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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le lundi 14 mars 1983 - Vol. 26 N° 1

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur l'évolution et l'avenir de Quebecair


Journal des débats

 

(Quinze heures quinze minutes)

Le Président (M. Boucher): À l'ordre! La commission des transports est réunie pour l'étude de l'évolution et de l'avenir de Quebecair.

Les membres de la commission sont: M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Blouin (Rousseau), M. Bourbeau (Laporte), M. Clair (Drummond), M. Guay (Taschereau) remplace M. Desbiens (Dubuc), M. Lachance (Bellechasse), M. Léger (Lafontaine), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Gratton (Gatineau) remplace M. Mathieu (Beauce-Sud), M. Rodrigue (Vimont), M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges) remplace M. Vallières (Richmond).

Les intervenants sont: M. Assad (Papineau), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Brouillet (Chauveau), M. Caron (Verdun), M. Cusano (Viau), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Gauthier (Roberval), M. Grégoire (Frontenac), M. Houde (Berthier) et M. Perron (Duplessis).

Avant de passer aux invités d'aujourd'hui, j'aimerais faire part à la commission d'un télégramme reçu le 12 mars 1983 de la part de M. Richard D. Champagne et qui se lit comme suit: "Suite à votre télégramme d'hier après-midi concernant l'invitation du leader parlementaire du gouvernement à participer aux travaux de la commission des transports sur l'avenir de Quebecair, j'ai le regret de vous informer qu'il me sera impossible de participer aux travaux de la commission lundi, compte tenu d'engagements antérieurs pour cette même journée et que je n'ai pu remettre. Richard D. Champagne."

M. le député de Gatineau.

M. Gratton: À ce sujet, pour éviter qu'on interprète cette absence comme un précédent quelconque, quant à nous de l'Opposition, nous aimerions réserver pour la fin des travaux de la commission toute décision relative à la présence ou à l'absence de M. Champagne. Nous tenons pour acquis que les raisons invoquées par M. Champagne sont valables, mais s'il devait se révéler en cours de route que l'Opposition considère essentielle que M. Champagne soit entendu, on pourra en discuter avec le ministre. On ne fera pas cela de manière formelle, en aucune façon, mais je ne voudrais surtout pas qu'on interprète la teneur du télégramme comme étant une façon inédite et facile pour un témoin qui est invité devant une commission parlementaire de se défiler.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, lors de la dernière séance, la commission parlementaire des transports avait fait clairement connaître son point de vue, à la suggestion de l'Opposition. Compte tenu de ce que vient de dire le député de Gatineau, nous sommes prêts à attendre plus tard, au cours des travaux.

Le Président (M. Boucher): Merci. Les invités d'aujourd'hui sont, dans l'ordre, M. André Lizotte, vice-président et administrateur en chef de la Société canadienne des postes; M. Robert Obadia, consultant auprès de la Commission des transports du Canada; M. Claude Lévesque, Hospitalité Tour Montréal Ltée; M. Richard Champagne, directeur général du Conseil de l'industrie de l'hydrogène - évidemment, compte tenu de son télégramme, on peut présumer qu'il ne sera pas ici aujourd'hui - et M. Denis de Belleval, vice-président de Lavalin Ltée; M. Claude Poiré, Syndicat CSN des pilotes Regionair; M. le commandant Robert Dufour, président du conseil no 17, Quebecair, Association canadienne des pilotes de lignes.

J'inviterais immédiatement M. André Lizotte - vous êtes déjà en place - à faire part à la commission de ses commentaires sur l'avenir et l'évolution de Quebecair.

M. André Lizotte

M. Lizotte (André): M. le Président, merci bien. Je me sentais excessivement seul. Avec votre permission, je pourrais peut-être avoir un ancien de Quebecair avec moi, M. Richard Morin, si vous êtes d'accord.

M. Clair: M. le Président, quant à l'énoncé que vient de faire M. Lizotte, je pense qu'on s'était entendu sur un certain nombre d'intervenants. Par contre, quant aux autres intervenants, je me souviens que, à un moment donné, les gens de Quebecair et, à un autre moment donné, les gens de Nordair ont pu faire appel sur une question précise au souvenir de quelqu'un d'autre. Si c'était dans ces circonstances, nous n'y verrions pas d'objection de notre côté. Maintenant, s'il

s'agissait d'ajouter une autre personne à la liste des invités, je pense qu'à ce moment on pourrait remettre en cause les ententes intervenues entre les deux formations politiques.

Le Président (M. Boucher): Oui, M. le député de...

M. Bourbeau: Je ne crois pas qu'il soit de votre intention de faire témoigner M. Morin comme tel; c'est seulement comme support moral, je crois, qu'il vous accompagne, pour employer votre expression...

M. Lizotte: Je me sens très seul.

M. Bourbeau: Ah bon. M. Lizotte, est-ce que vous pourriez quand même - puisque M. Morin, d'après ce que vous dites, était à Quebecair - nous décrire un peu quelles étaient ses fonctions de façon qu'on puisse savoir en quelle qualité il vous accompagne?

M. Lizotte: M. Morin était le vice-président, finances, à Quebecair pendant la période où j'étais là.

M. Bourbeau: Pour nous, nous n'avons aucune objection à ce qu'il vous rappelle à l'occasion certains souvenirs ou certains chiffres. Peut-être que c'est ce qu'il pourrait faire.

M. Lizotte: Nous n'en avons pas tellement discuté.

Le Président (M. Boucher): Dans ces conditions, il y a accord des membres de la commission. Vous pouvez y aller, M. Lizotte.

M. Lizotte: Merci. M. le Président, M. le ministre, messieurs les députés, je vous remercie de m'avoir invité à la commission parlementaire qui traite de l'évolution de la Société Quebecair. Nulle occasion ne pouvait m'être plus favorable pour revoir de nombreux amis du métier de l'aviation au Québec et d'autres anciens collègues de Nordair et de Quebecair.

Messieurs, je dois vous avouer que je suis un homme très privilégié pour avoir été la seule personne à qui l'occasion a été donnée de diriger les affaires de ces deux sociétés, à titre de vice-président et directeur général chez Quebecair et président-directeur général chez Nordair.

Ce privilège m'a été des plus chers pour plusieurs raisons. La première est d'avoir évolué avec des collègues du métier de l'aviation au sein des deux entreprises avec des syndicats, gestionnaires et employés des plus dévoués. La deuxième est d'avoir voyagé à travers toutes les régions du Québec desservies soit par Quebecair, soit par Nordair, où j'ai eu l'occasion de prononcer des discours, de participer à des conférences et de rencontrer nos clients et nos employés.

Cela dit, je dois maintenant vous faire savoir qu'en ma qualité d'ancien vice-président et directeur général de Quebecair et, naturellement, à titre d'ancien président-directeur général de Nordair, je suis aujourd'hui attristé de constater que la société Quebecair fait face à de sérieux problèmes financiers. Les pertes annoncées de 21 000 000 $ pour l'exercice financier 1982 sont certainement un choc moral chez mes amis employés de Quebecair qui, au fond, ne sont nullement responsables de cette catastrophe.

Le dossier Quebecair a déjà fait couler beaucoup d'encre depuis quelques années, mais, malheureusement, ce n'était surtout que pour annoncer des mauvaises nouvelles. Je vous assure que c'est une publicité dont cette société québécoise et ses employés auraient pu se dispenser. Ces mauvaises nouvelles ne reflètent pas le courage et la volonté de réussir des employés de Quebecair.

Messieurs, je suis premièrement un administrateur qui a su coordonner les efforts et les talents des techniciens du métier et, deuxièmement, un administrateur qui a su diriger les affaires des deux sociétés en faisant usage d'une proportion bien équilibrée des ingrédients nécessaires à la réussite dans le monde de l'aviation. Tous ces ingrédients: un bon service à la clientèle dans tous les marchés desservis, l'enthousiasme, le respect et le dévouement des employés à tous les niveaux, une bonne formation des gestionnaires, la collaboration des syndicats ainsi qu'une bonne planification financière et opérationnelle, sont les éléments clés de la réussite.

Je tiens à vous souligner, M. le Président, que, s'il n'est pas tenu compte de ces principes fondamentaux, il est pratiquement impossible de réussir dans l'aviation. Voilà donc une philosophie administrative de base qui est essentielle et qui a fait preuve de succès aussi bien chez Quebecair que chez Nordair. Si l'un de ces ingrédients manque à la recette administrative, les chances de succès sont minimisées.

Je suis entré au service de Quebecair en 1969 et j'ai quitté en 1974. La période de 1971 à 1974 a été positive et fructueuse pour la société. Il me semble donc à propos de vous donner un aperçu des raisons pour lesquelles nous avons réalisé des profits.

Je tiens à souligner que le succès que nous avons atteint résultait d'un effort collectif. En effet, c'est mon devoir de porter à votre connaissance les efforts et la détermination de mes collègues, employés et syndicats qui y ont contribué fortement. Il

est également de mon devoir, comme témoin invité à cette commission, d'essayer de cerner la réalité de plus près, à savoir pourquoi Quebecair n'a pas maintenu sa rentabilité depuis quelques années.

Voici donc les raisons les plus importantes pour lesquelles nous avons réalisé des profits chez Quebecair entre 1971 et 1974, lorsque j'ai eu le privilège d'y travailler.

D'abord et avant tout, nous avons fait usage des gestionnaires en place, des gens du métier qui ont administré les ingrédients dont je viens de vous faire mention. Très peu de nouveaux gestionnaires ont été embauchés pour administrer les affaires de la société. Les gestionnaires en place étaient, au fond, des braves gens de Rimouski, Mont-Joli et Rivière-du-Loup venus s'installer à Montréal afin de suivre l'évolution de Quebecair. C'étaient des gens avec du coeur qui demandaient seulement que la société devienne une importante réussite au Québec.

Nous avons donc entrepris des programmes de formation des gestionnaires en utilisant surtout des techniques de gestion par objectif. Afin d'offrir un meilleur service à la clientèle, nous avons mis en place des programmes intensifs de formation pour tous les employés à tous les niveaux.

Nous avons reçu une excellente collaboration de tous les syndicats, ce qui a donné à la société la souplesse pour évaluer et utiliser les ingrédients nécessaires au succès. Cette même collaboration s'est maintenue chez tous les employés du réseau. Nous étions attentifs à toutes leurs suggestions et recommandations.

Quebecair, pendant cette période, est devenue une famille de quelque 600 employés qui travaillaient ensemble pour faire de Quebecair une société des plus importantes au Québec.

Nous avons fait usage de l'expérience des gens de Quebecair pour planifier de très bons horaires afin de bien desservir, premièrement, les marchés au Québec tels que Mont-Joli, Baie-Comeau, Sept-Îles, Québec, Bagotville et autres. Ces horaires bien calculés étaient conformes aux demandes de nos marchés et à l'équipement dont nous disposions. Bien que nous n'ayons fait usage que de très peu de publicité, nous avons, néanmoins, pris de nombreuses initiatives dans la mise en marché et la vente. Nous nous étions concentrés sur la promotion visant directement le consommateur en utilisant plusieurs employés de la société - qui n'étaient pas nécessairement des représentants de commerce - pour effectuer des visites et augmenter le marché de voyageurs dans chaque ville desservie et ses environs. Pour nous, la publicité n'était qu'un moyen de communication parmi d'autres pour augmenter notre part du marché.

Je tiens à faire remarquer que, pendant cette période, la société Quebecair a fait un usage continu d'une philosophie administrative et a établi des centres de profits dirigés par des gens du métier qui avaient été au service de Quebecair pendant des années. (15 h 30)

II est important de comprendre qu'en 1969 Quebecair, en concurrence directe avec Air Canada, ne possédait que 6% du marché pour la liaison Montréal-Bagotville-Montréal. À la suite d'un programme intensif utilisant tous les aspects du marketing et la fierté des employés, nous avons capté au-delà de 40% de ce marché. Une de nos meilleures réussites chez Quebecair fut lorsque Air Canada a dû se retirer du marché Montréal-Bagotville-Montréal, et du marché Québec-Bagotville-Québec.

C'est avec une excellente collaboration de la société Air Canada, de la Commission canadienne des transports et du ministère fédéral des Transports que nous avons réussi ce qui était, à l'époque, un grand pas pour Quebecair. Il convient de préciser qu'un tel événement ne s'est jamais produit dans le cas de Nordair, au Québec.

La Commission des transports nous a donné la permission d'acheter de M. Michel Pouliot la compagnie Air Gaspé, qui était devenue pour nous un concurrent important dans l'Est de la province. Également, la Commission canadienne des transports nous a accordé la liaison Québec-Val-d'Or et Bagotville-La Grande. Je souligne que Nordair avait aussi fait la demande pour desservir ces routes, mais c'est Quebecair qui en est sortie vainqueur. Après avoir soumis des documents bien préparés à la Commission canadienne des transports, nous avons obtenu le permis 9,4 pour entreprendre des noli-sements internationaux. Par la suite, encore avec la collaboration de la Commission canadienne des transports et du gouvernement américain, nous avons obtenu le permis 402 pour nolisements vers les États-Unis.

À cette époque, nous avons également obtenu le contrat de service d'Hercules de la SEBJ. Comme vous le savez, nous étions en grande concurrence avec Nordair et Quebecair en est encore sortie vainqueur. Je tiens à féliciter les pilotes de Quebecair pour nous avoir donné la souplesse voulue afin de respecter les termes du contrat.

Pendant cette période, nous avons acheté trois BAC 1-11 d'occasion, dont deux en 1969, au prix de 2 200 000 $ chacun, et un autre en 1972 de 2 800 000 $, financés à 6,25%. Je tiens à vous souligner que, de 1969 à 1973, la société devait être dirigée avec beaucoup de prudence en ce qui a trait à l'achat d'avions, afin de ne pas alourdir la tâche financière de Quebecair. En effet, l'expansion était devenue un objectif primordial pour la société Quebecair, mais l'application de nos stratégies était faite

avec une grande prudence, afin d'assurer la continuité des profits de la société. En d'autres termes, nous nous sommes employés à minimiser les risques. Par exemple, pour les nolisements, nous avions établi un principe de base qui consistait à effectuer des voyages en fin de semaine lorsque la densité du trafic régulier était à la baisse. Nos appareils étaient affectés au service régulier pendant la semaine et n'étaient nolisés que pendant la fin de semaine.

Cette stratégie nous offrait la possibilité d'augmenter nos revenus dans tous les marchés réguliers pendant les jours de la semaine et d'accroître l'utilisation de nos appareils en fin de semaine avec les nolisements. C'était une question vitale, reliée à la réussite chez Quebecair. Nous avions également établi des contrôles de dépenses sur toute la gamme de nos services et des réunions mensuelles avec nos gestionnaires avaient lieu à ce sujet. Nous avions comme principe fondamental que les coupures de dépenses ne devaient affecter ni le service à la clientèle, ni les horaires, ni les employés. L'on faisait preuve de créativité afin d'assurer une grande continuité des contrôles. Nous avions également des réunions hebdomadaires à tous les niveaux parmi les gestionnaires afin de bien communiquer nos objectifs, nos programmes de formation et notre philosophie administrative. Finalement, nous avions d'excellentes relations de travail avec la Commission canadienne des transports et Air Canada.

Je suis entré au service de Nordair en 1976 et j'ai résigné mes fonctions en 1982. Cette période a aussi été positive et fructueuse pour Nordair. Il m'apparaît opportun de vous exposer les raisons majeures pour lesquelles nous avons réalisé des profits. Nordair, M. le Président, est une société qui réalise des profits depuis des années. C'est également une société québécoise qui a commencé ses activités au Lac-Saint-Jean et qui est devenue une société respectée au Québec. Il y a naturellement d'excellentes raisons qui expliquent le succès de cette société québécoise. Tout d'abord, j'attire votre attention sur le fait que la haute direction, c'est-à-dire le président du conseil, le président-directeur général, les vice-présidents et les vice-présidents adjoints avaient une expérience totale du métier de plus de 150 années. De plus, quelques-uns de ces administrateurs comptaient plus de 25 années d'expérience au sein de la société Quebecair. Une alliance parfaite pour diriger une importante entreprise québécoise dans l'industrie de l'aviation.

Chez Nordair, nous portions une attention particulière au marketing et à la vente. Dans tous les marchés desservis, c'était un effort continu de notre part. Nous avions établi également des centres de profit administrés par des gestionnaires du métier, lesquels avaient travaillé chez Nordair pendant plusieurs années. On a su identifier ces gestionnaires en place afin de leur donner une formation technique et administrative des plus efficaces.

En effet, il y avait chez Nordair une grande collaboration parmi les gestionnaires, les employés et les syndicats c'est-à-dire la même que j'avais trouvée chez Quebecair. Nordair a eu beaucoup de continuité dans la philosophie de gestion en ce qui a trait à la haute direction. Les administrateurs ont dirigé les affaires de la société avec une philosophie administrative qui était aussi réaliste et prudente que possible, surtout en ce qui concerne les horaires, la mise en marché et l'achat des avions. D'ailleurs, je dois vous faire remarquer que le dernier achat d'un Boeing 737 chez Nordair a été payé comptant avec les fonds de roulement de la société.

Nous avions également réussi à obtenir des contrats très importants tels que les vols de reconnaissance des glaces et la DEWline. Je tiens à souligner que toutes les sociétés aériennes au Canada ont été invitées à soumissionner. Nordair en est sortie vainqueur à cause de sa compétence et de son équipement.

La Commission canadienne des transports a donné son accord à Nordair et à Quebecair pour desservir la liaison Montréal-Toronto-Montréal. De plus, cette même commission a également donné son accord à Nordair pour desservir la liaison qu'occupait Transair en Ontario, c'est-à-dire Toronto, Sault-Sainte-Marie, Thunder Bay, Dryden, Winnipeg.

Ces nouvelles liaisons ont été pour Nordair une très lourde tâche parce que nous avions augmenté notre concurrence avec Air Canada sur la liaison Montréal-Toronto, Toronto-Sault-Sainte-Marie, Toronto-Thunder Bay et Toronto-Winnipeg. Nous étions donc un concurrent d'Air Canada sur sept liaisons, tandis que Quebecair ne l'était que sur trois. Je vous assure que l'esprit concurrentiel entre Nordair et Air Canada était des plus vifs parmi les gestionnaires et employés des deux sociétés.

Évidemment, il est très dispendieux d'entreprendre de telles initiatives d'expansion, surtout à Toronto où les coûts d'atterrissage et autres sont plus chers qu'ailleurs au Canada, mais heureusement nous avions de bonnes réserves financières pour couvrir ces coûts.

Pendant cette période, nous avons continué à nous préoccuper des autres marchés que nous desservions depuis des années. Chez Nordair le marketing et les ventes de nolisement ont toujours été secondaires relativement aux services réguliers du réseau. Il n'a jamais été

question de favoriser les nolisements au détriment des vols réguliers.

Et, tout comme chez Quebecair, le contrôle efficace des coûts chez Nordair ne se faisait pas au détriment des employés ou du service à la clientèle. Encore chez Nordair, je voyais une grande fierté chez tous ses employés et syndicats et une grande volonté collective de réussir. L'attitude des employés des deux sociétés était identique.

Il est inutile de continuer à parler de Nordair car je suis persuadé que mon ancien collègue, Jean Douville, a sûrement bien décrit l'efficacité de cette société. Ce n'est donc pas mon intention de vous rappeler ce qui a déjà été dit. Mais quand même, je profite de cette occasion pour souligner que l'attitude, la fierté et la volonté de bien réussir étaient communes aux employés, syndicats et gestionnaires de ces deux sociétés québécoises.

M. le Président, j'aimerais porter votre attention sur le fait que Nordair et ses propriétaires ont toujours considéré le gouvernement du Québec comme étant des plus importants. Lorsque la décision fut prise de vendre la société, en 1977, le 22 juin de cette même année, M. James Tooley et moi-même avons visité le ministre des Finances, M. Parizeau, afin de connaître les intentions du gouvernement du Québec concernant l'acquisition de Nordair. Je dois noter ici que M. Parizeau fut la première personne à connaître nos intentions sur la vente de Nordair. Malheureusement, M. le ministre n'a jamais donné suite à cette proposition, même après six semaines de persévérance de notre part.

Nous savons tous qu'il existe des problèmes financiers particulièrement aigus chez Quebecair et nous sommes tous au courant de la gravité de la situation. Un des problèmes majeurs relève du fait que la société Quebecair a été victime de trop de changements de philosophie administrative. Ce n'est pas une critique, c'est tout simplement un fait. Des nouveaux propriétaires, des gestionnaires parachutés qui n'étaient pas du métier, un manque de confiance à l'égard des gestionnaires en place, pour établir les stratégies nécessaires pour réussir. Voilà les facteurs principaux qui ont contribué à la situation présente.

La question qui me vient à l'esprit est la suivante: Qu'est-il arrivé de mes collègues chez Quebecair qui ont travaillé avec tant d'ardeur et détermination? Les Jean Grenier, Réal Ménard, Denis Brousseau, Claude Lévesque, Jean-Paul Charland, Richard Morin, Raymond Boulay, Robert Obadia, Claude Roy et les autres? Ils ont tous disparu.

De même, quelle fut l'évolution professionnelle de Michel Gagné, André Martineau, Victor Deland, Gilles Tremblay, Jean-Guy Soucy, Robert Parizeau, Antoine Lapointe, Raoul Labrie, Georges Gagnon,

Mathieu Dionne, Richard Look et les autres? Si vous me le permettez, il semblerait qu'il n'y en a qu'un seul aujourd'hui à la haute direction, soit Jean-Louis Trépanier, et j'en suis très fier.

Changements après changements dans la haute direction, frustrations de gestionnaires, reformulations de plan, réactions de gestionnaires qui ne sont pas du métier, bref, voilà ce qui a précipité le déclin de cette grande société québécoise. Malheureusement, les employés sont maintenant victimes de ces changements fréquents de philosophie administrative. (15 h 45)

Si nous examinons les résultats de Quebecair, nous sommes en droit de nous poser des questions. Depuis 1978, la philosophie administrative a-t-elle été réaliste et a-t-elle eu beaucoup de continuité en matière de gestion? Si nous regardons l'accroissement des revenus et le comparons à l'accroissement des dépenses, nous pouvons constater que la planification des profits n'a peut-être pas été faite avec réalisme.

Je m'explique. Un des problèmes majeurs que j'ai pu constater réside dans la planification de l'achat des cinq 737 dans un si court intervalle, afin de renouveler la flotte. À mon avis, cette décision a été entachée d'aventurisme. Si le motif d'achat de ces avions avait été d'accroître leur part du marché de nolisement, particulièrement entre Montréal et Fort Lauderdale, il faut se rappeler que le haut volume d'activités ne dure que quelques mois par année.

Le marché Montréal-Fort Lauderdale est un marché aérien très diversifié, très concurrentiel et, malgré tout, limité. Plusieurs sociétés offrent un service régulier: Eastern, Delta et Air Canada. D'autres offrent un service de nolisement comme les sociétés Quebecair, Nordair, Air Florida, Air Canada et Wardair. C'est un marché concurrentiel dont l'outil de vente le plus important est le prix offert. Il est reconnu que Wardair a toujours été la société la plus dynamique, disons même téméraire, en ce qui concerne la pratique des prix.

Si, par contre, le motif avait été de mettre sur pied un programme d'expansion pour desservir Montréal-Toronto, cette nouvelle liaison ne pouvait justifier un tel investissement, compte tenu du fait que cette liaison, la plus concurrentielle au Canada, est déjà desservie par trois autres transporteurs et demeure l'une des plus coûteuses à exploiter au Canada. Si le motif avait été d'acheter Nordair comme programme d'expansion, je vous souligne qu'une société qui aurait fusionné Quebecair et Nordair n'avait pas besoin des cinq nouveaux Boeing 737 de Quebecair. Nordair possédait déjà onze 737. Si nous ajoutons les cinq de Quebecair, on obtient un total de seize. Je souligne que nos études

approfondies ont démontré que le maximum de 737 requis dans le cas d'une fusion ne serait que de treize, ce qui veut dire que ces achats résultaient en un surplus de trois 737.

Vous pouvez constater qu'aucun des motifs ne pouvait justifier l'acquisition des cinq 737. Considérez les facteurs coûteux qui sont entrés en jeu: les taux d'intérêt extrêmement élevés; les programmes de formation des pilotes et autres; la rénovation du hangar no 2 à Dorval; les fortes dépenses de mise en marché pour les nolisements et la liaison Montréal-Toronto; le surplus de capacité dans un marché décroissant.

Si nous étudions l'évolution de la société Quebecair depuis 1976, c'est-à-dire depuis les six dernières années, nous constatons que les revenus ont augmenté de 178%, pour la période de 1976 à 1981, et de 166% pour la période de 1976 à 1982. Nous constatons que le chiffre d'affaires a progressé jusqu'à 90 000 000 $ en 1981. C'est donc une évolution très intéressante.

Malheureusement, c'est le coût de cette expansion qui fut la source du problème. Pendant ces mêmes périodes, les frais d'exploitation ont augmenté de 188% et de 176% respectivement. Ceci indique clairement que les frais d'exploitation ont excédé les revenus de 10% pour une perte brute de 5 000 000 $ en 1981 et aussi de 5 000 000 $ en 1982.

Nous nous devons de porter une attention toute particulière aux coûts d'intérêt occasionnés principalement pour l'achat d'avions. Ceux-ci ont ajouté au fardeau financier de la société 5 500 000 $ en 1981 et 13 900 000 $ en 1982. De plus, les frais divers couvrant les programmes de formation se sont élevés à 3 300 000 $ en 1982. L'ensemble de ces facteurs a certainement contribué aux lourdes pertes financières de Quebecair depuis quelques années. C'est une réalité. Je suis persuadé que deux 737 auraient sûrement suffi pour les premières années.

Il est à noter que Quebecair a naturellement été obligée, encore une fois, de changer de philosophie administrative: changement de mission, changement d'objectifs, changement de gestionnaires et, finalement, changement de stratégies afin d'instaurer de nouveaux programmes de survie. Le retour des BAC 1-11; l'achat de deux autres BAC; la formation sans cesse renouvelée des pilotes et les nombreuses autres dépenses encourues causées par ces changements de stratégies.

Il y a bien d'autres raisons, j'en suis persuadé, pour lesquelles malheureusement Quebecair fait face à ces problèmes financiers, mais il faut quand même être juste et faire face à la réalité.

Je porte à votre attention, M. le Président, que tout n'a pas été négatif pour

Quebecair, car durant cette période Air Canada a annulé la liaison Québec-Sept-Îles. De plus, Air Canada n'a maintenant qu'un vol entre Montréal et Sept-Îles et a aussi réduit d'un vol sa fréquence Montréal-Québec.

Une des plus grandes déceptions que j'ai éprouvées dans l'industrie de l'aviation a été la décision des actionnaires de Quebecair de ne pas vendre leur société à Nordair. En effet, il y avait des facteurs très favorables pour la province de Québec si cette fusion avait eu lieu: le siège social demeurait au Québec; les actionnaires étaient SID, Air Canada et les employés de Nordair et de Quebecair. À elle seule, la société Air Canada dépense 800 000 000 $ au Québec et a plus de 9000 employés au Québec. C'est une société qui nous appartient.

La Société d'investissement Desjardins (SID) est une société québécoise qui a fait ses preuves parmi les Québécois. Les employés de Quebecair et de Nordair étaient invités à devenir actionnaires dans cette société.

C'était une solution clé au problème de l'aviation dans la province de Québec. Je vous assure que la détermination de ces actionnaires était de faire une société des plus respectables au Québec et dans l'Est du pays, avec un avenir assuré. L'idée n'était pas de détruire Quebecair.

La haute direction de cette nouvelle société était formée de gens du métier qui avaient une philosophie administrative très prudente et réaliste pour faire face à la réalité des marchés et à l'avenir. Par la fusion des deux sociétés, cette haute direction avait au-delà de 200 années d'expérience. Nous avions un programme de cinq ans que j'aurais personnellement administré. L'objectif était d'atteindre le seuil de rentabilité après trois ou quatre années. Les gestionnaires qui possédaient déjà une solide formation continuaient de participer à des programmes de perfectionnement.

Comme je vous l'ai mentionné auparavant, les employés et les syndicats participaient à la planification et à l'exécution des plans afin de remplir la mission de cette société. Les syndicats s'engageaient à régler les listes d'ancienneté et la direction assurait à tous les employés de la société Quebecair ainsi qu'à ceux de Nordair qu'il n'y aurait pas de mise à pied, mais qu'il fallait s'entendre sur les programmes d'attrition qui n'étaient pas au détriment des employés. Les horaires continuaient d'être notre première priorité, suivie, en second lieu, des nolisements.

Ce mélange de la haute direction de Nordair ainsi qu'une sélection de gestionnaires chevronnés parmi les cadres de Quebecair formaient un groupe des plus enviables et respectés dans l'industrie de l'aviation au Canada.

II faut reconnaître que SID, comme partenaire important, portait un intérêt particulier au rôle des francophones. Il avait été prévu que plus de 60% des administrateurs devaient être francophones. La nouvelle société s'engageait à embaucher de plus en plus de francophones et à continuer d'offrir des cours de formation en langue française à tous les employés non francophones.

Il est très malheureux que certaines décisions aient été prises à l'encontre de ce projet de fusion Nordair-Quebecair. Voici donc les résultats: - Aujourd'hui, Quebecair fait face à des problèmes financiers très sérieux. - Le gouvernement du Québec a dû fournir un investissement très considérable, sans retour sur son investissement.

Il existe aujourd'hui un conflit politique que je trouve très regrettable et qui ne peut apporter de solution aux problèmes qui affligent l'industrie de l'aviation au Québec.

Les employés de Quebecair sont malheureux, confus et sans orientation.

Il existe présentement un avenir incertain pour les cadres, employés et syndiqués de Quebecair.

Mais vous savez, Quebecair et ses employés ont fait face à plusieurs défis dans leur histoire. Ils ont toujours relevé le défi et trouvé les solutions. Quoique les problèmes présents soient très aigus, il ne faudrait pas perdre espoir ni cesser d'agir en conséquence.

Des solutions existent, M. le Président, et, avec votre permission, j'aimerais vous en soumettre quelques-unes.

Premièrement, il faut absolument éliminer les dettes à court terme.

Deuxièmement, il faut assurer un état financier d'une proportion de 60-40 en ce qui concerne la dette à long terme et l'avoir des actionnaires pour au moins trois ans.

Troisièmement, il faut trouver et utiliser des gens du métier chez Quebecair pour étudier la situation et ses problèmes afin d'élaborer et de mettre en oeuvre un programme de sauvetage.

Quatrièmement, il faut collaborer avec Air Canada, le ministère fédéral des Transports et la Commission canadienne des transports.

Cinquièmement, on devrait offrir des actions à tous les employés de Quebecair.

Sixièmement, il faut établir une philosophie administrative prudente, stable et réaliste pour les années à venir.

Je suis persuadé, M. le Président, que plusieurs employés de Quebecair attendent votre invitation.

Il ne faudrait pas perdre de vue que Quebecair représente un chiffre d'affaires de près de 75 000 000 $. Je persiste à croire qu'il y a là un potentiel d'avenir.

Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, M. Lizotte. M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, étant donné que nous avons plusieurs invités pour la journée, je voudrais, comme on s'était entendus la dernière fois, que le temps soit partagé équitablement entre nos deux formations politiques. Je vais tenter d'y aller aussi rapidement que possible avec mes questions, ainsi que mes collègues ministériels et de l'Opposition. (16 heures)

À la page 36 de votre mémoire, M. Lizotte, vous dites: "II existe aujourd'hui un conflit politique que je trouve très regrettable et qui ne peut apporter de solution aux problèmes qui affligent l'industrie de l'aviation au Québec. Nous savons tous que l'un des principaux empêchements à la fusion de Quebecair et de Nordair était la préservation des intérêts légitimes des gouvernements et des populations de l'Ontario et du Québec. Je pense que tout au cours des discussions qui ont eu lieu de 1978-1979 jusqu'à maintenant, cela a toujours été d'avoir un accord qui soit agréé par les gouvernements du Québec et de l'Ontario. Or, tout le monde sait qu'en août 1982, les deux gouvernements des provinces les plus populeuses du Canada, les gouvernements de l'Ontario et du Québec se sont entendus pour soumettre conjointement au gouvernement du Canada, au ministre des Transports du Canada, M. Pépin, une proposition de rationalisation conjointe des services aériens dans l'Ontario et le Québec.

À ce moment, vous êtes intervenu personnellement pour dénoncer cet accord et si mes informations sont bonnes, en août 1982. Vous connaissez M. T.F. Kilburn...

M. Lizotte: Kilburn?

M. Clair: Kilburn.

M. Lizotte: Lequel?

M. Clair: T.F.

M. Lizotte: Qui est pilote chez Nordair.

M. Clair: Chez Nordair.

M. Lizotte: Oui.

M. Clair: Vous connaissez? Alors, en août 1982, vous lui auriez adressé la lettre suivante, je vous en cite un extrait: "Comme vous le savez, j'ai accepté un poste important au Canada - je traduis - Post Corporation et ma décision est due à l'engagement pris par le ministre des Transports dans sa lettre à M. Taylor -référant à une lettre de février 1982 - Je n'aurais jamais quitté mon poste de président

et de directeur de Nordair sans avoir eu cette garantie de notre ministre. Je reste embarrassé et perplexe par ce qui a paru dans les journaux et par ce qui m'a été dit à propos de l'actuelle proposition. Il m'est difficile d'accepter que le ministre des Transports du Canada puisse considérer une telle offre." Puisque vous reconnaissez... Selon vous, il existe aujourd'hui un conflit politique que vous trouvez regrettable, est-ce que vous ne pensez pas que par votre propre conduite, à partir du poste que vous aviez occupé chez Nordair et que vous occupiez à ce moment comme haut fonctionnaire à la Société des postes du Canada, vous avez grandement contribué à rendre impossible de fusionner Quebecair et Nordair? Première question.

Deuxième volet: Quelle était la nature des engagements pris par M. Pépin et le gouvernement du Canada à votre égard à ce moment, en ce qui concernait l'avenir de Nordair?

M. Lizotte: Premièrement, je dois vous dire, M. le Président et M. le ministre, que la solution - qu'est-ce qu'on dit - de rationaliser l'industrie de l'aviation au Québec a été soumise, je crois, au mois de juillet, lorsque Nordair a fait une présentation et à vous et au ministre Landry, disant que nous étions prêts à acheter les intérêts de la Société Quebecair pour fusionner ces deux sociétés. C'est là qu'était la base chez nous d'essayer de rationaliser les deux sociétés québécoises. D'autres options, d'autres possibilités, on n'en voyait aucune, naturellement, du fait qu'on avait des gens d'une grande expérience parmi les gestionnaires et la haute direction chez Nordair dont l'idée de fusionner les deux sociétés était partagée par les gens de Quebecair. C'était la seule manière de le faire. Pour répondre à votre question, le programme de fusion entre les deux sociétés devait se faire de la manière dont nous avions présenté la chose.

M. Clair: S'il était rationnel d'envisager la fusion Nordair-Quebecair sous le contrôle de Nordair plutôt que sous le contrôle de Quebecair, en termes de rationalisation économique, est-ce que l'inverse était moins rationnel?

M. Lizotte: Oui. Vous savez, je crois qu'il faut retourner à la base administrative d'une société. La première chose, c'est l'acheteur qui dirige. Ce n'est pas l'autre. C'est l'acheteur qui décide de former son conseil d'administration. C'est l'acheteur qui décide de nommer ses vice-présidents et ses présidents adjoints. La santé financière de Nordair, à cette période, était très bonne et, naturellement, s'il y avait fusion ou rationalisation, si vous voulez, entre les deux sociétés, avec un mélange des gestionnaires de Quebecair choisis pour nous aider, eh bien, c'est celle-là qu'il fallait. C'était la solution au problème et je vous assure que nous avons utilisé toutes les options que nous pouvions étudier.

M. Clair: Je repose quand même ma question puisqu'à la page 36, vous situez le problème à un niveau largement politique. On connaît tous la couverture...

M. Lizotte: M. le ministre...

M. Clair: ...et l'importance des déclarations que vous avez faites au moment où deux gouvernements - les gouvernements des provinces les plus populeuses du Canada - se sont prononcés en faveur d'une option de rationalisation qui ne mettait en danger ni les emplois ni la présence des francophones ou des anglophones, puisque c'étaient des paramètres qui étaient établis par deux gouvernements. Qu'est-ce qui vous a amené à considérer que vous étiez autorisé, vous, comme ancien président-directeur général de Nordair, à tenter de faire échec publiquement à cet accord entre deux gouvernements, qui était un accord politique à ce moment-là? À quel titre parliez-vous? À titre de vice-président de la Société des postes du Canada, d'ancien président de Nordair, d'ex-actionnaire de Nordair? Et quelle était la nature des engagements qui avaient été pris à votre égard par le ministre des Transports du Canada?

M. Lizotte: Premièrement, comme ancien président-directeur général de Nordair et comme ancien vice-président-directeur général de Quebecair, c'était mon devoir de dire ce que je pensais. Dans l'aviation, Quebecair est au hangar no 2, Nordair est au hangar no 5. On se parle. On se connaît. Comme ancien directeur de ces deux sociétés, c'était mon devoir de me prononcer, assurément.

Pour revenir à l'aspect politique, avec tout ce qu'on lit dans les journaux, les sorties qui sont faites contre le ministre Untel, comme tel autre ministre, on sait, tout le monde, que c'est devenu un conflit politique ce que je trouve affreux pour l'industrie de l'aviation au Québec.

M. Clair: Vous pensiez l'aider à ce moment-là par vos déclarations?

M. Lizotte: J'ai le droit de dire à quelqu'un dans les journaux, avec respect, M. le ministre, ce que je pense en ce qui concerne l'aviation au Québec.

M. Clair: Et vous étiez convaincu, comme c'est votre droit, que c'était dans

l'intérêt de la rationalisation du transport aérien au Canada?

M. Lizotte: Je croyais que la province de l'Ontario et la province de Québec, ce que vous avez émis au ministère, ce n'était pas la solution exacte aux problèmes de l'aviation au Québec. Il y a une différence entre soumettre des options et soumettre l'option qu'il faut et qu'il fallait pour résoudre le problème de l'aviation au Québec sur le plan du deuxième niveau.

M. Clair: Je reconnais tout à fait votre droit à vous exprimer, sans aucun problème. C'est tout à fait naturel. Vous avez tellement d'expérience dans ce domaine, mais, à ce moment-là, il semblait surtout que votre prise de position se basait sur des engagements qui auraient été pris à votre égard en ce qui concernait l'avenir de Nordair au moment où vous avez quitté la société Nordair pour la Société des postes du Canada. C'est dans ce sens que je vous posais la question. Que vous ayez des vues sur l'avenir de l'aviation civile, commerciale, en Ontario ou au Québec, c'est tout à fait légitime, mais là où il semble y avoir un intérêt - pour nous, en tout cas - de connaître la situation, c'est que nous, ce qui nous intéresse... On a travaillé; vous le savez, plusieurs options ont été soumises. Ce que nous ignorions à ce moment-là, c'est que des engagements avaient été pris à votre égard. C'est pourquoi je vous pose la question suivante: Quelle était la nature des engagements qui ont été pris en ce qui concerne l'avenir de Nordair au moment où vous avez quitté votre poste à la direction de cette société?

M. Lizotte: L'engagement a été que M. Pépin a écrit une lettre disant que Nordair était pour rester une propriété d'Air Canada.

M. Clair: Et qu'il n'y aurait pas de fusion?

M. Lizotte: Je crois que oui. Dans la lettre... Je ne me rappelle pas.

M. Clair: À la page 34 de votre présentation, vous faites état du fait qu'il n'y aurait pas de mise à pied au moment de la proposition de juillet 1981. Ma mémoire et les documents que je possède comme ministre des Transports m'indiquent qu'aucun engagement écrit n'avait été pris à cet égard. Pourriez-vous fournir des documents qui certifieraient que des engagements écrits avaient été négociés quant à cette question qu'aucune mise à pied ne serait effectuée?

M. Lizotte: Nous avions un plan opérationnel - que je n'ai pas en ma possession, mais qui est sûrement chez

Nordair - et dans ce plan, de façon définitive, il n'y avait pas de mise à pied des employés de Quebecair et de Nordair. Ce n'était pas notre but. Par ailleurs, s'il y avait un employé soit de Nordair ou de Quebecair qui partait, nous étions en mesure de ne pas le remplacer, selon une entente convenue avec les syndicats. Nous n'étions pas là pour causer des problèmes aux employés des deux sociétés, soit Quebecair ou Nordair.

M. Clair: Maintenant, est-ce que votre souvenir est le même que le mien relativement à la rencontre qui a eu lieu entre le ministre délégué au Commerce extérieur, M. Landry, M. Douville, M. Lefrançois, vous et moi-même, savoir que le plan de fonctionnement dont vous faites état n'a jamais été communiqué par écrit ni à moi ni à M. Landry?

M. Lizotte: Non, mais c'était une présentation. D'ailleurs c'était une visite de courtoisie que nous vous avions faite à vous et au ministre délégué au Commerce extérieur, M. Landry, pour vous annoncer que nous avions fait une offre aux actionnaires de Quebecair. Nous étions trois, comme vous vous le rappelez, il y avait M. Lefrançois, M. Jean Douville et moi-même. Naturellement, nous avons parlé de l'état financier et de l'offre financière. Le but n'était pas de parler de la planification opérationnelle.

M. Clair: Mais effectivement, on s'entend sur le fait qu'en ce qui concerne des garanties quant aux mises à pied, il n'y a pas eu de document opérationnel de soumis indiquant...

M. Lizotte: Pas à vous.

M. Clair: Je reviens maintenant à la page 26, dans laquelle vous indiquez que Nordair possédait déjà onze Boeing 737. Est-ce que vous vous souvenez - je comprendrais très bien que vous ne vous en souveniez pas mais au cas où vous vous en souviendriez -de la date d'achat ou d'entrée en service du onzième Boeing 737 chez Nordair?

M. Lizotte: Non. Mais à cette époque, si je ne me trompe pas, nous en avions onze ou nous étions sur le point d'en avoir onze. Cela a été mentionné; je crois que c'est l'avion qui a été acheté avec les fonds de roulement de la société. Je crois que c'est durant cette période.

M. Clair: Cela va. À la page 27, vous indiquez qu'aucun des motifs ne pouvait donc justifier l'acquisition des cinq Boeing 737, considérant les facteurs qui sont entrés en jeu, dont les taux d'intérêt extrêmement

élevés. Sauf erreur, j'imagine qu'ils n'étaient pas plus élevés chez Nordair, que chez Quebecair ou que chez Air Canada. Pas beaucoup de gens avaient prévu la hausse des taux d'intérêt qui a prévalu au cours des 18 ou 20 derniers mois. Les programmes de formation des pilotes et autres entraînent effectivement des coûts élevés. Vous parlez par ailleurs de la rénovation du hangar no 2 à Dorval. Est-ce que vous vous souvenez qu'à l'époque où vous étiez chez Quebecair, le ministère des Transports du Canada aurait demandé de rehausser le toit du hangar no 2 à l'époque de l'arrivée des Boeing 707 et 727 qui ne pouvaient pas, de toute façon, entrer dans le garage. Est-ce que vous vous souvenez de cela à l'époque où vous étiez chez Quebecair?

M. Lizotte: Lorsque j'étais chez Quebecair, on n'avait pas planifié d'acheter des Boeing 737.

M. Clair: Je parle des Boeinq 727 et 707.

M. Lizotte: Non, cela est après moi.

M. Clair: Cela est arrivé après vous, ah bon!

Maintenant, au point 4, vous parlez du surplus, après la rénovation du hangar no 2 à Dorval qui, selon mes informations, était nécessitée même par la présence des Boeing 707 et 727.

M. Lizotte: M. le ministre, est-ce que je peux...

M. Clair: Oui, si c'est arrivé après vous, il n'y a pas de...

M. Lizotte: Vous savez que Quebecair est au hangar no 2, Nordair est aux hangars nos 5 et 6. Peut-être que des ententes sur l'entretien des avions pouvaient se faire entre les deux sociétés sans élever le hangar.

M. Clair: Est-ce que vous en avez fait à l'époque où vous étiez directeur général de Quebecair?

M. Lizotte: De quoi?

M. Clair: Des ententes avec Nordair.

M. Lizotte: À tous les jours, il y a des ententes entre Quebecair et Nordair; à tous les jours, les gestionnaires empruntent des pièces et ils font toutes sortes de choses comme cela. On se parle entre Quebecair et Nordair...

M. Clair: ...en termes opérationnels... M. Lizotte: Les gestionnaires se parlent.

M. Clair: ...on essaie de profiter de la présence de l'une et de l'autre, j'imagine.

M. Lizotte: C'est cela. M. Clair: C'est cela.

M. Lizotte: D'ailleurs, cela a toujours été dans l'histoire de Quebecair et de Nordair que j'ai connue.

M. Clair: Vous parlez aussi, à la page 27, du surplus de capacité dans un marché décroissant. Vous aviez parlé, dans les pages précédentes, en particulier de Fort Lauderdale et de Toronto. Est-ce que cette affirmation s'applique tant au marché de Toronto qu'au marché de Fort Lauderdale?

M. Lizotte: Lequel, monsieur?

M. Clair: Vous parlez des taux d'intérêt élevés...

M. Lizotte: Les surplus de capacité dans un marché décroissant qui sont dans des marchés du Québec, comme celui de Bagotville ou autres. (lé h 15)

M. Clair: D'accord. Cela ne s'applique pas nécessairement à Fort Lauderdale ou au marché de Toronto.

M. Lizotte: Oui, mais il y a une différence énorme entre la marge de profit pour un siège vendu pour aller à Fort Lauderdale comparativement à la marge de profit sur les vols réguliers.

M. Clair: Oui, mais ce que je voulais simplement préciser si cela s'appliquait... Je pense que les membres de la commission ont eu l'occasion de constater qu'en termes d'achalandage sur le réseau, les marchés pouvaient être effectivement décroissants mais que, par ailleurs, sur d'autres destinations - on pense à Fort Lauderdale, notamment - le marché était plutôt croissant jusqu'à tout récemment.

M. Lizotte: Oui mais un marché croissant, si vous permettez, est un marché qui est croissant pendant plusieurs années. Un marché croissant n'est pas un marché qui monte en flèche pendant une année et qui retombe plus bas qu'il ne l'était deux ou trois ans auparavant.

Le marché de Fort Lauderdale - je n'ai pas les chiffres avec moi mais si vous permettez, M. le Président, M. le ministre -est un marché qui n'a pas été amélioré, qui n'a pas eu tellement de croissance. C'est un marché limité qui n'a pas tellement de croissance. Alors, il faut quand même réaliser

que la raison de la venue d'un transporteur dans ce marché, premièrement, est d'aller chercher une part du marché des autres transporteurs. Mais le marché primaire d'un service tel que Montréal-Fort Lauderdale, ce n'est pas parce que vous y entrez que vous avez une croissance énorme. Vous pouvez l'avoir pour une année, peut-être deux ans, mais après cela, cela tombe.

M. Clair: On peut approfondir un tout petit peu sur le marché de Fort Lauderdale. À la page 25, on dit: "Le marché de Fort Lauderdale est une marché aérien très diversifié, concurrentiel, malgré tout limité" - ce qui est certainement le cas comme tous les marchés - "Plusieurs sociétés offrent un service régulier, tels Eastern, Delta et Air Canada. D'autres offrent un service de nolisement, comme les sociétés Quebecair, Nordair, Air Florida, Air Canada et Wardair."

Vous affirmez que c'est un marché très concurrentiel dont l'outil de vente le plus important est le prix offert. En termes de venue sur ce marché de Fort Lauderdale, lorsque vous parlez d'Air Florida et d'Air Canada, est-ce qu'il n'est pas exact de dire que ce marché, à partir de Québec et de Montréal, en termes de vols ABC ou ITC, a été développé d'abord par Quebecair - 1980 je crois, 1979-1980 - et que c'est l'année suivante qu'Air Canada a augmenté considérablement sa présence à partir de Montréal, s'est introduite sur le marché de Québec-Fort Lauderdale et que ce n'est qu'au cours de la présente année qu'Air Florida a établi une liaison entre Québec et Fort Lauderdale? Autrement dit, est-ce qu'il n'y a pas lieu de mettre de la chronologie dans la présence de ces entreprises aériennes sur un marché comme celui-là?

M. Lizotte: Je crois que lorsqu'on parle du marché de nolisement pour le Sud, tel que Fort Lauderdale et les autres marchés allant dans le Sud, il faut remonter à peut-être 1969, lorsque Nordair a commencé à faire des voyages qu'on appelle ITC, avec un groupe d'agences de voyages qui se lançaient pour envoyer des gens en groupe à Fort Lauderdale et d'autres endroits. Si je me souviens bien - c'est Nordair qui avait commencé - c'est en 1970 qu'on a commencé, chez Quebecair, à avoir des voyages de nolisement qui ont été développés. Alors c'était le marché qui avait eu une croissance assez intéressante, des années 1969 à 1975-1976.

Il y a aussi les sociétés qui ont commencé à vendre ce qu'on appelle des ABC et ce sont des sociétés telles que Wardair, Air Canada, et d'autres sociétés qui étaient sur la liste, qui ont commencé à vendre des ABC. Naturellement, des sociétés telles que Nordair et Quebecair ont également commencé à vendre des ABC, mais les fins de semaines et non pas la semaine. On ne vendait jamais des ABC les lundi, mardi, mercredi, jeudi et vendredi. On ne vendait des ABC que le samedi et le dimanche ou le vendredi soir. C'était un marché à marge de profit très limité et cela créait une situation d'augmentation de l'utilisation de l'équipement. Alors ce n'était pas un marché à développer pour réaliser des profits, surtout la semaine; c'était bon les fins de semaines.

Il y a une grande différence entre avoir des nolisements la fin de semaine et des nolisements la semaine. La semaine, des sociétés comme Quebecair ou Nordair se doivent de desservir les routes régulières, l'horaire et utiliser les avions en moyenne de neuf à dix heures par jour avec l'horaire. La fin de semaine, à cause de la densité du trafic, M. le ministre, on peut se permettre de se lancer dans le nolisement avec une marge de profit moins élevée, mais augmenter l'utilisation des avions dans le but de compenser la dépréciation, de payer les salaires, etc.

M. Clair: Est-ce que je comprends de votre réponse qu'en termes de date à laquelle chacun des transporteurs que vous énumérez est entré en service par vol cédulé ITC ou ABC pour Fort Lauderdale, que ce soit Wardair, Air Canada, Air Florida, Quebecair ou Nordair, vous n'avez pas une chronologie en termes d'entrée sur le marché non plus que le nombre de sièges offerts chaque année par chacune de ces entreprises?

M. Lizotte: Je n'ai pas cela avec moi.

M. Clair: Je comprends. À la page 17, en ce qui concerne les vols de reconnaissance des glaces et la Dew Line, vous dites: "Je tiens à souligner que toutes les sociétés aériennes au Canada ont été invitées à soumissionner. Nordair en est sortie vainqueur à cause de sa compétence et de son équipement." Là-dessus, il semble qu'il y ait une légère différence d'opinions entre vous et M. Douville. M. Douville insistait sur la compétence de Nordair, et non pas sur l'équipement.

