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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mercredi 12 septembre 2001 - Vol. 37 N° 24

Consultation générale sur le document intitulé Le régime public d'assurance automobile du Québec


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-sept minutes)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre! Je déclare la séance de la commission des transports et de l'environnement ouverte. Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le document de référence intitulé Le régime public d'assurance automobile du Québec.

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Brodeur (Shefford) remplace M. Benoit (Orford); et Mme Barbeau (Vanier) remplace M. Deslières (Salaberry-Soulanges).

Le Président (M. Lachance): Merci. Alors, je demande aux membres de la commission ainsi qu'aux autres personnes qui sont présentes dans la salle de bien vouloir fermer leur téléphone cellulaire durant la séance, s'il vous plaît.

Donc, après les événements tragiques que nous avons connus hier, nous allons reprendre ce matin les travaux qui étaient prévus à l'ordre du pour cette journée du mercredi 12 septembre 2001. Et le premier groupe que nous entendrons, c'est le Service d'aide aux accidentés de la route et du travail, et je demanderais aux représentants de bien vouloir prendre place à la table.

Auditions

Alors, bienvenue, madame, messieurs. Et je vous indique que vous avez un maximum de 20 minutes pour votre présentation, et, par la suite, période d'échange avec les parlementaires. Alors, je demande au porte-parole de bien vouloir s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent.

Service d'aide aux accidentés
de la route et du travail inc. (SAART)

M. Blais (Pierre): Mon nom est Pierre Blais, je suis avocat à Gatineau; Mme Hélène Petitclerc, qui est présidente du groupe que je représente; et M. Lucien Brousseau, qui est un accidenté et qui est membre du groupe également.

Le Président (M. Lachance): Très bien.

M. Blais (Pierre): Donc, nous représentons le SAART, qui est un organisme sans but lucratif, institué en 1998 pour aider les personnes démunies et peu scolarisées à administrer leur dossier principalement devant la SAAQ et aussi devant la Commission des lésions professionnelles. Au niveau du concept d'assurance sans égard à la responsabilité, la Loi sur l'assurance a été instituée en 1978 pour permettre entre autres l'indemnisation des accidentés de la route plus rapidement, étant donné qu'à l'époque nous assistions à des délais très longs quant au traitement, en Cour supérieure, des poursuites privées.

n (9 h 40) n

Il n'est pas question de critiquer le fondement de la loi, car nous la croyons bien fondée. Toutefois, certaines pratiques de la Société et du Bureau, du Tribunal, nous obligent à questionner l'impartialité et la transparence du système. Ce n'est pas le concept ni l'idée fondamentale de la loi qui sont à remettre en question, c'est son application par des gens liés qui semblent oublier qu'une loi d'indemnisation doit avoir une interprétation large et libérale. Le terme «libéral» étant employé dans un sens autre que politique.

M. Chevrette: On avait bien compris.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais (Pierre): Merci. L'admirable philosophie est...

M. Chevrette: ...notre objectif.

Une voix: Malgré que les deux vont très bien...

M. Blais (Pierre): Ha, ha, ha! L'admirable philosophie et pensée qui sous-tend cette Loi d'indemnisation sans égard à la faute, l'esprit d'une indemnisation généreuse et efficace des accidentés ne doivent pas céder le pas devant la rigueur et l'indifférence d'une machine moderne qui reproduit et applique des politiques de gestion de cas à tous les échelons d'un dossier comme sur une ligne de montage. Comme nous l'avons déjà mentionné, l'assurance sans égard à la responsabilité ne fait pas l'objet de nos contestations, nous souscrivons aux valeurs sous-jacentes d'un tel système.

Toutefois, à la page 11 du document de réflexion, on énumère 11 raisons pour lesquelles le sort réservé aux victimes de la route, avant l'entrée de la loi, était loin d'être enviable. De ces 11 points, nous tenons à souligner que l'étatisation du système d'indemnisation est toujours incertaine dans le sens... On parle de la gratuité, là. On a visé à diminuer les coûts, on va discuter de ça. Les frais judiciaires très coûteux ont été remplacés par des honoraires d'avocat souvent insensés. Je suis avocat moi-même. C'est pas parler contre ma profession mais tout simplement mentionner que, en raison du traitement lent et complexe d'un dossier, on peut multiplier la correspondance, les contestations, les conséquences demeurent importantes, voire catastrophiques pour les moins bien nantis.

Le délai moyen d'un règlement d'un dossier excède régulièrement deux ans et nous avons des clients dont les dossiers ne sont pas terminés après deux, quatre, six, 10 et même 22 ans. Le montant de l'indemnité peut toujours être inéquitable par rapport au préjudice subi, qu'il s'agisse du DAP ou de l'indemnité de remplacement de revenu, l'IRR.

Le régime sans égard à la responsabilité se voulait un système axé sur la qualité de l'indemnisation des victimes. Qualité certes pour certains accidentés; pour d'autres, la situation est tout autre. Il est question de simplicité. Il suffit d'établir un lien entre le préjudice corporel et l'accident pour que la victime soit indemnisée. Il serait important de préciser qu'il est préférable que le préjudice soit constaté dès la première consultation médicale post-accident, car, comme il a été souligné par certains juges de la Cour supérieure et de la Cour d'appel du Québec, la Société, comme le Bureau de révision et le Tribunal administratif du Québec, exige un degré de certitude ou de preuve excédant même celui des tribunaux supérieurs. C'est là un des grands dangers du monopole dont jouit la Société. L'étatisation a-t-elle entraîné une certaine étroitesse? On déshumanise le système, on établit des directives de plus en plus restrictives. On traite tous les cas semblables de la même façon sans réellement se soucier des réalités ou des particularités de chaque victime.

Il est question d'équité. Tous sont certains d'être indemnisés sans tracas, peu importe le degré de responsabilité ou de solvabilité des parties. Certes, mais nous avons constaté des écarts entre l'indemnisation à court terme comparativement au long terme. Nous avons également constaté que la plupart de nos clients sont tous des travailleurs physiques, de type journalier ou de métier, qui sont peu scolarisés, ou des employés sans réelle spécialisation.

Il est question d'efficacité: accès à différents programmes de réadaptation. Ceci est faux pour les gens peu scolarisés. Selon un représentant des services de réadaptation de l'Outaouais, la Société ne réfère que certains accidentés au service de réadaptation. Il s'agit d'un pouvoir discrétionnaire. Par exemple, un homme de 63 ans en état de dépression majeure. Il y a un droit à la révision certes, encore faut-il attendre entre six mois et un an pour cette décision qui, peu importent les preuves présentées et la jurisprudence, même celles des tribunaux supérieurs, se résume souvent à la phrase «Le soussigné réviseur croit plus plausible l'opinion du médecin expert de la SAAQ que celle du médecin traitant» ou «Le soussigné est d'avis que l'orthèse a été payé par erreur administrative, alors qu'il s'agissait d'une prescription d'un médecin traitant».

Le Bureau de révision est fier de maintenir un pourcentage élevé des décisions des agents d'indemnisation, mais nous croyons que, si l'étude de la preuve des documents médicaux, jurisprudence ou autres, était faite judicieusement, ce pourcentage serait moins élevé.

Il faut s'interroger sur la pertinence de cette étape. S'agit-il simplement d'un exercice entraînant un délai supplémentaire dans le traitement de dossiers? La Société s'est-elle questionnée sur l'abandon des démarches par les accidentés après l'étape de la révision? Combien de travailleurs peuvent demeurer sans revenu pour six mois, un an ou plus, et se payer le luxe de procédures devant le TAQ? Il ne faut pas oublier que les troubles financiers sont souvent à la base de discorde familiale. Enfin, une réponse négative peut être contestée devant le Tribunal administratif du Québec. Il faut s'attendre à une audience dans six mois à un an, délai auquel il faut ajouter, à l'occasion, un minimum de quatre mois pour une décision.

Il est important de souligner que les contestations peuvent se multiplier sans cesse dans un même dossier. Par exemple, un dossier pour lequel le déficit anatomophysiologique ou préjudice corporel est contesté, souvent, avant de pouvoir régler cette question, la Société prend d'autres décisions. Au troisième anniversaire, par exemple, de la date de l'accident, la Société juge l'accidenté apte à exercer un emploi quelconque qu'elle détermine. La question du préjudice n'est pas tranchée, il faut contester ces nouvelles décisions, car elles sont fondées, selon l'accidenté et le médecin traitant, sur des éléments erronés. Le Bureau de révision maintient la décision qui est contestée devant le Tribunal administratif.

Avant même de régler la question du préjudice corporel, la Société informe l'accidenté que son indemnité de remplacement de revenu sera coupée de x dollars puisque ce dernier, qui disposait d'un an de recherche d'emploi, est désormais considéré apte à exercer un emploi déterminé un an plus tôt. Encore une fois, il faut contester la décision prise. Le système devient alors un interminable processus.

Le Tribunal administratif soutient à chaque audience que son jugement est sans appel. Il serait important de cesser cette pratique. Il s'agit d'une affirmation qui, à la lumière de récents jugements de la Cour supérieure et de la Cour d'appel, est erronée et intimidante pour des travailleurs. Après avoir assisté à de nombreuses audiences du Tribunal, nous aimerions recommander aux législateurs de modifier la Loi de l'assurance automobile afin de permettre la représentation par un tiers. Cela humaniserait vraiment le processus comme ça a été le cas pour la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Une personne qui se rend au Tribunal souvent plus de deux ans après le fait accidentel dispose rarement des ressources pour payer les honoraires d'un avocat. Et, si elle choisit de se représenter elle-même, elle est trop souvent dépassée par le jargon juridique et médical des commissaires qui plus est interviennent trop souvent au nom de la Société durant ces audiences.

Par ailleurs, la pratique des représentants de la Société, d'envoyer des stagiaires en droit aux audiences ? phénomène assez courant d'ailleurs en Outaouais ? doit cesser. Cette façon de faire entraîne l'intervention souvent exagérée des commissaires du travail qui ? nous avons pu l'observer fréquemment ? recommandent une marche à suivre aux procureurs de la Société, portent des jugements personnels à l'égard des accidentés et interviennent avec une condescendance hors du commun.

La Société, le Bureau de révision et le Tribunal auraient tout à gagner à étudier la façon de faire de la Commission de la santé et de la sécurité au travail et de la Commission des lésions professionnelles qui permettent la représentation par un tiers et dont l'humanisation du processus est facilement constatable. Nous recommandons que le législateur étudie la possibilité d'instaurer aussi un réel processus de conciliation qui permettrait de régler les litiges de façon équitable tout en permettant de réduire les coûts. Le législateur voudrait peut-être aussi se pencher sur la possibilité de remplacer le Tribunal par une commission des accidentés de la route en s'inspirant partiellement de la Commission des lésions professionnelles et de nommer les commissaires à vie dont un, entre autres, représenterait les accidentés, de manière à garantir l'impartialité du processus et des décisions.

Il faut, selon nous, repenser la révision, la sortir de la Société, sans quoi on s'installe dans une politique interne soumise aux décideurs de la Société. À moins d'une distance réelle et d'une impartialité efficace et authentique tant sur le plan légal qu'économique dans le système du Bureau comme dans le système de décision du Tribunal, il y aura toujours matière à suspicion et à questionnement. Quand on constate l'attitude fermée des réviseurs ou de membres du Tribunal sur des questions où la logique la plus élémentaire, le gros bon sens aurait pu prévaloir, il faut s'interroger. L'indépendance et l'impartialité des réviseurs du Bureau ou des membres du Tribunal sont impératives, sans quoi le système sera toujours sujet à caution.

n (9 h 50) n

J'aimerais mentionner de ma part que les membres... Il y a beaucoup de membres du Tribunal qui sont d'une qualité exceptionnelle. Et puis les tribunaux... Puis il y a eu des représentations par le Barreau, entre autres, à l'effet que ces membres-là soient nommés à vie. Je pense personnellement que c'est vraiment important. Quand on est révisé aux cinq ans, c'est pas la même chose que quand on est nommé à vie. Il y a pas des juges nulle part autre qui... Des termes comme ça, c'est impensable au niveau d'une indépendance.

La transparence et l'impartialité ont un prix et il s'agit de voir ce que le législateur veut privilégier: la personne ou la machine avant tout. Les critiques des tribunaux supérieurs du Barreau du Québec et des personnes impliquées dans le milieu doivent être entendues. La Société, le Bureau et le Tribunal composent un système qui se veut près des gens, qui se veut plus rapide, qui se veut plus juste et équitable. Il s'agit plutôt d'un système intimidant, lent et dont les directives semblent outrepasser la logique du commun des mortels.

Intimidant, car les intervenants à tous les échelons semblent être dotés d'une condescendance qu'ils tentent à peine de dissimuler devant les représentants des accidentés. Nous ne pouvons qu'imaginer le traitement réservé aux accidentés eux-mêmes. Pour remédier à cela, nous suggérons de réellement humaniser le processus et de mettre l'accidenté à l'avant-plan. Il ne s'agit pas d'un numéro, c'est un être humain à part entière ayant des responsabilités familiales, financières, professionnelles, etc., comme chacun de nous.

Lent, car le processus de décision de la Société, de révision... de la révision du Bureau et de décision du Tribunal peut prendre plus de deux ans, aboutissant souvent à la décision de retourner le dossier devant la Société à nouveau ou en une décision contestable devant les tribunaux supérieurs si l'accidenté est assez fortuné pour le faire ou assez pauvre pour bénéficier de l'aide juridique. Les malheureux sont ceux qui ont juste assez de ressources pour vivre, mais trop pour avoir droit à l'aide juridique. D'ailleurs, les trois dernières décisions, dans Sponner, dans Auger puis dans Hamel, ont toutes été plaidées par l'aide juridique, en passant. Ça s'est rendu à la Cour d'appel.

Justes et équitables? Qu'en est-il des décisions prises par des agents de la Société sur la foi de rapports erronés? Qu'en est-il d'une Société mise sur pied pour aider les accidentés, qui ne remet pas en question des documents erronés? Que dire des réviseurs qui croient plus plausibles les conclusions du médecin expertiseur que celles du médecin traitant, et ce, même si le médecin expertiseur a passé en général moins de 20 minutes avec l'accidenté et que le médecin traitant soigne l'accidenté depuis l'accident?

Voilà une conclusion qui revient trop souvent dans les décisions du Bureau de révision. S'agit-il de directives auxquelles sont liés les réviseurs? De quelle formation disposent les réviseurs pour juger d'une question d'ordre médical? L'impartialité et la neutralité du réviseur ne seraient-elles pas des prérequis essentiels à une juste révision? Il semble trop facile pour la Société d'envoyer des accidentés devant les soi-disants experts qui, presque toujours, présentent des expertises négatives à l'égard de l'accidenté.

La Société se basant ensuite sur ces documents pour mettre fin immédiatement aux indemnités de l'accidenté, nous recommandons que la Société soit liée par le jugement du médecin traitant qui est, sans aucun doute, le plus au fait de la situation de l'accidenté, de son patient. Il ne faut pas oublier que l'Ordre des médecins s'interroge actuellement sur la situation concernant certains médecins experts.

Est-ce que nous en sommes rendus avec un système adversaire, l'accidenté étant un David face à l'État qui est un Goliath, et où le poids de la machine gouvernementale écrase le citoyen ordinaire, et où les seules personnes qui peuvent concurrencer et faire le poids à la machine sont les gens bénéficiant de l'aide juridique et les gens très riches? On sait qu'une expertise coûte environ 1 200 $ et que, dans un dossier, la SAAQ, à son tour, peut demander plusieurs expertises, ça fait que c'est difficile. Tous les autres ne peuvent se payer le luxe d'une révision en Cour supérieure ou en Cour d'appel, là où sont plaidés les dossiers qui ont mis en évidence l'interprétation trop restrictive de la Loi sur l'assurance-automobile, «une loi d'indemnisation pour tous et dont on perd l'esprit qui la sous-tend». Ces commentaires sont tirés du jugement du juge Beaudoin en Cour d'appel.

Enfin, il est question de souplesse. L'administration du régime par l'État permet d'adapter la couverture en fonction des besoins de la population. Serait-il temps pour la Société de mettre en pratique cette liberté? La Société doit adapter sa couverture aux ressources des accidentés: emploi, études, formation, expérience, antécédents de chacun. Selon notre expérience, la Société ne tient pas compte de l'ensemble des caractéristiques susmentionnées, elle semble davantage motivée par la récupération maximale d'argent que par la réinsertion sociale valorisante et équitable des accidentés de la route.

Être juge et jury est proscrit dans nombre de contextes. L'application de la loi et l'interprétation qu'en font la Société, le Bureau de révision et le Tribunal administratif ont été critiquées, voire même condamnées par les tribunaux supérieurs. Des décisions qui ignorent les recommandations du médecin traitant, la jurisprudence ou les arguments débattus pendant l'audience sont inacceptables et biaisés en plus de miner la crédibilité du système et de ses représentants.

Pour ce qui est de l'affirmation concernant la prolongation des délais, la réalité est qu'ils sont de plus en plus longs. Nous recommandons que la Société embauche davantage de personnel afin de réduire le temps d'attente des décisions du Bureau de révision, processus qui est de plus en plus long. Il en est de même pour le Tribunal administratif du Québec.

Le document d'information aborde également l'idée que les procédures seraient coûteuses. Il est important de noter que les poursuites civiles peuvent souvent être réglées hors cour avec paiement selon un pourcentage convenu avec le conseiller juridique. Pour le traitement d'un dossier de la Société, les honoraires sont dans l'ensemble calculés à l'acte et la multiplication des procédures par la Société ne font que contribuer à augmenter la facture. De toute façon, les honoraires d'avocat d'un dossier qui traîne depuis plusieurs années peuvent être très élevés, et, quand l'accidenté ne peut plus payer, il peut alors avoir la possibilité de faire une demande d'aide juridique, comme l'ont fait les gagnants de causes importantes: Sponner, Hamel et Viger, comme je vous le mentionnais tantôt.

La couverture du régime. La grande satisfaction de la majorité des Québécois et la certitude d'être indemnisé nous semblent le fruit de l'ignorance plutôt que de la réalité. L'indemnisation à court terme, l'absence de séquelles corporelles à long terme, le retour au travail antérieur ne sont pas source de différends. Mais, lorsqu'il est question d'une indemnisation à long terme, d'une réorientation professionnelle ou de séquelles corporelles non reconnues, les différends se multiplient et l'insatisfaction s'installe. Les montants accordés pour couvrir les séquelles, les pertes de revenus et les autres frais remboursés semblent équitables. Toutefois, l'énergie déployée pour les obtenir peut s'avérer incroyable.

Le Président (M. Lachance): Me Blais, je m'excuse de vous interrompre, mais, comme le temps file rapidement, je vous prierais peut-être d'orienter votre conclusion maintenant avec les recommandations que vous faites.

M. Blais (Pierre): Je vais aller aux conclusions, au résumé à la fin.

Le Président (M. Lachance): Il reste moins de deux minutes.

M. Blais (Pierre): En résumé, le mémoire présenté par le Service d'aide aux accidentés de la route et du travail se veut un document de réflexion. En guise de résumé, nous vous présentons les recommandations que nous croyons appropriées: modifier la Loi sur l'assurance automobile afin de permettre la représentation par des tiers; instaurer un réel processus de conciliation; étudier la possibilité de remplacer le Tribunal par une commission des accidentés de la route en s'inspirant de la Commission des lésions professionnelles; songer à nommer les commissaires à vie, dont un représenterait ? un ou plusieurs ? les accidentés, de manière à garantir l'impartialité du processus et des décisions; repenser la révision, la sortir de la Société, sans quoi on s'installe dans une politique interne soumise aux décideurs de la Société; travailler davantage en collaboration avec les médecins traitants et respecter l'opinion du médecin traitant, qui est sans doute le plus au fait de la situation de son patient; cesser l'application rétroactive des décisions, surtout lorsqu'il s'agit de la détermination des emplois et lorsque la Société n'a pas utilisé son pouvoir discrétionnaire en temps opportun; mettre fin aux indemnisations à la date à laquelle l'accidenté est informé de la décision, non rétroactivement; il y a des conséquences fâcheuses sur le plan financier.

Le Président (M. Lachance): Très bien. Merci beaucoup. M. le ministre des Transports, pour amorcer cette période d'échanges.

M. Chevrette: Oui. Tout d'abord, je voudrais vous remercier pour la présentation et féliciter Me Blais, c'est tout à votre honneur. Vous travaillez pour un organisme à but non lucratif, ce qui prouve que c'est pas vrai, quand on généralise, que tout le monde travaille toujours rien que pour la piastre. Je voudrais vous féliciter, je pense que c'est...

n (10 heures) n

La présentation de votre mémoire m'amène à une série de remarques peut-être un peu mêlées par rapport à votre présentation, parce que je prenais des notes ici et là. Mais je voudrais vous dire tout de suite que, pour le service à la clientèle, on a un plan de redressement à la Société qui nécessitera l'embauche de 166 employés de plus pour améliorer, sur une période de trois ou quatre ans, là, le service à la clientèle. On l'observe, nous aussi, puis je pense qu'il faut que ça se fasse. Puis c'est heureux que vous nous donniez l'occasion de dire: Oui, on est conscient de cela, parce que...

Par contre, vis-à-vis le régime lui-même, il y a 85 %... dans tous les sondages scientifiques que l'on fait auprès de ceux qui sont infligés par un accident, il y a une satisfaction de 85 %. Là où on a plus de remarques négatives, en tout cas, moi, dans mon bureau de comté, et je sais pas si c'est de même pour mes collègues, c'est au niveau de l'expertise, et vous l'avez traitée de façon plus particulière. Au niveau de l'expertise, beaucoup de gens disent: Il m'a regardé deux minutes puis il m'a renvoyé. Ça, on entend ça très... À supposer qu'il se trompe de deux minutes, que ça soit le double, cinq, quatre minutes de plus, ça fait pas une demi-heure, ça fait pas une contre-expertise... Je pense qu'il y a quelque chose à faire là. Exactement quoi? Je suis pas un spécialiste. Mais le fait que vous le souligniez, en tout cas, moi, ça me confirme que les gens qui viennent à mon bureau sont souvent des gens qui... ils sont même insultés du fait que... ils disent: Écoute, il m'a même pas fait lever le bras, puis c'est à l'épaule que j'ai mal. Ça, on l'entend très souvent, il faut le reconnaître. Moi, je pense qu'il faut pas se buter quand on a des remarques comme celles que vous faites et, au contraire, il faut demander des clarifications là-dessus. Vous m'avez dit que le Collège des médecins se penchait là-dessus? Je voudrais vous entendre.

M. Blais (Pierre): Oui. Ce que la SAAQ fait quand vous avez une plainte vis-à-vis le médecin, ils nous demandent de faire une plainte écrite à la SAAQ. Je l'ai déjà fait personnellement dans un dossier d'un accidenté, ça a retardé le dossier de six mois. Ensuite, on nous a dit: Faites une plainte au Collège des médecins, ce qu'on a fait. Mais, en bout de piste, tout ce que ça a fait, c'est que ça a retardé le dossier d'un autre à peu près six mois. Donc, on a gelé un dossier pendant un an d'un accidenté qui n'était pas indemnisé. Je peux vous dire que, sur le plan pratique, ce que vous avez dit là est exact, et puis les conséquences sont graves pour ces gens-là, parce que c'est des gens, souvent, qui sont démunis. Parce que le 15 % que vous parlez, là, c'est notre 100 % à nous autres.

M. Chevrette: Non, mais je sais. Je le sais très bien, j'ai bien compris ça. Ceux que ça va bien vont pas vous voir, c'est évident. Donc, vous relatez le témoignage des gens qui vont vous voir, c'est évident.

On travaille, là aussi, sur deux centres d'expertise où les médecins auraient plus de temps puis se spécialiseraient véritablement, parce que c'est des polytraumatisés, il faut bien comprendre que c'est pas... Une spécialité pour des polytraumatisés, il n'en existe pas. Ils sont spécialistes en ou en, mais ils sont pas nécessairement spécialistes pour l'ensemble des traumatismes qu'une personne peut avoir. Mais, en travaillant sur deux centres, je pense qu'on va pouvoir référer des personnes, des accidentés là, et ça va régler un des irritants qu'on peut avoir encore dans cela.

Pour ce qui est de changements de la Loi de l'assurance automobile en ce qui regarde le Tribunal administratif, c'est la Loi des tribunaux qu'il faut changer, et non pas notre loi, parce qu'on n'est pas... C'est pas des gens de la SAAQ, ça, c'est des gens nommés par le gouvernement pour siéger sur des tribunaux administratifs, et on n'y peut rien. On n'est même pas là pour la nomination. C'est-à-dire, moi, je suis là comme ministre, mais c'est le ministre de la Justice de qui relèvent les tribunaux administratifs. Mais, effectivement, il y a peut-être des lenteurs qu'on peut améliorer là. En tout cas, moi, je me ferai votre porte-parole auprès du ministre de la Justice là-dessus, parce qu'on va sûrement relever les points forts et les genres de consensus qui se dégagent de cette commission parlementaire pour pouvoir présenter à mes autres collègues les points qui ont été soulevés, et ça fera partie du lot.

Il y a l'impartialité, que vous avez utilisée à deux reprises ou trois, et la neutralité. Je voudrais vous entendre très spécifiquement, parce que, si, dans 85 % des cas, les gens sont satisfaits ou les gens ont été... ou ont réglé soit par directement l'agent d'indemnisation ou bien la révision, parce que vous avez parlé aussi de révision, je vous poserai une autre petite question après... Mais c'est sur l'impartialité que je veux vous entendre. Je vous ai écouté religieusement, puis c'est marqué dans mon mémoire que... dans le résumé de votre mémoire, là, c'est très clair, l'indifférence de la machine, l'impartialité est en doute et la neutralité n'est pas assurée. C'est à peu près ça...

M. Blais (Pierre): C'est ça.

M. Chevrette: ...les propos que j'ai entendus, là.

M. Blais (Pierre): Le problème qui existe, c'est la perception aussi. Quand vous avez... Je vais vous donner un exemple pratique, un exemple vécu. Il y a quelques semaines, je suis devant la Commission... je suis devant le Tribunal administratif du Québec. Je suis avec mon client et un représentant de l'organisme où que je fais affaire. Et puis je vois rentrer un procureur ? bien là je savais pas que c'était le procureur ? je vois rentrer deux personnes, bras dessus, bras dessous, qui jasent ensemble, puis tout ça, puis, par la suite, ces deux personnes-là vont s'asseoir dans la salle: c'est le procureur de la SAAQ, c'est un des membres du Tribunal administratif du Québec. Voyez-vous la perception qu'a eue mon client? Pour le commun des mortels, pour le petit gars dans la rue, pour le travailleur qui sait que le gouvernement nomme les gens du TAQ, le gouvernement obtient des sommes de la Société, le gouvernement nomme des gens pour cinq ans, le ministère de la Justice nomme des gens pour cinq ans, c'est toujours la même personne pour lui là...

M. Chevrette: Vous parlez de l'apparence de justice.

M. Blais (Pierre): Je vous parle de l'apparence. O.K.?

M. Chevrette: Oui. Mais, entre vous puis moi, dans les anciens palais de justice, c'est encore bien pire.

M. Blais (Pierre): Bien, je veux pas...

M. Chevrette: Mais non, mais vous êtes...

M. Blais (Pierre): Je veux pas être méchant en disant ça, là...

M. Chevrette: C'est parce que vous êtes avocat... Moi, je me souviens, à Joliette, les trois avocats rigolaient. Moi, j'étais petit jury là, vous savez, petit jury pour une cause criminelle.

M. Blais (Pierre): Puis vous savez ce qui circule.

M. Chevrette: On aurait juré que ces trois gars-là étaient en party.

M. Blais (Pierre): C'est ça. Puis on sait ce qui circule dans... De façon générale, les gens questionnent cet aspect-là. Les gens vont même dire des fois, tu sais: Est-ce que les juges sont achetés? Est-ce que... tu sais, ces choses-là. Ça, c'est le commun des mortels. C'est pas le procureur qui va penser ça. Moi, je pense que, règle générale puis même de façon probablement unanime, les gens sont pas comme ça. Mais c'est la perception que le type de la rue va avoir, lui, quand il voit ça. Et puis, évidemment, moi, je fais également de la couronne municipale, j'irai pas bouffer avec le juge de la Cour municipale. Il y a une distance, il y a une déontologie à ce niveau-là à respecter.

Puis, quand on parle de la révision, et puis du réviseur, et puis de la SAAQ elle-même, bien, c'est deux personnes qui travaillent dans le même bureau, pour la personne normale. C'est deux personnes qui travaillent pour la SAAQ. Ça fait que c'est la SAAQ qui révise ses propres décisions. Ça fait que, quand on parle d'impartialité à ce niveau-là, c'est sûr que le petit gars de la rue, lui, il dit: Bien, écoute, c'est deux employés de la SAAQ. Tu sors la révision de là, tu vas donner une autre image. Tu fais de la conciliation, tu vas chercher l'expertise ailleurs, tu vas chercher des arbitres, n'importe quoi, mais tu sors de la SAAQ. Les gens, c'est là que ça accroche le plus. Entre moi puis vous puis les quatre murs, c'est là que ça... Tellement que. moi, la plupart du temps maintenant, je n'y vas plus en révision. Ça me tente pas de charger à un client... en tout cas, même si je coupe mes honoraires à un moment donné, ça me tente pas de charger à un client pour dire: Je vais te charger pour aller devant un réviseur qui, probablement, va maintenir. On peut quasiment... qu'il va maintenir. D'ailleurs, ça fait partie de leurs statistiques qu'ils maintiennent les décisions presque automatiquement.

M. Chevrette: À 82 %.

M. Blais (Pierre): Puis, des fois, avec... Je me souviens d'un cas où j'ai amené au-dessus de six témoins ? six témoins ? pour faire une preuve assez forte s'il vous plaît devant un réviseur, puis ça l'a maintenu la décision. Bien, j'étais déboulonné quand j'ai vu ça; les deux bras m'ont tombé. J'ai dit: Ça se peut pas, pas avec la preuve que j'ai présentée là. Tu sais, il y a des fois que votre preuve est pas trop solide, vous le savez. J'ai 30 ans d'expérience, ça fait que je sais ce que je fais normalement dans ces cas-là. Puis vous le savez que votre preuve est bonne ou est faible. Mais il y a des cas, ça vous déboulonne complètement, vous dites: Ça se peut pas. Maintien d'une décision, comme on a dit tantôt, j'estime... Moi, je préfère le rapport de l'expert de la SAAQ. C'est quoi, ça? Vous avez un médecin traitant puis un autre expert qui viennent dire une chose, qui viennent se conformer les uns les autres, et puis vous avez le gars qui préfère un rapport de la SAAQ. Puis c'est dans ce dossier-là, en plus de ça, que le gars avait été vu puis qu'on a fait une plainte. Imaginez-vous si on a mâché ça de travers. Mais c'est juste pour vous donner un cas où vraiment c'était difficile. Puis là, le pauvre petit gars, au bout de ça... vous avez fait un dossier que vous êtes obligé de lui charger peut-être une couple de mille piastres. Vous êtes pas capable de lui charger ça, vous avez un résultat négatif, puis, si vous lui chargez ça, il est déjà dans la rue. Ça fait que vous le mettez chez pas où là. On peut-u aller plus loin que la rue?

n (10 h 10) n

M. Chevrette: Pour ce qui est de la réadaptation, je vous écoutais, mais je prenais des notes en même temps, puis... Parce que la réadaptation, depuis deux, trois ans, c'est peut-être le fleuron de la SAAQ. On a réussi à... Parce que, vous savez, plus on réadapte vite, plus on réussit à remettre une personne sur le marché du travail, plus on la rend autonome le plus vite possible, en termes de coûts sociaux, c'est beaucoup moins. On me disait hier, je pense, le premier témoin qui a parlé nous disait que, si on réadapte pas le plus rapidement possible, ça peut être 1 000 $ de l'heure que peut nous coûter un individu.

M. Blais (Pierre): Mais le problème, c'est, comme on vous a dit au début, nous, on représente surtout des gens qui sont démunis puis des gens qui sont peu scolarisés, puis c'est... Pour la réadaptation, là, je me fais pas l'avocat du diable, mais je présume quand même que ces gens-là, quand ils voient quelqu'un qui est peu scolarisé, ils savent très bien que ça va leur coûter un bras, pour employer une expression du milieu, ils savent que ça va être très dispendieux. Quand vous prenez quelqu'un qui est au niveau de... il a même pas son secondaire, mais qui est très intelligent... J'ai vu des gens absolument... plus intelligents même que moi, qui... C'est pas l'éducation souvent qui fait l'intelligence.

