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Version préliminaire

43e législature, 1re session
(début : 29 novembre 2022)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Le jeudi 8 février 2024 - Vol. 47 N° 67

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 37, Loi sur le commissaire au bien-être et aux droits des enfants


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Journal des débats

11 h 30 (version non révisée)

(Onze heures trente-trois minutes)

La Présidente (Mme Blouin) : À l'ordre, s'il vous plaît. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la santé et des services sociaux ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques. La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi no 37, Loi sur le Commissaire au bien être et aux droits des enfants. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Alors, M. Chassin (Saint-Jérôme) est remplacé par Mme Picard (Soulanges); Mme Caron (La Pinière) est remplacée par Mme Garceau (Robert-Baldwin); M. Morin (Acadie) est remplacé par Mme Prass (D'Arcy-McGee); et M. Marissal (Rosemont) est remplacé par M. Cliche-Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne).

La Présidente (Mme Blouin) : Merci. Alors, ce matin, nous entendrons les témoins suivants, soit le Bureau du coroner et le Regroupement des Auberges du cœur du Québec. Comme la séance commence avec un peu de retard, est-ce qu'il y a consentement pour qu'on poursuive nos travaux jusqu'à 13 heures?

Une voix : Consentement.

La Présidente (Mme Blouin) : Parfait. Et là, je comprends aussi qu'il y a le consentement pour que M. le ministre cède un peu de temps de parole aux oppositions.

Une voix : Consentement.

La Présidente (Mme Blouin) : Parfait. Merci beaucoup. Donc, je souhaite officiellement la bienvenue aux représentants du Bureau du coroner. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Alors, je vous invite à vous présenter et à commencer votre exposé.

M. Bernier (Reno) : Alors, bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés membres de la commission, je suis accompagné aujourd'hui de Me Géhane Kamel, qui est coroner à temps plein, chargé notamment du comité d'examen des décès d'enfants et du comité d'examen des décès autochtones. Je suis également accompagné de Me Stéphanie Gamache, coroner à temps plein, qui est chargée notamment du comité d'examen des décès liés à la violence conjugale. On a aussi Paul-André...

M. Bernier (Reno) : ...Perron qui nous... qui nous appuie, qui est conseiller stratégique au Bureau du coroner.

Donc, je vous remercie d'abord pour l'invitation que vous nous avez... de venir échanger avec vous, là, concernant le projet de loi n° 37 sur le Commissaire au bien-être et aux droits des enfants.

Je vous propose de débuter par une mise en contexte qui va vous rappeler le rôle du Bureau du coroner puis d'enchaîner ensuite avec nos commentaires sur le projet de loi, puis ça va nous faire plaisir après aussi d'échanger avec vous sur... pour répondre à vos questions.

Donc, la mission et les activités du Bureau du coroner sont appuyées par la Loi sur les coroners. Les coroners, c'est des officiers publics, hein, qui sont nommés par le gouvernement. Ils desservent chacun un territoire précis de manière à couvrir l'ensemble du Québec 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Il y a neuf coroners actuellement nommés à temps plein. Il y a également une centaine d'autres coroners qui exercent leurs fonctions à temps partiel en plus de leur carrière respective. Puis dans toutes les régions du Québec, le Bureau du coroner, lui, son travail, c'est de soutenir ces coroners-là. La mission du coroner, c'est de rechercher de façon indépendante et impartiale les causes probables, les circonstances des décès qui sont obscurs, violents ou qui surviennent par suite de négligence dans un objectif de protéger la vie, d'acquérir une meilleure connaissance des phénomènes de mortalité et de faciliter la reconnaissance et l'exercice des droits. Pour faire ça, bien, le coroner réalise des investigations ou des enquêtes et il va rédiger un rapport qui va résumer ses conclusions. Ce rapport-là, il contient l'identité du défunt, la date et le lieu du décès, les causes probables et les circonstances du décès. C'est un rapport qui est public puis qui peut être remis à toute personne qui en fait la demande.

Les coroners sur le terrain vont... vont intervenir à la suite de signalements qui leur sont faits dans certaines situations qui sont prévues par la loi. À titre d'exemple, le médecin et l'infirmière praticienne spécialisée qui constatent un décès dont ils ne peuvent établir les causes probables ou qui leur apparaît être survenu par suite de négligence ou dans des circonstances obscures ou violentes, bien, ils doivent en aviser un coroner. Le coroner doit aussi être avisé si le décès survient dans certains lieux, par exemple un centre de la petite enfance, un service de garde en milieu familial, une famille d'accueil ou un centre de réadaptation au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris. Chaque année, les coroners vont investiguer environ 8 % des décès qui ont lieu au Québec, donc c'est grosso modo 6 000... 6 000 quelque investigations sur un total de 78 000 décès en 2022. Annuellement, on va intervenir au Bureau du coroner dans environ 170 décès d'enfants qui ont moins de 18 ans. Principalement, c'est des décès accidentels, des morts naturelles, dont la cause était inconnue au moment du décès, et des décès subits, là, de nourrissons pendant leur sommeil ou des suicides d'adolescents. On compte entre cinq et 10 homicides d'enfants par année, la moitié en contexte de violence conjugale. Les avis obligatoires pour des décès dans certains milieux, comme je vous ai mentionné tout à l'heure, là, garderie, famille d'accueil, centre jeunesse, ça représente environ... moins de 10 cas par année en tout. Par ailleurs, les coroners ont aussi un rôle important de prévention des décès, là, notamment par la possibilité qu'ils ont de faire des recommandations dans leur rapport. Ces recommandations-là vont donner souvent lieu à des changements sociaux.

Puis, dans le cadre de ce rôle de prévention, le coroner a également mis en place au Bureau du coroner trois comités d'examen de certains types de décès. Le but de ces comités d'examen là, bien, c'est de regrouper autour d'une même table des experts pour comprendre les phénomènes puis identifier des mesures de prévention des décès.

Le premier comité permanent qu'on a mis en place, ça concerne les décès d'enfants âgés de moins de 18 ans. C'est un comité qui regroupe des pédiatres, des policiers, des représentants du directeur des poursuites criminelles et pénales, du directeur de la protection de la jeunesse, de l'Institut national de santé publique du Québec, du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale ainsi que du Bureau du coroner. Ce comité-là va procéder à l'étude des cas pour lesquels le coroner a terminé son investigation ou son enquête pour notamment identifier les principaux constats, les enjeux systémiques liés au décès d'enfants, dépister des phénomènes de mortalité chez les enfants et faire des recommandations qui visent la prévention.

Le deuxième comité concerne la mortalité dans les Premières Nations et chez les Inuits. C'est un comité qui ne vise pas uniquement les enfants, mais qui est en lien avec les grands enjeux qui ont été mis en lumière par la commission. Viens, puis il a pour objectif de mieux comprendre la réalité autochtone pour nous permettre notamment d'adapter nos services et d'appliquer la Loi sur les coroners avec une plus grande sensibilité de leur réalité.

• (11 h 40) •

Le troisième comité, lui, concerne les décès liés à la violence conjugale. Il vise à rassembler les compétences des personnes représentant plusieurs organisations avec une expertise reconnue sur la problématique de la violence conjugale, encore là, pour mieux la comprendre...

M. Bernier (Reno) : ...puis pour mieux la prévenir. Les travaux de ce comité ont des retombées en matière de décès, en contexte de violence conjugale. Pour cette raison-là, l'action 45 de la stratégie gouvernementale intégrée pour contrer la violence sexuelle, la violence conjugale et rebâtir la confiance 2022-2027 prévoit la poursuite en continu des activités de ce comité.

Maintenant, concernant le projet de loi, la protection de la vie humaine, c'est au cœur du mandat du coroner, et les décès d'enfants, c'est une préoccupation constante pour notre équipe. Dans ce contexte là, nous, on est d'avis que l'arrivée d'un nouveau commissaire au bien-être et aux droits des enfants, c'est une bonne nouvelle. On salue cette initiative qui répond à l'une des recommandations phares de la commission Laurent. Après analyse, nous comprenons que le commissaire aura comme fonction principale de promouvoir le bien-être des enfants, de faire entendre leur voix, de les accompagner dans la défense de leurs droits, d'assurer une veille et de coopérer avec l'ensemble des instances. Nous sommes d'avis que ces fonctions vont permettre sûrement de contribuer à la protection des enfants et aussi à la prévention des décès.

Le bureau du coroner, nous, on va être très ouverts à partager avec le futur commissaire l'expertise qu'on a développée, notamment dans le cadre de nos comités d'examen, plus précisément le Comité d'examen des décès d'enfants. Puis on a même l'intention d'offrir au nouveau commissaire... si les parlementaires décident d'adopter le projet de loi, évidemment, mais de lui offrir de le mettre dans la boucle, de le consulter dans l'élaboration des recommandations de nos coroners qui concernent la prévention des décès d'enfants. On pense qu'il pourrait avoir une valeur ajoutée dans ce processus.

On salue également au Bureau du coroner la création du poste de commissaire associé pour les enfants autochtones, notamment pour la reconnaissance de leurs particularités culturelles. Là aussi, si le commissaire le juge pertinent, bien, nous pourrons partager avec lui l'expérience acquise, notamment dans le cadre des travaux de notre comité d'examen des décès autochtones.

Par ailleurs, on constate qu'il y a deux dispositions du projet de loi qui concernent spécifiquement la loi sur les coroners, c'est le paragraphe sept de l'article cinq du projet de loi, d'abord, qui prévoit que le commissaire doit effectuer une veille de tous les décès d'enfants pour lesquels il y a une investigation ou une enquête qui a été effectuée en vertu de la loi sur les coroners. Il y a aussi l'article 29 du projet de loi qui prévoit une modification à l'article 99 de la loi sur les coroners pour préciser que le coroner ou le coroner en chef doit transmettre au commissaire une copie de tout rapport d'investigation concernant le décès d'une personne de moins de 18 ans. On est d'accord avec ces modifications législatives puis on ne voit pas d'un enjeu ou d'un impact significatif sur le travail du bureau du coroner. On va être en mesure d'identifier dans nos systèmes les décès d'enfants de moins de 18 ans. Puis on va pouvoir transmettre au commissaire une copie des rapports d'investigation. On le fait déjà, d'ailleurs, la transmission d'informations, aux différents partenaires, comme la Santé publique. Par ailleurs, on comprend que le mandat du commissaire va se faire en complémentarité avec celui du bureau de coroner. Donc, si le commissaire en exprime le besoin, on pourrait également collaborer à sa veille des décès, au-delà de la simple transmission des rapports d'investigation des coroners, donc pour assurer une concertation au niveau de la prévention.

