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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 14 octobre 1998 - Vol. 35 N° 33

Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur la sécurité des barrages


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Claude Lachance, président
M. Michel Bissonnet, vice-président
M. Paul Bégin
M. David Whissell
M. Rémy Désilets
M. Robert Middlemiss
M. Michel Rivard
M. Gabriel-Yvan Gagnon
*M. Ghislain Ouellet, HQ
*M. Gérard Verzeni, idem
*M. Pierre Shoiry, AICQ
*M. Raymond Arès, idem
*M. Éric McNeil, idem
*M. François Aubin, idem
*M. Mario Laframboise, UMQ
*M. Jean Therrien, idem
*M. Jean Roberge, AMQ
*M. Jean-Pierre Fau, Association canadienne des ressources
hydriques – branche Québec
*M. Ralph Silver, idem
*M. John Burcombe, Mouvement au Courant
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures et trente-six minutes)

Le Président (M. Lachance): Je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Nous avons le mandat de poursuivre la consultation générale sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur la sécurité des barrages.

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui. M. Whissell (Argenteuil) remplace M. Brodeur (Shefford).

Le Président (M. Lachance): Merci. Je voudrais d'abord vous donner un aperçu de l'horaire de notre journée. Nous allons d'abord entendre les porte-parole d'Hydro-Québec; par la suite, ceux de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec; et enfin, avant de suspendre nos travaux pour le lunch, ça sera l'Union des municipalités du Québec. Nous reprendrons nos travaux à 14 heures, alors que nous entendrons les porte-parole de l'Association minière du Québec, puis ensuite l'Association canadienne des ressources hydriques, branche Québec. Il y aura suspension à 16 heures, pour reprendre les travaux à 17 heures, pour enfin terminer notre journée avec les porte-parole du Mouvement au Courant.

Je rappelle que la façon de procéder est simple. Chaque groupe a 20 minutes pour nous proposer ses opinions, ses idées, et par la suite il y a un échange qui peut se faire avec les représentants du groupe concerné; 20 minutes sont allouées pour le côté ministériel et 20 minutes pour le côté de l'opposition.

J'inviterais les représentants d'Hydro-Québec à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Bienvenue, et je vous demanderais de bien vouloir vous identifier.


Auditions


Hydro-Québec (HQ)

M. Ouellet (Ghislain): Je suis Ghislain Ouellet, vice-président exécutif Production à Hydro-Québec, bien sûr. Je suis accompagné de M. Gérard Verzeni, qui est directeur Sécurité des barrages au groupe Production.

Le Président (M. Lachance): Très bien, merci. Vous pouvez y aller.

M. Ouellet (Ghislain): Oui. M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, Hydro-Québec est très heureuse de l'occasion que lui offre cette commission d'apporter sa contribution à l'étude de l'important avant-projet de loi sur la sécurité des barrages. Les objectifs poursuivis par cet avant-projet de loi revêtent pour Hydro-Québec une très grande importance.

En effet, Hydro-Québec est le plus important propriétaire de grands barrages sur le territoire du Québec et l'un des plus grands au monde. Hydro-Québec possède 565 ouvrages de retenue, dont 225 sont classés comme étant de grands barrages, selon la Commission internationale des grands barrages. La plupart des barrages d'Hydro-Québec sont des barrages à forte contenance, selon la définition que propose l'avant-projet de loi.

Pour Hydro-Québec, le savoir-faire en matière de sécurité des barrages constitue un élément essentiel pour la réalisation de sa mission. En effet, plus de 95 % de l'électricité produite par l'entreprise provient d'aménagements hydroélectriques. L'expertise d'Hydro-Québec, qui en est une de propriétaire averti en matière de sécurité des barrages, lui est donc essentielle. Pour assurer la sécurité du public et la protection d'installations dont la valeur touche environ les 10 000 000 000 $, et pour préserver la pérennité de ses installations, afin de répondre aux besoins de sa clientèle, chaque année, Hydro-Québec consacre plus de 20 000 000 $ à la surveillance et à la sécurité des barrages. Compte tenu de la variété et de la complexité des défis techniques qui se posent, quelque 200 employés d'Hydro-Québec contribuent à ces activités.

(9 h 40)

Hydro-Québec s'assure de demeurer à l'avant-garde et participe activement, depuis une vingtaine d'années, à l'évolution des connaissances dans ce domaine. L'entreprise est en effet un membre actif de plusieurs organismes internationaux voués à la sécurité des barrages; notamment, la Commission internationale des grands barrages et l'Association canadienne des barrages.

Toute la gestion de la sécurité des barrages au Québec est soumise à un processus qui a été modifié en 1997 pour tenir compte de l'évolution mondiale dans le domaine. Comme on peut le voir à l'écran, ici présent, à ma gauche, le processus comporte principalement quatre grands blocs d'activité. Le premier bloc concerne les encadrements, les règles de sécurité des barrages et les méthodologies à employer sont documentées, consignées et mises à jour régulièrement. Ces règles reflètent notre expérience et notre expertise et tiennent compte des outils les plus modernes dans le domaine. Le deuxième bloc correspond aux activités de programmation. À Hydro-Québec, les interventions visant la sécurité des barrages sont priorisées et programmées annuellement et dans un cycle qui permet de réviser l'ensemble des ouvrages sur une dizaine d'années.

Le troisième bloc regroupe les activités visant à évaluer le comportement des barrages. Tout d'abord, la surveillance des ouvrages effectuée par du personnel basé sur tout le territoire du Québec en fonction des besoins et priorités de surveillance. Nos procédures pour les relevés visuels et les relevés d'instruments suivent une séquence fixée dans nos encadrements et sont analysées par du personnel technique. La réévaluation de la sécurité des barrages est le coeur de nos activités. Elle vise à s'assurer du respect des critères de sécurité; elle s'appuie sur diverses analyses, investigations et études techniques; elle porte un diagnostic sur la sécurité des ouvrages. On y retrouve aussi, dans ce bloc d'activité, le déploiement des mesures d'urgence au niveau de chaque territoire auprès de chacun de nos aménagements.

Le quatrième bloc d'activité traduit les travaux requis afin d'améliorer et de maintenir, le cas échéant, la sécurité des barrages. Les quatre blocs du processus sont, bien entendu, supportés par les activités de recherche et développement. L'ensemble de ce processus reflète notre savoir-faire et nous permet de bien nous positionner sur les marchés internationaux. Des experts internationaux sont consultés régulièrement, tant pour la pertinence de notre processus que pour notre réglementation ou pour certaines problématiques spécifiques.

La gestion de ce processus est assurée par une unité du groupe Production, la direction Sécurité des barrages – que vous pouvez voir en surbrillance, un peu plus gras sur l'organigramme qui est projeté et dont vous avez, j'imagine, copie – laquelle direction, Sécurité des barrages, joue en quelque sorte le rôle d'une commission de contrôle indépendante au sein de l'entreprise. Cette unité n'a aucun lien direct avec les équipes territoriales chargées de la réalisation des programmes. Elle regroupe une masse critique d'ingénieurs spécialisés et son mandat consiste à garantir à Hydro-Québec la qualité et le respect des programmes de sécurité des barrages. Elle fixe également les objectifs des différents programmes et établit la réglementation à respecter. Dans le cadre d'un processus d'évaluation des risques barrages, elle porte un jugement sur l'ensemble des activités réalisées.

Le processus et la structure adoptée par Hydro-Québec correspondent aux modes d'organisation les plus modernes qui sont en usage un peu partout à travers le monde. Par exemple, proche de nous, BC Hydro, le USBR and the Corps of Engineers des États-Unis utilisent une approche semblable.

Permettez-moi d'aborder maintenant quelques questions importantes que soulève l'avant-projet de loi. Les premières sont d'ordre technique, mais elles peuvent faire une grande différence dans l'application de la future loi.

Nous attirons l'attention de la commission sur l'importance d'harmoniser la nouvelle loi avec l'ensemble de la législation déjà en vigueur, notamment avec la Loi sur le régime des eaux, la Loi sur la qualité de l'environnement et la Loi sur la protection des personnes et des biens. Ce point a déjà été soulevé ici par d'autres intervenants et nous avons pu constater avec plaisir que le ministre avait bien pris note de ce point et s'était engagé à apporter toutes les harmonisations requises.

La nouvelle loi devra également prévoir des mécanismes particuliers pour les ouvrages frontaliers et pour ceux dont la gestion affecte deux provinces, tout spécialement si, comme nous le croyons, les autres provinces voisines adoptent rapidement leur réglementation dans le domaine des barrages. Il importe également que les principaux termes utilisés dans la réglementation, tels que les termes «barrage», «aménagement», «volume de retenue», «propriétaire», «exploitant», etc., soient définis clairement afin d'éviter tout conflit d'interprétation.

Pour ce qui est de l'imposante réglementation qui devra être élaborée en vue de l'application de la nouvelle loi, Hydro-Québec attire l'attention de la commission sur les risques liés à une transposition automatique des textes réglementaires existant ailleurs dans des contextes différents. Dans l'élaboration de la réglementation, nous suggérons la prise en compte des pratiques modernes, notamment en matière d'évaluation et de gestion des risques, ainsi que le recours à l'expertise développée par les propriétaires de barrages qui vivent quotidiennement, depuis des années, avec les ouvrages sur le territoire du Québec.

En rapport avec le répertoire public des ouvrages du Québec prévu dans l'avant-projet de loi, Hydro-Québec estime que ce document devrait colliger uniquement les informations pertinentes à la sécurité des barrages tout en protégeant la propriété intellectuelle et les secrets commerciaux.

Hydro-Québec appuie le fait que l'avant-projet de loi prévoie la reconnaissance des programmes de sécurité des barrages déjà établis et conformes aux règles de l'art. Il y aurait cependant lieu que la législation définisse plus clairement les critères de reconnaissance qui seront appliqués en s'inspirant des mesures similaires en vigueur ailleurs.

Cette loi entraînera des coûts et des délais supplémentaires importants pour les propriétaires de barrages. Hydro-Québec invite le législateur à prévoir des mécanismes réglementaires qui faciliteront l'application de la loi et qui contribueront à en réduire les coûts et les délais. L'établissement d'un fonds de fiducie pour couvrir les exigences gouvernementales en cas d'abandon par les propriétaires n'est pas acceptable pour Hydro-Québec. Que ce fonds soit instauré pour chaque propriétaire ou pour l'ensemble des propriétaires, il s'agit là d'une mesure qui ne devrait pas s'appliquer aux sociétés de la couronne.

Hydro-Québec propose aujourd'hui à la commission une approche qui permettra de réduire les coûts d'application de la future loi en évitant les duplications et d'en faciliter la mise en place. Nous proposons en effet, tel que vous pouvez le voir sur l'acétate projeté, de transposer la structure et le processus d'Hydro-Québec à l'ensemble des barrages se trouvant sur le territoire du Québec en y adjoignant bien entendu les moyens et les ressources nécessaires.

(9 h 50)

Hydro-Québec suggère dans un premier temps la création d'un comité mixte sur la sécurité des barrages. Ce comité serait formé de représentants des organismes gouvernementaux concernés, des propriétaires de barrage, d'experts scientifiques reconnus et de représentants du public. Ce comité ferait des recommandations au gouvernement qui demeurerait l'instance décisionnelle en matière de sécurité du public et des barrages. Ces recommandations porteraient sur la définition des programmes de sécurité des barrages, sur l'acceptation de la réglementation des barrages, sur l'acceptation des autorisations requises par la loi, sur l'exercice du pouvoir d'ordonnance et du pouvoir d'inspection.

Nous proposons également d'étendre le mandat de notre direction responsable de la sécurité des barrages à l'ensemble des ouvrages du Québec. Sous mandat du comité mixte, elle deviendrait son bras technique pour lui permettre d'exercer son rôle. Elle proposerait notamment au comité mixte la réglementation, le contenu des programmes de sécurité des barrages. Elle recevrait les études de sécurité, les analyserait et ferait les recommandations qui s'imposent au comité mixte, quant au plan d'action requis. Tout en continuant à réaliser ses activités pour les ouvrages d'Hydro-Québec, elle pourrait assurer la sécurité de tous les autres barrages du Québec.

Bien entendu, les moyens requis pour assurer l'indépendance de cette unité seront mis en place, et ce, en fonction du mandat qui sera confié à Hydro-Québec. Son rôle en cette matière s'apparenterait à celui du Corps of Engineers auprès des propriétaires de barrages non fédéraux, aux États-Unis. Chaque année, au moyen de rapport public, cette unité rendrait compte au comité mixte de l'ensemble des activités réalisées dans le cadre des programmes de sécurité des barrages. Au besoin, le comité mixte pourrait demander l'avis d'un comité d'experts internationaux reconnus.

L'approche proposée par Hydro-Québec permettrait de profiter de l'expertise développée au fil des années au sein de l'entreprise et de minimiser les coûts importants de mise en place des mécanismes de la loi pour tous les propriétaires. Cette approche a aussi l'avantage de profiter d'un noyau d'expertise existant plutôt que de créer de toutes pièces une nouvelle organisation.

L'expertise plus opérationnelle d'Hydro-Québec réalisée dans le territoire et au niveau corporatif pour les études serait offerte aux autres propriétaires en complémentarité ou en partenariat avec le génie-conseil du Québec, tel que vous pouvez le voir sur l'acétate.

En terminant, Hydro-Québec tient à féliciter le gouvernement de la suite qu'il a donnée au rapport de la Commission technique et scientifique sur la gestion des barrages. La sécurité des barrages existants au Québec constitue un enjeu important et Hydro-Québec estime que l'approche qu'elle propose permet d'y répondre avec le maximum d'efficacité et au moindre coût. Merci de votre attention.

Le Président (M. Bissonnet): Merci, M. Ouellet, pour votre présentation, au nom de la commission. Maintenant, nous allons procéder à l'échange entre le groupe ministériel et le groupe de l'opposition officielle, et je reconnais de ce fait M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Bégin: Merci, M. Ouellet, de votre présentation. Vous soulevez plusieurs questions extrêmement importantes et pertinentes. J'aimerais peut-être commencer avec celle dans laquelle vous suggérez en quelque sorte, si j'ai bien compris, qu'Hydro-Québec soit chargée d'exercer un peu la fonction qui, dans le projet de loi, à l'article 48, est confiée au ministre de l'Environnement alors que certains ont proposé que ce soit exercé, pas par une firme, par une agence autonome. Est-ce que je vous comprends bien, lorsque vous mentionnez ça, ou bien si c'est autre chose lorsque vous offrez vos services concernant... Un instant. C'est à la page 2 de votre mémoire. En fait, vous dites que les services d'Hydro-Québec pourraient être disponibles pour s'assurer de la sécurité des barrages.

À l'heure actuelle, certains nous ont fait des représentations à l'effet qu'il ne devrait pas relever du ministère de l'Environnement, cet aspect-là, puisque lui-même est propriétaire de plusieurs barrages et qu'il se place en quelque sorte en conflit d'intérêts.

Ce que vous nous dites – c'est ça que je veux savoir d'abord, si je comprends bien – c'est qu'Hydro-Québec serait prête, suite à des amendements législatifs qui créeraient un certain service chez vous, à exercer cette fonction-là. Est-ce que je vous comprends bien?

M. Ouellet (Ghislain): Oui. En fait, le but, ce n'est pas de remplacer le pouvoir décisionnel qui est au gouvernement. Je pense que la pierre angulaire est au niveau du comité mixte comme tel qui jouerait un rôle de gestion comme tel. Donc, c'est une organisation un petit peu indépendante. Et ce qu'on propose, Hydro-Québec, c'est qu'on pourrait être le bras technique de cette commission-là, et de ce comité mixte, et on jouerait un peu le rôle, j'oserais dire, de commission de contrôle, jusqu'à un certain point, via la direction de Sécurité des barrages, un peu comme on le fait à l'interne chez nous.

En fait, la sécurité des barrages étant quelque chose d'extrêmement important – puis ça, ce n'est pas juste à Hydro-Québec, on a modifié notre organisation en 1997 pour l'adapter à ça – on a une espèce d'organisme de contrôle à l'interne d'Hydro-Québec, qui s'appelle la direction de Sécurité des barrages, qui est complètement indépendant des opérations et qui surveille, qui émet la réglementation interne chez nous et qui surveille que cette réglementation soit respectée, qui surveille que les programmes qui sont réalisés dans les parties opérationnelles soient faits de façon adéquate.

Alors, ce qu'on dit, c'est que cette petite organisation-là, la direction de Sécurité des barrages, pourrait faire la même chose pour l'ensemble des barrages du Québec sous mandat du comité mixte. Autrement dit, elle ne serait que le bras technique. Ce n'est pas elle qui décide tout. Elle peut faire des suggestions, évidemment, compte tenu du fait qu'elle a une grande connaissance technique dans la matière, mais essentiellement, c'est le comité mixte, composé de propriétaires, du gouvernement, de scientifiques ainsi que du public, qui aurait ni plus ni moins un peu le rôle de guide dans l'ensemble de tout ça et le pouvoir décisionnel final demeure évidemment encore au gouvernement. Je ne sais pas si ça explique suffisamment.

M. Bégin: En fait, je comprends que vous proposez deux éléments: la création d'un comité mixte, composé de différents propriétaires de barrages, qui serait chargé, un peu comme une agence autonome, de surveiller ça.

M. Ouellet (Ghislain): Oui. C'est exact.

M. Bégin: Et, à l'intérieur de cette unité, du comité mixte, il y aurait un bras technique opérationnel qui serait les services que donne déjà Hydro-Québec à Hydro-Québec à l'égard de ses propres barrages. C'est ça?

M. Ouellet (Ghislain): Exact. Puis pour s'assurer évidemment, comme je l'ai dit dans mon propos et comme il est indiqué aussi sur l'acétate, c'est évident qu'on va, dans un contexte semblable, mettre des moyens pour s'assurer qu'il ait vraiment l'indépendance et s'assurer que les gens soient certains qu'il y ait une indépendance de cette organisation-là par rapport effectivement à Hydro-Québec.

M. Bégin: Parce que j'ai entendu plusieurs représentations, lors des audiences antérieures, et je suis d'accord avec les représentations qui ont été faites à l'effet qu'il faudrait qu'il y ait une agence indépendante du gouvernement pour gérer cette dimension-là du projet de loi. Ce n'est pas inscrit dans l'avant-projet de loi, mais j'annonce qu'il y aura des amendements qui seront apportés pour donner suite à cette demande qui est formulée par des gens. Et nous partageons, là... C'était d'ailleurs une recommandation qui était faite par M. Nicolet dans son rapport. Alors, là-dessus, donc je vais de l'avant en disant oui.

Là, vous ajoutez un élément nouveau à cette agence ou à ce comité mixte, que vous appelez. Vous dites: Il faudrait qu'il y ait un bras opérationnel et Hydro-Québec est prête à le fournir. Mais, malgré ce que vous dites, à l'effet qu'il y aurait l'indépendance, est-ce qu'on ne se retrouverait pas dans la même situation de celle qu'on reproche actuellement au projet de loi, de dire: C'est le ministère de l'Environnement qui est en conflit à l'égard de ses propres barrages? Même si c'est un bras technique, est-ce que le bras en question ne serait pas en conflit lorsqu'il s'agit des barrages d'Hydro-Québec?

M. Ouellet (Ghislain): Personnellement, on le vit déjà à l'interne, chez nous. Je pense que M. Verzeni, qui est directeur de Sécurité des barrages présentement, joue son rôle à l'interne. Il y a effectivement une indépendance entre son rôle et le rôle des parties opérationnelles. Moi, je pense qu'il y a moyen de mettre des mécanismes qui permettent d'assurer le comité que ce rôle d'indépendance là serait réalisé. Exemple – j'ai juste un exemple – on a une direction Sécurité des barrages. Il pourrait très bien, par exemple, y avoir une personne indépendante d'Hydro-Québec, donc non rémunérée par Hydro-Québec, ne travaillant pas à Hydro-Québec, qui pourrait être injectée dans cette équipe-là, comme, par exemple, directeur adjoint, et qui pourrait, étant rémunérée par le comité technique comme tel, s'assurer que l'indépendance est toujours réalisée.

Je fais un parallèle, par exemple, avec ce qui existe dans le domaine du nucléaire. Actuellement, vous avez, par exemple, la Commission de contrôle atomique du Canada qui a des personnes qui sont en permanence dans la centrale de Gentilly. Ces gens-là ne sont pas payés par Hydro-Québec, ils sont payés évidemment par la Commission de contrôle, et ils exercent de façon quotidienne une surveillance en matière de sûreté nucléaire, dans le cas de Gentilly.

(10 heures)

Et je pense que dans notre cas, on pourrait très bien avoir quelque chose de similaire, c'est-à-dire d'injecter une personne totalement indépendante d'Hydro-Québec dans cette petite équipe là. Cette personne-là relèverait du comité comme tel, de telle sorte qu'on pourrait s'assurer qu'il y ait vraiment une indépendance et que tout soit fait selon les règles de l'art.

Je voudrais aussi souligner que le comité technique, en fait, c'est lui qui est le décideur. C'est lui qui décide si, la réglementation, il faut la modifier, la faire évoluer et ainsi de suite. C'est lui aussi qui accepte les programmes de sécurité des barrages comme tels. Et je vous rappelle que sur cette équipe-là, sur ce comité-là, Hydro-Québec serait un représentant parmi plusieurs autres.

M. Bégin: J'écoute avec intérêt ce que vous dites, mais je vous avoue honnêtement que je reste avec un petit doute. La même relation qu'on faisait entre la non-indépendance du ministre et du ministère par rapport à ses propres barrages, je trouve qu'elle existe un peu dans votre proposition. De toute façon, c'est une belle proposition.

J'aimerais aller peut-être là où vous faites une proposition qui m'apparaît, en tout cas, intéressante. Vous dites que la loi prévoit des délais pour agir, de la part des entreprises, au niveau des propriétaires et que le ministère lui-même ou le ministre n'a pas de délai à respecter et qu'il serait opportun qu'il en soit ainsi. Est-ce que je peux vous faire une suggestion? À l'égard de chacune des dispositions de la loi où vous croyez qu'il devrait y avoir un délai, nous indiquer ce délai raisonnable que vous jugeriez à propos d'être inscrit dans la loi.

Je trouve la proposition intéressante: on vous impose de devoir respecter des délais pour présenter des choses, que le gouvernement, lui, qui les reçoit, se donne également des délais pour remplir sa part du marché. Cependant, j'aimerais entendre de votre part ce qui peut être considéré comme étant des délais raisonnables. Je ne suis pas un expert dans le domaine. Est-ce que ça prend trois mois pour évaluer ce que vous proposez ou six mois? Je ne suis pas en mesure... Mais je pense que vous avez une petite idée précise là-dessus. Alors, à l'égard de chacune des dispositions, je vous demanderais, si c'était possible, de le faire.

M. Ouellet (Ghislain): Ça va me faire plaisir.

M. Bégin: Vous, vous faites une suggestion concernant l'assujettissement, 7,5 m, puis vous dites: Ou 62 000 m³, ce qui peut, à première vue, paraître extrêmement différent du projet de loi, puisque, dans le projet de loi, on parle de hauteur plus grande que 2,5 m et de retenues de 30 000 m³. J'ai ici des chiffres. Si on prend l'une ou l'autre des deux dispositions, le MEF assujettirait 2 097 barrages et, avec la norme que vous proposez, c'est 2 110. On parle de 13 barrages de différence. Alors, on est vraiment dans le petit, petit. Est-ce qu'il y a d'autres raisons qui font que le nombre nous justifierait de passer à ce que vous proposez, et au-delà du fait que ça soit une norme fédérale américaine?

M. Ouellet (Ghislain): Sur ceci, je passerais peut-être la parole à mon confrère Gérard Verzeni.

M. Verzeni (Gérard): Il n'y a pas de raisons très particulières, si ce n'est que de suivre un petit peu les règles de l'art internationales qui existent dans ce sens-là. On n'avait pas les chiffres que vous nous mentionniez ce matin pour faire la comparaison, mais, si on arrive à un différentiel aussi petit que vous mentionnez, je pense que...

M. Bégin: Écoutez, ce n'est pas vérité d'Évangile, mais c'est ce que j'ai comme information. Alors, c'est très mineur. On parle quand même de même pas 0,1 %, en effet.

Peut-être un élément. Vous mentionnez dans votre mémoire que vous êtes inquiets du caractère public de certaines informations. Hydro-Québec est un organisme public, quand même. Et vous dites que vous prônez une démarche qui soit basée sur l'analyse et la gestion de risque. À ce moment-là, est-ce que ça ne serait pas, pour les citoyens, le public en général, intéressant justement d'avoir le maximum d'informations ou d'accès à l'information plutôt que d'avoir un minimum d'informations? Quand on parle d'analyse et de gestion du risque, on n'est pas sur un concept absolument mathématique, on est sur une évaluation relativement, je dis bien, subjective, même s'il y a beaucoup d'objectivité dans la démarche. Est-ce que, en prônant ces deux aspects-là, vous n'êtes pas un petit peu à l'encontre du courant actuel?

M. Ouellet (Ghislain): Je ne crois pas. Pour vous donner un peu plus de précisions, comme je l'ai dit dans mon exposé tout à l'heure, c'est que, évidemment, quand on parle de barrage, il y a quand même la propriété intellectuelle qui est inhérente à ça. La façon de concevoir un barrage, toutes les innovations qui peuvent y être apportées, je pense que c'est du domaine de la propriété intellectuelle, et ça, ça devrait être réservé au propriétaire, puisque c'est quelque chose qui est monnayable puisque c'est de la propriété comme telle. Tout ce qui touche l'aspect sécurité du public, sécurité des installations devrait être du domaine public.

Alors, c'est catégorique, de ce côté-là. C'est évident qu'il n'est pas dans notre propos d'essayer de cacher les choses qui pourraient aider le public à connaître l'état des installations et comment elles évoluent, de telle sorte que la sécurité pourrait être mise en cause. Ça, c'est très clair. Donc, c'est une question de propriété intellectuelle, d'une part, évidemment, ce que ça représente aussi comme caractère commercial, des choses comme ça. Alors, c'est ça qu'est notre propos, et c'est très clair que ce n'est pas dans le but de cacher des choses qui auraient un intérêt public pour la sécurité.

M. Bégin: Une dernière question avant de passer la parole à mes collègues. À quelques occasions, vous vous référez à des normes américaines et vous nous dites, en même temps, qu'il faudrait éviter de puiser un peu partout à travers le monde des normes concernant certains aspects des barrages, de sorte qu'on créerait un petit monstre réglementaire où le pire de tout ce qui existe partout serait la norme ici. Je fais peut-être une caricature, mais je pense que ça dit bien ce que vous vouliez dire.

Comment pensez-vous qu'on puisse élaborer sans soit copier intégralement ce qui existe à certains endroits ou encore concevoir le meilleur qui existe un peu partout pour avoir quelque chose qui soit moderne, nouveau, en même temps, qui ne soit pas non plus une boîte de Pandore à l'égard de chacune des normes qui est inscrite à l'intérieur? Pouvez-vous élaborer un peu plus là-dessus?

M. Ouellet (Ghislain): Oui. Je vais le dire en quelques mots puis je passerai la parole à M. Verzeni. En fait, ce qu'on veut dire là-dedans, c'est que, évidemment, il y a différentes approches qui existent. Prendre ce qui est bon dans l'approche A, y additionner des éléments de l'approche B et d'autres éléments de l'approche C ferait en sorte qu'on aurait des choses qui ne sont pas cohérentes comme telles.

Donc, ce qu'on dit: effectivement, inspirons-nous de ce qu'est la meilleure expertise, le meilleur savoir-faire au niveau international – de toute façon, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, on est relativement bien branché, de ce côté-là – essayons de l'intégrer dans notre approche et de ne pas prendre de façon inconsidérée les choses à gauche et à droite. Mais le propos, c'est définitivement d'essayer, dans une approche qui est intégrée, de trouver la réglementation qui est la plus pertinente là-dedans. C'était ça qu'était notre propos. Je ne sais pas si M. Verzeni voudrait rajouter quelques mots là-dessus.

M. Verzeni (Gérard): Juste quelques mots. Le propos d'Hydro-Québec dans ce sens-là est le suivant. C'est vrai qu'il existe énormément de normes dans le domaine de la sécurité des barrages, et je pense qu'on peut en profiter. Elles existent, on les connaît et on peut les transposer. Mais le fait de les transposer, et c'est là que c'est important pour nous. Je pense que ce n'est pas simplement un collage bout à bout d'ensembles de réglementations puisées un peu partout, mais je pense qu'il faut qu'on établisse comme une politique, une colonne vertébrale à l'ensemble de la réglementation et, de là, venir joindre la réglementation transposée, modifiée à notre réalité. C'est les deux notions qu'on voulait véhiculer dans notre commentaire.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député d'Argenteuil et porte-parole de l'opposition officielle en Environnement.

M. Whissell: M. le Président, M. le ministre, bonjour, M. Ouellet. Tout d'abord, au niveau des délais, je pense que je vais rejoindre un peu la position du ministre. Je pense qu'il serait opportun que vous fassiez une suggestion, surtout que le mot «délai» revient souvent à l'intérieur du projet de loi. Et je notais ici la question du délai de deux ans lors des travaux, qui vous semble acceptable, et pour cause. Alors, je pense que ce serait important, vu que vous êtes des constructeurs de barrages, que vous avez l'expertise, alors je pense que votre proposition serait très bien accueillie.