Ma question à deux volets est la suivante: Par le fait que Nordair était propriétaire de ces équipements très spécialisés depuis plusieurs années, mis à jour régulièrement pour offrir un service reconnu comme étant excellent, est-ce qu'au fond Nordair n'était pas dans une situation - je n'en fais pas grief - où elle était avantagée, compte tenu de son expertise, de la propriété de ces équipements, de la connaissance qu'elle avait de ce domaine par rapport à tout autre transporteur aérien? Deuxièmement, pourriez-vous nous indiquer quelle était, à l'époque où vous avez dirigé

Nordair, la proportion des profits de Nordair provenant de ces deux contrats de Nordair?

M. Lizotte: La première réponse, c'est que je dois vous annoncer qu'il y a eu une grande concurrence, surtout pour le dernier contrat. Les concurrents ont fait des soumissions pour d'autres genres d'appareils; la société Nordair a fait l'étude d'autres appareils. Ce n'était pas parce qu'ils avaient - je crois que ce vous voulez dire, c'est le Lockheed 188, ce n'était pas la raison, je vous assure... Tout simplement, nous avons regardé d'autres appareils pour entreprendre ce service.

En ce qui a trait aux profits, malheureusement, je n'ai pas les livres avec moi. Je crois que le président de Nordair pourrait vous donner ces renseignements. Je ne peux pas vous dire si c'était très profitable ou non en ce moment parce que, réellement, je ne représente pas Nordair.

M. Clair: À l'époque où vous étiez chef de la direction, vous ne vous souvenez pas des proportions.

M. Lizotte: Des proportions, non.

M. Clair: À la page 9, vous faites état du fait que Quebecair, en concurrence directe avec Air Canada, ne possédait que 6% du marché pour la liaison Montréal-Bagotville-Montréal, en 1969. À la suite d'un programme intensif utilisant tous les aspects du marketing et la fierté des employés, vous avez capté au-delà de 40% de ce marché. Vous indiquez que, par la suite, Air Canada a dû se retirer du marché Montréal-Bagotville-Montréal et du marché Québec-Bagotville-Québec. Les statistiques dont je dispose m'indiquent que, depuis 1978, donc depuis déjà plus de cinq ans, Quebecair détient sur Sept-Îles, par exemple, où il est en concurrence avec Air Canada, beaucoup plus que 40% du marché. Lorsqu'on se réfère à la politique de 1966 et de 1969, où des routes dites régionales devaient être transférées à des transporteurs régionaux, à votre avis, compte tenu que le pourcentage de passagers obtenu sur la destination de Sept-Îles est déjà plus important pour Quebecair que ce que vous aviez à l'époque pour Air Canada, est-ce que vous interprétez le non-retrait d'Air Canada de Sept-Îles comme un changement à la politique du ministère des Transports du Canada? Est-ce que vous avez une explication sur cette question-là?

M. Lizotte: Je peux simplement vous faire part de l'expérience que j'ai eue pour Bagotville avec Air Canada comme directeur général de Quebecair. Pour Bagotville, les gestionnaires de la société ont travaillé très fort pour préparer un programme. Nous sommes allés voir Air Canada pour travailler avec eux dans le but de prendre la route de cette société.

En ce qui a trait aux vols de Quebecair pour Sept-Îles, je peux vous dire qu'en ce moment, ils ont réduit leur fréquence d'envolées. Dans mon temps je crois qu'ils en avaient trois, deux de Montréal et une de Québec. Maintenant, on me dit qu'ils n'en ont qu'une par jour. Vous savez que c'est très intéressant pour une société comme Nordair ou Quebecair que la société Air Canada laisse une envolée. Cela veut dire beaucoup.

Quant aux démarches qui ont été faites entre Quebecair et Air Canada pour la route de Sept-Îles, je ne les connais pas. Je ne sais pas pourquoi ils voudraient ou ne voudraient pas laisser la route à Quebecair.

M. Clair: Au moment où Air Canada a abandonné la route de Bagotville en 1969... C'est ce que vous indiquez.

M. Lizotte: Non, ce n'est pas en 1969. Je crois qu'ils ont abandonné la route en 1971, mes collègues de Quebecair pourraient me le dire.

M. Clair: Peu importe, je ne vous fais pas grief sur l'année, j'avais cru comprendre à partir de votre texte que c'était en 1969. Quoi qu'il en soit, que ce soit en 1969...

M. Lizotte: Non, en 1969, c'est lorsque nous avions 6% de la part du marché, qui a été développé très rapidement jusqu'à 40%.

M. Clair: Vous avez mis deux ans à développer.

M. Lizotte: Oui.

M. Clair: De mémoire, la principale raison qui a incité Air Canada à se retirer à ce moment-là de Bagotville, est-ce que ce n'était pas, à toutes fins utiles, parce que cette liaison pour Air Canada était très marginalement rentable, si elle n'était pas déficitaire, et que c'était considéré, en vertu de la politique de 1966 et de 1969, comme appartenant, dans le fond, davantage à un transporteur régional?

M. Lizotte: Avec respect, M. le ministre, il faudrait le demander à Air Canada parce que je ne connais pas les raisons pour lesquelles ils ont décidé de laisser la route à Quebecair. Je peux simplement vous dire que nous avons travaillé très fort, nous sommes allés voir Air Canada et avec une grande collaboration de leur part nous avons eu la route au complet. Quant aux raisons pour lesquelles ils ont laissé tomber, je ne les connais pas.

M. Clair: Vous les ignorez.

M. Lizotte: Je ne les connais pas.

M. Clair: Je n'ai pas d'autres questions pour l'instant, M. le Président. Je pense que mes collègues ministériels auront peut-être d'autres questions tantôt.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Je tiens à remercier M. Lizotte et son collègue de s'être déplacés pour la seconde fois afin de nous rencontrer. J'aimerais souligner que, lors de la première journée de la commission parlementaire, il y a deux semaines, M. Lizotte devait comparaître devant la commission. Malheureusement, nous avons dû remettre la deuxième journée, ce qui a forcé M. Lizotte et d'autres d'ailleurs, qui viendront aujourd'hui, à se déplacer à deux reprises. Je pense qu'il vaut la peine de le souligner parce que ce sont des gens très occupés qui ont fait l'effort de se préparer et de venir ici, à leurs frais, je dois le dire, communiquer aux membres de la commission et à l'ensemble de la population les lumières dont ils disposent sur le sujet.

M. Lizotte, la fusion de Quebecair et Nordair, il semble que depuis quelques années tout le monde estime que ce serait la solution idéale pour régler les problèmes du transport aérien au Québec et même dans l'Est du Canada. Plusieurs écoles de pensée ont vu le jour, certaines prétendant que la fusion devrait se faire à partir de Quebecair, d'autres à partir de Nordair. Vous appartenez évidemment à cette dernière école, vous en avez parlé tantôt. D'après vous, pourquoi aurait-il été préférable de réaliser la fusion des deux transporteurs à partir de Nordair plutôt qu'à partir de Quebecair? (16 h 30)

M. Lizotte: J'ai quelque peu répondu à cela tout à l'heure. Dans mon exposé, je vous ai mentionné que j'ai constaté, comme directeur général des deux sociétés, que chez les employés, les syndicats, les gestionnaires, il y avait une grande ressemblance entre les deux sociétés.

Par ailleurs, regardons l'expérience de la haute direction. J'ai dit au ministre, tout à l'heure, qu'après tout, c'est la société qui achète qui dirige. Quand il est question de fusion, dire: C'est nous qui allons acheter, mais c'est toi qui vas diriger, ce n'est pas la situation, cela n'existe pas. Lorsqu'on constate que c'est la direction qui dirige, qui nomme les administrateurs, les vice-présidents, etc., lorsqu'on regarde l'expérience de gars de métier, des francophones dans le métier, dans les deux sociétés, on s'aperçoit que c'est chez Nordair, depuis un certain temps, qu'il y a la qualité des administrateurs et des gens qui peuvent administrer une société. Mais, de l'autre côté, chez les employés, les syndicats, etc., c'est la même chose. C'est la première partie.

Naturellement, la santé financière de Nordair était très bonne et elle est encore très bonne. On connaît malheureusement la santé financière de Quebecair. Là encore, c'est une autre situation qui favorise. C'est Nordair qui devait rationaliser - c'est le mot qui a été tellement employé - l'industrie de l'aviation au Québec.

Alors, vous avez l'expérience, vous avez la finance, vous avez les employés des deux sociétés qui peuvent être comparés, et vous avez surtout la philosophie administrative. Lorsque nous regardons la philosophie administrative chez Nordair et que nous la comparons à la philosophie administrative chez Quebecair, depuis quelques années, on s'aperçoit que c'est absolument contraire. Il y a, chez Nordair, une philosophie administrative prudente. On fait attention pour réaliser des profits. Évidemment, il y avait la sécurité. M. le ministre, vous l'avez évoqué tout à l'heure, il y avait la sécurité d'emploi. Je vous assure qu'il n'y avait aucun employé chez Quebecair ou Nordair qui perdait son emploi. Nous étions là. Lorsque je suis allé chez Quebecair, je n'ai fait aucun problème aux employés. Lorsque je suis allé chez Nordair, non plus. Je vous assure que la nouvelle société ne faisait pas cela.

De plus, je dois vous dire que Quebecair ne perdait pas l'identité Quebecair et Nordair ne perdait pas l'identité Nordair. Nous avions une société de gestion, si vous voulez, la Société centrale d'aviation, qui avait des centres de profits et qui avait l'identité de Quebecair, l'identité de Nordair et l'identité de Nordair-Quebecair, services aériens. Nous avions aussi un autre centre de profits qui était les Voyages Treasure Tours. C'étaient les quatre centres de profits qui travaillaient ensemble afin d'en arriver à une réussite. Cela allait très bien avec une philosophie comme celle-là.

M. Bourbeau: M. Lizotte, pour l'information des gens qui nous regardent à la télévision et qui ne sont pas des experts en aviation comme vous l'êtes, pourriez-vous nous donner une idée de ce qu'étaient, à ce moment-là, les deux compagnies en termes de flotte, en termes du nombre d'employés, en termes de valeur marchande des actions? Combien valaient-elles? Quelle était l'importance de Nordair et de Quebecair en 1977-1978, par exemple? Est-ce qu'on parlait de la possibilité de fusionner deux compagnies d'importance égale ou s'il y en avait une qui était plus importante que l'autre? C'est important, quand on veut fusionner, de savoir si ce sont deux chevaux

d'égale grosseur ou si c'est un poulain et un étalon, par exemple?

Une voix: Un cheval, un lapin. M. Bourbeau: Un cheval, un lapin.

M. Lizotte: Un cheval, un lapin.

Écoutez, avec le respect de mes collègues chez Quebecair, on sait tous que, lorsqu'on regarde les chiffres, la société Nordair était une société où les revenus étaient beaucoup plus élevés. Malheureusement, je n'ai pas les chiffres avec moi. Ils étaient beaucoup plus élevés en 1977, 1978, 1979 que ceux de la société Quebecair. Il faut quand même réaliser qu'en fait de profits, la société Nordair avait réalisé des profits depuis 25 ans, tandis que, malheureusement, Quebecair avait eu des problèmes. Nous avons réalisé des profits en 1971, 1972, 1973 et 1974 chez Quebecair. Nous avons réalisé encore des profits en 1977, si je ne me trompe pas. Il y a eu de très mauvaises années entre-temps. Sur le côté des revenus, la société Nordair produisait au moins 75% de plus de revenus que la société Quebecair, si je me rappelle assez bien. En fait de profits, la société a réalisé des profits pendant des années. Naturellement, c'est une société qui, en fait d'avions, possédait dix ou onze 737. Quebecair en a acheté cinq. Nous avions deux Lockheed 188 chez Nordair. Nous avions trois 227, chez Quebecair; ils avaient des BAC 1-11.Ils en avaient deux ou trois. Maintenant, on sait qu'ils en ont cinq.

En fait de flotte, vous savez, lorsqu'on parle de Quebecair, en 1971, la société Quebecair avait plus d'appareils que CP Air, lorsqu'on regarde les appareils que nous avions chez Fecteau, quand on regarde les appareils que nous avions aux Ailes du Nord, etc. Il faut quand même régler ce problème à savoir ce qu'on veut dire par appareils. Les appareils que nous avions, comme je vous, c'est dix, onze 737 chez Nordair, contre cinq chez Quebecair. De ce côté, en fait d'employés, je m'aventure à dire que, chez Quebecair, en 1978, 1979, il y avait peut-être 800 à 900 employés. Dans mon temps, nous étions de 550 à 600. Nous étions chez Nordair, avec les Voyages Treasure Tours, autour de 1400.

M. Bourbeau: Bon, je pense que cela donne une idée. Maintenant, la valeur des compagnies. Très souvent, on peut déterminer la valeur de ce que vaut une compagnie par le marché. Nordair a été vendue en 1978, je crois, 25 000 000 $, si ma mémoire est bonne.

M. Lizotte: Autour de cela, oui. À 12,61 $ l'action.

M. Bourbeau: Disons 25 000 000 $. Quebecair, en 1981, valait 7 500 000 $ puisque c'est l'offre qui a été faite à deux reprises, et par Nordair, et par le gouvernement du Québec. On peut dire avec assurance que, sur le marché, Nordair valait 25 000 000 $ en 1978, probablement un peu plus en 1981 puisqu'elle a fait des profits entre-temps, et que Quebecair valait 7 500 000 $ en 1981. On parle donc de trois fois la valeur. Pour ce qui est des réactés, parce qu'en fait la valeur d'une flotte, ce sont surtout les réactés, les autres avions valent moins cher, quoique, pour les réactés, on puisse en avoir plusieurs s'ils sont hypothéqués au maximum. Vous aviez dix ou onze Boeing 737 à Nordair, à cette époque, enfin, en 1981, semble-t-il. Quebecair avait trois BAC 1-11 jusqu'à ce qu'elle se lance dans l'achat de ses Boeing en 1980-1981. Enfin, je pense que c'est utile de voir l'importance des deux sociétés pour savoir si c'était plus facile pour la petite d'acheter la grosse ou pour la grosse d'acheter la petite. Vous, vous avez évidemment toujours préconisé qu'il aurait été plus facile, en termes d'administration, de fusionner Quebecair à partir de Nordair en une seule société. D'autres, semble-t-il, préféraient fusionner Nordair à partir de Quebecair. Une chose qui est intéressante dans ce que vous nous avez dit, c'est qu'en 1977, vous étiez président de Nordair et vous apprenez tout à coup que votre société est à vendre. Les actionnaires décident de vendre la compagnie. C'est à partir de ce moment-là que plusieurs groupes ont tenté d'effectuer la fusion de Quebecair et de Nordair, à partir du moment où Nordair a annoncé son intention de vendre. Vous nous dites dans votre mémoire que la première chose que les actionnaires de Nordair ont faite, c'est d'aller rencontrer le ministre des Finances du Québec, M. Parizeau. Je présume que c'était pour lui offrir la vente de Nordair. Vous nous répondrez tantôt. Si c'est cela, c'est intéressant, parce qu'on sait que le gouvernement du Québec a toujours souhaité que Nordair soit fusionnée à Quebecair à partir de Quebecair et même a investi des fonds importants dans Quebecair dans le but, effectivement, de permettre éventuellement l'achat de Nordair par Quebecair. Or, c'est la première fois à ma connaissance qu'il est porté à notre attention que le gouvernement du Québec a eu l'occasion d'acheter Nordair dès juin 1977, comme vous le dites. Pourriez-vous nous parler un peu de cette initiative des actionnaires de Nordair?

M. Lizotte: Lorsque la décision de Nordair a été prise de vendre la société, j'ai été convoqué, naturellement, par M. James Tooley, qui était le patron de la société et le président du conseil. Il m'a annoncé qu'on avait décidé de vendre la société. Nous

sommes allés au conseil d'administration. La décision fut prise et il fut résolu que la première personne qu'on devait voir - et qu'on a vue - serait naturellement M. Parizeau. Nous sommes venus ici à Québec pour voir M. Parizeau et lui faire une présentation de la valeur de la société et du fait que ce serait une bonne chose pour le gouvernement du Québec d'acheter la société Nordair. M. Parizeau nous a extrêmement bien reçus. Il nous a dit qu'il allait communiquer avec nous. Nous avons attendu quelques semaines. Nous avons encore communiqué avec M. Parizeau. Il n'a pas retourné nos appels et nous avons continué à chercher à atteindre M. Parizeau pendant environ six semaines, même peut-être deux mois. Finalement, nous avons laissé tomber, mais c'est la première personne que nous avons visitée et nous lui avons dit: Nordair est à vendre. Voulez-vous l'acheter?

M. Bourbeau: Voulez-vous dire qu'après votre rencontre avec M. Parizeau à son bureau avec l'actionnaire principal de Nordair, en aucune façon, on ne vous a donné de nouvelles? On ne vous a pas confirmé votre visite par écrit? On ne vous a pas écrit que le gouvernement du Québec n'était pas intéressé? On a simplement laissé filer sans aucune nouvelle?

M. Lizotte: À moins que M. Parizeau n'ait posté une lettre à M. Tooley, mais il me l'aurait dit, parce que nous étions dans le dossier. Il y avait naturellement M. Tooley, il y avait moi-même, il y avait M. Lefrançois et quelques autres personnes. Il ne m'a jamais dit qu'il avait reçu une lettre de M. Parizeau lui disant: On n'est pas intéressé, ou quelque chose comme cela. Finalement, on s'est dit: II nous semble qu'ils ne sont pas intéressés.

M. Bourbeau: Devant le...

M. Lizotte: C'est une chose très importante que vous avez mentionnée tout à l'heure, que l'avoir de la société Nordair est d'environ 27 000 000 $. Il n'y a pas seulement des profits, mais il y a l'avoir de la société.

M. Bourbeau: Quand vous avez rencontré M. Parizeau et que vous avez constaté qu'il n'y avait pas d'intérêt de la part du gouvernement du Québec d'acheter Nordair, les actionnaires de la compagnie Nordair ont fait savoir au public, je crois, que la compagnie était en vente et qu'ils désiraient s'en départir. Y a-t-il eu des groupes qui ont proposé d'acheter Nordair ou qui ont fait des offres d'achat acceptables aux actionnaires?

M. Lizotte: On est devenus des vendeurs de société. En fait, on a visité plusieurs personnes et je crois que la troisième ou la quatrième personne que nous avons visitée - je ne me les rappelle pas toutes - a été, naturellement, M. Claude Taylor, chez Air Canada, qui a fait une étude des bilans de la société. Nous lui avons dit que nous avions pressenti le gouvernement du Québec pour l'intéresser et, par la suite, nous avons continué à travailler avec Air Canada qui, finalement, a acheté la société. Mais ce n'est pas Air Canada qui est venue à nous en disant: On veut vous acheter. C'est nous, les vendeurs, qui avons approché Air Canada pour lui dire: Voulez-vous nous acheter? (16 h 45)

M. Bourbeau: Vous avez approché Air Canada après avoir approché le gouvernement du Québec.

M. Lizotte: Ah oui! M. Bourbeau: Après.

M. Lizotte: Après. Je ne me rappelle pas si c'était un mois ou deux après. Comme M. le ministre le disait tout à l'heure, je n'ai pas les dates l'une après l'autre, mais c'était après sûrement - j'oserais dire -d'environ deux mois.

M. Bourbeau: On connaît la suite. Air Canada a acquis le contrôle de Nordair et est devenue coactionnaire de celle-ci avec le Mouvement Desjardins, Air Canada étant l'actionnaire principal. Subséquemment, le gouvernement du Canada a annoncé son intention de revendre ses intérêts dans Nordair à l'entreprise privée. Plusieurs groupes se sont manifestés: le groupe de M. Hamel, le grouge de Quebecair qui était très intéressé à acheter Nordair et également d'autres groupes, incluant des groupes du Québec. Est-ce que vous ne faisiez pas partie d'un groupe intéressé à acheter Nordair? Je pose la question parce que nous sommes portés à penser qu'il n'y avait qu'un seul groupe de Québécois intéressé à acheter Nordair; je pense qu'il y avait d'autres groupes. Vous pourriez peut-être nous décrire qui était candidat sur les rangs pour se porter acquéreur de Nordair. On parle de 1978, de 1979, etc.

M. Lizotte: Malheureusement, je n'ai pas été la fiancée du ministre Pépin. Comme vous le savez, on a formé un groupe; les employés de la société Nordair ont décidé d'acheter leur société. Naturellement, nous avions un groupe avec la caisse d'entraide, la société Makiavik et le groupe Lizotte qui représentait les employés de Nordair. Lorsque nous regardons les partages de ces groupes, le groupe des employés de Nordair avait 25%, Makiavik avait 25% et la caisse d'Alma

avait 25% pour un total de 75% au Québec, avec 25% dans l'Ontario qui appartenait à TEW qui est l'ancien Warnock Hersey, de Montréal. Naturellement, il y avait le groupe de SID et l'autre groupe, celui d'Alfred Hamel; pendant une certaine période de quelques mois, on a annoncé qu'il y avait le groupe de Harry Steele de EPA qui était également intéressé. Alors, il y avait notre groupe et il y avait aussi le groupe d'Expéditex, celui d'Alfred Hamel, celui de SID et de Great Lakes en Ontario qui parlaient pendant un certain temps d'un certain partage que je n'ai jamais connu, et ce n'était pas de mes affaires. Je peux vous dire que notre groupe était quand même à 75% du Québec et à 25% de l'Ontario.

M. Bourbeau: Donc, il y avait plusieurs groupes qui étaient intéressés a faire l'acquisition de Nordair à partir du moment où le gouvernement fédéral avait annoncé son intention de revendre Nordair à l'entreprise privée. Subséquemment, on sait ce qui est arrivé, il y a eu des modifications de régime à Ottawa. Les conservateurs sont arrivés au pouvoir, il y a eu un nouveau ministre des Transports; après cela, les libéraux sont revenus; le temps est passé entre la chute des gouvernements et l'arrivée des nouveaux. Et puis, la situation a changé en ce qui concerne l'état financier des compagnies, de sorte qu'en 1981, il semble que les actionnaires de Quebecair aient trouvé qu'il n'était plus possible pour eux de continuer d'espérer fusionner Nordair à partir de Quebecair. Les actionnaires de Quebecair ont sollicité une offre - je pense que c'est le mot qui a été employé - de Nordair pour une fusion éventuelle. Vous étiez alors encore président de Nordair, alors vous étiez certainement très au courant de ce qui s'est passé. Pouvez-vous nous dire comment est venue cette offre? De quelle façon a-t-elle été dirigée? À quel moment?

M. Lizotte: Vous parlez de l'offre de Nordair pour l'achat de Quebecair?

M. Bourbeau: Non, je parle plutôt de la demande venant des actionnaires de Quebecair à Nordair de faire une offre. Qui a pris l'initiative et à quel moment les actionnaires de Quebecair ont-ils demandé qu'on leur fasse une offre?

M. Lizotte: Du côté technique et financier, naturellement, il y a eu des dialogues entre M. Gauthier de SID et Jean Douville qui représentait l'actionnaire principal et je me suis occupé surtout du côté opérationnel, de la fusion possible entre les deux sociétés; j'étais au courant qu'il y avait des dialogues approfondis entre les deux, c'est-à-dire M. Gauthier et M. Douville. Finalement, nous avons abouti dans le bureau du ministre M. Landry et nous avons fait une offre dont, je crois, M. Jean Douville a parlé à une séance il y a quelques semaines. Après cela, on nous a avisés que les actionnaires de la société Quebecair avaient décidé de ne pas donner suite à la possibilité de vendre à la compagnie Nordair. Et nous avons entendu dire, exactement une semaine après, que le gouvernement du Québec avait décidé de placer 15 000 000 $ - on l'a su par le truchement des journaux -dans la société Quebecair.

M. Bourbeau: Les actionnaires de Quebecair sollicitent une offre; une offre est préparée par Nordair pour faire une fusion avec Quebecair. L'offre est envoyée aux actionnaires de Quebecair, je présume.

M. Lizotte: Oui.

M. Bourbeau: Et pendant que l'offre est encore en vie, si je peux dire, est encore valable, vous vous présentez au bureau de M. Landry. Pourquoi êtes-vous allés voir M. Landry? Pourtant, il n'était pas actionnaire de Quebecair. Est-ce que vous n'auriez pas plutôt dû aller voir M. Hamel et le Mouvement Desjardins pour aller expliquer votre offre? Pourquoi le bureau de M. Landry?

M. Lizotte: Non, cela avait été fait. Il y avait eu des dialogues, naturellement, comme je le disais tout à l'heure, avec M. Gauthier; il y avait eu des dialogues avec M. Hamel. Alors, cela avait été fait. Nous avons décidé d'aller voir le gouvernement du Québec; nous sommes allés voir M. Landry par courtoisie, du fait que M. Landry avait été impliqué dans le dossier Quebecair, le dossier Nordair, il y a des années, qu'il était conscient de ce qui se passait, des problèmes et M. Parizeau également. MM. Parizeau et Landry avaient entrepris des démarches il y a des années - je ne me souviens pas tout à fait quand, mais il y a des années - pour cette possibilité même de fusion.

Alors, par courtoisie, nous avons visité M. Landry. Naturellement, le ministre Clair, qui était entré en fonction peut-être quelques semaines avant, était là. Nous sommes allés discuter avec lui de l'offre que nous faisions et de ce que nous croyions être bon pour la province de Québec et les deux sociétés. M. Landry nous a dit très clairement, si je me souviens bien, que, sous les angles économique, financier et technique, notre proposition avait beaucoup de bon sens, mais que cela n'entrait pas dans les objectifs du gouvernement et qu'il ne pouvait pas nous appuyer dans cette offre. Ceci s'est passé vers la fin de l'après-midi dans ses bureaux et M. Clair était là.

M. Bourbeau: Si je me souviens bien,

c'est le 16 juillet 1981, cela a été rapporté dans la lettre.

Alors, vous êtes dans le bureau de M. Landry et le ministre Clair est là. Je dois dire, pour les fins de l'histoire, que le ministre Clair était quand même ministre depuis plus de deux semaines en juillet 1981, puisque les élections avaient eu lieu en avril 1981 et que le ministère des Transports n'est pas resté sans ministre d'avril à juillet. Le 30 avril, le ministre Clair est entré en fonction.

On vous a dit que votre offre, à tout point de vue, était excellente sauf qu'elle n'était pas conforme aux objectifs du gouvernement. Est-ce qu'on vous a spécifié quels étaient les objectifs du gouvernement, à ce moment, dans le dossier Quebecair?

M. Lizotte: Non, pas spécifiquement. M. Landry a bien mentionné qu'il voulait avoir une société francophone... Je me souviens très bien qu'il a dit: Je voudrais aller à Paris sur les ailes de Quebecair et voir la fleur de lys à Paris. Ce sont des choses qu'il a dites. À part cela, il n'a pas donné ses objectifs quant à ce qu'il voulait faire éventuellement, mais il nous a fait savoir cette journée-là qu'il n'endossait pas du tout l'offre de la société Nordair.

M. Bourbeau: Pour ce qui est de l'offre que vous aviez faite, cette offre avait été négociée avec les actionnaires de Quebecair, avec le Mouvement Desjardins, avec M. Hamel et la corporation Provost, je présume, puisque vous négociiez avec eux. C'était M. Gauthier qui négociait pour le groupe des actionnaires de Quebecair...

M. Lizotte: C'était M. Gauthier, naturellement, qui représentait la SID. Je ne sais pas jusqu'à quel point il représentait également M. Hamel. Je présume qu'il représentait le groupe, mais peut-être que je me trompe. Je sais que les négociations, en ce qui concerne le prix, et la technique de la présentation avaient été faites entre le représentant de l'actionnaire principal et M. Gauthier et que M. Gauthier a parlé avec ses collègues membres du conseil de Quebecair.

M. Bourbeau: II a été dit précédemment que M. Gauthier avait un mandat de la part des actionnaires pour négocier avec Air Canada, sauf erreur. L'offre est préparée. Elle est soumise aux actionnaires de Quebecair. Pourriez-vous nous parler un peu de cette offre qui, semble-t-il, était acceptable aux actionnaires de Quebecair, puisqu'elle avait été négociée avec eux? C'est l'intervention du gouvernement du Québec qui l'a fait avorter. Cela a été dit la semaine dernière par les actionnaires de Quebecair qui ont bien dit que c'est le refus du gouvernement du Québec qui les avait empêchés d'accepter l'offre. Quant au Mouvement Desjardins, il a ajouté qu'il s'est rallié à la décision de l'actionnaire majoritaire, M. Hamel, qui, semble-t-il, est le premier à avoir décidé de suivre les impératifs du gouvernement.

En ce qui concerne cette offre, vous semblez dire qu'elle était avantageuse et intéressante. Si vous offriez de payer à peu près 7 500 000 $ pour acheter Quebecair, c'est le prix également que le gouvernement du Québec s'est engagé à payer aux actionnaires... Or, deux ans plus tard, Quebecair fait un déficit de presque 22 000 000 $ en 1982, l'année dernière. Qu'est-ce qui vous fait dire que, si vous aviez fusionné Quebecair à Nordair, on n'aurait pas eu un déficit semblable? Comment se fait-il que, dans un cas, vous prétendez que cela aurait pu être intéressant alors que, dans le cas actuel, c'est un vrai désastre financier? Pourquoi cela aurait-il été différent?

M. Lizotte: Premièrement, pendant la période de l'été... La fusion possible, on a dû étudier ses activités au moins durant six mois avant de décider que c'était là une certaine possibilité. Là, naturellement, nous avons fait des démarches pendant cette période auprès de courtiers, de vendeurs d'avions, si vous voulez, dans le monde pour regarder les possibilités de louer des appareils. Durant cette période, c'était un problème d'acheter des appareils, mais il y avait une grande possibilité de louer des appareils avec des contrats à long terme. Du côté des appareils, nous étions assurément en position de louer des appareils.

Du côté des dépenses, nous avions immédiatement des programmes de rechange pour couper les dépenses considérablement sans affecter les employés. Avec le surplus d'employés avec une fusion possible, nous étions en position de faire usage des employés en surplus pour nous donner un coup de main afin d'aller chercher une part respectable du marché, où il y avait de la concurrence, et aussi pour le service à la clientèle. Naturellement, nous avions des programmes de nolisement jugés réalistes afin de nous donner l'occasion d'avoir des nolisements en fin de semaine et non la semaine. Il y avait des marchés où on pouvait facilement couper les dépenses immédiatement parce que nous avions un double emploi, comme à Toronto, si vous voulez. Quebecair faisait usage d'un autre groupe de personnes pour s'occuper des comptoirs à Toronto et nous pouvions utiliser nos propres employés à Toronto. Ces choses-là apportaient une possibilité de rentabilité sur une période d'à peu près trois ans. (17 heures)

M. Bourbeau: Toujours au sujet de

l'offre de juillet 1981, pourriez-vous nous dire, dans la fusion qui aurait pu se faire à ce moment-là, quelles garanties Québec aurait reçues en termes de siège social, garanties culturelles, place des francophones, nom de la compagnie? Est-ce que Quebecair serait disparue dans la fusion? Est-ce que l'identité de Quebecair aurait été complètement détruite ou si certaines garanties avait été données...

M. Lizotte: Non, ce n'était pas du tout l'intention de faire disparaître Quebecair, Nordair ou les deux. J'ai mentionné tout à l'heure qu'une société de gestion devait être formée. Il devait y avoir Quebecair, avec son conseil d'administration qui était également de la société centrale. Nous avions Nordair parce que les noms Quebecair et Nordair ne peuvent pas disparaître, il faut absolument qu'ils continuent. Il y avait donc ces deux noms-là et on avait en plus la société les voyages Treasure Tours dont les centres de profit étaient contrôlés par une société de gestion qui pouvait s'appeler - je crois que nous avions trois ou quatre noms différents -la Société centrale de l'aviation.

Il y avait également une certaine fusion là où on pouvait fusionner les services des deux sociétés et on l'appelait Nordair Quebecair aviation services aériens. L'identité de Quebecair ne partait pas, l'identité de Nordair ne partait pas, on gardait les deux identités.

M. Bourbeau: Voulez-vous dire que la compagnie fusionnée se serait appelée Nordair ou Quebecair? Vous parlez d'une société centrale, est-ce que c'était Air Central? Est-ce qu'il y avait un nouveau nom qui devait être...

M. Lizotte: C'était peut-être une demi-fusion. Il y avait des choses qui étaient fusionnées et il y en avait d'autres qui ne l'étaient pas. Je ne parle pas des finances, je parle strictement du côté des opérations. Donc, Quebecair allait à Mont-Joli sous les ailes de Quebecair. Quebecair allait dans d'autres marchés sous les ailes de Quebecair. Les deux sociétés ensemble étaient en position de fusionner quelques services, même plusieurs services, sans que ce ne soit au détriment des employés des deux sociétés.

M. Bourbeau: Autrement dit, vous gardiez les noms des deux sociétés, un peu comme Quebecair fait avec Regionair actuellement, si je comprends bien. Dans certains coins c'est Regionair et dans d'autres coins c'est Quebecair mais ce sont les mêmes actionnaires et la coordination est faite au niveau d'un seul conseil d'administration. Est-ce que cela décrit un peu le projet que vous aviez en tête à ce moment-là?

M. Lizotte: Oui.

M. Bourbeau: Maintenant, la place des francophones. Il semble que cela ait joué un rôle prépondérant dans la décision du gouvernement du Québec de faire avorter la fusion en juillet 1981. Dans son allocution d'ouverture, le 1er mars, le ministre des Transports du Québec nous disait qu'il n'y avait aucune garantie quant à la place que les francophones auraient réellement occupée dans cette nouvelle proposition où Quebecair devenait filiale de Nordair, dont on connaît les velléités de la haute administration de faire une place aux francophones mais où la progression réelle de ceux-ci s'est sans cesse heurtée à un blocage systématique de l'entreprise dans son ensemble. C'est une partie de son discours, la progression des francophones chez Nordair.

On disait aussi que la proposition que vous aviez faite conduisait inévitablement à la disparition de Quebecair, à la perte de centaines d'emplois chez Quebecair car le principe de l'intégration des employés selon l'ancienneté n'était nullement acquis. C'est le ministre qui nous a dit cela. Finalement, j'ai un autre extrait et je regroupe cela ensemble pour ne pas poser plusieurs questions. J'avais une autre partie, mais, de toute façon, c'est suffisant, je pense.

La place des francophones chez Nordair, je pense que c'est un des points importants qui ont motivé le gouvernement du Québec à investir dans Quebecair, en 1981, c'est-à-dire à faire avorter le projet de fusion à ce moment-là. Est-ce que la société Nordair fait vraiment une place intéressante aux francophones? Est-ce que, dans le cadre d'un regroupement avec Quebecair, selon la proposition qui était sur la table en juillet 1981, il y aurait eu une place de choix pour les francophones dans l'entreprise?

M. Lizotte: Écoutez! Je crois que mon ex-collègue, M. Douville, est venu à cette table, il y a deux semaines, avec des personnes francophones qui ont eu des promotions et également avec le président du conseil, M. Roland Lefrançois. Plusieurs personnes francophones ont eu des promotions chez Nordair. Si je me rappelle bien, en 1974-1975, au Québec, environ 20% à 25% de la population de Nordair était francophone et, maintenant, on approche 40% à 50%. Cela démontre une tendance de la société, de l'administration, de la haute direction à donner des emplois, au sein de la société Nordair, à des francophones. Lorsque j'étais chez Quebecair, je vous assure que, comme directeur général, aucun francophone n'a souffert de cette situation. Vous voyez, par la tendance chez Nordair, qu'aucun francophone n'a souffert de la situation. C'était notre intention de continuer le

développement des francophones dans le groupe de sociétés qu'on fusionnait. Notre but n'était pas, comme je vous l'ai dit au cours de mon exposé, de détruire Quebecair parce que jamais je n'aurais participé à quelque chose du genre. Ce n'était pas de détruire Quebecair et ce n'était pas de faire du tort, mais c'était même une bonne chose pour aider les francophones dans les deux sociétés.

Vous savez, il est préférable d'avoir 60% de francophones qui donnent un total de 1500 que d'avoir 100% de francophones qui donnent un total de 500. Pour l'évolution des francophones dans le marché de l'aviation, qu'est-ce que cela veut dire? C'est d'essayer de créer des emplois agressivement, contre des concurrents, et donner la chance aux francophones d'évoluer. C'était notre intention.

M. Bourbeau: J'achève. Je ne veux pas prendre trop de temps.

Tout à l'heure, dans votre allocution, je pense qu'on peut résumer en deux points ce qui vous apparaît être les causes des problèmes financiers de Quebecair.

Premièrement, concernant l'achat des Boeing, vous semblez dire qu'à votre avis Quebecair aurait dû se limiter à l'achat de deux Boeing 737, alors qu'elle en a acheté cinq. Par conséquent, elle a du financer des montants d'argent très importants pour des avions dont elle n'avait pas besoin. Deuxièmement, vous faites état, d'une façon très continue, dans les pages de votre texte, du problème de l'utilisation de ce que vous appelez les gestionnaires en place. Vous faites allusion au fait que, chez Quebecair, il y a eu un grand nombre de changements dans le personnel cadre au cours des années. Vous parlez toujours d'utiliser les gestionnaires en place et de voir à leur formation. Vous parlez des gens que vous avez trouvés chez Quebecair, qui venaient de Rimouski, Mont-Joli, Rivière-du-Loup, ce qui a fait grandement plaisir à notre président, le député de Rivière-du-Loup. Enfin, vous avez beaucoup insisté sur l'utilisation des gens en place et d'une certaine permanence, si je peux dire, dans le personnel. Vous avez fait aussi allusion à tous vos ex-collègues qui sont partis de Quebecair et vous en avez nommé un grand nombre qui ont quitté. Vous demandez: Où sont-ils? Je tiens à vous rassurer à l'égard de deux d'entre eux. Vous allez les voir aujourd'hui, parce que M. Robert Obadia et M. Claude Lévesque, qui étaient dans votre liste d'anciens collègues de Quebecair, ont accepté de venir témoigner devant la commission et ils vous suivront effectivement tous les deux.

Cela m'apparaît comme étant une de vos préoccupations majeures, le haut taux de roulement, si je peux dire, du personnel chez Quebecair. Est-ce que cela vous apparaît comme étant vraiment une des raisons? Je vais terminer là-dessus parce que dans vos recommandations, dans les suggestions que vous faites, vous dites ceci, à l'égard des employés: II nous faut trouver et utiliser des gens de métier chez Quebecair pour étudier la solution à ces problèmes. Également, vous suggérez d'offrir des actions aux employés de Quebecair.

Donc, dans votre esprit, vous semblez attacher beaucoup d'importance aux employés, à leur permanence et à leur intérêt dans l'entreprise. Est-ce que vous pourriez préciser un peu là-dessus?

M. Lizotte: On va partir d'année en année - et j'espère que je ne me trompe pas trop - de l'année 1975 lorsque je suis parti, et je vais les nommer par groupes, si vous voulez, dans quelques années. Vous avez le groupe Morin qui a été remplacé par ce qu'on a appelé le groupe des trois mousquetaires: trois directeurs généraux; vous pouvez vous imaginer comment diriger les affaires d'une société avec trois directeurs généraux. C'était de la foutaise. Après, vous avez eu le groupe de Crossan qui a duré peu de temps. Après cela, vous avez eu le groupe Hamel. Hamel, Champagne. Après cela, vous avez eu Champagne et parties. Après cela, il y a Hamel tout seul. Là c'est Leblond, Hamel. Ceci est incompréhensible pour l'évolution d'une société aérienne au Québec ou dans l'Ontario. Ce n'est pas une critique comme je vous disais tout à l'heure, mais c'est un fait.

Il y avait de nouvelles politiques. Il y avait de nouvelles stratégies d'expansion qui n'étaient pas suivies. Ce fut là un des problèmes majeurs. Naturellement, les gestionnaires qui étaient en place depuis des années, des gars de Quebecair qui sont venus de tous les coins de la province de Québec, pour suivre l'évolution de la société, ce n'étaient pas tous des MBA de McGill ou des MBA de Harvard, mais c'étaient des gars de métier, qui connaissaient leur métier, et qui pouvaient faire quelque chose parce qu'ils l'ont fait dans notre temps. Ce sont des gars qui ont été désolés. Ce sont des gars qui sont restés là et qui ont eu peur de s'avancer. Je vous assure que je demande au ministre, si vous le permettez, de faire peut-être une enquête parmi les gestionnaires de la société. Pas seulement à un échelon, mais à plusieurs paliers pour savoir exactement ce qui est arrivé.

Je constate que depuis six ans, vous avez eu cette chose chez Quebecair qui a créé une situation affreuse parce que la croissance en revenus était quand même assez intéressante lorsqu'on parle d'une croissance de 175%, mais la continuité d'une philosophie administrative qui est tout à fait nécessaire pour une société comme Quebecair, n'a pas été suivie. Cela a été une

chose que les employés de la société Quebecair, même quelques pilotes peuvent constater aussi bien que les gestionnaires.

M. Bourbeau: Je vais vous poser une dernière question, M. Lizotte. Tout à l'heure, vous avez parlé un peu des vols nolisés. Je ne veux pas trop insister là-dessus, sauf que M. Hamel, lors de son témoignage, il y a une dizaine de jours, nous a dit que Quebecair avait fait l'acquisition, à la fin de 1981, de deux avions additionnels Boeing 737-17 dans le but de pouvoir faire du vol nolisé jusqu'à la Barbade. Au profit de ceux qui n'étaient pas à l'écoute, Quebecair avait déjà des Boeing 737, mais de type Dash 9, dont le rayon d'action est moins long et qui ne peuvent pas se rendre à la Barbade sans faire un arrêt en cours de route, alors que les Dash 17 eux pouvaient le faire. On a acheté les deux Dash 17, semble-t-il, pour pouvoir faire des vols nolisés plus loin que la Floride ou que le rayon d'action des Dash 9. (17 h 15)

Vous avez parlé un peu tantôt des vols nolisés et de ces achats d'avion. Pourriez-vous nous dire pourquoi, à votre avis, ce n'était pas souhaitable d'acheter ces deux avions? Vous avez dit que vous trouviez qu'il y en avait de trop, mais pouvez-vous nous expliquer pour quelle raison, d'après vous, ce n'était pas une bonne décision d'acheter des avions à long rayon d'action - ou à moyen rayon d'action, mais plus long que les Boeing ordinaires - pour une compagnie comme Quebecair?

M. Lizotte: Premièrement, lorsqu'on regarde le marché de la Barbade, c'est un marché limité, saisonnier. Si on achète un avion pour aller surtout dans un marché comme la Barbade, c'est un marché qui peut durer peut-être trois ou quatre mois par année. Au lieu d'acheter des avions pour aller aussi loin - et c'est un marché limité, je ne me rappelle pas combien il y a de passagers par année, mais c'est un marché limité - il aurait été préférable, avion pour avion, d'acheter un avion qui coûte moins cher et de l'utiliser là où il y avait une certaine densité de trafic, soit à Toronto ou à un autre endroit, pour aller chercher un chiffre d'affaires. Quant au coût, on m'a dit, si je me rappelle bien, que le coût d'un avion semblable peut être d'environ 1 000 000 $ de plus l'unité, c'est-à-dire par appareil. Je ne sais pas. On me dit que c'est cela. Si c'était pour aller chercher un marché - si c'est cela, si c'est la raison pour laquelle on a acheté des Dash 17 - très limité, dans une période de temps très limitée pendant l'année, franchement, ce n'était pas une dépense qui aurait du être faite.

M. Bourbeau: M. Lizotte, je termine. Je tiens à souligner qu'après avoir fait l'analyse de l'historique de Quebecair et de Nordair et des problèmes de Quebecair, vous avez terminé votre exposé en soumettant à la commission vos recommandations pour la rentabilisation éventuelle de Quebecair. Je tiens à vous féliciter d'avoir fait cet effort pour apporter une contribution valable à nos débats, puisque le mandat de la commission n'est pas seulement d'étudier l'évolution, mais également l'avenir de Quebecair. J'ose espérer que ceux qui ont à prendre les décisions concernant l'avenir de Quebecair tiendront compte de vos recommandations. Quant à moi, je vous remercie de vous être déplacé. Je sais qu'il y a d'autres députés qui veulent poser quelques questions. Je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Laporte. M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: M. Lizotte, tout à l'heure, en réponse aux questions du député de Laporte, vous avez mentionné, quant à l'offre de fusion de Quebecair avec Nordair, qui avait été faite en juillet 1981, si je me souviens bien, que c'était plutôt, selon l'expression que vous avez utilisée, une semi-fusion. Il me semble que c'est ce que vous avez mentionné; que ce qui était envisagé, c'était plutôt une semi-fusion à ce moment-là. Pourriez-vous être plus explicite là-dessus? Cela veut-il dire que Quebecair devenait une filiale de Nordair ou du moins qu'une partie du réseau de Quebecair devenait une filiale de Nordair? Cela vient un peu en contradiction avec ce que nous a dit M. Douville lors d'une séance précédente, alors que je lui avais posé la question à savoir si c'était une intégration complète des deux transporteurs aériens qui était envisagée par l'offre de Nordair de fusionner Quebecair ou de faire l'acquisition de Quebecair. À ce moment-là, il m'avait dit: Oui, c'est une intégration complète. Aujourd'hui vous avez parlé plutôt d'une semi-intégration.

J'aimerais que vous précisiez un peu de quoi il était question.

M. Lizotte: Je vais vous répondre en vous disant que, naturellement, il avait raison, que c'était une fusion intégrante financièrement. Par ailleurs, je vous ai dit tout à l'heure qu'il y avait quatre centres de profits, qui étaient Quebecair, Nordair, Quebecair-Nordair services aériens et naturellement, les Voyages Treasure Tours. J'appuie ce que mon collègue a dit, que c'était une fusion. Lorsque j'appelle cela une semi-fusion, je l'appelle ainsi du côté opérationnel plutôt que financier.

M. Rodrigue: Ce n'est pas du côté corporatif, à ce moment-là.

M. Lizotte: Non, ce n'est pas du côté corporatif.

M. Rodrigue: Bon!

M. Lizotte: Tout cela pour dire que...

M. Rodrigue: Oui, allez-y.

M. Lizotte: ...Quebecair venait à Québec; Quebecair allait à Sept-Îles et ailleurs.

M. Rodrigue: D'accord. Vous avez fait allusion, dans votre mémoire, à une rencontre avec M. Parizeau qui aurait eu lieu le 22 juin 1977 au cours de laquelle vous et M. Tooley l'aviez informé de l'intention des actionnaires de Nordair de se départir des actions de la compagnie, de vendre la compagnie. Est-ce qu'il avait été question du prix de vente avec M. Parizeau?

M. Lizotte: Du prix de vente? M. Rodrigue: Oui.

M. Lizotte: Non. Naturellement, on avait parlé de la possibilité de négocier parce que le prix de vente variait. Alors, on avait soumis un prix que je ne me rappelle pas tout à fait, mais on n'avait pas dit: Cela est notre prix, et voilà prenez-le ou laissez-le tomber.

M. Rodrigue: Quand vous dites que vous aviez soumis un prix, est-ce que c'était une indication de ce que les actionnaires souhaitaient obtenir de la part du Québec, si le Québec avait...

M. Lizotte: ...à négocier...

M. Rodrigue: ...à négocier? Est-ce que vous vous rappelez du prix qui avait été mentionné à ce moment?

M. Lizotte: Non.

M. Rodrigue: Vous ne vous le rappelez pas.

M. Lizotte: Non.

M. Rodrigue: Je vous pose cette question, parce que je l'ai posée à M. Douville et il m'a répondu qu'il n'était pas, à l'époque, chez Nordair, donc il n'était pas en mesure de répondre. Quand on regarde la relation des événements qui se sont produits au cours de 1977 et au début de 1978, on constate - là je rappelle ce que j'ai dit lors d'une séance précédente de la commission -qu'en janvier 1977, les actions de Nordair se transigeaient à 2,10 $ à la Bourse, qu'en juillet 1977, les mêmes actions se transigeaient à 2,15 $, ce qui est sensiblement le même prix, et que, par ailleurs, les mêmes actions ont été gelées à la Bourse, à la demande des actionnaires de Nordair, à 6,22 $ en décembre 1977, le 22 décembre pour être précis, et que le 6 janvier 1978, soit deux semaines plus tard au maximum, Air Canada est venue offrir 11,50 $ l'action pour l'ensemble des actions de Nordair, soit un coût global de 25 000 000 $. Est-ce que vous saviez - vous êtes arrivé chez Nordair en 1976, donc vous n'étiez pas là auparavant - qu'en 1973, il y avait eu une option d'achat d'actions qui avait été concédée à des dirigeants très importants de Nordair et que cette option d'achat d'actions des dirigeants de Nordair leur a permis de faire l'acquisition des actions à un prix de 4,45 $ l'action et de les revendre presque immédiatement par la suite à 11,50 $ à Air Canada, ce qui leur permettait de réaliser un profit de 7,05 $ l'action presque instantanément? Je vous rappelle qu'en janvier, au début de l'année et jusqu'au milieu de l'année 1977, les mêmes actions étaient à 2 $. Tout à coup, lors de l'offre d'Air Canada, ces actions grimpent à 11,50 $.

Il nous apparaît, en ce qui me concerne en tout cas, qu'une telle appréciation d'actions d'une entreprise est assez surprenante. Il y a peut-être des explications valables et j'espère que vous serez en mesure de nous les fournir. J'ai posé la question à M. Douville et il n'était pas en mesure de le faire. Mais il y a là un élément qui nous apparaît très surprenant de voir des actions monter autant que cela; c'est donc l'objet de ma première question.

Quant à ma deuxième question: Est-ce que vous saviez qu'il y avait des dirigeants de Nordair qui avaient des options qu'ils ont exercées pour l'achat d'actions de Nordair à 4,45 $ pour ensuite les revendre très rapidement à Air Canada au prix de 11,50 $, ce qui leur permettait de réaliser le profit de 7,05 $ l'action que je vous ai mentionné?

M. Lizotte: Si le contrôle a vendu des actions à un certain prix et que ces actions ont été achetées par Air Canada, cela est naturellement une chose qu'il faudrait demander au contrôle de Nordair. Lorsque vous parlez des actions sur le marché, il y a assez souvent une différence entre la valeur des actions sur le marché et lorsque vous vendez la société avec tous les actifs. Naturellement, dans le cas des avions, c'est une valeur qui arrive avec les valeurs des avions, les valeurs des actifs, etc. Alors que, comme vous dites, Air Canada a soumis un prix de 11,50 $ - c'est bien cela que vous avez dit - et que, finalement la société a payé, si je ne me trompe pas, 12,61 $, naturellement, je suis persuadé qu'il y a eu des études approfondies qui ont mené à cette

évaluation. Quand même, c'est surtout sur la valeur des avions, que vous pouvez vendre à un certain prix; je me souviens très bien que lorsqu'on a fait une étude de la valeur de la société et de ses actifs, cela montait dans les 12 $ à 13 $.

M. Rodrigue: Est-ce que vous avez personnellement participé à ces études ou si vous avez eu connaissance de ces études qui auraient été faites parce que, à ce moment, vous occupiez une fonction très importante, vous étiez président? Lorsque vous êtes entré en 1976, vous êtes entré à la fonction de P.-D.G., président-directeur général?

