, et que la voix des enfants, que ça soit des enfants de bas âge, et on va en parler, jusqu'à l'âge de 25 ans, parce qu'on regarde aussi les jeunes... les jeunes... la jeunesse, les jeunes adultes... Et, avec tout ça, vous vouliez créer une institution indépendante de promotion et de défense des droits des enfants, et donc non seulement la question de... comme M. le ministre a mentionné, de prévention et de promotion de leurs intérêts et de leurs droits, mais également de protection face aux lacunes dans le système, dans le régime.

Et je reprends Mme Laurent, et vraiment, parce que je n'ai pas retrouvé, dans votre mémoire. Parce que vous avez parlé de... oui, il y a... le ministère n'a pas repris certaines recommandations dans votre rapport, et je sais que c'est des recommandations importantes, et je suis d'accord avec vous qu'elles devraient être dans le projet de loi, mais il y en a deux en particulier que vous n'avez pas mentionnées dans votre mémoire et que j'aimerais réviser avec vous.

Parce qu'il y en a une en particulier, et ça, c'est la recommandation, et je vais la lire, «de transférer au commissaire les pouvoirs et les responsabilités assumés par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse prévus à la Loi sur la protection de la jeunesse avec les ressources afférentes.» Et donc, ça, c'est vraiment le volet de la protection des enfants, des intérêts, le respect de leurs droits. Et je lis ça avec une autre affirmation très importante dans le rapport : «Lors que vous voulez créer le commissaire au bien-être des enfants... aux droits des enfants, qui va être composé... qui va avoir une équipe qui aurait un large mandat de promouvoir et d'assurer le bien-être et de... et le respect de leurs droits parce que ni le Protecteur du citoyen et ni la CDPDJ, la Commission, ne sont voués exclusivement». Il y avait cette notion, Mme Laurent, dans le rapport de la commission, de l'exclusivité, que le commissaire, là, c'était vraiment le chien de garde, comme vous avez mentionné, là, il est au-delà de la mêlée, là. C'est cette personne-là qui va faire en sorte, qui va intervenir quand les droits des enfants sont bafoués, quand il y a des lésions de droit, parce que là, la CDPDJ n'avait pas... intervenir. Qu'est-ce qui s'est passé à cette... pour moi, cette recommandation, qui est vraiment au cœur des pouvoirs du commissaire au bien-être. J'aimerais vraiment vous entendre là-dessus.

• (10 h 30) •

Mme Laurent (Régine) : Merci, Mme la députée. Dans notre rapport, comme vous avez pu le voir, il y a une notion qui était importante pour nous, c'est que c'est clair, puis ça a été démontré par plusieurs recherches, plusieurs témoins, que quand la parole de l'enfant est noyée dans la défense d'autres droits, les droits des enfants et la parole des... de l'enfant n'est pas ce qui est mis de l'avant en premier. C'est pour ça, c'est une des raisons pour lesquelles on avait suggéré de... que tout ce qui concerne la jeunesse, de la CDPDJ soit transféré au commissariat. Parce que pour nous, l'enfant, ça prend une personne qui ne fait que ça, qui n'a que ça comme préoccupation, de regarder avec ses lunettes qu'est-ce qui se passe avec les enfants et des jeunes dans toutes les sphères de la société. Et si je ne l'ai pas...


 
 

10 h 30 (version non révisée)

Mme Laurent (Régine) : ...et dans mon rapport, c'est effectivement que j'ai compris qu'à un moment donné il faut lâcher prise, là, que ça allait rester à la CDPDJ. Mais entre vous et moi, je pense que dans un avenir la démonstration va être faite que ce n'est pas possible, même s'ils vont travailler ensemble la CDPDJ et le commissaire, mais des incohérences vont arriver et, dans quelques années, ça va... ça va arriver puis ça va arriver à notre recommandation, j'en suis persuadée.

Mme Garceau : Mais, Mme Laurent, moi, je regarde d'un autre angle parce que je regarde spécifiquement, je crois que c'est l'article 6 du projet de loi, parce qu'évidemment il y a... il y a toute cette... C'est l'aspect d'intervention dans le processus. Parce que c'est sûr qu'on veut prévenir, on veut tout faire pour ne pas... pour assurer que les droits des enfants soient respectés, soient bien représentés. Ça, il y a un volet prévention, je le comprends. Mais dans les dernières années et même avant, oui, il y a eu le décès, malheureusement, de la fillette de Granby, mais il y avait, on le sait très bien, il y avait des problèmes au niveau de... avant ça, concernant le régime de protection de la jeunesse, concernant la représentation des enfants, parce qu'il y en a des procureurs des enfants qui vont vous dire que c'est très difficile de représenter les enfants dans le système actuel. Et donc vous n'avez pas... Dans votre rapport, vous auriez pu dire : Bien, on va... Au lieu de nommer un commissaire, on va restructurer. Peut-être que le commissaire va faire partie de la CDPDJ. On va faire une... Mais ce n'est pas... Ce n'est pas ça. Mais ça.... Et c'est là où il me semble qu'on manque dans ce projet de loi le cœur de... du... de vos conclusions concernant une voie exclusive qui va intervenir quand c'est nécessaire, surtout lorsque les droits des enfants sont bafoués. Et on en a beaucoup d'exemples des agressions sexuelles dernièrement, des habeas corpus que des... que des avocats doit aller chercher pour sortir des enfants qui sont en centre de réadaptation depuis plusieurs mois. Ça continue, là, j'en passe. On pourrait être ici toute la journée. Je ne veux pas aller là, Mme Laurent, ce matin, avec vous, mais il me semble que cet... On a dilué à l'article 6 parce que le... le commissaire n'aura pas vraiment... Il va enquêter sur quoi? Il va intervenir à quel sujet? Parce que la... la CDPDJ garde tous ses pouvoirs, toutes ses responsabilités liées à la loi de la protection de la jeunesse et liées à la charte également. Donc, à mon avis, puis je voulais voir avec vous si vous partagez mon avis, qu'on a vraiment dilué. Il y a une restriction de... de pouvoir qui me semble ne reflète pas l'esprit de votre rapport.

Le Président (M. Provençal) :Mme la députée, votre temps est écoulé puis vous ne pourrez même pas avoir la...

Mme Garceau : Réponse.

Le Président (M. Provençal) :...la réponse, malheureusement.

Mme Garceau : Bon, peut-être mon collègue...

M. Cliche-Rivard : Votre collègue a trois minutes.

Le Président (M. Provençal) :Alors, c'est ça.

M. Cliche-Rivard : Avec respect.

Le Président (M. Provençal) :Je vais maintenant céder la parole au député de Saint-Henri-Sainte-Anne pour 3 min 18 s effectivement.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup, Mme Laurent, d'abord, pour votre rapport, votre travail envers les enfants, envers les plus vulnérables, puis évidemment, envers celui que vous avez déposé aujourd'hui devant la commission. Je vais aller sur quelque chose dont on n'a pas traité eut égard au coronaire. Je lis votre rapport, page 62. En conséquence, nous recommandons que le commissaire au bien-être et au droit des enfants ait le mandat d'exercer une vigie et de monitorer la situation des enfants qui décèdent chaque année au Québec. Est-ce que vous sentez que cette recommandation-là et ce besoin-là figurent parmi le projet de loi qu'on étudie aujourd'hui?

Mme Laurent (Régine) : Je n'ai pas le nom de l'article, le numéro de l'article, mais je pense que vous auriez intérêt, très respectueusement, à le préciser, vous, comme parlementaires. Parce que ce qu'on voulait voir, comme c'est le commissaire au bien-être, bien, s'il y a des enfants ou il y a eu une enquête du coroner, il faut arrêter de prendre les choses un par un. Il faut quelqu'un qui ait un regard pour dire, bien...

Mme Laurent (Régine) : ...est-ce que... C'est quoi qui se passe qui fait qu'il y a tant d'enfants dans telle région ou dans telle ville qui ont fait l'objet de l'attention d'un coroner? Alors, moi, de le bonifier et de le préciser de cette façon-là, je vais être tout à fait d'accord, parce que, dans le rapport, on disait, bien, notamment les enfants qui... et aussi les enfants qui ont fait l'objet d'une protection de l'État.

M. Cliche-Rivard : O.K.

Mme Laurent (Régine) : C'est ce que nous proposons dans notre...

M. Cliche-Rivard : Parce que là on vient modifier la loi sur les... si vous permettez, on vient modifier la loi sur les coroners. Il va effectivement y avoir un travail à cet effet-là, mais on ne parle pas d'enfants de manière globale, là, on parle de ceux qui ont fait l'objet d'un rapport du coroner, on ne parle pas de décès globaux de gens issus de la DPJ, on ne va pas au-delà de ça. Est-ce que vous pensez que c'est quelque chose qu'on devrait élargir au sens où le commissaire aurait un rôle de vigie complet envers les enfants, malheureusement, qui succombent de je ne sais quoi, là, mais de... malheureusement qui perdent la vie?

Mme Laurent (Régine) : Je vais être plus concrète, M. le député. Une enfant qui meurt de leucémie, là, le commissaire n'a pas d'affaire là. C'est extrêmement triste, mais il n'a pas d'affaire là. Mais cependant des enfants qui ont été pris en charge par l'État, ça, je pense que c'est important parce qu'on ne sait pas qu'est-ce que le commissaire peut trouver et amener comme recommandations à vous à l'Assemblée nationale dans un rapport, et évidemment les enfants qui ont fait l'objet de l'attention d'un coroner.

M. Cliche-Rivard : Excellent. Puis je pense que vous portez une belle attention. Peut-être le commissaire pourrait être compétent dans le cas où on voit qu'il y a plusieurs enfants qui succombent d'une maladie grave dans une région donnée, là. Donc, je pense que peut-être il peut y avoir un lien en... vers les facteurs externes, environnementaux puis quand même le... la maladie, mais je comprends ce que vous voulez dire, que, quand c'est une cause naturelle de laquelle on ne pouvait rien y faire puis que les recommandations n'y amèneront rien... bien, finalement on comprend ce que vous voulez dire.

Mme Laurent (Régine) : Non, non. Oui, oui.

M. Cliche-Rivard : Il n'y a pas de mention de la charte des droits des enfants dont vous parlez dans ce projet de loi là. Qu'est-ce que vous en concluez?

Mme Laurent (Régine) : J'en conclus que c'est... j'ai compris, dans le plan, c'est dans une étape subséquente. Si vous me demandez si j'aurais aimé que ce soit déjà là aujourd'hui, je vous répondrais oui. D'ailleurs, c'est pour ça que j'ai insisté, parce que c'est dans la charte qu'on avait mis que... le fait que l'enfant soit reconnu comme sujet de droit. Alors, comme la charte n'est pas encore arrivée, ça fait que je me suis dit : Bon, bien, on peut au moins le mettre en ce moment dans le projet de loi du commissaire, là.

M. Cliche-Rivard : O.K. On va y faire suite. Merci beaucoup, Mme Laurent.

Le Président (M. Provençal) :Merci, M. le député.

Mme Laurent (Régine) : Merci.

Le Président (M. Provençal) :Alors, on va compléter cet échange avec le député des Îles-de-la-Madeleine. Trois minutes 18.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Merci beaucoup, Mme Laurent, d'être présente et si engagée à ce que les recommandations de votre commission soient mises en œuvre. Votre travail est remarquable, celui que vous avez fait en commission. Et aujourd'hui j'aimerais revenir sur, justement, le dernier élément qu'on vient d'aborder. Vous parlez de l'enfant sujet de droit, mais j'essaie de comprendre de quelle façon, si la charte n'est pas considérée... comment on pourrait justement inscrire cet élément-là dans le projet de loi. Vous parlez d'un considérant, puis j'essayais de comprendre ce que... ce que vous avez en tête.

• (10 h 40) •

Mme Laurent (Régine) : Alors, comme je tentais d'expliquer à votre collègue il y a quelques instants, la charte des droits de l'enfant, ça doit arriver, ça doit arriver, et le plus tôt possible. Cependant, c'est le moyen que j'ai trouvé pour introduire cette notion d'enfant sujet de droit, qu'il puisse participer à... aux discussions ou... concernant les droits qui le concernent, et c'est une façon de vous alerter aussi qu'on y tient, parce que oui, tout le monde est protégé par la Charte des droits et libertés, mais nous souhaitions qu'il y ait vraiment une particularité concernant les droits des enfants, et c'est pour ça qu'on y tient beaucoup, à la charte, mais, en attendant, j'ai mis une petite lumière en parlant d'un considérant.

M. Arseneau : Mais est-ce qu'on... est-ce qu'on ne procède pas un peu à l'envers si on dit qu'on nomme un commissaire pour la protection des droits des enfants, mais qu'on n'affirme pas préalablement quels sont ses droits, justement, au moyen, par exemple, d'une charte ou d'un autre moyen?

Mme Laurent (Régine) : ...on n'avait pas un positionnement, à la commission, qu'il fallait faire l'un ou l'autre avant, ce qui était... Dans notre rapport, on a positionné le commissaire avec ses fonctions et ensuite on a parlé de l'importance qui est cette charte des droits des enfants. Donc, moi, je n'ai pas de problème qu'elle arrive après, j'ai juste envie qu'elle arrive vite.

M. Arseneau : Il ne faudrait pas trop attendre. Merci, vous êtes très diplomate, Mme Laurent. J'ai une dernière petite question. Vous avez parlé de la correction physique. Juste de lire ce que vous écrivez...

M. Arseneau : ...ça donne froid dans le dos de penser qu'on doit encore débattre de ces choses-là, qu'on doit écrire sur papier ce type d'affirmations à l'effet que la correction corporelle serait encore admise. Mais j'essaie de comprendre pourquoi la commission en a discuté et n'a pas émis de recommandation puis qu'aujourd'hui vous ramenez ça comme si on devait l'inscrire dans une loi, une loi québécoise, qui n'aurait vraisemblablement aucun pouvoir face au Code criminel fédéral.

Mme Laurent (Régine) : Oui. Alors, on en a parlé parce qu'on a eu beaucoup de témoins. On a eu plusieurs témoins qui nous ont fait part... et on a eu des jeunes, qui sont jeunes adultes au moment de la commission, qui nous en ont parlé aussi, de correction physique, comment ça les avait marqués. On a eu des pédiatres qui sont venus nous parler des effets néfastes de la correction physique, mais il aurait fallu prendre beaucoup plus de temps pour étudier la question, faire des recherches spécifiques sur ce sujet-là. Et on s'est dit : Bien, au moins on va le soulever. Mais on n'avait pas le temps d'apporter... parce qu'il aurait fallu aussi apporter des dispositions concernant les lois du Québec par rapport aux lois fédérales, donc...

M. Arseneau : D'accord. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Provençal) :Merci, M. le député.

Mme Laurent (Régine) : Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, Mme Laurent, de votre participation à nos travaux. Sur ce, je vais suspendre ces derniers pour permettre aux prochains invités de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 10 h 44)

(Reprise à 10 h 45)

Le Président (M. Provençal) : Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant M. Jean Simon Gosselin et M. Gilles Fortin, ex-commissaires de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse. Alors, Messieurs, vous allez disposer de 10 minutes pour votre exposé, et, par la suite, nous procédons à nos échanges. Alors, je vous cède immédiatement la parole.

M. Gosselin (Jean Simon) : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, merci à vous tous de nous avoir invités à déposer un mémoire et à présenter nos commentaires. Je suis accompagné de M. Gilles Fortin, qui a été neuropédiatre, spécialiste de la maltraitance et aussi, évidemment, un des précurseurs du déploiement de la notion d'attachement. Moi, j'ai pratiqué comme avocat dans les services sociaux à l'enfance pendant toute ma carrière, qui a duré 39 ans. Font également partie de notre groupe, Mme Danielle Tremblay, intervenante sociale, qui, elle, a été toute sa carrière en protection de la jeunesse, dont les 10 dernières années comme DPJ au Saguenay. Mme Lesley Hill, qui est aussi une intervenante sociale qui a oeuvré en CLSC et qui a été D.G. d'un centre jeunesse et qui a terminé sa carrière comme cadre supérieur au... dans un CIUSSS de Montréal à la DPJ aussi. Alors... et M. André Lebon, évidemment que la plupart d'entre vous connaissez, qui est psychoéducateur et qui est consultant.

Oui, nous cumulons plusieurs années d'expérience... les cheveux blancs, vous le voyez bien. Mais on est d'abord ici pour un peu relayer le... les témoignages, les mémoires des 4 000 personnes qui ont participé à la commission Laurent. Alors, ce n'est pas nos opinions personnelles. C'est d'abord et avant tout le reflet de ce qu'on a entendu et des recommandations, évidemment, qu'on a faites à la lumière de ces... de ces informations-là.

D'abord, nous le disons d'emblée, nous appuyons ce projet de loi et nous... Il y a un remarquable effort qui a été...

M. Gosselin (Jean Simon) : ...pour que ce projet de loi respecte l'intention et la lettre du rapport. Et, là-dessus, bien, nous remercions le ministre, son équipe et le ou les légistes qui ont travaillé sur ce projet de loi.

Il y a eu quelques choix, puis vous en avez évoqués, qui sont différents de ce qu'on a mis dans le rapport. On va revenir avec ceux qui nous semblent essentiels, en les expliquant plus lors des questions. D'abord, évidemment, le commissaire, vous l'avez dit, sera le porteur de la voix de tous les enfants au Québec. Il doit être près d'eux, être capable de les entendre, leurs besoins, leurs désirs, leurs préoccupations, la façon dont ils vivent, tant dans leur vie personnelle que dans la sphère publique.

Une petite anecdote. Lors des dernières élections, il y a eu un sondage sur les sept, 15 ans, ce qu'ils pensaient de l'apport qu'ils avaient au niveau de la société. Ils n'étaient pas contents parce qu'ils trouvent que les adultes ne les écoutent pas. Alors, le commissaire va probablement pouvoir pallier à cette insatisfaction qu'ont les jeunes — je travaille avec mon iPad parce que l'imprimante ne fonctionnait plus hier soir, et je ne suis pas habitué.

Alors, au Québec, on l'oublie parfois, mais il y a plus de 1,6 million d'enfants, c'est presque 20 % de la population du Québec. Et tout le monde... ah! les enfants, c'est l'avenir du Québec, mais, si vous êtes parents ou grands-parents, c'est le présent aussi, les enfants du Québec, ils sont là. Et on ne leur laisse pas beaucoup de place pour entendre leur parole, pour leur permettre de s'exprimer, quoique ça évolue, et il faut que ça continue d'évoluer. On l'a dit dans notre mémoire : Il ne faut pas oublier qu'à l'automne 2019 il y avait 500 000 personnes à Montréal avec Autumn Peltier, une autochtone ontarienne, et Greta Thunberg, toutes des adolescentes, à ce moment-là, là.

On salue particulièrement le rôle systémique du commissaire et on y reviendra lors des questions. La réalisation d'un portrait annuel de l'état de bien-être des enfants au Québec, c'est important, puis il y a des indicateurs développés par UNICEF Canada, ça se fait, dans d'autres provinces. Ça, c'est majeur. Et on a parlé d'historique, c'est historique, effectivement, qu'une personne publique fasse un reflet de comment les enfants se sentent. Et dans les provinces qui utilisent cet outil-là au Canada, les enfants ne sont pas si heureux qu'on le pense. Alors, il faut le savoir puis il faut corriger ce qui ne va pas.

• (10 h 50) •

Le préambule. Le préambule, c'est très important. On a parlé de la charte, il y a eu des questions là-dessus. Dans notre conception, le commissaire et la charte, ça allait ensemble, au niveau du rapport, comme un peu la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse émane de la charte québécoise, comme le Comité des droits de l'enfant de l'ONU émane de la Convention internationale sur les droits de l'enfant. Il n'y a pas de charte, mais il y a un préambule avec plusieurs considérants, et on suggère ou... on vous suggère, comme législateurs, de renforcer ce préambule-là. Et c'est tout... ça apparaît dans notre mémoire, l'enfant sujet de droit, c'est très important. Tout le monde, dans les juristes, le dit, mais ce n'est écrit nulle part. C'est une déduction des droits qu'on a reconnus aux enfants en 1979 dans la Loi sur la protection de la jeunesse. Affirmons-le clairement, que l'intérêt de l'enfant soit la considération principale de toutes les décisions prises à son sujet. Il faut que, pas juste au tribunal, dans des débats très pointus, parce que ce n'est pas tous les enfants dont la situation passe au tribunal... il faut que l'intérêt de l'enfant, ce soit une préoccupation de tous les décideurs.

La correction physique, c'est de juridiction fédérale, mais je pense qu'il faut l'écrire une fois pour toutes. Même s'il y a eu des avancées dans le p.l. 2, c'est... la charte... pas la charte, la loi sur le commissaire va faire quand même du bruit, là, il va y avoir un rayonnement, alors d'affirmer que les corrections physiques, on n'en veut plus, au Québec, ça s'impose.

Reconnaître que l'enfant a le droit de participer à la vie citoyenne, pas juste au niveau...

M. Gosselin (Jean Simon) : ...local, mais au niveau régional, au niveau national. Déclarer que les enfants ont le droit et la capacité de le faire, ils ont la capacité d'influencer les décisions, surtout ceux... celles les concernant. Et ces ajouts-là au préambule, ça peut sembler beaucoup, mais on parle de cinq ajouts, ça va permettre de guider le commissaire dans l'exercice de ses fonctions en explicitant l'objet et la portée de la loi.

Nous avons d'autres recommandations plus pointues, je les passe plus en vrac. La question du comité des enfants et des jeunes autochtones, j'ai compris que les... puis c'est peut-être eux les mieux placés pour... pour donner leur point de vue là-dessus, les communautés autochtones, mais on pensait que le commissaire associé qu'on retrouve dans le projet de loi soit appuyé lui aussi d'un comité consultatif de jeunes.

La question du mécanisme d'accréditation des avocats qui représentent les jeunes enfants. Ceux qu'on ne rencontre pas, qu'on ne voit pas. Alors, il faut que ces gens-là, ces avocats, ces avocates-là soient comme qualifiés pour faire ce travail. On aura sûrement des questions là-dessus, on donnera plus de détails.

La vigie annuelle de tous les décès d'enfants. On avait deux analystes à la commission. On a tenté de savoir... on sait qu'il y a 78 000 décès par année au Québec. De zéro en un an, la périnatalité, c'est précis, précis, précis, mais pour un an à 18 ans, on ne le sait pas comment qu'il y a d'enfants qui décèdent au Québec. Est-ce qu'il y a une crise des opioïdes au Québec pour les enfants? Probablement que non, mais on ne le sait pas. Alors, on veut que le commissaire... pas le rôle du coroner, le coroner fait bien son travail, mais une vigie sur combien d'enfants meurent au Québec. Ceux qui meurent de maladies graves, ce n'est pas ceux-là qui nous inquiètent. Il y a-tu des problèmes avec les opioïdes? Il y a-tu eu des problèmes avec le... la question des voies scolaires? Il ne me reste plus de temps?

Le Président (M. Provençal) :Moins d'une minute.

M. Gosselin (Jean Simon) : Moins d'une minute. Vous l'avez dit, c'est un moment historique. Je vais terminer sur une phrase que nous a dite M. Erwin Hellman, qui a été le défenseur des droits de l'enfant en Ontario pendant 10 ans, qui est retraité, c'est ses paroles, c'est en anglais, mais je vais le mettre en français : «Parfois, je suis en avant pour défendre les droits des enfants. Parfois, je marche côte à côte avec les enfants. Et parfois je marche derrière eux pour soutenir leur parole.» C'est un peu comme ça qu'on voit le rôle du commissaire. Merci.

Le Président (M. Provençal) :C'est moi qui vous remercie. M. le ministre, je vous invite à débuter cette période d'échange.

M. Carmant : Oui, merci beaucoup, Me Gosselin. Dr Fortin, toujours un plaisir de vous revoir. Puis je tiens à vous assurer, là, que le... la notion de droits des enfants, là, c'est important pour nous. Donc, ça, c'est... je pense que c'est un acquis, là.

Puis j'entends également votre... votre appel pour la correction physique. J'avoue que j'étais un peu surpris, mais je l'entends.

L'autre point qui revient, que Mme Laurent a mentionné aussi, c'est l'accréditation des avocats. Ça, j'aimerais vous entendre un peu plus. Ne serait-ce pas un mandat qu'on donnerait au commissaire ou que le commissaire prendrait en main que... quelque chose qu'on doit insérer comme un alinéa dans la loi? Pouvez-vous m'expliquer pourquoi, pour vous, c'est... ça doit être dans la loi?

M. Gosselin (Jean Simon) : En fait, quand on a tenu les audiences, quand on a rencontré les citoyens lors des forums, il y a plusieurs sujets qui ont été abordés, mais on a entendu beaucoup, beaucoup de personnes critiquer le rôle des avocats des enfants. Et là-dessus, j'ai pratiqué toute ma carrière en droit de la jeunesse et je plaidais des dossiers, c'est qu'on... c'est à géométrie variable. J'ai connu des avocates qui allaient voir des enfants de trois ans et demi, trois ans dans leur famille d'accueil, puis, évidemment, comment la chambre est organisée, il y a-tu tout un petit animal de compagnie, ça parle beaucoup, ça donne beaucoup d'informations à cette avocate-là. Puis j'ai connu aussi des avocats qui non seulement ne rencontraient pas les enfants, ne s'informaient pas sur eux et... et disaient au tribunal : Je m'en remets au tribunal. Peut-être c'était bien parce qu'il y aurait... au moins ils ne faisaient pas de faux pas, mais...

M. Gosselin (Jean Simon) : ...c'est à géométrie très variable. Si on regarde le code de déontologie du Barreau, qui a plus de 150 articles, il n'y en a aucun qui parle des enfants ou de la déontologie pour les avocats d'enfants. Nous, on a focussé sur les petits enfants, parce qu'ils ne peuvent même pas donner de mandat, évidemment, formel, mais... Puis il y a peut-être une vingtaine d'articles sur l'importance de la communication entre l'avocat et son client. Voyez-vous le paradoxe? C'est très important, la communication de l'avocat et son client, mais quand on est un enfant qui n'est pas capable d'émettre un mandat traditionnel, puis encore, à cinq ans, là, vous avez des enfants, là, ça parle, des enfants, je veux dire. Moi, j'ai un petit-fils, des petits-enfants, des petites-filles, ça parle, là, pas besoin d'avoir 15 ans pour avoir une opinion. Alors, il faut que ces gens... Pourquoi? C'est sûr que c'est un travail exécutif pour le commissaire et ce n'est pas l'idéal de le charger d'une tâche exécutive.

Cependant, les plus vulnérables, parce qu'on parle des enfants qui sont traités en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse essentiellement, mais c'est des milliers d'enfants, là, même en bas de sept ans, par année, des milliers d'enfants. L'aide juridique nous a dit: On représente, nous, puis ils ne représentent pas tous les enfants, 12 000 enfants. Alors, ce n'est pas quelques cas d'exception, là, c'est un volume très important. Il faut que ces gens-là, ces avocats-là, pour avoir une espèce de dénominateur commun, aient des formations, aient une expérience, aient des lignes directrices de rencontrer les enfants, d'aller dans leur milieu, de s'informer auprès des travailleurs sociaux, des éducateurs, de la famille d'accueil, des parents, de l'école, de la réalité de ces enfants-là. En 1982, dans une cause de la Cour suprême Benson, la Cour suprême soulignait l'excellent travail de Me Day à Terre-Neuve. Et ils avaient fait une espèce de tour d'horizon d'enfants en bas âge, là, qui n'avaient pas pu vraiment avoir de mandat, de leurs besoins, de leur histoire. Ils avaient été en mesure d'éclairer adéquatement les tribunaux.  Alors, on pense qu'il faut... il faut cesser la géométrie variable puis il faut vraiment qu'il y ait une espèce de base minimale pour être qualifié pour représenter des enfants.

Le point positif qu'on a au Québec, là-dedans, c'est que l'aide juridique paie toujours. On n'a pas un enjeu: Ah! bien, il manque d'argent. Tous les avocats qui représentent des enfants, que ce soit des permanents de l'aide juridique ou du privé, sont payés. Donc, c'est déjà un atout incroyable, là, au Québec, l'enfant est assuré, puis on avait fait une recommandation que les ministres de la Justice a mis en vigueur, il y a une présomption d'admissibilité maintenant, c'est...  Bon, mais ça... Il faut quand même qu'il y ait des gens qualifiés pour faire ce travail-là. Oui, peut-être...

• (11 heures) •

M. Fortin (Gilles) : Je veux juste brièvement ajouter quelque chose. On a plusieurs jeunes qui sont venus témoigner à la commission, qui avaient été pris en charge à la protection de la jeunesse pendant plusieurs années. Je me souviens d'un particulier qui nous a dit: Quand j'ai été jeune adulte puis j'ai eu accès à mon dossier, j'ai découvert que mon dossier avait passé neuf fois devant les tribunaux, je n'étais  pas au courant. Une seule fois, il y a un avocat qui est venu me dire: Demain, je te présente. Qu'est-ce que tu veux que je dise? Alors, pourquoi c'est comme ça? Je vais faire un parallèle avec la médecine qui est un milieu que je connais bien. On a de la médecine interne puis on a des pédiatres. Pourquoi on a ça? Parce que les problèmes des enfants, ce n'est pas la même chose que les problèmes des adultes. Et, très souvent, ce qui a ressorti de ce qu'on a entendu, c'est que les gens nous disent: Mais oui, mais les enfants, ils ne parlent pas, comment est-ce qu'on peut savoir? Et quand on est pédiatre, on sait que les enfants ne parlent pas. On sait comment comprendre ce qui les affecte, on les regarde, on les examine, on les fait jouer, on les fait parler. Il y a une approche particulière.    Médecins de famille peuvent aussi bien soigner les enfants que les adultes pour les choses de base, mais quand on est des affaires... quand on est dans des affaires plus complexes, comme se ramasser au Tribunal de la jeunesse ou comme faire une maladie grave, on a besoin des spécialistes. Puis je pense que c'est incontournable qu'on ait des gens qui savent comment aborder les enfants et comment aller chercher leurs paroles. Les enfants sont capables d'exprimer ce qu'ils veulent, ce qu'ils ne veulent pas, ce qui les fait souffrir et ce qu'ils souhaitent... quelle sorte de traitement ou d'aide ils souhaitent recevoir.

M. Carmant : D'accord. Un autre point pour...


 
 

11 h (version non révisée)

M. Carmant : ...peut-être revenir sur l'histoire de décès d'enfants. Moi, j'étais au même... à la même place que Mme Laurent... tu sais, on a gardé ça relativement simple pour s'assurer que les décès qui sont comptabilisés soient ceux dus à des causes non connues, là, tu sais, parce que si on commence à comptabiliser les décès en lien avec des maladies ou, tu sais, les pertes foetales, tu sais, ça va être un travail immense. Donc, nous, on voulait vraiment focusser sur ce qui était en lien avec le coroner, mais peut-être me dire jusqu'à quel point vous voulez élargir ou vous comptez élargir. Vous aimeriez qu'on élargisse cette notion là de suivi des décès?

M. Fortin (Gilles) : Il y a actuellement, au Québec... il n'y a personne qui est capable de nous dire, comme on l'a mentionné tantôt, combien d'enfants meurent par année et de quoi ils meurent. Dans différents secteurs, on a des données, le coroner en a, la Santé publique en a, certains groupes médicaux spécialisés ont des données sur le nombre de décès d'enfants à l'intérieur de telle maladie, mais il n'y a personne qui ramasse tout ça, qui compile, qui... Alors, ce qu'on pense, ce qu'on voudrait, c'est que le commissaire, pas qu'il aille faire le décompte lui-même, amis qu'il recueille l'ensemble de ces données-là, qu'il voie dans quelle mesure elles sont complètes, qu'il les collige et nous donne un portrait de ce qui se passe. De zéro à un an, il y a un comité qui est du Collège des médecins, qui existe depuis des années, où on étudie la mortalité périnatale. On a beaucoup d'informations sur les causes du décès, mais à un an, ça arrête. Le coroner, quand il intervient, il intervient dans des décès suspects, dans des morts accidentelles, mais il ne compile pas les gens qui meurent d'une épidémie, que ce soit la COVID ou une autre. La Santé publique a ces chiffres-là sur la maladie, mais personne ne ramasse ça ensemble et c'est ce qu'on pense que le commissaire devrait faire et non pas de nécessairement mettre sur pied tous les mécanismes, mais être capable de ramasser les données pour donner un portrait de comment nos enfants vivent, qu'est ce qui les rend malades, qu'est ce qui les fait mourir.

M. Carmant : ...maintenant, le mieux, l'enjeu d'aller chercher les différentes sources. Encore une chose, une chose que vous n'avez pas repris là, qui est importante pour moi, c'est de voir votre positionnement par rapport à notre positionnement, de mettre le commissaire en amont de la DPJ puis qu'il y ait un regard plus global sur tous les enfants, ce qui est important. Mais je veux voir, vous, comment vous vous voyez ce positionnement-là.

M. Gosselin (Jean Simon) : C'est fondamental, c'est historique, en fait, qu'une autorité publique au Québec puisse avoir... porter la parole des enfants, les écouter, les soutenir. Alors, ça, c'est sûr qu'on applaudit, évidemment. Puis c'était le sens de nos recommandations qui portaient là-dessus. Parce qu'on l'a dit tantôt, là, les enfants eux-mêmes, ils l'expriment, je l'ai dit brièvement tantôt, ils sont... ils veulent qu'on tienne compte de ce qu'ils pensent et ils ont des idées, là. Il ne faut pas... c'est certain. Alors, ça va être un enrichissement. Puis on l'a écrit dans le mémoire, si on veut que les jeunes, quand ils deviennent adultes, ils puissent voter, s'engagent, bien, il faut les entraîner plus tôt un peu, là. Voilà.

M. Carmant : Et... allez-y.

M. Fortin (Gilles) : Le commissaire, il est là pour le bien être des enfants, donc de tous les enfants. Ce n'est pas juste quand il y a des erreurs, quand il y a des des accidents, des incidents, il est là pour s'assurer que la société québécoise crée des environnements favorables à leur développement, à leur bien être, à la bientraitance. Je pense que la bientraitance, ça, s'inclus dans le bien être et qu'il y a les outils pour aller chercher les informations, pour faire des recommandations. Un des rôles importants du commissaire, c'est justement d'avoir des mécanismes qui lui permettent d'aller chercher la parole des enfants. Ça, tous les témoins qu'on a rencontrés à la commission, qui ont eu l'expérience de travailler avec l'équivalent d'un commissaire à l'enfance, c'est ce qu'ils nous ont dit, c'est d'abord de mettre en place des mécanismes pour parler à tous les enfants, pas juste ceux qui sont mal pris.

M. Carmant : Merci. M. le Président. Je passerai la parole à la députée de Marie-Victorin.

Mme Dorismond : Merci beaucoup pour votre présence. Moi, j'avais une question pour les...

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Mme Dorismond : ...jeunes vulnérables. Est-ce que vous êtes d'accord de prolonger de 18 à 25 ans? Dans le fond, qu'est-ce que je veux dire, c'est que les jeunes, quand ils passent par la DPJ ou les centres jeunesse, des fois, bon, on le sait, là, à 18 ans, ils quittent. Mais pour avoir travaillé avec eux, j'ai travaillé avec les jeunes de la rue et on allait jusqu'à 25 ans parce qu'on voyait, on constatait qu'ils étaient vulnérables. Et, des fois, il y a aussi des rechutes. Donc, pour nous, c'est vraiment important de prolonger jusqu'à au moins 25 ans. Là, on dit : Selon la loi, on dit que c'est 18 ans, mais je pense que dans les faits, dans le concret, je pense que ce serait bien de prolonger de 25 ans pour protéger ces enfants-là, parce qu'ils ont eu des manques. Qu'en pensez-vous?

M. Gosselin (Jean Simon) : Bien, en fait, le projet de loi le propose dans une définition de jeune adulte que nous, on a trouvé, par rapport à notre rapport, trop restrictive. C'est limité essentiellement aux enfants qui ont été pris en charge par les directeurs de la protection de la jeunesse ou les directrices ou les directeurs provinciaux. Si vous êtes parents, et vous l'êtes probablement la plupart, on sait tous qu'à 18 ans, ce n'est pas terminé, il reste encore chez soi. Il faut les aider pour les études, il faut les soutenir, il faut les guider. On pense que le commissaire, au moins pour les enfants qui ont plus de... qui deviennent des jeunes adultes, qui ont plus de difficultés à faire valoir leurs droits, les autochtones, les enfants handicapés, puis ça, c'est des notamment, là, mais des enfants qui proviennent des minorités ethnoculturelles. Le commissaire doit pouvoir porter un regard aussi sur ces jeunes adultes là. Alors, nous, ce qu'on suggère, puis c'est extrait du rapport, c'est d'élargir un petit peu la définition de jeune adulte pour élargir le périmètre que le commissaire pourra porter un regard, puis il décidera ou elle décidera jusqu'où il va là-dessus, mais d'élargir un peu son panorama pour les jeunes qui ont plus de difficultés, les jeunes adultes qui ont plus de difficultés.

Le Président (M. Provençal) :M. le ministre...

M. Fortin (Gilles) : ...les enfants vulnérables, les jeunes vulnérables ne sont pas que des ex-enfants de la DPJ.

Le Président (M. Provençal) :M. le ministre.

M. Carmant : Bien, merci. Parce que moi, je voulais juste... En fait, on voulait voir comment justement prolonger jusqu'à 25 ans, mais on ne voulait pas non plus stigmatiser ou classifier certains jeunes. Donc, le terme que vous utiliserez, parce que... tu sais, si on commence à faire des définitions, ce n'est jamais bon dans un projet de loi. Donc, vulnérables, ce serait un terme qui, selon vous, serait acceptable? Puis ce sera au commissaire de définir.

• (11 h 10) •

M. Fortin (Gilles) : Oui, je pense que c'est une excellente façon de positionner les choses, effectivement. Le commissaire verra à se... à se créer un cadre et plutôt qu'effectivement stigmatiser des jeunes à travers un projet de loi comme celui-ci.

M. Carmant : Parfait. Bien, ça, moi, je suis tout à fait d'accord avec ça. Est-ce qu'on a encore un peu de temps, M. le Président?

Le Président (M. Provençal) : Une minute. Députée de Soulanges, vous vouliez poser une question?

Mme Picard : Oui. Merci beaucoup pour votre apport aux travaux de la commission. Une fois que le projet de loi serait adopté, quelles seraient les aptitudes, selon vous, que le ou la commissaire devrait avoir au niveau formation, compétences? Selon vous, qui serait le ou la meilleure personne et à ses aptitudes?

M. Gosselin (Jean Simon) : En fait, c'est l'Assemblée nationale qui va nommer le ou la commissaire. Et je nous vois mal dessiner un profil. Dans la loi, il y a déjà un article qui fait ça, Nous, en fait, ce qui est important, c'est qu'il y ait une ou un commissaire, puis on se fie sur le bon jugement des partis politiques, du premier ministre pour choisir une personne qui... puis c'est une nouvelle... c'est un nouveau travail. Donc, évidemment, il va se construire, ce travail-là. Dans 10 ans, on pourrait avoir peut-être des avis différents, mais, dans une étape initiale, nous, on est très heureux de voir que la fonction soit créée, mais on ne dira pas à l'Assemblée nationale qui choisir.

Le Président (M. Provençal) :Merci. Nous allons poursuivre maintenant nos travaux avec la députée de Robert-Baldwin.

Mme Garceau : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, Messieurs, d'être ici aujourd'hui et de votre... je vous remercie également, compte tenu du grand travail que vous avez fait pour faire progresser le droit des enfants. Et je voulais... j'ai lu attentivement votre mémoire et les commentaires que vous...

Mme Garceau : ...je suis d'accord concernant certaines recommandations dont... vous avez mentionné dans votre rapport, qui ne sont pas incluses dans le projet de loi, mais j'aimerais vous poser la même question que j'ai posée à Mme Laurent concernant une des recommandations, dont moi, je croyais qu'elle était quand même assez importante et au cœur des pouvoirs, je dirais, du commissaire, qui était de transférer au commissaire les pouvoirs et les responsabilités assumés par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse prévus à la Loi sur la protection de la jeunesse, avec les ressources afférentes. Je n'ai pas retrouvé dans votre mémoire, messieurs, cette... que vous voulez que le ministre... qu'on ajoute cette recommandation, qui me semble très importante, et je voulais savoir, est-ce que vous avez changé d'idée concernant cette recommandation-là?

M. Fortin (Gilles) : Écoutez, effectivement, dans notre rapport, nous avions recommandé que ce soit fusionné. Par contre, en deuxième temps de réflexion, on est moins certains de... et peut-être que ça vaut la peine d'expérimenter la situation telle qu'elle est sans fusionner les deux structures pour le moment.

Il faut réaliser que la Commission des droits de la personne et de la jeunesse existe pour les adultes comme pour les enfants, mais il y a aussi quand même un Protecteur du citoyen. Ici, on a un commissaire à l'enfance puis on a une DPJ... pardon, une commission des droits de la personne et de la jeunesse. La commission, la perception qu'on en a, c'est que c'est un organisme plus essentiellement judiciaire, qui travaille surtout dans des situations où la loi n'est pas respectée à l'égard des droits des enfants.

