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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 14 mars 2000 - Vol. 36 N° 43

Consultation générale sur le livre vert intitulé La sécurité routière au Québec : un défi collectif


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Gabriel-Yvan Gagnon, président suppléant
M. Guy Chevrette
M. Michel Côté
M. Yvan Bordeleau
M. André Pelletier
*M. Pierre Morin, Bureau du coroner
*Mme Sonia Tennina, idem
*M. Claude Provencher, AQRIPH
*M. Jean Melançon, idem
*M. Norbert Rodrigue, OPHQ
*M. Guy Gilbert, idem
*M. Denis Boulanger, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Gagnon): Je déclare la commission des transports et de l'environnement ouverte. Rappelons le mandat de la commission: le mandat de la commission est de tenir des audiences publiques dans le cadre d'une consultation générale sur le livre vert intitulé La sécurité routière au Québec: un défi collectif .

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y en a pas, aujourd'hui.

Le Président (M. Gagnon): C'est maintenant l'heure de donner lecture de l'horaire de la journée: 9 h 30, le Bureau du coroner; 10 h 30, l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées; 11 h 30, l'Office des personnes handicapées du Québec; 12 h 30, ce sera l'ajournement.

Un rappel à toutes les personnes qui sont présentes de bien vouloir fermer leur cellulaire durant la séance. Il y a lieu également de rappeler une modification à l'horaire des auditions en raison de la présentation du budget. Je rappelle que, en raison de la présentation du budget cet après-midi par le ministre des Finances et en application de l'article 87 du règlement de l'Assemblée nationale, la séance de la commission des transports et de l'environnement prévue pour le jeudi 16 mars est reportée au mardi 21 mars, après les affaires courantes, à 15 heures.


Auditions

On demanderait aux gens au Bureau du coroner: Si vous voulez vous présenter, s'il vous plaît.


Bureau du coroner

M. Morin (Pierre): Pierre Morin, coroner en chef du Québec. Je suis accompagné ce matin de Mme Sonia Tennina, qui est épidémiologiste au Bureau du coroner et qui a réalisé le document, la monographie qu'on vous a remise.

Le Président (M. Gagnon): Parfait.

M. Morin (Pierre): Alors, je veux d'abord remercier les membres de la commission de nous permettre de partager notre expertise en regard des causes médicales et des circonstances entourant la mort de plusieurs cyclistes annuellement au Québec et de la pertinence du port du casque protecteur.

Ma présentation se divise comme suit: premièrement, présentation du mandat des coroners au Québec en regard des décès chez les cyclistes; deuxièmement, données québécoises sur l'évolution des décès depuis 13 ans et sur les circonstances entourant ceux-ci; troisièmement, portrait des causes médicales de ces décès; et, enfin, les arguments qui nous amènent à prôner le port obligatoire du casque.

Au Québec, la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès, en vigueur depuis le 3 mars 1986, prévoit que tous les décès par traumatisme doivent faire l'objet d'une investigation du coroner. Ainsi, tous les décès accidentels doivent être signalés à un coroner. Le mandat de ceux-ci consiste à rechercher les causes médicales probables et les circonstances du décès et ils doivent déposer auprès du coroner en chef un rapport qui traduit ces faits. Ce rapport est public. S'ils le jugent à propos, les coroners peuvent aussi formuler des recommandations visant une meilleure protection de la vie humaine.

Dans la réalisation de leur mandat, les coroners ont accès à différentes expertises comme les autopsies, les examens de laboratoire, les rapports de police, et autres. En raison de cette loi, nous savons que, depuis 14 ans, tous les décès de cyclistes devraient avoir fait l'objet d'une investigation du coroner, que l'accident soit survenu sur ou hors de la voie publique, qu'il implique ou non un véhicule à moteur. L'intérêt et la particularité du bilan statistique du Bureau du coroner résident donc dans le fait que tous les décès de cyclistes y sont recensés et dans la qualité et l'objectivité de sa source d'information, soit le rapport d'investigation.

Entre 1986 et 1998, le Bureau du coroner a enregistré un total de 503 décès chez les cyclistes. Un total de 406, soit 89 % de cyclistes sont décédés suite à une collision avec un véhicule à moteur et 52 cyclistes, soit 11 % sont décédés dans un accident n'impliquant pas de véhicule à moteur. En regroupant les données par période de trois ans afin d'étudier les tendances, on note une diminution de 43 % des accidents mortels impliquant des véhicules à moteur.

Dans la catégorie des accidents n'impliquant pas de véhicule à moteur, on retrouve des cas de chute du cycliste, pour des raisons diverses, des cas de collision entre cyclistes et des cas de collision avec un objet, comme une portière de voiture ouverte. Généralement, on compte trois à quatre décès de ce genre à chaque année, sauf entre 1993 et 1995, période où le double des victimes a été observé.

Les décès chez les cyclistes touchent tous les âges, mais les jeunes âgés de moins de 15 ans y sont particulièrement représentés. Parmi l'ensemble des cyclistes décédés lors d'une collision avec un véhicule à moteur, près d'un sur deux, soit 47 %, concerne un jeune âgé de moins de 15 ans. Il est bien connu que les enfants sont souvent impulsifs et n'ont pas toutes les habilités nécessaires pour réagir adéquatement dans la circulation.

(9 h 40)

Les jeunes adultes sont aussi particulièrement touchés, car ils représentent 20 % de l'ensemble de ces décès. Fait à noter en ce qui concerne les accidents n'impliquant pas de véhicule à moteur, ce type de décès concerne plus souvent les personnes âgées de 25 ans et plus, soit 69 %, contrairement au décès de cyclistes impliquant un véhicule à moteur, qui touche majoritairement les moins de 25 ans, 67 %. Trois cyclistes décédés sur quatre sont de sexe masculin, et ce, qu'il y ait un véhicule à moteur impliqué ou non.

Les accidents mortels surviennent partout sur le territoire québécois. En termes de nombres absolus, les régions de la Montérégie et de Montréal comptent le plus grand nombre de cyclistes décédés. Cependant, ce sont des régions moins populeuses qui viennent au premier rang quant au taux moyen de mortalité, soit Mauricie–Bois-Francs, Chaudière-Appalaches, Bas-Saint-Laurent, Saguenay–Lac-Saint-Jean et Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine. On observe, à la lecture des rapports de coroners, que les accidents surviennent un peu partout sur le réseau routier: dans les rangs, quartiers résidentiels, routes régionales et provinciales.

Bien que nous ne connaissons pas ces données pour chacun des décès, nous savons, sur la base des données connues, que peu de victimes portaient le casque au moment du décès, bien que cette proportion semble augmenter au fil des ans. Dans le cas des accidents impliquant un véhicule à moteur, les résultats montrent un taux de port du casque de 6,5 % entre 1990 et 1992, de 11,5 % entre 1993 et 1995 et de 19,6 % entre 1996 et 1998. Dans le cas des accidents n'impliquant pas de véhicule à moteur, un seul cycliste portait le casque protecteur.

Entre 1996 et 1998, 48,1 % des décès étaient attribuables à un traumatisme cranio-cérébral et 16 % à un traumatisme cranio-cervical. Ces proportions sont respectivement de 48,6 % et 13,9 % dans les cas où l'accident impliquait un véhicule à moteur et de 44,4 % et 33,3 % lorsqu'il n'y a pas de véhicule à moteur. Ces données proviennent des rapports des coroners et mettent en évidence le fait que la tête du cycliste est une partie du corps très vulnérable lors d'un accident, quel qu'il soit.

Nous ne présumons pas ici que ces décès auraient été évités. Je fais référence à ce qu'on vous a mis en annexe, on vous a remis un recueil de 22 rapports de coroner sur des décès de cyclistes ne portant pas de casque protecteur et décédés d'un traumatisme cranio-cérébral. Nous ne présumons pas ici que ces décès auraient été évités si la victime avait porté un casque. Toutefois, nous considérons que ce recueil est pertinent dans le contexte de cette réflexion. De plus, il nous apparait important que les membres de cette commission soient au fait de la réalité vécue au travers de ces rapports de décès.

La mission des coroners est de protéger la vie humaine. Et pour ce faire nous savons que plusieurs moyens peuvent être mis de l'avant. Certains moyens visent à réduire l'incidence des accidents alors que d'autres permettent de diminuer la sévérité des blessures lorsqu'un cycliste est impliqué dans un accident. C'est le cas du casque protecteur.

Les données du coroner mettent en évidence le fait qu'il faut protéger la tête du cycliste, que ce dernier utilise ce mode de locomotion à des fins récréatives ou comme moyen de transport. C'est un moyen peu coûteux – je parle du port du casque, évidemment – qui s'avère très efficace pour réduire la sévérité des blessures, et ce, quel que soit le type d'accident. C'est aussi un moyen qui agit peu importe l'âge de la victime, et nous savons que les cyclistes sont tués à tous âges. Le cyclisme est un loisir plus dangereux en termes de mortalité que le hockey. Pourtant, le hockeyeur est mieux protégé. Et, comme moyen de transport, inutile de préciser que les cyclistes sont les usagers les moins bien protégés.

Nombreux sont les coroners qui ont prôné de rendre le port du casque obligatoire pour tous les cyclistes. Il ne faut pas oublier qu'à chaque fois cette recommandation est appuyée par un rapport d'investigation faisant état des circonstances de l'accident et des causes médicales du décès. C'est donc sur la base de ces informations de première main que le coroner recommande de rendre le port du casque obligatoire sachant que cette mesure aurait vraisemblablement sauvé la vie de la victime.

Enfin, le casque peut également, vous l'aurez compris, diminuer la sévérité des blessures lors d'accidents non mortels. On sait en effet que les accidents de cyclistes font de nombreux blessés à chaque année. Selon les données fournies par la Société de l'assurance automobile du Québec, on compterait 10 fois plus de cyclistes blessés grièvement que de cyclistes décédés et 100 fois plus de blessés légers.

C'est la présentation que je voulais vous faire ce matin. Alors, si on peut répondre à vos questions, il nous fera plaisir.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Chevrette: Merci beaucoup, M. Morin, madame. Je voudrais commencer en citant un de mes prédécesseurs qui a été ministre des Transports et qui disait, le 20 décembre 1996, ceci: J'ai été surpris ce matin, M. le Président, d'apprendre du ministre – ou cet après-midi – que, dans le cas du port du casque à vélo, il a dit non. «Je suis surpris de voir que le ministre a cédé plutôt à des pressions de Vélo Québec au lieu d'écouter peut-être les spécialistes, les neurochirurgiens ou même des jeunes qui sont venus nous voir et qui avaient eu malheureusement des accidents de vélo mais qui ne portaient pas le casque. Ils avaient encore aujourd'hui des séquelles. Oui, il semblerait que le port du casque ait plafonné. Il a plafonné à peu près à 25 %. Dans d'autres endroits, comme en Australie, à un moment donné ça a plafonné. Il a été obligé de passer une loi pour que le port du casque soit obligatoire.» Donc, c'était un des derniers ministres des Transports du gouvernement libéral, en l'occurrence le député de Pontiac.

Je voudrais, M. Morin, vous dire que je ne sais pas s'il faut aller à une loi pour l'obligation du port du casque, parce qu'il en existait une pour au moins respecter les arrêts, respecter le virage à gauche. Ça prend des signaux. Il y en a qui nous coupent sur le boulevard René-Lévesque, les trois travées d'autos, puis ça nous coupe, puis bonjour, Luc. Mais, très majoritairement, très majoritairement, les gens sont venus nous dire qu'ils sont contre le port du casque. La grande majorité ont eu l'honnêteté de nous dire que c'est pour la baisse potentielle de la pratique du sport. Ça au moins ils nous le disent très franchement. Mais, quand on regarde les statistiques que vous donnez, qu'on écoute le président du département de traumatologie de Sacré-Coeur, qui nous a donné d'autres statistiques à part de ça, je pense qu'il faut faire quelque chose en tout cas, puis ça presse.

Mais j'avais dit que vous aviez un rôle quasiment de politicien dans le fond, comme coroner. Puis je vais m'expliquer. Vous savez qu'il faut faire quelque chose. Des fois, vous nous varlopez dangereux, nous, les politiciens, quand on ne fait pas... en tout cas, ou on ne fait peut-être pas tous les efforts qu'il faudrait faire. C'est votre rôle, je respecte ça, moi, puis je pense que c'est même essentiel. Mais comment vous expliquez, avec les années, qu'on ait développé un lobby aussi fort au point d'être contre quelque chose qui est très sécuritaire? Et les mêmes groupes viennent nous dire qu'ils sont contre le virage à droite, alors que le virage à droite avec arrêt peut être scientifiquement prouvé que c'est moins dangereux qu'un «cédez», par exemple. Comment vous m'expliquez ça? Y a-tu un phénomène sociologique que je ne comprends pas? Vous avez assez d'expérience, j'aimerais vous entendre parler un peu.

M. Morin (Pierre): Bien, écoutez, je peux peut-être donner des opinions personnelles. Je dois par contre vous dire que personnellement je ne suis pas un adepte du cyclisme. Alors, je ne sais pas si on peut dire que je parle plus objectivement du fait que je n'en suis pas un. Je ne le sais pas.

M. Chevrette: Bien, moi, j'en ai fait, du bicycle.

M. Morin (Pierre): Ce qui m'intrigue un peu, ce que j'ai de la difficulté à m'expliquer, c'est qu'il me semble qu'on entend souvent dire, par exemple, que chez des conducteurs d'automobile détenir un permis, c'est un privilège. Si détenir un privilège pour conduire un véhicule automobile sur la voie publique, ça en est un, privilège, je me demande pourquoi tous ceux qui circulent sur la voie publique, on ne peut pas considérer ça comme étant un privilège.

(9 h 50)

Ce qu'on remarque, c'est qu'il y a de la réglementation en ce qui concerne les automobilistes, les motocyclettes, il y en a qui concerne les mobylettes. Un peu comme vous je me dis: Pourquoi on ferait une exception en ce qui concerne les cyclistes qui circulent sur la voie publique? Je veux dire, quel privilège, avec un grand P, aurait les cyclistes pour circuler sans avoir quelque réglementation que ce soit?

En tout cas, pour un, n'étant pas cycliste mais étant contribuable, je paie des impôts et je me dis: Pourquoi on accepterait une situation qui, pour moi, crève les yeux à l'effet que ça protège? Pourquoi qu'on continuerait d'accepter, comme contribuable, de payer des impôts pour soigner les gens, par exemple, des traumatismes qu'on sait qu'on peut éviter? Évidemment, le problème ne se pose pas juste dans le domaine du cyclisme puis des accidents de la route. On regarde ce qui vient de se passer au hockey avec Bérard, le défenseur des Maple Leafs de Toronto, qui a perdu un oeil, qui va probablement perdre sa carrière. Ça se présente dans beaucoup de domaines, sauf que la voie publique, c'est quelque chose qui est tellement généralement utilisé, je dirais – c'est un lieu commun, la route; qui n'utilise pas la route? tout le monde utilise la route – que j'ai de la difficulté, moi aussi, à m'expliquer ces réticences-là.

Évidemment, moi-même ayant déjà fait une présentation devant la commission, ici, en 1996 et en en faisant une autre cette année, j'entends un peu des commentaires des gens. Moi, le commentaire que j'entends privément de ceux qui sont contre: Ce n'est pas confortable quand il fait chaud, puis, du cyclisme, on ne fait pas ça en hiver, on fait ça en été. Moi, le seul commentaire que j'ai entendu personnellement, c'est celui-là. Et ce n'est même pas un commentaire qui touche à l'esthétique, de dire: Bien, on a l'air des bouffons quand on a un casque sur la tête, ou des choses du genre. Alors, j'ai, moi aussi, un peu comme vous, M. le ministre...

M. Chevrette: Ce n'est pas une parade de mode, ça, quand tu t'en vas en patin à roues alignées ou bien donc que tu fais du bicycle. Il y a des limites, là.

M. Morin (Pierre): Exact.

M. Chevrette: Moi, ce genre d'arguments là, ils sont mieux de ne pas me le sortir au bout de la table.

M. Morin (Pierre): Tout à fait. Moi, en tout cas je parle autant comme contribuable que comme coroner en chef quand je fais ces commentaires-là. Je ne peux pas m'empêcher d'y penser comme contribuable aussi. Remarquez, M. le ministre, que, quand on fait des recommandations, il faut toujours penser en contribuable aussi, c'est-à-dire qu'on demande toujours que nos recommandations soient réalistes. Et je pense qu'on ne peut pas nous critiquer au niveau des recommandations sur le port du casque obligatoire, on ne peut pas nous dire qu'elles sont irréalistes.

M. Chevrette: Il y a un autre point, M. Morin – c'est dans la même veine. On invoque souvent le droit à la liberté individuelle. Je reconnais que la liberté individuelle, c'est quelque chose de très important, mais, quand elle touche le droit collectif... Parce que l'individu, s'il est libre de porter un casque, la société comme telle, qui s'est donné un plan collectif d'assurance, ne s'est pas donné de liberté de ne pas payer pour celui qui veut exercer une liberté sans protection. J'aimerais vous entendre sur ce principe de base. Vous ne craignez pas qu'on soit en train de bâtir une société qui se drape de droits individuels en niant l'existence totale d'exigences ou de droits collectifs?

M. Morin (Pierre): Moi, je pense qu'on doit rechercher l'équilibre dans tout ça, au niveau des droits individuels et des droits collectifs. Vous avez dit tout à l'heure effectivement qu'on plafonnait. Ce que j'ai comme chiffres, c'est qu'on plafonne actuellement, en ce qui concerne le port du casque, à peu près à 26 %.

M. Chevrette: 26 %.

M. Morin (Pierre): Je pense que ce plafonnement-là à un moment donné en termes de résultats crée un déséquilibre, justement. Ça ne nous permet plus d'atteindre un équilibre en ce qui concerne les libertés individuelles. Je pense qu'on penche trop d'un côté, à un moment donné. On se rend compte que, prendre pour acquis que les gens vont se convaincre eux-mêmes peut-être par des campagnes... Mais Dieu sait qu'il y en a eu, des campagnes, sur le port du casque, à date. Il y a beaucoup d'organismes qui prônent le casque, on en entend parler depuis longtemps. Il y a eu des améliorations, mais ce qu'on constate, c'est que les améliorations maintenant ne sont plus sur le port du casque, mais sur une certaine diminution – en tout cas en ce qui concerne les coroners – des décès dans les accidents qui impliquent, entre autres, les véhicules à moteur.

M. Chevrette: Moi, je voudrais déposer ce matin un document qui a été demandé, je crois par M. le député de l'Acadie, sur ce que le ministère des Transports a fait comme investissements sur l'élargissement de l'asphalte, et tout. On vous a préparé... On a deux tableaux, je crois, à remettre. Ça répond à des questions. Également, je déposerais un plan de présentation à l'éducation à la sécurité routière en milieu scolaire, qui peut permettre, je pense, aux gens d'avoir des copies.

Une voix: Merci.

M. Chevrette: Une autre question, une dernière question. Vous voulez questionner? Oui? Une dernière question que je voudrais vous poser à vous ou à madame. J'ai mal saisi, au départ, la statistique de la comparaison entre quelqu'un qui est blessé non pas par un véhicule moteur mais qui se blesse... ça peut être sur une piste cyclable, il n'est en contact avec aucun véhicule. J'aimerais que vous me rappeliez les statistiques.

Et est-ce que je me trompe en observant dans vos tableaux que 83 % des accidentés en vélo sont des gens de 24 ans et moins? Quand je regarde... ou des décès? J'ai vu ça à la page 26, ça, si ma mémoire est fidèle. À la page 26, c'est ça. Si je fais le bilan des 25... Non, ce n'est pas 25-44, excusez, ça serait plutôt 73 % ou 70 %, ce qui est énorme de toute façon, parce que, quand on pense qu'une société doit payer pour des séquelles permanentes quelqu'un de 14 ans qui est blessé et qui vit jusqu'à 70 ans, c'est un coût social épouvantable. Et je pense qu'il y a une responsabilité familiale qui est complètement oubliée dans cela, d'envoyer un enfant faire du vélo sur l'ancienne route 2 – je peux vous dire que ce n'est pas tout asphalté encore la largeur nécessaire – sans casque, en plus, quand on sait qu'en haut de 20 km/h ou à peu près même le casque ne protège pas, imaginez-vous si tu n'en as pas.

Donc, j'aimerais que vous replaciez les statistiques pour bien comprendre, parce que, ce que je veux par mes propos, c'est sensibiliser ou que vous contribuiez à sensibiliser les gens aux séquelles permanentes et aux coûts sociaux de telles catastrophes vis-à-vis les jeunes.

