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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mercredi 11 février 2015 - Vol. 44 N° 15

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de Stratégie gouvernementale de développement durable révisée 2015-2020


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Table des matières

Auditions (suite)

Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE)

Centre québécois de développement durable (CQDD)

Vérificateur général

Ville de Montréal

Équiterre

Mémoires déposés

Intervenants

M. Pierre Reid, président

M. Pascal Bérubé, vice-président

M. David Heurtel

M. Ghislain Bolduc

M. Sylvain Gaudreault

M. Simon Jolin-Barrette

Mme Manon Massé

M. Serge Simard

M. Claude Surprenant

M. Sylvain Roy

*          Mme Maude Prud'homme, RQGE

*          M. Bruno Massé, idem

*          M. Nicolas Gagnon, CQDD

*          M. Raymond Rouleau, idem

*          M. Michel Samson, Vérificateur général

*          M. Jean Cinq-Mars, Commissaire au développement durable

*          M. Réal Ménard, ville de Montréal

*          M. Lionel J. Perez, idem

*          M. Sidney Ribaux, Équiterre

*          Mme Isabelle St-Germain, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures cinquante-sept minutes)

Le Président (M. Reid) : Alors, je demande le consentement... Bien, d'abord, je vais ouvrir la réunion. À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des transports et de l'environnement ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de Stratégie gouvernementale de développement durable révisée 2015-2020.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Non, M. le Président, il n'y a pas de remplacement.

Le Président (M. Reid) : Alors, je voudrais m'excuser auprès de nos invités, pour commencer, les travaux du salon bleu ont fait en sorte que nous avons un retard important. Nous allons procéder comme nous avons fait hier, nous allons réduire le temps d'échange, mais nous allons préserver le temps de présentation de nos invités si j'ai consentement de la part des membres de la commission. Est-ce j'ai consentement?

Des voix : Consentement.

Auditions (suite)

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, bienvenue à nos invités du Réseau québécois des groupes écologistes. Alors, je vais vous passer la parole pour une période de 10 minutes, après laquelle nous aurons une période d'échange avec les membres de la commission, qui vous poseront des questions. Et donc je vous donne la parole, je vais vous demander de vous présenter et de présenter la personne qui vous accompagne.

Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE)

Mme Prud'homme (Maude) : Bonjour. Mon nom est Maude Prud'homme. Je suis présidente du Réseau québécois des groupes écologistes. Je suis aussi porte-parole de Tache d'huile, une organisation basée en Gaspésie, où je réside. Je suis accompagnée de M. Bruno Massé, qui est coordonnateur au Réseau québécois des groupes écologistes.

Or donc, pour présenter un peu le réseau brièvement, il y aurait beaucoup à dire pour un réseau qui existe depuis 1982, qui a vu différentes époques du mouvement écologiste au Québec, qui a participé aussi à des convergences internationales, qui a traversé des périodes difficiles et qui persévère, et maintenant qu'on reçoit environ 80 membres d'un peu partout à travers la province. Ce sont des membres qui sont de différentes échelles, des groupes locaux, des groupes régionaux, des groupes provinciaux qui ont une diversité de réalités, mais qui ont certainement en commun d'être très près des réalités sur le terrain, tant au niveau des écosystèmes que des communautés dont ils font partie.

Un des éléments qu'ils partagent, c'est le sous-financement chronique, que ce soient les groupes nationaux... Il y en a certains qui ont une certaine reconnaissance. Certains, mais pas tous. La reconnaissance est appréciée, toutefois demeure insuffisante, vu la quantité de travail et de dossiers, la complexité des dossiers dont on doit traiter. Les groupes régionaux, pour la plupart, la vaste majorité, n'ont aucun financement à la mission, et ce, depuis des décennies. Encore une fois, vu la complexité, la multiplicité des dossiers, ça crée un état de panique. La gravité des dossiers aussi, la gravité des risques qui sont encourus par les différents projets qui sont entrepris, la magnitude des défis qu'on doit relever comme société à l'heure actuelle. Je pense qu'on se prive d'acteurs importants qui pourraient amener une expertise clé.

• (12 heures) •

Et c'est un autre des éléments qu'ils partagent, c'est une certaine non-écoute, un sentiment de non-écoute de la part du gouvernement. On a l'impression qu'on nie leur expertise, qu'on fait fi de l'apport qu'ils peuvent amener à la société québécoise. Ce sont des groupes qui existent presque malgré le gouvernement. Malgré un tel non-support, ces groupes, ces militants, ces militantes, les gens sur le terrain s'acharnent et mettent une énergie incroyable à accumuler des expertises, à documenter des dossiers, à informer la population, à tenir des assemblées publiques, à participer à des processus, même si on ne les y invite pas, à générer une force sociale parfois pour faire reculer le gouvernement sur des dossiers qui auraient coûté des centaines de millions au gouvernement du Québec, des dossiers sur lesquels on se serait cassé les dents et dont on paierait les frais aujourd'hui. C'est donc avec une certaine ingratitude qu'on constate la situation actuelle au niveau du financement.

Ceci dit, dans mon précieux dix minutes, je vais vous parler d'autre chose, puis on va parler du financement à la période de questions, j'espère. Je vous dis que, malheureusement, le ministère du Développement durable, de l'Environnement, les parties environnementales du gouvernement sont en chute de crédibilité dramatique auprès de la plupart des groupes, et c'est quelque chose qu'on déplore. On voudrait, les gens voudraient croire, mais constatent sur le terrain la dégradation des écosystèmes de façon dramatique, la dégradation des conditions de vie et, concrètement, ne peuvent le nier. Par ailleurs, il y a des déclarations qui ont été faites par le gouvernement, entre autres par M. Couillard. On remarquera ici — je ne sais pas si vous vous souvenez — que le message, c'était qu'on allait parler très majoritairement d'économie, d'emploi. Ça ne veut pas dire qu'on ne s'intéressera pas au reste, mais ça ne fait pas partie des vraies affaires. Les gens avec qui on travaille sont d'avis qu'en tant qu'êtres étant constitués à 80 % d'eau, approximativement, et respirant plusieurs fois par jour, l'air et l'eau constituent vraies affaires. On déplore que ça ne fasse pas partie des priorités du gouvernement, ça nuit beaucoup à la crédibilité qu'on peut y accorder.

Ceci dit, outre cette chute de crédibilité, il y a une volonté de croire que les gens qui choisissent de travailler au sein du gouvernement dans les sphères environnementales ont une certaine éthique. À constater les faits, il y a un questionnement quant à la redevabilité. À qui sont donc redevables ces gens, se demande-t-on? Et, de la Gaspésie, on les trouve très loin et on se demande beaucoup à qui ces gens sont redevables, puisque, les décisions qui sont prises, on a l'impression qu'elles sont prises en considérant les intérêts de certaines compagnies, des patrons, des intérêts gouvernementaux, des intérêts, des opportunités politiques. Bref, on se demande si la redevabilité aux populations concernées est un peu oubliée quelque part dans les bureaux. On se demande si les pactes de droits humains qui ont été signés, les chartes qui impliquent des responsabilités, entre autres en termes de droits consultatifs qui sont clairement définis à travers des chartes, sont-ils, à tout le moins, considérés quand on va forer sans même offrir un processus de consultation valable à des populations. À quelle redevabilité fait-on affaire?

Pour en venir à la stratégie, qui s'inscrit dans ce contexte, on est vêtus de noir aujourd'hui. Je vous rappelle qu'en 2006 le Réseau québécois des groupes écologistes avait accueilli la Loi sur le développement durable en faisant l'enterrement de la Loi sur la qualité de l'environnement. Ce deuil est toujours vécu. On a pu constater à la lecture des documents une certaine communauté d'esprit au niveau des constats. On apprécie le travail et l'honnêteté qui a été déployée à constater la situation.

Ceci dit, au niveau des moyens d'action, nous sommes perplexes. Ça nous semble disproportionné, vu la situation constatée. Est-ce que ce serait dû à un constat des moyens réduits, des moyens limités qui sont à notre disposition? Peut-être. Ceci dit, si les moyens sont limités, c'est peut-être là ce qu'il faut décrier. Si les moyens sont insuffisants pour relever les défis qui sont constatés, peut-être qu'il faudrait revoir les moyens. La proportion du budget provincial allouée à l'environnement, à la protection de l'environnement, aux soins de l'écosystème que nous habitons est ridicule. On nous parle souvent de la dette pour justifier la situation actuelle. La dette est aussi un concept qui trouve sa place dans le secteur environnemental, dans la réalité environnementale, une dette qui est autrement plus difficile à rembourser, une dette qui peut se sommer en fractures qui soient irréparables, une dette que les générations futures vont nous en vouloir énormément de leur léguer. Déjà, le legs est très lourd. On lègue des déchets radioactifs, on lègue des forêts appauvries, on lègue des écosystèmes appauvris, on lègue beaucoup de rivières en très piètre état. La dette environnementale cumulée est déjà énorme. Alors, quand on nous parle de dette pour justifier de négliger le soin de réparation de ces écosystèmes-là, qui constituent la base de toute vie, de toute communauté, de toute économie, on trouve que c'est inapproprié.

On fait donc appel à vous, gens qui se sont engagés dans ces dossiers, gens qui avez un certain pouvoir, une certaine emprise, nous l'espérons, à vous demander quel rôle vous voulez jouer dans la situation. On pense que la situation exige qu'il y ait un questionnement profond à savoir quelles actions vous voulez avoir choisi de mener, considérant le contexte et la conjoncture. Et on avait quelques questions... nous avons quelques questions... Nous en avons plusieurs, nous vous en soumettons quelques-unes.

Le Président (M. Reid) : Il vous reste un peu plus d'une minute, 1 min 20 s.

Mme Prud'homme (Maude) : Un peu plus d'une minute. Ravie je suis. C'est des questions qui considèrent les moyens. C'est des éléments où on rejoignait certains des constats, mais on ne voit pas comment les moyens répondent à ces questions-là à cette version-ci du document. J'espère que vous pourrez rectifier le tir. Alors, comment les moyens envisagés réduisent-ils les inégalités sociales? Comment croyez-vous que cette stratégie va réellement protéger l'intégrité de l'environnement? Allez-vous intégrer la dimension des droits humains à cette stratégie? Et finalement... Et là je me pose en Gaspésienne qui habite la baie des Chaleurs, qui est fort inquiète — pour être polie — de la situation des hydrocarbures, on voit les forages, là, qui ont cours, on voit les transports qui sont envisagés où le Québec, le gouvernement, les gens ici semblent ne pas s'en soucier...

Le Président (M. Reid) : En terminant.

Mme Prud'homme (Maude) : Oui, je termine. Mais des centaines de wagons-citernes qui vont passer par les rivières qui sont en amont de chez nous, là, où on pêche. Bref...

Le Président (M. Reid) : Alors, c'est terminé. Allez-y rapidement.

Mme Prud'homme (Maude) : ...pourquoi évitez-vous la question des énergies fossiles?

Le Président (M. Reid) : Merci pour votre présentation. Je passe maintenant la parole au ministre pour commencer la période d'échange.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour. Ici, bonjour. Merci pour votre présentation ainsi que votre mémoire. Aviez-vous terminé?

Mme Prud'homme (Maude) : Oui. Sinon pour vous dire que notre mémoire fut préparé avec les moyens que nous avions. Nous aurions beaucoup aimé avoir plus de moyens à notre disposition afin de vous offrir une analyse plus approfondie.

M. Heurtel : Bien, merci, il y a quand même un travail substantiel qui est là.

Au niveau de la stratégie elle-même, des processus décisionnels gouvernementaux, concrètement c'est quoi qu'il faudrait changer?

Mme Prud'homme (Maude) : Chose certaine, il y a certains éléments au niveau des normes internationales, des droits qu'on appelle les droits procéduraux, dont je vous inviterais peut-être à consulter la Ligue des droits et libertés, qui a une expertise considérable au niveau des droits procéduraux. Il y a une notion de consentement libre et éclairé. Il y a une dimension à ça qui exige que les consultations se fassent de façon préalable. Je pense que, vu la situation actuelle, ça exigerait un certain arrêt des travaux afin qu'on puisse reprendre le processus à un point où le consentement pourra être réel, à savoir avant que les dommages soient faits, qu'il soit libre, donc que les gens soient protégés dans l'exercice de leur liberté d'expression. Quand on regarde l'intimidation judiciaire qui a cours, que ce soit dans le cas de Ristigouche-Sud-Est ou de moi-même qui suis visée par une injonction permanente...

Libre et éclairé, ça signifierait qu'il y aurait beaucoup plus d'information qui soit disponible, disponible en temps utile, disponible avec un délai, disponible dans un langage que la population concernée peut comprendre.

Et ensuite la notion de consentement implique le droit de dire non. Ce n'est pas un processus simplement de générer une acceptabilité, mais bel et bien d'accepter la possibilité que ça puisse être non, la réponse.

En plus, si on ramène la dimension des droits humains, il y a une certaine responsabilité de s'assurer que les générations à venir auront les mêmes possibilités, voire plus de possibilités que nous. Et ça, ça doit être, à mon sens, un filtre qui s'applique à l'ensemble des décisions qui sont prises. Et actuellement, vu la nature des travaux qui sont envisagés ou accomplis sur le territoire, ça aurait certainement un impact sur le cours des choses.

• (12 h 10) •

Le Président (M. Reid) : Oui, M. le député de Mégantic.

M. Bolduc (Mégantic) : Merci, M. le Président. Écoutez, vous nous donnez un portrait un peu sombre de notre milieu. Vous avez besoin de sous pour nous aider. C'est ça que vous nous dites, là, si je comprends bien.

M. Massé (Bruno) : Bien, en fait, le gouvernement du Québec a adopté en 2001 une politique sur l'action communautaire autonome, et puis, en fait, on demande, entre autres, que cette politique-là soit appliquée. On sait que, dans l'entièreté du secteur communautaire au Québec, on a environ 5 000 groupes. Nous, dans notre secteur, on est une centaine de groupes, et puis, en fait, le sous-financement critique dont on faisait mention est particulier dans notre cas, notre secteur a été très malmené, coupé plusieurs fois. Et il y a plusieurs ministères au gouvernement qui ne se sont jamais conformés à la politique d'action communautaire, qui est une politique volontaire, on s'entend, mais la stratégie de développement durable aussi est assez... très volontaire. Donc, c'est dommage que, 14 ans plus tard, en fait, il y ait encore plusieurs ministères, là, donc, qui concernent l'environnement qui ne contribuent toujours pas, et c'est une des raisons de notre sous-financement. Puis oui, on a un apport si on veut vraiment protéger l'environnement puis l'intégrité des communautés du Québec. C'est ce qu'on croit.

M. Bolduc (Mégantic) : Si on voulait... C'est parce que vous parlez ici d'une reconnaissance des groupes écologistes au Québec. Qu'est-ce que ça va changer de vous reconnaître officiellement? Des contributions financières? Je ne sais pas, moi, un droit automatique aux commissions? C'est quoi qui, pour vous, vous interpelle pour qu'on puisse comprendre où sont vos enjeux?

Mme Prud'homme (Maude) : Il y a une diversité d'enjeux, selon les groupes, selon les régions, qui sont prioritaires par rapport à d'autres. Je pense que, déjà, d'ouvrir la porte à un comité mixte pour qu'il puisse accueillir les demandes des membres, et ce, de façon un peu plus décentralisée, ce serait un pas dans la bonne direction.

Ce qu'on entend depuis moult années, c'est effectivement, pour plusieurs, une reconnaissance financière, ne serait-ce que pour, effectivement, pouvoir offrir leur expertise au sein des différentes consultations qui ont cours et qui ont un impact sur leur communauté. C'est énormément d'énergie, ne serait-ce que la recherche, l'analyse des données. Ensuite, on en est réduits à ce que des gens ne puissent participer pour des raisons de manque de budget pour le transport. C'est à des points tels de non-financement. Ça fait que je pense qu'il y a cet effet-là. Ça fait que le non-financement génère une non-écoute et, de plus en plus, une forme de musellement, en fait.

M. Bolduc (Mégantic) : Pour moi... Puis je vais essayer de mettre ça dans le contexte, là, parce que j'ai d'autre chose à vous poser comme question. Dans le cas de vous donner des attributions ou... généralement, on le fait via des groupes de recherche et de développement, de quantifier des données, il y a une procédure scientifique à travers ça. Comment cette modélisation-là... ou comment on certifie un groupe? Puis je ne connais pas la réponse, là, mais peut-être que... Au niveau de la recherche, je sais comment on le fait. Donc, on suit un processus, il y a une validation. Je comprends que vous voulez faire de la recherche, assembler des données, donner des rapports. Maintenant, comment on formalise cette compétence-là, là? Je ne dis pas que vos gens ne sont pas compétents, je pose la question : Comment on en arrive là?

M. Massé (Bruno) : Oui. En fait, bien, je vous référerais à la politique d'action communautaire, qui est un document fabuleux, qui est le résultat de 10 ans, en fait, de concertation entre le mouvement communautaire du Québec et le gouvernement. On a travaillé ensemble pour élaborer cette politique-là, qui écrit noir sur blanc, en fait, l'apport des organismes communautaires dans la société québécoise, hein, qui est quand même une reconnaissance, qui est une force unique au monde.

Et concrètement, pour vous répondre, en fait, qu'est-ce que nos groupes font, nos organismes, qui sont des organismes communautaires en environnement un peu partout au Québec, travaillent dans l'éducation, dans la promotion d'alternatives environnementales, dans la prévention, notamment sur les questions de santé environnementale. On est là aussi pour fournir une expertise, mais on une légitimité démocratique, puisqu'on est enracinés dans les communautés. Alors, oui, on peut aider à atteindre les objectifs et intégrer les dimensions sociale, environnementale, évidemment.

Mme Prud'homme (Maude) : Ceci dit, dans la politique vous trouverez aussi un ensemble de critères qui ont été négociés entre, justement, les organismes communautaires, le gouvernement. Il y a tout un ensemble de critères qui définit ce qu'est un groupe d'action communautaire autonome. Un groupe d'action communautaire autonome qui agit en défense collective des droits, alors là il y a quatre critères supplémentaires. Il y a d'ailleurs déjà eu un programme de financement aux groupes régionaux et aux groupes locaux qui avait son propre ensemble de critères qui avaient aussi été négociés, qui pourraient être revisités, puisque le temps passe, et certains éléments pourraient être mis à jour. Mais, en termes de normatif, il y a ces éléments-là.

Ceci dit, il y a beaucoup du travail qui est accompli qui pallie au travail qui n'est pas accompli au sein du gouvernement par manque de moyens probablement. On se souviendra, par exemple, du cas de la rivière Etchemin. Il y avait eu une grosse poursuite-bâillon, c'est parce qu'il n'y avait pas assez d'inspection des dépotoirs, qui fait que les citoyens se ramassent à jouer le rôle qui devrait être joué par le gouvernement, se rendent vulnérables, sont ensuite visés par des poursuites. Il y a donc aussi tout un travail qui serait différent des groupes sur le terrain si le gouvernement pouvait jouer un rôle plus prépondérant et qu'on donnait les moyens au ministère de l'Environnement de faire, effectivement, respecter les normes qui sont adoptées.

M. Bolduc (Mégantic) : Dans le cadre du développement durable...

Le Président (M. Reid) : Très rapidement.

M. Bolduc (Mégantic) : On n'a pas beaucoup de temps, c'est pour ça. Dans le cadre du développement durable, qui s'applique principalement ici aux ministères et organismes, si je comprends bien, vous nous dites que ce serait très important que cette politique de développement durable là, qui prend soin des trois piliers, dont le social, qui tient compte du monde, s'étende aussi aux industries. Est-ce que j'ai bien compris? Parce que c'est un peu ce qui se dégage dans votre mémoire.

Mme Prud'homme (Maude) : Je trouve ça intéressant que vous trouviez que ce soit ça qui se dégage de notre mémoire.

Le Président (M. Reid) : ...secondes, s'il vous plaît.

Mme Prud'homme (Maude) : Effectivement, il devrait s'étendre aux industries dans la mesure où les industries interviennent sur le territoire. Ceci dit, pour ce qui est des normes, des critères, des... bien, oui, effectivement, ça devrait s'étendre aux industries, puisqu'elles interviennent sur le territoire. Ça ne m'apparaît pas comme l'élément le plus majeur, mais...

Le Président (M. Reid) : Merci. Merci. Le temps est écoulé pour le bloc gouvernemental, nous allons maintenant passer aux questions de l'opposition officielle. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Bien, au nom des parlementaires et du système parlementaire qu'il faut revoir, là, je veux m'excuser pour le délai, là, le retard que nous avons aujourd'hui. Je veux vous remercier d'être ici et je veux surtout reconnaître, effectivement, la part extraordinaire des groupes, dont le vôtre, mais d'autres groupes également qui sont militants, qui sont actifs sur le terrain et qui, souvent, grâce à leur action, permettent au Québec, justement, d'atteindre des objectifs ou des résultats parce que, parfois, juste l'action gouvernementale ne conduirait pas à l'atteinte de ces résultats. S'il n'y avait pas eu les groupes pour manifester, aujourd'hui nous aurions probablement une centrale au gaz au Suroît, par exemple, on aurait peut-être un port méthanier à Rabaska. Bon, on aurait des gaz de schiste en exploitation si ça n'avait pas été des groupes comme les vôtres qui avaient éveillé... Alors, effectivement, je pense qu'il faut reconnaître cela, puis il faut reconnaître aussi leurs besoins financiers.

Le prédécesseur du ministre actuel avait mis sur pied un comité de travail sur le financement qui était pour donner des résultats avant le déclenchement de l'élection. J'aimerais ça, vous entendre un petit peu plus là-dessus, quelle est votre évaluation, votre bilan, est-ce qu'il y a du travail qui a été repris à partir... et qu'on pourrait peut-être intégrer comme principe dans la stratégie de développement durable.

M. Massé (Bruno) : Bien, en fait, on a, depuis 2012, le RQGE, qui est un regroupement, mais il existe d'autres regroupements d'organismes communautaires en environnement. On s'est mis ensemble, effectivement, pour créer un front commun sur la question de la reconnaissance et on a entamé un travail avec le gouvernement précédent, puis, en fait, le comité mixte qui a été formé entre nos groupes puis la partie gouvernementale, on a réussi à mettre les bases d'un programme de financement qui viendrait un peu régler le problème qu'on a, en fait qui viendrait reconnaître nos groupes puis nous mettre tous ensemble. Et, en fait, on s'est rendu presque jusqu'au bout, et puis, finalement, il n'y a pas eu suite à ça, mais c'est pour un programme de financement comme tel.

Nous, on croit que, si on a la question de la reconnaissance de la part des groupes dans la stratégie, ce serait déjà un bon levier, en fait, ne serait-ce que pour aider, encourager fortement les ministères qui ne contribuent pas à se conformer à la politique d'action communautaire et à créer des programmes avec nous.

• (12 h 20) •

M. Gaudreault : Nous pourrions peut-être reprendre l'état des travaux au moment où le comité a été obligé de mettre fin à ses travaux à cause de l'élection pour voir comment on pourrait l'intégrer dans la stratégie de développement durable, par exemple, sur la question du financement. Ça pourrait être une piste que vous suggérez?

M. Massé (Bruno) : On serait ouverts à ça, oui.

M. Gaudreault : O.K. Maintenant, vous dites... Parce que votre mémoire n'est pas paginé, là, mais, au point 3.2.11, là, sur la question des consultations publiques, bon, c'est un peu paradoxal, là, parce qu'on est dans une consultation publique présentement, mais vous dites que, «pour éviter les consultations-spectacles, des démarches de relations publiques malhonnêtes et autres tentatives de manufacturer l'acceptabilité sociale», vous allez très, très loin... Alors, qu'est-ce que vous proposez comme révision du mode de consultation publique? Par exemple, est-ce que le BAPE répond encore aux besoins? Est-ce que nous devrions... Il y a d'autres groupes qui sont venus ici avant vous qui nous ont dit : Il faudrait intégrer systématiquement les évaluations environnementales stratégiques. Bon, là, c'est un autre type d'étude, là, qui est fait à ce niveau-là, mais j'aimerais ça, vous entendre un peu plus. Il y a aussi l'Institut du Nouveau Monde qui a vraiment plaidé très fort pour une participation citoyenne. Alors, au-delà de la critique, là, de la consultation-spectacle, vous nous proposez quoi?