Le commissaire, pour nous, c'est beaucoup plus que ça. Ce n'est pas juste que la loi soit respectée, mais c'est de mettre en place des fonctionnements, des services à l'enfance pour améliorer leur bien-être. Donc, c'est souvent agir aussi en amont de la DPJ. On est toujours bien mal pris avec la DPJ, qui est surchargée, mais, si on améliore les choses en amont, c'est une chose qui nous est apparue aussi à travers la commission et... qu'on risque d'améliorer ou de réduire les besoins d'intervention de la DPJ.

Alors, c'est pour ça que je pense que ça vaut la peine de commencer comme ça, de garder les deux organismes séparés. C'est sûr qu'ils vont avoir besoin de se parler, comme le Protecteur du citoyen parle à la commission des droits de la personne. Il va y avoir certainement une conjugaison, une harmonisation des pratiques à se faire, et peut-être que, dans quelques années, on dira : C'est une bonne chose, ou on dira, non, il faut revenir en arrière, mais je pense que ce n'est pas un mauvais départ. Le commissaire a d'abord à s'installer, à créer son organisation, sa façon de travailler, et peut-être que c'est mieux de ne pas lui imposer la charge de l'intervention judiciaire, qui est très onéreuse, qui, souvent... toujours d'urgence, alors qui devient tout à coup une priorité. Et c'est peut-être pour ça qu'on a tendance à penser que... commençons en gardant les choses séparées.

Mme Garceau : Merci pour votre... cette réponse, mais, avec respect, on s'éloigne quand même de la constitution d'un commissaire, une institution indépendante qui serait la voix, une voix, exclusivement, concernant le bien-être, la promotion, la protection, et aussi de veiller aux droits des enfants, qui inclut évidemment le côté d'intervenir. Comme je mentionnais tout à l'heure, on veut, oui, prévenir, prévenir des incidents, prévenir... on ne veut pas avoir des situations où les droits des enfants sont lésés. On veut s'assurer que les voix des enfants soient entendues, mais, durant un processus...

Mme Garceau : ...tiers, comme vous l'avez mentionné, M. Gosselin, et ça, c'est très préoccupant. Lorsqu'on a des... les avocats des enfants dans les situations en DPJ qui vont dire : On s'en remet à la justice, on s'en remet, on s'en remet à la décision du juge. Et donc, comment améliorer cet aspect-là dans le sens de protéger les droits de ces enfants, que les enfants aient une véritable voix dans toutes décisions qui vont être prises à leur égard si on ne va pas permettre au commissaire de pouvoir intervenir, de pouvoir corriger le tir? Parce que c'est là depuis longtemps. Il y a les problèmes qui perdurent depuis longtemps, et ça ne s'est pas amélioré avec le temps, et c'est pour ça que quand j'avais lu votre rapport et j'ai vu cet... Ce transfert de pouvoir pour dire : Non, maintenant il va y avoir un commissaire, c'est ce commissaire-là qui va s'occuper de s'assurer que tous les droits des enfants soient respectés, soient protégés.

M. Fortin (Gilles) : Écoutez, notre conception du rôle du commissaire, c'est une conception, un rôle systémique, une approche systémique. La commissaire, je pense que c'est sa façon... ça va... ça devrait être sa façon de travailler. La Commission des droits de la personne et de la jeunesse a une intervention plus individuelle, cas par cas. Il n'y a rien qui empêche de protecteur... voyons, le commissaire, dans son rapport, de... de parler de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, d'émettre des opinions à partir de ce qu'il voit et de ce qu'il entend, sur leur efficacité ou non, leur façon d'agir ou non, sans qu'il ne soit nécessairement responsable de gérer ces approches judiciaires de cas par cas.

Mme Garceau : Et donc, d'après vous, si le commissaire intervient suite à des gestes posés par la CDPDJ ou le manque d'intervention dans des dossiers de la CDPDJ, la CDPDJ va être liée par ses recommandations? Je tente de voir comment ça va... ça va fonctionner dans le quotidien, là, en pratique.

M. Gosselin (Jean Simon) : Mais d'abord, le Commissaire au bien être et aux droits des enfants. Nulle part dans le projet de loi, il a un pouvoir d'imposer quoi que ce soit. C'est un pouvoir de faire un portrait de la situation, d'accompagner les jeunes, de parler pour eux, de les aider à s'exprimer. Ce n'est pas un organisme qui sanctionne ou qui qui adjuge sur des droits.

• (11 h 20) •

C'est sûr qu'on... dans notre rapport, il y a quelques lignes sur le transfert de responsabilité. Il n'y a pas... il n'y a pas qu'il n'y a pas 15 pages, là, il y a un ou deux paragraphes. Le gouvernement a fait un autre choix. Et comme le dit mon collègue, on accepte ce choix-là pour le moment, parce qu'il y a beaucoup de choses à mettre en place pour le nouveau Commissaire au bien-être et, si dès le départ, il est accaparé... Puis la commission fait son travail, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse fait son travail. Ils ont l'équipe pour ça. Alors, dans une phase de démarrage des premières années que le gouvernement ait choisi de maintenir le rôle de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, nous, on est confortable avec ça. Et il ne faut pas oublier non plus qu'on parle de la commission sur le volet LPJ, ça, c'est 30 000 enfants suivis par la DPJ pour 1 600 000. Alors, c'est beaucoup plus pointu. Mais il y a tous les droits de la personne, la Commission fait aussi du travail pour de la discrimination pour des enfants handicapés, bien au-delà de la LPJ, et ça, ce travail-là, il est bien fait. Alors, je pense qu'en en misant sur une articulation, un dialogue entre ces instances-là dans un processus initial, dans les premières années, nous, on se rallie à ça personnellement.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup.

M. Gosselin (Jean Simon) : Mais là on sort du rapport, là, on a comme développé, mais ça fait trois ans que le rapport a été publié en mais. On a quand même réfléchi à cette question-là puis on en est venu à comprendre pourquoi le projet de loi ne fait pas ce transfert-là complet.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. On poursuit avec le député de 3shsa.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci à vous deux pour votre excellente présentation...

M. Cliche-Rivard : ...Je reviens à votre mémoire et à une des recommandations qu'on n'a pas beaucoup touchées, celle... la C, recommandation C, eu égard aux ressources humaines, matérielles, financières. Vous, vous seriez rassuré de voir un article supplémentaire dans le projet de loi dans lequel on confirme que le commissaire va avoir tout à sa disposition pour assurer son mandat. Ça vous rassurerait?

M. Gosselin (Jean Simon) : Bien oui, c'est sûr. Mais évidemment on a été très contents de voir que c'est le bureau de l'Assemblée nationale qui va quand même avoir un regard là-dessus. C'est une instance, là, en qui on fait confiance, mais évidemment, on n'est pas dans... on n'est pas des spécialistes, là, de la gestion budgétaire. Je vais vous donner un une anecdote... mais ce n'est pas une anecdote. Quand l'équivalent du commissaire du Nouveau-Brunswick est venu, on l'a rencontré par la suite, là, pour le souper. Et lui... Le Nouveau-Brunswick, c'est 10 % du Québec, il avait 10 employés. Ça fait que si on fait une règle de trois, là, bien, il y aurait 100 employés au niveau du commissaire. Mais encore là, là, je ne dis pas que ça doit être ça, mais... comprenez-vous? Alors, on va laisser l'Assemblée nationale, le gouvernement... Bien, c'est sûr qu'il faut qu'il... mais on fait confiance aussi que si le commissaire n'est pas bien doté, il va le dire. Mais c'est certain que si on l'inscrit dans la loi, on renforce cette obligation-là des... des parlementaires, parce que les budgets, c'est vous qui les votez. On renforce l'obligation que les parlementaires fournissent à ce commissaire-là les ressources appropriées.

M. Cliche-Rivard : Parfait. Je ne veux pas vous paraphraser, mais vous avez dit, si j'ai bien compris : Nous, on a eu une vision de... où il n'y avait pas de commissaire sans charte, où la charte est intrinsèquement liée au commissaire.

M. Gosselin (Jean Simon) : Oui.

M. Cliche-Rivard : Donc, vous nous appelez ou vous appelez le ministre à se dépêcher pour la Charte, là, ça va être important.

M. Gosselin (Jean Simon) : Bien, à tout le moins de renforcer le préambule avec des éléments... On avait neuf éléments dans la charte, ce n'était pas un catalogue de droits, là. C'était neuf droits fondamentaux ou principes fondamentaux qu'on voulait voir et suivait la création du commissaire.

M. Cliche-Rivard : Puis de ces neuf-là, la plupart, vous les avez réintégrés dans vos suggestions de modifications de préambule. La charte va demeurer pertinente par contre parce qu'elle a un rôle supralégislatif...

M. Gosselin (Jean Simon) : Puis elle a un rôle transversal, puis elle...

M. Cliche-Rivard : ...transversale.

M. Gosselin (Jean Simon) : Dans nos recommandations, elle avait un rôle prédominant aussi sur les autres lois. Alors là, on était ambitieux, c'est le moins qu'on puisse dire.

M. Cliche-Rivard : Autrement dit, on prendrait vos éléments et modifications et on a la charte. Vous l'avez, là, elle est écrite presque.

M. Gosselin (Jean Simon) : On peut dire ça, oui.

M. Cliche-Rivard : Donc, il n'y a pas vraiment de raison pour laquelle on n'irait pas plus loin et qu'on finisse la boucle.

M. Gosselin (Jean Simon) : Bien, vous auriez l'occasion effectivement de faire d'une pierre deux coups.

M. Cliche-Rivard : C'est ce que vous recommanderiez au ministre?

M. Gosselin (Jean Simon) : Bien, la Charte... la Charte... C'est très audacieux, la charte. Il y a très peu de pays qui ont des chartes des droits de l'enfant, mais on pense que c'était une... C'était la commission spéciale sur les droits des enfants.

M. Cliche-Rivard : Exact.

M. Gosselin (Jean Simon) : Alors, on s'est donc permis d'avoir une originalité puis d'avoir un regard sur les droits des enfants, pas seulement des enfants de la DPJ.

M. Cliche-Rivard : Bien, j'entends ce que vous dites. Vous nous appelez à faire une pierre deux coups. J'espère que le... Je pense que le ministre vous entend bien, et puis on pourrait boucler la boucle avec une belle charte des droits de l'enfant qui serait annexée ou peu importe. Je ne sais pas comment on le ferait, mais on va on veut revenir là-dessus. Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, M. le député. M. le député des Îles-de-la-Madeleine, on complète cet échange?

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Merci, messieurs, pour votre présentation et au nom de vos collègues aussi qui sont absents mais qui signent également le même mémoire, il faut le comprendre. J'ai comme l'impression que vous et Mme Laurent, vous avez déjà travaillé ensemble. Vous avez quand même des... des points de vue qui se ressemblent, c'est-à-dire que l'enfant, sujet de droit... Vous avez travaillé en commission. Je blague, évidemment, mais je vois un lien entre... et heureusement d'ailleurs, une cohérence de pensée entre les deux mémoires, le sujet de droit, évidemment, la question de la correction physique et puis de l'accréditation des avocats. Je vous remercie particulièrement, là, d'avoir présenté ce à quoi vous faites référence, à quoi ça pourrait ressembler, là, les propositions d'ajout au préambule. C'est bien fait. Est-ce que, par exemple, l'enfant est une personne à part entière dans la société et un sujet de droit ou l'autre proposition concernant la correction physique... Dans les discussions que vous aviez eues en commission, est-ce que ça, c'est suffisamment solide, suffisamment fort pour que ça fasse une différence?

M. Gosselin (Jean Simon) : ...sur la correction physique, c'est une déclaration de principe parce que c'est... il y a un article dans le Code criminel qui autorise la correction physique. Il faut voir que la Cour suprême a vraiment restreint beaucoup en interprétant des... en donnant beaucoup de limites...

M. Gosselin (Jean Simon) : ...ça. Mais l'idée, c'est de passer un message, puis qui va être facile, je pense, à entendre pour les Québécois, les Québécoises, c'est que c'est : on ne frappe plus les enfants, point final. Mais c'est certain que c'est une déclaration de nature pédagogique aussi, là, parce que c'est... l'article 43 du Code criminel est toujours là et crée une défense.

M. Arseneau : D'accord, merci. Bon, le mécanisme d'accréditation des avocats, effectivement, j'ai bien aimé l'explication que vous avez donnée sur le fait que l'enfant ne puisse pas nécessairement donner de mandat, et puis ça peut être assez disparate, et ça, c'est inquiétant. Donc, la proposition que vous vous faites est excellente, on aura l'occasion d'en discuter, j'imagine. Pour ce qui est des décès d'enfants, j'aimerais mieux saisir pourquoi c'est si important pour vous que l'on puisse avoir des données précises. Parce que j'ai compris que vous vouliez quelque chose d'assez complet, là, comme... comme travail. Qu'est-ce que vous soupçonnez? Vous avez fait référence aux opioïdes ou...

M. Gosselin (Jean Simon) : Bien, on veut un portrait de la situation. On a lu, tout le monde, il y a quelques jours, dans La Presse, un papa, là, qui a dit : Mon petit garçon, il a consommé des... On pense que ça n'arrive pas. Bien, peut-être que c'est une anecdote, cette histoire-là, mais peut-être que, si on... on avait un regard plus... plus... plus détaillé, il y a peut-être un problème plus important qu'on pense. Alors, évidemment, si on ne le connaît pas, le problème, c'est difficile de demander aux autorités publiques d'agir sur un problème qui serait occulté.

M. Arseneau : Mais est-ce que vous avez des indications qui auraient effectivement... que ce serait davantage que des anecdotes?

M. Gosselin (Jean Simon) : Non. Non, on n'a pas d'indication, mais... On est dans l'ignorance.

M. Arseneau : D'accord.

M. Fortin (Gilles) : On n'a pas d'indication, mais on n'a pas de donnée. Alors, c'est difficile d'identifier un problème quand on n'a pas de donnée.

M. Arseneau : Et on pourra voir les problèmes survenir si on a des données. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) :Je vous remercie beaucoup, messieurs Gosselin et Fortin, pour votre présence et votre contribution à nos travaux.

Sur ce, je suspends quelques minutes les travaux pour permettre aux prochains groupes de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 11 h 29)


 
 

11 h 30 (version non révisée)

(Reprise à 11 h 34)

Le Président (M. Provençal) :Nous poursuivons nos travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Vous aurez 10 minutes pour votre présentation et par la suite, nous procéderons aux échanges. Alors, je vous cède immédiatement la parole.

M. Tessier (Philippe-André) : Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je m'appelle Philippe-André Tessier, je suis le président de la commission et je suis accompagné de Me Suzanne Arpin, vice-présidente responsable du mandat jeunesse, M. Samuel Blouin, chercheur, et Me Karina Montminy, conseillère juridique. Évidemment, tout d'abord, il faut rappeler que la commission assure le respect et la promotion des principes énoncés dans la Charte des droits et libertés de la personne. Elle assure également la protection et le respect de la promotion des droits qui sont reconnus à l'enfant par la Loi sur la protection de la jeunesse. D'entrée de jeu, nous tenons à souligner que la commission accueille favorablement la proposition sous étude.

L'institution d'un commissaire dédié à la promotion du bien être et du respect des droits des enfants, ainsi qu'à la protection de l'intérêt de l'enfant constituera une étape charnière dans la reconnaissance des droits des enfants et des jeunes au Québec. C'est donc avec beaucoup d'enthousiasme et d'humilité que nous sommes ici pour vous livrer notre vision de ce que devrait être la mission du commissaire et fournir des indications quant à la façon dont il devrait exercer ses fonctions et pouvoirs. Il s'agit également, pour une occasion... pour nous, une occasion de vous faire part des fonctions et des pouvoirs qui devraient lui être consentis afin qu'il puisse jouer un rôle d'envergure en faveur de tous les enfants et pour les jeunes.

Soulignons d'abord que son mandat de promouvoir le bien être et le respect des droits, c'est pour les quelque 1,7 million d'enfants et de jeunes du Québec. L'étendue de sa mission découle de la volonté du Québec de faire du bien être des enfants une préoccupation centrale. Telle qu'affirmée dans le préambule, la notion de bien être, bien, elle invite à s'intéresser à la situation des jeunes de façon globale, incluant la satisfaction de leurs besoins matériels, physiques, éducatifs et affectifs. Selon l'UNICEF, cela implique également le développement des compétences scolaires et sociales nécessaires pour s'épanouir. Délibérément large, la notion de bien être au cœur de la mission du commissaire l'amènerait à avoir une compréhension de l'ensemble des facteurs qui en... qui affectent la vie des enfants et des jeunes. Ceci nous apparaît fondamental compte tenu de l'approche préventive dans laquelle s'inscrirait son action. En cela, il jouerait un rôle unique.

Le commissaire se démarquerait également par sa compétence à l'égard des jeunes adultes de 18 à 25 ans, dont la situation a déjà été prise en charge ou qui a fait l'objet d'une mesure de garde ou de surveillance en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents. Cela permettrait de répondre notamment à leurs besoins spécifiques relativement à la transition à la vie adulte. Ajoutons que le respect des droits des enfants, que le commissaire aurait aussi pour mission de promouvoir, est indispensable à l'atteinte de leur bien être. En effet, la Convention relative aux droits de l'enfant, à laquelle le Québec s'est déclaré lié, fournit à cet égard un cadre sur lequel le commissaire pourra s'appuyer dans l'exercice de ses responsabilités. Elle prévoit en effet les principes qui doivent guider la mise en œuvre des droits des enfants et énonce plus largement la responsabilité...

M. Tessier (Philippe-André) : ...des États qui doivent réunir les conditions nécessaires à leur bien-être.

Dans cet esprit, à l'occasion de la Commission spéciale sur les droits des enfants et de la protection de la jeunesse, la commission Laurent, la commission a fait valoir qu'il était primordial d'agir en amont du système de protection de la jeunesse pour prévenir des situations de compromission de droits. Un tel effort en faveur du bien-être et des droits des enfants mobilise une variété d'acteurs, dont les réseaux publics d'éducation et de santé, les organismes communautaires, les fondations, les municipalités, les milieux de recherche, et j'en passe. Leur collaboration pour agir efficacement en faveur des enfants et des jeunes est essentielle, c'est pourquoi la commission recommande que le commissaire puisse coopérer, lorsqu'il l'estime nécessaire, avec toute organisation dédiée à la promotion, la défense, la protection des droits des enfants. Il serait ainsi en mesure de jouer un rôle central de pivot dans l'écosystème que forment ces acteurs. Et je passe la parole à ma collègue.

Mme Arpin (Suzanne) : Alors, la vision globale qu'aurait le commissaire le placerait par ailleurs dans une position privilégiée pour s'assurer que la voix des enfants et des jeunes est mieux entendue sur divers sujets et que leur intérêt est pris en considération dans les décisions qui les concernent. En plus de ce qui est déjà prévu à cet égard dans le projet de loi, la commission recommande que le commissaire puisse favoriser et assurer par tout moyen la participation des enfants et des jeunes à la vie démocratique. Cela doit passer tant par des actions auprès de ces derniers pour mieux les outiller que par des actions auprès d'acteurs gouvernementaux, institutionnels, communautaires et associatifs pour qu'ils mettent en place des moyens pour favoriser la participation des enfants.

Le commissaire aurait aussi pour responsabilité d'analyser le bien-être des enfants et de réaliser annuellement un portrait de cet état. La commission appuie cette proposition. Elle est d'avis que cet outil permettrait aux acteurs concernés de mieux connaître les besoins des enfants, cibler leurs actions à leur égard et en évaluer l'efficacité.

Elle anticipe cependant que le commissaire ait faire face à un obstacle de taille déjà bien documenté, soit le manque de données de qualité. Afin de lui permettre de bénéficier des données dont il aurait besoin, la commission recommande que soit ajouté à ses pouvoirs celui de conseiller les ministres et organismes publics afin de leur permettre de mettre en œuvre une collecte de données uniforme et conforme aux droits des enfants. Elle recommande également que l'état du bien-être présente des données désagrégées, c'est-à-dire ventilées par motif interdit de discrimination, de façon à rendre visibles les inégalités entre les enfants.

• (11 h 40) •

Pour compléter ses responsabilités et renforcer sa mission axée sur la prévention, la commission recommande que le commissaire puisse jouer un rôle de surveillance de toute proposition de loi, de politique ou de crédits budgétaires susceptible d'entraîner des répercussions sur les enfants, l'exercice de leurs droits et de leurs intérêts, et ce, dès l'étape de leur élaboration. Ailleurs au Canada et à travers le monde, de tels processus d'évaluation d'impact des décisions sur les enfants existent et ont fait leurs preuves.

Toujours dans l'objectif de renforcer la portée des actions du commissaire, la commission recommande également de prévoir dans le projet de loi un mécanisme de suivi de ses avis et recommandations. Les instances concernées seraient ainsi tenues de l'informer des mesures qui ont été prises pour donner suite aux avis et recommandations leur étant destinées. Dans la version actuelle sous étude du projet de loi, il n'existe aucun moyen pour les contraindre à lui rendre des comptes. À terme, cela pourrait mener le commissaire à dresser la liste des recommandations non suivies et, le cas échéant, les raisons pour lesquelles elles ne l'ont pas été, dans un rapport qu'il aurait à déposer à l'Assemblée nationale.

La commission ne peut passer sous silence le mandat qu'aurait le commissaire de soutenir les enfants dans l'exercice de leurs droits et de les accompagner lorsque nécessaire dans leurs démarches. Cela participerait à la fois à la pleine reconnaissance de l'enfant comme sujet de droit et à la réalisation de ses droits, dont celui d'exprimer son opinion sur toute question l'intéressant. Cette fonction de soutien auprès des enfants devrait néanmoins s'exercer conformément aux droits et devoirs des parents. Légalement, ceux-ci sont considérés comme les mieux placés pour déterminer ce qui est préférable pour leur enfant. Ils doivent le guider dans l'exercice de ses droits tout en tenant compte de son opinion.

Considérant que la part de l'État consiste alors à accorder aux parents l'aide appropriée dans l'exercice de...

Mme Arpin (Suzanne) : ...cette responsabilité. La Commission recommande d'étendre le rôle de soutien du Commissaire, dans l'exercice des droits de l'enfant, à ses tuteurs.

Enfin, la Commission voit d'un bon œil le pouvoir d'enquête qu'aurait le commissaire en regard de l'évaluation de la mise en œuvre des programmes et de la prestation des services destinés aux enfants, qui relèvent des organismes publics. Ces enquêtes se distingueraient des nôtres par leur nature et leur finalité, et ce, dans ces deux volets : en protection de la jeunesse, dans les dossiers de lésion de droit, et en charte, en matière de discrimination et de harcèlement. Il est entendu que pour mener à bien l'ensemble de ses fonctions, le commissaire devrait être doté de ressources conséquentes pour les accomplir.

Me Tessier.

M. Tessier (Philippe-André) : En terminant, la Commission recommande de désigner dans le projet de loi un ministre responsable pour coordonner la réponse gouvernementale aux constats, recommandations et avis du Commissaire. Cette responsabilité ministérielle serait complémentaire au rôle de ce dernier, qui consisterait à veiller à la cohérence et suffisance de l'action gouvernementale en vue d'assurer le bien-être et le respect des droits des enfants. Les responsabilités gouvernementales en matière de prévention, d'intervention et de défense des droits de l'enfant sont actuellement exercées par différents ministères. La Commission persiste à croire que l'attribution d'une telle responsabilité ministérielle ciblée assurerait une meilleure cohérence des actions gouvernementales au regard des droits qui sont reconnus aux enfants.

En tout dernier lieu, nous tenons à réitérer et à vous dire à quel point nous... notre volonté de contribuer, par tous les moyens possibles, à la mise en œuvre de la mission de cet organisme dédié à la promotion du bien-être des enfants et au respect de leurs droits... est au cœur de nos priorités. Nous sommes ainsi pleinement disposés à collaborer avec cette nouvelle institution dans l'objectif commun d'accroître le respect des droits des enfants et des jeunes au Québec. Nous vous remercions de votre attention et nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, Me Tessier et Me Arpin, pour votre présentation. Nous allons débuter cet échange avec M. le ministre.

M. Carmant : Merci beaucoup, M. le Président. Maître Tessier, Maître Arpin, aux gens qui vous accompagnent, bonjour. J'aime beaucoup lire, et vous m'avez donné de la lecture.

La première question, celle qui vient tout de suite à la tête, c'est vos points à la fin, c'est : Comment envisagez-vous une collaboration ou comment... Parce que nous, notre enjeu, ça va être de bien positionner ce commissaire pour qu'il ait une vue globale et... de l'enfance. Comment vous, vous voyez votre collaboration avec ce commissaire-là? Surtout qu'on a parlé auparavant, là, d'enjeux au niveau des rôles de chacun.

M. Tessier (Philippe-André) : Merci pour la question. Alors, M. le Président, il est essentiel de bien comprendre que lorsqu'on parle des droits des enfants, on parle d'un rôle et de responsabilités qui sont distribués à travers l'ensemble de l'écosystème. Je dis bien «gouvernemental», puis ça, c'est une des propositions qu'on vous fait. Oui, les organismes publics ont leur rôle à jouer puis ils sont au cœur de l'action puis de la réponse de l'État du Québec, mais il ne faut pas sous-estimer l'apport, et c'est ce que le rapport Laurent disait.... la commission Laurent disait aussi, l'apport des organismes communautaires, l'apport aussi de tous les organismes qui ont comme objectif, les instituts universitaires, les fondations, etc., j'en passe, qui, autour de l'enfant, vont venir placer cette... ce rôle-là, de prévention, vont venir placer cette vision-là de tous les enfants. Et le commissaire, lui, va être vraiment au centre et va pouvoir avoir cette vision-là d'ensemble et coordonner avec comme seul objectif quelles sont les différentes pratiques, quelles sont les différentes politiques, quelles sont les différentes actions mises de part et d'autre, tant gouvernementales, au niveau, comme je le disais, là, des organismes non gouvernementaux. Donc, vraiment d'avoir cette vision large là, mais de pouvoir après ça faire des recommandations, donc, sur une base annuelle, dresser ce portrait-là, de l'enfance, mais alimenté par l'ensemble des travaux de tous ces organismes-là, évidemment, dont le nôtre. Mais absolument pas... nous ne sommes pas absolument pas le seul. Il y en a plusieurs autres.

M. Carmant : Mais je voulais justement le regarder d'une façon plus spécifique par rapport à votre organisation.

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, par rapport à notre organisation, assurément qu'une des questions qui pourra être regardées, c'est quelles sont les recommandations que nous avons nous-mêmes émises ou quels sont les dossiers que nous avons même mis de l'avant. Par exemple, que ça soit... ma collègue y a fait référence, que ça soit en vertu de nos mandats sous la charte en matière de discrimination et harcèlement, ça peut être, par exemple, les questions d'inclusion scolaire, O.K.? Donc, au Québec, les enfants HDAA, c'est une problématique bien documentée, nous avons d'ailleurs fait un colloque l'automne dernier sur la question, en collaboration avec le Conseil supérieur de l'éducation, le Protecteur national de l'élève et le Protecteur du citoyen, donc, cet exercice-là... Puis évidemment, plein d'organismes non gouvernementaux. Donc, ces exercices-là, que l'on fait, bien, on les fait déjà, mais là, on va avoir quelqu'un qui va pouvoir venir jouer... justement, jouer ce rôle-là...

M. Tessier (Philippe-André) : ...la coordination de tous ces acteurs-là,  éviter le travail en silo, s'assurer que tous ces documents-là, tous ces travaux-là sont repris. Puis il y a cette vision-là cohérente pour les droits des enfants au Québec.

M. Carmant : Parfait. Merci. Bon, la grande recommandation, je pense, qui sort du rapport, là qui... de ma position, c'est la création d'un ministre responsable des enfants. Pouvez-vous en dire plus? Est-ce que ça a déjà existé? Est-ce que...

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, effectivement, la responsabilité a déjà été attribuée au niveau... donc, lorsqu'on regarde puis, dans notre long mémoire, comme vous l'évoqué, on a fait une ligne du temps pour faciliter un peu l'exercice, ce regard-là. On a voulu faire ce survol historique là pour bien comprendre où on est rendu au Québec. Et donc, en 1997, en 2004, il y a des politiques gouvernementales très importantes qui sont venues placer dans les politiques familiales, on est passé de politiques natalistes, des politiques où le droit et l'intérêt de l'enfant est au cœur de ces politiques-là, le Québec fou de ses enfants, etc. Donc, tout ce qui a découlé de ça, on est venu les placer. Et, à ce moment-là, ce qu'on a eu, bien, c'est qu'on a eu des organismes qui sont venus chapeauter puis suivre ces différentes politiques là, superviser ces différentes politiques là.

Donc, pour nous, c'est sûr et certain que toute cette trame historique là, factuelle, il faut en tenir compte aujourd'hui lorsqu'on vient réfléchir à comment on vient placer les rôles et responsabilités de cet organisme-là dans l'écosystème actuel québécois.

M. Carmant : Mais nous, on l'avait positionné comme sous santé et services sociaux, mais si on parle vraiment de quelqu'un de responsable des enfants, ce ne serait pas plus familles et enfants ou... Est-ce que vous avez une vision par rapport à ça?

M. Tessier (Philippe-André) : Pour ce qui est de... Ça, quant à nous, ça, c'est peut-être... c'est une prérogative gouvernementale d'attribuer le portefeuille. Ce qu'on veut juste dire, c'est de bien distinguer les missions que la mission de l'éducation, la mission de la protection de la jeunesse, la mission... donc, peu importe, on peut faire le tour ensemble. L'idée, c'est qu'il y ait donc un titulaire parce que, quand on regarde la logique puis l'architecture du rapport de la commission spéciale, de la commission Laurent, on a voulu avoir ce rapport-là indépendant, donc, qui relève de l'Assemblée nationale, tout comme le Protecteur du citoyen, le PCQ qui fait cette reddition de comptes là.

Donc, s'il fait une reddition de comptes à l'Assemblée, aux parlementaires, bien, il faut, donc au législatif, il faut que l'Exécutif, il y ait quelqu'un qui soit le responsable, pas d'avoir 10 responsables. Si on veut avoir une vision cohérente avec un agent indépendant du Parlement de l'Assemblée nationale, bien, à ce moment-là, il faut avoir la responsabilité correspondante. C'est un peu la logique qu'on vous propose dans notre mémoire.

M. Carmant : D'accord.  Un peu surpris aussi de votre inquiétude quant au suivi. Donc... On était très fiers de dire faut que ce soit déposé à l'Assemblée nationale avec tous les parlementaires qui suivent les dossiers, pourquoi avez-vous une inquiétude sur le suivi des recommandations? Puis comment s'assurer que ce suivi soit fait selon vous?

• (11 h 50) •

M. Tessier (Philippe-André) : Je pense que, pour nous, ce qui est important, puis je regarde juste mes collègues, là, mais simplement pour vous dire, pour nous, ce qui est important, c'est que lorsqu'on regarde ce genre de poste là, puis vous parlez du positionnement, là... pardon, M. le Président, le ministre parle du positionnement dans le rôle, un des rôles importants, ça va être justement cette reddition de comptes là aux parlementaires. Mais, pour ce faire, il faut créer un espace. Donc, lorsque le Protecteur du citoyen, lorsque le Vérificateur général émettent leur rapport, il y a des obligations de commissions parlementaires de se saisir de ces rapports-là, de faire des suivis appropriés. Lorsque les recommandations ne sont pas suivies, ils ont des pouvoirs afférents à ça.

Donc, nous, ce qu'on dit, c'est que : Si ce qu'on veut, c'est avoir véritablement ce rôle-là puis donner les pouvoirs nécessaires pour jouer ce rôle-là, donc, donner le pouvoir aux parlementaires de jouer ce rôle-là, bien, il faut l'écrire de façon explicite dans le projet de loi, un peu par analogie, ce qui se fait dans la Loi sur le Protecteur du citoyen ou la Loi sur le Vérificateur général du Québec.

M. Carmant : D'accord. Merci. Il y avait un enjeu sur les données, vous savez, comme notre gouvernement aussi a de l'intérêt pour avoir les bonnes données, vous aviez mentionné qu'à l'article 8 «il faudrait conseiller les ministres, ministères et organismes publics pour une collecte de données uniformes et conformes aux principes inscrits dans la Convention relative aux droits de l'enfant. Pouvez-vous m'expliquer un peu plus? Moi je vous donnais un exemple, par exemple, pendant la pandémie, on a eu beaucoup de difficultés à avoir des données, là, qui, selon les différents sous-groupes, comment vous verriez ça s'appliquer pour les jeunes?

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, essentiellement, ce qui existe, puis je pense que nous-mêmes, on fait, comme commission, qui a analysé les politiques et les pratiques gouvernementales, des fois, on fait... on fait ce même constat là que j'entends, donc la donnée ne va pas être nécessairement disponible. Et donc c'est pour ça que ça ne veut pas nécessairement dire qu'elle n'est pas toujours collectée, elle n'est peut-être pas rapatriée, elle n'est peut-être pas organisée, mais il y a aussi de la donnée qui n'est pas collectée, et donc... Et il y a des institutions.

M. Tessier (Philippe-André) : ...par exemple, l'Institut de la statistique du Québec. Il y a d'autres sources statistiques sur lesquelles on peut s'appuyer, évidemment. Statistique Canada, aussi, qui fournit quand même beaucoup de données pour la situation au Québec sur toutes sortes de matières. Mais évidemment, si le commissaire, un de ses rôles, c'est de donner et de dresser un portrait juste et fidèle de l'état de l'enfance au Québec, bien, encore faut-il qu'il puisse s'appuyer sur des bonnes données, des données à jour. Et si lui, bien, il constate qu'il manque telle donnée, bien, pas nécessairement obligé que, lui, collecte la donnée, mais il faut qu'il puisse collaborer avec l'INESSS, avec peu importe, là, nommez l'organisme que vous voulez, le ministère de l'Éducation, etc., pour dire : Bien, moi, j'aurais besoin de telles données pour pouvoir avoir un portrait juste de la situation. Donc, évidemment, lui, il va avoir ce rôle-là, fédérateur, donc, d'agrégateur de ces données-là, toujours dans l'intérêt de l'enfant.

M. Carmant : Et toujours en collaboration avec les autres...

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, forcément, parce qu'encore là ça serait... là faire double emploi, de lui dire : Collecte une donnée qui est déjà collectée ailleurs. Toi, ta responsabilité, encore là, c'est d'être le pivot, c'est d'être au centre, puis de faire travailler les acteurs autour de lui en disant : Moi, j'ai besoin de ça, moi, j'ai besoin de ça, moi, j'ai besoin de ça, pour accomplir ma mission qui est de produire ce rapport-là aux parlementaires. Et, quand le VG rentre chez quelqu'un ou le protecteur, l'organisme lui fournit les informations, parce qu'il sait qu'il va y avoir un rapport à l'Assemblée nationale, puis que les parlementaires vont s'en saisir. C'est ça, le pouvoir du commissaire. Il s'appuie sur le... il s'appuie sur l'Assemblée nationale, son autorité, c'est un deux tiers, elle vient de vous, Mmes et MM. les députés, puis, à ce moment-là, quand il y a cette reddition de comptes là, bien, vous pouvez le questionner, interpeller, évidemment, le gouvernement, l'exécutif.

M. Carmant : Exact. C'est clair. Juste question, un petit détail, là, vous avez mentionné sur le rôle dans les politiques gouvernementales, puis nous, à la... à l'article cinq, alinéa trois, on parle d'analyser les impacts des politiques gouvernementales sur le bien être des enfants. Qu'est-ce qu'il y a de plus à dire pour raffiner le rôle du commissaire? Est-ce que c'était...

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, bien, essentiellement, c'est parce que... ce qui arrive, c'est que ce rôle-là, c'est un rôle qui est... évidemment, puis nous, la commission, on est privilégiés, on a quand même des contacts avec l'ensemble de ce genre d'organismes à travers le Canada. Et donc, ça aussi, on le voit. Bon, comme je vous parlais dans... on parlait dans notre discours d'introduction, les principes de l'UNICEF, comment on vient un peu faire ces «Child Rights Impact Assessments», je m'excuse, j'ai l'acronyme en anglais, parce que c'est avec nos collègues du reste du Canada. Puis, bon, ça se passe souvent en anglais, je n'ai pas besoin de vous le dire. Donc, ces CRIA là, donc ces... toutes ces méthodes-là, elles existent ailleurs, dans d'autres provinces, dans d'autres pays. Donc, c'est quelque chose qui est bien documenté, mais encore là, il faut que cet exercice-là, il soit robuste.

Nous, ce qu'on vous dit, en gros, le message, là, ce qu'on veut, c'est : Oui, l'idée est là, la... il faut juste donner cette robustesse-là pour que ce mécanisme là, il produise pleinement ces effets-là, puis qu'il y ait ces suivis-là qui soient mis dans le projet de loi. Donc, vraiment, ce n'est pas... l'idée est là, là, on en convient, là, l'intention est là. Peut-être juste l'intention du législateur, peut-être qu'elle soit encore un peu plus précisée, puis c'est un peu ça, le sens de notre recommandation.

M. Carmant : D'accord. Je passerais la parole, M. le Président, à la députée de Laporte.

Le Président (M. Provençal) :...députée de Laporte.

Mme Poulet : ...merci, M. le Président. Merci... de votre participation. Pouvez-vous nous parler des droits économiques et sociaux et aussi, peut-être, le patrimoine des enfants, qui devrait faire l'objet d'une veille particulière de la part du commissaire?

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, assurément, lorsqu'on dit que le commissaire, un de ses... une de ses responsabilités, ça va être de travailler en amont, hein, des violations de droits, donc travailler sur le bien-être, on l'a bien... Ça, ça a été bien décrit, puis bien défini encore une fois. Ce qu'on veut... ce qu'on veut... ce sur quoi on veut insister, c'est que ces droits-là économiques et sociaux, bien, c'est quoi? Bien, c'est le droit à un logement, le droit à un revenu suffisant, le droit à l'éducation, le droit à l'information. Dans la Charte québécoise des droits et libertés, il existe des droits économiques et sociaux. La Charte québécoise est d'ailleurs unique au Canada. C'est la seule... c'est la seule loi de ce type-là au Canada qui contient ces droits économiques là. Et donc, simplement pour dire qu'on peut prendre appui sur ces éléments-là pour avoir cette... cette veille-là, puis que, donc, on est capable, déjà, de se baser sur des éléments existants par rapport à ça.

Puis l'autre chose qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'il y a un ensemble de lois plus particulières puis plus spécifiques qui font... qui mettent en œuvre ces différents droits là. Le droit à l'éducation, bien, c'est la loi sur l'instruction publique. Donc, c'est sûr et certain qu'encore une fois le commissaire, lorsqu'il va avoir sa vision d'ensemble, il ne va pas venir dédoubler le travail qui va être fait par les institutions, mais il va prendre les rapports. Le Protecteur national de l'élève va faire des constats, va faire des rapports. Le commissaire pourra prendre ces... ces outils-là, s'alimenter de ces travaux-là pour, lui, faire ses constats, après ça, par la suite, en toute indépendance.

Mme Poulet : O.K., merci.

Le Président (M. Provençal) :Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Dorismond : Bonjour. Merci... dans votre mémoire, vous formulez tout l'aspect de collaboration. Donc, ma question va comme suit : Que diriez-vous d'obliger dans le fond la...

Mme Dorismond : ...collaboration avec des organismes publics?

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, écoutez, c'est sûr et certain que, pour nous, je pense que le projet de loi a déjà cette volonté-là. Je pense que l'Assemblée nationale se prononce... ne parle pas pour ne rien dire. Lorsqu'elle institue ce genre de commissaire là puis qu'elle dit qu'il a pour mandat de collaborer puis de coopérer, c'est de la responsabilité des organismes de le faire, puis c'est pour ça qu'on vous a assuré... puis on... je vous le redis, nous, on comprend très bien l'intention du législateur puis on va collaborer puis coopérer.

Maintenant, ce qu'il faut comprendre aussi, c'est que tout ça, bien, ça se fait par, souvent, des mécanismes d'ententes, ça se fait par des... il y a des mécanismes plus formels de collaboration qui s'installent. Et donc un des gros premiers mandats... il va y en avoir plusieurs, mais un des premiers mandats de ce commissaire-là va être... de venir placer comment va s'exercer cette collaboration-là, à travers quel forum, quel canal, quelles ententes il va vouloir prendre avec les organismes. Tout ça, ça va être un bon travail à mettre de l'avant, disons, dans les premiers mois de son mandat.

Mme Dorismond : Parfait. Merci.

Le Président (M. Provençal) :...M. le ministre? Non, ça va?

M. Carmant : Parfait. Je voulais vous parler peut-être un peu aussi de... tu sais, on a pris la décision, encore une fois, là, de garder les choses... de garder la commission des droits de la personne, droit de la jeunesse avec toutes ses fonctions. Pour moi, c'est quelque chose, là, qui permet d'avoir le commissaire plus en amont et d'avoir une vision plus globale de la jeunesse. Avez-vous des commentaires là-dessus par rapport à ça?