M. Ouellet (Ghislain): Ça va nous faire plaisir de vous transmettre quelque chose.

M. Whissell: Au niveau des ingénieurs, vous abordez la question. Le rôle de l'ingénieur revient à plusieurs endroits à l'intérieur du projet de loi. Comment percevez-vous le tiers ingénieur? Est-ce que vous le faites déjà, mais avec un ingénieur à l'interne? Parce que Hydro-Québec a ses propres ingénieurs. Est-ce que vous faites déjà une vérification par un tiers ingénieur à l'interne ou vous vous contentez de faire les travaux, un ingénieur supervise puis vous fait rapport à la fin?

M. Ouellet (Ghislain): En fait, c'est assez variable, dépendamment des phases où on se situe. C'est évident, quand on parle de conception de barrages comme telle, il y a beaucoup d'ingénieurs externes à Hydro-Québec qui interviennent dans l'ingénierie de construction des installations comme telle. Donc, déjà là, il y a des ingénieurs Hydro-Québec et des ingénieurs externes qui participent à l'érection de l'ouvrage comme tel, d'une part.

(10 h 10)

D'autre part, lorsqu'on parle, en mode d'exploitation, en mode d'opération, de la surveillance des barrages comme telle, c'est surtout fait par nos ingénieurs à l'interne. La façon dont on valide les choses: à l'occasion, on va donner des mandats à l'externe, donc à du génie-conseil qui va faire une étude. Ça nous permet, jusqu'à un certain point, de se baliser, d'une part. D'autre part, on a des comités d'experts. Donc, c'est des sommités, même au niveau international, qui vont venir nous auditer, donc qui vont venir sur le territoire rencontrer des ingénieurs, discuter avec eux autres de leur approche, de la façon dont ils ont fait les choses, regarder nos procédures et porter un jugement là-dessus. O.K.? Alors, ce comité d'experts internationaux, comme je l'ai mentionné, revient périodiquement dans nos installations pour nous valider, comme tel.

Finalement, je mentionnerais qu'évidemment il existe une loi qui touche les ingénieurs. Et les ingénieurs, professionnellement, qu'ils travaillent à Hydro-Québec ou qu'ils travaillent dans n'importe quelle autre organisation, sont régis par cette loi-là. Ils ont donc un code de déontologie à respecter, et je pense qu'ils se doivent de faire un acte d'ingénieur qui soit adéquat, bien sûr.

M. Whissell: Mais, étant donné que c'est quand même une leçon de sécurité importante, vous ne pensez pas qu'il y aurait lieu qu'un deuxième ingénieur, qu'il soit de votre firme ou d'une firme externe, se devrait de vérifier les travaux? Parce qu'on parle de sécurité. On peut causer la mort de plusieurs personnes ou...

M. Ouellet (Ghislain): Mais ça ne se fait pas de façon séquentielle, ainsi de suite. Je pourrais vous dire que beaucoup de personnels techniques interviennent. Il y a d'abord des relevés techniques qui sont faits terrain, il y a une première évaluation qui est faite à ce niveau-là, il y a des techniciens qui se penchent là-dessus. Et, finalement, il y a des ingénieurs qui regardent les dossiers. Quand un ingénieur regarde un dossier, si le dossier devient un peu complexe, si on peut dire, il ne travaille pas nécessairement en vase clos, il va travailler avec une équipe. D'ailleurs, on a des équipes d'ingénieurs, donc il y a de l'autovalidation qui se passe entre les ingénieurs dans une propre équipe.

Et, comme je le disais tout à l'heure, lorsqu'on a des problèmes vraiment plus particuliers, non seulement les ingénieurs de cette équipe-là vont s'y adresser, mais très souvent il va y avoir aussi un débat à l'interne avec des équipes d'autres territoires. Et, à l'ultime, et c'est arrivé régulièrement, on a fait intervenir des ingénieurs carrément à l'extérieur de l'entreprise, des experts internationaux sur des choses spécialisées comme le béton, les remblais ou les sols, ainsi de suite.

Donc, moi, je vous dirais que ce n'est pas vrai qu'un ingénieur fait une étude, elle est terminée, et ainsi de suite. Il y a eu, dans le processus en général, discussion dans une équipe technique, et, lorsqu'il y a des problèmes vraiment, j'oserais dire, «touchy», définitivement, l'ingénieur n'a pas piloté seul son étude. Il a eu l'occasion de la ballotter, de discuter avec des confrères, même à l'extérieur de l'entreprise effectivement.

M. Whissell: Mais pensez-vous honnêtement que, pour les plus petits producteurs d'électricité, c'est une procédure qui est effectuée?

M. Ouellet (Ghislain): Là, je ne connais pas la situation des producteurs privés, donc je n'oserais pas me prononcer là-dessus. Moi, à mon avis, s'ils ont des ingénieurs chez eux, ces ingénieurs-là, comme je disais tantôt, sont régis par la loi, donc ils doivent faire un acte correct. Maintenant, quel est le processus de validation que ces gens-là se donnent? Je l'ignore un peu. Comme je vous l'ai mentionné tantôt, dans notre proposition, nous, on dit: Si on avait la direction Sécurité des barrages qui assurerait un rôle de commission de contrôle, entre guillemets, je pense qu'avec l'expertise qu'on a au Québec et à Hydro-Québec dans ce domaine-là, on pourrait sûrement appuyer, aider à la sécurité des barrages sur l'ensemble des barrages du Québec, j'en suis convaincu.

M. Whissell: Au niveau du fonds de fiducie, si j'ai bien compris, vous dites que ça pourrait s'appliquer dans le cas des autres producteurs, mais qu'Hydro-Québec devrait être exemptée. Pouvez-vous justifier votre argument?

M. Ouellet (Ghislain): Bien, écoutez, si notre compréhension est correcte, ce fonds-là serait créé en vue de prévoir si un propriétaire faisait faillite, ou disparaissait, ou quittait, ou ainsi de suite. Notre propos à nous, c'est de dire: Hydro-Québec, c'est très, très peu probable que demain matin on parte, donc on a une pérennité sur le territoire. Donc, on se dit, écoutez, que, nous, en tant que gestionnaires de cette entreprise-là, au bénéfice de notre actionnaire, on ne veut pas payer des argents pour d'autres propriétaires, alors que, nous, on considère qu'on va être là en permanence, comme tel.

Donc, ce que fera le législateur à ce propos-là, je pense que ce n'est pas à nous de se prononcer. La seule chose qu'on dit, c'est que ce n'est pas à nous de payer pour l'éventualité que quelqu'un d'autre fasse quelque chose qui n'est pas correct. Alors, autrement dit, c'est un peu dire: Les bons ou les gros vont payer pour ceux qui ont peut-être des difficultés, comme tel. Donc, on dit: Ça ne devrait pas s'appliquer chez nous.

M. Whissell: Plus tôt, vous avez mentionné qu'il y aurait un coût qui serait rattaché à Hydro-Québec pour l'application du projet de loi. Vous êtes-vous penchés sur le coût qui serait engendré pour Hydro-Québec pour appliquer le projet de loi?

M. Ouellet (Ghislain): En fait, actuellement, c'est assez difficile de se prononcer parce qu'on ne connaît pas l'ensemble des règlements, d'une part, et on ne connaît pas non plus l'évaluation de l'ensemble des barrages qu'on a au Québec. Évidemment, on connaît relativement bien les nôtres. C'est pour ça que ça serait difficile pour nous de nous prononcer. Évidemment, on pourrait toujours lancer un chiffre. Mais j'aurais peur d'envoyer la commission sur quelque chose qui pourrait être une erreur peut-être, donc je préférerais ne pas me prononcer.

À mon point de vue, lorsqu'on parle de nous, la petite organisation, la direction Sécurité des barrages qui jouerait le rôle d'équipe technique pour le comité comme tel, au Québec... En tout cas, à Hydro-Québec, je pense qu'on ne possède pas, en nombre, le nombre en termes de barrages, mais on possède sûrement ceux qui sont les plus complexes, les plus gros, ainsi de suite. C'est évident qu'il faudrait injecter quelques ressources, c'est bien sûr. Mais ça serait à considérer une fois qu'on connaîtra la réglementation et le nombre de barrages comme tel.

M. Whissell: À la page 6 de votre mémoire, vous mentionnez que, pour les barrages qui sont à cheval sur deux territoires provinciaux, rien n'est prévu. Est-ce que vous vous êtes penchés sur la question? Est-ce que vous avez une solution?

M. Ouellet (Ghislain): Il y a sûrement une harmonisation avec l'autre province à faire, en termes de réglementation, c'est sûr. On ne peut pas, pour un ouvrage qui est situé à mi-chemin entre deux provinces – et en l'occurrence, évidemment, c'est surtout l'Ontario, sur l'Outaouais – avoir deux sortes de réglementation, deux sortes de diagnostic; ça m'apparaît assez évident. Alors, c'est sûr qu'il y a une harmonisation à faire avec la province voisine. Je ne sais pas si Gérard pourrait donner un peu plus d'explications à ce niveau.

M. Verzeni (Gérard): Il n'y avait pas de mécanisme prévu dans la loi. Je pense qu'il serait intéressant de prévoir une disposition quelconque, advenant que ça se produise. Et je pense que, peut-être, le rôle du comité mixte qui est là, ce serait un des mandats de voir à harmoniser avec les autres provinces, l'Ontario et le Nouveau-Brunswick, en l'occurrence, sur les exigences de part et d'autre, sur des ouvrages qui peuvent se trouver mitoyens.

M. Ouellet (Ghislain): Et coordonner aussi le travail des équipes qui surveillent ces installations-là entre les deux, évidemment.

M. Whissell: Les autres provinces, est-ce qu'elles ont déjà un comité mixte qui est en place ou si elles n'ont rien?

M. Verzeni (Gérard): Non.

M. Whissell: Il n'y a rien qui est équivalent à ce que vous proposez qui existe dans d'autres provinces?

M. Ouellet (Ghislain): En fait, comme comité mixte, je ne pourrais pas me prononcer. Ce qu'on dit, c'est que l'offre qu'on fait, en tant qu'Hydro-Québec, d'être le bras technique de cette organisation-là, comme je le mentionnais tout à l'heure, s'est faite aux États-Unis par le Corps of Engineers sur les barrages non fédéraux; ça se fait actuellement. Donc, c'est quelque chose qui est inspiré de ce qui se fait aux États-Unis, sans nécessairement y trouver la parfaite réplique.

M. Whissell: À la page 14 de votre mémoire, concernant l'article 9, pour les modifications importantes qui seraient faites en cours de travaux, vous dites que le règlement est assez astreignant. C'est sûr que, lors des travaux de construction ou de rénovation, s'il arrive des imprévus, l'ingénieur doit prendre une décision, il ne pourra pas suivre les plans et devis. Mais vous ne proposez rien. Vous dites qu'il y a une lacune, mais comment voyez-vous le mécanisme pour vérifier?

M. Ouellet (Ghislain): Peut-être que Gérard, tu pourrais...

M. Verzeni (Gérard): Vous parlez de l'article 10, dans ce cas-là?

M. Whissell: Article 10, oui. Pardon.

(10 h 20)

M. Verzeni (Gérard): Oui. C'est la notion d'ingénieur résident sur l'ensemble des chantiers qui est appelé à faire des modifications souvent quotidiennes dans l'ingénierie de détail. C'est évident qu'on ne change pas, à ce moment-là, le concept général qui appartient à l'ingénieur qui a signé les plans à ce moment-là, mais l'ingénieur résident a un rôle, oui, de modifier ces plans-là.

M. Whissell: À l'article 9 – je reviens à l'article 9 – ça dit que «toute modification aux plans et devis doit être soumise à l'approbation du ministre». Alors, il y a une modification qui doit être apportée, on est sur le chantier, comment voyez-vous le mécanisme? C'est pour ça qu'on rejoint peut-être la notion de délai de départ qui va être importante, et de faire le lien avec l'article 9 aussi.

M. Verzeni (Gérard): Les modifications qui sont apportées sur le chantier, si elles touchent la sécurité de l'ouvrage, sa stabilité, je pense que, oui, là, il y a une modification importante, et, à ce moment-là, on doit retourner au niveau de l'autorisation initiale qui a été donnée. Mais il ne faut pas, de là, astreindre toutes les modifications quotidiennes à cette autorisation en vertu de la sécurité des barrages. C'est ça qu'on voulait dire, dans ce sens-là.

M. Whissell: Alors, il y aurait lieu d'éclaircir le mot «modification» à l'intérieur de la loi.

M. Ouellet (Ghislain): Oui.

M. Whissell: Qu'elle soit modification majeure ou mineure.

M. Verzeni (Gérard): C'est ça.

M. Ouellet (Ghislain): Il faut bien distinguer, c'est très important de distinguer l'aspect sécurité de l'installation de l'aspect design, la conception. Parce que, effectivement, quand on construit des ouvrages, il y a effectivement des adaptations qui se font régulièrement au concept, mais ce sont des choses qui n'ont pas d'impact sur la sécurité des barrages nécessairement. Alors, ce qu'on dit, c'est que, si la sécurité des barrages peut être en cause, à ce moment-là, définitivement, ça devrait être considéré. Donc, il y a vraiment deux notions différentes: la conception de l'ouvrage, la sécurité de l'ouvrage.

M. Whissell: Merci. C'est tout.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Maskinongé, en vous rappelant que le côté ministériel a un temps de cinq minutes, maximum.

M. Désilets: O.K. M. Ouellet, à la page 3 de votre mémoire, vous dites, concernant la sécurité des barrages: «Cette expertise – face à la sécurité des barrages – devant de toute façon demeurer au sein d'Hydro-Québec pour la poursuite de sa mission, l'entreprise pourrait aussi mettre à contribution son savoir-faire et ses connaissances au bénéfice des autres propriétaires et exploitants de barrages.» Et, dans le même ordre d'idées, vous rajoutez: «Dans ce cadre, l'entreprise offre aux ministères et aux autres propriétaires de barrages de réaliser pour eux, contre rémunération, les activités du programme de sécurité des barrages prévues à la loi qui requièrent ce savoir-faire. L'entreprise Hydro-Québec continuera à réaliser ces activités pour ses propres ouvrages et pourrait assurer la sécurité de tous les barrages du Québec.»

Ma question ou les deux, trois questions reliées à ça: En quoi cette proposition-là serait-elle moins onéreuse pour les propriétaires de barrages? Aussi, comment voyez-vous cette proposition face aux firmes privées? Et puis la dernière: Quel avantage la population peut en retirer là-dessus?

M. Ouellet (Ghislain): D'accord. Dans un premier temps, je vous référerais peut-être au petit schéma qui est là-bas, je pense que c'est peut-être la façon de mieux expliquer la chose. Il y a deux dimensions là-dedans. Il y a d'abord une dimension où vous voyez qu'il y a une direction Sécurité des barrages. Cette direction-là, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, est totalement indépendante des autres unités, lesquelles autres unités ont un caractère opérationnel.

Commençons par le bas, celles qui ont un caractère opérationnel, on dit: Ça, c'est des activités qu'on réalise chez nous et qu'on pourrait réaliser comme pour d'autres propriétaires, comme le génie-conseil aussi peut en réaliser, comme les propriétaires peuvent eux-mêmes les réaliser, ces activités opérationnelles là. Donc, d'une chose.

Le deuxième élément, c'est la direction Sécurité des barrages comme telle. Ce qu'on mentionne, c'est que là c'est vraiment un travail, je dirais, de commission de contrôle, entre guillemets, et de s'assurer que la sécurité est surveillée et que les règles de l'art sont respectées.

Pourquoi je pense que le Québec peut en retirer un avantage? C'est parce que cette équipe-là est déjà en place. Elle s'occupe, comme je le mentionnais tantôt, évidemment des barrages d'Hydro-Québec, qui sont, à mon avis, les plus complexes. Une équipe technique comme celle-là, ça ne se bâtit pas dans quelques années. Il y a de l'expertise technique importante, de ce côté-là. Il y a des experts qui ont des réputations et qui sont reconnus mondialement. Et je pense que cette expertise-là, on peut la mettre au bénéfice du Québec sans nécessairement y additionner des coûts faramineux. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on dit que cette équipe-là pourrait être définitivement avantageuse pour le Québec au lieu de créer une autre équipe ailleurs.

Et cette équipe-là, bien sûr, par son rôle de surveillance des barrages d'Hydro-Québec, elle est amenée à être toujours présente dans le champ pour s'assurer que les programmes sont respectés. Elle est amenée aussi à participer à des colloques, à des interventions au niveau international, donc à connaître ce qui se passe au niveau international. Donc, on a vraiment une expertise, là. Et c'est pour ça qu'on dit qu'il y aurait un avantage pour le Québec de faire ça de cette façon-ci.

M. Désilets: Merci. J'aurais une dernière question, M. le Président, rapide, toujours sur la sécurité des barrages. À la page 10, dernier paragraphe, en bas: La gestion du risque appliquée à la sécurité des barrages, c'est centré sur la notion de risque acceptable. Pourriez-vous définir, pour vous, ce que c'est qu'un risque acceptable?

M. Ouellet (Ghislain): C'est le risque qui ne mettra pas en danger la vie du public, par exemple. C'est le risque où les dommages qui pourraient découler d'un tel événement sont considérés et sont acceptables comme tels. Je demanderais peut-être à M. Verzeni de compléter l'information à ce sujet-là.

M. Verzeni (Gérard): Bien, ce que l'on voit, à travers les autres pays et les autres réglementations qui font appel à la gestion du risque... Et, en passant, c'est une notion qui est de plus en plus présente et omniprésente dans l'ensemble des réglementations, dans l'ensemble des congrès internationaux de barrages, au moment où on se parle. C'est évident que la gestion du risque, c'est simplement d'identifier le plus clairement possible quel est le risque dont on parle et comment on peut le gérer, pas simplement par des notions réglementaires fixées mais par toutes sortes d'autres moyens. C'est de l'identifier et que tout le monde, y compris le public, en soit clairement conscient. C'est la gestion du risque.

Quand on apporte cette notion-là, c'est évident qu'on confronte très vite la notion de risque acceptable. Et c'est là qu'il y a des consensus de société qui doivent souvent se faire. Au niveau du risque économique, je pense que, là, on a suffisamment d'outils. Au niveau du risque sociétal ou individuel, c'est là que ça prend un petit peu plus de discussion. Mais je pense que les sociétés se donnent des gouvernements et des organismes de façon à dégager pour elles, dans leurs valeurs, quels sont les risques qu'elles pourraient accepter. Et, à ce moment-là, elles se donnent des critères de sécurité et elles fonctionnent de cette manière-là.

M. Désilets: O.K. Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. À l'article 14, vous avez indiqué que, d'après vous, l'assujettissement, serait peut-être... on devrait aller à 7,5 m et 62 000 m³ d'eau, comparativement au projet de loi, qui suggérait 2,5 m et 30 000 m³. Et, lorsque le ministre vous a indiqué que la réduction du nombre de barrages serait minime, vous avez semblé dire: Bien, dans ce cas-là, il n'y a pas de conséquence. Mais est-ce que votre analyse n'a pas regardé quelles sont les conséquences d'un barrage qui a 7,5 m de haut et 60 000 m³ d'eau, versus un barrage qui a juste 2,5 m de haut et 30 000 m³ d'eau? Est-ce que vous avez fait cette analyse, cette évaluation-là en faisant la recommandation que vous venez de faire?

M. Ouellet (Ghislain): Je vais passer la parole à M. Verzeni.

M. Verzeni (Gérard): Dans le commentaire qu'on a fait, comme je l'ai dit précédemment, un petit peu, notre proposition se calquait sur ce que l'on voit actuellement dans les réglementations qui couvrent ce qu'on appelle les grands barrages ou les barrages avec des conséquences relativement élevées. Mais, dans notre commentaire, aussi, on rajoute, dans le dernier point, que ce que l'on voit souvent aussi, c'est que tous les barrages, dans la localisation, les caractéristiques ou éventuellement les conséquences, s'ils ne remplissent pas les critères techniques précis, comme on vient de mentionner, pourraient et devraient être couverts aussi. Parce qu'il n'existe pas deux barrages exactement pareils nulle part, et je pense qu'il est important de se donner des critères fixes – donc, on a quelque chose de connu – et aussi d'avoir comme un jugement soit au niveau des instances gouvernementales et au niveau de l'ingénieur, disant: Tel barrage, il ne rentre pas dans ces critères techniques là, mais, à cause de ces conséquences évaluées, il doit être soumis et régi par la loi, à ce moment-là.

M. Ouellet (Ghislain): Donc, ça signifie que les dimensions, celles qu'on suggère sont celles qui sont présentées, mais avec évidemment le bémol suivant, qu'il faut considérer l'état physique, en fait, des installations, qui peut constituer un danger, effectivement.

(10 h 30)

M. Middlemiss: Donc, en d'autres mots, vous êtes un peu d'accord... Il y a des propriétaires de petits barrages qui sont venus nous voir, puis ils ont indiqué que l'emplacement, si c'est dans la forêt et ainsi de suite, on devrait regarder les conséquences d'une rupture d'un tel barrage. Est-ce que vous êtes d'accord, parce que ça représente des coûts, que ça devrait être un élément assez important, l'emplacement, la localisation, et quelles pourraient être les conséquences d'une rupture d'un barrage?

M. Ouellet (Ghislain): Vous avez tout à fait raison. D'ailleurs, à la page 15, dans le haut, si vous lisez le troisième boulet, ça dit exactement ça. On dit effectivement: «Tout barrage, dont la localisation ou les caractéristiques physiques pourraient engendrer des risques significatifs sur les personnes et les biens en cas de rupture...» Ça signifie, comme vous le mentionnez, que si un barrage est en pleine forêt puis que l'autre est dans un village, ce n'est pas du tout la même chose, c'est bien sûr. Les conséquences d'une rupture pourraient être très différentes dans un cas comme dans l'autre, même si le barrage est de la même hauteur. Vous avez tout à fait raison.

M. Verzeni (Gérard): Si vous permettez, ça vient aussi corroborer la remarque que je faisais il y a quelques minutes sur la gestion du risque, parce que, le risque étant une conséquence multipliée par une probabilité – c'est comme ça qu'on le définit – donc en faisant une gestion du risque on vient identifier les conséquences et, à ce moment-là, on vient encore compléter le commentaire que vient de faire Ghislain Ouellet sur ce point-là.

M. Middlemiss: Une dernière question. Mon collègue d'Argenteuil a indiqué tantôt... Est-ce que vous avez établi quel pourrait être le coût d'application du projet de loi pour Hydro-Québec, tel qu'il est aujourd'hui? Est-ce que vous avez établi un chiffre? Quel coût additionnel ça pourrait vous occasionner?

M. Ouellet (Ghislain): Non. On n'a pas établi de coût. Comme je le disais tout à l'heure, il serait un petit peu hasardeux de notre part d'établir ce coût-là parce qu'on ne connaît pas la réglementation et parce que cette réglementation-là va définitivement conditionner les efforts qu'on va y mettre, et on ne connaît pas non plus la quantité de barrages qu'il y a à surveiller dans l'ensemble du Québec. On en a une idée générale mais, cet inventaire-là, je pense qu'on ne le possède pas, nous, Hydro-Québec, comme tel. Donc, je n'oserais pas me prononcer sur un chiffre de peur de vous induire en erreur, en ce qui me concerne.

M. Middlemiss: Moi, je voulais dire les barrages dont Hydro-Québec est responsable. Vous, Hydro.

M. Ouellet (Ghislain): Ah! O.K. Nous. Bien sûr.

M. Middlemiss: Oui.

M. Ouellet (Ghislain): Bien, nous autres, en fait, comme je l'ai mentionné, on met à peu près 20 000 000 $ par année pour toute la surveillance de nos barrages, chez nous. Ça comprend les activités opérationnelles de surveillance et ça comprend aussi la dimension de la commission de contrôle, entre guillemets, qu'on a. C'est 20 000 000 $, chez nous.

M. Middlemiss: En d'autres mots, vous croyez aussi que la nouvelle loi ne changera certainement pas votre façon de procéder. Vous faites un bon travail, vous vous assurez que vos barrages sont sécuritaires aujourd'hui et le projet de loi ne vous causera pas d'autres dépenses.

M. Ouellet (Ghislain): Bien, en fait, c'est à...

M. Middlemiss: Des dépenses administratives, et non pas nécessairement des dépenses pour s'assurer que les barrages sont sécuritaires et faire les réparations qui s'imposent, et ainsi de suite.

M. Ouellet (Ghislain): Bien, ça va dépendre de qu'est-ce qu'il va y avoir dans le projet de loi. Si la réglementation du projet de loi, elle est différente et plus contraignante que celle d'Hydro-Québec, ça pourrait amener des problèmes. Si, par exemple, il y avait des exigences concernant les assurances, nous, on a une politique d'assurance, à Hydro-Québec, et si le législateur exigeait autre chose, ça pourrait avoir des conséquences. Évidemment, si on ne change pas la réglementation générale qu'on a à Hydro-Québec, bien sûr qu'on va être dans les mêmes ordres de grandeurs en termes de coûts.

Maintenant, c'est bien sûr aussi que, si on change des normes de façon substantielle, si ça a des conséquences sur, par exemple, des assurances, si on met un organisme qui est volumineux pour gérer tout ça, bien, évidemment, c'est quelqu'un qui va payer l'ensemble de tout ça. Alors, est-ce que les propriétaires, à ce moment-là, vont devoir débourser un montant d'argent substantiel pour maintenir une organisation, pour respecter des normes qu'elle n'a pas aujourd'hui et ainsi de suite? C'est sûr qu'il va y avoir des conséquences.

Nous, notre prétention, à Hydro-Québec, bien sûr, on pense qu'on a des bonnes règles, des bons encadrements chez nous, on a une bonne réglementation, et théoriquement, si on restait dans le même pattern, ça n'aurait pas de conséquences, ce volet-là. Le seul volet qu'il pourrait y avoir, ce serait le volet administratif qu'on serait obligé de supporter.

M. Middlemiss: Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci.

M. Bégin: M. le Président, avec la permission de mes collègues, j'aurais peut-être une question à poser, qui découle d'une des questions posées par le député de Pontiac, qui permettrait d'éclairer pour plus tard dans la discussion. Ça serait très bref. À l'article 14, on parle de normes objectives pour déterminer quels sont les barrages à forte contenance. Dans votre mémoire, à la page 15 – vous y avez fait référence tout à l'heure – troisième boulet: «Tout barrage, dont la localisation ou les caractéristiques physiques pourraient engendrer des risques significatifs sur les personnes et les biens en cas de rupture, devrait être assujetti.»

On est en présence de deux options pour déterminer qu'est-ce qui est un barrage: l'une est objective, l'autre serait suggestive, c'est-à-dire que quelqu'un devrait porter un jugement. Est-ce que ce serait le ministre? Si c'est le ministre, est-ce qu'il ne faudrait pas qu'il ait une équipe pour faire une évaluation de l'ensemble de tous les barrages en question pour s'assurer qu'ils sont dans une catégorie plutôt que dans l'autre? Et s'il prend une décision, est-ce que cette décision-là ne pourrait pas être contestée pour dire: Bien non, ce n'est pas... Parce que vous parlez de «caractéristiques physiques qui pourraient engendrer des risques significatifs». Pour un avocat comme moi, des mots comme «risques significatifs», ça me donne une grande marge de manoeuvre pour plaider beaucoup de choses. Est-ce que vous ne pensez pas qu'on ouvre là une boîte de Pandore?

M. Ouellet (Ghislain): Bon. Je pense que ça, ça pourrait être défini de façon un peu plus claire, en particulier – comme on le mentionnait tout à l'heure – avec le rôle de la commission mixte. Le comité mixte comme tel pourrait établir la réglementation. Et dans le cadre de cette réglementation-là, qui serait approuvée par le gouvernement, bien sûr, on pourrait définir plus clairement qu'est-ce que ça signifie, quels sont les critères qui font en sorte qu'une installation physique peut être à risque, indépendamment des hauteurs de barrages comme telles. Je pense qu'on peut faire quelque chose qui prête beaucoup moins à interprétation, disons, comme critères comme tels.

M. Bégin: Merci.

Le Président (M. Lachance): Allons-y.

M. Whissell: Ma question est très courte. Plus tôt, vous avez mentionné que vous aviez un programme d'assurance.

M. Ouellet (Ghislain): Oui.

M. Whissell: Est-ce que je dois en conclure que vous avez une espèce d'assurance-responsabilité qui est mise en place ou... Comment fonctionnez-vous?

M. Ouellet (Ghislain): À Hydro-Québec, on a effectivement une politique d'assurance, je vais vous le dire, qui ne s'adresse pas uniquement aux barrages, elle s'adresse à l'ensemble des installations d'Hydro-Québec. Alors, on a une assurance tous risques qui est une limite d'assurance de 1 300 000 000 $, mais avec une franchise de 50 000 000 $. Alors ça, c'est une assurance qu'on a, à Hydro-Québec, et on analyse depuis plusieurs années toute la gestion du risque et des assurances pour savoir qu'est-ce qu'on a besoin. On a aussi une assurance-responsabilité civile dont la limite est de 475 000 000 $ avec une franchise de 25 000 000 $. C'est ce qu'on a présentement à Hydro-Québec.

