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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 8 avril 1998 - Vol. 35 N° 19

Consultations particulières sur le projet de loi n° 416 - Loi modifiant la Loi sur les transports et la Loi sur le transport par taxi


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Table des matières

Remarques préliminaires

Auditions


Autres intervenants
M. Claude Lachance, président
M. Michel Bissonnet, président suppléant
M. Michel Rivard
M. Réal Gauvin
M. Serge Deslières
M. Rémy Désilets
*M. Claude Pigeon, ACQ
*M. Yvan Grenier, Association des propriétaires de machinerie lourde du Québec inc.
*M. Richard Garneau, idem
*M. Fernand Boilard, idem
*M. Claude Létourneau, ACRGTQ
*M. René Brassard, idem
*Mme Gisèle Bourque, idem
*M. Gaétan Bégin, AQEEA
*M. Jean-Pierre Garand, ANCAI
*M. Pierre Beaudet, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Lachance): Je déclare la séance ouverte. Alors, la commission des transports et de l'environnement a le mandat de procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 416, Loi modifiant la Loi sur les transports et la Loi sur le transport par taxi. Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui. M. Brodeur (Shefford) est remplacé par M. Gauvin (Montmagny-L'Islet).

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, voici, pour le bénéfice de tout le monde, les règles du jeu. D'abord, il y aura des remarques préliminaires du ministre des Transports et de chacun des deux groupes parlementaires, pour une durée de 15 minutes pour chaque groupe, y compris pour le ministre, j'imagine.

Par la suite, je vous fais lecture de l'horaire prévu pour la journée: d'abord, l'Association du camionnage du Québec – chaque groupe aura 15 minutes d'exposé et, par la suite, il y aura un trente minutes partagé également entre les deux groupes parlementaires, pour un total de 45 minutes par groupe que nous allons entendre; vers 10 h 45, l'Association des propriétaires de machinerie lourde du Québec; à 11 h 30, l'Association des constructeurs de routes et de grands travaux du Québec; et puis il y aura suspension de nos travaux vers 12 h 15; et, cet après-midi, après la période des affaires courantes, l'Association québécoise des entrepreneurs en égouts et aqueducs, vers 15 heures; vers 15 h 45, l'Association nationale des camionneurs artisans inc., c'est le dernier groupe que nous allons entendre; et, finalement, l'ajournement de nos travaux.

Est-ce qu'il y a des questions sur le déroulement de nos travaux pour la journée? Ça va? Merci. Alors, M. le ministre, pour vos remarques préliminaires.


Remarques préliminaires


M. Jacques Brassard

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Oui, bien, M. le Président, je serai très bref. Je ferai le tour de la question au moment de l'adoption du principe du projet de loi. Ce que je voudrais, d'entrée de jeu, indiquer, c'est que, si on se retrouve aujourd'hui en commission parlementaire et si j'ai été dans l'obligation – je pense, c'est comme ça qu'on doit voir les choses – de déposer un projet de loi à l'Assemblée nationale d'urgence, je pense, pourrait-on dire, c'est parce qu'il s'est passé un certain nombre de choses devant les tribunaux, au coeur du système judiciaire.

Ça concerne évidemment la tarification des transports, particulièrement du transport en vrac, déterminée, comme on le sait, par la Commission des transports. Cette procédure, cette façon de faire a été contestée devant les tribunaux. Il y a eu évidemment, comme ça arrive dans ces cas-là, un long cheminement judiciaire. Les pouvoirs de la Commission ont été reconnus devant deux cours de justice: la Cour du Québec d'abord, la Cour supérieure ensuite. Mais ces deux décisions ont été renversées par la Cour d'appel, et la Cour suprême du Canada a refusé de nous entendre. Nous avons voulu interjeter appel devant la Cour suprême à la suite de la décision de la Cour d'appel, et ça ne nous a pas été autorisé, ce qui a mis fin évidemment aux procédures, avec une décision des tribunaux qui ne reconnaissait pas le pouvoir de la Commission des transports de déterminer des tarifs en matière de transports, particulièrement en matière de transport en vrac, mais aussi éventuellement le transport par taxi.

Alors donc, la situation était la suivante: ou nous laissions les choses telles qu'elles étaient ou telles qu'elles se présentaient suite à la décision de la Cour suprême, des tribunaux, et alors, évidemment, il n'était plus question de tarification, c'était terminé, c'était carrément entrer de plain-pied dans l'univers de la déréglementation en matière de tarifs, ou alors on faisait intervenir l'Assemblée nationale par une loi pour établir de façon très précise, sans équivoque, les pouvoirs de la Commission des transports de fixer des tarifs. C'est cette voie-là que nous avons choisie, sachant, par ailleurs, que ça ne ferait pas, sans doute, l'unanimité, puisque je savais très bien qu'il y avait des organismes dans le monde de la construction et dans le monde du transport qui sont des partisans avoués et affichés de la déréglementation dans le domaine du transport.

Donc, je connaissais bien les points de vue, mais, tout pesé, il m'est apparu que la position la plus sage consistait à intervenir de façon législative. Alors, c'est le but du projet de loi n° 416. J'irai plus loin au moment de l'adoption du principe, j'en dirai davantage, mais, essentiellement, parce que surtout le monde du transport en vrac n'est pas prêt à se retrouver tout d'un coup, comme ça, à la suite d'une décision d'un tribunal, dans un monde complètement déréglementé, il faut un certain temps pour que l'on puisse ensemble, de façon concertée, opérer une transition harmonieuse vers ce monde-là, particulièrement dans le transport du vrac.

(9 h 40)

C'est d'ailleurs pour cette raison que je vous rappellerai que nous avons réclamé, revendiqué et obtenu de la part du gouvernement fédéral qu'il reporte à l'an 2000 l'application de la loi 19 sur les transports, mise en vigueur qui aurait eu un effet aussi de déréglementation dans le monde du transport du vrac. Alors, il nous faut du temps. Il nous faut du temps, et le gouvernement fédéral l'a reconnu à la demande de plusieurs provinces, dont la Colombie-Britannique en particulier. Il a accepté de reporter à l'an 2000 la mise en vigueur de cette loi fédérale.

Alors donc, à partir de ce moment-là, à partir du moment où on a obtenu satisfaction à l'égard de notre revendication auprès du gouvernement fédéral, il ne faut pas, en plus, que l'on accepte que la Commission des transports se retrouve démunie, sans pouvoirs pour déterminer, fixer des tarifs dans le transport du vrac. À ce moment-là, c'est accepter qu'apparaisse un monde de la déréglementation qu'on n'a pas voulu voir apparaître tout de suite en revendiquant auprès du gouvernement fédéral le report à l'an 2000 de la mise en vigueur de la loi 19.

Alors, vous voyez qu'il y avait une logique là-dedans, une logique évidente. Il nous faut du temps pour qu'on puisse se concerter ensemble et, pour ce faire, il faut que l'ensemble de l'armature réglementaire soit maintenu. Dans cette armature réglementaire, il y a évidemment le pouvoir de la Commission de déterminer des tarifs de transport. Alors, si cette pièce essentielle de l'armature réglementaire disparaît, saute ou qu'on accepte la décision des tribunaux, bien, là c'est clair que ça va créer des turbulences, c'est le moins qu'on puisse dire, dans ce monde, et on ne pourra pas vraiment cheminer de façon harmonieuse vers l'an 2000.

Alors, voilà essentiellement, M. le Président, ce qui nous a motivés en présentant ce projet de loi d'urgence. Maintenant, on a demandé, l'opposition, en particulier, a demandé que, même s'il y a urgence dans l'adoption du projet de loi, on puisse entendre des groupes concernés, ce qui m'apparaissait être une demande tout à fait légitime, que les points de vue puissent s'exprimer, et c'est pour ça d'ailleurs que nous sommes maintenant aujourd'hui en commission parlementaire avec un certain nombre de groupes invités. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au député de Pontiac et porte-parole de l'opposition officielle en matière de transport. M. le député.


M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Une chose, l'urgence. C'est le 17 juillet, en réalité, que la Cour d'appel a rendu sa décision. Non, la Cour suprême, qu'est-ce qu'elle a fait? Elle n'a pas rendu de décision; elle a refusé de... Ça arrive dans 80 % des cas. Donc, ça donne un peu l'impression que le ministre voulait que la Cour suprême prenne une décision que, lui, il hésitait à prendre. Donc, aujourd'hui, là, maintenant, il est pris avec le bébé. Il doit prendre une décision.

S'il y avait urgence, pourquoi est-ce qu'on a attendu à aujourd'hui pour procéder avec un projet de loi? Il y a tous les partenaires qui sont impliqués dans ce domaine-là. Est-ce que ces gens-là ont été consultés? Est-ce qu'on a échangé avec eux depuis le 17 juillet dernier? Est-ce qu'on les a rencontrés? Est-ce qu'on leur a dit: Est-ce qu'il y a un moyen de s'entendre? Y «a-tu» quelque chose? Parce que, en réalité, ce qu'on dit, c'est que, dans la loi, dans les règlements, il n'y a pas de norme établie. C'est tout ce qu'on dit: Établissez une norme et, à ce moment-là, les tarifs seront acceptables.

Donc, c'est ça, la situation. Et je pense que là on peut voir que, depuis 1994, à deux reprises, je pense, des gens qui sont impliqués dans le transport, que ce soient les entrepreneurs ou les camionneurs artisans, ont réussi à s'entendre, à établir eux-mêmes ensemble des tarifs. Donc, il me semble qu'un des premiers pas qu'on aurait pu faire, c'est de communiquer avec ces gens-là et aussi, s'il y avait urgence, d'en glisser un mot à l'opposition pour voir si ensemble on ne pouvait pas trouver un terrain d'entente, quelque chose de juste pour tout le monde concerné.

Je ne sais pas si la raison pour laquelle le ministre veut garder tous ses secrets pour la prise... au moment du principe, mais est-ce que le ministre va être capable de nous confirmer ce qu'on entend dire, que c'est... Les taux établis coûtent 40 000 000 $ de plus à la société québécoise pour ces travaux-là. Est-ce vrai? Oui ou non? C'est quoi, le vrai quantum? Et, si c'est le cas, le ministre, est-ce que c'est ça qu'il a l'intention de faire, de demander aussi à ces gens-là de faire leur part, comme le premier ministre a dit que tous les Québécois devront faire leur part dans l'atteinte du déficit zéro? Est-ce que c'est pour ça que le ministre veut attendre au moment du principe du projet de loi?

Mais, M. le Président, on est ici surtout aujourd'hui pour entendre et écouter les suggestions, pour tenter de trouver une solution équitable, équitable pour les camionneurs artisans comme pour les entrepreneurs qui exécutent des travaux sous certaines conditions.

Donc, de quelle façon peut-on arriver à trouver un modus vivendi équitable dans le contexte de ce qui se vit au Québec? Lorsqu'on voit les coupures qui se font dans la santé, les coupures qui se font dans l'éducation, est-ce que l'État ne doit pas regarder, dire: Est-ce qu'il y a d'autres moyens pour qu'on puisse atteindre cet objectif? C'est un objectif très louable, mais, si c'est vrai que, comme l'a dit le premier ministre, tout le monde devrait mettre l'épaule à la roue, tout le monde devrait faire sa quote-part, est-ce que c'est ça que le ministre a l'intention de faire?

Donc, M. le Président, je pense que... Et la raison pour laquelle l'opposition a insisté pour avoir des audiences particulières, c'est certainement pour avoir le point de vue des gens impliqués. On peut bien s'asseoir ici, nous autres, comme législateurs, puis dire: Oui, c'est ça, c'est ça, mais il semble que de permettre aux gens qui vivent sur ces chantiers à l'année longue et qui doivent, eux autres aussi, rencontrer des exigences, leur donner l'occasion de nous faire part de leurs appréhensions, je pense que c'est tout à fait la meilleure façon de procéder.

Pourquoi rétroactif? Est-ce que c'est rétroactif pour maintenir les taux ou c'est rétroactif pour empêcher que les gens qui ont payé une amende puissent réclamer et dire: Regardez, on m'a fait payer une amende, et la loi n'est pas bonne, j'ai été traité de façon injuste? Est-ce que c'est pour éviter que les gens réclament? Et c'est quoi, les montants? C'est quoi, les montants de ces amendes-là? On dit qu'on veut corriger une injustice, mais il faudrait faire attention qu'en corrigeant une injustice on n'en crée pas une autre, aussi. Ça, je pense que c'est quelque chose qu'il faudrait regarder.

Et peut-être que c'est le temps aussi... C'est qu'il y a un rapport qui a été soumis par les collègues du ministre, le rapport Facal, qui proposait de supprimer la Commission des transports du Québec. Qu'arrive-t-il de cette recommandation?

Il y a une chose qu'il ne faut pas oublier, hein, c'est que, oui, la loi C-19, c'est remis à l'an 2000, mais c'est à peine... On est le quatrième mois, là. Il reste 20 mois. Dans 20 mois, on va être rendu à l'an 2000 et, à ce moment-là, on va avoir la réglementation, à moins que le ministre ait d'autres plans derrière la tête dans une autre éventualité, là. Mais est-ce qu'on ne devrait pas profiter de l'occasion pour peut-être trouver une façon de mater le problème des tarifs en tentant d'obtenir quelque chose, une entente avec les gens, et de commencer immédiatement, parce que je vois qu'on veut mettre de la véritable concertation? Est-ce qu'on ne pourrait pas commencer immédiatement, pour ne pas attendre que dans 20 mois on dise: On ne s'est pas préparé? Est-ce qu'on ne devrait pas profiter de l'occasion pour faire ces choses-là?

(9 h 50)

M. le Président, je vous remercie. On va maintenant passer la parole aux groupes qui pourront nous éclairer sur la situation.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Pontiac. Est-ce qu'il y a des remarques préliminaires de la part de la députation ministérielle? M. le député de Limoilou.

M. Rivard: Une remarque. La Cour suprême, c'est le 19 mars. M. le député de Pontiac indiquait que c'était l'année dernière que la Cour d'appel... La Cour suprême, c'est le 19 mars. Donc, on n'est pas tellement en retard.

M. Middlemiss: Non, regardez, M. le Président...

Le Président (M. Lachance): Mais là on est aux remarques préliminaires. Est-ce que vous pourriez revenir?

M. Middlemiss: Oui, je voudrais juste vous dire que c'est le ministre qui a sorti un communiqué de presse qui disait: Compte tenu des impacts qu'a le jugement de la Cour suprême du Canada rendu le 19 mars dernier, on doit corriger ça rapidement. Mais qu'est-ce que j'ai dit, moi? C'est que j'ai dit: La Cour d'appel, c'est le 17 juillet. Elle a rendu un jugement. Et, à ce moment-là, c'est là que j'ai dit que le ministre, ne voulant pas prendre la décision, il espérait que la Cour suprême prendrait la décision pour lui.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): ...jusqu'au bout du processus judiciaire. C'est tout simplement... C'est aussi simple que ça.

M. Middlemiss: La Cour suprême, souvent on dit que c'est une tour de Pise. Donc, ça m'a surpris de voir que le ministre ait... C'est vrai qu'on a réussi à s'entendre sur le transport avec la Colombie-Britannique, et le gouvernement du Canada a dit: Oui, on va remettre ça à l'an 2000. Mais tout ce que je disais, M. le Président, pour le député de Limoilou, c'est que le 17 juillet, c'est la décision qui a été rendue, la décision de...

Une voix: ...

M. Middlemiss: Oui. La Cour d'appel a rendu une décision. Après ça, on a demandé à la Cour suprême. La Cour suprême, le 19 mars, a dit: Non.

Le Président (M. Lachance): Bon. Là, je vois qu'on s'engage dans un débat. On est au stade des remarques préliminaires. Alors, si vous voulez, on va revenir à ce qu'on avait prévu.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Pas de droit de réplique?

Le Président (M. Lachance): M. le ministre, étant donné que j'ai laissé quelques secondes au député de l'opposition, vous pouvez aller pour quelques secondes également.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Simplement, c'est que le processus judiciaire est tel. On a gagné deux fois. Je vais résumer très simplement. On a gagné devant deux tribunaux. Le troisième, la Cour d'appel, on a perdu. Alors, il était tout à fait légitime et normal, je pense, dans les circonstances, de dire: On va aller jusqu'au bout, on va aller devant la Cour suprême. Ils n'ont pas voulu nous entendre. Bien, ça, c'est le 19 mars. C'est ça, le cheminement.

Le Président (M. Lachance): Très bien. Alors, avant de passer à notre premier groupe, je voudrais simplement vous faire part que deux organismes qui avaient été invités à participer à nos travaux ce matin ont décliné l'invitation, ce sont Hydro-Québec et la Société québécoise d'assainissement des eaux. Je vais demander à Mme Béland, la secrétaire de la commission, de vous transmettre copie des lettres qui sont très succinctes et qui expliquent les motifs de leur décision.

Alors, j'invite maintenant le porte-parole de l'Association du camionnage du Québec. Vous pourriez vous identifier, monsieur? Vous avez 15 minutes d'exposé. Ensuite, on fera des échanges pour le reste du temps imparti.


Auditions


Association du camionnage du Québec inc. (ACQ)

M. Pigeon (Claude) : Merci, M. le Président. Alors, membres de la commission, M. le ministre, l'Association du camionnage du Québec veut d'abord vous remercier de l'invitation que vous lui avez faite de comparaître aujourd'hui pour vous faire part de nos commentaires sur le projet de loi n° 416. Très rapidement, notre Association...

Le Président (M. Lachance): Votre nom, s'il vous plaît?

M. Pigeon (Claude): Pardon?

Le Président (M. Lachance): Votre nom, s'il vous plaît?

M. Pigeon (Claude): Ah! Je m'excuse, Claude Pigeon, vice-président exécutif à l'Association du camionnage.

Le Président (M. Lachance): Merci. Il n'y a pas de mémoire?

M. Pigeon (Claude): Non. Nos remarques vont être assez brèves. L'Association du camionnage du Québec représente 600 membres dont 300 transporteurs publics, donc contre rémunération. Les profils des flottes de nos membres sont des profils de moyenne et de grande taille. Donc, nous avons des membres qui ont entre 10 et 800 véhicules moteurs; nous avons près de 20 000 unités d'immatriculées, au sein de notre membership.

Plus particulièrement dans le secteur du vrac, nous avons 30 membres de moyenne taille et de grande taille qui ont des flottes jusqu'à 200 véhicules, qui transportent surtout des matières destinées à l'approvisionnement d'usines et des copeaux pour les usines de pâtes et papiers. Je tenais à préciser le secteur d'activité dans lequel nos membres sont le plus actifs, mais il convient de se rappeler qu'un permis de vrac au Québec, c'est un permis toute matière et que ce n'est pas parce qu'un transporteur transporte des copeaux aujourd'hui qu'il ne pourrait pas transporter une autre matière en vrac demain.

Essentiellement, nous sommes en faveur de l'adoption du projet de loi n° 416 parce que, pour nous, il s'agit tout simplement de combler un vide juridique qui a été créé par les tribunaux. Quoique le cadre réglementaire que nous connaissons aujourd'hui ait ses mérites, il n'en demeure pas moins que l'objet des discussions aujourd'hui n'est pas de faire le débat de fond sur l'opportunité de déréglementer ou pas, mais plutôt de combler ce vide juridique dont je parlais.

Lorsque viendra le temps de faire le débat sur l'opportunité de déréglementer, nous serons évidemment présents et nous aurons des commentaires à faire. Mais il n'en demeure pas moins que, en reportant l'adoption du projet de loi C-19 en décembre dernier, tous les partenaires canadiens ont convenu de faire une trêve, et c'est la même situation qui prévaut au Québec, donc une trêve de deux ans, jusqu'au 1er janvier de l'an 2000, pendant laquelle on planifiera la déréglementation, si elle doit avoir lieu. J'ai bien dit «planifier» et non pas «improviser».

Le mot «improviser» est important dans les circonstances, parce que l'expérience des Américains pendant les années quatre-vingt et l'expérience des Canadiens et des Québécois depuis 1988 n'ont pas été trop reluisantes à cet égard-là. Lorsque la déréglementation est intervenue dans les deux pays, dans les deux cas, il avait été promis que cet effet régulateur que l'on perdait avec une réglementation économique allait être remplacé par un effet régulateur plus orienté sur la sécurité routière et la protection du patrimoine routier. Mais cette marchandise-là n'a pas été livrée telle qu'elle avait été promise. Résultat: l'industrie a été laissée à elle-même et est un peu désemparée face à cet état de situation, parce qu'aujourd'hui on compétitionne dans une industrie où vous avez, d'une part, des transporteurs qui sont très orientés vers la formation, la prévention et la sécurité et, d'autre part, des transporteurs qui se foutent de tout ça. Ça crée évidemment un environnement un peu difficile à supporter pour les gens qui investissent dans la conformité.

Alors, c'est en ce sens-là que je vous proposais qu'il ne faut pas improviser la déréglementation, si on devait aller dans ce sens-là, mais il faut la préparer. Or, il y a un élément important qui verra le jour, nous l'espérons, bientôt à l'Assemblée nationale, qui est un projet de loi sur l'encadrement, par lequel nous nous doterons de moyens beaucoup plus efficaces pour retirer de la circulation les transporteurs délinquants; et, par effet de conséquence, nous pourrons tous jouer selon les mêmes règles du jeu. Puisque ce projet-là fera l'objet aussi de délibérations, je n'élaborerai pas plus là-dessus à ce stade-ci.

Donc, dans le contexte de cette trêve de deux ans dont tous les partenaires gouvernementaux et toute l'industrie au Québec ont convenu en décembre dernier, nous proposons que le projet de loi n° 416 soit adopté tel que présenté.

Lorsque nous ferons le débat de fond sur l'opportunité de réglementer ou pas – et je terminerai là-dessus – je vous rappellerai qu'il sera important que cette déréglementation se fasse de la même façon, en même temps et aux mêmes conditions pour tous les détenteurs de permis de vrac, peu importent les matières qu'ils transportent, puisque, comme je le rappelais tantôt, un permis de vrac au Québec, ça vous permet de transporter toute matière de vrac. Alors, dans les circonstances, il serait important que tous les intervenants de l'industrie puissent mettre leur grain de sel dans cette discussion qui prendra place. C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Pigeon. M. le ministre.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Oui. M. le Président, je voudrais d'abord remercier M. Pigeon d'avoir répondu à l'invitation de la commission aussi rapidement. Je sais qu'ils n'ont pas eu beaucoup de temps, quand même, les organismes, pour se préparer.

(10 heures)

Vous parliez de déréglementation du camionnage général en 1988 et de la façon dont ça s'est fait, vous parliez même, à ce moment-là, d'improvisation. Ça veut donc dire, si je vous décode bien, que ça s'est fait un peu de façon désordonnée, pour ne pas dire anarchique. Donc, c'était mal ou pas du tout planifié et il n'y a pas eu vraiment une période de transition harmonieuse vers la déréglementation. Je voudrais savoir comment concrètement, sur le terrain, vos membres ont vécu cela. Comment ça s'est vécu sur le terrain? Comment ça s'est traduit, concrètement? Quelles ont été les conséquences d'une déréglementation aussi soudaine, rapide, sans transition?

M. Pigeon (Claude): En fait, les conséquences n'ont pas tellement été la suite immédiate ou l'effet immédiat de la déréglementation mais plutôt de ce qui devait suppléer à la déréglementation économique mais qui ne s'est jamais matérialisé.

En soi, la déréglementation, ce n'est pas une maladie terminale. Le problème avec la déréglementation, c'est qu'au moment où on l'introduit au Québec on promet en même temps qu'on va régulariser l'industrie en étant beaucoup plus sévère au niveau de la sécurité routière, donc que tout le monde jouera en fonction des mêmes règles du jeu. Et c'est ça qui ne s'est pas matérialisé. Dans les circonstances, l'effet de la déréglementation ou, si vous voulez, du fait qu'on n'ait pas donné suite à ce resserrement au niveau de la sécurité routière, ça a été qu'il y a des transporteurs qui sont disparus.

Il y en a bien sûr qui ont eu accès à de nouvelles opportunités, développement de marché, accès au marché américain, accès au marché ontarien sur une grande échelle, et ça a été très bénéfique pour eux. Mais il y en a aussi qui sont morts au combat parce que, pendant qu'ils continuaient à investir dans la conformité et la sécurité routière, ils avaient des concurrents qui ne le faisaient pas et qui avaient le champ libre pour faire la pluie et le beau temps à cet égard-là. Et c'est plutôt ça qui a fait mal. Alors, nous, on pense que dans cette période de deux ans, qui, encore une fois rappelons-le, a fait l'objet d'une prime, nous aurons l'opportunité de préparer le terrain à cet égard-là.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Au fond, si je vous comprends bien, c'est que la déréglementation ayant été mal préparée et non accompagnée d'un encadrement du transport routier rigoureux, efficace, relativement à la sécurité et à la protection du réseau, ça a fait apparaître dès le départ une concurrence qu'on peut qualifier de déloyale, qui s'est propagée dans tout l'univers du transport et qui à ce moment-là a été nuisible, dommageable, pour les transporteurs, je dirais, civilisés, les transporteurs soucieux de sécurité, soucieux de respecter les règles de sécurité. Ils ont été... un bon nombre a été évincé du marché, a dû se retirer ou faire faillite, déposer leur bilan; c'est ça qui est arrivé finalement.