M. Lizotte: Lors de ces faits, j'étais le président administrateur en chef et non le P.-D.G. Le P.-D.G. était M. Tooley.

M. Rodrigue: L'autre question que je vous ai posée est: Est-ce que vous saviez qu'il y a des actionnaires importants parmi les dirigeants de Nordair qui, à ce moment, détenaient des options sur l'achat de 75 000 actions de Nordair, options qui leur permettaient de s'en porter acquéreurs au prix de 4,45 $ l'action?

M. Lizotte: Non.

M. Rodrigue: Vous n'étiez pas au courant. Je vous pose cette question parce que je vous signale qu'en novembre et décembre 1977, il y a eu d'importantes transactions sur les actions de Nordair à la Bourse. Je vous cite les chiffres ici parce que les actions de Nordair, quand même, n'étaient pas transigées - c'est ce que nous a dit M. Douville lors de la séance précédente - n'étaient pas transigées d'une façon très intensive à la Bourse et pourtant on constate qu'en novembre et décembre 1977, il s'est acheté 69 458 actions de Nordair et il s'en est vendu 66 718, la différence étant dans les compensations qu'exercent les courtiers dans ce temps-là. Les courtiers sont toujours détenteurs d'un certain nombre d'actions et cela explique un peu la différence entre les achats et les ventes.

Alors, il y a des transactions extrêmement importantes qui se sont déroulées juste avant qu'Air Canada fasse son offre et on constate qu'Air Canada a fait une offre qui est quand même à peu près cinq fois supérieure au prix de transaction des actions au début de l'année 1977. À ce moment, effectivement, il y a lieu de se poser des questions quant aux motifs qu'avait Air Canada d'offrir un tel prix. Si j'ai bien compris votre réponse, vous pensez qu'ils auraient fait l'évaluation des actifs à ce moment et qu'ils auraient basé leur prix là-dessus.

M. Lizotte: Je ne sais pas. Il faudrait -avec respect M. le député - le demander au contrôle de Nordair du temps. La chose que je peux vous dire, c'est que lorsque est venu le temps de vendre la société à Air Canada ou peut-être au gouvernement du Québec ou à n'importe qui, l'évaluation que nous avons faite des appareils s'élevait au-delà de 25 000 000 $ d'actif. Et le prix était basé sur cette évaluation. Pour ce qui est des échanges des actions avant, je dois vous dire que je ne suis pas qualifié pour répondre à cette question. Il faudrait définitivement... J'étais le président administrateur en chef et non le P.-D.G.

M. Rodrigue: D'accord. Personnellement, est-ce que vous déteniez des options d'achat d'actions de Nordair à ce moment?

M. Lizotte: Oui, j'en avais.

M. Rodrigue: Des options d'achat ou des actions?

M. Lizotte: Non, pas des options.

M. Rodrigue: Ah! Vous aviez des actions.

M. Lizotte: J'avais des actions.

M. Rodrigue: Que vous aviez achetées...

M. Lizotte: Que j'avais achetées, oui.

M. Rodrigue: D'accord. Vous n'étiez pas parmi ceux qui détenaient des options antérieures?

M. Lizotte: Non.

M. Rodrigue: Si mes renseignements sont bons, vous déteniez je pense, 50 000 actions de Nordair, le 1er mars 1977, et, au 1er mars 1978, vous ne déteniez plus que 35 000 actions de Nordair. Est-ce que c'est exact.

M. Lizotte: Non.

M. Rodrigue: Ce n'est pas exact?

M. Lizotte: Je n'ai jamais détenu 50 000 actions de Nordair.

M. Rodrigue: Vous n'avez jamais détenu 50 000 actions de Nordair.

M. Lizotte: J'aurais bien aimé cela.

M. Rodrigue: Vous auriez aimé cela. Ahl Ah! Et le chiffre de 35 000?

M. Lizotte: 35 000, pardon?

M. Rodrigue: Est-ce que c'est plus près de 35 000?

M. Lizotte: C'est plus près de 35 000. (17 h 30)

M. Rodrigue: J'aurais une autre question maintenant qui... Je vais vous permettre de changer de chapeau jusqu'à un certain point. Vous avez joué un rôle important à Quebecair, vous nous l'avez souligné dans votre mémoire. Vous êtes passé chez Nordair et, maintenant, vous êtes à la Société des postes. Un des éléments de rentabilité, bien sûr, d'un transporteur aérien, ce sont les contrats qu'il peut obtenir pour faire du transport de marchandises ou du transport pour des sociétés importantes sur une base régulière. Cela lui permet de mieux planifier ses activités et d'assurer sa rentabilité.

Je veux vous référer au contrat de transport de la poste de Val-d'Or à Poste-de-la-Baleine et, également, au-dessus du 55 parallèle au Québec qui a fait l'objet d'un appel d'offres et pour lequel, si mes renseignements sont bons, vous aviez reçu des soumissions de plusieurs sociétés, dont Air Creebec et l'une des filiales de Quebecair qui s'appelle Propair. Selon les renseignements que j'ai, Propair aurait présenté la plus basse soumission pour le contrat de transport du courrier de Val-d'Or à Poste-de-la-Baleine et au-delà du 55 parallèle. Malgré cela, le contrat aurait été accordé à Air Creebec, dont l'opérateur présentement sur le terrain est la société Austin Airways de l'Ontario, le transporteur aérien qui avait les contrats de transport du courrier auparavant sur ces lignes et, finalement, avec lequel vous semblez continuer à fonctionner. Est-il exact que Propair avait présenté la plus basse soumission pour ce contrat?

M. Lizotte: Je dois vous répondre, M. le député, en lisant quelques lettres. La première a été envoyée à M. Michel Clair, ministère des Transports; elle est datée du 17 novembre 1982. Après qu'il a fait imprimer dans le journal La Presse que je haussais Quebecair, j'ai envoyé une lettre lui disant: "Lors d'une entrevue accordée au journaliste Gilles Gauthier de la Presse, le 10 novembre 1982, vous émettiez une certaine opinion sur l'octroi d'un contrat par la Société canadienne des postes à la société Air Creebec. Comme il m'a semblé que vous teniez vos informations de Propair, j'ai pensé opportun de vous faire parvenir une copie de ma lettre à M. Pronovost, en réponse à une lettre qu'il m'adressait récemment sur le même sujet. Je vous fais aussi parvenir une copie de la lettre que j'ai envoyée aux représentants des employés de Quebecair, dont certains m'avaient appelé spontanément pour m'assurer qu'ils ne se laissaient pas manipuler par les appels à la haine." Je crois, M. le ministre, que vous vous rappelez avoir reçu cette lettre. "Veuillez agréer, M. le ministre, l'expression de mes sentiments distingués."

Voici ma lettre, concernant cette chose, à M. Pronovost, directeur général de Propair Inc. Elle est datée du 17 novembre 1982. "Cher M. Pronovost, c'est avec une très grande attention que j'ai pris connaissance de votre lettre du 25 octobre dernier. Certains des faits que vous portez à mon attention ne m'apparaissent pas refléter fidèlement la réalité. Aussi, me permettez-vous d'y apporter les mises au point qui suivent - c'est très important, ce que je vais lire, M. le député. Tout d'abord, lorsque le comité des transports aériens a émis, le 15 avril 1982, son ordonnance 1982-A236, autorisant le transfert de la classe 2A Austin Airways à Air Creebec, il a bien précisé dans le point de sa décision qu'Austin Airways demeurait détenteur du permis jusqu'à ce qu'Air Creebec satisfasse aux exigences du comité. C'est donc dans le respect de cette décision qu'Austin Airways est demeurée notre seul interlocuteur avant la date de l'émission du permis 337982NS d'Air Creebec le 2 juillet 1982. Votre affirmation que le contrat a été attribué à Air Creebec le 1er juin 1982 est donc erronée. L'entente entre la Corporation des postes et Austin Airways, seul détenteur d'un permis à ce moment-là, a été conclue le 2 juin 1982. "De plus, nous avons continué à traiter avec Austin Airways jusqu'au 2 juillet, date à laquelle la décision du Comité des transports aériens abrogeait le permis d'Austin en même temps qu'il émettait un permis à Air Creebec. N'ayant à aucun moment traité avec une partie ne possédant pas le permis de classe 2 valide, il m'est difficile de comprendre votre affirmation que nous aurions dû octroyer le contrat à Propair. "Vous affirmez, d'autre part, dans votre lettre qu'Austin Airways n'avait plus aucun droit sur le permis de classe 2 en raison de son dépôt au comité d'un avis de transfert. Là encore je me dois de vous référer à l'ordonnance du comité qui, non seulement n'abolit pas abruptement les permis d'Austin Airways, mais exige qu'Austin Airways assure les services jusqu'à l'émission du permis d'Air Creebec. "En ce qui concerne votre opinion que, sous le prétexte de détenir un permis pour le service de classe 2, des fonctionnaires avaient dévoilé les prix que nous avions soumis afin qu'Air Creebec puisse s'ajuster, je voudrais apporter les précisions suivantes. Comme vous le savez, tout détenteur d'un permis de classe 2 bénéficie de la protection de la route. Cela est très clair. Je peux vous parler des nolisements de Quebecair et

de Nordair sur des routes là où il y a un permis de classe 1 ou de classe 2; il y a une protection de route. C'est-à-dire que si vous soumettez un prix 25% moindre que le prix du transporteur qui a une classe 1 ou 2, s'il peut égaler ce prix-là, il faut la lui donner. C'est une protection de route. "Je vous réfère à la condition imprimée au dos de toutes les formules de permis de la Commission des transports. En foi de quoi, et quel que soit le niveau de prix proposé pour les affrètements concurrents, le détenteur du permis de classe 2 a droit de priorité et peut faire exercer ce droit par le Comité des transports aériens. "Dans l'exercice de son mandat, le comité peut exiger que les termes de l'entente d'affrètement lui soient soumis. Ceci ajouté aux fins que la soumission d'affrètement doit être conforme au taux du tarif publié du transporteur. Dans ce cas-ci, le tarif CCTA no 5 de Propair rend impraticable toute prétention à la confidentialité des prix d'affrètement sur une route protégée. "En ce qui concerne l'utilisation d'avions DC 3 par Air Creebec, comme vous le mentionnez, j'ai demandé à mes sous-responsables de faire enquête et de me fournir un rapport. Je voudrais toutefois souligner qu'il n'appartient pas à la Société des postes de surveiller l'application des lois et règlements de l'aéronautique et, par conséquent, je me dois de rejeter catégoriquement toute insinuation à l'effet que la société serait complice d'irrégularités si irrégularités il y a. "Je conclus..."

M. Rodrigue: D'accord. Vous avez mentionné un élément important, celui de la notion de protection de la route. Vous avez dit que, si les nouveaux soumissionnaires n'offrent pas des prix de 25% inférieurs à ceux du transporteur qui est déjà en place, à ce moment-là le transporteur en place est protégé. C'est bien cela?

M. Lizotte: Oui.

M. Rodrigue: Qui a établi cette réglementation?

M. Lizotte: C'est le fédéral, il y a des années et des années.

M. Rodrigue: C'est la commission fédérale qui est chargée d'émettre les permis?

M. Lizotte: Oui.

M. Rodrigue: Bon! Mais dans le cas qui nous occupe ici, d'abord est-ce que je dois comprendre que Propair avait effectivement présenté la plus basse soumission lorsque vous êtes allés en appel d'offres.

M. Lizotte: Je ne sais pas si ce sont eux qui ont...

M. Rodrigue: D'après mes renseignements, Propair aurait présenté la plus basse soumission.

M. Lizotte: II se peut fort bien. M. Rodrigue: Effectivement...

M. Lizotte: Est-ce que je peux expliquer?

M. Rodrigue: Oui. S'il vous plaît!

M. Lizotte: J'ai rencontré M. Pronovost à ce sujet et je lui ai bien expliqué, à Rouyn, quelle était la situation indirectement et il m'a dit qu'il comprenait très bien quelle était la situation. C'est après que j'ai reçu cette lettre-là.

M. Rodrigue: Si je me fie aux renseignements que j'ai, les prix, pour le contrat en 1981, sont effectivement plus bas que ceux que vous deviez payer en 1982, c'est-à-dire que c'est l'inverse. Les prix du contrat en 1982 seraient effectivement plus bas que ceux que vous deviez payer en 1981. On mentionne même que le prix de Propair et le prix qui est actuellement payé en 1982, qui est le même que celui que Propair avait soumissionné, seraient 50% moindres que celui de 1981. Ce qui veut dire qu'à ce moment-là, la règle des 25%, si elle avait été appliquée, aurait quand même dû permettre à Propair d'obtenir ce contrat. C'est cela que je trouve difficile à comprendre.

M. Lizotte: Les 25%, c'est un exemple. Ce n'est pas la règle.

M. Rodrigue: Quelle était la règle?

M. Lizotte: Un transporteur qui fait du nolisement, que ce soit de l'affrètement, etc., soumissionne un prix à un opérateur, pour une route, par exemple Montréal-Toronto. Il soumissionne un montant. Ce peut être Nordair, ce peut être Quebecair, ce peut être une société qui a une licence à Montréal. Il soumissionne un prix à un opérateur. Il faut avoir un dialogue, il faut en parler à la société aérienne qui a une licence sur cette route. La diminution du prix peut être de 25%, 50%, 75%. Ce n'est pas l'idée du pourcentage. Mais si l'opérateur, qui a un permis, veut le faire au prix de celui qui soumissionne le prix du nolisement, il peut le faire.

M. Rodrigue: M. Lizotte, la question

qui me vient à l'esprit est la suivante. Vous allez peut-être la trouver bien naïve mais: quel est le sens de faire des appels d'offres publics pour obtenir des prix si, finalement, cela n'apporte aucun changement, même s'il y a des plus bas soumissionnaires et de beaucoup?

M. Lizotte: C'est strictement au risque de l'opérateur qui veut soumettre un prix. Je ne sais pas combien de fois, lorsque j'étais à Quebecair et à Nordair, on a soumissionné des prix qui ont été rejetés par le transporteur qui avait un permis de ligne, et à ce moment-là, on a perdu le contrat.

M. Rodrigue: Ne vous paraîtrait-il pas normal, comme administrateur d'une société qui veut... Vous l'avez souligné dans votre mémoire, c'est un peu les objectifs que vous avez visés, autant quand vous êtes passé chez Quebecair que chez Nordair, c'est-à-dire d'avoir une gestion qui soit conforme au standard normalement accepté dans ces cas-là, c'est-à-dire de viser à réduire le plus possible les coûts pour permettre de dégager les meilleures marges de profit et d'avoir une entreprise en santé. Ne vous paraîtrait-il pas normal que la Commission canadienne des transports vous permette, comme gestionnaire de la Société canadienne des postes, de choisir des transporteurs qui vous offrent les meilleurs prix?

M. Lizotte: On ne choisit pas les transporteurs.

M. Rodrigue: Vous ne les choisissez pas. M. Lizotte: Non.

M. Rodrigue: Écoutezl Là, je ne comprends plus rien dans le processus d'appel d'offres pour obtenir des transporteurs de courrier.

M. Lizotte: Écoutez!

M. Rodrigue: Je ne voudrais pas prendre tout le temps de la commission là-dessus, mais je suis de plus en plus mêlé.

M. Lizotte: Le pauvre bureau de poste est quand même passé au moulin encore. Je vais vous dire une chose: un transporteur qui a une licence 3 ou 4 de nolisement, peut soumettre un prix pour un service, que ce soit pour des passagers ou du fret aérien ou le courrier, pour transporter de la marchandise ou des passagers du point A au point B; il a le droit de le faire. Si le transporteur qui est sur la route veut rencontrer le prix, il le fait. C'est normal. Cela se fait depuis des années, et il n'y a rien de nouveau. Je vous assure que la Société des postes a fait ce qu'il y avait à faire. J'ai fait mention de cette lettre dont j'ai envoyé une copie au ministre Clair en date - je ne sais pas la date - pour clarifier la situation. Je n'ai jamais eu de nouvelle si cela avait été accepté ou rejeté par le ministre. Cela a été fait ouvertement, clairement et sans sollicitation en vue d'une possibilité de donner des contrats à des gens. Je vous assure qu'on ne fait pas cela. (17 h 45)

M. Rodrigue: Une courte question. Est-ce qu'Austin Airways qui est encore là actuellement transporte seulement le courrier ou s'il transporte des passagers en même temps qu'il transporte le courrier?

M. Lizotte: Je ne le sais pas.

M. Rodrigue: Vous ne le savez pas. Je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Vimont. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, je serai très bref. Vous avez dit, en réponse à la question du député de Laporte et à celle du député de Vimont, qu'effectivement dans l'offre de juillet 1981, la fusion ou l'achat de Quebecair par Nordair qu'il n'était pas question, si j'ai bien compris, que le nom Quebecair disparaisse. Comment concilier cela avec ce que vous nous disiez avoir entendu de la bouche du ministre Landry à savoir qu'il se souciait beaucoup du fait qu'on n'aurait pas - lorsqu'un avion de cette compagnie atterrirait, je ne sais pas trop si c'était à Charles-de-Gaulle ou ailleurs - ne serait pas clairement identifié au Québec. Est-ce qu'on ne peut pas présumer qu'il aurait été possible d'envoyer Quebecair toujours? D'ailleurs, Quebecair ne va pas souvent à Paris, mais en supposant qu'il s'agissait du nolisement ou de je ne sais pas trop quoi, j'ai de la difficulté à saisir pourquoi M. Landry parlait dans ces termes?

M. Clair: Je pourrais répondre à la place de mon collègue, si le député le désire.

M. Gratton: Je demande d'abord à M. Lizotte si...

M. Lizotte: Lorsqu'on parle des avions que nous avons chez Nordair et Quebecair, certainement, il est impossible de se rendre à Paris à moins d'aller à Gander et de Gander à Shannon et de Shannon à Paris, et à part cela il faut aller allège. C'est impossible d'entreprendre des envolées comme cela. Il faut absolument des avions à quatre moteurs comme des 707 ou des DC 8.

M. Gratton: Ce n'est pas le but de ma question, M. Lizotte. Dans le fond, ce n'est

peut-être pas à vous que je devrais la poser effectivement. Ce n'est même pas une question, dans le fond. C'est un commentaire à savoir que si cela a semblé tellement préoccuper le gouvernement, notamment M. Landry, à l'époque, que Nordair veuille procéder à l'intégration verticale sur le plan corporatif de Quebecair que le plan que vous aviez soumis, c'est parce que tout le monde dans la population s'imagine que si le gouvernement avait laissé l'offre de Nordair être acceptée par Quebecair, automatiquement, le nom Quebecair, l'entité Quebecair corporative, oui, sur le plan opérationnel, tout cela aurait disparu. Vous nous dites aujourd'hui que tel n'aurait pas été le cas.

M. Lizotte: Non. Justement, c'est ce que je vous dis. Le nom Quebecair et le nom Nordair n'auraient pas disparu.

M. Gratton: Je vous remercie. Une dernière question. On sait que vous avez rencontré M. Parizeau avec M. Tooley en 1977. Vous avez rencontré M. Landry, M. Clair avec M. Lefrançois et M. Douville en 1981. Pendant la période où vous avez été président de Nordair, avez-vous jamais eu des rencontres avec M. Lucien Lessard au moment où il était ministre des Transports pour parler de la rationalisation du transport aérien au Québec?

M. Lizotte: Oui, on a eu une réunion. On a eu probablement deux ou trois réunions avec le groupe que nous avions et le groupe de la SID et les autres. Je me rappelle très bien que nous étions dans la salle de conférence chez Me Jean Guy où on a parlé de partage et lorsque nous avons terminé notre discussion, nous avions 147% de partage entre les deux groupes.

M. Gratton: II s'agissait de partager quoi, exactement?

M. Lizotte: Le partage des actions.

M. Gratton: De?

M. Lizotte: De... La possibilité de...

M. Gratton: Nordair?

M. Lizotte: Oui.

M. Gratton: Et si vous en étiez rendus à un partage de 147%, c'est probablement ce qui a fait avorter toute l'affaire.

M. Lizotte: C'était probablement un nouveau concept dans la finance.

M. Gratton: Ah! Ah! Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Gatineau. M. le député de Rousseau.

M. Blouin: Je vais être tenté d'y aller aussi rapidement que le député de Gatineau qui a été très discipliné. Je vais rapidement sauter, donc, au bilan financier - puisqu'on a parlé de la rentabilité des entreprises - de Nordair et vous rappeler que les bénéfices nets de Nordair en 1981 étaient d'un peu plus de 2 500 000 $ et qu'en 1982, le bilan s'est soldé par un déficit de 2 400 000 $. Il y a donc presque 5 000 000 $ de différence d'une année à l'autre, 5 000 000 $ en moins. Puisque vous avez été très analyste pour examiner les problèmes de Quebecair, j'aimerais que vous me disiez à quoi vous attribuez ces problèmes chez Nordair, qui se soldent par une diminution de 5 000 000 $ dans ses revenus nets?

M. Lizotte: D'accord. Avec respect, M. le député, premièrement, je n'ai pas vu le bilan de Nordair. Je ne l'ai pas étudié. Si je peux me permettre, si vous pouviez poser la question au P.-D.G. de Nordair ici présent, il pourrait sûrement vous donner des explications, mais je vous assure que je n'ai pas vu le bilan financier de Nordair pour l'exercice 1982.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laporte, question de règlement.

M. Bourbeau: M. le Président, j'aimerais souligner que nous avions ici, la semaine dernière ou il y a dix jours, le président de Nordair qui pouvait fort bien donner tous les renseignements sur les bilans de sa compagnie. M. Lizotte a quitté la compagnie il y a cinq ou six ans. Je pense qu'il n'est pas normal et pas correct de demander à M. Lizotte d'analyser le bilan de 1982 de Nordair, alors...

M. Blouin: C'est, au contraire...

M. Bourbeau: ...qu'on avait ici, il y a dix jours, le président de la compagnie.

M. Blouin: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laporte! M. le député de Laporte...

M. Blouin: ...question de règlement.

Le Président (M. Boucher): ...la question a été posée. M. Lizotte a répondu au meilleur de sa connaissance. Je considère qu'il n'y a pas lieu de soulever une question de règlement.

M. Blouin: M. Lizotte a demandé à celui qui l'accompagnait d'apporter des précisions. Alors, s'il vous plaît.

M. Lizotte: II ne l'a pas vu, lui non plus.

M. Blouin: Ah bon!

M. Bourbeau: II a quitté il y a cinq ans.

Une voix: Personne ne l'a vu.

M. Blouin: Puisqu'on ne peut pas expliquer...

M. Bourbeau: Vous allez l'avoir dedans.

M. Blouin: ...M. Lizotte, comment il se fait que Nordair ait connu des problèmes financiers qui ont diminué ses revenus de 5 000 000 $ par rapport à l'an dernier, puisque vous étiez là à ce moment-là, pourriez-vous nous expliquer - parce que nous avons su, il y a deux semaines, qu'environ le tiers des appareils de Nordair étaient affectés principalement aux deux contrats auxquels vous faites allusion à la page 17 de votre mémoire, soit le contrat de reconnaissance des glaces et de la DEW line. Puisque vous indiquez vous-même que ce sont des contrats très importants pour la société Nordair, je présume donc que vous êtes en mesure de nous indiquer quel profit approximatif la société Nordair retire annuellement de ces deux contrats.

M. Lizotte: M. le Président, je croyais que j'avais répondu à cette question; d'abord, il faudrait le demander au P.-D.G. de Nordair. Je crois que tout à l'heure M. le ministre m'a posé la question et j'y ai déjà répondu.

M. Blouin: M. le Président, je vous formule une demande de directive. La semaine dernière, j'ai posé cette même question au président de Nordair qui a refusé de répondre. Cette semaine, M. Lizotte qui, lui-même, a été président et administrateur de Nordair, semble lui aussi avoir des trous de mémoire à cet égard. Ce que je veux vous demander comme directive, c'est si l'article 51 de la Loi sur l'Assemblée nationale qui a été adoptée l'automne dernier peut s'appliquer dans les circonstances présentes.

M. Gratton: M. le Président, sur la même directive...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Avant d'émettre votre directive, peut-être pourriez-vous aussi vous interroger sur l'article 52 de la Loi sur l'Assemblée nationale qui permet à une commission de faire comparaître... M.

Lizotte est présent, il a répondu à toutes les questions et il a indiqué au député de Rousseau qu'il n'était pas en mesure de répondre à sa dernière question. Je remercie M. Lizotte d'être ici, nous aurions voulu interroger M. Campeau et on n'a pas réussi parce qu'il n'est même pas venu. En vertu de l'article 52...

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!

M. Gratton: ...vous pourriez peut-être voir à...

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! Dans le...

M. Gratton: ...cette question aussi.

Le Président (M. Boucher): ...cas de l'article 51, je peux vous dire, M. le député de Rousseau, que si vous regardez l'article 170, vous constaterez qu'il n'est pas promulgué encore.

M. Blouin: Est-ce qu'il le sera avant minuit ce soir?

Le Président (M. Boucher): C'est à la volonté... Les articles 30 à 140 deuxième alinéa entreront en vigueur à la date ou aux dates fixées par proclamation du gouverment.

M. Blouin: Alors, je dois conclure, M. le Président, que nous ne saurons pas combien rapportent le tiers des appareils de Nordair qui ont des contrats fermes, notamment avec le gouvernement fédéral.

Une voix: Top secret.

M. Gratton: Élisez un député péquiste à Ottawa, il pourra poser la question là-bas.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Rousseau, est-ce que vous avez terminé?

M. Blouin: Oui.

Une voix: II n'aura pas de réponse.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Très brièvement, à l'endroit de M. Lizotte, le député de Vimont a parlé tout à l'heure de la valeur marchande des actions entre 1973 et 1982, de la valeur de réalisation, vous avez parlé de l'avoir des actionnaires, je voudrais bien qu'on soit très clair là-dessus, peut-être pas pour votre bénéfice mais pour celui du député de Vimont; il existe une différence, n'est-ce pas, entre la valeur de

liquidation d'une compagnie, la valeur aux livres d'une compagnie et la valeur marchande des actions d'une compagnie. J'aimerais savoir, ce qui est important pour déterminer cela...

M. Rodrigue: Merci, M. le Président, question de règlement. Question de règlement, M. le Président.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est quel était l'objectif...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Vaudreuil-Soulanges, je m'excuse, question de règlement, M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: J'offre mes remerciements au député de Vaudreuil-Soulanges, mais je savais déjà tout cela M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Pas de question de règlement. M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président. Ce n'était pas évident d'après les propos et les questions du député de Vimont qu'il savait la différence entre tout cela. Ce qu'il est important d'établir, je pense, c'est les raisons pour lesquelles les actionnaires de Nordair, en 1977-1978, à titre d'exemple, voulaient se départir de leur position de contrôle. J'essaie, en reculant dans le passé, de voir qu'est-ce qui pouvait amener M. Tooley et ses associés - il y avait d'autres actionnaires quand même - à se départir du contrôle de Nordair. Ils se promenaient manifestement; vous avez rencontré M. Parizeau, a l'époque; ils se sont retournés vers le gouvernement fédéral, la société d'état fédérale Air Canada pour céder leurs actions. Est-ce qu'on peut prétendre que s'ils n'avaient pas trouvé acheteur de leurs actions ils auraient liquidé la compagnie?

M. Lizotte: Oui.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ils auraient liquidé la compagnie? Ils voulaient vraiment se départir à ce point. Autrement dit, ils n'étaient plus intéressés dans le transport aérien?

M. Lizotte: Mais il faut quand même qualifier cette chose. Ils auraient liquidé la société, mais je suis persuadé que le contrôle de Nordair aurait cherché à trouver jusqu'au point où ils auraient trouvé un acheteur, sans liquider la société.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

D'accord. Dans ce cas, selon votre expérience de la façon dont fonctionnent les changements de contrôle de compagnies, est- ce que cela ne nous amène pas à conclure que la valeur pour laquelle Air Canada aurait acheté une participation dans Nordair était très proche de la valeur de liquidation de Nordair, au point de vue valeur?

M. Lizotte: Oui, assurément. L'offre d'achat n'était pas à la valeur de liquidation des actifs, mais ils ont compris et ils ont augmenté le prix en conséquence.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Vous seriez d'accord avec moi pour dire que, d'une part, la valeur au marché d'une action est le prix qu'on est disposé à payer en escomptant l'augmentation de la valeur en capital de cette action et, au fil des ans, des dividendes qu'on peut en retirer et donc, qu'on escompte cela à un certain taux; que, d'autre part, la valeur de liquidation peut être une autre valeur qui n'a strictement aucun rapport avec la valeur des actions en Bourse, un jour donné.

M. Lizotte: C'est cela.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le ministre.

M. Clair: Je pense que mon collègue aurait un mot à...

M. Rodrigue: Juste un mot là-dessus, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: Dans les chiffres que j'ai ici, on constate que la valeur aux livres des actifs de la compagnie Nordair a évolué entre 1970 et 1977. En 1970, c'était 2,79 $ l'action; en 1974, c'était 5,49 $; en 1975, 6,08 $; en 1976, 6,63 $ et finalement, en 1977, 8,08 $. Comment expliquer qu'Air Canada ait payé quelque 12 $ l'action? C'est ce qu'on nous a indiqué tout à l'heure, c'est-à-dire 50% de plus que la valeur aux livres des actifs de Nordair en 1977. J'invite le député de Vaudreuil-Soulanges à se pencher là-dessus et à réfléchir là-dessus.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II m'invite. M. le Président, étant donné que je suis invité à commenter là-dessus, j'ajoute -j'ai négligé de le faire, je croyais que le député de Vimont était au courant de tout cela - qu'il y a une différence entre la valeur aux livres et la valeur de liquidation. J'invite le député de Vimont à se pencher, lui, de façon très attentive sur cette différence qui existe. C'est réel.

M. Rodrigue: C'est très laborieux, les

entourloupettes qu'on essaie de faire autour de cela.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, j'ai été heureux d'entendre M. Lizotte cet après-midi qui nous a entretenus de son point de vue sur le dossier Quebecair. Je dirais que je ne regrette qu'une chose, en ce qui me concerne. Occupant le même poste que celui que j'occupais le 16 juillet 1981 - je le souligne, je ne dis pas que cela aurait nécessairement changé le cours des événements -quant à la structure corporative d'une société Quebecair à demi fusionnée avec Nordair, pour moi, pour celui qui vous parle, j'en ai appris beaucoup plus cet après-midi que je n'ai eu l'occasion d'en apprendre en juillet 1981 puisque, comme les collègues autour de la table le savent, les documents ont été distribués la semaine dernière en ce qui concerne l'offre écrite de Air Canada -Nordair, pour l'acquisition de Quebecair, de même qu'un protocole, qu'un projet d'entente entre actionnaires à intervenir. Ces précisions ne nous étaient pas données à ce moment-là.

Des questions qu'a posées le député de Laporte, je voudrais relever deux petits éléments. Le député a semblé manifester beaucoup d'intérêt pour l'offre qui aurait été faite à M. Parizeau, en 1977, de se porter acquéreur de Nordair. Là-dessus, je veux simplement préciser que la position du gouvernement du Québec a toujours été la même sur cette question. Le gouvernement n'a jamais envisagé comme premier choix l'acquisition d'un transporteur aérien, mais a toujours plutôt favorisé la fusion des deux transporteurs aériens sous le contrôle majoritaire d'intérêts privés québécois. Là-dessus, je pense que cela a été constant.

Par ailleurs, le député de Laporte semblait attacher beaucoup d'importance au fait que mon collègue, le ministre d'État au Développement économique, le député de Fabre à l'époque, aurait manifesté de l'intérêt en ce qui concerne des atterrissages à Paris, comme s'il s'était agi de quelque chose de particulièrement snob ou "flaillé", si l'on veut. Je voudrais simplement signaler là-dessus qu'effectivement la politique de 1966 et de 1969 prévoyait que les transporteurs aériens régionaux devaient développer des services nolisés et, effectivement, autour des années 1974 et 1975, les services nolisés de Quebecair ont desservi des destinations aussi éloignées que Paris. C'était de façon rentable, au moins pendant une certaine période. On a desservi également des destinations du Sud des États-Unis, des Caraïbes et d'autres destinations similaires. Dans ce sens-là, c'était certainement un des objectifs de mon collègue le ministre d'État au Développement économique que le transporteur aérien qui naîtrait de la fusion, ou qui ne naîtrait pas de la fusion, puisse effectivement, comme les autres transporteurs aériens régionaux, desservir des destinations par vols nolisés.

Enfin, M. le Président, juste pour l'intérêt des membres de la commission, je voudrais terminer en vous faisant lecture rapidement - ce sera assez bref - d'une note adressée à M. Pierre Rivest, directeur du transport aérien au ministère des Transports, préparée par M. Jean Pronovost et signée par celui-ci, en date du 9 septembre 1982, au sujet de la première proposition de transport de courrier entre Val-d'Or, Rupert-House, Eastmain et Paint-Hills: "Messieurs, tel que demandé vous trouverez ci-après un résumé des démarches que nous avons effectuées afin d'obtenir le transport du courrier, contrat attribué par la Société des postes du Canada pour les communautés cries de la Baie-James, de Rupert House, Eastmain et Paint Hills. "Si vous le voulez bien, je procéderai par ordre chronologique pour vous démontrer ces démarches. "Le jeudi 10 mai 1982, appel de M. Cornellier, de la Société des postes, qui nous demandait si nous étions intéressés à soumettre des prix pour le transport de marchandises périssables dans les villages cris de la Baie-James. Nous lui indiquons que nous sommes intéressés au plus haut niveau et nous fixons un rendez-vous. "Le lundi 13 mai 1982..."

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Gatineau, question de règlement.

M. Gratton: Sans être désagréable pour le ministre, je note qu'il est passé 18 heures. On n'a pas d'objection à donner notre consentement pour poursuivre les travaux, mais, si l'énumération qu'est en train de faire le ministre amenait M. Lizotte à faire des commentaires, je voudrais bien qu'on s'entende pour dire que le consentement pourra durer jusqu'à ce qu'on ait épuisé le sujet.

M. Clair: Comme les documents auxquels faisait référence M. Pronovost sont postérieurs à ceux-ci, je pense que c'est simplement pour l'information des membres de la commission. J'indiquais simplement que...

Le Président (M. Boucher): M. le ministre, j'avais...

M. Gratton: Est-ce à la condition qu'on puisse...

Le Président (M. Boucher): ...présumé qu'il y avait consentement pour poursuivre après 18 heures. Est-ce qu'il y a réellement consentement?

M. Clair: Afin de ne pas créer d'embarras...

M. Bourbeau: Pour quelques minutes si vous voulez.

M. Clair: ...je me contenterai de distribuer aux journalistes et aux membres de la commission copie de la lettre qui était adressée à M. Pierre Rivest par M. Jean Pronovost...

M. Gratton: D'accord.

M. Clair: ...au mois de septembre 1982. Ce sera plus simple comme cela.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Un dernier mot pour remercier nos invités. Avant, je voudrais revenir sur ce que disait le ministre tout à l'heure, que, lorsqu'il est arrivé en juillet 1981, il n'avait pas toute l'information... De ce côté-ci de la table nous avons semblé percevoir - je ne sais pas si c'en sont - des regrets ou des remords du ministre en ce qui concerne la décision qui a été prise à ce moment-là. Enfin, nous avons pris bonne note de ces regrets.

Finalement, concernant le rêve de M. Landry d'atterrir à Paris, nous n'avons absolument pas d'objection à ce que M. Landry ou qui que ce soit décide d'atterrir à Paris, un jour, sur des ailes fleurdelisées, mais nous, de l'Opposition, quand nous avons des rêves, nous les réalisons à même nos propres deniers. Nous ne les payons pas à même les fonds publics.

M. Clair: Question de règlement, M. le Président.

M. Bourbeau: C'est la différence.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Clair: J'invoque le règlement, M. le Président. De façon très évidente, le député de Laporte prête des intentions au ministre délégué au Commerce extérieur qui avait comme préoccupation non pas d'avoir, pour son plaisir personnel, un transporteur aérien qui réussisse, mais pour des centaines de Québécois qui y travaillaient, de voir, comme c'était prévu d'ailleurs dans la politique fédérale elle-même, les transporteurs régionaux jouer un rôle dans le secteur du nolisé afin d'assurer la rentabilité de leurs activités. Dans ce sens-là, c'était très légitime et dans l'intérêt du transporteur aérien concerné.

Le Président (M. Boucher): Au nom de...

M. Gratton: ...constaté que l'offre de Nordair de juillet 1981 aurait permis exactement cela. Pourtant, le gouvernement du Québec, par la voix de M. Landry, a dit non.

Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de la commission, je remercie M. Lizotte ainsi que la personne qui l'accompagne de leur présentation.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

M. Bourbeau: J'espère qu'on va reprendre à 20 heures, M. le Président, parce qu'on a des gens à entendre à 20 heures et...

Le Président (M. Boucher): On essaiera de s'entendre sur le temps alloué à chacun des intervenants.

(Suspension de la séance à 18 h 05)

(Reprise de la séance à 20 h 04)

Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous plaît!

Avant de procéder, je voudrais simplement corriger le fait que le député de Jeanne-Mance, M. Bissonnet, est remplacé par M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges), alors que M. Vallières (Richmond) était présent cet après-midi.

M. Rodrigue: ... de Mégantic-Compton, il n'est même pas membre de la commission.

Le Président (M. Boucher): II était membre de la commission, M. le député de Vimont, parce qu'il remplaçait M. Vallières. M. Vallières était là.

M. Bourbeau: II y avait une erreur d'écriture. Il remplaçait M. Bissonnet.

Une voix: On va s'en tenir à cela. Le Président (M. Boucher): Avant de... M. Clair: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): Oui, M. le ministre.

M. Clair: ...je crois que nous sommes rendus au point de notre ordre du jour où nous devons entendre M. Robert Obadia. Avant d'entendre M. Obadia, j'aimerais, si

vous me permettez, pour M. Obadia lui-même et non pas en ce qui nous concerne, nous n'avons aucune objection à entendre M. Obadia. Comme mon collègue M. le député de Laporte le sait, après négociation entre les deux partis politiques formant l'Assemblée nationale, nous nous sommes entendus sur une liste de noms sur laquelle apparaît le nom de M. Obadia. Cependant, je vois à l'ordre du jour qui nous est fourni par le secrétariat des commissions que M. Obadia agirait comme consultant auprès de la Commission des transports du Canada. J'aimerais vérifier auprès de vous, ou auprès de M. Obadia, si cette information est exacte.

Le Président (M. Boucher): Est-ce que M. Obadia peut...

M. Obadia (Robert): Non, M. le ministre, cette information est erronée. J'agis comme consultant à mon propre compte. Il m'est arrivé, à l'occasion, d'avoir comme client, parmi d'autres, Transports Canada, mais je ne suis pas là pour représenter quelque organisme que ce soit. Je suis là à titre personnel comme consultant.

M. Clair: Encore une fois, M. le Président, je le dis à M. Obadia, nous n'avons aucune objection à l'entendre. Maintenant, selon les informations dont je dispose, M. Obadia aurait agi, il y a très peu de temps, ou agirait encore comme consultant auprès de la Commission canadienne des transports ou auprès de Transports Canada, en particulier, relativement à une étude qui serait menée par Transports Canada quant aux activités aériennes en Gaspésie, dans l'est de la péninsule gaspésienne. Je voudrais simplement signaler que si M. Obadia occupait de telles fonctions, il pourrait certainement considérer que ses fonctions, ses responsabilités contractuelles actuellement entre lui-même ou une firme dans laquelle il agirait seraient incompatibles avec un témoignage qu'il pourrait rendre aujourd'hui, puisque je pense qu'on comprendra tous que son rôle de consultant auprès de la Commission canadienne des transports, qui est un organisme quasi judiciaire, et un témoignage devant cette commission sur une entreprise qui est soumise à la Commission canadienne des transports pourraient être incompatibles. C'est pour cette raison, M. le Président -encore une fois, sans avoir aucune objection au témoignage de M. Obadia - que je voulais soulever ce point, parce que je ne voudrais pas que M. Obadia se sente coincé entre des responsabilités qu'il assumerait comme consultant auprès du ministère des Transports du Canada ou auprès de la Commission canadienne des transports du Canada et le témoignage qu'il pourrait avoir à nous livrer aujourd'hui.

M. Gratton: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: ...je pense que M. Obadia vient de l'affirmer, il est consultant à son propre compte. Cela n'exclut certainement pas qu'il puisse, à l'occasion, travailler pour le compte d'un ministère fédéral aussi bien que d'un ministère provincial. Il ne serait sûrement pas le premier. Par exemple, on a vu des procureurs venir devant la commission parlementaire. Même s'ils peuvent agir comme procureurs pour n'importe quelle partie, cela ne les empêche pas de venir témoigner à partir de leur compétence ou de leurs connaissances personnelles. D'autant plus que j'ai bien l'impression que ce que M. Obadia vient nous dire aujourd'hui découle sûrement du fait qu'il a été lui-même vice-président de Quebecair dans le passé. C'est de cela, j'imagine, qu'il nous parlera. Tout au moins, nous, de l'Opposition, aurons des questions à lui poser dans ce sens et je ne vois réellement pas pourquoi le ministre voudrait empêcher M. Obadia de nous dire ce qu'il a à nous dire présentement.

M. Clair: M. le Président, loin de nous l'intention d'empêcher M. Obadia de nous dire ce qu'il a à nous dire, mais puisque son nom était venu à la suggestion de l'Opposition et non pas à la suggestion du gouvernement et que, par ailleurs, selon nos renseignements, M. Obadia aurait agi ou agirait encore - je l'ignore de façon très précise - comme consultant ou dans une firme dont les services auraient été retenus soit par la Commission canadienne des transports soit par le ministère des Transports du Canada, nous voulions simplement, quant à nous, ne pas mettre M. Obadia dans l'embarras en termes d'exercice du pouvoir quasi judiciaire de la Commission canadienne des transports. Chacun conviendra que si quelqu'un est en même temps conseiller auprès d'un organisme quasi judiciaire comme la Commission canadienne des transports et vient témoigner concernant un transporteur qui est régi par la Commission canadienne des transports, cette personne pourrait être dans une situation de conflit d'intérêts qui pourrait donner suite, éventuellement, à des prétentions de conflit d'intérêts ou à d'autres procédures. C'est le seul point que je voulais établir auprès des députés de Laporte et de Gatineau. Nous sommes prêts à entendre M. Obadia. S'il n'y a pas de problème là-dessus, nous n'y voyons aucune objection.

Le Président (M. Boucher): M. le député

de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, je ne connaissais pas un talent de comédien semblable au ministre des Transports qui vient de nous dire, sur un ton tout à fait sérieux, qu'il était près à discréditer le témoin, comme on le dit en cour, mais que si le témoin voulait demeurer à la barre, il serait bien prêt à l'entendre. Je ne pense pas que le fait que M. Obadia, à l'occasion, ait des mandats auprès d'organismes fédéraux le discrédite auprès de cette commission-ci. Je pense que le témoignage de M. Obadia vaut certainement autant que celui qu'on a entendu il y a deux semaines, qui était un invité du ministre et le sous-ministre adjoint aux Transports qu'on a entendu avec beaucoup d'intérêt. On pourrait dire qu'il était aussi en conflit d'intérêts puisqu'il possède, encore aujourd'hui, le titre de sous-ministre adjoint aux Transports, bien qu'il siège comme vice-président exécutif de Quebecair. L'Opposition n'a pas fait un plat de ce qui pourrait certainement être un conflit d'intérêts dans le même sens puisqu'il est bien évident que M. Leblond avait un témoignage teinté, si je peux dire, d'une couleur gouvernementale, mais tout le monde sait que, lorsqu'un sous-ministre des Transports témoigne, il tente de faire valoir un point de vue qui est le sien et qui peut représenter celui du gouvernement.

C'est malheureux que le ministre ait choisi de discréditer M. Obadia en commençant. M. Obadia est probablement l'un, parmi ceux qui viendront témoigner devant la commission, de ceux qui ont le plus de compétence, si je peux dire, strictement au point de vue aérien. Il est ingénieur en électronique; il a travaillé pour deux transporteurs internationaux avant d'entrer chez Quebecair. Il s'est joint à Quebecair en 1967. Vous me permettrez de vous présenter M. Obadia. Chez Quebecair, il a occupé successivement les postes de gérant de la planification et de l'entretien, directeur des systèmes et procédures, directeur du marketing, des services réguliers et vice-président du marketing et des ventes, de décembre 1975 à janvier 1980. Alors, il a été à l'emploi de Quebecair pendant treize ans. Je pense que c'est une longévité remarquable, compte tenu de ce qu'on a entendu cet après-midi comme étant la longévité moyenne des cadres de Quebecair.

Depuis 1980, M. Obadia s'est établi à Montréal comme conseiller en transport aérien et, à ma connaissance - il pourrait nous le dire tout à l'heure - il remplit des mandats pour une foule de transporteurs fédéraux et provinciaux, et un peu partout. Quant à nous, de l'Opposition, nous ne voyons aucunement en quoi le fait d'avoir, à l'occasion, des mandats pour des organismes fédéraux puisse lui enlever ses qualifications de base. Je suggère au ministre d'écouter ce que M. Obadia a à nous dire et on jugera ensuite pour savoir si ses commentaires étaient ou non pertinents.

M. Clair: M. le Président, sur la question de règlement soulevée par le député de Laporte, je tiens à dire qu'il n'est aucunement question de la part de celui qui vous parle de discréditer M. Obadia. Je crois que les témoignages de M. Obadia devant la Commission canadienne des transports, son passage à Quebecair, les multiples mandats qu'il a exercés, témoignent d'une expertise de sa part qui est importante en matière de transport aérien. Je pense que là où le député de Laporte fait erreur, c'est qu'on ne peut sous-estimer l'importance des responsabilités que M. Obadia peut avoir exercées auprès du ministère des Transports du Canada ou de la Commission canadienne des transports. La Commission canadienne des transports est un tribunal qui fait appel occasionnellement à un certain nombre d'experts, soit directement, ou par l'entremise du ministère des Transports du Canada pour le conseiller en termes d'orientation du transport aérien au Canada. Je pense que c'est le moins que je puisse faire. Ce n'est pas dans mon intérêt, mais dans l'intérêt de celui qui est devant nous et dans l'intérêt de l'opinion publique de soulever cette possibilité que M. Obadia soit dans une situation qui n'est pas facile pour lui puisqu'il a agi tant à titre de vice-président de Quebecair qu'à titre de consultant auprès de certains ministères ou organismes fédéraux et, aujourd'hui, à titre de témoin indépendant, selon le député de Laporte qui vient de soulever certaines questions.

Je ne vois aucun inconvénient encore une fois à l'entendre. Il n'est pas question de le museler ni de le discréditer. Au contraire, rien n'indique que M. Obadia ne pourrait pas être impliqué éventuellement puisqu'il a été mêlé à ces questions entre Nordair et Quebecair. Rien n'indique que M. Obadia ne pourrait pas être éventuellement impliqué dans la réorganisation de Nordair, de Quebecair, par une fusion, en termes de développement de cette entreprise. Rien n'indique que M. Obadia pourrait être un témoin dévalorisé ou plus valorisé qu'un autre. Absolument rien de ce que j'ai dit ne l'indique. J'ai simplement voulu faire préciser, en lui posant la question - je pense qu'il a répondu non, si j'ai bien compris -que M. Obadia n'a jamais été impliqué ni auprès de Transports Canada, ni auprès de la Commission canadienne des transports, comme consultant. Si M. Obadia me dit non, M. le Président, c'est réglé, il n'y a pas de problème et on est prêt à l'entendre.

M. Bourbeau: M. le Président, sur la

question de règlement, toujours, vous permettez que...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laporte, je vous ferai remarquer qu'il semblerait qu'il n'y a pas d'inconvénient à entendre M. Obadia.

M. Bourbeau: Oui, je comprends, mais je voudrais quand même répondre à ce que vient de dire le ministre...

M. Rodrigue: Je pense que le député de Laporte s'oppose. (20 h 15)

M. Bourbeau: Je veux seulement dire ceci. Lors de la première journée d'audition, le 1er mars dernier, on a abondamment utilisé le nom de M. Obadia à cette commission. Le président de Quebecair, M. Hamel, a cité M. Obadia à plusieurs reprises, au texte. Le ministre des Transports lui-même, qui est ici présent, a jugé bon de fournir aux membres de la commission un livre - vous voyez la grandeur - le livre vert. Nous avons là-dedans les documents que le ministre a inclus au profit des membres de la commission. Je dirais que 20% à 25% de ces documents, 25% de l'épaisseur, représente le témoignage que M. Obadia a rendu devant la Commission canadienne des transports.

M. Clair: Et puis après?

M. Bourbeau: Alors qu'il représentait Quebecair.

M. Clair: C'est dû au texte?

M. Bourbeau: Voulez-vous demander au ministre, s'il vous plaît, de me laisser terminer?

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Clair: Oui.

M. Bourbeau: Alors, M. Obadia avait été le délégué de Quebecair, non pas du gouvernement fédéral ou d'Ottawa, à la Commission canadienne des transports. M. Obadia a rendu un témoignage que le ministre a jugé tellement important qu'il a jugé bon de l'inclure dans ce cahier. Cela couvre 20% à 25% de la superficie employée. J'estime donc que le ministre a jugé M. Obadia assez compétent puisqu'il a inclus son témoignage au complet dans le livre vert. D'autre part, puisqu'il était qualifié pour représenter Quebecair devant la Commission canadienne des transports, je présume que le ministre ne devrait pas lui faire aujourd'hui grief d'agir devant la Commission canadienne des transports. C'est vous-même qui l'avez envoyé là représenter Quebecair.

M. Clair: Question de règlement. Je ne fais aucun grief à M. Obadia, pas le moindre grief. Qu'il ait agi à l'époque, aujourd'hui ou demain pour un transporteur aérien, quel qu'il soit, Air Canada, Air France, British Airways, si vous voulez, cela ne nous dérange nullement. C'est une chose d'agir comme consultant pour un transporteur aérien. C'en est une tout autre que d'agir comme consultant auprès de la Commission canadienne des transports ou du ministre des Transports du Canada. Ce n'est pas du tout la même chose.

Le Président (M. Boucher): Compte tenu qu'il ne semble pas y avoir d'objection fondamentale à entendre M. Obadia...

M. Clair: Absolument pas, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): ...je vais laisser la parole à M. Obadia. Excusez-moi, juste une minute. Compte tenu aussi que nous avons plusieurs invités ce soir et que la commission doit ajourner ses travaux à 24 heures, je demande aux membres de la commission s'ils sont d'accord pour qu'il y ait une répartition du temps qu'il reste...

M. Clair: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): ...de façon qu'on ne laisse pas des gens attendre inutilement.

M. Bourbeau: M. le Président, on est d'accord aussi pour une répartition équitable. Je vous souligne cependant qu'à la fin de la première journée d'audition, vous avez signé un écrit, à savoir que l'Opposition avait un crédit de 20 minutes.

Le Président (M. Boucher): Je n'en suis pas là-dessus, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: L'Opposition réclame toujours son crédit de 20 minutes.

Le Président (M. Boucher): C'est tout simplement le temps imparti à chaque témoin.

