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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le mardi 3 avril 1979 - Vol. 21 N° 31

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 97 - Loi de la Société de récupération, d'exploitation et de développement forestier du Québec


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 97

(Dix heures quatorze minutes)

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente des terres et forêts est réunie pour étudier le projet de loi no 97, Loi modifiant la Loi de la Société de récupération, d'exploitation et de développement forestiers du Québec.

Les membres de la commission sont: MM. Bérubé (Matane), Brassard (Lac-Saint-Jean), Desbiens (Dubuc), Giasson (Montmagny-L'Islet), Jolivet (Laviolette), Picotte (Maskinongé) remplace Larivière (Pontiac-Témiscamingue); Marquis (Matapédia), Perron (Duplessis), Roy (Beauce-Sud), Bro-chu (Richmond) remplace Russell (Brome-Missisquoi).

Les intervenants sont: MM. Baril (Arthabaska), Lamontagne (Roberval), Léger (Lafontaine), Lèves-que (Kamouraska-Témiscouata), Marcoux (Rimouski), Mercier (Berthier), O'Gallagher (Robert Baldwin), Samson (Rouyn-Noranda).

A l'ajournement de jeudi nous en étions à l'article 3. M. le ministre.

Conseil d'administration (suite)

M. Bérubé: L'article 3, M. le Président, porte sur la constitution d'un conseil d'administration suivant le mode traditionnel qui a toujours existé pour REXFOR et pour la plupart des sociétés d'Etat.

A la suite de l'article 11, nous insérons: "Lorsque les membres du conseil d'administration sont élus pour deux ans ou moins, le lieutenant-gouverneur en conseil fixe le traitement du président de même que les indemnités et allocations auxquelles ont droit le président et les autres membres."

Il s'agit donc d'un article qui permet de remettre en vigueur les conditions antérieures des nominations, faites par le lieutenant-gouverneur en conseil, puisque le lieutenant-gouverneur en conseil fixe les indemnités, les allocations et le traitement. Cependant, ce que nous inscrivons dans cet article c'est que le lieutenant-gouverneur ne peut plus le faire que pour deux ans. En d'autres termes, si le gouvernement choisit de nommer directement son conseil d'administration en définissant tous les termes de l'engagement par arrêté en conseil, cette nomination ne pourra excéder deux ans. Si le gouvernement veut excéder deux ans, c'est l'article 2 de la présente loi qui s'appliquera, c'est-à-dire que le ministre des Finances va choisir les administrateurs, le conseil d'administration devra définir les conditions d'exercice de ce mandat et le lieutenant-gouverneur en conseil devra approuver le contrat définissant ces conditions.

Voilà le mode normalement en vigueur pour des nominations excédant deux ans, mais ne dépassant pas, cependant, cinq ans. Cependant, il peut très bien se produire — particulièrement dans des périodes de démarrage, lorsque le conseil d'administration n'est pas formé ou lorsqu'un gouvernement voudrait changer totalement le conseil d'administration à la fin du mandat des administrateurs — il est alors difficile de demander à l'actuel conseil de prévoir la nomination des successeurs, et, par conséquent, il faut que le gouvernement intervienne directement. Dans ces conditions, évidemment, nous revenons au mode traditionnel de nomination des membres du conseil. Cet article a comme but simplement de permettre au gouvernement de choisir les administrateurs. Nous limitons, cependant, le pouvoir des gouvernements, dans ce cas, à deux ans.

Le Président (M. Boucher): Est-ce que l'article 3 est adopté?

M. Brochu: Adopté.

M. Giasson: Je n'ai pas de questions.

Le Président (M. Boucher): Adopté, l'article 4.

M. Bérubé: L'article 12 de ladite loi, est remplacé par le suivant — je vous rappelle l'article 12: "Chacun des membres du conseil d'administration demeure en fonction après l'expiration de son mandat jusqu'à ce qu'il ait été remplacé ou nommé de nouveau" — L'article 12 est remplacé par "En cas de vacance ou lorsqu'un membre est incapable d'agir, l'intérim est assuré par une personne nommée par le lieutenant-gouverneur en conseil, qui fixe ses indemnités et allocations."

M. Giasson: Dans l'ancienne loi, il n'y avait pas de dispositions ou de prévisions relatives au remplacement d'un administrateur de la société?

M. Bérubé: Non, cependant, c'était le lieutenant-gouverneur en conseil qui nommait automatiquement les membres du conseil d'administration. Il n'était donc pas nécessaire d'introduire dans la loi une clause identique à celle que nous introduisons maintenant. En d'autres termes, advenant l'obligation d'agir rapidement, le nouvel article 12 nous permet de nommer par intérim une personne. Il s'agit ici d'un pouvoir d'urgence.

M. Giasson: La différence porte donc sur la réalité que là c'est le ministre qui nomme les administrateurs...

M. Bérubé: Par intérim.

M. Giasson: Oui mais le contrat qui va lier les administrateurs avec la société, il faut qu'il soit ratifié quand même par le lieutenant-gouverneur en conseil.

M. Bérubé: Oui.

M. Giasson: II va y avoir contrat entre la société et ses administrateurs, mais il est encore nécessaire que le lieutenant-gouverneur en conseil ratifie ces nominations?

M. Bérubé: Toujours. La seule différence...

M. Giasson: En dernier ressort, c'est toujours le lieutenant-gouverneur qui a la décision finale.

M. Bérubé: Qui approuve. La différence fondamentale...

M. Giasson: S'il n'approuve pas, qu'est-ce qui se produit?

M. Bérubé: A ce moment-là, c'est le conseil d'administration qui doit revoir sa décision. Je suis absolument d'accord avec vous, cela oblige le Conseil des ministres à être d'accord avec la nomination, ou du moins avec les termes du contrat, faite par le conseil d'administration. Cependant, cela donne une autorité beaucoup plus grande au conseil d'administration pour définir les conditions d'exercice du mandat, ce que les conseils d'administration n'avaient pas dans le passé. C'est cela la différence.

M. Giasson: Le contrat, s'il n'est pas ratifié par le lieutenant-gouverneur, sa nomination...

M. Bérubé: II est caduc; l'administrateur ne peut exercer son mandat.

M. Giasson: Donc, l'article 4 de la présente loi qui modifie l'article 12, en définitive, donne à peu près les mêmes pouvoirs au lieutenant-gouverneur en conseil lorsqu'il s'agit de remplacer un commissaire qui ne peut plus siéger.

M. Bérubé: Exactement.

M. Giasson: C'est encore le Conseil des ministres qui a pleine autorité.

M. Bérubé: Exactement.

M. Giasson; Je suis prêt à l'adopter, M. le Président.

M. Brochu: D'accord.

Le Président (M. Boucher): Adopté. L'article 5.

M. Bérubé: L'article 13 de ladite loi est remplacé par le suivant: — ceci a fait l'objet, à l'Assemblée nationale, d'un long débat. L'article 13 de ladite loi se lisait ainsi: "Nul ne peut être membre du conseil d'administration s'il n'est pas domicilié au Québec, mais la qualité d'actionnaire n'est pas requise."

Dans le cas présent, l'article 13 serait modifié pour se lire ainsi: "Les administrateurs, dans une proportion d'au moins les deux tiers, doivent être domiciliés au Québec. La qualité d'actionnaire n'est pas requise pour être administrateur de la société."

En fait, M. le Président, je ne vous cacherai pas, pour autant que je suis concerné, que j'aurais carrément préféré abolir l'article 13. En d'autres termes, j'estime que si un gouvernement élu par les Québécois devait choisir de confier une société d'Etat entièrement à des mains étrangères, cela indiquerait que les citoyens se sont trompés au moment de l'élection; cependant, ils devront assumer les conséquences de leur décision puisqu'ils ont choisi ce gouvernement. Il ne m'apparaît pas approprié de limiter le pouvoir d'un gouvernement dans le choix des administrateurs. Il m'apparaît bien évident que c'est peu probable qu'un gouvernement décide de choisir, à dessein, un grand nombre d'administrateurs étrangers pour une société d'Etat.

Cependant, l'idée qui sous-tend le présent article est simple. Dans l'hypothèse où, par suite de relations d'affaires, par suite d'échanges entre le Québec et d'autres pays — pourquoi pas le Canada dans le cadre de ses accords d'association — nous devions choisir de nommer un Canadien au conseil d'administration, ou un Américain, ou un Français, ou un autre, je pense que ce serait tout à fait défendable. A titre d'exemple, tout récemment on a assisté, dans le Nord-Ouest, à la création d'une nouvelle entreprise, Forex-Leroy, et cela amène une entreprise bien québécoise, le groupe Cossette, à travailler avec le groupe Leroy en France. On peut très bien imaginer, un jour, que les liens devenant assez serrés, on procède à un échange d'administrateurs aux conseils d'administration. Cela m'apparaît une pratique, d'une part, courante dans l'entreprise privée et, d'autre part, cela permet d'élargir les horizons d'un conseil d'administration.

Si un gouvernement devait un jour voir un avantage à une telle opération, je vois mal pourquoi une loi devrait l'en empêcher. Cependant, lors du débat sur la loi gérant la Société nationale de l'amiante, l'Opposition s'était opposée à la non-apparition pure et simple d'un tel article dans la loi — c'est ce que nous avions fait — et nous avions finalement consenti à un amendement, je pense, qui avait été présenté par le député de Richmond, qui demandait qu'au moins les deux tiers, sachant la faiblesse de son parti et les tentations grandes qu'il pourrait avoir si jamais il arrivait au pouvoir, de ne nommer que des étrangers, il a senti le besoin de se protéger lui-même. Il a donc demandé que nous ne puissions nommer plus que les deux tiers et nous avons consenti, sachant que nous n'étions pas éternels et que, sans doute, peut-être un jour, en l'an 2000 ou 4000, l'Union Nationale pourrait reprendre le pouvoir et il serait important de les protéger contre eux-mêmes, au moins pour la durée d'un mandat, sachant qu'ils ne pourraient certainement pas résister plus qu'un mandat. Mais, néanmoins, j'ai donc accepté d'introduire directement dans le présent projet de loi, les deux tiers.

M. Giasson: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: En prenant connaissance du nouveau libellé de l'article 13, il m'apparaît assez clair que l'on songe au gouvernement à nommer un ou des administrateurs non domiciliés au Québec. Cela m'apparaît assez évident en dépit de tous les propos que le ministre a tenus au cours des derniers instants. Que le ministre soit donc franc, ouvert, limpide et transparent et qu'il nous dise immédiatement qu'il a l'intention de nommer des administrateurs à la société REXFOR qui ne seraient pas des gens domiciliés au Québec et qu'il nous dise les raisons pour lesquelles, au-delà des motifs qu'il a invoqués, pourquoi on n'aurait pas suffisamment de Québécois de chez nous, domiciliés au Québec, qui pourraient répondre à toutes les attentes et tous les espoirs qu'on met en REXFOR. Qu'il nous explique cela au-delà de sa rhétorique.

Dans le secteur forestier au Québec, il y a certainement une très grande quantité de gens qui ont une compétence inattaquable. Le ministre pourra nous dire qu'ils sont présentement pour une large part, dans l'industrie privée. C'est vrai...

M. Bérubé: Si on abolit l'article 14, évidemment nous n'aurons aucun problème.

M. Giasson: C'est vrai, mais REXFOR est capable d'aller chercher des compétences que nous avons au Québec, quelle que soit l'entreprise qui les occupe présentement, pour les utiliser à temps plein et je ne vois pas de nécessité qu'on doive garder de la place ou des espaces pour des administrateurs de REXFOR qui ne seraient pas domiciliés au Québec. Le ministre ne pourra jamais me faire accepter cela, jamais.

S'il a besoin d'établir des contacts avec des sociétés étrangères en vue d'utiliser la technique qui peut exister à l'extérieur, les capacités de marché, il y a certainement moyen d'atteindre les mêmes fins, sans devoir procéder à l'administration d'administrateurs qui ne seraient pas des Québécois. Le ministre le sait aussi bien que moi.

Lorsque l'Union canadienne — je vais lui donner des exemples, il en a invoqué tout à l'heure — a voulu profiter de la situation d'un marché qui était en France, il n'a pas nommé de Français sur le conseil d'administration de l'Union canadienne. Il a conclu une entente avec une compagnie française, la compagnie Lenormand et les échanges se font entre les deux entreprises. La capacité de souscrire du marché en Europe, l'Union canadienne l'a par cette compagnie française et il n'a pas besoin d'administrateurs français sur la société. Il a cité l'exemple de Forex tout à l'heure. Forex n'a pas nécessairement nommé d'administrateurs non Québécois à sa direction. Elle a passé un traité, elle a négocié une association avec une autre entreprise de l'extérieur et va mener des opérations en vertu d'ententes et de contrats signés entre les deux entreprises. Il n'y a pas besoin d'échanger des administrateurs sur l'un et l'autre des conseils d'administration d'entreprises qui ont décidé de s'associer pour des objectifs communs.

M. le Président, je n'accepte pas qu'on modifie l'article 13 de la loi pour donner une ouverture, de façon à permettre la nomination d'étrangers sur le conseil d'administration de REXFOR.

Qu'on permette à REXFOR de négocier les ententes et de participer à des sociétés sur lesquelles on retrouverait des gens de l'extérieur du Québec qui peuvent apporter des conseils et des connaissances à REXFOR et surtour ouvrir des marchés, j'en suis, mais il est absolument non requis de devoir nommer sur la direction de REXFOR des gens qui ne seraient pas des Québécois.

M. Bérubé: II nous fait plaisir M. l'ex-député de Matane, de vous accueillir parmi nous.

M. Picotte: Le futur... M. Bérubé: En l'an 4000.

M. Brochu: Le ministre était en air de faire des projections tout à l'heure...

Une Voix: Lointaines.

M. Bérubé: Je suis bien d'accord pour que le député de Kamouraska-Témiscouata s'y oppose. Je pense que c'est son droit. (10 h 30)

Le Président (M. Boucher): Le député de Montmagny-L'Islet.

M. Bérubé: De Montmagny-L'Islet, excusez-moi. Je pense que c'est son droit le plus strict. Néanmoins, son attitude m'étonne, me surprend... Et je pense que...

M. Giasson: Cela vous étonne?

M. Bérubé: Oui, cela m'étonne et je vais m'expliquer.

M. Giasson: Vous ne croyez pas en la capacité des Québécois de diriger les...

M. Bérubé: Je vais m'expliquer, M. le Président.

M. Giasson: ... destinés avec foi en l'avenir? Le Président (M. Boucher): M. le député...

M. Bérubé: Si le député de Montmagny- L'Islet veut bien me permettre de m'exprimer! Il fut un temps où on a connu au Québec ce qu'on appelait "l'esprit de clocher", c'est-à-dire que le nationalisme des citoyens se résumait à leur paroisse, et parfois même à leur famille. On n'acceptait pas facilement un "étrange", un "survenant"; cela a fait l'objet d'un roman célèbre dans notre littérature. En effet, chaque famille bien enroulée autour de son clocher, de son curé, de son notaire, de son médecin, formait une entité homogène et, évidemment, l'étranger était, même souvent, le simple voisin du village d'à côté.

M. Giasson: Cela n'a rien à voir... M. Bérubé: Le Québec...

M. Giasson: Cela n'a rien à voir, M. le Président.

M. Bérubé: Le Québec s'est ouvert. M. Giasson: C'est du floklore.

M. Bérubé: Le Québec s'est ouvert, mais malheureusement, le député de Montmagny-L'Islet est resté avec cette mentalité et, d'ailleurs, cela explique pourquoi le député de Montmagny-L'Islet, mais non moins l'ensemble de son parti, je ne pense pas qu'il soit capable de comprendre le débat politique profond qui agite le Québec présentement. On accuse le parti québécois de tendance nationaliste; nous le reconnaissons. Nous voulons contrôler notre développement. Cependant, nous voulons un contrôle réel et non pas un contrôle fictif. Une fois que nous avons obtenu un contrôle réel, sur notre développement, nous estimons, en tant qu'adultes, être responsables de notre développement. Il convient de prendre toutes les décisions susceptibles d'accroître ce développement, et si la décision à prendre devait être un jour, — et je rassure immédiatement le député de Montmagny-L'Islet: je n'ai pas l'intention, en autant que je suis concerné, dans ce premier conseil d'administration — de nommer quelqu'un de l'extérieur, je n'en vois aucune utilité, pour l'instant.

Mais je dis: Si le Québec devait, dans un an, dans cinq ans, dans deux ans, décider qu'il serait important d'avoir quelqu'un de l'extérieur au conseil d'administration, alors là, je ne partage pas le point de vue du député de Montmagny-L'Islet, du tout.

M. Giasson: Bien, pour quel motif... M. Bérubé: Lorsque...

M. Giasson: Cela serait important, M. le Président.

M. Bérubé: M. le député de Montmagny-L'Islet, je vous ai laissé parler...

M. Giasson: Pour quel motif cela serait-il important d'avoir quelqu'un de l'extérieur?

M. Bérubé: J'aimerais que vous manifestiez la...

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît, M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Bérubé: ... même décence dans vos interventions et que vous attendiez la fin de mon intervention pour pouvoir répliquer.

M. Giasson: Je ne réplique pas, je vous pose une question tout simplement.

M. Bérubé: Donc, il est possible que, dans un certain nombre d'années, un gouvernement décide qu'il est important de faire venir au conseil quelqu'un de l'extérieur. A titre d'exemple, si nos sociétés d'Etat avaient cherché davantage à développer les marchés étrangers, à mettre la main sur des réseaux de mise en marché étrangers, leur situation serait, souvent, beaucoup plus forte qu'elle ne l'est. Or, on constate que la plupart de ces sociétés d'Etat l'ont envisagé, mais qu'elles se sont récusées, sachant que lorsqu'elles arriveraient devant le Conseil des ministres, en disant: Nous avons l'intention d'acheter une entreprise à l'étranger, on aurait poussé de hauts cris, on aurait dit: Vous devez investir au Québec et, par conséquent, ne mettez pas d'argent dans des entreprises étrangères. Ce qui a très souvent empêché nos sociétés d'Etat d'aller se développer un réseau de mise en marché étranger qui les aurait consolidées et les aurait véritablement rendues économiques. Voilà ce que j'appelle du faux nationalisme, c'est-à-dire que, au nom de la nécessité d'investir l'argent des Québécois au Québec, on place une société d'Etat québécoise dans une situation où elle n'est pas concurrentielle, et on s'étonne, subséquemment, des conséquences de cette décision politique. Nous avons exactement là un exemple typique.

Dans l'hypothèse — présentement, nous sommes à négocier, je ne vous le cacherai pas... non pas pour REXFOR mais dans une autre société d'Etat — où des projets qui impliquent carrément des investissements étrangers, des investissements qui sont de nature à consolider une de nos sociétés d'Etat, il est tout à fait possible que — prenons l'exemple de la Société nationale de l'amiante qui posséderait, par exemple, Nordenham...

M. Giasson: Nous y voici.

M. Bérubé: ... où je devrais dire maintenant que l'ex-directeur de la société à Nordenham était un homme remarquable, un Allemand d'une remarquable compétence, reconnu de tous, et si le gouvernement voulait inviter cet homme à siéger au conseil d'administration de sa société, pourquoi pas? Voilà exactement là où nous amène un article comme celui-ci. Rejetant toute la compétence de cet ingénieur, la réputation qu'il s'est acquise dans les milieux d'affaires allemands, on s'interdirait de le nommer au conseil d'administratrion de la SNA, cela m'apparaît totalement arbitraire.