Mme Prud'homme (Maude) : Effectivement, on est assez sévères, ça, mais c'est un constat qui émane beaucoup des membres dans les différentes régions. Venant de la Gaspésie, je vous dirais qu'on n'a même pas eu le droit à une consultation, aussi insatisfaisante eût-elle pu être. Ça fait que ça en soi, c'est parlant. On demande, en fait, que les pactes internationaux auxquels le gouvernement est lié soient respectés. Je n'ai pas le temps, ce matin, de vous établir dans le détail... mais déjà ça, c'est détaillé dans les pactes. Il y a des droits procéduraux qui existent, il y a des traditions de droits humains qui ont tablé là-dessus depuis des décennies. Théoriquement, les gouvernements sont liés à ces pactes-là. Je vous invite à aller les consulter, à consulter les organismes et à les soutenir dans cette consultation... qui travaillent sur ces dossiers-là spécifiquement de droit consultatif. Nous, on s'y est associés depuis quelques années, constatant un recul certain du respect des droits des communautés, du droit à l'autodétermination, à un consentement libre et éclairé. Dans les éléments clés, il y a effectivement que ce soit en amont, et non une fois que les travaux sont amorcés.

Il y aurait quelque chose aussi de l'ordre — pour compléter ce que j'ai dit tout à l'heure plutôt que de me répéter...

Le Président (M. Reid) : En terminant, oui.

Mme Prud'homme (Maude) : ... — du droit de proposer, dans la mesure où ce qui est soumis, c'est un peu : Voulez-vous une mine ou pas de mine? Ce n'est pas : Voulez-vous... Il n'y a pas d'espace de proposition, et constamment, à la fois pour des causes de sous-financement puis dans une perspective de sauver les meubles, on se prive de toute une intelligence qui pourrait proposer des voies à la fois sociales, économiques et qui s'intègrent dans les écosystèmes que les gens connaissent, et ça participerait aussi...

Le Président (M. Reid) : O.K. Merci.

Mme Prud'homme (Maude) : ...du respect du droit des communautés.

Le Président (M. Reid) : Merci. Je passe maintenant la parole au député de... Pardon, je pensais que c'était le député de Groulx, le député de Marguerite-Bourgeoys.

Une voix : De Borduas.

Le Président (M. Reid) : Pardon?

Une voix : Borduas.

Le Président (M. Reid) : Borduas, pardon.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Prud'homme. Bonjour, M. Massé. Vous avez dit tout à l'heure : On est habillés en noir pour... on est toujours en période de deuil par rapport à la Loi sur la qualité de l'environnement lorsque la Loi sur le développement durable a été adoptée. Au point 3.2.10, vous critiquez le fait que les principes de développement durable ne sont pas toujours pris en compte. Il y a certains groupes qui ont été entendus plus tôt dans la commission qui suggèrent d'utiliser le terme «intégrer» plutôt que «prendre en compte» les principes de développement durable. Est-ce que ça répondrait à votre préoccupation d'utiliser ce libellé-là plutôt que d'utiliser le libellé «prendre en compte» dans le cadre de la stratégie de développement durable?

Mme Prud'homme (Maude) : Honnêtement, je ne crois pas que sera un libellé qui va déterminer si on sera satisfaits des résultats de cette stratégie-là. Peut-être qu'effectivement les intégrer leur donnerait une force supplémentaire.

M. Massé (Bruno) : Oui. Bien, en fait, c'est ça, «intégrer», oui, ça peut être bien, mais est-ce qu'après ça «intégrer» reste juste volontaire? Est-ce que c'est juste suggéré au reste de l'appareil gouvernemental? Parce que c'est vrai que, si on appliquait vraiment tous les principes, ça serait déjà un pas en avant. Parce que nous, quand on regarde la liste... Puis c'est pour ça qu'on reste un peu dubitatifs, c'est qu'on regarde la liste, puis on repense à l'actualité environnementale au Québec, puis on remonte dans le temps, puis on ne la voit pas, là. Le principe de précaution, le nombre de fois qu'on se bat juste pour le principe de précaution, alors que ça devrait déjà être pris en compte... Ça fait qu'«intégrer», oui, mais ça devrait être comme obligatoire, là, ça ne devrait pas être si facile de s'en défaire.

Mme Prud'homme (Maude) : Et je vous mentionne à cet effet, là, le projet de cimenterie à Port-Daniel, qui contourne même le processus du BAPE pour des raisons administratives apparemment, c'est loin d'être intégré à cet effet-là.

M. Massé (Bruno) : D'ailleurs, pour la cimenterie à Port-Daniel, notre formation politique a critiqué ce choix gouvernemental là. Mais ce que je comprends de votre propos, c'est que vous dites en gros : Bien, les bottines ne suivent pas les babines.

Sur un autre point, au niveau de la conciliation dans le cadre des conflits d'usage de territoires, vous faites référence dans votre mémoire, à 3.2.18, à la question du cas de Ristigouche et à Gaspé, vous dites : Le gouvernement aurait dû prendre une part active, une participation. Pouvez-vous expliciter ce point-là?

Mme Prud'homme (Maude) : Oui, je peux y aller. Bien, chose certaine, les municipalités et les gens se sentent fort intimidés, se sont sentis fort intimidés. Il y a un construit de la force qu'on peut avoir par rapport aux compagnies, particulièrement par rapport aux compagnies pétrolières et à la puissance hydrocarbure en ce monde qui fait sentir la municipalité de 85 habitants de Ristigouche Sud-Est un peu petite face à cette situation. En ce moment, la municipalité est poursuivie, on organise des «clam chowders» bénéfice, là, pour financer leur défense. Cette situation-là, oui, laisse à penser qu'il y a eu des lacunes de la part du comportement du gouvernement. Ceci dit, en ce moment, la politique de protection de l'eau potable qui a été adoptée est tout à fait insatisfaisante et ne remplit pas non plus le besoin de prendre les responsabilités par rapport à la protection du droit à l'accès à l'eau potable des populations, et c'est terrifiant pour les gens concernés.

M. Jolin-Barrette : Vous avez...

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, je passe maintenant la parole, pour le bloc réservé aux députés indépendants, à Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

Mme Massé : 1 min...

Le Président (M. Reid) : ...40 s.

Mme Massé : ...40 s. Merci d'être là. Merci d'élever le débat. Vous mettez le doigt dessus, réconcilier la contradiction entre l'économie capitaliste et le maintien de l'intégrité des écosystèmes naturels. Je comprends que vous portez le noir, je comprends que... En fait, en lisant, je me disais : On lit ça, puis on se dit : Bien, ils se posent la question : C'est-u de la frime, toute cette affaire-là?, puis je pense que vous l'avez nommé de différentes façons. Je vous laisse mon dernier 45 secondes pour dire ce que vous avez à dire à cette Assemblée.

Le Président (M. Reid) : Il vous reste une minute.

Mme Massé : Une minute.

Mme Prud'homme (Maude) : Ouf! Merci. Bien, je réitérerais mon invitation. L'invitation qu'on vous lance, c'est une invitation à faire mieux. On se demande sincèrement de quel côté vous vous posez. La situation est grave, grave au point de provoquer des confrontations. On la voit sur le terrain, on la sent dans les régions, on la sent un peu partout, ça grogne. Après ça, il appartient à tout le monde de se positionner où il le veut bien. Ce ne sera pas sans conséquence sur le cours des choses. Les enjeux sont tels, oui, d'un point de vue social, d'un point de vue environnemental, les dommages seraient irréparables, et les gens n'abandonneront pas la qualité de vie et les possibilités de vivre là où ils vivent.

Mme Massé : Soyez assurés que Québec solidaire est avec vous là-dedans.

Le Président (M. Reid) : Merci. Merci beaucoup de votre contribution.

Je lève les travaux de la séance pour quelques instants, le temps de permettre au prochain groupe de s'installer.

(Suspension de la séance à 12 h 28)

(Reprise à 12 h 30)

Le Président (M. Reid) : À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je voudrais souhaiter la bienvenue au prochain groupe d'invités du Centre québécois de développement durable. Nous allons procéder à 10 minutes de présentation, comme je l'ai expliqué précédemment, et nous allons raccourcir la période d'échange pour rester dans les temps qui nous sont alloués pour la salle. Alors, rapidement, pour ne pas perdre de temps, je vous passe la parole en vous demandant de vous en tenir à 10 minutes. Je vais essayer de vous donner un signal si jamais je vois que ça devient serré. Et vous commencez par vous présenter, présenter la personne qui vous accompagne.

Centre québécois de développement durable (CQDD)

M. Gagnon (Nicolas) : Parfait. M. le Président, M. le ministre du Développement durable, Mme et MM. les députés, merci de nous avoir invités aujourd'hui. Je suis accompagné de M. Raymond Rouleau, vice-président du conseil d'administration du Centre québécois de développement durable, le CQDD. Je me présente, Nicolas Gagnon. Je suis directeur général du Centre québécois de développement durable.

Donc, pour vous introduire très rapidement mon organisation, le CQDD, on est une organisation à but non lucratif autonome qui accompagne les organisations dans leurs démarches de développement durable depuis 23 ans. On a eu l'occasion d'accompagner 300 organisations, dont 10 ministères et organismes d'État, dans la mise en oeuvre dans leur plan d'action de développement durable.

Le mémoire, que nous avons fait parvenir tardivement, je m'en excuse, vise à suggérer des pistes de bonification par rapport aux efforts qui sont prévus par le gouvernement dans le cadre de la stratégie gouvernementale. Le projet de stratégie, par les enjeux sur lesquels il se fonde et les huit orientations qu'il propose, constitue un engagement que nous jugeons indispensable pour faire du développement durable un véritable projet de société.

D'abord, en ce qui concerne la gouvernance, vous n'êtes pas sans savoir les nombreuses critiques par rapport à la mise en oeuvre de la Loi sur le développement durable, notamment la difficulté de l'Administration à mettre en place une coordination interministérielle et le fait — efficace — qu'aucune entité n'est suffisamment responsable de la cohérence des actions mises en oeuvre et de l'atteinte des objectifs gouvernementaux, pour reprendre les propos du Commissaire au développement durable. En ce sens, il nous apparaît primordial de bonifier la gouvernance en développement durable qui a prévalu avec la première stratégie, notamment en agissant sur une des déficiences majeures, soit l'absence de mesures de contrôle efficaces et rigoureuses.

L'introduction d'une mesure de contrôle basée sur un lien contractuel, une entente de gestion entre les différents paliers de responsabilité impliqués, contribuerait grandement à l'efficience de la mise en oeuvre de la stratégie 2015-2020. De par sa responsabilité d'octroyer les ressources financières aux ministères et aux organismes, nous croyons que le Secrétariat du Conseil du trésor, en collaboration étroite avec le ministère du Développement durable, présente l'autorité nécessaire devant permettre d'atteindre l'efficacité, l'efficience et la cohérence gouvernementale dans cette démarche. Donc, en appui aux travaux du ministère responsable du développement durable, le CQDD recommande la mise en place, par le Secrétariat du Conseil du trésor, d'un cadre de gestion et de suivi en développement durable lui permettant d'intégrer des critères de développement durable dans un processus de gestion rigoureux et efficient s'adressant aux différents ministères et organismes d'État.

Cette proposition de processus de gestion, qui s'appuie essentiellement sur des outils déjà existants au sein de l'administration publique, devrait permettre, si appliquée adéquatement, de faciliter l'intégration du développement durable dans les préoccupations réelles des ministères et des organismes et, par le fait même, d'implanter de manière efficiente cette approche en y associant des mesures financières encourageantes ou, s'il y a lieu, coercitives.

Cette recommandation est d'ailleurs en cohérence avec deux objectifs de la Commission de révision permanente des programmes, soit que les programmes soient administrés de manière efficace et efficiente et que la structure de gouvernance en place est appropriée. Aussi, que les programmes soient soumis à un processus d'évaluation continue.

Le gouvernement du Québec dispose d'un levier structurant pour inciter les PME québécoises à prendre le virage du développement durable. Par des pratiques d'approvisionnement écoresponsables, le gouvernement peut fortement stimuler la production de produits verts et inciter les entreprises à prendre le virage du développement durable. Or, le bilan de la première stratégie ne nous donne qu'une vague idée des réalisations qui ont été réalisées par les ministères et les organismes et nous porte à craindre que cette situation ne puisse être corrigée avec l'adoption du projet actuel de stratégie révisée. En ce sens, nous croyons qu'il serait approprié d'adopter des cibles de performance mesurables pour chacun des ministères et des organismes d'État plutôt que de cibler un moyen ou une augmentation non définie pour arriver à une progression. Donc, dans ce sens-là, nous recommandons d'adopter des cibles mesurables correspondant minimalement à 50 % des contrats octroyés et à 50 % de la valeur des contrats octroyés au cours de l'année 2020 avec des critères de développement durable.

Par ailleurs, les pratiques d'acquisition écoresponsables des ministères ne devraient pas se limiter à seulement des critères au niveau de l'achat des produits, mais intégrer également des critères pour le choix des fournisseurs sur la base de leur niveau d'avancement en matière de développement durable ou de responsabilité sociale de l'entreprise. Dans ce sens, nous recommandons au gouvernement de se doter de cibles minimales en pourcentage du nombre de contrats de service octroyés par les ministères et organismes en intégrant des critères de développement durable pour le choix des fournisseurs en accordant une marge préférentielle.

Certains développements récents laissent entrevoir un resserrement des pratiques d'approvisionnement responsable à l'échelle mondiale, et, dans ce sens-là, le positionnement des entreprises, des PME en développement durable devient de plus en plus essentiel à leur compétitivité. Il est remarquable, dans le projet de stratégie, qu'on ait prévu un résultat mesurable au niveau du positionnement des entreprises en développement durable, soit 30 % des entreprises privées, et amorcé une démarche de développement durable à l'horizon 2020. Sauf que, sur la base de la progression récente qui a été observée par différents sondages du ministère de l'Économie et surtout de l'ensemble des leviers dont pourra disposer le ministère avec la nouvelle stratégie, on croit qu'une augmentation plus significative devrait être ciblée. En ce sens-là, on recommande que le gouvernement se dote d'un objectif de 40 % du nombre d'entreprises privées qui auront amorcé une démarche structurée de développement durable à l'horizon 2020.

Le deuxième obstacle en importance lié à l'adoption d'une démarche de développement durable par les entreprises au Québec est le manque d'information. Vous n'êtes pas sans savoir qu'un guide normatif et une méthodologie d'application ont été développés et rendus disponibles récemment par le Bureau de normalisation du Québec. Si ces documents constituent une référence incontournable, particulièrement pour les spécialistes, ce qu'on constate, c'est que les gestionnaires de PME ont peu tendance à s'y référer parce qu'ils ne sont pas adaptés à leur réalité de leur secteur d'activité. En ce sens-là, on recommande que le gouvernement soutienne la conception de guides de gestion sectoriels de développement durable destinés aux gestionnaires d'entreprise des principaux secteurs d'activité économique au Québec.

Jusqu'à présent, les précédents gouvernements ont fait preuve d'une certaine gêne face à l'engagement des organismes municipaux, des organismes scolaires et des établissements de santé et de services sociaux, à les impliquer dans la démarche gouvernementale de développement durable. À défaut d'assujettir ces organismes — ces organismes des trois grands réseaux — on se serait attendu minimalement à les confronter à un objectif mesurable établi selon un pourcentage prédéfini des organismes qui auraient amorcé une démarche de développement durable à l'horizon 2020, comme il avait été convenu dans le passé.

La situation de ces organismes a fortement évolué depuis l'adoption de la première stratégie gouvernementale de développement durable. En fait, on croit qu'il y a des éléments actuels qui sont propices à une implication plus importante de leur part dans la stratégie gouvernementale. Par exemple, la période de négociation prévue en 2015 sur le pacte fiscal pluriannuel avec les municipalités crée un environnement qui est propice à une implication accrue des organismes municipaux. Il importe notamment que les MRC, qui seront prochainement dotées de nouvelles compétences, aient des obligations en développement durable minimalement comparables à celles qui étaient dévolues aux conférences régionales des élus. Aussi, pour faciliter l'implication des municipalités, nous croyons qu'une aide financière réservée au développement durable devrait leur être consentie visant à encourager à démarrer de pareilles initiatives. En ce sens-là, on recommande d'adopter des dispositions légales afin de concrétiser une implication plus rigoureuse des municipalités et des MRC à la mise en oeuvre de la démarche gouvernementale de développement durable.

Aussi, l'adoption récente de la loi n° 10 est également propice à une implication accrue du réseau de la santé. Au cours des dernières années, on a eu l'occasion d'accompagner plusieurs établissements de santé et de services sociaux, et, malgré un financement financier réservé à certains établissements, on remarque que les résultats sont plutôt mitigés. En fait, on est d'avis que le réseau de la santé, avec l'accompagnement qui est proposé dans la stratégie actuelle... cet accompagnement-là est pertinent et justifié, mais totalement insuffisant. Dans ce sens-là, on recommande que le gouvernement adopte un minimum de cibles de performance associées à une reddition de comptes rigoureuse en développement durable pour les nouveaux centres intégrés de santé et de services sociaux qui vont être constitués dans les prochains mois.

Au niveau des établissements d'enseignement, il y a des progrès importants qui ont été réalisés, ça, c'est certain. Sauf qu'à l'heure actuelle il y a seulement 17 % des commissions scolaires au Québec qui ont amorcé une démarche de développement durable, ce qui nous amène à constater que...

Le Président (M. Reid) : En terminant, rapidement

• (12 h 40) •

M. Gagnon (Nicolas) : ...certaines orientations, certaines pratiques sont en incohérence par rapport à des orientations gouvernementales, notamment dans le cadre de la politique de gestion des matières résiduelles. En ce sens-là, on recommande que le gouvernement du Québec se dote également d'un minimum de cibles de performance en développement durable pour les établissements d'enseignement.

Donc, pour conclure, dans la période de mise en oeuvre de la stratégie 2015-2020, le CQDD réalisera plusieurs projets qui seront en appui à la démarche gouvernementale, que ce soit la sensibilisation des entreprises, le développement et la mise en oeuvre de projets pilotes sectoriels d'accompagnement des entreprises, la production d'outils de gestion sectoriels, la réalisation de projets de transfert et d'échange de connaissances avec des organismes de développement économique francophones canadiens. Ces projets vont être réalisés en étroite collaboration avec des ministères et des sociétés d'État du Québec. En ce sens, on est à la disposition du gouvernement du Québec afin de clarifier certaines recommandations, notamment les modalités de mise en oeuvre de certaines de nos recommandations afin d'agir plus étroitement comme partenaires du gouvernement du Québec en développement durable.

Le Président (M. Reid) : Merci. Merci pour votre présentation. Pour la période d'échange, je vais passer la parole, pour commencer, au ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Excusez-nous pour le délai hors de notre contrôle. Merci pour votre présentation ainsi que votre mémoire. Rapidement, j'aimerais vous entendre sur l'importance que vous donnez à la nécessité d'intégrer la lutte contre les changements climatiques dans le concept de développement durable de la stratégie et, donc, dans la stratégie par rapport aux indicateurs de performance et les processus décisionnels gouvernementaux.

M. Gagnon (Nicolas) : Oui. En fait, on n'a pas touché la question de la lutte aux changements climatiques parce qu'en fait moi, je trouve que c'est... la plupart des... en fait, les seuls indicateurs quantifiables qui ont été identifiés dans la stratégie touchent les indicateurs liés à la lutte aux changements climatiques. En ce sens-là, on trouve que le travail est très intéressant de ce qui est... le travail qui a été fait est très intéressant. On se serait attendu à une rigueur équivalente pour les autres enjeux, mais, par rapport à la lutte aux changements climatiques, je pense que ça va permettre au gouvernement du Québec de progresser

M. Heurtel : Ce que je peux vous dire là-dessus, c'est clairement notre intention que le produit final intègre des indicateurs de performance puis qu'on puisse mesurer la performance des organismes et ministères du gouvernement par rapport à la stratégie.

Sur ce point-là plus précisément, on a entendu beaucoup d'organismes durant nos travaux venir nous parler de l'importance d'intégrer justement... Vous, vous avez mis l'accent — et je comprends très bien — sur les indicateurs de performance, être capable de mesurer, de suivre avec un tableau de bord le travail des organismes par rapport au développement durable. Est-ce que vous pensez qu'aussi d'intégrer dans le processus décisionnel de ces ministères et organismes là — comment je dirais? — des directives très claires qu'ils doivent intégrer soit les principes de développement durable, soit des principes de lutte contre les changements climatiques, bref, faire en sorte que ça ne soit pas juste une orientation, mais que, strictement parlant, que ça soit les politiques d'achat, les appels d'offres, les décisions concernant les investissements, les décisions en aménagement, en transport, bref, de façon horizontale... est-ce que ça, ça aiderait également à rejoindre les objectifs que vous préconisez?

M. Gagnon (Nicolas) : Oui. Bien, en fait, nos recommandations vont dans ce sens-là, on propose même d'aller plus loin avec des ententes de gestion, d'imputabilité en développement durable dans la mesure où chaque ministère aurait des cibles à atteindre minimales et devrait rendre compte des résultats qu'il a atteints.

Le problème présentement, ce qu'on observe avec le mécanisme de gouvernance actuel, c'est que les ministères prennent des engagements avec leur plan d'action de développement durable, font état du niveau d'avancement, mais il y a le Commissaire au développement durable qui fait des vérifications aléatoires, il n'y a pas de mesure de contrôle, suivi de performance direct par rapport aux engagements qui ont été pris. Si ça pouvait être lié à un mécanisme de performance, particulièrement financier, qui peut être encourageant ou coercitif, moi, je pense qu'on ferait des gains en termes d'efficacité.

Et je pense que nos demandes ne sont pas irréalistes dans la mesure où, si on prend l'exemple de la Société de transport de Montréal, ils ont des objectifs très précis en termes de pourcentage du nombre de contrats qui ont été octroyés sur la base de critères de développement durable et sur la valeur totale des contrats octroyés. En fait, ils se sont fixé comme objectif pour qu'en 2020, si je me souviens bien, qu'il y ait 90 % des achats qui a été fait avec ces critères-là. Là, ici, on se contente, dans le projet de stratégie actuel, de parler d'une augmentation significative des acquisitions faites de manière écoresponsable ou encore de l'intégration, d'ici 2020, par 50 % des ministères et des organismes de considérations écoresponsables dans leurs politiques internes, ce qui fait en sorte qu'une société d'État comme Hydro-Québec, qui a un budget d'approvisionnement substantiel, s'ils intègrent certains critères pour l'achat de papier, et ça correspond à moins de 1 % de leur budget d'approvisionnement, ils vont avoir contribué à l'atteinte de cet objectif de 50 % là. Je pense qu'il faut être plus rigoureux.

Le Président (M. Reid) : M. le député de Dubuc.

M. Simard : Merci, M. le Président. D'abord, M. Gagnon, M. Rouleau, bienvenue à cette commission. D'abord, je veux féliciter votre organisme parce que, en tout cas, tout au moins dans ma région, je pense que c'est un organisme qui est reconnu, et puis vous avez véritablement, depuis plusieurs années, développé une expertise intéressante au niveau de tous genres d'entreprises ou d'organismes pour proposer des démarches de développement durable qui ont permis, encore une fois, d'arriver à des objectifs précis. Quand on regarde votre mémoire, vos propositions, vous faites des critiques, mais également vous proposez des changements, vous proposez des choses intéressantes qui vont nous permettre, au niveau gouvernemental, de...

Une voix : D'améliorer.

M. Simard : ...d'améliorer, justement, la performance à ce niveau-là. Merci mon collègue.

Une voix : C'est gratuit.

M. Simard : Maintenant, ce que je voudrais savoir... À la lecture de vos recommandations, vous dites : Oui, il faut absolument que l'ensemble des ministères aient des pourcentages qui vont être mesurables par rapport à l'atteinte des objectifs, mais vous proposez également que deux gouvernements comme le gouvernement municipal et le gouvernement scolaire suivent la même démarche. Donc, si je comprends votre recommandation, c'est-à-dire la recommandation 3 versus la 7 et la 8, vous voulez implicitement que ces gouvernements-là suivent à peu près tous le même moule, s'assurer qu'on a la même démarche. J'aimerais vous entendre à ce niveau-là.