M. Pigeon (Claude): Oui, mais encore une fois principalement parce qu'on n'avait pas les mécanismes en place et on n'avait pas investi les budgets nécessaires pour resserrer l'étau sur les délinquants à l'égard de la sécurité routière. Un ne va pas sans l'autre. Rappelons-nous que l'effet régulateur, c'était les tarifs. Avec ça, on pouvait mettre n'importe quel transporteur au pas; dès qu'il dérogeait d'une bonne ligne de conduite, oups, on le rappelait à l'ordre à la Commission des transports. Mais là ce n'était plus la situation. Du jour au lendemain, on n'avait plus cet outil-là, d'une part, d'autre part, l'accès était beaucoup plus facile à l'industrie parce que n'importe qui peut avoir un permis; si vous en voulez un cet après-midi, on va y aller ensemble puis on va aller s'en chercher un. Il y a des conditions minimales à satisfaire, mais c'est relativement plus facile qu'avant la déréglementation. D'autre part, au niveau de la sécurité routière, il ne s'est pas passé grand-chose.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Autrement dit, ce qu'on a fait et ce qui devrait aboutir bientôt sous la forme d'un projet de loi déposé à l'Assemblée nationale et ce qu'on a fait en concertation tous les partenaires ensemble, la Commission des transports également, le ministère, la Société d'assurance automobile, c'est-à-dire de concevoir et d'élaborer un nouvel encadrement du transport routier plus efficace, plus efficient, plus rigoureux, au fond, ça, ça aurait dû être fait au moment où on entrait dans le monde de la déréglementation, ça aurait dû accompagner la déréglementation, en 1988. Aujourd'hui, on est en 1998, 10 ans plus tard, on est près de compléter le processus concernant ce nouvel encadrement routier, mais cet outil-là, cet instrument-là aurait été indispensable au moment de la déréglementation.

M. Pigeon (Claude): C'est ce que l'expérience des dix dernières années nous a enseigné. Vous savez, c'est une industrie qui a été laissée à elle-même à cet égard-là. Et vous n'aurez pas de difficulté à comprendre qu'un transporteur qui investit dans la conformité commence à avoir la langue longue après 10 ans, quand son concurrent ne le fait pas, dans un marché où l'offre est beaucoup plus grande que la demande, où la concurrence est extrêmement forte – puis elle ne vient pas juste du Québec, elle vient de plus en plus, pour ne pas dire surtout, de l'Ontario et des États-Unis, les véhicules et les chauffeurs circulent librement entre les frontières. Je peux vous dire que ça demande beaucoup de souffle et beaucoup de courage de continuer à investir dans la conformité, alors pourquoi pas préparer le terrain comme il faut au cours des deux prochaines années?

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Par conséquent, je vous comprends bien, M. Pigeon, votre association n'est pas en soi hostile à la déréglementation, mais elle nous dit, elle dit à la commission: Il faut que ce soit préparé, il faut que la transition soit harmonieuse, ordonnée, concertée entre tous les partenaires, un peu à l'exemple de ce qu'on a fait pour obtenir le report à l'an 2000 de la mise en vigueur de la loi 19, la loi fédérale 19, en concluant une entente entre votre association, l'ANCAI pour faire en sorte que deux secteurs du vrac, c'est à dire l'approvisionnement d'usines et le transport des copeaux, soient en quelque sorte déréglementés d'une certaine façon par consensus, par accord des parties.

Et c'est un peu un exemple ou une illustration de ce qui doit être fait, c'est-à-dire qu'il faut que la démarche soit une démarche de concertation, une démarche de consensus. C'est ce qu'on compte faire également avec les tables de concertation, les deux tables qu'on veut mettre sur pied. Mais évidemment il faut du temps. Alors, à partir de ce moment-là, pour avoir ce temps-là, il faut non seulement le report de la mise en vigueur de la loi 19 à l'an 2000, mais il faut également maintenir jusque-là l'armature réglementaire, ça inclut les tarifs.

M. Pigeon (Claude): C'est juste. Si vous me permettez un dernier commentaire à cet égard-là, si on pouvait réécrire l'histoire, sachant ce qu'on sait aujourd'hui – évidemment, c'est toujours plus facile à dire après coup – et qu'on se retrouvait en 1988 l'industrie ne donnerait jamais son accord à la déréglementation avant d'avoir vu ce projet de refonte de l'encadrement législatif et réglementaire, tant qu'il n'aurait pas été sur la table et qu'on n'en aurait pas connu les modalités. Mais c'est l'enseignement des dernières années qui nous amène à conclure de cette façon.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Je vous remercie, M. Pigeon.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. M. Pigeon, est-ce que votre association a été consultée pour la préparation, avant de présenter le projet de loi n° 416?

M. Pigeon (Claude): En termes de principes, on nous a demandé ce qu'on pensait de la situation qui résultait de l'intervention des tribunaux et ce qu'on a proposé, c'est qu'on comble ce vide le plus tôt possible. Donc, pour répondre précisément à votre question, non pas sur les menus détails du projet de loi mais sur son objectif et l'essence même du projet.

M. Middlemiss: Sur le principe en soi.

M. Pigeon (Claude): Oui. Oui.

M. Middlemiss: Est-ce que vous allez être à la table de concertation?

M. Pigeon (Claude): Nous l'espérons bien.

M. Middlemiss: Vous espérez. On ne vous a pas confirmé que vous alliez l'être?

M. Pigeon (Claude): À ce stade-ci, que je sache, la table n'a pas commencé ses travaux de façon formelle.

M. Middlemiss: On avait identifié les groupes qui seraient à cette table de concertation, et je me posais la question: Est-ce qu'on vous a déjà indiqué que vous seriez là? Et êtes-vous conscient... Quant à ce processus, est-ce que vous auriez des suggestions à faire pour éviter ce que vous nous avez raconté, ce qui s'est produit depuis 1988? Et, si je comprends bien, les choses ne se sont pas améliorées depuis 1994, c'est encore le même problème qui existe au point de vue de l'encadrement.

M. Pigeon (Claude): Le jalon le plus important qu'on puisse poser, si l'objectif est de préparer le terrain à la déréglementation, qui est un phénomène nord-américain puis mondial, ce n'est pas exclusif au Québec, si c'est ça qui est vraiment l'objectif, le jalon le plus important qu'on peut poser, c'est justement de bien circonscrire, si vous voulez, l'environnement de la sécurité routière et de la protection du patrimoine routier. Puis ça, c'est un exercice qui est commencé depuis deux ans, qui, nous l'espérons, va aboutir sous forme de projet de loi cette année et qui fera l'objet d'un débat.

(10 h 10)

Ça, à notre avis, c'est vraiment la pierre angulaire de tout le système. À partir du moment où on a accouché de ça puis qu'on s'est donné les moyens, aussi, financiers pour y donner suite; le reste va se faire plus facilement. En tout cas, à notre avis, ça va rendre les transporteurs beaucoup plus confiants à l'égard de l'avenir. Ils vont peut-être être mieux disposés autour d'une table de concertation s'ils ont l'assurance qu'il y a une forme de réglementation – je le mets entre guillemets – au niveau de la sécurité routière.

Le Président (M. Lachance): M. le député Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: Merci, M. le Président. M. Pigeon, je pense que vous avez touché à un point important, pas nécessairement en rapport avec le projet de loi n° 416, mais quand vous mentionnez: Bien préparer l'industrie, bien se préparer à la déréglementation en préparant tout le monde à des normes pour tous. Je pense que c'est ça qui est important dans le domaine du camionnage, des normes pour tous, et ça, c'est le défi des prochains mois.

Mais pour revenir plus particulièrement au projet de loi n° 416, on sait très bien que c'est pour, comme vous l'avez mentionné, créer un vide juridique. Et c'était le gouvernement du Québec qui avait probablement le plus à perdre à laisser ce vide juridique trop longtemps, pour éviter justement qu'il y ait des réclamations rétroactives. Les membres de votre association auraient été susceptibles d'avoir été moins touchés parce que vos membres sont dans le transport général, le transport plus général, dont il y a des tarifs qui se redéfinissent couramment avec l'offre et la demande ou dépendamment du secteur de l'industrie qui sont vos fournisseurs de travail. Est-ce que j'ai raison de voir ça de même?

M. Pigeon (Claude): En partie, parce que nous avons aussi 30 transporteurs de matières en vrac, donc des détenteurs de permis de vrac, qui, à eux seuls, ont 1 000 véhicules moteurs – donc c'est un segment important, très important du transport du vrac – qui, donc, sont des détenteurs d'un permis de vrac qui, comme je le disais tantôt, donne accès à toutes les matières – ce n'est pas parce qu'ils font des copeaux aujourd'hui, qu'ils ne peuvent pas faire autre chose – qui se soucie grandement de ce qui fait l'objet des délibérations aujourd'hui. Et ça, c'est un segment important de mon membership.

M. Gauvin: Mais par contre cette catégorie de vos membres sont spécialisés, c'est un transport en vrac dans une spécialité assez spécifique au moment où on se parle.

M. Pigeon (Claude): Oui.

M. Gauvin: Il y en a qui sont spécialement dans le copeau, d'autres sont dans des minerais, ou des choses comme ça, et c'est presque le 100 % de leur activité.

M. Pigeon (Claude): Mais, demain matin, ils pourraient faire autre chose, une autre matière en vrac.

M. Gauvin: Oui, je vois.

M. Pigeon (Claude): Ce que je veux dire, en fait, je l'explique peut-être mal, mais c'est qu'un permis de vrac au Québec, c'est un permis toute matière de vrac. Tu peux transporter n'importe laquelle matière en vrac aujourd'hui; tu tires une remorque de copeaux, le lendemain, tu peux accrocher une benne basculante puis transporter autre chose.

M. Gauvin: À condition de le faire préciser dans la demande de permis.

M. Pigeon (Claude): Oui, ce qui est une formalité, là.

M. Gauvin: Ça n'a pas toujours été perçu comme ça. Les gens, peut-être détenteurs de permis de vrac, probablement qu'avec les années ils ont peut-être essayé de couvrir une variété de produits que la loi leur permettait de transporter, dans leur demande de permis. En fait, là, on vient de toucher vos membres.

Il faut reconnaître que, en milieu, en région, les détenteurs de permis de vrac, ceux qui sont connus, en fait les membres de l'ANCAI, ces gens-là sont des gens actifs dans l'activité économique de leur milieu. Il y avait des tarifs qui étaient imposés par la Commission, et c'était souhaitable que ces tarifs-là répondent à des coûts réels avec une possibilité de revenus, c'est-à-dire de profits de fin d'année, parce que chacun des propriétaires – je ne vous apprend rien – normalement était perçu comme un travailleur autonome. Ça lui permettait de faire vivre sa famille.

On est tous en accord pour dire que, quand il y a eu dérogation aux tarifs de la Commission, ça a créé des problèmes à certains de ces transporteurs-là, propriétaires de vrac. Et ça, c'est dû au fait que l'industrie qui fournit le travail à ces camionneurs-là n'a peut-être pas porté suffisamment d'attention à l'importance...

Aujourd'hui, si on peut garder tous ces transporteurs-là en santé financière acceptable, c'est-à-dire capables de garder leurs véhicules dans des normes de sécurité comme celles que vous avez décrites pour vos membres, je pense qu'on va tous s'en tirer mieux. Et, moi, personnellement, je suis intéressé à suivre, d'abord, le débat de ce projet de loi là qui vient régler un problème, je dirais, beaucoup plus pour le gouvernement du Québec, le ministère des Transports et la Commission, peut-être aussi pour les détenteurs de permis dans certaines situations.

Mais il va falloir, tous ensemble, vos membres spécialisés dans du transport général et les autres secteurs de l'économie du transport, tous ensemble s'assurer que c'est... et l'industrie du camionnage et l'industrie manufacturière, qui est celle qui donne en grande partie le travail aux camionneurs, comprennent la problématique. Parce que dans des régions données, en région comme celle que je représente et que plusieurs de nos collègues des deux côtés représentent, s'il y avait autrefois 10 ou 15 détenteurs de permis de vrac pour faire différents travaux et si aujourd'hui il en reste juste cinq, six, ça peut peut-être faire l'affaire de ceux qui voulaient prendre ce marché-là, mais ce n'est pas évident que ça sert bien l'économie de chacune de nos régions.

Je pense qu'il va falloir que tout le monde comprenne la même situation, incluant l'association que vous représentez ce matin et vos membres. C'est le point que je voulais faire, mais est-ce que vous êtes à l'aise avec une réflexion comme celle-là?

M. Pigeon (Claude): C'est-à-dire plus précisément que les expéditeurs, les requérants de services aient leur mot à dire dans ce débat, c'est ce à quoi vous faites référence plus précisément?

M. Gauvin: Oui, d'une part, et les conscientiser au fait qu'on doit garder l'industrie du camionnage dans une santé – j'allais dire financière – bonne; si on veut répondre à ce que vous avez présenté et que je mentionnais au tout début, on doit, je pense, pour le bien de tous, de l'industrie comme de l'expéditeur et de l'économie au Québec, s'assurer que tout le monde travaille à l'intérieur des normes acceptables. Et je pense que ça va être le portrait de l'économie du camionnage qui va s'en tirer le mieux.

M. Pigeon (Claude): Bien, vous touchez le coeur de notre action quotidienne à l'Association du camionnage. Depuis deux ans, depuis qu'on parle très intensément d'encadrement de l'industrie, on n'a pas cessé de prendre le bâton de pèlerin et d'aller auprès des expéditeurs pour leur faire comprendre le bien-fondé de cette démarche-là. En bout de ligne, c'est eux qui vont être gagnants de toute façon; si on a des transporteurs sécuritaires puis une industrie de transport en santé, ils vont s'en porter beaucoup mieux parce qu'ils vont avoir de meilleurs services, ils vont pouvoir bénéficier d'une relation à long terme avec leurs transporteurs. Si le contraire arrivait, ils seraient drôlement perdants parce qu'ils seraient beaucoup moins compétitifs avec les manufacturiers ou les distributeurs de biens et de services des autres provinces ou des autres États américains.

Alors, effectivement, on a pris le bâton de pèlerin et on dit aux expéditeurs: Faites votre bout de chemin puis tâchez de comprendre pourquoi on fait cette démarche-là. Et on ne parle pas ici de réglementation économique quand on parle d'encadrement, on parle d'établir les mêmes règles du jeu pour tout le monde pour que les bons transporteurs puissent survivre à cet environnement concurrentiel féroce.

M. Gauvin: Juste une dernière question, M. le Président, si c'est possible. Est-ce que, parmi vos membres, vous vivez toujours cette compétition ou cette guerre de combat des tarifs pour aller obtenir des volumes d'affaires ou si ça s'est plutôt discipliné, régularisé?

M. Pigeon (Claude): Ça se vit en partie entre les membres – en fait je devrais dire entre les 45 000 transporteurs au Québec, ce n'est pas exclusif à nos membres – donc en partie entre eux et en grande partie aussi avec les concurrents des Maritimes, de l'Ontario et des États-Unis. L'offre de transport qui vient de ces juridictions-là est extrêmement grande, et ça a forcément un impact à la baisse sur les taux de transport. Alors, de là l'importance de resserrer l'étau sur les délinquants pour être certain qu'au moins ces gens-là n'aient pas le champ libre et la possibilité de faire la pluie et le beau temps.

M. Gauvin: Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député de Salaberry-Soulanges.

M. Deslières: Merci, M. le Président. Juste une courte question, M. Pigeon. Dans votre mémoire, à la page 20, vous faites mention du délai additionnel...

M. Pigeon (Claude): Ça ne doit pas être mon mémoire.

M. Deslières: Excusez-moi.

M. Pigeon (Claude): Ça m'étonnerait.

Une voix: Il n'a pas de mémoire.

M. Deslières: Ah, excusez-moi.

Le Président (M. Lachance): Pas d'autres interventions? Alors, il me reste à remercier M. Pigeon et l'Association de camionnage du Québec pour leur contribution aux travaux de cette commission parlementaire. Merci.

(10 h 20)

J'inviterais maintenant à prendre place les représentants de l'Association des propriétaires de machinerie lourde du Québec.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Est-ce que vous pouvez vous identifier, s'il vous plaît, ainsi que les personnes qui vous accompagnent?


Association des propriétaires de machinerie lourde du Québec inc.

M. Grenier (Yvan): Oui. Bonjour. Mon nom est Yvan Grenier, directeur général de l'Association des propriétaires de machinerie lourde. À ma gauche, il y a M. Fernand Boilard, président de notre association, président d'une entreprise et également originaire de Normandin, au Lac-Saint-Jean, et, à ma droite, M. Richard Garneau, vice-président de notre association, de Saint-Fortunat, et président d'une entreprise, également, de machinerie lourde.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, vous avez 15 minutes pour nous faire part de vos commentaires.

M. Grenier (Yvan): D'accord. Premièrement, on voudrait vous remercier de l'opportunité qui nous a été donnée de venir présenter la position de l'Association des propriétaires de machinerie lourde du Québec. On vous a présenté un court document; compte tenu de la rapidité avec laquelle notre intervention a été requise, on n'a pas eu le temps d'élaborer un très vaste document. Cependant, ce document-là, je pense, résume bien la position de notre association et face au type de membership que nous représentons également. Au niveau de la procédure, est-ce qu'on y va avec la lecture de ce document-là? C'est comme ça qu'on procède?

Le Président (M. Lachance): Vous avez la liberté de le faire. La condition, c'est de le faire, autant que possible, à l'intérieur du temps qui vous est imparti.

M. Grenier (Yvan): Aucun problème. Alors, tout d'abord, une présentation de notre association. L'Association des propriétaires de machinerie lourde du Québec regroupe maintenant, depuis 32 ans, près de 400 entreprises réparties à travers tout le Québec. Ces entreprises sont majoritairement des PME et elles oeuvrent dans les différents secteurs d'activité suivants: déneigement provincial et municipal, excavation, transport en vrac, exploitation de bancs de gravier, entretien d'infrastructures, gérance et sous-traitance dans la construction d'infrastructures, et dans le domaine d'aqueduc et égout.

Donc, comme vous pouvez le constater, ces entreprises ont à travailler de façon très polyvalente dans tous les secteurs d'activité reliés à la machinerie lourde. Cette mise en situation nous apparaît essentielle pour vous faire bien comprendre notre position qui, du fait de la diversité de nos membres, ne peut être drastique ni dans un sens ou dans l'autre.

Point 2, l'état de la situation. Nos entreprises membres sont, depuis plusieurs années, à la fois transporteurs en vrac et donneurs d'ouvrage dans ce secteur d'activité, tant l'hiver que l'été. De ce fait, et compte tenu de l'urgence de la situation, nous avons consulté un échantillonnage de nos membres afin de connaître leur position. Rapidement, il en est ressorti une constante au sujet des taux de transport. Bien que non unanime, un large consensus s'établit chez nos entreprises membres à l'effet qu'il faut combler le vide juridique laissé par le jugement Raby à l'égard du passé.

Ce vide pourrait créer, au sujet des règles qui étaient connues, un engorgement inutile devant les tribunaux. À notre avis, ce vide doit être comblé conformément au projet de loi n° 416 déposé. Pour ce qui est des taux actuels et futurs, la majorité de nos membres désire le maintien de taux plancher pour régir le domaine du vrac. Ils sont d'avis, à titre de petits entrepreneurs, que la déréglementation complète des taux de façon aussi abrupte pourrait avoir des conséquences néfastes pour leur entreprise et le marché. La concurrence étant particulièrement vive dans ce secteur, il nous apparaît qu'une déréglementation non planifiée amènerait une baisse des taux qui, à notre avis, pourrait conduire à des problèmes de survie d'entreprise, de travail au noir et de sécurité sur nos routes.

Solutions. Le ministre des Transports a décidé par la voie du décret d'urgence modifiant le règlement sur le camionnage en vrac d'extensionner à l'an 2000 la réglementation sur le transport de vrac. Dans ces circonstances, nous comprenons que cette réglementation n'a aucune signification si elle ne s'accompagne pas de taux plancher. Nous comprenons aussi que, compte tenu que cette industrie a été réglementée depuis plusieurs années, il faut se donner du temps et des mécanismes afin de déréglementer de façon ordonnée ce secteur d'activité. M. Brassard, ministre des Transports, a annoncé son intention de créer des tables de concertation sur les sujets, et nous endossons cette action. À titre d'intervenant majeur dans ce secteur d'activité, l'APMLQ désire participer à cette table afin de s'assurer que les changements à faire dans ce secteur se feront dans le meilleur intérêt de l'industrie et de nos membres.

Au niveau de la réglementation, la réglementation régissant la répartition du travail dans le domaine du vrac a été élaborée il y a plusieurs décennies et celle-ci a été modifiée régulièrement, à la pièce, au besoin des problèmes rencontrés. Nous sommes d'avis que cette réglementation est devenue très lourde et très complexe et répond mal aux besoins des années 2000. Les irritants y sont trop nombreux, et on y retrouve un manque de souplesse évident. Dans ce contexte, la table de concertation proposée par M. Brassard nous apparaît comme très propice pour remettre tout le secteur sur des bases plus modernes. Nos membres, oeuvrants tant comme transporteurs que comme donneurs d'ouvrage, seront à même de proposer des solutions dans une vision d'ensemble de l'industrie.

En guise de conclusion, l'Association des propriétaires de machineries lourdes du Québec est donc en accord avec le projet de loi n° 416 et croit que son adoption est appropriée dans les circonstances. L'APMLQ croit cependant que cette mesure en est une transitoire et temporaire et qu'il est urgent que le gouvernement mette en place des tables de concertation sur le sujet afin de réviser dans son ensemble une réglementation désuète et vieillotte, créant trop d'irritants dans ce secteur d'activité. L'APMLQ demande de faire partie de cette table et s'engage à participer activement à l'atteinte de ses objectifs.

L'APMLQ, par la majorité de ses membres, croit qu'il faut alléger ce domaine et laisser agir de plus en plus les lois naturelles du marché mais tout en assurant la survie des entreprises régionales et la sécurité des usagers de la route. Merci de votre attention.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Grenier, c'est clair et succinct. M. le ministre.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): En effet, c'est très clair. Je veux vous remercier pour votre contribution, c'est un court mémoire, mais qu'on pourrait qualifier de limpide. Je pense que vous avez bien compris le sens et les objectifs poursuivis par la loi actuellement débattue. Il y a un vide juridique qu'il convient manifestement de combler, sinon ça va engendrer des problèmes et des turbulences dans le marché, si vous me permettez l'expression.

J'accueille aussi favorablement votre demande en quelque sorte d'être un partenaire au sein des tables de concertation qui sont en train de se mettre en place, il y a déjà un certain nombre de contacts... J'ai bien l'intention, quant à moi, de faire en sorte que ces deux tables entrent en activité le plus vite possible, parce qu'il faut bien utiliser et pleinement – puis il n'y en a pas de trop – le temps qui nous reste d'ici l'an 2000. On n'a pas de temps à perdre, alors il faut que ces tables-là soient rapidement mises sur pied puis qu'elles se mettent à l'oeuvre très vite.

On pourrait peut-être poser une question un peu de prospective. Comme vous avez chez vous à la fois un certain nombre de membres qui font du vrac, qui sont même, comme vous le dites, membres des postes de courtage, et puis d'autres aussi plus gros, je dirais, des transporteurs plus imposants, comment vous voyez le vrac après l'an 2000?

M. Grenier (Yvan): C'est une excellente question de fond. Si on avait la réponse...

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Parce que je prend vos derniers paragraphes où vous parlez de réglementations désuètes, vieillottes, avec beaucoup d'irritants. Quels sont les irritants majeurs, et comment vous voyez l'entrée dans l'an 2000 pour ce domaine important du transport qu'est le domaine du vrac?

M. Grenier (Yvan): Ce qui se produit, comme on vous l'a expliqué dans le mémoire, chez nous, on est un petit peu sur un fil de fer. On a, grosso modo, la moitié de nos membres qui travaillent avec le système des VR et avec les postes de courtage et on a la moitié de nos membres qui, entre guillemets encore, subissent le système du VR ou, à quelques occasions, s'en plaignent.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Ça doit faire des réunions intéressantes du conseil d'administration.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Grenier (Yvan): Exactement, vous pouvez être sûr de ça. Ça crée de bonnes discussions, sauf qu'il y ressort toujours un certain consensus à l'effet qu'une déréglementation – un petit peu ce dont vous avez parlé dans la première intervention de ce matin – improvisée ou trop rapide à notre avis n'est pas appropriée, parce qu'il y a tout une histoire en arrière de ça puis je ne suis pas convaincu que les gens, pour la plupart de petits entrepreneurs, sont prêts à faire face à ça, sur un dix cents comme on dit.

(10 h 30)

Mais, d'une autre part, la réglementation est rendue tellement volumineuse, tellement complexe et tellement bourrée d'exceptions qui ont été introduites dans le système à la pièce aux aléas des problèmes rencontrés au jour le jour que ça vous prend quasiment une batterie d'avocats à chaque fois que vous devez déterminer si ce travail-là est régi par le vrac ou pas, et là ça devient très lourd.