Donc, en terminant, je me permets de mentionner que les coroners, ce sont des hommes et des femmes de cœur qui travaillent jour après jour pour accompagner les familles éprouvées par le deuil dans toutes les régions du Québec. Nous avons la noble fonction d'écrire la dernière histoire du défunt et de lui donner une voix et d'aider les familles à trouver un sens à leur épreuve pour que les décès ne soient pas survenus en vain. Je peux... je vous dis que je suis particulièrement fier de faire partie de cette équipe, puis d'avoir le privilège de la diriger. Puis nous sommes confiants que le nouveau commissaire va être animé par la même passion du service public, puis on va être prêts à l'appuyer advenant l'adoption du projet de loi. Alors, je vous remercie de votre attention.

La Présidente (Mme Blouin) : Merci beaucoup pour votre exposé. Alors, on va débuter la période d'échange avec M. le ministre pour une durée de 12 minutes 30.

M. Carmant : Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Bernier, content de vous revoir.

M. Bernier (Reno) : Moi de même, M. le ministre.

M. Carmant : Merci. Mme Kamel, Mme Gamache, M. Perron, merci d'être là également. Mais écoutez, M. Bernier, moi, ma première question, c'était comment vous voyez votre collaboration avec... avec le nouveau commissaire, mais ce que j'entends, c'est... c'est excellent. Et même si vous allez plus loin, là, que ce qu'on avait proposé, qui est de le consulter puis de discuter avec lui dans les recommandations. Pouvez-vous élaborer un peu plus là-dessus?

M. Bernier (Reno) : Oui, tout à fait. Bien, nous, on pense que tout ce qu'on peut faire pour prévenir les décès au Québec, c'est une bonne chose, hein? Le bureau du coroner, il n'a pas le monopole de la prévention, hein, des décès. On travaille en équipe. Puis le commissaire au bien-être et aux droits des enfants va être un expert dans ce domaine-là. Donc, nous, la question de la collaboration, ce n'est même pas un enjeu. C'est certain qu'on va le faire. Puis, à titre d'exemple, on fait déjà des transmissions d'informations contenues dans les rapports à la Santé publique, notamment. On envoie également nos rapports à des chercheurs, à des organismes de prévention. Donc, pour nous, ce ne sera pas compliqué de rajouter le commissaire...

M. Bernier (Reno) : ...le commissaire aux droits... dans nos échanges.

En ce qui concerne les recommandations, c'est que nos coroners doivent élaborer des recommandations lorsqu'ils l'estiment indiqué. Puis on veut s'assurer que les recommandations soient réalistes puis applicables. Puis on a déjà des liens, notamment avec le ministère de la Santé, en santé mentale, on vient tout juste, là, d'établir un lien avec vous pour pouvoir vous consulter avant de sortir des recommandations publiquement, pour s'assurer qu'elles sont réalistes, puis on voudrait faire la même affaire quand ça concerne les droits des enfants. Il faut travailler en équipe.

M. Carmant : Excellent. Très, très bien. Juste dans le rapport de la commission, en fait, ils demandaient une veille de tous les décès. J'étais hésitant à le faire puisque je me demandais pourquoi on aurait besoin de transmettre au commissaire les décès d'enfants malades, par exemple, qui sont... qui ont une cause bien définie de leur décès. Vous, dans vos discussions avec la Santé publique, parce que je vois que, finalement, c'est 8 %, là, des décès qui sont relevés par le coroner, est-ce que... est-ce que, selon vous, vous verriez un avantage à faire le suivi de tous les décès au Québec pour ce commissaire-là?

M. Bernier (Reno) : Bien, nous, on... C'est sûr que la juridiction au Bureau du coroner, c'est les décès qui sont signalés au Bureau du coroner. Par contre, on a des liens avec la Santé publique, avec toute l'équipe du ministère de la Santé pour le registre des événements démographiques qui couvrent tous les décès. Quand... Dans notre comité d'examen des décès, là, on s'associe à des gens du ministère de la Santé pour ne pas être limités juste... justement, ne pas être limités juste aux rapports des coroners. Donc, je pense que, via des mécanismes comme celui-là, on est capables d'avoir une vue d'ensemble plus large que seulement les cas de décès signalés au coroner. Donc, je ne vois pas un enjeu, tout dépendant vers où... jusqu'où va vouloir aller le commissaire, là. Ça va être possible de le faire avec les moyens qu'on a déjà.

M. Carmant : O.K., je ne connaissais pas ce registre. Et donc, là, tous les décès sont inclus.

M. Bernier (Reno) : Oui.

M. Carmant : Une des choses qui nous ont été soulevées par les ex-placés de la DPJ, c'était une... Comment on pourrait identifier les phénomènes, les phénomènes... les décès chez les personnes qui sont plus en état de vulnérabilité? Est-ce que, dans vos rapports, il y a des indicateurs qui vont nous permettre d'identifier population vulnérable, que ce soit situation de handicap, situation de pauvreté? Est-ce que vous avez... Que pouvez-vous nous dire là-dessus, là, sur les marqueurs de vulnérabilité dans les cas de décès?

M. Bernier (Reno) : Oui. Bien, c'est sûr qu'on pourrait rajouter des cotes lorsqu'on fait la... lorsqu'on dresse les rapports puis que nos coroners investiguent. Je vous laisserais peut-être la... en complémentaire, peut-être un de mes collègues, là, qui connaît davantage, là, l'ensemble des critères que nous utilisons, peut-être M. Perron, là, qui pourrait vous donner plus de détails là-dessus, parce qu'on a déjà certains indicateurs et on peut toujours en ajouter. Alors, M. Perron, si vous voulez compléter.

M. Perron (Paul-André) : Oui, M. le ministre, ce qui figure dans le rapport de coroner va être gouverné par la notion de pertinence par rapport aux causes et circonstances du décès. Comme par exemple, imaginons deux cas différents, on pourrait avoir par exemple quelqu'un qui est en vulnérabilité puis qui est suivi par la DPJ, mais la petite famille se promène sur le trottoir puis est fauchée par un chauffard ivre qui tue le parent et ses enfants. Alors, le fait que l'enfant est suivi par la DPJ ne sera probablement pas nommé dans le rapport du coroner parce que ça pourrait être très stigmatisant et ça n'a pas de lien avec le décès. Donc, c'est une source. On peut trouver beaucoup de choses à partir du moment où c'est en lien avec le décès, mais ce ne sera pas un portrait intégral de toute la condition socioéconomique puis toutes les facettes de la vulnérabilité possible, imaginable d'une personne décédée, mais c'est déjà quand même un bon commencement.

M. Carmant : O.K. Et avez-vous une base de données avec ces indicateurs-là? Comment vous fonctionnez exactement?

M. Perron (Paul-André) : Dans notre banque de données, on a plus des notions de base, comme, on a l'âge, le sexe, on a la cause de décès codifié selon les règles de la Classification internationale des maladies, mais on n'a pas d'indicateur vraiment de la trajectoire, là... par exemple, la trajectoire sociojudiciaire ou les éléments de vulnérabilité, comme par exemple le handicap physique ou des choses comme ça, ça, on ne l'a pas. C'est sûr qu'on a le code postal, qui permet d'avoir des données écologiques sur l'indice de défavorisation. Mais ça, c'est une donnée écologique, ce n'est pas associé à l'individu, c'est associé au milieu où il réside. On peut faire quand même un petit peu de choses avec ça, mais c'est...

• (11 h 50) •

Ce qu'il faut savoir aussi, c'est que, dans notre loi, il y a un régime d'accès particulier qui permet de consulter les fins de recherche, les archives du coroner. Ça, ça veut dire tous les documents afférents qui ont été réunis par le coroner à l'occasion de son investigation, rapport de police, dossier médical, rapport d'autopsie, et ainsi de suite. Évidemment, ce sont les dossiers confidentiels, mais la confidentialité...

M. Perron (Paul-André) : ...peut être relevé par le coroner en chef à des fins de recherche. Si on veut fouiller pour aller chercher des détails plus spécifiques, bien, il faut garder à l'esprit que le rapport du coroner est un document public, donc le coroner, il va faire attention à ce qu'il écrit dans son rapport parce que tout le monde peut le lire. On retrouve beaucoup plus dans l'ensemble du dossier que dans le rapport d'investigation en lui-même.

M. Carmant : Tout à fait. Et c'est tout à fait approprié. Quelle ouverture y aurait-il pour avoir... parce qu'on ne veut pas non plus... quelle ouverture y aurait-il pour ajouter des... certains de ces indicateurs, que l'on veut, que peut-être le commissaire va juger pertinents?

M. Bernier (Reno) : Bien, nous, on pense que, dans le fond, comme on l'a dit, on est prêts à collaborer. Et puis on est habitués à faire ça. Puis on serait très ouverts de s'asseoir avec le commissaire, lorsqu'il va être nommé, puis de regarder avec lui s'il y a des éléments complémentaires qui auraient... qui pourraient avoir un intérêt, qu'on puisse mettre dans nos systèmes pour le futur, là, dans le fond. Oui, on est ouverts à ça. Mais c'est plus sur le terrain, je pense, que ça va... ça va devoir être précisé, rendu là, avec le commissaire.

M. Carmant : Tout à fait d'accord. Un autre point aussi. Dans le document, c'était que, justement, parmi les situations où il y avait enquête, c'était dans les décès en lien avec les centres jeunesse. Mais vous dites que cette information-là n'est en général pas partagée?

M. Bernier (Reno) : M. Perron?

M. Perron (Paul-André) : Les décès en centre jeunesse, c'est rarissime, il y en a entre zéro et deux par année. Ça n'a pas toujours été le cas. On a beaucoup avancé au Québec, parce qu'autrefois, il y a 20, 30 ans, beaucoup de suicides de jeunes adolescents, en fait, étaient des suicides en centre jeunesse. Mais c'est un phénomène qui a presque disparu. Donc, des décès en centre jeunesse rapportés au coroner, c'est souvent zéro, des fois un ou deux, mais c'est vraiment très, très rare, là. Mais habituellement, on peut les identifier parce que le coroner va... souvent, va mentionner ça, parce que, la plupart du temps, ça va avoir un lien avec le... les causes et circonstances du décès.

M. Bernier (Reno) : Évidemment, on est capables de les identifier, donc le commissaire pourrait savoir lesquels ont eu lieu, dans quel... en quel endroit, dans quel contexte. On est capables de le faire, ça. Mais il n'y en a pas beaucoup.

M. Carmant : O.K. Bien, parlez-moi de cette diminution, au fil des ans, des suicides en centre jeunesse. Ça m'intéresse. Il faudrait qu'on étudie quelles interventions ont été faites, là.

M. Bernier (Reno) : M. Perron?

M. Perron (Paul-André) : Bien, je pense que ça s'inscrit dans la baisse générale du taux de suicide au Québec, hein? Depuis une trentaine d'années, le taux de suicide à Québec a beaucoup baissé. On a fait beaucoup de... la prévention a donné beaucoup de résultats. Et la tranche d'âge chez laquelle le suicide a le plus baissé, c'est dans les tranches d'âge les plus jeunes, hein? Dans les années 90, le suicide chez les jeunes au Québec était très, très élevé, puis maintenant, c'est la tranche d'âge où le suicide le plus bas parmi toutes les autres. Alors, je pense que ça s'inscrit là-dedans.