M. Chevrette: Je le sais.

M. Blais (Pierre): Vous savez ça. Donc, à ce moment-là, ces gens-là, nous, sont notre clientèle. Puis ces gens-là, c'est à ceux-là qu'on a plutôt tendance à dire: Bien, écoutez, vous êtes peu scolarisés, on n'est pas pour investir en votre personne, on va tout simplement vous déterminer une job au salaire minimum, ça va vous affecter le moins. Et puis, là, pouf! c'est ça qu'on fait. Ça, c'est facile, régler un problème comme ça, dire à un travailleur de la construction: Bon bien, là, toi, tu vas être gardien de barrière, tu sais, ça vient de s'éteindre. C'est plate, là, c'est plate. Le type aurait peut-être des qualités autres.

M. Chevrette: Mais quand ils sont jeunes, vous maintenez ça même auprès des jeunes? Parce que la procédure qu'on me donne, qu'on me dit, parce que j'ai posé des questions là-dessus par le passé, j'en ai vu à mon bureau de comté, je peux-tu vous dire, un joyeux paquet en 25 ans, on me dit: Quand la personne est relativement jeune, au contraire, chaque cas est expertisé, sauf peut-être beaucoup moins de contre-expertise pour les gens de 60 ans et plus parce qu'ils deviennent au bord de la retraite, la réadaptation... il est moins coûteux de payer une rente à l'individu pour qu'il se rende à sa pension que de suivre un long processus de réadaptation qui pourrait être coûteux à la fois pour la société, peut-être même ennuyeux pour la personne en question. Mais c'est pas une question de perception, d'après vous, ça?

M. Blais (Pierre): Bien, regardez, dans le rapport, on vous donne un cas précis, là, d'un type de 63 ans. J'ai le nom, je pourrais vous donner le nom de l'individu.

Une voix: J'ai accompagné la personne.

M. Blais (Pierre): ...qui, elle, a accompagné la personne... Un type de 63 ans qui est hautement dépressif et qu'on veut réhabiliter. C'est spécial. Puis on a des gens entre 40 et 50 ans...

M. Chevrette: Qu'on veut réhabiliter, vous avez dit?

M. Blais (Pierre): Absolument. Absolument. Et on a des bonshommes entre 40 puis 50 ans, ceux-là, on ne les touche pas.

M. Chevrette: Bien, ça, là-dessus, moi, si tel est le cas, je suis pas d'accord. Un gars de 63 ans qui est dépressif, donc, en plus...

M. Blais (Pierre): En plus.

M. Chevrette: ...le temps de la réhabilitation, puis il serait à l'âge de la retraite. Ça fait que, ça, je vous donne raison 100 milles à l'heure. C'est pas ça, là. Moi, je suis plus porté, par exemple, vers un jeune de 25 ans, un gars de 30 ans, 40 ans qui a encore 20 ans à travailler. C'est évident qu'il faut qu'il soit expertisé et puis qu'on puisse l'orienter le plus possible dans un métier qu'il peut exercer et dont, si c'est inférieur sur le plan salarial, on lui assume la différence. J'en ai dans ma propre famille, des gens qui ont eu des accidents puis qui ont vécu ce processus-là. Mais ces cas particuliers là, j'aimerais ça que vous nous les fassiez connaître, parce que je pense qu'il y a une différence véritable entre celui qui est réadaptable rapidement par rapport à celui qui a... qu'on doit porter un intérêt, mais qui présente pas la même urgence. Comme une personne de 63 ans, comme vous me dites, on est peut-être mieux de lui laisser la paix justement puis le laisser traiter lentement, pour sa dépression, etc., parce qu'il est à l'aube de sa retraite.

M. Blais (Pierre): Puis ça arrive souvent des cas où les gens sont en dépression suite à un abandon du travail pendant deux ans, hein.

M. Chevrette: Oui.

M. Blais (Pierre): Souvent même... des fois, nous autres, on est obligés de demander à la réadaptation ? parce qu'ils en réadaptent quand même ? on leur dit: Un instant, prenez pas des décisions tout de suite, le type est même pas capable d'y aller parce qu'il y a des conséquences économiques et physiques, psychologiques évidentes.

M. Chevrette: Je tiens à vous remercier beaucoup de votre présentation, nous allons lire à nouveau, regarder les recommandations, puis, partout où on pourra faire quelque chose de concret, on le fera. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Shefford et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Me Blais, Mme Petitclerc, M. St-Jean, j'ai bien porté attention à votre mémoire et puis je suis convaincu que, probablement à mon bureau de comté présentement, il y a une de mes attachées politiques qui vous a écoutés et je pense qu'elle ferait sien votre mémoire. C'est ce qu'on entend régulièrement dans nos bureaux de comté. Et souvent, malheureusement, on entend des histoires d'horreur. Vous en avez sûrement aussi à raconter, et on pourrait passer la journée ici à s'en raconter.

Donc, si j'ai bien compris, puis je pense que je suis entièrement d'accord avec vous qu'il faut en quelque sorte une réforme de l'application du système et particulièrement des relations qu'il faut absolument améliorer entre la Société de l'assurance automobile et les accidentés de la route.

On parlait... vous avez parlé tantôt des délais, premièrement des délais. On le sait, je pense que présentement il y a 7 000 personnes, 7 000 cas en attente pour une révision au TAQ. Et, quand on parle de révision, je suis totalement d'accord avec vous, il semble qu'il y a pas apparence de justice, ni apparence d'impartialité seulement, entre la décision prise au point de départ par un fonctionnaire et... Lorsque vous nous disiez que les décisions du Bureau de révision souvent vous ont déboulonné, souvent, nous, on dit qu'on tombe en bas de nos souliers en voyant la décision qu'ils prennent, à l'occasion.

On a vu aussi dans plusieurs cas au Bureau, où on veut réintégrer des gens dans toute sorte de travail... je pense que chez nous, dans le comté, par exemple, s'il fallait tout recycler ces gens-là en pompistes, il faudrait ouvrir des stations d'essence, et puis en gardiens de nuit, il faudrait garder le Québec au complet de nuit. Et d'ailleurs, il y a un cas un peu spécial dans mon bureau de comté, où on a suggéré à une personne de devenir gardien de stationnement, et cette personne-là, suite à l'accident, a des difficultés notoires pour se revirer de côté, donc ça lui prend un système de miroirs spécial, et on lui dit, à cette personne-là: Tu vas placer les autos dans le stationnement du reculons. Donc, ça a souvent aucune espèce de sens. Donc, à cet égard-là, vous pouvez être certains de l'appui de l'opposition et de la plupart des députés qui reçoivent des gens à leur bureau de comté parce qu'il y a vraiment des choses qui sont totalement inacceptables.

Vous avez aussi parlé de l'apparence de justice ou d'impartialité, où on voyait des avocats discuter ensemble avant une cause, et aussi le fait que le citoyen, lui, qui n'a pas les moyens, soit qu'il ne peut pas être admissible à l'aide juridique ou n'a pas les moyens pour se payer un avocat... On sait, par exemple, qu'à la SAAQ ? on me contredira à l'occasion, si on peut ? je pense qu'il y a 51 avocats qui sont payés pour justement défendre les causes de la SAAQ. Le citoyen n'a pas les mêmes moyens, lui, pour se défendre.

Donc, je sais pas si vous avez des suggestions concrètes à nous apporter pour réformer le système sans toucher... en tout cas, pour ma part, pas question de parler du «no fault», etc., mais tout simplement d'améliorer le système. Je sais pas si vous avez des suggestions. Est-ce qu'il faut repartir dès le début, effacer le système qu'on a? En tout cas, moi, je le sais pas. J'aurais tendance à penser ça, et revoir à... réimplanter un système tout à fait différent à partir d'une autre loi?

M. Blais (Pierre): Bien, moi, je peux vous dire que j'ai vécu les deux systèmes, comme avocat. Évidemment, c'était beaucoup plus payant avant ? ha, ha, ha! ? que maintenant.

M. Brodeur: Ah! ça, oui, ça, c'est certain.

M. Blais (Pierre): Puis ça, ça prend... Mais, sur le plan pratique puis sur le plan, je pense, humain, un avocat peut quand même voir la différence. Et puis, le système actuel évidemment est beaucoup mieux que le système antérieur et je pense que ça serait une erreur monumentale que de revenir en arrière.

M. Brodeur: Non, je vous demande pas de revenir en arrière, mais de voir ce qu'on peut faire en avant, là.

M. Blais (Pierre): Je pense, ce qu'il faut améliorer, c'est ce que disait M. le ministre là, la question de la réorientation. Je pense qu'il faut sortir la révision de la boîte, de la SAAQ. Il y a des personnes, évidemment, de qualité qui sont là, mais quand même, il faut sortir ça de la boîte, c'est évident. Celui qui a des problèmes, la transparence va y gagner, et puis je pense qu'on va pouvoir régler davantage de dossiers.

n (10 h 20) n

À la CSST, on fait de la conciliation. Il y a beaucoup de personnes qui sont formées pour faire de l'arbitrage et de la conciliation. Je pense que ça règle beaucoup plus les dossiers qu'une révision de l'ordre où on a présentement... tout ce que ça fait, c'est que c'est coûteux pour le système puis c'est vraiment... en tout cas, c'est dommageable pour les gens qui le subissent. J'ai vu plusieurs cas... même, moi-même, je m'abstiens maintenant de plaider en révision parce que je veux pas justement faire dépenser des sous pour rien aux personnes.

Ça fait que sortons ça de là et puis, de grâce, nommons les membres du Tribunal, du TAQ à vie, engageons ces gens-là. Il y a des gens de qualité, là. Ce n'est pas une question de politique, ces gens-là devraient être là à vie. Et de pas avoir à dire: On va m'évaluer au bout de cinq ans, ça va changer beaucoup de choses, je pense, ils vont pouvoir prendre des coudées franches et puis se servir de ce que, moi, j'appelle du plus grand don qu'on peut pas avoir, le gros bon sens. Il y a des décisions qui sont aberrantes, des fois, qui sont prises et, malheureusement...

Comme j'entendais la semaine dernière un des représentants de la SAAQ, il y avait une décision qui était prise dans un dossier sur un emploi, on disait: L'emploi n'est plus existant. On demandait au TAQ de réviser sa décision, parce qu'on peut demander au TAQ de réviser sa décision, puis là, évidemment, on a abordé la question juridique de vice de fond, mais, moi, j'ai dit: Il y a pas juste un vice de fond, il y a un vice de bon sens. Si l'emploi n'existe plus, il faut pas cimenter le jugement puis dire: Ce type-là, malheureusement pour lui, on pourra jamais plus l'aider. Mais la SAAQ nous a dit: Nous, c'est le jugement. Voyez-vous le problème? Le stare decisis dans un cas comme ça, là, c'est tuant pour un individu qui sait que ça n'existe plus, mais vous pouvez plus rien changer pour lui.

M. Chevrette: Si vous me permettez. Le pire, c'est que ce cas-là donne une perception que tout va mal après.

M. Blais (Pierre): Absolument.

M. Chevrette: Vous avez raison.

M. Blais (Pierre): Cet individu-là, là... puis c'est le gros bon sens, mais là on va s'appuyer sur les questions de droit ou de hors délai puis on va dire: On peut pas bouger, le jugement. Imaginez-vous cet individu-là dans quelle situation il se trouve. Puis ça, je pense qu'il devrait... Je sais pas si ça prend un ombudsman ou si ça prend quelqu'un à la SAAQ qui ait un pouvoir particulier pour ouvrir des décisions qui, dans le gros bon sens, là... ça n'a plus d'allure. L'emploi n'existe plus ou l'emploi, même attribué par le TAQ, n'est plus bon. La SAAQ va s'asseoir sur le jugement, je les comprends parce qu'ils disent: On s'est rendu jusqu'au jugement, on a un jugement. Mais, seigneur! faisons quelque chose avec ces gens-là. J'en connais des cas, moi, des cas, là, où n'importe qui de nous, on s'assoirait puis on regarderait ça puis on dirait: Oui, mais là c'est impossible, cet individu-là peut pas faire ce boulot-là. Mais là il y a un jugement du TAQ qui a confirmé ça, puis là, la SAAQ ne bouge plus, puis là, le type est pris avec ça, il pourra jamais faire ce boulot-là, tout le monde le sait, mais c'est jugé puis c'est fini. Ce serait quoi sur le plan gouvernemental dire: On rouvre ce dossier-là puis on donne une autre job? C'est facile faire ça, facile. Mais on n'a pas personne qui veut le faire, personne. Tu transformes pas un hippopotame en ballerine, c'est impossible, puis, des fois, là, c'est évident. Ça fait qu'à ce moment-là il faut quand même y donner suite, tu sais. Moi, c'est comme ça que je dis ça.

M. Brodeur: Oui, Me Blais, si vous pouvez rester aussi imagé tout le long, ça va être excellent. Je veux vous parler de l'indemnisation présente de la SAAQ. On sait qu'on a... vous avez sûrement des cas où les conséquences secondaires de l'accident, on néglige d'indemniser ou on fait exprès pour passer à côté de conséquences secondaires. Vous avez parlé tantôt de dépression, puis, probablement si cette personne-là n'aurait pas cet accident-là, elle n'aurait pas eu cette dépression-là. Et on a un paquet de causes par la suite où un médecin dit: Oui, mais je ne suis pas certain que c'est causé par l'accident, même si ça existait pas juste avant l'accident. Donc, on dirait qu'on s'acharne en quelque sorte à essayer d'éviter les conséquences secondaires. Est-ce que vous vivez la même chose, vous, chez les clients que vous défendez?

M. Blais (Pierre): Je vous dirais...je vais vous donner un autre cas, un cas vécu, un cas vrai, où un individu a un problème avec une jambe, avec son genou, son genou est fini. Le médecin... l'expertiseur, même pas le médecin traitant, l'expertiseur vient nous dire: Écoutez, là, nous savons sur le plan médical qu'éventuellement cet individu-là, son genou va aggraver sa condition dorsale; ce type-là, à cause d'une boiterie, tout ça, là, il va avoir un problème de dos; puis c'est automatique, il va en avoir, un problème de dos. Quand tu arrives à la SAAQ puis tu leur dis: Écoutez, là, effectivement, après deux ans, ce type-là, maintenant il a un problème de dos... On va dire à cet individu-là: Au moment de l'accident, vous aviez pas de problème de dos, donc il y a pas personne qui a parlé du problème de dos, là; aujourd'hui, vous voulez qu'on rouvre son dossier de genou pour dire qu'il a mal au dos. On dit oui, ils disent non. Voyez-vous? Parce que là ils disent qu'initialement, dans le dossier d'accident, il n'était pas question du dos. C'est évident qu'il n'était pas question du dos, il a été blessé au genou. Mais on sait que logiquement puis médicalement il va y avoir une incidence. Puis là on va refuser d'ouvrir. Puis ça, on le vit. Imaginez-vous, ce type-là, là, il a un problème de dos à cause de sa jambe, puis là, la SAAQ dit: Non, non, c'est pas une rechute, non, non, ça a pas d'affaire avec l'accident, c'était pas là dans le premier rapport. Ça, je trouve ça aberrant. Aberrant. Parce qu'on sait tous, puis les médecins le savent tous, puis les spécialistes aussi, ils le savent que c'est là que ça s'en va, puis on dit: Non, il n'y a pas de lien avec l'accident.

Voyez-vous, quand on fait du lien juridique puis qu'on oublie le lien humain puis médical, c'est là qu'on s'en va. Puis ça, c'est pas correct, ça.

M. Chevrette: Vous savez qu'il y a pas de recette miracle à ça, parce que... question de jugement.

M. Blais (Pierre): Bien oui.

M. Chevrette: Mais là où on est aux prises, les députés aussi, c'est qu'il y a des accidentés qui se tirent tous sur le même médecin dans une ville puis ils vont se faire donner tous des certificats par le même médecin parce qu'ils disent: Lui, il est toujours favorable. De sorte qu'il s'installe d'un côté des contre-expertiseurs qui prennent une option puis le médecin... Puis là, tu te retrouves avec deux médecins dans une petite ville, un petit arrondissement ? je ne dirai pas où ? puis là un qui est toujours axé pour l'accidenté puis l'autre toujours contre. Si bien que, comme perception ? et je suis heureux que vous en parliez ? on a comme perception à ce moment-là, comme si c'était un combat de deux professionnels au lieu d'avoir un processus normal d'expertise professionnelle correcte. Parce que, moi, je pourrais vous donner des exemples, j'en ai vu des mûres puis des pas mûres. Mais ça me donne rien, moi, de dire, par exemple... Moi, je me rappelle, un lundi matin ? je vais vous le raconter parce que... pour me faire un contrepoids ? un type qui arrive avec béquilles, collet, puis il avait de l'air mal organisé, si bien que j'ai pris ma secrétaire, puis je lui ai dicté une lettre, puis je leur en ai donné toute une. Puis, à 11 heures, je m'en allais à une conférence de presse dans une petite paroisse, puis le gars était après embarquer sa chaloupe tout seul sur son jeep. Tu sais, pourquoi... On aura toujours des exceptions, et ça, vous le savez. Il faut pas traiter les gens puis réfléchir en fonction de ces exceptions, mais en fonction d'une majorité qui est honnête puis qui cherche à avoir justice. C'est de même que je le prétends.

M. Blais (Pierre): Mais ce que je vous dis là, c'est pas dans le cas où il y a mésentente entre deux experts, là. Je vous dis: C'est dans le cas où, après l'accident, il y a une évolution, puis la condition normale qui est prévisible sur le plan médical puis qu'elle s'exerce, mais que la SAAQ dit: Votre problème de dos n'était pas là initialement. Je vous parle pas de quelqu'un qui a un problème génétique qui se continue là, mais je parle de quelqu'un qui était 100 % sain avant, s-a-i-n, pas t, et puis, éventuellement, son problème évolue. La SAAQ ne nie pas que c'est pas ça, on nous dit tout simplement sur le plan juridique: Cet individu-là, dans son dossier, il n'a pas ce problème-là, donc c'est pas considéré comme une rechute, donc pas d'indemnisation pour ça. Puis là, le type est même plus capable de faire la job qui avait été donnée à ce moment-là parce que là il a un problème dorsal. Puis ça, c'est la réalité, ça là. Ce que vous dites est vrai dans les deux cas, par exemple, pour les expertiseurs, parce que c'est le fun d'avoir 10, 12 expertises par mois à faire pour la SAAQ automatiquement là, puis ça va bien. Moi, j'allais à Hull des fois à des rencontres, puis des gens qui contestaient des choses, puis je pouvais devenir... vous avez un problème orthopédique, vous? Je pouvais deviner qui avait fait l'expertise, puis quel était son diagnostic.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, à tous les participants du Service d'aide aux accidentés de la route et du travail pour votre participation justement aux travaux de cette commission.

J'invite le représentant du comité Claudine-Anne Zamprelli à prendre place maintenant.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Bienvenue, M. Zamprelli.

M. Zamprelli (Jim): Oui, bonjour.

n(10 h 30)n

Le Président (M. Lachance): Je vous indique que vous avez 10 minutes pour votre présentation avant la période d'échanges avec les parlementaires.

Comité Claudine-Anne Zamprelli

M. Zamprelli (Jim): D'accord. Bon. D'abord, merci de m'avoir invité, de nous avoir invités, étant donné que je représente un comité, un rassemblement de personnes.

J'avais déjà fait des représentations, l'année dernière, lors des séances au sujet du livre vert sur la sécurité routière. Donc, je suis très content et même impressionné que vous ayez décidé d'organiser cette consultation sur les enjeux des problèmes qu'on avait même mentionnés, la dernière fois qu'on s'est présentés devant vous. C'est une consultation dont vous avez vraiment besoin, à mon avis, un besoin pressant et vraiment majeur au point de vue de regarder des faits de la loi et de votre système d'assurance public automobile.

C'est quoi, notre histoire? Notre histoire est bien semblable à plusieurs personnes, familles, qui ont perdu un bien-aimé à cause de l'alcool au volant, à cause des actions irresponsables de quelqu'un qui a décidé de prendre le volant en état d'ébriété. Mais la grande différence, c'est que, si cet accident avait eu lieu, disons, hors Québec, les résultats auraient été bien différents au point de vue de justice, à mon avis, puis aussi compensation pour la famille victime et la victime elle-même.

Donc, nous, le comité, voulons présenter devant vous une idée-clé de... c'est la responsabilisation des criminels, responsabilisation de chauffards vis-à-vis la victime et responsabilisation de l'État, soit la SAAQ et le système judiciaire, qui est un peu à l'écart peut-être aujourd'hui, mais quand même ça fait partie de la même... le même entier, disons, qui...auquel on a dû confronter.

Notre mémoire s'articule autour du fait que, dans tous les cas de dommages corporels causés par la conduite d'un véhicule avec facultés affaiblies par la consommation d'alcool, la loi et son application devraient assurer que le chauffard est directement impliqué dans la réparation des dommages causés aux victimes.

Nous, on vous offre quatre recommandations: numéro un, enlever toute indemnisation au chauffard blessé en commettant un acte, celui ou celle qui a commis un acte criminel au volant, et enlever indemnisation aussi à la famille de cette personne; que le droit de poursuite civile soit accordé aux familles victimes; et que la SAAQ se responsabilise autant vis-à-vis les victimes que vis-à-vis les coupables; et aussi on veut vous recommander que le concept de «réconciliation» soit mieux connu à tous les niveaux au système et que les familles victimes soient invitées à y participer accompagnées par la famille étendue ainsi qu'avec le coupable ou les coupables.

Donc, on a perdu notre fille en 1997. C'était une nuit cauchemardesque, disons, pour notre famille. Elle est morte calcinée dans son véhicule, mort d'un... une mort violente et criminelle. Elle avait 26 ans. C'était quoi, l'arme meurtrière? C'était la responsabilité d'alcool au volant. Cette mort était évitable parce que de circonstances évitables. C'est ça qui nous a plongés, sa famille, dans une expérience intolérable aux mains d'institutions qui sont censées punir les malfaiteurs et protéger les membres de la société. Mais, à notre expérience, ça a été le contraire.

Donc, quand on parle d'enlever toute indemnisation aux chauffards blessés, nous, on dit, on pense que les criminels de la route sont privilégiés si on regarde les autres lois québécoises, soit indemnisation des victimes d'actes criminels en général ou d'autres lois, la Loi sur les accidents du travail, les maladies professionnelles. On dirait que les criminels de la route sont mis à l'écart de tout ça et sont protégés et exemptés. Il y a d'autres... Vous le savez bien, vous avez mentionné dans votre livre vert, il y a certainement d'autres provinces, d'autres juridictions qui traitent bien différemment les victimes et où le chauffard n'est pas aussi épargné de ses actions.

Vous parlez des familles des chauffards; vous êtes tellement concernés par la famille, mais, à mon avis, vous êtes beaucoup moins concernés des familles des victimes, au moins au même sens. Pourquoi les proches des chauffards seraient-ils si bien traités quand les membres des victimes... ou les familles des victimes plutôt le sont beaucoup moins? On a vécu un certain châtiment, nous, mais personne nous pardonne.

On veut que le droit de poursuites civiles soit accordé aux familles victimes. Ça fait longtemps, vous savez, il y a beaucoup de lobbyisme à cet égard. Puis vous savez aussi que le Québec, autant que je sache, est vraiment unique dans sa décision de prohibiter cette question de poursuites civiles, tandis qu'un crime commis dans d'autres circonstances, avec un autre instrument à part le véhicule, là, vous pouvez poursuivre le criminel. Mais, si on tue avec un véhicule, c'est pas le cas.

Puis aussi c'est une grande question de coûts économiques et non économiques. Je pense que vous ? jusqu'à quel point, je sais pas ? comprenez la question de notre coût non économique, surtout dans le domaine d'inconvénients comme la perte de jouissance de la vie, la souffrance, ce qu'on a vécu comme famille après cet accident. On veut avoir, comme on dit en anglais, notre «day in court», on veut avoir... on veut contrôler le système. Quand on parle du système actuel judiciaire, on est vraiment à l'écart de tout ça. Le Procureur général représente le peuple, il ne représente pas la famille. Donc, on veut poursuivre le criminel nous-mêmes.

On veut aussi... On suggère fortement que, quand vous définissez «victime», que la victime soit.. que ce concept de «victime» soit ? deux minutes ? élargi pour comprendre la famille, soit les parents, le frère, les soeurs de la victime. Maintenant, c'est très limité au point de vue de qui sont admissibles pour n'importe quelle assistance, soit psychologique, financière, quoi que ce soit.

Et, comme je l'ai dit au début, on aimerait bien que la question de réconciliation soit mieux reconnue comme voie de possibilité afin de donner à la famille ou aux victimes l'occasion de confronter et de parler directement au criminel et de lui poser des questions au sujet de pourquoi et comment et c'est quoi, sa contrition à ce moment.

Donc, évidemment, en 10 minutes, j'ai essayé d'être très bref. Donc, je vous invite à me poser n'importe quelle question.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Zamprelli. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: D'abord, je voudrais vous remercier pour votre mémoire et vous souhaiter nos plus sincères condoléances. C'est probablement les cas les plus pathétiques. Chaque fois qu'il y a une mortalité d'un proche, d'un fils, d'une fille, d'une femme, d'une épouse, d'un père, c'est dramatique, puis je vous avoue qu'on est souvent démuni devant tout ça, tout le monde.

n(10 h 40)n

Mais, ceci dit, vous faites une suggestion de réconciliation. C'est un système qui existe où? Je voudrais vous poser quelques petites questions, parce que vous proposez la réconciliation...

M. Zamprelli (Jim): C'est ce qui existe dans plusieurs juridictions. Ça dépend du procureur, si le procureur et ce système est prêt à considérer ça. Ça dépend. Dans d'autres provinces, c'est... il y a des centres de médiation qui peuvent faire des arrangements avec un procureur, et ainsi le coupable... afin d'organiser... C'est un... C'est comme un cercle de guérison, je sais pas. En anglais, ça se dit «healing circle», c'est plutôt un terme autochtone. Mais c'est une occasion, comme j'ai dit, où tout le monde se confronte puis on peut mieux comprendre pourquoi cette personne a fait ce qu'elle a fait. Puis aussi, c'est une occasion, parce que, pendant tout le processus, tout le processus judiciaire, on n'a pas l'occasion et on est même empêché de confronter la personne.

M. Chevrette: Mais vous dites... Vous dites que vous donneriez le pouvoir de poursuite civile. Je sais pas si vous avez vu comment se répartissent les chauffards: 43 % ont zéro de revenu; 41 % ont moins de 30 000 de revenu; 14 % ont entre 30 et 50; puis 2 % seulement en haut de 50 000, et ça, avant impôt. Dans bien des cas ? dans bien des cas ? la poursuite ne ferait qu'occasionner des coûts additionnels aux gens.

Et vous dites en même temps: Enlevez-leur toute indemnité, surtout s'ils sont reconnus coupables d'actes criminels. Ça, je suis prêt à regarder ça, mais j'aimerais savoir de vous, parce que, moi, j'ai un bémol, j'ai toujours fait le bémol suivant: Vous êtes marié, vous avez deux enfants, vous êtes chauffard, puis, à titre d'exemple théorique, parce que je veux pas prendre des cas, là... vous frappez quelqu'un, vous tuez un enfant ou deux, vous entrez en prison, vous êtes reconnu coupable. Est-ce que votre femme et vos deux enfants, eux, qui sont coupables de rien, doivent pas au moins avoir le minimum de survie? Mais couper, par exemple, seulement la partie autre que la subsistance minimale pour la famille, est-ce que ça vous paraît pas quelque chose de sensé, ça?

M. Zamprelli (Jim): Bien, d'abord, vous avez posé la question au sujet de la poursuite civile, moi, vous pouvez me donner n'importe quelle statistique au point de vue de qui, des revenus des chauffards, et tout ça, mais je pense qu'il faut... c'est un système qui existe ailleurs, c'est un... Je pense que c'est une question de le mettre à l'épreuve. Je peux vous dire, quoique c'est mon cas particulier, je peux vous dire que je sais que, dans notre cas, le chauffard était bien solvable, près de 1 million de dollars. Puis, quand vous parlez des revenus, je ne sais pas jusqu'à quel point vous considérez le patrimoine, les avoirs, les «assets» comme on dit en anglais, de ces personnes. D'accord, mais même s'ils paient 5 $ par mois, ça m'est égal, mais, au moins, ça leur donne l'idée qu'ils prennent responsabilité de leurs actions et qu'ils reconnaissent que nous, en tant que famille qui n'a rien reçu de la SAAQ, il faut que je vous dise... puis c'est pas nécessairement une question monétaire, c'est plutôt le principe que la personne accepte, comme j'ai dit, la responsabilité, responsabilisation.

Et vous parlez encore des familles, je m'excuse, monsieur, mais ici, au Canada, au Québec, nous avons notre filet de sécurité sociale. Oui, ils sont pas responsables des actes de leur père, leur mari ou quoi que ce soit, mais, quand même, bien des familles vivent des circonstances qui les laissent dans une situation financière bien lamentable, mais il y a d'autres systèmes pour leur aider. C'est ça qu'on a, comme j'ai dit, le filet de sécurité sociale. Donc, votre raisonnement m'échappe.

M. Chevrette: Je voudrais vous dire que, par contre, en ce qui regarde la famille immédiate, là, on a changé des choses tout dernièrement. Vous savez que, maintenant, les services psychologiques sont acceptés. On peut avoir indemnité pour la famille: proches parents, frères, soeurs, époux. C'est accepté maintenant. Deuxièmement, il y a eu... c'est passé de 18 000 à 40 000, l'indemnité de décès dernièrement aussi. Remarquez bien que c'est pas l'argent qui remplace la douleur. Ça, j'en discute pas 30 secondes avec vous.

M. Zamprelli (Jim): Oui. Non, comme vous dites, c'est pas une question d'argent. Mais, quand même, d'une... Oui, d'une manière, c'est, oui, une question d'argent parce que, moi, j'ai encouru des coûts. C'est ma fille. C'est une mort subite, des choses qui sont pas explicables. Et, moi, oui, on a subi des coûts financiers, mais... tandis que ce monsieur, autant que je sache, lui, il n'a rien subi comme coûts, sauf peut-être quelques coûts psychologiques, j'en sais rien. Mais c'est plutôt l'État qui lui a fourni quoi que ce soit, en tant que criminel.

Donc, je ne sais pas, je ne suis pas au courant de vos changements au point de vue de soutien psychologique. Mais, moi, comme j'ai dit, je pense que le plus important, c'est qu'avec une poursuite civile au moins cette question de perte non économique... Comme j'ai dit, moi, ma vie, je suis condamné ? et je ne veux pas être mélodramatique ? mais il faut dire que je suis condamné à vie à avoir perdu ma fille. Mais donc, c'est quoi, la compensation pour ça? J'en sais rien. Sauf que la voie était bloquée, c'était une question entre moi et la personne qui a commis le crime, pas nécessairement l'État. Pourquoi l'État met des obstacles afin que je puisse pas poursuivre cette personne? Pourquoi?

Le Président (M. Lachance): M. le député de Vachon.

M. Payne: Merci. Le cas que vous soulevez laisse personne indifférent. Je me souviens des débats qu'on avait, pénibles, délicats, difficiles, en 1977, à l'Assemblée nationale. C'était extrêmement pénible. J'étais conseiller politique à ce moment-là. On voulait instaurer un système qui avait de la simplicité, l'équité, une certaine souplesse. Ce que vous invoquez là était invoqué à ce moment-là, et ça concerne tout le principe de droit de poursuite. Et je voudrais, d'une façon assez brève, si vous pouvez... Parce qu'il y a beaucoup de gens qui nous écoutent en direct ce matin ou même en différé plus tard. Donc les conséquences de nos discussions sont très importantes pour leur propre réflexion et jugement du système.

Si vous permettez le droit de poursuite, inévitablement, tous les experts sont d'accord que les primes vont nécessairement augmenter, les primes et les compagnies d'assurances vont être les premiers à vous indiquer... Tous les conducteurs québécois d'ailleurs seraient obligés de prendre une assurance supplémentaire de crainte d'être poursuivis en justice. Aussi, la SAAQ ne serait pas en mesure d'indemniser rapidement, ce qui était l'objectif même du régime, parce qu'il fallait attendre la poursuite, qui peut justement prendre des années et coûte des fortunes.

Mais je veux vous poser une question très particulière. Nécessairement, vous allez élargir la possibilité de poursuite à tout, pas juste les situations les plus dramatiques que vous invoquez, aussi terribles qu'elles puissent apparaître, qu'elles puissent être. Mais, par exemple, si quelqu'un passe un panneau de circulation ou un feu rouge, ou quelqu'un qui a un accident lorsqu'il est au téléphone cellulaire, par le fait même, en invoquant... Si on exécute votre principe, on ouvre toute cette panoplie de poursuites possibles, avec le temps, le coût, le manque de souplesse, la complexité des choses. Donc, l'ensemble de l'économie de la loi est remise en question. Je voudrais avoir vos commentaires d'une façon aussi précise que possible.

