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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mercredi 7 mars 1984 - Vol. 27 N° 260

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur le projet de loi 42 - Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles


Journal des débats

 

(Dix heures treize minutes)

Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous plaît!

Bienvenue à la commission élue permanente du travail qui se réunit dans le but d'entendre les représentations des personnes et des groupes intéressés au projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Les membres de la commission sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Cusano (Viau), Dean (Prévost), Fréchette (Sherbrooke), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Lafrenière (Ungava), Lavigne (Beauharnois), Maltais (Saguenay), Léger (Lafontaine), Polak (Sainte-Anne), Doyon (Louis-Hébert) et Baril (Arthabaska).

Les intervenants sont: MM. Marx (D'Arcy McGee), Champagne (Mille-Îles), Fortier (Outremont), Leduc (Fabre), Pagé (Portneuf), Payne (Vachon), Proulx (Saint-Jean) et Vaugeois (Trois-Rivières).

Le rapporteur de la commission est M. Lavigne (Beauharnois).

Aujourd'hui, nous allons entendre dans l'ordre suivant, cet avant-midi, la Fédération des omnipraticiens du Québec, ensuite, le Conseil patronal de l'industrie de la construction du Québec; cet après-midi, à partir de 15 heures, la General Motors du Canada et la Fédération des syndicats du secteur aluminium Inc.; à partir de 20 heures, le Regroupement des femmes dont les maris sont décédés d'amiantose et la Corporation professionnelle des médecins du Québec.

Avant de permettre au premier groupe de se faire entendre, j'aimerais spécifier qu'à la suite de la demande de directive qui m'a été faite hier soir par le député de Louis-Hébert, je lui avais dit que je la rendrais à une séance subséquente. Effectivement, avant la fin de la matinée, je serai en mesure de vous livrer cette directive.

M. Doyon: Alors, on devrait avoir cela en main avant 13 heures et savoir si les interventions judiciaires du juge Sauvé sont de nature à empêcher cette commission de s'acquitter de son mandat, qui est d'entendre librement les personnes qui se présentent. J'ai bien hâte de connaître la directive que vous avez fort gentiment accepté de nous donner dans les délais qui nous semblent jusqu'à maintenant raisonnables.

Le Président (M. Paré): Vous avez très bien compris, M. le député de Louis-Hébert. Effectivement, avant la fin de la présente séance, je serai en mesure de vous faire part de cette directive.

M. Polak: Un jugement par écrit.

Le Président (M. Paré): Je pourrai vous donner...

M. Polak: Bien motivé.

Le Président (M. Paré): ...la directive par écrit, si vous le désirez.

Donc, j'appelle immédiatement le premier groupe, la Fédération des omnipraticiens du Québec, à prendre place ici à l'avant. J'aimerais en profiter pour lire une partie de la lettre qui avait été envoyée le 16 février 1984 à M. Bouliane, secrétaire des commissions. "Nous vous prions de bien vouloir prendre note que la Fédération des omnipraticiens du Québec sera entendue en commission parlementaire le mercredi 7 mars 1984, à 10 heures, et ceci après consultation auprès de tous les intervenants concernnés par cette commission. Tous ont accepté de leur accorder une période d'audition de trente minutes et ce, malgré le fait que leur mémoire nous parviendra hors du délai prescrit."

Donc, cela veut dire que, normalement, vous auriez trente minutes de présentation et de discussion. Comme vous avez remarqué, l'horaire est très chargé et je dois malheureusement vous demander de faire assez vite.

J'inviterais maintenant le porte-parole à s'identifier et à nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Fédération des omnipraticiens du Québec

M. Richer (Clément): Très bien, M. le Président. Messieurs les membres de la commission, je vous remercie de nous recevoir. Même si le temps qui nous est imparti n'est pas long, on va essayer de faire le plus vite possible. On va résumer nos idées. Je vais vous présenter nos représentants, si vous le voulez bien.

À mon extrême droite, le Dr Boileau, directeur des communications à la fédération; le Dr Dutil qui en est le secrétaire général; le Dr Drolet, premier vice-président. À ma

gauche, Me Chapados, notre conseiller juridique, et le Dr Gagnon, directeur aux affaires professionnelles.

Nous avons pris soin, évidemment comme le veut la coutume, de vous envoyer un mémoire et un résumé. Puisque le temps se fait court, si vous n'avez pas d'objection, je vais tout simplement vous présenter le résumé.

Prestations d'assistance médicale à des fins curatives, d'évaluation, d'expertise ou de réadaptation; prestations d'indemnités compensatoires de natures diverses; réinsertion sociale et professionnelle du travailleur par la sanction de ses droits en matière de réadaptation ou de retour au travail, et, enfin, modalités de financement ou autres requises par l'administration et le bon fonctionnement du régime proposé, tels sont les grands axes du projet de loi actuellement à l'étude devant cette commission.

La fédération ne peut ignorer l'ampleur du défi que pose, vis-à-vis de toute partie intéressée, le projet de loi déposé. Ce défi ne saurait d'ailleurs, selon elle, être dissocié des critiques acerbes qui, encore tout récemment, ont été formulées à l'endroit du régime dont on propose le remplacement.

Dans son libellé actuel, le projet de loi déposé amène la fédération à soulever trois interrogations majeures: premièrement, elle s'interroge sur le sort que ce projet de loi réserve au droit à la prestation d'assistance médicale; deuxièmement, elle se pose également des questions quant à l'effet du même projet de loi sur l'autonomie professionnelle du médecin omnipraticien, autonomie qui comprend notamment l'exercice de la liberté diagnostique et thérapeutique; enfin, troisièmement, elle s'interroge à bon droit sur la place que le projet de loi en cause réserve aux droits collectifs - participation et négociation - des médecins omnipraticiens du Québec en regard d'autres lois québécoises qui, depuis fort longtemps, ont reconnu ces droits.

Le travailleur victime d'une lésion professionnelle est et demeure la raison d'être première du droit à la prestation d'assistance médicale. Pour sa part, celle-ci doit, sous peine de rendre fictif celui-là, répondre avant tout à des impératifs d'ordre déontologique, diagnostique et thérapeutique, lesquels seraient déterminants de la nécessité, de la nature, de la suffisance ou de la durée de l'assistance requise.

Selon la fédération, ces impératifs sont inconciliables avec les dispositions actuelles de l'article 132 du projet de loi qui propose ce qui suit: "La commission décide de la nécessité, de la nature, de la suffisance ou de la durée de l'assistance médicale." Ces dispositions, la fédération en demande le retrait pur et simple.

De plus, la fédération souscrit au principe de la création d'une instance autonome d'ordre médical dont la fonction serait précisément celle de trancher toute contestation originant d'une décision de la commission afférente au droit à la prestation d'assistance médicale, organisme dont le mémoire décrit certains paramètres.

Enfin, la fédération propose que les article 133 à 135 du projet soumis soient reformulés de façon à camper d'une manière plus précise les fonctions respectives du médecin traitant, du médecin examinateur et du médecin expert, remarque qui vaut d'ailleurs pour ce qui est des fonctions que le médecin peut être appelé à assumer dans le cadre d'un plan de réadaptation, articles 142 et 143. Quant aux modalités afférentes à l'exécution de ces fonctions, il s'agit là de questions qui, selon la fédération, relèvent du domaine de la négociation, point qui suit à l'instant.

Au Québec, depuis l'instauration du régime d'assistance médicale, il y a de cela quelque 20 ans, la détermination collective des conditions d'exercice et de rémunération des médecins québécois s'est effectuée, sauf de très rares exceptions, par le moyen de la négociation entre l'État québécois et les organismes représentatifs de la profession médicale.

En cette matière, la fédération constate que le projet de loi soumis est particulier à plusieurs égards. Non seulement est-il silencieux quant à l'établissement de mécanismes analogues de négociation, mais il privilégie de façon anachronique et tout à fait inacceptable, par voie légale ou réglementaire, la détermination unilatérale des conditions d'exercice et de rémunération des médecins omnipraticiens appelés à exercer dans le cadre du régime proposé.

Pour ces motifs, la fédération recommande donc que le projet de loi soumis prévoie, dans sa version définitive, l'établissement d'un cadre juridique habilitant l'autorité politique, soit le ministre du Travail, à conclure avec l'organisme représentatif des médecins omnipraticiens du Québec toute entente aux fins de l'application de la présente loi.

Enfin, même s'il s'agit là de sujets qui débordent l'établissement d'un cadre de négociation, la fédération note au passage que les sanctions administratives ou pénales qui, selon les articles 136, 272 et 277, assaisonnent le projet de loi soumis sont autant de dispositions qui, à cause de leur caractère répressif, vont à l'encontre des objectifs de concertation et de dialogue que poursuivent dans leurs relations avec l'État les médecins omnipraticiens du Québec et la fédération chargée de les représenter et que, pour ce motif, ils devraient être supprimés.

Les notions de participation et de contribution actives au bon fonctionnement d'un régime peuvent revêtir diverses formes.

L'article de loi apparaissant en annexe II du présent mémoire établit l'une d'entre elles. À cet égard la fédération reconnaît d'emblée le bien-fondé de l'article 335 du projet soumis. Par contre, elle souligne que les articles 141 et 145 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail ne pourraient actuellement permettre la forme de participation que recherchent les médecins omnipraticiens du Québec.

Selon la voie que propose l'article 141 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, le projet de loi 42 y gagnerait, en s'inspirant du texte de loi apparaissant en annexe II, à permettre une participation et une contribution plus actives des médecins omnipraticiens du Québec à l'administration du régime proposé.

En conclusion, la rédaction du présent mémoire s'inspire du désir qui anime les médecins omnipraticiens du Québec de collaborer, de dialoguer et d'être concertés.

C'est dans ce même esprit que la fédération désire présenter le présent mémoire. Aux honorables membres de la commission parlementaire permanente du travail, parmi lesquels siège le ministre du Travail, elle offre son entière collaboration.

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup, M. Richer. Nous allons maintenant entreprendre une période d'échanges et la parole est au ministre du Travail.

M. Fréchette: Dr Richer, vous avez nettement l'intention qu'on procède à l'intérieur du délai dont on parlait, de la façon dont vous nous avez soumis votre mémoire. Je vous signale qu'il n'y a pas de péché grave non plus à ce qu'on déborde un peu le temps qui est généralement alloué aux organismes. Je voudrais remercier votre fédération de s'être donné la peine, la préoccupation de venir nous soumettre ces représentations par rapport au projet de loi qui est devant nous et dont nous étudions toute la portée depuis un bon moment maintenant, depuis qu'il a été déposé en première lecture.

Je vais essayer, comme vous nous en avez donné l'exemple, d'aller rapidement au vif de la question et tenter d'éclaircir un tant soit peu ce qui motive une de vos préoccupations, peut-être la principale, qui s'accroche très précisément à l'article 132 du projet de loi, celui en vertu duquel, dans l'état actuel des choses, la commission aurait toute juridiction en matière d'assistance médicale et de conclusion d'ordre médical. Je vous dirai essentiellement que, depuis que nous avons commencé les auditions des mémoires, ces représentations sont revenues constamment et elles nous sont venues autant des professionnels de la santé que nous avons jusqu'à maintenant entendus que des principaux intéressés à l'application de la loi, soit les travailleurs et les employeurs.

À partir également de l'exercice qui a été fait de la loi actuelle depuis qu'elle est là, il nous apparaît assez évident qu'il faille procéder à revoir les dispositions de l'article 132 et de tous les autres articles qui ont une connotation avec le chapitre général de l'assistance médicale.

Avant de vous dire ce à quoi on réfléchit actuellement, ce à quoi on pense, j'apprécierais que l'un ou l'autre d'entre vous ou vous-même, Dr Richer, vous nous donniez davantage de précisions sur un mécanisme qui remplacerait les dispositions actuelles de la loi en matière d'assistance médicale. Vous comprenez que, sur le plan du principe, je pense qu'on va assez facilement finir par s'entendre. Il va maintenant rester, évidemment, à établir les modalités de fonctionnement d'un organisme X qui serait habilité à tirer des conclusions en matière médicale. Alors, quand vous nous suggérez ces changements, à quoi plus précisément pensez-vous en termes de mécanisme?

M. Richer: Si vous permettez, M. le Président, je vais demander à Me Chapados de donner suite à la question de M. le ministre.

M. Chapados (François): Le mémoire part de la prémisse suivante: que ce soit par le biais de l'article 132 qui est contenu au projet de loi ou que ce soit même l'article 53 actuel de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la fédération n'accepte pas que la commission ait une décision finale en matière médicale. Je comprends qu'on a souvent dit à plusieurs reprises devant cette commission que, dans les faits, la commission agissait en la matière par l'intermédiaire de médecins qu'elle avait à son emploi, etc., mais, encore là, c'est un argument qui ne satisfait pas la fédération.

Et, à compter du moment où on s'interroge sur une instance qui aurait une décision finale qui pourrait lier la commission - c'est ce qu'on propose dans notre mémoire - des questions nous viennent à l'esprit; je vous réfère à la page 5 du mémoire où on a essayé, sans tomber dans un libellé, un mot à mot, de décrire certains paramètres. Le premier paramètre apparaît à la page 5. Comme c'est une commission qui aurait à rendre des décisions en matière de prestation d'assistance médicale, il faudrait que les membres qui composent cet organisme soient des médecins. Et, encore là, il faut également songer que, compte tenu de la définition du vocable de prestation d'assistance médicale, il ne s'agit pas uniquement de services diagnostiques ou de services thérapeutiques. Nous allons loin. Nous disons: Par prestation, cela peut comprendre l'évaluation, cela peut même

comprendre l'expertise et le droit à une expertise supplémentaire, par exemple dans le cas d'un dossier difficile. Donc, pour prendre ce type de décision en matière strictement médicale, il faudrait que les membres de l'organisme en cause soient médecins.

La deuxième question qui se pose aussi, c'est le nombre de personnes appelées à y siéger parce que l'autre problème, c'est qu'on peut avoir un aréopage composé de savantes personnes, mais dont le fonctionnement est plus ou moins efficace. Là, tout ce qu'on dit, c'est qu'à ce moment-là, la commission devrait retenir que, pour ce qui est du nombre de personnes appelées à y siéger, cela devrait pouvoir répondre à des critères d'efficacité de fonctionnement et de souplesse. Je vais même aller plus loin que cela en parlant d'efficacité. Il y a peut-être des décisions que ce comité ou cet organisme aurait à prendre et qui sont plus pressantes que d'autres. Je cite des exemples. Si, à un moment donné, il y a un conflit au niveau de la prestation de services diagnostiques ou de services thérapeutiques, je pense que, pour le bien du travailleur, s'il s'écoule six ou sept mois et qu'il y a une décision qui sort, dans bien des cas, la décision... Ou le bonhomme va être rétabli ou il va être décédé ou, de toute façon, un dommage risque d'avoir été causé. D'où on n'exclut pas que cet organisme puisse quasiment siéger soit à plein quorum ou même qu'il y ait, pour prendre quasiment une analogie avec la cour, une division de pratique, que deux des membres de cette commission, chaque semaine ou chaque lundi, s'il y a une contestation au niveau, par exemple, de la prestation de services diagnostiques ou thérapeutiques, puissent rendre une décision intérimaire là-dessus, quitte à ce que le comité, cinq ou six semaines après, arrête une décision. Donc, ce sont aussi d'autres choses qui devraient être considérées. (10 h 30)

Un autre paramètre est que la désignation des membres de cette instance devra être effectuée - nous le soumettons -par l'autorité politique. Pourquoi par l'autorité politique? Il est clair que cette instance dont la création serait prévue à la loi serait une instance qui fonctionnerait dans le cadre de cette loi. Par contre, la nomination par l'autorité politique et non par la commission, jusqu'à un certain point, sanctionnerait le caractère autonome de cet organisme, même s'il s'insère, encore une fois, dans le cadre de la loi.

Il y a une autre petite mention: "parmi lesquels un médecin omnipraticien". Nous soulignons que ce comité devrait refléter, dans la mesure du possible, les gens qui sont appelés à dispenser les soins. On a parlé à plusieurs reprises devant cette commission des problèmes qui existaient, par exemple l'absence de lien ou de coordination entre le médecin traitant et d'autres paliers de médecins qui étaient appelés à intervenir au niveau de la commission. Nous disons qu'il serait peut-être bon que les médecins qui sont appelés à agir et à dispenser des services, parmi lesquels les omnipraticiens, puissent siéger sur cet organisme pour refléter ces préoccupations qui se posent au niveau de la dispensation des soins diagnostiques et thérapeutiques par le médecin traitant.

Il y a également un autre paramètre prévu là. On dit que la nomination de ces médecins devrait s'inspirer de certaines dispositions qui apparaissent à la Loi sur l'assurance maladie quant à la nomination des professionnels appelés à siéger aux comités de révision. Cela voudrait dire, en pratique, que le ministre du Travail ferait sa nomination après avoir reçu... Si je me réfère aux comités de révision, il y a différentes instances qui interviennent à leur niveau: il y a les fédérations, il y a la Corporation professionnelle des médecins. C'est une des propositions qui sont là, ce serait à même des listes de noms qui sont proposés que le ministre arrêterait sa décision.

Une autre paramètre prévoit qu'en termes de juridiction cette instance devrait avoir des pouvoirs lui permettant, qu'il s'agisse de la commission ou des établissements avec qui celle-ci contracte, d'assurer le respect de l'ordonnance médicale.

Je ne veux pas sous-entendre ainsi que, de façon systématique, il ne s'agit pas de quantifier que la commission n'a pas respecté l'ordonnance médicale. Ce qu'on veut souligner, c'est qu'il arrive souvent que des personnes se plaignent. Par exemple, on a parlé, à un moment donné, du délai dans la présentation des rapports des médecins. Les médecins, pendant tout ce temps, attendent un rapport diagnostique d'un établissement et cela peut prendre quelques semaines ou quelque quinze jours. Étant donné qu'il s'agit d'un organisme qui est assez important, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, il se peut fort bien qu'à un moment donné, le comité en question, dans l'exercice de son mandat, pour ce qui est de l'ordonnance médicale, constate que celle-ci n'a pas été suivie dans le délai où elle aurait dû être suivie, qu'il s'agisse de la commission ou qu'il s'agisse des établissements qui sont sous contrat avec la commission, et que le comité, l'organisme en question, puisse statuer là-dessus.

Le dernier paramètre, c'est qu'il soit précisé que le pouvoir devant l'instance en cause puisse être exercé par toute personne intéressée à la prestation d'assistance médicale, qu'il s'agisse du bénéficiaire ou du

médecin. C'est clair qu'en termes de droit à une prestation d'assistance médicale, le premier visé - nous le disons dans le mémoire - le bonhomme qui est à la base de tout cet édifice-là, c'est le travailleur qui est lésé. S'il prétend et voit des raisons sérieuses de prétendre qu'il a droit à d'autres services diagnostiques et à d'autres services thérapeutiques ou encore, parce que son cas est compliqué, s'il est informé qu'à son dossier il y a des expertises contradictoires et qu'il a droit à une expertise supplémentaire, à ce moment-là, ce bonhomme-là devrait pouvoir exercer un recours devant le comité en question.

Nous allons plus loin et nous disons, qu'il s'agisse du bénéficiaire ou du médecin: Pourquoi le médecin? Il ne faudrait pas que cette proposition soit mal perçue. Les médecins n'ont aucunement l'intention de s'immiscer ou de s'ingérer dans le fonctionnement du régime. Par contre, il s'agit d'avoir été médecin traitant pour savoir que, dans certains cas, l'employé préfère que sa maladie professionnelle finisse le plus tôt possible, pour différentes raisons qui lui appartiennent. Par contre aussi, le médecin traitant peut très bien avoir des raisons médicales, devant une décision qui est prise, de la contester. C'est pourquoi nous prévoyons que le médecin puisse, le cas échéant, exercer un recours devant ce comité.

M. Fréchette: À ce dernier égard, M. Chapados, que le médecin soit autorisé à exercer un recours, est-ce que ce serait un recours possible contre - enfin, mettons cela entre guillemets - mais vis-à-vis d'une évaluation que son propre patient peut faire d'une situation? J'ai mal saisi votre dernière observation.

M. Chapados: Non. Le patient, pour des raisons qui lui appartiennent, peut avoir des raisons de demander d'exercer un recours devant ce comité. La raison, c'est que, pour le patient, qui n'est pas médecin, cela peut être que son état continue à se détériorer, qu'il empire. Les motifs du bénéficiaire, de la victime, je ne veux pas entrer là-dedans. Ce que je veux souligner, c'est que le médecin peut, pour des raisons médicales, à un moment donné, devant une décision de la commission qui déciderait, par exemple, de limiter tel type de services, avoir des raisons de croire que c'est insuffisant. Le médecin pourrait, à ce moment-là, prétendre qu'il devrait y avoir des services thérapeutiques complémentaires. Étant donné cette contestation qui existe, le médecin - c'est ce que nous proposons - pourrait exercer un recours pour demander à cet organisme de trancher la question. Je donne un exemple, parce qu'il a été mentionné à plusieurs reprises. Lorsqu'on pense, par exemple, en termes de réadaptation, qu'un médecin peut avoir des raisons de penser que tel type de soins, la physiatrie ou tout autre, à son avis, doit durer une période de quatre mois et que, par contre, la commission peut avoir des raisons sérieuses de dire: Non, deux mois, c'est suffisant, à un moment donné, nous pensons que, dans ces matières, cet organisme, cette instance devrait trancher, compte tenu de tous les aspects du dossier.

M. Fréchette: Je constate une chose, c'est que, concernant le principe même de la suggestion, il est évident que nous n'allons pas discuter davantage, parce que nous sommes effectivement tout à fait d'accord. M. Chapados, vous avez énuméré et expliqué au moins sept paramètres, peut-être un peu plus, mais j'en ai noté sept, à l'intérieur desquels on devrait baliser cet organisme. Vous avez, par exemple, fait référence à la façon de nommer les membres qu'on pourrait retrouver à l'intérieur d'une semblable institution. Ce dont on a discuté jusqu'à présent - et vous avez suivi, me semble-t-il, de près, d'après vos remarques en tout cas, les travaux de la commission jusqu'à maintenant - avec plusieurs autres organismes, quant à la façon de nommer les gens qui se retrouveraient à l'intérieur de ce "tribunal d'arbitrage", je le dis entre guillemets, ce serait, par exemple, de demander aux corporations professionnelles intéressées au phénomène ou au chapitre de l'assistance médicale de soumettre une liste de leurs membres qui seraient intéressés à faire partie d'une institution comme celle-là, liste qui pourrait par la suite être soumise à l'appréciation, à l'approbation et à l'accréditation - c'est le terme qu'on a utilisé jusqu'à maintenant - d'un organisme qui pourrait être le conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Celui-ci, après avoir indiqué des candidats qui auraient soumis leur candidature, demanderait au ministre responsable de l'application de la loi de procéder à des nominations. Enfin, je ne sais pas, si on mettait les deux propositions en parallèle, l'une à côté de l'autre, si elles s'excluraient, si elles se compléteraient ou si elles se rejoindraient, mais une possibilité comme celle-là ou une procédure comme celle-là pourrait-elle également convenir à votre organisme?

M. Richer: II est sûr que, sur les modalités de nomination des membres d'un tel comité, nous sommes très souples. Nous n'avons pas apporté de précision parce que nous n'avons pas consulté la corporation pour connaître son opinion. Cependant, on est prêt à considérer plusieurs avenues quant au mode de nomination des médecins là-dessus. Il suffirait d'en discuter d'une façon un peu plus approfondie. Ce qu'on souhaite faire reconnaître devant cette commission, c'est

le principe, la nécessité d'avoir un comité qui soit formé de médecins aux fins de rendre une décision sur la prestation de services médicaux. Sur le reste, on sera assez souple.

M. Fréchette: Dr Richer, à cet égard, devant l'insistance que vous mettez quant à l'importance que soit reconnu ce principe, je peux vous dire, au moment où on se parle, qu'il est effectivement reconnu et que des modifications seront apportées à la loi pour y inscrire ce principe. Il y a juste une autre information que je voudrais demander à M. Chapados. J'ai cru comprendre dans vos observations que vous suggériez que, dans le processus de soumettre de tels cas à ce tribunal, on utilise le terme "tribunal", parce qu'on n'a pas d'autre mot pour le moment, mais on sait de quoi on parle, le processus pourrait être enclenché, entamé ou bien par le médecin lui-même, vous l'avez dit tout à l'heure, ou alors par l'accidenté. Je veux bien. Il me semble que cela va de soi. C'est une argumentation avec laquelle il est très facile de vivre.

L'autre préoccupation que je vous soumets et sur laquelle j'apprécierais avoir vos observations, c'est la suivante: lorsque le médecin traitant de l'accidenté est en mesure de procéder à l'évaluation des séquelles que peut laisser l'accident - je parle de l'état actuel des choses - et qu'il soumet son appréciation à la commission, la commission, toujours dans le statu quo, demande à ses spécialistes, à ses médecins de procéder à l'évaluation du rapport qu'elle reçoit du médecin de l'accidenté. Alors, ou bien le service médical de la commission va concourir aux conclusions que l'on retrouve dans l'évaluation faite par le médecin traitant, ou alors il va arriver à la conclusion qu'il y a lieu je ne dirai pas nécessairement de contester, mais de faire préciser davantage le contenu du rapport médical.

Comment est-ce qu'on engagerait alors la procédure qui amènerait le contentieux, le litige devant ce tribunal dont on parle? Ce que je veux préciser, c'est que beaucoup de gens nous disent: Vous devriez, comme règle générale, reconnaître le diagnostic, l'évaluation du rapport du médecin traitant et celui qui devrait être retenu. Vous devriez reconnaître cela comme règle générale. Maintenant, j'essaie de comprendre et de savoir si cela veut dire que, dès lors que le rapport du médecin traitant est produit, on doive fermer le dossier au niveau de l'évaluation. (10 h 45)

II faut qu'il y ait quelque part une autre instance qui soit habilitée à faire une évaluation du diagnostic du rapport du médecin traitant. C'est à partir de cette évaluation, s'il y a désaccord que le processus d'arbitrage dont on parle doit s'engager. Et je ne vois pas d'autres organismes qui soient habilités à demander cette évaluation que la commission elle-même aussi dans la mécanique à laquelle on pense. D'abord, j'espère que je suis suffisamment clair, et est-ce qu'on s'entend là-dessus?

M. Richer: Je pense bien qu'il y a moyen de s'entendre facilement là-dessus. Notre position est celle-ci: le médecin traitant fait un rapport à propos de son patient, l'accidenté, et le soumet à la CSST. Nous n'exigeons pas que la CSST reçoive ce rapport comme si c'était la Bible. Il est à étudier. De deux choses l'une: le comité d'experts de la CSST est d'accord avec le médecin traitant, auquel cas il n'y a aucun litige, ou il est en désaccord, et c'est là que s'offre la possibilité d'aller devant ce tribunal, pour employer vos termes. Je pense que notre position est souple; elle est, en tout cas, très proche de la réalité; elle est pragmatique. On ne prétend pas avoir toujours raison. En général, le rapport du médecin traitant est un point de départ sur lequel il n'y a pas de contestation. Cela, c'est en général. J'ai fait pendant 22 ans des rapports dans le domaine de la santé et de la sécurité du travail et, généralement, mes rapports n'étaient pas contestés. Mais il peut arriver - et on le comprend très bien - que des confrères aient des opinions différentes sur un cas donné et c'est dans ces cas que l'on pourrait recourir à un mécanisme d'arbitrage où il y aurait un comité formé de pairs.

M. Fréchette: Dr Richer, j'ai l'impression que si on passait quelques heures supplémentaires ensemble, on pourrait même finir par s'entendre sur un texte, à voir la façon dont les choses se passent.

M. Richer: On pourrait écrire la loi.

M. Fréchette: On pourrait quasiment écrire les amendements à la loi. Mais, essentiellement, j'ai l'impression qu'on se rejoint très bien à cet égard, à ce chapitre. Il va nous rester, évidemment, à écrire ces textes et à respecter, effectivement, les représentations et les suggestions qui nous sont faites.

J'aurais une dernière petite question quant à moi...

M. Chapados: M. le Président, j'aimerais ajouter une chose à la suite de ce que vient de dire le Dr Richer. Notre proposition - le Dr Richer l'a bien souligné -ne vise pas à dire qu'après le rapport du médecin traitant, tout devrait être accepté tel quel. Non. Par contre, notre proposition recouvre également la prestation d'assistance

médicale et là je fais référence à l'expertise, au droit qu'a le bonhomme à une expertise médicale appropriée à son cas. Il se pourrait fort bien - et il faudrait que cet organisme ait une compétence en la matière - qu'à un moment donné, pour un cas très complexe, devant deux expertises qui, sous des aspects importants, se contredisent, cet organisme puisse se prononcer sur le droit à une expertise supplémentaire. C'est surtout dans ces cas - on ne se fera pas de cachette, il y a des cas compliqués; il y a plusieurs interventions devant cette commission rapportant des cas problèmes, des gens qui ont eu des accidents graves. Alors, à un moment donné, il faut qu'il y ait et il y a le droit du bonhomme à une expertise complète. Vous avez le dossier qui est là et qui contient déjà des expertises qui, sous certains aspects, peuvent diverger. Compte tenu du droit à la prestation d'assistance médicale, prestation qui comprend le droit à une expertise d'ensemble appropriée, cela devrait être - c'est un des autres aspects touchés par notre proposition - un cas où le comité en question prend tout le dossier, toutes les expertises. Devant cette demande, il dit: Oui, monsieur, ou vous avez raison ou vous avez tort. Mais, compte tenu de la complexité du dossier, des séquelles complexes que vous avez, nous ordonnons une expertise finale. C'est capital, parce qu'il ne faut jamais oublier que cette expertise complète et finale dont on parle, c'est ce qui en fin de compte va déterminer l'indemnité à laquelle le bonhomme peut avoir droit. Qu'on me comprenne bien! Le rôle de ce comité ne serait pas de juger, si vous voulez, ou d'entrer dans le contenu d'un rapport. Il statuerait sur le droit de ce bénéficiaire, disons - c'est l'exemple que j'ai donné, à une expertise supplémentaire - ou le droit de ce bénéficiaire à des services thérapeutiques supplémentaires.

M. Fréchette: En fait, c'est la juridiction de l'instance en question dont vous nous parlez. À l'intérieur de sa juridiction, on devrait retrouver ce pouvoir ou ce droit de soumettre le dossier à une autre instance.

Quant à moi, j'ai une dernière question. Remarquez que je ne suis pas impliqué dans l'administration quotidienne des processus de la commission. Cependant, j'en entends parler beaucoup depuis un bon moment maintenant. J'ai des informations fondées ou pas, mais je pense que l'occasion est tout à fait choisie pour éclaircir cette situation. Je suis informé qu'il y aurait souvent chez des médecins, autant omnipraticiens que spécialistes, certaines hésitations à indiquer, par exemple, dans un rapport médical la durée de l'incapacité qui peut affecter un accidenté ou une accidentée. Mes informations sont-elles exactes? Si elles le sont, quels sont les motifs d'une procédure comme celle-là?

M. Richer: Je suis porté à croire, M. le ministre, que vous avez tout à fait raison. Seulement, il faut bien admettre que la durée de l'incapacité d'un malade, dans certains types d'accidents à tout le moins, est imprévisible, surtout dans les maladies professionnelles. Si on parle de traumatisme léger, d'une lacération à un avant-bras, je pense que les médecins ne seront pas réticents à dire que, dans quelques jours, il y aura un retour au travail. On peut presque l'attester au départ. Mais, il y a beaucoup de cas d'accidents du travail parmi les plus sérieux, et particulièrement dans les maladies professionnelles où, pour un ensemble de raisons évidentes, il est parfois impossible de se prononcer sur la date éventuelle d'un retour au travail, par exemple dans les cas de maladies professionnelles, des ouvriers exposés à des poussières. J'ai eu l'occasion de travailler à ce niveau-là pendant plusieurs années. Des ouvriers exposés à des poussières de plomb peuvent être en état de retour au travail, mais à un travail non exposé, parce qu'il y a encore une certaine imprégnation. On sait que ce sont des substances très lourdes, alors très longues à éliminer. On pourrait, comme médecin, dire: Peut-être que l'on pourra dans quatre mois, d'après l'expérience qu'on a, songer à autoriser tel malade, qui a été imprégné et qui est surexposé actuellement, à retourner au travail, à condition qu'il ne retourne pas à son poste de travail antérieur, parce qu'il va se surcontaminer et ce sera une récidive, si vous voulez.

Alors, si on me demande de préconiser un retour au travail sans restriction, je vais être extrêmement réticent; si on me donnait le choix, comme médecin, de retourner ce patient à un travail non exposé, je pourrais être moins réticent. Alors, il y a un ensemble de facteurs à considérer qui font que ce n'est pas facile, dans beaucoup de cas d'accidents, de déterminer une date.

M. Fréchette: Je comprends fort bien votre argumentation, Dr Richer, mais ne peut-on pas convenir par ailleurs que, si l'on retient le mécanisme dont on parle depuis le début de l'audition, ce sera peut-être un peu plus exigeant pour le médecin traitant parce que cela aussi deviendrait une matière arbritale, la durée de l'incapacité. À ce moment-là, je ne sais pas si mon évaluation est correcte, mais j'ai une espèce d'impression à ce stade-ci que cela va être à ce point exigeant que le médecin traitant va devoir procéder à l'évaluation de l'incapacité, quitte à se faire dire par l'instance d'appel: Vous aviez raison ou vous aviez tort. Mais il va falloir que le rapport soit à ce point complet que toutes les matières puissent être soumises à l'appréciation de l'instance dont

on parle.

M. Richer: Votre lecture des événements est juste, M. le ministre. Vous avez parfaitement raison. Cela sera plus exigeant pour le médecin traitant effectivement, sauf que le médecin sera peut-être moins réticent à donner un rapport plus "compromettant", si vous voulez, relativement à la durée probable de l'incapacité, puisqu'il y aura un mécanisme de protection quand même pour le travailleur qui va faire qu'il y aura un stop possible. Je pense que tout le monde, de bonne foi, pourra s'engager dans une évaluation un peu plus précise à ce moment-là.

M. Fréchette: Cela va très bien quant à moi. Il y a deux autres volets à votre mémoire. On l'a très bien lu et entendu. On verra. Merci infiniment.

Le Président (M. Paré): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. Messieurs, votre mémoire s'ajoute à de nombreux autres qui déplorent les pouvoirs discrétionnaires qui existent déjà à la CSST et qui sont les plus contestables dans le projet de loi. Heureusement, le ministre, depuis quelque temps et même tout à l'heure, dit qu'il est prêt à s'asseoir avec vous, si je l'ai bien compris, pour récrire certains articles de la loi.

M. Doyon: II faudrait le prendre au mot.

M. Cusano: Oui, il faudrait le prendre au mot justement et lui envoyer toutes vos recommandations concernant ces articles. J'avais envie de vous poser une question depuis longtemps, mais je ne vous la poserai pas ce matin. C'était celle de définir ce qu'est un syndrome méditerranéen. On va passer par-dessus, car notre temps est très limité.

M. Polak: Seulement le grec, pas l'italien.

M. Cusano: Ah bon! Oui, mais on se retrouve dans la même région. J'aimerais que vous nous précisiez ce matin quelque chose concernant l'article 135, puisque le ministre est tellement ouvert justement à des changements ou à la révision du projet de loi. Si j'interprète bien votre mémoire, cet article vous pose des difficultés. À la lecture de cet article, personnellement, je constate qu'on peut le diviser en trois. C'est à la page 35 du projet de loi.

Premièrement, il y a la notion que c'est la commission qui choisit le professionnel de la santé. Je pense que cela ressort de partout et vous l'avez mentionné tout à l'heure. Le deuxième aspect de cet article concerne les restrictions, c'est-à-dire les quinze jours de l'examen, et l'exigence de fournir un rapport en-dedans des quinze jours, chiffre qui est peut-être très arbitraire dans un sens. Est-ce que tous les rapports médicaux peuvent être soumis en deçà de quinze jours? Je pense que cela devrait être un peu plus flexible de ce côté et que les médecins en question devraient avoir, d'après moi, selon leur bon jugement, le loisir de déterminer si cela prend dix, quinze, vingt jours et ainsi de suite. Un troisième aspect de cet article m'inquiète et je voudrais aussi avoir aussi votre réaction. Enfin, je veux avoir votre réaction sur l'ensemble de l'article. Finalement, ce qui m'inquiète aussi est la partie de l'article où on dit que la commission peut demander toute autre information. Est-ce que cela vous inquiète aussi? Que veulent dire les mots "toute autre information" à la suite d'une expertise médicale ou d'un rapport? Quelle est votre interprétation de l'article?

M. Chapados: À partir de l'approche que nous avons adoptée, je vais vous répondre en commençant par les articles 134, 135, etc. Enfin, ce qu'on retrouve dans le mémoire, c'est qu'il y a trois notions que véhicule le projet de loi la notion de médecin traitant, la notion de médecin évaluateur et la notion de médecin expert. D'une part, nous demandons une redéfinition plus claire, plus précise dans la loi sur ces trois notions. D'autre part - là, je rejoins vos préoccupations - quand, dans une loi - et on trouve cela tatillon et mesquin... Commençons par l'article 134; on y dit que le professionnel de la santé doit, dans les six jours du traitement, faire rapport sans frais à la commission, etc. Pour nous, cela dépasse l'entendement. Est-ce qu'on va, dans une loi, commencer à déterminer des délais de rapport et si les délais de rapport ne sont pas faits, même prévoir à un moment donné ce qui va arriver? Le professionnel ne peut pas réclamer pour ses services, etc. Nous trouvons cela complètement déplacé. Toutes ces modalités ne devraient pas apparaître là. (11 heures)

En regard de toutes les questions que vous avez posées au sujet de l'article 135, quant aux fonctions que doit exercer le médecin, nous estimons que, de la même façon que cela se fait dans d'autres régimes, les devoirs et obligations du médecin qui a à agir comme médecin évaluateur et comme médecin traitant pour le compte de la Commission de la santé et de la sécurité du travail devraient être précisés par entente. Cela se fait dans le cadre de la Régie de l'assurance-maladie et cela devrait se faire de la même façon. Pour autant qu'il s'agit de devoirs, ce que le médecin doit faire, les

délais d'examen, sous quelle forme, etc., ce sont des modalités qui ont trait à l'exercice de fonctions. On dit que cela devrait justement se déterminer par la négociation, comme cela se fait dans d'autres régimes, avec le ministre responsable. C'est invraisemblable de retrouver - je sais que c'est une vieille loi - de pareilles précisions au niveau d'une loi alors que, dans tous les autres régimes, cela se fait par entente et que le tout fonctionne bien.

D'ailleurs, dans les faits, on vous l'a dit, que ce soit au niveau des rapports ou autrement, il y a des délais qui ne sont pas respectés. Il y a des gens qui accusent les médecins. Les médecins disent: "J'attendais tel et tel rapport de diagnostic. Je ne l'avais pas reçu." Ce sont là des choses qui se rencontrent dans la vie et des modalités qui pourraient être prévues à une entente.

M. Cusano: C'est bien et c'est clair. Je crois que le ministre apprécierait une reformulation de tous ces articles. Peut-être que, si vous lui envoyiez une petite note de service à cet effet, il l'apprécierait beaucoup. C'est à peu près tout, à l'exception que, lorsqu'on parle des services d'un professionnel de la santé, même si le projet de loi le définit dans l'article 2 comme étant un professionnel de la santé au sens de la Loi sur l'assurance-maladie, on voudrait savoir si cela vous va. Du fait que les mots "professionnel de la santé" semblent être interprétés de plusieurs façons tout au long du projet de loi, est-ce que cela serait suffisant de laisser la définition telle quelle et d'éliminer toute autre référence dans le projet de loi?

M. Richer: Non, on parle des professionnels de la santé au niveau de la prestation médicale. Je pense que cela serait beaucoup plus clair à la fois pour le travailleur et pour tout le monde, si on fait référence aux médecins et aux dentistes, de les nommer comme tels. Je vois très mal un patient transporté chez un pharmacien ou chez un optométriste, les deux autres catégories de professionnels que vise la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Je pense qu'on pourrait tout simplement les appeler médecins et dentistes, le cas échéant.

M. Cusano: Alors, cela complète mes questions. Je vous verrai séparément pour essayer d'avoir une définition du syndrome méditerranéen.

M. Richer: Très bien. En Grèce ou en Italie?

M. Cusano: En Italie.

Le Président (M. Paré): M. le député de

Sainte-Anne.

M. Polak: Merci, M. le Président. Quelques questions. Quand on parle des omnipraticiens, personnellement, je crois beaucoup à la valeur du médecin traitant dans un cas d'accident. Comme avocat pratiquant à Montréal, je suis allé très souvent, dans le bon vieux temps, quand on s'occupait de causes d'accidents d'automobile, devant les tribunaux. On devait établir en dollars la valeur des réclamations. J'ai toujours noté que le médecin traitant était un très bon témoin, puisqu'il avait vécu le cas avec le patient, l'avait suivi et l'avait soigné, mais j'ai l'impression qu'on commence à mépriser un peu le rôle du médecin traitant et qu'on ne donne pas assez de poids à ce rôle. D'ailleurs, les accidentés qui sont venus témoigner ici ont parlé un peu dans le même sens. Est-ce que, dans votre organisme, il existe un cours de formation où, par exemple, on enseigne aux médecins comment écrire un rapport, non pour être en concurrence avec les experts? Très souvent, j'ai vraiment l'impression qu'ils ne sont pas assez renseignés sur la façon de faire un rapport. Est-ce qu'il existe des cours de formation pour non seulement devenir un bon médecin traitant mais en même temps savoir défendre la cause du patient dans la paperasse?

M. Richer: Oui, comme le dit mon voisin de droite, le Dr Drolet, on pourrait vous inviter bientôt à Québec puisque précisément il y en a un. Depuis environ 1974 ou 1975 - je ne voudrais pas faire d'erreur - disons depuis une dizaine d'années ou tout près, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec organise des cours en santé au travail. À ces cours-là groupant différents confrères, omnipraticiens ou spécialistes, des gens qui sont qualifiés dans le domaine de la santé du travail viennent informer, instruire leurs confrères, mettre à jour les connaissances de leurs collègues afin qu'ils soient plus efficaces. Vous savez qu'au Québec il n'existe pas de spécialité en santé au travail pour le moment. D'ailleurs, la santé au travail touche un éventail tellement grand de toutes les maladies que ce serait difficile à concevoir. De la sorte comme médecins traitants, les médecins omnipraticiens sont obligés par la force des choses d'assister à des cours de remise à jour de nos connaissances, parce qu'il y a chaque année de nouveaux produits qui sont fabriqués, qui ne sont pas connus aujourd'hui et qui le seront l'an prochain. On doit donc remettre à jour nos connaissances pour pouvoir faire face à cette situation. Comme vous, on croit beaucoup à l'importance du médecin traitant; le médecin est le premier contact avec le patient, l'accidenté, le bénéficiaire.

M. Polak: Maintenant, selon votre expérience - dans votre mémoire vous parlez du rôle du médecin traitant, du médecin examinateur et du médecin expert - est-ce que vous croyez que le médecin examinateur écoute de plus en plus le médecin traitant -peut-être justement à cause de sa formation - et qu'il commence à accepter à sa pleine valeur le rapport initial du médecin traitant?

M. Richer: Oui, plus le rapport initial est de qualité supérieure, meilleurs sont les contacts entre le médecin traitant et le médecin expert, s'il y a lieu.

M. Polak: J'ai noté qu'à l'article 135 du projet de loi on parle de certains barèmes pour les dommages corporels selon les règlements de la commission. Quelle est votre opinion sur le barème un peu standardisé des dommages corporels, comme le fait que perdre un doigt vaut tant? Est-ce qu'il n'y a pas un certain danger à standardiser cela? Je vais vous donner un exemple. J'ai eu le cas d'un coiffeur qui s'était coupé entre les doigts; pour ce coiffeur, ce fut presque un drame pour son travail pendant une longue période. Si le même accident arrive à un employé de bureau, il n'y a pas de problème. C'est bien beau d'avoir un barème qui prévoit qu'on alloue un certain pourcentage, mais cela peut affecter une personne beaucoup plus qu'une autre. Quelle est votre opinion là-dessus?

M. Richer: Vous avez raison et je pense qu'en général, il est très difficile d'arriver avec des tableaux et de dire que cela s'applique à l'ensemble de la société. Je pense qu'il faut tenir compte de ce que fait le membre de la société qui subit l'application du tableau. Si, par bonheur, quelqu'un ne travaille pas avec ses mains et malgré tout perd un doigt, il est beaucoup moins lésé dans son intégrité face au travail que quelqu'un qui travaille avec ses doigts et qui perd le même doigt. On doit donc tenir compte de cela. La société n'est pas faite de gens qui sont uniformes et qui font des choses uniformes; ce serait peut-être l'idéal mais ce serait peut-être monotone aussi. Il faut tenir compte de la versatilité des gens. Tous ces tableaux uniformes pèchent peut-être en ne reconnaissant pas l'individualité des travailleurs.

M. Polak: Est-ce que l'aspect individuel est pris en considération ou pas du tout? Est-ce qu'on peut expliquer au médecin que, dans tel ou tel cas, un pourcentage plus élevé devrait être alloué à cause du rôle particulier de ce travailleur qui est éprouvé par un accident beaucoup plus durement qu'un autre? Est-ce que cela est pris en considération?

M. Richer: II m'est difficile de vous répondre là-dessus. Les quelques cas qu'on peut avoir eus et qui ne répondaient pas à des barèmes généraux sont des cas de discussion au mérite, cas par cas, avec la commission. Mon expérience personnelle n'a pas été mauvaise avec la commission, mais je n'entends pas toujours les mêmes choses de mes confrères.

M. Polak: Merci beaucoup.

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup pour la présentation de votre mémoire et merci d'avoir accepté de répondre aux questions des membres de la commission. J'inviterais maintenant le deuxième groupe, le Conseil patronal de l'industrie de la construction du Québec, à prendre place ici à l'avant.

Bonjour, messieurs, bienvenue à la commission. Je vais vous inviter maintenant à nous faire part de vos commentaires après nous avoir présenté tous les gens qui sont assis à la table, s'il vous plaît!

CPICQ

M. Cliche (Michel): Bonjour M. le Président, M. le ministre, madame, messieurs les membres de la commission. Je voudrais vous présenter les gens qui composent aujourd'hui la délégation du Conseil patronal de l'industrie de la construction du Québec qui est devant cette commission parlementaire. À mon extrême droite, Me Michel Paré, qui est directeur du service juridique à la fédération et également conseiller juridique en sécurité au conseil patronal; à sa gauche, M. Jean-Pierre Bégin, directeur exécutif de Hervé Pomerleau Inc; à sa gauche, M. Claude Rodrigue, président de la fédération, membre du conseil d'administration du Conseil patronal de l'industrie de la construction du Québec et président de l'entreprise Rodrigue Métal Ltée. À l'extrême gauche, M. Roger Le May, qui est conseiller en prévention au Conseil patronal de l'industrie de la construction; à sa droite, M. Gérard Jacques, président du comité de sécurité à l'ACM et directeur de la sécurité pour une grande entreprise de construction au Québec. À ma gauche, M. Jacques Théoret, directeur général de l'Association de la construction de Montréal et membre du Conseil patronal de l'industrie de la construction. Je suis Michel Cliche, directeur général de la fédération de la construction et membre du Conseil patronal de l'industrie de la construction.

Les présentations étant faites, si vous le permettez, M. le Président, nous allons aborder directement la lecture du mémoire. Il va sans dire que certains points rencontrés

dans le mémoire peuvent avoir déjà été soumis ici et peut-être certaines solutions ont-elles été proposées par M. le ministre. Donc, après la lecture, il y aura lieu de statuer sur ces cas où certaines modifications seront apportées de façon quand même à ne pas éterniser les discussions.

Parlons tout d'abord du Conseil patronal de l'industrie de la construction du Québec. Le CPICQ est, essentiellement, un porte-parole unique que se sont donné par la Fédération de la construction du Québec et les seize associations régionales qui y sont affiliées, d'une part, et l'Association de la construction de Montréal et du Québec, d'autre part, plus de 6000 entreprises de construction, générales ou spécialisées, ou de fabrication et fourniture de matériaux et de matériel d'équipement de construction.

Le conseil patronal s'exprime donc ici au nom d'un groupe fort important d'entreprises dont les activités s'étendent, bon an, mal an, à une proportion de 50% à 60% des travaux de construction effectués au Québec, tout autant dans le domaine résidentiel ou des travaux de génie civil que dans celui des travaux de bâtiment et de construction institutionnelle, commerciale ou industrielle.

Rappelons que la construction exécutée au Québec a une valeur annuelle de plus de 10 000 000 000 $ et l'on a vu, au cours des dernières années, une réduction à 70 000 000 d'heures de 150 000 000 d'heures - ce sont les chiffres de 1974 - pour les heures travaillées à pied d'oeuvre seulement, sous la direction de grandes entreprises, bien sûr, mais aussi, dans une très forte proportion, par les salariés de petites et moyennes entreprises qui sont parfois, par nature et à cause des marchés auxquels elles ont accès, quasi artisanales. C'est-à-dire qu'environ 85% des entreprises ont moins de cinq employés actuellement.