M. Bourbeau: D'accord.

Le Président (M. Boucher): II nous en reste encore cinq à entendre. Nous avons environ trois heures et trois quarts devant nous.

M. Clair: M. le Président, non seulement nous sommes d'accord pour une répartition équitable entre les témoins, mais nous sommes également d'accord pour

reconnaître que l'Opposition a un crédit de 20 minutes.

M. Bourbeau: M. le Président, je voudrais ajouter ceci quand même. L'Opposition n'a pas l'intention de poser le même nombre de questions en termes de temps à chacun des témoins. Combien avons-nous de temps, M. le Président?

Le Président (M. Boucher): 3 h 45 minutes.

M. Bourbeau: Pas tout à fait quatre heures. L'Opposition, à ce moment, ayant 20 minutes de plus, a deux heures environ; le gouvernement, je présume, à 1 h 45.

Le Président (M. Boucher): C'est cela.

M. Bourbeau: Nous poserons donc des questions pendant deux heures...

Le Président (M. Boucher): En espérant que chaque témoin aura le droit de venir faire son exposé.

M. Bourbeau: D'accord. Disons que, si on prend plus de temps à l'égard d'un témoin, on en prendra moins à l'égard d'un autre.

Le Président (M. Boucher): D'accord. M. Obadia.

M. Robert Obadia

M. Obadia (Robert): Merci. M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, je voudrais remercier l'Assemblée nationale et le ministre des Transports pour l'invitation qui m'a été adressée à faire connaître mes commentaires sur le dossier Quebecair.

Je suis donc heureux d'être ici aujourd'hui en espérant que mon intervention puisse vous éclairer et aussi contribuer, aussi modestement que ce soit, à la résolution logique et rationnelle d'un problème qui suscite l'inquiétude grandissante de nombreux contribuables québécois.

Je tiens aussi à mentionner que je comparais devant votre commission non pas en ma qualité d'ancien vice-président de Quebecair mais plutôt en tant qu'observateur de la scène de l'aviation, position que me permet mon occupation actuelle de conseiller en transport aérien.

Je voudrais aussi préciser, à ce point, puisque la question a été soulevée, que je n'ai jamais été à l'emploi, pour quelque travail que ce soit, de la Commission canadienne des transports, mais que, par contre, on m'a confié certains travaux spécifiques à Transports Canada, ministère des Transports, tels que, par exemple, l'étude des transports aériens au Nouveau-Brunswick, l'étude des transports aériens dans le nord de l'Ontario, l'étude de la concurrence sur les marchés de nolisement internationaux et, plus récemment, l'étude des transports aériens en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine, laquelle étude m'a été confiée à la suite d'un appel d'offres publiques.

M. le député Bourbeau m'a demandé d'exprimer mon point de vue sur certains points d'intérêt général. J'ai donc pensé que les trois points suivants pourraient intéresser la commission:

Premièrement, la situation actuelle de Quebecair est-elle la conséquence de la politique fédérale des transporteurs aériens régionaux?

Deuxièmement, cette même situation est-elle la conséquence de la concurrence d'Air Canada sur les vols de Floride?

Troisièmement, est-ce que l'expansion représente la solution des problèmes de Quebecair?

Je vais donc vous faire part de mes réflexions sur chacun de ces trois points.

La politique des transporteurs régionaux. La politique fédérale des transporteurs régionaux fut édictée en 1966 et des zones d'exploitation furent assignées aux transporteurs en 1969.

À ce moment-là, ces zones correspondaient à une formalisation de la situation qui prévalait et la zone d'exploitation de Quebecair s'étendait sur toute la province, à l'est du méridien de Montréal.

Bien sûr on pourrait argumenter à l'infini sur les mérites de ce partage. Mais l'important, dans le cas qui nous occupe, est de savoir si cette politique a conduit au déficit de 21 000 000 $ de Quebecair. Si c'était le cas, on devrait retrouver, dès 1969, c'est-à-dire l'année où la politique a été annoncée, des signes de détérioration de la situation financière de Quebecair. On devrait retrouver une croissance nulle ou même négative et une longue liste de demandes de routes rejetées par la Commission canadienne des transports. Qu'en est-il exactement?

Tout d'abord, la croissance des recettes de Quebecair - je me base sur les documents publiés par la Commission canadienne des transports - a été de 733% de 1970 à 1978, soit la plus élevée de tous les régionaux dont la croissance moyenne a été de 338%. Durant cette période, la part de Quebecair dans les recettes totales des transporteurs régionaux a plus que doublé, passant de 10,3% à 22%. Quant à sa productivité par employé, elle passait du dernier rang au deuxième rang. S'il est vrai, donc, que la politique des transporteurs aériens régionaux a été contraire aux intérêts de Quebecair, les chiffres, eux, ne semblent pas l'indiquer.

La rentabilité. Quebecair, c'est un fait, a toujours eu une performance en dents de

scie, mais il demeure que Quebecair a été rentable au cours des années 1972, 1973, 1977 et 1978. Je me réfère, là encore, aux chiffres publiés par la Commission canadienne des transports. Il faut remarquer que ces années ont été des périodes de relative stabilité administrative chez Quebecair qui était alors dirigée par M. Lizotte, puis par M. Crossen.

Les demandes de routes de Quebecair. À l'exception de la route Montréal-White Plains, vers 1970, aucune demande de route majeure - je précise majeure - n'a été refusée à Quebecair. Toutes lui ont été accordées: l'exclusivité à Bagotville en 1971, Québec-La Grande et Québec-Val-d'Or en 1973, suivie de Québec-Rouyn-Noranda, Québec-Gatineau, Montréal-Toronto, et, entre-temps, l'autorisation d'exploiter des Boeing 707 sur des vols nolisés dans le monde entier. De plus, aucune requête d'augmentation de tarifs n'a jamais été refusée, en dépit du fait que les tarifs de Quebecair soient parmi les plus élevés au Canada. Enfin, la Commission canadienne des transports n'a pas permis à d'autres de venir gruger les marchés de Quebecair. Le cas le plus marquant est celui d'Eastern Provincial Airways qui, bien qu'exploitant des vols directs et sans escale entre Wabush et Montréal, n'a jamais reçu l'autorisation d'y embarquer des passagers, et ce afin de protéger Quebecair.

Comme on peut donc le voir, M. le Président, il est difficile de trouver des preuves tangibles et concrètes permettant de relier la situation actuelle de Quebecair à la politique des transporteurs régionaux ou à une application discriminatoire de cette politique.

Essayons de pousser le raisonnement un peu plus loin et supposons que de nouvelles routes puissent être accordées à Quebecair. Alors, on aurait soit des routes au Québec et présentement exploitées par Air Canada ou Nordair, soit des routes à l'extérieur du Québec déjà desservies par d'autres transporteurs.

Tout d'abord au Québec. Il ne faut pas perdre de vue que le transport aérien existe d'abord pour les passagers avant d'exister pour les transporteurs. Si donc Quebecair remplaçait Air Canada ou Nordair à Sept-Îles, Québec, Val-d'Or et Rouyn, Quebecair y détiendrait un monopole. Je pense donc qu'il serait juste de demander aux usagers actuels ce qu'ils en pensent avant de demander à Air Canada de plier bagages.

Quant à des routes à l'extérieur du Québec, on ne peut parler bien sûr que de routes déjà développées car on voit mal quelles routes seraient encore à développer. Il faudrait donc soit spolier le détenteur actuel, soit autoriser Quebecair à se joindre aux autres et tenter de tailler sa part d'un gâteau qui rétrécit de jour en jour. Cette approche a aussi sa logique inévitable: ce qui vaut pour Quebecair vaut tout aussi bien pour les autres. Autrement dit, d'autres transporteurs devraient, à leur tour, avoir l'autorisation d'accéder au réseau de Quebecair. On appelle cela la déréglementation et au Canada, la déréglementation, personne ne semble en vouloir, sans compter que les plus faibles en seraient les premières victimes.

Que conclure de tout cela? Que le système actuel, avec toutes les imperfections qu'on pourrait lui trouver, n'a pas mal fonctionné pour Quebecair. Si Quebecair éprouve aujourd'hui des difficultés, il faut en chercher la cause et donc les remèdes ailleurs que dans la politique des transporteurs régionaux ou dans le système de réglementation des permis aériens.

Le deuxième point que je vais aborder, c'est la concurrence d'Air Canada. On a pu entendre à diverses reprises qu'Air Canada, avec ses vols nolisés à Fort Lauderdale, a déclenché une guerre de prix qui s'est révélée mortelle pour Quebecair. Examinons les faits et voyons s'ils confirment cette accusation. Je vais donc faire une analyse de ce qui s'est passé, mais je vais vous assurer que je ne la fais pas pour en faire une autopsie ou pour identifier les responsabilités, mais simplement parce que l'analyse de ce qui s'est passé est important pour comprendre la situation d'aujourd'hui.

Au cours de l'été 1980, Vacances Quebecair lançait son programme vers Fort Lauderdale. Je dois dire qu'il s'agissait là d'une excellente idée. Il n'y avait pas de vol direct entre Montréal et Fort Lauderdale et auparavant, les transporteurs nolisés offraient des vols vers Fort Lauderdale, mais en fin de semaine essentiellement, et Quebecair est arrivé avec des vols quotidiens. Par contre, immédiatement, et donc plus d'un an avant l'entrée en scène d'Air Canada, tous les transporteurs, tous les spécialistes du marché ont exprimé un jugement unanime: Quebecair court à la catastrophe. Il est évident qu'après coup c'est toujours facile de dire: Ah! On vous l'avait dit. Mais là, et je considère que ce que je vous dis, je le dis presque sur la foi du serment, c'est vrai, en juillet 1980, lorsque la brochure Quebecair est sortie, cela a été unanime, on a dit: Mais, pourquoi font-ils cela?

Je vais analyser quelques-unes des raisons qui étaient invoquées pour expliquer cette prédiction. Il y a deux raisons: La première est que Quebecair, en annonçant des prix aussi bas que 169 $ aller-retour, venait de couper de façon draconienne les prix des vols nolisés. En effet, au cours de l'hiver précédent, soit donc au cours de l'hiver 1979-1980, les opérateurs de tours nolisaient un aller-retour en Boeing 737 de Montréal à Fort Lauderdale pour environ 18 000 $ par vol et le transporteur ne

prenait aucun risque. Tous les risques et tous les coûts de réservation, les coûts de vente, les coûts de sièges invendus, la publicité, les commissions aux agents de voyage, tous ces coûts et risques étaient assumés par l'opérateur de tours. Par contre, avec Vacances Quebecair, Quebecair, en 1980, prenait tous ces risques et tous ces coûts à son propre compte. Ceci signifie, concrètement, que pour faire le même profit qu'en 1979-1980, Vacances Quebecair aurait dû produire des recettes brutes de l'ordre de 25 000 $ par vol, soit environ 6000 $ de plus que les recettes qu'elle a pu réaliser avec sa politique de bas prix qui, probablement, en moyenne, a dû engendrer un revenu d'environ 19 000 $ par vol. Quebecair avait donc choisi, de sa propre initiative, de réaliser un manque à gagner de près de 6000 $ par vol en 1980-1981 par rapport à l'année précédente, ce qui correspondait à peu près à 55 $ par siège vendu. (20 h 30)

La deuxième question qui inquiétait les observateurs dès 1980 était que Quebecair avait, au départ, un handicap de l'ordre de 45 $ par siège par rapport à tous ses concurrents du fait qu'elle exploitait les appareils les plus coûteux à l'achat. Par conséquent, Quebecair était le transporteur qui avait le moins de latitude pour couper ses prix comme elle l'avait fait.

Voyons maintenant ce qui s'est passé un an plus tard, à l'été 1981. C'est Wardair qui, la première, a ouvert le bal en juin 1981 avec des prix en basse saison de 159 $ en semaine et 189 $ en fin de semaine. Je voudrais aussi vous signaler que Wardair avait aussi annoncé des vols de départ à Mirabel à 139 $ aller-retour en basse saison, en semaine. Au mois de juillet, Quebecair sortait une brochure annonçant 177 $ en semaine et 193 $ en fin de semaine. Le 8 août 1981, Air Canada lançait à son tour sa campagne en annonçant 175 $ en semaine et 185 $ en fin de semaine. On voit donc au départ que c'est Wardair et non Air Canada qui avait annoncé les prix les plus bas. Air Canada, en tentant de se placer entre Wardair et Quebecair, arrivait sur le marché avec un prix légèrement inférieur à celui de Quebecair soit 2 $ par siège en semaine et 8 $ en fin de semaine, respectivement 1% et 4%. Il faut aussi remarquer que lorsque Quebecair a affiché ses prix au mois de juillet - donc, avant que Air Canada ne sorte ses prix - elle prenait sur elle-même de n'augmenter ses prix que de 4% en semaine et 2% en fin de semaine par rapport à l'année précédente. Si on considère que l'inflation était alors de 12%, on peut voir que Quebecair avait délibérément décidé de ne pas récupérer entièrement l'escalade de ses coûts de fonctionnement, ce qui pouvait représenter environ 900 $ par vol.

Si, maintenant, on dit que Quebecair a été obligée de baisser ses prix de 2 $ ou 8 $ en semaine ou en fin de semaine à cause de Air Canada, qu'est-ce cela signifie pour l'ensemble de la saison? Pour l'ensemble de la saison, j'ai évalué que lorsque ces réductions de prix ont coûté à Quebecair un manque à gagner d'environ 150 000 $, dire que des investissements de l'ordre de 60 000 000 $ ont été ruinés par un manque à gagner de 150 000 $ est difficilement plausible. Il nous paraît beaucoup plus plausible que Quebecair s'était elle-même coupé l'herbe sous le pied, dès la première année, en affichant des prix irréalistes par rapport à ses coûts réels et en s'imposant à elle-même un manque à gagner de l'ordre de 6000 $ par vol, ce qui aurait correspondu à environ 2 000 000 $ en 1981-1982.

Parlons maintenant de la Barbade. On sait que Quebecair, à la fin de 1981, a acquis deux Boeing 737 avec des moteurs Dash 17 pour desservir la Barbade. Selon ceux qui connaissent ce marché, la période où l'on peut justifier des vols nolisés vers la Barbade est d'environ 15 semaines en hiver. En supposant que l'on y effectue deux vols hebdomadaires en Boeing 737, on peut estimer que ce marché pourrait produire, pour l'hiver, 320 heures par an. Si l'on considère que pour rentabiliser deux appareils, il faut voler au moins 6000 heures par an, on constate que la destination Barbade n'aurait constitué que 5% de l'utilisation de ces appareils. On pouvait donc détecter, dès le départ, un grave danger de sous-utilisation de ces appareils.

Toujours sur la Barbade, en se référant à la brochure Vacances Quebecair pour l'hiver 1981-1982, on constate que Quebecair affichait le même prix pour aller à Porto Rico, qui était accessible avec les Dash 9 normaux, que pour aller à la Barbade, qui requérait des Dash 17. Or, la distance vers la Barbade est de 25% plus grande et, par conséquent, le coût d'exploitation est supérieur à celui de Porto Rico d'au moins 5000 $ par vol. En affichant les mêmes prix, Quebecair renonçait donc délibérément à récupérer ce coût.

Si nous résumons, Quebecair a acheté des appareils spéciaux pour un marché qui ne pouvait justifier que 5% d'utilisation des appareils et a vendu des sièges sur ces appareils avec un profit 5000 $ inférieur, toutes porportions gardées, que sur les vols qu'elle vendait vers Porto Rico avec des appareils normaux qu'elle possédait déjà.

Un dernier point au sujet de la guerre des prix. Au mois de décembre 1981, Quebecair décidait de lancer des vols vers Orlando. Probablement en raison de son arrivée tardive sur le marché, Quebecair décidait de couper ses prix et affichait un prix de 175 $ le siège alors que Nordair, depuis plusieurs mois, affichait un prix de

189 $, soit 8% de plus.

Pour résumer, en se lançant dans une opération de vols nolisés de grande envergure, Quebecair en connaissait ou devait en connaître tous les paramètres. Aucun des développements n'était inconnu ou imprévisible. L'opinion unanime des observateurs était, dès 1980, que la stratégie des prix de Quebecair était suicidaire car elle ne laissait à Quebecair aucune marge de manoeuvre. Que ce soit au moment du lancement de Vacances Quebecair ou du lancement des vols sur la Barbade ou Orlando, Quebecair a choisi de son propre chef sa stratégie de prix. Que Air Canada soit fait le bouc émissaire des échecs de Quebecair sur ces marchés n'est tout simplement pas conforme à la réalité.

L'expansion de Quebecair. Est-ce que la clé de tous les problèmes de Quebecair se trouve dans la croissance? Il n'y a aucun doute que pour toute entreprise la croissance est toujours la bienvenue. Ce que je vais aborder ici, c'est la question de savoir quelle croissance serait requise pour rentabiliser Quebecair.

Si l'on déduit du déficit de 1982 les 6 000 000 $ approximatifs d'intérêts pour les trois Boeing 737 inutilisés, nous parlons d'un déficit de l'ordre de 15 000 000 $. La question est alors la suivante: Quel genre d'expansion serait nécessaire pour produire une contribution de 15 000 000 $?

Si on pose comme hypothèse qu'une "bonne" route produit une contribution marginale de l'ordre de 15% sur les recettes, il faudrait que Quebecair trouve, développe ou obtienne un marché de 100 000 000 $ qui, de plus, devrait être instantanément rentable. Il faudrait d'abord y employer sept Boeing 737 pour réaliser ces revenus, lesquels représentent un investissement d'au moins 120 000 000 $. En supposant qu'un tel investissement soit consenti, existe-t-il quelque part un marché non desservi de 120 000 000 $, soit 200% plus gros que le marché domestique actuel de Quebecair? La dimension de ces chiffres contient la réponse à cette question.

Même si toutes les routes d'Air Canada au Québec étaient transférées à Quebecair, il est douteux qu'elles engendrent un profit marginal supérieur à 2 000 000 $. D'où viendraient donc les autres 13 000 000 $?

J'ai lu dans les journaux que Quebecair veut obtenir la route Montréal-Boston. J'ignore sur quelles études Quebecair a basé ce projet, mais je peux vous assurer qu'un déficit de 2 000 000 $ à 4 000 000 $ attendrait Quebecair sur cette route. Après tout, ce n'est pas par hasard qu'Air Canada n'y a jamais exercé ses droits. Alors, où trouver les marchés qui permettront de rentabiliser instantanément Quebecair?

J'ai bien peur, M. le ministre, M. le Président, qu'une expansion d'une telle dimension ne soit pas réaliste quand un tel marché n'existe pas. Mais si dans un manque de mesure certaines possibilités existaient, ce serait certainement dans un environnement très concurrentiel. Il s'agira donc d'un environnement extrêmement dur où seuls les concurrents les plus aptes peuvent survivre.

Avant de s'y engager, tout transporteur doit donc s'assurer qu'il possède les caractéristiques suivantes: 1) Une base financière solide. 2) Une bonne rentabilité dans ses marchés de base. 3) Une qualité de services reconnue. 4) Une structure de coûts très efficace. 5) Une bonne capacité à développer des stratégies de commercialisation.

Si Quebecair possède toutes ces caractéristiques, tant mieux, car la partie la plus abrupte du chemin de l'expansion aura été parcourue. Si Quebecair ne possède pas ces caractéristiques, il faudrait d'abord qu'elle les acquière avant d'envisager à nouveau de se lancer dans des aventures expansionnistes.

Nous n'avons exprimé le point de vue que de façon objective. Ni le gouvernement fédéral, ni Air Canada ne peuvent porter le blâme pour la gravité des problèmes qui assaillent Quebecair. L'hypothèse d'une action délibérée contre Quebecair n'est pas crédible si on examine les faits.

Nous avons aussi exprimé l'opinion que le déficit de Quebecair soit tel que l'on ne peut attendre l'impossible des vertus curatives d'une expansion instantanée. Bien sûr, il y a Nordair et l'histoire de ce dossier est connue. Il faut toutefois remarquer qu'il n'est pas évident - en tout cas les résultats ne l'indiquent pas - que Quebecair, tout en poursuivant son projet de fusion avec Nordair, a, en même temps, couvert ses arrières en tentant de s'assurer de sa propre rentabilité quoiqu'il advienne sur le dossier Nordair. Le résultat est que ce qui était, au départ, une activité de rationalisation est devenu un exercice de sauvetage, même si le mot rationalisation a été conservé pour consommation publique.

La situation de Quebecair est grave, c'est indéniable. Si grave qu'aucun administrateur héritant aujourd'hui de ce dossier ne saurait être blâmé de ne pas pouvoir en venir à bout. Mais s'il existe de par le monde quantité de petits transporteurs vivant sur des marchés bien plus petits que ceux de Quebecair, alors Quebecair aussi pourrait être rentable.

Il n'existe bien sûr pas de formule magique, pas de remède instantané et je serais bien présomptueux de vous en proposer. Je peux cependant vous faire part de ce que je considère comme des prérequis essentiels pour sauver de Quebecair ce qu'il sera possible de sauver, soit en tant qu'entité distincte, soit en tant que filiale du groupe Air Canada-Nordair. Premièrement,

éponger la dette à long terme; deuxièmement, dépolitiser le dossier; troisièmement, stabiliser l'administration et quatrièmement, penser en termes de contraction plutôt que d'expansion.

Nul doute que ce sera là un processus pénible exigeant beaucoup de sacrifices de la part des intéressés. Quebecair a déjà connu des hauts et des bas. Il n'en est pas à sa première crise, mais celle-ci est de beaucoup sa plus grave. Quebecair a toujours survécu. Pourquoi pas cette fois-ci encore?

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Obadia.

M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, je voudrais aller rapidement. D'abord, j'ai une question à poser à M. Obadia. Quand avez-vous quitté Quebecair?

M. Obadia: Au mois de février 1980.

M. Clair: Depuis ce temps, avez-vous eu l'occasion de rencontrer les gestionnaires de Quebecair, de prendre connaissance des états financiers, du plan opérationnel de Quebecair, du plan d'affectation? Avez-vous eu l'occasion de faire cela?

M. Obadia: Ce que j'ai eu l'occasion de voir assez rapidement, ce sont les états financiers qui ont été soumis ici la semaine dernière.

M. Clair: Oui. Tantôt, vous nous avez indiqué qu'actuellement, vous travaillez à une commande, si j'ai bien compris, du ministère des Transports du Canada en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine en ce qui concerne la desserte aérienne. Pourriez-vous nous préciser la nature de votre mandat?

M. Obadia: C'est l'étude des services en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine: la qualité des services et des appareils qui sont utilisés ou qui pourraient être utilisés pour rentabiliser ces services.

M. Clair: Auriez-vous objection à déposer la nature du mandat qui vous a été confié par le ministère des Transports du Canada?

M. Obadia: Absolument pas.

M. Clair: Vous n'auriez pas d'objection à le faire.

M. Obadia: Je n'ai pas le document ici, mais je peux vous le faire parvenir n'importe quand.

M. Clair: Quand ce mandat vous a-t-il été confié?

M. Obadia: Au mois de novembre 1982. M. Clair: Au mois de novembre dernier. M. Obadia: Oui.

M. Clair: Est-ce que ce mandat est susceptible d'avoir une implication importante en ce qui concerne l'avenir de Regionair, en particulier, filiale de Quebecair?

M. Obadia: Dans quel sens?

M. Clair: Dans le sens que puisque vous menez une étude sur les services aériens en Gaspésie et que nous connaissons tous la présence très importante de Regionair dans cette région, j'imagine qu'à moins d'étudier le sexe des anges, vous devez étudier un peu ce qu'est la présence de Regionair, de Eastern Provincial Airways dans cette région.

M. Obadia: Oui, dans ce sens oui, puisque j'étudie tous les services et j'étudie différents types d'appareils. Une copie de ce rapport, quand il sera déposé, sera envoyé à Quebecair; s'ils y trouvent des choses intéressantes qui pourraient leur être utiles, tant mieux!

M. Clair: Dans quelle mesure pensez-vous que le mandat que vous exercez présentement pour Transports Canada... Si je comprends bien, votre travail n'est pas terminé présentement?

M. Obadia: II est sur le point de l'être.

M. Clair: II est sur le point de l'être. Est-ce que dans une certaine mesure, celui-ci pourrait influencer l'avenir de Regionair et de Quebecair?

M. Obadia: En fait, je ne le sais pas vraiment. C'est-à-dire que les recommandations que ce rapport va contenir vont essentiellement traiter du genre d'horaires et du genre d'appareils qui seraient de nature à donner le meilleur compromis: services/coûts.

M. Clair: Dans l'intérêt d'un transporteur ou dans l'intérêt de la Commission canadienne des transports? Vous a-t-on indiqué un certain nombre de paramètres quant au travail que vous deviez effectuer auprès du ministère des Transports du Canada?

M. Obadia: Les paramètres, c'est l'étude des services aériens et les recommandations quant aux genres de services et aux types d'appareils qui pourraient être utilisés pour rentabiliser ces services. (20 h 45)

M. Clair: Si cette étude est menée par le ministère des Transports du Canada, confirmeriez-vous l'hypothèse à savoir que le ministère des Transports du Canada a un rôle déterminant à jouer quant aux types d'appareils et aux questions que vous venez de soulever, questions qui théoriquement relèvent de la Commission canadienne des transports et des transporteurs eux-mêmes?

M. Obadia: Pas nécessairement. Vous savez qu'aux Îles-de-la-Madeleine Eastern Provincial est subventionnée actuellement.

M. Clair: Est-ce que Quebecair l'est? Et Regionair?

M. Obadia: Quebecair ne l'est pas. M. Clair: Ahbon!

M. Obadia: C'est justement une des facettes de cette étude-là. C'est-à-dire est-ce qu'il est normal qu'un transporteur le soit alors que l'autre ne l'est pas? Je peux vous dire que le mandat que j'ai reçu m'a paru très positif. Si on regarde le contexte des discussions à haute voix qu'il y a entre les deux ministres des Transports, j'ai pensé que le contexte général de l'étude qu'on m'a demandée était positif pour Quebecair.

M. Clair: C'est une conclusion à laquelle vous en êtes venu ou est-ce que ce sont des indications qui vous ont été fournies par le ministère des Transports du Canada?

M. Obadia: Non, c'est une indication à laquelle j'en suis venu moi-même.

M. Clair: Et vous seriez disposé à déposer le mandat de l'étude qui vous a été confié de même que les conclusions auxquelles vous en êtes venu vous-même.

M. Obadia: Certainement, d'ailleurs les conclusions...

M. Clair: Parfait.

M. Obadia: ...vous seront envoyées par Transports Canada.

M. Clair: Je vous remercie. Une autre question rapide, M. le Président. À la page 3 de l'allocution de M. Obadia, on lit qu'il y avait une autorisation d'exploiter des Boeing 707 dans le monde entier. Est-ce que vous pourriez nous préciser si des Boeing 707 pouvaient être exploités de façon rentable dans le monde entier?

M. Obadia: Au départ du Canada, oui, certainement, puisqu'on les a exploités de façon rentable.

M. Clair: Jusqu'en quelle année pouvaient-ils être exploités de façon rentable? Juste pour préciser, de quel type d'appareil s'agit-il lorsqu'on parle de Boeing 707?

M. Obadia: Ce sont des Boeing 707 à quatre moteurs, avec 180 sièges à bord qui peuvent traverser l'Atlantique.

M. Clair: Dans quelle mesure pouvaient-ils concurrencer, par exemple, des Boeing 747 au moment où ceux-ci sont apparus?

M. Obadia: Ils pouvaient parfaitement les concurrencer parce que le Boeing 747 est un appareil qui peut contenir jusqu'à 450 places à un moment donné. Ce ne sont pas tous les marchés qui peuvent supporter des avions de 450 places. Donc, si vous avez un avion de 180 places et vous pouvez vous trouver une niche dans un marché un peu moins concurrentiel que les autres, vous réussirez, et c'est ce que Quebecair faisait.

M. Clair: Si vous étiez demeuré chez Quebecair, quel marché auriez-vous conseillé aux administrateurs de Quebecair de développer?

M. Obadia: À quel point de vue? Au point de vue des nolisements?

M. Clair: Au point de vue de la rentabilité avec des Boeing 707. Nous sommes en 1983, quel marché desserviriez-vous avec des Boeing 707?

M. Obadia: II n'y a qu'à prendre les destinations de Worldways qui a actuellement trois Boeing 707 exactement sur les marchés que Quebecair avait. Ils vont à Dublin, ils vont à Shannon, ils vont en Yougoslavie, ils vont à Paris, ils vont à Londres, ils vont à Manchester en été.

M. Clair: À partir de quel point? M. Obadia: Toronto et Montréal.

M. Clair: Quel est le nom de cette compagnie?

M. Obadia: Worldways.

M. Clair: Worldways. À la page 5 de votre déclaration vous indiquez que, si Quebecair rencontre aujourd'hui des difficultés, il faut en chercher la cause et donc les remèdes ailleurs que dans la politique des transporteurs régionaux ou dans le système de réglementation des permis aériens. Je ne citerai pas votre déclaration de 1978 devant la Commission canadienne des transports, mais à ce moment-là vous étiez payé par Quebecair, si ma mémoire est

fidèle. Les déclarations que je lis, si je les comprends, indiquaient que vous considériez que le développement de vols nolisés pour Quebecair représentait environ 40% de ses revenus, était indispensable à l'avenir de cette entreprise. Vous indiquiez même: "Je dois dire qu'environ 300 employés à Quebecair n'auraient plus d'emploi si Quebecair cessait ses services nolisés." Vous ajoutiez: "Je dis que c'est absolument vital que non seulement l'activité des services nolisés à Quebecair reste ce qu'elle est, mais qu'elle se développe." C'est un document qui est public, qui a été reproduit ici pour les membres de la commission.

Dans votre déclaration, en 1978, vous sembliez indiquer que c'était une condition sine qua non pour l'avenir de Quebecair que de développer les vols nolisés et aujourd'hui, en 1983, vous semblez plutôt indiquer, par le texte de votre déclaration, que c'était une erreur, que le marché de base, le réseau de Quebecair était insuffisant pour supporter cela, que cela a été une erreur d'acheter des Boeing 737, je pense. Quelle était votre recommandation à ce moment-là et quelle serait-elle aujourd'hui? Je comprends que c'est plus facile de se situer en 1983 après le fait, de porter un jugement, mais votre recommandation, quelle était-elle en ce qui concernait le développement des nolisés chez Quebecair?

M. Obadia: M. le ministre, en 1983, je dirais exactement ce que j'ai dit en 1980. Si vous avez mon document devant vous, on va le regarder. À la page 1358, je vais vous lire ce que je disais à ce moment-là et que je pourrais répéter aujourd'hui: "Je voudrais quand même - à la ligne 9 - soumettre notre point de vue à Quebecair. Pour que le marché des opérateurs de tours continue à être ce qu'il est, c'est-à-dire une industrie saine, concurrentielle et qui satisfait l'intérêt public, il faut que les relations entre les opérateurs de tours et leurs fournisseurs soient des relations indépendantes ou, pour employer l'expression anglaise, il faut que ce soit une relation "at all slant", et nous sommes tellement convaincus, à Quebecair, que c'est de cette façon qu'il faut procéder, qu'il faut considérer le marché, que nous ne possédons pas d'opérateur de tours." Je l'ai dit en 1980.

M. Clair: Maintenant, M. Obadia, si je ne fais pas erreur - je m'excuse de vous interrompre - cela se situe en 1978. Est-ce exact?

M. Obadia: Oui.

M. Clair: Après ce moment-là, avec la disparition de Treasure Tour qui est devenue TOURAM, si je ne fais pas erreur...

M. Obadia: Treasure Tour, c'est resté Treasure Tour.

M. Clair: Vous avez raison. Mais avec la disparition de Sunflight et de - je ne me souviens plus l'autre...

M. Obadia: Skylark.

M. Clair: Sklylark, et la présence de plus en plus importante de l'organisateur pour Air Canada, TOURAM, est-ce que les données que vous énonciez en 1978 sont toujours aussi valables en 1983?

M. Obadia: Oui. Je prétends qu'elles sont toujours aussi valables et, si vous me le permettez, je vais vous expliquer pourquoi.

J'ai dit, à l'époque, que le charter était vital pour Quebecair et je le maintiens encore aujourd'hui. Mais comment l'opérer? Il y a toute une différence entre exploiter des nolisements avec des avions qui coûtent 2 000 000 $ l'unité et qui peuvent voler toute l'année, en hiver vers le sud, en été vers l'Europe, et opérer des appareils qui coûtent 17 000 000 $ ou 15 000 000 $, qui ne peuvent s'envoler que vers le sud en hiver, mais avec lesquels, en été, il n'y a pas grand-chose à faire.

En ce qui concerne la disparition de Skylark et d'autres, cette disparition n'aurait pas du tout affecté en quoi que ce soit Quebecair si Quebecair avait suivi la philosophie qui avait été celle du début des nolisements à Quebecair, soit d'opérer en fin de semaine. En opérant en fin de semaine, le nombre d'opérateurs de tours qui existe est amplement suffisant pour justifier l'utilisation des appareils. C'est lorsque les compagnies se sont lancées vers la Floride comme elles l'ont fait qu'elles ont créé un phénomène d'aspirateur, c'est-à-dire qu'en même temps que l'économie baissait et que les revenus disponibles baissaient, les prix ont été coupés sur la destination soleil la moins chère. Donc, il y a eu un phénomène d'aspirateur qui a fait que la Barbade, Acapulco et d'autres destinations se sont écroulées pour se diriger vers la Floride.

Il est évident que les transporteurs - et dans ce cas-là, Quebecair - ayant un surplus de capacité, sont arrivés sur le marché avec des prix tellement bas que les opérateurs de tours ne pouvaient plus survivre. Le résultat final: je pense que, finalement, les transporteurs aériens qui se sont lancés avec leurs propres opérateurs de tours ont, jusqu'à un certain point, tué la main qui les nourrissait, parce que c'est important d'avoir des opérateurs de tours indépendants. Ils prenaient le risque de toutes les opérations à condition d'avoir une capacité limitée à leur offrir, à condition d'avoir des charters uniquement en fin de semaine. C'est évident que si une compagnie aérienne avait deux

avions de trop, il fallait faire quelque chose avec ces avions. Seules les compagnies aériennes pouvaient le faire.

M. Clair: Maintenant, quand vous avez quitté, ou peu de temps avant que vous quittiez la compagnie Quebecair, celle-ci opérait des Boeing 707 et 727.

M. Obadia: Oui.

M. Clair: Est-ce que vous avez été associé à la décision d'acheter un, deux, trois ou quatre Boeing 737?

M. Obadia: La seule décision où j'ai été vraiment impliqué remonte à l'été 1978. À cette époque, on avait réévalué la flotte de Quebecair et on en était arrivé à la conclusion que la flotte de Quebecair devait consister en deux Boeing 737 et deux BAC 1-11. Pourquoi? Parce qu'on poursuivait deux objectifs en parallèle. Un objectif, c'était d'acquérir Nordair. On avait calculé, à l'époque, que la flotte de Nordair plus deux Boeing 737 satisfaisaient à tous les besoins des deux transporteurs réunis. Donc, en achetant deux Boeing 737, on se positionnait avec la flotte requise pour les deux transporteurs.

L'autre objectif qu'on poursuivait en même temps, c'était de rentabiliser Quebecair, peu importe ce qui serait arrivé dans le dossier Nordair. Il y avait plusieurs raisons à cela. La première, c'est que notre expérience dans l'aviation nous avait indiqué qu'en aviation, il n'y a que les avions qui volent vite; le reste est très lent. La deuxième raison, c'est qu'on savait que Quebecair avait une réputation de profitabilité en dents de scie et on savait que si des gens s'opposaient à l'acquisition de Nordair par Quebecair, une des choses qu'on nous reprocherait, c'était l'instabilité de notre gestion. Donc, on était doublement motivés à montrer qu'on était capables de gérer Quebecair. Donc, il fallait que Quebecair soit rentable, pour elle-même, premièrement, et, deuxièmement, pour enlever tout argument à quiconque disait: Voyons donc, on ne peut pas leur donner Nordair, ils sont incapables de gérer leur compagnie. Voilà les stratégies que nous avions. Je pense que c'est au mois d'août 1978, à la suite d'un séminaire, que nous avons pris cette décision. En 1983, si on me demandait de revoir la flotte de Quebecair à nouveau, probablement que j'arriverais à deux Boeing 737 encore. Donc, voilà la décision dans laquelle j'étais impliqué en 1978.

M. Clair: Maintenant, en ce qui concerne les BAC 1-11, est-ce qu'il est exact qu'ils devaient être interdits de vol par la FAA, le 31 décembre 1984?

M. Obadia: C'est exact, mais cela n'avait aucun impact sur Quebecair puisque, à ma recommandation, au cours de l'hiver 1979, nous avons suspendu toute vente de BAC 1-11 comme charter vers les États-Unis.

M. Clair: Pour quelle raison?

M. Obadia: Ils n'étaient pas fiables. Ils accumulaient des retards comme ce n'était pas possible. On était en train de perdre notre réputation. Ils pouvaient encore être rentables parce que, vu que l'avion était plus petit, on pouvait le vendre un peu plus cher par siège parce que l'opérateur prenait un risque moins grand. Mais la régularité de cet avion, ou son irrégularité était tellement phénoménale qu'il était préférable pour protéger notre réputation de ne plus l'utiliser en charter.

M. Clair: En ce qui concerne le choix des appareils pour remplacer les BAC 1-11, quant à vous, il vous apparaît que le choix c'était des Boeing 737, mais en nombre moins important?

M. Obadia: Deux Boeing 737.

M. Clair: C'étaient des Boeing 737.

M. Obadia: Deux Boeing 737-9.

M. Clair: Pour fonctionner en même temps sur le réseau et sur le vol nolisé.

M. Obadia: En fin de semaine. D'ailleurs - excusez-moi...

M. Clair: En ce qui concerne les 707, les 727, quelle était votre opinion?

M. Obadia: En ce qui concerne les 707, disons que je n'ai pas été très impliqué dans l'addition des 707. Je n'étais pas au nolisement, à ce moment, mais je pense que c'était une bonne décision quand vous pensez que ces avions ont produit un chiffre d'affaires d'environ 20 000 000 $ avec, pour tout investissement, 2 000 000 $ pour une machine et une location de 53 000 $, pour être précis, pour l'autre machine. Il s'agissait donc là d'un risque minime, et c'est d'ailleurs une des raisons du succès du nolisement. N'oublions pas que le nolisement est un marché extrêmement spéculatif, extrêmement volatil, extrêmement frivole et qui, géographiquement, se promène d'un bout à l'autre de l'univers, d'une année à l'autre. Il faut donc avoir un équipement qui soit fiable. Si je voulais faire une comparaison, je dirais que le nolisement est une activité de commando par rapport à l'armée régulière. Il faut être souple, il faut être flexible, il faut être rapide et il faut avoir aussi peu

d'attaches financières - au sens de poids -que possible.

Pour parler du 727, maintenant, je voudrais quand même vous faire remarquer ce qui suit. J'ai lu quelque part que Quebecair a perdu 6 000 000 $ avec les Boeing 727, ou disons qu'ils ont coûté 6 000 000 $ de plus que si Quebecair avait acheté des Boeing 737. Je pense que cela a été fait sur la base de 400 $ l'heure en 1978. Les appareils ont été acquis au mois de juillet 1974. Si vous faites la moyenne, le coût réel, en vous basant sur l'inflation, donc, sur une déflation à partir de 1978, et si vous comptez le coût d'intérêts qui n'ont pas été comptés dans ce coût, parce que le 737 aurait coûté plusieurs millions de plus, vous arrivez à la conclusion que le 737, pour cette période, aurait coûté à peu près autant que le 727 qui, au passage, lorsqu'il a été revendu a produit un profit et un gain de capital. En plus, le Boeing 727 pouvait faire ce que même aujourd'hui le Boeing 737 ne peut pas faire. Par exemple, décoller de Schefferville à pleine charge en été avec les chasseurs et leurs carcasses, ce qui ne peut pas se faire aujourd'hui.

Pour les 727, je pense que cela a été une bonne décision quand il a été acheté et le "timing" de sa revente a été une bonne décision.

M. Clair: Aux pages 10 et 11 de votre intervention, vous dites que vous avez lu dans les journaux que Quebecair veut obtenir la route Montréal-Boston. Pourriez-vous me citer la référence?

M. Obadia: C'est une déclaration que j'avais lue à l'automne. Peut-être que vous me l'avez faite. Je ne sais plus.

M. Clair: Mais vous n'avez pas de... M. Obadia: Non.

M. Clair: À ma connaissance, en tout cas, moi, de mémoire, je ne me souviens pas d'avoir...

M. Obadia: J'ai lu quelque chose.

M. Clair: ...lu quelque chose de précis à ce sujet. Dernière question: Aux pages 7 et 8, vous faites état d'un certain nombre de dates et de chiffres en ce qui concerne la présence de Wardair, de Quebecair et d'Air Canada sur Fort Lauderdale. Si on isole la liaison Quebec-Fort-Lauderdale, est-ce qu'à votre connaissance un transporteur aurait développé par vol ABC, peut-être même par vol ITC ou par vol cédulé la liaison Québec-Fort Lauderdale avant que ce ne soit fait par Quebecair? (21 heures)

M. Obadia: À ma connaissance remarquez, les vols ont peut-être commencé antérieurement à cela - je pense que c'est à l'hiver 1977 qu'Air Canada a effectué des vols en Boeing 727 en UTC entre Québec et Miami ou Fort Lauderdale, mais départ de Québec.

M. Clair: Et Miami?

M. Obadia: Non, Fort Lauderdale ou Miami.

M. Clair: Mais je pense que la distinction est importante puisque...

M. Obadia: Je ne me souviens pas avec suffisamment de précision, mais je sais que des vols au départ de Québec avaient été faits par Air Canada avec une agence qui s'appelait Viva Tours et je pense même Tours Mont-Royal aussi.

M. Clair: Par la suite, ces vols ont-ils été abandonnés?

M. Obadia: Non, je ne pense pas. Tous les ans, ils avaient quelques vols.

M. Clair: Quelques vols? M. Obadia: Oui.

M. Clair: Et en termes de nombre de sièges disponibles, avez-vous analysé l'évolution du nombre de sièges disponibles à partir de Montréal et de Québec vers Fort Lauderdale et vers Miami par Air Canada, Wardair, Nordair, Eastern et Delta?

M. Obadia: Je l'ai examiné déjà, mais je n'ai pas les chiffres ici.

M. Clair: Vous n'avez pas les chiffres avec vous?

M. Obadia: Non.

M. Clair: Ma dernière question, M. le Président, est une précision en ce qui concerne le mandat que M. Obadia exécute présentement. À quelle date doit se terminer le mandat que vous exécutez présentement pour...

M. Obadia: À la fin du mois de mars.

M. Clair: À la fin du mois de mars. Votre étude sur l'avenir des services aériens dans l'Est devrait être disponible à ce moment-là.

M. Obadia: Je couvre les points Bonaventure...

M. Clair: Oui.

M. Obadia: ...Gaspé et les Îles-de-la-Madeleine.

M. Clair: Les Îles-de-la-Madeleine et Gaspé. Elle est susceptible, j'imagine, d'éclairer le ministre fédéral des Transports ou la Commission canadienne des transports.

M. Obadia: Non, pas la Commission canadienne des transports.

M. Clair: Pas la Commission canadienne des transports?

M. Obadia: Non.

M. Clair: Pourquoi faites-vous cette affirmation?

M. Obadia: Parce qu'à ce stade-là il n'y a aucune demande de route qui sera faite.

M. Clair: Mais qu'est-ce qui vous fait dire qu'aucune demande de route ne sera faite?

M. Obadia: Pardon?

M. Clair: Qu'est-ce qui vous fait dire qu'aucune demande de route ne sera faite? Vous êtes...

M. Obadia: Parce que je ne recommande pas, par exemple, la création d'un service régulier à certains endroits.

M. Clair: Mais puisque vous affirmez cela, vous avez eu l'occasion, j'imagine, de prendre connaissance des dossiers de Quebecair, Regionair et Eastern Provincial Airways?

M. Obadia: Oui.

M. Clair: Et, à votre connaissance, aucun de ces transporteurs n'a préparé une telle demande. C'est ce qui vous permet, j'imagine, d'affirmer cela?

M. Obadia: Non, non. Excusez-moi. Peut-être que je me suis mal exprimé. Ce que je veux dire, c'est que l'étude que je fais est une étude économique. À ce stade, je ne vois pas de relation entre mon étude et la Commission canadienne des transports. Une fois que l'étude sera entre les mains du ministre, je ne sais pas ce qui pourra arriver, mais à ce stade je ne vois pas de lien direct.

M. Clair: Cela va. Je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Merci. M. le Président. Vous me permettrez, comme je l'ai fait cet après-midi, de remercier M. Obadia de s'être déplacé pour venir nous rencontrer. Lui aussi a dû le faire à deux reprises puisqu'il s'était déplacé, il y a dix jours, lors de la première moitié des séances de cette commission. Malheureusement, nous n'avions pas pu l'entendre, il y a dix jours, parce que la deuxième partie avait été ajournée à aujourd'hui. M. Obadia a dû revenir une deuxième fois et, dans son cas, je pense que c'est encore plus méritoire parce que M. Obadia vient à ses propres frais. Il n'est pas un employé de quelque corporation que ce soit. Il intervient lui-même sur son propre temps, si je puis dire, et il le fait d'une façon gratuite et volontaire. Je dois vous féliciter, M. Obadia, et vous remercier d'avoir décidé de passer tout ce temps à informer la commission et le public en général.

Je voudrais faire un bref résumé de votre exposé. Dans une première partie, vous nous dites que la politique des transporteurs régionaux, telle que pratiquée par la Commission canadienne des transports et le gouvernement du Canada, n'a pas contribué, selon vos observations, à la détérioration de la santé financière de Quebecair. Vous dites qu'à votre connaissance - et je pense que c'est la première fois que c'est dit - aucune demande de route majeure n'a été refusée à Quebecair par la Commission canadienne des transports depuis - je vois que vous remontez au moins jusqu'à cette date - 1970. C'est contraire à ce qu'on entend continuellement à l'Assemblée nationale depuis un an, alors qu'on nous dit le contraire. On nous dit qu'on a tout fait pour égorger Quebecair, que Quebecair s'est vu pratiquement refuser presque toutes ses demandes, etc. Je suis un peu étonné que vous fassiez cette affirmation, parce qu'on nous dit continuellement le contraire. C'est la première fois que quelqu'un vient contredire publiquement ces affirmations. Est-ce que vous êtes bien sûr de ce que vous avancez, qu'il n'y a pas eu de routes majeures au Québec qui ont été refusées à Quebecair?

M. Obadia: Je ne peux pas me souvenir de routes majeures qui ont été refusées. Il est évident que Quebecair n'a pas obtenu tous les permis qu'elle a demandés, mais je présume que la même chose est valable pour n'importe quel autre transporteur. Bien sûr, par exemple, Quebecair a demandé d'étendre son vol de Schefferville vers Fort Chimo - je pense que cela lui a été refusé en 1976 - ou bien d'avoir un vol à Chibougamau. Il ne faut pas oublier non plus que ces points étaient desservis depuis très longtemps par Nordair, dont Fort Chimo depuis 1952.

M. Bourbeau: Quelle est la population

de Fort Chimo?

M. Obadia: Je l'ignore, mais ce n'est certainement pas une grosse population. Et je présume que de la même façon que la Commission canadienne des transports n'a pas permis à Eastern Provincial Airways de venir prendre du trafic au détriment de Quebecair sur la liaison Montréal-Wabush, elle a eu aussi à prendre ce genre de décision dans le cas de Fort Chimo.

M. Bourbeau: Alors, d'après vous, les décisions de la Commission canadienne des transports qui accorde les routes et les permis n'ont en aucune façon causé des problèmes à Quebecair en termes de rentabilité. On ne peut pas expliquer cela par les décisions de la Commission canadienne des transports.

M. Obadia: Je ne pense pas. Le seul point où peut-être on pouvait parler de rentablité c'est entre Montréal et Sept-Îles où Quebecair n'avait pas le droit de faire des vols directs, en boucle, c'est-à-dire faire Montréal-Sept-Îles aller retour. La

Commission canadienne des transports a refusé ce droit à Quebecair, mais de toute façon, étant donné l'utilisation de la flotte de Quebecair à ce moment, je ne suis pas convaincu que même si Quebecair avait ce permis, elle l'aurait utilisé.

M. Bourbeau: Le deuxième point, c'est la concurrence d'Air Canada. Le ministre des Transports nous disait, lors de son discours ici, il y a une dizaine de jours, qu'Air Canada est toujours là concurrençant le transporteur régional attitré à ce territoire déjà restreint. Il faisait évidemment allusion à Quebecair. Il parle de l'acharnement contre Quebecair. Après cela, il y a même le premier ministre qui, en Chambre, le 16 novembre 1982 nous disait: "En dépit d'efforts qui ont été faits par Air Canada et le ministre fédéral des Transports aussi pour égorger littéralement Quebecair." Voilà un témoignage qui vient de haut. Vous nous dites qu'après une étude exhaustive de tout le dossier, vous ne voyez pas comment la concurrence d'Air Canada ait pu nuire à Quebecair. Il me semble que ce sont des points de vue diamétralement opposés, venant de deux experts reconnus en la matière. Est-ce que vous pourriez détailler un peu là-dessus?

M. Obadia: Lorsqu'on a parlé de la concurrence entre Air Canada et Quebecair, cela concernait surtout la guerre de prix, à savoir qu'Air Canada avait fait une guerre de prix aux autres transporteurs et les avait mis à genoux. Il n'y a aucun doute que lorsqu'on se lance dans ces marchés, il y a le prix qui est important, mais il y a aussi le nombre de sièges qu'on met à ce prix. Lorsque Quebecair est entré sur le marché, en 1980, je pense que ses prix étaient à peu près comparables aux prix les plus bas des transporteurs cédulés. Ce sont des transporteurs réguliers, comme Delta ou Air Canada. Par contre, ce que faisait Quebecair, elle mettait sur le marché un nombre considérable de sièges qui venaient enlever à ces transporteurs une partie de leur clientèle. Ce qui fait que lorsque Air Canada est arrivée sur le marché à son tour, en 1981... Au fond, je ne pense que ce soit le fait qu'Air Canada soit arrivée avec certains prix qui ait fait la différence, mais simplement qu'il y avait en plus de ceux de Quebecair qui était arrivée l'année précédente, les sièges d'Air Canada qui venaient s'ajouter. En fait, ce qui est arrivé, c'est qu'il y avait beaucoup trop de sièges sur les marchés.

M. Bourbeau: M. Obadia, lorsque vous étiez vice-président du marketing chez Quebecair, cette compagnie a acheté quatre Boeing 737-9 et après votre départ elle a acheté deux Boeing 737, Dash 17 qui sont des avions à plus long rayon d'action que les Boeing Dash 9.

Vous avez, je présume, participé aux études. M. Alfred Hamel, lors de son témoignage, l'autre jour, nous a parlé de toute une série d'études qui avaient été faites tant sur le plan interne qu'externe afin de justifier l'achat de ces avions. Est-ce que, à votre connaissance, il y a eu des études internes qui recommandaient l'achat de tous ces avions?