M. Morin (Pierre): Je vais céder la parole à Mme Tennina.

M. Chevrette: Merci, M. Morin.

Mme Tennina (Sonia): Oui. En fait, il y a près de 70 % des accidents à vélo qui surviennent chez les moins de 25 ans, et c'est un sur deux chez les moins de 15 ans. Donc, ça place effectivement les jeunes... surtout quand on parle d'accidents impliquant des véhicules moteurs, les jeunes sont encore plus vulnérables. Lorsqu'on est dans une situation où il n'y a pas de véhicules moteurs, là, les personnes plus âgées deviennent un peu plus vulnérables que les plus jeunes. Mais les jeunes sont vraiment très à risque. Ce qu'a dit M. Morin tout à l'heure, c'était qu'entre 1986 et 1998 le Bureau du coroner a enregistré un total de 503 décès chez les cyclistes. Les chiffres, c'étaient 67 % qui concernaient les moins de 25 ans; quand je dis près de 70 %, c'est ça, le nombre.

Et, pour revenir à la question que vous posiez tout à l'heure, justement quand on parle de port du casque, quand c'est une habitude qui se prend jeune, pour les jeunes ça ne devient pas un fardeau. Ce qui est difficile, ceux qui en ce moment sont réfractaires, c'est souvent la génération qui ne l'a pas porté jeune, qui maintenant fait face à une contrainte de liberté. Mais, si on fait le parallèle avec la ceinture de sécurité et les véhicules, maintenant les gens la portent sans contrainte et souvent ils l'ont appris jeunes, à la porter sans contrainte, et ils n'ont plus de problème avec ça. Ça fait partie d'une hygiène de vie, de quelque chose qui est normal et naturel pour eux.

Donc, je me dis: Oui, il va y avoir un choc de toute façon pour une génération probablement, quelques générations, mais après les jeunes vont être habitués et n'auront plus de problème à porter ça, eux, le casque, et ça va les protéger en plus. Étant jeune, on va porter... Parce que, si on ne les informe pas, si on ne leur demande pas de le porter, effectivement, c'est eux qui sont le plus victime actuellement de ce type d'accidents.

M. Chevrette: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de l'Acadie.

M. Chevrette: M. Morin?

Le Président (M. Gagnon): Non. Bien, il va venir après, en alternance.

M. Chevrette: Ah, après? Excusez.

Le Président (M. Gagnon): ...

M. Chevrette: Non, c'est correct.

Le Président (M. Gagnon): Ah bien, O.K. M. le député de La Peltrie.

(10 heures)

M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Alors, monsieur, madame, bienvenue à cette commission et félicitations pour les bonnes statistiques et le mémoire qui a été préparé, que vous nous avez présenté ici.

J'ai seulement une interrogation. On dit souvent, bon, qu'il faudrait améliorer la législation pour justement inciter davantage au port du casque, parce qu'on dit que ça plafonne. On dit que le port du casque est plafonné à 26 %, je crois, si ma mémoire est fidèle, actuellement. Mais, lorsque je regarde vos statistiques, selon tous les mémoires qui ont été présentés ici, bon, il n'y a pas seulement l'équipement de sécurité, à un moment donné, qui fait qu'on peut sauver un accident ou on peut en diminuer la blessure, mais il y a aussi tout le fait de l'attitude et du comportement, qu'on doit y aller davantage par l'information et aussi la formation. C'est parce que je vois dans vos statistiques, à la page 20 de votre mémoire, la répartition des décès chez les cyclistes sur une année, de 1986 à 1998. Bon, on voit que, de 1986 à aller au moins jusqu'à 1991, bien, ça s'est maintenu, même il y a eu une augmentation. Puis, de 1994 à 1998, là il y a une diminution même de moitié, plus que la moitié, même, en termes de diminution.

Puis là j'aimerais, moi, savoir quelle a été, durant cette période-là, l'augmentation des cyclistes au Québec. Parce qu'on voit qu'avec toutes les routes vertes qui ont été construites, qui ont été mises de l'avant, puis l'utilisation encore davantage au niveau touristique des cyclistes... Bon, au fond, il y a une diminution de plus de 50 %, une diminution de plus de la moitié. Mais, si on le compare avec l'augmentation grandissante de la clientèle cycliste, est-ce que vous pouvez faire un petit peu le parallèle avec ça? Est-ce que ça veut dire que, là, il y a de l'amélioration du côté des comportements et des attitudes en termes des cyclistes? Parce qu'on semble plafonner à 26 % au niveau du port du casque. J'aimerais avoir un peu plus d'informations, de détails à cet effet-là, à ce parallèle-là.

M. Morin (Pierre): Moi, d'abord, je dois vous dire que je n'ai pas de chiffres précis en ce qui concerne l'augmentation de la popularité du sport, par exemple du cyclisme, de l'usage du vélo. Je n'ai pas de chiffres là-dessus. Par contre, effectivement, il y a une amélioration qui est évidente. On peut faire l'analogie, on a vécu la même expérience en ce qui concerne les décès par véhicules automobiles. On se rappellera qu'en 1973 on avait beaucoup moins de permis, beaucoup moins de véhicules sur la route, puis on avait 2 200 morts. Alors, on est rendu beaucoup mieux, maintenant, on approche les 700, 750 par année alors qu'il y a beaucoup plus de véhicules sur la route et qu'il y a beaucoup plus de détenteurs de permis. Par contre, je pense que les véhicules sont plus sécuritaires.

Est-ce qu'au niveau du vélo on pourrait tirer une conclusion et dire qu'il y a des vélos qui sont plus sécuritaires? J'en douterais, de ça. Je ne peux pas voir. Je regarde les vélos – même si je n'en fais pas, je les vois quand même – je ne vois pas qu'est-ce qu'il y a de plus sécuritaire. Peut-être un peu améliorer sur le plan du système de freinage. Mais je pense que c'est surtout une attitude qui se développe au fil du temps, je ne dirais pas jusqu'au fil des générations parce qu'on n'a pas assez de temps de couru dans les chiffres auxquels vous faites référence. Mais je pense qu'à force de cogner sur le même clou, la prudence – la prudence – j'ai l'impression quand même qu'il y a une certaine part qui s'explique, la bonification au niveau des chiffres, par une attitude qui est plus consciente. On est plus conscientisé. Je dirais même que je vois des cyclistes sur la route ou sur les voies cyclables, les parents n'ont pas le casque, mais les enfants l'ont. Il y a peut-être quelque chose qui se développe tranquillement pas vite.

Par contre, ce qui m'inquiète un peu... J'ai envie de vous dire que ce que nos chiffres révèlent, ça m'a un peu surpris. Je ne vous cacherai pas, comme coroner en chef, que, quand j'ai pris connaissance de ces chiffres-là la première fois, ça m'a surpris. C'est ceci: c'est que, en général, on dit que les enfants sont moins habiles que les adultes. Et on voit souvent de la publicité à la télévision, par exemple, où le père et la mère supportent le petit qui commence à aller à bicyclette, etc., pour ne pas qu'il tombe. On serait porté à penser que les chutes à vélo, sans véhicule à moteur, c'est le fait des enfants. Or, ce que les chiffres révèlent, ce n'est pas ça, ce n'est pas les enfants qui tombent tout seuls et qui se tuent à vélo, de façon générale. Ça, je vous avoue que ça m'a surpris. Si ce n'est pas les enfants qui se tuent, est-ce que c'est parce que, par exemple, il y a un plus haut taux de port du casque chez les enfants, comme je viens de le dire? Des fois, on voit des enfants qui le portent et les parents ne le portent pas. Je ne le sais pas, mais j'ai de la difficulté à vous répondre parce qu'effectivement nous n'avons pas, au Bureau du coroner, de chiffres précis sur l'augmentation de la popularité du cyclisme au Québec.

M. Côté (La Peltrie): Donc, si c'est moins fréquent chez les jeunes puis que toute l'éducation qui se donne actuellement dans le milieu scolaire, et ainsi de suite, depuis 1985, à peu près, qu'il se donne de la formation, de l'éducation...

M. Morin (Pierre): Il ne faut surtout pas arrêter.

M. Côté (La Peltrie): ...est-ce que, à ce moment-là, on commence à en retirer les bénéfices, de cette...

M. Morin (Pierre): Moi, je pense que oui. Effectivement, quand on prône, nous, comme coroner, comme institution, le port du casque à vélo, on ne prône pas, par a contrario, d'arrêter de faire des campagnes publicitaires ou des mesures qui incitent à la prudence et au port du casque et à un comportement plus prudent. C'est évident qu'on ne souhaite pas ça. Ce qu'on souhaite, c'est qu'on continue, sur les autres volets, à faire ce qu'on fait. Je pense qu'on en retire certains bénéfices. Mais, étant donné le plafonnement en ce qui concerne le port du casque et les faits brutaux puis qui crient, dans nos rapports de coroner... J'en lisais encore – dans les 22 qu'on vous a donnés – hier soir, là, et je me disais: Nonobstant le fait qu'il n'y ait pas de recommandations spécifiques du coroner sur le port du casque, le rapport est clair, puis on voit que le traumatisme... Il n'y a eu qu'un traumatisme, puis c'est au crâne. Et, moi personnellement, je suis convaincu, même si je ne suis pas médecin – il faut dire que la majorité de mes coroners investigateurs, ceux qui signent ces rapports-là, sont des médecins – qu'il y en a plusieurs qu'on sauverait là-dessus.

M. Côté (La Peltrie): Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Morin, M. le député de l'Acadie.

Mme Tennina (Sonia): Si je peux me permettre, j'aurais aimé juste rajouter un petit quelque chose. Il y a quelque chose aussi qui est important dans la prévention. Le comportement, l'éducation, ça a des effets, mais ça a des limites, surtout chez les enfants, parce qu'ils n'ont pas nécessairement les habiletés nécessaires, à 10 ans, même pour traverser une rue. C'est connu que les enfants n'ont pas toutes les habiletés, les réflexes qu'il faut pour ça. Ils n'ont jamais conduit non plus de véhicule moteur. C'est souvent quand on en conduit un qu'on réalise comme on est peu visible, comment c'était dangereux, les comportements qu'on avait.

Et il y a un point qu'on ne peut discuter mais qui a changé quand même, au fil du temps, au Québec: c'est les infrastructures, quand même, routières pour les cyclistes. Il y a beaucoup plus maintenant de pistes cyclables qu'il y en avait dans le passé, et ça, c'est un moyen qui est drôlement efficace, quand même. Il ne faut pas se le cacher, si on sépare les cyclistes des véhicules moteurs, eh bien, là, les risques de collision, on vient de les diminuer beaucoup. Il va rester des collisions, quand même, dont on a, nous, des rapports, des cyclistes qui viennent en collision ou des chutes à vélo. Mais des collisions avec les véhicules moteurs, ça se trouve à diminuer. Et ça, c'est un moyen très efficace, de modifier l'environnement, pour que les cyclistes soient plus sécuritaires. Et c'est peut-être ça qui a joué aussi, au fil du temps, parce qu'il y a quand même eu une bonne... il y a pas mal de pistes cyclables, là, qui sont apparues un peu partout sur le réseau québécois. Il y a beaucoup d'enfants aussi qui sont encouragés à prendre les pistes cyclables plutôt que d'aller vers les routes. Ça peut avoir joué. Parce que, les comportements, il ne faut pas s'illusionner, même chez les adultes, changer les comportements, on frappe, à un moment donné, aussi, un seuil limite qu'on a de la difficulté à augmenter.

Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui. Merci, M. le Président. Alors, je voudrais d'abord vous remercier pour la présentation de votre mémoire. Je pense que les données que vous nous avez présentées sont quand même importantes et je pense que vous êtes en position pour, effectivement, nous apporter un éclairage dont on doit tenir compte, compte tenu, au fond, du travail que vous effectuez.

J'ai un certain nombre de commentaires et de questions à vous poser. Tout d'abord, peut-être pour faire un premier commentaire sur la question de mettre une mesure législative pour obliger le port du casque. Je pense qu'on a affaire à une réalité qui est dramatique. Évidemment, on parle d'accidents, on parle de décès, et on serait porté peut-être facilement à toujours penser que la voie de la loi, les obligations législatives sont les solutions les plus appropriées. Mais je pense qu'il faut faire attention aussi pour essayer de trouver un équilibre là-dedans. D'abord, il faut être prudent par rapport au fait d'imposer des lois pour toutes sortes de choses. Et je pense que le port du casque, c'est un domaine qui est important. Je pense qu'il n'y a personne qui est venu ici, en commission parlementaire, qui a dit que le casque n'était pas important, y compris ceux qui ne prônent pas une mesure législative pour l'obliger. Alors, je pense que là-dessus tout le monde s'entend, tout le monde souhaiterait que 100 % des cyclistes portent le casque. Maintenant, il s'agit de savoir... c'est les moyens. Quels moyens doit-on prendre pour arriver à favoriser le plus grand nombre possible d'individus qui portent le casque protecteur?

(10 h 10)

Madame parlait tout à l'heure d'habitudes. Je pense que l'habitude qui risque le plus de durer, c'est celle qui est intégrée d'une façon volontaire ou par conviction... qu'une habitude qui est imposée par la loi. Parce qu'on sait, par exemple, au niveau du gouvernement, on a toutes sortes de lois et on a toutes sortes d'individus qui essaient de passer à côté aussi parce qu'ils ne comprennent pas nécessairement le bien-fondé d'une loi ou ils ne l'ont pas intégrée d'une façon personnelle, la raison pour laquelle on met une loi pour baliser certains comportements, etc.

Donc, on revient souvent sur le fait qu'on atteint un maximum de 26 % du port du casque. Je pense qu'il faut être critique aussi par rapport à cette chose-là. Et il y a un certain nombre de questions qu'on doit se poser. Les gens du milieu du cyclisme qui sont venus ici, qui sont contre une obligation légale, nous disent, par exemple, que dans des activités – puis ça, c'est tous les groupes de vélo qui sont venus ici – il y en a 80 % à peu près qui portent le casque. On parle du Tour de l'île, on parle de toutes sortes de groupes de vélo. Et il n'y a pas de loi qui les oblige, et ces groupes-là n'obligent pas non plus les gens à le porter. Alors, de façon générale, là, on parle de 75, 80, 85 % de gens qui le portent.

Donc, est-ce qu'on doit nécessairement se rabattre sur une mesure légale pour obliger les gens à porter le casque ou si on n'a pas fait défaut, au fond, ou on n'a peut-être pas fait tous les efforts nécessaires, on s'y est peut-être mal pris pour favoriser la sensibilisation, l'éducation? Et d'ailleurs dans votre conclusion, les recommandations de votre mémoire, vous faites bien référence à trois causes qui peuvent expliquer les accidents, c'est-à-dire la réparation de la chaussée, signalisation renforcée, l'ajout d'une piste cyclable, un éclairage amélioré, donc l'environnement physique. Il y a un certain nombre d'accidents qui sont dus à ça. Et ça, je pense que ce n'est pas une loi, c'est des mesures qui doivent être prises par le ministère ou par les municipalités éventuellement. Vous faites aussi référence à une meilleure sensibilisation chez les jeunes et vous faites référence aussi à la question de l'obligation du port du casque. Alors, il y a cette dimension-là de sensibilisation.

Je vous donnais tout à l'heure les données. Sur 80 % des gens qui participent à des activités – puis on ne parle pas de petits nombres, là – le tour cycliste de Montréal, c'est 40 000 personnes. D'autres groupes, là, disent qu'ils font affaire avec 3 000, 4 000 cyclistes par année. D'autres, des clubs de vélo, etc. Quand on regarde les données qui sont dans le livre vert comme tel, on s'aperçoit qu'il y a des régions, comme la région de Québec, où le port du casque, en 1998, était de 40 %. D'autres régions, je pense à l'Outaouais, 48 %. On arrive dans la Mauricie–Bois-Francs, 15 %; Montérégie, 18 %. Alors, comment on peut expliquer que dans certaines régions on réussit à améliorer le niveau du port du casque et que dans d'autres régions on est plus bas?

Le dernier point que je veux rajouter là-dessus, puis je voudrais avoir vos commentaires par la suite, c'est qu'il ne faut pas oublier non plus que la SAAQ comme telle, dans des données qui nous ont été fournies durant cette commission, a diminué de 50 % les budgets consacrés à la promotion relativement à la sécurité en vélo. De 1995 à 1999, on a baissé de 50 % les budgets. Alors, évidemment en baissant de 50 % on ne peut pas dire, là, qu'on améliore la sensibilisation, c'est certain. L'autre élément: quand on regarde le montant per capita – et, per capita, ici je fais référence au nombre de conducteurs automobiles – on consacre en 1999, par exemple, 0,33 $ en activités promotionnelles reliées à la sécurité, à l'alcool au volant et ces choses-là. On consacre 0,33 $ par conducteur à des activités promotionnelles, alors que vous disiez vous-même tout à l'heure que les véhicules sont quand même plus sécuritaires que le vélo, et on consacre 0,08 $ par cycliste.

Alors, moi, j'ai l'impression que, en tout cas, on a possiblement, là, la capacité de faire beaucoup plus au niveau de la promotion avant de penser à recourir à des mesures législatives qui, incidemment, ne seront pas nécessairement faciles à appliquer, là, tel que ça nous a été rapporté ici, par exemple par le milieu policier.

M. Morin (Pierre): Ce que je répondrais à ça, c'est que, pour moi, je trouve qu'une des régions où on a fait le plus de promotion en ce qui concerne le vélo, c'est la région de la Montérégie, et ce n'est pourtant pas là où on a le plus haut taux de succès. Alors, c'est évident qu'il faut agir à tous les niveaux, comme vous le dites. C'est multifactoriel, l'intervention qu'on doit faire. On doit faire des interventions à plusieurs niveaux, c'est ce qu'on dit dans notre document, sauf que ça ne donne pas toujours des résultats escomptés, parce que, comme je vous soulignais, en Montérégie, c'est une des régions où on fait le plus d'information là-dessus, on a fait des études là-dessus, on a fait des programmes d'incitation pour, par exemple, axer une campagne sur le port du vélo avec une aide publicitaire, là, d'organismes, etc., et ce n'est pas là où on a les meilleurs taux de succès. Alors, évidemment une mesure seule ne donne pas nécessairement un résultat patent en fin de course.

Moi, je pense qu'il faut continuer – c'est ce que je disais tout à l'heure – à prendre des mesures à tous les niveaux: au niveau de l'environnement, au niveau des comportements. Mais je pense qu'au niveau du port du casque on en parle depuis longtemps. Vous avez raison de dire: Il ne faut pas toujours prendre – je suis avocat – la loi puis les règlements comme solutions, sauf que je pense que, cette problématique-là, ça fait longtemps qu'on en parle. Comme on a parlé longtemps de l'idée de rendre la ceinture obligatoire dans les véhicules automobiles, puis à un moment donné on l'a fait puis ça a donné des résultats tangibles. Et je ne le sais pas, moi, je ne suis pas convaincu que le taux de succès du port de la ceinture de sécurité est principalement dû au fait que les gens étaient dorénavant, à partir du 1er janvier de telle année, au fait que ça donnerait des résultats.

Moi, je pense qu'à un moment donné il vient une étape, dans une graduation, il vient une séquence où il faut prendre une mesure qui est un peu plus sévère et y aller par voie législative. C'est ce qu'on a fait en ce qui concerne le port de la ceinture de sécurité. Puis je me souviens qu'à l'origine effectivement il y a eu des grincements de dents, les gens n'aimaient pas tellement ça. Sauf que, moi, ce que je lis dans les journaux maintenant, c'est qu'on a un des meilleurs taux de succès en ce qui concerne le port de la ceinture de sécurité, puis je n'ai pas l'impression qu'elles sont plus confortables qu'autrefois nécessairement. Je veux dire, je change, comme vous, de temps en temps, de bagnole, et il y a des fois qu'on est moins à l'aise même si la bagnole est plus neuve. Il y a toujours une adaptation à faire à ce niveau-là, au niveau de la ceinture. J'ai l'impression que, pour le casque, c'est un peu le même genre de réticence qu'on a. Mais je pense que, moi, depuis le temps qu'on en parle, on en est rendu là.

M. Bordeleau: Comment vous expliquez la différence de... les différences auxquelles j'ai fait référence tout à l'heure, là, les groupes de vélo, par exemple, qui font des activités, les régions où on passe de 48 à 15, si on regarde les deux extrêmes, et les effets, disons, des décisions que la SAAQ a prises de couper de 50 % au niveau des...

Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a des possibilités là, une certaine marge de manoeuvre qui reste avant de recourir à une mesure législative?