Mais, entre deux maux, actuellement on pense qu'on n'est pas prêts à flusher ça demain matin. Pour l'an 2000, c'est certain que ça va prendre plus de souplesse, de façon générale. Mais, si j'avais la réponse à exactement tout ce qu'on veut, vous m'engageriez tout de suite pour que je vous écrive un mémoire là-dessus. On ne l'a pas, la réponse, et on pense que la table va permettre de sortir certains consensus. Je pense qu'autour de la table il va y avoir des consensus puis on pense, nous autres, qu'il va en sortir une façon de faire qui va être beaucoup plus souple, mais tout en respectant l'individualité des PME puis la régionalisation des PME, parce qu'il faut garder l'idée des régions également là-dedans, qu'on a tendance à oublier de plus en plus.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): J'imagine aussi que vous êtes d'accord avec M. Pigeon pour dire que, dans ce monde qui vient, un meilleur encadrement du transport routier, ce qu'on est en train de faire et de compléter, constitue une pièce indispensable au nouvel univers ou au nouveau monde qui va apparaître dans le monde du transport.

M. Grenier (Yvan): Sur ça, on n'a pas eu de débat de fond qui a été fait au niveau de l'Association.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Vous êtes au courant quand même de ce qui s'en vient?

M. Grenier (Yvan): Oui, oui. On a été consultés, d'ailleurs, au niveau des différents comités.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Oui, d'accord.

M. Grenier (Yvan): On est au courant de ce qui s'en vient, sauf qu'actuellement ce qu'on vit, c'est que c'est superréglementé dans le moment et, malgré ça, il y a toujours des façons de contourner le système. Alors, avec le nouvel encadrement, va-t-on avoir les moyens de faire respecter ce nouvel environnement là alors qu'actuellement, avec un paquet de règlements, on n'a pas vraiment les moyens de le faire respecter? C'est ce qui développe beaucoup de frustrations. Alors, est-ce que le nouvel encadrement va s'accompagner de moyens financiers sur le terrain pour faire appliquer cette nouvelle réglementation à tout le monde? C'est moins évident dans notre esprit.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Vous faites allusion, par exemple, à davantage de contrôleurs routiers.

M. Grenier (Yvan): Et, encore là, si je consulte mes membres, je pense qu'on va être divisés sur le sujet. Ha, ha, ha! C'est pour ça que je vous dis que la table de concertation chez nous va permettre, au lieu de se faire en dedans de six jours, comme ça s'est fait cette semaine, de pouvoir consulter nos membres sur le fond de la chose et d'arriver avec des idées novatrices autour d'une table.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Je vous remercie. Je vous félicite et je vous admire beaucoup de faire votre vie comme ça, sur un fil.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Vous indiquez, dans votre mémoire, que vous avez des membres qui sont des transporteurs en vrac; vous en avez d'autres qui sont des donneurs d'ouvrage. On entend dire que, lorsque ce sont des contrats du gouvernement, tous les camionneurs artisans exigent le taux minimum, mais, lorsque c'est dans le privé, et ainsi de suite, on est prêt à accepter des taux en bas. Est-ce que vous êtes conscient de ça? Est-ce que vous pouvez nous indiquer quel pourcentage et quel est le montant de moins qu'on est prêt à accepter si ce sont des contrats qui ne sont pas du gouvernement du Québec ou du gouvernement municipal?

M. Grenier (Yvan): Après avoir consulté certains de nos membres, ce qu'on m'a expliqué, c'est que le taux minimum actuel, autour de 48 $ et quelques, est vraiment un minimum qu'il est difficile d'aller en bas et d'arriver au niveau monétaire pour l'entreprise. Le jeu n'est pas très grand. On va parler, d'après les gens qui sont avec moi, d'une différence minime sur le marché. Le taux plancher est vraiment un taux plancher, ce n'est pas un taux gonflé pour qu'ensuite on détermine que c'est un taux plancher. On pense qu'il représente les coûts réels sur le marché. C'est notre perception des choses. Qu'il y en ait qui travaillent à taux moindre, sûrement, mais je ne suis pas capable de vous donner de statistiques là-dessus.

M. Middlemiss: Bon. Ce que vous me dites, c'est que vos membres, qu'ils soient des donneurs d'ouvrage ou bien des transporteurs en vrac, ils obéissent aux règles en tout temps, c'est qu'ils ne vont pas en bas du taux plancher.

M. Grenier (Yvan): Ça, c'est le voeu pieux qu'on fait: qu'on obéisse aux règles en tout temps.

M. Middlemiss: O.K. D'accord.

M. Grenier (Yvan): Mais la réalité, un petit peu ce dont je parlais tout à l'heure, des irritants, c'est sûr qu'il y en a qui contournent le système, actuellement. Ils sont peut-être membres ou... Sûrement qu'ils ne sont pas membres chez nous, là, ces gens-là.

M. Middlemiss: D'accord. M. le Président, vous faites aussi... En hiver, probablement, il y en a, de vos membres, qui font le transport de la neige.

M. Grenier (Yvan): Oui.

M. Middlemiss: Quel est le taux moyen qui est donné par les municipalités pour le transport de la neige, par exemple? Est-ce que vous êtes au courant de ça?

M. Grenier (Yvan): Mon président, M. Boilard, en fait, du transport, pour sa municipalité, puis il me dit que c'est le même taux.

Une voix: On est obligés de suivre.

M. Middlemiss: Donc, les municipalités, tout le monde dans le transport de la neige, de façon générale, respecte le taux plancher.

M. Grenier (Yvan): C'est ce dont mon président m'informe, là. Là-dessus, moi, personnellement, je n'ai pas de réponse là-dessus, mais mon président me dit que, règle générale, au niveau municipal, c'est respecté.

Une voix: Au niveau des municipalités.

M. Middlemiss: D'accord. Vous avez indiqué aussi que vous êtes pour la déréglementation. Toutefois, comme vous le savez, la loi C-19, qui était censée être en vigueur le 1er janvier, ça a été remis à l'an 2000. Est-ce que le gouvernement, d'après vous, s'était préparé dans l'éventualité que ce soit le 1er janvier 1998 que la déréglementation ait lieu?

M. Grenier (Yvan): Premièrement, vous mentionnez qu'on est pour la déréglementation.

M. Middlemiss: Oui.

M. Grenier (Yvan): Peut-être que mon texte n'est pas clair à ce niveau-là. Encore une fois, je vous rappelle que je suis sur un fil de fer.

M. Middlemiss: Oui, d'accord.

M. Grenier (Yvan): De dire qu'on est pour, c'est peut-être étirer un petit peu l'élastique de ce que j'ai écrit, là. De dire que ça s'en vient puis que finalement c'est peut-être une échéance quasi inévitable, c'est un petit peu plus conforme à la réalité.

On est conscients qu'il s'en vient quelque chose dans ce domaine-là. Est-ce que c'est une déréglementation complète? Est-ce que c'est un changement des règles du jeu sans, pour autant, être une déréglementation complète? C'est ce qu'on pense qui va devoir se discuter en cours de route, d'ici deux ans.

Alors, de dire qu'on est pour, ce n'est pas l'objet du mémoire puis ce n'est pas ce que j'ai voulu transmettre comme message; que ça s'en vient, qu'on voit que c'est inévitable puis qu'il y a quelque chose qui s'en vient, là, c'est plus conforme à notre position à ce niveau-là, toujours dans l'esprit que... N'oubliez pas qu'on en a des deux côtés puis que c'est à peu près à parts égales.

Au niveau de la préparation, si ça a été extensionné à l'an 2000, on s'imagine bien qu'on n'était pas prêts à ça du côté des transporteurs puis probablement du côté du gouvernement également. Ça a été d'un commun accord que ça a été extensionné. Donc, selon notre perception des choses, là, il n'y a pas grand monde qui était prêt à ça du jour au lendemain outre que d'arriver puis de mettre le couperet là-dedans, puis les gens n'étaient pas prêts à ça.

M. Middlemiss: Dernière question, M. le Président. Croyez-vous que, dans la période de 20 mois qu'il reste avant le 1er janvier de l'an 2000, les tables de concertation pourront atteindre l'objectif de vivre avec la déréglementation qui va venir? Je pense que c'est presque inévitable que ça va arriver. Peut-être qu'on ne le veut pas, hein, un peu comme le Christ a dit: Si ce calice pouvait s'éloigner de moi, sauf que ça va venir. Croyez-vous que cette période de 20 mois va permettre aux tables de concertation d'arriver à quelque chose de vivable?

M. Grenier (Yvan): Je pense que ça vaut la peine d'essayer, à tout le moins. C'est évident qu'il y a du pain sur la planche. Il y a du travail à faire puis il faut que ça se fasse rapidement, mais je pense que ça vaut quand même la peine d'essayer. Ce sera toujours mieux que de dire: On n'y arrivera pas. Je pense qu'il faut y aller avec l'optique qu'il y a de quoi à faire, puis on va le faire.

M. Middlemiss: M. le Président, mon but, ce n'était pas de dire...

M. Grenier (Yvan): C'est parce que je n'ai peut-être pas compris la question.

M. Middlemiss: Ce n'est pas que je croyais que ce n'était pas bon, là, je me disais: Il reste 20 mois, tu sais, il me semble... Là, la période est de 20 mois. Est-ce qu'on pourra, dans cette période-là, réussir à atteindre l'objectif?

M. Grenier (Yvan): On croit que oui.

M. Middlemiss: D'accord.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Maskinongé.

(10 h 40)

M. Désilets: Merci, M. le Président. Je reviens un peu à la question du ministre. Je vais essayer de la remodifier un petit peu, parce que je pense que c'est fondamental quand vous dites, au dernier paragraphe de votre rapport, juste le dernier – il est quand même très précis et vous l'orientez pas mal... Mais pourriez-vous faire part à la commission comment la table de concertation pourrait proposer des solutions pour assurer la survie de l'entreprise régionale tout en assurant la sécurité des usagers et des usagères quand vous dites dans la même phrase qu'il faut aussi alléger ce domaine et laisser agir de plus en plus les lois naturelles du marché? Je trouve ça... Il faut laisser aller le marché puis, en même temps, il faut assurer la survie des entreprises régionales et la sécurité du public. Comment on peut espérer qu'une table de concertation arrive à quelque chose de... Elle pourrait nous proposer quoi, exemple, la table de concertation?

M. Grenier (Yvan): C'est tout un défi effectivement, parce qu'il y a effectivement des champs d'intérêts contradictoires, ça, j'en conviens, sauf que le but d'une table, c'est d'en arriver à des consensus puis à des compromis. La réponse, à ce moment-ci, je ne peux pas vous la donner. Je pense qu'il va y avoir des échanges orageux autour de la table. Il va y avoir des gens qui vont être blancs, d'autres qui vont être noirs puis d'autres un peu comme nous qui vont être plutôt grisonnants, ce qui fait que ça va peut-être pondérer le débat puis arriver à un consensus. Mais connaître la réponse, je pense que je serais riche demain matin, puis les gens autour non plus n'ont pas une réponse précise. Sauf que, même chez nos gens, il demeure une conviction que ça ne peut pas être lâché lousse, comme on dit, mais qu'en même temps ça ne peut pas rester comme c'est là. Alors, c'est de trouver...

M. Désilets: Le statut quo n'est pas acceptable.

M. Grenier (Yvan): Le statut quo, pour nous, nous apparaît comme pas vivable à long terme, après l'an 2000, mais, d'un autre côté, la situation dans laquelle on se retrouverait demain matin si tout à coup on déréglemente, parce qu'on profite de l'opportunité que le jugement est sur la table pour dire: On déréglemente, bang, c'est à matin que ça se passe, on pense que c'est un chaos pour l'industrie. Il faut s'organiser, il faut se parler, il faut donner du temps et il faut se donner des moyens d'arriver à quelque chose. Mais j'avoue avec vous qu'il y a des choses contradictoires là-dedans. Nous, on va devoir piler sur certains de nos principes. Les autres autour de la table vont devoir également amener des idées, piler sur certains de leurs principes pour arriver à un consensus, mais ce n'est pas toujours évident.

M. Désilets: Mais vous pensez bien que c'est un incontournable pareil. Il faut vraiment en arriver là pareil pour la survie d'une industrie?

M. Grenier (Yvan): On pense qu'il y a des modifications à faire dans l'industrie. Ça, c'est clair. Comment elles doivent se faire? On est conscients qu'il y a le projet de loi C-19 qui est là puis qu'il est incontournable; on est conscients qu'on a la moitié de nos gens qui disent: Oh, minute, on veut garder nos acquis; puis on est conscients qu'il y a l'autre moitié des gens qui disent: Bien, vos acquis, il va falloir les modifier. Il doit y avoir moyen d'arriver à trouver une façon, sans faire plaisir à tout le monde, parce que c'est évident qu'il y aura des insatisfaits au bout de ça, mais d'arriver à un consensus qui va le plus possible harmoniser la chose. Mais je n'ai pas la réponse miracle. Je ne peux pas vous la donner, celle-là.

M. Désilets: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: Merci, M. le Président. MM. Grenier, Garneau, M. le président Boilard, bienvenue. Je pense que je vais vous poser des questions avec un franc-parler. C'est un peu comme ça que vous avez présenté votre mémoire et ça a été plus facile pour nous de comprendre. Quand vous parlez des héritants et que vous souhaitez avoir plus de souplesse, vous dénoncez le manque de souplesse, quelle catégorie de vos membres souhaite ça? Est-ce que ce sont les propriétaires de machinerie lourde, ou la catégorie de ceux qui font plutôt du transport en vrac, ou si ce sont les deux?

M. Grenier (Yvan): Je vous dirais que, à ce niveau-là, d'assouplir, je ne parle pas des taux, je parle des règles de fonctionnement, c'est un consensus assez vaste, d'un côté comme de l'autre...

M. Gauvin: De façon générale.

M. Grenier (Yvan): ...parce que le donneur d'ouvrage vise, lui, à alléger et à avoir plus de souplesse puis le petit camionneur qui est soumis à toute l'espèce de réglementation puis qui est obligé de se battre à tous les jours pour qu'elle soit appliquée nous dit: Bien, ça n'a comme plus de bon sens, on ne se retrouve plus là-dedans. Donc, à ce niveau-là, c'est assez généralisé, chez nous, en tout cas.

M. Gauvin: On va en revenir au niveau des tarifs. Je pense que la raison du projet de loi n° 416 est surtout pour venir corriger une situation tarifaire.

M. Grenier (Yvan): Exact.

M. Gauvin: Quand vous évaluez, vos membres, quand ils évaluent le tarif à proposer aux transporteurs qu'ils invitent à venir compléter le transport pour un contracteur donné, de quelle façon vous établissez un tarif raisonnable? Parce qu'il y a de la négociation, on le sait. Je pense, si je connais bien l'industrie, c'est surtout pour le camionneur en vrac propriétaire de un, deux camions et qui sollicite constamment du travail chez les autres. La négociation est plus forte entre les propriétaires constructeurs et contracteurs et le camionneur en vrac.

Un de vos membres qui détient une dizaine de camions, qui a une expertise dans du transport à l'intérieur de sa propre entreprise, connaît ses coûts. Est-ce que c'est ces coûts-là sur lesquels vous vous référez pour offrir, proposer des tarifs à ceux que vous invitez à les transporter?

(Consultation)

M. Grenier (Yvan): Ce qu'on me répond ici, c'est que nos membres fonctionnent avec le taux plancher. La négociation va se faire peut-être en postes de courtage. Nous, on n'est pas impliqués à ce niveau-là, comme association. On sait qu'il existe souvent, lorsqu'il y a un gros projet, certaines négociations entre le poste de courtage et le donneur d'ouvrage, mais, nous, à ce niveau-là, on n'est pas impliqués. Nos membres le sont, le subissent ou, en tout cas, vivent avec un coup que la négociation est faite, là, mais normalement nos membres se basent sur le taux plancher.

M. Gauvin: C'est évident que je ne m'attendais pas ici, en commission, que vous veniez m'expliquer toutes les formules de négociation pour en arriver à des tarifs qui conviennent à l'entrepreneur-contracteur.

M. Grenier (Yvan): Ah, il existe des trucs, c'est évident, mais, nous, comme association, on n'a pas à «géroter» ces trucs-là.

M. Gauvin: Je comprends, parce qu'il faut tous comprendre que le propriétaire de camion qui gagne sa vie à faire du transport avec un, deux ou trois camions, avec un camion, par exemple, ne peut pas avoir les mêmes coûts fixes que celui qui a huit, 10 camions et qui travaille avec un volume de transport annuel assez garanti à cause des contrats de l'entreprise. Et c'est là le problème, le jeu des tarifs.

Tantôt, j'écoutais M. le président qui nous confirmait que les tarifs proposés et offerts par les municipalités étaient souvent des tarifs connus. Et ça, je pense que ça s'explique, parce que, dans le domaine municipal, ils n'ont pas beaucoup le choix. Ils doivent travailler avec des tarifs plancher, comme vous dites, comparables à d'autres municipalités, et probablement que ce n'est pas là le problème, parce que...

Je reviens. Ma question, je la pose parce que je l'ai posée tantôt aussi à M. Pigeon. Il va bien falloir un jour... Cette table de concertation-là, cette table, je pense qu'elle va permettre à tous les intervenants d'apporter leur expérience pour régler, une fois pour toutes, si possible, le problème. Pour sécuriser l'industrie à l'occasion d'une déréglementation possible, il va tous falloir comprendre que nous n'avons pas avantage à affaiblir ou à ébranler davantage le monde du camionneur en vrac. Et je me réfère toujours aux propriétaires d'un ou deux camions, parce que c'est toujours ma même réflexion: dans une municipalité où il y en avait huit, 10, 15 il y a quelques années, aujourd'hui on est rendu à trois ou quatre camionneurs en vrac.

Ce n'est pas évident qu'on a rendu service à l'économie de façon générale et à ceux et celles qui ont besoin de ces services-là. Parce qu'on en est rendu que, dans certains régions, on fait appel à des camionneurs étrangers assez éloignés de certaines municipalités pour combler le vide à l'occasion de certains travaux. Ce n'est pas comme ça qu'on va continuer à renforcer nos régions. C'était un peu le but de ma question. Je ne pense pas que vous aviez le goût d'aller plus loin dans la façon que les choses se négocient dans certaines situations.

Les conséquences néfastes, vous avez parlé de ça, là. La déréglementation de façon soudaine pourrait avoir des conséquences néfastes pour l'entreprise, pour les entreprises, dont vos membres. Voulez-nous nous préciser comment, vous, vous voyez ça, vous, les conséquences néfastes d'une déréglementation? J'avais toujours pensé que vos membres, les propriétaires de machinerie lourde, souhaitaient une déréglementation de façon générale et que ça soit eux autres qui fixent le marché, contrôlent le marché. Vous pouvez me reprendre si j'ai une mauvaise opinion.

(10 h 50)

M. Grenier (Yvan): Premièrement, il faut réaliser que la plupart de nos membres – on est près de 400 – il y en a sûrement plus de 80 % qui sont des PME, en moyenne, de 5 à 10 employés. Donc, pour la plupart, ce sont des sous-traitants de grandes entreprises. La plupart de leurs travaux se font en sous-traitance d'autres entreprises.

Donc, demain matin, si les tarifs deviennent brusquement déréglementés, ça met évidemment une pression à la baisse au niveau des taux parce qu'il existe quand même, malgré ce que vous disiez tout à l'heure, une compétition assez vive sur le marché de gens qui ont besoin de travail pour faire vivre leur camion. Nous, ce qu'on pense, c'est que rapidement ça aurait une pression. À long terme, c'est plus difficile de le voir, mais, à court terme, on pense qu'il y aurait une pression à la baisse. Ça pourrait amener également une certaine propension aux gens à contourner les règlements encore plus qu'auparavant, compte tenu que, si tes prix baissent, il faut que tu sauves des coûts en quelque part. C'est notre perception des choses.

M. Gauvin: Une dernière question, M. le Président. Est-ce que vous pensez qu'il y a trop de détenteurs de permis de vrac pour le volume d'affaires en 1998? C'est ce qui crée des problèmes à la situation de rentabilité. Dans les régions que vous connaissez, par exemple.

M. Grenier (Yvan): On ne s'est pas posé la question. Alors, c'est difficile d'y répondre. On s'excuse.

M. Garneau (Richard): Il y en a trop s'il n'y a pas assez d'ouvrage, s'il manque de l'offre, si tu veux. S'il n'y a pas assez de budget, c'est sûr qu'on est trop de camions à un moment donné dans des régions. C'est pour ça, comme tu parlais betôt, qu'on se ramasse avec des régions où les camions viennent de loin. Pour vivre avec un camion, il faut avoir de l'ouvrage. Ce n'est pas rien que le taux.

M. Gauvin: Il faut avoir un volume d'affaires, autant que possible, sur les quatre saisons. Pour ceux qui font de la neige, c'est possible; pour les autres, c'est moins possible. Ça va.

Le Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député. Il ne reste plus de temps, me dit-on. Est-ce qu'il y a un consentement pour une petite question pour le député de Pontiac? Consentement. M. le député de Pontiac, une brève question à nos invités.

M. Middlemiss: Oui, M. le Président. Vous indiquez qu'il y a urgence. Depuis le 19 mars, il y a encore des contrats qui sont donnés. Donc, ça veut dire que les entrepreneurs doivent négocier avec les camionneurs. Quel est le taux qu'on utilise présentement?

M. Garneau (Richard): Les taux minimums. On marche avec les taux.

M. Middlemiss: En d'autres mots, il y a un vide juridique, il y a urgence et on paie encore les mêmes taux. C'est ça que vous me dites. En d'autres mots, aujourd'hui on paie encore les mêmes taux.

M. Garneau (Richard): Il y a urgence à cause du vide juridique. À un moment donné, on est pris avec ça. C'est quoi, là? C'est sûr qu'on travaille aux mêmes taux, mais il reste qu'on sent qu'il y a un vide juridique. À tout bout de champ, il y en a qui conteste ça. Ça nous fait une négociation qui est plus dure.

M. Middlemiss: Toutefois, présentement les gens acceptent le taux plancher quand même. Il n'y a pas de guerre, il n'y a pas d'objections. Tout continue même s'il y a eu une décision. C'est la règle qui continue.

M. Boilard (Fernand): On ne peut pas vous jouer là-dessus.

M. Middlemiss: Merci.

Le Président (M. Bissonnet): Merci, M. Boilard, M. Garneau et M. Grenier. Nous allons entendre maintenant l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec. Si vous voulez vous joindre à nous.

Nous en sommes maintenant au mémoire de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec. Si vous voulez, le porte-parole, présenter vos invités et prendre les 15 minutes qui vous sont assignées pour nous informer de votre mémoire.


Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec (ACRGTQ)

M. Létourneau (Claude): Oui. Alors, mon nom est Claude Létourneau. Je suis président de l'Association pour l'année 1998. Je suis le vice-président d'une entreprise en construction au Québec. À ma gauche, j'ai René Brassard qui est le directeur général de l'Association et, à ma droite, Mme Bourque qui est la directrice générale adjointe.

Alors, j'aimerais tout simplement, pour commencer, remercier les membres de la commission et le ministre de permettre à l'Association de vous livrer nos commentaires suite au projet. L'Association est très au fait du dossier, l'ayant débattu à plusieurs reprises auparavant. Donc, les discussions qu'on amène aujourd'hui ou les points qu'on amène aujourd'hui, c'est des choses qui sont débattues depuis longtemps.

L'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec est incorporée depuis 1944 et regroupe, sur une base volontaire, la majorité des principaux entrepreneurs oeuvrant dans le domaine de la construction, des travaux de génie civil, voirie et transport d'énergie dont on exécute environ 90 % du volume total octroyé au secteur privé. Plusieurs de nos membres exécutent essentiellement des travaux de construction de routes et procèdent à l'entretien de ces ouvrages et, dans le cadre de réalisation de ces travaux, doivent transporter et faire transporter les matériaux nécessaires à leur parachèvement. En effet, les entrepreneurs confient près de 60 % du transport annuel à des camionneurs externes.

L'ACRGTQ a toujours protesté contre le protectionnisme accordé par le gouvernement aux propriétaires de camions qui se sont servis de ce monopole pour imposer leur volonté aux entrepreneurs effectuant les contrats gouvernementaux. Notre Association s'est toujours opposée à ce privilège consenti par l'État à un petit nombre, donnant le droit de choisir à plusieurs d'entre eux le chapeau qu'ils désirent porter. Un jour camionneur artisan, le lendemain entrepreneur. C'est d'ailleurs sur la base de principes tels que celui de la libre concurrence et de la liberté de commerce que l'ACRGTQ a, dans le passé, contesté devant les tribunaux la validité de ces clauses restrictives de transport en vrac dans les devis publics. Tous les jugements rendus à ce jour l'ont été en faveur des entrepreneurs.

Également, le Groupe de travail sur la déréglementation présidé par M. Reed Scowen s'est, en 1986, penché sur la clause 75-25 utilisée par le ministère des Transports et le monopole de courtage au Québec. Il a recommandé, dans son rapport, l'abolition du monopole de courtage dans le transport en vrac, ce qui implique, par ailleurs, la disparition de la clause 75-25.

Suite au dépôt du projet de loi n° 416 modifiant la Loi sur les transports et dont le but consiste à conférer le pouvoir suffisant à la Commission des transports pour décréter les taux et tarifs valides, nous profitons de l'occasion pour vous exprimer les raisons pour lesquelles l'ACRGTQ favorise la déréglementation du vrac au Québec et, qui plus est, de façon connexe, sollicite l'abolition totale des clauses protectionnistes plus haut mentionnées.