M. Obadia: Comme je vous l'ai dit, le projet auquel j'ai vraiment participé, c'est celui du mois d'août 1978. Nous ne devions acheter que deux Boeing 737. Quant aux quatre Boeing 737 qui ont été commandés le 5 février 1979, quelques mois plus tard, je dois vous dire que je n'ai appris l'existence de cette commande qu'après qu'elle ait été faite et c'est à ce moment que Boeing est venue nous voir pour que nous étudiions la chose ensemble.

M. Bourbeau: Boeing est venue voir qui exactement?

M. Obadia: Les gens de Quebecair; elle est venue poser des questions. Les quatre Boeing 737, j'en ai appris l'existence après que cela ait été décidé le 5 février. On m'a dit: On a commandé quatre Boeing 737. J'ai posé la question: Qu'est-ce qu'on va en faire? On m'a répondu: Tu es le vice-président en marketing, c'est toi qui vas nous le dire.

M. Bourbeau: Ah bon! Alors vous deviez trouver l'emploi, si je peux dire, pour des

Boeing...

M. Obadia: Je dois vous dire en toute sincérité que je n'étais pas inquiet. Pourquoi n'étais-je pas inquiet? C'est une dimension qu'il faut peut-être expliquer. À l'époque, c'était connu dans l'industrie que commander des options chez les transporteurs aériens, ce n'est pas un problème; on entendait tellement d'histoires de compagnies aériennes qui avaient revendu des options à profit, on entendait même l'histoire de ONA, Overseas National Airways, une compagnie américaine, qui avait liquidé sa flotte et qui avait fait plus d'argent en vendant ses avions qu'elle n'en avait jamais fait dans toute son existence.

On s'est dit: On a commandé quatre Boeing 737, il n'y a pas de quoi s'inquiéter. Quelque chose va se produire entre maintenant et la livraison future de ces avions qui va faire qu'on comprendra peut-être mieux pourquoi on les a commandés, ou bien que ces options vont être revendues et c'est une façon parfaitement honorable de faire un profit en passant. Pour ces raisons, je dois vous le dire très franchement, je n'étais pas particulièremnt inquiet. On savait qu'il y avait un certain contenu spéculatif dans ces décisions et on les avait prises ainsi.

M. Bourbeau: Donc, pour vous, l'achat des deux premiers Boeing 737 était justifié; il correspondait aux plans qui avaient été établis en 1978. Les deux autres, pour vous, c'était une nouvelle. Vous l'avez appris après l'achat et c'était une entreprise spéculative, si je comprends bien.

M. Obadia: Disons que nous l'avons perçu comme cela.

M. Bourbeau: Un genre de pari: si cela va bien, on les garde et si cela ne va pas bien, on les revendra à profit.

M. Obadia: Cela a été notre perception.

M. Bourbeau: Effectivement, il y en a un qui a été vendu avant qu'il ne soit reçu, et l'autre a été conservé par l'entreprise. Les deux derniers qui ont été achetés, les plus gros, les Dash 17, est-ce qu'il en était question quand vous étiez à Quebecair?

M. Obadia: Aucunement question.

M. Bourbeau: II n'était pas question de les acheter. À votre connaissance, les autres membres de la haute direction comme vous, les autres vice-présidents, est-ce qu'ils ont été consultés aussi par les dirigeants de Quebecair lors de l'achat des Boeing? Est-ce qu'on a consulté les ressources humaines internes? Est-ce qu'il y a eu des études?

Vous dites qu'il n'y en a pas eu d'autres à votre connaissance que celles de 1978. Vos autres collègues, ont-ils été consultés ou si tout le monde a appris comme vous l'achat des avions après qu'ils aient été achetés.

M. Obadia: On l'a appris après que le conseil d'administration, je pense, avait fait part à Boeing que la prise d'option... Je pense que c'était vers le 5 février.

M. Bourbeau: Alors vous étiez responsable du marketing et on vous dit: Vous avez quatre avions qui vont être livrés et il faut les rentabiliser. J'aimerais que vous reveniez un peu là-dessus, parce que ce n'est pas toujours très facile quand on n'est pas des experts en la matière de comprendre la distinction qu'il y a entre acheter un Boeing 737 pour faire des vols nolisés - des charters - et utiliser un Boeing 707 pour en faire également mais pendant toute l'année. Vous avez dit qu'un Boeing 707, on peut l'utiliser hiver comme été, l'hiver dans les pays chauds et l'été dans les pays européens, que ceux que vous aviez ne coûtaient que 2 000 000 $. Vous avez fait la comparaison avec le fait qu'on a acheté des Boeing 737 à 15 000 000 $ qui eux, n'ont pas un rayon d'action pour aller en Europe, donc qui sont condamnés à ne faire du charter que l'hiver pour la Floride. Pourriez-vous expliquer cela pour qu'on saisisse davantage la nuance qu'il y a entre les deux solutions?

M. Obadia: Au fond, c'est très simple. Lorsqu'on achète un avion, il faut que cet avion vole au maximum, puisque le coût de possession de cette machine sera plus bas par heure de vol si le nombre d'heures de vol est très élevé. C'est pour cette raison que si vous avez un avion qui est très versatile et qui vous permet de couvrir tous les marchés, à ce moment, vous pourrez l'utiliser en hiver pour aller à la Barbade, au Mexique, aux Caraïbes, et l'été pour aller en Europe. À ce moment, vous allez augmenter le potentiel d'utilisation de cet appareil.

Le deuxième point, c'est que plus l'utilisation de cet appareil peut être diversifié, plus vous pouvez vous découvrir des petites niches dans le marché où vous allez pouvoir faire votre beurre sans trop embêter les gros, parce que c'est cela la règle du jeu... On peut bien se dire que c'est immoral ou amoral que les gros combattent les petits, mais c'est la règle du jeu. C'est cela, la concurrence. Si vous avez un appareil extrêmement flexible, il vous permet d'aller dans des destinations où les gros ne vont pas, de façon que vous vous tailliez une petite niche dans ce marché et que vous puissiez avoir un profit raisonnable.

M. Bourbeau: M. Hamel, le président de Quebecair, nous a dit il y a une dizaine de

jours que quand on avait acheté les deux derniers Boeing, les Dash 17 le but principal était de faire des vols nolisés sur la Barbade. On l'a dit précédemment, mais je ne sais pas si vous étiez ici, les trois Dash 9 qu'on avait déjà à Quebecair ne faisaient pas Montréal-la Barbade d'un seul trait; il fallait faire un arrêt pour refaire le plein d'essence. Comme ce n'était pas rentable de faire un arrêt, on a décidé d'acheter deux autres avions qui eux, avaient un rayon d'action suffisant pour se rendre directement à la Barbade. Il nous a dit: On a acheté ces avions pour faire ce vol, et après coup, on voulait rentabiliser ces avions sur le réseau ou je ne sais pas de quelle façon. D'après vous, d'après votre expérience, est-ce qu'il est souhaitable ou recommandable qu'un transporteur aérien, de quelque compagnie que ce soit, fasse l'acquisition d'avions neufs pour des fins de vols nolisés, quitte après cela à utiliser ces avions sur ces lignes régulières si c'est possible, ou est-ce que ce n'est pas plutôt l'inverse qu'il faut faire.

M. Obadia: Idéalement, le marché des nolisements est un marché complémentaire, c'est-à-dire qu'une fois que vous avez desservi tous vos marchés de base et que vous avez rentabilisé votre opération, à ce moment, vous avez un surplus de disponibilité d'appareils et vous pouvez les utiliser pour faire des nolisements lorsque votre demande sur le marché domestique n'est pas suffisante pour justifier des vols.

Quant à savoir si un transporteur peut acquérir des avions exclusivement pour des nolisements, disons des Boeing 737, à ce moment, tout est une question de dimension relative. Si un transporteur qui possède 20 appareils sur ses réseaux domestiques en acquiert un 21e pour ses marchés de nolisement, il est évident que la proportion est suffisamment faible pour le mettre à l'abri des mauvais jours. Par contre, si un transporteur consacre ou investit sur 50% de sa flotte pour un marché aussi spéculatif et incertain que le marché des nolisements, je pense qu'il prend un risque considérable qui ne peut se justifier qu'avec un retour sur son investissement très élevé. Or, c'est le deuxième problème. Les prix sur le marché des nolisements sont tellement bas qu'on ne peut pas rêver de retour sur un investissement élevé.

M. Bourbeau: Bon. Vous avez parlé tantôt de la guerre de prix que se sont livrée les transporteurs aériens sur la Floride au cours de l'hiver dernier. Vous avez fait état de Wardair, Quebecair et Air Canada qui ont baissé les prix, tous et chacun d'entre eux, pour finalement et probablement perdre de l'argent, chaque transporteur ayant perdu de l'argent. J'aimerais que vous précisiez davantage: pourquoi était-ce plus nocif pour Quebecair de baisser les prix, par exemple, que pour Air Canada ou pour Delta ou pour Eastern? Delta aussi offre des prix parfois aussi bas que ceux que Quebecair offre ou offrait, Eastern aussi. Pourquoi dans le cas de Quebecair c'était suicidaire et que dans le cas de Delta ou d'autres transporteurs importants cela pouvait aller?

M. Obadia: Parce que dans le cas de Quebecair, je ne me souviens pas des chiffres exacts, mais je dirais que les revenus des nolisements représentaient au moins un tiers des revenus de Quebecair. Autrement dit, il y avait presque deux machines à temps plein qui étaient consacrées aux nolisements, ce qui correspondait, dans son cas, à 50% de la flotte puisque le cinquième appareil n'a jamais été exploité. C'est là le problème. Si vous exploitez 50% de votre flotte à des rendements aussi faibles que ceux des nolisements, il faut que les autres 50% vous produisent des revenus faramineux pour compenser alors que, dans le cas d'Air Canada, de Delta ou d'autres, la proportion des sièges à bas prix qu'ils vendent par rapport à l'ensemble de leurs sièges est quand même relativement faible. Ce qui est le cas, finalement, d'un transporteur régional qui possède disons, quatre jets, lesquels peuvent fournir environ 12 000 heures par année, et qui consacre 2000 de ces heures à faire des vols nolisés, il a alors une bonne proportion entre les vols nolisés et les vois cédulés rentables et il peut obtenir son équilibre, ce que Quebecair a fait pendant des années d'ailleurs.

M. Bourbeau: M. Obadia, le ministre nous disait, il y a une dizaine de jours, en parlant du réseau de Quebecair, que Quebecair a les routes les plus courtes et les marchés les plus faibles. Il nous disait que le réseau de Quebecair est un réseau étriqué, qui n'est pas rentable, un territoire étriqué, difficile d'accès, très difficile à rentabiliser. Dans le texte que vous nous avez remis tout à l'heure, vous dites qu'il existe de par le monde quantité de transporteurs vivant sur des marchés bien plus petits que ceux de Quebecair et alors Quebecair pourrait aussi être rentable.

Pouvez-vous nous expliquer comment Quebecair pourrait être rentable sur un réseau qui est relativement petit? Est-ce que Quebecair doit conserver le même type d'avions que d'autres transporteurs régionaux qui pourraient avoir des territoires beaucoup plus étendus? Et est-ce un avantage, pour un transporteur régional, d'avoir un territoire très étendu, comme, par exemple, Nordair, qui va jusqu'à Resolute Bay, ce qui est peut-être huit fois la distance entre Montréal et Sept-Îles? Est-ce payant pour un transporteur d'aller si loin que cela? Est-ce que

Quebecair est désavantagée parce que son réseau est compact et plus dense?

M. Obadia: II y a plusieurs questions dans votre question. La première, vous avez parlé des distances. C'est un fait que Quebecair a une distance moyenne très basse et je pense même que la distance moyenne de vols de Quebecair est probablement la plus faible de tous les transporteurs régionaux au Canada, c'est un fait.

M. Bourbeau: ...Eastern Provincial?

M. Obadia: Incluant Eastern Provincial, Quebecair a la distance moyenne la plus courte. Je pense que la distance moyenne du passager de Quebecair est inférieure à 300 milles, donc c'est très court.

Par quoi cela se traduit-il? Cela se traduit par des coûts d'exploitation proportionnellement plus élevés parce qu'un décollage coûte le même prix que vous décolliez pour 20 milles ou que vous décolliez pour 1000 milles. Par contre, la structure tarifaire tient compte de ce fait-là puisqu'elle est bâtie comme ayant un coût fixe, pour payer le décollage justement, et un coût variable en fonction de la distance parcourue par le passager.

Dans le cas de Quebecair, une des raisons pour lesquelles Quebecair a des tarifs parmi les plus élevés au Canada, ce n'est pas parce qu'elle abuse de ses usagers, c'est simplement parce que la nature du réseau de Quebecair est telle que, les distances étant courtes, il faut nécessairement avoir une formule tarifaire qui corresponde à ceci.

Deuxièmement, en ce qui concerne la dimension du territoire, c'est vrai que le territoire est petit et étriqué mais c'est un territoire qui comprend quand même un grand nombre de passagers. Tout à l'heure j'ai cité une croissance de 788% de Quebecair en huit ans, mais, si vous regardez uniquement les services cédulés de Quebecair entre 1970 et 1978, ils ont cru de 330%.

En ce qui concerne la longueur des distances, l'avantage que cela procure au transporteur c'est d'avoir une plus grande utilisation de ses appareils pendant la journée puisque lorsque vous avez de courtes distances vous ne pouvez voler qu'aux heures de pointe et entre les heures de pointe il faut trouver des marchés à desservir alors qu'avec de longues distances vous pouvez utiliser davantage vos appareils.

M. Bourbeau: Les tarifs de Quebecair, justement, je pense que c'est un point intéressant, parce que quand on parle de transport aérien, on parle de service aux usagers. Dans le cas de Quebecair idéalement, en tout cas - c'est le service aux régions, les régions du Québec. Quand on va dans les régions du Québec, on entend beaucoup de plaintes en ce qui concerne les tarifs de Quebecair. J'ai reçu un appel téléphonique, il n'y a pas longtemps, de gens qui disaient qu'un vol de Blanc-Sablon à Montréal coûte 800 $ aller-retour, alors qu'on parlait de vols vers la Floride, il y a deux ans, pour 169 $ aller-retour, pour une distance plus grande. D'après vous, est-ce que les tarifs de Quebecair sont trop élevés actuellement? Est-ce que cela a un effet contraire sur la clientèle? Est-ce qu'on pourrait penser qu'en ayant des tarifs plus bas, plus de gens utiliseraient les vols de Quebecair, donc qu'on aurait possiblement un meilleur coefficient de remplissage sur les vols? Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Obadia: Je ne pense pas que les tarifs de Quebecair soient excessifs si on les relie aux coûts d'exploitation de Quebecair. Il y a une relation entre les coûts d'exploitation et les tarifs. D'ailleurs, si les tarifs étaient excessifs, Quebecair ne perdrait certainement pas toutes les sommes qu'elle perd. De ce point de vue, je ne pense pas qu'il y ait une relation anormale entre les coûts d'exploitation et les tarifs de Quebecair.

Maintenant, vous me posez la question: Pourquoi 169 $ pour aller en Floride et 800 $ pour aller à Blanc-Sablon? Je vais essayer de ne pas être trop technique, mais une des raisons, c'est certainement la méthode d'allocation des coûts fixes. Comment alloue-t-on les coûts fixes a chaque ligne de produit? C'est évident que si les services cédulés supportent la part du lion des coûts fixes...

M. Bourbeau: Je m'excuse, mais pourriez-vous expliquer, pour l'information de ceux qui ne sont pas des experts, ce que sont les services cédulés?

M. Obadia: Si les vols à Blanc-Sablon, pour reprendre votre exemple, absorbent la plupart des coûts fixes, incluant le coût des appareils, alors que les services nolisés ne les absorbent pas, il est évident qu'en ce qui concerne les coûts d'exploitation, cela va créer une différence qu'on risque de retrouver dans les prix. D'ailleurs, je n'ai pas analysé en détail les documents, les états financiers qui ont été soumis à la commission, mais il y a une chose qui a attiré mon attention dans les états financiers de 1982. Les vols nolisés, avec 23% des revenus par rapport aux services cédulés, aux services réguliers, aux vols domestiques, ne se voyaient allouer que 1,14% du coût des appareils. Je ne dis pas que ce n'est pas la façon de faire. Après tout, chaque compagnie a parfaitement le droit de choisir ses méthodes d'allocation. Mais il reste que, si on regarde les coûts d'exploitation à la lumière de cette distribution de coûts, on

observe un coût très bas proportionnellement pour les services noiisés par rapport aux services domestiques, ce qui peut entraîner qu'on se sent confortable à vendre les vols charters à bas prix.

M. Bourbeau: M. Obadia, dans le transport des passagers, il y a plusieurs types d'avions. Il y a les avions à réaction, bien sûr, comme Quebecair en a, des Boeing et des BAC. Il y a aussi les turbos, les avions turbopropulsés. Le réseau de Quebecair étant un réseau compact, d'après vous, la compagnie aurait-elle intérêt à se pencher davantage sur la possibilité d'utiliser des avions turbopropulsés plutôt que toujours des avions à réaction? Est-ce que Quebecair aurait intérêt à faire un usage additionnel d'avions turbopropulsés qui sont des avions à hélices? Vous pourriez peut-être dire mieux que moi ce que c'est, décrire mieux que moi ce que c'est.

M. Clair: M. le Président, par mesure de précaution, je ne voudrais pas que M. Obadia se sente obligé de nous dévoiler les résultats de son étude avant qu'elle soit complétée.

M. Obadia: Non, pas du tout.

M. Bourbeau: M. Obadia est un homme d'expérience. Je pense, M. le ministre...

M. Clair: Je n'en doute nullement.

M. Bourbeau: ...qu'il connaît les limites de son mandat.

M. Clair: Je n'en doute nullement, M. le Président.

M. Houde: ...le ministre...

M. Obadia: Écoutez! Pour répondre à votre question...

M. Clair: Qu'est-ce que vous venez faire ici?

M. Obadia: Pour répondre à votre question, certaines routes sont desservies de façon plus rentable avec des avions à hélices. Par contre, si Quebecair prenait cette option, elle ferait face au même dilemme auquel font face tous les transporteurs aériens actuellement et, évidemment, les manufacturiers; c'est le suivant. D'un côté, vous pouvez exploiter des vieux avions qui ont un coût très bas à l'achat, mais qui ont des coûts d'exploitation très élevés et qui ne sont pas très attrayants pour le public, ou bien vous pouvez exploiter des avions modernes, mais qui coûtent cher à l'achat, tellement cher que leur économie de fonctionnement ne justifie pas l'investissement. C'est le dilemme auquel font face la plupart des transporteurs actuellement et les manufacturiers qui n'arrivent pas à vendre leurs avions. (21 h 30)

Pour répondre, maintenant, directement à votre question, au point de vue du coût d'exploitation, les turbopropulsés les plus modernes ont les mêmes caractéristiques de coûts que les jets. Autrement dit, par exemple, vous pouvez opérer trois vols entre Montréal, Québec et Mont-Joli avec un turbo en avion à hélice, cela va vous coûter à peu près le même prix que de l'opérer avec deux vols en réactés et le coût des appareils sera identique. Le problème, c'est le coût d'acquisition. Au point du vue de service, au point de vue du coût d'exploitation, c'est parfaitement équivalent.

M. Bourbeau: M. Obadia, une dernière question. Dans votre allocution, vous terminez quand même sur une note positive, si je peux dire, en donnant à titre d'expert ce que vous considérez des prérequis essentiels. Vous dites: Pour sauver de Quebecair ce qu'il sera possible de sauver. Je note que vous n'êtes pas très optimiste parce que vous utilisez quand même des mots qui sonnent un peu l'alarme. D'après vous, est-ce qu'il y a moyen de rentabiliser Quebecair, disons, sur une base autonome, sans fusion avec Nordair, par exemple? Est-ce que Quebecair peut devenir rentable? Si oui, combien de temps cela peut-il prendre et qu'est-ce qu'il faudrait faire sur le plan pratique pour rentabiliser Quebecair?

M. Obadia: Le marché intérieur, au Québec, de Quebecair est un marché solide. Il est évident qu'il n'est pas en expansion, surtout lorsqu'on considère ce qui est arrivé à la ceinture du minerai où le trafic s'est écroulé. Disons qu'il y a quand même une base de trafic qui est là et qui peut représenter 500 000 passagers par année. C'est un nombre assez intéressant pour justifier l'existence d'un transporteur aérien. Donc, c'est un point positif.

Le deuxième point positif, c'est que Quebecair a quand même à son service des gens qui ont une expérience considérable dans le transport aérien. Si des gens venaient vous dire ici que Quebecair a les meilleurs pilotes au Canada, vous pouvez les croire, ce n'est pas de la vantardise. Si quelqu'un vient vous dire que Quebecair a les meilleurs mécaniciens au Canada, croyez-les, c'est vrai. Donc, Quebecair, si vous voulez, a un noyau de personnel, une tradition qui existe, qui est là, et qui est un acquis énorme par rapport à quelqu'un qui arriverait et qui dirait: Moi, aujourd'hui, je démarre une compagnie aérienne au Québec.

Le problème actuel est un problème de dette. Il est évident que Quebecair doit

tellement d'argent qu'il est très difficile de voir comment, par le biais d'autofinancement, Quebecair pourrait éponger sa dette. Donc, de ce côté, il y a certainement quelque chose à faire que Quebecair ne peut pas faire. Quebecair, à même ses revenus et ses dépenses, ne peut pas éponger sa dette. Il y a aussi, évidemment - cela fait drôle d'en parler dans une assemblée qui est quand même de nature politique - la politisation du dossier. Peut-être que j'en parle trop comme un technicien, mais j'ai toujours eu le plus grand respect pour les hauts fonctionnaires des ministères des Transports, que ce soit à Québec ou à Ottawa. Il reste quand même que ce sont des gens qui connaissent très bien les problèmes de transport aérien et qui parlent un langage sur lequel ils peuvent s'entendre.

C'est dans ce sens que je parlais de la dépolitisation du dossier. Quand je dis "penser en termes de contraction plutôt que d'expansion", je ne dis pas par là qu'il faut que Quebecair retourne à Rimouski et fonctionne de Rimouski à Matane. Ce que je veux dire par là, en fait, pour ne pas employer une expression trop savante, c'était faire du "zero base budgeting" c'est-à-dire revenir à zéro. Dire: Voici mon réseau, voici les passagers qui veulent voyager de A à B; quel est le genre d'horaire, quel est le genre de services que je devrais leur donner, quels sont les appareils les plus économiques qui existent, est-ce que je peux me les payer, oui ou non, et remonter tout cela de façon que Quebecair retrouve sa rentabilité. Je suis convaincu que cela peut se faire. Est-ce que cela peut se faire avec trois, quatre jets? Peut-être que non.

Mais une chose est sûre, c'est que si Quebecair retrouve une certaine santé financière, la récession qu'on a connue ne sera pas éternelle, il faut être optimiste, on va en sortir. À ce moment, si Quebecair a fait cet exercice de conscience, si Quebecair s'est réorganisée, si, d'une façon ou d'une autre, les dettes ont été épongées, Quebecair sera certainement au premier rang des concurrents potentiels pour obtenir d'autres routes dans le futur. Elle l'a fait dans le passé.

M. Bourbeau: M. le Président, une dernière question à M. Obadia. Quebecair est un transporteur régional de par sa vocation première. Vous plaidez justement en faveur d'un retour aux sources, si je puis dire, un retour au réseau de base où on s'occuperait, en premier lieu, du réseau de Quebecair. On reviendrait au réseau d'origine et on tenterait de rentabiliser ce réseau. Vous nous dites que Quebecair a des pilotes parmi les plus compétents au Canada. Vous dites la même chose des mécaniciens. Tant mieux! Je suis content que ce soit dit ici et que ce soit dit par quelqu'un qui n'est pas de la boîte. Cela a encore, je pense, un écho additionnel ou une crédibilité additionnelle. Je pense qu'on ne le dira jamais assez. Voilà un domaine où, semble-t-il, on est fort.

Par contre, le plaidoyer que vous venez de nous faire semble aller à l'encontre de ce qui s'est fait à Quebecair depuis trois ans, en ce sens qu'on nous dit: Quebecair a des problèmes financiers, cela nous prend des marchés extérieurs pour rentabiliser Quebecair. On veut faire des vols nolisés un peu partout. On a obtenu récemment la ligne Montréal-Toronto après l'avoir demandée à la Commission canadienne des transports qui l'a accordée. J'ai vu, moi aussi, que Quebecair avait fait une demande pour le vol Montréal-Boston. On parle en termes d'expansion. Quand on regarde l'ensemble des écrits qui sont publiés du côté de Quebecair et du gouvernement, on semble préconiser une expansion pour rentabiliser les avions qu'on a achetés.

Dans la conclusion de votre rapport -je ne sais pas si cela a un lien, j'aimerais que vous nous le disiez - vous recommandez de stabiliser l'administration de Quebecair. Y a-t-il un rapport entre les deux, la stabilisation de l'administration et l'abandon de la politique d'expansion?

M. Obadia: Non. Quand je l'ai écrit, je n'ai pas vu de lien direct. Ce que j'ai voulu dire ici, c'est que, ayant passé moi-même treize ans à Quebecair, je ne compte plus les présidents et les vice-présidents exécutifs pour lesquels j'ai eu à travailler. Le gros problème est que la seule façon pour un transporteur comme Quebecair, ou n'importe quel autre, de prospérer, c'est d'avoir une administration stable. La qualité d'un plan, ce n'est pas d'être génial. C'est d'être conduit et mené de façon stable et de façon régulière.

Ce qui arrive - et c'est parfaitement humain - aussitôt qu'il y a un changement d'administration, c'est que les nouveaux arrivants réagissent comme si ce qu'il y avait avant eux n'existait pas ou comme si ce qu'il y avait avant eux n'était pas bon. On efface et on recommence. Comme - là encore, ce n'est pas une critique, c'est une constatation que je fais - dans la plupart des cas, les nouveaux arrivants sont des gens qui ne sont pas du métier, il est normal qu'ils passent trois ou six mois à apprendre le métier. Pendant ce temps, l'affaire continue à tourner et peut-être même, dans certains cas, les problèmes continuent à s'accumuler.

Ce qui est encore plus grave, pendant les trois ou six premiers mois de leur mandat, ces gens sont assiégés par des suggestions de toutes sortes, certaines très objectives, d'autres moins objectives. Ils sont bombardés par des conseils, des commentaires et des suggestions de toutes

sortes et la probabilité qu'ils prennent une décision erronée est relativement grande - et ce n'est pas leur faute - mais, d'autre part, ils peuvent aussi se cantonner dans la non-prise de décision, ce qui paralyse tout. Voilà pourquoi je considère que la stabilisation est très importante, parce qu'elle permet la continuité dans la conduite des affaires.

M. Bourbeau: M. Obadia, Quebecair avait, il y a quelques mois, environ 900 employés, je pense que cela a été réduit un peu depuis ce temps. D'après vous, pour rentabiliser Quebecair, quel est le nombre d'employés requis? Êtes-vous en mesure de nous donner des chiffres approximatifs?

M. Obadia: Non, je ne pense pas que je pourrais vous dire le nombre d'employés particuliers. Il faudrait...

M. Bourbeau: M. Obadia, je vous remercie beaucoup d'être venu devant la commission. C'esttout, en ce qui me concerne.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le ministre.

M. Clair: Oui, M. le Président. Simplement pour préciser peut-être le témoignage de M. Obadia, selon mes renseignements - à moins que celui-ci ne me contredise - depuis seulement 1979, les demandes de Quebecair à la Commission canadienne des transports sont, en résumé, à peu près les suivantes, répétées chaque année: Québec-Fort Lauderdale, Montréal-Fort Lauderdale, Montréal-Toronto, Québec-Toronto, Montréal-Philadelphie, Montréal-Boston, Montréal-Washington et Montréal-Québec-Chimo. Simplement pour dire que peut-être que M. Obadia... Je pense que cela s'est passé en partie pendant qu'il était là. Après qu'il a été parti, je pense que...

M. Obadia: Pourrais-je dire quelque chose sur votre liste?

M. Clair: Oui.

M. Obadia: En ce qui concerne les routes Montréal-Fort Lauderdale et autres, ces routes doivent d'abord être discutées au cours de discussions bilatérales entre le Canada et les États-unis. Or, jusqu'à présent, ces routes ne font pas encore partie de l'accord bilatéral parce qu'on sait qu'il traîne depuis trois ans. Il n'y a aucun accord sur ces routes.

M. Clair: Justement sur cette question, M. Obadia, est-ce que vous établiriez... Nous savons tous qu'Air Florida a remplacé Quebecair sur les marchés de Québec-Fort Lauderdale notamment et nous savons également que, récemment, il y a quelques jours à peine, à la suite de négociations entre le gouvernement du Canada et celui des États-Unis, Continental Airways a été appelé à remplacer ou en tout cas à concurrencer CPR sur le marché de l'Australie, est-ce qu'une partie de l'explication du remplacement de Quebecair par Air Florida ne se trouve pas justement dans ces négociations bilatérales où Quebecair n'a pas pu obtenir gain de cause purement et simplement dans ces négociations bilatérales entre les gouvernements du Canada et des États-Unis, n'étant pas parvenu à faire inclure ces lignes dans les discussions?

M. Obadia: Non, M. le ministre, ce n'est pas la situation. Ce qui se passe actuellement, c'est que, indépendamment du transporteur, les deux pays sont en train de négocier un ensemble de routes entre le Canada et les États-Unis, dont Montréal-Fort Lauderdale. À ce stade, il n'est absolument pas question des transporteurs et ce sont ces négociations qui n'ont pas encore abouti; ce qui fait que la route n'existe pas.

M. Clair: Dans votre esprit, qu'est-ce qui explique le remplacement de Quebecair par Air Florida, cette année?

M. Obadia: En ce qui concerne le remplacement de Quebecair par Air Florida -d'ailleurs je ne sais pas sur quelle route -mais si Air Florida fonctionne, il exploite des vols nolisés. Ces vols nolisés font partie de l'accord bilatéral de 1974 qui prévoyait que les transporteurs américains auraient accès à 35% du marché canadien.

M. Clair: Est-ce que ce n'est pas déjà atteint?

M. Obadia: Ah non! Leur part est extrêmement minime et c'est d'ailleurs l'une des raisons qui compliquent les négociations, parce qu'ils prétendent qu'ils ne pourront jamais avoir accès au marché canadien. C'est pour cette raison qu'ils veulent davantage de choix sur les routes régulières. Alors, en ce qui concerne Air Florida, si elle fonctionne, ce n'est pas parce que le gouvernement a favorisé Air Florida, c'est que simplement un opérateur de tours - et j'ignore lequel d'ailleurs - est allé voir Air Florida, lui a demandé: As-tu un avion et à quel prix? Air Florida a dit oui. Alors, ils ont fait un contrat et ce contrat est forcément honoré par la Commission canadienne des transports au titre de l'accord bilatéral sur les services nolisés qui a été signé en 1974.

M. Clair: Est-ce que vous savez si Air Florida respecte tous ses contrats actuellement?

M. Obadia: Non, je ne le sais pas.

M. Clair: Vous l'ignorez.

M. le Président, je n'ai pas d'autres questions. Je remercie M. Obadia pour son témoignage.

Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie, M. Obadia. J'inviterais maintenant M. Claude Lévesque, représentant de Hospitalité Tour Montréal Ltée.

M. Lévesque, si vous voulez commencer votre communiqué.

M. Claude Lévesque

M. Lévesque (Claude): M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, je suis l'un de ceux qui ont grandi avec la société Quebecair. En effet, je suis entré au service de la compagnie au printemps de 1965, à Baie-Comeau, à la suite de quelques années dans l'aviation militaire canadienne où j'ai acquis les connaissances techniques de l'aviation. J'ai vu ce transporteur grandir rapidement, occuper une place plus importante, laisser derrière lui cette réputation de compagnie d'aviation de brousse. Tous voulaient accéder au rang des grandes compagnies d'aviation au moment où les voyageurs québécois exigeaient plus et surtout de Quebecair.

Les années 1967, 1968 et 1969 furent déterminantes avec l'acquisition des jets, les BAC 1-11. On sentait une volonté, une détermination des employés de Quebecair de faire de leur entreprise une société aérienne de qualité, respectée et soucieuse de bien servir ses passagers. On sentait tous l'importance d'un transporteur comme celui-ci pour une province aussi grande, où les distances entre communautés exigent le bon fonctionnement et la fiabilité du transporteur aérien.

C'est alors que Quebecair décidait de se doter d'un véritable service de marketing permettant à la fois l'apport de ressources humaines plus qualifiées et fournissant aux employés les plus anciens et agressifs, l'occasion de profiler un meilleur plan de carrière. (21 h 45)

Ma première fonction dans le contexte de ce nouvel élan fut de représenter la compagnie dans le secteur des ventes pour revenir plus tard le directeur de ce service. En 1977, je suis devenu directeur des vols nolisés, poste que j'ai occupé jusqu'à mon départ, en mai 1980.

Les vols nolisés à Quebecair. Les vols nolisés à Quebecair n'ont pas été le fait du simple hasard. En effet, lors de l'acquisition des BAC 1-11 en 1969, il était primordial d'opérer des vols nolisés en fin de semaine pour permettre de voler un nombre d'heures suffisant, l'horaire régulier ne pouvant offrir cette garantie. Modestement, Quebecair s'est infiltrée sur ce marché, d'abord sur la Floride, les Bahamas et les destinations les plus rapprochées des Caraïbes. Quebecair a pris une sérieuse option sur le marché des vols nolisés lorsque, en 1974, la décision fut prise d'utiliser deux Boeing 707 et un Boeing 727. Quebecair était alors projetée vers les grands marchés internationaux. Les deux premières années furent assez difficiles, principalement à cause du manque d'expérience, à tous les niveaux, de la compagnie. Cette expérience se raffermit, désignant Quebecair l'une des principales compagnies aériennes canadiennes de vols nolisés internationaux. En effet, Quebecair, en 1978, avait réussi à prendre 24% du marché total des vols nolisés au Canada, comparativement à 18% et 17% respectivement pour Pacific Western Airlines et Nordair. Cette part du marché aurait augmenté en flèche si le plan d'expansion de 1978 prévoyant l'augmentation d'un ou de deux appareils additionnels du type Boeing 707 avait été appliqué. Dès 1979, le retrait de Pacific Western de ce marché nous a permis de connaître une année record en termes contractuels avec les opérateurs et le retrait annoncé de Nordair pour la fin de 1979 nous a laissé prévoir un avenir reluisant, malgré la baisse générale du marché et l'augmentation des coûts de fonctionnement. À l'époque, l'équipe du marketing de Quebecair voyait ce marché comme étant le potentiel principal d'expansion à Quebecair. Toutefois, des conditions précises étaient posées afin d'assurer la rentabilité d'une telle entreprise d'envergure. J'en cite ici quelques-unes. 1. Faire de l'opération des vols nolisés une organisation complètement autonome de celle des horaires réguliers de la compagnie. 2. Obtenir la collaboration continue de tous les syndicats pour assurer une structure de coûts plaçant Quebecair dans une position compétitive avec ses concurrents. 3. Établir des plans de formation du personnel à tous les niveaux sur ce type particulier d'aviation.

Les vols nolisés ont permis une meilleure utilisation du personnel. Alors que Quebecair se situait au septième rang en 1970 quant aux revenus par employé, elle passait, huit ans plus tard, au deuxième rang. La différence de rendement des employés provenait pour une large part de l'effort déclenché dans la bataille des vols nolisés sur l'Atlantique-Nord et les destinations-soleil avec les Boeing 707. En abandonnant à d'autres tous les gains décrochés d'arrache-pied, la société se mettait dans une position où chaque employé devenait utile à un plus petit nombre de voyageurs, faisant ainsi grimper en flèche les coûts pour chaque voyageur transporté et, par le fait même,

baisser la productivité.

Afin d'éviter une enumeration fastidieuse de chiffres, je réfère la commission à un tableau publié dans la Presse du 30 juillet 1980, tableau qui démontre les gains faits par Quebecair relativement à l'utilisation du personnel dans les bonnes années de l'Atlantique-Nord.

Bien sûr, on ajouterait en 1982 que bon nombre de compagnies se sont retirées de ce marché, dont Nordair qui voulait laisser partir ses DC-8. Mais aujourd'hui, force nous est de constater les succès évidents de World-ways et Wardair sur ces marchés. Quebecair, avec des Boeing 707, d'une valeur seulement de 1 500 000 $ ou de 2 000 000 $ par appareil, aurait fait bonne figure encore longtemps, surtout devant le renoncement de Nordair. Nous avions une bonne réputation, un bon service, la sympathie des voyageurs québécois, canadiens et étrangers.

L'engouement pour les services nolisés internationaux de Quebecair existait. Nous avons cessé de l'exploiter.

L'effort du nolisement international contribuait à faire du régional un transporteur plus solide. La base financière et la capacité du réseau de Nordair lui permettaient de se retirer des vols nolisés internationaux sans trop de risques. Mais la situation était tout autre à Quebecair. Quebecair connaissait déjà des diminutions marquées sur le réseau domestique. "L'aviation du fer" s'affaiblissait considérablement.

En utilisant ses Boeing 707, Quebecair voyait ses quadriréactés contribuer jusqu'à 2 000 000 $ par année à l'amortissement des coûts fixes de la compagnie pour l'ensemble de ses activités dont le volet de la vocation première et régionale de la société. Par conséquent, cela plaçait Quebecair dans une meilleure position pour faire face au service quotidien nécessaire sur le réseau québécois. Les vols internationaux avaient le triple avantage de permettre à plus de Québécois d'oeuvrer pour une compagnie d'aviation du Québec, d'offrir aux voyageurs québécois de meilleurs prix pour des voyages outre-mer dans le contexte d'une solide concurrence et surtout de préserver l'avenir de la société déjà harcelée par la flambée des coûts de fonctionnement à la suite de la crise du pétrole.

L'avenir de l'époque. Quebecair décide d'acheter des 737 à 15 000 000 $ chacun. On voulait voler vers le Sud avec ces appareils, foncer dans un marché que tous savaient dur, difficile, limité. Le risque était grand.

Quebecair affirmait que ses quatre 737 seraient utiles et nécessaires sur le réseau régulier. Deux auraient suffi amplement; d'ailleurs, les plans originaux de 1978 annonçaient deux 737 seulement et deux BAC 1-11.

Si Quebecair avait conservé ses 707, encore fort efficaces, le risque eût été beaucoup moins grand sur le marché du Sud. Devant une concurrence trop dure, on aurait pu intensifier les vols de longue distance tels que ceux de l'Europe, de l'Asie, de l'Amérique du Sud, etc.

On sait que les 707 accueillaient 181 voyageurs pour un coût de propriété de l'ordre de quelque 200 $ l'heure de vol. De son côté, les 737 tout neufs, de 15 000 000 $ chacun, demandaient des coûts de propriété de quelque 1000 $ l'heure. Si Quebecair avait décidé de garder ses 707 et de les offrir sur le marché du Sud, au lieu des 737, il en aurait coûté 50 $ de moins aujourd'hui par siège pour voler sur Fort Lauderdale. Au lieu de cela, on persista à faire voler les 737 vers le Sud dans un contexte de guerre des prix où celui offert par Quebecair annonçait d'avance une perte financière pour chaque envolée.

Aussi, les 707 offraient une plus grande flexibilité, possédant un rayon d'action plus important que les biréactés tout neufs de Boeing. Notons qu'on aurait pu voler facilement vers la Barbade, le Venezuela et la Colombie et ce, avec des avions munis de soutes pour transporter tous les bagages des voyageurs en même temps qu'eux.

En résumé, les nolisements sont vitaux pour Quebecair, mais il faut faire très attention. Il s'agit là d'un marché risqué, spéculatif, concurrentiel, cyclique qu'il ne faut pas aborder à la légère. Ou bien on fait des nolisements de fin de semaine avec des 737, mais alors il faut que ces avions et leur exploitation soient justifiés et payés par les vols réguliers sur semaine. Ou bien on fait du nolisement à temps plein et là, on aborde un tout autre domaine. C'est un domaine très spécialisé qui requiert une expérience considérable de tous les acteurs et où la moindre faute ne pardonne pas. Le choix des avions, qui doit être judicieux, les coûts de fonctionnement, qui doivent être maintenus au plus bas, et l'expertise de la commercialisation peuvent faire la différence entre le succès et l'échec.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, le ministre n'a pas de question pour l'instant. Je cède immédiatement la parole au député de Laporte, quitte à revenir peut-être pour une ou deux précisions. Je n'ai pas de question pour l'instant. Je pense qu'on est en dette envers l'Opposition en termes de temps. Je voudrais donner immédiatement le temps à mon collègue, le député de Laporte.

Le Président (M. Boucher): Juste une minute.

M. Bourbeau: ... l'Opposition, M. le ministre, et pour autant qu'on est concerné, vous allez l'être encore longtemps.

M. Clair: En termes de temps? Cela dépend du temps que vous allez prendre.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laporte, s'il vous plaît!

M. Bourbeau: M. Lévesque, vous avez été à l'emploi de Quebecair pendant combien d'années déjà?

M. Lévesque (Claude): Pendant quinze ans.

M. Bourbeau: Pendant quinze ans. M. Lévesque (Claude): C'est cela.

M. Bourbeau: Vous avez commencé en 1965 et vous avez quitté en 1980.

M. Lévesque (Claude): C'est cela.

M. Bourbeau: Pourriez-vous nous dire à quelle date vous avez quitté et pour quelle raison?

M. Lévesque (Claude): J'ai quitté Quebecair en mai 1980. La décision de quitter Quebecair était prise dès janvier 1980 et la raison était relativement simple. À ce moment-là la direction de Quebecair sur les marchés nolisés prévoyait ou, en tout cas, on me demandait de prévoir et de travailler à la mise sur pied de Vacances Quebecair, par exemple, et d'utiliser des 737 en permanence pour des vols nolisés sur Fort Lauderdale, marché auquel je ne croyais pas du tout à cause principalement du coût de possession des avions qui était beaucoup trop élevé. Si on compare avec Nordair, par exemple, où le coût de possession des avions de Quebecair est à peu près le double, le revenu que je planifiais obtenir sur ce marché-là ne pouvait en aucun temps justifier l'utilisation des 737. Donc, au lieu de rentrer dans ce domaine-là j'ai décidé de quitter.

M. Bourbeau: Vous parlez de Vacances Quebecair. Pourriez-vous nous expliquer un peu ce que c'est? On en a entendu parler à quelques reprises mais personne ne nous a encore expliqué, depuis le début des travaux de cette commission, ce que c'est ou ce que cela a été.

M. Lévesque (Claude): Vacances Quebecair c'est un opérateur de tours.

M. Bourbeau: Qu'est-ce qu'un opérateur de tours?

M. Lévesque (Claude): C'est lui qui met sur pied et qui commercialise des voyages utilisant un transporteur pour transporter des passagers. Historiquement à Quebecair on n'a jamais eu d'opérateur de tours, on faisait toujours affaires avec les opérateurs de tours indépendants. La situation était tout à fait différente, c'est-à-dire qu'on négociait un prix avec un opérateur de tours indépendant qui, lui, nolisait l'avion au complet - donc Quebecair n'avait aucun risque - faisait la commercialisation, prenait tous les risques complètement. Donc, Quebecair obtenait un revenu garanti et le tour était joué.

Qu'est-il arrivé à ce moment-là? Il y avait une école de pensée à Quebecair qui croyait que les opérateurs de tours nous laissaient tomber. Notre jeu n'était absolument pas cela. Effectivement il y avait une baisse du marché, et elle était déjà commencée en 1980. À ce moment-là on avait amené une proposition à Quebecair qui prévoyait utiliser un opérateur de tours indépendant, même à un risque partagé avec Quebecair, pour des vols tous les jours sur la Floride et cette proposition a été refusée.

M. Bourbeau: Si je comprends bien, Quebecair en tant que compagnie possédant les avions, les mettait à la disposition d'opérateurs de tours comme Sunflight, Skylark...

M. Lévesque (Claude): C'est cela.

M. Bourbeau: Des gens qui vendent des voyages nolisés et l'opérateur de tours vous loue un avion à tant pour le voyage et vous fournissez l'avion et le pilote pour tel montant...

M. Lévesque (Claude): C'est cela.

M. Bourbeau: ...et tous les risques sont pris par l'opérateur de tours.

M. Lévesque (Claude): Tous les risques des sièges non utilisés, par exemple. Si un avion de 119 sièges s'en allait en Floride et qu'il n'y avait que 85 passagers, cela ne diminuait en rien le revenu de Quebecair. Les coûts de commercialisation, la publicité, les commissions aux agents de voyages, tous ces coûts relatifs à la commercialisation étaient entièrement aux frais de l'opérateur de tours ou du grossiste.

M. Bourbeau: Quand vous étiez en charge des vols nolisés à Quebecair, votre travail consistait à offrir des avions vides, si je peux dire, à des opérateurs de tours...

M. Lévesque (Claude): C'est cela.

M. Bourbeau: ...à prix fixe.

M. Lévesque (Claude): C'est cela.

M. Bourbeau: Vous perceviez le montant de la course et l'opérateur de tours prenait tous les risques.

M. Lévesque (Claude): Exactement.

M. Bourbeau: Cela a fonctionné comme cela chez Quebecair pendant bien des années?

M. Lévesque (Claude): Jusqu'en 1980.

M. Bourbeau: Et c'était rentable.

M. Lévesque (Claude): C'était rentable.

M. Bourbeau: En 1980 tout à coup Quebecair a décidé de former sa propre compagnie de tours. Donc, elle faisait un peu concurrence à ses propres clients, si je comprends bien.

M. Lévesque (Claude): Exactement. C'est un autre problème d'ailleurs qui... J'ai suivi la scène immédiatement en 1980, dès la décision de Quebecair de commencer Vacances Quebecair. Naturellement que cela faisait relativement peur aux autres grossistes et opérateurs de tours indépendants. Un grossiste n'aime pas que le transporteur qu'il utilise le concurrence, c'est évident.

M. Bourbeau: Quant aux Boeing 737 dont on parle tant depuis le début, en 1979 vous étiez à Quebecair, est-ce que vous saviez que deux des 737 qu'on achetait devaient être utilisés à temps plein sur les vols nolisés? (22 heures)

M. Lévesque (Claude): Non, pas au moment de l'achat. C'est venu beaucoup plus tard. C'est venu à l'automne suivant, lorsqu'on a parlé de commencer à utiliser deux avions exclusivement pour le vol nolisé. C'est là que l'idée est venue de commencer Vacances Quebecair et d'exploiter des vols vers la Floride tous les jours. Des pressions étaient faites constamment, à savoir qu'est-ce qu'on pouvait faire avec ces avions. À un moment donné, c'était presque une situation de panique.

M. Bourbeau: Vous, en tant que cadre supérieur à Quebecair et responsable des vols nolisés, est-ce que vous avez été consulté lors de l'achat des Boeing 737...

M. Lévesque (Claude): Aucunement.

M. Bourbeau: ...pour savoir si vous étiez d'accord pour utiliser deux Boeing 737 à temps plein pour les vols nolisés?

M. Lévesque (Claude): Aucunement.

M. Bourbeau: Vous n'avez pas été consulté. Est-ce que vous avez été impliqué dans le concept de la mise sur pied de Vacances Quebecair? Est-ce que vous avez participé à cela?

M. Lévesque (Claude): Non, je n'ai pas participé à la mise sur pied de Vacances Quebecair. Je savais que certaines personnes, à Quebecair, voulaient commencer Vacances Quebecair. J'étais absolument contre. C'est d'ailleurs pour cette raison que je suis parti.

M. Bourbeau: M. Lévesque, les programmes de Vacances Quebecair, même si vous n'étiez pas là - vous avez quitté parce que vous n'étiez pas d'accord avec Vacances Quebecair; enfin, c'est ce que vous nous dites - est-ce qu'ils pouvaient être rentables, d'après vous?

M. Lévesque (Claude): Aucunement. M. Bourbeau: Pourquoi?

M. Lévesque (Claude): Écoutez! De toute façon, si on parle du prix des vols vers la Floride - je pense que M. Obadia en a parlé tantôt - qui ont été lancés à 169 $, Quebecair et Vacances Quebecair, les deux ensemble - mais c'est la même chose, de toute façon - prenaient tous les risques; par exemple, les risques de commercialisation. J'ai l'impression qu'on n'a même pas vu, à ce moment-là, jusqu'à quel point cela nécessitait des investissements, des employés additionnels, des coûts de brochures très élevés, l'engagement de représentants de vente additionnels. Les coûts fixes relatifs à Vacances Quebecair augmentaient énormément. Donc, on vendait le siège 169 $ l'unité. Après avoir payé les coûts de publicité, les commissions aux agents de voyage, etc., il pouvait rester environ 130 $ net le siège pour exploiter le vol, tandis qu'un an avant on vendait, sans risque aucun pour Quebecair, un siège 160 $ l'unité. Immédiatement, il y avait un manque à gagner de 30 $ le siège sur des avions qui coûtaient 15 000 000 $.

M. Bourbeau: M. Lévesque, vous étiez un employé de Quebecair. Quand on vous a demandé de mettre Vacances Quebecair sur pied, vous dites que vous n'étiez pas d'accord, mais, dans le fond, ce n'était pas vous qui étiez susceptible de perdre de l'argent là-dedans. Pourquoi avez-vous quitté Quebecair? Vous auriez quand même pu obtempérer aux directives et laisser venir...

M. Lévesque (Claude): J'avais travaillé longtemps dans ce marché. D'une part, je me disais que Vacances Quebecair ne serait pas rentable et, d'autre part, détruirait quelque peu la relation qui existait entre Quebecair

et la clientèle qu'on avait développée pendant plusieurs années. Je préférais ne pas m'associer à cela.

M. Bourbeau: D'après vous, si je comprends bien, on a mis Vacances Quebecair sur pied lors de votre départ. Vous êtes parti à ce moment-là parce que vous n'étiez pas d'accord. Quelle a été la réaction des clients de Quebecair, les compagnies de tours qui utilisaient les avions de Quebecair régulièrement pour leurs voyages nolisés? Comment l'ont-elles appris et ont-elles réagi à la formation de Vacances Quebecair? Est-ce qu'elles ont réagi d'une façon négative?

M. Lévesque (Claude): Très négativement. J'étais constamment en contact avec ces gens-là. D'une part, avec les années, c'était pratiquement acquis que ces gens-là venaient automatiquement à Quebecair. Quand ils avaient besoin d'un avion, ils venaient automatiquement à Quebecair. Maintenant, cela les a obligés de scruter le terrain ailleurs. De plus, que je sache, concernant les demandes d'avions, Vacances Quebecair avait définitivement le premier choix d'avions chez Quebecair. Donc, elle offrait des moins bonnes heures aux autres opérateurs de tours. Cela compliquait aussi la relation avec les autres opérateurs de tours.

M. Bourbeau: Peut-on dire qu'en créant sa propre compagnie de tours, Quebecair se condamnait à perdre la clientèle de la majorité, sinon de la totalité des autres compagnies de tours qui louaient des avions de Quebecair et qui, probablement, ont cherché à louer ailleurs étant donné que Quebecair leur faisait concurrence dans leur propre domaine?

M. Lévesque (Claude): Disons que Quebecair ne devenait pas le premier choix, à ce moment-là, pour les autres opérateurs de tours.