M. Whissell: O.K. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, messieurs d'Hydro-Québec, M. Ouellet, M. Verzeni, on vous remercie pour votre contribution aux travaux de cette commission.

M. Ouellet (Ghislain): Ça nous a fait plaisir. Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Nous entendrons maintenant les représentants de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec. Alors, j'inviterais les porte-parole à bien vouloir prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Je vous prie de bien vouloir vous identifier et de nous indiquer le nom des personnes qui vous accompagnent.


Association des ingénieurs-conseils du Québec (AICQ)

M. Shoiry (Pierre): Bonjour. Mon nom est Pierre Shoiry, je suis président de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec. M'accompagnent aussi aujourd'hui des experts en la matière. Nous avons formé, à l'Association, un comité chargé d'étudier spécifiquement l'avant-projet de loi. Le comité était présidé par M. Raymond Arès, de RSW, M. Arès qui était membre, d'ailleurs, de la Commission scientifique et technique de M. Nicolet; M. François Aubin, de la firme Tecsult, qui a participé aussi aux travaux; ainsi que M. Éric McNeil, du groupe-conseil Génivar.

Alors, on remercie la commission de bien nous entendre à propos de cet avant-projet de loi. On y va?

Le Président (M. Lachance): Allez-y, monsieur.

M. Shoiry (Pierre): D'accord. Alors, l'Association des ingénieurs-conseils, c'est une association qui a été fondée en 1974. On regroupe aujourd'hui 145 sociétés de génie-conseil réparties dans 225 bureaux au Québec. On représente 10 000 personnes, soit au-dessus de 90 % de la main-d'oeuvre qualifiée dans le domaine du génie-conseil.

(10 h 40)

Notre Association touche naturellement tous les secteurs du génie-conseil de la société, mais une bonne partie des activités des membres de l'AICQ consiste à répondre aux besoins en expertise externe de ceux qui construisent des barrages. C'est ainsi qu'ils ont contribué de façon significative au développement des aménagements hydroélectriques de même qu'aux ouvrages de régularisation des eaux actuellement en exploitation au Québec, et ce faisant, à la qualité de vie de la collectivité.

Les membres de l'Association, par leurs activités, produisent des retombées économiques importantes pour le Québec en exportant leur savoir-faire vers les marchés internationaux. Les ingénieurs-conseils participent activement à chacune des étapes de réalisation d'un barrage. Ils sont impliqués depuis le tout premier instant de la conception jusqu'aux plans et devis et dossier d'appel d'offres, lors de la construction, pour la surveillance des travaux et la préparation des dessins conformes à la réalisation et à l'exécution des travaux. Par la suite, ils sont appelés à prodiguer leurs expertises lors de la réévaluation de la sécurité des ouvrages, de leur réfection ou de leur comportement.

Les ingénieurs-conseils sont non seulement des partenaires d'Hydro-Québec pour la réalisation des grands travaux d'aménagement hydroélectrique du Québec, mais aussi des autres grands propriétaires de barrages, tels le ministère de l'Environnement et de la Faune, les sociétés privées telles l'Alcan, les papetières Abitibi et autres de même que les autres producteurs d'électricité et exploitants de petites centrales. Alors, de toute évidence, la sécurité des barrages est une préoccupation majeure pour les ingénieurs-conseils.

Notre Association accueille favorablement l'initiative du ministre et on vous présentera dans les instants qui suivent nos principaux commentaires quant à la portée de l'avant-projet. On doit aussi féliciter le ministre pour l'empressement avec lequel il a donné suite aux voeux exprimés par la commission Nicolet. Nous remercions aussi les fonctionnaires qui ont collaboré à la préparation du document. Nos membres ont développé une relation de partenariat avec ces gens pour justement participer à l'élaboration de ce document d'avant-projet.

Nos commentaires. On va procéder par article. Au chapitre I, dans les dispositions générales. Même si la conception et la restauration des barrages de stérile minier font l'objet d'un contrôle de la part du gouvernement, l'AICQ n'est pas rassurée sur la gestion de ces barrages, leur entretien et leur surveillance. En conséquence, on recommande qu'un répertoire distinct soit dressé pour les barrages de stérile minier et que les exigences définies pour les barrages au sens de l'avant-projet de loi soient également appliquées à ses autres barrages.

Au chapitre II, pour la disposition applicable à tous les barrages d'une hauteur de un mètre et plus, l'article 4. Comme la commission Nicolet, nous craignons qu'il y ait un conflit d'intérêts entre les responsabilités du ministre de l'Environnement et de la Faune d'exploiter ses propres barrages et celles de gérer la Loi sur la sécurité des barrages. L'autorité responsable de la sécurité des barrages doit être vraiment indépendante et inattaquable sur le plan des intérêts. Le texte, tel que présenté, ne présente aucune indication quant à l'organisme qui sera appelé à prendre en charge l'administration de la loi.

À l'article 5 – ça, c'est un commentaire qui revient à quelques endroits au niveau du projet de loi – lorsqu'on parle de l'attestation d'un ingénieur, il y a une nuance ou une complémentarité qu'on désirerait être apportée au projet, à savoir: L'attestation peut-elle être délivrée par l'ingénieur qui a préparé les plans et devis? Doit-elle l'être par un autre ingénieur de la même firme ou encore d'une firme totalement indépendante? Alors, il y a une clarification sur cette question qui doit être faite, à notre avis.

L'AICQ est d'avis que l'attestation devrait être délivrée par un ingénieur indépendant provenant de l'extérieur de la firme d'ingénieurs-conseils qui prépare les plans et devis, du moins pour tous les barrages à forte contenance qui respectent les critères de définition d'un grand barrage tels qu'établis par la Commission internationale des grands barrages.

L'AICQ recommande également que l'attestation soit délivrée par un ingénieur qualifié pour tous les barrages à forte contenance tels que définis à l'article 14. Nous sommes d'avis que ces barrages relèvent de la compétence de spécialistes et que la seule appartenance à l'Ordre des ingénieurs n'est pas suffisante. Les qualifications requises pour une telle attestation devraient être prévues par règlement. Il convient à cet égard que les compétences d'un ingénieur qualifié soient requises pour tout ouvrage qui représente un risque significatif pour les populations. Alors, nous croyons que le simple fait d'être membre de l'Ordre des ingénieurs n'est pas une qualification suffisante. Aujourd'hui, les barrages, c'est des ouvrages complexes qui nécessitent des interventions d'équipes multidisciplinaires, qui nécessitent une préparation adéquate, qui nécessitent une expertise. Alors, on pourrait échanger sur ce point-là avec vous plus tard, mais définitivement que, tel que présenté, le projet n'encourage pas suffisamment la spécialisation, et c'est dans ce sens qu'il faut aller pour des ouvrages aussi complexes.

À l'article 8: Nous profitons de la référence qui est faite à cet article et à l'article 31.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement pour mentionner que le présent avant-projet de loi n'inclut aucun mécanisme de recours pour les citoyens en matière de sécurité des barrages. Nous suggérons d'ajouter au texte de la loi un article inspiré du projet de loi sur la qualité de l'environnement, l'article 31.3 qui se lit ainsi:

«À moins qu'il ne juge la demande frivole, le ministre requiert de l'organisme sous son autorité, responsable de la sécurité des barrages, d'examiner toute plainte concernant la sécurité d'un barrage projeté ou existant, et d'y donner suite s'il y a lieu.» Alors, on désire qu'un mécanisme soit créé pour entendre les gens.

Alors, à l'article 9, les commentaires concernant l'attestation de l'ingénieur et son application reviennent. À l'article 10, les deuxième et troisième commentaires concernant l'article 5 s'appliquent également ici, et l'exigence de retenir les services d'un tiers ingénieur devrait se limiter aux grands barrages, tels que définis par la Commission internationale des grands barrages.

Au chapitre III, les dispositions applicables aux barrages à forte contenance. À l'article 16, nous recommandons que les directives relatives à la sécurité des barrages, élaborées par l'Association canadienne pour la sécurité des barrages, qui sont reconnues, utilisées communément par la grande majorité des spécialistes en barrages, servent de base pour déterminer les normes de sécurité applicables aux barrages à forte contenance.

Alors, on regrette que des termes utilisés dans l'avant-projet ne soient pas ceux présentés par les directives de l'ACSB, qui est maintenant l'ACB. Lorsqu'on parle, par exemple, d'un plan de gestion des eaux retenues dans l'avant-projet de loi au lieu de manuel d'exploitation, on crée des complexités de lexique. Alors, ce qu'on suggère, ce qu'on désire qui soit apporté, c'est: Un langage commun, connu de tous les spécialistes, est un gage de clarté dans la communication et la compréhension des enjeux. Alors, il y a déjà des experts, aux niveaux canadien, international et nord-américain, qui se sont penchés sur une terminologie commune. Alors, on souhaiterait qu'il y ait un travail de fait en ce sens pour harmoniser les terminologies, pour parler le même langage.

À l'article 20, nous recommandons qu'un manuel d'exploitation, d'entretien et de surveillance, encore là tel que défini dans les directives de l'Association canadienne des barrages, soit également élaboré et maintenu à jour. Ces directives ont notamment l'avantage de couvrir la préparation du manuel d'exploitation, d'entretien et de surveillance ainsi que les plans de mesures d'urgence. De plus, le manuel d'exploitation a aussi l'avantage de comprendre non seulement le plan de gestion de l'eau retenue, mais aussi le registre requis à l'article 22. Alors, les consignes d'exploitation, les procédures à suivre pour assurer le fonctionnement sécuritaire des ouvrages seraient toutes incluses.

À l'article 21. «Tout barrage à forte contenance doit faire l'objet d'une surveillance et d'un entretien régulier par l'exploitant.» Ce qu'on suggère, c'est de bonifier la surveillance et de rajouter aussi «d'un entretien régulier par l'exploitant». Il serait préférable de traiter des obligations de l'exploitant aussi – c'est une note technique qu'on vous suggère – au même endroit au début de la section II, après l'article 16, et les articles 22 et 23 devraient précéder l'article 17. Alors, ce qu'on suggère à cet article, c'est d'inclure aussi un programme, non pas uniquement de surveillance mais d'entretien préventif.

(10 h 50)

Les articles 24 et 27, qui concernent le programme de sécurité qui sera élaboré dans les règlements du ministre. On suggère de clarifier un peu ces articles-là, dans le sens qu'il y aura une ambiguïté lorsque le programme de sécurité sera supérieur aux normes exigées par le ministère. Alors, pour nous, il semble y avoir une ambiguïté. Le programme de sécurité qui a été accepté par le ministère, qui a été présenté par une tierce partie, pourra être respecté dans la mesure où il est supérieur à ce qui était exigé dans le règlement. On trouve que ce n'est pas tout à fait clair tel que présenté. On comprend, si on veut, l'énoncé, on comprend c'est quoi qui est visé comme but, mais ce n'est pas tout à fait traduit en mots clairs, à notre point de vue.

Au niveau de l'article 30, lorsqu'on parle que le ministère pourra – je vais lire l'article – «procéder aux mesures pour l'abaissement du niveau d'eau retenue ou à la démolition d'un ouvrage lorsqu'il n'assure pas suffisamment la sécurité», nous recommandons que soient déterminées par règlement, ou à tout le moins par une directive gouvernementale, les analyses qui devraient être réalisées avant de procéder à l'abaissement du niveau d'eau ou à la démolition d'un barrage ainsi que des mesures de mitigation qui devraient être prises au cours de l'exécution de ce type de travaux. Vous comprendrez tous que la démobilisation d'un ouvrage peut entraîner des répercussions importantes au niveau environnemental, au niveau de la stabilité des berges ou de la sédimentation qui fera suite à cette démobilisation.

Au niveau du chapitre IV, les mesures administratives, on est tout à fait d'accord avec les mesures administratives. Avec les dispositions pénales, le gouvernement se donne le pouvoir de sévir contre les contrevenants en leur imposant des amendes. Les montants de ces amendes semblent suffisants pour dissuader les propriétaires, les exploitations d'ouvrages, de ne pas se conformer aux exigences de la loi. Il sera d'autant plus important de bien identifier et sensibiliser les propriétaires d'ouvrages à leurs responsabilités. On suggère d'avoir une campagne de communication importante qui suivra la mise en application de ce projet de loi, s'il va de l'avant.

Au niveau des chapitres VII et VIII, sur les dispositions pénales et diverses, l'article 46, tel que mentionné précédemment, nous sommes d'avis que les barrages à forte contenance relèvent de la compétence de spécialistes et que la seule appartenance à l'Ordre des ingénieurs n'est pas suffisante. Les qualifications requises pour les attestations devraient être prévues par règlement.

À l'article 48, tel que mentionné précédemment, l'AICQ craint qu'il y ait un conflit d'intérêts entre la responsabilité du ministre de l'Environnement et de la Faune d'exploiter ses propres barrages et celle de gérer la Loi sur la sécurité des barrages. L'autorité responsable de la sécurité des barrages doit vraiment être indépendante, inattaquable sur le plan des intérêts, tel que dit précédemment. Le texte de loi, tel que présenté, ne fournit aucune indication quant à l'organisme qui sera appelé à prendre en charge l'application de la loi.

Comme conclusion, de façon globale, nous sommes satisfaits du projet de loi. Nous félicitons les autorités gouvernementales d'avoir agi avec autant de diligence. Compte tenu de la spécificité du domaine de la sécurité des barrages, nous espérons notamment que la loi inclura un mécanisme qui limitera aux seuls ingénieurs qualifiés l'implication dans l'ensemble des activités associées à la sécurité des barrages à forte contenance.

Aussi, nous avons pris connaissance des annexes au projet de loi, qui touchent davantage l'aspect réglementaire. Nous souhaitons, et nous sommes à votre disposition pour participer à l'élaboration du contexte réglementaire de ce projet de loi. Nous sommes reconnus comme les spécialistes dans le domaine des barrages, de l'hydraulique, de la géotechnique de la structure du civil, on a un apport important à apporter dans la préparation de la réglementation qui suivra l'application du projet de loi.

De façon générale, nous recommandons aussi que les règlements associés à la Loi sur la sécurité des barrages s'inspirent des directives relatives à la sécurité des barrages de l'Association canadienne pour la sécurité des barrages. Ces directives sont le fruit de plusieurs années de réflexion, d'efforts et de consensus des spécialistes en la matière. Finalement, on vous l'a dit précédemment, il est important d'éviter tout conflit d'intérêts dans la gestion de la Loi sur la sécurité des barrages au niveau du ministère de l'Environnement.

Aussi, l'Association des ingénieurs-conseils a, depuis toujours, préconisé le faire-faire. Aujourd'hui, si on dispose d'une compétence et d'une reconnaissance internationales dans le domaine de l'hydraulique, des barrages entre autres, c'est un peu grâce à la politique de faire-faire qui a caractérisé les grands donneurs d'ouvrage au Québec dans ces domaines. Alors, on invite aussi le ministre à poursuivre dans cette veine-là du faire-faire, à se doter de compétences internes qui vont permettre une gestion efficace du projet de loi, qui vont permettre au ministère d'être un client averti, mais d'encourager et de continuer dans la politique du faire-faire avec les firmes de génie-conseil québécoises. La seule façon dont on puisse réussir sur les marchés internationaux, c'est d'avoir des réalisations chez nous. On en a dans le domaine des barrages, on en a dans le domaine de l'électricité. On peut exporter cet ouvrage-là en autant qu'on le réalise chez nous.

On vous invite aussi à ne pas succomber aux tentations de donner, de saupoudrer l'ouvrage à tout le monde. L'Association s'oppose à de telles pratiques. Spécifiquement dans un domaine aussi pointu que les barrages et la sécurité des barrages, on doit bâtir au Québec des firmes spécialisées, compétentes, qui sont de classe mondiale. La seule façon d'arriver à cet état de fait, c'est de favoriser l'excellence et de favoriser aussi la spécialisation des firmes dans des domaines aussi pointus.

Alors, mes collègues, ici, sont des spécialistes dans le domaine. Si vous avez des questions à propos de notre présentation, j'essaierai d'y répondre et il me fera plaisir de céder la parole à mes collègues qui sont reconnus comme des spécialistes dans le domaine et ont aussi travaillé, collaboré à la préparation de ce projet de loi avec les fonctionnaires du gouvernement. Alors, merci.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Shoiry. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Bégin: Oui. Merci, M. Shoiry ainsi que M. Arès, et M. Aubin, et M. McNeil. Une première question relativement à ce que vous appelez le «conflit d'intérêts» et que d'autres ont déjà qualifié de tel aussi. Vous en parlez à deux endroits dans votre mémoire: vous en parlez à l'article 4 mais aussi à l'article 48, et vous n'avez pas tout à fait la même expression; je vais juste vous demander pourquoi. Dans votre mémoire, à la page 5, vous dites: «Le texte de la loi ne fournit aucune indication quant à l'organisme qui serait appelé à prendre en charge l'administration de la loi.» Et quand on va à 48, on a un petit paragraphe qui dit: «Le texte de la loi ne fournit aucune indication quant à l'organisme qui – et là vous ajoutez – sous l'autorité du ministre serait appelé à prendre en charge l'application de la loi».

M. Shoiry (Pierre): On va se comprendre.

M. Bégin: Il y a une petite variation et j'aimerais savoir...

M. Shoiry (Pierre): On va se comprendre très bien. Peu importe la formulation, ce qu'on désire, c'est que ça soit clair. Je pense qu'aujourd'hui on ne peut pas à la fois gérer et légiférer. Je veux dire, le mécanisme... Notre préoccupation, c'est tout simplement...

M. Bégin: Qu'il y en ait un.

M. Shoiry (Pierre): ...au niveau des intentions et au niveau de la façon dont ça va être fait.

M. Bégin: Vous avez entendu tout à l'heure que c'était de notre intention de modifier la loi à cet égard.

M. Shoiry (Pierre): Oui, oui.

M. Bégin: Et vous avez également entendu... Je pense que vous étiez présents lorsque Hydro s'est prononcée là-dessus. Ils faisaient une proposition que je pense que vous avez comprise. Pouvez-vous nous dire si vous seriez d'accord avec la proposition qu'Hydro-Québec faisait, par rapport à un organisme indépendant qui ne serait pas celui qu'ils proposent?

M. Shoiry (Pierre): On est arrivé un peu... On n'a pas eu notion de la présentation.

M. Bégin: O.K. En fait, ils disaient...

M. Shoiry (Pierre): Le comité mixte? Vous parlez du comité mixte qu'ils veulent créer?

M. Bégin: C'est ça, le comité mixte, avec le bras agissant.

M. Shoiry (Pierre): Oui. Qui est membre de ce comité mixte là?

M. Bégin: Je pensais que vous l'aviez entendu en détail.

M. Shoiry (Pierre): Non.

M. Bégin: C'est parce qu'ils parlaient d'une composition assez diversifiée. Alors, je pensais que vous l'aviez... Sinon, on n'ouvrira pas le débat là-dessus.

M. Shoiry (Pierre): Oui. Vas-y, Raymond.

M. Arès (Raymond): Bien, disons, moi, je pense qu'on retomberait dans le même problème: Hydro-Québec étant propriétaire de barrages et exploitant le barrage, on aurait le même problème de conflit d'intérêts, à mon avis. Je pense que c'est très important que l'organisme qui se charge de la sécurité des barrages n'ait pas les mains liées en quoi que ce soit.

M. Bégin: Donc, vous pensez que ce serait plutôt un organisme indépendant qui...

M. Arès (Raymond): Oui.

M. Bégin: ...serait mandaté pour le faire. D'accord.

Deuxième question. Et là je vous avoue honnêtement que vous m'avez surpris. J'avais toujours cru que l'appartenance à un ordre professionnel permettait à tous les membres de cet ordre-là d'exercer adéquatement leur profession. C'était vrai dans mon Ordre, qui est celui des avocats, où il y en a qui étaient spécialisés, mais ce n'était pas une étiquette qu'ils acquéraient à l'université, mais plutôt une expérience acquise à travailler dans un domaine et devenir à la longue, avec d'autres collègues, des spécialistes, comme on dit, de la question. Mais là vous semblez vouloir dire que seulement certains ingénieurs au Québec pourraient être habilités à concevoir des plans, des devis et à exercer la surveillance d'un projet. Est-ce que vous ne pensez pas que vous vous attirez des bosses de la part de votre Ordre en disant ça?

M. Shoiry (Pierre): Je pense que l'Ordre est tout à fait en accord avec cette position-là.

M. Bégin: Oui?

M. Shoiry (Pierre): L'Ordre représente au-delà de 40 000 ingénieurs, actuellement. Je ne crois pas qu'il y ait 40 000 spécialistes en barrages au Québec.

M. Bégin: Non, c'est sûr.

(11 heures)

M. Shoiry (Pierre): Je pense qu'on va s'entendre là-dessus. Alors, aujourd'hui, l'ingénierie regroupe plusieurs champs d'activité: on pense à des ponts, on pense à des bâtiments, des systèmes électromécaniques, à l'énergie. Même dans le domaine de l'énergie, on a l'énergie nucléaire, on a l'énergie thermique, on a l'énergie hydroélectrique, c'est des ouvrages totalement différents.

Lorsqu'on parle de sécurité des barrages, c'est autre chose. Et le simple fait d'être un ingénieur n'est pas suffisant pour rencontrer ce critère-là. Je pense qu'on doit instaurer des... Puis aussi, le fait d'un ingénieur, c'est une personne, un individu. Des barrages, aujourd'hui, peuvent requérir des services multidisciplinaires d'équipes, de firmes spécialisées qui ont une équipe, qui ont, à l'intérieur de leur personnel, des spécialistes en géotechnique, des spécialistes en hydraulique, des spécialistes en séismes, des spécialistes en structures, en béton. Ce n'est pas l'affaire d'une étampe d'ingénieur, c'est une affaire d'équipe, c'est une affaire de gens spécialisés.

Et sur le marché aujourd'hui international, partout les gens nous demandent: C'est quoi vos compétences et c'est quoi votre feuille de route dans ces domaines-là? Ici, ça doit être la même chose, on doit avoir des réalisations, on doit prouver notre capacité à exercer la tâche pour laquelle on a été retenu.

M. Bégin: Mais là vous allez plus loin, vous dites: Par exemple, comme propriétaire, quand je fais un appel d'offres, je peux fournir les spécifications, les qualifications requises par ceux qui vont pouvoir soumissionner, y compris pour une firme d'ingénieurs, dire: Il faudrait qu'elle soit compétente dans tel, tel et tel domaine. Mais là vous dites qu'il faudrait que «seuls les spécialistes». Mais comment va-t-on les qualifier? Est-ce que vous avez des normes à proposer? Est-ce qu'il doit avoir été à l'université se spécialiser? Est-ce qu'il doit avoir été membre d'une équipe pluridisciplinaire, comme vous mentionnez? Est-ce qu'il doit avoir participé à la confection de trois ou quatre barrages, de telle et telle ampleur? En fait, je vous demande: Sur quels critères devrons-nous dire qu'une personne est apte ou qu'une équipe est apte à préparer les plans? Parce que vous ouvrez un grand pan, vous dites: «Seuls ceux qui sont spécialisés vont le faire.» Je suis bien prêt à vous suivre, mais comment qualifie-t-on une personne spécialisée?

M. Shoiry (Pierre): Ça, là-dessus, M. Bégin, on peut vous aider comme Association. Aujourd'hui, les fédérations internationales ont des mécanismes de sélection. Actuellement, le gouvernement, dans sa pratique, au niveau du ministère des Transports, corporations d'hébergement et autres, favorise une sélection basée sur la compétence. Et puis il y a des mécanismes et des grilles d'évaluation qui permettent d'encourager les gens spécialisés dans les domaines. Alors, au niveau des barrages, c'est la même chose. Au niveau du privé, Hydro-Québec a des préqualifications, ils font des préqualifications, encouragent certaines firmes qualifiées – des grandes firmes comme l'Alcan, les papetières – si la pratique usuelle, c'est qu'on veut des spécialistes. Ça m'amène à un point: lorsqu'on parle d'un ingénieur, d'un tiers qu'on demande d'assigner...

M. Bégin: C'était ma prochaine question.

M. Shoiry (Pierre): C'est ça. Dans la mesure où on peut s'assurer d'avoir les bons spécialistes qui travaillent sur le dossier, nous, nous croyons que, pour tout ce qui est grand barrage, tel que défini par l'Association internationale, on suggère fortement qu'il y ait un...

M. Bégin: Un tiers.

M. Shoiry (Pierre): ...«a second opinion», on s'entend. Tout ce qui est forte contenance mais non qualifié dans le grand barrage, si on fait affaire avec des gens qualifiés, on n'est pas sûr que ça prend une deuxième opinion, et on voudrait peut-être laisser à ce moment-là au ministère l'opportunité ou la possibilité d'enquérir une deuxième opinion, mais pas que ce soit de façon systématique objective. On ne veut pas non plus alourdir un processus pour des ouvrages qui ont été réalisés par des gens qualifiés, et des ouvrages, normalement... qu'on parle de barrage de 2,5 m avec une réserve de 40 000 m³ ou moins. On croit que, dans certaines situations, ce n'est peut-être pas nécessaire d'avoir une attestation d'un tiers indépendant. Mais la définition des grands barrages élargit cette portée. Oui, Raymond.

M. Arès (Raymond): Si je peux ajouter, M. Bégin.

M. Bégin: Oui.

M. Arès (Raymond): Disons, le gouvernement reconnaît déjà l'importance de traiter avec des ingénieurs qualifiés. Dans les mécanismes de qualification, que vous avez déjà pour faire les études de barrages, vous avez une qualification pour les petits barrages et une qualification pour les grands barrages, de même que vous avez une qualification, je crois, pour les petits ouvrages et, pour les grands ponts, vous en avez une autre. Sauf que c'est peut-être appliqué de façon un peu trop lâche. Nous, on insiste pour que, dans le domaine des barrages où la sécurité est très importante, ça soit des spécialistes, étant donné que ce sont des domaines qui sont assez complexes et qui demandent divers spécialistes dans différents domaines. Donc, c'est important que ce soit fait par des gens qualifiés.

M. Bégin: Vous, vous avez répondu à la précédente question à l'avance. Peut-être une dernière question concernant le mécanisme de recours pour les citoyens. Dans quelles situations prévoyez-vous... Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris ce que vous couvriez par cette mécanique-là. C'est la page 6, je pense, à l'article 8. Est-ce que vous référez au processus du BAPE ou si vous référez... Dans quelles circonstances? Parce que je n'ai pas réussi à bien cerner votre proposition.

M. Arès (Raymond): En fait, c'est que, si vous vous rappelez, à la commission Nicolet, on avait recommandé qu'il y ait un mécanisme lorsqu'il y avait la construction d'un nouveau barrage, que les gens puissent se prononcer sur les problèmes de sécurité. S'ils ont des objections, s'ils ont des craintes, que ces craintes-là puissent se manifester. Donc, c'est dans cet esprit-là. Parfois, le BAPE n'est pas appelé, il n'y a pas d'audiences. Donc, il s'agirait d'un mécanisme plus simple où, si un citoyen s'aperçoit qu'il y a un barrage qui est en difficulté, qui a des problèmes, ou qu'il a des craintes, il pourrait le signaler à l'organisme et le ministre devrait s'en occuper si la crainte est vraiment sérieuse.

M. Bégin: Mais ça pose un problème quantitatif et qualitatif. J'ai un barrage situé, mettons, en pleine forêt. S'il a été utilisé il y a 50 ans pour faire la drave, ou la retenue d'eau pour faire la drave, c'est devenu, avec les changements techniques dans l'exploitation de la forêt, un barrage qui n'est plus utilisé pour ces fins-là, mais qui sert plutôt soit pour la villégiature ou encore pour des questions fauniques. Et là, tout à coup, on dit: Bon, le barrage, est-ce qu'il y a quelqu'un qui peut dire: M. le ministre, il y a un problème de sécurité et, en conséquence, vous devez intervenir. Est-ce que c'est à ça que vous faites référence? Parce que c'est une mécanique assez complexe et...

M. Arès (Raymond): Oui. Il n'y a pas nécessairement intervention. C'est seulement si c'était justifié.

M. Bégin: Oui, mais vous référiez tout à l'heure – et je ne veux pas être méchant en disant ça – vous disiez que seuls les spécialistes peuvent en construire. Les évaluer, j'imagine, ça doit être à peu près la même chose. Si M. X, de bonne foi, dit: Moi, j'ai des craintes que ce barrage-là ne cède puisqu'il a tel âge, qu'il y a de l'eau qui sort en dessous, il n'en sortait pas il y a deux ans quand je l'ai vu, etc., est-ce qu'on va enclencher une mécanique comme celle-là à chaque fois?

M. Arès (Raymond): Ce n'est pas nécessairement faire intervenir des spécialistes. Ça serait les gens du ministère qui pourraient rassurer la personne s'il n'y a pas de problème. C'est simplement un mécanisme d'appel qu'on peut rejoindre le ministère et lui signaler qu'il y a possiblement un problème à tel endroit.

M. Bégin: O.K. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Bonjour.

Des voix: Bonjour.

M. Whissell: Au niveau de l'article 1, les barrages de retenue pour les stériles miniers, vous demandez qu'ils soient incorporés à la loi. Est-ce que vous avez fait une évaluation... combien de ce type de barrages nous avons au Québec?

