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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le jeudi 29 mars 1979 - Vol. 21 N° 27

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 97 - Loi de la Société de récupération, d'exploitation et de développement forestier du Québec


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 97

(Vingt heures vingt-sept minutes)

Le Président (M. Boucher): La commission des terres et forêts est réunie pour étudier le projet de loi no 97, Loi modifiant la Loi de la Société de récupération, d'exploitation et de développement forestiers du Québec.

Les membres de la commission sont M. Béru-bé (Matane), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Desbiens (Dubuc), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Jolivet (Laviolette), M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M. Marquis (Matapédia), M. Perron (Duplessis), M. Roy (Beauce-Sud), M. Brochu (Richmond) qui remplace M. Russell (Brome-Missisquoi).

Les intervenants sont: M. Baril (Arthabaska), M. Brochu (Richmond), en fait, il remplace M. Russell. On peut mettre M. Russell comme intervenant.

M. Brochu: D'accord.

Le Président (M. Boucher): M. Lamontagne (Roberval), M. Léger (Lafontaine), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski), M. Mercier (Berthier), M. O'Gallagher (Robert Baldwin), M. Samson (Rouyn-Noranda).

Est-ce qu'il y a un rapporteur à la commission?

M. Saint-Germain: M. le Président, si vous voulez remplacer le nom de M. O'Gallagher par mon nom?

Le Président (M. Boucher): M. Perron (Duplessis) sera le rapporteur et M. le député de Jacques-Cartier remplace M. O'Gallagher (Robert Balwin). M. le ministre.

Exposés préliminaires M. Yves Bérubé

M. Bérubé: M. le Président, les circonstances qui nous amènent au travail ce soir ne sont sans doute pas des plus réjouissantes, étant donné l'inquiétude qui nous anime tous à la suite de l'accident qui vient de se produire à l'aéroport de Québec. Néanmoins, M. le Président, si les membres de l'Opposition sont d'accord, je pense que peut-être que la chose la plus décente que nous puissions faire, c'est encore de continuer notre travail et d'attendre les nouvelles de manière à être plus en mesure éventuellement de savoir quelle serait la meilleure attitude à prendre.

J'aimerais donc soumettre à cette commission la discussion, article par article, du projet de loi no 97, projet de loi sur lequel nous nous sommes tous exprimés, du moins en grand nombre, en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, où nous avons pu émettre les raisons qui pouvaient motiver tant notre appui que notre refus d'appui à ce projet de loi. Il est important de souligner, M. le Président, qu'il s'agit ici d'un projet de loi qui vise essentiellement à bonifier le fonctionnement d'une société d'Etat, de tenter de moderniser la charte de cette société, dans la mesure où la charte date, dans la mesure où la société a considérablement grandi, qu'elle est engagée maintenant dans de nombreuses entreprises tant dans le domaine du sciage que de la foresterie. (20 h 30)

Cette entreprise, je pense, paraît aujourd'hui comme l'une des grandes entreprises forestières spécialisées dans le sciage au Québec et par conséquent, il paraît justifié de vouloir la doter d'outils modernes, contemporains, de gérance, comme d'ailleurs le sont la plupart des grandes sociétés privées de caractère public qui oeuvrent dans le domaine.

Essentiellement — je ne voudrais pas m'attarder quant au principe — l'objectif de la présente loi vise à renforcer le conseil d'administration de la société en en augmentant le nombre, en puisant dans un bassin plus vaste de compétence, non pas que les membres qui constituent le présent conseil d'administration ne soient pas compétents, mais il faut reconnaître que lorsqu'on veut élargir le conseil d'administration, on se retrouve rapidement avec un problème de choix, dans la mesure où l'article 14 de la présente loi soulève des questions quant aux conflits d'intérêts susceptibles de se produire au sein du groupe d'administrateurs.

De manière à pouvoir puiser dans un bassin de compétence, nous avons pensé abolir l'article 14 et laisser, en pratique, la loi des compagnies, la jurisprudence, laisser également le gouvernement, dans un contrat qui lie l'administrateur à la société, libre de définir de façon un peu plus précise certaines clauses de conflit d'intérêts particulières qu'un gouvernement voudrait éliminer au sein de ses administrateurs. D'une façon générale, nous avons voulu éliminer un article couché en des termes beaucoup trop vagues pour nous permettre d'avoir facilement accès à un bassin québécois de personnes compétentes.

Je dois aussi souligner que nous avons un article qui permet de choisir un certain nombre d'administrateurs à l'extérieur du Québec, non pas que ce soit dans l'intention du gouvernement actuel, ni dans mon intention personnelle de nommer des non-Québécois. Cependant, suite d'ailleurs au long débat sur la loi créant la Société nationale de l'amiante, un débat qui portait plus précisément sur l'absence d'un tel article obligeant à recruter les administrateurs au sein des résidents québécois, nous avions finalement convenu avec l'Opposition, à l'époque — je pense que l'Opposition, tant de l'Union Nationale que du Parti libéral était d'accord au moins pour assurer une majorité nette de Québécois — possiblement d'ouvrir la porte.

C'est ce qui explique pourquoi, dans la loi de REXFOR, nous avons adopté un amendement qui avait été proposé par l'Union Nationale dans le cas

de la loi de la SNA, de manière à permettre néanmoins un ou deux administrateurs étrangers qui pourraient s'avérer intéressants. En effet, à titre d'exemple, REXFOR est de plus en plus impliquée dans des projets de vente sur les marchés européens.

Récemment, on a vu le groupe Cossette s'unir au groupe Forex français, au groupe Leroy, je crois, pour fonder la Société Forex-Leroy. Je pense qu'on trouve de plus en plus, dans le monde industriel contemporain, de ces échanges entre les pays et il peut s'avérer utile, pour des sociétés étrangères, de choisir des Québécois et de les nommer sur leur conseil d'administration, de la même façon, pour le Québec, éventuellement, d'avoir possiblement une ou deux personnes de l'extérieur qui puissent représenter cependant une véritable contribution originale à la gestion de la société. C'est donc l'idée d'augmenter le bassin à l'intérieur duquel nous pouvons puiser.

Egalement, le deuxième aspect de ces différents amendements vise à réduire le contrôle de l'Etat sur l'administration quotidienne. Nous voulons que ce soit le conseil qui définisse la politique de rémunération des cadres, sans devoir la faire approuver par le Conseil des ministres, ce qui place toujours le gouvernement dans une situation un peu difficile, puisque, devant parfois négocier des conventions collectives avec la fonction publique, il est toujours délicat, pour un gouvernement, d'accepter des normes de rémunération qui soient distinctes de celles qu'il approuve pour ses propres fonctionnaires, oubliant ainsi que cette société est d'abord et avant tout une société commerciale, qu'elle doit recruter ses cadres en concurrence avec d'autres sociétés et si nous prétendons avoir des sociétés d'Etat rentables, cela suppose que nous aurons des administrateurs compétents. Et des administrateurs compétents, cela veut dire pouvoir les payer autant que les concurrents, si on veut se les assurer.

Par conséquent, pour éviter qu'un gouvernement se sente un peu coincé entre les politiques applicables à la fonction publique et les politiques comme telles de la société, nous avons cru bon d'éliminer ce type de clause.

Et finalement — c'est un aspect qui est peut-être le plus important — c'est l'obligation pour le gouvernement à préciser ce qu'il attend de sa société d'Etat, d'une part en obligeant la société d'Etat à présenter un plan de développement de trois ans, ce qui permet de savoir où la société d'Etat va, ce qui permet d'ailleurs un bien meilleur contrôle de l'Assemblée nationale sur l'activité des sociétés d'Etat d'une part. D'autre part, nous avons voulu introduire un pouvoir de directives dans la mesure où, consolidant le pouvoir du conseil d'administration, le détachant le plus possible de l'administration quotidienne des choses de l'Etat, nous avons cru bon, à ce moment-là, compenser cette volonté de donner plus d'autonomie aux sociétés d'Etat par un contrôle beaucoup plus étroit de la possibilité, pour le gouvernement, d'émettre des directives, lesquelles directives, évidemment, il va de soi, doivent être déposées à l'Assemblée nationale, de manière à pouvoir faire l'objet d'un débat carrément public et qu'il ne se fasse rien en secret.

Voilà donc en gros, M. le Président, les trois idées forces, si vous voulez, de la liste d'amendements qui nous sont présentés ici. Je résume. Donner à REXFOR... D'ailleurs, je dis REXFOR, mais c'est la volonté du gouvernement de faire de même pour l'ensemble des sociétés d'Etat puisque nous avons commencé d'abord avec l'Hydro-Québec et que les réformes se succèdent société par société. Il s'agit donc essentiellement de renforcer le conseil d'administration, de réduire le contrôle bureaucratique de l'Etat sur l'administration quotidienne et, finalement, d'obliger le gouvernement à définir ce qu'il attend de ces sociétés d'Etat.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Noël Saint-Germain

M. Saint-Germain: M. le Président, je dois dire que je suis un peu surpris de voir que mon collègue de Montmagny-L'Islet n'est pas ici. Peut-être est-ce ce fâcheux accident qui l'a retenu. Je n'ai pu tout de même entrer en contact avec lui. Je me suis trouvé un peu mal à l'aise de poursuivre les travaux. On aurait peut-être pu, je ne le sais pas, y mettre fin, mais, de toute façon, à cause du quorum, puisque cela semble être le désir de tous ceux qui sont ici autour de cette table de poursuivre notre travail, je veux bien essayer de collaborer.

J'ai écouté avec attention la déclaration du ministre. Je ne voudrais pas, comme il l'a dit lui-même, refaire ici le débat en deuxième lecture auquel d'ailleurs je n'ai pas participé, étant retenu ailleurs, mais nous avons fait ressortir tout de même, contrairement aux affirmations du ministre pour ce qui regarde ses principes et son point de vue, que nous étions surpris de voir qu'on avait enlevé de la loi cette clause du conflit d'intérêts et surtout qu'on va permettre que des administrateurs étrangers soient nommés au conseil d'administration de REXFOR.

C'est d'autant plus surprenant tout de même, M. le Président, que nous avons un gouvernement qui, habituellement, aime à flatter le nationalisme québécois et, deuxièmement, voilà un champ d'activité, la forêt, le bois, où les Québécois ont acquis une très longue expérience. Vu que REXFOR a déjà été fondée dans les années passées, qu'on n'a jamais fait appel aux étrangers et que, au dire même du ministre, c'est une des sociétés d'Etat qui a été des plus efficaces, des plus productives, nous sommes surpris de constater ce vouloir de faire appel à des talents étrangers. D'autant plus que REXFOR, comme toute autre compagnie, devrait certainement avoir les moyens et les finances voulus pour faire appel comme employés non pas nécessairement à des administrateurs, mais pouvoir se procurer les conseillers

les plus prestigieux, les plus compétents, seraient-ils du Québec ou non. Mais de là à les nommer au conseil d'administration, je crois que c'est une tout autre chose, d'autant plus que REXFOR est très souvent, de par ses activités, appelée à jouer un rôle social aussi bien qu'un rôle économique. De toute façon, nous ferons voir, au fur et à mesure des travaux, nos arguments là-dessus.