De la même façon — mais le problème ne se pose pas dans le cas de REXFOR pour l'instant — nous croyons que REXFOR doit développer des marchés étrangers; nous croyons que la mise en marché du bois québécois par REXFOR, sur les marchés québécois, est susceptible d'amener des engorgements en périodes de ralentissement qui nuisent à nos propres scieries québécoises. Par conséquent l'un des rôles importants de REXFOR pour l'avenir pourrait justement consister à faire l'acquisition de réseaux de distribution à l'étranger et de faire la mise en marché non seulement du bois de REXFOR, mais également du bois de

plus petites scieries qui n'ont pas les moyens présentement de faire de l'exportation mais qui, si REXFOR pouvait agir comme courtier, pourraient certainement profiter des prix fort avantageux qu'offre l'Europe.

Voilà donc la possibilité pour REXFOR de s'étendre, de sortir. Evidemment, il n'est pas question pour l'instant d'aller choisir quelqu'un de l'étranger pour le nommer, mais qui sait, dans deux ans, dans trois ans, dans cinq ans, si nous ne serions pas amenés à le faire. Or, je pense qu'il faut établir un principe, une loi qui ne devrait pas être amendée à tout bout de champ. Parce qu'on doit maintenant nommer un étranger, on se dépêche d'amender la loi. On sait d'ailleurs les lenteurs du processus démocratique qui amène à la passation de ces lois, dans la mesure où les travaux de l'Assemblée nationale sont déjà surchargés. D'ailleurs l'Opposition l'a souligné à plusieurs reprises; on ne peut pas ramener une loi régulièrement. Par conséquent, cette modification que nous proposons ici, c'est une modification à long terme; elle ne vise pas l'immédiat, mais si, à l'avenir, il devait s'avérer intéressant de nommer un étranger à un conseil d'administration, hé bien! M. le Président, les Québécois ont cessé d'être des nationalistes à vue courte, avec des oeillères, ils sont devenus des souverainistes-associationnistes.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: M. le Président, les arguments que vient d'invoquer le ministre ne me convainquent aucunement. D'ailleurs les motifs qu'il a invoqués ne tiennent pas par eux-mêmes. Quand il voit la possibilité pour la Société REXFOR d'acquérir des moyens de distribution à l'extérieur, il sait fort bien, tout autant que moi, qu'il n'est pas nécessaire de laisser une place à des administrateurs qui ne seraient pas des Québécois. Il connaît beaucoup d'entreprises au Québec qui vendent en large mesure leurs produits à l'extérieur du Québec, qui n'ont jamais eu à faire appel à des administrateurs étrangers. Il y a des compagnies québécoises qui ont acquis des entreprises en dehors du Québec, dans d'autres provinces et même aux Etats-Unis; elles n'ont pas dû pour ça faire place à des administrateurs venant de l'extérieur du Québec. Nous avons des entreprises de sciage de grande envergure au Québec qui vendent, dans une très grande proportion, leur production à l'étranger et pour ce faire elles ont développé des marchés étrangers par elles-mêmes, avec des administrateurs québécois. Le ministre en connaît, j'en connaîs moi-même dans ma région. Encore tout récemment un citoyen de La Pocatière a acquis une entreprise américaine — M. Amyot de mon comté — représentée par leur président. Notre citoyen de La Pocatière n'a pas besoin de faire place, dans son conseil d'administration, à des Américains, parce qu'il a acquis une compagnie de New York et que tout le produit, toute la matière première étant au Québec, tout le produit transformé est vendu sur le marché américain. Il ne fera pas de place à un administrateur américain, il n'a pas besoin de ça. C'est un Québécois qui a fait ses preuves, qui a le potentiel, qui a les capacités de mener son entreprise et il va la conduire même si tout son produit s'en va sur des marchés extérieurs. C'est une argumentation qui ne tient pas.

Lorsque la Société REXFOR a décidé de mettre en exploitation la scierie des Outardes et qu'elle s'est associée à une entreprise, Quebec North Shore, nous avons là la preuve qu'il est possible pour REXFOR de développer des projets, dans des coins du Québec, avec des partenaires qui ne sont pas nécessairement des partenaires québécois, qui ne sont pas dirigés automatiquement par des Québécois, mais ça nous prouve qu'il y a des capacités, des possibilités de s'associer pour lancer des entreprises et les développer sans devoir nécessairement faire place à des administrateurs qui ne soient pas des Québécois.

L'expérience vécue à la scierie des Outardes ne serait pas meilleure, même si on avait eu un ou deux administrateurs qui n'avaient pas été québécois. Cela ne change rien.

M. Bérubé: Mais il y en a qui ne sont pas québécois dans le cas de la scierie des Outardes. Je regrette infiniment.

M. Giasson: Mais est-ce que Rexfor serait plus productive? Est-ce que Rexfor serait beaucoup plus forte dans cette association s'il y avait des administrateurs qui n'étaient pas québécois? Elle s'est associée à une autre entreprise, elle a formé, suite à des ententes, une nouvelle administration, mais ce ne sont pas les administrateurs de Rexfor comme tels qui prennent toutes les décisions. La société a été créée pour exploiter la scierie des Outardes qui administre le projet avec la participation de Rexfor, tout simplement. Mais je ne sache pas qu'on doive nommer chez Rexfor des gens qui ne sont pas québécois pour mieux faire cette expérience et développer la scierie des Outardes. C'est simple, c'est la simplicité dans son état le plus...

M. Bérubé: Vous n'aurez qu'à ne pas en nommer, M. le député de Montmagny-L'Islet. Cette loi ne vous force pas à les nommer, elle dit tout simplement que, si un gouvernement du Québec élu légitimement se penchait sur les problèmes de cette société d'Etat à un moment donné dans le temps et qu'il devait juger qu'il a besoin de telles ou telles personnes réputées dans tel secteur, qui peuvent donner une expertise à son conseil d'administration qu'il n'est pas en mesure de lui donner pour diverses raisons, je ne vois absolument pas de raison pour laquelle on devrait limiter le pouvoir de ce gouvernement à ce moment.

M. Giasson: Mais si la société avait besoin d'expertise qu'elle ne peut pas trouver au Québec, est-ce qu'il est absolument requis de faire un administrateur de cet expert? Est-ce qu'il ne pourrait pas conseiller la société comme expert,

sans devoir nécessairement siéger au conseil d'administration? C'est là une réalité qu'on retrouve dans beaucoup d'entreprises: elles font affaires avec des experts sans les nommer administrateurs. On fait appel à leurs services, on les indemnise pour les services qu'ils rendent à l'entreprise, mais on ne les nomme pas automatiquement au conseil d'administration de l'entreprise. C'est pratique courante, non seulement au Québec, mais dans tous les pays industrialisés.

M. Bérubé: Je dois souligner une incorrection dans une déclaration que le député de Montmagny-L'Islet a faite il y a quelques minutes. En effet, il soulignait tantôt que la société pouvait engager à temps plein tout le personnel nécessaire à la conduite...

M. Giasson: A temps plein ou partiel. Je n'ai pas parlé de temps plein.

M. Bérubé: ... à temps partiel, à la poursuite de ses... je suis absolument d'accord avec cette opinion du député de Montmagny-L'Islet, mais il confond la direction de la société avec le conseil d'administration. Pour la prise de décision quotidienne, la direction de la société peut faire appel à toute l'expertise dont elle juge avoir besoin, et c'est normal.

Le conseil d'administration, cependant, lui, est là comme jury, comme arbitre. Il doit juger quotidiennement, ou au moins mensuellement, des décisions prises par la direction. Il est donc difficile de mettre en conflit d'intérêts quelqu'un du conseil d'administration qui doit en même temps juger de la qualité des décisions qui ont été prises. Vous mêlez la direction et le conseil d'administration. La direction...

M. Giasson: Je ne mêle pas cela.

M. Bérubé: Dans votre esprit, de toute évidence, c'est la confusion la plus totale qui règne. La direction doit prendre des décisions et les soumettre à son conseil d'administration pour jugement.

M. Giasson: La direction, dans votre esprit...

M. Bérubé: II ne faut donc pas qu'au conseil d'administration siègent...

M. Giasson: M. le Président...

M. Bérubé: ... des gens qui ont participé à la prise de décisions, si ce n'est — suivant la tradition qui est connue — de faire siéger le président de la société, c'est-à-dire le directeur, le chef des opérations, au conseil d'administration. C'est là une tradition, et d'ailleurs nous l'imposons dans la loi. Au conseil d'administration ne siégera qu'une personne que j'appellerais en véritable conflit d'intérêts, soit le président et directeur des opérations. Appelons-le directeur général...

M. Giasson: La gérance des opérations. (10 h 45)

M. Bérubé: ... la gérance, il y a différentes façons de le nommer. Souvent on dit "président-directeur des opérations" et vous avez le président-directeur en charge de l'exécutif. Ce sont les deux façons générales de les décrire pour distinguer les deux présidents. Par conséquent, on confond quand on dit: "La société peut engager à temps plein tout le personnel technique nécessaire pour la conseiller"; là-dessus, je suis absolument d'accord et c'est évident que la direction devra le faire. Mais au conseil d'administration, on va demander à des administrateurs de porter un jugement une fois ces recommandations faites. A ce moment-là, il peut s'avérer, si le genre de décisions est récurrent et se produit fréquemment, que le conseil d'administration sente le besoin d'avoir un expert dans un domaine particulier au conseil d'administration.

Personnellement, je pense que les éclats de voix du député de Montmagny-L'Islet sont un peu bizarres dans la mesure où la loi ne dit pas qu'on va nommer des étrangers; elle dit tout simplement qu'un gouvernement légitimement élu qui, au moment de l'évaluation de la situation, estimerait nécessaire de choisir une personne qui n'est pas résidente du Québec. Ce que nous disons, c'est que nous ne voyons pas pourquoi la loi devrait interdire à ce gouvernement de le faire. Au nom de quel principe, au nom de quel sacro-saint principe devrait-on se fermer sur nous-mêmes, s'isoler, se séparer, alors qu'au contraire le rôle du Québec, c'est d'être présent dans le monde à l'avenir. Evidemment, cela suppose un changement dans l'idée qu'on se fait du nationalisme et, de toute évidence, étant donné l'orientation qu'a prise le Parti libéral, la maturité politique nécessaire n'a pas encore pénétré au sein du Parti libéral et c'est pourquoi ils ne peuvent comprendre la nature de cet amendement.

M. Giasson: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Le ministre des Terres et Forêts interprète les choses à sa manière.

M. Bérubé: Forcément, nous faisons de la politique.

M. Giasson: Je soutiens qu'au Québec, nous avons suffisamment de gens qui possèdent les connaissances, la technique, l'expérience pour administrer notre société d'Etat et le ministre le sait très bien. C'est parce qu'il a des projets derrière la tête. Quand il nous dit qu'il met cela "en tous cas", il place cette disposition dans la loi de la société forestière au cas où un jour, un gouvernement légitimement élu déciderait de procéder à la nomination d'un administrateur qui ne serait pas Québécois. C'est de la foutaise. C'est parce que le ministre a déjà quelque chose de très précis à l'esprit et il ne veut pas le dire, il n'a pas assez de transparence pour nous dire ce qu'il a derrière la tête lorsqu'il veut ouvrir à des non-

Québécois le conseil d'administration de la société d'Etat; qu'il le dise donc très ouvertement.

M. Bérubé: C'est l'esprit de la loi, M. le Président. En vertu de l'article 2, nous avons volontairement cherché à étendre le pouvoir du conseil d'administration qui doit définir lui-même les termes du contrat liant l'administrateur à la société. Nous avons volontairement voulu donner un rôle à ce conseil, qu'il ait à négocier avec l'administrateur, qu'il ait à établir les termes de l'engagement, qu'il ait même, éventuellement, à faire des recommandations au gouvernement sur la composition du futur conseil d'administration pour étoffer. A titre d'exemple, un président d'un conseil exécutif, très fréquemment, va indiquer à l'actionnaire le type de personnes qu'il aimerait voir sur son conseil d'administration, de manière à pouvoir avoir les avis, tantôt d'un financier, d'un forestier, tantôt d'un industriel des pâtes et papiers, d'un industriel du sciage, tantôt du milieu du travail, tantôt de la population locale. En fait, nous voudrons nous entourer d'un certain nombre de conseillers qui vont nous permettre d'avoir différentes opinions et de trancher avec une certaine garantie d'infaillibilité.

A partir du moment où, justement, on donne plus d'autonomie au conseil d'administration, où on va tendre à respecter les décisions de ce conseil, il m'apparaît normal de donner plus de pouvoirs à ce conseil. Si le conseil devait, à un moment donné, par suite de ces opérations, aviser le ministre des Finances que la nature même des opérations de la société l'amène à travailler quotidiennement à l'extérieur et, au cours d'échanges d'affaires, ils ont fait la connaissance d'un homme remarquable qui serait un atout précieux sur le conseil d'administration, en vertu de quel principe devrait-on refuser de nommer, pour le salaire minime de quelques milliers de dollars par année, cet homme qui pourrait être d'un conseil judicieux lors de l'examen des décisions de la direction? Cela m'apparaît tellement aberrant que je suis incapable de comprendre l'opinion du député de Montmagny-L'Islet, si ce n'est en me disant que la vision que se font les libéraux du nationalisme est une vision idylliquée, totalement refermés sur eux-mêmes avec une crainte morbide de l'étranger, ce qui explique d'ailleurs que face au nationalisme nouveau au Québec, ils n'ont pas encore compris qu'on pouvait, à la fois, être fiers d'être Québécois, vouloir contrôler son développement, mais, en même temps, être ouverts aux autres. Ils n'ont pas encore compris cela.

M. Giasson: M. le Président, ce sont encore des affirmations gratuites de la part du ministre. D'ailleurs, c'est son habitude, c'est son style. C'est à peu près dans ce domaine qu'il excelle le plus. Il ne faut pas s'en surprendre, on connaît le ministre.

Lorsque nous avons, chez les Québécois, le potentiel aussi grand et aussi riche que ce qu'on peut aller chercher à l'extérieur, pourquoi doit-on aller chercher à l'extérieur? Il n'est pas question de nationalisme. Quand on a chez nous les sommités qui nous permettent d'administrer nos affaires, en vertu de quel principe et en vertu de quelle règle de bon sens doit-on laisser de côté des nôtres, des Québécois, pour aller en chercher à l'extérieur du Québec?

M. Bérubé: M. le Président...

M. Giasson: Oubliez la carte nationaliste derrière, revenez donc au sens pratique des choses.

M. Bérubé: Allez-vous me faire croire qu'il n'existe pas, par exemple, en Amérique, de personnes suffisamment compétentes pour gérer une entreprise d'aluminium? Néanmoins, l'Alcan est allée chercher M. Reach, un alsacien. Je pourrais prendre le président d'IBM, qui est un Français. Allez-vous me faire croire qu'il n'existe pas aux Etats-Unis d'Américains compétents, connaissants, susceptibles de diriger IBM? Cela m'apparaît aberrant, puisque les Etats-Unis sont le berceau de l'électronique contemporaine. Ils sont les inventeurs des ordinateurs, ils sont à la fine pointe de tout ce qui se fait dans le domaine électronique. Néanmoins, si la société IBM estime qu'elle doit aller chercher un Français à sa direction, ce n'est pas qu'elle pense qu'il n'y a pas d'Américains compétents, c'est qu'elle connaît ce Français et qu'elle a estimé que ce Français pouvait leur être utile...

M. Giasson: Vous êtes rendu dans les multinationales.

M. Bérubé:... de la même façon...

M. Giasson: Alcan, IBM, vous êtes dans les multinationales. Ce n'est pas plus américain, c'est transcontinental, c'est transplanétaire.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!

M. Bérubé: De la même façon, M. le Président, si...

M. Giasson: ... à la dimension de la planète, pas d'un pays. Quand vous êtes dans les multinationales comme dans ces exemples...

M. Bérubé:... il apparaît au moment du choix des administrateurs d'une société d'Etat que l'on est aux prises avec l'embarras du choix, que nous avons un grand nombre de Québécois qui pourraient très bien remplir les postes en question, nous ne nommerons pas d'étrangers, c'est évident. Cela m'apparaît évident.

C'est pour cela que la problématique, telle que posée par le député de Montmagny-L'Islet, n'a pas de sens. Il dit: "Si nous avons tous les gens compétents, pourquoi nommer des étrangers"? Eh bien, si nous avons tous les gens compétents et que nous devons prendre la décision de nommer un conseil d'administration et que nous approchons un certain nombre de personnes qui

toutes acceptent, évidemment nous n'avons sans doute pas besoin de nommer un étranger.

Mais je pose la question différemment et je dis: Si, à un moment donné, un gouvernement devait trouver avantageux de nommer un étranger — je dis bien avantageux — pourquoi le lui interdire? Il ne répond pas à ma question non plus.

Je réponds à la sienne dans le mesure où je dis: Si au moment de former un conseil d'administration et vous aurez l'occasion de le voir dans les prochaines semaines, le gouvernement ne choisit que des Québécois, c'est qu'il estime qu'il avait tous les talents nécessaires au Québec pour satisfaire les besoins. Mais, nous ne discutons pas d'une décision actuelle, nous discutons d'un principe. Je pose la question différemment: Si, à un moment donné, nous estimons, comme gouvernement, avoir besoin d'un étranger, pourquoi nous refuser de le nommer? C'est tout ce qu'il y a dans cet article. Cet article ne dit pas qu'on doit nommer des étrangers, mais il dit: Nous devons cesser d'avoir peur des étrangers. C'est tout. Personnellement, je ne vous cacherai pas que je préférerais purement et simplement abolir le présent article. Dire tout simplement: Le gouvernement choisit des administrateurs et si le gouvernement est suffisamment niaiseux pour ne nommer que des étrangers, eh bien, les Québécois ont été suffisamment niaiseux pour l'élire. Ils n'ont pas besoin de se protéger par une loi.

Enfin, je sais que l'élimination pure et simple de cet article a soulevé des remous; par conséquent, nous avons consenti que la majorité absolue des deux tiers soit toujours formée de Québécois.

M. Giasson: Je crois, M. le Président, que nous avons au Québec suffisamment de Québécois qui ont acquis une expérience pratique, qui ont les connaissances voulues pour diriger notre société d'Etat et administrer la société REXFOR. On ne doit même pas songer pour l'instant à faire siéger des étrangers au conseil d'administration. Si le ministre ne croit pas que le Québec compte suffisamment d'experts dans les questions forestières, pour réserver la composition du conseil d'administration de REXFOR, je n'y comprends plus rien. S'il met en doute la capacité de la province de Québec de posséder les hommes qui ont tout ce qu'on doit attendre d'administrateurs de sociétés d'Etat, si lui croit qu'on n'a pas cela au Québec, je ne sais plus où on va. Je ne m'explique pas cette attitude du ministre.

M. Bérubé: Le député de Montmagny-L'Islet pourrait-il me nommer un seul Québécois qui connaisse quoi que ce soit au thermo-mécanique? Le député de Montmagny-L'Islet pourrait-il me nommer une seule compagnie québécoise, en foresterie, qui fait de l'aménagement intensif de nos forêts? Non. Dans ce cas...

M. Giasson: II y a des gens au Québec...

M. Bérubé: ... qu'il ravale donc ce qu'il vient de déclarer.

M. Giasson: Au Québec, M. le Président, nous avons des Québécois qui sont capables de faire de l'aménagement intensif de forêts.

M. Bérubé: Je ne vous demande pas de placoter.

M. Giasson: II s'agit de leur donner les moyens...

M. Bérubé: Je vous demande: Donnez-moi donc une entreprise du Québec qui gère sa forêt sur la base d'un rendement soutenu en pratiquant les aménagements intensifs, comme Irving le fait au Nouveau-Brunswick, comme CIP l'a fait dans le sud des Etats-Unis, comme les Suédois le font depuis 75 ans. Qu'il m'en donne une qui a cette expérience quotidienne de la gestion des forêts sur la base d'un rendement soutenu.