M. Tessier (Philippe-André) : Bien oui, simplement pour réitérer le fait que, nous, notre rôle... et puis notre expertise, elle est spécifique, elle est très précise, elle est... donc en matière de lésion de droit, lorsqu'on regarde la Loi sur la protection de la jeunesse. Et évidemment, je le redis, les enquêtes que nous allons faire, les... ça va être des éléments sur lesquels on va collaborer avec le commissaire pour lui fournir ces résultats-là puis lui pourra... encore là, ça va être vrai pour nous et, je l'espère, pour l'ensemble des autres acteurs, comme je le dis, pas juste gouvernementaux, donc il va pouvoir s'alimenter de ça pour faire les constats qu'il aura à faire. Mais les deux missions vont être différentes, ils vont être complémentaires.

Je vais vous donner un exemple. La question de l'utilisation des temps d'écran chez les enfants, présentement c'est une grande préoccupation. J'ai entendu, là, la question des... de la toxicomanie. Bien, la... les... nos collègues des autres provinces, bien, ils font des rapports sur la toxicomanie chez les jeunes, ses impacts, les impacts, qu'est-ce que ça veut dire pour les organismes gouvernementaux, pour faire ce genre de recommandations là. Il ne s'agit pas ici de strictes questions de lésion de droit sur lesquelles on va enquêter. L'utilisation de temps d'écran, ce n'est pas un motif de compromission à la LPJ, en tout cas pas encore.

• (12 heures) •

Alors, je fais juste dire que ça, bien, c'est sûr et certain que ce n'est pas une enquête en lésion de droit, mais est-ce que le commissaire, lui, va pouvoir regarder ce que... ce que l'INESSS fait là-dessus, l'INSPQ, peu importe, il va... il va avoir tout l'écosystème, il va pouvoir voir qu'est-ce qui se dit, qu'est-ce qui s'écrit. Évidemment, il va peut-être travailler avec le ministère de l'Éducation, il y a des nouvelles politiques qui sont mises en place. Donc, lui, il va pouvoir jouer ce rôle-là puis, en fonction de la priorité qu'il va pouvoir dégager, bien, il va pouvoir faire ces constats-là, mais qui ne seront pas une enquête en discrimination et harcèlement qui mène au tribunal ou une enquête en lésion de droit dans laquelle on va prendre... il va y avoir peut-être des engagements de la DPJ par rapport à un enfant en particulier. Mais évidemment nous, on lui fournira ces données-là, comme elles sont déjà d'ailleurs publiques, là.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, M. le ministre. Le temps est terminé.

M. Carmant : Merci beaucoup.

M. Tessier (Philippe-André) : Merci.

M. Carmant : Merci.

Le Président (M. Provençal) :Alors, je vais maintenant céder la parole à la députée de Robert-Baldwin.

Mme Garceau : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, maître Tessier, que je connais.

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, bonjour.

Mme Garceau : On était au même... même bureau. Merci d'être ici. C'est très apprécié. Je vais aller au cœur du sujet parce que je vois que je n'ai pas beaucoup de temps, M. le Président. Donc, en ce qui a trait... parce qu'on va se le dire, les critiques... face au rôle, vos responsabilités, de la façon que vous agissez concernant la protection des enfants, il y a eu plusieurs critiques en termes de manque de proactivité concernant la protection des droits des enfants. Et évidemment on a, dans le rapport de la commission Laurent, cette recommandation que tous les pouvoirs et responsabilités de la CDPDJ soient transférés au commissaire. Et donc je comprends, là, que vous voyez, compte tenu de qu'est-ce qui a été déposé en termes du projet de loi... que vous voyez vos rôles étant complémentaires, c'est ça?

M. Tessier (Philippe-André) : Oui.

Mme Garceau : O.K. Mais vous le voyez également de façon... le côté plus préventif, le côté où... concernant les mesures préventives, que ça, ça va être plus le rôle du commissaire à agir dans ces...


 
 

12 h (version non révisée)

Mme Garceau : ...est-ce que je comprends bien?

M. Tessier (Philippe-André) : Tout à fait. Bien, le commissaire va avoir un mandat aussi qui est fondamental, c'est de porter la voix des enfants. On l'a comme... je n'ai pas eu beaucoup de questions là-dessus, mais je le précise, il ne faut pas sous-estimer ce mandat-là. On a fait d'ailleurs des recommandations par rapport à ça. Il faut comprendre encore une fois qu'il y avait des institutions au Québec qui existaient, qui ont été abolies, puis, bon, la nature a horreur du vide, donc là, on vient recréer quelqu'un qui va porter la voix des enfants au Québec. Il y avait le Conseil permanent de la jeunesse qui existait jusqu'en 2011 puis il y avait le Conseil de la famille et l'enfance qui existait jusqu'en 2011... ont été abolis. Donc, c'est sûr et certain que, là, ce qu'on vient... ce qu'on constate, le Conseil de la famille et de l'enfance avait, dans les politiques gouvernementales dont on a parlé plus tôt, 1997-2004, avait ce rôle là de coordination et le Conseil permanent de la jeunesse avait le rôle de porter la voix des jeunes au Québec. Donc, on est venu abolir ces instances-là en 2011. Mais là, évidemment, on se rend compte que, oups, bien, on n'a pas personne qui porte la voix des enfants au Québec, ce serait peut-être bon qu'on en ait une, puis on n'a pas personne qui fait des avis au gouvernement puis à l'Assemblée nationale sur les politiques familiales, sur les politiques de l'enfance au Québec, ça serait peut être bon qu'on en ait. Donc, ça aussi, pour nous... C'est pour ça qu'on a fait, pour le bénéfice de la commission parlementaire, la ligne du temps, qu'on a mis en annexe, c'était pour que... dans un seul regard visuel, puis pour les gens qui veulent consulter notre mémoire, donc on voie un peu.

L'autre chose aussi qui est importante de se rappeler, c'est que, depuis récemment, le p.l. n° 15, justement, on a recréé la position de DNPJ, donc de directrice nationale de protection de la jeunesse, qui était une des premières recommandations de la commission Laurent. Pourquoi? Parce que l'ACJQ, l'Association des centres jeunesse, qui jouait ce rôle-là de coordination clinique, avait été abolie en 2015. Donc, ce qu'on est venu faire en créant la DNPJ, c'est combler le vide laissé par l'absence de l'ACJQ, puis ça, c'est une des premières recommandations de la commission Laurent, comme vous le savez.

Donc, quand on regarde tous ces éléments-là, porter la voix de l'enfant, pour nous, c'est essentiel dans notre mémoire, on le dit, je pense qu'on ne sera pas le seul acteur, en commission parlementaire, à le dire, donc de jouer ce rôle-là puis d'avoir une réelle consultation. Parce qu'encore là, les principes de droit international auquel on fait référence, ce qu'on veut, ce n'est pas juste la consultation d'enfants, là, ce n'est pas : On paie une pizza, on les rencontre un 5 à 7, et tout. Non, il faut avoir des outils pour faire une véritable participation des enfants pour que quand le commissaire prend des positions, il se nourrisse, il s'appuie sur un véritable comité consultatif composé d'enfants qui vont aider après ça des orientations gouvernementales, donc qui vont porter la voix des enfants. Puis ça, je vous le dis, c'est un mandat... Pour nous, là, c'est un mandat fondamental que personne d'autre ne joue présentement dans l'écosystème québécois. Il va être unique en ce sens là.

Mme Garceau : Je vous réfère à la page 15 de votre mémoire. Vous avez mentionné : Au terme de cet historique — parce que vous avez fait un historique étoffé au niveau de la commission — force est de constater que plusieurs acteurs, dont la commission, veillent à la protection des droits des enfants pris en charge par l'État. Or, aucun d'eux n'est dédié à la promotion du bien être et du respect de tous les droits de tous les enfants, de la petite enfance à l'âge adulte, dans tous les aspects de leur vie. C'est ce qui a poussé la CSDEPJ à recommander la création du commissaire.

M. Tessier (Philippe-André) : Tout à fait.

Mme Garceau : Mais en vertu de la charte... en vertu de la charte, des articles, la Charte des droits de la personne, 71 et 73, ça parle spécifiquement du rôle de la CSDEPJ en matière de protection de l'intérêt de l'enfant, de la promotion des droits et des enfants et de la personne. Vous avez ce rôle-là.

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, tout à fait. Mais comme on le dit bien, ce n'est pas la mission exclusive de notre organisation. Maintenant, l'enfant est une personne, et donc, par exemple, nous, ce qu'on va avoir dans nos missions fondamentales en matière de discrimination et de harcèlement, je vous donne l'exemple de l'inclusion scolaire tout à l'heure, on a fait, par exemple, beaucoup de dossiers de profilage racial chez les jeunes. Bien, on va faire ces travaux-là, puis on espère que ces travaux-là vont alimenter le commissaire, lui, lorsqu'il va faire son état annuel de l'enfance. Il va tenir compte de ces motifs-là de discrimination interdite, il va tenir compte des problématiques des enfants racisés lorsqu'ils sont interpellés par les autorités policières. On va espérer qu'il va tenir compte du fait que les élèves HDA ont des problématiques d'inclusion scolaire dans le réseau scolaire. Puis on espère qu'il va prendre appui sur nos travaux, mais, évidemment, 71, 73 auxquels vous faites référence, mais aussi nos pouvoirs d'enquête. Nous, ces pouvoirs là, ultimement, on l'utilise. Pourquoi? C'est pour les amener au tribunal, c'est pour les plaider devant les tribunaux. Et ça, ça va être aussi une fonction extrêmement différente.

Nous, dans nos enquêtes, on est neutre, impartial. L'équité procédurale nous y oblige parce que lorsque l'on prend une décision de suffisance de preuve, il faut qu'on l'ait fait de façon impartiale pour, par la suite, pouvoir plaider le dossier. Et donc, ça aussi, bien, pour nous, ça, ça va être... c'est au cœur, puis on va continuer à jouer ce rôle-là, puis on va être juste bien contents que quelqu'un, justement, va pouvoir regarder sans avoir à se limiter à ces questions-là de discrimination, harcèlement ou lésion de droits et qui va pouvoir avoir ce regard-là plus général, O.K., qui va être vraiment... Donc la question, par exemple, je vous donnais... question des temps d'écran. Là, exemple, j'essaie de vous donner des exemples pour bien comprendre. Nos collègues des autres provinces, là, qu'est ce qu'ils font là? Bien, c'est ça, ils font des Child Rights Impact Assessment. Ce qu'ils font, ce qu'ils vont faire des études sur la toxicomanie. Ce qu'ils vont faire, c'est qu'ils vont regarder un peu les décès d'enfants, c'est quoi les... qu'est ce qui se passe avec les décès d'enfants? Pourquoi on a... J'entendais l'exemple, là, pourquoi il y a eu...

M. Tessier (Philippe-André) : ...décès d'opioïdes. Il y a eu ça en Alberta récemment. Pourquoi? Qu'est-ce qui s'est passé? Là, ils vont regarder une tendance puis ils vont : Woup, on vient d'attraper quelque chose, il y a peut-être quelque chose qu'on peut faire avec ça, aviser les autorités gouvernementales. Mais ça, ce n'est pas de la discrimination, du harcèlement, ce n'est pas une lésion de droit, c'est des constats plus généraux qui sont dans l'intérêt de l'enfant que le commissaire va faire. Il va avoir en masse d'ouvrage, je vous en assure, juste à faire ça. Quand je parle à mes collègues des autres provinces, je peux vous assurer qu'eux aussi sont débordés.

Mme Garceau : Il y a une décision qui a été prise par... je veux juste m'assurer que j'ai bien compris, par la CDPDJ concernant la non-intervention de la commission devant les tribunaux en cas de lésion de droit.

M. Tessier (Philippe-André) : Absolument. Non, il n'y a pas de décision de mon intervention. Ce qu'on a comme pouvoir, en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse, c'est un pouvoir d'intervention, oui, dans des dossiers de lésion de droit.

Lorsque la lésion est reconnue par les parties, nommément la DPJ, bien, on va cesser d'agir. On a une reconnaissance, on a un engagement. Par exemple, le cas le plus fréquent chez nous, c'est le droit de communiquer. La LPJ prévoit le droit de communiquer de l'enfant avec ses parents ou ses grands-parents. La DPJ a empêché l'enfant de parler avec son grand-parent, ils font... ils se disent : Comment ça? Ils nous appellent : Ils ont empêché de parler avec le grand-parent. Nous, on appelle : Pourquoi il n'a pas empêché? Ils disent : Ah, on s'excuse, c'est une erreur, l'intervenante ne le savait pas. On prend un engagement, on arrête. Puis le droit de communiquer revient. On ne saisit pas le tribunal là-dedans, on fait une entente, c'est une méthode alternative de résolution de conflit, tout le... toute la justice au Québec, d'ailleurs dans le monde, tout le monde travaille là-dessus.

L'avantage de notre commission, c'est qu'on est une entité administrative, donc ce qu'on peut faire, on peut avoir la souplesse d'une enquête administrative pour trouver des solutions plus rapides, plus efficaces. Cela dit, quand il faut saisir le tribunal, on y va. Puis présentement, je le dis, en mars, la commission est devant la Cour suprême du Canada sur l'interprétation à donner à l'article 91 in fine de la Loi sur la protection de la jeunesse contre un CIUSSS et le procureur général du Québec. Nous aussi, en toute indépendance, nous sommes nommés aux deux tiers, il arrive avec égard que nous soyons en désaccord avec l'interprétation donnée par les DPJ et le procureur général du Québec d'une loi. Et ça, bien, à ce moment-là, on se disait les tribunaux puis ça, on ne se gêne pas pour le faire, juste qu'à la Cour suprême du Canada.

J'entendais la question de la fessée tout à l'heure. La commission est intervenue en Cour suprême dans ce dossier-là pour interdire la fessée. Malheureusement, la Cour suprême a dit que c'était raisonnable en vertu de, un, là, du test de... mais la position de la commission, puis ça demeure la position, puis mes collègues des autres provinces, Suzanne est bien placée pour le savoir, on en parle encore constamment de cette question-là, quels sont les leviers, quels sont les moyens qu'on peut prendre? Parce qu'on a essayé la voie judiciaire, puis, bon, la Cour suprême a dit non, ça fait qu'il n'y a pas vraiment d'autre appel de ça. Maintenant, on essaie d'autres façons pour voir comment on peut. Donc, sur p.l. 2, on est intervenus favorablement aux mesures qu'il y avait dans p.l. 2, droit de la famille qui sont venus... le ministre y a fait référence plus tôt ce matin. C'est sûr et certain que nous, là, on le dit : Interdire les corrections, c'est une position de la commission. Puis, tant mieux, le commissaire pourra nous appuyer, puis peut-être qu'on finira avec les collègues des autres provinces à convaincre Ottawa d'abroger 43 du CCR, mais à suivre.

• (12 h 10) •

Mme Garceau : À suivre, exactement. Je voulais savoir, depuis le dépôt du rapport de la commission Laurent, là, le 3 mai 2021, est-ce que la commission a intégré, est-ce qu'il y a eu une mise en oeuvre des... de certaines recommandations?

Le Président (M. Provençal) :Même si le temps est écoulé, je voudrais avoir la réponse, s'il vous plaît.

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, oui, tout à fait. C'est sûr et certain que nous, on a intégré, on a fait certaines recommandations, on continue. On travaille constamment avec les différentes autorités pour bonifier aussi certains éléments qui ont été mis de l'avant, l'intérêt de l'enfant, comment on l'évalue mieux, les outils cliniques, on fait ces suivis-là, on est avec... justement, avec la directrice nationale de la protection de la jeunesse également, on a ces échanges-là pour s'assurer que la mise en oeuvre de ces éléments-là sont faits.

Puis je fais juste vous dire aussi que la commission, là, nous, là, nos augmentations de lésions de droit, on a adopté des orientations en matière jeunesse à la commission, qui sont publiques, elles sont sur notre site Web. Ma collègue est en train de faire une tournée de tous les districts judiciaires du Québec pour présenter ces orientations-là et qu'elles soient bien comprises par les intervenants judiciaires parce que, justement, pour faire échec à l'incompréhension comme quoi qu'on n'intervient plus dans des dossiers jeunesse, ce qui est absolument faux. C'est juste qu'on a un rôle, lorsqu'on règle un dossier, bien, on n'intervient plus, le dossier est réglé. Je n'amène pas un dossier réglé au tribunal, ça serait une mauvaise utilisation des fonds publics. Mais ça, il a fallu faire un tour de tout le Québec pour être bien sûr que tout le monde comprenne bien, puis que les gens, les avocates en DPJ, lorsqu'ils voient des situations de lésion qu'ils nous les signalent pour qu'on puisse les regarder puis évaluer, à ce moment-là, au cas par cas, c'est quoi le rôle et l'intervention qu'on peut faire?

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Je vais céder maintenant la parole au député de Saint-Henri—Sainte-Anne.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup pour votre excellente présentation. Je viens à votre recommandation 5 sur l'élaboration ou le rôle de conseil dans l'élaboration des mesures prévues par loi ou par règlement. Puis je vous pose la question, face à ce que vous soumettez, là, ou face à ce qu'on soumet comme... comme nécessité de préserver l'indépendance dudit commissaire, je me demande, puis j'aimerais ça vous entendre sur si son rôle ne serait pas plutôt comme le vôtre aujourd'hui ici, de venir...

M. Cliche-Rivard : ...de venir présenter, une fois le texte élaboré, vos recommandations de propositions plutôt que de jouer un rôle en amont où finalement la perspective ou la vision de l'indépendance pourraient être compromises si le commissaire participe en amont à la rédaction ou à la proposition législative?

M. Tessier (Philippe-André) : C'est une excellente question. Cela dit, la dépendance, ça ne tient pas qu'à une seule... il y a plusieurs éléments constitutifs de cette indépendance-là : le processus de domination, les budgets, comment ça fonctionne et tout, et tout.

Nous, ce qu'on propose avec cet élément-là, et puis c'est quelque chose qui est qui est fait ailleurs, puis qu'on trouve extrêmement intéressant, et c'est pour ça qu'on le présente dans le projet, c'est le fait que justement, comme cette commission... ce commissaire-là, il va avoir un mandat préventif. Bien, lorsqu'il est informé de différents suivis de projets gouvernementaux, mais il est capable de faire un addenda, là, puis dire : Écoutez, woup! ici, impacts sur les droits de l'enfant, comme l'OPHQ va le faire : Ah! impact personne handicapée, comme on peut le faire en, droit de l'environnement : Woup! impact environnemental. Donc l'idée là, c'est que lorsqu'il y a ces processus-là à l'intérieur de l'État, il y ait, c'est une note, là, accrochées, pour dire : Attention, ici, impacts, droits de l'enfant.

L'exemple que je peux vous donner, très récent, notre collègue de Colombie-Britannique vient de sortir un rapport, la défenseure... bon, l'équivalent de la commissaire, là, ils ont tous des noms différents d'une province à l'autre, je vous le dis tout de suite. Donc, en Colombie-Britannique, ils ont regardé les affectations budgétaires, et ce qu'ils ont réalisé, c'est qu'en gros, il y avait des budgets pour certains droits... pour certains projets d'enfants qui n'avaient pas été utilisés pour ça puis qui avaient été un peu détournés. Donc, ils se sont retrouvés à attraper ça. Pourquoi? Parce qu'ils étaient à même de constater qu'est ce qu'il se passe.

M. Cliche-Rivard :  Mais moi, je voudrais seulement m'assurer comme législateur, justement, que ces notes-là se rendre jusqu'à nous. Et c'est là où, dans le simple volet d'élaboration, où ça, c'est peut être une nuance que moi, je porte, ça serait important que pour nous, on sache ce qui a été recommandé ou les drapeaux rouges qui ont été soulevés en amont pour qu'on puisse bien faire notre travail jusqu'au... jusqu'au regard. Mais ça, c'est ma considération.

Je vous envoie sur une autre question. Vous nous parlez d'un ministre responsable. Quel rôle vous voyez actuellement? Puis peut être que la question ne se pose pas, mais on a un ministre responsable de la Jeunesse. Est-ce que vous ne voyez pas là un lien ou est-ce que les rôles sont complètement différents?

M. Tessier (Philippe-André) : Je veux juste bien dire : Là, c'est la prérogative du premier ministre... du Conseil des ministres, de fixer puis d'établir l'Exécutif, là, qui porte quel chapeau.

M. Cliche-Rivard : Oui.

M. Tessier (Philippe-André) : Mais ce qu'on dit, nous, là, c'est que ce serait intéressant si un commissaire à l'enfance qui vient ici produire aux parlementaires un rapport annuel de l'état de l'enfance, qu'il y a un répondant gouvernemental pour l'ensemble. Maintenant, après ça, c'est une question d'orientation de l'Exécutif, là.

M. Cliche-Rivard : O.K. Mais là, sentez-vous que...

M. Tessier (Philippe-André) : Puis, évidemment, c'est les 0-18 ans. Le Secrétariat jeunesse, ce n'est pas les 0-18, c'est les 18-35, tu sais.

M. Cliche-Rivard : O.K.

M. Tessier (Philippe-André) : Il y a aussi les brackets d'âges qui changent. Là, ce dont on parle ici, c'est les 0-18 et les 18-25 pour les deux exceptions dont on a parlé. Là, il n'y a pas ça au Secrétariat à la jeunesse présentement.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup pour votre présentation.

Le Président (M. Provençal) :Merci. On complète avec le député des Îles de la Madeleine.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Merci, Mes Tessier, Arpin et Me Montigny... Montminy, c'est ça, et M. Blouin, de votre mémoire fort intéressant, très costaud. J'aime ça aussi la discussion qu'on a tenue parce qu'on a parlé d'indépendance. J'aime bien ça, l'indépendance du commissaire, oui. Mais on s'est parlé du fait qu'une fois rendu à la Cour suprême, là, il n'y avait plus d'autres solutions. Nous, on a une autre solution à l'article 1 de notre parti politique, mais c'est hors sujet pour l'instant.

Des voix : ...

M. Arseneau : Je voulais vous dire... simplement vous poser la question, j'ai l'impression que parfois, tu sais, la façon dont vous nous proposez des choses, pour le commun des mortels, ça devrait aller de soi qu'on amende le projet de loi pour ajouter un mécanisme de suivi. Tu sais, on se dirait : Mais il me semble que le commissaire va faire un suivi sur ses recommandations. Pourquoi est-ce que c'est si important de l'inscrire dans la loi?

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, c'est parce que pour nous, le contrôle parlementaire, c'est là qu'il s'exerce essentiellement. Puis pourquoi on fait un... pourquoi il y a un suivi plus spécifique?

M. Arseneau : Bien, pourquoi le suivi, on le comprend. Mais pourquoi est-ce que c'est essentiel? Sinon, vous pensez qu'on ne le ferait pas.

M. Tessier (Philippe-André) : Non, c'est simplement c'est que lorsque... dans ces mécanismes-là, lorsqu'on fait des recommandations, puis que ces éléments-là sont portés à l'attention, d'avoir des canaux, d'avoir un espace dédié de façon spécifique, bien, ça permet une compréhension commune à la fois des membres l'Assemblée nationale,  du public, du commissaire, des institutions parlementaires. Et ce que ça vient donner, ça vient donner un par là, une robustesse au commissaire, ça lui donne... Donc lui, il fait une recommandation, ce n'est pas juste lui qui fait une recommandation, si elle n'est pas suivie, il le dénonce à l'Assemblée.

M. Arseneau : Parfait. C'est très intéressant. Vous avez parlé des études, puis des analyses qui sont faites par vos vis-à-vis des autres provinces. Si je comprends bien, c'est...

M. Arseneau : ...c'est le même genre d'organisme que vous, l'équivalent, là, de la commission, mais, eux, ils ont un mandat qui s'apparente à celui qu'on va donner au commissaire, est-ce que c'est ça qu'il faut comprendre?

M. Tessier (Philippe-André) : C'est une excellente question. Il y a 10 provinces, trois territoires, il y a 13 modèles, O.K.? Je vais commencer par ça, O.K.? En gros, quand on regarde...

M. Arseneau : Juste, rapidement, parce qu'on a juste une minute, pourquoi est-ce que notre modèle serait meilleur que le leur si c'est...

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, parce qu'il correspond à la réalité québécoise, à l'écosystème québécois. Au Québec, il y a une chambre de la jeunesse, il y a une DNPJ, il y a un PNE, il y a un écosystème qui n'existe pas en Ontario. Il ne faut pas prendre les choses de façon désincarnée, il faut regarder, il faut prendre les bons outils, les bons éléments, puis c'est ce qu'on pense qui a été fait, puis on en fait quelque chose. Je vous le dis juste, là-dessus, je l'ai présenté en novembre, p.l. no 37, à mes collègues des autres provinces, ils étaient tous enchantés. Vous pouvez les appeler, c'est ce qu'ils vont vous dire. J'étais à Toronto avec elles et je leur ai expliqué un peu ce que je vous ai expliqué ce matin, elles trouvent toutes que c'est un super modèle intéressant puis elles disent : Ah bien, ce serait le fun qu'on ait ça chez nous aussi.

M. Arseneau : Que le Québec pave la voie, ça ne serait pas la première fois. Parfait. Maintenant, dernière question, le ministre... je comprends qu'il n'y aurait pas un ministre en titre pour le droit des enfants. Vous avez parlé de la Famille, de la Santé et Services sociaux, bon, avez-vous une...

M. Tessier (Philippe-André) : Je vais vous donner...

M. Arseneau : Vous n'avez pas de préférence?

M. Tessier (Philippe-André) : ...ministre responsable des Aînés, ministre responsable des PNI, c'est ça, un peu, le modèle qu'on propose. Mais, je le répète, après ça, qui en hérite? Ça, c'est la prérogative du premier ministre puis de l'exécutif, on respecte ça.

M. Arseneau : D'accord. Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Alors, je vous remercie pour votre contribution, votre participation, et surtout pour la qualité des échanges que nous avons eus ce matin.

Je suspends les travaux jusqu'après les avis touchant les travaux des commissions, vers 15 h 15. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 19)


 
 

15 h (version non révisée)

(Reprise à 15 h 17)

Le Président (M. Provençal) :À l'ordre, s'il vous plaît. La Commission de santé des services sociaux reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques. Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi no 37, Loi sur le commissaire au bien être et aux droits des enfants. Cet après-midi, nous entendrons les témoins suivants, le Protecteur national de l'élève, le Collectif Petite Enfance, M. Camil Bouchard et M. Dominique Goubau, le Protecteur du citoyen et Mme Nancy Audet. Nous allons débuter notre près-midi de travail en recevant les représentants du Protecteur national de l'élève, Me Jean-François Bernier et Me Simon Dupuis. Alors je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre présentation. Par la suite, on poursuivra les échanges. Je vous cède immédiatement la parole, Me Bernier.

M. Bernier (Jean-François) : Merci, M. le Président. M. le ministre, membres de la Commission de la santé et des services sociaux, Mesdames et Messieurs les députés, il me fait plaisir d'être devant vous aujourd'hui afin de vous exposer les commentaires du Protecteur national de l'élève sur le projet de loi no 37. Je me nomme Jean-François Bernier, Protecteur national de l'élève, et je suis accompagné en mode virtuel par Me Simon Dupuis, conseiller juridique à notre institution. Je profite d'ailleurs de cette tribune pour le remercier, ainsi que plusieurs autres membres de notre jeune institution, de leur contribution en amont de ma présence devant vous aujourd'hui.

Quelques mots sur la nouvelle institution qu'est le Protecteur national de l'élève. En action depuis la dernière rentrée scolaire, il est le nouvel ombudsman de l'éducation au Québec. Nous avons pour mission de veiller au respect des droits des élèves et de leurs parents au regard des services scolaires qui leur sont rendus. Nous sommes aussi un contributeur clé de la protection des élèves en matière d'intimidation et de violence, dont celles à caractère sexuel. Pour ce faire, les 17 protecteurs régionaux de l'élève et les autres membres du personnel de l'institution sont des acteurs de premier plan du nouveau mécanisme de traitement des plaintes et des signalements en vigueur dans toutes les écoles du Québec. Les protecteurs régionaux de l'élève, présents partout au Québec, traitent des plaintes et des signalements concernant les élèves des établissements scolaires, du primaire et du secondaire, et ce, tant au public ou privé, ainsi qu'à ceux fréquentant la formation professionnelle et l'éducation aux adultes, en plus des enfants qui reçoivent l'enseignement à la maison.

• (15 h 20) •

Puisqu'il a pour mission de veiller au respect des droits des élèves du Québec, le Protecteur national de l'élève voit d'un bon œil toute initiative ou avancée au bénéfice des enfants et qui place leurs intérêts au centre des préoccupations sociétales. Nous accueillons donc favorablement le projet de loi no 37 et la mise en place d'un commissaire au bien être et aux droits des enfants. Le Protecteur national de l'élève, je le disais précédemment, est un tout nouvel acteur en matière de protection des droits et de la sécurité des enfants. Ses responsabilités couvrent également des personnes majeures dans le contexte particulier de leur parcours et de leur environnement scolaire. Notre analyse et nos commentaires relatifs au projet de loi no 37 se consacreront à certains éléments spécifiques, sachant que d'autres intervenants sauront également éclairer les membres de la Commission de la santé des services sociaux dans le cadre des présentes consultations.

Le mémoire que nous avons déposé à la commission et mon allocution d'aujourd'hui proposent certaines bonifications au projet de loi no 37. Celles-ci visent essentiellement à s'assurer que le commissaire soit en mesure de jouer le rôle que veut lui réserver le législateur, à savoir celui d'une institution garante de la concertation parmi les acteurs étatiques œuvrant auprès et pour l'intérêt des enfants du Québec et de porte-voix de ces derniers. Tout d'abord, le projet de loi no 37 prévoit que le commissaire aura pour fonction de promouvoir le bien être et le respect des droits des enfants et de veiller à la protection de leurs intérêts. Il se devra donc d'agir dans une perspective évidemment de prévention au bénéfice des enfants, mais aussi de concertation auprès des autres acteurs pertinents. Bien que le commissaire ne traitera pas de plaintes et de signalements en milieu scolaire, comme le fait le Protecteur national et ses protecteurs régionaux de l'élève, ses fonctions peuvent évidemment l'amener à interagir avec notre institution.

La création d'un nouvel organisme comme celui du Commissaire au bien être et aux droits des enfants, et le mandat qui lui serait confié comporte inévitablement un risque de confusion des rôles avec d'autres organismes publics oeuvrant auprès des enfants. Cette situation nécessite dès lors un effort de clarification des responsabilités respectives de ces différents organismes auprès de la population, auprès des enfants et de leurs parents tout particulièrement. Considérant les liens étroits et entre le mandat du nouveau commissaire et celui du Protecteur national de l'élève, il nous apparaît conséquemment nécessaire de faire expressément référence à celui-ci à l'article 6 du projet de loi. Une telle modification aurait l'avantage de délimiter plus clairement le mandat du commissaire, de minimiser les risques de confusion chez les citoyens et d'éviter tout chevauchement...

M. Bernier (Jean-François) : ...entre les fonctions des deux organismes. Cette proposition favoriserait également le recours à l'institution spécialisée en éducation que constitue le Protecteur national de l'élève, sans toutefois empêcher le nouveau commissaire de soutenir et d'accompagner l'élève dans l'exercice de ses droits, conformément à l'article 5, alinéa 2, paragraphe 5° du projet de loi. Le commissaire pourrait, par exemple, accompagner un élève dans le cadre du dépôt d'une plainte au Protecteur national de l'élève ou pendant l'enquête qui suivra. La Loi sur le Protecteur national de l'élève prévoit d'ailleurs, à son article 30, l'obligation des protecteurs régionaux de l'élève de prêter assistance à toute personne qui le requiert pour la formulation de sa plainte ou pour toute démarche qui s'y rapporte. En ce sens, ils doivent également informer les personnes qui font appel à eux de leur droit d'être accompagnées de la personne de leur choix. Cette personne pourrait, avantageusement, être le commissaire au bien-être et aux droits des enfants.

Compte tenu de ce qui précède, il est, par ailleurs, essentiel qu'une collaboration entre le commissaire et le Protecteur national de l'élève puisse être formalisée, dans un souci d'une meilleure synergie d'intervention entre les deux institutions, et ce, dans le respect de leurs champs de compétence respectifs. Considérant son engagement envers la sécurité des élèves, la protection de leurs droits et l'amélioration continue des services scolaires québécois, le Protecteur national de l'élève est tout à fait disposé à contribuer à certains travaux du commissaire. Puisque le Protecteur national de l'élève est aujourd'hui un acteur central en matière de protection des élèves au Québec, nous sommes d'avis qu'il serait pertinent de souligner directement, dans le projet de loi, l'importance et la nécessité de la coopération entre le commissaire et nous. Pour ce faire, nous recommandons de faire expressément référence au Protecteur national de l'élève à l'article 11 du projet de loi n° 37, qui porte déjà sur le devoir de coopération du commissaire avec d'autres organismes.

En matière de consultation et de participation des enfants, le Protecteur national de l'élève tient à souligner l'importance qu'il accorde à l'article 5, alinéa 2, paragraphe 8° du projet de loi. Celui-ci prévoit la mise en place d'un comité consultatif, composé d'enfants et de jeunes adultes, afin d'obtenir leurs avis sur toute question concernant une matière relevant des fonctions du nouveau commissaire. Cette disposition vient, en effet, placer les intérêts de l'enfant et le respect de son droit à la participation à l'avant-plan. Elle vient réaffirmer l'engagement du Québec d'être une société bienveillante pour ses enfants et d'être à leur écoute. Elle contribue également au respect de leurs droits, et ce, en leur permettant de prendre davantage part aux décisions qui les concernent, conformément à la Convention relative aux droits de l'enfant, à laquelle le Québec s'est déclaré lié en 1991. Cela dit, le Protecteur national de l'élève constate que le projet de loi ne contient aucune précision sur la composition de ce comité consultatif. Bien que favorables à la création du comité en soi, nous sommes d'avis que sa pertinence, sa crédibilité et son efficacité dépendront de la qualité de sa représentativité. Il nous apparaît donc important que la composition du comité puisse refléter la grande diversité des enfants du Québec, et que celle-ci soit définie directement dans le projet de loi n° 37.

En plus des enfants issus des Premières Nations et inuits, qui sont déjà considérés, nous pensons plus particulièrement aux enfants en situation de handicap et à ceux qui sont issus de communautés ethnoculturelles. Une représentation équitable des différentes régions du Québec nous apparaîtrait également essentielle. Comme mentionné dans le rapport de la commission Laurent, le commissaire doit porter la voix de tous les enfants du Québec. À cet égard, on y affirmait que le futur commissaire devrait porter une attention particulière aux enfants issus des groupes ayant plus de difficulté à faire entendre leur voix et à faire valoir leurs droits. Ces groupes sont, notamment, les enfants membres des Premières Nations et Inuit, qui sont, d'emblée, pris en considération dans le projet de loi, mais aussi les enfants en situation, une fois de plus, de handicap et ceux qui appartiennent à des communautés ethnoculturelles. Le Protecteur national de l'élève constate que, dans sa forme actuelle, le projet de loi n° 37 est muet à ce sujet. Nous croyons donc, à l'instar de la commission Laurent, qu'une attention particulière devrait être portée aux enfants en situation de handicap ainsi qu'aux enfants issus de communautés ethnoculturelles.

Les plaintes traitées depuis moins de six mois par les protecteurs régionaux de l'élève permettent déjà de confirmer l'importance et la complexité des enjeux relatifs aux élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, et à la nécessité que tous les acteurs concernés contribuent à améliorer la situation. L'arrivée du commissaire viendra ainsi donner un coup d'épaule à la roue, important et essentiel. Le Protecteur national de l'élève recommande donc d'ajouter au projet de loi n° 37 une disposition qui exigerait que le commissaire porte une attention particulière aux enfants en situation de handicap et ceux issus des communautés ethnoculturelles.

En conclusion, nous tenons à remercier la Commission de la santé des services sociaux pour l'invitation de participer aux consultations particulières concernant ce projet de loi. Bonifié tel que suggéré dans notre mémoire, ce projet de loi serait susceptible d'atteindre encore plus ses finalités, dont celle de renforcer la concertation entre les organismes et les institutions publiques ayant l'intérêt et la protection des enfants au coeur de leur mission, en plus de leur donner, concrètement, voix au chapitre. Le Protecteur national de l'élève suivra, évidemment, avec un vif...

M. Bernier (Jean-François) : ...à la suite de vos travaux et réitère sa volonté de collaborer avec le futur commissaire, au bénéfice premier des enfants du Québec. Je vous remercie.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup pour votre présentation, Me Bernier. Alors, M. le ministre, vous débutez la période d'échange.

M. Carmant : Merci beaucoup, Me Bernier, effectivement, moi aussi. Merci, M. le Président, de me passer la parole. Je pense que, d'entrée de jeu, comme vous le dites, on a parlé du Protecteur de citoyen et des organismes publics, puis, en lisant les mémoires, plusieurs veulent être nommés au cours de... dans ses collaborateurs. Puis je suis tout à fait d'accord avec vous, là, que le Protecteur de l'élève doit être nommé. Un peu plus tard, on va peut-être parler du directeur de la santé publique, également. Donc, tout à fait d'accord avec ça.

Mais la question que j'ai pour vous, c'est, en ce moment, après vos quand même courte expérience, là, cinq, six mois, comment vous voyez... comment vous vous voyez collaborer avec le commissaire, dans l'environnement, là, que vous connaissez? À quoi on doit s'attendre?

M. Bernier (Jean-François) : Je crois que l'apport du commissaire sera le regard global et horizontal qu'il aura, je crois, sur les enfants, leur situation au Québec, le respect de leurs droits. Beaucoup en prévention, beaucoup en amont, je dirais, de... par des analyses, des études. Alors, on sera assurément, dans la mesure du respect de nos obligations légales, évidemment, qui sont dans notre loi, très ouverts à collaborer, à contribuer à bonifier les réflexions du commissaire lorsqu'il nous interpellera, là, sur un sujet ou un autre qu'il... dont il se saisirait. Donc, on voit ça de façon très positive et on voit de façon même... On a très hâte de le voir arriver pour avoir justement ce regard un peu plus global sur la situation des enfants au Québec.

M. Carmant : Super! Et, avec votre expérience, qu'est-ce que... quels conseils vous nous donneriez ou vous donneriez au commissaire pour... Tu sais, un des enjeux qu'on va avoir, c'est le faire connaître de la population, surtout des jeunes, des jeunes vulnérables que vous mentionnez, aussi pour s'assurer que la représentation territoriale est adéquate. J'ai compris, avec vos 17... vous êtes sur tout... dans toutes les régions administratives, c'est bien ça?

• (15 h 30) •

M. Bernier (Jean-François) : Bien, notre territoire est découpé de façon un peu différente. Même si le chiffre 17 nous ramène effectivement aux 17 régions administratives, on a 13 protecteurs à temps plein et quatre à temps partiel. Donc, on a redivisé le Québec en 13 régions, juste pour les fins de... vous préciser ça. Mais comment se faire connaître des enfants et de leurs parents? Je pense que, déjà, dans la loi, le fait qu'on a l'intention de créer un comité consultatif sur lequel siégeraient des enfants, d'où la recommandation qu'il soit le plus représentatif possible de tout ce qu'il y a au Québec comme réalités... Mais il n'y a pas de secret, hein, pour la notoriété, mais, effectivement, on a une courte expérience de six mois, en ce qui concerne le Protecteur national de l'élève, mais, honnêtement, c'est les efforts individuels et personnels de la personne qui incarnera, qui sera commissaire, d'être présent, d'aller vers les gens, d'aller faire des présentations en webinaires et autres. Le terrain, le terrain, le terrain, encore le terrain. On peut faire des publicités ou des campagnes de promotion, comme on le fait, d'ailleurs, actuellement, on est dans une période de quatre semaines où on fait une campagne de promotion plus générale. Mais il n'y a rien qui remplace, honnêtement, puis par mes expériences passées... il n'y a rien qui remplace le contact direct avec les gens. C'est beaucoup d'efforts, mais le commissaire et les membres de son équipe pourront assurément mettre l'épaule à la roue, là aussi, pour contribuer à leur notoriété, là.

M. Carmant : Parfait. Et les ex-commissaires nous ont aussi mentionné ce souci par rapport aux populations vulnérables. Vous avez mentionné les personnes en situation de handicap, les communautés ethnoculturelles. Nous, on est toujours un peu hésitants, là, à faire des listes de personnes vulnérables. Nous, notre approche, c'était peut-être, après avoir entendu puis avoir lu les mémoires, ce serait de mettre un groupe, inclure les enfants vulnérables, peut-être laisser le commissaire... un peu de latitude, mais vous, est-ce qu'il y avait une raison particulière pourquoi vous cibliez ces deux groupes-là en particulier que vous aimeriez nous partager?