Et il faut dire aussi que les suicides dans les centres jeunesse ont fait l'objet d'investigations, de beaucoup de recommandations, dans le passé, et que j'imagine que des efforts de prévention particuliers ont été portés. Mais là, je ne pourrais pas vous donner de détails, parce que je n'ai pas... je n'ai pas à l'esprit, là, tous ces rapports-là. Mais ça s'inscrit en général dans le... dans les tendances macroscopiques de baisse du taux de suicide au Québec.

M. Carmant : D'accord. Merci. Je vais faire sortir l'information. Peut-être quelques mots sur... au niveau du volet autochtone. Est-ce qu'il y aurait des particularités pour lesquelles vous aurez tendance à nous... à faire des suggestions quant au suivi ou les... surtout évidemment chez nos jeunes autochtones? Je sais que c'est... je sais que, par exemple, le suicide est un enjeu, et puis, comme vous le savez, le taux excessif, là, de signalements à la protection de la jeunesse aussi.

M. Bernier (Reno) : Bien, je vais... je vais vous donner une première partie de la réponse, puis ensuite, si vous me le permettez, Me Géhane Kamel, qui s'occupe du comité autochtone, pourrait compléter.

D'abord, nous, là, on est très favorables au fait qu'il y ait une... qu'il y ait une commissaire ou un commissaire adjoint, là, qui soit dédié aux affaires autochtones. Nous, on va collaborer avec lui, peu importe la forme que ça va prendre, puis on va lui... on pourra lui partager les travaux qui ont été faits par le Comité d'examen des décès autochtones, justement. Et puis, pour vous en dire davantage, là, sur ces travaux-là, je passerais la parole à ma collègue Me Kamel.

Mme Kamel (Géhane) : Bonjour, M. le ministre.

M. Carmant : Bonjour.

Mme Kamel (Géhane) : En fait, en ce qui concerne les décès chez les communautés autochtones, notre préoccupation actuellement est davantage de s'assurer que les relations que nous avons avec eux... ils se sentent interpelés pour prendre les orientations dans le futur. Ça fait qu'on n'a pas posé de diagnostic comme tel. On sait que dans le Grand Nord, quand on a fait notre tournée, on est allés deux années de suite, là, le bureau du coroner, on s'est déplacés, on le sait qu'il y a un taux accru, chez les Inuits, de suicide. On ne s'est pas concentrés là-dessus.

En fait, notre approche a été différente. C'est-à-dire qu'on a plutôt amené le bureau à établir des ponts avec eux, en ne trouvant pas de solution préétablie. Ce qui est important pour nous...

Mme Kamel (Géhane) : ...c'est d'avoir des agents de liaison. C'est ce qu'on essaie de faire avec les communautés inuites et ainsi que les 11 nations au Québec, d'établir des agents de liaison pour lesquelles ils nous permettront d'entrer tranquillement vers des communautés pour établir des solutions qui soient durables avec. C'est plus dans cet esprit-là que d'avoir un portrait bien fixe sur le taux de mortalité chez les autochtones.

M. Carmant : C'est ça. Peut être un petit moment juste pour parler comment ça se passe avec les agents de liaison. Parce que, justement, nous, on essaie de voir comment on va établir un beau partenariat avec le commissaire des Premières Nations. Vous, votre expérience avec les agents de liaison, brièvement?

Mme Kamel (Géhane) : Très brièvement, ça dépend de l'implication de la personne elle-même. On a eu un très beau succès du côté de Kuujjuaq. Malheureusement, la personne s'est retirée parce qu'évidemment les décès qui étaient rapportés... des gens se connaissent dans la région. Ça fait qu'il nous faut établir une personne qui arrive à prendre une certaine distance pour être capable de faire le suivi. Et je vous donnerais un autre exemple de très belle réussite, c'est à Manawan, on a un agent de liaison qui peut faire le pont entre nous et les familles quand on n'arrive pas les rejoindre. Puis ça, pour nous, c'est un grand succès.

M. Carmant : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Blouin) : Merci Beaucoup. Merci, M. le ministre. Alors, je cède maintenant la parole à la députée de Robert-Baldwin.

Mme Garceau : Merci. Merci beaucoup d'être là. Très, très intéressant. Et vous jouez un rôle tellement important en termes de notre société et vos interventions, surtout auprès des familles suite à un décès d'un enfant.

J'aimerais réviser avec vous tous cet aspect de vos recommandations et le suivi que vous faites au niveau des recommandations. Je trouve très intéressant ce que vous dites concernant que vous formulez des recommandations qui conduisent à des changements sociaux significatifs. Ça, c'est quand même très important. Et surtout concernant le groupe trois, dans votre rapport, concernant les décès liés à la violence conjugale et aussi les décès en contexte de... en violence sexuelle et aussi lié... s'il y a eu des décès, centres jeunesse, familles d'accueil. Et, évidemment, ça, ça nous touche tous.

Je voulais comprendre un peu le suivi. Je sais qu'en particulier... parce que je suis aussi porte-parole à la condition féminine, donc vous allez me permettre un peu le rapport du coroner du mois de novembre 2022, parce que je l'ai trouvé... Malheureusement, évidemment, il y a eu 16 décès, mais c'est la façon... votre méthode d'étude d'avoir révisé chaque cas avec une prise. Vous aviez révisé aussi les interventions avant le décès. Il y avait eu quand même une enquête, une révision, s'il y avait eu un signalement à la DPJ, s'il y avait eu une plainte à la police, s'il y avait eu une intervention de quelque nature que ce soit des services sociaux avec la famille, si les gens étaient en séparation, divorce et s'il y avait de la violence, et tout. Et vous avez fait plusieurs recommandations. Je pense qu'il y en avait 25, recommandations, incluant une recommandation que je voyais extrêmement importante compte tenu du contexte. Et ça, c'était la formation, la formation de tous les professionnels liés, liés à la jeunesse, les juges, les intervenants, les intervenantes en protection de la jeunesse, et je voulais savoir... incluant le contrôle coercitif. Donc, je voulais savoir, de votre côté, qu'est-ce qui se passe après le dépôt de rapport. Premièrement, ce rapport-là, il a été remis dans les mains de qui et le suivi qui a été fait par la suite?

• (12 heures) •

M. Bernier (Reno) : Parfait. Bien, merci pour la question. C'est vraiment... vous avez raison que les recommandations, c'est très important pour nous autres. Je vous dirais que c'est une des parties les plus importantes du travail du coroner parce que ça permet d'éclairer les décideurs puis d'améliorer les choses puis de changer les choses pour le mieux en termes de prévention. Donc, on fait plusieurs recommandations à chaque année, là. Il y en a qui sont dans les rapports des investigations des coroners puis il y en a aussi suite à des enquêtes publiques ou suite à des comités d'examen. Je vais passer la parole, dans quelques instants, à Me Stéphanie Gamache, là, qui coordonne, justement, le Comité d'examen des décès liés à la violence conjugale, là, qui va pouvoir vous en parler. Puis...


 
 

12 h (version non révisée)

M. Bernier (Reno) : ...nos recommandations, bien, nous, une fois qu'elles sont émises, bien, on les communique au destinataire concerné. Donc, il y a une communication officielle, là, du Bureau de coroner, c'est moi qui signe la lettre, là, dans le fond, qui est envoyée au destinataire. Puis on s'attend que le destinataire vont revenir pour... lorsqu'il aura fini son analyse, là, parce que, parfois, c'est des grands changements, donc ça nécessite un certain temps avant que le destinataire puisse nous revenir. Puis, ensuite, bien, on va faire des relances puis on va suivre ça de façon assez serrée, là, dans les mois, les années suivantes.

Et puis, au niveau des recommandations, il y en a beaucoup, là, on en a parlé tout à l'heure, rapidement, mais, tu sais, toutes les clôtures autour des piscines, les programmes de formation pour la natation, et puis il y a, justement, on en parlait, là, tantôt, là, ce comité d'examen des décès liés à la violence conjugale, là. Il y a deux ans, là, on avait... le comité avait comparu lors d'un projet de loi qui concernait la loi sur la jeunesse puis il avait recommandé que les enfants qui sont... qui font partie d'un contexte où il y a de la violence conjugale, ce soit un cas de dénonciation puis de signalement à la protection de la jeunesse. Ça, ça découle, là, de recommandations des coroners, puis ça, ça a été accepté puis ça a été mis en place. Donc, je laisserais peut-être la parole à ma collègue, Stéphanie Gamache, pour vous en dire un petit peu plus sur les recommandations qui découlent du comité en question.

Mme Gamache (Stéphanie) : Oui, bonjour. Merci, Me Bernier. Bonjour, Mme la Présidente, Mme la députée, M. le ministre et tous les autres députés. Effectivement, en fait, notre comité a vu le jour, là, à la fin de décembre 2017. Vous avez spécifiquement fait référence au deuxième rapport annuel de ce comité, qui s'est concentré sur 11 événements dans lesquels, malheureusement, il y a eu 16 décès d'enfants. L'approche, en fait, qui a été prise par le comité est vraiment d'avoir regardé des événements contemporains, initialement, là, dans les premiers... dans le premier cycle des travaux du comité. Et puis, parce qu'il y avait eu une représentation des décès d'enfants, on a choisi, dans le deuxième cycle des travaux, de vraiment se concentrer sur des événements où des enfants sont décédés.

On a développé une grille d'analyse, en fait, qui est à la base de tous les travaux du comité, parce que c'est important de comprendre que ce comité-là, en fait, ne refait pas les investigations des coroners, donc travaille à partir de dossiers de coroners qui sont déjà terminés. Donc, c'est le rapport et évidemment les annexes qui sont regardés. Tous les membres sont tenus à une entente de confidentialité, mais, en utilisant la grille d'analyse, il y a plusieurs éléments, des facteurs de risque qui sont identifiés. Et donc c'est sur la base de ces informations-là que les 25 recommandations ont été formulées dans le cadre du deuxième rapport annuel. Le prochain rapport annuel va avoir une section spécifique en lien avec le suivi de ces recommandations-là. Il y a eu un accueil très favorable aux destinataires, qui ont reçu, tous, le rapport au moment de sa diffusion. Et donc, comme je vous disais, les réponses sont favorables pour, justement, la protection des enfants et s'assurer de prévenir des décès dans un contexte de violence conjugale.

Puis je pourrais juste, peut-être, rajouter que c'est effectivement la formation auprès des intervenants, des professionnels, des gens de la magistrature, des avocats qui sont impliqués dans les dossiers d'enfants qui sont exposés à la violence conjugale... bien, la formation, c'est central et ça faisait partie, effectivement, de plusieurs des recommandations qu'on a faites.