M. Shoiry (Pierre): On n'a pas de chiffres précis. Je pense à certaines régions du Québec, il y a des parcs à résidus importants, je pense qu'on est tous conscients, plus spécifiquement où il y a une concentration d'industries minières. Il y a aussi, à l'extrême, certains ouvrages d'assainissement des eaux, si on voulait parler de parcs à résidus, si on veut, où il y a, techniquement, des digues qui se qualifient à l'avant-projet de loi.

M. Whissell: Et puis est-ce que vous pensez que, parmi ces digues-là utilisées à des fins minières, il y a quand même une notion de risque qui peut être assez importante pour la population?

M. Shoiry (Pierre): Définitivement.

(11 h 10)

M. Arès (Raymond): Si je peux ajouter. Je me suis renseigné auprès du ministère des Richesses naturelles et, apparemment, ce qui se passe présentement, c'est que le ministère des Richesses naturelles a des règlements ou des normes lors de la conception de ces ouvrages-là. Mais, par la suite, durant l'exploitation de ces ouvrages-là, il semble que le ministère des Richesses naturelles ne s'en occupe pas et il y a seulement le ministère de l'Environnement qui s'en occupe, mais uniquement du point de vue environnemental et non pas sur le plan de la sécurité. Donc, il semble que, à l'heure actuelle, la sécurité de ces ouvrages-là ne soit pas surveillée durant l'exploitation des ouvrages et même peut-être lors de l'arrêt des opérations. Alors, il semble y avoir un flou, là.

M. Whissell: Vous pensez qu'il y a une lacune dans la loi actuelle; que ces barrages-là sont là, ça peut potentiellement être dangereux, ça ne l'est pas... Mais il n'y a de mécanisme...

M. Arès (Raymond): Il n'y a pas de règle, de mécanisme pour la surveillance, la maintenance de ces ouvrages-là, uniquement au niveau de la conception.

M. Shoiry (Pierre): Ce qu'on pense, c'est qu'il serait peut-être opportun de le considérer, étant donné qu'on est dans le processus.

M. Whissell: O.K. Au niveau du rôle de l'ingénieur et de la firme indépendante, vous ne m'avez pas convaincu. J'essaie de me faire une idée. S'il y a des travaux qui soient d'ordre mineur, mettons, réfection de la dalle de béton, est-ce que vous pensez que ça va prendre quand même une firme spécialisée? Comment voyez-vous qu'on pourrait réglementer tout ça? C'est sûr que, dans le cas d'une nouvelle construction, normalement ça va être une firme spécialisée.

M. Shoiry (Pierre): Même lorsqu'on parle d'une réfection d'une dalle de béton, ce ne sera pas peut-être la firme spécialisée en construction de nouveaux ouvrages, en digue ou autre, mais ça va prendre une firme spécialisée qui connaît le béton, qui est capable de travailler le béton, qui est capable de faire les réparations adéquates. Alors, c'est un spécialiste aussi. Mais c'est quelqu'un qui est spécialisé dans le secteur des réparations au niveau de la structure. Ça va prendre quelqu'un quand même qui est capable d'évaluer la hauteur des crues. S'il faut qu'il ouvre une certaine partie du barrage pour faire la réparation, ça prend quelqu'un qui est capable d'évaluer les risques de crues, les risques d'inondations pendant la durée des travaux. Il y a un paquet de facteurs. Ça prend des gens qui connaissent différentes spécialités.

Mais ce qu'il faut comprendre aussi, c'est qu'à l'intérieur de travaux de barrage – vous avez fait un bel exemple – lorsqu'on parle d'une réfection de centrale puis de construction de digue en terre, ce n'est pas le même type de gens qui vont travailler ça. Mais il faut quand même aller chercher les gens qui connaissent ça. Et nous, comme Association, c'est ce qu'on vend à nos membres aussi. Puis il y a des choix difficiles à faire pour certains membres aussi. On ne peut pas tout faire aujourd'hui, puis on ne pourra pas... L'économie a changé, on n'est plus capable de vivre uniquement des produits du marché local, on doit exporter et, pour exporter, il faut avoir des compétences, il faut avoir nos cartes de visite, puis c'est la spécialisation, puis ça prend des ressources qui sont capables de réaliser ces projets-là.

M. Whissell: Mais, au Québec, nous avons la Loi sur les ingénieurs, il y a le code de déontologie. Vous ne pensez pas que c'est suffisant pour... Parce que, lorsque l'Ordre a fait ses représentations, il s'est contenté de mentionner qu'il y avait un code de déontologie, qu'il y avait la Loi sur les ingénieurs.

M. Shoiry (Pierre): Oui.

M. Whissell: Vous, vous amenez une dimension nouvelle, les mots «firme spécialisée», «ingénieur-conseil».

M. Shoiry (Pierre): On va être en commission dans quelques semaines d'ailleurs sur le projet de loi sur les ingénieurs et le projet de loi, justement, sur les ingénieurs prévoit que l'Ordre pourra réglementer la pratique, parce que, actuellement, l'Ordre a de la difficulté. Ils font de l'inspection professionnelle sur les individus, mais ils ne peuvent pas réglementer sur la pratique professionnelle en société ou en compagnie. Alors, l'histoire de permis de pratique, ça s'en va dans ce sens-là, justement de qualifier des gens qui sont responsables pour faire un ouvrage. L'Ordre, son but, c'est la protection du public. Donc, indirectement... je pense que, comme gouvernement, on ne doit pas se fier sur l'Ordre pour être capable d'inspecter tout ce qui se fait comme travaux au Québec. Je pense que c'est impensable. Déjà, au niveau de la surveillance de la pratique, ils en ont plein les bras.

M. Whissell: Mais vous ne pensez pas qu'on devrait justement laisser l'Ordre se pencher sur cette question et, elle, réglementer... S'il faut définir des firmes spécialisées, qu'elle le fasse.

M. Shoiry (Pierre): Il y a eu des tentatives de faites dans certaines autres provinces de réglementer au niveau de la pratique des ingénieurs. Aujourd'hui, au niveau du génie, vous avez peut-être 15, 20, 30 spécialités. Je pense qu'il faut suivre les réalités du marché en ce moment. Je pense que de créer à l'Ordre un organisme qui va être obligé de chapeauter des permis de pratique dans 25 disciplines... On veut alléger justement la réglementation en ce moment, on n'est pas dans un processus de s'en faire encore plus. Alors, nous, comme Association, ce qu'on vous dit: On regroupe les gens au Québec qui font ces travaux-là. Puis, nous, on vous dit: La façon de faire, c'est de trouver des façons de faire les choses correctement la première fois, c'est d'engager des gens qui sont spécialistes. Puis les gens qui sont spécialistes, c'est des firmes membres de l'Association.

M. Arès (Raymond): Si je peux ajouter. L'expérience passée, c'est que... je ne donnerai pas de nom, mais un très grand propriétaire de barrages a fait appel à des ingénieurs-conseils pour faire des rénovations à des vannes qui pouvaient paraître bénignes au départ, mais, par la suite, lors d'une crue, les vannes ne se sont pas ouvertes parce qu'elles étaient mal conçues. Donc, c'est important, à mon avis, de faire appel à vraiment des spécialistes dans le domaine.

M. Shoiry (Pierre): Ce qui est important aussi, M. le député, c'est qu'il y a des travaux de nature complexe et des travaux de nature simple. Il faut être capable, avoir, je pense, tout ça, la capacité ministérielle, ou les gens au niveau du programme ou de la gestion du projet de loi devront avoir la capacité pour être capables d'évaluer un ouvrage simple d'un ouvrage complexe, un ouvrage à risque d'un ouvrage plus régulier. Alors, c'est là que rentre en ligne de jeu... naturellement, s'il y a certains ouvrages qui sont plus simples qui peuvent être faits par d'autres gens aussi.

M. Whissell: Au niveau de l'autorité responsable pour l'application de la loi – je comprends votre position, je pense que tout le monde en convient, là, que le ministre ne peut pas jouer les deux rôles – est-ce que vous vous êtes penchés sur la question et avez-vous une proposition de constitution, un peu comme Hydro-Québec a fait antérieurement? Est-ce que vous avez votre propre proposition?

M. Shoiry (Pierre): On n'a pas de position officielle sur ça, non.

M. Whissell: O.K. À l'article 10, dans votre mémoire...

M. Shoiry (Pierre): Ce qu'on désire, tout de même, c'est qu'il ne se crée pas une structure importante, trop grosse. On veut quelque chose de souple, quelque chose qui va être axé sur les résultats, parce qu'on sait que, dans les premières années, il va y avoir plus de travail à faire. Mais je pense qu'on veut que le ministre résiste à la tentation de monter une équipe trop grosse, trop importante. Je pense qu'on doit avoir une équipe qui est efficace.

Une voix: ...

M. Shoiry (Pierre): Hein?

Une voix: Ce n'est pas notre...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Shoiry (Pierre): Les moyens ou la structure que vous vous donnerez, on n'a pas élaboré là-dessus. Mais je pense qu'il est important de ne pas se créer un organisme qui... On se comprend.

M. Whissell: À l'article 10, vous faites mention des mots «grand barrage». Est-ce que vous pensez qu'on ne pourrait pas associer «barrage à risque»? Parce que tout au long, depuis le début de nos travaux, c'est toujours la notion de risque qui revient. Mais, vous, aujourd'hui, vous amenez la notion «grand barrage». J'aimerais ça que vous l'expliquiez et si, dans le fond, on dit la même chose. «Barrage à risque» et «grand barrage», c'est la même chose? Ou c'est juste la grosseur qui...

M. Shoiry (Pierre): On a la définition ici du...

M. Arès (Raymond): Bien, disons, c'est sûr que les grands barrages, ce sont des barrages à risque. On a limité ça parce que ce sont des barrages qui ont une certaine importance. Maintenant, on reconnaît que, même pour des petits barrages, il peut arriver que les conditions particulières de fondation, par exemple, nécessitent l'implication d'experts pour régler le problème. Alors, je peux vous donner, si vous me le permettez, la définition des grands barrages, d'après la Commission internationale des grands barrages.

«Pour son inscription au Registre mondial des barrages, on appelle "grand barrage" tout barrage ayant plus de 15 m de hauteur, mesuré du point le plus bas de la fondation jusqu'au sommet du barrage, ou tout barrage de 10 à 15 m de hauteur qui remplit au moins l'une des conditions suivantes: la longueur en crête n'est pas inférieure à 500 m; le volume du réservoir qu'il crée n'est pas inférieur à 1 000 000 m³; le débit maximum de la crue auquel il doit faire face n'est pas inférieur à 2 000 m³/s; le barrage a présenté des difficultés particulières de fondation; et, finalement, le barrage est d'une conception inhabituelle.»

Donc, on reconnaît que, pour des barrages de faible hauteur, il puisse y avoir des conditions qui font que ces barrages-là sont des barrages à risque. Et, dans ces cas-là, le ministère ou, enfin, l'organisme prendrait une bonne décision en faisant appel à des spécialistes pour vérifier la conception.

M. Whissell: Dernière question: Étant donné que vous n'êtes pas des propriétaires de barrages, qu'est-ce que vous pensez du fonds de fiducie? Est-ce que c'est quelque chose de nécessaire à l'intérieur de la loi?

(11 h 20)

M. Arès (Raymond): Bien, disons que, moi, j'ai toujours pensé qu'il fallait que la sécurité des barrages soit portée, si vous voulez, par les propriétaires de barrages. Comment cela doit se faire? Je n'y ai pas vraiment pensé. Mais je pense que les propriétaires doivent soutenir cette fonction-là, essentielle, de l'État qui est d'assurer la sécurité des barrages à l'intérieur de son territoire.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Limoilou.

M. Rivard: Merci, M. le Président. Messieurs, à l'article 20 de votre mémoire, votre Association recommande qu'un manuel d'exploitation, d'entretien et de surveillance, tel que défini par les directives de l'Association canadienne pour la sécurité des barrages, soit élaboré. Moi, je voudrais savoir quels seraient les avantages de cela. Comment ça peut améliorer la sécurité des barrages?

M. Arès (Raymond): Disons que le texte de loi, présentement, réfère à un plan de gestion des eaux retenues. À mon avis, ce n'est pas suffisant. Le plan de gestion, à mon avis, ne fait que dire: Le niveau de l'eau du réservoir sera maintenu à tel cote durant telle partie de l'année, alors que le manuel d'exploitation va beaucoup plus loin, il décrit exactement toutes les opérations que doit suivre le personnel responsable de la gestion de l'ouvrage. Par exemple, l'opération des vannes, comment elle se fait? Dans quelles circonstances? Comment il faut procéder? Etc. Donc, c'est beaucoup plus élaboré. Je pense que c'est un outil de gestion de l'ouvrage pour le propriétaire. Le personnel qui doit se charger de l'ouvrage doit savoir comment l'opérer. Et ce n'est pas simplement de dire: maintenir le niveau d'eau à tel niveau, mais comment opérer, vraiment, son barrage, tous les appareils, les mécanismes à opérer.

M. Rivard: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Dans le même ordre d'idées, sur la même question. Si je comprends bien, votre manuel serait une espèce de boîte noire qu'on retrouve dans les avions. Si je comprends bien, un petit peu, là. «C'est-u» vrai ou «c'est-u» pas vrai de...

M. Arès (Raymond): Oui, entre autres, parce que... enfin, tel que le propose la loi, il y aura un registre et qui est, en fait, inclus dans le manuel d'exploitation, qui devrait être inclus dans un manuel d'exploitation. C'est un dossier de tout ce qui arrive durant l'exploitation du barrage: ça peut être les problèmes rencontrés, les difficultés d'opération des mécanismes d'ouverture des vannes, par exemple, les réparations, les crues, etc. Donc, c'est très complet.

M. Désilets: Cette boîte noire là ou cet appareil... ce manuel-là, est-ce qu'il serait dispendieux à opérationaliser?

M. Arès (Raymond): Non. Ce manuel-là serait, disons, aussi élaboré qu'il est nécessaire pour l'ouvrage. Si vous avez affaire à un tout petit ouvrage où il n'y a même pas de vannes à opérer, à ce moment-là, le manuel peut être pratiquement restreint au plan de gestion de la retenue. Ça peut être très restreint. Par contre, si vous avez affaire à un aménagement complexe, à ce moment-là, où il y a beaucoup de vannes à opérer, beaucoup d'évacuateurs de crues, etc., à ce moment-là, le manuel peut être pas mal plus élaboré. Mais là on a affaire à un propriétaire qui est capable de soutenir un manuel de cet ordre-là.

M. Désilets: Ce que je veux dire, ce manuel-là, il peut être plus utile que dérangeant parce qu'il peut être perçu aussi comme étant encore de la paperasse puis de la paperasse pour pas grand-chose.

M. Shoiry (Pierre): Non, c'est de la bonne gouvernance, au contraire.

M. Désilets: C'est de la bonne gérance, d'après vous?

M. Shoiry (Pierre): Oui.

M. Arès (Raymond): Absolument, oui.

M. Shoiry (Pierre): Puis ce qu'on suggère, c'est d'introduire la notion d'entretien préventif, pas d'avoir un plan de gestion simplement de l'eau et d'être en réaction, mais d'avoir une approche plus proactive et d'avoir un programme d'entretien préventif des installations. Et le manuel proposé par l'ACSB va dans ce sens-là.

M. Arès (Raymond): D'ailleurs, c'est un manuel qui est proposé par la plupart des organismes qui s'occupent de sécurité au niveau international, comme la Commission internationale des grands barrages, ou même les organismes américains y font référence.

M. Désilets: C'est bien. Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. J'ai remarqué que vous n'avez pas fait de commentaires sur l'article 14. Hydro-Québec, tantôt, a indiqué que... peut-être au lieu de considérer des barrages de l'ordre de 2,5 m et 30 000 m³, de regarder la possibilité de 7,5 m et 60 000 m³ ou 62 000 m³. Est-ce que vous vous êtes arrêtés à ça pour voir... Est-ce que, au point de vue des conséquences de rupture d'un barrage, on devrait peut-être augmenter, au lieu de... Le 2,5 m avec le volume d'eau, est-ce que ça a des conséquences néfastes ou non? Est-ce que vous avez ou n'avez pas... Si vous n'avez pas fait de commentaires, c'est parce que vous n'avez pas trouvé que c'était nécessaire d'en faire.

M. McNeil (Éric): La première des choses, ce qu'il faudrait mentionner, c'est qu'on en a fait de façon indirecte, des commentaires, aux articles, notamment, 5, 9 et 10 sur tous les aspects qui régissent la conception, l'attestation de la sécurité des barrages, l'attestation de la construction, tel que les plans et devis le spécifiaient.

Maintenant, en ce qui a trait en particulier à l'article 14, on n'a pas cru bon, effectivement, de revenir sur les normes, on pense qu'elles sont relativement claires. Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que, lorsqu'on essaie de parler de conséquences, il n'y a pas seulement les paramètres du barrage qui comptent, il y a beaucoup la configuration de ce qui se trouve en aval des barrages, puis, en ce sens-là, il y a des petits ouvrages qui peuvent créer des problèmes importants dépendamment de la propagation de l'onde de crue de rupture qui va s'effectuer après la rupture. Donc, en ce sens-là, on y a fait référence surtout au niveau des aspects de conception, de construction, pour éviter, comme M. Shoiry l'a mentionné précédemment, la lourdeur des processus pour des ouvrages moins importants que ceux qui correspondent à un grand barrage. Mais, autrement, je pense que l'article 14 permet des paramètres relativement clairs pour l'application de la notion de barrage à forte contenance.

M. Middlemiss: Seriez-vous d'accord que la localisation, les caractéristiques, et ainsi de suite, devraient être prises en considération? Ce n'est pas seulement le volume d'eau et la hauteur, mais quelles seraient les conséquences d'une rupture. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

M. McNeil (Éric): En fait, c'est intéressant puis il y a plusieurs, soit des recommandations, des «guidelines», ou soit des aspects de la loi qui font beaucoup plus référence, en fait, aux conséquences. Maintenant, il y a beaucoup de... Pour vraiment évaluer les conséquences de façon suffisamment précise, pour que ça devienne un critère suffisamment objectif, on pourrait dire, il faut quand même procéder à des analyses assez rigoureuses. Il faut faire attention. Ce n'est pas seulement en regardant sur des cartes topographiques les entités qui se retrouvent en aval d'un ouvrage qu'on peut nécessairement conclure aux types de conséquences qui se trouvent, il faut procéder à des analyses qui sont un petit peu plus sophistiquées, puis, en ce sens-là, je pense qu'il y a certains aspects qui s'appliquent aux barrages à forte contenance où on doit se baser sur les paramètres physiques des barrages. Ce qui n'enlève pas l'intérêt de regarder, par rapport à la sécurité des personnes, par rapport à l'élaboration des plans d'urgence ou des plans de gestion, des aspects plus spécifiquement liés aux conséquences. Mais, autrement, on est d'avis que les aspects liés aux paramètres physiques sont quand même intéressants pour définir un barrage à forte contenance et une série d'activités qui leur sont reliées spécifiquement.

(11 h 30)

M. Middlemiss: Je pense que le ministre, tantôt, a touché un peu aussi... C'est qu'il y a des gens qui sont venus nous voir, des propriétaires de petites centrales qui utilisent des anciens barrages qu'on utilisait pour faire flotter le bois, et ils nous ont indiqué que ça coûterait les yeux de la tête de faire une évaluation de la sécurité de ces petits barrages. Vous venez juste de dire qu'avant d'être capables de donner une cote de sécurité on ne peut pas seulement regarder des photographies aériennes, il faut regarder toutes sortes de choses et, en d'autres mots, il faudrait faire une analyse poussée, incluant la géotechnique, toutes ces choses-là. Et c'est là qu'ils disaient que ça coûterait énormément cher et que, si c'était ça, l'exigence, ils ne pourraient certainement pas continuer à opérer dans de telles conditions.

Est-ce que, avec votre expertise, avec les experts que vous avez dans l'Association, vous n'avez pas trouvé un moyen de vous satisfaire que les barrages sont sécuritaires, mais que, pour le propriétaire, ça soit quelque chose qui est abordable?

M. Arès (Raymond): Si vous me permettez d'apporter un élément d'information, j'ai ici le projet de loi de la Colombie-Britannique. Dans leur projet de loi, ils considèrent les barrages à partir de 2,5 m et une retenue de 30 000 m³. C'est aussi le critère que l'Association canadienne des barrages a retenu.

Maintenant – je ne sais pas si je peux parler en mon nom personnel – j'ai été un peu surpris de voir qu'on allait à des hauteurs aussi faibles que 1 m, je ne sais pas quelle était l'intention derrière ça. Personnellement, 2,5 m, ça me paraît raisonnable. Maintenant, il y aurait peut-être lieu, quand même, que la loi s'occupe des barrages à partir de 1 m, mais soit beaucoup moins exigeante, à ce moment-là.

Ce que dit la loi, par exemple, un élément d'information, en Colombie-Britannique, on dit: «Dams that will be regulated and considered for auditing and monitoring will be dams that are over than 2.5 meters in height and store over 30 000 cubic meters. Smaller structures that pose a significant threat to the downstream area may also be included.»

Alors, il y a peut-être moyen, dans la loi ou dans les règlements, s'il y a des situations particulières, d'en tenir compte, mais peut-être pas de mettre la barre trop basse non plus, là.

M. Aubin (François): Pour répondre à votre question, M. le député de Pontiac, c'est vrai que la question des petits ouvrages se pose d'une manière assez aiguë, dans la mesure où, pour un ouvrage de 2,5 m de haut, ils tirent tant de bénéfice à cause de l'emmagasinement de l'eau. Puis, si les études coûtent plus cher que les revenus, bien, c'est évident que ça leur pose un fardeau monétaire important.

Dans cette optique-là, je pense qu'il va être important que le ministère fasse preuve de jugement par rapport à l'évaluation des conséquences. On sait que le ministère a d'emblée divisé les ouvrages à forte contenance selon les paramètres physiques. Mais, à la lumière des travaux de la commission parlementaire, on se rend compte qu'il y a la notion de conséquence qui se pose de manière de plus en plus fréquente et comme un critère important dans l'évaluation de la nécessité de faire des études poussées, en termes de sécurité de barrages, puis des exigences qui vont être demandées en fonction de la nature même des ouvrages.

Donc, dans cette optique-là, il y a la notion de conséquence qui, d'après nous... – excusez, encore, je pense que je vais parler en mon nom personnel – d'après moi, devrait être incluse dans l'analyse de la sécurité des barrages. Et puis, dans cette optique-là, je pense que le ministère devra faire preuve de jugement éclairé en ce qui a trait à l'évaluation des conséquences selon la nature puis l'emplacement des ouvrages.

Le Président (M. Lachance): Merci. Du côté de l'opposition, le temps imparti est déjà écoulé. Est-ce qu'il y a d'autres interventions du côté ministériel? Ça va? Merci.

Alors, MM. Shoiry, Arès, McNeil et Aubin, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de cette commission.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): J'invite maintenant les représentants de l'Union des municipalités du Québec, l'UMQ, à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Alors, M. le président de l'UMQ, M. Laframboise, d'abord bienvenue à cette commission, et je vous invite à identifier la personne qui vous accompagne.


Union des municipalités du Québec (UMQ)

M. Laframboise (Mario): Oui, je suis présent ici avec M. Therrien, qui est notre spécialiste, à l'Union, du dossier.

Donc, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. membres de la commission, l'Union des municipalités du Québec vous remercie de lui fournir l'occasion de commenter l'avant-projet de loi sur la gestion des barrages. Chaque année, ces ouvrages jouent un rôle stratégique dans la gestion de l'important réseau de lacs et de rivières de la province, particulièrement lorsque pointent à l'horizon les premiers signes des crues printanières, mais aussi ceux d'une détérioration générale des conditions météorologiques.

Les crues dramatiques de juillet 1996 au Saguenay–Lac-Saint-Jean ont mis en relief la nécessité de développer une approche préventive en matière de gestion des barrages afin d'assurer la sécurité des personnes et de leurs biens. C'est pourquoi l'Union des municipalités du Québec ne peut que souscrire à l'objectif gouvernemental d'accroître la sécurité des barrages et de leurs installations. Il en va de l'intérêt de tous les citoyens.

L'avant-projet de loi qui nous est soumis propose un nouveau régime d'autorisation et impose une série d'obligations aux propriétaires de barrages, notamment à l'égard de la sécurité de leurs ouvrages ainsi que de la mise en place de plans de gestion des eaux et des mesures d'urgence. Si point n'est besoin de revenir sur la pertinence de la loi elle-même, il reste que le présent document soulève de nombreuses interrogations au plan de ces modalités d'application.

Dans la mesure où il est clair que le législateur cherchera à concilier sécurité et simplicité administrative, l'UMQ désire respectueusement soumettre un certain nombre de correctifs susceptibles d'aider à atteindre ces objectifs. Ainsi, certaines dispositions, notamment celles touchant les barrages à faible contenance, doivent être revues dans un esprit de simplification et d'allégement des contrôles. En ce sens, la Loi sur la sécurité des barrages et la réglementation afférente doivent être simples et efficaces afin de minimiser autant que faire se peut les coûts de gestion pour les municipalités propriétaires de barrages.

Passons au chapitre II de l'avant-projet de loi, c'est-à-dire celui visant les dispositions applicables à tous les barrages d'une hauteur de un mètre et plus. L'article 4 prévoit que tous les projets de construction et de modification de structure de tels barrages devront être soumis à l'autorisation du ministère. Peut-être faudrait-il s'interroger sur la pertinence de fixer la barre à un mètre, car un tel barrage peut contenir très peu d'eau et ainsi ne pas être une véritable menace pour la population ou l'environnement, en cas de rupture.

Nous sommes d'avis que la localisation d'un barrage et son aménagement sont des éléments bien plus déterminants que sa taille pour établir si tel ou tel autre barrage doit être couvert par la loi. Il est en effet raisonnable de penser que l'autorisation du ministre est sûrement moins importante pour la construction ou la modification d'un barrage situé aux confins d'un territoire forestier ou agricole qu'elle ne l'est pour un projet situé en zone fortement habitée. Bref, nous estimons que seuls les barrages comportant un véritable risque pour la sécurité des personnes, pour leur localisation ou leur aménagement devraient être couverts par la Loi sur la sécurité des barrages.

S'il doit y avoir une hauteur minimale à partir de laquelle certaines dispositions de la loi s'appliquent, que celle-ci soit sensiblement augmentée et portée à 1,5 m et même, pourquoi pas, à 2 m. Il est vrai que la majorité des dispositions applicables aux barrages à faible contenance se trouvent déjà dans la Loi sur le régime des eaux. Mais est-ce une raison pour justifier leur maintien?

M. le Président, nous croyons que l'occasion est trop belle pour ne pas mettre en place un régime simple et efficace en éliminant les éléments les moins pertinents de la réglementation actuelle, à défaut de quoi il est à craindre que le ministère de l'Environnement et de la Faune ait des difficultés à en assurer l'application. Il faudrait se demander à quoi sert d'adopter une loi et des règlements si on n'a pas les moyens de les faire respecter. L'UMQ tient d'ailleurs à rappeler respectueusement aux membres de cette commission parlementaire que la Commission scientifique et technique sur la gestion des barrages présidée par M. Nicolet a mis en lumière les difficultés du ministère de l'Environnement et de la Faune à assurer l'application de certains éléments sur la Loi sur le régime des eaux.

M. le Président, peut-on nous expliquer comment le ministère de l'Environnement et de la Faune va réussir à assurer le suivi de l'application de la Loi sur la sécurité des barrages, alors qu'il éprouvait déjà des difficultés à faire appliquer une législation beaucoup moins ambitieuse? Puisqu'il est peu probable, situation budgétaire oblige, que les effectifs du ministère connaissent une augmentation significative dans un avenir plus ou moins immédiat, l'Union des municipalités du Québec invite le législateur à bien cibler les barrages devant faire l'objet d'une quelconque réglementation et à être réaliste dans ses exigences.

(11 h 40)

À cet égard, l'obligation de déposer au ministère les plans et devis de tous les projets de construction et de modification de structures prévue à l'article 5 nous apparaît inutile, car ces plans et devis engagent déjà la responsabilité des ingénieurs qui les signent. De plus, l'idée même d'exiger des plans et devis pour des barrages de un mètre constitue une exigence nettement excessive, tout simplement parce que, dans le cas des petits barrages, le coût des plans et devis peut rapidement dépasser le coût des travaux eux-mêmes.

La question des coûts et des délais prend une nouvelle signification quand on constate qu'obligation est faite au promoteur d'aviser le ministre de la fin des travaux et de lui transmettre une attestation d'un tiers ingénieur établissant qu'ils ont été effectués conformément aux plans et devis. M. le Président, cela est peut-être justifié pour un barrage majeur, mais c'est nettement exagéré pour les petits ouvrages.

En vertu de l'avant-projet de loi, toute modification à un barrage de un mètre et plus, peu importe le volume d'eau qu'il retient, nécessitera le dépôt de plans et devis au ministère, pour approbation, en plus de l'attestation d'un tiers ingénieur à la fin des travaux. La question se pose: N'y a-t-il pas là un peu trop de papier et d'intervenants pour, parfois, un bien petit barrage?