M. Morin (Pierre): Je ne le sais pas s'il reste une certain marge de manoeuvre, mais par analogie je peux vous dire que la Fédération des clubs de motoneige ont vécu le même problème avec eux autres aussi. Je veux dire, il y a des endroits où on a beaucoup plus d'accidents. Prenez la Fédération, c'est à la grandeur du Québec, ça, et on en a eu des cas d'accidents de motoneige, vous le savez comment est-ce qu'on a fait de sorties là-dessus. Et à un moment donné, on en vient à la conclusion qu'il faut procéder par règlement. Puis on a fait de la réglementation en ce qui concerne la motoneige, on a fait de la législation, puis ça bonifie. On ne peut pas toujours rajouter nos succès, dire que nos succès dépendent de ça. Mais regardez cette année le taux de succès qu'on a. Évidemment, il y aura toujours quelqu'un pour se faire l'avocat du diable puis dire: Bien, oui, écoutez, arrêtez de vous taper sur la bedaine, ce n'est pas compliqué, on n'en a pas eu de neige, cet hiver, puis on n'a pas eu d'hiver, c'est pour ça que vous avez moins de morts, vous avez deux fois moins de morts. Je ne suis pas convaincu, moi, qu'on peut tirer une conclusion comme celle-là.

Moi, je pense qu'à force de cogner sur le clou, à force d'en faire, de la publicité... On en fait, nous autres, avec nos conférences de presse. On en a fait, l'hiver dernier, à Trois-Rivières. Ça a fait réagir le milieu, la Fédération, entre autres le président de la Fédération, puis l'exécutif de la Fédération était là avec moi puis le coroner Gauthier, à l'époque. Ça a donné des résultats. Par exemple, on bonifie la signalisation de plus en plus. Sauf que je pense qu'à un moment donné, quand on attend... N'oubliez pas que, moi, comme coroner en chef, là, ceux que j'ai dans mes dossiers, là, ils ne se sont pas fait une plaie ouverte sur le coude, là, ils sont morts, ces gens-là, ce sont des gens qui sont décédés, là. Qu'on prenne juste le critère gravité du travail qu'on fait, là, on travaille dans le domaine des morts violentes, je pense qu'il y a place à amélioration.

(10 h 20)

Et on peut toujours dire, effectivement, qu'il nous reste encore une petite marge de manoeuvre, vous avez peut-être raison. Moi, je ne nie pas ce que vous dites. Peut-être qu'on ne les a pas toujours faites de la bonne manière, les campagnes de promotion. Peut-être qu'il y aurait de la bonification à amener de ce côté-là, de l'amélioration, et, effectivement, ça demande toujours certains déboursés. Remarquez que, nous autres, on est bien conscients comme coroners aussi que, et on y pense à chaque fois, on est coroners et on est contribuables et on est bien conscients d'une chose: c'est que chaque fois qu'on fait une recommandation... Arrêtez-vous à y penser deux minutes. Tous mes dossiers, moi, de mort violente, ça interpelle directement ou indirectement un ou des ministres. Pensez à n'importe quel cas de mort violente, arrêtez-vous à y penser – n'importe quel cas – même le suicide interpelle le ministre de la Santé et des Services sociaux.

Alors, c'est évident que les recommandations qu'on prône ont toujours un impact aussi sur le plan budgétaire. On est conscient de ça. C'est évident qu'il faut dire que ça prend de l'argent pour faire des choses. Mais je pense que, juste le critère monétaire dans le contexte de la problématique qu'on discute, ce n'est pas suffisant.

Le dernier commentaire que je ferais sur cette discussion-là, moi, à ce niveau-là, c'est qu'on prône le port du casque obligatoire, donc une législation là-dessus qui force ça, comme on l'a fait pour le port de la ceinture de sécurité. Par contre, il est bien évident que faire une loi et ne pas mettre des gens pour l'appliquer, ça peut poser des problèmes. Ça, ça peut être dangereux aussi. Il ne faudrait pas développer, à un moment donné, une culture du milieu qui ferait que: Ce n'est pas compliqué, ils l'ont passée, la loi, mais on ne le portera pas, le casque, on ne se fait jamais arrêter puis on ne se fait jamais ramasser. Je pense qu'il va falloir que cette loi-là soit accompagnée de mesures, que les corps de police s'impliquent à ce niveau-là et prennent le pas dans la parade et marchent dans l'application de cette loi-là, si on décide d'aller vers l'adoption de cette loi-là.

Peut-être un dernier commentaire aussi. Des gens pouvaient dire, à un moment donné, que, politiquement – je me permets de dire «politiquement» parce que M. Chevrette disait tout à l'heure qu'on joue un peu un rôle politique comme coroners – c'est vrai que ça serait peut-être plus facile de faire comme en Ontario, par exemple, puis imposer le port du casque chez les mineurs. Le premier commentaire que ça me soulève... Je vous disais tantôt que ce qui me frappe, c'est que, entre autres, en ce qui concerne les décès, dans les cas de chutes sans véhicules à moteur, ce n'est pas chez les mineurs qu'on se tue. Donc, ce sont des majeurs qui se tuent, sans véhicule moteur, comprenez-vous? Et, deuxièmement, si on fait juste imposer le casque chez les mineurs, je ne sais pas comment ça se passe en Ontario, je n'ai pas de parenté là, mais ça doit être un peu bizarre d'être père de famille et de dire à ses deux flos: Écoutez, là, vous portez le casque, mais, moi, je n'en porte pas parce qu'il fait trop chaud. Je trouve que, au niveau de l'exemple, ça doit être assez difficile à vendre. Alors, c'est les commentaires que j'avais à faire. Je m'excuse d'avoir été un peu long.

M. Bordeleau: Il y a un autre point sur lequel j'aimerais revenir. Vous y avez fait référence un petit peu tout à l'heure mais de façon indirecte. Dans ce débat-là, sur la question du port du casque, le ministre y faisait référence aussi tout à l'heure en disant: Si les gens commettent des imprudences, en parlant, mettons – je ne sais pas, je n'utilise pas les termes exacts – ne portent pas le casque, est-ce que, comme société, on peut se permettre de dire: On n'a pas à payer. Je pense que vous y avez fait référence vous aussi en disant: Comme contribuable, je ne vois pas pourquoi je paierais pour des individus qui commettent des imprudences, etc. À partir de ce raisonnement-là, j'aimerais savoir si le Bureau du coroner ou si vous, comme contribuable, la position que vous avez prise tout à l'heure, vous avez regardé le problème des conducteurs en état d'ébriété. Il y a une espèce d'incohérence. Le ministre invoque ce raisonnement-là pour dire: Je ne vois pas pourquoi, dans le cas du port du casque, les gens qui ne portent pas le casque se blessent et ensuite la société est obligée de payer pour eux autres la balance de leur vie.

Par contre, le ministre défend le fait qu'on ne se repenche pas sur la question des indemnisations des conducteurs en état d'ébriété qui, eux, ne commettent pas des imprudences, ils commettent des gestes criminels, et c'est la société qui paie pour ces gens-là la balance de leur vie aussi. Alors, il y a une espèce de deux poids, deux mesures. Et j'aimerais savoir si le Bureau du coroner comme tel a déjà fait des recommandations au ministère des Transports ou à la SAAQ dans le problème des indemnisations des conducteurs en état d'ébriété et comment, vous, à partir du raisonnement que vous avez élaboré tout à l'heure, vous réagissez à cette problématique-là des conducteurs en état d'ébriété?

M. Morin (Pierre): Alors, pour répondre à votre question, je dois vous dire que les coroners, quand on fait des recommandations, qu'on travaille dans un sens pour bonifier des dossiers, c'est pour une meilleure protection de la vie humaine, et on ne pense pas qu'une mesure ça n'a pas de rapport avec une protection. Ce que je veux dire par là, c'est que, peu importe qui paie dans un contexte comme celui-là, on n'évite pas des morts en corrigeant des tirs. Si je comprends bien ce que vous dites, en fait, votre question, c'est la suivante: On voit des débats de ce temps-ci, avec l'avocat Bellemare, de Québec, qui se fait le promoteur de dire: Bien, on devrait modifier la loi de Mme Payette, la Loi sur la Société de l'assurance automobile, l'indemnisation. On devrait un peu mettre la hache là-dedans puis dire: Quand c'est un criminel, on n'indemnise pas.

Bien, moi, les commentaires... On n'a rien fait au niveau du coroner, à ce niveau-là, parce que ce n'est pas notre rôle de discuter sur le plan monétaire. Je veux dire que je ne pense pas que ça ait d'impact sur la bonification du dossier. C'est un peu comme la peine de mort, la question sur la peine de mort. Si on réinstaurait la peine de mort, on aurait moins de meurtres. Je ne suis pas convaincu de ça, moi.

M. Bordeleau: Non, mais c'est le raisonnement auquel vous avez fait référence tout à l'heure, quand vous disiez: Comme contribuable, je ne vois pas pourquoi je paierais éventuellement pour des cyclistes qui commettent des imprudences. C'est la raison pour laquelle je vous demandais...

M. Morin (Pierre): Oui, je disais ça dans le contexte du privilège d'être détenteur puis d'utiliser la route.

M. Bordeleau: Oui, oui, mais le privilège aussi de conduire une automobile et d'avoir la responsabilité de ne pas conduire quand on n'est pas en état de le faire. Alors, je me demandais si, à ce titre-là, vous aviez fait des recommandations tout simplement à la SAAQ.

M. Morin (Pierre): Non.

M. Bordeleau: Et la raison pour laquelle j'invoquais ce problème-là, c'est que le problème existe. Comme vous le dites: On le discute. Mais c'est parce que vous vous étiez situé tout à l'heure comme contribuable par rapport à la problématique du port du casque. Je vous demandais si...

M. Morin (Pierre): Non, comme coroner, comme Bureau, comme institution, non. Des réflexions personnelles, je m'en fais. Je veux dire, quand on voit des dossiers... Je me souviens, à un moment donné, d'un accident qui avait fait un peu scandale au coin de la route de l'Église puis du boulevard Laurier à Sainte-Foy, où il y avait quatre jeunes filles ou cinq qui étaient mortes dans un accident de nuit, et c'est un peu celui-là qui a parti le bal, je dirais, qui a été scandaleux. Sauf que le réflexe que j'ai aussi, comme contribuable... On parle de gros chiffres, et l'abstention d'indemnisation, la réflexion que je me fais, il y a un côté humanitaire à ça, on fait quoi de la veuve puis des trois enfants du père qui était impliqué dans l'accident? Il y a ça aussi qui...

M. Bordeleau: Il y a d'autres régimes, au niveau du gouvernement, qui existent justement pour ces cas-là, et ce n'est pas plus déshonorant pour une personne qui serait dans cette situation-là d'aller par exemple à l'aide sociale que pour n'importe quelle famille dont le père, ou le conjoint, le père ou la mère ont perdu leur travail, se retrouvent dans des situations difficiles, qui vont à l'aide sociale. Les régimes sont là pour ça.

M. Morin (Pierre): Bien, oui.

Le Président (M. Gagnon): En quelques secondes. Le temps est écoulé.

M. Bordeleau: Oui. Bien, juste une dernière question rapide, là. Dans le document, on parlait du virage à droite et du patin à roues alignées aussi qui sont des problématiques. Est-ce que vous avez une opinion là-dessus? Parce que vous n'y avez pas fait référence. Comme coroner, est-ce que vous avez un message à nous laisser là-dessus?

M. Morin (Pierre): Bien, écoutez, en ce qui concerne le virage à droite, moi, j'ai juste un commentaire, mais on n'a pas fait d'études là-dessus parce qu'on a manqué de temps puis on manque de ressources. Mais en ce qui concerne le virage à droite, le seul commentaire que j'ai à faire, moi – je vous le dis, on n'a pas fait d'études là-dessus et on ne serait pas capable de les faire à notre niveau, au niveau coroner, à moins d'avoir des chercheurs qui prendraient les dossiers un par un pour les 10 dernières années, parce que c'est une problématique qui ne se discutait pas à l'époque – c'est – je pense toujours, quand on a parlé du virage à droite, à la mission telle qu'elle est phrasée au ministère des Transports – d'assurer la libre circulation des individus et des biens.

Je déplorais souvent, à un moment donné, en boutade, à mes interlocuteurs du ministère des Transports – j'en vois quelques-uns ici – qu'on ne rajoutait pas «en toute sécurité» dans cette mission-là. Le seul commentaire que j'ai, c'est que, au niveau de la mobilité, c'est évident que c'est un plus, c'est bien évident. On va en Ontario puis on le voit, c'est un plus au niveau de la mobilité. Moi, comme coroner en chef, je pense sécurité puis je ne suis pas certain que, au niveau de sécurité, ça en est un, plus. C'est le seul commentaire que je voudrais faire sur le virage à droite parce que je n'ai pas fait d'études là-dessus.

(10 h 30)

En ce qui concerne le patin à roues alignées, je peux vous dire que, à date, depuis 1995, on a eu 10 décès causés par le patin à roues alignées. On a incidemment apporté les rapports ici. On en a neuf parce qu'il y en a un qui n'est pas terminé. En ce qui concerne le patin à roues alignées, ma position serait à peu près celle-ci: On n'en est qu'au début. Il ne faut peut-être pas avoir peur d'avoir peur. J'ai l'impression que ce qu'on devrait faire... Moi, en tout cas, pour un, je prônerais, pour encore quelques années, le statu quo à ce niveau-là. C'est mon opinion. On en a eu 10 depuis 1995; ça fait cinq ans. Évidemment, on dit toujours qu'une vie n'a pas de prix. Ça en fait deux en moyenne par année. Mais je pense que, quand on veut bloquer ça, ça prend une contrepartie. Ça prend quelque chose pour pallier à ça. Si on s'en va puis on interdit ça sur les routes, sur les voies, sur les accotements – ce n'est pas tout le monde, je pense, qui a des patins à roues alignées puis qui a un centre d'achats asphalté à côté de chez lui – je pense que ça pose un problème. Et, actuellement, je pense que c'est interdit en vertu du Code de la sécurité routière. Moi, je prônerais le statu quo là-dessus avec une application comme elle se fait actuellement. Pardon?

M. Chevrette: Il n'y en a pas, d'application.

M. Morin (Pierre): C'est rare qu'il y en a. Mais, je ne le sais pas, moi, je me dis que, pour pallier à ce problème-là, il faut avoir une solution, un remède, puis, moi, je ne l'ai pas, je vous l'avoue. Je n'ai pas étudié ça puis je n'ai pas de remède à ce niveau-là.

Le Président (M. Gagnon): Merci, Me Morin. C'est tout le temps qu'on avait.

J'inviterais les gens de l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées à venir prendre place.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Gagnon): Dans le temps que vous prenez place, je vais rappeler que, pour la présentation de votre mémoire, il y a en tout 60 minutes qui sont allouées, dont 20 minutes au niveau de la présentation, et le temps qui reste est réparti également entre les deux formations politiques.

Je demanderais au porte-parole du groupe de bien vouloir s'identifier ainsi que d'identifier la personne qui l'accompagne.


Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées (AQRIPH)

M. Provencher (Claude): Oui, bonjour. M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, je m'appelle Claude Provencher. Est-ce que c'est assez fort?

Une voix: Oui.

M. Provencher (Claude): On me dit souvent que je ne parle pas assez fort. C'est assez fort?

M. Chevrette: On vous le dira.

M. Provencher (Claude): D'accord. Je m'appelle Claude Provencher, je suis responsable du comité Transport adapté pour l'AQRIPH, l'Alliance québécoise des regroupements régionaux pour l'intégration des personnes handicapées. Je suis accompagné de M. Jean Melançon, qui est vice-président de la Société de la sclérose en plaques, section région de Québec, et président du Regroupement des organismes de promotion de la région 03, qui est membre de l'AQRIPH.

La mission de l'AQRIPH est la défense des droits et la promotion des intérêts des personnes handicapées vivant au Québec, et c'est dans l'intérêt des personnes, handicapées ou non, que nous voulons intervenir maintenant. Des cinq thèmes abordés dans le livre vert, nous avons choisi de traiter le virage à droite sur feu rouge car il concerne plus directement nos gens.

Il se dit beaucoup de choses sur ce sujet. Peut-être même tout a-t-il déjà été dit. Certains sont pour, d'autres contre, chacun a ses raisons, et nous respectons tous les points de vue. Cependant, les documents que nous avons consultés nous portent à penser que le virage à droite sur feu rouge entraînera une augmentation des accidents. Or, comme société, ce que nous devons viser, c'est l'augmentation zéro et, mieux, une diminution du nombre d'accidents.

On nous a aussi démontré de façon très crédible, dans les études, que les économies de temps et d'énergie de même que la baisse du taux de pollution qu'entraînerait le virage à droite sont négligeables, si tant est qu'elles soient jamais réalisables. Si nous voulons parler d'économie, pensons à nous épargner de la souffrance, à nous et à nos semblables, et à économiser sur les coûts sociaux, d'hospitalisation, de réadaptation, de suivi psychologique après traumatisme, de maintien à domicile et de pensions versées aux accidentés.

Tous les points de vue sont défendables. Il est possible de présenter le virage à droite sur feu rouge comme un besoin, comme un élément nécessaire au meilleur fonctionnement de notre société. Cependant, cela ne doit pas se faire au détriment de la sécurité des personnes, car nous faisons face à une question qui reste sans réponse certaine: Y aura-t-il, oui ou non, plus d'accidents? Répondre non constitue, à notre avis, une gageure que nous perdrions probablement en tant que société. Dans le doute, abstiens-toi, dit le proverbe. Nous aimerions semer le doute dans vos esprits quant au bien-fondé du virage à droite sur feu rouge. Des études avancent que le virage à droite sur feu vert est déjà la cause de 8 % des accidents et que le virage sur feu rouge n'augmenterait que de 1 % le nombre de ces accidents. Nous pouvons certainement nous passer de ce 1 % supplémentaire.

Le principe des pertes acceptables, principe en vertu duquel les gains présumés valent bien une perte calculée, est intolérable dans une société évoluée. On peut aussi se dire: La campagne sur la consommation d'alcool au volant, la campagne encourageant le port de la ceinture de sécurité, elles ont bien fonctionné, lançons une autre campagne pour sensibiliser nos concitoyens à respecter les règles, de cette façon, l'introduction du virage à droite n'augmentera pas le nombre d'accidents. Mais, dans les deux premiers cas, il s'agissait d'éliminer un problème déjà existant.

Ce que nous ferions en permettant le virage sur feu rouge, c'est créer un problème là où il n'y en a pas pour ensuite lancer une campagne de sensibilisation pour en réduire les impacts. Quelles valeurs déciderons-nous de défendre comme société? La mobilité des véhicules automobiles ou la santé humaine? L'économie de temps et d'énergie ou l'économie de souffrances? Tant que nous ne serons pas tout à fait certains du caractère inoffensif du virage à droite sur feu rouge – et comment l'être vraiment – nous ne devons pas l'implanter. Il existe d'autres méthodes produisant des économies d'énergie et permettant une meilleure mobilité, et cela, sans aucun risque d'augmenter le nombre d'accidents. Prenons donc cette voie.

La perspective de pouvoir tourner à droite sur feu rouge est à l'origine d'un genre de syndrome que l'on rencontre de plus en plus quand il s'agit de science ou de technologie. On semble tellement excité par la découverte de la nouveauté ou la possibilité de jouir d'une nouvelle liberté que l'on minimise l'impact négatif qu'auront les décisions prises sur les êtres humains. Par exemple, pas un seul scientifique aujourd'hui n'est en mesure d'affirmer hors de tout doute que les organismes génétiquement modifiés n'auront pas, à long terme, d'effets néfastes sur la santé des êtres humains ou sur l'environnement.

Pourtant, les gouvernements subventionnent depuis plusieurs années les recherches en ce sens, faisant ainsi passer, encore une fois, les intérêts technologiques et financiers avant la sécurité de l'humain, cela, sur la base de raisonnements qui tiennent parfois plus du sophisme que du gros bon sens et de l'objectivité. On donne priorité à la technologie au détriment de l'être humain. Bien sûr, on fait cela pour faciliter les choses aux agriculteurs ou pour mieux nourrir les humains de la planète, mais il s'agit, encore une fois, d'une gageure dont la santé des personnes risque de faire les frais. Que m'importe d'économiser à l'achat de mes légumes si je dois en payer le prix par la perte de ma santé. De la même façon, que m'importe d'économiser quelques sous à la pompe si je dois débourser davantage pour mon système de santé ou voir encore plus de souffrance chez mes concitoyens ou chez moi-même.