Quant aux deux groupements constituant le conseil patronal, ils ont ensemble une existence de près de 125 années comme représentants d'employeurs de la construction au Québec.

Il n'était donc que normal que ces deux groupements en question, la CMQ et la FCQ, s'intéressent au projet de loi 42 comme elles se préoccupent depuis toujours, au nom de leurs membres, des diverses questions de la santé et de la sécurité du travail soulevées par la Loi sur les accidents du travail actuelle et la Loi sur la santé et la sécurité du travail ainsi que par les très nombreux règlements d'application et autres édits de la commission chargée de la mise en oeuvre de ces deux lois.

Les deux organismes sont d'ailleurs des membres actifs du Conseil du patronat du Québec et participent de très près à ce titre aux travaux de ce dernier.

(11 h 15)

Parlons maintenant du projet de loi 42. Dès sa publication, nous avons donc tenté d'analyser le plus objectivement possible le projet de loi 42 sur les accidents du travail et les maladies professionnelles comme nous avions également étudié les divers avant-projets de loi qui avaient circulé depuis quelques années à ce sujet. Bien sûr, la loi actuelle, celle que l'on veut remplacer ici, peut être considérée comme désuète, si on s'arrête, sans aller plus loin, à la date de son adoption en 1931. Bien sûr, la loi originale sur les accidents du travail, même avec les amendements qu'elle a subis, mérite-t-elle d'être revue et corrigée sous plus d'un aspect, mais la lecture attentive du projet de loi 42 nous amène beaucoup plus loin et son caractère de loi-cadre ainsi que plusieurs des principes et des politiques qui y sont affirmés ont de quoi inquiéter sérieusement le patronat québécois et les industriels de la construction, en particulier.

D'autant que le texte déposé devant l'Assemblée nationale pour première lecture, seulement deux mois avant la date limite pour déposer les mémoires destinés à la commission parlementaire, est souvent, avec ses 364 articles, très complexe, quelquefois confus, pour ne pas dire dispersé, et quelquefois même obscur. Nous nous interrogeons sur le fait, à titre d'exemple, à la lecture des articles 117 et 248, que, dans le cas de réclamations non justifiées, la CSST ne peut obtenir remboursement, alors que l'article 53.3 semble obliger, du moins à première vue, la CSST à en demander le remboursement.

Il nous est donc apparu difficile d'accomplir en quelques semaines un cheminement qui aurait dû, à notre avis, passer par un livre vert ou un livre blanc avant de se traduire par un texte de loi qui aurait dès lors pu être plus clair et moins discrétionnaire quant aux principes et aux pouvoirs d'interprétation et de réglementation qui y sont affirmés. À ce propos, nous vous soulignons qu'une cinquantaine d'articles du projet de loi 42 traitent de pouvoirs accordés à la commission. Nous en avons par conséquent déféré au Conseil du patronat du Québec, dont nous connaissons la compétence en la matière, quant à l'analyse globale des très grands principes qu'affirme le projet de loi 42; soulignons d'ailleurs que nous considérons comme très valable, pour l'avoir suivi de près, le travail gigantesque qu'a mis le CPQ à la préparation du mémoire qu'il vous a présenté, mémoire auquel nous souscrivons d'emblée.

Nous avons cependant cru opportun d'aborder quant à nous certaines questions primordiales et des plus préoccupantes pour les entreprises de construction, compte tenu du contexte bien particulier dans lequel elles évoluent, et nous tenterons à ce titre de

faire ressortir quelques-unes des difficultés fort réelles que poserait le projet de loi 42 s'il devait être adopté trop rapidement et sans certaines remises en question fondamentales. Nous nous devrons, en passant, de poser des questions et de prôner des solutions moins idylliques que celles des auteurs du projet de loi et peut-être de ceux qui les ont inspirés. Mais nous sommes fermement convaincus qu'il faut les poser, ces questions, qu'il faut les envisager, ces solutions pragmatiques, parce qu'elles sont plus réalistes. Ce ne sont encore que les employeurs qui assument les coûts de la compensation, de la réadaptation sous toutes ses formes et de leur administration; et ces coûts, ces charges - il ne faut pas se le cacher - il ne faut pas risquer de les augmenter sans une circonspection très sérieuse, en ayant toujours à l'esprit l'objectif primordial de la relance permanente, et de la santé économique des entreprises québécoises sur lesquelles il faut pouvoir compter pour réussir.

Je demanderais maintenant à mon confrère M. Théoret de bien vouloir aborder sous les différents thèmes généraux certaines explications sur certains principes que nous aimerions pouvoir débattre ici.

M. Théoret (Jacques): Les premiers sujets, M. le Président, M. le ministre, Mme et MM. les membres de la commission, dont nous voulons traiter sont: l'accident du travail, la lésion et la maladie professionnelle. Ces trois définitions se recoupent. Par contre, la définition d'accident du travail est trop large et, avec les définitions de la lésion et de la maladie professionnelle, elle couvre tellement de possibilités en pensant, par exemple, aux interprétations déjà très vastes que fait la commission assorties de présomptions affirmées, par exemple, aux articles 26 à 29 du projet de loi, qu'on se demande ce qui en sera exclu. Qu'en sera-t-il d'une arthrose, du stress, de la défaillance cardiaque, des diminutions des facultés auditives, des blessures subies en tentant de violer une ligne de piquetage ou de la défendre, d'un manque flagrant de discernement, d'une imprudence ou d'une faute du salarié, grave par ses conséquences, même si elle n'est pas en soi grossière ou intentionnelle, de l'accident sportif ou de tout autre événement soudain, mais non directement relié au travail? Et que dire des fameux maux de dos, presque impossibles à vérifier quant à leur origine ou même quant à leur existence réelle? À notre avis, la loi ne devrait pas couvrir toute lésion ou maladie qui se manifeste sur les lieux du travail parce que ces lésions ou maladies peuvent résulter d'une multitude d'autres causes.

C'est pourquoi nous nous demandons si la loi ne devrait pas s'en tenir à ne parler que de lésions professionnelles survenues au travail et du fait ou du fait de ce dernier, et, dans le cas des maladies, aux seules maladies professionnelles spécifiquement reconnues par la commission et ne plus parler d'accidents, surtout ceux attribuables, comme le dit le texte lui-même, à "toute cause".

Il en résulterait assurément une diminution des trop nombreux abus, très coûteux d'ailleurs, auxquels donnent inévitablement lieu les textes actuels et proposés. Quant aux lésions qui ne sont pas strictement professionnelles, l'entreprise ou même l'employé lui-même est capable de prendre ses propres responsabilités lorsqu'elles existent réellement; c'est là pour nous une question d'équité et elle doit être reconnue comme telle.

Nul doute que les employeurs de l'industrie de la construction souscrivent au principe de l'indemnisation des vrais accidentés du travail. Cependant, les définitions trop larges qu'on retrouve au projet de loi, assorties des présomptions des articles 28 et 29, comme on l'a dit tout à l'heure, auraient un effet désastreux sur les employeurs seulement par le système de mérite et de démérite et nous craignons que l'on soit bientôt en face d'un système de démérite.

Le deuxième sujet que nous voulons aborder est la notion d'établissement et ses conséquences.

La notion d'établissement, selon le projet de loi 42, comprend, nous le citons, "un chantier de construction au sens de la Loi sur la santé et la sécurité du travail."

Or, la définition en question, celle de la loi 17, est trop large parce qu'elle couvre aussi, sans distinction, "les locaux mis par l'employeur - lequel, peut-on se poser comme question parce qu'ils sont souvent plusieurs sur un même lieu? - à la disposition des travailleurs de la construction à des fins d'hébergement, d'alimentation ou de loisirs."

À ce sujet, nous estimons que le législateur devrait employer le concept d'activités de travail sur un lieu de travail plutôt que celui d'établissement pour déterminer l'existence d'une lésion professionnelle.

Ceci est important, compte tenu des définitions d'accident du travail, de lésion professionnelle et de maladie professionnelle proposées et aux notes qui précèdent à cet égard.

Si l'article 146 du projet de loi s'applique ici et que c'est dans le même établissement que le droit de retour au travail s'exerce, comment l'employeur devra-t-il assumer les obligations qui lui sont faites par la section II du chapitre VI du projet de loi à l'égard d'un salarié de la construction pour lequel il n'a plus d'emploi parce que le chantier est terminé ou qu'il n'y a plus de

travail dans l'entreprise pour l'ouvrier spécialisé qui a droit de retourner au travail dans cet établissement, ou encore parce que le salarié en question ne remplit plus les exigences du règlement de placement, par exemple.

Autre question. Est-ce que le travailleur qui a droit de retour au travail dans le même établissement continuera à recevoir un remplacement de revenu si l'employeur n'a pas de travail à lui offrir du fait qu'il n'a pas de chantier en marche? Ne faudrait-il pas chercher des mécanismes qui permettraient de réintégrer les travailleurs accidentés dans le bassin de la main-d'oeuvre de l'industrie? Sinon l'obligation de l'employeur qui serait le pendant du droit de retour que veut affirmer ici le projet de loi risquerait d'être impossible d'exécution. Or, à l'impossible nul - vous nous permettrez la petite modification - ne doit être tenu.

Il nous semble donc à cet égard que la loi devra prévoir des aménagements particuliers dans le cas au moins de notre industrie. Sinon nous aurons dans la loi un autre prétexte pour que la CSST doive assumer, avec les deniers des employeurs, bien entendu, la rémunération d'un tel salarié, à cause de la particularité du système d'embauche de l'industrie de la construction.

En tout état de cause, la notion de contrat de travail dont parle l'article 145, n'est pas claire, bien que nous devrions présumer que le salarié de la construction pourra se prévaloir des dispositions de l'article en question et des suivants. Alors, nous invitons le législateur à la prudence, compte tenu des conditions très particulières d'opération de la plupart des entreprises de construction et des difficultés très réelles que poseraient pour elle le droit de retour au travail.

Le travailleur autonome ou artisan, voilà un autre mal du siècle pour l'industrie de la construction, comme le savent tous les ministres du Travail qui se sont succédé depuis l'adoption de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction.

Le ministre de l'Habitation connaît lui aussi la question en tant que responsable de Corvée-habitation. Les entrepreneurs professionnels de notre industrie attribuent en bonne partie aux artisans les diminutions considérables du nombre d'heures de travail rapportées à l'Office de la construction et les syndicats de la construction ne portent pas non plus les artisans dans leur coeur.

Quant au législateur, il les considère comme entrepreneurs aux fins de la Régie des entreprises de construction et il leur reconnaît un statut très spécial, une très grande autonomie, à l'égard du décret et des rapports à être fournis à l'OCQ.

Il ne nous semble donc pas du tout réaliste, dans ces circonstances, de donner à ce travailleur un statut de salarié de son employeur aux fins de la Loi sur les accidents du travail.

C'est, du moins dans l'industrie de la construction, le travailleur autonome qui doit être tenu d'assumer pour lui-même les obligations que lui fait la loi, actuelle ou projetée, en tant qu'entrepreneur particulier, plutôt que son employeur occasionnel, qui ne peut avoir sur lui qu'un contrôle très mitigé.

C'est d'ailleurs l'individu qui fait le choix d'être entrepreneur-artisan plutôt que salarié, et c'est l'une des conséquences naturelles de ce choix, outre les avantages qu'il peut représenter, que d'avoir la pleine responsabilité de ses actes.

Il est d'ailleurs facile d'imaginer que l'artisan de la construction, en vertu de son autonomie, quitte de temps à autre son emploi pour aller travailler à une activité non contrôlée, chez un particulier, par exemple, comme le lui permet la loi. À qui sera alors imputé le coût d'une lésion encourue alors qu'il n'est plus chez son employeur de façon temporaire ou parce qu'il est sans emploi et que la lésion peut être présumée être arrivée chez son employeur principal, ou même parce qu'une blessure lui aura, en fait, donné quatorze jours pour aller travailler ailleurs au noir ou chez un particulier?

Voilà des situations incontrôlables, mais qui peuvent en même temps coûter fort cher à la CSST et, évidemment, à ceux qui contribuent au fonds sans justification véritable.

Quant au camionneur-artisan, l'entrepreneur qui l'engage ne le connaît ou ne le choisit souvent pas. Il n'a guère de contrôle sur l'état de son camion ou les agissements de son conducteur et il ne doit pas non plus, pour ces raisons, être tenu responsable face à la loi projetée ici.

Au sujet du travailleur autonome, nous réclamons aussi l'élimination de l'article 12 du projet de loi vu la non-imputabilité à l'employeur du choix d'un remplaçant et l'impossibilité de contrôle qu'implique une telle situation.

Signalons ici - c'est un peu un exemple de ce que nous avons dit en introduction -une apparente contradiction entre la règle de l'article 38 et le remboursement prévu à l'article 12, deuxième paragraphe.

Je redonne maintenant, M. le Président, la parole à mon collègue, M. Cliche.

M. Cliche: Le travailleur sans emploi. L'article 64 du projet de loi stipule que le revenu brut d'un travailleur qui n'a plus d'emploi lorsque se manifeste une lésion professionnelle est celui qu'il tirait de l'emploi par le fait ou à l'occasion de laquelle il a été victime de cette lésion.

Cette disposition du projet de loi 42 ouvre la porte à tous les abus possibles et

tout particulièrement au mal du siècle, les maux de dos.

En raison du caractère particulier du secteur de la construction, c'est-à-dire le travail saisonnier et la fluctuation périodique de la main-d'oeuvre, mentionnons que ce problème nous touche d'emblée. Combien de maux de dos se déclarent ou se déclareront à la veille d'une mise à pied ou d'une fermeture de chantier, considérant que les travaux de construction sont, en général, d'une durée de moins de six mois par chantier!

Les coûts d'indemnisation à cet égard sont énormes. Au cours de chacune des cinq dernières années, de 1978 à 1982 inclusivement, selon des statistiques de la CSST, les jours perdus à cause de blessures de dos sont d'environ 34% de l'ensemble des jours indemnisés pour lésions professionnelles. Le problème est de taille. Il y a, d'une part, les blessures au dos qui sont réelles et, d'autre part, celles qui sont douteuses. Il y a les blessures au dos survenues au travail et celles qui peuvent être survenues à l'extérieur du travail.

La problématique: Qui peut trancher la question? Même pas le médecin consulté, si le travailleur déclare ressentir des douleurs.

De plus, l'on peut quelquefois craindre de la part d'un médecin qui examine l'accidenté une certaine prudence extrême qui s'avérera plus favorable que nécessaire au malade.

De fait, quelle que soit la lésion, affirmer qu'il y a eu accident, c'est très facile, mais il n'y a pas toujours de témoin sur les lieux de travail, abstraction faite de certains accidents graves.

Il serait urgent que la CSST exerce un contrôle beaucoup plus serré pour ce type de réclamations et qu'elle cesse en quelque sorte de remplacer à fort prix peut-être l'assurance-chômage ou peut-être même le bien-être social. (11 h 30)

Les quatorze jours de l'article 53. Déjà, l'employeur doit actuellement verser les cinq premiers jours, depuis les derniers amendements à la loi actuelle. Comme c'est souvent le cas, nous n'avons pas d'ailleurs de chiffres précis à présenter ici, parce que nous n'avons pas accès à toutes les données à ce sujet, mais ce que nous savons, c'est que 80% des blessures du travail sont de nature "mineure" et qu'il est alors facile de concevoir les "abus de convalescence" qui peuvent en découler, compte tenu de la possibilité d'être rémunéré à 90% de son salaire net régulier pendant qu'on est ailleurs ou en train de travailler ailleurs comme artisan à titre d'exemple d'autant plus - cela a été démontré d'ailleurs - que 90% du salaire net à temps complet non imposable, c'est souvent une aubaine et que la CSST risque fort de ne pas pouvoir récupérer ces sommes dans les cas de réclamation abusive.

Remplacer les cinq jours par quatorze jours, n'est-ce pas, dans de telles circonstances, un peu "tenter le diable"? Ce n'est pas, en tout cas, un mesure qui incitera le retour diligent au travail. Espérons, au minimum, qu'on réduira les montants versables aux salariés au titre de vacances, lorsque l'on indemnisera pour des blessures survenues avant Noël ou précédant la fermeture estivale des chantiers, puisque ces montants ont déjà été versés au crédit du travailleur par l'employeur.

Autre question: Combien de temps l'employeur devra-t-il attendre son remboursement? Et la CSST le remboursera-t-elle ou mettra-t-elle ces sommes au crédit futur de l'employeur, ce à quoi nous nous opposons, parce que ce n'est certainement pas le rôle de l'employeur que de financer d'avance la CSST? Et que dire du non-remboursement possible à l'employeur des cas qui ne seraient pas acceptés par la CSST à cause de l'interprétation de l'article 53?

De toute façon, que le revenu net du salarié de la construction soit établi sur la base d'un salaire annuel, comme le dit l'article 58, n'est-ce pas un peu anormal, lorsqu'on connaît les taux horaires très élevés qui sont payés dans notre industrie, d'une part, mais aussi à cause du fait que l'ouvrier ne travaille en moyenne dans cette industrie qu'environ 945 heures - je cite ici le rapport de l'Office de la construction du Québec pour l'année 1982 - par an, soit environ 24 semaines. Nous suggérerions, du moins pour l'industrie de la construction, que l'article 58 parle au maximum du revenu net que le travailleur tire réellement de son emploi.

Bien que la CSST nous fasse part dans son dernier rapport annuel, ainsi que dans ses publications périodiques, des moyens dont elle s'est dotée pour améliorer son régime administratif, entre autres la régionalisation des services et l'implantation de nouveaux systèmes d'informatique qui ont permis de réduire d'au moins 80% les délais de décision et de paiement, il est surprenant de constater que le projet de loi 42 propose non pas de réduire la période pendant laquelle l'employeur verse directement l'indemnité au travailleur, mais de l'augmenter à quatorze jours. Cette nouvelle disposition, selon l'expérience passée, ne contribuera qu'à accroître les pertes de temps occasionnées par des accidents avec blessures mineures et à augmenter les coûts que devront assumer les employeurs. Cette nouvelle disposition est, à notre avis, inacceptable.

La classification des établissements. Il ne s'agit pas là, dans l'ensemble, de dispositions nouvelles par rapport à la loi actuelle.

Ce que nous y voyons, en tout état de cause, c'est une source intarissable de

tracasseries, parce que la commission peut, ce qui veut tout dire, exercer de façon discrétionnaire les pouvoirs qui lui sont conférés ici. De plus, il y a là une source possible d'iniquités flagrantes qui n'auront d'autre fondement quelquefois que les spécialités différentes des entreprises concernées ou même, à l'intérieur d'une même unité, les structures administratives ou les vocations traditionnelles des entreprises qui forment cette unité.

À titre d'exemple, prenons le cas des employés de bureau qui sont reliés pour fins de cotisations à l'activité principale d'une entreprise. Les employés de bureau, d'une entreprise à une autre, ont une activité similaire et peu de risques de blessures au travail. Cependant, en termes pécuniaires, un employeur dont les travaux consistent au montage de structures paiera 25,13 $ les 100 $ de salaire assurable pour ses employés de bureau, comparativement à 4,58 $ pour celui dont l'entreprise effectue des travaux d'électricité à titre d'exemple.

Ne serait-il pas plus équitable que tous les employés de bureau, quelle que soit la nature des travaux exécutés par leur employeur, soient cotisés sur un même barème?

La fixation et le paiement de la cotisation. Articles 196 à 203 et 204 à 213. L'estimation des salaires, en premier lieu.

Cette disposition est la même que celle incluse dans la loi actuelle. Cependant, l'estimation des salaires au début de l'année a toujours suscité un problème au niveau des entreprises de construction du fait que celles-ci ne connaissent pas dans la plupart des cas les contrats qui leur seront octroyés en cours d'année, le volume d'affaires à venir et le nombre d'heures travaillées en découlant.

Nous acquiesçons au principe de la modalité d'application concernant l'échéancier établi par la commission pour la transmission de l'état des salaires qu'est tenu de faire l'employeur au cours de chaque année. Mais ce qui nous apparaît exagéré pour notre secteur en particulier, c'est l'aspect pénal se rattachant à toute cette question.

D'abord, le plafond de 25% comme différence permise entre les salaires gagnés dans l'année et ceux estimés et déclarés par l'employeur en début d'année nous apparaît irréaliste vus les aléas du marché typique de l'industrie de la construction, d'autant plus que tout excédent à cette marge de 25% fait actuellement l'objet de pénalités d'intérêts qui ont déjà atteint 20%.

Nous considérons également comme très exagérée l'évaluation des salaires faite par la commission à 200% de ceux qui ont été déclarés dans le dernier état transmis par l'employeur et à 250% des salaires que cet employeur aurait dû prévoir payer même s'il y a retard minime dans la réception du rapport à être transmis par l'employeur en début d'année.

Une telle procédure administrative de la commission, en regard de l'évaluation des salaires et de l'application d'un taux de pénalité élevé, soit de 20%, sur la différence salariale non déclarée est inacceptable et à plus forte raison si on y ajoute les intérêts mensuels sur les sommes imputées par la commission ainsi que la pénalité de 5% découlant de l'article 209.

Le Conseil patronal de l'industrie de la construction estime qu'il y aurait lieu d'apporter certaines modifications en regard du rapport sur l'estimation des salaires que doit transmettre en début d'année l'entreprise de construction. Il serait plus équitable, pour les employeurs du secteur de la construction en particulier, d'établir une estimation des salaires et des versements périodiques échelonnés pour trois ou quatre mois d'activités, par exemple, et nous croyons qu'une telle procédure administrative appliquée par la CSST contribuerait certainement à améliorer une partie du problème que nous venons de soulever.

La responsabilité pour autrui. Article 205. La façon de se faire justice à soi-même que consacrerait l'article 205 est tout à fait inacceptable pour nous, parce qu'elle ne permet aucun contrôle de la part de celui dont on prétend qu'il doit ou devra de l'argent à la CSST. Nous relions d'ailleurs à cette méthode un autre prétendu principe de la loi actuelle et nous faisons référence ici à l'article 11 de la Loi sur les accidents du travail que l'on reprend dans une forme différente, possiblement plus large, à l'article 10 du projet de loi 42. C'est la question de la responsabilité pour les cotisations impayées par un sous-traitant. Nous croyons qu'il est temps de se rendre compte de l'incompatibilité de ce régime de responsabilité stricte pour les actes ou les omissions d'autrui avec la réalité, de plus en plus complexe, et de l'impossibilité pour qui que ce soit de s'assurer qu'il n'a pas une responsabilité pécuniaire qui peut être importante, mais qui est en pratique invérifiable et souvent insoupçonnée. C'est, à notre avis, à la CSST à se protéger et non aux employeurs de pallier les lacunes en remboursant la commission des sommes restées impayées par un entrepreneur ou un sous-entrepreneur insouciant, frivole ou failli.

Ajoutons ici qu'il en résulte pour les entreprises, pourtant "bons citoyens" pour la plupart, des tracasseries énormes, vu l'obligation imposée aux différents entrepreneurs de la chaîne contractuelle par leurs employeurs respectifs, leurs donneurs d'ouvrage, de démontrer leur statut à l'égard des paiements à la commission, au moins avant d'être payées pour les travaux accomplis.

Dans la réalité, l'obligation de produire

un certificat de conformité contraindra quelquefois l'entreprise à acquitter à la CSST une cotisation injustifiée ou contestable, même relativement à un autre chantier, pour obtenir le fameux papier, et strictement parce qu'un paiement important l'attend chez son employeur, mais sur fourniture du papier en question seulement.

En passant, nous nous permettons de souligner ici au législateur une redondance: l'article 203, d'une part, et l'article 266, sous-paragraphe 5, d'autre part, nous semblent se répéter.

En conclusion, dans la présentation qu'il vient de vous faire, le Conseil patronal de l'industrie de la construction du Québec et les deux organismes représentatifs qui le constituent, l'ACMQ et la Fédération de la construction du Québec, ont voulu restreindre leur intervention à certains aspects du projet de loi 42 qui revêtent, à notre avis, une importance toute particulière pour l'industrie de la construction.

Nous n'avons pas pour cette raison, sauf de façon incidente, traité d'autres questions qui, pour primordiales qu'elles soient, ont déjà été abordées dans les mémoires à votre commission par d'autres groupements et, tout particulièrement, par le Conseil du patronat du Québec.

Nous pensons en particulier à l'article 38.4 et à la nécessité de régler ce problème selon des modalités réalistes; à la nécessité aussi de ne pas imposer aux employeurs d'autres coûts additionnels importants, compte tenu des difficultés qu'éprouve l'industrie de la construction face à la situation économique actuelle; aux recours en révision et en appel; aux pouvoirs discrétionnaires très larges de la commission, sans parler aussi de l'administration de la CSST; aux coûts cachés, imprévisibles, de l'attente pour traitements de physiothérapie et pour entrée à l'hôpital pour chirurgie ou autres soins médicaux importants, coûts estimés à 8 000 000 $ selon des fonctionnaires cadres de la CSST elle-même; aux nombreuses mesures sociales qu'édicte le projet de loi et qui ne devraient pas être défrayées par la CSST; à l'aspect paritaire aussi du conseil d'administration qui, à notre avis, est plutôt de caractère consultatif que décisionnel.

Au moment d'écrire le mémoire, M. le Président, nous avions également parlé des coûts du projet de loi impossibles à estimer sans des études fort longues et coûteuses. Ces études ont été publiées depuis que la commission a entrepris ses travaux, mais nous avions quand même beaucoup de difficultés de ce côté-là et nous en avons encore depuis la publication de ces chiffres.

Nous croyons d'ailleurs que le genre d'absolution générale que véhicule le projet de loi à l'endroit du travailleur à l'article 39 en particulier n'a pas sa raison d'être et que le travailleur devrait être responsabilisé. Nous n'avons pas élaboré non plus sur certains irritants inhérents au projet de loi comme la nécessité pour les employeurs petits ou grands de fournir à la CSST de multiples rapports et sur le peu de cas que l'on semble faire de l'opinion des personnes concernées en ne leur accordant que 30 jours d'une publication à la Gazette officielle pour faire valoir leurs objections et sans obligation claire pour le ministre responsable ou pour la commission elle-même d'enquêter sur de telles objections avant adoption définitive.

Et nous concluons en disant que le projet de loi 42 est décidément un projet avant-gardiste. La société québécoise en a-t-elle les moyens? À notre avis, non. C'est en tout cas à une étude beaucoup plus approfondie et pragmatique qu'il faudrait s'astreindre avant d'adopter et de promulguer une loi dont les conséquences sur la santé économique des entreprises que nous représentons risquent d'être désastreuses sans aucunement tenir compte de la réalité et de l'inflation galopante qui affecte les charges sociales imposées aux employeurs et à ceux de la construction plus encore qu'aux autres.

Nous n'avons donc d'autre choix que de recommander ici le renvoi du projet de loi 42 sur les tables de travail pour reconsidération de plusieurs principes fondamentaux qui y sont affirmés. Et, cette fois, que l'opération ne soit pas, de grâce, défrayée à même les fonds perçus par la CSST chez les employeurs!

M. Cusano: C'est clair?

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer à la période de questions. M. le ministre du Travail, vous avez la parole.

M. Fréchette: Oui, M. le Président, je vous remercie. Je voudrais aussi remercier M. Cliche, M. Théoret, et les membres de la délégation qui les accompagnent, qui sont venus, à la suite de plusieurs autres, et comme d'autres que nous entendrons jusqu'à la fin de la période prévue pour les auditions, exprimer leur opinion et leurs observations sur le projet de loi 42. Évidemment, on retrouve une conclusion qui est claire, qui est très fermement exprimée, et c'est une conclusion qui revient dans plusieurs mémoires, conclusion qui revient autant dans des mémoires de représentants d'associations syndicales que de représentants d'associations patronales. Mais on va convenir que, dans l'un et l'autre cas, ce ne sont pas les mêmes motifs qui sont invoqués et, non seulement ne sont-ils pas les mêmes, mais ils sont presque toujours à l'opposé les uns des autres. Quoi qu'il en soit, cette situation est tout à fait normale et conforme aux intérêts que représentent les organismes que nous

recevons. (11 h 45)

M. le Président, je veux signaler l'intérêt que l'organisme devant nous et ses associations membres ont toujours manifesté aux différentes législations du travail. Je pense pouvoir vous le dire d'expérience, en tout cas pour ce qui est de ma région, parce que, très régulièrement, nous avons l'occasion avec les gens de la région de nous rencontrer et de discuter globalement tous ces prinipes que l'on retrouve à l'intérieur des lois qui concernent les relations du travail.

Ces discussions nous permettent au moins de nous sensibiliser de part et d'autre aux difficultés ou à la nécessité de s'adapter aux différentes dispositions de nos lois. Cela nous permet aussi à certains égards d'avancer sur un certain nombre de problèmes. Bien sûr que le contraire serait étonnant et bien sûr qu'on ne pourra jamais nous rejoindre totalement et sur tous les sujets en discussion, mais, pour autant que je suis concerné, le dialogue a toujours été très ouvert, très serein et, encore une fois, a permis de faire avancer un certain nombre de choses.

M. Cliche et M. Théoret, il y a dans votre mémoire des observations spécifiques qui nous sont faites et, comme vous l'avez mentionné, qui sont à toutes fins utiles propres à l'industrie de la construction. C'est pour cela que, dans certaines autres lois, le législateur a dû inscrire des particularités dans les lois qui sont évidemment en relation directe avec le monde de la construction. Cet aspect-là est soulevé autant par les parties syndicales que par les parties patronales. À cet égard, il est évident qu'il va nous falloir, dans la réflexion qui va suivre l'audition des mémoires, dans la période de temps qui nous sera allouée pour réévaluer un certain nombre de choses, tenir compte des représentations qui nous ont été faites et qui vont dans le sens d'attirer notre attention sur les particularités de la construction.

M. le Président, je n'entrerai pas dans chacun des détails soulevés par nos invités. Cela risquerait d'être long, d'une part, et c'est si clairement exprimé que l'on sait très précisément la nature des réclamations qui nous sont faites. Je me limiterai à une question d'ordre très général et qui est en relation beaucoup plus avec la philosophie même de la loi qu'avec l'une ou l'autre des dispositions particulières qu'on y retrouve. Cette question m'est dictée pour deux motifs. Premièrement, vous dites dans votre mémoire: généralement parlant, sinon, globalement parlant, nous sommes d'accord avec les représentations qui ont été faites par le Conseil du patronat, d'une part, et, deuxièmement, à trois ou quatre reprises dans votre mémoire, vous faites également référence à une caisse qui est alimentée par les cotisations des employeurs. Enfin, je n'ai peut-être pas les mêmes termes que ceux que vous utilisez, mais, à toutes fins utiles, c'est à cela que cela revient.

Alors, à partir du contenu du mémoire du Conseil du patronat, de vos observations, et à partir de l'historique de nos lois sur les accidents du travail, sur la santé et la sécurité du travail, je me permets simplement de vous soumettre la question suivante: Doit-on comprendre dans votre mémoire, sans que ce soit expressément écrit, que vous souhaitez ou, enfin, qu'on doive tenir pour acquis qu'il y a un message que le temps est peut-être maintenant arrivé de faire en sorte que les travailleurs et les travailleuses soient appelés par législation à participer à la cotisation du régime. Le Conseil du patronat, là-dessus, nous a fait part de ses observations. Il a eu la prudence de nous dire que son mémoire n'était là que pour lancer la discussion mais, enfin, le message me paraît clair aussi. J'apprécierais pouvoir, MM. Cliche et Théoret, obtenir vos commentaires là-dessus.

M. Théoret: M. le Président, M. le ministre, comme le Conseil du patronat, disons que nous lançons un élément de discussion ici. Nous avons parlé dans notre mémoire, de façon bien générale évidemment, de responsabilisation des employés ou des travailleurs. Cela ne veut pas nécessairement dire, à notre avis, qu'on devrait avoir, comme peut-être certains l'ont déjà suggéré, une participation au coût totalement paritaire. Il y a déjà certains éléments ou certains coûts de la commission qui sont assumés par le gouvernement. Nous pensons à l'inspection. La compensation, quant à nous, il me semblerait difficile que ce soit autrement que ce qui est présentement. Mais nous nous demandons si, du côté de la prévention et du côté des devoirs des travailleurs, la loi - peut-être celle-ci et peut-être la loi 17 - devrait ou ne devrait pas contenir des dispositions qui tendraient à impliquer le travailleur non seulement lorsqu'il s'agit de faire des réclamations ou lorsqu'il s'agit de participer à un comité, mais aussi des devoirs qui lui seraient impartis et qui amèneraient pour lui peut-être une responsabilité pénale plus claire que celle qui est déjà inscrite au projet de loi. C'est peut-être très partiel comme participation mais nous croyons que ce serait une participation qui tendrait à réduire un peu les possibilités d'abus qui se retrouvent partout et dont nous connaissons malheureusement en pratique les effets.

M. Fréchette: Je suis très bien votre raisonnement, M. Théoret, mais il y a une chose dont je ne vous dirai pas qu'elle m'étonne, mais je souhaiterais qu'on

l'éclaircisse davantage. À quelle situation vous référez-vous quand vous nous suggérez qu'une forme de responsabilité pénale soit retenue contre un travailleur ou une travailleuse? Là, je vous avoue que c'est, me semble-t-il, la première fois qu'une suggestion de cette nature nous est faite. Je souhaiterais bien avoir plus d'éclaircissement sur les situations qui feraient en sorte qu'une telle responsabilité puisse être retenue contre quelqu'un.

M. Théoret: II est arrivé, M. le ministre, de façon peut-être trop rare, à notre avis, pour que cela fasse jurisprudence, si vous voulez, qu'un employeur vraiment convaincu se défende. Je parle surtout des termes de l'ancienne loi sur les établissements industriels et commerciaux qui a été abolie avec l'adoption de la loi 17. Que l'employeur prouve qu'il avait effectivement pris toutes les mesures, qu'il avait donné toutes les instructions et que, malgré cela, ses employés n'avaient pas porté la ceinture de sécurité, par exemple. C'est, par ailleurs, quelquefois difficile pour l'employeur lui-même d'invoquer ces arguments pour des raisons de relations, si vous voulez, avec son personnel, pour des raisons de relations avec nos amis les syndicats, mais nous ne voyons pas pourquoi la CSST ne pourrait pas pénaliser ou poursuivre en tout cas pour infraction des travailleurs et pourquoi elle ne le ferait pas plus souvent de la même façon qu'elle poursuit des employeurs et de façon fort cavalière quelquefois?

M. Fréchette: Cela va pour moi, M. le Président. J'ai eu les renseignements que je souhaitais avoir sur les deux aspects de la question. Merci.

Le Président (M. Paré): Merci. M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. De ce côté-ci de la table, nous tenons aussi à vous remercier de votre mémoire; il est très clair et très précis. Un petit commentaire avant de passer aux questions. Le ministre vient de dire tout à l'heure que le retrait du projet de loi est demandé tant du côté patronal que syndical, mais pour des raisons différentes. J'aimerais quand même rappeler au ministre que, tant du côté patronal que syndical, le retrait du projet de loi est demandé parce qu'il est très confus, imprécis, mal écrit. On peut ajouter tous les qualificatifs qu'on veut et on a vraiment beaucoup de difficulté à suivre exactement ce que veut dire ce projet de loi. Le retrait est aussi demandé parce qu'on donne des pouvoirs accrus, arbitraires à la CSST sans qu'on sache quelles en seront les conséquences.

M. le Président, je pense qu'il est nécessaire de faire cette distinction et de ne pas simplement laisser sous-entendre que les patrons trouvent que cela coûte trop cher et que, du côté des syndicats, ils ne sont pas assez satisfaits. Je crois que c'est important d'établir que pour le retrait - en ce qui me concerne mon interprétation de tous les intervenants à ce jour - les points communs invoqués sont ceux-là. Il y a aussi une différence sur la question des coûts et je l'admets. Peut-être qu'avec des modifications le tout pourrait être réglé.

Je voudrais vous poser seulement quelques questions, car le mémoire est très clair. Lorsque vous parlez du partage des coûts, est-ce que vous insistez sur le fait que l'employé doit participer ou si vous voulez dire que tout ce qui est considéré dans le projet de loi comme étant des mesures sociales, ces coûts seraient imputés à une autre instance, c'est-à-dire le fonds consolidé de la province? Est-ce que vous en faites une distinction?

M. Théoret: Oui. Quant à la participation et à la responsabilisation des travailleurs dont j'ai parlé en réponse à la question précédente du ministre, c'est sûr que cela doit rester dans la loi. Quant aux mesures sociales - si vous nous le permettez, M. le Président - nous avons regardé tout ce dossier et nous en avons conclu qu'effectivement ces mesures sociales ne devraient pas être à la charge des cotisants. Je pense qu'on pourrait peut-être vous faire une liste des mesures que nous appelons sociales dans le projet de loi, mais ce serait peut-être un peu long et un peu fastidieux. Je pense que notre position est claire là-dessus. Pensons, par exemple, à ce que d'autres ont appelé le profil de carrière de l'étudiant. Nous voyons vraiment là que cela ne relève pas de la responsabilité de l'employeur comme tel. On peut aussi penser à d'autres compensations qui sont indiquées dans le loi comme celles qui prévoient le programme de formation de recherche d'emploi. On pense aussi, bien que ce ne soit peut-être pas une affaire considérable, à certaines primes d'assurance-vie qui seront payables à des gens qui ne dépendent pas vraiment du travailleur pour continuer à vivre, etc. (12 heures)

M. Cusano: Sur la question de la définition de l'accident du travail, il a été dit très clairement par d'autres groupes patronaux que cette définition était effectivement trop large. On aura à se prononcer à la fin de cette commission. J'aimerais savoir en ce qui vous concerne si la définition qui se trouve dans la loi actuelle et non dans le projet de loi vous satisfait.

M. Théoret: Je demanderais à M. Le May d'expliciter cette question.

M. Le May (Roger): La définition qui existe dans la loi actuelle est déjà large et on l'a élargie davantage. Je crois qu'il y a une définition authentique d'un accident du travail qui nous dit que c'est un événement imprévu; cet événement imprévu est causé par des actes dangereux et des conditions dangereuses et a pour conséquence une blessure ou un dommage matériel ou les deux ensemble. Lorsqu'on regarde la définition et qu'on trouve les mots "un événement soudain attribuable à toute cause", cela ouvre la porte à tous les abus possibles. Cela ouvre la porte à toutes sortes de maladies; cela ouvre la porte à toutes sortes de lésions. Comme cela est défini dans le projet de loi, est-ce qu'elles sont attribuables réellement à des causes de travail? C'est pour cela que nous demandons de s'en tenir aux lésions professionnelles. La définition de la lésion professionnelle, si on enlève le mot "maladie" pour laisser maladie professionnelle, je crois que c'est ce dont on traite tout au long du projet. Cela empêcherait peut-être une interprétation qui vient se confondre entre lésion professionnelle et accident du travail; c'est très confus.

M. Théoret: Si vous me le permettez, j'ajouterai quelques mots à ce que vient de dire M. Le May. Même avec la loi actuelle, la CSST a fait des interprétations et ce sont des interprétations publiques qui nous semblent quelquefois fort élaborées et fort étirées, si vous nous permettez le terme. Je pense, par exemple, aux fameux accidents de baseball; je pense, par exemple, au bonhomme qui glisse sur une savonnette dans une douche - cela peut m'arriver, cela m'est déjà arrivé - ce n'était pas un accident du travail, parce que cela se passait chez moi. Je ne vois pas pourquoi l'employeur, s'il a une responsabilité, ne devrait pas assumer ses responsabilités en dehors de la CSST dans ces cas-là et, s'il n'en a pas, il n'en aura pas. Le problème est que le projet de loi qu'on nous présente affirme des présomptions qui sont toujours favorables à l'employeur. C'est en somme la reconnaissance d'un état de fait pour ne pas dire une politique administrative de la CSST qui existe déjà. Nous pensons qu'il y aurait là aussi des choses à modifier dans les définitions.

M. Cusano: Sur cette question d'accident, il est clair - comme vous le dites dans votre mémoire - qu'il est souvent difficile d'établir le fait accidentel. Chez vous, à cause du fait que vous avez des chantiers où un individu peut même travailler sans supervision ou sans votre oeil, c'est normal, c'est la situation particulière de l'industrie. Ce n'est pas la même chose dans une manufacture où il y a 50 ou 100 employés. Ce que je cherche un peu à comprendre, c'est que vous dites dans votre mémoire que la CSST devrait exercer un contrôle beaucoup plus serré. Est-ce qu'il s'agit d'un contrôle serré sur les réclamations ou si la CSST devrait être omniprésente - elle est déjà omniprésente en bien des choses - sur les chantiers et se ramasser comme dans certains pays du monde dans des situations où il y a deux travailleurs et dix inspecteurs qui les regardent faire? Est-ce que vous pourriez préciser ce que vous voulez dire par cet exercice de contrôle de la part de la CSST?

M. Théoret: C'est, je pense, à l'étape de la réclamation que la CSST devrait pouvoir exercer un contrôle plus serré. Évidemment, nos amis les omnipraticiens, qui nous ont précédés, vous ont dit que les médecins avaient quelquefois des hésitations à laisser un travailleur retourner au travail. Nous croyons que les médecins y vont peut-être un peu largement et que les travailleurs en profitent un peu.

On a parlé de tous ces maux de dos, il y a une nouvelle terminologie maintenant, on parle d'élongation musculaire, je pense. Vous savez, des élongations musculaires, j'en ai certainement, parce que hier j'ai transporté une grosse valise pour venir à Québec, cela ne m'empêche pas d'être ici ce matin et même si j'avais, ce matin, à faire de la charpenterie, je pense que je pourrais en faire quand même. C'est au niveau de la réclamation, comment exactement les mécanismes... Écoutez, il faudrait peut-être y voir de plus près, mais on ne conteste pas beaucoup les réclamations. Ce que cela fait, c'est que l'employeur devrait se défendre. Il n'a pas toujours le temps de se défendre, il n'a pas toujours des moyens légaux de se défendre et cela coûte très cher, car il ne faut jamais oublier le système mérite-démérite. Les cotisations comme telles, cela va peut-être, mais le système mérite-démérite, sur des affaires contestables mais difficiles à contester légalement, cela finit par coûter très cher. Le système mérite-démérite actuel est en train, très rapidement, de redevenir un système de démérite seulement.

M. Cliche: Je voudrais ajouter, si vous le permettez, M. le Président, qu'on a souvent une très mauvaise "impression", entre guillemets, de l'industrie de la construction. Il faut rappeler quand même, dans cette industrie, quelques statistiques: il y a 945 heures travaillées par année; 42 entreprises, en 1982, avaient 100 employés et plus et on parle, en moyenne, en 1982, de 4,7 travailleurs par entreprise. On parle réellement, dans la majorité des cas, de la PME. Sans doute nous ne pouvons nier la

statistique disant qu'une très faible minorité d'entreprises complètent ou effectuent une très grande partie des travaux, c'est environ de l'ordre de 20-80%, 15-85% environ. Il n'en demeure pas moins que l'on fait face, dans le cas de la majorité des 16 000 entreprises, à des entreprises qui, dans 85% des cas, comportent moins de cinq employés d'où, justement, une certaine prudence que doit avoir le législateur face à certaines procédures administratives qui, quelquefois, vont amener pour l'entreprise des coûts qu'elle n'a souvent pas les moyens de se permettre. Ce sont des entreprises types dans lesquelles on retrouve l'épouse à titre de comptable, de téléphoniste et souvent de coordonnatrice de certains travaux. Cela existe et il faudrait peut-être aussi ne pas tout considérer sous un aspect global. Une industrie, à première vue, laisse souvent présumer que c'est une très grande entreprise mais on fait face quand même à une typique PME dans la grande majorité des cas, on parle de 80%.

M. Cusano: Vous avez abordé le sujet de la cotisation et le fait que la plupart de vos membres sont engagés dans de très petites entreprises familiales où c'est l'épouse ou l'enfant d'âge collégial qui fait la tenue des livres, etc. Avez-vous rencontré des problèmes concernant les versements que vous avez à faire à la CSST et, dans certains cas, ces versements sont-ils plus élevés qu'ils auraient dû l'être? Plus précisément, dans le cas où vous avez versé des montants en trop à la CSST, avez-vous eu des problèmes à réclamer et à recouvrer ces sommes de la CSST?

M. Cliche: En général il ne semble pas que ce soit dramatique. Ce qu'il est cependant nécessaire de connaître, c'est qu'à un moment donné, au début du mois de février, on demande à une entreprise de financer la totalité de ces dus estimés à la CSST. Qu'est-ce que l'on fait par cela? On va directement dans le fonds de roulement de l'entreprise et on lui demande de débourser des cotisations qui peuvent être minimes dans certains cas - il ne faut pas se le cacher - mais, dans certains cas, relativement substantielles. Nous, c'est pour cela que, dans le mémoire on demandait s'il n'y aurait pas la possibilité d'une certaine forme d'étalement qui permettrait entre autres à l'entreprise, au préalable - il ne faut pas oublier qu'on est déjà avant quand même le début de certains chantiers et de certains travaux - de ne pas avoir à débourser des sommes qui peuvent être très différentes, compte tenu d'une activité qui a pu baisser d'une façon dramatique dans ladite entreprise. On peut dire: elle peut récupérer, mais huit mois après, et à des taux de peut-être 10%, 12% ou 15%. Cela représente quand même pour l'entreprise un fardeau administratif dont, je crois, elle pourrait peut-être bien se passer à l'époque où nous vivons. C'est surtout à ce niveau que nous allions beaucoup plus vers la possibilité d'étaler périodiquement, à trois ou quatre mois si nécessaire, certains versements et, bien entendu, avec tous les intérêts. C'est peut-être le système où l'on voit qu'avant de payer un compte, on exige des intérêts sur le compte. C'est assez spécial.

Donc, on pense que cette dimension devrait être regardée de près. Cela mérite une sérieuse analyse et la possibilité d'étaler sur différentes périodes les versements qui permettraient quand même à l'entreprise de se rajuster. Donc, on éviterait peut-être les systèmes fort complexes des 200% ou 250% des 25% d'écart sans encourir de pénalité, et sans avoir les déclarations qu'il faut faire au mois d'octobre, etc. Je crois qu'on crée plus de tracasseries administratives en voulant donner à l'entreprise un rapport unique, mais ce que tout le monde oublie, c'est qu'on va lui demander 500 000 $ ou peut-être 25 000 $. Pour certaines entreprises, j'admets que 500 000 $, ce n'est pas tellement imposant, mais, pour d'autres, même 5000 $ est une proportion très grande de fonds de roulement, etc. Cela nous apparaît quelque peu injuste, surtout dans les cas de non-paiement où on exige des intérêts en plus. Nous croyons que c'est aller un peu loin.

M. Cusano: La raison pour laquelle je vous posais cette question, c'est que j'ai deux cas dans mon comté où les entrepreneurs avaient versé des sommes à la CSST et ils ont une misère noire pour récupérer ces montants-là. Je me demandais si c'étaient des cas isolés ou si c'est généralisé.

M. Théoret: M. le Président, en réponse supplémentaire à cette question, tous les entrepreneurs ne nous appellent pas nécessairement pour nous dire: Voici le problème que j'ai eu, mais on a assez de cas qui nous sont signalés pour dire qu'effectivement la CSST traite de façon quelquefois plutôt cavalière, du moins en apparence, le fonds de roulement de l'entreprise, si on peut dire. On n'a pas de statistiques précises...

M. Cusano: Non, non.

M. Théoret: ...autrement dit, mais ce sont des choses - les deux cas dont vous parlez - dont on entend parler nous aussi tous les jours.

M. Cliche: De là à généraliser, cependant, cela mérite une certaine prudence.

M. Cusano: D'accord. Cela va. En terminant, la seule chose que je voudrais dire, c'est que je suis en désaccord avec une des déclarations que vous avez faites, à savoir que le conseil d'administration de la CSST n'est pas un lieu décisionnel, que c'est un lieu de consultation. Je suis en désaccord dans le sens qu'en ce qui nous concerne, il n'est même pas un lieu de consultation, et, s'il n'est pas consultatif, il n'est pas décisionnel non plus. On n'a qu'à se référer aux actions judiciaires du juge Sauvé, dont vous allez payer la facture, comme vous le savez, de tous ses frais contre M. Harguindeguy pour les choses qu'il a déclarées ici en commission parlementaire... C'est pour cette raison qu'avant... Comme on n'a pas encore reçu la réponse du président, il y avait d'autres questions que je voulais vous poser, mais je ne les poserai pas pour vous éviter peut-être des ennuis de la part du juge Sauvé. Sur ce, je vous remercie.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Sainte-Anne. (12 h 15)

M. Polak: Merci, M. le Président. Vous avez bien expliqué dans votre mémoire qu'à bien des points de vue, le projet de loi actuel ne peut tout simplement pas s'appliquer dans l'industrie de la construction. Je n'ai pas besoin de réitérer tout cela. Je pense que le ministre est bien d'accord avec ça aussi. Je me demande si on vous a consultés pour la préparation du projet. Avez-vous eu l'occasion de parler avec les fonctionnaires qui rédigent ces textes pour dire: Voici, c'est impossible que ça s'applique à notre industrie? Est-ce qu'on vous a demandé vos commentaires avant?