Mme Garceau : Oui, et c'est juste que j'ai trouvé l'analyse tellement révélatrice et aussi pertinente. Donc, je voulais savoir, en termes de destinataires, est-ce que vous avez... est-ce qu'une liste est disponible pour savoir quels destinataires ont reçu ce rapport? Est-ce que c'est public?

Mme Gamache (Stéphanie) : Bien, en fait, tous les destinataires sont nommés dans le rapport, donc tous les destinataires sont nommés, et donc tous les destinataires ont reçu le rapport. Et, comme je vous disais, il y a eu un suivi au niveau des réponses qui nous ont été fournies. Le coroner en chef parlait du suivi qui est effectué dans les rapports de coroners. Effectivement, notre entité, étant une entité administrative, n'est pas soumise aux dispositions de la loi, mais on fait un suivi rigoureux justement pour, à chaque année, faire état des réponses qui sont reçues. Puis comme je vous indiquais...

Mme Gamache (Stéphanie) : ...dans le prochain rapport annuel, là, qui va sortir cette année, il y aura un suivi de ces recommandations-là.

Mme Garceau : O.K., très bien. Et donc je présume, avec le commissaire du bien-être et des droits, il va y avoir cette collaboration, également, en tant que... la transmission de ces rapports au commissaire, pour que le commissaire ou la commissaire puisse faire un suivi également?

M. Bernier (Reno) : Oui. Puis, dans le fond, ce qu'on veut faire, là, c'est en amont et en aval. Dans le fond, on veut impliquer le commissaire. Donc, autour de la table, là, il pourrait y avoir un représentant du commissaire, parce qu'il pourrait amener une expertise complémentaire, puis, après ça, bien, dans le suivi des recommandations, c'est certain qu'on est... on est pas mal certains que le commissaire va avoir beaucoup d'intérêt à ce que ce suivi là soit fait auprès de toutes les parties prenantes. Donc, on va le mettre dans la boucle.

Mme Garceau : Merci. Juste une dernière question, parce qu'on a eu certaines interventions, surtout le collectif, hier, des ex-placés de la DPJ, qui avait quand même une préoccupation au niveau de l'itinérance, suicide, et dans le groupe, là, au-delà de 18 ans. Et donc, compte tenu de la définition des jeunes que nous avons au projet de loi actuellement, qui...

La Présidente (Mme Blouin) : Je suis désolée, c'est ce qui conclut cette portion de l'échange. On est serrés dans l'horaire, désolée. On va poursuivre avec le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre excellente présentation. Je vais vous poser une question spécifique sur l'article qui modifier l'article 99 sur la Loi du coroner. On voit que le Coroner en chef va transmettre une copie du rapport d'investigation. Ce rapport là, par contre, il ne contient pas, si je me permets, les éléments de preuve, là, comme un rapport médical, ou les témoignages d'enquête, ou... C'est vraiment le rapport final?

M. Bernier (Reno) : Bien, en fait, effectivement, c'est le rapport final, une fois que l'investigation est terminée, le rapport signé par le coroner qui a fait l'investigation. Par ailleurs, les annexes ne sont pas communiquées lors de cet envoi-là, mais il y a un régime d'accès, là, qui est encadré par la Loi sur les coroners, spécifiquement pour les annexes, puis il y a des cas législatifs, là, où les demandeurs peuvent y avoir accès ou pas, là, aux annexes. Puis vous avez nommé, là, rapport médical, etc.

M. Cliche-Rivard : Est ce que vous auriez... Auriez-vous une ouverture à ce qu'on élargisse un petit peu le 99 pour donner au commissaire plus qu'accès seulement au rapport d'investigation, mais, finalement, accès aux dossiers?

M. Bernier (Reno) : Je ne suis pas certain que ce serait nécessaire. Puis là les légistes pourront le regarder davantage, là, mais... Parce qu'on a déjà, dans notre loi, la possibilité de donner les annexes à des organismes publics qui en ont besoin pour faire leur mission, là.

M. Cliche-Rivard : Donc, vous dites : Ce ne serait pas nécessaire, parce qu'il y a un autre mécanisme qui le donne. Mais vous n'êtes pas fermés non plus... vous n'êtes pas fermés à cette proposition-là?

M. Bernier (Reno) : Non, on n'est pas fermés...

M. Cliche-Rivard : Parfait.

M. Bernier (Reno) : ...pour plus de précisions. Mais, honnêtement, je pense qu'on a le mécanisme, déjà, qui est nécessaire dans notre loi.

M. Cliche-Rivard : Puis dans les annexes dont vous mentionnez, c'est l'ensemble du dossier, c'est les rapports, c'est les documents, ou...

M. Bernier (Reno) : Bien, vous allez avoir, essentiellement... Tu sais, ça peut être... c'est tout dépendant de la situation. Mais tu as le dossier médical ou les extraits du dossier médical, tu as les rapports de police, rapport d'autopsie, rapport de toxicologie, etc.

M. Cliche-Rivard : Parfait.

M. Bernier (Reno) : Donc, c'est, essentiellement, des documents comme ceux-là.

M. Cliche-Rivard : Puis dans son rôle d'officier public, là, ce que je comprends, c'est que le commissaire aurait une capacité de faire cette demande-là au Coroner en chef, là?

M. Bernier (Reno) : Oui.

M. Cliche-Rivard : Parfait. Je vous ramène à l'autre article, 5, alinéa 7, où, là, justement, il y a des discussions. Le ministre parlait de la commissaire Laurent, qui parlait d'élargir, là, au-delà des simples décès ou des décès qui sont en lien avec le coroner. J'aimerais ça vous entendre sur la distinction, parce que là, le projet de loi parle d'une veille ou d'une vigie, là, j'oublie le terme exact, Ça, ce n'est pas la même chose qu'une investigation, finalement, là? C'est complètement différent du travail que vous faites?

M. Bernier (Reno) : Oui, bien, en fait, on a deux volets à notre travail. Le premier travail, c'est les investigations, hein, puis les enquêtes. Bien, ça, c'est concernant un individu X, là, très...puis là on fait une investigation. Quand on a terminé, on rédige un rapport, puis ce rapport-là est public. Donc, ça, c'est le volet d'investigation. Ça n'a pas rapport avec ce qui est envisagé pour le commissaire. Donc, nous, on comprend que ça ne touche pas à ça, ce qu'on veut faire faire au commissaire. Le commissaire, ce qu'on comprend, c'est l'autre bout, c'est la veille des rapports, une fois qu'ils sont terminés. Et là on tombe dans le volet, probablement, que nous, on peut dire, de la prévention des décès, et puis ça non plus, on ne voit pas d'enjeu à ce qu'il fasse une veille, le commissaire, là. Comme on l'a dit tout à l'heure, là, le Bureau du coroner, il n'a pas le monopole de la prévention. Le plus qu'on va avoir de gens qui vont travailler ensemble pour prévenir des décès, mieux ça va être.

• (12 h 10) •

M. Cliche-Rivard : Donc, d'élargir sa veille au-delà de ce qui concerne le coroner, ça peut être une bonne idée aussi?

La Présidente (Mme Blouin) : On a terminé, M. le député. Merci beaucoup, désolée. On enchaîne avec M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau : Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente...

M. Arseneau : ...pour votre présentation. Est-ce que vous voulez répondre à la question de mon collègue?

M. Bernier (Reno) : Oui, bien, c'est ça, c'est que ce qu'on disait tout à l'heure, là, dans une réponse à la question du ministre, sur quelque chose qui ressemblait à la même question, c'est qu'on est capables d'aller chercher les autres décès autrement, là, il y a le registre des événements démographiques qui existent, puis l'Institut de la statistique, le ministère de la Santé, qui ont aussi d'autres... d'autres informations que celles du coroner, ça fait qu'on comprend que le commissaire pourrait également y avoir accès. Ceci étant dit, nous, notre juridiction, c'est les décès, là, qui sont signalés au coroner.

M. Arseneau : D'accord. Mais justement, moi, ma question, là, qui est plus générale, est-ce qu'il est possible qu'on en échappe, des cas qui ne sont pas signalés ou qui ne vous sont pas rapportés? Est-ce qu'on a besoin d'une vigie?

On a laissé entendre dans certains mémoires, dans certaines présentations, qu'on n'avait peut-être pas le portrait complet, là. Je réfère par exemple à l'un des mémoires présentés par les ex-commissaires-experts de la commission qui nous disent qu'on connaît le nombre de décès totaux, là, pour 2022, 78 400, le chiffre que vous ramenez dans votre propre mémoire, mais on ne sait pas le nombre de décès d'enfants. Puis je regardais dans votre mémoire puis je ne le vois pas non plus. Je sais que vous avez investigué sur 170 décès. Est-ce que... est-ce qu'il nous manque de la donnée? Puis je sais que ce n'est pas nécessairement votre rôle, mais je... est-ce qu'on devrait travailler là-dessus?

M. Bernier (Reno) : Mais je vais... je vais vous dire, là, il y a beaucoup de données qui existent au Québec, il y en a déjà beaucoup, beaucoup, elle n'est peut-être pas optimisée puis elle n'est peut-être pas suffisamment utilisée, mais... Les détails, je vais laisser Paul-André, M. Perron, vous donner deux, trois informations plus précises, mais il y a déjà beaucoup de choses, là, qui existent.

M. Perron (Paul-André) : Oui, il y a environ, on va dire que c'est une approximation, là, environ entre 500 et 600 décès d'enfants par année au Québec. Chaque décès...

M. Arseneau : Oui, le chiffre, excusez-moi, c'est combien?

M. Perron (Paul-André) : C'est entre 500 et... entre 500 et 600. Je n'ai pas le chiffre... 500 et 600. Je n'ai pas le chiffre précis parce que les tableaux publiés par l'ISQ coupent à 19 ans, donc il y en a un peu plus que ce qui intéressera le commissaire, mais c'est un bon ordre de grandeur, là.

La plupart de ces décès-là, grosse partie, là, plus de la moitié, c'est des décès dans la première année de vie, c'est des décès, essentiellement, après l'accouchement, les morts naturelles, ou dans la période critique à la première année de vie.

Chaque décès au Québec fait l'objet d'un formulaire qui s'appelle SP3 qui indique les causes de décès, l'âge de la personne décédée, le sexe, son adresse, ainsi de suite, et c'est colligé dans le registre des événements démographiques.

La donnée, elle existe, il y a une petite... il y a des petites manoeuvres à faire pour y accéder, mais si on veut avoir un regard 365 sur tous les décès au Québec, la donnée, elle existe et des gens compétents pour les exploiter, il y en a beaucoup particulièrement à l'INSPQ, là, j'ai beaucoup de collègues, là, qui sont vraiment des experts là-dedans.