L'AQRIPH se prononce contre l'implantation du virage à droite sur feu rouge. Cette décision n'est pas le fait d'un groupe de personnes que l'on considère faibles ou qui seraient incapables de s'adapter au progrès et à la nouveauté. La raison première de notre décision est le souci de la sécurité, de l'intégrité et de la santé des personnes. Si, malgré tout, le gouvernement décidait d'instaurer le virage à droite sur feu rouge, cela devra être fait très progressivement, être appuyé par des campagnes de sensibilisation efficaces, en surveillant le tout de très, très près de façon à détecter le moindre signe de hausse d'accidents afin de mettre un terme au projet, parce que la souffrance est une chose détestable qu'il faut par tous les moyens possibles tenter d'éliminer.

Dans les minutes qui restent, nous aimerions examiner avec vous des cas où le virage à droite sur feu rouge risque fort d'entraîner des difficultés à des personnes et d'augmenter le niveau de danger auquel elle sont déjà journellement exposées. Alors, je passerai la parole à M. Melançon.

(10 h 40)

M. Melançon (Jean): Bonjour, M. le ministre, MM. les membres de la commission. Aujourd'hui, j'interviens en tant que ce qu'en termes politiquement corrects on appelle un aidant naturel, c'est-à-dire le conjoint d'une personne atteinte de sclérose en plaques, mais aussi comme grand-père. Et c'est pourquoi je voudrais porter à votre attention certains cas qui sont vécus quotidiennement, entre autres, par les jeunes mères qui, poussette d'une main et bambin de l'autre, doivent traverser des intersections où les feux verts sont déjà très courts. Si elles doivent en plus surveiller sur la gauche l'arrivée d'un véhicule qui aurait droit de tourner à droite sur le feu rouge, on ajoute, on augmente, on accroît le risque de danger et la tension chez ces gens-là.

Également, comme l'a souligné mon collègue, puis M. le coroner en chef le soulignait, sur les risques du casque à vélo, on fait campagne pour le casque à vélo, on voudrait imposer le casque à vélo pour réduire les traumatismes crâniens, alors que, d'un autre côté, on voudrait permettre le virage à droite, qui peut-être, au pis-aller, pourrait augmenter mais quand même de 1 % les risques d'accidents. On peut observer également que, dans notre société, il y a des personnes de petite taille et il y a des personnes qui se déplacent en fauteuil roulant de plus en plus.

M. Chevrette: De petite taille, là, pensez-vous à moi?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Melançon (Jean): Ah! peut-être. Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Je n'ai pas de problème avec le virage à droite, moi. Je vous expliquerai ça tantôt.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Melançon (Jean): O.K. M. le ministre, votre chauffeur est là.

M. Chevrette: C'est parce qu'il vient de Sainte-Marie-Salomé. C'est dans mon comté, à part ça. Il est natif de Sainte-Marie.

M. Melançon (Jean): Et les gens de Saint-Côme...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Melançon (Jean): Alors, c'est un peu peut-être aussi pour les personnes de petite taille et en fauteuil roulant, qui sont difficilement visibles. Moi, j'ai l'expérience également, comme aidant naturel, de devoir, aux intersections, à l'occasion, descendre mon épouse parce que les baisses des trottoirs pour permettre de monter un fauteuil... Souvent, je dois m'arrêter à l'intersection pour descendre, décharger de la fourgonnette le triporteur, permettre à mon épouse, avec un siège électrique, de prendre place dans son triporteur et monter sur le trottoir à l'endroit où est la baissière, qui est habituellement à l'intersection. À ce moment-là, si je me place dans la voie de circulation, je bloque la circulation; si je prends la rue perpendiculaire, je risque, avec le virage à droite, de me faire rentrer... pendant que je m'affaire à sortir le triporteur pour le mettre à la disposition de mon épouse, j'ai le risque d'avoir quelqu'un qui tourne à droite qui ne m'a pas vu m'arriver et me frapper à l'arrière. Pour rappeler à M. Chevrette, c'est peut-être pire que le coup de balai donné dans les mollets quand on joue au ballon-balai. Il y a également des personnes âgées qui se déplacent avec plus de difficulté. Et, M. Chevrette, tout le monde vieillit, vous le savez comme moi.

M. Chevrette: Il y en a qui vieillissent bien, d'autres mal.

M. Melançon (Jean): Oui. Une journée par année, nous avons le même âge. Donc, je sais qu'on vieillit, parce qu'une journée par année nous avons le même âge, le 9 janvier.

M. Chevrette: Exact. Mais je peux-tu vous dire que, moi, je ne vieillis pas, je ne fais que changer d'âge?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Melançon (Jean): C'est la même chose pour moi.

M. Chevrette: Merci.

M. Melançon (Jean): Alors, ça pose quand même certaines difficultés. Et vous verrez peut-être, à l'occasion, qu'on perd aussi de l'acuité auditive. On perd, M. Chevrette, également, avec l'âge, de l'acuité auditive. Et, quand ça arrive du côté gauche, moi, ça m'arrive actuellement où j'ai... mais ça arrive chez plusieurs personnes de notre âge, M. Chevrette.

M. Chevrette: Je n'ai aucun problème auditif.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Melançon (Jean): Je vous en raconterai d'autres.

M. Chevrette: Pour moi, vous n'acceptez pas votre âge. C'est tout.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Melançon (Jean): Mais je suis votre cadet d'un an. C'est qu'à ce moment-là les personnes qui souffrent de difficultés auditives, entre autres du côté gauche, cherchent souvent de quel côté vient le bruit, et, si on vient pour traverser une intersection, quelqu'un klaxonne ou on entend une voiture, on est porté à chercher de quel côté ça vient. Donc, on augmente les risques pour ces personnes-là.

Enfin, après avoir feuilleté tous les documents, regardé les statistiques et même celles que les agents de recherche du ministère ont colligées à partir d'une étude américaine qui date de 1973, si je me souviens bien, par mon expérience près du milieu politique depuis 40 ans soit comme journaliste soit comme employé de l'État, il y a certaines contradictions avec lesquelles je suis habitué de vivre, mais il y a des absences de vérification de données aussi avec lesquelles je suis habitué de vivre.

Aux États-Unis, ils ont pris, en 1973, la décision de prendre le virage à droite pour réduire la consommation d'essence. Ils n'ont pas réduit les cylindrées de leurs voitures, ils ont bloqué l'entrée des petites cylindrées venant du marché européen ou du marché asiatique, alors qu'au Québec et au Canada on a vu évoluer le marché de l'automobile avec une réduction des cylindrées des voitures, des dimensions des voitures et, donc, une réduction de la consommation d'essence. Ça veut dire que toutes les statistiques qu'on pourrait invoquer au Québec pour justifier le virage à droite, toute réduction de la consommation d'essence m'apparaîtrait très, très, très minime en comparaison des coûts de santé dû à des traumatismes crâniens et à d'autres dommages corporels ou matériels qui en résulteraient. Puis d'ailleurs votre collègue M. Landry le sait, la santé a besoin de budget, il ne faudrait pas quand même lui en couper encore plus. Et je m'arrête là.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.

M. Provencher (Claude): Monsieur, je peux... Il y a quelques secondes...

M. Chevrette: Oui, il reste une seconde.

Le Président (M. Gagnon): Si vous voulez compléter.

M. Provencher (Claude): Oui, s'il vous plaît. Alors, je voudrais seulement apporter encore deux, trois exemples de difficultés que peuvent vivre des personnes face au virage à droite. Ce sont des choses qui vous ont déjà été présentées, vous êtes au courant de ça, j'aimerais quand même les souligner.

Les personnes qui vivent avec une déficience visuelle, elles apprennent à se déplacer en tenant compte de la circulation parallèle. Elles travaillent avec leurs oreilles. Ces personnes-là pourront s'être engagées pour traverser transversalement, et quelqu'un qui arriverait au coin pour tourner ferait son arrêt sur feu rouge, une personne distraite pourrait frapper quelqu'un qui est non voyant qu'elle n'aurait pas vu venir.

Pensons aussi au cas de personnes – c'est un cas encore moins connu, je dirais, plus mystérieux – qui ont des difficultés cognitives, entre autres les personnes qui ont des déficiences intellectuelles. De plus en plus, elles sont nombreuses à circuler sur la rue de façon autonome, sans compter celles qu'on va encore désinstitutionnaliser et qui ont tout à apprendre au moment où elles sortent d'une institution. Ces personnes peuvent comprendre un nombre limité de règles seulement, et ces règles doivent être très claires. Toute exception à une règle est difficile à comprendre et apportera de la confusion dans ce que ces personnes savent déjà et augmentera considérablement les risques pour elles.

Citons aussi, en terminant, toutes les personnes qui, suite à un accident de sport ou autre, doivent se déplacer avec un plâtre ou en fauteuil roulant pendant quelques semaines. Quand on est en fauteuil roulant ou en béquilles sur la rue, on se sent vulnérable. L'asphalte est pas mal plus proche quand on est assis dans une chaise. On se sent plus vulnérable face à ça. On se déplace moins facilement, les réflexes sont moins rapides, on est plus vulnérable aux mouvements de la circulation. Somme toute, un très grand nombre de personnes sont ou se retrouvent un jour ou l'autre limitées dans leurs déplacements et plus vulnérables aux aléas de la circulation.

(10 h 50)

En terminant, avez-vous déjà remarqué que l'on aime quelqu'un en dépit de ses défauts et que l'on peut détester une personne en dépit de ses qualités? On dira d'une personne: C'est parce qu'elle est dynamique, c'est parce qu'elle est fiable qu'elle me plaît, cette personne-là. Mais, en fait, elle nous a d'abord été sympathique et ensuite seulement on a découvert ses qualités, on s'est dit: Ah! C'est pour ça que je la trouve sympathique. Et on continue de la trouver sympathique même quand on a découvert ses défauts. Au-delà de la sympathie que l'on peut éprouver pour le virage à droite sur feu rouge, sachons reconnaître ses défauts et la souffrance inutile qu'il peut provoquer. Merci.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Merci, MM. Provencher et Melançon. Moi, je vais essayer d'expliquer peut-être pour la xième fois que le virage à droite, le lendemain matin, ça pourrait être décidé, ça ne veut pas dire que tu te mets à tourner à droite partout, ça. Je m'excuse, mais c'est la compréhension que vous semblez donner aux hypothèses ou aux scénarios, alors que le virage à droite autorisé à travers le monde, où est-ce qu'il y en a...

J'arrive des États-Unis. Ce n'est pas vrai que tu tournes à droite partout. Il y a même des endroits où il y a une forte densité qui traverse, c'est marqué «pas de virage à droite sur feu rouge». C'est clair, ça. Puis, en plus de ça, je peux vous dire, moi, que c'est bien plus dangereux de traverser, aux États-Unis, là où c'est marqué «cédez» que là où le virage à droite est permis, parce que, quand c'est marqué «cédez» et que la lumière s'en vient jaune orange, il s'élance, le gars, tu sais – ou la femme, je ne suis pas sexiste. Vous irez dans les «cédez» pour voir si ce n'est pas plus dangereux que des arrêts complets. Ça ne veut pas dire, ça, le virage à droite, que tu n'arrêtes pas, là, ça veut dire que tu arrêtes complètement puis tu tournes à droite.

Il y a un monsieur qui est venu ici témoigner, nous disant ceci: «Mais, en fait, l'introduction du virage à droite au feu rouge a pour effet de changer toute la dynamique des mouvements d'intersection en privilégiant de vider l'intersection au préalable. Et la conséquence, et les études américaines nous le démontrent, particulièrement au niveau de la STO, c'est de dire: Oui, il y a des augmentations d'accidents au virage à droite au feu rouge, mais elles sont compensées par une réduction de plus de 5 % aux mêmes intersections. C'est-à-dire que les quelques accidents qu'occasionne le virage à droite au feu rouge, cela occasionne l'élimination de 13 fois plus d'accidents aux mêmes intersections.» C'est un M. Gratton qui était questionné, à l'époque, par M. le député de l'Acadie.

Moi, j'arrive des États-Unis. Je suis rentré cette nuit, à 4 h 10 du matin. J'ai conduit. Puis je ne conduis pas, régulièrement, parce que je suis ministre puis j'ai un conducteur. Comment ça se fait que je fais mon arrêt, je tourne à droite et je n'ai frappé personne? Quand je vois quelqu'un qui a une canne blanche, si j'étais capable de sortir puis d'aller l'aider, j'irais. On ne devient pas plus fou parce qu'on a le droit de virer à droite. Quand tu vois quelqu'un dans une chaise roulante, à Montréal, se promener dans la rue, sur le boulevard René-Lévesque ou sur la rue Sherbrooke, tu ne fonces pas dedans parce qu'il y a une chaise roulante devant toi, tu arrêtes.

Les gens de Gatineau et de Hull, quand ils traversent du côté d'Ottawa, ils voient des gens qui sont aveugles, qu'est-ce qu'ils font? Ils arrêtent, ils les laisse passer. Ils ont pourtant le droit de virer à droite. Ce n'est pas marqué «écrasez-les, vous avez le droit de tourner à droite», là, c'est marqué «arrêt, opportunité de virer à droite». Il y a une très mauvaise perception.

Même le maire Bourque et la ville de Montréal sont venus m'expliquer ici que c'était très dangereux à Montréal. Ils garderont tous leurs sigles, la petite main, le petit bonhomme qui marche puis la flèche. Il n'y a rien qui les oblige à ne pas l'interdire à des endroits très, très stratégiques où il sort du monde, mais à 3 heures du matin... D'abord, il n'y a pas grand chaises roulantes à 3 heures du matin sur la rue Sherbrooke. Puis tu vas attendre deux, trois minutes pour virer à droite même s'il n'y a personne? C'est ça aussi qu'il faut regarder. Il faut arrêter de voir ça dans une perspective sectaire, je pense. Je vais vous poser une question: Êtes-vous pour le port du casque, oui ou non?

M. Melançon (Jean): Le port du casque, oui.

M. Chevrette: Obligatoire?

M. Melançon (Jean): Je le rendrais, pour ma part... Mes enfants, ceux qui font du cyclisme, l'ont porté, même s'ils sont déjà âgés et...

M. Chevrette: Vous, M. Provencher, êtes-vous d'accord avec le port du casque obligatoire?

M. Provencher (Claude): Oui.

M. Chevrette: Les patins à roues alignées, qu'est-ce que vous feriez avec eux autres?

M. Provencher (Claude): Ça, c'est des sujets sur lesquels on n'a pas travaillé, nous.

M. Chevrette: Non, non, je comprends, mais vous avez une notion de sécurité. Qu'est-ce que vous proposez pour les patins à roues alignées?

M. Provencher (Claude): Qu'est-ce que je propose?

M. Chevrette: Qu'est-ce que vous proposeriez? Je vous pose la question. Vous avez une idée personnelle. Vous venez témoigner ici, devant nous pour la sécurité.

M. Provencher (Claude): Oui.

M. Chevrette: Je vous pose une question: Qu'est-ce que vous faites avec les patins à roues alignées qui sont dans la rue puis qui sont bien plus encombrants que les chaises roulantes?

Une voix: Comme les bicyclettes, un couloir.

M. Chevrette: Pardon, madame, à votre tour, s'il vous plaît. M. Provencher.

M. Provencher (Claude): Je ne me suis pas préparé à répondre à ce genre de question là.

M. Chevrette: Non. O.K. Mais je veux juste vous démontrer – je n'essaie pas de vous mettre en boîte – qu'on regarde notre secteur puis qu'on oublie qu'il y a une collectivité. Ce n'est pas d'aujourd'hui que ça se fait. Y a-tu plus d'endroits au monde où il y a des personnes âgées à mobilité réduite qu'à Miami? La moyenne d'âge, en tout cas, moi, dans mon bloc, est à peu près de 87 ans. Je suis le jeunot, j'ai l'air du flo.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Et puis, c'est drôle, ils virent à droite, puis tu les vois au volant – vous le savez, vous y êtes allé – c'est à peine s'ils voient le capot, puis ils tournent à droite. Puis je ne sais pas qu'est-ce qu'on a de pas correct ou de pas comme ailleurs, moi, ici. J'ai de la difficulté à me rentrer ça entre les deux oreilles, surtout que les statistiques, M. Provencher... J'en ai demandé. Il n'y est pas, aujourd'hui, le spécialiste. Il a dit: Peut-être 1 %, mais il ne parle pas de ce que ça peut changer comme attitude, comme M. Gratton parle, d'autre part.

M. Provencher (Claude): Est-ce que je peux...

M. Chevrette: Oui, ça ne sera pas long, à votre tour.

M. Provencher (Claude): D'accord.

M. Chevrette: Et puis je voudrais qu'on analyse ça de façon correcte, objective et globale et non pas de façon exclusivement sectaire. Il y a un paquet de monde qui est venu sur votre siège nous dire...

M. Provencher (Claude): ...juste une personne sur mon siège.

M. Chevrette: Oui, je sais, sur votre...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Elle est bonne. Un à zéro! Ha, ha, ha! Il y a un paquet de monde qui est venu nous dire: Oui, mais le port du casque, ça peut nous empêcher de faire du vélo parce que c'est inconfortable. Je vous donne juste un exemple. Il s'en tue minimum 26, si ce n'est pas plus, puis il y a des traumatismes. Ils souffrent longtemps, là. Ils peuvent souffrir de sept ans aller à 70 ans puis 75. Vous le savez, ça. Ça, ça fait 26, mais ils ne veulent pas l'obligation du port du casque puis ils sont contre le virage à droite qui peut-être pourrait en avoir 1 %. J'ai de la misère à concilier ça entre mes deux oreilles, pour quelqu'un qui parle de sécurité routière. C'est juste ça que je dis. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Provencher (Claude): Ce que j'aimerais répondre... Je vais revenir à ce que vous disiez tantôt, puis vous revenez souvent là-dessus: Au Québec, on n'est pas plus fou qu'ailleurs puis, bon...

M. Chevrette: Bien, j'espère.

M. Provencher (Claude): O.K.

M. Chevrette: J'espère que vous savez ça aussi.

M. Provencher (Claude): On n'est pas plus fou qu'ailleurs, au Québec.

M. Chevrette: Bon. Merci. On l'a!

M. Provencher (Claude): D'accord?

M. Chevrette: On est d'accord.

M. Provencher (Claude): Je voudrais juste briser cette espèce d'affrontement qui existe entre: il faut absolument éliminer toute cause de danger et de dire qu'au Québec, on n'est pas plus fou qu'ailleurs. C'est comme un affrontement d'extrêmes, là.

Je ne dis pas qu'on est plus fou qu'ailleurs, au Québec. Ce que je dis, c'est qu'en introduisant une possibilité de circuler davantage, parce que ça va entraîner plus de mouvement, plus de mouvement d'autos, plus d'occasions où une auto va tourner, partout au Québec, ça ne peut pas faire autrement que d'augmenter le nombre d'occasions de collisions.

M. Chevrette: Au contraire, si tu les obliges à faire le stop. C'est sur ça qu'on ne se comprend peut-être pas. Le virage à droite...

M. Provencher (Claude): Mais il va falloir que justement les gens le fassent, le stop.

M. Chevrette: Non, mais, M. Provencher, je vais vous expliquer. En tout cas, dans mon esprit, moi, c'est ça depuis le début. Le virage à droite n'est pas le «cédez» qu'on connaît.

M. Provencher (Claude): Non, non, je le sais. Je suis d'accord avec ça.

M. Chevrette: Le virage à droite, c'est l'arrêt complet et le virage, contrairement aux «cédez» qui sont d'une... en tout cas, à mon point de vue. J'ai bien plus peur de traverser à un «cédez», moi, qu'à un virage à droite, personnellement. Puis je n'ai pas un handicap physique, là. Puis je vous avoue qu'un handicapé qui est sur le coin d'une rue à un «cédez», c'est sacrement plus dangereux, à mon point de vue, qu'un arrêt complet avec virage à droite, parce que, le gars, il n'ira pas foncer sur vous s'il y a un arrêt complet. On se comprend là-dessus?

M. Provencher (Claude): Tout à fait.

M. Chevrette: C'est pour ça que vous ouvrez une porte, dans le fond, dans votre exposé, en disant: Si jamais on le fait, il faudra faire de la promotion, etc. J'ai compris. Vous êtes un homme de nuances, et je vous en félicite et je vous remercie.

M. Provencher (Claude): J'ai l'impression que c'est vers ça qu'on s'en va.

M. Chevrette: Ça semble aller vers ça, oui.

M. Provencher (Claude): Et c'est pour ça que j'ai voulu l'introduire, aussi.

M. Chevrette: Je trouve ça très intelligent de votre part. Je vous remercie.

M. Melançon (Jean): Je peux peut-être compléter. La question ne m'était peut-être pas adressée mais, pour ma part, je reconnais que le casque à vélo... Quant au fait que le Québec soit peut-être un des seuls États en Amérique du Nord...