M. Rouleau (Raymond) : Bien, enfin, la démarche, la politique comme telle, c'est une impulsion pour faire mieux les choses. Alors, tout le résultat final dépend de l'engagement des ministères et des organisations et, par le fait même, des commissions scolaires à suivre ce mouvement-là. Parce que le ministère de l'Environnement comme tel n'a à peu près pas de moyens, là, de... Ce qu'il donne, c'est une vision de mieux faire les choses, finalement, parce que... Puis moi, je trouve que ça va pleinement dans la politique du gouvernement actuel de revoir nos façons de faire. Mieux faire les choses, là, c'est les faire comme il faut tout de suite. Ça coûte moins cher, puis on économise à mieux faire les choses. Alors, c'est dans cette optique-là que nous pensons que l'introduction du Conseil du trésor dans le processus donnerait des moyens au ministère de l'Environnement, justement, d'avoir une poignée, dire : Regarde, écoutez, là, je pense que vous n'en faites pas assez ou vous n'êtes pas tout à fait dans la ligne. Alors, c'est dans ce sens-là.

M. Gagnon (Nicolas) : Pour compléter, si on prend un recul historique, quand la première stratégie a été adoptée, au niveau des municipalités il y avait trois projets de démarche de développement durable au niveau des municipalités qui étaient initiés dans le cadre d'un projet pilote qu'on réalisait. Par la suite, il y a eu du financement du fédéral, malgré que ce soit une compétence provinciale, qui a permis la réalisation de nombreuses démarches de développement durable au Québec, que ce soit celle de Baie-Saint-Paul, de la ville de Montréal. En fait, il y a eu un mouvement très fort, il y a des outils qui ont été développés. Le ministère des Affaires municipales a été très proactif pour développer des outils de gestion du développement durable.

Là, on est à un stade où il y a près de 20 % des municipalités au Québec qui ont bougé, qui ont amorcé une stratégie de développement durable. Dans ce sens-là, on croit que les balises ont été identifiées. Et, dans ce sens-là, je pense que les municipalités qui allaient avoir tendance à être proactives ont bougé. Maintenant, il faut qu'il y ait un signal un petit peu plus — comment je pourrais dire, donc? — incitatif du gouvernement qui soit envoyé aux municipalités. Et il y a des enjeux. Comme je disais tout à l'heure, les conférences régionales des élus devaient produire un plan quinquennal de développement régional dans une perspective de développement durable. Là, maintenant, les MRC se retrouvent avec ces responsabilités-là. C'est des choix politiques, mais ce qui est important, c'est que, si on perd un acteur qui avait des responsabilités en développement durable, il faut que les nouveaux acteurs soient outillés pour aller dans ce sens-là. Et ça, c'est très important, à mon avis, de l'intégrer dans le prochain pacte fiscal.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous allons passer maintenant au bloc du groupe de l'opposition officielle. M. le député de Jonquière.

• (12 h 50) •

M. Gaudreault : Oui. Merci, M. le Président. Vous me permettrez d'être un peu chauvin pour saluer un citoyen de ma circonscription, M. Rouleau. Alors, merci d'être ici, M. Rouleau. M. Gagnon, merci aussi d'être ici. Le CQDD est une institution importante du Saguenay—Lac-Saint-Jean, mais qui rayonne à travers tout le Québec évidemment, mais qui est basée quand même en région. Alors, on trouvait très important que vous soyez ici.

Écoutez, le temps est restreint, on a été obligés de couper un peu partout. Donc, moi, j'aimerais vous entendre spécifiquement sur la question des appels d'offres. À la page 10 et 12 de votre mémoire, là, vous... C'est-u 10 et 12, les appels d'offres? Oui, exactement, entre les pages 10 et 12. Donc, la recommandation 1, finalement, je voudrais vous entendre davantage sur ce que vous proposez. Vous parlez, par exemple, de l'intégration d'ici 2020, par 50 % des ministères et organismes, de considérations écoresponsables dans leurs politiques de gestion, d'acquisition, là. En fait, vous arrivez avec un processus, et c'est un peu la première fois qu'on l'entend. Au-delà des principes ou de l'importance de revoir la règle du plus bas soumissionnaire, par exemple, ce que je comprends de votre mémoire, c'est que vous nous proposez un processus un peu plus précis pour revoir les appels d'offres. Je voudrais vous entendre là-dessus.

M. Gagnon (Nicolas) : Oui. Bien, en fait, essentiellement, c'est de sortir des critères traditionnels de prix, qualité, provenance et capacité d'approvisionnement pour intégrer des critères socioenvironnementaux dans les pratiques d'achat. Au niveau du papier, ça peut être réglé assez facilement parce qu'il y a une certification, et le gouvernement du Québec a progressé significativement par rapport à cet enjeu-là.

Ensuite, il y a l'objectif d'intégrer des critères en matière de responsabilité sociétale des organisations. Est-ce que l'organisation, par exemple, a une stratégie pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre, est transparente par rapport à ses engagements en développement durable, a des engagements, les publie, les transmet à ses parties prenantes, travaille différents enjeux, ses propres pratiques d'approvisionnement, ce qui fait en sorte que, par effet domino, on favorise une implication plus active de l'ensemble des acteurs de la société en développement durable?

Par rapport à ça, il y a eu des mécanismes qui ont été mis en place. La Loi sur les contrats des organismes publics permet maintenant des spécifications liées au développement durable et permet d'utiliser une marge préférentielle, et ça, c'est un levier extrêmement puissant pour favoriser la contribution des entreprises au développement durable. Par exemple, s'il y a un appel d'offres public, il y a un soumissionnaire à 90 000 $ qui... Par exemple, dans le cadre d'un appel d'offres public, il y a 10 % de marge préférentielle qui est accordé au développement durable. S'il y a une entreprise présentement qui... une entreprise qui soumissionne à 91 000 $, et il y en a une autre qui est à 100 000 $, mais, sur la base du 10 % parce qu'il répond à l'ensemble des critères en développement durable, son prix va être considéré à 90 000 $, et donc il va obtenir le contrat, même s'il était plus cher que l'autre. Donc, dans ce sens-là...

M. Gaudreault : Et je veux juste vous entendre aussi... Avez-vous examiné l'impact sur les ententes internationales de libre-échange, par exemple, ces choses-là? J'aimerais ça, vous entendre un peu là-dessus.

M. Gagnon (Nicolas) : Par rapport à ça, c'est sûr qu'il y a un enjeu. À un moment donné, les critères de développement durable étaient utilisés pour faire de l'achat régional, et ça, les accords de commerce international sont très stricts par rapport à ça, on ne peut pas privilégier un fournisseur sur des considérations géographiques. Par contre, les critères de développement durable au niveau de la qualité du fournisseur, certains critères comme, comme je vous disais, des critères environnementaux, sociaux, économiques, de gouvernance peuvent être utilisés. Et, si on regarde qu'est-ce qui est réalisé par le Groupe d'approvisionnement en commun de l'Est du Québec, qui a quand même un budget d'approvisionnement autour de 700 millions par année, c'est un leader en matière d'approvisionnement responsable, et il y a un leadership très fort qui vient de l'interne. Ce n'est pas tant la pression de la politique administrative pour les acquisitions écoresponsables qui les a amenés à se positionner dans ce sens-là, c'est que les décideurs ont décidé de se positionner parce qu'ils sont conscients du levier que ça peut représenter.

Même chose par rapport à l'Université Laval, qui va faire une reddition de comptes en développement durable sur la base de leur niveau d'achat au niveau des produits ou au niveau des fournisseurs qui ont été sélectionnés sur la base de critères de développement durable. Ça, il y a de l'information dans le document par rapport à ça.

M. Rouleau (Raymond) : Et l'introduction de cette mécanique-là, justement, va permettre de compétitionner avec des entreprises qui vont avoir des avantages dû à des ententes de libre-échange.

M. Gagnon (Nicolas) : C'est certain que, présentement, on sent qu'il y a certaines réticences de la part de certains responsables d'approvisionnement. Pour avoir parlé avec plusieurs officiers au développement durable qui voudraient que ça avance plus vite, on sent qu'il y a souvent des freins au niveau des responsables de l'approvisionnement parce que, bon, techniquement, au niveau de la procédure, c'est très complexe, les approvisionnements. Souvent, il y a des relations privilégiées avec certains fournisseurs également qui font en sorte qu'à notre avis il faut qu'il y ait une volonté très forte pour prendre ce virage-là.

M. Rouleau (Raymond) : Et cette mécanique-là, là, ce n'est pas du rêve, elle roule présentement, là. Le GACEQ, qui est le groupe d'approvisionnement en soins et santé de l'Est du Québec, achète pour 700 millions par année présentement sous cette mécanique-là.

Le Président (M. Reid) : Merci. C'est le temps que nous avons. Maintenant, je passe la parole au porte-parole du deuxième groupe d'opposition, M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Rouleau. Bonjour, M. Gagnon. En lien avec la question du député de Jonquière sur la question des appels d'offres, vous avez abordé la question du 10 % de taux préférentiel et vous suggérez, là, à la page 12 d'avoir un seuil minimal de 50 % des contrats octroyés.

Une voix : D'ici 2020.

M. Jolin-Barrette : D'ici 2020. Est-ce que vous ne pensez pas que ça va faire augmenter substantiellement le coût des approvisionnements si on procède de cette façon-là? Et, en sous-question, est-ce que vous considérez qu'on devrait établir un certain quota? On doit favoriser, dans le fond, l'achat pour favoriser le développement durable, mais financièrement, là, je comprends que vous souhaitez qu'on intègre d'autres critères, mais l'impact économique, l'impact financier, là, sur le prix des contrats d'approvisionnement...

M. Gagnon (Nicolas) : C'est une bonne question dans la mesure où le gouvernement... La loi permet d'utiliser 10 %. Le gouvernement n'est pas obligé d'utiliser 10 %, pourrait se limiter à 2 %, par exemple, ce qui enverrait un signal très fort quand même à l'industrie. Parce que ça arrive qu'il y ait des entreprises qui viennent nous voir puis qui nous disent : Écoutez, on fait affaire avec cet organisme-là depuis une dizaine d'années, et là on nous arrive avec ces nouveaux critères là qui risquent de nous faire perdre les contrats. Ça, ça va être une décision à avoir au niveau du pourcentage jusqu'où vous voulez aller. Sauf que le GACEQ utilise parfois le 10 %, et, jusqu'à présent, ça n'a pas eu un impact significatif au niveau des prix, dans la mesure où le fait d'avoir une stratégie de développement durable ne va pas nécessairement en lien avec... on ne peut pas faire une corrélation directe avec une perte d'efficacité au niveau de l'entreprise, au contraire, ce que nous démontrent les études. Ça, c'est une chose.

Puis, d'un autre côté, il faut regarder qu'est-ce qui se passe au niveau du privé. Le privé va avoir cette tendance-là. En fait, la pression qui vient du marché... La pression présentement, au niveau des entreprises, vient surtout du marché. Les entreprises privées ne vont pas avoir tendance à payer plus cher pour un fournisseur. Ils y vont plus comme exigence ou ils commencent à se positionner tranquillement comme Wal-Mart, par exemple, en documentant les pratiques de développement durable de leurs fournisseurs. Donc, il y a un mouvement à y avoir par rapport à ça.

Mais est-ce qu'il faut y aller sur le 10 %? Les expériences, jusqu'à présent, n'ont pas eu un impact au niveau des prix. Ça pourrait en avoir un dans certains contrats, mais je pense que pour l'ensemble... Il faudrait le documenter comme il faut, mais ce n'est pas les informations qu'on a.

M. Jolin-Barrette : Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, je passe maintenant la parole à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

Mme Massé : Merci. Merci beaucoup pour votre mémoire. Vous avez dit lors de votre présentation qu'il faut une volonté très forte pour appliquer une stratégie de développement durable dans une entreprise, une municipalité, au sein même d'un gouvernement, j'imagine, encore plus. Vous ne trouvez pas qu'il y a une certaine incohérence qu'on prenne tout ce temps pour voir comment les ministères et organismes vont voir... Vous parlez même de l'améliorer, les politiques de gestion en développement durable, alors qu'on a, parallèlement à ça, des grands projets, que ce soit le Plan Nord, la stratégie maritime ou bien d'autres projets qu'on a entendus ici, qui nous amènent complètement à l'inverse. Vous ne trouvez pas une certaine incohérence là-dedans?

M. Gagnon (Nicolas) : C'est une bonne question. Nous, on travaille à opérationnaliser le développement durable dans les organisations, on n'a pas fait une analyse des politiques publiques par rapport à la prise en compte du développement durable. Je pense que le développement durable, c'est un projet de société, c'est une utopie vers laquelle on veut tendre, et il y a tout un chemin à faire pour avancer comme organisation. Je pense que, dans le projet qui est proposé, il y a des éléments pour progresser fortement, mais on pense qu'au niveau des orientations, au niveau des enjeux, au niveau des objectifs... Par contre, ce qui nous met mal à l'aise, c'est les cibles qui sont identifiées, et c'est par rapport à ça qu'on pense qu'il y a un travail à faire pour bonifier la proposition.

Mme Massé : Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, merci, messieurs, de votre présentation et de votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux jusqu'à 15 heures, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise à 15 h 6)

Le Président (M. Reid) : Oui. Alors, nous reprenons nos travaux. Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de Stratégie gouvernementale de développement durable révisée 2015-2020.

Cet après-midi, nous recevons le vérificateur du Québec avec le Commissaire au développement durable, et par la suite la ville de Montréal, et pour terminer avec Équiterre.

Alors, M. le vérificateur, vous avez 10 minutes pour faire une présentation — ou M. le commissaire, je ne sais trop — et, par la suite, nous aurons une période d'échange de 35 minutes avec les membres de la commission. Alors, je vous demande de présenter les personnes qui vous accompagnent, M. le vérificateur.

Vérificateur général

M. Samson (Michel) : Merci. Merci, M. le Président. Alors, bonjour à tous. Je vais dire quelques mots avant de passer la parole à M. Cinq-Mars, qui est le Commissaire au développement durable. Alors, je vous présente les gens qui m'accompagnent en plus de M. Cinq-Mars, Commissaire au développement durable : Mme Marie-Claude Ouimet, qui est directrice principale au Vérificateur général, Mme Caroline Rivard, qui est directrice de vérification dans le secteur du développement durable, et M. Gérard Croteau, qui est un spécialiste en développement durable chez nous, au Vérificateur général.

Donc, M. le Président, M. le ministre, MM. les vice-présidents, Mmes et MM. membres de cette commission, c'est avec plaisir que je participe à cette séance de consultation à l'égard du projet de Stratégie gouvernementale de développement durable révisée 2015-2020. Ce document est important. La Stratégie de développement durable 2015-2020 constitue le cadre de référence dans lequel le gouvernement indique les objectifs qu'il veut atteindre et comment il va s'y prendre pour y arriver. Le développement durable est un enjeu important tant au Québec qu'à l'échelle internationale. En 2015, des rencontres d'importance cruciale sur ce sujet se dérouleront. Mentionnons notamment le Sommet spécial pour le développement durable, qui aura lieu en septembre et qui est organisé par les Nations Unies. Pendant ce sommet, des objectifs liés au développement durable seront adoptés. En décembre aura lieu la 21e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.

Au Québec, le développement durable fait partie intégrante des travaux que je réalise depuis près de huit ans. Les différents rapports de vérification produits par l'équipe du Commissaire au développement durable apportent un éclairage d'une grande valeur sur l'application de la Loi sur le développement durable adoptée en 2006. Ainsi, plusieurs éléments qui sont contenus dans la stratégie pour 2008-2013 ou qui y sont associés ont fait l'objet de constats et de recommandations de la part du Commissaire au développement durable au fil des ans. Il s'agit notamment des objectifs déterminés dans la stratégie, des plans d'action de développement durable des entités assujetties, de l'adaptation de leurs pratiques de gestion dans la prise en compte des principes contenus dans la loi, de la sensibilisation et de la formation du personnel, des indicateurs retenus pour mesurer l'atteinte des objectifs et de la reddition de comptes associée tant à la démarche des entités qu'à celle gouvernementale.

Ces travaux ainsi que les recommandations qui en découlent ont tous pour objet d'améliorer la mise en oeuvre de la Loi sur le développement durable. Les commentaires sur le projet de stratégie que s'apprête à formuler M. Cinq-Mars vont dans le même sens. Je lui laisse donc la parole.

M. Cinq-Mars (Jean) : Alors, bonjour, M. le Président. Bonjour, M. le vice-président, mesdames et messieurs. C'est avec intérêt que je participe à la séance de la Commission des transports et de l'environnement portant sur le sujet de la Stratégie gouvernementale de développement durable révisée 2015-2020.

Tout d'abord, je juge opportun de souligner la progression enregistrée dans certains pays dans l'implantation du développement durable. Dans mon rapport de l'année 2009-2010, j'ai établi une comparaison d'indicateurs économiques, sociaux et environnementaux entre le Québec et la Suède. Le retour de cette dernière à une meilleure situation économique aujourd'hui démontre que la mise en oeuvre du développement durable n'empêche pas les progrès économiques et qu'elle peut contribuer à l'amélioration de la gouvernance. D'autres chercheurs ont aussi effectué une comparaison entre ces deux administrations et sont arrivés à des conclusions similaires. D'ailleurs, la Suède est reconnue comme étant le pays ayant le mieux traversé la crise économique de 2007-2008 tout en protégeant l'environnement et en conservant une qualité de vie enviable. Le Québec a adopté en 2006 la Loi sur le développement durable, dont l'objet est d'instaurer un nouveau cadre de gestion au sein de l'Administration afin que l'exercice de ses pouvoirs et de ses responsabilités s'inscrive dans la recherche du développement durable.

• (15 h 10) •

À la lumière de mes vérifications, j'observe que la précédente version de la stratégie gouvernementale, adoptée en 2007, demeure un document d'orientation. Elle ne permet pas de cibler les résultats attendus, ni de faire des choix essentiels quant à l'orientation du développement de la société, ni de centrer le choix des ministères et organismes sur les priorités. Plusieurs indicateurs de développement durable établis par la suite ne sont pas liés aux enjeux prioritaires pour une société québécoise, pas plus qu'à la stratégie gouvernementale. Ainsi, on ne peut pas mesurer les progrès accomplis. Les plans d'action des entités continuent de refléter les activités traditionnelles plutôt que les activités qui cadreraient mieux avec les objectifs de la stratégie. Comme la reddition de comptes est basée sur des objectifs et des indicateurs imprécis, elle offre une information générale et peu utile. Enfin, la coordination interministérielle mise en place n'a pu assurer la cohérence des actions gouvernementales et l'atteinte des objectifs.

L'un des points fondamentaux d'une stratégie consiste à déterminer des objectifs précis et mesurables. À cet effet, le mandat — mentionné par M. Samson — qui a été confié à l'Assemblée générale des Nations unies en vue du sommet de septembre stipule que les objectifs de développement durable doivent être concrets, concis, faciles à comprendre et en nombre limité. Or, le projet de stratégie contient huit orientations, auxquelles correspondent 27 objectifs qui comportent une soixantaine de cibles. Lors de l'examen préliminaire de celles-ci, nous avons observé que peu d'entre elles sont précises et mesurables. De plus, les indicateurs pour en faire le suivi seront choisis non seulement après l'adoption de la stratégie, mais aussi à la suite de l'élaboration des plans d'action des entités assujetties.

Un autre élément essentiel à l'efficacité d'une stratégie est lié à sa gouvernance. Le document soumis à la consultation fait cependant mention de la même structure de gouvernance que celle utilisée pour la première version de la stratégie, le rôle de coordonnateur étant confié au ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. Or, j'ai eu l'occasion de constater des lacunes dans cette gouvernance.

Par ailleurs, la prise en compte de l'ensemble des principes énoncés dans la loi — les 16 principes de la Loi sur le développement durable — est mise de l'avant pour favoriser la recherche du développement durable dans l'administration publique. J'ai, malheureusement, dit à maintes reprises que les entités étaient en retard à ce sujet. J'ai aussi souligné dans mon dernier rapport qu'elles ne prenaient pas toujours en compte les principes lors de l'élaboration de la révision d'actions structurantes et que, quand elles disent le faire, ce n'est pas de manière adéquate. C'est pourquoi je déplore que l'objectif fixé à cet égard dans le projet de stratégie soit si limité. À mon avis, cette exigence de la loi est fondamentale et doit être respectée.

Je tiens également à vous rappeler que les modalités actuelles de la loi font en sorte que les organismes scolaires, les établissements de santé et services sociaux, de même que les municipalités ne font pas toujours partie de son champ d'application, et ce, malgré l'importance des budgets qui leur sont alloués.

En conclusion, je demeure préoccupé par le fait que des constats importants que j'ai énoncés dans mes vérifications depuis 2006 relativement à l'application de la loi n'ont pas trouvé écho dans le projet de Stratégie gouvernementale de développement durable révisée 2015-2020. Je souhaite que les changements qui seront apportés à la suite des auditions particulières et des consultations publiques permettent l'implantation d'un mode de développement durable.

J'ai également soumis un mémoire. Le mémoire est structuré en deux parties principales : la première partie, qui consiste en des pistes d'amélioration pour la stratégie, et la deuxième partie est un recueil de constats et de recommandations qu'on a faits depuis la mise en place de la dernière stratégie. Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, nous allons procéder à la période d'échange. Alors, je passe la parole à M. le ministre.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. M. le Vérificateur général, M. le commissaire, mesdames, monsieur, merci beaucoup pour votre présentation ainsi que pour votre mémoire.

Ma première question, c'est : À la lumière de vos recherches, particulièrement au niveau des meilleures pratiques à l'international, j'aimerais ça, relier ça... Parce qu'on arrive à la fin de nos travaux, puis plusieurs groupes ont parlé sensiblement des mêmes préoccupations que vous soulevez dans votre mémoire et l'importance de voir comment on peut rendre plus efficace la stratégie puis la concrétiser dans l'action gouvernementale. Alors, de votre point de vue, quels moyens concrets devrait-on mettre en oeuvre pour s'assurer que des principes de développement durable soient pris en compte de façon plus complète dans les processus décisionnels des ministères et organismes?

M. Cinq-Mars (Jean) : Dans notre mémoire, on soumet six pistes d'amélioration. Bien entendu, ce sont des pistes qu'on pourrait qualifier de pistes macro, on ne s'attarde pas à régler des problèmes opérationnels.

La première piste, c'est la portée de la loi. Comme je vous le mentionnais tout à l'heure, la loi a une portée à un peu plus de 50 % du budget de l'administration publique actuellement. Les réseaux sociaux, les réseaux de santé, les réseaux scolaires de même que les municipalités ne sont pas inclus dans la loi. Alors, première des choses, si on veut vraiment implanter un régime ou une philosophie de développement durable dans la société, il faudrait voir à l'implanter dans l'ensemble de l'administration publique, mais ne pas oublier les municipalités également.

Deuxième principe, c'est au niveau de la gouvernance. Le ministère de l'Environnement a fait un travail qu'on doit certainement féliciter. La loi, c'est une loi qui est très bien structurée. Ils ont développé plusieurs outils. Mais la tâche de coordination de gouvernance du développement durable dans l'ensemble de l'Administration, d'après les études qu'on a faites dans différents pays, d'après ce qu'on a pu remarquer également dans des études sur l'administration publique, on croit que, si la gouvernance était montée à un niveau plus élevé, par exemple au ministère du Conseil exécutif, on aurait à ce moment-là une gouvernance plus efficace.

On a également examiné la question des objectifs et des indicateurs, j'en ai parlé brièvement. Il faut avoir des objectifs en nombre limité, il faut avoir des objectifs qui sont clairs et mesurables. On doit avoir des indicateurs qui doivent être également communiqués aux ministères et entités, qui vont pouvoir les apprécier avant de développer des plans d'action de développement durable. Donc, c'est des indicateurs qui doivent être capables de rapporter aux parties prenantes quels sont les progrès qu'on fait. Et, lorsqu'on s'aperçoit, par exemple, qu'on ne va pas aussi rapidement dans l'atteinte d'un objectif, avec un bon éducateur on est capable d'avoir des mesures correctrices.

Ensuite, j'ai fait une suggestion au niveau de la formation. Depuis environ une trentaine d'années, il y a des efforts considérables qui ont été faits dans le domaine de l'éducation pour amener les jeunes du milieu primaire, secondaire, à avoir des considérations ou des valeurs de protection de l'environnement, conservation de l'énergie, etc. Alors, la piste de recommandation que je fais, c'est qu'on devrait maintenant considérer faire des formations à ces niveaux pour inculquer des valeurs de développement durable, qui sont quand même plus complexes que des considérations de protection de l'environnement. Mais on doit commencer au niveau primaire et secondaire de façon à ce que ça devienne des valeurs de la société.

Enfin, l'aménagement du territoire. Les schémas d'aménagement et de développement ne sont, pour le moment, pas encore assujettis à la Loi sur le développement durable. Si on veut vraiment avoir du développement durable dans la société, il faut, bien entendu, l'étendre aux réseaux, tel que je mentionnais plus tôt, mais également l'appliquer de façon concrète au niveau du territoire par le biais des schémas d'aménagement et du développement.