Le Président (M. Lachance): Rapidement, s'il vous plaît, parce que je dois céder la parole dans quelques instants au député de l'opposition.

n(10 h 50)n

M. Zamprelli (Jim): O.K. D'abord, à votre première question, il nous faut regarder d'autres juridictions au point de vue d'augmentation des coûts puis comment, eux, ils peuvent le faire. Je comprends pas pourquoi... Oui, d'accord, peut-être, il y a certaines augmentations des coûts pour que le système soit implanté. Mais ça existe ailleurs. Pourquoi pas au Québec, avec les coûts? Je ne sais pas. Je ne suis pas au courant des coûts, mais, quand même, ça existe ailleurs. Ça marche ailleurs. Donc, pourquoi le Québec serait-il exception? Panoplie, oui, oui, d'accord, sauf que, moi, je dis que ça serait dans un cas d'un acte criminel, dans n'importe... J'ai dit que les criminels dans d'autres circonstances pouvaient être poursuivis. Moi, je dis: Si on commet un acte criminel sur la route; je parle pas d'autres circonstances.

Le Président (M. Lachance): Le député de Vachon. Pardon, M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Premièrement, bienvenue en commission parlementaire. C'est toujours émotivement difficile d'écouter des gens qui ont eu des épreuves comme vous. Comme on l'a vu à plusieurs reprises, il y a des choses qui ont été très médiatisées, et, à chaque fois, c'est difficile.

Pour répondre aussi au député de Vachon ? et votre réponse, en quelque sorte, était très bien, là ? on parle seulement d'actes criminels. Donc, pour avoir un acte criminel, ça prend un jugement d'une cour criminelle disant très bien que cette personne-là...

M. Payne: Accusation.

M. Brodeur: Accusation et condamnation, condamnation criminelle. Donc, au-delà de ça, on sait que, lorsqu'il arrive des situations comme ça, nous, ici, à l'Assemblée nationale... Moi, je suis le premier à poser des questions lorsqu'il arrive des événements comme ça ? on l'a vu à Thetford Mines, on l'a vu à Massueville ? et il m'apparaît... Moi, je suis sympathique à vos demandes, mais on a quand même un examen de conscience à faire, là. Pour notre part, je pense pas qu'il faut revenir en arrière et faire en sorte que le «no fault» soit effacé puis que les gens soient passibles de toutes sortes de poursuites.

Vous avez dit que, par exemple, la Loi d'indemnisation des actes criminels ? il y a d'autres lois ? qui permet, là, à des gens d'être compensés, et c'est le... en fin de compte, oui, dans la loi qui nous occupe, c'est le seul endroit où un acte criminel n'est pas punissable comme tel, au civil, chez les gens qui ont commis le dommage.

Je suis de ceux qui pensent que, oui, il faut pénaliser, responsabiliser ces criminels du volant. Je suis pas fixé encore, puis je sais pas si le gouvernement est fixé sur la méthode à employer, si on doit permettre la poursuite contre ces gens-là. Pour plusieurs, c'est un trou dans le «no fault», sauf que le trou est tellement minime dans ce cas-là que j'ai tendance, sans dire que, oui, j'aurais tendance à appuyer ça sans réserve, possiblement, qu'il y a une brèche qui peut être faite là-dedans. D'agrandir aussi le terme... À la suite de ça, j'imagine, d'agrandir la définition de «victime» pourrait être étendue aussi à ces poursuites-là.

Pour vous, est-ce que la notion qui serait... qui pourrait être édictée, qu'on pourrait poursuivre en tout temps ces criminels-là, serait valide? Le ministre a soulevé le fait que la plupart de ces criminels là au volant n'ont pas de revenus ou très peu de revenus... fait une différence vraiment sur le principe de... tache ce «no fault» là et permettrait aux individus en fin de compte de poursuivre ces gens-là et peut-être accumuler, je sais pas, moi, ou se mettre en banque une condamnation possible ou faire en sorte qu'il y aurait, dans la loi, il y aurait une compensation statutaire prévue. Est-ce que vous privilégiez peut-être une compensation statutaire prévue ou une poursuite au criminel? Est-ce que ça fait pas plus juste d'avoir, par exemple, dans la loi que tel ou tel acte est punissable sur tel montant?

M. Zamprelli (Jim): Bon, si j'ai bien compris la question, moi, j'opte pour la poursuite. Il n'était pas... C'est pas la question mercenaire non plus, c'est plutôt... Ça donnerait... ça aurait donné à la famille l'occasion d'avoir notre mot à dire et à poser nos questions à l'accusé, de faire soulever des faits qui n'étaient pas admissibles lors du procès criminel, toutes sortes de manigances, là, qui sont affreuses. Je peux pas vous raconter. Mais donc, si je poursuis cet individu, je peux... Moi, je suis en contrôle, c'est pas le Procureur général, qui se foutait, je m'excuse, de nos gueules ? dans cette juridiction, peut-être qu'il y en a d'autres ailleurs qui sont plus compatissants. Mais, quand même, moi, je veux être en contrôle, moi, je veux, par le biais de mon avocat, j'imagine, poser des questions au criminel moi-même. Et je veux faire soulever, comme j'avais dit, des faits qui ont entouré cet accident, si on peut le dire. Moi, je le dis plutôt un acte quasi prémédité. Mais, c'est ça, c'est ça, c'est ça. Moi, je veux être en contrôle du processus.

M. Brodeur: O.K. À la question du ministre que... en fin de compte, on sait que, criminels ou pas, ces criminels-là ont de la famille, sont... peut-être une famille tout à fait innocente qui a aucunement rapport avec l'acte qu'il a commis, si infâme soit-il. Est-ce que vous pensez qu'à la suggestion du ministre justement on doit quand même préserver l'intégrité financière de la famille du criminel au volant?

M. Zamprelli: Non, pas nécessairement. Comme je viens... j'ai essayé de l'expliquer, il y a d'autres recours pour une famille, dans la société, qui subit une catastrophe économique, soit perte d'emploi, perte de ci, perte de ça. Comme j'ai dit, il y a un filet de sécurité sociale chez nous, et je pense que cette famille devrait avoir recours à ça, comme bien d'autres familles, où on ne parle pas d'acte criminel, je m'excuse.

M. Brodeur: Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Ça va? Alors, merci, M. Zamprelli, pour votre participation aux travaux de cette commission. Et j'invite sans plus tarder M. Michel Germain. Nous aurons l'occasion aussi d'entendre, un peu plus tard, un représentant de la famille Sébastien Dion; et nous terminerons nos travaux, cet avant-midi, avec M. Denis Paquet.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue. Je demande au porte-parole de bien vouloir s'identifier ainsi que les personnes qui l'accompagnent, en vous rappelant que vous avez une période de 10 minutes pour votre présentation.

M. Michel Germain

M. Michel Germain: Bonjour. Avant de débuter, j'aimerais vous remercier, M. le ministre et les distingués membres de cette commission parlementaire, de m'avoir choisi et invité en tant que citoyen à venir présenter mon plan d'action pour contrer l'alcool au volant.

Je me présente: Michel Germain, oncle de Keven Lavallée, six ans, qui a été victime de l'alcool au volant, le 28 mai 2001, en pleine campagne de lutte contre l'alcool au volant. Je suis accompagné par le père, Yves Lavallée, son père, et de sa mère, Linda Potvin. Je suis aussi accompagné par Florianne Potvin, qui est ma belle-soeur et soeur de Linda, et aussi de ma conjointe, Diane, qui est aussi la soeur de Linda.

La mort de Keven a été un choc pour nous tous, un cauchemar dans lequel on s'est réveillés brutalement. Était-ce bien réel? Malheureusement, oui. Pourquoi Keven? On s'en est posé, des questions. Nous avions le choix de vivre cette fatalité impuissants ou d'y réagir pour que sa mort ne soit pas vaine. C'est ce que j'ai choisi de faire et c'est la raison de notre présence ici. Je suis aussi convaincu que je suis supporté par l'ensemble des Québécois dans cette démarche. Personne ne veut perdre un proche à cause de cette calamité qu'est l'alcool au volant. Des solutions existent pour contrer ce fléau qui brise les familles, et c'est de celle-ci que je suis ici venu vous parler.

Avant toute chose, les objectifs de réduction d'accidents doivent être beaucoup plus agressifs. Ils apporteront des résultats plus grands en mobilisant toutes les ressources et enverront un signal clair aussi parmi toute la population. Ceux-ci nous forceront à mettre en place de nouveaux moyens et de faire plus et mieux pour les atteindre. Mon plan d'action privilégie les moyens de prévention en éliminant les causes qui entraînent les accidents, et c'est à ce chapitre que tous les efforts doivent être concentrés. S'il n'y a pas de personnes qui conduisent en état d'ébriété, il n'y aura pas non plus d'accidents reliés à cette cause. Ça doit être notre objectif ultime. C'est aussi simple que cela, et les moyens pour y arriver existent.

Premièrement, tout détenteur de permis de vente de boisson doit mettre à la disposition des personnes qui consomment la possibilité de mesure leur taux d'alcoolémie avant de prendre leur véhicule. Les détecteurs d'alcoolémie doivent être installés partout où de la boisson est vendue. La mesure de celle-ci détermine la légalité ou pas de conduire. Une personne peut devenir un criminel juste parce qu'il n'a pas les moyens de contrôler son taux d'alcoolémie et de justement faire un choix éclairé. Il y a donc un manque flagrant à cet égard, que ce soit pour ceux qui consomment ou leur entourage. Cette lacune doit être corrigée sans délai.

n(11 heures)n

Deuxièmement, le gouvernement doit promouvoir l'installation de détecteurs d'alcoolémie avec antidémarreur dans tous les véhicules, et ce, accompagné... en collaboration avec toutes les compagnies d'assurance. Au départ, il faut créer un incitatif, un besoin pour que les buveurs occasionnels, ceux qui ont des problèmes de boisson ou des groupes à risque puissent s'en faire installer un à peu de frais. Ce dispositif est probablement le filet de protection le plus important et agira de manière préventive. Comme objectif ultime, il faut en arriver à ce que tous les véhicules en soient munis dans un horizon de cinq à 10 ans. De plus, je suggère l'installation obligatoire de ce dispositif dans tous les véhicules lourds et de transport public pour tous les nouveaux conducteurs, et ce, dans les meilleurs délais.

Troisièmement, les campagnes de sensibilisation sont d'excellents outils de prévention. Beaucoup plus d'argent et d'efforts doivent y être investis. Il vaut cent fois mieux investir en prévention que de payer pour l'emprisonnement ou les indemnités aux victimes pour ne pas avoir réussi à arrêter les gens à conduire en état d'ébriété. Il faut que les messages touchent et fassent réagir davantage les gens. Les comportements et attitudes doivent changer. Comme exemple, l'utilisation du conducteur désigné pour empêcher quelqu'un de conduire avec les facultés affaiblies et le service de raccompagnement doivent devenir des pratiques courantes dans notre société. Ces idées doivent être valorisées et médiatisées beaucoup plus et mieux qu'elles ne l'ont été jusqu'à présent.

La publicité en général est bonne, mais n'a pas encore réussi à faire changer les comportements. Je crois que les thèmes touchant la famille fait vibrer davantage les Québécois. À preuve, lorsque j'ai suggéré d'afficher dans les bars la photo des enfants qui ont été victimes de l'alcool au volant, et ce, avec l'accord des parents, il y a une vague de fond médiatique incroyable à cet égard et j'ai eu beaucoup de témoignages très positifs à cet égard. J'ai même eu celui d'une personne que je ne connaissais pas, dont le permis avait été suspendu, et qui a été conscientisée, et qui s'est impliquée dans son milieu pour l'affichage de ces photos d'enfants qui avaient été publiées dans un journal. C'est comme si soudainement les gens venaient de réaliser que leur propre enfant pouvait devenir aussi une victime de ces ivrognes au volant, si on les laissait faire. La publicité et la sensibilisation renferment un potentiel énorme à développer, et il faut aussi en mesurer l'effet sur les comportements des gens et les ajuster au besoin.

Quatrièmement, pour multiplier l'efficacité de notre système et parce que les policiers ne peuvent être partout, la dénonciation de la part des citoyens doit être encouragée. C'est le devoir de tout citoyen de dénoncer une personne qui, sans équivoque, prend ou conduit un véhicule en état d'ébriété. Il faut valoriser et encourager à tout prix cette implication en les motivant sur les raisons pour lesquelles ils doivent intervenir. La vie et la sécurité des gens en dépendent.

Cinquièmement, les barrages routiers sont d'excellents moyens de prévention et de sensibilisation, mais il n'y en a définitivement pas assez. Ceux-ci doivent créer un impact maximum en ciblant des zones, des périodes et des secteurs où il y a de la consommation. La présence policière doit aussi être omniprésente autour des bars, des rassemblements publics, sur les routes, pour faire de la prévention et/où intervenir pour aider ceux qui ne se conforment pas aux lois. Il n'y a pas 56 façons de démontrer le sérieux et d'envoyer un message clair. Il faut aller aussi loin que d'établir des normes et fréquences de vérification dans ce domaine pour tous les corps policiers.

Sixièmement, l'affichage et l'étiquetage sont nos alliés de tous les jours. Cette pratique doit être développée et uniformisée. Pour tous les fabricants de bière, obligation d'apposer sur toutes les bouteilles et canettes des mentions appropriées sur les dangers et conséquences du risque associé entre boire et conduire et qu'il est criminel de le faire, de la même façon que l'affichage sur les paquets de cigarettes. Pour tout détenteur d'un permis pour la vente d'alcool, obligation d'afficher bien à la vue des clients des affiches ou posters fournis par la SAAQ. Tout le monde doit être sur le même pied. Cette action vise à conscientiser les gens à ne pas prendre leur véhicule avec les facultés affaiblies. Les mêmes messages doivent apparaître sur tous les contenants de boisson, verres en plastique, carton, quelles qu'en soient les occasions ou organisations.

Septièmement, interdiction de vendre de la bière à quelqu'un qui se présente dans un dépanneur en état d'ébriété et qui est le seul conducteur de son véhicule. Les contrôles doivent être faits au même titre que la vente de bière à des personnes mineures. Plusieurs ferment les yeux concernant ces deux types d'infraction pour l'attrait du profit sans penser à la sécurité du public.

Pour faire suite à ce volet de prévention, j'aimerais faire les recommandations suivantes concernant des additions apportées à la loi actuelle pour que les objectifs visés soient atteints, qu'elle ait plus d'impact et qu'elle soit encore plus dissuasive. Malheureusement ? et on n'a pas le choix ? la loi devra s'appliquer pour les personnes qui ne méritent pas mieux, considérant tous les moyens qui avaient été mis à leur disposition. Les trois additions apportées agiront de manière préventive pour la protection de nos enfants et du public. Il faut enlever le moyen par lequel ils sont reconnus coupables, soit celui d'avoir conduit un véhicule en état d'ébriété, et ce, dès la première infraction. Le véhicule doit être saisi sur-le-champ et mis à la fourrière dans tous les cas de suspension de permis, avec obligation de se faire installer à leurs frais un détecteur d'alcoolémie avec antidémarreur pour la reprise du véhicule. Pour les récidivistes notoires et qui sont actuellement sous le sous d'une suspension, cette mesure doit s'appliquer rétroactivement, et ce, sans délai. L'application de cette dernière est un message clair pour les récidivistes, ou en voie de le devenir, et permettra de sauver des vies immédiatement.

Concernant la remise en question de l'universalité du régime des soins: déductible à payer pour toutes les personnes responsables d'un accident, conduisant avec les facultés affaiblies. Cette mesure et la saisie du véhicule seraient des incitatifs supplémentaires pour toute la population à se faire installer un détecteur d'alcoolémie et les mettraient à l'abri des conséquences associées.

Comme conclusion, pour contrer l'alcool au volant, il faut réduire par tous les moyens possibles le nombre de personnes qui conduisent en état d'ébriété. C'est très bien de traiter le problème avec sévérité, mais empêcher que cela se produise est cent fois mieux. La prévention est la seule façon d'y arriver. Elle agit avant qu'une personne ne prenne son véhicule et c'est l'élément clé qui évite que l'on ait besoin d'appliquer les sanctions, d'éviter que les accidents ne surviennent. Elle sauvera des vies. L'application de la loi sera toujours un constat d'échec, car il sera trop tard. Je crois sincèrement que nous avons tous les moyens pour y arriver. Il faut agir maintenant pour prévenir. La mort de Keven est là pour nous le rappeler et doit devenir une motivation profonde pour nous tous de régler ce fléau qui brise nos familles, et ce, de façon définitive. Je compte sur vous, en tant que personnes responsables et élus de notre société, de tout faire pour gagner cette guerre contre l'alcool au volant. Vous avez le pouvoir de changer les choses. Il faut s'y engager comme si la vie de vos propres enfants était en jeu et tout mettre en oeuvre pour ne pas que ça arrive. Rien ne doit être plus important que d'agir pour sauver des vies. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Germain. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: M. Germain, Mme Potvin, M. Lavallée, je suis bien au fait de votre dossier, et vous allez me permettre, moi aussi, de vous souhaiter mes plus sincères condoléances et puis... Je dois signer une lettre-réponse, parce que, la lettre que vous m'aviez donnée, je veux y donner suite et vous aurez sans doute une réponse. Et je dois vous avouer que ça me touche beaucoup, moi aussi, de voir des enfants fauchés. des enfants de cet âge. Et si on était capable de faire plus, même à court terme... Je trouve que c'est très constructif, ce que vous faites, parce que vous donnez des moyens concrets. Souvent... Et vous le faites dans un esprit constructif; ça, ça m'a touché beaucoup, aussi. C'est pour ça que j'étais fier que vous veniez. Vous le savez d'ailleurs, je vous ai incité à venir ici parce que vous avez un témoignage... Quand vous m'avez fait part de ça au bureau de comté, un lundi matin bourré, j'étais bouleversé, mais je pense que votre témoignage vaut la peine d'être transmis au public et avec une série de mesures concrètes.

Oui, on a réussi jusqu'à date un tantinet de baisser le nombre d'à peu près 25 % des alcooliques. On a pris des mesures en juin. Oui, on a essayé de dire: Bon, bien, dorénavant, dès la première infraction ? comme vous le dites ? ça c'est corrigé, ils sont pris en charge immédiatement puis le permis est suspendu immédiatement: dans le cas d'une première infraction, pour 30 jours; dans le cas des récidivistes, 90 jours. Est-ce que c'est encore assez sévère? Je suis peut-être d'accord avec vous autres. Moi, je suis prêt, je suis pas fermé à ça pour corriger les choses. Il y a des suggestions très concrètes que vous faites puis qui seront prises très sérieusement en compte, je peux vous dire ça.

n(11 h 10)n

D'autre part, vous savez qu'on n'est pas omnipuissant non plus. Et, ça aussi, vous le savez. Par exemple, je pense à Shefford, aussi, dans Frontenac; c'est à Thetford... Il y a eu deux enfants aussi en bas âge de fauchés. Pas de permis, c'est pas son auto. Il y a des situations ? il faut se le dire très honnêtement ? qui peuvent pas être prévisibles. C'est de faire appel à la dénonciation, comme vous dites,... Moi, j'ai été surpris, comme ministre, d'apprendre, par exemple, qu'on permet la dénonciation pour résoudre des réseaux de braconniers, puis que ça devient un droit fondamental défendu par toutes sortes d'organismes quand il s'agit de sauver des humains. Je suis très, très perplexe depuis quelque temps, parce que les victimes n'ont pas autant de droits que l'accusé, soit qu'il y ait un équilibre entre les obligations puis les droits tantôt, sinon on ira pas loin dans notre société. Ça, je vous avoue très honnêtement que, moi, je suis anxieux de cela. Anxieux de cela. Je conçois qu'il y a des droits individuels, mais il y a aussi des responsabilités individuelles. Une personne qui donne ses clés à un chauffard, qui sait qu'il a pas de permis puis qu'il a pas d'auto, est-ce qu'un jour il faudra pas responsabiliser aussi ceux qui contribuent indirectement? C'est toutes des choses qui sont dans... en tout cas, au niveau des discussions présentement. Moi, je vous pose pas de questions parce que je sais que c'est assez douloureux déjà de parler, pour vous, mais je voudrais vous féliciter puis vous remercier, puis vous dire que ça tombe pas dans un terrain stérile. Je vous remercie.

M. Germain (Michel): Par rapport aux moyens préventifs que je suggère, est-ce que vous pensez que c'est quelque chose...

M. Chevrette: Il y en a plusieurs qui sont envisageables à très court terme.

M. Germain (Michel): Parce que les détecteurs d'alcoolémie dans les véhicules, c'est très difficile de s'en procurer. D'ailleurs, c'est presque impossible.

M. Chevrette: D'ailleurs, vous aurez remarqué que je l'ai étendu un peu, ça, en juin, là. Si c'est pas assez, je suis prêt à faire plus.

M. Germain (Michel): Mais il faut l'offrir aux gens...

M. Chevrette: J'ai demandé au fédéral de le réintroduire dans le Code criminel ? parce qu'ils l'avaient enlevé, me dit-on, par erreur ? de réintroduire dans le Code criminel l'obligation aussi de l'antidémarreur.

M. Germain (Michel): Mais je souhaiterais aussi qu'on l'offre aussi aux gens sur une base volontaire, les groupes à risque, pour que justement on élimine le nombre de personnes qui conduisent avec leur véhicule en état d'ébriété. Et ce qui est très important aussi, c'est qu'on donne la possibilité aux gens de pouvoir mesurer leur propre taux. Puis je peux vous dire que beaucoup de personnes ne savent même pas c'est quoi ,08 pour eux autres.

M. Chevrette: Je sais.

M. Germain (Michel): Puis...

M. Chevrette: Mais avec l'antidémarreur, effectivement on va pouvoir rendre service davantage, mais encore faut-il qu'il soit aux deux niveaux. Parce que la loi actuelle punit par deux... est punitive sur deux côtés, c'est le Code criminel canadien, et ils l'ont enlevé, ça, le... me dit-on par erreur, l'antidémarreur obligatoire. L'autre, c'est le Code de la route, c'est des points de démérite. C'est quoi? C'est une suspension d'un an, c'est... Mais avec la prise en charge dès la première infraction maintenant, obligation de passer le test s'il y a un problème d'alcool ou pas, et puis en plus en marchant sur la prévention... Je dis pas qu'on va tout éliminer, parce qu'on n'a pas le droit de tuer puis il y a quelques tueurs encore; on n'a pas le droit de voler puis il y a encore quelques voleurs. Mais si on réduit très substantiellement, c'est pour le mieux-être de la collectivité québécoise. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Merci, M. le Président. D'abord, je vous offre mes sympathies. Et, moi, je vous suis dans la volonté que vous avez d'avoir des moyens préventifs, mais je pense que la problématique va beaucoup en termes de Code criminel qui est, à mon idée, pas assez sévère. Pas assez sévère parce que, si on regarde certaines infractions, je sais pas, moi, des... un vol, des vols ou des infractions qui apparaissent dans le fond moins coûteuses au niveau des vies humaines, il y a effectivement des peines qui sont moins sévères. Alors, moi, j'irais vers plus de sévérité effectivement au niveau du Code de la route, au niveau du Code criminel.

Alors, vous avez aussi des moyens que vous avez suggérés, des moyens préventifs, et, moi, je vous suis là-dedans, mais je me dis: À quelque part, c'est probablement les personnes qui sont les plus responsables qui vont utiliser ces moyens-là. Par exemple, programme d'acquisition de détecteurs d'alcoolémie offerts à toutes les personnes désireuses de s'en faire installer. Les personnes qui sont... qui font des infractions, qui ne sont pas responsables, qui prennent de l'alcool sans... les personnes désireuses de s'en faire installer, ça va être vous, moi ? bien, moi, je me mets là-dedans, là ? mais les personnes qui ont quand même une relative bonne conduite au volant. Alors, pour moi, ça devrait être une gradation dans la sévérité qu'on a par rapport à des actes qui apparaissent mineurs et qui s'en vont vers quelque chose de plus sévère. Par exemple quand tu es pris avec un taux alcoolémie... Et ça, on l'a déjà, mais, à mon avis, on l'a de façon trop douce. Alors, moi, je vous suis dans plusieurs des moyens que vous voulez.

Et, au niveau de la responsabilité, on se questionne: Est-ce que la famille, est-ce que les enfants devraient être pénalisés pour la conduite du père, de la mère, du conjoint ou de la conjointe? Mais, à quelque part, il y a aussi une responsabilité collective. Et des proches, des gens qui vivent avec la personne, qui la voient surconsommer, qui la voient prendre les clés de sa voiture, qui sort avec, et qui dans le fond agissent pas, et des gens dans les bars, dans les dépanneurs. Et, moi, je vous le confie bien humblement: Ma nièce me confiait qu'elle a fait de la route avec un groupe de ses jeunes amis, 16, 17, 18 ans, et le chauffeur avait surconsommé et il conduisait, puis ma nièce a eu peur. J'ai dit: C'est pas correct, tu aurais dû l'obliger à arrêter sur le bord du chemin, de faire débarquer les autres jeunes, et, si lui veut... Et, vous voyez, c'était comme une petite bombe ambulante: ils étaient cinq jeunes là-dedans. Il aurait pu tuer tout le groupe ou être blessé gravement. J'ai dit: Tu aurais dû te faire déposer à quelque part, on serait allé te chercher. Tu nous aurais appelés, 2 heures du matin... N'importe qui de notre famille, on serait allé les chercher, ces jeunes-là. Vous comprenez?

Alors, moi, là, je sais pas qu'est-ce que vous voulez nous suggérer ? vous avez déjà des moyens ? mais dans la sévérité. Et puis, tantôt ? je conclus là-dessus ? il y a un monsieur qui disait que ? M. Zamprelli ? il avait pas été respecté dans le droit qu'il avait d'avoir des informations des corps policiers ou du procureur, tout ça, par rapport à ce qui était arrivé. Est-ce que vous avez vécu ça, vous, ou si vous avez trouvé que vous avez été quand même relativement respectés dans les droits que vous aviez d'avoir tous les documents auxquels vous pouviez avoir accès? Je conclus là-dessus.

M. Germain (Michel): On n'a pas eu de problèmes là-dessus. Je veux juste revenir à quelque chose d'important. Vous mentionniez au début que je suggérais des moyens de prévention. Puis la plupart des gens qui ne commettent pas d'infractions vont s'en procurer? Bien, bravo! Parce qu'il faut créer un effet d'entraînement, il faut créer un incitatif pour y arriver. Le seul moyen qui va faire que, dans un horizon de cinq à 10 ans, que je propose ? qui peut être 10 ans, 15 ans... ? c'est que ça va devenir une habitude de l'avoir dans son automobile.

M. Chevrette: Comme la ceinture.

Mme Doyer: O.K.

M. Germain (Michel): Comme la ceinture.

Mme Doyer: Bon, d'accord. C'est ça, j'aime ça que vous...

M. Germain (Michel): O.K. Et il faut pas voir une question de coût pour l'installation, il faut voir ce qu'on va sauver comme vies, O.K.?

Mme Doyer: C'est beau.

M. Germain (Michel): Puis comme exemple qu'on va donner à la collectivité. O.K.?

Mme Doyer: D'accord.

M. Germain (Michel): Ça, c'est une chose.

Mme Doyer: Voilà.

M. Germain (Michel): L'autre chose, la sévérité. On parle beaucoup de sévérité, mais on touche juste 2 puis 3 % des gens qui se font attraper. O.K.? Ça a très peu d'effet. On dépense des sommes énormes là-dessus. On est bien mieux de dépenser notre argent pour faire de la prévention que de payer des indemnités qui coûtent des fortunes, à part des coûts indirects qui pourraient se multiplier par cinq à 50 fois les coûts directs, O.K.?

Le Président (M. Lachance): M. le député de Shefford et porte-parole de l'opposition.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Bienvenue en commission, et mes sympathies. Puis félicitations pour votre courage, vous avez toute mon admiration. Je disais il y a quelques instants au ministre qu'on va avoir une journée difficile. C'est émotivement difficile de vous écouter, sauf que ça rappelle aux gens qui sont ici, et surtout aux gens qui ont la responsabilité de faire adopter des lois, qu'il faut absolument, nous aussi, prendre nos responsabilités. Je pense que c'est aux élus de prendre cette responsabilité-là de faire appliquer les lois pour faire en sorte que tous les parents du Québec... Parce que je me place aussi comme parent, puis, lorsque vous parliez tantôt... Je me rappelle, quand les enfants prennent l'automobile et qu'on attend le soir, on pense toujours à des situations comme ça, et vous, vous l'avez vécu. On peut comprendre que c'est inacceptable et que le message que vous nous donnez, c'est pas seulement de responsabiliser les gens qui souffrent de cette maladie-là d'alcoolisme, mais de dire aux élus: Faites en sorte que vous les responsabilisiez, c'est le rôle des élus de le faire.

Puisque vous êtes là, et vous avez parlé tantôt d'antidémarreur et de buveur occasionnel, j'en ai parlé en début de commission hier matin. Je disais que ceux qui souffrent d'alcoolisme ? on parle d'alcooliques notoires ? devraient en quelque sorte... on devrait leur retirer d'une façon indéfinie leur permis. On sait que le système présentement permet à la SAAQ, par exemple, de retirer le permis à des gens qui souffrent d'une maladie quelconque ou d'une déficience quelconque; on peut penser à l'épilepsie ou à d'autres choses. Est-ce qu'on pourrait plutôt dire aussi que l'alcoolisme, celle qui est reconnue comme notoire chez quelqu'un et qui n'est pas guérie ou n'est pas en rémission... on devrait plutôt frapper d'interdiction totale la conduite à ces gens-là, dans un premier temps? Et, dans un deuxième temps, ceux qui ne sont pas reconnus comme alcooliques notoires, buveurs d'occasion, devraient absolument, après une récidive, être munis d'un antidémarreur d'une façon indéterminée? Est-ce qu'on se doit, par exemple, de traiter l'alcoolisme de cette façon-là, à votre égard? Est-ce que vous pensez que ça serait peut-être aussi une partie de solution?

M. Germain (Michel): C'est un point de départ, sûrement.

M. Brodeur: Donc, aussi, vous savez que le message est bien reçu. Oui?

n(11 h 20)n

M. Germain (Michel): Je peux vous dire une chose, c'est que plus on va attendre, plus on va retarder le moment qu'il faut faire ces choses-là. Si on veut atteindre les objectifs puis réduire de façon significative le nombre de décès sur les routes, causés par l'alcool au volant, on va peut-être s'en reparler dans trois ou quatre ans sur les mêmes moyens peut-être qu'aujourd'hui on va parler. Plus on attend, c'est des vies qui sont en jeu à tous les jours et qui sont exposées. Il y a des gens qui sont exposés, il y a des enfants qui sont exposés. Il faut... Si on pense qu'une idée est bonne, pourquoi attendre de l'étendre? C'est ça qu'est ma question, moi, dans le fond aussi, là. Si on sait qu'une idée va régler le problème, je pense qu'il faut mettre tout en oeuvre puis dans les meilleurs délais, en ciblant des groupes de personnes. Vous avez toutes les statistiques pour faire des choix éclairés, justement pour mettre de l'avant les moyens qui existent puis, en plus, faire en sorte qu'on ait une plus grande visibilité policière sur les routes par rapport à ça, et avec les... faire des campagnes, ainsi de suite, là.

M. Brodeur: Donc, en terminant, je saisis bien le message qu'il y a urgence d'agir. On en parle depuis longtemps, mais maintenant, il faut absolument, dans les plus brefs délais, agir pour sauver des vies immédiatement. Je vous remercie beaucoup.

M. Germain (Michel): Merci.

M. Brodeur: Merci de votre courage.

Le Président (M. Lachance): Alors, mesdames, messieurs, merci pour votre présentation ici, aux travaux de cette commission.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite le représentant de la famille Sébastien Dion à bien vouloir prendre place à la table, s'il vous plaît. Bienvenue, Mme Dion. Je vous invite à... Je vous souhaite la bienvenue et je vous invite à... je vous indique que vous avez 10 minutes. Je m'excuse un peu, là, parce qu'on est... c'est assez inhabituel comme atmosphère.

Mme Dion (Lucie): Bien, 10 minutes, pour moi, ça sera pas assez.

M. Chevrette: Vous en prendrez sur mon temps.

Le Président (M. Lachance): Bon. De toute façon...

Mme Dion (Lucie): Est-ce que vous voulez... Est-ce qu'il y aura quelqu'un d'autre après moi à passer?

Le Président (M. Lachance): Oui.

Mme Dion (Lucie): Bien, si vous préférez les laisser passer avant moi...

Le Président (M. Lachance): Écoutez, nous avons une période globale de 30 minutes. Alors, c'est...

M. Chevrette: Prenez le temps...

Le Président (M. Lachance): Avec la collaboration des parlementaires, allez-y.

Famille Sébastien Dion

Mme Dion (Lucie): Premièrement, je suis toute seule à représenter ma famille parce que aucun était capable de venir ici. On a été assez accablé, autant par la Société que par le système de justice, que, nous autres, on s'en va vers la pente descendante, étant donné qu'on n'a pas eu aucune aide de personne, dans notre temps.