M. Arseneau : Parce qu'on avait évoqué que la donnée n'était pas... n'était pas connue, bon, là, vous nous donnez un ordre de grandeur, puis qu'on disait effectivement qu'entre zéro et un an, c'était très clair, mais après ça que c'était... ça l'était un peu moins. Mais en fait je ramène l'idée qu'on nous disait qu'il y a peut-être des phénomènes qui nous échappent sur la consommation de médicaments, et ainsi de suite. Est-ce que votre sentiment, c'est qu'on... c'est qu'il est possible d'aller plus loin puis d'avoir une meilleure compréhension des décès chez les jeunes?

M. Bernier (Reno) : Bien, c'est toujours... c'est toujours possible, là, de forer davantage. Évidemment, plus qu'on va recueillir de l'information, plus on va pouvoir préciser. Puis c'est... il ne faut pas se le cacher, il y a des cas qui nous... qui échappent, là, qui ne sont pas nécessairement portés à l'attention, signalés au coroner ou bien qui ne sont pas nécessairement suffisamment documentés, oui, c'est possible, mais... mais il faut d'abord utiliser au maximum ce qu'on a déjà comme info.

M. Arseneau : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Blouin) : Je dois mettre fin malgré toute la pertinence du propos. Un immense merci à vous pour votre contribution aux travaux de cette commission.

Alors, je suspends quelques instants, le temps de permettre à nos prochains invités de s'installer.

(Suspension de la séance à 12 h 14)

(Reprise à 12 h 15 )

La Présidente (Mme Blouin) : Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentantes du Regroupement des Auberges du cœur du Québec. Alors, je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, après quoi suivra une séance de discussion avec les membres de la commission. Alors, je vous invite tout de suite à vous présenter et à débuter votre exposé.

Mme Dalphond (Paule) : Parfait, merci. Je suis directrice générale du Regroupement des Auberges du cœur du Québec. Je suis accompagné de ma collègue Grace Tabaka, qui est directrice à la Défense des droits des jeunes au Regroupement des auberges du cœur.

Alors, le Regroupement des Auberges du coeur, vous savez, c'est 32 membres, 32 auberges du cœur, mais je dirais 34 maisons, quand même, on a deux membres qui possèdent deux de lieux d'hébergement. C'est un service qui existe depuis 1987, le Regroupement, mais les maisons ont plus de 40 ans, certaines. C'est un service 24 heures par jour, sept jours par semaine, plus 3 500 jeunes par année qui gravitent autour des auberges, soit en hébergement ou au niveau du post-hébergement. C'est quand même 193 places en appartements supervisés et 379 places en hébergement.

Le mandat du regroupement des Auberges, bien sûr, est de regrouper ses membres et d'être là pour les appuyer, défendre l'existence et l'autonomie des ressources communautaires d'hébergement pour les jeunes. Ensuite, le Regroupement agit aussi comme porte-parole auprès des jeunes en situation d'itinérance ou de vulnérabilité auprès des instances politiques, administratives. Un autre aspect central de notre mission, c'est de favoriser les échanges entre les maisons d'hébergement jeunesse, partenaires de la communauté, de chacune des auberges du cœur. Mais aussi, au-delà des membres des auberges, car il y a 48 ressources d'hébergement communautaire jeunesse, et on est aussi un lien pour les autres qui ne sont pas membres du regroupement. On a à cœur de promouvoir, bien sûr, le développement des ressources additionnelles du même type.

Vous comprendrez qu'on a une clientèle qui s'adresse de 12 à 35 ans. Donc, on a des auberges qui hébergent des jeunes mineurs de 12 à 17 ans. On a des membres qui hébergent des jeunes mineurs majeurs avec un maximum de tranche d'âge de sept ans entre les deux, parce qu'on ne voulait pas avoir des jeunes de 16 ans en contact avec des jeunes de 28-29 ans. On trouvait que c'est un peu non approprié. Donc dans nos critères d'adhésion, c'est le maximum, c'est sept ans de tranche d'âge. La majorité, c'est du 16-23 ans. On a des auberges qui hébergent des jeunes majeurs du 18-30 ou du 18-25 ans. C'est à peu près le tiers des membres, là, répartis sur les 32 auberges. Alors, je vais inviter ma collègue à vous parler plus précisément du projet de loi 37 et de nos interrogations. Et voilà!

Mme Tabaka (Grace) : Parfait. Donc, bonjour à vous. Notre mémoire porte particulièrement sur certaines responsabilités du commissaire dans le cadre de ses fonctions, notamment sa responsabilité de mettre en place des moyens pour recueillir les préoccupations et les opinions des enfants, entre autres à ce qui a trait aux enjeux de la société.

Tout d'abord, nous soutenons fortement l'idée de reconnaître la voix des enfants. C'est d'ailleurs le battement du cœur du Regroupement des Auberges du cœur. Nous souhaitons et nous prônons que les besoins des jeunes enfants et adultes soient entendus et pris en compte. Cependant, nous sommes préoccupés par la mise en œuvre de cette démarche. Il est important de garantir la représentativité des enfants de tous les milieux pour que cette démarche soit véritablement inclusive et de ne pas en échapper certains.

• (12 h 20) •

Notre deuxième préoccupation se porte sur la fonction... la responsabilité du commissaire qui est de soutenir les enfants dans l'exercice de leurs droits en les dirigeant vers des ressources appropriées et en les accompagnant, lorsque nécessaire, dans les démarches. C'est d'un regard admiratif que cette responsabilité soit... figure dans les fonctions du commissaire. Mais l'inquiétude repose sur la capacité du commissaire à avoir une large connaissance des ressources disponibles et surtout la portée de son pouvoir dans le processus de redirection, étant donné les difficultés d'accès aux services. Donc, nous pensons que l'effectivité de cette responsabilité repose sur une collaboration étroite entre les acteurs... avec les acteurs et actrices du secteur jeunesse et une réelle reconnaissance de leur expertise pour s'assurer une adéquation entre les ressources suggérées et les besoins réels des jeunes enfants et adultes...

Mme Tabaka (Grace) : ...enfin recevoir les jeunes qui échappent au filet social est le rythme cardiaque des auberges du cœur. Donc, le projet de loi, il s'intitule Loi sur le commissaire au bien être et aux droits des enfants. Nous comprenons que l'esprit derrière la loi se porte sur les enfants. Mais il y a une fenêtre qui est une fenêtre ouverte dans l'alinéa neuf qui permet aux commissaires de prendre en charge aussi ou de soutenir aussi des jeunes adultes, soit des personnes âgées d'au moins de 18 ans ou de plus de 25 ans, qui ont déjà été prises en charge par le Directeur de la protection de la jeunesse ou qui ont déjà fait l'objet d'une mesure de garde ou surveillance en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents.

À ce stade, au-delà d'une inquiétude, c'est plutôt une crainte que nous exprimons face à cette définition restrictive du jeune adulte parce que la réalité qu'il y a des jeunes qui auraient dû être pris en charge par la DPJ, par le... justement, le système de la protection de la jeunesse, mais qui ne l'ont pas été tout simplement parce qu'il n'y a pas eu de signalement, peut-être, ou il y a eu une erreur de jugement au moment de l'évaluation, mais dans tous les cas, ces jeunes ont les mêmes besoins et vivent la même réalité que les autres jeunes. Donc, nous pensons réellement que ces jeunes ont tout aussi besoin d'être sous la responsabilité du commissaire et d'être soutenus. C'est un peu ça le point de notre mémoire.

La Présidente (Mme Blouin) : Merci beaucoup à tous les deux. Alors, on va débuter la période d'échange avec M. le ministre.

M. Carmant : Super. Merci beaucoup Mme Dalphond d'être... de vous êtes déplacé, Mme Tabaka aussi. Très heureux de vous voir. Moi, j'aimerais savoir comment ça se passe, ce que vous faites, Mme Tabaka, parce que moi, je pense à L'Entre-Temps, là où je suis, là, à la maison... l'Auberge du cœur près de... dans mon comté. Je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui jouait votre rôle, là. Donc, qu'est-ce que vous faites exactement? Je trouve que c'est tellement une bonne idée, là.

Mme Tabaka (Grace) : Bien, merci. Justement, mon rôle, c'est de faire ce pont entre les besoins des jeunes et les personnes qui doivent prendre des décisions. Donc, je reporte les besoins des jeunes en les faisant valoir à travers des mémoires ou en observant un peu les projets de loi pour voir quelles sont les décisions qui sont prises, quelles sont les politiques qui sont prises et surtout quel est l'impact sur la réalité des jeunes. Donc, mon travail, c'est de veiller à ce que les besoins des jeunes soient pris en compte par les politiques et que les politiques puissent être écrites en faveur des jeunes, notamment les jeunes des auberges, les jeunes en situation de vulnérabilité, mais dans certaines situations, tous les jeunes.

M. Carmant : Et faites-vous des tournées des auberges pour rencontrer les jeunes?

Mme Tabaka (Grace) : Effectivement, tournées des auberges pour rencontrer les jeunes et comprendre la réalité de ces jeunes-là en... Des fois, c'est des tournées physiques, des fois, ce sont des sondages, mais pour toutes les questions qui touchent les jeunes au quotidien, oui.

M. Carmant : Ah! Bravo! Bravo! Puis d'ailleurs... Bien, je pense qu'on a tous entendu, hier, avec les ex. On parlait initialement d'avoir un comité consultatif, mais on se rend compte que, si on veut avoir une représentation significative comme vous dites, là, de la population et de tous les jeunes, incluant les jeunes vulnérables, il va nous falloir des comités régionaux. Et puis eux pourraient envoyer un représentant national, là. Vous, est-ce que vous... vous organisez ce type de concertation? Vous nous avez parlé de la grande consultation de jeunesse. Qu'est-ce que... Qu'est-ce que c'est exactement?

Mme Dalphond (Paule) : Bien, la grande consultation jeunesse, là, c'est que c'est Interjeunes qui la porte. C'est donc les organismes communautaires jeunesse qui sont membres d'Interjeunes, qui invitent leurs jeunes à venir débattre, exprimer leurs opinions. Ça se fait toujours à Québec. C'est une fois par année. La prochaine est en avril. Il y a deux moments précis dont une est portée par la coalition Interjeunes, qui est la grande consultation jeunesse, mais il y a aussi la journée des jeunes des auberges du cœur qu'on va tenir en mars prochain, ici même aussi à Québec, qui est un moment privilégié pour nous. Parce que, tu sais, nous, au regroupement, on ne les côtoie pas, hein? On a l'écho des directions, des inters, mais des journées comme ça annuelles sont un moment privilégié pour nous de rencontrer les jeunes et de les entendre sur leur réalité. Alors, il y a deux événements par année, la journée des jeunes des Auberges du cœur et la GCJ, la Grande consultation jeunesse portée par la Coalition Interjeunes.

M. Carmant : Et ça, c'est des jeunes de toutes les régions du Québec?

Mme Dalphond (Paule) : De toutes les régions du Québec. Oui.

M. Carmant : Bien, je vais y aller cette année.

Mme Dalphond (Paule) : Bien, on va vous inviter, M. Carmant, aux deux événements.