Dans les sociétés que nous avons examinées, je vous mentionnais brièvement la Suède. Dans un de mes premiers rapports, j'avais fait une comparaison entre la situation économique de la Suède du milieu des années 90 à 2007, et on s'est aperçu que la Suède avait eu des problèmes économiques énormes, qu'ils avaient eu également à subir les affres d'une bulle immobilière. Ils ont pris des mesures exceptionnelles pour réduire le déficit, ils ont pris des mesures pour restructurer la gestion du pays, mais tout en se donnant des objectifs très ambitieux au niveau de l'environnement et du développement durable. Et la Suède, comme je vous le mentionnais, c'est le pays qui a le mieux traversé la crise économique à la suite de la faillite bancaire des années 2007-2008, et c'est également le pays qui est un des plus reconnus au point de vue environnement à travers la planète. Alors, je pense qu'on peut certainement avoir une société prospère avec un développement durable et une protection de l'environnement qui sont exemplaires.

• (15 h 20) •

M. Heurtel : Merci. Par rapport à la lutte contre les changements climatiques, vous êtes, évidemment, familier, je vous ai lu... J'ai lu vos derniers rapports, vous avez parlé du Fonds vert et vous avez relevé, encore une fois, l'importance de se doter de meilleurs indicateurs de performance, recommandation que je partage, d'ailleurs, tant au niveau du Fonds vert qu'au niveau de la stratégie de développement durable. Par rapport à la lutte contre les changements climatiques, trouvez-vous qu'il y aurait intérêt à s'assurer que, justement, les objectifs gouvernementaux de lutte contre les changements climatiques et toute l'infrastructure, justement, le Plan d'action contre les changements climatiques, tous les principes qu'on a mis de l'avant depuis 2006 en matière de lutte contre les changements climatiques devraient être plus intégrés, justement, à la stratégie et devraient faire partie de façon intégrale de la notion de développement durable qu'on avance dans la stratégie?

M. Cinq-Mars (Jean) : Le printemps dernier, j'ai présenté un rapport sur le Fonds vert. Le Fonds vert a récupéré, de 2006 à 2013, 2,1 milliards de dollars. On prévoit qu'entre 2015 et 2020 il y a un montant d'environ 3 milliards, 3,1 milliards de plus qui va s'ajouter. Lorsqu'on avait fait l'examen, la vérification du Fonds vert, on avait eu comme constat que le ministère n'avait pas réussi à mettre un cadre de gestion propice à établir le lien entre les retours sur les investissements et les objectifs, c'est-à-dire qu'on a certains objectifs qu'on n'avait pas pu mesurer si le Fonds vert avait vraiment fait une contribution à l'atteinte de ces objectifs. Alors, si on doit associer le développement durable avec le cadre de gestion du changement climatique, moi, j'aurais une prudence parce que le cadre de gestion du Fonds vert, c'est, en réalité, le cadre qui supporte le financement de plusieurs activités en changements climatiques. La majeure partie des revenus du Fonds vert vont pour financer des activités changements climatiques. Alors, en absence d'un cadre de gestion robuste qui nous amène des résultats très concrets, je pense qu'on doit certainement peaufiner la stratégie de développement durable avant de faire cette association.

M. Heurtel : Je comprends votre réponse, je ne suis pas sûr que c'était exactement le sens de ma question. Je comprends qu'au niveau du cadre de gestion au niveau du Fonds vert, il y a des améliorations à faire, puis j'ai bien reçu vos recommandations à ce sujet-là. Puis c'est la même chose, je ne crois pas que l'objectif de ma question, c'était d'importer le cadre de gestion du Fonds vert à la gestion de la stratégie. Mon point, c'est au niveau des processus décisionnels des ministères et organismes. Alors, ce que j'entends de votre présentation, de vos réponses, de votre mémoire, c'est important de donner, mettons, comme certains ont dit, de donner plus de dents à la stratégie pour, justement, que ce soit plus effectif, plus efficace, puis qu'on puisse, justement, avoir... par le biais de meilleurs indicateurs de performance, mais aussi dans les processus décisionnels, qu'on intègre mieux les principes de développement durable. Ma question : Vu l'importance de la lutte contre les changements climatiques, n'y aurait-il pas lieu également d'intégrer dans ces processus décisionnels là les principes de lutte contre les changements climatiques?

M. Cinq-Mars (Jean) : Bien, c'est certain que, pour avoir une société durable, il faut avoir des politiques très efficaces en matière de changements climatiques, à la fois au niveau de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais également au niveau de l'adaptation pour adapter la société, notre environnement à faire face aux problèmes que ça peut amener. Il y a des liens à faire, définitivement. Le cadre de gestion des changements climatiques, c'en est un. C'est un cadre, à mon avis, qui devrait être harmonisé avec celui du développement durable, mais ce n'est pas un cadre qui devrait remplacer celui du développement durable, c'est complémentaire.

M. Heurtel : On se comprend là-dessus, c'est complémentaire. On a plusieurs suggestions de plusieurs groupes par rapport à des processus décisionnels spécifiques du gouvernement, puis j'aimerais, si possible, avoir votre opinion, votre réaction à certaines suggestions qui ont été présentées ici. Par exemple, au niveau des politiques d'achat et des processus d'appels d'offres du gouvernement, d'ajouter ou de s'assurer qu'il y ait des critères très clairs en amont, au début de ces processus, qui, en quelque sorte, sont contraignants et qui obligent, en quelque sorte, d'appliquer les principes de développement durable et de lutte contre les changements climatiques, votre réaction.

M. Cinq-Mars (Jean) : Bien, c'est certain. Ça, c'est une question quand même assez spécifique. Les achats, on parle depuis longtemps des achats verts, c'est-à-dire se doter de produits et de services qui ont un impact minime sur l'environnement. Si on parle de véhicules, on parle, à ce moment-là, de véhicules qui consomment peu d'énergie, qui n'émettent pas beaucoup de gaz à effet de serre. Bien, c'est un volet du développement durable, bien entendu, mais, à mon avis, c'est un volet quand même assez spécifique. Lorsqu'on parle de gouvernance en termes de développement durable, on parle, bien entendu, gouvernance au niveau de l'ensemble de l'administration publique, on parle de la portée de la loi, on parle de l'application sur le territoire. Alors, c'est sûr que, les achats, ça fait partie de ça, mais, à mon avis, ça demeure quand même un point, quand même, très spécifique.

M. Heurtel : Bien, alors, je peux vous lancer plusieurs éléments. Le principe qui est mis de l'avant, c'est qu'on s'assure de façon très concrète, très spécifique et très obligatoire le fait que les principes de développement durable et de lutte contre les changements climatiques soient intégrés de façon horizontale à travers les ministères et organismes. Alors, ça vise... Bon, une des suggestions qui est sortie régulièrement, c'étaient les processus d'achat et les processus d'appels d'offres, mais on parle de toute l'action gouvernementale, tous les choix en matière de participation financière du gouvernement, que ce soient investissements, subventions, prêts, bref toute l'action économique de l'État, puis ça va jusqu'à... On a parlé hier, dans le domaine de l'éducation, de s'assurer que, justement, les principes de développement durable et de lutte contre les changements climatiques soient intégrés dans les programmes d'enseignement, tu sais, alors c'est vraiment... Bon, la mobilité durable, le transport, qui est un autre gros secteur du gouvernement québécois, on a parlé de l'aménagement durable également, l'importance d'intégrer dans les décisions d'aménagement, donc, tout le domaine municipal, que vous suggérez d'assujettir, notamment.

Donc, je vais loin, là, je parle de beaucoup de choses, mais le principe de base qui relie tous ces secteurs-là et toutes ces propositions-là, c'est de s'assurer qu'on aille peut-être un peu plus loin que la première stratégie et le projet actuel de stratégie révisée et de s'assurer qu'il y ait une obligation d'intégrer au processus décisionnel des ministères et organismes... de considérer les principes de développement durable, lutte contre les changements climatiques au départ dans le processus décisionnel.

M. Cinq-Mars (Jean) : Oui, là-dessus, je suis d'accord avec vous. D'ailleurs, les principes sont dans la loi depuis le début, depuis 2006. Les ministères qui sont assujettis actuellement doivent prendre en considération les principes de développement durable pour leurs décisions, modifications de programmes, modifications de lois. Alors, ça, c'est déjà un acquis. Considérer également les obligations et les objectifs en termes de changements climatiques du gouvernement, je pense que l'ensemble des ministères doivent le faire également.

M. Heurtel : Merci.

Le Président (M. Reid) : Merci. M. le député de Dubuc.

M. Simard : Merci, M. le Président. Mesdames et messieurs, merci de votre présence, merci de votre mémoire. J'ai des questions concernant... D'abord, vous allez certainement m'enligner correctement, est-ce qu'il y a une différence entre une stratégie et puis un plan stratégique, une mise en oeuvre, là, appelons-le comme ça?

M. Cinq-Mars (Jean) : Bien, habituellement, on parle d'une stratégie... Stratégie, c'est de décrire les moyens pour atteindre nos objectifs. Par exemple, si vous voulez aller à Montréal, votre stratégie, c'est d'y aller en train, en avion, en auto, bon, comment est-ce qu'on va se rendre, bon, puis combien de temps vous avez. Plan d'action, à ce moment-là, bien, le plan d'action, c'est comment est-ce qu'on fait, vous prenez votre voiture ou vous allez vous acheter un billet. Alors, on commence par se définir, finalement, un objectif. Après ça, on a une stratégie. Puis, après, on a un plan d'action. Puis, quand on est bien géré, on a des indicateurs qui mesurent si on a eu une bonne performance pour l'atteinte de notre objectif.

M. Simard : C'est parce que, quand on lit la stratégie gouvernementale, elle donne des grandes orientations et puis elle a une stratégie de faire certaines actions. Maintenant, le plan, lui, le plan stratégique qui viendra après, je pourrais imaginer, là, lui, il devrait être mesurable, avec des moyens, des objectifs mesurables et des moyens de les atteindre. C'est ce que je peux comprendre. Maintenant, à la commission, on a entendu beaucoup de groupes qui voudraient qu'on ait des objectifs très précis, mesurables, etc. Maintenant, c'est un petit peu ce que vous dites également, puis là moi, je ne sais pas si...

Le Président (M. Reid) : Il reste environ 30 secondes pour répondre.

M. Simard : Ah oui! Mon Dieu! J'avais d'autres affaires, moi.

M. Cinq-Mars (Jean) : Bien, écoutez, quand on fait des vérifications de performance au bureau, dans tous les programmes on part, finalement, d'un objectif, un objectif untel. Après ça, on regarde est-ce que l'objectif était clair, si... Bien, parfois, on rencontre des organisations qui ont des objectifs... Bien, on va favoriser le développement touristique dans telle région. Bon, favoriser, pour nous, c'est un voeu pieux. Si vous disiez plutôt : On vise à avoir une augmentation de 10 % du tourisme par rapport à l'année 2000, par exemple, ah! là, on commence à être capable de mesurer des choses. Alors, c'est la même chose, on dit : Donnez-vous des objectifs...

Le Président (M. Reid) : Merci.

M. Cinq-Mars (Jean) : ...qui sont précis pour qu'on puisse mesurer si on fait un progrès dans l'atteinte de l'objectif, puis, après ça, on pourra peut-être mesurer notre performance aussi à savoir...

Le Président (M. Reid) : Merci, M. le commissaire.

M. Cinq-Mars (Jean) : ...est-ce qu'on réussit rapidement.

• (15 h 30) •

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, je vais passer la parole maintenant, pour la continuation de nos échanges, au porte-parole de l'opposition officielle, M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Alors, merci, M. le Président. Merci beaucoup de votre présence, les gens du Commissaire au développement durable et du Vérificateur général. Vous savez que, pour nous, votre présence est extrêmement importante auprès de nous, permet de faire le «check and balance», comme on dit dans l'expression, pour être capables de bien faire notre travail, mais surtout d'être capables d'avoir des indicateurs et un suivi, là, des applications de nos lois, et de nos règlements, et de nos pratiques.

Mais ma question s'adresse au Vérificateur général par intérim parce que, tout à l'heure, on a entendu M. Cinq-Mars sur la question des appels d'offres. Là, je veux la version, là, du Vérificateur général parce que le Vérificateur général est là pour s'assurer qu'on va avoir la soumission au plus bas prix, qu'on va respecter la gestion axée sur résultats, etc. Alors, le Vérificateur général, lui, du Québec, comment il voit ça, de modifier la sacro-sainte loi du plus bas soumissionnaire pour inclure des principes de développement durable?

M. Samson (Michel) : Écoutez, M. le Président, de modifier la réglementation ou une loi qui existe, je pense que ça appartient aux parlementaires, c'est la prérogative des parlementaires. Le Vérificateur général, dans son travail, il va s'assurer que la réglementation ou les lois sont respectées, est-ce que c'est conforme ou non conforme.

Je vous rassure, je ne suis pas en désaccord avec ce que M. Cinq-Mars a dit tout à l'heure. Par contre, le petit point que je vous soulèverais, c'est que je pense que vous devez — et vous l'avez sûrement — toujours avoir une préoccupation aussi pour le développement régional et les fournisseurs régionaux. Si on en vient à mettre des critères ou des exigences particulières ou plus difficiles à rencontrer, on pourrait, à ce moment-là, éliminer des fournisseurs régionaux puis nuire un peu à l'économie régionale. C'est le seul bémol que je vous mettrais là-dessus.

M. Gaudreault : Quoiqu'utiliser des fournisseurs régionaux qui ont moins de distance à parcourir, par exemple, pour amener des produits, ça peut répondre à des principes de développement durable qui m'apparaissent importants, là.

M. Samson (Michel) : Aussi. Tout à fait.

M. Gaudreault : Mais, bon, j'entends très bien votre préoccupation. Maintenant, sur la question de la gouvernance, moi, je trouve ça extrêmement intéressant, ce que vous proposez, là, parce que, dans le fond, c'est comme si vous disiez : Le premier ministre devrait se garder le ministère du Développement durable, d'une certaine manière, pour avoir une vue d'ensemble sur le développement durable. Après ça, chaque ministre sectoriel... Au premier titre, l'Environnement, l'Économie, Santé et Services sociaux, par exemple, Éducation ont en charge vraiment la mise en application des principes, mais, pour avoir une vue réellement transversale, au lieu de favoriser, entre guillemets, un volet du développement durable plutôt qu'un autre, il faudrait que le premier ministre se garde ça. Alors, moi, je trouve ça extrêmement intéressant et je veux vous entendre, est-ce que vous croyez que, dans le processus qui a été mis en place par le gouvernement de révision permanente des programmes, ça permettrait aussi de faire une révision permanente des programmes non pas seulement sous le spectre de l'économie, mais d'y avoir aussi un volet développement durable?

M. Cinq-Mars (Jean) : Bien, je pense que ça pourrait être possible. Lorsqu'on a examiné d'autres administrations à travers le monde, on s'est aperçu que, pour vraiment mettre un processus de développement durable... on s'est aperçu que ça fonctionnait mieux lorsque c'était très près du pouvoir. On a également regardé ce qui s'était passé dans différentes administrations par rapport à de nouveaux programmes qu'on pouvait mettre en place dans l'administration publique, puis, à chaque fois qu'on veut mettre un nouveau programme, bien, on veut y donner une certaine autorité. C'est bien entendu que, lorsque le programme est situé près du bureau du premier ministre, ça a beaucoup d'avantages. Il y avait d'ailleurs une étude qui a été faite l'automne dernier par un professeur de l'ENAP qui suggérait, pour améliorer l'application de la Loi sur l'administration publique, de rehausser, finalement, la responsabilité au ministère du Conseil exécutif.

Alors, lorsqu'on voit les problèmes qui sont soulevés avec la Loi de l'administration publique et ceux associés avec le développement durable, il y a beaucoup de similitudes, finalement, dans les problèmes, mais également dans les solutions. Alors, j'ai été surpris heureusement de voir qu'ils faisaient une suggestion similaire à la mienne, de rehausser, finalement, la responsabilité du développement durable, comme on le faisait dans cette étude.

M. Gaudreault : En quelques mots, la prochaine... Bien, en fait, la stratégie de développement durable 2015-2020 que nous avons devant nous, la prochaine, par rapport à la précédente, que vous connaissez sur le bout de vos doigts parce que vous l'avez analysée et réanalysée, décortiquée, autopsiée, etc., pour produire vos rapports, est-ce que c'est comme une simple continuité ou vous sentez qu'il y a un bond de plus? Et, s'il y a un bond de plus ou si nous voulons faire ce bond de plus, je comprends que vous arrivez avec quelques suggestions, là, mais comme elle est présentée là, est-ce que vous trouvez que c'est une continuité, tout simplement?

M. Cinq-Mars (Jean) : Dans mon rapport, j'ai souligné que les recommandations qu'on avait faites depuis 2007 étaient encore totalement pertinentes parce que j'avais trouvé que la stratégie ne faisait pas écho à ces recommandations. Donc, il faudrait continuer à travailler sur les constats et les recommandations qu'on a formulés au cours des sept dernières années pour vraiment avoir une stratégie qui avance.

M. Gaudreault : Merci. Vous parlez de cibles plus précises, donc d'avoir des objectifs précis, mesurables. Si vous aviez à nous donner, là, les priorités, là, à établir, là, sur quoi précisément, là, quelles cibles plus précises et mesurables, là, sur lesquelles vous nous interpellez particulièrement?

M. Cinq-Mars (Jean) : On a noté à plusieurs endroits dans la stratégie des cibles qui étaient très peu précises. On note des cibles qui... Par exemple, inviter un ministère à faire au moins une action, alors, pour moi, c'est que c'est encore une philosophie de gestion du siècle dernier, c'est qu'on gère par activité et on ne gère pas pour atteindre des résultats. C'est ce qu'on critiquait également avec la Loi sur l'administration publique. Alors, il faut se donner des cibles qui nous permettent de mesurer si les actions ont un effet dans la société, dans l'économie, dans l'environnement. Qu'on ait comme cible de tenir trois conférences par année, moi, je pose la question : Oui, mais est-ce que ça a donné quelque chose? Qu'est-ce que ça donne dans le vrai monde? Souvent, on a des cibles qui sont reliées à des activités, mais, lorsqu'on essaie de traduire ces activités-là, finalement, dans un effet réel et concret, on est incapable de le faire. Alors, moi, je vous dis : Faites une revue des cibles et formulez des cibles qui vont être capables de nous donner une indication de l'effet dans la société, dans l'économie, dans l'environnement, puis, à ce moment-là, on aura beaucoup plus de gens qui vont être capables de supporter la démarche de développement durable.

M. Gaudreault : Et, du côté des indicateurs, qu'est-ce que vous nous suggérez comme indicateurs de suivi, là?

M. Cinq-Mars (Jean) : Il faut avoir des indicateurs qui sont reliés à des cibles. Il ne faut pas en avoir trop parce que plus on a d'indicateurs, plus c'est coûteux. Ça prend énormément de gens pour faire le suivi. Donc, il faut aller chercher des indicateurs qui sont le plus près des cibles comme telles, mais qui sont capables de nous donner un résultat sans avoir à dépenser des coûts astronomiques pour les obtenir.

Le Président (M. Reid) : Encore une minute.

M. Gaudreault : Merci. Maintenant, du côté de l'élargissement, je dirais, de la stratégie à d'autres instances, vous dites : Bien là, il faudrait passer à une autre étape, là, et est-ce que vous pensez qu'on doit se donner un échéancier pour atteindre l'ensemble du monde de l'éducation, l'ensemble du monde de la santé? Parce qu'il y a du monde là-dedans aussi, il y a beaucoup de gens. Il y a d'autres groupes qu'on a reçus ici, entre autres les écoles vertes Brundtland, qui nous disent : Bien, écoutez, la moitié, à peu près, des écoles au Québec ont déjà un processus de développement durable. Et, du côté des municipalités, bon, c'est quand même des entités autonomes, puis ils y tiennent fortement, mordicus, de plus en plus, même, à cette autonomie. Alors, comment vous voyez cet élargissement à d'autres entités?

Le Président (M. Reid) : En 30 secondes.

M. Cinq-Mars (Jean) : Bien, on parle des réseaux des affaires sociales, réseau de la santé et réseau de l'éducation. Alors, ces trois réseaux-là, actuellement, ne sont pas... les modalités ne s'appliquent pas à ces réseaux-là. Alors, il y aurait certainement une réflexion à faire à savoir combien ça devrait prendre de temps, quelles devraient être les priorités à mettre dans ces trois réseaux. Pour ce qui est des municipalités, à ce moment-là j'imagine qu'on devrait prendre contact avec les municipalités et essayer de développer une stratégie avec un calendrier pour faire en sorte qu'au moins d'ici à 2020 l'ensemble des réseaux et des municipalités soient assujettis à la loi. Parce qu'on a une Loi sur le développement durable depuis 2006 qui s'applique à peu près à un peu plus de la moitié de l'administration publique, alors on ne peut certainement pas...

Le Président (M. Reid) : Merci.

M. Cinq-Mars (Jean) : ...avoir comme ambition de dire que l'ensemble du Québec vit à l'ère du développement durable. On a quand même une application restreinte. Alors, moi, je me dis, après 10 ans, il est le temps qu'on bouge.

Le Président (M. Reid) : Merci. Nous allons passer maintenant au porte-parole du deuxième groupe d'opposition, M. le député de Groulx.

• (15 h 40) •

M. Surprenant : Merci, M. le Président. Messieurs dames, bonjour. Alors, ce matin, on a appris ce matin par un organisme qui nous a déposé un mémoire que Harvey Mead, qui a été le premier sous-ministre québécois au développement durable et ex-Commissaire au développement durable, avait fait une sortie en 2013. Il disait, donc, que le discours du développement durable n'a pas fonctionné et qu'on n'a plus le temps, donc on est face à un mur. On attendait... On a eu des mémoires qui ont été déposés, puis les gens voulaient fixer des objectifs beaucoup plus ambitieux que ceux qu'il y a ici, dans la stratégie.

Alors, dans votre mémoire aujourd'hui, vous nous dites à l'item 28 que, dans ses rapports, le Commissaire au développement durable, donc, a mentionné de façon générale que les objectifs manquaient de précision, n'étaient pas accompagnés de cibles quantifiées, n'étaient pas accompagnés d'un calendrier de réalisation et, donc, que les objectifs ne renseignaient, donc, ni sur la situation actuelle ni sur l'ampleur de l'amélioration souhaitée. Donc, on convient qu'il faut fixer des objectifs clairs, puis voire même ambitieux.

Alors, dans le rapport qui nous a été soumis à l'hiver 2013 du Vérificateur général sur l'application de la Loi sur le développement durable de 2012, au niveau de la gouvernance, vous avez fait une étude, et puis les cinq administrations étudiées ont toutes confié la coordination de leur stratégie de développement durable à un organe de gouvernance unique. Par ailleurs, aussi le secteur privé joue également un rôle important, en Autriche en particulier — tantôt, je faisais référence en Corée. En Autriche, donc, il y a un conseil des entreprises.

Alors, ma question, finalement, c'est que est-ce vous ne pensez pas qu'il y a urgence ici aussi de mettre en force des structures comme ça et qu'il y ait donc une gouvernance la plus rigoureuse pour s'assurer que les choses avancent rapidement, rondement?

M. Cinq-Mars (Jean) : Bien, c'est la suggestion... C'est une piste de recommandation qu'on a faite, c'est de revoir la gouvernance pour rehausser la gouvernance près du premier ministre. On parle du ministère du Conseil exécutif, d'associer peut-être aussi le Secrétariat du Conseil du trésor pour donner un appui sur la gestion financière, particulièrement dans le domaine du Fonds vert. Alors, c'est bien entendu que, si on pouvait également s'associer des groupes dans le domaine des affaires pour faire en sorte que l'ensemble de la société adhère au développement durable, je pense qu'on serait certainement une société qui y gagnerait beaucoup.

M. Surprenant : Merci.

Le Président (M. Reid) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M. le Président. Mesdames messieurs, bonjour. Dans le rapport d'application de la Loi sur le développement durable de 2013, vous énonciez que certains des 16 principes qui sont codifiés mériteraient peut-être d'être actualisés. Donc, présentement, on est en train d'étudier la stratégie de développement durable. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de modifier la loi avant d'adopter la nouvelle stratégie pour l'actualiser?