M. Giasson: Les compagnies forestières du Québec n'ont jamais eu comme priorité de faire de l'aménagement intensif.

M. Bérubé: Alors, puisqu'il vient d'avouer...

M. Giasson: Mais cela ne veut pas dire qu'on a...

M. Bérubé: ... qu'il n'y a pas de Québécois qui sont compétents dans le domaine, il vient justement de me dire que, au contraire, nous avons des compétences dans tous les domaines. Si vous persistez à croire que nous avons au Québec des compétences dans tous les domaines, je lâche, je ne comprends plus rien.

M. Giasson: Nous avons au Québec des compétences en aménagement forestier qui travaillent présentement à l'extérieur du Québec, parce que nous n'avons pas d'entreprise qui ait décidé de procéder dans le sens de l'aménagement intensif de la forêt.

M. Bérubé: Dans ce cas, ils sont non-résidents québécois, et vous m'interdisez, en vertu de la loi, de les nommer au conseil d'administration.

M. Giasson: Ils habitent toujours le Québec, leur famille est au Québec et ils vont travailler au Nouveau-Brunswick. Ils sont encore québécois, ils reviennent dans leur famille régulièrement, mais ils travaillent pour des entreprises qui ont décidé de pratiquer l'aménagement.

M. Bérubé: Ah!

M. Giasson: Au Québec, nous ne les avons pas.

M. Bérubé: Voilà, maintenant vous... M. Giasson: Cela ne veut pas dire...

M. Bérubé: ... reconnaissez, en fait, qu'il y a des secteurs forestiers où nous n'avons pas les

compétences. C'est exactement ce que je voulais vous faire dire.

M. Giasson: Nous avons des compétences, mais elles sont employées par des entreprises hors du Québec. Vous le savez, d'ailleurs, M. le ministre.

M. Bérubé: Oui, oui.

M. Giasson: Ce n'est pas qu'on n'a pas de Québécois qui sont en mesure de faire de l'aménagement, nous les avons, mais ces Québécois travaillent pour des entreprises qui ne sont pas nécessairement au Québec. Mais ce sont eux qui dirigent l'aménagement forestier.

M. Bérubé: D'ailleurs, vous auriez pu me répondre à cela: Oui, il y a une société québécoise qui effectivement fait de l'aménagement intensif. C'est dans votre comté, c'est la Société REXFOR.

M. Giasson: Non, mais vous avez parlé d'entreprises privées, des entreprises forestières privées. Cela n'inclut pas REXFOR.

M. Bérubé: Vous voyez bien que votre argumentation ne tient pas.

M. Giasson: Elle tient. Je vous donne la preuve, et vous l'avez confirmé vous-même, que REXFOR possède une équipe qui fait de l'aménagement forestier et je vous ai indiqué que je connais des Québécois qui font de l'aménagement forestier au Nouveau-Brunswick présentement et leur famille vit encore au Québec.

M. Bérubé: Et susceptibles de siéger au conseil d'administration de REXFOR?

M. Giasson: Si on va les chercher, oui, mais qu'on les paie.

M. Bérubé: Mais que font-ils comme travail?

M. Giasson: Ils dirigent des opérations de reboisement et de pratiques syvicoles, mais ils sont payés pour le faire, par exemple. REXFOR ne les aura pas pour des "peanuts".

M. Bérubé: Vous mentionnez son nom, cela va être intéressant à avoir.

M. Giasson: En tout cas, M. le Président, j'aurais un amendement à proposer. Je le dépose.

Le Président (M. Boucher): Alors, M. le député de Montmagny-L'Islet propose l'amendement suivant à l'article 5: Ajouter, dans la première phrase, avant le mot "les", le mot "tous", et faire disparaître, "dans une proportion d'au moins les deux tiers". L'article se lirait comme suit: "Tous les administrateurs doivent être domiciliés au Québec. La qualité d'actionnaire n'est pas requise pour être administrateur de la société". (11 heures)

M. Bérubé: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Oui, M. le ministre.

M. Bérubé: Un amendement ne doit pas être de nature à dénaturer entièrement l'article principal. Dois-je vous souligner que l'article de la présente loi amende un article d'une ancienne loi et si nous devions accepter l'amendement à l'amendement, nous retrouverions l'ancien article. Par conséquent, il n'a qu'à battre l'amendement proposé par le gouvernement. Je pense qu'il est donc irrecevable.

M. Giasson: C'est recevable, très bien recevable. C'est un amendement recevable.

Le Président (M. Boucher): Un instant. Je vais délibérer avec moi-même avant. Si vous voulez parler sur la recevabilité, allez-y.

M. Jolivet: C'est justement, comme M. le ministre le disait, le but de la proposition dans le projet de loi gouvernemental est dans le but de changer l'article de loi actuel. Par l'amendement proposé par le député, on revient, en fait, à l'article déjà contenu dans la loi. Je pense qu'on sauverait énormément de temps et de discussion puisqu'on vient d'en faire un bon bout actuellement. On pourrait permettre au député de l'Union Nationale de faire valoir son point. Mais le député n'aurait qu'à battre la proposition faite par le gouvernement à l'effet de changer l'article déjà existant dans la loi actuelle et il n'a même pas besoin, pour ce faire, de passer par un autre amendement qui remettrait en force l'article de loi existant. On économiserait énormément de temps.

M. Brochu: M. le Président, si vous me le permettez, le raisonnement que suit le député de Laviolette est exact sur la question de règlement, puisqu'à toutes fins utiles, si on prend l'esprit du règlement, également, cela reviendra à faire, par un chemin détourné, ce qu'on peut faire directement, en battant la proposition de l'amendement qui est contenu dans l'article 5 du présent projet de loi. Alors, cela voudrait dire, à ce moment, que si on accepte ce principe, si vous deviez, M. le Président, rendre une décision favorable à la recevabilité de l'amendement, à tout bout de champ, on pourrait proposer des amendements qui reviennent au texte qu'on veut changer, justement, et on allongerait, on alourdirait les débats indéfiniment, alors qu'on pourrait directement discuter de la question, la battre, si elle ne fait pas notre affaire, en fournissant nos arguments, ce qui revient au même. Alors, cela voudrait dire que, désormais, on peut prendre le chemin le plus long en termes de règlements pour arriver aux mêmes conclusions.

M. Giasson: M. le Président, sur la recevabilité, je considère que l'amendement que j'ai déposé est parfaitement recevable, selon les règles qui régissent notre commission. Peut-être que les

députés autour de cette table ne voudraient pas voter sur l'amendement que j'ai proposé. S'ils veulent le battre, il le batteront et nous reviendrons à l'article principal. Mais la rédaction de l'amendement que je viens de déposer est parfaitement recevable. On peut faire le débat et s'il faut y mettre du temps, nous allons mettre le temps; il n'y a rien qui nous presse aussi. Nous allons faire le débat. C'est un article irrecevable, nous allons prendre le vote et après le vote, nous pourrons revenir à l'article principal, tel que déposé. Ce sont là, les coutumes et la pratique parlementaire que nous avons toujours vécues en commission parlementaire.

Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur la recevabilité? Alors, je suspens pour cinq minutes, étant donné que je dois rendre la décision suivant un article du règlement que je cherche présentement.

Suspension de la séance à 11 h 5

Reprise de la séance à 11 h 13

Le Président (M. Boucher): ... l'amendement est irrecevable étant donné qu'il y a un principe en deuxième lecture — lorsque la deuxième lecture a été adoptée — qui disait que l'on pouvait nommer des administrateurs en dehors du Québec, alors que dans l'amendement proposé par le député de Montmagny-L'Islet, on ignore le principe tout simplement en mettant ".tous les administrateurs au Québec". S'il y avait une question de deux tiers, quatre cinquièmes ou de changer la possibilité du principe de nommer des administrateurs en dehors du Québec, à ce moment, cela aurait pu être recevable. Mais au moment où on change complètement le principe et on dit: "tous les administrateurs devront être au Québec", c'est irrecevable.

M. Giasson: M. le Président, si j'ai bien compris, vous avez déclaré qu'on change le principe de la loi par le dépôt de tels amendements.

Le Président (M. Boucher): II y avait un principe à l'article 4 qui était inscrit dans les notes explicatives au début: de fixer au moins à deux tiers le nombre des administrateurs qui doivent être domiciliés au Québec.

M. Giasson: Oui, mais les notes explicatives ne sont pas nécessairement le principe d'une loi.

Le Président (M. Boucher): Oui, mais c'est un principe qui est quand même établi au départ.

M. Giasson: Alors tous les articles sont des principes?

Le Président (M. Boucher): D'accord, il y a un principe sur cet article.

M. Giasson: Pourquoi serait-il à cet article et pas à d'autres?

Le Président (M. Boucher): Vous en avez discuté pendant au-delà de 20 minutes chacun, tout à l'heure, à l'effet qu'il y avait une question de principe en cause, alors j'ai retenu qu'il y avait un principe à ce moment.

M. Giasson: On n'a pas encore discuté sur le principe...

Le Président (M. Boucher): Vous l'avez mentionné.

M. Giasson: ... on n'a pas parlé de principe, on a discuté sur le bien-fondé de nommer des Québécois au conseil d'administration de REXFOR.

Le Président (M. Boucher): Vous avez mentionné vous-même qu'il y avait une question de principe, à savoir si on pouvait nommer ou pas ces administrateurs en dehors du Québec.

M. Jolivet: ... une décision, M. le Président.

M. Giasson: M. le Président, au moins est-ce que je peux...

Le Président (M. Boucher): L'amendement est déclaré irrecevable.

M. Giasson: ... rectifier ce que vous venez de déclarer? Je n'ai jamais fait allusion qu'il y avait un principe; on pourrait relever la transcription des débats, je n'ai jamais mentionné qu'il y avait un principe derrière ça. Je peux au moins corriger ça, M. le Président?

Le Président (M. Boucher): Vous, vous ne l'avez pas mentionné, mais il reste quand même qu'il y en a un. (11 h 15)

M. Giasson: C'est que vous m'avez prêté des paroles que je n'ai pas prononcées. Vous avez dit que moi-même, dans mon intervention, j'avais déclaré qu'il y avait un principe.

Le Président (M. Boucher): Excusez si je vous ai prêté des paroles, mais il a été question d'un principe au moment de la discussion qui a précédé.

Je déclare l'amendement irrecevable. Est-ce que l'article 5 sera adopté?

M. Giasson: Vote enregistré, M. le Président.

M. Brochu: M. le Président, seulement une remarque avant de passer au...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Richmond.

M. Brochu: ... vote enregistré là-dessus. C'est que je me rappelle la discussion qu'on avait eue

justement sur la Société nationale de l'amiante, lors de l'étude de la loi 70; le ministre y a fait allusion tout à l'heure. Lorsqu'on était arrivé à un article similaire à celui qui est devant nous actuellement, où le gouvernement voulait réduire et ouvrir la porte complètement à une nomination d'un certain nombre — ce n'était pas mentionné à ce moment dans l'article de la loi telle quelle — d'administrateurs pouvant venir de l'extérieur du Québec.

A ce moment-là, je me rappelle qu'on s'était élevé contre cela du côté de l'Opposition. Ce qui était curieux, et qui l'est encore aujourd'hui, c'est que c'est l'Opposition qui défend le contenu québécois du conseil d'administration de nos entreprises d'Etat, alors qu'on a devant nous un gouvernement soi-disant nationaliste, ayant des visées indépendantistes. Puisque le ministre s'est levé sur ce pied-là ce matin et qu'il a commencé des discussions dans ce sens-là...

M. Jolivet: Ouvert sur le monde.

M. Brochu: Lorsqu'on en arrive à un article de loi comme celui-là, c'est l'Opposition qui doit se faire le défenseur du contenu québécois des conseils d'administration.

M. Jolivet: Ouvert sur le monde.

M. Brochu: Je pense qu'on ne peut pas laisser passer cela sans le souligner. Si on inversait la situation un tant soit peu, j'ai l'impression que les réactions de ce côté-ci de la table... Si on était le gouvernement de l'autre côté qui propose un article tel que celui qui est devant nous actuellement, on aurait des gens, non seulement qui s'élèveraient contre ça, mais qui seraient debout sur la table, qui déchireraient leurs vêtements, leurs toges sur la place publique et qui lanceraient de hauts cris pour dire que c'est une atteinte aux Québécois...

M. Jolivet: Pas notre toge, on n'en a pas.

M. Brochu: ... de la part d'un gouvernement, ce serait même une trahison. J'entends déjà les ténors du Parti québécois entonner tous le refrain les uns à la suite des autres. Je pense que le ministre, même s'il écoute d'une oreille distraite tout en finissant la lecture de son journal, en est conscient et peut s'imaginer un tant soit peu la scène, s'il devait être de ce côté-ci. Je pense qu'il n'aurait même pas le temps de suivre tous les grands titres du journal qu'il a dans les mains actuellement, tant il serait occupé à fournir tous les efforts pour convaincre le gouvernement de ne pas commettre cet outrage ultime envers les Québécois que celui d'ouvrir la porte à des "étrangers" au conseil d'administration de ces entreprises.

Je pense qu'il convenait de le souligner. C'est quand même drôle de voir que, selon le côté de la table où on se trouve, la vision des choses semble changer passablement.

M. Giasson: Même les principes changent...

M. Brochu: Même au niveau des programmes politiques — et je le dis de façon bien générale pour l'ensemble des partis politiques — je ne sais pas ce qui se passe, M. le Président, je n'ai jamais traversé de l'autre côté de la table, je suis un spécialiste de l'Opposition, mais j'aimerais faire l'expérience à un moment donné pour voir si vraiment on change au point de brûler ce qu'on a chéri et de chérir ce qu'on a brûlé.

J'aimerais bien comprendre toute la dynamique qui sous-tend ce changement d'attitude qui nous apparaît souvent radical et diamétralement opposé à ce qu'on a défendu dans le passé. C'est devant ça exactement qu'on se trouve aujourd'hui. Je regardais les échanges vigoureux tout à l'heure entre...

M. Giasson: Les pirouettes.

M. Brochu: ... le député de Montmangy-L'Islet et le ministre et je voyais un peu ce phénomène-là. Si on inversait les rôles, si le ministre était député de Matane dans l'Opposition et que le député de Montmagny-L'Islet soit ministre, on assisterait peut-être à la même conversation, avec les mêmes arguments, sauf que les interlocuteurs seraient changés. Les arguments que le député de Montmagny-L'Islet nous sert maintenant seraient peut-être dans la bouche du ministre et les réponses du ministre dans la bouche du député de Montmagny-L'Islet.

Une Voix: ...

M. Brochu: Je pense qu'on peut se l'imaginer assez facilement. Je voulais le souligner, M. le Président, parce que c'est tout le contexte de la discussion qu'on a déjà eue. Au départ, on voulait que tout le conseil d'administration demeure québécois, c'était la volonté de l'Opposition. A la rigueur, pour protéger les Québécois, l'Union Nationale avait à ce moment-là proposé un amendement pour qu'au moins on sauve les meubles et que les deux tiers du conseil d'administration soient québécois. Le ministre avait accepté finalement qu'au moins les deux tiers... Mais l'optique de la proposition que j'avais faite moi-même au nom de l'Union Nationale, c'était justement de protéger ce contenu québécois, et on s'était rendu à cette décision.

Autres temps, autres moeurs. Selon le côté de la table où on est, les choses semblent changer passablement. Je comprends les avenues que s'aménage le ministre, actuellement. Sur la question de la logique du principe lui-même, c'est une autre discussion; lorsqu'on parle sur le plan strictement administratif, on peut élaborer les grands principes administratifs et les ouvertures qu'on doit avoir de ce côté. Je comprends, en même temps, toute la philosophie qu'il y a derrière l'amendement qui était dans la loi créant la Société nationale de l'amiante et celui qui est là actuellement. On commence à se ménager des

avenues et lorsque le ministre a parlé tantôt des installations de Nordenham en Allemagne, ce qui était rigide à ce moment-là — et le ministre s'en rappellera — j'en avais fait état en commission parlementaire que le gouvernement, après avoir acquis Asbestos Corporation, serait aux prises avec la concurrence des moulins de Nordenham. Ace moment-là, c'était bien drôle, maintenant, cela l'est moins puisqu'on s'aménage une sortie pour que le gouvernement puisse accaparer des marchés et prévenir la concurrence qu'il pourrait y avoir de ce côté. J'aimerais aussi que le ministre, s'il est capable de me répondre puisqu'il est au courant, qu'il a fouillé ces choses passablement... juste une question en terminant. Est-ce que vous avez fait l'expérience, ou êtes-vous au courant que dans d'autres pays, une loi semblable a été adoptée à l'inverse, c'est-à-dire en permettant que des gens siègent au conseil d'administration, soit d'une compagnie américaine ou d'une compagnie française, d'une compagnie belge ou autre — c'est une information technique — au moment où on se parle, savez-vous si l'inverse a déjà été fait, si d'autres pays se sont prévalus de cette soi-disant ouverture à d'autres pays pour amener un contenu "étranger", entre parenthèses toujours, à leur conseil d'administration?

M. Bérubé: J'ignore si on peut retrouver le même genre de réglementation que cellequ'on retrouve dans beaucoup de lois de nos sociétés d'Etat. Je crois que, dans le cas de services publics, il me paraît assez évident qu'on puisse vouloir maintenir un contenu proprement national à un conseil d'administration, dans la mesure où il s'agit de services donnés aux citoyens. Par conséquent, dans la mesure où les citoyens doivent être représentés lors des décisions importantes comme des tarifs ou des décisions importantes de capitalisation, dans le cas de services publics, effectivement, j'accepterais volontiers qu'il y ait un article de loi qui interdise la nomination d'étrangers.

Cependant, je n'ai pas fait d'études comparatives. Vous n'êtes pas sans savoir que des sociétés d'Etat à caractère purement commercial, on en retrouve peu aux Etats-Unis; on en retrouve surtout au Canada et dans les pays européens. Je n'ai pas fait une étude exhaustive, je n'ai pas fait l'exégèse de tous les projets de loi créant des sociétés d'Etat dans le monde pour en arriver à décider que, sur le plan logique, je ne voyais pas de raisons pour lesquelles l'Etat s'interdirait de nommer à un conseil d'administration toute personne susceptible de jouer un rôle bénéfique; finalement, le principe qui est en cause c'est celui-là. Ce n'est pas la question de savoir si nous avons ou non les compétences; on peut différer d'opinion là-dessus. Le point qui est en cause est de savoir si un gouvernement du Québec devait, pour les fins d'une bonne gestion d'une société d'Etat, estimer qu'il serait avantageux de nommer une personne qui, pour diverses raisons, n'est pas résidente du Québec, je pense qu'elle pourrait choisir de le faire.

On pourrait imaginer, par exemple, un Québé- cois travaillant dans le sud des Etats-Unis ayant acquis une très grande expérience dans la foresterie intensive qu'on pourrait inviter ce Québécois à assister à des réunions mensuelles du Conseil d'administration pour donner son avis sur les programmes que proposerait REXFOR dans ce secteur, par exemple, au Canada et au Québec.

Cela me paraît tout à fait possible. Récemment, la société Reed avait manifesté son intention de se départir de ses actifs. Elle a donc approché un grand nombre d'entreprises dont quelques-unes de nos sociétés d'Etat pour voir dans quelle mesure ces sociétés ne pourraient pas être intéressées à l'achat des actifs de Reed. Il aurait donc été théoriquement possible de se retrouver propriétaire de Reed à Dryden en Ontario.