Moi, j'ai quatre petites questions à poser avant de commencer mon mémoire, là, à M. Chevrette. Est-ce que vous avez vu, reçu ou lu... et lu l'adresse au juge que j'avais demandé de faire parvenir au ministère des Transports et au ministère de la Justice? Ça, j'avais lu ça au juge, dans le temps, lors des représentations de sentence. Vous avez pas dû avoir ça, hein? C'était en... c'était en quatre-vingt... C'était en 2000.

M. Chevrette: Je ne l'ai pas eu, madame.

Mme Dion (Lucie): En tout cas, si vous me permettez, je vais vous la remettre...

M. Chevrette: De main à main, tantôt.

Mme Dion (Lucie): ...à la suite. Et puis je veux savoir combien, présentement, la SAAQ offre financièrement pour les frais funéraires aux familles des victimes décédées sur la route.

M. Chevrette: Présentement, l'indemnité est passée de 18 000 à...

Mme Dion (Lucie): Non, c'est pas de ça que je parle. Les frais funéraires seulement.

M. Chevrette: Les frais funéraires? 3 000 $. C'est 3 ou 4 000 $.

Mme Dion (Lucie): C'est toujours 3 000?

M. Chevrette: C'est 3 ou 4, là, je sais pas, là. On va le vérifier.

Mme Dion (Lucie): Vous pensez que ça vaut ça, des...

M. Chevrette: On va le vérifier puis on va vous le dire, madame.

Mme Dion (Lucie): Vous pensez que c'est ça que ça vaut, de toute façon, là, un enterrement, de nos jours? En tout cas, c'est une question que je pose comme ça, là, en espérant que vous décidiez de changer ça à un moment donné.

Une voix: ...

Mme Dion (Lucie): C'est toujours le même montant que dans mon temps.

M. Chevrette: 3 836.

Mme Dion (Lucie): 300 $ de plus que dans notre situation. Est-ce que vous voyez une différence dans l'indemnisation des victimes de délit de fuite puis les victimes qui se font occuper d'eux, qui se font prendre soin d'eux, protégées par les personnes qui sont impliquées dans l'accident? Vous pensez pas qu'il devrait y avoir une différence d'indemnisation entre ceux qui sont traités comme un trou ou une vidange dans le milieu de la rue?

M. Chevrette: Oui. Mais c'est au niveau criminel. Le délit de fuite constitue une accusation additionnelle non seulement de criminel au volant, mais aussi de délit de fuite. C'est via le Code criminel et non pas via l'assurance automobile que l'individu est jugé. Il est jugé en fonction du nombre d'accusations qu'il peut avoir contre lui.

Mme Dion (Lucie): Alors, vous, concernant... financièrement, vous voyez aucune différence à...

M. Chevrette: Ah! au niveau des indemnisations? Non.

Mme Dion (Lucie): Vous voyez aucune différence à émettre dans ces cas-là?

M. Chevrette: Mais, à date, non.

Mme Dion (Lucie): À date, non. O.K. Je pense que ça serait une chose à regarder aussi. Pour la famille des survivants, c'est ça que je voulais dire aussi, pensez-vous que l'émotion est plus intense et que les séquelles psychologiques sont plus profondes lorsqu'une victime est traitée comme un trou, que le coupable de ce drame causé par le conducteur fuit ses responsabilités, qu'il ne protège pas ses victimes et qu'il ne lui prodigue pas les premiers soins? Ça va dans le même sens que la première question. Pensez-vous que... Vous pensez pas que l'émotion est plus forte encore de voir notre enfant de cette façon-là décéder?

M. Chevrette: Bien, j'ai l'impression, si vous voulez avoir une réponse à ça, j'ai l'impression qu'un décès, moi, je pense, d'un enfant...

Mme Dion (Lucie): N'importe quel décès, je le sais que c'est grave là. Mais de cette façon-là, se faire traiter pire qu'une vidange sur le chemin?

M. Chevrette: C'est-à-dire que quelqu'un qui, et je vous répète la réponse que j'ai donnée, quelqu'un qui frappe en état d'ébriété, qui tue, puis qui plus est s'en va, c'est sûr que l'agressivité momentanée peut être beaucoup plus grande; ça, je reconnais ça. Sur le plan humain...

Mme Dion (Lucie): Elle restera toujours, monsieur.

M. Chevrette: Sur le plan humain, je ne disconviens pas de rien. Sauf qu'il y a deux façons... À date, ce qui existe, il y a le Code criminel, qui juge selon le nombre de fautes...

Mme Dion (Lucie): On va en parler là-dessus tantôt.

M. Chevrette: ...et il y a le Code de la route qui juge selon le type d'infractions, et puis il y a la Société qui, elle, peut payer des frais psychologiques pour les proches puis paie...

Mme Dion (Lucie): Pas dans notre temps.

M. Chevrette: Et paie une indemnité.

Mme Dion (Lucie): Pas nous autres. On n'avait pas eu droit à aucun de ça.

M. Chevrette: On a amendé les législations et les programmes, puis c'est en juin dernier, je pense.

Mme Dion (Lucie): C'est ça. Mais ça devrait être rétroactif, en tout cas. C'est une suggestion que je pourrais vous faire. Alors, la majorité des gens ici ont la chance d'être parents donc par le fait même d'avoir des enfants. Je suis certaine que vous les aimez tous énormément et chacun également. Chaque enfant aussi, pour tous, est unique et extrêmement important.

Je viens ici vous parler de notre fils. Sébastien. Étant un grand et gros garçon de 5 pi 10 po et pesant 175 lb, notre Sébastien avait une vie très heureuse, toujours souriant, très gentil, si généreux de sa personne et en pleine santé. En ce 21 mars 1999, ni notre Sébas ni personne au monde n'aurait pu imaginer qu'il allait mourir d'une façon aussi atroce, sans que notre fils eut une seule chance de survivre. Essayez seulement d'imaginer quelles seraient vos réactions si, au moment même où un de vos enfants file le parfait bonheur, à l'aube de ses 18 ans, et, qu'en pleine santé, vous apprenez qu'il s'est fait arracher à la vie de façon aussi épouvantable. Je ne sais pas comment les parents ici ou ailleurs dans la société réagiraient.

Tous ici connaissent l'atroce tragédie, que je vais passer outre pour ici. Alors, il passait sur son «piéton» et puis il s'est fait happer de plein fouet par un bonhomme sans scrupules, ce chauffard qui filait à une vitesse excessive pour ce secteur. La force de l'impact a été telle que notre pauvre fils... Je vous passe le reste aussi. C'est parce que vous l'avez déjà reçu, je pense, et vous avez dû le lire. Ce criminel, sans aucun remord de conscience de la tragédie qu'il venait de causer, n'a jamais essayé de freiner, encore moins d'arrêter pour porter secours à notre fils en détresse. Plutôt, il a accéléré, laissant là sa pauvre victime, sachant dans quel état il l'abandonnait là. Notre garçon n'a eu aucune chance d'éviter cette voiture, encore moins de se défendre. Il n'a même pas pu s'apercevoir de ce qui se passait, puisqu'il traversait la rue tout bonnement, en supposée toute sécurité, sur la lumière «piéton», lorsque toutes les lumières étaient rouges et que toutes les voitures devaient être en arrêt complet. Quelle horrible fin de vie.

n(11 h 30)n

Aujourd'hui, il est primordial de venir vous dire à quel point, en cette soirée fatidique, les actes criminels commis par Adrien Martineau contre notre fils aîné, Sébastien, ont dramatisé complètement des vies, changé, bouleversé, affecté toute notre vie familiale et sociale, en plus de scandaliser toute la société, qui a été mis au courant de ce macabre événement. Par-dessus tout cela, ce drame inacceptable et impardonnable a eu les mêmes affreux effets émotionnels sur ses amis, dont plusieurs ont fait des tentatives de suicide, car ils voulaient aller rejoindre Sébastien, leur seul ami. Sébastien était le rayon de soleil de tous et il apportait beaucoup de joie, de bonheur et d'aide à tous ses amis et à sa famille qu'il aimait tant. Il effectuait sa petite oeuvre sociale à lui.

Pour la SAAQ, nous n'existons pas. Moi, je parle dans le temps que j'étais... en 1999. Depuis sa mort gratuite, notre famille a passé par toutes les gammes d'émotions inimaginables et indescriptibles, tellement que nous sommes incapables d'en parler ouvertement. J'ai dû consulter, à mes frais, des spécialistes pour m'aider à traverser cette grande épreuve, que, malgré tout, je ne serai jamais capable de m'en remettre. J'ai contacté la SAAQ pour leur demander s'ils payaient pour un psychologue, les médicaments, les coûts de transport, de parking. Croyez-le ou non, on m'a répondu que ce n'était pas moi, la victime, mais seulement mon fils.

Cette loi débile à ce sujet-là, vous devez la changer. Les parents et amis près de la victime sont aussi bouleversés par l'accident; il n'y a aucune raison pour qu'ils n'aient pas les mêmes droits que la victime directe.

Mais il y a plus. Savez-vous que la SAAQ paie pour le déplacement d'un seul parent à l'hôpital? On parle toujours dans ce temps-là. Ils ont donné un gros 0,50 $ ? 0,50 $, hein ? à mon mari pour qu'il se rende à son chevet le premier, et, moi, je me suis rendue après. Après les avoir menacés de dire ça publiquement, qu'ils voulaient pas me payer le remboursement de m'être rendue à l'hôpital, on m'a donné 1,50 $ à partir du fin fond de Lebourgneuf. Puis pour mes heures de travail la SAAQ n'a remboursé que deux ou trois heures de travail, bien en dessous de la perte véritable. J'ai dû arrêter 10 jours, mais j'aurais eu besoin de pas mal plus que ça pour m'en remettre. Moi, j'ai un travail occasionnel sans assurance, alors j'ai été obligée de recommencer si je voulais que ma famille vive.

Et puis il y a eu le taponnage interminable avec les fonctionnaires de la SAAQ, toujours prêts à nous faire sentir que vous les dérangez ou que vous êtes des fraudeurs du système. Ne leur demandez surtout pas de sympathiser avec vous, leur langue de... en tout cas, tout à fait antipathique accentuera notre deuil. Nos yeux pleurent à tout moment, et ce, chaque jour que le bon Dieu fait. La SAAQ n'a rien fait non plus pour nos enfants, qui, selon vos fonctionnaires, ne sont pas non plus des victimes.

Nos quatre autres enfants ont eu tellement de gros troubles de comportement que mes jumeaux, les plus jeunes, ont dû changer d'école. Cette dernière est spécialisée pour aider les enfants à gérer les troubles de comportement, soit l'agressivité et la violence qui les rongent depuis la mort de leur frère. Une autre a eu une feuille de route et un plan d'intervention afin de l'aider à gérer ses émotions agressives et violentes, pour les mêmes raisons, puis ma plus vieille a eu de graves troubles de consommation et de troubles de comportement. Ce sont quand même notre quatre enfants qui nous ont aidés à contrôler nos émotions, à nous, comme parents, car nous n'avions que l'envie terrible de venger notre fils, en voulant faire subir le même sort à ce chauffard qui a tué notre garçon gratuitement.

De plus, certains ont songé sérieusement à aller rejoindre Sébastien dans l'au-delà. N'ayant aucune aide psychologique faute d'argent, ils sont devenus, la famille totale, impulsifs et explosifs. Puis c'est encore ça maintenant. Chaque membre de la famille vit le calvaire et une grande mélancolie de ne plus voir Sébastien revenir à la maison vaquer à toutes ses belles occupations, réalisations si enrichissantes. Tous les membres de la famille vivent de l'agressivité, de la violence, de la rancoeur, une terrible rage intérieure, mais aussi une grande peine, une extrême tristesse, et ce, à l'infini.

Depuis cet événement tragique, note coeur saigne, et il saignera pour toujours. Notre famille, et même la société, n'oubliera jamais ces actes criminels atroces commis contre notre fils Sébastien. Depuis cet horrible début de soirée du printemps 1999, pour notre part, avec un énorme... pour ma part, avec un énorme coup de pied où il faut, j'ai réussi à trouver le courage d'aller travailler, mais, pour sortir hors de la maison pour toute autre raison, je réussis à le faire seulement par extrême obligation. Pour le reste, j'en suis incapable.

J'ai quand même subi des pertes de salaire. Plusieurs dépenses n'ont pas été remboursées. La SAAQ nous a payé 3 683 pour les frais d'enterrement. Je me demande comment on fait aujourd'hui pour faire enterrer une victime avec si peu d'argent: ça nous en a coûté tout près de 14 000. Pourquoi vous ne payez pas tout simplement la facture?

Notre très subtil agent d'indemnisation nous a dit de prendre le montant forfaitaire de 18 420 $ qu'on avait reçu pour le décès de Sébastien, pour payer ses frais funéraires. Très brillant, n'est-ce pas, l'esprit de la SAAQ? Au bout du compte, il est en resté un gros 1 000 $ à chaque membre de la famille. C'est ridicule que la SAAQ nous empêche de poursuivre ce chauffard pour des frais qu'elle refuse de nous payer.

Et expliquez-moi en quoi ça concerne le gouvernement cette histoire de recours là? C'est pas le gouvernement qui est victime, c'est nous. Le chauffard, lui, il n'a pas eu à se rendre au chevet de quiconque, à souffrir infiniment ni à payer des frais funéraires. La loi de la SAAQ nous empêche de le poursuivre même aux petites créances, pour 3 000 $, pour lui faire payer au moins une petite partie des énormes frais que nous avons dû éponger.

Chaque jour que je vais travailler, je me dis que c'est pour ce criminel, qui n'a pas payé ses dettes envers ma famille. C'est pour lui que je travaille, c'est pour payer des emprunts que j'ai faits et que la SAAQ m'empêche de lui réclamer. C'est dégueulasse, cette loi. Je me demande sur quelle planète on vit, des fois. En empêchant les victimes de poursuivre ces criminels, le gouvernement les encourage à ne pas devenir des personnes responsables de leurs actes et à continuer de ne pas respecter la loi, les règlements et le civisme. Constamment, le souvenir de l'atroce façon que mon fils est décédé me hante et me revient sans cesse, dans mes pensées et dans mes rêves. Je souffre tellement et je souffrirai toute ma vie d'imaginer mon pauvre fils subir ces blessures mortelles, en plus d'avoir été abandonné à son triste sort sans que je n'aie même pu l'aider... même pas pu l'aider.

Par tous les moyens possibles, il faut arrêter ce carnage. La première choses à faire, c'est d'arrêter de les payer quand ils se blessent. Ils ont droit à l'hôpital comme tout le monde, mais cessez d'indemnisez, s'il vous plaît, même la famille. Il y a l'aide sociale qui existe pour les familles des criminels. La SAAQ dépense des millions pour payer ces ivrognes, ces bandits, et, quand vient le temps de payer les vraies victimes, elle n'a plus une cenne. L'alcool au volant, c'est criminel? Mon oeil! Le fait de les indemniser est une vraie risée de la part du gouvernement qui l'a... de la population envers le gouvernement qui l'a élu. Pour notre part, nous n'en croyons pas nos oreilles quand on a entendu que la SAAQ payait les indemnités de salaire, etc., à ces criminels.

Le slogan de la SAAQ, à notre point de vue, dans notre société, c'est: Si tu veux faire des tueries sans conséquences, prends ton char, sauve-toi. Avec le bagage de connaissances, muni d'une supposée grande sagesse qu'il avait plus, lui, avoir la chance d'acquérir tout au long de sa vie, selon sa déclaration, et d'avoir supposément été en toute possession de tous ses moyens physiques et mentaux, comment un conducteur de 73 ans, Adrien Martineau, a pu faire subir de telles atrocités à une personne humaine, n'ayant pas le coeur d'arrêter pour protéger notre fils des autres voitures, pour ensuite essayer le prodiguer les premiers soins, ayant suivi lui-même des cours de premiers soins dans l'armée? Comment ce criminel a-t-il pu heurter une personne de si gros gabarit s'en se rendre supposément compte qu'il venait de... de ce qu'il venait de se passer, selon ses déclarations encore actuelles?

Personnellement, je trouve cela encore plus incriminant et encore plus grave qu'un chauffard commette un délit de fuite mortel à jeun et, selon cet homme, avec toutes ses facultés physiques et mentales? C'est vraiment horrible à penser que ces gestes criminels ont été causés de façon délibérée et en toute décision réfléchie.

Avez-vous vu l'état de la voiture du bonhomme qui a tué notre garçon? Je vais passer ce bout-là. Étant en si bonne santé, ce chauffard n'a même pas eu de faiblesse physique et mentale malgré son âge très avancé. En plus, on sait tous qu'un combattant de ce temps est en grande forme physique, mais la SAAQ leur paie pourtant, à tous ces anciens... ces anciens... ces combattants-là, tous leurs petits bobos et leurs petites déprimes.

Mmes, MM. les députés, j'ai tenu à m'adresser à vous pour vous dire que la SAAQ ne sert pas à grand-chose quand on est la famille d'une personne tuée par un criminel. Et, comme vous nous empêchez de le poursuivre, nous ne connaîtrons jamais la vérité sur ce qui s'est vraiment passé, ce criminel est bien protégé par votre fameux «no fault».

n(11 h 40)n

En tout cas, qu'on ait 16 ans ou 100 ans et plus, la loi est supposée d'être la même pour tous. Pour la société, il faut que la justice considère comme tout autre meurtre ces criminels qui tuent gratuitement sur nos routes les pauvres innocentes victimes qui se trouvent malheureusement sur leur chemin. La société désire que des actes criminels soient punis par la justice selon l'acte actuellement reproché, la société se fiche complètement du passé presque irréprochable de ces criminels, la société se fiche aussi de la possibilité de réhabilitation de ces criminels; la société désire seulement que la loi soit respectée telle qu'elle est supposée et de la faire respecter en donnant des sentences appropriées.

Il n'y a que la justice qui est clémente en se basant sur le passé ou bien l'âge de ces criminels ou sur quelques autres éléments. La société ne veut pas de négociation dans les décisions de sentence. Elle désire que les actes criminels cessent et que les condamnés paient pour les conséquences de leurs actes. Plus la justice continuera d'être clémente, plus la société continuera de pourrir. Rien ni personne ne pourra faire remettre à la vie notre cher fils, mais la seule mince consolation pour nous, ses parents, et pour la société, c'est de voir ces chauffards et plusieurs autres croupir derrière les barreaux au plus vite et le plus longtemps possible.

Il y a encore beaucoup trop de drames similaires qui se produisent encore malgré la nouvelle loi. Il serait important que la justice montre des dents et que ces fumiers écopent de sentences exemplaires afin que la société comprenne la gravité de ces actes criminels commis contre des personnes humaines et que ces drames finissent par cesser. Comment voulez-vous qu'un jour un de ces fuyards écope d'une sentence de 25 ans, comme la nouvelle loi le veut, si dès maintenant les sentences de ce type ne dépassent pas 18 mois à trois ans, ou, pire encore, des sentences de quelques années à purger dans la société? Quelle risée, pour la population, de la justice!

Ensuite de ça, il faudrait aussi qu'ils perdent leur permis de conduire à vie, car tout alcoolique l'est à vie. Combien de fois ces criminels de la route se font-ils prendre en état d'ébriété habituellement avant de finir par tuer une personne humaine? Et cela ne comprend pas tous ceux qui ne se font pas prendre en flagrant délit avant de finir quand même par tuer? La justice ne devrait pas emprisonner les personnes qui ne paient pas leur amende. Ce ne sont pas des criminels. Les travaux communautaires existent pour ces personnes. Les prisons se videraient, et il y aurait plus de place pour les vrais criminels et les meurtriers.

Je désire aussi féliciter et remercier les juristes du gouvernement fédéral qui ont contribué à améliorer grandement le Code criminel sur les délits de fuite. Je crois fermement que cette nouvelle loi finira par contribuer à faire penser sérieusement aux gens à ne pas conduire s'ils ont pris des boissons alcoolisées en plus d'aider à sauver des vies à des personnes heurtées s'ils ont du secours à temps dès un impact. Même si les juristes ont grandement amélioré cette loi, il faudrait que les juges appliquent dès maintenant les sentences adéquates et appropriées à la nouvelle loi et qu'ils changent leur mentalité d'ancienne loi. Le gouvernement du Québec doit maintenant faire sa part en changeant la Loi de la SAAQ. J'espère qu'il le fera.

Maintenant, la SAAQ n'indemnise pas ? là j'ai fait un autre document que je vous remettrai, là... Dans mon temps, la SAAQ n'indemnisait pas pour le deuxième parent qui se rend au chevet de son enfant, pour les frais de toutes sortes des survivants à ces drames, pour les besoins d'un psychologue pour les survivants, les certificats de décès, le surplus des frais funéraires impayés par la SAAQ, pour les médicaments, pour le stationnement, pour la perte de salaire, etc.

C'est pour tous ces frais non payés de la SAAQ que les familles des victimes désirent poursuivre ces criminels de la route qui se sauvent de toute responsabilité en fuyant les lieux d'un drame qu'ils ont causé. En quoi ça... ça, je l'ai dit. Après, faire payer tous ces criminels qui sont soûls, et qui fuient les lieux du drame, et qui tuent ou blessent sur nos routes. Il faut absolument que la SAAQ cesse d'indemniser ces irresponsables de criminels sur la route.

Le gouvernement rit tout simplement des contribuables en indemnisant ces criminels de la route. La population ne veut pas payer pour ces criminels. Ils ont le droit de guérir leurs petits bobos comme tout le monde à l'hôpital, point à la ligne. Rien de plus. Les criminels sont bien protégés par le «no fault». Si ce fautif avait à payer certains frais que la SAAQ refuse d'indemniser, ceci les aiderait à se responsabilité... se responsabiliser et à se souvenir toute leur vie du drame causé à leurs victimes ainsi qu'aux survivants. S'ils sont incarcérés en prison, le gouvernement ou plutôt les contribuables paient en double pour ces criminels. C'est une vraie risée.

Ensuite, il faut que les juges changent drastiquement leur mentalité. Qui se sent en prison lorsqu'on purge une peine dans la société? Je ne sais pas qui a pensé à ce genre de sentence, mais c'est d'un ridicule envers sa population. On n'est jamais puni à vivre dans la société malgré de petites restrictions ridicules. Tout citoyen désire qu'un criminel soit sentencé dans une prison. Si vous verriez monter l'agressivité de la population envers la justice lorsqu'une sentence est donnée à purger dans la société au criminel là. De toute façon, la société ne croit plus en la justice. La société se sent très fortement... la société sent très fortement qu'il y a une justice de riches et une autre de pauvres.

Ça fait que mes dernières recommandations ? j'ai trouvé bonne celles du monsieur avant qui étaient très concrètes et vraiment excellent, son travail: ramener le taux d'alcoolémie à 0,05, parce que, moi, j'ai déjà testé le 0,08 sur mon cas à moi, qui est quand même grande et de gros gabarit, et puis j'aurais pas été dans un état de conduire; exiger un examen médical approfondi aux personnes de 65 ans et plus et exiger un examen théorique et sur la route au moins annuellement; retirer le permis de conduire à vie aux coupables de délits de fuite mortels ou ayant causé des blessures, et aussi ceux qui sont alcooliques, là; cesser toute indemnisation à ces criminels de la route; aider les survivants, familles et amis de la victime à survivre à ces drames ? genre psychologues; permettre aux victimes survivantes de poursuivre les criminels pour les sommes que la SAAQ refuse de payer.

Même, si on sait que la majorité ont... des criminels de la route, là, qui ont tué avec facultés affaiblies, ou blessé, ça serait facile de faire comme dans les pensions alimentaires pour le juge qui condamne le criminel à une telle sentence de le condamner en même temps, comme dans les pensions alimentaires, à un montant, en faisant l'état financier du criminel, à un certain petit montant, ne serait-ce que par mois ou par semaine à prélever sur sa paye ou sur son chèque de bien-être. Dans le temps, ça s'est déjà fait. En connaissance de cause, il y a des personnes que j'ai connues qui avaient fait des délits de fuite en état d'ébriété puis se font à vie enlever 25 $ sur leur chèque de bien-être. C'est juste pour les responsabilités, qu'ils se souviennent toute leur vie de ce qu'ils ont fait.

Ensuite, que les juges donnent des sentences appropriées aux nouvelles lois sur les délits de fuite. Et il ne faut surtout pas poursuivre les familles de criminels de la route étant donné que souvent ils essaient de pas... ils essaient de les enlever, les clés. La conjointe ou le conjoint, ils veulent pas que la personne la prennent, sa voiture, mais ils ont tous des têtes de cochon, comme on dit, puis ils la prennent pareil. Ça fait que, ne poursuivez pas les familles; elles ne sont pas responsables des criminels qui font à leur tête. Je vous remercie de m'avoir écoutée.

Le Président (M. Lachance): Là, il reste six minutes dans la période de temps qui nous était impartie. Est-ce que, M. le ministre...

M. Chevrette: Moi, M. le Président, je voudrais remercier madame, puis je lui dis que je la comprends, puis je lui offre mes plus sincères condoléances. Vous me permettrez cependant de vous dire qu'on a déjà sur plusieurs points amélioré, dès le mois de juin passé, une série de moyens. C'est sans doute pas suffisant...

Mme Dion (Lucie): ...frais funéraires.

M. Chevrette: Oui, mais ça, ça se révise, je suis prêt à regarder ça. Cependant, je voudrais attirer votre attention, par votre intermédiaire, un peu du public. On vit dans une société de droits. Le Code criminel, il a été amendé. Ils ont oublié même de mettre l'antidémarreur dans le Code criminel. Mais il y a deux principes avec lesquels on est pris. Est-ce qu'un alcoolique, c'est aussi une maladie?

Mme Dion (Lucie): Oui.

M. Chevrette: Et, si c'est une maladie, est-ce qu'on doit pas le traiter? Deuxièmement...

Mme Dion (Lucie): Ça se traite pas.

M. Chevrette: Ah! il y en a qui sont sortis, madame. J'ai même vu des députés, ici, à l'Assemblée nationale, dans mes 25 ans de vie politique non seulement de s'en être sorti, mais de travailler précisément auprès de jeunes présentement, qui combat l'alcoolisme. Puis j'ai pas à le nommer, il s'affiche, mais je veux pas faire de cas particuliers.

Deuxième chose que je veux dire. On vit dans une société de droits, donc les juges, on peut pas... c'est le Code criminel canadien en ce qui regarde les infractions criminelles quand ils sont reconnus coupables. On peut pas dire aux juges: Ça vaut 10 ans ou 15 ans ou 20 ans. Ou bien on va modifier les lois pour que les juges les appliquent, mais ça devient une question de jugement de la magistrature, Et un ministre ou un député qui appellerait un juge, ça se fait pas. Donc, c'est vrai que ça peut être épouvantable, deux ans moins un jour pour pas qu'il aille à la Cour fédérale, mais qu'il fasse la Cour provinciale, ça arrive souvent.

Mme Dion (Lucie): ...la dernière sentence qui s'est donnée?

n(11 h 50)n

M. Chevrette: J'ai vu ça arriver, moi, en même temps qu'un accident très grave de deux enfants dernièrement, là. La journée où les deux jeunes se sont fait tuer, il y a eu une sentence de deux ans moins un jour. C'est vrai qu'on était tous en furie, on était tous en beau maudit, comme on dit en bon québécois. Mais il reste qu'on a un système de justice qui est peut-être un mal nécessaire. C'est pas au citoyen à se faire justice lui-même. On a décidé de vivre dans cette société-là. Est-ce qu'il peut y avoir des directives des procureurs généraux, par exemple, soit du Canada, dans le cas du Code criminel, ou Procureur général, dans le cas du Code civil, ici, donner des directives pour appliquer avec sévérité? Ou bien changer les peines minimales. Ça aussi ça peut se faire.

Mme Dion (Lucie): C'est rendu à 25 ans. C'est rendu à 25 ans, puis ils donnent encore des petites sentences de même. En tout cas, c'est la justice que ça regarde.

M. Chevrette: Donc, on a écrit au... Je pourrais vous envoyer le courrier que j'ai avec Mme McLellan là-dessus, au niveau des libérations conditionnelles, entre autres. J'ai écrit et je vous l'enverrai cette documentation-là. Je compatis beaucoup avec vous. Je sais que vous en avez sur le coeur, ç'a paru dans tout votre exposé. Mais il y a aussi beaucoup de groupes aujourd'hui qui défendent ces gens-là, y compris quand ils sont rendus à l'intérieur des prisons, y compris sur des droits personnels et individuels, y compris sur le droit de se faire traiter comme étant une maladie. Mais je peux vous comprendre, madame, pareil. Je vous remercie.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Premièrement, félicitations pour votre courage, merci d'être ici. On prend tous ces témoignages-là ce matin, puis c'est certain que... En tout cas, des changements s'imposent, des changements s'imposent. Le ministre nous a précisé qu'il y a eu des changements le printemps dernier. Le ministre s'est aussi engagé, en même temps qu'il a déposé ces changements-là, à avoir une loi beaucoup plus sévère concernant l'alcool au volant.

Si j'ai bien saisi votre message, on a bien compris votre message, bien, on doit ajouter aussi, entre autres, de changer la définition des victimes, parce que dans votre témoignage on voit clairement que les victimes sont aussi les parents, les parents de ces gens-là, qui malheureusement ont perdu la vie. Et, pour moi, le message est clair, j'espère que le message est clair aussi pour le ministre et pour la Société de l'assurance automobile, que le soutien aux familles, le soutien aux familles doit être primordial dans ces cas-là.

Pour le reste, le message est bien saisi. Je pense qu'on ne peut pas laisser aller impunément ces gens-là qui surtout sont notoirement connus pour être alcooliques et utiliser le volant. Je pense qu'il est important d'agir avec sévérité, avec sévérité envers ces gens-là. Naturellement, dans le temps qui m'est imparti, ce que je peux vous dire c'est qu'on est au fait des situations et, lorsqu'on voit des messages de ce type-là que vous nous donnez, je pense qu'on doit noter qu'il est urgent d'agir avant que d'autres personnes soient d'innocentes victimes de ces alcooliques-là. Donc, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, madame. J'espère que votre participation ici aujourd'hui va vous avoir fait du bien de venir le dire publiquement.

Mme Dion (Lucie): Je vous remercie de m'avoir écoutée.

Le Président (M. Lachance): Alors, j'invite maintenant M. Denis Paquet.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, bienvenue, madame, monsieur. Je vous demande de bien vouloir vous identifier. Et je vous indique que, à moins qu'il y ait le consentement des parlementaires, vous auriez une période de 10 minutes pour nous présenter votre exposé et par la suite questions, échanges.

M. Denis Paquet et Mme Sylvie Fortin

Mme Fortin (Sylvie): Oui, merci. Mesdames, messieurs, je m'appelle Sylvie Fortin, avocate, et coauteure du mémoire avec M. Denis Paquet, courtier d'assurances et «fellow» de l'Institut canadien du Canada.

Certains d'entre vous pourraient se demander quelles sont nos motivations pour intervenir devant cette commission ce matin. Je suis mère de six enfants, cinq garçons, une fille. Mon premier est mort heurté par une auto. M. Denis Paquet est, lui, le survivant d'une collision frontale ayant causée la mort de neuf personnes. Il a trois enfants, dont deux fils qui viennent d'obtenir leur permis de conduire. Tous les deux, nous sommes très avertis des dangers que représente la conduite automobile pour les jeunes. Nous sommes donc ici pour la sécurité de nos enfants.

Depuis 1994, en cinq ans, le nombre d'accidents mortels pour les véhicules de 11 ans et plus a plus que doublé, passant de 130 à 268 pour l'année 1999. Ces accidents mortels ont causé 35 % de tous les décès survenus sur les routes. Fait plus grave encore, la tranche d'âge des individus les plus touchés par les mortalités est celle des 15 à 24 ans. Ces jeunes constituent au moins 30 % de tous les décès dus à des accidents d'automobiles. Ces chiffres sont peut-être passés inaperçus à cause de la façon insolite de les agencer dans le bilan de la SAAQ.

Le paradoxe que nous avons souligné dans notre mémoire est que l'assurance de ces véhicules de 11 ans et plus est source de profit pour les compagnies d'assurances, et la nature de ce profit consiste à collecter des primes d'assurance de leurs clients sans assumer de risques. En effet, la grande majorité de ces véhicules sinon la plupart sont assurés uniquement sous le chapitre a, c'est-à-dire pour autrui seulement. Il en résulte que, lors d'un accident, les compagnies n'ont pratiquement jamais l'obligation contractuelle d'indemniser leurs clients, puisque ces clients n'étaient pas assurés pour eux-mêmes. En peu de mots, on pourrait dire que, pour cette catégorie de véhicules causant le plus de mortalités sur les routes, les compagnies d'assurances ont cessé de faire de la gestion de risques pour s'en tenir à la collecte de primes.