M. Cinq-Mars (Jean) : Non. Les principes, à mon avis, sont encore tout à fait actuels. Je ne crois pas qu'on a mis en cause les principes. Les principes, ce qu'on reproche, c'est que souvent les principes sont ignorés. Les administrations ne prennent pas en considération les principes lorsqu'ils font des révisions de programmes, révisions de règlements, mais on n'a pas mis en cause la validité des principes. Je pense que les principes, ce sont les piliers de lois et que, si les principes étaient pris pour compte, on aurait certainement une société beaucoup plus durable. Mais je n'ai pas suggéré de revoir les principes du développement durable.

M. Jolin-Barrette : Donc, une des principales préoccupations, c'est de la façon dont on mesure et on réussit au niveau de l'application. Donc, concrètement, ce qu'on constate dans vos rapports, c'est que oui, les principes sont appropriés, mais on a un problème au niveau de la matérialisation.

M. Cinq-Mars (Jean) : Oui.

M. Jolin-Barrette : Vous disiez : Bon, bien, il y a environ 50 % des réseaux, que ce soit scolaire ou municipal, services santé, sociaux, qui sont exclus du périmètre de la loi. Fort probablement, il faudrait modifier la législation en ce sens pour les intégrer. Mais on parle beaucoup d'autonomie municipale, puis je pense que ça va intéresser les gens de la ville aussi qui sont derrière vous, est-ce qu'on devrait leur donner une autonomie? Dans quelle mesure considérez-vous qu'on devrait leur accorder une autonomie au niveau du développement durable dans le cadre de l'établissement de leurs politiques?

M. Cinq-Mars (Jean) : Tout d'abord, je ne crois qu'il soit nécessaire de modifier la loi pour l'étendre aux réseaux, ça peut se faire par règlement.

Pour ce qui est des municipalités, il y a quand même plusieurs municipalités qui ont déjà pris des démarches par rapport au développement durable. Il y en a qui examinent, par exemple, leur empreinte carbone, il y a plusieurs municipalités qui ont fait des inventaires de ce côté. Il y a des municipalités qui ont pris les devants pour accélérer des programmes de recyclage, d'économie d'énergie, etc. Alors, moi, je pense qu'on peut certainement s'asseoir avec les municipalités. Je ne crois pas que ça serait d'imposer aux municipalités, mais ça serait de définir d'un cadre selon lequel le développement durable pourrait s'appliquer avec des barèmes qui permettraient aux municipalités d'avancer, et de façon cohérente. Alors, moi, je pense que ça pourrait certainement se discuter avec les municipalités. Et puis il y a des lois qui s'appliquent aux municipalités. Est-ce qu'on devrait modifier ces lois pour faire en sorte que les municipalités respectent le développement durable? C'est à voir, mais je pense que c'est une question de discussion avec les municipalités. Il ne s'agit pas de restreindre l'autonomie, mais plutôt de voir comment est-ce que les municipalités peuvent embarquer également dans la démarche que le gouvernement a entreprise en 2006.

M. Jolin-Barrette : Vous abordez dans votre mémoire la question...

Le Président (M. Reid) : Court commentaire.

M. Jolin-Barrette : ...de la mobilisation des employés à l'intérieur des organisations. J'aimerais vous entendre.

M. Cinq-Mars (Jean) : La mobilisation des?

M. Jolin-Barrette : Des employés à l'intérieur des organisations.

M. Cinq-Mars (Jean) : Oui, c'est essentiel. De plus en plus, on a des organisations de savoir, on gère des cerveaux, on gère des gens qui sont très bien formés. Alors, si on veut que les gens adoptent le développement durable, il faut, bien entendu, faire de la formation, il faut faire du renforcement également, mais aussi, comme je le mentionnais plus tôt, il faut commencer, dans certains cas, à un jeune âge pour faire en sorte que les générations futures aient vraiment appris la démarche du développement durable et qu'on ait une société qui vive selon ces principes.

M. Jolin-Barrette : Merci.

Le Président (M. Reid) : Alors, je passe maintenant au bloc réservé aux députés indépendants. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

Mme Massé : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs dames. Merci d'être là. Dans les différentes études que vous avez regardées, les autres administrations à travers le monde, je serais curieuse de savoir quelle était la place des regroupements citoyens dans le cheminement et le développement des bonnes pratiques de gouvernance. Est-ce qu'ils avaient une place instituée? Est-ce qu'ils faisaient partie des processus? Je vais commencer par ça parce que j'ai seulement trois minutes. Alors, ça va vite.

M. Cinq-Mars (Jean) : Alors, rapidement, c'est entendu que les parties prenantes, l'ensemble des parties prenantes, les citoyens inclus, les groupements d'affaires, les groupements dans le domaine de l'environnement, etc., doivent être consultés, doivent faire partie du dialogue pour définir le développement durable qui correspond avec la société. Parce que la culture d'une société est très importante, alors on doit les impliquer et on doit aussi continuer à les impliquer à travers un dialogue. Parce qu'une consultation, ce n'est pas simplement une consultation en un coup, mais on doit continuer, finalement, à échanger pour faire en sorte que les principes ou le programme qu'on met en place continuent de correspondre à ce que les citoyens ont besoin.

Mme Massé : Et j'imagine donc qu'à ce moment-là l'idée de votre proposition d'une gouvernance qui aurait les coudées franches — je vais dire ça comme ça — pourrait, bien sûr, être rapprochée de l'Exécutif, mais de voir en son sein pas seulement l'environnement, le développement économique, mais aussi toute la dimension de la solidarité sociale si je prends notre propre structure ici, là.

M. Cinq-Mars (Jean) : Certainement. Écoutez, il y a trois piliers dans le développement durable : il y a l'économique, il y a l'environnement puis il y a le social. Alors, le social fait aussi partie du développement durable que les autres. Alors, c'est sûr qu'il faut continuer à avoir le dialogue avec les différentes parties prenantes pour s'assurer que ça correspond à leurs besoins.

Mme Massé : Est-ce que... Un petit dernier, j'imagine. Est-ce que c'est une impression... Parce que les groupes sont venus nous le dire, que, par rapport, ici, à la stratégie de développement durable ou, à tout le moins, comment, au Québec, on aborde la question du développement durable, souvent la question sociale est l'enfant pauvre. La question de la représentation des groupes citoyens, qui sont perçus comme des empêcheurs de tourner en rond, est-ce que ça, c'est quelque chose que vous avez confronté aussi dans d'autres administrations?

M. Cinq-Mars (Jean) : On n'a pas examiné à fond est-ce que les groupes étaient acceptés, rejetés dans d'autres administrations. Ce n'est pas une étude qu'on a faite comme telle. Il y a peut-être des études qui ont été faites dans différentes organisations, mais je ne peux pas vous dire que c'est une étude qu'on avait faite nous-mêmes.

Mme Massé : Puis la dimension sociale?

M. Cinq-Mars (Jean) : Bien, la dimension sociale est incluse dans à peu près toutes les organisations qui s'occupent de développement durable. C'est un des piliers, donc on ne peut vraiment pas exclure l'aspect social. Le développement durable, ça a été poussé beaucoup par des groupes, là, de gens férus d'environnement, mais c'est beaucoup plus large, finalement, il faut absolument avoir l'aspect social, l'aspect économique. Alors, quand on adopte le développement durable, je pense qu'on est assuré qu'il y a une place pour les parties prenantes, celles qui représentent différents groupements sociaux.

Le Président (M. Reid) : Merci. Alors, merci à vous tous pour votre présentation et votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux pour quelques minutes, le temps aux représentants de la ville de Montréal de s'installer.

(Suspension de la séance à 15 h 49)

(Reprise à 15 h 52)

Le Président (M. Bérubé) : Alors, je souhaite la bienvenue à nos invités. Je vous demande de bien vouloir, d'abord, vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Ville de Montréal

M. Ménard (Réal) : Alors, merci beaucoup, M. le Président. Alors, je suis accompagné de mon collègue M. Lionel Perez, membre du comité exécutif, responsable des infrastructures, de la gouvernance, des relations gouvernementales et, bien sûr, au comité exécutif de la ville de Montréal, et de Mme Danielle Lussier, chef de la Division du développement durable à la ville de Montréal. Et je suis Réal Ménard, le responsable du développement durable au comité exécutif et maire de Mercier—Hochelaga-Maisonneuve.

Alors, la ville de Montréal souhaite, d'entrée de jeu, féliciter le gouvernement du Québec pour son engagement à faire du développement durable une réalité. Avec le renouvellement de la Stratégie gouvernementale de développement durable révisée 2015-2020, le gouvernement fait écho aux préoccupations de la population montréalaise et québécoise, soucieuse de protéger l'environnement tout en assurant un développement durable pour les générations futures. Par ce choix collectif, nous faisons place et nous partageons ensemble des convictions en faveur d'un développement pour l'ensemble de nos concitoyens et pour les générations qui nous suivront. Nous devons ainsi faire preuve d'innovation, de créativité et d'audace dans une ère de décisions responsables et de solutions durables.

Montréal est d'autant plus enthousiaste avec la nouvelle stratégie gouvernementale qu'elle est, elle aussi, engagée dans une démarche de développement durable qui mobilise 225 partenaires depuis 2003. À ce sujet, il convient d'emblée de remarquer qu'il existe des convergences importantes entre la démarche de la ville et celle présentée par l'actuel gouvernement. La quatrième page de notre mémoire en détaille les similitudes de manière exhaustive.

Dans le cadre de mon allocution, il convient de mentionner les grandes lignes de ces ressemblances : un encadrement clair par des principes et des critères enchâssés dans la législation et la réglementation; des orientations communes, dont la gestion responsable des ressources, la maîtrise de l'énergie et des gaz à effet de serre et l'aménagement du territoire; une mise en oeuvre qui implique les ministères et les services qui est sous la supervision d'une structure de coordination unique; et, enfin, l'instauration de mesures de suivi qui comprennent des indicateurs de suivi.

La ville de Montréal est particulièrement satisfaite de l'inclusion de nouveaux éléments dans la stratégie qui cadrent avec ses préoccupations. Parmi celles-ci, permettez-moi de souligner d'abord l'inclusion d'un volet social au développement durable, une direction claire en faveur des changements climatiques, l'inclusion de la culture comme un enjeu fondamental du développement durable, qui en est le quatrième pilier, comme chacun le sait, la formulation d'une orientation concernant le développement d'une économie prospère et le renforcement de la gouvernance en développement durable.

Dans plusieurs de ces dossiers, la ville de Montréal a été et sera un partenaire clé du gouvernement du Québec dans l'atteinte d'objectifs communs. C'est justement le message principal, essentiel que nous souhaitons ici faire passer aux membres de cette commission et au gouvernement. Le succès de la stratégie gouvernementale de développement durable résidera, entre autres, dans la capacité du gouvernement de traiter Montréal, la métropole du Québec, comme un partenaire dans sa mise en oeuvre. C'est l'esprit qui guide l'ensemble des bonifications recommandées par la ville de Montréal à la stratégie gouvernementale qui est au centre de nos discussions aujourd'hui. Je veux donc vous en présenter les grandes lignes.

Notre première recommandation vise à faire reconnaître le caractère unique de Montréal dans la cinquième activité incontournable de la stratégie. Concrètement, cela voudrait dire que chaque organisme et ministère adoptent un réflexe Montréal dans l'élaboration de leur propre stratégie en s'attachant aux objectifs déjà établis dans le plan de match de Montréal. Par exemple, cela pourrait vouloir dire que le ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte aux les changements climatiques pourrait inclure une mesure concernant l'agrile du frêne. La ville de Montréal a d'ailleurs investi près de 3,4 millions de dollars dans la lutte à cet insecte en 2014 et investira davantage cette année. Développer le réflexe Montréal pourrait aussi signifier que le ministère de la Santé et des Services sociaux contribue à la priorité de Montréal qui est d'élaborer une planification stratégique commune de promotion de l'activité physique. Dans la même veine, la ville de Montréal souhaite être intégrée au sein du comité directeur du développement durable prévu à la stratégie. Ce faisant, les échanges entre les deux ordres de gouvernement s'effectueraient dans un climat de coopération mutuellement bénéfique où les parties prenantes tireraient enseignements et conseils de chacun.

De même, la ville de Montréal devrait être associée le plus possible aux activités du gouvernement du Québec au sein de l'Organisation internationale de la Francophonie qui touchent le développement durable. Déjà active au sein de l'Association internationale des maires francophones, l'expertise de Montréal et son ouverture aux expériences de nos amis de la Francophonie seraient d'excellents ajouts aux représentations du gouvernement du Québec au sein de l'Organisation internationale de la Francophonie.

La troisième recommandation de la ville de Montréal est à l'effet qu'il est primordial que nous puissions actualiser les outils à notre disposition pour faire du développement durable une réalité encore plus tangible sur notre territoire. Par exemple, cela pourrait vouloir dire que la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme donnerait davantage de pouvoirs généraux à Montréal pour pouvoir mettre en oeuvre la sixième orientation de la stratégie. Plus précisément, nous souhaitons, comme il a été proposé dans le défunt projet de loi n° 47, que le lien soit mieux établi entre la planification urbaine, la qualité de vie, la protection de l'environnement et l'équité sociale. Un autre exemple, le chapitre 11 du Code de construction, qui porte sur l'efficacité énergétique, pourrait être élargi pour inclure un plus grand nombre de bâtiments résidentiels. Cela ferait en sorte que les exigences en termes de performance énergétique s'étendraient à une partie des bâtiments résidentiels qui se construisent à Montréal.

D'autres initiatives gouvernementales nous permettent d'aller plus loin en développement durable, notamment l'amélioration du programme ClimatSol. En effet, la ville souhaite que le programme ClimatSol soit bonifié et le gouvernement s'implique à long terme dans la réhabilitation des sols contaminés à Montréal, et je sais que M. le ministre a eu l'occasion d'en échanger très positivement avec le maire de Montréal, il y à peu près un mois et demi. De la même façon, la reconduction et le financement adéquat des programmes AccèsLogis et Rénovation Québec permettraient à Montréal de jouer un rôle accru. Ces programmes ont pourtant été réduits de façon significative, ce qui représente un coût supplémentaire pour la ville. À titre d'exemple, les coûts dans les programmes Rénovation Québec représentent une perte de 11 millions pour la ville, qui assume maintenant seule les programmes qui en découlent.

Le développement durable n'est pas un défi qui doit être affronté en vase clos, chacun de son côté. Ce n'est pas efficace et, de toute manière, c'est contre nature. La ville de Montréal, par ses quatrième et cinquième recommandations, souhaite mettre l'emphase sur le réseautage des experts et le partage d'expérience. D'une part, nous croyons que le maillage d'un réseau d'experts à la manière du l'Urban Sustainability Directors Network aux États-Unis ou encore le Comité 21 en France est une condition importante de la réussite de la stratégie. Ce réseau, coordonné par le gouvernement du Québec, devrait rassembler les experts de la question du développement durable au Québec, dont la ville de Montréal et les autres municipalités. Il est donc essentiel de mobiliser les différents intervenants autour du sujet du développement durable.

• (16 heures) •

D'autre part, la ville de Montréal souhaite la cinquième activité incontournable de la stratégie, soit la contribution à l'accompagnement en développement durable des acteurs publics qui soutiennent le dynamisme territorial, puisse bénéficier d'un encadrement serré. En effet, à l'instar de la première activité incontournable, nous considérons que la cinquième activité incontournable devrait pouvoir compter sur des sujets précis sur lesquels devront porter les plans d'action. Ce faisant, les ministères et organismes qui travaillent avec les villes trouveront une nécessaire cohérence. La ville de Montréal suggère que la Table d'accompagnement-conseil des organismes municipaux, familièrement appelée la TACOM, soit chargée de la rédaction de ces sujets.

Finalement, la sixième recommandation de la ville de Montréal, aussi classique soit-elle, demeure nécessaire. Le gouvernement du Québec devra, comme la section 5.8 de la stratégie le prévoit, affecter les ressources humaines et financières adéquates à la réalisation de ses objectifs. C'est d'une évidence capitale.

En guise de conclusion, je souhaite revenir sur le fil conducteur de cette présentation. Vous l'avez constaté, la ville de Montréal est réellement enthousiaste face à cette stratégie. Elle a déjà hâte de contribuer à son succès. Cependant, la ville de Montréal, métropole du Québec, tient à rappeler que le succès de cette stratégie n'en sera que mieux assuré en traitant Montréal comme véritable partenaire. À l'aube de son 375e anniversaire, Montréal répond plus que jamais présente aux défis qui touchent l'ensemble de la société québécoise, voire, dans le cas précis du développement durable, la planète tout entière. Devant des défis incontournables nécessitant de mettre de l'avant des solutions durables, nos échanges et nos décisions mutuels permettront de poser les balises de demain, et ce, dans l'intérêt de la collectivité. Travaillons tous ensemble au mieux-être de nos concitoyens pour un développement durable réel. Je vous remercie et j'ai la franche conviction d'avoir respecté mes 10 minutes, M. le Président.

Le Président (M. Bérubé) : À six secondes près.

M. Ménard (Réal) : Ah! vous voyez comment...

Le Président (M. Bérubé) : Merci, M. Ménard. Je vous remercie pour votre présentation. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour, MM. les maires, madame. Merci pour cette présentation ainsi que pour votre mémoire. En tant que natif de Montréal, je vais être un peu chauvin, c'est à mon tour. Vous excuserez, M. le Président...

Une voix : ...

M. Heurtel : Pardon?

Une voix : ...

M. Heurtel : C'est moins rare, mais... Comme vous voulez, mais je vais quand même être content de voir que ma municipalité, ma ville est présente à ces auditions. Et je vais commencer par vous demander une question à propos de l'assujettissement, justement, des municipalités à la stratégie de développement durable. C'est une question qui a été soulevée à plusieurs reprises lors de nos travaux. Alors, maintenant qu'on a une municipalité — et pas la moindre — devant nous, j'aimerais savoir quelle est la position de la ville de Montréal par rapport à cette opinion.

M. Ménard (Réal) : ...un premier bout, et mon collègue qui s'occupe plus particulièrement de la question du statut de métropole pourra faire un bout. C'est-à-dire que nous, on souhaiterait vraiment que, dans cette quête de partenariat, compte tenu de la spécificité de Montréal... Un peu comme le disait, là — en tout cas, le bout que j'ai pu capter — l'intervenant précédent, je ne pense pas que ça soit nécessaire d'adopter un décret en Conseil des ministres pour assujettir formellement. On pense qu'on est à notre troisième stratégie de développement durable, à bien des égards, là, on pourrait... On a une stratégie qui est assez commune, là, respect de la biodiversité, promotion des espaces verts, changements climatiques, tout ça. On est pas mal sur la même longueur d'onde en termes de grands objectifs, et, compte tenu que c'est notre troisième stratégie, qu'on a une expertise pour mobiliser nos partenaires — parce qu'on est vraiment avec 225 partenaires de toute espèce d'horizons — on ne pense pas que l'assujettissement est un geste souhaitable, mais que le renforcement du partenariat est plutôt ce qui nous semble devoir être préconisé.

M. Perez (Lionel J.) : Pour ajouter, très brièvement, M. Ménard l'a dit, c'est une question de partenariat, de pouvoir trouver ensemble l'applicabilité des meilleures pratiques dans un contexte où la métropole, elle peut avoir une spécificité différente. On comprend que le gouvernement doit absolument avoir un cadre pour toute la région, pour tout le territoire, on ne veut pas créer un État dans un État. Loin de là, ce n'est pas l'objectif voulu ni de Montréal ni, on le sait, du Québec ou de n'importe qui. Ce qu'on comprend, c'est que, des fois, il y a de la méthodologie qui vient apporter certains obstacles dans l'application de certaines règles. Nous, ce qu'on suggère, que, dans un contexte où on peut travailler en amont en tant que partenaires, de façon complémentaire, ça va avancer les choses pour tout le Québec, particulièrement pour Montréal.

Et dernier point, c'est question de peut-être voir, peut-être, a posteriori pour s'assurer qu'on fait ce qu'on a à faire au lieu de nécessairement créer des exigences à l'avant.

M. Heurtel : Donc, si je vous comprends bien, on parlerait plus de voir comment le gouvernement et la ville de Montréal pourraient s'arrimer au niveau d'objectifs communs en matière de développement durable.

Un autre point qui est sorti régulièrement lors de nos travaux, bon, c'est la lutte contre les changements climatiques. Vous en avez parlé, la ville de Montréal est très active à ce niveau-là, évidemment. Encore là, on parle beaucoup d'intégrer à la stratégie davantage... La stratégie en parle déjà, mais d'intégrer davantage et de faire en sorte que la lutte contre les changements climatiques soit complètement intégrée à la stratégie. Là-dessus, votre position, s'il vous plaît.

M. Ménard (Réal) : Absolument. Alors, on se rappellera que le gouvernement du Québec a financé la ville de Montréal, qui va rendre public en avril son plan d'adaptation en lien beaucoup... îlots de chaleur, variations excessives de la température. Nous, on pense que c'est quelque chose qui doit être absolument transversal, quelque chose qui est incontournable et que ça doit teinter toutes les actions de chacun des ministères et des organismes, et on anticipe avec grand plaisir l'idée d'être avec vous à Paris à la fin de l'année, là, pour dire combien Montréal et le Québec ont vraiment de l'expertise et travaillent fort dans la question des changements climatiques. Mais c'est le défi de notre génération, c'est le défi de notre administration, et, encore une fois, on va rendre public, là, dans quelques mois qu'est-ce qu'on pose comme gestes comme administration. Mais c'est vraiment incontournable dans chacune des actions des différents ministères, donc ça doit être absolument transversal pour l'ensemble des parties prenantes de votre stratégie.

M. Heurtel : Alors, c'est certain qu'on va poursuivre le travail ensemble en route vers Paris en décembre. Ça va être très important, surtout que, justement, le rôle d'États comme le Québec et de grandes villes comme Montréal va être essentiel pour s'assurer que nos objectifs que nous partageons en matière de changements climatiques soient non seulement entendus, mais bien intégrés dans les ententes que nous espérons tous.

Cela dit, on parle beaucoup aussi de voir comment on peut concrétiser l'intégration des principes de développement durable et de lutte contre les changements climatiques dans les processus décisionnels des ministères et organismes gouvernementaux, et donc on a parlé beaucoup de revoir les processus d'appel d'offres, de revoir les politiques d'achat. Évidemment, la ville de Montréal n'est pas étrangère à ces questions-là de révision de politiques de cet ordre. De votre point de vue... Et ma question s'adresse... Puis aussi voir non seulement pour la ville elle-même, mais je ne sais pas si vous avez un point de vue Communauté métropolitaine de Montréal également... mais de voir comment, dans l'ensemble des prises de décision du gouvernement, non seulement les appels d'offres, mais, lorsqu'on parle de choix en termes d'investissements ou de prises de participation financière, subventions, contributions financières de tout ordre, planification urbaine, par exemple, transport, transport collectif, alors tous des domaines où, évidemment, une métropole comme Montréal a un rôle important à jouer... comment vous voyez l'intégration et la concrétisation des principes de développement durable et de lutte contre les changements climatiques dans les processus décisionnels.

M. Ménard (Réal) : Alors, nous, à la ville de Montréal... Et je pense que mon collègue M. Perez pourrait enchaîner avec l'exemple intéressant des infrastructures, là où il y a des expériences très intéressantes qui sont menées, mais, pour s'assurer qu'il n'y ait aucun secteur de la vie politique municipale qui échappe à ce regard très spécifique qui doit être posé sur le développement durable, à chacun des sommaires décisionnels qui passe au comité exécutif et qui se retrouve en conseil municipal, il y a une rubrique développement durable, et là chacun des services concernés doit évaluer de manière qualitative ou quantitative c'est quoi, l'impact sur le développement durable. Alors, qu'on parle d'itinérance, qu'on parle d'infrastructures, qu'on parle de l'agrile du frêne, qu'on parle de la condition féminine, toute espèce d'activité, à la ville de Montréal, fait l'objet... C'est statutaire, c'est incontournable, c'est dans nos sommaires décisionnels. Je ne sais pas si c'est comme ça dans les mémoires du Conseil des ministres, je n'ai jamais eu l'occasion de siéger à un conseil des ministres — puis je ne fais pas d'offre de services en la matière, là, je rassure tout le monde — mais, à la ville de Montréal, chacun des sommaires décisionnels doit vraiment poser un regard sur le développement durable. Et on a des expériences extrêmement originales dans chacun de nos secteurs d'activité, et mon collègue M. Perez peut peut-être donner même l'exemple des infrastructures, là, puis du verre, tout ce qui se fait en ce moment.