Dans le domaine du transport en vrac, ces clauses protectionnistes favorisent indûment un petit nombre au détriment de la vaste majorité. Cette injustice crée une situation inéquitable non propice à l'harmonie sociale au Québec pourtant nécessaire pour relever les défis économiques actuels. Le gouvernement désire protéger les artisans, mais sommes-nous en mesure de déterminer avec exactitude combien de propriétaires de camions détenteurs de plaques VR sont de véritables artisans? La notion du véritable artisan a changé au fil des années et est responsable de l'injustice que nous dénonçons vivement. Nous croyons qu'elle devrait être redéfinie afin de cibler celui qui est propriétaire d'un camion qu'il conduit lui-même et qui constitue le seul moyen qu'il possède comme source de revenus.

Selon les recherches effectuées par l'ACRGTQ en collaboration avec les postes de courtage en 1990, il y avait à cette époque 4 200 détenteurs de permis VR au Québec et 1 641 parmi eux étaient de véritables artisans. Nous pouvions donc conclure qu'à cette époque 61 % des détenteurs de permis VR étaient des entrepreneurs compétiteurs. Pour les fins de ces recherches, l'ACRGTQ avait identifié le véritable artisan selon la définition qui apparaissait plus haut. Bien qu'étant dans l'impossibilité de déterminer avec précision le nombre actuel, nous pouvons présumer que la situation de 1990 n'a pas grandement changé.

(11 heures)

Même si nous sommes d'avis que l'objectif visé par la loi n° 416 n'est pas souhaitable, une définition plus précise de ce qu'est un camionneur artisan aurait quand même l'avantage de faire disparaître l'injustice causée aux vrais entrepreneurs par les faux artisans. Cette façon de procéder, juste et logique, permettrait également de réduire le nombre actuel de soi-disant artisans et procurerait aux véritables artisans un modus vivendi plus avantageux.

La Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction comporte, à son article 1k.1, une définition qui pourrait inspirer le législateur, qu'il pourrait inclure aux dispositions réglementaires s'appliquant au domaine du transport en vrac tout en introduisant la notion de personne liée au sens de la loi de l'impôt sur le revenu afin d'exercer un contrôle adéquat. Le camionneur artisan serait donc le titulaire d'un seul permis de camionnage en vrac délivré en vertu de la Loi sur les transports, et le camion auquel se rapporte ce permis devrait être conduit par la personne titulaire du permis ou, dans le cas d'une personne morale, par l'administrateur ou l'actionnaire principal de cette personne morale. De plus, cette personne ne peut être liée à une entreprise de construction ou à ses actionnaires détenant une licence d'entrepreneur auprès de la Régie du bâtiment, et ce, au sens de la loi de l'impôt sur le revenu. Si le gouvernement tenait à garder la clause protectionniste, telle la 75-25, elle conserverait à tout le moins sa mission première qui consistait, dans les années soixante-dix, à protéger le véritable artisan.

La période de morosité économique que nous traversons impose une vigilance accrue quant aux dépenses effectuées, particulièrement lorsqu'il s'agit du gouvernement. En ne permettant pas d'utiliser les règles de la libre concurrence, les clauses protectionnistes coûtent beaucoup plus cher aux donneurs d'ouvrage publics. Pourtant, des économies substantielles pourraient être réalisées, autant par les gouvernements provincial, fédéral que municipal, si le domaine en vrac était déréglementé et que les règles de la libre concurrence pouvaient s'appliquer. Lorsqu'ils sont confrontés aux règles du marché, selon les éléments d'analyse fournis par le ministère des Transports du Québec lui-même, les artisans consentent à des rabais allant jusqu'à 40 %. Toujours selon le MTQ, prenant en considération que l'importance des sommes investies annuellement par le secteur public pour le transport des matériaux en vrac dans le domaine de la construction est de 100 000 000 $ et que des économies de 40 % pourraient être consenties par les camionneurs artisans, force nous est de constater qu'une économie de 44 000 000 $ pourrait être réalisée chaque année par le gouvernement. Nous ne débattrons pas ici de la précision de ce chiffre qui, nous le savons, est controversé. Nous avons cependant la conviction profonde que, même si le gouvernement dépensait 1 000 000 $ de trop par année, ce serait tout aussi inacceptable. C'est pourquoi nous en faisons un débat de fond.

De façon paradoxale, nos entrepreneurs, eux, pour obtenir un contrat de l'État, doivent soumissionner au plus bas coût possible. Les sommes ainsi dégagées pourraient aisément être utilisées au bénéfice des contribuables et de la collectivité soit en créant de l'emploi ou soit en consacrant des sommes additionnelles à l'entretien du réseau routier québécois. Alors que le gouvernement manifeste sa volonté de réduire les dépenses dans de nombreux secteurs, il apparaît contradictoire que l'on songe à investir du temps et de l'argent des contribuables dans la défense des principes contraires à l'intérêt public et à celui même de l'État.

Que dire des frais exorbitants engendrés par les auditions annuelles, taux et tarifs applicables au transport en vrac, entendues par la Commission des transports du Québec? Plusieurs journées doivent être consacrées à la préparation et à l'audition des témoins et de la preuve présentée pour chacune des parties pour finalement conclure avec une augmentation systématique déterminée en fonction de l'inflation. Lorsque l'intérêt des entrepreneurs était mieux servi, l'ACRGTQ n'a pas hésité, à deux occasions depuis 20 ans, à conclure une entente avec l'Association des camionneurs plutôt que de se voir imposer par la Commission des transports une décision qui s'annonçait plus défavorable. Et, qui plus est, à quoi sert de fixer des taux et tarifs minima alors que, très fréquemment, des réductions sont consenties, illégalement ou non, par les camionneurs artisans? En outre, la Commission des transports, dans certaines conditions particulières, accorde elle-même des diminutions de tarifs. Ces fixations de taux et tarifs annuelles sont contraires à la réalité économique qui prévaut au Québec et, dans ce domaine particulier, elles sont complètement inutiles.

La Commission des transports a complètement dévié de sa mission qui, à l'origine, consistait à contrôler le prix pour protéger les citoyens. Maintenant, son rôle est destiné particulièrement à favoriser une partie, qui est le camionneur, au détriment du public qui, en bout de piste, est pénalisé par les coûts additionnels qu'occasionne au donneur d'ouvrage le recueil des taux et tarifs du camionneur en vrac autre qu'en forêt.

Le 17 juillet 1997, la Cour d'appel du Québec, dans la cause Raby, déclarait invalides les taux et tarifs de camionnage en vrac décrétés par la Commission des transports du Québec au motif que celle-ci ne possédait pas le pouvoir réglementaire ou législatif suffisant à cet effet. Pour sa part, la Cour suprême du Canada, le 19 mars dernier, rejetait la requête pour permission d'appeler présentée par le ministère des Transports. C'est pour cette raison que nous sommes devant vous aujourd'hui, car le gouvernement a décidé de revenir à la situation qui prévalait antérieurement. Depuis cette dernière date et jusqu'à ce jour, les tarifs sont déréglementés et obéissent aux règles de la libre concurrence.

En conclusion, M. le ministre, MM., Mmes les députés, nous nous étonnons de devoir nous présenter devant vous aujourd'hui, car nous croyons que l'actuel débat ne devrait pas exister et qu'en conséquence un amendement à la Loi sur les transports n'est pas requis. À l'ère où la déréglementation s'impose – souvenons-nous du récent Sommet économique – et ce, pour des raisons mentionnées au présent mémoire, le gouvernement ne devrait pas s'immiscer dans ce dossier de la façon dont il le fait, en effaçant les conclusions auxquelles le jugement de la Cour d'appel dans la cause Raby en était arrivé.

Par surcroît, dans le projet de loi sous étude, l'article 14 semble vouloir en faire rétroagir les effets, risquant de créer ainsi un vif débat juridique. En effet, qu'advient-il du sort des entrepreneurs ayant soumissionné entre le 19 mars 1998, date à laquelle la Cour suprême du Canada a annoncé qu'elle n'entendait pas la cause Raby de la Cour d'appel, et le jour de la sanction éventuelle d'un projet? Durant cette période, les taux et tarifs du vrac étant alors déréglementés, ceux-ci ont soumissionné au taux du marché, et, par un projet de loi ayant un effet rétroactif, le gouvernement vient a posteriori imposer un taux supérieur à l'entrepreneur, lui occasionnant ainsi des pertes pécuniaires considérables. Cette situation est susceptible, nous en sommes convaincus, de générer de nombreuses poursuites contre le gouvernement. Est-il souhaitable de semer ainsi le chaos en voulant rétablir un système de fonctionnement inéquitable ne reflétant pas la réalité et, qui plus est, qui sera déréglementé envers et contre tous d'ici moins de deux ans?

Finalement, nous demeurons songeurs quant à la facilité avec laquelle le gouvernement, selon son bon vouloir ou celui de certains fonctionnaires, abroge, dans le cas qui nous occupe, les dispositions législatives qu'il avait antérieurement jugées nécessaires pour pouvoir contourner le jugement de la Cour d'appel dans la cause Raby. En effet, en vertu dudit projet de loi, les articles 5h et 32.4° de la Loi sur les transports sont supprimés, car c'est sur cette base que la Cour d'appel avait proclamé ultra vires les taux et tarifs décrétés par la Commission. Ces articles conféraient au gouvernement le pouvoir de décréter les normes de tarifs, de taux ou de coûts de transport, et elle ne l'a jamais exercé, contrevenant ainsi aux règles élémentaires du droit administratif. C'est fort inquiétant, M. le ministre.

Le Président (M. Bissonnet): Merci, M. Létourneau. Je vais passer maintenant la parole à M. le ministre des Transports. Si vous avez des inquiétudes, vous pouvez poser des questions.

(11 h 10)

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): M. le Président, je vous remercie. Évidemment, c'est sans surprise que nous prenons connaissance de vos positions relativement à la déréglementation. On s'était rencontrés à maintes reprises, on le fait de façon régulière et je ne suis pas étonné de votre plaidoyer en faveur de la déréglementation. Il est bien connu, puis, ma foi, les choses sont claires quand on exposez ainsi des positions sans équivoque. Mais, contrairement à d'autres organismes qui, tout en étant favorables à la déréglementation, conviennent ou admettent que le gouvernement a besoin d'une certaine période pour aménager la transition, je constate que votre organisme plaide pour le respect pur et simple des décisions des tribunaux, particulièrement de la dernière, c'est-à-dire le jugement de la Cour d'appel.

Je ne sais pas comment vous voyez les choses. Évidemment, vous êtes des intervenants majeurs dans le monde de la construction, vous vous retrouvez partout au Québec sur les gros chantiers de construction de routes ou même d'autres projets et vous avez évidemment à recourir à des camionneurs en vrac pour faire en particulier du transport d'agrégats – sable, pierre, gravier, etc.

Est-ce que vous avez réfléchi ou avez-vous une idée de ce qui surviendrait sur les chantiers si le gouvernement avait décidé de ne pas bouger et de maintenir, par conséquent, la décision, par les tribunaux, d'invalider les taux, les tarifs de la Commission des transports du Québec? Est-ce que, selon vous, ça aurait été sans effet sur les chantiers? Est-ce que le fait d'accepter cette invalidation subite, comme ça, tout d'un coup, des tarifs puis de laisser jouer pleinement le jeu de l'offre et de la demande, les règles du marché... Comment ça se serait passé sur les chantiers si on avait fait ça, selon vous?

Le Président (M. Bissonnet): M. Brassard ou M. Létourneau, peut-être? M. Létourneau, président.

M. Brassard (René): Si vous permettez.

Le Président (M. Bissonnet): Allez-y.

M. Brassard (René): En fait, selon nous, M. le ministre, le jugement du tribunal invalide les taux et tarifs. La protection des camionneurs artisans est plus large que les taux et tarifs.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): J'en conviens.

M. Brassard (René): D'abord, il faut avoir un permis si c'est un VR; deuxièmement, par son débit général, le ministère des Transports, particulièrement, protège les camionneurs avec la clause 75-25, de sorte que finalement le camionneur artisan, il est protégé en termes de qui peut faire du transport puis qui peut ne pas en faire, donc il faut avoir un permis. Il est protégé en fonction des quantités à transporter, qui sont très bien déterminées, particulièrement au ministère des Transports, et il était protégé jusqu'à maintenant sur le taux, sur le prix pour lequel il faisait du transport. Alors, ce que l'on vit depuis le jugement de la Cour suprême, c'est qu'il n'y en a plus, de taux, actuellement, et nous croyons qu'on pourrait fort bien fonctionner à l'intérieur du cadre des VR et à l'intérieur du cadre de la clause 75-25 pour la période moratoire de deux ans, avec le libre prix. Il n'y a rien qui empêche ça, on le vit, actuellement.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Oui, sauf que, quand je prends connaissance de tout votre mémoire, vous affirmez, je pense, de façon très claire, à moins que je vous aie mal compris, que, au fond, ce que vous nous dites, c'est que les tarifs plancher de la Commission des transports sont trop élevés et que, s'il y avait invalidation de toute forme de tarification de la part de la Commission et imposition de tarifs plancher, je décode de vos propos que les tarifs qui seraient négociés, disons, à ce moment-là seraient inférieurs, se retrouveraient, de façon générale, inférieurs aux tarifs plancher fixés par la Commission. Est-ce que c'est comme ça... Vous dites qu'on ferait des gains, que le gouvernement ferait des gains, bon, donc je suppose que vous considérez les tarifs plancher de la Commission comme trop élevés et que, si les règles du marché jouaient, on se retrouverait, en règle générale, avec des tarifs inférieurs.

M. Brassard (René): C'est ce qu'on croit.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): D'autres organismes sont venus nous dire, pas plus tard que tout à l'heure, que ces tarifs plancher constituaient vraiment les coûts de base et qu'aller en deçà de ces tarifs, ça génère, pour les camionneurs artisans, des revenus insuffisants ou ça les oblige à faire des heures considérables pour essayer d'obtenir un revenu.

Alors, à partir de ces données-là puis de cette situation-là, à partir de la position que vous défendez, que les tarifs plancher sont des tarifs trop élevés et que, en laissant jouer les règles du marché, on devrait se retrouver avec des tarifs inférieurs, vous ne convenez pas avec moi que, si on accepte que cette situation-là apparaisse immédiatement, qu'on la laisse apparaître tout de suite, sur les chantiers, il va y avoir comme des négociations, des discussions, des échanges, des relations entre donneurs d'ouvrage, c'est-à-dire vous, pour une large part, et les camionneurs artisans qui vont être, disons, tendus?

Le Président (M. Bissonnet): Oui, M. Létourneau.

M. Brassard (René): Ce que je pourrais vous dire, monsieur...

Une voix: C'est M. Brassard.

Le Président (M. Bissonnet): Ah, c'est M. Brassard.

M. Brassard (René): Oh! excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): Allez-y, allez-y.

M. Brassard (René): Je ne suis pas habitué au protocole.

Le Président (M. Bissonnet): Non, c'est parce que... Ha, ha, ha! Ça va.

M. Brassard (René): Ce que l'on vit, M. le ministre, on le vivait déjà dans le passé. À chaque année, la Commission des transports doit entériner des négociations entre les parties et la Commission des transports par une mécanique qui est utilisée lorsqu'un entrepreneur, par exemple, peut discuter avec les représentants des camionneurs et convenir pour un certain volume, et on se présente devant la Commission, et on fait ratifier ou on fait bénir, dans le fond, l'entente qu'on a eue, de sorte qu'on a un tarif puis qu'on n'en a pas. On a un tarif, actuellement. Quand il est suivi, il y a moyen, même légalement, d'y contrevenir. Alors, pourquoi pas laisser aller, simplement?

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Par voie d'entente.

M. Brassard (René): Pardon?

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Par voie d'entente.

M. Brassard (René): Par voie d'entente, et ça continuerait.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Bien oui! Par voie d'entente, les parties peuvent se présenter devant la Commission – c'est une formalité – puis dire: On s'est entendues pour que les tarifs soient inférieurs aux tarifs plancher. C'est var voie d'entente. Mais, quand il n'y a pas d'entente, c'est le tarif plancher qui prévaut. Donc, est-ce que ça n'entraînerait pas des perturbations dans le marché et aussi, forcément, sur les chantiers si on faisait sauter immédiatement cette balise? C'est ça, ma question, au fond, moi, parce que...

M. Brassard (René): Pas selon nous.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Comprenez que, comme ministre des Transports et membre d'un gouvernement, je dois me préoccuper de ce qu'on appelle familièrement la «paix sociale» et ne pas en arriver à créer des conditions trop vite, trop rapidement qui vont générer des situations que je qualifierais de conflictuelles. Alors, c'est vrai que la loi prévoit qu'il y a une entente. Tant mieux si les parties s'entendent, se présentent devant la Commission puis font entériner leur entente, mais ce n'est pas comme ça tout le temps. Alors, c'est ça, ma crainte, moi. C'est de dire: On n'est pas vraiment prêtes, là. Les tables de concertation n'ont pas commencé à fonctionner. Vous serez sur une, certainement, celle sur les agrégats. On va vous y inviter sûrement. On va avoir des beaux débats intéressants – ha, ha, ha! – mais il faut laisser le temps à ces instances-là de fonctionner, de réfléchir, d'opérer puis, en tout cas, de faire tous les efforts requis. C'est d'en arriver à des consensus. Moi, je vous dis, faire ça tout de suite, là, ça comporte des risques que, comme membre d'un gouvernement, je me refuse à prendre. Au fond, c'est ça.

M. Brassard (René): Nous, on ne pense pas. Ce n'est pas le cas.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Oui, mais c'est ça. On diverge sur ce plan-là.

M. Brassard (René): Ha, ha, ha! On s'entend qu'on ne s'entend pas.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): C'est ça.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de... Oups! allez-y.

(11 h 20)

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Maintenant, je voulais vous dire simplement, M. le président, que, là aussi, ça va être un beau débat intéressant sur la définition du camionneur artisan. Je vois que vous avez fait un effort à cet égard. Ça va certainement être un beau sujet de discussion. Cependant, je voudrais dire à M. le président de la Commission des transports, qui est ici, qu'actuellement, sur le nombre total de titulaires de permis de transport en vrac, il y en a 83 % qui sont détenteurs d'un seul permis. Si on y ajoute les titulaires de deux permis, là le taux augmente à 90 %. Alors, ça laisse présager, je pense, de belles discussions sur un sujet qu'on devra sans doute aborder, puis je pense que tout le monde va être d'accord pour ça: C'est quoi, un camionneur artisan, c'est quoi, un artisan du vrac? On va sans doute la faire, cette discussion-là, mais je pense que la réalité, elle est un peu différente de celle que vous exposez dans votre mémoire.

Le Président (M. Bissonnet): M. Brassard, M. Létourneau, avez-vous des commentaires? M. Brassard.

M. Brassard (René): Bien, en fait, M. le ministre, la statistique que vous soulevez est vraie, sauf que le problème d'un artisan, c'est que vous pouvez avoir le père, les deux garçons et les deux gendres qui ont tous des camions, qui sont tous des artisans comptabilisés comme tels, mais qui, en réalité, sont liés entre eux, et souvent, et le principal problème de nos entrepreneurs, c'est de faire la distinction. Quand, nous, on a affaire à un camionneur artisan, c'est quand on a affaire à un compétiteur déguisé qu'est le problème. Le matin qu'on crée une situation où les gens changent de chapeau pour devenir un entrepreneur, là c'est ce qui cause le problème, chez nous. Ça, c'est majeur, et là les gens ont vraiment le sentiment que c'est injuste. Je pense que, si on trouvait la façon... Parce que, même si vous avez 8 000 permis à des personnes individuelles, ça ne veut pas dire qu'il n'y en a pas, entre eux, qui sont liés, et ça, c'est un aspect... En tout cas, nous, on propose une définition. On aura sûrement l'occasion d'en reparler. Ça peut faire le début du débat.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Un sujet sûrement de débat.

Le Président (M. Bissonnet): M. Brassard, avez-vous un lien de parenté avec le ministre?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Non, mais il vient de la même région.

Le Président (M. Bissonnet): Ah! O.K.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Ah, oui, oui. Ça, c'est les Brassard de Jonquière.

Le Président (M. Bissonnet): Ah! Merci, M. Brassard.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Ça, c'est les Brassard de Jonquière.

M. Brassard (René): Lui, il est d'Alma.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Moi, je suis des Brassard du Lac-Saint-Jean, d'Alma. Mais on a le même ancêtre commun, M. le Président.

Le Président (M. Bissonnet): Oui?

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Oui, tout à fait.

M. Brassard (René): Antoine.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Antoine. Antoine Brassard. C'est ça.

Le Président (M. Bissonnet): Vous allez dîner ensemble à midi?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): XVIIe siècle. On se connaît bien.

Le Président (M. Bissonnet): M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Vos membres sont des partenaires constants du ministère des Transports, et, dans l'exécution des travaux, vous êtes donc bien placés pour juger ce que le MTQ, le ministère des Transports, paie en trop. D'après vos évaluations, vous dites 44 000 000 $. Est-ce que ce chiffre a été confirmé par le ministère des Transports? Ou de quelle façon êtes-vous arrivés à cette somme de 44 000 000 $?

Le Président (M. Bissonnet): M. Brassard.

M. Brassard (René): C'est encore moi, je m'excuse. Je veux partager la tâche, comme vous pouvez voir. Ces chiffres viennent directement du ministère des Transports. Vous avez, en annexe II, un document qu'on a obtenu du ministère des Transports et qui établit, selon les statistiques mêmes que le ministère nous a communiquées, la répartition des camionneurs en vrac par catégories: construction publique, construction privée, transport en usine et transport interprovincial. Alors, lorsqu'on constate, par exemple, que, pour l'approvisionnement en usine, les VR, les transporteurs concentrent des taux jusqu'à 40 %, on fait simplement une règle de trois en prenant le chiffre du haut, où le ministère nous dit que le gouvernement, dans son ensemble, dépense 110 000 000 $ par année en transport, et on applique un escompte sur 110 000 000 $ de 40 % à la... Mais le chiffre est relativement secondaire. Que ce soit 40 %, 35 %, 20 %, 3 %, ce n'est pas acceptable que l'on accepte que le gouvernement paie plus cher qu'il pourrait payer. Quand on soumissionne, le contrat va au plus bas soumissionnaire, il ne va pas au deuxième, et, pour nous, le chiffre de 40 000 000 $ n'est relativement pas significatif. C'est le principe lui-même auquel on s'oppose.

M. Middlemiss: D'accord. M. le Président, tantôt le ministre disait que, si on n'agissait pas, il était un peu inquiet de la paix sociale sur les chantiers. Mais tantôt j'ai posé la question aux gens qui vous ont précédés: Présentement, quels sont les taux que vous utilisez? Parce qu'il y a certainement de vos membres qui sont en train de préparer des soumissions. Et est-ce que présentement vous respectez ou est-ce qu'on respecte de façon générale le taux plancher, les taux qui sont en vigueur présentement ou qui étaient en vigueur avant? Est-ce qu'on a continué avec les mêmes taux?

M. Brassard (René): Moi, je peux vous dire, M. le député, que, dans le contexte de compétition que les entrepreneurs ont à vivre, depuis le jugement de la Cour suprême, il n'y en a plus, de taux. Moi, je peux vous dire que les prix que les gens mettent dans les soumissions, actuellement, c'est les taux du marché, c'est les taux auxquels eux seraient prêts à transporter. Est-ce que c'est 90 % du tarif ou 60 %? Je ne sais pas. Et on sait à quel point la compétition est féroce.

Moi, si j'avais à préparer une soumission, aujourd'hui, je peux vous assurer que je la préparerais sur la base d'obtenir le contrat. Chaque jour, les entrepreneurs nous appellent en nous disant: Qu'est-ce qu'on met comme taux? La seule réponse qu'on peut leur dire, c'est qu'il n'y en a plus, de taux, depuis la décision de la Cour suprême.

M. Middlemiss: D'accord. En d'autres mots, lorsque vous préparez ces soumissions, est-ce que vous échangez avec les camionneurs qu'ils vont être obligés d'engager? Et est-ce que c'est de consentement? Ces gens-là disent: Voici, on est prêts à vous donner un tel taux?

M. Brassard (René): Il y a plusieurs intervenants à qui j'ai parlé personnellement et qui me disent qu'ils préparent des soumissions. Ils ont communiqué avec les gens de l'industrie du camionnage, les gens du sous-poste, par exemple, local, et on me dit qu'il y a eu des discussions. Je ne sais pas s'il y a eu des ententes spécifiques, je ne pourrais pas vous donner de cas précis, mais cette éventualité-là est aussi sûrement discutée. Les gens du camionnage pourraient nous le confirmer, probablement.

M. Middlemiss: D'accord. Si je comprends bien, les tarifs qui étaient en vigueur le 19 mars, c'est des tarifs qui avaient été négociés par vous avec les camionneurs?

M. Brassard (René): Non, non, c'est les tarifs que la Commission des transports a publiés.

M. Middlemiss: Mais est-ce que ce n'était pas le résultat de négociations qu'il y avait eu avec... Les derniers tarifs, là, est-ce que ce n'était pas le résultat d'une négociation entre l'ACRGTQ et les camionneurs?