C'est donc un cas évident qui aurait très bien pu se passer il y a quelques semaines, et qui nous aurait amenés à donner une dimension très internationale aux activités de REXFOR puisqu'elles auraient débordé sur les autres provinces canadiennes. Donc, le raisonnement que nous avons fait vis-à-vis de la SNA et vis-à-vis de REXFOR n'est pas tellement un raisonnement portant sur le fait que l'on doive se nommer des étrangers, que l'on doive chercher à nommer des étrangers; là n'est pas la question. C'est plutôt un raisonnement en ce sens que l'on ne doive pas interdire la nomination d'un étranger, si cette nomination apparaît, à un moment donné, désirable. C'est uniquement le point que nous défendions.

M. Brochu: Si je comprends bien, il n'y a pas d'exemple qui vienne de choses...

M. Bérubé: Non, je n'ai pas...

M. Brochu: ... qui ont été faites dans le même sens dans d'autres pays.

M. Bérubé: ... fait l'étude exhaustive, par exemple, pour savoir si à la régie Renaud, par exemple, il existe des étrangers siégeant à la direction; si, par exemple, à la Canadian Development Corporation il existe également des étrangers; je l'ignore. Cela n'est peut-être pas facile à vérifier, mais je pense que cela peut se vérifier.

M. Brochu: Mais, une simple remarque, M. le Président. Vous admettrez que la situation est quand même caricaturale, parce qu'au point de départ, si on fait une comparaison, par exemple entre REXFOR et ce qu'on demande maintenant et la Société nationale de l'amiante, d'un côté au nom du nationalisme, dans l'expropriation ou l'acquisition d'Asbestos Corporation, économiquement non rentable pour le gouvernement avant X années, si jamais cela devait être, c'est au nom du drapeau, du nationalisme et de l'entité québécoise qu'on veut absolument se lancer dans un projet comme celui-là, quel que soit le coût et quels que soient les résultats à l'autre bout et les risques en cours de route, et de l'autre côté, on est prêt à peindre le nationalisme pour le transformer, en

disant: On va s'ouvrir sur le monde et avoir un contenu, d'ailleurs, d'autre sorte. Il semble y avoir, quand même, une situation paradoxale dans ce sens.

M. Bérubé: C'est ce qui caractérise ce nouveau nationalisme.

M. Brochu: On est prêt à se lancer dans... M. Bérubé: C'est un nationalisme différent. M. Brochu:... à se lancer dans... je m'excuse...

M. Bérubé: Voyez-vous, vous parlez du nationalisme...

M. Brochu: Je n'ai pas interrompu le ministre...

M. Bérubé: ... de M. Duplessis.

M. Brochu:... tout à l'heure, le ministre pourra revenir s'il veut sur cette question, mais on est prêt à se lancer dans une aventure économique, au niveau de la Société nationale de l'amiante, avec l'acquisition de l'Asbestos Corporation, simplement sur une hypothèse de travail non fondée, qui est davantage axée sur le nationalisme dans le sens du Parti québécois, où on doit être maître de nos richesses naturelles — si la chose peut se faire dans ce contexte, on sait que cela ne se peut pas — on accepte cela d'un côté, et on s'en fait fort du côté du Parti québécois, quel que soit le coût. Au bout de la ligne, vous allez avoir 400 ou 500 emplois, au maximum, vous allez avoir dépensé $300 millions à $400 millions.

De l'autre côté, on dit, presque dans un même souffle: Pour une autre société d'Etat, si cela n'est pas grave, on va aller à l'extérieur, on va avoir un contenu de l'extérieur à notre conseil d'administration même qui est appelé à prendre des décisions importantes concernant les investissements des Québécois, qui sont à l'intérieur de cela. C'est ce qui semble un peu un paradoxe. Le ministre pourra l'éclaircir, s'il veut, dans ce sens, mais au moment où on dit qu'on veut se défaire, encore entre parenthèses, de nos attaches traditionnelles, des carcans traditionnels dans lesquels on pouvait être à ce moment, en même temps, on va donner à des étrangers une partie des décisions qui nous appartiennent, c'est aussi simple que cela.

C'est comme l'adolescent... Le ministre me fait penser, avec l'attitude du gouvernement, à un adolescent qui vient à bout, après des années, d'avoir une voiture à lui et qui irait voir son père pour la conduire ou un voisin pour lui offrir le volant, et lui dire: Conduis-la avec moi, maintenant.

M. Bérubé: Des leçons de conduite, cela n'est pas si fou.

M. Brochu: Dans ce sens, on dirait qu'il y a un pas qui manque dans ce sens. Je comprends d'un côté, lorsque je regarde l'argument logique, administratif, d'ouvrir et aller chercher des compétences, c'est une chose. Mais quand vous tombez — et cela arrive dans plusieurs de nos discussions — sur le plan émotif, nationaliste, lorsque vous teintez de cet élément émotif nationaliste, des discussions comme celles concernant la Société nationale de l'amiante on retrouve, de l'autre côté, où on veut être strictement logique, à un moment donné; qu'il y a d'apparentes contradictions. C'est dans ce sens. C'est pour cela, M. le Président, que sur cet article, je vais être conséquent avec moi-même, avec ce qu'on a fait à ce moment, ce qu'on avait demandé pour la Société nationale de l'amiante c'est que tout le conseil d'administration soit composé de Québécois. A la rigueur, on a fait accepter au gouvernement que ce soit au moins deux tiers, pour sauver les meubles. Dans ce sens je vais appuyer l'article 5, tel que présenté, qui est dans le même sens, qui au moins nous assure un contenu même si cela n'est pas idéal.

Le Président (M. Boucher): Alors vous êtes... les membres sont prêts pour le vote demandé par le député de Montmagny-L'Islet. M. Bérubé (Matane).

M. Bérubé: Faites attention, il nous a mêlés avec ses contre-propositions.

Le Président (M. Boucher): C'est sur l'article 5.

M. Bérubé: On vote sur la loi.

Le Président (M. Boucher): Ceux qui sont en faveur de l'article tel que rédigé. (11 h 30)

M. Bérubé: Pour, M. le Président.

M. Brochu: II aurait fallu mettre le président Callaghan. A un moment donné, le gouvernement n'a pas trouvé...

Le Président (M. Boucher): Pour. M. Desbiens (Dubuc).

M. Bérubé: Ceux qui sont pour, sont contre et ceux qui sont contre sont pour.

Le Président (M. Boucher): M. Giasson (Montmagny-L'Islet).

M. Giasson: Je suis contre l'article 5, tel que libellé.

Le Président (M. Boucher): M. Jolivet (Laviolette).

M. Jolivet: Pour.

Le Président (M. Boucher): M. Picotte (Maskinongé).

M. Picotte: Contre.

Le Président (M. Boucher): M. Brochu (Richmond).

M. Brochu: Pour.

Le Président (M. Boucher): M. Marquis (Matapédia).

M. Marquis: Pour.

Le Président (M. Boucher): L'article est adopté. L'article 6.

Conflit d'intérêt

M. Bérubé: M. le Président, je prévois un débat intéressant à ce niveau-ci. Cependant, je prévois avoir l'appui complet de l'Union Nationale, à la lumière du discours de son chef.

M. Brochu: Ne présumez pas.

M. Bérubé: A la lumière du discours — enfin, j'interprète évidemment les directives de son chef — mais j'ignore s'il a véritablement l'autorité nécessaire sur les membres de son parti, pour les amener à se rallier...

M. Brochu: Je les inviterais même à méditer toutes les directives de mon chef.

M. Giasson: Surtout ses positions sur la société d'Etat...

M. Brochu: Voilà.

M. Bérubé: Alors, l'article 6 dit tout simplement: "L'article 14 de ladite loi est abrogé". Nous avons eu un long débat à l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, un débat que je ne voudrais pas reprendre. J'essaierai plutôt de répondre, en fait, aux questions et essayer peut-être de bonifier, si c'est possible de bonifier.

L'article 14 stipulait que les membres d'un conseil d'administration et ses fonctionnaires ou employés ne peuvent, sous peine de déchéance de leurs charges, avoir un intérêt direct ou indirect dans une entreprise, mettant en conflit leur intérêt personnel et celui de la société, évidemment, à l'exclusion des cas de succession, puisque l'administrateur n'en était pas responsable.

Le député de Lotbinière, dans son intervention, en deuxième lecture, a souligné à quel point, dans les sociétés d'Etat, on devrait avoir des administrateurs. Il a demandé: Pourquoi n'avez-vous pas un article dans la loi, un article qui dirait qu'il faut être administrateur pour être administrateur, puisqu'effectivement, siéger à un conseil d'administration par définition, c'est être un administrateur. Or, ce que le député de Lotbinière nous disait, c'est qu'il faudrait avoir la qualité d'administrateur pour siéger à un conseil d'administration. Là-dessus, je ne peux qu'être en entier accord avec lui. Effectivement, pour être administrateur, il faut être administrateur. C'est une pétition de principe.

Cependant, ce n'est pas le sens que le député de Lotbinière voulait donner à ses paroles. Ce que le député de Lotbinière voulait dire, c'est qu'on devrait aller chercher pour siéger au conseil d'administration, des gens qui ont une expérience dans le secteur et qui pourraient apporter une contribution positive au contrôle de la direction d'une société d'Etat. En ce sens, je suis en entier accord avec le député de Lotbinière. Si c'est vraiment le sens qu'il voulait donner, je suis d'accord avec lui.

Effectivement, il est important que sur nos sociétés d'Etat, on puisse nommer des administrateurs qui ont une connaissance actuelle du domaine et qui, par conséquent, auront l'esprit averti lorsque la direction apportera une proposition de développement ou soumettra une décision au conseil d'administration. Le conseil d'administration devra, à un moment donné, juger.

Il fait peu de doute que si nous avions eu un homme spécialisé dans le sciage, connaissant bien cette industrie, au conseil d'administration de REXFOR, il est possible que l'on ait pu régler le problème de Samoco il y a peut-être trois ans. Cependant, un des problèmes auquel la société a dû faire face, c'est qu'elle se trouvait aux prises avec Béarn, Taschereau. Ils ont eu la scierie des Outardes en pleine construction. En d'autres termes, tout le capital humain que REXFOR pouvait assigner à des dossiers de scieries, était utilisé. Au conseil d'administration, on n'a peut-être pas été autant en mesure de se rendre compte qu'effectivement, on avait besoin d'un scieur, à ce point qu'à un moment donné, le gouvernement a dû former une commission d'experts. Nous sommes allés chercher le gérant de la scierie du Séminaire de Québec, également, un gérant d'usine du groupe Cossette, pour aller visiter les installations et nous faire des suggestions quant aux problèmes qui se développaient à Samoco. Donc, on a senti le besoin, nous, comme gouvernement, d'engager des scieurs pour juger de la situation.

Il paraît donc important de pouvoir nommer, à un conseil d'administration, des administrateurs qui aient une véritable connaissance du domaine. Or, malheureusement, pour avoir une véritable connaissance du domaine, il faut soit y travailler, soit y avoir travaillé, soit être en contact avec des gens qui y travaillent; je pense que c'est assez logique.

Toute personne qui y travaille, cependant, peut-être dite en conflit d'intérêts au moins indirectement; elle est donc exclue. Toute personne qui y a travaillé, évidemment, ça réduit automatiquement le nombre, puisque forcément ce n'est pas tous les jours qu'on peut trouver une personne de 65 ans ayant pris sa retraite et ayant géré une entreprise de sciage; ce n'est pas tous les jours qu'on rencontre ça, sans qu'elle soit actionnaire ou propriétaire d'une entreprise.

Il s'agit donc là d'un bassin beaucoup plus restreint, qui limite notre possibilité de choix. D'autant plus qu'une personne qui a oeuvré dans un secteur il y a un certain nombre d'années, souvent, a perdu contact, parce que la technologie évolue très rapidement; on ne scie pas le bois

comme on le faisait il y a dix ans. Or, quelqu'un qui aurait une expérience du sciage il y a dix ans n'aurait pas nécessairement une expérience quotidienne de la mise en marché du bois, de la technologie du sciage; elle n'aurait probablement pas non plus une compréhension des nouvelles relations de travail.

En d'autres termes, même cette personne qui aurait une expérience du sciage, mais qui ne serait plus dans le domaine depuis un certain nombre d'années, ne serait peut-être pas non plus la personne idéale pour gérer cette entreprise. Néanmoins, c'est déjà un atout; ce qui a amené le gouvernement, d'une façon générale, à nommer aux conseils d'administration de ses sociétés d'Etat des gens qui avaient une connaissance indirecte du domaine. On pourrait prendre le conseil d'administration de SOQUEM, par exemple, où nous avons un maire, un administrateur de l'Hydro-Québec, nous avons un certain nombre d'administrateurs qui connaissent bien l'industrie minière. Le maire est le maire de Chibougamau; donc il connaît bien l'industrie minière parce qu'il y vit quotidiennement, mais lui-même n'est pas administrateur au sens où le définissait le député de Lotbinière.

Donc, un des obstacles est là. Cela ne veut pas dire pour autant — là, je veux bien être clair — qu'il ne faille pas nommer, par exemple, à un conseil d'administration quelqu'un qui aurait une expérience politique. On pourrait, par exemple, nommer un ancien ministre des Terres et Forêts. Ce serait peut-être la solution idéale. D'ailleurs, je suggérerais au prochain gouvernement d'envisager de nommer le ministre antérieur, qui a une très grande connaissance de ce dossier. Mais je pense qu'un ancien politicien, le ministre de l'Agriculture, par exemple, a certainement une connaissance de la forêt, une connaissance qui lui est propre, qui peut être d'un apport appréciable aux décisions que doit prendre la société. Là où ça devient dangereux, c'est lorsqu'on ne peut pas, à côté d'un représentant du monde politique ou un membre de l'âge d'or, qui aurait déjà eu une connaissance de l'industrie du sciage, qu'on ne puisse, à côté de ces participants, nommer d'autres citoyens qui, eux, connaissent bien le domaine.

Je pense qu'à cet égard on peut améliorer les choses et c'est notre intention; je ne cacherai pas que c'est mon intention très ferme, je n'ai pas l'intention de nommer d'étrangers, mais j'ai certainement l'intention de nommer des Québécois qui jouissent d'une grande réputation dans le monde forestier au Québec, qui sont liés encore au domaine forestier et qui seraient prêts à faire partager leur expérience à la société d'Etat.

C'est donc une intention très ferme. J'ai l'intention d'aller puiser dans ce secteur de l'industrie du sciage qui est contrôlée à 72% par des Québécois. Nous avons des industriels d'un rare dynamisme. Evidemment, il ne s'agit pas de nommer un industriel qui est en concurrence directe avec REXFOR dans les mêmes marchés, c'est une question de prudence élémentaire. Mais nous avons des industriels qui n'ont pas de contacts réguliers avec REXFOR, qui en fait ne sont même pas en concurrence pour les mêmes marchés et qui, par conséquent, pourraient être disponibles pour porter jugement sur les activités de sciage de la société. On pourrait penser, étant donné que REXFOR est appelée à aller du côté de l'industrie forestière, les pâtes et papiers, par exemple, qu'il pourrait être avantageux d'avoir un homme d'une grande expérience qui parfois est en fin de carrière. Souvent, c'est le cas qui se produit, quelqu'un qui est déjà impliqué dans une entreprise, étant à la fin de sa carrière, à qui il reste un an ou deux, qui doit donc envisager une deuxième carrière. A ce moment-là, c'est un élément extrêmement positif pour un conseil d'administration d'aller chercher une telle personne.

M. Giasson: Comme qui, par exemple? Léopold Dion?

M. Bérubé: Non, je n'ai pas l'intention... je ne connais pas M. Dion. C'est un partisan du Parti libéral qui finançait la caisse? Non?

M. Giasson: Je ne connais pas ses options politiques.

M. Bérubé: Ah bon! C'est correct.

M. Giasson: C'est un ancien confrère de collège qui occupe un haut poste dans une compagnie papetière. Je ne connais pas du tout son option politique; je l'ai perdu de vue depuis des années.

M. Bérubé: De toute façon, cela n'a aucune espèce d'importance. Je ne vous cacherai pas que je serais bien en peine de pouvoir donner l'opinion politique des gens que j'ai l'intention de choisir.

En d'autres termes, l'objectif est d'aller piger peut-être un représentant de l'industrie papetière, un représentant de l'industrie du sciage...

M. Giasson: Le ministre va...

M. Bérubé: ... un représentant des forestiers, par exemple, au Québec, de la foresterie plus conventionnelle, industrielle ou la foresterie telle que la pratiquent certaines de nos excellentes firmes d'ingénieurs-conseils dans le domaine. On ne réalise pas assez que, par exemple, au Québec, nous possédons trois des dix plus grandes firmes d'ingénieurs au monde et on a tendance à l'ignorer. Dans le domaine du génie, les Québécois ont atteint un niveau d'excellence qui est rarement égalé ailleurs dans le monde. Nous avons des...

M. Brochu: Est-ce que le ministre me permettrait de poser une question sur ce qu'il vient de dire? Est-ce que cela veut dire que l'intention du gouvernement, à ce moment-là, en oeuvrant cette porte, c'est de l'employer sur une assez vaste échelle, d'utiliser cette disposition sur une vaste échelle, d'aller chercher toutes les compétences

disponibles et de les mettre à profit au niveau de l'Etat?

M. Bérubé: Exactement. D'aller chercher tant dans le domaine du génie-conseil, tant dans le domaine de l'industrie papetière, tant dans le domaine du sciage, tant dans le domaine, également, de la fonction publique, tant dans le domaine de la chose publique, des hommes publics, d'aller chercher un éventail d'expériences humaines qui nous permettraient, je pense, de pouvoir porter un jugement plus conséquent, où plus de facettes pourront être examinées au conseil d'administration. C'est l'intention.

Je dois dire — c'est peut-être important, aussi — que nous sommes également conscients de ces problèmes de conflits d'intérêts. Aussi, dans le contrat qui lie l'administrateur à la société, nous avons l'intention d'introduire des clauses de conflits d'intérêts tels que la divulgation, l'impossibilité pour un administrateur de voter lorsque des intérêts de sa firme sont en cause. Nous allons le définir dans un contrat. Comme, à ce moment-là, l'origine des membres du conseil d'administration est assez vaste, il est difficile de prévoir dans une loi un article qui prévoirait à l'avance toutes les possibilités de clauses de conflits d'intérêts et qui les prévoirait nommément. Par conséquent, nous avons pensé que ce serait dans le contrat d'engagement liant l'administrateur à la société qui doit être approuvé par le gouvernement, que le gouvernement doit faire preuve de sagesse et introduire les clauses nommément de conflits d'intérêts.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: M. le Président, je n'admets pas, pour autant que je suis concerné, qu'on abroge complètement l'article 14. Je ne comprends pas, par le fait même, où sont passées la pureté et la transparence du Parti québécois. Sans doute que le gouvernement a l'intention de nommer au conseil d'administration les personnes qui puissent siéger à d'autres entreprises forestières au Québec, qu'elles soient papetières, de sciage ou autre et qui pourraient, par le fait même, créer des possibilités de conflits d'intérêts. Au-delà de cela, pourquoi ne pas avoir modifié l'article 14 pour, tout au moins, interdire le conflit d'intérêts pour le personnel de direction, les fonctionnaires et le personnel de REXFOR? (11 h 45)

Je crois, M. le Président, que les buts recherchés auraient été atteints en modifiant quelque peu l'article 14 dans sa rédaction actuelle. Cet article se lit comme suit: "Les membres du conseil d'administration de la société et ses fonctionnaires ou employés, ne peuvent, sous peine de déchéance de leur charge, avoir un intérêt direct ou indirect, etc".