M. Chevrette: À l'exception de New York.

M. Melançon (Jean): Oui. On est une société distincte, pourquoi ne pas continuer à...

M. Chevrette: Ça fait 125 ans qu'on se fait dire ça. C'est correct.

(11 heures)

M. Melançon (Jean): On peut continuer à le répéter qu'on est une société distincte. Et jusqu'à ce qu'on me prouve le contraire, on a été assez distinct pour adapter des véhicules à moindre cylindrée et à réduire notre consommation d'essence de cette façon. On n'a pas eu besoin d'adopter le virage à droite sur les feux rouges. Mais l'exemple que vous donnez, la nuit, on regarde, on le fait, effectivement il nous arrive de le faire, on s'assure qu'il n'y a pas de policier avant, mais on est à peu près assuré qu'il n'y a pas de policier.

M. Chevrette: Ça ne fait pas des enfants forts, basé sur... Des girouettes, ils regardent partout, puis ça passe. Quelle est la différence entre une loi qui ne s'applique pas, par exemple pour le cycliste... Le cycliste, il valse devant le policier, vous le savez, à Montréal, vous êtes allés souvent, vous verriez valser le cycliste devant le policier, puis l'autre il a le sifflet dans la bouche, puis il fait signe au monde, puis l'autre il valse, puis il tricote ça. Ils sont supposés, dans le Code de la route, avoir les mêmes, mêmes obligations et devoirs pour un vélo que pour une auto. Et ça ne s'applique pas, la loi. J'ai fait venir des statistiques. Montréal en avait quelques centaines, je crois, de contraventions, probablement des cas très flagrants de non-arrêt, etc. Surtout que les «livreux» de messages ou bien les «livreux» de pizza, là, ça roule en Hérode, vous le savez comme moi. Donc, il y a sûrement un paquet, un nombre incalculable d'infractions qui se font là.

Mais prenez les patins à roues alignées, pensez-vous que l'automobiliste peut arrêter la personne qui va à son ouvrage maintenant en roues alignées? Ça va devenir un problème majeur. Ce n'est pas de le placer dans un centre d'achats, comme disait le prédécesseur, puis pouvoir faire du patin à roues alignées.

M. Melançon (Jean): Ça devient un moyen de transport.

M. Chevrette: On peut toujours mettre les routes vertes puis on peut élargir nos routes là où c'est possible. Mais en pleine rue Sherbrooke, là, il n'y aura pas une travée pour les patins à roues alignées. Ça augmente de 100 000 par année, le nombre de nouveaux adeptes, 100 000 par année.

M. Melançon (Jean): Ça devient un moyen de transport économique, effectivement.

M. Chevrette: C'est sans doute un peu moins dangereux que la planche, mais même là quelqu'un qui n'est pas habitué de freiner, vous le savez, en patins à roues alignées, c'est extrêmement dangereux, tellement dangereux. Et, moi, je pense qu'il faut faire ça intelligemment. Je pense que je partage votre point de vue là-dessus, puis il faut habituer des gens à. Mais ça ne sert à rien non plus d'avoir des législations si on n'est pas capable de les faire appliquer. C'est un des dilemmes auxquels on fait face présentement.

M. Melançon (Jean): Mais, M. le ministre, pour avoir expérimenté et avoir travaillé sur plusieurs campagnes de prévention en 28 ans, en communications à l'intérieur du gouvernement du Québec, je suis convaincu que, s'il n'y a pas quand même une réglementation et des pénalités au bout, il n'y aura pas ou peu de changement d'attitude.

M. Chevrette: Vous avez raison.

M. Melançon (Jean): Le port de la ceinture, la campagne a été efficace, d'accord. Elle a servi également à des fins politiques, elle a eu un impact politique également, On s'attache au Québec . Mais les meilleurs résultats ont été obtenus lorsqu'il y a eu des sanctions, des points de démérite.

M. Chevrette: On plafonnait à 35 %, puis on est monté à 97 %, 98 %, effectivement. Mais prenez la moto, les motocyclistes, je peux vous dire qu'ils étaient à 70 %. Il y a eu de la réticence, je m'en rappelle. On l'a imposé, puis aujourd'hui le port du casque à motocyclette est à 100 %. C'est pas mal plus gros qu'un petit casque à vélo.

M. Melançon (Jean): Mais les accidents de moto...

M. Chevrette: Puis c'est vrai que ça roule dangereusement, par exemple, ça, il faut le dire, c'est vrai. La comparaison souffre...

M. Melançon (Jean): Souffre un peu, surtout que...

M. Chevrette: Un peu. Mais il reste que, s'ils le portent à 100 % puis que ça plafonnait à 20 %, 25 %, imaginez-vous ces bombes roulantes là. C'est parce qu'il y a eu, à un moment donné, une combinaison d'incitatifs, très forts incitatifs, doublés du coercitif. Parce que la ceinture, je me rappelle, moi, le premier 100 $ que tu as payé, là, tu la portais, ta ceinture après. Il y en a des gens qui n'aimaient pas ça.

M. Melançon (Jean): Maintenant, c'est 300 $.

M. Chevrette: Oui, je sais que ça a monté pas mal. Mais dans le temps, ça valait peut-être 400 $ aujourd'hui, donc... C'était sévère, mais ça a porté des fruits.

M. Melançon (Jean): Je pense que, nous, de prime abord, on veut la sécurité pour les personnes. Et, si c'était le contexte, mais ce n'est pas le contexte, on irait demander que, pour les personnes qu'on représente, on prolonge le délai sur les feux. Parce que soit pour les mères... Les personnes âgées la traversent.

M. Chevrette: Mais vous regardez, ici, il y a 26 ou 27 secondes, je pense. Ici, là.

M. Melançon (Jean): Oui, mais une personne âgée avec une canne, essayez de traverser un boulevard... René-Lévesque à la hauteur ici, de l'entrée du Parlement en 27 secondes.

M. Chevrette: Non, je sais. Mais la majorité, quand c'est à mobilité plus que réduite, vous savez très bien que c'est le transport adapté, à ce moment-là.

M. Melançon (Jean): Oui.

M. Chevrette: Parce qu'on exagère dans notre jugement. On est porté à croire qu'on fait une règle...

M. Melançon (Jean): Votre transport adapté, on pourra en reparler dans un autre dossier.

M. Chevrette: Non. Je dois vous avouer... Qu'est-ce que c'est qu'on fait quand une personne âgée traverse? Combien de fois ça arrive, sur n'importe quel boulevard? Qu'est-ce qu'ils font, les automobilistes? Ils ne sont pas plus sauvages, je m'excuse, qu'ailleurs. Ça arrête. J'ai vu combien de fois des gens arrêter, moi, les secondes étaient terminées, les gens attendre carrément que la personne soit complètement traversée.

M. Melançon (Jean): On se civilise pour les laisser...

M. Chevrette: Il ne faut pas projeter l'image qu'on est un peuple de sauvages, non plus. Moi, je ne le prends pas, ça. Quand je dis: On n'est pas plus fous qu'ailleurs, on est aussi très latins, très sympathiques, vous le savez. Puis on est très compatissants, à part de ça, je trouve, comme peuple. Et je n'aimerais pas que, parce qu'on parle éventuellement de quelque chose, on veuille nous faire passer pour pires qu'ailleurs. Moi, je peux vous dire une chose, j'ai bien plus peur, personnellement, de céder, puis je ne vous dirai pas... parce que je pourrais commettre un impair en disant pourquoi. Il y a des gens qui ont des permis de conduire jusqu'à un âge très avancé, dans certains États, puis ils ont le virage à droite, puis il n'y a pas plus d'accidents, au contraire. Il y a beaucoup de compassion vis-à-vis un handicapé puis c'est tout à l'honneur du Québec. On a une compassion, c'est correct. Je peux vous dire que, un aveugle, qu'il soit ici, aux États-Unis ou ailleurs, il marchera toujours au son pour se déplacer. Puis je peux vous dire que je n'ai pas vu d'automobilistes, personnellement – puis j'en ai fait des pays au monde – se conduire en ingrats ou en sauvages vis-à-vis une personne handicapée. Au contraire, il y a même des automobilistes qui sont en auto, un des deux qui débarque puis qui va aider la personne, à part de ça.

Le Président (M. Gagnon): M. Provencher, s'il vous plaît.

M. Provencher (Claude): Je voulais juste souligner une chose. Ce n'est pas parce qu'on s'oppose au virage à droite sur feu rouge qu'on insinue qu'au Québec on est plus fou qu'ailleurs.

M. Chevrette: Non, non, je n'ai pas saisi ça non plus. Au contraire, je vous l'ai dit que vous avez été très brillants dans votre approche. Alors, il ne faut pas que je retire mes paroles. Ha, ha, ha!

M. Provencher (Claude): Mais, pour revenir justement sur cette brillance-là, je voulais vous demander, M. le ministre, le type d'organisme que je représente pense en termes de sécurité d'abord, pense en termes des personnes d'abord. Étant donné que vous vous orientez vers l'implantation du virage à droite sur feu rouge, comment voyez-vous l'intervention d'un organisme comme le nôtre? Nous, on s'avance ici, les dés sont joués, on apporte notre message de sécurité, que vous connaissez déjà. Qu'est-ce que vous faites avec ce que je vous dis?

M. Chevrette: Bien, moi, je pense que...

M. Provencher (Claude): Est-ce que c'est un...

M. Chevrette: Vous me donnez l'occasion...

M. Provencher (Claude): Est-ce que ça vous oriente? Qu'est-ce que ça vous donne?

M. Chevrette: Vous me donnez l'occasion de corriger un paquet de fausses perceptions. Par exemple, je dis: La ville de Montréal, je le répète, coin Sainte-Catherine et puis Saint-Laurent, Sanguinet, je ne sais pas, à la fermeture de l'Université du Québec, là, après 16 heures, voyons, je peux être la deuxième auto, puis la lumière change deux fois verte puis je ne passe pas. Les piétons passent même si c'est la mer Rouge. Qu'est-ce que c'est vous faites? Vous attendez. Il y a peut-être un déréglé, une fois de temps en temps, qui approche près, mais on sait bien qu'ils viennent de sortir de l'école puis... On ne demande pas d'abolir ça, ça permet de dire qu'on peut maintenir toute la signalisation sécuritaire, toute, on peut toute la maintenir, partout où on veut. Mais je pense à des situations où il passe, je ne sais pas, moi, x automobiles par heure, est-ce que ce n'est pas exagéré pour un même peuple, qui se dit d'accord avec la convention de Kyoto puis qui dort trois minutes, trois minutes et demie sur le feu rouge, ou deux minutes et demie, je ne le sais pas. Il faut dire que la signalisation est à refaire, aussi, au Québec. Ça, je pense que c'est très important. Il va falloir investir dans la signalisation qu'on appelle intelligente, ça, c'est évident.

Une voix: Et dans le transport adapté.

M. Chevrette: Ça, ça va corriger aussi beaucoup de choses, ça, cette histoire-là. L'élargissement des routes d'asphalte pour les cyclistes, ça aussi, ça fait partie du décor, l'amélioration. Mais, si on le voit globalement, là, il n'y a pas personne qui se prononce contre l'insécurité. Il y a une cohérence au niveau du discours.

(11 h 10)

M. Melançon (Jean): Mais il ne faudrait pas, M. le ministre, oublier aussi d'investir dans le transport adapté.

M. Chevrette: Oui, ça, vous avez tout à fait raison et vous avez remarqué qu'on a mis 3 000 000 $ de plus l'an passé. On ajoute un 1 000 000 $ à ce 3 000 000 $ là de façon récurrente.

M. Melançon (Jean): Et si vous êtes en contact avec M. Bourque et avec les autorités du métro de Montréal, je pense qu'à Montréal, pour les personnes handicapées, si le métro était adapté, ça réglerait un maudit bon...

M. Chevrette: Un bon paquet de choses, effectivement.

M. Melançon (Jean): C'est ça. Et c'est peut-être plus important de l'adapter que de le faire traverser à Laval.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de l'Acadie.

M. Chevrette: ...à Laval.

M. Melançon (Jean): Je ne demeure pas à Laval.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bordeleau: Je voudrais vous remercier, M. Provencher, M. Melançon, pour votre mémoire. La question que vous posiez au ministre tout à l'heure: Qu'est-ce que ça donne, au fond, de venir ici, je pense que c'est important. C'est important aussi dans la mesure où, au fond, quand les législateurs sont en train de regarder différentes hypothèses, d'avoir le point de vue des gens qui vivent des réalités que, nous, nous ne vivons pas. Je pense que le ministre faisait référence au fait peut-être de pouvoir, du point de vue gouvernemental, corriger certaines perceptions, mais je pense que tous les parlementaires ne sont pas nécessairement bien sensibilisés à toutes les difficultés que ça représente et je pense que c'est les gens qui les vivent qui peuvent nous les présenter, chacun dans leur façon de fonctionner dans la société. Très souvent, très fréquemment, ça amène les gens peut-être à apporter des modifications. Ce n'est pas toujours visible à première vue, mais je pense que ces exercices de commission parlementaire sont importants. Chaque groupe vient avec sa perception, et les messages se renforcent les uns et les autres et aussi se complètent les uns et les autres. Alors, je pense entre autres à toute la question des personnes handicapées.

Tout d'abord, mentionner la question, actuellement – le ministre y faisait référence un peu, là – quand on arrive à une intersection, ce n'est pas évident non plus pour n'importe qui, que ce soit des personnes handicapées ou les personnes qui n'ont pas de handicap, de se retrouver par rapport aux arbres de Noël qui existent à certaines intersections. Il y a toutes sortes de symboles, il y a toutes sortes de signes, toutes sortes de configurations physiques des intersections qui font qu'on ne sait plus trop, trop qui a priorité.

Je pense que, garder la situation actuelle, ce n'est pas nécessairement... On faisait référence au «cédez», ce n'est pas toujours très clair qui doit céder, arriver à une intersection où il y a des îlots et ce n'est pas toujours clair de savoir qui doit céder. Est-ce que, celui qui va prendre l'embranchement des intersections, il a une priorité? Est-ce que certains signes de circulation s'appliquent à celui qui se rend à l'intersection principale et ça n'implique pas ceux qui ont à prendre l'îlot? Alors, il y a toutes sortes de difficultés qui, je pense, doivent poser des problèmes quand même majeurs aux personnes handicapées. J'aimerais ça avoir votre perception, votre réflexion sur...

Les gens de la Société de transport de l'Outaouais sont venus nous faire part un peu de leur point de vue par rapport à toute cette question du virage à droite et nous parler des îlots. Je pense que les îlots, là, il faut être bien conscients qu'une personne qui arrive à une intersection où on a voulu mettre des îlots pour accélérer la circulation, ça fait partie aussi de la réalité, ça. La réalité, c'est un équilibre entre toutes sortes d'intérêts dont il faut tenir compte, et la mobilité de la circulation, ce n'est seulement pour faire plaisir aux conducteurs puis leur permettre d'arriver plus vite chez eux. Il y a le transport en commun, il y a des gens qui sont bloqués là-dedans, il y a des effets sur l'économie. Juste à titre d'exemple: les embouteillages qui se passent au pont Champlain, par exemple, on évalue que ça coûte 400 000 000 $ par année de perte de temps. Alors, il y a un problème là. C'est important. Ce n'est pas juste de dire: Bien, on va leur permettre d'aller plus vite pour rentrer de l'autre bord. Il y a des impacts économiques. Il y a des impacts au niveau des effets de serre. Quelqu'un mentionnait – je n'ai pas vérifié le chiffre – que les gaz à effet de serre sont occasionnés à 40 % par les automobiles. Alors, si cette donnée-là est exacte, ça fait aussi partie de la réalité et ça fait aussi partie de toute la notion de santé aussi. C'est évident qu'il y a des gens dans la société qui souffrent d'asthme, par exemple, qui sont affectés grandement par cette situation-là.

Alors, il y a un équilibre à chercher dans toute question-là. La question des îlots, par exemple, à partir du moment où on dit: Oui, c'est de la responsabilité des autorités municipales ou des autorités gouvernementales provinciales d'améliorer la mobilité. Bon, on a trouvé une solution qui était celle des îlots où on a l'embranchement, les deux rues ou routes principales qui se croisent de façon perpendiculaire et, dans chaque coin, on fait une petite voie de contournement. Ce que ça veut dire, au fond, c'est que les gens qui arrivent sur un coin de rue comme ça – et je pense aux personnes handicapées – elles doivent traverser d'abord la route de l'îlot, remonter sur l'autre îlot, redescendre la route principale, remonter de l'autre côté sur l'îlot, redescendre pour la voie d'embranchement et enfin se rendre sur le trottoir opposé.

Et dans la région de l'Outaouais, en tout cas à Hull, les chiffres qu'on nous donnait, c'est qu'il y a 30 % des intersections qui sont comme ça. Alors, ça ne facilite pas, ça, la question des handicapés. Et actuellement, ça pose des problèmes, et là-bas on est en train de les défaire, puis on a perdu de l'argent là-dedans. Pour améliorer la mobilité, on a construit ces configurations physiques et là on est en train de revenir en arrière, de défaire ça. Alors, dans tout ce débat-là, je pense qu'il faut regarder aussi la réalité telle qu'elle est. Elle n'est pas simplement rose actuellement. Alors, il y a des problèmes, mais... L'autre élément... je voudrais juste avoir votre avis sur la question des îlots qui existent à de nombreux endroits. Est-ce que c'est effectivement, ça, quelque chose qui complique la vie des personnes handicapées?

M. Provencher (Claude): C'est certain que ça complique la vie, là. Vous l'avez très bien décrit, c'est une course à obstacles, sans compter les automobiles auxquelles il faut faire attention. Je trouve ça très louable que les autorités en Outaouais aient pris conscience de ça et investissent, quitte à perdre de l'argent, dans ce genre de situation-là.

M. Bordeleau: Alors, c'est ça, voyez-vous, on est en train d'essayer de corriger des erreurs qui ont été faites. Maintenant, il faut aussi tenir compte de tous les autres éléments que j'ai mentionnés tout à l'heure. Je pense que le ministre l'a mentionné aussi, dans les cas où c'est évident qu'il y a des dangers pour les piétons, quels qu'ils soient, il y a toujours la possibilité d'utiliser du minutage approprié, il y a possibilité de simplifier aussi, éventuellement par des systèmes plus performants, et il y a aussi la possibilité de carrément mettre une interdiction à des endroits où c'est important de la mettre. Quand on dit «généralement permis», dans l'hypothèse qui est invoquée dans le livre vert, on ne dit pas que ça va être permis partout, dans n'importe quelle condition. Et souvent, quand on embarque dans ce débat-là, moi, la question que je me pose fréquemment, c'est: C'est quoi, la différence entre faire un arrêt à un feu rouge et tourner par la suite, si les conditions le permettent, et faire un arrêt à un arrêt, un arrêt qui n'implique pas de lumière et ensuite tourner? Est-ce que, à votre avis et selon les données que vous avez, il y a plus d'accidents aux endroits où les gens doivent faire un arrêt et ensuite tourner – et là je fais référence à des intersections où il n'y a pas de lumière – qu'aux endroits, par exemple, où il y a un «cédez» sur des lumières rouges?

M. Provencher (Claude): Moi, je vois deux différences entre l'arrêt et la lumière rouge. Premièrement, on associe au feu rouge l'arrêt, un arrêt de mouvement, jusqu'à ce que ça devienne vert. Si on permet le virage à droite sur feu rouge, on vient de briser cette norme, cette barrière à laquelle tout le monde s'est adapté. Et ça peut – je ne sais pas jusqu'à quel point, je n'ai pas de chiffres là-dessus – entraîner un moins bon respect du feu rouge réel là où il n'y aurait pas de virage à droite...

M. Bordeleau: Mais je ne vois pas la différence entre le respect du feu rouge et le respect de l'arrêt. Pourquoi les gens respecteraient moins le feu rouge et n'arrêteraient pas, par rapport à un arrêt où ils doivent faire un arrêt et ensuite tourner?

M. Provencher (Claude): C'est qu'on s'arrête à un feu rouge tant qu'il n'est pas devenu vert, alors que, si on permet le virage sur feu rouge, on s'arrête à ce feu rouge là mais on peut passer même s'il est rouge.