Je voudrais terminer en disant tout simplement que REXFOR a la réputation d'être et d'avoir été une des compagnies les mieux administrées. On peut se montrer un peu surpris de constater que c'est une des premières, après l'Hydro-Québec, à voir sa loi retouchée. Lorsqu'on pense aux autres compagnies qui ont fait face à des difficultés extrêmement importantes et qui conservent tout de même, jusqu'ici du moins, le statu quo au point de vue de la charte ou au point de vue des lois qui les ont créées, on peut se montrer un peu surpris de voir que REXFOR est une des premières à voir sa loi modifiée. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. M. le député de Richmond.

M. Yvon Brochu

M. Brochu: Merci, M. le Président, quelques brèves remarques simplement. Tout d'abord, c'est pour indiquer que mon collègue de Brome-Missisquoi aurait aimé être présent ce soir avec nous, étant donné qu'il a suivi de très près toute l'évolution de REXFOR, plusieurs de ses dossiers en particulier. Malheureusement, il a été retenu à l'extérieur, il ne pourra pas être des nôtres. J'ai eu l'occasion moi-même d'émettre certains commentaires sur REXFOR au cours de la discussion en deuxième lecture, en particulier, j'ai abordé l'aspect plus général de l'ensemble des sociétés d'Etat au Québec, du rôle du gouvernement vis-à-vis des sociétés d'Etat, du rôle et des moyens d'actions également du gouvernement vis-à-vis de ces sociétés d'Etat, vis-à-vis de ces créatures émanant du gouvernement, de l'Assemblée nationale, et également, en allant plus loin, en démarquant même la ligne qui existe entre le gouvernement et l'Assemblée nationale, au chapitre de ces sociétés d'Etat, en termes de contrôle, de gestion et de droit de regard.

Lorsque le ministre parle comme tout à l'heure... Je reprends quelques points qui ont été touchés par le ministre dans ses propos préliminaires. Le ministre a introduit dans son projet de loi une disposition voulant qu'au moins les deux tiers du conseil d'administration soient formés de Québécois. Comme il l'a indiqué, cela a été d'ailleurs une préoccupation du gouvernement et de l'Union Nationale, au cours de la discussion sur la création de la Société nationale de l'amiante. J'avais moi-même présenté une motion pour s'assurer qu'au moins les deux tiers du contenu du conseil d'administration soient composés de gens originaires du Québec, mais il est évident que le monde moderne dans lequel nous vivons, on doit ouvrir la porte pour aller chercher les compétences là où elles sont et s'assurer, des compétences à ce niveau.

La loi comprend un certain nombre de changements techniques, des modifications de structures qui répondent à des préoccupations qu'on retrouve également dans d'autres sociétés d'Etat et, ici, on commence à y répondre de façon pratique avec ces modifications à la Loi de la structure de REXFOR.

En ce qui concerne le dépôt d'un plan de développement pour trois ans, je pense que c'est tout à fait sage d'exiger, et c'est de la saine administration, de demander une démonstration des prévisions de la société dans ce sens-là, ce qui permet au ministre, du moins, d'avoir aussi en sa possession les outils nécessaires pour travailler avec sa société d'Etat.

Le ministre a mentionné, dans ce sens-là, peut-être suite à la préoccupation que je lui avais indiquée, dans le contrôle des sociétés d'Etat par le gouvernement, que ça permettrait davantage à l'Assemblée nationale de contrôler la société REXFOR. Là-dessus, j'ai certaines réserves, en ce qui concerne l'Assemblée nationale comme telle; ce sera surtout un rôle d'information de l'Assemblée nationale, puisque le "pouvoir de contrôle", par rapport à l'ensemble des sociétés d'Etat et, ici, REXFOR, c'est surtout du côté ministériel qu'on le retrouve, et quand on parle du côté ministériel, on doit se restreindre aussi au ministre lui-même, à toutes fins utiles, puisque les ministres, dans leur travail quotidien, c'est impossible qu'ils puissent avoir juridiction, même en termes de temps, ça ne leur est pas possible, sur les autres sociétés qui concernent leurs collègues d'autres ministères. Même le ministre responsable — d'ailleurs, le ministre des Richesses naturelles en a fait état dans son exposé de deuxième lecture — d'une société d'Etat arrive difficilement à avoir un pouvoir large sur sa société d'Etat, occupé qu'il est à l'ensemble de son ministère, ou de ses ministères, dans certains cas, comme c'est le vôtre, M. le ministre. Il y a également l'aspect que peut porter l'un ou l'autre ministre davantage vers l'une ou l'autre des sociétés d'Etat. Comme dans votre cas, on sait que, d'abord, vous êtes préoccupé par la Société nationale de l'amiante, dont vous avez fait votre cheval de bataille, votre bébé, en quelque sorte, et vous voulez le mener à terme. Le ministre qui vous suivra, comme vous l'avez indiqué, peut, lui, avoir d'autres préoccupations, alors, mettre un peu en veilleuse la Société nationale de l'amiante pour porter peut-être plus d'attention à d'autres sociétés, ce qui me fait dire, à toutes fins utiles, en partant même des propos que vous avez tenus en deuxième lecture et ceux que vous tenez maintenant, qu'on ne peut pas prétendre que, même par un plan de développement comme celui-là, soumis trois ans à l'avance, ce soit là un moyen de contrôle pour l'Assemblée nationale, puisque l'Assemblée nationale comprend, en fait, toutes les portées. C'est l'instrument de la démocratie qui est au-dessus de nous. (20 h 45)

Alors l'Assemblée nationale, au moment où l'on se parle, n'a pas de contrôle sur les sociétés d'Etat comme telles. Elle n'a que très peu à dire là-dedans. Je n'ai pas l'intention de reprendre toute l'argumentation que j'ai tenue là-dessus, il y aura d'autres forums et d'autres tribunes pour le faire. D'ailleurs, actuellement, je fais aussi partie d'un comité qu'on a formé pour étudier les moyens à prendre pour doter l'Assemblée nationale d'un moyen de contrôle sur les sociétés d'Etat, auquel pourraient participer des députés de toutes les formations politiques, sans que ce soit une commission politique à proprement parler, plutôt apolitique, mais qui ait un certain droit de regard avec des moyens d'action, des moyens de convoquer devant elle certaines sociétés d'Etat pour analyser leurs performances et assurer un droit démocratique à l'Assemblée nationale.

C'est dans une toute autre optique que ces discussions-là ont eu lieu, mais je tenais à reprendre le propos du ministre, puisque je ne crois pas que ça donne un contrôle comme tel à l'Assemblée nationale; cela va transmettre une information aux membres de l'Assemblée nationale.

Surcela, M. le Président, pour ce qui me concerne, je serais prêt à passer à l'étude article par article du projet de loi qui est devant nous maintenant.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Richmond. J'appelle donc... Est-ce que M. le député de Montmagny-L'Islet...

M. Julien Giasson

M. Giasson: Peut-être un bref commentaire, je m'excuse à l'endroit de tous mes collègues d'être entré un peu plus tard. Nous avons pris des nouvelles qui nous ont ébranlés un peu, d'autant plus que j'accueillais des gens de mon comté à l'heure du souper, mais ce sera très bref, M. le Président.

Nous abordons l'étude et les débats article par article d'une loi qui modifie une loi constituant une société d'Etat du Québec. D'ailleurs, lors des propos de deuxième lecture, le ministre avait fait beaucoup de commentaires concernant un réexamen de tout ce qui était société d'Etat chez nous. Dans la foulée d'une pensée qui voudrait qu'on réexamine au complet le fonctionnement de nos sociétés d'Etat au Québec, pensée qui voudrait que la SGF qui, déjà, contrôle les actions de quelques entreprises à caractère parapublic, je pense que l'occasion est propice pour se poser des questions à savoir si le moment ne serait pas venu d'utiliser des organismes que possède le gouvernement du Québec, entre autres d'utiliser la SGF qui, comme je viens de l'indiquer, a des contrôles sur différentes entreprises, de faire de la SGF une supersociété d'Etat qui chapeauterait l'ensemble des exploitations découlant d'autres sociétés qui sont la propriété de la couronne.

Lorsque le ministre a exprimé son avis, son opinion relativement à la performance, à l'évolution des sociétés d'Etat chez nous, je me demandais ce qu'il pensait personnellement de la possibilité de réviser en profondeur toutes ces structu- res et d'utiliser davantage la SGF, la Société générale de financement, comme la supersociété ou le superorganisme qui aurait un droit de regard réel à l'endroit d'une foule d'entreprises paragouverne-mentales. M. le Président, si on me permet, j'aimerais connaître la pensée du ministre sur cette possibilité ou cette hypothèse.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre, est-ce que vous acceptez de répondre à la question?

M. Bérubé: II ne fait aucun doute qu'à l'origine, la Société générale de financement avait comme mandat de créer un consortium, un "holding" d'entreprises contrôlées par l'Etat dans le secteur industriel. Avec les années, et là-dessus la SGF a fait l'expérience qu'à peu près tous les conglomérats mondiaux ont faite, il s'est avéré que la dispersion dans un grand nombre de secteurs disparates, mal intégrés, épars, avait comme conséquence une très mauvaise surveillance par le "holding" de la SGF des actions de ces filiales. Une des difficultés sans doute que la SGF a connues dans le cas de Marine a été justement cette insuffisance de contrôle de la SGF sur Marine. L'expérience acquise aux Etats-Unis, lorsque, dans les années soixante, on a assisté à la naissance d'un très grand nombre de conglomérats, cette expérience acquise aujourd'hui conduit au démantèlement de ces conglomérats. Le "holding" découvre, en effet qu'il n'est pas véritablement en mesure de surveiller la commercialisation des fraises sur le marché de Pittsburgh avec la mise en marché du bois de sciage sur le marché de Londres et la fabrication de composantes électroniques pour des mini-ordinateurs et la fabrication d'ailerons pour avions. En d'autres termes, l'éparpillement dans un grand nombre de secteurs imposait au "holding" beaucoup trop de connaissances et avait en général un effet néfaste. Par conséquent, si on applique le même raisonnement, il peut donc apparaître que, si on veut conserver à l'Etat le minimum de contrôle qu'il a déjà sur des sociétés oeuvrant dans des domaines spécialisés, il est important que le ministère responsable puisse surveiller, puisse avoir un mot direct à dire dans au moins le choix des administrateurs, dans l'approbation du plan de développement, donc dans les échanges continus qui doivent exister entre un ministère et la société d'Etat. Or, il ne fait aucun doute que si le gouvernement devait nommer des administrateurs de la SGF, qui nommeraient en retour les administrateurs de différentes filiales, posons l'hypothèse SOQUEM ou REXFOR ou d'autres, on éloigne de plus en plus l'intervention ou la surveillance par l'Etat de ces sociétés, puisque je pense qu'il faut respecter la hiérarchie que vous proposez, et si l'Etat a choisi la SGF comme "holding", le conglomérat qui contrôle l'ensemble de ces sociétés d'Etat, le gouvernement devra se contenter de contrôler la performance globale du conglomérat et laissera au conglomérat le soin de décider des politiques de ses filiales. Et l'Etat aura perdu cette possibilité d'agir directement, d'influencer directement ces sociétés d'Etat.