M. Bourbeau: Les vols nolisés vers la Floride, M. Lévesque, puisque vous êtes un expert dans ce domaine, qui en ont été les pionniers? Est-ce que c'est Quebecair?

M. Lévesque (Claude): Non. Je dirais que le premier qui a commencé réellement des vols nolisés vers la Floride c'est Nordair. Je parle des années soixante-sept, soixante-huit. Après, Quebecair est arrivée, vers soixante-neuf, soixante-dix. Entre Québec et Fort Lauderdale, c'est une autre affaire. Ce n'est pas non plus Quebecair, c'est Air Canada, d'ailleurs, avec une autre agence de tours, qui s'appelle Viva Tours, qui a commencé cela, en soixante-seize, soixante-dix-sept.

M. Bourbeau: Qui a offert les premiers vols nolisés vers Fort Lauderdale?

M. Lévesque (Claude): De Québec?

M. Bourbeau: De Montréal et de Québec, les deux.

M. Lévesque (Claude): De Québec, c'est Air Canada.

M. Bourbeau: Et de Montréal?

M. Lévesque (Claude): De Montréal, je dirais que c'est Nordair.

M. Bourbeau: Quand vous étiez à Quebecair, est-ce que vous aviez des vols vers Fort Lauderdale?

M. Lévesque (Claude): Oui, mais Fort Lauderdale pour nous a toujours été un marché où la contribution des vols vers Fort Lauderdale était inférieure à tous les autres marchés qu'on avait. Donc, si on allait à Fort Lauderdale, on ne misait pas sur ce marché. On avait, par exemple, quand j'étais là, peut-être deux vols par semaine. Je me souviens que, traditionnellement, on a toujours eu un vol le dimanche matin où on avait un très bon revenu. La dernière année, je pense qu'on avait un vol le samedi soir également parce qu'on n'avait pas autre chose à faire avec l'avion. Des choses comme cela. On n'aurait jamais espéré que Fort Lauderdale aurait été le marché idéal pour amener la contribution qu'on voulait avoir pour les avions. Les autres marchés, peut-être un petit peu plus loin et moins compétitifs, nous rapportaient un revenu de beaucoup supérieur.

M. Bourbeau: Dans votre texte, M. Lévesque, vous parlez des Boeing 707, dans le temps où vous étiez chez Quebecair, vers la fin de votre séjour. Pourriez-vous nous dire pourquoi Quebecair s'est départie de ses Boeing 707 et décrire un peu de quel genre d'avion il s'agit, pour ceux qui ne sont pas parfaitement au courant?

M. Lévesque (Claude): Les Boeing 707 sont des avions à quatre moteurs avec lesquels on peut effectuer des vols dans le Sud et des vols vers l'Europe. La raison exacte pour laquelle Quebecair a décidé de se départir des 707, je ne l'ai jamais réellement bien sue. On a dit que c'était un manque de rentabilité, d'une part, et d'autre part, qu'on voulait consacrer beaucoup plus d'efforts et d'argent sur le réseau et acheter des 737. Peut-être que s'il n'y avait pas eu l'accident du 707 à Sainte-Lucie, à cette période, les 707 auraient été gardés, je ne sais pas. Mais il y a eu l'accident du 707 à Sainte-Lucie dans le mois de février et les

plans du marketing à ce moment prévoyaient que, de février à juin, on n'avait pas encore besoin d'un deuxième avion. On avait jusqu'à juin pour trouver un deuxième avion pour les contrats d'été parce qu'on avait déjà des contrats signés pour tout l'été.

De fil en aiguille, la décision n'a pas été prise, et on a finalement annoncé au mois d'août qu'on se retirait complètement des vols 707.

M. Bourbeau: Dans votre texte, à l'avant-dernière page, vous suggérez même qu'en plus des Boeing 707 que Quebecair possédait déjà - Quebecair en avait deux -Quebecair aurait pu en acquérir deux autres, et vous parlez d'un prix de 1 500 000 $ chacun.

M. Lévesque (Claude): 1 500 000 $ ou 2 000 000 $ environ.

M. Bourbeau: C'est le prix pour des avions usagés évidemment. Vous dites qu'on aurait pu facilement voler vers la Barbade, le Venezuela, la Colombie et ce avec des avions munis de soutes pour transporter tous les bagages des voyageurs en même temps qu'eux. Qu'est-ce que vous voulez dire par cela exactement?

M. Lévesque (Claude): Je me réfère tout simplement aux 737 avec des moteurs Dash 17 et un rayon d'action plus élevé. Avec cet avion, naturellement, pour permettre un rayon d'action plus élevé, on ajoute de l'espace pour le carburant qui enlève de l'espace pour les bagages. On sait que les gens qui partent en vacances pour la destination soleil, habituellement, ne partent pas seulement avec une petite valise. Ils partent avec plusieurs valises. Il est peu probable qu'on puisse prendre 119 passagers et tous les bagages des passagers, les compartiments à bagages étant trop petits.

M. Bourbeau: Donc, l'histoire du bikini et de la brosse à dents, ce n'est pas exact pour les gens qui vont en vol nolisé?

M. Lévesque (Claude): Pas tout à fait, non.

M. Bourbeau: À votre connaissance, est-ce qu'il arrive fréquemment que des transporteurs utilisent des Boeing Dash 17 pour des vols nolisés vers le Sud?

M. Lévesque (Claude): C'est la seule fois que j'ai entendu parler de cela.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il y a d'autres transporteurs au Canada qui utilisent les Boeing 737 Dash 17?

M. Lévesque (Claude): Non.

M. Bourbeau: II n'y en a pas d'autres? Ni Pacific Western...

M. Lévesque (Claude): À ma connaissance, non. Que je sache, Pacific Western n'a pas de Dash 17. Je serais même très surpris si elle en avait.

M. Bourbeau: Vous travaillez encore dans le domaine des vols nolisé. Est-ce que vous avez des clients qui utilisent des 737 Dash 17 sur des vols nolisés?

M. Lévesque (Claude): Pas du tout. M. Bourbeau: Cela n'existe pas? M. Lévesque (Claude): Aucunement.

M. Bourbeau: Êtes-vous au courant de cas où les vols nolisés de Quebecair ne permettaient pas d'emporter tous les bagages des passagers?

M. Lévesque (Claude): J'ai entendu dire que c'était arrivé une fois, mais est-ce véridique? Je sais très bien, par exemple, que ce type d'avion n'est absolument pas fait pour effectuer des vols nolisés vers la Barbade. De toute façon, quand on regarde la concurrence pour ces destinations, la Barbade est quand même une destination très concurrentielle. Il y a Wardair qui se promène là avec des DC-10 et Air Canada avec des 747. Si j'ai des passagers et que je m'en vais sur un avion pendant cinq heures, peut-être que je ne choisirais pas le 737.

M. Bourbeau: Donc, d'après vous...

M. Lévesque (Claude): Au départ, Quebecair, d'après moi, était très désavantagée sur un tel marché.

M. Bourbeau: ...acheter des Boeing 737 Dash 17 pour faire des vols nolisés, ce n'était pas le meilleur placement possible?

M. Lévesque (Claude): Absolument pas.

M. Bourbeau: C'est tout pour l'instant, M. le Président. Peut-être que j'aurai encore une question ou deux tout à l'heure.

M. Clair: M. le Président, j'ai deux courtes...

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Clair: ...questions à M. Lévesque. À la page - je ne sais pas si c'est à la page 2 ou 3 - 2 de son exposé, M. Lévesque dit, vers la fin, en ce qui concerne les vols nolisés: "Toutefois, des conditions précises étaient posées afin d'assurer la rentabilité

d'une telle entreprise d'envergure. J'en cite quelques-unes: Premièrement, faire de l'opération des vols nolisés une organisation complètement autonome des vols cédulés de la compagnie." Tous les intervenants qui sont venus ici jusqu'à maintenant, y compris celui qui vous a précédé, M. Obadia, nous ont laissé entendre qu'il pouvait être avantageux, au moins en ce qui concerne deux Boeing 737, de les utiliser tant sur le réseau que sur des vols nolisés. Est-ce que je comprends de votre déclaration que je viens de citer qu'en ce qui vous concerne il vous apparaissait, de votre point de vue, avantageux de faire du service des vols nolisés un service complètement autonome comme vous semblez l'indiquer dans votre texte?

M. Lévesque (Claude): M. le ministre, quand on parle d'une organisation complètement autonome, de toute manière, les avions auraient été des avions de Quebecair qu'on aurait utilisés en fin de semaine. Si on parle des 737, par exemple, on aurait loué les avions de Quebecair en fin de semaine. C'était cela, le concept. Quand on parle d'une organisation complètement autonome, on se reportait principalement à l'utilisation du personnel, les équipages...

M. Clair: D'avoir des équipages qui sont affectés uniquement aux vols nolisés.

M. Lévesque (Claude): ...avec un contrat de travail différent...

M. Clair: Ah bon!

M. Lévesque (Claude): ...ce qui était extrêmement important, parce que sur les vols nolisés on ne peut pas effectuer des vols nolisés avec les mêmes contrats pour des équipages ou des employés qui s'appliquent sur un horaire régulier.

M. Clair: Selon votre expérience, ce serait avantageux en termes d'équipage, de personnel, de marketing et tout cela, d'avoir une double équipe à l'intérieur de la même boîte?

M. Lévesque (Claude): Bien, non...

M. Clair: En termes d'entraînement des pilotes, etc., est-ce que ce serait avantageux?

M. Lévesque (Claude): Pas une double équipe de marketing. De toute façon, quand on parle...

M. Clair: On parle de boîte autonome. Des boîtes autonomes, ce sont des boîtes autonomes.

M. Lévesque (Claude): C'est principalement en faire un centre de profits à l'intérieur de la boîte, si vous voulez...

M. Clair: Ah bon!

M. Lévesque (Claude): ...un centre de profits complètement indépendant. C'était l'objectif principal à ce moment-là.

M. Clair: D'accord. C'est plus une notion de centre de profits qu'une organisation complètement autonome que celle des vols cédulés de la compagnie. En tout cas, d'après mon interprétation, d'en faire un centre de profits et d'en faire une organisation complètement autonome, ce sont deux notions qu'il importe de nuancer. Etes-vous d'accord avec moi?

M. Lévesque (Claude): Oui, si vous voulez.

M. Clair: Oui? Par ailleurs, pour faire ce service complètement autonome ou en faire un centre de profits, tel que vous venez de le préciser, quel type d'avion auriez-vous recommandé?

M. Lévesque (Claude): Le Boeing 707. M. Clair: Le Boeing 707? M. Lévesque (Claude): Oui.

M. Clair: À l'avant-dernière page de votre déclaration, justement, quant au Boeing 707, vous dites, et je vous cite: "Les Boeing 737 tout neufs de 15 000 000 $ chacun demandaient des coûts de propriété de quelque 1000 $ l'heure. Si Quebecair avait décidé de garder ses 707 et de les offrir sur le marché du Sud au lieu de ses 737, il en aurait coûté 50 $ de moins aujourd'hui par siège pour voler sur Fort Lauderdale." Pouvez-vous m'expliquer votre décomposition pour en arriver à 50 $? Comment tenez-vous compte du fait que les 707 étaient des quadrimoteurs et que les 737 sont des bimoteurs et les coûts de fonctionnement d'un 737 par rapport à un 707, les coûts de propriété, l'un par rapport à l'autre et en termes d'équipage aussi... Tenez-vous compte de tout cela pour arriver à 50 $ de moins ou si vous tenez compte uniquement des coûts de propriété? (22 h 15)

M. Lévesque (Claude): J'ai tenu compte de tous les coûts, incluant les coûts d'équipage. Je n'ai pas ma feuille de calcul avec moi.

M. Clair: Pouvez-vous me décomposer cela justement?

M. Lévesque (Claude): Je pourrais vous

le décomposer et vous le faire parvenir si vous voulez, mais je ne l'ai pas ici avec moi.

M. Clair: Vous ne l'avez pas avec vous.

M. Lévesque (Claude): Non, mais cela tient compte de tous les coûts de carburant - remarquez bien que le Boeing 707 a 181 sièges et non 119 - les coûts d'équipage, les coûts de possession d'avions, les coûts des passagers. Par exemple, lorsqu'on arrive à Fort Lauderdale, cela coûte de l'argent pour faire atterrir un avion et j'ai tenu compte de tous les coûts d'atterrissage.

M. Clair: Combien y a-t-il de transporteurs régionaux au Canada qui exploitent encore des Boeing 707, à votre connaissance?

M. Lévesque (Claude): Aucun transporteur régional.

M. Clair: Aucun.

M. Lévesque (Claude): Aucun. Je vous mentionne ici, par exemple, qu'effectivement, dans le cas de Nordair et de Pacific Western Airlines, ce sont des parties de leurs Boeing 707, ils avaient réellement le moyen de le faire. Leur structure financière comporte des opérateurs... Nordair avait alors environ 10 Boeing 737 au moment où ils ont décidé de se servir du DC 8. D'autre part, ils avaient des avions, des DC 8 qui étaient relativement peu fiables. C'était un autre point qui les a fait décider de sortir des DC 8. Ils avaient donc une structure financière qui leur permettait de mettre leurs efforts ailleurs. Ce que je dis, c'est qu'à Quebecair, ce n'était pas tout à fait la même chose.

M. Clair: C'est curieux, lors d'une conversation avec M. Douville - à moins que j'aie mal compris, je ne veux pas le citer en son absence - ce que j'ai compris, c'est que si les DC 8 notamment, auxquels vous faites référence, ont été retirés du marché, ils sont toujours au hangar de Nordair parce qu'ils ne pouvaient pas être exploités de façon rentable. Je crois savoir qu'Air Canada a eu, encore récemment, des Boeing 707 qu'il considère comme n'étant pas avantageux d'exploiter sur un certain nombre de lignes. Est-ce que vos informations sont les mêmes que les miennes?

M. Lévesque (Claude): Effectivement, je crois que les deux avions de Nordair sont encore à Dorval, mais remarquez bien qu'au prix qu'ils les ont payés, ce n'est pas comme de garder deux Boeing 737 à terre. Et effectivement, oui, Air Canada a décidé de retirer des DC 8 sur des routes parce qu'ils exploitent les routes Montréal-Toronto, par exemple, avec des DC 8. Cela n'est pas rentable.

M. Clair: Oui. En ce qui concerne les DC 8, vous dites que cela coûte moins cher de les tenir à terre, certainement puisque j'imagine qu'ils sont complètement amortis, dépréciés...

M. Lévesque (Claude): Oui, ils coûtent environ 1 500 000 $ chacun.

M. Clair: Oui, mais est-ce qu'ils ne pourraient pas être exploités beaucoup plus avantageusement puisque vous faites beaucoup allusion aux coûts de propriété. Si les coûts de propriété sont si importants, il pourrait y avoir avantage pour Nordair à les exploiter.

M. Lévesque (Claude): Remarquez bien une chose, encore là, je persiste à dire que

Nordair n'a pas le même problème que Quebecair.

M. Clair: Pardon?

M. Lévesque (Claude): Nordair n'a pas le même problème que Quebecair. Le coût de propriété de Nordair sur ses Boeing 737 est d'environ 400 $ l'heure, tandis que celui de Quebecair est de 1000 $ l'heure. C'est tout un autre...

M. Clair: Oui, à cause de la structure financière.

M. Lévesque (Claude): C'est cela, la structure financière est très différente.

M. Clair: Mais j'imagine qu'un Boeing 707, un DC 8, un Boeing 737 en termes de coût d'exploitation, hormis les coûts de propriété, est sensiblement le même chez...

M. Lévesque (Claude): DC 8 et Boeing 707 vous dites?

M. Clair: Je dis quel que soit le type d'avion...

M. Lévesque (Claude): Oui.

M. Clair: ...DC 8, Boeing 707, DC 9, Boeing 737, prenez l'avion que vous voulez, si on fait exclusion des coûts de propriété, selon la structure financière de l'entreprise, j'imagine que les autres coûts d'exploitation de quelque type d'appareils que ce soit sont sensiblement les mêmes...

M. Lévesque (Claude): À l'exception de l'utilisation de carburant et ainsi de suite. Je pense que la meilleure base pour comprendre le coût d'un appareil, c'est le coût du siège au mille. C'est cela qui est le plus

important.

M. Clair; Tantôt, si j'ai bien compris, vous considériez que la décision de créer Vacances Quebecair avait été une mauvaise décision. Je ne crois pas mal vous citer à cet égard. Maintenant, est-ce que j'ai bien compris jusqu'à maintenant que Treasure Tours était lui-même un opérateur de tours contrôlé par Nordair.

M. Lévesque (Claude): Oui, c'est cela. C'est un fait.

M. Clair: Pourquoi est-ce que c'était bon pour Nordair et ce n'était pas bon pour Quebecair?

M. Lévesque (Claude): D'une part, Treasure Tours est une compagnie que Nordair a acheté il y a plusieurs années. C'est une compagnie qui existait déjà, qui était déjà d'une très grande notoriété publique, qui avait une très bonne renommée et qui faisait de l'argent, au moment où Nordair s'en est porté acquéreur. Treasure Tours offrait beaucoup plus de produits que Quebecair Vacances et en plus, n'utilisait pas Nordair comme transporteur exclusif. Alors, qu'est-ce qui s'est produit entre Nordair et Treasure Tours...

M. Clair: Ce n'est pas ce que la CCT a déclaré... Ce n'est pas ce que j'ai compris en tout cas des résultats de l'enquête de la CCT disant que la Treasure Tours traitait à distance avec Nordair.

M. Lévesque (Claude): ...traitait à distance...

M. Clair: ...ne traitait pas à distance...

M. Lévesque (Claude): Peut-être plus maintenant, c'est une chose que je ne sais pas. Mais de toute façon, je pense que maintenant Treasure Tours ne fait que la Floride.

M. Clair: Est-ce que vous savez en quelle année a été créé Touram?

M. Lévesque (Claude): Je crois que cela fait quand même plusieurs années que Touram existe maintenant.

M. Clair: Qu'est-ce que c'est, Touram?

M. Lévesque (Claude): C'est l'organisation de tours d'Air Canada.

M. Clair: Si je comprends bien votre...

M. Lévesque (Claude): Mais c'est la deuxième année que Touram existe sur la Floride.

M. Clair: Si je comprends bien votre raisonnement, Treasure Tours pour Nordair, c'était bon; Touram pour Air Canada, c'était bon mais Vacances Quebecair pour Quebecair, c'était mauvais.

M. Lévesque (Claude): Je n'ai pas dit que Treasure Tours pour Nordair était bon. Je n'ai jamais dit cela.

M. Clair: Ah bon, d'accord.

M. Lévesque (Claude): C'est vous qui le dites.

M. Clair: Alors ce n'était pas bon à ce moment.

M. Lévesque (Claude): Je n'ai jamais dit cela. Je ne veux pas critiquer Treasure Tours et Nordair.

M. Clair: Oui mais on nous a...

M. Lévesque (Claude): Vous m'avez demandé si Vacances Quebecair était une bonne décision.

M. Clair: Oui.

M. Lévesque (Claude): J'ai dit que je l'ai jugée comme étant mauvaise puisque j'ai décidé de quitter pour cette raison. Ce qui se passe avec Treasure Tours chez Nordair, c'est une autre paire de manches.

M. Clair: C'était simplement pour mettre en valeur votre témoignage, compte tenu qu'Air Canada, Nordair, ont créé ou acheté dans un cas et dans l'autre, chacun leur organisation de tours. Pour mettre en valeur votre témoignage, je voulais simplement souligner ce fait. Je n'ai pas d'autre question, M. le Présient.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Pour revenir à la question des organisateurs de tours, M. Lévesque, puisque c'est votre compétence, semble-t-il, Nordair est propriétaire d'une compagnie de tours qui s'appelle Treasure Tours qui organise des vols sur la Floride. Est-ce que Treasure Tours est rentable actuellement à votre connaissance?

M. Lévesque (Claude): Treasure Tours est rentable.

M. Bourbeau: Est encore rentable. Est-ce que Treasure Tours est exploité par des gens de Nordair ou si c'est une entité distincte.

M. Lévesque (Claude): Que je sache,

encore, Treasure Tours a une organisation indépendante de celle de Nordair. Maintenant, peut-être qu'il y a utilisation commune de certaines personnes, comme du personnel de vente, du personnel de représentants qui vont dans les agences et ainsi de suite. Mais il existe une direction Treasure Tours.

M. Bourbeau: Est-ce que Treasure Tours utilise d'autre transporteurs que Nordair ou n'utilise que Nordair comme transporteur.

M. Lévesque (Claude): Au moment où j'étais directeur des vols nolisés à Quebecair, Quebecair exploitait des vols pour Treasure Tours. Maintenant, à cause de la nouvelle fonction de Treasure Tours, je crois qu'ils font affaires exclusivement avec Nordair présentement.

M. Bourbeau: Est-ce que Nordair est un gros transporteur de vols nolisés comparativement à Quebecair, jusqu'à il y a quelque temps? Est-ce que les deux étaient aussi actives sur les vols nolisés ou si Quebecair était plus active?

M. Lévesque (Claude): Je cite ici, par exemple, qu'en 1978, Quebecair avait 24% du marché global des vols nolisés au Canada. Nordair en avait 17%. Nordair utilisait deux DC 8, Quebecair, deux Boeing 707. On avait des Boeing 727, des BAC 1-11 ou Boeing 737 en 1979. Dans le fond, on s'équivalait pas mal sur le marché nolisé.

M. Bourbeau: Est-ce que Quebecair Vacances existe encore ou si cela a été aboli?

M. Lévesque (Claude): Que je sache, il n'existe plus.

M. Bourbeau: Alors ils ont fermé les portes.

M. Lévesque (Claude): C'est cela.

M. Bourbeau: Bon. Alors je vous remercie. Je n'ai pas d'autres questions.

M. Clair: Une dernière question, M. le Président. M. Lévesque, est-ce que, à votre connaissance, Nordair utilise des Boeing 737 en vols nolisés, en fin de semaine, vers les destinations du Sud?

M. Lévesque (Claude): Oui.

M. Clair: En fin de semaine. Merci.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Berthier.

M. Houde: Merci M. le Président. M.

Lévesque, est-ce que vous êtes capable de me dire, puisque cela faisait douze ans que vous travailliez pour Quebecair, avant d'acheter les Boeing 737 pour les vois nolisés pour la Barbade, est-ce que vous avez été consulté par vos supérieurs pour faire une étude de rentabilité?

M. Lévesque (Claude): Remarquez bien que lorsque les avions ont été achetés pour la Barbade, je n'étais plus là.

M. Houde: Non mais avant cela, ils ne vous ont pas consulté pour voir ce que cela pourrait donner.

M. Lévesque (Claude): Non.

M. Houde: Du tout.

M. Lévesque (Claude): Aucunement.

M. Houde: Ma deuxième question, M. le Président, si vous me le permettez. Est-ce qu'il est exact que Quebecair aurait commencé à organiser des vols nolisés vers Fort Lauderdale à prix réduit avant Air Canada?

M. Lévesque (Claude): Avant Air Canada?

M. Houde: Oui.

M. Lévesque (Claude): Effectivement.

M. Houde: C'est exact?

M. Lévesque (Claude): Oui. Quebecair a commencé son programme sur la Floride, Fort Lauderdale au mois de juillet 1980; elle a été la première à sortir les prix les plus bas qui existaient.

M. Houde: Si je vous pose cette question, c'est parce qu'en Chambre et dans les médias d'information on entendait toujours dire que Quebecair avait été attaquée par Air Canada qui avait commencé à couper les prix. Ce n'était donc pas exact. C'est Quebecair qui a commencé en premier et Air Canada a suivi.

M. Lévesque (Claude): Exactement. M. Houde: Merci beaucoup.

M. Clair: Peut-être juste une précision auprès de M. Lévesque. Au cours de de cette année - je comprends la réponse de celui-ci, que Quebecair a été la première en 1980 à développer le marché Québec et Montréal-Fort Lauderdale... Est-ce que l'année précédente, M. Lévesque pourrait nous dire si, à sa connaissance, Air Canada avait des vols Québec-Fort Lauderdale?

M. Lévesque (Claude): Oui. L'été précédent, en 1979, Air Canada avait des vols durant l'hiver Québec-Fort Lauderdale.

M. Clair: Par vol ITC ou par ABC? M. Lévesque (Claude): Par vol ITC. M. Clair: Merci.

Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de la commission, je remercie M. Lévesque pour la présentation de son exposé. J'inviterais immédiatement M. Denis de Belleval, vice-président de Lavalin Ltée, ancien collègue de l'Assemblée nationale que je salue au nom de tous les membres de la commission. M. de Belleval.

M. Rodrigue: Quelle impression cela fait-il d'être assis sur cette chaise plutôt que la nôtre?

M. Denis de Belleval

M. de Belleval (Denis): J'aime beaucoup la vue d'ici.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, je voudrais d'abord, au nom de tous mes collègues -c'est de mise - souhaiter la bienvenue à un de nos anciens collègues, M. de Belleval, député de Charlesbourg jusqu'à il y a quelques mois à peine, à cette commission parlementaire. La raison de sa présence ici s'explique surtout par le fait qu'il a assumé la responsabilité de ministre des Transports du Québec avant moi, jusqu'à la date du 30 avril 1981. À ce compte, au cours de nos travaux et lors de la période des questions à l'Assemblée nationale et dans d'autres lieux aussi, il a été beaucoup question des décisions qui auraient été prises ou des suggestions qu'aurait faites M. de Belleval à l'époque où il était ministre des Transports du Québec. Même si je comprends que celui-ci n'a pas de texte à remettre aux membres de la commission - il a bien voulu accepter l'invitation qui lui a été faite - cela pourrait peut-être être intéressant de connaître l'état des négociations dans le dossier Nordair-Quebecair au moment où il a quitté son poste, en particulier les suggestions que M. Douville mentionnait qui auraient été faites par M. de Belleval quant à l'avenir de Quebecair et de Nordair. C'est une question d'intérêt général, de savoir quel était l'état du dossier au 30 avril 1981.

Le Président (M. Boucher): M. de Belleval.

M. de Belleval: Bonjour tout le monde. Je suis très heureux de me retrouver parmi vous et parmi des amis.

Je veux d'abord expliquer ma présence ici. C'est à la demande même de la commission que je suis ici et non pas à la suite d'une initiative de ma part. Je crois que c'est assez inusité d'ailleurs. Ce n'est pas nécessairement un mauvais précédent, mais c'est, je pense bien, un précédent de voir un ancien ministre venir répondre aux questions des membres d'une commission et répondre d'une certaine façon aussi de son administration, puisque le principe qui prévaut habituellement dans ces matières, c'est qu'il y a une continuité de fonction et non pas une continuité de statut personnel et que le gouvernement du moment, quel qu'il soit d'ailleurs, répond des actions passées du gouvernement ou des gouvernements, quels qu'ils soient, au nom justement de cette continuité de l'État et de ses responsabilités.

Par ailleurs, c'est très volontiers que ce soir, je viens répondre à vos questions. Cela explique aussi pourquoi je n'ai pas préparé de texte, puisque c'est à votre invitation et pour répondre justement à des questions que vous auriez à poser que je suis ici. (22 h 30)

Oui, je pense que la question du ministre des Transports est tout à fait pertinente. Où en était le dossier quand je m'en suis occupé et quand j'ai laissé mes fonctions de ministre des Transports au printemps 1981? C'est d'autant plus adéquat de se poser cette question que parfois, quand on examine un dossier semblable, on peut facilement se perdre dans un détail ou l'autre et perdre la vue d'ensemble. C'est un peu comme une guerre ou une grève, à un moment donné on ne sait plus pourquoi on l'a déclenchée et on sait difficilement comment la terminer à ce moment-là.

Le dossier de Quebecair, le dossier de Nordair, si on veut, ou plus exactement le dossier de la rationalisation des transports régionaux dans l'Est du Canada traîne depuis longtemps. Là où on en est rendu, je pense qu'il y a des problèmes qu'il vaut mieux régler aujourd'hui plutôt que d'attendre demain et encore moins après-demain et après-après-demain. Je pense que c'est un des points fondamentaux qu'il ne faut pas perdre de vue dans l'examen de ce dossier.

J'ai été peut-être le troisième ou le quatrième ministre à s'occuper de ce dossier du côté québécois et je pense qu'à l'époque, mon homologue du côté fédéral devait lui aussi succéder en quatrième ou cinquième rang à des ministres fédéraux qui s'étaient aussi soi-disant occupés de ce dossier.

On retardait des décisions qui demandaient une volonté, à mon avis, assez vigoureuse pour aider des gens qui, à court terme, pouvaient avoir des intérêts

divergents, ce qui est normal dans tout projet de fusion et ce qui n'est pas en soi dérogatoire. C'est tout simplement constater la réalité humaine des choses que de le dire. Cela prenait effectivement une volonté forte pour mettre en place une rationalisation qui, il y a déjà plusieurs années, s'imposait à tout le monde et que les difficultés économiques qu'on connaît maintenant depuis deux ou trois ans ont rendue évidente à tous.

Même avant ces difficultés, je pense qu'il était aussi de commune renommée qu'il fallait en arriver à une rationalisation. Des représentants de la commission ou des représentants de personnes intéressées au dossier mentionnaient cet après-midi que MM. Landry et Parizeau s'étaient occupés du dossier et avaient même tenté de réaliser une fusion entre Quebecair et Nordair il y a plusieurs années. Je me souviens, je crois que c'était dans les années soixante-quatre ou soixante-six, sous le gouvernement Lesage de l'époque. C'est donc un vieux dossier. Quand j'ai pris ce dossier, cela faisait au moins deux ans qu'on avait connu la promesse du gouvernement fédéral de régler une fois pour toutes ce dossier, c'est-à-dire réaliser une rationalisation d'abord par une fusion entre Quebecair et Nordair, mais même, éventuellement, probablement, une fusion avec Eastern Provincial Airways de façon qu'on retrouve dans l'Est du Canada la même homogénéité qu'on retrouve dans l'Ouest du Canada au niveau des structures de fonctionnement du système aérien régional.

Ma conviction a été, à cette époque-là, à l'automne 1980, au printemps 1981, qu'aucune solution n'était possible dans ce dossier sans l'accord explicite et volontaire du ministre fédéral des Transports, qui était M. Pépin, quelles que soient les pressions qui pouvaient avoir lieu au Québec de la part de l'Assemblée nationale, des deux principaux partis à l'Assemblée nationale, qui étaient d'accord sur les objectifs fondamentaux de la rationalisation, d'accord donc sur le principe d'une fusion entre Quebecair et Nordair.

Malgré les pressions aussi du caucus des députés fédéraux du Québec: qui étaient aux aussi d'accord avec cet objectif, malgré toutes ces pressions, pressions des corps intermédiaires, présence d'un corps économique prestigieux et important au Québec, celui des caisses populaires directement intéressées au dossier, il m'est apparu évident que, tant que le ministre fédéral des Transports et tant que ce qu'on peut appeler l'establishment du ministère fédéral des Transports ne décideraient pas de poser les gestes nécessaires, on n'arriverait à rien et qu'il fallait remettre indéfiniment le dossier jusqu'à ce qu'un changement de personnel ou que des circonstances nouvelles puissent le faire aboutir. Ce qui démontre bien que, malgré l'importance des structures, en politique - c'est un hommage qu'on peut leur rendre - les hommes politiques ont aussi une importance personnelle. En tout cas, c'était évident pour moi dans ce dossier. Le rocher de Gibraltar que représentait la volonté du ministre fédéral des Transports était infranchissable, dans les circonstances, à l'époque.

Quant à moi, j'en étais arrivé aussi à la conclusion que tout retard dans le règlement du dossier pouvait aboutir à des résultats extrêmement négatifs quant à la survie même de Quebecair. Je me souviens qu'à l'époque, j'avais inauguré une séance annuelle de l'Organisation de l'aviation civile internationale, qui siège à Montréal, où on avait fait part des états financiers des entreprises de navigation aérienne dans le monde entier, bien sûr, et en particulier en Amérique du Nord, à l'automne de 1980, si ma mémoire est bonne. Ces résultats étaient absolument désastreux pour presque toutes les entreprises de navigation aérienne. On prévoyait des heures très sombres pour les mois qui devaient suivre. Les événements n'ont pas manqué de confirmer ces prévisions, comme vous le savez, puisque, actuellement, presque toutes les entreprises de navigation aérienne enregistrent des pertes parfois extrêmement considérables, souvent même les plus prestigieuses et même les mieux organisées d'entre elles. Il m'apparaissait que Quebecair était une des sociétés les moins bien placées pour faire face à ces années difficiles.

N'ayant pas, au gouvernement québécois, les moyens de notre politique, puisque tout le système aérien est sous le contrôle du gouvernement fédéral, celui-ci faisant confiance de facto à son ministre fédéral des Transports, il fallait, à défaut d'obtenir les moyens de poursuivre notre politique, ajuster notre politique à nos moyens et effectuer la fusion, d'une façon ou d'une autre, le plus rapidement possible.

Après avoir rencontré les actionnaires de Quebecair, on en est venu à la conclusion qu'une façon de régler le dossier serait d'accepter, d'une certaine façon, les conditions posées par le ministre fédéral des Transports pour que la fusion se fasse, tout en préservant, via ces conditions posées par le ministre fédéral des Transports, tout en sauvegardant nos intérêts fondamentaux, sur le plan économique comme sur le plan culturel. Je pense que les deux aspects étaient liés, dans l'esprit de tout le monde, au Québec, tant sur le plan politque que sur le plan des corps intermédiaires. Il s'agissait d'essayer de trouver une façon de sauvegarder ces intérêts. C'est ainsi que j'ai proposé ce qu'on peut appeler, au fond, un "reversed take over", dans la jargon des corporations, des entreprises commerciales, c'est-à-dire que la compagnie ou les actionnaires qui acceptent de vendre leur

entreprise retrouvent une certaine influence sinon même la domination sur les destinées de cette entreprise en prenant d'une certaine façon le contrôle de l'entreprise qui achète.

Évidemment, sur le plan de l'image, cela posait des problèmes. À ce moment, cela voulait dire vendre Quebecair à Nordair plutôt que Nordair à Quebecair, comme cela avait toujours été le cas jusque là. D'ailleurs, on ne vendait pas Nordair à Quebecair, mais plutôt Nordair à un consortium d'actionnaires, lui-même propriétaire de Quebecair. Au sens strict, il n'a jamais été question de vendre Nordair à Quebecair. Dans le cas contraire, bien sûr, il s'agissait d'une vente de Quebecair à Nordair puisque, du côté de Nordair, il n'y avait pas de consortium comme tel, bien que le propriétaire effectif de Nordair était une autre entreprise de navigation aérienne, en l'occurrence Air Canada.

Donc, vendre Quebecair à Nordair, mais en même temps s'assurer, comme je l'ai expliqué, dans la conception d'un "reversed take over", d'un intérêt dominant dans la nouvelle entreprise, c'est-à-dire dans Nordair. Comme je l'ai dit tout à l'heure, sur le plan de l'image, cela pouvait être difficile à faire avaler puisque c'était tout le contraire de ce qui avait été mis de l'avant jusqu'à ce jour. Je pensais qu'au niveau des intérêts fondamentaux de toutes les personnes en cause, il y aurait eu moyen non seulement de protéger ces intérêts mais, à partir de ce dossier, de ce constat fondamental, de réussir sur le plan de l'image à faire accepter cette façon de fonctionner.

J'avoue que je prenais un risque, en proposant un pareil échafaudage, un risque politique très réel, compte tenu de l'image en cause. Mais comme je l'ai dit, j'avais la conviction qu'il ne fallait pas retarder plus longtemps le dossier, le laisser pourrir. Ou plutôt, pas le laisser pourrir, puisque ce n'est pas nous qui avions la responsabilité de le laisser pourrir, je pense que là-dessus tout le monde admet que ce ne sont pas les gouvernements québécois, ou les hommes politiques québécois de quelque parti qu'ils soient, qui ont laissé pourrir ce dossier. Au contraire, ils ont essayé de le faire aboutir, tous et chacun, du mieux qu'ils ont pu, compte tenu du manque de volonté du côté du gouvernement fédéral et en particulier du côté du ministre fédéral des Transports de trouver le moyen de régler le dossier rapidement, que c'était la seule façon d'agir.

On s'est entendu là-dessus, sur le plan des principes, entre nous, c'est-à-dire les gens de Quebecair, les gens de la Société d'investissement Desjardins. Je pense que là-dessus le texte qui a été présenté à cette commission parlementaire par les gens de la Société d'investissement Desjardins résume très bien la position. "Le 23 février 1981 -je cite - un représentant des actionnaires de

Quebecair rencontrait le ministre des Transports du Québec - en l'occurrence, celui qui vous parle actuellement. Celui-ci déclare qu'il n'est pas dans l'intention du gouvernement d'engager des sommes importantes dans le transport aérien qui est de juridiction fédérale - c'était le cas à l'époque; je n'avais pas le mandat d'investir des sommes considérables dans Quebecair -et qu'il n'y avait plus d'autre option que de vendre Quebecair à Nordair, mais à des conditions et avec des garanties qui soient acceptables au Québec." Je pense que c'est l'aspect du dossier qui était quand même essentiel. (22 h 45) "II s'engage à recommander au président de Quebecair de considérer favorablement cette solution et, en fait, il le rencontrait le 27 février." J'ai rencontré M. Hamel. "Il s'offre à amorcer les négociations avec le gouvernement fédéral. Il verrait, à cet effet, le ministre des Transports, M. Pépin, le 6 mars." Cela a été fait, d'ailleurs, et j'ai obtenu de la part de M. Pépin qu'une offre des actionnaires de Nordair - en l'occurrence, Air Canada - soit faite auprès des actionnaires de Quebecair pour effectuer l'achat, mais, comme je l'ai dit, à des conditions et avec des garanties qui sauvegardent la présence des francophones -il faut bien le dire - dans l'industrie régionale du transport aérien et qui permettent de diriger le transport aérien à partir du Québec sur le plan régional, les trois entreprises concernées, Quebecair, Nordair et Air Canada, ayant leur siège social au Québec et étant dirigées, à toutes fins utiles, par des Québécois.

Peu importent les ambitions que pouvaient avoir à ce moment, les gens de l'Ontario, il n'en reste pas moins que c'est un fait historique que ces trois entreprises sont d'abord et avant tout des entreprises dirigées à partir du Québec dans un contexte, bien sûr, national. Tenant compte d'une politique nationale des transports ou d'une réglementation sous la responsabilité fédérale, il n'en reste pas moins que sous ce parapluie, c'étaient d'abord et avant tout des Québécois qui dirigeaient tout cela. Il y avait une présence francophone très forte qu'il était légitime non pas de diminuer, mais, au contraire, de vouloir renforcer.

C'est cela, au fond, ma contribution au dossier, à cette époque. J'ai laissé le dossier, comme vous le savez, au moment où les élections ont été déclenchées. Ces choses se sont déroulées quelques jours avant le déclenchement des élections. J'ai rencontré M. Pépin quelques jours avant le déclenchement des élections. Les élections ont été déclenchées et j'ai quitté mes fonctions de ministre des Transports le 30 avril 1981. Le reste du dossier n'est pas de ma compétence, comme vous le savez, et je

n'ai pas non plus à en répondre comme ex-ministre des Transports. C'est tout.

M. Clair: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Clair: ...une petite précision. M. de Belleval parle d'Air Canada, Nordair et Quebecair qui étaient dirigées à partir de Montréal, en termes de siège social, par des Québécois. J'imagine qu'il fait une distinction entre Quebecair, Nordair et Air Canada puisqu'à ma connaissance, il n'y a pas une majorité de Québécois au conseil d'administration d'Air Canada.

M. de Belleval: Non, c'est certain, mais dans le cas du transport régional au sens strict bien sûr...

M. Clair: ...dans le sens du transport régional...

M. de Belleval: ...c'étaient des compagnies propriétés de Québécois et dirigées par des Québécois fort majoritairement. Dans le cas d'Air Canada, il n'en reste pas moins aussi que c'était une société qui avait son siège social au Québec, mais c'était une société nationale, vous avez tout à fait raison de faire la distinction entre les deux types de "québécitude" dans ce domaine. Ceci étant dit, cela démontrait bien ce que je voulais dire en soulignant ce point, c'est que la prépondérance du Québec dans le domaine du transport aérien était évidente. Dans mon esprit, les prétentions de l'Ontario là-dedans, bien que légitimes jusqu'à un certain point, devaient à mon sens prendre le deuxième pas sur ce caractère historique et sur ce qu'on pouvait légitimement considérer dans une perspective purement fédérale et fédéraliste comme un facteur d'équilibre à maintenir il me semble, puisque c'est souvent un argument qu'on emploie dans les débats, et en particulier du côté des tenants du fédéralisme canadien. Il y a une espèce de "give and take" soi-disant, entre les différents secteurs et les intérêts des différentes régions.

Tout le monde ne peut pas gagner sur tous les tableaux, mais si une province veut gagner sur tous les tableaux, je pense qu'il faut se poser la question et il m'est apparu que l'Ontario avait des ambitions qui visaient peut-être même à remettre en cause cet état de fait. On le voit dans le domaine de l'industrie aéronautique en général, mais on le voyait aussi dans le domaine des services aériens. Il me semblait donc que, dans ce dossier, il était légitime de demander auprès du ministre fédéral des Transports l'état de fait qui voulait que les entreprises aient leur siège social au Québec et soient dirigées majoritairement par des Québécois avec la distinction que vous venez de faire en ce qui concerne Quebecair-Nordair d'une part et Air Canada d'autre part, que tout cela soit maintenu. Si cette condition pouvait être rencontrée de la part du ministre fédéral des Transports et à condition qu'elle soit rencontrée - Paris valant bien une messe -je pensais que la sauvegarde des intérêts des francophones et des Québécois dans le domaine du transport aérien valait peut-être une blessure d'amour propre d'une certaine façon puisque c'était alors par une absorption par Nordair et non pas par Quebecair que la fusion se ferait. Mais comme je l'ai dit, dans mon esprit, c'était dans le contexte de ce qu'on appelle un "reverse take over" c'est-à-dire celui dont la compagnie se vend prend de facto le contrôle à terme, si on voulait, dans le dossier qui nous intéresse, de la compagnie qu'elle achète.

M. Clair: Est-ce que je comprends bien si je dis que jusqu'en février 1981, toutes les hypothèses de fusion qui ont été soumises au ministre des Transports du Canada comportaient un contrôle québécois majoritaire assuré par des actionnaires privés du Québec et, au moment où vous avez envisagé la possibilité d'un "reverse take over", vous ne renonciez pas pour autant à ce que des intérêts québécois deviennent éventuellement majoritaires dans l'entreprise.

M. de Belleval: Non, vous avez raison. Si, d'ailleurs, personnellement, j'avais voulu changer les orientations de ce côté, j'aurais été certainement contre la volonté unanime de tous les corps intermédiaires et de tous les partis politiques québécois tant au niveau du Québec qu'au niveau fédéral. Je n'avais ni l'autorité morale, ni l'autorité institutionnelle, ni la volonté de changer cela. C'était un point sur lequel il ne pouvait pas y avoir de contestation. De ce côté, les ambiguïtés des objectifs poursuivis par le ministère fédéral des Transports à l'égard de ce point ont contribué à retarder le règlement du dossier, elles ont même contribué jusqu'à un certain point à exacerber les antagonistes qui pouvaient jouer là-dedans, à encourager les ambitions du gouvernement de l'Ontario et, par conséquent, à laisser pourrir le dossier. Mais je pensais justement que la meilleure façon de faire éclater cette ambiguïté, de la lever et d'obliger cette fois le ministre fédéral des Transports à se commettre, c'était par la procédure du "reverse take over" puisque, à ce moment, on respectait les objectifs que le ministre fédéral des Transports avait mis de l'avant, c'est-à-dire qu'il y ait un certain équilibre entre la compagnie qui achète et la compagnie qui vend, qu'il y ait une certaine logique sur le plan financier; de son point de vue, de ce côté, la compagnie dominante,

c'était Nordair et non pas Quebecair. Là-dessus, on a juste à regarder la carte pour voir que si, sur le plan d'une certaine image, cela pouvait ne pas apparaître le cas, sur le plan purement financier... On le voit même sur la carte, par l'étendue des routes de l'une et de l'autre et dans la logique même des facteurs économiques qui gèrent le service aérien. On voyait aussi, par les bilans des entreprises respectives, leur importance en termes de flotte d'avions, d'employés, que c'était Nordair qui avait la prépondérance. Ceci étant dit, cela n'empêchait pas que le point fondamental, ce n'était peut-être pas de savoir qui achetait qui, mais qui contrôlerait le résultat de cette fusion. En arrêtant le débat sur l'identité du faiseur de mariage, mais en se concentrant plutôt sur le résultat du mariage quel qu'il soit, à ce moment, le ministre fédéral des Transports n'aurait plus d'argument pour refuser la fusion et pour admettre qu'il fallait que le résultat de cette fusion soit à l'avantage des dirigeants effectifs jusqu'alors de ces deux entreprises, Nordair et Quebecair, c'est-à-dire de leur assiette à la fois culturelle et régionale, c'est-à-dire le Québec et les Québécois.

M. Clair: On a parlé justement au cours de la commission, surtout de la part des gens de Nordair, de l'achat de Nordair par Quebecair. Est-ce que, dans les faits, à propos des propositions dont vous avez eu connaissance à l'époque où vous occupiez mon siège, il n'est pas plus à propos de parler d'offre d'achat par des actionnaires, par des parties privées dont certaines étaient actionnaires de Quebecair, de Nordair, plutôt que de parler de l'achat de Nordair par Quebecair? Qu'en était-il au juste des diverses propositions dont vous avez eu l'occasion de prendre connaissance?

M. de Belleval: C'est tout à fait juste sur le plan des faits juridiques. Vous avez tout à fait raison. J'ai mentionné moi-même tout à l'heure, dans mon exposé préliminaire, qu'il n'a jamais été question d'un achat de Nordair par Quebecair, mais plutôt de l'achat de Nordair par un consortium qui, à un certain moment donné, comprenait d'ailleurs des actionnaires ontariens, signe qu'on reconnaissait aussi que l'Ontario avait un certain intérêt dans le...

M. Clair: Dans quelle proportion environ?

M. de Belleval: Dans une proportion minoritaire, mais quand même dans une proportion qui n'était pas négligeable, entre autres par l'équivalent, si l'on veut, des caisses populaires ontariennes, Credit Union, et aussi d'un transporteur aérien ontarien qui s'appelle Great Lakes.

Donc, on reconnaissait la légitimité de la présence d'intérêts ontariens alors que, jusqu'à cette époque-là, il n'y en avait quand même pas du tout ou presque pas dans la gestion soit de Quebecair, soit de Nordair, pas d'une façon aussi prépondérante en tout cas, et, au niveau des actionnaires mêmes, fort peu. On avait beau mettre cet aspect des choses de l'avant, à savoir qu'il ne s'agissait pas de vendre Nordair à Quebecair, mais de la vendre à un groupe d'actionnaires qui comprenait même, comme je l'ai dit, des Ontariens, rien n'y faisait du côté du gouvernement fédéral et en particulier, comme je l'ai dit, du ministre fédéral des Transports. Il faisait intervenir d'autres facteurs, à savoir les antagonismes, réels ou prêtés, entre les futurs gestionnaires, l'équilibre interne entre anglophones et francophones qu'on sentait très présent, au fond, dans les préoccupations à la fois de M. Pépin et des fonctionnaires du gouvernement fédéral au niveau du ministère des Transports et reflété très clairement, très explicitement par le personnel navigant, en particulier de Nordair. Évidemment, tous ces facteurs amenaient malgré tout le blocage du dossier. Mais, à partir du moment où Quebecair se faisait acheter par Nordair, ces arguments tombaient. Il me semblait qu'on aurait été dans une position de force pour faire valoir notre point de vue; il n'y aurait plus eu d'argument du côté fédéral à condition bien sûr que, même du côté de notre propre opinion publique, on réussisse à faire comprendre cette procédure du "reverse take over", comme je l'ai dit. (23 heures)

M. Clair: J'ai une dernière question, si vous permettez, M. le Président. Après autant de propositions dont vous avez eu connaissance et que vous avez soutenues avec l'appui à peu près unanime, si ma mémoire est fidèle, de l'Assemblée nationale à l'époque, qu'est-ce qui explique, selon vous, que, plusieurs possibilités de fusion ayant été offertes par des intérêts privés québécois ou ontariens plus ou moins majoritaires, pendant près de deux ans sinon davantage, aucune proposition, en somme, n'ait jamais été agréée par le ministre fédéral des Transports du Canada?

M. de Belleval: Je pense que c'est la raison que je viens d'expliquer. C'est cette espèce de complexe de raisons diverses où les aspects proprement culturels, les questions de personnalité, les pressions du gouvernement de l'Ontario, tout cela a fait que le ministre fédéral des Transports ... Il y a aussi la question, comme je l'ai dit, du poids relatif des deux entreprises sur le plan purement de l'importance financière, y compris même des critères de pure rentabilité. Tout cela faisait qu'il était extrêmement réticent à faire aboutir le

dossier à partir d'une vision proprement québécoise des choses. Évidemment, je n'étais pas d'accord avec cette façon de voir les choses de mon homologue fédéral, mais, à partir du moment où j'ai eu la conviction que je ne pouvais par le convaincre et que personne ne pourrait le convaincre qu'on lui laissait les mains libres au gouvernement fédéral, quelles que puissent être les pressions de son propre caucus du côté québécois, qu'est-ce que vous voulez? Il fallait trouver une façon de contourner l'obstacle. Je pense que la meilleure façon de contourner l'obstacle était celle que je lui proposais.

D'ailleurs, j'ai cru comprendre qu'il recevait favorablement ma proposition parce que je pense que j'offrais les éléments qui lui permettaient lui aussi de régler le dossier. Je pense qu'il était essentiellement de bonne foi, il voulait également régler le dossier. Je ne veux pas jeter le blâme contre qui que ce soit ni me mettre le doigt dans l'engrenage, parce que j'assume maintenant une nouvelle carrière. J'ai décidé que je ne faisais pas de politique, donc je suis ici pour expliquer des gestes que j'ai posés et non pas pour blâmer qui que ce soit et distribuer des notes de bonne ou de mauvaise conduite. Je ne veux pas me mettre le doigt entre le Corse et l'Arabe, c'est le cas de le dire actuellement. Je pense qu'on le comprendra. Le ministre des Transports fédéral était de bonne foi, mais, ceci étant dit, il s'interdisait lui-même les moyens de sa propre politique, et pourtant il les avait ces moyens.

M. Clair: Au cours des discussions que vous avez eues avec celui-ci, est-ce qu'il avait été question d'un pourcentage ou d'un scénario quant au partage définitif des actions?