Mme Bourque (Gisèle): Oui. Effectivement, en 1996, nous avions convenu d'une entente avec les camionneurs artisans pour éviter une augmentation plus élevée qui aurait sûrement été décrétée par la Commission des transports à cette époque, sinon on n'aurait pas vu l'intérêt de convenir d'une entente avec eux, évidemment. Et on devait se présenter devant la Commission des transports parce qu'il y a une audition annuelle, de toute façon. Alors, plutôt que d'aller faire une démonstration avec les témoins, avec... enfin tout ce qu'on a exposé dans le mémoire, on a préféré, à ce moment-là, convenir d'une entente avec eux.

M. Middlemiss: O.K. Vous avez indiqué qu'il y en a, des artisans qui sont des propriétaires d'équipement comme des rétrocaveuses, des chargeuses sur roues, des pelles mécaniques. Je suis convaincu que, dans l'exécution de vos travaux, vous devez aussi négocier avec ces gens-là sur les prix. De quelle façon procédez-vous? Parce qu'il n'y a pas de tarif minimum ni rien. De quelle façon vous procédez?

M. Brassard (René): Ça se fait sur une base de négociations, ça se fait sur une base indicative aussi où le Conseil du trésor publie chaque année un recueil des taux et tarifs qui sont des taux et tarifs acceptés dans le public. Ça se fait sur une base de négociations, sur une base de relations de sous-traitant à entrepreneur. Ça se fait comme ça se fait dans... et comme on voudrait que ça se fasse aussi avec les camionneurs.

M. Middlemiss: Je sais que c'est important, lorsque vous engagez un camionneur, que le camionneur puisse réellement produire, parce que, comme vous l'avez mentionné, lorsque vous avez un contrat, c'est le plus bas soumissionnaire. Donc, vous avez mis un prix de soumission basé sur une production. Est-ce que vous rencontrez beaucoup de problèmes où, en réalité, vos entrepreneurs, vos membres n'ont pas le choix de choisir les camionneurs qu'ils connaissent, dont ils savent qui peuvent bien produire? Est-ce que vous avez un problème dans ce sens-là?

Mme Bourque (Gisèle): Vous voulez dire que c'est des problèmes de conflits entre eux ou des problèmes...

(11 h 30)

M. Middlemiss: Non, non, là, que vous n'avez pas le choix. Disons que vous allez à un poste de courtage et que l'entrepreneur a besoin de tant de camions. C'est le poste de courtage qui décide: Je vous envoie tels camions, contrairement peut-être à un entrepreneur qui connaît ses camionneurs et puis qui, lui, aimerait avoir le choix. Est-ce que vous avez des problèmes de cette nature-là?

Mme Bourque (Gisèle): Bien oui. Évidemment, l'entrepreneur n'a pas nécessairement de contrôle sur le camionneur artisan qui lui est référé par le poste de courtage. Il y en a avec qui évidemment il préfère travailler, mais il n'a pas de contrôle là-dessus. Alors, c'est certain que ça peut entraîner des pertes de production, des pertes de productivité, enfin différents problèmes de toute nature dont on n'a pas traité dans le présent mémoire parce que ce n'était pas l'objet précis de la discussion, mais, effectivement, accessoirement, il y a des problèmes, pas avec tous les camionneurs artisans mais avec certains entrepreneurs. Il n'a pas le même contrôle que s'il travaillait avec ses propres camionneurs, c'est certain.

M. Middlemiss: Dernière question, M. le président. On a confirmé que les taux qui sont en vigueur présentement, c'est des taux qui font suite à une négociation entre vous autres et les camionneurs. Le fait qu'il nous reste 20 mois avant la déréglementation, croyez-vous que les gens du milieu auraient pu arriver à une entente sur un taux, des tarifs qui auraient été acceptables pour les deux parties?

M. Brassard (René): Actuellement, la négociation se fait au cas par cas, c'est une relation d'entrepreneur versus un sous-traitant. C'est comme ça que ça se fait depuis la décision de la Cour suprême. Ça pourrait continuer comme ça, il n'y a pas d'empêchement à ce que le prix se fixe par une discussion entre les partenaires. Même avec toute la structure qu'on a de VR et de quotas, moi, je pense que ça pourrait très bien fonctionner.

M. Middlemiss: C'est bien. Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: Oui. Merci, M. le Président. MM. Létourneau, Brassard et Mme Bourque, bienvenue. Dans votre présentation, évidemment vous avez clairement indiqué que vous ne voyiez pas le bien-fondé de la loi n° 416 à ce moment-ci, d'une part. Ce qu'il faut comprendre, c'est que le gouvernement en avait besoin. Il était peut-être celui qui voulait venir corriger ce que d'autres avant vous ont mentionné, la zone grise, pour éviter des réclamations rétroactives, des amendes qui avaient été perçues de la part du gouvernement depuis déjà quelques années. Je pense que c'était la réaction naturelle du ministre et du ministère des Transports, d'une part.

À la page 3, à un moment donné, vous avez fait mention que vous faisiez appel, dans l'ordre de 60 % de votre transport annuel, de ceux de vos membres, à des camionneurs externes. Quel groupe de camionneurs est plutôt visé quand vous faites appel à des camionneurs? Est-ce que c'est le camionneur artisan comme vous le définissez ou c'est le petit contracteur propriétaire de trois ou quatre permis de vrac, comme d'autres groupes avant vous les ont définis comme petites PME? Est-ce que le volume d'affaires est surtout dirigé vers...

M. Brassard (René): Il y a autant de possibilités qu'il y a de chantiers. Je vais vous donner l'exemple de ce qui se passait à la Baie James, c'étaient souvent des entrepreneurs en transport qui montaient faire du transport en vrac à la Baie James. Si vous travaillez pour un client qui est le ministère des Transports, lui, il impose une clause 75-25. Alors, évidemment, 75 % des camions sur le chantier doivent être des camionneurs artisans.

M. Gauvin: Via le poste de courtage.

M. Brassard (René): Via le poste de courtage. Ça, c'est la règle au ministère des Transports. Dans les villes, actuellement, chaque ville a des spécifications. Souvent, on va vous demander de prendre les camionneurs locaux en premier. Alors, dépendant du client que vous servez, certains ont des exigences qui sont différentes des autres, et, dans certains cas, l'entrepreneur général a la latitude d'utiliser une entreprise de transport ou des camionneurs artisans. On pourrait avoir autant de solutions qu'il y a de projets, finalement.

M. Gauvin: Aidez-moi à comprendre la problématique pour sécuriser d'abord le futur de l'entreprise et de l'économie de nos régions. Est-ce que, vous – j'aimerais avoir votre réaction – vous reconnaîtriez qu'il serait souhaitable de sécuriser, dans le domaine du camionnage, le camionneur artisan? Est-ce que ça serait plus sécurisant pour vous autres, dans le futur?

M. Brassard (René): Qu'il y ait un camionneur artisan qui soit un véritable artisan, on n'a pas de problème avec ça. C'est quand un camionneur artisan change de chapeau et que, le lendemain matin, dans un village quelconque, l'entrepreneur local, lui, se fait compétitionner sur une soumission par le gars qui ne l'a pas – supposons qu'il ne l'a pas – mais que, le lendemain matin, il est obligé de l'engager pour faire son transport. C'est un petit peu difficile, hein? C'est cette situation-là que... Si on était capable de la régler, moi, je pense qu'on aurait réglé un bon bout du problème. Si on était capable d'avoir de véritables artisans, des gens qui... Nous, on suggère une voie à suivre dans notre document. Espérons qu'on aura l'occasion d'en reparler, mais ça, c'est la cause de notre principal problème.

M. Gauvin: Est-ce qu'il y a un lien entre le poste de courtage et les tarifs du marché? Pour établir les tarifs du marché libre, comme vous dites, est-ce que le poste de courtage devient un problème, à vouloir développer davantage cette culture-là?

Mme Bourque (Gisèle): À savoir si des ententes négociées, les ententes particulières...

M. Gauvin: Oui.

Mme Bourque (Gisèle): Bien, enfin, il y a différents critères à rencontrer. Il faut que ce soient des contrats qui s'étendent sur une certaine période. Ça ne s'applique pas, comme dans le passé, aux différentes ententes qui étaient convenues entre des camionneurs artisans via le poste de courtage et qui étaient entérinées par la Commission des transports. Ça ne fonctionne plus, cette façon de procéder là. Maintenant, c'est par le biais d'une fixation particulière et c'est, dans certains cas, très particulier. Il faut que ça rencontre...

M. Gauvin: Avec le camionneur même?

Mme Bourque (Gisèle): C'est avec, en fait, les postes de courtage. Il y a des critères très particuliers à rencontrer. Ça ne se fait pas aussi facilement que ça se faisait. Il y a des délais aussi qui se rattachent à ces procédures.

M. Gauvin: Quand vous voulez suivre toutes les règles, la réglementation prévue.

Mme Bourque (Gisèle): Oui.

M. Gauvin: Quand vous voulez la suivre.

Mme Bourque (Gisèle): Quand les deux parties s'entendent et que les critères sont rencontrés.

M. Gauvin: Je vois.

Le Président (M. Lachance): Ça va, M. le député?

M. Gauvin: Juste une... Ah bien, en fait, vous l'avez clarifié, le groupe. Quand vous parlez de groupe protégé, vous visez surtout le camionneur artisan tel qu'on le définit, propriétaire d'un camion. Ceux que vous définissez comme des groupes protégés, là – on ne devrait pas nécessairement, d'après votre version, éviter ça – c'est le camionneur artisan que vous visez?

M. Brassard (René): Effectivement.

M. Gauvin: Le propriétaire d'un camion. Vous les considérez groupes protégés. Parce qu'ils sont détenteurs d'un permis, ils sont les seuls à pouvoir en faire, évidemment.

M. Brassard (René): C'est ça, exactement.

Le Président (M. Lachance): Merci. Je signale, selon le chronomètre, qu'il resterait environ une minute à la partie ministérielle, qui n'a pas été utilisée, à moins d'un consentement, M. le ministre.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Je n'aurai pas besoin de plus. C'est simplement que j'ai été un peu étonné des propos de M. Brassard et des informations que son Association transmet à ses membres relativement aux tarifs, à ses membres qui sont en train de préparer des soumissions, par exemple. De leur dire: Il n'y en a plus, de tarif, suite à la décision du juge Raby, ça m'apparaît un peu court. Me semble que, depuis le 1er avril, il y a une position très claire, non équivoque du gouvernement qui entend prendre les moyens pour rétablir les pouvoirs tarifaires de la Commission des transports. Depuis la semaine dernière, il y a un projet de loi, le projet de loi n° 416, qui est devant l'Assemblée nationale, qui est connu, dont les dispositions sont connues, qui comporte une clause rétroactive, rétroagissant. Il me semble que c'est un peu court, comme information, ce que vous transmettez à vos membres. Il faudrait aussi leur dire que le gouvernement a pris une orientation très claire, très précise et que l'Assemblée nationale est interpellée et qu'elle est sollicitée pour agir de façon urgente.

M. Brassard (René): Soyez assuré, M. le ministre, que ce que vous dites, on le fait, là.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Bon. D'accord.

M. Brassard (René): Au fur et à mesure que le dossier se développe, on informe nos gens.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Ça m'apparaît important de le faire, en effet.

M. Brassard (René): Sauf que le contenu du projet de loi, on vient de le connaître, il y a quelques jours.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): La semaine passée.

Le Président (M. Lachance): Bon. Brièvement ou de consentement?

M. Middlemiss: C'est seulement pour dire qu'on ne peut pas présumer que l'Assemblée nationale va adopter le projet de loi n° 416 même s'il a été déposé.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): J'ai parlé du gouvernement, et des intentions, et des orientations du gouvernement.

M. Middlemiss: Bien oui, mais l'Assemblée nationale, je crois, doit avoir le privilège de l'accepter, hein?

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Bien, je sais que l'Assemblée nationale aura le privilège de l'accepter.

M. Middlemiss: D'accord. C'est bien.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): J'ai dit que le gouvernement avait déterminé son intention très claire de rétablir les pouvoirs de la Commission. C'est à l'Assemblée nationale, bien sûr, d'adopter le projet de loi, cela va sans dire.

Le Président (M. Lachance): Très bien. Alors, je remercie les représentants de l'Association des constructeurs de routes et de grands travaux du Québec, M. Brassard, M. Létourneau, Mme Bourque, pour leur participation aux travaux de cette commission. Merci beaucoup. Je suspends les travaux de la commission jusqu'après les affaires courantes, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 11 h 40)

(Reprise à 15 h 8)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! La commission des transports et de l'environnement poursuit ses travaux avec le mandat de faire des consultations particulières sur le projet de loi n° 416, Loi modifiant la Loi sur les transports et la Loi sur le transport par taxi.

Nous en étions à entendre l'Association québécoise des entrepreneurs en égouts aqueducs, alors si vous voulez vous identifier, s'il vous plaît.


Association québécoise des entrepreneurs en égouts aqueducs (AQEEA)

M. Bégin (Gaétan): Bonjour. Je me présente Gaétan Bégin, je suis ingénieur. Je suis directeur général de l'Association québécoise des entrepreneurs en égouts aqueducs.

Le Président (M. Lachance): Bienvenue.

M. Bégin (Gaétan): Madame, monsieur, permettez-nous de remercier les membres de la commission des transports et de l'environnement ainsi que le ministre des Transports de nous offrir l'occasion de fournir nos commentaires et recommandations sur le projet de loi n° 416 et les objectifs poursuivis par le gouvernement.

En guise de préambule, je voudrais d'abord vous présenter l'Association des entrepreneurs en égouts aqueducs. Notre association n'existe que depuis deux ans et demi. Elle regroupe des entrepreneurs spécialisés dans le domaine des égouts et aqueducs. Le volume d'affaires de nos membres, en ce domaine seulement, représente environ 45 % du volume effectué dans toute la province de Québec. Nous avons des membres réguliers, les entrepreneurs, des membres associés, les fabricants de tuyaux et accessoires, et des membres affiliés, fournisseurs de services connexes comme le camionnage en vrac. Nos entrepreneurs possèdent parfois leur propre flotte de camions, mais en majeure partie ils font appel aux divers services de camionnage en vrac.

Nos entrepreneurs font affaire avec les postes de camionnage en vrac lorsqu'ils y sont contraints par les documents contractuels, mais leur préférence va presque toujours vers les camionneurs indépendants, et nous allons vous en expliquer les raisons.

Nous vivons dans un monde compétitif. Pour survivre, nous devons être le plus bas soumissionnaire conforme et, une fois le contrat obtenu, nous devons au moins égaler les productions prévues à la soumission. Une chaîne n'est jamais plus forte que le plus faible de ses maillons. Dans notre métier, c'est pareil. Si le camionnage fonctionne mal ou n'est pas compétitif, tous les éléments de production sont affectés. L'entrepreneur se doit de développer un partenariat avec son sous-traitant en camionnage. Un partenariat, cela implique, entre autres, que nous nous attendons à un maximum de productivité pour une rémunération équitable et raisonnable.

(15 h 10)

La libre concurrence, la liberté de se choisir mutuellement en faisant l'équation entre la productivité et le prix, voilà la règle de jeu du système dans lequel nous vivons. Je peux vous assurer que les relations entre nos entrepreneurs et les camionneurs sont harmonieuses parce que chacun peut, ou non, se choisir lors de chaque contrat. Il n'en est pas de même quand un sous-poste de camionnage est imposé; l'une des deux parties, c'est-à-dire l'entrepreneur, n'a pas la possibilité de se défendre s'il est insatisfait. Il ne peut se départir du partenaire imposé. Rappelons-nous que l'entrepreneur est lié par son prix soumissionné, donc par la productivité qu'il doit obtenir. À défaut de l'obtenir, il encourt des pertes qui, à répétition, peuvent l'acculer à la faillite.

Un des fondements de notre système démocratique est la liberté d'association. Lorsque le gouvernement est intervenu en 1972 pour réglementer le transport en vrac, il poursuivait un but noble, celui de protéger le véritable camionneur artisan. Dans le règlement initial de 1972, on le décrivait comme le travailleur qui possède un seul camion et le conduit lui-même. On parlait à cette époque de créer des postes d'affectation pour les entrepreneurs et d'autres pour les artisans. Le but poursuivi par le gouvernement était alors de démontrer aux camionneurs les avantages de se donner des services communs. Ces principes allaient de pair avec la liberté d'association exprimée ci-dessus.

C'est au début des années quatre-vingt que les choses se sont gâtées. Dorénavant, il n'y avait que des postes de courtage contrôlés par des artisans, et le gouvernement a consacré l'exclusivité de ces postes. Ceux-ci ont entrepris un lobby très agressif auprès des villes, des ingénieurs-conseils et des décideurs publics pour que soit insérée dans les contrats de services l'obligation de recourir à leurs services exclusifs pour le camionnage en vrac. Le ministère des Transport a cédé à ces pressions. Depuis ce temps, la paix sociale est rompue. L'obligation de recourir aux sous-postes de camionnage et les règles du 75-25 favorisent un club privé.

Pourquoi parle-t-on d'un club privé? Depuis les années soixante-dix, le nombre de vrais camionneurs artisans a considérablement diminué. Nous assistons maintenant au régime des faux artisans, c'est-à-dire d'entrepreneurs regroupés à la manière des syndicats dans les postes de camionnage en vrac, qui utilisent souvent des prête-noms pour enregistrer leur camion. C'est ce que nous, les entrepreneurs, appelons un club privé. Il serait intéressant que la commission des transports et de l'environnement fasse faire des recherches exhaustives par la Commission des transports pour vérifier quel est le nombre de vrais camionneurs artisans oeuvrant au Québec. Un simple recoupage des adresses donnerait des résultats surprenants. Pour notre part, nous estimons qu'il ne reste qu'environ 1 200 véritables artisans au Québec sur un total de quelque 12 000 permis en circulation, et ces vrais camionneurs artisans ne sont pas nécessairement membres des postes de camionnage en vrac.

Les tarifs imposés par la Commission des transports sont plus élevés que ceux que nous payons dans le secteur privé. Plusieurs camionneurs qui travaillent régulièrement aux taux du ministère des Transports n'hésitent pas à baisser leurs prix quand ils viennent dans le secteur privé et ils en vivent très bien. Selon un mémoire de l'ACRGTQ, le ministère des Transports dépense quelque 110 000 000 $ en camionnage. Pourquoi alors paierait-il 40 % de plus, c'est-à-dire 40 000 000 $, à un club privé privilégié alors que le gouvernement effectue des coupures majeures dans la santé, l'éducation et des services sociaux?

Le 44 000 000 $ précité n'inclut même pas les montants payés en trop par les municipalités et les compagnies de la couronne telles Hydro-Québec et la Société québécoise d'assainissement des eaux. Si le ministère des Transports veut absolument payer plus cher dans les contrats qu'il dirige et exécute lui-même, libre à lui, il n'a pas besoin d'une loi spéciale pour le faire. Nous croyons toutefois que l'obligation de recourir aux postes de courtage doit cesser immédiatement, et les prix doivent être libres partout où un entrepreneur soumissionne librement.

Le projet de loi n° 416, nous dit-on, vise à harmoniser les relations entre les groupes de transporteurs. C'est un but louable, et je voudrais signaler à la commission que nous l'avons déjà, cette harmonie et cette paix sociale. En effet, qui a troublé la paix depuis le 17 juillet 1997, date du jugement de la Cour d'appel dans la cause Raby? Qui a troublé la paix depuis le 19 mars 1998, date de la réponse de la Cour suprême à la demande du Québec? Personne.

On nous dit, par contre, que les manifestations du passé de camionneurs en colère devant le parlement de Québec sont un haut lieu de désordre social qu'on ne veut plus revoir. À ce titre, je voudrais attirer votre attention sur le fait que ce désordre vient uniquement des membres des postes de camionnage en vrac; les autres détenteurs de permis sont respectueux de l'ordre social et vous demandent de respecter la décision des tribunaux. Remettre en force l'injustice que nous connaissions avant la décision des tribunaux reviendrait à donner raison au chantage proféré par un groupe de pression, j'ai nommé les postes de sous-camionnage en vrac. Le rôle du gouvernement est de défendre les intérêts du public en général et non d'un groupe en particulier.

La rétroactivité du projet de loi crée également une injustice. Il y aurait de 1 500 à 2 000 amendes qui sont en suspens suite au jugement de la cause Raby. Ceux qui ont gagné cette cause ne peuvent être condamnés, mais ceux qui n'étaient pas inscrits à cette cause seraient condamnés, et ce, pour les mêmes motifs que ceux qui ne le seront pas. Par la rétroactivité, vous pourriez créer une injustice entre ceux qui ont défendu et gagné leurs droits et ceux qui ont attendu que justice soit rendue. L'usage de la rétroactivité est un principe de droit utilisé exceptionnellement, et ce, dans le but de corriger une injustice. Partant, il ne doit pas être utilisé dans le seul but de mettre de côté une décision judiciaire. Dans le présent cas, on créerait une nouvelle injustice.

Le projet de loi n° 416 prévoit, en outre, de donner à la Commission des transports les pouvoirs d'être juge et partie en lui permettant d'établir les règles générales et de les appliquer. Avant 1972, l'ancienne loi de la Régie des transports permettait la même chose. Lorsqu'on a adopté la loi des transports en 1972, on a voulu corriger cette situation d'être juge et partie. Le présent projet de loi n° 416 nous retournerait 25 ans en arrière.

Nous souscrivons entièrement à la suggestion du ministre des Transports de créer une table de concertation pour le transport des agrégats. Cette table permettrait aux intervenants de se préparer à la déréglementation prévue pour le 1er janvier de l'an 2000. Elle permettrait également d'établir des règles de transition pour les vrais artisans, ceux qui peuvent prouver qu'ils le sont. Toutefois, cette table de concertation ne doit pas se faire pendant qu'une des parties a l'épée de Damoclès au-dessus de sa tête, c'est-à-dire dans le contexte prévu par le projet de loi n° 416.

Les camionneurs indépendants ont déjà vécu l'expérience des tables de concertation lorsqu'ils s'étaient regroupés sous l'appellation RPEV, qui veut dire Regroupement provincial des entrepreneurs en vrac. Cette expérience s'est avéré un simple exercice pour gagner du temps, endormir les gens et perpétuer l'injustice.

Une table de concertation ne peut fonctionner que si les parties ont intérêt à en sortir. Donc, nous soumettons que l'adoption d'une loi, si besoin est, doit se faire après les conclusions de la table de concertation. Les tribunaux ont statué, justice est rendue. Nous avons la paix sociale, préservons-la et agissons avec fermeté contre quelque groupe de pression qui voudrait la troubler. C'est là la responsabilité morale du gouvernement.

La façon de faire que nous préconisons n'est pas nouvelle. Quand le gouvernement a demandé aux municipalités de réduire le salaire de ses employés, il n'a pas débuté en imposant une loi spéciale; au contraire, il a d'abord appelé les parties à négocier. C'est cet ordre normal des choses que nous demandons au gouvernement de respecter: les tables de concertation d'abord, puis ultimement la législation si nécessaire, mais sans recréer une injustice.

En conclusion, nous sommes d'avis que la décision des tribunaux est juste et équitable et qu'elle doit être respectée. Elle a mis fin à une injustice qui brimait la liberté d'association au Québec et occasionnait inutilement des coûts considérables au gouvernement. Cette décision fournit une occasion en or au gouvernement dans le contexte actuel de paix sociale de réparer une injustice et de former une table de concertation avec les différents intervenants afin de se préparer à la déréglementation de l'an 2000 et de redéfinir les règles entourant les vraies camionneurs artisans au Québec.

Les buts poursuivis par le gouvernement peuvent être atteints sans changement législatif en modifiant le règlement actuel sur les tarifs de vrac et en adoptant de vraies normes comme celles qui existaient jusqu'en 1980. De cette façon, en l'an 2000, on n'aura qu'à modifier un simple règlement. Dans le cas contraire, on devra modifier une loi et on peut imaginer ce qui arrivera en termes de délais et de pressions de toutes sortes.

Si le gouvernement persiste à vouloir amender la loi, il devrait se restreindre à autoriser strictement la Commission des transports à fixer des tarifs pour les contrats de la voirie uniquement, c'est-à-dire les contrats octroyés directement par la voirie à des vrais camionneurs artisans. Selon nous, c'est de cette façon que les objectifs du gouvernement de stabilité et de prospérité de l'industrie seront les mieux servis. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Bégin. M. le ministre.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Oui. Merci, M. le Président. M. Bégin, le moins qu'on puisse dire en tout cas, c'est que vous affichez vos couleurs sans la moindre équivoque. On sait à quelle enseigne vous logez. Mais je voudrais quand même clarifier un certain nombre de choses avec vous.

(15 h 20)

D'abord, toute cette question des faux artisans, comme vous les appelez. Je voudrais savoir comment vous en êtes arrivés, de quelle façon vous êtes arrivés à identifier uniquement 1 200 vrais artisans? Puisque vous affirmez qu'il y a de faux artisans et qu'il n'y a que 1 200 vrais artisans, comment en êtes-vous arrivés à ce chiffre-là? De quelle façon vous êtes arrivés à identifier uniquement 1 200 artisans?