M. Bernier (Jean-François) : Bien, c'est que, traditionnellement, ce qu'on remarque, c'est que c'est... leur voix est moins présente, pour différentes raisons, et que le fait d'aller les... les inclure d'emblée dans un comité de cette nature-là, pour moi, ça... pour vous, comme gouvernement et comme société, ça nous permet de les inclure immédiatement et de ne pas... d'avoir le pouls immédiatement de leur part. Mais, effectivement, c'est... j'ai entendu Mme Laurent aussi ce matin préciser que... peut-être laisser le soin au commissaire. C'est une avenue qui est très défendable aussi, par ailleurs, mais sachant que ces personnes, ces enfants...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

M. Bernier (Jean-François) :  ...historiquement et traditionnellement sont moins entendus, et, même à notre niveau, aller rejoindre les enfants ou les élèves des communautés ethnoculturelles, c'est difficile. Alors, on a... on sait qu'on a un effort... on a à doubler nos efforts... redoubler nos efforts pour aller les rejoindre.

M. Carmant : Parfait. Est-ce que vous voyez des risques ou avez vous des inquiétudes quant au chevauchement des rôles, dédoublements de rôles ou... Tu sais, on essaie vraiment de bien tracer le territoire ou le rôle de notre commissaire, là, puis on aimerait l'avoir un peu, comme vous dites, là, central. Mais, tu sais, comment... comment on peut s'assurer que... qu'il joue bien son rôle sans dédoubler le rôle des autres?

M. Bernier (Jean-François) : Moi, je pense le volet concertation, qui est déjà présent dans la loi puis qu'on propose de renforcer, pour s'assurer que chaque acteur qui est directement concerné, nous, la Commission des droits des personnes et de la jeunesse, etc., sachons tous quel rôle nous avons à jouer. Nous, la compréhension, c'est que le commissaire chapeaute ou... comme je l'ai dit d'entrée de jeu, une vision horizontale. Et ça, c'est intéressant parce que je crois qu'on ne l'a pas, cette vision horizontale, là, actuellement. Par contre, les acteurs qui vont venir devant vous, qui sont déjà passés ce matin ou qui vont venir devant vous, ils sont potentiellement directement concernés par l'arrivée du commissaire, je pense, ils sont tous au même endroit. Dans le fond, on ne voit pas son arrivée... du commissaire avec crainte, au contraire, mais on pense que c'est important que les... que les balises et les... je dirais, les carrés de sable respectifs, là, soient très clairs, autant pour les institutions concernées, mais encore plus pour la population. Et là, ça sera un travail de notoriété et de bien faire connaître, là, le rôle qu'il a à jouer, le rôle de prévention, le rôle de concertation, le rôle de la voix des enfants. C'est ce que je trouve intéressant dans ce projet de loi là, c'est vraiment la voix des enfants.

M. Carmant : Parfait. Est-ce que je peux passer la parole à la députée de Laporte?

Le Président (M. Provençal) :Oui. Mme la députée.

Mme Poulet : Oui. Merci, M. le Président. Merci beaucoup. Merci à vous deux d'être présents. J'aurais une question. Selon vous, qu'est-ce qui manque dans le projet de loi, selon votre expérience, où qu'on pourrait aller encore plus loin? Vous parlez de prévention, de concertation. Vous allez être en collaboration avec la commission. On peut- tu aller encore plus loin, vous pensez?

M. Bernier (Jean-François) : Bien, hormis ce qui... ce qui vous est recommandé ou proposé dans le mémoire, on n'a pas de truc très précis. Par prudence, je vous dirais, par expérience personnelle des derniers... des derniers mois, rien ne vaut la réalité, le concret, les constats qu'on peut faire d'un rôle que là, on le voit sur papier, qui est conceptuel, qu'on imagine, qu'on voit bien, qu'on se projette dans ce rôle-là. Mais tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas concrètement établi son... ses paramètres, ses balises, son champ d'intervention versus celui des autres acteurs, c'est difficile d'aller un peu plus loin que ce que... ce qu'on vous a identifié dans le mémoire.

Mme Poulet : O.K. Merci.

Le Président (M. Provençal) :Allez-y, M. le ministre.

M. Carmant : On va aller dans le détail puisque je pense qu'on a fait le tour des recommandations. Vous parlez que... vos rôles, c'est de recevoir, de traiter les plaintes et les signalements d'actes de violence à caractère sexuel survenant dans le réseau scolaire. Là, je vois potentiellement, là, un chevauchement avec la Protection de la jeunesse avec, justement, le commissaire. Comment... Quel est votre rôle également dans... précisément, là, puis comment vous interagissez, j'imagine, avec la Protection de la jeunesse...

M. Bernier (Jean-François) : Bien, cet...

M. Carmant : ...dans ces situations-là?

M. Bernier (Jean-François) : ...cet enjeu de chevauchement potentiel et même de l'arrivée d'un nouveau joueur comme étant le protecteur national de l'élève, il y a quelques mois à peine, et ce que sera les défis... ce que seront les défis du commissaire lorsqu'il commencera à mettre en œuvre différents éléments de la loi, c'est justement comment les autres acteurs voient l'arrivée d'un nouvel acteur. Dans notre cas à nous... effectivement, la DPJ a... on a eu des échanges avec la DPJ en amont, s'assurant notamment du concept de signalement qu'il y a dans notre loi en matière de violence à caractère sexuel. Donc, toute personne, peu importe qui elle est, peut faire un signalement en matière de violences à caractère sexuel. Donc, le mot signalement pour la DPJ, ça a un sens aussi. Mais on s'est assurés de... de s'asseoir avec les gens de la DPJ, de convenir de... de bien définir ce qu'était notre propre carré de sable, et on a eu cet enjeu-là de le définir, pour être sûr qu'on ne jouerait pas le rôle de la DPJ, qu'on n'a pas à jouer, qu'on ne voulait... qu'on n'avait pas à jouer le rôle de la police dans les situations de violence à caractère sexuel. Nous ne sommes pas les services de police, et on ne veut pas l'être non plus. Mais comment on pouvait donc intervenir pour être une plus-value pour les victimes? Et on a... on a, je pense, trouvé la voie de passage. Alors, on est vraiment l'interface qui reçoit le... des plaintes de victimes de signalements en matière de violences à caractère sexuel et qui intervenons immédiatement auprès de la victime pour la sécuriser dans ce qu'elle vit...

M. Bernier (Jean-François) : ...de faire le signalement à la DPJ, on devient un signaleur à la DPJ, un signalant à la DPJ nous-mêmes, immédiatement. Quand l'école ne l'a pas déjà fait, nous, on le fait. Mais, s'il y a déjà un signalement, on ne prend pas de chance, on le fait également pour être sûrs qu'on respecte les obligations de la LPJ. Et ensuite, on sécurise, donc, la victime dans tout ça, on lui annonce qu'est-ce qui s'en vient à l'égard de la DPJ, à l'égard des services policiers, le cas échéant. Et ensuite, nous, on s'assure que l'école gère bien la situation à très court terme, comment on gère la situation, de l'auteur allégué de l'acte et la victime. Et ensuite, une fois qu'on a... on s'assure de ça, on... on... on agit en prévention. Ça veut dire qu'on analyse le plan de lutte contre l'intimidation et la violence, qui comporte depuis l'automne dernier un volet, une section dédiée aux violences à caractère sexuel, entre autres choses, pour s'assurer qu'il y en a un, qu'il est optimal et, au cas échéant, faire des recommandations pour l'améliorer, dans un... dans une approche de prévention, pour s'assurer qu'un événement comme celui-là, dans la mesure du possible, ne se reproduise plus jamais dans cette école. Et on fera ça dans chacune des écoles pour lesquelles on devra intervenir et plus globalement dans nos rapports annuels d'activité, etc. On verra. Mais on est... on est dans cette perspective-là.

Donc, quand on a expliqué ça à la DPJ et aux services policiers, déjà, on a eu un... pas un soulagement, mais je dirais une assurance qu'on était complémentaires à leurs actions et non pas en chevauchement.

M. Carmant : Parfait. Il y a plusieurs intervenants ce matin qui nous ont mentionné que oui, il faut être le porte-voix des enfants, mais également dans certaines situations, surtout pour nos plus jeunes enfants, des familles ou des parents, également. Est-ce que vous avez le même mécanisme? Ou comment vous... les enfants ou les familles ont accès à vos services?

M. Bernier (Jean-François) : Bien, pour les plaintes, quand on considère un plaignant, c'est le... l'élève ou ses parents, donc l'un ou l'autre.

M. Carmant : O.K., ça, c'est clair.

M. Bernier (Jean-François) : Les mineurs peuvent faire une plainte. Donc, auparavant, c'était interdit, maintenant ils peuvent le faire. Évidemment, un enfant de 12 ans qui porte plainte, on va lui dire qu'on va en informer ses parents. Donc, il faut que les parents soient dans le coup, évidemment. À partir de 14 ans, il y a une zone plus de discrétion, évidemment, du consentement parental là-dedans. Tout ce... en ce... Donc, les parents comme les élèves peuvent faire des plaintes, des parents ou d'autres élèves... d'autres parents ou d'autres élèves peuvent également faire un signalement en matière de violence à caractère sexuel, donc un parent ou un enfant qui voit quelque... qui est témoin de quelque chose à l'égard d'un autre élève peuvent signaler la situation à notre endroit. Donc, c'est parents et élèves, essentiellement.

• (15 h 40) •

M. Carmant : M. le Président, je passerais...

Le Président (M. Provençal) :Je céderais la parole à la députée de Laporte.

Mme Poulet : Oui, merci, M. le Président. J'aurais une question. Un précédent groupe mentionnait qu'il manquait des balises juridiques, qu'il devrait y avoir des mesures d'accréditation pour les avocats qui sont auprès... qui sont... qui sont là pour aider nos jeunes. J'aimerais vous entendre à cet effet-là. C'est quoi votre opinion?

M. Bernier (Jean-François) : J'aurais... Avant de tenter une réponse, si t'en tente une, j'aimerais savoir quelle est... quelle était la finalité derrière ce besoin-là ou cette recommandation d'avoir une accréditation?

Mme Poulet : C'était de bien assurer un service, un soutien auprès des jeunes. Alors, une mesure d'accréditation, une formation des avocats.

M. Bernier (Jean-François) : Bien, tu sais, on ne peut pas être contre des avancées de cette nature-là aussi. Est-ce que ça prendrait une accréditation formelle comme un médiateur ou des choses comme ça? Je laisse le soin aux législateurs. Je pense qu'il y a au Québec, je pense, beaucoup d'avocats qui se sont développé cette expertise au fil des années garde des enfants, je pense à ceux qui interviennent en matière de protection de la jeunesse, etc., mais qu'une formation générale du Barreau ou une accréditation accordée par le commissaire, il y aurait... il y aurait... il doit y avoir des enjeux aussi de... je vous dirais, de plein plein... pleine capacité d'oeuvrer en qualité d'avocat, là, et il faudra voir. Mais je n'ai pas d'idée arrêtée là-dessus, là, pour être honnête.

Mme Poulet : O.K. Bon. Je ne voulais pas vous lancer une colle. Je voulais juste avoir votre opinion sur...

M. Bernier (Jean-François) : Non, non. Mais j'ai essayé d'en... vous donner un début d'opinion.

Mme Poulet : ...les balises juridiques, là, comme quoi qu'il y aurait une petite carence, une... un manque à... c'est un... à cet effet-là.

M. Bernier (Jean-François) : Bien, probablement que les gens...

Mme Poulet : Je voulais avoir votre opinion.

M. Bernier (Jean-François) : O.K., O.K.

Mme Poulet : D'accord. Merci.

Le Président (M. Provençal) :M. le ministre.

M. Carmant : Oui. Là encore, on va élargir, là, les demandes. Mais on a parlé de votre interaction avec le futur commissaire. Maintenant, vous, quand vous êtes arrivé sur la scène, avez-vous eu des interactions, par exemple, avec le Protecteur du citoyen? Comment ça s'est déroulé? Il va... il va venir nous rencontrer tout à l'heure, mais j'aimerais avoir votre version aussi auparavant.

M. Bernier (Jean-François) : Bien, rapidement. Donc, suite à mon... à ma nomination en août 2022, donc j'ai eu presque une année pour mettre en place tout ce qu'il y avait à mettre en place pour être prêt à recevoir des plaintes à l'automne 2023, alors pendant cette période, évidemment, beaucoup de démarches et d'efforts ont été faits pour aller à la rencontre des autres, essentiellement, les acteurs du réseau...

M. Bernier (Jean-François) : ...colère, et ils sont très nombreux, associations de parents, d'élèves, de gestionnaires, etc. Mais évidemment, d'autres acteurs qui étaient amenés à potentiellement ou concrètement œuvrer dans les mêmes paramètres que nous, le Protecteur du citoyen en est évidemment un, le protecteur ayant compétence sur le ministère de l'Éducation et non sur son réseau, d'où notre arrivée et notre création.  Donc, on vient compléter un peu ce volet-là, le protecteur sur le ministère, nous, sur le réseau. Évidemment, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, qui... en fait, dans notre loi... notre loi a modifié la Charte des droits et libertés à 75.1 pour préciser que toute plainte, en matière de discrimination, est transférée à la Commission des droits, sauf si le plaignant s'y oppose. C'est la même disposition qui s'applique au Protecteur du citoyen, par ailleurs, à cet égard. Donc, les deux, M. le Président de la commission et M. le protecteur du Citoyen ont été contactés par moi pour justement se présenter, bien expliquer notre... notre champ... notre rayon d'action. Donc, c'est des acteurs parmi d'autres. La représentation nationale des centres jeunesse, des... de la Direction de la protection de la jeunesse également. Je reconnais des gens autour de la table à qui j'ai parlé dans les derniers mois à cet effet.

Le Président (M. Provençal) :Nous allons poursuivre avec Mme la députée de Robert-Baldwin.

Mme Garceau : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Maître Bernier. Je voulais vous poser des questions concernant la question des plaintes, parce que vous avez mentionné, ça fait six mois. Et, à la page cinq de votre rapport, vous parlez des plaintes traitées depuis moins de six mois par les protecteurs régionaux de l'élève... «permettent déjà de confirmer l'importance et la complexité des enjeux relatifs aux élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage, et la nécessité que tous les acteurs concernés contribuent à l'amélioration de la situation.» Est-ce que vous pourriez peut-être nous donner des détails concernant les plaintes?

M. Bernier (Jean-François) : Évidemment, vous comprendrez, je vais... je vais rester de façon générale dans le portrait. Les enjeux à cet égard là, on a... on tourne autour d'au 10 à 15 % de nos plaintes jusqu'à maintenant qui concernent, là, de façon directe ou indirecte les enjeux d'enfants qui rentrent dans cette catégorie, avec des besoins particuliers. On a par exemple des enjeux d'inclusion scolaire. Donc, le fait qu'on les place dans une classe spécialisée ou non. Les enjeux de plan d'intervention qui, aux yeux des parents, ne sont pas optimaux ou complets, ou qui ne sont pas... qui ne sont pas en adéquation avec les besoins de leurs enfants. Ça peut aller, dans certaines circonstances, à ce que vivent ces enfants en matière d'intimidation potentiellement à l'école. Donc, ça... essentiellement, ça tourne vraiment autour de la façon dont l'école est en mesure ou pas, dans certaines circonstances, de répondre à des besoins parfois très particuliers. On connaît tous les enjeux de ressources humaines dans le réseau aussi. Donc, on a cette crise-là qui est aussi là, qui est présente. On ne peut pas en faire abstraction, mais on est à la recherche de solutions, hein, dans nos interventions, quand on juge que la plainte est fondée et qu'on en arrive à cette conclusion-là, on fait des recommandations et on est un acteur de... on est un acteur, un vecteur de solutions. On essaie de trouver des solutions, quitte à même en proposer parfois, c'est... ça demeure une recommandation. Mais on va jusqu'à dire : Bien, ça... on pourrait envisager telle chose ou telle chose, là, pour cet enfant. Des fois, c'est des bris scolarisation aussi, là, rattachés à ces enfants, parce que... difficulté à les gérer au quotidien, l'impact sur les autres élèves, ces gens... ces élèves-là parfois sont suspendus ou renvoyés la maison de façon temporaire. Mais des fois, le temporaire devient un peu permanent. Alors, on intervient pour s'assurer qu'il y a le moins possible de bris de scolarisation. C'est des exemples en matière d'enfants EHDAA.

Mme Garceau : O.K. Et vous avez mentionné... parce que nous connaissons, là, en termes de l'augmentation de la violence dans nos écoles, que ça soit violence physique, à caractère sexuel. Donc, quel est le pourcentage de plaintes liées à ces cas-là?

M. Bernier (Jean-François) : Je... je vais... je vais être prudent dans mon estimation, mais ça tourne de mémoire autour à peu près de ces mêmes chiffres-là, on est entre 10 et 15 %. On me confirme que c'est pas mal, ça, 15 %, effectivement. Donc, j'étais... j'étais pas mal là. Donc, ça tourne... matière d'intimidation, mais parfois l'école va catégoriser ça comme de l'intimidation. Nous, en intervenant, on... parfois, ça peut arriver, c'est assez rare, mais qu'on... Oh! on ne qualifie pas ça d'intimidation ou de violence, mais d'un acte de violence à caractère sexuel, puis...

M. Bernier (Jean-François) : ...le spectre est... à notre définition qu'on donne est large, de la violence à caractère sexuel, pour justement s'assurer de ne rien échapper comme situation. Mais, en intimidation, ça tourne autour de 15 %.

Mme Garceau : Donc, jusqu'à ce jour, en termes de signalement à la DPJ que vous avez dû faire compte tenu de la nature de la plainte, on parle de violences à caractère sexuel. Est-ce qu'il y a d'autres cas, d'autres plaintes d'une autre nature qui ont été signalées à la DPJ?

M. Bernier (Jean-François) : Bien, toutes les situations qui amènent à un signalement en vertu des articles 38 et suivants de la LPJ, nos protecteurs régionaux sont très... ils ont été formés à cet égard, sont très sensibles à la situation. Même notre équipe qui accueille les téléphones et les formulaires de plainte, etc., ont été formés aussi. Donc, toutes les situations prévues à la Loi sur la protection de la jeunesse, c'est des situations où on va faire un signalement. Là, en matière de violences à caractère sexuel... j'ai déjà partagé, la semaine dernière, devant une autre commission parlementaire, que ça tourne autour de 14 % du total de nos plaintes qui sont des plaintes en matière de violences à caractère sexuel. Donc, on peut déjà d'emblée dire, dans intimidation, violence, dès que la sécurité de l'enfant peut être mise en jeu, on n'hésite pas, on signale, on est... C'est le rôle de la DPJ de juger si le signalement doit être retenu ou pas, mais on ne prend aucune chance, même si on est les troisièmes à signaler la situation, on va le faire quand même.

Mme Garceau : Et donc, de votre part, en tant de protecteur, est-ce que... ou les protecteurs régionaux, il y a un suivi qui est fait suite au dépôt, évidemment, au signalement, et tout ça, comment est-ce que ça fonctionne?

M. Bernier (Jean-François) : C'est là où on a évolué dans nos échanges aussi avec la Direction de la protection de la jeunesse. Évidemment, ils ont la confidentialité de leurs dossiers. En même temps, j'ai expliqué, à une question de M. le ministre, un peu notre rôle en matière de violences à caractère sexuel, qui est vraiment de s'assurer que l'école gère adéquatement la situation, mais également qu'on veut jouer ce rôle-là de transparence ou de rétroactivité maximale auprès de la victime, ce qui était un manque, là, que bien des groupes de jeunes ont dénoncé, qu'une fois que la victime signale ou dénonce une situation, elle est dans la noirceur totale et on ne lui revient pas. Nous, on veut être capable de jouer ce rôle-là de... pas d'aller dans le détail, de dire : Oh! La police enquête, ils ont rencontré tel témoin, ou la DPJ va faire telle chose, telle chose. On ne veut... Ce n'est pas à nous à dire ça, la DPJ va faire... mais de lui dire : Bien, voici où en est le processus en général, suite à ta plainte ou à votre signalement, surtout les plaignants, dans ce cas-ci, voici, toi, la victime, où en est le processus. Donc, c'est pour ça qu'on est en échange constant avec la DPJ, avec le central de la DPJ, pour s'assurer qu'on explique bien notre rôle.

• (15 h 50) •

Puis qu'est-ce qu'on a besoin d'avoir, comme information, ce n'est pas le détail de l'intervention de la DPJ, mais où ils en sont, pour qu'on puisse être en mesure de rassurer la victime puis de rétroagir minimalement avec des informations qu'on est en mesure de lui donner.

Mme Garceau : Et, en termes du rôle du commissaire, une fois la nomination, est-ce que vous voyez un rôle que le commissaire va pouvoir jouer spécifiquement concernant ces dossiers lorsqu'il y a un signalement à la protection de la jeunesse?

M. Bernier (Jean-François) : C'est là, l'enjeu, d'éviter les chevauchements, là. Je pense que la DPJ a développé, au fil de ses nombreuses années d'expertise, un champ qu'elle est la mieux placée... et un rôle qu'elle est la mieux placée à jouer. Le Protecteur national de l'élève, déjà, avec les 400 et plus plaintes et signalements traités en moins de six mois, on va rapidement développer une expertise fine dans notre champ d'intervention.

Moi, comme je le répète, je pense que la plus-value d'une institution comme celle du commissaire, ça va être d'être... justement d'aller... être capable d'aller voir ce que fait le Protecteur national de l'élève, ce que fait et quel impact a la commission des droits, quel impact a tel autre acteur, puis d'avoir cette vision globale là, puis d'aller voir ces acteurs-là puis qu'on puisse être des... l'alimenter dans ses réflexions, peut-être, ses analyses qui sont... qui seront horizontales, justement, là, sur une situation très particulière d'un enfant, mais qui aura, au cours de sa vie ou de sa vie d'enfant, peut-être eu à faire affaire avec le protecteur national ou avec la Direction de la protection de la jeunesse, etc.

Mme Garceau : O.K. Parce qu'évidemment une des... dans le rapport de la commission Laurent, on parle beaucoup de veiller...de respecter les droits des enfants, et donc, en termes de représentation des enfants, pour assurer cette... le respect de leurs...

Mme Garceau : ...leurs droits et d'assurer qu'ils ont une voix dans tout ce processus-là, parce que souvent... et on le connaît, que les voix des enfants ne sont pas entendues. Quel rôle est-ce que vous jouez à cet égard? Et est-ce que la commissaire n'a pas un rôle à jouer également, ou en amont, ou... Je voulais juste vous entendre à ce sujet.

M. Bernier (Jean-François) : Notre compréhension de la volonté du législateur derrière ce projet de loi, c'est de s'assurer, justement, de... et, je pense que le président de la Commission des droits de la personne l'a un peu relaté ce matin, de jouer un rôle, qui est actuellement absent dans notre société, qui est ce rôle-là, je le répète, de chapeauter, je vous dirais, d'autres acteurs qui, eux, sont plus proches du terrain au quotidien, dont nous... tu sais, on ne peut pas être plus proche du terrain que ça, là, dans le cadre de nos plaintes, qu'on soit d'une école ou d'une autre, à chaque jour depuis qu'on est en poste. Donc, on a ce pouls-là que le commissaire n'aura pas ou pourra avoir par l'intermédiaire d'enfants qui pourront faire appel à lui ou avec qui il aura des interactions. Mais nous, on sera en mesure de dire : Bien, voici, par rapport à une telle... à telle problématique, l'intimidation en milieu scolaire, les violences à caractère sexuel en milieu scolaire. Bien, on va lui pouvoir donner le pouls de ce que nous, on voit à travers nos plaintes et nos signalements. Je pense que ça, il ne pourra pas l'avoir parce qu'il ne fera pas de traitement de plainte. Son rôle est à un autre niveau. Et je pense que son enjeu va être, son principal enjeu, pour moi, celui de la concertation puis avoir cette vision d'ensemble là.

Mme Garceau : Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci. Je vais maintenant céder la parole au député de Saint-Henri-Sainte-Anne.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup pour l'excellente présentation. D'abord, vous parlez d'entente-cadre ou, en tout cas, d'entente avec la DPJ. J'aimerais savoir si... C'est-tu disponible, c'est-tu public? Est-ce qu'on peut...

M. Bernier (Jean-François) : Il n'y a pas d'entente...

M. Cliche-Rivard : Il n'y a pas d'entente.

M. Bernier (Jean-François) : Il n'y a pas d'entente, c'est des échanges qu'on a avec... Puis là on a mis... on a formalisé un peu une petite table d'échange, là, pour s'assurer s'il y avait, en cours de route, des... dans une région ou une autre, des enjeux. Moi, ce que j'ai comme échos des protecteurs régionaux de l'élève partout au Québec, c'est qu'actuellement la collaboration est extraordinaire avec les DPJ régionales, que c'est fluide puis ça nous permet de faire nos enquêtes pleinement et d'être en mesure de rétroagir auprès des victimes dans les situations de violence à caractère sexuel pour leur donner un maximum d'informations.

M. Cliche-Rivard : Donc, on pourrait venir, un peu plus tard, dans l'exercice, peut-être le mettre par écrit, mais là, pour l'instant, vous êtes en table de discussion.

M. Bernier (Jean-François) : Exact.

M. Cliche-Rivard : Je vous ramène à votre mémoire. Il y a des propositions d'amendement sur l'article six et sur l'article 11. J'aimerais que vous m'expliquiez comment vous comprenez bien la distinction entre, finalement, le commissaire exerce ses fonctions en respectant ses responsabilités, puis là vous voulez ajouter aussi les responsabilités, finalement, du protecteur de l'élève, mais votre recommandation aussi, à l'article 11, d'ajouter une obligation de coopération, aussi avec le protecteur. Bref, de nous expliquer la nuance entre six et 11, ce serait utile.

M. Bernier (Jean-François) : Bien, ça met la table sur la compétence, elle-même, du commissaire, donc le fait qu'on ait déjà inscrit à l'article six la Commission des droits et... et la... ainsi que la... bien, le rôle de la Commission des droits en... pour venir préciser directement, dans la loi, le champ d'action, le rayon d'action de la commission et du commissaire. On juge qu'à cause de la nature de ce qu'on fait comme mandat et comme mission depuis les derniers mois, d'être... les élèves, c'est... les enfants, c'est nos... c'est les gens dont on prend soin au quotidien dans le traitement des plaintes, bien, qu'on le précise dans la loi aussi, qu'il y a... que le lecteur... qu'on sache d'emblée qu'il y a trois grands acteurs, les voici, ils sont inscrits à l'article six. Par ailleurs, l'article 11, c'est cette obligation-là, à quelque part, de... qu'on donne aux commissaires, qu'on demande aux commissaires de se concerter avec d'autres. Alors, on a mis le Protecteur du citoyen, on a mis la Commission des droits, puis je pense qu'à cause de ce que je viens de vous exprimer, au niveau de notre rôle à l'égard des enfants, bien, ça va de soi pour nous, que le Protecteur national soit...

M. Cliche-Rivard : Dans les... Est-ce que M. le commissaire pourrait venir à enquêter ou faire des recommandations, finalement, sur la manière dont vous exercez votre travail? Est-ce que c'est possible, ça, de...

M. Bernier (Jean-François) : Je ne pense pas que la loi va dans ce sens-là. Par ailleurs, je vous informe que le Protecteur du citoyen a compétence sur mon organisation. Donc, c'est lui, je suis un organisme public assujetti à la compétence du Protecteur du citoyen. Ça fait que, s'il y en a un qui peut venir intervenir à ce niveau-là, ça serait plus le Protecteur du citoyen.

M. Cliche-Rivard : O.K. Donc, ça ne serait pas au protecteur, ici, au commissaire de dire : Je pense que ce serait... Il y a des enjeux, mettons, systémiques sur comment le Protecteur de l'élève traite les plaintes, par exemple...

M. Bernier (Jean-François) : Non.

M. Cliche-Rivard : Ce ne serait pas lui?

M. Bernier (Jean-François) : Ce ne serait pas lui.

M. Cliche-Rivard : Parfait, c'est très clair. Et donc est-ce qu'il pourrait avoir une clause de dédoublement, où, finalement, moi, j'ai peur, quand c'est le problème de tout le monde, des fois ça peut devenir le problème de personne? Et est-ce qu'il ne faudrait pas prévoir que le commissaire, en finalité, si personne d'autre n'est compétent, c'est lui qui est compétent?

Le Président (M. Provençal) :Une réponse rapide...

M. Bernier (Jean-François) : ...la façon que le législateur a pensé le projet de loi, je ne pense pas que c'est qu'il a en tête en instaurant le commissaire, je... Mais... Mais je pense que jusqu'à maintenant, les acteurs qui sont là, avec l'ajout du Protecteur national de l'élève, je pense que... En tout cas, on parle des avancées plus d'autres dispositions, là, qui ont été intégrées dans les lois récemment.

Le Président (M. Provençal) :Merci. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Merci pour votre présentation. Je pense que les recommandations que vous faites sont... sont très claires. J'ai aussi une préoccupation, là, concernant les chevauchements possibles, les dédoublements. Voire s'assurer que tout le monde comprenne véritablement quel rôle doit jouer le commissaire par rapport aux autres instances, dont la vôtre. Puis d'ailleurs, vous l'évoquez à la page 2, je trouve intéressant, de votre mémoire. Vous parlez des responsabilités à bien... à bien clarifier, particulièrement auprès de la population, des enfants, les parents. Moi, je pense que c'est le nerf de la guerre aussi. À un moment donné, même à nos propres bureaux de député, les gens ne savent pas souvent à quelle porte frapper. Et vous donnez l'exemple à la page 3 qu'on pourrait par exemple avoir le commissaire de... le commissaire au bien être qui accompagne l'élève qui va vous voir pour déposer une plainte. Tout ça me semble parfaitement logique. Ma question, c'est comment est-ce qu'on applique ça quand on est par exemple dans une circonscription éloignée, rurale, comme la mienne, où on ne voit pas ni le commissaire en chair et en os ni le protecteur en chair et en os? J'aimerais que vous nous donniez une idée, là, pour les parents, pour les enfants peut être, qui nous regardent avec retour de l'école, parce qu'il y en a beaucoup, pour essayer de voir comment ça pourrait se déployer sur le terrain, vraiment, là, d'une polyvalente, à La Vernière, aux Îles-de-la-Madeleine.

M. Bernier (Jean-François) : Les actions de chacun vont être importantes. Nous, par exemple, on a des affiches partout, dans toutes les écoles du Québec, pour informer les élèves sur leurs droits en matière de plainte. On va vers les bureaux de circonscription. Chaque protecteur régional a des attentes à mon égard, de ma part, pour aller vers les bureaux de circonscription, pour aller présenter vos... à vos personnels de bureau de circonscription ce qu'on est, ce qu'on n'est pas le cas échéant. On est un ombudsman. Par définition, un ombudsman, c'est la... en bon... en bon français, la «no wrong door policy». Donc, quand quelqu'un appelle chez nous, on ne dit pas : Ah! Tu n'es pas bonne place, tant pis pour toi, arrange-toi. Nous, on l'accompagne, on le réfère puis, à la limite, on appelle pour elle à l'autre endroit. Donc, on accompagne vraiment. On assiste en audience, c'est dans notre loi aussi, on assiste vraiment la personne. Donc, un élève ou un parent qui appellerait et que c'est vraiment au commissaire, peut être, vers qui il devrait se tourner, on va savoir qu'il existe, on aura une connaissance de ce qu'il fait puis on pourra référer devant le commissaire.

• (16 heures) •

M. Arseneau : Bien, en fait, ma question est de savoir, tu sais, et s'assurer, ça viendra plus tard, avec l'adoption de la loi et tout ça, que... que la première porte, le guichet unique et le premier... la première étape soient bien compris. Parce que si on veut que le commissaire accompagne l'enfant pour aller vous voir, par exemple, bien, il ne faut pas qu'il aille d'abord frapper à votre porte parce qu'il n'est pas accompagné. Vous comprenez?

M. Bernier (Jean-François) : Oui.

M. Arseneau : Alors, cette espèce de chevauchement là ou de cheminement aussi des jeunes, je pense qu'il est... il est fondamental. Et en ce sens, votre... vos... vos préoccupations, là, vos... vos demandes d'amendement me semblent tout à fait recevables et intéressantes pour qu'on puisse discuter de la façon dont on va tenter de guider nos jeunes, les enfants, pour qu'ils cheminent correctement, et leurs parents également. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, Me Bernier et aussi Me Dupuis qui nous a écoutés très attentivement. Alors, sur ce, je vais suspendre les travaux pour permettre au prochain groupe de venir s'asseoir. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 16 h 01)


 
 

16 h (version non révisée)

(Reprise à 16 h 03)

Le Président (M. Provençal) :Nous reprenons nos travaux et nous allons recevoir maintenant Mme Elise Bonneville, directrice du collectif de la petite enfance. Alors, madame, je vous invite à nous faire votre présentation pendant 10 minutes, et, par la suite, nous allons procéder à un échange. Je vous cède immédiatement la parole.

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : Bonjour. Vous m'entendez bien? Parfait. Bonjour. Merci beaucoup d'accueillir le Collectif Petite Enfance. Donc, ça me fait plaisir de vous le présenter brièvement avant de me lancer dans notre mémoire. Donc, le collectif est une organisation qui regroupe 23 organisations, donc 23 réseaux différents à travers tout le Québec, qui eux rallient des milliers de personnes qui oeuvrent pour la petite enfance à travers tout le Québec. Et on porte une mission, c'est faire de la petite enfance une priorité dans la société. En fait, on se positionne comme le porte-voix des tout-petits et on souhaite contribuer à la mise en place des conditions qui vont permettre le succès et assurer le plein développement, le bien-être et l'avenir des tout-petits, du début de la grossesse à l'entrée à la maternelle.

Donc, pour nous, considérant la mission du collectif, considérant aussi qu'au Collectif Petite Enfance on s'engage aussi au respect des droits des enfants depuis plusieurs années, c'était tout naturel pour nous de porter un intérêt intéressant, là, sur le projet de loi pour le commissaire au bien-être. Il faut dire que... On veut reconnaître, là, l'excellent travail qui est proposé dans le projet de loi, c'est d'une très grande qualité. Puis aujourd'hui, nous, ce qu'on souhaite... bien, moi, ce que je souhaite, c'est apporter certains éclairages sur des éléments qu'on considère importants pour les tout-petits 0-5 ans, donc notamment sur l'utilisation efficiente des ressources qui sont vouées aux tout-petits et à leurs familles, les notions de prévention et d'universalisme proportionné se retrouvent aussi à travers le mémoire, la place des parents, et je vais terminer avec quelques mots sur le commissaire adjoint pour les enfants autochtones.

Donc, plus en détail, le premier volet du mémoire : Se servir de notre filet social. Donc, au Québec, on a la chance de pouvoir compter sur un filet social incroyable, des réseaux d'organismes communautaires, de la société civile qui se consacrent aux enfants, à leurs familles et à la période périnatale. Le commissaire, dans son mandat, aura, entre autres, comme mandat de rejoindre les enfants et de les consulter sur plusieurs sujets. Or, on sait que consulter et rejoindre les enfants comporte plusieurs défis. Je vous entendais ce matin avec d'autres invités, c'est clair que ce n'est pas simple de rejoindre les enfants, de les consulter et, quand on pense aux tout-petits, c'est un double défi. Donc, c'est pourquoi on a permis... on s'est permis d'émettre des éclairages et des recommandations à cet effet. On pense que pour les... pour faciliter les stratégies qui permettront de rejoindre les tout-petits et de les entendre, il serait primordial de pouvoir collaborer avec les organismes qui se dédient au bien-être des enfants de par leur mission... devraient, en fait, faire partie des proches partenaires du commissaire au bien-être. On pense aussi que, pour rejoindre les familles... les enfants et leurs familles, le commissaire doit être présent physiquement sur l'ensemble du territoire du Québec. Là encore, une collaboration étroite avec les organismes sera bénéfique au mandat du commissaire parce qu'ils sont tous déjà très impliqués aux quatre coins du Québec. En plus, il s'agit d'une opportunité pour joindre les familles que les réseaux étatiques n'arrivent pas à rejoindre, pour plusieurs raisons que je pourrai détailler dans les... la période de questions.

La notion de la prévention. Donc, pour nous, c'est important d'apporter cette notion-là. Peu importe le domaine, on le sait, que prévenir est toujours une meilleure alternative que de guérir, hein? On pense que... Dans le mandat du commissaire au bien-être, on constate qu'il y a plusieurs... plusieurs aspects de son mandat qui portent sur la prévention, d'autres qui sont d'action peut-être un peu plus curative. Donc, pour nous, par exemple, au niveau de la prévention, on voit bien que de produire un bilan annuel...

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : ...elle va permettre un regard préventif, de faire de la promotion des droits, de consulter les enfants sur les différents sujets des enjeux de notre société, notamment, ce sont des belles actions, des bonnes actions de prévention. On considère par contre que... pas par contre, mais on considère qu'au niveau des actions plus curatives, la responsabilité d'effectuer une veille des décès des enfants lui prendra beaucoup de temps. Le devoir d'enquêter sur les plaintes qu'il reçoit ou sur des problématiques systémiques sont aussi plus dans la direction d'actions curatives.

En fait, on veut apporter une crainte qui concerne notamment la place que sera capable de prendre la prévention face au curatif dans son mandat. On le voit partout quand un même organisme doit éteindre des feux et les prévenir, ils finissent souvent par prendre toute l'énergie disponible pour les éteindre et n'arrivent plus à les prévenir. On est dans cette perspective-là. Donc, nous pensons qu'il faut préciser, rendre très concret le rôle de prévention que doit jouer le commissaire, notamment dans les visées de ses enquêtes et dans les thématiques de ce rapport. En somme, le commissaire doit permettre d'inverser la tendance générale et mettre de l'avant la prévention dans l'ensemble de ces services aux enfants et leurs familles, comme faisait appel le rapport de la commission Laurent, notamment.

L'importance de considérer les parents. Il y a un fort consensus au Québec du fait que le parent, c'est le premier éducateur de son enfant. Aussi, on sait que le noyau familial fait une différence dans le développement des tout-petits. Pour les tout-petits, 0-5 ans, comme pour les jeunes enfants, le mandat du commissaire implique implicitement les parents. Par exemple, pour faire un bilan du bien-être des enfants au Québec, nous, au collectif, on pense qu'il faut aussi prendre en compte le bien-être de leurs parents : c'est indissociable. Aussi, lorsqu'il est question qu'un enfant porte plainte parce qu'il pense que ses parents ne sont pas... il pense que ses droits ne sont pas respectés, pour les plus jeunes d'entre eux, donc les plus petits petits, il est probablement... en fait, il est beaucoup plus probable que ce sera le parent qui portera plainte au commissaire et non pas l'enfant lui-même. Ainsi, le collectif est d'avis qu'il serait judicieux de réfléchir à la place des parents dans le mandat du commissaire. On pourrait encadrer leur prise en compte, leur participation et veiller à l'accessibilité du commissaire pour eux aussi, en cohérence avec les diverses réalités familiales.

• (16 h 10) •

La notion de l'universalisme proportionné. Je vous lis une petite définition : «L'universalisme proportionné, c'est une approche qui vise à appliquer des principes universels tout en ajustant les ressources et les interventions selon les besoins spécifiques de différents groupes ou individus pour assurer l'équité.» On accueille vraiment très favorablement le fait que le Commissaire au bien-être ait à prendre en compte tous les enfants plutôt que seulement ceux ayant eu ou étant en trajectoire de service de protection de la jeunesse. Cela correspond bien à l'idée de la prévention dont on a parlé plus haut. Cependant, suivant cette même logique de prévention et de l'idée de l'équité, il ne faut pas que sa mission générale à l'égard de tous les enfants l'empêche de se pencher plus spécifiquement sur certains groupes que l'on sait plus vulnérables que d'autres. On va plus en détail dans le mémoire, mais on pense principalement aux minorités religieuses, culturelles, linguistiques, aux enfants ayant besoin de soutien particulier, aux ménages à faibles revenus, aux quartiers défavorisés et aux enjeux de disparités régionales.

Pour conclure, je voudrais simplement apporter un petit mot concernant le commissaire adjoint pour les enfants autochtones. Le collectif, de par sa nature intersectorielle, compte des membres et certains réseaux des Premières Nations au sein de son membership. Et, pour nous, c'est important de spécifier qu'on sait qu'ils seront en commission parlementaire demain matin, je pense, et qu'ils seront bien sûr les plus... les mieux placés pour apporter leurs propres préoccupations. On sait aussi qu'ils ont été critiques lors de la sortie du projet de loi. On veut simplement apporter, pour notre part, l'importance de l'autodétermination lorsqu'il est question de la petite enfance et de la famille pour les Premières Nations.

On va aussi dans une recommandation de minimalement, pour le présent projet de loi... Nous pensons que la recommandation 1.1.2.2 de la commission Laurent devrait être respectée, et je vous la lis, donc, «donner une voix aux enfants autochtones en nommant un commissaire adjoint destiné aux enfants et aux jeunes autochtones et qui serait nommé selon les mêmes modalités que le commissaire suite aux suggestions des autorités des Premières Nations».