M. de Belleval: Dans notre esprit, dans un premier temps, disons que les partenaires québécois auraient pris 40% du capital de la nouvelle entreprise, c'est-à-dire de Nordair, puisque Quebecair aurait été absorbée par Nordair. Je dois dire que je n'avais pas eu le temps de régler définitivement la composition même des actionnaires de ces 40% avec les gens de la SID, M. Hamel, M. Prévost qui étaient les actionnaires principaux. C'est un point qui restait en suspens, d'une certaine façon, mais le principe était que des actionnaires québécois prendraient au moins 40% tout de suite au début et qu'il y aurait une dilution éventuelle au profit d'intérêts ontariens, ce qui était un point d'interrogation très majuscule puisque, malgré les prétentions de l'Ontario, finalement, on ne peut pas dire qu'il y avait le même empressement de la part d'actionnaires ontariens à s'impliquer aussi profondément dans l'actionnariat de la nouvelle entreprise qu'il y en avait du côté d'actionnaires québécois. Pour moi aussi, c'était un facteur important qui m'amenait à privilégier la procédure du "reverse take over" parce que je me disais qu'à terme, cet intérêt prépondérant des Québécois se maintiendrait jusqu'au bout et je ne pensais pas que l'intérêt des Ontariens augmenterait beaucoup. Donc, dilution éventuellement des 60% d'Air Canada au profit d'intérêts ontariens, mais aussi d'intérêts québécois qui feraient que, à terme, l'entreprise, au bout de trois ans, quatre ans ou cinq ans, aurait été transférée de la direction majoritaire d'Air Canada à la direction majoritaire de Québécois.

Là-dessus, je parle de l'ambiguïté du côté, du gouvernement fédéral, du ministère fédéral des Transports. Une entreprise, il faut que quelqu'un puisse la diriger. Il faut qu'au moins un groupement d'intérêts la dirige et cela signifie au moins 51% des actions - c'est clair et net - ou cela impose un protocole entre actionnaires, s'il y a 50%-50%, qui fait qu'il y a un groupement, il y a quelqu'un qui décide parce que cela ne peut pas se diriger autrement.

Dans mon esprit, c'était clair que ce seraient les Québécois qui finiraient par diriger la nouvelle entreprise, ce qui était tout à fait légitime puisque les deux entreprises séparément étaient déjà dirigées par des Québécois et que l'Ontario y trouvait son compte puisque, malgré tout, il trouvait place aussi dans la nouvelle structure alors qu'il était absent dans l'ancienne. Donc, nous faisions certainement des concessions, de notre point de vue, dans ce genre d'arrangement.

Alors, il y aurait eu dilution en vertu d'un protocole entre actionnaires, évidemment, qui aurait fait partie du contrat de vente de Quebecair à Nordair. J'insiste sur ces aspects des choses parce qu'il est évident que, sinon, cela aurait été tout simplement un abandon, une démission, une braderie et, pour tout dire, un acte de lâcheté, d'une certaine façon, que de vendre Quebecair à Nordair sans ces garanties explicites; pas seulement implicites, des garanties explicites.

Pour résumer, 40% au début, 60% à Air Canada et, en vertu d'un protocole entre actionnaires, dilution des 60% d'Air Canada sur une période donnée pour aboutir à un contrôle majoritairement québécois entre des actionnaires qui pouvaient prendre des personnalités diverses selon ce que l'avenir permettrait de faire.

Là-dessus, je dois dire que j'avais été très clair avec M. Pépin et lui avais fait valoir que cela répondrait à tous les objectifs et les conditions qu'il avait mis de l'avant pour effectuer la fusion et il semble bien qu'il ait été d'accord avec mon point de vue puisqu'il a effectivement donné des

ordres à Air Canada de préparer une offre.

Mais, comme je l'ai dit, entre-temps, j'ai quitté les affaires à titre de ministre des Transports et je ne sais pas comment a évolué le reste du dossier et selon quelles avenues. Mais, si vous voulez connaître exactement quelle était ma position et quel a été le sens des choses jusqu'à ce que je quitte mes fonctions, je pense vous les avoir résumés le plus exactement possible.

M. Clair: Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, permettez-moi de saluer notre ex-collègue, M. Denis de Belleval, qu'un journaliste de la Presse appelle encore aujourd'hui le meilleur ministre des Transports que le Québec n'ait jamais connu. Je sais que cela ne fait pas tellement plaisir au ministre actuel...

M. Clair: Au contraire, M. le député. M. le Président, question de règlement.

M. Bourbeau: Mais...

M. Clair: Au contraire, ayant appartenu à la même formation politique que M. de Belleval, j'ai toujours été très heureux de savoir qu'un journaliste considérait que mon prédécesseur, ministre du Parti québécois, avait été le meilleur ministre de l'histoire du Québec. Nous avons été trois jusqu'à maintenant; si, à raison d'un sur trois, nous sommes les meilleurs, je pense que c'est très valable.

M. Blouin: M. le Président, question de règlement.

M. Bourbeau: Si le ministre des Transports avait...

M. Blouin: J'aimerais savoir si le député de Laporte faisait la même admission lorsque l'ex-député était ministre des Transports.

M. Bourbeau: M. le Président, je n'étais pas député à ce moment-là. Je dirai seulement ceci: Si le ministre ne m'avait pas interrompu tout à l'heure, je lui aurais dit qu'après avoir longuement fouillé, j'en ai trouvé un autre qui trouve que le ministre actuel était le meilleur. C'est un journaliste de l'Écho de Drummondville. Je pense que...

M. Clair: Cela n'existe pas, M. le Président. Je concède à l'égard de mon ex-collègue, M. de Belleval, que c'est certainement plus élogieux, d'autant plus que l'Écho de Drummondville, je ne connais pas cela. Cela n'existe pas.

M. Bourbeau: M. le Président, M. de Belleval, tout à l'heure, dans ses remarques...

M. Clair: Cela doit être gros, M. le Président.

M. Bourbeau: ...au début, a fait état de certaines réticences qu'il avait eues à venir témoigner devant la commission parce qu'il avait occupé les fonctions de ministre. On comprend très bien ses réticences. Pour les fins du dossier, j'aimerais seulement souligner qu'effectivement, avant Noël, j'avais mentionné au ministre actuel que l'Opposition serait peut-être intéressée à vous inviter à comparaître devant la commission.

Subséquemment, compte tenu du fait qu'on nous avait informés que vous étiez en Afrique et, également, à cause des réticences dont vous venez de faire part vous-même, à cause de votre ancien poste, nous avions décidé de ne pas vous inviter. C'est grâce à l'initiative du ministre actuel que vous avez été convoqué. Je ne veux pas dire que nous ne sommes pas heureux de vous avoir avec nous; nous en sommes très heureux, mais vous savez que chaque parti soumet des listes. Vous avez le bonheur d'être sur la liste du gouvernement et nous sommes très contents que vous ayez accepté de faire le voyage d'Alger jusqu'ici pour venir témoigner devant la commission.

Ceci étant dit...

M. de Belleval: M. le député, ceci étant dit, puis-je savoir qui paiera mon billet d'avion?

M. Bourbeau: Étant donné que vous êtes l'invité du gouvernement, que c'est le gouvernement qui vous a mis sur sa liste, peut-être que vous pourriez en discuter avec le ministre actuel. Je dirai seulement ceci: Compte tenu du fait que vous êtes un homme politique d'expérience et que je suis plutôt un nouveau venu sur la scène politique, nous avons pensé, dans l'Opposition, de confier au leader adjoint de l'Opposition, le député de Gatineau, la tâche de vous interroger.

M. le Président, j'aimerais que vous cédiez la parole au député de Gatineau.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, c'est avec plaisir que je salue M. de Belleval. La dernière fois que lui et moi nous sommes retrouvés dans cette même salle, il était assis de ce côté de la table et j'étais son vis-à-vis, puisque j'avais le plaisir et parfois un plaisir moindre d'agir comme critique de l'Opposition en matière de transport. Celui

qui était à la place de M. de Belleval était M. Gérard Dubé de l'Association nationale des camionneurs artisans.

Je suis sûr que ce ne sont pas seulement les places différentes qu'on occupe qui me font remarquer que M. de Belleval semble plus calme et plus serein, non pas parce qu'il avait l'habitude d'être tellement emporté dans le passé, mais, effectivement, je dois lui avouer que, moi aussi, j'éprouve beaucoup moins de difficultés à reconnaître sa sagesse et son réalisme, quand je l'entends parler de l'évolution du dossier au moment où il était ministre des Transports, qu'au moment où j'avais la tâche de le critiquer. (23 h 15)

Cela étant dit, M. de Belleval, vous avez cité un passage du mémoire qu'a présenté M. Bernier de la Société d'investissement Desjardins, qui résume très bien votre rôle et votre perception des choses avant que vous quittiez le ministère. M. Douville, le président de Nordair, est aussi venu devant cette commission faire une présentation. Je pense que vous avez déjà répondu à la question, mais j'aimerais quand même, pour que ce soit bien clair et pour que ce soit entendu que tout le monde est sur la même longueur d'onde, vous lire un passage de sa présentation, notamment la page 10, où il écrivait: "Cependant, les réalités économiques du secteur aérien en 1980 et au début de 1981 ont semblé convaincre la Société d'investissement Desjardins et le ministre des Transports de l'époque, M. Denis de Belleval, que la création d'une société aérienne rentable, viable et offrant des services de qualité à tous les Québécois et dirigée majoritairement par des francophones servirait mieux les intérêts du Québec que l'objectif précité." L'objectif précité était l'objectif bien spécifique de créer une ligne aérienne québécoise dirigée et opérée exclusivement en français. Il continuait: "En fait, la perspective d'emploi et les retombées économiques pour le Québec dans l'achat de Quebecair par Nordair présentait une solution beaucoup plus efficace, certainement moins coûteuse et manifestement plus rentable que la proposition inverse." D'ailleurs, l'association de la Société d'investissement Desjardins et d'Air Canada comme propriétaires permettait la réalisation des grands objectifs d'une présence aérienne régionale viable au Québec.

Tout cela pour indiquer - à moins que vous ne trouviez là des choses à contredire -que la Société d'investissement Desjardins, Nordair et vous-même, à titre de ministre des Transports, voyiez les choses de la même façon. Est-ce que je peux faire cette affirmation?

M. de Belleval: Tout ce que peux dire, c'est que j'ai parlé aux gens de Quebecair, c'est-à-dire ceux qui dirigeaient, non pas au sens strict, Quebecair, mais à la compagnie d'investissement qui dirigeait Quebecair, c'est-à-dire les gens de la Société d'investissement Desjardins, et à des gens comme M. Prévost et M. Hamel. J'ai aussi parlé au ministre fédéral des Transports. Je n'ai pas parlé aux gens d'Air Canada, je n'ai d'ailleurs jamais rencontré, à ma connaissance, M. Douville. Je n'ai donc jamais discuté de la proposition ultérieure qui a été faite, je pense, au mois de juillet, si je comprends bien. Les événements que je viens de relater s'arrêtent, à toutes fins utiles, au mois de mars ou au mois de février. Il y a eu ensuite le déclenchement des élections. Ensuite, comme je l'ai dit, je quittais mes fonctions le 30 avril. Alors, ce qui s'est passé entre-temps, je ne ne peux pas le reprendre à mon compte et je ne peux pas non plus commenter les impressions ou les déclarations de personnes qui s'autorisaient de ma propre opinion, d'autant plus que je n'ai pas rencontré ces gens.

Par ailleurs, l'objectif poursuivi par tous les partis québécois, tous les hommes politiques québécois dans ce dossier, de quelque parti qu'ils soient, par les corps publics québécois, aussi par les investisseurs québécois, des gens à qui il faut rendre un certain mérite, tout le mérite d'avoir suffisamment cru dans l'avenir d'un système régional aérien dans l'Est du Canada pour y risquer de l'argent, étant d'ailleurs à peu près les seuls à le faire, à vouloir le faire, en tant qu'investisseurs privés - je dis qu'ils sont "à peu près" les seuls; le point de vue de ces gens a toujours été d'utiliser un véhicule très identifié qui était, au fond, celui proposé par les personnes dont je viens de parler, les gens de la Société d'investissement Desjardins, M. Hamel, M. Prévost, distinct, d'ailleurs, au sens strict de Quebecair - le point de vue de tous ces gens, dis-je, a été de privilégier cette méthode d'action. Que je sache, ce que nous avons d'un commun accord proposé sur le plan des principes à M. Pépin au mois de février, si je me souviens bien, était tout à fait conforme à ces principes, à ces points de vue. La forme qu'il prenait ne m'apparaissait pas essentielle. Elle pouvait peut-être paraître essentielle à M. Pépin et à certaines personnes qui étaient dans le dossier, y compris des gens d'Air Canada, au ministère fédéral des Transports, à des gens de Nordair, mais, quant à nous, comme je l'ai dit, c'était largement une question de méthode plutôt qu'une question d'objectifs. Nous n'avons pas dévié de nos objectifs. Nous avons essayé de trouver une méthode nouvelle, différente qui permettrait d'atteindre exactement les mêmes objectifs. J'étais aussi assez réaliste pour savoir que cela ne se ferait pas non plus sans mal, que

cela nécessiterait des négociations ardues au niveau technique, une fois les principes admis. Cela me semblait être la seule façon de le faire à l'époque, mais, si vous m'aviez demandé mon avis sur la meilleure méthode, il reste que j'aurais privilégié la méthode initiale approuvée par tout le monde et proposée avec l'appui de tout le monde au Québec, c'est-à-dire l'approche dirigée, à toutes fins utiles d'ailleurs, par la SID puisque c'était la Société d'investissement Desjardins qui était le leader dans le groupe d'investisseurs en question. Ce qui démontre très bien qu'il ne s'agissait donc pas d'une proposition Quebecair au sens strict, mais vraiment une proposition venant d'investisseurs québécois au premier rang duquel, comme leader, figurait la Société d'investissement Desjardins.

Maintenant, comme je l'ai dit, il fallait faire un détour pour arriver au même résultat; je pense qu'il fallait le faire parce que les réalités économiques devaient faire que Quebecair serait la première entreprise sur la ligne de feu lorsque, sur le plan des difficultés économiques et financières qui affectaient tout le transport aérien à cette époque, même Nordair maintenant n'y échappe pas, comme vous le savez... Personne n'y échappe, Air Canada non plus n'y échappe pas. Le Canadien Pacific n'y échappe pas. C'est rare les entreprises qui y échappent actuellement, mais tant mieux pour elles, et elles sont dans des circonstances bien particulières. Cela ne dépend pas nécessairement de la mauvaise gestion des entreprises qui n'y arrivent pas, ça dépend tout simplement des circonstances économiques qui affectent les réseaux tels qu'ils sont constitués actuellement dans beaucoup d'entreprises aériennes. Il m'apparaissait évident que celle qui était le plus vulnérable, c'était Quebecair et, à court terme, qu'il fallait donc régler le dossier à tout prix et le plus rapidement possible par une méthode qui sauvegarderait nos objectifs, mais selon une nouvelle formule.

Je veux insister là-dessus. Il ne faut pas confondre le fond des choses et les objectifs avec la méthode pour y arriver.

M. Gratton: D'ailleurs, je le reconnais, je n'ai voulu prêter d'intention ni à M. Douville, ni à vous.

En fait, ce qui s'est passé, comme vous l'avez expliqué tantôt, c'est que vous avez, à la lumière de la réalité de l'heure, considéré que l'atteinte de vos objectifs, que nous partagions, pourrait passer par un "reverse take over" éventuel qui devait, dans un premier temps, se traduire par un achat de Quebecair par Nordair. Vous l'avez signifié au ministre Pépin le 6 mars 1981 et je présume que M. Douville, à titre de président de Nordair, s'est autorisé de tenir pour acquis que vous étiez de cet avis-là.

D'ailleurs, il disait même plus loin, à la page 15, que la lettre qu'il a fait parvenir au gouvernement et qui a servi d'ordre du jour pour la réunion du 16 juillet 1981 lors de la rencontre avec M. Landry et le ministre actuel des Transports faisait suite à une suggestion de l'ancien ministre québécois des Transports, M. de Belleval. Ce n'était sûrement pas parce que vous lui aviez fait la suggestion vous-même. Je présume que M. Pépin lui avait expliqué la démarche que vous aviez faite auprès de lui le 6 mars et qu'il en avait conclu qu'il pouvait faire une offre d'achat de Quebecair par Nordair.

M. de Belleval: Oui, vous avez raison. Je tiens quand même à souligner, dans mes conversations avec M. Pépin, qu'il s'agissait de l'établissement d'un certain nombre de principes qui comprenaient quand même des conditions très précises quant à la sauvegarde des intérêts québécois dans le dossier. Il n'a jamais été question, entre M. Pépin et moi-même, d'un texte concret pour illustrer justement ces principes. D'ailleurs, c'était normal à l'époque. Il s'agissait d'abord de s'entendre sur une voie à suivre. Après tout, je pense que cette proposition ne pouvait pas venir d'autres personnes que de nous, c'est-à-dire des investisseurs québécois et du gouvernement québécois, parce qu'elle était justement inédite à sa face même, dans un premier temps. C'était un renversement complet de la situation puisque ce n'était plus le consortium québécois, soi-disant Quebecair, qui achetait Nordair, mais plutôt Nordair qui achetait Quebecair. La procédure du "reverse take over" n'avait franchement jamais été évoquée nulle part. Il n'y avait que nous qui pouvions l'évoquer. Au-delà de ce principe et de ces modalités très générales, c'était à la suite de cela qu'on devait s'asseoir et en discuter, mais je n'ai jamais eu l'occasion d'en discuter. On ne peut s'autoriser, de ce point de vue, d'une participation de ma part au-delà de ce que j'ai discuté avec M. Pépin.

M. Gratton: Non. Quant à cela, je conviendrai avec vous qu'on n'a même pas l'intention de vous demander si vous avez pris connaissance de la proposition du 16 juillet 1981 ni même ce que vous en pensez. Il me semble que votre rôle n'est pas de porter un jugement là-dessus, mais simplement de bien nous informer. D'ailleurs, nous vous remercions de le faire.

Une dernière question. C'est un peu délicat parce que je ne sais pas si cela peut vous amener à violer votre serment d'office. Vous me le direz, si c'est le cas. Tout au cours de ces discussions, de ces réunions d'information avec les gens de Quebecair et d'autres personnes, notamment le ministre des Transports, aviez-vous senti le besoin de faire rapport au cabinet, de vous faire

mandater d'une façon officielle par le cabinet ou si le dossier n'était pas suffisamment avancé pour que vous jugiez nécessaire de saisir le cabinet de la chose?

M. de Belleval: J'avais un mandat général, si on veut, de la part du gouvernement, mandat qui était d'ailleurs public et qui représentait un consensus, comme je l'ai dit tout à l'heure, d'à peu près tous les secteurs d'activité intéressés dans ce dossier. Quant aux modalités particulières pour faire débloquer le dossier, pour autant que ce mandat était respecté dans ses objectifs, j'ai tenu pour acquis que j'avais la latitude de poursuivre le dossier jusqu'à ce que des faits nouveaux se présentent. J'ai régulièrement fait rapport au gouvernement, évidemment, sur l'état du dossier, comme mes prédécesseurs. Comme vous l'avez remarqué, les dates sont fort rapprochées du déclenchement des élections. En fait, quant aux modalités précises pour l'application et la mise en oeuvre de ces objectifs, je n'avais pas assez de substance pour faire rapport, disons, et obtenir une autorisation spécifique du gouvernement. D'ailleurs, il fallait attendre effectivement une proposition du gouvernement fédéral ou d'Air Canada afin de pouvoir faire un rapport là-dessus. Du temps où j'ai été ministre, il n'y en a pas eu, car je l'aurais certainement fait à ce moment-là. D'ailleurs, j'avais évidemment prévenu mes interlocuteurs, quant à l'acceptation de quelque proposition que ce soit, qu'il faudrait obtenir l'autorisation du gouvernement au sens strict. On n'avait pas, évidemment, à cette époque, d'intérêts financiers directs dans l'entreprise. Mais il est évident pour tout le monde qu'on avait un intérêt moral, tout à fait légitime d'ailleurs, et qu'à ce titre le gouvernement du Québec devait donner son avis. Je n'étais pas non plus sans me rendre compte que je marchais sur une glace mince parce que la modalité que je proposais était, finalement, assez originale par rapport à tout ce qui avait été proposé jusque-là. Mais j'avais confiance, en particulier, que le dossier s'éclairerait de lui-même au moment où on aurait une proposition concrète et où il serait très clair, très explicite, que la procédure du "reverse take over" était véritablement à l'avantage des intérêts québécois et, donc, des objectifs que nous poursuivions tous à ce moment-là. (23 h 30)

M. Gratton: Je vous dirai que, effectivement, l'approche était originale, mais elle avait le mérite d'être beaucoup plus réaliste et de coller beaucoup plus à la réalité; elle avait des possibilités de réussir, des possibilités beaucoup plus grandes que certaines autres qui ont été évoquées et qui ont été malheureusement mises en pratique depuis.

Vous avez précisé tantôt...

M. de Belleval: Je m'excuse. Je voudrais faire une remarque personnelle, je pense l'avoir faite tantôt. À mon avis, le plus difficile restait quand même à faire. Pour reprendre l'adage chinois, si "le premier pas est la moitié de tout", je venais de faire un premier pas, mais il me restait une autre moitié du voyage à faire. J'ai été mêlé d'assez près et assez souvent à des projets semblables de fusion et d'entente entre actionnaires prépondérants pour savoir que j'aurais à me payer pas mal de séances de négociations difficiles pour traduire ces principes dans la réalité. Et rien ne garantissait qu'on réussirait. J'étais tout à fait conscient que c'était simplement la moitié du chemin et que l'autre serait pas mal plus difficile à faire. Qu'on pense à d'autres dossiers dans lesquels on a été mêlés ou dans lesquels tout homme d'affaires a été mêlé pour savoir que ce n'est pas facile non plus de réaliser de pareilles fusions où il y a tant d'antagonismes, réels ou supposés, antagonismes souvent exacerbés par des malentendus, etc. Cela suppose un travail d'accoucheur extrêmement patient et difficile.

M. Gratton: On ne le saura peut-être jamais, M. de Belleval. Mais chose certaine, si vous aviez été encore là en juillet 1981 -compte tenu de ce que vous venez de nous dire à propos de la complexité et de la nécessité de mettre énormément d'efforts, énormément de compromis également - je suis convaincu, pour ma part, qu'on n'aurait pas réglé le problème dans une première et dernière réunion le 16 juillet en disant tout simplement: "Non, merci".

Quant à moi, je vous remercie de votre témoignage, M. de Belleval.

M. de Belleval: Ce "non, merci" me rappelle quelque chose!

M. Gratton: Oui, on s'en est servi ailleurs aussi, avec un peu plus de succès cette fois-là!

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Clair: M. le Président, je veux simplement dire, en rapport direct avec les propos du député de Gatineau, que, si M. de Belleval avait occupé le même poste le 16 juillet 1981, peut-être ne se serait-il pas fait offrir de prendre une décision pour le lendemain 17 juillet, à midi.

M. Bourbeau: M. le Président. Le Président (M. Boucher): Oui.

M. Bourbeau: Une seule observation. Le ministre vient de nous dire qu'on lui a présenté l'offre le 16 juillet et qu'on lui a donné deux ou trois jours pour décider...

M. Clair: Trente-six heures.

M. Bourbeau: ...trente-six heures, c'est encore mieux! Ce qui confirme ce que tout le monde pensait, que le gouvernement n'a fait absolument aucune étude avant d'investir 15 000 000 $ dans Quebecair. On a investi 15 000 000 $ après 36 heures sans que personne n'ait eu le temps de regarder quoi que ce soit. Et, aujourd'hui, plutôt que 15 000 000 $, on est rendus à 30 000 000 $, peut-être 40 000 000 $ bientôt.

M. Clair: M. le Président, précision supplémentaire. Même si l'ultimatum qui a été servi par Air Canada-Nordair datait du 16 juillet et était échu le lendemain à midi comme j'ai eu l'occasion de le dire précédemment - j'avais eu connaissance du dossier avant cette date-là; à compter du 18 juin, si ma mémoire est fidèle, date à laquelle j'avais rencontré M. Paul Gauthier. Je dois ajouter par ailleurs que si M. de Belleval - comme il l'a indiqué était le deuxième ou le troisième ministre des Transports du Québec, sinon davantage, à se pencher sur ce dossier, j'étais le quatrième ou le cinquième, selon le rang qu'il occupait lui-même. Dans ce sens-là, il s'agissait d'un dossier qui était relativement bien connu puisque plusieurs autres avant nous s'étaient penchés sur celui-ci.

Juste quelques mots pour remercier M. de Belleval d'avoir bien voulu se rendre à l'invitation de la commission et le remercier de son témoignage.

M. de Belleval: Je remercie la commission de son accueil et des bons mots - pour reprendre une expression typiquement québécoise - que vous avez pu avoir à mon endroit. Je dois vous avouer pour ma part, à titre d'ancien collègue qui connaît bien les servitudes de votre travail, que vous avez toute ma sympathie et toute mon amitié, dans ce dossier comme dans d'autres qui actuellement semblent vous occuper d'une façon assez intensive. Je dois avouer que je ne regrette pas, d'une certaine façon bien égoïste...

Cependant, un dernier mot pour vous dire aussi que bien que je puisse comprendre votre intérêt à examiner le passé, il n'en reste pas moins que ce dossier n'est toujours pas réglé, que le problème, lui, reste entier. À titre d'ancien responsable du dossier et de personne qui a à coeur les intérêts du Québec, je souhaiterais que tout le monde pousse à la roue ensemble, quels que soient les intérêts politiques de chacun, pour faire en sorte qu'il se règle le plus rapidement possible. Je pense que tout le monde est conscient que chaque jour qui passe rend la solution du dossier de plus en plus difficile. Je vous souhaite bonne chance et je vous engage à faire en sorte qu'au delà des intérêts politiques à court terme, tout le monde fasse en sorte que cette fois-ci, selon le principe qu'il n'est jamais trop tard pour bien faire, on finisse par prendre une décision.

Le Président (M. Boucher): M. de

Belleval, au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie de votre participation aux travaux de cette commission. J'appelle M. Claude Poiré, du Syndicat CSN des pilotes Regionair.

M. Poiré, est-ce que vous avez un texte ou...

M. Claude Poiré

M. Poiré (Claude): Non, je n'avais pas les moyens techniques de produire un document.

Le Président (M. Boucher): Si vous avez un exposé à faire au début ou si vous préférez que les questions...

M. Poiré: J'ai été invité à la demande de quelqu'un et je suis prêt à répondre aux questions qui sont de ma compétence.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: C'est l'Opposition qui a suggéré l'invitation de M. Poiré. M. Poiré je pense qu'au départ vous êtes un pilote d'avion, n'est-ce pas?

M. Poiré: C'est bien cela.

M. Bourbeau: Quel type d'avions pilotez-vous et pour quelle compagnie?

M. Poiré: Je suis commandant de HS 748 pour Regionair.

M. Bourbeau: Pour la compréhension des gens qui vous écoutent à la télévision et qui ne sont pas particulièrement au courant, expliquez-nous donc ce qu'est Regionair.

M. Poiré: Rapidement, Regionair c'est tout d'abord une filiale à part entière de Quebecair, qui dessert présentement l'Est du Québec, c'est-à-dire la Gaspésie, les Îles-de-la-Madeleine et la Basse-Côte-Nord ainsi que quelques villes nordiques à l'occasion, comme Gagnon, etc.

M. Bourbeau: À quel moment la compagnie Regionair, filiale de Quebecair, a-

t-elle été formée?

M. Poiré: Regionair est issue de la compagnie les Ailes du Nord qui était également une filiale à part entière de Quebecair. Elle a été formée en 1981.

M. Bourbeau: En 1981.

M. Poiré: C'est bien cela.

M. Bourbeau: À ce moment-là...

M. Poiré: C'est les Ailes du Nord qui a changé de nom.

M. Bourbeau: D'accord. À ce moment-là, on a transféré à Regionair certains permis qui étaient autrefois entre les mains d'une autre compagnie qui était... Les permis que Regionair a eus en 1981 appartenaient aux Ailes du Nord avant ou à Quebecair?

M. Poiré: Aux Ailes du Nord, oui.

M. Bourbeau: Cette filiale Regionair fait du transport dans les régions du Québec dont vous parlez avec des avions qui ne sont pas des avions à réaction, je crois. Pouvez-vous nous dire quel type d'avion est le HS 748?

M. Poiré: Le HS 748 est un turbopropulsé, c'est-à-dire un avion à hélices.

M. Bourbeau: Un avion à hélices mû par des moteurs turbo évidemment.

M. Poiré: Mû par des turbines, c'est bien cela.

M. Bourbeau: Les HS 748, est-ce que Regionair les possède depuis longtemps?

M. Poiré: Puisque Regionair ne date que de 1981, ce ne serait peut-être pas exact. Il y aura assez souvent confusion entre Regionair et les Ailes du Nord. Depuis l'achat d'Air Gaspé, en 1974 ou 1975, par Quebecair, il y avait un HS 748 opéré par les Ailes du Nord. Il y a eu ensuite l'addition d'un deuxième, au niveau opération, en février 1980, je crois. Ensuite, il y a eu l'addition de quatre autres HS 748.

M. Bourbeau: À quel moment les quatre autres ont-ils été achetés? Est-ce que vous vous en souvenez?

M. Poiré: Les quatre autres ont été achetés - je ne peux pas être précis sur la transaction même - à la fin des années quatre-vingt, pour être mis graduellement en opération.

M. Bourbeau: Fin 1980, début 1981.

M. Poiré: C'est cela.

M. Bourbeau: C'est à ce moment-là qu'on a amené sur la flotte de Regionair quatre nouveaux avions Hawker Siddeley 748.

M. Poiré: C'est exact.

M. Bourbeau: Ce sont des avions qui contiennent combien de sièges?

M. Poiré: Présentement, de la façon dont les avions sont aménagés, on a une possibilité de 20 à 48 sièges, c'est-à-dire qu'il y a une séparation amovible qui peut être placée à différents endroits pour permettre plus ou moins de cargo.

M. Bourbeau: II y a quelques mois, les journaux ont rapporté certains problèmes qui existaient à l'égard de ces avions, les HS 748. Je pense qu'on devrait dire au départ que vous êtes le président - cela a été dit tout à l'heure mais on devrait peut-être le répéter - du personnel navigant de Regionair...

M. Poiré: C'est exact.

M. Bourbeau: Cela comprend les pilotes.

M. Poiré: Et les agents de bord.

M. Bourbeau: Et les hôtesses de l'air. C'est cela?

M. Poiré: C'est cela.

M. Bourbeau: Les journaux ont fait état de certains problèmes entre la direction de Quebecair et les pilotes de votre compagnie. Est-ce que vous pourriez nous rapporter exactement ce qui s'est passé?

M. Poiré: Si vous pouviez spécifier un peu votre question, s'il vous plaît.

M. Bourbeau: Je pense qu'il y a eu...

M. Poiré: Plus précisément, à l'époque que vous mentionnez, c'est-à-dire en octobre ou novembre?

M. Bourbeau: Au cours de l'été dernier, des membres de votre syndicat ont donné une conférence de presse pour parler de certains problèmes. Cela a été rapporté par les journaux.

M. Poiré: Oui. À cette époque-là, à la suite de plusieurs années de rencontres avec les gens de Quebecair et la direction de Regionair ou des Ailes du Nord, des directives ont été émises, au début d'octobre - parce qu'on est sans contrat de travail, il faut le mentionner, depuis maintenant 25

mois, peut-être un peu plus - de respecter les normes de notre convention de travail, c'est-à-dire les écrits de notre convention de travail.

Plusieurs frictions sont survenues entre la compagnie et le syndicat, principalement sur l'interprétation de quelques clauses. Ces frictions ont été utilisées par la compagnie, après un certain temps, pour expliquer les retards et les annulations de vols que Regionair avait sur son réseau.

À la suite de cette période et suivant les déclarations de M. Pelletier, des relations publiques de Quebecair, le syndicat a décidé, avec l'appui de ses membres, de dénoncer l'état des 748 comme étant la principale cause des délais et des annulations de vols.

M. Bourbeau: M. Poiré, vous parlez des retards et des annulations de vols sur le réseau de Regionair. Je pense que ce n'est un secret pour personne, Regionair a la réputation, auprès de sa clientèle, d'avoir assez souvent des retards ou des annulations de vols. Le président de Quebecair nous faisait état il y a quelques jours, du fait que sur le réseau réacté de Quebecair le pourcentage de ponctualité était très bon, mais que, parallèlement, sur le réseau de la filiale Regionair, c'était pas mal moins bon. Je pense que le chiffre de 60% a été lancé à un moment donné. Je ne saurais pas affirmer cela avec certitude, mais je pense que c'est le chiffre qui a été mentionné.

Vous venez de dire que l'état des avions crée un problème. Dans les régions du Québec desservies par Regionair - on parle de la Gaspésie, du Bas-du-Fleuve, de la Basse-Côte-Nord; vous pourriez peut-être nous décrire quelque peu le réseau de Regionair - est-ce que c'est effectivement l'état des avions qui cause le problème des retards ou des annulations ou s'il y a d'autres problèmes?

M. Poiré: C'est majoritairement l'état des avions, la condition des avions, qui crée les retards et les délais. Il y a également d'autres causes - je pense que cela vous a été mentionné également - c'est-à-dire la météo, qui est un problème opérationnel connu de presque tous dans l'aviation, et même que les résidents de certains endroits sont tellement habitués à voyager qu'ils savent qu'il y a des problèmes de météo quand même assez importants.

Vous mentionniez tout à l'heure que le taux de ponctualité était de l'ordre de 60%; c'est fort possible. Je n'ai pas les chiffres. Cependant, je peux vous dire que ce taux de ponctualité serait assez facilement amélioré par un bon entretien ou un bon programme d'entretien des appareils qu'on utilise.

M. Bourbeau: Est-ce que vous voulez dire que les appareils que vous utilisez ne sont pas bien entretenus?

M. Poiré: Ce que je veux dire, c'est qu'il y a, depuis très longtemps, un manque de pièces et de personnel qualifié. C'est reconnu par plusieurs. Ce problème engendre d'autres problèmes. C'est une suite. Le personnel actuel a commencé, récemment, des cours sur l'entretien de l'appareil que nous utilisons présentement. Il y en a qu'on utilise depuis 1975, mais il y a des mécaniciens qui sont en place et qui ont commencé à suivre des cours, tout récemment, pour entretenir ces appareils. À ce moment-là, ces gens-là, tout en étant pleins de bonne volonté, n'avaient peut-être pas les connaissances techniques exactes pour faire l'entretien des appareils et il manquait aussi de pièces de rechange.

M. Bourbeau: Est-ce que ce sont les mêmes mécaniciens qui font l'entretien des avions de Regionair et l'entretien des avions de Quebecair? On nous a dit, plus tôt dans la soirée, que Quebecair avait d'excellents mécaniciens. Est-ce que ce sont les mêmes mécaniciens qui font l'entretien des avions Hawker Siddeley 748 de Regionair?

M. Poiré: Non, ce ne sont pas les mêmes mécaniciens, quoique depuis le début de février une partie de l'entretien des avions de Regionair est faite par les mécaniciens de Quebecair et une partie est faite par les mécaniciens de Regionair.

Je ne voudrais pas que ce soit mal interprété, je ne mets pas en doute la capacité des mécaniciens de Regionair. Je mets en doute un certain niveau de connaissances qu'ils ne peuvent acquérir autrement qu'en suivant des cours. Ces cours ne sont pas disponibles au public en général. Il faut que ce soit des cours organisés.

M. Bourbeau: M. Poiré, je pense qu'au point où on en est il va falloir aller un peu plus loin, parce qu'on ne peut pas laisser la discussion où elle en est rendue. Vous êtes en train de nous dire que les mécaniciens qui travaillent sur les avions de Regionair n'ont pas toute la formation requise, qu'il n'y avait pas de cours de formation disponibles -je cite les mots que vous avez employés -pour les mécaniciens, que l'entretien laisse à désirer. Pour les gens qui nous regardent à la télévision qui, à l'occasion, utilisent les vols de Regionair, est-ce qu'il y a du danger pour les usagers? N'y aurait-il pas lieu de se poser des questions sur la fiabilité des appareils?

M. Poiré: II faudrait peut-être faire une démarcation entre fiabilité et sécurité. Pour ce qui est de la sécurité, je ne crois pas qu'elle soit mise en jeu en aucun moment. Il peut arriver des instants précis où il y a un

problème qui met la sécurité en cause; à ce moment-là, l'avion est laissé au sol. C'est ce qui cause ou des annulations ou des délais.

Pour ce qui est de la fiabilité, en termes d'aviation, cela veut dire suivre un horaire. Vous avez un peu mentionné ce qu'était la ponctualité tout à l'heure; je ne crois pas que la fiabilité soit très grande. Mais encore là, je tiens à mentionner qu'il ne faut pas confondre fiabilité et sécurité.

M. Bourbeau: Oui, c'est une nuance qui est très subtile. Quand on prend un avion, on souhaite qu'il soit non pas très sécuritaire, mais d'une sécurité absolue; personne ne veut prendre de risque.

M. Poiré: Nous non plus.

M. Bourbeau: Oui, d'accord. L'automne dernier, trois de vos syndiqués pilotes ont jugé la situation assez critique pour convoquer la presse et faire des révélations qui ont été assez percutantes sur l'état des avions. Ces gens, à ma connaissance, ont été mis à la porte subséquemment. Est-ce que, d'après vous, ils avaient raison de faire les déclarations qu'ils ont faites ou si c'était inutile ou injustifié dans les circonstances?

M. Poiré: Ce que ces gens ont dit, en substance, c'est ce que je viens de dire ici, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas de fiabilité, mais non pas qu'il n'y avait pas de sécurité. La sécurité, jusqu'à un certain point, c'est le pilote qui l'assure. En fait, c'est nous qui savons si l'avion est en état ou pas de voler; savoir si c'est fiable et si on pense finir notre journée au point prévu au départ, c'est autre chose. Question sécurité, si l'envolée n'est pas sécuritaire, on l'annule tout simplement. Ce n'est pas pour rien qu'il y a un très grand nombre d'annulations de vols; c'est une des raisons. Il y a également, comme je l'ai mentionné plus tôt, le facteur de la météo, les conditions des pistes en hiver, à l'occasion, à certains endroits où c'est plus difficile que d'autres.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il arrive parfois que des pilotes refusent de décoller après avoir pris possession de l'avion?

M. Poiré: Bien sûr.

M. Clair: C'est sa responsabilité.

M. Bourbeau: Je ne dis pas que ce n'est pas sa responsabilité, M. le ministre, je demande si cela arrive effectivement. Je n'ai jamais pris un avion de Quebecair ou d'Air Canada et, une fois rendu sur la piste, que le pilote sorte de sa cabine pour dire: Moi, je ne pars pas, l'avion n'est pas sécuritaire. On ne voit pas cela dans des compagnies d'aviation ordinaire. Est-ce que cela arrive chez vous?

M. Poiré: Habituellement, on ne le dit pas non plus. Par contre, s'il y a un problème qui pourrait affecter la sécurité du vol, habituellement, ce qu'on fait, si les passagers sont déjà à bord, on revient à l'aire d'embarquement et on les débarque. S'il y a un autre avion disponible, on repart; s'il n'y en a pas, on attend qu'il soit réparé, si c'est possible, si les pièces de rechange sont disponibles.

M. Bourbeau: Pour revenir à la question de l'entretien et des mécaniciens, vous avez dit tout à l'heure que les mécaniciens manquent d'expérience ou de compétence. Vous avez parlé dans ce sens tantôt. En tant que pilote, quand vous prenez un avion, est-ce que cela ne vous perturbe pas de savoir que les mécaniciens qui ont fait l'entretien ne sont pas expérimentés?

M. Poiré: Je dois reprendre vos paroles. Je n'ai pas dit qu'ils n'avaient pas d'expérience ou de compétence, j'ai dit que ces gens, dans certains cas, ont quelque expérience sur le HS 748, mais ils n'ont pas une compétence totale sur la machine, c'est-à-dire une connaissance suffisamment approfondie des systèmes pour repérer rapidement les problèmes et les trucs comme cela. Ces gens sont quand même supervisés par quelques personnes, en nombre restreint, qui connaissent l'appareil. Autrement, s'il n'y avait personne pour signer les livres de bord du côté de l'entretien et s'assurer que l'avion est en état de fonctionnement, il n'y aurait aucune réparation. C'est simplement quant au nombre de gens; il y en a très peu qui ont suivi des cours et qui connaissent bien la machine. Les autres sont des exécutants, peut-être en fonction de bons principes généraux d'entretien d'avions, mais sans avoir une connaissance spécifique de l'appareil.

M. Bourbeau: À votre connaissance, est-ce qu'il y a déjà eu des cas où les pilotes ont refusé de voler et que la direction a exigé qu'ils volent?

M. Poiré: Ce n'est pas tellement dans les pouvoirs de la direction d'exiger. Il y a eu certains cas où des pressions ont été faites, c'est évident.

M. Bourbeau: Des pressions pour voler.

M. Poiré: Pas nécessairement, je peux même dire que ce n'était peut-être pas avec des passagers mais pour faire ce qu'on appelle un "fairy flight", un vol pour ramener l'avion à la base ou dans un lieu où il y aurait les compétences pour réparer le problème. Il y a eu des pressions de faites

sur certains pilotes effectivement pour piloter des avions sans passager, mais quand même des avions avec certaines défectuosités que le pilote jugeait suffisamment graves pour ne pas...

M. Bourbeau: Qu'est-ce qui se produit dans ce temps-là? Est-ce que le pilote doit piloter quand même l'avion qu'il juge plus ou moins dangereux ou s'il peut refuser?

M. Poiré: II refuse, mais il y a peut-être des pressions indues sur son dos, avec une crainte d'avoir des représailles ou quelque chose comme cela qui peuvent se répercuter sur d'autres choses plus tard. Lorsque le pilote est dans son droit de refuser l'avion, il n'y aura pas officiellement de blâme sur ce point précis parce que les gens qui feraient des pressions de la sorte seraient rapidement blâmés et critiqués. Cela peut servir tout simplement dans les mémoires de certains pour utilisation future.

M. Bourbeau: Pour des promotions futures?

M. Poiré: Cela peut être pour des promotions et cela peut être à plusieurs niveaux.

M. Bourbeau: Les avions dont on parle toujours, que vous utilisez dans le réseau de Regionair, dans quel état sont-ils actuellement? Je ne parle pas de l'état mécanique parce que vous semblez nous dire qu'ils ne sont pas dans un état fantastique, mais au point de vue de l'aménagement intérieur. Je crois comprendre qu'il y a eu des sommes assez importantes de dépensées, je pense que c'est 400 000 $ par appareil pour leur aménagement intérieur, alors est-ce qu'ils sont dans un bon état?

M. Poiré: Sans connaître les chiffres, je trouve le coût élevé si c'est uniquement pour l'aménagement intérieur.

M. Bourbeau: Ce sont les chiffres que le ministre nous a donnés en Chambre il y a quelques mois, 400 000 $ par appareil.

M. Poiré: II y a probablement eu d'autres choses, comme des correctifs mécaniques ou...

M. Clair: J'ai peut-être un élément d'information pour le député de Laporte. D'abord, je ne me souviens pas précisément du montant qui a été investi par Quebecair pour la remise en état des appareils, mais entendons-nous, il ne s'agissait aucunement d'un simple travail de recouvrement des sièges de l'appareil, il s'agisait de la canadianisation d'appareils qui avaient été achetés à l'étranger. Cela comporte plusieurs opérations, non seulement la remise en état des sièges de l'appareil. Quant au montant, je ne me souviens pas précisément du chiffre qui est cité.

M. Bourbeau: Effectivement, le ministre a raison de faire la nuance. Je me rappelle le chiffre, 400 000 $, je pense que cela couvrait l'ensemble des coûts de l'aménagement intérieur et de certains travaux destinés à remettre les avions en état. Est-ce que l'état intérieur des avions est satisfaisant? Évidemment, ils doivent être assez neufs, puisqu'ils ont été reçus au début de 1981, alors ils ont deux ans, est-ce que c'est satisfaisant, propre et intéressant?

M. Poiré: C'est assez subjectif comme question. Peut-être que certains les trouvent certainement plus propres que lorsqu'ils sont arrivés. Certains ont dû être refaits ou retapés. Après la remise en état initiale, on peut trouver que c'est satisfaisant quant à l'apparence esthétique. Il reste plusieurs facteurs qui font que les passagers ne sont pas satisfaits. Exemple: le chauffage qui est assez déficient. De toute façon, à l'occasion, il est déficient en vol et il est complètement inexistant au sol, parce qu'il n'y en a tout simplement pas dans les avions. (minuit)

Je dis que le chauffage est déficient en vol, à l'occasion, parce que c'est difficile de maintenir une température équilibrée dans l'avion et, au sol, ce chauffage est tout simplement absent, c'est-à-dire qu'il n'y a aucun chauffage dans ces avions au sol. Je vous signale en passant qu'ils en utilisent depuis 1975 et qu'ils viennent de s'apercevoir qu'ils vont installer des systèmes de chauffage pour l'hiver prochain; il va peut-être faire plus froid.

M. Bourbeau: Je ne comprends pas tellement. Ce sont des avions qu'ils utilisent... Vous allez dans le Nord avec cela, vous allez jusqu'à...

M. Poiré: On fait la Basse-Côte-Nord jusqu'à Blanc-Sablon et on fait Gagnon sur une base assez régulière de ce temps-ci, je crois, parce que les lignes qu'on utilise peuvent varier d'un horaire à l'autre, un horaire de printemps, d'hiver ou d'été. Mais comme de ce temps-ci on fait Gagnon qui est une ville nordique, la Basse-Côte-Nord qui est quand même assez froide.

M. Bourbeau: Comment cela se passe-t-il exactement? Entre le moment où les passgers entrent dans l'avion et le moment du décollage, parfois il se passe quinze, vingt, vingt-cinq minutes et il n'y a aucun chauffage à bord?

M. Poiré: II n'y a aucun chauffage à bord de l'appareil. Assez tard dans l'hiver, il y a quelques stations qui sont équipées d'un chauffage qu'on appelle un Hermann Nelson, qui est un brûleur avec une soufflerie si on veut et qui peut permettre à peu près de tempérer la cabine si les conditions de chargement le permettent. Car, de la façon que la cabine est aménagée, il y a un espace réservé pour les passagers, plus l'espace pour le cargo et il y a également du cargo à l'arrière, ce qui fait que, à l'occasion, les portes étant ouvertes pour permettre le chargement et le déchargement de l'appareil, il est à peu près impossible de chauffer à ce moment et c'est très froid.

M. Bourbeau: C'est très froid, est-ce que...

Le Président (M. Boucher): Je m'excuse, M. le député de Laporte. Étant donné que nous avons atteint l'heure de l'ajournement, est-ce qu'il y a consentement chez les membres pour poursuivre... J'aimerais qu'on m'indique s'il y a consentement pour poursuivre et jusqu'à quelle heure.

M. Clair: II y aurait consentement de ma part, M. le Président, mais à la condition qu'on se fixe une limite pour terminer nos travaux parce que...

M. Bourbeau: Nous, on n'a pas d'objection à poursuivre une petit peu plus tard...

M. Clair: Mais je veux qu'on s'entende maintenant sur une heure.

M. Bourbeau: Disons que, à l'égard de M. Poiré, on a pratiquement terminé. Il reste un invité, je crois.

Le Président (M. Boucher): II reste le commandant Robert Dufour.

M. Bourbeau: Nous serions disposés à finir à minuit et demi si vous voulez.

Le Président (M. Boucher): Cela va.

M. Bourbeau: Le temps va être réparti entre les deux...

Le Président (M. Boucher): Égal à égal.

M. Bourbeau: ...formations politiques, égal à égal.

M. Clair: À la condition que vous terminiez rapidement.

M. Bourbeau: Oui je comprends bien mais, de toute façon, on sépare le temps moitié-moitié. Alors si on en prend plus avec

M. Poiré, on en prendra moins avec le commandant Dufour.

Alors on parlait toujours de chauffage des avions. C'est intéressant parce qu'on parle d'avions qui fonctionnent dans des régions assez froides du Québec - la Basse-Côte-Nord et vous parlez de Gagnon - on parle de villes qui sont situées pas mal au nord et avec des avions qui n'ont pas de chauffage au sol. L'hiver quand il fait 20 degrés sous zéro, par exemple, les passagers sont dans l'avion pendant 20 minutes - je ne sais pas combien de temps - sans aucun chauffage. Est-ce qu'on se plaint de cela? Est-ce que les passagers se plaignent de cela?

M. Poiré: Oui, très souvent. On se plaint à nous, de toute façon.

M. Bourbeau: Ils se plaignent au pilote.

M. Poiré: Plutôt aux agents de bord, c'est-à-dire à l'hôtesse.

M. Bourbeau: Aux hôtesses. Les gens de Blanc Sablon qui paient 800 $, semble-t-il, et qui s'en plaignent beaucoup, pour aller de Blanc Sablon à Montréal est-ce qu'ils ont du chauffage chez eux ou... Vous dites qu'il y a des endroits où il y a du chauffage, des endroits où il n'y en a pas.

M. Poiré: Le cas de Blanc Sablon est une activité un petit peu particulière pour l'instant et on réussit, dépendamment si le froid est intense ou pas, à tempérer un peu la cabine.

M. Bourbeau: Les pilotes qui se sont plaints l'été dernier et qui ont été remerciés de leurs services pour s'être plaints, est-ce qu'ils se sont plaints de sujets comme ceux-là, le chauffage ou s'il y avait d'autres...

M. Poiré: On s'est plaint de l'opération à plusieurs points de vue et, en fait, ce n'était pas uniquement une plainte en tant que telle parce que cela fait longtemps que nos doléances sont connues, peut-être pas du public mais des personnes intéressées. Ces gens ont fait cela, entre autres, en réponse à certaines interventions de la part de la compagnie, disant que les délais et les annulations de vol étaient dus à des pressions du personnel navigant, parce que c'est connu qu'on est sans contrat de travail depuis très longtemps. Alors, on a tout simplement voulu rétorquer que les délais et les annulations de vol sont majoritairement dus à l'état mécanique des avions. Évidemment, on a parlé des autres inconvénients.

M. Bourbeau: M. Poiré, j'aurais peut-être dû vous poser la question au début, exactement, quel est le réseau de Regionair?

Que couvrez-vous comme régions au Québec?

M. Poiré: Comme je le mentionnais auparavant, cela varie un peu avec les saisons et la fréquence des vols n'est pas la même à tous les endroits. On peut dire qu'on couvre majoritairement la Gaspésie, en partant de Mont-Joli, Bonaventure, Gaspé, les Îles-de-la-Madeleine et, dans la Basse-Côte-Nord, les endroits qui sont équipés d'aéroports satisfaisants pour nos avions. On couvre cinq points principaux sur la Basse-Côte-Nord, à partir de Sept-Îles. De Gagnon, pour l'horaire présent, on vient à Québec en fin d'après-midi, en retour des Îles-de-la-Madeleine. Si on remonte dans le temps, on a fait à peu près toute la province, sauf Montréal.

M. Bourbeau: Allez-vous en Abitibi parfois?

M. Poiré: On y allait, on n'y va plus.

M. Bourbeau: Si je comprends bien, Regionair dessert les régions les plus éloignées du Québec: les Îles-de-la-Madeleine et la Basse-Côte-Nord.

M. Poiré: On dessert ce qu'on peut appeler les régions les plus éloignées qui sont en même temps celles qui sont, peut-être, les moins densément peuplées et qui n'ont pas nécessairement les installations pour recevoir des appareils plus gros que les nôtres.