M. Bégin (Gaétan): Nous étions déjà au courant des chiffres qui vous ont été mentionnés par l'ACRGTQ ce matin et des façons qui ont été utilisées pour les obtenir. Ce chiffre est le résultat des négociations et des discussions qu'on a eues avec tous nos entrepreneurs qui, sur les chantiers, connaissent les conducteurs de camions et identifient clairement qui sont les vrais artisans et les faux artisans. C'est facile de voir qu'un camion d'un artisan n'est pas conduit par la personne qui le possède, les gens viennent à se connaître. Et c'est sur une base d'évaluation, peut-être moins précise que l'ACRGTQ de ce matin, parce qu'eux l'avaient fait autrefois avec l'ANCAI, mais c'est sur la base des discussions avec nos entrepreneurs que nous en sommes venus à ce chiffre.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Sauf que ce matin, M. Brassard, de l'ACRGTQ, n'a pas contesté ce que je lui ai dit. Quand je lui ai dit, je lui ai indiqué que, sur le nombre total de titulaires de permis de transport en vrac, 83 % sont détenteurs d'un seul permis, si on ajoute les titulaires des deux permis, on atteint le taux de 90 %, M. Brassard a dit: C'est vrai ce que vous dites là. Alors, comment, à partir du moment où c'est vrai ce que j'avance là...

M. Bégin (Gaétan): Mais un prête-nom, c'est également le détenteur d'un seul permis. Ce que je vous dis, c'est que nos entrepreneurs sur les chantiers sont à même d'identifier que celui qui conduit n'est pas le propriétaire du camion. Et c'est sur cette base-là que nous recommandons à la table de concertation et à la Commission de faire des vérifications, et je pense que les associations de camionneurs devraient collaborer pour éclaircir cette chose-là. Parce que tous les sons de cloche arrivent au fait qu'il y a énormément de faux artisans. Faisons la lumière. Je pense qu'une table de concertation, c'est bien placé pour le faire.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Donc, c'est un chiffre fondé sur une sorte de collecte des informations de vos membres...

M. Bégin (Gaétan): Exact.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Par conséquent, on peut le qualifier d'approximatif.

M. Bégin (Gaétan): Tout comme on peut qualifier que les quelque 80 % de personnes enregistrées avec un seul nom peuvent être des prête-noms aussi.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Mais est-ce que vous considérez qu'il est possible pour un camionneur artisan, dans le monde actuel et dans la marché actuel du transport en vrac, de ne posséder ou de n'avoir accès qu'à une seule source de revenus? Est-ce qu'il y a moyen d'arriver à vivre avec une seule source de revenus?

M. Bégin (Gaétan): Ça peut dépendre de la région, ça peut dépendre de chaque artisan. Mais ce que je peux vous dire, c'est qu'en général un artisan qui a à coeur de gagner sa vie est très productif, et en général nos entrepreneurs cherchent à développer une relation de continuité avec un camionneur une fois qu'on a établi une façon de travailler et, je dirais, une espèce de complicité mutuelle. Nos entrepreneurs cherchent à utiliser les mêmes camionneurs sur un contrat, du début à la fin, contrat après contrat, parce qu'une fois qu'on a découvert quelqu'un qui travaille bien, qui est compréhensif, qui nous aide à atteindre nos productions, on en fait un partenaire. Alors, le camionneur artisan qui travaille bien devient un partenaire, et on cherche à l'avoir à chaque contrat.

Maintenant, si on est obligé de changer constamment de camionneur, c'est là que ça va mal. Quand on opte pour un joueur gagnant, on veut le garder dans notre équipe contrat après contrat. Alors, c'est la productivité de cet artisan-là, c'est sa compétence qui sont la garantie de la stabilité de son emploi et de son revenu, et je pense que tout le monde y gagne.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Je peux donc présumer que vous êtes d'accord avec la définition que proposait l'ACRGTQ, ce matin, du camionneur artisan. Vous êtes d'accord avec cette définition-là?

M. Bégin (Gaétan): Oui. Elle ressemble un peu à la mienne, mais elle est encore plus précise.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Est-ce qu'un camionneur artisan qui a un camion puis qui, pour évidemment atteindre un niveau de revenus qu'on peut qualifier de décent ou convenable, acquiert un autre équipement lourd, une pelle mécanique, par exemple, vous considérez qu'il demeure toujours artisan à ce moment-là?

M. Bégin (Gaétan): S'il a une pelle mécanique et qu'il veut travailler il va être obligé d'aller à la Régie du bâtiment se chercher une licence d'entrepreneur.

Le problème qu'on vit à l'heure actuelle, c'est que vous allez dans une municipalité, arrive une soumission, ça ouvre à 11 heures à matin, on s'aperçoit qu'on compétitionne a, b, c, camionneur qui agit à titre d'entrepreneur. Mettons qu'il est deuxième; bon, le lendemain matin, on fait quoi? On est obligé d'engager notre compétiteur qui est arrivé deuxième puis qui a essayé d'avoir l'ouvrage. Là, il change de chapeau puis il se représente. Ce n'est pas normal. On devrait être entrepreneur ou camionneur artisan, mais pas les deux à la fois. Parce qu'on joue les deux jeux: on se présente comme entrepreneur puis on essaie d'avoir la soumission; si on ne l'a pas, ce n'est pas grave, tu vas être obligé de me prendre. Ça ne marche pas, ça.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Je voudrais clarifier aussi peut-être les causes pendantes qui sont devant le Procureur général. Ce qu'on me dit, c'est qu'il y a 463 dossiers en suspens et non pas 1 500 à 2 000 comme vous l'affirmez.

M. Bégin (Gaétan): Ça vous vient de la Commission?

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Oui, tout à fait. 463. Maintenant, une dernière question concernant les tarifs ou les prix. Vous parlez de prix, vous utilisez l'expression «prix équitable et raisonnable». Je présume ou je suppose que les tarifs fixés par la Commission ne vous apparaissent pas, quant à vous, des prix équitables et raisonnables.

M. Bégin (Gaétan): C'est-à-dire que ce sont des prix généreux. Maintenant, nous, on vit la situation où ces mêmes camionneurs, qui rient en arrière, quand on arrive dans un contrat libre, ils viennent soumissionner des prix plus bas. Je suis bien heureux pour eux autres quand ils gagnent ces prix-là. Tant mieux. Ça vous coûte cher. Bon. Mais ce qu'on veut, nous, c'est de ne pas avoir l'obligation de se marier avec quelqu'un, parce que notre production, c'est notre survie qui est en jeu.

Comme je vous dis dans mon mémoire, si au ministère des Transports, vous voulez payer un prix plus élevé que le marché, libre à vous. Mais, quand on soumissionne, on ne veut pas être obligé de prendre un parti plutôt qu'un autre; on veut choisir librement et on veut avoir la possibilité de briser cette alliance-là. Vous savez, quand on est dans un contrat privé, on négocie le prix, on négocie avec quelqu'un qui peut nous en donner pour notre argent. Ce n'est pas nécessairement le plus bas prix qui est le meilleur camionneur pour nous. Souvent, il charge un peu plus cher, il travaille bien, il collabore avec nos contremaîtres, il nous aide à faire de la productivité, il est flexible dans les heures de break pour qu'on puisse travailler avec la température, puis vous savez que, quand on frappe du mauvais temps, on est tous dans la boue, alors on doit tous s'entraider. Ça nous prend des gens flexibles et compréhensifs et, quand on négocie un prix, on veut pouvoir choisir notre partenaire et généralement, c'est la meilleure équation productivité-prix. Pas nécessairement le prix le plus bas, la meilleur équation. Et c'est contre l'obligation de choisir un partenaire, ou la mariée, si on peut dire, qu'on en a.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président, merci, M. Bégin. Vous aviez indiqué dans votre mémoire qu'il y avait de 1 500 à 2 000 infractions. Le ministre vient de dire: On parle plutôt de l'ordre de 463. Vous indiquez aussi que, si la législation passe et que ça devient rétroactif, il va se créer un genre de traitement différent pour ceux qui ont déjà obtenu l'annulation des infractions et depuis le jugement de la Cour suprême. Est-ce que vous pouvez expliquer ça? C'est quoi, la situation?

M. Bégin (Gaétan): Ce que mes membres ont dit, c'est que depuis que la Cour suprême a rendu sa décision, on n'a plus de taux, on n'a plus de tarifs. Ces gens-là se présentent en cour et présentent leur pénalité, si je peux appeler ça de même – je n'ai pas le bon terme – et ils obtiennent l'annulation. Alors, vous avez des entrepreneurs qui obtiennent l'annulation des poursuites,

(15 h 30)

Une voix: Des amendes.

M. Bégin (Gaétan): Des amendes, et, quand cette loi-là sera passée, si elle est passée, on va remettre ça en vigueur. Donc, on va être obligé d'aller dire au juge: Bien, écoute, tu as annulé l'amende, bien, désannule ton annulation. C'est quant à moi au niveau des tribunaux, ça ne se tient pas. Je crois que, si on veut respecter la décision des tribunaux, on a quelque chose de simple, M. le ministre, c'est que ces amendes là sont données en fonction du Code civil, la prescription dans le Code civil est de trois ans, à ce moment-là annulons-les et partons notre table de concertation; assoyons-nous sérieusement entre partenaires et préparons-nous à l'an 2000 quand les camionneurs ontariens et américains vont rentrer chez nous. C'est là qu'on doit travailler.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Une clarification concernant...

Le Président (M. Lachance): Allez-y, M. le ministre.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Je dois dire que tout ce débat-là devient un peu futile parce que les causes pendantes – il y en a 463 – seront abandonnées par le Procureur général. Les causes pendantes vont être abandonnées.

M. Bégin (Gaétan): Mais, à ce moment-là, si les 460 causes sont abandonnées, il y a des camionneurs, durant la période où le jugement est valable, qui, eux, se sont déclarés coupables. Ils ont payé des amendes pour les mêmes infractions que ceux qui vont être innocentés. Ça ne marche pas. On va avoir des camionneurs qui ont plaidé coupable pour acheter la paix, eux, ils paient, puis les autres qui se sont battus ne paient pas. Il faut un traitement équitable pour tout le monde. Je pense que ce que je vous suggère, de revenir trois ans en arrière selon les prescriptions du Code civil, c'est la façon la plus élégante pour un gouvernement de respecter la décision des tribunaux.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Oui. Donc, M. le Président, en d'autres mots... Je comprends ce que M. Bégin nous dit. Avec la loi, il y en a 463 qui vont être exonérés. Tous ceux, avant ça, qui ont payé, eux, ces gens-là, on ne fait rien pour eux. En d'autres mots, on a deux classes.

M. Bégin (Gaétan): C'est ça.

M. Middlemiss: Ceux qui se sont présentés qui sont obligés de payer; et les autres, la loi va les exonérer. Est-ce qu'on connaît le montant des sommes d'argent impliquées?

M. Bégin (Gaétan): Je pense que ça serait facile, pour la Commission des transports qui doit avoir d'excellents dossiers, de regarder dans le passé, dans les trois dernières années, qui est la prescription prévue dans le Code civil, qui a payé des amendes, puis on efface ces dossiers-là, on leur remet. Ça sera aux entrepreneurs de se présenter avec leur procureur et d'en faire la preuve à la Commission, puis la Commission doit avoir des choses. Je pense que c'est une façon élégante de respecter la décision des tribunaux puis de mettre tout le monde sur le même pied.

M. Middlemiss: M. le Président, est-ce qu'on pourrait poser une question au ministre? Est-ce que le ministre a l'intention de regarder à ce qu'on rende justice à tout le monde qui a été impliqué dans ces problèmes-là?

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Écoutez, les causes pendantes, comme je viens de le dire, elles, elles vont être abandonnées. Et c'est évident, quelqu'un qui a été condamné à payer une amende il y a 15 ans, c'est clair qu'on ne reviendra pas là-dessus.

M. Gauvin: Parlons de quatre ans.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Le principe de la loi, c'est que ce qui n'est pas réglé...

M. Bégin (Gaétan): Mais le Code civil, c'est trois ans.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): ...ce qui est encore devant les tribunaux, ce qui n'est pas réglé, ce qui n'est pas complété devant les tribunaux, ça, on va l'abandonner, mais ce qui a été jugé et amendes payées, ça, c'est clair qu'on ne reviendra pas là-dessus. On ne commencera pas ça. Ça va être un joli fouillis.

M. Middlemiss: Donc, M. le Président, c'est deux poids, deux mesures. En voulant régler quelque chose, il y a des gens qui malheureusement n'auront pas le même traitement. Pourtant, on nous dit qu'on veut faire ces choses-là pour maintenir la paix sociale, pour que tout le monde soit heureux, que tout le monde se sente traité d'une façon équitable. J'ai bien l'impression, M. le Président, que ça commence très mal.

Vous avez indiqué aussi qu'il y a l'obligation d'avoir recours aux postes de courtage. Est-ce que c'est seulement pour le ministère des Transports ou... Il me semble que vous avez indiqué que peut-être que ça s'est propagé aussi au niveau des municipalités. Est-ce que c'est toutes des municipalités?

M. Bégin (Gaétan): Écoutez, je vous ai indiqué, dans mon mémoire, que les postes de courtage ont vendu leur salade, puis c'est normal, chacun fait ses pressions. Ils ont fait des pressions sur les municipalités pour que les municipalités incluent dans leur document d'appel d'offres l'obligation de faire appel aux postes de courtage.

Or, moi, j'ai 25 ans d'expérience dans l'industrie de la construction. J'ai 10 ans comme entrepreneur et j'ai 10 ans comme ingénieur-conseil. Et je vous signale qu'à titre d'ingénieur-conseil j'étais dans la troisième plus grosse firme de génie-conseil au Québec. C'est moi qui écrivais les devis, c'est moi qui faisais les appel d'offres et qui avais les discussions avec les maires des municipalités.

Or, vous savez que, dans la ville de Blainville, la Cour du Québec a invalidé la clause de leur devis disant qu'ils obligeaient à utiliser les postes de courtage. Et ça, ça a été mis en appel. Mais c'est moi qui l'ai mis dans le devis de Blainville, aussi étrange que ça puisse être, parce que j'ai reçu des appels des autorités de la ville me disant: Mets-moi ça dans le devis, Bégin. Je n'en peux plus. Je les ai sur le dos. Je veux la paix. Je n'en peux plus. Moi, je leur ai dit: Écoutez, c'est illégal. On ne peut pas obliger qui que ce soit à s'associer comme ça. Je me suis fait répondre: Ce n'est pas grave. Je veux la paix. Mets-le. Ils iront devant les tribunaux. Ça prendra 10 ans, mais j'aurai la paix pendant 10 ans. C'est moi, comme ingénieur-conseil, qui l'ai mis, puis je l'ai fait dans d'autres villes. Une fois, c'était le maire en personne qui m'a appelé.

Tout ça pour dire que ce qu'on vit dans certaines villes – la cause de Blainville, c'est la cause Alain Therrien contre ville de Blainville qui actuellement est devant la Cour d'appel – ça vient de pressions, ça vient de ce que j'ai appelé un chantage. Je ne mange peut-être pas mes mots, mais j'ai l'habitude d'appeler un chat un chat, mais je respecte mes adversaires. Et je crois que ces mesures de chantage là doivent cesser et que le gouvernement doit se tenir debout devant quelque forme de chantage que ce soit. C'est pour ça qu'on a élu un gouvernement, pour défendre les intérêts des citoyens.

M. Middlemiss: Oui, M. le Président. Vous dites aussi que, dans le présent projet de loi, la Commission des transports devient juge et partie. Pourquoi cette situation vous est-elle préjudiciable?

M. Bégin (Gaétan): Bien, écoutez, quand on a voulu régler cette situation de juge et partie, on a parti un système qui, semble-t-il, a mal fonctionné. Dans la loi, on disait: Le gouvernement fixe des normes et la Commission des transports fait les tarifs et elle opère. Autrement dit, en termes populaires, le gouvernement gouverne, les fonctionnaires fonctionnent. C'est clair.

Dans la cause Raby, j'ai la copie ici, on nous dit: La base même – je ne suis pas un avocat là, je vous donne mon appréciation d'ingénieur – le noeud de toute la cause Raby, c'est que le gouvernement avait l'obligation de faire des normes, c'est-à-dire de gouverner, mais, dans les articles 35 à 38, il s'est trompé puis il a donné tout ce pouvoir-là à la Commission. Autrement dit, le gouvernement, au lieu de gouverner, abdique son droit et le donne aux fonctionnaires. C'est les fonctionnaires qui gouvernent. Ça ne marche pas, ça. Dans notre système démocratique, c'est l'Assemblée nationale qui est souveraine, qui dirige et qui gouverne. Les fonctionnaires sont là pour fonctionner. La cause Raby a dit: C'est le gouvernement qui doit gouverner.

Dans le projet de loi n° 416, on revient puis on donne aux fonctionnaires le pouvoir de gouverner et, après ça, d'opérer ces lois qu'ils vont faire eux autres mêmes. Ça ne fonctionne pas. Il faut que le gouvernement prenne ses responsabilités et garde son droit et les fonctionnaires sont là pour l'appliquer. C'est pour ça qu'il ne faut pas revenir en arrière. C'était une erreur. La cause Raby l'a dit. La Cour d'appel l'a dit. La Cour suprême a rendu une décision. Ne commettons pas encore la même erreur.

M. Middlemiss: Une dernière question. Ce matin, vous étiez ici. J'ai posé la question à l'ACGRTQ. Est-ce que le fait que les tarifs qui sont en vigueur aujourd'hui ou qui étaient en vigueur et qu'on va remettre en vigueur ont été négociés entre l'Association des camionneurs et l'ACGRTQ... Croyez-vous, vous, à votre expérience de négociation avec les gens, vos camionneurs, qu'il aurait été possible, même dans le contexte présent, après le 19 mars, d'arriver à une entente sur un tarif qui serait juste et équitable pour tout le monde impliqué?

(15 h 40)

M. Bégin (Gaétan): Moi, je suis entièrement d'accord. J'ai eu des conversations récemment avec les gens de l'Association de camionneurs. J'ai eu des conversations civilisées. Je pense qu'on peut s'asseoir autour d'une table et on peut négocier, mais il ne faut pas le faire pendant qu'une des deux parties a l'épée de Damoclès sur la tête. Nous avons la paix sociale. Assoyons-nous ensemble et négocions d'abord. La loi, après.

Le Président (M. Lachance): M. le député Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: Merci, M. le Président. M. Bégin, pour une meilleure compréhension, l'Association des entrepreneurs en égouts et aqueducs, est-ce que vos membres, ce sont des entrepreneurs qui se limitent à ce type de travaux ou si c'est un nom d'association, mais que ça pourrait être connu comme des entrepreneurs généraux dans certains cas?

M. Bégin (Gaétan): Ce sont des entrepreneurs généraux qui font en majeure partie des travaux d'égout aqueduc. Certains de mes entrepreneurs font également des travaux de routes et sont membres également de l'ACRGTQ, mais pas tous. Comme mon président, c'est une compagnie qui a 110 ans d'ancienneté au Québec, puis il n'y en a pas gros, jamais eu besoin de changer sa raison sociale, et lui n'a jamais été membre de l'ACRGTQ. Il fait des travaux généraux et il fait surtout de l'égout aqueduc.

C'est pour défendre leurs intérêts dans le domaine des égouts aqueducs que notre Association est née et c'est pour ça que nous travaillons de concert actuellement avec le ministère des Affaires municipales, l'UMQ, l'UMRCQ, Régie du bâtiment, on a des tables de concertation, le ministère du Travail est impliqué et j'ai eu la collaboration des sous-ministres dans ces dossiers-là. Alors, on défend ces dossiers-là. On essaie de faire une concertation. Puis, comme le disait un sous-ministre, on a fait une table de concertation dernièrement, le sous-ministre adjoint au ministère des Affaires municipales m'a dit: M. Bégin, je n'ai jamais vu ça, s'asseoir autour d'une table, UMQ, UMRCQ, Régie du bâtiment, CCQ, ville de Montréal, CUM, Association des ingénieurs-conseils, Association des ingénieurs municipaux. Je les ai tous regroupés. On est en train de résoudre nos problèmes. C'est dire qu'on sait se parler. Et je peux vous dire qu'avec les camionneurs ce sera la même chose.

C'est pour ça que je me dis: Autour d'une table, on discute d'intérêt économique, on s'explique les choses, on se respecte mutuellement, mais il ne faut pas que quelque partie que ce soit ait un pouvoir plus qu'une autre. C'est ça qui a fait que, actuellement, on a des problèmes dans la construction. Il y avait une partie qui avait plus de pouvoir qu'une autre. Moi, je vous dis: Faisons une table de concertation libre. Actuellement, on a la paix sociale. Je suis convaincu qu'on va la garder. On va négocier des tarifs équitables et justes et ça va être la paix dans l'industrie.

M. Gauvin: Vos membres sont aussi des propriétaires de camions qui font leur propre transport, de façon générale, d'agrégat.

M. Bégin (Gaétan): Certains ont leur propre flotte de camions, d'autres en ont juste quelques-uns pour se dépanner quand arrivent... Des fois, il arrive des contrats compliqués puis on a de la misère à trouver des camions, alors on est obligés de prendre les nôtres parce que les autres, ils disent: C'est trop compliqué, je...

M. Gauvin: Non, mais, comme l'entrepreneur qu'on connaît dans les mêmes domaines, là.

M. Bégin (Gaétan): Le camionnage est vraiment un élément clé d'une production. Vous savez, quand on a une pelle, puis 10 employés, puis on a du camionnage, si le camionnage prend une heure de retard dans la journée, c'est tout le reste de l'équipe qui vient de manger une heure.

M. Gauvin: Oui. Maintenant, vous avez relevé, je n'y reviendrai pas trop longtemps, la question de notion d'artisan, de camionneur artisan. La notion que vous avez retenue, c'est le propriétaire d'un seul camion qu'il conduit lui-même. Est-ce que vous reconnaissez que le même camionneur artisan, tel que vous le définissez, peut aussi avoir à l'occasion ou avoir d'autres types de commerce?

M. Bégin (Gaétan): S'il a un commerce comme entrepreneur, s'il est allé se chercher une licence d'entrepreneur, là ça devient...

M. Gauvin: Ça, vous l'avez expliqué tantôt.

M. Bégin (Gaétan): C'est ça. Mais, s'il n'a pas de licence d'entrepreneur, moi, je n'ai pas de problème avec ça.

M. Gauvin: Dans le domaine autre que du camionnage.

M. Bégin (Gaétan): Pas de problème avec ça, en autant que ce n'est pas un compétiteur qu'on retrouve sur une soumission.

M. Gauvin: Les causes pendantes, je pense qu'on l'a clarifié. Je trouve ça décevant. M. le ministre pense que l'explication a été donnée, mais, dans notre société aujourd'hui, le gouvernement, pour éviter de se poser des problèmes additionnels à ceux qu'il avait déjà, définit: les causes pendantes, on donne la bénédiction, puis les autres qui ont procédé, c'est-à-dire qui se sont présentés en cour quand ils ont été sommés de comparaître et qui ont payé la facture, on les oublie, ne serait-ce que ça fait trois ans et demi. Il y a vraiment une notion d'injustice.

Je ne sais pas quelle formule le gouvernement pourrait trouver, votre ministère pourrait trouver pour avoir une définition, c'est-à-dire un règlement plus équitable. C'est sûr et certain, vous avez parlé... on ne remontera pas à 1972, mais il doit y avoir moyen de revoir cette règle-là qui définit que les causes pendantes... Parce que, à ce moment-là, si les gens avaient su, comme dit l'histoire, ils auraient eu avantage à traîner de plus en plus.

Le Président (M. Lachance): En concluant, M. le député.

M. Gauvin: Est-ce que notre temps est écoulé, M. le Président?

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député.

M. Gauvin: Oui. Juste une courte question, d'abord. Tantôt, ce matin on a fait allusion et encore récemment à ce qu'il y aura une table de concertation pour traiter du transport des agrégats. Est-ce que ça limite, d'après vous – ou peut-être que ma question, je pourrais la poser à M. le ministre – les contracteurs qui sont touchés par ce secteur de matériau seulement, ceux qui seront invités à votre table?

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Gauvin: C'est limité à ça?

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): C'est les organismes ou les associations qui sont directement concernés ou même, d'une certaine façon, dans certains cas, indirectement concernés par ce type de transport. Alors, il y en a une pour le forestier et une autre table pour les agrégats.

M. Gauvin: Est-ce que le secteur, les représentant des élus municipaux vont être invités?

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Oui. Les Unions municipales, oui.

M. Gauvin: Ah bon! Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le député de Montmagny-L'Islet. Est-ce qu'il y a d'autres remarques?

M. Deslières: Juste une question, M. le Président. M. Bégin, dans votre rapport, au numéro 5, vous ne semblez pas, même le contraire, vous semblez dire que le gouvernement fait fausse route en utilisant la voie législative. Et vous nous dites: Il serait peut-être pas mal plus simple pour le gouvernement de modifier le règlement actuel sur les tarifs de vrac et en adoptant de vraies normes comme celles qui existaient jusqu'en 1980. Deux questions, M. Bégin. Si, en 1980, le législateur a modifié les normes, c'est parce qu'il devait y avoir problème, de un. Je vais vous laisser répondre, M. Bégin, sur celle-là.

M. Bégin (Gaétan): Je ne suis pas un avocat, là, je suis un ingénieur, comme je vous l'ai dit, mais nos entrepreneurs qui nous ont aidés à préparer ce mémoire-là, ils s'étaient assis avec leurs aviseurs légaux et tous les aviseurs légaux – que je ne connais pas, parce que je n'ai rencontré que mes entrepreneurs – sont d'avis que, en 1980, on a voulu régler un problème. L'erreur qu'on a faite est de donner les pouvoirs aux fonctionnaires de faire des normes alors que c'est le droit du gouvernement, de l'élu du peuple.