M. Cliche: Non, malheureusement. Cependant, dans quelques cas, nous avons reçu les versions amendées, 1, 2, 3 et 4, de l'avant-projet de loi.

M. Théoret: Mais toujours par le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre et donc le CPQ, dont le CPICQ est membre. Il n'y a pas eu, que je sache, de consultation générale avec le monde des employeurs.

M. Polak: Vous parlez actuellement de différents objets ou matières qui ne peuvent pas s'appliquer dans votre industrie. Est-ce que votre association est prête à soumettre des solutions positives en échange pour dire: Voici ce qu'on suggère, on va essayer de vous aider un peu?

Le ministre est un homme très poli. Il remercie tout le temps tout le monde pour chaque mémoire. Il y en a même qui lui demandent de retirer le projet de loi et il les remercie. Il remercie tout le temps.

Je voudrais vous demander si vous êtes prêts à dire au ministre: On va vous aider en suggérant ce que vous devriez faire dans notre industrie de construction. On peut accepter certains principes, mais il y a des choses avec lesquelles on ne peut pas vivre. Êtes-vous prêts à faire ça?

M. Cliche: Le CPICQ est prêt à faire des suggestions, surtout en ce qui a trait à une certaine méthode qui doit absolument être particularisée, entre autres dans le retour au travail. Ce point-là nous apparaît majeur et on ne peut pas demander à un employeur de l'industrie de la construction d'accepter quels que soient les motifs, parce qu'il ne faudrait peut-être pas aussi penser que l'industrie de la construction ou que les accidentés travailleurs sont toujours de mauvais travailleurs. Il y a souvent là-dedans des hommes clés qui occupent au sein de l'entreprise une fonction très importante. C'est surtout au niveau du retour au travail que nous pensons que ces mécanismes devraient être repensés en fonction du système d'embauche - le règlement de placement - qui existe dans l'industrie de la construction. Que ce ne soit peut-être que retourner l'accidenté de retour de sa convalescence dans le bassin, avec certaines particularités quant à la possibilité qu'il soit réembauché dans des délais un peu plus courts, ces mécanismes nous apparaissent comme étant à tout le moins, à la suite de notre analyse, les seuls que nous croyons acceptables pour cette industrie particulière.

Cela va bien dans le cas de l'industriel, là où les travaux se font quand même dans des endroits fixes, relativement continus dans le temps, tandis que, dans l'industrie, que fait un employeur avec un travailleur qui revient d'un accident sur un chantier qui n'existe plus? Souvent aurons-nous, si on le contraint à cette obligation, à lui dire: J'ai terminé mes chantiers à Québec, maintenant tu es à la baie James. Cette dimension-là nous paraît donc essentielle. Il est impérieux de revoir ce mécanisme dans le projet de loi. Il va sans dire que nous sommes prêts à d'autres suggestions similaires.

M. Polak: Je ne peux pas parler pour le ministre, mais je peux voir par la réaction de son visage qu'il est prêt à recevoir vos recommandations positives. Envoyez-les!

M. Cliche: Nous l'espérons.

M. Polak: Je voudrais revenir sur la classification, les articles 192 et suivants du projet de loi. Vous avez expliqué dans votre mémoire - je donne un exemple - que l'employeur des employés de bureau paie la même cotisation pour quelqu'un qui accomplit un travail dangereux comme, par exemple, le montage de structures d'acier.

Je ne suis pas au courant comment

fonctionne actuellement le système actuel des cotisations et j'espère que vous pourrez m'expliquer. Pour moi, cela semble logique, un employeur devrait pouvoir faire une distinction en disant que la secrétaire qui prend les appels et les commandes et qui ne va jamais voir d'usine ou ne va pas sur le chantier ne devrait pas payer le même montant que le travailleur qui porte la casquette de sécurité sur le chantier.

M. Cliche: Lorsque l'unité principale est définie pour un employeur, ce dernier se voit donner une certaine catégorie. Or, il doit subir, pour tout le personnel de son entreprise dans cette unité, les taux qui sont applicables. Nous avons pris le taux des gens affectés aux structures d'acier à quelque 25 $ et une personne qui a des ouvriers sur les chantiers, c'est 25 $ les 100 $. On pourrait quand même disserter sur l'évaluation qu'a faite la CSST de ce montant. Cependant, nous trouvons déraisonnable qu'une secrétaire ou une personne à l'intérieur d'une entreprise, parce que c'est une entreprise montant des structures, ait quand même à subir des taux de cotisation aussi élevés. C'est pour cela que l'on a assisté à une certaine prolifération des compagnies de gestion. On se déguise sous un statut juridique corporatif différent pour ne pas être affublé de taux aussi élevés. Donc, certaines entreprises forment des compagnies de gestion qui deviennent les gestionnaires des travailleurs, si vous voulez, qui vont sur les chantiers et pour lesquels, bien entendu, une surprime pourrait être justifiée par rapport au personnel administratif. Je crois que c'est une très grave lacune que de ne pas permettre à tout le moins une certaine catégorisation, sans tomber dans l'excès cependant. Il ne faudrait pas qu'on voie des entreprises devenir admissibles dans huit ou dix catégories, mais nous croyons à tout le moins que des grands paramètres devraient être suivis pour quand même refléter une certaine réalité avec un taux moyen d'environ 5 $. Nous croyons qu'il y aurait un certain équilibre à effectuer dans ce sens-là.

M. Polak: Je suis entièrement d'accord avec ce que vous expliquez. Je voudrais savoir comment cela s'applique, en pratique, dans les petites et les moyennes entreprises dont vous avez parlé tout à l'heure, qui comptent, par exemple, disons cinq employés. Dans une entreprise qui compte cinq employés, combien y en a-t-il actuellement qui travaillent dans la construction et combien y en a-t-il dans le bureau? S'il s'agit d'une personne dans le bureau, ce n'est pas la même chose que dans une grande compagnie.

M. Cliche: Si on parle d'une très petite entreprise, on peut parler d'une ou deux personnes dans le bureau, règle générale. On y retrouvera souvent un estimateur et une secrétaire qui effectuent le travail normal de bureau. Mais, dans la grande entreprise, c'est beaucoup plus perceptible parce que certaines ont même la complication d'exploiter des usines dont les divisions fabriquent certains éléments qui, bien entendu, sont en fonction directe d'un chantier de construction. Dans les entreprises diversifiées, on assiste quand même à certaines incohérences.

M. Théoret: C'est toujours l'activité principale qui est...

Une voix: Qui est le guide.

M. Théoret: ...le guide. J'ajouterai à ce que M. Cliche vient de dire que cela peut même déséquilibrer l'aspect concurrentiel à l'intérieur d'une même unité, parce que le même type d'employeur... Prenons l'exemple d'une entreprise d'électricité. Elle peut très bien, traditionnellement, être structurée pour n'exécuter que des travaux d'électricité alors que sa concurrente de même taille a un personnel de bureau beaucoup plus important, parce que, traditionnellement, elle travaille de plus près avec les concepteurs et qu'elle est obligée d'engager des designers, des ingénieurs, etc. Vous voyez la situation à ce moment-là. Prenons l'exemple des lignes de transmission, de la démolition ou de la structure d'acier, les taux y sont parmi les plus élevés. Si vous payez 25% de votre "payroll", à toutes fins utiles, à la CSST, pour un bon nombre de secrétaires et d'autres personnes qui ne courent pas de risque, cela peut drôlement déséquilibrer la concurrence ou la compétitivité de cette entreprise par rapport à une autre qui ne fait que l'exécution de travaux et qui a besoin d'un personnel de bureau moins nombreux.

M. Polak: Dans le projet de loi, aux articles 191 et suivants, le législateur donne la règle du jeu, mais il laisse les détails à la commission. Est-ce que vous jugez que le législateur devrait être plus flexible dans son texte ou s'il devrait laisser tout cela à la commission et que la commission puisse instaurer un système beaucoup plus flexible que ce qui existe maintenant, au point de vue de la tarification?

M. Théoret: Un instant, s'il vous plaît!

M. Le May (Roger): Concernant la classification des entreprises, je pense que le système actuel est assez bon. On ne peut pas dire qu'il n'est pas bon, mais il reste toujours des exceptions en ce qui concerne les entreprises qui ont plusieurs activités. À ce moment-là, on peut dire que ce n'est pas

tout à fait assez souple, parce qu'au niveau des employés de bureau, on veut cotiser les employés de bureau selon l'activité qui paie le taux le plus élevé. Ce sera là un problème, mais, au niveau de la classification selon les travaux exécutés, je pense que le système actuel est très bien comme il est là; il n'y a pas de problème majeur.

M. Polak: Ce que vous demandez...

M. Théoret: Mais il faudrait avoir de la place pour considérer les cas particuliers.

M. Polak: ...c'est plus de flexibilité. D'accord, je comprends. C'est tout quant à moi, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Oui, M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Dans les remarques que vous avez faites après avoir présenté votre mémoire et en réponse particulièrement à des questions que vous a posées le ministre du Travail, j'ai cru sentir de votre part une certaine insatisfaction sur le genre d'approche que pouvait avoir la CSST vis-à-vis des réclamations. Vous avez laissé entendre que la CSST se comportait d'une façon qui vous laissait un peu songeurs sur son objectivité. Avez-vous des réflexions ou des commentaires plus particuliers? Vous êtes même allés jusqu'à dire que, dans les faits, les changements qui étaient apportés dans le projet de loi par l'établissement de nouvelles présomptions, particulièrement à l'article 26, ne changeraient peut-être pas grand-chose, puisque vous vous retrouviez, vu la pratique administrative qui était celle de la CSST, dans la situation très souvent d'avoir finalement quelque chose comme le fardeau de la preuve. Est-ce que le changement qui est apporté par l'article 26 et qui fait une présomption que toute lésion qui survient sur les lieux du travail est présumée être une lésion professionnelle rendra les choses encore plus difficiles pour votre industrie, pour les patrons que vous représentez ici en général? Vous pourriez faire valoir votre point de vue, tout en respectant, bien sûr, le bien de l'employé, le bien du travail et voir à ce que justice soit faite, mais êtes-vous équipés, vous autres, pour assumer totalement un tel renversement du fardeau de la preuve qui, dorénavant, par cet article 26, va retomber sur vos épaules?

M. Théoret: C'est effectivement un politique de la commission, si on peut le dire, que d'accorder le bénéfice du doute dans tous les cas au travailleur. De ce côté, je ne pense pas que l'affirmation de quelque chose qui se fait déjà pose tellement de problèmes nouveaux, ce sont des problèmes que nous avons depuis longtemps. Ce qu'il faut bien concevoir cependant, c'est que, dans le contexte du projet de loi 42, qui affirme d'autres droits et qui affirme des principes quant à la compensation à laquelle aura droit le travailleur accidenté, avec toutes les conséquences que cela aura en fait sur l'employeur au point de vue de ses responsabilités financières, c'est là, je pense, que sont les effets et que cela complique un peu la situation.

M. Doyon: Si je comprends bien, c'est que cet accroc à la règle générale de droit est que le réclamant, quel qu'il soit - en fait, en identifiant, l'employeur est, jusqu'à un certain point, quelqu'un qui réclame quelque chose - doit normalement établir le fondement de son droit. Ce que vous semblez me dire, c'est que, dans les faits - c'est la situation actuelle tant que le projet de loi n'est pas adopté - cela ne se passait pas tout à fait comme cela à cause d'une certaine approche soit philosophique ou administrative en tout cas de la CSST. Est-ce que j'interprète correctement votre point de vue en prononçant ces paroles?

M. Théoret: Je ne suis pas sûr d'avoir très bien compris l'affirmation que vous venez de faire. Tout ce que je peux dire ou redire, c'est que, déjà - je pense qu'on y a fait référence dans notre présentation ou en réponse à une autre question quant à la définition d'accident du travail - la CSST interprète très largement la définition actuelle de l'accident du travail. Il y a eu des amendements à loi qui nous ont apporté les cinq jours, par exemple, qu'on veut prolonger à quatorze jours, et cela coûte plus cher. Ce sont toutes ces dispositions qui seront peut-être des effets multiplicateurs pour ne pas dire "complicateurs" de la situation actuelle. (12 h 30)

M. Doyon: Finalement, dernière question, est-ce que vous avez eu l'occasion de faire une évaluation des coûts supplémentaires, s'il y en a, bien sûr, qu'entraînerait la mise en oeuvre du projet de loi 42 tel qu'il est actuellement? Vous n'avez pas fait cela?

M. Théoret: Vous avez probablement vu comme nous l'imposant document qui a été déposé depuis le début de la commission à ce sujet. Nous ne sommes pas des actuaires et nous n'avons pas d'actuaire à notre emploi. Nous n'avons certainement pas pu même comprendre dans le fin fond des choses toute l'étude qui a été déposée, étant donné, en particulier, le délai très court. Du côté de l'industrie, c'est extrêmement difficile à évaluer. Je ne pense pas que des évaluations très précises puissent être faites de cette question.

M. Doyon: Est-ce qu'une augmentation des coûts hypothétiques pourrait avoir des conséquences sur les industries qui chez vous réussissent à survivre? Est-ce que la santé financière générale des industries est telle qu'une augmentation de coûts raisonnable n'affecterait pas la santé de l'industrie en général? Est-ce que vous pouvez nous donner une idée, si le ministre en vient à la conclusion, grâce aux experts dont il dispose, qu'il y aura là une augmentation de coûts, qu'il puisse au moins envisager les conséquences que cela pourrait avoir sur votre industrie?

M. Théoret: C'est sûr, M. le Président, M. le député, que déjà l'industrie de la construction est en bien mauvaise situation. On a cité les chiffres officiels de 1982 parce qu'on n'a pas encore les chiffres complets pour 1983. On a parlé de 73 000 000 ou 74 000 000 d'heures de travail à pied d'oeuvre en 1982. On croit que cela va arriver à peu près à la même chose peut-être 71 000 000 ou 72 000 000 en 1983. La petite relance qui semble poindre à l'horizon ne nous permet pas encore d'espérer qu'on connaît beaucoup d'entreprises qui ont dû couper radicalement même dans leur personnel de bureau. On a vu des cas pénibles et cela s'est répété souvent; de gens qui étaient là depuis 20 ans, depuis 25 ans, qui étaient de bons ouvriers, de bons employés ont dû être congédiés. La situation est loin d'être rose et on ne peut pas se permettre de coûts supplémentaires, quels qu'ils soient. On connaît aussi des entreprises qui ont dû fermer tout simplement certaines de leurs divisions en particulier parce que toutes les tracasseries administratives les affectaient tellement. Et je ne parle pas seulement de la tracasserie administrative qui vient de la CSST, mais celle qui vient de plusieurs organismes gouvernementaux, de toute la réglementation, etc. Là on s'engage cependant dans un débat qui déborde peut-être un peu le mandat de la commission.

M. Doyon: Merci beaucoup. Ces remarques sont extrêmement intéressantes et je pense qu'elles servent à dissiper l'impression qui est souvent donnée qu'on peut finalement imposer des charges supplémentaires et que, tôt ou tard, la partie qui est appelée à payer ces charges va s'organiser pour les supporter sans qu'il y ait finalement de conséquences graves. Le ministre devrait prendre note des avertissements qui sont donnés. Dans tout ce qu'on veut entreprendre, il faut tenir compte de la capacité de payer de tous et chacun. C'est une dimension extrêmement importante. On ne peut pas l'ignorer mais, malheureusement, depuis le début des travaux de cette commission, nous avons eu l'impression qu'on discutait de principes, qu'on discutait de choses qui étaient en soi désirables, mais le ministre ne semblait pas réaliser qu'il y aurait une facture quelque part et un état de compte qui serait envoyé à quelqu'un. Cela est extrêmement important. C'est pour cela que j'étais heureux que vous fassiez part de cette opinion en espérant que le ministre en aura pris bonne note et qu'il fera en sorte que les charges déjà extrêmement lourdes que vous avez à supporter ne seront pas alourdies davantage.

Le Président (M. Paré): Vous avez terminé? Merci, M. le député de Louis-Hébert. Je vais maintenant remercier, au nom de tous les membres de la commission, les représentants du Conseil patronal de l'industrie de la construction du Québec d'avoir préparé un mémoire, d'être venus nous le présenter et d'avoir accepté de répondre aux questions et aux commentaires des membres de la commission. Merci beaucoup.

La protection des témoins entendus par la commission

Directive du président

Tel que promis, avant la fin de la présente séance, je vais répondre à la demande de directive qui m'avait été faite par le député de Louis-Hébert. Je désire simplement rappeler à cette commission le libellé de l'article 53 de la Loi sur l'Assemblée nationale qui se lit comme suit: "Le témoignage d'une personne devant l'Assemblée, une commission ou une sous-commission ne peut être retenu contre elle devant un tribunal, sauf si elle est poursuivie pour un parjure." Cet article est, à mon avis, très clair et protège entièrement les personnes et organismes qui se présentent devant cette commission dans la mesure, bien entendu, où ceux-ci se conforment au libellé de l'article 53 et ne tiennent pas de propos qui seraient contraires à la vérité. Cependant, il va sans dire que les personnes qui veulent, après leur témoignage devant la commission, donc à l'extérieur des cadres de la présente commission, donner suite aux propos qu'ils ont tenus lors des audiences de celle-ci ne bénéficient pas de la même protection.

J'aimerais également ajouter qu'il ne m'appartient pas de donner de directive relativement aux litiges qui sont présentement devant les tribunaux à la suite de faits qui se sont produits à l'extérieur du cadre de cette commission. J'aimerais aussi rappeler que les motifs, les raisons pour lesquelles nous sommes ici, comme je l'ai déjà dit, que le mandat de cette commission est d'entendre les représentations des

personnes et des groupes intéressés au projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

J'aimerais aussi rappeler l'article 140 du règlement qui se lit comme suit: Article 140,1: "Une commission élue est convoquée par le secrétaire des commissions à la demande du leader parlementaire du gouvernement. La demande et l'avis de convocation doivent indiquer l'heure, l'endroit et l'objet de la réunion et aucun autre sujet ne peut y être discuté."

Devant tous ces faits que j'ai rappelés, l'article 53 de la Loi sur l'Assemblée nationale, l'article 140 du règlement qui régit les commissions, donc celle-ci, et devant le mandat qui est l'audition, je crois que le sujet, à mon avis, a été suffisamment étayé ici en commission. M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: M. le Président, mes premières paroles seront pour vous remercier d'avoir pris la peine d'étudier la question et de nous faire valoir le point de vue de la présidence à ce sujet. Concernant l'opinion que vous exprimez et l'opinion qui découle du mot à mot de la lettre du règlement, nous étions fort bien au fait de la situation. Si j'ai fait appel à votre directive, M. le Président, c'était dans le sens - et je me demande si j'ai été bien compris; si je ne l'ai pas été, c'est sûrement ma faute - que cette commission devait s'assurer qu'elle disposait de tous les moyens nécessaires pour pouvoir faire son travail. Le ministre du Travail nous a expliqué hier son point de vue à savoir qu'une personne morale ou un individu qui se sentait lésé dans ses droits devait pouvoir faire valoir ceux-ci devant les tribunaux, etc., etc., et demander réparation. C'est une chose qui va de soi, sauf que, lorsqu'on est dans une situation où un autre droit aussi important peut entrer en conflit avec ce droit que nous sommes les premiers à reconnaître, c'est-à-dire le droit pour cette commission de profiter de tout l'éclairage nécessaire de personnes qui d'aucune façon n'hésiteront, à la suite de tentatives d'intimidation ou de menaces, à dire ce qu'elles ont à dire... Et c'est devant la possibilité d'un conflit entre ces deux principes qui sont aussi respectables l'un que l'autre, c'est-à-dire le droit pour une personne de se défendre et de protéger sa réputation en admettant qu'elle a été attaquée injustement, que ce droit existe... D'un autre côté - et c'est là votre préoccupation majeure en tant que président de la commission, vous devez vous assurer que, par l'exercice du droit d'autrui, on ne porte pas atteinte au droit de cette commission qui est d'obtenir la vérité et d'obtenir des témoignages qui, d'aucune façon, ne puissent porter ambiguïté sur le fait qu'ils sont donnés spontanément, librement et sans crainte de poursuite ou de quelque autre chose que ce soit. C'est dans ces circonstances-là, M. le Président, que le droit d'intenter des poursuites en dommages et intérêts est un droit que nous ne contestons pas, mais votre rôle en tant que président de cette commission est tout d'abord de vous assurer que l'exercice d'un droit par quelqu'un qui est extérieur à cette commission ne portera pas atteinte à nos droits de parlementaires de cette commission. Ces droits sont établis dans la Loi sur l'Assemblée nationale où on dit qu'aucun membre de l'Assemblée nationale ne doit d'aucune façon être intimidé ou faire l'objet d'intimidation dans l'exercice de ses fonctions. Actuellement, quand nous entendons des gens qui témoignent devant cette commission, nous sommes dans l'exercice de nos fonctions. Si par des moyens tels que ceux qui ont été employés par le juge Sauvé, il arrive que non seulement nous, mais la population puisse avoir l'impression que les gens ne peuvent pas dire ce qu'ils veulent ici, ils risquent de ne pas éclairer la commission tel qu'elle a le droit d'être éclairée, à ce moment-là, c'est là que vous devez intervenir et c'est là que vous devez donner la réponse, à savoir si, oui ou non, l'exercice du droit d'une personne vient possiblement en conflit avec l'exercice de notre propre droit de parlementaires, et comment vous pouvez résoudre cette opposition au moins à première vue. C'est le sens de ma question.

M. le Président, ce que vous me dites, c'est que, lorsqu'on témoigne devant la commission, on n'est pas l'objet de poursuites. On jouit d'une immunité, on le sait, mais va-t-on accepter des poursuites judiciaires pour des paroles? On peut facilement concevoir, et il ne faut pas aller sur le fond - ce sera décidé en temps et lieu - que les paroles qui sont prononcées par la personne en question ne puissent donner d'aucune façon ouverture à un droit qui serait reconnu par le tribunal. On le saura en temps et lieu. Mais le mal sera déjà fait, parce que la poursuite aura été prise et la tentative d'intimidation aura été faite parce qu'on peut toujours poursuivre n'importe qui pour n'importe quoi à n'importe quel moment. C'est cela qui est dangereux pour les travaux de notre commission.

C'est un précédent important qui est en train de se produire et qui risque d'empêcher à l'avenir des commissions parlementaires de s'assurer que ce que les gens viennent nous dire ici, ils le disent ouvertement, franchement, sans détour et sans crainte. Vous devez vous assurer de cela. On n'a pas du tout dans les circonstances, avec les agissements du juge Sauvé, cette assurance et c'est là que je m'inquiète. Votre directive que je reconnais, est de dire ce que le règlement dit, et elle ne dissipe

malheureusement pas cette crainte que j'ai et que la population a vis-à-vis de ce genre d'agissement. (12 h 45)

Le Président (M. Paré): M. le député de Louis-Hébert, je me sens obligé, à la suite de votre conclusion, de reprendre certains points justement pour rassurer les gens qui viennent à cette commission ou aux autres commissions qui suivront. Je me sens obligé de répéter certains paragraphes qui vont, à mon avis - je l'espère - rassurer les gens. Je crois que c'est important de le faire.

L'article 53 de la Loi sur l'Assemblée nationale se lit comme suit: "Le témoignage d'une personne devant l'Assemblée, une commission ou une sous-commission ne peut être retenu contre elle devant un tribunal, sauf si elle est poursuivie pour parjure." Donc, c'est, à mon avis, très clair. Il n'y a aucun danger. La même immunité prévaut et les gens peuvent en toute tranquillité venir faire les commentaires qu'ils ont envie de faire, relativement à un projet de loi ou à quoi que ce soit, selon la convocation.

Donc, cela me semble clair. C'est la raison pour laquelle je crois que la discussion sur ce sujet devrait cesser. Je crois que ces deux articles, l'article 53 de la Loi sur l'Assemblée nationale et l'article 140 du règlement de l'Assemblée nationale qui concerne les commissions, sont d'une clarté telle qu'on n'a pas, je pense, à les interpréter. Les gens pourront continuer. Le cas dont vous parlez et qui est touché par l'article 99 de notre règlement qui dit qu'on ne doit pas parler de ce qui est devant les tribunaux, eh bien, dans le cas dont vous parlez, les gestes qui ont été posés l'ont été à l'extérieur de cette salle. Je crois que cela vient clore la demande de directive qui a été faite.

Nous allons maintenant suspendre les travaux jusqu'à 14 heures.

Des voix: Quinze heures.

Le Président (M. Paré): Quinze heures, oui.

(Suspension de la séance à 12 h 46)

(Reprise de la séance à 15 h 8)

Le Président (M. Paré): Bonjour, mesdames et messieurs. La commission élue permanente du travail reprend ses travaux dans le but d'entendre les représentations des personnes et des groupes intéressés au projet de loi 42. M. le député de Viau.

Auditions (suite)

M. Cusano: M. le Président, avant de demander à nos prochains invités de prendre la parole, à la suite des directives que vous avez données ce matin à cette commission, directives faisant suite à la demande de mon collègue de Louis-Hébert, et pour éviter tout ennui et nous assurer que les intervenants à venir puissent témoigner très librement sans l'inquiétude de procédures judiciaires qui seraient prises contre eux comme il a été fait dans le cas de M. Sauvé contre M. Harguindeguy, je vous demanderais, à ce moment-ci, de lire les articles de nos règlements qui donneraient à nos invités la protection et l'assurance que ce qu'ils disent ici en commission parlementaire n'entraînera pas de procédure judiciaire.

Le Président (M. Paré): Oui, je vais m'arrêter, parce que vous me le demandez. J'avais cru que c'était suffisamment clair pour ne pas le remettre en doute.

M. Cusano: M. le Président, si vous me le permettez...

Le Président (M. Paré): Oui, M. le député de Viau.

M. Cusano: C'est très clair pour nous, mais je ne crois pas que nos invités étaient présents ce matin lorsque vous avez lu les règlements qui concernent cette affaire.

Le Président (M. Paré): Très rapidement, je vais relire l'article 53 de la Loi sur l'assemblée nationale. "Le témoignage d'une personne devant l'Assemblée, une commission ou une sous commission ne peut être retenu contre elle devant un tribunal, sauf si elle est poursuivie pour parjure." Ceci étant dit pour ne pas étirer le débat inutilement, nous allons immédiatement demander...

M. Cusano: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Paré): ...aux porte-parole de General Motors du Canada de bien vouloir nous présenter leur mémoire et de s'identifier avant d'entreprendre la lecture du mémoire.

General Motors du Canada

M. Brien (André): M. le Président, M. le ministre, distingués membres de la commission parlementaire. Mon nom est André Brien, directeur de l'usine de General Motors de Boisbriand. Je vais vous présenter notre délégation. De gauche à droite, Mme Rosanna Desjardins, qui est responsable des avantages sociaux à l'usine; à sa droite, M. Claude Denoncourt, qui est le chef des relations ouvrières, Me Pierre Comtois, notre conseiller juridique régional, qui justement va faire lecture de notre mémoire. Merci.

M. Comtois (Pierre): M. le Président, M. le ministre, les membres de la commission. Après analyse du projet de loi, la General Motors du Canada a non seulement jugé approprié mais senti l'obligation de faire part aux membres de la commission de ses sérieuses préoccupations quant à l'impact de certaines dispositions sur les opérations québécoises d'une entreprise de l'envergure de la General Motors du Canada.

Puisque les commentaires qui suivront reposent sur l'expérience vécue dans le cadre de nos opérations au Québec, un bref rappel de la nature de ces opérations s'impose.

Sans tenir compte de son réseau de concessionnaires ni des entreprises affiliées à la General Motors telles que GMAC ou la Compagnie de développement du marché de la GM-Canada, dont le siège social est à Montréal, la General Motors du Canada avait à son emploi au Québec en 1983, 4655 personnes. La majorité de ces personnes oeuvrent à l'usine de Boisbriand. L'usine d'autobus de Saint-Eustache emploie 304 personnes et les bureaux régionaux de vente à Pointe-Claire et à Québec ainsi que le centre de camions de Montréal procurent ensemble de l'emploi à 351 résidents du Québec. La masse salariale approximative injectée dans l'économie québécoise en 1983 était au delà de 134 000 000 $. Finalement, la General Motors est en contact avec près de 1200 fournisseurs de biens et services du Québec.

Dans la même mesure que la General Motors est préoccupée de maintenir et développer la qualité de ses produits et la productivité de ses opérations au Québec afin de faire face à la compétition nécessairement mondiale, elle se préoccupe de la prévention, de la santé et de la sécurité du travail. Les risques ne pouvant jamais être totalement éliminés, la General Motors du Canada désire assurer une juste indemnisation aux travailleurs subissant un accident du travail. Il est à noter que la compagnie offre à ses employés, tant dans le cadre des conventions collectives que pour ses employés non syndiqués, des régimes d'assurance venant compléter les différents régimes étatiques.

D'autre part, la General Motors juge également qu'un régime d'indemnisation des accidentés du travail doit assurer, d'une part, l'indemnisation des véritables accidentés du travail afin que ceux-ci bénéficient pleinement de la totalité des ressources du régime sans délai indu. D'autre part, le régime doit assurer un retour à un travail dans les plus brefs délais possibles afin d'éviter le découragement du travailleur inactif pendant des périodes prolongées.

Plusieurs préoccupations de la compagnie déjà exprimées par l'Association des manufacturiers canadiens, section Québec, et le Conseil du patronat du Québec ne feront pas partie de ce mémoire. Ces mémoires représentant un consensus de la part d'importants partenaires économiques du Québec, grands et petits, nous espérons que la commission et le gouvernement les considéreront sérieusement. Le mémoire de la General Motors portera donc que sur certains aspects beaucoup plus particuliers du projet qu'elle considère comme des obstacles ou des irritants néfastes à la réalisation des deux objectifs susmentionnés.

Tout d'abord, nous désirons attirer l'attention de la commission sur l'indemnisation d'événements accidentels ou la question d'indemniser les accidents du travail. Afin que la totalité des ressources financières et humaines générées par ce projet de loi soient à la disposition des véritables accidentés du travail, il est essentiel de bien cerner la notion d'accident du travail.

La notion d'accident du travail dans la loi actuelle a fait l'objet de nombreuses interprétations par les tribunaux depuis son introduction. Ces interprétations ont été nécessaires pour venir préciser une définition vague et ambiguë. Encore récemment, la General Motors a dû faire appel aux tribunaux supérieurs afin de faire déterminer si les événements suivants, acceptés par la Commission de la santé et de la sécurité du travail ou la Commission des affaires sociales comme étant des accidents du travail, le sont réellement au sens de la loi actuelle.

Par exemple, un employé constate qu'un compagnon de travail s'est stationné trop près de sa voiture, l'empêchant ainsi d'y avoir facilement accès. L'employé retourne à l'usine et repère son compagnon de travail. Avant d'indiquer les raisons de son mécontentement, l'employé a jugé approprié d'abord d'asséner un coup de poing au visage de son confrère. La CSST a accepté d'indemniser cet accidenté du travail au motif que c'était à l'occasion du travail, sur les lieux du travail, et que la notion d'accident du travail comprend l'acte volontaire et intentionnel d'une autre personne, donc le crime.

Dans de telles circonstances et puisque l'employeur ne peut exercer de contrôle direct ou même indirect sur un tel geste et qu'il s'apparente nettement à l'acte criminel, nous suggérons que les ressources prévues par la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels soient mises à contribution et non les ressources financées par les employeurs pour les fins d'accidents du travail.

Il nous semblerait équitable que la définition même d'accident du travail soit précisée afin de clairement exclure les situations où la lésion est attribuable à une activité ou à un geste volontaire et intentionnel non soumis au contrôle direct ou

indirect de l'employeur et ce afin d'éviter toute interprétation à ce sujet.

Il est à noter qu'en plus d'une indemnisation possible en vertu de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, cet employé est également admissible à être indemnisé par le régime d'assurance-accident non relié au travail de la General Motors. Il n'est donc pas question d'éviter de payer, mais bien d'assurer que le régime approprié soit requis d'entrer en action et non le régime des accidents du travail, qui a besoin de toutes ses ressources existantes pour faire face convenablement aux véritables accidents du travail.

Un deuxième exemple illustre un autre type de situation. Un employé se dépêchant pour aller souper chez lui décide de courir dans le stationnement de la compagnie sur une surface recouverte de neige et se blesse en tombant ou encore se blesse en enjambant une borne ou une clôture afin de prendre un raccourci pour arriver à l'heure à l'usine. Des lésions dans de telles circonstances ont été jugées par la CSST comme étant des accidents du travail et donc imputables à l'employeur.

Aucun employeur ne demande à ses employés de prendre un sens unique à l'envers, de commettre un abus de vitesse ou de prendre des raccourcis inappropriés afin d'arriver au travail à l'heure. De tels gestes ne peuvent réellement être considérés comme une tâche concomitante nécessaire et profitable aux intérêts de l'employeur, assujettie au lien de subordination, quoique se produisant sur la propriété de l'employeur.

Il semblerait équitable de ne pas imputer de tels événements accidentels au dossier de l'employeur et ainsi influencer son mérite ou son démérite en vertu des dispositions de financement du régime. En tout état de cause, ces employés de la General Motors étaient admissibles au régime d'assurance-maladie ou accident non relié au travail de la compagnie. De plus, et considérant l'importance de bien répertorier les accidents du travail pour fins de prévention et de planification, il y a sûrement lieu de bien définir ce que nous voulons traiter et indemniser dès le point de départ.

En résumé, sur ce point, il semble équitable et approprié que la nouvelle loi exclue de façon spécifique les événements accidentels dont la cause n'est pas attribuable à une tâche concomitante, nécessaire et profitable aux intérêts de l'employeur, assujettie aux liens de subordination et de contrôle de ces derniers. La définition d'accident devrait être amendée. Nous soumettons de plus que la présomption établie par l'article 26 n'a pas sa raison d'être et doit être retirée.

Puisqu'il est reconnu que la Loi sur les accidents du travail se doit de recevoir une interprétation large et libérale, il n'y a pas de crainte que ces termes soient interprétés de façon trop restrictive par la CSST. De plus, l'article 240 permet à la CSST de faire usage de toute l'équité nécessaire pour indemniser les véritables accidentés du travail. Il n'y a pas lieu de craindre que des cas légitimes puissent être exclus. Vous vous souviendrez d'ailleurs que l'Association des manufacturiers canadiens, section Québec, a soumis dans son mémoire des recommandations dans la même direction.

Le deuxième point sur lequel on voudrait attirer l'attention de la commission a trait à la déclaration même de l'accident du travail ou d'une maladie professionnelle. Selon la General Motors, le cheminement administratif proposé par le projet de loi 42, depuis la déclaration de l'accident ou d'une maladie professionnelle jusqu'à son indemnisation, est actuellement incohérent et nettement incomplet. Puisque ce cheminement aura été imposé par le texte même de la loi, il sera pratiquement impossible de corriger la situation par la suite. À défaut d'amendement, l'article 171 du projet, sur l'avis du travailleur n'a de fait que peu de valeur et ne peut être considéré comme étant un avis à l'employeur d'une lésion professionnelle. Un des points de départ du mécanisme d'indemnisation nous apparaît donc inopérant dans sa forme actuelle.

L'article 171 du projet stipule que le travailleur victime d'une lésion (accident ou maladie), doit en aviser l'employeur dès que possible. Cet article ne précise aucunement la nature et le contenu de cet avis. Conséquemment, un simple appel téléphonique du travailleur où il mentionne qu'il a eu un accident ou fait l'objet d'une maladie professionnelle sera suffisant au sens de la loi. Si, d'aventure, un employeur tente d'obtenir un minimum d'information additionnelle à l'aide d'un formulaire interne, il se fera répondre rapidement par la CSST ou le représentant des travailleurs qu'il ne peut légalement exiger que cet avis soit fait par écrit ou contienne un minimum essentiel d'information permettant à l'employeur d'assumer ses obligations.

Par contre, la CSST se permet d'exiger beaucoup plus du même travailleur lorsqu'elle est contactée pour la première fois. En effet, l'article 173 du projet de loi lui permet d'exiger que ce premier contact soit fait par écrit à l'aide d'un formulaire dont elle a l'entière discrétion quant à son contenu. Elle pourra donc exiger toute information qu'elle juge pertinente avant d'avoir à assumer ses obligations.

Pourquoi deux poids, deux mesures? Pourquoi l'employeur, à qui, d'une part, la commission confie l'administration de la base de cinq jours ou de quatorze jours et le devoir de contrôler le système par la suite,

n'aurait-il pas besoin du même outil de travail dès le départ? C'est à l'employeur et non au travailleur que le projet de loi à l'article 172 impose l'obligation de fournir à la CSST les informations suivantes sous peine de sanction: début de l'incapacité; endroit et circonstances de l'accident du travail; nature de la lésion; nom et adresse du médecin traitant. Il nous semble équitable que la seule personne ayant accès à ces informations - le travailleur - soit également requise par la loi de soumettre cette information à son employeur lors de l'avis mentionné à l'article 171.

La General Motors considère qu'il est essentiel à la saine administration de la loi et afin d'assurer une certaine cohérence, que l'article 171 soit amendé afin de préciser que l'employé doit, à l'aide d'un formulaire fourni par l'employeur ou la commission, aviser l'employeur de la date du début de l'incapacité, de l'endroit et des circonstances de l'accident du travail, de la nature de la blessure et de la maladie, du nom et de l'adresse du médecin traitant.

À quel moment cet avis doit-il être donné? Avant de prendre toute action nécessaire à l'endroit du travailleur accidenté, la commission exige de recevoir un avis écrit de réclamation. Ceci est prévu à l'article 173. La commission stipule que le travailleur a un maximum de six mois pour le faire. D'autre part, selon l'article 171, le travailleur peut soumettre son avis à l'employeur dès que possible, ou immédiatement si le travailleur fait référence à la version anglaise du projet de loi, sans aucune limite de temps. Puisque la loi doit recevoir une interprétation libérale et qu'elle stipule qu'aucune procédure faite en vertu de la loi ne peut être considérée comme nulle ou rejetée pour irrégularité, question de hors délai, et finalement que le travailleur sait que la commission peut toujours prolonger le délai à sa discrétion, l'expression "dès que possible" à l'article 171 veut réellement dire "lorsque le travailleur le jugera approprié".

Lorsqu'un travailleur subit un accident du travail, au point tel qu'il se croit obligé de quitter le travail avant la fin de la journée, pourquoi ne devrait-il pas être requis de le déclarer en vertu de l'article 171 avant de quitter le travail, sauf évidemment lorsque son état nécessite d'être transporté par ambulance à l'hôpital le plus près? S'il ne quitte pas son travail à la suite de l'accident, ne croyant pas avoir subi de blessure ou de maladie, pourquoi ne serait-il pas requis, en vertu de l'article 171, de le déclarer dès qu'il se croit incapable de retourner au travail en raison de la découverte d'une blessure ou d'une maladie qu'il croit reliée à son accident et qui ne pouvait être décelée avant.

Puisque le projet de loi juge équitable que la commission puisse exiger une déclaration écrite avant d'assumer ses obligations légales, il nous semble équitable que le projet de loi en fasse autant pour l'employeur. En vertu du projet de loi, les obligations de l'employeur commencent lorsque le travailleur quitte ou décide de ne pas commencer une nouvelle journée de travail. L'avis de l'employé devrait donc être fait à ces moments et non lorsqu'il le jugera approprié en vertu de l'article 171 tel que proposé.

Nous soumettons donc que l'article 171 doit être amendé afin de préciser que le travailleur doit aviser son employeur d'une lésion professionnelle, soit avant de quitter son emploi, s'il quitte l'établissement avant la fin de son travail ou, deuxièmement, dès le premier jour où il s'absente de son travail en raison de la lésion dont il n'a pu objectivement découvrir la présence antérieurement, sauf évidemment lorsque le travailleur doit être transporté par ambulance à un hôpital, auquel cas l'accident doit être déclaré dès que possible.

Tel que mentionné auparavant, l'employeur ne peut remplir ces obligations en vertu de l'article 172 si l'article 171 n'est pas amendé afin d'inclure les mentions que nous avons proposées. Ceci est absolument nécessaire lorsqu'on considère les informations requises aux paragraphes 5, 6, 7 et 8 de l'article 172. Il est intéressant de noter que le législateur désire motiver l'employeur à soumettre l'avis prévu dans les plus brefs délais en le liant au remboursement de l'avance des quatorze jours.

Il est également intéressant de noter que le législateur n'a pas jugé approprié de motiver de la même façon le travailleur à déclarer les mêmes informations, en liant la déclaration d'un travailleur à l'avance des quatorze jours. Encore là, nous avons deux poids, deux mesures pour une même situation.

Qu'en est-il maintenant de l'indemnisation d'une incapacité de moins de quatorze jours? Afin de bien comprendre la portée des nouvelles dispositions du projet ayant trait à ce qu'il est convenu de parler de l'avance de quatorze jours, il faut lire attentivement les articles 53, 172, 173 et 133 du projet. Cette lecture nous porte à conclure que d'abord l'avance de quatorze jours est un paiement irrécupérable et ne nécessitant aucune justification, si ce n'est d'être absent du travail. De plus, le projet de loi ne prévoit aucun moyen de contrôle, tant pour la commission que pour l'employeur.

Nous venons d'affirmer que l'avance est irrécupérable. Pourtant, le dernier paragraphe de l'article 53 stipule que si la réclamation du travailleur est par la suite rejetée par la commission, celle-ci demande un

remboursement de la part du travailleur. Cependant, l'article 173 stipule également que le travailleur ne produit de réclamation à la commission que pour une incapacité de plus de quatorze jours. Le travailleur ne soumettant jamais de réclamation à la réclamation pour une absence de moins de quatorze jours, celle-ci n'aura jamais l'opportunité de la rejeter, donc d'en demander remboursement. L'employeur ne soumet pas de réclamation, mais qu'un avis d'accident et une demande de remboursement. Donc, encore là, la commission ne peut rejeter la réclamation mentionnée à l'article 53 et, conséquemment, ne peut obtenir le remboursement des quatorze jours. Si ce dernier paragraphe doit avoir une portée quelconque, il est nécessaire que la commission accepte d'obtenir une réclamation du travailleur pour ses quatorze premiers jours et qu'elle accepte de se prononcer sur cette réclamation, ce qui n'est pas prévu dans le projet de loi. L'avance de quatorze jours n'est donc jamais récupérable par la commission, malgré le libellé actuel de l'article 53.

Nous avons également affirmé que l'avance ne nécessitait aucune justification autre que l'absence. Selon l'article 53, un employeur devra non pas avancer mais bien payer l'indemnité automatiquement dès que le travailleur devient incapable de travailler et ce, pendant quatorze jours, si cette incapacité perdure.

Il semble légitime à ce moment de s'interroger sur les points suivants:

L'employeur doit-il présumer que tout travailleur absent est incapable de travailler et alors payer jusqu'à quatorze jours? L'employeur doit-il présumer que cette incapacité est reliée de quelque façon au travail même s'il n'a peut-être jamais été avisé de quelque lésion professionnelle et dès lors jusqu'à quatorze jours? L'employeur doit-il présumer que l'incapacité du travailleur a été confirmée par le médecin traitant du travailleur et que ce dernier reçoit l'assistance médicale nécessaire?

M. le Président, M. le ministre et MM. les membres de la commission, le libellé de l'article 53 ne permet que de répondre oui à toutes ces questions, aucune justification n'étant exigible. Le travailleur ne doit être qu'absent du travail ou, selon peut-être une interprétation restrictive, il doit mentionner au téléphone qu'il est incapable de travailler afin d'être admissible au paiement, selon l'article 53.

Il est à noter que le projet de loi ne donne aucune définition du terme "incapacité" et que l'article 53 ne se réfère ni à la nécessité d'assistance médicale, ni au fait que cette incapacité doit être attribuable à une lésion professionnelle. Aucune mention n'est faite que de telles informations devraient être communiquées à l'employeur par le travailleur afin de déclencher le paiement des cinq ou quatorze jours. Non seulement l'employé n'est pas requis de soumettre ces informations élémentaires avant le paiement des quatorze jours, nous vous soumettons qu'il n'est jamais requis de le faire, s'il retourne au travail la quinzième journée.

Nous avons également affirmé qu'il n'y a aucun moyen de contrôle pour que, en fait, on en arrive à la prestation automatique. Puisque la CSST a pour objectif de ne pas administrer de telles réclamations afin d'éviter les problèmes administratifs, elle n'est donc jamais appelée à se prononcer sur le bien-fondé de l'avance. Le paiement des quatorze jours est dès lors hors du contrôle de tout processus de décision, de reconsidération administrative ou d'appel. Quoique le projet de loi confie à l'employeur le rôle de payer les quatorze jours au point de départ, cet employeur ne se voit confier aucun moyen de contrôle ni même de critères spécifiques et objectifs lui permettant de déclencher le paiement des quatorze jours que lorsque nécessaire pour les fins prévues par la loi. (15 h 30)

Il est même douteux que l'employeur puisse exiger un examen médical de l'employé en vertu de l'article 133 du projet de loi. Cet article mentionne que l'employeur ne peut exiger un examen que si le travailleur réclame une prestation. Selon le projet de loi 42, à aucun moment le travailleur ne réclame une prestation pour les quatorze premiers jours.

En résumé, aucune réclamation n'est faite à l'employeur ni à la commission, selon l'article 53 ou d'autres dispositions du projet de loi pour le paiement des quatorze jours. C'est donc la prestation automatique.

Quel peut être l'impact de cette prestation automatique? Depuis l'introduction de l'avance des cinq jours et d'une indemnité à 90% du salaire net, nos opérations de Sainte-Thérèse ou Boisbriand ont expérimenté en six ans une augmentation de 290% de la cotisation pour les accidents du travail. Le graphique à la page suivante démontre également que l'usine a subi une hausse dramatique du nombre de réclamations avec perte de temps pour raison de lésion professionnelle et ce, de façon concomitante à l'introduction de ces mesures. J'attire votre attention à la page 15 de notre mémoire où vous pouvez voir le graphique et la hausse dramatique qui se produit entre les années 1977 et 1978. Vous vous rappellerez que c'est à cette époque qu'a commencé l'avance des cinq jours. On passe de 575 réclamations à 1201.

Par la suite, nous avons eu l'amélioration de l'indemnité à 90% du salaire net et on voit que le niveau de réclamations se maintient à 1300, 1300, 1300,

1200. Il y a une baisse en 1982. Effectivement, la moitié de l'usine était malheureusement en mise à pied à ce moment-là. L'année 1983 arrive et on remonte au nombre de 1400 réclamations.

L'usine de Boisbriand a plus de réclamations que les opérations de fonderie de la General Motors à St. Catharines ou que les usines d'assemblage automobile à Oshawa. J'attire votre attention à la page 16 de notre mémoire où vous avez des tableaux comparatifs quant au nombre de réclamations par 100 travailleurs dans nos différentes sphères d'activités. Vous noterez qu'en 1980 on avait 31 réclamations avec perte de temps par 100 travailleurs à l'usine de Boisbriand et nous n'en avions que 8% pour l'usine d'assemblage automobile à Oshawa, qui représente une activité similaire administrée de la même façon par les mêmes administrateurs et assujettie aux mêmes politiques en santé et en sécurité.

La fonderie à St. Catharines, avec des activités qui, de par leur nature même, sont un peu plus sérieuses et dangereuses, avait un taux de 14 réclamations comparativement à 31 pour l'usine de Boisbriand. Les chiffres se répètent en 1981, 1982 et 1983: 39 réclamations par 100 employés à Sainte-Thérèse, 10 réclamations par 100 employés à Oshawa, 9 réclamations par 100 employés à la fonderie de St. Catharines.

Nous avons également soumis aujourd'hui aux membres de la commission une annexe à notre mémoire ayant uniquement trait au nombre de réclamations lors des dix premiers jours ouvrables. Je vous réfère à l'annexe, où vous avez dans un premier tableau une évaluation numérique de l'évolution des réclamations dans les dix premiers jours ouvrables. Vous voyez pour les années 1981, 1982, 1983 et 1984 l'évolution entre la première semaine, la semaine de l'avance, et la situation à la deuxième semaine.

J'attire tout de suite votre attention au tableau no 2 qui suit, où vous avez de façon graphique les mêmes statistiques mais cette fois-ci pour l'année 1981. Sur la totalité des jours perdus pour dix jours ou moins, la première semaine, soit la semaine de l'avance, représente 69% du total alors que la deuxième semaine, où il n'y a pas d'avance, représente 31%. En 1982, la proportion est exactement la même, 69% pour les dix premiers jours se retrouvent dans la première semaine, celle de l'avance, et 31% des dossiers se retrouvent dans la deuxième semaine. En 1983, la proportion se maintient un peu à la hausse, 70% la semaine de l'avance, 30% la deuxième semaine. En 1984, pour les deux premiers mois de l'année, 78% la semaine de l'avance, 22% la semaine suivante.