Il aurait été plus valable à mon sens, de modifier l'article en retranchant les membres du conseil d'administration de la société et de dire: "Le personnel de direction, les fonctionnaires ou employés de la société ne peuvent". Nous aurions au moins conservé une interdiction de conflit d'intérêts pour une partie de personnes qui sont directement impliquées dans les opérations de REXFOR, sans nécessairement toucher au conflit d'intérêts possible chez les membres du conseil d'administration qui vont se trouver sans doute un jour ou l'autre, de par leur appartenance à d'autres entreprises, dans une forme de conflit d'intérêts, qu'il soit direct ou indirect.

J'aimerais que le ministre nous explique les raisons pour lesquelles on a libéré de toute possibilité de conflit d'intérêts le personnel de direction, la gestion ou le personnel de gérance de la société, comme les autres fonctionnaires ou les autres employés de la société. J'apprécierais, M. le Président, que le ministre nous explique les raisons fondamentales pour lesquelles on a décidé de soustraire toutes les personnes ayant un emploi à la société REXFOR lorsque la possibilité de conflit d'intérêts va se situer au niveau du conseil d'administration par les choix que le ministre entend faire et qu'il nous a expliqués dans ses propos il y a quelques moments.

Pour les membres du conseil d'administration, il nous a indiqué qu'il était de l'intention du gouvernement d'aborder la question de conflit d'intérêts en ce qui a trait aux contrats qui devraient être signés entre la société et les administrateurs. Je prends la parole du ministre qu'il a l'intention de prévoir des mécanismes de conflit d'intérêts chez les administrateurs, mais pour ce qui est de tout le personnel qui représente la direction, les gestionnaires ou la gérance, comme on dit couramment, ainsi que les autres fonctionnaires, le bon sens, il me semble, aurait commandé qu'on maintienne ces dispositions dans l'article 14, en le modifiant dans sa teneur présente.

J'aimerais connaître l'attitude du ministre à cet égard.

M. Bérubé: Ecoutez, mon attitude était la suivante: On vous a présenté récemment — au tout début des travaux de cette commission — le témoignage de l'avocat de REXFOR qui répondait, je pense, à une de vos questions, M. le député de Montmagny-L'Islet, qui portait plus spécifiquement sur la poursuite pour fraude entreprise par REXFOR contre un de ses employés. Ce que l'avocat expliquait, c'est que l'employé en question avait émis des chèques à une société dont lui-même était actionnaire ou encore à laquelle siégeaient ou qui était possédée par des membres de sa famille.

Dans un cas comme celui-là, les lois existent, la notion de conflit d'intérêts a déjà fait l'objet d'une longue jurisprudence et les poursuites judiciaires peuvent toujours être entreprises contre une personne qui agit illégalement ou qui va à l'encontre de l'intérêt de son employeur, par suite d'un conflit d'intérêts.

Donc, on peut dire que dans la mesure où les lois prévoient ces situations, est-il nécessaire de refaire de nouvelles lois pour retraiter du même sujet? C'est la question qu'on peut se poser.

Evidemment, la rédaction originale de l'article résultait d'une préoccupation du législateur de ne pas laisser l'ombre d'un doute quant à l'intégrité absolue des administrateurs de ces sociétés d'Etat, sans doute pour éviter le scandale politique. C'était là un geste du prudence, geste de prudence qui a peut-être entraîné une mauvaise administration de certaines de nos sociétés d'Etat et des conséquences économiques telles qu'aujourd'hui, lorsqu'on écoute le député de Lotbinière, on se demande si son parti aurait dû être aussi prudent qu'il l'a été en préparant la loi de REXFOR, par exemple, puisque beaucoup de problèmes résultent parfois, justement, de la difficulté de trouver des administrateurs ayant une connaissance ad hoc des problèmes de la société.

Cependant, personnellement, je n'ai pas d'objection en principe, et je serai d'accord avec l'Opposition si celle-ci voit là une question majeure... Pour autant que je suis concerné, il me semblait que, dans le cadre du contrat d'engagement, on prévoirait les clauses de conflit d'intérêts. Dans les règlements de la société, par exemple, qui doivent être approuvés par le lieutenant-gouverneur en conseil, il y a une clause de conflit d'intérêts qui interdit aux employés de...

M. Giasson: Si vous me le permettez, c'est toujours vis-à-vis des administrateurs.

M. Bérubé: Non, vis-à-vis des employés.

M. Giasson: Des fonctionnaires de REXFOR, employés...

M. Bérubé: Oui, parce que la société a un règlement interne et elle peut, dans son règlement de régie interne, avoir un règlement interdisant les conflits d'intérêts.

M. Giasson: Mais vous ne pensez pas qu'il est mieux de le prévoir dans la loi même, la loi constituante?

M. Bérubé: Trop fort ne casse pas; je pense qu'en soi ce n'est pas plus grave et c'est pour cela que récemment, toujours dans cette même orientation, il y a eu le projet de |oi 105 qui a été déposé, Loi constituant la société québécoise de développement des industries culturelles. A cet égard il y a une formulation intéressante que les légistes auraient peut-être dû envisager lorsqu'il a été question d'amender l'article 14 de la loi 105. Je vous lis l'article: "Aucun membre du conseil d'administration exerçant ses fonctions à plein temps ne peut, sous peine de déchéance de sa charge, avoir un conflit direct ou indirect dans une entreprise mettant en conflit son intérêt personnel et celui de la société."

En d'autres termes, le président de la société ne peut pas en même temps être actionnaire de Consolidated Bathurst; cela m'apparaît assez logique. "Toutefois, cette déchéance n'a pas lieu si un tel intérêt...". C'est l'article essentiellement con- ventionnel. "Tout autre membre du conseil d'administration ayant un intérêt dans une entreprise doit, sous peine de déchéance de sa charge, le révéler par écrit au président et s'abstenir de participer à toute délibération et à toute décision portant sur l'entreprise dans laquelle il y a un intérêt."

Je pense que là on retrouve essentiellement l'article de la Loi des compagnies fédérales qui inclut un tel article.

Cela m'apparaît possible de chercher à amender l'article 14 dans ce sens. Si l'opposition estimait que, rédigé de cette façon, cela répondrait à ses attentes, pour autant que je suis concerné, cela répondrait à mes attentes. Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'un membre du conseil d'administration qui exerce une fonction à temps plein — on peut penser au président de la société qui est véritablement un membre de la direction et qui exerce ses fonctions à temps plein pour la société — normalement, ne devrait pas être en conflit d'intérêts. Par conséquent, on pourrait le prévoir dans la loi, je n'y ai aucune objection.

Le président du conseil, s'il n'est là qu'à temps partiel, s'il ne vient que pour présider les réunions du conseil, à nouveau, je serais d'accord pour dire qu'il ne doit pas être en conflit d'intérêts. Il peut arriver parfois, dans le cas de sociétés plus importantes, qu'on veuille nommer le président du conseil d'administration à temps plein, de manière qu'il suive de beaucoup plus près les décisions prises par la direction et qu'il soit, en pratique, quotidiennement dans la boîte. Dans un cas comme celui-là, à nouveau, puisqu'il s'agit d'un salaire respectable, on pourrait exiger de la part de cet administrateur qu'il ne soit pas en conflit d'intérêts.

Lors d'une nomination avec une rémunération correspondante, on pourrait avoir comme condition qu'il n'y ait pas de conflit d'intérêts. Je suis absolument d'accord si cela répond à...

M. Brochu: Vous seriez prêt à l'inclure en amendant l'article 60

M. Bérubé: Je dois dire que suite au débat de deuxième lecture...

M. Giasson: On pourrait proposer un amendement à l'article 14. Je n'ai pas de texte écrit, mais ça pourrait se lire comme ceci: L'article 14 de ladite loi est remplacé ou est modifié par le suivant: Les membres du conseil de direction, les fonctionnaires et les employés de la société ne peuvent, sous peine de déchéance de leur charge, avoir un intérêt direct ou indirect dans une entreprise mettant en conflit leur intérêt personnel et celui de la société. Toutefois cette déchéance n'a pas lieu si un tel intérêt échoit à l'un d'eux par succession ou par donation, pourvu qu'il y renonce ou en dispose avec toute la diligence possible.

Cela ne touche pas du tout les membres du conseil d'administration en ce qui concerne les conflits d'intérêts et le contrat qui les liera avec la société pourra prévoir des conditions ou des stipulations touchant les conflits d'intérêts.

D'un autre côté, il n'aurait peut-être pas été mauvais, M. le Président, de garder dans la loi une disposition qui dirait que les administrateurs devraient s'abstenir de participer ou de voter lorsqu'une décision à prendre les touche directement ou indirectement. Cela pourrait très bien être inscrit dans la loi, même si le contrat qui les liera contiendra également des prévisions ou des précisions relatives aux conflits d'intérêts.

M. Bérubé: II s'agit en fait, ce que vous venez de dire, essentiellement de l'article 14 de la loi 105 qui dit: "Aucun membre du conseil d'administration". Quand vous dites: la direction, je suis hésitant parce que...

M. Giasson: Dans mon esprit, la direction c'est la gérance.

M. Bérubé: Oui, mais...

M. Giasson: Le conseil d'administration, si je comprends bien ce qu'on recherche, ce sont les administrateurs de la société. Sous cela, vous avez une équipe qui est la direction de l'entreprise qui exécute les projets et les plans qui ont été décidés par les administrateurs. Les administrateurs continuent de surveiller l'exécution des projets et des plans afin de constater si la direction ou le personnel de gestion de l'entreprise va vraiment dans le sens des objectifs qui ont été prévus par les administrateurs. C'est ainsi que je perçois cela. Le ministre voudra bien me dire si c'est là sa vision...

M. Bérubé: Oui.

M. Giasson: ... ou s'il a une autre perception des choses.

M. Bérubé: Je ne voudrais pas utiliser un...

Le Président (M. Boucher): Un instant, s'il vous plaît! M. le député de Montmagny-L'Islet, est-ce que vous présentez votre amendement ou faites-vous simplement une suggestion?

M. Giasson: Je n'ai pas rédigé de texte. Je viens de proposer une formulation nouvelle de l'article 14.

Le Président (M. Boucher): Si on veut discuter sur l'amendement, j'aimerais avoir le texte.

M. Giasson: II faudrait le rédiger.

M. Bérubé: De toute façon, M. le Président, si je ne m'abuse, il n'est pas possible d'amender l'article 6. Il faut que d'un commun accord nous votions contre l'article 6 et que nous proposions un nouvel article à insérer entre 5 et 7. Donc, il s'agit là d'un consensus à établir à cette commission. Sinon on ne peut pas amender...

M. Giasson: Oui.

M. Brochu: C'est ça. D'accord. J'aimerais juste poser une question au député de Montmagny-L'Islet, si le ministre le permet. Est-ce qu'il ne s'agit pas simplement de revenir à la loi actuelle en ajoutant au début que c'est la direction et les fonctionnaires?

M. Giasson: C'est ça.

M. Brochu: C'est exactement ça?

M. Giasson: C'est ça. C'est soustraire les membres du conseil d'administration à l'article 14. L'article 14 actuel les inclut...

M. Brochu: Tel que libellé...

M. Giasson: ... dans les interdictions de conflits d'intérêts. On enlève les membres du conseil d'administration du libellé de l'article 14.

M. Bérubé: ... tirer une copie de l'article 14 de la loi 105 qui, je pense, dit exactement ce que vous avez à l'esprit et qui, effectivement, reviendrait à dire — prenons l'article 14 de la loi originale, c'est-à-dire la loi 5... enfin, c'est l'ancien...

M. Giasson: M. le ministre, l'article 14 auquel vous faites référence ne fait pas mention du personnel, des fonctionnaires ou des personnes qui siègent à la direction, il traite uniquement du cas des administrateurs.

M. Bérubé: Oui... L'article 14 de la loi 105, vous voulez dire?

M. Giasson: C'est ça.

M. Bérubé: Vous avez raison. C'est pour cette raison qu'on pourrait, dans l'esprit de ce que vous dites, partir de l'article 14 de l'ancienne loi de REXFOR et l'amender ou la réécrire d'une façon qui le rapproche de l'article 105. Essentiellement, ce que vous semblez désirer, c'est que les membres du conseil d'administration de la société exerçant leur fonction à temps plein et les fonctionnaires ou employés de la société ne puissent, sous peine de déchéance de leur charge, avoir un intérêt direct ou indirect.

M. Giasson: D'accord, cela m'irait.

M. Bérubé: Je pense que c'est en ce sens-là.

M. Giasson: Cette formulation-là, oui.

M. Brochu: Cela rejoint l'esprit de ce qui a été discuté.

M. Bérubé: Oui.

M. Giasson: Oui. (12 heures)

M. Bérubé: Si nous sommes d'accord, M. le Président, on pourrait peut-être demander aux

juristes du gouvernement, à la lumière de ce qu'on vient de dire, de nous formuler un article qui répondrait essentiellement à notre objectif, c'est-à-dire que les membres du conseil d'administration employés à temps plein et tout autre fonctionnaire de la société ne peuvent pas avoir de conflit d'intérêts; on ajouterait — c'est à ce moment l'article 14 de la loi 105 — un deuxième alinéa: "Tout autre membre du conseil d'administration ayant un intérêt dans une entreprise, doit, sous peine de déchéance de sa charge, le révéler par écrit au président et s'abstenir de participer à toute délibération", c'est le deuxième point qu'a soulevé le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: C'est ça.

M. Bérubé: Si on avait un article structuré de cette façon, on répondrait à votre préoccupation et moi ça réglerait mes problèmes de nomination au concours.

M. Giasson: Oui et je préférerais de beaucoup cette modification, plutôt que d'abroger en totalité l'article 14 qui traitait des conflits d'intérêts.

M. Bérubé: Je serais, personnellement, entièrement d'accord, je ne sais pas si les membres...

M. Giasson: Parce que le problème, au fond, que vous voulez prévoir, ce serait le cas d'administrateurs qui ne seraient pas à temps plein ou permanents, qui viennent d'autres entreprises, qui n'ont pas coupé totalement, de façon complète, avec ces entreprises quelles qu'elles soient et qui viennent apporter leur connaissance à l'administration.

M. Bérubé: Qui sont prêtés.

M. Giasson: C'est là qu'il y aurait un danger de conflit d'intérêts qui pourrait empêcher parfois de faire appel à ces personnes.

M. Bérubé: Oui, exactement.

Le Président (M. Boucher): Si j'ai bien compris, M. le ministre, vous suggérez de retirer l'article 6 tel que rédigé actuellement...

M. Bérubé: Ou de le garder en... Est-il possible, M. le Président de...

M. Giasson: On pourrait le suspendre.

M. Bérubé: ... le garder en suspens, ce qui nous permettrait de soumettre aux légistes du gouvernement...

Le Président (M. Boucher): Un nouvel article 6.

M. Giasson: C'est ça, oui.

M. Bérubé: Au moins les réflexions que nous avons tous émises lors de cette discussion, de manière à ce qu'eux nous rédigent un article qui tienne compte du consensus.

Le Président (M. Doucher): Nous suspendons l'article 6. Article 7. M. le ministre.

Responsabilité du président

M. Bérubé: L'article 15 de la loi: "Le président et le vice-président doivent s'occuper exclusivement du travail de la société et des devoirs de leur fonction."

Il m'apparaît que c'est d'abord exiger de la part du conseil d'administration l'évidence même. Un conseil d'administration qui engagerait un président de société à temps partiel — si cette société a beaucoup de travail — ça m'apparaît un peu aberrant. Par conséquent, il faut reconnaître au conseil d'administration le pouvoir de décider des termes du contrat, d'autant plus qu'on soulignait pourquoi le vice-président, s'il y avait plusieurs vice-présidents — parce que très souvent on peut avoir le vice-président aux ventes, le vice-président aux opérations — par conséquent on se rend compte à nouveau que le vice-président n'était pas inclus.

Il m'apparaît plus simple de laisser au conseil d'administration le soin de définir — c'est dans l'esprit même — les termes du contrat. Lorsqu'on engage quelqu'un et qu'on lui paie un salaire suffisamment élevé, à ce moment je pense qu'on exige qu'il consacre tout son temps à la société en question.

Evidemment, dans le cas d'une très petite société, on aurait peut-être pu imaginer quelqu'un qui aurait fait ce travail à temps partiel, mais je ne vois vraiment pas pourquoi on a mis l'article 15 au départ. C'est pour cette raison, étant donné que l'article 15 lui-même n'a pas tellement de sens, que nous avons pensé ajouter un article qui, lui, est quand même plein de sens et qui dit: "Le président de la société, qui peut être aussi président du conseil d'administration, est responsable de l'administration et de la direction de la société dans le cadre de ses règlements." En d'autres termes, nous définissons par cet article, un président de la société qui doit diriger l'entreprise. Il faut donc qu'il y ait un président-directeur général, mais en même temps, nous soulignons qu'il est possible d'avoir un président du conseil d'administration distinct. Personnellement, j'ai l'intention de faire en sorte que nous ayons un président du conseil d'administration distinct. Je ne veux pas, cependant, imposer, à un gouvernement ultérieur, l'obligation de suivre et, par conséquent, il s'agit là d'un article qui rend possible la distinction des deux rôles, mais qui ne les rend pas obligatoires.

Je n'aime pas les carcans trop serrés qui font qu'à un moment donné, un gouvernement pense qu'on aurait dû modifier... à titre d'exemple: l'entreprise va très mal, on décide de mettre le conseil d'administration à la porte, on se choisit un homme fort et à ce moment, on lui donne le

mandat, avec trois ou quatre conseillers, de vraiment secouer la boîte et par conséquent, il ne s'agit pas, à ce moment, d'augmenter les contrôles sur cet individu, mais au contraire, de lui donner les coudées franches.

Dans une opération comme celle-là, évidemment, cela serait peut-être utile pour le gouvernement d'avoir un président de société qui est en même temps président du conseil, qui, en fait, mène la boîte. C'est une opération de salut public.

Donc, pour garder la liberté, il s'agit ici de dire simplement peu, mais en même temps, il est important de souligner qu'on peut avoir un président du conseil distinct de la présidence de société.

M. Giasson: M. le Président, je souscris à l'objectif que vient d'énoncer le ministre. C'est une question de plus grande souplesse que de ne pas lier automatiquement, dans sa fonction et son rôle le président de la société avec la présidence du conseil de l'administration. Mais éventuellement, dans le réaménagement qui va se faire dans l'équipe d'administrateurs, est-ce que le ministre est en mesure de nous indiquer qui va être cet homme qui va accéder à la présidence, puisque la rumeur veut que M. Côté laisse sa fonction pour occuper d'autres responsabilités?

M. Bérubé: Laissons courir les rumeurs.

M. Giasson: Ah bon! Je n'ai pas d'autres commentaires à faire, M. le Président. Je n'ai pas d'objection à la formulation.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Richmond. Est-ce que l'article 7 est adopté?

M. Bérubé: Adopté.

Le Président (M. Boucher): Adopté, l'article 8. Rémunération

M. Bérubé: L'article 16 est abrogé. Le secrétaire et les employés de la société qui ne sont pas régis par une convention collective de travail sont rémunérés suivant les normes et les barèmes établis par règlement de la société approuvé par le lieutenant-gouverneur en conseil. "Pourquoi? Tout simplement, que nous estimons qu'il appartient à la société de décider de ses politiques de rémunération. Plus on augmente les contrôles gouvernementaux, plus on doit assumer une responsabilité directe dans les échecs d'une société d'Etat. Il convient de dire que la société qui est sur le marché du travail concurrence d'autres sociétés dans le même secteur pour aller se chercher les cadres les plus compétents, les plus experts dans leur domaine et cela peut les amener à payer des salaires qui sont très élevés par rapport aux salaires de la fonction publique.