Je pense qu'on doit revenir en arrière et qu'on doit s'asseoir, peut-être, à la table de concertation avec ces gens-là qui sont des avocats. Moi, je suis un ingénieur, comme je vous dis, là, je ne me mêle pas de ce qui n'est pas ma spécialité. Mais on pourrait trouver des choses très équitables pour que tout le monde vive bien et que les relations soient harmonieuses.

M. Deslières: Mais, moi, je suis persuadé, M. Bégin, et puis je n'ai pas l'expérience du ministre des Transports, que, si on a choisi la voie législative – parce qu'on ne veut pas faire compliqué quand on peut faire simple – sans tomber dans la simplicité, c'est qu'il devait y avoir des choses qu'on ne pouvait pas régler par la voie réglementaire. Et le législateur, le ministre des Transports a décidé de dire: Nous allons prendre les moyens pour solutionner ou tenter de solutionner la problématique qui est exposée depuis ce matin.

M. Bégin (Gaétan): Mais, nous, ce que nos entrepreneurs se sont fait dire par tous les aviseurs légaux – puis je pense qu'on pourrait peut-être avoir une consultation à ce sujet-là – c'est que remettre en force l'obligation, le mariage forcé, ça ne se fait pas. Mais, si vous vous voulez légiférer dans les tarifs, vous avez le pouvoir. Vous n'avez pas besoin de changer la loi. Vous n'avez pas besoin de donner à la Commission des transports les pouvoirs qui reviennent aux politiciens. Vous pouvez le faire. Vous pouvez faire des règlements puis remettre des tarifs, mais dans vos contrats qui vous concernent.

Mais, s'il vous plaît, ne nous obligez pas à des mariages forcés. C'est ça le problème. Puis je pense qu'il n'y en a pas un de vous qui se lancerait en affaires demain matin si on lui disait: Tu vas rentrer un prix. Tu vas geler ton prix à la ville de «x» puis tu vas être obligé de travailler avec un tel, mais tu ne sais pas s'il va réussir à atteindre tes productions. Si tu as prévu que la job durait un mois puis l'autre a décidé que, lui, elle durait un mois et demi, ça ne va pas. Il faut qu'à un moment donné on puisse divorcer. Je pense que, quand les deux parties ont le pouvoir de se marier et de se divorcer, on n'en a pas, de problème, on s'entend. Puis je n'ai jamais eu de problème à m'entendre avec des camionneurs, en autant qu'on a tous les deux des moyens de s'associer et de se séparer.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

(15 h 50)

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Simplement pour clarifier un élément. Évidemment, j'entrerai plus dans les détails au moment de l'adoption du principe à l'Assemblée nationale, mais je veux juste vous lire une phrase du mémoire que j'ai présenté au Conseil des ministres. C'est la partie accessible au public, d'ailleurs. Donc, on n'est pas dans le confidentiel. Juste une phrase: «La Cour d'appel, en juillet, a considéré que le Règlement sur le camionnage en vrac avait délégué à la Commission un pouvoir que le législateur avait délégué au gouvernement.»

C'est ça, le problème. La Commission des transports fixait les tarifs en vertu d'un pouvoir qui lui était délégué par le Règlement sur le camionnage en vrac. Or, la loi telle que libellée déléguait ce pouvoir-là au gouvernement et non pas à la Commission. C'est ça qui a fait que le juge a invalidé les tarifs.

Par conséquent, le projet de loi n° 416, qu'est-ce qu'il a pour objet ou pour fin? C'est de faire en sorte que l'Assemblée nationale délègue le pouvoir de fixer des tarifs à la Commission. Donc, quand on examine la situation, la voie législative était la voie appropriée, la voie réglementaire ne nous permettant pas de corriger cette problématique.

M. Deslières: M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Juste en terminant, parce que, déjà, le temps imparti est terminé.

M. Deslières: C'est parce que c'est un aspect important, je pense, dans le processus de solution. Je suis un peu surpris, puis je vous le dis, que vos aviseurs légaux n'aient pas vu cette problématique-là, mais je ne vous le reproche pas à vous.

M. Bégin (Gaétan): Je ne jouerai pas aux avocats, ce n'est pas mon rôle, mais ce que je vous suggère, si vous voulez, on peut demander aux procureurs de nos entrepreneurs de vous en faire part. Je ne me mêlerai pas de... Mais, s'ils l'ont marqué, il doit y avoir quelque chose. Si vous voulez des éclaircissements, je vous offre toute notre collaboration.

M. Deslières: Merci, M. Bégin. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): Alors, M. Bégin, je vous remercie d'être venu devant la commission pour participer à ces travaux.

Nous en sommes au dernier groupe de la journée. J'inviterais les représentants à prendre place à la table, l'Association nationale des camionneurs artisans inc. Alors, si vous voulez d'abord vous identifier, s'il vous plaît.


Association nationale des camionneurs artisans inc. (ANCAI)

M. Garand (Jean-Pierre): Jean-Pierre Garand, président de l'Association nationale des camionneurs artisans.

M. Beaudet (Pierre): Pierre Beaudet, conseiller de l'Association.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, vous avez une quinzaine de minutes pour faire la synthèse de vos commentaires sur le projet de loi.

M. Beaudet (Pierre): Oui. Alors, M. le président de la commission des transports et de l'environnement, M. Jacques Brassard, ministre des Transports, M. Robert Middlemiss, critique de l'opposition officielle, distingués membres, c'est avec empressement que nous avons accepté de participer à cette consultation particulière suite au dépôt du projet de loi n° 416 visant notamment à valider les tarifs de camionnage en vrac que fixe sporadiquement la Commission des transports du Québec, après avoir entendu les requérants de services, les camionneurs et tous les autres intervenants qui désirent faire leurs commentaires.

Le caractère saisonnier du transport de matières en vrac dans le domaine de la construction et l'offre démesurée de camions pour effectuer le transport nécessitent l'intervention du gouvernement pour établir un équilibre entre les requérants de services et les camionneurs. Le Règlement sur le camionnage en vrac, dont le champ d'application se limite à l'intérieur de la province de Québec, repose sur trois éléments essentiels: le nombre de permis délivrés, la tarification, la répartition par des courtiers sans but lucratif. Ces éléments sont interreliés et le Règlement ne peut réaliser ces objectifs si un vide juridique empêche la Commission des transports du Québec d'imposer un tarif minimum et de régulariser les contrats à caractère exceptionnel en deçà des prix minimums. Cette tarification minimale, dans la perspective d'une offre trop grande par rapport à la demande, a évité bien des affrontements entre les requérants de services et les camionneurs, parce que ces derniers, guidés par des organismes sans but lucratif, travaillent presque toujours à ce tarif minimum.

Nous tenons donc clairement à remercier, par les présentes, le ministre des Transports d'avoir déposé ce projet de loi et l'opposition officielle d'avoir permis d'écourter les délais, même s'ils ont demandé cette consultation particulière à laquelle nous sommes capables de répondre. Nous comprenons très bien que, dans le domaine des prix, il serait beaucoup plus facile pour l'homme politique d'écouter ces sinistres démagogues qui deviennent soudainement des chevaliers de l'intérêt public en prétextant que la déréglementation va permettre des économies aux organismes publics. Derrière ces idées nobles se cache plutôt l'idée d'encaisser de plus grands profits sur le dos des camionneurs sans protection.

Les chiffres lancés en l'air par ces gens ne tiennent pas compte des coûts sociaux. De plus, nous vous démontrerons que les seuls gagnants de la déréglementation sont les entrepreneurs requérants de services qui augmentent leur marge de profit. L'organisme public qui demande les travaux et les payeurs de taxes ne verront aucune diminution.

Dans l'industrie du camionnage en vrac, les organismes de courtage sans but lucratif assurent aux camionneurs artisans et à l'État la transparence nécessaire pour la bonne marche de l'industrie. La déréglementation non planifiée coûte très cher au gouvernement et à la collectivité. Tous les gouvernements qui ont mis de l'avant une politique de déréglementation en matière de transport ont tout de même été unanimes à renforcer les règles de sécurité routière, car ils savent très bien que la compétition peut conduire les camionneurs à négliger leur véhicule et à prendre tous les moyens légaux comme illégaux pour diminuer les coûts.

Le contrôle routier doit voir à faire appliquer les lois afin d'éviter que les délinquants prennent le contrôle du marché. Nous n'avons pas à chercher des exemples dans les pays lointains, nous n'avons qu'à examiner franchement ce qui s'est passé dans l'industrie du camionnage général au Québec depuis la déréglementation économique de 1988. Les entreprises de camionnage soucieuses du respect des règles de sécurité routière ont été sorties du marché par les délinquants ou contraintes elles-mêmes à la délinquance. Les autres ont été achetées ou éliminées par les multinationales étrangères. L'une des seules compagnies de transport d'envergure qui a résisté a dû diminuer les salaires de ses employés et se faire aider par le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec. Ses actions à la Bourse ont chuté de 12,50 $ à 1,75 $. Est-ce qu'on peut parler d'effet bénéfique de la déréglementation?

L'Association du camionnage du Québec se débat depuis cinq ans pour obtenir, tant du gouvernement fédéral que du gouvernement provincial, une loi qui encadrerait efficacement non seulement les camionneurs, mais également les courtiers à but lucratif. Cette Association réclame également un contrôle routier efficace. Avec tous les règlements découlant du Code de la sécurité routière et le code lui-même, vous ne pouvez diriger l'industrie dans la déréglementation sans vous assurer que ces règlements soient également respectés par tous. Il ne faut pas que le prix le plus bas soit le fruit de la délinquance.

Dans le transport forestier – c'est un autre exemple – la déréglementation économique a conduit les compagnies forestières et les camionneurs à utiliser la surcharge pour rentabiliser le transport. Ainsi, en 1995, à la connaissance du ministère de l'Énergie et des Ressources, les camionneurs ont transporté sur nos routes publiques 128 113 voyages en surcharge sur les 291 167 transportés. Ce calcul est très conservateur, car il suppose que tous et chacun des camionneurs avaient droit à la charge maximum, ce qui n'est pas le cas, et on y a ajouté la tolérance de 1 500 kg dans cette statistique.

La surcharge est un fléau qui démolit nos routes et nos ponts, qui démolit les camions, mais qui remplit les poches des compagnies forestières en diminuant le prix à la tonne transportée. En 1996, malgré une campagne de sensibilisation du ministère des Transports, 120 000 voyages de bois ont encore été transportés en surcharge sur 300 000. La Société de l'assurance automobile du Québec, chargée de l'application de la loi, a entrepris des poursuites contre les camionneurs dans environ 10 % des voyages transportés en surcharge et dans environ 0,5 % contre les expéditeurs mandataires des grandes compagnies forestières. Encore une fois, la déréglementation économique a été coûteuse pour notre patrimoine routier et pour la collectivité.

(16 heures)

La déréglementation du transport aérien est un autre exemple de déréglementation mal planifiée. Les concurrents ont été éliminés pour ne laisser que deux grandes compagnies aériennes: Air Canada et Canadian Airlines. La compagnie Air Canada est-elle devenue une compagnie privée? J'en doute. Nous connaissons les déboires de Canadian Airlines qui a dû être rachetée par American Airlines. Dans le transport nolisé, il y a des petites compagnies. Nous nous souvenons tous de Nationair et de ses méthodes pour réussir. Le résultat de la déréglementation aérienne au Québec a été à un tel point néfaste qu'il ne reste en fait que les deux grands concurrents qui vous offrent un prix identique. Un citoyen de Québec qui veut se rendre à Val-d'Or doit aujourd'hui payer 864,99 $ avec Canadian Airlines et 864,99 $ avec Air Canada. Bien sûr, si l'homme d'affaires désire avoir un rabais, il doit réserver sept jours à l'avance et il en paiera 478,36 $, mais, avec les deux compagnies, il devra coucher à Val-d'Or un samedi soir. Pourtant, un touriste qui se rend à Miami paie la moitié de ce prix.

Est-ce que c'était l'objectif fixé par la déréglementation aérienne de rendre les prix identiques? Est-ce que c'était l'objectif de sortir du marché les concurrents? Est-ce que la déréglementation aérienne aide à la prospérité des régions?

Les tarifs fixés par la Commission des transports du Québec et visés par le projet de loi n° 416 ont été, au cours des 10 dernières années, le résultat de négociations entre l'Association nationale des camionneurs artisans, l'Association des constructeurs de routes et grands travaux et l'Institut du sel? La Commission des transports du Québec a toujours entériné intégralement ces ententes; elles ont été négociées en fonction d'être un prix minimum, tout comme le salaire minimum. À moins d'un contrat exceptionnel, un camionneur qui travaille en bas de ce prix doit tricher.

Dans le marché visé par ces tarifs, plusieurs membres de l'ACRGTQ sont propriétaires de camions et savent très bien que le coût d'opération est plus élevé que celui fixé par la Commission des transports du Québec, à 48,50 $ l'heure. Étant donné le débalancement démesuré entre l'offre et la demande, les entrepreneurs sont conscients qu'ils pourraient trouver facilement des tricheurs pour travailler à des prix moindres, soit en surchargeant, comme en forêt, soit en faisant fonctionner le véhicule avec de l'huile à fournaise, soit en négligeant l'entretien, soit en omettant de respecter les heures de conduite, sans compter la vitesse excessive. Ce sont des entrepreneurs bien cotés et membres de l'ACRGTQ qui ont été interceptés avec des camions non immatriculés, cet hiver, à Québec, dans des opérations de déneigement. Ça, ça change les coûts d'opération.

Nous savons tous, dans l'industrie du transport, que la Société de l'assurance automobile du Québec n'a pas les outils nécessaires pour contrôler efficacement les opérations quotidiennes de transport. Avant de déréglementer, nos gouvernements doivent évaluer le coût social, ils doivent prendre les mesures nécessaires pour que la rentabilité d'une entreprise repose sur des critères autres que la facilité à déjouer des lois et règlements, pourtant si importants pour assurer la sécurité des usagers de la route et la protection du patrimoine routier.

L'Association des constructeurs de routes, que vous avez entendue ce matin, a signé également une convention collective avec les syndicats concernant les travaux à effectuer sur des chantiers de construction, secteur génie civil et voirie. Cette convention se termine le 30 avril 1998. Les taux visés par ce projet de loi visent le marché construction.

Les travaux d'envergure sont généralement financés par les deniers publics. Cette association, qui démontre aujourd'hui un grand souci pour le patrimoine québécois et ses deniers, a accepté de payer, pour un chauffeur de camion, 20,87 $ l'heure auquel on doit ajouter 11 % pour les vacances et les jours fériés, 15 % pour les bénéfices marginaux et 8,23 $ du salaire brut pour la CSST. Lorsque ces chauffeurs travaillent hors chantier, on les rémunère à 15 $ maximum l'heure. Il est vrai que l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec reçoit 0,02 $ à chaque heure travaillée par un salarié sur un chantier de construction, même si l'entrepreneur n'est pas membre de leur association. Pourtant, c'est eux qui nous ont accusés d'avoir deux prix.

Il n'y a pas un camionneur artisan qui pourrait inclure un tel salaire et réussir à obtenir du travail, même sur un chantier de construction. Les entrepreneurs feront sûrement comme les compagnies forestières qui profitent de la déréglementation: ils vendront leur camion et exploiteront à outrance la sous-traitance en se cachant derrière des courtiers à but lucratif sans scrupule, comme dans le camionnage général. Encore là, certains membres bien cotés de la l'ACRGTQ ont commencé ce petit jeu dans la région de Montréal.

Pendant que l'Association des constructeurs de routes et grands travaux vient devant vous pour défendre les deniers publics sur le dos des camionneurs, elle fait des démarches auprès de votre collègue du Conseil du trésor pour faire augmenter le prix de location de leur machinerie. Dans les sept dernières année, la Commission des transports du Québec a réduit de 4 % les tarifs de camionnage en vrac. Les camionneurs ont accepté, en 1994, une baisse de 6 % pour contribuer à l'effort d'assainissement des finances publiques, entente signée avec M. Normand Cherry, alors ministre des Transports.

En 1996, les camionneurs ont obtenu une augmentation de 2 % suite à une entente signée avec l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec. Cette entente a été entérinée intégralement par la Commission des transports du Québec. Si nos organismes sans but lucratif et les camionneurs avaient joué les règles du marché dans la tempête du verglas et dans le sinistre qui a affecté le Saguenay, ils auraient pu facilement obtenir 75 $ l'heure.

Lors de la tempête de verglas, les chauffeurs de camionnette d'Hydro-Québec coûtaient plus de 45 $ l'heure alors que nos membres fournissaient un camion lourd, un chauffeur et le pétrole pour 48,50 $ l'heure. Nous savons que le marché du transport des matières en vrac relié au marché construction doit être réévalué et nous sommes prêts à dialoguer avec tous les intervenants qui sont à la recherche d'une solution constructive. Nous avons assuré le ministre des Transports de notre présence à une table de concertation afin d'adapter l'industrie du camionnage en vrac aux exigences de l'an 2000. Pendant les 20 mois qui vont suivre, nous négocierons de bonne foi, mais nous n'accepterons jamais que ces négociations ne servent qu'à des entrepreneurs voraces. Vivre et laissez vivre!

Nous espérons que l'Association des constructeurs de routes et grands travaux sera animée du même esprit que celui qu'elle avait lorsqu'elle a négocié la convention collective secteur génie civil et voirie. Nous aimerions également que l'Association des propriétaires de machinerie lourde, qui ont autant de membres, sinon plus, que l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, soit présente à cette table de négociation.

Nous sommes venus à cette commission parlementaire pour parler de tarifs, mais, comme on a tenté de déborder de la question, je voudrais vous rappeler que les organismes de courtage sans but lucratif réservés exclusivement aux camionneurs artisans ont dû ouvrir leurs portes à tous les entrepreneurs détenant un permis de camionnage en vrac suite à des lois votées par le Parlement, à la demande notamment de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux, en 1977. Depuis 1982, les travaux de construction ont sensiblement diminué; 80 % de nos membres sont des camionneurs artisans dont la priorité est leur petite entreprise de camionnage en vrac. Évidemment, dans certaines régions, à certaines époques, les camionneurs artisans doivent combler le manque de transport par un autre travail au lieu d'être pris en charge par l'État. Dès qu'un contrat d'envergure est exécuté, ils reprennent généralement le volant de leur camion.

Clause 75-25 du ministère des Transports. La clause 75-25 du ministère des Transports s'applique en haut de la ligne d'infrastructure, et le transport à être effectué en haut de cette ligne représente entre 10 % et 15 % de l'ensemble du transport à être effectué sur un contrat. L'entrepreneur a le choix de prendre ses propres camions pour 25 % en haut de la ligne d'infrastructure et 100 % en bas de la ligne, dans le 85 % qui demeure.

Depuis cinq ans, le ministère des Transports a cédé l'entretien de 50 % de son réseau routier aux municipalités. Le transport effectué en fonction de cette clause ne représente pas 5 % de l'ensemble du transport distribué par les organismes de courtage à nos camionneurs. Comme vous avez pu voir au cours de cette journée, la déréglementation ne comporte pas nécessairement des économies pour la société. Il doit y avoir au moins, comme prérequis, une loi d'encadrement efficace qui permettra de protéger les usagers de la route et le patrimoine routier, tout en plaçant les camionneurs sur un même pied d'égalité.

La déréglementation mal planifiée ne fera que transférer de l'argent gagné par le camionneur dans la poche de certains entrepreneurs voraces. Ils en profiteront pour faire une concurrence déloyale non seulement aux camionneurs, mais également à des entrepreneurs respectueux des lois et des règlements. Ils se cacheront derrière des courtiers à but lucratif sans scrupule pour éviter les sanctions réservées aux expéditeurs. C'est le gouvernement et la collectivité qui assumeront la facture: réparation des routes, perte de revenus sur les profits, surtaxe aux automobilistes, augmentation du nombre d'accidents.

Pour assurer la prospérité d'un pays ou d'une province, il faut qu'il y ait plusieurs entreprises mais que chacune ait droit à un profit convenable. C'est pour ces raisons que M. David Collenette, ministre fédéral des Transports, a accordé un délai additionnel de deux ans à toutes les provinces canadiennes et les territoires afin de permettre à l'industrie de faire un virage planifié et rentable. C'est M. Jacques Brassard, ministre des Transports, et son collègue de la Colombie-Britannique qui ont initié cette demande de report. Au nom de tous les camionneurs, nous voulons le remercier sincèrement et nous l'assurons de notre collaboration étroite dans la recherche d'une solution équitable pour tous. Nous serions très fiers de pouvoir dire à nos membres que le Parlement a adopté ce projet de loi unanimement. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Beaudet. M. le ministre.

(16 h 10)

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Oui, M. le Président. Merci. M. Beaudet, merci, M. Garand. Je pense que votre contribution aux travaux de cette commission était attendue.

Vous avez, je pense, été observateurs depuis ce matin et vous vous êtes rendu compte qu'il y a un sujet qui, ma foi, va sans doute continuer dans la suite d'être débattu et discuté. M. Bégin, d'ailleurs, a été on ne peut plus clair en parlant de faux artisans puis de vrais artisans. Parce que c'est une chose qu'on va devoir clarifier, hein, je pense. Ça m'apparaît évident qu'on va devoir le clarifier puis qu'on va devoir s'entendre tout le monde, faire un consensus sur ce concept-là, et puis sur les chiffres aussi concernant le statut de l'artisan.

J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que vous avez entendu plusieurs associations qui vous ont parlé, qui estiment ou qui prétendent, qui affirment que le véritable artisan se raréfie et que c'est surtout maintenant des entrepreneurs, ou ce qu'on appelait tantôt des faux artisans, qui se multiplient. Quelle est, selon vous, la réalité?

M. Beaudet (Pierre): Évidemment, entre 1973 puis 1997, il y a une distinction. Pour nous, on discute de ça à peu près à tous les trois ans. On en a discuté à une commission parlementaire en 1990. Le camionneur artisan, dans certaines régions, et je parlerais même de Montmagny-L'Islet où je connais le coin, s'il avait fallu qu'il ne fasse que du transport dans les trois dernières années, ça fait longtemps qu'il serait mort, qu'il aurait crevé.

Il arrive qu'ils ont d'autres métiers et pas nécessairement dans la construction, dans d'autres choses, et il y en a d'autres qui travaillent dans la construction. Mais pour nous un camionneur artisan, c'est un camionneur d'une petite entreprise qui a peut-être un ou deux employés, qui peut avoir de un à deux camions et qui généralement, quand il y a des travaux d'envergure dans sa région, bien, reprend le volant de son camion puis il le conduit sur les travaux.

Dans les milieux urbains où il y a du travail pour 100 puis 125 jours par année, on rencontre beaucoup plus de camionneurs qui conduisent eux-mêmes et dont la principale source de revenus... eux, ont parlé de la seule source de revenu, mais de la principale source de revenus dans les milieux urbains, il y en a encore peut-être 75 %, des détenteurs de permis de camionnage en vrac.

Et le jeu des faux artisans... On a appelé ça les faux artisans, c'est plutôt les faux entrepreneurs, parce que les entrepreneurs qui ont plusieurs camions se déguisent avec des noms de leurs parents et viennent sur les contrats. Ils sont entrepreneurs une journée – ils ont raison – et le lendemain ils viennent dans nos organismes de courtage puis ils divisent le travail en trois, ils ont les trois premiers camions. Alors, ils se ramassent sur les travaux, puis ils disent: Nous avons les trois premiers camions. Ce sont plutôt des faux entrepreneurs. Et des artisans normalement, les gens ont un camion. On peut en avoir deux. Mais c'est vrai qu'il y a de leurs membres qui jouent sur tous les tableaux.

Maintenant, ils ont droit de faire du camionnage. Le gouvernement, en 1977, à la demande des constructeurs de routes et grands travaux, nous a demandé d'ouvrir nos portes, et nous avons ouvert nos portes. Nous avons des responsabilités devant la Commission des transports et des responsabilités publiques. Alors, on prend les membres et, quand ils ont un permis émis par la Commission des transports, on n'a pas le choix de leur donner de l'ouvrage, à tout le monde, équitablement.

Je suis surpris, un peu, que le règlement sur le camionnage en vrac soit un peu tassé de cette façon-là. Il y a un article dans le règlement sur le camionnage en vrac. Quand un entrepreneur appelle et dit: Moi, je veux avoir un tel, un tel, un tel, c'est dans le règlement, on est obligé de lui fournir et de changer la liste de priorité d'appel qu'on a. Alors, c'est déjà prévu dans le règlement.

Maintenant, ce qui est important là-dedans, c'est que la tarification, c'est interrelié à notre équilibre à pouvoir négocier. Dans certaines régions, évidemment à cause du débalancement de l'offre et de la demande, et je ne vais pas plus loin... Évidemment, je ne veux pas déborder votre question.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Mais dans votre membership... ce serait quoi, votre évaluation de votre membership?

M. Beaudet (Pierre): Nous autres, notre évaluation, c'est que c'est 80 % de nos camionneurs qui sont de la petite entreprise de camionnage en vrac, qui conduiraient eux-mêmes leur camion s'ils avaient de l'ouvrage à l'année, et qui le conduisent évidemment, parce qu'on est sur un marché construction, 80 % d'après nous. Et le 20 %, ce sont les membres que les lois nous ont imposés et à la demande des Grands travaux, en 1977.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Je comprends aussi dans votre argumentaire que pour vous un tarif plancher fixé par la Commission, c'est un élément indispensable, essentiel dans vos rapports ou dans vos relations avec ce qu'on appelle les donneurs d'ouvrage, pour employer un terme général. Si ce n'était pas le cas, vous vous trouveriez dans une position de faiblesse, et le rapport de force, en quelque sorte, vous serait défavorable.