Le dernier tableau vous démontre de façon graphique la baisse de la semaine de l'avance à la deuxième semaine de prestation pour les différentes années. Les deux autres tableaux sont des extraits des statistiques de la CSST pour l'industrie manufacturière en général et la fabrication d'équipement de transport. Vous verrez que la tendance au niveau de un à cinq jours et de six à dix jours est quand même la même dans l'ensemble de l'industrie.

Considérant l'intention du législateur d'augmenter l'avance à quatorze jours, de ne confier aucune responsabilité à la CSST dans l'administration de cette avance, si ce n'est que de rembourser l'employeur avec ses propres deniers et de ne confier aucun moyen de contrôle à l'employeur, nous appréhendons sérieusement l'impact des mesures proposées.

Nous suggérons qu'il y a lieu de reconsidérer l'impact qu'aura la prolongation de l'avance jusqu'à quatorze jours et que le libellé du projet doit être repensé afin de permettre au moins un minimum de contrôle avant et après le paiement de l'avance. L'avance de l'indemnité ne devrait être générée que sur soumission à l'employeur de la déclaration en vertu de l'article 171 tel qu'amendé de la façon que nous le suggérons et d'un document signé d'un professionnel de la santé attestant que le travailleur reçoit une assistance médicale et qu'il est incapable de travailler en raison d'une lésion professionnelle subie chez l'employeur et dont la nature est précisée.

De plus, nous suggérons que l'attestation d'assistance médicale soit précise. Cette attestation devrait inclure un minimum d'information, à savoir la nature de la lésion, l'opinion du médecin traitant quant à la relation entre la lésion et l'événement accidentel subi au travail, l'identification de l'événement accidentel causant la lésion, la durée de l'incapacité, la date probable du retour au travail, s'il y a lieu, si un travail est possible, avec quelles restrictions, le nom, l'adresse et le numéro de téléphone du médecin traitant de façon lisible. Les articles 53 et 134 doivent donc être amendés en conséquence.

De plus, la commission, sur réception d'une demande de remboursement de la part de l'employeur, devrait avoir le devoir de faire enquête sur la validité de l'avance et rendre une décision à cet effet. Alors seulement la commission pourrait décider d'exiger le remboursement de la part du travailleur. En cas de défaut de remboursement, la commission devrait être autorisée par la loi à obtenir le remboursement par voie de déduction sur le salaire sur demande de l'employeur à cet effet. Une telle mesure est courante dans d'autres ministères.

En ce qui a trait à l'indemnisation d'une incapacité de plus de quatorze jours, lorsque la commission est saisie d'une

réclamation du travailleur en vertu du projet de loi, ceci n'est qu'en vertu de l'article 173 pour une incapacité de plus de quatorze jours. La commission ouvre alors un dossier au nom du travailleur et se prononce pour la première fois sur la validité de cette réclamation. Même en vertu de la loi actuelle, tant les employeurs que les travailleurs se plaignent souvent de la qualité de la première décision de la commission. La loi actuelle et l'article 240 du projet mentionnent que la commission doit rendre ses décisions avec équité et justice selon la nature du dossier.

En pratique, cependant, la commission se contente d'un dossier bien mince et peu équitable. Rarement la commission se présente-t-elle sur les lieux du travail afin de faire certaines constatations d'usage telles que l'exacte nature du travail. La commission contacte rarement le médecin de l'employeur ou le médecin traitant afin de vérifier ou obtenir une certaine expertise ou opinion médicale. Face à des opinions contradictoires, il est encore plus rare de voir dans une première décision de la commission que l'opinion d'un médecin de la CSST ait été sollicitée.

Tout comme pour les agents d'autres régimes d'indemnisation, public ou privé, il est essentiel que la commission soit requise de faire une telle enquête approfondie. À défaut, non seulement la saine administration du régime est minée à sa base même, mais il est également douteux que justice et équité transpirent avant le recours au processus d'appel.

La General Motors du Canada recommande donc que la nouvelle loi, à défaut de préciser le contenu de l'enquête, n'en exige pas moins que la réglementation établisse un minimum d'enquête et de vérification à faire afin d'assurer que celles-ci se fassent de façon approfondie et équitable.

Au niveau de la procédure de reconsidération et d'appel, la General Motors du Canada endosse totalement et plus spécifiquement la position et les recommandations de l'Association des manufacturiers canadiens, section du Québec, ayant trait au processus de reconsidération administrative et d'appel. Nous soumettons que des modifications substantielles sont nécessaires afin de prévoir un processus de reconsidération qui serait utile et efficace.

Considérant la nature complexe et médicale de la majorité des cas de lésion professionnelle, un processus de reconsidération médicale est une étape essentielle à tout processus de révision ou d'appel. La question des maux de dos est omniprésente et ce n'est certes pas un non-professionnel de la santé qui peut procéder à une reconsidération utile et efficace de ce genre de dossier et de façon équitable pour les deux parties impliquées. Nous vous rappelons, M. le Président, que l'Association des manufacturiers canadiens, section du Québec, a proposé une procédure précise, détaillée, prévoyant une reconsidération administrative et médicale, selon le cas, la reconsidération médicale étant faite conjointement par un médecin de la CSST et deux médecins nommés par la Corporation professionnelle des médecins.

Nous croyons important de souligner l'impact prévisible qu'auront les dispositions des articles 246 et 248 quant au non-recouvrement des sommes déjà versées.

Advenant que le projet de loi soit amendé afin de donner une portée réelle au dernier alinéa de l'article 53, un travailleur n'aura qu'à formuler une demande de reconsidération ou d'appel afin d'éviter le remboursement. En effet, dès lors, ces articles ont pour effet d'éliminer la nécessité de rembourser même si la décision confirme que le travailleur n'avait pas droit aux indemnités. Le même raisonnement peut être fait pour les incapacités de plus de quatorze jours. Ainsi, par le seul fait de porter la décision en reconsidération ou en appel, le travailleur pourra obtenir une prolongation des paiements et ce, peu importe le mérite de son dossier. Dans l'éventualité où la décision en reconsidération confirme la première disant que le travailleur n'avait pas droit à l'indemnité, le travailleur vient quand même d'acquérir toutes les sommes déjà versées et à être versées jusqu'à l'expiration du droit d'appel. Finalement, le travailleur peut également faire le même exercice avec un appel à la Commission des affaires sociales afin d'obtenir les mêmes bénéfices.

La General Motors du Canada voit dans ce système, tel que proposé, un encouragement absolument irrésistible pour n'importe quel travailleur, de bonne ou de mauvaise foi, à porter toute cause en reconsidération ou en appel. En fait, le projet de loi incorpore une mesure de judiciarisation du système qui sera d'une efficacité égale à nulle autre. De plus ce système incorpore également un encouragement à l'employeur à ne pas contester les incapacités à durée déterminée peu importe le mérite du dossier.

Ainsi un employeur aura tout intérêt à calculer la date approximative de la fin de l'indemnité et à la comparer avec la date approximative à laquelle une décision pourrait être rendue en appel et voir ainsi s'il y a un intérêt réel à contester, considérant le montant irrécupérable des indemnités versées jusqu'à la décision finale, considérant les dépenses pour frais d'expertises nécessaires et considérant le temps que son personnel devra passer afin de contester. Ainsi, peu importe le fondement réel de la réclamation, un employeur n'aura pas nécessairement intérêt à essayer

d'obtenir que justice soit rendue en toute équité.

Il est coutumier d'entendre des remarques insinuant que les recours en appel ne sont finalement que des instruments à la disposition des employeurs pour paralyser le système, pour décourager le travailleur ou encore pour reporter dans le temps leurs obligations. Cette interprétation nous apparaît quelque peu biaisée surtout lorsque l'on considère l'expérience faite à la General Motors du Canada.

Sauf pour l'année 1983 où la compagnie a dû se résoudre à tenter d'obtenir quelques rectifications par voie d'appel et où il y a une certaine parité entre les appels par l'employeur et les employés, les deux tableaux présentés à notre mémoire soulignent que les employés ou le syndicat sont des usagers insatiables des prérogatives de reconsidération ou d'appel tant au niveau du bureau de révision qu'à la Commission des affaires sociales.

Le tableau à la page 21 vous donne le portrait au niveau du bureau de révision et celui à la page 22 au niveau de la Commission des affaires sociales.

Les avantages irrésistibles que comporte le projet de loi 42 pour les travailleurs et l'incitation à l'employeur de ne pas contester, peu importe le bien-fondé, nous portent à croire que les procédures de révision et d'appel seront utilisées à outrance sinon abusées.

De plus, nous croyons que cette approche conduit nécessairement à une négation de la saine administration du régime.

Dans cette perspective, nous recommandons donc que des modifications substantielles soient apportées aux dispositions des articles 244, 246 et 248 afin d'éliminer les incitations à la judiciarisation qu'ils comportent.

Nous soumettons que le travailleur doit être tenu de rembourser et la commission tenue d'obtenir le remboursement lorsqu'une décision finale détermine que le travailleur n'avait pas droit, en toute justice et équité, auxdites prestations. Le travailleur ne devrait pas être tenu au paiement de quelque intérêt que ce soit. (15 h 45)

Par contre, si la décision finale est d'accorder une indemnité qui a été initialement refusée par la commission et non nécessairement par l'employeur, nous croyons que le travailleur devrait avoir droit quand même au paiement d'un certain intérêt tel que prévu à l'article 249.

L'exception en cas de fraude telle que prévue à l'article 248 n'est pas une véritable soupape de sécurité. Le fardeau de démontrer une telle fraude est naturellement laissé à la charge de l'employeur et la commission se contentera fort probablement d'un rôle passif.

Cette exclusion est fort peu réconfortante, car elle recevra nécessairement une interprétation restrictive au point de la rendre inopérante. Cette conclusion est évidente pour quiconque connaît les réticences des arbitres des griefs et des tribunaux administratifs à reconnaître une fraude.

En utilisant le terme "fraude", les exigences du Code criminel viennent directement ou indirectement à l'esprit de la personne qui décide. Cependant, l'employeur n'a pas à sa disposition les mêmes moyens d'enquête que l'agent de la paix. De plus, la crainte de stigmatiser le travailleur en le qualifiant de fraudeur élimine pratiquement le peu de possibilité d'obtenir quelque sanction que ce soit dans ce domaine.

Afin de donner une certaine portée ou, de fait, quelque portée que ce soit, la commission devrait prévoir des sanctions lorsqu'elle démontre ou s'il est démontré que le travailleur a, de fait: simulé, feint, exagéré ou provoqué une lésion professionnelle lui permettant d'obtenir des indemnités en vertu de la loi. Au minimum, il devrait être tenu de rembourser les frais encourus par l'employeur et la commission, afin d'éviter le paiement indu des indemnités.

Une telle disposition risquerait peut-être d'avoir une certaine portée, selon la volonté de la CSST d'y donner suite. Elle aurait certainement comme avantage de ne pas stigmatiser le travailleur en lui accolant une étiquette extraite du Code criminel.

En ce qui a trait maintenant, M. le Président, M. le ministre, au chapitre sur le retour au travail, la présence de ce titre dans le projet de loi 42 devrait être une source de réjouissance pour l'employeur. Il laisse espérer que peut-être le travailleur devra, lorsque possible, réintégrer le monde du travail. En tant qu'employeur, nous devons noter une légère amélioration par rapport à la loi actuelle. Celle-ci semble pourtant minime par rapport aux besoins du milieu, principalement en ce qui a trait au devoir de retourner au travail dès que possible. À ce point-ci, nous aimerions faire référence au mémoire que vous avez entendu hier soir, celui de la Société d'électrolyse et de chimie Alcan, qui traitait principalement de cette question et dont les conclusions et les remarques sont également applicables chez nous.

De façon générale, il est intéressant de noter que le législateur énonce un principe à l'article 150 créant un droit de retour au travail sans pour autant énoncer sa contrepartie, soit l'obligation de retourner sous peine de perdre les avantages prévus par la loi.

L'article 76 du projet de loi stipule que, si un travailleur refuse ou abandonne un

nouvel emploi qui lui est offert avant l'échance prévue à l'article 75, la commission peut réduire l'indemnité d'un montant égal au revenu net qu'il aurait pu tirer de cet emploi, sauf s'il a des motifs raisonnables de le refuser.

Il nous semble évident que le droit accordé aux articles 150 et 147, le droit de réintégrer son emploi, sera considéré comme étant un motif raisonnable pour lui permettre de refuser un nouvel emploi temporaire adapté à sa condition temporaire.

Ainsi, tout travailleur pourra légitimement, sans encourir aucune sanction, refuser tout nouvel emploi qu'il pourrait accomplir tenant compte de ses restrictions, et ce pour une période de deux ans.

Nous suggérons qu'il est important de réintégrer le travailleur dans un emploi approprié, selon un personnel de la santé, pour une période temporaire précédant sa réintégration à son emploi si ce dernier n'était pas immédiatement disponible. Des amendements devraient être faits aux articles 76, 150 et 147 afin de permettre un retour a un travail raisonnable aussitôt que possible, ne serait-ce qu'à titre temporaire.

L'article 153 précise que, si un travailleur fait défaut, sans raison valable, de réintégrer son emploi dans les cinq jours d'un avis de la commission à cet effet, il est présumé y avoir renoncé. Cette mesure est nécessaire afin d'assurer une certaine continuité dans les activités de l'entreprise, mais le délai est extrêmement long. L'employeur doit garder cet emploi disponible pendant une semaine de travail au cas où le travailleur déciderait de se présenter. Un délai de deux jours semble amplement suffisant. De plus, l'admissibilité à l'indemnité de revenu devrait être ajustée en conséquence, ce que ne prévoit pas spécifiquement l'article 153.

La disposition du premier paragraphe de l'article 160 est irréaliste pour les moyennes et grandes entreprises au Québec. En effet, il est pratiquement impossible de faire, chaque fois qu'un accidenté ou la commission le demande, un inventaire complet de tout emploi qui pourrait être disponible en vertu de l'article 154. Sur quelques milliers de postes dans certaines usines, une omission peut facilement être commise et être sans conséquence irréparable. Si un nombre raisonnable d'emplois est soumis par l'employeur, le travailleur ne devrait pas subir de préjudice irréparable au point de justifier les sérieuses sanctions imposées par la loi. Nous croyons qu'il est juste d'amender l'article 160 en conséquence.

Finalement, nous désirons porter à l'attention de la commission quelques autres mesures prévues par le projet de loi et qui sont discutables. Nous le ferons de façon très brève. D'abord, au niveau de l'indemnisation pour fins de traitement prévu à l'article 54: Que l'employeur soit tenu d'indemniser le travailleur lorsque ce dernier doit laisser son travail pour fins d'examen médical ou pour participer à un plan de réadaptation ayant trait à la lésion professionnelle, ceci n'est que juste et légitime. Cependant, pourquoi l'employeur serait-il tenu d'indemniser pour toute la journée si l'examen ou la séance de réadaptation ne dure qu'une demi-journée? Cette largesse inutile et non fondée ne fait que prolonger les absences du travail sans motif raisonnable. L'indemnisation ne devrait être que pour le temps nécessaire audit examen médical ou traitement.

Nous soulevons également le problème ayant trait aux articles 53 et 54 quant à la gymnastique comptable que devra faire l'employeur, la commission des travailleurs, dans le calcul de son revenu dans une période d'incapacité; plusieurs mémoires ont déjà traité de ce sujet. Nous n'insisterons pas plus qu'il le faut. Le troisième cas que nous voulons soumettre à votre attention est le paragraphe 6 de l'article 266 ayant trait aux pouvoirs de réglementation de la commission. Cet article, à lui seul, stipule que la commission peut généralement prescrire par règlement tout ce qu'elle estime utile à la mise en application de la loi. Cette disposition est en fait une délégation du pouvoir de légiférer de l'Assemblée nationale du Québec. Non seulement la commission se voit-elle conférer de nombreux pouvoirs discrétionnaires ou réglementaires tout au long du projet de loi, celle-ci pourra prescrire toute autre chose qu'elle jugera utile.

Dans le cadre de notre système parlementaire actuel, cette abdication du pouvoir législatif de l'Assemblée nationale ne peut qu'irriter plusieurs contribuables et administrés. Cette disposition semble totalement superflue et, selon nous, devrait être retirée.

En conclusion, M. le Président, M. le ministre, et les membres de la commission, nous désirons exprimer le souhait que la commission, le parrain du projet ainsi que le gouvernement actuel prennent sérieusement en considération les quelques commentaires exprimés dans notre mémoire ainsi que ceux soulevés par les organisations patronales. Dans ce processus de révision entrepris par le parrain du projet de loi et les membres de la commission, il serait peut-être approprié et équitable pour une fois d'accorder à l'occasion un certain bénéfice du doute aux entreprises, ces autres partenaires économiques du gouvernement du Québec. La General Motors du Canada ne peut s'opposer à des mesures justes et équitables afin d'indemniser les accidentés du travail. Si ces mesures sont justes et équitables tant pour le travailleur que pour l'employeur et que pour la société, elles ne

devraient pas donner prise à des abus ni être un obstacle au fonctionnement des entreprises québécoises qui ont à faire face à la conférence des autres entreprises du village mondial.

Je vous remercie, M. le Président, M. le ministre. On se fera un plaisir de répondre aux questions que la commission voudrait bien nous adresser et je me permettrai de faire référence à l'un ou l'autre des représentants de la compagnie pour compléter les réponses pour répondre de façon plus précise.

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup pour la présentation du mémoire et j'ai l'impression que c'est avec le même plaisir que les membres vont vous poser des questions. Le premier à le faire va être le ministre du Travail.

M. Fréchette: Oui, M. le Président. Même si le député de Sainte-Anne peut trouver que c'est de la redondance, c'est sans aucune réserve que je vais remercier les représentants de la General Motors du Canada, M. Comtois et les gens qui l'accompagnent, d'être venus nous présenter leurs revendications. Il est clair, à la lecture de ce mémoire, qu'on y a sans doute consacré beaucoup de temps et qu'on s'est imposé aussi l'exercice de procéder à une étude approfondie de la loi, même à une étude article par article. En guise de remarque générale, M. le Président, je vous signalerai que le mémoire que nous venons d'entendre se démarque par rapport à plusieurs autres et aussi à plusieurs égards. Il m'apparaît évident, autant à l'audition du mémoire qu'à sa lecture, que les gens qui sont devant nous ne remettent pas en question le régime lui-même ou le système lui-même. J'emploie toujours ces expressions entre guillemets, bien sûr. Alors que d'autres intervenants plaident dans le sens que l'on devrait reconsidérer l'opportunité de conserver ou pas le régime, de le remettre à l'entreprise privée, de le remettre entre les mains d'autres organismes, ceci ne m'apparaît pas être le cas ou la préoccupation en tout cas de nos invités actuels.

Le travail des représentants de GM a porté essentiellement sur des appréciations, des recommandations de changement par rapport à l'un ou l'autre des articles qu'on retrouve dans le projet.

Évidemment, M. le Président, il serait intéressant de prendre chacun des aspects qui nous ont été soumis et de procéder à sa discussion fondamentale. Vous allez comprendre qu'à cause du temps dont nous disposons il n'est pas possible d'envisager une semblable opération.

M. le Président, je vais donc demander à M. Comtois ou à ceux qui l'accompagnent quelques précisions par rapport à quelques-unes des préoccupations qui nous ont été soumises.

Je vous signale tout d'abord que mon attention a été retenue par la recommandation que vous faites à la page 27 de votre mémoire dans le chapitre que vous avez intitulé: "Les irritants", et, de façon plus spécifique, par le phénomène de la réglementation. Dans l'état actuel de la loi, vous le savez sans doute, M. Comtois, il y a pour la commission 26 champs de juridiction à travers lesquels la commission peut faire de la réglementation.

Il y a eu un exercice sérieux qui a été fait, me semble-t-il, pour réduire considérablement ces possibilités. C'est ainsi que, dans la loi actuelle, vous retrouvez six champs de juridiction qui peuvent faire l'objet de la réglementation de la part de la commission. Cependant, je pense que vous avez tout à fait raison d'attirer notre attention, effectivement, sur cette espèce de clause omnibus qui fait en sorte que, malgré la disparition de plus de vingt des champs actuels d'application de la loi, il pourrait y avoir possibilité de procéder exactement de la même façon. Alors, notre attention a été attirée sur cela. Je peux vous signaler tout de suite, sans réserve, qu'effectivement cette clause omnibus disparaîtra du texte de la loi et que le champ possible de la réglementation sera limité aux cinq chapitres qui sont précisément identifiés dans le projet de loi 42.

Maintenant, M. le Président, à la page 26 du mémoire, GM nous soumet une autre préoccupation sous le chapitre de l'indemnisation pour fins de traitement. Mon attention est particulièrement retenue par le deuxième paragraphe qui se lit comme suit: "Cependant, pourquoi l'employeur serait-il tenu d'indemniser pour toute la journée si l'examen ou la séance de réadaptation ne dure qu'une demi-journée? Cette largesse inutile etc." Votre recommandation, c'est que l'indemnisation ne devrait-être que pour le temps nécessaire audit examen médical ou au traitement. Là-dessus également, à partir de plusieurs représentations qui nous ont été faites, qui sont revenues assez régulièrement, il nous semble que ce serait réaliste de retenir cette suggestion et de procéder effectivement à la compensation pour le temps perdu. À cet égard aussi, je pense pouvoir vous dire maintenant que c'est une proposition qui sera considérée très attentivement. (16 heures)

Vous avez également des préoccupations par rapport aux droits de retour au travail. M. Comtois, vous avez attiré notre attention sur le mémoire qu'Alcan nous a présenté hier en nous signalant qu'à plusieurs égards vous retenez les conclusions d'Alcan également. Si mon souvenir est exact quant à la

présentation du mémoire d'Alcan, cet employeur suggérait que, là où il existe des mécanismes négociés et que l'on retrouve à l'intérieur des conventions collectives, que ce soient ces mécanismes qui soient retenus quant aux modalités du droit de retour au travail. M. Comtois, ma question a un double aspect: Est-ce que c'est effectivement en fonction de ces considérations que vous rejoignez Alcan et est-ce aussi la nature de la représentation que vous nous faites?

M. Comtois: M. le Président, M. le ministre, je vais préciser d'abord que notre référence au mémoire d'Alcan est d'abord relative à la notion de travail léger ou d'activités restreintes, notions présentées par la compagnie Alcan. Le projet de loi 42 tel que proposé actuellement ne permettra pas ce genre d'activités restreintes ou de travail léger et va ralentir le retour au travail du travailleur, selon nous. De plus, au niveau du respect de la procédure établie par les parties à l'usine par voie de convention collective, nous rejoignons effectivement en partie Alcan, mais on s'en départage un peu également dans le sens que nous croyons important que ce soient les parties qui se prennent en charge dès le point de départ à ce niveau-là, étant le plus près de la situation et que les parties tant patronale que syndicale et le travailleur trouvent ensemble une solution à leurs problèmes.

Cependant, de là à respecter l'ensemble de la procédure jusqu'à l'arbitrage par un arbitre de griefs, à ce stade-là on est obligé de suggérer une modification de se joindre plutôt à celle qui a été faite par l'Association des manufacturiers canadiens. Nous croyons que seul un professionnel de la santé à ce stade, si les parties n'ont pas réussi à régler le problème, devra arbitrer la situation en toute équité. Alors, nous suggérons qu'à ce stade-là ce soit une reconsidération médicale faite par les professionnels de la santé qui s'inspire de la recommandation faite par l'Association des manufacturiers. On ne croit pas que l'arbitre des griefs soit dans une bonne situation pour évaluer le dossier médical.

M. Fréchette: Merci. C'est à cet égard que votre position est différente de celle retenue par Alcan, mais le principe de fond reste, à savoir celui de remettre aux parties le soin de négocier entre elles des processus, des modalités et des ententes. Je comprends que vous rejoignez Alcan là-dessus.

Vous avez également, M. Comtois, fait état dans votre mémoire des amendements qui devraient intervenir à l'article 171 de la loi et vous avez aussi fait une relation entre des considérations d'ordre général et le mécanisme qui devrait être retenu dans le cas des quatorze jours. Plus précisément, on retrouve cela à la page 9 du mémoire à la page 7, de façon plus précise. Alors, ce que vous nous soumettez, c'est qu'il devrait y avoir de la part de l'accidenté une certaine procédure permettant à l'employeur de pouvoir se fixer dans les meilleurs délais quant à l'état du dossier et à l'avenue que le dossier va devoir prendre. Par exemple, ce que vous suggérez, c'est d'être informé de la date du début de l'incapacité, de l'endroit et des circonstances de l'accident, de la nature de la blessure et du nom et de l'adresse du médecin traitant. Si ces quatre conditions, si on les transformait en trois conditions, j'apprécierais que vous me disiez si les suggestions ou enfin les propositions ou les sujets de discussion que je mets sur la table ne recouperaient pas à toutes fins utiles les suggestions que vous faites. Si on disait, par exemple: La salariée ou le salarié accidenté devra informer l'employeur de la date du début de l'incapacité, deuxièmement, de l'endroit et des circonstances de l'accident, et, troisièmement, il devra soumettre un premier rapport médical ou une première appréciation du professionnel de la santé qu'il aura consulté. Si cette troisième condition était retenue, je suis d'avis - je vous demande le vôtre - qu'on rejoindrait très précisément les suggestions que vous nous faites, c'est-à-dire que vous retrouveriez sans doute dans le rapport médical préliminaire une description de la nature de la blessure et, de toute évidence aussi, vous seriez en mesure de connaître le nom du médecin traitant.

Je ne sais pas comment vous voyez une appréciation de cette nature.

M. Comtois: M. le Président, M. le ministre, on va oublier les trois autres points. Il reste donc à savoir si le travailleur, alors qu'il quitte le travail, ne devrait peut-être pas, dans sa déclaration, que nous présumons écrite pour les fins de la discussion, être tenu de préciser la nature de la lésion. Je vois facilement la préoccupation du ministre dans le sens que le travailleur ne peut peut-être pas identifier de façon précise, en termes clairs, la nature exacte de sa lombalgie ou toute autre lésion. Par contre, je crois important que le travailleur, dans ses propres termes, décrive à l'employeur exactement la nature de son mal. Ceci est particulièrement important, M. le ministre, lorsqu'on parle effectivement de problèmes de maux de dos, que dès que le travailleur, au moment où il décide de quitter l'entreprise parce qu'il ressent une douleur et que cette douleur possiblement, peut apparaître et disparaître, au moment où c'est frais à sa mémoire, il en fasse une description. À ce moment-là également, l'employeur est en mesure de prendre des mesures, si nécessaire, quant à l'aspect de la prévention, pour transmettre ce rapport à ses représentants en santé et sécurité afin que

des actions puissent être prises, si jamais elles ont besoin d'être prises dans un court délai.

Dans ce sens-là, M. le ministre, nous croyons qu'il est important que le travailleur, dans ses propres mots, puisse décrire la nature de la blessure ou du malaise qu'il a subi. De plus, l'employeur doit, dans les vingt jours, en vertu du projet de loi, transmettre cette information à la commission. Il serait important, je pense, que la commission ne reçoive pas nécessairement que la version de l'employeur sur la nature de la blessure mais que l'employeur puisse, à ce moment-là, transmettre aussi la version de l'employé sur la nature de sa blessure. C'est pourquoi, M. le ministre, nous considérons que ce point est quand même important.

M. Fréchette: M. Comtois, je suis bien disposé à vous suivre pendant un certain temps, mais il y a au moins, à supposer que l'on retienne la suggestion que vous faites, une précaution ou une sécurité, me semble-t-il, qu'il faudrait prendre de toute évidence. Si le travailleur ou la travailleuse devait, dans ses propres mots, comme vous le dites, procéder à l'évaluation de ce qui lui arrive, il faudrait au moins prendre la précaution que son appréciation ne le lie en aucune façon et ne pourra en aucune façon aussi lui créer quelque préjudice que ce soit quant à l'évaluation qu'il aura pu faire de sa propre situation. Là-dessus, j'aimerais bien que l'on soit entre nous fort clairs. Je ne suis pas en train de vous dire que votre suggestion est non recevable. Je suis en train de vous dire par ailleurs qu'il y a des balises dont il faudrait entourer une disposition semblable. Je ne sais pas si, là-dessus, vous me suivez un peu dans le raisonnement que je suis en train de vous soumettre.

M. Comtois: M. le ministre, sur ce dernier point, les balises, on vous suit parfaitement et cela nous semble fort légitime. En effet, à l'époque où la blessure survient, le travailleur n'est peut-être pas dans l'état voulu pour décrire par écrit, de façon exacte, la nature de sa blessure. Qu'il ne soit pas entièrement lié par sa description faite au moment de l'accident, nous en convenons également. La valeur de cette déclaration faite à l'employeur permettra à celui-ci de prendre action dans les mesures préventives qu'il doit prendre s'il y a lieu, et deuxièmement, représentera quand même un document tout de suite au moment de la lésion où le travailleur s'est exprimé sur la nature de son mal quoiqu'il ne sera probablement pas lié par cela tout au long de la procédure, nous en convenons.

M. Fréchette: Bien. Il y a un autre aspect du mémoire dont j'aurais peut-être dû vous parler au tout début de mes remarques. Je reviens à la page 26, toujours au chapitre que vous avez identifié comme étant celui des irritants, c'est le paragraphe b, soit le dernier paragraphe de la page 26, que vous appelez gymnastique comptable, gymnastique à laquelle l'employeur devra se livrer pour arriver à déterminer de façon précise les montants qui devront être payés. Est-ce que vous souhaiteriez davantage que l'on retienne la méthode qui existe actuellement?

M. Comtois: Peu importe, M. le ministre, la méthode qui sera retenue. L'importance est à deux niveaux, qu'on essaie d'avoir une certaine consistance au niveau de la base, de la description des termes pour les fins d'indemnisation à travers les différentes méthodes, pour que le travailleur, l'employeur et la commission ne se retrouvent pas avec des variations substantielles en cours de route. Le deuxième aspect important, c'est que cette indemnisation, peu importe la base, ne rapporte pas plus au travailleur que s'il était au travail. À cet effet, je vous rappellerai, M. le Président et M. le ministre, les tableaux qui ont été soumis par le Conseil du patronat notamment, où il y a une comparaison sur l'impact des 90% du net en trois situations précises, soit le célibataire, la personne avec famille et deux dépendants, où le calcul démontre, je crois, qu'il y a un intérêt immédiat, au début du moins. Ce sont les deux considérations que nous avons sur ce point, M. le ministre.

M. Fréchette: Alors, une dernière question quant à moi, M. le Président. C'est une question qui est relative aux mécanismes d'appel. Il y a des mécanismes qui existent actuellement. Évidemment, une première décision est d'ordre administratif bien sûr, la décision soumise à un bureau de révision par l'une ou l'autre des parties, en dernière instance, quand on parle du droit à une indemnité ou alors du quantum d'une indemnité à la Commission des affaires sociales.

Je vous signale que, là-dessus, beaucoup de représentations ont été faites. Elles nous ont été faites autant par des représentants des parties patronales que des parties syndicales, sauf les modalités. Je pense pouvoir dire à ce stade-ci de nos travaux que, sur le plan du principe, au plan des objectifs qui sont visés, tout le monde a l'air de vouloir s'entendre ou enfin de vouloir concourir à la possibilité de la mise sur pied d'un mécanisme d'appel - je ne suis pas capable à ce stade-ci de l'identifier par aucune espèce de nom, mais parlons d'un mécanisme d'appel - qui aurait juridiction exclusive en matière de santé et de sécurité et qui remplacerait, par ailleurs, autant le bureau de révision comme on le connaît

actuellement, dont la disparition est suggérée par le projet de loi, et qui remplacerait aussi la Commission des affaires sociales.

À ce chapitre, j'aurais deux questions, M. Comtois. Est-ce que votre organisme souhaite que les décisions susceptibles d'appel soient toute décision rendue au niveau administratif par la commission elle-même? Je ne sais pas si je m'exprime suffisamment clairement. Est-ce que votre organisme souhaite qu'au-delà du droit à une indemnité, du quantum de cette indemnité, on puisse aussi pouvoir faire appel de toute autre décision administrative de la commission comme par exemple la cotisation, la classification de l'employeur, comme d'autres aspects qui concernent le travailleur et la travailleuse? En d'autres mots - je vais essayer d'être plus concis et plus clair -souhaitez-vous l'élargissement des matières dont on peut appeler, qui sont actuellement limitées, de la façon qu'on le sait, dans les dispositions actuelles de la Loi? (16 h 15)

M. Comtois: À cette question, M. le ministre, nous répondons, oui. Nous croyons qu'il est dans l'intérêt de permettre un appel même en matière strictement administrative à l'extérieur des cadres de l'entité qui régit l'ensemble du régime dans la majorité des cas. J'avoue qu'il faudrait reprendre l'ensemble des mesures administratives sur lesquelles la commission se prononce; il y a possiblement le fait, par exemple, que, lorsque la commission exerce son pouvoir en matière de réadaptation sociale et autre, je ne suis pas certain qu'à ce stade-là il y ait un intérêt à sortir à chaque fois pour avoir un appel à un tribunal administratif indépendant. Par contre, sur les questions de principe en général, je vous dirais que oui, M. le ministre.

M. Fréchette: Cet aspect étant réglé, vous convenez avec moi, M. Comtois, que les rôles par rapport à ce qu'ils sont déjà, risqueraient de devenir davantage lourds. On sait qu'au moment où on se parle, il y a entre 3000 et 4000 dossiers en suspens devant la Commission des affaires sociales. On sait également qu'il n'y a pas lieu d'espérer des décisions avant un délai variant entre deux et trois ans. Si on ajoute d'autres juridictions à un organisme indépendant, il va falloir considérer sérieusement vers quelle instance ces pouvoirs d'appel devraient être dirigés. Est-ce qu'il faudrait penser à un organisme indépendant, indépendant dans le sens le plus large du terme, indépendant politiquement aussi de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, qui ne répondrait pas à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, qui pourrait être régionalisé, à l'intérieur duquel on retrouverait des spécialistes de toutes les matières qui peuvent faire l'objet d'un appel?

Est-ce qu'il faut penser à un organisme comme celui-là ou alors à une chambre spéciale de la Commission des affaires sociales qui aurait très précisément le même mandat? Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire, à cet égard, quelle lecture vous faites d'une éventualité comme celle-là?

M. Comtois: À ce niveau-là, M. le ministre, je crois que la création d'une chambre spéciale à la Commission des affaires sociales ne permettrait pas d'accélérer les délais et de minimiser les problèmes que vous avez mentionnés, à cause des mandats très larges qui sont donnés par les autres lois existantes à la Commission des affaires sociales. Dans ce sens-là et tel que mentionné dans le mémoire de l'Association des manufacturiers canadiens, section du Québec, notre approche serait plus favorable à une cour indépendante ou à une commission indépendante qui, fort probablement, pourrait très bien s'inscrire dans le cadre d'une réforme du ministère de la Justice, de la Cour du Québec ou une autre. Il nous semblerait important, pour les raisons administratives que vous avez mentionnées, de sortir du cadre de la Commission des affaires sociales afin de permettre que la nouvelle entité ait un mandat pour l'ensemble des problèmes ayant trait à la CSST.

M. Fréchette: Un dernier commentaire, M. le Président, m'est suggéré par la dernière remarque de M. Comtois. Quand vous dites que cet organisme ou que cette institution pourrait très bien trouver sa place dans le processus de réforme actuellement engagé au ministère de la Justice quant aux cours du Québec, je vous signale ma réserve importante quant au danger de nous retrouver avec un organisme qui deviendrait rapidement judiciarisé encore une fois. Il faut être très prudent à cet égard quand on considère le mandat très précis qu'un organisme comme celui-là aurait. Je vous livre cela comme cela; c'est une appréhension que je voulais vous soumettre.

M. Comtois: Nous partageons également cette appréhension car, dans le domaine où on parle des accidents du travail, les délais sont importants pour le travailleur et tout autant pour l'employeur, qui a besoin d'avoir une détermination d'un point précis dans les délais les plus courts.

M. Fréchette: Merci, cela me va, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Merci. La parole est maintenant au député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. En

souhaitant la bienvue aux gens de General Motors du Canada, je leur dirai que le travail qu'ils ont présenté cet après-midi est très impressionnant et convaincant. On s'aperçoit rapidement qu'il s'agit là d'un travail de praticiens, de gens qui sont sur le terrain et qui ont quotidiennement à poser des gestes à la suite d'événements qui se produisent dans les usines. Vous avez fait la démonstration que ce projet de loi que nous présente le ministre est un projet de loi qui, dans sa forme actuelle, est plein de trous et qui ne peut pratiquement pas fonctionner. Vous êtes très polis dans la façon de dire les choses mais, si on regarde votre point de vue, que ce soit au niveau des quatorze jours, au niveau des effets que vous anticipez et de la façon dont vous considérez que certains montants sont irrécupérables, je n'y trouve pas le même réconfort que le ministre concernant le projet de loi. Celui-ci semble se réconforter de très peu et il trouve un encouragement, je ne sais où, dans ce mémoire que vous nous présentez. À mon avis, vous démolissez en grande partie le projet de loi 42. Vous ne le faites pas d'une façon négative. Vous soutenez et vous prouvez ce que vous avancez. Il reste que. j'aurais aimé entendre le ministre sur des questions beaucoup plus fondamentales que celles où il répond à vos interrogations et semble vous donner raison.

À la présentation de votre mémoire, vous avez passé rapidement sur ce que vous appelez les irritants qui sont, finalement, des choses de détail - si on peut dire - et le ministre s'est empressé de répondre au plus vite et de vous donner raison sur ce qui était l'évidence même. Mais il a été plutôt muet en ce qui concerne des choses beaucoup plus fondamentales dans votre mémoire. Vous soulignez d'une façon fort à propos vos inquiétudes en ce qui concerne la définition même d'accident. Le ministre ne nous éclaire pas du tout là-dessus, il ne vous a pas non plus posé de question et n'a pas non plus défendu sa position là-dessus. Cela, c'est fondamental, puisque toute la philosophie du projet de loi est basée sur ce qu'on entend par lésion professionnelle ou par accident du travail et, sur ce, le ministre est très, très discret.

Il est aussi extrêmement discret quand vous faites votre démonstration, en prenant les articles de la loi et en suivant le cheminement administratif d'une réclamation, soit de moins de quatorze jours, et que vous faites la preuve que, finalement, le risque semble énorme, que ces quatorze jours qui seront payés à l'employé constitueront tout d'abord une forte tentation, parce que la nature humaine est ce qu'elle est - et il ne s'agit de lancer la pierre à qui que ce soit -mais le législateur ne doit pas non plus faciliter des abus du système. Vous faites la preuve que les quatorze jours risquent de devenir une façon normale pour quelqu'un de tout simplement se retirer de son poste sans que l'employeur ait grand chose à dire.

J'aimerais vous entendre, en tant qu'employeur important du Québec, nous dire comment cela se passera dans les faits si ce projet de loi est adopté et si, selon ce que vous nous expliquez ici, quelqu'un décide qu'il a subi une blessure quelconque et qu'il est justifié de partir. J'imagine qu'il y a des chaînes de montage, qu'il y a là des gens qui ont des postes bien précis, qui doivent poser des gestes, et cela a des répercussions sur l'ensemble de l'opération. Comment cela se passe-t-il? Est-ce que cela crée des embêtements, des embarras à l'entreprise, à l'usine, quand quelqu'un qui s'est blessé décide que, tout simplement, il doit se retirer et prendre un repos pour lui permettre de guérir? Pour vous, en pratique, qu'est-ce que veut dire une situation semblable?

M. Comtois: M. le député, M. le Président, je vais essayer de répondre de la façon la plus précise possible à votre question. Effectivement, lorsqu'un employé se blesse et quitte, il y a, évidemment, la perte momentanée et temporaire, nous l'espérons, de ce travailleur. Quand celui-ci assume bien sa tâche quotidienne, qu'il a été bien formé et travaille bien, souvent, lorsqu'un employé se retire - surtout s'il y en a plusieurs qu le font - nous devons à ce moment-là transférer d'autres travailleurs pris à d'autres postes avec toute la machinerie administrative requise pour en arriver à maintenir la production. Évidemment, cela exige également à l'occasion de faire appel à de la main-d'oeuvre supplémentaire pour cause d'absentéisme, que ce soit à cause d'accidents du travail ou pour toute autre raison. Ce sont des coûts importants qui affectent l'entreprise, qui sont difficilement quantifiables d'une certaine mesure, mais qui ont un impact sur l'image que donne une entreprise, sur sa compétitivité et sur la productivité de sa main-d'oeuvre. Or, dans ce sens, il y a plus d'impact que le seul départ du travailleur et son indemnisation pour 14 jours ou tout autre nombre de jours.

M. Doyon: C'est-à-dire que ces effets sont beaucoup plus considérables que les effets proprement pécuniaires quantifiables pour une période de quatorze jours, de trois jours ou de quatre jours, qui est la période de temps où on sait que l'employé a été absent seulement lorsqu'il revient. Quand vous soulignez dans votre mémoire votre crainte de cette absence de quatorze jours sans finalement une motivation réelle, écrite, personne ne met en doute ici si ces personnes ont vraiment été victimes d'accidents ou de lésions. Si je comprends

bien votre demande d'amendement au projet de loi, cela va dans le sens de savoir, premièrement, lorsque quelqu'un part, la raison pour laquelle il part, ce qui a causé son départ. En fait, ce sont des inquiétudes que vous avez. La lecture que vous avez faite du projet de loi 42 ne vous garantit pas ces renseignements. Est-ce bien cela?

M. Comtois: C'est exact, M. le Président. Il n'y a aucun doute que le libellé actuel de la loi est nettement déficient à ce niveau. Puisqu'on essaie de légiférer et qu'on donne des obligations à des parties pour avoir des avantages, il nous semble également important que la loi, à ce moment-là, détermine les obligations de l'une de ces parties. On ne peut pas laisser passer cela sous silence; on ne peut pas présumer de ce qui va se passer, puisqu'on légifère tout le reste. Il est évident que, si on laisse les choses dans l'oubli ou dans le noir, n'importe quel tribunal administratif, n'importe quelle commission prendra la position que, si ce n'est pas prévu dans la loi, le travailleur n'y est pas tenu.

Le point essentiel de notre mémoire, c'est effectivement au niveau de la déclaration du travailleur et de l'article 171, qui est le point de départ de tout le système. Le travailleur quitte le travail, à ce moment-là, il est important que le travailleur fasse sa déclaration, informe l'employeur à ce niveau et que cette information soit aussi précise que celle que la commission requiert lorsqu'elle doit elle-même faire honneur à ses obligations juridiques en vertu du projet de loi. Il me semble tout à fait normal qu'il y ait une corrélation entre l'article 173, qui est l'avis que doit donner le travailleur à la commission, et l'article 171, qui est l'avis qui doit être donné à l'employeur. Cet instrument est essentiel pour la saine administration du projet de loi.

M. Doyon: Vous affirmez dans votre mémoire, à la page 11, entre autres, que l'avance de quatorze jours est en fait un paiement irrécupérable et ne nécessitant finalement aucune justification, si ce n'est l'absence au travail, et qu'il n'y a pas de moyens de contrôle non plus, pour établir cette question. Vous faites état de l'article 53, qui parle de la réclamation du travailleur et vous faites référence ensuite à d'autres articles. En faisant référence à ces articles, vous établissez que, finalement, il n'y a pas de réclamation du travailleur et qu'il n'y a donc pas de remboursement possible. Une façon d'obvier à ce problème ne pourrait-elle pas être qu'une demande de remboursement de l'employeur auprès de la commission pourrait, pour fins d'enquête, de contrôle et de vérification, équivaloir à une réclamation du travailleur? Est-ce que ce serait une façon d'envisager les choses? (16 h 30)

M. Comtois: M. le Président, M. le député, en toute honnêteté, je croirais que c'est une possibilité de présumer de transformer l'avis d'accident de l'employeur comme étant la réclamation du travailleur. Mais, dans la pratique de tous les jours, je ne crois pas que ce soit sain de le faire de cette façon. Il est important que le travailleur qui prend la décision de demander une indemnisation en vertu d'un régime, le fasse lui-même, que ce premier geste de responsabilisation, si on veut l'appeler de cette façon, soit posé par le travailleur lui-même au point de départ et qu'il prenne conscience qu'il fait les démarches pour recevoir une indemnité en vertu du système d'assurance. Dans ce sens, je croirais préférable à tout point de vue que cette réclamation ne soit pas faite par l'employeur, par voie de présomption, mais bien par le travailleur lui-même.

M. Doyon: Mais, techniquement et en pratique, de quelle façon est-ce que cela pourrait procéder si on considère que le travailleur a reçu son salaire? Il a été payé, pour les fins de la discussion, pendant dix jours, il réintègre ses fonctions comme il a le droit de le faire et ne réclame rien nulle part. Qu'est-ce qu'on devrait faire pour qu'il puisse exercer, en tout cas, je ne le sais pas, son droit de retour au travail et qu'il puisse en même temps produire une réclamation? Comment voyez-vous les choses?

M. Comtois: M. le Président, M. le député, il y a effectivement deux avenues qui nous viennent immédiatement à la pensée. C'est que le travailleur, au point de départ, doit faire une réclamation lui-même pour la base de quatorze jours à l'employeur et à la commission en même temps ou verser copie à l'un ou à l'autre. Ou, deuxièmement, l'article 171 prévoit que la déclaration écrite à l'employeur, tel que nous l'avons suggéré, devient une demande de prestation, de réclamation. L'article 172, qui se relie par la suite, oblige l'employeur à transmettre cette réclamation et à demander remboursement en même temps. Cela nous semble les deux avenues possibles, à première vue.

M. Doyon: Effectivement, à ce moment, cela voudrait dire que le temps qui est pris au moment où l'employé se croit victime d'un accident constitue véritablement une avance pure et simple, le fond de la réclamation étant jugé à un moment ultérieur. C'est comme cela que vous voyez les choses?

M. Comtois: Vous avez absolument

raison sur ce point. Il y a quand même un aspect important aussi, c'est qu'au niveau de l'article 171, la déclaration, nous avons les recommandations très précises sur le contenu de cette déclaration, ainsi que l'attestation médicale qui devrait y être jointe. En ce sens, nos recommandations s'inspirent du processus des régimes privés d'assurances et nous ne voyons pas pourquoi le mécanisme devrait être nécessairement différent d'un système public fort semblable à tout autre point de vue.

M. Doyon: Ce sera ma dernière question, vous semblez tenir dans votre mémoire à ce que, quand on parle de maladies ou d'accidents du travail, il y ait, reliée à cela, toute une question d'assistance médicale. Vous voyez nécessairement l'intervention quelque part, à un moment donné, d'un médecin ou de quelqu'un qui est en mesure au niveau professionnel, médical, d'apprécier la situation de l'accidenté ou du malade. Est-ce que c'est exact?

M. Comtois: Cet aspect, on le considère vraiment essentiel à tout le processus. Lorsqu'on parle d'accident du travail, l'exception est le dossier où il y a des problèmes administratifs juridiques et de délais. La majorité des dossiers posent des problèmes sérieux d'interprétation médicale. Le point de départ du dossier est souvent la décision que rend le médecin traitant. Je ne vois pas comment un non-professionnel de la santé, qu'il soit chez l'employeur ou qu'il soit à la commission ou au syndicat, puisse vraiment prendre une décision quant à la valeur médicale de cet ensemble d'expertises. Il est essentiel, tel que nous le recommandons, qu'à un stade d'abord au niveau de la décision du médecin traitant et au niveau de l'article 171, le médecin traitant donne un rapport complet et le plus précis possible avec même des recommandations possibles au niveau d'un travail d'activités restreintes, s'il y a lieu. D'ailleurs, vous avez entendu parler ce matin d'une certaine flexibilité ou d'ouverture d'esprit de la part des omnipraticiens à cet effet. Cet aspect est important. Par la suite, dans le cadre du processus de révision, nous avons mentionné qu'on se rattache à la recommandation de l'Association des manufacturiers québécois, qui suggère ce que vous mentionnez, M. le député, un processus de reconsidération médicale par un professionnel de la santé.

M. Doyon: Vous nous avez présenté des graphiques qui sont fort éloquents et qui laissent supposer un certain nombre d'effets si le projet de loi 42 est mis en application tel quel. Est-ce que vous êtes en mesure d'informer cette commission si vous avez fait une évaluation des coûts pour ce qui est de General Motors, par exemple de la mise en application des articles du projet de loi tel qu'on les a actuellement devant nous, qu'on les étudie, ou si cela n'a pas été possible pour vous?

M. Comtois: M. le Président, M. le député, il est malheureusement impossible, à moins de se lancer dans une certaine science-fiction, de prédire quel serait l'impact de l'avance à quatorze jours au lieu des cinq jours ouvrables actuellement. Par contre, ce que l'on tente de démontrer à la commission, nonobstant cette impossibilité de soumettre des chiffres en dollars, c'est que les indications sont là pour nous faire craindre le pis. On vous montre qu'en 1977, alors que l'avance de cinq jours est entrée en vigueur, l'expérience pratique quotidienne chez nous est passée du simple au double. On part de quelque 500 réclamations par année et subitement on monte à 1200. Aussi, on vous démontre dans les autres tableaux une diminution substantielle de l'ordre de 70%-30% entre la semaine de l'avance et la deuxième semaine qui suit. On ne peut pas, évidemment, conclure automatiquement que l'avance est la seule et unique cause de cette disparité entre les deux éléments. Les deux tableaux ensemble nous permettent, par contre, de croire que l'avance a sûrement un impact significatif et c'est la crainte que nous avons que cette période de hausse au niveau de la première semaine s'étende à la deuxième semaine, peut-être pas de façon automatique, peut-être pas de façon constante, mais qu'une hausse soit notée de la même façon qu'on l'a notée en 1977.