La faute n'est pas dans les compagnies d'assurances, et le remède n'est pas non plus dans une modification fondamentale de la loi. Voici ce que nous proposons. Le principe de la responsabilité sans égard à la faute doit demeurer intouché, de même que celui de la non-subrogation entre assureurs. Nous proposons plutôt que le législateur introduise la notion de compensation telle que définie au Code civil, à l'article 1672, permettant aux compagnies d'assurances de se répartir mutuellement les coûts des dédommagements payés à leurs assurés sur la base de la responsabilité des conducteurs qui a été déterminée lors de chaque accident d'automobile selon les barèmes de responsabilité prévus en annexe dans la convention d'indemnisation directe des assureurs automobiles. Il suffirait seulement d'amender l'article 173 de la Loi de l'assurance automobile en ajoutant un paragraphe 6 qui autoriserait une modification à cet effet dans la convention des assureurs. Le modèle à quoi nous pensons est celui de l'Association canadienne des paiements, fondée en 1980. Bon.

Un dernier point, nous voulons attirer l'attention de la commission sur, dans notre mémoire, le point de l'absence de communication entre les compagnies d'assurances et la SAAQ. Une partie de l'explication à ce mur du silence, à notre avis, se trouve dans l'organisation structurelle chapeautant ces deux organismes. Pendant que la SAAQ est redevable aux Transports, les compagnies d'assurances, elles, doivent rendre compte au ministère des Finances, qui n'ont pas du tout la même vocation, comme ministères. Je crois, nous croyons que l'initiative de forcer les compagnies d'assurances à assumer les risques en fonction d'une plus grande sécurité doit venir du ministère des Transports par un amendement à la Loi sur l'assurance automobile, comme nous l'avons proposé. M. Paquet est plus à même de vous faire comprendre à l'aide d'exemples comment fonctionne ce que nous proposons.

M. Paquet (Denis): Bonjour. Je voudrais savoir: Est-ce que vous avez tous entre les mains les trois feuilles qu'on vient de distribuer?

Le Président (M. Lachance): C'est fait.

M. Paquet (Denis): C'est fait? O.K. Illustration du fonctionnement actuel... O.K., je vais attendre quelques minutes.

n(12 heures)n

Illustration du fonctionnement actuel de l'assurance automobile. Les exemples des primes tirés du tableau II de notre mémoire. Véhicule a: année 2000, valeur 25 000 $, prime d'assurance, 409, assuré sur les deux bords, ratio prime sur valeur, 1-161. Le véhicule b: année 1990, valeur, 1 000 $, prime d'assurance, 179, assuré pour autrui seulement ? dans le domaine, on appelle ça le chapitre A ? ratio prime-valeur, 1 sur 5.5.

Dans un cas d'accident, les termes de la Convention d'indemnisation directe s'appliquent si les trois conditions suivantes sont réunies: l'accident arrive au Québec; les deux véhicules se touchent; et les propriétaires sont identifiés. La loi ne dit pas: Assurés. La loi dit: Identifiés. Peu importe si l'assuré est responsable ou non, c'est toujours son assureur qui indemnise dans le cas du véhicule a. Dans le cas de b, l'assureur indemnise seulement si son assuré est non responsable.

Hypothèses de fonctionnement de l'assurance automobile dans sa forme actuelle et avec compensations entre assureurs. La compagnie d'assurances X se spécialise dans l'assurance des véhicules neufs. La compagnie d'assurances Z se spécialise dans l'assurance des véhicules de 11 ans et plus.

Hypothèse un. Collision frontale et perte totale des deux véhicules. Le client de la compagnie Z est trouvé entièrement responsable. La compagnie X paie 25 000 à son assuré. La compagnie Z paie 0.

Hypothèse deux. Le véhicule a, toujours l'année 2000, coupe le chemin au véhicule b. Le client de la compagnie Z est déclaré non responsable. La compagnie X paie les dommages de son assuré, évalués à 750 $, moins la franchise de 250, ce qui lui donne un déboursé de 4 500. La compagnie Z fait réparer le véhicule de son assuré pour le maximum de sa valeur ou le déclare perte totale: valeur 1 000 $.

Hypothèse trois. La compagnie X assure un camion tracteur neuf d'une valeur de 100 000, une remorque neuve de 100 000 puis une cargaison de pétrole de 30 000. La compagnie Z assure toujours un véhicule de l'année 1990. Il se produit une collision frontale causée par le véhicule assuré par la compagnie Z. Tous les véhicules sont une perte totale. Le véhicule de l'année 1990 est entièrement responsable. Ici, pour fins d'exemple, le mode de paiement des dommages résultant de la pollution est exclus de nos propos. La compagnie X paiera 230 000 à son assuré et sera subrogée par Z seulement pour la marchandise; pertes à absorber pour la compagnie d'assurances: 200 000. La compagnie Z paiera seulement la marchandise transportée; pertes: 30 000.

Bilan des deux assureurs pour les trois accidents, fonctionnement actuel de l'assurance de dommages. La compagnie X: total des déboursés 229 550; la compagnie Z: total des déboursés 31 000. Avec compensations mutuelles des déboursés de dédommagement selon la responsabilité établie lors de l'accident, on retrouvera à ce moment-là la compagnie X avec un total de déboursés de 5 550 et la compagnie Z avec un total de déboursés de 225 000.

Les avantages nés du complément au système actuel: une diminution des morts et des invalides, puisqu'un ajustement à la hausse des primes basé sur le bilan de conduite du ou des conducteurs, avec les données de la SAAQ sur l'état mécanique du véhicule puis sur le dossier de réclamation au fichier central ? on travaille avec un bilan des individus; diminution des coûts indirects reliés à la santé défrayés par nous tous, comme la bonne utilisation des services d'urgence, les séjours hospitaliers; une diminution de l'assurance automobile... du coût de l'assurance automobile au Québec.

Actuellement, les véhicules neufs coûtent très cher à assurer et sont considérés par les compagnies comme de mauvais risques financiers. La SAAQ ne sera plus seule à agir en matière de sécurité et de prévention. Cette réforme profitera à tous. La période d'adaptation maximale sera de deux ans en raison des dates de renouvellement des contrats.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Paquet, Mme Fortin. M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Oui, je vous avoue que c'est la première fois, moi, qu'on touche cet aspect. Ç'a jamais été porté à mon attention. Vous les basez sur les statistiques, comme vous dites. Ça, c'est neuf pour moi et je vais...

Mme Fortin (Sylvie): Vous savez pourquoi j'ai dit que c'était insolite, les statistiques. Bon.

M. Chevrette: Oui, oui, j'ai trouvé que vous aviez un vocabulaire très choisi.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Fortin (Sylvie): Merci.

M. Chevrette: Et, d'autre part, je ne savais pas non plus que c'était ? pour être toujours très franc ? je ne savais pas que la Convention III... c'est-à-dire la partie III de la Loi sur l'assurance automobile touchait la Convention. Et je vous invite, mardi le 25 septembre, je crois, à venir. Le Bureau d'assurance du Canada sera ici. Et je m'engage personnellement à leur poser ces questions-là et, personnellement aussi, à faire étudier par la Régie, avec les autres ministères impliqués ? parce que le ministère des Finances, comme vous dites, est impliqué dans cela ? ...

Mme Fortin (Sylvie): Oui.

M. Chevrette: ...à faire regarder ça, puis on pourra se tenir en contact, au besoin, pour que vous puissiez nous fournir...

M. Paquet (Denis): Ah, j'ai un cartable très étoffé.

M. Chevrette: ...le fruit de votre travail. Je voudrais vous remercier de votre présentation puis je vais... on va la regarder de près. Puis vous laisserez vos coordonnées pour qu'on puisse communiquer avec vous, au besoin à part ça.

Mme Fortin (Sylvie): Merci.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Oui. Brièvement. J'ai pris bonne note de votre exposé qui est très intéressant. Comme dit le ministre, c'est une première... une première version d'un problème qui avait pas été porté à notre connaissance. On en prend bonne note. Pendant que M. Paquet est là, lui qui est courtier d'assurances, il y a un problème, je pense, qui prend de plus en plus d'ampleur sur nos routes également, c'est qu'on retrouve énormément d'automobilistes qui, en réalité, ne sont pas assurés du tout, ne sont pas assurés du tout...

Une voix: ...

M. Brodeur: Pour les biens matériels. Pour les biens matériels. Et, de plus en plus, il est porté à ma connaissance qu'il y a des petits trucs qui se font. On fait semblant... d'ailleurs, les policiers demandent très peu maintenant, ou pas du tout, le petit carton rose d'assurance. Donc, en réalité, on se retrouve avec des accidents avec des gens qui ont une assurance et l'autre personne qui en a pas. Et, en fin de compte, il y a une seule compagnie qui se voit dans l'obligation de dédommager. Est-ce que ce problème-là, est-ce que vous le vivez aussi quotidiennement dans la pratique de votre profession? Est-ce que la loi devrait être modifiée, ou des exigences, ou des sévérités données un peu plus grandement pour responsabiliser certains conducteurs aux dommages qu'ils pourraient causer?

M. Paquet (Denis): C'est pas les conducteurs qu'il faut responsabiliser, c'est la SAAQ. Personnellement, quand vous renouvelez vos plaques, est-ce qu'ils vous demandent la preuve de votre police d'assurance en dommages matériels? Non. C'est un...

M. Chevrette: Ça, c'est relativement simple à régler, entre vous puis moi. Je me suis informé justement, c'était fait ça, avant, jusqu'à un certain nombre d'années, mais on me dit qu'on ne le fait plus. Donc, si on ne le fait plus, on va le faire.

M. Paquet (Denis): O.K. Et, autre chose... C'est plaisant, il y a une moyenne d'âge qui ont connu l'ancien système d'assurance automobile...

M. Chevrette: Vieillissez-nous pas, vous, on a assez de misère avec... Ha, ha, ha!

M. Brodeur: Ha, ha, ha! Eux autres, oui.

M. Paquet (Denis): Je sais pas s'il y en a qui se souviennent du temps où on appelait les V2C? Les V2C, dans le temps, disaient... Le gouvernement disait: Si tu veux ravoir ton permis suite à un accident où tu n'étais pas assuré, où tu as causé des dommages, pour ravoir ton permis de conduire, l'État t'oblige à être assuré minimum 35 000. Et ça prenait un papier spécial avec... pas les lettres patentes, là, mais... une estampille de la compagnie d'assurances, et cette police-là n'était pas cancellable.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Vachon.

M. Payne: Juste une petite question: Est-ce possible qu'on ne demande plus la preuve d'assurabilité à la SAAQ lors de l'enregistrement du véhicule par le fait que le client, le conducteur, le propriétaire se trouverait dans une situation difficile où il peut pas avoir une assurance avant qu'il est propriétaire du véhicule, ou il aurait un intérêt de ne pas avoir une assurance avant qu'il est effectivement propriétaire? Donc, il y a une question de... «the chicken and the egg», comme on dit en anglais.

M. Paquet (Denis): O.K. On va vous résumer ça encore plus simple.

M. Payne: Est-ce que c'est ça? Je vous le demande.

n(12 h 10)n

M. Paquet (Denis): Oui, mais je vais vous résumer ça encore plus simple que ça. Quelqu'un aujourd'hui qui veut pas vivre en société ? d'accord? ? il va se chercher un véhicule de faible valeur, et, pratico-pratique, il est même pas obligé de l'assurer. Un, la SAAQ l'oblige seulement en théorie et non en pratique; deux, s'il a un accident puis il frappe un autre véhicule, j'ai dit tantôt qu'il fallait que le véhicule soit identifié, non assuré. Ça veut dire que le véhicule, le tiers qui a été frappé va être payé par sa propre compagnie d'assurances; les blessures corporelles à l'intérieur des deux véhicules, incluant le sien, vont être payées par la SAAQ. Pourquoi qu'il se créerait une dépense supplémentaire?

M. Chevrette: C'était pas l'esprit, en tout cas, au départ, parce que je me souviens qu'on exigeait, y compris pour l'application du Code de la route, on exigeait même le papier d'assurance. On sortait pas seulement son permis de conduire, on sortait à la fois son permis de conduire et sa preuve d'assurance...

M. Payne: Là, on le fait plus.

M. Chevrette: ...et puis j'espère que c'est encore ça.

M. Payne: Non, non, ils demandent pas l'assurance.

M. Chevrette: Non, mais, en tout cas, on va le vérifier, puis c'est pour ça que je veux me garder en liaison avec vous et nos procureurs pour qu'on puisse véritablement vérifier ça, parce que vous faites véritablement nouveauté pour la commission. Cet aspect-là n'a jamais été apporté devant le Parlement, puis je vous remercie de l'avoir fait.

M. Brodeur: Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci pour votre participation, Me Fortin et M. Paquet. Là-dessus, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 14 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 11)

 

(Reprise à 14 h 7)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Et je rappelle que le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le document de référence intitulé Le régime public d'assurance automobile du Québec.

Je demande aux membres de la commission ainsi qu'aux autres personnes présentes dans la salle de bien vouloir fermer leur téléphone cellulaire pendant la séance.

Alors, cet après-midi, nous allons entendre M. Serge Bergeron et, par la suite, M. Gilles Patenaude, et pour terminer nos travaux avec le Barreau du Québec. Alors, je vois que nous avons affaire à des gens qui sont disciplinés, qui sont déjà à la table. Alors, bienvenue, madame, messieurs. Et je demande au porte-parole de s'identifier pour les fins du Journal des débats, ainsi que les personnes qui l'accompagnent. Et j'ai cru comprendre que peut-être que 10 minutes seraient pas suffisantes. Alors, de consentement avec les deux côtés, on pourra avoir une période de temps un peu plus longue à l'intérieur du temps de 30 minutes qui est imparti pour cette audition.

M. Serge Bergeron,
Mme Sylvie St-Amour Bergeron
et M. Alain Bergeron

M. Bergeron (Serge): O.K. Serge Bergeron, père d'une victime.

Mme St-Amour Bergeron (Sylvie): Sylvie St-Amour Bergeron, la mère.

M. Bergeron (Alain): Moi, je suis Alain Bergeron, le frère de Serge.

M. Bergeron (Serge): Je vais commencer par vous lire l'historique, là, de notre histoire pour ceux qui seraient pas au courant, là. Le 4 avril 1977, vers 23 h 30, notre vie a été bouleversée à tout jamais. C'est en effet à ce moment que nous avons eu un coup de téléphone pour nous dire de nous rendre à environ 1 km de la maison parce que notre fille Sophie avait eu un accident. Nous sommes accourus et avons vu notre enfant gisant par terre et un ambulancier au-dessus d'elle essayant de la réanimer. À l'hôpital, on nous a annoncé officiellement son décès. Sophie laissait dans le deuil son père, sa mère, Sylvie, ses frères et soeur, Sylvain, Stéphane et Suzie.

n(14 h 10)n

Le reste de tous ceux qui ont... Le reste, tous ceux qui ont vécu pareil cauchemar savent ce que c'est. Les autres ne peuvent qu'essayer d'imaginer et, aujourd'hui, nous savons que ce n'est pas facile de comprendre combien c'est dur et imaginable le vide de l'âme et de l'esprit que cela entraîne. Souvent, les gens disent que la pire épreuve de la vie, c'est de perdre un enfant. Ils ne savent pas toujours combien c'est vrai. C'est justement à l'hôpital que les policiers nous ont appris qu'il s'agissait d'un délit de fuite avec mort. Et voilà, la peine n'était pas assez grande, la rage est venue avec quand on a appris que ce salaud n'a pas cru bon de s'arrêter pour porter secours à notre fille parce qu'il était trop soûl.

Quelques jours plus tard, arrive un enquêteur de la Sûreté du Québec, M. Sylvain Gobeil. Il nous parle du déroulement de son enquête. Il nous explique bien qu'il ne faut pas se faire d'illusions: ce salaud ne paiera pas pour son crime. Le policier a fait une enquête des plus approfondies pour que le procureur de la couronne ait tout en main pour le mettre en prison pour un bon bout de temps. Mais, la justice étant ce qu'elle est, ce ne fut pas le cas. Le chauffard passa quatre petits mois à l'ombre, et ce n'est pas cher payer pour la vie de notre fille et le drame familial que nous vivons tous encore aujourd'hui.

Pendant ce temps, nous, nous n'arrivons pas à prendre le dessus sur notre peine. Nous avions besoin d'aide. Croyant jusque-là, comme tout le monde, que la Société de l'assurance automobile avait été créée pour aider les victimes, nous les avons appelés pour nous faire répondre que nous n'avions rien à voir là-dedans, et ceci, c'est textuel, ce que je vous dis là: On n'avait rien à voir là-dedans. Et bonne chance! Quand on pense qu'à l'école où notre fille allait, ils ont eu droit à de l'aide psychologique! La Polytechnique, ils y ont eu droit eux autres aussi, les écrasements d'avions aussi. Mais nous autres, non, on n'était pas concernés.

Quand on apprend que les criminels de la route, comme les appelle la SAAQ, eux, avaient droit à tout, tout ce qui fut... ce fut encore la rage d'apprendre que les criminels sont si bien traités. Mais qu'est-ce que ce salaud a perdu, lui, qui n'a pas de respect pour personne en partant? C'est un signe évident, là, quand on conduit en état d'ébriété, qu'on respecte personne.

Nous avons fait ouvrir un dossier à la SAAQ pour moi, ma femme et les trois enfants. Nous avons fait une demande d'indemnisation qui fut refusée puis une demande de révision où le réviseur de la SAAQ a mis tout son temps pour nous expliquer que la loi ne nous incluait pas comme victimes parce qu'on était pas là quand l'accident... l'accident est arrivé. Puis le criminel, lui, forcément il y était. Donc, il a droit à tout, tout ce qu'il peut avoir.

Après cela, nous avons pris un avocat que mon beau-frère avait vu lors d'une entrevue télévisée sur le sujet des criminels de la route. Quelques jours avant de passer devant le Tribunal administratif du Québec, voici un coup de téléphone de la SAAQ: ils veulent régler hors cour pour ma femme et moi, pas pour les enfants. Les enfants, on verra plus tard. Finalement, ils n'ont jamais rien reçu et n'ont pas pris de procédures pour ne pas vivre le même calvaire que nous. Et je les comprends parce que...

La SAAQ a réglé hors cour pour éviter une nouvelle jurisprudence qui aurait élargi le terme «victime» aux parents proches non impliqués directement dans l'accident. La loi n'a donc pas changé. Aujourd'hui encore, les chauffards sont toujours des victimes s'ils sont blessés dans leur conduite criminelle. Les parents, frères et soeurs de la vraie victime, eux, ne le sont pas. Je pense que c'est une méchante connerie puis le meilleur régime au monde, c'est ça que...c'est ce qu'il dit, lui.

Chacune de ces étapes a été très difficile pour nous, car il fallait toujours parler de notre peine, ce qu'on fait encore aujourd'hui.

M. Chevrette: Juste un instant, juste vérifier quelque chose. Ça ne sera pas long. Ça va. Vous pouvez y aller.

M. Bergeron (Serge): Comme je vous disais, chacune de ces étapes a été très difficile pour nous pour être admis comme... comme victime. Parce qu'on peut pas dire qu'ils nous ont fait des cadeaux non plus, là.

J'ai jamais compris pourquoi qu'on passe... on fait voir le psychiatre à des gens qui ont perdu un enfant dans des conditions semblables en plus pour voir si ça leur fait de la peine. On comprend pas que ça puisse les toucher, que ça puisse les concerner. On comprend pas ça, à la SAAQ. Puis je pense qu'indemniser les criminels, c'est insulter leurs victimes, ni plus ni moins.

Lors d'une entrevue accordée à TVA, M. Gagnon, le président de la SAAQ, a bien dit qu'il ne faisait pas la différence. En fait, il a démontré qu'il ne faisait pas la différence entre «soigner» et «indemniser». Soigner, on a tout le système qu'il faut. Tout le monde a une carte-soleil pour se faire soigner, mais, eux autres, ils indemnisent. Je pense pas que personne soit contre le fait que les criminels soient soignés, mais il y a un monde entre «soigner» et «indemniser».

De plus, ce monsieur croit que la justice punit sévèrement ces bandits. Il devrait lire les journaux plus souvent, en fait. Le Dr Giroux de la SAAQ, lui, pour sa part, il déclare à CKAC que «couper toute indemnité aux criminels ? ça, c'est suite à une étude qu'ils ont faite ? couper toute indemnité aux criminels de la route n'aurait pas un impact dissuasif envers ceux-ci.» On s'en sacre-tu, que ça ait un effet dissuasif, c'est une question morale pour les gens qui font tuer leurs enfants ou qui font tuer les proches.

En traitant les criminels avec autant d'égards, en fait, avec tous les égards dus aux victimes, c'est un manque de respect intolérable pour les vraies victimes et leurs familles. Au Québec, lorsqu'un tiers finance un meurtre, celui-ci est considéré comme y ayant participé. La SAAQ finance les meurtres.

La Société de l'assurance automobile du Québec ainsi que beaucoup d'autres organismes prônent et encouragent la prévention, ce qui est très bien, mais pour ceux qui n'ont aucun respect pour tous les gens qui les entourent, ceux qui sont imperméables à toutes ces belles intentions, ceux qui, de toute façon, ne veulent rien savoir et avec qui, sans permis de conduire... avec ou sans permis de conduire ? excusez ? ceux qui sont capables de faire mourir des gens par leur faute et de les laisser à leur sort, il n'y a que récompense. C'est beau, la prévention, mais après qu'est-c'est qu'il y a? Une récompense. Toute une contradiction. C'est aussi contradictoire que...

Tout ce que j'ai écrit est à saveur émotionnelle, c'est bien sûr, mais aussi je pense qu'il y a de la logique un peu là-dedans puis un peu de bon sens. Je ne suis pas un juriste, ni un fonctionnaire, ni un criminel, mais seulement un parent de victime. Il y a toute une différence.

Je vais passer... Bien, dans notre société démocratique, tout citoyen doit pouvoir s'adresser à un juge si un autre l'a blessé. Pourquoi pas dans le cas... pourquoi pas contre ce criminel? Pourquoi protégez-vous à ce point les criminels sur la route contre les recours de leurs victimes? Qu'est-ce que le gouvernement vient faire là-dedans? En quoi une poursuite des victimes contre les criminels les regarde-t-il? C'est inacceptable. Le recours civil est essentiel parce que la SAAQ ne paie pas toutes les pertes. Nous en savons quelque chose, malgré ce que dit la SAAQ dans son blabla publicitaire, ce que les gens croient tous d'ailleurs.

Il y a les frais ici que... De toute façon, j'ai appris dernièrement qu'un fonctionnaire qui se déplace, lui, il reçoit 0,40 $ du kilomètre; les victimes eux autres, c'est 0,125 $ du kilomètre. Ça, c'est une petite chose, là. Pour nous, le recours contre les criminels, c'est l'excédent de ce que la SAAQ ne paie pas; c'est aussi beaucoup la seule façon de le responsabiliser.

M. Chevrette: Vous pouvez y aller, monsieur.

M. Bergeron (Serge): Autrement, que reste-t-il? On le poursuit pas, il y a rien. Qu'est-c'est qui se passe? Que quelqu'un me l'explique. Quatre mois à l'ombre ou en société finalement parce que notre criminel, s'il a fait quatre mois, c'est parce que j'ai fait des pressions à gauche et à droite, un peu partout. Dans mon document, il y a une lettre justement écrite à un juge pour ça. Y a-tu quelqu'un ici que ses enfants valent moins que ça? Quatre mois! Ça vaut la peine...

Si nous sommes entièrement et physiquement démolis, nous sommes quand même ici personnellement pour faire part de l'illogisme de cette loi de la SAAQ. Il est clair que ce que l'on veut n'est pas de tout changer ce système, parce qu'on y croit quand même, mais de le rendre juste et équitable lorsqu'un crime a été commis. On parle de crime. On parle pas d'autre chose que de crime ici, là.

La justice, c'est sûr, c'est le gouvernement fédéral qui s'en occupe, aussi ridicule que les occupations puissent être là-dessus, mais les rémunérer... Comme je vous dis, c'est sûr, les victimes sont démolies, puis les démarches qu'on a faites, on sait pas où est-ce qu'on a puisé l'énergie pour les faire, mais on les a faites. Puis on comprend les gens qui ne le font pas parce que, souvent, on aurait viré de bord, nous autres aussi, ce qui fait la force de la SAAQ. Quand on a affaire seulement avec des gens démolis, c'est facile.

n(14 h 20)n

Même le Dr André Villeneuve, psychiatre, l'expert de la Société de l'assurance automobile le dit très bien dans son document, que toutes ces démarches qu'on a dû faire, c'est rien, ça, pour nous aider. On a un deuil de quatre ans qui est encore à finir. En fait, tout ce qu'on demande, c'est de donner aux parents, aux proches des victimes, le statut de victime. Parce que c'est pas le criminel, le criminel, lui, il va se coucher chez eux puis tout le monde autour dit: Ah, il a pas été chanceux, pauvre gars. Ça, ces gars de taverne là, c'est tous des bons conteux d'histoires. Tout le monde aime ça, des histoires drôles. Ils en connaissent, eux autres.

Cessez de considérer les criminels comme des victimes. Il y a toujours une limite. Cessez de payer à leur place toutes les dépenses des victimes sans leur demander de rembourser un sou. On leur paie tout, eux autres, en fait. Ils ont pas écouté tout ce qu'on leur a dit. Ils ont jamais lu les pancartes qui placardent toutes les rues partout: L'alcool au volant, c'est criminel. Est-ce que c'est criminel seulement quand on peut donner des contraventions aux honnêtes gens, ceux qui ont bu un petit verre de vin de trop après leur souper? Ça, ça rapporte, s'occuper de ces gens-là, c'est une dépense, il faut croire que ça dérange... Cessez de protéger les criminels en empêchant leurs victimes de leur réclamer ce que la SAAQ ne paie pas. Cessez d'empêcher les procès civils contre les criminels. C'est trop souvent la seule façon de savoir ce qui s'est passé le jour fatidique.

Ici, j'ai la... des signatures, mais il y a un député, Rémy Désilets, qui, lui, sait ce que c'est que de perdre un enfant puis que lui-même n'était pas vraiment au courant de ce qui se passait. Comme les gens d'ailleurs, quand on leur conte ça, ils nous croient pas parce que c'est trop gros, trop impensable que notre gouvernement... Parce que, en fait, c'est notre gouvernement, ça, monsieur, qui s'occupe de la SAAQ ou la SAAQ qui s'occupe de notre gouvernement, des fois on le sait pas trop, là. Quand il y a de l'argent, les surplus vont au gouvernement plutôt qu'à... plutôt qu'aux assurés, comme c'était prévu par Mme Payette.

Puis, dans les frais, dans les frais non payés, il y en a un paquet, là. Il y a un de mes garçons qui a manqué deux années d'école. Il était bon à l'école; tous ses bulletins avant le montrent. La cassure, on la voit. Le plus vieux, lui aussi, est instable. Il a eu de la misère au début puis il en a encore; il en parle pas avec sa femme seulement. Puis les plus jeunes, c'est encore pareil. Ces choses-là, monsieur, ils vont les garder toute leur vie, tout comme nous autres.

Dites-moi donc quelqu'un ici: Y a-tu quelqu'un qui est capable de me dire c'est quoi, les conséquences pour ce criminel-là? J'en ai un où est-ce que je travaille. Il a fait son quatre mois de prison pendant une grève. Aujourd'hui, il est rémunéré, tout va bien. Il a payé. Je voudrais voir les parents de la fille qu'il a tuée. Ceux qui ont des enfants, ici: Êtes-vous prêts à les sacrifier pour ça? Êtes-vous prêts à donner vos enfants? C'est ça, la SAAQ.

Le Président (M. Lachance): Merci, M. Bergeron. M. le ministre.

M. Chevrette: Oui. Vous me permettrez de vous remercier de votre témoignage.

M. Bergeron (Serge): J'aimerais que ça aille plus loin que ça.

M. Chevrette: Oui, mais je vais essayer de vous parler comme du monde.

M. Bergeron (Serge): Oui. J'aimerais que ça aille plus loin que ça quand même, par la suite.

M. Chevrette: Je crois avoir affiché une attitude assez respectueuse de ce que vous avez à dire, puis on comprend ça, puis on sait que c'est pas facile. Puis c'est pas parce qu'on est élu député qu'on pense... qu'on n'est pas humain, qu'on peut pas savoir ce que c'est que de perdre un enfant. Dans mon cas même, j'ai des petits-enfants, puis on craint déjà pour eux. Ça, là-dessus, c'est compris. Puis je peux comprendre toute votre émotion, à part de ça.

M. Bergeron (Serge): Je ne crois pas, sincèrement, tout comme...

M. Chevrette: Bien, c'est que c'est...

M. Bergeron (Serge): ...tout comme... Non, ce que je veux dire, c'est que... tout comme je le sais très bien que, moi-même, avant, j'aurais pas pu savoir ce que c'était, comme je le dis là-dedans.

M. Chevrette: Mais je pense que... j'ai écouté beaucoup de gens puis j'en reçois beaucoup à mon comté. J'ai même personnellement invité un couple avant vous, ce matin, qui est venu ici, et puis on peut comprendre toute l'émotion, on peut comprendre même l'agressivité, mais il faut placer les choses à leur niveau, d'autre part. Je pense qu'en toute honnêteté il faut savoir que c'est pas les politiciens qui peuvent influencer un juge dans sa sentence. On peut pas...

M. Bergeron (Serge): Non, ça, j'en ai parlé...

M. Chevrette: Je vais finir.

M. Bergeron (Serge): Oui.

M. Chevrette: Je m'excuse. On peut pas influencer un juge, vous savez qu'on n'a pas le droit. Il y a même des ministres qui, pour un simple coup de fil pour un athlète, ont perdu leur poste de ministre. Et puis je ne veux pas faire allusion, c'est pas partisan ce que je dis, c'est purement et simplement qu'on vit dans un système de droit. C'est probablement le moins pire des systèmes, en passant, en plus, sauf qu'il est vrai, puis il y a des sentences de deux ans moins un jour, il y a... pour ne pas aller à la prison fédérale, les envoyer à la prison provinciale. On sait tout ça, on l'entend. On a même vu des sentences la journée même où deux enfants ont été happés à mort. C'est révoltant.

Mme St-Amour Bergeron (Sylvie): La question, c'est pas ça qu'on demande, là.

M. Chevrette: Non, non, mais...

Mme St-Amour Bergeron (Sylvie): C'est pas de ça qu'on a parlé.

M. Chevrette: ...c'est parce que vous avez affirmé des choses.

Le Président (M. Lachance): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Bergeron (Serge): Oui. Je l'ai dit ça, oui, oui.

M. Chevrette: J'essaie purement et simplement de replacer le contexte, parce que c'est important qu'on le place, le contexte. Donc, pour ce qui est des cours de justice, est-ce que... J'ai écrit à Mme McLellan personnellement, au fédéral, parce que c'est le Code criminel canadien, vous l'avez dit vous autres mêmes. Je lui ai dit: Est-ce qu'on pourrait pas changer, par exemple, les conditions de libération conditionnelle aussi? Est-ce qu'on pourrait pas fixer des peines minimales plus fortes? C'est sûr qu'on... c'est sûr que c'est pas... mais ça se fait, ça se fait dans un contexte de régime de droit.

La deuxième des choses que je veux vous dire, vous avez semblé dire que l'argent des cotisations allait dans les poches du gouvernement; 0,82 $, contrairement à 0,64 $ dans l'ancien régime, retournent maintenant aux assurés. Il faut être correct, faut affirmer au moins les choses. On a changé, on a amélioré sensiblement les indemnités. On a admis dernièrement, là, que les préjudices à la famille aussi, les soins psychologiques...

M. Bergeron (Serge): Par une loi?

M. Chevrette: Ç'a été voté le... au mois de juin, je pense, au mois de juin dernier.

M. Bergeron (Serge): Par...

M. Chevrette: Oui, par loi.

M. Bergeron (Serge): Par une loi... par un changement de...

M. Chevrette: Oui, on a modifié... C'est par des directives administratives. On les a. Je pourrai même vous en donner une copie tantôt.

Mme St-Amour Bergeron (Sylvie): Oui, parce qu'on a combattu...

M. Chevrette:«Lorsque le réclamant, famille immédiate ou toute autre personne est témoin de l'accident sur place par l'intermédiaire des médias, lorsqu'il arrive sur les lieux de l'accident...» On sait que, pour la famille immédiate... Je pense aux conjoints de même qu'aux parents, aux grands-parents, aux frères, aux soeurs et enfants de la personne accidentée et décédée. Ç'a été émis le 5 avril 2000, cette directive administrative, pour fins de soins... On a changé cela.

M. Bergeron (Serge): Mais, je veux dire, est-ce que c'est un programme ou une... Ça fait foi de loi?

M. Chevrette: Non, non, c'est une définition administrative de ce que c'est que la famille immédiate des victimes. Donc, il y a des choses de changées et on essaie de changer de plus en plus les choses pour améliorer, dans le contexte, bien sûr, des cotisations qui sont là. Mais je vous rappellerai qu'avant 1978, avant la loi de Mme Payette, c'était à peine quelques 60 sous qui revenaient. C'étaient des procès qui prenaient en moyenne 725 jours avant de toucher à une indemnité quelconque, qui prenaient jusqu'à 10 ans si vous alliez en appel et que vous alliez en cour plus loin.