Merci beaucoup, je serais heureuse de répondre à vos questions.

Le Président (M. Provençal) :Alors, merci beaucoup, Mme Bonneville, pour votre présentation. M. le ministre, on débute.

M. Carmant : Merci. Merci, Mme Bonneville, pour votre présentation, vous qui, actuellement, comme vous l'avez mentionné, là, le porte-voix de nos jeunes et de leurs familles. Qu'est-ce que... Quelles sont les priorités selon vous...

M. Carmant : ...à améliorer au niveau de la prévention?

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : Merci pour la question, c'est une excellente question. Lorsqu'on pense à la prévention dans une perspective ou à travers le prisme du 0-5 ans, pour le Collectif Petite Enfance, on pense à travailler même en amont de la trajectoire de services dans laquelle peuvent s'inscrire certains enfants. Donc, comment peut-on améliorer les différentes trajectoires qu'un enfant, un tout-petit pourra prendre pour éviter qu'il puisse et ait besoin de se rendre dans une trajectoire de services plus étatique? Donc, on pense plutôt à observer les facteurs de risque, les facteurs de protection qui sont déjà identifiés autour de l'enfant et de... Pour le commissaire, ce serait un bon moyen de pouvoir identifier des recommandations sur l'amélioration des systèmes qui vont faire que le tout-petit ne se rende pas, ou les enfants ne se rendent pas dans des trajectoires plus officielles, donc de travailler à quelques pas... On fait quelques pas de reculons pour éviter d'arriver dans une trajectoire plus formelle.

M. Carmant : Puis, actuellement, quel serait le... Je travaille depuis cinq ans, là. Quel serait le principal obstacle pour réussir cet objectif de... tu sais, d'agir avant qu'il rentre dans le réseau, quoi, dans le réseau public, là?

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : Bien sûr, c'est une grande question. Je sais que vous y travaillez très fort. Ce qui est clair, c'est que plusieurs enfants... bien, en fait, la majorité des enfants gravitent dans différents milieux et se développent dans différents milieux de vie, et ces milieux de vie, en fait, se traduisent par des organisations et des réseaux qui sont complémentaires aux réseaux plus formels. Donc, les réseaux des organismes communautaires, des organismes en périnatalité vont devenir des alliés extrêmement importants à considérer dans l'équation lorsqu'il est question d'agir en prévention, donc, dans un même pied d'égalité, puis c'est sûr que la collaboration officielle devient un levier extrêmement important et extrêmement intéressant à explorer lorsqu'il est question de saisir les opportunités en amont de l'entrée dans ces trajectoires un peu plus officielles.

M. Carmant : O.K. Très intéressant. Puis comment vous qualifierez actuellement le partenariat ou la collaboration entre le réseau public et les organismes communautaires? Là, on vient de lancer un projet avec le réseau de périnatalité, avec les maisons bleues. Mais, à ma grande surprise, plusieurs de nos hôpitaux ne connaissaient pas ces ressources-là, là. Donc, tu sais, comment vous qualifiez la collaboration actuellement puis comment on peut l'améliorer? Quel mandat vous donneriez au commissaire pour ça, pour améliorer les choses?

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : C'est effectivement aussi une bonne question. Je ne suis pas l'experte de l'ensemble de la qualité des collaborations entre les différents réseaux. Cela dit, j'ai quand même cette collaboration avec les différents réseaux du collectif, qui eux collaborent avec les réseaux étatiques, et, sans pouvoir avoir, là, fait le travail en profondeur, assurément que de — et ça, je pense qu'on l'a déposé dans quelques mémoires, même au collectif — de développer des cadres de collaboration plus officiels entre ces réseaux est encore manquant dans l'équation, de façon plus transversale, pour les organisations des différents réseaux. Bien sûr que c'est... La complexité... Dans l'ensemble de votre discussion que vous avez eue avec les différents groupes, comment on ne se dédouble pas, comment on peut s'assurer de développer des passerelles, c'est une question qu'on doit constamment réinvestir et réintégrer. Mais assurément que pour ce qui est de la collaboration entre les différents réseaux, certainement que des mécanismes officiels peuvent être réfléchis pour qu'on puisse favoriser la transversalité et l'aller-retour de la collaboration. En fait, c'est plus là où les enjeux continuent à persister, et je pense qu'il y a une volonté d'amélioration continue. Mais c'est sûr que ça pourrait faciliter, et on l'émet dans une des recommandations du mémoire.

M. Carmant : C'est ça, parce que même, à un moment donné, vous parlez... puis c'est ça qui m'avait un peu attiré l'attention, vous avez parlé de faciliter l'accès direct et physique au commissaire, donc ouvrir... Tu sais, nous, on pensait l'envoyer peut-être dans les écoles ou dans... tu sais, dans des différents lieux, là. Mais, même dans les organismes communautaires, il devrait... Est-ce que c'est à ça que vous pensiez quand vous avez...

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : Assurément que dans les différentes régions du Québec il y a déjà des réseaux de collaboration qui sont établis, des organisations communautaires qui sont communautaires, de la société civile, en périnatalité, donc de différents.... dans différentes missions entourant les enfants qui sont...

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : ...déjà en contact direct avec les tout-petits, donc ils sont très bien informés de leur bien-être, des ressources qui sont disponibles sur le territoire donné et qui contribuent à leur bien-être de façon proximale. Donc, je ne pourrais pas émettre une recommandation précise sur comment avoir un lieu physique par territoire. Cela dit, je vois bien des opportunités, de par la mobilisation qui est déjà palpable et réelle dans les différents territoires du Québec, pour réfléchir cette question-là avec eux. Je pense que c'est plus à eux de pouvoir ramener leur savoir, de comment ils peuvent... et comment ils sont organisés par région.

M. Carmant : Parfait. Et une chose qui m'intéresse aussi, c'est comment vous verriez un genre de formalisation de ces ententes-là. Est-ce que vous avez déjà réfléchi à ça?

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : Encore là, c'est sûr qu'au collectif on n'est pas des experts des rouages administratifs, là, qui peuvent prendre place entre les différents réseaux. Cela dit, les membres du collectif, en collaboration, peuvent réellement contribuer à cette réflexion. Je pense que ça... c'est réellement une possibilité, et ça demanderait une expertise croisée de différents interlocuteurs pour bien le réfléchir.

M. Carmant : Merci. M. le Président, je passerais la parole...

Le Président (M. Provençal) :Oui. Je... Excusez-moi. Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Dorismond : Bonjour. Merci d'être là. Vous parlez que vous êtes la voix des tout-petits. J'aimerais ça vous entendre comment vous faites, vous, pour entendre leur voix puis aller chercher leur pouls, en lien avec votre coalition.

• (16 h 20) •

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : Oui, merci pour la question. C'est, assurément, par les différents réseaux qu'on arrive à avoir une vue transversale des réalités des tout-petits. Donc, par la collaboration intersectorielle, c'est sûr qu'il y a davantage de regards croisés qui sont permis. Donc, dans l'intersectorialité, donc, des différentes organisations, qui, elles, représentent les tout-petits, on réussit à avoir accès à des organisations autant de façon locale, régionale et nationale, croisées aussi avec beaucoup du milieu de la recherche, donc, par exemple, l'Observatoire des tout-petits, des collaborateurs de différentes universités aussi. Donc, on arrive à avoir une vue plurielle pour le bien-être des tout-petits.

C'est un travail qui est de tous les instants, aussi, dans la volonté de consulter, la capacité d'établir des mécanismes de dialogue, de communication, de représentation qui est diverse. Donc, il y a plusieurs stratégies à mettre en place, et c'est pourquoi, dans le projet de loi qu'on voit et le mandat du commissaire au bien-être, il y a davantage de leviers qu'on pense, dans la société, qui existent déjà, qui peuvent être mis à la contribution de ce commissaire-là pour arriver à connecter avec les organisations qui, elles, sont, à tous les jours, auprès des tout-petits, les organismes communautaires famille, les centres de la petite enfance, les haltes-garderies, les centres de périnatalité, les Premières Nations, donc, une transversalité d'acteurs qui sont engagés autour des tout-petits. C'est sûr qu'on a ce privilège-là au Québec, et je pense vraiment que de... plusieurs stratégies pour le commissaire. On pourrait en dégager quelques-unes pour l'aider à chercher cette voix-là. Merci.

Mme Dorismond : Merci.

Le Président (M. Provençal) :M. le ministre.

M. Carmant : Au niveau de... je réfléchis... oui, vous aviez une... vous avez mentionné une inquiétude, puis je la partageais avec vous aussi... on va dans le détail de votre document, parce que je pense que le reste était, quand même, très clair, là... vous aviez partagé une inquiétude par rapport au rôle, là, de surveillance des décès. J'ai posé la question à certains, qui disaient qu'en fait on n'allait pas assez loin dans le projet de loi. Eux, ils m'ont dit que ce ne serait pas une veille active, mais, plutôt, un rôle de récupérer l'information des différents sites, par exemple, l'INSPQ, le coroner, etc., et de faire un résumé, avec une vue globale, encore une fois, du nombre de décès et des causes de décès chez les enfants. Est-ce que vous seriez à l'aise avec ce rôle, quand même, moins prenant, comme vous dites, là? Parce que moi aussi, au début, j'étais inquiet, je me dis, bon, s'il faut comptabiliser tous les décès au Québec, ils ne feront que ça, là. Mais ça, est-ce que vous verriez une... que c'est plausible, avec tout le reste qu'il lui reste à faire?...

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : ...en fait, merci pour cette question. Assurément que le collectif, on ne s'est pas penché de façon précise sur cette tâche dans le mandat, parce que ce n'est pas du tout dans notre expertise. Cela dit, ce qu'on... ce que je peux réitérer, c'est que, d'une part, les résultats... donc, j'entendais même ce matin, là, les anciens commissaires de la commission qui disaient : On ne sait pas de quoi décèdent les enfants. Dans une perspective de prévention, d'avoir accès aux informations, pourront nous permettre... et permettre au commissaire par la suite d'émettre des recommandations en matière de prévention pour prévenir les orientations de...  de qu'est-ce qui peut... qu'est-ce qui se produit? Qu'est-ce qui sont les causes de ces décès-là? Donc, assurément, je ne peux pas répondre à la question par rapport à l'ampleur de sa tâche, de ce qui est décrit dans le projet de loi, mais assurément que ce sera des informations pertinentes et précieuses pour ensuite renverser la vapeur pour agir en prévention. Ce qui est préoccupant, et, tu sais, je pense que je peux le répéter, c'est vraiment le fait que, si cette tâche est colossale, que le commissaire ait les moyens d'avoir tout autant d'effort au niveau de ce qui est préventif, à la hauteur de l'effort qu'il mettra à veiller sur les raisons des décès, donc qu'on puisse être dans un équilibre des capacités de ce... de ce mandat-là pour qu'on puisse agir sur les deux fronts en même temps.

M. Carmant : D'accord, merci. Mais je pense que si on...

Le Président (M. Provençal) :...allez-y, mais après ça j'ai une députée qui va...

M. Carmant : Ah! d'accord, mais je pense que... Comme je vous dis, si c'est un rôle de recueillir l'information que d'autres suivent, je pense que c'est plus jouable. Mais évidemment il y a... on va parler un peu quand même, si on a du temps, de l'enjeu des Premières Nations et Inuits. Il faut savoir, c'est que... ça, je l'ai mentionné plus tôt aujourd'hui, en ce qui a trait au Comité consultatif des jeunes des Premières nations et Inuits, on était à l'aise avec le fait d'aller de l'avant, mais c'est plutôt les groupes que l'on a rencontrés, des Premières Nations, Inuits qui nous ont demandé de ne pas l'inclure. Donc, on va attendre de discuter avec eux par rapport à ça. Mais en général, tu sais, nous, dans le... dans la nouvelle Loi sur la protection de la jeunesse, dans le... dans le préambule, on nomme clairement qu'on... que ce sont les Premières Nations, Inuits sont les mieux placées pour prendre soin de leurs enfants. Et on veut quand même s'assurer qu'elles soient complètement incluses dans le processus du commissaire associé. Mais comment vous voyez la détermination entre les 11 nations et les 40 plus communautés? Est-ce qu'on va être capable de cerner un individu qui... qui fera l'unanimité?

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : Merci pour la question. Effectivement que les Premières Nations ont émis leurs préoccupations à la sortie du projet de loi. Et assurément qu'ils seront les mieux placés pour réfléchir ces questions-là. Et je... je suis persuadée qu'ils ont potentiellement des propositions intéressantes à faire en cette matière, ce que je ne détiens pas comme information. Vraiment, c'est... dans ce que nous, on réitère, c'est vraiment l'importance de l'autodétermination en matière d'action pour les tout petits, les enfants et les familles pour les Premières Nations. Et je pense qu'à la présentation demain de l'Assemblée nationale... à l'Assemblée nationale, je pense qu'ils pourront éclairer vos lumières par rapport à ça. Parce que ce n'est pas des... des informations que moi-même, je détiens, mais je sais qu'ils se sont bien penchés sur la question.

M. Carmant : O.K., merci.

Le Président (M. Provençal) :Mme la députée de Laporte.

Mme Poulet : ...

Le Président (M. Provençal) :Deux minutes 30.

Mme Poulet : Deux min 30 s. Merci de votre présence, Mme. Mme Laurent mentionnait tantôt, il a été question de mécanismes d'accréditation, comme quoi qu'il n'y aurait aucune base juridique pour guider l'avocat qui doit seul décider si l'enfant a la capacité ou est en mesure de lui donner des directives en lien avec la situation qu'il amène dans le dossier. J'aimerais savoir, vous qui faites partie de différents réseaux, que vous collaborez avec d'une façon intersectorielle, quelle est votre opinion par rapport à des mécanismes d'accréditation des formations pour les avocats?

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : Merci de la question. C'est une très bonne question à laquelle le collectif ne s'est pas penché du tout. Et je ne serais pas en mesure de répondre de façon vraiment précise à votre question. Une chose est certaine, dans la collaboration entre les différents réseaux, il y a certainement des mécanismes à intégrer pour qu'on puisse être dans une réelle collaboration. Mais par rapport à l'accréditation, ce n'est pas un champ d'expertise que je... que je maîtrise, je vous avoue...

Mme Poulet : ...non, mais je pensais que peut-être que ça aurait été discuté, soulevé vu que vous êtes dans un... dans différents réseaux. Alors, c'était le but de ma question, là, savoir si vous en aviez entendu parler, si l'enjeu avait été soulevé.

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : Non, malheureusement.

Mme Poulet : O.K. Bien, merci, je n'ai pas d'autre question.

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : Merci.

M. Carmant : ...Agir tôt, est-ce que c'est... Qu'est-ce que vous en pensez? Avez-vous de la prévention et comment l'optimiser?

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : C'est une très bonne question. Oh! attendez.

M. Carmant : Quand même.

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : C'est audacieux, effectivement. C'est une bonne question. C'est sûr que j'ai difficilement la capacité de faire des liens autres que ceux de dire que quand on pense au mandat du Commissaire au bien-être, dans une action de prévention, bien sûr que le programme Agir tôt fait partie de la trajectoire possible pour un tout-petit, pour un enfant, en collaboration avec les autres réseaux, pour qu'on puisse vraiment capter très tôt qu'est-ce qui se passe chez un tout-petit. On le sait que, pour les tout-petits, la période de développement, elle est phénoménale, du zéro-cinq ans, elle ne reviendra pas non plus. Donc, bien sûr d'arrimer les efforts de la société civile, donc dans des différents réseaux, au programme Agir tôt, assurément qu'il y a des pas de géant de fait, il y en a d'autres à faire. Et pour ce qui est du Commissaire au bien-être, bien sûr que c'est un lien, c'est un lien qui est important à maintenir dans le référencement possible, mais je ne pourrais pas aller plus loin dans cette réflexion en ce moment.

M. Carmant : Merci.

Le Président (M. Provençal) :Nous allons poursuivre avec Mme la députée de Robert-Baldwin.

Mme Garceau : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Bonneville. Merci d'être ici. D'entrée de jeu, je sais que vous avez mentionné que les couples de Premières Nations, les Inuits, et tout ça, vont venir témoigner et rendre leurs commentaires concernant le projet de loi. Mais j'ai vu dans votre mémoire qu'il y a quand même une préoccupation du collectif à ce sujet au niveau de l'autodétermination des peuples autochtones, et vous le voyez comme étant une priorité, le collectif, que c'est un enjeu très important pour vous?

• (16 h 30) •

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : Dans la composition intersectorielle du collectif, bien sûr que les priorités sont nombreuses. Celles des Premières Nations font partie, bien sûr, du porte-voix qu'on occupe. Donc, bien sûr que ce sont des actions qu'eux portent, et nous, on est en collaboration sur cette question là. C'est davantage pour le bien être des tout petits où on se préoccupe, où on doit s'assurer d'être dans les meilleures collaborations pour ces tout petits là. Donc, c'est comme... c'est cette lecture-là que l'on a au collectif.

Mme Garceau : Est-ce que le collectif a des propositions, des mesures concrètes à nous transmettre concernant la nomination du commissaire dédié aux enfants, au bien-être et aux enfants autochtones et comment rencontrer les besoins des enfants autochtones? Est-ce que le collectif a des propositions à faire?

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : Merci pour la question. En fait, le collectif n'aura pas de recommandations précises à ce niveau. Considérant la volonté, l'expertise précise et la connaissance de leur propre communauté, les Premières Nations sont les mieux placées et je crois les seuls à pouvoir émettre ce genre de recommandations. Concernant votre question, bien sûr qu'on est... qu'on sera à l'écoute de leurs recommandations, mais le collectif ne pourra pas et n'en émettra pas, en fait.

Mme Garceau : Très bien compris. En ce qui a trait... Vous avez, à quelques reprises, parlé de la nécessité d'avoir une représentation... que les enfants vont avoir une représentation régionale, que ça soit des bureaux de commissaires dans toutes les régions du Québec. Est-ce que c'est ça, le souhait du collectif et même de le mettre dans le projet de loi, de l'intégrer, qui va avoir des bureaux dans les 17 régions du Québec?

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : En fait, le collectif souhaite surtout mettre en lumière des éléments qui sont disponibles et des préoccupations, mais on n'a pas, en fait, la volonté d'émettre des amendements précis par rapport au commissaire. Ce qu'on observe, c'est que, par rapport à l'accès...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : ...aux enfants. Les différentes dynamiques du territoire québécois et les expertises plurielles qui s'y retrouvent nous amènent à la... en fait, l'émission de cette recommandation de les considérer dans l'équation comme étant des collaborateurs très importants pour le commissaire. Donc, les organisations des différentes régions connaissent bien les dynamiques familiales, connaissent bien les besoins des enfants, savent comment les rejoindre. Notamment, on sait, là, que certaines familles sont moins rejointes par les réseaux étatiques. Donc, comment allons-nous faire si on n'a pas d'accès sur les différents territoires pour ce commissaire et comment ces enfants-là pourront trouver l'accès au commissaire s'ils ne se trouvent pas dans l'ensemble des régions du Québec? Donc, on... c'est très bien documenter, là, l'impact de la mobilisation par territoire. Les stratégies sont différentes, les ressources sont différentes selon la dimension des territoires et des populations. Donc, c'est plus un élément de réflexion qu'on voulait amener à votre attention en disant : On n'est pas les experts pour réfléchir à comment ça pourrait s'inscrire dans un amendement, mais de le considérer comme un des leviers importants de notre société, mais aussi des enjeux que ça pourrait générer de ne pas le considérer, pour donner cet accès-là à tous les enfants au Québec.

Mme Garceau : Intéressant. J'ai... à la page 19, j'ai trouvé très intéressante la référence aux résultats des travaux, l'étude Esposito qui était citée dans votre rapport, et les disparités importantes dans la probabilité de votre... de l'implication des services de la protection de la jeunesse dans la vie des familles vivant dans les régions rurales, par rapport à celles vivant dans les régions urbaines. Vous avez fait, là... il y avait des constats concernant... «27 % plus d'enfants issus des régions rurales feront l'objet d'une évaluation au signalement retenu, 29 % plus d'enfants issus des régions rurales verront leur signalement retenu après l'évaluation et 52 % plus d'enfants issus des régions rurales feront l'objet d'un placement». Et vous avez mentionné, par rapport à ce dernier élément : «Nous nous permettons de réitérer la recommandation faite plus tôt, à savoir qu'un engagement clarifié sur la présence du Commissaire au bien-être et aux droits des enfants dans chaque région du Québec est essentiel.»

Donc, je reviens à mon point en tant que... pour bien comprendre ce que le collectif demande de la commission. Est-ce que vous voulez que, dans le projet de loi, nous allons spécifier, nous allons avoir des dispositions liées à cette... pour l'inégalité régionale? Est-ce qu'il y a quelque chose spécifique que vous aimeriez qu'on ajoute?

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : En fait, je pense que les parlementaires, vous avez cette expertise peut-être plus précise de prendre la préoccupation que le collectif apporte et de le mettre dans un libellé ou dans un amendement précis. Ce qui est clair, dans les constats qui sont sortis de l'étude de M... Esposito et aussi par l'expertise des différents réseaux du collectif, c'est qu'il est important de le considérer, lorsqu'on réfléchit une offre de services qui est... ou un programme ou un service qui s'adresse à toute une population, donc, l'importance des disparités régionales et des réalités. Et les données démontrent qu'il y a des impacts si les services ne sont pas au rendez-vous dans les différentes régions.

Donc, c'est une invitation à réfléchir comment on pourrait l'inclure dans le projet de loi, s'il a besoin d'être précisé, mais considérant la non-expertise en matière légale, je dirais que ce sera peut-être une rencontre entre cette préoccupation et la capacité à le préciser dans le projet de loi.

Mme Garceau : O.K. Bonne idée. Bonne réflexion. Il me reste combien...

Le Président (M. Provençal) :Deux minutes.

Mme Garceau : Ah! O.K. Page 10, il y avait une référence, lors d'une conférence de presse que le ministre... ministre a insisté à plusieurs reprises sur l'idée que le commissaire devait pouvoir assurer l'accès aux services de la première ligne pour tous les enfants. Le collectif a mentionné que vous vouliez codifier de manière beaucoup plus explicite dans le projet de loi cet accès aux services de première ligne. Est-ce que c'est ça que vous demandez?

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : En fait, on précise que l'important... l'importance de...

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : ...permettre aux enfants d'avoir accès à des services de façon plus formelle dans une action de prévention. Donc, c'est ce qu'on... c'est ce qu'on propose dans le mémoire, c'est de permettre d'avoir... pour que ce commissaire ait plus de possibilités d'intégrer les différentes trajectoires, les différents réseaux de première ligne en réelle prévention pour les enfants.

Mme Garceau : Et que ça soit intégré dans le projet de loi?

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : Oui.

Mme Garceau : Parfait. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) :M. le député. Alors, M. le député?

M. Cliche-Rivard : Oui, merci beaucoup. Merci pour votre excellente présentation.

Je vais aller vite. Au deuxième point, deuxième recommandation, vous parlez d'établir des ententes avec des organisations de la société civile et évidemment le commissaire. J'imagine, c'est un travail important, là, qui toucherait différents organismes. Ça va être nécessairement lié ou ça serait lié à une enveloppe de financement, j'imagine? Ça ne serait certainement pas d'une manière bénévole, sur le peu de temps que vous avez. Est-ce que je me trompe ou...

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : C'est une excellente question, à laquelle on ne s'est pas... on n'a pas été jusque-là dans notre réflexion, en fait. Au collectif, ce n'est pas... c'est à chacun des réseaux de réfléchir leurs moyens de collaboration. Donc, ce sera... ce serait certainement à explorer avec les différentes organisations avec lesquelles la collaboration serait possible.

Cela dit, ce qui est important dans la collaboration entre les différents réseaux, c'est davantage de préciser quelles sont les attentes de collaboration, quels sont les moyens attendus et comment, de façon... de façon transversale, les organisations pourraient collaborer. Mais on n'est pas allés jusqu'à cette réflexion très intéressante.

M. Cliche-Rivard : O.K. Donc, tout dépendant de ce qui est demandé, d'une certaine façon, mais ça sera aux organismes individuellement de prendre leurs décisions.

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : Tout à fait.

M. Cliche-Rivard : Vous parlez de rendre plus explicite le rôle que doit jouer le commissaire dans la prévention et la promotion de la prévention. En termes de projet de loi, là, ou en termes du libellé, qu'est-ce que vous voulez dire, concrètement? Comment on peut rendre ça plus explicite?

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : En fait, comme je le mentionnais tout à l'heure, les préoccupations du collectif et des apportées, jusque dans le projet de loi et dans la consultation d'aujourd'hui, c'est de considérer ces éléments comme étant probants sur le... l'action que... les actions que le commissaire pourrait faire pour rejoindre les enfants, les tout petits, zéro cinq ans. Cela dit, dans ce qui est de la... comment le libeller dans le projet de loi, ce n'est pas là où on a cette expertise. Donc, on était... on était vraiment dans cette volonté d'apporter ces préoccupations et de voir comment vos expertises, peut-être, peuvent se croiser à nos préoccupations.

M. Cliche-Rivard : O.K. Donc, parce que là, à la lecture première, puisque c'est ce que vous commentez, là, vous sembliez inquiètes, inquiets que ça ne soit potentiellement pas ça qui soit le rôle explicite, central, puis que le mandat puisse être dévié. C'est ce que vous... c'est ce que vous aviez lu?

• (16 h 40) •

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : On était préoccupés de l'interprétation possible que la place de la prévention pourrait prendre ou pas dans le mandat. Mais c'est surtout parce que l'histoire nous l'a souvent raconté, que... et l'analogie de... d'éteindre un feu et de le prévenir en même temps, comment on fait pour s'assurer qu'on a tout l'équipement possible pour et agir en amont et l'éteindre en même temps? C'est là où c'est potentiellement dans l'étude du projet de loi dans... par amendement que ce sera possible d'aller le préciser. Mais donc, c'était plus d'apporter cette préoccupation-là, considérant que c'est souvent l'enjeu dans tous les réseaux, dans tous les systèmes, qu'on doit éteindre le feu et qu'on n'est plus capables de s'assurer qu'on le prévient. Donc, c'était plus une préoccupation qu'on apportait en se disant qu'on allait potentiellement vous entendre sur comment bien l'intégrer, ou peut-être qu'il se retrouve déjà là, mais notre préoccupation, c'est de... par rapport aux tout petits.

M. Cliche-Rivard : De le souligner.

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : Oui, surtout, oui, tout à fait, parce que...

M. Cliche-Rivard : Bien, un grand merci pour votre temps. Merci beaucoup.

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : Merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Merci, M. le Président. Merci, Mme Bonneville, pour la présentation, pour les réflexions que vous amenez aussi. En fait, vous allez nous faire travailler pas mal, dans la mesure où vos préoccupations sont claires, comment est-ce qu'on peut les traduire dans un texte législatif, ce sera quand même à considérer, est-ce que c'est déjà présent, est-ce que ça l'est suffisamment.

Je trouve ça fort intéressant que vous nous rameniez certaines données, là, les études que vous faites valoir sur, par exemple, le fait qu'il faut regarder l'enfance plutôt que... l'enfance dans toutes ses dimensions plutôt que les enfants individuellement, je pense que c'est une réflexion qui est intéressante....

M. Arseneau : ...je vous poserais un peu la même question : Est-ce que vous avez une idée comment on peut faire ça? Je sais que vous voulez nous faire travailler, vous allez probablement répondre la même chose, c'est à vous de le mettre dans un libellé légal, mais quand même.

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : Effectivement que la réflexion par rapport à répondre aux besoins de chacun, bien sûr, dans les propositions ou dans les réflexions puis les préoccupations qu'on apporte, il y a quand même des moyens qui sont déjà disponibles dans la société pour y réfléchir de façon efficace, il y a des... il y a des grands projets, il y a des... il y a des organisations qui se penchent sur ces questions-là. Donc, en fait, je crois qu'il y a plusieurs réponses qui se trouvent à l'intérieur de notre société, mais que je ne pourrais pas vous traduire en langage légal, malheureusement, parce que ce n'est pas là où j'ai mon expertise.

M. Arseneau : Je voudrais aussi... en tout cas, faire valoir la portion de votre mémoire sur l'attention particulière a apportée à certains groupes, là, agir selon les principes d'égalité et de l'équité, là, en fait, surtout de l'équité. Ce que je comprends, notamment, là, bon, la question des ménages à faible revenu, les quartiers défavorisés, tout ça, ont de quoi faire réfléchir, nous dites-vous à la page 18. C'est... c'est réussi, ça nous fait réfléchir aussi.

Et notamment les inégalités régionales. Vous parlez de différentes régions, là. Votre préoccupation à cet égard, est-ce que c'est... on ait une organisation qui soit centralisée, qui soit plutôt bureaucratique puis qui soit moins sur le terrain. Je voudrais comprendre la nature précise de votre préoccupation à cet égard-là des inégalités régionales dans le service qui pourrait être offert.

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : Oui, merci pour la question. La préoccupation par rapport aux disparités régionales, elle... elle se recoupe à travers, en fait, l'ensemble des données qu'on présentait aussi dans le mémoire, où on va un peu plus loin, du fait qu'on sait pertinemment que les enfants, et les tout-petits particulièrement, sont très impactés dans... par les milieux où ils se développent. Donc, ils ont besoin d'avoir accès à plusieurs milieux, milieux de vie, plusieurs ressources pour permettre leur plein développement et permettre qu'on puisse vraiment agir de façon rapide sur les problématiques qui se présentent dans cette période et cette vitrine tellement précieuse de la petite enfance.

Et lorsqu'on pense aux disparités régionales, bien, on se dit qu'on voit bien que certaines régions ont moins accès à des services, ont des territoires plus éloignés. Et la collaboration et l'accès à ces familles ou aux services est un enjeu assez important. Donc, pour nous, c'est une préoccupation qu'on voulait apporter à votre attention parce que ce commissaire, comme il aura un mandat de rejoindre tous les enfants, on voudrait assurément penser à certaines régions qui, par certaines données, démontrent des vulnérabilités qui sont plus importantes. Donc, de ne pas oublier, de peut-être permettre à ce commissaire de donner un effort plus accentué selon les enjeux territoriaux qui peuvent se présenter.

M. Arseneau : Donc, je comprends que la fracture est déjà observable. Maintenant, au commissaire d'essayer de travailler à la résorber un tant soit peu, ou complètement, idéalement.

Mme Bouchard-Bonneville (Elise) : De réfléchir à des stratégies pour permettre de répondre à ça. Oui, effectivement. 

M. Arseneau : Merci. Je sais que mon temps est écoulé. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) : Merci beaucoup, Mme Bonneville, pour votre contribution, votre présence à nos travaux. Maintenant, je vais suspendre ces derniers pour permettre aux prochains groupes de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 16 h 46)

(Reprise à 16 h 50 )

Le Président (M. Provençal) :Merci. Alors, nous poursuivons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à M. Camil Bouchard et M. Dominique Goubau. Je vous rappelle 10 minutes de présentation, et on poursuit nos échanges. Merci. Je vous cède la parole.

M. Bouchard (Camil) : Merci, M. le Président. Nous vous remercions de nous accueillir à cette séance. Vous avez des bonnes journées, on le sait, alors on tentera d'être le plus clair possible.

Alors, on salue d'emblée la création du poste de commissaire au bien être et aux droits des enfants. Cependant, nous constatons qu'il manque au projet de loi n° 37 un volet qui serait nommé, affirmé, explicite, incontournable de prévention. Et nous constatons un mutisme aussi, un mutisme étonnant, en ce qui a trait à la maltraitance envers les enfants.

Le mot clé du projet de loi serait selon nous, prévention, prévention, prévention. Vous allez me répondre que c'est implicitement par tout un projet de loi, mais ce qui n'est pas nommé n'existe pas dans une loi. La référence à la prévention est... est plus que discrète selon nous dans le projet. Elle se manifeste une seule fois et assez timidement dans les considérants, qui fait référence à la volonté de l'État plutôt qu'à son obligation d'avoir une approche préventive. Nous pensons que le projet de loi n° 37 manque ici une occasion unique de marteler cette absolue nécessité d'un meilleur leadership en matière de prévention et de faire un pied de nez à toutes ces incantations que l'on entend à chaque fois qu'il y a un dérapage, une cassure, un droit lésé, un drame, on entend soudainement le mot «prévention» alors qu'on était capable d'identifier clairement comment et qui, et par qui on arrivera à assurer un meilleur système en prévention, notamment en prévention de la maltraitance.

À cet égard, nous proposons que le commissaire ait la responsabilité de veiller à ce que les autorités compétentes — et ici nous nommons explicitement le Directeur national de la santé publique et les directeurs régionaux — fixent annuellement des objectifs nationaux et régionaux en matière de bien-être des enfants. Il y a un haut fonctionnaire du gouvernement du ministère qui disait jadis : Quand on ne sait pas où on s'en va, on arrive ailleurs. Donc, qu'on ait cette préoccupation des objectifs nationaux et régionaux...

M. Bouchard (Camil) : ...en ce qui a trait notamment à la réduction de la maltraitance avérée envers les enfants et les jeunes. Autrement, le risque est grand que le commissaire porte quasi exclusivement son attention sur les soins des services curatifs ou de correction en matière de protection. Je vous rappelle, M. le Président, que la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse a très clairement reconnu la maltraitance envers les enfants comme un enjeu de santé publique. Les directions de santé publique peuvent directement engager leur responsabilité à cet égard. La Loi sur la santé publique, l'article 55 reconnaît nettement au directeur de la Santé publique ce pouvoir de rassembler les services concernés lorsqu'il y a une menace de morbidité envers un groupe dans la population, et les groupes n'ont pas le droit de refuser l'invitation. Vous lirez l'article 55, c'est intéressant.

L'examen des données produites par les directeurs de la protection de la jeunesse durant les 30 dernières années nous indique aussi que les taux de maltraitance varient considérablement d'une région à l'autre ou d'une période économique à l'autre. À notre avis, il est très clair que les directeurs de santé publique régionaux sont les mieux placés pour orienter, accompagner les services de prévention dans l'atteinte de leurs objectifs, et le commissaire doit s'assurer qu'ils le fassent.

Nous soulignons également que ce projet de loi répond à une recommandation de la commission spéciale créée suite au drame de Granby. Il est étonnant à ce sujet que le projet de loi ne manifeste d'aucune manière une obsession légitime et nécessaire vis-à-vis la réduction de la maltraitance envers les enfants et les jeunes, et que cela n'apparaisse pas clairement et explicitement dans la commission... dans la mission du commissaire. Cherchez le mot «maltraitance» dans le projet de loi, là. Je ne pense pas que vous puissiez le trouver. Le projet de loi ne serait pourtant sans doute pas sur la table de cette commission, n'eût été le drame de Granby et du constat répété ad nauseam, depuis des années, de l'augmentation constante du taux de maltraitance avérée depuis les années 90. Prévenir la maltraitance, il ne faut pas rater l'occasion. Il ne faut vraiment pas rater l'occasion.

Enfin, nous sentons... nous ne sentons pas dans ce projet de loi un sentiment d'urgence à l'effet d'opérationnaliser la création de ce poste. L'article 30 donne au commissaire cinq ans pour la production d'un rapport sur la mise en œuvre du présent projet de loi. On pense que deux ans seraient assez. Les membres de cette commission ont en main les six recommandations explicites que nous faisons en ce qui a trait à la prévention de la maltraitance et à l'urgence de la situation. Je vous remercie. Je passe la parole à Dominique Goubau.

M. Goubau (Dominique) : Bonjour. M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, je me joins à mon collègue Camil Bouchard pour vous remercier de nous recevoir aujourd'hui et nous permettre de participer à vos travaux.

Le deuxième point que nous voulions soulever concerne également la mission du commissaire ou, de façon plus large, le positionnement du commissaire dans le portrait général des institutions qui... qui... qui sont concernées par la problématique que vous étudiez aujourd'hui. Et nous pensons que le premier... le tout premier considérant du préambule est tout à fait significatif et lourd de conséquences pour votre projet considérant que le Québec s'est déclaré lié par la Convention relative aux droits de l'enfant en 1991. On peut... Cette référence est capitale. On peut en inférer que la mission du Commissaire s'inscrit, donc, résolument dans le cadre des engagements internationaux du Québec et plus précisément dans le cadre de la Convention internationale sur les droits de l'enfant.

Or, cette convention, elle est assez particulière, elle est assez remarquable non seulement parce qu'elle... elle concerne les droits civils et politiques des enfants, mais également dans un même instrument, les droits sociaux et économiques, ce qui est tout à fait exceptionnel sur le plan des conventions internationales. Elle est particulière aussi parce qu'elle vise non seulement ces droits tellement importants qui vous occupent aujourd'hui de la... de la... du droit des enfants à la protection, du droit des enfants à ce qu'on appelle les prestations... bien, disons, la prévention, mais il y a également le droit de participation consacré par la convention au même niveau que les droits à la protection. Alors, si la protection des enfants et les mesures de prévention sont évidemment hyper importantes et doivent être au cœur de la mission du commissaire, il reste que... c'est le droit à la participation, les droits d'autonomie des jeunes, est également primordial, et on retrouve cette notion dans le projet de loi à l'article cinq qui concerne la mission du commissaire. Au point 8, on dit bien que le commissaire doit former un comité consultatif composé d'enfants et de jeunes adultes afin d'obtenir leur avis sur les questions qui concernent les matières qui relèvent de sa compétence.

Le projet de loi va même plus loin puisqu'il invite les commissaires à...

M. Goubau (Dominique) : ...prendre en considération et à mettre en place les moyens pour recueillir les préoccupations des jeunes pour tout ce qui concerne des enjeux de société qui les concernent. Et, en ce sens, le projet de loi est dans la droite ligne de la Convention internationale sur les droits de l'enfant. Et je pense qu'il est important, donc, de souligner qu'au-delà des droits à la protection et à la prévention, qui sont capitaux, évidemment, il y a toutes sortes d'autres droits et il y a toutes sortes d'autres domaines que celui de la simple protection d'éviter que des enfants soient en situation de compromission. Il y a tous les autres. Il y a, je ne sais pas, 1,5 ou 1,6 million d'enfants au Québec qui sont concernés par l'enseignement, par les loisirs, par les rapports familiaux, par le droit à la santé physique, mentale, par la participation démocratique. Songez par exemple au débat sur l'éventuel vote des jeunes à 16 ans plutôt qu'à 18 ans. Tout cela, ce sont des sujets qui préoccupent les jeunes et qui font, je pense, éminemment partie de ce que le projet de loi appelle les enjeux de société dont peut se saisir et, à mon avis, dont doit... devra se saisir le commissaire. Et par conséquent...

Et j'ajoute un dernier point, la Convention internationale prévoit en son article 42 que les États parties... c'est une obligation du Québec sur le plan international, les États parties s'engagent à faire largement connaître les principes et les dispositions de la présente convention par des moyens actifs et appropriés. On retrouve cette obligation en filigrane dans l'article 5 du projet, au paragraphe quatre, lorsqu'il est énoncé que le commissaire devra informer le public au sujet du bien-être et des droits des enfants et des sensibilités aux questions qui s'y rapportent, etc. Mais tout cela nous paraît trop en filigrane. Et donc ce rôle du commissaire devrait être un rôle, à notre avis, décrit de façon plus explicitement comme un rôle qui dépasse le seul domaine de la protection et de la prévention des situations, qui permettrait de réduire le nombre de cas d'enfants en situation de compromission. Et il y a tous les autres, il y a tous les autres cas, et je pense que nous avons ici, au Québec, une occasion unique de reprendre un petit peu le lead que nous avons eu pendant des années et des années en droits de l'enfance. Vous savez, d'un point de vue international, le Québec est désigné comme une des juridictions les plus à l'avant-garde pour ce qui est de la reconnaissance des droits de l'enfant, par exemple le droit de l'enfant de s'exprimer devant les tribunaux, ça fait 30 ans qu'on l'affirme ici, et la plupart des pays qui nous ressemblent étaient un petit peu à la traîne. Mais là, sur cette question d'un ombudsman ou un commissaire qui aurait pour mission de veiller au respect des droits auxquels le Québec s'est internationalement engagé, je pense qu'il était temps et j'applaudis, nous applaudissons donc l'idée d'un tel organisme, mais nous pensons que la mission devrait être décrite de façon plus large que ce qui est actuellement décrit. Donc, on a fait des propositions plus concrètes, que vous verrez dans les recommandations exprimées dans le... à la fin de notre rapport. Je vous remercie.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Le temps de votre présentation étant écoulé, je vais demander à M. le ministre de commencer les échanges.