M. Doyon: Dans le graphique que vous nous avez remis à la page 16 de votre mémoire, on voit que les pourcentages de réclamations avec perte de temps par la population sont considérablement disproportionnés, si on compare l'usine de Sainte-Thérèse à celle d'Oshawa et à celle de St. Catharines. Est-ce que vous pourriez nous dire - si vous le savez évidemment - quel est le taux qui est appliqué pour l'usine de Sainte-Thérèse, ce qu'il en coûte de 100 $ de salaire versés à des ouvriers de Sainte-Thérèse par rapport à ce qu'il en coûte de 100 $ de salaire versés aux employés d'Oshawa par exemple?

M. Comtois: M. le Président, M. le député, concernant le taux et la comparaison, par exemple, entre l'Ontario et le Québec, vous aurez remarqué qu'on s'est abstenu de faire cette comparaison. Je peux vous dire par exemple qu'au Québec, on paie 5 000 000 $ de cotisations en 1983. Par contre, on vous mentionne également qu'on paie 22 000 000 $ en Ontario, mais pour 35 000 employés. On peut vous mentionner que l'augmentation a été de 290% en six ans

au Québec et que l'augmentation de la cotisation a été de 190% en Ontario, soit 100% de moins. De là à pouvoir maintenant comparer en termes de dollars la valeur des cotisations et autres, nous nous abstenons de le faire parce que les régimes et les modes de financement sont nettement différents et que l'efficacité financière des commissions en Ontario et au Québec peut comporter des différences selon les objectifs sociaux poursuivis. Par contre, le point qu'on veut soulever et où, je pense, on peut comparer des oranges avec des oranges et des pommes avec des pommes, c'est au niveau des réclamations au niveau des accidents. Un accident du travail devrait être, quel que soit le régime, un accident du travail. Sur cette base, en comparant une fonderie à St. Catharines et une usine de base substantiellement semblable quant à la production, une usine d'assemblage d'automobile à Oshawa et une à Boisbriand, on ne peut que s'interroger sur l'immense disparité entre les deux. Cela nous porte à croire que la loi actuelle et la loi à venir sont certainement des facteurs importants.

M. Doyon: Merci beaucoup.

Le Président (M. Paré): Merci. Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je voudrais poursuivre un peu cette discussion que vous aviez avec le député de Louis-Hébert. On dit souvent que, quand on se regarde, on se désole et que, quand on se compare, on se console. Vous avez mentionné que le niveau de cotisation à débourser par votre division avait un impact et vous avez insisté sur l'impact que cela pouvait avoir sur la compétitivité et sur la productivité. Je me demandais si, assez régulièrement, il y a des points de comparaison entre les différentes divisions de General Motors soit aux États-Unis et au Québec sur le total des coûts des réclamations. On peut comparer les réclamations mais les coûts qui y sont assortis, est-ce que vous seriez en mesure de dire à cette commission si ces coûts sont moindres au Québec que ce que vos divisions ont à assumer aux États-Unis?

M. Comtois: M. le Président, Mme la députée, nous n'avons pas ce genre de coûts de façon spécifique et isolée. La façon dont la comparaison se fait, que ce soit avec l'Ontario et au niveau du Québec, est de façon globale, dans le sens que les accidents du travail ne sont considérés que comme un des éléments de ce problème de l'absentéisme en général dans l'industrie ou dans le monde manufacturier. Or, à ce niveau, on ne peut que comparer l'ensemble des éléments ayant trait à la productivité de la main-d'oeuvre de la part d'une usine ou d'une autre. C'est fait de façon plus ou moins scientifique à l'occasion, et c'est vraiment le coût total des dépenses en général que l'on prend en considération à ce niveau. Je ne peux pas vous donner de chiffres comparatifs. Mme la députée, même si je pouvais vous en donner, je vous dirais tout de suite après qu'ils n'ont pratiquement pas de signification en tant que coûts. Encore là, on sait très bien que la situation législative aux États-Unis, au niveau de l'administration des services de santé, est totalement différente de celle du Canada et que la situation en Ontario au niveau de la Loi sur les accidents du travail est différente de celle au Québec. Ce qui nous préoccupe, c'est de savoir, en tant qu'entrepreneur, en tant que manufacturier, si, lorsqu'on se regarde et qu'on se console, on se croit concurrentiel, si on a tiré avantage de toutes nos ressources et de notre productivité au Québec. C'est dans ce sens que notre mémoire au niveau de la compétitivité n'a fait aucune allusion à de tels coûts. Ce à quoi on a fait allusion, c'est au nombre de réclamations entre les différentes entreprises. Chez nous, on peut essayer de le visualiser, de le quantifier et c'est l'indicateur, à ce moment, possiblement de problèmes.

Mme Harel: Évidemment, ce nombre de réclamations n'est qu'un facteur. J'imagine que ce qu'il est le plus intéressant de connaître, c'est le coût au bout de la ligne de l'ensemble de ces réclamations qui sont faites dans vos différentes divisions.

Les travailleurs de votre division m'ont remis un document pour l'année 1982. Évidemment, on prend moins en considération l'année 1982 pour les motifs que vous invoquiez. On retrouvait un tableau statistique - je pense que c'est à la dernière page - des taux de blessures dans différentes divisions de General Motors au Canada. J'imagine que cela comprend l'ensemble. J'aimerais bien avoir une définition de ce que recouvre ce tableau statistique. S'agit-il de blessures au sens des accidents du travail?

M. Comtois: Malheureusement, Mme la députée, M. le Président, je n'ai pas le tableau que vous avez mentionné. Notre syndicat n'a pas jugé opportun de m'en donner copie auparavant. Par contre, je ne peux pas commenter le document que vous avez entre vos mains, ni sa valeur.

Mme Harel: C'est un document de la General Motors. C'est un rapport annuel des statistiques des blessures dans toutes les divisions.

M. Comtois: Je n'ai pas ce document.

Mme Harel: Ce n'est pas un document des travailleurs de votre usine.

M. Comtois: Je n'ai pas le document que vous avez. Je pensais que, de la façon que vous vous étiez exprimée, c'était un document de la partie syndicale. Je n'ai malheureusement pas avec moi ce document précis. Si vous pouvez me donner quelques éléments, j'ai un autre document ici qui pourrait peut-être me permettre de donner réponse à vos questions.

Mme Harel: Est-ce que vous avez déjà pris connaissance de ce document statistique?

M. Comtois: Pas de celui-là.

Mme Harel: Alors, peut-être que, après la commission, j'aurai l'occasion d'en parler avec vous plus amplement.

M. Comtois: Avec plaisir, Mme la députée.

Mme Harel: Enfin, on parle beaucoup de coûts. Je pense qu'on a raison de le faire. Peut-être pourriez-vous préciser pour le bénéfice de la commission, les coûts, les dépenses que vous faites dans le domaine de la prévention. (16 h 45)

M. Comtois: Mme la députée, je vais passer la parole à M. Claude Denoncourt qui est notre directeur en santé et sécurité dans ce domaine.

M. Denoncourt (Claude): Au niveau de la prévention, madame, premièrement au point de vue ressources humaines nous avons quand même trois personnes qui s'occupent de la prévention en santé et en sécurité. De plus, nous avons un centre médical complet avec des infirmières et un médecin. Nous avons aussi à General Motors du Canada, et c'est établi depuis longtemps, un programme de préventions et de politiques établi par la corporation applicable dans chacune des usines de la compagnie. Or, depuis fort longtemps on s'occupe de la prévention grâce à des politiques établies. Si vous parlez en termes purement de coûts et de prévention en intégrant les ressources humaines, etc., vous pouvez parler d'un montant pour l'usine de Sainte-Thérèse qui va s'établir à environ 200 000 $ par année en termes d'activités. Cela inclut autant les équipements protecteurs que les ressources humaines.

Mme Harel: Alors, ce sont des coûts affectés à la prévention dans l'usine proprement dite?

M. Denoncourt: Oui et ces coûts peuvent varier d'une année à l'autre selon les activités qui sont entreprises.

Mme Harel: J'imagine que c'est le même ordre de grandeur pour chacune des divisions ou si cela peut...

M. Denoncourt: Je ne pourrais me prononcer en ce qui regarde l'ensemble des divisions canadiennes ou l'ensemble des divisions qui composent la corporation GM.

Mme Harel: Une dernière question...

M. Comtois: Pardon, Mme la députée, j'aimerais ajouter à la réponse de M. Denoncourt que les coûts qu'il a mentionnés sont les coûts administrés au niveau des activités de Sainte-Thérèse. Par exemple, lorsque vous faites affaires avec une multinationale, il y a des coûts qui ne sont pas répertoriés de façon locale mais qui sont répertoriés ailleurs, parce que vous avez des programmes de prévention, par exemple, qui sont générés à l'ensemble de l'entreprise. Je vais vous donner un exemple précis: l'identification des contaminants. Ce travail de prévention qui est fait à l'ensemble de l'entreprise n'est pas répertorié aux chiffres de Sainte-Thérèse.

Mme Harel: Si vous me permettez de poser une dernière question, je reviendrai au tout début de votre intervention sur la définition du mot "accident". Je veux simplement bien vérifier. Je pense que ce que vous vouliez signaler c'est la nécessité de définir cet accident comme étant concomitant avec le travail. Je comprends bien qu'à ce moment-là vous considérez que la notion d'accident puisse recouvrir, par exemple, la répétition de gestes et donc conduire, non pas dans un événement qui survient à une occasion donnée, mais qui peut survenir par une répétition de gestes. Vous concevez que la notion d'accident peut aussi recouvrir cette répétition de gestes.

M. Comtois: M. le Président, Mme la députée, en réponse à votre question, je vais être le plus spécifique possible. La réponse est oui. Cela comprend la définition que nous avons suggérée et qui a été précisée par les tribunaux supérieurs qui, en interprétant la définition actuelle du terme "accident" qui inclut le mot "imprévu", ont reconnu que le genre d'accident de gestes répétés pouvait être indemnisé. Pour votre référence, si vous le désirez, des décisions de la Commission des affaires sociales et de la Commission de la santé et de la sécurité du travail qui reconnaissent ce genre de gestes comme étant un accident. De plus, depuis 1981, si vous faites référence à l'annexe du règlement de la loi et ayant trait aux maladies professionnelles, vous verrez que dans la loi actuelle à la section V maintenant ce genre de gestes peuvent donner droit à une indemnité en vertu du

chapitre des maladies professionnelles. Le projet de loi 42 reproduit exactement la même chose. Alors, au niveau de ce problème, à savoir si la notion d'accident telle que nous la proposons pourrait exclure ces cas légitimes, nous vous disons que non.

Mme Harel: Je vous remercie.

Le Président (M. Paré): Merci. M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. le Président, j'ai deux questions. Ma première question s'adresse à M. Brien comme directeur de l'usine. On vient de dire qu'on tente de comparer l'usine québécoise avec Oshawa et St. Catharines. Je suis peut-être un peu naïf, mais j'ai toujours compris que dans le réseau de General Motors, l'usine de Sainte-Thérèse est un très bon modèle et qu'on doit être fiers de la main-d'oeuvre québécoise et de la qualité de leurs produits. Est-ce vrai, cette déclaration?

M. Brien: C'est vrai, M. le député. Nous avons...

M. Polak: Je ne voudrais aucunement créer l'impression que la situation n'est peut-être pas aussi bonne qu'ailleurs. Personnellement, j'ai toujours cru que c'est un vrai modèle. J'en suis fier comme Québécois. Nous en parlons entre nous et je voudrais que, si c'est vraiment la situation, qu'on le dise clairement pour que tout le monde le comprenne.

Deuxièmement, je connais aussi les représentants syndicaux de votre usine. Il n'y a pas seulement Mme la députée qui a des contacts avec le monde ouvrier. Nous aussi avançons et il y en a d'autres. Ce matin, il y avait le nom d'un syndicaliste bien connu qui pense à devenir candidat libéral. Donc, les temps changent.

Quant au programme de prévention que vous avez à votre usine, est-ce que c'est un programme qui fonctionne bien? Est-ce qu'il y a une bonne relation avec le monde syndical dans votre usine concernant l'aspect de la prévention des accidents?

M. Denoncourt: Sous cet aspect, M. le député, je n'ai pas l'intention de faire l'autopsie de la relation patronale-syndicale en matière de prévention en santé et sécurité au travail. Je crois que cela pourrait être long. Par contre, je peux vous dire, lorsque vous parlez du programme de prévention, que j'aimerais apporter une précision. J'ai mentionné à Mme la députée, tout à l'heure, qu'il s'agissait d'un programme établi selon les politiques de la compagnie. Depuis fort longtemps, la compagnie a une série de politiques en matière de prévention couvrant différents aspects des fonctions et des activités qui sont menées dans l'usine à ce sujet. Évidemment, comme vous le savez, selon les termes de la loi 17 et d'après la réglementation sur le programme de prévention, nous devrons, en conformité avec le règlement, d'ici mai 1984, déposer notre programme.

Je peux d'ores et déjà vous dire que c'est sur la bonne voie et qu'en partie les politiques de prévention énoncées par la corporation seront incluses dans le programme.

M. Polak: Ma dernière question s'adresse à Me Comtois. Quand vous avez parlé tout à l'heure du principe de l'avance des quatorze jours, vous avez comparé les articles 53, 133, 172, 173. J'ai essayé de vous comprendre mais je ne sais pas si vous avez une interprétation peut-être un peu pessimiste parce que je n'interprète pas la loi de la même manière. Je suis d'accord avec vous que, strictement parlant, on peut lire cela dans le texte. Mais croyez-vous que c'est plutôt une mauvaise rédaction que l'on pourrait corriger ou est-ce qu'il y a une intention cachée quelque part pour donner un cadeau de quatorze jours gratuits? Je suis certainement contre une telle intention mais je favorise par contre de réécrire le texte pour éviter une mauvaise rédaction. Quel est votre point de vue là-dessus?

M. Comtois: En réponse à votre question, M. le Président, nous croyons que c'est probablement le résultat d'une erreur de rédaction et d'un manque de concordance entre le dernier paragraphe de l'article 53 qui parle de réclamation et le reste des dispositions du projet de loi. Nous croyons, par conséquent, important de le souligner à la commission afin que, si, effectivement, c'est une erreur de rédaction, elle soit corrigée si possible avant l'adoption du projet de loi. Nous croyons sérieusement qu'il pourrait y avoir des problèmes d'interprétation et que les commissions et tribunaux administratifs après, quand ils auront à s'y pencher, n'auront pas d'autres choix que d'interpréter ce que le législateur aura écrit.

M. Polak: Dans le système actuel des cinq jours, est-ce que cela crée un problème? Je ne connais pas exactement le système actuel mais est-ce que la victime, dans le système actuel, avise tout de suite l'employeur de son accident ou est-elle obligée de le faire par écrit et le reste?

M. Comtois: Malheureusement, le système actuel fonctionne passablement bien dans une certaine mesure sauf que, comme tout système, il a ses failles. Il est arrivé à l'occasion que l'avance des cinq jours a

suscité des problèmes dans le sens que le travailleur ne faisait pas de déclaration à l'employeur. Par contre, la CSST a décidé de poursuivre l'employeur. Heureusement, un juge d'un tribunal supérieur est venu nous dire qu'à l'impossible nul ne doit être tenu et qu'on avancera les cinq jours lorsque le travailleur nous avisera en conséquence. Dans ce sens-là, les recommandations que l'on fait sont le reflet de problèmes pratiques que nous avons vécus. Je ne vois pas pourquoi d'autres employeurs risqueraient de devoir se faire poursuivre par la CSST pour un problème qui nous semble quand même légitime au point de départ.

M. Polak: D'accord. Merci M. le Président.

Le Président (M. Paré): Merci. M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Merci M. le Président. Très brièvement, j'aurais une question à vous poser. Auparavant, je voudrais quand même vous dire que votre mémoire, comme le ministre l'a dit d'ailleurs tout à l'heure, nous a sensibilisés sur plusieurs points. Je suis fier de voir dans quel sens le ministre a commenté votre mémoire. Il m'a rassuré quand il a mis l'accent sur certains points de la loi que vous avez soulevés. Cela laisse à mon avis - en tout cas selon mon interprétation et j'espère que j'interprète bien le ministre - présager des amendements qui pourraient être intéressants. Ceci dit je voudrais vous poser une question au niveau des coûts comparatifs entre les États-Unis, l'Ontario et Boisbriand. Vous avez mentionné dans vos graphiques et dans vos chiffres que le coût est beaucoup plus élevé au Québec qu'ailleurs. Je pense que vous l'avez mentionné, vous hésitez évidemment... Vous mentionnez l'augmentation ou les coûts plus élevés ici sans pouvoir - vous ne l'avez pas dit ou vous ne pouvez pas le dire - parler de la générosité du régime. C'est sûr qu'on paie peut-être un peu plus cher au Québec, d'ailleurs vous l'avez démontré assez clairement. Par ailleurs, est-ce qu'on paie plus cher pour avoir exactement la même marchandise ou si on paie plus cher pour avoir un régime plus généreux? Si c'était le cas, je pense que quand on mentionne que les coûts sont plus élevés au Québec, il faudrait peut-être aussi accompagner cette argumentation de la générosité du régime.

M. Comtois: M. le Président, M. le député en réponse à votre question dans une certaine mesure je suis totalement d'accord avec vous en disant qu'il faut comparer la qualité des régimes si on décide de faire des comparaisons au niveau des coûts. Par contre contrairement à ce que vous mentionnez, notre mémoire ne fait pas de comparaison de coût comme tel. Lorsque nous avons fait une comparaison en réponse à des questions, c'était au niveau du nombre de réclamations et non au niveau des coûts parce que nous étions fort conscients du point que vous soulevez, d'une façon valable d'ailleurs, que les régimes doivent aussi se comparer dans leur générosité et dans les différentes mesures de financement.

Au niveau des coûts, la seule comparaison que nous avons osé faire c'est sur le rythme d'augmentation des cotisations. Nous avons mentionné qu'au Québec nous avions subi une augmentation de 290% de la cotisation en six ans alors que cette augmentation était de 190% en Ontario. C'est le plus loin que nous sommes allés au niveau de la comparaison des coûts car nous croyons, tout comme vous, que la valeur du système doit être appréciée pour ce qu'elle est.

M. Lavigne: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Paré): Merci. En conclusion M. le ministre.

M. Fréchette: Très brièvement, M. le Président. C'est dans la foulée du sujet qu'a soulevé le député de Sainte-Anne dans sa dernière question qui rejoint aussi des préoccupations qui nous ont été soumises par M. Comtois à propos des quatorze jours. Je voudrais qu'on soit bien clair entre nous. Si le texte de loi dans sa texture actuelle ne rejoint pas l'objectif de l'éventuelle "récupération", dans le cas où il n'y a pas de relation de cause à effet entre une absence et une maladie, je vous signale que son objectif est effectivement d'atteindre ce dont je vous parle. D'ailleurs, là-dessus, dès la réception de votre mémoire nous avons été sensibilisés aux représentations que vous nous faisiez. Effectivement, on a tout de suite demandé que cet aspect soit regardé de près pour que l'intention que nous avons soit effectivement atteinte. C'est-à-dire que dans les cas où ce ne serait pas un accident du travail qu'il y ait cette récupération et qu'il n'y ait pas non plus de possibilité de passer à côté de quelque manière que ce soit. À cet égard il y aura les amendements, ou enfin une restructuration du texte pour atteindre cet objectif.

Le Président (M. Paré): Merci aux représentants de la General Motors du Canada pour leur présentation et d'avoir pris le temps de répondre à nos questions. Merci beaucoup.

M. Comtois: Merci M. le Président. (17 heures)

Le Président (M. Paré): J'inviterais maintenant les représentants de la Fédération des syndicats du secteur aluminium Inc. à

prendre place ici en avant.

Messieurs, bienvenue à la commission. J'inviterais le porte-parole de la Fédération à s'identifier et à nous présenter les personnes qui l'accompagnent avant de faire la présentation.

Oui, M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Avant que nos invités s'adressent à nous, M. le Président, pour éviter toute ambiguïté, vu ce qui s'est produit antérieurement et comme vous l'avez fait précédemment pour nos autres groupes d'invités, j'aimerais que vous relisiez, pour les membres de la fédération, l'article 53 de notre règlement afin de bien les informer de leurs droits.

Le Président (M. Paré): M. le député de Saguenay, étant donné que c'est tellement court et clair, c'est avec plaisir que je vais le faire. Article 53 de la Loi sur l'Assemblée nationale: "Le témoignage d'une personne devant l'Assemblée, une commission ou une sous-commission ne peut être retenu contre elle devant un tribunal, sauf si elle est poursuivie pour parjure." Ceci étant dit, si cela répond à votre attente, M. le député de Saguenay, j'invite à nouveau le porte-parole de la Fédération des syndicats du secteur aluminium Inc., à s'identifier et à nous présenter les personnes qui l'accompagnent.

Fédération des syndicats du secteur aluminium Inc.

M. Dubois (Jean-Marc): M. le Président, M. le ministre, messieurs et madame les membres de la commission parlementaire, mon nom est Jean-Marc Dubois, secrétaire de la Fédération des syndicats du secteur aluminium Inc. Sans vouloir donner d'autres titres, j'assume aussi la coordination en matière de santé et de sécurité du travail à la fédération. Les collègues qui m'accompagnent sont, en commençant par mon extrême droite, M. Raymond Labonté qui travaille en santé et sécurité du travail à l'intérieur de l'usine, M. Jean-Yves Lapointe, M. Gilles Harvey, M. Denis Simard, conseiller technique à la fédération et qui est attaché particulièrement au dossier des accidents du travail et M. Guy Lalancette qui est officier au syndicat d'Arvida et qui s'occupe plus particulièrement de surdité industrielle mais qui a l'oreille très fine.

Dès le départ, lorsque j'ai entendu la lecture de l'article de la Loi sur l'Assemblée nationale je me vois presque dans l'obligation de vous préciser que nous nous sentons fort à l'aise d'exprimer ici notre témoignage à cette commission parlementaire, d'autant plus que dès que nous avons commencé nos travaux sur le projet de loi, nous étions conscients de cet article et nous l'avons pris en considération de sorte que nous avons tenté d'éliminer toute possibilité de parjure devant cette commission. Nous sommes d'autant plus à l'aise de vous exprimer nos commentaires.

Vous me permettrez de faire la lecture et, à l'occasion d'apporter quelques commentaires sur notre document. Évidemment, je veux vous dire aussi au départ que la tentation ne manquait pas, lorsque nous avons commencé à lire le projet de loi, de commencer à insister sur les grands principes et les grandes théories en matière de santé et de sécurité du travail mais nous avons préféré nous limiter aux problèmes que nous vivons chaque jour dans notre milieu de travail et nous attarder aux articles sur lesquels nous vivons le plus quotidiennement possible et le plus régulièrement possible des problèmes face à notre employeur; c'est-à-dire lorsque je dis nous vivons, ce sont nos travailleurs qui vivent et par ricochet nous aussi puisque nous les représentons.

M. le ministre, il nous est agréable de vous présenter notre humble contribution à la réalisation du projet que vous parrainez en vue de rendre plus humaine et réaliste la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Nous sommes heureux qu'on intègre le terme maladies professionnelles. Il est tout à votre honneur et à celui du gouvernement que vous représentez d'afficher un intérêt aussi marqué à la situation vécue dans le milieu du travail et à tous les efforts déployés depuis plus particulièrement l'avènement de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, pour améliorer les conditions de vie des bâtisseurs du Québec. Veuillez accepter, M. le ministre, ainsi que tous les membres de la commission, nos plus sincères remerciements au nom de tous nos travailleurs. Soyez assuré que dans l'application de cette nouvelle loi, nous figurons comme des participants à part entière dans un esprit d'objectivité, dans un souci constant de protection et de défense des droits et intérêts légitimes des intervenants, plus particulièrement les travailleurs que nous représentons.

Pour la Fédération des syndicats du secteur aluminium Inc., qui représente la très grande majorité des salariés à l'emploi de la Société d'électrolyse et de chimie Alcan, Ltée au Québec, le projet de loi qui fait l'objet du présent mémoire, vu dans son ensemble, était attendu depuis longtemps et, par conséquent, reçoit un accueil objectif et positif.

Il faut cependant se situer dans notre contexte pour mieux comprendre la philosophie qui nous anime en matière de santé et de sécurité au travail. Nous oeuvrons dans un secteur d'activités où depuis de nombreuses années, nos travailleurs sont vraiment l'image parfaite de cette phrase qui est devenue célèbre à savoir:

"Qu'ils perdent leur vie à la gagner".

Lorsque le gouvernement du Parti québécois, sous le parrainage de M. Pierre Marois, présentait la Loi sur la santé et la sécurité du travail, nous nous réjouissions du fait qu'enfin on pense à faire de la prévention paritaire. À cette époque, le patronat s'élevait contre ce principe, prétextant que le travailleur n'avait pas à se mêler de sécurité et santé au travail et allant même dans certains cas dire que le travailleur ambitionnerait sur le système et profiterait de façon exagérée de ses droits. J'ajouterai l'anecdote ici, que même à l'occasion, notre employeur avait demandé d'être exclu de l'application de la Loi sur la santé et la sécurité du travail ce que, heureusement, le législateur n'a pas retenu. L'expérience de quelques années, nous démontre clairement que tel n'a pas été le cas, à tout le moins en ce qui nous concerne.

Bien au contraire, les intervenants du milieu ont appris à penser de façon différente, ce qui a créé un éveil permettant ainsi d'accorder la priorité là où elle était nécessaire et aux Québécois de se doter des services autrefois inexistants ou moins bien structurés, nous pensons ici à l'Institut de recherche en sécurité et santé du travail -et certains projets qu'elle a parrainés, entre autres, le sondage sur la perception des travailleurs versus leur exposition au danger - ou encore la Commission de la santé et sécurité du travail organismes avec lesquels nous avons appris à travailler. Nous profitons de la circonstance pour en vanter le mérite et la nécessité.

Certes, ils ont à améliorer certaines structures internes, mais il faut considérer que le Québec, il y a moins de dix ans, était loin derrière et qu'aujourd'hui, il fait belle figure en matière de santé et sécurité du travail et c'est tout à l'honneur de ceux qui ont en main les destinées de ces nouvelles structures, y compris, évidemment, les représentants syndicaux et patronaux qui oeuvrent au sein du conseil d'administration et à toutes les autres instances.

Il nous fallait faire cette démarcation pour en arriver à mieux vous situer et vous faire saisir que pour nous, l'intégration à cet engrenage a permis aux intervenants d'ouvrir les yeux sur une réalité trop longtemps cachée, celle de crainte d'y perdre un emploi.

Qu'il suffise de vous mentionner que dans la seule usine de Jonquière, nous comptons plus de 1000 diminués physiquement. Nos travailleurs sont durement atteints de maladies professionnelles. Qu'il suffise de mentionner ici, la télangiectasie, les maladies pulmonaires, la surdité industrielle que nous traitons quotidiennement; il y a des demandes d'indemnisation de façon régulière et nous devons faire face à des contestations de la part de l'employeur aussi de façon régulière. On peut parler ici, facilement d'une centaine de contestations par année, heureusement nous obtenons gain de causes dans quelque 99% des cas. Que ce soit sur des faits accidentels, maladies professionnelles, voire même douter de la bonne foi des victimes d'accidents du travail, comme s'ils faisaient exprès. Heureusement, nous obtenons gain de cause disais-je. C'est pourquoi, il faut bien comprendre que ce dicton qui dit que l'exception confirme la règle ne doit pas être interprété comme le désire, semble-t-il, l'employeur et faire que la règle soit faite selon l'exception.

Quant aux maladies professionnelles, nous avons notre grande part. Outre la télangiectasie que je mentionnais tout à l'heure la surdité, qui sont maintenant reconnues pour ne nommer que celles-là, d'autres risquent de frapper nos membres. En effet, l'étude tripartite sur la santé des travailleurs de l'aluminium, dans sa première partie, démontre une atteinte aiguë des maladies respiratoires. Il y a une forte chance que l'atteinte chronique se révèle existante. Une étude sur le cancer de la vessie, récemment rendue publique, étude qui avait été commanditée par l'Alcan et faite par le chercheur Gilles Thériault, soulève des doutes disant que nos travailleurs ont de fortes possibilités d'être atteints de cancer de la vessie dans le secteur de l'aluminium. Nos satistiques nous révèlent aussi de fortes possibilités de troubles cardio-vasculaires, particulièrement chez nos soudeurs. Tout cela pour dire que nous sommes heureux de la présentation d'un projet de loi qui considère les maladies professionnelles et qui confie l'administration de la loi à un organisme qui a déjà fait ses preuves de compétence en matière de la santé et de la sécurité du travail.

Cependant, à la lecture du projet de loi, nous avons décelé quelques passages auxquels nous soumettons des commentaires que nous voulons voir accueillir objectivement avec en tête le fait que nous sommes un organisme qui oeuvre pour protéger et défendre les droits et intérêts des travailleurs. Volontairement, nous avons omis de relier les coûts administratifs à ces services que le législateur se doit de donner au travailleur, parce que notre principale préoccupation, c'est l'humain.

N'est-il pas juste de dire que, dans le monde du travail, il y a plusieurs éléments qui s'appliquent à chacun des partenaires? Chacun n'a-t-il pas droit à son profit? Le patron, pour l'amélioration de sa productivité, recherche le profit pécuniaire et concurrentiel. Le travailleur, en louant ses services pour permettre au patron d'atteindre ses objectifs, n'a-t-il pas le droit à son profit de saines conditions de travail et de

sécurité dans l'exercice de ses fonctions?

L'amélioration constante des conditions de vie au travail doit figurer parmi les premiers investissements d'un employeur. Comme la réalité parfois difficile à accepter nous oblige à constater qu'il y a des victimes d'accidents du travail, il est normal que l'employeur investisse dans l'administration de ces règles curatives qu'il est tout à fait logique de faire gérer par un organisme aussi crédible et sérieux que la CSST, d'autant plus que son conseil d'administration a cette caractéristique de paritarisme volontaire.

Voici donc, messieurs, madame, nos humbles commentaires sur le projet de loi 42 portant sur la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

L'article 27 - je vous ferai grâce de la lecture de tous les articles, parce que je suis convaincu que vous les connaissez sûrement mieux que nous - parle des conséquences et de l'omission de soins qui peuvent être donnés aux travailleurs et du droit à la continuation ou à la reprise des prestations, selon le cas. Compte tenu de la réticence de l'employeur à convenir que le travailleur puisse être atteint d'une maladie professionnelle comme conséquence d'un accident industriel ou d'une exposition à un milieu de travail donné en raison de son environnement, de la tendance patronale à favoriser, voire même insister fortement sur l'accessibilité aux changements d'occupation, ce qu'on appelle dans certains milieux travaux légers et, dans d'autres, activités restreintes je me permettrai de demander à un de mes confrères de vous donner un exemple pour vous montrer jusqu'à quel point on peut parfois exagérer sur ces activités restreintes et pourquoi nous revendiquons des limites à celles-ci. Je demanderai à mon confrère Guy Lalancette de vous donner un exemple vécu dans notre milieu.

M. Lalancette (Guy): M. le Président, il s'agit d'un travailleur âgée de 58 ans, père de famille de onze enfants qui, en lançant une pièce d'acier dans une espèce de benne, s'est cogné le doigt sur le bord de la benne. Il s'est présenté aux premiers soins. Le médecin l'a envoyé faire prendre des radiographies. À la suite de ces radiographies, on lui a fait un pansement et on lui a dit: Tu te mettras la main dans la glace. Il n'y a pas de fracture. On lui a donné une activité restreinte. C'est sûr que, si cela avait été une personne un peu plus débrouillarde, elle n'aurait sûrement pas accepté l'activité restreinte, elle aurait demandé d'être dirigée vers un spécialiste. Le monsieur en question était là à l'usine. On lui a donné un travail plus léger. Après trois semaines, je l'ai rencontré dans un passage. Il a commencé à me montrer sa lésion. Je lui ai dit: Cela n'a pas d'allure. Il faut que tu sortes de l'usine tout de suite et que tu ailles voir un spécialiste. Laisse faire le médecin de la compagnie, cela n'a pas de sens. N'étant pas médecin, j'ai vu tout de suite que ce n'était pas normal. Il s'est dirigé vers un médecin, vers les premiers soins. On l'a dirigé chez un spécialiste. On l'a opéré. (17 h 15)

II a eu, il y a quinze jours, ici à Québec, sa seizième opération. Le doigt a été coupé à trois reprises. On est rendu ici. On lui a refait la main. Il est censé subir une dix-septième opération prochainement. Le médecin dit que possiblement il viendrait à perdre la main. Pourquoi cet exemple? J'ai évalué que cela fait trois ans que le monsieur en question ne travaille pas. Sans compter toutes les opérations et les frais hospitaliers, je ne connais pas les sommes énormes que cela a dû coûter; je pense qu'en termes de salaire et en termes de paperasse au niveau de la CSST et tout cela, cela a coûté de 150 000 $ à 200 000 $. Cela sans compter les soins médicaux que le monsieur a reçus. Pourquoi? Parce qu'un médecin, au lieu de le diriger vers un spécialiste, l'a tout simplement retourné à l'usine sur une activité restreinte. Il était médecin. Je ne mets pas en doute ses capacités de médecin. C'est possible. Nos procureurs présentement sont en train de regarder s'il y aurait matière à poursuite, mais cela est un autre débat.

Je ne mets possiblement pas en doute ses capacités de médecin sauf qu'il y a d'autres patrons au-dessus de tout cela qui poussent pour gérer tout ce système médical. On le gère souvent avec des soins en moins et avec de mauvais conseils. N'eût été de cette incompétence ou de cette direction effectuée par la haute direction de l'usine, ce monsieur aurait encore ses cinq doigts. Il aurait coûté peut-être quinze jours de repos chez lui. Un médecin l'aurait soigné, traité. Au départ, c'était une bagatelle. Cela a dégénéré en... C'est possible qu'il en vienne à perdre la main. Un autre exemple très rapide. Le coût de tout cela? C'est pour cela que je dis que cette commission devrait mettre dans la loi que ce serait très sérieux de diriger une personne vers une activité restreinte. Souvent, une graine dans l'oeil peut porter... Même un médecin peut donner un diagnostic, mais s'il n'y a pas un spécialiste qui l'a vu, cela peut engendrer des problèmes et si vous avez une personne qui est débrouillarde, il n'y a pas de problème. Elle va se diriger elle-même. Mais si la personne a peur de son contremaître, a peur d'un patron, et a peur du médecin, souvent la partie syndicale va prendre connaissance du problème et il va être trop tard.

C'est dans ce cadre que je dis que la commission devrait faire très attention. Tous

les employeurs eux veulent absolument des activités restreintes et des travaux légers. Sûrement que tous les documents qui vous ont été présentés par les employeurs ont dû mettre l'accent là-dessus. J'aurais des dizaines d'exemples de maux de dos qui ont été mal traités, mal soignés et qui ont dégénéré et qui ont pris trois ou quatre opérations avant de... Je vais arrêter simplement pour vous dire que les activités restreintes devraient être abolies et qu'il devrait y avoir une amende très sévère là-dessus.

M. Dubois (Jean-Marc): Tout cela parce qu'on veut préserver une moyenne d'accidents par million d'heures de travail. Considérant aussi l'absence, du moins pour l'instant, dans plusieurs endroits d'un professionnel de la santé neutre au sens de la Loi sur la santé et la sécurité du travail; considérant la complexité et la nouveauté des maladies professionnelles, il est essentiel que soit conservé dans son entier l'article 27 tel que rédigé dans le projet de loi, sinon le préciser si c'est nécessaire. Cet article assure au travailleur un service médical sans qu'il ait à subir de préjudice souvent évitable, ne fût-ce que par principe.

L'article 28 et l'article 29 que nous relions ensemble parce que nos commentaires sont de nature comparative par principe d'abord et par constatation. Si on fait la relation entre le travailleur qui subit une blessure et celui qui est atteint d'une maladie professionnelle, tous les deux couverts par une même loi, nous croyons que le principe d'application de l'un doit être respecté pour l'autre. En effet, toutes les lois qui touchent la santé et la sécurité du travail accordent, à prime abord, le bénéfice du doute au travailleur. Par conséquent, dans le cas de l'exercice d'un droit conféré par une loi ou dans la déclaration d'un accident du travail, la seule obligation donnée au travailleur est celle d'établir la présomption selon qu'il s'agisse d'un cas ou de l'autre. Or, dans le présent cas, on oblige le travailleur à établir la relation de cause à effet alors qu'il est, et de loin, beaucoup plus complexe d'intervenir dans le cas d'une maladie professionnelle que tout autre exercice de droit.

Cette seule obligation et cela en est tout une, aura dans plusieurs cas pour effet de freiner le travailleur dans sa démarche de reconnaissance ou de soumission de cas aux autorités concernées. Certes, le travailleur qui peut compter sur une organisation syndicale sérieuse et soucieuse de la santé de ses membres, et c'est notre cas, ce travailleur, disons-nous, rencontrera moins de difficultés pour entreprendre sa démarche. Mais là encore, les embûches sont nombreuses et la consultation de nombreux experts devient nécessaire. Imaginons un instant le travailleur qui n'est pas ou peu organisé! Ces difficultés deviennent alors des obstacles insurmontables qui l'inciteront à l'abandon.

Compte tenu de l'esprit privilégié par le législateur du présent gouvernement dans ses démarches visant la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs; compte tenu également de la position dans laquelle se trouve le travailleur lorsqu'il est atteint d'une maladie professionnelle; compte tenu qu'il est plus sécuritaire de se doter aujourd'hui de règles dont on est incertain de pouvoir jouir demain, nous croyons que le législateur devrait rédiger cet article de telle sorte qu'il respecte le même esprit que d'autres que l'on retrouve dans certaines lois à savoir que la seule obligation qui soit faite au travailleur soit celle d'établir la présomption sur son historique de travail, par conséquent, son exposition à un milieu donné pour que les spécialistes rattachés à la CSST puissent, par comparaison, faire la relation de cause à effet, se servant des disponibilités médicales et scientifiques qu'ils acceptent et qu'ils ont à leur disposition. De plus, il serait de mise que des mécanismes soient instaurés pour traiter les cas de maladies professionnelles d'une manière efficace et professionnelle. Ce mécanisme pourrait très bien s'inspirer des modalités déjà proposées dans les cas de pneumoconiose pour les travailleurs atteints d'amiantose et de silicose aux articles 32 à 35 inclusivement.

L'article 45 concernant l'accessibilité pour le professionnel de la santé désigné par l'employeur à des dossiers médicaux. En principe, nous ne nous inscrivons pas contre le fait que l'employeur puisse avoir accès au dossier médical de l'un de ses travailleurs. Cependant, il nous apparaît logique que ce droit soit conditionné à l'autorisation du travailleur concerné. De plus, cette accessibilité doit se limiter expressément à l'accident concerné ou à la maladie diagnostiquée. Permettre une accessibilité illimitée à l'employeur signifie des risques d'utilisation autres que pour les fins signifiées.

On ne veut pas ici mettre en doute la conscience professionnelle d'un spécialiste de la santé, mais l'expérience vécue nous permet d'affirmer qu'au-delà de l'éthique professionnelle, il y a ce que nous appelons la médecine administrative qu'exercé le professionnel de la santé à la solde de l'employeur. Vu sous cet angle, l'administrateur de la compagnie, par l'intermédiaire du médecin qu'il embauche, peut très bien s'enquérir de données lui permettant de limiter un travailleur dans l'exercice de ses droits à occuper une fonction dans l'entreprise et ce, de façon unilatérale, ce qui va à l'encontre du principe de consultation paritaire en matière

de santé et de sécurité du travail. Ce sont là des faits vécus et vérifiables et même si, à la rigueur, on parvient à réparer les pots cassés, il est préférable de prévenir que de guérir. C'est pourquoi nous croyons qu'en plus, le médecin de l'employeur devrait passer par le médecin de l'établissement au sens de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, s'il y en a un, pour obtenir les informations qu'il désire. Dans ce cas, le médecin d'établissement devra se soumettre aussi à l'exigence du deuxième alinéa de l'article 45.

Concernant le droit d'accès au dossier qui comprend le droit d'en recevoir la communication écrite ou verbale, règle générale, nous croyons que la demande verbale ne devra pas être permise à l'exception de cas d'urgence.

Encore une fois, au-delà des administrateurs d'aujourd'hui, il est essentiel d'établir des règles visant à éliminer, autant que faire se peut, les éléments qui peuvent donner naissance à des situations conflictuelles. Dans les cas d'exceptions reconnues par un représentant dûment reconnu et autorisé, la transmission d'information devrait être enregistrée - ce n'est pas de l'écoute électronique - sous réserve d'en aviser le demandeur et déposée au dossier du travailleur. Là également, le travailleur devra être avisé de la situation.

L'article 53. Dans notre secteur d'activités, on retrouve deux catégories de travailleurs: celui qui est de l'équipe de jour et celui qui est appelé à travailler sur les opérations continues.

Pour ce dernier, le versement de son salaire sur une période ne correspondent pas avec le balancement de son cycle de travail risque de créer des complications administratives qui peuvent le priver d'une partie de ses revenus pendant une certaine période.

De fait, pour ce travailleur dont l'horaire l'oblige à assurer une présence à l'usine sur les sept jours de la semaine, le début ou la fin de son cycle ne coïncide que très rarement avec la semaine de calendrier qui sert de référence lorsqu'il se voit dans l'obligation et l'incapacité d'exercer son emploi régulier. Normalement, quatre semaines sont nécessaires pour équilibrer sa moyenne d'heures de travail.

Cette situation fait que dans la plupart des cas il se crée un vide administratif qui n'a pas d'énormes valeurs pécuniaires en soi, mais qui occasionne des problèmes cléricaux qu'il serait possible de lui éviter compte tenu de sa situation d'accidenté.

En considération également des délais de paiement qui varient entre cinq à six semaines selon les informations dignes de foi que nous avons reçues, ce qui signifie à toutes fins utiles un vide possible sans rémunération pour le travailleur; pour éviter qu'en raison d'un manque à gagner - cela arrive - le travailleur reprenne prématurément ses occupations régulières bien que son état de santé ne soit pas complètement satisfaisant pour ce faire; pour éviter les démarches patronales qui se servent de ce manque à gagner pour influencer le travailleur à accepter soit un travail léger, soit un retour au travail prématuré, nous croyons que le législateur devrait amender et/ou préciser les points suivants: que l'employeur doive verser le salaire qu'il y ait ou non un doute de contestation sur les faits accidentels ou autres.

En effet, la CSST possède des ressources compétentes nécessaires pour établir ces présomptions sans que l'employeur ne se fasse juge et partie.

Que la période de versement de l'indemnité de remplacement du revenu soit de 20 jours ouvrables suivant le début de cette incapacité.

Il s'agit là d'un amendement qui vient minimiser à son strict minimum les possibilités de complications administratives et qui aura pour effet, sans augmenter les coûts réels directs et indirects d'assurer au travailleur victime d'une incapacité résultant de son travail, de recevoir ce qui lui est dû sans lui créer des complications autres que celles déjà trop nombreuses qui sont reliées à son état de santé.

L'article 62, qui traite du maximum annuel assurable. Au Québec il existe parfois des différences marquées entre les salaires versés dépendamment des secteurs d'activité. En principe, l'indemnité de remplacement de revenu devrait être basée sur le salaire gagné. Ainsi, le travailleur oeuvrant dans un secteur d'activités où la moyenne de salaire est supérieure à la moyenne provinciale, subit un préjudice par rapport à celui qui se situe dans une catégorie inférieure.

Si on veut assurer un traitement équitable en fonction du pourcentage du salaire reçu, nous croyons qu'il y aurait lieu de modifier cet article. On devrait préciser que le maximum assurable soit égal à 150% d'une moyenne calculée à partir de la rémunération hebdomadaire moyenne des travailleurs du secteur de l'activité économique du Québec dans lequel il travaille. Avec cette méthode on assure un traitement égal à tous les travailleurs tout en respectant les principes de base d'indemnité.

Concernant le délai à compter de la quatrième année, ce délai de trois ans pour mettre fin au revenu, voire le diminuer, nous apparaît nettement insuffisant. Généralement, il faut cinq ans pour assurer une réinsertion sociale, selon les informations que nous avons reçues.

L'article 81, l'atteinte permanente et l'article 82. Partant du fait que le

travailleur victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est celui qui subit toutes les conséquences de son état pour des motifs pour lesquels il est impuissant, nous voyons d'un très mauvais oeil qu'il subisse en plus les restrictions administratives. Nous concevons que le système actuel occasionne des frais onéreux à la CSST, mais on n'a pas à corriger cette lacune au détriment des indemnités pour dommages corporels.

Un exercice rapide nous permet de constater que la différence entre l'état actuel du système et les propositions inscrites aux articles 81, 82 est énorme quant au montant de l'indemnité. C'est à se demander si on ne veut pas réajuster les coûts administratifs en pénalisant directement le travailleur dans son indemnité. Le travailleur est suffisamment pénalisé sans qu'il ne subisse de telles coupures. (17 h 30)

Qu'il suffise de regarder l'exemple suivant et on a vite fait de comprendre pourquoi nous nous opposons à cet amendement. On a pris ici monsieur X âgé de 80 ans... 49 ans, pardon - je pensais au projet de loi 15 - incapacité permanente. Dans la loi actuelle, pour l'individu en question, 12% de DAP, la rente mensuelle est de 156 $ et on vient de lui offrir une offre de règlement de 19 500 $. Avec la nouvelle loi, ce qui lui serait versé représenterait 4021,52 $. Si nos informations sont bonnes, c'est de cette façon que la situation se présente. Or, la marge qui existe entre les deux comparaisons signifie, sur une indemnité forfaitaire, un poste de 15 478,48 $ ce qui nous apparaît tout à fait disproportionné.

S'il est vrai que l'administration des indemnités actuelles est trop onéreuse, il serait préférable d'instaurer un système administratif moins coûteux sans pour cela pénaliser celui qui est la victime. Par contre, si c'est le système de calcul des indemnités qui est disproportionné aux inconvénients subis, qu'on le modifie, mais pas d'une manière aussi radicale.

Je me permettrai ici de rappeler les paroles de l'actuel président de la Commission de la santé et de la sécurité du travail à l'occasion de la mise en marche du processus de réalisation d'une étude tripartite dans notre secteur et je cite: "Le travailleur n'a pas à payer pour connaître les conséquences de son environnement de travail sur sa santé." Ces paroles peuvent très bien se transposer dans ce cas-ci et il est tout à fait logique de dire que le travailleur n'a pas à payer pour des inconvénients subis à l'occasion de son travail. Ainsi, l'indemnité pour dommages corporels devrait être sur une base de rente, qu'elle soit mensuelle ou annuelle, mais qu'elle reflète un esprit d'équité et de bonne conscience, eu égard au fait que souvent les inconvénients dont l'accidenté du travail est victime, sont inestimables, ne fut-ce que par un système arbitraire ou scientifique qui, nous en convenons, doit exister pour éviter l'anarchie et le juste partage d'un traitement égal pour inconvénient égal.

Dire oui à un tel amendement signifie -le mot est peut-être fort - une trahison aux principes mêmes de la philosophie de la santé et la sécurité du travail qui veut selon la définition même de l'accident ou la lésion professionnelle que le travailleur est une victime donc celui qui subit en raison de risques reliés à son travail. Il n'a donc pas à subir en plus les contrecoups d'une administration devenue obligatoire elle-même en raison de ces mêmes risques créés par l'employeur qui finit toujours par tirer le bénéfice de la production.

À l'article 100, nous croyons tout simplement que 1500 $ accordés pour les frais funéraires ne sont pas réalistes. Considérant qu'il y a décès prématuré et sans entrer dans toute la discussion sur les effets familiaux, etc., le conjoint n'a pas à hypothéquer les assurances dont le montant est calculé pour combler les besoins créés par le départ d'un être cher. Ainsi, il serait plus réaliste de dire que les frais funéraires seront entièrement payés sur présentation de pièces justificatives en y précisant un maximum qui tient compte de la réalité du marché.

L'article 132, "La commission décide de la nécessité, de la nature, de la suffisance ou de la durée de l'assistance médicale." Le législateur, dans son souci de recherche de paritarisme, de consultation et de concertation, et même dans certains milieux de "concertaxion", a créé des mécanismes permettant aux intervenants de se doter d'outils neutres qui viennent garantir la réalisation des objectifs recherchés. La Loi sur la santé et la sécurité du travail instaure la notion du médecin d'établissement qui joue un rôle professionnel compétent en relation avec le milieu de travail où il exerce. C'est pourquoi nous croyons que la CSST ne devrait pas se doter de mécanismes arbitraires unilatéraux qui risquent, malgré la bonne foi des individus, d'être influencés par des contraintes omniprésentes.