Moi, je vous avoue, il y a des pas de franchis, il y a des pas à franchir puis il y a des directives formelles qui vont se donner quant à l'attitude devant les citoyens. Ça, vous avez raison. Je ne tolérerais pas, moi, qu'on ne reçoive pas bien un citoyen qui se présente puis qui est déjà dans le malheur. Ça, là, je vous ai écouté religieusement puis j'en ai pris note. Et j'espère que ça va se corriger à la SAAQ puis qu'on puisse avoir des noms, parce que c'est beau de l'entendre, mais il faut aller toucher du doigt les personnes qui se comportent de même. On vit dans une société. C'est pas tout le monde qui est parfait.

M. Bergeron (Serge): Oui, mais avouez quand même que, si je subventionne quelqu'un qui a tué un de vos proches...

M. Chevrette: Oui, mais là, là-dessus...

M. Bergeron (Serge): ...on va venir me voir, hein!

M. Chevrette: Oui, mais, M. Bergeron, vous êtes... vous prenez une assurance collective, je veux qu'on réfléchisse ensemble, tous les deux, on prend une assurance collective.

M. Bergeron (Serge): La CSST.

M. Chevrette: Non, non, une assurance collective dans une usine. On se paie une assurance collective. C'est une mutuelle, ça, la SAAQ. Le criminel, c'est pour punir; le Code de la route, c'est pour punir; puis la cotisation de l'assurance collective qu'on se donne, c'est pour en tirer des bénéfices. Puis il y a des gens, à l'usine, qui manquent peut-être quatre jours par mois, vous en manquez pas un; il y a des gens, à l'usine, qui peuvent manger pour 1 500 pilules par mois, 1 500 $ de pilules par mois. C'est une assurance collective qu'on se donne, et c'est sûr qu'il y en a qui abusent, puis qu'il y en a d'autres qui sont corrects, mais c'est le système, ça. Moi, je...

M. Bergeron (Serge): Non, le...

M. Chevrette: Je veux que vous compreniez...

M. Bergeron (Serge): Oui, mais ce que je...

M. Chevrette: ...que notre système d'assurance, c'est plus une protection à l'individu pour son affaire personnelle, alors que l'aspect punitif ne règle pas, ne se règle pas par une assurance groupe. Il se règle par les codes criminels, par les codes de la route, par les différents codes.

M. Bergeron (Serge): Bon. Le Code de la route justement, le Code de la route, «L'alcool au volant, c'est criminel», ça vient d'où, ça?

M. Chevrette: Exact, c'est au fédéral, puis nous, c'est la partie...

M. Bergeron (Serge): Non, non, ça, c'est subventionné toujours par la Société de l'assurance automobile du Québec.

M. Chevrette: Non, non...

M. Bergeron (Serge):«Pied pesant, ralentissez», en bas, c'est toujours marqué ça, SAAQ.

M. Chevrette: Non, je comprends, c'est pour éviter, c'est pour éviter que les décès puis que les blessures augmentent, pour garder un coût...

M. Bergeron (Serge): Oui...

M. Chevrette: Ça fait 17 ans...

M. Bergeron (Serge): ...les contraventions servent à ça aussi.

n(14 h 30)n

M. Chevrette: Ça fait 17 ans qu'on n'a pas augmenté les primes de l'assurance automobile tout en augmentant tous les bénéfices.

M. Bergeron (Serge): Les contraventions, ça sert à quoi?

M. Chevrette: Les contraventions, ça, c'est l'application du Code de la sécurité routière. Ça ne regarde pas la SAAQ.

M. Bergeron (Serge): Pourtant, la SAAQ est impliquée là-dedans. On les a vus dernièrement, là.

M. Chevrette: Non. Elle fait des campagnes publicitaires pour ne pas qu'il y ait d'accidents. Elle dit que la vitesse conduit à des accidents, que l'alcool conduit à des accidents. Mais l'application du Code de la sécurité routière, ce sont les policiers. De temps en temps, quelques journalistes. Mais c'est les policiers, règle générale.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Règle générale, ce sont les policiers...

M. Bergeron (Serge): C'est plus... les policiers.

M. Chevrette: Le contrôle routier pour les poids-charges, et tout. Mais c'est ça, la règle du jeu. Moi, je veux juste vous dire qu'il y a... On va transmettre tout ça à la Justice, ce que vous dites. On va le transmettre aussi à la ministre canadienne de la Justice, si elle peut resserrer le Code criminel. Mais on peut pas s'improviser juge, ni l'un ni l'autre.

M. Bergeron (Serge): Sans s'improviser juge... Vous avez pas à vous improviser juge. Comme dans notre cas, entre autres, il y a quelqu'un qui a pas eu à s'improviser juge, qui l'était puis qui l'a condamnée, cette personne-là. Donc, c'est reconnu comme criminel.

M. Chevrette: Oui.

M. Bergeron (Serge): Vous avez pas à le déclarer, à le juger, ou quoi que ce soit, il y a quelqu'un d'autre qui s'en charge. Mais vous l'indemnisez tout de même.

M. Chevrette: Parce qu'il paie des cotisations ou parce qu'il...

M. Bergeron (Serge): On a beau payer des cotisations... Je paie une cotisation, mon assurance maison. Si je mets le feu à la maison, je pense pas qu'ils me paient.

M. Chevrette: Non. Ça, c'est vrai.

M. Bergeron (Serge): Puis, ça, c'est la même chose. Lui, le gars, il le sait... Y a-tu quelqu'un au Québec qui le sait pas encore que la boisson au volant, c'est criminel, puis que c'est dangereux, puis que... Y a-tu quelque chose... La Société de l'assurance automobile n'a pas dépensé assez d'argent encore pour que tout le monde le sache? Mais ceux qui passent outre, les...

M. Chevrette: Reconnaissez-vous que l'alcoolisme peut être une maladie?

M. Bergeron (Serge): Non.

M. Chevrette: O.K.

M. Bergeron (Serge): Je peux être malade demain, monsieur.

M. Chevrette: Je peux pas faire de discussion à ce moment-là avec vous là-dessus.

M. Bergeron (Serge): Non, c'est sûr que pas là-dessus.

M. Chevrette: Parce qu'il y a des groupes, il y a des groupes qui vont venir vous dire... Même le député de Shefford, à l'entrée, hier, de la commission, il parlait que c'était une maladie. On veut les prendre en charge dès la première infraction maintenant pour savoir s'ils souffrent d'alcool, pour précisément que ça soit pas des récidivistes. Je pense qu'on a franchi des...

M. Bergeron (Serge): C'est ce que je vous disais...

Mme St-Amour Bergeron (Sylvie): Oui, mais ça veut dire que, si on a une maladie psychologique ou n'importe quoi puis qu'on va tuer quelqu'un, on va être correct? On était malade.

M. Chevrette: Non, non, ça veut pas dire que t'es pas responsable devant le Code criminel. Mais on veut donner des chances au citoyen, qu'il y ait de moins en moins de chauffards sur la route.

Mme St-Amour Bergeron (Sylvie): Oui, mais donner des chances... n'importe quel criminel, ils iront pas lui payer un salaire pour l'aider.

M. Chevrette: Non, mais, ça, je vous ai...

Mme St-Amour Bergeron (Sylvie): Le criminel de la route, lui, oui, ils vont lui payer son salaire.

M. Chevrette: Il faudra... Je vous ai dit qu'on était prêt à amender notre loi pour ce qui est des indemnités de ceux qui sont reconnus coupables. On vit dans une société de droits et, tant et aussi longtemps que t'es pas reconnu coupable, t'es présumé innocent. Tu peux pas avoir un procès public... avoir un jugement avant un procès.

Mme St-Amour Bergeron (Sylvie): Nous autres, c'est ce qu'on parle, quand il est reconnu coupable.

M. Bergeron (Serge): C'est ce qu'on parle, oui.

M. Chevrette: Oui, oui.

Mme St-Amour Bergeron (Sylvie): Comme dans notre cas, Bertrand Lemay a tué notre fille en état d'ébriété. Il a été déclaré coupable.

M. Chevrette: Ça, je vous ai dit...

Mme St-Amour Bergeron (Sylvie): C'est un criminel à ce moment-là.

M. Chevrette: Madame, après jugement, je vous ai dit que, à la suite de cette commission-là, il va y avoir des amendements à la loi là-dessus.

Mme St-Amour Bergeron (Sylvie): Pour nous autres, comme dans notre cas qui fait trois ans qu'on a poursuivi la SAAQ, on a fait des demandes, puis tout ça, puis qui ont été refusées à nos enfants. Il y a rien pour eux?

M. Chevrette: Est-ce que vos enfants ont fait une demande?

Mme St-Amour Bergeron (Sylvie): Oui.

Une voix: Bien oui, ça a été refusé.

(Consultation)

Mme St-Amour Bergeron (Sylvie): Mais on n'a pas été capable de débourser pour aller en cour.

M. Chevrette: Non. Ce qu'on nous dit là, je vous donne l'information parce que je viens de l'avoir, là ? je peux pas avoir chaque cas d'accident du Québec... Est-il exact que la demande n'était pas accompagnée de prescriptions médicales?Mme St-Amour Bergeron (Sylvie): On nous en a demandé, puis on leur a dit qu'ils pouvaient l'obtenir directement de l'hôpital où ce que ma fille a été hospitalisée pendant plusieurs fois parce qu'elle en perdait connaissance puis qu'elle a eu des consultations médicales, ces choses-là, et qu'ils pouvaient en avoir pour mes garçons quand ils ont manqué l'école, qui ont eu des choses... ces choses-là. Mais ils ont dit: O.K., on va faire référence, si on a besoin, directe avec l'hôpital. C'est eux qui l'ont pas fait. Ils nous l'ont pas envoyé, les choses.

M. Bergeron (Serge): Mais, comme je vous disais aussi, là-dedans les enfants... on a toujours voulu avoir une famille serrée. Puis les enfants, eux autres, ils en souffrent, c'est bien entendu. Moi, j'ai pas besoin d'un psychiatre pour savoir que mes enfants souffrent de ça. Et puis, essayer de faire parler des enfants ? vous en avez eu, des enfants? ? c'est pas évident. Dans des cas comme ça, c'est pareil. Les faire...

Mme St-Amour Bergeron (Sylvie): Ils se mettent à pleurer, ils ferment leur porte, puis ils disent...

M. Bergeron (Serge): Tous les problèmes vont sortir plus tard. Ça, c'est bien évident, puis on le voit d'ailleurs. Comme je vous disais, le plus vieux qui en a jamais parlé à sa femme. Puis ces choses-là, ça sort plus tard, puis tantôt ça va être des frais qu'ils vont avoir, eux autres, à subir puis à payer.

M. Chevrette: Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Oui, brièvement. Premièrement, tout ce que vous nous dites, ça nous touche profondément. Vous disiez que... bon, la plupart de nous sommes parents. Je le suis aussi, puis deux fois. Votre fille est née en 1980, j'ai un fils né en 1980, je peux facilement m'imaginer la même chose. Vous disiez que c'était difficile à comprendre pour nous. C'est vrai qu'on l'a pas vécu, sauf qu'on peut quand même comprendre votre peine.

Ce qu'on saisit comme message ? et puis je pense qu'il est bien reçu ? c'est que, présentement, ces criminels de la route là peuvent impunément continuer... Là, je parle tout le temps... «impunément», je parle... En ce qui nous concerne, je vais utiliser la Société de l'assurance automobile du Québec, on sait présentement qu'il y a aucune pénalité. Je pense que c'est absolument à réviser, absolument à réviser.

Vous dites que les peines sont trop faibles aussi, et je pense qu'il faut absolument augmenter les moyens dissuasifs pour ne pas que ça se reproduise. En ce qui concerne les poursuites possibles, ça, c'est à étudier. On reçoit, là, plusieurs avis là-dessus. Naturellement, on hésite tout le temps à... On a le principe «no-fault», sauf qu'on est devant un acte criminel, donc devant un jugement criminel, puis je pense qu'il faut peut-être en tenir compte, donc ne pas rien écarter du tout.

À la suite de ça, tantôt, le ministre vous disait: Oui, mais c'est une maladie ? c'est moi qui l'avais abordé au point de départ ? dans le sens que, lorsqu'une personne souffre d'alcoolisme, on sait qu'elle peut en souffrir toute sa vie, être abstinente à un moment donné. Mais, au moins, question de prévention ? là, on parle de prévention et non pas de traitement après le fait, de prévention ? moi, je disais qu'il faudrait tout simplement empêcher ces gens-là de conduire carrément, les empêcher...

M. Bergeron (Serge): Un cardiaque.

M. Brodeur: C'est ça, comme un... Je mentionnais: Comme une personne qui est cardiaque, une personne qui souffre d'épilepsie, ils ont des restrictions fortes, des fois on empêche d'avoir des permis de conduire. On devrait faire exactement la même chose avec ces gens-là.

Donc, en terminant, j'ai bien saisi le message, il y a déjà plusieurs personnes qui sont passées ce matin avec le même message, et je pense que vous vivez tous les mêmes événements à ce moment-là. On a bien reçu le message, et il faut faire en sorte que la loi soit modifiée et que les criminels de la route puissent au moins être responsabilisés sur les choses qu'ils ont faites, et, autant que possible avant qu'ils deviennent, ces criminels-là, les empêcher... avoir des moyens de prévention efficaces pour les empêcher d'aller sur la route.

M. Bergeron (Serge): Mais c'est comme je vous disais. Avant, je pense qu'il y a beaucoup de choses qui sont faites, beaucoup de bonnes choses qui sont faites, mais, après, il y a plus rien sinon une récompense, en fait, parce que... Il y a une femme, une fois, dans un débat public au téléphone, elle... Et la question, c'était: Doit-on continuer à indemniser les criminels de la route? Puis la dame, elle, elle a appelé puis elle dit: Oui, parce que son mari, lui, il avait poigné une sentence, puis elle dit: Ça m'a aidée à vivre. Les criminels, les tueurs aussi, ceux qui ont des revolvers, eux autres aussi, ça aide à faire vivre leur famille tant qu'ils travaillent.

M. Brodeur: Oui.

M. Chevrette: Croyez-vous que la femme puis les enfants, par exemple, d'un criminel de la route ? ils sont innocents, eux... Est-ce qu'ils ont le droit de penser à la subsistance, au moins?

M. Bergeron (Serge): Mais, si je décide de prendre une mitraillette puis de tirer dans le tas ici, est-ce que ma femme sera responsable puis mes enfants?

M. Chevrette: Non, non. C'est pour ça que je vous...

M. Bergeron (Serge): Non, mais ce que je veux dire, c'est que...

Mme St-Amour Bergeron (Sylvie): Je vais-tu avoir une indemnité à ce moment-là?

M. Bergeron (Serge): Est-ce que vous allez l'indemniser, l'aider à vivre?

M. Chevrette: Bien, moi, je pense que...

M. Bergeron (Serge): Vous le ferez pas.

M. Chevrette: Moi, personnellement, je pense que c'est une...

Mme St-Amour Bergeron (Sylvie): Il y a le bien-être social qui s'en occupe.

M. Bergeron (Serge): C'est ça.

M. Chevrette: Oui, je m'excuse 30 secondes. Je pense que c'est une chose de couper l'indemnité à un criminel de la route puis couper complètement les vivres à la famille.

M. Bergeron (Serge): Ça, monsieur, je suis responsable d'une famille.

Mme St-Amour Bergeron (Sylvie): C'est parce qu'il est criminel, pareil comme n'importe quel criminel. C'est à lui de penser à ce qu'il faisait avant.

M. Chevrette: Non, mais il avait des...

Mme St-Amour Bergeron (Sylvie): Les familles des autres criminels sont obligées de vivre avec ça. Lui, c'est pareil.

M. Chevrette: Les familles des autres criminels, si ma mémoire est fidèle, avaient le secours de l'IVAC, les...

M. Bergeron (Serge): Non, ça, c'est les victimes, ça, et non les familles.

M. Chevrette: Les victimes d'actes criminels, dis-je. Mais les autres, ils ont la sécurité sociale.

M. Bergeron (Serge): Oui, c'est ça, et non pas...

M. Chevrette: Mais il se peut qu'un criminel de la route ait payé son assurance. Il a payé son assurance, sa cotisation pour avoir une assurance groupe.

M. Bergeron (Alain): M. Chevrette, si vous permettez...

M. Chevrette: Puis, à ce moment-là, est-ce que vous croyez pas qu'au moins la partie assurable devant servir pour la femme et les enfants...

M. Bergeron (Serge): Non, monsieur...

M. Chevrette: ...qui sont nullement coupables de quoi que ce soit...

M. Bergeron (Serge): Non, monsieur. Si je veux bien faire vivre ma famille demain, je me saoule la gueule puis je vais tuer quelqu'un.

M. Chevrette: Oh non! Il faudrait pas prendre ça...

M. Bergeron (Alain): M. Chevrette...

Le Président (M. Lachance): Je m'excuse, M. le ministre, mais le temps...

M. Chevrette: Je m'excuse.

Le Président (M. Lachance): M. Bergeron, Alain.

n(14 h 40)n

M. Bergeron (Alain): Oui. J'aimerais peut-être faire un point. C'est qu'on parle d'assurance, on parle d'assurance tout simplement, comme si la SAAQ était une compagnie d'assurances purement et simplement comme toute compagnie d'assurances ailleurs au Québec. Mais je pense que la SAAQ, en fait, on doit la mettre sur un autre palier, dans ce sens que la SAAQ, c'est paragouvernemental, je veux dire, puis je pense que le gouvernement a comme responsabilité de gérer une société puis de gérer une économie. Dans son plan de gestion de société, il doit avoir un certain respect vis-à-vis de la famille, puis il peut pas se permettre de faire un affront aux familles en subventionnant les meurtriers des familles, parce que... je veux dire, qu'on dise quoi que ce soit, c'est facile aujourd'hui de dire: Les gens... c'est une maladie... c'est ci, c'est ça. Des raisons pour être désoeuvré, on en a plein, tout le monde peut être désoeuvré, sauf que, en tant que gouvernement, je pense que, à mon sens, vous devez pas vous permettre des choses semblables, parce que c'est l'image du gouvernement, en fait, qui dit: C'est un criminel... Nous autres, c'est sûr, je veux dire, question de criminalité, c'est fédéral, d'accord, mais question de la SAAQ, c'est provincial, c'est dans vos pouvoirs. Puis vous pouvez pas vous permettre, vous, en tant que représentants de la société, vous permettre de payer pour des meurtres. Je pense que c'est important de faire une distinction à ce moment-là. C'est pas une assurance, c'est pas une compagnie d'assurances que vous avez. C'est une compagnie d'assurances, mais, je veux dire, pour la société, puis tout en gérant... parce que votre gestion se limite pas à une compagnie d'assurances, le Québec au complet.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci...

M. Bergeron (Alain): C'est peut-être le point que je voulais faire.

Le Président (M. Lachance): Le temps passe rapidement. Alors, merci, madame, messieurs, pour votre présence ici aujourd'hui.

Alors, j'invite le prochain intervenant, M. Gilles Patenaude, à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Lachance): Alors, bonjour, M. Patenaude. Vous avez observé un petit peu les règles du jeu, vous les connaissez maintenant. En principe, vous avez 10 minutes pour nous faire part de votre exposé ou de vos commentaires, mais je crois comprendre de part et d'autre que ça peut déborder, sur consentement des membres de la commission, et, par la suite, enchaîner avec des échanges.

M. Gilles Patenaude

M. Patenaude (Gilles): Moi, personnellement, disons que je suis très sensible à ce que l'orateur précédent a dit. J'ai vécu ça, j'ai ma nièce qui s'est fait fusiller par... à la Polytechnique. Mais là je fais abstraction de ça et je parle de droit, strictement de droit. Si vous avez lu ce que j'ai marqué dans le mémoire, vous... c'est complet. Là, je le sais pas si vous voulez que j'épilogue, ou quelque chose de même. Moi, il est très clair.

M. Chevrette: On peut aller direct aux questions, parce que votre mémoire...

M. Patenaude (Gilles): C'est exactement ça, moi, que je...

M. Chevrette: ...est relativement court, et puis... En fait, vous parlez de la constitutionnalité du droit d'exiger qu'un automobiliste soit obligé de donner un échantillon d'haleine.

M. Patenaude (Gilles): C'est exactement ça.

M. Chevrette: Vous êtes contre ça?

M. Patenaude (Gilles): C'est pas que je suis contre ça, c'est que, présentement... j'ai fait la démonstration. Quand il y a un problème, je l'évalue. Là, je peux pas vous en donner 50 copies, mais j'ai le mémoire ici. Bien, je veux dire... puis la seule, la seule, disons, défense qu'ils ont admise, il fallait que je devienne criminel. J'ai dit: Non, merci. Ça fait que, là, si vous êtes pas capables de le voir sur le fond sans que je devienne criminel, bien, non, merci, bonsoir. Là, présentement, pour ne pas passer pour quelqu'un qui travaille par en dessous, je vous en fais part. Vous en ferez ce que vous voudrez. Mais, présentement, le 26588, il existe à la Cour suprême. Les autres numéros ? bien là, je vous en fais grâce ? à la Cour d'appel et à la Cour supérieure, district de Longueuil. Moi, je l'ai soulevé, c'est simplement que c'était quelque chose qui me chicotait parce que là c'était rendu que... là, je veux dire, c'était 30... là, c'est rendu 30 jours qu'on vous enlève votre permis. Moi, j'en ai besoin pour travailler. Ça fait que... Puis là, je veux dire, la .8 et .5, je trouve que ça commence à être un petit peu serré. Ça fait que là... Moi, honnêtement, je tenais pas à être criminel, j'ai dit: Je vais aller vérifier avant si c'est constitutionnel. Puis la seule réponse que j'ai eue: Non, il faudrait que tu sois criminel pour pouvoir contester. Bien, j'ai dit: Bien de valeur, bonsoir.

M. Chevrette: En d'autres mots ? c'est parce que je veux bien vous comprendre, si vous me le permettez ? vous êtes contre le fait que les policiers aient un pouvoir d'exiger que vous souffliez dans une balloune?

M. Patenaude (Gilles): Pas nécessairement. Si vous le remarquez, c'est la... on le sait, c'est pas que vous l'ayez, le pouvoir, c'est la contrainte, la contrainte étant que, si vous la refusez, vous êtes automatiquement condamné. C'est ça, c'est le seul point.

M. Chevrette: C'est-à-dire, vous êtes considéré comme en infraction.

M. Patenaude (Gilles): Exactement, c'est le... c'est pas... enlevez l'article 5, tout est parfait, mais, je veux dire, c'est ça, là, c'est le seul défaut qu'elle a, c'est la contrainte.

M. Chevrette: Mais, selon vous, quelqu'un qui se refuse de souffler, s'il est certain qu'il est en bas de la norme prescrite, pourquoi refuserait-il?

M. Patenaude (Gilles): C'est que, écoutez, quand vous dites que c'est une norme à .08, puis, je veux dire, moi, je fais une différence, comme vous l'avez marqué dans votre..., entre .08 et .26, que le gars, il est... tu sais je veux dire...

M. Chevrette: Il y a une marge.

M. Patenaude (Gilles): ...il est rendu dans le décor, tu sais je veux dire... Tu sais je veux dire...

M. Chevrette: Il est dans le décor entre ses deux oreilles.

M. Patenaude (Gilles): C'est ça, même dans le décor au complet, parce que je me suis déjà fait frapper par un qui... autrement dit, il était... Mais, écoutez, il y a une graduation à avoir: à .08, là, c'est pas un ivrogne qui sait pas quoi faire, là, je veux dire, c'est... On me dit: Ah! il est ivre, .08 ou .09. Écoutez, là, il y a des limites que... S'il est à .26, puis là, comme vous dites, qu'il est dans le décor entre ses deux oreilles, ça, j'ai pas de problème avec ça, c'est pas difficile à le voir.

M. Chevrette: Mais reconnaissez-vous que... Je profite de votre présence pour vous questionner sur d'autre chose; ça, on va le faire gratter par les procureurs, là, parce que vous avez des numéros de causes bien identifiés, là, j'ai vu...

M. Patenaude (Gilles): Oui, c'est pour ça, j'aimais mieux vous les mettre, pas vous prendre par surprise. C'est ça qu'il y a.

M. Chevrette: O.K. Considérez-vous que l'alcoolisme, c'est une maladie?

M. Patenaude (Gilles): C'est une maladie, oui. C'est une maladie. Écoutez, je suis travailleur social puis j'en ai récupéré un paquet.

M. Chevrette: Considérez-vous que ç'a été une bonne chose de décider, au mois de juin, de leur faire passer même un test pour voir, pour connaître la dépendance ou la non-dépendance après la première infraction?

M. Patenaude (Gilles): Je vais être bien honnête avec vous, le test, sous quel rapport vous voulez l'amener?

M. Chevrette: Dans les endroits spécialisés, pour savoir... Il y a des individus qui peuvent être alcooliques puis qui ne le savent pas...

M. Patenaude (Gilles): Ça, c'est...

M. Chevrette: ...puis ils en sont à leur première infraction. S'ils ont la chance, après la première infraction, de savoir s'ils ont une dépendance ou pas, croyez-vous que ça peut être une façon de faire un peu plus de prévention?

M. Patenaude (Gilles): Il y a rien... écoutez, c'est un moyen, comme on dit, de dépistage. Donc, on peut pas être contre le dépistage, en autant qu'il y a pas la notion punitive au départ. Si vous le dépistez puis vous l'envoyez dans un programme qui peut l'aider à s'en sortir, j'ai rien contre.

M. Chevrette: Oui, mais il y a des accidents ? je me rappelle plus des statistiques, mais je pourrais vous les donner ? il y a souvent des morts même lors de la première infraction. Pas nécessairement... c'est pas tous des récidivistes, là, qui occasionnent des morts. Donc, s'il y a des morts... Avez-vous les statistiques?

Une voix: ...

M. Chevrette: Donc, 88 % des accidents mortels, ce ne sont pas des récidivistes. Donc, il y a seulement 12 % au niveau des récidivistes. Puis je veux pas les défendre quand je dis ça, là. Je donne les statistiques, point. Parce que je sais ce que c'est, vous avez vu que les gens avant vous... les punitions sont pas assez fortes.

n(14 h 50)n

C'est parce qu'on se confronte à deux tangentes dans la société. Il y a une tangente qui dit: Prenez-les donc en charge, aidez-les donc, puis accompagnez-les donc, puis mettez donc des antidémarreurs, puis arrangeons-nous donc pour pas qu'ils soient sur les routes, ou bien, s'ils sont sur les routes, ils le seront sans alcool parce qu'ils auront... leur auto aura pas démarré, par exemple. Il y a cette école de pensée là. Puis il y en a d'autres qui disent: Bien, enlevez-leur ça à perpétuité. Mais je connais les accidents, moi, puis il faut que je l'analyse aussi comme ministre responsable... Comment j'enlèverais le permis, puis... j'ai fait mon devoir. J'ai saisi son char? À Thetford Mines, ni permis, ni auto, ni immatriculation, c'est l'auto d'un autre sans permis. On n'est pas pour accrocher un policier à chaque bras. Il faut donc faire quelque chose de plus collectivement pour essayer d'arriver à ce qu'on en élimine le plus possible, soit par la prévention, soit par l'encadrement, soit par la prise en charge. Mais est-ce qu'on peut faire plus, selon vous?

M. Patenaude (Gilles): Faire plus? Écoutez, je vais vous dire bien honnêtement, moi, j'ai beaucoup travaillé au niveau du travail social parmi mes confrères, puis tout ça. C'est de trouver le moyen de rentrer là, de le sensibiliser là. Il y a plusieurs lignes de pensée, comme vous dites, vous pouvez y aller par la coercition et vous pouvez y aller par l'intelligence. Mais ça, comme je vous dis... Moi, je suis favorisé... j'ai toujours favorisé plus s'adresser à l'intelligence que s'adresser par la peur. Mais ça... Écoutez, vous, vous êtes confronté avec plusieurs, comment je pourrais dire ça? plusieurs lignes de pensée, puis vous devez coordonner. Mais, moi, personnellement, ça va plus par l'intelligence. On est des êtres supposés intelligents, ça fait que... Ça fait que c'est pour ça je vous dis: Moi, j'irais plus vers l'intelligence, quitte à ce que ça déplaise. Ça, je vous l'accorde, j'ai entendu... C'est pour ça que j'ai signifié que, moi aussi, j'avais connu ça par le biais de la Polytechnique, que... Mais, malgré tout, j'estime que l'intelligence, il y en a malgré tout, même si elle est liquéfiée quelquefois.

M. Chevrette: Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Patenaude. J'aimerais que vous m'expliquiez quelque chose parce que j'essaie de voir... On a des problèmes importants lorsqu'on voit des gens qui conduisent en état d'ébriété. On sait quel est le nombre de décès que ça peut causer. Je pense que l'année passée, d'ailleurs, il y a eu plusieurs décès causés par des gens qui sont atteints... en état d'ébriété. Vous nous dites: Bon, il serait peut-être inconstitutionnel de demander un test d'haleine. Je vous demande de m'aider là. Comment qu'on va faire pour les arrêter si ces gens-là nous disent: Bon bien, je suis pas obligé de passer un test, et puis on doit les laisser repartir? Avez-vous une autre méthode qui pourrait nous être suggérée, que je pourrais voir logique, pour arrêter ces gens-là?

M. Patenaude (Gilles): Moi personnellement, quand vous me parlez de jeunes, vous me parlez de personnes qui sont inexpérimentées en conduite automobile, au départ. On parle... Je sais pas, moi, vous arrivez... Un jeune qui a peut-être, quoi? 18, 19 ans...

M. Brodeur: Oui, mais là, quand on parle de quelqu'un qui est en état d'ébriété, il peut être jeune ou vieux. De toute façon, il est affecté pareil.

M. Patenaude (Gilles): Oui, mais entendons-nous bien, état d'ébriété, .8 ou .26?

M. Brodeur: Mais comment peut-on le savoir si on fait pas le test?

M. Patenaude (Gilles): Non, non, je veux dire, écoutez, à .26, honnêtement, ici, je peux en poigner à .26 ou à .28. La personne, elle bave dans son chose, elle voit la terre, elle est plus capable de se tenir debout. Il y a une limite entre .8, .9 et .28.

M. Brodeur: Êtes-vous en train de me dire que juste un petit peu chaud, c'est pas grave, puis bien chaud, c'est grave?

M. Patenaude (Gilles): Écoutez, quand vous êtes capable de faire un discernement, c'est pas qu'être moins chaud ou pas chaud, c'est-y chaud? C'est: si vous êtes capable de discerner le bien du mal, bien, vous êtes capable de discerner qu'il y a un char en avant puis vous lui rentrez pas dedans.

M. Brodeur: Mais il faut quand même le mesurer. Il faut le mesurer. Là, ça prend une méthode de mesure puis il faut une limite à quelque part.

M. Patenaude (Gilles): Oui, mais c'est justement. C'est là, c'est là que c'est votre limite. Vous mettez votre limite à .08. J'ai rien contre le .08, mais vous mettez tout le monde dans le même paquet. Autrement dit, tu as 8, tu as 26 ou whatever, .32, vous les mettez tous dans le même paquet, vous les mettez tous au même niveau.

M. Brodeur: Les jeunes sont à zéro par exemple. Mais...

M. Patenaude (Gilles): Bien oui, mais c'est ça là. Je sais bien, nous autres...

M. Brodeur: Là, y faudrait-u installer une balance à côté de l'auto? Embarque sur la balance puis souffle dans la balloune, ça va avec le poids. Mais sauf qu'à un moment donné....

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: ...ça pourrait être .12 mais pas .2.

M. Patenaude (Gilles): Bien écoutez, moi personnellement... Écoutez, vu le poids que j'ai, je peux en prendre un peu plus.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brodeur: Tout ça pour vous dire que, comme législateur qui vote des lois, il faut quand même arriver à une loi qui est applicable. Donc, si on peut pas voter une loi peut-être ci dans tel cas puis peut-être ça dans l'autre cas, il faut quand même qu'on puisse gérer une société de façon logique puis possible.

M. Patenaude (Gilles): Je vous comprends. Mais c'est comme je vous le dis, j'aimais mieux vous dire exactement ce que j'ai fait. Ça fait que là au moins vous arriverez pas puis dire: Ah! bien, il aurait pu nous le dire. Là, vous le savez. Vous pourrez juger en conséquence. C'est simplement ça.

M. Brodeur: Tout simplement le message que je veux vous donner... Sans ça, quelle mesure de contrôle qu'on peut prendre et quelle sera la limite qu'on pourra prendre?

M. Patenaude (Gilles): Écoutez...

M. Brodeur: Donc, vous pouvez comprendre que c'est difficile dans l'administration d'une société puis voir à faire respecter les règles puis à protéger la société contre les gens qui en abusent, d'arriver à adopter une loi que tout le monde va participer de bon coeur. C'est pas comme ça que ça se passe dans la vraie vie.