Par ailleurs, l'article 11 stipule que tout projet de construction ou de modification de structures de barrages qui n'est pas réalisé dans un délai de deux ans doit faire l'objet d'une nouvelle demande d'autorisation. Il faudrait que cet article fasse référence au début des travaux plutôt qu'à leur réalisation parce qu'un délai de deux ans n'est pas très long pour compléter des travaux majeurs, surtout quand plusieurs autorisations gouvernementales sont exigées.

Nous arrivons au chapitre III touchant les dispositions applicables aux barrages à forte contenance. Avant d'aborder spécifiquement les dispositions applicables aux barrages à forte contenance, notre Union tient à exprimer sa satisfaction à l'égard de l'article 3 des dispositions générales, qui prévoit la création d'un répertoire des barrages et, selon des modalités à établir par règlement, la transmission aux municipalités de toute information inscrite au répertoire qui concerne un barrage situé sur leur territoire. Cette mesure permettra aux autorités municipales de bien évaluer les risques liés à la présence d'un barrage sur leur territoire et de se préparer en conséquence.

Parlons maintenant des modalités particulières s'appliquant aux barrages à forte contenance. L'article 16 prévoit que le gouvernement établira des normes de sécurité relatives aux événements extrêmes, tandis que les exploitants seront tenus de faire effectuer périodiquement par un ingénieur des études de réévaluation de la sécurité de chacun de leurs barrages, tel que prévu à l'article 17.

Il faut particulièrement souligner l'article 20 de l'avant-projet de loi, un élément majeur du document, puisqu'il indique clairement que les exploitants de barrages devront également produire un plan de gestion des eaux retenues, un plan de mesures d'urgence, en collaboration avec les responsables de la sécurité civile, et tenir un registre pour chacun de leurs barrages ou de leurs aménagements. Cette disposition intensifiera la collaboration entre exploitants de barrages et autorités publiques responsables de la sécurité civile, incluant, en premier lieu, évidemment, les municipalités. Si elle avait existé à l'époque des crues de juillet 1996 au Saguenay–Lac-Saint-Jean, une telle disposition aurait, comme l'affirmait la commission Nicolet, grandement accéléré le processus d'évacuation des communautés menacées.

L'UMQ voit donc d'un bon oeil que les responsables de la sécurité civile participent à l'élaboration des plans de mesures d'urgence. Nous estimons même que les municipalités devraient être consultées lors de la rédaction du règlement qui fixera les balises que devront respecter les exploitants de barrages lors de l'élaboration de ces plans. À première vue, ces diverses obligations imposées aux propriétaires de barrages nous apparaissent justifiées. Nous en appuyons donc l'esprit, sous réserve, bien sûr, de connaître le contenu de la réglementation qui fixera les balises précises de ces obligations et contraintes, notamment celles concernant les normes de sécurité et le plan de mesures d'urgence.

En ce qui regarde la portion touchant l'impact financier de ces nouvelles dispositions législatives pour les municipalités propriétaires de barrages, elle nous laisse craindre le pire parce que les coûts prévus sont de deux ordres: ceux liés aux frais de gestion et de surveillance et ceux liés aux travaux de réfection, dans le cas de barrages jugés non conformes à la réglementation. Or, dans les deux cas, les informations actuellement disponibles ne permettent pas d'évaluer avec exactitude le coût de la facture totale pour les quelque 200 municipalités propriétaires d'environ 800 barrages.

M. le Président, les premières évaluations réalisées par le ministère de l'Environnement et de la Faune indiquent que les frais de gestion seraient, pour les municipalités concernées, de 2 000 000 $ à 3 000 000 $ par année, alors que les coûts de réfection pourraient atteindre entre 50 000 000 $ et 100 000 000 $ sur un horizon de 25 ans, selon diverses estimations. L'impact financier n'est donc pas négligeable, d'autant que les municipalités doivent composer, depuis quelques années, avec une diminution de leurs valeurs foncières et la prise en charge de nombreuses nouvelles responsabilités financières.

Si vous me permettez, un petit message commandité, depuis 1992, année de la réforme Ryan, les municipalités ont dû assumer une facture totale de près de 1 100 000 000 $, notamment en raison des coupures de subventions, de l'expropriation partielle de la TGE, du financement de l'Agence métropolitaine de transport, des services de la Sûreté du Québec, de l'abolition du remboursement de la TVQ, de la contribution à l'assainissement des finances publiques l'année dernière, pour 375 000 000 $, pour ne nommer que celles-là, réduisant ainsi leur marge de manoeuvre budgétaire.

En vertu de l'entente concernant la contribution municipale auxdits 375 000 000 $, dont nous célébrerons le premier anniversaire dans neuf jours, le gouvernement s'est engagé à convenir avec les unions municipales de toute mesure, activité ou modification de programmes gouvernementaux susceptible d'imposer de nouvelles charges financières aux municipalités. En conséquence, l'UMQ demande à ce que la mise en application de la Loi sur la sécurité des barrages soit accompagnée d'un plan de mise en oeuvre, incluant un programme d'aide financière aux municipalités propriétaires de barrages, afin de faciliter la réfection des ouvrages en mauvais état. C'est la fin du message commandité.

Nous ne pouvons conclure notre présentation en passant sous silence un élément qui nous semble hautement problématique. En vertu de l'article 48 de l'avant-projet de loi, le ministère de l'Environnement et de la Faune est chargé de l'application de la Loi sur la sécurité des barrages. Or, le ministère est également propriétaire de plusieurs barrages. M. le Président, peut-on nous expliquer comment le ministère pourra appliquer en toute impartialité les dispositions de cette loi, et notamment les dispositions pénales, puisqu'il est lui-même propriétaire de plusieurs centaines de barrages? Pourquoi le législateur n'a-t-il pas retenu la recommandation de la commission Nicolet à l'effet de confier l'application de la Loi sur la sécurité des barrages à une autorité autonome et indépendante? Cela aurait évité au ministère de se retrouver dans une bien étrange position, celle d'être à la fois juge et partie.

En résumé, l'UMQ appuie pleinement les objectifs poursuivis par l'avant-projet de loi sur la sécurité des barrages. Nous estimons, toutefois, dans un esprit d'efficacité administrative et de saine gestion, que certaines dispositions de cet avant-projet de loi doivent être revues dans une perspective de simplification et d'allégement des contrôles imposés aux propriétaires de barrages; bien entendu, il en va de même pour la réglementation afférente.

De plus, afin de tenir compte de la capacité de payer des municipalités concernées, l'UMQ demande à ce que la mise en application de la Loi sur la sécurité des barrages soit accompagnée d'un plan de mise en oeuvre réaliste comprenant un programme d'aide financière aux municipalités propriétaires de barrages pour faciliter la réfection de ces ouvrages. Ça met fin à ma présentation. Nous sommes prêts à un barrage de questions.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Laframboise. M. le ministre.

M. Bégin: Merci, M. Laframboise, M. Therrien. Deux choses, d'abord – ça va commencer par la fin pour vous. Concernant la gestion de la question qui est soumise, des barrages, on a prévu effectivement qu'il y aurait une autorité indépendante qui serait chargée de l'application de la suite de la loi. Nous avons entendu plusieurs représentations antérieurement à votre mémoire, et j'ai déjà déclaré que cet organisme serait créé et qu'un amendement serait apporté lors du dépôt du projet de loi comme tel.

Deuxièmement, vous parlez des délais, à l'article 11. Également, ceci a déjà fait l'objet de débats, et on a déjà indiqué qu'il faudrait effectivement modifier cette disposition-là pour éviter que quelqu'un qui n'a pas terminé son travail, et que, par hypothèse, ce travail-là était prévu sur quatre ans ou cinq ans, n'ait pas à revenir pour demander une nouvelle autorisation, mais plutôt qu'on lui laisse le temps de compléter son ouvrage, et que c'est seulement dans des cas où vraiment on n'aurait pas pris des délais excessifs que, là, on devra le faire. Je pense que ça va de soi.

Par ailleurs, vous demandez qu'on n'ait pas besoin de soumettre des plans et devis pour les petits ouvrages et que, si on en fait, on n'ait pas besoin de les soumettre au ministère de l'Environnement. J'essaie de comprendre le sens de cette démarche-là, dans le sens suivant, que déjà, lorsqu'on fait un ouvrage de quelque nature que ce soit, on doit de toute façon présenter des plans et devis au ministère de l'Environnement, que ce soit en vertu de l'article 22 de la Loi de la qualité de l'environnement ou en vertu de la Loi sur le régime des eaux quand il s'agit de barrages. J'essaie de voir pourquoi il faudrait tout à coup changer cette exigence-là et pour quel motif.

M. Laframboise (Mario): Tout d'abord, M. le ministre, quand vous mentionnez que c'est conforme à l'ancienne réglementation, vous avez fait des ajouts. Il y a le tiers...

M. Bégin: La loi.

M. Laframboise (Mario): Il y a quand même des ajouts qui ont été faits. Donc, vous exigez qu'il y ait un tiers indépendant qui...

M. Bégin: Ah! Excusez. Je vais distinguer cette question-là. J'y reviendrai après. Je parlais juste du dépôt des plans comme tel.

M. Laframboise (Mario): Bon. Ça va. Pour nous, c'est simple à comprendre, on fait confiance à l'Ordre des ingénieurs du Québec. Quand un professionnel signe le document, pourquoi avoir besoin... On ne parle pas de ne pas le soumettre au ministère, on est prêts à le soumettre. Le problème, c'est: soumettre pour fin d'approbation. Donc, nous, ce qu'on dit, c'est que vous n'avez pas à réapprouver le document. On est prêts à vous le soumettre, ça va. Il est signé par un ingénieur. Nous, on se dit: On fait confiance à l'Ordre des ingénieurs du Québec. Et c'est à cet ordre professionnel là lui-même de gérer la responsabilité et la capacité de ses membres à faire de tels ouvrages. J'écoutais tantôt les gens qui contestaient la capacité de l'Ordre des ingénieurs. Moi, je fais confiance à l'Ordre des ingénieurs pour être capable...

M. Bégin: C'étaient des ingénieurs eux-mêmes. Ha, ha, ha!

(11 h 50)

M. Laframboise (Mario): Bien oui, c'est ça. Et l'Ordre sera capable lui-même, je l'espère, d'exiger les compétences requises pour apposer les signatures. Donc, je fais confiance, moi, à l'Ordre des ingénieurs pour le faire. Mais, une fois que, nous, on a confié le travail, pourquoi obliger une approbation supplémentaire, alors qu'il y a déjà un professionnel responsable et puis compétent qui a réalisé les plans et devis?

Et d'ailleurs, dans plusieurs domaines, c'est une demande traditionnelle de l'Union. Dans notre démarche d'allégement des contrôles, il n'y a pas juste dans ce cas-là qu'on vous a fait une telle demande, la même chose quand on travaille sur les réseaux d'aqueducs, la même chose quand on travaille sur les réseaux d'égout. On espérerait un jour que le ministère arrête d'être tatillon avec ces autorisations supplémentaires qui retardent les travaux de façon indue.

M. Bégin: Une dernière chose – je ne sais pas si c'est une question. Je vous ai trouvés sévères concernant la difficulté pour le ministère de l'Environnement et de la Faune d'appliquer sa réglementation faute de ressources financières. J'avais envie de vous dire: vu qu'on n'en a pas du tout pour appliquer la loi, est-ce qu'on devrait vous en donner pour vous aider à construire les barrages, comme vous le demandez à la fin? Ha, ha, ha!

M. Laframboise (Mario): Écoutez, probablement que vous n'avez pas les mêmes vases communicants, vous. C'est toujours une question... Sauf que, dans la conclusion, on a pris le texte même – je peux vous le lire – du rapport de M. Nicolet, dans lequel... Et c'est là-dessus qu'on s'est basés, sur le rapport Nicolet, qui mentionnait explicitement que, à moins que vous n'ayez des plaintes... Et puis je peux me permettre de lire le texte: «Dans le cadre de sa mission, qui consiste à veiller à l'application de la loi, le MEF s'acquitte de sa tâche jusqu'à un certain point. C'est au niveau du suivi que la situation est problématique, puisque le MEF ne réagit que lorsqu'il y a plainte du public. Ainsi, dans les faits, il arrive que certains articles de la Loi sur le régime des eaux ne soient pas appliqués.» Les articles 57, 72, 79 et 81, qui sont déjà en force. Donc, c'était une des conclusions et un des commentaires de M. Nicolet.

Donc, nous, ce qu'on dit, c'est: S'il y a déjà... et si vous ne marchiez qu'au son, présentement... Évidemment, c'est ce qu'il vous dit: Vous marchez à la plainte, donc vous marchez au son. Et ça, là-dessus, on ne peut pas... Si on fait une modification législative, profitons-en pour faire des allégements, si c'est possible. Et, comme je vous dis, la responsabilité, quant à nous, celle des ingénieurs est suffisante pour les travaux qu'on a à faire.

M. Bégin: Je vais juste vous rassurer. Nous avons bien l'intention, si nous adoptons ce projet de loi là, d'en faire le suivi et l'application concrète, même avec des ressources limitées.

J'ai une dernière chose sur les barrages à faible contenance. Ce qui m'a frappé, lorsque j'ai survolé les territoires qui avaient été affectés par ce qu'on appelle les pluies diluviennes de 1996, aussi surprenant que ça puisse paraître, ce n'est pas ce que je voyais sur la rivière Chicoutimi comme tel – c'était impressionnant, c'était même très impressionnant – ce qui m'a le plus frappé, c'est quand, comme ministre responsable de la Côte-Nord, j'ai survolé la Côte-Nord et que j'ai vu, le long de la route et le long de la côte, des petits ruisseaux, quasiment, à peine distinguables à travers les arbres, et nous, on voyait, le long de la route et à travers la route, des cratères de 50, 60, 75 pieds de profond avec des gens qui avaient péri à ces endroits-là dans des véhicules automobiles emportés par la crue des eaux. Donc, ce qui m'était apparu, ce n'était pas tellement la grosseur du cours d'eau comme le coup d'eau que peuvent donner certains cours d'eau.

Et tout à l'heure, lorsque les ingénieurs faisaient lecture des critères qui servaient à déterminer ce qu'était un grand barrage, ce qui m'a frappé, c'est qu'on a dit quel était le débit d'eau en période de fortes crues. Et on voit que même un barrage qui, en soi, n'est peut-être pas situé, règle générale, dans un lieu où on a vraiment une grosse capacité ou une grosse rétention d'eau peut être situé dans un cours d'eau qui, à cause de la configuration géographique, a des effets importants. Alors, je me disais: est-ce qu'on ne devrait pas tenir compte de cet aspect-là aussi, au-delà de simplement l'apparence du fait que ça soit un petit barrage de faible niveau?

M. Laframboise (Mario): Je pense que vous avez probablement raison, parce que, dans nos commentaires, c'est surtout... Bon. Vous vous basez sur la hauteur, finalement, dans votre document.

M. Bégin: Et la retenue d'eau.

M. Laframboise (Mario): Et un certain volume d'eau. Mais ce qu'on dit, c'est que, souvent, c'est autre chose que ça: la situation géographique, le cas que vous mentionnez sur l'aval, ce qui serait en amont, ou quoi que ce soit, comme débit d'eau. Je pense qu'il y a d'autres critères dont il pourrait être tenu compte pour l'appréciation de: Est-ce qu'un barrage est nécessaire ou pas? Tantôt, j'écoutais également ces gens-là et, quand ils ont pris la définition des grands barrages à l'international, il était fait mention de certains critères, «lorsque l'un des critères s'appliquera». Il y aurait peut-être aussi lieu de mentionner «lorsque certains...» Donc, on pourrait peut-être, dans nos définitions...

Je comprends que c'est difficile à appliquer ou à écrire dans un projet de loi. Mais, quand on voit que même à l'internationale on a pris la peine de mentionner «si certains de ces critères», ça veut dire qu'à toutes les fois ce n'est pas tellement évident. On ne peut pas classer toujours par le volume puis on ne peut pas toujours classer par la hauteur, il faut avoir d'autres critères qui peuvent être tenus en compte. Et peut-être que votre projet de loi pourrait... En tout cas, vous pourriez pousser vos analyses un peu plus à fond. Parce que, nous, ce qu'on veut finalement, c'est que, pour ceux qui ne sont pas dommageables pour les biens et les personnes, on n'ait pas à avoir de la paperasserie inutile et qui fait que ça coûte cher à tout le monde, et, par contre, ceux qui sont dommageables pour la sécurité des personnes et des biens, à ce moment-là, que ceux-là soient véritablement suivis. Donc, il faudrait peut-être aller un petit peu plus loin dans la définition qu'on donne.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Une seule question, M. le Président: Au niveau des 800 barrages dont vous faites mention, est-ce que vous avez le profil un peu des caractéristiques de ces barrages-là? Est-ce qu'ils sont à 50 % en haut de 2,5 m? Est-ce que vous avez des statistiques un peu?

M. Laframboise (Mario): Oui. M. Therrien.

M. Therrien (Jean): Merci, M. le Président. Je peux répondre partiellement à la question. Parce que, nous, on a sondé nos municipalités qui étaient propriétaires de barrages. On en avait 85 d'identifiées sur une liste fournie par le ministère de l'Environnement dont on savait par ailleurs, parce qu'il nous l'avait dit, qu'elle n'était pas tout à fait à jour. Et, sur à peu près 50 % de réponses, on peut dire que le tiers a des barrages importants, et plus qu'un, et que un tiers a des très petits barrages souvent même qui ne seraient pas couverts par la loi parce que inférieurs à 1 m. Et l'autre tiers se situe entre les deux. Mais il y a des municipalités qui ont jusqu'à neuf barrages. J'en ai qui ont sept, neuf barrages, et parfois des très importants. Mais c'est plutôt rare, des barrages supérieurs à 7,5 m, chez les municipalités, mais il y a quand même plusieurs barrages...

M. Bégin: J'ai un chiffre, ici. Des barrages de forte contenance qui seraient gérés ou propriétés des municipalités sont au nombre de 188, au Québec.

M. Therrien (Jean): Sur à peu près 800?

M. Bégin: Pardon?

M. Therrien (Jean): Sur un total de 800 barrages municipaux?

M. Bégin: Non, la prévision initiale, on avait prévu qu'il y en avait 215, mais le répertoire nous en a donné 188. Mais je n'ai pas les autres chiffres.

M. Whissell: Mais, dans le rapport, ici, ils disent 200 municipalités propriétaires d'environ 800 barrages.

M. Bégin: Elles peuvent avoir des barrages, mais je parle des barrages de forte contenance.

M. Whissell: O.K. Pardon.

M. Bégin: Il y en a qui sont de plus petite contenance.

M. Whissell: Je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'il y a d'autres questions? M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Vous indiquez, concernant le coût des frais de gestion des barrages, présentement, pour les 200 municipalités, qu'il est de l'ordre de 2 000 000 $ à 3 000 000 $. Est-ce que ces chiffres-là, c'est des chiffres que vous avez obtenus du ministère de l'Environnement et de la Faune? Présentement, c'est le ministère qui s'occupe de tous ces coûts-là. Présentement. Non?

M. Laframboise (Mario): Jean.

M. Therrien (Jean): Je crois, si je comprends bien votre question, enfin, que ces chiffres-là viennent du ministère de l'Environnement. C'est une estimation qu'ils ont faite à partir de données qu'ils avaient cet été, enfin, en fin d'été, suite au répertoire qu'ils ont constitué et à la connaissance de leur propre gestion de leurs barrages. Alors, ils sont arrivés à un chiffre... On parlait, je pense, de 3 800 000 $ pour l'ensemble des municipalités. Mais c'est une estimation, et je ne pense pas qu'ils sont sûrs à 100 % de leurs chiffres. Et, nous, on n'a aucun moyen de le contrevérifier parce que cette donnée-là n'existe pas chez nos membres.

M. Middlemiss: Vous n'avez pas des chiffres pour les barrages qui appartiennent aux municipalités. En d'autres mots, est-ce qu'il y a des municipalités au Québec qui ont des barrages et elles sont obligées d'en faire l'entretien, et ainsi de suite? Et est-ce que vous avez ces coûts-là?

M. Therrien (Jean): Encore une fois, à travers l'enquête qu'on a faite, on a constaté que beaucoup de municipalités n'avaient pas de plan de gestion et rarement aussi un plan de sécurité. Donc, on ne peut pas... Il y en a, surtout des gros barrages, qui sont très bien gérés. Il y a des plans de mesures de sécurité, donc il y a des coûts. Mais il aurait fallu qu'on questionne chaque municipalité de façon précise sur ces coûts-là; on ne l'a pas fait. Mais, entre les coûts actuels et les coûts à venir, c'est sûr qu'il peut y avoir une augmentation sensible parce que beaucoup de municipalités, surtout celles qui ont des petits barrages mais qui sont quand même dans la deuxième catégorie de la loi, ne font peut-être pas toutes les mesures nécessaires.

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, M. Laframboise, M. Therrien, merci beaucoup pour votre contribution aux travaux de cette commission.

Et nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 14 heures, cet après-midi, alors que nous recevrons les porte-parole de l'Association minière du Québec.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 14 h 3)

Le Président (M. Lachance): La commission des transports et de l'environnement poursuit ses travaux afin de procéder à la consultation générale sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur la sécurité des barrages. J'étais un peu distrait par les propos de mes collègues qui s'interrogeaient si nous avions la qualité et la quantité; la réponse est affirmative dans les deux cas.

Alors, j'inviterais maintenant les représentants de l'Association minière du Québec à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Je vous inviterais à bien vouloir vous identifier ainsi que les personnes qui vous accompagnent, avant de nous présenter le fruit de vos cogitations.


Association minière du Québec (AMQ)

M. Roberge (Jean): Oui. Merci, M. le Président. Alors, mon nom est Jean Roberge. Je suis, à l'Association minière du Québec, responsable de l'environnement et des affaires juridiques, et je suis accompagné de mon confrère André Lavoie, directeur des communications pour l'Association.

Il y a une remarque que je pensais faire à la fin mais je vais la faire au début, compte tenu du contexte. Si vous avez le bonheur d'avoir un site minier dans votre région, dans votre comté, je vous invite à aller le visiter et à prendre connaissance des activités minières de votre région, le cas échéant, parce que c'est intéressant de voir qu'est-ce qu'un site minier. Et parfois on a l'impression qu'on est mal connus un peu. C'est un peu le sens de mon intervention aujourd'hui, de vous faire connaître un peu mieux l'industrie minière sur l'aspect de la sécurité des barrages et des digues.

Faisant suite aux événements du Saguenay en 1996, il est devenu clair et évident qu'il fallait faire quelque chose pour la question de la sécurité des biens et des personnes, et particulièrement dans le cas des barrages de retenue des eaux. Le gouvernement, à cet égard-là, a une responsabilité fort importante. Avec célérité, une commission a examiné les divers aspects et a fait un ensemble de recommandations qui sont pertinentes et intéressantes.

Mais à notre point de vue, comme première remarque de l'Association minière, il nous semble que les lois actuelles, de régime des eaux ou Loi sur la qualité de l'environnement, sont des outils, des instruments suffisants et adéquats pour s'assurer de régler le problème de la sécurité. Probablement qu'il y a des modifications pour améliorer le mandat ou augmenter le mandat de ceux qui ont à gérer ces deux lois mais, dans un contexte de déréglementation, on s'est dit: N'allons pas créer un nouvel organisme ou une nouvelle loi qui ferait en sorte d'assumer des responsabilités qui sont déjà assez couvertes par la Loi sur le régime des eaux et la Loi sur la qualité de l'environnement. Bien sûr, je pense qu'il y a une redéfinition des rôles à revoir au sein du ministère, sans doute. Aussi, étant donné que c'est sur le terrain que ça se passe, je pense qu'il est essentiel d'impliquer les régions dans le cadre de la gestion qui découlerait de l'application de ces lois-là.

Probablement que vous le savez, mais l'industrie minière, de par sa nature, doit disposer de résidus miniers qui sont, en fait, de la roche broyée de laquelle on a extrait le minerai, la valeur économique. Ces résidus miniers sont entreposés dans ce qu'on appelle un parc de résidus miniers.

Plutôt que de procéder par diapositives, je vous ai amené le bilan environnemental de cette année qu'on vient de terminer et qui a été publié en juin; vous en avez sans doute une copie. Aux pages 5, 12 et 13, vous allez comprendre notre propos quand on mentionne que l'industrie minière a des ouvrages de retenue de solides. À la page 5, par exemple, vous voyez des travaux de recouvrement, de restauration d'un site. La hauteur est de plus de un mètre et serait concernée par la loi telle que rédigée actuellement, alors que ce sont des solides que nous gérons. Ensuite, pages 12 et 13, bien, c'est une vue avant et après.

Évidemment, les résidus miniers sont acheminés au moyen de l'eau et 40 % environ est du solide. Là, les solides se déposent dans le parc à résidus miniers qui va être restauré à la fin. Alors, ça vous donne un aperçu de ce que ça représente en réalité. Et quand on a lu le projet de loi, on s'est dit: On va être couverts si la définition demeure la même parce que nos ouvrages ont plus de un mètre de haut ou même plus de 5 m à 6 m, comme pour les barrages à haute contenance.

Aussi, il faut savoir qu'en plus de cette distinction importante où est-ce que ce sont des solides uniquement qui sont retenus, les parcs de résidus miniers sont des ouvrages, des infrastructures qui nécessitent une autorisation de la part de la Loi sur la qualité de l'environnement, à l'article 22, et aussi de la part du ministère des Ressources naturelles. Alors, il y a deux catégories d'autorisations pour l'emmagasinement de ces solides. Relié à ça, il y a un plan de restauration du site minier qui inclut évidemment la restauration des parcs de résidus miniers, ce qui fait une troisième autorisation ou contrôle administratif de la part du gouvernement sur nos parcs à résidus miniers. Et la sécurité dans ce cadre-là est visée. Par exemple, on doit tenir compte des activités sismiques sur 1 000 ans ou sur les pluies diluviennes de 1 000 ans, de façon à s'assurer une sécurité des ouvrages, qui sont des ouvrages de retenue de solides.

Les ouvrages que l'on construit au début de la mine ne sont pas des ouvrages qui sont construits d'une manière définitive parce qu'en cours de route il y a rehaussement, agrandissement, modification des parcs à résidus miniers. Ces rehaussements et ces modifications impliquent également des certificats d'autorisation où le ministère de l'Environnement a à se prononcer sur la question environnementale, mais aussi sur la sécurité de l'environnement. Alors, à notre sens – c'est ce qu'on mentionne dans notre mémoire – les parcs de résidus miniers ne devraient pas être visés pour toutes ces raisons.

(14 h 10)

Vont s'ajouter à cela les programmes de réduction de rejets industriels, une révision à tous les cinq ans. Comme pour le plan de restauration, les activités et la gestion environnementale, la gestion mine a une révision régulière par le plan de restauration, et bientôt par le programme de réduction des rejets industriels, et aussi régulièrement lorsqu'il y a des modifications au rehaussement de parcs. C'est ce qui nous fait dire qu'à notre sens obtenir une autre autorisation ou être assujettis à une nouvelle loi ou à un ensemble réglementaire nous apparaîtrait superflu.

Au-delà de la réglementation, il existe aussi, par notre organisation et notre affiliation avec l'Association minière du Canada, un guide de gestion des parcs de résidus miniers qui est réalisé et qui va être traduit en français et en espagnol, de façon à ce que toutes les entreprises minières canadiennes suivent les règles de l'art pour la gestion sécuritaire et environnementale des parcs de résidus miniers.

Pour continuer dans cette même veine, l'Association minière du Québec a mandaté un groupe parrainé par l'École polytechnique pour justement s'occuper de former notre personnel sur la gestion des rejets miniers, la stabilité et le suivi des digues. Probablement que vous en avez chacun un, c'est le dépliant qui est joint aux documents d'aujourd'hui.

Tout ceci pour vous dire qu'en matière de sécurité et de gestion des barrages l'industrie minière a tout ce qu'il faut en main pour s'en assurer. Et la grande distinction qui est importante, c'est que notre gestion est une gestion de solides. On prétend qu'on ne devrait pas être assujettis dans une gestion de liquides, ce qui impliquerait une double expertise nécessaire pour l'autorité qui aurait à le faire alors qu'actuellement, au ministère de l'Environnement et au ministère des Mines, les compétences sont là pour faire le suivi de ces parcs et digues de résidus miniers.

De façon à clarifier l'application de la loi, on propose à la page 7 une définition de l'ouvrage qui ferait en sorte que l'ouvrage visé par le projet de loi soit vraiment l'ouvrage qui doit être visé: C'est un ouvrage servant à retenir les eaux dans un cours d'eau et pour lequel une autorisation est délivrée en vertu de la Loi sur le régime des eaux. Parce que retenir les eaux, justement, dans un cours d'eau... Notre activité ne se déroule pas dans un cours d'eau et n'est pas une activité où est-ce qu'il a rétention d'un cours d'eau. Le contrôle en amont et en aval d'un parc de résidus miniers est toujours sous le contrôle de l'entreprise et il n'y a pas un apport d'eau d'un cours d'eau ou d'une rivière. On évite, évidemment, de s'installer dans une rivière ou un cours d'eau. Alors, ce n'est pas la même problématique.