La commission devrait donc utiliser les notions qu'elle a créées pour les parties et, par conséquent, les décisions telles que celles prévues à l'article 132 devraient être prises en consultation avec le médecin d'établissement qui constitue une compétence présente dans le milieu du travail.

Bien qu'on puisse dire qu'il va de soi que cette consultation se fasse, il est préférable de le préciser et ce, pour des raisons ausi logiques que celles déjà précisées dans notre présentation à savoir que les

hommes passent et que les institutions demeurent.

Le droit de retour au travail qui suscite beaucoup de commentaires selon ce que nous entendons. Nous jugeons tout à fait logique que ce nouveau droit soit précisé de façon claire. À la lumière des commentaires que nous avons recueillis, il s'agit de l'un des points qui rendent populaire auprès des travailleurs le présent projet de loi.

Il est tout à fait normal que l'employeur se voit obligé de reprendre à son service aux conditions les mieux adaptables celui qui est victime d'un accident du travail.

L'article 147. Nous faisons ici allusion particulièrement au paragraphe 2 qui dit que ce sont deux ans s'il occupait un emploi dans un établissement comptant plus de vingt travailleurs. Pour nous, cet article vient en quelque sorte annuler le précédent ou du moins, le limiter très sérieusement dans son application. L'absence prolongée du travailleur est complètement étrangère à son contrôle, voire sa volonté. Pourquoi le pénaliser en raison de la gravité de sa blessure ou de sa maladie?

De plus en plus, le taux de gravité des accidents est élevé, du moins dans notre secteur. Donc, si on limite le droit de retour au travail à toutes les complications médicales qui peuvent survenir, on rend le travailleur tout à fait insécure et pis encore, on force celui qui n'est pas encore rétabli à reprendre son travail dans un état de santé qui risque de l'exposer davantage au danger. Il est tout à fait anormal de créer une telle contrainte.

Au pis aller, on pourrait l'obliger à certains travaux communautaires, recyclage scolaire et quoi d'autres encore qui pourraient lui permettre de se sentir utile dans une société qu'il a contribué et veut encore contribuer à bâtir. Ne fût-ce que pour un support moral qui lui permette de ne pas se croire au crochet de ses confrères de travail avec lesquels il a partagé une partie de sa vie. N'oublions pas que ce n'est pas le travailleur accidenté qui crée la situation dans laquelle il se trouve. Bien au contraire, il l'a subie.

Dans son état actuel, cet article devrait être biffé et si le législateur tient absolument à restreindre l'application de ce droit, que ce soit fait dans le but d'éviter les abus possibles et non de pénaliser le travailleur.

L'article 149 qui précise que le travailleur continue de participer au régime de retraite, aux paragraphes 1 et 2, cesse d'accumuler des jours de vacances ou de congés de maladie. Voici un petit exemple: À la guerre, si le soldat est blessé, on le traite triomphalement en héros. On le décore. Ici, le blessé du travail, on le pénalise. Le paragraphe 2 de cet article: voilà une situation anormale. Pour toutes les raisons et obligations sociales, morales voire même juridiques, on n'a pas à retirer au travailleur des bénéfices auxquels il a pleinement droit.

Dire oui à la cessation d'accumulation des jours de vacances et congés de maladie signifie une coupure directe de son indemnité de remplacement de revenu. D'autres lois, en l'occurrence celle sur les normes du travail, reconnaissent le droit à des vacances pleinement payées et des congés de maladie également.

C'est pourquoi nous croyons que le législateur devrait permettre à l'accidenté du travail de jouir pleinement de ses bénéfices et avantages comme s'il avait été au travail. Nous convenons toutefois qu'il devrait être contraint aux mêmes obligations que celles prévues dans le paragraphe 1 concernant sa participation, s'il y a lieu.

Enfin, conserver intégralement le texte proposé ne vient-il pas en contradiction avec le principe énoncé aux articles 150 et 152 qui lui accordent le droit de conserver ses avantages et bénéfices?

À l'article 155, l'employeur, sur demande du travailleur ou de la commission, avise ceux-ci de tout emploi qui devient disponible en vue de permettre au travailleur l'exercice du droit que lui confère l'article 154. Parlant de ce droit de retour au travail, je me permets ici une petite annotation. Nous comprenons qu'il doit entrer en vigueur dès que le travailleur est jugé apte, médicalement parlant, à reprendre le travail et que ce retour ne vient pas brimer d'autres salariés dans leurs droits, qu'ils soient conventionnels ou accordés par la Loi sur les normes du travail, par exemple dans les endroits où il n'y a pas d'organisation syndicale.

Nous comprenons également que, sous prétexte d'une exclusion d'un poste, l'employeur prétende qu'il n'y a pas d'ouverture d'emploi en raison d'une décision unilatérale qui vient en quelque sorte annuler l'esprit du législateur de ce droit de retour au travail. C'est-à-dire que si l'employeur, à un moment donné, ne veut pas retourner un type au travail, il dit: Écoute, ce n'est pas compliqué. On n'a pas d'ouverture pour toi. On n'a pas de poste qui le permette. À la rigueur, à toutes fins utiles, dans des établissements d'envergure multinationale tel que celui dans lequel nous oeuvrons, l'employeur peut facilement se doter d'une banque d'emplois qui lui permette de réintégrer certains travailleurs dont l'état de santé ne leur permet pas de réintégrer l'emploi qu'ils occupaient au moment de l'accident. Pour toutes les raisons et la philosophie du paritarisme en matière de santé et de sécurité du travail, nous croyons que l'association accréditée qui représente le travailleur devrait aussi être avisée au même titre que les autres intervenants de ces

ouvertures de postes.

L'article 158, le nouvel employeur d'un établissement aliéné ou concédé, autrement que par vente, etc. Pour éviter toute ambiguïté - il y a plusieurs possibilités et le Code du travail y fait déjà allusion d'ailleurs - il serait préférable de préciser ici le même principe voire à accorder le même droit en fonction du deuxième paragraphe de l'article 85 du Code du travail et préciser que sans égard à la division, la fusion ou au changement de structure juridique de l'entreprise, les mêmes obligations soient faites à l'employeur.

Cette précision est nécessaire, du moins en ce qui regarde la grande entreprise, qui dans son expansion technologique, morcelle ses établissements en divisant ses secteurs de production sans pour cela changer d'employeur.

L'article 160. Le travailleur peut soumettre une plainte à la commission s'il croit que son employeur a illégalement omis, etc. Nos commentaires sont les mêmes que ceux que nous avons faits sur les article 155 et 156.

À l'article 166 concernant la décision du commissaire du travail. Notre commentaire se rapporte précisément au deuxième alinéa de l'article concernant notamment la référence à l'article 130 du Code du travail. Contrairement à cet article, dans le présent cas, le délai de dix jours où on dit qu'il y a un délai de dix jours de la mise à la poste par le ministre ou par le commissaire de l'avis, on pourrait plutôt parler d'un délai d'au moins quinze jours ouvrables à compter de la mise à la poste par courrier recommandé ou certifié de la décision du commissaire ou dans les dix jours au moins de la réception par le travailleur de la dite décision. D'autant plus qu'il s'agit d'un travailleur accidenté et qu'il peut y avoir plusieurs contraintes.

À l'article 172, l'employeur donne avis à la commission de toute lésion professionnelle, etc. Nous pensons qu'il serait préférable d'apporter des précisions sur le délai accordé à l'employeur pour aviser la commission. En effet, afin d'éviter les retards abusifs ou négligents on pourrait par exemple écrire que l'employeur, dans un délai raisonnable, ne devant pas excéder cinq jours avise la commission. De plus, pour tous les motifs déjà invoqués, il y aurait lieu d'ajouter parmi les destinataires "l'association accréditée et ou le représentant à la prévention."

En conclusion. Voilà ce qui constitue nos commentaires sur le projet de loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Bien entendu, il s'agit d'une intervention qui reflète la situation que nous vivons quotidiennement en relation avec notre employeur. Il faut également comprendre que nous considérons nos besoins en fonction de travailleurs qui peuvent compter sur une fédération syndicale structurée qui peut répondre à des besoins et pallier à l'occasion des lacunes créées par des interventions patronales qui profitent de l'ambiguïté de certaines interprétations pour priver le travailleur, ne fut-ce que temporairement, de droits qui devraient normalement lui être dévolus automatiquement. Par conséquent, nous sommes pleinement conscients que le travailleur qui est peu ou pas organisé rencontre de nombreuses difficultés à faire valoir ses droits sans traverser d'obstacles.

Nous sommes d'avis que le présent projet de loi a sa raison d'être et surtout, qu'il doit faire prendre conscience à toute la population qu'en matière de santé et de sécurité du travail, la principale cible qui risque de recevoir les flèches, c'est le travailleur et que, pour cela, l'employeur doit consentir, tout en lui reconnaissant ses droits, à partager son profit dans des investissements visant l'amélioration des conditions de vie au travail.

Nous déposons donc le présent mémoire avec la conviction qu'il sera reçu à son mérite et avec la considération habituelle dans un esprit d'objectivité visant à assurer la protection minimale du travailleur. Bien que l'administration d'une loi soit coûteuse, dites-vous bien que l'accident, qu'il soit fatal ou non, n'a pas de prix. Il y a des guerres qui ont été dévastatrices mais elles n'ont jamais duré aussi longtemps que les risques d'exposition imposés aux travailleurs depuis que l'homme travaille jusqu'à la fin de l'intervention humaine dans l'industrie, fin qui n'en est pas une en soi. (17 h 45)

Messieurs, madame, il nous fera plaisir de répondre à vos questions. Si besoin est, je céderai la parole à mes collègues qui oeuvrent journalièrement en matière de santé et de sécurité du travail dans le milieu syndical.

Le Président (M. Paré): Merci beaucoup pour la présentation. Nous allons maintenant passer à la période des échanges et le premier à prendre la parole est le ministre du Travail.

M. Fréchette: Merci, M. le Président. Je n'aurai pas d'objection, quant à moi, si nos collègues de l'Opposition y consentaient, à déborder l'heure normale prévue pour la suspension de nos travaux.

Une voix: II n'y a aucun problème.

M. Fréchette: Je remercie, M. Dubois et ses collègues qui l'accompagnent. Eux aussi, comme plusieurs de ceux qui les ont précédés et sans doute aussi comme plusieurs de ceux qui vont les suivre, ont très

certainement consacré passablement de temps à décortiquer cette loi et à préparer un mémoire pour les fins de la présente commission.

Je retiens, M. le Président, que l'organisme qui est devant nous a su, avec beaucoup d'à-propos, mettre le doigt sur des choses qui doivent être améliorées depuis que la Loi sur la santé et la sécurité du travail existe, depuis que le livre blanc a été publié en 1978 mais qui, par ailleurs, semble concourir à un des principes fondamentaux de la loi qui est celui du paritarisme. Je vous rétière que j'ai cru comprendre, à travers les représentations, le message de la Fédération des syndicats du secteur aluminium qu'on est effectivement satisfait de ce principe du paritarisme et qu'il y a lieu, pour tous les intervenants de se roder à ce système qui présente, bien sûr, ses inconvénients mais qui, en fin de compte, est peut-être le meilleur système auquel on puisse penser en matière de santé et de sécurité.

M. Dubois, à vous et à vos confrères, je souhaiterais qu'on puisse préciser quelques-uns des aspects de votre mémoire, quelques-unes des questions que vous soulevez et des recommandations que vous faites. Ma première observation est en relation avec vos recommandations quant à la présomption qui existe à l'égard de certaines maladies professionnelles et qui n'existent pas par ailleurs à l'égard de certaines autres.

Je vais essayer de résumer le rationnel qui est derrière cette disposition législative quitte à réévaluer ce rationnel pour voir si notre appréciation est correcte. Vous retrouvez en annexe A de la loi une énumération qui nous apparaît exhaustive dans l'état actuel des choses quant à la nature des maladies professionnelles. C'est la liste qui a été retenue par le Bureau international du travail et nous avons retenu toute la nomenclature des maladies professionnelles que cet organisme a identifiées.

Par ailleurs et vous le soulevez, il y a très certainement - tout le monde en est conscient - d'autres maladies professionnelles qui ont comme origine, comme cause le milieu ambiant du travail. On ne met pas en doute cette possibilité, ne serait-elle que théorique, certaine que cela existe.

La difficulté devant laquelle nous sommes, et les motifs qui ont été évalués, ce sont les suivants: II peut y avoir des cas, par exemple, où même la science médicale n'est pas en mesure de se prononcer sur une maladie qu'on pourrait identifier comme professionnelle. L'exemple qu'on a utilisé tout au cours de nos discussions, c'est le phénomène de l'alcoolisme. Dans l'état actuel de nos discussions au Québec, certains reconnaissent que le phénomène de l'alcoolisme peut être considéré comme une maladie. D'autres disent que non. Quand je réfère à certains et à d'autres, c'est à des hommes de science, à des professionnels de la santé qui se sont intéressés à ce phénomène et qui ont essayé de l'évaluer. Or, il y a des hommes de science qui prétendent que l'alcoolisme est une maladie, d'autres prétendent que c'est encore un des sept péchés capitaux, comme on a appris dans notre petit catéchisme.

Il y a déjà là, au niveau de la nature même de ce que pourrait être la maladie, une discussion scientifique importante. La première étape à franchir dans un cas comme celui-là, c'est celui de savoir d'abord si l'alcoolisme, à partir de l'exemple dont on parle, est une maladie. Deuxièmement, si on devait, scientifiquement et autrement, en venir à la conclusion que c'est une maladie. Il faudrait essayer de voir maintenant si certaines conditions de travail peuvent avoir des incidences sur la maladie elle-même. Par exemple, le fait de travailler à la chaleur, le fait de travailler au froid, le fait de travailler dans toute espèce de conditions qui ont déjà été identifiées par des spécialistes qui ont considéré cette question.

Nous aurions beaucoup d'hésitation à ce stade-ci, à inclure dans l'annexe A dont on parle, qui fait l'énumération des maladies professionnelles, l'alcoolisme comme étant une maladie professionnelle. Vous voyez le raisonnement qui est là et je ne vous dis pas qu'il est définitif, final, coulé dans le ciment mais c'est une difficulté à laquelle il faut faire face et y faire face avec autant de réalisme que possible.

Encore une fois, c'est la raison ou les motifs pour lesquels la loi est faite comme elle l'est actuellement. Il est évident qu'au fur et à mesure que la jurisprudence se créerait ou alors que la science médicale évoluerait dans le sens d'identifier très précisément ce qu'on pourrait convenir d'appeler des maladies professionnelles, c'est clair qu'à ce moment-là, elle serait ajoutée à l'annexe A. Je voulais prendre le temps qu'il faut pour expliquer les motifs qui ont présidé aux dispositions actuelles de la loi et je ne sais pas si vous avez des commentaires à faire là-dessus, des observations ou encore des remarques qui pourraient contribuer à me faire changer d'opinion, mais je vous signale comment, actuellement, on regarde la situation.

M. Dubois (Jean-Marc): Ce que je peux faire à ce stade-ci, c'est vous préciser que le but de nos remarques, lorsqu'on parle d'établir la présomption, n'est pas dans le sens d'ajouter des maladies à l'annexe A, mais comme vous le mentionnez, il est déjà très complexe, même dans les milieux scientifiques, de déterminer une relation de cause à effet, alors que dans le cas du travailleur qui va déposer une demande, on lui demande, à lui, d'établir la relation de

cause à effet, lui, le profane qui n'a aucun outil ni scientifique ni médical, à sa disposition dans l'immédiat, sauf pour celui qui est organisé dans le monde du travail ou qui peut, par son organisation syndicale, accéder à des services professionnels médicaux, scientifiques ou autres. Je prendrai ici un exemple. On voit qu'il y a des maladies pulmonaires qui sont reconnues. On n'a pas de maladies pulmonaires reconnues en fonction de notre milieu de travail à nous. On ne demande pas d'ajouter demain matin les maladies pulmonaires reliées à la production de l'aluminium, parce que cela fait déjà quatre ans qu'on est à une étude scientifique qui n'a pas encore publié ses conclusions sur le dernier volet de l'étude.

On sait que c'est très complexe, mais si je prends, par exemple, le domaine de la surdité industrielle, on va demander à un individu qui est atteint de surdité et qui va se présenter devant la commission pour une demande d'indemnisation, d'établir la relation de cause à effet entre sa surdité et son exposition dans sa vie de travailleur à un milieu donné, alors qu'on sait que la surdité industrielle s'acquiert avec le temps. Bien souvent, cela va faire quinze ou vingt ans qu'il est exposé à différents degrés de décibels et on lui demande de venir dire: J'ai travaillé sur un marteau-piqueur pendant trois ans. Cela donne tant de décibels selon le tableau. Voyez comment cela peut être complexe pour un travailleur. On dit dans le cas d'un accident du travail qui est quelque chose de visible, qui n'a pas nécessairement du sang, mais qui a quelque chose de visible: "La présomption est accordée au travailleur à l'effet qu'il y a eu accident." On dit: Tu es un accidenté du travail. Ensuite, on regarde cela et on dit: Bon! Maintenant, ton accident, est-ce que cela répond aux définitions de la loi, etc.?

Dans le cas d'une maladie professionnelle, Jos. Bleau par exemple, qui est atteint d'emphysème et qui travaille dans un milieu où il y a des possibilités que l'ambiance de travail ait des conséquences sur son emphysème, va à la Commission de la santé et sécurité du travail et dit: Voici, messieurs, je suis atteint d'une maladie respiratoire. Mon médecin me dit que c'est ça. Sans qu'il soit obligé de produire une expertise médicale parce que vous savez qu'une expertise médicale coûte 175 $, 180 $ et 190 $ malgré le régime qui prévaut au Québec. Dans notre cas on paie pour le travailleur mais celui qui n'est pas organisé n'a pas toujours les 175 $ pour déposer une expertise médicale à la CSST.

Au départ le travailleur dépose et les spécialistes de la CSST qui ont en main les documents... Il est évident que si à un moment donné il y a un afflux de demandes sur une maladie donnée, la CSST dira: Il y a lieu de faire une étude là-dedans. Il y a des cas isolés aussi. Cela commence par des cas isolés.

On a placé une demande pour une étude sur les troubles cardio-vasculaires chez les soudeurs. Cela a pris deux ans et on arrive à un début d'étude. Imaginez! cela a pris deux ans et on a mis des spécialistes là-dedans. Pourtant, les troubles cardiaques c'est une maladie reconnue en soi mais c'est d'établir la relation entre le trouble cardiaque et le milieu du travail qui est difficile.

Ici on dit au travailleur: Viens l'établir, toi le profane. Le gars qui n'a pas d'outil... Notre intervention est dans ce sens-là, soit de dire qu'au départ on devrait accorder la présomption... La seule obligation faite au travailleur serait d'établir la présomption qu'il a été exposé à un milieu de travail, en présentant une feuille de route et en assermentant, etc., qu'il a été exposé à ce milieu de travail, que sa vie de travail c'est ça et qu'aujourd'hui il est atteint de cette maladie parce que son médecin le soigne pour ça. Ensuite, l'enquête démontrera, sans qu'il soit obligé...

M. Fréchette: En fait, M. Dubois, en vous écoutant je retiens qu'il y a évidemment le jeu de la présomption sur lequel vous insistez mais votre argumentation va aussi dans le sens de nous convaincre que peut-être bien que si vous aviez les moyens, au sens très large du terme, de procéder à la preuve dans le sens que vous nous le décrivez, ce serait moins important le jeu de la présomption lui-même. En d'autres mots, vous nous dites être démuni des moyens tant scientifiques que de toute autre espèce pour arriver à convaincre une instance habilitée à décider de la justesse de vos prétentions.

Il y a aussi, bien sûr, le jeu de la présomption. Je ne rejette pas ça mais il y a aussi la facilité de pouvoir faire cette preuve devant les instances habilitées à décider. Je retiens votre argumentation à cet égard.

Vous avez également fait référence à un des aspects les plus importants du projet de loi et c'est celui qui est en relation avec le retour au travail, enfin la réhabilitation après trois ans plutôt qu'après cinq ans. Là-dessus, vous avez un très court message qui, par ailleurs, est fort clair. Vous nous indiquez que les informations que vous avez vous permettent de conclure que cela prend généralement cinq ans avant d'arriver à être complètement fixé sur l'état de santé d'un travailleur ou d'une travailleuse accidentée, que les séquelles définitives ne peuvent pas être connues avant cette période de cinq ans. Évidemment, c'est sans doute au niveau de la période de temps que les informations ou les statistiques peuvent varier, mais il semble que, par exemple, depuis la mise en vigueur de la Loi sur l'assurance automobile,

les expertises actuellement retenues par la régie tendraient à nous conduire à la conclusion que, généralement parlant, après trois années, on va être fixé sur le sort d'un accidenté de la route: ou bien il sera apte à reprendre un travail, il sera affecté d'une incapacité partielle permanente, ou alors il sera classé comme invalide total et permanent. (18 heures)

Je vous réitère que ce sont les informations que nous avons actuellement. Cependant, il y a un autre bout de chemin à faire pour être tout à fait certain de l'évaluation qui est faite. Je vous signale que beaucoup de représentations nous ont été soumises et d'autres viendront sans doute, mais je voulais simplement mettre sur la table les motifs qui ont présidé à cette disposition quitte, encore une fois, à revoir la situation.

J'ai une dernière observation, M. le Président. C'est sûr qu'encore une fois, on n'aura pas le temps de toucher à tous les points qui ont été soulevés par la fédération, mais un dernier aspect que M. Dubois a soulevé, c'est celui des frais funéraires. La première observation que je veux vous soumettre, c'est que cela fait 50 ans que l'actuelle loi est là, et il n'y a pas eu de changements, comme il aurait été souhaitable qu'il y en ait au niveau du paiement des frais funéraires, mais il y a quand même une augmentation d'à peu près 200% par rapport aux dispositions actuelles de la loi. On passe de 500 $ à 1500 $. Il ne faudrait pas non plus perdre de vue qu'il y a une allocation spéciale de 500 $ qui s'ajoute à l'allocation pour frais funéraires dont la personne en charge des funérailles pourra disposer comme bon lui semble, de sorte que, si la personne à qui serait confié le mandat de faire les funérailles d'un accidenté ou d'une accidentée du travail décidait d'utiliser l'allocation additionnelle de 500 $ pour des frais funéraires, rien n'empêcherait qu'elle puisse le faire. Théoriquement en tout cas, les frais funéraires pourraient atteindre 2000 $. Pourquoi avons-nous inscrit 1500 $ et une allocation spéciale de 500 $? C'est tout simplement pour essayer d'éviter les travers normaux de la nature humaine. Lorsque vous nous parlez de payer des frais funéraires sur présentation d'une facture, vous avez sans doute évalué, en même temps que nous l'avons fait, ce que cela pourrait vouloir dire. C'est uniquement en fonction de cette considération que nous avons cru utile de départager de la façon que nous l'avons fait dans le projet de loi l'allocation des frais funéraires.

M. le Président, je ne suis même pas exact dans mes renseignements. On en parle tellement depuis plus d'une semaine maintenant. L'allocation spéciale n'est pas de 500 $, mais de 1000 $, ce qui fait une allocation de frais funéraires, à strictement parler de 1500 $, plus une allocation spéciale de 1000 $ qui pourra être utilisée selon le désir et la volonté de la personne à qui ce mandat a été confié, ce qui pourrait vouloir dire que des funérailles de 2499,99 $ pourraient être faites, mais encore une fois, sans que j'aille plus précisément dans le détail, vous comprenez sans doute pourquoi la loi est ainsi faite.

M. le Président, j'ai complété mes remarques. Je signale que les autres aspects du mémoire sur lesquels on n'aura pas l'occasion d'échanger vont effectivement faire l'objet de considérations attentives. Je voulais simplement réitérer mes remerciements aux gens de la Fédération des syndicats du secteur de l'aluminium.

Le Président (M. Paré): Vous voulez faire un commentaire.

M. Dubois (Jean-Marc): Ce ne sera pas tellement long. Lorsqu'on parlait des cinq ans, selon nos informations, c'est selon le vécu aussi. C'est que pour retourner à son poste de travail, le gars a quand même des contraintes d'environnement de travail. C'est évident que si après trois ans il est possible qu'il reprenne un certain travail, mais que, après trois ans, à cause de l'environnement de travail et non seulement à cause de sa capacité physique, il ne peut pas retourner au travail parce que - je ne sais pas - si c'est un genou cela va lui demander de trop marcher, souvent des choses comme cela, c'est cela qu'on veut souligner lorsqu'on fait allusion à cinq ans, c'est par rapport à notre milieu de travail. D'accord?

Pour les frais funéraires, écoutez, c'est qu'on a regardé les 1500 $ et on les a limités nous aussi en disant au tarif normalement accepté, au taux généralement reconnu sur le marché pour éviter aussi de dire je vais faire enterrer le premier ministre. On a pensé à cela aussi de façon assez sérieuse.

Le Président (M. Paré): Merci. M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci. Moi aussi au nom de ma formation politique, j'aimerais vous remercier et vous féliciter pour votre mémoire qui est particulièrement bien construit et qui reflète, je pense bien, les revendications des travailleurs du secteur de l'aluminium. Avant de parler du mémoire, je veux dire que je sais que vous avez vécu deux étapes dans la région d'Arvida et de la Baie. Vous avez des travailleurs qui sont à l'usine d'Arvida, une usine qui date de plus de 20 ans et qui était reconnue pour être particulièrement polluante de l'extérieur. Je n'ai jamais eu l'occasion de la visiter à l'intérieur, mais de l'extérieur, elle est

reconnue pour cela. Vous avez aussi une usine qui est relativement neuve à la Baie. J'aimerais savoir, le degré d'amélioration qu'il y a eu au cours des années au niveau de la pollution extérieure et intérieure, surtout intérieure parce qu'elle s'applique au niveau des travailleurs, parce que cela a quand même une influence. Vous avez parlé tout à l'heure d'une chose qui m'a surpris un peu, que les maladies pulmonaires dues à la respiration à l'intérieur de l'usine d'aluminium étaient exclues.

Je pense que, pour en avoir visité quelques-unes dans mon comté, c'est quand même un facteur très important la pollution à l'intérieur d'une usine d'aluminium. C'est même suffoquant de respirer là-dedans si on n'a pas le petit masque de sécurité. Je voudrais savoir si celle de la Baie est beaucoup plus conforme à vos recommandations et si c'est beaucoup plus vivable pour les travailleurs à l'intérieur. Je pense que vous avez quand même certaines expertises là-dessus qu'on ne connaît pas nous autres ici.

M. Dubois (Jean-Marc): Je ne veux pas entrer dans tous les principes de pollution. Il est évident que les conditions de vie au travail dans une usine moderne comme celle de la Baie sont meilleures que dans une usine de guerre comme celle d'Arvida. Il est évident que vu du côté patronal - c'est difficile pour nous de s'y placer - mais il semble que la seule pollution qu'on ait pu éviter à Grande Baie, c'est la syndicalisation. Alors, les conditions de vie étant meilleures, on présume que les maladies quelconques dans le milieu de travail vont être moins nombreuses dans ces usines qu'elles ne le sont aujourd'hui après autant d'années d'exposition dans des usines aussi désuètes que celles de Jonquière, ou d'île Maligne, ou de Beauharnois, par exemple.

M. Maltais: Est-ce qu'on a tendance, par exemple, à modifier et à moderniser ces vieilles usines ou si on les laisse dans le même style qu'elles étaient pendant la guerre, comme vous dites?

M. Dubois (Jean-Marc): Écoutez, on modernise dans un certain sens, mais lorsque les coûts deviennent trop onéreux, on évite de corriger à la source les émanations de gaz ou d'autres polluants qui sont susceptibles d'affecter la santé des travailleurs. On se cache, comme vous le disiez, derrière le masque. Mais le masque ne vient malheureusement pas éliminer toutes les contraintes que subit le travailleur.

M. Maltais: Vous avez souligné dans votre mémoire particulièrement - et vous n'êtes pas le seul, d'ailleurs, à l'avoir fait et je pense que cela revêt une importance capitale pour les membres de la commission - l'aspect du retour au travail. On a reçu d'autres organisations syndicales, d'autres organisations d'employeurs et plusieurs spécialistes en médecine et, finalement, pas un n'est content. Et je pense qu'on recevra ce soir un autre groupe de médecins qui, sans doute, n'est pas content non plus. On parle d'accidents mineurs pour les fins de la discussion. Pour les accidents mineurs dans les grosses entreprises comme la vôtre, il y a un médecin de service, comme vous nous le dites. À partir de ce moment-là, l'employé est obligé de faire affaires avec le médecin de service. Dans l'exemple que monsieur donnait tout à l'heure - disons que ce n'est peut-être pas dans tous les cas -mais un mauvais jugement de médecin a permis que quelqu'un soit arrêté durant trois ans et subisse plusieurs opérations. D'après vous, est-ce que ce ne serait pas au médecin traitant - moi, j'ai un médecin traitant, vous en avez un qui serait en mesure de permettre le retour au travail et dire que le gars est mieux. Si notre cas est trop compliqué pour notre médecin de famille, il nous envoie voir un spécialiste dans un hôpital et ce dernier lui fait rapport et lui dit si on doit subir une opération. À ce moment-là, il nous réfère à d'autres spécialistes. À l'heure actuelle, il y a le médecin de la compagnie, le médecin spécialiste de la CSST qui, bien souvent, ne voit que le rapport de l'accidenté ou ne fait que très peu de visites au travailleur, et le médecin spécialiste de l'hôpital à qui il est référé. Finalement, il y a trois ou quatre médecins qui traitent l'employé et on n'a pas de résultat. Tout le monde est de mauvaise humeur à l'égard de cet article. De quelle façon le verriez-vous rédigé afin d'être certain que l'employé ne sera pas lésé dans ses droits, qu'il aura droit à une juste réclamation et qu'il ne commettra pas ce qu'on peut appeler un acte de piraterie envers la CSST, l'employeur et même le syndicat? Dans des cas comme le vôtre, vous devez payer des expertises. De quelle façon voyez-vous cela pour donner une plus grande satisfaction à l'accidenté?

M. Dubois (Jean-Marc): Écoutez! Concernant le retour au travail, il est évident qu'on est pour le principe du retour au travail; cela va de soi. Quant à savoir qui doit prendre la décision relativement à la capacité de retour au travail, on a mentionné que vous avez, dans des établissements... D'abord, la loi dit que le travailleur a toujours le droit au médecin de son choix. C'est une considération; cela en fait partie. L'employeur a toujours son médecin. La CSST a ses spécialistes. Il y a aussi le médecin de l'établissement qui est choisi par les parties et qui connaît le milieu de travail; c'est un médecin neutre.

D'accord? Le retour au travail, on le dit d'ailleurs lorsqu'on dit que la CSST ne doit pas s'arroger seule la décision qui doit être prise dans ces cas-là. Elle doit être prise en consultation avec le médecin de l'établissement, ce qui est déjà défini dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail, notamment. On pense que la décision doit être prise en consultation avec le médecin de l'établissement et qu'on doit également respecter l'opinion du médecin traitant du travailleur et arrêter de faire des guerres entre les médecins concernant un cas où la victime, c'est encore le travailleur. Un confrère a quelque chose à ajouter.

M. Harvey (Gilles): Si vous me le permettez, je pense que le mieux, à l'heure actuelle, c'est de conserver la loi, telle qu'elle existe présentement, pas dans le projet de loi proposé, mais dans la loi existante. Le confrère Lalancette l'a mentionné tout à l'heure, on vit des problèmes. On oeuvre dans une usine de multinationale. Je représente des travailleurs dans l'usine. Vous allez probablement être tentés de me dire: Mon Dieu, vous êtes bien servi. À l'usine de Jonquière, 5000 hommes syndiqués y travaillent. Il y a quatre médecins à temps plein qui sont, d'abord et avant tout, des gestionnaires qui ont à administrer un département médical au même titre qu'un surintendant va administrer son département. Ils doivent continuellement faire rapport à la direction du taux d'absentéisme. Ils administrent la maladie. Ils gèrent les accidents du travail au même titre que l'usine est gérée. Il y a quatre médecins à temps plein. De plus, il y a deux médecins à temps partiel - Dieu sait si une multinationale a des pouvoirs financiers -dont l'un oeuvre dans les services d'urgence de l'hôpital de Chicoutimi et l'autre dans les services d'urgence de l'hôpital de Jonquière. Ce qui se produit depuis environ un an, c'est que nos travailleurs décident, parce que, selon la loi actuelle, le travailleur a le privilège de choisir son médecin. Le travailleur se dit: Je suis accidenté; je me dirige vers l'hôpital. Il arrive à l'hôpital de Jonquière, mais il se frappe le nez sur un autre médecin de l'employeur qui oeuvre trois jours par semaine à la compagnie et qui reçoit un chèque de paie. Alors, on voit, depuis un an, des travailleurs qui se présentent dans les services d'urgence des hôpitaux régionaux et on les assigne à des travaux légers dans des salles de cuves. Le travailleur arrive à la salle de cuves pour faire des travaux légers. Normalement, il travaille comme cuviste. On lui donne une brouette et on lui dit: Tu vas faire du ménage. C'est cela qu'on vit. (18 h 15)

II est évident que, comme association, comme représentant des travailleurs, on les informe de leurs droits et la grande majorité, une fois informés, disent: C'est bien dommage; des travaux légers, nous n'en voulons pas. On sait que présentement, à cette commission parlementaire, les employeurs font des pieds et des mains. J'ai entendu tout à l'heure la représentation de la General Motors. C'est également dans la représentation de la multinationale Alcan. Ces compagnies voudraient qu'à la commission parlementaire, le législateur leur donne un pouvoir discrétionnaire afin que leurs médecins et gestionnaires puissent donner à ces travailleurs des travaux légers dans l'usine. C'est une absurdité. Ce que je voudrais, c'est que la commission étudie sérieusement ce danger pour les travailleurs. Ce gouvernement a toujours prétendu avoir un préjugé favorable aux travailleurs. Concernant cet article et selon votre réponse, je prétends et nous prétendons en tant que représentants des travailleurs que la commission doit être très sensible à ne pas insérer la notion d'obligation de travaux légers et maintenir la loi actuelle.

M. Lapointe (Jean-Yves): M. le Président, avec votre permission, je voudrais préciser qu'en ce qui concerne les médecins, dans le cas de Beauharnois - j'ai vu le député de Beauharnois tout à l'heure, cela va peut-être l'intéresser - à l'Alcan, il y un médecin. C'est une petite usine. Il y a deux salles de cuves, il n'y a pas beaucoup de gens. Je viens de passer un cas en arbitrage. Cela fait à peu près trois semaines qu'il est terminé: un congédiement pour avoir supposément travaillé et étant accidenté du travail. Le jugement arrivera un de ces jours. Ce travailleur a eu un accident du travail en descendant d'un "lift-truck", d'un charriot élévateur. Il s'est tordu le genou. Il est allé voir le médecin de l'employeur. Le médecin de l'employeur lui fait faire des travaux restreints pendant sept jours. Il se lamente, il a mal au genoux. Après cela, le médecin lui dit: Là, je ne sais plus ce que tu as, je vais t'envoyer voir un spécialiste. Il l'envoie à Valleyfield chez un spécialiste. Le spécialiste l'arrête de travailler. Il dit au médecin: Je l'arrête de travailleur jusqu'à une date indéterminée.

L'employeur n'avait pas de nouvelles de ce gars. Il l'avait envoyé chez son spécialiste et le gars rapportait des papiers du médecin de Valleyfield au médecin de l'employeur. Cela s'était passé au mois de mai. Rendu au mois d'août, l'employeur a fait suivre l'employé en question. L'employé attendait une date d'hospitalisation pour se faire opérer effectivement au genou et il a été opéré par le spécialiste qui disait: Là, il faut que je l'opère. Il a envoyé un billet de médecin. L'employeur l'a fait suivre par des policiers pour savoir ce qu'il faisait en étant accidenté du travail. Il était compensé par la

CSST. Il était à se construire une maison. Il avait deux employés en plus de son garçon et il dirigeait les travaux. On l'a photographié avec des photos compromettantes. Sur une photo, tu ne bouges pas, tu peux la prendre de n'importe quelle manière, elle va compromettre le gars. L'employeur le congédie à cause de cela. En le congédiant, il commence à faire des pressions à la CSST pour dire que ce gars n'avait pas eu d'accident du travail et qu'il était payé pendant trois mois par la CSST, jusqu'au mois d'août. La CSST a continué de le payer quand même en disant qu'à l'Alcan il y avait eu véritablement un accident du travail. Là, M. Vinette, à Beauharnois a fait des pressions à la CSST.

À un moment donné, l'agent a décidé, selon les lettres au dossier, des ouï-dire en fait, d'arrêter les prestations. Notre gars n'a plus de revenus depuis le mois de mai 1983. L'audition vient de se terminer. Le gars n'est pas revenu et l'Alcan demande aux représentants de la CSST de venir assister à l'audition du grief pour qu'il montre sa preuve en fonction de continuer le dossier ou de le recommencer. Il s'appelle M. Guy Lamoureux. Il n'a pas de prestations depuis 1983, depuis le mois d'août, tout cela pour dire qu'il y a vraiment un concubinage dans cela. La compagnie Alcan, je n'insulterai pas le gouvernement du Québec ni le gouvernement du Canada, est aussi forte que les deux gouvernements, je pense. Elle fait ce qu'elle veut. Ce qui arrive dans ces cas, l'Alcan va jusqu'à faire des promesses. Elle dit: On va te donner une avance si tu acceptes des travaux légers. Si tu n'acceptes pas de travaux légers, tu n'auras pas d'avance. Le gars, bien sûr, souvent choisit les travaux légers, mais cela retarde sa guérison. Il y a plusieurs exemples comme cela. Je vous en donne un, parce que c'est frais.

M. Dubois (Jean-Marc): C'est pour cela qu'on dit que la décision devrait être prise en consultation avec le médecin de l'établissement qui est dans le milieu et qui a été choisi par les deux parties.

M. Maltais: M. le Président, j'aimerais remettre la parole à mon collègue de Sainte-Anne, M. Polak, durant les quelques minutes qui me restent, parce qu'il a des questions.

Le Président (M. Paré): Oui, M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: J'ai seulement une ou deux questions à poser. Dans votre mémoire, à la page 24, vous dites, dans votre conclusion, que le projet de loi a sa raison d'être. Je crois que vous faites un peu les mêmes critiques que la CSN hier en ce qui concerne le détail des articles. Votre conclusion est différente parce que vous, vous voulez dire qu'on accepte le projet de loi. On aimerait voir des améliorations, mais dans l'ensemble vous l'acceptez tel quel tandis que la CSN, dans une de ses conclusions, disait qu'elle ne voulait rien savoir et demandait au ministre de retirer le projet de loi. Est-ce que j'ai bien compris que vous, s'il n'y avait pas trop d'amendements, vous accepteriez tout de même ce projet de loi?

M. Dubois (Jean-Marc): Ce qu'on dit dans notre conclusion, c'est que ce projet de loi est le bienvenu et qu'on l'accepte évidemment. On a émis des commentaires avec l'espérance qu'ils vont être reçus et qu'il va y avoir des amendements comme il y a toujours des amendements aux projets de loi à la suite de commissions parlementaires. Avec l'expérience vécue avec d'autres projets de loi, il y a toujours eu des amendements. Évidemment, on va vivre avec le projet de loi que le législateur va nous donner. Ce qu'on veut dire c'est que ce projet de loi, il était grand temps qu'il vienne parce que comme le ministre le mentionnait tout à l'heure, cela fait 50 ans qu'on vit avec une loi. Il était grand temps qu'on la mette à jour. Évidemment, on l'a dit au départ, dans son ensemble on accepte le projet de loi et on émet nos commentaires comme l'occasion nous est donnée de le faire sur le projet de loi en espérant qu'il va y avoir certains amendements. Que de toute façon, que l'on vive avec ce projet de loi ne pourra être pire que vivre avec la loi actuelle, compte tenu de toutes les expériences vécues. Évidemment, comme toute organisation patronale ou syndicale qui se présente ici, on a espérance que nos commentaires seront écoutés et que la CSN ait fait un commentaire, on n'est pas venu ici dans l'intention de faire une guerre syndicale.

M. Polak: Dernière question générale.

Le Président (M. Paré): M. Harvey, vous voulez donner un complément de réponse.

M. Harvey: II y a quelque chose qui apparaît dans notre mémoire et pour le moment, nous n'avons pas reçu de questions de la commission. En réponse à M. le député, il est évident qu'on est favorable à ce projet de loi. Par contre, il y a l'article 82 qui, à notre point de vue, pour l'avoir examiné sous tous ses sens, à moins qu'on se trompe, est le talon d'Achille de ce projet de loi dans le sens qu'on pénalise le travailleur qui a subi un accident du travail et qui reste avec une incapacité, un DAP. On en fait un exemple. M. X a une perte de 15 000 $. C'est quelque chose. Si on prend présentement, au moment où l'on se parle, 1% d'incapacité équivaut à environ 2500 $

dans la loi actuelle et ce 1% ou ces 2500 $ sont indexés au niveau de la vie. Cela change tous les ans. Si on prend votre projet de loi et quand je vous dis que c'est le talon d'Achille, c'est que vous allez avoir un travailleur de 30 ans qui va se blesser, qui va rester avec un taux d'incapacité - et cela est régulier. On se présente à la Commission des accidents du travail une ou deux fois par semaine chacun sur des cas d'incapacité. Présentement, 1% d'incapacité, c'est 2500 $ en 1984. Avec ce projet de loi, un travailleur de 30 ans avec 1% d'incapacité va avoir droit à 1% de 44 149 $ ce qui équivaut à 441 $. C'est l'odieux de ce projet de loi.

On fait payer au travailleur pour diminuer les frais de la Commission des accidents du travail qui sont alimentés par le patronat qui est responsable, à cause de ses usines; on pénalise le travailleur. On voit 441 $ pour 1% d'incapacité comparativement à 2500 $. Pour nous, il est évident qu'on est favorable à ce projet de loi. Par contre, l'article 82 est inacceptable pour le travailleur.

M. Polak: Ma dernière question. Je trouve cela peut-être un peu malheureux. On entend des mémoires de la part des patrons de la même compagnie et ensuite du syndicat. Hier, on avait la compagnie Alcan et aujourd'hui c'est le syndicat de la même compagnie Alcan. Je me demande, peut-être que je suis un peu idéaliste, si le jour viendra où on aura un mémoire conjoint parce qu'on a tellement de contestataires. Vous savez, en Europe, la tendance... Je viens des Pays-Bas où la concurrence est devenue tellement dure que la ville, le port de Rotterdam, par exemple, pour survivre et faire concurrence à Anvers, en Belgique -c'est la grande bataille entre ces deux villes concernant les activités portuaires - ils en sont venus à réaliser qu'il faut vraiment agir conjointement et faire des concessions de part et d'autre: ouvrir les livres, montrer exactement ce qui en est. Même dans ce domaine, j'ai toujours pensé que la compagnie Alcan était vraiment encore un modèle, qui fonctionne très bien. Mais je dois comprendre qu'il y a encore beaucoup à améliorer. J'ai une dernière question. Croyez-vous qu'il y a du progrès?

M. Dubois (Jean-Marc): Avec l'avènement de la Loi sur la santé et la sécurité du travail est arrivé le paritarisme. On avait tenté à plusieurs reprises, avant l'adoption de cette loi, de faire vivre, de façon significative, les comités de santé et sécurité dans les usines. Tant et aussi longtemps qu'il n'y a pas eu de loi pour obliger les parties à s'asseoir... La plus belle preuve, c'est que, lors de l'étude de cette loi, la compagnie Alcan avait demandé aux législateurs, ici dans cette même salle, d'être exemptée de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Tant que le législateur n'a pas obligé le paritarisme, la compagnie Alcan n'a pas voulu s'asseoir, de façon significative, avec les travailleurs. Depuis l'avènement de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, nous vivons une structure paritaire en matière de santé et de sécurité du travail avec les exigences de la loi. Quant à un mémoire concernant les accidents du travail, je pense - votre doute est un peu confirmé - qu'il serait illusoire de penser qu'un jour le patron, qui se voit le maître suprême en matière de santé et de sécurité du travail et qui se voit le seul payeur, se dise: Je devrais être le seul administrateur, alors que le travailleur, pour sa part, se dirait: Je subis les conditions de travail que mon employeur m'impose. Ce sont deux mondes qui sont diamétralement opposés sans pour cela dire qu'on fait de la confrontation. Mais nous devons nous défendre continuellement, journalièrement. Il est impensable de croire qu'un jour vous allez recevoir un document paritaire.

J'ai eu l'occasion d'observer le paritarisme et la consultation qui existe en Europe, notamment en France. Oui, il y a de belles législations, mais je dois vous dire qu'elles ne sont pas appliquées dans leur intégralité, malheureusement. Les mots sont beaux dans la législation française, mais elle est loin d'être appliquée.

M. Polak: Merci.

Le Président (M. Paré): Au nom de tous les membres de la commission, je remercie les représentants de la Fédération des syndicats du secteur aluminium Inc. pour la préparation et la présentation de leur mémoire et du temps qu'ils nous ont accordé, même si on a dépassé l'heure prévue.

Une voix: Merci à vous tous.

Le Président (M. Paré): Je voudrais rappeler aux membres de la commission que les travaux se poursuivront ce soir pour l'audition de deux autres mémoires. Ils reprendront à 20 h 30.

Nos travaux sont suspendus jusqu'à 20 h 30.

(Suspension de la séance à 18 h 28)

(Reprise de la séance à 20 h 41)

Le Président (M. Paré): À l'ordre, mesdames et messieurs! La commission élue permanente du travail reprend ses travaux dans le but d'entendre les représentations des personnes et des groupes intéressés au projet

de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Nous avons, ce soir, deux groupes qui vont se faire entendre; le premier, le Regroupement des femmes dont les maris sont décédés d'amiantose; le deuxième sera la Corporation professionnelle des médecins du Québec.

Donc, j'invite immédiatement les représentantes du Regroupement des femmes dont les maris sont décédés d'amiantose à prendre place à la table d'audition ici, en avant.

Bonsoir et bienvenue à la commission. On s'excuse si on est un peu en retard. Mais comme on a dépassé 18 heures, à la fin de la séance de l'après-midi, on recommence un peu plus tard ce soir. J'inviterais la personne qui va nous présenter le mémoire à s'identifier et à nous présenter les gens qui l'accompagnent.

RFMD

Mme Boutin (Hélène): Mme Hélène Boutin, présidente du RFMD. M. le Président, M. le ministre, MM. les commissaires, je tiens à vous remercier de nous laisser quelque temps pour exprimer notre point de vue. Avant de commencer, si vous voulez bien, j'aimerais tout d'abord vous présenter les porte-parole de notre groupement. À mon extrême droite, Mme Bibiane Lapointe; Mme Thérèse Hamel, Mme Georgianne Rouleau, Mme Aline Delisle, Mme Claire Vachon.

On n'est pas tellement gênées pour présenter notre mémoire car nous n'avons pas de député pour nous représenter. Je vais passer à l'introduction de notre mémoire.

Le Regroupement des femmes dont les maris sont décédés d'amiantose ou d'accidents du travail se présente en commission parlementaire pour exprimer et défendre les droits de ses membres afin que le législateur en tienne compte dans la nouvelle Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Né en mai 1979, le RFMD regroupe 160 femmes de la région de l'amiante qui menaient, individuellement mais sans succès, une lutte acharnée pour faire reconnaître que la mort de leur mari est reliée au travail qu'il avait accompli avant qu'il ne décède, et exiger que la CSST verse aux personnes à charge des travailleurs décédés des indemnités qui correspondent véritablement à leurs besoins.

Le présent mémoire s'inscrit dans ce processus de multiples démarches enclenchées par le RFMD au cours des cinq dernières années. Il se divise en trois parties principales. La première partie porte sur la situation économique des femmes en général et des femmes du RFMD en particulier. La deuxième partie présente nos revendications pour des indemnités de décès équitables. La troisième partie traite des problèmes et des multiples démarches que nous devons effectuer pour faire reconnaître nos droits. Enfin, pour chacune des revendications que nous avançons, nous tenons à vous apporter quelques exemples de cas vécus par des femmes du RFMD pour illustrer notre situation. Je donne la parole à Mme Rouleau.

Mme Rouleau (Georgianne): Merci. Je tiens à vous parler de la situation économique des femmes. Dans une société où la pierre angulaire de la reconnaissance sociale et de la source de revenu est constituée par le travail rémunéré, on conçoit facilement la vulnérabilité financière des femmes, étant donné notre pénétration réelle récente sur le marché du travail, notre confinement à des secteurs moins intéressants de ce marché, le taux de chômage élevé et la difficulté de s'intégrer dans un milieu conçu pour et par des hommes. Néanmoins, une attitude sociale encore plus profonde que les éléments déjà mentionnés...

Le Président (M. Paré): Est-ce que je peux vous interrompre juste une minute? C'est un résumé, si je comprends bien, que vous êtes en train de lire, et non pas le mémoire comme tel.

Mme Rouleau: Oui.

Mme Boutin: C'est un mémoire, mais en résumé. C'est parce que vous n'arrivez pas à vous situer dans le mémoire?