• (17 heures) •

M. Carmant : Bien, je vous remercie tous les deux, Messieurs Bouchard et Goubau. Moi, je penche plus de votre côté, mais j'imagine que... Moi, je veux plus un rôle plus large. Puis laissez-moi m'expliquer. Moi, je pense que la prévention, c'est vraiment central à ce poste-là, et justement j'aurais peut-être un malaise à nommer une cause spécifique comme prédominance sur tous les autres enjeux que vivent nos enfants. Et je suis d'accord que c'est la maltraitance qui a fait débouler tout ça et qui nous amène là, mais, tu sais, ça... la députée de Robert-Baldwin pourrait nous parler de violence conjugale, moi, je pourrais vous parler... moi, je pense qu'un gros fléau de la société ici, c'est... c'est les abus sexuels intrafamiliaux qui détruisent les familles. Donc, tu sais, il y a plusieurs causes que l'on pourrait parler puis mettre de l'avant. Donc, moi, je pense que c'est... Le rôle du commissaire est vraiment de regarder les choses dans leur... dans son ensemble et même encore plus en amont.

Cependant, je me souviens de la discussion qu'on avait eue avec le p.l. 15 et juste vous dire qu'on a quand même fait des progrès. Les autorités de santé publique ont adopté récemment un plan de surveillance de la santé maternelle, foeto-infantile et de la petite enfance ainsi qu'un plan de surveillance de la maltraitance avec les enfants. Donc, on commence... ça commence à se déployer dans les différentes régions du Québec, et oui, on va faire un suivi de ça.

Moi, ce que je pense... puis j'aimerais avoir votre avis, M. Bouchard, moi, je pense qu'une chose qu'on pourrait renforcer dans le projet de loi, ce serait parler vraiment de... de nommer la santé publique comme un collaborateur important avec le commissaire et mettre l'emphase là-dessus plutôt que sur la...


 
 

17 h (version non révisée)

M. Carmant : ...qu'est-ce que... qu'est-ce que vous en pensez?

M. Bouchard (Camil) : On n'est vraiment pas d'accord tout simplement parce que je constate depuis des années qu'on fait des progrès assez importants et spectaculaires dans plusieurs... sur plusieurs enjeux concernant les jeunes. Pensons, par exemple, aux grossesses précoces, toute la question de l'alcoolisme ou de la dépendance aux drogues chez les jeunes. Il y a toutes sortes d'enjeux sur lesquels on a eu pas mal de succès, où on a fait beaucoup de progrès, mais on a un échec retentissant du point de vue de la maltraitance envers les enfants. Et si on a... D'abord, ça n'exclut rien à ajouter au projet de loi un «notamment». Je ne pense pas que ça exclut le reste, mais ça met l'accent sur un... sur un enjeu qui devrait nous préoccuper jour et nuit. Durant les 17 dernières années, il y a une augmentation de 101 % des signalements traités en protection de la jeunesse. En termes de taux sur 1 000 enfants, je n'ai pas le score exact parce qu'il faut faire la soustraction des récidives, des signalements qui... qui sont à répétition sur un même enfant. Mais... mais on est autour d'une augmentation de 75 % sur les taux... les taux par 1 000 enfants, sur les retenus, autour de 50 % d'augmentation durant les sept à huit dernières années. C'est un enjeu de santé publique de premier ordre. Et moi, je rêve du jour, M. le Président, où le ministre pourra dire : Nous modifions la loi pour désormais biffer la question de maltraitance comme une priorité. Mais on n'est pas là. On est on est dans une situation où, année après année, on constate une augmentation graduelle et des fois plus que spectaculaire du taux de signalement, et ce taux de signalement là n'augmente pas par le fait que les voisins ou les gens de la communauté signalent davantage, il augmente parce que les policiers signalent davantage, parce que les écoles signalent davantage et parce que les intervenants de première ligne qui sont plus démunis, qui sont démunis devant des problèmes qui se posent et qui se posent trop tardivement dans le scénario d'intervention. Donc,  les signalements augmentent par cette porte d'entrée là qui ne devrait pas être une porte d'entrée, qui devrait être, au contraire, une antichambre de solution pour les enfants et leurs familles. Alors, moi, je maintiens cette idée qu'il faut ajouter un «notamment» le plus... le plus souvent possible concernant la prévention et la prévention de maltraitance.

Je reviens à cette histoire de l'explicitation dans le projet de loi. À lire le projet de loi, le commissaire a une fonction qui dépasse très largement. On le reconnaît, là, puis il faut que ce soit ça, la protection des enfants et l'intervention au niveau des drames que l'on connaît et qui sont signalés à la protection de la jeunesse. Et vous aurez remarqué que, sur l'ensemble des interventions que vous aurez entendues durant la journée, peut-être des mémoires que vous aurez reçues, il y a beaucoup plus de préoccupations explicites par rapport aux services de protection que par rapport aux services de prévention, et c'est toujours le cas. C'est toujours le cas. Et moi, quand j'ai vu le mot «préventive» dans les considérants, je l'ai vu associé avec une volonté de l'État, et non pas avec une obligation de l'État, et ça aussi, c'est un signal qui est... le signal n'est pas, à mon avis, assez fort en ce qui concerne le message que l'on doit envoyer à l'effet qu'il y a un leadership à assumer au niveau national, que ce leadership-là doit être... doit avoir un... doit avoir un écho dans le projet de loi, dans la création du poste de commissaire, et que celui-ci peut demander et doit demander des comptes aux directeurs régionaux et au Directeur national de santé publique sur l'évolution des taux par région et au niveau national.

On sait très bien qu'on va régler le... on ne va pas régler, mais on va diminuer les taux de signalement au niveau national si on aborde le problème régionalement. On ne peut pas faire autrement. Et tantôt j'entendais une discussion au sujet des déterminants de la maltraitance envers les enfants, puis on pense toujours en termes de décroissance économique, puis de détresse économique, etc. Mais vous avez des régions au Québec où le taux de négligence envers les enfants augmente parce que l'économie locale ou régionale connaît une croissance fulgurante. Et vous avez à ce moment-là des drames familiaux et des drames qui concernent la consommation de drogue. Le marché de la drogue devient plus lucratif dans ces... dans ces endroits, dans ces régions. Alors, il y a...

M. Bouchard (Camil) : ...toutes sortes d'enjeux comme ceux-là où les directeurs régionaux sont directement en contact avec les grands déterminants qui ont un impact sur le bien-être et sur la sécurité des enfants. Et c'est pour ça que j'insiste là-dessus. Je salue les progrès qui ont été faits depuis la discussion que nous avons eue, M. le ministre, je suis très content, et que ce soit explicite dans le projet de loi, parmi les collaborateurs, ce serait encore mieux, et que leur mission soit surveillée par le commissaire, je pense que ce serait un plus, également.

M. Carmant : D'accord. Et, de votre côté, M. Goubau, vous ne trouvez pas que... de spécifier certaines problématiques, ça n'enlève pas ce volet prévention plus global dans le rôle?

M. Bouchard (Camil) : ...à la maison, il a besoin d'être d'accord.

M. Goubau (Dominique) : Vous comprenez que nous avons fait ce travail de présentation à deux et qu'évidemment je suis entièrement d'accord avec les propos de Camil Bouchard là-dessus, mais son... comment dire, sa réponse, de dire : Mais on pourrait ajouter le «notamment» pour édulcorer un petit peu notre proposition initiale, me paraît tout à fait sage.

M. Carmant : D'accord. D'accord. Qu'est-ce que je voulais vous demander? Bon. Le trois ans, le cinq ans, on a rencontré le protecteur de l'élève, là, qui a quand même un rôle qui, selon moi, est un peu plus limité que ce qu'on va mettre sur pied, il nous a  dit que ça lui a pris un an juste pour s'installer. Ça ne donne pas beaucoup de temps, si on ne lui donne que deux ans, là, pour déposer un premier rapport à l'Assemblée nationale. Peut-être que cinq ans, c'est trop long, peut être qu'on va décider de couper la poire en deux, là, entre parlementaires, mais je pense que... si on veut avoir des données de qualité, je pense qu'il faut lui donner un peu plus de temps. Deux ans, je trouve ça un peu hâtif.

M. Bouchard (Camil) : Peut-être bien, peut-être bien. C'est très arbitraire, que de dire deux ou trois ans, dans les circonstances, là, mais le signal qu'il m'apparaît important de donner, c'est, s'il y avait un changement, qu'on raccourcisse ce délai-là et qu'on fasse donc œuvre de sensibilisation au sujet de l'urgence de la situation. Cinq ans, ça m'apparaît très confortable, pas dans l'urgence tout à fait.

M. Carmant : Parfait.

M. Goubau (Dominique) : J'ajouterais, si vous permettez, que j'ai bien compris, enfin, que le commissaire ne devra pas prendre à bout de bras tous les problèmes de la jeunesse au Québec. Il y a d'autres institutions, comme la commission des droits, comme le Protecteur du citoyen, comme bien d'autres, qui ont leur rôle, comme le directeur de la protection de la jeunesse, qui ont un rôle bien précis à jouer. Il ne faudrait pas que le commissaire déborde les plates-bandes. Et là, évidemment, ça lui prendra beaucoup plus de temps, mais je pense que, s'il se concentre sur les grands enjeux dont nous avons parlé ici, ce délai de cinq ans paraît très long avant d'arriver à quelque chose de probant, compte tenu de l'urgence du dossier.

• (17 h 10) •

M. Carmant : Je suis d'accord... il faut aller... c'est quand même urgent, effectivement. D'accord... Président, je passerais la parole.

Le Président (M. Provençal) :...députée de Laporte.

Mme Poulet : Oui. Merci, M. le Président. Merci à vous deux, c'est très intéressant, les échanges. Mme Laurent mentionnait dans son mémoire que le Québec reconnaît ses enfants... propose un considérant, que le Québec reconnaît ses enfants comme sujet de droit, que cela renforcerait leur capacité de se défendre, de faire respecter leurs droits... renforcer leur participation aux discussions sur les droits qui les concernent. Ma question est croyez-vous qu'il soit nécessaire de rappeler dans le préambule que l'enfant est un sujet de droit? Si oui, pourquoi?

M. Goubau (Dominique) : On peut le rappeler, ça ne va pas nuire, mais je me méfie des grandes déclarations qui peuvent donner bonne conscience, et, de toute façon, de dire aujourd'hui, en 2024, qu'il faut dire que les enfants sont sujets de droit, je veux dire, au Québec, ça fait 40 ans que c'est le cas. Et, certainement, depuis que nous avons adhéré au principe de la convention, c'est une évidence. Et, maintenant, de rappeler une fois de plus l'évidence, c'est sûr qu'on peut le faire, mais je pense qu'il y a des choses plus urgentes que d'inscrire ce type de grand principe.

Et, vous savez, ça me rappelle un petit peu toutes les discussions qu'il y a eu autour de l'importance d'avoir une charte des droits des enfants et de rappeler notamment ce principe-là, alors qu'en réalité, cette charte, elle existe déjà. Et le Québec s'est dit lié internationalement par cette grande charte très complète qu'est la convention. Il suffirait d'une disposition dans ce projet de loi pour intégrer la convention dans le droit interne québécois. Ça n'est pas fait. Donc, on est internationalement lié depuis 1991, mais vous savez comme moi que la convention ne fait pas partie de notre droit interne, même si c'est un outil d'interprétation. Il suffirait, si on veut vraiment une charte ou si on veut...

M. Goubau (Dominique) : ...vraiment affirmer l'importance une fois de plus de l'enfant comme sujet de droit, mais je pense qu'il faudrait peut-être avoir le courage de le dire : Eh bien, la convention internationale sera d'application directe et nous allons l'inscrire dans une disposition de la loi, puisque c'est la condition, dans notre système juridique, pour intégrer le droit international en droit interne.

Mme Poulet : J'ai déjà posé la question à d'autres groupes. Je vous la... Je vous la joue la pose.  Au niveau des mécanismes d'accréditation, Mme Laurent disait qu'il n'y avait aucune base juridique. Selon vous, quel est, au niveau de la protection des enfants, au niveau de... du suivi, au niveau des avocats, de meilleurs services, est-ce que vous pensez que les avocats devraient avoir... Est-ce qu'il devait y avoir un mécanisme d'accréditation pour eux?

M. Goubau (Dominique) : Alors, ça fait longtemps que le Barreau milite en faveur et a fait des études dans les années 80, 90, sur l'importance de reconnaître que le droit des enfants et la représentation des enfants devant le tribunaux... devant les tribunaux est une... est une pratique spécialisée qui est de plus en plus complexe. Et le Barreau, depuis des années, a proposé une spécialisation reconnue par une forme d'accréditation. À l'époque, j'ai applaudi cette idée et je pense effectivement que c'est une... c'est une.... c'est une avenue qui est intéressante. Et si on veut aller dans le sens d'une accréditation, je pense que ça vaut la peine d'aller relire le dernier rapport du Barreau du Québec, qui est très complet, sur les avantages et les inconvénients, puis pour conclure que cette accréditation serait nécessaire, et comme garantie d'un meilleur service aux enfants. Donc, oui, je pense que ce serait une bonne idée...

Mme Poulet : Merci.

Le Président (M. Provençal) :Il reste encore un 2 min 30 s. Oui, M. le ministre.

M. Carmant : Pour en revenir à la santé publique. Quelle serait le... l'interaction avec les santés publiques régionales que vous verriez pour le... le commissaire?

M. Bouchard (Camil) : Bien, je pense que le commissaire pourrait jouer un rôle d'autorité dans un sens où il demanderait des comptes à chacun des directeurs régionaux sur les efforts qui ont été consentis par les partenaires qui entourent la santé publique dans les efforts de prévention en ce qui a trait notamment à la maltraitance. Ce serait un rôle de surveillance que la santé publique déploie comme efforts spécifiques dans leur région. Moi, j'ai eu une expérience assez extraordinaire comme bénévole sur la Côte-Nord, comme vous le savez, M. le ministre. Et nous avons eu accès durant ces années où j'étais bénévole là-bas avec André LeBon à la banque de données de la DPJ au niveau régional. C'était comme si on s'était installé dans la... dans le siège de la direction publique d'une certaine façon, parce qu'on avait accès aux 145 ou 150 éléments d'annotation de ce qui se passe dans chacun des signalements durant l'année qui... ou les années qui précédaient notre étude. Et je pense qu'il y a là un matériel de connaissances, à partir des intervenants jusqu'aux gens qui font la planification et l'installation des programmes de prévention, il y a une somme extraordinaire de connaissances qui peut être utilisée par les directeurs de santé publique dans leur fonction de surveillance de la santé et du bien être des enfants. Cette connexion-là entre la Direction de la santé publique, la banque de données dont dispose le ministère et les directeurs de santé publique est essentielle si on veut arriver à aboutir à identifier des programmes de prévention qui soient efficaces et efficients auprès de nos enfants et de nos familles. Et il y en a dans plusieurs domaines, et celui de la maltraitance, que je connais mieux.

Et je pense que, donc, pour répondre très... plus brièvement, le commissaire doit se... doit se préoccuper à l'effet que les directeurs régionaux et le directeur national remplissent bien leur rôle de surveillance et d'animation autour d'objectifs régionaux et nationaux de réduction des méfaits envers les enfants.

Une voix : Merci.

M. Bouchard (Camil) : Je vous en prie.

Le Président (M. Provençal) :Alors, la suite va appartenir à Mme la députée de Robert-Baldwin.

Mme Garceau : Très intéressant, messieurs. Merci beaucoup pour cette présentation. J'aimerais revenir à deux éléments. Évidemment, la prévention de la maltraitance, je comprends que c'est un enjeu très important, qu'il y a eu une augmentation fulgurante. Et donc, outre toute la question de... le rôle qu'un commissaire va jouer dans la réduction en termes de la maltraitance, vous avez parlé de fixer des objectifs nationaux...

Mme Garceau : ...régionaux. Est-ce que vous prévoyez... est-ce que vous... est ce qu'il y a d'autres façons que vous envisagez que vous aimeriez que nous intégrions au projet de loi? J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Bouchard (Camil) : Bien, il y a, dans le projet de loi, des dispositions concernant le rôle que peut jouer le commissaire, que doit jouer le commissaire en matière d'information du public sur la santé et le bien-être des enfants, un rapport annuel qu'il va commenter. On va tourner la page, puis le lendemain, on n'en entendra plus parler. C'est ça qui arrive. Et moi, je pense qu'un commissaire doit remplir ce rôle-là de façon continue, constante, intense, auprès du public. Je ne sais pas vous, mais moi, le Dow Jones, ça ne me dit pas grand-chose en termes de composition d'indices, là, mais à tous les soirs, on nous parle d'indices économiques dont on ne comprend pas la nature, mais on sait que c'est important. Mais quand vient le temps de la santé et le bien-être des enfants, on n'a rien. On a très rarement une indication de comment se portent nos enfants de façon régulière. Pourtant, on pourrait avoir accès à une quantité très importante d'indicateurs du bien-être et de la santé de nos enfants qu'on pourrait diffuser régulièrement en changeant d'indice une fois par semaine. Vous n'arriverez pas encore au bout de la liste. Alors, il y a un effort à faire pour embarquer les gens autour de cette dimension-là et qu'ils deviennent des gens qui ne peuvent plus invoquer la méconnaissance ou l'ignorance de la situation. Comme citoyen, on peut être, je pense, alimenté par un Commissaire à la santé et au bien-être des enfants qui remplit cette fonction-là.

Mme Garceau : Je vais revenir concernant la convention internationale. Et il y a le considérant, évidemment, dans le préambule. On avait Mme Laurent cet avant-midi. On a parlé évidemment du fait que... Dans le premier chapitre, évidemment, du rapport de la commission Laurent, on parle évidemment du rôle du commissaire de veiller au niveau des droits des enfants, de la promotion de leurs droits, de respect de leurs droits. Et, évidemment, avec la nomination du commissaire qui était la première recommandation, la deuxième recommandation était évidemment la charte des droits. Et donc cet aspect-là, au niveau... on a eu discussion concernant le fait que, oui, aujourd'hui, on regarde le volet concernant la nomination du commissaire, mais on regarde... c'est uniquement la charte à la troisième phase de la mise en œuvre des recommandations. Donc, ça, ça va être dans quelques années. J'aimerais vous entendre à ce sujet là.

• (17 h 20) •

M. Goubau (Dominique) : Quand on lit la littérature dans le domaine du droit de l'enfance, la question de la nécessité d'une charte spécifique pour les enfants a fait couler beaucoup d'encre. Et il y a des pour, il y a des contre, un petit peu comme le débat sur une éventuelle charte pour les personnes aînées, hein? Et la plupart des intervenants répondent en disant : Les enfants sont... ont les mêmes droits que les adultes. Et nous avons une charte très moderne encore aujourd'hui, même si elle date de 1975, la Charte des droits et libertés, qui inclut évidemment les enfants. Les enfants sont des sujets de droit à part entière dans le cadre de la Charte des droits et libertés. Et les enfants qui sont sous le coup de la Loi sur la protection de la jeunesse, eux, bénéficient d'une charte particulière, et c'est comme ça que les observateurs la désignent. La première partie de la Loi sur la protection de la jeunesse édicte un certain nombre de droits qui sont les droits importants des jeunes qui sont aux prises avec la Loi sur la protection de la jeunesse. Voilà donc deux chartes, si vous voulez déjà, qui... dont les enfants bénéficient.

J'ajoute la troisième qui est celle de la convention, et ça ne prendrait pas grand-chose pour que cette convention fasse partie directement de notre droit interne. Et je pense que, sur le plan symbolique aussi, ce serait quelque chose d'intéressant. Mais est-ce que la situation des enfants dont Camil Bouchard a parlé et est ce que les impératifs que nous venons d'exposer vont trouver une solution parce qu'il y a encore une charte des droits des enfants? Franchement, je ne pense pas. Mais, bon, ça ne peut jamais nuire, hein? Personne n'est contre la vertu. On peut ajouter encore des déclarations solennelles qui affirment tel droit fondamental. Mais moi, je soumets respectueusement, comme on dit, que ces droits sont déjà reconnus par la Charte québécoise des droits. Il y a même des personnes qui disent... il y a même des...

M. Goubau (Dominique) : ...des groupes de défense des droits des enfants qui sont tout à fait contre l'idée d'une charte des droits des enfants parce qu'ils considèrent que c'est faire insulte aux enfants que de leur dire : Vous n'êtes pas comme les adultes. Non, vous bénéficiez, comme n'importe qui, des avantages de la Charte des droits et libertés. Et si vous êtes mal pris dans la loi sur la protection de la jeunesse, eh bien, vous avez des droits particuliers. Est-ce qu'il faut en ajouter une autre? Je ne suis pas convaincu.

Mme Garceau : Donc, comme vous avez mentionné, en termes de la convention internationale, qu'on pourrait l'intégrer dans un cadre législatif?

M. Goubau (Dominique) : Bien, vous savez, la convention internationale aujourd'hui, elle est utilisée, la Cour suprême l'a mentionné plusieurs fois, pour interpréter des dispositions légales au Canada ou dans certaines provinces. Donc, la Charte fait déjà éminemment partie de notre arsenal juridique quand il s'agit d'interpréter le droit interne. Mais il n'est... la Charte n'est pas d'application directe. Tout ce que je dis ici, c'est que de créer un outil aussi extraordinaire que le commissaire et qui... et je le vois bien, ce commissaire, comme la plupart des pays l'ont fait, c'est un commissaire qui s'inscrit directement dans la philosophie de la Convention internationale. Je pense que ce n'est pas pour rien que vous avez mis dans le premier considérant cette référence à cet engagement du Québec.

Donc, c'est un outil qui va devoir veiller au respect des droits des enfants et donc au respect des droits tels qu'énoncés dans la Convention internationale. C'est un tout petit... c'est un tout petit pas que de dire : Eh bien, tant qu'à faire, intégrons cette convention dans notre droit interne, comme on l'a fait pour le droit... pour l'adoption internationale. L'adoption internationale, la Convention de La Haye de 2006, elle est... de 1996, elle est inscrite dans une loi du Québec. L'enlèvement international, une convention de La Haye, est intégré dans une loi québécoise sur l'enlèvement international qui reprend au mot à mot les termes de la Convention. Rien n'empêcherait d'une simple petite phrase, pas dans le préambule, mais dans un article de la loi, de dire : Désormais, la Convention fait partie du droit interne du Québec. C'est un peu audacieux, mais... mais... mais je pense que l'enjeu...

Mme Garceau : Pas tant que ça.

M. Goubau (Dominique) : ...l'enjeu, que vous avez étudié ici, est suffisamment important que... être audacieux.

Mme Garceau : Bien, pas tant que ça. Nous l'avons, de toute façon, la convention de La Haye au niveau de l'enlèvement des enfants, ça a été ça. On l'a intégré dans le droit interne. On a une loi spécifique qui intègre les principes de la convention de La Haye. On pourrait... on pourrait faire la même chose ici.

M. Goubau (Dominique) : Absolument.

Mme Garceau : Oui.

M. Goubau (Dominique) : Et les tribunaux ont rappelé que la simple référence aux obligations internationales d'une province ou du fédéral, la simple référence à une convention et au fait que la juridiction est internationalement tenue par cette convention n'est pas suffisante pour répondre aux critères d'intégration du droit international dans le droit interne, ça prend un outil exprès d'intégration. Donc, ça prendrait une disposition, par exemple dans cette loi-ci, pour intégrer la convention.

Mme Garceau : Mais juste en terminant les droits tels que... Parce que je l'ai ici, la convention, là, les droits tels que décrits dans cette convention internationale... est pas mal complète. Est-ce qu'il y aurait d'autres droits à ajouter?

M. Goubau (Dominique) : Ah! je pense que c'est très complet. Ça va du droit contre la torture au droit de jouer, je... C'est une convention qui a pris 10 ans à être écrite. C'est la convention qui a été signée par le plus grand nombre de pays au monde et c'est une convention qui a mûri pendant une dizaine d'années. Le Canada était d'ailleurs un des promoteurs de cette convention, et, on va dire, on est allé très loin dans l'affirmation des... des droits des enfants. Et donc c'est vraiment une véritable Charte des droits des enfants.

Mme Garceau : Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) :Merci, Mme la députée. Nous allons poursuivre avec M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Extrêmement intéressant. Je vais rester sur la question de la charte de la convention possiblement. Vous n'en faites pas une recommandation directe, là, dans le mémoire, qu'on intègre la convention de droits internes, mais là, devant nous, vous la faites pas mal clairement, par contre.

M. Goubau (Dominique) : Oui. Je dois dire que lorsque nous avons fait notre rapport, nous avons à deux désigné les deux points qui nous paraissaient les plus importants et... sans noyer dans d'autres points, qui peuvent être importants aussi, mais le premier point est celui de la prévention, prévention qui mérite d'être mieux exprimée dans le projet. Et puis le deuxième, ce rôle du commissaire qui... qui concerne tous les enfants du Québec et non pas seulement ceux qui sont sous le coup de la LPJ ou qui risquent un jour de tomber sous le coup de la LPJ. Il y a des enfants qui ne sont pas en situation... qui ne seront jamais en situation de compromission, mais qui ont des choses à faire valoir. Et en quelque sorte... et ça, on le dit dans le mémoire, le rôle... et, à mon avis, un des rôles très importants du commissaire, c'est de devenir non seulement le porte-voix, mais le promoteur des droits des enfants dans la société. Et, en ce sens-là... Et alors, du coup... Mais peut-être...

M. Goubau (Dominique) : ...répond à côté de la... Du coup, je reviens au délai des deux ans, il ne faut pas surcharger les commissaires parce que là sont ses rôles principaux. Et j'ai entendu dire, quelqu'un, qu'il fallait éventuellement transférer les missions de la Commission des droits vers le commissaire, je pense que ce serait une très mauvaise idée. Ça réduirait le commissaire, comme ça se voit dans certaines provinces et comme on le voit dans certains pays, ça réduirait l'ombudsman créé, au fond, dans la philosophie de la convention à un autre rouage de protection de la jeunesse. Et là n'est pas véritablement son rôle, il a un rôle beaucoup plus systémique. Et, si on le surcharge avec des choses comme cela, il ne pourra pas jouer son rôle le plus original et probablement le plus utile, celui de la prévention et celui de s'intéresser aux enjeux de société pour les enfants.

M. Cliche-Rivard : Donc, c'est ce que vous dites, on fait une disposition express dans le cadre législatif provincial et on notifie l'instrument international, je devine, de cette ratification, et le tour est joué, on est lié par la convention. C'est comme ça que ça fonctionne?

M. Goubau (Dominique) : Bien, on est lié, au Québec, pour ce qui relève des compétences du Québec.

M. Cliche-Rivard : Bien sûr, bien sûr. Et là, après, bon, il demeure que le droit international n'est pas nécessairement un outil quasi constitutionnel comme pourrait l'être une charte. Il y a quand même des nuances. Cela dit, vous nous ramenez sur l'élément qu'on a, notre charte québécoise qui, elle, va entériner, de toute façon, ce rôle-là quasi constitutionnel...

M. Goubau (Dominique) : Et je me plais à souligner ici la similitude entre la charte québécoise des droits et la convention. La charte québécoise, contrairement à toutes les chartes des droits et libertés qu'on voit ailleurs au Canada, est une charte qui intègre et les droits civils et politiques et les droits socioéconomiques. C'est la richesse... enfin, c'est une des richesses de la charte, la convention reflète cela aussi.

M. Cliche-Rivard : Donc, il n'y aurait pas création de droit substantif absolument énorme, ces droits là, ça existe déjà dans notre cadre législatif principalement.

M. Goubau (Dominique) : Oui, mais il faut faire attention d'un raisonnement comme celui-là, parce que c'est un raisonnement qui est utilisé par des personnes qui disent : Ça ne vaut même pas la peine...

M. Cliche-Rivard : Je comprends.

M. Goubau (Dominique) : ...d'intégrer la convention puisque, de toute façon, nous sommes encore plus généreux à l'égard des enfants. Mais il faut comprendre que les engagements, dans le cadre de la convention internationale, est... ce sont des engagements aussi sur les droits socioéconomiques, donc sur la prévention, à mesure de la capacité de l'État qui est engagé, ce qui... Et ça, c'est très important, ça veut dire que le Québec s'est engagé internationalement à en faire plus en termes de prévention, parce que nous sommes un pays riche ou en tout cas une juridiction riche, et ça, c'est très clair. On n'en demande pas autant au Bangladesh qu'on a le droit d'en demander au Québec. Et c'est pour ça que c'est ce luxe que nous nous payons en ayant un commissaire qu'on va payer avec du personnel, c'est un luxe qu'on peut se payer, mais que nous avons l'obligation internationalement de payer, parce que nous avons les moyens de le faire, et que notre engagement, c'est de prendre les meilleurs outils pour nos enfants.

M. Cliche-Rivard : Un grand merci.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. Alors, nous allons compléter cet échange avec le député des Îles-de-la-Madeleine.

• (17 h 30) •

M. Arseneau : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, Messieurs Bouchard et Goubau, pour cette passionnante rencontre et ces échanges fort enrichissants. On a bien compris votre obsession pour la prévention et vous nous la partagez très bien face à la maltraitance, évidemment, et toute la question, là, de l'implication de la santé publique, on a très bien compris le message, le devoir plutôt que la volonté. On a déjà eu ces débats-là d'ailleurs dans le projet de loi sur la santé et dans d'autres projets de loi.

Mais je vais aborder deux autres éléments. Le Dow Jones du bien-être des enfants, je trouve intéressant, mais avant que ça arrive, avec la collaboration des médias, je me demandais si vous vous suggérez... Parce que, quand vous mentionnez M. Bouchard, qu'une fois le rapport déposé, on tourne la page, on passe à autre chose, ce matin, on avait la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse qui nous disait : Il faut des mécanismes de suivi, des avis, des recommandations. J'imagine que vous êtes dans cet esprit-là.

M. Bouchard (Camil) : En effet, oui.

M. Arseneau : C'est essentiel. D'accord. Et puis, pour la question de la santé publique, j'ai l'impression, bien, dites-moi si j'ai mal saisi, c'est comme si d'emblée, vous nous dites : La santé publique ne joue pas son rôle à l'égard de ce problème de santé publique qu'est la maltraitance envers les enfants. Il faudrait que le commissaire, lui, serre la vis à la... au directeur de la santé publique et aux santés publiques régionales... aux directions de santé publique régionale. Est-ce que ce ne serait pas aussi nécessaire de réviser la Loi sur la santé publique puis leur serrer la vis de cette façon-là?

M. Bouchard (Camil) : C'est-à-dire qu'il faut que les directeurs de santé publique régionaux, le directeur national soient mandatés pour le faire. Il faut qu'ils reçoivent un signal très clair de la part de l'État, que c'est leur rôle que de consacrer une partie de leurs efforts, du moins, à la prévention de tel... de tel enjeu de santé dans leur population. Et une fois, une fois ce rôle identifié, une fois cet enjeu identifié, une fois cette mission identifiée...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

M. Bouchard (Camil) : ...le commissaire peut alors, lui, à titre de commissaire, se donner l'obligation, le devoir de vérifier si cette mission-là est bien remplie dans chacune des régions du Québec. Et on sait que ça peut varier d'une région à l'autre.

M. Arseneau : D'accord. Mais c'est ça, je veux juste comprendre, c'est que le commissaire n'a pas autorité d'emblée sur la santé publique, le directeur de la santé publique?

M. Bouchard (Camil) : Non. Non mais... non mais il aura... il aura cette capacité de faire des observations et des recommandations eu égard à cette... à cette... à cette mission que peuvent avoir les directeurs de santé publique. Et je ne connais pas beaucoup de fonctions, au niveau régional notamment, qui permettent à un intervenant de la santé d'obliger des partenaires à s'asseoir à la même table, et le directeur de la santé publique peut le faire.

M. Arseneau : Merci. Je voulais juste dire, en terminant, je sais qu'il reste à peine quelques secondes, on partage également la volonté que ce soit fait le plus rapidement possible. Si on regarde, là, la tragédie de Granby, là, à partir de laquelle on a nommé une commission, ça remonte à la fin avril 2019, si on se donne cinq ans après l'adoption de cette loi-ci, en espérant qu'elle soit adoptée avant mai 2024, ça nous ramènerait 10 ans plus tard, en 2029. C'est beaucoup trop long, à mon point de vue. On partage votre point de vue.

M. Bouchard (Camil) : Mais ça fait longtemps que c'est trop long. Ça fait longtemps que c'est trop long. Ça fait longtemps qu'on observe notre incapacité à endiguer cette histoire-là de maltraitance notamment envers les enfants.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup à vous deux de votre collaboration, de contribution et surtout de nous avoir partagé votre vision et les éléments que vous aimeriez voir, là. En tout cas, il y a au moins un mot qu'on doit retenir, parce que vous l'avez d'emblée répété à quelques reprises. Alors, merci beaucoup.

Sur ce, je vais...

Des voix : ...

Le Président (M. Provençal) :Prévention, prévention.

Alors, sur ce, je vais suspendre les travaux pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 17 h 34)

(Reprise à 17 h 39)

Le Président (M. Provençal) :Nous sommes en mesure de poursuivre nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants du Protecteur du Citoyen. Alors, je vous rappelle que vous aurez 10 minutes pour votre présentation et nous poursuivrons par la suite pour des échanges. Alors, je vous invite à vous présenter et à nous faire votre présentation. À vous la parole.

M. Dowd (Marc-André) : Merci, M. le Président. Les personnes qui m'accompagnent, je vous les présente tout de suite. Donc, je suis accompagné de Mme Claudie Otis, déléguée aux enquêtes en santé et services sociaux, pour le secteur jeunes en difficulté, et avec Mme Annie Bergeron, conseillère stratégique aux relations avec les Premières Nations et les Inuits. Donc, M. le Président, M. le ministre, mesdames messieurs les députés membres de la commission, je veux tout d'abord remercier la Commission de la santé et des services sociaux d'avoir invité le Protecteur du citoyen à se faire entendre concernant le projet de loi n° 37, Loi sur le commissaire au bien-être et aux droits des enfants.

Pour rappel, je précise que le Protecteur du citoyen reçoit les plaintes de toute personne insatisfaite des services d'un ministère, ou d'un organisme du gouvernement du Québec, ou d'une instance du réseau de la santé et des services sociaux, notamment dans le secteur des jeunes en difficulté. Il mène aussi des enquêtes de sa propre initiative sur des préjudices à porter collective. Il veille également à l'intégrité des services publics en traitant des divulgations d'actes répréhensibles. Lorsqu'il l'estime nécessaire, le Protecteur du Citoyen sollicite l'attention d'un dirigeant d'organisme ou du gouvernement sur des réformes législatives, réglementaires ou administratives.

C'est dans cette optique que je m'adresse aujourd'hui à vous et que je vous ai transmis par lettre mon analyse du projet de loi n° 37.

D'entrée de jeu, je vais préciser que j'accueille avec beaucoup d'ouverture le projet de loi et la création d'un poste de commissaire au bien-être et aux droits des enfants. Ce dernier se consacrera à la cause des jeunes et des enfants, ce qui lui permettra notamment d'adopter une approche transversale. Cela ne peut que contribuer à l'amélioration des services qui leur sont destinés et au respect de leurs droits.

La Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, la commission Laurent, recommandait d'ailleurs la mise en place de ce nouvel acteur, et je souscris pleinement à cette recommandation.

L'analyse du projet de loi fait d'ailleurs ressortir des avancées concrètes que je veux souligner. À titre d'exemple, il reviendra au commissaire d'exercer une vigie sur les programmes et les politiques élaborées pour les enfants et les jeunes afin qu'ils répondent efficacement à leurs besoins.

Dans la foulée, on donnera la parole à un comité consultatif composé d'enfants et de jeunes adultes pour renforcer leur pouvoir d'agir et leurs voix.

Enfin, il y a lieu de miser sur le rôle d'information et d'éducation que jouera le commissaire pour sensibiliser la population et ses institutions à la place de nos plus jeunes dans la... de nos plus jeunes citoyens dans la société.

J'en viens maintenant à des aspects du projet de loi qui m'interpellent particulièrement. D'abord, selon la définition qu'en donne le ministre responsable des Services sociaux, le commissaire ne traitera pas les plaintes individuelles. Toutefois, il pourra mener des enquêtes pour évaluer la mise en œuvre de programmes et de services publics destinés aux enfants. Or, ce volet de la mission du nouveau commissaire peut être mis en parallèle avec les enquêtes que nous faisons concernant des enfants et des jeunes. Le...

M. Dowd (Marc-André) : ...le projet de loi aborde cette question. Il est prévu en effet qu'au besoin le nouveau commissaire coopère avec nous, tout comme avec la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et avec tout autre organisme public, afin d'harmoniser les interventions des uns et des autres à l'égard des jeunes.

Il faut savoir toutefois que les organismes concernés se caractérisent, entre autres, par leur indépendance et par des règles strictes de confidentialité. Afin d'éviter que ces balises, par ailleurs essentielles, ne compromettent une concertation efficace, je recommande que le projet de loi prévoie la conclusion d'ententes entre les organismes visés pour faciliter et encadrer la transmission de l'information entre eux. Le Protecteur du citoyen fonctionne déjà selon ce type d'entente avec les organismes qui sont nos partenaires en intégrité publique. Nos collaborations s'appuient sur des ententes qui permettent de renforcer nos rôles distincts dans le contexte d'actions concertées. Par ailleurs, je recommande d'ajouter aux organismes énoncés dans le projet de loi le Protecteur national de l'élève à titre d'acteur majeur, dédié lui aussi aux enfants et aux jeunes.

J'aimerais maintenant attirer votre attention sur les articles du projet de loi qui prévoient la nomination d'un commissaire associé dédié au bien être et aux droits des enfants membres des Premières Nations et Inuits. Ce commissaire associé relèverait du commissaire. Il assisterait ce dernier en veillant aux intérêts des enfants et des jeunes issus des Premières Nations et Inuits, à la lumière notamment des facteurs historiques, sociaux et culturels propres au contexte autochtone. Cette proposition fait suite à une recommandation de la commission Laurent. Et bien que je souscris pleinement à l'intention de donner une juste place à la voix des enfants membres des Premières Nations et Inuits au sein de cette nouvelle institution, je désire formuler quelques commentaires sur les façons dont nous pouvons atteindre cet objectif. Je rappelle, la surreprésentation persistante des enfants membres des Premières Nations inuites en protection de la jeunesse et l'échec du système en place à répondre à leurs besoins spécifiques. Ces réalités ont d'ailleurs mené à plusieurs appels à l'action de la Commission d'enquête sur les relations entre les autochtones et certains services publics du Québec, la commission Viens.

Comme certains d'entre vous le savent, le Protecteur du citoyen effectue le suivi des appels à l'action de la commission Viens. Dans notre premier rapport de suivi déposé à l'Assemblée nationale, en octobre 2023, nous avons mis l'accent sur la nécessité d'améliorer la collaboration et la co-construction, j'insiste sur ce terme avec les Premières Nations et les Inuits au moment de déployer des chantiers structurants pour la société, dont les réformes législatives. Qu'entend-on par «co-construction»? C'est un concept qui va au-delà de la consultation. On parle d'un processus par lequel les acteurs des Premières Nations et des Inuits concernés et le gouvernement collaborent sur un pied d'égalité à l'atteinte d'un but commun. Cette manière de faire permet de concevoir et de développer efficacement des projets et d'enrichir nos relations de nation à nation.

Le présent projet de loi a donné lieu, et je tiens à le reconnaître, à des consultations avec des représentants des Premières Nations et des Inuits. Toutefois, pour véritablement comprendre et intégrer leurs préoccupations, il faut, selon moi, faire quelques pas de plus. Ce constat revient souvent dans le cadre du suivi que nous menons, des appels à l'action de la commission Viens et appellent la même conclusion. Dès l'amorce d'un projet. Il importe impérativement d'impliquer les représentants des Premières Nations, des Inuits, à savoir même comment les représentants des Premières Nations et des Inuits aimeraient en discuter avec l'assurance d'une ouverture de leurs vis-à-vis, à faire les choses autrement.

Sous l'angle de la co-construction, plusieurs éléments du projet de loi doivent être approfondis avec les représentants des Premières Nations et des Inuits. C'est le cas, par exemple du rôle des fonctions, des ressources du commissaire associé, de l'utilisation des données concernant les enfants autochtones, et de la nature, et des modalités des interactions entre le commissaire et les gouvernements et institutions des Premières Nations et des Inuits.

Je recommande donc que les dispositions dans le projet de loi qui concernent le commissaire associé ne soient pas mises en vigueur dès l'entrée en fonction du commissaire. Ce dernier devrait d'abord mener une démarche de co-construction à ce sujet ou, minimalement, une démarche de consultation jugée satisfaisante et par le commissaire et par les représentants des Premières Nations et des Inuits.  Si besoin était, le commissaire pourrait recommander au préalable de procéder à toute modification législative qui lui paraîtrait nécessaire pour bonifier la proposition actuelle.

Nos travaux en suivi de la commission Viens et les travaux de la commission Laurent font aussi ressortir le caractère essentiel du respect de l'autodétermination des Premières Nations et des Inuits. Il en va de la reconnaissance formelle de la capacité des peuples autochtones de décider de leurs propres lois et politiques en matière de protection de la jeunesse et à veiller au bien-être de leurs enfants. Cette reconnaissance n'apparaît pas au projet de loi. Or, on ne peut occulter le respect des droits particuliers des Premières Nations et des Inuits, notamment les droits et les dispositions de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois et le droit à l'autodétermination, tels que reconnu par la Déclaration des...