M. Carmant : Bien oui, absolument. Bien oui.

Mme Dalphond (Paule) : Oui. Vous...

Mme Dalphond (Paule) : ...d'ailleurs...

M. Carmant : Absolument. Bien, oui. On a hâte de voir ça.

Mme Dalphond (Paule) : Bon, bien, alors c'est noté, nous vous inviterons tous.

M. Carmant : Super. Et comment vous jugeriez la représentation de nos populations les plus vulnérables dans ces... dans ces journées-là? Est-ce que... est-ce qu'ils ont la chance de... Ma question, c'est : Comment on va les chercher, tu sais...

Mme Dalphond (Paule) : Bien... Bien, c'est... c'est un enjeu très difficile d'aller chercher les jeunes effectivement en situation de vulnérabilité. Tu sais... on a fait des reportages journalistiques cette année avec les jeunes. Ils sont comme un peu craintifs. Ils ont l'impression qu'il ne faut pas qu'ils dévoilent leur vie, leur histoire. Ils sont toujours un peu craintifs, donc on doit vraiment créer un climat de confiance. Et souvent quand on réussit à faire ça... parce que le jeune, il est accompagné de son intervenant, puis il y a un lien de confiance avec l'intervenant. Alors, c'est plus l'intervenant qui va lui dire : Jusqu'où tu as envie d'aller? Puis on va t'accompagner dans ça. Et on a beaucoup de jeunes qui disent : Moi, je suis prêt à parler à un journaliste, mais je ne veux pas lui dire mon nom, je ne veux... je ne veux pas qu'il sache mon nom. Parce qu'ils ont tous le réflexe de dire... Même si le milieu familial a été hyper toxique, ils n'ont pas envie d'identifier le milieu familial, ça fait que c'est souvent un facteur de protection. Ça fait que pour être capable de consulter ces jeunes-là, on va avoir besoin de l'équipe d'intervention qui accompagne au «day to day» ces jeunes-là, si on veut être capable de les sensibiliser.

M. Carmant : O.K. Puis une fois que vous avez conclu ces journées-là, j'imagine qu'il y a un apport qui sort.

Mme Dalphond (Paule) : Oui. Ah oui!

M. Carmant : Qu'est-ce... qu'est-ce que... qu'est-ce qu'on fait avec? Qu'est-ce que notre gouvernement fait avec actuellement?

Mme Dalphond (Paule) : Bien, notre... notre rapport, il est... La grande consultation jeunesse, elle est financée par le Secrétariat à la jeunesse, et le rapport est remis au Secrétariat à la jeunesse, est remis... Maintenant, c'est M. Lacombe qui est notre ministre délégué. Mais avant, on envoyait aussi copie du rapport au premier ministre de la grande consultation jeunesse parce que c'est lui qui avait la prérogative du dossier jeunesse. Et c'est un peu la même chose, là, pour la Journée des jeunes. Il y a un rapport qui est remis au Secrétariat à la jeunesse. On en fait même une vidéo. Il y a des vox pop qui se fait, les jeunes sont sollicités, il y a des œuvres murales... collectives qui sont faites. Donc les jeunes laissent leur trace autant écrite que visuelle.

M. Carmant : Et avez-vous un suivi des recommandations? Comment... comment ça se passe jusqu'à présent?

Mme Dalphond (Paule) : C'est plus difficile.

M. Carmant : Puis qu'est-ce que... Comment... comment le commissaire pourrait améliorer ce processus-là?

Mme Dalphond (Paule) : C'est plus difficile au niveau des suivis de ces recommandations- là des jeunes. Peut-être que ça serait une place importante pour le commissaire d'assister à ces journées de consultation jeunesse, qu'il pourrait aussi entendre ce qui... ce qui en ressort. Mais cette place-là, elle est vraiment réservée aux jeunes. Les intervenants n'interviennent pas. Quand on invite des gens de l'externe, ils n'interviennent pas. C'est les jeunes, c'est la place aux jeunes.

M. Carmant : O.K. Vous allez me bâillonner quand je vais venir, c'est ça?

Mme Dalphond (Paule) : Oui. Mais on peut vous inviter à prendre parole et à les encourager ces jeunes-là. Mais après ça, quand on les consulte...

M. Carmant : Non, non, je blaguais. Ne vous inquiétez pas. Et vous, comment vous voyez votre relation avec le commissaire?

Mme Dalphond (Paule) : Bien, pour nous... On l'a dit, hein? C'est... On a souligné... Le commissaire, on est fiers qu'il y ait ce projet de loi là, mais on le rappelle... Tu sais, nous, le bémol, il est vraiment sur le concept du 18-25, qui... passé par le système de la protection de la jeunesse. Parce qu'on le dit : Il y a plein de jeunes que nous, on côtoie, qui ont passé dans les mailles du filet et qui auraient peut-être eu juste un signalement. Mais le signalement n'a pas donné suite, mais qui aurait eu lieu... place à un placement ou à... peu importe. Nous, ces jeunes-là, on les a, là, dans nos auberges, et souvent on se dit : Il y a quelque chose à quelque part qui manque, là. On est là, on a beau créer le filet social, mais jusqu'où on peut aller accompagner ces jeunes-là qui ont vécu, je pense, des traumatismes très grands mais qui n'ont pas passés par la protection de la jeunesse.

M. Carmant : Oui. Vous n'êtes pas la première qui nous le dit, puis je pense qu'on est tous d'accord qu'on va élargir à vulnérable, là... Il y en a qui nous ont proposé certaines listes, là, mais moi, je suis toujours hésitant à mettre des listes, parce qu'ensuite ça veut dire qu'il y a des gens qui sont refusés

Mme Dalphond (Paule) : Ça devient restrictif.

M. Carmant : C'est ça. Donc, je pense que le commissaire pourra prendre les décisions sur qui... qui est vulnérable. Mme la Présidente, je pense que je passerais la parole...

La Présidente (Mme Blouin) : Bien sûr.

M. Carmant : ...si vous me permettez.

La Présidente (Mme Blouin) : Mme la députée de Soulanges.

• (12 h 30) •

Mme Picard : Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous deux. Merci pour votre visite en commission parlementaire. Je ne sais pas si vous avez visionné les autres personnes... groupes qui sont venus ici en commission. Il y en a plusieurs qui nous ont parlé que certains jeunes...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

Mme Picard : ...ne connaissaient pas ou très peu leurs droits. Certains même... Certains même se disaient en quelque sorte avoir des lésions de droit. Est-ce que c'est quelque chose que vous avez remarqué dans vos auberges du cœur? Est-ce que c'est quelque chose que vous pouvez nous partager?

Mme Dalphond (Paule) : Quand ils arrivent, les jeunes, effectivement, connaissent très peu leurs droits. C'est un des mandats des membres des auberges d'informer les jeunes le plus possible sur leurs droits et aussi leurs responsabilités, mais c'est un mandat qu'on se donne, là, très, très fortement.

Et d'ailleurs, là, on a une application mobile qui s'appelle Des outils pour l'autonomie, qui va... la version 2.0 va sortir, et on a travaillé avec justement des organismes au niveau des droits des jeunes pour bonifier cette application mobile là. Elle n'est pas tout à fait sortie, le 2.0, mais c'est une superapplication mobile, et on l'a faite, cette année... elle est... d'abord été financée par le Secrétariat à la jeunesse, et on a continué avec le MSSS pour un financement de trois ans pour bonifier et élargir les volets que cette application-là pourrait faire, puis on va recontinuer, là, à bonifier cette application-là avec le Secrétariat à la jeunesse, mais c'est un outil.

Mais effectivement les jeunes connaissent très, très peu leurs droits quand ils arrivent chez nous, là, dans les auberges, et, en plus de connaître peu leurs droits, sont aussi très craintifs par rapport à toute cette machine-là qui est... au niveau de la justice, ils sont très très, très craintifs. Ça fait que, tu sais, il y a comme tout un apprentissage de désamorcer cette crainte-là puis de dire : Bien... Bien, tu as des droits, puis on va t'accompagner dans ce processus-là.

Mme Picard : Est-ce que cette application-là est disponible pour tous les jeunes ou seulement que les membres?

Mme Dalphond (Paule) : Bien sûr, pour tout le monde...

Mme Picard : O.K. Super.

Mme Dalphond (Paule) : ...pour tout le monde. Elle est disponible dans l'App Store et le Google Play. Vous pouvez tous la télécharger. Elle s'appelle Des outils pour l'autonomie, c'est OPA, et bientôt la version 2.0 va sortir, ça va vous inviter à télécharger la nouvelle version, puis il va y avoir bonification de cette application-là.

Mme Picard : Merci. Je vais la partager à tout le monde. Merci. Je n'ai pas d'autre question, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Blouin) : Parfait. Alors, on enchaîne avec M. le ministre.

M. Carmant : Oui, et je vais vous poser à vous parce qu'on a peut-être un peu de temps, mais c'est quoi, comment... est-ce que vous voyez un profil pour le commissaire? Est-ce qu'il y a un type de profil que vous privilégieriez?

Mme Dalphond (Paule) : Bien, c'est sûr et certain que je pense que le commissaire aura, en tout cas, à côtoyer autant, je pense, le milieu institutionnel, mais le milieu communautaire, puis je pense que c'est essentiel qu'il ait cette ouverture-là, parce que je le dis toujours, le communautaire est le filet social de ces jeunes-là. Tu sais, nous, les jeunes qu'on a dans les auberges, en grande partie, ont passé par les centres jeunesse, une très grande partie. Donc, on travaille à la prévention à l'itinérance, hein, ça fait qu'on est aussi peut-être un avant-centre jeunesse ou une porte de sortie à ne pas aller en centre jeunesse, quand on parle... avec les auberges mineurs, on travaille beaucoup à la prévention. Donc, le jeune qui va passer dans une auberge du cœur à 14, 15 ans va savoir qu'il y a un réseau, qu'il y a quelque chose à quelque part qui peut le soutenir, en tout cas, du moins, jusqu'à 30 ans. Beaucoup moins à risque d'itinérance. Puis, souvent, on va faire que le jeune ne passera pas dans les centres jeunesse. Il n'y aura pas de signalement, il n'y aura pas de placement, on va travailler plus avec la famille qu'avec le jeune, plus souvent qu'autrement, mais ça reste qu'on est en prévention. Mais, tu sais, des jeunes au niveau majeur, souvent, sont des jeunes qui sortent... Je n'aime pas ça, le dire, je trouve ça plate, là, mais le «bonne fête, bye», là, qui... les jeunes à la sortie des centres jeunesse, bien, ils arrivent chez nous, vont vivre une période un peu d'euphorie, là, de liberté, mais une fois qu'on n'a plus de sous pis que son chum est tanné de nous prêter son divan puis qu'il commence à faire froid, ils vont se retrouver dans une ressource d'hébergement communautaire jeunesse.