Le Président (M. Paré): Exactement. Mme Boutin: C'est ce que j'ai pensé.

Le Président (M. Paré): Si je comprends bien, cela se suit quand même, mais c'est coupé. Ce sont seulement les grands points qui ont été retenus.

Mme Boutin: C'est cela.

Mme Rouleau: Est-ce qu'on pourrait vous en passer un?

Le Président (M. Paré): Est-ce que vous en avez plusieurs copies ou si vous en avez seulement une copie?

Une voix: Est-ce qu'on peut... Donnez-en deux. C'est un mémoire qu'elle a.

Le Président (M. Paré): C'est le mémoire aussi.

Une voix: Je peux donner le mien.

Le Président (M. Paré): On va en prendre un à la table principale.

Mme Boutin: II y a des notes.

Le Président (M. Paré): Vous pouvez quand même poursuivre, mais si c'était possible, à certains moments donnés, de nous référer à peu près à telle ou telle page du mémoire... Si c'était possible, cela nous permettrait de suivre plus facilement.

Mme Boutin: C'est à la page 3. Le Président (M. Paré): C'est bien.

Mme Rouleau: À la page 3, au deuxième. Une attitude sociale encore plus profonde que les éléments déjà mentionnés explique la précarité de la situation financière des femmes. Les femmes sont vulnérables sur le plan financier pour la bonne raison qu'on suppose généralement que la plupart d'entre elles pourront toujours compter sur un frère ou un mari pour subvenir à leurs besoins. Les femmes sont pauvres la plupart du temps parce que c'est la conséquence logique du rôle qu'on leur demande de jouer dans notre société. Si les mouvements de femmes travaillent fortement pour modifier ces attitudes, et du même souffle faire une place normale aux femmes dans la société, il n'en demeure pas moins que pour celles d'entre nous qui ont atteint un certain âge les chances de corriger cette situation sont d'autant plus réduites.

En 1979, 58% des femmes seules âgées de 55 à 64 ans "sont sans revenu de travail, selon des statistiques élaborées par le RFMD. La moyenne d'âge des femmes du regroupement se situe à 57.3 années. Nous avons donc vécu à une époque où notre situation économique dépendait du revenu de nos maris. Le décès de celui-ci nous contraint à une insécurité ou une insuffisance de revenu quasi automatique. Néanmoins, notre situation est particulière et c'est ce qui nous conduit à réclamer une sécurité de revenu en fonction de l'instance précise qui a provoqué notre situation financière précaire actuelle. Concrètement, le RFMD demande au législateur de faire en sorte que les employeurs et non la société en général, par d'autres programmes sociaux, assument la pleine responsabilité des coûts reliés aux maladies et accidents du travail par le biais de leur mutuelle d'assurance, la CSST, afin que nous ne nous retrouvions pas dans une sécurité économique précaire en plus d'avoir eu à subir la perte de nos conjoints.

Il serait évidemment plus facile pour nous de nous en remettre aux lois sociales existantes, étant donné que les revenus perçus par la plupart d'entre nous n'atteignent même pas les barèmes de l'aide sociale.

Pour des motifs de justice, nous continuons nos démarches auprès de l'instance que nous jugeons responsable du décès de nos maris.

Je vais passer la parole à Mme Hamel.

Mme Hamel (Thérèse): Merci. Pour faire suite à cet exposé de la situation des épouses, moi j'enchaîne concernant les indemités de décès prévues au projet de loi 42. Le RFMD rejette le versement d'une indemnité de décès sous forme de montant forfaitaire pour plusieurs raisons. Un simple calcul nous fait rapidement prendre conscience du risque très grand d'un désavantage financier que court le bénéficiaire. Or, le bénéficiaire n'a pas à courir de risque supplémentaire venant s'ajouter à la perte humaine déjà encourue. Etant donné que l'employeur a provoqué l'insécurité du revenu à la suite du décès du travailleur, c'est la CSST qui doit compenser en fournissant une sécurité financière au bénéficiaire. Nous jugeons que cette sécurité n'est pas atteinte par l'octroi de montants forfaitaires. Les intérêts générés par le placement intégral étant insuffisants pour couvrir les besoins, le bénéficiaire devra gruger progressivement le capital pour aboutir finalement au bien-être social. Façon élégante pour la CSST de pénaliser le bénéficiaire et ensuite se débarrasser de ses responsabilités en reportant le problème sur l'ensemble de la société.

Le RFMD demande que la CSST prenne ses responsabilités, qu'elle assure une sécurité psychologique et financière aux bénéficiaires en leur versant mensuellement une rente, plutôt que de tenter de jeter de la poudre aux yeux avec des montants forfaitaires qui, considérés sur le simple angle de l'inflation, perdent déjà beaucoup de leur valeur.

Le RFMD revendique que les indemnités de décès soient revalorisées pour tous les bénéficiaires dont le droit à une indemnité est né avant le 1er janvier 1979. Que cette revalorisation soit conséquente avec une loi sur le travail et donc, basée sur une rémunération de travail. Que cette revalorisation fasse en sorte que les rentes de décès ne soient pas inférieures à une rente basée sur le plein salaire industriel moyen. Si le législateur veut harmoniser la nouvelle loi avec d'autres lois d'indemnisation relativement aux rentes versées aux bénéficiaires suite au décès du travailleur, il devra éliminer les différentes catégories de bénéficiaires qu'il a lui-même créées, notamment celles résultant de l'application de la loi 114. Dans cette loi, les personnes à charge des travailleurs décédés, avant le 1er janvier 1979, n'ont pas profité de la revalorisation des rentes alors prévue. Elles doivent donc faire face au même coût de la vie avec une indemnisation de 395,36$ de la CSST; des délais aussi courts, quant aux dates de décès, ne peuvent justifier des écarts de rentes aussi grands. Je vous

présente Mme Lapointe, qui va vous citer un cas.

Mme Lapointe (Bibiane): Merci. M. le Président, M. le ministre, MM. les commissaires, j'aimerais vous parler de cas. Mon mari est décédé le 28 juillet 1966 d'un accident du travail dans une mine. Avant que cela n'arrive, il avait travaillé pendant 20 ans. Aussi, quand il est décédé, en plus d'avoir à subir sa perte, je me suis retrouvée seule, du jour au lendemain, pour élever mes deux enfants.

Après les funérailles de mon mari, il a fallu faire une réclamation à la Commission des accidents du travail. Plus tard, j'ai commencé à recevoir un montant de 125 $ par mois de la CAT comme compensation pour la mort de mon conjoint. J'ai fait des démarches auprès de la Régie des rentes du Québec pour savoir si j'aurais droit à un supplément, mais mon mari n'avait pas cotisé assez longtemps à la Régie des rentes et j'ai dû me contenter de mon 125 $.

Aussi, à plusieurs occasions, avec le RFMD, je suis allée rencontrer les représentants du gouvernement et d'autres personnes pour essayer de leur faire comprendre les difficultés que nous avions. La plupart du temps, nous avions l'impression qu'on ne voulait vraiment pas s'occuper de nous. Aujourd'hui, en mars 1984, je reçois 395,36 $ par mois, et j'ai toujours autant de difficulté à accepter cette situation. Cela me paraît injuste d'avoir été ignorée en janvier 1979. Je ne suis pas la seule dans ce cas.

Mme Hamel: Je continue. Dans le cas de la loi 52 adoptée en juin 1975, le législateur avait tout simplement omis de rajuster le montant des indemnités de décès en fonction de l'indemnisation de remplacement de revenu accordé aux victimes d'amiantose, ce qui n'était guère plus reluisant. Le RFMD revendique que la nouvelle loi corrige l'injustice qui existe à l'égard des bénéficiaires de l'ancien régime et qu'elle accorde des rentes équivalentes au plein salaire du travailleur pour tous les bénéficiaires, éliminant ainsi les catégories artificielles antérieures.

Quant aux bénéficiaires d'avant la loi 114, puisqu'ils recevaient une rente forfaitaire mensuelle non basée sur le revenu et qu'il serait sûrement difficile d'établir le salaire qu'auraient effectivement gagné les travailleurs, nous demandons que cette revalorisation soit basée, non pas sur l'indice du seuil de pauvreté ou de revenu minimum, mais bien sur un indice de rémunération moyenne, car il s'agit bien d'une loi du travail.

Nous demandons que les coûts de cette revalorisation des indemnités de décès incombent au fonds d'accident ou à l'employeur, comme ce fut le cas pour la revalorisation qui a été effectuée par l'article 39 de la Loi sur les accidents du travail. Même l'argument financier ne résiste pas à l'analyse. L'importance de la réserve dont dispose la Commission de la santé et de la sécurité du travail a de quoi assurer amplement ceux qui s'interrogent sur la suffisance de son fonds d'accident. Actuellement, grâce entre autres aux 1 500 000 000 $ qu'elle confie à la Caisse de dépôt et placement, la CSST est en mesure de répondre à 75% de ses engagements envers les accidentés du travail, pour les années à venir. Son objectif: atteindre, d'ici l'an 2005, une capitalisation de 100%.

Le RMFD revendique que toutes les rentes de décès, après avoir été revalorisées, soient indexées selon le taux et la fréquence prévus en vertu de la Loi sur le Régime des rentes du Québec.

Je vous présente Mme Boutin qui pourra présenter...

Mme Boutin: M. le Président, MM. les ministres et MM. les commissaires. Moi, j'aurais pu exposer mon cas, mais, pour mille raisons, il est tellement lourd que je n'ai pas eu la force de le livrer. Je vous demande, M. le ministre Fréchette - après avoir frappé à plusieurs portes de votre gouvernement sans succès - devant témoins, ce soir, que vous nous accordiez une entrevue avec le premier ministre Lévesque. (21 heures)

J'ai eu l'occasion de lui parler deux mois après le décès de mon mari, lors de son passage à Thetford avec le ministre Johnson. Nous en avons profité pour lui demander si je recevrais le montant de 227 $ par mois. Il demanda au ministre Johnson si les femmes avaient encore cette rente aussi minable; le ministre Johnson répondit: Non, cela va changer le 1er janvier 1979. Nous sommes en 1984 et nous recevons toujours cette pension aussi minable. Si mon mari vivait, il recevrait 500 $ par semaine. Pour cette raison, nous aimerions vous dire que cela n'a pas changé depuis 1978. Nous sommes toujours décidés à agir après toutes ces injustices. Nous espérons une réponse assez rapidement, après avoir adopté trois lois et qui ont toujours été ignorées. Nous allons mettre la vérité sur la place publique. Nous pouvons aller aux postes de télévision, Droit de parole, Contrechamp, Le Point. On veut tout simplement la justice. Nous sommes prêtes à tout pour le faire valoir. Merci, le RFMD. Mme Delisle prend la parole.

Mme Delisle (Aline): Si vous voulez bien, je vais vous parler de nos revendications pour la reconnaissance du droit à l'indemnisation. Un autre sérieux obstacle, auquel se butent

les femmes du RFMD, réside dans la difficulté que nous éprouvons à obtenir notre droit à l'indemnisation. À cet égard, nous n'avons jamais vraiment eu d'autres alternatives que de recourir aux tribunaux pour nous défendre, où nous sommes alors contraintes de faire la preuve que le décès de notre mari est bel et bien dû à son travail. Nous concevons comme étant tout à fait inacceptable les démarches complexes et ardues que nous devons effectuer: Qu'il s'agisse d'obtenir un rapport d'autopsie et de le faire valoir en audition, de se désâmer pour rassembler, pièce par pièce, les éléments du dossier médical du défunt, de travailler à dénicher un rare professionnel de la santé qui acceptera de coopérer avec nous et de se rendre disponible pour aller témoigner; qu'il s'agisse encore de bâtir une solide argumentation sur l'histoire occu-pationelle du travailleur décédé et de la faire valoir et ainsi de suite.

Cela représente toute une aventure. Nous nous sentons démunies devant toutes ces circonstances entourant le décès d'un être cher. D'ailleurs, dans bien des cas, nous n'avons que l'entraide et la débrouillardise pour nous mesurer à un commando d'experts juridiques et de la santé. Nous nous expliquons d'ailleurs très mal ce déséquilibre des forces en présence au moment où se tiennent les auditions. Les femmes du RFMD conçoivent mal qu'elles aient à porter le fardeau de la preuve de la reconnaissance du droit à une indemnisation, ce qui veut dire: la preuve que le décès de leur mari est relié au travail qu'il occupait. Lorsqu'il y a décès d'un travailleur, dont le milieu du travail engendre des maladies professionnelles, la CSST devrait vérifier l'hypothèse d'un décès des suites de la maladie professionnelle en cause plutôt que de se fendre les cheveux en quatre pour arriver à prouver que le décès est relié à toute autre maladie.

Après avoir pris connaissance du projet de loi 42, les femmes du RFMD estiment que celui-ci ne satisfait en rien leurs principales revendications. De leur avis, on y retrouve, à toutes fins utiles, aucun élément nouveau qui puisse réellement faciliter les nombreuses et pénibles démarches qu'elles ont à entreprendre pour faire reconnaître la maladie professionnelle comme étant la cause du décès de leur mari.

Mme Hamel: Je reprends à la suite de Mme Delisle. Le RFMD, à partir de fiches remplies par ses membres, a pu recueillir certaines données. La moyenne d'années de service dans les mines d'amiante des maris des femmes vivant la situation dénoncée dans ce mémoire se situe à 33,4. La moyenne de durée de vie entre l'abandon du travail et le décès des travailleurs atteints d'amiantose se chiffre à 24 mois. Le pourcentage de décédés qui ont été indemnisés de leur vivant et dont le décès a été reconnu et relié à cette maladie industrielle est de 15% à 20%. En effet, même si le mari décédé a souffert de maladie professionnelle reconnue de son vivant et que sa maladie a évolué jusqu'à ce qu'il meure, même si son médecin traitant prétend qu'il est mort de cette maladie ou des suites de cette maladie, il se peut fort bien qu'une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail apprenne à l'épouse que, contrairement à ce qu'elle a toujours cru, son mari est décédé d'une tout autre maladie. Aussi, ce sur quoi nous désirons insister ici, c'est qu'une maladie professionnelle qui se développe modifie inévitablement à plus ou moins long terme la durée de vie de la personne atteinte. Nous ne sommes pas des spécialistes dans le domaine et nous ne tenons pas à lancer une polémique sur le fait que les décès de nos maris étaient reliés au coeur droit ou au coeur gauche. Mais, il semble flagrant qu'un travailleur reconnu amiantosé de son vivant ait de fortes chances de mourir des conséquences de sa maladie.

Nous sommes d'accord pour reconnaître qu'il n'y a pas de lien entre le décès d'un travailleur et sa maladie professionnelle s'il meurt des suites d'un cataclysme. Mais dans la logique des choses, nous considérons inconcevables et inhumaines toutes les démarches que nous avons effectuées afin de faire reconnaître le lien entre le décès de nos maris et leur maladie professionnelle. Aussi, le RFMD revendique que dès qu'une personne reconnue atteinte d'amiantose décède il y a présomption légale qu'elle est décédée des suites de cette maladie, à moins que les circonstances ne démontrent de façon évidente que la maladie ne peut être mise en cause relativement à ce décès. Au sujet des demandes de réouverture des dossiers, l'évolution des connaissances médicales a permis dans de nombreux cas d'établir un lien entre l'amiantose et le décès du travailleur et de susciter d'importants changements dans la jurisprudence. Aussi, le RFMD revendique que la CSST accepte toute demande de rouvrir les dossiers lorsque l'évolution de la science médicale permettrait de rendre acceptable une réclamation qui ne l'aurait pas été au moment où la cause de la réclamation a pris naissance.

Ici, si vous me permettez, je vous citerai, très brièvement, des cas vécus par des dames. J'ai le cas d'un travailleur qui a travaillé de 1936 à 1973 comme enchâsseur, dont la maladie a été reconnue de son vivant, et qui est décédé d'un cancer de l'oesophage à 60 ans. Un autre cas. Je désire soulever le cas d'une femme dont le mari avait été reconnu amiantosé de son vivant à 49 ans. C'est bien jeune. Il avait été déclassé et son médecin de famille avait

même déclaré que jamais il ne pourrait travailler. À la suite de son décès, les démarches nécessaires ont été entreprises par son épouse pour obtenir de la CSST un remplacement de revenu, mais cette dame a dû essuyer un refus. Elle s'est retrouvée avec une rente partielle de la Régie des rentes du Québec pour survivre, elle et ses deux enfants. Par la suite, une autre femme qui avait perdu son mari dans les mêmes circonstances et qui possédait la même autopsie a essuyé, elle aussi, un refus, mais elle avait la disponibilité et la santé pour défendre son cas. Avec l'aide d'un avocat, elle a obtenu gain de cause. Ceci démontre encore les injustices que nous vivons. Je veux que vous compreniez toute l'importance de notre revendication visant à faire rouvrir un dossier. Cette femme qui a deux enfants a droit elle aussi à une justice. Si la CSST avait réellement joué son rôle, cette femme n'aurait pas à vivre une vie misérable depuis toutes ces années.

Un autre cas presque similaire, un monsieur qui avait travaillé - par les années, cela vous place un peu dans la situation des travailleurs de ce temps-là - de 1939 à 1975, la majeure partie de ces années, comme "drilleur" sous terre, aurait dû être reconnu, de son vivant puisque l'autopsie a révélé qu'il était porteur d'amiantose. Il est décédé à 58 ans. Des cas comme celui-là, nous en aurions tant et plus.

Maintenant, parlons de la difficulté à l'accès aux dossiers médicaux: avec le projet de loi 42, nous nous demandons si la CSST est de bonne foi lorsqu'elle parle de rendre les dossiers plus accessibles aux bénéficiaires. C'est ce que l'on pourrait croire en lisant l'article 44, mais cet espoir s'éteint rapidement à l'article 47 qui prévoit un retour à la Commission d'accès à l'information en cas de refus de la CSST. Aussi, le RFMD revendique que la CSST facilite l'accès aux dossiers médicaux aux bénéficiaires, et qu'elle se conforme aux exigences de la nouvelle Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels afin que le bénéficiaire ait le droit d'obtenir que la commission fasse parvenir à un autre établissement, à un médecin, à un dentiste qu'il désigne, ou à lui-même, une copie, un extrait ou un résumé du dossier de la personne décédée. Il va de soi que le même droit s'applique au travailleur de son vivant. Que la personne responsable de l'application et du respect des dispositions législatives portant sur l'accès aux rapports médicaux et aux "confidentialités" devrait être indépendante de la CSST et dépendre d'un organisme public distinct, par exemple, la Commission d'accès à l'information, afin de garantir l'impartialité de la réponse.

Concernant l'autopsie et l'histoire occupationnelle des travailleurs décédés, nous déplorons l'injustice et la non-pertinence des critères établis par la CSST pour déterminer le droit à une indemnisation.

Lorsqu'un travailleur passe des examens médicaux, la CSST rend une décision finale quel que soit le diagnostic du médecin traitant et la même chose se produit lorsqu'il s'agit de déterminer la cause de décès d'un travailleur. Plusieurs femmes du RFMD ont reçu des décisions défavorables des médecins de la CSST à la suite de l'étude du rapport d'autopsie de leur mari. Les verdicts rendus attribuaient le décès à différentes causes selon les cas, sans établir le lien avec une maladie professionnelle. Nous nous demandons pourquoi la CSST ne s'appuierait pas sur de véritables critères. Pourquoi ne pas reconnaître l'influence déterminante sur le décès, des conditions de travail d'ailleurs abondamment dénoncées par le rapport Beaudry? Pourquoi ne tient-on pas compte du nombre d'années pendant lesquelles les travailleurs ont été exposés aux poussières d'amiante nocives? Pourquoi ne pas attribuer à l'évolution de la maladie toute son importante? La CSST se base trop souvent sur le résultat d'une autopsie qui n'est qu'un des éléments de la preuve et pas nécessairement déterminant.

Aussi, la RFMD revendique qu'une réclamation en vue d'une indemnité de décès ne soit jamais refusée exclusivement sur un rapport d'autopsie. Je vais vous citer un cas vécu, c'est le mien, le cas de mon mari qui, au printemps 1976, a commencé à présenter des signes de fatigue très importants. Son médecin lui a prescrit des toniques, des médicaments pour essayer de le remonter et rien ne faisait. Cela ne changeait rien. Mon mari n'était plus capable de continuer sa journée pleine. En juillet de la même année, 1976, il se rendit à l'hôpital Général à la demande de son médecin de famille afin de passer des examens, des radiographies. Le 27 août de la même année, tout de suite après, il entre à l'hôpital Laval. Le 13 septembre, on décidait de l'opérer, de lui enlever un poumon, pneumonectomie droite. Encore très malade le 13 octobre, il est revenu chez nous. Du 2 novembre au 11 novembre, retour à l'hôpital Laval, encore pour d'autres examens et des contrôles de sa maladie. De retour à la maison, il n'était plus capable de s'habiller tant sa maladie a progressé rapidement. J'étais constamment obligée de le soigner à la maison, de prendre soin de lui, le médecin venant une fois par semaine et des infirmiers de temps en temps pour m'aider. Le 4 avril, ce qui devait arriver, arriva. Mon mari est décédé. D'après les experts, mon mari serait décédé d'un carcinome. Cela m'a donné un dur coup de le voir souffrir et mourir ensuite. Je n'ai pu faire pratiquer l'autopsie, même si je savais que c'était important de le faire. Quand la mort est arrivée, j'étais pressée de tous les

côtés par les funérailles, car mon mari est décédé durant la semaine sainte. Alors, il aurait fallu que ce soit après ou avant la semaine sainte, mais on ne choisit pas son temps. (21 h 15)

Par ailleurs, je savais qu'à l'hôpital Laval où on lui avait enlevé un poumon... et tous les éléments: les examens, les prélèvements qui étaient disponibles à la CSST ou à n'importe qui pour prouver que mon mari était victime d'amiantose, les examens... Plus tard, après le décès de mon mari, j'ai fait une réclamation à la CAT. J'ai essuyé un premier refus le 5 août 1977 du comité de pneumoconiose qui avait étudié son cas. Puis, le 2 novembre, par une autre lettre la CAT me disait qu'elle refusait de me compenser pour la simple raison que la maladie n'était pas reliée à son décès, qu'il n'était pas mort à son travail et comme argument, qu'il n'y avait pas eu d'autopsie.

Plus tard, j'ai repris mes démarches. À ce moment, ma santé était bien affectée. J'ai dû arrêter mes démarches pour quelques moments. J'ai été hospitalisée à quatre reprises, subi quatre opérations, deux majeures et deux mineures. À ce moment, ma santé était pas mal affectée. J'ai repris mes démarches auprès de la CSST et des pneumologues. J'ai dû faire plusieurs voyages et téléphones à Québec, contestation par dessus contestation, puis, comme rien n'avançait et que je me sentais épuisée, j'ai décidé de remettre tout cela entre les mains d'un avocat. J'étais dépassée par toute cette démarche tellement j'avais de la difficulté à me comprendre avec tout le jargon médical et technique.

Depuis, ma situation ne s'est pas améliorée. Je reçois actuellement des rentes du Québec, pour conjoint survivant, de 386,09 $ par mois. Je n'ai encore rien reçu de la CSST. Cela traîne toujours et nous sommes en 1984. Je réalise que toutes les démarches que j'ai faites finissent par me coûter cher et que ma santé en souffre un peu. Je suis une femme, et en plus, à mon âge - 59 ans - c'est difficile de trouver du travail. Je continue toujours, quand même, dans l'espoir que justice me sera faite un jour et qu'on finira par reconnaître mes droits.

Tout dernièrement, j'ai reçu des copies de lettres adressées à mon avocat disant que les pièces et le matériel histopathologiques recueillis au sujet de mon mari sont introuvables. On pense que les films, radiologies et prélèvements seraient rendus à la Johns-Manville, et même à l'hôpital de là-bas. Enfin, la CSST dit que le matériel histopathologique ne leur a pas été envoyé non plus. C'est à se demander si la CSST, les hôpitaux et les médecins ne font pas tout pour essayer de nous décourager dans nos démarches pour faire reconnaître nos droits pour essayer de nous mettre à terre.

Nous avons dénoncé précédemment toutes les démarches inacceptables que nous avons à effectuer afin de faire reconnaître le lien entre le décès de nos maris et leur maladie professionnelle, même lorsqu'ils étaient reconnus être atteints d'une maladie professionnelle de leur vivant. Alors, imaginez les embûches supplémentaires lorsque nous devons établir ce lien quand nos maris n'ont même pas été reconnus, de leur vivant, être atteints d'une maladie professionnelle.

Nous considérons que le nombre d'années de travail et les conditions insolites dans lesquelles nos maris ont travaillé sont des données plus pertinentes pour la reconnaissance d'une maladie professionnelle que bien des reconnaissances médicales ou des tests inappropriés que la CSST exigeait de nos maris, de leur vivant. Aussi, le RFMD revendique que, dans les cas de réclamations pour amiantose à la suite d'un décès, l'histoire occupationnelle soit prise en considération, en premier lieu, et soit alors prépondérante dans la détermination d'une décision, qu'il y ait présomption légale en faveur du travailleur s'il est établi que l'histoire occupationnelle ait pu générer une maladie professionnelle.

Maintenant, on vous invite à regarder à la fin du mémoire que vous avez le cas de Mme Poulin. Mme Vachon, je vous passe la parole.

Mme Vachon (Claire): Nous aimerions maintenant dire quelques mots sur la soi-disant indépendance et impartialité de la CSST. Nous sommes persuadées que la difficulté de la reconnaissance des maladies industrielles provient du fait que l'organisme chargé d'indemniser les victimes est aussi l'organisme qui décide si elles sont victimes. La CSST, comme mutuelle d'employeurs, est juge et partie, donc en conflit d'intérêts.

En ce qui concerne les cas d'amiantose, on se demande où l'on pourra encore trouver un expert qui osera aller à l'encontre du verdict des douze pneumologues payés par la CSST lorsqu'un appel sera logé à la Commission des affaires sociales. Nous sommes maintenant convaincues que le gouvernement n'a pas choisi, pour diminuer les coûts relatifs aux accidents et maladies du travail, la solution qui aurait été une réponse civilisée et à long terme de ces problèmes, c'est-à-dire la prévention. Il a plutôt choisi la solution la plus favorable et alogique à court terme, du profit: diminuer le plus rapidement possible le coût des accidents et maladies du travail en baissant au maximum les prestations des accidentés ou de leur famille et en ne reconnaissant qu'un minimum de malades industriels. On se demande même s'il ne deviendrait pas rentable pour les entreprises de diminuer les

investissements dans la prévention puisque, à l'avenir, les coûts reliés aux accidents et maladies du travail seront considérablement réduits.

Aussi, le RFMD revendique que les médecins chargés d'analyser les dossiers des accidentés et de faire des recommandations au service de l'indemnisation soient désignés, rémunérés et choisis par un organisme autre que la CSST. Ces médecins et experts auraient tout avantage à avoir une formation en santé au travail.

Maintenant, si vous me le permettez, je vais vous raconter ce qui est arrivé dans mon cas, quand je me suis présentée à la révision. Je vais vous exempter des détails; j'avais été refusée en premier. Mon mari est un homme qui n'avait pas été reconnu amiantosé avant son décès, parce qu'il est décédé d'un cancer du poumon. Il n'a été que trois mois malade.

Là, j'avais contesté la décision en janvier. En juin, quand j'ai vu que je n'avais pas de réponse, j'ai appelé quelqu'un à la commission pour demander où en était rendu mon dossier, qui l'avait en main. On m'a nommé le médecin qui l'avait. J'ai pris un rendez-vous pour le rencontrer. Ici, j'ouvre une petite parenthèse, je ne savais pas que j'allais passer une audition; parce que, en 1978, on n'était pas tellement informées du processus de la CAT. Donc, je me suis présentée au bureau. Je pensais que le médecin serait seul, mais ils étaient deux. J'ai commencé à leur parler des années d'empoussiérage, dans lesquelles les hommes avaient eu à travailler. Ensuite, j'ai parlé du cancer dont mon mari était décédé. J'ai souligné que mon mari avait des fibres d'amiante bien conservées dans le poumon et aussi une fibrose amiantosique. Le médecin, à ce moment-là, m'a dit: Madame - je n'ai pas dit une fibrose amiantosique, j'ai dit une fibrose, excusez, je me reprends - des fibroses, il y a une fibrose et une fibrose amiantosique. Il y a là une différence. Il a pris un papier et il a dit: Je vais vous expliquer la différence. Il m'a écrit cela sur le papier. Après qu'il eut fini, j'avais mon rapport d'autopsie en main, je le lui ai montré. Heureusement, j'avais une soeur qui était infirmière qui m'avait dit que la fibrose conduisait au cancer. J'ai sorti mon rapport; je le leur ai montré. J'ai dit: C'est bel et bien marqué là, vous venez très bien de m'expliquer la différence. Eux, également, avaient le rapport d'autopsie mais peut-être qu'ils ne l'avaient pas assez regardé, j'imagine, puisqu'ils n'avaient pas vu que c'était marqué "fibrose amiantosique". Je n'ai pas besoin de vous dire que, pour deux secondes, ces hommes-là se sont regardés et ils n'ont pas dit un mot. Après cela, ils ont décidé qu'ils faisaient réviser les lames. Ensuite, en septembre, j'ai appelé. Le docteur a dit: Effectivement, on vient d'avoir le rapport, il y a présence d'amiante. Mais il faut que cela passe à un comité. J'ai attendu encore. En décembre, on m'a appelée pour me dire qu'un lien avait été établi entre le cancer dont mon mari était décédé et l'amiantose dont il était porteur au moment de son décès.

Dans tout cela, ce que je veux dire, c'est que si je n'avais pas été informée que la fibrose conduisait au cancer, et si je ne l'avais pas souligné au médecin, est-ce qu'on aurait reconnu mes droits? Je suis toujours restée avec un doute là-dessus. C'est pour vous dire que, comme on vous le disait, il faudrait savoir des termes de médecine et être au courant de bien des choses. Cela se passait en 1979. Cela faisait exactement deux ans que mon mari était décédé quand ils ont reconnu mes droits. Merci de m'avoir écoutée.

Mme Delisle: Je vais vous lire la conclusion du mémoire. Nous tenons à faire remarquer à la commission dans quel contexte de désapprobation les revendications du RFMD se font entendre. Tout dans le climat actuel à Thetford et dans l'amiante nous incite à taire nos revendications. Les mises à pied qui n'en finissent plus, les mesures restrictives de l'Europe face à l'amiante, la région identifiée à la misère et les nouvelles études épidémiologiques visant à prouver, noir sur blanc, que la population de l'amiante est en meilleure santé que le reste du pays. Nous commençons d'ailleurs à penser que c'est la provenance des subventions plutôt que les faits qui déterminent les résultats de ces études. Nous avons appris avec étonnement et satisfaction que, selon la CSST, l'amiantose est chose du passé et qu'il n'y en a pratiquement plus. Justement nous aimerions parler du passé, passé relativement proche dans nos mémoires où nos maris ont travaillé dans des conditions dénoncées depuis longtemps.

Nous savons que nous devons vivre avec l'amiante qui constitue notre seule ressource naturelle et qui a façonné toutes les structures industrielles et commerciales de notre région. Nous sommes une région à une seule industrie et nous en dépendons entièrement. Nous savons que nous devons vivre avec l'amiante mais nous n'acceptons plus d'en mourir. Nous ne voulons plus avoir à choisir entre la santé et le chômage, entre l'emploi et la maladie. Nous ne voulons plus avoir à subir le chantage de la fermeture quand nous revendiquons pour notre santé et nos droits. Aussi sommes-nous conscientes qu'il faut tout tenter pour assainir l'environnement et les lieux de travail, ce qui implique des sous, et non forcer des gens à se taire à coups de matraque épidémiologiques - l'amiantose c'est une invention; les travailleurs fument trop - d'intimidation aux "jobs" - "si vous chialez trop, ça va coûter

trop cher, les mines vont fermer".

La meilleure garantie pour la revalorisation de l'amiante c'est la recherche de la vérité et des solutions pour prévenir la maladie. En ce qui concerne l'amiante, nous demandons que les abus du passé soient reconnus. Comment voulez-vous que l'on croie que tous les efforts sont faits pour enrayer ce problème si on ne veut pas reconnaître qu'il y ait eu un grave problème dans le passé? Nous pensons que les lois administrées par la CSST sont organisées pour empêcher les gens d'avoir accès à leurs droits. Nous n'avons aucun outillage spécialisé pour contrecarrer les conclusions de la CSST. On profite de ce que les gens ordinaires se "tannent" dans toutes ces démarches longues et difficiles pour tout simplement les abandonner.

Nous désirons aussi soulever le fait que, quoi qu'on en dise, les femmes de notre âge n'ont pas accès à l'autonomie financière. Notre âge et la situation économique actuelle ne nous permettent pas l'accès au marché du travail. Nous avons vécu toute notre vie dans des conditions où la femme donnait son apport social par le travail à la maison. Toute notre vie, nous avons subsisté économiquement par le biais du salaire de nos maris et, comme ils ont perdu la santé et leur vie à ce travail rémunéré, nous désirons bien vous faire comprendre que notre droit le plus légitime est d'avoir accès à une indemnisation substantielle. Trouvez-vous normal que, depuis quatre ans, nous ayons à lutter pour ce droit élémentaire? Actuellement la CSST, par la voie des médias, a fait savoir qu'elle s'est rendue compte qu'avec la loi actuelle, certaines victimes d'accidents du travail étaient trop indemnisées tandis que d'autres ne l'étaient pas assez.

Dans un esprit de justice, la CSST est actuellement à faire une refonte de la loi concernant l'indemnisation des victimes d'accidents du travail. La philosophie qui semble être à la base de cete refonte sera d'indemniser les victimes et leurs dépendants selon leur perte réelle de revenus ou leur manque gagner à la suite de l'accident. Le RFMD espère que les femmes dont les époux sontdécédés d'accidents du travail ou de maladies professionnelles ne seront pas encore une fois oubliées dans cette refonte. Ce que le RFMD réclame, c'est simplement être indemnisées et de façon juste pour la perte de revenus que les femmes ont eu à subir à la suite du décès de leurs époux, victimes de leur travail et rien de plus.

Nous vous remercions de nous avoir entendues et maintenant, M. le Président, la parole est à vous.

Le Président (M. Paré): Merci mesdames pour la présentation de votre mémoire et nous allons effectivement passer maintenant à un échange entre les membres de la commission et vous-mêmes qui êtes à la table. Le premier à vous poser des questions ou à donner des commentaires sera le ministre du Travail.

M. Fréchette: Mme la Présidente, je veux vous remercier ainsi que toutes les membres de votre organisme, de votre regroupement qui se sont rendues à Québec pour vous appuyer dans les revendications, les demandes que vous voulez soumettre à la commission et bien sûr, au gouvernement directement. (21 h 30)

Je vous signalerai - et là je le fais sous réserve de ma mémoire - que vous êtes très probablement le seul regroupement représentant exclusivement des femmes que nous ayons entendu jusqu'à maintenant. Toujours sous la réserve des défauts de mémoire possibles, je ne pense pas que parmi les autres groupes qui sont annoncés jusqu'à la fin de la commission, on en retrouve qui représentent aussi exclusivement des femmes. Je pense qu'il s'agit d'une situation qu'il fallait souligner, que nous devions retenir et sur laquelle nous devions attirer l'attention de ceux et de celles qui suivent les travaux de cette commission.

Depuis que vous vous êtes formées en regroupement, en association, vous avez, avec beaucoup d'insistance, beaucoup de patience, continuellement fait des représentations allant dans le sens des objectifs que vous visez. J'espère qu'à un moment donné il y aura des conséquences concrètes à toutes ces démarches que vous avez entreprises, que vous continuez de faire de façon régulière et constante comme je vous le disais il y a un instant. Il y a certains aspects et situations que vous avez soulevés pendant votre présentation sur laquelle j'apprécierais qu'on puisse revenir ensemble bien rapidement pour, d'une part, permettre de compléter le dossier, possiblement à partir de renseignements additionnels qui pourraient être utiles au-delà de ce que vous nous avez donné comme renseignements et qui pourraient aussi permettre d'échaffauder l'argumentation. Vous êtes dans votre regroupement 160 ou à peu près.

Mme Boutin: À peu près.

M. Fréchette: C'est cela? Est-ce que je suis correct de penser que, pour la majorité d'entre vous, votre mari est décédé d'une maladie professionnelle qui pourrait être différente de ce qu'on est convenu d'appeler un accident du travail arrivé de façon subite, imprévue, soudaine?

Mme Boutin: Oui, il y en a eu seulement deux qui ont eu des accidents que

je connais.

M. Fréchette: Cela veut dire que toutes les autres membres de votre regroupement...

Mme Boutin: Une maladie professionnelle.

M. Fréchette: Voilà. Maintenant, juste une autre précision. C'est une question de fait exactement et de fait très simple. Dans votre mémoire, à un moment donné, je ne peux pas me rappeler à quelle page, ce serait peut-être un peu long de le retrouver, mais vous allez sans doute rapidement me référer à la bonne page. Je pense que dans votre mémoire vous parlez d'une rente mensuelle de 370 $ alors que dans vos témoignages verbaux vous parlez d'une rente de 390 $.

Mme Boutin: Oui, je peux vous expliquer.

M. Fréchette: Oui, s'il vous plaît!

Mme Boutin: C'est qu'avant le 1er janvier 1984, nous recevions 370 $ et avec l'indexation du coût de la vie de 6% que nous avons eue, on a le montant de 395 $.

M. Fréchette: Alors, c'est la revalorisation qui est intervenue au 1er janvier 1984 qui a fait que la rente dont on parle est passée de 370 $ à 395 $.

Mme Boutin: C'est cela.

M. Fréchette: Je comprends aussi, et là-dessus je pense qu'on va tous et toutes s'entendre, que cette même revalorisation est prévue annuellement et est conforme à l'indice des prix à la consommation.

Mme Boutin: Nous autres on aimerait qu'il y en ait d'autres. Nous autres c'est cela: Une fois par année, mais il y en a pour qui c'est trimestriel.

M. Fréchette: Oui. D'autres régimes d'indemnisation sont indexés plus fréquemment, Mme Boutin. Remarquez que l'échange qu'on est en train d'avoir, pour moi en tout cas, n'est qu'en fonction d'obtenir des renseignements de fait. Quand je signale que, par exemple, dans le cas qui est le vôtre cette revalorisation arrive au 1er janvier de chaque année et qu'elle est en relation avec l'indice des prix à la consommation, là-dessus on s'entend, je pense.

Mme Boutin: Oui.

M. Fréchette: II y a, me semble-t-il, deux constantes qui reviennent dans votre mémoire: deux choses sur lesquelles vous insistez particulièrement. L'une est une préoccupation par rapport au passé et l'autre est une préoccupation par rapport à l'avenir. Cette deuxième préoccupation est dans le sens de vouloir éviter, probablement, à d'autres épouses de travailleurs, de vivre les situations que vous nous avez décrites. Je présume que c'est votre objectif quand on retient, ou enfin quand on interprète et évalue que votre mémoire soulève une préoccupation pour l'avenir. C'est parce que vous voulez éviter à d'autres de vivre les situations que vous nous décrivez ce soir.

Mme Boutin: C'est un peu ça, parce que c'est ce que vous avez dans le projet de loi 42. On n'est pas d'accord avec ce que vous allez faire. Il ne faut pas oublier que nous existons.

M. Fréchette: Mme Boutin... Allez, continuez.

Mme Boutin: Je comprends ce que vous voulez dire. Vous voulez nous dire qu'on est préoccupées par la loi 42 par ce que vous allez donner aux dames. Est-ce que c'est bien cela que vous voulez dire?

M. Fréchette: Bien...

Mme Boutin: ...le montant global, le montant fortaitaire.

M. Fréchette: Oui, il y a cet aspect de la situation.

Mme Boutin: Cela, on ne le veut pas non plus. On ne veut pas cela pour la femme parce qu'au bout de cinq ans, elle va se retrouver coite, à peu près à l'aide sociale aussi.

M. Fréchette: Oui, c'est une préoccupation effectivement.

Mme Boutin: Oui, oui!

M. Fréchette: II y a aussi...

Mme Boutin: II y a plus. Il y a nous. On existe. C'est de valeur, mais nous existons.

M. Fréchette: Cela, c'est le chapitre du passé dont je vous parlais il y a un instant.

Mme Boutin: Nous, on ne l'oublie pas le passé.

M. Fréchette: Je vais y revenir, si vous le permettez, à la situation du passé. J'étais à essayer d'obtenir un peu plus de renseignements quant à vos préoccupations pour l'avenir.

II y a cet aspect de l'indemnisation dont vous avez parlé. Vous dites très précisément et très clairement que les modalités qui sont prévues dans le projet de loi 42 ne font pas votre affaire à vous autres quant à l'aspect strict de l'indemnisation. Cela, c'est un volet du dossier.

Toujours à partir de votre mémoire et de votre argumentation devant la commission, je présume aussi que vos préoccupations sont en fonction des cas particuliers dont vous nous avez parlé les unes et les autres et qui ont explicité les difficultés que vous avez rencontrées quant à la possibilité de faire reconnaître médicalement un certain nombre de choses. C'est le genre de difficultés aussi sur lesquelles vous avez très expressément attiré notre attention.

Mme Boutin: Exactement.

M. Fréchette: Parlons du passé maintenant, Mme Boutin, si vous le voulez. Je comprends que votre préoccupation principale - et quand je parle du passé, entendons-nous bien, je parle strictement des événements que vous avez vécus, soyons clairs là-dessus - ce que vous nous soumettez, ce sur quoi vous insistez beaucoup, c'est que la situation économique, strictement économique - oublions les autres aspects de l'ensemble de la situation - qui est la vôtre, vous amène à la conclusion que, de façon rétroactive, à partir du moment où vous avez commencé à vivre ces événements, il devrait y avoir une reconsidération d'ordre économique au sens très large du terme quant à l'indemnisation que vous recevez actuellement sous forme de rente. Est-ce que c'est suffisamment clair?

Mme Boutin: Je ne sais quand vous parlez de rétroactivité? Nous, on se contenterait bien - et on s'est toujours laissé dire qu'une loi n'était jamais rétroactive -mais par contre, on accepterait que, vu que vous semblez nous comprendre, ce soir, que ce ne soit pas rétroactif.

M. Fréchette: Alors cela précise un certain nombre de choses parce que je vous avoue, bien honnêtement, que...

Mme Boutin: On ne veut pas que vous retourniez à quand mon mari est décédé en 1978. Disons que cela a été une bataille qu'on a livrée, mais on est conscientes que cela pourrait amener un... peut-être pas si énorme que cela, mais vu qu'on a toujours été raisonnables, mais qu'on est prêtes, à partir de maintenant, de 1984...

M. Fréchette: ...oui, je vais vous poser ma question d'une autre façon, Mme Boutin...

Mme Boutin: ...peut-être que je n'ai pas compris...

M. Fréchette: ...j'ai compris votre réponse, remarquez...

Mme Boutin: Oui.

M. Fréchette: ...mais je veux être bien sûr qu'on s'entend très bien sur l'ensemble du dossier. Ma question, soumise d'une autre façon, pourrait se présenter de la façon suivante: ce que vous souhaitez, c'est d'abord un changement quant aux modalités prévues dans la loi 42 telle qu'on la connaît actuellement. Lorsque ces changements seront intervenus, qu'ils soient incorporés dans le mécanisme de couverture de la loi? Est-ce que je comprends très bien là?

Mme Boutin: Je vais m'expliquer. Si j'ai très bien compris à mon tour... Si c'est pour nous donner un montant global, c'est non.

M. Fréchette: Non, ce n'est pas ce à quoi je pense, Mme Boutin.

Mme Boutin: Mais, si c'est pour nous couvrir dans le sens de rester quand même avec une rente mensuelle, selon le coût de la vie, qu'il est normal qu'on ait, il n'y a pas de problème de ce côté.

M. Fréchette: Non, je pense qu'on s'entend bien là-dessus. D'ailleurs procéder à une capitalisation des rentes que vous recevez actuellement, je pense qu'il en a déjà été question. Vous avez été fort claire quant à la possibilité d'une solution de ce côté-là. Vous avez été très très précise et, comme vous le dites, il n'en est pas question. Cependant, si, par exemple, la loi était amendée dans le sens que vous souhaitez, quant aux modalités de réparation ou d'indemnisation qui sont prévues, c'est-à-dire ne pas avoir de montant forfaitaire, de garder la rente viagère avec des revalorisations, bon... C'est cela votre revendication, des changements. Et, deuxièmement, quand les changements seraient intervenus, incorporez-nous maintenant dans la couverture de la loi.

Mme Boutin: C'est cela.

M. Fréchette: C'est cela. Sans effet rétroactif.

Mme Boutin: C'est cela. On est raisonnables, hein?

M. Fréchette: En tout cas, une chose est sûre. La situation devient de plus en plus claire au fur et à mesure qu'on avance dans la discussion. Mon collègue de Beauharnois me pose une question. Est-ce à moi que vous

posez la question? Non. Ah bon!

Mme Boutin, vous avez aussi touché à un aspect dans votre mémoire - je ne sais pas si c'est vous ou une l'une ou l'autre de vos compagnes qui a soulevé la question -c'est celle relative à la possibilité de la réouverture des dossiers médicaux. Est-ce que ma compréhension de la loi ne serait pas correcte quand je prétends que, lorsque survient un fait nouveau ou un élément nouveau dans un dossier - à cet égard, je serais de ceux qui croiraient que le progrès de la science médicale qui permettrait d'arriver à une autre conclusion que celle à laquelle on est préalablement arrivé constituerait un fait nouveau - est-ce que ma compréhension de la loi actuelle, des dispositions de la loi 42 ne serait pas correcte quand je pense que lorsqu'il y a un fait nouveau, le dossier peut toujours être rouvert? N'est-ce pas comme cela que vous percevez les dispositions actuelles de la loi, les dispositions de l'article 42?

Mme Hamel: On a toujours pensé que le dossier du travailleur était toujours ouvert, qu'il était toujours possible de revenir. Mais, certaines personnes ont eu des difficultés. En ce moment, j'ai un cas qui date de 1973 et ils ont accepté la réouverture. J'en suis fort heureuse.

M. Fréchette: Ah bon! Alors, c'est peut-être une simple question sur la façon de s'exprimer, mais on s'entend, je pense, pour convenir qu'un dossier, peu importe sa nature, qu'il s'agisse d'un accident... (21 h 45)

Mme Hamel: II y a les délais aussi qui sont très...

M. Fréchette: Ah! cela, madame, je n'en disconviens pas, bien au contraire...

Mme Hamel: Oui.

M. Fréchette: Mais je voulais qu'on s'entende sur l'aspect dont on vient de parler et que le dossier n'est jamais fermé dans le sens que si un élément nouveau, un fait nouveau est porté à l'attention des instances concernées, le dossier peut être rouvert; vous venez de nous dire que vous avez très précisément vécu cette situation-là.

Vous avez aussi manifesté certaines inquiétudes par rapport à l'article 44 du projet de loi, qui est en relation avec l'article 47. L'article 44 est celui qui permet à un bénéficiaire d'avoir accès, sans frais, au dossier intégral que la commission possède à son sujet. Vous dites, essentiellement: La disposition de l'article 44 nous convient, sauf qu'elle est très sérieusement compromise par l'article 47, qui est l'article qui prévoit que si la commission, pour des raisons que j'essaie d'imaginer mais qui peuvent exister, refusait, en vertu de l'article 44, de vous laisser obtenir accès à votre dossier, il y a, à l'article 47, un mécanisme qui vous permettrait d'aller devant la Commission sur l'accès à l'information pour obtenir le dossier.

Mme Boutin: II a toujours existé, cet organisme-là et on a de la difficulté quand même. On savait cela parce qu'on avait eu cette information de l'aide juridique. Ils nous ont dit que l'on pouvait. Mais c'est encore des démarches à n'en plus finir.

M. Fréchette: Oui. Alors, Mme Boutin, je suis bien disposé, à ce propos, à ouvrir la discussion sur la possibilité suivante: Gardons simplement les dispositions de l'article 44 et faisons disparaître, effectivement, l'article 47. Parce que l'évaluation qu'on en fait, à tort ou à raison, l'article 47 n'est là que pour renforcer la possibilité d'obtenir l'accès à son dossier. Et même s'il disparaissait de la loi 42, il va continuer de demeurer dans la Loi sur l'accès à l'information. Alors si l'article 47 de la loi vous crée des embêtements, je pense que cela ne créera de préjudice à personne qu'il soit retiré purement et simplement du projet de loi, puisque le droit va continuer d'exister.

Mme Boutin: Vous nous parlez de droit, actuellement. Vous savez qu'on est loin d'être au courant de la loi, nous. On est de simples gens ordinaires, on n'est pas au courant des lois. Si vous le faites sauter, comme vous le dites, je ne sais pas quelle répercussion cela peut avoir. Vous me le dites mais je ne peux pas répondre.

Mme Rouleau: Mais avoir droit...