M. Bourbeau: La compagnie Regionair, filiale de Quebecair, existe-t-elle encore aujourd'hui ou est-elle en voie d'être abandonnée ou dissoute, d'après ce que vous en savez?

M. Poiré: D'après ce que j'en sais, c'est le résultat de plusieurs années de tractations, etc., mais, à la fin de mai 1982, on a eu l'annonce par le vice-président exécutif que Quebecair et Regionair allait être fusionnées. À savoir si le nom va disparaître ou va demeurer, je crois que ce n'était pas établi à ce moment-là. Je n'en sais pas plus.

M. Bourbeau: Donc...

M. Poiré: On est en période de fusion.

M. Bourbeau: En période de fusion avec Quebecair?

M. Poiré: Exactement.

M. Bourbeau: Autrement dit, on a mis sur pied Regionair en 1981. Enfin, la compagnie a été regroupée en 1981 et elle a été fondée sous le nom de Regionair.

M. Clair: Pour remplacer les Ailes du Nord.

M. Bourbeau: Pour remplacer les Ailes du Nord, oui.

M. Clair: C'est un changement de nom.

M. Bourbeau: Enfin, la raison sociale Regionair a été adoptée en 1981 avec un transfert de permis à Regionair. Maintenant, aujourd'hui, on revient avec les mêmes permis qui seront transférés à Quebecair et la fin possible de la compagnie Regionair. Que va-t-il vous arriver à vous, les pilotes de Regionair, dans la fusion? Avez-vous des négociations à ce sujet? Vous a-t-on avisés du sort qui sera réservé aux pilotes?

M. Poiré: Si on veut parler de la fusion, il faut quand même remonter plus loin. Depuis au moins trois ans que je m'en occupe assez activement, il y a eu plusieurs rencontres et négociations entre les pilotes de Quebecair et ceux de Regionair ou les Ailes du Nord, selon l'époque. Les pilotes de Quebecair ont eu plusieurs problèmes avec la compagnie et, pour arriver à une solution de ces problèmes, on s'était entendu au début de 1982 sur une façon où les deux groupes de pilotes pourraient réussir à coexister sans se nuire.

À ce moment-là, les pilotes de Quebecair étaient en négociation pour leur convention collective depuis un certain temps, probablement de 16 à 18 mois environ. Conjointement avec les pilotes de Quebecair, on s'est présenté devant un médiateur, parce que la négociation avec les pilotes de Quebecair était rendue au stade de la médiation. On s'est présenté devant un médiateur en janvier 1982 et en février, cela a duré pendant une certaine période de temps, pour proposer à la compagnie une sorte de liste d'ancienneté commune qui tenait compte de l'exploitation d'une base à Sept-Îles et d'une base à Montréal. La compagnie a, à toutes fins utiles, refusé d'acquiescer à cette demande ou d'endosser jusqu'à un certain point l'entente qu'on avait avec les pilotes de Quebecair. Devant les menaces de grève des pilotes de Quebecair qui avaient comme problème principal le groupe de Sept-Îles et qui désiraient, avant tout autre point, régler ce problème à l'intérieur de leur convention collective, on est arrivé à la fin de mai où il y a eu la décision de faire une fusion. Est-ce que c'est cela qui a pu faire pencher la balance en faveur d'une fusion, alors que, quelques mois avant, une liste d'ancienneté commune était impossible? Je ne sais pas. Ce sont les faits.

M. Bourbeau: M. Poiré...

M. Poiré: Mais... c'est en cours de

négociations, d'arbitrage, etc.

M. Bourbeau: ...j'aimerais vous remercier pour votre témoignage, de vous être déplacé. Vous êtes parti de très loin pour venir nous rencontrer. Je tiens à vous dire à quel point on estime importants votre témoignage et le fait que vous soyez venu ici, parce que vous nous avez décrit l'état du service qui est donné aux régions les plus éloignées du Québec. Vous avez parlé de la Basse-Côte-Nord, de la Gaspésie, des Îles-de-la-Madeleine, régions desservies par Regionair. On se rend compte que le service dans ces endroits laisse beaucoup à désirer à cause des problèmes dont vous avez parlé. C'est malheureux, les services laissent à désirer parce que les équipements que vous utilisez, les avions, ne sont pas en très bon état. Même s'ils sont sécuritaires - comme vous dites - ils ne sont pas fiables. Nous avons évité de vous questionner sur des incidents qui auraient pu se produire, je pense que ce n'est pas très important.

Ce qui est déplorable, c'est qu'on ait jugé bon d'investir, au cours des deux dernières années, quelque chose comme 75 000 000 $ pour l'achat d'appareils neufs, des Boeing 737 destinés à voler prioritairement sur la Barbade et la Floride -cela a été dit - alors qu'on a chez nous des régions du Québec qui ont un besoin essentiel de transport aérien. On pense, par exemple, aux Îles-de-la-Madeleine; cela prend absolument des avions, on ne peut pas y aller en camion. On pense à la Basse-Côte-Nord; il n'y a pas de route pour se rendre là, ces gens ont absolument besoin d'un transport aérien. Or, que leur offre-t-on? Des avions de second, de troisième ordre qui fonctionnent la moitié du temps. Vous êtes obligés d'annuler des vols ou de les retarder parce qu'il y a des défectuosités mécaniques continuellement, les pilotes s'en plaignent. Pendant que les régions du Québec les plus éloignées et les plus démunies sont mal desservies, parce que l'équipement est inadéquat, on dépense 75 000 000 $ pour des avions neufs pour aller voler sur la Barbade, pour se faire dire par des experts qu'effectivement on n'avait pas besoin de trois de ces cinq avions, qu'il y en avait de trop. Avec les trois avions qu'on avait de trop, totalisant - trois fois 15 000 000 $ -45 000 000 $, on aurait pu acheter et payer comptant toute une flotte d'avions turbopropulseurs pour desservir adéquatement la Basse-Côte-Nord et les Îles-de-la-Madeleine. Je pense que c'est là le drame de Quebecair.

Je suis content que vous soyez venu ici pour nous souligner les problèmes qui affligent - si je peux dire - les régions du Québec. Quebecair étant un transporteur régional de par sa définition, de par sa vocation, on se serait attendu que le gouvernement du Québec et les actionnaires de Quebecair mettent l'accent sur le service aux régions. Or, il semble, d'après votre témoignage - vous êtes un pilote qui voyagez sur le réseau régional - que le réseau de Regionair ait été très négligé au cours des dernières années. Je pense que c'est là tout le drame du dossier de Quebecair.

M. Poiré, je vous remercie beaucoup de votre contribution. Je sais que cela n'a pas été facile. Vous avez des collègues qui ont payé cher pour avoir exercé leur liberté de parole. J'espère que dans votre cas il en sera autrement. De toute façon, je peux vous assurer que vous pouvez compter sur l'appui de l'Opposition.

M. Clair: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le ministre. (0 h 15)

M. Clair: M. le Président, je voudrais moi aussi remercier M. Poiré - j'y reviendrai - et en même temps dénoncer la démagogie à laquelle vient de se livrer le député de Laporte car rien, au cours de cette commission parlementaire, n'a permis de démontrer que les actionnaires de Quebecair actuels ou passés ont négligé volontairement ou involontairement les régions du Québec. Je pense qu'au contraire, le témoignage de tous ceux qui sont venus à la table ici, en face de nous, a démontré que les efforts que Quebecair a déployés pour essayer de rentabiliser des opérations dans le sud du Québec ou encore dans les opérations de vols nolisés visaient justement à accroître la rentabilité de l'entreprise pour permettre d'offrir un service amélioré aux régions et de comparer, comme il l'a fait, les conditions de transport aérien entre Blanc-Sablon et Sept-Îles, tant en termes de prix qu'en termes de conditions d'opération, de comparer ça à une opération entre Montréal et Fort Lauderdale.

M. le Président, je suis convaincu que M. Poiré lui-même n'a pas le pouvoir de le dire et je ne lui demanderai pas ce qu'il en pense parce qu'il considérerait que c'est de la pure démagogie.

M. Bourbeau: ...demandez-lui, il est là...

M. Clair: Opérer des Boeing 737 entre Montréal et Fort Lauderdale par rapport à des Hawker Siddeley 748 entre Sept-Îles et Blanc-Sablon, c'est comparer une Cadillac à un cheval ou un lapin parce que ce sont des conditions tout à fait différentes.

Dans ce sens-là, quand le député de Laporte essaie de faire dire à M. Poiré que les avions ne sont pas fiables, moi je remercie M. Poiré parce que je comprends que ce n'est pas facile pour lui, dans la

position qu'il occupe présentement, président de son syndicat qui est en négociation depuis plusieurs mois, depuis plus de 24 mois, si j'ai bien compris, avec sa compagnie. Il a eu le courage de venir dire purement et simplement la vérité, de venir faire une distinction comme il l'a fait entre la sécurité d'appareils que le député a abondamment utilisés à plusieurs reprises et de dire que les appareils n'étaient peut-être pas si sécuritaires que ça. M. Poiré est venu dire qu'il y a une différence à faire entre la sécurité d'avions et la fiabilité d'un service qu'on peut offrir quand, comme M. Poiré l'a dit, les mécaniciens à l'occasion manquent de pièces. Je pense que Quebecair et Regionair n'ont jamais caché que compte tenu de la faible rentabilité, à l'occasion, il pouvait y avoir du retard à remplacer certaines pièces parce qu'elles n'étaient pas disponibles. Entre la sécurité des appareils et la fiabilité du service, moi en tout cas je remercie beaucoup M. Poiré d'avoir fait la distinction parce que je reconnais que ce n'est pas facile pour lui de venir ici.

Je peux l'assurer que je n'ai eu rien à faire dans les décisions qui ont été prises en ce qui concerne le congédiement de certaines personnes. Je pense que M. Poiré et le député de Laporte aussi peuvent faire la différence entre des gens qui, à l'occasion d'une négociation, considèrent qu'il peut être avantageux pour eux de dénoncer leur employeur. Il y a une convention collective qui s'applique à ça, c'est tout à fait normal.

Dans les circonstances, je pense que M. Poiré a été très modéré dans ses propos, qu'il a fait une bonne distinction entre la sécurité des appareils et la fiabilité du service et que les conditions de confort n'ont rien à voir avec la question de sécurité en termes de transport aérien.

Je termine ici parce que je sais qu'on doit entendre d'autres personnes. Je n'aurai qu'une seule courte question à M. Poiré pour mon information. Est-ce qu'il est au fait si Eastern Provincial Airways et Austin Airways, qui opèrent également des Hawker Siddeley 748, en ce qui concerne le chauffage des appareils pour le confort des passagers, si ces compagnies offrent le chauffage autre que le chauffage régulier de l'appareil? Par rapport aux notions qu'il nous mentionnait tantôt, est-il au courant que ces compagnies offrent ce service de système de chauffage électrique, si j'ai bien compris, dans les appareils?

M. Poiré: Pour ce qui est de Eastern Provincial Airways, le climat dans lequel ils opèrent peut peut-être facilement excuser qu'ils n'en aient pas parce qu'aucun des deux transporteurs que vous venez de mentionner n'a de chauffage supplémentaire dans ces appareils.

Pour le cas d'Austin Airways, la façon d'opérer les regarde, je crois.

M. Clair: Eastern Provincial Airways opère quand même dans des conditions assez semblables à celles de...

M. Poiré: Je ne crois pas qu'il y ait souvent, dans les provinces maritimes, des températures de l'ordre de moins 20, moins 30 ou moins 40 à l'occasion.

M. Clair: Est-ce que la compagnie Eastern Provincial Airways ne dessert pas Churchill, Wabush, Blanc-Sablon?

M. Poiré: Pas en 748.

M. Clair: Ah! c'est vrai! Ils exploitent des Boeing 737 subventionnés par le gouvernement du Canada. Vous avez raison.

M. Poiré: Également.

M. Bourbeau: M. le Président, nous tenons à remercier M. Poiré.

M. Clair: Sincèrement, M. le Président.

M. Bourbeau: Je voudrais dire au ministre que l'Opposition, dans les questions qu'elle a posées à M. Poiré, a été très responsable, contrairement à ce que vous venez de dire. Il aurait été très facile de commencer par demander à M. Poiré s'il est vrai que... et là, on aurait pu citer toute une série d'accidents mécaniques qui mettaient en cause la sécurité des avions. Nous avons évité de le faire. On aurait pu parler de roues qui se sont décrochées à l'atterrissage et d'autres choses comme celle-là ou pires encore. Je dirai que nous avons évité d'en parler complètement pour ne pas effrayer la population.

Quand le ministre parle de démagogie, qu'il se renseigne un peu et il va se rendre compte de ce que sont les problèmes de Regionair et des pilotes.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!

M. Clair: À la suite des derniers propos du député de Laporte, que la population juge maintenant. À ma connaissance, les lois et règlements du transport aérien font qu'il est de la responsabilité du capitaine de décider lorsqu'un avion est prêt à s'envoler, s'il doit prendre son envol ou pas. Je pense que M. Poiré a été assez clair dans ce sens, qu'il y avait eu fréquemment - je pense que c'est le moins qu'on puisse dire de son point de vue des bris mécaniques et des retards attribuables à la fiabilité du service mais qu'en aucun temps, en ce qui le concerne, la sécurité des passagers n'a été mise en cause. Du moins, c'est ce que j'ai retenu de ses

propos.

M. Bourbeau: Je comprends, M. le ministre, mais quand une roue se décroche à l'atterrissage le pilote ne peut quand même pas le savoir avant de partir.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaîtl S'il vous plaît!

M. Clair: Continuez de colporter tout ce que vous voudrez.

Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de la commission, je remercie M. Poiré pour sa participation à la commission. J'inviterais immédiatement le commandant... À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Berthier, s'il vous plaît! J'inviterais le commandant Robert Dufour, président du conseil no 17 de Quebecair, Association canadienne des pilotes de lignes, de bien vouloir prendre place à la table.

Encore une fois, je dois faire appel aux membres de la commission pour établir le temps qu'on voudra accorder, étant donné qu'il ne reste que cinq minutes avant l'ajournement. Est-ce que les membres de la commission sont d'accord pour prolonger la séance?

M. Clair: Pour quelques minutes, M. le Président.

M. Bourbeau: Est-ce qu'il serait possible de résumer un peu le mémoire?

Le Président (M. Boucher): M. le commandant, avez-vous l'intention de lire le mémoire au complet, puisque tous les membres de la commission en ont une copie, ou d'en faire plutôt un court résumé afin que des questions puissent être posées par la suite?

M. Robert Dufour

M. Dufour (Robert): Si vous me le permettez, avec tout le respect qui est dû aux membres de la commission, M. le Président, je crois que les autres personnes qui étaient ici présentes ont eu l'occasion d'exprimer leur point de vue de long en large. À titre de professionnels impliqués au premier chef dans ce dossier, je pense que la commission devrait nous accorder la même possibilité qu'aux autres représentants.

Le Président (M. Boucher): Allez-y avec la lecture de votre mémoire, M. le commandant.

M. Dufour: M. le Président, M. le ministre et MM. les députés, nous remercions les membres de cette commission de l'invitation qui nous fut faite de venir présenter ce mémoire.

Le développement et l'avenir de Quebecair, voilà le sujet à l'étude. Presque tous les autres invités de cette commission se sont surtout penchés sur le passé de Quebecair. C'est compréhensible. Il est coloré à souhait. C'est sans doute pour cela qu'il a été disséqué de fond en comble. Nous préférerions tourner résolument notre regard en avant et attaquer le problème vital de l'avenir de Quebecair, des personnes qui oeuvrent au sein de cette compagnie et ce, sans jamais oublier les besoins de la population que nous servons.

Pour ce faire, nous devons quand même faire un léger retour en arrière, plus particulièrement au moment de l'implication du gouvernement du Québec dans Quebecair, à la suite de l'offre d'achat que faisait Nordair pour acquérir Quebecair. Le gouvernement du Québec a décidé à ce moment que cette offre n'assurait pas suffisamment les intérêts de la collectivité québécoise. Qu'il ait eu tort ou raison, nous laisserons l'avenir et la population en décider. C'est là un débat strictement politique dans lequel nous n'avons pas l'intention de nous lancer.

Nous relevons, cependant, le fait suivant. Les actionnaires de Quebecair à l'époque, soit principalement M. Hamel et la Société d'investissement Desjardins, avaient accepté l'offre de Nordair. Le ministre des Transports fédéral, M. Pépin, y ayant mis la condition que le gouvernement du Québec et celui de l'Ontario approuvent l'avis de transaction, cette vente et la fusion qui devait s'ensuivre, avortèrent lorsque le gouvernement du Québec refusa son accord. Comme ce refus désavantageait financièrement les actionnaires de Quebecair, on a donc vu le gouvernement du Québec leur assurer tout au moins le même revenu que si la transaction Nordair-Quebecair avait effectivement eu lieu.

En toute équité, le gouvernement ne pouvait qu'assumer la responsabilité de son refus et se devait d'agir de la sorte envers les propriétaires. Il nous semble assez évident, en effet, que les objectifs de développement économique que le gouvernement s'était fixés dans ce dossier ne pouvaient s'obtenir aux dépens des propriétaires de Quebecair.

Nous tenons à signaler aux membres de cette commission que si cette transaction avait eu lieu, les pilotes de Quebecair que nous représentons ici aujourd'hui se seraient retrouvés intégrés au sein du groupe des pilotes de Nordair. Dans cette éventualité, le Code du travail ainsi que notre affiliation au sein de l'Association canadienne des pilotes de lignes (CALPA) nous auraient tout au moins assuré: Primo, le même degré de sécurité d'emploi que celui qui existe chez Nordair; secundo, le respect fondamental de

notre droit d'ancienneté - chose capitale pour un pilote de ligne quand on connaît un tant soit peu le système tout particulier d'avancement et de promotion qui régit sa carrière - tertio, les conditions de travail et des salaires qui prévalent chez Nordair et qui, soit dit en passant, sont, à bien des égards, de loin supérieurs à ceux que nous connaissons chez Quebecair.

Le gouvernement du Québec a clairement établi les règles du jeu dans ses transactions avec les actionnaires. Nous tenons à utiliser ce forum pour l'inviter à appliquer ces mêmes règles dans les transactions qui auront lieu avec les employés de Quebecair. Qu'on se rassure, nous n'avons pas l'intention de transformer cette commission en ronde de négociations pour les pilotes de Quebecair. Il nous semblait cependant important de soulever ce point et de dire, qu'en toute équité, vous n'avez pas le choix. Les intérêts immédiats des pilotes, pas plus que les intérêts des propriétaires de Quebecair, ne peuvent être les seuls sacrifiés à l'obtention des objectifs macro-économiques provinciaux, bénéfiques à toute la collectivité québécoise. Nous sommes prêts, nous désirons faire notre part, mais les règles du jeu doivent s'appliquer de la même façon pour tout le monde.

Cela dit, nous aimerions maintenant nous tourner vers l'avenir de Quebecair et vers la définition plus pragmatique de sa mission comme transporteur régional. Ce sujet n'a été effleuré qu'en surface au cours de cette audience. Pourtant, c'est pour nous et pour la population que nous desservons la partie la plus vitale de ce débat. Prenons pour acquis qu'il faut au Québec un système de transport aérien de premier ordre et qu'un tel système est un outil de développement économique essentiel au bien-être de sa population.

Techniquement, cela implique d'abord une infrastructure adéquate. Nous pensons en particulier aux aides à la navigation, aux services de contrôle aérien, aux installations aéroportuaires. Sans trop insister, notons simplement qu'à ce chapitre, l'infrastructure au Québec est singulièrement déficiente, sauf dans la région de Montréal, où l'on souffre d'un excédent de capacités aéroportuaires. Les aéroports en régions éloignées: Basse-Côte-Nord, Îles-de-la-Madeleine, Nord-Ouest québécois, sont particulièrement défavorisés. Les pistes sont souvent plutôt courtes, ce qui impose des limites à la capacité de charge marchande des avions qui les empruntent. Les aides à la navigation sont rudimentaires, ce qui impose des limites météo plus restrictives. L'entretien des pistes, en hiver, est souvent fait avec des moyens limités, ce qui peut constituer un réel danger pour les usagers. Le contrôle de la circulation aérienne est sommaire puisqu'une grande partie du territoire des régions éloignées se trouve dans l'espace aérien non contrôlé. La qualité de l'observation météorologique, sur laquelle nous devons nous baser pour des décisions capitales relatives à la sécurité des activités aériennes, laisse parfois à désirer.

N'allons surtout pas jusqu'à dire que les plafonds sont parfois rapportés de façon fantaisiste et souvent en fonction du désir de la population de voir atterrir un avion que de la réalité météorologique et j'en passe...

C'est dans cet environnement que doit travailler Quebecair. Une conclusion s'impose. On doit apporter d'importantes améliorations. D'abord parce que si Quebecair doit travailler de façon rentable, il faut réussir à éliminer l'incertain opérationnel imposé par la qualité de l'infrastructure. Ensuite, c'est à ce prix qu'on réussira à donner à la population un service à la hauteur de ses besoins. En termes très simples, on ne peut pas faire de la chirurgie plastique avec un canif rouillé en guise de scalpel. (0 h 30)

Nous venons de toucher à la rentabilité de Quebecair. C'est un sujet qui a fait la manchette depuis belle lurette.

Dans cette marmite, rentabilité, rationalisation, politique du transport aérien, relations fédérales-provinciales, tout bouillonne ensemble à tel point qu'il devient extrêmement difficile de déterminer à première vue les ingrédients qui constituent le plat principal et plus difficile encore d'en reconstituer la recette.

Ne revenons donc pas sur ce qui a déjà été amplement développé et par les médias et par d'autres que nous: Les sujets comme la politique du transport aérien et les relations fédérales-provinciales dans ce dossier. Disons simplement que la rationalisation du transport aérien dans l'Est du Canada est un besoin vital. Cette rationalisation a déjà été faite dans l'Ouest du pays avec un franc succès en fusionnant Pacific Western Airlines avec Transair pour en faire la Pacific Western qu'on connaît aujourd'hui. Quand on regarde la carte des dessertes aériennes dans l'Est du Canada, on ne peut en venir qu'à une conclusion: une telle rationalisation dans nos régions doit passer par une fusion Quebecair-Nordair. C'est la solution dictée par une logique inspirée exclusivement par la rentabilité et l'efficacité opérationnelle. Cette fusion ne saurait se réaliser dans un avenir immédiat si nous regardons l'évolution de ce dossier.

Il demeure que nous avons besoin d'une nette amélioration de la desserte aérienne de nos régions éloignées. Quelles sont les options?

Primo, laisser disparaître Quebecair et faire en sorte que Nordair prenne la responsabilité de ce service.

Dans un contexte de libre concurrence, en regardant froidement la fiche comptable, cette soi-disant solution serait peut-être

envisageable. Il se révèle cependant que la libre concurrence n'existe pas dans le domaine de l'aviation commerciale au Canada. C'est un domaine où le gouvernement fédéral tire toutes les ficelles et nous ne pouvons concevoir la logique qui lui permettrait de s'adonner à un gaspillage aussi insensé du capital humain de Quebecair. Le ministre des Transports du Québec a éliminé cette solution, a priori. Nous sommes heureux de constater qu'elle ne refait pas surface dans les discussions qui ont lieu avec Air Canada dans le cadre du dossier Quebecair.

La deuxième option consiste à assurer à Quebecair les outils pour lui permettre de survivre tout seul. Dans ce but, deux hypothèses de travail ont été retenues. D'abord, la restructuration financière et opérationnelle avec la participation d'Air Canada ou encore la nationalisation.

Ni l'une ni l'autre de ces hypothèses n'assurera à elle seule la rentabilité de Quebecair à long terme. Notre réseau est presque entièrement dépendant de deux activités économiques primaires: l'activité minière et le développement hydroélectrique. C'est une base économique trop restreinte pour rentabiliser notre compagnie. De plus, il nous semble évident que ces deux activités économiques ne seront pas appelées à connaître de croissance substantielle dans un avenir rapproché.

Il s'ensuit que Quebecair doit avoir accès à d'autres marchés centrés sur des activités économiques plus variées que celles décrites ci-dessus.

Dans cette optique, il serait normal que Quebecair puisse développer un accès protégé et sur horaire régulier avec la destination soleil naturelle de notre clientèle québécoise, la Floride. Il semble naturel que Quebecair puisse étendre son réseau au-delà de la frontière américaine en reliant des centres importants tels Boston, New York, Washington, Détroit avec son réseau intracanadien. Les revenus engendrés par ces activités potentiellement plus profitables que la desserte des régions éloignées pourraient permettre à Quebecair d'engendrer suffisamment de fonds pour lui permettre d'exploiter les services aériens aux régions éloignées à déficit au besoin tout en assurant la viabilité économique de la compagnie. Conjointement avec une telle implantation qui, à cause du besoin d'en arriver à une entente bilatérale Canada-États-Unis, peut prendre plusieurs années, il importe de développer au maximum, dans un premier temps, la clientèle sur le territoire actuel. Pour le faire efficacement, la structure même de Quebecair doit subir des changements. Le premier est en voie de réalisation. Il s'agit de l'intégration, au sein de Quebecair, de sa filiale Regionair. Idéalement, le deuxième serait de se diriger autant que faire se peut, vers une uniformisation totale de la flotte et de se porter acquéreur d'un type d'appareil qui pourrait desservir aussi bien Blanc-Sablon, Mingan, Sept-Îles, que Montréal-Toronto ou Montréal-Fort Lauderdale, de façon efficace et rentable, ce qui implique le choix d'un réacté.

Il y a quelques années à peine, il semblait utopique d'espérer trouver un appareil réacté capable d'effectuer des missions aussi variées. Il n'en est plus de même aujourd'hui, cet appareil existe bel et bien.

De peur d'être accusés de prôner une fuite effrénée en avant, nous nous bornerons à ces quelques considérations et nous dirons tout de suite que si elle nous paraît réalisable et désirable, cette restructuration de la flotte et du réseau doit résister à l'analyse comptable qui sera faite.

Résumer en ces quelques mots le dossier Quebecair, tenter de définir précisément en deux jours d'auditions les détails de l'avenir de Quebecair, voilà une gageure presque impossible à tenir, surtout que ce dossier a été empreint d'un sensationnalisme du plus mauvais goût, avec le résultat que les vraies solutions qui pouvaient émerger dans une atmosphère sereine ont du donner leur place à une analyse superficielle plus encline à augmenter le tirage des journaux qu'à informer impartialement le public sur le fond du problème.

Qu'on se rappelle simplement les sorties de certains journalistes sur l'accent aigu manquant, les allusions au Tricofil du ciel, et j'en passe. Nous relevons simplement ces incidents de parcours parce que nous croyons qu'il faut dire à la population du Québec qu'en ces temps-là, à notre humble avis, ce n'était pas Quebecair qui volait bas et que ces ragots ont profondément touché tous les employés de Quebecair dans ce qu'ils ont sans doute de plus cher, leur fierté professionnelle.

Aujourd'hui nous osons espérer que cette commission saura s'élever bien au-dessus d'un tel niveau et que de vos délibérations émergera un consensus non partisan qui sera le premier jalon du développement de cet outil économique essentiel au développement de toutes les régions de la province, qu'est Quebecair.

La mission de Quebecair définie par vous, devra ensuite être mise en application. Nous vous invitons à utiliser au maximum les compétences qu'on retrouve au sein de notre groupe non seulement dans le domaine du pilotage mais également dans le processus d'étude et dans le processus décisionnel.

Les pilotes de Quebecair, comme d'ailleurs ceux de toute autre ligne aérienne, ont le plus grand intérêt à voir leur compagnie établie sur des bases solides et

fonctionner de façon efficace et rentable.

Un mouvement sérieux dans le sens d'une concertation véritable s'est dessiné au sein de la direction de Quebecair depuis quelque temps et nous croyons qu'il a été salutaire. Ce mouvement doit absolument s'accentuer, c'est un gage essentiel au succès de l'exercice que nous allons entreprendre ensemble.

En conclusion, M. le Président, nous tenons à réitérer nos remerciements pour l'occasion qui nous fut donnée d'exprimer ici notre point de vue et à inviter tous nos représentants élus à s'élever au-dessus de considérations partisanes pour résoudre définitivement ce dossier, non seulement en gardant nos ailes mais en s'assurant qu'elles pourront se tailler la place qu'elles méritent dans le ciel canadien.

Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, commandant Dufour. M. le ministre.

M. Clair: Oui, merci, M. le Président. D'abord quelques mots pour remercier M. Dufour d'être venu nous communiquer son point de vue sur l'évolution et l'avenir de Quebecair.

Une chose qui contraste beaucoup, M. Dufour, concernant ce que nous avons entendu au cours de cette commission, par rapport à d'autres intervenants que vous avez eu vous-même, je crois, l'occasion d'entendre, c'est toute la question des infrastructures et des facilités d'opération pour le réseau Quebecair.

On a eu l'occasion, je pense que vous étiez là, d'entendre par exemple, M. Douville, président directeur général de Nordair, qui nous disait que, quant à lui, Nordair opérait également dans des conditions très difficiles et que cela n'était pas seulement le lot de Quebecair mais le lot de tous les transporteurs régionaux et en tout cas de Nordair en particulier qui devait, par exemple, atterrir avec des Boeing 737 sur des pistes gravelées dans le Grand Nord canadien, sur la terre de Baffin et à Resolute également. Est-ce que vous partagez ce point de vue ou si, après analyse, vous en êtes venu à la conclusion que Quebecair était l'entreprise de transport aérien régional au Canada qui fonctionnait, en termes d'infrastructures, d'équipements au sol et d'aide à la navigation, dans les conditions les plus difficiles?

M. Dufour: Effectivement, M. le ministre, on peut définir la météo dans le golfe du Saint-Laurent en très peu de mots. C'est la poubelle météorologique de l'Amérique du Nord.

M. Clair: La plus...

M. Dufour: C'est la poubelle météorologique de l'Amérique du Nord. C'est là que se ramassent tous les systèmes de basse pression, ce qui nous cause des problèmes.

M. Clair: En termes comparatifs, par rapport à d'autres transporteurs?

M. Dufour: Dans le Grand-Nord, j'ai eu l'occasion de travailler pour Nordair. Il y a toujours un avantage à travailler sur un réseau un peu plus élargi. Parfois les aéroports de dégagement sont loin, en considérant le besoin d'amener le plus rapidement nos passagers d'un endroit à un autre et de ne pas trop les déplacer en dehors de notre réseau régulier. Pour Nordair, il est plus facile, je crois, de trouver des aéroports de dégagement qui sortent d'un système météorologique désavantageux. Quand nous allons à Sept-Îles, par exemple, avec départ de Montréal, et qu'il y a une zone de basse pression au-dessus du golfe Saint-Laurent qui ferme l'aéroport de Sept-Îles, bien souvent, il arrive que ce soit fermé jusqu'à Toronto, mais on préférerait essayer d'amener nos passagers à un autre de nos points plus près au lieu de faire un vol de diversion de Moncton ou au-dessus d'Halifax. Alors, nous n'avons pas tellement de choix opérationnel et nous devons fonctionner d'une façon -pour utiliser un terme anglais - très "tight", très serrée.

M. Clair: À la page 9 de votre présentation, vous indiquez qu'il serait avantageux de faire un choix de réactés qui pourraient desservir aussi bien Blanc-Sablon-Mingan-Sept-Îles que Montréal-Toronto ou Montréal-Fort Lauderdale, de façon efficace et rentable. À première vue, cela surprend d'envisager cette possibilité. Aviez-vous en tête un scénario plus précis ou si c'est simplement ce qui vous apparaît souhaitable?

M. Dufour: Non, cela me semble, à mon avis, non seulement souhaitable, mais entièrement possible. D'abord, c'est souhaitable au premier chapitre. Vous avez parlé, à cette commission parlementaire, à plusieurs occasions, de la formation des pilotes. Or, c'est un facteur qui coûte assez cher à une compagnie et, si on réussit à fonctionner avec un seul type d'appareil ou avec deux types au lieu de trois ou quatre types d'appareil différents, on peut effectuer des économies assez substantielles à ce chapitre.

Deuxièmement, cela s'inscrit naturellement dans un scénario qui demanderait, dans les zones à faible densité de population, un transport de fret aérien dans une version mixte et une amélioration aux infrastructures, bien que cette

amélioration ne serait peut-être pas aussi substantielle qu'on pourrait le présupposer quand on pense à des 737 et à ce genre d'appareil. Il y a des appareils qui sont adaptés à ce genre de mission, qui peuvent atterrir et décoller sur des pistes plus ou moins préparées et qui ont été étudiés pour des territoires qui sont exploitables maintenant, avec des turbopropulsés de type HS 748. Ces appareils existent actuellement.

M. Clair: Le type d'appareil auquel vous faisiez allusion, c'était des Boeing 737.

M. Dufour: Non, ce n'était pas des Boeing 737. Cela peut vous surprendre un peu. Les Boeing 737 pourraient le faire, mais - c'est une opinion strictement personnelle -je les trouve un peu gros et ils demandent une infrastructure de chargement et de déchargement des appareils assez volumineuse et coûteuse. Je penserais plutôt que les appareils qui conviendraient seraient du type F 28, qui sont des réactés, mais plus petits. Un autre choix qu'on pourrait peut-être considérer, ce serait le BAE 146, qui est un appareil réacté qui transporte environ 80 passagers et qui, dans sa version mixte, peut transporter l'équivalent du poids de 80 passagers.

M. Clair: Je vous remercie. C'est parce que j'avais cru comprendre qu'il s'agissait de Boeing 737. Vous aviez mentionné le chiffre 737 et j'avais cru qu'il s'agissait de cela. (0 h 45)

Par ailleurs, vous proposez de développer un accès protégé et sur horaire régulier, destination soleil, vers la Floride. Un reproche qui a été fait à Quebecair a été d'avoir développé préférablement, disent certains, des services de vols nolisés vers la Floride plutôt que de s'occuper prioritairement de son réseau. Est-ce qu'on ne pourrait pas vous reprocher, sur cette question, d'être justement, vous autres aussi, les pilotes, plus intéressés à voler dans des Boeing 737 vers le sud des États-Unis que d'offrir un service aérien régional dans des conditions plus difficiles?

Dans le fond, ma question se résumerait comme suit: Est-ce que ce ne serait pas purement et simplement un rêve que vous partagez de penser rentabiliser les vols nolisés vers le Sud, sans avoir de garantie que ce soit viable?

M. Dufour: J'ai parlé d'opération protégée; dans mon esprit, c'était une opération cédulée, sur cédule classe 1, ce qui, à mon avis, permet d'abord une rentabilité accrue sur ce que pourrait être une opération de nolisement. Est-ce un rêve? Je suppose que nous avons tous nos rêves. Non. Je crois fermement que nous ne pouvons pas simplement donner un service de première classe sur un territoire que vous avez décrit comme étant étriqué et restreint si nous n'avons pas accès à des marchés basés sur autre chose que ces deux activités économiques principales: l'activité minière et l'activité hydroélectrique.

Le marché vers Fort Lauderdale nous donnerait un accès au marché touristique d'une façon régulière. C'est un marché touristique traditionnel de notre clientèle. On peut alors espérer y trouver faveur dans un avenir assez rapproché, enfin, rapproché, selon encore les accords bilatéraux qui peuvent se faire, ce qui est quand même aléatoire dans ce sens.

M. Clair: Savez-vous si l'entreprise pour laquelle vous travaillez a déjà fait des démarches dans le sens d'obtenir des vols de classe I vers Fort Lauderdale?

M. Dufour: Je ne suis pas certain, mais je crois effectivement que oui.

M. Clair: Une dernière question. Vous signalez, à la page 3 de votre mémoire, que si la transaction avait eu lieu, soit la fusion Quebecair-Nordair, les pilotes de Quebecair, que vous représentez ici aujourd'hui, se seraient trouvés intégrés au sein du groupe de pilotes de Nordair. Dans cette éventualité, le Code du travail et l'affiliation au sein de la CALPA vous auraient assurés le même degré de sécurité d'emploi, le respect de l'ancienneté, les conditions de travail et les salaires qui prévalaient chez Nordair.

Ma question est la suivante: Est-ce que cette affirmation est basée sur un scénario de fusion précise ou si c'était applicable dans le cas d'un scénario de demi-fusion, comme M. Lizotte en parlait plus tôt ce matin?

M. Dufour: Je peux vous dire que pour nous, les pilotes - c'est une question de politique de notre association, je suppose - il n'existe pas une telle chose qu'une demi-fusion et il n'existe pas une telle chose qu'une filiale indépendante. Quand les décisions opérationnelles et financières qui affectent un groupe de pilotes sont prises essentiellement par un employeur unique, nous considérons qu'il doit y avoir une intégration de liste d'ancienneté et une convention de travail unique. C'est dans ce sens-là. Pour répondre plus précisément à votre question, ceci serait plus facilement accessible dans une fusion complète et totale, déclarée de plein gré par les propriétaires se fusionnant, mais cela n'empêcherait pas que dans le cas d'une demi-fusion de notre association, cette intégration des deux listes d'ancienneté se serait réalisée éventuellement.

M. Clair: Est-ce que, selon ces mêmes principes, l'intégration des pilotes de Nordair aurait dû se faire après la prise de contrôle de Nordair par Air Canada?

M. Dufour: Effectivement. Dans le moment, il y a des négociations qui sont en cours entre les deux groupes de pilotes pour déterminer le positionnement exact des pilotes de Nordair sur la liste d'ancienneté des pilotes d'Air Canada.

M. Clair: Si je comprends bien, Nordair a été acquise par Air Canada au début de 1978; cela fait cinq ans que cette question se négocie.

M. Dufour: Elle a été laissée en suspens tant et aussi longtemps que le ministre des Transports fédéral déclarait que Nordair retournerait à l'entreprise privée. Les discussions plus précises sur le positionnement n'ont réellement commencé que lorsque le ministre des Transports fédéral a fait la déclaration disant que Nordair ne retournerait plus à l'entreprise privée et resterait sous le contrôle d'Air Canada.

M. Clair: Maintenant, compte tenu que la proposition de juillet 1981 prévoyait qu'éventuellement Quebecair et Nordair, fusionnées à demi ou aux trois quarts, selon l'hypothèse de M. Lizotte, auraient été retournées à des intérêts privés, est-ce qu'il est logique, à votre point de vue, de conclure que l'objection aurait été la même, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas intégration des listes avec celles d'Air Canada?

M. Dufour: Oui, effectivement, c'était la position des pilotes d'Air Canada qui avaient d'abord une entente contractuelle avec leur compagnie quant à l'obligation d'intégrer les listes lorsqu'il serait décidé que Nordair resterait avec Air Canada, mais si cela s'avérait ne pas être le cas, l'intégration entre les deux n'aurait pas eu lieu.

M. Clair: Maintenant, j'ai une dernière question sur ce point: dans une hypothèse de demi-fusion, c'est-à-dire le maintien, comme l'expliquait M. Lizotte, d'une entité Quebecair comme filiale d'une compagnie de gestion, Air Central ou une autre entreprise, est-ce que, dans ces circonstances, les pilotes de Quebecair avaient quelque garantie que ce soit que les listes seraient intégrées?

M. Dufour: Des garanties qui leur auraient été servies par les propriétaires?

M. Clair: Oui, de Nordair.

M. Dufour: Non. La seule garantie qu'il y avait, c'était la politique existante de l'Association canadienne des pilotes de ligne.

M. Clair: Alors, quand je lis votre intervention dans laquelle vous affirmez que les pilotes de Quebecair que vous représentez se seraient trouvés intégrés au sein du groupe de pilotes de Nordair et que vous auriez obtenu le même degré de sécurité d'emploi, de respect fondamental de leur droit d'ancienneté, de conditions de travail et de salaire qui prévalent chez Nordair, est-ce qu'au fond, M. Dufour, toutes ces questions étaient réglées en juillet 1981 ou si elles étaient toujours en suspens?

M. Dufour: Nous et les pilotes de Nordair sommes dans la même...

M. Clair: Oui, j'ai compris cela.

M. Dufour: ...association et la politique devait s'appliquer. Les détails de cette intégration n'étaient pas réglés, nous n'en avions même pas discuté, sauf pour savoir qu'effectivement la politique de notre association s'appliquerait immédiatement.

M. Clair: À votre connaissance, est-ce que les pilotes d'Air Canada appartiennent au même syndicat que ceux de Nordair?

M. Dufour: Oui.

M. Clair: Et c'est les mêmes que chez Quebecair? Alors, ma question est simplement la suivante: puisque l'intégration des pilotes de Nordair ne s'est pas faite avec ceux d'Air Canada, de 1978 à 1983, sous prétexte d'une revente éventuelle à des intérêts privés, est-ce qu'en ce qui vous concerne, vous et vos autres collègues pilotes de chez Quebecair, vous n'auriez pas fait face aux mêmes positions en ce qui concerne l'intégration des pilotes de Quebecair chez Nordair vers Air Canada?

M. Dufour: On peut faire des hypothèses à n'en plus finir dans ce dossier. Notre opinion est que nous ne croyons pas, nous croyons au contraire que l'intégration se serait faite assez rapidement parce qu'il n'était pas question, dans le cas de la vente de Quebecair à Nordair ou vice versa, de voir ces deux compagnies se reséparer après. C'est ce fait qui avait retardé l'application de l'entente contractuelle qui avait eu lieu entre les pilotes d'Air Canada et leur compagnie au sujet de l'intégration de Nordair. C'était la possibilité de voir encore, au bout d'un nombre d'années ou d'un certain temps, ces deux compagnies se séparer de nouveau.

M. Clair: À votre connaissance, est-ce qu'il était question de fusionner réellement

Quebecair et Nordair? Est-ce que, comme M. Lizotte l'a expliqué plus tôt aujourd'hui, il n'était pas plutôt question de maintenir deux entités séparées: Quebecair et Nordair?

M. Dufour: Notre politique est la suivante: du moment que les décisions opérationnelles et financières sont prises par le même groupe, le même propriétaire, il doit y avoir intégration de la liste d'ancienneté. Qu'effectivement, il y ait une divergence quant à l'identité corporative, cela n'a pas d'importance en soi, c'est au niveau de la décision opérationnelle et financière. S'il y a une possibilité pour un propriétaire, à toutes fins utiles, unique de décider qu'aujourd'hui il donne telle partie du travail a telle compagnie et, demain, il donnera telle autre partie du travail à cette autre compagnie, faisant cet échange un peu au mélange d'un jeu de cartes, comme il le veut, selon les besoins du marché, à partir de ce moment, notre association insiste pour que la liste d'ancienneté et les contrats soient intégrés.

M. Clair: Je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): M. Dufour, pour l'intérêt des membres de la commission et du journal des Débats, pourriez-vous identifier ceux qui vous accompagnent?

M. Dufour: Je m'excuse. Je vous présente, à ma droite, le premier officier Jacques Moreau et, à ma gauche, le premier officier Robert Tremblay qui sont deux membres de l'exécutif du conseil exécutif no 17, c'est-à-dire des pilotes de Quebecair de...

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Bonjour M. Dufour et messieurs les pilotes de Quebecair. Permettez-moi d'abord de vous saluer et de reconnaître en vous ceux qu'un de nos invités précédents, M. Robert Obadia, reconnaissait comme étant parmi les meilleurs pilotes au Canada, les pilotes de Quebecair. Je ne sais pas si vous étiez ici quand cette affirmation a été faite?

M. Dufour: Oui, nous étions ici, M. le député, et je dois vous avouer que notre humilité en a pris pour son rhume.

M. Bourbeau: Pendant que les fleurs passent, profitez-en, cela n'arrive pas toujours, évidemment. Si je comprends bien, M. Dufour, en juillet 1981, quand une offre a été faite d'acheter les actions de Quebecair par Nordair, votre groupe ne ressentait pas trop de problèmes face à une fusion éventuelle avec le groupe des pilotes de Nordair en ce qui concernait votre sécurité d'emploi et les conditions de travail. Vous ne sembliez pas traumatisés par l'éventualité d'avoir à travailler avec ces gens.

M. Dufour: Traumatisés d'avoir à travailler avec eux, non. Plusieurs de nos pilotes, dont moi-même, ont déjà travaillé pour Nordair. Je l'ai fait au début de ma carrière, je suis venu après à Quebecair. Les seuls problèmes que nous pouvions entrevoir étaient les problèmes peut-être précis de positionnement sur la liste d'ancienneté. Nous constatons quand même qu'à ce moment, dans les déclarations publiques faites par les politiciens, plus particulièrement par le ministre fédéral des Transports, il avait été très fortement mis de l'avant qu'une fusion Quebecair-Nordair ou une rationalisation du transport aérien - pour citer les termes du ministre des Transports - ne se ferait pas sur le dos des employés de Nordair. Nous devons constater avec regret qu'à ce moment, le ministre des Transports fédéral n'avait pas cru bon d'émettre ces mêmes restrictions quant au sort des employés de Quebecair. Mais, au sein de notre propre association, nous croyons quand même avoir des outils assez sérieux pour nous permettre de protéger nos intérêts dans ce genre de fusion.

M. Bourbeau: Dans votre document, vous dites que le Code du travail ainsi que votre affiliation à la CALPA prévoyaient et prévoient une procédure d'intégration dans la liste d'ancienneté qui vous aurait assurés d'un degré de sécurité d'emploi identique à celui des pilotes de Nordair.

M. Dufour: Le seul problème que nous aurions...

M. Bourbeau: Respect de vos droits d'ancienneté - je termine - et des conditions de travail équivalentes. Vous mentionniez que leurs salaires sont légèrement supérieurs aux vôtres.

M. Dufour: Effectivement. La méthode qui aurait pu nous causer des problèmes dans cette transaction aurait été si Nordair avait fait l'acquisition des actifs de Quebecair, tout simplement, et non pas de la compagnie Quebecair. À ce moment là, nous aurions probablement eu des problèmes dans ce cas-là. Mais nous n'étions pas certain, que ce n'était pas le cas. Nous avons eu pendant fort longtemps des restrictions assez sérieuses là-dessus, mais dans les quelques derniers jours, nous avons eu des discussions, notamment, une discussion avec M. Bernier de la SID, qui nous avait assurés en particulier que ce scénario, et c'était d'ailleurs écrit dans la commission, ce n'était pas le scénario qui était contemplé.

M. Bourbeau: Dans le document que vous nous avez remis, vous faites état de la possibilité d'augmenter la rentabilité de Quebecair en faisant une sorte d'expansion hors du territoire de base de Quebecair. Vous parlez d'avoir un service avec accès protégé. Je pense que c'est un service régulier, un horaire régulier à destination de la Floride ainsi que vers d'autres centres, comme Boston, New York, Washington, Détroit, etc. En écrivant cela, votre groupe a-t-il fait des études de rentabilité pour le démontrer? Vous affirmez que les revenus de ces services, qui sont potentiellement plus profitables que la desserte des régions éloignées du réseau de Quebecair, pourraient permettre à Quebecair d'engendrer des fonds pour vous permettre de fonctionner moins rentablement ailleurs. Avez-vous des études qui ont été faites? Je pose la question parce qu'il y a des témoins avant vous qui ont affirmé le contraire, à savoir que l'expansion hors réseau serait plutôt déficitaire que rentable.

M. Dufour: Pour répondre à votre question, non. Je n'ai pas eu les outils pour faire des études spécifiques de marché sur ces points. Le point de vue exprimé se base tout simplement sur quelque chose qui est assez facilement vérifiable: la densité démographique, qui est appelée à desservir le bassin de population, dont on parle là-dedans, serait d'environ 50 000 000 à 60 000 000 de personnes dans ces villes. Quand on pense aux populations que nous desservons au Québec, 30 000 à 50 000 personnes dans la ville de Sept-Îles, par exemple, on peut déduire assez facilement que les avions qui volent entre Montréal et New York, ont plus de chance de voler à pleine charge que lorsqu'ils volent entre Montréal et Sept-Îles. Du moins, si on fait trois voyages par jour, on a plus de chance d'avoir trois voyages pleins, que si on fait trois voyages par jour entre Montréal et Sept-Îles.

M. Bourbeau: Je comprends, mais il faut dire d'abord que lorsqu'on parle des villes des États-Unis, comme celles que vous mentionnez, on parle de villes qui sont déjà fortement desservies par un très grand nombre de compagnies aériennes américaines. D'autre part, c'est dans un climat de total déréglementation aux États-Unis. Autrement dit, contrairement au Canada où la Commission canadienne des transports protège les transporteurs...

M. Dufour: C'est exact.

M. Bourbeau: ...leurs réseaux, leurs tarifs, aux États-Unis, c'est la jungle complète; il n'y a aucune réglementation. Chacun peut charger ce qu'il veut, chacun peut aller où il veut. À ce moment-là, les observateurs et les experts le disent que ce sont les plus faibles qui en souffrent le plus. Quand vous nous dites que vous pensez qu'on pourrait voler vers ces régions, il faut aussi dire que le trafic entre le Canada et ces villes n'est pas le même que le trafic entre ces villes seulement. Vous ne pourriez pas faire un trafic entre New York et Boston...

M. Dufour: C'est exact.

M. Bourbeau: ...New York et Détroit. Il faudrait que ce soit entre une ville du Québec...

M. Dufour: C'est cela.

M. Bourbeau: ...et ces villes. Je me pose de sérieuses questions, non pas sur le marketing, mais sur la rentabilité, sur le coût profit de ces vols.

M. Dufour: Les vols transfrontaliers ne sont pas complètement déréglementés. Remarquez que le tarif des vols transfrontaliers est protégé par la Commission canadienne des transports. Nous ne fonctionnerions pas complètement dans cette jungle américaine qu'on connaît. On aurait un degré de protection. Mais c'est vrai, comme je l'ai dit plus loin dans le mémoire, que les suggestions que nous faisons doivent naturellement résister à l'analyse comptable et à l'analyse des marchés qui devront être faites par des personnes qui sont plus compétentes que nous dans ce domaine.

M. Bourbeau: Ce que je retiens de votre suggestion, c'est que vous aimeriez bien voler le plus possible et que Quebecair ait des vols réactés le plus loin possible, de façon à permettre à la compagnie et aux pilotes d'être employés. Mais vous ne pouvez pas prouver que ces vols seraient rentables pour la société, enfin, pas pour l'instant.

M. Dufour: Seul l'avenir le dira.

M. Bourbeau: D'accord. Étant donné que nous avons convenu de limiter au minimum le temps, il est déjà 1 h 05 du matin, il me reste à vous remercier de votre contribution et vous féliciter encore pour la cote que vous avez auprès des experts qui sont venus ici et à vous souhaiter de pouvoir continuer à voler en toute sécurité comme vous le faites, semble-t-il, pour le plus grand profit des Québécois et de ceux qui utilisent les services de Quebecair. Merci.

Le Président (M. Boucher): Alors...

M. Clair: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le

ministre.

M. Clair: Seulement quelques mots, parce qu'il ne me reste plus beaucoup de voix. Je voudrais joindre ma voix à celle du député de Laporte et remercier M. Dufour et les gens qui l'accompagnent d'être venus en commission parlementaire nous donner le point de vue des pilotes de Quebecair en ce qui concerne l'évolution et l'avenir de Quebecair. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Au nom des membres de la commission, commandant Dufour et ceux qui vous accompagnent, merci pour votre participation.

M. Dufour: Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Est-ce que la commission est prête à ajourner ses travaux sine die? La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 1 h 07)

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