Et puis je pense que c'est essentiel que le commissaire ait cette vue d'ensemble là de dire, les organismes communautaires jeunesse, c'est le filet social de nos jeunes vulnérables, ils sont essentiels.

M. Carmant : J'aime beaucoup ce point-là, là, d'éviter les centres jeunesse. Est-ce que les écoles sont souvent en contact avec vous? Parce que...

Mme Dalphond (Paule) : Oui, oui, oui. Au niveau des auberges mineurs, la... les auberges vont faire de la prévention, vont contacter, vont aller dans les écoles, vont rencontrer les jeunes, beaucoup. Donc, ils sont... ils deviennent de plus, là, associés aux écoles. Vous avez un collègue, là, qui est un ancien directeur, là, M. Provençal, qui est un ancien directeur d'école, et M. Provençal faisait beaucoup le pont avec l'ADOberge, là, qui est Chaudière-Appalaches...

Mme Dalphond (Paule) : ...Saint-Georges de Beauce, faisait beaucoup le pont avec les familles en disant : Peut-être que l'auberge pourrait vous accompagner. Donc, oui, il y a beaucoup de travail qui se fait à l'intérieur des écoles.

M. Carmant : O.K. et parlez-moi un petit peu des jeunes qui sont dans vos centres. Est-ce que c'est très varié ou est-ce qu'il y a... vous avez de tout?

Mme Dalphond (Paule) : On assiste à un phénomène assez, je vous dirais... bon, la crise du logement, on n'y échappe pas, mais, présentement, on assiste à un phénomène où on a les jeunes avec des problématiques très lourdes en santé mentale, beaucoup, beaucoup, médicamentés, là, qui arrivent avec un Ziploc de pilules, puis ils n'ont plus d'identité, ils s'appellent... Jonathan puis je suis psycho-maniaco-dépressif, hein, c'est comme ça qu'ils se présentent. C'est triste, mais c'est comme ça qu'ils se présentent. Alors, ça, c'est un travail à désamorcer, mais on a aussi une autre clientèle qui commence à se pointer vers nos ressources, qui sont les jeunes étudiants, puis ils n'ont pas d'endroit pour se loger, beaucoup d'immigrants qui sont aux études, qui n'ont pas de famille, pas de tissu social au Québec, qui sont sans logement. Ça fait qu'on assiste un peu à ce phénomène-là à cause de la crise du logement. On a des jeunes qui travaillent, mais qui travaillent à 17 $ de l'heure, ils sont incapables de se loger. Avant, on pouvait penser à la colocation. Maintenant, ça n'existe plus, de la colocation, quand tu as des revenus de 16 et 17$ de l'heure, c'est impensable.

La Présidente (Mme Blouin) : Merci. Merci beaucoup. Merci, M. le ministre. On va poursuivre avec Mme la députée de Robert-Bladwin.

Mme Garceau : Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous deux d'être ici. Vous faites un travail tellement important auprès de nos jeunes. Et j'ai été vraiment interpellée par ce que vous disiez au niveau du manque d'accès aux services. Et, dans votre rapport, je vais y retourner, mais j'aimerais, premièrement, parce que vous avez mentionné que peut-être il y en a, des jeunes que la protection de la jeunesse a manqué... Pouvez-vous peut-être élaborer là-dessus, s'il vous plaît? Dans quel sens?

Mme Dalphond (Paule) : Il y a plein de jeunes qui sont chez nous, qu'il y a eu un signalement à la DPJ, mais le signalement n'a pas donné suite, n'a pas eu écho, bon. On le sait, ils sont à peu près, comme tout le monde, un peu débordés. Donc, ces jeunes-là, qui... La réalité qu'on vit souvent dans les auberges, c'est qu'un jeune de 14, 15, 16 ans n'est pas la priorité, ce n'est pas le premier dossier. La protection de la jeunesse va peut-être prioriser les plus jeunes, mais les jeunes, à 14, 15 ans ne sont pas priorisés, malheureusement, et, souvent, ils vont passer dans les mailles du filet. Et c'est une période qui est très difficile, l'adolescence, le début d'une certaine maturité, il y a révolte, il y a beaucoup de conflits familiaux qui éclatent, à 13, 14, 15 ans, et l'école va faire un signalement, mais ça n'aboutit pas, il n'y a pas... Ça fait que le jeune va se retrouver à la rue à 16 ans, souvent, le parent va le mettre carrément dehors, et il va se retrouver dans les auberges du cœur, temporairement, parce qu'un jeune mineur, bien sûr, il y a la loi, toute la loi de la protection de la jeunesse, hein, on ne peut pas l'héberger jusqu'à un an. Donc, c'est des courts séjours. On va travailler avec la famille, un retour à la famille, il va pouvoir revenir, bref, c'est un travail qui est assez difficile. Mais, souvent, ces signalements-là, puis il n'y a pas de suite.

Mme Garceau : Oui, puis c'est quand même assez préoccupant, là, parce qu'on parle... on ne parle pas des 30 et 35, on parle des 13 14, 15 ans.

Mme Dalphond (Paule) : Quatorze, 15, 16 ans, oui.

Mme Garceau : Et donc, de votre côté, est-ce qu'il y a des interventions avec la protection de la jeunesse?

Mme Dalphond (Paule) : Oui, il y a souvent... il peut arriver qu'il y ait des signalements, il peut arriver qu'on fasse des signalements, il peut arriver qu'on fasse pression.

Mme Garceau : Puis qu'est-ce qui se passe?

Mme Dalphond (Paule) : On n'a plus de pouvoir, rendu là. On n'a plus de pouvoir, rendu là.

Mme Garceau : O.K. Donc, ça, juste en soi, là, très préoccupant. J'espère que, M. le ministre, vous le prenez en note. Et je voulais juste... parce que, lorsque vous parlez, dans votre rapport, concernant des trous dans le système, c'est ça, ça fait partie de ça?

Mme Dalphond (Paule) : Exact. C'est ces jeunes-là qui sont échappés.

Mme Garceau : Échappés par...

• (12 h 40) •

Mme Dalphond (Paule) : Échappés par le système. Échappés par le système. Il y a même des jeunes qu'il n'y aura pas eu de signalement parce qu'il y a une... je dirais, une certaine façade de la famille...

Mme Dalphond (Paule) : ...mais qui vivent peut-être du harcèlement psychologique énorme à la maison, mais il n'y aura pas eu de signalement jamais. Ça ne paraît pas beaucoup. Le jeune, à l'école, fonctionne borderline, mais il fonctionne. Il est toujours un peu à la limite. Et ce jeune-là, souvent, vers 17 ans, va... lui-même va décider de quitter la maison. Et rendu à 17 ans, avec la... même s'il serait encore sous la loi de la protection de la jeunesse, bien, il va... il va... il va avoir... il va développer une certaine autonomie. On va travailler avec le jeune pour qu'il puisse avoir... se dégager de l'autorité parentale pour qu'il puisse rentrer, je dirais, dans le monde adulte, même avant son âge de 18 ans, pour justement ne pas à le retourner dans ce milieu familial là.

Mme Garceau : Parlez-moi un peu en termes des difficultés d'accès aux services, on parle de quoi?

Mme Dalphond (Paule) : Écoutez, un jeune qui a besoin d'un psychiatre, de... Tu sais, on a beau avoir... Le projet des aires ouvertes, c'est beau, mais le besoin qu'on décrit depuis tant d'années, c'est des soins au niveau psychologique pour les jeunes. Ce n'est pas une infirmière, ce n'est pas un médecin, c'est au niveau psychologique. Et ça, c'est de plus en plus difficile à obtenir. Et souvent, quand on fait une démarche avec un jeune, puis je prendrais une jeune fille, mais jeune fille qui aurait... qui ferait dénonciation, on va travailler avec un CALACS. Mais même un CALACS, le jeune, il est sur une liste d'attente. Quand on reçoit le téléphone, souvent, le jeune, il va faire : «By the way», ça ne me tente plus de lui raconter, ça ne me tente plus, je ne suis plus... Mais au moment où il nous en a parlé, il était prêt à faire cette démarche-là. Mais le délai d'attente, bien, c'est la même chose pour les services en psychologie, en psychiatrie, au moment où il est prêt, c'est là qu'on aurait besoin du service. Et, si on a un retour d'appel trois mois, quatre mois, cinq mois, six mois plus tard, ou bien on a perdu le jeune, ou bien on le contacte puis on lui dit : écoute, on a eu un appel, il y aurait une place pour toi : Aïe, ça ne me tente plus de le raconter, là je pense, j'essaie de faire un ménage, là, puis je vais le mettre en arrière.

Mme Garceau : On parle, je présume, de jeunes victimes, victimes de violence, d'agression sexuelle?

Mme Dalphond (Paule) : Et des problématiques en santé mentale lourdes.

Mme Garceau : oui.

Mme Dalphond (Paule) : Comme je vous disais, ils arrivent avec Ziploc de pilules. C'est... c'est... c'est énorme. C'est terrible.

Mme Garceau : Vous avez mentionné la définition des jeunes, elle est restrictive. Je suis d'accord avec vous là-dessus. On a eu le Collectif des ex-placés de la DPJ qui nous avaient parlé de peut-être aller un petit peu plus loin en termes de l'âge, d'aller de peut-être 25 ans à 30 ans, à 35 ans. Est-ce que vous êtes d'accord avec ce genre de suggestion?

Mme Dalphond (Paule) : Bien, moi, je pense que oui. Tu sais, nous, les jeunes, on les héberge, là, jusqu'à 30 ans. On s'est même donné l'ouverture d'aller jusqu'à 35 ans. On ne le fait pas beaucoup parce qu'il y a des ressources, mais il y a des régions où il n'y a pas de ressources. Et un jeune de 32 ans cognerait à la porte de l'auberge du coeur à Rimouski, puis s'il y a de la place, ils vont le prendre, même si, eux, le mandat s'arrête à 30 ans, ils vont le prendre jusqu'à 32 ans. Mais nous, pour nous, la jeunesse, c'est au moins jusqu'à 30 ans. Le Secrétariat à la jeunesse vise un peu plus que le 25 ans aussi, les centres... les CJE, hein, vont jusqu'à 35 ans, on dit que c'est un carrefour jeunesse emploi, ça fait que... Pour nous, le 25 ans, il devrait être un peu plus expansionné.

Mme Garceau : O.K. Et en termes de votre... Comment voyez-vous le rôle du commissaire? Surtout avec les jeunes dont vous avez décrit, où la protection de la jeunesse n'a pas considéré ou ne les a pas pris en charge, est-ce qu'il y a un rôle à jouer là-dedans, d'après vous?