M. Bordeleau: Oui, allez-y, monsieur.

(11 h 20)

M. Melançon (Jean): Ce qu'il faut peut-être préciser, c'est que sur l'arrêt, le signal, le panneau d'arrêt, quand tu t'engages, tu as l'habitude de regarder. Tu sais que la personne a fait son arrêt puis qu'elle peut tourner. Ce n'est pas à déterminer. Donc, si tu t'en viens dans le même sens que la circulation ou dans le sens contraire puis perpendiculaire, si c'est perpendiculaire, tu sais que la personne va faire son arrêt, tu vas t'engager. Elle va s'arrêter puis elle va pouvoir continuer.

Si tu t'engages parallèlement, tu ne t'engageras pas s'il y a quelqu'un sur l'intersection ou sans t'assurer que l'automobiliste qui est arrêté à l'arrêt peut repartir immédiatement, parce que tu le sais que c'est juste un arrêt momentané, qui n'est pas minuté, qui n'est pas standardisé. Donc, à ce moment-là, tu as créé une habitude de comportement qui fait en sorte que, si tu veux traverser dans le sens de la circulation où il y a un panneau tout simplement d'arrêt, tu vas t'assurer que l'automobiliste va tout droit avant de t'engager. La même chose, peut-être avec plus de sécurité, si une voiture s'en vient, tu vas t'engager pour traverser, sachant qu'il y a un arrêt, puis l'automobiliste, lui, va repartir après, aussitôt. Il n'y aura pas de retard pour lui. Il se sent plus en sécurité.

M. Bordeleau: L'automobiliste a aussi l'obligation d'arrêter...

M. Melançon (Jean): D'arrêter, oui.

M. Bordeleau: ...lui, de s'assurer aussi, avant de tourner, parce que c'est lui qui est en deuxième violon.

M. Melançon (Jean): Ah, oui, mais...

M. Bordeleau: Lui, il n'a pas le droit de tourner s'il y a quelque chose qui l'empêche de... Vous avouerez que...

M. Melançon (Jean): Mais il n'y a pas de policier à tous les coins de rue.

M. Bordeleau: Non, je comprends, excepté que c'est difficile de comprendre que partout on puisse fonctionner comme ça, excepté la ville de New York, en Amérique du Nord, et que, nous, on ne pourrait pas fonctionner comme ça. Vous avouerez qu'il y a un petit quelque chose qui... Vous parlez de la distinction, là. Ce n'est pas un argument qui m'a convaincu très, très. Je ne pense pas que ce soit le meilleur argument que vous ayez amené aujourd'hui, mais...

M. Melançon (Jean): Ha, ha, ha! Non, mais c'était pour envoyer, un peu, faire une passe au ministre. Ha, ha, ha!

M. Bordeleau: Oui, oui, oui, je comprends. J'ai très bien compris vos intentions.

M. Chevrette: ...pas sur les mollets. Ha, ha, ha!

M. Bordeleau: L'autre élément que je voudrais signaler aussi, disons, au même niveau... À la page 5 de votre mémoire, vous nous dites quelque chose. J'aimerais savoir d'où ça vient. Vous dites: «L'utilisation du virage à droite sur feu rouge contribue aussi à banaliser et à réduire la crédibilité du feu rouge, que vous disiez, M. Provencher. Déjà, on relève une délinquance allant jusqu'à 60 % vis-à-vis l'obligation de faire un arrêt là où le virage à droite sur feu rouge est permis.»

La source de ces données-là, ça vient d'où, ça?

M. Provencher (Claude): Moi, j'avais entre les mains l'étude de la SAAQ, MTQ, ville de Montréal, de 1992, et celle de la STO aussi, de 1991. Alors, ça vient de l'une ou l'autre. Je ne peux pas vous dire exactement laquelle.

M. Bordeleau: Ça va. Je veux, en terminant peut-être, juste signaler une donnée. Vous étiez présent tout à l'heure quand le Bureau du coroner était ici. Dans votre mémoire, à la page 6, vous faites référence, dans un autre contexte, à une discussion qui est émotive. Vous m'avez fait l'impression qu'on a affaire à une discussion qui est émotive actuellement dans toute cette question-là, y compris de la part de ceux qui sont contre le virage sur feu rouge. Ce que j'ai retenu tout à l'heure, et c'est la raison pour laquelle j'ai posé la question au coroner, parce que, si c'est vrai qu'il y a des dangers si évidents que ceux-là, bien, d'abord si c'était le cas, je me demande, aux endroits où on l'a appliqué, si c'était si négatif, pourquoi on ne revient pas en arrière, le virage sur feu rouge. Et au Bureau du coroner, on parle de beaucoup d'accidents puis de décès, mais le coroner nous a dit tout à l'heure qu'il n'a pas de données là-dessus. Alors, où elles sont, les données, au Québec, qui nous disent qu'il y aurait, de façon démontrée, des dangers évidents, à part que de faire des extrapolations, des suppositions, en se basant sur toutes sortes de paramètres, l'attitude des conducteurs, qui est cavalière, puis toutes sortes d'éléments? C'est justifié aussi. Je pense que les gens ont raison. On le fait, de façon générale, dans toutes sortes de situations, se poser des questions et essayer de prévoir les conséquences.

Mais, ce que je vois, moi, présentement, c'est qu'il n'y a pas de données. D'abord, on n'a aucune donnée, au Québec, comme telle, parce que ça n'existe à peu près pas, c'est évident. Mais à l'extérieur, après l'avoir appliqué, si on avait eu des conséquences négatives importantes, on aurait corrigé.

Alors, c'est pour ça que je dis que le débat est assez émotif, et je ne suis pas contre ça. Ce n'est pas quelque chose de négatif quand je dis ça, mais je pense qu'il faut quand même prendre un peu de recul. Éventuellement, je pense que, si le gouvernement décidait d'aller dans le sens du virage à droite, bien, c'est clair qu'il y a une question de sensibilisation, de promotion et de responsabilisation aussi des conducteurs. Ça, c'est vrai pour ça comme pour d'autres types de situations, c'est-à-dire qu'on a des conducteurs qui devraient respecter les lois, et on devrait faire en sorte de les faire appliquer, quand on a des lois qui sont raisonnables.

Le Président (M. Gagnon): M. Provencher.

M. Provencher (Claude): Ce que j'aimerais ajouter là-dessus, c'est que je suis d'accord avec vous, c'est émotif, et on n'a pas de chiffres. Je l'ai mentionné dans ma présentation tantôt, on est devant une question à laquelle on n'a pas de réponse. Est-ce que, oui ou non, ça va entraîner plus d'accidents? On ne le sait pas. Alors, notre position à nous, c'est de dire: Abstenons-nous, comme ça, il n'y en aura pas. On ne le saura pas s'il y en avait eu plus, d'accidents, mais on ne veut pas le savoir.

M. Bordeleau: Oui, mais on pourrait s'abstenir de bien des choses, dans l'éventualité où il pourrait y avoir... À la limite, des risques, on en prend régulièrement. À partir du moment où une personne prend une automobile pour embarquer sur la route, il y a un risque; à partir du moment où quelqu'un prend un vélo pour embarquer sur une route, il y a un risque. Indépendamment de ce... il peut tomber, il peut...

M. Provencher (Claude): Tout à fait.

M. Bordeleau: Et on vit avec ça. Il s'agit de...

M. Provencher (Claude): Et il faut vivre en société, il faut se déplacer en société, c'est sûr.

M. Bordeleau: Exactement.

M. Provencher (Claude): Il n'est pas question de ne pas sortir. Ce que je dis, c'est: Pourquoi ajouter une possibilité supplémentaire de risque?

M. Chevrette: Moi, je voudrais vous poser une petite question: Il en arrive, des accidents, présentement, les chiffres existent, qu'est-ce que vous suggérez pour qu'on corrige?

M. Provencher (Claude): J'ai l'impression qu'on ne peut pas éliminer tous les accidents, on ne peut pas les éliminer. Ce que je dis, c'est: N'introduisons pas une mesure supplémentaire qui risque d'en amener plus.

M. Chevrette: Si ça corrigeait un nombre... Comme M. Gratton, qui avait l'air d'un spécialiste quand il est venu devant nous autres...

M. Provencher (Claude): Qui est-ce que c'est, ce monsieur-là?

M. Chevrette: Il travaillait pour la Société de l'Outaouais.

Une voix: ...

M. Chevrette: Directeur général?

Une voix: Oui.

M. Chevrette: Soixante mille personnes de chez eux chaque jour traversent le pont, puis, rendues de l'autre bord, elles ont le droit de virer à droite. Elles reviennent ici puis elles n'ont plus le droit. C'est les mêmes personnes. Elles reviennent, c'est les mêmes. Comment vous expliquez que ce monde-là est très gentil de l'autre bord puis il n'est plus gentil de ce bord-ci?

M. Provencher (Claude): Je n'ai jamais dit ça, là.

M. Chevrette: Non, non, ce n'est pas ça que je dis non plus.

M. Provencher (Claude): Je ne l'ai jamais présenté comme ça.

M. Chevrette: Bien, moi, je vous le présente de même parce que j'ai l'impression que, à un moment donné, t'es brillant sur un côté, tu n'es plus brillant quand tu reviens de l'autre bord. Je n'aime pas ça, moi, ce...

M. Provencher (Claude): Non, non, il n'est pas question de dire que quelqu'un est plus brillant ailleurs qu'ici ou qu'au Québec on conduit mal, ou tout ça, ce n'est pas ça. J'essaie d'amener ça de façon objective, de dire que, si on ajoute une mesure de plus... Vous avez compris.

M. Chevrette: Bien, oui. Merci beaucoup.

M. Provencher (Claude): Bon. C'est tout ce que j'ai à dire.

Le Président (M. Gagnon): ...

M. Melançon (Jean): ...à M. Chevrette. M. Chevrette, vous parlez des gens de l'Outaouais. Je veux dire, ils sont peut-être mieux stylés et plus conservateurs, ce sont des fonctionnaires fédéraux en majorité.

(11 h 30)

Le Président (M. Gagnon): Merci. Ça fait que j'inviterais les représentants du prochain groupe à s'avancer, les gens de l'Office des personnes handicapées.

On va suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 31)

(Reprise à 11 h 32)

Le Président (M. Gagnon): Bonjour, messieurs. On reprend la séance. Nous avons 60 minutes pour la présentation que vous avez à faire: vous avez 20 minutes de présentation, et le 40 minutes est réparti également entre les deux formations. Je vous invite à présenter les personnes aussi qui vous accompagnent et à vous identifier.


Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ)

M. Rodrigue (Norbert): Alors, merci, M. le Président. M. le ministre, membres de la commission, d'abord, Guy Gilbert, à ma droite, qui est au Service de recherche à l'Office des personnes handicapées, et Denis Boulanger, un étroit collaborateur.

M. le ministre et M. le Président, d'abord, merci pour l'opportunité de débattre de cette question, hein? C'est une question sociétale, je pense qu'elle est importante, et c'est une voie démocratique pour arriver à faire le débat, dans un premier temps.

Deuxièmement, un mot sur l'Office des personnes handicapées et son mandat. Son mandat général, comme vous le savez, c'est de veiller à la coordination des services dispensés aux personnes handicapées, d'informer ces personnes, de promouvoir leurs intérêts et de favoriser leur intégration sociale, professionnelle au travail. La loi de l'Office, qui crée l'Office, nous donne un devoir spécifique aussi quant à la favorisation des mesures de prévention pour assurer l'intégrité physique et mentale des personnes.

Alors, nous avons pris connaissance des mesures proposées dans cette perspective-là avec la préoccupation fondamentale de la prévention des incapacités. Vous savez que depuis plus de 20 ans la société québécoise s'inscrit dans une démarche visant à éliminer les obstacles à une participation sociale des personnes handicapées. Une politique sur la sécurité routière, nous semble-t-il, doit donc viser à permettre à ce groupe de citoyens de circuler en toute sécurité, comme tous les autres citoyens d'ailleurs dans notre société. Par ailleurs, cette politique doit s'inscrire dans la volonté d'assurer à la population générale les conditions, croyons-nous, de protection contre les facteurs de risque de déficience et d'incapacité qui en découlent.

Or, dans cette perspective-là toutes les mesures qui sont proposées dans le livre vert pouvant diminuer les risques d'accidents graves reçoivent notre appui. Trois sujets ont retenu notre attention principalement, c'est-à-dire le casque protecteur pour les cyclistes, le patin à roues alignées, le virage à droite sur feu rouge, qui nous semble être un objet de préoccupation. Cependant, comme on le dit, toutes les autres mesures, on y reviendra, de prévention on les favorise.

Essentiellement, le livre vert avance diverses propositions dont l'objectif principal est de rendre l'environnement et les conditions de déplacement dans cet environnement les plus sécuritaires possibles. On ne peut que souscrire à cet objectif-là. Tout accident causant même des blessures légères en apparence est un accident pour nous de trop quand on regarde les effets de ça. La mobilisation des ressources individuelles et collectives que suscite tout accident sérieux, quand l'irréparable n'est pas arrivé, est énorme non seulement au moment de l'événement, mais également dans les heures, les jours, les semaines qui suivent. Alors, malgré le perfectionnement des méthodes de la technologie en termes, par exemple, de réadaptation, les capacités et la qualité de vie des personnes ayant des atteintes permanentes suite à un accident sont rarement celles dont elles jouissaient avant cet accident-là. Alors, la prévention sous toutes ses formes, nous semble-t-il, est importante.

La préoccupation en faveur de la prévention, M. le ministre et M. le Président, on ne peut pas en traiter, nous, quant à cette prévention des traumatismes sans référer également à l'impact sur l'utilisation des services de santé et des services de réadaptation. L'Office désire signaler la situation particulière du réseau des services de réadaptation, qui a de la difficulté ces temps-ci à oeuvrer en termes de dispensation de services pour répondre aux besoins actuels de la population qui a des incapacités.

On note aussi, en passant, des iniquités, qu'on débat dans notre société à l'occasion, quant à l'accès aux services pour les personnes qui ont des incapacités suite à un accident d'auto, un accident de travail ou un acte criminel versus les autres. Alors, des choix sociaux doivent être faits pour assurer à toutes les personnes confrontées à l'apparition d'incapacités des services de qualité, en toute équité, quelque soit la région où elles habitent ou la cause de leur incapacité.

On pense, nous autres, qu'agir sur la prévention, ça favorise une amélioration des services pour ceux dont l'apparition d'incapacités n'a pu être évitée. Alors, c'est pourquoi, par exemple, on partage et on appuie toutes les mesures aux chapitres 3 et 5 du livre vert, que ce soit le contrôle de la vitesse par un cinémomètre sur des sites où une problématique de vitesse a été préalablement identifiée ou le renforcement des mesures visant à réduire sinon à éliminer les accidents causés par la conduite affaiblie par une consommation d'alcool.

Arrivons maintenant aux trois questions qui nous préoccupent. Le casque protecteur pour les cyclistes. Les éléments d'information du livre vert nous semblent éloquents dans la démonstration que le port du casque protecteur est une nécessité qu'aucun cycliste dans le fond ne peut se permettre de négliger.

En complément à l'argumentation générale en faveur de la mise en place des mesures préventives, on veut tout simplement attirer votre attention sur les points suivants. L'impact d'un traumatisme cranio-cérébral dans les cas de blessures graves est sans conteste extrêmement dévastateur pour l'intégrité physique, intellectuelle, psychique ou émotionnelle des victimes.

Mentionnons aussi que, même pour les personnes qui ont eu un traumatisme cranio-cérébral qu'on peut identifier comme étant léger, ça subit et ça a des conséquences majeures en termes d'intégration sociale, scolaire et professionnelle. C'est pourquoi, nous, notre position, c'est de vous recommander que le port du casque soit obligatoire pour les cyclistes de tous les âges qui circulent et qui empruntent partiellement ou totalement les chemins publics au Québec.

Je voudrais juste souligner qu'on relève à cet égard-là qu'il y a quelque chose comme une moyenne, de 1994 à 1998, de 1 357 accidents ou blessés, dont 278 blessés graves, et on pense que ça commence à être important. Il faut en tenir compte.

On pense aussi que les campagnes de promotion et de sensibilisation pour le port du casque protecteur en toutes occasions devraient être mises de l'avant, périodiquement, et ce, à long terme, en incluant des dimensions telles qu'un meilleur partage des routes entre les automobilistes et les cyclistes puis une meilleure compréhension et observation des règles de sécurité routière.

On souhaite aussi – puis on vous le signale – que des mesures incitatives ou des programmes d'accessibilité favorisent et facilitent l'achat de casques protecteurs pour certaines clientèles, particulièrement dans les milieux défavorisés, et qu'on s'assure bien sûr des normes de qualité et de protection de ce même casque pour les cyclistes.

Le patin à roues alignées. En examinant l'usage des patins à roues alignées sous l'angle de la prévention des accidents, nous croyons qu'il y a nécessité de mettre des balises qui auront pour effet de limiter au minimum les risques d'accidents. Si nous considérons comme très élevée la moyenne annuelle d'accidents chez les cyclistes, nous avons compris les informations fournies dans le livre vert dressant comme un pronostic beaucoup plus sombre pour les patineurs à roues alignées comparativement aux cyclistes. Ces observations démontrent que, s'il y avait autant de patineurs que de cyclistes, il y aurait potentiellement trois fois plus victimes chez les patineurs que chez les cyclistes.

(11 h 40)

En ce qui concerne les déplacements des patineurs sur les trottoirs, nous voulons attirer votre attention sur le fait qu'ils peuvent représenter une menace à la sécurité des piétons en général mais plus particulièrement pour les personnes ayant certaines incapacités, par exemple, de mobilité, d'attention ou de perception. Mentionnons, entre autres, les personnes déficientes au plan auditif et ayant une déficience visuelle et les personnes âgées.

C'est pourquoi, M. le ministre, on recommande que le port du casque protecteur soit rendu obligatoire – malgré ce que ça peut comporter, comme vous le disiez tout à l'heure, j'avais l'avantage d'être dans la salle, pour la ceinture de sécurité, on est intervenu et on pense qu'il y a des moments ou des moyens sur lesquels il faut intervenir, celui-là en est un; que le port d'un équipement protecteur soit encouragé et valorisé par des campagnes de promotion; et que l'on examine la pertinence de rendre éventuellement, après le résultat de ces campagnes-là, obligatoire le port d'un équipement protecteur.

Et là il y a plusieurs considérations qu'on vous soumet et dont vous prendrez connaissance. Par exemple, que la circulation des patineurs à roues alignées sur certaines routes du Québec s'harmonise avec les autres utilisateurs; que l'accès à la chaussée soit autorisé dans des zones de 50 km/h ou moins et uniquement dans les rues à deux voies ou moins, parce qu'on a examiné ça puis les personnes qui font face à ce phénomène-là, handicapées en particulier, nous ont soumis plusieurs considérations; que des campagnes de promotion et d'information soient menées pour informer ces mêmes patineurs des nouvelles règles qui les concernent; que la circulation des piétons sur les trottoirs ne soit pas mise en danger et qu'on exerce une certaine autorité quand les seuils de tolérance sont dépassés; et qu'il soit interdit de circuler en patins à roues alignées sur certains trottoirs où la clientèle à risque est amenée à circuler. Par exemple, on pense à des milieux de services, là, tu sais, les milieux où tu as des services à proximité, comme, je ne sais pas, le dépanneur, la buandrette, etc. Pour les personnes handicapées, ça semble être des endroits qu'il faut surveiller.

Le virage à droite sur le feu rouge. La question du virage nous préoccupe grandement, vous l'aurez bien compris, avec ce que je viens de dire pour les autres volets. Si on considère attentivement les études d'impact sur cette mesure menées par différents groupes de chercheurs, ça nous préoccupe beaucoup. Les différentes études démontrent que le virage à droite représente assurément une menace sérieuse pour la sécurité des piétons et des cyclistes.

Malgré les avantages qu'on peut y voir ou que plusieurs y trouvent, nous pensons que, quand on examine les conséquences, les effets, ça diminue ou ces avantages sont diminués fortement par l'analyse d'une réalité quand on considère les personnes qui peuvent être touchées par ce phénomène.

Il nous importe de souligner le risque important de danger que le virage à droite représente pour les personnes ayant des incapacités, si on pense, par exemple, aux déficients auditifs qui ne peuvent entendre la venue d'une voiture – et ils sont 142 000, au Québec, d'après les statistiques – aux personnes circulant plus lentement, aux personnes ayant une déficience visuelle et qui perdent leurs repaires auditifs sur le sens de la circulation automobile, et à celles qui sont en fauteuil roulant, qui ont une mobilité restreinte. Les aveugles, ils me disent: Norbert, quand on s'en va, nous autres, on fonctionne de même: on entend le trafic passer, on a le sens de la circulation, mais, quand ça se met à arriver de tous les bords puis de tous les côtés, on perd le sens, et là ça devient plus dangereux pour nous autres.