II ne faut pas oublier que les sociétés d'Etat sont également mandataires du gouvernement. Elles ont un objectif qui est de réaliser des objectifs économiques que le gouvernement peut avoir, mais que la structure ministérielle ne peut pas atteindre. C'est essentiellement là l'objectif de nos sociétés d'Etat, puisqu'il existe particulièrement, étant donné les pouvoirs constitutionnels limités du Québec, deux domaines où le Québec peut véritablement agir sur le développement économique, l'un, c'est la subvention à l'entreprise privée et l'autre, c'est l'intervention directe.

On sait que l'impôt corporatif n'est contrôlé à peu près qu'au quart par le Québec et, par conséquent, il a relativement peu d'impact sur les politiques décisionnelles de l'entreprise. Ce qui me paraît probable, lorsqu'on parle de faire de la SGF un véritable "holding", c'est qu'on va éloigner encore davantage le contrôle par le gouvernement des décisions ou du moins de la performance de ces sociétés d'Etat et de l'harmonie qui doit exister entre les objectifs de cette société d'Etat et ses réalisations, donc on va éloigner ce contrôle qu'au contraire, je pense, à peu près tous les membres de cette Assemblée ont jugé bon de resserrer, d'une part. D'autre part, on va obliger un conseil d'administration de la SGF à posséder des connaissances beaucoup trop vastes, beaucoup trop étendues.

De fait, la recommandation du conseil d'administration de la SGF aujourd'hui n'est plus de transformer cette société en "holding", bien au contraire, mais de la spécialiser dans quelques domaines où elle est susceptible d'avoir un meilleur contrôle et, à ce moment-là, de s'en tenir là, quitte, cependant — et cela demeure tout à fait possible, le premier ministre l'a annoncé dans le discours inaugural — à ce que l'on crée une société qui pourrait s'appeler Investissement Québec ou autre, une banque d'Etat qui ait comme mission le financement, l'achat de capital-actions dans nos sociétés d'Etat.

Mais il s'agirait, à ce moment-là, carrément d'une banque, mais non d'un conglomérat avec des objectifs économiques définis qu'un conglomérat doit normalement avoir. C'est pour cette raison que je serais plutôt dubitatif quant à la proposition de faire de la SGF le "holding" que vous proposez, par crainte d'alourdir encore la structure de nos sociétés d'Etat et d'en réduire l'efficacité.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet? M. le député de Jacques-Cartier.

Discussion générale

M. Saint-Germain: Je comprends très bien la façon de voir et de penser, le raisonnement du ministre, mais...

M. Bérubé: Une logique inébranlable.

M. Saint-Germain: II reste tout de même que la population et les députés en particulier sentent bien que le Parlement, le gouvernement et même le cabinet ont très peu d'influence ou très peu de contrôle sur les sociétés d'Etat. Je crois qu'il y a là une faille très importante. J'aimerais simplement demander au ministre de quelle façon il verrait l'Etat dominer, pas nécessairement contrôler, mais au moins avoir un moyen de se rendre compte, d'une façon rapide, des mauvaises décisions qui peuvent être prises, au niveau pratique, pour empêcher une catastrophe comme Marine Industrie avec ses navires.

M. Bérubé: Plusieurs façons, M. le Président. D'une part, par des définitions claires de mandat, pour nos sociétés d'Etat. A titre d'exemple, nous prenons le cas de SIDBEC, où l'Assemblée nationale a donné comme mandat à SIDBEC l'implantation d'un complexe sidérurgique intégré. Une Assemblée nationale saine d'esprit devait savoir, à ce moment-là, qu'un tel complexe allait coûter plusieurs milliards de dollars. Et si telle était la volonté de l'Etat à l'époque, il fallait, dès le départ, consentir les sacrifices financiers nécessaires et réaliser ce complexe sidérurgique.

Il y avait donc, à mon point de vue, coupure entre l'intention un peu vague pour le gouvernement à l'époque, d'implanter un complexe sidérurgique, et d'autre part, la réalisation des coûts que cette implantation allait occasionner. La conséquence, c'est que les gouvernements successifs n'ont jamais voulu engager les sommes d'argent nécessaires à la réalisation. Ils ont compté, en général, au compte-gouttes, les sommes avancées, ce qui a amené l'entreprise, dans une première étape à devoir... Je n'entrerai pas dans le détail, il y a toute une série de décisions qui ont dû être prises par l'entreprise.

En d'autres termes, faute d'avoir clairement défini un mandat, avec les implications d'un tel mandat, on a entraîné SIDBEC dans une course vers le complexe sidérurgique intégré, sans jamais lui en donner les moyens. Je pense que les gouvernements successifs ont été, en bonne part, responsables du résultat final.

Par ailleurs, il existait une mauvaise habitude au gouvernement, soit celle de nommer des administrateurs pour des périodes trop longues. Il faut reconnaître cependant que très fréquemment, les honoraires, les salaires consentis aux administrateurs ne se comparaient pas à ceux de l'entreprise privée et l'on jugeait bon d'offrir, en contrepartie, une certaine sécurité d'emploi.

Mais, à mon avis, une telle sécurité d'emploi est catastrophique, puisque l'administrateur qui n'a plus à répondre quotidiennement, par exemple, à un ministre, comme c'est le cas de nos fonctionnaires — et le ministre, à l'Assemblée nationale, est-ce qu'il a quand même le don de nous tenir sur les dents une demi-heure, trois quarts d'heure par jour, à la période des questions — un administrateur qui ne se voit plus jamais poser de questions et qui sait qu'il est inamovible pour les dix prochaines années, évidemment, s'il est bon, tant mieux, mais s'il est mauvais, qu'est-ce qu'on fait?

Voilà donc à nouveau un exemple d'une certaine inconséquence dans les décisions gouvernementales. Je pense que la meilleure façon de contrôler le fonctionnement d'une société d'Etat aussi, c'est d'obliger un ministère à décider ce qu'il veut pour la société d'Etat. Je m'explique. Les sociétés d'Etat ont souvent été des créatures politiques des gouvernements, ne répondant pas spécifiquement à la volonté d'un ministère. Dans le cas de la Société nationale de l'amiante, il ne fait aucun doute qu'il s'agissait là d'une volonté politique d'intervenir, dans le secteur de l'amiante. Nous avons donc formé un petit groupe de travail qui a élaboré cette stratégie dans le secteur de l'amiante. (21 heures)

Mais le ministère comme tel n'y était pas partie. Tant et aussi longtemps — comme le député de Richmond l'a indiqué — que le ministre reste près de sa société d'Etat, je pense qu'il y a peu de problèmes. Cependant, avec les années, le ministre peut-être, prenant un autre poste ou étant défait aux élections, les fonctionnaires, eux, restent. Ils ne se sentent pas impliqués face à la société d'Etat. Celle-ci a donc tendance à se développer une philosophie tout à fait personnelle. Les membres du conseil d'administration n'ont aucun contact avec le gouvernement, si ce n'est par l'assemblée d'actionnaires annuelle, où on présente les résultats et où on peut juger si c'est bon ou si c'est mauvais et, par conséquent, je pense que cela explique une des raisons pour lesquelles il y a eu relativement peu de contrôles gouvernementaux.

Il faut donc, au niveau de nos ministères, se doter de directions de l'industrie, ayant en particulier comme mandat de définir le rôle des sociétés d'Etat oeuvrant dans les différents secteurs où le gouvernement a choisi d'entrer. Cette présence continue de fonctionnaires de l'Etat qui vont se préoccuper du rôle de l'intégration de la société d'Etat dans les politiques gouvernementales est certainement de nature à faire en sorte qu'il y aura beaucoup plus d'échanges, puisqu'il rn'apparaît quand même assez difficile pour un ministre et ses fonctionnaires d'arriver carrément avec une directive. Cela veut donc dire qu'il va falloir que le ministre et les fonctionnaires rencontrent le conseil d'administration de la société, qu'il y ait de nombreux échanges, compromis de part et d'autre. Par conséquent, on multiplie les occasions de contacts, mais je pense que le principal objectif des directives, à mon point de vue, ce n'est pas de forcer la société d'Etat à obéir à l'Etat, c'est de forcer l'Etat à savoir ce qu'il veut de ses sociétés d'Etat. Cela m'apparaît beaucoup plus important.

Les premières discussions que nous avons eues avec l'ensemble des présidents de nos sociétés d'Etat ont toutes permis de conclure que la principale défaillance que percevaient les présidents de sociétés d'Etat face au rôle et à l'interaction entre l'Etat et les sociétés d'Etat, c'était cette absence totale de volonté politique de la part d'un gouvernement vis-à-vis de leur mandat. Les présidents de sociétés d'Etat ont tous expliqué que s'ils ne savaient pas ce que le gouvernement attendait d'eux, ils étaient livrés à eux-mêmes et devaient, à ce moment-là, élaborer leurs propres politiques, ce qui explique souventpourquoi beaucoup de nos sociétés d'Etat n'ont pas de politiques et évoluent dans leurs orientations au gré des nominations, au gré des changements sur les conseils d'administration avec relativement peu de continuité. Cela explique aussi pourquoi, très fréquemment, la direction n'est pas véritablement contrôlée par le conseil d'administration.

Il faut reconnaître aussi une chose. Une des mauvaises habitudes dans nos sociétés d'Etat a consisté à nommer simplement un président de la société d'Etat qui était à la fois président du conseil. Souvent ce président était nommé par décret ministériel pour cinq à dix ans. L'administrateur pouvait être nommé pour un an. Un conseil d'administration entourant le président... On a encore des présidents non pas d'une intégrité, mais d'une objectivité, comme nous en avons à cette digne Assemblée. On voit mal comment le président de la société accorde la parole à des membres d'un conseil d'administration qui sont en désaccord avec ses politiques. On a connu plusieurs cas de conseils d'administration en lutte ouverte avec le président de la société, mais on s'est demandé si c'était le conseil d'administration qui avait juridiction sur le président ou si le conseil d'administration jouait tout simplement un rôle consultatif, étant donné qu'ils étaient nommés à titre temporaire alors que le président était là à titre permanent.

M. Giasson: ... à REXFOR?

M. Bérubé: Je ne saurais dire, non, je pense que je réfère à d'autres sociétés d'Etat. Je ne réfère pas à REXFOR effectivement. Par conséquent, il m'apparaît difficile... Il faut dire quand même que dans le cas du président de REXFOR actuel, nous avons là quelqu'un avec un sens de la démocratie et du service à la société qui est remarquablement développé. Je pense qu'il est peut-être plus développé que chez l'ensemble de ses compatriotes oeuvrant à la présidence des sociétés d'Etat.

Par conséquent, M. Côté a toujours géré sa société dans un esprit d'ouverture, de concert avec les travailleurs, avec les cadres de sa société et de concert avec le ministre d'ailleurs. Tous les ministres des Terres et Forêts qui se sont succédé sont unanimes à souligner l'importance des liens qui unissaient le ministre à REXFOR dans toutes les décisions.