Concernant la question d'un répertoire de barrages, on considère qu'il est normal d'avoir un répertoire de barrages. Il pourrait être constitué à même les autorisations et les permis qui sont émis en vertu des lois précitées: régime des eaux et qualité de l'environnement.

Concernant le pouvoir d'ordonnance pour le ministre, on parle d'ordonner une étude de sécurité ou d'ordonner également l'installation d'un équipement. À ce sujet-là, on suggère qu'il y ait une nuance qui dirait: Lorsque le ministre estime qu'il est nécessaire, pour éviter qu'il y ait des ordonnances qui soient émises dans des cas où ça ne serait pas nécessaire, et que déjà au ministère, en ayant l'obligation d'avoir un estimé de la nécessité, on ait un rapport ou une analyse de la situation avant de procéder à l'émission d'une ordonnance.

Concernant les règlements, on mentionne également qu'ils devraient être connus, pour les principaux, avant l'adoption de la loi pour s'assurer que tout le monde s'entend sur les mêmes paramètres.

Sur l'assurance. À notre point de vue, une vérification doit être faite pour s'assurer que les compagnies couvrent ce genre de problématique. Parce qu'en matière d'environnement, souvent les questions d'environnement ne sont pas couvertes ou sont partiellement couvertes par les polices d'assurance actuellement.

Sur la constitution d'une fiducie ou d'un fonds spécial pour les fermetures de barrages en cours d'eau, c'est une bonne mesure. D'ailleurs, c'est ce qu'on avait prévu. C'est ce qu'on avait suggéré il y a quelques années maintenant pour la restauration des sites miniers. C'est essentiel que chacun ait sa fiducie ou son montant d'argent – ce qu'on appelle, nous, un REER de restauration – pour responsabiliser chacun des propriétaires des barrages.

Comme conclusion générale, je vous rappelle que nous sommes tout à fait d'accord d'encadrer les barrages de retenue des eaux dans des cours d'eau. On a vu les problèmes occasionnés, mais il faut penser aussi que le maintien de niveaux d'eau à un certain niveau commode fait l'affaire de riverains et il faudra nécessairement impliquer les riverains. Comme suggestion, je préconiserais plutôt d'appliquer une telle loi par région pour se faire la main et s'habituer à gérer par bassin versant, par exemple.

Comme témoin de l'activité environnementale, je vous dirais que le Conseil régional en environnement de Saguenay serait prêt à faire ça, comme Chaudière-Appalaches aussi. Ils ont le monde et l'entendement, et la bonne coopération au sein de leur groupe qui fait qu'ils pourraient être des projets-pilotes pour gérer dans le sens que le prévoient les recommandations du rapport Nicolet et votre avant-projet, mais de façon aussi à appliquer progressivement et à d'autres régions ce mode de surveillance et de contrôle de la sécurité des barrages.

En terminant, je vous mentionne aussi qu'on a toujours compris que, de la part du ministère de l'Environnement comme de la part du ministère des Ressources naturelles, qui gère les mines, il n'était pas question d'assujettir les parcs de résidus miniers, et je tenais à vous le rappeler, parce que la définition actuelle de «barrage» couvre tout monticule de un mètre et plus, ce qui peut vouloir dire beaucoup d'ouvrages sans nécessairement avoir la nécessité de contrôle sur tous les ouvrages de un mètre et plus. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Roberge. M. le ministre.

M. Bégin: Merci, M. Roberge. J'essaie de résumer. Si j'ai bien compris votre proposition, un: Vous trouvez que les barrages en cours d'eau, ce que vise la loi, c'est très bien et vous êtes d'accord avec ça.

M. Roberge (Jean): Oui.

M. Bégin: Vous avez des craintes quant à l'applicabilité de l'article 1, au moins, qui donne le champ de l'application de la loi. Vous avez peur que ça inclut les parcs à résidus miniers.

M. Roberge (Jean): Oui.

M. Bégin: Je vous souligne cependant qu'il y a deux organismes – un qu'on a entendu ce matin, les ingénieurs-conseils, et un autre organisme qu'on n'a pas encore entendu, mais dont le mémoire est connu – qui disent qu'on devrait assujettir les parcs à résidus miniers là-dedans.

À date, notre interprétation, c'est qu'on ne visait pas, en tout cas, les parcs à résidus miniers. Cependant, je voudrais quand même vous poser une question parce que l'histoire nous a récemment donné deux cas de parcs à résidus miniers qui avaient causé des dommages importants: celui de l'Espagne et celui de la Guyane. Et dans les deux cas, c'étaient des compagnies, malheureusement, qui étaient canadiennes.

M. Roberge (Jean): Oui.

M. Bégin: Je ne suis pas un spécialiste de ces questions-là, mais vous avez dit tantôt qu'il y avait passablement d'eau avec les matériaux qui sont des résidus. Donc, on a une masse qui peut ressembler, j'imagine, à une boue assez humide. Comment doit-on gérer ou différencier les deux systèmes et est-ce qu'on a actuellement, du côté des résidus miniers, d'après votre expérience, ce qu'il faut à cet égard ou bien s'il devrait y avoir des modifications? Là, je demande à l'expert de se prononcer parce qu'on peut en avoir une mais on peut la juger aussi insatisfaisante.

M. Roberge (Jean): Bien, je ne suis pas un expert technique mais, par contre, je suis en contact régulier avec ingénieurs et techniciens qui ont à faire ça. Les cas particuliers soulèvent la problématique de la sécurité, puis je pense que tout le monde le conçoit. Quand on voit les nouvelles et les problèmes survenus, on se dit: Il faut s'assurer de la sécurité de ces ouvrages.

Les cas particuliers. En Espagne, le rapport n'est pas assez avancé pour savoir exactement les causes, tandis que dans d'autres régions ou à d'autres événements, ce qu'on a constaté, c'est beaucoup une question de gestion, c'est-à-dire gestion du barrage plus que de la construction, plus que de plans et devis et de connaissances techniques. Parce que les connaissances techniques, on est assez confiants qu'on a tout ce qu'il faut comme connaissances. Par contre, c'est sur la gestion et la façon d'opérer sur lesquelles il faut se pencher.

Essentiellement, dans nos barrages, c'est des solides essentiellement plutôt que de l'eau. Dans les cas que vous avez mentionnés, qui ont fait les manchettes, c'est beaucoup d'eau et probablement plus d'eau que par ici. Parce que, dans nos parcs à résidus miniers, la hauteur de l'eau peut être de 2 m, de 1 m, de 3 m, de 6 m ou 7 m d'eau. Par rapport à la quantité de matériel solide autour, ce n'est pas une quantité importante. L'eau est utilisée pour véhiculer les solides jusqu'au parc; après ça, l'eau est évacuée, après avoir rencontré les normes environnementales. La différence, c'est parce que c'est des solides, essentiellement. Dans les deux cas qu'on mentionne, dans le cas de Omai, c'est des experts canadiens qui sont allés justement pour expertiser le problème.

(14 h 20)

M. Bégin: Alors, vous dites: Il faut séparer les deux, les barrages en eau et les barrages de résidus miniers. La loi, d'après vous, ne serait pas assez précise à cet égard-là; il faudrait la préciser. Vous suggérez d'ailleurs une définition.

M. Roberge (Jean): Oui.

M. Bégin: Par ailleurs, vous dites que les dispositions actuelles qui gèrent les résidus miniers sont suffisantes. Est-ce que je résume bien votre pensée là-dessus?

M. Roberge (Jean): Oui, elles sont suffisantes parce que le certificat d'autorisation avec 22; autorisation avec le ministère des Ressources naturelles; plan de restauration à être approuvé par le ministère des Ressources naturelles et Environnement, qui inclut des mesures de sécurité et de stabilité des parcs, des digues et des barrages revues aux cinq ans; bientôt, programme de réduction des rejets industriels, dans mon livre à moi, le contexte administratif est en place pour s'assurer de la sécurité. S'il y a de nouveaux amendements à venir pour s'assurer de la sécurité de barrages, ils ne devraient pas viser une quatrième fois le même objet. Dans un contexte de déréglementation, il me semble que ça me paraîtrait superflu.

M. Bégin: Dans un autre ordre d'idées, vous appuyez, je pense, la constitution d'un fonds de fiducie destiné à financer la fermeture d'un barrage. Vous avez déjà une expérience à ce niveau-là dans le milieu des mines. Pourriez-vous nous en parler?

M. Roberge (Jean): Oui.

M. Bégin: Parce que généralement on ne parle pas de ce qui est déjà existant, puisque les gens parlent des barrages d'eau, mais dans ce cas-ci vous avez une expérience pertinente. Pourriez-vous nous en parler, s'il vous plaît?

M. Roberge (Jean): Oui. Ce sujet-là, pour faire une image, on le compare à un REER de retraite. On a toujours préconisé que les entreprises ayant à restaurer, comme nous, des sites devraient avoir un REER de retraite, de façon à avoir les sous pour restaurer. Parce que, c'est beau, avoir un plan et des plans approuvés, etc., pour faire une restauration, mais il faut avoir les sous pour le faire. Alors, dès le début, on a préconisé ce REER comparativement à un «superfund» comme on a aux États-Unis, parce que si chacun individualise sa responsabilité avec son propre fonds, il va faire plus attention pour ne pas avoir un fonds très élevé.

Si, par exemple, je gère mal mon parc de résidus miniers et que les coûts augmentent parce que je le gère mal, je ne me rends pas service; alors que si c'est mon argent que je mets dans un compte en fiducie, je vais avoir intérêt à le diminuer et à bien gérer mon environnement, ce qui fait que l'impact en coûts environnementaux à la fin va être moins élevé. Alors, on trouvait que c'était une mesure de responsabilisation pour chacun, plutôt que de donner des sous à un superfonds qui, lui, va restaurer éventuellement et on ne sait pas comment.

M. Bégin: Est-ce qu'à date votre expérience indique que c'est raisonnablement coûteux ou si c'est très élevé? Comment ça se vit au niveau de chacune des entreprises?

M. Roberge (Jean): Pour la restauration des sites, on tient à ce que le coût estimé soit le coût réel. Par exemple, on évalue à 400 000 000 $ le coût total de la restauration des sites miniers, et on tient à ce que le fonds de restauration représente un coût réel, avec la nuance suivante: actuellement, la réglementation prévoit 70 % du coût réel. Mais ceci, c'est une mesure pour encourager la restauration progressive, parce que, si on mettait 100 % du coût réel, on attendrait, il n'y aurait pas un intérêt, un incitatif. En mettant 70 %, le 30 %, un peu théoriquement, mais en pratique, se traduit par des travaux de restauration progressive, ce qui fait qu'on encourage les travaux en cours de route, en cours de vie de la mine.

M. Bégin: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Merci. M. Roberge, j'aimerais revenir un peu sur le fonds que vous avez déjà instauré. Ce fonds-là, il est administré par qui et vous cotisez comment? Il y a une évaluation qui est faite? J'aimerais ça que vous expliquiez, développiez un peu.

M. Roberge (Jean): Par coeur, je n'ai pas toutes les formules, il y a sept formules. Il y a, par exemple, envoyer un chèque au ministre des Finances, qu'il va gérer comme tout autre cautionnement donné au ministre des Finances; et il va y avoir possibilité de déposer des obligations d'épargne du gouvernement ou d'un gouvernement municipal auprès du ministre des Finances avec les règles de l'administration financière; il y a la constitution d'une fiducie, ce qui semble être le plus populaire, de constituer une fiducie où est-ce que le ministre peut aller prendre des sous si l'entreprise ferme, disparaît ou n'assume pas ses responsabilités. Alors, c'est ce fonds-là surtout qui est utilisé.

Il y en a d'autres qui sont comme un cautionnement de compagnie d'assurances du même type que le cautionnement pour sable et gravier, par exemple. Mais les compagnies d'assurances ne sont pas très entichées de ça parce qu'elles n'ont pas une expertise du passé, mais ça va venir que ça va être plus utilisé. Pour des petits cas, ça va être utilisé.

Actuellement, c'est principalement la fiducie qui est utilisée, c'est-à-dire un contrat avec, je ne sais pas, moi, une compagnie fiduciaire disant que ces sous-là sont mis de côté en vue de la restauration prévue au plan x approuvé par le ministère, etc. Puis là, bien, il y a comme une clé qui fait que les argents ne peuvent pas être retirés sans l'autorisation du ministère. Alors, l'intérêt de ça, c'est justement, comme je le disais tout à l'heure, de responsabiliser chacun. Et si on restaure progressivement et si on fait attention à nos choses, au lieu d'avoir 10 000 000 $ à rencontrer, bien, ça va peut-être être 7 000 000 $, 8 000 000 $, 5 000 000 $. Alors ça vaut la peine. C'est une façon qui est aussi utilisée dans les autres provinces au Canada. Et le mouvement a débuté en 1986 et s'est répandu, puis un peu tout le monde, à peu près au même moment, a adopté le même genre de mesures de fonds de restauration.

M. Whissell: O.K. Parmi vos membres, combien de vos membres ont des barrages en eau? Et avez-vous la quantité aussi de barrages de résidus qu'on retrouve au Québec?

M. Roberge (Jean): Bien, moi, c'est tous des parcs de résidus solides; des barrages en eau, ils n'en ont pas.

M. Whissell: Parmi vos membres, aucun membre n'a un barrage hydroélectrique ou des choses comme ça?

M. Roberge (Jean): Hydroélectrique, non. Puis je vais m'expliquer un petit peu plus parce que tout dépend ce qu'on veut dire par barrage en eau. C'est qu'il y a le parc de résidus miniers, qui est d'une certaine grandeur, qui recueille tous les résidus miniers; quant à moi, c'est des solides. Mais par après il y a des bassins de décantation de beaucoup plus petites dimensions, quelques mètres de haut; c'est plus petit. Mais là, si vous assimilez ça à des barrages, ce n'est pas la même chose; mais ils ne sont pas en eau ni en cours d'eau, ni pour l'hydroélectricité ni pour l'hydraulique de l'eau. C'est comme une lagune de municipalité qui traite ses eaux et qui fait aller ses eaux dans une lagune, le temps que les matières solides se déposent au fond, et qu'elle fasse le traitement. Alors, c'est uniquement ça. On n'a pas de barrage comme les pâtes et papiers qui auraient des barrages en eau pour l'hydroélectricité.

M. Whissell: Mais au niveau de ces barrages-là qui retiennent l'eau dans le fond, qui est récupérée une fois que les sédiments sont déposés, est-ce qu'il peut y avoir quand même des produits toxiques à l'intérieur? Est-ce que c'est dangereux, si un de ces barrages-là cède, un peu comme on a vécu en Amérique centrale?

M. Roberge (Jean): Comme à Omai, par exemple?

M. Whissell: Pardon?

M. Roberge (Jean): Comme à Omai?

M. Whissell: Oui.

M. Roberge (Jean): Oui, évidemment. L'eau qui sort d'une usine, qui contient des cyanures, par exemple – parce qu'on n'a pas une technique différente – bien, évidemment, si cette eau-là s'en va dans la nature, ça va être toxique pour l'environnement. C'est certain, oui.

M. Whissell: Puis, ces barrages-là, il y a toujours le même mécanisme qui est fait avec le ministère de l'Environnement qui vient visiter.

M. Roberge (Jean): Oui.

M. Whissell: Ils viennent visiter sur une base de...

M. Roberge (Jean): Deux fois par année.

M. Whissell: Deux fois par année.

M. Roberge (Jean): Oui. Mais là, évidemment, je pense, il y a peut-être un message à passer, de dire: Regardez aussi cet aspect-là. Je ne peux pas vous dire qu'ils vont regarder le parc. Ils vont le regarder s'il y a quelque chose à regarder. Il y a quelques occasions où le parc de résidus miniers est examiné: c'est lorsqu'il y a une demande de modification pour rehausser, modifier ou changer quelque chose; il y a aussi lors de la visite régulière de l'inspecteur qui vient – à ce qu'on m'a dit, il y a un programme, deux fois l'an – faire une visite. Est-ce qu'il reste dans le bureau ou est-ce qu'il va à l'extérieur, qu'il fait le tour? Là, je ne peux pas vous le dire mais, d'après moi, il fait un tour des principaux éléments. Et si on lui fait le message d'aller aussi visiter, s'assurer de la stabilité des digues et barrages, bien il va le faire, je pense. Ce serait bien qu'il le fasse.

M. Whissell: Alors, si je comprends bien votre position, aujourd'hui, vous nous dites: N'incluez pas les résidus miniers, les barrages de résidus miniers, mais peut-être qu'il y aurait lieu, dans la législation actuelle, si vous voulez améliorer la sécurité du public, d'aller peut-être renforcer ce qui est déjà existant. C'est ça?

M. Roberge (Jean): Oui. C'est ça, c'est tout à fait ça. Parce qu'on a, d'un point de vue législatif, réglementaire, des outils en place. Alors, utilisons-les. Ne pas dédoubler à nouveau, c'est tout simplement ça.

Le Président (M. Lachance): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions de la part des parlementaires? M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: À la page 5 de votre mémoire, vous parlez de la hauteur de un mètre. Un mètre, d'après vous, c'est beaucoup trop bas, il faudrait le réévaluer à la hausse. Jusqu'où? Vous ne parlez pas de la distance, de la hauteur qu'il faudrait le réévaluer. «C'est-u» 1,5, 2, 3? Avez-vous une hauteur à laquelle vous avez arrêté votre étude, vos recherches, votre expertise?

(14 h 30)

M. Roberge (Jean): Bien, mon expertise, c'est l'expérience du temps. Mais quand on voit beaucoup d'ouvrages qui ont un mètre et des fois, 2 m, ce n'est pas des gros bassins. On ne peut pas faire un gros bassin avec un talus de un mètre ou 2 m. Ce ne sera pas beaucoup d'eau. Ce ne sera pas une dynamique importante. Mais si c'était à partir de 3 m ou de 4 m, ça commence à être un peu plus d'eau. Alors, il me semble que je partirais à 3 m plutôt qu'à un mètre. Trois mètres, c'est déjà 10 pieds. On peut assumer qu'il va y avoir pas mal d'eau, si on accumule des eaux.

Parce que, pour un bassin d'un mètre, il y a des lacs artificiels, il y a des lagunes pour des eaux de traitement de municipalités qui ont autour de un mètre. Les assujettir, est-ce que c'est vraiment l'objet de la loi? Est-ce qu'il y a vraiment un problème, une problématique pour ça? Ça m'étonnerait un peu.

M. Désilets: Mais il est tout le temps relié avec des débits.

M. Roberge (Jean): Des débits. Comme la loi prévoit, par exemple, 1 000 000 m³. Oui, il peut y avoir une circonstance géographique où le milieu, avec juste un mètre, va retenir 1 000 000 m³. Mais est-ce qu'on va adopter une loi pour ça? Je pense qu'on devrait plutôt utiliser l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement ou la Loi sur le régime des eaux pour régler ce cas-là plutôt que d'avoir une loi qui va s'appliquer mur à mur, sans distinction. On devrait, il me semble, utiliser les pouvoirs généraux d'exception, ou les pouvoirs particuliers de l'article 22 pour autoriser, ou les articles – il me semble que c'est 25, autour de ça – dans la Loi sur la qualité de l'environnement pour ordonner l'installation d'équipement, de mesures, etc., un sismographe, peut-être, ou un appareil pour détecter les mouvements de sol, de terrain, même s'ils ne sont pas nécessairement pour les tremblements de terre. Mais quand il y a un déplacement d'une digue, il y a moyen de mettre des appareils, une instrumentation pour les détecter. Et le ministre pourra utiliser – je ne sais pas si c'est 25, il me semble que c'est autour de ça – un pouvoir d'ordonnance pour installer un équipement plutôt que d'avoir tout le système de plans et devis, etc.

M. Désilets: Très bien. Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Bégin: Oui. Une question qui vient de ce que vient de poser mon collègue: 1 000 000 m³ d'eau, c'est quand même, je pense, une assez bonne quantité d'eau.

M. Roberge (Jean): Oui, oui.

M. Bégin: Il y a, au Québec, un peu plus de 100 barrages entre un et deux mètres qui ont 1 000 000 m³ d'eau derrière eux.

M. Roberge (Jean): Ah! Je suis content de le savoir.

M. Bégin: C'est quand même une assez grosse quantité de barrages.

M. Roberge (Jean): Oui. C'est beaucoup. Mais, si, avec un mètre de hauteur on peut accumuler 1 000 000 m³, je pense que la topographie doit être assez plane, ça ne doit pas être une topographie assez...

M. Bégin: Là, je vous donne les statistiques, mais pas le dessin de l'ouvrage. Ha, ha, ha!

M. Roberge (Jean): Non, mais je suis content de le savoir. C'est beaucoup de barrages et c'est beaucoup d'eau aussi.

M. Bégin: Oui, c'est beaucoup d'eau.

M. Roberge (Jean): Il faut être prudent parce que de l'eau, c'est fort.

M. Bégin: C'est puissant. On l'a vu.

M. Roberge (Jean): Bon. Les expériences nous ont démontré que, oui, vraiment, il faut être prudent.

M. Bégin: Merci beaucoup.

M. Roberge (Jean): Bienvenue.

Le Président (M. Lachance): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Alors, je remercie M. Roberge et M. Lavoie pour leur participation aux travaux de cette commission.

Des voix: Merci. Au revoir.

Le Président (M. Lachance): J'invite les représentants du prochain groupe que nous entendrons, soit l'Association canadienne des ressources hydriques – branche Québec, à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

M. Bégin: M. le Président, est-ce que je peux demander une suspension de deux minutes?

Le Président (M. Lachance): Nous allons suspendre cinq minutes.

(Suspension de la séance à 14 h 34)

(Reprise à 14 h 41)

Le Président (M. Lachance): Nous reprenons la consultation générale sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur la sécurité des barrages. Et nous allons entendre maintenant les représentants de l'Association canadienne des ressources hydriques – branche Québec, à qui je demanderais de bien vouloir s'identifier avant de nous présenter leur mémoire.


Association canadienne des ressources hydriques – branche Québec

M. Fau (Jean-Pierre): Oui. Bonjour. Jean-Pierre Fau, directeur de la branche Québec, et Ralph Silver, mon collègue, directeur aussi et secrétaire-trésorier.

Comme nous l'avions mis en préliminaire de notre mémoire, l'Association canadienne des ressources hydriques est une association qui est formée de professionnels travaillant dans le domaine de l'eau. Il y a des ingénieurs, des biologistes, des avocats. Et elle a pour but de promouvoir une gestion efficiente de la ressource à travers le Canada. Son implantation est très forte dans la partie Ouest du pays et la partie centrale. Et son implication est très forte aussi, dans ce coin-là, dans les problèmes transfrontaliers et les problèmes de grands développements d'aménagements hydrauliques.

Je présume que la lecture de notre mémoire est assez claire. Nous voudrions reprendre certains points qui ont fait l'objet d'une réflexion de nos membres et de nous-mêmes. Le premier point, c'est vraiment l'objet de la loi. Donc, si le gouvernement du Québec considère qu'il faut assurer la sécurité des barrages, en réalité, nous croyons que son arrière-pensée, c'est d'assurer la sécurité des personnes et des biens qui sont situés en aval, voire même en amont de ces barrages.

La portée de la loi devra donc s'intéresser tant à ce qu'on appellerait une vision statique, c'est-à-dire assurer la sécurité physique des ouvrages, et je pense que, dans l'avant-projet, actuellement, c'est assez bien couvert et c'est la partie dans laquelle les ingénieurs excellent, c'est-à-dire la conception, les plans et devis, les suivis durant l'exploitation, mais je parle encore des suivis physiques: état des ouvrages, dégradation, etc.

Mais la partie qui est la plus délicate, c'est celle qui est la vision dynamique, c'est-à-dire la gestion des ouvrages ou l'exploitation. À ce titre, vous avez bien souligné dans le mémoire le rôle du propriétaire ou du propriétaire-exploitant, pensant que les deux sont confondus, ce qui traditionnellement était le cas. Mais, dans la dérégulation des marchés actuels, on voit que de plus en plus ça va être dissocié. Donc, nous avions souligné un point à ce titre, qu'il faut être sûr que l'exploitant, quand il sera un concessionnaire, ait bien les responsabilités et ait bien la compréhension de l'ouvrage qu'il va lui-même exploiter et qu'il est contractuellement lié vis-à-vis du propriétaire.

Dans l'application de la loi ou la portée que vous voulez lui donner, vous avez, pour l'instant, exclu certains ouvrages, c'est-à-dire les stériles miniers et ce qu'on pourrait appeler tous les ouvrages municipaux dits de traitement d'eau, lagunes, etc. Cette exclusion ne nous paraît pas vraiment souhaitable parce qu'il y a des risques importants à ces ouvrages-là et, des fois, ils sont aussi gros que les barrages eux-mêmes.

Je pourrais citer comme exemple, dans les gros bassins de lagunes, les lagunes de Drummondville, par exemple, qui sont vraiment des ouvrages très importants, et souvent, en plus de l'eau, ils contiennent des éléments toxiques qui peuvent créer d'autres risques. Tout à l'heure, on a cité des exemples récents de catastrophes à travers le monde, et c'est ce type d'ouvrages qui crée des problèmes et non plus les grands barrages d'eau. Il faut aussi souligner, du point de vue technique que, quand on a, ce qu'on peut appeler, une soupe à l'intérieur d'un barrage, du point de vue vitesse de propagation, ça se propage plus vite que l'eau elle-même, donc le risque est encore accéléré.

Le point qui est le plus délicat dans la gestion de l'exploitation, c'est quels mécanismes vous allez prévoir pour appliquer la loi dans ce qu'on a appelé les cas à fins multiples ou les ouvrages qui sont disposés sur une même rivière ou un même bassin et qui appartiennent à des propriétaires multiples. Par exemple, on s'est posé la question. Un propriétaire X qui considère que son ouvrage n'est pas sécuritaire et qui prend les devants pour l'améliorer et qui ne tiendrait pas compte des autres propriétaires en aval ou en amont, pourrait accentuer le risque.

L'autre question, c'est évidemment le cas qu'on voit bien avec le lac Kénogami: Comment arriver à une gestion concertée, dans un même réservoir, qui satisfasse tout le monde et qu'il y ait donc des marges pour le risque des grandes crues et qu'il y ait une exploitation courante satisfaisante? Donc, nous pensons que cette partie de la loi devrait être améliorée et qu'il y a encore matière à réflexion pour vraiment atteindre l'objectif final, comme je le disais, qui assurerait la sécurité des personnes et des biens.

Un point qui ne fait pas vraiment partie de la loi, mais qui intéresse tout le monde, c'est le calendrier de mise en oeuvre de la loi lorsqu'elle sera votée. C'est sûr que, d'un point de vue économique et d'un point de vue réaliste, on ne peut pas tout faire en cinq ans, mais il faudrait quand même se donner un objectif peut-être de 10 ans pour remettre tout notre parc à neuf. Voilà les points principaux que nous voulions évoquer. Je vais laisser la parole à M. Silver pour parler d'un autre point qui est la gestion des grands systèmes hydriques.

M. Silver (Ralph): Je pense que trop souvent, on a tendance à simplifier le problème de sécurité des barrages et on le voit sur un aspect physique, à savoir: Est-ce qu'il y a un risque de rupture du barrage? Est-ce qu'il y a risque de débordement? Et ça constitue souvent des sources d'inquiétudes majeures. Mais il y a une multitude d'autres situations qui méritent une attention aussi grande, car on sait très bien que l'exploitation de nos barrages en temps réel pour les événements qui ne conduisent pas nécessairement à une rupture et ne conduisent pas nécessairement à un débordement peut être la source de problèmes majeurs. Nous n'avons qu'à regarder les événements de 1996 au Saguenay pour constater la vérité de ce que je viens de dire. Dans le cas du lac Kénogami, on sait très bien qu'il y a eu un petit léger débordement. En réalité, il n'y avait pas rupture de barrage, mais il y avait des dommages très sérieux.

(14 h 50)

Associée à cette question d'exploitation, il y a également la façon dont on voit les cibles, à savoir: Est-ce que c'est un barrage qui appartient à quelqu'un, un barrage qui a été exploité par quelqu'un ou est-ce que c'est un barrage qui fait partie d'un système hydrique global qui est composé de nombreux barrages, de nombreux ouvrages et qui sont là pour de multiples raisons, que ce soit récréation, production hydroélectrique ou contrôle des inondations?

Alors, notre Association travaille d'une façon globale. Nous regardons un système hydrique comme surtout un bassin hydrique également. Et, lorsqu'on doit se pencher sur la question de la sécurité des barrages, à mon avis, il faut la regarder comme un élément dans un problème beaucoup plus grand, beaucoup plus vaste et beaucoup plus complexe, car on touche justement les relations entre des citoyens qui ont des objectifs distincts, entre des exploitants qui ont également parfois des objectifs distincts et très souvent contradictoires.

De plus en plus, la science de la gestion optimale et sécuritaire avance. Et cette science – on peut l'appeler une science, parce que je pense que c'est une science – touche à un paquet d'éléments. Elle touche les questions de cueillette de l'information sur les effets météorologiques, sur le côté de l'origine d'un problème potentiel qui conduirait à un risque de mettre en danger ou à un manque de sécurité d'un barrage ou d'un système hydrique. Alors, lorsqu'on regarde cet aspect qu'il y a de s'assurer qu'on voit le problème de façon globale...