M. Fréchette: Mme Boutin, vous allez comprendre que je suis un peu mal placé pour plaider en faveur du projet de loi 42, que je parraine et vous dire: Bon, cette loi-là, elle est parfaite, il n'y a pas d'ambiguïté, il n'y a pas de problème. Je vais seulement essayer de nous permettre de réaliser ensemble que l'article 47 est là strictement et uniquement pour donner plus de force à l'article 44.

Mme Boutin: Est-ce que vous êtes au courant, M. le ministre, qu'il y était avant et on avait de la difficulté quand même à avoir nos dossiers. On aurait pu se servir de cette loi, mais c'est à n'en plus finir, les démarches! Est-ce que ce sera la même chose quand même?

M. Fréchette: La Loi sur l'accès à l'information, Mme Boutin, elle est passablement récente.

Mme Boutin: Ah bien, nous...

M. Fréchette: Je ne sais pas si on réfère à la même loi mais elle est toute récente, la Loi sur l'accès à l'information. Je pense qu'elle est entrée en vigueur le 1er janvier dernier. Je vous dis cela sous toute réserve.

Mme Boutin: Je ne sais pas si on parle de la même loi parce que nous, nous avons l'aide juridique qui nous aide et ils nous ont toujours dit qu'ils n'avaient pas de difficulté à avoir nos dossiers.

Mme Rouleau: Mais est-ce que vous voulez dire l'accès aux dossiers médicaux?

M. Fréchette: Oui, oui, c'est cela.

Mme Rouleau: Qui viennent de l'hôpital?

M. Fréchette: Oui.

Mme Rouleau: Dieu sait si on a de la misère! On est allées pour les chercher, à deux reprises, et on n'a pas accès à ceux-ci, on ne peut pas les avoir.

M. Fréchette: Mais là, madame, on parle du dossier médical que la Commission de la santé et de la sécurité du travail a en sa possession. Je ne vous parle pas du dossier que l'on peut retrouver dans les archives de l'hôpital.

Mme Boutin: Je sais que c'est peut-être deux choses pour vous. Mais pour nous, il nous les faut, ces dossiers-là.

M. Fréchette: Oui, oui.

Mme Boutin: Cela nous prend même celui de l'hôpital.

M. Fréchette: Celui de l'hôpital, autant en vertu de la Loi sur les services de santé qu'en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, vous avez toutes les dispositions nécessaires pour obtenir communication de votre dossier médical. Évidemment, s'il y a des tracasseries administratives qui interviennent à travers les différents processus, c'est autre chose mais si on discute du droit strict, je pense qu'il est là.

Je pourrais, si vous le voulez, ne pas insister là-dessus, mais si on ne pouvait pas convenir pour le moment qu'on pourrait garder les dispositions de la loi comme elles sont, quitte à ce que nous puissions en reparler...

Mme Boutin: C'est bien.

M. Fréchette: ...tout à l'heure et essayer de bien nous comprendre sur les objectifs qu'on vise à cet égard. Peut-être qu'on va réussir à ajuster tous les fils. Cela va?

Mme Boutin: C'est bien.

M. Fréchette: Une dernière observation, M. le Président. Vous avez pris beaucoup de gens à témoin, Mme Boutin, quant à votre désir d'obtenir une rencontre autant avec le ministre du Travail qu'avec le premier ministre. Je vous dirai que c'est le genre de revendication ou enfin, de représentation que je m'engage à formuler auprès de qui de droit et pour laquelle je vous donnerai une réponse dans les jours qui viennent.

Je voudrais simplement, en terminant, revenir sur une de vos préoccupations principales et qui est votre situation très précise, votre situation de fait depuis le décès de vos époux. Vous savez, c'est toujours embarrassant dans la discussion d'une loi comme celle-là d'arriver à faire le juste départage des choses entre l'aspect strictement économique d'une situation et l'aspect strictement humain comme celui que vous soulevez. Il y a des deux côtés des argumentations qui ont de la valeur, des argumentations qui sont difficilement réfutables et dont il faut tenir compte de part et d'autre.

La revendication que vous nous soumettez par rapport à votre situation propre doit être évaluée en fonction de ces deux paramètres dont je viens de vous parler, c'est-à-dire une situation bêtement économique et une situation humaine facilement perceptible aussi. Alors, c'est à partir de ces deux paramètres qu'il nous faut analyser des représentations que vous nous faites. Je vous suggère que nous adoptions le processus suivant: Nous avons entendu jusqu'à maintenant un nombre considérable d'organismes qui nous ont fait des représentations, nous allons continuer d'en entendre jusqu'à vendredi, nous en aurons entendu au-delà d'une quarantaine et c'est à partir de toutes les représentations qui nous sont faites par tous ceux qui sont venus s'exprimer ici qu'il va nous falloir prendre des décisions et à partir de l'évaluation de ce que donne les représentations qu'on nous fait.

Il faudra mettre dans l'un des plateaux de la balance le sujet que vous nous soumettez et par la suite, prendre une décision quant à la réponse qui doit vous être donnée. Je n'ai pas d'objection, à l'occasion d'une éventuelle entrevue, à ce qu'on en reparle plus à fond, Mme Boutin.

Mme Boutin: C'est sûr que ce que vous venez de me dire ne me satisfait pas. Je ne vois pas non plus... Comme vous dites, le mettre sur un plateau dans votre projet loi 42... Cela fait si longtemps qu'on est

oubliées; dans le passé, vous êtes très conscient que les gouvernements et les compagnies ont toujours été négligents envers nos époux; il ne faut pas se le cacher. On ne parle pas du présent, c'est quand nos époux étaient là; et on serait encore victimes de cela.

Vous nous dites que vous allez nous mettre dans le plateau avec les gens qui se sont fait et se feront entendre ici. Je suis consciente que vous allez peut-être le faire mais ce qu'on veut, c'est une affirmation plus précise. Car c'est une injustice du passé que nous subissons et nous ne voulons plus la subir. On ne veut plus du tout la subir, parce que nous sommes des humains nous autres aussi. Avec 395 $, qui va payer les taxes le mois prochain? Qui va payer le chauffage le mois prochain? Qui? Je vous le demande, M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, à la question de Mme Boutin, je répondrai essentiellement ceci: Je vois mon collègue de l'Opposition qui a hâte d'intervenir. Je vais lui laisser la parole immédiatement après. Il faudrait peut-être nous entendre sur la situation suivante, Mme Boutin: Ce serait facile pour moi, ce serait très agréable et fort intéressant de pouvoir vous dire ce soir: J'accepte; le gouvernement va accepter toutes les revendications que vous nous soumettez. Je serais très heureux de pouvoir vous dire cela. Ce serait simple; ce serait facile. On s'entendrait très bien, et il n'y aurait pas entre nous de discussion ni de litige. Ce serait peut-être, par ailleurs aussi, avant d'avoir procédé à cette analyse dont je vous parle, un peu irresponsable que de vous dire tout de go, spontanément comme cela: II n'y a pas de problème, et on va régler tout cela. Vous allez comprendre qu'il nous faut prendre un peu de recul pour procéder à l'évaluation dont je vous parle.

Mme Boutin: II n'y aurait...

M. Fréchette: Je comprends, par ailleurs, que cela ne vous donne pas satisfaction. Je suistout à fait d'accord avec cela.

Mme Boutin: Pas du tout. Et on se demande combien de temps va durer le recul. C'est ce qu'on voudrait savoir.

M. Fréchette: Madame, le processus normal qui devrait s'enclencher, lorsque la commission aura terminé ses travaux, sera très précisément de faire cette évaluation dont on vient de parler, ce sera aussi de procéder à des changements, d'ici un mois à six semaines au maximum, aux dispositions que l'on retrouve actuellement dans le projet de loi 42 et, à la reprise des travaux de l'Assemblée nationale, quelque part au mois d'avril, de procéder à l'adoption du projet de loi, à partir des décisions qui auront été prises et des amendements qui auront été incorporés dans le projet de loi à la suite de l'audition des témoignages que nous avons entendus depuis six ou sept jours maintenant.

Mme Boutin: Justement, lorsque vous parlez d'apporter un amendement, j'y crois, mais je ne crois pas autre chose, parce que vous l'avez fait en 1979. Pourquoi ne le feriez-vous pas pour nous autres? Le 1er janvier 1979, vous l'avez fait. Pourquoi nous avez-vous ignorées à ce moment-là? On était des humains. Le 1er janvier 1979, vous avez créé deux classes de veuves. Je ne sais pas si vous le savez, mais c'est contraire à ce qui est dit dans la Charte des droits et libertés de la personne. Vous avez créé deux classes de veuves. Il y a une classe qui peut vivre. Je ne veux pas dire que ces veuves en ont énormément plus que les autres. Elles en ont plus que nous autres, mais elles n'ont pas de surplus pour vivre. Cela leur prend tout pour vivre elles aussi. Mais nous autres, avec ce qu'on a, je ne sais pas ce qu'on fait pour subsister avec 395 $ par mois. À cette discrimination que vous avez faite le 1er janvier 1979, on voudrait que vous apportiez un amendement aussi rapidement que possible, si vous ne voulez pas qu'on aille plus loin et déborder. Là, on en a assez. C'est aussi simple que cela. Je vous trouve très gentil, etc., mais cela ne me donnera pas plus d'argent demain pour payer mes taxes, mon électricité, etc. Est-ce bien compris?

M. Fréchette: Oui, c'est très bien compris, madame, et je pense que nos positions respectives sont également très claires. Il va nous rester à prendre nos responsabilités maintenant, à partir de ces représentations dont je viens de vous parler et que nous entendons depuis sept jours maintenant.

Mme Boutin: Êtes-vous d'accord pour dire qu'en 1979, vous avez créé deux classes de veuves?

M. Fréchette: Là, on pourrait encore engendrer une longue discussion...

Mme Boutin: Ah! ah!

M. Fréchette: ...que je n'aurais pas d'objection à faire, remarquez, mais comme il y a un autre groupe qui doit être entendu immédiatement après vous, on pourrait faire cela à l'occasion d'une rencontre qu'on pourrait avoir tout de suite après, si vous le voulez.

Mme Boutin: Oui?

M. Fréchette: Oui, bien sûr.

Mme Boutin: On ne sait jamais, on peut rester.

M. Fréchette: Très bien.

Le Président (M. Paré): Merci, la parole est maintenant à M. le député de Viau. (22 heures)

M. Cusano: M. le Président, Mme la présidente, mesdames du RFMD, au nom de ma formation politique, je tiens à vous remercier du mémoire que vous nous avez fait parvenir ainsi que de la présentation très claire que vous nous avez faite ce soir. J'admire votre courage non seulement par le fait que vous êtes regroupées et que vous avez entrepris des démarches pour tenter de rectifier votre situation, mais j'admire ces démarches aussi parce qu'elles vous concernent et concernent aussi les épouses -qui, j'espère, seront très peu nombreuses -qui auront malheureusement à se joindre à votre regroupement éventuellement. Sur cela, je dois encore dire que j'ai beaucoup d'admiration. Je peux dire aussi, à ce moment, que je suis convaincu que le ministre du Travail portera à l'oreille du premier ministre votre demande de rencontre. Je suis convaincu de cela.

Mme Rouleau: Merci.

M. Cusano: Maintenant, une couple de commentaires parce que le ministre s'est engagé justement à prendre en considération... Depuis qu'on siège ici, le ministre semble avoir réalisé qu'il y a certaines dispositions, certains articles de la loi qui doivent être corrigés, qui doivent être amendés. Une fois que ceux-ci seront connus, je ne sais pas à quel moment, mais ils seront connus éventuellement, j'espère qu'il prendra aussi en considération vos demandes. À ce moment, je suis sûr que vous-mêmes ou d'autres qui vous aident pourront faire parvenir au ministre des mémoires ou des lettres indiquant votre satisfaction ou non de ce qu'il a fait. Pour qu'on se comprenne bien, en tout cas, moi je vous ai compris sur une chose, c'est que vous dites: On va oublier ce que serait un arrérage, du moment qu'on corrige notre situation à partir d'aujourd'hui. C'est bien cela. Je pense que le ministre à un certain moment ne semblait pas...

Mme Boutin: II m'a semblé comprendre, mais si vous vous n'avez pas compris, je suis prête à le répéter.

M. Cusano: C'est cela que j'ai compris de votre intervention. Ma question, madame, dans un sens sera très brève et je sais qu'il est très difficile de chiffrer ou d'attacher à un décès d'un époux un certain montant. Mme Boutin: Cela n'a pas de prix.

M. Cusano: Cela n'a pas de prix. Dans la situation où on vit, il y a assurément certaines choses qui sont établies, certains montants qui sont établis. Vous vous opposez au montant forfaitaire de 50 000 $ pour les cas à venir.

Mme Boutin: Oui parce qu'on trouve, après avoir bien analysé, qu'au bout de cinq ans, la madame serait bénéficiaire de l'aide sociale.

M. Cusano: Je suis d'accord avec vous dans ce sens.

Mme Boutin: Ce serait de renverser, de dire par d'autres, d'un autre ministère... C'est que ce sont encore les contribuables qui paieraient, et je me dis que ce ne serait pas juste. Les employeurs se débarrasseraient encore aux dépens d'un autre ministère.

M. Cusano: Je ne veux pas engendrer un débat, madame. On voit souvent comment la CSST remet certains paiements ailleurs, et je ne veux pas tomber dans ce débat. Ma question précise sur le fait du montant forfaitaire: est-ce que selon votre expérience - nous ne l'avons pas vécue de ce côté-ci, vous vous l'avez vécue - il devrait y avoir dans la loi des dispositions d'option pour la veuve en question, de choisir entre un montant forfaitaire ou est-ce que ce montant forfaitaire ne devrait pas exister du tout. Il y a des femmes qui pourraient dire: Les 50 000 $ vont me permettre soit de me lancer en affaires ou de faire autre chose, cela va me donner l'occasion de prendre les choses en main, tandis qu'il y en a d'autres qui préfèrent que ce soit une sécurité.

Mme Boutin: Cela dépend toujours de l'âge et de ce que les personnes veulent. Personnellement, à mon âge, je trouverais cela désastreux s'ils m'obligeaient à prendre cela. Par contre, une personne qui a un certain âge et que cela avantage, pour elle, ce pourrait être une bonne affaire, mais c'est la minorité. Même si j'étais plus âgée, je ne le prendrais pas. Par contre, je ne peux pas répondre pour celles... Je peux vous dire que pour un certain âge d'accord, mais pour d'autres, non.

M. Cusano: Quand même, vous dites que l'option devrait être là.

Mme Boutin: Mais cela ne devrait pas être obligatoire.

M. Cusano: Non, pas obligatoire, c'est un choix entre un montant...

Mme Boutin: Mais que cela ne devienne jamais obligatoire.

M. Cusano: D'accord. Que ce soit un montant de 50 000 $, 60 000 $, qu'il soit là et que la personne ait le privilège de choisir.

Mme Boutin: Mais que ce ne soit pas obligatoire, qu'elle ait le choix.

M. Cusano: C'est cela.

Le Président (M. Paré): Le député de Vachon aurait un commentaire.

M. Fréchette: Est-ce que je peux faire une petite intervention? Dans le mémoire, il est plutôt question de rente qu'on veut.

Mme Boutin: Je m'excuse. Est-ce que vous parlez des personnes à l'avenir ou de nous?

M. Fréchette: Je parlais des personnes à l'avenir.

M. Cusano: En ce qui me concerne, votre position est très claire. C'est ce que vous voulez...

Mme Paré (Liliane): Je vais m'introduire pour clarifier la situation. C'est que dans le mémoire elles demandent une rente mensuelle. Il n'est pas question de voir si c'est avantageux d'avoir un montant forfaitaire ou quoi que ce soit. Tout le monde sera pareil avec une rente mensuelle, parce que si on tient compte de l'âge de l'épouse, des enfants, etc., un montant forfaitaire est toujours désavantageux. On considère qu'avec un montant forfaitaire la CSST se balance des gens. On peut prendre un cas bien précis: Les femmes dont les époux sont décédés d'amiantosé, présentement celles couvertes par l'amendement 114 reçoivent environ 800 $ par mois. Si vous faites le calcul pour cinq ans, déjà le montant de 50 000 $ auquel elles auraient eu droit serait écoulé. On sait que le coût de la vie augmente etc., alors la CSST donne un montant global. Cela a l'air bien beau, mais dans les faits ce n'est pas valable, au bout de cinq ans la femme se retrouve encore sans revenu.

M. Cusano: C'est sûr, je suis d'accord avec vous, tous les montants forfaitaires mentionnés dans cette loi sont justement inférieurs à la capitalisation d'une rente viagère. D'accord, cela va. Je vous remercie encore et je voulais seulement redire qu'on va s'assurer que le ministre tienne sa parole. Avec cela, je vous remercie madame.

Mme Boutin: Je vous remercie.

Le Président (M. Paré): Au nom des membres de la commission, nous vous remercions d'être venues nous présenter votre mémoire et des témoignagnes que vous nous avez apportés. Comme le dit le ministre, on va tenir compte de ce que vous nous avez apporté ici comme témoignage. Je vous remercie.

Je vais demander au groupe suivant, c'est-à-dire la Corporation professionnelle des médecins du Québec de prendre place en avant.

Bonsoir, messieurs et bienvenue à la commission. Nous allons ententre votre mémoire. J'inviterais le porte-parole à s'identifier à nous présenter les deux personnes qui l'accompagnent.

Corporation professionnelle des médecins du Québec

M. Meilleur (Robert): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, je suis le Dr Robert Meilleur, de Québec. Je suis l'un des administrateurs élus de la Corporation professionnelle des médecins du Québec, et également membre du comité exécutif de cette même corporation. Il y a, à ma gauche, le Dr André Lapierre, secrétaire adjoint et cadre permanent à la corporation, ainsi qu'à ma droite, le Dr Jacques Brière, adjoint également au secrétaire général et cadre permanent.

Nous avons à vous présenter un très court mémoire. Au début, étant donné que les deux points techniques que nous y soulevons semblaient très évidents, ne semblaient pas amener une discussion très longue, nous avions d'abord décidé de vous faire parvenir notre mémoire sans nous présenter nous-mêmes, mais, à votre demande de venir témoigner - nous considérons cela comme un honneur, M. le Président - nous sommes venus vous rencontrer. Nous serons à votre disposition afin d'essayer d'apporter quelque lumière et de bonifier ainsi peut-être certains articles du projet de loi, si cela est votre désir. Cela explique également, malheureusement, l'absence de notre président-secrétaire général, le Dr Augustin Roy, qui, de ce fait, avait pris des engagements antérieurs et n'a pas pu se présenter ce soir.

Je vais demander au Dr Jacques Brière de vous résumer le mémoire, et après nous serons à votre disposition pour les questions que vous voudrez bien nous poser.

M. Brière (Jacques): Je suis certain, M. le Président, M. le ministre et MM. les membres de la commission que vous avez apprécié la brièveté de notre mémoire. Il ne vous a sûrement pas demandé un travail de lecture trop ardu. Nous n'avons pas cru bon d'apporter des commentaires sur tout le

mécanisme et le financement de ce système fort complexe d'indemnisation mis en place par le projet de loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Vous le savez, comme toute corporation ou ordre professionnel, nous avons comme fonction la protection du public, mais d'une façon très particulière, c'est-à-dire en contrôlant l'exercice de nos membres. Nous avons donc voulu limiter nos commentaires à deux sujets sur lesquels nous pouvons prétendre avoir une certaine compétence.

Le premier sujet que nous avons commenté, évidemment, c'est l'article 132 qui donne à la Commission de la santé et de la sécurité du travail le pouvoir de décider de la nécessité, de la nature, de la durée et de la suffisance de l'assistance médicale. Avec ce pouvoir, la Commission de la santé et de la sécurité du travail pourrait indiquer au médecin quels examens faire, comment faire son diagnostic, quel traitement appliquer et pendant combien de temps. Dans tout cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle, le médecin deviendrait un simple exécutant des désirs, des décisions ou des directives de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Il perdrait son caractère professionnel.

Ce qui caractérise le professionnel, c'est, bien sûr, de porter des jugements à la lumière des connaissances acquises au cours de sa formation, ce qui lui permet de rendre ses services à son client avec le consentement du client. La relation patient-médecin s'en trouverait évidement affectée, étant donné que le médecin perdrait toute liberté thérapeutique. Je ne connais, dans notre société libre, aucun organisme qui ait ce pouvoir de dicter au médecin sa conduite dans chaque cas particulier. Même la corporation, à qui la loi reconnaît le pouvoir de contrôler l'exercice de ses membres, ne leur dit pas comment exercer la médecine dans chaque cas particulier. Elle leur demande d'exercer, selon les données actuelles de la science médicale, elle leur dicte des règles de conduite, mais n'intervient pas dans le traitement des malades et dans les relations patient-médecin. Donner ce pouvoir à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, c'est lui permettre, à toutes fins utiles, d'exercer la médecine.

Il y a, dans l'actuelle Loi sur les accidents du travail un texte qui ressemble d'assez près à ce texte de l'article 132, mais qui a tout de même une portée entièrement différente puisqu'on y dit que la commission décide de toute contestation sur la nécessité, la nature, la suffisance ou la durée de l'assistance médicale. (22 h 15)

Il faut bien réaliser que dans un très grand nombre de cas d'accidents du travail ou de maladies professionnelles, il n'y a pas de contestation. L'accidenté du travail ira consulter à l'hôpital, au centre hospitalier, à la salle d'urgence. Le médecin lui prodiguera les soins nécessaires, déterminera sa période d'invalidité et sa date de retour au travail. Le tout se fera sans contestation. La commission, n'intervient pas, actuellement, dans le traitement médical. S'il y a contestation, c'est évidemment après coup, une fois que les traitements sont donnés. À ce moment, habituellement ce sont les bureaux de révision de la commission qui décident de cette contestation, mais il y aura de soumis au bureau de révision une preuve médicale faite par le médecin traitant ou par un ou plusieurs experts. L'organisme qui décide de la contestation ne pratique pas la médecine, il ne dicte pas comment se pratique la médecine, mais agit un peu comme n'importe quel tribunal à qui est soumise une affaire à caractère médical. L'organisme se prononce sur la foi de la preuve médicale faite devant lui. Nous savons que certains organismes ont peut-être manifesté des inquiétudes concernant les bureaux de révision, qui sont en somme des organismes nommés par la Commission de la santé et de la sécurité du travail et qui sont composés de fonctionnaires de la commission. Le reproche qu'on a pu faire à ces bureaux de révision, c'est qu'ils sont constitués de fonctionnaires de la commission, leur décision pouvant être influencée, peut-être inconsciemment, par des politiques ou des directives de la commission.

Certains ont proposé de faire plutôt réviser les décisions de la commission par un organisme indépendant. Je dois dire que nous à la corporation, nous n'avons aucune expérience personnelle, ni aucune donnée qui puisse nous faire affirmer que ces reproches sont fondés ou non. Si la Commission de la santé et de la sécurité du travail décidait, à la lumière de toutes les représentations qui lui ont été faites, de supprimer les bureaux de révision, il faudrait tout d'abord qu'elle réalise qu'il faudrait amender non seulement le projet de loi actuel, mais également la Loi sur la santé et la sécurité du travail parce que vous savez que c'est par l'article 171 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail que la commission a le pouvoir de nommer des bureaux de révision et, également, par l'article 172 de cette même loi qu'elle peut lui attribuer ou leur attribuer des fonctions que toute loi ou tout règlement reconnaît de la compétence de la commission.

Si vous vouliez supprimer les bureaux de révision, il faudrait reconsidérer votre projet de loi, abroger l'article 171 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail et modifier l'article 172 parce que le projet de loi actuel, même s'il ne parle pas de bureau de révision, parle de reconsidération

administrative. Se faisant fort des pouvoirs que lui donne la Loi sur la santé et la sécurité du travail, la commission pourrait décider de nommer quand même des bureaux de révision qui procéderaient à cette reconsidération administrative. Si vous décidiez également de supprimer les bureaux de révision, il faudrait réaliser que vous confieriez à un autre organisme, je ne sais pas encore lequel, un travail fort lourd. Les bureaux de révision fonctionnent à plusieurs divisions, me dit-on, et ces divisions fonctionnent quotidiennement.

C'est bien sûr que la Corporation des médecins serait prête à collaborer si on lui demande de suggérer des noms de médecins reconnus pour leur compétence dans ce domaine particulier, lesquels pourraient siéger de temps à autre comme assesseurs auprès d'un de ces organismes que l'on créerait pour remplacer les bureaux de révision, mais il faut réaliser que trouver des assesseurs qui fonctionnent à temps complet, c'est passablement plus difficile que de trouver un expert ou un assesseur qui accepte de siéger une journée de temps à autre. Il faut également réaliser qu'il faudrait donner à ce nouvel organisme tous les moyens financiers pour supporter son personnel à temps complet. Ce n'est pas une mince tâche.

Il faut également réaliser que beaucoup de sujets qui sont au bureau de révision ne sont pas à caractère médical. Les bureaux de révision ont souvent à se prononcer simplement sur le fait: s'agit-il ou non, selon les circonstances, d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle? Ce n'est pas toujours un témoignage d'ordre médical que ces bureaux de révision doivent entendre.

En somme c'est la décision de la commission. Si un nouvel organisme doit être créé, je pense qu'il faut y mettre le temps pour trouver un organisme qui pourra fonctionner avec indépendance vis-à-vis de la Commission de la santé et de la sécurité du travail et qui aura les moyens de fonctionner de façon adéquate. Nous sommes prêts, en tant que corporation, à travailler avec vous pour tenter de trouver un tel mécanisme mais, encore une fois, la tâche ne sera pas facile.

L'autre sujet que nous avons abordé dans notre mémoire, c'est l'utilisation du terme "professionnel de la santé". C'est un terme qui peut avoir un sens variable selon l'interprétation des personnes. On peut inclure dans le terme "professionnel de la santé" tous les professionnels qui rendent des services dans le domaine de la santé. Cela pourrait inclure des travailleurs sociaux, des diététistes, des techniciens de laboratoire.

Le projet de loi a tenté de circonscrire le terme mais en référant à une autre loi, la Loi sur l'assurance-maladie. Il y a certainement un danger sur le plan juridique de faire ainsi une loi par référence à une autre loi parce que ce sont deux lois qui ont des portées tout à fait différentes. Le gouvernement pourrait décider de modifier la Loi sur l'assurance-maladie pour inclure dans le terme professionnel de la santé beaucoup d'autres professionnels qui oeuvrent dans le domaine de la santé que ceux qu'on retrouve actuellement.

Il pourrait être tout à fait valable pour le gouvernement de décider, par exemple, que la Régie de l'assurance-maladie du Québec couvrira à l'avenir les services de physiothérapeutes, de phychologues, de chiropraticiens. À ce moment, si la définition du terme "professionnel de la santé" dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles se réfère à la Loi sur l'assurance-maladie, automatiquement ces professionnels se croiront aptes à poser les actes que l'on retrouve dans les articles du projet de loi comme pouvant être posés par des professionnels de la santé.

Or, même dans le sens actuel "professionnel de la santé" que l'on retrouve dans la Loi sur l'assurance-maladie, l'on retrouve médecins, dentistes, pharmaciens et optométristes. Même dans ce sens, certains de ces professionnels ne peuvent avoir et n'ont pas le champ d'exercice nécessaire pour poser certains des actes que confie aux professionnels de la santé le projet de loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Un optométriste ou un pharmacien ne peut procéder à une évaluation complète d'une personne, demander des analyses de laboratoire pour poser un diagnostic et établir un plan de traitement.

Vous remarquerez, si vous consultez toutes les lois professionnelles et le Code des professions, que le gouvernement a décidé de parler de diagnostic uniquement dans le cas des médecins et des dentistes; également des vétérinaires, mais il n'en est pas question ici, il ne s'agit pas de traiter des animaux. Les autres professionnels de la santé ont habituellement des champs d'exercice bien définis, ils ont des actes bien définis qui leur sont attribués, qui ont certainement une très grande valeur; ils peuvent rendre des services auprès des accidentés du travail, mais nous croyons que si leurs services peuvent être reconnus par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, ils devraient être reconnus lorsqu'ils sont demandés sur recommandation médicale ou ordonnace médicale, tout comme dans le régime de l'assurance hospitalisation actuel.

Si vous regardez, en effet, l'article 126 du projet de loi 42, vous verrez que dans l'assistance médicale on parle des services hospitaliers. Or, les services hospitaliers sont décrits dans la Loi sur l'assurance hospitalisation et son règlement et comprennent, entre autres, les services de

psychologues, les services de physiothé-rapeutes, mais ils sont toujours reconnus sur ordonnance médicale seulement et parfois sous surveillance médicale.

Ce sont, messieurs, les représentations que j'avais à vous faire. Maintenant, il me fera plaisir de répondre dans la mesure de nos connaissances aux questions que vous auriez à nous poser.

Le Président (M. Paré); Merci. Nous allons passer tout de suite à la période de questions avec M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: Merci, M. le Président. Je vais essayer de suivre l'exemple de nos invités sans, par ailleurs, escamoter des renseignements dont on pourrait avoir besoin. En réalité, vos deux préoccupations sont très circonscrites et facilement identifiables, de sorte qu'on va aussi circonscrire le débat à ces deux aspects de la question.

D'abord, vous avez une préoccupation quant aux dispositions de l'article 132, du moins dans sa texture actuelle, si vous me prêtez l'expression. Vous suggérez, à la page 4 de votre mémoire, que peut-être une simple et seule modification de l'article 132 actuel pourrait contribuer à faire disparaître les inquiétudes que vous nous manifestez. Si, par exemple, le texte disait que la commission décide toute contestation sur la nécessité, la nature, la suffisance ou la durée, je crois comprendre que, quant à vous en tout cas, cela répondrait à vos exigences ou enfin aux appréhensions que vous avez. Je dois vous dire que vous êtes beaucoup moins exigeants que plusieurs autres, dont des membres de la profession médicale. On a entendu - vous en avez sans doute pris connaissance aussi - le mémoire de la Fédération des spécialistes, celui de la Fédération des omnipraticiens ce matin. Ces fédérations vont beaucoup plus loin que la suggestion que vous nous faites. Si vous connaissez la position des deux organismes dont je viens de vous parler, qui rejoint, à plusieurs égards, des recommandations qui nous sont faites par d'autres groupes qu'on a entendus depuis le début, lesquelles consistent essentiellement à penser à la possibilité de mettre sur pied un organisme qui aurait la juridiction nécessaire pour disposer de tout problème ou litige de nature médicale, est-ce que, malgré la suggestion que vous faites, vous êtes disposés à envisager la possibilité de la création d'un semblable organisme qui aurait, comme je viens de vous le signaler, toute la juridiction nécessaire, qui serait habilité à disposer des litiges d'ordre médical lorsque, par exemple, il peut y avoir une différence appréciable dans les conclusions ou l'évaluation d'un dossier médical entre la conclusion que tire le médecin traitant et celle que tire un autre médecin qui pourrait faire partie de la commission qui évaluerait le dossier. S'il y a une différence fondamentale entre les deux évaluations, est-ce que vous accepteriez ou vous seriez disposés à accepter effectivement la formation de cet organisme dont je vous parle qui déciderait, en dernière instance, de façon finale, sans que la commission n'intervienne, de l'état du dossier?

M. Brière: Oui, M. le ministre. D'ailleurs, je crois que j'ai fait mention dans ma présentation - ce n'est pas dans le mémoire - qu'à la corporation, nous n'avions pas suffisamment de renseignements ou d'expérience personnelle pour nous permettre de conclure que ce pouvoir de la commission de décider des contestations, par ses bureaux de révision, par exemple, présentait, de fait, des inconvénients. C'est sûr qu'il y a des inconvénients sur le plan théorique, parce que, comme ce sont des fonctionnaires de la commission, je l'ai dit, ils peuvent inconsciemment se sentir liés par certaines politiques ou directives de la commission, de sorte que, théoriquement, un organisme tout à fait indépendant est certainement souhaitable. À ce moment-là, bien sûr, il ne faudrait pas retenir la formulation que nous étions prêts à accepter dans notre mémoire, parce que nous ne demandions pas le retrait des bureaux de révision.

M. Fréchette: Je pense qu'étant donné l'état de la question maintenant, à la suite de ce bref échange, je pense qu'on s'entend assez bien sur le principe qui pourrait être envisagé. Votre recommandation n'est pas exclusive à ce que vous nous suggérez dans votre mémoire. Vous venez de le dire, Dr Brière. Votre corporation serait disposée à collaborer au fonctionnement d'un organisme comme celui dont je viens de vous parler.

M. Brière: II faut bien s'entendre cependant. La corporation n'est pas prête à assumer ce mécanisme...

M. Fréchette: Non.

M. Brière: ...et pour plusieurs raisons. Elle pourrait se trouver un peu en conflit avec elle-même si elle le faisait, parce que nous avons parfois, par notre bureau du syndic, examiné certaines plaintes qui peuvent toucher à certaines expertises faites pour les besoins de la Loi sur les accidents du travail. Il ne faudrait pas, là non plus...

M. Fréchette: Non.

M. Brière: ...se retrouver dans le même conflit ou dans un conflit semblable. (22 h 30)

M. Fréchette: Non, docteur, ce n'est pas ce que je suis en train de vous dire ou de vous suggérer. Lorsque je parle de

collaboration, cela pourrait vouloir dire, par exemple, la situation suivante: À supposer que l'on demande à la corporation de s'informer auprès de ses membres et que ces membres soient disposés à agir à l'intérieur d'une instance comme celle dont on parle pour «procéder à l'évaluation de litiges, de contentieux d'ordre médical, vous pourriez nous faire la suggestion d'un certain nombre de noms de professionnels qui accepteraient de siéger à l'intérieur de cet organisme. Nous, de notre côté, on pourrait soumettre la liste de noms que vous nous transmettriez au conseil consultatif du travail, par exemple, qui regarderait et qui ferait au ministre des recommandations quant à l'occasion d'obtenir certains noms. C'est simplement dans ce sens que je parle de collaboration.

M. Brière: L'on retrouve d'ailleurs, M. le ministre, des structures analogues dans la Loi sur l'assurance-maladie. Ce sont les comités de révision. Le gouvernement nomme à ces comités des médecins à partir d'une liste que lui fournissent, d'une part la corporation, d'autre part les fédérations médicales. Évidemment, il faut réaliser - et j'ai fait allusion à cela aussi dans ma présentation - que le travail de ces conseils ou tribunaux d'arbitrage sera beaucoup plus lourd que celui des comités de révision de la Loi sur l'assurance-maladie. Là, c'est presque du temps plein que l'on demande. À ce moment, il est certain qu'il est difficile de trouver des médecins en exercice qui seraient prêts à faire du temps plein. Ce sera beaucoup plus difficile, en tout cas.

M. Fréchette: Non, cela, je suis tout à fait conscient de cette limite, M. Brière. D'ailleurs, on en a discuté aussi avec les représentants des omnipraticiens et de la fédération des spécialistes. Quand je parle d'une liste, par exemple, à supposer que chez vous vous nous soumettiez une liste de 150, 200, 250 ou 300 de vos membres qui se disent prêts à travailler à l'intérieur d'une structure comme celle-là, il est évident que le mécanisme auquel il faudrait penser, ce serait de demander par rotation aux uns et aux autres de venir là quand ils auront la disponibilité pour le faire. En d'autres mots, ce serait strictement ad hoc et non pas bien sûr de façon permanente. Je pense que c'est très clair entre nous aussi.

M. Meilleur: Je voudrais ajouter, M. le ministre, que c'est sûr que si les bureaux de révision sont nommés et proviennent de différents organismes, ils auront une crédibilité qui pourra éviter également des recours par la suite à la Commission des affaires sociales parce que c'est évident que si la CSST nomme tous ses experts, il y a là peut-être des fois dans certains milieux certaines suspicions qui peuvent faire naître par la suite de nouveaux appels. Si ces comités ont une meilleure crédibilité à cause de leur indépendance, ils auront probablement également une meilleure crédibilité également dans leurs conclusions.

M. Fréchette: Oui. C'est d'ailleurs un des objectifs poursuivis par la proposition dont on discute actuellement.

M. Meilleur: Si on veut faire en sorte, M. le ministre, que ces organismes ne soient là que pour décider des choses médicales, c'est-à-dire qu'on demande au médecin d'établir le diagnostic, d'établir le traitement, d'établir le degré d'incapacité, qu'on laisse aux autres la décision de payer ou de ne pas payer.

M. Fréchette: C'est précisément la vocation qu'aurait un semblable organisme. On a aussi convenu, cependant, ce matin, que cela pourrait devenir un peu plus exigeant et plus rigoureux pour le professionnel de la santé qui est le traitant de la personne accidentée parce que lui aussi Va savoir que le diagnostic qu'il va établir, les constatations qu'il va faire, les évaluations qu'il va faire en termes, par exemple, de durée de l'incapacité, cela pourrait, théoriquement en tout cas, aboutir en bout de piste devant une instance habilitée à évaluer les constatations qu'il aura faites. Ce matin, ils ont convenu de cette nouvelle éventuelle rigueur avec laquelle, cependant, les gens se sont déclarés prêts à vivre. Moi cela me va là-dessus. Quant au deuxième aspect de votre mémoire, celui de limiter dans la loi 42 aux médecins et dentistes les possibilités d'agir professionnellement au sens médical du terme, je voudrais, Dr Brière, essayer de comprendre une chose. Vous nous dites: Dans l'état actuel des choses, comme la loi 42 fait référence à la Loi sur l'assurance-maladie, il faut comprendre que l'on fait référence très précisément au médecin, au dentiste, à l'optométriste et au pharmacien et que rien n'exclut la possibilité que le législateur, à un moment donné, décide d'élargir les dispositions de la Loi sur l'assurance-maladie et d'y inclure, par exemple, le physiothérapeute, etc. Mais est-ce que je dois comprendre, Dr Brière - c'est là-dessus que je souhaiterais avoir des éclaircissements - que, s'il arrivait que cette notion soit élargie, il faudrait interdire ces genres de services ou d'assistance médicale aux accidentés du travail? Vous comprenez un peu ma préoccupation.

M. Brière: Je pense que, si c'est ce que vous comprenez, c'est que le mémoire est mal fait. Au contraire, je pense que nous insistons...

M. Fréchette: J'ai peut-être mal compris aussi. C'est pour cela que je veux éclaircir la situation.

M. Brière: Nous insistons sur le fait que nous n'avons aucune objection, loin de là, à ce que les services d'autres professionnels de la santé soient reconnus dans le cadre de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Ce que nous disons, c'est que, tel que le projet de loi est rédigé, il emploie le terme "professionnels de la santé" dans le chapitre de l'assistance médicale. Là, en regardant ce que certains articles demandent aux professionnels de la santé de faire, on dit: À part le médecin et le dentiste, il n'y a pas d'autres professionnels de la santé qui sont habilités, par leur loi professionnelle, à poser ces actes. C'est ce que nous voulons dire. Il y aurait certainement moyen de les inclure. D'ailleurs, j'y ai fait allusion. Déjà, vous parlez de services hospitaliers à l'article 126. Les services hospitaliers comprennent la physiothérapie, la psychologie, tous les diététistes, tous les services qu'un centre hospitalier offre, mais ce sont uniquement les services hospitaliers. Si vous voulez reconnaître les services d'autres professionnels que des médecins ou des dentistes, en dehors des centres hospitaliers, à leur cabinet de consultation, par exemple, lorsqu'ils en donnent, à ce moment-là, il faudrait le dire nommément, mais que ce soit par ordonnance médicale, afin qu'ils ne se croient pas habilités à faire ce que seul un médecin peut faire, selon certains articles du projet de loi.

M. Fréchette: Je pense que cela clarifie la question de façon très précise. À ce chapitre-là, vous allez comprendre que je ne puisse pas, ce soir, m'engager formellement, sans au moins en parler au nouveau ministre des Affaires sociales, parce qu'on va convenir de cela ensemble. Merci infiniment.

M. Meilleur: On ne s'attendait pas à une réponse immédiate concernant la deuxième partie. Je voulais seulement ajouter un détail, M. le ministre. Le fait que nous n'ayons pas peut-être le même nombre de réclamations que les deux fédérations ne veut pas dire nécessairement qu'on s'en dissocie. Merci, M. le ministre.

M. Fréchette: Voilà. J'ai cru comprendre.

Le Président (M. Paré): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. Je suis d'accord avec le ministre que votre mémoire est très précis et ne nécessite pas d'autres questions sur les points que vous avez soulevés. Si vous permettez, je vais aborder deux points particuliers. Le premier concerne le problème que je vois à l'article 135 du projet de loi. La commission fixe le nombre de jours nécessaires pour fournir un rapport à la CSST, c'est-à-dire qu'on vous demande d'attendre quinze jours pour faire un rapport à la CSST sur l'état de santé du travailleur, la nature de la lésion professionnelle, la date prévue pour la considération ou la guérison de cette lésion, etc. Je ne suis pas médecin de profession, mais il me semble que c'est difficile de dire que cela prendra X nombre de jours pour pouvoir coller toutes les informations nécessaires et faire un rapport. C'est ma première préoccupation.

La deuxième concerne la dernière partie de l'article où on dit que le médecin doit aussi fournir toute autre information que la commission peut requérir. Pouvez-vous me donner des explications ou plutôt me faire connaître votre interprétation de cet article et les difficultés qui pourraient être envisagées?

M. Brière: Je pense, M. le député, que les difficultés qu'on peut y voir viennent peut-être de l'interprétation que l'on donne au mot "examen". Évidemment, si on pense seulement à l'examen physique fait par le médecin à son bureau, mon Dieu, à ce moment-là, on pourrait dire: Quinze jours, ce n'est pas très long, parce que le médecin peut avoir demandé des examens complémentaires, des radiographies, la consultation d'autres professionnels. Mais si on interprète le mot "examen" comme voulant dire l'ensemble des examens qu'un médecin fait faire, l'examen se trouve terminé quand il a reçu tous les rapports de consultants ou d'examens de laboratoire qu'il a pu faire. À ce moment, quinze jours, mon Dieu, je pense que c'est agir avec diligence. Je ne pense pas que ce soit beaucoup trop. Il faut bien réaliser ici qu'il ne s'agit pas du médecin traitant, mais d'un professionnel, si on veut prendre l'expression, de la santé, mais d'un médecin choisi par la commission, donc, qui a accepté d'agir comme expert. Il s'engage quand même à agir dans des délais raisonnables. Quinze jours après avoir reçu tous les éléments qui lui permettent d'établir son opinion, cela ne me semble pas si court que cela.

M. Cusano: Mon autre question, messieurs, relève de l'expertise médicale. J'ai eu beaucoup de cas de comté où des accidentés du travail viennent me dire qu'ils ont de la difficulté à obtenir une expertise médicale; qu'il y aurait une certaine réticence de la part des médecins justement à procéder à une telle expertise. Est-ce que vous pourriez me dire pourquoi il y aurait

cette réticence chez les médecins?

M. Brière: J'aimerais savoir. Est-ce que l'on parle réellement d'expertise ou simplement de rapports du médecin traitant?

M. Cusano: Non, d'expertise.

M. Brière: La réponse à faire à cela, c'est qu'un médecin n'est pas tenu de faire une expertise.

M. Cusano: Je suis d'accord.

M. Brière: À ce moment, s'il n'est pas tenu, mon Dieu, n'étant pas obligé de le faire, il peut refuser. Peut-être qu'il y a beaucoup de médecins qui refusent d'en faire. Par contre, nous savons que plusieurs médecins font beaucoup d'expertises. En tout cas, à la corporation on peut fournir une liste de médecins qui acceptent de temps à autre de faire des expertises.

M. Cusano: Cette liste se chiffre à combien?

M. Brière: II y a certainement des centaines de noms qui y apparaissent.

M. Cusano: Des centaines de noms.

M. Brière: Oui. Il y en a de toutes les disciplines.

M. Cusano: Ces médecins sont prêts à faire des expertises. Ils se situent un peu partout dans la province ou...

M. Brière: Évidemment, il faut reconnaître qu'ils sont concentrés beaucoup dans la région de Montréal et aussi de Québec, bien sûr, parce que c'est là que l'on retrouve le plus grand bassin de spécialistes. Maintenant, ces médecins peuvent, évidemment, dans un cas particulier refuser de faire une expertise. Ils ne s'engagent pas à faire toutes les expertises qu'on leur demande. Il faut réaliser que souvent, quand une personne dit qu'un médecin refuse de faire une expertise - et certains avocats se plaignent aussi de la même chose concernant les expertises devant les tribunaux civils -c'est souvent parce que le médecin, après avoir vu le cas, dit: Je ne suis pas capable de faire une expertise qui va dire ce que vous me demandez de dire. Souvent le malade interprète cela ou l'avocat dit: Le médecin refuse de faire une expertise. C'est parce qu'ils ne sont pas capables de faire une expertise et de dire ce que celui qui demande l'expertise voudrait qu'il dise. C'est souvent le cas.

M. Lapierre (André): Là-dessus, M. le Président, je voudrais ajouter qu'il y a quelques années c'était un problème de trouver des médecins qui acceptaient de faire des expertises parce que cela pouvait amener des difficultés de présence à la cour ou des délais ou toutes sortes d'autres inconvénients. Mais, à ce moment, il y a un certain nombre d'avocats qui ont attiré l'attention de la corporation et la corporation a publié dans son bulletin une annonce demandant à ceux qui étaient prêts à faire des expertises de le dire. Depuis ce temps, je dirais qu'on ne reçoit à peu près plus de plaintes de personnes qui nous disent avoir de la difficulté à trouver une expertise. Je dirais même que de plus en plus de médecins acceptent de faire des expertises et en font. Au point que dans certaines disciplines même, les médecins nous disent que les effectifs diminuent parce qu'un certain nombre de médecins limitent leur exercice à faire des expertises. Je ne pense pas qu'en ce qui nous concerne nous à la corporation, ce soit un problème.

M. Cusano: Je suis très heureux que vous me disiez que ce n'est pas un problème parce que j'ai beaucoup de cas dans mon comté justement de personnes qui ont besoin d'expertise médicale et j'apprécierais une liste de médecins qui sont prêts à faire...

M. Lapierre: Nous le disons à qui veut l'entendre: si quelqu'un a de la misère à se trouver un médecin pour faire une expertise, nous avons des listes de disponibles. Bien sûr qu'avant d'accepter une expertise, le médecin peut juger de la cause. Si le médecin, à la face même des faits, juge que cela ne sert à rien d'émettre une expertise et qu'on avise la personne concernée, évidemment, le problème n'est pas résolu pour autant pour la personne concernée.

M. Cusano: Je comprends et je vais certainement référer beaucoup de gens chez vous et j'espère qu'ils trouveront satisfaction. Sur ce, je vous remercie au nom de ma formation politique.

Le Président (M. Paré): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Deux petites questions. Ce matin on avait devant nous la Fédération des omnipraticiens du Québec et je veux juste essayer de comprendre. Dans la Corporation professionnelle des médecins du Québec, vous avez tous les médecins: les omnipraticiens, j'imagine et les spécialistes donc vous êtes encore plus large là-dessus.

Vous avez parlé dans votre mémoire, à la page 9, dans votre conclusion, de l'expression "professionnel de la santé". Il y a deux semaines un groupe de chiropraticiens sont venus ici à la commission... Dans mon comté j'ai des exemples: beaucoup de gens

voient des chiropraticiens et obtiennent de bons résultats. Ils ne sont pas tous pendus du plafond jusqu'à terre avec les jambes et les bras étirés dans toutes les directions. Ils sont bien heureux du service. Comment réagissez-vous à leur demande? Ils ont fait la demande d'être traités comme des professionnels concernant la santé et la sécurité du travail. Ils ont une tâche à remplir là, et ils nous ont expliqué qu'ils ne se qualifient pas, que les gens sont obligés de payer cela de leur poche. Je comprends très bien leur raisonnement, il y en a qui sont pour et d'autres contre. Quelle est votre réaction en ce qui concerne leur position?

M. Brière: Ma réaction est la suivante: Le gouvernement, dans sa sagesse en 1974, a décidé de reconnaître les chiropraticiens comme corporation professionnelle et donc de leur donner droit de cité. Nous ne nous opposons pas à ce que la Loi sur les accidents du travail reconnaisse les services de ces professionnels, mais nous croyons que ce devrait être sur recommandation ou ordonnace médicale, parce que le problème fondamental est toujours le même. Avant de décider d'appliquer un type de traitement bien particulier, il faut faire un diagnostic. Parfois il faut demander des analyses. Nous restons convaincus - et je pense qu'on a qu'à lire les champs d'exercice des professionnels dans les lois professionnelles - qu'il n'y a que le médecin ou le dentiste dans son champ particulier qui peut faire cela. Sur recommandation du médecin, à ce moment, on n'aurait rien à dire.

M. Polak: D'accord.

Le Président (M. Paré): Est-ce que tantôt vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Meilleur: Non.

Le Président (M. Paré): Cela est réglé. Donc, au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie de nous avoir présenté un mémoire et d'avoir accepté de répondre à nos questions à une heure quand même assez tardive. Je voudrais, tout simplement, rappeler aux membres de la commission qu'à nouveau, demain matin, la commission reprend ses travaux à 10 heures. Sur ce, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain matin; il ne faut pas que je me trompe, ajourne.

M. Polak: En paix, en paix.

(Fin de la séance à 22 h 48)

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