Alors, on attire l'attention sur le fait que le virage à droite sur la signalisation cédez est dangereux, et on partage en tout cas des avis qu'on a entendus avant. On pense que c'est même plus dangereux que beaucoup d'autres règles. Le cédez à droite, si on regarde les statistiques, on nous dit en tout cas qu'il y a plusieurs chauffeurs qui sont tentés de regarder à gauche pendant qu'ils tournent à droite et que ça peut provoquer des accidents d'une manière importante.

Alors, M. le ministre, nous vous recommandons de maintenir l'interdiction d'effectuer un virage à droite sur le feu rouge. L'Office des personnes handicapées veut tout simplement rappeler encore une fois l'importance des mesures préventives pour assurer à tous les citoyens, qu'ils aient des incapacités ou non, une sécurité maximale dans leurs déplacements.

Alors, c'est pour ça qu'on pense que le casque protecteur pour le cycliste, il faudrait qu'il soit obligatoire, ainsi que pour le patin à roues alignées, et qu'on ne doit pas lever l'interdiction de virer à droite sur feu rouge. Alors, voilà une opinion parmi les autres.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.

M. Chevrette: Merci, messieurs, pour votre présentation. Je pense que vous étiez dans la salle au moment où vos prédécesseurs... donc je ne ferai pas le même exposé, je vais vous épargner de cela. Mais, à la suite des propos que je tenais avec l'autre groupe qui vous a précédés, je vous demande très sincèrement quelle était la perception que vous aviez du virage à droite, vous autres mêmes, par rapport à ce que j'ai expliqué. Est-ce que c'est la même?

M. Rodrigue (Norbert): Bien, nous, on pense que, voyez-vous... Évidemment, on a examiné un peu les recherches, hein? Il n'y a pas de statistiques au Québec, à notre connaissance, mais il y a des études au Québec qui ont examiné d'autres études qui sont faites...

M. Chevrette: Mais je vais reprendre ma question parce que ce n'est pas ça.

M. Rodrigue (Norbert): J'ai mal compris peut-être.

M. Chevrette: Non, c'est moi qui s'est mal exprimé. Ma question est la suivante: Aviez-vous l'impression, quand vous avez écrit votre mémoire, que, le virage à droite, il n'y avait pas d'arrêt complet puis il fallait tourner après si vous pouviez traverser?

M. Rodrigue (Norbert): Oui, on avait plus cette impression-là que le reste ou que l'autre chose.

M. Chevrette: Parce que, si on regarde l'arrêt obligatoire par rapport au cédez, je peux-tu vous dire qu'il y a une grosse marge. Je ne suis même pas sûr qu'on ne devrait pas, pour les fins de sécurité... Moi, je pensais que vous étiez pour me demander, vous autres: Faites-donc un arrêt obligatoire avant de prendre le cédez, faites comme le virage à droite. C'est ça que je pensais que vous étiez pour me demander.

M. Rodrigue (Norbert): Mais, voyez-vous, quand on vérifie les études qui ont été faites puis qu'on nous indique que, selon certains auteurs, là – je pense à Masse, Richard et Laplante – 30 à 60 % des automobilistes n'effectuent pas d'arrêt complet en virage à droite et que 20 % effectuent leur virage quand même lorsque le virage à droite est formellement interdit, on se dit: On n'est pas plus mauvais que les autres, hein? On est latin, vous l'avez dit, on connaît quelques pays d'Amérique latine et d'autres pays européens où on se trouve bien fin des fois quand on se compare, sauf qu'il y a des phénomènes d'habitudes, il y a des phénomènes culturels dans ce phénomène-là. Il y a des sociétés qui ont instauré des règles.

Puis on dit: Ah, à Ottawa, ça arrête, mon ami, sur la ligne blanche quand tu viens pour traverser, c'est automatique. Au Nouveau-Brunswick, pareil, etc. On a examiné ça un peu et on se rend compte qu'on n'est pas plus mauvais qu'ailleurs, pas plus méchant, mais on a des cultures parfois qui se sont instaurées et on pense que des changements ne peuvent se faire spontanément, ça ne peut qu'être graduel. Alors, selon les études observées, on se dit: Il y a du danger, là aussi, il reste un danger.

M. Chevrette: Dites-moi donc, M. Rodrigue, ou un de vous autres, comment ça se fait que nous ne parlez pas aussi fort pour faire créer un contre-poids, par exemple, au port du casque. Vélo Québec a fait son lobby à peu près auprès de tous les éditorialistes qui peuvent même se bidonner en disant et en pensant que... D'abord, ils ne sont jamais montés sur un bicycle. Il y en a qui devraient ajuster leur tir, parce que j'en ai fait probablement plus qu'eux autres. Mais je ne comprends pas qu'un organisme comme le vôtre et d'autres ne fassent pas la promotion du port du casque, que vous laissiez faire lobby sous prétexte que ça peut diminuer un peu l'adhésion à la pratique du vélo, alors qu'on n'entend jamais rien dire, sauf en commission parlementaire, où vous êtes pour, la même chose de la part d'associations médicales, le Collège des médecins.

Ils savent qu'est-ce que c'est que des traumatismes, ils savent ce que c'est. Puis vous autres du milieu social, vous savez quels sont les coûts sociaux rattachés. Comment ça se fait que publiquement présentement 80 % des groupes qui sont venus ici se sont prononcés contre le port du casque parce qu'il y a un excellent lobby de fait par Vélo Québec? Comment ça se fait que vous autres, là, dans votre souci de sauver des vies humaines, de sauver des handicaps prolongés vous ne... Ça ne coûte pas trop cher rencontrer des éditorialistes, de rencontrer des journalistes, de faire connaître votre point de vue, de montrer l'importance.

Il y a un débalancement dans la société vis-à-vis cela, et c'est ça qui m'agace un peu, de voir qu'on n'a pas un équilibre dans les droits de parole – pas les droits de parole, parce que souvent, un droit, tu le prends quand tu veux – dans cette facilité d'expression, surtout des organismes comme vous voués à la protection des individus. Vous venez parler en commission parlementaire quand on vous le demande, là, qu'on rouvre, mais entre les commissions parlementaires.

(11 h 50)

C'est clair, là, que, le consensus qui se dégage, pour le vélo je ne peux pas aller en législation demain matin de même. C'est le consensus, là, généralisé, en tout cas ceux qui sont passés ici, là, c'est campagnes de sensibilisation et d'informations, puis la législation pas tout de suite, oh, pas tout de suite, pas tout de suite. Puis on voudrait avoir une vision globale, intégrer tout ça, puis vous laissez à toutes fins pratiques le pouvoir politique entre les commissions parlementaires à la simple... C'est eux autres qui ont tout le souci permanent, comme si vous ne l'aviez plus après. Expliquez-moi donc ça.

M. Rodrigue (Norbert): Alors, écoutez, le souci...

M. Chevrette: Pourtant, vous avez été président de la CSN...

M. Rodrigue (Norbert): Oui, oui, le souci...

M. Chevrette: ...et vous n'hésitiez pas, à l'époque, en votre cas, à vous prononcer sur plusieurs sujets entre les différentes commissions parlementaires.

M. Rodrigue (Norbert): Oui, puis je n'hésiterai pas non plus, M. le ministre.

M. Chevrette: Bon, c'est beau. C'est ça que je voulais vous entendre dire. Donc, dites-le.

M. Rodrigue (Norbert): La question est la suivante. C'est que, nous, on travaille avec 300 associations qui sont représentatives de tous les handicaps, et on les soutient financièrement, et on favorise, dans leurs interventions puis avec leur appui toutes sortes d'interventions. L'Office lui-même, j'en conviens, et, moi, c'est une de mes préoccupations quotidiennes depuis que je suis arrivé à l'Office, ça fait un an maintenant, de voir comment on va porter le débat au plan sociétal. Parce qu'il y a d'abord une responsabilité de société à cet égard-là, puis ensuite il y a des responsabilités des acteurs, dont mon gouvernement. Alors, on va sûrement intervenir plus ouvertement et plus fréquemment sur ces questions-là éventuellement, ça, c'est sûr. Parce qu'il y a une question d'équilibre, c'est vrai. C'est un peu comme les armes à feu aux États-Unis, hein? Le déséquilibre, on le voit. Alors, ici il va falloir faire partie du débat, et l'Office devrait et doit être un acteur dans ce débat-là.

M. Chevrette: Merci.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Abitibi-Est.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Oui, merci. M. Rodrigue, messieurs. Votre organisme s'oppose d'une manière très claire sur la question du virage à droite, principalement pour une question de sécurité. Dans votre esprit, pourquoi le gouvernement, lui, persiste à vouloir virer à droite? Est-ce que vous avez, dans votre esprit, une raison principale pourquoi le gouvernement veut virer à droite?

M. Rodrigue (Norbert): Ce que l'on a mesuré ou ce qu'on a cru percevoir, c'est qu'il y a des avantages qui sont décrits au virage à droite, qui sont d'ordre environnemental, qui sont d'ordre économique, etc., et ce qu'on perçoit, c'est que le gouvernement tient en compte ces avantages-là. Je n'avais pas pris pour acquis que la décision était prise, je n'ai pas pris pour acquis que la décision était prise, sinon je ne serais pas venu ici. Et dans ce sens-là, ce qu'on dit au gouvernement, c'est: Écoutez, il y a des avantages, mais, quand on examine la réalité puis quand on regarde les effets, nous, on pense que les avantages sont de beaucoup diminués. Alors, en fonction de ceux avec qui on travaille, on vous dit: Faites attention, ne levez pas l'interdiction parce que c'est un phénomène avec lequel on va devoir vivre longtemps.

Et à cet égard, tout à l'heure je citais quelques chiffres, là. Je voudrais rappeler que les gens, selon les statistiques chez nous, à mobilité restreinte au Québec, on a 537 000 citoyens et citoyennes. Les gens avec une incapacité ou une déficience visuelle – tout à l'heure j'ai confondu avec auditive – on a 142 000 personnes. Ça fait un bassin important de gens fragilisés. Alors, ce qu'on dit, c'est que, nous, on favorise la prévention ou les mesures préventives. Si vous nous trouvez des réponses au plan technologique – parce que, apparemment, il y a des technologies savantes de plus en plus – ou autres qui feraient qu'on nous assure cette sécurité-là, nous autres, mon cher ami, on va en tenir compte, c'est bien sûr.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Une dernière. Est-ce que vous ne voyez pas, comme législateurs, qu'on s'en vient devant une décision à prendre du genre plaire au grand public versus sécurité?

M. Rodrigue (Norbert): Bien, ça, c'est toujours un choix, je présume, devant lequel souvent un gouvernement est placé. Je pense que le gouvernement doit tenir compte d'un ensemble, de l'ensemble, de l'équilibre des objections, des pour sur cette question-là. Et je pensais, par exemple, à la question de l'environnement, etc. Moi, j'étais – et M. le ministre le sait – j'ai été un promoteur de l'auto électrique où j'ai souhaité ardemment qu'au Québec on instaure ou on invente l'auto électrique, avec les ressources qu'on avait. On ne l'a pas fait. Ce n'était pas impossible pourtant d'après moi. Ça, c'est mes convictions à moi. Alors, dans ce sens-là, être pris entre le grand public et la question de la sécurité, moi, je pense qu'antérieurement le gouvernement a été pris dans des situations difficiles comme ça et il a tranché. Et à mon avis il doit à ce moment-ci trancher sans lever cette interdiction-là avant qu'on ait trouvé d'autres moyens.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de La Peltrie.

M. Côté (La Peltrie): Merci, M. le Président. Alors, MM. Rodrigue, Boulanger et Gilbert, bienvenue à cette commission et merci d'être venus nous présenter votre position sur trois volets particulièrement du livre vert du ministre. Moi, ma question va porter sur les patins à roues alignées, les recommandations que vous en faites, particulièrement aux recommandations 4 et 5, les deux dernières de la page 11 de votre mémoire, lorsque vous dites: «Que la circulation [...] des patineurs à roues alignées sur certaines routes du Québec s'harmonise avec celle des autres utilisateurs – ça, c'est une question que je me pose. Que l'accès à la chaussée soit autorisé seulement dans les zones de 50 km/h ou moins et uniquement...»

Alors que, présentement, depuis quelques années, on investit beaucoup dans les infrastructures pour permettre aux cyclistes d'aller dans leur propre corridor pour les séparer d'avec les automobiles, les véhicules motorisés, là, vous arrivez avec une proposition qui ouvre la porte un peu à l'utilisation de la route pour les patins à roues alignées, puis, moi, la question que je me pose dans ces circonstances-là, dans ce temps-là, c'est: Est-ce que le patin à roues alignées est un moyen de transport ou si c'est un loisir ou un exercice quelconque? Pour vous, comment est-ce que vous la considérez, l'utilisation des patins à roues alignées? Est-ce qu'on doit ouvrir sur les voies de circulation qui sont permises aux automobiles? Alors, j'aimerais avoir un peu plus votre opinion sur ce point-là.

M. Rodrigue (Norbert): Écoutez, d'abord, moyen de transport ou de loisir? Ça a démarré... Moi, mon gars, il a commencé à patiner pour le loisir. Quand il va avoir 17 ans, il va probablement aller à l'école avec ça. Puis peut-être que, quand il va commencer à travailler, si ce n'est pas loin, à Joliette, de chez lui, il va y aller aussi. C'est comme un peu la bicyclette, ça. Et dans ce sens-là pour l'instant, personnellement, les compagnons ici, l'Office comme organisation, on n'a pas poussé, pour être franc, notre analyse, en prospective ou en perspective, aussi loin que ça, mais on n'a pas examiné ça en termes de loisir ou de moyen de transport comme tel.

Ce qu'on se dit cependant, c'est que le nombre augmente de plus en plus. On assiste à des débats entre les cyclistes et les patineurs. On assiste à des débats entre les automobilistes et les patineurs. Alors, ce qu'on essaie de vous suggérer, c'est quelques mesures à considérer – on ne vous dit pas qu'on possède la vérité – pour que, par exemple, sur des boulevards où tu as une vitesse de 70 km/h, on ne retrouve pas de patins alignés sur ces boulevards-là. Un boulevard comme René-Lévesque, à Montréal, puis que tu t'en viens là-dessus puis que tu as des patineurs qui arrivent, ça peut être embêtant pour eux autres autant que pour l'autre. Et dans ce sens-là on dit: Limitons les choses, essayons de limiter ça à des rues à deux voies ou moins et à des voies de 50 km ou moins.

(12 heures)

Je sais que les patineurs ne nous aimeront pas quand on dit ça, sauf qu'on pense, nous... Moi-même, j'ai mes deux jambes, mes deux oreilles, mes deux yeux, puis il y a des fois où je fais des maudits steps. Excusez l'expression anglaise, mais je fais des steps parce que je me promène sur la rue puis que les gars ou les filles arrivent... Alors, je ne leur reproche pas de patiner, je dis tout simplement: Je ne veux pas être fragilisé, moi. Alors, il y a peut-être des règlements ou des règles qui font qu'on va faire en sorte que ces comportements-là, on pourra les voir venir.

M. Côté (La Peltrie): Quelle est la différence aussi lorsque vous mentionnez que ça pourrait être permis sur certaines routes du Québec puis que ce soit harmonisé avec les autres utilisateurs, alors que vous dites: Bon, qu'il y ait un accès qui soit permis dans les zones de 50 km/h ou moins? C'est quoi, la différence entre les deux?

M. Rodrigue (Norbert): Bien, les routes, c'est peut-être une mauvaise expression de notre part, mais, quand on dit l'harmonisation avec les autres utilisateurs, c'est un peu ce qui suit, là, qu'on veut dire. On veut dire: Les automobilistes sont des utilisateurs, les cyclistes sont des utilisateurs, et il faut qu'on harmonise ces comportements-là un petit peu. On ne peut pas les régimenter totalement, mais il faut les harmoniser, et on pense que certaines règles pourraient favoriser justement l'harmonisation. Alors, de loin notre intention de dire: Il faut permettre aux patineurs de s'en aller sur les routes du Québec. Si c'est ça que vous comprenez, ce n'est pas ça qu'on veut dire. Il faut limiter les espaces.

M. Côté (La Peltrie): Mais il y a certaines routes à 50 km/h avec un terre-plein au centre qui sont en milieu urbain puis que... Est-ce que ça, dans ce temps-là, vous pensez que ça pourrait être permis aussi dans ce genre de routes là...

M. Rodrigue (Norbert): Bien, on dit, nous autres, considérons-le.

M. Côté (La Peltrie): ...lorsque c'est boulevard ou juste des routes à voie simple?

M. Rodrigue (Norbert): Non. On parle de rues à deux voies, primo. Secondo, j'allais faire une farce, j'allais dire: C'est comme le droit canon. C'est-u interdit au moment où on se parle?

M. Chevrette: Dans la loi, actuellement, c'est interdit sur les routes.

M. Rodrigue (Norbert): Bon. Si c'est interdit au moment où on se parle, il faut appliquer l'interdiction.

M. Chevrette: Il n'y en a pas d'interdiction. Ça ne s'applique pas. Le problème, c'est que la loi est inopérante, c'est ça.

M. Rodrigue (Norbert): Bon, nous, quand on constate ça, ce qu'on dit, c'est: Plutôt que de faire face à des règles qu'on ne peut pas appliquer, prenons le temps de se faire des petites règles qui permettraient – comment dirais-je ça? – d'organiser ce phénomène-là.

M. Chevrette: Mais les statistiques disaient tantôt que c'était en Gaspésie, si ma mémoire est fidèle... Il y a quelqu'un qui est venu donner des statistiques là-dessus, sur les patins à roues alignées, en Gaspésie, justement...

M. Rodrigue (Norbert): Ça roule vite.

M. Chevrette: ...les routes nationales ou numérotées traversent les villages. Ça a beau être seulement deux voies, en tout cas, la notion de 50 km/h, moi, elle commence à me trotter pas mal dans la tête, parce que sur les trottoirs... Vous savez comment ça marche – j'en ai fait, moi, j'en fais – il n'y a pas de pistes réservées pour les jeunes dans les villages. Donc, ils ont quoi à leur merci, si ce n'est que des rues domiciliaires ou le chemin, quand c'est un village puis qu'il n'y a pas d'autre chose qui est sur le long? Il faut penser, en tout cas, à des formules, effectivement, comme celle que vous dites. Je ne sais pas si ce sera ça, mais je m'enligne pour une loi ou des règlements qui vont être applicables. S'il n'y a pas personne qui arrête quelqu'un, à un moment donné ils vont se sentir chez eux partout. Ils se sentent déjà chez eux.

M. Rodrigue (Norbert): Bien, nous, c'est un peu notre prétention, on dit: Plutôt que d'être devant l'impossibilité de faire, essayons d'organiser les choses pour qu'on puisse au moins agir sur un certain nombre de facteurs et de réalités.

M. Chevrette: Merci beaucoup.

M. Rodrigue (Norbert): Ça me fait plaisir.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. Rodrigue et les personnes qui vous accompagnent, pour la présentation du mémoire. Je vais commencer avec la question du patin à roues alignées, on a terminé là-dessus. Effectivement, c'est un problème, et je ne me souviens pas si le chiffre... Il me semble qu'on parlait de 500 000 personnes qui faisaient du patin à roues alignées au Québec.

Une voix: ...

M. Bordeleau: Et ça augmente de 100 000 par année, effectivement. Donc, c'est un phénomène qui est là, il faut vivre avec, il faut l'encadrer d'une façon sécuritaire. Et, bon, je suppose aussi que, pour votre organisme, c'est quand même quelque chose qui est important, parce que, évidemment, les risques sont grands, et on peut avoir beaucoup de personnes handicapées dans un moyen comme ça, surtout de la façon que c'est pratiqué aujourd'hui où on les retrouve partout à travers le trafic, avec aucune protection, sur les routes principales et en dépit du fait, comme on le mentionnait, qu'il y a une loi qui l'interdit carrément. Il n'y a rien de tout ça qui est appliqué et applicable, donc il faut trouver des moyens de rendre la pratique de ce sport ou de ce moyen de transport, qui est là pour rester, la plus sécuritaire possible.

Un des éléments que... En fait, c'est plus au ministère que je veux poser la question, est-ce qu'il y a eu dans le passé des campagnes de promotion sur la sécurité pour le patin à roues alignées?

M. Chevrette: Pas à date.

M. Bordeleau: Il n'y a rien eu à date.

M. Chevrette: C'est interdit dans la loi. Donc, étant interdit formellement dans la loi, pourquoi injecter des argents...