Par conséquent, je pense que le problème ne s'applique pas du tout dans le cas de REXFOR, mais c'est un problème plus général. Au fur et à mesure que REXFOR grandit, on n'a plus affaire à... D'ailleurs, vous verrez, à la présentation des états financiers, que les profits sont assez étonnants cette année. D'ailleurs, vous serez surpris. Vous comparerez avec la seule autre société publique dans le domaine du sciage et vous remarquerez d'excellentes performances.

En d'autres termes, la société est adulte, elle a mûri. Je pense qu'aujourd'hui elle doit avoir un conseil d'administration un peu analogue à ce qu'on retrouve dans l'entreprise privée avec, possiblement, un président du conseil d'administration distinct du président de la société. Ceci est ma volonté politique personnelle et je n'ai pas voulu la rendre obligatoire dans le projet de loi, justement pour ne pas compliquer l'existence de mon successeur.

Un successeur préférera peut-être, lui, au contraire, avoir un président de société et un président du conseil qui soient une seule et même personne. Dans mon cas, je préfère avoir deux personnes distinctes. A ce moment, les relations du ministre se font avec le président du conseil d'administration, avec les représentants des actionnaires. On établit une distance raisonnable entre la direction quotidienne de la société et le pouvoir politique qui m'apparaît également sain et on donne beaucoup plus d'importance au conseil d'administration qui, lui, a juridiction sur le président de la société. Il peut le nommer, le dénommer, il peut choisir des termes de contrat susceptibles d'amener une meilleure performance de la part du président.

En d'autres termes, le conseil d'administration a l'impression d'être impliqué dans les prises de décisions fondamentales, concernant l'orientation des sociétés d'Etat. C'est donc de ces différentes façons que je crois qu'on peut amener nos sociétés d'Etat à faire moins d'erreurs avec un conseil d'administration composé de gens compétents, un conseil d'administration qui possède véritablement un contrôle sur la direction, avec un conseil d'administration qui reçoit des directives de la part du gouvernement, avec un conseil d'administration qui doit élaborer un plan de développement tous les trois ans, donc un conseil d'administration qui doit être en contact avec un ministère de tutelle, ministère qui doit se doter des services adéquats pour maintenir ce lien entre l'Etat et la société d'Etat. Je ne sais pas si je réponds clairement à votre question, mais je pense qu'on se rend compte que c'est de plusieurs façons en même temps qu'on peut peut-être atteindre l'objectif.

M. Saint-Germain: M. le Président, si j'ai bien compris le ministre, il nous a dit que, premièrement, les défauts que l'expérience a fait valoir dans nos sociétés d'Etat ont été premièrement un mandat trop long du président et des administrateurs, deuxièmement, qu'il devrait y avoir au niveau du ministère responsable d'une société donnée, puisque la pratique des choses a prouvé que le conglomérat n'était pas une formule idéale, des fonctionnaires au niveau de chaque ministère responsable d'une société d'Etat en particulier, troisièmement, que le président du conseil d'administration devrait être non pas la même personne que dans le conseil de direction et que le président du conseil d'administration ne devrait pas être responsable des nominations de ses administrateurs.

Il a fait des remarques assez sévères aussi dans le passé sur les sociétés d'Etat, des remarques sévères envers les divers gouvernements qui ont été responsables de ces sociétés. C'est facile, mais pour donner justice à ces gouvernements du passé, je pense bien qu'il faudrait aussi décrire l'état qui existait au point de vue économique et au point de vue financier dans cette province, et la situation politique qui existait à ce moment. Que le ministre ait, par expérience, si vous voulez, fait ressortir ces faiblesses, celles que je viens de mentionner, tant mieux! Cela me semble tout de même être des facteurs qui ne sont probablement pas secondaires. Il me semble que cela paraît être trop facile, si vous voulez, pour en arriver à des sociétés d'Etat qui pourraient être subordonnées, si vous voulez, à la volonté politique des divers gouvernements. Il me semble que c'est un problème fort complexe qu'on essaie de résoudre avec des solutions relativement simples. J'espère que le ministre a raison, puisqu'il est en autorité et qu'il peut appliquer ses propres politiques. Si je prends un mandat trop long, probablement qu'il a raison, on peut assurément nommer des gens avec des mandats plus courts, mais il reste qu'avoir d'autres fonctionnaires au niveau de chaque ministère, ces gens sont encore des fonctionnaires, ils ne seront pas plus que des fonctionnaires qui pourront analyser le comportement des sociétés d'Etat.

On sait, par expérience, que si un ministre est nommé, il faut premièrement qu'il se familiarise avec son ministère. Cela prend du temps. Cela prend des mois, peut-être une année presque, avant qu'il connaisse réellement le fonctionnement de son ministère. Après cela, il faut qu'il conçoive ses politiques et les vende au cabinet comme à la population. Lorsqu'il est prêt à prendre des décisions, lorsqu'il a pu estimer, si vous voulez, la valeur de l'administration d'une compagnie dont il est responsable et la valeur des individus qui l'administrent, bien souvent, les élections arrivent ou même, sans élections, le ministre est changé et le nouveau ministre ne veut pas prendre la responsabilité d'agir suivant des décisions ou des façons de voir de son prédécesseur. Il recommence le processus en voulant, lui aussi, se familiariser avec les faiblesses des sociétés et en faisant son évaluation personnelle, si vous voulez, de ceux qui en ont la direction.

Enfin, c'est ce que je voulais dire, M. le Président.

M. Bérubé: M. le Président, je soulignerai simplement un point. Je pense que le député de Jacques-Cartier a voulu insister sur l'importance de... Il a utilisé les mots "subordonner une société d'Etat à la volonté politique." J'en suis pour les orientations. Mais autant je suis d'accord en ce qui a trait aux orientations, autant cela m'apparaît dangereux et même plus que néfaste dans les prises de décision, je ne voudrais pas dire quotidiennes, mais assez régulières de la société d'Etat. Je m'explique.

Nous avons du, dans des cas particuliers — je pense que le cas de Samoco est un cas qu'on

pourrait discuter — comme gouvernement, étant donné que la société encourait des déficits importants et qu'elle avait besoin de capital-actions, nous avons exigé de surveiller le fonctionnement de Samoco en détail et, effectivement, nous l'avons suivi de très près.

Je dois dire, cependant, que la surveillance d'une société par des fonctionnaires du Conseil du trésor et du ministère des Terres et Forêts n'est peut-être pas la solution idéale. Je pense qu'elle est justifiée lorsque la société encourt des pertes et qu'elle ne semble pas vouloir s'en sortir d'elle-même, mais, néanmoins, il faut reconnaître que les fonctionnaires du Trésor, si valables soient-ils, n'ont pas des préoccupations d'efficacité économique. Ils ont donc souvent des tendances et quiconque a eu des démêlés avec le Trésor sait que, dans tous les gouvernements, la structure honnie de tous, c'est toujours le Conseil du trésor et pour la simple et bonne raison que le Conseil du trésor a comme objectif de faire des analyses et de chercher les failles, les défauts. Or, dans l'action industrielle, on n'est pas là pour chercher des failles. On est là pour trouver des solutions. Ce sont deux mentalités totalement différentes.

Dans l'entreprise privée ou dans l'entreprise commerciale, il s'agit de trouver des solutions, de régler des problèmes, alors qu'au Conseil du trésor, on n'a pas comme objectif de régler les problèmes, on a comme objectif de s'assurer que les deniers de l'Etat sont bien dépensés, en conformité avec les lois et règlements adoptés par le gouvernement et l'Assemblée nationale. Ce sont deux mentalités totalement opposées et, par conséquent, j'ai été à même de constater que cette vérification minutieuse du fonctionnement d'une société d'Etat avait un effet, je dirais, calcifiant, finalement, chez les administrateurs, et ceux-ci s'ankylosaient littéralement, finissaient par ne plus vouloir prendre de décisions, puisque chaque fois qu'un administrateur prenait une décision, il devait la justifier face au Conseil du trésor et devait donc reprendre toute la discussion. Ces gens ont fini par transmettre leurs responsabilités carrément au Trésor en disant: Prenez donc les décisions vous-mêmes puisque vous n'êtes jamais contents de celles que nous prenons.

C'est une expérience que j'ai vécue, expérience semblable, d'ailleurs, que nous avons vécue dans le cas de SIDBEC, plus particulièrement, et expérience semblable que nous avons vécue dans le cas de Marine. Ce sont trois cas où l'Etat a dû se substituer au conseil d'administration et exercer un contrôle très serré de l'état de ces sociétés d'Etat, des finances de ces sociétés, justement par suite d'erreurs des administrateurs.

Je pense que ça peut être nécessaire lorsqu'on demande des crédits à l'Etat, mais je me rends compte d'une chose, c'est que cette approche est sclérosante. Elle nuit au bon fonctionnement d'une société d'Etat. Si on voulait établir, ériger en système...

M. Giasson: C'est le cas des tutelles...

M. Bérubé: Oui, c'est le cas des tutelles qui ne sont pas idéales, mais, lorsqu'il faut passer à une tutelle, il faut passer à une tutelle, et je pense que, dans ces trois cas, il faut parler carrément de tutelle, sans aucun doute.

Mais il ne faudrait pas appliquer la règle de la tutelle au fonctionnement de toutes les sociétés d'Etat et je pense qu'il serait malsain de vouloir subordonner les décisions, contrôler chacune des décisions de la société d'Etat par le pouvoir politique. Ma crainte réelle, c'est qu'on immobiliserait totalement le fonctionnement de nos sociétés d'Etat, à notre plus grand détriment d'ailleurs. (21 h 15)

Je préfère donc un conseil d'administration beaucoup plus autonome, avec des directives de l'Etat quant à ses orientations et un contrôle annuel de la performance économique de la société, avec des mandats plus courts des administrateurs, de manière à remplacer les administrateurs quand la performance est inadéquate. Ce n'est qu'en cas de dernier recours qu'il faut faire appel à une procédure de mise en tutelle.

M. Giasson: M. le Président, j'aurais peut-être une autre question à l'attention du ministre.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: On connaît fort bien les différents mandats que le gouvernement du Québec a demandés à la société REXFOR depuis sa réorganisation, c'est-à-dire depuis que l'Etat avait décidé d'accroître de façon considérable le capital-actions de la société, en vue de l'utiliser dans des vocations que je pourrais qualifier de variées, que ce soit une entrée ou une poussée du côté du secteur des pâtes et papiers, également une intégration à l'intérieur de l'opération sciage, comme une commande à REXFOR de devoir procéder à des plans d'aménagement intensif de forêt. Il y avait eu également tout autre mandat de mener une opération de service public à l'endroit de certaines entreprises qui étaient vraiment en difficultés. Mais pour les années immédiates qui viennent, quelle est la vision que le ministre des Terres et Forêts et Richesses naturelles a à l'endroit de rôles nouveaux que pourrait jouer notre société d'Etat dans le secteur forestier?