M. Dowd (Marc-André) : ...Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Le rapport de la commission Laurent précisait en ce sens le soutien et la collaboration dont devrait faire preuve le Commissaire auprès des différentes nations ou communautés autochtones qui décideraient de se doter d'une institution indépendante. Je recommande donc que le préambule du projet de loi indique que le commissaire devra offrir son soutien et sa pleine collaboration aux Premières nations et Inuits qui décideraient de se doter d'une institution indépendante veillant au bien-être et aux droits de leurs enfants.

Enfin, le projet de loi prévoit que le commissaire doit, au plus tard cinq ans suivant la date de l'entrée en vigueur de la loi, faire rapport à l'Assemblée nationale sur sa mise en œuvre. Aucun suivi de ce rapport n'est cependant prévu dans le projet de loi. Je recommande que ce rapport soit étudié par la commission parlementaire pertinente. Celle-ci pourrait entendre les représentations des personnes et des organismes intéressés.

Pour conclure, je réitère que j'accueille favorablement la création du Commissaire au bien-être et aux droits des enfants. Ma préoccupation de la meilleure collaboration possible entre les organismes et acteurs concernés, parmi lesquels les Premières Nations et les Inuits ont une large part, m'amène à recommander certains ajouts. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup pour cette présentation. M. le ministre, vous avez sûrement quelques interventions.

M. Carmant : Absolument. Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, M. Dowd, et puis à vos associés également. La première question, puis c'est celle qu'on essaie de bien déterminer, c'est comment vous voyez vos futures collaborations avec le commissaire? Tu sais, comme, de façon bidirectionnelle, en fait.

M. Dowd (Marc-André) : Oui, en fait, en tant qu'acteur exclusivement dédié au bien-être des enfants et au respect de leurs droits, je m'attends, et je pense que c'est ce qui est attendu... c'est ce qui est attendu aussi, à ce que le commissaire exerce un leadership dans la concertation sur ces questions-là et, au nom du Protecteur du citoyen, je l'assure de la pleine collaboration de mon institution.

Je vais vous donner un parallèle qui... qu'on vit actuellement en matière d'intégrité publique. Alors, vous savez, le président de la Commission des droits de la personne, je pense, a utilisé le terme «écosystème» en parlant des acteurs du... en matière de respect des droits des jeunes, de protection, de bien-être. Bien, on a un... on a aussi un écosystème en matière d'intégrité publique, où il y a plusieurs organismes qui ont chacun leur rôle à jouer, un rôle distinct, mais qui sont appelés à collaborer, à se concerter. On peut penser à l'UPAC, le Protecteur du citoyen, l'UPAC et l'Autorité des marchés publics. On peut penser au Commissaire AU lobbyisme, etc. Or, par des rencontres régulières où on échange sur les problématiques, on comprend bien quel est le terrain de jeu, si je peux dire, le carré de sable de chaque acteur, quels sont ses pouvoirs, quels sont ses leviers d'intervention, qui est le mieux placé à l'égard d'une situation pour intervenir, et, dans une saine gestion des finances publiques, je dirais, éviter les doublons, les enquêtes parallèles sur le même sujet. Donc, c'est un peu ce genre de modèle là, une concertation qui serait bâtie entre les différents acteurs, dans le respect de l'indépendance des acteurs, c'est très important, mais on partage tous à la base le même désir, le même objectif, c'est assurer le bien-être des enfants et assurer le respect de leurs droits. Donc, si tout le monde travaille de façon positive, bien, je pense que les résultats vont être très intéressants, c'est les résultats qu'on récolte en matière d'intégrité publique avec cette démarche-là.

Et, si vous permettez, M. le ministre, j'insiste sur la recommandation qu'on fait, la notion de transmission d'informations est essentielle. Parce qu'actuellement, si on s'en tient à nos règles de confidentialité qui nous gouvernent tous, on peut échanger très peu d'informations entre nous. Donc, il faut baliser. Il faut comprendre que le législateur nous envoie un signe comme quoi que, pour une concertation efficace, on comprend que les organismes vont s'échanger de l'information et par des ententes formelles, quelle est la nature de l'information qui peut être échangée, quel est le canal de communication pour échanger cette information-là. Donc, on le précise entre les organismes et on formalise cet échange d'informations.

• (17 h 50) •

M. Carmant : Au moment de faire ces ententes-là.

M. Dowd (Marc-André) : Exact.

M. Carmant : D'accord. Donc, je suis très content d'apprendre que cette table-là, elle existe déjà, et le commissaire viendrait se joindre...

M. Dowd (Marc-André) : Non, non, cette table là, l'exemple que je donnais, c'était le Forum des partenaires en matière d'intégrité publique, donc, c'est vraiment une table qui existe, mais en matière d'intégrité publique.

M. Carmant : Donc, il faudrait en...

M. Dowd (Marc-André) : Oui, il faut... il faudrait en créer une. Je vous dirais qu'on a des échanges avec la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse sur des dossiers communs, mais ce n'est pas encore formalisé au niveau d'une concertation, là, établie, je dirais.

M. Carmant : Et on s'attendrait que le commissaire prenne un leadership là-dedans. Alors, c'est... si je vous comprends.

M. Dowd (Marc-André) : Exactement.

M. Carmant : Ce serait bienvenu.

M. Dowd (Marc-André) : Tout à fait.

M. Carmant : O.K., parfait. Merci beaucoup. Et tout à fait d'accord avec l'ajout du protecteur de l'élève. D'ailleurs, on vient de probablement se rajouter la direction de santé...

M. Carmant : ...public dans les partenaires nommés dans le projet de loi. Donc, au début, on était évidemment un peu hésitants, là, parce que, quand on fait des listes, il y a toujours des gens qui lèvent la main pour dire : On n'y est pas, mais, bon, on commence à voir les partenariats plus clés qui devraient être nommés. Est-ce que vous aviez d'autres suggestions?

M. Dowd (Marc-André) : Lorsqu'on a examiné, c'était vraiment le cas du Protecteur national de l'élève, de par sa mission, de par son rôle, qu'il nous paraissait essentiel d'ajouter à la liste.

M. Carmant : Parfait. Puis, selon vous, parce que vous êtes quand même le protecteur du citoyen... avez-vous des suggestions ou des idées sur quelles devraient être les priorités du commissaire à sa création? Est-ce qu'il y a des sujets qui vous...

M. Dowd (Marc-André) : Bien, en fait, je pense qu'un des grands... une des grandes avancées, avec l'instauration du commissaire, c'est aussi de donner la voix aux enfants, d'être le porte-voix des enfants. Alors, avant d'établir les priorités, je pense qu'on devrait discuter avec les premiers intéressés, peut-être que des priorités vont se dégager. Au fil des ans, le Protecteur du citoyen a mené des enquêtes spéciales qui concernent des questions qui concernent les enfants. Je pense, entre autres, par exemple, à la question de la scolarisation à domicile. Je pense à la question de la couverture à la RAMQ pour les enfants nés au Québec de parents qui avaient un statut d'immigration précaire, donc. On a abordé, récemment encore, les services offerts aux élèves du primaire qui ont des difficultés d'adaptation ou d'apprentissage, notre rapport, L'élève avant tout. Donc, ce sont des enjeux qui étaient criants, des enjeux d'actualité sur lesquels on a travaillé, mais ce sera intéressant d'échanger avec les différents partenaires pour dire qui est le mieux placé pour intervenir sur cet enjeu-là.

M. Carmant : Parfait. J'ai bien entendu puis, moi aussi, je suis... je mets de l'avant les aspects coconstruction puis je pense que l'idée de mettre un règlement est une bonne idée. L'enjeu qu'on peut voir, c'est, par exemple, certains changements dans lesquels on a mis ce type de règlement puis qu'on essaie de coconstruire. Puis l'exemple qui me vient en tête, parce que c'est le plus récent, ça a été l'adoption et la tutelle coutumière. Ça nous a pris cinq ans à coconstruire avec eux. Donc, c'est sûr que ça risque d'engendrer un processus qui risque d'être très long.

M. Dowd (Marc-André) : Bien, c'est pourquoi je vous dirais, M. le ministre, M. le Président, que la proposition qu'on fait ne vise pas du tout à retarder l'action, hein, on propose qu'on aille de l'avant avec la nomination du commissaire. Ce qu'on propose, c'est de dire : Avant de nommer un commissaire associé, est-ce qu'on peut travailler avec les représentants des Premières Nations et des Inuits à bâtir une adhésion autour du concept de commissaire associé, comment eux voient son rôle, comment eux voient sa fonction, sa place dans l'institution? Je notais aussi la question des données de recherche, l'utilisation des données de recherche qui concernent les enfants autochtones, comment les données de recherche peuvent profiter aux nations et aux communautés. C'est une question qui est hautement sensible. Donc, c'est le genre de sujet qui va devoir faire l'objet de discussions plus approfondies dans l'optique de bâtir une adhésion autour, parce que c'est ce qu'on souhaite, M. le ministre.

M. Carmant : Parfait. Et, écoutez, l'éléphant dans la pièce, là, c'est que, bientôt, on va avoir une décision sur le C-92. Avez-vous des commentaires par rapport à ça, si c'est... dépendamment...

M. Dowd (Marc-André) : On a hâte à jeudi, donc, oui. Bien, je pense que... tout le débat juridique entourant la notion d'autodétermination, je pense qu'elle va être enrichie par... nécessairement, par la décision de la Cour suprême, donc, puis je pense que ça va jouer un rôle aussi sur la façon dont on va bâtir les initiatives, notamment en matière de protection de la jeunesse.

Et c'est assez frappant, quand on parle avec les représentantes des Premières nations et Inuits, et dans le cadre du suivi des appels à l'action de la commission Viens, on s'est doté d'un cercle consultatif de personnes, de représentants qu'on consulte sur une base régulière, et, quand on leur demande d'identifier quelles sont les priorités, comme vous m'avez demandé de le faire, du côté des Premières nations et Inuits, il y en a un, consensus, c'est tout ce qui concerne le bien-être des enfants, la protection de la jeunesse. Ça sort comme une priorité qui fait consensus. Alors, on sait qu'il y a un désir de travailler sur ces questions-là.

Vous allez avoir l'opportunité, demain, d'entendre des représentants des Premières nations et Inuits, tu sais, je nous invite à vraiment écouter avec attention les propositions, les réactions, pour voir comment on peut construire ensemble, bâtir ensemble un mécanisme où tout le monde va se retrouver. Et c'est ça, l'objectif, susciter l'adhésion et que ce soit utile...

M. Carmant : ...O.K., puis... Mais, justement, dans ce «tout le monde va se retrouver», j'ai toujours un peu une inquiétude... en fait, ce n'est peut-être pas nécessairement bien placé, mais, vous savez, ils insistent souvent sur le fait qu'il y a 11 nations distinctes, une quarantaine de communautés. Dans votre expérience, est-ce qu'on arrive à identifier quelqu'un ou un individu qui peut bien représenter tout le monde comme ça?

M. Dowd (Marc-André) : Je pense qu'avant... Bien, c'est un peu le sens aussi de notre proposition. Je pense qu'avant d'identifier une personne il faut discuter avec les différents représentants pour dire quel est le rôle qu'on veut donner à cette personne-là, qu'est-ce qui est attendu de... pour cette personne-là, et peut-être qu'en discutant avec les différents intervenants, il y a des consensus qui vont se bâtir et qui vont permettre de dégager un profil en disant : Bien, la personne qu'on cherche aurait plus tel profil. Il ne faut pas précipiter les choses. Ça ne veut pas dire qu'on n'est pas dans l'action, parce que, quand on construit le consensus comme ça, pour moi, on est dans l'action parce qu'on bâtit la relation.

M. Carmant : D'accord. Avec les Premières Nations.

M. Dowd (Marc-André) : Exactement.

M. Carmant : D'accord. Sur un autre ordre d'idée... Alors, je vais poser la question que j'ai posée au protecteur de l'élève. Jusqu'à présent, comment se déroule, depuis les six derniers mois, depuis qu'il est arrivé dans le portrait... comment ça se déroule, votre collaboration avec le protecteur de l'élève?

M. Dowd (Marc-André) : Bien, en fait, ça se déroule assez bien... bien, très bien, même. La... En fait, le fait que le protecteur national de l'élève soit un ancien vice-protecteur du citoyen, ça aide aussi à ce qu'on parle le même langage, je pense qu'on peut se le dire. Je pense qu'on est dans une optique de collaboration parce que, de toute façon, nous n'avons pas compétence sur les plaintes qui originent des centres de services scolaires. Alors, c'est un... c'est vraiment une compétence qui appartient au protecteur national de l'élève. Nous, notre compétence est à l'égard du ministère de l'Éducation, donc on est plus au niveau macro des politiques, des directives du ministère, pour lequel on conserve notre compétence. Donc, j'imagine qu'on va développer... puis c'est encore très jeune, hein, le fait que le protecteur national de l'élève reçoive les plaintes, on va développer des mécanismes de collaboration, et le commissaire au bien-être et aux droits des enfants va nous aider à renforcer cette collaboration-là, grâce à la concertation qui est prévue au projet de loi.

M. Carmant : D'accord. Et parallèlement vos interactions avec le réseau de la petite enfance, là je sais que vous avez des collaboratrices ici qui travaillent spécifiquement sur les jeunes en difficulté, comment ça se déroule puis comment vous voyez le partenariat avec le commissaire? Parce que vous avez des interactions, je le sais, directes avec les... le réseau. Donc, comment... comment ça va être modulé par la création?

M. Dowd (Marc-André) : En fait, en matière de... en vertu de la loi sur le protecteur des usagers, on intervient généralement en deuxième recours, après le commissaire aux plaintes et à la qualité des services dans les établissements, les CISSS et les CIUSSS, mais on peut aussi intervenir directement quand on nous signale une situation, notamment en matière de protection de la jeunesse.

Je vais peut-être donner à Mme Otis, si vous permettez, M. le Président... lui demander de détailler le type de dossiers qu'on peut recevoir et quelle est la collaboration avec le réseau.

Le Président (M. Provençal) :Mme Otis, la parole est à vous.

• (18 heures) •

Mme Otis (Claudie) : Merci, M. le Président. En fait, effectivement, on a... les enjeux qu'on rencontre sont de différents ordres, là. Récemment, entre autres, on a eu à traiter par exemple des... l'application des mesures de contrôle envers des jeunes en centre de réadaptation pour jeunes en difficulté. Ça peut être aussi des enjeux au niveau de la discontinuité des services, des plans d'intervention qui ne sont pas faits, des droits qui ne sont pas respectés autant au niveau de l'enfant que du parent, là, qui est pris en charge, là, qui reçoit, bénéficie les services de la Direction de la protection de la jeunesse.

Nous, sur le terrain, au niveau des enquêtes, on a souvent à... Souvent, les gens vont cogner à plusieurs portes, si on veut. Donc, il arrive que les gens vont également formuler une plainte à la Commission des droits de la personne et la jeunesse. Donc, à ce moment-là, notre rôle est vraiment d'aller valider auprès de la commission si effectivement il y a une enquête et s'assurer, là, qu'on agisse en complémentarité.

Maintenant, c'est certain que les enjeux de confidentialité nous amènent des fois à rencontrer certains obstacles, là, étant donné qu'on ne peut pas nécessairement se partager l'information. Donc, comme M. le protecteur nommait tout à l'heure, là, je pense que ce projet de loi là va nous permettre justement de se concerter de façon plus efficace et plus efficiente aussi.

M. Carmant : Via le processus d'une entente, c'est bien ça?

M. Dowd (Marc-André) : Exactement.

M. Carmant : D'accord. Donc, ce n'est pas nécessairement à inclure dans le projet de loi, ça va être fait naturellement pour, justement...


 
 

18 h (version non révisée)

M. Dowd (Marc-André) : ...c'est la recommandation qu'on vous fait d'inclure un alinéa, après la disposition qui porte sur la concertation, pour prévoir la conclusion d'ententes formelles entre les organismes concernant le partage d'informations.

M. Carmant : D'accord, d'accord. Et quand est ce que, par exemple... Qui vous contacte dans ces situations-là, par exemple, de... est-ce que c'est le parent, l'enfant, c'est... Qui vous contacte?

Mme Otis (Claudie) : C'est certain que, la majorité des cas, au niveau du secteur jeunes en difficulté, c'est le parent qui va nous contacter après avoir soumis sa plainte, en première instance, auprès du commissaire aux plaintes et à la qualité des services. S'il est insatisfait de la conclusion reçue du commissaire, à ce moment-là, il va pouvoir exercer son deuxième recours à notre niveau. Puis on essaie, de plus en plus, d'avoir une visibilité auprès des jeunes directement. Donc, on commence à avoir, quand même, des plaintes qui sont formulées directement par des adolescents, par exemple, qui vont... qui évoluent en famille d'accueil ou en centre de réadaptation, là, pour jeunes en difficulté.

M. Carmant : Donc, il va falloir que je vous intègre dans mon algorithme. Et si la commission des droits de la personne, droits de la jeunesse ne sont pas dans le tableau, est-ce que vous allez les aviser? Comment ça se passe, l'interaction, à ce moment-là? Ou...

M. Dowd (Marc-André) : On l'exerce... Nous, quand on est saisis d'une plainte, on exerce notre juridiction, c'est-à-dire, on traite la plainte. Je pense que l'idée de faire le lien avec la commission, c'est d'éviter les dédoublements ou de... Mais est-ce qu'il y a deux enquêtes parallèles? C'est déjà pertinent de le savoir. Si on peut échanger un peu plus, dans le contexte d'une concertation renforcée, peut-être qu'on en viendra à définir qui est le meilleur partenaire pour intervenir dans un cas donné ou dans une problématique complexe. On pourrait dire, par exemple, bien, compte tenu de notre mandat, le Protecteur du citoyen est très à l'aise de prendre cette portion de l'intervention, mais une autre portion, c'est un autre partenaire qui va la prendre. Tu sais, l'objectif est que nos forces convergent vers une action plus efficace pour assurer le respect des droits des enfants.

M. Carmant : Bien, bravo. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) :Merci, M. le ministre. Alors, je vais inviter maintenant Mme la députée de Robert-Baldwin à poursuivre cet échange.

Mme Garceau : Merci, merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup pour cette présentation très importante. Concernant... Et je veux vraiment aller à l'éléphant... l'éléphant. Le chapitre III du projet de loi n° 37 ne reflète pas les recommandations de la commission Laurent, vous l'avez mentionné, et je reprends, à la page 6 de votre mémoire : «Le droit à l'autodétermination et»... au bas de la page, là... au milieu de la page, je devrais dire, plus spécifiquement en lien avec le projet de loi n° 37 : «Au moment de formuler sa recommandation de mise en place d'un commissaire adjoint et d'une équipe consacrée exclusivement aux enjeux entourant les enfants membres des Premières Nations et Inuit, la commission Laurent précise, dans son rapport, l'esprit dans lequel cette recommandation s'inscrit. Soucieux de soutenir jusqu'au bout le désir des peuples autochtones de décider pour eux-mêmes, nous appuyons la mise en place éventuelle d'un commissaire autochtone aux droits des enfants autochtones, mais indépendant du commissaire au bien-être et aux droits des enfants.»

En ce moment, à la lecture du chapitre III et des dispositions législatives dans le projet de loi, on a un commissaire dédié aux droits des enfants autochtones qui est vraiment un conseiller au commissaire. Deuxième rang, ce n'est pas cette personne-là qui va voir... qui va être indépendante et qui va s'occuper de s'assurer de veiller de protéger les droits des enfants autochtones. Nous savons très bien que le régime, malheureusement, de protection de la jeunesse au niveau des enfants autochtones, c'est un échec, c'est un grand échec. Et je ne sais pas si votre collègue, compte tenu que c'est vous qui est en... qui est responsable... si vous pourriez peut-être nous donner des détails, en termes de l'ampleur du problème.

Mme Bergeron (Annie) : Bien, en termes de l'ampleur du problème, je n'ai pas de données, là, spécifiques avec moi, là, je n'ai pas apporté ça, mais, par contre, je vous invite vraiment à regarder les travaux de la commission Viens, là, qui ont vraiment... Il y a une foule d'informations et de...

Mme Bergeron (Annie) : ...là, qui peut vraiment témoigner de l'ampleur du problème. Il y a une surreprésentation qui est persistante des enfants, là, autochtones en protection de la jeunesse, puis on sait, le constat a quand même été clair dans le... dans la commission Viens, qu'il y a... il y a... il y a eu un échec du système à bien répondre aux besoins des enfants, Premières Nations et Inuits. On sait aussi que les impacts des pensionnats se font encore ressentir aujourd'hui puis que le système de protection de la jeunesse est vu comme un peu une extension, finalement, de ce système-là. Donc, il y a... il y a beaucoup de nœuds à défaire pour qu'on puisse dire qu'on veille, là, au bien-être, là, des enfants, Premières Nations et Inuits. Puis ça, ce travail-là doit être fait en concertation, de très près, là, avec les représentants des Premières Nations et Inuits.

Mme Garceau : On a mentionné, dans le rapport de la commission Laurent, que les peuples autochtones sont les mieux placés pour répondre aux besoins des enfants autochtones, et, s'il y avait un amendement au chapitre... Parce que je comprends, M. Dowd, qu'est-ce que vous dites, c'est : On va adopter la loi, mais, en ce qui a trait au chapitre trois... On va le suspendre ou on l'adopte? Parce que, si on l'adopte tel quel, moi, j'ai un inconfort avec ça, parce que ça ne répond pas du tout aux témoignages, aux mémoires qui ont été livrés lors de la commission Laurent.

M. Dowd (Marc-André) : Je dirais, là-dessus, je vois et je reconnais la pertinence d'un commissaire associé au bien-être et aux droits des enfants autochtones au sein de l'institution du commissaire, de l'institution générale du commissaire. Il faut respecter le rythme et le choix de chaque communauté et de chaque nation, et ce n'est pas chaque... ce n'est pas toutes les communautés ou toutes les nations qui souhaitent, à ce moment-ci, assumer la pleine responsabilité en matière de protection de la jeunesse.

Ce qu'on dit, par contre, c'est que pour les communautés et les nations qui souhaiteraient exercer le droit à l'autodétermination en matière de protection de la jeunesse et qui se doteraient d'une institution indépendante, on souhaiterait, et on recommande de modifier le préambule, qu'on donne au commissaire une responsabilité d'apporter son soutien et son support au développement et au renforcement des mécanismes indépendants autochtones de respect des droits des enfants membres des Premières Nations et Inuits.

• (18 h 10) •

Alors, c'est sur deux tableaux. Donc, oui pour les nations et les communautés qui exercent leur droit à l'autodétermination et qui vont se doter de mécanismes. Alors là, on demande au commissaire de soutenir et de supporter ces démarches-là. Mais, pour l'ensemble des communautés, bien, je pense qu'il faut que le commissaire et le commissaire associé se préoccupent, dans toutes leurs dimensions, du bien-être et du respect des droits des enfants autochtones. Alors, c'est important que ça soit aussi au sein de l'institution du commissaire.

Mme Garceau : Mais est-ce qu'à votre avis on ne devrait pas modifier la disposition, il faut que je retrouve dans le projet de loi, concernant le libellé, chapitre trois, commissaire associé dédié au bien-être et aux droits des enfants autochtones. Là, on regarde en termes de... Il conseille. L'article 14, l'article 15, c'est vraiment un rôle de conseiller. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

M. Dowd (Marc-André) : Je suis d'accord avec ça, qu'au sein de l'institution du commissaire, il y ait un officier chargé, un officier ou une officière chargée de conseiller le commissaire pour s'assurer que toutes les actions du commissaire prennent en considération les dimensions pertinentes relatives aux enfants membres des Premières Nations et Inuits. Mais du même souffle, je pense qu'on doit inscrire dans la loi que pour les nations et les communautés qui auront choisi d'exercer leur droit à l'autodétermination, que le commissaire joue un rôle de support et de soutien aux institutions autonomes indépendantes en matière de respect des droits des enfants autochtones. Donc, je pense qu'il faut jouer sur les deux... les deux tableaux, selon moi.

Mme Garceau : O.K. donc, si tout ça serait intégré au projet de loi, on pourrait l'adopter avec ces modifications-là, et pour vous, ça serait suffisant pour venir...

M. Dowd (Marc-André) : Je pense que la principale...

M. Dowd (Marc-André) : ...question aussi, c'est qu'en pensent les principaux intéressés, les représentants des Premières Nations et des Inuits. Je pense que vous allez avoir l'occasion demain de leur poser la question. Je pense que l'idée que je me fais du rôle du commissaire en matière de bien être et de respect des droits des enfants autochtones, bien, ça doit céder le pas aux attentes des principaux intéressés qui sont les représentants des membres des Premières Nations et des Inuits.

Mme Garceau : O.K. Je voulais juste en termes de plainte que vous recevez liées à la protection de la jeunesse... Parce que je sais que vous avez... Il y avait un rapport il y avait quelques mois, là, concernant le manque de formation en violences conjugales et tout ça. Je voulais savoir quel est le suivi par la suite, suite à vos recommandations? C'est l'évolution du suivi de vos recommandations face aux plaintes liées à la protection de la jeunesse.

M. Dowd (Marc-André) : Avant de parler... Non, je vais aller directement. Au Protecteur du citoyen, on ne ferme jamais un dossier avant d'avoir la confirmation que la recommandation qu'on a faite a été mise en œuvre. Alors, c'est une chose de dire on accepte la recommandation, mais maintenant l'établissement doit nous fournir des preuves que la recommandation qu'on a faite, elle a été appliquée. Non seulement elle a été acceptée, mais elle a été mise en œuvre. Et ce n'est que lorsqu'on est convaincu... Par exemple, si on dit : Formez le personnel. Bien, on va demander la preuve que le personnel a été formé. Si on dit... Bien, c'est un bon exemple, là, je pense. Ce qui fait que je suis assez confortable de dire que, quand on ferme un dossier, c'est parce que nos recommandations ont été implantées. Puis je rappelle que nos recommandations sont retenues, acceptées et implantées dans 98 % des cas.

Mme Garceau : Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) :Alors, on va poursuivre avec le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci pour votre excellente présentation. Je vais revenir sur la question Premières Nations et Inuits. Il y a deux volets, là. Vous dites quand même : Pas tout de suite, la mise en vigueur. Mais vous dites aussi de l'adopter. Donc... Mais vous dites aussi : Attention, il faudrait que ce soit fait en coconstruction et de soutenir ceux et celles qui voudront exercer leur droit à l'autodétermination. Ça fait beaucoup de choses en même temps, là. J'essaie juste, tu sais, de bien comprendre ce que vous nous dites.

M. Dowd (Marc-André) : Oui. L'idée de base est on va de l'avant avec la nomination du commissaire. O.K. Le projet de loi, actuellement, tel que rédigé, lors de la nomination du commissaire, les dispositions sur le commissaire associé entrent en vigueur. C'est le projet de loi.

M. Cliche-Rivard : Exact.

M. Dowd (Marc-André) : Alors, ce que... Ce qu'on vous propose, ce qu'on vous recommande, c'est de dire : Selon l'information dont on dispose, on n'est pas à une étape de consultation suffisamment avancée sur des aspects assez essentiels qui sont détaillés dans notre... dans notre correspondance. Et ce qu'on propose, c'est que ce soit le commissaire qui prenne le bâton de pèlerin, si je puis dire, une fois qu'il est nommé, pour dire : Allez à la rencontre des représentants des Premières Nations et des Inuits et essayez de, d'abord écouter, entendre, coconstruire et bâtir une adhésion autour de ce que pourrait être le rôle du commissaire associé. Et lorsque le commissaire et les représentants des Premières Nations auront le sentiment qu'on se comprend, bien là, le commissaire pourra recommander au gouvernement de mettre en œuvre les dispositions du commissaire associé. Et là on procéderait à la nomination d'un commissaire. Ce qu'on dit, c'est qu'il ne faut pas précipiter la... la nomination d'un commissaire associé. Dans l'état actuel, je ne suis pas certain que ce serait bien reçu. Puis je ne suis pas sûr que ça ferait œuvre utile.

M. Cliche-Rivard : Mais là, dans ce contexte-là, ce qui est dans le chapitre III puis dans ce volet là, si on va pour le réécrire, c'est là où je ne suis pas certain qu'on doit l'adopter. Je pense que peut être que, là, la réflexion, c'est plutôt de donner ce mandat-là au prochain commissaire, et on refera le cadre législatif associé par la suite, plutôt que d'adopter dans le vent, entre guillemets, des choses qu'on va probablement revenir à réétudier dans un modèle coconstruit meilleur. Tu sais, c'est là où je...

M. Dowd (Marc-André) : Çe serait... Oui, ça serait une alternative. Je vous le concède. Oui.

M. Cliche-Rivard : Je n'ai pas beaucoup de temps. Vous dites déférer... On devrait ajouter aussi de déférer le rapport de mise en œuvre, et ça, on le ferait... Parce que là on parle d'un rapport de mise en œuvre après cinq ans. Est-ce que vous, vous auriez l'idée ou la volonté qu'on le fasse à chaque cinq ans? Est-ce que c'est quelque chose qui devrait être récurrent?

M. Dowd (Marc-André) : Bien, en fait, dans d'autres lois, la Loi sur l'accès à l'information, je pense, il y a un rapport de mise en œuvre de la loi qui est étudié par une commission parlementaire avec des auditions. Il y a des témoins qui sont entendus. Dans notre loi, qu'on applique la Loi facilitant la divulgation d'actes répréhensibles à l'égard... la loi... la loi sur les lanceurs d'alerte, là, même chose. Après le rapport de mise en œuvre, il y a une commission parlementaire pertinente qui entend des témoins. Donc, ça, c'est un mécanisme de suivi, ça fait en sorte que le rapport ne reste pas sur une tablette, là. Il y a une... Il y a des parlementaires, il y a une commission parlementaire...

M. Dowd (Marc-André) : ...parlementaire qui s'en saisit puis il y a des intervenants qui peuvent être entendus sur ce qui reste à faire, ce qui doit être changé.

M. Cliche-Rivard : Ça fait plusieurs projets de loi dans lesquels on nous dit que, bon, avec la sécurisation culturelle, ce sera réglé, mais on voit constamment la référence à autochtone et non pas Premières nations et Inuit. Est-ce que vous recommanderiez qu'on le corrige en amont, là? Puis on verra ce qui se passera après. Mais là, à force d'attendre après le projet de loi qui ne viendra je ne sais quand, est-ce qu'on devrait juste tout de suite mettre «Premières nations et Inuit»?

M. Dowd (Marc-André) : Une recommandation qu'on vous fait, c'est la recommandation cinq, d'adopter la terminologie «Premières nations et Inuit» en remplacement du mot «autochtones». Puis je remarque que, d'ailleurs, le secrétariat, anciennement Secrétariat aux affaires autochtones, a... son nom a été modifié, le secrétariat aux relations avec les Premières Nations et Inuit. Je pense que c'est... Ça m'apparaîtrait vraiment approprié de procéder à ce changement de terminologie.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup.

M. Dowd (Marc-André) : Ça va? Ça me faire plaisir.

Le Président (M. Provençal) :On va conclure l'échange avec le Protecteur du citoyen avec le député des Îles de la Madeleine.

M. Arseneau : Merci, merci beaucoup pour votre présentation. J'avais essentiellement la même préoccupation à savoir si, le chapitre trois, on ne devrait pas tout simplement le suspendre plutôt que l'imposer aux Premières Nations, pour ensuite essayer de coconstruire quelque chose qui est déjà préétabli dans la loi, mais vous avez répondu à mon collègue. Même chose pour la question de la mise en œuvre et d'un rapport cinq ans plus tard. En fait, vous recommandez... Est-ce que vous recommandez véritablement que ça soit fait à tous les cinq ans? C'est ce qu'il faut comprendre?

M. Dowd (Marc-André) : Ma compréhension, c'est que c'est ça, la disposition, mais ce qui n'est pas prévu, c'est que le rapport soit entendu par une prise en considération par une commission parlementaire. Alors, on amène un mécanisme de reddition de comptes, on propose un mécanisme de reddition de comptes qui est une commission parlementaire qui se saisit du rapport et qui tient des auditions sur le contenu du rapport. On vient de le vivre actuellement avec le rapport de mise en œuvre de la loi sur les lanceurs d'alerte.

M. Arseneau : Oui. Bien, peut-être que j'avais mal lu, mais je... le commissaire doit, au plus tard cinq ans, suivant la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, faire, à l'Assemblée nationale, un rapport sur la mise en œuvre de celle-ci. C'est un «one shot»...

M. Dowd (Marc-André) : C'est un «one shot». O.K.

M. Arseneau : ...à mon sens, là.

M. Dowd (Marc-André) : À ce moment-là, qu'il soit... je proposerais que la commission parlementaire décide de la pertinence de...

M. Arseneau : Donc, on pourrait le faire sur une base régulière, ce qui, évidemment, n'a rien à voir avec les rapports annuels.

M. Dowd (Marc-André) : Annuels du commissaire.

M. Arseneau : C'est strictement sur la mise en œuvre puis du point de vue plus global. Est-ce que c'est... de votre point de vue, c'est la Commission de l'administration publique qui devrait faire cette...

M. Dowd (Marc-André) : Bien, je... Et on a parlé de la commission parlementaire pertinente.

M. Arseneau : Pertinente.

M. Dowd (Marc-André) : On laisse le soin aux parlementaires de déterminer quelle est la... Parce que c'est très étendu, hein? Le commissaire va intervenir sur une vision très transversale du bien des enfants.

• (18 h 20) •

M. Arseneau : ...D'accord. Vous avez parlé de l'indépendance des différents organismes et de la confidentialité puis de la pertinence d'une... en fait, d'entente... de mécanismes, en fait, c'est très intéressant, et je pense que tout le monde le retient ici, mais je voulais revenir sur la question de possibles chevauchements, d'enchevêtrement non seulement du point de vue de ceux qui sont dans les organismes, mais du point de vue du citoyen en tant que tel. Qu'est-ce que vous pensez, justement, des démarches qu'on doit faire pour s'assurer que les gens... Vous avez mentionné tout à l'heure, Mme, que les gens déposaient des plaintes un peu partout. Est-ce qu'il y a un enjeu là où on devrait intervenir? Peut-être pas dans le cadre de la loi, mais, de façon générale, si les recours se multiplient, les gens ne savent pas à quelle porte... ça peut prendre du temps, ça peut... on peut référer. Comment vous voyez ça?

M. Dowd (Marc-André) : Quand je vois dans les mandats qui sont proposés au commissaire, l'information sur les droits des jeunes fait partie des responsabilités, peut faire partie. Puis il y a même un rôle d'accompagnement du commissaire dans l'exercice des droits qui est prévu au projet de loi. Donc, certainement que le commissaire pourrait exercer un leadership auprès des partenaires pour que chacun précise un peu mieux et fasse connaître mieux dans quel contexte il peut intervenir.

M. Arseneau : En fait, c'est ça, c'est pour le parent... pour l'enfant, c'est de savoir c'est quoi, la première ligne.

M. Dowd (Marc-André) : Oui. Exact, c'est ça. Exact.

M. Arseneau : O.K. D'accord. On est... d'accord. Merci beaucoup.

M. Dowd (Marc-André) : Eh bien, si vous me permettez de dire aussi que c'est un peu l'adage qu'on appelle, au Protecteur du citoyen, «No wrong door policy part», c'est-à-dire que, si une personne nous appelle puis on n'est pas le bon recours, on va s'assurer d'orienter la personne vers le bon recours.

M. Arseneau : D'accord. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) :Alors, je tiens à remercier les représentants du Protecteur du citoyen pour la qualité de cet échange et votre présentation.

Sur ce, nous allons suspendre les travaux pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 18 h 22)

(Reprise à 18 h 27)

Le Président (M. Provençal) :Nous reprenons nos travaux. Alors, nous allons conclure notre journée de travail en recevant et en souhaitant la bienvenue à Mme Nancy Audet, qui est journaliste et auteur du livre Plus jamais la honte, et elle est accompagnée par Me Mylène Leblanc. C'est ça? Alors, Mme, vous avez 10 minutes pour nous faire votre présentation et par la suite, nous allons faire les échanges. Alors, je vous cède immédiatement la parole, et merci de votre présence.

Mme Audet (Nancy) : Merci à vous de nous accueillir ici aujourd'hui. Je sais que ça a été une longue journée pour vous. Journaliste, oui, depuis une vingtaine d'années, 18 ans dans les salles des nouvelles. Vous...

Mme Audet (Nancy) : ...comprendrez que, pour moi, normalement, je me sentirais plus à l'aise de couvrir les consultations que d'être ici en tant que participante. Vous allez comprendre pourquoi je suis ici dans quelques secondes.

En 2019, comme tout le monde, j'ai été vraiment ébranlée par la mort de la fillette de Granby. J'ai accepté de témoigner de mon passage, mon propre passage à la Direction de la protection de la jeunesse, lors de la commission. Laurent, une décision qui a été difficile à ce moment-là, que j'ai prise vraiment dans l'espoir d'aider les enfants victimes de maltraitance. En 2001, vous l'avez dit, j'ai publié mon histoire, Plus jamais la honte, et, en 2022, j'ai publié également Ils s'appellent tous courage, en hommage, donc, à la fillette de Granby, mais aussi un vrai cri du cœur pour les enfants de la DPJ. J'y détaille les conditions de vie souvent précaires auxquelles sont confrontés ces enfants retirés de leurs foyers biologiques, ainsi que les épreuves qu'ils doivent surmonter.

Depuis deux ans, je parcours le Québec pour offrir des conférences. Bien sûr, que j'utilise mon vécu, mais surtout je sensibilise les gens et je les invite à s'engager en faveur des enfants les plus vulnérables de notre société. J'assume aussi le rôle de marraine au sein de la Fondation des jeunes de la DPJ, un rôle qui est important pour moi. Cet engagement m'a offert l'occasion de passer beaucoup de temps avec les enfants, avec les jeunes, et ma présence sur le terrain avec eux, ça m'a permis d'identifier, bien sûr, des lacunes significatives dans le système de la protection de la jeunesse mettant en péril le développement de ces enfants.

Me Leblanc à accepté de m'accompagner, Me Leblanc qui a une vaste expérience en droit de la jeunesse. Elle m'a aidé à écrire, beaucoup aidée à écrire ce mémoire, et elle pourra répondre aux questions au niveau juridique.

Quand j'ai commencé à m'impliquer auprès des enfants de la DPJ, en 2019, je pensais que la situation avait changé depuis mon propre passage, donc, à la DPJ, il y a plus de 30 ans. Je ne rajeunis pas. Rapidement, je me suis rendu compte, en parlant avec les enfants, avec les ex-placés que... et les gens qui travaillent auprès d'eux aussi, qu'au contraire les choses n'avaient pas changé et que les enfants souffraient toujours autant. Non seulement à cause de leur vécu familial, des séquelles liées à la maltraitance, mais aussi à cause des lacunes du système qui n'arrive pas à les aider et protéger adéquatement.

• (18 h 30) •

Vous le savez, il y a eu près de 136 000 signalements l'année dernière au Québec. C'est un triste record. Ça représente 370 enfants par jour et ça veut dire aussi qu'on a maintenant plus de signalements pour maltraitance qu'on a de naissances au Québec. Plus de 42 000 signalements ont été retenus. On parle de négligence, de violence corporelle, de violence psychologique, d'agression sexuelle, d'enfants qui vivent dans un contexte de violence conjugale depuis de nombreuses années et qui vivent avec un stress post-traumatique.

Camil Bouchard le disait, la maltraitance est une urgence de santé publique, et il a raison. Dans le rapport de la commission Laurent, les commissaires ont écrit que la maltraitance coûte 4 milliards de dollars chaque année aux Québécois. Derrière ce chiffre énorme, je vois beaucoup de souffrance, une souffrance qui touche des milliers d'enfants québécois. Dans les centres jeunesse, je vois des enfants qui subissent des mesures de contention à répétition, des mesures d'isolement aussi, de jeunes adolescents qui subissent des fouilles à nu qui les affectent énormément, qui affectent leur psyché. Je vois des enfants qui vivent dans des unités où il y a des infiltrations d'eau et de la moisissure, des bains condamnés. Je vois des enfants qui n'ont plus le droit de voir leur maman à cause de faux cas d'aliénation parentale qui se multiplient. Je vois des enfants aussi qui n'ont jamais rencontré leur avocat et qui ne savent pas qu'ils ont des droits. Je vois aussi, depuis quelques années, de petits enfants de cinq ans que l'on place maintenant dans les centres jeunesse malgré le fait que ces milieux de vie ne sont pas adaptés à leurs besoins.

Combiné à l'exode des intervenants et des éducateurs, les délais judiciaires qui s'allongent. En septembre 2023, la bâtonnière du Québec, Catherine Claveau, a lancé un cri du cœur : Ces délais causent des torts irréparables aux enfants. Sur le terrain, j'ai vu la situation se détériorer au cours des dernières années. J'attends...


 
 

18 h 30 (version non révisée)

Mme Audet (Nancy) : ...J'attendais donc avec impatience le dépôt du projet de loi n° 37. La nomination d'un commissaire est cruciale, et je vous remercie d'être allé de l'avant avec cette première recommandation du rapport Laurent.