• (16 h 10) •

M. Perez (Lionel J.) : Absolument. Alors, comme le mentionne mon collègue, à la ville de Montréal, dans le domaine des infrastructures, on met de l'avant certains projets pilotes, notamment avec la chaire SAQ, avec l'Université de Sherbrooke, pour pouvoir intégrer, par exemple, l'utilisation de poudre à verre dans nos bétons pour nos trottoirs, ainsi que d'autres... Alors, ça fait partie d'un cheminement, on a intégré... mis à part les projets pilotes qu'on a depuis plusieurs années, et, effectivement, ça va faire partie maintenant de l'élaboration des devis techniques pour incorporer ces critères à l'intérieur même avec un objectif, que, d'ici 2017, 10 % de tous les trottoirs à la ville de Montréal — on fait environ 100 à 125 kilomètres par année — seront faits de cette poudre de verre. On sait très bien... un enjeu concernant... pouvoir récupérer, recycler... cet enjeu-là.

Pour revenir sur votre premier élément — je terminerai là-dessus — sur le processus, de façon plus générale, nous, ce qu'on préconise, c'est... on comprend qu'il faut avoir un fil conducteur, il faut avoir des balises et critères établis, mais il faut éviter d'avoir des situations où il y a vraiment du mur-à-mur. Il faut permettre de la flexibilité, tout au moins pour une ville, la métropole du Québec, qui a une réalité différente. Encore une fois, on ne veut pas créer un monde dans un monde, mais il faut s'assurer que... et en amont on participe au processus, consultation, échange, expertise. Et on comprend qu'on a des comptes à rendre. Personne ne veut dire : Bien, donnez-nous l'argent, et puis il n'y a aucune imputabilité, ce n'est pas la philosophie dans le contexte de Montréal. Mais il faut voir cette spécificité. C'est une question de culture à tous les niveaux de... point de vue services publics, d'avoir ce réflexe, Montréal, d'avoir, si vous voulez, un genre d'un aspect d'avis d'impact sur la métropole.

M. Heurtel : Ça pourrait notamment faire l'objet de l'ordre du jour de la Table Québec-Montréal, que mon collègue, le ministère des Affaires municipales est en train de mettre sur pied avec la métropole. Au niveau des indicateurs de performance, vous avez entendu... J'ai vu que vous étiez là lors de la présentation du Vérificateur général, du Commissaire au développement durable. Ça aussi, c'est un point qui ressort beaucoup de nos travaux, un, c'est clair qu'il doit y avoir des indicateurs de performance à la stratégie, des indicateurs qui doivent livrer, justement, au niveau de leur impact en termes concrets. Alors, de votre côté, avez-vous... Justement, vous dites que vous avez intégré dans vos processus décisionnels les notions de développement durable. Au niveau des indicateurs de performance, avez-vous une expérience à nous relater?

M. Ménard (Réal) : C'est-à-dire les indicateurs de performance, voyez-vous, dans notre stratégie à nous, on en a 49, et ça dépend... on essaie de coller ça beaucoup à l'activité. Alors, si on parle, évidemment, d'itinérance ou si on parle de notre foresterie urbaine, on essaie d'avoir des indicateurs de performance qui vont vraiment nous amener à comprendre... La question qu'on a toujours derrière la tête quand on parle des indicateurs de performance, qui sont généralement mis à jour sur une base régulière, c'est : En quoi ça a permis de faire l'action concrètement et d'atteindre l'objectif? Alors, c'est toujours ce qu'on a présent à l'esprit, et je dirais : Ça dépend, évidemment, de quelle intervention on parle. Alors, quand on parle de foresterie urbaine, c'est peut-être plus facile d'avoir des indicateurs de performance que quand on parle de la rétention des familles à Montréal. Alors, nous, notre stratégie visait assez large, là, mais, nos indicateurs de performance, le fil conducteur, ça a été de les centrer le plus possible sur les actions à poser.

Le Président (M. Bérubé) : Vous avez 2 min 20 s.

Une voix : Oui. Le député de Mégantic.

Le Président (M. Bérubé) : Le député de Mégantic. C'est à vous.

M. Bolduc (Mégantic) : Merci, M. le Président. Écoutez, moi, j'aimerais vous entendre sur un des débats qu'on a souvent entendu parler pour la ville de Montréal, qui est sur votre réseau d'aqueduc. On a entendu toutes sortes d'histoires d'horreur. Pourriez-vous nous donner un aperçu de l'état... et où vous vous en allez avec ça? Parce que vous avez des objectifs clairs sur l'eau.

M. Perez (Lionel J.) : Absolument. Je suis responsable, entres autres, pour les infrastructures. J'ai ma collègue qui est responsable pour un peu plus spécifiquement les infrastructures de l'eau, mais on travaille, évidemment, de façon coordonnée. On a un réseau d'aqueduc et d'égout à Montréal de 10 000 kilomètres. Pour donner un ordre d'idée à quel point c'est... Pendant, malheureusement, des décennies, il y a eu une négligence concernant le montant à investir. Sur cela, on a une durée de vie de 100 ans. Alors, rien que pour maintenir le niveau, il faudrait investir 1 % par année, réhabiliter...

Une voix : ...

M. Perez (Lionel J.) : Exactement. Rien que pour donner un ordre d'idée, présentement on y arrive, bon an, mal an, environ à 1 %, 1,1 %. Mis à part cela, évidemment, il y a des montants énormes qui sont investis, notamment, évidemment, avec les fonds des subventions du gouvernement du Québec à plusieurs égards, de part et d'autre, et la situation avance.

Brièvement, sur la perte d'eau, c'est un enjeu qui... On en a entendu parler au fil des années, ça fait plusieurs années, ça fait moins de 10 ans, on perdait environ 40 % de nos... on a réduit cela à 30 %. Donc, c'est déjà une avancée, et puis on a un plan pour améliorer ça, pour descendre ça à environ 20 %, qui est environ le niveau de service général dans les villes en Amérique du Nord.

M. Bolduc (Mégantic) : Quand vous allez atteindre...

M. Perez (Lionel J.) : Disons qu'on s'améliore environ 1 % à 2 % par année, donc, pour une idée.

M. Bolduc (Mégantic) : Donc, cinq à 10 ans.

M. Perez (Lionel J.) : Exact.

M. Bolduc (Mégantic) : O.K. Maintenant, ces infrastructures-là sont souvent dans des conditions très difficiles. Est-ce que vous faites les plus faciles ou si vous avez fait, par exemple, les centres-villes, où il y a beaucoup de réseaux de télécommunications, toutes sortes — comment je dirais? — de freins?

Le Président (M. Bérubé) : Réponse courte.

M. Perez (Lionel J.) : De façon très courte, je vais terminer là-dessus — le président m'indique que... — comme quoi, on a un plan stratégique, il est mis en place. On vise les priorités, évidemment, sur le centre-ville entre autres, et ceux qui ont la plus grande vétusté, mis à part la reconstruction et puis la mise à niveau.

Le Président (M. Bérubé) : Merci, M. Perez. Nous allons passer à l'opposition officielle, et je reconnaîtrai M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Alors, merci, M. le Président. Merci, M. Perez, M. Ménard, Mme Lussier. Ça me fait plaisir de vous voir. Et de vous revoir, dans certains cas. Moi, je veux absolument vous entendre sur les liens intrinsèques entre aménagement du territoire et transports. Le précédent gouvernement avait mis sur pied une audacieuse stratégie de mobilité durable dont le gouvernement actuel, malheureusement, a envoyée à la déchiqueteuse, mais qui avait été très, très bien reçue par le milieu parce qu'il y avait une audace derrière le fait d'avoir sous le même chapeau un ministre des Affaires municipales puis un ministre des Transports. Ça fait qu'il envoyait tout un signal. Je suis quand même heureux de voir que le gouvernement a maintenu le transfert de 1 milliard du volet routier au volet collectif dans le budget du ministère des Transports. Je pense, ça donne tout un coup de main, en particulier à une ville ou à une métropole comme Montréal, qui a des défis énormes en termes de transports collectifs, et qui sont... une des clés, en tout cas, d'un développement durable, tel que le dit la stratégie, d'ailleurs, de développement durable.

Mais, continuellement, il y a des défis. Si on regarde Turcot, par exemple, hein, on sait tout le débat qu'il y a eu sur Turcot puis qu'il y a encore sur Turcot, sur les relations entre transports, aménagement durable du territoire. On pourrait parler de l'échangeur Dorval, qui n'en finit plus de finir, hein, c'est quasiment les pyramides d'Égypte. La ligne bleue, là on s'aperçoit que le ministre fait un pas en arrière — le ministre des Transports — pour amener un tram-train ou un train extérieur, etc.

Alors, comment vous voyez ça dans une stratégie de développement durable, cette relation entre aménagement du territoire et transports pour qu'on arrête de se vautrer dans des voeux pieux, mais qu'on passe réellement à quelque chose, puis sans non plus être, de la part du gouvernement du Québec, comme un inquisiteur sur une ville aussi importante que peut l'être Montréal?

M. Ménard (Réal) : Alors, deux, trois commentaires. Évidemment, votre question est absolument fondamentale, c'est-à-dire que, dans une ville comme Montréal, vous savez, il y a un pari. L'administration Coderre a un pari, c'est-à-dire d'augmenter de 25 % dans les quatre prochaines années le programme triennal d'immobilisations pour, justement, moderniser les infrastructures de la ville. Et, à l'intérieur de ce défi de modernisation là, il y a, bien sûr, toute la question des transports. Vous savez très bien, puisque vous êtes un ancien ministre des Affaires municipales, qu'il n'y a aucune stratégie...

Une voix : ...

M. Ménard (Réal) : Et de Transports, les deux étant ombilicalement liés à la précédente administration, qu'il n'y a aucune administration, même la plus dynamique, qui peut assumer seule, relever seule ce défi-là, donc on aura besoin du gouvernement du Québec au niveau financier. Mais, dans une quête de stratégie de développement durable, il faut poser trois gestes. Il faut, bien sûr, avoir un transport qui est performant, et ça, ça veut dire y mettre les investissements. Nous, on le fait au niveau de la STM. Nous avons, à plusieurs reprises, réaffirmé notre volonté, le prolongement de la ligne bleue dans l'est. Mais, au niveau du développement durable, il y a une stratégie très importante qui va devoir animer les villes, et c'est toute la notion de promenades urbaines. Alors, nous allons faire des annonces dans les prochains jours, mais, de plus en plus, nos concitoyens sont à la recherche, hein, de façons de vivre la ville dans une urbanité où on va pouvoir aménager des espaces. Et nous, on a un très, très beau projet, de relier, par exemple, la montagne au fleuve, et, dans chacun de nos quartiers, on veut encourager, si vous voulez, ce déplacement actif là à travers des promenades urbaines.

• (16 h 20) •

M. Gaudreault : Et d'ailleurs ça m'amène à parler de la trame bleue et verte, hein, pour que cette promenade urbaine dont vous parlez s'insère là-dedans. Et là parler de la trame bleue et verte, bien, ça nous amène au PMAD, le Plan métropolitain d'aménagement et de développement. Et de parler de ça, bien, ça amène nécessairement la relation entre la ville de Montréal et la CMM. Et là, là, il peut y avoir aussi des conflits d'usage, je dirais, parce qu'il y a des municipalités dans la couronne qui ont énormément de pression parce qu'elles sont seulement dépendantes du foncier, essentiellement, pour leurs revenus, donc besoin de faire de nouvelles constructions, étalement urbain, pression pour aller contre l'orientation 10. La ville de Montréal veut, elle, contrer l'étalement urbain. Alors là, il y a toute cette question entre... Bon, puis il y a le dossier d'actualité d'une espèce de Dix30 2.0 au Quinze40, là. Alors, comment on fait cette relation avec la CMM?

M. Ménard (Réal) : Bien, c'est-à-dire que... Puis mon collègue va prendre le relais parce qu'il s'occupe des relations intergouvernementales, vous savez que le maire de Montréal est aussi président de la CMM, et on essaie, évidemment, de trouver l'équilibre, mais tout le monde à la CMM... Et on se rappelle qu'il y a un plan d'investissement au niveau du transport en commun qui a rallié les 82 municipalités, hein, il y a quelques années, il y avait un consensus sur le type d'investissement qu'il fallait faire. Et je pense qu'il y a toujours cet équilibre qu'on essaie de ne pas rompre entre la nécessité de donner de l'oxygène au transport en commun et, évidemment, de moderniser les infrastructures.

Sur le dossier du Dix30, je vous laisserais répondre, M. Perez...

M. Gaudreault : Mais rapidement, s'il vous plaît, parce que mon collègue de Bonaventure veut avoir un peu de temps aussi.

M. Ménard (Réal) : Oui.

M. Perez (Lionel J.) : Je vais répondre très brièvement. L'approche que vous parlez, CMM, Montréal, il faut comprendre... vous mentionnez le PMAD, mais également Montréal vient d'adopter son schéma d'aménagement, par exemple, où on parle de la trame bleue, de la trame verte, où on a incorporé tous ces éléments-là, et, évidemment, une des conditions, c'est à l'effet que le schéma d'aménagement respecte le PMAD.

Concernant l'aspect de sources de revenus, bien, vous-même, vous savez très bien que l'UMQ avait présenté un livre blanc à cet enjeu-là. Il y a une ouverture de la part du gouvernement actuel pour revoir cet enjeu d'autonomie municipale, ça va faire partie de cet aspect-là. On ne peut pas continuer à avoir 70 % de nos sources de revenus d'une... même source de revenus parce que les avantages, bien, il y en a, et les désavantages, ils vont se prononcer parce que c'est à cette hauteur-là. Alors, oui, vous parlez du Quinze40, on est en train de voir ça. Il y a un élément où le schéma d'aménagement pourra traiter de cela parce que, techniquement, c'est une compétence d'agglomération. La ville de Mont-Royal est là-dedans, elle a été zonée industrielle. Alors, la ville, elle aura six mois pour présenter son plan d'urbanisme qui respecte le schéma d'aménagement, c'est à voir.

Le Président (M. Bérubé) : 1 min 45 s, M. le député de Bonaventure.

M. Roy : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Lussier, M. Perez et M. Ménard. Dans le tableau sur les orientations et objectifs du plan de développement, on voit, au niveau du volet social, trois picots. Vous dites qu'un de vos objectifs, c'est d'être solidaire; l'autre, c'est d'être équitable; et d'assurer la relève. Et la question, c'est : Dans un contexte de restrictions budgétaires, d'austérité, de coupures, est-ce que vous croyez que cette dimension économique là que nous vivons actuellement peut être un frein à l'atteinte de vos objectifs?

M. Ménard (Réal) : Bien, c'est-à-dire que je vous donne un exemple très précis, la ville de Montréal, vous savez, il y a trois grands volets au niveau de l'habitation, hein? Il y a le programme AccèsLogis, il y a le programme Rénovation à la carte et il y a le programme d'aide à l'accession à la propriété. Et la ville de Montréal, malgré le fait qu'il y a eu 11 millions de coupures, a choisi de continuer à livrer ces programmes-là à partir, évidemment, des ressources qui étaient les siennes. Mais on ne se cachera pas que, dans plusieurs activités à incidence sociale, la ville de Montréal a absolument besoin d'un partenariat avec le gouvernement du Québec. Et, dans un certain nombre de cas, si on parle d'itinérance — et je vois que Mme la députée de Sainte-Marie connaît aussi ces questions-là, toute la question du SPLI — alors, c'est impensable que la ville de Montréal, avec sa réalité sociale au niveau de l'itinérance, au niveau, si vous voulez, de la pauvreté, puisse assumer seule ces responsabilités-là.

Le Président (M. Bérubé) : En quelques secondes, 12 secondes, quelque chose à ajouter?

M. Ménard (Réal) : Est-ce que c'est déjà la fin?

Le Président (M. Bérubé) : Oui.

M. Ménard (Réal) : Je n'aurai pas de question...

Le Président (M. Bérubé) : Pour ce bloc-là.

M. Ménard (Réal) : Ah! O.K.

Le Président (M. Bérubé) : Pour ce bloc-ci, mais il y a deux autres groupes parlementaires.

M. Ménard (Réal) : O.K. Excusez-moi.

Le Président (M. Bérubé) : Mais là on est à la fin. Alors, je vous remercie. Nous allons passer au deuxième groupe d'opposition, je reconnaîtrai M. le député de Groulx.

M. Surprenant : M. le Président...

Le Président (M. Bérubé) : Près de Montréal.

M. Surprenant : Oui. Messieurs dames, bonjour. Alors, d'abord, mes félicitations. À la page 4, votre tableau, vous avez fait état de neuf objectifs, contrairement à 27 au niveau du gouvernement. Donc, je pense, à mon avis, qu'en avoir moins, mais de bien les adresser — excusez l'anglicisme — puis d'essayer de les réaliser, ça me semble être une bonne chose. Mais surtout, au niveau des mesures de suivi, vous publiez un bilan biannuel qui présente l'État d'avancement des actions et des objectifs, puis je vous en félicite. Je pense que plus la communication va être régulière, alors, je pense, plus les gens vont être conscientisés puis vont adhérer, finalement, aux programmes. Alors, félicitations.

J'ai deux petites questions rapides. Au niveau de la biodiversité, Montréal est une ville qui est bien, bien, bien développée. Quel est l'état actuellement de la biodiversité? Est-ce qu'on est encore en recul? Est-ce qu'on a atteint un point de... On réussit à repeupler... disons, pas reforestrer, mais, au niveau du végétal et autres, est-ce que la situation est...

M. Ménard (Réal) : Bien, c'est-à-dire on a deux gestes importants dans les prochaines années. D'abord, notre Plan d'action canopée, par lequel on espère, d'ici 2025, planter 300 000 arbres. C'est considérable pour une ville comme Montréal. Et il y a, évidemment, toute la question de l'acquisition des milieux naturels. Alors, on a un fonds de 8 millions qui nous permet... Parce qu'il y a des milieux boisés dans une ville comme Montréal et dans sa périphérie, et on est, évidemment, très engagés dans cette idée, là, d'acquisition des terrains. Que ça soit dans l'Ouest-de-Montréal, dans le Nord de Montréal, on a un fonds qui est dédié à ça, et c'est beaucoup par ces biais-là qu'on rencontre nos objectifs de biodiversité.

M. Surprenant : Il y a une organisation qui est venue nous rencontrer qui nous parlait, évidemment, d'électrification des transports, et ils suggéraient que chacune des nouvelles constructions, voire les constructions déjà bâties soient incitées, voire forcées à avoir 10 % de stationnements électrifiés pour réduire, finalement, là, les GES, là. Alors, comment vous pensez que ça peut être applicable à une ville comme Montréal?

M. Ménard (Réal) : Écoutez, c'est un dossier qui est très important pour le maire de Montréal. Il n'a pas fait, par exemple, mystère que, dans toute l'idée d'offrir aux Montréalais le chantier des véhicules en libre-service, qu'il puisse y avoir un lien qui soit très établi au niveau, justement, de l'électrification des transports. Nous avons déjà un partenariat avec Hydro-Québec qui n'a pas encore atteint sa maturité. Donc, il y a une volonté d'établir sur le domaine public des bornes au niveau des voitures électriques. Ça va être un chantier extrêmement important dans les prochaines années, et je pense que mon collègue aussi connaît un peu cette réalité-là.

M. Perez (Lionel J.) : Très rapidement. Dans mon arrondissement, Côte-des-Neiges—Notre-Dame-de-Grâce, c'est quelque chose qu'on pousse. Ça veut dire, avec les promoteurs, lorsqu'il y a des nouveaux projets, on les encourage à incorporer des bornes à l'intérieur des stationnements. Évidemment, on diminue le nombre de stationnements, ça fait partie de la stratégie, et on tire avantage avec Hydro-Québec... pour, justement, installer des bornes électriques publiques. C'est quelque chose que l'année passée, dans notre arrondissement seul, on en a mis quatre, pour donner une indication. On a, évidemment, beaucoup d'institutions... l'Université de Montréal, des hôpitaux, donc c'est quelque chose sur lequel la ville de Montréal fait, et puis elle veut continuer à le faire.

M. Surprenant : À ce niveau-là, au niveau des stationnements, vous parliez tantôt d'îlots de chaleur. Alors, on parle souvent des stationnements extérieurs et on parle aussi de stationnements intérieurs. Évidemment qu'à l'intérieur va réduire le nombre d'îlots de chaleur. Est-ce que vous avez des orientations à ce niveau-là pour inciter, obliger ou favoriser les constructeurs à faire des stationnements intérieurs?

M. Ménard (Réal) : Ça fait partie de... Une des revendications... Quand on dit : Si on pouvait amender la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme pour offrir, si vous voulez, aux municipalités un petit peu plus de latitude... Par exemple, à Montréal, quand on a voulu... On ne pourrait pas avoir, dans l'état actuel du droit, une obligation qui amènerait tous les arrondissements à obliger des promoteurs à verdir des stationnements. Alors, vous le savez, de plus en plus, les arrondissements, on dit : Vous allez verdir 20 %, 30 %, 40 % des stationnements. Il y a des ratios qui sont obligatoires. Alors, si on pouvait amender la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme pour nous donner plus de pouvoirs... Même chose, par exemple, on ne pourrait pas, dans l'état actuel du droit, obliger un entrepreneur en construction à utiliser, par exemple, 40 % de matériaux recyclés lorsqu'il fait une construction neuve. Alors, quand on vous disait, là, on pourrait changer, un peu comme le faisait... C'était M. Lessard, je pense, qui était ministre à ce moment-là, le projet de loi n° 47, c'est des dispositions comme ça dont on aurait besoin quand on veut amender la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme.

M. Surprenant : Je vous remercie.

M. Ménard (Réal) : Et les toits verts, c'est la même chose.

Le Président (M. Bérubé) : 50 secondes encore.

M. Jolin-Barrette : Oui. En lien avec votre...

Le Président (M. Bérubé) : M. le député de Borduas.

• (16 h 30) •

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. En lien avec votre proposition d'amender la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, vous ne croyez pas que dans ce cas-ci, en raison de la spécificité de Montréal, ça serait davantage opportun d'avoir un pouvoir particulier à l'intérieur de la Charte de la Ville de Montréal? Parce que la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, elle vous donne déjà certains pouvoirs au niveau de l'adoption d'un règlement de construction et l'incorporation du Code de construction est à l'intérieur. Donc, vous proposez d'apporter des modifications, mais le code de construction est amendé environ à chaque cinq ans par le Conseil national de recherche. Donc, juste rapidement sur l'option de la Charte de la Ville de Montréal.

M. Ménard (Réal) : Nous n'avons pas regardé ça sous l'angle de la charte, nous l'avons vraiment regardé sous l'angle du chapitre XI du Code de construction, qui concerne les bâtiments de trois étages et moins, et de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Je ne pourrais pas répondre spécifiquement à cette question-là à la lumière de la charte.

M. Perez (Lionel J.) : Mais c'est certain...

Le Président (M. Bérubé) : Merci, M. Perez.

M. Perez (Lionel J.) : Brièvement, une phrase. Dans le contexte où il y a des négociations avec le gouvernement du Québec sur le statut de Montréal, ça sera évidemment...

Le Président (M. Bérubé) : Je ne voudrais pas enlever du temps à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

Mme Massé : Merci, M. le Président. Merci pour votre présence et votre présentation. Vous avez abordé toute la question de... j'appellerais ça de la patte sociale dans le développement durable. On voit que, dans la stratégie, cette patte-là, elle est là, elle est en présence, bon, etc., mais on voit qu'elle... à notre sens à nous, elle manque peut-être un petit peu de poigne, comme dirait l'autre.

Je vous ai entendu dire tantôt : On aimerait ça, être un peu en amont. Et, je le sais, je suis la députée de la circonscription qui est le centre-ville de Montréal, je vois tous les enjeux que cela représente quand on ne tient pas compte profondément de cette dimension-là en matière de développement durable. Si vous aviez été en amont et que vous aviez pu contribuer à l'élaboration d'une stratégie comme celle-là, est-ce qu'il y a des choses que vous auriez imputées dans cette partie-là?