M. Bordeleau: Mais il n'y a pas eu de campagne disant de ne pas y aller, sur les rues, par exemple, ou d'aller à l'extérieur ou dans...

M. Chevrette: Non.

M. Bordeleau: Une chose aussi qui me paraît... C'est parce que, dans votre proposition et dans le livre vert, on fait référence à une des hypothèses qui est d'utiliser des routes de 50 km et moins avec deux voies ou moins. J'ai l'impression qu'il faudrait qu'on réfléchisse à ça. Il y a un problème, deux voies ou moins, là. Pensons à une voie, quelqu'un qui fait du patin à roues alignées, l'espace qu'il prend, c'est la largeur d'une voiture avec les... C'est du patin, donc...

M. Chevrette: Oui, puis il y en a qui patinent écartillés à mon goût.

M. Bordeleau: Alors, disons que, dans ce cas-là, une voie, il me semble qu'il y a un problème là. Si une auto est prise en arrière d'un patineur, qu'est-ce qu'elle fait? Elle va repasser, à ce moment-là, si on est à deux voies seulement, parce que, pratiquement, il prend le même espace qu'une automobile. Alors, je ne sais pas, il me semble, en tout cas, qu'il y a une réflexion à faire de façon un peu plus précise à ce niveau-là. Il me semble qu'il y a un danger. Deux voies, je comprends. Deux voies, là, une personne prend une voie, il y a une circulation qui peut passer à côté, mais une voie... Parce qu'on dit «ou moins». «Ou moins», ça veut dire «une», ça. Alors, une voie, ça me semble être très dangereux, parce que, là, il va y avoir des gens qui vont être en arrière puis qui vont vouloir repasser, ils vont faire comme une automobile. Alors, on augmente les risques à ce moment-là.

Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de réfléchir à cette problématique-là d'une façon plus précise, parce que vous recommandez ce qui est dans le volume, le livre vert, mais une voie, ça ne me semble pas être évident que c'est dans ces conditions-là qu'on doit le permettre.

M. Rodrigue (Norbert): Bien, actuellement c'est interdit, et on assiste à toutes sortes de... Alors, nous, ce qu'on dit, c'est: Il faut clarifier ça. Éventuellement, l'expérience peut nous démontrer que votre inquiétude est totalement légitimée, et on ajustera. Mais, pour l'instant, plutôt que de ne pas appliquer une loi, en tout cas, qu'il me semble impossible d'appliquer dans toutes ses dimensions, on est mieux de réglementer ça puis de s'assurer qu'on sait exactement dans quoi on s'en va au plan organisationnel. Je veux dire, organisation de ce phénomène-là.

Et les rues à deux voies ou les routes à deux voies, vous savez, en Gaspésie, ailleurs, en Abitibi, quand les gens empruntent la rue du village principale, comme disait le ministre, effectivement c'est une réalité différente de la piste cyclable à Montréal ou de certains boulevards à Québec.

Moi, je pense que nous... On ne vous dira pas qu'on a, d'une manière exhaustive, scientifiquement pensé que ça, ça réglait nos problèmes, ce qu'on dit, c'est: Regardons cette perspective-là, examinons ça. Puis on pense qu'il faut effectivement y aller plutôt que d'assister – j'allais dire un gros mot – à de l'anarchie, en quelque sorte.

M. Bordeleau: O.K. Oui.

Le Président (M. Gagnon): M. Gilbert veut ajouter quelque chose?

M. Gilbert (Guy): Oui. L'élément qu'on a considéré, c'était la vitesse, particulièrement 50 km/h et moins. Moins il y a de vitesse d'une automobile, moins il y a de risque de collision ou d'accident. Puis, même s'il y avait une collision, le risque de blessure grave est moins important. C'est un moyen terme, en fait. Sachant un peu, à partir des statistiques que vous donniez, qu'il y a 100 000 personnes qui s'ajoutent à chaque année, c'est un flot qui est pratiquement impossible à arrêter. Alors, il faut l'orienter.

J'ai lu le document, le journal des débats de la ville de Montréal qui parlait surtout d'orienter les patins à roues alignées sur les pistes cyclables, qu'ils devraient éventuellement peut-être les élargir, en supposant qu'ils sont en mesure de le faire. Est-ce qu'ils vont pouvoir le faire vraiment? C'est à voir. Mais, entre autres choses, sur les routes principales des villages, est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'avoir un accotement plus large? Est-ce que c'est suffisant? Bon, je n'en fais pas de patin à roues alignées, mais on me dit que l'espace est au moins la largeur... l'aller-retour, sur une piste cyclable, c'est au moins cette largeur-là que ça prend. Est-ce que c'est faisable? Peut-être que c'est une possibilité à envisager comme moyen de faire en sorte d'orienter au moins les patins à roues alignées sur cette portion de la route là.

(12 h 10)

M. Bordeleau: Ce qui pourrait être utile aussi pour les cyclistes.

M. Rodrigue (Norbert): Ce qui existe déjà. Moi, je suis un Jarret noir puis, quand je monte dans la Beauce, là, je veux dire, il y a un grand bout où l'accotement, il a été conçu d'une manière plus large que la normale. Alors, les gens, quand ils font du patin, ils font du patin sur cet espace-là. C'est déjà moins pire. Mais là le problème, c'est qu'ils font du patin sur une route où je m'en vais à 90 km/h, tu sais.

M. Bordeleau: Non, ça, je suis d'accord avec vous qu'il faut... C'est pour ça que je dis qu'il faut l'encadrer d'une façon plus sécuritaire. Alors, la question des routes, en tout cas, avec une certaine vitesse limite me paraît tout à fait appropriée.

M. Rodrigue (Norbert): Le député me provoque, là, il dit «90 km/h» en voulant dire...

M. Chevrette: C'est en Abitibi, ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bordeleau: L'autre point sur lequel je voudrais vous questionner, c'est... Je ne sais pas si vous étiez là tout à l'heure quand on a eu la discussion avec le groupe qui vous précédait, mais on a parlé de... Bien, on le faisait dans le contexte du virage à droite, là, mais les carrefours, tels qu'ils sont actuellement faits au Québec, avec une multitude de signalisations qui deviennent plus ou moins claires, une organisation physique avec des îlots, des embranchements, est-ce que vous croyez que, dans l'éventualité où on irait vers un virage à droite, il n'y aurait pas en même temps une certaine simplification physique de ces intersections qui, au fond, serait peut-être d'un certain avantage pour les personnes handicapées?

M. Boulanger (Denis): Dans notre présentation, dans notre mémoire, il est clair pour nous que tout ce qui est «cédez», îlot, ces éléments-là sont pour nous des éléments à risque élevé pour les personnes handicapées, personnes à mobilité réduite. Donc, effectivement que tout ce qui va venir diminuer l'impact de ces solutions-là va... Puis même, en quelque part, on n'est pas certains que ces îlots-là ou les «cédez» n'ont pas autant d'impacts négatifs en termes de sécurité, peut-être même plus, que le virage à droite. Quand on a regardé, nous, le virage à droite... Et peut-être répondre à la première préoccupation du ministre à l'effet que... Notre analyse... Et, lorsqu'on en parle avec les personnes handicapées, la perception du virage à droite est une perception d'une adoption assez à court terme sans aucun élan de... je dirais, sans analyses supplémentaires qui permettraient de faire des expériences ou des choses comme ça. On a compris un peu le message qu'il y a eu avant, si jamais il y avait une volonté ferme de le faire, on voudrait que ça se fasse, mais de façon... on pense, encore là, en tenant compte d'expérimentations qui pourraient diminuer les risques, de faire de la sensibilisation auprès des personnes handicapées, de voir auprès d'intervenants en déficience visuelle, qui ont sans doute leur mot à dire, peut-être des trucs à donner sur une signalisation intelligente, etc. Donc, c'est un peu le contexte dans lequel on est intervenus d'entrée de jeu.

M. Bordeleau: Oui, M. Rodrigue. Allez-y.

M. Rodrigue (Norbert): Juste un petit mot. Moi, je suis content de cette consultation-là, je le disais au départ, parce que celui ou celle qui détient la vérité absolue se lève. Et, dans ce sens-là, je dirais: Il faut, je pense, s'orienter vers des choses où on n'est pas obligés de reculer trop vite. Par exemple, aux États-Unis il y a beaucoup de virage à droite, dans plusieurs États. Moi, j'ai de la parenté aux États-Unis, puis les gens ne sont pas conscients... Tu sais, je veux dire, ils ne s'occupent pas de ça tous les matins en se levant, mais ils m'en parlaient de temps en temps parce que je leur en parlais. Il y a des endroits où il y a une tentation de reculer. Il y a plusieurs endroits, mais c'est difficile de reculer parce que maintenant il y a les habitudes, puis tout ça.

Hull est un exemple sur les «cédez». Comment tu recules à Hull pour 30 %, je veux dire, de leur réseau où il y a des «cédez»? Comment on recule par rapport à ça puis on corrige la situation? Dans ce sens-là, je disais: On ne prétend pas posséder la vérité absolue, ce que l'on souhaite, c'est que... On pense que le livre vert contient beaucoup de matière et on pense que cette analyse-là, si on y pense, on réfléchit un petit peu, on peut éviter de faire les choses puis être obligé de reculer dans quelques années. C'est ça qui est notre préoccupation.

M. Bordeleau: Je veux juste vous signaler que, dans le cas de Hull, on veut revenir en arrière sur les «cédez» et les îlots justement à cause des dangers que ça a représenté, mais on est favorable au virage à droite sur feu rouge. Alors, ce n'est pas...

M. Rodrigue (Norbert): Oui, oui. Ça, à Hull, ils sont favorables. Ça dépend. Je veux dire, on pourrait s'en parler plus longtemps. C'est vrai qu'ils sont favorables, mais, des fois, ils sont gênés un peu. Ça dépend à qui ils parlent.

M. Chevrette: Ah!

M. Bordeleau: En tout cas, ce n'est pas les représentations qu'ils ont faites ici de façon officielle.

M. Rodrigue (Norbert): Non, non, non.

M. Chevrette: Pas officielle.

M. Bordeleau: L'autre point où je voulais vous questionner, vous l'avez abordé un petit peu, mais j'aimerais... Comme organisme quand même important au niveau de la représentation des personnes handicapées, est-ce que vous avez justement... Vous avez fait référence, bon, à de la parenté qui vous donne un peu... Mais est-ce que vous avez des contacts directs avec des organismes similaires, par exemple aux États-Unis ou dans d'autres provinces canadiennes, qui auraient des données, des choses précises à nous fournir de ce côté-là? Parce que, au fond, je suppose qu'il existe des organismes du même type que le vôtre ailleurs aux États-Unis et au Canada, et ils ont sûrement un vécu qu'ils peuvent nous transmettre, et avec des données précises. Et là, nous, on fait toutes sortes d'hypothèses autour de ça, notamment les incidences que ça pourrait avoir auprès des personnes handicapées, mais est-ce que vous avez ces contacts-là actuellement avec des organismes? Est-ce que vous avez de l'information ou est-ce qu'il y a possibilité d'obtenir de l'information éventuellement d'organismes crédibles avec des données précises?

M. Gilbert (Guy): Dans nos démarches, justement, en vue d'avoir des informations fiables, on a tenté d'ouvrir la porte, un peu, dans d'autres provinces. On n'a pas vraiment d'informations qui nous viennent d'autres provinces, ce que j'ai su, c'est qu'il y a un Conseil canadien des organismes communautaires et qu'ils se sont échangé un peu les informations entre les différentes provinces et le Québec. Je n'ai pas vraiment de contenu là-dessus, mais ça reste à développer, ce genre de liens là, pour avoir des statistiques qui sont fiables.

La seule étude qu'on a sous la main, c'est celle des ingénieurs, de 1992, qui relate justement... qui présente le non pour le virage à droite et qui reprend l'étude de Deluc que la STO utilise pour faire valoir le projet-pilote. Et, entre autres choses, dans l'étude des ingénieurs, il est dit clairement... ils ont une dizaine de pages qu'ils prennent pour éliminer, en fait, l'argument qui dit que le virage à droite sur feu rouge a un impact sur l'ensemble des accidents aux signalisations et que ça aurait un impact positif. Alors, dans l'étude de 1992, ils démontrent clairement que ça ne peut pas avoir un impact et que leur démarche, leur méthodologie est un peu faussée parce qu'ils comparaient des intersections à stops et le virage à droite sur feu rouge. Ils comparaient les deux et ils disaient qu'il y avait une diminution substantielle des accidents en général, et ça ne tient pas. Donc, l'argumentation en faveur de ça que la STO utilise ne tient pas selon l'étude ultérieure faite par les ingénieurs du ministère des Transports, de la ville de Montréal, avec la SAAQ aussi.

M. Bordeleau: O.K. Est-ce que... Oui.

M. Rodrigue (Norbert): On a des contacts avec d'autres organisations ailleurs, mais pas sur cette question-là. Et je dois vous dire que le Québec se distingue un peu à l'égard de l'organisation par rapport aux personnes handicapées puis la promotion de leurs intérêts et leur intégration, parce que des offices de personnes handicapées, vous n'en trouvez pas partout, là. Tu sais, il n'y en a pas partout, même au Canada. Alors, dans ce sens-là, vous me parliez, par exemple, de l'accès aux lieux physiques, on a des contacts avec les Américains sur cette question-là dans certains États. Mais, sur la question, on va pousser plus loin par rapport à ça, parce qu'on sait qu'en Ontario, on sait qu'au Nouveau-Brunswick il y a des permissions d'accordées sur les virages à droite, puis on va aller voir un peu plus.

M. Chevrette: Est-ce que le député me permettrait de déposer un document, Virage à droite sur feu rouge en territoire , qui vous dit, dans chaque région, ce qui existe?

M. Bordeleau: Oui, oui, allez-y.

M. Chevrette: Sur le réseau du ministère des Transports, c'est: 81 % des feux permettent le virage à droite. Donc, pour démystifier un peu ce débat-là, j'aimerais le déposer pour le mieux-être de la commission.


Document déposé

Le Président (M. Gagnon): Merci.

Une voix: ...Québec?

M. Chevrette: C'est région par région. Ils disent qu'en Abitibi, par exemple, on ne le marque pas à côté, mais à Amos et à certains endroits ils tournent à droite même si c'est illégal. C'est une expérience-pilote qu'ils ont décidé eux-mêmes de faire sans autorisation, n'est-ce pas?

Le Président (M. Gagnon): Une expérience-pilote autonome.

M. Chevrette: Je pense que j'ai raison.

M. Pelletier (Abitibi-Est): Puis n'importe quel citoyen pourra actionner la ville.

M. Chevrette: Possible, mais, quand il y a trois feux de circulation, ce n'est pas comme à Montréal, je n'en disconviens pas, là. Ce n'est pas les heures de pointe non plus. Mais la preuve qu'une signalisation peut exister puis peut être maintenue, on a seulement qu'à aller partout où est-ce qu'il s'en fait. Dans les carrefours où il y a un achalandage majeur, on ne demande pas de défaire la signalisation, loin de là. Au contraire, si on peut l'améliorer en défaisant ce que vous appeliez les... Comment vous les appelez, là, les cercles...

Une voix: Les îlots.

M. Chevrette: Les îlots. Ça, c'est très dangereux. Il faut aller en Europe pour le savoir. Priorité à gauche en plus, surveillez-vous. Je le sais, moi, j'en ai fait quelques-uns.

M. Bordeleau: J'aimerais revenir sur cette question-là, la question des indications «cédez». Est-ce que vous avez, vous autres, à l'Office, ou si vous avez eu connaissance de données qui existeraient en quelque part du nombre d'accidents qui impliquaient des personnes justement dans des situations où il y avait des «cédez»? Parce qu'on fait référence souvent à des dangers qui existent, et je pense que c'est le cas, mais j'essaie de voir des cas où des piétons auraient été frappés et qui étaient justement dans une situation où il y avait une indication «cédez».

(12 h 20)

M. Gilbert (Guy): On n'a pas de statistiques sous la main pour répondre à cette question-là. Par contre, on sait très bien avec les témoignages des personnes qui ont un handicap visuel que le problème est d'autant plus criant que c'est encore moins prévisible, l'automobile qui arrive à x vitesse pour tourner. Et en plus, justement, les deux îlots font qu'il y a quasiment comme trois, quatre chemins à traverser en même temps. Seulement ça, au départ, c'est un point de repère assez important pour dire que les «cédez» sont aussi dangereux, sinon plus, que le virage à droite sur feu rouge.

M. Boulanger (Denis): Je peux peut-être vous donner mon expérience personnelle, des fois ça sert. J'ai des prothèses aux jambes et, lorsque j'arrive à une intersection où il y a un «cédez» et où le délai... Premièrement, le temps de regarder, le temps de m'engager, il arrive très souvent que les automobilistes mesurent mal ma propre capacité de me déplacer, et puis très souvent je sens que je les force à faire des arrêts obligatoires même s'ils ne veulent pas. Puis c'est très insécurisant, les «cédez». Quand tu n'es pas rapide, c'est quelque chose de... Puis les aveugles, les personnes sourdes, entre autres, ont aussi mentionné ça, elles ne peuvent pas réagir et...

M. Bordeleau: Est-ce que vous n'avez pas l'impression justement que le virage à droite sur feu rouge avec un arrêt obligatoire ne serait pas, de façon générale, moins dangereux que les «cédez» qui existent actuellement?

M. Boulanger (Denis): Bien, ce qu'on disait tantôt, on ne sait pas si ça ne l'est moins parce qu'on n'a pas vraiment expérimenté. Ce qu'on dit, c'est qu'on a au moins le doute que c'est au moins l'équivalent. Le «cédez», pour nous, n'est pas quelque chose à favoriser, puis les îlots non plus, là.

M. Bordeleau: Je pense que c'est pire.

M. Chevrette: ...prothèses aux jambes puis dans les «cédez»... J'ai des petites jambes puis je cours assez vite, puis, dans les «cédez», ça m'arrive, là. C'est pas mal plus dangereux qu'un tournage à droite.

M. Bordeleau: Moi, j'aurais juste un dernier commentaire à faire. Tout à l'heure, M. Rodrigue, vous disiez que vous comptiez éventuellement, au niveau de l'Office comme tel, prendre toutes les possibilités qui vont vous permettre de vous prononcer sur des situations qui risquent d'avoir un effet chez certaines personnes et éventuellement créer des personnes qui sont handicapées et qui feront affaire par la suite avec votre organisme. Je voudrais juste vous encourager ici. C'est dans l'optique où le ministre disait: Vous devriez vous prononcer, bon, en plus... J'aimerais ça que vous vous prononciez aussi éventuellement sur la question des conducteurs en état d'ébriété, parce que ça aussi, ça en forme des handicapés sur les routes, puis beaucoup de handicapés sur les routes, à la fois chez le conducteur lui-même et chez les citoyens qui... Bon, un bon nombre. On le sait puis on le mentionne dans le document que c'est la principale cause d'accidents au Québec. Donc, c'est probablement le principal fournisseur de handicapés au Québec aussi.

Et il y a une problématique particulière qui existe sur la question des conducteurs en état d'ébriété, et je pense qu'à ce titre-là, si vous pouviez éventuellement réfléchir là-dessus et vous prononcer aussi là-dessus, ça permettra peut-être de faire oeuvre utile dans un contexte où, personnellement, je pense qu'on doit avoir un débat, une réflexion approfondie sur tout notre système d'assurance automobile du Québec. Je parle du système comme tel, mais, là où je pense que vous devriez vous prononcer, ce n'est pas sur le système lui-même, mais sur les conséquences, par exemple, que ça peut avoir au niveau des risques que ça fait courir à certaines personnes.

Et la problématique des conducteurs en état d'ébriété, quand on dit que c'est la principale cause d'accidents au Québec, qu'est-ce qu'on fait avec les conducteurs en état d'ébriété? Certains disent: Bon, on devrait agir sur les niveaux d'indemnisation. Il y a peut-être d'autres solutions, il y a peut-être d'autres hypothèses que vous pourriez mettre sur la table qui pourraient permettre à la SAAQ éventuellement d'apporter des modifications au système à un niveau ou à un autre et qui pourraient améliorer cette situation-là.

Alors, je vous encourage, disons, dans vos débats ou dans vos prises de position, à peut-être réfléchir à ça et à le faire valoir publiquement aussi.

Le Président (M. Gagnon): Merci de votre commentaire. Le temps est écoulé. Merci, M. Rodrigue. Merci aux gens de l'Office. J'ajourne les travaux jusqu'à demain, le mercredi 15 mars 2000, après les affaires courantes, à 15 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

(Fin de la séance à 12 h 25)


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