M. Patenaude (Gilles): Non, non, je vous l'accorde.

M. Brodeur: Donc, c'est certain qu'à un moment donné, dans la société, il y a certaines contraintes, mais qui va permettre au moins de protéger les jeunes, les innocents.

M. Patenaude (Gilles): Celui qui,... c'est comme je vous le dis, au départ, c'est que vous allez vous ramasser avec cet écueil-là, c'est pour ça que je vous l'annonçais. Puis, si je me rappelle, avant 1976, il y en avait des condamnations pour facultés... bien, pas facultés affaiblies, mais que la personne était pas en condition. Parce que ça fait depuis 1976 que c'est instauré.

M. Brodeur: Oui, oui, mais il y avait beaucoup plus de morts sur nos routes aussi.

M. Patenaude (Gilles): Bien, ça oui, il y en a eu un petit peu. C'est comme je vous le dis. Mais là-dessus, je vous dirais pas que l'état des routes y était pour quelque chose aussi.

M. Brodeur: Ah! mais ça, c'est une autre discussion.

M. Patenaude (Gilles): C'est un autre débat.

M. Brodeur: De toute façon, je vous remercie pour votre mémoire, et puis, si jamais on peut trouver une solution à ce problème-là, tant mieux.

M. Patenaude (Gilles): J'apprécierais.

M. Brodeur: Merci beaucoup.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, M. Patenaude, pour votre présence, ici, aux travaux de cette commission. Je vais suspendre les travaux de la commission pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 14 h 56)

 

(Reprise à 15 h 1)

Le Président (M. Lachance): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des transports et de l'environnement reprend ses travaux. Alors, nous allons maintenant entendre les représentants du Barreau du Québec. Alors, bienvenue, mesdames, messieurs. Nous avons une période prévue d'une heure. Alors, j'invite le porte-parole à se présenter ainsi que les personnes qui l'accompagnent, en vous indiquant que vous avez une présentation de 20 minutes.

Barreau du Québec

M. Gervais (Francis): Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, M. le ministre, MM. les membres... Messieurs et mesdames, je m'excuse, les membres de la commission. Je me présente Francis Gervais, bâtonnier du Québec. Je serai en partie porte-parole du Barreau cet après-midi, c'est-à-dire que je vous ferai l'introduction. Je serai suivi par la suite de Me Janick Perreault, qui se trouve immédiatement à ma gauche. Me Perreault est une avocate qui pratique dans le domaine de l'indemnisation en matière d'assurance automobile, suivie par la suite de Marc Sauvé qui... Me Marc Sauvé de notre service de recherche et législation. Et nous accompagnent également cet après-midi, et dans l'ordre, Me Pierre... Me Pierre Gauthier, qui est notre directeur général, ainsi que Me Carole Brosseau de notre service de recherche et législation, qui a participé également à la rédaction du mémoire.

M. Chevrette: ...habituée.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gervais (Francis): Oui, c'est ce qu'elle nous a dit. D'ailleurs, le monde la salue quand on arrive. On se pose des questions, d'ailleurs, chez nous.

Alors, M. le ministre et Mmes, MM. de la commission, tout simplement vous rappeler que le Barreau du Québec est un ordre professionnel régi par le Code des professions et dont l'obligation principale et la mission est prévue à l'article 23, c'est-à-dire la protection du public. En ce sens, comme institution, le Barreau considère comme valeur essentielle la protection des valeurs d'une société libre et démocratique comme la nôtre et cherche notamment à promouvoir l'équilibre entre les droits individuels, les objectifs collectifs légitimes entre les droits et libertés des citoyens et les pouvoirs de l'État.

Vous me permettrez une citation de notre premier ministre de l'époque, M. Lucien Bouchard, qui, lors du 150e anniversaire du Barreau du Québec, rappelait, je pense, un petit peu la définition moderne de ce que c'est que le Barreau: «La participation du Barreau ? et je cite ? aux débats entourant les projets de loi déposés en cette Chambre rend cette institution incontournable pour notre démocratie.»

Je trouve ça intéressant parce que je pense que ça nous donne l'image de ce qu'est le Barreau et la raison pour laquelle nous nous présentons devant aujourd'hui. Et, il y a quelques semaines, au mois de juillet, la Cour suprême avait l'occasion de se pencher sur les activités du Barreau du Québec dans le cadre d'un dossier, et il y a des passages qui sont importants que je me permets de vous citer.

Ainsi, dans la décision Fortin versus Chrétien, au paragraphe 51°, M. le juge Gonthier nous disait, et je le cite: «Dans l'imaginaire collectif, l'avocat incarne donc d'abord et avant tout ce qu'il... tout plaideur qui défend les droits de son client dans le cadre d'un procès.» Et j'aime bien le mot, l'image «l'imaginaire collectif», parce que, quelques lignes plus loin, il continue en disant ceci: «Ainsi, contrairement à la croyance populaire, le bon avocat, loin d'accentuer et d'exacerber les différends entre les parties, tentera de rapprocher les intérêts opposés afin d'éviter l'affrontement ultime que constitue le procès. Il sera appelé à jouer un rôle de modérateur, négociateur, conciliateur. Il est d'ailleurs de son devoir de faciliter la solution rapide des litiges et de ne pas intenter de recours inutiles ou frivoles en citant même les articles de notre code de déontologie qui nous gouverne tous.»

En ce sens, vous comprendrez que nous avons fait un examen du projet, nous avons examiné également le régime d'indemnisation; il y a certains éléments qui nous préoccupent. On croit que l'indemnisation des victimes d'accidents d'automobiles soulève des enjeux sociaux et économiques considérables qui méritent l'attention des autorités publiques. Nous sommes d'avis qu'il y a certaines injustices qui entachent malheureusement la crédibilité et l'équité du régime public d'assurance automobile au Québec. C'est dans ce sens que nous considérons que c'est notre devoir de vous faire part de nos appréhensions, en tenant compte des objectifs sociaux légitimes qui ont présidé à la mise en place de ce régime il y a près de 25 ans, à la lumière des valeurs de justice sociale et responsabilités individuelles de la société québécoise des années 2000, d'où mon parallèle. Tout à l'heure, je vous disais qu'il y a peut-être 25, 30 ans, l'avocat était considéré tout simplement comme celui qui portait une toge, tandis qu'aujourd'hui l'avocat est un élément important de notre société.

Je vous fais remarquer immédiatement à la page 3 de notre mémoire que le Barreau prend la position suivante: Le Barreau reconnaît les acquis qui découlent du principe de l'indemnisation sans égard à la responsabilité et n'a pas l'intention de les remettre en question. Alors, ça, que ça soit clair en partant, il n'en est pas question.

Ça ne veut pas dire que nous n'avons pas... et que nous n'avons pas l'esprit ouvert lorsque nous nous présentons devant vous dans cette image moderne du Barreau et de l'avocat, c'est-à-dire de faire des suggestions que nous considérons importantes au niveau de notre rôle social, d'intervenant social, de pouvoir représenter le public, tout en sachant ? et notre mémoire le dit de façon bien humble ? que ce sont quand même aux autorités publiques à prendre les décisions finales. Mais je pense que la meilleure décision qui pourrait être prise, c'est celle de l'autorité publique qui aura reçu les échos, qui aura reçu les recommandations de toutes les parts et qui pourra prendre sa décision.

Tout simplement pour vous résumer en quelques mots l'approche globale prise par le Barreau ? l'approche globale, c'est celle d'améliorer le sort des victimes ? deux éléments sur lesquels les gens vont vous revenir dans quelques instants et un élément que les gens ont vu dans plusieurs de nos documents: la possibilité de poursuivre la personne qui commet un acte criminel lorsqu'elle conduit un véhicule automobile et cause des dommages à une autre personne.

Vous allez voir, dans notre texte et dans notre présentation, qu'à la base de cet élément, qui est vraiment le seul élément que l'on demande de modifier, il y a également un souci d'uniformiser les règles d'indemnisation des régimes étatiques. Actuellement, en matière d'accidents d'automobiles, pas de... je m'excuse, accidents de travail et en matière de victimes d'actes criminels, la victime a une possibilité d'entreprendre un recours pour une somme excédentaire. Le seul régime qui n'en a pas, c'est celui de l'assurance automobile, et c'est là que nous vous disons que, comme examen social, nous croyons qu'il y a au moins un élément à regarder, ne serait-ce que pour cette volonté d'uniformiser.

Un des éléments qui nous semble également sérieux relativement aux manques et aux carences du système actuel, c'est ce qu'on appelle la «victime par ricochet», la personne qui n'est pas nécessairement impliquée dans l'accident d'automobile, qui est pas sur le lieu de l'accident, mais qui en subit des conséquences. Actuellement, notre loi ne prévoit aucune forme d'indemnisation, mais, d'autre part, comme le dommage découle de véhicules automobiles, les victimes par ricochet qui ont tenté des recours devant les tribunaux judiciaires se sont fait dire: Non. Il s'agit d'un recours qui découle d'un accident d'automobile, et, en ce sens, vous n'avez pas de recours devant les tribunaux de droit commun. Il y a certainement un manque à quelque part lorsqu'on ne prévoit aucune forme d'indemnisation pour les victimes par ricochet.

Alors, c'est l'approche que mes collègues vont vous expliquer davantage dans quelques instants. Tout simplement un dernier petit commentaire, si vous permettez. Nous avons résumé, aux pages 29, nos conclusions; à la page 31, nos recommandations, mais elles ne sont pas nécessairement dans un ordre prioritaire.

Alors, pour donner le temps quand même à mes collègues de pouvoir s'adresser à vous, je demanderais à Me Perreault de prendre la relève.

Mme Perreault (Janick): Alors, moi, je vous référerais à la page 14 de notre mémoire, le premier point qui est notre première recommandation. Malgré qu'elles ne sont pas en ordre, celle-ci est probablement la principale recommandation qu'on peut faire pour modifier notre régime d'indemnisation, c'est de modifier la notion de «victime».

Alors, comme M. le bâtonnier le disait, actuellement, notre régime n'indemnise que les personnes qui sont impliquées directement dans l'accident ou encore certaines personnes à charge lorsque la victime impliquée directement dans l'accident est décédée lors de l'accident ou en raison, là, des suites de l'accident.

Alors, toutes les autres victimes, elles, n'ont aucun droit à l'indemnisation et n'ont également aucun droit de poursuite. Alors, en fait, si on compare avec le régime antérieur, elles se retrouvent perdantes parce qu'elles n'ont plus rien. Alors, on peut prendre comme exemple quand il y a de jeunes enfants qui sont victimes d'un accident d'automobile. Alors, les parents qui ont à s'occuper de ces enfants-là ne reçoivent absolument rien du régime, que ce soit une aide psychologique, que ce soit une aide au niveau de perte salariale pour pouvoir s'occuper de l'enfant. Il n'y a absolument aucune indemnité qui est prévue pour ces gens-là.

Alors, les seules victimes par ricochet qui ont le droit à l'indemnité, c'est vraiment quand la victime est décédée lors de l'accident. Donc, on considère que ça, c'est une lacune majeure de notre régime d'indemnisation et qu'il y a lieu qu'elle soit modifiée pour englober les victimes par ricochet lorsqu'elles subissent un dommage et qu'on peut démontrer qu'il est en relation directe avec l'accident.

n(15 h 10)n

Également, toujours dans l'optique d'indemniser les victimes par ricochet, à la page 15, on mentionne également que le montant de capital qui est prévu pour acquitter le versement d'une rente à une victime devrait échoir aux héritiers en cas de décès, ce qui n'est pas le cas actuellement lorsqu'une victime décède. Mises à part les indemnités de décès, il n'y a plus aucun versement qui est effectué aux proches de la victime. Alors, il y aurait lieu de verser le montant du capital aux héritiers de la victime.

Autre recommandation également que nous avons, c'est au niveau du plafond de l'indemnité de remplacement de revenus, qui, elle, compte tenu que je les suis pas par... Alors, c'est à la page 17. Alors quelques petites recommandations que nous avons à ce sujet-là. D'une part, c'est d'augmenter le plafond actuel. Compte tenu qu'il y a un plafond, toute personne qui a un revenu supérieur au plafond qui est prévu lorsqu'elle est victime d'un accident d'automobile et qu'elle est empêchée de travailler pendant un certain temps ne sera pas pleinement indemnisée pour sa perte. Alors, il y aurait lieu de modifier le plafond.

Également, il y a des périodes où les victimes ne sont pas indemnisées, à savoir les premiers sept jours qui suivent l'accident. Il y a un délai de carence où la victime ne reçoit rien. Alors, ce qu'on recommande, c'est que ce délai-là soit aboli. Donc, dès le premier jour de l'accident, une personne qui est empêchée de travailler en raison d'un accident d'automobile devrait être indemnisée.

Et, également, les victimes qui sont sans emploi au moment d'un accident d'auto, mais que c'est temporaire, cette période de sans emploi, elles sont pénalisées pendant les 180 premiers jours qui suivent l'accident parce qu'elles ne reçoivent pas d'indemnité de remplacement de revenu. Alors, ce qu'on recommande, c'est une modification encore là et de tenir compte des situations où une personne sans emploi mais de façon très ponctuelle et malheureusement victime d'un accident d'automobile durant cette période-là ne devrait pas, pendant six mois, ne pas recevoir une indemnité de remplacement de revenu.

Autre recommandation également, c'est au niveau du droit à la réadaptation. Alors, encore là, tantôt, on parlait d'une volonté... en fait, qu'on recommandait d'uniformiser les régimes d'indemnisation alors au niveau du droit à la réadaptation ? on en traite à la page 21. Et, dans cette optique-là également d'uniformiser nos régimes d'indemnisation, ce qu'on recommande, c'est que le droit à la réadaptation soit vraiment un droit reconnu pour que les victimes d'accidents d'automobiles ne soient plus laissées simplement à la discrétion de la Société de l'assurance automobile. Trop de victimes se voient, après deux ans de la date de leur accident, se voient déterminer un emploi et donc, du jour au lendemain, on leur dit: Madame ou monsieur, vous pouvez dorénavant exercer tel type d'emploi et, dans un an, vos indemnités cesseront. Alors, c'est laisser la victime un peu seule avec son problème, avec ses limitations fonctionnelles. Et, comme il se fait en matière d'accidents de travail, ces victimes-là ont un plan de réadaptation individualisé, et, nous, on recommande que ce soit la même chose pour les victimes d'accidents d'automobiles pour qu'ils puissent mieux réintégrer le marché du travail, plus facilement également, donc qu'on établisse un vrai droit à la réadaptation.

Autre recommandation également, c'est celle au niveau du délai pour répondre aux réclamations ? et là je vais vous donner... C'est notre recommandation au point 8, qui, en fait, est à la page 26. C'est le mécanisme décisionnel de la Société de l'assurance automobile. Deux points à ce sujet-là. C'est en fait prolonger le délai de contestation des victimes. Actuellement, le délai est de 60 jours. Et il y a, dans chacun des dossiers d'accidentés, une multitude de décisions qui sont rendues. Alors, pour une victime, elle doit être très alerte parce que, en fait, parfois à tous les jours, elle reçoit une décision et, chacune, elle a un délai de 60 jours, ce qui fait une série de contestations qui doivent être faites. Alors, si on prolonge le délai de contestation, c'est que la victime pourra attendre d'en recevoir plusieurs et de procéder à une seule et unique contestation et énumérer la liste de ses décisions. Ça lui permettra également de mieux voir le traitement global de son dossier pour mieux juger quelles décisions elle devrait contester ou non.

Dans cette optique-là également, il y aurait lieu d'imposer un délai à la Société pour rendre une décision sur des réclamations. Une victime dépose sa réclamation initiale et, par la suite, elle... ça peut être à tous les jours, à toutes les semaines, à tous les mois, certaines réclamations, que ce soit pour des remboursements de traitement, de médicaments, différentes choses, et la Société n'a pas de délai pour répondre à ces diverses réclamations. Et, parfois, malheureusement, il y a des délais très longs que les victimes... auxquels les victimes sont confrontées avant de recevoir une décision.

Et le dernier point que je traiterais, c'est à la page... attendez... au niveau de la culture administrative, on l'a appelé comme ça dans notre mémoire. C'est la page...

Une voix: ...19.

Mme Perreault (Janick): ...19. Alors, dans le document de référence qu'on avait pour préparer le mémoire, on parlait du service, la qualité de services finalement de la Société de l'assurance automobile. Alors, à ce sujet-là, il y a certains griefs qu'on peut faire à la Société, notamment l'attitude des agents d'indemnisation, qui sont les premiers intervenants à qui les victimes doivent s'adresser lorsqu'ils ont à contacter la Société. Alors, trop souvent, les victimes sont confrontées à une attitude déplorable de la part des agents d'indemnisation. Alors, je pense qu'il y a du travail à faire à ce sujet-là auprès de la Société. L'attitude à savoir que la victime est une victime et elle n'est pas là pour être un fraudeur du système ou pour pouvoir profiter indûment du système mais bien simplement pour faire valoir ses droits et d'obtenir les indemnités qui sont prévues au régime.

Également, dans cette philosophie aussi de la Société, lorsqu'il y a des litiges dans les dossiers des victimes, trop souvent, on se désintéresse donc du dossier de l'accidenté, et, à ce moment-là, toutes autres réclamations, durant le processus de contestation qui se fait, sont laissées sans aucune réponse. Alors, il y aurait sûrement lieu de modifier cette attitude-là.

Et la dernière chose, au niveau de l'attitude de la Société ? on y fait référence à la page 19 et 20 ? c'est l'attitude de la Société lorsque les victimes obtiennent gain de cause devant les tribunaux à l'encontre des décisions de la Société. Alors, la Société se défend. Comme tout bon assureur, elle a le droit de se défendre. Mais, dans certains cas, ce droit-là est peut-être poussé à la limite dans le cas des victimes, et on énumère certains cas où ça s'est rendu jusque même en Cour suprême, où on demande même que la victime sont condamnée à payer les dépens dans un dossier qui enfin... la victime a simplement demandé qu'un versement d'indemnité où elle a obtenu gain de cause à chacune des instances et où la Société continue finalement de se battre pour enlever la droit à la victime. Alors, je pense qu'il y a donc du travail à faire au sujet de la culture de la Société. Et je vais passer la parole à mon collègue, Me Marc Sauvé.

M. Sauvé (Marc): Oui. Alors, M. le ministre, MM. les membres de la commission, j'attire votre attention sur une recommandation qui figure à la page 31 du mémoire, recommandation 4. Alors, ça fait un peu buffet chinois, mais on en est à la recommandation 4, qui nous apparaît très importante. Le bâtonnier en a fait allusion tantôt. Elle repose, cette recommandation, sur un objectif d'uniformisation des régimes d'indemnisation. Alors ça, ça nous apparaît assez fondamental, et on fait allusion à ça dans notre mémoire, aux pages 11 et suivantes, où on cite, par exemple, l'article 8 de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels. On voit que là il y a une option possible, là, pour recourir aux tribunaux. À l'article 441, aussi, de la Loi sur les accidents du travail et des maladies professionnelles. Alors, ça existe pour d'autres régimes mais pas pour les accidentés de la route, et on se dit qu'il y a peut-être quelque chose là qui est une forme d'injustice à l'égard de ces victimes-là.

Un autre élément qui fonde cette recommandation-là, c'est l'élément qui est développé par le Pr Patrice Deslauriers, professeur à l'Université de Montréal. Alors, à la page 10, on peut lire que la responsabilité, le processus de responsabilité civile comporte plusieurs fonctions du point de vue philosophique. Alors, bien sûr, au point de vue économique, il y a la question de l'indemnisation, mais aussi d'autres fonctions de ce mécanisme de responsabilité civile: il y a la prévention, l'éducation et l'apaisement.

Alors, j'attire votre attention sur cette notion d'apaisement. En particulier lorsqu'il s'agit d'un auteur des dommages qui est un criminel, il y a un sentiment d'injustice assez profond, là, qui s'installe, je pense, dans les citoyens, lorsque ceux-ci sont confrontés à cette situation-là: l'auteur des dommages est un criminel qui jouit d'une immunité de poursuite.

n(15 h 20)n

Bien sûr, il y a le processus criminel qui permet un certain apaisement ? bien sûr, on n'en doute pas ? mais c'est la Société, c'est un recours de la Société en matière criminelle, droit public, c'est un recours de la Société, tandis qu'en matière civile, c'est le choix de la victime. Et ce que le Pr Deslauriers va développer ? il est en train de réfléchir à cette question-là, il va nous envoyer une étude à ce sujet ? c'est de dire que le fait pour le système civil de donner le choix de poursuivre ou pas, selon les circonstances d'insolvabilité, et autres, c'est un facteur d'apaisement, donc un facteur de justice pour les victimes. Alors, on veut attirer votre attention sur cet élément-là qui est complètement occulté par le régime d'assurance automobile actuellement.

Pour faire rapidement, il y a toute la question des plafonds d'indemnités maximales pour déficits physiologiques, anatomophysiologiques et pour les souffrances, pertes de jouissance, etc. Il y a de la jurisprudence qui finalement accorde des montants substantiellement plus élevés que le régime lui-même. Et, en particulier, les indemnités à accorder pour douleurs, souffrances et pertes de jouissance de la vie demeurent clairement inadéquates. Alors, le quantum de l'indemnité à ce chapitre est fixé proportionnellement au pourcentage de l'atteinte. Cette procédure d'évaluation est arbitraire et ne tient aucunement compte de la réalité et prive de nombreuses victimes d'une indemnité qu'elles devraient autrement avoir droit d'obtenir. Alors, le cas de victimes d'accidents d'automobiles qui subissent des blessures particulièrement douloureuses, mais qui ne se résultent... desquelles résultent aucune séquelle permanente est fréquent. Alors, la douleur en soi peut entraîner des souffrances qui empêchent la victime de s'adonner à son travail, à son occupation régulière. Alors ça, on attire votre attention sur cet élément-là qui nous apparaît très important.

Mécanisme plus de procédure, et ça relève des avocats, c'est la question de la révision administrative devant la SAAQ. Généralement, on accuse les avocats de multiplier sans cesse les procédures, et autres. Bon. Dans ce cas-là, surprise, on vous demande de l'abolir. On vous demande de l'abolir parce que nos membres nous disent que c'est une perte de temps. Ce mécanisme-là n'est pas indépendant. Il est lié à l'administration et ça serait plus simple finalement d'aller directement au Tribunal administratif du Québec. Et c'est, d'une façon uniforme, les commentaires que les praticiens nous font au Barreau devant les comités. Alors, je vous remercie, c'étaient mes commentaires.

Le Président (M. Lachance): Merci. M. le ministre.

M. Chevrette: Je voudrais vous remercier d'avoir pris la peine d'avoir préparé un document et de venir nous le livrer. J'ai plusieurs questions. Je vais essayer d'y aller en échanges rapides, puis ça va être dans le désordre des recommandations, moi aussi.

Tout d'abord, vous critiquez le Repères, là, page 18, je pense. Quel instrument mieux que ça... Parce qu'on pense qu'on a seulement que ça, nous autres. Est-ce que vous avez quelque chose à nous suggérer qui serait mieux?

Mme Perreault (Janick): En fait, si on veut continuer à utiliser ce système-là, c'est de le rendre accessible. Et ce qui est critiqué, bon, deux choses: d'une part, les informations qu'on y retrouve, mais surtout l'accessibilité, et c'est pour ça qu'on parle des frais. Il faut comprendre, quand... Tantôt, je parlais des temps de réadaptation. Une victime, au bout de deux ans... quelqu'un qui ne peut pas refaire son emploi, au bout de deux ans, on va lui déterminer un emploi qui va être basé sur le système Repères. Vous êtes chez vous, vous recevez une décision, on vous dit: Maintenant, vous pouvez être monteur de rouleaux à billes. Qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que ça représente? Est-ce que, effectivement, j'ai les capacités? Est-ce qu'il y aurait autre chose qui correspondrait plus à mon expérience de travail, mes limitations actuelles, etc.? Et, pour pouvoir contester et émettre d'autres hypothèses, ça va être avec ce système-là. Mais ce système-là, il faut un ordinateur, il faut une séance d'information, il faut payer le logiciel. Au bas mot, c'est plusieurs centaines de dollars, ce qui est une entrave à l'accessibilité des lois et règlements. Alors, si on veut continuer à utiliser ce système-là, il faut au moins le rendre accessible aux victimes.

Et l'autre chose, c'est qu'en fait il ne faudrait peut-être pas n'utiliser que ce système-là. Anciennement, on prenait la Classification canadienne des emplois. Bien, il faudrait peut-être encore prévoir d'y avoir recours parce que, là-dedans, il y a des catégories d'emplois. Un entrepreneur en construction, on connaît ça, il y en a plusieurs au Québec, ça existe pas dans les systèmes Repères, parce que, dans le Repères, on prend des types d'emplois qui proviennent des diplômes, là, qu'on obtient dans les institutions. Alors, il y a une problème. Donc, il faudrait qu'il y ait un autre système si on veut encore conserver Repères et le rendre accessible.

Alors qu'on imprime le système Repères au complet puis qu'il soit... qu'il apparaisse dans la Gazette officielle ou quelque chose comme ça, mais pas laisser ça... que l'accessibilité soit soumise à l'accès à un ordinateur et à payer en plus, là, pour avoir la licence pour utiliser le logiciel.

M. Chevrette: Pour l'entrepreneur en construction, on me dit que vous avez raison de dire que ça n'existait pas dans Repères. Mais il existe dans la correspondance à Repères, c'est: technologue en architecture.

Mme Perreault (Janick): Mais la description est différente, et devant le Tribunal administratif, on a un problème justement, et d'ailleurs j'ai un cas. On est à essayer, tant le procureur de la Société que moi, de lui trouver un emploi dans le système Repères, parce que c'est ce que la réglementation prévoit, qui ressemble à ce qu'il faisait. Alors, il y a des lacunes dans ce système-là. Et surtout, là, comme je vous disais, l'accessibilité et le coût que ça entraîne pour une victime, ça n'a aucun sens.

M. Chevrette: Vous parlez de séquelles et vous dites que c'est pas assez. Je voudrais vous donner une comparaison. Au Manitoba, je crois que c'est quelque chose comme 115 000; en Saskatchewan, c'est 138 000; puis au Québec, c'est 179 000. Comment justifiez-vous votre recommandation?

Mme Perreault (Janick): En fait, nous, on la compare pas aux autres provinces, on la compare avec les autres citoyens du Québec qui ne sont pas victimes d'un accident d'automobile, mais qui sont victimes d'autres événements, et donc qui vont devant les tribunaux civils en matière de responsabilité civile, où le montant des indemnités qui est octroyé est plus élevé. Et ce 175 000 là, ç'a l'air beau comme montant, sauf qu'il faut penser qu'il faut que quelqu'un ait un déficit de 100 % pour l'obtenir. Vous avez plusieurs situations où, entre autres...

M. Chevrette: Et tous les régimes, c'est de même, c'est jusqu'à, On le donne pas s'il y a pas de préjudices.

Mme Perreault (Janick): Tout à fait. Mais, entre autres, si on regarde l'exemple de la blessure la plus fréquente, c'est l'entorse cervicale. Ce sont les études de la Société qui le disent, c'est la blessure la plus fréquente. On donne un déficit de 2 % de 175 000. Vous avez donc une victime qui a 20 ans, qui est limité à bouger le cou, qui a mal et qui aura ça toute sa vie, va recevoir même pas 3 000 $ pour cette séquelle-là. Alors, ce qu'on pense, c'est que le montant pour les séquelles permanentes n'est pas adéquat et également pour les douleurs.

M. Chevrette: Je vous ramène maintenant à la page 31, et puis je m'adresse à M. le bâtonnier parce que lui-même a fait référence au code de déontologie. Je voudrais vous lire un extrait du code de déontologie des médecins, parce qu'eux aussi sont régis par le Code des professions, et ils sont assujettis à un code de déontologie tout comme les avocats le sont dans leur code: «Le médecin traitant doit éviter, en tant qu'expert dans une cause où son patient est impliqué... En effet, son indépendance pourrait alors être contestée et son rôle d'expert est difficilement compatible avec la relation médecin-patient. Généralement, le médecin traitant peut, à ce titre, par ses rapports ou son témoignage, communiquer ses constatations», il y a tout ça. Mais c'est dans le code, formellement dans le code d'éthique médical.

Je crois que le président de la Société de l'assurance automobile vous a adressé une lettre vous demandant de vous prononcer, parce qu'on a eu des émissions d'ordre public par certains procureurs, dont l'un disait ceci: «Si vous voulez savoir si vous allez avoir des problèmes avec la SAAQ puis avec la CSST, appelez-moi. Je vais vous le dire si vous avez fait un bon choix ? en parlant des experts au niveau des révisions ? si vous devez continuer avec ce médecin-là ou si vous êtes mieux de changer selon les séquelles que vous avez. Et je ne me trompe pas souvent.»

Vous avez écouté l'extrait de ce que je vous ai dit du code de déontologie. Les médecins, on prend pour acquis qu'ils sont aussi professionnels qu'un avocat et qu'ils respectent également leur code de déontologie. On vous a demandé de nous fournir... Je vais vous donner exactement tout le contexte. La question était: «Oui, mais je parle de l'expert... à l'expert. L'expert, oui, mais aussi le médecin traitant. Ça dépend dans quel angle ça va être orienté au départ. Si vous êtes hospitalisé, vous avez ? je lis exactement les mots qui ont été dits ? vous avez rentré dans un hôpital, vous ne savez pas lequel parce que c'est des ambulanciers qui vous... qui vont vous diriger puis vous allez être pris en charge par un médecin, ou bien un neurochirurgien, ou bien un neurologue, ou bien un orthopédiste, et ce spécialiste-là va devenir votre spécialiste traitant pendant un certain temps. Si vous voulez savoir si vous avez des problèmes avec la SAAQ...»

Ça va très, très loin. Ça va très, très loin. Et ça vous a été acheminé, si bien qu'on voulait savoir... parce que vous... votre code de déontologie, vous l'avez affirmé à juste titre, c'est de défendre le public. Et on vous a demandé de déposer, au besoin, une liste de médecins qui ne feraient pas... qui ne seraient pas professionnels puis de collaborer avec le Collège des médecins. Vous nous avez fait comme réponse ? puis ça peut être correct, je conteste pas les lois, là, je suis pas avocat puis je m'essaierai pas ? mais vous avez fait comme réponse que ça se faisait pas. Si ça se fait pas, de transmettre une liste pour la protection du public, est-ce que ça se fait de critiquer publiquement des gens qui ont à respecter, eux aussi, un code de déontologie et de faire miroiter qu'il y a une liste noire au niveau des experts?

M. Gervais (Francis): Vous êtes en train de me demander, M. le ministre, de juger publiquement les gestes posés, et je comprends que ce serait un collègue qui aurait posé ces gestes-là.

M. Chevrette: Mais j'ai pris la peine de ne pas mettre de nom. C'est le geste que je...

n(15 h 30)n

M. Gervais (Francis): Non, mais j'imagine que, si vous me posez une question, c'est parce que c'est un collègue, c'est un membre du Barreau. Vous me demandez de porter un jugement. Je vous dis que la loi m'empêche de le faire, parce que, si effectivement il a porté ou posé un geste qui est illégal d'une façon quelconque, il y a un organisme chez nous, comme dans tous les ordres professionnels, qui s'appelle le Bureau du syndic, c'est lui qui doit être saisi. Et l'article 121 du Code me dit que, si, moi, je m'en mêle d'une façon quelconque, même de vous répondre aujourd'hui, c'est moi qui vais se retrouver devant le Bureau du syndic. Et je peux pas juger d'un geste posé par un collègue. Et ça, on a déjà vu dans le passé...

M. Chevrette: Mais, dans votre code d'éthique... Je vais m'en tenir en généralités en rapport avec votre code d'éthique. Est-ce que votre code d'éthique pourrait aller jusqu'à devoir dénoncer quelqu'un qui, entre guillemets, pourrait être acheté comme...

C'est parce que le sens des propos... pourrait être acheté. Est-ce que quelqu'un qui dirait, par exemple: Je sais que, pour ton intérêt personnel, tu dois pas aller voir tel expert... Puis l'expert, il est soumis à... un expert avocat en droit constitutionnel ou un expert en droit, en orthopédie, c'est un expert. Et puis est-ce qu'on a à juger entre professions d'un expert? Est-ce que c'est pas contre votre code de déontologie?

M. Gervais (Francis): Et possiblement que mon problème, M. le ministre, c'est que je suis un visuel. Alors, vous avez lu un grand texte au début. Alors, j'en ai peut-être manqué des extraits, là, et ça, je m'en excuse. C'est moi, ma faute personnelle.

M. Chevrette: Non, non. C'est parce que la lettre, elle était adressée à Me Ronald Montcalm.

M. Gervais (Francis): Qui était mon prédécesseur.

M. Chevrette: Bâtonnier du Québec. Oui, c'est ça.

M. Gervais (Francis): Qui était mon prédécesseur. Je vous dis pas que je l'ai pas vu passer en quelque part, mais il doit y avoir eu un traitement qui a été fait, possiblement en voie au département qui s'occupe du dossier et le département du syndic. Je suis pas en mesure de vous donner les réponses.