M. Bérubé: En fait, depuis que nous sommes là, nous avons essentiellement confié trois mandats à REXFOR, bien spécifiques. Le premier mandat a été analogue au mandat qui avait été confié par les différents gouvernements qui s'étaient succédé, c'est-à-dire que nous avions demandé à REXFOR de reprendre les opérations de la Richardson. Il faut souligner cependant qu'il y avait eu un décret ministériel sous l'ancienne administration, mandatant REXFOR à cette fin et, à mon arrivée au gouvernement, me retrouvant à la fois député de Matane et ministre des Terres et Forêts, il m'apparaissait difficilement justifiable de

reculer face à cette recommandation. Mais il s'est avéré, néanmoins, après une étude très étoffée du dossier, que la reconstruction d'une scierie dans les conditions d'opération en question, n'était pas rentable. Je m'y suis donc opposé.

Il existait cependant des possibilités d'exploitation forestière non rentables, mais dont le déficit par emploi créé était inférieur à $4000 par année, alors que le bien-être social nous coûtait, dans la région où le taux de chômage dépasse les 55%, énorme, $5500 par travailleur en chômage. Par conséquent, nous avons choisi de payer $4000 plutôt que $5500. Or, finalement, non seulement il ne nous en coûte pas $4000 mais probablement que nous ferons des profits, ce qui fait qu'à la fin du compte, cette opération se sera avérée sur le plan social et économique un succès.

Mais c'est un mandat et personnellement je ne vous cacherai pas que je suis assez réticent de ne confier que des mandats de ce type à REXFOR, puisque comment peut-il être stimulant de prendre une entreprise en faillite léguée par le secteur privé, si cher d'ailleurs au député de Lotbinière, et d'en faire une entreprise rentable, ce que REXFOR a fait dans le cas de Béarn, de Taschereau, de Tembec, de Richardson, etc.

M. Giasson: ... même des coopératives.

M. Bérubé: Oui. Par conséquent, ça peut être intellectuellement stimulant de faire la preuve qu'on est plus compétent que ceux qui nous ont précédés. Mais, néanmoins, c'est fatigant, c'est le mythe de Sisyphe, puisqu'il faut chaque fois recommencer la même opération et reprendre une entreprise en faillite et la rendre rentable.

Pour ces raisons-là, nous avons voulu examiner dans quelle mesure on ne pourrait pas confier à REXFOR des mandats industriels peut-être un peu plus différents et, un en particulier que nous lui avons confié, c'est la valorisation de matière ligneuse à des fins énergétiques.

L'utilisation des résidus comme l'écorce, comme les sciures et planures qui sont inutilisées à des fins de production, soit de vapeur, soit d'électricité, soit éventuellement d'autres produits. Par conséquent, REXFOR s'est engagée au niveau d'études de faisabilité et également s'est vu mandater par le Conseil des ministres pour des négociations avec certaines entreprises du secteur privé dans le but d'implanter des usines qu'on pourrait qualifier de pilotes ou, du moins, expérimentales pour la production d'énergie, de manière à développer la technologie au Québec, d'intégrer cette action à celle de Forano, de Volcano, de Beloit, de Dominion Engineering au Québec, pour qu'on puisse éventuellement développer une technologie de l'énergie douce au Québec qui soit exportable. Donc, c'est un mandat confié à REXFOR.

Autre mandat confié à REXFOR, dans la vallée de la Matapédia, ou du moins dans la région adjacente: nous examinons la possibilité de promouvoir un projet papetier sur la base d'un approvisionnement potentiel sur le territoire d'à peu près 250 000 cunits. C'est donc un mandat, cette fois-ci, carrément économique, de développement dans le secteur du papier journal ou autres secteurs forestiers, puisque le produit lui-même n'a pas encore été défini par le comité, et à nouveau REXFOR travaille de concert avec la population, avec le Syndicat des producteurs de bois. C'est là un aspect intéressant de l'action de REXFOR dans la mesure où REXFOR est peut-être une société qui est socialement beaucoup plus encline à s'impliquer avec la population dans des projets, elle en a une longue expérience, alors que certaines de nos autres sociétés d'Etat, je peux penser, par exemple, à Donohue, ne se sont jamais impliquées socialement très à fond dans notre milieu québécois; il s'agit plutôt d'une société commerciale de type classique, par conséquent, c'est le type de mandat que nous avons confié.

Concernant la foresterie, j'émettrai là une pensée un peu personnelle. Je sais que REXFOR a joué un rôle important dans le cas de la forêt des Appalaches, qui est située essentiellement dans le comté de Montmagny-L'Islet. Cependant, il faut reconnaître qu'en foresterie, il existe une longue tradition québécoise de coopératives fprestières, de "jobbers", de petits industriels, donc la société d'Etat, dans un cas comme celui-là, se trouve en concurrence avec énormément de Québécois pouvant oeuvrer dans le domaine. Il s'agit donc de définir pour REXFOR un mandat forestier qui lui serait unique et que les autres sociétés ou les coopératives ne semblent pas devoir réaliser, mais il m'apparaît dangereux de vouloir remplacer l'initiative des Québécois dans un secteur par une initiative gouvernementale quand l'entreprise privée ou l'entreprise coopérative ou l'entreprise collective peut le faire. Je pense que c'est préférable de développer le plus d'entrepreneurs au sein de notre société et il y a un danger de stériliser le dynamisme d'une population que de toujours agir par les sociétés d'Etat. A mon point de vue, une société d'Etat doit faire des choses qui ne se feraient pas si la société d'Etat n'était pas là. Si SIDBEC n'était pas là, il n'y aurait jamais eu d'acier fabriqué au Québec. Il faut se le dire et c'est une des réalisations de SIDBEC. Si REXFOR n'avait pas été là, Béarn et Taschereau, cela n'aurait pas redémarré parce que l'entreprise privée ne voulait que cela reparte à l'époque. Les propositions avaient été faites.

Donc, je pense qu'il faut confier à nos sociétés d'Etat les mandats que l'entreprise privée, pour diverses raisons, ne veut pas accomplir, pour des raisons qui ne sont pas nécessairement à caractère économique, elles peuvent être très diverses. A ce titre, on peut donner l'exemple de certaines forêts du Québec où on doit exploiter plusieurs espèces presque concurremment. Présentement un industriel passe, récupère le mélèze, un deuxième passe et récupère l'épinette, un troisième passe et récupère l'érable, le quatrième passe et récupère le merisier et, finalement, il faut passer plusieurs fois; des coûts d'exploitation très élevés. Il pourrait donc y avoir avantage à concevoir un

exploitant unique. A cet égard, REXFOR pourrait peut-être jouer un rôle, mais nous devons — et je pense que ce n'est pas fait et ce n'est pas clair dans mon esprit — essayer d'imaginer ce rôle un peu particulier que pourrait jouer REXFOR dans la foresterie.

Je dois dire que depuis maintenant quelque six mois, huit mois, nous travaillons avec la direction de REXFOR à réfléchir un peu sur ce mandat un peu particulier qui ferait en sorte que REXFOR ne serait pas en concurrence avec le mouvement coopératif, en concurrence avec de petits entrepreneurs québécois fort efficaces au demeurant qui ont exploité dans le passé la forêt avec succès et qu'on n'a pas de raison de déplacer, qu'on a peut-être raison d'amener à un niveau de modernisation plus poussé, les amener à se préoccuper davantage d'aménagement, par exemple, qu'ils ne l'ont fait, mais c'est une évolution je pense que l'on peut attendre facilement de nos exploitants actuels en forêt et il ne m'apparaît pas évident qu'on doive toujours simplement les mettre de côté pour les remplacer par REXFOR. Dans le domaine de la foresterie comme tel, j'ai plus de difficulté, faute de bien comprendre véritablement ce qu'est la foresterie comme science, n'étant pas moi-même forestier, et faute justement — et c'est un aspect significatif — du ministère des Terres et Forêts, de s'être véritablement préoccupé du mandat que devrait réaliser la société d'Etat.

M. Giasson: Le ministre, M. le Président, vient de faire allusion à la demande qui avait été faite à REXFOR de pousser une étude de faisabilité d'un projet de papeterie pour la région de Matapédia. Dans un premier temps, c'est un mandat assez spécifique. Est-ce que le ministre croit que si ces études révèlent une capacité de développer là-bas une papeterie, dans son esprit, REXFOR devra être participante à cette opération avec les groupements populaires ou le syndicat des producteurs forestiers ou tout autre organisme qui s'intéresse à ce projet de développer une papeterie dans la région de la vallée de la Matapédia?

M. Bérubé: Cela pourrait être le cas, oui. M. Giasson: Oui.

M. Bérubé: Je pense que REXFOR a la mentalité pour s'engager dans un projet mixte de ce type. Cependant, il faut reconnaître l'inexpérience de REXFOR en ce qui a trait à la mise en marché du développement de la clientèle. A cet égard, il faudrait sans doute imaginer un partenaire qui détiendrait ce "know-how" assez particulier, d'autant plus que l'ère est à la consolidation des industries forestières et non à leur dispersion. Je pense qu'il fait peu de doute que les petites usines, aujourd'hui, dans cette ère de concurrence, ont certaines difficultés, car on peut plus facilement jouer de petites usines les unes contre les autres que l'on peut jouer Abitibi-Price contre Consolidated, ou, vers les Etats-Unis, Georgia Pacific.

Par conséquent, l'ère est aux grandes entreprises et il me paraîtrait intéressant de rattacher un tel projet, possiblement le groupe de Donohue ou la SGF, par exemple, au niveau de la mise en marché, donc intégrer cette commercialisation du produit fini à l'intérieur d'une entreprise comme Donohue qui, à ce moment-là, serait quand même un producteur important de pâtes, un producteur important de papier journal, qui aurait une double production et donc moins sensible aux grèves. Un des drames de la grève à Donohue présentement, c'est que les clients de Donohue qui se voient coupés, privés de leur approvisionnement pendant une période trop longue, vont orienter leurs achats vers d'autres entreprises, et Donohue n'a aucun moyen pour desservir ses clients. Donohue risque donc de perdre des clients qu'elle ne peut pas récupérer subséquemment, alors que les grandes entreprises forestières, souvent, ont une grève à une usine mais n'en ont pas à l'autre. Finalement, elles réussissent, tant bien que mal, à satisfaire les principaux besoins de leurs clients et garder un certain nombre de clients stables.

C'est le danger d'une trop petite entreprise qui est à la merci des fluctuations de marché, qui est à la merci de grèves ou de troubles quelconques.

M. Giasson: M. le Président, une dernière demande au ministre. Dans ses propros, il a fait allusion à la situation de REXFOR dans un mandat qu'on lui avait demandé vis-à-vis de l'industrie de Sacré-Coeur, Samoco. Est-ce qu'on pourrait savoir du ministre où en est l'état de ce dossier, ce qui va advenir de cette industrie, de cette usine là-bas? Est-ce qu'on peut croire que, d'ici les tout prochains mois, cette entreprise pourra redémarrer et permettre à la population du milieu d'atteindre l'objectif qu'on recherchait au moment de la mise sur pied de cette industrie?

M. Bérubé: Je pense qu'on ne peut pas aborder le cas de Samoco sans le remettre dans son contexte. C'est un cas qui est triste, parce que c'est un exemple d'échec économique. Cependant, je pense qu'on ne peut pas faire de développement économique sans connaître des échecs ici et là. C'est impossible. Si toutes les filiales de REXFOR avaient connu les mêmes échecs, on pourrait s'interroger. Mais lorsqu'il n'y en a qu'une qui connaft cet échec, on se dit que ça fait partie des échecs. Celui qui ne se trompe jamais n'a certainement pas sa place ici.