Permettez-moi de citer une petite partie du mémoire qui, possiblement, vous a déjà été déposé par Alcan ou, sinon, vous sera très bien déposé, dans lequel Alcan suggère que, en fin de compte, on considère qu'on fait la gestion d'un système hydrique comme étant un point très significatif et très important dans cette question de la sécurité des barrages. J'endosse, et je pense que les autres membres de notre Association endossent également cette réalité-là.

Alors, j'encourage fortement ceux qui sont en train d'examiner le projet de loi et ceux qui sont en train éventuellement d'identifier des réglementations pour son application à reconnaître cette réalité, que nous avons affaire à des systèmes hydriques ou à des bassins hydrographiques qui sont composés de différents éléments, de différents barrages et que chacun de ces éléments des barrages sont là pour des raisons diverses. Et d'une façon quelconque, à notre avis, la Loi sur la sécurité des barrages devrait convenablement reconnaître cette réalité-là et être encadrée par un ensemble de lois qui vont faire s'harmoniser les actions que chaque exploitant peut prendre, les façons de concevoir, les façons de corriger les situations, afin que le but final, ce soit une sécurité au niveau des citoyens, au niveau des ouvrages, et qu'il soit compatible avec les objectifs socioéconomiques, environnementaux et autres, que la société désire appliquer pour l'ensemble de nos bassins hydriques, et que tout effort qui est dirigé vers l'exclusion d'un ouvrage, ou d'un utilisateur, ou d'un cours d'eau, ou d'un barrage, etc., que toute intervention de cette nature-là doit être examinée soigneusement, en disant: Ça «a-tu» du bon sens de l'exclure, lorsqu'on regarde la situation globale?

Et, s'il faut faire une harmonisation entre différentes lois, soit environnementales, sécurité des barrages, droits d'exploitation des forces hydriques et autres, je pense que c'est le moment de le faire. Notre Association a participé, lorsque le gouvernement du Québec nous a donné l'opportunité de donner notre avis sur la question de l'étude sur la gestion de l'eau. Et nous avons à plusieurs reprises, dans ces séances-là, il y a quelque temps, exprimé des opinions semblables. Alors, merci beaucoup pour votre attention. Ça me fera plaisir d'élaborer sur ces points-là et de vous donner d'autres avis.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre.

M. Bégin: Merci, M. Fau et M. Silver. Par votre intervention, M. Silver, vous avez devancé la question que je voulais vous poser. Parce que j'avais encerclé ça, ici, la phrase qui était un résumé: «Il faudra améliorer la gestion du risque par des outils de prévision en temps réel plutôt que par un surinvestissement au niveau des structures.» On parlait aussi des comités de bassin ou des agences de bassin, selon les terminologies. Alors, je vais m'abstenir, vous avez déjà suffisamment élaboré là-dessus.

Vous avez cependant dit dans votre mémoire, à la page 4, que la définition de hauteur et de volume d'eau de retenue devrait être clarifiée et de laisser place au jugement de l'ingénieur dans l'interprétation de cette hauteur-là, alors que le projet de loi vise plutôt à donner une définition précise, je pense, de ce que c'est que la hauteur. Pourquoi dites-vous qu'on devrait laisser à l'ingénieur le soin de déterminer ce qu'est cette hauteur-là? Est-ce qu'on ne ferait pas, à ce moment-là, créer des chicanes d'interprétation entre la hauteur de tel barrage selon la loi ou encore selon tel ou tel ingénieur? Est-ce que vous ne trouvez pas qu'on ouvre de l'imprécision dans la loi plutôt que d'en enlever?

M. Fau (Jean-Pierre): Peut-être. Je peux tenter de répondre, je veux dire, à ce qu'il y avait comme pensée derrière cette phrase. Normalement, si on met le cas simple où on a une fondation rocheuse en dessous du barrage, la hauteur à considérer, c'est la hauteur à partir du roc. Si on n'a pas une fondation rocheuse, là, qui juge quelle est la fondation saine, ce qu'on appelle la fondation saine du barrage, celle à partir de laquelle il n'y a plus de risque que ça s'effoire? C'est un peu pour cela, parce qu'il y a quand même... La notion de définition de fondation saine, c'est plus l'ingénieur ou le géotechnicien ou le géologue qui habituellement la précise en fonction des forages et autres.

M. Silver (Ralph): Je pense que je peux rajouter qu'il y aurait place à établir des guides d'interprétation assez rigides pour aider l'ingénieur à poser ce jugement-là pour qu'il y ait une consistance quand même.

M. Fau (Jean-Pierre): Oui, oui.

M. Silver (Ralph): Je pense que c'est essentiel.

M. Bégin: L'article 35, paragraphe 1°, dit que, par règlement, on va déterminer de quelle manière déterminer cette hauteur-là. Donc, il y aura des critères pour que tout ingénieur, quel qu'il soit, sache exactement de quelle façon il doit la mesurer et que deux ingénieurs arrivent toujours au même résultat parce qu'ils auront des critères suffisamment clairs. Sinon, on risque de tomber dans l'imprécision la plus totale. Est-ce que l'assise est comprise? Vous avez soulevé un bon point. Est-ce qu'on est sur du solide ou du semi-solide ou pas du tout, ainsi de suite? Alors, là, on tombe un peu dans l'arbitraire.

M. Silver (Ralph): Il y aurait peut-être un peu de travail de concertation, au moment de formuler le règlement, pour qu'il y ait effectivement un consensus qui est vivable comme tel tout en laissant un petit peu de place peut-être...

M. Bégin: J'en profite pour dire d'ailleurs qu'au moment où on a déposé l'avant-projet de loi la réglementation n'était pas prête. Quand on en arrivera au projet de loi, j'espère être capable de déposer au même moment que le projet de loi les règlements. Peut-être ne seront-ils pas sous une forme absolument juridique, mais on aura suffisamment de précisions pour être capable de discuter de leur orientation et de régler le problème comme ça. Je pense qu'alors on pourra éviter de penser que ça va être, ça devrait être ou c'est ça. On aura le texte devant nous. Pardon?

M. Bissonnet: J'espère que vous allez être encore là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Ah! bien, nous, on en est bien sûrs. On en est bien sûrs. Moi, je confirme auprès de ces gens qu'au moment du dépôt du projet de loi on sera là. Pourquoi? Est-ce qu'il a un doute?

M. Gagnon: ...espère qu'on sera encore là. Ses espoirs ne seront pas déçus.

M. Bégin: C'est les leurs.

Des voix: Ha, ha, ha!

(15 heures)

M. Bégin: Non, non, nous, on n'a pas d'inquiétudes là-dessus, on est bien confiants qu'on va être ici pour le projet de loi et les règlements. D'ailleurs, j'ai passé mes commandes tout de suite aux gens pour être certain que ça soit bien fait.

Deuxièmement, on a eu, depuis... Excusez, je profite de cette intervention-là pour peut-être remettre aux membres de la commission, en le déposant auprès de la commission, un document qu'on a intitulé Résultats préliminaires de l'inventaire 1998: nombre de barrages assujettis selon les divers critères d'assujettissement proposés dans les mémoires . Alors, c'est un document qui nous aidera à mieux comprendre, à mieux voir. Il faut le voir comme étant préliminaire, ce n'est vraiment pas le document final. On l'aura au mois de décembre, et je le déposerai quand on sera à la commission, n'est-ce pas. Alors, je vais le remettre. Alors, c'est un document préliminaire.

Le Président (M. Lachance): Alors, j'en autorise le dépôt.

M. Bégin: Merci, M. le Président.

Une voix: Dès notre retour.

M. Bégin: Oui, dès notre retour. Alors, voilà. Merci.

M. Fau (Jean-Pierre): Puis-je poser une question?

Le Président (M. Lachance): Oui, allez-y, M. Fau.

M. Fau (Jean-Pierre): Pour nous, il est bien évident qu'il y a le projet de loi ou l'avant-projet de loi. Comme document annexe, il y a une réglementation qui va venir, qui, comme toute réglementation, s'affinera avec l'expérience. Et il y a aussi ce qu'on disait un peu qui pourrait traduire la volonté du gouvernement, c'est-à-dire le délai qu'il s'impose pour la mise en oeuvre de tout ce système législatif et qui, pour nous, vise une rénovation du parc d'ouvrages.

M. Bégin: Vous avez raison de dire qu'il faudra connaître un peu le plan d'action, parce que ça ne se fera pas sur une année.

M. Fau (Jean-Pierre): Non. Ça, on...

M. Bégin: Les trois premières années seront une évaluation des risques représentés. Et, deuxièmement, il y aura, environ sur une période de 10 ans, l'échéancier pour la réalisation des ouvrages, selon le danger, la dangerosité qu'on rencontrera dans différents ouvrages, en allant vers les moins dangereux, et même à la fin seulement, pour peaufiner le travail. Donc, on sera en mesure de fournir des délais assez précis, mais on a quand même un échéancier qui s'échelonnera sur une dizaine d'années au total, ce qui fait que – j'aurais peut-être pu le dire ce matin, lorsque l'Union des municipalités du Québec était ici présente – les craintes de devoir débourser rapidement des sommes faramineuses sont très éloignées, puisqu'on sait déjà qu'on a trois ans pour regarder les choses venir. Donc, on peut commencer à faire des placements, si on a des craintes relativement aux ouvrages dont on est propriétaire et, par la suite, prévoir un certain nombre d'années avant que les ouvrages ne soient réalisés, donc peut-être un horizon minimum de cinq ans pour planifier des investissements relativement importants, s'il y a lieu.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: Merci. Bonjour, messieurs. Tout d'abord, je dois vous avouer que j'aime bien votre présentation parce qu'elle nous rappelle que la gestion des barrages, ce n'est pas seulement s'occuper de maintenir des équipements, des structures en état, mais aussi la gestion de l'eau qu'il y a en amont. Souvent, on l'oublie, ça, dans nos travaux, et je dois vous avouer que ça a été un bon rappel.

Ça m'amène à ma question. Vous avez fait mention de la gestion en cascade. Est-ce que vous vous êtes penchés sur la problématique? Et avez-vous des recommandations à nous faire peut-être de façon plus formelle?

M. Silver (Ralph): Mais, ça, c'est exactement un point très significatif dans l'intervention que j'ai faite tout à l'heure, c'est la question des barrages en cascade ou des barrages même en parallèle sur le même cours d'eau. À mon avis, il faut d'abord reconnaître que ces barrages font partie d'un système hydrique, qu'ils font partie d'un bassin. Et, à ce moment-là, on peut retourner un petit peu à la commission Nicolet comme un point de référence, pour se rappeler de certaines réflexions d'autres personnes concernant cette question de la gestion des barrages en cascade. Et on constate toujours que leur recommandation, c'est qu'on ne peut pas traiter simplement un barrage comme tel et dire: O.K., on va réglementer pour le propriétaire de ce barrage-là et on va espérer que, lui, il va faire en sorte que sa gestion, sa conception soit compatible avec ceux qui sont en amont et ceux qui sont en aval.

Alors, il y a sûrement plusieurs formules possibles pour y arriver, à cette coordination et cette harmonisation. Le comité de bassin, peut-être, est un bon point de départ pour identifier les enjeux, pour identifier quels sont les objectifs de chacun des citoyens ou de chacun des exploitants.

Une autre possibilité, c'est effectivement un agent de bassin, qu'il ait non pas seulement le droit, mais qu'il ait également la responsabilité de s'assurer que le bassin hydrique en question est bien conçu et qu'il y a une compatibilité entre chacun des aménagements et également qu'il est exploité de façon à répondre aux objectifs qui avaient été retenus. Maintenant, je vois difficilement...

Je vais ouvrir une petite parenthèse. J'ai déjà exploité des ressources hydriques. J'ai été exploitant à l'Alcan pendant une quinzaine d'années et j'ai, à ce moment-là, eu l'opportunité d'exploiter justement un système hydrique en cascade, le réservoir lac Manouane, Passes-Dangereuses, tous les barrages sur la Péribonka, le lac Saint-Jean et les centrales sur la rivière Saguenay. Et puis, j'étais peut-être chanceux lorsque j'avais cette responsabilité parce que, à ce moment-là, je pouvais voir la gestion d'une façon globale. Mais je verrais assez difficilement la question de tenter de gérer chacun de ces éléments-là individuellement sans avoir un excellent mode de coordination. L'Alcan en question a développé des méthodologies pour évaluer le comportement de ces barrages-là et pour prendre des décisions en fonction du fonctionnement total de ces barrages-là.

Et je pense qu'on a d'autres bons exemples. Le bassin de l'Outaouais est régularisé d'une façon coordonnée, le système du fleuve Saint-Laurent, également. Et, lorsqu'on se permet le moindrement d'embarquer sur les questions de nos cours d'eau qui touchent deux provinces ou la province de Québec et les États-Unis ou avec les provinces voisines, on arrive encore toujours à cette question-là, il faut voir tout ça d'une façon globale.

Alors, pour répondre à ta question, comment je vois la gestion des barrages en cascades, moi, je la vois sous une autorité claire, précise au niveau du bassin, qui a le pouvoir et la responsabilité et les outils, le consensus législatif et le consensus économique pour être capable de gérer ces barrages, pas comme plusieurs barrages mais comme un ensemble. Est-ce que ça répond à votre question?

M. Whissell: Oui. Mais ça m'amène peut-être à mon autre question, justement, l'organisme que vous... Je pense que tout le monde est d'accord ici pour dire que ça va prendre un organisme pour approuver ces différents programmes. Vous, vous dites: Ça prendrait peut-être un organisme d'arbitrage. Hydro-Québec, eux, ils avaient une autre vision – je ne sais pas si vous étiez là ce matin. Comment voyez-vous ça? Parce que je ne pense pas que vous soyez d'accord pour que ce soit le ministre qui fasse le lien entre l'application et le ministère. Avez-vous une proposition à nous faire?

M. Silver (Ralph): Encore, sur ça, je pense que la situation est complexe, dans le sens qu'il y a des aspects légaux, il y a des aspects monétaires, il y a la question de la juridiction et il y a également les aspects techniques. Alors, je ne suis pas un juriste, je ne suis pas un spécialiste non plus en affaires corporatives et je peux plutôt parler en tant qu'ingénieur ou comme exploitant, etc.

C'est évident que ça va demander une recherche pour savoir quelle formule est la meilleure. Mais toute formule qui inclut les exclusions – c'est un jeu de mots – comme telles, à mon avis, risquerait de conduire à des problèmes. Autrement dit, si pour une raison ou une autre on exclut les barrages qui appartiennent à M. X, Y ou Z parce que, lui, il dit: Ah! mais, moi, je n'ai pas de problèmes, je sais exactement quoi faire, bien, à ce moment-là, comment est-ce qu'on va s'arranger avec les autres qui ne sont pas en position de le faire? Et qui va s'occuper de la coordination de ça?

(15 h 10)

Également, et il y a d'autres personnes qui l'ont soulevé, dans la situation où le gouvernement du Québec est propriétaire et exploitant de certains barrages et en même temps il a une vocation et une responsabilité d'établir les lois, alors, c'est potentiellement, là encore, une autre place où il faudrait trouver le mécanisme pour qu'on ne soit pas obligé de se juger soi-même. Et je pense que c'est là qu'à la commission Nicolet il y avait souvent la suggestion d'un organisme autonome avec une autorité, un pouvoir, puis une compétence, puis un budget, puis les ressources humaines et scientifiques pour être capable de faire ce travail-là.

Mais, comme j'ai dit, j'insiste pour dire que je ne suis pas un juriste, que je ne suis pas un législateur, de ce côté-là, alors, je ne peux pas vous dire la structure administrative comme telle. Mais, fonctionnellement, je crois énormément en une action, en une harmonisation et de voir toujours, toujours, toujours, le problème global, global, global. Jean-Pierre est-ce que tu voudrais ajouter...

M. Fau (Jean-Pierre): Oui, je peux peut-être ajouter deux choses qui sont vraiment notre expérience actuelle ou nos connaissances. M. Silver a cité deux cas où il semble que ça fonctionne bien – je ne peux pas le jurer – la commission mixte du Saint-Laurent, qui est un organisme de gestion et de concertation, puis celle de l'Outaouais.

Nous, avec l'Association, si ça intéresse le gouvernement, on peut avoir accès à tout notre réseau de gens et voir des exemples plus précis dans l'Ouest, où il y a des cas similaires, qui nous donnent l'état de la question: comment ça marche, les organismes, et quel est vraiment le vécu, si ça tourne bien, les organisations qui sont faites dans les Prairies ou... À quoi je pourrais penser, là? Il y a des travaux intéressants aussi qui se font en ce moment, après la crue du Manitoba, auxquels on a eu accès. Et puis il y a eu des choses aussi intéressantes en Alberta qui se sont développées ces dernières années.

M. Silver (Ralph): Le moindrement qu'on se met...

M. Fau (Jean-Pierre): Sur des systèmes complexes, oui.

M. Silver (Ralph): ...à chercher la façon dont les choses se passent dans d'autres pays, etc., de plus en plus, on voit les efforts pour essayer de voir les problèmes de gestion des ressources hydriques d'une façon globale. Et je présume que, lorsque ce projet de loi a été conçu, les auteurs ont eu accès à ces informations, ont consulté et ont vu cette tendance.

M. Whissell: Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Limoilou.

M. Rivard: Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, messieurs, à la page 6, je veux m'assurer de bien comprendre ce que vous avez indiqué, vous parlez du «risque acceptable d'inondations». Et je vois un peu plus loin, entre parenthèses, «vingtennal et centennal». C'est ça que vous appelez le «risque acceptable d'inondations»?

M. Fau (Jean-Pierre): Oui.

M. Rivard: Ce qui veut dire que c'est sur une période potentielle de 20 ans ou 100 ans?

M. Fau (Jean-Pierre): C'est cela. Autrement dit, le «acceptable» pourrait peut-être être mis entre guillemets, parce que c'est sûr que le mot est peut-être choquant pour le grand public. Mais, implicitement, la législation fédérale-provinciale fait des travaux ou indemnise ou recommande de ne pas s'installer dans les plaines inondables, selon les limites de la crue de retour 20 ans et de la crue 100 ans. Et ce qui est confondant, dans le public, c'est de mélanger ces notions de crue maximum probable ou de grandes crues pour lesquelles on assure la sécurité vraiment physique des grands barrages avec la notion d'inondation. Parce que, finalement, même si on fait des très beaux ouvrages qui vont résister à des crues exceptionnelles, on n'éliminera pas les inondations dans les plaines inondables, pour des grandes crues. Il faut que les gens comprennent bien ces deux notions-là, le grand public.

M. Rivard: Alors, je pense qu'ici le mot «acceptable», le synonyme, ce serait peut-être «prévisible».

M. Fau (Jean-Pierre): «Prévisible», mais je dirais plutôt «accepté». La société considère qu'elle doit protéger contre les inondations pour des crues de faible récurrence.

M. Silver (Ralph): J'aimerais bien compléter un peu ce que Jean-Pierre a dit. C'est que le mot «acceptable», dans le contexte de ceci, ça veut dire que c'est l'État qui devrait, à un moment donné, décider quel est le niveau de risque acceptable pour les citoyens, si c'est un risque un dans 20 ans, un dans 100 ans, un dans 1000 ans, etc., et à partir de quel moment l'État doit intervenir. Et ça, c'est une décision de société. Il y a des sociétés qui vont dire...

J'ai parlé avec un de mes amis en Chine. Il dit: Ah bon! il n'y a pas de problème, on s'arrange, même s'il y a une inondation de temps en temps, il n'y a pas de problème, on va évacuer le monde. Mais, si ce n'est pas le choix de notre société, il va falloir peut-être à un moment donné qu'on légifère sur ça puis qu'on dise qu'est-ce que notre société est prête à accepter comme niveau de risque. Et c'est possible que ce ne soit pas un dans 20. Ce n'est pas une question de prévisible non plus, non, pas nécessairement. C'est un niveau tolérable, que la société dise: Oui, nous acceptons ce niveau de risque et, au-delà de là on... Est-ce que ça complète?

M. Fau (Jean-Pierre): On pourrait ajouter, par exemple, ce qui à nos yeux de Canadiens ou de Nord-Américains est très choquant. Bon. Il y a l'exemple de la Chine, où on a sacrifié des digues et des populations entières pour sauver des villes. Et là, moi, j'ai le même exemple à un niveau moins grand, avec la Pologne. Eux, ils trouvent tout à fait normal de concevoir un réseau de digues avec des digues fusibles qui vont sacrifier les populations rurales au profit des grandes villes. Et puis ça ne les choque pas du tout, c'est leur façon de concevoir les choses.

M. Rivard: Au deuxième paragraphe, vous revenez avec le risque acceptable de non-rupture des ouvrages. J'aimerais bien comprendre aussi «millénale» et «décamillénal». C'est 10 000 ans, c'est ça, la possibilité de 10 000 ans?

M. Fau (Jean-Pierre): C'est 10 000 ans. Oui.

M. Rivard: C'est bon. Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: C'est pour mon information personnelle. Pouvez-vous me décrire un peu votre Association. Bon. C'est sûr que vous dites que c'est un regroupement de professionnels, mais vous faites quoi? Vous avez un objectif précis en tant qu'Association? C'est quoi, votre...

M. Fau (Jean-Pierre): Je vais vous la décrire, puis on vous transmettra la brochure officielle. C'est une organisation, donc, nationale, au sens canadien – on ne fera pas de politique – dont le mandat porte sur la gestion des ressources hydriques, une association qui a été fondée il y a une cinquantaine d'années, puisqu'on a eu le 51e congrès cette année, qui constitue un forum de discussion, d'échange d'informations, d'éducation sur le sujet de la gestion des ressources hydriques.

Donc, pour l'échange d'informations, bien, c'est l'échange d'informations à travers les branches canadiennes. L'éducation, il y a un programme qui s'appelle le programme WET, qui est diffusé et qui permet dans les écoles de sensibiliser les jeunes à ce qu'est la gestion des ressources hydriques, tout ce qui va autour, les zones humides, et tout ça.

Puis, comme je vous dis, dans les provinces de l'Ouest, où il y a peu d'autres associations qui s'occupent du domaine de l'eau, ils ont quand même un poids très important sur les politiques de l'eau. En particulier, il est très clair, on le voit, et je vais vous citer l'exemple de l'Alberta, ils ont contribué très fortement à la redéfinition de la nouvelle loi de l'eau de l'Alberta, qui est une problématique d'irrigation et une problématique de nappes souterraines, pas une problématique de ressources hydroélectriques, évidemment. Mais leurs grands enjeux étaient de concilier irrigation et préservation des nappes souterraines.

M. Whissell: Merci.

M. Silver (Ralph): Puis, dans l'Ouest canadien l'Association est beaucoup plus active que nous, ici, au Québec, du côté assainissement des eaux puis des eaux potables, etc. Ici, au Québec, on sait très bien qu'il y a une association de...

M. Fau (Jean-Pierre): Il y a l'Association québécoise d'assainissement des eaux. Donc, c'est un peu différent, la façon dont les associations se sont partagé le travail, ici, au Québec.

Le Président (M. Lachance): M. le ministre.

M. Bégin: Peut-être juste une petite suggestion, avant que je dépose un document. Branche Québec, je pense que ça ne fait pas... ce n'est pas français. Je pense que vous devriez mettre «section», «division», «succursale»...

M. Silver (Ralph): Section ou division?

M. Fau (Jean-Pierre): Oui. C'est traduit, ça.

M. Silver (Ralph): C'est traduit. Ha, ha, ha!

M. Bégin: Mais «branche», ce n'est vraiment pas français, c'est du franglais. Peut-être une petite révision linguistique, aussi, parce que je vais vous donner deux, trois petits mots pour des termes finis. je ne peux pas comprendre: «dérégulation». Et puis vous avez «l'exploitage». Là, je vous avoue honnêtement... Dernière page de votre mémoire: «... est changée, exploitage devenu récréatif...»

M. Fau (Jean-Pierre): Ah! ça, là, j'ai vu, c'est une coquille qui s'est faite. Dans la phrase originale on voulait dire: l'exemple des ouvrages qui avaient servi à l'exploitation du flottage du bois qui sont devenus pour la plupart des aménagements récréatifs maintenant.

M. Bégin: Ayoye! On est loin du compte, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fau (Jean-Pierre): Oui. Là, il y a vraiment eu un «shortcut», pour continuer de vous choquer. Ha, ha, ha!

M. Bégin: Merci. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

M. Silver (Ralph): M. le ministre, je m'excuse si, dans ma présentation, j'ai fait quelques erreurs de français. Ce n'est pas ma langue maternelle comme telle. Alors, je m'excuse auprès des...

M. Bégin: Ah! Non, non, mais je ne vous en tiens pas rigueur. J'aimerais parler anglais comme vous parlez français.

(15 h 20)

Le Président (M. Lachance): Alors, je vous remercie, M. Fau et M. Silver, pour votre participation aux travaux de cette commission.

Oui, M. le ministre, vous avez un document à déposer?

M. Bégin: Je pense que vous allez être satisfaits de ce document-là. J'aimerais déposer un nouveau document qui s'appelle Avant-projet de loi sur la sécurité des barrages: calendrier de mise en oeuvre .

Une voix: ...

M. Bégin: Ça? Vous l'avez?

Une voix: Oui, je l'ai donné officieusement.

Le Président (M. Lachance): Il n'a pas été déposé officiellement, M. le ministre.

M. Bégin: Ah! Tu l'as donné officieusement.


Document déposé

Le Président (M. Lachance): J'en autorise le dépôt, M. le ministre.

M. Bégin: Mais là c'est pour les fins des travaux de la commission.

Le Président (M. Lachance): C'est un geste de courtoisie à l'égard...

M. Bégin: Vous voyez comme on est généreux, hein!

Le Président (M. Lachance): ...de l'opposition officielle.

M. Bégin: C'est incroyable! On vous le donne deux fois.

Le Président (M. Lachance): Étant donné qu'il nous reste un organisme, qui s'appelle Mouvement au Courant, qui n'est pas représenté au moment où on se parle – et puis il faut comprendre que, selon l'horaire qui avait été établi, c'est vers 17 heures que la présentation devait se faire – nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 17 heures.

(Suspension de la séance à 15 h 22)

(Reprise à 17 h 2)

Le Président (M. Lachance): La commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux avec le mandat de poursuivre la consultation générale sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur la sécurité des barrages.

Dans notre agenda d'aujourd'hui, nous en étions rendus à entendre le représentant du Mouvement au Courant. Alors, je l'inviterais à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Comme on vous l'a sans doute indiqué au Secrétariat des commissions parlementaires, vous avez un maximum de 20 minutes pour votre présentation et, par la suite, chacune des deux formations politiques a un maximum de 20 minutes également. Alors, vous avez la parole, M. John Burcombe.


Mouvement au Courant

M. Burcombe (John): Bonjour, M. le Président et membres de la commission. Mon nom, c'est John Burcombe, je suis le représentant du Mouvement au Courant. Depuis 1989, le Mouvement au Courant poursuit deux grands buts, premièrement, de veiller à l'utilisation rationnelle des ressources naturelles, en particulier l'énergie, et, deuxièmement, d'impliquer le public et de participer lui-même dans les processus décisionnels.

Par sa participation aux audiences publiques du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, le BAPE, sur des projets de centrales hydroélectriques, de par sa participation à la Commission d'enquête sur la politique d'achat par Hydro-Québec d'électricité auprès de producteurs privés, le Mouvement au Courant a acquis une expérience dans l'évaluation environnementale, énergétique, économique et sociale des barrages.

La sécurité d'un barrage est, en effet, sûrement une des multitudes de facteurs à prendre en compte dans l'évaluation d'un projet de barrage. Donc, il faut se demander d'abord si une nouvelle loi est nécessaire ou si de nouvelles dispositions peuvent être ajoutées à des lois existantes, spécifiquement à la Loi sur le régime des eaux, la LRE.

Le rapport de la Commission scientifique et technique sur la gestion des barrages, le rapport Nicolet, et le rapport de la Commission d'enquête sur la politique d'achat par Hydro-Québec d'électricité auprès de producteurs privés, le rapport Doyon, révèlent comment, même en situation normale, les riverains de plans d'eau subissent des inconvénients et des conséquences aggravées par la mauvaise gestion des barrages. Pour nous, cette gestion, en soi, pour des plans d'eau importants, devrait être le sujet d'audiences publiques sous l'égide du BAPE.

Dans un cadre plus large où le gouvernement a promis un vaste débat sur une politique de gestion de l'eau, nous croyons que le contrôle du gouvernement sur la ressource eau devrait être examiné. La problématique, par exemple, des baux consentis par le gouvernement pour l'exploitation de l'eau et la construction d'ouvrages connexes sur le domaine public, en vertu de la LRE, devrait être discutée. Pour nous, non seulement les nouveaux baux, mais les renouvellements aussi devraient être assujettis à une évaluation environnementale.

Le renouvellement quasi automatique des baux qui furent consentis avant l'adoption de la législation environnementale est inacceptable. De plus, la conversion automatique de baux pour le flottage de bois en baux pour la production hydroélectrique ne devrait pas être permise. En effet, toute demande de renouvellement ou de changement d'usage de ces anciens baux devrait être traitée comme une nouvelle demande et, à un certain niveau d'importance, assujettie à des audiences publiques du BAPE.