Mme Dalphond (Paule) : Bien, peut-être que Grace veut le dire, mais moi, je pense qu'il doit être proche du terrain, pas dans un bureau, là. Il faut qu'il... il faut qu'il aille consulter. Il faut qu'il aille proche de cette clientèle-là, c'est sûr et certain. Ce sont des jeunes vulnérables, difficiles d'approche, comme je l'ai dit tantôt, mais il y a moyen d'aller les rencontrer puis de se servir de leur expérience pour bonifier l'offre de services.

Mme Garceau : En termes de défense des droits de ces jeunes, et il y avait la question de ma collègue concernant que plusieurs jeunes qui arrivent ne connaissent...

Mme Garceau : ...leurs droits. Est-ce que vous avez des suggestions, propositions à faire à ce sujet? Comment est-ce qu'on peut les aider?

Mme Tabaka (Grace) : D'ailleurs, justement, je pense que c'est quelque chose qui pourrait rentrer dans les fonctions du commissaire, qu'il y ait un volet d'information et de sensibilisation. On parle de soutien, d'accompagnement vers les ressources. De manière concrète, ça ressemblerait à quoi? Une jeune fille fait une dénonciation appelle le commissaire, je ne sais pas quoi faire. Le commissaire dit : O.K. je te renvoie vers le CALACS. Concrètement, ça... il n'y a pas d'impact pertinent dans la réalité. Mais comme disait Paul, le commissaire qui connaît, qui comprend la réalité du jeune parce qu'il est sur le terrain, est capable de dire : O.K. Nous avons un volet d'information. Voici ce que tu dois savoir par rapport à tes droits, voici comment ça se passe, et ensuite quelles ressources je peux contacter. Ensemble, on va t'accompagner dans ta démarche jusqu'au bout.

Donc, oui, il y a un volet d'information qui est pertinent. Dans les Auberges, dehors des activités financées par le SAGE, où on donne des cours, des ateliers sur ces notions-là. Mais ça reste quand même qu'il faudrait que ce soit élargi. Donc, je pense que, si ça rentre dans les fonctions du commissaire, ça aurait un impact plus important.

Mme Garceau : Le manque de ressources dont vous parlez, est-ce que vous faites des revendications en termes de c'est avec qui?

Mme Dalphond (Paule) : Écoutez, ça fait des années qu'on le porte et qu'on le crie haut et fort. Ça fait des années.

Mme Garceau : On va se dire les vraies choses, c'est avec qui?

Mme Dalphond (Paule) : Juste des ressources d'hébergement communautaires jeunesse, il en manque déjà en partant. Des jeunes itinérants, il y en a de plus en plus. Avant l'itinérance, c'était un monsieur de 50 ans puis qui prenait un coup sur le coin de la rue. Maintenant, ce n'est plus ça, le portrait de l'itinérance. L'itinérance jeunesse était une itinérance cachée. Elle est de moins en moins cachée. Donc, des ressources d'hébergement comme les Auberges du cœur, il en manque puis il en manque énormément. À toutes les fois qu'on m'appelle pour me dire qu'on va ouvrir une ressource d'hébergement, je fais comme : Eh! le noeud de la guerre, c'est le financement, hein? Je prends l'exemple de Sorel qui a eu 190 000 $ de financement pour faire fonctionner un six lits, on s'entend que ça ne marche pas, ça ne tient pas la route.

La Présidente (Mme Blouin) : Merci beaucoup. Merci, Mme la députée. On va procéder tout de suite aux échanges avec le député des Îles-de-la-Madeleine, s'il vous plaît.

M. Arseneau : Merci beaucoup. Et je remercie mon collègue de m'avoir donné son temps parole. Merci pour votre présentation, pour la passion et l'engagement envers les jeunes. Je vous trouve humbles dans votre mémoire parce que vous ne nous décrivez pas à quel point votre rôle est fondamental et extraordinaire dans le sens où c'est évidemment un organisme... enfin, une série d'organisations qui contribuent justement, là, à pallier les failles peut-être de notre filet social. On parle de 32 auberges, 370 lits. Vous faites de l'animation, de l'accompagnement et aussi un suivi. J'ai remarqué en regardant votre site Web, vous faites du suivi post-hébergement, vous avez des projets d'hébergement également. Alors, chapeau! Bravo! Quelle est votre relation... Avez-vous une relation avec les organisations, là, institutionnelles? Vous parliez tout à l'heure de la DPJ. Je ne sais pas, vous n'avez pas parlé de la CDPDJ. Est-ce que vous avez des liens avec eux à l'occasion? Et quel est votre point de vue sur le soutien qu'on offre aux jeunes que vous hébergez et que vous accompagnez?

Mme Tabaka (Grace) : Je vais commencer par la CDPDJ justement parce que je suis... je représente le regroupement sur la table jeunesse de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, et c'est un bon partenariat, parce que, justement, c'est une table où on peut discuter des enjeux que nous voyons sur le terrain, des enjeux de jeunesse, et où on est sûr d'avoir, bien, déjà une écoute. Et ensemble, on travaille sur des recommandations et comment la commission peut nous accompagner en ce sens. Donc, nous avons quand même des partenariats institutionnels. Et même, je pense qu'avec le secrétariat à la jeunesse, on peut parler aussi de la Direction et protection de la jeunesse...

Mme Dalphond (Paule) : Le PQJ aussi, on a de très bonnes relations aussi avec PQJ. Je vous dirais que chacune des auberges entretient des liens étroits avec ces groupes-là, surtout les auberges mineures. Comme dans n'importe quoi, dans n'importe quelle région, il y en a qui ça va très bien, il y en a que ça va moins bien.

M. Arseneau : D'accord. Et ça m'amène à vous poser la question sur le projet de loi en tant que tel. À l'article 11, on dit que le commissaire coopère avec différentes organisations institutionnelles, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Protecteur du citoyen, ainsi de suite. On ne mentionne pas le milieu communautaire.

Mme Dalphond (Paule) : Exact.

M. Arseneau : Est-ce qu'il y a une faille dans le projet de loi où on devrait s'assurer que le commissaire fasse affaire avec des gens qui, comme vous, sont sur le terrain, en contact avec les gens?

• (12 h 50) •

Mme Dalphond (Paule) : Exact, oui.

M. Arseneau : Bon, d'accord. On note et on proposera, vraisemblablement...

M. Arseneau : ...des amendements au projet de loi. Je vous confirme en terminant que nous serons... enfin, on avait été invités à la grande consultation jeunesse, là, ça se passe le 9 et 10 avril, ici, à Québec. On sera présent avec beaucoup de plaisir. Puis bravo pour votre travail au quotidien.

Mme Dalphond (Paule) : Merci. Puis on vous invitera aussi pour la Journée des jeunes des auberges du cœur du Québec qui va être en mars, ici, à Québec.

M. Arseneau : Merci beaucoup. Merci.

La Présidente (Mme Blouin) : Merci beaucoup, M. le député. Alors, on termine avec M. le député de Saint-Henri–Sainte-Anne.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci pour votre excellent travail. D'ailleurs, j'ai la chance, dans le sud-ouest de Montréal, dans Ville-Émard, d'avoir l'Auberge du cœur, là, sur le boulevard Monk. Donc, on est...

Mme Dalphond (Paule) : Du Sud-Ouest.

M. Cliche-Rivard : Très chanceux de les avoir et on les salue d'ailleurs. Donc, voilà. Petite question pour vous, vous parliez de connaissance et promotion des droits, évidemment pour que les jeunes connaissent leurs droits. Est-ce que vous pensez qu'il y aurait un impact positif si on venait, comme Mme Laurent le demandait, à créer la fameuse Charte des droits de l'enfant? Est-ce que vous pensez que ce serait important?

Mme Dalphond (Paule) : Bien sûr.

M. Cliche-Rivard : Donc, pour vous, de voir que ce n'est pas dans le projet de loi actuel, c'est un petit peu une déception?

Mme Tabaka (Grace) : Je dirais, pas une déception, parce qu'il y a beaucoup de points sur lesquels nous sommes vraiment d'accord, mais oui, je pense que ça ferait une différence, le fait que les droits des enfants soient encadrés, parce qu'on connaît les droits des enfants de façon générale, il y a l'ONU, il y a la charte, de façon générale, qui protège les personnes. Mais avoir une charte spécifique aux droits des enfants pour effectivement montrer un intérêt de plus à la protection des enfants, donc oui, nous partageons cette recommandation.

M. Cliche-Rivard : Il y avait des recommandations un petit peu similaires quant au fait qu'on pourrait intégrer, là, dans notre droit, la Convention internationale relative aux droits de l'enfant. Est-ce que vous partagez la...

Mme Tabaka (Grace) : Je partage, effectivement, oui.

M. Cliche-Rivard : Donc, vous pensez que c'est quelque chose qu'on aurait enfin l'occasion de faire?

Mme Tabaka (Grace) : Effectivement.

Mme Dalphond (Paule) : Bien, je pense que ça pourrait être un beau rôle pour le commissaire, effectivement.

M. Cliche-Rivard : De le travailler, de le...

Mme Dalphond (Paule) : De le travailler avec tous les partenaires, je pense que ça serait un beau... un beau défi puis un beau mandat.

M. Cliche-Rivard : Mme Laurent parlait aussi de transférer, vous le savez, tous les pouvoirs de la CDPDJ au commissaire. Est-ce que vous, vous avez une position ferme là-dessus?

Mme Tabaka (Grace) : Non, honnêtement non, parce que je pense qu'il y a un travail de collaboration qui peut très bien se faire entre la Commission des droits de la personne et le commissaire. Donc, à ce niveau, je ne partage pas complètement cet avis. Je pense au contraire à un travail de collaboration. Et honnêtement, il y a tellement de problèmes que je pense que le commissaire tout seul ne pourra pas gérer tout ça.

Mme Dalphond (Paule) : Non, c'est ça.

M. Cliche-Rivard : Quand vous dites : Tellement de problèmes, spécifiquement, peut-être juste démêler ça pour nous, qu'est-ce que vous voulez dire?

Mme Tabaka (Grace) : Bon, je veux dire qu'il y a beaucoup de questions sur lesquelles se pencher, que je pense qu'il est plus judicieux qu'il y ait plusieurs organes qui peuvent accompagner. On parlait d'accessibilité. Si tout est centralisé, on va faire face à une difficulté d'accessibilité. On va retomber dans les problèmes de longs délais.

M. Cliche-Rivard : Donc, on laisse au commissaire ce nouveau travail là, on laisse à la commission... Est-ce qu'on renforce les pouvoirs de la commission? Est-ce qu'on aide la commission davantage? Est-ce que vous sentez qu'il y a un besoin d'accompagnement, de financement?

Mme Tabaka (Grace) : À ce niveau, je ne peux pas me prononcer. Je n'ai pas vraiment regardé, mais je pense que les deux organes ont leur place.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Blouin) : Merci beaucoup. Merci à vous pour votre contribution à nos travaux. Avant de conclure les auditions, je procède au dépôt des mémoires des organismes et des personnes qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques. Merci à tous.

La commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 12 h 54)


 
 

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