C'est un bel exemple d'échec et, personnellement, ça ne me choque pas. Pourquoi l'échec? Complexe. J'imagine que j'aurais été ministre des Terres et Forêts à l'époque où ce projet a démarré et que je l'aurais regardé d'un bon oeil. Un industriel expérimenté, la population, REXFOR très fortement minoritaire — à peine 10% — voilà le noyau de départ de ce projet. Une belle forêt, un approvisionnement important, une usine neuve. Il n'y avait pas de raison pour que ce projet ne démarre pas normalement. (21 h 30)

Hélas, quelques erreurs de conception de l'usine, une usine beaucoup trop grosse, très coûteuse, qui coûte presque deux fois ce qu'il en coûterait normalement pour le même genre de capacité de production, des erreurs de conception dans l'usine, ce qui fait que certaines pièces d'équipement sont surdimensionnées, d'autres sont sous-dimensionnées, ne peuvent pas traiter, à titre d'exemple les déchiqueteuses, la quantité de copeaux nécessaires ou prévus dans l'usine.

Egalement, 140 travailleurs là où, normalement, il en faut 90 pour faire la même chose. Donc, des dédoublements de postes, à cause de mauvais alignements de machines, obligeant du personnel supplémentaire à différents endroits de transferts dans l'usine. En somme, un ensemble d'erreurs de conception.

A cela s'ajoute une insuffisance de la structure financière de départ, ce qui fait que le fonds de roulement manquant, la banque manquant, refusant d'appuyer, l'entreprise est tombée en faillite.

L'Etat a décidé de reprendre. Je ne critiquerai pas. Je pense que, s'il y a eu une erreur que l'ancienne administration a faite, c'est uniquement celle-là, c'est par souci de protéger les petits investisseurs. On a refusé à l'entreprise ce que normalement elle aurait dû faire, c'est-à-dire faire faillite, assainir et redémarrer, pour des raisons sociales qui peuvent se défendre.

La conséquence, cependant, a été que REXFOR a hérité d'une entreprise valant tout au plus $6 millions ou $7 millions, normalement, mais qui lui en coûtait $17 millions. Le fardeau de la dette était énorme. S'ajoutent à ce moment-là des problèmes sociaux, et c'est en général ce qui se passe lorsque quelque chose commence à mal aller. Tout va mal, à ce moment-là. Problèmes de sabotage dans l'usine, éventuellement, relations de travail terriblement mauvaises, grève. REXFOR profite de ce temps de répit pour examiner ce qui se passe, découvre des erreurs très sérieuses au niveau de la comptabilité, des erreurs dans les inventaires, des millions de dollars de perdus. On découvre que des contrats faits avec l'Europe par l'ancienne administration étaient largement déficitaires. Pour 1000 pieds de bois qu'on sciait, on perdait à chaque planche. Et on découvre également, à cause de l'arrêt pendant de longs mois du moulin, que le bois est piqué des vers, que le bois est en très mauvais état dans la cour et que, par conséquent, on fait des pertes épouvantables durant les premiers six mois de fonctionnement.

M. Giasson: ... des copeaux.

M. Bérubé: C'était une usine à copeaux. Vous voyez que le problème n'est pas simple. Qu'est-ce qu'on fait pour régler le problème de main-d'oeuvre? On a nommé un représentant du syndicat en forêt, en usine et de la population au conseil d'administration, trois sur sept. Et je dois dire que les relations entre l'administration de Samoco et le personnel se sont remarquablement améliorées. On a assisté à une amélioration de 300%.

Cependant, cette usine n'avait jamais encore été rentable. Nous avions donc présenté à l'Assemblée nationale un projet de loi pour au moins restructurer financièrement l'entreprise. REXFOR redémarre après la grève et cherche à atteindre le niveau de deux quarts de fonctionnement, puisqu'une telle usine, une usine de cette dimension, ne pouvait fonctionner de façon rentable que sur deux quarts.

Il faut constater que la population de Sacré-Coeur est trop petite pour fournir la main-d'oeuvre nécessaire à cette entreprise. La main-d'oeuvre insuffisante, aucune main-d'oeuvre qualifiée, sauf une main-d'oeuvre minimale très compétente, mais insuffisante pour que l'on puisse fonctionner sur deux quarts: Non seulement c'est déficitaire sur deux quarts, mais on ne fait même pas ses frais de fonctionnement.

Le gouvernement, vous le comprendrez, refusait d'avancer l'argent pour effacer les déficits en disant: Au moins, montrez-nous des dépenses de fonctionnement qui ne sont pas déficitaires, faites au moins vos frais de sciage, à tout le moins. Après, on nettoiera la situation.

Nous avons dû conclure, après six mois de fonctionnement, que l'entreprise ne pouvait pas faire ses frais, à moins de nouveaux investissements de $2 millions à $3 millions. Nous avons pris la décision qui s'imposait à ce moment-là. Vous ne pouvez pas reporter d'année en année l'échéance. La première fois, vous allez régler ceci, en disant que, l'année suivante, cela va être en parfait état. L'année suivante, vous dites: Cela, c'est réglé, mais j'ai encore ce problème. Vous dites: Réglez-le et, l'année suivante, on verra. La troisième année, on vous dit: Cela ne marche pas encore, parce qu'on a encore une troisième chose qui ne fonctionne pas. A ce moment-là, on a dit: Vendez.

Que veut le gouvernement? Le gouvernement estime qu'après avoir englouti $22 millions dans une usine qui en vaut $5 millions ou $6 millions, le gouvernement a fait l'effort qu'il pouvait faire avec l'argent des citoyens. Il faut y mettre un terme.

Nous avons donc demandé des soumissions à l'ensemble des industriels. Je dois dire que le dossier a peut-être été préparé de façon inadéquate. Nous n'avons pas eu de propositions valables, une proposition de Donohue, une proposition de ITT, toutes deux carrément inacceptables. La simple vente du matériel roulant a rapporté plus que la vente au plus haut soumissionnaire. Par conséquent, c'était inacceptable.

M. Giasson: C'était quoi? De $1 500 000?

M. Bérubé: $1 500 000, oui. Le matériel roulant valait lui-même $1 500 000. Cela donne un exemple.

M. Giasson: M. le ministre, si vous me permettez, avant de terminer...

M. Bérubé: Je termine. J'ai fini. M. Giasson: D'accord.

M. Bérubé: Où en sommes-nous présentement? Nous avions décidé de ne plus engloutir d'argent, donc nous n'avons pas accepté que des opérations forestières soient reprises. Elles se sont donc terminées à l'automne et, présentement, ces opérations forestières, ayant été arrêtées plusieurs mois, nous n'avons plus de bois en grume pour le sciage.

En ce moment, j'ai deux hauts fonctionnaires de mon ministère et mon chef de cabinet qui viennent de terminer une ronde, une tournée de tous les industriels du sciage au Québec. Il semble présentement qu'en présentant le dossier, je pense, de façon très explicite et en permettant à ceux-ci de bien connaître la situation, nous aurions au moins une demi-douzaine d'industriels qui sont prêts à le regarder de plus près. Je pense que nous pourrons éventuellement vendre à un industriel du sciage qui va reprendre évidemment le dossier ayant été considérablement nettoyé sur le plan financier et sur le plan des relations de travail. Je pense qu'à ce moment-là cette entreprise peut devenir rentable.

M. Giasson: Le ministre, M. le Président, vient de faire état...

Le Président (M. Boucher): M. le leader du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, si le député me permet, nous venons d'avoir des nouvelles partielles, mais quand même réconfortantes pour les membres de l'Assemblée. Nous avons le nom de 15 des 18 passagers ou des 20 passagers qui étaient à bord de l'avion, aucun membre de l'Assemblée ne s'y trouvait, par pur miracle, parce qu'il semble qu'il y en ait 6 ou 7 qui quittaient pour Montréal ce soir, par le vol qui suivait 15 minutes plus tard, semble-t-il. Il reste toutefois que parmi les passagers de Québecair, 11 seraient actuellement décédés et les autres sont évidemment dans un état critique. Si on a d'autres nouvelles, on les communiquera à l'Assemblée, mais au moins soufflez un peu et pensez qu'aucun de nos collègues n'y est, n'y a laissé sa vie.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le leader du gouvernement.

M. Saint-Germain: Vous avez dit combien de passagers.

M. Charron: Une vingtaine.

M. Giasson: Cela fait du bien d'entendre de telles nouvelles. Dans le contexte où on a appris les événements de ce soir, cela fait plaisir d'entendre les nouvelles qui nous apprennent qu'au moins nous n'avons pas de collègues dans cette catastrophe.

M. Charron: Si la commission veut continuer... à tout le moins mitigé...

M. Bérubé: ... je dois dire. M. Charron: Oui.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Oui, j'aurais une autre question. C'est que, dans l'historique de toute l'histoire du cheminement de la compagnie Samoco, le ministre a fait état de différentes erreurs qui s'étaient produites. La rumeur qui avait été lancée d'une possibilité même de détournement de fonds, qu'est-ce qu'il y a de fondé derrière cette rumeur?

M. Bérubé: Etant donné que l'affaire est sub judice, je préférerais ne pas m'avancer ne sachant pas jusqu'où on peut s'aventurer. Je peux peut-être vous présenter M. Verrette.

M. Giasson: Veuillez vous approcher. Approchez-vous donc de l'appareil pour l'enregistrement.

M. Bérubé: M. Verrette est avocat de la société REXFOR.

Avocat de REXFOR. Au niveau des détournements de fonds, c'est qu'un analyste financier a été engagé par REXFOR il y a plus d'un an. Comme M. Bérubé le disait tantôt, à Samoco, il y avait vraiment des problèmes au niveau de la comptabilité. Cet analyste financier a remonté le système comptable et tout cela. Il a réussi à faire tirer des chèques de compagnies fictives dont il était propriétaire pour $417 000. Présentement, nous autres...

C'est impossible pour n'importe quelle administration de penser que quelqu'un peut frauder.

M. Giasson: Ce n'est pas particulier.

M. Bérubé: C'est imprévisible. Si on le savait, on... Au niveau du contentieux de REXFOR, on a pris des actions contre ces gens-là. On a saisi, avant jugement, deux compagnies, entre autres, la compagnie où M. Gilles Legault était le principal actionnaire. Il était associé avec une autre compagnie de Saint-Emile, près de Québec. Présentement, nous autres, on a saisi environ $125 000 à $150 000. Présentement, les procédures suivent leur cours. On est confiant qu'on peut réaliser au moins $100 000...

M. Giasson: ... sur la perte éventuelle de $417 000 escomptée.

M. Bérubé: Oui, c'est cela. Il y a une entreprise, entre autres, qui, elle, a bénéficié de $136 000. On essaie d'avoir une offre de règlement pour qu'on nous paie au moins les $136 000 qu'elle a eus de façon illégale. Présentement, le dossier va bon train. On essaie de percevoir le maximum

d'argent. On est même chanceux parce qu'on a tout saisi avant que les banques enregistrent des actes de fiducie. On est arrivé avant elles, alors on a fait très vite. Présentement, cela va bien.