Il est toujours difficile pour un gouvernement d'approuver de telles dérogations, dans la mesure où, pour des raisons politiques, il peut défendre une certaine thèse valable au niveau de la fonction publique et des salaires qu'on doive payer dans ce domaine, mais qu'à ce moment, entérinant une décision d'un conseil d'administration qui paie des salaires qui dépassent de beaucoup ce que lui-même est prêt à payer comme gouvernement à ses propres cadres, qu'il se place dans une situation un peu délicate, et l'on constate que les décisions sont alors très longues, très lentes, que le gouvernement tarde à prendre une décision, demande des réexamens et finalement, nous compliquons inutilement le rôle de nos sociétés d'Etat.

Nos sociétés d'Etat doivent-elles être rentables? Nos sociétés d'Etat doivent-elles accomplir avec succès le mandat que nous leur avons donné? En ce cas, jugeons-les sur les résultats obtenus et n'essayons pas continuellement de vouloir avoir le nez au-dessus de leur épaule, à surveiller chacune de leurs décisions. C'est donc dans cet esprit qui veut que, d'une part, on donne le plus d'autonomie possible de gestion à nos sociétés d'Etat, mais que d'autre part — et nous le verrons plus loin — nous exercions un contrôle beaucoup plus suivi sur les développements qui ont cours dans la société et sur les projets de développement.

M. Giasson: M. le Président, est-ce que le ministre pourrait nous dire si REXFOR a beaucoup d'employés qui ne sont pas couverts par les dispositions d'une convention de travail?

M. Bérubé: Je ne pourrais pas vous dire s'il y en a beaucoup, mais tous les cadres ne sont pas...

M. Giasson: Et présentement, la rémunération des cadres était toujours approuvée par le lieutenant-gouverneur en conseil?

M. Bérubé: Le lieutenant-gouverneur en conseil, oui... est-ce qu'il appartient par...

M. Giasson: Cette rémunération a été établie sur quelle base? Il doit, tout de même, avoir des points de référence pour déterminer la rémunération des cadres dans cette décision du Conseil des ministres?

M. Bérubé: II n'y a pas de critères. On peut avoir des...

M. Giasson: C'est tiré au pif, comme on dit?

M. Bérubé: Presque, oui. Il n'y a pas tellement de critères.

M. Giasson: Est-ce qu'il n'existerait pas une politique interne de rémunération des cadres qui permettrait, par exemple, au Conseil des ministres, lorsqu'il s'agit de cadres d'une société d'Etat, de déterminer les conditions de rémunération à partir de situations existantes à l'intérieur de la fonction publique elle-même?

M. Bérubé: C'est très relatif. Dans certains cas, les gouvernements antérieurs et actuels ont

dû être amenés à payer au président un très fort salaire pour tenter d'attirer une personne de grande compétence. A partir du moment où le président est bien payé, il est évidemment plus facile d'approuver des rémunérations de cadres qui se présentent sous forme de rapport ou de ratio par rapport au salaire du président. Donc, cela devient plus facile; c'est généralement la façon de le faire. Il n'y a pas vraiment de...

M. Giasson: En pratique, c'était la direction de REXFOR qui proposait au lieutenant-gouverneur les barèmes de rémunération qui étaient revisés...

M. Bérubé: Cela se retrouvait au Conseil du trésor qui se mettait à comparer les salaires payés à tel ingénieur forestier, un cadre avec tel ingénieur forestier payé au ministère des Terres et Forêts et pouvait trouver que c'était trop payé, par exemple. On écrivait à nouveau à la société en lui disant: Cela ne se compare peut-être pas vraiment avec les salaires payés à la fonction publique. Néanmoins, cela crée des problèmes de relations personnelles souvent assez désagréables au sein de la société, mais il était tout à fait possible que cet ingénieur forestier soit une personne de très grande qualité et que la société REXFOR désire se l'attacher d'une façon solide pour ne pas le perdre au profit d'un concurrent qui a peut-être les yeux dessus.

Par conséquent, appartient-il vraiment au Conseil du trésor de décider si oui ou non on le paie trop cher? Il appartient au Conseil du trésor de décider si oui ou non la société fait des profits justifiés compte tenu des investissements. Il n'appartient pas au Conseil du trésor de décider si les cadres sont trop payés ou pas assez payés ou si telle dépense est justifiée ou ne l'est pas. On doit juger des résultats, on ne doit pas juger des décisions qui amènent nos résultats. Cela m'apparaît important de défendre cette autonomie.

M. Giasson: Tout de même, on constate que par l'abrogation complète de l'article 16, la rémunération des cadres à la société sera la décision et le choix de la direction et du conseil d'administration.

M. Bérubé: Oui.

M. Giasson: C'est-à-dire que la direction va sans doute proposer à l'administration qui, elle, va trancher, comme le disait le Conseil du trésor, sur des propositions venant de la société traditionnellement.

M. Bérubé: Exactement. Le conseil d'administration va jouer le rôle du Conseil du trésor.

M. Giasson: Ce sera sans doute fait en fonction des résultats d'exploitation et du rendement de l'équipe des cadres; cela ne veut pas dire que ça pourra se comparer avec une autre échelle de rémunération pour des fonctions semblables à d'autres postes, soit aux Terres et Forêts ou dans d'autres sociétés.

M. Bérubé: On pourra avoir une clause de participation aux profits chez les cadres, ce qui est une approche, en général, extrêmement intéressante, une participation aux profits en fonction de la réalisation des objectifs que chaque cadre s'assigne ou se voit assigné par la société. C'est une approche qui est courante dans beaucoup d'entreprises et qui amène des performances souvent étonnantes de la part des cadres administrateurs. Je laisse évidemment au conseil d'administration le soin de décider de la formule, mais je suis convaincu que si nous devions amener au Conseil du trésor une proposition à l'effet que les cadres soient payés en fonction des profits, je ne suis pas convaincu que ça cadrerait tellement avec les préoccupations du Conseil du trésor.

Le Président (M. Boucher): L'article 8 est-il adopté?

M. Giasson: Adopté. Le Président (M. Boucher): L'article 9. Accords

M. Bérubé: L'article 9 de ladite loi est modifié par l'addition, après le paragraphe c), du suivant: Conclure des accords avec toute personne ainsi qu'avec tout organisme privé ou public, en vue de stimuler l'implantation et le développement de l'industrie forestière ainsi que la création d'emplois nouveaux. (12 h 15)

En fait, lorsqu'on lit les objectifs consignés originairement dans la loi, on constate que la société pouvait, avec l'approbation du ministre des Terres et Forêts, conclure des accords avec toute personne ainsi qu'avec tout organisme public ou privé en vue de contribuer à l'approvisi-sionnement des industries forestières en matières premières et à la stabilisation de ces industries; conclure des accords avec toute personne ou tout organisme public ou privé pour la coupe, l'écorça-ge et le sciage, l'usinage et la vente du bois et du produit; conclure des accords avec toute personne ou tout organisme public ou privé en vue de valoriser et de protéger les forêts et terrains visés au paragraphe b) de l'article 3."

Or, il s'est avéré que, graduellement, REXFOR a pris des orientations carrément industrielles. Le pur aspect de foresterie s'est vu complété par une implication de REXFOR au niveau de plusieurs projets industriels. On peut penser à Cabano, on peut penser au projet de la vallée de la Matapédia, on peut penser au projet de la scierie des Outardes, Béarn, Taschereau et, éventuellement, on en vient à se demander si c'était véritablement l'intention du législateur puisque nulle part le législateur n'avait pris la peine d'indiquer que REXFOR pouvait s'engager dans des projets carrément industriels.

Par conséquent, nous ajoutons cet article qui indique que c'était l'intention du législateur qu'il ne puisse s'engager dans ces domaines.

M. Giasson: Est-ce à dire que certaines décisions et certains gestes posés par REXFOR, dans le passé, à la demande du gouvernement du temps, dans la plupart des cas, dépassaient, outrepassaient les pouvoirs que la loi constituante de la société lui avait accordés?

M. Bérubé: Pas vraiment.

M. Giasson: Non, parce que si on prend l'article 19, alinéa a), cela donne une marge de manoeuvre qui n'est pas précisée de façon aussi complète que l'addition de l'alinéa d) qu'on apporte à l'article 9.

M. Bérubé: A titre d'exemple, "conclure des accords avec toute personne en vue de contribuer à la stabilisation de ces industries". Si on prenait l'alinéa a), strictement, cela voudrait dire que REXFOR ne pourrait pas s'engager dans un nouveau projet dans le secteur forestier. On pourrait stabiliser les usines existantes et on pourrait invoquer que ce fut le cas de Béarn, Taschereau, Richardson, mais cela n'était certainement pas le cas avec la scierie des Outardes: on ne stabilisait pas une industrie existante.

Cependant, vous pourriez dire, à ce moment, que l'article b)...

M. Giasson: b) vient toucher un petit peu.

M. Bérubé: Effectivement, en jouant sur les mots, il y avait peut-être toujours moyen de justifier l'action de REXFOR.

M. Giasson: Oui, les Outardes s'est fait en vertu des pouvoirs accordés par b). "Conclure des accords avec toute personne ou avec tout organisme public ou privé..." ce qui s'est produit pour la coupe, l'écorçage, le sciage, l'outillage, l'usinage ou la vente du bois et des produits du bois. Ce sont là les pouvoirs qui permettaient l'opération des Outardes.

M. Bérubé: Sauf qu'il indiquait peut-être moins clairement que REXFOR pouvait, effectivement, avoir un mandat. On a parfois remis en cause ce mandat industriel de REXFOR et suggéré que REXFOR se cantonne purement et simplement à la foresterie. Le présent article permet, tout simplement, d'indiquer clairement que REXFOR a également un mandat, une vocation dans le secteur du développement industriel.

M. Giasson: Mais à la connaissance du ministre, est-ce qu'il est possible que, dans le passé, se soient présentés des cas où REXFOR n'aurait pu intervenir à cause des dispositions de l'article 19, qui était assez limitatif, même s'il attribue des pouvoirs ou des objectifs que peut atteindre REXFOR, est-ce qu'il s'est produit, à la connaissance du ministre, des situations où on aurait souhaité l'intervention de REXFOR et que la société n'ait pu intervenir, à cause d'un champ d'action qui est trop limité?

M. Bérubé: Je ne pense pas, parce que tel que rédigé, en termes suffisamment vagues, je pense que l'on pouvait, à peu près toujours, jouer sur les mots. Ce que nous faisons maintenant, c'est que — à la suggestion, d'ailleurs, du conseil d'administration de REXFOR nous précisons clairement un mandat qu'il se sente appelé à remplir et qu'il estime n'avoir pas été défini de façon suffisamment explicite dans la loi pour se sentir continuellement protégé par la loi. C'est tout. Cela ne fait aucun doute qu'ils avaient déjà le droit de conclure des accords, en vue de l'usinage du bois. Evidemment, c'est tellement vague que ça...

M. Giasson: M. le Président, je suis prêt à adopter l'article 9.

Le Président (M. Boucher): Adopté. Article 10.

M. Bérubé: "Ladite loi est modifiée par l'insertion, après l'article 19, du suivant: "Le ministre des Terres et Forêts peut, dans le cadre des responsabilités et pouvoirs qui lui sont confiés, émettre des...

M. Giasson: M. le Président. Excusez, M. le ministre. Dans les objets de la société, à l'article 3c, on prévoyait à peu près les mêmes objectifs que ceux qu'on vient d'adopter à l'article 9d. Les objectifs étaient de stimuler l'implantation et le développement de l'industrie forestière, ainsi que la création d'emplois nouveaux.

M. Bérubé: Oui, on...

M. Giasson: II y a un peu de similitude.

M. Bérubé: ... lui donnait un objectif, mais on ne lui permettait pas strictement de signer des accords en vue de réaliser cet objectif.

M. Giasson: II y avait la partie des accords.

M. Bérubé: Le problème était qu'effectivement le législateur lui avait donné un objectif, mais lorsqu'on a défini les domaines dans lesquels il pouvait signer des accords de développement, on avait spécifié clairement la foresterie, le soutien de l'industrie existante, mais on n'avait pas indiqué qu'il pouvait signer des accords en vue de développement de nouvelles industries dans le secteur forestier. La société l'a néanmoins fait en jouant...

M. Giasson: D'accord, M. le ministre.

Le Président (M. Boucher): D'accord? Alors, on revient à l'article 10.

Objectifs et orientation

M. Bérubé: "Le ministre des Terres et Forêts peut, dans le cadre des responsabilités et pouvoirs

qui lui sont confiés, émettre des directives portant sur les objectifs et l'orientation de la société dans l'exécution des fonctions qui lui sont confiées par la loi. "Ces directives doivent être soumises au lieutenant-gouverneur en conseil pour approbation. Si elles sont ainsi approuvées, elles lient la société qui est tenue de s'y conformer. "Toute directive émise en vertu du présent article doit être déposée devant l'Assemblée nationale, si elle est en session, dans les quinze jours de son approbation par le lieutenant-gouverneur en conseil. Si la directive est émise alors que l'Assemblée nationale ne siège pas, la directive doit être déposée devant elle dans les quinze jours de l'ouverture de la session suivante ou, suivant le cas, dans les quinze jours de la reprise de ses travaux".

Il s'agit là d'un article qui, je pense, a été inscrit pour la première fois pour la Loi de SOQUIA, à la toute fin du régime antérieur. A la suite d'une longue discussion portant sur les sociétés d'Etat et après une analyse en compagnie des divers présidents des sociétés d'Etat, nous avons dû constater qu'un des principaux problèmes rencontrés par nos sociétés d'Etat demeurait cette absence de volonté politique. On ignorait, en fait, ce que l'actionnaire voulait. Par conséquent, les sociétés d'Etat, à leur origine, étaient souvent bien encadrées mais, quelques années plus tard, pouvaient prendre à peu près n'importe quelle direction. Une caractéristique m'avait frappé, lors de la nomination d'un nouveau président de la société d'Etat que nous avions été chercher dans l'entreprise privée. Le président de la société d'Etat m'avait demandé quelle était la fréquence de la présentation des rapports à l'actionnaire. Je devais lui dire qu'il y avait un rapport annuel qui devait être présenté à l'actionnaire. Il en était tout surpris parce que, dans l'entreprise privée, très fréquemment, l'actionnaire majoritaire exige un rapport au moins trimestriel de l'état d'avancement et demande de suivre de très près le déroulement des activités de la société. En fait, on devait constater que nos sociétés d'Etat sont suivies de beaucoup moins près que l'entreprise privée.

Donc, cet article vise à essayer de corriger ça en obligeant le gouvernement à définir ce qu'il veut pour sa société d'Etat et finalement à suivre le fonctionnement de nos sociétés d'Etat.

M. Giasson: M. le Président, il est assez évident que le libellé de l'article 19a met les pouvoirs de gérance entre les mains du ministre d'une certaine manière. Le ministre peut intervenir et donner la directive à la société publique d'entreprendre telle activité dans tel champ ou tel secteur d'activité forestière, même si ce n'était pas dans les prévisions du conseil d'administration pour une année donnée.

M. Bérubé: Sur les objectifs et orientations.

M. Giasson: Oui, les objectifs et les orientations, mais les objectifs, à un moment donné, si la volonté politique du gouvernement est dans le sens qu'un objectif nouveau, voulu et vu par le conseil d'administration... si cette volonté politique se traduit par une décision du ministre d'indiquer au conseil d'administration que tel objectif qui n'était pas un sujet de préoccupation pour les administrateurs est une volonté politique devant être atteinte, à ce moment-là, le conseil d'administration n'aurait pas le choix; il serait obligé d'aller dans le sens de l'objectif poursuivi par la volonté politique.

M. Bérubé: C'est parfaitement exact.

M. Giasson: Vous croyez que c'était vraiment nécessaire d'ajouter cet article à la loi constituante de la société forestière?

M. Bérubé: Je pense qu'on a récemment assisté à un débat sur la performance des sociétés d'Etat. Si le gouvernement n'inscrit pas dans une loi son pouvoir de directives, le seul pouvoir qu'il lui reste, c'est l'expulsion d'un conseil d'administration et son remplacement, généralement en payant les compensations aux administrateurs déplacés. Par conséquent, le pouvoir de l'Etat est relativement limité. Avec le présent article, d'une part on a donné beaucoup plus d'autonomie à la société d'Etat, mais, d'autre part, plus cette société est libre de prendre des décisions sans interférence, plus il faut s'assurer qu'en tant que mandataire de l'Etat, la société remplisse les objectifs que l'Etat se fixe.

Il est donc possible que l'Etat puisse vouloir augmenter le nombre d'industries papetières au Québec et qu'on fixe comme objectif à la société d'implanter au Québec des industries, des usines de fabrication de papier journal, par exemple... soyons plus générai, disons des industries de la transformation de la forêt. Voici un objectif qu'on pourrait, à un moment donné, définir et imposer à la société. La société doit, à ce moment-là, examiner les possibilités qui s'offrent à elle et faire rapport au gouvernement, par son plan de développement, de l'analyse qu'elle a faite de l'objectif que lui a fourni le gouvernement et lui dire si oui ou non c'est économiquement rentable, si c'est faisable et dans quelles conditions, qu'est-ce que le gouvernement devra réaliser comme conditions pour atteindre son objectif.

Il ne fait pas de doute, cependant, que, normalement, les relations sont suffisamment étroites entre un gouvernement et une société d'Etat pour qu'un gouvernement qui voudrait imposer une directive puisse le faire puisque, finalement, on s'appelle... Cependant, ce n'est pas public. Très fréquemment, le lieutenant-gouverneur en conseil est mis devant un état de fait puisque presque toutes les tractations ont été faites entre le ministre et la société d'Etat. Il nous apparaissait donc important que beaucoup de ces décisions qui, normalement, ne passent peut-être pas devant le Conseil des ministres, maintenant y passent. C'est-à-dire que toute directive émise par le ministre doit, à ce moment-là, être approuvée par le Conseil des ministres et doit être déposée à

l'Assemblée nationale et peut donc faire l'objet d'un débat. Cela va peut-être éliminer les pressions politiques camouflées auxquelles des présidents de sociétés d'Etat ont peut-être été soumis dans le passé et qu'ils n'ont pas voulu révéler au public par intégrité intellectuelle et par dévouement à la cause de leur société et de l'Etat. Je pense que nous allons, de cette façon, rendre publiques de telles directives d'une part et d'autre part, je pense que nous allons — puisque c'est maintenant inscrit dans la loi — obliger le ministère à définir quels sont les objectifs et les orientations qu'il attend pour la société, ce qui ne se faisait pas dans le passé.

Il faut quand même dire que la société d'Etat, généralement, est l'instrument un peu privilégié que se donne un gouvernement pour réaliser ses politiques. Les politiques de l'Etat peuvent porter tant sur la réglementation, tant sur la fiscalité, tant sur des incitations à l'entreprise privée de réaliser certaines choses, mais, parfois, il peut s'avérer nécessaire d'intervenir directement. Il ne fait aucun doute présentement que, dans le cas de l'amiante, l'intervention directe apporte des changements à la situation de la transformation de l'amiante au Québec qui, sans cette intervention directe, ne se seraient pas produits. (12 h 30)

M. Giasson: M. le Président, je n'ai pas eu l'occasion d'assister à la commission parlementaire qui a travaillé sur le projet de loi touchant Marine Industrie, mais il n'avait pas été question de pouvoirs à peu près similaires au... c'était la loi touchant à Marine Industrie ou SGF; je ne me souviens pas.

M. Bérubé: C'est la SGF, mais évidemment, c'était pour couvrir le déficit de Marine.

M. Giasson: C'était pour couvrir le déficit de Marine sur la construction des bateaux invendus. Mais on demandait également du capital-action additionnel, au besoin, de couvrir le déficit de la construction de ces navires. C'est à ce moment, qu'il avait été accepté qu'avant que la SGF plonge ou prenne des décisions, s'oriente dans des investissements fort importants, qu'il fallait que le ministre de l'Industrie et du Commerce en fasse part à l'Assemblée nationale avant d'appliquer les crédits qui étaient votés par la loi, c'est-à-dire l'augmentation du capital-action, je pense, par cette loi. Est-ce que c'étaient des dispositions similaires à celles qu'on ajoute à la loi de REXFOR par diverses formes?