Ces changements possibles, en conjoncture avec la fin du flottage de bois et le besoin d'un contrôle plus serré sur la sécurité et la gestion des barrages, découlent des constats des rapports Nicolet et Doyon et militent en faveur d'une révision de fond en comble de la Loi sur le régime des eaux. Or, le législateur a choisi, pour le moment, d'introduire une loi spécifique à la sécurité des barrages. Ces dispositions pourraient être néanmoins incorporées dans une éventuelle refonte de la Loi sur le régime des eaux.

Je vais poursuivre avec une comparaison avec certaines recommandations du rapport Nicolet. Nous notons que ce qui était peut-être la plus importante recommandation concernant l'administration d'une éventuelle loi sur la sécurité des barrages soit la création d'une autorité responsable de la sécurité des barrages. Alors, cette recommandation ne semble pas être acceptée par le législateur. Nous croyons qu'une telle autorité indépendante est essentielle pour assurer à la population le maximum de rigueur et de transparence dans l'application de la loi.

Vu les conflits d'intérêts possibles au sein du ministère de l'Environnement et de la Faune, le MEF, du fait qu'il est en même temps propriétaire, exploitant et régulateur, une autorité indépendante du ministère est nécessaire. Or, tel que présenté dans l'avant-projet de loi, le MEF serait responsable directement de la Loi sur la sécurité des barrages. Il faut au moins créer un organisme quasi indépendant, comme le BAPE, ou complètement indépendant sous l'égide de l'Assemblée nationale, comme le Protecteur du citoyen et le Vérificateur général.

Dans le texte qui suit, nous utilisons le mot «autorité» pour représenter l'organisme responsable de l'application de la Loi sur la sécurité des barrages. Nos commentaires sont d'ordre général, pour la plupart, et pourraient toucher non seulement la loi comme telle, mais aussi les règlements nécessaires à son application.

Premièrement, concernant les règlements, nous notons qu'en sus des neuf règlements spécifiquement énumérés à l'article 35, nous avons décelé 11 autres endroits où un règlement serait nécessaire afin d'appliquer la loi. Au moment de la présentation du projet de loi, il serait donc nécessaire de présenter aussi les projets de règlement afférents afin de connaître si et comment la Loi sur la sécurité des barrages sera appliquée.

(17 h 10)

En ce qui concerne l'accès à l'information, il y a référence à un répertoire des barrages, dans un article, à un registre des demandes d'utilisation, à l'article 13, et à un registre de programmes de sécurité, à l'article 23, où les informations, et je cite, «ont un caractère public». Alors, nous croyons que ce libellé, soit «ont un caractère public», n'est pas adéquat pour assurer que les documents visés seront accessibles. Nous suggérons donc que le texte de l'article 3 – et je note une erreur dans le texte, ça devrait être article 3 et non pas article 5 – soit changé comme suit pour y lire: «Un répertoire» ou peut-être «un registre public des barrages», etc. Nous suggérons que le troisième alinéa de cet article soit changé pour indiquer que les renseignements et documents contenus au répertoire ou registre sont des informations publiques soustraites de l'application de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

Nous croyons que le répertoire ou registre de l'article 3 pourrait rassembler toutes les informations pertinentes sur un barrage. Il sera en effet inutile et incommode d'avoir plus qu'un registre. Afin que le public puisse facilement repérer tous les documents afférents à un barrage, le registre devrait énumérer et contenir, pour chaque barrage, entre autres, le plan de gestion des eaux retenues, le plan des mesures d'urgence, le programme de sécurité et les décrets, les baux, les certificats d'utilisation, etc., et les rapports d'analyse du ministère de l'Environnement. Au moins, la liste des barrages avec leurs caractéristiques essentielles et les listes des documents afférents devraient être disponibles sur Internet, avec des outils de recherche efficaces.

Quant à la participation publique, nous croyons que, afin de s'assurer que le public soit informé et puisse participer dans sa formulation, le plan de gestion des eaux retenues, pour les barrages à forte contenance, devrait être ajouté à la liste des projets assujettis au processus d'évaluation et d'examen des impacts environnementaux. Ça veut dire qu'il y aura donc la possibilité que le BAPE tienne des audiences publiques sur le plan et fasse rapport, dans ce cas, à l'autorité responsable.

Pour chaque projet énuméré à l'article 15, un nouveau plan de gestion assujetti aux audiences du BAPE devrait être préparé. De plus, nous croyons qu'un quatrième cas devrait être ajouté à l'article 15, soit le renouvellement d'un bail. De plus, l'autorité responsable pourrait décider si et quand des changements au plan de gestion sont nécessaires. Le public devrait être informé de tout changement proposé et avoir l'opportunité de commenter le changement. Au besoin, l'autorité responsable pourrait tenir des réunions d'information publiques et des audiences publiques. Si un nouveau plan de gestion s'avère nécessaire, le BAPE tiendrait alors des audiences.

La possibilité d'avoir recours au Tribunal administratif du Québec, accordée aux articles 12 et 18, devrait être ouverte à toute personne qui veut contester une décision de l'autorité responsable. Pour nous, il est discriminatoire d'accorder ce privilège uniquement aux promoteurs de projets.

Finalement – c'est un autre commentaire – pour nous, tout nouveau bail et tout renouvellement ne devraient être émis qu'après les approbations obtenues de l'autorité responsable. Nous sommes sceptiques des attestations de conformité. Nous croyons que les vérifications et les inspections nécessaires, aux articles 5, 9 et 10 en particulier, devraient être réalisées par l'autorité responsable elle-même.

Évidemment, un éventuel projet de loi contiendra tous les changements nécessaires à d'autres lois. Or, il sera utile, à l'étape d'avant-projet, de considérer comment les dispositions de la Loi sur la sécurité des barrages chevaucheraient et s'imbriqueraient avec les autres autorisations requises en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement et de la Loi sur le régime des eaux, en particulier.

À cet égard, nous avons déjà fait des suggestions, par exemple sur le contenu des certificats d'autorisation du ministère de l'Environnement, qui devrait informer le public explicitement des conditions d'exploitation d'un barrage et lui fournir les moyens de vérifier que ces conditions soient respectées. Cependant, il est possible que ces informations devraient plutôt, ou aussi, être disponibles dans le plan de gestion.

Finalement, il serait souhaitable d'ajouter un article à la Loi sur la sécurité des barrages spécifiant qu'elle devrait être révisée à tous les cinq ans.

Alors, en conclusion, nous sommes heureux de constater que le gouvernement commence à agir sur certaines recommandations de la commission Nicolet et, dans une moindre mesure, sur celles de la commission Doyon. Or, nous trouvons déplorable que l'avant-projet de loi sur la sécurité des barrages ne prévoie pas la création d'une autorité indépendante pour l'appliquer. De plus, il serait utile de réfléchir sur la hiérarchie et le chevauchement des diverses approbations proposées et existantes concernant les barrages. Je vous remercie. Je suis prêt à répondre aux questions.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre.

M. Bégin: Merci, M. Burcombe. Vous mentionnez, entre autres, à la page 1, paragraphe 5... Ce paragraphe est assez dense, mais vous dites, si je le comprends bien, que la gestion des plans d'eau importants devrait être le sujet d'audiences publiques sous l'égide du BAPE.

Je voudrais être certain de bien comprendre. Tout à l'heure, nous avons eu une représentation par M. Silver, qui était de l'Association canadienne des ressources hydriques, qui nous faisait état de la complexité de gérer l'ensemble des plans d'eau, par exemple qui appartiennent à Alcan, en partant de la réserve Manawan, Passes-Dangereuses, le lac Saint-Jean lui-même, les barrages qui sont dessus, la Péribonka, bref, un ensemble d'eaux. Est-ce que je dois comprendre – c'est un exemple – que, ce plan de gestion, vous voudriez qu'il y ait une évaluation faite par le BAPE de cette façon de gérer?

M. Burcombe (John): Pour nous, tout plan de gestion aura des impacts environnementaux, et nous croyons que ces impacts devraient être examinés comme tout autre projet. C'est une action qui a des effets sur l'environnement et, de cette façon, ça nécessite une étude d'impact et une évaluation. Et, pour nous, cette évaluation doit être publique et peut-être menée par le BAPE.

M. Bégin: Pour encore peut-être cerner la question, certains groupes nous ont parlé qu'il devrait y avoir – je reprends l'expression – des agences de bassin versant.

M. Burcombe (John): D'accord.

M. Bégin: C'est un peu ça dont on parle là, un ensemble de structures ou d'infrastructures qui sont sur un même plan d'eau ou différents plans d'eau reliés les uns aux autres. Est-ce qu'une agence de bassin qui existerait pour tenir compte de ce qui est déjà fait correspondrait dans votre esprit à ce que le BAPE pourrait convenir de faire s'il analysait la gestion, par exemple de tous les plans d'eau de la compagnie Alcan? Est-ce que ça correspond à ça ou... J'arrive mal à saisir ce que vous voulez faire.

(17 h 20)

M. Burcombe (John): Peut-être, c'est difficile de prévoir exactement ce sera quoi, le contenu d'un plan de gestion, mais c'est sûr que, comme j'ai dit, il y aura des impacts environnementaux. On connaît très bien les problèmes qui existent déjà avec la gestion du lac Saint-Jean par Alcan et, en effet, ces effets, si je comprends bien, n'ont jamais vraiment été examinés en long et en large parce que tous les projets d'Alcan étaient déjà construits avant qu'on ait eu la possibilité d'examiner publiquement les impacts environnementaux. Mais, s'il vient d'autres intervenants, comme les agences de bassin, c'est à repenser comment ils participeraient dans l'évaluation des plans de gestion. Peut-être, ces agences elles-mêmes peuvent tenir les audiences nécessaires. Mais, à première vue, pour moi, c'est au BAPE de le faire. Mais, s'il y a d'autres instances, c'est peut-être elles qui peuvent le faire.

M. Bégin: C'est parce que, je regarde, Alcan, c'est quand même un grand bassin versant, les sept rivières qui se jettent dans le lac Saint-Jean qui se déverse dans le Saguenay. Tout ça, c'est fait depuis plus de 50 ans. Je ne crois pas qu'il se soit bâti un barrage, depuis 50 ans, dans ces coins-là. Si je comprends bien ce que vous me dites, on devrait confier au BAPE un mandat d'évaluer les impacts environnementaux d'ouvrages qui sont gérés, en tout cas, à la connaissance commune, de façon acceptable et quand ils ne le sont pas. On a vu ce que les gens du Lac-Saint-Jean avaient fait il y a plusieurs années pour amener Alcan à garder certains niveaux d'eau. Est-ce que vous dites qu'on devrait confier au BAPE un mandat d'évaluer les impacts environnementaux de tous ces ouvrages qui datent de 50 ans et plus?

M. Burcombe (John): Pourquoi pas? Pour moi, le fait qu'on n'a jamais examiné en profondeur les effets environnementaux des constructions en place, le fait qu'elles sont déjà là ne devrait pas être un excuse pour ne pas faire une évaluation éventuelle. Je peux citer peut-être le cas aux États-Unis où prochainement et déjà, il y a certains baux à long terme qui viennent à échéance et, selon la législation, pour renouveler le bail, il faut faire une étude des impacts environnementaux. Et il y a certains cas où on prévoit probablement la démolition de barrages parce que les impacts sont trop grands. Alors, pour moi, il faut viser un mécanisme un peu semblable à ça, ici, au Québec, pour faire un bilan de quels sont les impacts environnementaux causés par ces projets et s'ils sont acceptables ou s'il faut voir des changements qui pourraient être faits, peut-être pas si drastiques que la démolition de barrages, mais au moins dans la gestion des réservoirs et des niveaux d'eau, etc.

M. Bégin: O.K. Je voulais vous le mentionner, mais vous n'étiez pas présent, donc vous n'avez pas été informé, mais deux des représentations que vous faites ont été acceptées ou agréées, en ce sens qu'il y aura des amendements qui seront apportés. Entre autres, vous parlez de la nécessité de créer une autorité indépendante pour assurer la mise en oeuvre de la loi. J'ai annoncé qu'effectivement il y aura des amendements apportés dans ce sens-là. Donc, je n'aurai pas de question à vous poser, on accepte d'avance ce qui a été mentionné là-dessus.

Et, deuxièmement, vous avez suggéré que les règlements soient déposés en même temps que la loi. Alors, on pense être effectivement en mesure de déposer ces règlements-là lorsque le projet de loi sera déposé comme tel. Donc, on aura à peu près, peut-être pas la version juridique finale, mais des textes qui permettront de comprendre ce que l'on veut faire avec les dispositions législatives.

M. Burcombe (John): D'accord.

M. Bégin: C'est peut-être un peu technique, mais j'ai essayé de suivre ce que vous avez dit, vous avez mentionné qu'il faudrait permettre un droit d'appel au Tribunal administratif de certaines décisions, en particulier en relation avec les articles 12 et 18 de la loi. J'ai lu attentivement ces articles-là et je me suis demandé quel était l'intérêt du citoyen ou d'un individu autre que l'entreprise.

On dit, à l'article 12: «La décision du ministre refusant une autorisation ou une approbation peut, dans les 30 jours de sa notification, être contestée par l'intéressé devant le Tribunal administratif du Québec.»

J'essaie de voir quelle serait la pertinence qu'un tiers, un citoyen, par exemple, puisse s'immiscer dans une démarche semblable. Parce que l'hypothèse de l'article 12, c'est qu'une entreprise ou un individu a demandé pour soi-même quelque chose, le ministre lui a dit non. Et quelqu'un viendrait dire: Je vais en appel de cette décision-là? Je ne vois vraiment pas quel serait l'intérêt d'un individu de s'immiscer dans une telle démarche.

M. Burcombe (John): C'est que je n'ai pas, peut-être, bien expliqué, mais, pour moi, l'autre côté de la médaille, c'est que, quand il y aura une décision favorable du côté du ministère, ça peut être contesté par quelqu'un, par le public ou par quelqu'un d'autre. Ça, c'est la façon dont je vois ce changement. Pour moi, une décision en faveur d'un projet peut être portée en appel devant le Tribunal.

M. Bégin: Vous voulez dire qu'une entreprise ferait une demande, par exemple pour la construction d'un ouvrage, on suivrait tous les processus réglementaires et légaux prévus par la loi et, en bout de piste, un individu pourrait dire: Je ne suis pas d'accord avec la décision et, en conséquence, j'en appelle devant le Tribunal administratif du Québec?

M. Burcombe (John): Oui. Pourquoi pas? Parce que vous avez donné la possibilité au promoteur de contester votre décision de ne pas lui donner une autorisation.

M. Bégin: Oui.

M. Burcombe (John): Alors, pourquoi ne pas donner un droit semblable au public de contester une autorisation favorable?

M. Bégin: C'est parce que le refus d'une demande peut être contesté. Et ça m'apparaît tout à fait légitime d'avoir un droit d'appel. Mais, lorsque la personne qui a demandé quelque chose l'obtient, et ce, en vertu de nos lois, en respectant les règlements, toutes les commissions d'enquête possibles et imaginables, et qu'un citoyen puisse dire: Oh, oh! on a tout respecté ce que la loi prévoyait, mais, moi, citoyen, je voudrais contester cette décision-là...

M. Burcombe (John): Il faut avoir des bonnes raisons pour le contester, certainement. Mais je ne vois pas pourquoi on donnerait un privilège au promoteur de porter une décision du ministère en appel quand on ne donne pas ce même privilège au public.

M. Bégin: Parce que le promoteur qui demande quelque chose a un droit, en vertu de la loi, puisqu'il demande une autorisation, il a un droit qui lui est donné. Si on le lui refuse, il a le droit de contester ce refus-là. Mais pourquoi quelqu'un qui a droit à quelque chose et qui l'obtient verrait cette décision-là contestée par un tiers qui n'est pas partie au débat, par hypothèse? Je ne vois pas que... C'est un peu comme si j'allais au palais de justice, ici, à Québec, puis je disais: Il y a un procès entre M. et Mme Unetelle, je voudrais intervenir dans ce dossier-là. La cour vous dirait: Monsieur, quel est l'intérêt juridique que vous avez à être là? Et, si vous n'en avez aucun, elle va vous dire: Merci, bonjour! Et là vous me dites... Quel est l'intérêt qu'il y aurait à intervenir dans un processus? Parce que c'est gros, ce que vous dites là, c'est immense, là.

M. Burcombe (John): Oui, mais ça peut être des riverains ou des personnes, un groupe de protection d'un lac, ou quelque chose, qui sont contre le projet. Et pourquoi ils ne peuvent pas avoir le même droit d'intervenir devant le Tribunal administratif?

M. Bégin: Parce que le citoyen ou le groupe de citoyens qui est là a d'autres recours qui sont prévus. Par exemple, est-ce qu'on doit faire un article 22? Est-ce qu'on doit faire une étude d'impact et des audiences publiques? C'est prévu dans la loi, selon les circonstances, quelle procédure on doit suivre. Donc, le citoyen se voit protégé par ces mécanismes-là. Mais c'est tout à fait légitime, donc, qu'on suive cette mécanique-là. Mais, si, par hypothèse, on l'a respectée, pourquoi faudrait-il permettre à un individu d'intervenir dans le débat? Je ne comprends pas.

(17 h 30)

M. Burcombe (John): Pour moi, c'est sûrement de donner le même privilège d'intervenir à des personnes qui pourraient être affectées par un projet que vous donnez au promoteur d'interroger sur une décision du ministère. Dans les deux cas, c'est de questionner à un autre niveau une décision prise par le ministère.

M. Bégin: Sur un autre sujet, vous proposez un répertoire. Ça, c'est à la page 4 de votre mémoire. Vous dites «un répertoire», et là vous mettez «un registre public des barrages». Et, plus loin dans la même page, vous mentionnez que «le registre – et là on passe donc de répertoire à registre – devrait énumérer et contenir pour chaque barrage, entre autres...», et là vous avez quatre éléments. Vous comprenez qu'il y a un répertoire qui est dressé, qui va être rendu public au mois de décembre avec la liste; ça, c'est le répertoire. Quand vous parlez de votre registre, vous parlez d'autre chose, je présume, d'un autre document légal qui contiendrait au moins les éléments que vous mentionnez: plan de gestion, plan de mesures d'urgence, programme de sécurité, décret, baux, etc., c'est ça? Donc, c'est un document additionnel que vous prévoyez, c'est ça?

M. Burcombe (John): On a remarqué qu'il y avait référence au registre ou au répertoire à trois endroits dans la loi et on suggère qu'il y ait simplement une seule liste, un seul registre, un seul endroit où on trouverait toutes les informations pertinentes à un barrage en particulier. C'est seulement pour éviter d'avoir à chercher dans deux ou trois registres pour trouver toute l'information sur un barrage. C'était ça, notre pensée, là.

M. Bégin: O.K. Ça va. J'avais mal saisi votre prétention. Vous dites, à la page 5, en fait, vous suggérez que les attestations de conformité soient sous la responsabilité du gouvernement plutôt que faites par des ingénieurs. Si je vous comprends bien, est-ce que, ça, ça ne veut pas dire, en somme, que le gouvernement deviendrait l'assureur de tous les bureaux d'ingénieurs qui ont fait des plans et des propriétaires des barrages qui les ont fait faire?

M. Burcombe (John): Non.

M. Bégin: Non?

M. Burcombe (John): Non, ce n'était pas...

M. Bégin: Et je vous comprends mal? Ha, ha, ha!

M. Burcombe (John): Ha, ha, ha! Ça, ce n'était pas le sens qu'on...

M. Bégin: Le sens de votre affaire.

M. Burcombe (John): Voilà. En ce moment, si je comprends bien, les plans et devis pour les barrages sont soumis au ministère et c'est le ministère qui les approuve. Je crois que c'est le même formulaire, les mêmes procédures qui devraient être continuées...

M. Bégin: Suivies.

M. Burcombe (John): ...dans la Loi sur la sécurité des barrages, plutôt que d'avoir des attestations.

M. Bégin: Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: M. le Président, le ministre a tellement bien posé ses questions qu'il ne m'en reste plus. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bégin: Ça, là...

M. Whissell: Bonsoir.

M. Burcombe (John): Bonsoir.

M. Whissell: Au niveau des baux, vous y faites souvent allusion, puis il n'y a pas beaucoup d'organismes qui sont venus présenter leur mémoire qui se sont arrêtés à cet aspect-là. J'aimerais savoir pourquoi vous portez autant d'attention au renouvellement, surtout le renouvellement. Parce que l'attribution d'un nouveau bail, je comprends que ça peut être sujet à examen du gouvernement, mais dans le cadre des renouvellements?

M. Burcombe (John): Oui, je crois que ça devient de plus en plus connu et évident que ce qu'on a approuvé dans le passé ou ce qu'on a fait dans le passé n'était pas nécessairement dans le bon intérêt public, au large. Mes pensées dans cette direction sont plutôt... mettons, en ordre, par le fait qu'aux États-Unis, c'est la loi... dans ce cas-là, une fois qu'un bail vient à échéance, il faut rétablir la nécessité de ce bail et, pour moi, c'est une bonne idée. Pour moi, il faut peut-être instaurer la même procédure ici. Quand quelqu'un a eu un bail pour une certaine période et que vient le temps de le renouveler, il faut voir si les raisons pour lesquelles le bail a été fourni originellement... Est-ce que ces raisons ne tiennent plus? Est-ce qu'elles sont toujours bonnes? Est-ce qu'il faut revoir les raisons pour le bail? Est-ce qu'il faut examiner les impacts environnementaux, ce qui n'était pas fait pour la plupart, la grande majorité des baux qui viennent à échéance aujourd'hui? Il n'y avait aucune évaluation qui était faite à l'époque, quand ils étaient émis, et, maintenant, je crois que c'est le temps de le faire pour voir si c'est toujours valable de donner à ces promoteurs la possibilité d'utiliser une ressource publique.

M. Whissell: Alors, si je comprends bien, vous, ça serait une façon de contrôler, voir si l'opérateur a fait un bon travail, s'est assuré de la sécurité publique, a bien entretenu la structure. Vous diriez: Bien, le gouvernement renouvelle le bail. «C'est-u» dans ce sens-là?

M. Burcombe (John): Oui, c'est pour voir si les conditions sous lesquelles le bail était opéré dans le passé... est-ce que ces conditions sont suffisantes? Est-ce qu'il faut les changer? Est-ce qu'il y avait tant de problèmes avec l'opération sous ce bail qu'il faut le changer ou même ne pas le renouveler? C'est dans ce sens-là que je crois que c'est nécessaire maintenant de revoir tout le travail qui a été fait dans le passé pour voir si c'est toujours acceptable.

M. Whissell: À l'article 3.5, page 5 de votre rapport, vous mentionnez qu'un article devrait être ajouté afin de prévoir la révision de la loi aux cinq ans. Pourquoi cinq ans?

M. Burcombe (John): C'est assez arbitraire, mais normalement c'est une période assez longue pour voir si la loi commence à avoir les effets escomptés et pour voir s'il y a des problèmes. Je crois que cinq ans, par exemple, est la période de revue dans la loi sur l'accès à l'information, par exemple, et dans d'autres lois. Cinq ans semble être un temps assez long pour voir quels problèmes sont venus à la surface.

M. Whissell: À l'intérieur du projet de loi, il y a un fonds de fiducie qui est prévu. Dans votre mémoire, vous ne faites pas du tout allusion à cet aspect de la loi. Est-ce que vous êtes en accord avec ce qui est proposé?

M. Burcombe (John): On n'a pas touché à ça, quoique c'est quelque chose qui devrait être utile. Je crois qu'un fonds de fiducie sera quelque chose qu'il sera bon de prévoir dans la loi. Mais on n'a pas vraiment regardé trop en détail cet aspect.

M. Whissell: Selon vous, est-ce que ce fonds-là de fiducie devrait être applicable pour les sociétés d'État, comme Hydro-Québec, et les municipalités?

M. Burcombe (John): Je le vois plutôt dans le cas où on a des barrages orphelins, qu'on peut dire, ou dont le gouvernement ne peut pas trouver le propriétaire et que c'est nécessaire de faire certains travaux. Peut-être dans ce cas, le fonds de fiducie peut être utilisé à cet égard. Mais je crois qu'Hydro-Québec est assez grande pour avoir son propre fonds de fiducie et ses propres assurances, à elle-même, pour certaines éventualités.

(17 h 40)

M. Whissell: Une dernière question. Au niveau des règlements, à la page 3, vous mentionnez qu'on devrait prévoir l'ajout de 11 règlements... non, pas 11 règlements, mais que certains articles... Je n'ai pas compris ce que vous dites. C'est parce que c'est déjà marqué dans le projet de loi que, par règlement, le ministre devra ou...

M. Burcombe (John): Non. C'est que je suis un peu surpris et inquiet par le nombre de références aux règlements. Si je comprends bien, chaque point où j'ai mentionné qu'il y a une référence à un règlement, les 11 endroits, à divers articles, pour moi, ça, c'est des références à des règlements en sus de ceux qui sont déjà mentionnés à l'article 35. À l'article 35, il y a neuf situations, neuf cas où des règlements sont visés. Mais, en sus de ça, si je comprends bien, et vous pouvez me rectifier... mais, aux autres endroits où on mentionne «par règlement», etc., dans des articles, ça, c'est des règlements autres que ceux qui sont déjà mentionnés dans l'article 35. Alors, pour moi, ça fait toute une gamme de règlements, et il faut absolument que ces règlements soient disponibles en même temps que le projet de loi pour voir quoi exactement sera appliqué, comment la loi sera opérationnelle.

M. Whissell: Alors, si je comprends bien, vous voudriez que ces règlements-là soient en vigueur en même temps que les autres règlements, qu'on en fasse l'étude ou que le ministre les dépose en même temps.

M. Burcombe (John): C'est ça.

M. Whissell: O.K.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Oui, merci. M. Burcombe, je veux revenir à la question sur les baux.

M. Burcombe (John): Oui.

M. Middlemiss: De dire: Au renouvellement, on devrait peut-être assurer que ce soit bien fait. Est-ce que c'est parce que vous êtes inquiet de la façon dont c'est fait aujourd'hui?

M. Burcombe (John): Oui.

M. Middlemiss: Est-ce que vous avez des cas spécifiques où quelqu'un renouvelait un bail et où, malheureusement, on l'a juste, comme on dit en bon anglais, «rubber-stamped», puis on n'a pas vérifié pour voir si la performance était bonne ou s'il y avait des conséquences aujourd'hui qu'on n'avait pas prévues au moment où on avait accordé le bail? «C'est-u» dans ce sens-là?

M. Burcombe (John): Oui, certainement. Il y a eu la situation, le cas dans votre comté ou votre circonscription, sur la rivière Coulonge, où les anciens baux de flottage de bois ont été convertis en bail de production hydroélectrique. Si je comprends bien, la loi, maintenant, ou le projet de loi va faire en sorte que ça ne sera pas le cas. Mais ça a été le cas pour la Coulonge. Pour moi, ces anciens baux, ils n'ont rien à voir avec la production hydroélectrique, ils étaient «implémentés» pour le flottage du bois il y a, quoi, presque 80 ans. Alors, comment peut-on prétendre que ces baux sont toujours bons pour une autre utilisation 90 ans plus tard? Je crois que, à toute occasion où il y a un renouvellement qui est nécessaire, il faut procéder par un examen des impacts environnementaux, lors du renouvellement.

M. Middlemiss: Dans ce cas-là spécifiquement, qu'est-ce qui est votre préoccupation du fait qu'on pourrait l'utiliser pour générer de l'électricité au lieu de l'utiliser pour faire flotter le bois? Lorsqu'on faisait flotter le bois, presque à tous les ans il y avait des inondations. Et il me semble, moi, que, depuis qu'on a la centrale hydroélectrique, il n'y a pas d'inondations. Donc, quelle pourrait être votre préoccupation? De dire: Le fait qu'on va générer de l'électricité au lieu de faire flotter le bois, ça pourrait avoir des conséquences sur quoi?

M. Burcombe (John): Dans le cas d'Hydro-Pontiac et son projet sur la rivière Coulonge, il y avait plusieurs lacs pas très grands qui étaient visés – je crois que c'est 11 en tout – et dont pas tous qui étaient convertis ou demandés à être convertis. Mais, pour moi, la question revient: Est-ce que c'est opportun de renouveler ces baux ou est-ce que ce sera mieux d'enlever les barrages et laisser la rivière... et la situation retourne à ce qu'elle était avant les baux? Alors, c'est dans ce sens-là. Les impacts environnementaux des inondations, de la création des réservoirs pour le flottage du bois, est-ce qu'ils étaient trop grands? Ou est-ce que maintenant, du fait qu'ils étaient là pour une très longue période, il serait plus dommageable de revenir à la situation originale? Peut-être qu'il faut examiner tout ça pour voir: Est-ce que c'est mieux de continuer avec le même mode de gestion ou est-ce que ce sera mieux de retourner à la situation de départ, qu'on retourne à la situation naturelle? Ça, c'est une question qui, pour moi, devrait être examinée une fois qu'un bail est visé pour le renouvellement. Vous me voyez peut-être un peu radical, mais, pour moi, c'est quelque chose que nous devrons considérer.

M. Middlemiss: Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Ça va? Alors, je vous remercie, M. Burcombe, pour le Mouvement au Courant, d'avoir fait valoir votre point de vue aux membres de cette commission. Et comme l'agenda de la journée est terminé, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 48)


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