M. Chevrette: Mais, dans votre mémoire, M. le bâtonnier...

M. Gervais (Francis): Oui.

M. Chevrette: ...à l'article, à la recommandation 5, je crois, vous faites allusion vous-même au médecin traitant, alors que je vous ai lu un extrait du code de déontologie des médecins qui les empêche d'être experts, eux autres mêmes. Vous faites une recommandation qui va à l'encontre du code de déontologie médicale. C'est ça que je vous pose, comme question.

M. Gervais (Francis): Alors, je vais laisser Me Perreault répondre parce qu'elle a participé à la rédaction...

Mme Perreault (Janick): Ce à quoi vous faites référence, je crois que c'est un document émis par le Collège des médecins qui parle du rôle du médecin expert. Le code de déontologie des médecins prévoit que chaque médecin ne doit pas être dans une situation de conflit d'intérêts. Ce sont des dispositions générales. Mais le code de déontologie des médecins ne leur interdit pas d'être l'expert pour leur propre patient.

Et le Collège des médecins effectivement a fait un document, je crois, qui date de 1993 ou 1994, dans ces années-là, et où le Collège des médecins, lui, dit: Non, vous ne devriez pas, si vous êtes un médecin traitant d'un patient, vous ne devriez pas agir comme expert. Cependant, ce n'est pas ce que nos tribunaux ont conclu. Même la Cour d'appel du Québec, à plus d'une reprise, a dit qu'un médecin traitant pouvait agir comme expert et en fait un expert d'une partie. Il pouvait même agir comme expert pour l'autre partie.

À 5, ce qu'on dit, ce n'est pas dans cette optique-là. Nous, ce qu'on dit, c'est: Prenons le rapport du médecin traitant de la victime et, si le médecin traitant dit: Voici, nous posons comme diagnostic une entorse cervicale post-traumatique, nous, ce qu'on dit, c'est que la Société doit donc à ce moment-là rendre une décision basée sur le rapport du médecin traitant, donner une priorité à l'évaluation du médecin traitant qui a suivi son médecin, qui est en mesure de plus voir est-ce que c'est dû à l'accident ou pas.

Et ce qu'on dit, c'est: Lorsqu'on a à faire évaluer la victime parmi les experts, faisons choisir la personne. Il existe, à la Société, des médecins experts où les médecins qui veulent faire des expertises en deviennent membres, et il y a une liste qui est... voyons, qui est disponible. Il y a des médecins aussi qui acceptent de faire des expertises, qui ne sont pas membres de cette Société-là. Ce qu'on dit, c'est: Laissons le choix à la victime comme, dans le régime de santé, on laisse le choix à la victime de son médecin. Alors, ce qu'on dit, c'est: N'imposons pas l'expert à la victime. Permettons-lui de faire un choix. C'est dans cette optique-là que cette recommandation-là à 5 est.

M. Chevrette: Mais le document, c'est Le médecin en tant qu'expert ? Aspects déontologiques et réglementaires.

Mme Perreault (Janick): Voilà. Mais ce que...

M. Chevrette: Si le corps médical, parce que je prends... Ils ont le droit de se donner des règles et des aspects... interpréter les aspects déontologiques.

Mme Perreault (Janick): Oui.

M. Chevrette: C'est pas aux avocats à décider quels sont les aspects déontologiques de leur travail.

Mme Perreault (Janick): Mais les tribunaux ont... C'est pour ça que je vous référais à des jugements.

M. Chevrette: On se comprend jusque-là. 85 % de ces cas à la SAAQ, Me Perreault, c'est vraiment le médecin traitant, effectivement. Mais, quand on arrive dans les cas d'experts, pour respecter les aspects déontologiques et réglementaires d'eux-mêmes qu'ils ont fixés puis qu'ils nous disent: Est-ce que vous croyez pas qu'on doit le faire? vous nous reprocheriez... Ça serait les médecins qui seraient assis à votre place, ils viendraient nous reprocher de pas respecter les aspects déontologiques de leur profession.

Mme Perreault (Janick): La recommandation du Collège des médecins... En fait, ce sont les tribunaux qui ont à interpréter les lois. Ce que je disais, c'est que les tribunaux ont interprété le code de déontologie des médecins comme ne leur interdisant pas de faire les expertises par leur médecin traitant. Et, ici, le Collège des médecins ne semble pas d'accord. Dans le document, ce qu'ils disent, c'est: Quand vous êtes un médecin traitant, ne faites pas des expertises. Mais ce n'est pas ce que notre recommandation 5 dit. On ne demande pas que le médecin traitant devienne l'expert de la victime. Ce qu'on dit, c'est: Privilégiez l'opinion du médecin traitant et, quand vous avez à faire évaluer par un expert, faites faire un choix par la victime. Soumettez-lui une liste, et que la victime choisisse. Alors, on ne demande pas à la Société de choisir le médecin traitant comme étant l'expert qui fera toutes les évaluations, ce n'est pas ce qu'on demande. Donc, on ne va même pas à l'encontre de l'opinion du Collège des médecins.

M. Chevrette: Dans 85 % des cas, vous êtes d'accord avec nous, parce qu'on choisit le médecin traitant.

Mme Perreault (Janick): Dans 85 % des conclusions de la Société, ça, oui, c'est ce que les statistiques démontrent. Mais c'est dans les cas plus problématiques, et, en fait, nos recommandations sont justement pour bonifier le régime, améliorer le régime, et, bien entendu, on regarde les cas qui justement ne sont pas satisfaits.

M. Chevrette: Quant au recours civil concernant... Maintenant, le dernier point, je pense que c'est Me...

Une voix: Sauvé.

M. Chevrette: ...Sauvé qui en a parlé. Dans je ne sais pas combien de pourcentage, là encore, vous avez vu comment se répartissent les délinquants de la route en termes de revenus. Vous avez vu qu'il y en a 43 % qui ont aucune cenne, pas un sou, pas un rond, pas de revenu, qu'il y en a 41 % qui gagnent moins que 30 000 $ avant impôt, etc., et il y a 2 % qui gagnent 50 000 $ et plus. J'ai déjà posé à des avocats qui sont des apôtres, des missionnaires, pour ne pas dire plus, de la défense de ce que vous nous faites... Mais, ce matin, j'avais, d'autre part, un autre avocat devant nous de la région de Gatineau ou de Hull qui est venu nous dire le contraire de ce que certains apôtres disent.

Est-ce qu'on n'est pas en train... Est-ce qu'on ne créerait pas ? et la question va être assez directe ? deux classes de citoyens? Vous conseilleriez à ceux qui ont eu la chance, entre guillemets ? puis je dis bien «eu la chance»; là, il faut pas que ce soit interprété dans un sens péjoratif ? de se faire frapper par quelqu'un qui gagnait un bon salaire puis qui était capable de payer... par rapport à l'autre qui a été victime par un chauffard sans aucun rond. Est-ce que vous trouvez pas que ce principe-là serait entaché?

Deuxièmement ? puis deuxième sous-question ? c'est que vous avez sans doute fait des comparaisons entre ce que les gens reçoivent de la Société de l'assurance automobile ou ce qu'ils ont pu recevoir avec toute la jurisprudence qui a prévalu sous le régime antérieur ou encore ce qui se passe en Ontario, en Colombie-Britannique, au Manitoba, n'importe où dans les régimes comparables. Est-ce que vous avez pu constater que les indemnités payées sont tout aussi avantageuses, dans plusieurs cas supérieures, et ce, sans frais d'avocat?

M. Sauvé (Marc): Pour ce qui est de la première question, je vous signale que notre recommandation 4 repose sur l'objectif de l'uniformisation des régimes d'indemnisation. Il n'y a pas actuellement une uniformisation des régimes d'indemnisation. Les victimes d'accidents d'automobile n'ont pas cette option de poursuivre que, dans certains cas, la victime d'acte criminel peut avoir ou que les accidentés du travail peuvent avoir. Alors, ça va précisément, très précisément à l'encontre de ce que vous mentionnez comme argument pour justifier le statu quo. On veut l'uniformisation des recours d'indemnisation.

Pour ce qui est de la deuxième question, je vais peut-être laisser la parole à Me Perreault.

Mme Perreault (Janick): En fait, même en comparant avec ce qui peut être octroyé par les tribunaux, nous, ce qu'on recommande, c'est: Laissons les indemnités prévues dans le régime qui seraient versées à la victime d'un criminel, mais permettons-lui de poursuivre pour l'excédent. Alors donc, dans une situation où il y aurait pas d'excédent à y avoir parce que les indemnités qu'elle recevrait correspondraient complètement à la perte pécuniaire et non pécuniaire qu'elle aurait pu avoir, à ce moment-là, il y aurait pas lieu de poursuivre pour l'excédent. Et, tantôt, vous...

M. Chevrette: Me Perreault...

Mme Perreault (Janick): ... ? peut-être juste pour compléter ? vous faisiez référence à en Saskatchewan et au Manitoba, où ce sont les deux provinces canadiennes qui ont des régimes similaires au nôtre. En Saskatchewan, on permet la poursuite devant les tribunaux civils pour l'excédent lorsque la personne responsable de l'accident était un criminel de la route.

M. Chevrette: Savez-vous combien ça leur coûte? 40 % de frais...

Mme Perreault (Janick): À qui?

M. Chevrette: ...pour tous les excédents, et ça n'atteint pas la différence que l'on donne. Mais peu importe...

Mme Perreault (Janick): Mais là, je parle pas du recours... Bien...

n(15 h 40)n

M. Chevrette: ...on n'est pas là pour s'obstiner. Je voudrais vous poser une autre question. Je veux en profiter... votre présence pour avoir toute votre pensée là-dessus. Si on permettait ça, cette brèche. Prenons un chauffard qui a pas un revenu, pas un rond. En plus de ça, on va payer son... on va payer pour lui l'aide juridique, parce qu'il a le droit à une défense minimale. On se suit jusque-là? La victime qui poursuivrait pour l'excellent... pour l'excédent va devoir payer son avocat. Elle n'est pas éligible à l'aide juridique et elle va payer un grand procès puis elle n'aura pas un rond. Est-ce que vous jugez pas que c'est encore de pénaliser davantage la victime?

Mme Perreault (Janick): Tout à l'heure, vous parliez de code de déontologie. M. le bâtonnier a commencé avec ça, vous y avez fait référence tout à l'heure. Nous avons un code de déontologie. Alors, tout avocat qui reçoit un client doit donc lui donner des conseils en fonction de ses droits, des possibilités de recours et ce qui pourra en découler. Bien entendu, si la personne, si un client vient voir un avocat et lui dit: Je veux poursuivre quelqu'un qui est insolvable, l'avocat est tenu par son code de déontologie de lui dire: Le jugement ne sera pas exécutable. Donc, il n'y a pas lieu de poursuivre.

M. Chevrette: Et vous êtes convaincue que ça se fait. Et je n'ai...

Mme Perreault (Janick): Bien, les avocats ne vont pas poursuivre quelqu'un que le jugement n'est pas exécutable.

M. Chevrette: Et je n'ai pas le droit de vous contester.

Mme Perreault (Janick): Pardon?

M. Chevrette: Je n'ai pas le droit de vous contester.

M. Gervais (Francis): M. le ministre, oui, vous avez le droit de le contester parce qu'on se cachera pas non plus que le Barreau, qui représente 20 000 membres, je ne peux pas vous garantir que chacun des 20 000 membres, comme vous, vous pouvez pas me garantir que chacun des 6 000 citoyens... 6 millions de citoyens du Québec respectent à la lettre... Je peux pas vous le garantir, mais je peux vous dire que la grande majorité, la très grande majorité le respecte.

M. Chevrette: Ça, je suis sûr.

M. Gervais (Francis): Mais qu'il y ait des exceptions, vous allez toujours pouvoir me tirer un nom d'un chapeau comme, moi aussi, je pourrais tirer un nom dans un chapeau.

M. Chevrette: Mais...

M. Gervais (Francis): Mais ça, on se comprend.

M. Chevrette: Mais je le ferai pas.

M. Gervais (Francis): Mais la majorité...

M. Chevrette: Je le ferai pas puis je vous trouve sage de pas le faire.

M. Gervais (Francis): Non, mais simplement pour dire que la majorité...

M. Chevrette: D'ailleurs. il y a des silences qui valent 1 000 mots. Merci.

Le Président (M. Lachance): M. le député de Shefford et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Brodeur: Oui, merci, M. le Président.

Le Président (M. Lachance): C'est votre tour.

M. Brodeur: Oui, merci, M. le Président. Bienvenue au Barreau. Bienvenue à Me Brosseau. C'est pratique, quand on voit arriver Me Brosseau, on sait que c'est le Barreau qui arrive.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brodeur: Donc, vous êtes presque chez vous, ici. J'ai retenu différents points. Premièrement, Me Perreault, vous avez, d'entrée de jeu, vous, parlez des victimes par ricochet. Vous avez aussi, ou c'est Me Sauvé qui a évoqué la possibilité de poursuite par les victimes par ricochet, lesquelles ne sont pas couvertes par le système. Sans vouloir avoir l'air... l'esprit tordu, le ministre a insinué tantôt peut-être que les avocats, ça serait payant pour eux autres, je veux surtout pas insinuer ça.

M. Chevrette: Ce n'est pas le temps de faire des procès d'intention.

M. Brodeur: Non. Mais, si j'ai bien compris, vous avez ouvert une autre brèche au «no fault» en permettant possiblement... alors, soit deux suggestions: soit de permettre une poursuite au civil ou soit, deux, d'indiquer à la SAAQ qu'on doit absolument compenser ces gens-là aussi, là.

Mme Perreault (Janick): Non. La recommandation, c'est modifions la définition de la «victime» actuellement dans la loi pour lui permettre d'avoir le droit à des indemnités et non pas de lui permettre de poursuivre.

M. Brodeur: Parfait.

Mme Perreault (Janick): On comparait avec avant. Dans le fond, on disait: On ne lui permet pas ni de poursuivre au civil et on ne lui donne pas le droit aux indemnités, et donc elle se retrouve perdante avec le régime actuel. Alors, on disait simplement de lui donner le droit aux indemnités.

M. Gervais (Francis): Peut-être, juste en complément de réponse, on parle de victimes qui ont des dommages directs. Alors, ce sont pas... On emploie souvent l'expression «sont des dommages indirects». Non, non, non, il s'agit vraiment de personnes qui sont peut-être pas dans l'auto quand l'accident arrive, mais qui ont des dommages directs et ils n'ont pas de recours. C'est pas acceptable.

M. Brodeur: D'ailleurs, des groupes qui vous ont précédés, c'est-à-dire des parents de victimes nous ont clairement indiqué, là, que justement les dommages par ricochet méritaient d'être dédommagés. Et, d'ailleurs, on a pu constater nous-mêmes, là, la douleur de ces gens-là et le besoin aussi de soutien, soutien monétaire et soutien psychologique à ces gens-là. Donc, on était à même de le constater tantôt.

On a discuté aussi... Puis on a discuté abondamment depuis ce matin de l'opportunité ou la non-opportunité de dédommager les gens qui ont eu un condamnation criminelle, donc les criminels du volant qui se sont eux-mêmes blessés. Plusieurs groupes sont venus nous dire: Écoutez, on ne doit pas dédommager ces gens-là. Est-ce qu'on dédommage les voleurs de banque lorsqu'ils se font atteindre d'une balle? Donc, dans... Et puis, si on prend strictement le côté assurance, on ne paie pas celui qui a mis le feu à sa maison. Donc, on est dans un cas peut-être semblable. Est-ce que vous préconisez le fait que, dans le cas, par exemple, de quelqu'un qui est condamné, qui a été pris ivre au volant, par exemple... reçoive un dédommagement, puisqu'il a été blessé lui-même dans l'accident? Et, souvent, souvent, il a plus de dédommagements que la victime, on l'a vu dans plusieurs cas. Est-ce que vous êtes d'accord à l'effet qu'on devrait soit annihiler cette compensation-là ou la réduire?

M. Sauvé (Marc): Bien, c'est effectivement, là, si vous lisez à la page 31, la recommandation numéro 2. Je vous cacherai pas que c'est une question qui est délicate et controversée. Alors, on serait probablement mal venu de vous dire, ici, au Barreau: Voilà la vérité! Mais on veut contribuer au débat et on pense effectivement que l'image de la justice du régime d'assurance automobile pourrait être grandement améliorée si on tenait compte de ces situations un peu particulières. On ferait un sondage ici ? là, il y a du monde à l'arrière de la salle ? puis on leur brosserait le tableau, puis on leur dirait, bon: Le type, c'est un gars, par hypothèse, disons solvable; il crée des dommages, il est peut-être récidiviste dû à l'alcool et il va recevoir pleinement son chèque. Comment vous voyez ça?

Bien, je sais pas, il y a une question de l'image de la justice. Il y a une question aussi de, je dirais, de valeurs de la société québécoise de l'année 2001 où on entrevoit quand même une espèce de retour du pendule. En 1978, on était peut-être un peu plus, entre guillemets, collectivistes ou autre, je le sais pas. Et là, il y a comme un retour de pendule où on dirait: Bien, il y a des valeurs de responsabilité individuelle peut-être qu'on pourrait intégrer d'une certaine manière.

Je pense que la réflexion mériterait d'être faite, au lieu de la rejeter du revers de la main et de se cramponner, là, d'une façon quasi idéologique à une espèce de monument qui serait intouchable. On pense qu'on doit réfléchir à ces questions-là.

Donc, il y a une question d'image; il y a une question de valeurs de la société québécoise des années 2000. Bien sûr, on est sensible aux questions des familles, les familles des criminels. Alors, c'est pour ça qu'on fait référence... D'ailleurs, si vous voyez, l'article 83.30 de la Loi sur l'assurance automobile, il y a des barèmes, hein, qui existent pour les chauffards emprisonnés. Alors, pourquoi ne pas étendre ce barème-là à l'ensemble des criminels de la route qui seraient... donc, pour des personnes trouvées coupables de crime, d'infractions au Code criminel. C'est certainement, en fait, je pense, une question qui doit être abordée. On le pense, en tout cas, nous.

M. Brodeur: Je passerai peut-être la parole au ministre après, qui a une autre question sur l'alcool au volant, là. Mais on a parlé abondamment de poursuites possibles contre justement ces criminels-là, poursuites au civil. Je pense que c'est Me Perreault qui a évoqué le fait peut-être qu'il y ait... qui émettait la possibilité de poursuivre un criminel au volant pour la différence entre le montant de la compensation de la SAAQ et la perte vraiment que la victime a eue. Vous savez que c'est un point majeur. Pour plusieurs, c'est une faille dans le «no fault». C'est vu par certains de façon négative; pour d'autres, c'est vu comme une façon de responsabiliser ces gens-là. Si vous auriez à nous convaincre que le fait de poursuivre un criminel comme ça ne serait pas une brèche trop importante dans le «no fault», qu'est-c'est que vous nous diriez pour nous convaincre?

M. Sauvé (Marc): Bien, on revient, là ? ç'a l'air d'une cassette qui saute, mais on va répéter quand même ? que notre recommandation 4 repose sur cet objectif d'uniformisation des régimes d'indemnisation. Alors, que ce soit pour les accidentés du travail ou pour les victimes d'actes criminels, il y a une possibilité, il y a une option d'aller devant le tribunal contre le criminel. Alors, c'est ça qu'on plaide là, finalement.

M. Brodeur: Oui, puis vous pensez que c'est pas une faille dans le «no fault», là. Ça serait tout simplement une exception, comme il y a plusieurs exceptions à l'article 10, par exemple, là. Ça serait tout simplement une autre exception.

Mme Perreault (Janick): L'existence des deux autres régimes d'indemnisation permet de regarder: Est-ce que c'est une faille dans le système qui peut occasionner des problèmes? Je veux dire, le régime d'indemnisation pour les victimes d'actes criminels et le régime d'indemnisation pour les victimes d'accidents d'automobile existent depuis longtemps et cette possibilité-là a toujours été là. Enfin, en tout cas, elle est là depuis longtemps, et ça n'a pas mis en péril nos deux autres régimes d'indemnisation. Alors, pourquoi il en serait de même, là... ça serait pas la même chose pour le régime d'indemnisation en matière d'accidents d'automobiles?

n(15 h 50)n

M. Brodeur: Le ministre suggérait tantôt... Et puis je vais prendre un petit peu les devants dans cette question-là. Nous avons adopté une loi concernant l'alcool au volant au printemps dernier. Ç'a été fait très, très rapidement. Il n'y a pas de consultations qui ont été faites de cette façon-là parce qu'on a été... Le projet de loi a été déposé et adopté la même journée. J'avais d'ailleurs indiqué au ministre ? et le ministre, je pense qu'il en était conscient ? que le projet était incomplet à cette époque-là. En tout cas, j'espère qu'il y aura un projet qui pourra compléter cet avant-projet, que je dirais.

Avez-vous pris connaissance de ce projet-là? Et est-ce que vous avez eu des recommandations à faire? Puisque vous avez des recommandations sur l'indemnisation, est-ce que vous croyez... De quelle façon qu'on pourrait procéder pour améliorer, améliorer... les prémisses nécessaires pour améliorer le projet de loi?

Mme Brosseau (Carole): Bien, je pense a priori, pour en avoir pris connaissance, comme vous disiez, dans la même journée puis être incapable d'intervenir, on avait regardé essentiellement la question des 30 jours, 90 jours, les 10 ans de référence essentiellement. Les objectifs sont pas tout à fait les mêmes. Dans un cas, on parle du Code de la sécurité routière, d'une gestion de la sécurité routière. On revient un peu aux questions qui ont été soulevées la semaine dernière. Puis l'esprit est pas tout à fait le même.

Dans le contexte présent, il s'agit d'une question d'indemnisation des victimes. Et la résultante des recommandations ou l'ensemble des recommandations qui sont soulevées dans le mémoire du Barreau aujourd'hui résultent d'iniquités ou d'insatisfactions du régime d'indemnisation des victimes. Et, de ces insatisfactions, on recherche des solutions qui sont des solutions de nature d'indemnisation.

Dans le cas du Code de la sécurité routière et dans le cas du projet de loi n° 38 ? excusez-moi, mais j'ai pas le numéro de la loi, là ? mais il s'agissait essentiellement de régulariser la sécurité routière, de régulariser aussi, dans le cas des routiers, principalement chauffeurs de taxi, etc., le fait d'interdire ou de dire qu'on a la tolérance zéro en matière d'alcool et d'augmenter les délais, les mesures dites administratives. Il s'agit d'un tout autre contexte. Et je pense que... Un peu comme je vous disais un petit peu la semaine dernière, je pense que c'est le même discours, c'est qu'il faut regarder tout ça dans un ensemble. Mais je pense que la question qui est traitée aujourd'hui est une question d'indemnisation. Et la recommandation faite doit s'inscrire dans cet esprit-là.

M. Sauvé (Marc): Évidemment, je pense que c'est pas un secret pour personne là: si on améliore la sécurité, bien, il y aura des versements d'assurance de moins à faire probablement. Ça va un peu ensemble.

M. Brodeur: C'est ça. Oui?

Mme Brosseau (Carole): Si je peux me permettre aussi, et je pense que je vous citerais à tort le document de référence là-dessus, mais il y a une réduction depuis, je dirais, une vingtaine d'années des poursuites, quoiqu'elles demeurent fondamentalement importantes. Dans le cas de facultés affaiblies, on parle de 12 %; les dernières statistiques pour 1999-2000 parlent de 12 % de poursuites pour... contre des délinquants avec facultés affaiblies. Mais il y a une réduction constante du fait que des gens prennent le véhicule avec des facultés affaiblies.

Et sachez que les politiques qui atteignent les jeunes actuellement, c'est-à-dire la tolérance zéro, vont faire en sorte que ces jeunes-là vont devenir des adultes et ils vont avoir créé une certaine habitude de ne pas conduire avec les facultés affaiblies. Alors, il y a tout un contexte social aussi de conscientisation, de démarche. Et, d'ailleurs, le document de référence le notait très bien, qu'il fallait poursuivre dans le sens d'une publicité pour responsabiliser les gens à l'égard des facultés affaiblies et à l'égard aussi de la conduite à haute vitesse. Alors, je pense que, dans ce contexte-là, il faut poursuivre aussi.

M. Brodeur: Parfait. Dans un autre ordre d'idées, on en a parlé ce matin puis vous avez soulevé le point aussi, concernant les méthodes d'appel de décisions à la SAAQ, plusieurs se sont plaints. Et, au bureau de comté puis le bureau du ministre, et les autres députés aussi le savent très bien, on a souvent des plaintes, des allusions à la quoi que... ce à quoi la SAAQ est souvent juge et partie dans certains cas, donc: décision d'un fonctionnaire, décision du Bureau de révision, qui ressemble tout le temps à la première décision habituellement, avant d'attendre pendant deux ans pour aller au TAQ. Donc, est-ce que vous vous êtes penchés sur une solution de rechange? Vous avez dit peut-être tantôt d'éliminer le Bureau de révision puis d'aller directement au TAQ. Est-ce qu'il y a une solution plus étoffée de rechange que vous pouvez suggérer à la commission?

Mme Perreault (Janick): En fait, toute solution de rechange nous apparaît encore conserver des délais qui sont trop longs. Juste les délais pour être entendu dans le Tribunal administratif sont déjà longs, alors, si entre la décision de l'agent d'indemnisation et le jour où la victime est entendue par le Tribunal, si on met une instance entre les deux, c'est sûr qu'on prolonge les délais.

Alors, la meilleure solution pour raccourcir ces délais-là, pour simplifier le régime d'indemnisation dans ce but-là, pour que la victime reçoive ce à quoi elle a droit le plus rapidement possible, c'est de l'abolir tout simplement. Solution de rechange: une révision administrative peut-être? Mais, encore là, le temps que la personne va faire la demande de révision, va être entendue, qu'il va y avoir une décision de rendue, on prolonge les délais et on alourdit le système plutôt que de le simplifier. Et un des buts du régime d'indemnisation, je pense, à l'époque était de donner des indemnités à toutes les victimes d'accidents d'automobile et de simplifier et d'augmenter la rapidité, là, d'assurer la rapidité du versement des indemnités.

Le Président (M. Lachance): De consentement, M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Oui. Mme Perreault, parce que je voulais revenir sur ce point. La révision est administrative, présentement.

Mme Perreault (Janick): Non, il y a encore énormément d'auditions qui sont tenues, d'ailleurs. Ce que la Société fait, c'est qu'elle demande à la victime: Voulez-vous une audition ou vous n'en voulez pas?

M. Chevrette: Oui, je comprends, mais c'est un processus de révision administratif.

Mme Perreault (Janick): Mais on parle quand même de délais. Qu'il y ait une audition ou pas, on parle de plusieurs mois de délai entre le jour ou il y a une demande de révision...

M. Chevrette: Quel délai suggérez-vous? Parce que, dans votre début, vous m'avez demandé une prolongation de délai pour pouvoir en appeler. C'est de quel ordre? Puis quelle sorte de délai vous voudriez dans une révision administrative?

Mme Perreault (Janick): Alors, passé le 60 jours. Actuellement, toute décision doit être contestée en dedans de 60 jours. On dit: Donner un an pour permettre que la victime accumule toutes les décisions qu'elle a, qu'elle reçoit parfois ? comme je vous disais ? à tous les jours, pour qu'elle puisse voir dans l'ensemble, dans son dossier, est-ce qu'il y a lieu d'en contester plusieurs et lesquels, et faire sa contestation. Ça, un an. Pour ce qui est du Bureau de révision, qu'il n'y en ait plus. À ce moment-là, on réduit de beaucoup. Dès qu'une victime décide de contester une décision, elle peut, dès ce moment-là, déposer une requête au Tribunal administratif et être entendue dans l'année qui suit.

M. Chevrette: Mais vous croyez pas que vous engorgeriez un rôle au Tribunal administratif, alors qu'on peut régler un paquet de cas soit par un genre de conciliation, de médiation ou d'arbitrage?

Mme Perreault (Janick): La conciliation existe actuellement au Tribunal administratif et, jusqu'à présent, les résultats sont très bons, alors on en règle plusieurs. Et, devant le bureau d'administration... bureau d'administration! Bureau de révision, excusez-moi, quand on regarde les statistiques, on ne règle pas des cas, ils sont confirmés, les décisions sont toujours confirmées. Donc, on donne un six à huit mois, en moyenne, à la victime, d'attente supplémentaire pour recevoir une décision du Bureau de révision qui dit: La décision est confirmée.

M. Chevrette: Dernier petit point. Pour la façon d'être reçu à la SAAQ, j'en ai pris bonne note, là, vous êtes pas la seule. D'ailleurs, les députés ont des remarques. Mais ça nous aiderait, par exemple, de connaître les départements ou les... parce qu'il faut admettre aujourd'hui que le «caseload», ce qu'on appelle la charge de travail d'un agent, est de 564 dossiers, ce qui est abominable. Il y a un plan de redressement des effectifs qui va abaisser cela à 200 quelque, ce qui va nous permettre probablement d'en corriger une bonne partie, parce qu'il y a une question humaine aussi dans ça quand on le regarde. Je sais que c'est dans le sens positif que vous le faites. Mais je voulais quand même expliquer qu'on est déjà conscients de cela et il va y avoir des directives formelles en plus de recevoir le monde correctement.

Mme Perreault (Janick): Et tant mieux si justement il y a des réunions d'information aux agents d'indemnisation pour leur rappeler leur rôle, leur rappeler la mission de la Société et quel est le but de ce régime d'indemnisation là. La victime est la personne avant tout et je pense que, trop souvent, les agents d'indemnisation l'oublient.

Le Président (M. Lachance): Mme Brosseau.

Mme Brosseau (Carole): Si vous me permettez un complément à la question que vous avez posée, M. le ministre, à Me Perreault: Lorsqu'un système de révision n'est pas profitable à la victime ? et c'est d'ailleurs pour ça qu'on fait des procédures de révision ? je pense qu'à ce moment-là ça devient inutile de le faire. Et c'est un peu... puis les statistiques le démontrent, d'ailleurs. Alors, c'est un peu dans cet objectif-là aussi que la recommandation du Barreau s'y trouvait.

M. Chevrette: En passant, il y a un projet-pilote dans ma région, puis c'est justement sur la façon de conduire tout cela, et vous allez voir des changements. On va partir du neuf à partir de chez nous.

Le Président (M. Lachance): J'aurais une petite question à vous poser avant de terminer nos travaux. Vous recommandez la bonification de certaines indemnités aux victimes, c'est très bien, je pense que tout le monde est pour la vertu. Mais le ministre, hier, nous a appris des choses qui sont un peu inquiétantes en ce qui concerne les montants d'argent qui sont dans la réserve. Elles étaient de 524 millions le 31 décembre 2000, et d'ici... dans moins de cinq ans, d'ici la fin de 2005, si la tendance se maintient, ça va être zéro. Alors, ma question, c'est: Comme vous savez, une assurance doit faire ses frais, est-ce que vous iriez jusqu'à nous recommander une augmentation des cotisations pour augmenter, pour bonifier les indemnités aux victimes?

Mme Perreault (Janick): Avant d'augmenter les revenus, il faut toujours voir à réduire les dépenses, donc une meilleure gestion. Si on fait une meilleure gestion, comme l'abolition du Bureau de révision, on vient de faire une économie, d'arrêter les ponctions...

n(16 heures)n

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Perreault (Janick): ...et, à ce moment-là, on trouvera peut-être de l'argent pour...

M. Chevrette: On met 0,82 $ dans la piastre, alors que votre vieux régime, on donnait 0,64 $, puis ça fait 17 ans qu'il y a pas eu d'augmentation de prime puis qu'il y a eu une augmentation des bénéfices. De grâce, Mme Perreault!

Mme Perreault (Janick): Mais on vous demande pas de revenir à l'ancien régime non plus.

M. Chevrette: Non, non, mais je veux dire...

Mme Perreault (Janick): Bien, il demandait des façons...

M. Chevrette: Connaissez-vous quelque chose au Québec ? même les tarifications d'avocats ? connaissez-vous quelque chose qui a pas augmenté depuis 17 ans et dont les bénéfices ont augmenté?

Le Président (M. Lachance): Je crois que j'ai ouvert une boîte...

Mme Perreault (Janick): Le tarif judiciaire... depuis plusieurs années.

M. Chevrette: Mais pas 17 ans.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): Oui, M. le député de Shefford.

M. Brodeur: ...on a payé 15 millions de dollars aux gens condamnés comme criminels au volant l'an dernier. Ça peut être une suggestion.

Le Président (M. Lachance): Alors, merci, mesdames, messieurs du Barreau pour votre présence aux travaux de cette commission. Je me rends compte que j'ai ouvert une petite boîte de Pandore.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lachance): Et, là-dessus, j'ajourne les travaux au jeudi le 13 septembre.

(Fin de la séance à 16 h 1)



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