M. Bérubé: Je ne vous cacherai pas que nous appliquons ces dispositions présentement à toutes les sociétés d'Etat, chaque fois que nous rouvrons les lois. J'ai l'intention de rouvrir la Loi de SOQUEM, mais nous appliquerons également cette disposition, de manière qu'éventuellement, toutes les sociétés d'Etat soient régies essentiellement par les mêmes dispositions, réglementations et pouvoirs.

M. Giasson: Mais la reprise du...

Le Président (M. Boucher): Messieurs, nous sommes à l'heure de l'ajournement. Nous reviendrons cet après-midi probablement, mais pour le moment, je dois ajourner sine die.

Fin de la séance à 12 h 32

Reprise de la séance à 15 h 46

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente des terres et forêts est réunie pour étudier le projet de loi 97, Loi modifiant la Loi de la société de récupération, d'exploitation et de développement forestiers du Québec.

Les membres de la commission sont M. Bérubé (Matane); M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata) qui remplace M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Desbiens (Dubuc), M. Giasson (Montmagny-L'Islet), M. Jolivet (Laviolette); M. O'Gallagher (Robert Baldwin) qui remplace M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue), M. Marquis (Matapédia), M. Perron (Duplessis), M. Roy (Beauce-Sud); M. Brochu (Richmond) remplace M. Russel (Brome-Missisquoi).

Les intervenants sont M. Baril (Arthabaska), M. Lamontagne (Roberval), M. Léger (Lafontaine), M. Marcoux (Rimouski), M. Mercier (Berthier), M. Samson (Rouyn-Noranda).

Nous en étions à l'étude de l'article 10. M. le député de Montmagny-L'Islet, vous aviez demandé la parole.

M. Giasson: Merci, M. le Président. Par l'article 10, on continue d'introduire petit à petit des clauses de directives dans les lois touchant les sociétés de la Couronne, les sociétés d'Etat; le ministre l'a signalé. J'accepte assez bien le principe qu'au moment où des directives sont données à une société d'Etat, REXFOR en l'occurrence, le ministre doive les déposer devant l'Assemblée nationale. Mais il m'apparaît qu'il serait également utile d'y ajouter une dimension. L'article tel que rédigé parle de dépôt devant l'Assemblée nationale, mais je soutiendrais fort bien que cela puisse être, soit devant l'Assemblée nationale ou devant la commission parlementaire des terres et forêts et des richesses naturelles afin qu'il soit possible aux élus du peuple, à ceux qui ont le mandat de participer à l'application et à la surveillance de l'application des lois, de discuter et de faire connaître leur opinion lorsque de telles directives pourront être émises par les ministres responsables de certaines sociétés.

Dans ce contexte, je voudrais formuler un amendement à l'article 19a tel que rédigé, en ajoutant au quatrième paragraphe, à la deuxième ligne, après le mot "déposer", les mots "et dis-

cuter". Ajouter également au quatrième paragraphe, à la deuxième ligne, après "Assemblée nationale", les mots "ou sa commission permanente des richesses naturelles et des terres et forêts", afin qu'il soit possible, au-delà du dépôt devant l'Assemblée nationale, d'avoir un dépôt devant la commission concernée des richesses naturelles et des terres et forêts. Que ce ne soit pas uniquement limité à un dépôt, mais que l'ensemble des députés membres de cette commission aient l'occasion de discuter du bien-fondé des directives et d'obtenir des informations additionnelles. Cela ne modifie pas en profondeur, cela ne change pas le principe; c'est de permettre aux députés membres de la commission parlementaire...

M. Bérubé: Mais est-ce que la commission peut siéger sans un ordre de la Chambre? Ce qui m'apparaît dans votre proposition, c'est que, par cet article de loi, on pourrait forcer la commission à siéger, sans qu'elle ait eu un ordre de la Chambre.

M. Giasson: Si l'Assemblée nationale siège, il est fort loisible à l'Assemblée nationale de permettre que la commission siège. Si la directive était donnée au moment où l'Assemblée nationale ne siège pas, il faudrait attendre un ordre de la Chambre, lorsqu'elle reprendrait ses travaux, à savoir faire siéger la commission parlementaire permanente. C'est le même phénomène qui va jouer vis-à-vis de l'Assemblée nationale. Si elle siège, le ministre dépose des directives; si elle ne siège pas, il attend la reprise des travaux à l'Assemblée, avant de déposer ses directives. Cela ne pose pas un problème majeur, par rapport au texte que nous fournit le ministre, à l'article 19a.

Le Président (M. Boucher): L'article 10 du député de Montmagny-L'Islet est à l'effet d'ajouter au quatrième paragraphe, à la ligne 2, après le mot "déposée", "et discutée", ajouter au quatrième paragraphe, à la ligne 2, après "nationale", les mots "ou sa commission permanente des richesses naturelles et terres et forêts". M. le député de Montmagny-L'Islet, il y aurait peut-être lieu de corriger "la commission permanente des richesses naturelles et terres et forêts" qui sont deux commissions distinctes.

M. Giasson: On pourrait limiter cela à la commission permanente des terres et forêts, puisqu'il s'agit d'une société d'Etat, à caractère hautement forestier, ou sa commission permanente, rayons "des richesses naturelles"...

Le Président (M. Boucher): On raie "des richesses naturelles"...

M. Giasson: ... commission permanente des terres et forêts.

Le Président (M. Boucher): L'article se lirait ainsi: "Ladite loi est modifiée par l'insertion, après l'article 19, du suivant: "19a. Le ministre des Terres et Forêts peut, dans le cadre des responsabilités ou pouvoirs qui lui sont confiés, émettre des directives portant sur les objectifs et l'orientation de la société dans l'exécution des fonctions qui lui sont confiées par la loi. "Ces directives doivent être soumises au lieutenant-gouverneur en conseil, pour approbation. Si elles sont ainsi approuvées, elles lient la société qui est tenue de s'y conformer. "Toute directive émise en vertu du présent article doit être déposée et discutée devant l'Assemblée nationale ou sa commission permanente des richesses naturelles... "

M. Giasson: Pas des richesses naturelles, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Alors l'expression "les richesses naturelles" disparaît. "... ou sa commission permanente des terres et forêts, si elle est en session, dans les quinze jours de son approbation, par le lieutenant-gouverneur en conseil. "Si la directive est émise alors que l'Assemblée nationale ne siège pas, la directive doit être déposée devant elle dans les quinze jours de l'ouverture de la session suivante ou, suivant le cas, dans les quinze jours de la reprise de ses travaux".

M. Jolivet: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: ... sur l'amendement proposé, d'abord si on le retenait, il faudrait qu'il y ait concordance avec le deuxième membre du paragraphe, parce qu'en session, elle est déposée et discutée devant l'Assemblée nationale ou la commission parlementaire et si elle est émise alors que l'Assemblée nationale ne siège pas, la directive doit être déposée et discutée dans les quinze jours, en fait, je pense que si on retenait... Mais comme, quant à moi, je ne vois pas l'utilité d'insérer dans une loi comme celle-là cette obligation qui, normalement, revient au leader de la Chambre, à déterminer sur quoi siègent les commissions parlementaires ou sur des motions faites à l'Assemblée nationale, acceptées par l'ensemble de l'Assemblée nationale, des avis qui sont donnés pour discuter de tel et tel sujet, soit à l'Assemblée nationale, soit à la commission parlementaire.

Au niveau des règlements prévus, si le leader n'accepte pas une telle décision, des motions non annoncées ou des motions de la part des membres de l'Assemblée. Dans ce contexte-là, je ne vois pas comment une loi — si on acceptait cela pour une loi telle qu'elle est actuellement — il faudrait l'accepter pour l'ensemble de toute autre loi puisque c'est un principe de fond que vous voulez en fait insérer. Oui, vous faites signe que non, M. le...

M. Giasson: Pas toutes les lois. Les lois qui régissent des sociétés d'Etat, constituant des sociétés d'Etat.

M. Jolivet: Je sais, mais actuellement — c'est ce sur quoi je m'en venais — au niveau de la façon dont vous le présentez, à mon avis, pour le moment, on est en train, au niveau du ministre d'Etat au développement économique, de regarder ce qu'on va faire avec l'ensemble des sociétés d'Etat. Si, dans le futur, il faut en arriver — parce qu'à ce niveau-là, je pense que c'est la motion de l'Union Nationale qui a amené la discussion devant le ministre d'Etat et la commission permanente de l'Assemblée nationale — je ne vois pas comment on pourrait, par la loi actuelle, faire des choses que nous sommes en train de discuter, comment on va regarder les directives — et on parle même de règlements ou encore même les sociétés d'Etat — comment on va regarder tout cela dans le futur, à la suite de l'étude faite par la commission de l'Assemblée nationale sur la question.

Je ne vois pas pourquoi on l'insérerait ici, alors que, d'abord, toutes choses qui sont discutées en commission parlementaire — il y en a qui sont statutaires, elles sont données par le leader, mais d'autres sont facultatives, décidées par le ministre et annoncées par le leader en Chambre — je ne vois pas comment une loi pourrait actuellement obliger le leader à poser tel et tel geste sans qu'il en connaisse toute la portée. Quant à moi, je m'opposerai à une telle insertion.

M. Giasson: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): Je pense qu'on est en train de discuter sur le fond. On a déjà commencé à en discuter. Je reçois cette motion jusqu'à ce que je sois certain que ce que le député de Montmagny-L'Islet veut dire dans sa motion ne va pas à l'encontre des règlements existant pour les commissions parlementaires.

M. Brochu: D'accord. Si vous me permettez d'enchaîner immédiatement sur les propos qui viennent d'être tenus, la question m'intéresse d'une façon particulière puisque je siège à cette sous-commission qui fait actuellement un travail d'évaluation des moyens à fournir à l'Assemblée nationale pour contrôler d'une certaine façon les sociétés d'Etat. Je pense qu'il convient de faire une distinction à la suite des propos qui viennent d'être tenus par le député. Il faut bien se dire que la proposition qui est faite ici est directement reliée aux directives qui portent sur les objectifs et l'orientation de la société qui sont émises par le ministre dans le contexte bien particulier de cette société d'Etat.

Donc, ce que le ministre voit en termes de plans d'action de la société d'Etat en question... Si j'ai bien compris l'esprit de la motion qui nous est présentée, on demande qu'immédiatement cela soit réglé à la commission parlementaire qui a la responsabilité de discuter de l'orientation que le ministre veut donner à sa société d'Etat. C'est une chose, mais l'autre commission parlementaire couvre les cas plus particuliers si, par exemple, il y a un problème qui se pose au niveau du comportement ou de la performance d'une société d'Etat. A ce moment — c'est dans ce sens d'ailleurs que la sous-commission oriente ses travaux — on pourra avoir une commission permanente qui sera celle des sociétés d'Etat et non pas d'une société d'Etat ou d'un ministère en particulier. Cette commission permanente des sociétés d'Etat, elle, pourra convoquer devant sa table la société d'Etat en question qui est impliquée, qui a une performance douteuse ou sur laquelle on se pose des questions. A ce moment, ces gens seront obligés d'ouvrir leurs livres et on pourra discuter avec l'aide technique, le support et le matériel dont les députés autour de la table auront besoin.

Ce sont donc deux choses complètement différentes. L'une ne va pas à l'encontre de l'autre, même si on arrivait aux résultats qu'on souhaite, d'ailleurs, soit la création de cette commission permanente des sociétés d'Etat qui aurait le mandat large de convoquer au besoin devant elle ou selon des termes fixes — les sociétés d'Etat. C'est une chose. A l'intérieur du fonctionnement de chacune des sociétés d'Etat, lorsque le ministre donne des directives, il serait bon que cela passe devant la table de la commission parlementaire attitrée. Ce n'est donc pas un problème qui toucherait à la surveillance des sociétés d'Etat comme telles, mais, à l'orientation que lui donnera le ministre dans un contexte bien donné. Alors, ce serait un tout autre genre de discussion que celle qui voit à la surveillance et aux performances des sociétés d'Etat.

Je voulais établir cette nuance, parce qu'il semblait y avoir une contradiction; le député semblait mettre cela dans le même sac. Mais ce sont deux choses complètement distinctes de ce qu'on a discuté jusqu'à maintenant.

M. Jolivet: Oui, sauf, monsieur...

M. Giasson: Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, M. le Président, nous commençons à introduire graduellement dans les lois constituant nos sociétés d'Etat ou les lois constitutives de nos sociétés d'Etat le principe des directives décrétées par le Conseil des ministres ou par le lieutenant-gouverneur en conseil. Le député de Laviolette a invoqué le fait qu'on ne pouvait pas se permettre de traduire dans les lois de telles volontés à cause du droit qu'a le leader parlementaire de convoquer... Selon le principe ou les déclarations que vient de formuler le député de Richmond, même avec la constitution d'une commission permanente qui ait comme mandat de surveiller toutes les sociétés d'Etat du Québec, il faudra bien qu'un jour ou l'autre le leader du gouvernement accepte, au-delà de son autorité normale ou habituelle, le principe que de temps à autre il devra convoquer la commission permanente qui aura le mandat très large de surveiller toutes les actions de toutes les sociétés d'Etat. Il faudra bien que le leader du

gouvernement l'accepte. A partir du fait qu'on introduit le principe des directives venant d'un ministre, de qui relève les sociétés qui sont en cause, qu'il accepte de convoquer les commissions permanentes.

Si on n'avait pas introduit cette dimension nouvelle des directives venant des ministres, à la rigueur, on aurait pu ne pas oublier les ministres à aviser l'Assemblée nationale des décisions prises par la société. (16 heures)

Mais lorsqu'il s'agit de décisions qui sont, à toutes fins utiles, imposées ou voulues par le ministre lui-même, je crois que ça prend une autre dimension que les simples règles administratives d'une société et que les élus du peuple auraient droit, non seulement de recevoir un rapport, mais de le discuter et de voir les objectifs et les orientations qui sont voulus par un ministre à l'endroit d'une société donnée.

Je ne crois pas que ça brime fondamentalement les droits d'un leader du gouvernement, quel qu'il soit, quel que soit le parti politique qui forme le gouvernement, de permettre à ceux qui ont reçu un mandat de la population d'aller examiner en profondeur, discuter et obtenir des commentaires ou informations additionnelles que pourrait contenir un document tout simplement déposé à l'Assemblée nationale.

Si les sociétés d'Etat doivent continuer à connaître un champ de développement agrandi et recevoir des mandats du gouvernement, il m'apparaît sain pour la démocratie que les députés puissent, en plus de recevoir un rapport ou un dépôt de documents qu'ils ne peuvent même pas commenter, avoir la possibilité de discuter les orientations ou le contenu des directives, si ça va au-delà des orientations ou encore de discuter des objectifs nouveaux qu'un ministre veut bien indiquer à une des sociétés d'Etat.

M. Jolivet: M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: J'ai fait allusion à deux choses; je reviens pour bien expliquer ce que j'ai voulu dire. J'ai parlé des règlements aussi, parce que la discussion est amorcée sur la question de savoir si tous les règlements qui sont présentés dans des projets de loi — parce qu'on dit: A tel article, il y aura tel règlement et que la régie interne sera — à ce moment la discussion à l'Assemblée nationale n'est pas terminée sur la question de savoir s'il y aura, oui ou non, des commissions parlementaires pour étudier les règlements ou si l'Assemblée nationale ne pourrait... Souvent on le demande quand on dit: Déposez votre projet de loi, mais allez-vous avoir les règlements en conséquence pour qu'on puisse discuter en sachant où on va? Pour moi, directives et règlements, au niveau de la discussion par l'Assemblée nationale, c'est la même chose.

Le deuxième point, c'est quand j'ai parlé des sociétés d'Etat. Il est bien d'avoir du député de Richmond qui est au sous-comité, l'orientation qu'on y prend actuellement, mais il n'y a rien qui garantisse que, au bout de la course, c'est ce qui va sortir de la discussion. Il est fort possible qu'au niveau du sous-comité de l'Assemblée nationale formé sur la question des sociétés d'Etat, on en arrive à dire qu'on regardera aussi, non seulement la performance de la société d'Etat, mais aussi autre chose. Donc, je ne présume en rien de ça.

J'aime bien avoir des réunions pour avoir des réunions, mais quitte à bien lire le texte tel quel. On dit: "Toute directive émise en vertu du présent article doit être déposée devant l'Assemblée nationale", mais regardez bien, la directive est déjà acceptée par le lieutenant-gouverneur en conseil. La logique, si vous voulez la discuter, ce serait de la discuter avant qu'elle ne soit adoptée, tandis que là vous en discutez après. Je me dis: Cela sert à quoi? C'est dans ce contexte que je me dis: La question des sociétés d'Etat, indépendamment de ce que dit le député de Richmond, ne pouvant présumer de ce qui sera décidé à la fin, moi j'aime mieux ne pas inscrire dans une telle loi, qui est une loi particulière, des choses qui peuvent être d'ordre général.

C'est dans ce contexte que je me refuse à l'insérer.

M. Brochu: M. le Président, si vous me le permettez. Lorsqu'on discute un projet de loi comme celui-ci on doit quand même, même si on fait référence aux discussions qu'il y a à côté, concernant l'attitude que va prendre le gouvernement sur le contrôle et la gestion des sociétés d'Etat, on doit adopter le projet de loi en ayant, d'accord, à l'esprit les discussions qui sont en cours, mais en ne tenant pas pour acquis que c'est accepté non plus. On ne peut pas légiférer, accepter ou rejeter un amendement sur une hypothèse de travail parallèle qui n'est pas encore acceptée, parce qu'on n'est pas sûr que le gouvernement va faire les derniers pas.

Il a donné l'impression, jusqu'à maintenant, qu'il était intéressé à souscrire à la motion de l'Union Nationale et à établir un certain contrôle, mais si, en fin de course il n'établit pas ce contrôle, ça veut dire que si on rejette, ici, l'amendement qui est proposé, qui permet en quelque sorte un contrôle supplémentaire, simplement sur le fait que peut-être va-t-on accepter une commission permanente qui va avoir droit de regard sur l'ensemble des sociétés d'Etat, je pense qu'on manque le bateau actuellement; on ne peut pas rejeter ou accepter un amendement en se basant sur une hypothèse de travail à côté.

Si je prends le raisonnement à l'inverse, c'est qu'advenant le cas où une telle commission serait créée, où on s'entendrait pour créer une commission permanente de surveillance des sociétés d'Etat et de leur performance, il y aura automatiquement, comme tout cadre législatif, à l'adapter, c'est-à-dire à faire les corrections dans tous les autres projets de loi qui s'y rapportent.

Si jamais on acceptait cette proposition-là et qu'une semblable était contenue dans la définition même d'une loi ou d'un règlement créant cette commission de surveillance, à ce moment-là, celle-ci pourrait devenir caduque suite à l'autre loi qui concerne l'ensemble. Si jamais c'était inclus dans le mandat auquel donnerait lieu la création de cette commission parlementaire permanente, si jamais dans son mandat c'était aussi de discuter de ce qu'il y a ici dans le projet de loi... Je m'excuse...

M. Jolivet: II y a une chose que vous oubliez, une loi ne peut pas rendre caduque une autre partie d'une autre loi. Il faut faire à l'Assemblée nationale un amendement de la loi existante. Ce n'est pas possible qu'une loi rende caduc un autre article de loi.