M. Ménard (Réal) : Bien, d'abord, on est, je le répète, extrêmement contents que, nommément, là, la dimension sociale fasse partie des objectifs du gouvernement au niveau du développement durable. Nous, ce qu'on souhaite essentiellement aussi, c'est être avec le comité de coordination, qui va nous permettre de prendre la mesure de chacun des enjeux lorsque ça va se poser. La question du développement durable dans une ville comme Montréal, il y a un lien très important à faire avec le cadre bâti, avec le logement social, avec l'itinérance. Alors, c'est sûr que, là, il y a un partenariat qui est incontournable avec le gouvernement du Québec. Mais une de nos revendications-phares pour laquelle je me permets d'insister, c'est vraiment d'être à ce comité de coordination là, que la voix de Montréal se fasse entendre à travers les préoccupations pour le centre-ville, à travers la question de l'électrification du transport. Donc, il y a plein d'enjeux où le regard de Montréal en lien avec le développement durable doit être posé de manière inédite et originale.

Mme Massé : Et peut-être, dans les quelques secondes qu'il nous reste, le défi du financement demeure un défi important. Le Commissaire en développement durable, qui est venu avant, disait qu'à l'ONU on nous dit que, si on a le développement durable tatoué sur le coeur, il faut avoir des objectifs extrêmement ambitieux. Est-ce que vous trouvez que la stratégie actuelle répond à cette commande?

M. Ménard (Réal) : Bien, c'est-à-dire que la stratégie actuelle, elle est ambitieuse par les objectifs qu'elle poursuit, elle est multidisciplinaire. Et je comprends que le gouvernement devra assortir, là, de ressources qu'il reste à préciser, comment ça va être mis en oeuvre, mais on comprend qu'à ce moment-ci il n'y a pas toutes les données qui nous permettraient d'apprécier quel sera le support financier que le gouvernement entend y mettre, là.

Mme Massé : ...ni en termes de moyens, je pense.

Le Président (M. Bérubé) : 10 secondes. Quelque chose à ajouter, Mme la députée?

Mme Massé : Merci. Au suivant.

Le Président (M. Bérubé) : Bon, très bien. Alors, je vous remercie pour votre présentation.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 34)

(Reprise à 16 h 38)

Le Président (M. Bérubé) : ...si vous n'avez pas d'objection, membres de la commission, nous allons poursuivre jusqu'à 17 h 20, comme nous avons un peu de retard, et nous allons y aller rondement. Et je souhaite la bienvenue à nos invités. Je vous demande de bien vouloir, d'abord, vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. La parole est à vous.

Équiterre

M. Ribaux (Sidney) : Merci beaucoup. Et merci pour l'invitation. M. le Président, MM. et Mmes les députés, M. le ministre, ça fait plaisir d'être ici. Donc, je suis Sidney Ribaux. Je suis le directeur général et le cofondateur d'Équiterre. À ma gauche, Isabelle St-Germain, qui est la directrice générale adjointe d'Équiterre.

Donc, en quelques mots, Équiterre, c'est une organisation qui est présente sur l'ensemble du territoire québécois. On a des bureaux à Montréal et à Québec. On a des groupes d'action bénévole dans plusieurs régions. On est soutenus par 12 000 membres, qui sont nos donateurs, et 130 000 sympathisants qui participent à nos projets et qui nous lisent. Et les sujets d'expertise qui sont les nôtres sont l'agriculture, l'alimentation, le climat et tout ce que ça implique.

Alors, je voudrais commencer par un mot de félicitations, en fait, à l'équipe du ministère de l'Environnement, du Développement durable, qui a, à la fois, fait le travail de la première stratégie, qui a fait la compilation, l'évaluation et qui a préparé le document dont on a pris connaissance. C'est, de toute évidence, un travail colossal que de mener ce type de travail, qui est un travail horizontal à travers plusieurs ministères et organisations, et, dans ce sens-là, il faut reconnaître le travail qui a été fait. Évidemment, cela étant dit, on a des commentaires et des suggestions, puis on va passer à travers rondement.

Je voudrais commencer avec la question des principes. Donc, là, je pars de la Loi sur le développement durable. À l'article 6, il y a un certain nombre de principes qui devraient guider l'ensemble des actions de l'ensemble des organisations gouvernementales et ministères. Donc, on parle à la fois des opérations, mais on parle aussi de la mission, hein, de ces organisations-là. Je vous donne un exemple de ce qui nous préoccupe. Par exemple, à l'article 6h, on peut lire : «Les actions entreprises sur un territoire doivent prendre en considération leurs impacts à l'extérieur de celui-ci.» On fait référence, par exemple, ici à des gaz à effet de serre qui seraient émis par un produit ou un projet à l'extérieur du territoire québécois, pour un produit qu'on consommerait au Québec ou un projet qui se réaliserait, par ailleurs, au Québec. Donc, ici, on a des exemples positifs où, à notre avis, on a mis en application ce principe dans... Là, je fais référence au mandat que le gouvernement s'apprête à donner sur la question du BAPE. Notre compréhension, c'est qu'on va évaluer, par exemple, les gaz à effet de serre en amont du projet, et là on est en train de mettre en application ce principe-là. Alors, ça, c'est bien.

• (16 h 40) •

Je vous donne, là, maintenant, malheureusement, un exemple à l'inverse. On parle de l'autoroute 19, le prolongement de l'autoroute 19. Donc, c'est un projet de prolonger une autoroute dans la région métropolitaine sur huit kilomètres, un investissement de 600 millions de dollars qui va desservir environ 6 000 personnes, et là, pour toutes les raisons qu'on n'a pas le temps de rentrer dans cette courte présentation, ce projet va à l'encontre de plusieurs, plusieurs principes énoncés dans la loi. Alors, une de nos préoccupations, disons, en amont de la stratégie, mais qui touche à la stratégie, c'est la cohérence entre ce qu'on va faire dans nos opérations, mais ce qu'on fait, ce que le gouvernement fait par ses gestes de politiques et de projets.

Je saute à un autre enjeu qu'on a relevé, c'est la question du financement. On est encore un petit peu en amont de la stratégie, mais là on y touche vraiment. On a présenté dans le document un tableau qui démontre que, depuis une dizaine d'années, le budget du ministère de l'Environnement diminue. Donc, sur 10 ans, il a diminué, selon une compilation du Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement, d'environ 5 %, alors que, l'ensemble des programmes, les budgets ont augmenté de 40 %. Et ça, c'est un enjeu important parce qu'on a donné plus de mandats au ministère de l'Environnement — changements climatiques, justement le développement durable — mais moins de moyens. Et il faut être réaliste, là, ce n'est pas... En tout cas, moi, je ne peux jamais faire ça à l'intérieur d'Équiterre, donner plus de travail à une équipe, mais moins de ressources, et il y a un problème que... Il faudra que des ressources suivent pour s'assurer qu'on a toute l'expertise et la disponibilité pour mener à bien ces très, très, très importants mandats, qui sont, encore une fois, transversaux.

Je saute à un autre sujet, qui est celui des changements climatiques. Les émissions du gouvernement du Québec, selon la stratégie, représenteraient environ une mégatonne, ce qui est quand même significatif, et on ne s'est pas donné dans la stratégie... ou enfin on n'a pas vu dans la stratégie un objectif de réduction des gaz à effet de serre globaux pour l'ensemble du gouvernement, et ça nous semble un oubli à l'égard comparativement... Le gouvernement a un objectif ambitieux sur l'horizon 2020 de moins 20 %, et on se demande, dans le fond, comment ça se fait-il qu'à l'intérieur d'une stratégie comme celle-là on n'envoie pas le signal qu'à l'intérieur de nos propres opérations on va être exemplaire et on va vouloir aussi se doter d'un objectif comme celui-là.

À l'intérieur du climat, le transport, c'est un morceau important, on s'entend, c'est... À l'échelle québécoise, c'est le morceau qui est le plus important, c'est plus de 40 % des émissions de gaz à effet de serre. Dans la dernière stratégie du gouvernement, on s'était donné un objectif intéressant de réduction des carburants. Donc là, on parle des véhicules du gouvernement, réduction de 20 %. Dans le bilan, on nous dit que, finalement, la consommation de carburant a augmenté de 4 %, donc on a manqué notre coup là-dessus. Et, de façon générale, bon, il y a l'enquête origine-destination dans la région de Montréal, dont les résultats viennent de sortir, qui nous démontre qu'encore une fois le transport en commun stagne et la motorisation augmente, donc la motorisation a augmenté deux fois plus rapidement que la population. Donc, globalement, on ne réussit pas à opérer ce changement important au niveau du transport ni dans les opérations du gouvernement, ni, de façon générale, dans la société québécoise, et donc c'est clair que, pour nous, il y a un coup de barre à donner à ce niveau-là.

Il y a des objectifs intéressants dans la nouvelle stratégie à l'égard du transport de réduction des gaz à effet de serre pour le secteur... pour les véhicules du gouvernement, objectifs intéressants sur l'électrification aussi, qu'on salue d'ailleurs, c'est 2 000 véhicules. Il reste à clarifier à quel moment, là, mais on a un objectif relativement intéressant à ce niveau-là. Mais je pense qu'il y a peut-être plus à faire encore de ce côté-là.

Sur la question des gaz à effet de serre, la vaste majorité des émissions de gaz à effet de serre des opérations du gouvernement proviennent de ses bâtiments. Le gouvernement a directement ou indirectement sous sa responsabilité des milliers de bâtiments, et il y a une étude de l'Agence d'efficacité énergétique du Québec qui dit qu'on pourrait aller chercher jusqu'à 30 % de réduction, donc d'économies, on parle... Et, encore une fois, dans le transport et dans les bâtiments, quand on parle de réduire les gaz à effet de serre, on parle de sauver des sous, hein? Ça prend des investissements, mais on sauve de l'argent en bout de ligne. Donc, 30 %, on pense qu'on pourrait maximiser... L'objectif du gouvernement, ce n'est pas clair, on retrouve deux objectifs selon les documents qu'on lit, moins 10 % ou moins 15 % dans les bâtiments. Mais l'objectif pourrait être encore plus ambitieux de ce côté-là aussi, et on a d'autres recommandations à cet égard. Et je laisserais filer ma collègue pour la suite.

Mme St-Germain (Isabelle) : Oui. Bonjour, MM., Mmes les députées, M. le ministre. Moi, je vais vous parler plus de l'approvisionnement. À l'échelle mondiale, l'agriculture, la déforestation représentent près de 25 % de la production des gaz à effet de serre, et on constate que la majorité des aliments qui se retrouvent dans notre assiette ont voyagé plus de 2 400 à 2 800 kilomètres. Donc, la politique sur la souveraineté alimentaire qui a été déposée en mai 2013 a identifié comme pistes d'action la promotion et l'avantage écologique des aliments du Québec au regard de leur empreinte carbone. Donc, c'est intéressant de considérer l'achat local comme une solution pour la réduction des gaz à effet de serre. Je voulais aussi mentionner que, pour atteindre les objectifs sociaux, il serait important qu'on retrouve dans la politique la possibilité d'acheter des produits certifiés équitables comme le café, le sucre, le thé pour rejoindre cet objectif-là, social, du développement durable.

J'aimerais maintenant vous présenter les différentes recommandations qu'on a émises dans notre mémoire. La première, c'est qu'on souhaiterait que le gouvernement applique systématiquement les principes de la Loi du développement durable aux planifications, aux grands projets, aux grandes orientations de l'État comme les politiques économiques et énergétiques, les projets d'infrastructure et l'allocation des budgets.

On souhaiterait, comme M. Ribaux l'a mentionné, augmenter le financement du ministère du Développement durable et doter ce ministère-là, la stratégie de développement durable, de budgets de communications, de sensibilisation, de formation et d'un fonds d'investissement aussi pour faire connaître la stratégie.

Pour aussi arriver à faire du développement durable au Québec, ça prend beaucoup d'acteurs. Donc, on souhaiterait qu'il y ait un financement des groupes environnementaux, comme l'exige la politique de reconnaissance des organismes communautaires, et sans oublier le Centre québécois du droit de l'environnement, qui a besoin de ressources aussi.

Assujettir les organismes paragouvernementaux, municipaux, les cégeps, les universités, à la stratégie et leur imposer des cibles de gaz à effet de serre au niveau... des cibles au niveau du transport, des bâtiments et de l'approvisionnement.

On souhaiterait que le gouvernement fixe un objectif de réduction de 20 % ou plus pour l'ensemble des gouvernements ainsi que des ministères et organismes pour les secteurs paragouvernementaux et rendre l'atteinte de cet objectif obligatoire.

On souhaiterait que le gouvernement adopte la norme LEED or ou platine pour l'ensemble des propriétés, des baux, des aménagements et des bâtiments gouvernementaux et paragouvernementaux.

On souhaiterait que le gouvernement fixe des objectifs annuels de réduction de l'utilisation des énergies fossiles dans les bâtiments gouvernementaux et paragouvernementaux et qu'il se fixe des objectifs de réduction de consommation d'énergie aussi pour les bâtiments du gouvernement, les organisations entre 20 % et 30 % d'ici 2020 à partir des niveaux de 2010.

Le Président (M. Bérubé) : En terminant. Votre temps est écoulé.

Mme St-Germain (Isabelle) : Pardon?

Le Président (M. Bérubé) : Votre temps est écoulé pour la présentation. On va passer aux échanges si vous n'avez pas d'objection parce que notre temps est un peu compressé aujourd'hui. Alors, je vous remercie pour votre présentation. On va maintenant débuter la période d'échange, vous pourrez compléter peut-être votre présentation. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Heurtel : Merci, M. le Président. Bonjour. Merci pour votre présentation et votre mémoire, comme tout ce que je lis qui provient d'Équiterre, toujours d'une grande qualité, très recherché, très bien documenté. Les 13 recommandations rejoignent, à bien des égards, plusieurs thématiques qu'on a couvertes. Puis vous êtes le dernier groupe qu'on entend dans nos travaux, ça fait que ça tombe bien, je trouve, c'est un... ça couvre d'une belle façon l'ensemble des questions qui ont été soulevées durant nos travaux. Je vais le prendre à l'envers. C'est vous qui suggérez habituellement des modifs, moi, j'ai le goût de vous en suggérer une à votre première recommandation parce que je soulève le point régulièrement. Quand vous dites : On doit appliquer systématiquement les principes de la Loi sur le développement durable aux planifications, etc., est-ce qu'on pourrait ajouter, d'après vous, «et ceux de la lutte contre les changements climatiques»?

M. Ribaux (Sidney) : Si on pouvait...

M. Heurtel : Ajouter.

M. Ribaux (Sidney) : Bien oui, ça, oui. On le dit autrement dans les recommandations, mais oui, tout à fait.

M. Heurtel : Bien, c'est ça, mais spécifiquement pour favoriser un arrimage, là.

M. Ribaux (Sidney) : Tout à fait

M. Heurtel : Parce que je sens que, justement, les deux systèmes, les deux régimes se sont développés de façon parallèle, puis je trouve que c'est important de... Puis vous le faites vous-mêmes dans votre mémoire, mais de l'importance de bien faire arrimer les deux dans la stratégie, je trouve que c'est important. Je voulais voir si vous étiez du même avis.

• (16 h 50) •

M. Ribaux (Sidney) : Tout à fait. Puis je pense que dans... On a identifié dans le document qu'il y a eu quand même une évolution dans les deux stratégies, on retrouve des objectifs chiffrés, bien qu'ils ne soient pas nécessairement obligatoires pour les organisations, entre autres à l'égard de la réduction des gaz à effet de serre. On l'a fait par secteurs. Tantôt, je disais qu'il n'y en a pas un global, mais il y en a un pour le transport puis il y en a un pour les bâtiments, qui sont les deux principaux points d'émission du gouvernement. Je pense qu'il reste du travail à faire pour rendre ces objectifs-là un peu plus ambitieux et aussi pour qu'on soit en mesure de mieux faire une reddition de comptes. Donc, actuellement, les objectifs sont basés sur une année de référence, là, 2010, alors que l'objectif global du Québec est basé sur l'année de référence 1990. Ça fait que, même pour nous, c'est un peu difficile de voir, bon, c'est-tu ambitieux, est-ce que ça ne l'est pas. Bon. Mais, dans ce sens-là, je pense qu'il y a une progression, on aimerait que la progression soit encore plus importante.

Je vous dirais de façon plus générale que c'est une stratégie qui comporte énormément d'objectifs qui ratissent très large. Ce qu'on voit dans les activités incontournables, donc dans... où certains objectifs ont été rendus obligatoires, on comprend qu'il y a une volonté, effectivement, de mettre l'emphase sur les changements climatiques, entre autres, là, dans cette stratégie-là, et je pense que c'est une bonne chose. Je ne suis pas sûr que ça ressort très clairement du document quand on le lit, par exemple, et c'est pour ça qu'on dit, entre autres, qu'il faudrait mettre des sous pour qu'il y ait une stratégie de communication autour de ça, parce que je m'imagine très bien...

Et nous, on travaille beaucoup avec des organisations gouvernementales, paragouvernementales sur toutes sortes d'éléments du développement durable, et, tu sais, évidemment, quand tu gères un hôpital, réduire les gaz à effet de serre, ce n'est pas la première préoccupation qui te vient en tête quand tu te lèves le matin, tu sais. Et, dans ce sens-là, il faut qu'il y ait un message clair. Ça fait que, si le message, c'est : Bien, ça te prend un plan de développement durable, bien, si je suis le D.G. de l'hôpital, je vais donner ça à quelqu'un : Fais un plan de développement durable. Par contre, si on me dit : Tu vas être évalué, ta performance va être évaluée, entre autres, sur comment on réduit les gaz à effet de serre, bien là je vais peut-être le mettre en haut de ma liste. Puis, si on me dit : Il y a un programme qui va te faire sauver de l'argent en efficacité énergétique puis qui va te faire sauver de l'argent sur le transport dans tes opérations, bien là ça vient de remonter encore plus haut dans ma liste.

Ça fait que je pense qu'il est là, le défi, à mon avis, dans la mise en oeuvre de cette stratégie-là, c'est de mobiliser la fonction publique puis même, à notre avis, les gens dans le parapublic pour qu'ils embarquent dans cet objectif-là et qu'ils comprennent les avantages pour eux.

M. Heurtel : Absolument. Vous n'avez pas eu le temps d'en traiter, je vous donne l'occasion de le faire. Pouvez-vous me parler davantage de votre recommandation 12 : Adopter une loi zéro émission pour assurer la disponibilité des véhicules électriques au Québec?

M. Ribaux (Sidney) : Alors, je dirais que c'est un enjeu, bien, qui est là depuis longtemps, mais qui est de plus en plus émergent. Vous savez, au Québec, il y a quatre ans, il n'y avait aucun véhicule commercial électrique sur les routes. Aujourd'hui, on en a près de 5 000. C'est un marché en émergence, et ce qu'on constate sur le terrain... On a fait une tournée d'une dizaine de villes à travers le Québec l'année passée, et c'est qu'il y a une barrière à l'achat. C'est-à-dire que, si tu veux acheter un véhicule électrique, si tu vas à ton concessionnaire, il y a toutes sortes de barrières d'information : C'est quoi, ça? Tu ne devrais pas acheter ça. Après ça, il y a des délais de livraison, et ainsi de suite. Une loi zéro émission, essentiellement, ce que ça ferait, c'est que ça vient obliger les manufacturiers à vendre un certain nombre de véhicules sur leur territoire, et donc de les avoir disponibles.

Et, si le Québec veut vraiment se positionner de façon importante sur la question des véhicules électriques... Et je vous rappelle qu'il y a un objectif ambitieux en termes de vente de véhicules électriques sur l'horizon 2020. 25 % des nouveaux véhicules vendus, c'est ambitieux, là, on part de loin, mais je pense que c'est atteignable. Dans ce sens-là, cette loi-là viendrait aider cet objectif-là parce que ça obligerait les manufacturiers à l'offrir, le produit, ça accélérerait la rapidité à laquelle on forme les gens dans les concessionnaires, et ainsi de suite. Puis, évidemment, bien, ça va aider de facto les organismes gouvernementaux de, eux mêmes, s'approvisionner en véhicules électriques.

M. Heurtel : Merci. Bon, vous avez mentionné brièvement l'autoroute 19. J'aimerais ça qu'on en parle davantage. Plus particulièrement, un, bon, tant ici que dans le domaine public, vous avez fait bien connaître votre position par rapport au projet de prolongement. Encore une fois, bon, je suis très conscient, je vous donne la tribune pour approfondir votre position là-dessus, aucun problème avec ça. Ce que j'aimerais... Mais l'objectif de ma question, c'est : En prenant cet exemple-là de l'autoroute 19, comment, de votre point de vue, aurait-on dû procéder? Ça aurait été quoi, le processus, ou qu'est-ce qui aurait dû être intégré dans le processus décisionnel qui a mené à l'autoroute 19? Selon vous, qu'est-ce qu'on... Tu sais, si on prend un cas de figure, justement, dans un cadre où on intègre les principes de développement durable, de lutte contre les changements climatiques dans les processus décisionnels puis on les rend plus effectifs, là, alors si vous prenez cet exemple-là comme cas de figure...

M. Ribaux (Sidney) : Je pense qu'on est dans une dynamique où il faut tenter de réfléchir comment on déplace des gens, et non pas comment on déplace des voitures. Je partirais de là dans ma réponse. Déplacer 6 600 personnes, ça se fait par toutes sortes de moyens. Je vous donne un exemple, là, sur le pont Champlain, à l'heure de pointe, il y a à peu... En tout cas, ça, c'est des chiffres qui datent un peu, mais c'est un ordre de grandeur, il y avait à peu près 30 000 personnes qui se déplaçaient de la rive sud vers Montréal le matin sur les trois voies qui rentraient dans Montréal, puis il y en avait autant qui se déplaçaient sur la voie réservée, sur une seule voie réservée avec des autobus. Ça fait que, pour déplacer 6 600 personnes, là — là, on parle de quoi, 1/5 de ce chiffre-là, du chiffre du pont Champlain — il y a d'autres moyens qui pourraient être mis en oeuvre.

Donc, quelle est la solution spécifique sur l'autoroute 19? À l'égard de ce tronçon-là, de ce secteur-là, je ne pourrais pas vous en parler en détail aujourd'hui. Par contre, c'est clair qu'il existe des solutions. Que ça soit des voies réservées pour les autobus, que ça soit des trains de banlieue, que ça soit des voies réservées au covoiturage, donc les exemples existent. À notre avis, on n'a pas besoin d'augmenter l'offre autoroutière dans la grande région de Montréal. Je ne parle pas de l'ensemble du Québec, là, mais, dans la grande région métropolitaine de Montréal, il y a des moyens beaucoup plus efficaces pour déplacer du monde que les encourager, finalement, à se déplacer seuls dans leurs voitures. Je comprends que, sur l'autoroute 19, dans le projet actuel, il y a une voie réservée, mais ça ne vient pas justifier, à notre avis, cet investissement. 600 millions de dollars pour déplacer 6 000 personnes, ça coûte cher par personne déplacée.

Le Président (M. Bérubé) : M. le député de Mégantic.

M. Bolduc (Mégantic) : Merci, M. le Président. Moi, j'aimerais vous entendre. Quand vous parlez de 6 600 personnes, c'est 6 600 personnes par jour?

M. Ribaux (Sidney) : À l'heure de pointe.

M. Bolduc (Mégantic) : À l'heure de pointe.

M. Ribaux (Sidney) : Oui.

M. Bolduc (Mégantic) : O.K. Merci. Moi, je voudrais vous amener un petit peu plus loin dans votre présentation, c'est au sujet... Pas des budgets. Les budgets, je pense que c'est clair, vous nous avez démontré que le budget de l'Environnement... Vous nous dites que, si on veut maintenir un leadership, il va falloir trouver une façon de mieux couvrir les besoins des autres ministères. C'est bien ça que vous nous dites en montrant ce tableau-là, hein?

M. Ribaux (Sidney) : Oui. Bien, en fait, effectivement... C'est-à-dire qu'on donne plus de responsabilités au ministère, puis on lui donne moins de ressources financières. Et, même quand on le compare à d'autres ministères, il y a relativement moins de ressources.

L'autre élément que je vous donnerais, c'est que, sur la question des changements climatiques et sur la question du développement durable, une grande partie des mesures que le ministère met en oeuvre, que ça soit au niveau des opérations du gouvernement ou de la société en général, ce sont des gestes qui viennent soit économiser de l'argent à la société ou soit nous amener vers une piste de développement économique qui va créer des emplois, créer des nouvelles opportunités pour nos entreprises. Donc, nous, on voit ça comme un investissement, tu sais. Puis je pense qu'il faut distinguer dans les coûts qu'est-ce qui est un investissement versus qu'est-ce qui est une dépense, puis investir dans le savoir du ministère sur la question des changements climatiques puis du développement durable, à notre avis, surtout dans le positionnement que le Québec a depuis plusieurs années sur la question du climat, c'est un investissement.