Voici mes deux principales recommandations. D'abord, l'indépendance et l'engagement du commissaire ne sont pas négociables. Il doit être libre de toute entrave, qu'elle soit politique ou bureaucratique, pour pouvoir agir avec la vigueur requise. Deuxièmement, il faut, comme le recommandaient les commissaires, et je les cite, «transférer au commissaire les pouvoirs et les responsabilités assumés par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, prévue à la loi de la protection de la jeunesse avec les ressources afférentes». L'octroi de pouvoirs étendus, y compris celui d'imposer des sanctions aux entités qui portent atteinte aux droits des enfants, n'est pas seulement souhaitable, mais essentiel.

Depuis plusieurs années, la CDPDJ, malgré ses pouvoirs, ne joue pas pleinement son rôle de chien de garde auprès des enfants les plus vulnérables de notre société. En 2022, des journalistes révélaient que la CDPDJ s'était retirée de presque tous les dossiers en lésions de droits, et ce, au beau milieu des procédures. Difficile d'expliquer à un enfant une telle décision. Pourtant, juges et avocats réclament avec insistance sa présence devant les tribunaux. Je parle ici de la Chambre de la jeunesse. On apprenait également dans cet article que la CDPDJ, c'est moins d'une douzaine d'employés dont les heures travaillées représentent à peine 10 % du total du temps rémunéré à la CDPDJ. Ce manque de ressources affecte évidemment les enfants de notre société, notamment ceux de la DPJ. Le commissaire et son équipe seront, eux, dédiés à 100 % à la jeunesse.

En 1995, le projet de loi n° 79 visant la fusion de la Commission des droits de la personne avec la Commission de la protection des droits de la jeunesse était déposé, ça fait presque 30 ans. À l'analyse des débats parlementaires liés à ce projet de loi, on constate qu'il y a eu une vive opposition, une très vive opposition. On craignait que la jeunesse soit reléguée au second plan, et c'est malheureusement ce qui est arrivé. Vous avez maintenant l'opportunité de réparer cette erreur.

Pour ces raisons, il est impératif que seul le commissaire doit être investi de tous les pouvoirs liés au bien-être et droits des enfants, incluant les enfants de la Loi de la protection de la jeunesse. Le commissaire doit être autonome, indépendant et hautement impliqué sur le terrain. Il faut aller voir les enfants. Il faut aller voir les jeunes. Il faut aller voir les conditions de vie. Le commissaire doit avoir tous les pouvoirs nécessaires à ses fonctions, dont celui de contraindre des personnes ou organismes qui lèsent les droits des enfants, et bien sûr que les budgets de l'organisme doivent être à la hauteur de son mandat. Le commissaire doit faire preuve d'un réel leadership en se positionnant en gardien du bien-être et des droits des enfants.

En terminant, je voudrais vous dire que quatre ans avant le décès de la fillette de Granby, sa mère et sa grand-mère ont envoyé une lettre à la CDPDJ lui demandant d'intervenir. Elle avait le pouvoir de le faire. Les droits de cet enfant étaient lésés. Après quelques échanges de courriels avec la DPJ, la CDPDJ a décidé de fermer le dossier et elle ne s'est pas présentée au tribunal, alors qu'il est le seul organisme autorisé à le faire. Malheureusement, nous connaissons la suite. Cette enfant est morte dans des conditions atroces. On ne peut pas changer le cours de l'histoire, mais vous pouvez, en tant que parlementaires, prendre la décision d'offrir des pouvoirs au commissaire qui lui permettront de protéger les enfants les plus vulnérables de notre société. Parce que la protection des enfants vulnérables, c'est une valeur fondamentale pour les Québécois, et ça l'a toujours été. Et je suis convaincue que de cette façon on peut éviter d'autres...

Mme Audet (Nancy) : ...d'autres drames. Merci beaucoup.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup, Mme Audet. Alors, M. le ministre, je vous invite à faire la première intervention.

M. Carmant : Merci beaucoup, Mme Audet, pour ce touchant témoignage. J'ai eu le privilège de lire vos deux livres d'ailleurs qui m'ont également très touché. Nous, on trouve qu'on a une opportunité de... de placer le... le commissaire encore plus en amont que la protection de la jeunesse pour... pour lui permettre d'avoir une action sur... sur tous les enfants du Québec plus, plus, plus importante. On en a discuté ce matin avec Mme Laurent, avec les ex-commissaires, puis je pense qu'ils trouvaient qu'on était à la bonne place. Je pense que ça n'empêchera pas d'avoir un... un rôle majeur quand on en a discuté, là, de comment mieux définir le rôle par rapport à la... à la DPJ ou son... son impact sur la DPJ, mais de concentrer tous les efforts du... du commissaire sur la... la Protection de la jeunesse. Je pense que c'est limiter son action. Comment vous voyez ça?

Mme Audet (Nancy) : Moi, c'est mes recommandations. Mais de toute façon, le mandat du commissaire est beaucoup plus large. Je n'ai jamais pensé que le rôle du commissaire serait strictement pour les enfants de la DPJ.

M. Carmant : O.K.

Mme Audet (Nancy) : Mais je pense que dans la situation actuelle où la maltraitance c'est une multitude, une urgence de santé publique, pour moi, c'est un incontournable. Si on est ici aujourd'hui., c'est pourquoi... c'est parce qu'il y a eu le rapport Laurent, il y a eu une commission Laurent. À la suite de ce rapport-là, on a rencontré 4 000 personnes, et la première recommandation à la suite de ça, à la suite du décès de la fillette de Granby, la première recommandation, c'était d'avoir un commissaire pour protéger, entre autres, les enfants les plus vulnérables de notre société. Un enfant qui a des parents aimants, qui a une maison, qui habite dans une belle communauté, qui joue au hockey la fin de semaine, dans une équipe, qui a un filet de sécurité solide, n'a pas besoin de notre protection, il est protégé. Il reste qu'il y a des milliers d'enfants, au Québec, qui n'ont pas ce filet de sécurité là, et c'est notre rôle en tant que société de les protéger. Et je pense que ça doit faire partie des rôles du commissaire qui va représenter tous les enfants du Québec. Mais il y en a qui sont plus chanceux que d'autres.

• (18 h 40) •

M. Carmant : Oui, donc tout à fait. On entendait également parler tout à l'heure le Protecteur du citoyen, qui semblait également assumer un rôle dans le... dans ces situations par rapport aux centres jeunesse et tout ça. En fait, quand je suis allé leur parler après, je leur ai dit que donc souvent, peut-être qu'on utilise peu ce... ce... cet ombudsman-là pour venir aider dans les situations que... que vous décriez, peut-être qu'on devrait le faire un peu plus, et qu'il travaille en collaboration avec la... la Commission des droits de la personne, droits de la jeunesse. Est-ce que peut-être maître...

Mme Leblanc (Mylène) : Je vais y aller.

M. Carmant : Allez-y.

Mme Leblanc (Mylène) :  Merci. Je vais répondre à la question qui... qui est posée. Je vais un petit peu en arrière pour dire que... Je vous dirais que quand j'ai vu les rapports... le rapport de la commission Laurent, la première recommandation, j'adhérais à 100 %. Je trouve ça extrêmement pertinent d'un point de vue juridique évidemment, puis aussi d'un point de vue terrain, parce que moi, je représente des enfants à qui je dois justement expliquer les situations difficiles.

Maintenant, ce qu'il est important de savoir, c'est ce qui est un peu alarmant, je vous dirais. Moi, en fait, ça m'alarme comme juriste dans le projet de loi comme il est actuellement, c'est parce que les pouvoirs, disons, complets généraux, je vais appeler ça des superpouvoirs, la Commission des droits de la personne les a déjà. Et ce qui est très alarmant, justement, c'est que, comme juriste, on les interpelle, et c'est l'action terrain qui ne vient pas. On se demande en fait : Pourquoi, avec tous les pouvoirs de l'article 23 de la Loi sur la protection de la jeunesse, mais aussi ceux de la Charte des droits et libertés du Québec. Comment ça se fait qu'un organisme aussi puissant, né de la fusion de la Commission des droits de la personne et celle... je m'excuse, là, je ne sais pas le nom exact, mais celle des enfants, là, comment ça se fait qu'ils n'assurent pas déjà ce...

Mme Leblanc (Mylène) : ...filet de sécurité là. Et c'est là-dessus que je trouve ça... en fait, que je trouve ça difficile à comprendre, là, comme, juridiquement parlant, puis aussi sur les faits... les faits de se faire dire qu'on ne peut pas intervenir. Parfois, c'est ça qu'on a comme décision de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Bien, moi, quand je lis le texte de loi de ma loi sur la protection de la jeunesse, ce n'est pas ça qui est écrit. Alors, je respecte les décisions, mais, comme juriste, c'est alarmant.

Les enfants... Un enfant, dans mon point de vue, ça naît vulnérable, il naît vulnérable, et nous, on le protège de toutes sortes de choses. L'enfant qui a... qui subit de la maltraitance au sens large a besoin d'une deuxième protection, celui suivi par la DPJ, une troisième, celui qui a en plus un diagnostic particulier, une quatrième. Donc, les institutions qui ont les... qui ont des pouvoirs, à mon... à mon sens à moi, doivent être des parapluies sur ces enfants-là, et, j'écoutais le protecteur du citoyen juste avant nous, on ne peut pas jamais faire une porte tournante avec tout ça. On agit, on les réfère, on les accompagne. Alors, c'est ça qui est très alarmant en ce moment. Et de savoir que tous ces pouvoirs-là de la Commission des droits de la personne... bien là, c'est soit qu'on s'assure qu'ils soient appliqués à partir d'aujourd'hui ou soit qu'on les met dans le projet de loi, mais ça ne peut plus... ce n'est plus tolérable comme ça.

M. Carmant : O.K. Parce que les transférer de la CDPDJ au commissaire ne garantit pas de changement...

Mme Audet (Nancy) : Pourquoi?

M. Carmant : Pardon?

Mme Audet (Nancy) : Pourquoi? Si le commissaire, lui, décide d'utiliser ses superpouvoirs pour jouer son rôle quand il y a des lésions de droit. Quand des enfants sont victimes de lésions de droit, il faut... il faut intervenir parfois. On le voit devant les tribunaux. Maître Leblanc le voit. C'est que ces pouvoirs-là ne sont pas utilisés. Si ces pouvoirs sont transférés au commissaire, j'ose espérer que le commissaire va les utiliser. Puis réunir une équipe compétente, ça ne sera pas difficile parce qu'il y a des gens très compétents au Québec qui ont vraiment envie de faire ce travail-là, M. Carmant.

M. Carmant : O.K. Mais il y a un concept qu'on entend, c'est que la CDPDJ perd juridiction quand c'est devant les tribunaux. Ce n'est pas... Vous êtes... Vous n'adhérez pas à ça?

Mme Leblanc (Mylène) : Moi, je n'adhère pas à ça puis je vous explique ma compréhension juridique de la chose. Lorsqu'on regarde l'article 23 de la Loi sur la protection de la jeunesse, premièrement, ce qu'il faut... moi, je le prends toujours, je m'excuse, c'est déformation professionnelle, mais il y a... il y a... la commission exerce les responsabilités suivantes, et là on va de a à f. Lorsqu'on vous parle que la CDPDJ fait... perd juridiction lorsque le tribunal est saisi, elle perd juridiction lorsqu'elle fait des enquêtes, lorsqu'elle enquête sur le terrain et lorsque le tribunal, Cour du Québec, Chambre de la jeunesse, elle est saisie de la situation de l'enfant, pour ne pas dédoubler une enquête, évidemment. On ne veut pas dédoubler des enquêtes, et tout ça. La Commission des droits de la personne va perdre sa compétence au niveau de l'enquête, mais elle ne perd pas sa compétence d'accompagner au tribunal des enfants, de porter des demandes en lésion de droit. La Commission des droits de la personne, à l'article 81, elle est une partie au dossier de tous les enfants. Donc, dès qu'elle souhaite intervenir, elle y a droit. C'est ça qui est dérangeant, c'est ça qui est inexplicable puis qui a été un peu mis en lumière... en fait, la communauté juridique en jeunesse, bien, c'est une situation qui est quand même assez connue, je vous dirais, mais aussi il y a des juges qui l'ont dit. Puis c'est ça, moi, le message porteur que je souhaite qui soit entendu, parce qu'il ne faut pas qu'il y ait de droit ou de possibilité pour les enfants de passer entre les mailles du filet social de protection qu'on leur... qu'on leur donne.

M. Carmant : O.K. Puis Maître Tessier aujourd'hui nous disait que, souvent, ils négocient avec la DPJ, ils règlent avant puis... Ce n'est pas... Ce n'est pas ce que... Ce n'est pas votre vécu?

Mme Leblanc (Mylène) : Je vais dire que ce n'est pas mon vécu. Je ne veux pas en faire non plus un témoignage. Par contre, moi, j'ai... dans mon expérience à moi, il y a parfois des situations où est-ce que la Commission des droits de la personne est intervenue au tribunal et elle s'est désistée de dossier, là. Je suis obligée de dire la vérité aujourd'hui. Alors, je ne sais pas... je ne sais pas dans quel dossier, tu sais, je ne peux pas m'avancer là-dessus, mais, par contre, moi, je peux vous dire qu'encore régulièrement, parce que je suis une fille...

Mme Leblanc (Mylène) : ...qui crois beaucoup aux institutions, je crois à notre société, j'interpelle toujours la CDPDJ pour mes clients, et c'est très difficile à comprendre.

M. Carmant : D'accord.

Mme Audet (Nancy) : Le Protecteur du citoyen, la semaine dernière, a rendu un rapport d'enquête sur des conditions de travail douteuses dans un centre jeunesse de Trois-Rivières. J'ai été bien étonnée que le Protecteur du citoyen soit l'entité qui enquête là-dessus. Et il y a une avocate qui m'a écrit qu'elle était elle aussi très surprise, parce qu'elle a interpelé la CDPDJ à de nombreuses reprises à ce sujet-là et elle n'a jamais reçu d'accusé de réception.

Quand je lis les pouvoirs, ici, de la CDPDJ, je vois que, dans ses pouvoirs, elle peut «prendre les moyens légaux qu'elle juge nécessaires pour que soit corrigée la situation où les droits d'un enfant sont lésés, elle élabore et applique des programmes d'information et d'éducation destinés à renseigner la population générale et les enfants sur les droits de l'enfant.» Depuis cinq ans, à chaque fois que je croise des enfants ou des jeunes, la première question que je leur demande, c'est s'ils connaissent leur avocat et je leur demande s'ils connaissent leurs droits. Il n'y a pas un seul enfant ou un seul jeune, depuis cinq ans, qui m'a répondu oui à cette question-là, aucun enfant.

Elle a des pouvoirs vraiment importants, M. Carmant. C'est intéressant, lire ça. Et, si on transfère ces pouvoirs-là au commissaire, j'ose espérer qu'on va pouvoir... qu'il va pouvoir les utiliser, parce que, dans la situation actuelle, et vous êtes au courant, la situation... les enfants sont très fragilisés en ce moment dans le système. Et je pense qu'il faut agir.

J'entendais, vous avez parlé tout à l'heure de Mme Régine Laurent. Elle a dit qu'éventuellement il faudrait, de toute façon, hein, je crois, que... si j'ai bien compris, transférer les pouvoirs de la CDPDJ au commissaire. Moi, je dis : Pourquoi attendre? Je ne comprends pas. Les enfants, on ne peut... on ne peut plus les faire attendre, c'est maintenant. Ça fait déjà deux ans qu'ils attendent un commissaire. Pourquoi attendre avant de bien faire les choses? Faisons-le maintenant.

• (18 h 50) •

M. Carmant : D'accord. Et une autre inquiétude qu'on a, c'est, si on... si on verse dans... tu sais, est-ce que ce rôle-là va monopoliser, un petit peu ce que nous disait M. Gaubou, là... J'oublie...

Une voix : ...

M. Carmant : Gaubou... En tout cas, que c'est... il y a toujours la crainte que toutes les énergies soient mises dans cette urgence-là, dans ces situations individuelles là. Puis, encore une fois, on a... on a la... on a l'opportunité de faire une différence, là, pour 1.6 million d'enfants, là, c'est...

Mme Audet (Nancy) : Mais qui va le faire, M. Carmant, si ce n'est pas le commissaire au bien-être et à la protection des enfants?

M. Carmant : Moi, je pense que, si on... si on agit en amont, on diminue les signalements, on diminue les... la compromission. On va faire un impact beaucoup plus grand sur les... sur les enfants au Québec.

Mme Audet (Nancy) : Moi, je pense que le commissaire peut agir en amont et en prévention tout en protégeant en ce moment les enfants qui sont très, très, très affectés.

M. Carmant : Puis lui, il aura un rôle de regard sur... sur... avec la CDPDJ et tous les intervenants qui jouent dans le milieu, dans l'écosystème, comme on a mentionné, de... des jeunes.

Mme Audet (Nancy) : Je trouvais ça bien que vous disiez que le commissaire allait avoir accès à tous les rapports du coroner sur les décès d'enfants où il y a eu des enquêtes. Moi, ce que j'ai envie de vous dire, c'est que ce serait bien que le commissaire puisse agir avant qu'il y ait des décès. Ce serait encore mieux.

Des voix : ...

M. Carmant : Bien, c'est sûr qu'on ne veut pas... on ne veut pas de décès.

Mme Audet (Nancy) : Je trouve ça bien, là, c'est important. Mais vous comprenez, si le commissaire, il a... Vous savez, la CDPDJ est financée à la hauteur de 18 millions de dollars par année. C'est énorme comme budget. Quand on dit, quand on me répète qu'ils n'ont pas les ressources, qu'ils n'ont pas l'argent nécessaire, je me pose des sérieuses questions. Pour moi, qu'on dédie seulement 10 % du total du temps rémunéré à la jeunesse, ce n'est pas acceptable dans le contexte actuel. Dans ce cas-là, qu'on prenne cet argent-là, qu'on transfère les pouvoirs au commissaire et qu'on lui permette de faire ce travail-là. S'il est bien entouré, je pense qu'il va être capable de livrer la marchandise. Je l'espère, en tout cas, parce que je pense que les enfants du Québec ont vraiment besoin d'un commissaire actuellement.

M. Carmant : Puis quel encadrement permettrait au commissaire...

M. Carmant : ...de mieux faire le travail que la CDPDJ.

Mme Leblanc (Mylène) : En fait... j'ai vu le regard de Nancy. En fait, ce qui... J'ignore, pour être franche, qu'est-ce qui a empêché? Parce qu'il faut se dire qu'une institution comme le commissaire... comme la CDPDJ, pardon, est là depuis plus de 30 ans, c'est énorme. Et moi, je n'ai pas de réponse, malheureusement. J'ignore pourquoi, depuis 30 ans, c'est... l'état de la section jeunesse est comme ça. Parce que, tu sais, je vous écoutais, tout à l'heure, vous parliez en amont, et tout ça, moi, je trouve ça très bien les programmes comme Agir tôt, là, je vais... je vais... mais, par contre, tu sais, ça, c'est une partie de ce qu'il faut faire avancer, et ça fait partie aussi des rôles de la CDPDJ actuelle de promouvoir les droits, d'aller justement sensibiliser, de faire des études, de faire des enquêtes, un peu ce que le commissaire au bien-être... en fait, ce qui est actuellement dans le projet de loi. Ça fait que tout ce volet-là en amont est super, mais je ne peux pas considérer qu'on attende, par exemple, un autre 30 ans avant... Tu sais, c'est parce que moi, là, les yeux des enfants qui vont me regarder demain matin, que je vais représenter, là, je ne peux pas... je ne peux pas me permettre de leur dire : On va encore attendre 30 ans. J'ai besoin aujourd'hui. Ce n'est pas tous les dossiers, là, mais il y a certains dossiers qui nécessitent une intervention imminente, puis ce n'est pas contre personne, c'est pour l'enfant, puis je ne peux pas... on ne peut pas se satisfaire, je pense, comme société québécoise, d'attendre pour les enfants, parce que vous le saviez... vous le savez très bien, le temps a une tout autre signification.

Alors, c'est ça, l'urgence d'agir pour savoir qui a les pouvoirs. Et peu importe qui les a, au final, l'intérêt de l'enfant et/ou, puis comment on peut les faire appliquer. Parce qu'un désistement judiciaire dans un dossier d'un enfant suivi par la protection de la jeunesse, c'est inacceptable, à mon avis, c'est inacceptable.

Le Président (M. Provençal) :Merci. C'est maintenant le temps de céder la parole à la députée de Robert-Baldwin.

Mme Garceau : Merci beaucoup, Mme Audet, Me Leblanc, pour votre présentation très éloquente, très touchante. Merci particulièrement, Mme Audet, je sais que vous avez... votre parcours a été difficile, mais votre... vous avez un dévouement envers les droits des enfants, les enfants les plus vulnérables dans notre société, et je vous en remercie. C'est tout un travail que vous faites et ça prend beaucoup de persévérance.

Je reviens parce qu'évidemment la recommandation, et pour moi, c'était une recommandation qui était vraiment au coeur des fonctions et des pouvoirs du commissaire au bien-être et aux droits des enfants, c'était le transfert de tous les pouvoirs et les responsabilités de la CDPDJ au commissaire pour que ça soit le commissaire qui porte la voix des enfants, qui, elle ou lui, va être... va avancer les droits, va les protéger, va s'assurer que les droits des enfants soient respectés à tous les niveaux. Donc, pour vous, vous aimeriez évidemment qu'on amende, qu'il y ait un amendement au projet de loi qui va... qui refléterait évidemment la recommandation initiale, là, dans le rapport Laurent. Et j'aimerais vous entendre au niveau de l'inaction, inaction de la CDPDJ dans les dossiers, qui fait en sorte que vous, vous insistez sur cette recommandation aujourd'hui.

Mme Audet (Nancy) : Parce que, pour moi, c'est une incompréhension qu'on ait des pouvoirs aussi importants d'agir et qu'on ne les utilise pas dans un... en plus, dans un contexte de grande fragilité. La CDPDJ a des pouvoirs extraordinaires, je ne sais pas si vous êtes au courant, mais a vraiment la possibilité de changer des parcours de vie, d'aller aider des enfants qui sont victimes de lésions de droits qui risquent de leur laisser des séquelles pour... pour toute la vie. Je vois...

Mme Audet (Nancy) : ...dans les centres de réadaptation, des choses en ce moment qui sont tellement préoccupantes et, pour moi, son absence totale du terrain. Tu sais, ce qui me trouble le plus, son absence totale de présence pour aller voir les enfants dans les milieux de vie alors qu'elle a les pouvoirs d'y aller. Juste depuis quelques années, de voir qu'on est rendu à mettre des petits enfants, tout petits, petits, quatre, cinq ans dans des centres jeunesse, pour moi, c'est très préoccupant. Et je ne comprends pas que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse ne se soit pas penchée sur la question, qu'elle n'ait pas levé le drapeau rouge pour dire que ces milieux de vie, là, ce n'est vraiment, vraiment pas adapté à des tout-petits. Je m'excuse de vous le dire, mais un petit enfant de quatre, cinq ans, ça ne peut pas vivre en centre de réadaptation. Un petit enfant, ça a besoin d'une famille, ça a besoin d'une maman qui lui flatte le dos quand il est malade la nuit, ça a besoin d'un papa qui écoute le hockey avec lui le soir. Ça a besoin d'un milieu de vie normal.

M. Carmant, tantôt, m'a dit : Il doit représenter tous les enfants. Mais moi, j'ai envie de vous dire aujourd'hui, ces enfants-là font partie de notre société puis on semble l'avoir oublié. Ce sont nos enfants, ces enfants-là. Mais on les a tellement mis de côté, on les a isolés, ils sont cachés dans des foyers de groupes, dans des centres de réadaptation. On ne les voit pas dans nos communautés, on ne les voit pas dans nos arénas, on ne les voit... il y en a plein qu'on ne voit pas dans nos écoles. Comme les dossiers sont confidentiels, bien, on ne les entend pas, on ne les voit pas. Mais ces enfants-là sont parmi nous, ils existent. Moi, je les vois tout le temps. Puis ce qui me crie, là, depuis cinq ans, c'est un cri à l'aide. Vraiment. Je l'entends, ça résonne fort. Puis je ne sais plus comment vous interpeller puis comment interpeller les gens. J'aurais envie de remplir la salle ici de ces enfants là, puis qu'on puisse juste s'asseoir puis les entendre. J'espère que le commissaire va pouvoir prendre le temps d'écouter la voix de ces enfants-là.

• (19 heures) •

Mme Garceau : Il y a un... L'article 30 parle d'un délai de cinq ans pour la mise en œuvre des dispositions. Je voulais vous entendre sur ce délai, compte tenu du fait que le rapport a été déposé en 2021, et là, maintenant, on est quelques années plus tard.

Mme Audet (Nancy) : On ne peut pas... Je crois que Camil Bouchard en a parlé. C'est beaucoup trop long. Dans la situation actuelle, les enfants ne peuvent pas attendre cinq ans.

Mme Leblanc (Mylène) : Tu sais, le... je crois qu'ils ne peuvent pas attendre, mais une mise en action sur... En fait, je crois que la commission a référé à un autre délai, la commission Laurent, mais cinq ans, c'est... En fait, quand je me place dans la perspective de l'enfant que je représente, un enfant, par exemple, si mon enfant a trois ans, il aura huit ans quand ça va... tu sais, quand je vais pouvoir enfin demander du secours. Parce que... Puis je dis secours parce que c'est des situations critiques puis ça peut englober n'importe quel enfant aussi. Mais la situation qu'a traitée le Protecteur du citoyen, qui a fait la manchette cette semaine ou la semaine dernière, c'est connu depuis des années. La CDPDJ a fait des enquêtes sur ce sujet-là, les conditions de vie, l'isolement, sur la question des contentions, sur la question... Donc, comment ça se fait qu'on ne se soit pas mis en action? Et cette mise en action là, pour nous adultes, je le répète tout le temps, c'est correct cinq ans, mais quand j'ai cinq ans, puis je vais devoir attendre jusqu'à 10 ans dans mon centre de réadaptation, qu'il y ait quelque chose qui soit mis en place pour que je puisse avoir mon droit à la liberté. On se souviendra le droit à la liberté, Charte des droits et libertés. C'est ça, moi que... c'est inexplicable. Pourquoi un enfant qui n'a pas de voix va devoir attendre, alors que, présentement, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse applique la charte, le droit à la liberté, à tous les citoyens puis même les enfants? C'est ce que c'est censé être. C'est ça, l'urgence d'agir. Je ne pourrais pas... puis comme...


 
 

19 h (version non révisée)

Mme Leblanc (Mylène) : ... Comme si c'étaient mes propres enfants, je ne peux pas regarder mes petits clients demain matin puis ne pas, dans une mesure adaptée à leur âge, évidemment... Mais on ne peut pas mentir là-dessus. Il va falloir que je leur dise qu'on n'a pas de solution, il faut qu'ils attendent. C'est terrible.

Mme Garceau : Quels ont été les... Oui.

Mme Audet (Nancy) : Vous savez, la... Je m'excuse. Vous savez, la CDPDJ a annoncé il y a deux semaines la tenue d'une enquête au sujet des conditions de vie au Mont Saint-Antoine, à Montréal, à des conditions de vie désastreuses, des infiltrations d'eau, de la moisissure. Je l'ai vu moi-même, j'ai des photos si ça vous intéresse. Les enfants ont mal à la tête, les fenêtres dans les chambres des enfants n'ouvrent plus, et les bains sont condamnés. Dans une unité, il y a des enfants qui n'ont pas pris de bain depuis deux ans parce que le bain est condamné. C'est terrible, les conditions de vie. Tout le monde le sait, ça fait plus de deux ans que les enfants habitent dans ces conditions-là. Je ne connais personne ici qui laisserait ses enfants vivre dans ces conditions-là. On retire des enfants dans des maisons parce qu'ils vivent dans des conditions comme ça, puis nous, on accepte que ces enfants-là vulnérables habitent dans ces conditions-là.

Que la CDPDJ, après un article dans un journal, décide de lancer une enquête, je ne comprends pas. Tout le monde est au courant des conditions de vie désastreuses des enfants au Mont Saint-Antoine, ça fait deux ans qu'on crie à l'aide, que les intervenants interpellent les gestionnaires, tout le monde. J'y suis allée, j'ai amené des gens avec moi.

Mme Leblanc (Mylène) : Peut-être un exemple concret de quand tout le monde, la société, tout le monde, on est au courant de ça. Je reviens, moi, comme juriste, à mon article 23, là, de la Loi sur la protection de la jeunesse, là. On n'est plus dans : J'enquête sur des conditions de vie, on est dans : «Elle prend les moyens légaux qu'elle juge nécessaires pour que soit corrigée la situation où les droits des enfants sont lésés.» On est là-dedans, on n'est pas en enquête, là, c'est criant, il n'y a pas de bain. Ça se termine là. Un enfant, au Québec, doit pouvoir bénéficier d'un bain, c'est simple comme bonjour.

Mme Garceau : Quel a été l'impact de la nouvelle directrice de la protection nationale... directrice nationale de la protection de la jeunesse, Mme Lemay, sur le terrain, face à toutes ces lacunes, ces enjeux importants et criants, même?

Mme Leblanc (Mylène) : Je dois vous dire, moi, je n'ai jamais pu... Je pense que je l'ai rencontrée comme dans quelque chose de très public. Je ne connais pas cette personne-là non plus, puis tout ça. Je comprends le rôle, mais je dois vous avouer que, sur le terrain, je n'ai aucune idée de ce que ça change ou de ce que ça a changé, je ne sais pas non plus exactement ce qui se passe. Et ce que je trouve vraiment, par contre, super difficile du point de vue de l'enfant... Parce que, tu sais, même si ça nous... comme adultes, ça peut nous choquer, ou quoi que ce soit, tu sais, je me dis : Comme enfants... C'est parce qu'aucun enfant ne peut s'adresser à la directrice nationale, en fait, tu sais, je veux dire des coordonnées, un site Internet, tu sais, comme une accessibilité, parce que, tu sais, ne serait-ce que pour voir... Pour un enfant, à la base, c'est difficile d'aller chercher l'aide de l'adulte, un adulte inconnu. Maintenant, je suis en situation critique dans un centre jeunesse, il faut que je sois capable d'appeler quelqu'un rapidement, et c'est... je pense que c'est ça, on ramène tout... J'ai entendu une autre personne... j'ai écoutée plus tôt aujourd'hui qui disait beaucoup : Le terrain, le terrain, le terrain, C'est ça. Ce n'est pas des changements énormes, c'est de le faire, te dire : Bien...

Mme Garceau : C'est d'agir.

Mme Leblanc (Mylène) : C'est ça. Tu sais, je crie à l'aide, quelqu'un doit répondre.

Le Président (M. Provençal) :Merci beaucoup. On va poursuivre avec le député de Saint-Henri-Sainte-Anne.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup à vous deux. Merci, Mme Audet. Je ne pense pas qu'il y ait eu témoignage plus percutant que ça aujourd'hui, là. On en est, je pense, tous et toutes bouleversés. Mais là, j'ai envie de me tourner vers votre collègue. Je suis avocat, vous êtes avocate, on dirait que le cerveau de l'avocat ne comprend pas, là, comme : Que se passe-t-il?

Mme Leblanc (Mylène) : Je suis avec vous. Que se passe-t-il?

M. Cliche-Rivard : C'est quoi, la poigne d'interprétation que quelqu'un ne fait pas? Je veux dire, je...

Mme Leblanc (Mylène) : Je...

M. Cliche-Rivard : Ça ne marche pas, là, comme...

Mme Leblanc (Mylène) : O.K. Ça...

M. Cliche-Rivard : Aidez-moi, aidez-moi!

Mme Leblanc (Mylène) : Je suis avec vous sur ça. Écoutez, je suis avec vous sur ce point-là, je ne comprends pas, et à tous les jours que je suis au travail, dans mon travail, je me pose cette question-là, et c'est pour ça que je me dis : Il doit y avoir quelque chose que je n'ai pas compris, il doit y avoir...  puis je continue à leur écrire, à faire des plaintes. Parfois même, je leur envoie, tu sais, l'article...

Mme Leblanc (Mylène) : ...de loi, puis je ne le sais pas, fondamentalement. Par contre, quand... pour ma préparation, en fait, pour venir ici, j'ai relu les débats parlementaires de 95, O.K., et c'était vraiment une grande crainte que ça soit... finalement qu'en fusionnant les deux institutions, le volet jeunesse soit englouti par le volet charte et que, finalement... parce qu'il ne faut pas oublier, les enfants, ça ne parle pas. Alors, qui... qui va venir, je vous dirais, animer au sens de...

M. Cliche-Rivard : Alimenter.

Mme Leblanc (Mylène) : Alimenter... vie active pour les enfants, si personne ne le fait, ce volet-là va nécessairement... tu sais...

M. Cliche-Rivard : Ça fait que l'explication, c'est que le volet charte prend tout leur temps, énergie, travail, c'est ça? Et là, le volet jeunesse est englouti.

Mme Leblanc (Mylène) : Bien, moi, c'est...

M. Cliche-Rivard : C'est ça, votre...

Mme Leblanc (Mylène) : C'est ça, mon explication, parce que je me dis : C'est... nécessairement, il y a... il y a quelque chose qui fait en sorte que ça ne fonctionne pas. Et, comme institution, bien, on se dit : Avec tous ces pouvoirs-là, puis même ceux de la charte qui s'appliquent aux enfants... parce que le volet charte devrait s'appliquer aussi aux enfants, qu'est-ce qui cloche? Je ne le sais pas, mais ça cloche.

M. Cliche-Rivard : Puis on vous répond quoi? Qu'est-ce qu'on vous répond?

Mme Leblanc (Mylène) : On me répond, par exemple, tu sais, la chose la plus... c'est : le tribunal a été saisi de la question, donc nous n'avons plus juridiction. Et nous, les juristes, on leur répond : Bien sûr que vous avez juridiction, vous pouvez être partie aux dossiers à tout moment, intervenez à la cour. Et c'est comme un ping-pong.

M. Cliche-Rivard : Puis là on... Je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, là, mais je veux dire, on vous répond quelque chose qui est erroné. Je veux dire, c'est quoi, l'explication. C'est quoi, la...

Mme Leblanc (Mylène) : Bien... donc, à mon sens à moi, oui, mais, je veux dire, je ne suis pas... Moi, j'interprète comme ça, peut-être que c'est moi qui lis mal, je ne sais pas. C'est possible, là, je veux dire, je ne connais pas tout, mais en même temps je suis... j'ai l'impression qu'une loi comme la Loi sur la protection de la jeunesse puis, comme, la Charte, doivent s'appliquer généreusement, surtout envers l'enfant vulnérable. Tu sais, il faut... il faut qu'on soit généreux au sens favorable à l'enfant. Il est en péril, il est vulnérable, on ne peut pas juste... Il faut être proactif. Il faut être là.

M. Cliche-Rivard : Ça, vous êtes assez manifestes tous les deux que le statu quo est impossible. Puis je pense qu'on vous a tous compris qu'il n'était pas question qu'un enfant qui a cinq ans aujourd'hui, on l'utilise... dans 10 ans, et vice-versa, là. On va prendre ça en considération, je pense que vous parlez de faire un point, je pense que c'est fait, là.

Mme Leblanc (Mylène) : Merci.

M. Cliche-Rivard : Merci.

• (19 h 10) •

Le Président (M. Provençal) :On va conclure cet échange-là avec le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Oui. Merci, M. le Président. Merci, Mesdames Audet et Leblanc. Les propos que vous tenez, les témoignages que vous nous rapportez sont troublants à maints égards. On en a parlé amplement et je pense qu'on a bien compris vos griefs envers la CDPDJ. Si vous permettez, j'ai juste trois minutes. Je voulais juste faire des petites vérifications sur d'autres éléments qu'on a entendus, d'ailleurs, aujourd'hui. Par exemple, je vais commencer avec ce que vous mentionnez sur l'indépendance du commissaire, sur le fait qu'il soit entièrement, exclusivement dédié. Vous nous dites ça... est-ce que c'est parce que vous avez une crainte que ça ne soit pas le cas? Est-ce que vous lisez quelque chose dans le projet de loi qui vous permettrait de penser que ça ne serait pas le cas?

Mme Audet (Nancy) : Je pense que... je peux répondre un peu, puis Mylène aussi, peut-être, mais je pense que la situation actuelle va demander une totale indépendance de la part du commissaire. De ce que je vois actuellement, des gens qui sont impliqués avec les enfants de la Direction de la protection de la jeunesse, je vois souvent des gens qui... qui ne sont pas totalement libres d'agir de par les liens qu'ils ont, que ce soit avec l'institution, que ce soit avec le ministère. Je pense vraiment que, dans la situation actuelle, si on veut que le commissaire puisse réellement poser des gestes concrets pour que les choses changent réellement sur le terrain, il va... il va devoir être totalement indépendant et libre de toute entrave.

M. Arseneau : Donc, ce que je comprends, c'est qu'il y a un certain nombre de principes que vous nous amenez sur l'indépendance, le fait d'être entièrement, exclusivement dédié aux enfants, d'avoir tous les pouvoirs nécessaires et les moyens, tout ça, c'est comme une série de principes que vous nous rappelez sur la base de votre observation de la situation actuelle, en nous disant : Organisez-vous comme vous voulez, là, mais, dans le libellé de la loi, il faut que ça soit très clair et absolument, là, impératif. Ça, je comprends ça. C'est un petit peu comme... en fait, je veux faire une référence à d'autres...

M. Arseneau : ...témoins qui sont venus avant vous, là, M. Bouchard notamment, là, qui parlait, lui, de prévention et... de prévention de la maltraitance. Si ce n'est pas nommé, bien, on a un problème. Donc, il faut le décrire partout. C'est un peu ce que vous... j'imagine que vous partagez un peu ce point de vue là.

Mme Audet (Nancy) : Oui, oui, vraiment.

M. Arseneau : Y compris sur la question de la maltraitance aussi, j'imagine que...

Mme Audet (Nancy) : Vraiment, vraiment. Je suis totalement d'accord.

M. Arseneau : Donc, de le mentionner explicitement pour éviter toute ambiguïté, d'accord. Puis la question des avocats, vous avez parlé tout à l'heure du fait que les enfants ne connaissaient pas leurs droits, on ne leur... on ne les informe pas, de leurs droits, j'imagine. Est-ce que vous jugez que la question du mécanisme d'accréditation des avocats, c'est un élément important? On l'a entendu...

Mme Audet (Nancy) : Je vais laisser Me Leblanc répondre, mais je voulais juste vous dire que, quand je suis allée en stage d'observation en Chambre de la jeunesse, j'ai été très étonnée de voir que les avocats ne rencontrent pas les enfants, ils n'ont pas le temps. Les avocats gèrent environ 350 dossiers par année. Mais je me demande comment on peut faire pour défendre son client quand on ne le rencontre pas. Quand on ne va pas voir son milieu de vie, on n'est pas en mesure de vérifier si on a suivi les recommandations du juge. À Sept-Îles, j'ai su que les avocats, maintenant, parce qu'ils sont débordés, ne rencontrent plus les enfants qui ont 12 ans et moins. Pour moi, ça, c'est vraiment, vraiment préoccupant. C'est impossible de défendre des clients si on ne les rencontre pas. Ça ne serait pas acceptable pour un adulte, pourquoi c'est acceptable pour un enfant? Mais, pour les questions d'accréditation, je pense que Me Leblanc va être meilleure que moi pour répondre à ça.

Mme Leblanc (Mylène) : Peut-être, 30 secondes, en finissant, ce qui est important, c'est de comprendre. C'est que, pour un enfant qui ne parle pas, parce que n'oublions pas qu'on représente des bébés, des jours à des semaines, à des années, tu sais, tout petits, tout petits, il faut vraiment bien s'enquérir de la situation. On ne peut pas... C'est quelque chose qu'il faut inculquer chez les avocats, tant qu'à moi, en protection de la jeunesse qui veulent en faire, qu'il faut le lire, notre dossier, aller parler aux gens, aller parler aux parents, la famille d'accueil pour avoir une vision globale et être capable de la livrer, se présenter à l'enfant, se présenter chez lui, le rencontrer, etc. C'est essentiel. Donc, c'est peut-être des balises. Accréditation, je ne le sais pas, là, je ne suis pas très ferrée là-dedans. Mais c'est des balises essentielles de connaître cet enfant.

M. Arseneau : Merci beaucoup.

Mme Leblanc (Mylène) : Merci.

Le Président (M. Provençal) :Alors, je tiens à remercier Mme Audet et Maître Leblanc pour leur contribution, leur participation, bien, en même temps de nous avoir partagé vos observations terrain. L'une et l'autre, là, c'est important pour nous.

Alors, sur ce, la commission ajourne ses travaux au mercredi 7 février, à 8 heures, où elle se réunira en séance de travail. Alors, mesdames, merci beaucoup.

(Fin de la séance à 19 h 16)


 
 

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