M. Brochu: C'est-à-dire que vous l'amendez... M. Jolivet: Sauf si une loi...

M. Giasson: Sauf si une loi avait comme fin d'abroger tel article dans d'autres lois.

M. Brochu: C'est cela.

M. Bérubé: En fait, M. le Président, j'ai l'impression qu'on confond un objectif avec une stratégie. L'objectif du présent article est de s'assurer que les directives transmises à une société d'Etat sont de caractère public et que les élus du peuple ont l'occasion d'en prendre connaissance et, s'ils le jugent à propos, de soumettre le gouvernement à un ensemble de questions. C'est l'objectif.

Une stratégie parlementaire porte sur l'utilisation que l'on fait de cette information et le type de débat que l'on entend avoir sur la question. On pourrait tantôt vouloir convoquer l'Assemblée nationale un vendredi matin, pour approfondir; on pourrait y aller d'un mini-débat en fin de soirée, on pourrait y aller d'une discussion lors du débat portant sur les crédits du ministère, on pourrait y aller lors d'un débat entourant un projet de loi du type de celui que nous avons présentement, amendant la loi d'une société d'Etat; donc, il existe plusieurs façons finalement pour l'Assemblée nationale, de décider de la façon dont elle juge bon d'analyser les dossiers.

Imaginons, par exemple, que toutes les sociétés d'Etat soient soumises à la même directive et que nous nous retrouvions en plein budget ou en plein discours inaugural, avec 25 directives arrivant en même temps. Nous serions tenus de convoquer toutes ces commissions parlementaires pour en faire la discussion, ce qui pourrait totalement bloquer le processus parlementaire. On se rend bien compte que la loi ne peut pas venir nous dicter notre façon de travailler à l'Assemblée nationale. L'Assemblée nationale reste maître de l'organisation de ses travaux.

Or, je pense que ce que le député de Montmagny-L'Islet veut faire en introduisant l'amendement qu'il nous propose ici, c'est finalement d'organiser à l'avance en vertu d'une loi, les travaux de l'Assemblée nationale. Personnellement, je pense que ce n'est pas la place.

M. Giasson: M. le Président, je ne recherche aucunement les objectifs que vient de signaler le ministre. Je veux tout simplement — je l'ai indiqué dans mes commentaires du début — permettre à l'ensemble des députés qui sont intéressés à la commission permanente d'un ministère auquel relève une société d'Etat, de pouvoir examiner plus en profondeur la directive et le bien-fondé ou la logique ou les objectifs qui ne seraient pas suivis par le ministre qui pose de telles directives. Dans mon esprit, il n'a jamais été question de vouloir organiser ou diriger les travaux de l'Assemblée par l'inclusion, dans ce texte de loi, d'une capacité qu'aurait la commission parlementaire de pouvoir entendre et discuter sur le contenu ou là-propos de directives qui seraient données par le ministre.

M. Bérubé: Le résultat en serait là néanmoins. Si vous avez un amendement...

M. Giasson: Oui, dans l'hypothèse la plus poussée qu'on puisse concevoir que tous les ministres de qui relèvent des sociétés d'Etat arriveraient au même moment avec un dépôt de directives pendant l'étude des crédits. C'est de prendre cela...

M. Bérubé: Et dans l'hypothèse où l'Opposition n'est jamais de mauvaise foi, ne chercherait pas à bloquer le fonctionnement de l'Assemblée nationale à des fins partisanes...

M. Giasson: Ce n'est pas l'Opposition qui va rendre les directives, c'est le ministre responsable d'une société.

M. Bérubé: L'obligation d'en faire la discussion en commission parlementaire peut totalement bloquer le fonctionnement de l'Assemblée nationale.

M. Desbiens: M. le Président, est-ce qu'il ne faudrait pas ajouter aussi que l'article se lirait: "doit être déposée et doit être discutée"; un dépôt de document à l'Assemblée nationale, selon mes connaissances du règlement, n'entraîne pas une discussion. Un dépôt de document à l'Assemblée nationale, c'est simplement un dépôt, il n'y a pas de discussion sur le sujet.

Le Président (M. Boucher): C'est justement ce sur quoi j'attendais que le député de Montmagny-L'Islet éclaire sa pensée, à savoir si la discussion se faisait au moment du dépôt ou après. Si la discussion devait se faire au moment du dépôt, je n'aurais pas reçu la motion.

M. Brochu: Justement, j'aimerais avoir une précision. L'amendement tel que proposé n'est peut-être pas libellé de façon exacte. Si on respec-

te le sens de l'article comme tel, ne devrait-on pas dire: "Toute directive émise en vertu du présent article doit être déposée devant l'Assemblée nationale et discutée en commission parlementaire", dans une autre étape. De la façon que c'est écrit, je pense que...

M. Giasson: ... rédaction dans le sens...

Le Président (M. Boucher): C'est ce que j'avais compris quand il l'a formulé tout à l'heure.

M. Brochu: II faudrait d'abord corriger l'amendement.

Le Président (M. Boucher): Oui.

M. Giasson: Déposée à l'Assemblée nationale et discutée en commission parlementaire, à la commission permanente des terres et forêts.

Le Président (M. Boucher): Déposée devant l'Assemblée nationale et discutée devant la commission parlementaire des terres et forêts.

M. Giasson: On pourrait plutôt dire: Déposée devant l'Assemblée nationale, si elle est en session... cela va encore compliquer les choses; cela va être moins lourd.

M. Jolivet: M. le Président, on ne l'acceptera pas. Alors cela ne compliquera pas les choses et pour la raison suivante: au niveau de ce qu'il vient de nous dire, cela veut dire que l'Assemblée nationale aura l'obligation — ce sera le leader qui en aura l'obligation — de convoquer une commission parlementaire pour discuter de la directive. Il me semble que ce n'est pas à une loi de venir dire à l'Assemblée nationale comment faire l'ensemble de ses travaux. Ce que le député de Montmagny-L'Islet — et je ne suis pas...

M. Giasson: II y a des lois qui obligent à cela: la Loi de l'administration financière oblige le leader parlementaire à convoquer des commissions pour l'étude des crédits.

M. Jolivet: Oui, mais...

M. Giasson: Ce n'est pas du droit parlementaire nouveau.

M. Jolivet: Ce n'est pas une loi au niveau de l'ensemble des crédits gouvernementaux; c'est une loi sur la société REXFOR. A partir de cela, je ne vois pas comment on pourrait, par une loi sur une société, en arriver à donner des obligations de travail à l'Assemblée nationale. Dans la discussion qui est amorcée — j'y suis sensible au niveau des règlements — à certains égards, on considère qu'on devrait, comme députés, être plus au courant des règlements pour pouvoir en discuter davantage. Cette discussion est amorcée à l'Assemblée nationale. C'est dans ce sens que je disais, tout à l'heure, que ce n'est pas par la loi actuelle qu'on va régler la question des règlements, ou des directives.

Pour revenir à la deuxième partie de l'argumentation du député de Richmond à savoir que le sous-comité sur les sociétés d'Etat, la réglementation qui pourrait y être adoptée pourrait changer la loi actuelle, je dis que par cette loi, on ne devrait pas dire à ce sous-comité de quelle façon il doit procéder; il va le déterminer et si jamais il faut changer la loi à nouveau, on la changera. Ce n'est pas par la loi actuelle qu'on va donner des modes de travail à l'Assemblée nationale. On est prêt pour le vote, M. le ministre.

M. Desbiens: Ce serait en quelque sorte forcer la main au sous-comité de travail, justement, que d'agir dans ce sens.

Le Président (M. Boucher): Est-ce que les membres sont prêts à voter sur l'amendement proposé par le député de Montmagny-L'Islet?

M. Giasson: ... l'amendement.

Le Président (M. Boucher): M. Bérubé (Matane)?

M. Bérubé: Contre.

Le Président (M. Boucher): M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata)?

M. Lévesque: Contre.

Le Président (M. Boucher): M. Desbiens (Dubuc)?

M. Desbiens: Contre.

Le Président (M. Boucher): M. Giasson (Montmagny-L'Islet)?

M. Giasson: Pour.

Le Président (M. Boucher): M. Jolivet (Laviolette)?

M. Jolivet: Contre.

Le Président (M. Boucher): M. O'Gallagher (Robert Baldwin)?

M. O'Gallagher: Pour.

Le Président (M. Boucher): M. Marquis (Matapédia)? M. Perron (Duplessis)? M. Roy (Beauce-Sud)? M. Brochu (Richmond)?

M. Brochu: Pour.

Le Président (M. Boucher): L'amenderne~it est rejeté à 4 contre 3.

L'article 10 est-il adopté?

M. Bérubé: Adopté, M. le Président. (16 h 45)

Le Président (M. Boucher): Article 11. Sommes requises

M. Bérubé: M. le Président, l'article 11 complète l'article 22. Je vais lire l'article 22. L'article 22 porte essentiellement sur les conditions de paiement en capital de la société et permet au ministre des Finances d'avancer les sommes nécessaires aux opérations de la société. L'amendement ici présenté nous a été soumis par la société elle-même qui a dû constater que, par exemple, dans le cas de ses filiales — souvent même à 100%, donc de véritables sociétés filles — le ministre des Finances n'avait pas les mêmes privilèges vis-à-vis des filiales qu'il avait vis-à-vis de la société mère. Par exemple, l'article 22 permettrait désormais de garantir le paiement en capital et intérêts de tout emprunt de la société ou d'une filiale dont elle détient plus de 50% des actions, ainsi que l'exécution de toute obligation de la société ou de toute telle filiale. En d'autres termes, le paragraphe a) qui permettait de garantir les emprunts de la société est remplacé maintenant par un paragraphe qui permet de garantir les emprunts non seulement de la société mais de ses filiales.

Le paragraphe c) se lisait dans l'ancienne loi: "Autoriser le ministre des Finances à avancer à la société tout montant jugé nécessaire pour l'exécution des autres dispositions de la présente loi à un taux d'intérêt pour un laps de temps et aux autres conditions que détermine le lieutenant-gouverneur en conseil." Dans le cas présent, cela se lirait maintenant: "autoriser le ministre des Finances à avancer à la société ou une filiale visée au paragraphe a) tout montant jugé nécessaire pour l'exercice... etc.". En d'autres termes, le ministre des Finances peut avancer des sommes aussi bien à la société mère qu'aux filiales contrôlées par la société.

On remplace également le dernier alinéa: "Les sommes que le gouvernement peut être appelé à payer en vertu de ses garanties... sont prises à même le fonds consolidé du revenu". Je ne vous cacherai pas que je ne me souviens plus pourquoi on l'avait changé. "Les sommes que le gouvernement peut être appelé à payer en vertu de ces garanties ou que le ministre des Finances avance à la société ou à une filiale..." c'est un amendement de concordance, c'est produire la notion de filiale.

En d'autres termes, M. le Président, on a vu des cas — Samoco est un bel exemple, puisque Samoco est à l'honneur aujourd'hui — où le gouvernement était pris pour avancer des sommes à Samoco et la loi ne le lui permettait pas. Nous avons donc dû faire appel à un certain subterfuge qui consiste à avancer les sommes à REXFOR qui, elle, les avance à Samoco, doublant ainsi l'administration et nous amenant à des manoeuvres que l'on pourrait, à tout le moins, qualifier de non-transparentes. Par conséquent, avec un tel amendement, toute filiale contrôlée entièrement par REXFOR pourrait se voir garantir des prêts par le ministre des Finances de la même façon que

REXFOR se les voit garantir présentement par le ministre des Finances.

Une Voix: ...

M. Bérubé: Toutes celles contrôlées à plus de 50% par REXFOR.

M. Giasson: Est-ce que le ministre est absolument certain de cela?

M. Bérubé: Que?

M. Giasson: Toutes celles contrôlées à 50% et plus par REXFOR.

M. Bérubé: Le texte de loi, tel qu'on l'avait prévu...

M. Giasson: La scierie des Outardes, 60% REXFOR, êtes-vous sûr qu'il sera possible au ministre des Finances...

M. Bérubé: Dans le cas de la scierie des Outardes, excusez-moi l'expression anglaise, il s'agit d'un "joint venture".

M. Giasson: II ne s'agit pas d'une société par actions.

M. Bérubé: Non, il s'agit d'un "joint venture". En d'autres termes, les partenaires sont responsables de la part de l'entreprise qu'ils possèdent. Cela permettrait donc au ministre des Finances d'avancer les sommes ou de garantir les emprunts qu'encourt REXFOR sur sa part de propriété.

M. Giasson: Si je comprends bien, la scierie des Outardes n'est pas une société à capital-actions, elle a été créée en vertu du Code civil?

M. Bérubé: Exactement, c'est l'équivalent d'une société au sens de la première partie du code. Ce n'est pas la Loi des compagnies, c'est donc...

M. Giasson: Continuez.

M. Bérubé: Vous avez parfaitement raison, ce n'est pas une compagnie, c'est une société.

M. Giasson: Je suis prêt à l'adopter, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Article 11, adopté. Article 12.

M. Bérubé: M. le Président, c'est en continuité avec ce contrôle que doit exercer le gouvernement sur les sociétés d'Etat et, je pense, non seulement contrôle, mais c'est également dans l'esprit des directives que nous émettons à nos sociétés, qui veulent que ces sociétés sachent où elles vont. Par conséquent, qu'elles soient en mesure en tout temps de dire au gouvernement essentiellement

quelle sera l'expansion prévue au cours des trois prochaines années et quels sont les projets à l'intérieur desquels la société veut s'engager. Evidemment, il n'est pas question, dans un plan de développement, d'indiquer en détail les projets spécifiques, cequi pourra amener éventuellement la concurrence à connaître entièrement les intentions cachées de la société et, par conséquent, se prévaloir de cette information pour contrer les objectifs de la société. Comme il s'agit d'une société à caractère commercial, le plan de développement devrait donner les grandes orientations, mais non les projets spécifiques, à moins que de tels projets spécifiques puissent être dévoilés sans qu'il y ait préjudice aux intérêts de la société. A titre d'exemple, si REXFOR, ayant su qu'un volume de bois devient disponible dans une région donnée du Québec, devait annoncer, quelque trois années à l'avance, qu'elle est en train de faire l'évaluation du potentiel forestier et qu'elle va prendre sa décision dans un an, il serait possible à un concurrent de jouer plus rapidement et, finalement, de tenter de mettre la main sur ce volume de bois disponible avant que REXFOR puisse être prête à faire sa proposition. Par conséquent, dans un monde de concurrence, il apparaît normal qu'un plan de développement n'inclue pas le détail des activités, ce qui serait susceptible de nuire à notre entreprise.

Cependant, il est important que cette société sache où elle va, dans quel secteur elle entend prendre de l'expansion, elle entend favoriser le secteur de l'industrie papetière, la conservation de l'énergie, les panneaux d'aggloméré ou le sciage plus classique, la mise en marché plutôt que la centralisation d'achat; en d'autres termes, on peut demander à notre société d'Etat d'avoir une idée assez précise des secteurs à l'intérieur desquels elle entend oeuvrer et où elle entend donner une expansion à ses activités présentes. C'est le sens que nous donnons à ce plan de développement, aussi bien pour la compagnie que pour ses filiales. On dit bien que le lieutenant-gouverneur en conseil en détermine la forme et la teneur ainsi que l'époque à laquelle il doit être présenté, l'objectif étant évidemment de rassurer la société d'Etat quant au contenu de ce plan de développement pour ne pas imposer à une société d'Etat de dévoiler absolument tous les secrets de compagnie.

M. Giasson: J'ai moins d'objections, M. le Président, aux dispositions nouvelles qu'on ajoute à l'article 24a. Il m'apparaît sain et valable que le gouvernement puisse savoir un peu à l'avance quels seront les besoins financiers de la société, non seulement de la société, mais, puisque nous avons parlé récemment des filiales, on donne une marge de manoeuvre additionnelle à la situation pour les besoins financiers de REXFOR et de ses filiales, ça m'apparaît logique qu'on prévoie les besoins financiers et qu'on ne le fasse pas sur une base simplement annuelle, mais qu'on le prévoie deux ou trois ans à l'avance de manière qu'on ne revive pas dans le futur les problèmes que la société a pu connaître dans le passé, lorsque le gouvernement a jugé bon de faire appel à ses services pour corriger des situations fort délicates ou difficiles qu'on connaissait dans des régions données, au Québec.

Je pense qu'avec cette disposition, le gouvernement aura le pouvoir, dans un laps de temps plus long, de prévoir ses besoins financiers, les besoins financiers de notre société comme ceux de ses filiales.

Je n'ai pas d'objection, M. le Président, à adopter l'article 12.

Le Président (M. Boucher): Est-ce que l'article 12 est adopté.

Une Voix: Adopté.

Le Président (M. Boucher): Adopté. L'article 13.

M. Giasson: L'article 13.

M. Jolivet:... entrée en vigueur...

M. Giasson: Je crois que le gouvernement garde des réserves pour l'entrée en vigueur du contenu des articles 1, 2, 3 de la loi.

M. Bérubé: Je vais expliquer rapidement, M. le Président. La raison en est très simple. Il nous faut être certains, lorsque la présente loi entrera en vigueur, que nous ne nous retrouverons pas avec un conseil d'administration, la patte en l'air. C'est pour cette raison que nous pouvons proclamer la loi dans son entier. Mais, cependant, la proclamation des trois articles qui portent plus spécifiquement sur la constitution du conseil d'administration, ne sera pas faite tant et aussi longtemps que tous les documents nécessaires à la nomination des membres du conseil d'administration, renouvellements de mandats et autres, tant que ces papiers ne seront pas prêts, en bonne et due forme, et c'est la raison pour laquelle nous avons dû — pour éviter ces problèmes de transition — permettre de proclamer que les articles 1, 2, 3, ne se soient sanctionnés éventuellement, que lorsque nous serons prêts à le faire.

M. Giasson: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): L'article 13, adopté. Nous avions suspendu l'article 6. M. le ministre, est-ce que vous êtes prêt à présenter votre nouvel article 6?

M. Bérubé: Non, malheureusement. Nous avons soumis le problème de l'article 6 au comité de législation. Est-ce qu'il serait possible, M. le Président, au moment de la troisième lecture, de nous entendre avec l'Opposition sur la teneur d'un amendement que nous pourrions à ce moment, présenter? Je pense que le député de Robert Baldwin nous avait présenté un amendement à une loi, concernant le régime des eaux, et nous avions

convenu de chercher à l'amender dans le sens de ses recommandations et nous avions tout simplement, en troisième lecture, présenté un amendement qui donnait raison... Je pense que nous nous sommes entendus sur le contenu.

M. Giasson: Est-ce que le rapport de la commission...

Le Président (M. Boucher): Est-ce que cela ne pourrait pas se faire au niveau du rapport... dans les douze heures qui suivent le dépôt du rapport?

M. Bérubé: Oui.

M. Giasson: D'accord. C'est cela, si on a fait mention au rapport de la commission, c'est la façon dont on avait procédé dans le cas auquel le ministre réfère.

Le Président (M. Boucher): Alors, on l'adopte?

M. Bérubé: Oui.

Le Président (M. Boucher): On l'adopterait sous réserve de modifications.

M. Giasson: De la modification d'un changement apporté à l'article 6.

M. Jolivet: Le ministre va les...

M. Bérubé: Oui, je n'ai aucune objection, d'ailleurs, à m'assurer avant, que la rédaction de l'article en question corresponde à ce que vous vouliez, parce que je pense que nous nous sommes mis d'accord.

Le Président (M. Boucher): L'article 6 est adopté sous réserve d'une modification à l'étape du rapport.

Le projet de loi 97, Loi modifiant la Loi de la Société de récupération, d'exploitation et de développement forestier du Québec est donc adoptée et je prierais le rapporteur de la commission, en l'occurrence, le député de Duplessis, de faire rapport à l'Assemblée nationale au nom des membres de la commission. Merci, messieurs.

Fin de la séance à 16 h 30

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