M. Bolduc (Mégantic) : O.K. Moi, je voudrais vous amener à la page 20, quand vous parlez du climat, vous nous parlez que les... en fait, 87 % des émissions du Québec... En fait, j'imagine que vous parlez du gouvernement du Québec, là, ici?

M. Ribaux (Sidney) : Oui, ça, c'est les opérations du gouvernement.

M. Bolduc (Mégantic) : 87 %; pour les bâtiments, 13 %. Mais, si on veut économiser, grosso modo, 10 % de tout ça, là, ça représente un volume, à la fin de la journée, qui est relativement infime en termes de... Bien, si vous le comptez, là, en fait on parle de même pas 1 %... 1,7 %, en fait, du volume des gaz à effet de serre du gouvernement. Puis vous parlez de technologies LEED, etc. Vous savez que ça coûte très cher quand on investit dans le LEED, surtout si on veut réparer des bâtiments puis les changer, des modifications, là. Dans les nouveaux bâtiments, les coûts sont beaucoup moins agressifs qu'ils ne le sont dans, je dirais, la mise à jour de bâtiments existants, là. Comment vous voyez ça, vous?

• (17 heures) •

M. Ribaux (Sidney) : Bien, en fait, ce qu'on propose, c'est le LEED or ou LEED platine. Il y a des études qui ont démontré que les LEED or, où, là, on est dans un bâtiment très, très performant et très écologique, peuvent se faire sans coûts additionnels à la construction. Donc, il n'y a même pas un investissement supplémentaire dans le cas de LEED or. Évidemment, c'est une moyenne, là, ça dépend du type de bâtiment, puis, bon, tout ça. Mais, en moyenne, il n'y a pas de coûts additionnels. Ça fait que le gouvernement fédéral a déjà cette norme-là depuis 15 ans, je pense. Le gouvernement fédéral a la norme LEED or pour tous les nouveaux bâtiments, pour toute la rénovation.

Évidemment, ce que ça amène, c'est des économies substantielles au niveau de l'énergie, au niveau de la quantité d'eau, ça amène... Et les économies les plus importantes dans les bâtiments écologiques, ce n'est pas l'énergie puis l'eau, c'est la main-d'oeuvre. C'est-à-dire qu'il y a des études hyperintéressantes qui démontrent que, quand tu fais un bâtiment écologique intéressant avec une qualité de l'air, avec une luminosité, un accès aux vues pour les occupants, ton taux d'absentéisme baisse, ton taux de présence... donc la productivité augmente. Et ça, il y a toutes sortes d'études hyperintéressantes qui démontrent ça. Ça fait que d'un point de vue... Je veux dire, il y a des entreprises qui font ça, là, parce qu'elles veulent mobiliser leurs employés, elles veulent que... Et ça, les économies sont incroyables sur la durée de vie d'un bâtiment. Ça fait que cette mesure-là, d'adopter LEED, à notre avis... En fait, c'est quelque chose qu'on... On va économiser de l'argent, si on fait ça, en bout de ligne, même si...

Dans le cas de LEED platine, il y aurait peut-être des investissements supplémentaires au début, mais ça, c'est lors de la construction. Mais il y a une rentabilité, là, puis il y a moyen de faire un LEED platine en se disant : Sur 10 ans, l'ensemble des mesures sont remboursées juste par l'énergie puis l'eau, là, sans compter le volet ressources humaines, par exemple.

M. Bolduc (Mégantic) : Merci.

Le Président (M. Bérubé) : Une minute.

M. Bolduc (Mégantic) : Une minute. Ouf! Mon Dieu, Seigneur! J'aurais aimé ça, vous entrer dans le cycle de vie des voitures électriques parce que, vous savez, on a tout un investissement d'infrastructures technologiques à faire, là. On ne parle pas rien que des bornes électriques, on parle des concessionnaires, on parle des manufacturiers, on parle de l'ensemble des services. Est-ce que vous croyez qu'on va pouvoir vraiment pénétrer les nouveaux marchés très rapidement? Parce que Québec est électrique, donc il faudrait innover.

M. Ribaux (Sidney) : Quand vous dites «pénétrer les nouveaux marchés», je ne suis pas sûr de vous suivre.

M. Bolduc (Mégantic) : Bien, qu'on devienne un leader pour pouvoir, après, exporter de la technologie.

M. Ribaux (Sidney) : Bien, c'est-à-dire qu'on a déjà un certain leadership canadien. Donc, d'un point de vue du nombre de véhicules vendus, je pense que la stratégie québécoise, là-dessus, commence à porter fruit. Il y a des entreprises qui oeuvrent dans ce domaine-là, et on pourrait peut-être vous faire un suivi là-dessus éventuellement si vous voulez. Donc, oui, il y a un certain leadership qui est déjà assumé par le Québec, mais il faut le maintenir. Parce qu'on est des leaders canadiens, mais pas mondiaux.

Le Président (M. Bérubé) : Merci. Ça met fin au bloc du gouvernement. Nous allons passer à l'opposition officielle, et je reconnaîtrai M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Oui. Merci, M. le Président. Alors, bienvenue. Pour terminer ces travaux, M. Ribaux, Mme St-Germain, c'est un plaisir de vous revoir. Je suis très, très, très étonné de votre propos aux pages 6 et 7 de votre mémoire. Alors, je ne sais pas si c'est de l'ironie ou du renforcement positif quand vous faites référence au principe h, là, de la Loi sur le développement durable, et là vous dites que ce principe devrait être appliqué dans le mandat au BAPE sur l'oléoduc Énergie Est, et on félicite le gouvernement à cet égard, alors que, le 5 décembre dernier, le premier ministre a plutôt eu une position contraire en disant qu'«il va y avoir un BAPE — et là je cite le premier ministre — sur la portion québécoise du projet qui va comprendre une étude des GES». Mais il sortait d'une rencontre avec M. le premier ministre de l'Alberta dans laquelle il a dit : «Nous allons évaluer la portion québécoise du pipeline.» Donc, il avait mis fin au débat en disant qu'il n'évaluerait pas les émissions de GES. Et d'ailleurs vous-mêmes, dans un blogue de M. Guilbeault, quelques jours après, le 8 décembre, vous dites : «Le premier ministre [...] doit faire preuve de la même rigueur intellectuelle que le président Obama», qui, lui, disait qu'il faut évaluer l'impact des GES sur l'extraction des sables bitumineux en amont de Keystone.

Alors, je ne sais pas si on a la même compréhension. Moi, en ce qui me concerne, en tout cas, ce n'est pas encore acquis, ce... parce que le mandat du BAPE, on ne l'a toujours pas devant nous. Alors, j'aimerais ça, vous entendre un peu plus là-dessus.

M. Ribaux (Sidney) : Écoutez, nous, on se base actuellement sur ce qu'on a vu d'écrit issu du gouvernement. Et ce qu'on a vu d'écrit, c'est une lettre qui a été rendue publique du gouvernement...

Le Président (M. Bérubé) : Excusez-moi, je vais devoir suspendre quelques instants. La cloche sonne, on va devoir aller voter. Vous restez en place, et on vous revient le plus tôt possible.

Alors, je suspends quelques instants, le temps de permettre aux parlementaires d'exercer leur droit de vote.

(Suspension de la séance à 17 h 5)

(Reprise à 17 h 37)

Le Président (M. Bérubé) : Nous allons poursuivre nos travaux et nous sommes toujours avec l'opposition officielle pour 6 min 27 s. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault : Bien, je laisse nos invités terminer la réponse à la question que je leur avais posée.

M. Ribaux (Sidney) : Alors, oui, dans le fond, la question était sur l'évaluation en amont des gaz à effet de serre du projet oléoduc. Dans le fond, nous, ce qu'on a constaté, ce sont des écrits. Donc, premièrement, une résolution de l'Assemblée nationale à cet effet qui est très claire, d'une part. D'autre part, une lettre, dont on a pris connaissance via les médias, du gouvernement à TransCanada qui fait référence à la résolution et qui indique qu'on va prendre les gaz à effet de serre en considération dans l'évaluation. Alors, d'où la citation. Jusqu'à maintenant, on se base sur ce qu'on a vu d'écrit.

M. Gaudreault : Oui. En tout cas, moi, je fais juste alerter votre vigilance pour la suite parce qu'après la lettre il y a eu des propos quand même assez clairs du premier ministre. Puis, quand le premier ministre parle, en général ce n'est pas pour rien dire. Alors, évidemment, nous allons suivre ça ensemble. Mais, effectivement, la motion dont vous parlez était pourtant très claire, motion unanime de l'Assemblée nationale. Mais il reste que, d'une manière ou d'une autre, c'est sûr que le principe h de la Loi sur le développement durable, dans les 16 principes, doit continuer de s'appliquer, évidemment, pour la stratégie de développement durable.

Je voudrais vous amener sur un autre point sur la question de l'énergie. Je ne me souviens plus c'est où, là, dans votre mémoire, j'ai oublié de prendre la page en note, là, mais vous faites clairement référence à la politique énergétique, et là on... C'est page 25, les objectifs d'efficacité... Non, ça, c'est dans les bâtiments. Page 33, pardon, c'est ça. Donc, vous dites : «On doit appliquer systématiquement les principes de la Loi sur le développement durable aux planifications, grands projets et grandes orientations de l'État comme les politiques économiques et énergétiques.» Et là le gouvernement a entamé une nouvelle ronde de consultation pour une future politique énergétique, est-ce que vous trouvez que ce n'est pas assez congruent, je dirais, entre l'énergie, la stratégie de développement durable? Est-ce que vous en appelez à une plus grande cohérence entre les deux? Est-ce que vous trouvez que ça travaille trop en silo présentement sur ces deux volets-là? J'aimerais ça, vous entendre un peu plus là-dessus.

• (17 h 40) •

M. Ribaux (Sidney) : Bien, je vous dirais, de façon générale, je pense qu'effectivement, sur la question du développement durable, on travaille encore un peu trop en silo, effectivement, là. À l'intérieur d'un ministère, on le donne à quelqu'un puis on dit : Toi, tu t'occupes du développement durable, puis nous, on continue à faire notre mission, et, effectivement, ça devrait s'intégrer autrement. On a mentionné, par exemple, la politique énergétique parce que c'est un élément clé au niveau environnemental, on parle des hydrocarbures, on parle de... Bon, d'efficacité énergétique, on en a parlé, d'énergie renouvelable. Donc, il y a plusieurs éléments qui ont un impact majeur sur les résultats qu'on peut envisager à la fois dans les opérations du gouvernement et dans la société. Ça fait que c'est certain qu'il faudrait que, systématiquement, quand on adopte une politique, on adopte une loi, on met de l'avant un projet, qu'on s'assure que l'ensemble de ces principes-là soient respectés.

M. Gaudreault : Et il y a un certain nombre de dossiers ou d'enjeux encore plus stratégiques, je dirais, là, et qui interpellent le développement durable comme l'énergie, mais il y a sûrement aussi l'aménagement du territoire, politique de transport, etc., là.

M. Ribaux (Sidney) : Bon, effectivement, là, vous avez parlé d'énergie, mais c'est sûr que la question... Je vous dirais que ce qui nous préoccupe, je dirais, le plus et où on sent qu'il y a le moins, disons, d'intégration de ces principes-là, c'est au niveau des décisions sur le transport. On en a parlé un petit peu tantôt, on est en train d'investir beaucoup, beaucoup, beaucoup d'argent, des milliards de dollars, pour reconstruire Turcot essentiellement de la même façon qu'on l'a fait il y a 40 ou 50 ans, et les besoins de déplacement des Québécois dans 50 ans — parce que l'infrastructure va durer encore 50 ans — ne seront pas ceux qui sont aujourd'hui puis certainement pas ceux qui étaient il y a 50 ans. Donc, ces décisions-là, on est... Malheureusement, on avance dans le développement durable, on avance sur la réduction des gaz à effet de serre, mais, parallèlement, on met de l'avant... puis on investit des milliards de dollars dans des projets qui ne vont pas du tout dans la bonne direction.

M. Gaudreault : Donc, pour briser ces silos entre les différentes politiques, est-ce que, pour vous, c'est... Sur la question de la gouvernance, par exemple, du développement durable, là, les gens avant vous ont dit : Bon, bien... En fait, le Commissaire au développement durable dit : On devrait remettre le développement durable entre les mains du Conseil exécutif. J'aimerais ça, vous entendre rapidement parce que j'ai besoin de temps encore après.

M. Ribaux (Sidney) : Bien, moi, je vous dirais, simplement, ce qu'on propose ici, c'est : Dotons-nous d'une cible, et rendons-la obligatoire, et trouvons le moyen que les hauts fonctionnaires dans tous les ministères la prennent au sérieux — disons-le comme ça — ou fassent en sorte... Je donnais l'exemple tantôt : Si je sais que ça va faire partie de mon évaluation ou si je sais que mon ministère va être évalué là-dessus, entre autres, ça va jouer. Donc, c'est la recommandation qu'on fait.

M. Gaudreault : M. le Président, vu que c'est mon dernier droit de parole parce qu'après ça on termine puis on n'a pas de remarques finales, je voudrais demander une séance de travail en vertu de l'article 176 du règlement pour convoquer les membres de la commission afin de pouvoir déterminer les observations, conclusions, recommandations qui font suite au présent mandat. Alors, j'en fais la demande formelle maintenant, là, vu que c'est mes dernières minutes de parole, là.

Le Président (M. Bérubé) : Votre demande est entendue. Elle sera acheminée au président, qui en disposera pour faire une convocation formelle pour une séance de travail.

M. Gaudreault : Parfait. Je vous remercie. Est-ce qu'il me reste un peu de temps?

Le Président (M. Bérubé) : 34 secondes.

M. Gaudreault : 34 secondes pour dire : Je remarque que, dans la question du financement des groupes, vous mettez le doigt particulièrement sur le CQDE, que nous connaissons bien. Alors, pour vous, il y a un enjeu particulier là?

M. Ribaux (Sidney) : Écoutez, au Québec, on est la seule place où on n'a pas d'organisme avec un budget normal, entre guillemets, pour suivre les lois en environnement. Ailleurs au Canada, il y a des organisations avec des budgets de millions de dollars qui sont là pour suivre l'application des lois environnementales et conseiller les gouvernements et les entreprises là-dessus. On a besoin de la même chose au Québec.

Le Président (M. Bérubé) : Merci. Ça met fin à ce bloc. Nous allons passer à la deuxième opposition, et je reconnaîtrai M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Ribaux. Bonjour, Mme St-Germain. Pour continuer sur la question du financement des organismes, à quelle hauteur évaluez-vous un financement adéquat pour le réseau d'organismes, et notamment en lien avec votre recommandation, là, 4 et 5 pour le centre québécois?

M. Ribaux (Sidney) : En fait, je peux vous dire qu'à ma connaissance il y avait un financement pour des groupes environnementaux de l'ordre de 350 000 $ par année, ce qui est clairement insuffisant, je peux vous dire ça. Pour l'instant, nous, on faisait partie des groupes financés. On n'a présentement pas de financement, donc on n'a pas de... Alors, l'information qu'on a, c'est que le programme, pour l'instant, n'existe pas pour l'année en cours. Ça, c'est pour vous dire ce qui était l'état des lieux. Les besoins sont de l'ordre, je dirais, de quelques millions de dollars, mais je n'ai pas une réponse précise à vous donner, là. Mais, pour l'ensemble des groupes au Québec, c'est de l'ordre de quelques millions de dollars, c'est des... Voilà, j'arrêterai là.

M. Jolin-Barrette : Et puis est-ce que le financement de ces groupes-là contrevient un peu à leur indépendance? Est-ce que vous avez observé cette réalité? Est-ce que...

M. Ribaux (Sidney) : Il y a toutes sortes de groupes, hein, qui travaillent en environnement, ça va de groupes qui s'occupent de l'eau, de groupes qui s'occupent de matières résiduelles, qui travaillent sur les changements climatiques et qui travaillent à toutes sortes de niveaux. Donc, Équiterre est une organisation qui intervient sur les politiques publiques. Notre part de financement du gouvernement est de l'ordre de 5 %, ça fait que ça n'affecte pas vraiment ce qu'on fait ou ce qu'on dit. D'autres organisations n'interviennent pas sur les politiques publiques, mais font un travail terrain en région, ont toutes sortes d'expertises. Bon, le Centre québécois du droit de l'environnement, c'est une expertise très particulière qui est difficilement finançable autrement que par des subventions gouvernementales. Donc, dépendant des mandats, il y a des besoins différents de financement, et c'est dans ce sens-là qu'on le ramène parce qu'il y a une politique gouvernementale pour financer les groupes communautaires qui est censée être respectée par l'ensemble des ministères. Comme je... je veux dire, j'ai présenté très clairement en amont qu'à notre avis la source de ce problème-là pour les groupes vient du fait que le ministère lui-même est coupé année après année, donc il y a un manque de ressources au sein du ministère. Voilà.

M. Jolin-Barrette : Merci. Au niveau de la recommandation n° 13, vous mentionnez qu'on doit adopter des objectifs d'achat d'aliments locaux biologiques et équitables. Vous avez également abordé un peu plus tôt la question de la politique de souveraineté alimentaire. Bon, on sait qu'elle a été changée pour le nom de sécurité alimentaire, on peut se questionner sur l'objectif dans les termes utilisés, mais, concrètement, ces objectifs-là, comment on les matérialise? Est-ce qu'on vise directement la population? Est-ce qu'on vise les organismes de s'alimenter... pardon, de s'approvisionner au niveau local? Votre recommandation touche...

Mme St-Germain (Isabelle) : Bien, ma recommandation touche principalement le gouvernement. Un peu, c'était ça aussi, le gouvernement voulait donner l'exemple. Parce que de mettre en place des politiques d'achat local et biolocal, en fait c'est un investissement pour le gouvernement, donc. Parce qu'il y a beaucoup d'achats autogérés, entre autres dans les agences de santé, les hôpitaux, etc., donc ça, c'est une prise qui peut être faite au niveau des organisations.

Puis ce qu'on constate avec tous les travaux qu'on a faits sur la promotion de l'achat local, il y a une volonté de le faire, il y a des guides qui sont mis en place, il y a aussi des leviers, des leviers qui sont utilisés, mais le problème, c'est qu'on a besoin de former les gestionnaires de cuisine, les acheteurs pour qu'ils puissent s'approvisionner en produits locaux, puis on a besoin d'identifier les produits locaux. Donc, je vous dirais, si on mettait en place des objectifs très clairs d'achats locaux, le marché va s'organiser assez vite.

M. Jolin-Barrette : Donc, concrètement, c'est imposer des règles pour favoriser l'achat local?

Mme St-Germain (Isabelle) : Bien, le message. Parce que le message qui est passé, c'est : Ce serait bien d'avoir de l'achat local. Mais, si on se disait : Bien là, nous, c'est une des priorités, on veut que tous les hôpitaux, les écoles achètent un pourcentage, 5 % de produits locaux, là ça va devenir une priorité, puis tout le monde va pouvoir s'organiser. Parce que ça se fait, mais ça se fait de façon très variable d'une région à l'autre.

M. Jolin-Barrette : Sur la certification équitable, pouvez-vous élaborer?

Mme St-Germain (Isabelle) : Oui. Depuis une quinzaine d'années, on a à la disposition des produits certifiés équitables qui sont le café, le sucre, qu'on retrouve dans toutes les cafétérias des hôpitaux, etc. Donc, ce serait très, très simple de choisir des produits certifiés équitables versus des produits conventionnels, puis ainsi on ferait des gains parce qu'on appuierait un commerce qui permet de rémunérer bien les producteurs qui produisent ces produits-là Donc, ca, ce serait un gain intéressant pour... La France l'a fait. L'Italie, il y a des... En Angleterre, ils sont... La majorité des bananes aussi sont équitables en Europe. Donc, il y a très peu de différence de prix. Donc, c'est vraiment une volonté de le faire. Au niveau économique, il y a peu de différence.

Le Président (M. Bérubé) : 30 secondes.

M. Jolin-Barrette : Je vais en profiter pour vous remercier pour la contribution à cette commission. Merci.

Le Président (M. Bérubé) : Merci, M. le député de Borduas. Nous allons passer, pour trois minutes, à la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

• (17 h 50) •

Mme Massé : Merci. Merci de votre patience, bien sûr. Je profiterais peut-être, pour rajouter à la demande de mon collègue de Jonquière, que le groupe qu'on n'a pas pu voir aujourd'hui, qui est parti pas de très bonne humeur, ça pourrait être intéressant de voir à faire concorder... qu'ils puissent venir nous présenter parce que, quand même, la question de la gestion des matières résiduelles, ce n'est pas rien dans une perspective de développement économique... de développement durable. Économique aussi.

Une des choses, je vous entendais notamment sur toute la question des actifs du gouvernement, les bâtiments, je trouve que vous mettez le doigt sur quelque chose de tellement évident que je ne comprends pas qu'on ne l'a pas déjà fait, qu'on n'a pas déjà pris ce bout-là, je dirais, à bras-le-corps pour toutes sortes de raisons. Puis vous me direz si j'ai bien compris, bien, d'une part, parce que, quand on investit dans ce type d'affaire là, qui sont des bâtiments dont nous sommes responsables, d'une part, on crée de l'emploi, c'est une façon de créer de l'emploi, on crée de l'emploi partout au Québec. Dans les régions, partout, il y a des écoles, il y a des hôpitaux, des bâtiments du gouvernement, etc. On se trouve à avoir un impact sur le développement durable, sur les gaz à effet de serre, la lutte aux changements climatiques, on fait diminuer des coûts pour l'État puis, en plus, on augmente les revenus d'impôt. Comment ça se fait qu'on ne l'a pas fait encore? Comment ça se fait? L'ancienne stratégie ne nous a pas permis ça? Vous nous revenez avec ça parce qu'on n'y est pas arrivé?

M. Ribaux (Sidney) : C'est-à-dire qu'on y était arrivé partiellement. On avait des objectifs dans la dernière stratégie. On a fait certains gains, mais on n'a pas atteint les cibles qu'on s'était fixées. Pourquoi on ne les a pas atteintes? Je ne pourrais pas vous dire dans le détail, mais je pense que ça relève de ce qu'on disait au début, est-ce que les objectifs de la stratégie sont suffisamment clairs pour les ministères, un? Deux, est-ce qu'on priorise des choses comme l'efficacité énergétique? La réponse, moi, je peux vous dire... Ça fait 20 ans que je suis le dossier puis que je suis les équipes qui font ça au sein du gouvernement, du ministère des Ressources naturelles, et la réponse, c'est : Non, on ne priorise pas... suffisamment, en tout cas, toute la question de l'efficacité énergétique.

Ça fait qu'il y a énormément à faire, il y a énormément d'économies à aller chercher et de gains à aller chercher, il suffit de se donner des cibles et de se donner les moyens. Ce que je disais... Quand on parle d'un fonds d'investissement, là, on se disait : Il y a des enjeux, je pense, concrets. À un moment donné, tu dis : Je ne peux pas sortir cet argent-là de mon budget d'opération, comment je fais pour financer une mesure d'efficacité énergétique qui va se rentabiliser sur trois ou quatre ans? Alors, il faut s'assurer que les différents gestionnaires dans l'appareil ont cette marge de manoeuvre là — on pense aux commissions scolaires, aux écoles, et tout — pour s'assurer qu'ils puissent faire les investissements.

Mémoires déposés

Le Président (M. Bérubé) : Merci, M. Ribaux, Mme St-Germain, pour votre présentation qui vient conclure nos auditions.

Alors, avant de terminer, je dépose les mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus. Alors, je les nomme : la Fondation David-Suzuki, la Table de concertation sur l'environnement et les véhicules routiers du Québec, l'Association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne, Communauto, Kéroul, la Société logique, la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, l'Association canadienne du ciment, l'industrie automobile, représentée par la Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec, l'Association canadienne des constructeurs de véhicules et les constructeurs mondiaux d'automobiles du Québec... le Conseil de l'industrie forestière, Constructeurs mondiaux d'automobiles du Canada, CMAC, Société de transport de Montréal, STM, Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets, à qui nous offrons nos excuses pour ne pas avoir pu les entendre aujourd'hui, Union des municipalités du Québec, Conseil canadien du commerce de détail.

À des fins statistiques, lors de la première stratégie, en 2007, nous avions reçu 34 mémoires pour 31 auditions. Pour la politique révisée, c'est 57 mémoires et 42 auditions. Alors, c'est un travail considérable qui a été fait par la commission, je voulais le souligner. Alors, je vous remercie.

Je lève la séance, et la commission ajourne ses travaux sine die. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 54)

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