M. Beaudet (Pierre): C'est évident que, comme la clause 75-25 où les travaux garantis par le gouvernement ne représentent qu'une infime partie, dans tous les autres travaux, nous sommes à la merci de l'entrepreneur. Et le tarif est comme un salaire minimum. M. le député de Montmagny-L'Islet a des camions; il doit savoir qu'un camion – il le sait, j'en suis convaincu – ne peut pas sortir en bas de 48,50 $ de l'heure, et, quand nous avons négocié avec les Grands travaux, nous l'avons négocié en fonction d'un prix minimum. C'est essentiel.

Maintenant, ce matin on insistait, si les entrepreneurs avaient des travaux et cotaient. Dans le moment, dans la construction, malgré les dires de M. Brassard, les entrepreneurs nous appellent: Bon, bien, à matin, j'ai besoin de 20 camions. Ils n'appellent pas six mois d'avance ou trois mois d'avance. Et dans le moment, au Québec, heureusement nous sommes dans une période de dégel. Or, il n'y a pas de travaux, sauf des travaux urgents. Alors, c'est pour ça que la panique ne s'est pas emparée de nos gens.

D'autant plus, il y a un contrat en marche dans votre région, qui est à la ville de La Baie, et nous sommes 25 % en haut du prix parce que c'est dans le temps du dégel. Je pourrais bien vous dire que c'est 25 % qu'on charge de plus dans la loi du marché, mais comme on est dans le dégel, l'entrepreneur de Chicoutimi, Fernand Gilbert, a consenti à nous donner 25 % de plus dans le temps du dégel à partir des taux de la Commission. Il n'a jamais été question d'en bas de la carte.

D'ailleurs, sur un chantier de construction – et je fais la référence à ça – depuis 1995, les camionneurs artisans sont exempts du décret. Alors, c'est pour ça qu'on arrive avec des chiffres... qu'on est 60 % du temps sur leur contrat. Les entrepreneurs ne prennent plus leurs propres camions sur les chantiers de construction; ils veulent avoir des artisans qui sont exempts du décret. C'est pour ça qu'on arrive à 60 %. Évidemment, la convention collective, un camionneur qui serait obligé de payer 20,87 $ de l'heure à son chauffeur avec tous les bénéfices marginaux, nous sommes des compétiteurs. C'est nous autres qui sommes sur les chantiers de construction, justement parce qu'on est une exemption au décret. Ils ne prennent plus leurs camions. Mais ils n'en ont pas assez.

Ils voudraient que ça aille plus bas. S'il n'y a pas de plancher, ils voudraient aller plus bas. Sur les chantiers de construction, quand les membres de la CRGDQ nous appellent, ils ne nous demandent pas: Avez-vous une petite réduction? Ils n'en parlent pas parce qu'ils savent que nous autres on sait que, pour qu'ils aillent sur un chantier de construction, eux, avec la convention collective qu'ils ont signée, ça leur coûte 65 $ de l'heure. On pourrait y aller à 60 $, et ils ne seraient pas capables de nous compétitionner avec leurs camions, puisqu'on est une exemption au décret.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Actuellement, étant donné qu'il y a ce qu'on appelle un vide juridique qu'on cherche à combler, est-ce qu'il y a quand même malgré tout une sorte de mot d'ordre général pour respecter les tarifs?

M. Beaudet (Pierre): Évidemment, les entrepreneurs, ce n'est pas ce que vous avez entendu ce matin. Il y a une compagnie qui a appelé en Gaspésie et en farce a dit: Vous savez qu'il n'y a plus de tarifs? Alors, notre représentant lui a dit: Oui, nous autres en Gaspésie, les prix ont doublé. Bien, il a dit: On va régler pour la carte de la Commission. Ça fait que ça s'est réglé sur un coup de téléphone. Si c'est un entrepreneur de Québec, prendre ses camions puis déménager ça dans Bonaventure, c'est bien sûr qu'il...

(16 h 20)

Il y a du monde avec qui on est capable de négocier. Et ce matin, si vous me permettez, M. le ministre, il y a quelque chose qu'on a entendu. Vous avez entendu parler du 40 % des transporteurs que les Grands travaux ont sorti, le 40 % par rapport au marché d'alimentation d'usines. Je vais vous expliquer qu'en 1994 nous étions au ministère des Transports avec M. Cherry, M. Couture qui est là, et on négociait le marché construction pour le séparer du marché alimentation d'usine.

Et M. Jules Savard qui était président dans le temps, et son directeur général dans le temps était M. Brassard – qui, pourtant, est au courant de ça – ils sont venus nous dire: Écoutez, le marché d'alimentation d'usine, ce n'est pas comme le marché construction, c'est un marché sur lequel il y a de nos entrepreneurs qui peuvent aller 365 jours par année, on aimerait avoir une marge de manoeuvre qui va de zéro à 40 %. Puis on a dit, nous autres, comme industrie qui représente surtout des gens dans la construction: Bien, voici, dans l'alimentation d'usine, c'est vous, M. Savard et M. Brassard, qui êtes là-dedans, ce n'est pas pareil, si vous voulez avoir une marge de manoeuvre, on a dit au ministre des Transports: Consentez-leur une marge de manoeuvre.

Aujourd'hui, on fait une règle de trois avec le 40 %, qui est une marge de manoeuvre, puis on vient vous dire que dans la construction vous sauveriez ça. Quand on est rendu aux Grands travaux qu'on mêle le marché construction avec le marché alimentation d'usine, c'est sûr qu'en arrière nos camionneurs bouillaient d'entendre des choses semblables, après avoir consenti ça pour stimuler le marché puis après avoir consenti 6 % de réduction des prix. M. Couture est là, il peut vous le dire: C'est M. Savard, Jules Savard, dont son directeur général était M. Brassard, dans le temps.

Mais je peux vous assurer d'une chose, c'est que, dans toutes les années avec les Grands travaux, nous avons eu toujours d'excellentes relations, d'excellents dialogues, jusqu'à temps qu'il y ait un changement de directeur général. Alors, quand on nous arrive avec des règles de trois de même, c'est très difficile de nous asseoir à une table puis de venir nous faire avaler ça.

C'est sûr qu'on n'a pas apprécié, comme association, parce qu'on a beau être agressif, être reconnu pour agressif, puis dire ce qu'on pense, mais je peux vous dire une chose: Quand on donne notre parole, on la donne. Alors, on l'a mal prise celle-là, l'équation de trois, parce qu'on sait que l'alimentation d'usine, ce n'est pas comme le marché de construction. Il n'y a personne... puis faire avaler ça non seulement à vous autres, mais à la population, dans les journaux, ça, ça nous touche profondément.

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): Je vous remercie, monsieur.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Oui. Merci, M. le Président, merci M. Beaudet, M. Garand. Pourquoi les camionneurs artisans devraient-ils être les seuls à être réglementés alors que vous dites vous-même que tous les autres secteurs sont déréglementés?

M. Beaudet (Pierre): Pourquoi on devrait continuer à être réglementés?

M. Middlemiss: Oui.

M. Beaudet (Pierre): C'est la question qu'on se pose. Mais on vous a donné comme exemple que dans trois marchés ça n'a peut-être pas été un succès. Vous avez entendu le camionnage général, ce matin, vous dire: Si on retombait en 1988, on dirait non. Nous, on dit: Comme prérequis à la déréglementation... parce que, si les marchés nord-américains s'en vont dans ce domaine-là, un jour on va les suivre, mais avant ça prend des prérequis pour nous autres comme camionneurs et pour la société en général.

Ce n'est pas normal. La déréglementation, jusqu'à date, n'a rien prouvé dans le transport. On a sorti les Québécois du transport. On n'est pas pour la déréglementation; on pense que les règlements sur le camionnage en vrac, que le gouvernement libéral de 1973 nous a donnés, doivent être modernisés, mais de disparaître tout d'un coup, ça ne se peut pas.

D'ailleurs, c'est pour ça... On dit que les autres ont été déréglementés, on n'est pas obligé de faire comme les autres. D'ailleurs, en 1988, à Sainte-Hyacinthe, le ministre des Transports du temps, M. Marc-Yvan Côté, nous avait proposé la déréglementation. Il y a 200 camionneurs dans une salle qui se sont levés puis ils ont dit: Non, ça va être la guerre. Il a reculé. Et nous avons eu raison de demeurer réglementés, parce qu'on aurait passé dans le moulin, nous autres aussi. Finalement, on a des règles qui respectent la liberté du marché, mais on a fait des concessions aussi. On a consenti de l'alimentation d'usine, dont on vous parlait tout à l'heure, on s'est concentré dans le marché de construction, parce qu'on est 20 % plus concurrentiels que les entrepreneurs. Alors, je pense que l'effort des camionneurs a été fait.

Mais, M. Middlemiss, la déréglementation, moi, le premier qui m'en a parlé, c'est le sous-ministre Morissette, dans le temps de M. Lucien Lessard, qui nous disait que la déréglementation s'en venait rapidement. Ça fait 21 ans. Mais, les camionneurs, on va essayer de faire un virage planifié, rentable, rentable pour les gouvernements, rentable pour le camionneur. Quand on utilise le mot partenaire puis partenariat – on dirait qu'on apprend ça dans les écoles de communication – ça veut dire un partenaire qui a le droit de parler aussi, pas un partenaire qui dit: Tu vas travailler à tel prix puis, quand tu as fini, tu t'en vas chez vous. Alors, on est prêt à être partenaire, mais en attendant il faut que le gouvernement nous garde des règlements et des lois pour laisser un certain équilibre, préparer la transformation puis donner des outils.

Quand j'ai parlé d'outils, je ne parlais pas nécessairement contre la Société de l'assurance automobile, des outils pour qu'ils puissent appliquer la loi afin que l'équité ne repose pas sur la délinquance, comme en forêt où vous démolissez vos routes avec 125 000 voyages en surcharge. On a vu des voyages du double permis en forêt. Pendant ce temps-là, le prix de la tonne baisse.

Si c'est ça que vous voulez comme déréglementation, on est capables, nous autres aussi, de transporter chargé. On n'a pas de misère avec ça. Mais dans la construction on respecte la loi de la pesanteur. Si vous voulez qu'on arrête, on va arrêter. Mais ça nous prend un tarif. Si on n'a pas de tarif, on va charger, on va faire n'importe quoi. Il faut être réaliste. Il faut que le gars ait le droit à un profit. 48,50 $ pour un camion, votre voisin député de Montmagny-L'Islet doit savoir ce que ça veut dire. Puis on travaille au salaire minimum.

M. Middlemiss: M. le Président, regardez. Vous savez qu'il reste 20 mois là avant l'an 2000.

Une voix: Oui, monsieur, on l'a remarqué.

M. Middlemiss: Il y a des tables de concertation. Croyez-vous, avec l'attitude que vous avez présentement, qu'on peut réellement atteindre l'objectif visé pour l'an 2000? Parce que vous semblez là – et c'est peut-être juste pour passer votre message clair – qu'il n'y a eu rien de bon dans toute la déréglementation et que le fait de vouloir déréglementer en l'an 2000, comme c'est prévu, que vous essayez de nous passer un message: Regardez, là, peut-être... Mais il me semble, moi, que le fait d'avoir des tables de concertation, que vous pouvez vous asseoir ensemble.

Et je pense que le passé a démontré que vous êtes capable de vous entendre avec l'Association des constructeurs de routes et de grands travaux du Québec. Les tarifs qui sont là aujourd'hui, c'est des tarifs qui ont été négociés avec ces gens-là. D'accord, il y avait un plancher, et, ce plancher-là, de l'autre côté on dit: C'est une épée de Damoclès au-dessus de notre tête. Vous, vous dites: Ça nous empêche de tomber dans le sous-sol. Donc, entre les deux, vous trouvez un modus vivendi. Vous avez même indiqué tantôt que sur les chantiers, depuis le 19 mars, ça va bien, il n'y a pas de... la paix sociale n'est pas troublée, les gens, on ne les force pas réellement à travailler à un tarif plus bas. On a réussi à trouver quelque chose qui semble être équitable. Parce que, si les camionneurs font le travail, si les entrepreneurs les engagent, on a trouvé un terrain d'entente qui semble faire l'affaire des deux partenaires. C'est ça.

M. Beaudet (Pierre): M. Middlemiss, soyez assuré que le 19 mars, dans la province de Québec, les travaux de construction qui nécessitent des camions, il n'y en a pas. Il y en a un à ville de La Baie parce qu'on est en période de dégel. Et les entrepreneurs ne travaillent pas en période de dégel, entre le mois de mars et le mois de mai.

Maintenant, on est capable de s'entendre, M. Middlemiss... Si nous autres aussi on... Eux autres, ils ont un taux de location pour leur machinerie qu'ils demandent au Conseil du trésor d'augmenter à peu près à tous les ans. Évidemment, c'est un peu comme nous; eux autres, ils ont des prix pour leur machinerie, nous, on veut un prix de base. Maintenant, on est conscient de la déréglementation. Mais je veux que vous soyez assuré qu'on est une association qui ne fait pas de politique. On a des membres de tous les partis. Et présentement on négocie encore avec le fédéral. On négocie avec le fédéral pour qu'il y ait des règles de sécurité uniformes, comme on négocie avec le gouvernement du Québec. Et c'est un prérequis à la déréglementation.

Ce qu'on a constaté tout à l'heure... Évidemment, je ne suis pas là pour vanter les mérites de la déréglementation, il y en a qui sont capables de le faire, mais il y a un prérequis à la déréglementation, c'est qu'il y ait des règles de sécurité uniformes puis uniformément appliquées par tous. S'il y en a un qui se promène pas de plaque d'immatriculation, il n'a pas les mêmes coûts d'opération que l'autre à côté. Mais ça se passe à Québec.

(16 h 30)

Il y en avait trois, camions d'entrepreneurs, qui se promenaient pas de plaque. Puis après que les policiers les aient arrêtés, ils se promenaient avec une plaque VR. Ils avaient trouvé un VR dans le garage. Ça, ce n'est pas des... On ne va pas chercher des exemples bien, bien loin. Mais ça, là... On a un camionneur en forêt, dans la région de Chibougamau, qu'on a dénoncé, mais il se promène avec une licence de skidoo puis, quand il arrive à la balance, il inscrit avec un VR. Bien, il n'a pas les mêmes coûts d'opération que le camionneur qui est obligé de faire une vérification mécanique. On l'a, la licence de skidoo, ça correspond à un Polaris. Alors, il se promène puis il fait du bois pour des grandes compagnies forestières à qui vous donnez des CAAF. Maintenant, il n'y a pas de prix là-dedans. C'est pour ça que le prix a été remplacé par la surcharge. J'espère que dans le marché de construction, avant de déréglementer, vous allez regarder ce côté-là également.

Je pense qu'on se comprend là-dessus, mais on va être obligé de suivre à l'an 2000. C'est vrai qu'on aimerait bien mieux rester dans notre règlement puis se protéger, puis trouver les mérites de notre règlement, mais on devra faire un virage. On le sait puis on va le faire, le virage, mais en autant que vous ne nous obligez pas à être des partenaires qui disent oui tout le temps puis qui travaillent gratuitement. Parce que 40 % du prix fixé par la Commission, si vous êtes conscient, ça veut dire 29,10 $ de l'heure avec un dix-roues qui vaut 70 000 $ puis qu'on met du pétrole dedans puis qu'on paie un chauffeur à 20,87 $. C'est ce que les gens des Grands travaux sont venus vous dire.

Quarante pour cent, c'est 29 $ de l'heure par rapport à 48,50 $ de l'heure. Alors, si vous trouvez que ça a du bon sens, vous allez voir... Puis d'ailleurs, c'est peut-être la meilleure... C'est le meilleur indicateur...

Le Président (M. Lachance): Je m'excuse de vous interrompre. Vous êtes très convaincant, là, mais ça permettrait aux parlementaires de poser davantage de questions si vous étiez un petit peu plus bref, s'il vous plaît.

M. Beaudet (Pierre): O.K. Vous avez bien raison.

M. Middlemiss: Une dernière question, M. le Président. Vous m'avez entendu tantôt, j'ai posé la question à l'Association des constructeurs de routes, j'ai posé la question à M. Bégin, ils ont dit: On est prêts, nous autres, on serait prêts – même dans le contexte présent – là, à s'asseoir et de négocier des nouveaux tarifs.

Est-ce que, de votre côté, vous croyez que vous seriez prêts et que vous pourriez atteindre les tarifs, comme vous l'avez fait dans le passé?

M. Beaudet (Pierre): C'est sûr qu'on pourrait en négocier, mais à la hausse. Depuis 1996, c'est le même prix. Trouvez-vous que ça a... Vous avez connaissance des augmentations qu'on a tous les jours de partout!

M. Middlemiss: Je pose la question. J'ai dit: Regardez, croyez-vous que vous pouvez les négocier? Les gens ont dit: Oui, on est prêts à négocier. Et on a dit: Regardez, là, lorsqu'on a un bon service, on est prêt à payer pour le service. Ça, ils l'ont dit.

Donc, en d'autres mots, vous dites: Oui. Et en plus vous nous indiquez qu'en d'autres mots, là, il n'y a pas d'urgence tant et aussi longtemps que le dégel est fini?

M. Beaudet (Pierre): On dit qu'il n'y a pas de travaux. Heureusement que ça se règle pendant le dégel, parce qu'aussitôt que le dégel va être terminé là on va être dans les problèmes. Si vous n'adoptez pas la loi, mettons, d'ici le 1er mai, il va y avoir des problèmes pour nous autres. D'ailleurs, vous avez vu leur attitude, ils négocient déjà leurs contrats, ils se dépêchent à négocier pour vous mettre de la pression.

M. Garand (Jean-Pierre): Puis il reste également, là, on est en période, O.K., de non travail, d'exécution de travail, mais on est en période d'appel d'offre. Et il y a des entrepreneurs qui, oui, appellent pour savoir où on s'en va, mais il y a également des entrepreneurs qui n'appellent pas et qui font des soumissions. Puis, lorsqu'ils ont les soumissions, ils disent: J'ai le contrat puis c'est 40 $ de l'heure à matin. Il y en a également aussi de ça, là. Puis on fait face à ces gens-là.

C'est face à ça qu'on demande et qu'on croit qu'il y a une urgence à rétablir la tarification, et qu'on a offert au ministère, au gouvernement en place, de concevoir des tables de négociation, qu'on est disponible, qu'on est prêt à s'asseoir, de mettre les intervenants autour de la table, mais on veut avoir une discussion franche et honnête.

On nous reproche d'avoir des gens qui jouent à deux chapeaux, mais la majorité des gens qui, chez nous, jouent à deux chapeaux, ce sont de leurs entrepreneurs qui viennent de notre côté puis qui veulent avoir deux assiettes. Ça fait que c'est pour ça que même déjà à l'intérieur de nos mouvements, il y a des frictions qui, à l'occasion, sont quotidiennes. Puis nos gens qui sont artisans, qui sont là depuis 25 ans de métier, regardent passer le trafic, puis on ronge notre frein.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Montmagny-L'Islet, vous avez deux minutes.

M. Gauvin: Deux minutes? M. Garand, M. Beaudet. M. Beaudet a fait allusion tantôt à mes connaissances du domaine du transport. Je voudrais juste lui rappeler que c'était un domaine assez différent du vrac. Donc, c'est pourquoi l'opposition officielle a souhaité vous entendre, vous, comme d'autres groupes, pour se faire une meilleure idée, M. Middlemiss, moi-même et nos collègues, pour se faire une idée de la situation du vrac et l'impact que pouvait avoir sur la décision, d'abord de la Cour d'appel, et de la Cour suprême, de ne pas vouloir réentendre cette cause-là, et l'importance du projet de loi n° 416.

Donc, ayant deux minutes, M. Beaudet, je vais passer assez vite. Je voulais faire cette précision-là, parce que je ne suis pas un spécialiste du domaine du vrac, bien que je vive dans un secteur où ils sont très actifs, et vous l'avez mentionné tantôt.

Vous avez parlé tantôt des risques de surcharge. Je suis un de ceux, dites-vous, que les gouvernements passés et le gouvernement actuel ont probablement commis l'erreur de ne pas revoir les charges maximales. Pas dans le domaine du vrac, je ne le pense pas, c'est dans le secteur du transport et forestier et des trains routiers, parce que c'est nos routes qui en ont payé le prix. Je suis un de ceux-là qui se disent qu'on ne doit pas déréglementer, on ne doit pas légiférer en mettant une pression sur l'industrie du camionnage pour aller compenser avec une surcharge. C'est inacceptable.

La population en général le dénonce à tous les jours, et on doit un jour prendre nos responsabilités, parce que tout le monde, l'industrie du camionnage, à mon avis, est capable de vivre si tout le monde respecte une règle maximum de charge et une règle d'entretien d'équipement selon ce que propose la Société d'assurance automobile sur la sécurité des véhicules. Ça a été démontré ce matin, je pense que ce n'est pas à faire, cette démonstration-là, à ceux, ici, qui nous en parle.

Étant donné que le temps est très court, je n'irai pas beaucoup plus loin. Je voulais vous poser cette question-là, si votre association, vos membres et vous-mêmes êtes en mesure de rappeler à votre association et à vos membres que nous nous en allons vers une déréglementation. Et vous avez raison de nous sensibiliser, à commencer, ici, au niveau du gouvernement, comme à l'industrie, à se préparer à une déréglementation pour ne pas que ça ait des effets aussi négatifs que plusieurs pourraient l'imaginer. Je ne sais pas si vous voulez commenter, j'ai été obligé de faire un peu vite, là, mais...

M. Beaudet (Pierre): Je suis absolument d'accord avec les remarques que vous faites. Notre association et nos camionneurs sont d'accord avec la loi de la pesanteur, et on voudrait que ce soit des normes évidemment uniformes. Des fois, on peut s'enfarger dans des détails, là, on peut ne pas être d'accord sur des détails, mais nous sommes pour la loi de la pesanteur. Si un camionneur veut gagner sa vie un jour convenablement, il doit d'abord respecter la loi de la pesanteur. La pesanteur, c'est l'affaire du requérant de service qui fait baisser le prix de la tonne transportée. Or, il est important qu'il y ait un équilibre entre les deux parties.

Le Président (M. Lachance): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions du côté ministériel? Il reste deux minutes et demie. Ça va? Alors, il me reste à vous remercier, M. Garand, M. Beaudet, l'Association nationale des camionneurs artisans, pour votre contribution aux travaux de cette commission, et je remercie les membres de la commission pour leur excellente collaboration. Est-ce qu'il y a des remarques finales? Est-ce que ça va? De toute façon, on aura l'occasion, très prochainement, j'imagine, d'être en commission parlementaire pour l'étude article par article. M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Oui, je pense que ça valait la peine aujourd'hui, même s'il y avait des opinions d'une extrémité à l'autre, qu'au moins on puisse, comme parlementaires, tenter de vivre ce que vous vivez, tous et chacun de vous, sur les chantiers de construction. J'ai un peu l'expérience parce qu'avant d'être un politicien, je suis ingénieur de formation et donc j'ai oeuvré pendant 20 ans comme ingénieur. Donc, j'ai...

M. Gauvin: Ce n'est pas incompatible.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Middlemiss: Ah non, ce n'est pas incompatible du tout. Mais je pense que c'est de cette façon-ci que, nous, comme législateurs, nous pouvons le mieux bonifier des projets de loi, en échangeant avec les gens. On sait que, si on pouvait avoir un consensus unanime au niveau des gens qui travaillent sur les chantiers, comme l'espère M. Beaudet, de la part des parlementaires, il me semble qu'on aurait un meilleur monde et on ne serait même pas préoccupé de la perturbation de la paix sociale. En tout cas, je remercie tous les gens qui l'ont fait et maintenant c'est à nous autres, comme politiciens, après vous avoir entendus, de faire notre travail et de procéder dans les intérêts supérieurs de tous et chacun.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

(16 h 40)

M. Brassard (Lac-Saint-Jean): M. le Président, moi aussi, je voudrais remercier tous les groupes. Je sais qu'on les a invités en leur laissant peu de temps de se préparer, mais je savais aussi que c'était un secteur que ces associations connaissaient bien. Alors, elles étaient en mesure de venir témoigner de façon utile devant cette commission.

Moi, je constate une chose, c'est que c'est vrai qu'il a défilé devant nous aujourd'hui des partisans de la déréglementation, mais, même chez certains de ces partisans de la déréglementation, on reconnaît la nécessité de maintenir en place l'armature réglementaire jusqu'à l'an 2000 pour permettre justement d'entrer dans ce nouvel univers de façon ordonnée, harmonieuse et sur la base de consensus entre véritables partenaires. Et dans cette perspective-là, je souhaite – évidemment l'Assemblée nationale est maître de ses travaux, j'en conviens, ça fait assez longtemps que je suis député pour faire preuve d'un grand respect à l'égard de cette institution – je souhaite comme ministre que ce projet de loi soit adopté le plus rapidement possible.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. le ministre. La commission des transports et de l'environnement s'étant acquitté de son mandat, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 16 h 42)


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