M. Saint-Germain: A part de cela, tout va bien.

M. Giasson: II est facile de croire que Samoco aura vécu à peu près toutes les expériences imaginables.

M. Bérubé: Elle n'en a pas loupé une seule. C'est malheureux, mais c'est peut-être une expérience qui est valable. Il faut prendre cela du côté positif. Cela aurait pu être, dans un an, $3 millions ou $4 millions. Cela aurait pu être plus que cela.

M. Giasson: Cette personne avait assez d'autorité et de marge de manoeuvre dans la conduite des affaires de la société, de la compagnie...

M. Bérubé: Pour l'autorité, je ne peux pas juger si elle avait assez d'autorité ou pas, mais je sais qu'il est venu un temps où il y avait des problèmes financiers et cela prenait quelqu'un pour réorganiser le système comptable. Si vous me demandez pourquoi on a choisi ce gars, je ne peux pas vous dire.

Je pense aussi que dans un cas de situation difficile, il faut parfois virer les coins un petit peu plus ronds. Je pense que dans une entreprise en très grande difficulté financière où il faut appliquer des mesures d'urgence, restructurer la comptabilité, restructurer et réorganiser la gérance, régler les problèmes de relations de travail, entraîner des travailleurs, faire venir des travailleurs de l'extérieur, refinancer l'entreprise, reconcevoir l'équipement dans l'usine, quand vous avez tout en même temps, il est inévitable qu'il se glisse des coquilles.

Cela a été remboursé par REXFOR. REXFOR a remboursé Samoco pour que Samoco ne subisse aucune perte, parce que d'abord, c'est un employé de REXFOR. Elle a assumé sa responsabilité. REXFOR a été subrogée dans tous les droits de Samoco. Présentement, les procédures qu'on a prises, on les a prises au nom de REXFOR, par la subrogation légale qu'on a eue. Présentement, Samoco ne perd pas d'argent avec cela.

M. Giasson: Elle ne perd pas d'argent à cause de l'infusion de la question d'argent de remplacement par la société.

Conseil d'administration

Le Président (M. Boucher): Est-ce que nous sommes prêts à passer à l'article 1? J'appelle donc l'article 1, M. le ministre.

M. Bérubé: II s'agit tout simplement d'augmenter le nombre de membres du conseil d'administration. Nous n'avons pas voulu nous rendre à onze, estimant que la société n'était pas encore suffisamment importante pour justifier un gros conseil d'administration. Néanmoins, nouscroyons que le conseil d'administration doit être plus important que les cinq membres actuels qui le forment, puisque, quand on a exclu le président du conseil et le président de la société, il ne reste plus que trois membres. Donc, il s'agit ici de former un conseil d'administration d'au moins neuf membres.

Je souligne d'ailleurs le deuxième alinéa: "Les membres du conseil d'administration sont les administrateurs de la société au sens de la Loi des compagnies. " Ceci m'apparaît important, puisque la notion d'administrateur prévue dans la Loi des compagnies, c'est celle de mandataire, de "trustee". Par conséquent, les règles de conflits d'intérêts prévues en jurisprudence dans le cas d'administrateurs de compagnies s'appliquent.

Le Président (M. Boucher): L'article 1 est-il adopté?

M. Saint-Germain: Cela va.

M. Giasson: Adopté.

Le Président (M. Boucher): Adopté. Article 2?

M. Bérubé: Les membres du conseil d'administration, y compris le président, peuvent être élus pour un terme excédant deux ans... Le mot "élu" avait fait l'objet d'une discussion lors de la commission parlementaire sur la Loi créant la Société nationale de l'amiante. L'intention est réelle. Nous utilisons le mot "élu" au sens de la Loi des compagnies, au sens où c'est l'actionnaire qui choisit. Par conséquent, c'est donc le ministre des Finances qui choisit ses représentants au conseil d'administration. La liste est donc préparée par un ministre différent du ministre de tutelle, ce qui ne veut pas dire évidemment que le ministre de tutelle n'y a pas son mot à dire. Mais je m'explique. (21 h 45)

Advenant une mauvaise performance financière, il m'apparaît important que l'actionnaire, que le ministre des Finances ait un pouvoir très grand vis-à-vis des gens qu'il a élus et, par conséquent, cette caractéristique est volontaire dans la loi et le mot "élire" a un sens très précis. Cela veut dire, en pratique, que c'est le ministre des Finances qui les choisit. D'ailleurs, ça donne tout son sens à l'assemblée des actionnaires qui se tenait traditionnellement en présence du ministre des Finances.

Donc: "Les membres du conseil d'administration, y compris le président, peuvent être élus pour un terme excédant deux ans, sans excéder cinq ans; en pareil cas, ils ne peuvent exercer leur mandat ni être rétribués si ce n'est selon les conditions d'un contrat les liant à la société pour toute la durée de leur mandat." Je m'explique.

L'objectif de ce contrat est simple. D'une part, si un gouvernement veut nommer quelqu'un et veut définir certaines clauses, à titre d'exemple, on aimerait que l'administrateur consacre une

journée ou deux jours par semaine, le contrat nous permet, à ce moment-là, de lui créer un statut spécial.

Deuxièmement, si l'on veut prévoir des clauses de conflits d'intérêts, mais propres à cet administrateur, puisque c'est très difficile de prévoir, en général, des clauses de conflit d'intérêts, mais propres à un administrateur, on pourrait prévoir certains types de conflits d'intérêts et les expliciter dans le contrat. Le contrat peut donc inclure ces clauses.

Le contrat peut également inclure des clauses de performance, peut inclure des clauses de rémunération basées sur les profits de la société, peut inclure un grand nombre de clauses qui, en général, n'apparaissent pas possibles par le biais d'arrêtés en conseil, de décrets ministériels qui font toujours l'objet d'une longue discussion.

L'intention est donc de forcer le conseil d'administration à s'arrêter et à réfléchir aux conditions qui lient les directeurs de la société en particulier au conseil d'administration. Ils ont donc véritablement un rôle au moment de l'engagement de ce directeur, du président de la société, à titre d'exemple, et, par conséquent, ont véritablement une juridiction, un contrôle sur ce directeur. "Pareil contrat n'a d'effet que s'il est ratifié par le lieutenant-gouverneur en conseil". Ceci, évidemment, c'est pour obliger le gouvernement à être parfaitement conscient des conditions et amener évidemment le conseil d'administration à travailler de concert avec le gouvernement dans la préparation de tels contrats.

Je dois également dire que cet article répond à certaines questions qui ont été soulevées par le Vérificateur général deux années de suite d'ailleurs, en 1977 et en 1978, concernant des administrateurs de REXFOR et des administrateurs, d'ailleurs, de SOQUEM, je dois dire. Le Vérificateur blâmait ces administrateurs de pouvoir percevoir des jetons lorsqu'ils siégeaient au conseil d'administration de filiales, alors que le décret ministériel les nommant n'avait pas précisé ces jetons.

Il va de soi que comme c'est le conseil d'administration d'une filiale, à titre d'exemple, si REXFOR, lors de l'assemblée des actionnaires, fait nommer au conseil d'administration de Tembec un membre de son conseil avec l'accord des autres actionnaires, REXFOR n'a rien à voir avec la décision prise concernant la rémunération de ces membres-là. Il apparaît d'ailleurs un peu inique que les autres administrateurs puissent percevoir un jeton de présence alors que l'administrateur délégué par REXFOR est le parent pauvre, il n'a pas droit à des jetons de présence.

Mais le vérificateur était très explicite puisque la loi prévoyait que le gouvernement définissait par décret l'engagement de l'administrateur de même que sa rémunération; ceci n'étant pas prévu dans le décret, évidemment, il ne pouvait pas les accepter. C'était le reproche que faisait le Vérificateur général.

Nous avons longuement discuté avec le Vérificateur général et celui-ci nous a dit: Nous n'avons aucune objection à ce que vous le mettiez, sauf que la loi ne vous le permet pas. Alors, amendez la loi de manière que le conseil d'administration puisse prendre les décisions qui s'imposent et, à ce moment-là, je cesserai d'avoir des objections. C'est tout simplement que je dois faire appliquer la loi.

Donc, l'avantage de la formulation telle que présentée ici, c'est qu'elle permet — évidemment, au su et au vu de l'Etat, du gouvernement — à un conseil d'administration de déléguer un membre de ce conseil à des filiales et de permettre à cet administrateur de percevoir les jetons de présence qui lui échoient normalement.

M. Giasson: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: J'imagine que la possibilité de lier les administrateurs par contrat représente un concept un peu nouveau par rapport à ce qu'on a connu traditionnellement. Il est de politique usuelle de lier par contrat un président d'entreprise, les principaux officiers, mais, chez les administrateurs, la tradition a toujours voulu que ces gens-là ne soient pas liés par contrat, étant donné que c'étaient des administrateurs qui devaient occuper leur poste en fonction d'un mode électif, mais, dans le présent cas, on lie par contrat des administrateurs qui ne sont pas élus, qui sont désignés, vraiment désignés par le lieutenant-gouverneur en conseil, et on les lie par contrat.

M. Bérubé: Oui, la procédure qui est ici indiquée est la suivante: Le gouvernement va identifier un certain nombre de personnes qu'il aimerait voir siéger au conseil d'administration. Evidemment, je dois souligner qu'il y a deux articles, les articles 2 et 3. On peut difficilement discuter de l'article 2 sans penser, sans avoir à l'esprit l'article 3. L'article 3 se réfère à la procédure conventionnelle de nommer, c'est-à-dire que — M. le Président vous me permettez de me référer à l'article 3...

Le Président (M. Boucher): D'accord.

M. Bérubé: "Lorsque les membres du conseil d'administration sont élus pour deux ans ou moins, le lieutenant-gouverneur en conseil fixe le traitement du président de même que les indemnités et allocations auxquelles ont droit le président et les autres membres." Voici la façon conventionnelle de former un conseil d'administration telle que nous l'avons toujours connu dans le passé.

Mais, une fois que cette société est en place et qu'il s'agit de remplacer un administrateur ou deux administrateurs, c'est, à ce moment-là, le conseil d'administration qui va définir avec cet administrateur les conditions dans lesquelles il va exercer son mandat. En d'autres termes, on va définir qu'il reçoit des jetons de présence pour

chaque journée, pour chaque séance de travail; il reçoit un remboursement de ses frais de dépenses; il reçoit un certain nombre d'émoluments associés aux gestes administratifs qu'il va poser une fois par mois ou une fois par quinze jours, cela dépend évidemment des décisions du conseil d'administration, et ce lien entre l'administrateur et la société est, à ce moment-là, consigné dans un contrat qui est approuvé par le lieutenant-gouverneur en conseil. Cela permet à l'administration de dire: Bien, nous allons vous nommer, par exemple, à telle et telle filiale et, par conséquent, vous serez autorisé à percevoir des jetons de présence. On le met dans le contrat. Cela permet à la société d'élaborer carrément les termes de l'engagement.

En pratique, dans l'entreprise privée, le conseil d'administration détermine les conditions de travail des administrateurs, ce n'est pas l'actionnaire. L'actionnaire les nomme là, les administrateurs se réunissent et décident combien ils vont percevoir pour chaque jeton de présence et ils décident des conditions pour la prestation de leurs services. C'est exactement la même chose, c'est exactement identique à l'entreprise privée; la seule différence, c'est que le gouvernement doit approuver le contrat et nous devons, à ce moment-là, par le fait que le gouvernement doit approuver, nous assurer que c'est consigné dans un texte écrit, c'est-à-dire un contrat.

M. Giasson: Les administrateurs ne sont pas liés par contrat.

M. Bérubé: Non.

M. Giasson: Un règlement de la corporation, de l'entreprise, détermine les indemnités ou les allocations qui peuvent être payées en jetons de présence ou autres, mais ils ne sont pas liés par contrat avec la compagnie qui l'administre. Ce sont des gens qui sont nommés administrateurs choisis, désignés par l'assemblée générale des actionnaires.

M. Bérubé: C'est juste, mais les conditions d'exercice...

M. Giasson: C'est nouveau comme concept par rapport à ce qui existe traditionnellement dans le secteur des corporations.

M. Bérubé: Oui, nous avons voulu le garder le plus général possible en laissant, évidemment, au gouvernement le soin de l'approuver. D'une façon générale, sauf pour le président de la société et le président du conseil, les administrateurs rempliront le rôle traditionnel d'administrateurs. Les termes du contrat seront à l'effet que pour chaque séance du conseil d'administration il sera versé à cet administrateur tant pour sa présence. Egalement, ses frais de voyages seront inclus. Advenant l'hypothèse que cette personne pourrait être placée en situation particulière de conflit d'intérêts, on pourra définir dans le oontrat des conditions particulières pour l'exercice du droit de vote de ce membre du conseil. En gros, ce sera la nature du contrat qui le lie à la société pour la prestation des services en question.

Pour le président de la société, le contrat est beaucoup plus complexe, parce que le contrat va définir entièrement les conditions de travail du président de la société de même que du président du conseil d'administration. Donc, pour ces administrateurs qui sont à la fois directeurs et qui jouent des rôles au niveau de l'exécutif, le contrat sera plus élaboré, plus complexe et définira beaucoup plus de clauses que les présents décrets ministériels n'en définissent puisque les décrets ministériels présentement ne mettent à peu près aucune condition quant à l'exercice du mandat d'un président de société. Le mot contrat veut simplement dire qu'on définit les conditions en vertu desquelles ce membre du conseil va fournir des services au conseil d'administration...

M. Giasson: M. le Président, on dit à l'article 2, qui modifie l'article 11' les membres du conseil d'administration, y compris le président, peuvent être élus pour un terme, etc., est-ce qu'effectivement ils sont élus ou désignés ou nommés?

M. Bérubé: Nous utilisons le mot "élire" pour nous en tenir à la formulation de la Loi des compagnies. C'est l'actionnaire qui élit des administrateurs. C'est donc le ministre des Finances qui les choisit, mais aucun d'entre eux...

M. Giasson: Ils sont choisis et désignés.

M. Bérubé: ... ne peut exercer son mandat si ce n'est dans le cadre d'un contrat qui est approuvé par le gouvernement. Il y a donc un contrôle du gouvernement sur le ministre des Finances.

M. Giasson: Oui, effectivement, ce n'est pas une élection dans le sens propre du terme, tel qu'on l'entend, c'est pour garder une concordance, une similitude avec les dispositions de la Loi des compagnies qu'on a...

M. Bérubé: Cela permet de mettre en relief le rôle du ministre des Finances en tant qu'actionnaire, ce qui n'existe dans aucune autre loi des sociétés d'Etat. Le ministre des Finances a un rôle très réel vis-à-vis de la nomination, de la désignation, de l'élection, prenez le terme qui vous plaît davantage, un rôle très réel. Cependant, aucun administrateur ne peut exercer son mandat, si ce n'est dans le cadre d'un contrat qui doit être approuvé par le gouvernement.

M. Giasson: Effectivement, si c'est ça, le ministre des Finances propose, seconde et mène toute l'opération, si c'est un poste électif.

M. Bérubé: C'est bien ça. M. Giasson: C'est ça.

M. Bérubé: Et cela doit être approuvé par le gouvernement.

M. Giasson: C'est le seul à proposer des administrateurs, à les seconder et les mettre en poste.

M. Bérubé: C'est bien ça.

M. Giasson: Donc, il les désigne d'autorité.

M. Bérubé: II les désigne. Mais le gouvernement doit ratifier, c'est une caractéristique... C'est-à-dire qu'on s'est rapproché, dans cette formulation de la Loi des compagnies, tout en...

M. Giasson: C'est ça, au fond, le but recherché, c'est de se rapprocher de la Loi des compagnies...

M. Bérubé: De la Loi des compagnies. M. Giasson: ... parce qu'effectivement.

M. Bérubé: Tout en gardant, évidemment, un contrôle gouvernemental.

M. Giasson: II n'est pas question d'accepter des propositions venant de quiconque, le ministre des Finances étant le seul actionnaire, c'est lui qui propose les administrateurs. Personne d'autre ne peut en proposer.

M. Bérubé: Cela oblige le ministre de tutelle à soumettre ses opinions, suggestions à un certain contrôle du ministre des Finances qui, en définitive, paie les déficits.

M. Saint-Germain: M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Si on veut faire la comparaison avec l'industrie privée, c'est comme si tous les actionnaires d'une compagnie avaient délégué au même homme leur droit de vote.

M. Giasson: Procuration globale.

M. Saint-Germain: Dans le même sens, puisque dans l'industrie privée, c'est cette même assemblée qui détermine les conditions de travail de l'administration, pourquoi n'avez-vous pas laissé le ministre des Finances déterminer aussi tout simplement les conditions de travail des administrateurs?

M. Bérubé: Parce qu'il nous est apparu que, pour des raisons politiques assez évidentes, un gouvernement demeure responsable de la bonne marche des sociétés d'Etat. Un scandale impliquant un conseil d'administration implique automatiquement le gouvernement.

M. Giasson: C'est le bâilleur de fonds, d'ailleurs.

M. Bérubé: Oui. Et, dans ces conditions, il nous apparaît important qu'aucun administrateur d'une société d'Etat ne puisse exercer son mandat sans que le gouvernement ait approuvé l'exercice de ce mandat.

Nous avons donné au ministre des Finances un pouvoir, celui de choisir les administrateurs. Nous avons donné au conseil d'administration un pouvoir, celui de définir les conditions de travail de ses administrateurs, et nous avons donné au gouvernement le pouvoir de tout contrôler.

Le Président (M. Boucher): Messieurs, c'est l'heure de l'ajournement. Est-ce que nous sommes prêts à adopter l'article 2?

M. Giasson: J'aurais une question à poser au ministre. Le mandat des administrateurs présents se termine quand?

M. Bérubé: Le mandat de MM. Côté et Légaré est présentement arrivé à échéance. Le mandat de MM. Courcy et Gosselin doit courir encore pour peut-être un an.

Une Voix: 1980.

M. Bérubé: M. Moore n'a pas de mandat de fixé.

M. Giasson: Donc, M. Côté et M. Légaré ont un mandat qui est expiré dans le moment présent?

M. Bérubé: Le mandat est expiré; nous devrons d'ailleurs le renouveler au moins pour une période temporaire.

M. Giasson: Est-ce que la connaissance de la venue d'une loi amendant la loi constitutive de REXFOR n'a pas été de nature à placer tout ce monde dans une expectative particulière?

M. Bérubé: Oui, cela ne fait aucun doute. (22 heures)

M. Giasson: Cela doit travailler moins bien, il me semble.

M. Bérubé: Je l'ignore, parce que la performance...

M. Giasson: Demeure bonne.

M. Bérubé: ... économique de l'entreprise est tellement bonne cette année que... En fait, cela ne semble avoir eu aucun effet délétère, d'une part. D'autre part...

M. Giasson: Cela doit être un climat assez particulier que de devoir travailler dans ce contexte, sachant qu'on doit penser au futur toutes les actions que la société va entreprendre, les

programmes de développement et tout cela. Pour des administrateurs qui ont le goût de toujours aller de l'avant, de bondir et de voir à l'expansion et au progrès de l'entreprise, ils doivent se dire: II va se passer quoi? On sait qu'il s'en vient des choses qui changent complètement la situation.

M. Bérubé: II ne fait certainement aucun doute que l'intention du gouvernement, du moins mon intention personnelle ayant été à tout le moins explicite, j'ai l'intention d'avoir au conseil d'administration un certain nombre d'industriels, tant du sciage que de la foresterie, que de l'industrie des pâtes et papiers, pour étoffer le conseil d'administration sur le plan technique, de manière que le contrôle sur les décisions quotidiennes qu'un gouvernement ne peut avoir, le conseil d'administration soit bien outillé pour être capable de porter des jugements. Il est probable que les problèmes de Samoco ne se seraient pas posés avec la même acuité si le conseil d'administration avait pu, à un moment donné, intervenir auprès de la direction; par conséquent, je pense que cela ne fait aucun doute.

M. Saint-Germain: Je suis en train d'adopter l'article 2. Quelle est la garantie que M. Gosselin et que M. Courcy ont qu'ils pourront terminer leur mandat de par la loi, puisque l'avocat...

M. Bérubé: Sur l'interprétation, d'ailleurs, que le conseiller juridique de REXFOR me soumettait, tirée, je pense, d'une décision juridique du juge Pigeon; sinon d'une décision juridique, j'ai l'impression au moins d'une analyse qui reconnaît que... Je le cite: "II est évident que l'on a un droit acquis à la validité d'un acte juridique accompli avant l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi". Or MM. Gosselin et Courcy ont été nommés en vertu d'un décret ministériel tirant sa force d'une loi existante et, par conséquent, en amendant la loi, comme il n'y a aucune disposition rétroactive dans les présents amendements, il ne fait aucun doute que leur nomination demeure valable.

M. Saint-Germain: Ce sont les conseillers juridiques qui vous ont remis cette...

M. Bérubé: C'est le juge Philippe Pigeon qui est juge de la Cour suprême qui est l'autorité dans l'interprétation des lois. L'extrait de M. Bérubé vient justement de cela.

Une loi ne peut pas être rétroactive. Je vais vous donner l'exemple de la Cour des petites créances. Lorsqu'elle a passé tous les montants jusqu'à $300, c'est le tribunal des petites créances qui a juridiction, c'est-à-dire que toutes les causes qui étaient en cour n'ont pas nécessairement arrêté en Cour provinciale ordinaire; elles ont pu aller aux petites créances. Cela a suivi son cours. Quand ça est terminé, ce sont les petites créances par la suite.

C'est applicable aux nouveaux administrateurs.

Le Président (M. Boucher): Avant d'ajourner, l'article 2 est-il adopté?

M. Saint-Germain: Adopté.

Le Président (M. Boucher): Suivant l'ordre de la Chambre...

M. Bérubé: ... de toute façon.

Le Président (M. Boucher): ... la commission ajourne ses travaux à mardi, le 3 avril, à 10 heures.

Fin de la séance à 22 h 4

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